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Commission permanente du Travail,
de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration
Etude des crédits du ministère de
l'Immigration
Séance du mercredi 31 mai 1972
(Neuf heures trente-cinq minutes)
M. PHANEUF (président de la commission permanente du travail, de
la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
Avant de débuter, j'aimerais signaler que M. Dionne, de Compton,
remplace M. Blank et que M. Tremblay remplace M. Burns. Le rapporteur de la
commission sera M. Shanks, s'il y a consentement de la commission.
Article 1 du budget du ministère de l'Immigration
Remarques préliminaires
M. DEMERS: M. le Président, il faudrait peut-être fournir
à cet honorable ministre l'occasion de se produire officiellement, pour
qu'il nous déclare quelles seront les politiques de son ministère
et l'orientation qu'il entend donner à ce ministère qui, je dois
l'avouer, jusqu'à ce jour, m'a inquiété plus qu'il ne m'a
impressionné.
Je voudrais savoir ce qui se passe au ministère de l'Immigration.
Qu'entend-on faire pour améliorer ce ministère qui, actuellement,
a peut-être les cadres d'un service? Je sais que le ministre est plein
d'allant, plein de santé et de vigueur. S'il consacre une partie de ses
énergies à vouloir bâtir quelque chose dans ce domaine, on
pourra peut-être, avec les années, toucher du doigt à
l'efficacité de ce ministère. Je le répète:
actuellement, je me demande ce qu'on fait avec ce ministère et où
on s'en va. Je laisse le ministre répondre. S'il ne veut pas faire de
déclaration, nous pourrons le questionner sur différents points.
Mais s'il pouvait nous faire un laïus général sur son
orientation politique en ce sens, cela éviterait peut-être des
sous-questions. Cela faciliterait peut-être le débat.
M. BIENVENUE: M. le Président, je remercie le
député de Saint-Maurice de son invitation et de l'occasion qu'il
me donne de faire un laïus, pour employer son expression, d'autant plus
que les remarques qu'il fait au sujet du fait que l'immigration est plus ou
moins bien connue, que son orientation est plus ou moins bien connue du public
et peut-être même de la députation, s'enchaînent bien
avec ce que j'avais l'intention de dire au tout début, sous forme de
remarques préliminaires, alors que je voulais reprendre les paroles
mêmes que prononçait, l'an dernier, lors de l'étude de ces
crédits, mon prédécesseur, le Dr François Cloutier
qui, comme on le sait, jusqu'au 3 février dernier, était ministre
de l'Immigration.
C'est donc dire, M. le Président, que ce n'est que depuis le mois
de février que j'oeuvre au sein du ministère de l'Immigration. Le
Dr Cloutier disait justement je pense que ces remarques, après un
an, reçoivent toujours leur application que le ministère
de l'immigration est probablement l'un des plus mal connus du gouvernement, non
pas parce que M. Lacroix parle fort pendant l'étude de mes
crédits, mais parce qu'il est l'un des plus mal connus du gouvernement,
non pas M. Lacroix mais le ministère de l'Immigration.
M. DEMERS: On va en frapper un autre.
M. BIENVENUE: Ce sont des choses qu'il faut supporter.
UNE VOIX: Je pensais qu'il était pour dire: Nous autres, nous ne
l'entendons plus. Nous sommes habitués!
M. DEMERS: Nous avons chacun la nôtre! Je parle de la croix.
M. BIENVENUE: Ce phénomène s'explique par
différentes raisons, notamment le jeune âge du ministère de
l'Immigration, qui a été fondé il y a à peine
quatre ans, soit en 1968, et peut-être aussi par le fait qu'il est le
seul ministère à ne pas être situé à
Québec. Tous savent, en effet, qu'alors que le siège du
gouvernement est à Québec, le gros des effectifs du
ministère de l'Immigration est situé à Montréal,
à ses bureaux principaux, rue McGill.
La raison en est d'abord le grand nombre d'immigrants qui vivent
à Montréal. On peut assurer, sans crainte de se tromper, que
près de 90 p.c. des immigrants établis au Québec vivent
dans la périphérie du Montréal métropolitain et
dans la ville même de Montréal. On sait, de plus, que
Montréal est le port d'entrée par excellence des immigrants au
Québec, que ce soit par train, par navire ou par avion, à Dorval.
C'est toujours à Montréal que l'on retrouve le siège de
près de 400 associations d'immigrants, de groupes ethniques et,
évidemment, le siège de la grande majorité des
consulats.
Plusieurs ministres se sont succédé à la tête
de ce ministère, bien qu'il ne soit vieux que de quatre ans. Evidemment,
ces ministres, à cause de la courte durée de leur séjour
au ministère de l'Immigration, n'ont pu y imprimer une marque profonde
et définitive.
L'avant-dernier en titre était M. Pierre Laporte, comme on le
sait, et le dernier fut M. Cloutier mais tous deux, comme d'ailleurs leurs
prédécesseurs, avaient la responsabilité d'un autre
portefeuille, parfois plus important. Je pense, à titre d'exemple,
à celui du Travail, que détenait M. Laporte. C'était
là un fait qui rendait plus difficile aussi l'impression d'une marque
profonde de la part de mes prédécesseurs.
Organigramme du ministère
M. BIENVENUE: Répondant toujours à l'invitation qui m'est
faite par le député de Saint-Maurice, j'aimerais profiter de la
discussion de ces crédits pour mieux faire connaître, comme je
l'ai indiqué il y a un instant, le ministère de
l'Immigration.
Le ministère de l'Immigration a un organigramme qui comprend deux
grandes directions générales, en plus d'une unité
administrative.
M. DEMERS: Pourrait-on déposer l'organigramme, M. le
Président?
M. BIENVENUE: Oui, sûrement. M. DEMERS: Tantôt.
M. BIENVENUE: Oui, tout à l'heure, on pourra le
déposer.
M. DEMERS: Cela s'ajoutera à nos dossiers. M. BIENVENUE: C'est
cela.
M. DEMERS: C'est que cela change à tous les ans. Alors, nous
avons de la difficulté à suivre cela.
M. BIENVENUE: Mais heureusement, l'organigramme demeure.
M. DEMERS: Oui. Les cadres et les noms changent.
M. BIENVENUE: Les deux grandes directions sont d'abord celle de
l'établissement et ensuite celle de l'adaptation. Mais avant de
présenter chacune de ces deux directions générales, je
voudrais très brièvement dire un mot de trois structures ou
services qui jouent un rôle important au ministère de
l'Immigration.
Premièrement, la représentation auprès des
provinces, des consulats et des groupes ethniques. Deuxièmement, le
commissariat général, dont le titulaire est M. René
Gauthier, qui est assis ici à la droite de mon sous-ministre.
Troisièmement, l'information.
La représentation auprès des provinces, des consulats et
des groupes ethniques est assurée par un fonctionnaire qui a repris en
partie les fonctions de l'ancienne direction générale des groupes
ethniques. Son titre décrit bien ses fonctions, qui sont à la
fois de coordination et d'exécution.
Le commissariat général, dont je viens de faire mention, a
un rôle qui s'apparente à celui, si on peut dire, d'un ombudsman,
dans ce domaine bien spécial qu'est l'immigration. Il est amené
à intervenir quotidiennement en faveur d'immigrants qui ont des
problèmes particuliers à résoudre, qu'il s'agisse de
problèmes à caractère discriminatoire ou de tout autre
problème ayant trait au logement, à l'emploi ou à
l'état civil, par exemple. Le commissaire général
contribue également aux activités générales du
ministère, par certaines études et recherches.
Quant à l'information que je mentionnais aussi il y a quelques
instants, je puis dire que son mandat consiste à sensibiliser les
immigrants à leur appartenance québécoise, tout en
informant les autochtones du précieux apport de l'immigration et cela,
par des moyens divers, qu'il s'agisse de l'audio-visuel, de l'imprimé,
de l'exposition, des relations publiques, etc.
Revenant maintenant aux deux directions générales, aux
deux directions principales dont je parlais, qui forment la structure
même du ministère de l'Immigration, il y a d'abord celle de
l'établissement, qui comprend trois services: Le service à
l'étranger, le service de l'accueil et de l'assistance sociale et enfin
le service de placement.
Le service à l'étranger a des activités accrues,
puisque le ministère possède maintenant, soit depuis
l'étude et l'adoption des crédits de l'année
dernière, trois postes à l'étranger en sus de celui de
Paris, qui existait depuis un certain nombre d'années et qui est
généralement mieux connu de la population. Ces trois postes
j'aurai l'occasion d'y revenir plus tard, dans cette introduction
comme on le sait, sont ceux d'Athènes, de Beyrouth, au Liban, et de
Rome, en Italie.
Le service d'accueil qui est le deuxième service de cette
direction de l'établissement et d'assistance sociale, comme son
nom l'indique, assure les premiers contacts avec les immigrants, dès
leur arrivée au Québec. Il est, par conséquent, le
prolongement du service à l'étranger.
Enfin, le troisième est le service du placement, qui travaille en
étroite collaboration avec le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Il vise à développer et à inventorier les
offres d'emploi disponibles au Québec pour les immigrants, ainsi
qu'à mettre ces derniers en contact avec les employeurs, le tout
comparable de façon assez précise au système qui
prévaut dans différents pays d'Europe je pense notamment
à la France comme j'ai pu le constater avec mes collaborateurs,
il y a quelques semaines, au cours d'un voyage dont il a été
question et dont il sera question.
La deuxième direction générale est celle de
l'adaptation, qui a axé ses principales activités autour des
centres d'orientation et de formation des immigrants, mieux connus sous le
sigle COFI, centre d'orientation et de formation des immigrants, COFI, dont je
parlerai aussi tout à l'heure, brièvement, à l'occasion
des crédits, si on le veut, et dont l'activité aussi est
axée autour des cours à temps partiel, des cours d'initiation
à la vie québécoise et des cours à temps plein et
des classes d'accueil. Les COFI bébéficient de la Loi
fédérale sur la formation professionnelle, FPA. Nous recevons du
gouvernement fédéral, à cette fin, des subventions assez
importantes. C'est ainsi que leur finance-
ment est assuré par le gouvernement fédéral, alors
que l'organisation des stages, la mise en place des cours et la
sélection des maîtres relèvent directement de
l'autorité du ministère de l'Immigration du Québec.
Je répète brièvement. Les fonds viennent en partie,
suivant les proportions que nous pourrons délimiter tout à
l'heure, et parfois complètement, du gouvernement fédéral,
mais l'organisation des stages, la mise en place des cours et la selection des
professeurs relèvent entièrement de l'autorité du
ministère de l'Immigration du Québec.
Ces COFI, dont je viens de parler, ne font pas que dispenser des cours
de langues, ce qui ne représenterait, évidemment, qu'un aspect de
l'intégration. On y donne des cours d'initiation à la vie
québécoise, structures sociales et organisation politique.. On y
organise des visites industrielles et des manifestations culturelles. En somme,
on essaie de donner à l'immigrant tout l'éclairage
nécessaire à la bonne compréhension du milieu où il
est appelé à vivre. Quant aux cours à temps partiel, ils
sont destinés aux immigrants qui travaillent la semaine ou qui
travaillent le jour et qui veulent parfaire leur connaissance des langues ou du
milieu.
Il y a enfin, comme je l'annonçais précédemment,
les classes d'accueil. Comme leur nom l'indique, elles ont été
mises sur pied pour accueillir les enfants des immigrants et les diriger, sans
trop de heurts, vers les écoles françaises. Ces classes, qui sont
concentrées à Montréal, pour les raisons que j'ai
déjà indiquées, et qui relèvent de la Commission
des écoles catholiques, sont au nombre de dix et reçoivent
quotidiennement, plus ou moins, 250 enfants. Un programme d'enseignement
spécial est offert, qui est basé sur les grands principes des
méthodes actives. Nous avons également organisé deux
expériences pilotes, dans le passé, dans le domaine des garderies
pour enfant d'âge préscolaire.
Voilà, messieurs, pour ce que je voulais faire, sans trop entrer
dans les détails, les structures des principaux services et les deux
grandes directions générales qui sont le squelette même, le
canevas même du ministère que je dirige.
Tournée ministérielle
J'ai parlé tout à l'heure d'une tournée
d'ailleurs, les journaux et la télévision ou la radio en ont fait
état durant notre absence ministérielle alors que
j'étais accompagné du sous-ministre, M. Jean Loiselle, et de mon
conseiller spécial, M. René Gagnon. Tournée
ministérielle qui nous a conduits successivement à
Athènes, à Beyrouth, Rome et Paris, du 29 avril au 23 mai
dernier. Tournée qui s'imposait depuis longtemps. On se rappellera avec
peut-être un peu de tristesse que lorsque l'un de mes
prédécesseurs, M. Pierre Laporte, avait été
enlevé dans les circonstances que l'on sait, il s'apprêtait
justement à partir deux ou trois jours plus tard pour faire cette
tournée que j'ai faite avec énormément de retard.
Le Dr Cloutier qui lui a succédé et qui m'a
précédé devait lui aussi faire cette tournée mais
ses occupations l'en ont empêché. J'ai hérité en
quelque sorte de cette mission, pas trop désagréable, je l'avoue,
de faire la tournée des postes du Québec aux endroits que j'ai
mentionnés.
