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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mercredi 31 mai 1972 - Vol. 12 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

Commission permanente du Travail,

de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration

Etude des crédits du ministère de l'Immigration

Séance du mercredi 31 mai 1972

(Neuf heures trente-cinq minutes)

M. PHANEUF (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Avant de débuter, j'aimerais signaler que M. Dionne, de Compton, remplace M. Blank et que M. Tremblay remplace M. Burns. Le rapporteur de la commission sera M. Shanks, s'il y a consentement de la commission.

Article 1 du budget du ministère de l'Immigration

Remarques préliminaires

M. DEMERS: M. le Président, il faudrait peut-être fournir à cet honorable ministre l'occasion de se produire officiellement, pour qu'il nous déclare quelles seront les politiques de son ministère et l'orientation qu'il entend donner à ce ministère qui, je dois l'avouer, jusqu'à ce jour, m'a inquiété plus qu'il ne m'a impressionné.

Je voudrais savoir ce qui se passe au ministère de l'Immigration. Qu'entend-on faire pour améliorer ce ministère qui, actuellement, a peut-être les cadres d'un service? Je sais que le ministre est plein d'allant, plein de santé et de vigueur. S'il consacre une partie de ses énergies à vouloir bâtir quelque chose dans ce domaine, on pourra peut-être, avec les années, toucher du doigt à l'efficacité de ce ministère. Je le répète: actuellement, je me demande ce qu'on fait avec ce ministère et où on s'en va. Je laisse le ministre répondre. S'il ne veut pas faire de déclaration, nous pourrons le questionner sur différents points. Mais s'il pouvait nous faire un laïus général sur son orientation politique en ce sens, cela éviterait peut-être des sous-questions. Cela faciliterait peut-être le débat.

M. BIENVENUE: M. le Président, je remercie le député de Saint-Maurice de son invitation et de l'occasion qu'il me donne de faire un laïus, pour employer son expression, d'autant plus que les remarques qu'il fait au sujet du fait que l'immigration est plus ou moins bien connue, que son orientation est plus ou moins bien connue du public et peut-être même de la députation, s'enchaînent bien avec ce que j'avais l'intention de dire au tout début, sous forme de remarques préliminaires, alors que je voulais reprendre les paroles mêmes que prononçait, l'an dernier, lors de l'étude de ces crédits, mon prédécesseur, le Dr François Cloutier qui, comme on le sait, jusqu'au 3 février dernier, était ministre de l'Immigration.

C'est donc dire, M. le Président, que ce n'est que depuis le mois de février que j'oeuvre au sein du ministère de l'Immigration. Le Dr Cloutier disait justement — je pense que ces remarques, après un an, reçoivent toujours leur application — que le ministère de l'immigration est probablement l'un des plus mal connus du gouvernement, non pas parce que M. Lacroix parle fort pendant l'étude de mes crédits, mais parce qu'il est l'un des plus mal connus du gouvernement, non pas M. Lacroix mais le ministère de l'Immigration.

M. DEMERS: On va en frapper un autre.

M. BIENVENUE: Ce sont des choses qu'il faut supporter.

UNE VOIX: Je pensais qu'il était pour dire: Nous autres, nous ne l'entendons plus. Nous sommes habitués!

M. DEMERS: Nous avons chacun la nôtre! Je parle de la croix.

M. BIENVENUE: Ce phénomène s'explique par différentes raisons, notamment le jeune âge du ministère de l'Immigration, qui a été fondé il y a à peine quatre ans, soit en 1968, et peut-être aussi par le fait qu'il est le seul ministère à ne pas être situé à Québec. Tous savent, en effet, qu'alors que le siège du gouvernement est à Québec, le gros des effectifs du ministère de l'Immigration est situé à Montréal, à ses bureaux principaux, rue McGill.

La raison en est d'abord le grand nombre d'immigrants qui vivent à Montréal. On peut assurer, sans crainte de se tromper, que près de 90 p.c. des immigrants établis au Québec vivent dans la périphérie du Montréal métropolitain et dans la ville même de Montréal. On sait, de plus, que Montréal est le port d'entrée par excellence des immigrants au Québec, que ce soit par train, par navire ou par avion, à Dorval. C'est toujours à Montréal que l'on retrouve le siège de près de 400 associations d'immigrants, de groupes ethniques et, évidemment, le siège de la grande majorité des consulats.

Plusieurs ministres se sont succédé à la tête de ce ministère, bien qu'il ne soit vieux que de quatre ans. Evidemment, ces ministres, à cause de la courte durée de leur séjour au ministère de l'Immigration, n'ont pu y imprimer une marque profonde et définitive.

L'avant-dernier en titre était M. Pierre Laporte, comme on le sait, et le dernier fut M. Cloutier mais tous deux, comme d'ailleurs leurs prédécesseurs, avaient la responsabilité d'un autre portefeuille, parfois plus important. Je pense, à titre d'exemple, à celui du Travail, que détenait M. Laporte. C'était là un fait qui rendait plus difficile aussi l'impression d'une marque profonde de la part de mes prédécesseurs.

Organigramme du ministère

M. BIENVENUE: Répondant toujours à l'invitation qui m'est faite par le député de Saint-Maurice, j'aimerais profiter de la discussion de ces crédits pour mieux faire connaître, comme je l'ai indiqué il y a un instant, le ministère de l'Immigration.

Le ministère de l'Immigration a un organigramme qui comprend deux grandes directions générales, en plus d'une unité administrative.

M. DEMERS: Pourrait-on déposer l'organigramme, M. le Président?

M. BIENVENUE: Oui, sûrement. M. DEMERS: Tantôt.

M. BIENVENUE: Oui, tout à l'heure, on pourra le déposer.

M. DEMERS: Cela s'ajoutera à nos dossiers. M. BIENVENUE: C'est cela.

M. DEMERS: C'est que cela change à tous les ans. Alors, nous avons de la difficulté à suivre cela.

M. BIENVENUE: Mais heureusement, l'organigramme demeure.

M. DEMERS: Oui. Les cadres et les noms changent.

M. BIENVENUE: Les deux grandes directions sont d'abord celle de l'établissement et ensuite celle de l'adaptation. Mais avant de présenter chacune de ces deux directions générales, je voudrais très brièvement dire un mot de trois structures ou services qui jouent un rôle important au ministère de l'Immigration.

Premièrement, la représentation auprès des provinces, des consulats et des groupes ethniques. Deuxièmement, le commissariat général, dont le titulaire est M. René Gauthier, qui est assis ici à la droite de mon sous-ministre. Troisièmement, l'information.

La représentation auprès des provinces, des consulats et des groupes ethniques est assurée par un fonctionnaire qui a repris en partie les fonctions de l'ancienne direction générale des groupes ethniques. Son titre décrit bien ses fonctions, qui sont à la fois de coordination et d'exécution.

Le commissariat général, dont je viens de faire mention, a un rôle qui s'apparente à celui, si on peut dire, d'un ombudsman, dans ce domaine bien spécial qu'est l'immigration. Il est amené à intervenir quotidiennement en faveur d'immigrants qui ont des problèmes particuliers à résoudre, qu'il s'agisse de problèmes à caractère discriminatoire ou de tout autre problème ayant trait au logement, à l'emploi ou à l'état civil, par exemple. Le commissaire général contribue également aux activités générales du ministère, par certaines études et recherches.

Quant à l'information que je mentionnais aussi il y a quelques instants, je puis dire que son mandat consiste à sensibiliser les immigrants à leur appartenance québécoise, tout en informant les autochtones du précieux apport de l'immigration et cela, par des moyens divers, qu'il s'agisse de l'audio-visuel, de l'imprimé, de l'exposition, des relations publiques, etc.

Revenant maintenant aux deux directions générales, aux deux directions principales dont je parlais, qui forment la structure même du ministère de l'Immigration, il y a d'abord celle de l'établissement, qui comprend trois services: Le service à l'étranger, le service de l'accueil et de l'assistance sociale et enfin le service de placement.

Le service à l'étranger a des activités accrues, puisque le ministère possède maintenant, soit depuis l'étude et l'adoption des crédits de l'année dernière, trois postes à l'étranger en sus de celui de Paris, qui existait depuis un certain nombre d'années et qui est généralement mieux connu de la population. Ces trois postes — j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard, dans cette introduction — comme on le sait, sont ceux d'Athènes, de Beyrouth, au Liban, et de Rome, en Italie.

Le service d'accueil — qui est le deuxième service de cette direction de l'établissement — et d'assistance sociale, comme son nom l'indique, assure les premiers contacts avec les immigrants, dès leur arrivée au Québec. Il est, par conséquent, le prolongement du service à l'étranger.

Enfin, le troisième est le service du placement, qui travaille en étroite collaboration avec le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il vise à développer et à inventorier les offres d'emploi disponibles au Québec pour les immigrants, ainsi qu'à mettre ces derniers en contact avec les employeurs, le tout comparable de façon assez précise au système qui prévaut dans différents pays d'Europe — je pense notamment à la France — comme j'ai pu le constater avec mes collaborateurs, il y a quelques semaines, au cours d'un voyage dont il a été question et dont il sera question.

La deuxième direction générale est celle de l'adaptation, qui a axé ses principales activités autour des centres d'orientation et de formation des immigrants, mieux connus sous le sigle COFI, centre d'orientation et de formation des immigrants, COFI, dont je parlerai aussi tout à l'heure, brièvement, à l'occasion des crédits, si on le veut, et dont l'activité aussi est axée autour des cours à temps partiel, des cours d'initiation à la vie québécoise et des cours à temps plein et des classes d'accueil. Les COFI bébéficient de la Loi fédérale sur la formation professionnelle, FPA. Nous recevons du gouvernement fédéral, à cette fin, des subventions assez importantes. C'est ainsi que leur finance-

ment est assuré par le gouvernement fédéral, alors que l'organisation des stages, la mise en place des cours et la sélection des maîtres relèvent directement de l'autorité du ministère de l'Immigration du Québec.

Je répète brièvement. Les fonds viennent en partie, suivant les proportions que nous pourrons délimiter tout à l'heure, et parfois complètement, du gouvernement fédéral, mais l'organisation des stages, la mise en place des cours et la selection des professeurs relèvent entièrement de l'autorité du ministère de l'Immigration du Québec.

Ces COFI, dont je viens de parler, ne font pas que dispenser des cours de langues, ce qui ne représenterait, évidemment, qu'un aspect de l'intégration. On y donne des cours d'initiation à la vie québécoise, structures sociales et organisation politique.. On y organise des visites industrielles et des manifestations culturelles. En somme, on essaie de donner à l'immigrant tout l'éclairage nécessaire à la bonne compréhension du milieu où il est appelé à vivre. Quant aux cours à temps partiel, ils sont destinés aux immigrants qui travaillent la semaine ou qui travaillent le jour et qui veulent parfaire leur connaissance des langues ou du milieu.

Il y a enfin, comme je l'annonçais précédemment, les classes d'accueil. Comme leur nom l'indique, elles ont été mises sur pied pour accueillir les enfants des immigrants et les diriger, sans trop de heurts, vers les écoles françaises. Ces classes, qui sont concentrées à Montréal, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, et qui relèvent de la Commission des écoles catholiques, sont au nombre de dix et reçoivent quotidiennement, plus ou moins, 250 enfants. Un programme d'enseignement spécial est offert, qui est basé sur les grands principes des méthodes actives. Nous avons également organisé deux expériences pilotes, dans le passé, dans le domaine des garderies pour enfant d'âge préscolaire.

Voilà, messieurs, pour ce que je voulais faire, sans trop entrer dans les détails, les structures des principaux services et les deux grandes directions générales qui sont le squelette même, le canevas même du ministère que je dirige.

Tournée ministérielle

J'ai parlé tout à l'heure d'une tournée — d'ailleurs, les journaux et la télévision ou la radio en ont fait état durant notre absence — ministérielle alors que j'étais accompagné du sous-ministre, M. Jean Loiselle, et de mon conseiller spécial, M. René Gagnon. Tournée ministérielle qui nous a conduits successivement à Athènes, à Beyrouth, Rome et Paris, du 29 avril au 23 mai dernier. Tournée qui s'imposait depuis longtemps. On se rappellera avec peut-être un peu de tristesse que lorsque l'un de mes prédécesseurs, M. Pierre Laporte, avait été enlevé dans les circonstances que l'on sait, il s'apprêtait justement à partir deux ou trois jours plus tard pour faire cette tournée que j'ai faite avec énormément de retard.

Le Dr Cloutier qui lui a succédé et qui m'a précédé devait lui aussi faire cette tournée mais ses occupations l'en ont empêché. J'ai hérité en quelque sorte de cette mission, pas trop désagréable, je l'avoue, de faire la tournée des postes du Québec aux endroits que j'ai mentionnés.

M. DEMERS: Vous avez l'esprit de sacrifice.

M. BIENVENUE: Oui, c'était la torsion du bras gauche.

M. DEMERS: Vous finirez par être un martyr.

M. BIENVENUE: Je veux mentionner tout de suite le but principal de cette tournée. C'était de vérifier sur place, à chacune des villes visitées la mise en application de l'entente Lang-Cloutier et de resserrer les liens qui existent entre Ottawa et Québec et entre Québec et les gouvernements étrangers où nous avons des agents d'orientation. Mais avant de parler de cette vérification de la mise en application de cette entente, il faut bien situer et savoir en termes brefs ce qu'est cette entente Lang-Cloutier.

Cette entente qui, comme son nom l'indique, a été signée par mon prédécesseur le Dr Cloutier au Québec et par M. Otto Lang qui était alors ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration pour le gouvernement central, avait pour effet de permettre la venue dans le moment, et ça pourra peut-être s'accroître plus tard, de nos agents d'orientation ou si on aime mieux le mot d'immigration, peu importe, du Québec au sein des trois ambassades concernées, l'ambassade du Canada à Rome, à Athènes et à Beyrouth, où nos agents en vertu des dispositions de l'entente, ont la chance et l'occasion d'être mis en contact avec les candidats immigrants de ces trois pays ou des pays qui les entourent et qui ont manifesté le désir de venir s'établir au Québec en particulier.

Le processus est simple. On sait que c'est le fédéral qui émet les visas après avoir imposé un test, après avoir imposé certaines exigences pour la venue d'immigrants. Le fédéral, au moment où il émet un visa, réfère cet immigrant qui désire venir au Québec à notre agent d'orientation et ce dernier a tout le loisir d'interviewer l'immigrant en question, de le renseigner, de l'orienter sur les perspectives d'emploi au Québec, sur la nature et le caractère particulier du Québec au point de vue de la langue, de la culture, de ses us et coutumes, etc. C'est évidemment, premièrement à l'avantage de l'immigrant qui saura mieux ce qui l'attend lorsqu'il viendra ici; deuxièmement à l'avantage du Québec qui de cette façon pourra recevoir un immigrant qui soit plus apte à vivre dans ses frontières et ça devient par ricochet à l'avantage du Canada, parce que je suis un de ceux qui

soutiennent que tout ce qui est bon, tout ce qui est un actif pour le Québec, par ricochet devient un actif pour le pays.

Evidemment, cette entente, qui n'est tout de même pas très vieille, puisque nos gens sont en poste à Beyrouth, à Athènes depuis quelques mois seulement, depuis décembre, dans le cas de Rome, depuis une période beaucoup plus courte, s'est mise en branle, a reçu son application au cours des délais que je viens d'indiquer. Elle a été signée effectivement en mai 1971, soit il y a environ un an. Il est normal qu'à ses débuts — parce qu'il s'agit d'une innovation, il s'agit d'un phénomène unique, nous sommes la seule province au pays à jouir de ce statut spécial — il y ait une certaine friction — je dis "certaine" sans insister — il y ait une période de rodage qui s'impose.

Tout moteur neuf tourne toujours mieux après quelques mois d'usure à ses débuts...

M. DEMERS: Pour autant qu'il ne manque pas d'huile.

M. BIENVENUE: ... pour autant qu'il ne manque pas d'huile...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et qu'il y ait un bon conducteur.

M. BIENVENUE: ... et qu'il y ait un bon conducteur.

Est-ce que le représentant du Ralliement créditiste veut ajouter un facteur de bon rodage?

M. GUAY: J'ai été mécanicien assez longtemps, M. le Président, que s'il fallait énumérer tout ce qu'exige un bon conditionnement, j'en aurais pour longtemps.

M. BIENVENUE: Bon, nous nous rejoignons, messieurs.

UNE VOIX: Du Bardahl.

M. BIENVENUE: Ou du STP.

Alors, c'était normal. Evidemment, ce personnage, comme je l'ai indiqué, a un statut particulier au moment où il arrive dans les ambassades ou dans les bureaux d'immigration du fédéral à l'étranger. Je puis dire — je le tiens, et ceux qui m'accompagnaient le tiennent aussi, d'une part, nos représentants de Québec, et, d'autre part, leurs contreparties du fédéral, les agents d'immigration fédéraux, et de nos ambassadeurs dans ces trois villes, et j'ajoute Paris parce que là aussi nous avons des gens de l'Immigration du Québec même s'ils sont logés à la Maison du Québec et non pas à la Chancellerie, au fédéral — que ce phénomène de rodage suit un cheminement excellent. Je puis dire que les relations, à chaque jour, sont meilleures, que la compréhension est plus vive et que les problèmes ne sont pas très graves, au contraire, ils se règlent les uns après les autres.

Ce mouvement, cette circulation, ce processus du fédéral vers le Québec des immigrants qui veulent venir au Québec va en s'accentuant, en s'amenuisant, en s'améliorant et cela va réellement très bien dans cette entente. Je n'ai pas la prétention et la naïveté de dire que tout est parfait, que c'est l'harmonie totale à 100 p.c. Mais eu égard au peu de délais écoulés, eu égard aux précédents et à l'innovation que comporte ou constitue cette entente, je suis revenu et mes proches collaborateurs aussi, extrêmement satisfait de ce que j'appellerai cette excellente collaboration entre Québec et Ottawa en ce qui a trait au fonctionnement de l'entente Lang-Cloutier.

J'irai plus loin parce que je parle de faits vécus. Je dirai que cette entente — je le dis bien humblement — la mission que nous avons accomplie, la tournée que nous avons effectuée comportent des effets bénéfiques non seulement pour le Québec mais même pour le Canada. J'ai souvenance, au cours de ma tournée, de cette affirmation extrêmement agréable pour nous que m'a faite l'un des ambassadeurs des pays concernés qui, à notre départ, nous a dit que cette tournée, qu'il considérait comme trop courte, était salutaire non seulement pour le Québec et notre fonctionnaire là-bas, mais même pour lui et son personnel, c'est-à-dire pour la présence canadienne dans ce pays.

Je dois dire qu'au cours de cette tournée nous n'avons pas fait que voir les gens du fédéral et les nôtres, mais également les autorités, les plus hautes autorités.

Je pense, entre autres, à certains ministres des Affaires étrangères de ces pays et à d'autres ministres dont j'aurai l'occasion de parler tout à l'heure. Nous avons vu ces autorités qui nous ont reçus à bras ouverts. C'est un peu pour cela que je rapportais les paroles d'un des ambassadeurs qui disait que cette tournée avait du bon, même pour les autorités fédérales là-bas.

Je parlais — je l'avais même anticipée — de la collaboration efficace entre les pays concernés et le Québec dont la présence dans les ambassades canadiennes assure, pour les immigrants, une meilleure information. Je répète ce que je disais tout à l'heure. J'ai dit partout, aux gens du fédéral et aux autorités locales, qu'un meilleur immigrant, grâce au travail d'orientation que nous effectuons auprès de lui, est un actif pour le Québec et que tout ce qui est un actif pour le Québec en est un pour le pays.