M. DEMERS: Vous avez l'esprit de sacrifice.
M. BIENVENUE: Oui, c'était la torsion du bras gauche.
M. DEMERS: Vous finirez par être un martyr.
M. BIENVENUE: Je veux mentionner tout de suite le but principal de cette
tournée. C'était de vérifier sur place, à chacune
des villes visitées la mise en application de l'entente Lang-Cloutier et
de resserrer les liens qui existent entre Ottawa et Québec et entre
Québec et les gouvernements étrangers où nous avons des
agents d'orientation. Mais avant de parler de cette vérification de la
mise en application de cette entente, il faut bien situer et savoir en termes
brefs ce qu'est cette entente Lang-Cloutier.
Cette entente qui, comme son nom l'indique, a été
signée par mon prédécesseur le Dr Cloutier au
Québec et par M. Otto Lang qui était alors ministre de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration pour le gouvernement central, avait pour
effet de permettre la venue dans le moment, et ça pourra peut-être
s'accroître plus tard, de nos agents d'orientation ou si on aime mieux le
mot d'immigration, peu importe, du Québec au sein des trois ambassades
concernées, l'ambassade du Canada à Rome, à Athènes
et à Beyrouth, où nos agents en vertu des dispositions de
l'entente, ont la chance et l'occasion d'être mis en contact avec les
candidats immigrants de ces trois pays ou des pays qui les entourent et qui ont
manifesté le désir de venir s'établir au Québec en
particulier.
Le processus est simple. On sait que c'est le fédéral qui
émet les visas après avoir imposé un test, après
avoir imposé certaines exigences pour la venue d'immigrants. Le
fédéral, au moment où il émet un visa,
réfère cet immigrant qui désire venir au Québec
à notre agent d'orientation et ce dernier a tout le loisir d'interviewer
l'immigrant en question, de le renseigner, de l'orienter sur les perspectives
d'emploi au Québec, sur la nature et le caractère particulier du
Québec au point de vue de la langue, de la culture, de ses us et
coutumes, etc. C'est évidemment, premièrement à l'avantage
de l'immigrant qui saura mieux ce qui l'attend lorsqu'il viendra ici;
deuxièmement à l'avantage du Québec qui de cette
façon pourra recevoir un immigrant qui soit plus apte à vivre
dans ses frontières et ça devient par ricochet à
l'avantage du Canada, parce que je suis un de ceux qui
soutiennent que tout ce qui est bon, tout ce qui est un actif pour le
Québec, par ricochet devient un actif pour le pays.
Evidemment, cette entente, qui n'est tout de même pas très
vieille, puisque nos gens sont en poste à Beyrouth, à
Athènes depuis quelques mois seulement, depuis décembre, dans le
cas de Rome, depuis une période beaucoup plus courte, s'est mise en
branle, a reçu son application au cours des délais que je viens
d'indiquer. Elle a été signée effectivement en mai 1971,
soit il y a environ un an. Il est normal qu'à ses débuts
parce qu'il s'agit d'une innovation, il s'agit d'un phénomène
unique, nous sommes la seule province au pays à jouir de ce statut
spécial il y ait une certaine friction je dis "certaine"
sans insister il y ait une période de rodage qui s'impose.
Tout moteur neuf tourne toujours mieux après quelques mois
d'usure à ses débuts...
M. DEMERS: Pour autant qu'il ne manque pas d'huile.
M. BIENVENUE: ... pour autant qu'il ne manque pas d'huile...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et qu'il y ait un bon conducteur.
M. BIENVENUE: ... et qu'il y ait un bon conducteur.
Est-ce que le représentant du Ralliement créditiste veut
ajouter un facteur de bon rodage?
M. GUAY: J'ai été mécanicien assez longtemps, M. le
Président, que s'il fallait énumérer tout ce qu'exige un
bon conditionnement, j'en aurais pour longtemps.
M. BIENVENUE: Bon, nous nous rejoignons, messieurs.
UNE VOIX: Du Bardahl.
M. BIENVENUE: Ou du STP.
Alors, c'était normal. Evidemment, ce personnage, comme je l'ai
indiqué, a un statut particulier au moment où il arrive dans les
ambassades ou dans les bureaux d'immigration du fédéral à
l'étranger. Je puis dire je le tiens, et ceux qui
m'accompagnaient le tiennent aussi, d'une part, nos représentants de
Québec, et, d'autre part, leurs contreparties du fédéral,
les agents d'immigration fédéraux, et de nos ambassadeurs dans
ces trois villes, et j'ajoute Paris parce que là aussi nous avons des
gens de l'Immigration du Québec même s'ils sont logés
à la Maison du Québec et non pas à la Chancellerie, au
fédéral que ce phénomène de rodage suit un
cheminement excellent. Je puis dire que les relations, à chaque jour,
sont meilleures, que la compréhension est plus vive et que les
problèmes ne sont pas très graves, au contraire, ils se
règlent les uns après les autres.
Ce mouvement, cette circulation, ce processus du fédéral
vers le Québec des immigrants qui veulent venir au Québec va en
s'accentuant, en s'amenuisant, en s'améliorant et cela va
réellement très bien dans cette entente. Je n'ai pas la
prétention et la naïveté de dire que tout est parfait, que
c'est l'harmonie totale à 100 p.c. Mais eu égard au peu de
délais écoulés, eu égard aux
précédents et à l'innovation que comporte ou constitue
cette entente, je suis revenu et mes proches collaborateurs aussi,
extrêmement satisfait de ce que j'appellerai cette excellente
collaboration entre Québec et Ottawa en ce qui a trait au fonctionnement
de l'entente Lang-Cloutier.
J'irai plus loin parce que je parle de faits vécus. Je dirai que
cette entente je le dis bien humblement la mission que nous avons
accomplie, la tournée que nous avons effectuée comportent des
effets bénéfiques non seulement pour le Québec mais
même pour le Canada. J'ai souvenance, au cours de ma tournée, de
cette affirmation extrêmement agréable pour nous que m'a faite
l'un des ambassadeurs des pays concernés qui, à notre
départ, nous a dit que cette tournée, qu'il considérait
comme trop courte, était salutaire non seulement pour le Québec
et notre fonctionnaire là-bas, mais même pour lui et son
personnel, c'est-à-dire pour la présence canadienne dans ce
pays.
Je dois dire qu'au cours de cette tournée nous n'avons pas fait
que voir les gens du fédéral et les nôtres, mais
également les autorités, les plus hautes autorités.
Je pense, entre autres, à certains ministres des Affaires
étrangères de ces pays et à d'autres ministres dont
j'aurai l'occasion de parler tout à l'heure. Nous avons vu ces
autorités qui nous ont reçus à bras ouverts. C'est un peu
pour cela que je rapportais les paroles d'un des ambassadeurs qui disait que
cette tournée avait du bon, même pour les autorités
fédérales là-bas.
Je parlais je l'avais même anticipée de la
collaboration efficace entre les pays concernés et le Québec dont
la présence dans les ambassades canadiennes assure, pour les immigrants,
une meilleure information. Je répète ce que je disais tout
à l'heure. J'ai dit partout, aux gens du fédéral et aux
autorités locales, qu'un meilleur immigrant, grâce au travail
d'orientation que nous effectuons auprès de lui, est un actif pour le
Québec et que tout ce qui est un actif pour le Québec en est un
pour le pays.
Nous avons remarqué également dans cette tournée
les relations extrêmement étroites qui existent dans ces
différents pays entre la main-d'oeuvre, l'immigration et la
démographie. Je veux souligner en particulier l'accueil très
spécial que nous a réservé M. Fontanet qui, en France, a
la responsabilité des ministères que je viens d'indiquer, qui
nous a reçus pendant une période assez considérable
à ses propres bureaux, et qui a permis que nous ayons, avec ses hauts
fonctionnaires qui sont des gens de haut calibre, de grand savoir et de
compétence indéniable, deux séances de travail
extrême-
ment profitables. Je le dis avec beaucoup de sens de la
réalité; elles furent profitables d'abord et surtout pour nous.
Nous avons pu constater, à ce moment-là, l'importance des liens
qui doivent exister entre la main-d'oeuvre, l'immigration et la
démographie.
On sait qu'ici, en vertu du dernier remaniement ministériel,
celui qui vous parle a été nommé aussi responsable de la
main-d'oeuvre au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je l'ai
été beaucoup plus sur papier que dans les faits jusqu'à ce
jour. Mais, il y a lieu de se demander si, dans un avenir prochain, la
réunion de ces deux juridictions ne sera pas, comme dans les pays que
j'ai mentionnés, un mariage fort heureux dans l'aspect, dans le
contexte, justement de main-d'oeuvre, de nouvelles sources de main-d'oeuvre
chez nous, soit les immigrants, et de démographie.
Evidemment, j'y reviendrai tout à l'heure; je parle de
démographie parce que, comme on le sait, c'est cette science qui
étudie ou qui contrôle l'évolution ou la migration de la
population. C'est un facteur très primordial dans tout ce qui se
rapporte à la main-d'oeuvre et au phénomène de
l'immigration contrôlée. Doit-on recevoir plus, doit-on recevoir
moins d'immigrants? Nous y reviendrons bientôt.
Immigrants investisseurs
M. BIENVENUE: Je suis l'un de ceux mes collaborateurs me suivent
là-dessus, parce que nous travaillons en équipe et je suis en
mesure de le dire devant eux qui croient à la
nécessité pour le Québec d'immigrants investisseurs,
d'immigrants qui, en outre de s'apporter eux-mêmes qu'on me
pardonne l'expression apportent avec eux soit un capital, soit des
ressources qui de près ou de loin se recoupent à
l'investissement.
Nous traversons une période et nous vivons dans un milieu
où l'investissement a une importance capitale et ce n'est pas
particulier au Québec. Je pense qu'il y a peu de pays dans l'univers,
par les temps qui courent, qui ferment les yeux avec insouciance ou
indifférence sur l'investissement.
Je voudrais reprendre ici certains propos que j'avais tenus à ce
sujet et qui je le dis bien humblement ont encore, je pense, leur
actualité. Je disais il n'y a pas si longtemps, et je...
M. DEMERS: Pouvez-vous dire où? M. BIENVENUE: Je ne sais pas. M.
DEMERS: Le 17 avril.
M. BIENVENUE: Alors, je venais justement de dire que ce n'était
pas un phénomène, propre au Québec et je parlais cette
fois-là... J'avais commencé mes remarques à ce sujet, en
faisant un lien direct avec l'Ontario. Et je disais: Que serait l'Ontario sans
son effort systémati- que, et cela depuis nombre d'années, pour
attirer chez elle les immigrants les plus capables de participer vigoureusement
au développement économique? Et où en serions-nous
nous-mêmes, si nous nous étions donné la peine de faire
aussi bien que l'Ontario dans ce domaine et depuis aussi longtemps?
On sait que l'Ontario reçoit plus ou moins, 50 p.c. de tous les
immigrants qui viennent au Canada chaque année. Je vous signale qu'il
n'y a pas si longtemps, les immigrants arrivaient au Québec sans
connaître les caractéristiques essentielles de la
société québécoise. Je suis convaincu que le choix
du Québec comme destination ne doit plus être laissé au
hasard ou à l'improvisation.
Nous, du Québec, voulons être choisis et la condition de
base pour être choisis, c'est que nous soyons connus. Alors, je dis que
nous nous devons d'être connus. Et nous avons déjà des
indices d'une reprise économique prochaine. Nos agents d'immigration
à l'étranger sont invités à encourager plus
particulièrement je dis bien plus particulièrement et non
pas, évidemment, exclusivement la venue au Québec des
immigrants investisseurs, des professionnels et de la main-d'oeuvre qui soit de
plus en plus qualifiée, capable de s'insérer dans les secteurs
d'activité où le Québec connaît actuellement une
carence. Qu'ils soient par ailleurs francophones ou simplement désireux
de s'intégrer à la majorité québécoise, cela
constitue évidemment un facteur important.
Je ne me propose pas je l'ai déjà dit
d'être l'imbécile qui voudrait rejeter l'immigrant capable de
venir créer chez nous beaucoup d'emplois, sous prétexte qu'il a
des difficultés avec ce qu'on a appelé la langue de
Molière. C'est dans cette perspective que j'ai affirmé et que
j'affirme à nouveau, que l'immigration, bien qu'utile et
nécessaire à la survie du Canada français, ne doit pas
être considérée aveuglément comme la panacée
contre tous les excès.
Bien sûr, elle est nécessaire puisque l'on ne peut plus
compter sur la natalité pour assurer la croissance du groupe francophone
au Canada. C'est la faute de la pilule. Nos berceaux n'ont plus le rendement
comme je l'ai déjà dit que la mauvaise organisation
des loisirs leur conférait à l'époque. Il faut constamment
nous assurer que nous maintenons l'équilibre entre les ressources
disponibles et les bouches à nourrir. Mais, la solution de
l'investisseur immigrant, je le répète, est très
intéressante.
C'est celui qui apporte le plus au Québec, parce que celui-ci
peut satisfaire aux exigences de la démographie, tout en collaborant
à la vigueur de notre économie. Non seulement cet immigrant
investisseur nous apporte-t-il sa force personnelle de consommation, mais il
vient s'intégrer activement au processus de développement
économique, avec ses capitaux et ses connaissances.