Nous avons remarqué également dans cette tournée les relations extrêmement étroites qui existent dans ces différents pays entre la main-d'oeuvre, l'immigration et la démographie. Je veux souligner en particulier l'accueil très spécial que nous a réservé M. Fontanet qui, en France, a la responsabilité des ministères que je viens d'indiquer, qui nous a reçus pendant une période assez considérable à ses propres bureaux, et qui a permis que nous ayons, avec ses hauts fonctionnaires qui sont des gens de haut calibre, de grand savoir et de compétence indéniable, deux séances de travail extrême-

ment profitables. Je le dis avec beaucoup de sens de la réalité; elles furent profitables d'abord et surtout pour nous. Nous avons pu constater, à ce moment-là, l'importance des liens qui doivent exister entre la main-d'oeuvre, l'immigration et la démographie.

On sait qu'ici, en vertu du dernier remaniement ministériel, celui qui vous parle a été nommé aussi responsable de la main-d'oeuvre au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je l'ai été beaucoup plus sur papier que dans les faits jusqu'à ce jour. Mais, il y a lieu de se demander si, dans un avenir prochain, la réunion de ces deux juridictions ne sera pas, comme dans les pays que j'ai mentionnés, un mariage fort heureux dans l'aspect, dans le contexte, justement de main-d'oeuvre, de nouvelles sources de main-d'oeuvre chez nous, soit les immigrants, et de démographie.

Evidemment, j'y reviendrai tout à l'heure; je parle de démographie parce que, comme on le sait, c'est cette science qui étudie ou qui contrôle l'évolution ou la migration de la population. C'est un facteur très primordial dans tout ce qui se rapporte à la main-d'oeuvre et au phénomène de l'immigration contrôlée. Doit-on recevoir plus, doit-on recevoir moins d'immigrants? Nous y reviendrons bientôt.

Immigrants investisseurs

M. BIENVENUE: Je suis l'un de ceux — mes collaborateurs me suivent là-dessus, parce que nous travaillons en équipe et je suis en mesure de le dire devant eux — qui croient à la nécessité pour le Québec d'immigrants investisseurs, d'immigrants qui, en outre de s'apporter eux-mêmes — qu'on me pardonne l'expression — apportent avec eux soit un capital, soit des ressources qui de près ou de loin se recoupent à l'investissement.

Nous traversons une période et nous vivons dans un milieu où l'investissement a une importance capitale et ce n'est pas particulier au Québec. Je pense qu'il y a peu de pays dans l'univers, par les temps qui courent, qui ferment les yeux avec insouciance ou indifférence sur l'investissement.

Je voudrais reprendre ici certains propos que j'avais tenus à ce sujet et qui — je le dis bien humblement — ont encore, je pense, leur actualité. Je disais il n'y a pas si longtemps, et je...

M. DEMERS: Pouvez-vous dire où? M. BIENVENUE: Je ne sais pas. M. DEMERS: Le 17 avril.

M. BIENVENUE: Alors, je venais justement de dire que ce n'était pas un phénomène, propre au Québec et je parlais cette fois-là... J'avais commencé mes remarques à ce sujet, en faisant un lien direct avec l'Ontario. Et je disais: Que serait l'Ontario sans son effort systémati- que, et cela depuis nombre d'années, pour attirer chez elle les immigrants les plus capables de participer vigoureusement au développement économique? Et où en serions-nous nous-mêmes, si nous nous étions donné la peine de faire aussi bien que l'Ontario dans ce domaine et depuis aussi longtemps?

On sait que l'Ontario reçoit plus ou moins, 50 p.c. de tous les immigrants qui viennent au Canada chaque année. Je vous signale qu'il n'y a pas si longtemps, les immigrants arrivaient au Québec sans connaître les caractéristiques essentielles de la société québécoise. Je suis convaincu que le choix du Québec comme destination ne doit plus être laissé au hasard ou à l'improvisation.

Nous, du Québec, voulons être choisis et la condition de base pour être choisis, c'est que nous soyons connus. Alors, je dis que nous nous devons d'être connus. Et nous avons déjà des indices d'une reprise économique prochaine. Nos agents d'immigration à l'étranger sont invités à encourager plus particulièrement — je dis bien plus particulièrement et non pas, évidemment, exclusivement — la venue au Québec des immigrants investisseurs, des professionnels et de la main-d'oeuvre qui soit de plus en plus qualifiée, capable de s'insérer dans les secteurs d'activité où le Québec connaît actuellement une carence. Qu'ils soient par ailleurs francophones ou simplement désireux de s'intégrer à la majorité québécoise, cela constitue évidemment un facteur important.

Je ne me propose pas — je l'ai déjà dit — d'être l'imbécile qui voudrait rejeter l'immigrant capable de venir créer chez nous beaucoup d'emplois, sous prétexte qu'il a des difficultés avec ce qu'on a appelé la langue de Molière. C'est dans cette perspective que j'ai affirmé et que j'affirme à nouveau, que l'immigration, bien qu'utile et nécessaire à la survie du Canada français, ne doit pas être considérée aveuglément comme la panacée contre tous les excès.

Bien sûr, elle est nécessaire puisque l'on ne peut plus compter sur la natalité pour assurer la croissance du groupe francophone au Canada. C'est la faute de la pilule. Nos berceaux n'ont plus le rendement — comme je l'ai déjà dit — que la mauvaise organisation des loisirs leur conférait à l'époque. Il faut constamment nous assurer que nous maintenons l'équilibre entre les ressources disponibles et les bouches à nourrir. Mais, la solution de l'investisseur immigrant, je le répète, est très intéressante.

C'est celui qui apporte le plus au Québec, parce que celui-ci peut satisfaire aux exigences de la démographie, tout en collaborant à la vigueur de notre économie. Non seulement cet immigrant investisseur nous apporte-t-il sa force personnelle de consommation, mais il vient s'intégrer activement au processus de développement économique, avec ses capitaux et ses connaissances.

Il devient ce qu'on pourrait appeler un animateur économique.

A ce sujet nous avons en 1971, le ministère de l'Immigration, de façon spécifique, contribué à l'établissement d'un groupe d'investisseurs dont l'apport de capital se chiffrait par $1,800,000. Nous avons aussi amorcé le travail préparatoire à l'établissement d'autres immigrants à venir, ayant un capital collectif de près de $1 million. Finalement, nous étudions actuellement, au moment où je vous parle — j'ai eu la confirmation de cette réalité, de ces faits à Paris en particulier il y a deux semaines — une trentaine de possibilités qui nous apporteraient un total de près de $3 millions, sans compter que notre bureau de Paris nous a informés, nous a répété qu 'un groupe de 40 personnes compte venir s'établir au Québec et y investir environ $3.5 millions dans un projet conjoint.

Ces réalisations, si nous considérons que nous ne sommes tout de même pas le ministère de l'Industrie et du Commerce dont je respecte l'autonomie absolue, et ces projets justifient amplement les efforts du gouvernement du Québec en matière d'immigration. De cela, je puis vous dire que mes collaborateurs et moi sommes bien fiers. Cette action serait évidemment impossible — je le disais il y a un instant — sans la magnifique collaboration qui existe entre les ministères de l'Industrie et du Commerce et de l'Immigration. Alors que le premier, l'Industrie et Commerce, recherche des portefeuilles, nous recherchons des individus.

Pendant que les fonctionnaires de l'Industrie et du Commerce travaillent à faire bénéficier les immigrants investisseurs de tous les avantages économiques et fiscaux, ceux du ministère de l'Immigration s'efforcent, de leur côté, de leur rendre les choses plus faciles sur le plan humain et de leur permettre de s'intégrer harmonieusement à la société québécoise.

J'achève, messieurs. Je m'excuse de la longueur de ces remarques, mais je pense que cela pourra, comme l'indiquait mon bon ami le député de Saint-Maurice, peut-être diminuer la période des questions ou des sous-questions. Je voudrais seulement rappeler qu'en regard des remarques que je viens de faire, le taux de croissance de la population au Québec est d'environ 3 p.c, ce qui est évidemment très bas — on a parlé de la natalité tantôt, de la pilule, etc. — et cela a des incidences normales, évidentes sur la survie et sur l'économie même du Québec. On pense aux taxes, on pense aux impôts et on pense à la consommation, lorsqu'on parle d'économie.

Mouvements migratoires

M. BIENVENUE: Je voudrais aussi toucher un point — j'avais parlé tout à l'heure de démographie et j'ai dit que j'y reviendrais — qui nous préoccupe beaucoup, qui préoccupe le ministère de l'Immigration, qui préoccupe, je le sais, le ministère de la Main-d'Oeuvre et qui devrait préoccuper l'ensemble de la population québécoise et ses dirigeants. C'est ce que j'appelle la question des mouvements migratoires, phénomène qui n'est pas unique au Québec, que l'on retrouve partout dans le contexte nord-américain et également en Europe, comme nous en a fait part longuement M. Fontan et dont je parlais et aussi les ministres des Affaires étrangères de Grèce, du Liban et de l'Italie que nous avons rencontrés.

Il s'agit de soulever l'importance, pour le Québec, de mettre sur pied un mécanisme de contrôle des mouvements migratoires ou, si on aime mieux, des allées et venues des immigrants d'une province à l'autre et d'un pays à l'autre. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un contrôle policier, d'un contrôle excessif, mais il y aurait lieu cependant de souligner que le ministère de l'Immigration effectue actuellement des recherches en vue de proposer un jour ce mécanisme qui nous permettrait de mieux connaître les mouvements de la population.

Quand je parle de la population, je ne me limite pas à la population des immigrants, mais à la population de chez nous. Ce contrôle est d'autant plus nécessaire qu'il est onéreux pour une province — on le concevra facilement — de former un immigrant, pendant de longs mois, pour malheureusement le perdre ensuite, alors que cet immigrant préfère se diriger vers d'autres pays. C'est ce que je qualifiais de tremplin. Il ne faudrait pas que le Québec, aux frais de ses contribuables, aux frais de ses autochtones, serve de tremplin pour des gens qui ne seraient ici qu'à titre temporaire et qui iraient ensuite faire profiter d'autres provinces ou d'autres pays des acquisitions, de la formation qu'ils ont reçue ici.

Il y a des indications, même si elles sont imprécises parce que justement nous n'avons pas ce contrôle, que plusieurs groupes ethniques s'adonnent à cette pratique, y compris les Français eux-mêmes. Comme on le sait, la majorité des Français de France, qui viennent au Canada, viennent au Québec. On relève même chez eux des indications de départs subséquents vers l'Ontario, vers d'autres provinces anglophones ou même vers les Etats-Unis.

Enfin, un sujet que j'ai particulièrement à coeur, toujours dans l'optique d'intégrer l'immigrant au Québec — quand je parle de l'intégrer, c'est sur le plan linguistique, sur le plan de la langue, de la culture et de nos moeurs québécoises — et dont j'ai déjà fait état est celui de la démétropolisation, un mot nouveau mais qui se comprend bien dans le contexte québécois: sortir l'immigrant de la métropole, ou enfin, ne pas l'inciter à y aller, lorsqu'il s'établit au Québec. Très rapidement, l'idée est la suivante — je viens de l'indiquer — il faut faciliter l'intégration des immigrants au milieu québécois et c'est là l'objectif premier du ministère que je dirige.

Je veux proposer bientôt un train de mesures susceptibles de favoriser l'établissement d'immigrants à l'extérieur de Montréal. Nous avions des plans assez définis à ce sujet. Hélas! je dois

dire que j'ai été, que l'Immigration a été, comme d'autres ministères, victime de certaines coupures de la part de mon collègue le ministre des Finances. Même si nos coupures sont plus petites en chiffres que celles de ministères plus importants, au prorata, en proportion, les coupures sont là tout de même et cela ne nous rend pas plus facile différentes tâches ou différents objectifs dont celui de la démétropolisation dont je parlais.

A ce sujet, je voudrais aussi reprendre très rapidement des propos que j'ai déjà tenus, pour mieux expliciter ma pensée. Il y a une perspective digne d'être exploitée pour favoriser l'insertion des immigrants dans le Québec francophone. Actuellement, les immigrants s'installent à Montréal dans une proportion inquiétante, un peu comme s'ils ne voulaient pas s'aventurer trop loin de l'aéroport international de Dorval. C'est à croire qu'ils viennent tous des grands centres urbains de leur pays d'origine, ce dont je ne suis pas du tout convaincu et j'ai pu en vérifier l'inexactitude. Bien au contraire, ma tournée m'a permis de constater, en interrogeant nos gens à l'étranger, et les autorités des pays visités, que les immigrants ne viennent pas tous de la ville de Paris, de la ville de Rome, de la ville d'Athènes ou de celle de Beyrouth; il est à se demander pourquoi, une fois rendus chez nous, il leur faut tous — je ne dirai pas s'écraser — s'empiler dans la région immédiate de Montréal.

Cette situation, en plus de venir multiplier les difficultés, les empêche évidemment de découvrir la magnifique hospitalité des Québécois de la province. Puisque j'ai l'honneur, comme on le sait, d'être un partisan irréductible de la ville de Québec où j'ai vu le jour et où j'ai toujours vécu, en plus d'être député d'un comté de la Gaspésie, je pense que je n'ai pas plus que d'autres le droit d'accepter un tel état de choses.

Quant aux possibilités d'emploi, je les considère, dans bien des cas, aussi intéressantes en zones rurales, du moins dans les secteurs de l'économie où il n'y a pas de saturation. Je donne un exemple bien précis. Dans mon comté, à Matane, un dentiste de mes amis est décédé il y a quelques mois. Le résultat de ce décès est qu'il n'y a plus dans la région de Matane — quand je parle de Matane, je sors évidemment des cadres de la ville elle-même qui a dix millions de population et je m'étends dans la périphérie...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pas dix millions mais 10,000.

M. BIENVENUE: Pardon, 10,000. Il n'y a plus que deux dentistes pour desservir toute la population de cette immense région, pendant que je me révolte à l'idée qu'il y a peut-être — j'en ai déjà vu — des dentistes, chauffeurs de taxis à Montréal, comme il y a des ingénieurs, chauffeurs de taxis à Montréal. Vous compren- dres donc facilement que mon ministère est plus qu'intéressé à la mise sur pied éventuelle d'une politique d'accompagnement de l'immigrant en province en collaboration, évidemment — c'est indispensable — avec les ministères de l'Education, des Affaires culturelles, de l'Industrie et du Commerce et enfin du Travail et de la Main-d 'Oeuvre.

M. DEMERS: Le bill 250.

M. BIENVENUE: Oui. Je n'ose pas en parler, il n'est pas encore adopté.

M. DEMERS: Non. Nous n'avons pas encore le droit.

M. BIENVENUE: A ce sujet je voudrais mentionner que mon sous-ministre me rappelle avec beaucoup d'à-propos le projet de loi 64 qui a été peut-être le premier projet de loi parrainé par le ministère de l'Immigration, avant que j'y sois, ce qui a aidé à combler une carence. On se rappelle que dans le cas de plusieurs professions, et je pense notamment aux médecins, il fallait que les médecins étrangers attendent cinq ans, soit la période requise pour obtenir leur citoyenneté canadienne, avant de pouvoir pratiquer la médecine légalement, officiellement au Québec. En vertu du bill 64, les médecins et d'autres professions peuvent, après un an, pourvu qu'ils aient fait leur demande de naturalisation, pratiquer la médecine s'ils obtiennent, à la satisfaction du ministère de l'Immigration — je le sais parce que je dois, à tous les jours, signer de tels certificats en grand nombre — avoir une connaissance d'usage raisonnable, suffisante de la langue du Québec.

M. DEMERS: Le ministre permettrait-il que je l'arrête et que je lui pose une question?

M. BIENVENUE: De la langue française.

M. DEMERS: Oui, de la langue française. Et qu'il ait aussi reçu un certificat du collège.

M. BIENVENUE: Evidemment. Je m'attachais...

M. DEMERS: Pour le bill 64. M. BIENVENUE: D'accord.

M. DEMERS: Cela règle le problème de la citoyenneté.

M. BIENVENUE: C'est ça!

M. DEMERS: Mais au point de vue de la qualification professionnelle.

M. BIENVENUE: D'accord. Je voulais souligner l'aspect qui nous concerne, nous-mêmes, directement.

M. DEMERS: Je pense qu'il y aurait peut-être une démarche à faire pour que ça devienne un peu plus souple, pour que l'aménagement rural puisse se faire au point de vue professionnel, alors qu'on a des chauffeurs de taxis, comme vous le disiez tantôt, qui sont des professionnels chevronnés, mais qui, à cause de certaines modalités d'exigences d'un collège, ne peuvent pas sortir de là.

M. BIENVENUE: Je tiens à dire que de telles démarches sont en cours. Evidemment le bill 64 est un précédent, qui venait bien tard après combien d'années. Mais nous sommes engagés sur la bonne voie, de ce côté. Sujet, évidemment, à toutes les questions que vous voudrez bien me poser, dont je ne connais pas toutes les réponses, je me rappelle avec toute l'humilité dont je suis capable, que je ne suis à l'Immigration que depuis à peine quelques courts mois. J'ai d'excellents collaborateurs qui pourront m'aider à le faire.

Je voudrais conclure de la façon suivante. Premièrement, et c'est un principe qui me dirigera toujours, à moins que je ne change beaucoup, tant que je détiendrai le portefeuille de l'Immigration, c'est qu'il ne faudra jamais, au grand jamais, pour autant que je suis concerné, favoriser l'immigration à un tel point que, de cette façon, on prive les nôtres, les Québécois, de tels emplois.

Le jour où l'on me prouvera qu'en favorisant tel ou tel immigrant, je coupe les vivres, je prive d'un emploi, de son revenu, un autochtone, un citoyen du Québec, à ce moment-là, cran d'arrêt, point d'arrêt. Charité bien ordonnée commence par soi-même et cela n'est rien de nouveau, c'est ce que j'ai constaté partout, en Italie, en France, en Grèce et au Liban. Autant on est favorable à l'immigration, comme nous le sommes ici pour les nombreuses raisons que j'ai expliquées, autant il faut mettre un cran d'arrêt, si cela a pour effet de priver les nôtres.

Cependant, il faut retenir le concept suivant, celui auquel j'ai fait allusion précédemment, lorsque l'immigration, comme c'est le cas très souvent, crée des emplois, il faut la favoriser dans le contexte économique dont j'ai parlé dans le contexte québécois dont j'ai parlé aussi sur le plan de la langue et de la survie.

M. DEMERS: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait de lui poser une question au sujet de la relation qu'il y aurait entre le chômage et l'immigration? Pourrait-il nous dire si, d'après lui, cela n'a pas une influence aussi marquée que des gens le prétendent ou si le problème est tel qu'on devra restreindre, pendant une période de chômage qui est assez accentuée dans la province de Québec, tout le courant de l'immigration?

M. BIENVENUE: Nous avons, au ministère, une étude qui porte sur le fond de la question. Il me fera extrêmement plaisir de la lui faire parvenir. S'il l'a déjà, le député de Saint-Maurice est fort, tant mieux. Deuxièmement...

M. DEMERS: Non, je voudrais avoir l'opinion.

M. BIENVENUE : Oui, j'avais un peu amorcé le sujet. Je viens de dire que lorsque l'immigration crée des emplois, je pourrais donner des exemples que nous avons dans nos statistiques, il faut la favoriser et je parle de cas d'espèce. Je redis que si nous recevons ici un immigrant qui n'a pas d'emploi et n'en trouve pas ici, qui est un fardeau additionnel à notre bagage parfois pénible d'assistance sociale, ou si cet autre immigrant vient ici prendre le seul emploi disponible que devait avoir un des nôtres, là, nous ne devons pas favoriser l'immigration.