Il devient ce qu'on pourrait appeler un animateur économique.
A ce sujet nous avons en 1971, le ministère de l'Immigration, de
façon spécifique, contribué à
l'établissement d'un groupe d'investisseurs dont l'apport de capital se
chiffrait par $1,800,000. Nous avons aussi amorcé le travail
préparatoire à l'établissement d'autres immigrants
à venir, ayant un capital collectif de près de $1 million.
Finalement, nous étudions actuellement, au moment où je vous
parle j'ai eu la confirmation de cette réalité, de ces
faits à Paris en particulier il y a deux semaines une trentaine
de possibilités qui nous apporteraient un total de près de $3
millions, sans compter que notre bureau de Paris nous a informés, nous a
répété qu 'un groupe de 40 personnes compte venir
s'établir au Québec et y investir environ $3.5 millions dans un
projet conjoint.
Ces réalisations, si nous considérons que nous ne sommes
tout de même pas le ministère de l'Industrie et du Commerce dont
je respecte l'autonomie absolue, et ces projets justifient amplement les
efforts du gouvernement du Québec en matière d'immigration. De
cela, je puis vous dire que mes collaborateurs et moi sommes bien fiers. Cette
action serait évidemment impossible je le disais il y a un
instant sans la magnifique collaboration qui existe entre les
ministères de l'Industrie et du Commerce et de l'Immigration. Alors que
le premier, l'Industrie et Commerce, recherche des portefeuilles, nous
recherchons des individus.
Pendant que les fonctionnaires de l'Industrie et du Commerce travaillent
à faire bénéficier les immigrants investisseurs de tous
les avantages économiques et fiscaux, ceux du ministère de
l'Immigration s'efforcent, de leur côté, de leur rendre les choses
plus faciles sur le plan humain et de leur permettre de s'intégrer
harmonieusement à la société québécoise.
J'achève, messieurs. Je m'excuse de la longueur de ces remarques,
mais je pense que cela pourra, comme l'indiquait mon bon ami le
député de Saint-Maurice, peut-être diminuer la
période des questions ou des sous-questions. Je voudrais seulement
rappeler qu'en regard des remarques que je viens de faire, le taux de
croissance de la population au Québec est d'environ 3 p.c, ce qui est
évidemment très bas on a parlé de la
natalité tantôt, de la pilule, etc. et cela a des
incidences normales, évidentes sur la survie et sur l'économie
même du Québec. On pense aux taxes, on pense aux impôts et
on pense à la consommation, lorsqu'on parle d'économie.
Mouvements migratoires
M. BIENVENUE: Je voudrais aussi toucher un point j'avais
parlé tout à l'heure de démographie et j'ai dit que j'y
reviendrais qui nous préoccupe beaucoup, qui préoccupe le
ministère de l'Immigration, qui préoccupe, je le sais, le
ministère de la Main-d'Oeuvre et qui devrait préoccuper
l'ensemble de la population québécoise et ses dirigeants. C'est
ce que j'appelle la question des mouvements migratoires,
phénomène qui n'est pas unique au Québec, que l'on
retrouve partout dans le contexte nord-américain et également en
Europe, comme nous en a fait part longuement M. Fontan et dont je parlais et
aussi les ministres des Affaires étrangères de Grèce, du
Liban et de l'Italie que nous avons rencontrés.
Il s'agit de soulever l'importance, pour le Québec, de mettre sur
pied un mécanisme de contrôle des mouvements migratoires ou, si on
aime mieux, des allées et venues des immigrants d'une province à
l'autre et d'un pays à l'autre. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un
contrôle policier, d'un contrôle excessif, mais il y aurait lieu
cependant de souligner que le ministère de l'Immigration effectue
actuellement des recherches en vue de proposer un jour ce mécanisme qui
nous permettrait de mieux connaître les mouvements de la population.
Quand je parle de la population, je ne me limite pas à la
population des immigrants, mais à la population de chez nous. Ce
contrôle est d'autant plus nécessaire qu'il est onéreux
pour une province on le concevra facilement de former un
immigrant, pendant de longs mois, pour malheureusement le perdre ensuite, alors
que cet immigrant préfère se diriger vers d'autres pays. C'est ce
que je qualifiais de tremplin. Il ne faudrait pas que le Québec, aux
frais de ses contribuables, aux frais de ses autochtones, serve de tremplin
pour des gens qui ne seraient ici qu'à titre temporaire et qui iraient
ensuite faire profiter d'autres provinces ou d'autres pays des acquisitions, de
la formation qu'ils ont reçue ici.
Il y a des indications, même si elles sont imprécises parce
que justement nous n'avons pas ce contrôle, que plusieurs groupes
ethniques s'adonnent à cette pratique, y compris les Français
eux-mêmes. Comme on le sait, la majorité des Français de
France, qui viennent au Canada, viennent au Québec. On relève
même chez eux des indications de départs subséquents vers
l'Ontario, vers d'autres provinces anglophones ou même vers les
Etats-Unis.
Enfin, un sujet que j'ai particulièrement à coeur,
toujours dans l'optique d'intégrer l'immigrant au Québec
quand je parle de l'intégrer, c'est sur le plan linguistique, sur le
plan de la langue, de la culture et de nos moeurs québécoises
et dont j'ai déjà fait état est celui de la
démétropolisation, un mot nouveau mais qui se comprend bien dans
le contexte québécois: sortir l'immigrant de la métropole,
ou enfin, ne pas l'inciter à y aller, lorsqu'il s'établit au
Québec. Très rapidement, l'idée est la suivante je
viens de l'indiquer il faut faciliter l'intégration des
immigrants au milieu québécois et c'est là l'objectif
premier du ministère que je dirige.
Je veux proposer bientôt un train de mesures susceptibles de
favoriser l'établissement d'immigrants à l'extérieur de
Montréal. Nous avions des plans assez définis à ce sujet.
Hélas! je dois
dire que j'ai été, que l'Immigration a été,
comme d'autres ministères, victime de certaines coupures de la part de
mon collègue le ministre des Finances. Même si nos coupures sont
plus petites en chiffres que celles de ministères plus importants, au
prorata, en proportion, les coupures sont là tout de même et cela
ne nous rend pas plus facile différentes tâches ou
différents objectifs dont celui de la démétropolisation
dont je parlais.
A ce sujet, je voudrais aussi reprendre très rapidement des
propos que j'ai déjà tenus, pour mieux expliciter ma
pensée. Il y a une perspective digne d'être exploitée pour
favoriser l'insertion des immigrants dans le Québec francophone.
Actuellement, les immigrants s'installent à Montréal dans une
proportion inquiétante, un peu comme s'ils ne voulaient pas s'aventurer
trop loin de l'aéroport international de Dorval. C'est à croire
qu'ils viennent tous des grands centres urbains de leur pays d'origine, ce dont
je ne suis pas du tout convaincu et j'ai pu en vérifier l'inexactitude.
Bien au contraire, ma tournée m'a permis de constater, en interrogeant
nos gens à l'étranger, et les autorités des pays
visités, que les immigrants ne viennent pas tous de la ville de Paris,
de la ville de Rome, de la ville d'Athènes ou de celle de Beyrouth; il
est à se demander pourquoi, une fois rendus chez nous, il leur faut tous
je ne dirai pas s'écraser s'empiler dans la région
immédiate de Montréal.
Cette situation, en plus de venir multiplier les difficultés, les
empêche évidemment de découvrir la magnifique
hospitalité des Québécois de la province. Puisque j'ai
l'honneur, comme on le sait, d'être un partisan irréductible de la
ville de Québec où j'ai vu le jour et où j'ai toujours
vécu, en plus d'être député d'un comté de la
Gaspésie, je pense que je n'ai pas plus que d'autres le droit d'accepter
un tel état de choses.
Quant aux possibilités d'emploi, je les considère, dans
bien des cas, aussi intéressantes en zones rurales, du moins dans les
secteurs de l'économie où il n'y a pas de saturation. Je donne un
exemple bien précis. Dans mon comté, à Matane, un dentiste
de mes amis est décédé il y a quelques mois. Le
résultat de ce décès est qu'il n'y a plus dans la
région de Matane quand je parle de Matane, je sors
évidemment des cadres de la ville elle-même qui a dix millions de
population et je m'étends dans la périphérie...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pas dix millions mais 10,000.
M. BIENVENUE: Pardon, 10,000. Il n'y a plus que deux dentistes pour
desservir toute la population de cette immense région, pendant que je me
révolte à l'idée qu'il y a peut-être j'en ai
déjà vu des dentistes, chauffeurs de taxis à
Montréal, comme il y a des ingénieurs, chauffeurs de taxis
à Montréal. Vous compren- dres donc facilement que mon
ministère est plus qu'intéressé à la mise sur pied
éventuelle d'une politique d'accompagnement de l'immigrant en province
en collaboration, évidemment c'est indispensable avec les
ministères de l'Education, des Affaires culturelles, de l'Industrie et
du Commerce et enfin du Travail et de la Main-d 'Oeuvre.
M. DEMERS: Le bill 250.
M. BIENVENUE: Oui. Je n'ose pas en parler, il n'est pas encore
adopté.
M. DEMERS: Non. Nous n'avons pas encore le droit.
M. BIENVENUE: A ce sujet je voudrais mentionner que mon sous-ministre me
rappelle avec beaucoup d'à-propos le projet de loi 64 qui a
été peut-être le premier projet de loi parrainé par
le ministère de l'Immigration, avant que j'y sois, ce qui a aidé
à combler une carence. On se rappelle que dans le cas de plusieurs
professions, et je pense notamment aux médecins, il fallait que les
médecins étrangers attendent cinq ans, soit la période
requise pour obtenir leur citoyenneté canadienne, avant de pouvoir
pratiquer la médecine légalement, officiellement au
Québec. En vertu du bill 64, les médecins et d'autres professions
peuvent, après un an, pourvu qu'ils aient fait leur demande de
naturalisation, pratiquer la médecine s'ils obtiennent, à la
satisfaction du ministère de l'Immigration je le sais parce que
je dois, à tous les jours, signer de tels certificats en grand nombre
avoir une connaissance d'usage raisonnable, suffisante de la langue du
Québec.
M. DEMERS: Le ministre permettrait-il que je l'arrête et que je
lui pose une question?
M. BIENVENUE: De la langue française.
M. DEMERS: Oui, de la langue française. Et qu'il ait aussi
reçu un certificat du collège.
M. BIENVENUE: Evidemment. Je m'attachais...
M. DEMERS: Pour le bill 64. M. BIENVENUE: D'accord.
M. DEMERS: Cela règle le problème de la
citoyenneté.
M. BIENVENUE: C'est ça!
M. DEMERS: Mais au point de vue de la qualification professionnelle.
M. BIENVENUE: D'accord. Je voulais souligner l'aspect qui nous concerne,
nous-mêmes, directement.
M. DEMERS: Je pense qu'il y aurait peut-être une démarche
à faire pour que ça devienne un peu plus souple, pour que
l'aménagement rural puisse se faire au point de vue professionnel, alors
qu'on a des chauffeurs de taxis, comme vous le disiez tantôt, qui sont
des professionnels chevronnés, mais qui, à cause de certaines
modalités d'exigences d'un collège, ne peuvent pas sortir de
là.
M. BIENVENUE: Je tiens à dire que de telles démarches sont
en cours. Evidemment le bill 64 est un précédent, qui venait bien
tard après combien d'années. Mais nous sommes engagés sur
la bonne voie, de ce côté. Sujet, évidemment, à
toutes les questions que vous voudrez bien me poser, dont je ne connais pas
toutes les réponses, je me rappelle avec toute l'humilité dont je
suis capable, que je ne suis à l'Immigration que depuis à peine
quelques courts mois. J'ai d'excellents collaborateurs qui pourront m'aider
à le faire.
Je voudrais conclure de la façon suivante. Premièrement,
et c'est un principe qui me dirigera toujours, à moins que je ne change
beaucoup, tant que je détiendrai le portefeuille de l'Immigration, c'est
qu'il ne faudra jamais, au grand jamais, pour autant que je suis
concerné, favoriser l'immigration à un tel point que, de cette
façon, on prive les nôtres, les Québécois, de tels
emplois.
Le jour où l'on me prouvera qu'en favorisant tel ou tel
immigrant, je coupe les vivres, je prive d'un emploi, de son revenu, un
autochtone, un citoyen du Québec, à ce moment-là, cran
d'arrêt, point d'arrêt. Charité bien ordonnée
commence par soi-même et cela n'est rien de nouveau, c'est ce que j'ai
constaté partout, en Italie, en France, en Grèce et au Liban.
Autant on est favorable à l'immigration, comme nous le sommes ici pour
les nombreuses raisons que j'ai expliquées, autant il faut mettre un
cran d'arrêt, si cela a pour effet de priver les nôtres.
Cependant, il faut retenir le concept suivant, celui auquel j'ai fait
allusion précédemment, lorsque l'immigration, comme c'est le cas
très souvent, crée des emplois, il faut la favoriser dans le
contexte économique dont j'ai parlé dans le contexte
québécois dont j'ai parlé aussi sur le plan de la langue
et de la survie.
M. DEMERS: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait
de lui poser une question au sujet de la relation qu'il y aurait entre le
chômage et l'immigration? Pourrait-il nous dire si, d'après lui,
cela n'a pas une influence aussi marquée que des gens le
prétendent ou si le problème est tel qu'on devra restreindre,
pendant une période de chômage qui est assez accentuée dans
la province de Québec, tout le courant de l'immigration?
M. BIENVENUE: Nous avons, au ministère, une étude qui
porte sur le fond de la question. Il me fera extrêmement plaisir de la
lui faire parvenir. S'il l'a déjà, le député de
Saint-Maurice est fort, tant mieux. Deuxièmement...
M. DEMERS: Non, je voudrais avoir l'opinion.
M. BIENVENUE : Oui, j'avais un peu amorcé le sujet. Je viens de
dire que lorsque l'immigration crée des emplois, je pourrais donner des
exemples que nous avons dans nos statistiques, il faut la favoriser et je parle
de cas d'espèce. Je redis que si nous recevons ici un immigrant qui n'a
pas d'emploi et n'en trouve pas ici, qui est un fardeau additionnel à
notre bagage parfois pénible d'assistance sociale, ou si cet autre
immigrant vient ici prendre le seul emploi disponible que devait avoir un des
nôtres, là, nous ne devons pas favoriser l'immigration.
M. DEMERS: Comme apport économique, est-ce que le ministre
pourrait nous dire ce que l'immigration, je comprends qu'évaluer
ça statistiquement parlant, c'est difficile, mais on devrait avoir un
apport économique sur l'investissement que cela a créé
dans la province de Québec, cette immigration que nous avons, même
si elle est restreinte.
M. BIENVENUE: Je rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure, que
depuis environ cent ans, l'Ontario reçoit 50 p.c. des immigrants du
pays. Je ne crois' pas que, dans le cas de l'Ontario, cela a été
un facteur de chômage. Je pense que les faits sont là. Dans le cas
du pays en général, le conseil économique du Canada
indique les chiffres suivants: l'immigration représente 1 p.c. de la
main-d'oeuvre au pays. Je ne veux pas me répéter mais je dis bien
que, si l'immigration dans un contexte donné, à une
période donnée, dans un endroit donné, dans des
sphères d'activité économique données de types
d'emplois, a pour effet d'augmenter la liste malheureuse du chômage ou de
l'assistance sociale ou de priver les nôtres, quels qu'ils soient du
même emploi, je dis non.
Si, par ailleurs, sans affecter ces champs d'activité dont je
viens de parler, l'immigration a pour effet d'ajouter des emplois, de
créer des emplois, je dis oui à bras ouverts. C'est pour
ça que j'ai indiqué précédemment que l'immigration,
autant que faire se pouvait, devait être de plus en plus
sélective.
C'est pour ça que j'ai parlé de l'insistance que nous
mettons et que nous voulons mettre de plus en plus sur l'immigrant
investisseur: celui-là ne met pas en péril notre taux de
chômage, bien au contraire. Evidemment, j'ai dit autant que faire se
pouvait, et je m'explique. L'on sait tous qu'il existe une catégorie
d'immigrants qui a une importance considérable qui s'appelle les
immigrants parrainés. Ce sont ceux dont les familles ou les proches sont
déjà établis au pays et les familles et les proches les
font venir au pays. Ceux-là viennent, il n'y a aucune difficulté
pour l'obtention du visa pourvu que
certaines conditions de parenté soient établies;
évidemment, sur ceux-là, nous n'avons aucun contrôle, sur
ceux-là, il n'est pas question d'orientation, de sélection; on
doit les accepter comme ils viennent. C'est pour cela que j'ai dit autant que
faire se peut.
La deuxième et dernière conclusion que je voulais formuler
ici après ces remarques dont je m'excuse de la longueur, est la suivante
et, à ce moment-là, je citerais l'un de mes
prédécesseurs: Je crois sincèrement qu'une immigration
saine et raisonnable, bien coordonnée et adaptée à nos
besoins est nécessaire et indispensable. C'est mon regretté
collègue Pierre Laporte qui m'avait déjà souligné
la nécessité pour la communauté francophone canadienne de
réussir à intégrer harmonieusement les immigrants
étrangers soucieux de participer le plus possible à notre vie,
à notre langue et à notre culture. Il en faisait, lui, une
question de survie pour le Québec, pour l'élément
francophone du pays, du Canada, et j'en fais moi aussi une question de survie
face à ce que l'on a cerné tout à l'heure, le
problème de la natalité, entre autres, de la non-croissance chez
nous; j'en fais moi aussi une question de survie et je n'ai pas craint de le
dire partout où j'ai eu l'occasion de le faire, que ce soit ici au pays
ou en Europe au cours de cette mission dont j'ai parlé.
Répondant peut-être aussi de façon additionnelle au
député de Saint-Maurice, je voudrais souligner que l'immigrant
professionnel, dont la formation a coûté de $40,000 à
$100,000, suivant le cas, à son pays d'origine ces chiffres nous
ont été indiqués par les gens des relations
étrangères des pays visités dont le coût a pu
varier suivant évidemment la profession, la durée des
études, le degré de perfectionnement, constitue un apport direct,
indéniable, fort lucratif au Québec, celui sur lequel un autre
pays a mis un dizième de million pour en faire qui, un grand
médecin, un grand chirurgien, un ingénieur, dans les champs que
l'on voudra, nous bénéficions, nous, de cette formation. C'est un
autre de ces éléments extrêmement désirables
auxquels je faisais allusion et pour lesquels il y a toujours de la place.
Lorsqu'on me convaincra qu'il y a saturation de médecins dans le
Québec, qu'il y a trop de médecins pour ce qu'il y a de patients
ou de malades, je mettrai avec d'autres un cran d'arrêt plus fort
à l'immigration. Mais je pense qu'il y a encore de la place chez nous
pour ce genre d'immigration extrêmement désirable.
Je termine en m'excusant à nouveau pour la longueur, en disant
que la question de survie, question extrêmement grave, question beaucoup
plus grave que certaines questions purement économiques, en est une qui
ne peut nous laisser insensible et l'immigration, de ce chef, vue sous cet
angle, même si elle n'a qu'un budget, comme on le verra, de $1 million et
quelques cent mille, est peut-être le ministère qui, face à
cet aspect extrêmement important, autour duquel gravite sinon le court
terme, sinon l'immédiat, du moins le moyen, le long terme de la
francophonie au Québec.
M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une question ou deux
à poser au ministre. Le ministre a parlé de la
démétropolisation qu'on appelait autrefois
décentralisation. Aujourd'hui, on fait des mots nouveaux assez souvent.
J'ai appris à ma grande surprise que le paneliste était devenu un
"homme-ressources" et je vous le dis, M. le ministre, pour votre
édification, afin que vous ne tombiez pas de votre siège lorsque
vous l'entendrez pour la première fois.
M. BIENVENUE: Je dois dire que je n'ai pas soumis le mot
démétropolisation à l'approbation de mon collègue
et ami, le député de Chicoutimi, mais...
M. DEMERS: ... il faudra le faire. M. BIENVENUE: Oui.
M. DEMERS: Et en démétropolisant, est-ce que le ministre a
envisagé d'abord, si on démétropolise, on va sortir
des centres et on va s'orienter vers les régions rurales en
collégialité avec son collègue du ministère de
l'Agriculture, à essayer de ramasser tout ce qu'il y a de terres non
cultivées et abandonnées dans la province de Québec et qui
auraient une certaine rentabilité pour des cultures
spécialisées et que certaines personnes, autres que nos gens qui
n'en veulent pas et qui ont un sens de l'économie un peu plus
poussé que le nôtre, pourraient rendre efficaces? Je
réalise par une lettre, que votre prédécesseur, le Dr
Cloutier, disait que les immigrants investissent $10 millions par année,
en créant 2,700 nouveaux emplois dans la province, ce qui est un apport
assez sérieux au point de vue de l'infusion dans l'économie de la
province. Si on veut décentraliser, si on veut prendre le champ, sans
courir trop de risques, il faudra nécessairement qu'avec le
ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Immigration se
penche sur le problème de ces fermes qui sont abandonnées et qui
pourraient être rendues à la culture pour autant qu'elles auront
une vocation précise et peut-être que ces gens pourraient, avec
l'esprit de travail qu'on leur connaît, rendre productrices ces terres
qui ne servent à rien actuellement.
M. BIENVENUE: La question du député de Saint-Maurice est
excellente, fort appropriée, et j'ai même l'impression et la
certitude que sa pensée et celle de mon ministère se sont
rejointes avant l'étude des crédits de ce matin.
M. DEMERS: Savez-vous qu'on voyage? Vous m'emmènerez au prochain
voyage.
M. BIENVENUE: Avec plaisir. Premièrement, il y a
déjà, depuis quelques mois, et depuis un an en particulier,
peut-être davantage, des cas extrêmement intéressants
d'agriculteurs
étrangers qui sont venus s'établir au Québec et qui
justement prennent une relève qui s'impose. Non seulement sont-ils venus
avec leurs bras et leur tête et leurs capacités de travail, mais
ils ont apporté avec eux des sommes assez intéressantes qu'ils
ont investies dans la culture de ces terres.
Je réponds oui à la question du député de
Saint-Maurice relativement au fait que nous ayons songé à nous
aboucher avec le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation pour
favoriser cette reprise, cette relève de terres qui sont peut-être
trop ingrates pour certains des nôtres mais qui semblent non ingrates
pour des gens de l'étranger qui ont le coeur de travailler, d'en
arracher et de gagner. Et à cet effet, parmi d'autres mesures, nous
venons précisément de créer à notre
ministère un poste de responsable des immigrants investisseurs dans le
secteur précis de l'agriculture, afin de travailler en relation directe
avec le ministère de l'Agriculture. Et c'est pour cela que je dis que la
question du député de Saint-Maurice était fort à
propos, fort juste et dans les faits, nous nous rejoignons.
M. CROISETIERE: Pour renchérir sur ce que le ministre vient de
dire, j'aimerais ajouter que, surtout dans notre région, nous avons des
immigrants belges et allemands qui font l'honneur de la collectivité.
Les Belges se sont intégrés à la région et les
familles y ont contracté des mariages depuis au-delà de vingt
ans. Cela a créé une ambiance qui a permis la relève des
agriculteurs. Cela a créé également un certain esprit
d'équipe qui a aidé aux cultivateurs à se relancer
davantage.
M. BIENVENUE: Est-ce que j'ai raison de dire qu'ils s'intègrent
harmonieusement?
M. CROISETIERE: Certainement.
M. BIENVENUE: Lorsqu'on les éloigne parfois du grand centre, ils
s'intègrent davantage, participent à la vie collective, peuvent
même enseigner certaines méthodes...
M. CROISETIERE: Absolument.
M. BIENVENUE: ... certains procédés que nous ne
connaissons pas. Alors, j'ajoute mon sous-ministre me le souligne
et je me le rappelle pour l'avoir constaté lors du voyage auquel je
faisais allusion que, via nos bureaux à l'étranger, nous
recevons, de façon hebdomadaire, ce temps-ci, des demandes
d'agriculteurs qui songent à venir cultiver chez nous. Nous sommes en
pleine époque où de telles demandes nous sont faites. Je puis
vous assurer que, par tous les moyens possibles, le tout sujet
évidemment aux restrictions, aux règlements et à toutes
les contraintes qui sont dans les lois, sujet à tout ça, je peux
dire que pour autant que nous sommes concernés, nous allons encourager
cette initiative de toutes nos forces. C'est exactement le type d'immigrant
auquel on faisait allusion tout à l'heure, qui, non seulement ne nuit
pas à l'économie québécoise, non seulement
n'enlève pas de "jobs" chez nous, mais au contraire, prend la
relève lorsque des fermes sont pour être abandonnées ou
désertées. Je peux vous dire que ces gars-là ont du coeur
au ventre et ils travaillent.
M. DEMERS: Je pense qu'il faudrait que le ministère de
l'Agriculture fasse un inventaire positif de ce qu'il y a comme ressources et
le communique au ministère. Si ce n'est pas fait, j'y exhorte le
ministre. Si ça ne va pas à votre goût, vous nous en
parlerez, on fera comme d'habitude, on aiguillonnera le gouvernement pour
essayer que ça devienne une réalité.
Avant de passer à autre chose, j'aurais aimé que le
ministre nous mette des noms sur son organigramme, s'il y a possibilité,
afin que nous puissions connaître ces messieurs. D'abord le ministre, on
commence à avoir une idée, le sous-ministre.
M. BIENVENUE: Vous voulez des noms au cabinet?
M. DEMERS: Oui, s'il vous plaît.
M. BIENVENUE: La direction de l'information...
M. DEMERS: Le ministre, on viendra à bout de le localiser.
M. BIENVENUE: Oui, il est à droite du président. Alors,
où voulez-vous des noms?
M. DEMERS: Le sous-ministre.
M. BIENVENUE: Le sous-ministre, M. Jean Loiselle.
M. DEMERS: La direction de l'Information. M. BIENVENUE: M. Jean
Desraspes. M. DEMERS: Pardon?
M. BIENVENUE: M. Jean Desraspes. Il y a des s tout le long.
M. DEMERS: Il est à Montréal.
M. BIENVENUE: C'est ça. Desraspes. Il y a des s tout le long,
à chaque syllabe. Le personnage est unique mais il y a des s...