M. DEMERS: Comme apport économique, est-ce que le ministre pourrait nous dire ce que l'immigration, je comprends qu'évaluer ça statistiquement parlant, c'est difficile, mais on devrait avoir un apport économique sur l'investissement que cela a créé dans la province de Québec, cette immigration que nous avons, même si elle est restreinte.

M. BIENVENUE: Je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure, que depuis environ cent ans, l'Ontario reçoit 50 p.c. des immigrants du pays. Je ne crois' pas que, dans le cas de l'Ontario, cela a été un facteur de chômage. Je pense que les faits sont là. Dans le cas du pays en général, le conseil économique du Canada indique les chiffres suivants: l'immigration représente 1 p.c. de la main-d'oeuvre au pays. Je ne veux pas me répéter mais je dis bien que, si l'immigration dans un contexte donné, à une période donnée, dans un endroit donné, dans des sphères d'activité économique données de types d'emplois, a pour effet d'augmenter la liste malheureuse du chômage ou de l'assistance sociale ou de priver les nôtres, quels qu'ils soient du même emploi, je dis non.

Si, par ailleurs, sans affecter ces champs d'activité dont je viens de parler, l'immigration a pour effet d'ajouter des emplois, de créer des emplois, je dis oui à bras ouverts. C'est pour ça que j'ai indiqué précédemment que l'immigration, autant que faire se pouvait, devait être de plus en plus sélective.

C'est pour ça que j'ai parlé de l'insistance que nous mettons et que nous voulons mettre de plus en plus sur l'immigrant investisseur: celui-là ne met pas en péril notre taux de chômage, bien au contraire. Evidemment, j'ai dit autant que faire se pouvait, et je m'explique. L'on sait tous qu'il existe une catégorie d'immigrants qui a une importance considérable qui s'appelle les immigrants parrainés. Ce sont ceux dont les familles ou les proches sont déjà établis au pays et les familles et les proches les font venir au pays. Ceux-là viennent, il n'y a aucune difficulté pour l'obtention du visa pourvu que

certaines conditions de parenté soient établies; évidemment, sur ceux-là, nous n'avons aucun contrôle, sur ceux-là, il n'est pas question d'orientation, de sélection; on doit les accepter comme ils viennent. C'est pour cela que j'ai dit autant que faire se peut.

La deuxième et dernière conclusion que je voulais formuler ici après ces remarques dont je m'excuse de la longueur, est la suivante et, à ce moment-là, je citerais l'un de mes prédécesseurs: Je crois sincèrement qu'une immigration saine et raisonnable, bien coordonnée et adaptée à nos besoins est nécessaire et indispensable. C'est mon regretté collègue Pierre Laporte qui m'avait déjà souligné la nécessité pour la communauté francophone canadienne de réussir à intégrer harmonieusement les immigrants étrangers soucieux de participer le plus possible à notre vie, à notre langue et à notre culture. Il en faisait, lui, une question de survie pour le Québec, pour l'élément francophone du pays, du Canada, et j'en fais moi aussi une question de survie face à ce que l'on a cerné tout à l'heure, le problème de la natalité, entre autres, de la non-croissance chez nous; j'en fais moi aussi une question de survie et je n'ai pas craint de le dire partout où j'ai eu l'occasion de le faire, que ce soit ici au pays ou en Europe au cours de cette mission dont j'ai parlé.

Répondant peut-être aussi de façon additionnelle au député de Saint-Maurice, je voudrais souligner que l'immigrant professionnel, dont la formation a coûté de $40,000 à $100,000, suivant le cas, à son pays d'origine — ces chiffres nous ont été indiqués par les gens des relations étrangères des pays visités — dont le coût a pu varier suivant évidemment la profession, la durée des études, le degré de perfectionnement, constitue un apport direct, indéniable, fort lucratif au Québec, celui sur lequel un autre pays a mis un dizième de million pour en faire qui, un grand médecin, un grand chirurgien, un ingénieur, dans les champs que l'on voudra, nous bénéficions, nous, de cette formation. C'est un autre de ces éléments extrêmement désirables auxquels je faisais allusion et pour lesquels il y a toujours de la place.

Lorsqu'on me convaincra qu'il y a saturation de médecins dans le Québec, qu'il y a trop de médecins pour ce qu'il y a de patients ou de malades, je mettrai avec d'autres un cran d'arrêt plus fort à l'immigration. Mais je pense qu'il y a encore de la place chez nous pour ce genre d'immigration extrêmement désirable.

Je termine en m'excusant à nouveau pour la longueur, en disant que la question de survie, question extrêmement grave, question beaucoup plus grave que certaines questions purement économiques, en est une qui ne peut nous laisser insensible et l'immigration, de ce chef, vue sous cet angle, même si elle n'a qu'un budget, comme on le verra, de $1 million et quelques cent mille, est peut-être le ministère qui, face à cet aspect extrêmement important, autour duquel gravite sinon le court terme, sinon l'immédiat, du moins le moyen, le long terme de la francophonie au Québec.

M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une question ou deux à poser au ministre. Le ministre a parlé de la démétropolisation qu'on appelait autrefois décentralisation. Aujourd'hui, on fait des mots nouveaux assez souvent. J'ai appris à ma grande surprise que le paneliste était devenu un "homme-ressources" et je vous le dis, M. le ministre, pour votre édification, afin que vous ne tombiez pas de votre siège lorsque vous l'entendrez pour la première fois.

M. BIENVENUE: Je dois dire que je n'ai pas soumis le mot démétropolisation à l'approbation de mon collègue et ami, le député de Chicoutimi, mais...

M. DEMERS: ... il faudra le faire. M. BIENVENUE: Oui.

M. DEMERS: Et en démétropolisant, est-ce que le ministre a envisagé — d'abord, si on démétropolise, on va sortir des centres et on va s'orienter vers les régions rurales — en collégialité avec son collègue du ministère de l'Agriculture, à essayer de ramasser tout ce qu'il y a de terres non cultivées et abandonnées dans la province de Québec et qui auraient une certaine rentabilité pour des cultures spécialisées et que certaines personnes, autres que nos gens qui n'en veulent pas et qui ont un sens de l'économie un peu plus poussé que le nôtre, pourraient rendre efficaces? Je réalise par une lettre, que votre prédécesseur, le Dr Cloutier, disait que les immigrants investissent $10 millions par année, en créant 2,700 nouveaux emplois dans la province, ce qui est un apport assez sérieux au point de vue de l'infusion dans l'économie de la province. Si on veut décentraliser, si on veut prendre le champ, sans courir trop de risques, il faudra nécessairement qu'avec le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Immigration se penche sur le problème de ces fermes qui sont abandonnées et qui pourraient être rendues à la culture pour autant qu'elles auront une vocation précise et peut-être que ces gens pourraient, avec l'esprit de travail qu'on leur connaît, rendre productrices ces terres qui ne servent à rien actuellement.

M. BIENVENUE: La question du député de Saint-Maurice est excellente, fort appropriée, et j'ai même l'impression et la certitude que sa pensée et celle de mon ministère se sont rejointes avant l'étude des crédits de ce matin.

M. DEMERS: Savez-vous qu'on voyage? Vous m'emmènerez au prochain voyage.

M. BIENVENUE: Avec plaisir. Premièrement, il y a déjà, depuis quelques mois, et depuis un an en particulier, peut-être davantage, des cas extrêmement intéressants d'agriculteurs

étrangers qui sont venus s'établir au Québec et qui justement prennent une relève qui s'impose. Non seulement sont-ils venus avec leurs bras et leur tête et leurs capacités de travail, mais ils ont apporté avec eux des sommes assez intéressantes qu'ils ont investies dans la culture de ces terres.

Je réponds oui à la question du député de Saint-Maurice relativement au fait que nous ayons songé à nous aboucher avec le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation pour favoriser cette reprise, cette relève de terres qui sont peut-être trop ingrates pour certains des nôtres mais qui semblent non ingrates pour des gens de l'étranger qui ont le coeur de travailler, d'en arracher et de gagner. Et à cet effet, parmi d'autres mesures, nous venons précisément de créer à notre ministère un poste de responsable des immigrants investisseurs dans le secteur précis de l'agriculture, afin de travailler en relation directe avec le ministère de l'Agriculture. Et c'est pour cela que je dis que la question du député de Saint-Maurice était fort à propos, fort juste et dans les faits, nous nous rejoignons.

M. CROISETIERE: Pour renchérir sur ce que le ministre vient de dire, j'aimerais ajouter que, surtout dans notre région, nous avons des immigrants belges et allemands qui font l'honneur de la collectivité. Les Belges se sont intégrés à la région et les familles y ont contracté des mariages depuis au-delà de vingt ans. Cela a créé une ambiance qui a permis la relève des agriculteurs. Cela a créé également un certain esprit d'équipe qui a aidé aux cultivateurs à se relancer davantage.

M. BIENVENUE: Est-ce que j'ai raison de dire qu'ils s'intègrent harmonieusement?

M. CROISETIERE: Certainement.

M. BIENVENUE: Lorsqu'on les éloigne parfois du grand centre, ils s'intègrent davantage, participent à la vie collective, peuvent même enseigner certaines méthodes...

M. CROISETIERE: Absolument.

M. BIENVENUE: ... certains procédés que nous ne connaissons pas. Alors, j'ajoute — mon sous-ministre me le souligne — et je me le rappelle pour l'avoir constaté lors du voyage auquel je faisais allusion — que, via nos bureaux à l'étranger, nous recevons, de façon hebdomadaire, ce temps-ci, des demandes d'agriculteurs qui songent à venir cultiver chez nous. Nous sommes en pleine époque où de telles demandes nous sont faites. Je puis vous assurer que, par tous les moyens possibles, le tout sujet évidemment aux restrictions, aux règlements et à toutes les contraintes qui sont dans les lois, sujet à tout ça, je peux dire que pour autant que nous sommes concernés, nous allons encourager cette initiative de toutes nos forces. C'est exactement le type d'immigrant auquel on faisait allusion tout à l'heure, qui, non seulement ne nuit pas à l'économie québécoise, non seulement n'enlève pas de "jobs" chez nous, mais au contraire, prend la relève lorsque des fermes sont pour être abandonnées ou désertées. Je peux vous dire que ces gars-là ont du coeur au ventre et ils travaillent.

M. DEMERS: Je pense qu'il faudrait que le ministère de l'Agriculture fasse un inventaire positif de ce qu'il y a comme ressources et le communique au ministère. Si ce n'est pas fait, j'y exhorte le ministre. Si ça ne va pas à votre goût, vous nous en parlerez, on fera comme d'habitude, on aiguillonnera le gouvernement pour essayer que ça devienne une réalité.

Avant de passer à autre chose, j'aurais aimé que le ministre nous mette des noms sur son organigramme, s'il y a possibilité, afin que nous puissions connaître ces messieurs. D'abord le ministre, on commence à avoir une idée, le sous-ministre.

M. BIENVENUE: Vous voulez des noms au cabinet?

M. DEMERS: Oui, s'il vous plaît.

M. BIENVENUE: La direction de l'information...

M. DEMERS: Le ministre, on viendra à bout de le localiser.

M. BIENVENUE: Oui, il est à droite du président. Alors, où voulez-vous des noms?

M. DEMERS: Le sous-ministre.

M. BIENVENUE: Le sous-ministre, M. Jean Loiselle.

M. DEMERS: La direction de l'Information. M. BIENVENUE: M. Jean Desraspes. M. DEMERS: Pardon?

M. BIENVENUE: M. Jean Desraspes. Il y a des s tout le long.

M. DEMERS: Il est à Montréal.

M. BIENVENUE: C'est ça. Desraspes. Il y a des s tout le long, à chaque syllabe. Le personnage est unique mais il y a des s...

M. DEMERS: C'est un homme au pluriel. M. CROISETIERE: Commissaire général.

M. BIENVENUE: M. René Gauthier, qui est ici avec nous.

Direction des services administratifs. M. Castonguay.

M. DEMERS: Aucun lien?

M. BIENVENUE: Pas que je sache, pas par le visage, du moins.

M. DEMERS: Coordonnateur à Ottawa?

M. BIENVENUE: C'est un poste qui vient juste d'être vacant.

M. DEMERS: Il était occupé par qui?

M. BIENVENUE: Il était occupé par M. Jacques Larivière, que nous venons de nommer à Rome, c'est lui qui est notre agent d'orientation à Rome. Le poste est vacant au moment où on se parle, depuis il y a à peine un mois, depuis trois semaines, mais nous avons bien l'intention de le combler.

M. DEMERS: Par voie de concours.

M. BIENVENUE: Enfin, on verra les formalités, mais, peu importe la façon dont il le sera, je veux qu'il soit comblé, parce que c'est un poste très important.

M. DEMERS: C'est très important.

M. CROISETIERE: Service de recherche.

M. BIENVENUE: Est-ce que le député est intéressé?

M. DEMERS: Il est intéressé à ce qu'il y ait une bonne personne là.

M. BIENVENUE: Il se pourrait que l'on redistribue ses fonctions, c'est pour ça que je n'insistais pas sur la façon... Certaines des fonctions de coordonnateur dans trois consulats et dans les autres provinces... Il pourrait se faire, parce que nos budgets sont limités comme on l'a indiqué, qu'on redistribue ses fonctions.

M. DEMERS: Danx chaque consulat vous avez une personne?

M. BIENVENUE: Non, non.

M. DEMERS: Le coordonnateur est à Ottawa puis...

M. BIENVENUE: M. Larivière, était à Montréal, au ministère, rue McGill, et il était coordonnateur des relations avec Ottawa, avec les consulats, avec les autres provinces.

M. DEMERS: Avec les autres provinces?

M. BIENVENUE: C'est ça.

M. CROISETIERE: Service de la recherche.

M. BIENVENUE: M. René Picard, toujours à McGill.

M. CROISETIERE: Personnel. M. BIENVENUE: M. Jean... M. DEMERS: Pardon, à McGill?

M. BIENVENUE: La rue McGill, dans un vieil édifice.

Service du personnel: M. Jean-Carol Pelletier, qui est avec nous ce matin.

UNE VOIX: Est-ce qu'il est ici?

M. BIENVENUE: Ce beau jeune homme au veston beige, pied de poule.

M. CROISETIERE: Direction de l'adaptation.

M. DEMERS: Là je le connais celui-là, c'est un M. Didier.

M. BIENVENUE: Oui.

M. DEMERS: C'est un Français, de France?

M. BIENVENUE: Oui, maintenant du Canada.

M. DEMERS: Il est entré, me dit-on... si je relis sa note biographique, la nomination a été faite par voie de concours. Il avait remplacé...

M. BIENVENUE: M. Silicané qui était en congé sans solde de la Commission des écoles catholiques de Montréal et qui a choisi de retourner à la commission.

M. CROISETIERE: Quel est le prénom de M. Didier.

M. BIENVENUE: C'est René. Je dis de lui, en son absence, qu'il est un atout précieux pour le ministère, il fait un travail excellent. Alors, dans le moment, nous avons un directeur par intérim.

M. CROISETIERE: A l'établissement.

M. DEMERS: Son rôle, évidemment, c'est de voir à adapter les gens, est-ce qu'il va inventorier ces gens avant qu'ils nous arrivent. Cela ne relève pas de lui, il doit y avoir un bureau de sélection.

M. BIENVENUE: Non, il faut se rappeler ce que j'ai...

M. DEMERS: A Ottawa.

M. BIENVENUE : Non, le travail dans nos postes à l'étranger, le premier jalon, la première étape est là, mais ensuite, lorsque l'immigrant vient ici au Québec, c'est la direction de l'établissement, dont M. Pierre Gadbois est directeur par intérim, qui s'occupe de ce que

j'ai dit tout à l'heure, l'accueil, l'aide sociale si nécessaire, l'aide à la recherche d'emplois, etc.

M. DEMERS: Il est par intérim.

M. BIENVENUE: Oui, parce que son prédécesseur, M. Allard, a été muté à un autre service.

M. DEMERS: ... bon plaisir?

M. BIENVENUE: Non.

M. DEMERS: Les postes sont comblés.

M. BIENVENUE: Toujours comblés par concours dans tous les cas.

M. DEMERS: C'est bien cela, continuez.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: Mes premiers mots sont pour féliciter le nouveau ministre de l'Immigration pour sa nomination. Il faut remarquer que c'est la troisième fois que j'ai l'occasion d'assister à l'étude des crédits de l'Immigration et chaque fois avec un ministre nouveau. En 1970 c'était le député de Chambly; en 1971, le présent ministre de l'Education et, en 1972, le député de Matane. Alors, je ne sais pas si c'est parce que c'est un ministère qui est difficile à administrer ou si, comme on dit souvent, c'est un ministère qui est dur pour son ministre, mais de toute façon on voit qu'il y a changement chaque année. Qui aura-t-on comme prochain ministre de l'Immigration?

M. BIENVENUE: Je ne voudrais pas laisser ma place.

M. GUAY: Je formule le voeu que ce soit le député de Matane qu'on rencontre l'an prochain à l'étude des crédits.

M. BIENVENUE: Merci.

M. GUAY: Dans toute cette politique de l'immigration que le ministre vient de nous décrire de façon assez détaillée, cela a été un tour d'horizon assez complet même s'il y a plusieurs points que nous pourrions scruter davantage, il faut quand même remarquer, en principe, au point de départ, que le Québec, actuellement, n'est pas tellement favorisé pour les raisons que le ministre a touchées. C'est peut-être une façon de mesurer de quelle façon le Québec est perçu de l'extérieur, la partie plus ou moins importante de l'immigration qui vient au Québec ou en Ontario, si on regarde chacune des provinces. Si on se reporte à un article assez récent de Montréal-Matin, on se rend compte qu'encore une fois l'Ontario nous devance grandement, le ministre l'a souligné.

Il faudrait se demander pourquoi. Si on regarde en termes de chiffres, sur l'ensemble des immigrants, il y a déjà une nette diminution d'avec l'année dernière. Alors, cela est dû, premièrement, à quoi? Il faudrait analyser tous les facteurs et il faudrait analyser quelle est l'importance de l'immigration au Québec.

Qu'est-ce qui nous arrive, à nous, Québécois qu'on bénéficie moins, si on regarde l'aspect bénéfique de l'immigration, que d'autres centres, milieux ou provinces de l'immigration et parallèlement à cela, comment se fait-il que la grande majorité des immigrants viennent des Etats-Unis? C'est une autre facette du problème et il y a sûrement d'autres réponses qu'on peut ajouter à cela. Si on bénéficie moins, comparativement à l'Ontario, il y a peut-être le phénomène du chômage. A-t-on besoin d'immigrants actuellement, par exemple, uniquement dans le domaine du travail manuel? On a parlé tantôt de l'agriculture. Je ne sais pas, mais je pense qu'on est déjà en mesure, après avoir étudié en détail certaines lois, par exemple — et vous m'excuserez de répéter ce que j'ai déjà dit — les lois de la construction, alors qu'on limite actuellement l'accès à certains métiers... On se rend compte qu'à la construction on va être limité à 120,000 travailleurs.

Bien sûr, qu'on n'est pas unique au Québec, que la construction est en quelque sorte le dépotoir des autres métiers ou des autres professions, mais il faut quand même se rendre compte qu'on limite l'accès à des métiers assez faciles. Et partout, dans tous les pays, la construction se ressemble. C'est moins différent que dans d'autres secteurs. Partout on connaît le même problème et partout c'est en quelque sorte le domaine où les autres métiers, les autres professionnels ou les autres corps de métiers viennent s'échoir en quelque sorte quand ils sont tannés ou qu'ils ne peuvent plus exercer un autre métier.