M. DEMERS: C'est un homme au pluriel. M. CROISETIERE: Commissaire
général.
M. BIENVENUE: M. René Gauthier, qui est ici avec nous.
Direction des services administratifs. M. Castonguay.
M. DEMERS: Aucun lien?
M. BIENVENUE: Pas que je sache, pas par le visage, du moins.
M. DEMERS: Coordonnateur à Ottawa?
M. BIENVENUE: C'est un poste qui vient juste d'être vacant.
M. DEMERS: Il était occupé par qui?
M. BIENVENUE: Il était occupé par M. Jacques
Larivière, que nous venons de nommer à Rome, c'est lui qui est
notre agent d'orientation à Rome. Le poste est vacant au moment
où on se parle, depuis il y a à peine un mois, depuis trois
semaines, mais nous avons bien l'intention de le combler.
M. DEMERS: Par voie de concours.
M. BIENVENUE: Enfin, on verra les formalités, mais, peu importe
la façon dont il le sera, je veux qu'il soit comblé, parce que
c'est un poste très important.
M. DEMERS: C'est très important.
M. CROISETIERE: Service de recherche.
M. BIENVENUE: Est-ce que le député est
intéressé?
M. DEMERS: Il est intéressé à ce qu'il y ait une
bonne personne là.
M. BIENVENUE: Il se pourrait que l'on redistribue ses fonctions, c'est
pour ça que je n'insistais pas sur la façon... Certaines des
fonctions de coordonnateur dans trois consulats et dans les autres provinces...
Il pourrait se faire, parce que nos budgets sont limités comme on l'a
indiqué, qu'on redistribue ses fonctions.
M. DEMERS: Danx chaque consulat vous avez une personne?
M. BIENVENUE: Non, non.
M. DEMERS: Le coordonnateur est à Ottawa puis...
M. BIENVENUE: M. Larivière, était à
Montréal, au ministère, rue McGill, et il était
coordonnateur des relations avec Ottawa, avec les consulats, avec les autres
provinces.
M. DEMERS: Avec les autres provinces?
M. BIENVENUE: C'est ça.
M. CROISETIERE: Service de la recherche.
M. BIENVENUE: M. René Picard, toujours à McGill.
M. CROISETIERE: Personnel. M. BIENVENUE: M. Jean... M. DEMERS: Pardon,
à McGill?
M. BIENVENUE: La rue McGill, dans un vieil édifice.
Service du personnel: M. Jean-Carol Pelletier, qui est avec nous ce
matin.
UNE VOIX: Est-ce qu'il est ici?
M. BIENVENUE: Ce beau jeune homme au veston beige, pied de poule.
M. CROISETIERE: Direction de l'adaptation.
M. DEMERS: Là je le connais celui-là, c'est un M.
Didier.
M. BIENVENUE: Oui.
M. DEMERS: C'est un Français, de France?
M. BIENVENUE: Oui, maintenant du Canada.
M. DEMERS: Il est entré, me dit-on... si je relis sa note
biographique, la nomination a été faite par voie de concours. Il
avait remplacé...
M. BIENVENUE: M. Silicané qui était en congé sans
solde de la Commission des écoles catholiques de Montréal et qui
a choisi de retourner à la commission.
M. CROISETIERE: Quel est le prénom de M. Didier.
M. BIENVENUE: C'est René. Je dis de lui, en son absence, qu'il
est un atout précieux pour le ministère, il fait un travail
excellent. Alors, dans le moment, nous avons un directeur par
intérim.
M. CROISETIERE: A l'établissement.
M. DEMERS: Son rôle, évidemment, c'est de voir à
adapter les gens, est-ce qu'il va inventorier ces gens avant qu'ils nous
arrivent. Cela ne relève pas de lui, il doit y avoir un bureau de
sélection.
M. BIENVENUE: Non, il faut se rappeler ce que j'ai...
M. DEMERS: A Ottawa.
M. BIENVENUE : Non, le travail dans nos postes à
l'étranger, le premier jalon, la première étape est
là, mais ensuite, lorsque l'immigrant vient ici au Québec, c'est
la direction de l'établissement, dont M. Pierre Gadbois est directeur
par intérim, qui s'occupe de ce que
j'ai dit tout à l'heure, l'accueil, l'aide sociale si
nécessaire, l'aide à la recherche d'emplois, etc.
M. DEMERS: Il est par intérim.
M. BIENVENUE: Oui, parce que son prédécesseur, M. Allard,
a été muté à un autre service.
M. DEMERS: ... bon plaisir?
M. BIENVENUE: Non.
M. DEMERS: Les postes sont comblés.
M. BIENVENUE: Toujours comblés par concours dans tous les
cas.
M. DEMERS: C'est bien cela, continuez.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Mes premiers mots sont pour féliciter le nouveau
ministre de l'Immigration pour sa nomination. Il faut remarquer que c'est la
troisième fois que j'ai l'occasion d'assister à l'étude
des crédits de l'Immigration et chaque fois avec un ministre nouveau. En
1970 c'était le député de Chambly; en 1971, le
présent ministre de l'Education et, en 1972, le député de
Matane. Alors, je ne sais pas si c'est parce que c'est un ministère qui
est difficile à administrer ou si, comme on dit souvent, c'est un
ministère qui est dur pour son ministre, mais de toute façon on
voit qu'il y a changement chaque année. Qui aura-t-on comme prochain
ministre de l'Immigration?
M. BIENVENUE: Je ne voudrais pas laisser ma place.
M. GUAY: Je formule le voeu que ce soit le député de
Matane qu'on rencontre l'an prochain à l'étude des
crédits.
M. BIENVENUE: Merci.
M. GUAY: Dans toute cette politique de l'immigration que le ministre
vient de nous décrire de façon assez détaillée,
cela a été un tour d'horizon assez complet même s'il y a
plusieurs points que nous pourrions scruter davantage, il faut quand même
remarquer, en principe, au point de départ, que le Québec,
actuellement, n'est pas tellement favorisé pour les raisons que le
ministre a touchées. C'est peut-être une façon de mesurer
de quelle façon le Québec est perçu de l'extérieur,
la partie plus ou moins importante de l'immigration qui vient au Québec
ou en Ontario, si on regarde chacune des provinces. Si on se reporte à
un article assez récent de Montréal-Matin, on se rend compte
qu'encore une fois l'Ontario nous devance grandement, le ministre l'a
souligné.
Il faudrait se demander pourquoi. Si on regarde en termes de chiffres,
sur l'ensemble des immigrants, il y a déjà une nette diminution
d'avec l'année dernière. Alors, cela est dû,
premièrement, à quoi? Il faudrait analyser tous les facteurs et
il faudrait analyser quelle est l'importance de l'immigration au
Québec.
Qu'est-ce qui nous arrive, à nous, Québécois qu'on
bénéficie moins, si on regarde l'aspect bénéfique
de l'immigration, que d'autres centres, milieux ou provinces de l'immigration
et parallèlement à cela, comment se fait-il que la grande
majorité des immigrants viennent des Etats-Unis? C'est une autre facette
du problème et il y a sûrement d'autres réponses qu'on peut
ajouter à cela. Si on bénéficie moins, comparativement
à l'Ontario, il y a peut-être le phénomène du
chômage. A-t-on besoin d'immigrants actuellement, par exemple, uniquement
dans le domaine du travail manuel? On a parlé tantôt de
l'agriculture. Je ne sais pas, mais je pense qu'on est déjà en
mesure, après avoir étudié en détail certaines
lois, par exemple et vous m'excuserez de répéter ce que
j'ai déjà dit les lois de la construction, alors qu'on
limite actuellement l'accès à certains métiers... On se
rend compte qu'à la construction on va être limité à
120,000 travailleurs.
Bien sûr, qu'on n'est pas unique au Québec, que la
construction est en quelque sorte le dépotoir des autres métiers
ou des autres professions, mais il faut quand même se rendre compte qu'on
limite l'accès à des métiers assez faciles. Et partout,
dans tous les pays, la construction se ressemble. C'est moins différent
que dans d'autres secteurs. Partout on connaît le même
problème et partout c'est en quelque sorte le domaine où les
autres métiers, les autres professionnels ou les autres corps de
métiers viennent s'échoir en quelque sorte quand ils sont
tannés ou qu'ils ne peuvent plus exercer un autre métier.
Or, à partir de là, si on limite davantage, par des
barrières de toutes sortes et je pense également à ce
qu'on appelle des corporations fermées où on dit qu'à
partir, par exemple, de telle date, ce sera impossible d'ajouter du personnel
supplémentaire avec nous autres...
Le ministre a touché à la sélection et je pense que
tout le problème est autour de ça. Bien sûr, on dit souvent
que charité bien ordonnée commence par soi-même. Je suis
parfaitement d'accord et je pense que le ministre l'est également.
Je pense qu'il est temps, ç'a peut-être été
fait dans le passé, peut-être de façon trop
négligée, de façon pas assez prononcée, si je peux
m'exprimer ainsi, de faire une sélection, je dirais même assez
sévère en ce qui concerne l'entrée de nouvelle
main-d'oeuvre. Il ne faut jamais oublier que ces gens qui quittent, soit la
France, le Japon ou un autre pays, c'est toujours dans l'espoir d'avoir des
conditions de vie meilleure. Pour la grande majorité, je pense que c'est
ça.
Est-ce qu'on leur dit, lors de la demande que ces gens-là nous
font, les risques qu'ils courent en venant au Québec? Est-ce qu'on leur
dit, par exemple, qu'au Québec il y a tant de mille chômeurs
actuellement, qu'au Québec il y a telle difficulté, qu'au
Québec, c'est possible que vous ayez de la difficulté d'abord
à vous intégrer et, deuxièmement, à trouver un
emploi et à vivre convenablement?
Alors, j'ai déjà dit à l'ancien ministre de
l'Immigration, que si on laisse entrer chez nous des immigrants et qu'ils
viennent s'ajouter à la liste des assistés sociaux, à
partir de là, ils peuvent très bien être assistés
chez eux. Alors l'ensemble de la collectivité va en quelque sorte faire
vivre ces personnes et je suis convaincu que si des personnes qui viennent, je
peux les appeler de nouveaux arrivants, s'ajouter à notre population, et
s'ils sont obligés de passer deux, trois ou quatre ans à l'aide
sociale, je vous garantis qu'il va falloir les réintégrer de
façon plus prononcée. Cela va être difficile. On a de nos
citoyens qui sont déjà difficiles à
réintégrer au marché du travail.
Alors sélectionner ça semble facile, c'est un beau mot,
puis c'est bien facile à faire. Maintenant, il ne faut pas oublier qu'il
y a une grande partie de nos Québécois qui vont à
l'extérieur aussi. Et si on se reporte à un petit volume qui a
été publié remarquez bien que je ne porte pas de
jugement sur le volume là, "Québec immigration zéro"
on se rend bien compte qu'il y a encore plus de Québécois
qui quittent le Québec qu'il y en a qui viennent s'y ajouter.
A partir de là, c'est seulement un remplacement en quelque sorte.
Il s'agit de savoir quelle classe de la société quitte le
Québec pour aller s'établir ailleurs et quelle classe nous
arrive. A partir de là, je pense que, si on se rappelle encore une fois
que charité bien ordonnée commence par soi-même, il va
d'abord falloir analyser nos besoins. Analyser ce que nous,
Québécois, ne sommes pas capables de faire dans des secteurs
où nous ne sommes pas capables de produire. A partir de là,
peut-être que...
M. BIENVENUE: Le député m'excusera-t-il, me permettra-t-il
une courte interruption à son texte qui par ailleurs est fort
intéressant?
M. GUAY: Oui.
M. BIENVENUE: Je voudrais lui dire que pour autant que nous sommes
concernés, ce livre intitulé "Québec immigration
zéro" est loin d'être notre livre de chevet ou notre bible. Nous
sommes loin sur un tas de sujets, ce livre est complètement dans
l'erreur. Pour employer une expression de chez nous, il est dans les patates.
Et à titre d'exemple, nous ne croyons pas du tout, nous ne sommes pas du
tout d'accord qu'il y a plus de gens qui quittent le Québec qu'il n'y en
a qui y arrivent.
Mais je voulais simplement faire cette mise au point. Quant à
nous, je remets la parole avec plaisir au député de
Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je suis très heureux que le
nouveau ministre de l'Immigration ait apporté cette nuance. J'ai
même cru, j'ai même eu peur à un moment qu'il ne la fasse
pas.
M. DEMERS: Le ministre pourrait-il faire une déclaration contre
ce livre-là qui fait tort, qui est mauvais?
M. BIENVENUE: Je pense que je viens de le dire, mais assez
clairement...
M. DEMERS: Oui, oui en donnant par exemple,...
M. BIENVENUE: Je ne veux pas donner à ce volume...
M. DEMERS: ... l'importance qu'il n'a pas.
M. BIENVENUE: ... l'importance qu'il n'a pas et qu'il n'a jamais eue
à mes yeux, d'ailleurs, et je répète qu'il est loin
d'être notre bible ou notre livre de chevet. Même s'il a raison
je ne condamne pas le livre en bloc quant à certains cas
particuliers, le livre ne peut pas être complètement dans
l'erreur. Je ne suis pas un ultra ou je n'aime pas être excessif dans mes
affirmations. Mais sur un tas de sujets, il est dans l'erreur. Il ne vaut que
pour ce qu'il vaut. Si j'ai employé les mots "dans les patates",
tantôt, c'était pour saluer la présence de mon bon ami le
député de Compton.
M. DEMERS: Qui est un spécialiste. M. BIENVENUE: De la patate. M.
DEMERS: Oui? M. BIENVENUE: Mais de la vraie.
M. DEMERS: Je le pensais plus jeune que cela.
M. BIENVENUE: De la patate cultivée.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qui est l'auteur de ce volume?
M. BIENVENUE: M. Jean-Claude Prieur. M. DEMERS: Prieur?
M. BIENVENUE: Pseudonyme: Le Normand.
M. DEMERS: Vous ne le priez pas tous les soirs!
M. BIENVENUE: J'ai fait mon affirmation
sous mon vrai nom et non pas sous un pseudonyme.
M. GUAY: D'accord. Je suis content que le ministre nous dise que ce
volume, "Québec immigration zéro", ne sera pas pour lui une ligne
de conduite qu'il s'engage à suivre intégralement.
M. BIENVENUE: Non, loin de là.
M. GUAY: Nous avons vu également dans cela des lacunes, j'en suis
convaincu. Il y a quand même certaines vérités, le ministre
vient de le dire.
Je pense, au départ, qu'il faudra être bien franc, d'abord,
avec ceux qui demandent un visa pour le Québec, même pour le
Canada. Qu'on ne leur dise pas: Québec, c'est beau! Québec, ce
sont des fleurs partout! Qu'on les mette bien au courant, qu'on les rende
conscients qu'un déplacement d'un pays vers un autre nécessite
des changements. L'adaptation n'est pas facile, spécialement au
Québec, parce qu'on n'a pas toujours des personnes qui viennent
s'établir chez nous, qui parlent le français. Le ministère
de l'Immigration prévoit-il, en coordination avec le ministère de
l'Education, un recyclage dans le domaine de la langue, par exemple, pour
apprendre aux immigrants comment se débrouiller en français au
Québec?
Evidemment, on se rend compte qu'en grande majorité les
immigrants vont vers les villes, plus précisément
Montréal. Montréal s'anglicise davantage. A partir de là,
bien sûr que c'est peut-être un des facteurs qui font en sorte que
les immigrants se dirigent surtout vers les métropoles.
Il y a un autre problème que je ne voudrais pas oublier et qu'on
a touché, soit le temps que cela prend pour devenir citoyen
québécois ou citoyen canadien. On a porté à mon
attention, au cours de l'année 1971, que des personnes avaient
demandé leur entrée et que cela pouvait prendre plusieurs
années, trois, quatre et même six ans, dans certains cas, avant
qu'ils aient obtenu leur citoyenneté, pour des raisons qu'ils
comprennent plus ou moins.
Cela prend cinq ans. Est-ce que, par le passé, cela a
déjà été plus rapide que cela?
M. BIENVENUE: Non.
M. GUAY: Non.
M. BIENVENUE: C'est le strict minimum.
M. GUAY: Le strict minimum, cinq ans.
M. BIENVENUE: A compter de la demande.
M. GUAY: Bon.
M. DEMERS: Je pense qu'on ne s'est pas trompé en faisant cela. En
dépit de certaines précautions, on a eu des héritages
où il a fallu attendre encore cinq ans avant...
M. GUAY: Il faudrait analyser également quelle est l'importance
de l'immigration. Quand je parle de l'importance, je ne parle pas en nombre de
personnes. Le ministre a touché ce point également. Mais y a-t-il
des statistiques bien précises concernant, par exemple, la
création d'emplois par l'immigration? Je dis création d'emplois,
directement et indirectement, en fait. Il est assez important que la population
soit informée de cela. Cela a été touché
également. Il y a plusieurs points qui ont été
touchés. C'est pour cela que mon affaire sera décousue. Je ne
voudrais pas répéter ce qui a déjà
été dit. Mais la population est très mal informée
en ce qui concerne le ministère de l'Immigration.
Tout ce que la population pense, actuellement et dans ma
région, cela commence à se faire sentir c'est qu'on nous
dit: Il n'y a déjà pas de travail pour tout le monde et on fait
venir des gens pour venir prendre notre place. Il faudrait donc que la
population soit informée de ce qui se passe au ministère de
l'Immigration et quelle est la politique vers laquelle s'oriente ce
ministère, pour ne pas laisser l'entrée des personnes trop libre.
Les gens pensent que tout ce que le ministère fait, c'est de favoriser
au maximum l'entrée d'immigrants. Les gens se voient en chômage et
c'est une des raisons pour lesquelles ils grincent des dents et disent: Nous
n'avons pas de travail, nous; cela peut peut-être dépendre de
cela.
Dans cette politique, il faudrait, je pense bien, avant de donner pleins
feux, mettre l'accent sur la sélection et informer la population en ce
qui concerne les critères de sélection. Sur quoi se
base-t-on?
Dans le domaine de l'agriculture on y a touché
également je ne suis pas parfaitement d'accord avec ce qui a
été dit, dans les besoins qui existent en agriculture,
actuellement, parce que là comme dans d'autres secteurs, ce n'est pas le
problème de production qui ne fonctionne pas.
Je verrais très mal, par exemple, quarante Français
arriver ici et commencer à produire des oeufs demain matin. Parce que
nos producteurs produisent déjà à déficit. A partir
de là, je suis convaincu d'abord qu'ils n'iront pas dans ce secteur
s'ils sont bien informés; mais si on leur dit que c'est le ciel dans ce
domaine, il n'y a pas de problème. Je pense qu'il va falloir finir de
jouer à cache-cache, mettre au courant ceux qui demandent
l'entrée et être bien franc avec eux. Si on veut leur offrir mieux
que ce qu'ils avaient, il faut regarder ce qu'ils avaient avant, quelle
était leur condition de vie et pourquoi ils décident de venir
ici. Il y a peut-être des raisons cachées qui les motivent
aussi.
M. BIENVENUE: Est-ce que le député me permet? Je ne
voudrais pas oublier ce point, qui m'intéresse beaucoup. Il fait
allusion à la venue disons de quarante Français qui...
M. GUAY: C'est un exemple.
M. BIENVENUE: Oui, je comprends, je le prends comme exemple aussi.
D'ailleurs, je voudrais donner un exemple vécu en guise d'explication.
Donc des Français qui voudraient se lancer dans la production d'oeufs
alors qu'on sait que déjà il y a surproduction. Effectivement,
ces gens-là je reviendrai tout â l'heure pour d'autre
chose, telle la construction sont instruits par nos agents d'orientation
sur certains domaines de saturation. Evidemment, ils n'auront pas
intérêt le député de Dorchester conviendra
avec moi s'ils sont moindrement intéressés en faisant le
plongeon que constitue la traversée de l'océan pour
s'établir ici, à investir c'est le temps de le dire
à mettre les oeufs dans le même panier.
Je donne un exemple très concret, très récent,
très précis d'un agriculteur européen qui est venu
Français en particulier s'établir dans le comté de
Vaudreuil et qui a apporté avec lui ça intéressera
le président de cette commission la jolie somme de $400,000 qu'il
a investie dans son entreprise agricole et qui, évidemment, ne s'est pas
lancé justement dans le marché des oeufs mais qui a investi dans
une entreprise extrêmement florissante qui rapporte, qui est excellente
pour l'économie du Québec, pour l'agriculture, et qui crée
des emplois.
Les remarques du député de Dorchester sont justes, je
partage son point de vue mais c'est justement une de nos missions de diriger
ces gens-là, que ce soit en agriculture ou dans d'autres domaines, comme
la construction dont on parlait tout à l'heure, de les diriger vers des
champs d'activité où il y a place, où il n'y a pas
déjà saturation. Cela me permet du même trait de dire, en
réponse à la question du député de Dorchester, que
ce sont justement nos agents d'orientation qui informent et continuent
d'informer les candidats à l'étranger, candidats à
l'immigration, à titre d'exemples, que l'industrie de la construction
est saturée, qu'il y a un problème chez nous; et c'est une des
missions, un des messages qu'on leur donne mandat de répéter aux
étrangers de façon justement à ne pas sursaturer un
domaine comme celui de la construction.
M. GUAY : C'est déjà un gros problème parce qu'on
le vit actuellement et il y a certaines corporations qui sont fermées.
Plusieurs productions sont également, dans plusieurs domaines,
déjà en surproduction. Evidemment, je dis que c'est une
sous-consommation mais d'autres disent que c'est une surproduction. En parlant
de là, il y a tout ce problème d'information, ce recyclage
également... Je suis convaincu que plusieurs immigrants, ont besoin de
recyclage en plus de la langue parce qu'on n'a pas les mêmes
méthodes de production. On n'a pas le même outillage,
peut-être qu'on est en avance, peut-être qu'on est en
arrière. Mais quand même le ministère de l'Immigration,
quand on discute les crédits, nous demande de voter $1,669,000. En fait
peu importent les questions, c'est de l'administration.
Ce qui compte pour nous, c'est de savoir quelle sera l'orientation et,
dans le domaine de l'immigration, si on doit avoir des politiques à long
terme, c'est là. Dans ce domaine, des politiques à court terme ne
peuvent pas être efficaces. Evidemment, ça prend une
planification. Je dis que, dans le domaine de l'immigration, il faut d'abord
analyser nos besoins et, si on veut agir un peu en égoïste, si on
veut réussir c'est peut-être un peu comme ça
il va falloir laisser entrer ceux dont nous avons besoin et ceux dont on peut
facilement se passer et qui viendraient s'ajouter en trop, c'est bien dommage
mais il va falloir, à un moment donné, y mettre un frein.
Cela fait peut-être partie de la sélectivité dont on
a parlé.
J'espère que, dans l'avenir, sans créer de
contradiction... Je suis peut-être même au courant qu'il y aura une
loi déposée à Ottawa concernant l'immigration et cela me
permet de demander au ministre s'il y a eu des consultations bien
étroites en ce qui concerne cette loi qui sera présentée
au gouvernement central, si le ministère ici â Québec est
bien informé et si ces désirs-là sont transmis dans cette
loi qui sera présentée au fédéral?
M. BIENVENUE: Je réponds tout de suite avec plaisir au
député. Je dois d'abord dire que ces changements qui doivent
venir au ministère de l'Immigration â Ottawa ne sont pas majeurs.
Il s'agit de modifications législatives plutôt mineures. Mais cela
me donne l'occasion de le dire et je remercie, en quelque sorte, le
député de me fournir cette occasion, je pèse bien mes
paroles, s'il est un ministère au Québec qui puisse
éventuellement servir d'exemple à d'autres paliers
administratifs, à d'autres ministères, à d'autres
autorités, face ou relativement aux relations
fédérales-provinciales, c'est celui de l'Immigration du
Québec. Je suis particulièrement fier de le dire. Cette
même cordialité que j'ai évoquée
précédemment, à l'occasion du rapport de cette
tournée en Europe, dans nos postes d'immigration, cette même bonne
entente vaut et a toujours valu, à ma modeste connaissance, ici au pays
depuis la création de notre ministère en novembre 1968.
Pour répondre de façon encore plus précise au
député de Dorchester qui me parle de ce projet de loi,
d'amendements d'ordre secondaire à la Loi de l'immigration
fédérale, je lui dis que le ministre fédéral de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, l'honorable Bryce MacKasey m'a écrit
à deux reprises depuis quelques jours et, à moins de changements,
je dois le rencontrer ici même à Québec. Ce n'est pas moi
qui me déplace pour aller à Ottawa, c'est lui qui vient nous
visiter à Québec à la mi-juin pour connaître
précisément notre point de vue, nos
opinions, nos suggestions face à ces projets d'amendements ou
d'amélioration de la Loi de l'immigration fédérale.
Evidemment au niveau des fonctionnaires, ces consultations sont en cours
depuis longtemps. Je puis dire, je le tiens de la bouche même de mon
sous-ministre et des autres cadres de mon ministère, que l'entente
règne. Je n'ai pas parlé d'entente parfaite car je n'en connais
pas entre deux parties qui négocient quelles qu'elles soient, dans
quelque pays du monde que ce soit, à quelque niveau que ce soit, toutes
choses étant ce qu'elles sont, les relations sont excellentes et j'ai
bien l'intention, pour autant que je suis concerné, de les maintenir
telles quelles. Je répète qu'il y aurait peut-être
intérêt pour d'autres, je ne pense à aucun organisme en
particulier, â ce que les relations soient aussi bonnes ailleurs.
Je dis en un mot que nous rencontrons M. MacKasey à la mi-juin
à moins d'imprévus dans le sens des suggestions que vient de
faire le député de Dorchester.
M. GUAY: Est-ce que le ministre a l'intention de demander que le
contrôle de l'immigration, en ce qui concerne le Québec, soit
remis entièrement au Québec?
M. BIENVENUE: A ce moment-là, il faudrait demander la
modification de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
M. DEMERS: Elle a déjà été modifiée
à la "mitaine", vous pourriez peut-être demander ça.