Or, à partir de là, si on limite davantage, par des barrières de toutes sortes et je pense également à ce qu'on appelle des corporations fermées où on dit qu'à partir, par exemple, de telle date, ce sera impossible d'ajouter du personnel supplémentaire avec nous autres...

Le ministre a touché à la sélection et je pense que tout le problème est autour de ça. Bien sûr, on dit souvent que charité bien ordonnée commence par soi-même. Je suis parfaitement d'accord et je pense que le ministre l'est également.

Je pense qu'il est temps, ç'a peut-être été fait dans le passé, peut-être de façon trop négligée, de façon pas assez prononcée, si je peux m'exprimer ainsi, de faire une sélection, je dirais même assez sévère en ce qui concerne l'entrée de nouvelle main-d'oeuvre. Il ne faut jamais oublier que ces gens qui quittent, soit la France, le Japon ou un autre pays, c'est toujours dans l'espoir d'avoir des conditions de vie meilleure. Pour la grande majorité, je pense que c'est ça.

Est-ce qu'on leur dit, lors de la demande que ces gens-là nous font, les risques qu'ils courent en venant au Québec? Est-ce qu'on leur dit, par exemple, qu'au Québec il y a tant de mille chômeurs actuellement, qu'au Québec il y a telle difficulté, qu'au Québec, c'est possible que vous ayez de la difficulté d'abord à vous intégrer et, deuxièmement, à trouver un emploi et à vivre convenablement?

Alors, j'ai déjà dit à l'ancien ministre de l'Immigration, que si on laisse entrer chez nous des immigrants et qu'ils viennent s'ajouter à la liste des assistés sociaux, à partir de là, ils peuvent très bien être assistés chez eux. Alors l'ensemble de la collectivité va en quelque sorte faire vivre ces personnes et je suis convaincu que si des personnes qui viennent, je peux les appeler de nouveaux arrivants, s'ajouter à notre population, et s'ils sont obligés de passer deux, trois ou quatre ans à l'aide sociale, je vous garantis qu'il va falloir les réintégrer de façon plus prononcée. Cela va être difficile. On a de nos citoyens qui sont déjà difficiles à réintégrer au marché du travail.

Alors sélectionner ça semble facile, c'est un beau mot, puis c'est bien facile à faire. Maintenant, il ne faut pas oublier qu'il y a une grande partie de nos Québécois qui vont à l'extérieur aussi. Et si on se reporte à un petit volume qui a été publié — remarquez bien que je ne porte pas de jugement sur le volume là, "Québec immigration zéro" — on se rend bien compte qu'il y a encore plus de Québécois qui quittent le Québec qu'il y en a qui viennent s'y ajouter.

A partir de là, c'est seulement un remplacement en quelque sorte. Il s'agit de savoir quelle classe de la société quitte le Québec pour aller s'établir ailleurs et quelle classe nous arrive. A partir de là, je pense que, si on se rappelle encore une fois que charité bien ordonnée commence par soi-même, il va d'abord falloir analyser nos besoins. Analyser ce que nous, Québécois, ne sommes pas capables de faire dans des secteurs où nous ne sommes pas capables de produire. A partir de là, peut-être que...

M. BIENVENUE: Le député m'excusera-t-il, me permettra-t-il une courte interruption à son texte qui par ailleurs est fort intéressant?

M. GUAY: Oui.

M. BIENVENUE: Je voudrais lui dire que pour autant que nous sommes concernés, ce livre intitulé "Québec immigration zéro" est loin d'être notre livre de chevet ou notre bible. Nous sommes loin sur un tas de sujets, ce livre est complètement dans l'erreur. Pour employer une expression de chez nous, il est dans les patates. Et à titre d'exemple, nous ne croyons pas du tout, nous ne sommes pas du tout d'accord qu'il y a plus de gens qui quittent le Québec qu'il n'y en a qui y arrivent.

Mais je voulais simplement faire cette mise au point. Quant à nous, je remets la parole avec plaisir au député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je suis très heureux que le nouveau ministre de l'Immigration ait apporté cette nuance. J'ai même cru, j'ai même eu peur à un moment qu'il ne la fasse pas.

M. DEMERS: Le ministre pourrait-il faire une déclaration contre ce livre-là qui fait tort, qui est mauvais?

M. BIENVENUE: Je pense que je viens de le dire, mais assez clairement...

M. DEMERS: Oui, oui en donnant par exemple,...

M. BIENVENUE: Je ne veux pas donner à ce volume...

M. DEMERS: ... l'importance qu'il n'a pas.

M. BIENVENUE: ... l'importance qu'il n'a pas et qu'il n'a jamais eue à mes yeux, d'ailleurs, et je répète qu'il est loin d'être notre bible ou notre livre de chevet. Même s'il a raison — je ne condamne pas le livre en bloc — quant à certains cas particuliers, le livre ne peut pas être complètement dans l'erreur. Je ne suis pas un ultra ou je n'aime pas être excessif dans mes affirmations. Mais sur un tas de sujets, il est dans l'erreur. Il ne vaut que pour ce qu'il vaut. Si j'ai employé les mots "dans les patates", tantôt, c'était pour saluer la présence de mon bon ami le député de Compton.

M. DEMERS: Qui est un spécialiste. M. BIENVENUE: De la patate. M. DEMERS: Oui? M. BIENVENUE: Mais de la vraie.

M. DEMERS: Je le pensais plus jeune que cela.

M. BIENVENUE: De la patate cultivée.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qui est l'auteur de ce volume?

M. BIENVENUE: M. Jean-Claude Prieur. M. DEMERS: Prieur?

M. BIENVENUE: Pseudonyme: Le Normand.

M. DEMERS: Vous ne le priez pas tous les soirs!

M. BIENVENUE: J'ai fait mon affirmation

sous mon vrai nom et non pas sous un pseudonyme.

M. GUAY: D'accord. Je suis content que le ministre nous dise que ce volume, "Québec immigration zéro", ne sera pas pour lui une ligne de conduite qu'il s'engage à suivre intégralement.

M. BIENVENUE: Non, loin de là.

M. GUAY: Nous avons vu également dans cela des lacunes, j'en suis convaincu. Il y a quand même certaines vérités, le ministre vient de le dire.

Je pense, au départ, qu'il faudra être bien franc, d'abord, avec ceux qui demandent un visa pour le Québec, même pour le Canada. Qu'on ne leur dise pas: Québec, c'est beau! Québec, ce sont des fleurs partout! Qu'on les mette bien au courant, qu'on les rende conscients qu'un déplacement d'un pays vers un autre nécessite des changements. L'adaptation n'est pas facile, spécialement au Québec, parce qu'on n'a pas toujours des personnes qui viennent s'établir chez nous, qui parlent le français. Le ministère de l'Immigration prévoit-il, en coordination avec le ministère de l'Education, un recyclage dans le domaine de la langue, par exemple, pour apprendre aux immigrants comment se débrouiller en français au Québec?

Evidemment, on se rend compte qu'en grande majorité les immigrants vont vers les villes, plus précisément Montréal. Montréal s'anglicise davantage. A partir de là, bien sûr que c'est peut-être un des facteurs qui font en sorte que les immigrants se dirigent surtout vers les métropoles.

Il y a un autre problème que je ne voudrais pas oublier et qu'on a touché, soit le temps que cela prend pour devenir citoyen québécois ou citoyen canadien. On a porté à mon attention, au cours de l'année 1971, que des personnes avaient demandé leur entrée et que cela pouvait prendre plusieurs années, trois, quatre et même six ans, dans certains cas, avant qu'ils aient obtenu leur citoyenneté, pour des raisons qu'ils comprennent plus ou moins.

Cela prend cinq ans. Est-ce que, par le passé, cela a déjà été plus rapide que cela?

M. BIENVENUE: Non.

M. GUAY: Non.

M. BIENVENUE: C'est le strict minimum.

M. GUAY: Le strict minimum, cinq ans.

M. BIENVENUE: A compter de la demande.

M. GUAY: Bon.

M. DEMERS: Je pense qu'on ne s'est pas trompé en faisant cela. En dépit de certaines précautions, on a eu des héritages où il a fallu attendre encore cinq ans avant...

M. GUAY: Il faudrait analyser également quelle est l'importance de l'immigration. Quand je parle de l'importance, je ne parle pas en nombre de personnes. Le ministre a touché ce point également. Mais y a-t-il des statistiques bien précises concernant, par exemple, la création d'emplois par l'immigration? Je dis création d'emplois, directement et indirectement, en fait. Il est assez important que la population soit informée de cela. Cela a été touché également. Il y a plusieurs points qui ont été touchés. C'est pour cela que mon affaire sera décousue. Je ne voudrais pas répéter ce qui a déjà été dit. Mais la population est très mal informée en ce qui concerne le ministère de l'Immigration.

Tout ce que la population pense, actuellement — et dans ma région, cela commence à se faire sentir — c'est qu'on nous dit: Il n'y a déjà pas de travail pour tout le monde et on fait venir des gens pour venir prendre notre place. Il faudrait donc que la population soit informée de ce qui se passe au ministère de l'Immigration et quelle est la politique vers laquelle s'oriente ce ministère, pour ne pas laisser l'entrée des personnes trop libre. Les gens pensent que tout ce que le ministère fait, c'est de favoriser au maximum l'entrée d'immigrants. Les gens se voient en chômage et c'est une des raisons pour lesquelles ils grincent des dents et disent: Nous n'avons pas de travail, nous; cela peut peut-être dépendre de cela.

Dans cette politique, il faudrait, je pense bien, avant de donner pleins feux, mettre l'accent sur la sélection et informer la population en ce qui concerne les critères de sélection. Sur quoi se base-t-on?

Dans le domaine de l'agriculture — on y a touché également — je ne suis pas parfaitement d'accord avec ce qui a été dit, dans les besoins qui existent en agriculture, actuellement, parce que là comme dans d'autres secteurs, ce n'est pas le problème de production qui ne fonctionne pas.

Je verrais très mal, par exemple, quarante Français arriver ici et commencer à produire des oeufs demain matin. Parce que nos producteurs produisent déjà à déficit. A partir de là, je suis convaincu d'abord qu'ils n'iront pas dans ce secteur s'ils sont bien informés; mais si on leur dit que c'est le ciel dans ce domaine, il n'y a pas de problème. Je pense qu'il va falloir finir de jouer à cache-cache, mettre au courant ceux qui demandent l'entrée et être bien franc avec eux. Si on veut leur offrir mieux que ce qu'ils avaient, il faut regarder ce qu'ils avaient avant, quelle était leur condition de vie et pourquoi ils décident de venir ici. Il y a peut-être des raisons cachées qui les motivent aussi.

M. BIENVENUE: Est-ce que le député me permet? Je ne voudrais pas oublier ce point, qui m'intéresse beaucoup. Il fait allusion à la venue disons de quarante Français qui...

M. GUAY: C'est un exemple.

M. BIENVENUE: Oui, je comprends, je le prends comme exemple aussi. D'ailleurs, je voudrais donner un exemple vécu en guise d'explication. Donc des Français qui voudraient se lancer dans la production d'oeufs alors qu'on sait que déjà il y a surproduction. Effectivement, ces gens-là — je reviendrai tout â l'heure pour d'autre chose, telle la construction — sont instruits par nos agents d'orientation sur certains domaines de saturation. Evidemment, ils n'auront pas intérêt— le député de Dorchester conviendra avec moi — s'ils sont moindrement intéressés en faisant le plongeon que constitue la traversée de l'océan pour s'établir ici, à investir — c'est le temps de le dire — à mettre les oeufs dans le même panier.

Je donne un exemple très concret, très récent, très précis d'un agriculteur européen qui est venu — Français en particulier — s'établir dans le comté de Vaudreuil et qui a apporté avec lui — ça intéressera le président de cette commission — la jolie somme de $400,000 qu'il a investie dans son entreprise agricole et qui, évidemment, ne s'est pas lancé justement dans le marché des oeufs mais qui a investi dans une entreprise extrêmement florissante qui rapporte, qui est excellente pour l'économie du Québec, pour l'agriculture, et qui crée des emplois.

Les remarques du député de Dorchester sont justes, je partage son point de vue mais c'est justement une de nos missions de diriger ces gens-là, que ce soit en agriculture ou dans d'autres domaines, comme la construction dont on parlait tout à l'heure, de les diriger vers des champs d'activité où il y a place, où il n'y a pas déjà saturation. Cela me permet du même trait de dire, en réponse à la question du député de Dorchester, que ce sont justement nos agents d'orientation qui informent et continuent d'informer les candidats à l'étranger, candidats à l'immigration, à titre d'exemples, que l'industrie de la construction est saturée, qu'il y a un problème chez nous; et c'est une des missions, un des messages qu'on leur donne mandat de répéter aux étrangers de façon justement à ne pas sursaturer un domaine comme celui de la construction.

M. GUAY : C'est déjà un gros problème parce qu'on le vit actuellement et il y a certaines corporations qui sont fermées. Plusieurs productions sont également, dans plusieurs domaines, déjà en surproduction. Evidemment, je dis que c'est une sous-consommation mais d'autres disent que c'est une surproduction. En parlant de là, il y a tout ce problème d'information, ce recyclage également... Je suis convaincu que plusieurs immigrants, ont besoin de recyclage en plus de la langue parce qu'on n'a pas les mêmes méthodes de production. On n'a pas le même outillage, peut-être qu'on est en avance, peut-être qu'on est en arrière. Mais quand même le ministère de l'Immigration, quand on discute les crédits, nous demande de voter $1,669,000. En fait peu importent les questions, c'est de l'administration.

Ce qui compte pour nous, c'est de savoir quelle sera l'orientation et, dans le domaine de l'immigration, si on doit avoir des politiques à long terme, c'est là. Dans ce domaine, des politiques à court terme ne peuvent pas être efficaces. Evidemment, ça prend une planification. Je dis que, dans le domaine de l'immigration, il faut d'abord analyser nos besoins et, si on veut agir un peu en égoïste, si on veut réussir — c'est peut-être un peu comme ça — il va falloir laisser entrer ceux dont nous avons besoin et ceux dont on peut facilement se passer et qui viendraient s'ajouter en trop, c'est bien dommage mais il va falloir, à un moment donné, y mettre un frein.

Cela fait peut-être partie de la sélectivité dont on a parlé.

J'espère que, dans l'avenir, sans créer de contradiction... Je suis peut-être même au courant qu'il y aura une loi déposée à Ottawa concernant l'immigration et cela me permet de demander au ministre s'il y a eu des consultations bien étroites en ce qui concerne cette loi qui sera présentée au gouvernement central, si le ministère ici â Québec est bien informé et si ces désirs-là sont transmis dans cette loi qui sera présentée au fédéral?

M. BIENVENUE: Je réponds tout de suite avec plaisir au député. Je dois d'abord dire que ces changements qui doivent venir au ministère de l'Immigration â Ottawa ne sont pas majeurs. Il s'agit de modifications législatives plutôt mineures. Mais cela me donne l'occasion de le dire et je remercie, en quelque sorte, le député de me fournir cette occasion, je pèse bien mes paroles, s'il est un ministère au Québec qui puisse éventuellement servir d'exemple à d'autres paliers administratifs, à d'autres ministères, à d'autres autorités, face ou relativement aux relations fédérales-provinciales, c'est celui de l'Immigration du Québec. Je suis particulièrement fier de le dire. Cette même cordialité que j'ai évoquée précédemment, à l'occasion du rapport de cette tournée en Europe, dans nos postes d'immigration, cette même bonne entente vaut et a toujours valu, à ma modeste connaissance, ici au pays depuis la création de notre ministère en novembre 1968.

Pour répondre de façon encore plus précise au député de Dorchester qui me parle de ce projet de loi, d'amendements d'ordre secondaire à la Loi de l'immigration fédérale, je lui dis que le ministre fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, l'honorable Bryce MacKasey m'a écrit à deux reprises depuis quelques jours et, à moins de changements, je dois le rencontrer ici même à Québec. Ce n'est pas moi qui me déplace pour aller à Ottawa, c'est lui qui vient nous visiter à Québec à la mi-juin pour connaître précisément notre point de vue, nos

opinions, nos suggestions face à ces projets d'amendements ou d'amélioration de la Loi de l'immigration fédérale.

Evidemment au niveau des fonctionnaires, ces consultations sont en cours depuis longtemps. Je puis dire, je le tiens de la bouche même de mon sous-ministre et des autres cadres de mon ministère, que l'entente règne. Je n'ai pas parlé d'entente parfaite car je n'en connais pas entre deux parties qui négocient quelles qu'elles soient, dans quelque pays du monde que ce soit, à quelque niveau que ce soit, toutes choses étant ce qu'elles sont, les relations sont excellentes et j'ai bien l'intention, pour autant que je suis concerné, de les maintenir telles quelles. Je répète qu'il y aurait peut-être intérêt pour d'autres, je ne pense à aucun organisme en particulier, â ce que les relations soient aussi bonnes ailleurs.

Je dis en un mot que nous rencontrons M. MacKasey à la mi-juin à moins d'imprévus dans le sens des suggestions que vient de faire le député de Dorchester.

M. GUAY: Est-ce que le ministre a l'intention de demander que le contrôle de l'immigration, en ce qui concerne le Québec, soit remis entièrement au Québec?

M. BIENVENUE: A ce moment-là, il faudrait demander la modification de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

M. DEMERS: Elle a déjà été modifiée à la "mitaine", vous pourriez peut-être demander ça.

M. BIENVENUE: C'est-à-dire que nous allons essayer.

M. DEMERS: Ce serait une façon indirecte de restituer...

M. BIENVENUE: Nous allons essayer d'obtenir le plus possible sans perdre la tête et en nous rappelant toujours que Paris ne s'est pas faite en un jour. J'aime mieux que cela prenne un peu plus de temps pour arriver à des fins plutôt que plonger trop vite alors qu'il n'y a pas assez d'eau dans la piscine.

Si on me permet une dernière remarque au député de Saint-Maurice, c'est toujours au sujet de ce que disait le député de Dorchester. Il faut se rappeler que le ministère de l'Immigration a été créé par une loi en novembre 1968 et a mis, comme c'est normal, quelques mois à se trouver d'abord des locaux et quelques autres mois à nommer ses premiers cadres, ses premiers hauts fonctionnaires. Cela nous reporte beaucoup plus près dans la période de quatre ans dont j'ai parlé et il faut se rappeler qu'en ayant au Québec un ministère de l'Immigration, on devait au cours de ces trois ans rattraper cent ans où d'autres nous avaient devancés.

Je pense notamment à l'Ontario qui, depuis 1869, oeuvre dans le domaine de l'immigration. Je n'accuse pas le passé. Je n'accuse pas les gouvernements antérieurs ou précédents, j'aime mieux regarder l'avenir que le passé et nous avons dû, depuis trois ans, mettre tout sur pied. On est loin d'avoir fini. Il y a beaucoup de rattrapage. Il y a beaucoup de politiques à long terme à envisager — le député en parlait — et évidemment il y a eu le facteur des changements successifs de ministre. Cela n'a pas aidé ça non plus au point de vue de la direction marquante.

Il se fait que celui qui vous parle n'a pas au moment où il vous parle d'autres responsabilités majeures que celles de l'Immigration et c'est pour ça que j'essaie de profiter de ce temps de liberté — si on peut appeler ça temps de liberté — pour y donner le meilleur de ma modeste personne avec l'aide de mes collaborateurs pour imprimer cette marque ou envisager ces politiques à long terme auxquelles faisait allusion avec raison le député de Dorchester.

M. MARCHAND: L'Ontario n'a pas de ministère de l'Immigration.

M. BIENVENUE: Non, mais il y a le ministère de la Citoyenneté, le Secrétariat de la province et une division majeure de son ministère de l'Industrie et du Commerce qui, à toutes fins pratiques, s'occupent de l'immigration depuis toujours. La structure là-bas est secondaire. Le mot est différent, on n'a pas le titre de ministère de l'Immigration, mais dans les faits on y voit et on y voit joliment bien.

M. MARCHAND : Est-ce que la Colombie-Britannique a un ministère de l'Immigration?

M. BIENVENUE: Non.

M. DEMERS: Il y a là un premier ministre qui monte de temps à autre: c'est la même chose...

M. GUAY: On s'est plaint à plusieurs reprises du faible taux de croissance de notre peuple. L'immigration est sans doute, et sans discussion, un moyen de pallier le taux de dénatalité concerné. Mais je me demande si justement là il n'y a pas un danger. Je pense que le phénomène qu'on vit actuellement au Québec, ce taux de dénatalité qui devient quand même un problème, ça devient réellement dangereux. Je pense qu'il y a un danger, si on comble les vides par l'immigration en masse. On se plaint déjà que ce ne sont pas les Québécois qui ont leur destinée en main, mais je pense qu'à partir de là on affirme qu'on refuse de se prendre en charge et qu'on confie à peu importe qui, on ne sait pas à qui à l'avance, nos affaires.

Je pense qu'il y a tout de même lieu d'analyser ce phénomène-là avec le ministre des

Affaires sociales. On voyait justement le ministre qui a déposé cette année un document de planification des naissances. Je me demande si avant de consacrer l'accent là-dessus, il va quand même falloir regarder de quelle façon nous, au Québec, désirons nous organiser et si nous pouvons compter sur nos moyens, je pense que c'est une façon de le faire.

Et en terminant, je voudrais rappeler que le ministre qui a été choisi comme nouveau ministre de l'Immigration possède le nom tout désigné, quand on dit: Bienvenue! Quand il y a des nouveaux arrivants, que ce soit dans une localité aussi petite, quoique importante, que celle que j'habite, on dit toujours aux nouveaux arrivants: Bienvenue! J'espère que le nom du ministre va en quelque sorte favoriser l'immigration selon les besoins du Québec.

M. BIENVENUE: Si le député de Sainte-Marie me le permet, pour compléter les remarques du député de Dorchester, il a raison de dire que le problème de la dénatalité en est un d'envergure au Québec. D'ailleurs il n'est pas nouveau, il n'est pas de cette année, il y a déjà quelques années que ce phénomène est commencé. Il y a peut-être même coincidence dans les époques entre le début de ce phénomène et la création du ministère.

Il a mentionné qu'un plan était fait et faisait l'objet des recherches, du travail et des préoccupations du ministère des Affaires sociales. C'est exact. Et là aussi je me plais à dire au député de Dorchester que le ministère de l'Immigration du Québec se tient en constante relation avec cette partie du ministère des Affaires sociales qui s'est penchée sur ce problème.

Il y a des contacts continuels. Et là, à nouveau, nous voyons l'importance que revêt la démographie dont je parlais et qu'en France on l'a associée intimement aux affaires sociales et au travail, à la main-d'oeuvre et à l'immigration, qui est le ministère de M. Fontanet. Je suis conscient de ce problème de la dénatalité. Avec l'aide de mon épouse, j'ai essayé de faire mon effort: j'ai six enfants.

M. GUAY: J'ai ça aussi.

M. BIENVENUE: Le député de Dorchester a continué, qu'il ne s'arrête pas en marche, qu'il continue. Très rapidement, pour soulever quelques points qui ressortent de ce qu'a dit le député de Dorchester, et de façon très objective... C'était à l'époque où les loisirs étaient mal organisés au Québec.

Le député de Dorchester a soulevé une question intéressante: les liens entre l'immigration et la conjoncture économique au Québec. Le ministère de l'Immigration a fait, là-dessus, une étude que je crois être très intéressante et il nous fera plaisir d'envoyer à chaque membre de la commission, une copie de cette étude intitulée, sauf erreur, "Conjoncture économique et immigration au Québec".

Le député de Dorchester — c'est le dernier point, j'achève — a souligné qu'il y avait une baisse du taux d'immigration au Québec, comme d'ailleurs au Canada en général. Evidemment, il s'agit surtout d'immigration venant d'Europe, venant un peu du Moyen-Orient et de l'Europe occidentale. Le député a raison. Les statistiques sont là et ce n'est pas mon intention d'essayer d'éviter lès statistiques. Je les constate. Nous en avons discuté d'ailleurs en Europe et il y a évidemment un tas d'explications. Nous pouvons en retenir plusieurs. Nous savons que le contexte nord-américain est tel que l'économie du Canada est intimement liée à celle des Etats-Unis, de nos gros voisins du sud, et lorsqu'il y a eu baisse ou ralentissement au sud, toujours, par ricochet et avec un peu de retard, le même phénomène se retrouve chez nous. Heureusement, il y a des indices de reprise qui sont encourageants.

Il y a plus, évidemment. Nous savons que les marchés traditionnels, les bassins traditionnels d'où viennent les immigrants qui s'amènent au Québec, se sont taris pour différentes sources. Et une des plus importantes, une de celles qui nous a le plus frappés — je pense qu'il n'y a pas de discussion, c'est un phénomène reconnu — c'est évidemment le succès économique, la reprise économique qui survient en Europe de l'Ouest, à la suite de la mise sur pied du Marché commun. Nous savons que beaucoup d'immigrants venaient au Québec, d'Italie, de Grèce, de Belgique, de France, des pays du Bénélux, des pays du Marché commun, et je parle évidemment aussi de l'Europe de l'Ouest qui, même si elle n'est pas le Marché commun, en ressent les effets, par ricochet. Je pense au Portugal notamment. Alors ces gens commencent à comprendre la richesse du capital humain et à mettre des restrictions. Je ne parle pas seulement des immigrants eux-mêmes, qui voient une reprise chez eux, mais je parle des pays qui s'aperçoivent, face à la reprise, de la nécessité de la main-d'oeuvre qualifiée pour mettre en branle tous les effets, tous les mécanismes de cette reprise.

Alors, nous savons déjà que quitter son pays, quitter un continent pour aller à l'étranger, c'est déjà un sacrifice, c'est déjà l'hésitation devant l'inconnu — ce que j'ai appelé le plongeon tout à l'heure — si on le fait, on le fait d'abord et avant tout, parce qu'on croit faire mieux, parce qu'on croit faire fortune et améliorer son sort. Or, s'il arrive, dans la période que nous traversons, par le phénomène découlant du Marché commun, auquel j'ai fait allusion, et de d'autres facteurs, qu'il y ait une reprise dans ces pays, en Europe de l'Ouest, il est normal que, d'une part, le sujet lui-même hésite avant d'aller trouver ce qui ne sera peut-être pas mieux que chez lui et que, d'autre part, les autorités gouvernementales des pays où vivent ces sujets, décident elles-mêmes de freiner un peu, en s'assurant, comme je l'ai dit tout à l'heure, que charité bien ordonnée commence par soi-même.

Je remercie le député de Dorchester dont les remarques sont fort appropriées et énoncées de façon fort objective.

M. GUAY: Cela m'amène à poser une autre question. Comment expliquer que, maintenant, la majorité des immigrants viendraient des Etats-Unis? Est-ce que le Québec ou le Canada a été en quelque sorte une rampe de lancement? Les immigrants s'installent au Québec, ou, disons plus précisément, sur le territoire canadien, vont ensuite aux Etats-Unis et nous reviennent. Il ne faut pas oublier que, parmi les immigrants qui viennent des Etats-Unis, il y en a parmi eux qui en grande partie, ont fait un stage dans notre province, auparavant. Je remarque que, dans ma région, je suis peut-être favorisé, à cause de la proximité des frontières du Maine qui coupent mon comté, bornent mon comté. A partir de là, on remarque que, dans les années 1970, 1971 et même 1972, bon nombre de gens partent de différents Etats et reviennent au Québec, actuellement. Est-ce que le peuple québécois redeviendra un peuple intéressant pour les Américains et un peuple non intéressant pour la France, par exemple?

M. BIENVENUE: Il y a de ça évidemment. Ce que dit le député de Dorchester, c'est une source de joie, de légitime fierté pour nous. Que le peuple québécois, ou canadien, s'il s'agit des autres provinces, peu importe, redevienne, s'il ne l'a déjà été, un sujet intéressant ou une région intéressante, il n'y a pas là de quoi verser des larmes, c'est là une bonne chose. Mais comme le dit le député de Dorchester, il y a un tas d'autres facteurs, mais c'est un phénomène assez récent. Il parlait lui-même des années 1969, 1970, 1971. C'est un phénomène assez récent et qui, comme tel, n'a pu, c'est normal, être l'objet d'une analyse bien approfondie, bien complète. C'est de l'empirisme, c'est de l'expérimentation. Il n'est pas facile pour le contemporain immédiat d'analyser en profondeur les causes de ce phénomène. Il y a évidemment un tas d'autres causes auxquelles on peut penser, je ne veux pas insister. Il y a le phénomène de ce qu'on appelle les "draft dodgers". Un de mes fils, à qui j'expliquais ça, pensait que c'étaient des joueurs qui avaient été "draftés" par le Dodgers de Los Angeles. Ce n'est pas ça du tout, c'est le phénomène de ceux qui veulent éviter la guerre au Vietnam et qui s'amènent au pays; c'est un phénomène nouveau.

Il y a un tas de faits, mais j'aime mieux ne pas m'aventurer, je le dis bien franchement, à essayer de mettre le doigt sur la cause précise de ce phénomène relativement récent, mais qui n'est pas de nature à nous peiner, si ces gens-là, ou certains d'entre eux, viennent avec du fric.

M. GUAY: D'accord.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Maire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, mes observations ne seront pas bien longues. Je félicite le ministre de son exposé. Il a répondu à une dizaine de questions que je devais lui poser.

M. BIENVENUE: On ne s'était pas parlé avant.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, ça va raccourcir le débat, l'étude des crédits. Cependant, il y aurait quelques précisions que j'aimerais avoir du ministre, avant de passer à l'étude article par article.

On sait qu'on a un ministère de l'Immigration à Québec et qu'il y en a un à Ottawa. Lorsqu'il s'agit du choix des immigrés, est-ce qu'il s'agit de choisir les immigrants qui doivent venir au Canada? Quelle est l'autorité, la juridiction du Québec? Est-ce que le Québec a son mot à dire, ou si c'est le ministère de l'Immigration fédéral qui décide qui va immigrer au Canada? Par contre, en immigrant au Canada, il y en a qui choisissent le Québec ou l'Ontario. J'aimerais aussi — sans doute que vous avez des statistiques — savoir quel est le pourcentage de francophones, parmi les immigrés qui viennent au Québec? Quel est le pourcentage de ceux qui choississent de s'intégrer à la francophonie ou le contraire, qui choisissent, par exemple, l'étude de la langue française ou l'étude de la langue anglaise? Je ne sais pas si vous avez des statistiques là-dessus.

Ce sont à peu près les deux points majeurs sur lesquels j'aimerais avoir des précisions.

Une autre observation, je ne sais pas si le ministre peut me donner des informations, je comprends que ça ne fait pas très longtemps qu'il est titulaire du ministère. Au début, il nous a annoncé des réformes dans le ministère de l'Immigration. Je remarque qu'on a dit que la majorité des immigrants choisissent surtout la région métropolitaine, Montréal.

M. BIENVENUE: A 90 p.c.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, étant donné que je suis député d'un comté de l'île de Montréal, j'en sais quelque chose. Je ne sais pas à quoi cela est dû. Pourquoi ces immigrants sont-ils venus au Canada, comme le disait le député de Dorchester? Quels renseignements leur a-t-on donnés sur leur chance de s'intégrer dans le Québec, de travailler, de trouver des emplois? A Montréal, dans la ville de Montréal — et tous les députés qui sont ici, les députés d'un comté de l'île de Montréal peuvent dire la même chose — je connais une foule d'immigrants qui sont ici depuis assez longtemps et qui cherchent des emplois. Et souvent en désespoir de cause, à Montréal, par exemple, vous avez un fort pourcentage, je ne sais pas combien, de gens qui ont choisi de faire du taxi, un pis-aller comme on dit, en attendant de s'orienter et trouver des emplois.

Parmi ceux-là, il y en a qui m'ont dit qu'ils

avaient immigré au Québec avec la certitude de trouver un emploi dans leur qualification, dans leur métier ou leur profession. Rendus à Québec, ils n'en ont pas trouvé. Ils ont été obligés de végéter comme ça et souvent de faire un travail qui ne leur convient pas du tout. Je suis d'accord lorsque vous dites: Je connais un immigrant à Montréal qui fait du taxi, c'est un ingénieur professionnel en construction, je crois, et il ne peut pas pratiquer sa profession ici dans le moment. Il ne peut même pas se trouver un emploi qui correspondrait à ses capacités ou ses études.

Je ne sais pas s'il y a un manque de planification dans le ministère de l'Immigration, lorsque les immigrants viennent au Québec. Il faudrait au moins être certain, être capable de les intégrer, de les lancer sur le marché du travail et de ne pas en faire des chômeurs. Ce sont des explications d'ordre général que j'aurais aimé avoir dès le début, avant de passer article par article.

M. BIENVENUE: Si on me permet, je vais essayer de répondre, pas nécessairement dans l'ordre des questions du député de Sainte-Marie mais au meilleur de ma connaissance, à l'ensemble des questions qu'il a posées, quitte à ce qu'il ne se gêne pas pour me dire si j'en passe ou si j'en évite ou si j'en contourne.

Ces nouveaux postes que nous avions ouverts à l'étranger sont tout nouveaux. Cela ne remonte, dans le cas de Rome, qu'à trois semaines, et dans le cas des deux autres pays dont j'ai parlé, à environ cinq ou six mois. J'ai dit que c'était une excellente chose parce que, précisément, c'était notre première présence, celle du Québec, auprès des endroits mêmes d'où partent les immigrants qui viennent ici et auprès des endroits mêmes où sont émis les visas. Je reviendrai sur la question de l'autorité qui décide et quels sont les visas.

Je dis ça parce qu'il faut se rappeler qu'il n'y a pas que de Paris, où nous avions déjà un poste, que nous viennent les immigrants de l'Europe de l'Ouest. Il y a évidemment ces pays auxquels je viens de faire allusion. Je parlais tout à l'heure de démotropolisation, c'est une des choses qui me préoccupent le plus. C'est un des messages ou des mandats que nous essayons de passer le plus rapidement possible avec le plus de vigueur à ces gens qui sont nouveaux en poste. Tout étant nouveau, il y a du rattrapage à faire, je l'ai dit. Et ce, pourquoi? Le député de Sainte-Marie a touché, comme moi, au coeur du problème lorsqu'il dit que pour des raisons X, les immigrants semblent s'obstiner à toujours aller habiter et vivre dans la région métropolitaine.

Il faut se rappeler que, d'abord, il y a une partie d'immigrants dont le contrôle nous échappe et c'est bien important. Ce sont ceux qui sont ce qu'on appelle les immigrants parrainés. Ceux-là viennent en vertu du processus que j'ai expliqué. Leurs parents, leurs proches qui sont, comme on l'a dit — c'est toujours le cercle vicieux — à Montréal et dans la périphérie immédiate, les font venir. C'est évidemment là, comme on le souligne avec raison, pour des raisons purement humanitaires. Elles sont l'objet d'ententes internationales, pour la réunion des familles.

On considère dans tous les pays du monde que la famille demeure la première cellule de la société, alors, ce qui vaut ici vaut évidemment ailleurs.

Sur ceux-là, ou n'a pas de contrôle et c'est un pourcentage qui est de près de 50 p.c. de l'immigration qui vient au Québec.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce ne sont pas ceux-là que vous appelez les immigrants investisseurs.

M. BIENVENUE: Non, pas du tout. Ils viennent nus comme des vers ou avec quelque chose, mais ils viennent parce qu'ils sont parents ou proches. Ceux-là sont à peu près 50 p.c. du total, et comme 90 p.c. de ceux qui les font venir sont dans le Montréal métropolitain, vous comprenez tout de suite qu'il y en a 50 p.c. qui vont venir trouver leurs proches, non pas pour s'en éloigner à l'arrivée mais pour vivre avec eux dans le Montréal métropolitain.

C'est pour ça que nous voulons tellement lutter, pour démétropoliser. Quant aux autres, il faut se rappeler que quitter son pays d'origine pour se rendre à l'étranger, c'est déjà se rendre beaucoup vers l'inconnu, donc, vers une certaine insécurité au départ, et on espère ne pas être un poids, ne pas être à la charge du nouveau pays d'adoption. On L'espère pour soi-même, on veut aller là pour gagner et le plus tôt possible. Or, il y a déjà ce saut de 3,000 milles dans un pays nouveau qu'on connaît peu ou mal ou pas beaucoup. Il y a déjà ce saut et cette inquiétude une fois rendu dans ce qui apparaît clairement, du haut des airs, par bateau ou autrement, comme la grande agglomération, le grand centre où on voit un tas de cheminées, de voitures taxis, un tas de magasins, de boutiques, d'entreprises. C'est une réaction bien humaine qui n'est pas propre au Québec, puisque c'est partout la même chose, et ce n'est pas propre non plus aux immigrants. Vous connaissez tous, hélas! cet exode de nos campagnes vers les grands centres. Alors, on se dit: Rendu là, avant de m'aventurer — et rappelons-nous que c'est immense pour eux le Québec, quand on sait que c'est quatre fois ou plus la grandeur de la France — avant de m'aventurer dans cet immense pays qu'est le Québec, pays de montagnes, de champs, de lacs, de forêts et de tout ce qu'on voudra, essayons dans l'immédiat, ici même à Montréal, de nous faire une petite sécurité, de commencer tout de suite en trouvant un emploi.

S'ajoute aussi à ça l'aspect humain qui est psychologique. Le nouvel arrivé sait — et ça ne lui prends pas de temps à se rendre compte —

que, dans tel quartier, telle rue, tel coin ou district de la ville de Montréal, il va retrouver des gens de son pays qui comprennent sa langue et il sent la chaleur de l'accueil. Il est un peu perdu, il se dit: En restant ici, au moins, j'en ai d'autres qui vont peut-être me comprendre et qui vont peut-être m'embaucher ou me donner des indications.

C'est un phénomène où il y a beaucoup de psychologie humaine, ce qui est normal, et c'est contre ça qu'il faut lutter. On peut facilement imaginer un Québécois qui s'en irait en France. Peut-être va-t-il sentir le besoin, face à l'inconnu, de s'agripper à la ville de Paris, où il sent qu'il y a de l'activité, où il sent que l'argent circule, où il peut voir beaucoup de gens avant de plonger vers un endroit quelconque en province en France. C'est un phénomène.

Nous cherchons, par les moyens que j'ai indiqués, à combattre ça. J'irai plus loin et je dirai que n'eussent été des coupures dans notre budget, coupures qui me font mal évidemment autant qu'aux membres de cette commission, sinon plus, parce que nous en sommes l'objet, un des projets que nous caressions était d'établir dans le Québec — et c'est une mesure concrète, positive, pratique, immédiate — d'établir dans trois ou quatre coins du Québec des locaux, des centres où des gens de l'immigration auraient pu assurer la coordination, le contact, l'accueil d'immigrants en province.