M. BIENVENUE: C'est-à-dire que nous allons essayer.
M. DEMERS: Ce serait une façon indirecte de restituer...
M. BIENVENUE: Nous allons essayer d'obtenir le plus possible sans perdre
la tête et en nous rappelant toujours que Paris ne s'est pas faite en un
jour. J'aime mieux que cela prenne un peu plus de temps pour arriver à
des fins plutôt que plonger trop vite alors qu'il n'y a pas assez d'eau
dans la piscine.
Si on me permet une dernière remarque au député de
Saint-Maurice, c'est toujours au sujet de ce que disait le député
de Dorchester. Il faut se rappeler que le ministère de l'Immigration a
été créé par une loi en novembre 1968 et a mis,
comme c'est normal, quelques mois à se trouver d'abord des locaux et
quelques autres mois à nommer ses premiers cadres, ses premiers hauts
fonctionnaires. Cela nous reporte beaucoup plus près dans la
période de quatre ans dont j'ai parlé et il faut se rappeler
qu'en ayant au Québec un ministère de l'Immigration, on devait au
cours de ces trois ans rattraper cent ans où d'autres nous avaient
devancés.
Je pense notamment à l'Ontario qui, depuis 1869, oeuvre dans le
domaine de l'immigration. Je n'accuse pas le passé. Je n'accuse pas les
gouvernements antérieurs ou précédents, j'aime mieux
regarder l'avenir que le passé et nous avons dû, depuis trois ans,
mettre tout sur pied. On est loin d'avoir fini. Il y a beaucoup de rattrapage.
Il y a beaucoup de politiques à long terme à envisager le
député en parlait et évidemment il y a eu le
facteur des changements successifs de ministre. Cela n'a pas aidé
ça non plus au point de vue de la direction marquante.
Il se fait que celui qui vous parle n'a pas au moment où il vous
parle d'autres responsabilités majeures que celles de l'Immigration et
c'est pour ça que j'essaie de profiter de ce temps de liberté
si on peut appeler ça temps de liberté pour y
donner le meilleur de ma modeste personne avec l'aide de mes collaborateurs
pour imprimer cette marque ou envisager ces politiques à long terme
auxquelles faisait allusion avec raison le député de
Dorchester.
M. MARCHAND: L'Ontario n'a pas de ministère de l'Immigration.
M. BIENVENUE: Non, mais il y a le ministère de la
Citoyenneté, le Secrétariat de la province et une division
majeure de son ministère de l'Industrie et du Commerce qui, à
toutes fins pratiques, s'occupent de l'immigration depuis toujours. La
structure là-bas est secondaire. Le mot est différent, on n'a pas
le titre de ministère de l'Immigration, mais dans les faits on y voit et
on y voit joliment bien.
M. MARCHAND : Est-ce que la Colombie-Britannique a un ministère
de l'Immigration?
M. BIENVENUE: Non.
M. DEMERS: Il y a là un premier ministre qui monte de temps
à autre: c'est la même chose...
M. GUAY: On s'est plaint à plusieurs reprises du faible taux de
croissance de notre peuple. L'immigration est sans doute, et sans discussion,
un moyen de pallier le taux de dénatalité concerné. Mais
je me demande si justement là il n'y a pas un danger. Je pense que le
phénomène qu'on vit actuellement au Québec, ce taux de
dénatalité qui devient quand même un problème,
ça devient réellement dangereux. Je pense qu'il y a un danger, si
on comble les vides par l'immigration en masse. On se plaint déjà
que ce ne sont pas les Québécois qui ont leur destinée en
main, mais je pense qu'à partir de là on affirme qu'on refuse de
se prendre en charge et qu'on confie à peu importe qui, on ne sait pas
à qui à l'avance, nos affaires.
Je pense qu'il y a tout de même lieu d'analyser ce
phénomène-là avec le ministre des
Affaires sociales. On voyait justement le ministre qui a
déposé cette année un document de planification des
naissances. Je me demande si avant de consacrer l'accent là-dessus, il
va quand même falloir regarder de quelle façon nous, au
Québec, désirons nous organiser et si nous pouvons compter sur
nos moyens, je pense que c'est une façon de le faire.
Et en terminant, je voudrais rappeler que le ministre qui a
été choisi comme nouveau ministre de l'Immigration possède
le nom tout désigné, quand on dit: Bienvenue! Quand il y a des
nouveaux arrivants, que ce soit dans une localité aussi petite, quoique
importante, que celle que j'habite, on dit toujours aux nouveaux arrivants:
Bienvenue! J'espère que le nom du ministre va en quelque sorte favoriser
l'immigration selon les besoins du Québec.
M. BIENVENUE: Si le député de Sainte-Marie me le permet,
pour compléter les remarques du député de Dorchester, il a
raison de dire que le problème de la dénatalité en est un
d'envergure au Québec. D'ailleurs il n'est pas nouveau, il n'est pas de
cette année, il y a déjà quelques années que ce
phénomène est commencé. Il y a peut-être même
coincidence dans les époques entre le début de ce
phénomène et la création du ministère.
Il a mentionné qu'un plan était fait et faisait l'objet
des recherches, du travail et des préoccupations du ministère des
Affaires sociales. C'est exact. Et là aussi je me plais à dire au
député de Dorchester que le ministère de l'Immigration du
Québec se tient en constante relation avec cette partie du
ministère des Affaires sociales qui s'est penchée sur ce
problème.
Il y a des contacts continuels. Et là, à nouveau, nous
voyons l'importance que revêt la démographie dont je parlais et
qu'en France on l'a associée intimement aux affaires sociales et au
travail, à la main-d'oeuvre et à l'immigration, qui est le
ministère de M. Fontanet. Je suis conscient de ce problème de la
dénatalité. Avec l'aide de mon épouse, j'ai essayé
de faire mon effort: j'ai six enfants.
M. GUAY: J'ai ça aussi.
M. BIENVENUE: Le député de Dorchester a continué,
qu'il ne s'arrête pas en marche, qu'il continue. Très rapidement,
pour soulever quelques points qui ressortent de ce qu'a dit le
député de Dorchester, et de façon très objective...
C'était à l'époque où les loisirs étaient
mal organisés au Québec.
Le député de Dorchester a soulevé une question
intéressante: les liens entre l'immigration et la conjoncture
économique au Québec. Le ministère de l'Immigration a
fait, là-dessus, une étude que je crois être très
intéressante et il nous fera plaisir d'envoyer à chaque membre de
la commission, une copie de cette étude intitulée, sauf erreur,
"Conjoncture économique et immigration au Québec".
Le député de Dorchester c'est le dernier point,
j'achève a souligné qu'il y avait une baisse du taux
d'immigration au Québec, comme d'ailleurs au Canada en
général. Evidemment, il s'agit surtout d'immigration venant
d'Europe, venant un peu du Moyen-Orient et de l'Europe occidentale. Le
député a raison. Les statistiques sont là et ce n'est pas
mon intention d'essayer d'éviter lès statistiques. Je les
constate. Nous en avons discuté d'ailleurs en Europe et il y a
évidemment un tas d'explications. Nous pouvons en retenir plusieurs.
Nous savons que le contexte nord-américain est tel que l'économie
du Canada est intimement liée à celle des Etats-Unis, de nos gros
voisins du sud, et lorsqu'il y a eu baisse ou ralentissement au sud, toujours,
par ricochet et avec un peu de retard, le même phénomène se
retrouve chez nous. Heureusement, il y a des indices de reprise qui sont
encourageants.
Il y a plus, évidemment. Nous savons que les marchés
traditionnels, les bassins traditionnels d'où viennent les immigrants
qui s'amènent au Québec, se sont taris pour différentes
sources. Et une des plus importantes, une de celles qui nous a le plus
frappés je pense qu'il n'y a pas de discussion, c'est un
phénomène reconnu c'est évidemment le succès
économique, la reprise économique qui survient en Europe de
l'Ouest, à la suite de la mise sur pied du Marché commun. Nous
savons que beaucoup d'immigrants venaient au Québec, d'Italie, de
Grèce, de Belgique, de France, des pays du Bénélux, des
pays du Marché commun, et je parle évidemment aussi de l'Europe
de l'Ouest qui, même si elle n'est pas le Marché commun, en
ressent les effets, par ricochet. Je pense au Portugal notamment. Alors ces
gens commencent à comprendre la richesse du capital humain et à
mettre des restrictions. Je ne parle pas seulement des immigrants
eux-mêmes, qui voient une reprise chez eux, mais je parle des pays qui
s'aperçoivent, face à la reprise, de la nécessité
de la main-d'oeuvre qualifiée pour mettre en branle tous les effets,
tous les mécanismes de cette reprise.
Alors, nous savons déjà que quitter son pays, quitter un
continent pour aller à l'étranger, c'est déjà un
sacrifice, c'est déjà l'hésitation devant l'inconnu
ce que j'ai appelé le plongeon tout à l'heure si on le
fait, on le fait d'abord et avant tout, parce qu'on croit faire mieux, parce
qu'on croit faire fortune et améliorer son sort. Or, s'il arrive, dans
la période que nous traversons, par le phénomène
découlant du Marché commun, auquel j'ai fait allusion, et de
d'autres facteurs, qu'il y ait une reprise dans ces pays, en Europe de l'Ouest,
il est normal que, d'une part, le sujet lui-même hésite avant
d'aller trouver ce qui ne sera peut-être pas mieux que chez lui et que,
d'autre part, les autorités gouvernementales des pays où vivent
ces sujets, décident elles-mêmes de freiner un peu, en s'assurant,
comme je l'ai dit tout à l'heure, que charité bien
ordonnée commence par soi-même.
Je remercie le député de Dorchester dont les remarques
sont fort appropriées et énoncées de façon fort
objective.
M. GUAY: Cela m'amène à poser une autre question. Comment
expliquer que, maintenant, la majorité des immigrants viendraient des
Etats-Unis? Est-ce que le Québec ou le Canada a été en
quelque sorte une rampe de lancement? Les immigrants s'installent au
Québec, ou, disons plus précisément, sur le territoire
canadien, vont ensuite aux Etats-Unis et nous reviennent. Il ne faut pas
oublier que, parmi les immigrants qui viennent des Etats-Unis, il y en a parmi
eux qui en grande partie, ont fait un stage dans notre province, auparavant. Je
remarque que, dans ma région, je suis peut-être favorisé,
à cause de la proximité des frontières du Maine qui
coupent mon comté, bornent mon comté. A partir de là, on
remarque que, dans les années 1970, 1971 et même 1972, bon nombre
de gens partent de différents Etats et reviennent au Québec,
actuellement. Est-ce que le peuple québécois redeviendra un
peuple intéressant pour les Américains et un peuple non
intéressant pour la France, par exemple?
M. BIENVENUE: Il y a de ça évidemment. Ce que dit le
député de Dorchester, c'est une source de joie, de
légitime fierté pour nous. Que le peuple québécois,
ou canadien, s'il s'agit des autres provinces, peu importe, redevienne, s'il ne
l'a déjà été, un sujet intéressant ou une
région intéressante, il n'y a pas là de quoi verser des
larmes, c'est là une bonne chose. Mais comme le dit le
député de Dorchester, il y a un tas d'autres facteurs, mais c'est
un phénomène assez récent. Il parlait lui-même des
années 1969, 1970, 1971. C'est un phénomène assez
récent et qui, comme tel, n'a pu, c'est normal, être l'objet d'une
analyse bien approfondie, bien complète. C'est de l'empirisme, c'est de
l'expérimentation. Il n'est pas facile pour le contemporain
immédiat d'analyser en profondeur les causes de ce
phénomène. Il y a évidemment un tas d'autres causes
auxquelles on peut penser, je ne veux pas insister. Il y a le
phénomène de ce qu'on appelle les "draft dodgers". Un de mes
fils, à qui j'expliquais ça, pensait que c'étaient des
joueurs qui avaient été "draftés" par le Dodgers de Los
Angeles. Ce n'est pas ça du tout, c'est le phénomène de
ceux qui veulent éviter la guerre au Vietnam et qui s'amènent au
pays; c'est un phénomène nouveau.
Il y a un tas de faits, mais j'aime mieux ne pas m'aventurer, je le dis
bien franchement, à essayer de mettre le doigt sur la cause
précise de ce phénomène relativement récent, mais
qui n'est pas de nature à nous peiner, si ces gens-là, ou
certains d'entre eux, viennent avec du fric.
M. GUAY: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Maire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, mes observations ne
seront pas bien longues. Je félicite le ministre de son exposé.
Il a répondu à une dizaine de questions que je devais lui
poser.
M. BIENVENUE: On ne s'était pas parlé avant.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Alors, ça va raccourcir le
débat, l'étude des crédits. Cependant, il y aurait
quelques précisions que j'aimerais avoir du ministre, avant de passer
à l'étude article par article.
On sait qu'on a un ministère de l'Immigration à
Québec et qu'il y en a un à Ottawa. Lorsqu'il s'agit du choix des
immigrés, est-ce qu'il s'agit de choisir les immigrants qui doivent
venir au Canada? Quelle est l'autorité, la juridiction du Québec?