Hélas! c'est un projet remis face aux coupures du budget, mais c'est un projet que nous n'abandonnons pas. Quant à certaines autres questions fort opportunes et fort logiques, fort normales du député de Sainte-Marie, je réponds tout de suite que l'autorité qui choisit les immigrants et par conséquent émet les visas, elle vient de la constitution, ce n'est pas moi, c'est le fédéral.

Seulement, je m'empresse de me repérer à notre absence du champ depuis 100 ans, parce que je suis de ceux qui croient encore que nous n'avons peut-être pas tiré du pacte confédératif tout le jus que nous aurions pu en tirer. Je suis de ceux qui croient que nous n'avons pas tout exploré et exploité sans dire qu'il est...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous permettez une parenthèse?

M. BIENVENUE: Oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que vous voulez dire que lorsqu'il s'agit du choix des immigrants, vous n'avez aucun pouvoir de décision que le ministère du Québec n'a aucun pouvoir de décision?

M. BIENVENUE: Non, j'allais ajouter ce qui suit. Grâce à cette entente unique, je dis bien unique, nous sommes la seule des dix provinces à profiter d'une telle entente. Elle a été conçue d'ailiers par, pour et avec nous, entre Ottawa et nous, nous avons des hommes en place — Paris ne s'est pas faite en un jour — pas dans toutes les ambassades du monde, mais dans les coins où nous croyons que les meilleurs bassins traditionnels pour nous étaient disponibles. Nous ne choississons pas, nous n'avons pas le pouvoir de décision, mais nos fonctionnaires en place se font référer par le fédéral tous les candidats qui manifestent le désir de venir au Québec.

M. DEMERS: Le ministre a déclaré qu'il refuserait l'entrée aux immigrants indésirables. Il dit que, d'un côté, il n'a pas le choix — la décision se prend là-bas — et après cela, après l'entente, il peut... Est-ce que c'est à ce niveau qu'on fait l'inventaire du sujet pour savoir s'il est indésirable ou pas? Quand est-ce que le ministre peut se prononcer?

M. BIENVENUE: Premièrement, la question du député de Saint-Maurice est opportune, sauf que je ne sais pas si on a bien ou mal rapporté mes paroles. Je n'ai jamais dit que je refuserais l'entrée de l'immigrant indésirable, parce que je n'en ai pas l'autorité, je n'en ai pas le droit.

M. DEMERS: Vous pouvez filtrer les éléments indésirables...

M. BIENVENUE: C'est cela.

M. DEMERS: ... à Montmagny, et M. Bienvenue refusera l'entrée aux immigrants jugés indésirables.

M. BIENVENUE: Est-ce qu'on met M. Bienvenue entre guillemets ou si on dit que M. Bienvenue refuserait?

M. DEMERS: M. Bienvenue, "n u e".

M. BIENVENUE: Non, est-ce qu'on le met entre guillemets? Est-ce qu'on me cite au texte ou si c'est un journaliste qui m'a interprété?

M. DEMERS: Ce n'est pas entre guillemets.

M. BIENVENUE: Merci.

M. DEMERS: Mais dans l'autre sens.

M. BIENVENUE: Je ne l'ai jamais dit parce que j'étais conscient, comme tous les membres de cette commission, et je viens de le dire en noir sur blanc, que nous n'avons pas l'autorité ou de refuser ou de décider, n'est-ce-pas?

M. DEMERS: Mais le ministre était tout fraîchement nommé.

M. BIENVENUE: Oui, tout fraîchement nommé.

M. DEMERS: Et peut-être de la coupe aux lèvres, il vient de...

M. BIENVENUE: Non. Il n'y avait pas de coupe ce soir-là. Ce que le ministre a dit et répète aujourd'hui et a répété depuis d'ailleurs, c'étais sous forme, évidemment, de voeux, de désirs. Quand on parle de désirs ou d'indésirables, j'étais moi-même au chapitre des désirs. J'ai dit que c'était le désir...

M. DEMERS: C'est ce qu'il y a de meilleur. M. BIENVENUE: C'est cela.

M. DEMERS: C'est le seul péché que nous commettions.

M. BIENVENUE: Très bien. J'ai dit que c'était le désir du Québec, son souhait profond, son désir ardent, d'avoir, d'obtenir des éléments désirables et évidemment pas des éléments indésirables. C'était presque un lieu commun. Lorsqu'on m'a demandé ce que j'appelais indésirable, les exemples étaient faciles. Je ne voulais pas que nous accueillions chez nous de meurtriers, d'assassins, de méchants, tout ce que l'on voudra, et je souhaitais des gens qui soient un actif pour le Québec.

Alors, reprenant la question fort bien posée par le député de Sainte-Marie, je disais que, à la base, l'autorité décidante était le fédéral seulement. Grâce à la présence de nos gens, le fédéral nous réfère les candidats afin que nous voyons ceux qui ont manifesté le désir de venir au Québec. Mais de plus — et cela est à retenir, c'est important — le Québec, en vertu de la même entente, a le droit de rechercher des sujets, de trouver des prospects, de les interviewer, de les orienter, de les amener à songer à venir au Québec pour ensuite — et là, veux, veux pas, tant que les choses sont ce qu'elles sont, elles demeurent ce qu'elles sont — les faire passer par l'autorité fédérale.

Je veux tout de même dire que ce n'est pas seulement une question de nous faire référer les gens mais nos gens ont le droit — l'entente le dit en noir sur blanc — de prendre des initiatives, de faire de la prospection.

Seulement, c'est comme en toute matière, il y a progrès tous les jours, et j'ai dit, et je me suis fait dire par les autorités fédérales des pays visités, par nos officiers d'orientation du Québec, que, comme en toute matière, il y avait une question de bon jugement, de bonne foi, d'intelligence et de saines relations humaines. Il y a différentes façons d'appliquer une entente; il y a une façon à la lettre, qui peut être bornée et limitée, et il y a également possibilité de se diriger vers l'esprit d'une entente.

De la façon que les individus eux-mêmes l'appliquent et collaborent au lieu de se repousser, peuvent dépendre des succès assez surprenants. J'ai dit qu'il y avait eu une période de relâche, j'ai vu sur place le résultat que donne une intelligente collaboration entre deux paliers de gouvernement et nous avons vu de ces gens qui allaient peut-être être admis, qui allaient peut-être faire l'objet d'une décision favorable de venue au Québec et chez qui, à la suite de conversations, de rencontres, il se produisait un phénomène d'intelligente relation tel qu'à un moment donné des décisions ont été changées.

Ce sont des choses qui se font. Nous en sommes au début, je l'ai dit, quant au ministère de l'Immigration du Québec et quant à la mise en application de cette entente. Mais je suis convaincu — et j'en ai eu la preuve à peu près certaine — que si un fonctionnaire, qu'il soit du Québec ou du Canada, en vient à convaincre l'autre que, pour telle et telle raison, ce n'est pas un sujet désirable pour le Québec, il ne viendra pas. J'ai dit tout à l'heure que ce qui était bon pour le Québec était bon pour le pays, mais ce qui pourrait être mauvais pour le Québec pourrait être mauvais pour le pays également.

C'est pour ça que je dis qu'il y a deux façons extrêmes d'appliquer cette entente; il y a la façon à courte vue, avec oeillères, la façon, j'allais presque dire stupidement à la lettre, et il y a l'autre qui est une formule mitigée, où la bonne compréhension a sa place.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me permettez, remarquez bien que je discute en toute objectivité. Ce n'est pas vous qui avez fondé le ministère.

M. BIENVENUE : Non.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous êtes obligé de vous arranger avec, d'essayer de le parfaire; c'est normal. Mais, en d'autres termes, lorsque le ministère de l'Immigration fédéral fait le choix d'un immigrant qui s'en vient au Canada, si cet immigrant choisit le Québec, est-ce que le ministère de l'Immigration du Québec est consulté?

M. BIENVENUE: Oui, l'entente dit que, dans tous les cas — et l'entente ne dit pas peut-être ou on recommande que — l'entente est formelle: dans tous les cas où un candidat immigrant dit à l'autorité fédérale que son intention est de s'établir au Québec, le fonctionnaire fédéral est obligé, je le répète, est obligé de lui suggérer de voir le représentant du Québec.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et si vous le refusez?

M. BIENVENUE: Non, on ne refusera pas de voir ce gars-là.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, mais si vous le refusez...

M. BIENVENUE: Juste avant d'arriver à ça, il faut cependant se rappeler que l'immigrant n'est pas obligé de venir voir le représentant du Québec. Le gars du fédéral ne le suivra pas avec

une carabine 303 sur la nuque jusqu'à notre bureau... Ce ne sera pas long, mon cher sous-ministre, laissez-moi finir.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le sous-ministre a des précisions à donner, il peut le faire. On l'a fait aux autres commissions, les sous-ministres pouvaient répondre au nom du ministre.

M. BIENVENUE: Oui, c'est parce que je voulais finir ma phrase. Il n'y a pas obligation, pour l'immigrant, de venir nous voir, n'est-ce pas? Il n'y a pas obligation, mais évidemment, il y a un phénomène qui survient, qui est, là aussi, purement humain. L'immigrant est un personnage — surtout quand il part de son pays pour aller dans un pays nouveau — un peu timoré, c'est normal, face à différentes formes de contrôle de l'Etat.

L'immigrant qui se dit qu'il doit voir une autorité additionnelle, un fonctionnaire additionnel de l'Etat, qui est le fonctionnaire du Québec, est dans certains cas, un peu hésitant. C'est humain. Le même phénomène se produirait pour des gens de chez nous qui iraient en Europe. Il se dit: Je ne suis pas obligé de le voir, si ça n'est pas la loi qui m'y force. Et dans bien des cas, l'immigrant ne le fait pas.

Mais je puis affirmer et c'est scrupuleusement observé, et nos gens du Québec nous ont dit que le fédéral s'acquitte de sa tâche qui est de suggérer fortement au candidat immigrant de voir le fonctionnaire du Québec. Nos propres fonctionnaires nous assurent que cela est respecté et davantage, non seulement on réfère le candidat immigrant mais on remet à notre fonctionnaire le dossier de demande de visa qui l'accompagne afin que le fonctionnaire du Québec sache ce qui en est de cet immigrant, de son, si on me permet l'expression qui dit tout, "background", de ses capacités, etc. Le dossier accompagne l'immigrant et, s'il y a eu des cas de non-rencontre, c'est l'immigrant lui-même, pour des raisons qui le concernent, qui s'est abstenu de participer à la rencontre ou à l'interview. Je puis affirmer, et je le tiens de nos propres fonctionnaires, que le fédéral se décharge de ses responsabilités face à l'entente. Et la grande majorité des immigrants voient nos fonctionnaires.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Après ce processus de procédure...

M. BIENVENUE: La dernière question était...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... est-ce que, effectivement, vous avez...

M. BIENVENUE: ... est-ce que nous, nous pouvons le refuser?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... le droit de veto et de dire : On le refuse?

M. BIENVENUE: Non. Ce n'est pas encore cela, peut-être...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Avez-vous l'intention un jour de voir si...

M. BIENVENUE: J'ai dit tout à l'heure que j'essaierais, lors de mes rencontres, plus qu'une, avec les gens du fédéral, d'obtenir sans clameur et sans coup de foudre, sans verser de sang...

M. DEMERS: Sans menace de démission.

M. BIENVENUE: C'est le député qui parle, ce n'est pas moi. J'essaierai d'améliorer les choses.

M. DEMERS: Vous voulez dire que cela pourrait même aller jusqu'à...

M. BIENVENUE: Non, je ne suis pas "dé-missionneux" par nature. Ce qui n'est pas essentiel...

M. DEMERS: Démissionner, cela passe, mais c'est de ne pas partir qui est grave.

M. BIENVENUE: D'ailleurs mon gérant de banque ne me le permettrait pas. Revenons aux choses sérieuses.

M. DEMERS: Ce n'est pas sérieux de... vous n'étiez pas ici le matin de...

M. BIENVENUE: Ce que j'allais dire, c'est qu'il faut se rappeler que le fédéral lui-même ne désire pas obtenir, quelle que soit la province, de mauvais citoyens ou de mauvais sujets. Je dois dire en toute objectivité que le fédéral lui-même fait passer un test, pose des exigences vis-à-vis de l'entrée d'un immigrant, il y a un système de pointage qui est à eux et, habituellement ce système nous convient. Je ne suis pas en train de prétendre que ce système nous convient parfaitement, c'est de la négociation et deux parties, ce sont deux parties. Mais il a quand même sur nous 200 ans d'expérience et ce système de pointage, ce test que doit subir l'immigrant est déjà très satisfaisant. Je répète que ce qui est mauvais pour nous peut être mauvais pour le pays et, à l'inverse, le candidat que dans la grande majorité des cas le fédéral refuse, nous l'aurions refusé en vertu des mêmes barèmes, des mêmes aspects, des mêmes points de vue, alors il n'y a pas là une cause de grande friction. Je ne suis pas en train de prétendre qu'il y a 1,000 cas parfaits sur 1,000, l'exception confirme toujours la règle mais, dans les grandes lignes, même s'il y a place pour certaines améliorations, le travail commun de nos gens là-bas et de ceux du fédéral est plus que satisfaisant.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous avais demandé quel était le pourcentage de francophones parmi les immigrants qui viennent

au Québec. Quel est le pourcentage de ceux qui choisissent de s'intégrer à la francophonie, qui choisissent la langue française?

M. BIENVENUE: Je dirais environ 25 p.c. à 30 p.c. de ceux qui s'établissent au Québec sont francophones.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous me corrigerez si je fais erreur, vous n'avez pas déjà déclaré publiquement que vous vouliez favoriser l'immigration francophone au Québec?

M. BIENVENUE: Oui, et je l'ai déclaré ce matin.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qu'est-ce que vous pouvez faire si vous n'avez aucun pouvoir de décision sur le choix des immigrés?

M. BIENVENUE: Le député de Sainte-Marie a raison de dire que je l'ai déjà déclaré publiquement et je croyais avoir dit assez clairement ce matin même que je voulais la favoriser, j'en ai fait même une question de survie. C'est pour cela que nous avons établi des postes dans ce qui nous parait être des bassins naturels.

Je donne tout de suite un exemple. Le Liban d'où nous vient une excellente catégorie d'immigrants, tant sur le plan de l'investissement que de l'esprit de travail, etc. — le Liban, comme on le sait, sa langue seconde, presque première, dans une foule de cas est le français — c'est un excellent bassin pour nous. A Paris, nos gens travaillent — et Paris est un bel exemple de la collaboration entre le fédéral et nous — je l'ai vu sur place, réellement de pair avec les officiers de l'Immigration fédéral à trouver de bons éléments d'immigration pour nous, évidemment, francophones; mais, un effort accru est fait en France. C'est d'ailleurs pour cela qu'en France, pour le seul poste français, nous avons quatre officiers d'immigration du Québec alors qu'en Grèce, en Italie et au Liban, nous n'en avons qu'un. Alors, à Paris, notre bureau a une importance assez spéciale, une importance accrue. Et je puis dire que le personnel fédéral à Paris comporte — et c'est normal — plusieurs officiers francophones: notre ambassadeur, M. Cadieux, est évidemment francophone et les autorités fédérales à Paris en particulier. Je pourrais aussi parler d'Athènes, du Liban où est M. Gignac, notre ambassadeur du Canada, et de Rome où il y a M. Rogers qui est un anglophone qui est un grand diplomate de carrière et un des anglophones canadiens chez qui j'ai rencontré le plus de largeur de vues, d'intelligente largeur de vues du côté de l'immigration au Québec. Je me plais à le souligner.

Alors, à Paris, il y a une collaboration intense du fédéral. C'est du moins ce que me disent — et je l'ai vu un peu sur place pendant quelques jours — nos quatre fonctionnaires. Tout ça étant une parmi plusieurs mesures ou plusieurs efforts pour augmenter le rendement du pourcentage d'immigration francophone au Québec dont j'ai dit — et je répète — face au problème de la natalité, qu'il était intimement lié à notre survie sur le plan de la langue au Québec. Et je suis un des tenants, avec mes collaborateurs, de tous les efforts possibles; l'imagination pourra même aider, pour améliorer ce pourcentage.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je ne mets aucunement en doute vos bonnes intentions. Lorsqu'on étudie les crédits de tous les ministères, non seulement ceux du ministère de l'Immigration, ce qui est assez surprenant et décevant en même temps, c'est qu'on s'aperçoit souvent que ce sont des ministères qui n'ont pas tellement de pouvoirs. Comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas vous qui l'avez institué et on s'aperçoit que, dans le ministère de l'Immigration, vous n'avez pas tellement de pouvoirs de décision sur le choix des immigrants et tout ça. En somme, vous pouvez faire des recommandations, vous pouvez inciter Ottawa à faire passer les immigrants par les gens du Québec, c'est-à-dire les fonctionnaires, mais tout de même, ce ne sont pas des pouvoirs qui existent dans votre ministère. C'est assez décevant de voir que, surtout un ministère comme le ministère de l'Immigration, qui est très important pour le Québec — et c'est ce qui fait qu'à Montréal on est en train de s'angliciser — le pourcentage des francophones diminue constamment. C'est parce que nous avons été à peu près noyés d'immigrants qui n'étaient pas des francophones et en vertu de ce que leur donne — on ne reviendra pas là-dessus — le bill 63, ils ont le choix même d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Alors, j'espère que le ministre va commencer, un moment donné, à faire comme d'autres ministres, à montrer le poing au fédéral et à revendiquer les pouvoirs s'il veut réellement réaliser tout ce qu'il pourrait réaliser.

M. BIENVENUE: C'est-à-dire que ma méthode n'est pas celle du poing.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Sans frapper avec, nécessairement.

M. BIENVENUE: J'aime toujours ne recourir au poing qu'en dernier lieu.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas dit frapper, j'ai dit montrer.

M. BIENVENUE: Sans aller avec le sourire non plus, je pense qu'il y a un juste milieu entre le poing et le sourire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est une expression.

M. BIENVENUE: Oui, oui, j'ai compris. C'est pour ça que j'ai dit avec tellement

d'insistance combien nous comptions sur ce que j'ai appelé la démétropolisation. Parce que nous concevons facilement que l'immigrant qui vient à Rimouski, dans Dorchester, à Matane, à Chicoutimi ou dans le comté de Saint-Maurice a plus de chance, malgré lui, que ça lui plaise ou lui déplaise, d'être obligé de parler de langue du coin s'il veut se faire comprendre et faire une piastre, n'est-ce pas?

Je comprends le député de Sainte-Marie. C'est pour cela que j'ai dit aussi que, sans blâmer le passé, sans jeter de condamnation à droite et à gauche, il eût été tellement plus profitable que, comme l'Ontario, nous nous soyions penchés depuis des décennies et des décennies sur ce problème assez crucial — nous le voyons maintenant — de l'immigration. Je ne veux pas dire par là que si nous avions eu des mécanismes d'immigration, il y a 50 ans ou 100 ans, nous aurions pour tout cela, changé dans le texte, la constitution. Dans les faits, je vois tellement de progrès depuis quelques mois seulement et je pense que nous aurions pu faire beaucoup plus dans le sens que le souhaite le député de Sainte-Marie, nous implanter à l'étranger. Nous savons que l'Ontario est à Londres depuis 101 ans...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il faut dire que l'Ontario n'a pas nos problèmes. Les immigrants qui arrivent en Ontario apprennent l'anglais.

M. BIENVENUE: Oui. D'ailleurs, j'ai dit à l'étranger que je trouvais normal qu'un immigrant — je l'ai dit, je répète l'expression, noir sur blanc — qui va en Italie apprenne l'italien, en Grèce, le grec, à Toronto , l'anglais. Et que je trouvais également normal et plus que normal que l'immigrant qui vient au Québec — et je le dis clairement devant tout le monde, je l'ai dit à plusieurs reprises — apprenne et parle la langue de la majorité, le français. Je voulais seulement dire que si nous avions pu prendre l'avance sur plusieurs décennies, nos positions, sans toucher à la constitution elle-même, auraient pu être sensiblement meilleures après tant d'années, dans l'importance que nous prenons à l'étranger vis-à-vis des candidats, le recrutement d'immigrants francophones. Enfin, vaut mieux tard que jamais. Je puis assurer le député de Sainte-Marie que nos efforts portent d'abord et avant tout sur cette question. Ils sont exorbitants des cadres mêmes du tout petit ministère de l'Immigration mais touchent profondément à la survie de notre langue et de la francophonie au Québec.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est un petit ministère de $1,500,000 à peine, mais il est très important pour l'avenir de la francophonie au Québec. Est-ce que vous avez des statistiques pour savoir quels sont les immigrants qui choisissent la langue française ou la langue anglaise une fois au Québec?

M. BIENVENUE: Nous n'avons rien de précis pour le moment.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce qu'il y aurait moyen, plus tard, d'avoir ces précisions?

M. BIENVENUE: Si on me le permet et Dieu sait que je ne veux bousculer personne, je pense que le député de Saint-Maurice l'a entendu...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, non.

M. BIENVENUE: M. Lacroix, le député des Iles-de-la-Madeleine vient de me dire et je n'y pensais pas du tout, qu'il faut libérer cette salle immédiatement pour une affaire de Loto-Québec.

M. DEMERS: Une réception.

M. BIENVENUE: Comprenons-nous, je ne veux pas du tout bousculer l'adoption des articles.

M. LE PRESIDENT: Sans bousculer pour autant l'adoption des articles, à moins que le député de Sainte-Marie ait encore des questions?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A quelle heures ajournons-nous normalement?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des questions?

M. DEMERS: Non. Si nous regardons article par article, ce sont les mêmes montants, certains sont même diminués. Et le ministre nous en a dit la raison.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Dorchester, avez-vous d'autres questions?

M. DEMERS: Si c'est pour être fait "à la job", nous ferons mieux de revenir après dfner.

M. GUAY: Je pense que nous sommes mieux de revenir.

M. BIENVENUE: A 4 heures.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce ne sera pas très long.

M. BIENVENUE: Certainement. Je l'ai indiqué. Ce pourrait être très court.

M. CROISETIERE: Après la période des questions.

M. LE PRESIDENT: Alors, la commission suspend ses travaux sous toutes réserves, quand même, des directives qui seront données à la Chambre, à savoir si nous siégerons ou non à 4 heures. La commission suspend ses travaux jusqu'à 4 heures, après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 heures)

Remise de la séance à 16 h 3

M. PHANEUF (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Lorsque nous avons suspendu nos travaux à midi, la parole était au député de Sainte-Marie et je lui remets la parole.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, seulement une observation d'ordre général. Seulement une question et j'aurai terminé. Ce ne sera pas long. Peut-être, M. le ministre, n'avez-vous pas les statistiques en main — vous pourriez probablement nous les faire parvenir — on parle des immigrants mais il y a aussi les émigrants, ceux qui sortent... Je ne sais pas si le ministère a des statistiques sur le nombre d'émigrants, de personnes qui quittent le Québec, qui s'en vont à l'extérieur.

M. BIENVENUE: C'est une bonne question.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Quelle est leur langue maternelle, leur appartenance ethnique, et dans quel pays s'en vont-ils? Est-ce que nous pourrions le savoir?

M. BIENVENUE: C'est une excellent question. Et je réponds tout de suite, sans l'ombre d'une hésitation au député de Sainte-Marie, que c'est justement l'une de nos préoccupations et l'objet d'une de nos plus vives inquiétudes. C'est pour cela que j'ai cru avoir dit — peut-être n'ai-je pas été assez explicite ce matin? — j'ai voulu dire ce matin à quel point nous étions intéressés à l'aspect démographique et je vais même répéter ce que j'ai dit ce matin à ce sujet-là. En parlant des mouvements migratoires, j'ai dit et je cite: "Il s'agit ici de soulever l'importance pour le Québec de mettre sur pied un mécanisme de contrôle des mouvements migratoires ou des allées et venues des immigrants d'une province à l'autre et d'un pays à l'autre. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un contrôle excessif mais il y aurait lieu cependant de souligner que le ministère effectue actuellement des recherches en vue de proposer ce mécanisme qui nous permettra de mieux connaître ces mouvements de la population. Le contrôle est d'autant plus nécessaire qu'il est onéreux pour une province de former un immigrant pendant les premiers mois pour le perdre ensuite dans d'autres pays." Alors, pour me résumer, ce contrôle nous échappe, à toutes fins pratiques. Jusqu'à ce jour, nous n'avons pas de contrôle sur les sorties, sur ce que le député a appelé l'émigration, nous n'avons pas de contrôle précis. D'ailleurs, non pas seulement au Québec mais nulle part au Canada un tel contrôle exist e-t-il.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Même pas un contrôle général?

M. BIENVENUE: Non plus. C'est pour cela que j'ai dit à quel point j'avais été impressionné par les efforts qui se font en France, notamment, et dans d'autres pays d'Europe, mais plus particulièrement en France, où je disais que sous un même chapeau, l'on avait réuni — et c'est M. Fontanet, je le répète, qui est titulaire — le travail, l'immigration, la main-d'oeuvre, une partie des affaires sociales et surtout, je le répète, la démographie.

Alors, ce contrôle nous échappe et nous espérons mettre en branle, les bonnes volontés aidant et — Dieu merci! — les crédits futurs, je l'espère, aidant, un service de contrôle. Et on pourrait, pour ceux qui ont de la saine imagination et pour ceux qui aiment les longs titres, penser, non seulement en couleur, à un ministère ou à un service qui s'appellerait celui de la main-d'oeuvre, de l'immigration et de la population ou même, le mot population pourrait couvrir tout ça.

M. DEMERS: Des contrôles, M. le Président, je pense que le gouvernement en a eu quelques-uns lors des voyages à Cuba, organisés au mois d'octobre l'an passé. On a, du moins, certainement su où étaient allés ces gens.

M. BIENVENUE: On sait au moins où sont ceux-là, mais c'est un contrôle partiel.

M. MARCHAND: Là, on se demande s'ils ne sont pas rendus en Algérie.

M. BIENVENUE: Ou si on aime mieux, laissant toujours courir l'imagination, ce même ministère ou service pourrait s'appeler celui des ressources humaines. Tout ça revient toujours à l'idée de contrôle de la population qui nous quitte.

M. DEMERS: J'aurais une question à poser au ministre. On a fait état dans les journaux, particulièrement à une date récente, au mois de mai, dans le Soleil, que les dépliants du ministère donnaient une image paradisiaque du Québec.

M. BIENVENUE: Une image de quel genre?

M. DEMERS: Paradisiaque, de paradis terrestre? Je n'ai pas besoin d'expliquer ces mots au ministre parce qu'il m'en a sorti un ce matin de sa fabrication qui était assez nouveau lui aussi. Je voudrais savoir si c'est réellement fondé que certains fonctionnaires ont mis à jour des dépliants, qu'ils ont vulgarisé ces dépliants, faisant croire aux futurs immigrants que chez nous, ici, c'était la terre promise. Ainsi, on avait comme moyen publicitaire: "Le Québec offre quantité de débouchés à une main-d'oeuvre qualifiée ainsi qu'à tous les travailleurs spécialisés des professions diverses". C'était dans la revue Le Travail. Je comprends que ce n'est pas

contrôlé par le ministère, mais il faudrait peut-être qu'il jette un oeil là-dessus parce que je crois que c'est assez difficile. Lorsque l'immigrant est rendu chez nous et qu'il déchante un peu, le ministre sera obligé d'en bercer quelques-uns parce qu'on a comme annonce, par exemple bref: "Demain matin, le Québec t'attend"; quand on sait qu'il y a des Québécois qui attendent quelque chose au Québec aussi. Si c'est exact que la publicité est ainsi agencée, on y met franchement le paquet.

J'aimerais que ce soit un peu plus conforme à la réalité, afin que les gens qui viennent chez nous ne déchantent pas.

M. BIENVENUE: Je dis au député de Saint-Maurice que, sous réserve de ce que j'ai dit ce matin, je n'aurai jamais trop insisté quand j'ai dit que nous sommes favorables à l'immigration, mais jamais au point de priver les nôtres d'emplois. Sous réserve de cette affirmation, il est évident que l'immigration est et demeure un processus difficile, une opération délicate. Evidemment, ceux dont on entend le plus parler sont en général ceux qui ont le plus de difficulté à s'adapter.

Pour ce qui est de la question même du député, il reste vrai que nous aurons, dans un avenir que l'on ne prévoit pas très prochain, toujours besoin de main-d'oeuvre qualifiée au Québec dans certains domaines. L'auteur de l'article auquel fait allusion le député nous honore de sa visite â l'étude de nos crédits, Mme Paule-France Dufaux, je pense.

M. DEMERS: J'avais pensé que ce pouvait être elle, c'est pour cela que j'ai voulu mettre en valeur l'article.

M. BIENVENUE: Nous avons fait de notre mieux pour lui donner une réponse; je lui ai écrit il y a quelques jours pour lui donner une réponse que je souhaitais et que je souhaite encore satisfaisante. Je n'ai pas avec moi cette lettre, ma réponse à cet article-là. Si le député considère que cela vaut la peine, je pourrai envoyer quelqu'un à mon bureau — c'est tout près — chercher cette lettre et en communiquer la teneur au député de Saint-Maurice, en lui donnant les explications qu'il jugera appropriées. Je le ferai avec plaisir.

C'est une réponse de trois ou quatre pages, parce qu'il y a certains points assez précis soulevés dans la lettre de Mme Dufaux et nous avons tenté de lui donner les explications les plus satisfaisantes possible. Evidemment, je dois dire, sans lire tout le texte de la lettre que je ne sais pas par coeur, que ces dépliants s'adressent, on le sait, à une certaine catégorie d'immigrants et en particulier à ceux qui nous sont référés par, comme je l'ai expliqué dans le processus, les autorités fédérales en vertu de l'entente Lang-Cloutier. Et à ceux évidemment qu'on désire avoir, parce que j'ai dit que nous avions droit de faire du recrutement. Ces dépliants-là, nous ne les livrons pas "at large" en France ou ailleurs; ils ne seront pas sur les tablettes des bureaux de poste ou des gares.

Nos agents les ont en main et s'en servent auprès de ceux qu'ils ont recrutés eux-mêmes, ou de ceux — je pense à la main-d'oeuvre spécialisée — qui viennent les voir avec des fins bien précises, pour des emplois particuliers. Maintenant je serais le premier à ne pas me prendre au sérieux, si j'allais affirmer que ces dépliants sont parfaits. Je répète qu'au ministère de l'Immigration — et il y a la partie qui ne dépend pas de nous, qui vient du ministère du Travail — nous sommes jeunes, que ces dépliants-là ne sont pas parfaits, comme aucune publication gouvernementale d'ailleurs, qu'elle soit québécoise, fédérale ou autre, n'est parfaite, ni en France, ni ailleurs. Il y a place pour de l'amélioration et je prends en bonne part les remarques du député de Saint-Maurice.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lorsque des gens veulent immigrer ici, au Canada, le ministère a deux représentants, disiez-vous, à Beyrouth, Rome, Paris et Athènes.

M. BIENVENUE: Et à Beyrouth, c'est cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce qu'à ce moment-là, pour les immigrants francophones, on fait des représentations, c'est-à-dire qu'on leur explique qu'ils ont intérêt à immigrer au Québec, à s'intégrer à l'élément francophone, à cause de la langue, de la culture et tout cela? Est-ce qu'il se fait un travail en ce sens-là, de la part des représentants du ministère, pour les inciter à s'intégrer à la francophonie?

M. BIENVENUE: La réponse est oui. C'est un oui définitif et formel. Nos agents avaient déjà ce mandat, au moment où ils sont allés respectivement en France, en Italie, en Grèce et au Liban. C'était un de leurs premiers, sinon leur premier mandat. Ce mandat n'a pas été interrompu, il continue. Toutes nos communications avec eux ont pour effet, entre autres, de le leur rappeler. C'est avec beaucoup de fierté que je dis que je me suis fait un devoir moi-même, lors de ce voyage auquel j'ai fait allusion, de leur répéter de façon formelle, comme directive venant du titulaire du ministère, et non seulement je le leur ai dit à eux, mais je l'ai dit devant les représentants du fédéral, dans les ambassades, qu'ils soient anglophones ou francophones, je l'ai dit aux journalistes des pays visités, qui nous ont interviewés, et je l'ai dit en m'adressant de façon unilatérale aux seules autorités fédérales dans ces pays-là — je pense à Rome notamment où l'ambassadeur a eu l'amabilité de convier quelques 50 personnes de son personnel fédéral pour me poser des

questions — je l'ai dit de façon claire et non équivoque que le mandat que nous donnions à nos gens était d'attirer autant que faire se peut, et d'insister à cette fin, une immigration francophone — parce que ce n'est pas donné à tous de connaître le français — ou soucieuse de le devenir.

Il m'apparaissait aussi normal et logique qu'on encourage un immigrant allant dans l'Ontario ou en Colombie-Britannique à apprendre l'anglais. Alors, je peux répondre sans aucune hésitation à la question du député de Sainte-Marie. J'en ai fait, je l'ai dit, une question de survie nationale pour nous.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, je suis content que le député de Saint-Maurice ait repris en quelques mots ce qu'on leur dit. J'ai l'impression qu'on n'est pas tout à fait franc. Peut-être que c'est corrigé, mais dans le passé, on n'a pas été aussi franc qu'on aurait dû. Si on s'engage sur une voie, par exemple, dans le domaine de la voirie, où il y a des travaux, où c'est difficile, c'est marqué là: A vos risques. Peut-être qu'il y aurait lieu, à un moment donné, de leur faire savoir que, même s'ils s'en viennent vers le paradis terrestre, comme là soulevé le député de Saint-Maurice tantôt, il peut manquer des barreaux à l'échelle. Il y a cet aspect de franchise qui, je crois, doit régner entre les agents informateurs et l'immigrant. Si par exemple, on veut aller vers les Etats-Unis, il y a tellement de difficultés à prouver, actuellement, qu'on est mis en garde contre ça. On nous dit: Aux Etats-Unis, n'allez pas penser que c'est le paradis. Il faut survivre et il va falloir quand même que vous travailliez.

J'ai une autre observation et le ministre me répondra s'il a les informations: j'aimerais savoir la part, l'effort que les immigrants démontrent, premièrement pour s'intégrer, et ensuite pour s'établir. Est-ce qu'une fois rendus au Québec, au Canada ou même ailleurs, les immigrants se laissent faire? Est-ce que ce sont plutôt des gens qui disent: On va attendre, et l'Etat, le nouveau pays, va faire quelque chose pour nous? Ou est-ce que ce sont des gens qui essaient de se prendre en charge et qui mettent en pratique les conseils que leur donne le ministère de l'Immigration? Si, par exemple, des personnes arrivent au Québec et, tout simplement, attendent, attendent et attendent, à partir de là, elles seront constamment à la remorque de l'Etat. Si, par contre, ces gens-là arrivent ici bien intentionnés et se disent: S'il y a possibilité, s'il y a ouverture, s'il y a du recyclage à prendre, nous sommes prêts à prendre les cours de recyclage, on est prêt, à nous autosuggestionner si vous voulez.

Nous sommes conscients que, ici comme ailleurs, il faut travailler pour réussir et nous acceptons ça.

C'est peut-être dans la conception. Il ne faut pas oublier, au départ, que des personnes qui décident de changer de pays, si on regarde les implications, les dépenses que cela exige, cherchent réellement un monde meilleur, une vie plus facile.

Si elles arrivent ici et qu'elles ne trouvent pas la vie plus facile, elles sont peut-être déçues. Nous sommes peut-être un peuple attirant, comme je le disais ce matin, peut-être le sommes-nous moins depuis les dernières années mais en tout cas, il y aurait une longue discussion à faire à ce sujet.

Nous vivons actuellement des conflits dans les domaines public et parapublic. Est-ce que ça ne vient pas faire peur un peu à ces personnes qui ont réellement envie d'être quelqu'un, de faire quelque chose? Qu'elles viennent de la France, qu'elles arrivent au Québec... Des démonstrations bien pratiques qui ont été faites et je veux savoir si l'ensemble des gens qui viennent vivre au Québec, a réellement l'intention de se prendre en charge une fois rendus chez nous?

M. BIENVENUE: Je retiens une des dernières affirmations du député de Dorchester et je n'apprendrai rien de nouveau à cette commission. Je n'analyserai pas les causes, je ne ferai pas l'inventaire des motifs, je ne ferai pas d'analyse profonde. Je constate tout simplement que, si les choses tournent un peu moins rondement dans un pays donné, s'il y a des crises, qu'elles soient sociales, politiques, qu'il s'agisse de chômage, qu'il s'agisse d'insurrection, de tout ce qu'on voudra, ce n'est pas de nature à appeler davantage les immigrants.

Je n'invente rien, c'est une vérité de La Palice. Si on essayait actuellement de convaincre des Canadiens d'aller en Irlande du Nord, si on leur donnait le choix d'aller en Irlande du Nord ou au pays de Galles, je suis convaincu que nous aurions plus de facilité à les envoyer au pays de Galles. Alors, je fais une constatation, je n'analyse pas les causes. Il est évident, lorsqu'on traverse certaines périodes plus troublées, que le climat social est moins bon, et que ce n'est pas de nature à séduire et à attirer l'immigrant.

Encore une fois, je n'invente rien et je ne vais pas plus loin. Je constate, comme l'a fait le député de Dorchester. Pour ce qui est de sa première question d'ordre plus général, à savoir si les immigrants se prennent eux-mêmes en charge, je réponds sans hésiter qu'en général, je parle donc de la majorité, la réponse est oui.

L'immigrant, je l'ai dit ce matin, qui a le coeur de prendre la grande décision de tout laisser derrière lui, ses amis, son habitation, son domicile, ses parents, son environnement, le pays où il est né, ses coutumes, il a un but bien précis à l'esprit.

Il ne s'agit pas, comme c'est le cas en Europe, de faire quelques kilomètres pour traverser une frontière. Je parle, disons, de l'immigrant de l'Italie, du nord de l'Italie, qui

va en Suisse ou celui de la Suisse qui va en Allemagne. Comme dit le député de Saint-Maurice, parfois il va veiller et il revient. Je parle de celui qui a le coeur de prendre cette grande décision de traverser l'océan avec tous les coûts, tous les risques. Il ne vient pas ici par amour ou par apostolat. Il vient ici pour connaître des jours meilleurs, pour mieux vivre, pour faire de l'argent, c'est normal, et pour le bien-être de sa famille s'il l'emmène avec lui, s'il en a une.

C'est pour ça que j'ai parlé en général. Celui qui a le coeur de poser ce geste, nos statistiques, notre expérience nous révèlent... J'en prends à témoin M. Gauthier que j'ai déjà surnommé, en badinant mais il y a du sérieux, le père de l'immigration, un des pères de l'immigration chez nous, je ne le vieillis pas en disant cela, mais il est père comme expérience...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'avez pas dit père des immigrants.

M. BIENVENUE: Non, le père de l'immigration.

M. GUAY: Un second Champlain.

M. BIENVENUE: C'est ça, dont la barbe me rappelle celle du député de Dorchester. Les immigrants en général qui ont le coeur de faire ce geste, de s'arracher, ont le coeur de se trouver de l'emploi. Il y a évidemment dès exceptions. Il y a des cas malheureux. On en a tous parlé. Vous en avez rencontré, le député de Sainte-Marie en a rencontré de ces professionnels qui sont chauffeurs de taxi ou qui ont des emplois non proportionnés à leur préparation, à leur formation. Il y en a et il y en aura toujours. Mais on veut en diminuer le nombre. On veut diminuer le nombre des immigrants qui, après être venus ici, sont désillusionnés et songent à repartir. Et il y en a, je ne m'en cache pas, il y en a. Il y a certaines périodes où il y en a plus qu'à d'autres.

Mais je rassure le député en lui disant que le grand nombre ici s'arrache lui-même, se trouve un emploi. On a des services pour l'aider. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai parlé ce matin de ce service d'accueil et j'ai même parlé de service d'aide sociale. De concert avec le ministère des Affaires sociales, nous avons prévu des modalités, des subsides, des subventions pour les aider à survivre s'il y a problème au début et à trouver du logement et tous les services connexes qui s'y attachent.

Ce problème n'est évidemment pas nouveau, on l'a retrouvé en Europe, en interviewant les gens qui s'occupent là-bas d'immigration. C'est un problème universel. Nos efforts tendent à diminuer ce nombre minoritaire. Puisqu'on parlait de mandats à nos agents à l'étranger, là aussi, le mandat est bien clair et bien précis, dire la vérité aux gens.

Si cela n'a pas toujours été fait, c'est possible, je le déplore. Je ne suis pas ici pour faire l'apologie sine qua non du ministère de l'Immigration provincial ou fédéral mais nous insistons auprès de nos agents pour que la vérité soit dite là-bas. L'agent n'est pas heureux, lui d'envoyer ici, pour qu'il soit reçu par notre accueil local, un immigrant qui devient un problème pour le pays qui le reçoit et un problème pour lui-même. C'est de la mauvaise publicité pour cet immigrant qui devra repartir.

M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une dernière question à poser au ministre. Il doit rencontrer, d'après ce qu'il nous a dit ce matin, au cours du mois de juin, le ministre de la Main-d'Oeuvre, M. Mackasey, qui viendra lui rendre visite ici à Québec. Lors du colloque de la Ligne des droits de l'homme, vers le 28 avril, on a émis l'opinion que la loi canadienne de l'immigration aurait des tendances vers le racisme. Est-ce que le ministre a étudié cette loi? Est-ce que le ministre a jeté un oeil sur cette loi? On faisait peut-être une sélection arbitraire des gens et on soumettait certaines personnes qui étaient entrées ici avec un visa de touriste, à certaines pénalités. Comme la Ligue des droits de l'homme a soulevé la question, je me demande si cela ne serait pas bien que le ministre de l'Immigration du Québec puisse soumettre le problème à son homologue qui viendra le rencontrer au mois de juin.

M. BIENVENUE: Il est dommage que mon commissaire général n'ait pas parlé un peu plus fort, je n'aurais pas eu besoin de répondre. Je m'excuse. J'ai consulté un peu plus que d'habitude parce que j'avais manqué...

M. DEMERS: C'est un problème qui est assez...

M. BIENVENUE: Evidemment, nous connaissons le phénomène qui se produit et c'est le même dans l'univers. Là aussi, on m'en a parlé dans les pays que j'ai visités. Il y a de ces immigrants, de ces prospects qui font une tentative auprès du fédéral, dans le cas actuel, pour passer le test dont j'ai parlé, le système de pointage, en vue d'être admis comme immigrant permanent. Pour une raison ou pour une autre, chaque cas est un cas d'espèce, la demande subit un échec et il y a de ces gens-là, à ce moment qui font une tentative de contourner en venant avec un visa de touriste et qui se disent: Une fois rendu, ce sera plus facile d'y rester. Il n'y a pas à ce moment, de la part du Canada plus que d'autres pays, une politique, soit de racisme, soit une politique de vengeance ou de punition. Ces immigrants ont ici ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas dans tous les autres pays, nécessairement.

M. DEMERS: Mais un quart des gens, tel que le rapporte un journal, entreraient ici comme touristes sur les 122,000 immigrants au pays.

M. BIENVENUE: La question est bien pla-

cée. Cela fait l'objet d'un des sujets que nous voulons discuter avec les autorités fédérales. Nous pourrions ajouter beaucoup à cela. Je parlais des touristes. Il y a le cas de ces marins. Je sais qu'il existe des marins de certains pays en particulier qui descendent de leur navire et prennent un congé prolongé au point que le navire repart sans eux. Il y a de ces gens-là. On a aussi parlé des gens qui évitaient la guerre au Vietnam, etc. Il est difficile d'avoir un contrôle exact du nombre quand on parle d'un corps en particulier parce que l'on n'a pas de contrôle sur ces gens. S'ils étaient des immigrants entrés ici par les voies normales, avec la procédure normale et tout le dossier, on pourrait en faire le dénombrement. Ils entrent ici, si je peux dire, non pas de façon illégale mais leur séjour devient illégal lorsque le délai est expiré et il n'est pas facile d'en faire le décompte.

M. DEMERS: Cela se fait dans tous les pays du monde.

M. BIENVENUE: C'est un phénomène mondial. Je le répète — c'est pour ça que j'ai dit que la question du député de Saint-Maurice était fort appropriée — qu'un des amendements que l'on voudrait discuter avec les autorités fédérales à la loi fédérale porte précisément sur ce sujet. Mais, ce n'est pas, et je le répète, comme dans bien d'autres cas, un phénomène unique au Québec ou au Canada.

M. GUAY: Une dernière question, si vous me permettez. Vous n'avez probablement pas droit de regard non plus au comité d'appel, mais, en quelques mots, comment fonctionne le comité d'appel du ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre, dans le cas où des personnes sont refusées? C'est transmis à un comité d'appel peut-être semblable à la Loi d'assurance-chômage ou quelque chose comme ça?

M. BIENVENUE: Pouvez-vous parler un peu plus fort de façon officieuse? J'invite M. Gauthier à parler un peu plus fort de façon officieuse.

M. DEMERS: Mais les paroles que vous dites sont enregistrées au nom du ministre.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il peut répondre au nom du ministre.

M. BIENVENUE: Vous voyez, je l'endosse en blanc. Je lui donne un blanc-seing. "White breast" en anglais.

M. DEMERS: Oui, c'est mieux.

M. BIENVENUE: Il est prévu dans la loi qu'un bonhomme qui vient ici d'abord comme touriste, ou tente de percer l'évaluation qu'on a faite de sa demande dans son pays d'origine ou peut venir d'une façon très franche, comme prospecteur. Rendu ici, il a le privilège — et c'est la loi qui le lui accorde — de demander sa résidence permanente. Il s'inscrit auprès d'un officier de l'Immigration, que ce soit à Québec ou à Montréal, sa demande est étudiée et un verdict est rendu, il est accepté ou il n'est pas accepté. Il n'est pas accepté en fonction de l'évaluation du barème qui est réparti sur cent et qui ne correspond pas à un moment donné aux critères, parce qu'à ce moment-là, ce qui joue est la possibilité de son intégration au marché du travail. S'il n'est pas satisfait de la décision rendue en première instance par le fonctionnaire de l'Immigration, à ce moment-là, la loi l'autorise à demander à revenir devant un enquêteur spécial. De nouveau, le dossier est examiné. Le candidat a droit de faire appel à un avocat ou à une tout autre personne qui peut l'appuyer, et s'il est capable d'apporter des éléments nouveaux, le montant de l'évaluation peut fluctuer à son avantage. S'il ne réussit pas là, il a le droit d'aller devant la commission d'appel de l'Immigration.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est un organisme fédéral?

M. BIENVENUE: C'est fédéral assurément. Tout ce qui est admission au niveau de la délivrance du passeport est l'exclusivité du fédéral. Je crois que c'est normal en fonction de toutes les implications internationales. La commission d'appel peut estimer qu'il y a peut-être des éléments qui ont pu être oubliés.

C'est à ce moment-là que joue vraiment un aspect nettement humanitaire. Il peut arriver dans le délai qu'à cause du grand nombre de cas, au Québec la période d'attente devant la commission d'appel s'échelonne actuellement entre un an et demi et deux mois et atteigne presque quatre ans à Toronto.

A ce moment-là, il peut arriver que l'immigrant épouse une Canadienne, que naisse un enfant canadien, ce sont autant d'arguments qui sont considérés par cette commission d'appel. Bien souvent, pour ne pas dire la plupart du temps, c'est toujours au point de vue humain de l'individu que sa cause est révisée.

En ultime instance, s'il veut aller au-delà de la commission d'appel, il peut aller devant la cour de l'Echiquier. Remarquez que depuis l'enquêteur spécial jusque là, c'est le gouvernement du Canada qui absorbe tous les frais, excepté s'il se fait accompagner d'un avocat; à ce moment-là, l'individu paie son avocat. Quant au reste, il est capable de défendre sa cause, de la présenter ou de se faire appuyer par un curé, un président d'association, un ami, cela ne lui coûte rien.

M. GUAY: Un exemple, M. le Président, un Français qui vient comme touriste au Canada peut rester pendant combien de temps avant d'être un hors-la-loi?

M. BIENVENUE: Il vient avec un visa de touriste qui lui donne, suivant ce qu'il a demandé la raison pour laquelle il est venu, habituellement trois mois.

S'il décide de rester, il doit faire sa demande avant trois mois, sinon, il peut encore, s'il veut continuer à prospecter, demander un prolongement de son visa de visiteur.

M. GUAY: Pour des raisons qu'il mentionne lors de sa demande.

M. BIENVENUE: Comme renseignement additionnel, au niveau de l'enquête spéciale, s'il va devant la commission d'appel à ce moment-là il a le droit de travailler, pour ne pas être sans ressources. Personne, comme touriste, n'a le droit de travailler au Canada sauf dans des cas très particuliers et ce permis est accordé par le gouvernement fédéral.

A partir de l'enquête spéciale, s'il n'a pas les moyens, automatiquement il a le droit de travailler en attendant sa comparution devant la commission d'appel.

M. GUAY: Le gouvernement fédéral — le ministère à Ottawa — a quand même le droit de retourner quelqu'un à son pays d'origine autant qu'il le veut, l'extrader?

M. BIENVENUE: Oui, mais entendons-nous. Il lui faut une raison extrêmement sérieuse. A ce moment-là, si le bonhomme fait une infraction et qu'il est condamné en fonction du code criminel, il peut perdre son droit aux divers appels que je vous ai mentionnés.

M. GUAY: Cela clarifie les questions que je me posais depuis un bout de temps.

M. BIENVENUE: Si vous poussez au-delà, durant la période d'attente de la citoyenneté canadienne qui est de cinq ans, si un bonhomme est condamné comme criminel, il est expatriable à n'importe quel moment.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour ce qui est de moi, M. le Président, on peut commencer article par article...

M. BIENVENUE: Si vous me permettez, de façon très brève et juste avant qu'on ne commence — j'ai hâte comme vous, messieurs, de finir — je constate — il est aujourd'hui un peu dépassé 16 h 30 — que des événements très récents qui se situent au jour même de l'étude des crédits permettent qu'on fasse un bref commentaire et je fais le commentaire suivant. Nous parlions tout à l'heure de Mme Dufaux qui nous honorait de sa présence. Je n'ai pas lu l'article et c'est pour ça que je ne pourrai pas le citer au texte, mais on me rapporte qu'elle a également honoré notre ministère aujourd'hui de nouveaux articles ayant trait précisément au voyage que nous avons fait dans les pays de l'Europe et dont il a été amplement question ce matin.

Alors, sans citer au texte Mme Dufaux, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour la réfuter. Elle semblerait indiquer ou affirmer que ce voyage au Liban en particulier en était un de propagande et qu'il suscitait de l'inquiétude dans les milieux officiels libanais.

Je n'invoque pas mon privilège de député, je parle comme ministre de l'Immigration, je tiens à redire ce que j'ai dit depuis ce matin, qu'il n'était pas du tout question de propagande mais que c'était uniquement un voyage administratif comme cela a été compris. Puisque Mme Dufaux parle du Liban en particulier, je préfère m'en reporter, quant aux prétendues inquiétudes des autorités libanaises — tout dépend ce que l'on entend par autorité — aux commentaires qui m'ont été faits de vive voix et même en partie dans les journaux là-bas en présence de mes collaborateurs. Commentaires de gens tels que le secrétaire particulier du président du Liban qui est venu nous reconduire à l'aéroport, le ministre des Affaires étrangères, responsable de l'immigration, le commissaire général au tourisme et un tas d'autres personnalités officielles du Liban qui nous ont donné un accueil que je ne suis pas près d'oublier qui nous ont accompagnés tout le temps, qui ont facilité notre travail et dont parfois nous allions presque jusqu'à freiner l'enthousiasme, pas le nôtre, le leur. J'associe à cela les autorités fédérales canadiennes, l'ambassadeur du Canada...

M. DEMERS: Le frère de l'autre.

M. BIENVENUE: ... et son personnel, M. Jacques Gignac, qui a été, à notre endroit, d'une courtoisie vraiment remarquable et je commets maintenant à son sujet l'indiscrétion suivante: il est précisément celui, avec ses collègues, dont je parlais ce matin, lorsque j'ai dit qu'on nous avait remerciés — je ne parle pas de moi, Dieu merci, je parle de mes collaborateurs — des effets bénéfiques que notre mission apportait au niveau fédéral lui-même c'est-à-dire aux relations entre le Canada et le Liban.

Alors, fort de ces appuis et de ces cautions, je dis avec beaucoup de sérénité à Mme Dufaux que les autorités libanaises, pour peu qu'elles soient représentées par les gens que j'ai nommés, non seulement n'étaient pas inquiètes, mais étaient fort sereines et ce n'était pas un voyage de propagande mais bien administratif comme il avait été conçu et comme il le fut. J'espère que ces choses sont dites suffisamment clairement. Elles se retrouveront d'ailleurs dans le journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: Article 1. Catégorie 1. Administration

M. DEMERS: Vous avez une diminution de quelques milliers de dollars, sans doute les

décisions du ministère des Finances de compresser le budget, le vôtre comme ceux des autres. Adopté.

M. GUAY: Adopté.

M. BIENVENUE: Il est évident, je le dis à l'avance, sauf erreur que, chaque fois que vous verrez une diminution dans les chiffres, c'est une diminution...

M. DEMERS: Comme il n'y a aucune augmentation on n'en parlera plus.

M. LE PRESIDENT: Catégorie 3. Adopté.

M. DEMERS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Catégorie 4. Adopté.

M. GUAY: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Catégorie 5. Adopté.

M. GUAY: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Catégorie 6. Adopté.

M. GUAY: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Catégorie 7. Adopté. Catégorie 8. Adopté. Catégorie 10. Adopté. Catégorie 11. Adopté.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Adopté. M. LE PRESIDENT: Catégorie 13.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Catégorie 13, c'est la contribution du gouvernement du Canada, $171,000. Qu'est-ce que c'est?

M. BIENVENUE: C'est en vertu de l'entente fédérale-provinciale, Ottawa-Québec, l'entente sur la formation professionnelle des adultes. Entente en vertu de laquelle nous récupérons 25 p.c. des frais d'administration généraux, spécifiquement encourus au sujet de la FPA, les dépenses de transfert.

C'est le fédéral qui nous remboursera en vertu de l'entente qui concerne la formation professionnelle des adultes.

M. DEMERS: Lorsqu'il y en a un qui diminue, l'autre diminue automatiquement.

M. BIENVENUE: C'est évident. M. DEMERS: Adopté.

Direction générale de l'adaptation

M. LE PRESIDENT: L'article 1 est adopté. L'article 2: Catégorie 1.

M. DEMERS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 3.

M. DEMERS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 4.

M. DEMERS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 7.

M. DEMERS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 8. Adopté.

Catégorie 13. Adopté.

DES VOIX: Adopté.

M. DEMERS: Là il y a augmentation.

M. BIENVENUE: Si vous me permettez, très rapidement, au sujet de la catégorie 13, c'est plus intéressant. En vertu toujours de cette même entente relative à la formation professionnelle des adultes, dans le cas de l'adaptation — c'est la direction générale de l'adaptation — nous récupérons d'Ottawa 93.28 p.c. des frais d'administration, soit dans le cas actuel, je pense que c'est $313,400.

M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 2. Adopté.

Direction générale de l'établissement

M. LE PRESIDENT: L'article 3: Catégorie 1. Adopté?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): L'augmentation de salaires, c'est une augmentation de personnel ou du coût des salaires?

M. BIENVENUE: C'est l'augmentation statutaire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ah oui! statutaire.

M. DEMERS: C'est l'augmentation de salaires statutaire.

M. BIENVENUE: C'est ça.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 3. Adopté.

Catégorie 10. Adopté.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'article 3. Adopté. Les articles du budget de l'Immigration sont adoptés en totalité.

M. GUAY: J'aurais seulement une question, si vous me permettez, M. le Président, à poser

au ministre de l'Immigration. Même si c'est adopté, le ministère de l'Immigration aurait aimé avoir combien de crédits de plus?

M. DEMERS: Sky is the limit. UNE VOIX: $6 millions.

M. GUAY: Pour fonctionner selon ses désirs?

M. BIENVENUE: Nous n'irions pas, comme le dit mon sous-ministre, il approuve bien mes vues là-dessus, jusqu'à demander $5 millions en tout, mais je vous avoue qu'un petit montant de $400,000 ou de $500,000, restant dans les six chiffres, auraient été bienvenus.

M. DEMERS: Vous avez assez bien fait cela cette année, M. le ministre, qu'on intercédera pour vous.

M. BIENVENUE: Je voudrais, très brièvement, remercier les membres de la commission. Je pense en particulier aux membres des partis d'Opposition parce que je ne guettais même pas du coin de l'oeil les membres du parti ministériel; je m'attendais à ce qu'ils me facilitent la tâche, comme l'ont fait avec combien d'empressement et de gentillesse...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est frustrant pour eux.

M. BIENVENUE: ... les gens de l'Opposition. C'était la première fois que j'avais à défendre des crédits et je pense que l'expression "défendre" n'est même pas appropriée dans les circonstances. Heureusement, les crédits n'étaient pas trop substantiels.

M. DEMERS: On a tenu compte, M. le ministre, que c'était votre première année. L'an prochain...

M. BIENVENUE: Ma jeune expérience...

M. GUAY: Le nouveau ministre de l'Immigration nous a prouvé qu'il est à la hauteur de la situation.

M. DEMERS: Avec mes compliments... M. BIENVENUE: Je remercie aussi...

M. DEMERS: ... pour ne pas être obligé de retirer vos paroles.

M. BIENVENUE: Je remercie aussi, en faisant tout simplement de la récidive, les fonctionnaires du ministère, qui ne sont pas mes fonctionnaires mais bien mes collaborateurs, qui sont grandement responsables du travail de préparation et avec qui il est agréable de travailler en équipe comme je l'ai dit. Je remercie le président et le personnel du journal des Débats.

M. LE PRESIDENT: Et je me permets de remercier tous les membres de la commission d'avoir facilité ma tâche et la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 45)

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