Est-ce que le Québec a son mot à dire, ou si c'est le
ministère de l'Immigration fédéral qui décide qui
va immigrer au Canada? Par contre, en immigrant au Canada, il y en a qui
choisissent le Québec ou l'Ontario. J'aimerais aussi sans doute
que vous avez des statistiques savoir quel est le pourcentage de
francophones, parmi les immigrés qui viennent au Québec? Quel est
le pourcentage de ceux qui choississent de s'intégrer à la
francophonie ou le contraire, qui choisissent, par exemple, l'étude de
la langue française ou l'étude de la langue anglaise? Je ne sais
pas si vous avez des statistiques là-dessus.
Ce sont à peu près les deux points majeurs sur lesquels
j'aimerais avoir des précisions.
Une autre observation, je ne sais pas si le ministre peut me donner des
informations, je comprends que ça ne fait pas très longtemps
qu'il est titulaire du ministère. Au début, il nous a
annoncé des réformes dans le ministère de l'Immigration.
Je remarque qu'on a dit que la majorité des immigrants choisissent
surtout la région métropolitaine, Montréal.
M. BIENVENUE: A 90 p.c.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui, étant donné que je suis
député d'un comté de l'île de Montréal, j'en
sais quelque chose. Je ne sais pas à quoi cela est dû. Pourquoi
ces immigrants sont-ils venus au Canada, comme le disait le
député de Dorchester? Quels renseignements leur a-t-on
donnés sur leur chance de s'intégrer dans le Québec, de
travailler, de trouver des emplois? A Montréal, dans la ville de
Montréal et tous les députés qui sont ici, les
députés d'un comté de l'île de Montréal
peuvent dire la même chose je connais une foule d'immigrants qui
sont ici depuis assez longtemps et qui cherchent des emplois. Et souvent en
désespoir de cause, à Montréal, par exemple, vous avez un
fort pourcentage, je ne sais pas combien, de gens qui ont choisi de faire du
taxi, un pis-aller comme on dit, en attendant de s'orienter et trouver des
emplois.
Parmi ceux-là, il y en a qui m'ont dit qu'ils
avaient immigré au Québec avec la certitude de trouver un
emploi dans leur qualification, dans leur métier ou leur profession.
Rendus à Québec, ils n'en ont pas trouvé. Ils ont
été obligés de végéter comme ça et
souvent de faire un travail qui ne leur convient pas du tout. Je suis d'accord
lorsque vous dites: Je connais un immigrant à Montréal qui fait
du taxi, c'est un ingénieur professionnel en construction, je crois, et
il ne peut pas pratiquer sa profession ici dans le moment. Il ne peut
même pas se trouver un emploi qui correspondrait à ses
capacités ou ses études.
Je ne sais pas s'il y a un manque de planification dans le
ministère de l'Immigration, lorsque les immigrants viennent au
Québec. Il faudrait au moins être certain, être capable de
les intégrer, de les lancer sur le marché du travail et de ne pas
en faire des chômeurs. Ce sont des explications d'ordre
général que j'aurais aimé avoir dès le
début, avant de passer article par article.
M. BIENVENUE: Si on me permet, je vais essayer de répondre, pas
nécessairement dans l'ordre des questions du député de
Sainte-Marie mais au meilleur de ma connaissance, à l'ensemble des
questions qu'il a posées, quitte à ce qu'il ne se gêne pas
pour me dire si j'en passe ou si j'en évite ou si j'en contourne.
Ces nouveaux postes que nous avions ouverts à l'étranger
sont tout nouveaux. Cela ne remonte, dans le cas de Rome, qu'à trois
semaines, et dans le cas des deux autres pays dont j'ai parlé, à
environ cinq ou six mois. J'ai dit que c'était une excellente chose
parce que, précisément, c'était notre première
présence, celle du Québec, auprès des endroits mêmes
d'où partent les immigrants qui viennent ici et auprès des
endroits mêmes où sont émis les visas. Je reviendrai sur la
question de l'autorité qui décide et quels sont les visas.
Je dis ça parce qu'il faut se rappeler qu'il n'y a pas que de
Paris, où nous avions déjà un poste, que nous viennent les
immigrants de l'Europe de l'Ouest. Il y a évidemment ces pays auxquels
je viens de faire allusion. Je parlais tout à l'heure de
démotropolisation, c'est une des choses qui me préoccupent le
plus. C'est un des messages ou des mandats que nous essayons de passer le plus
rapidement possible avec le plus de vigueur à ces gens qui sont nouveaux
en poste. Tout étant nouveau, il y a du rattrapage à faire, je
l'ai dit. Et ce, pourquoi? Le député de Sainte-Marie a
touché, comme moi, au coeur du problème lorsqu'il dit que pour
des raisons X, les immigrants semblent s'obstiner à toujours aller
habiter et vivre dans la région métropolitaine.
Il faut se rappeler que, d'abord, il y a une partie d'immigrants dont le
contrôle nous échappe et c'est bien important. Ce sont ceux qui
sont ce qu'on appelle les immigrants parrainés. Ceux-là viennent
en vertu du processus que j'ai expliqué. Leurs parents, leurs proches
qui sont, comme on l'a dit c'est toujours le cercle vicieux
à Montréal et dans la périphérie immédiate,
les font venir. C'est évidemment là, comme on le souligne avec
raison, pour des raisons purement humanitaires. Elles sont l'objet d'ententes
internationales, pour la réunion des familles.
On considère dans tous les pays du monde que la famille demeure
la première cellule de la société, alors, ce qui vaut ici
vaut évidemment ailleurs.
Sur ceux-là, ou n'a pas de contrôle et c'est un pourcentage
qui est de près de 50 p.c. de l'immigration qui vient au
Québec.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce ne sont pas ceux-là que vous
appelez les immigrants investisseurs.
M. BIENVENUE: Non, pas du tout. Ils viennent nus comme des vers ou avec
quelque chose, mais ils viennent parce qu'ils sont parents ou proches.
Ceux-là sont à peu près 50 p.c. du total, et comme 90 p.c.
de ceux qui les font venir sont dans le Montréal métropolitain,
vous comprenez tout de suite qu'il y en a 50 p.c. qui vont venir trouver leurs
proches, non pas pour s'en éloigner à l'arrivée mais pour
vivre avec eux dans le Montréal métropolitain.
C'est pour ça que nous voulons tellement lutter, pour
démétropoliser. Quant aux autres, il faut se rappeler que quitter
son pays d'origine pour se rendre à l'étranger, c'est
déjà se rendre beaucoup vers l'inconnu, donc, vers une certaine
insécurité au départ, et on espère ne pas
être un poids, ne pas être à la charge du nouveau pays
d'adoption. On L'espère pour soi-même, on veut aller là
pour gagner et le plus tôt possible. Or, il y a déjà ce
saut de 3,000 milles dans un pays nouveau qu'on connaît peu ou mal ou pas
beaucoup. Il y a déjà ce saut et cette inquiétude une fois
rendu dans ce qui apparaît clairement, du haut des airs, par bateau ou
autrement, comme la grande agglomération, le grand centre où on
voit un tas de cheminées, de voitures taxis, un tas de magasins, de
boutiques, d'entreprises. C'est une réaction bien humaine qui n'est pas
propre au Québec, puisque c'est partout la même chose, et ce n'est
pas propre non plus aux immigrants. Vous connaissez tous, hélas! cet
exode de nos campagnes vers les grands centres. Alors, on se dit: Rendu
là, avant de m'aventurer et rappelons-nous que c'est immense pour
eux le Québec, quand on sait que c'est quatre fois ou plus la grandeur
de la France avant de m'aventurer dans cet immense pays qu'est le
Québec, pays de montagnes, de champs, de lacs, de forêts et de
tout ce qu'on voudra, essayons dans l'immédiat, ici même à
Montréal, de nous faire une petite sécurité, de commencer
tout de suite en trouvant un emploi.
S'ajoute aussi à ça l'aspect humain qui est psychologique.
Le nouvel arrivé sait et ça ne lui prends pas de temps
à se rendre compte
que, dans tel quartier, telle rue, tel coin ou district de la ville de
Montréal, il va retrouver des gens de son pays qui comprennent sa langue
et il sent la chaleur de l'accueil. Il est un peu perdu, il se dit: En restant
ici, au moins, j'en ai d'autres qui vont peut-être me comprendre et qui
vont peut-être m'embaucher ou me donner des indications.
C'est un phénomène où il y a beaucoup de
psychologie humaine, ce qui est normal, et c'est contre ça qu'il faut
lutter. On peut facilement imaginer un Québécois qui s'en irait
en France. Peut-être va-t-il sentir le besoin, face à l'inconnu,
de s'agripper à la ville de Paris, où il sent qu'il y a de
l'activité, où il sent que l'argent circule, où il peut
voir beaucoup de gens avant de plonger vers un endroit quelconque en province
en France. C'est un phénomène.
Nous cherchons, par les moyens que j'ai indiqués, à
combattre ça. J'irai plus loin et je dirai que n'eussent
été des coupures dans notre budget, coupures qui me font mal
évidemment autant qu'aux membres de cette commission, sinon plus, parce
que nous en sommes l'objet, un des projets que nous caressions était
d'établir dans le Québec et c'est une mesure
concrète, positive, pratique, immédiate d'établir
dans trois ou quatre coins du Québec des locaux, des centres où
des gens de l'immigration auraient pu assurer la coordination, le contact,
l'accueil d'immigrants en province.
Hélas! c'est un projet remis face aux coupures du budget, mais
c'est un projet que nous n'abandonnons pas. Quant à certaines autres
questions fort opportunes et fort logiques, fort normales du
député de Sainte-Marie, je réponds tout de suite que
l'autorité qui choisit les immigrants et par conséquent
émet les visas, elle vient de la constitution, ce n'est pas moi, c'est
le fédéral.
Seulement, je m'empresse de me repérer à notre absence du
champ depuis 100 ans, parce que je suis de ceux qui croient encore que nous
n'avons peut-être pas tiré du pacte confédératif
tout le jus que nous aurions pu en tirer. Je suis de ceux qui croient que nous
n'avons pas tout exploré et exploité sans dire qu'il est...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous permettez une parenthèse?
M. BIENVENUE: Oui.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que vous voulez dire que lorsqu'il
s'agit du choix des immigrants, vous n'avez aucun pouvoir de décision
que le ministère du Québec n'a aucun pouvoir de
décision?
M. BIENVENUE: Non, j'allais ajouter ce qui suit. Grâce à
cette entente unique, je dis bien unique, nous sommes la seule des dix
provinces à profiter d'une telle entente. Elle a été
conçue d'ailiers par, pour et avec nous, entre Ottawa et nous, nous
avons des hommes en place Paris ne s'est pas faite en un jour pas
dans toutes les ambassades du monde, mais dans les coins où nous croyons
que les meilleurs bassins traditionnels pour nous étaient disponibles.
Nous ne choississons pas, nous n'avons pas le pouvoir de décision, mais
nos fonctionnaires en place se font référer par le
fédéral tous les candidats qui manifestent le désir de
venir au Québec.
M. DEMERS: Le ministre a déclaré qu'il refuserait
l'entrée aux immigrants indésirables. Il dit que, d'un
côté, il n'a pas le choix la décision se prend
là-bas et après cela, après l'entente, il peut...
Est-ce que c'est à ce niveau qu'on fait l'inventaire du sujet pour
savoir s'il est indésirable ou pas? Quand est-ce que le ministre peut se
prononcer?
M. BIENVENUE: Premièrement, la question du député
de Saint-Maurice est opportune, sauf que je ne sais pas si on a bien ou mal
rapporté mes paroles. Je n'ai jamais dit que je refuserais
l'entrée de l'immigrant indésirable, parce que je n'en ai pas
l'autorité, je n'en ai pas le droit.
M. DEMERS: Vous pouvez filtrer les éléments
indésirables...
M. BIENVENUE: C'est cela.
M. DEMERS: ... à Montmagny, et M. Bienvenue refusera
l'entrée aux immigrants jugés indésirables.
M. BIENVENUE: Est-ce qu'on met M. Bienvenue entre guillemets ou si on
dit que M. Bienvenue refuserait?
M. DEMERS: M. Bienvenue, "n u e".
M. BIENVENUE: Non, est-ce qu'on le met entre guillemets? Est-ce qu'on me
cite au texte ou si c'est un journaliste qui m'a interprété?
M. DEMERS: Ce n'est pas entre guillemets.
M. BIENVENUE: Merci.
M. DEMERS: Mais dans l'autre sens.
M. BIENVENUE: Je ne l'ai jamais dit parce que j'étais conscient,
comme tous les membres de cette commission, et je viens de le dire en noir sur
blanc, que nous n'avons pas l'autorité ou de refuser ou de
décider, n'est-ce-pas?
M. DEMERS: Mais le ministre était tout fraîchement
nommé.
M. BIENVENUE: Oui, tout fraîchement nommé.
M. DEMERS: Et peut-être de la coupe aux lèvres, il vient
de...
M. BIENVENUE: Non. Il n'y avait pas de coupe ce soir-là. Ce que
le ministre a dit et répète aujourd'hui et a
répété depuis d'ailleurs, c'étais sous forme,
évidemment, de voeux, de désirs. Quand on parle de désirs
ou d'indésirables, j'étais moi-même au chapitre des
désirs. J'ai dit que c'était le désir...
M. DEMERS: C'est ce qu'il y a de meilleur. M. BIENVENUE: C'est cela.
M. DEMERS: C'est le seul péché que nous commettions.
M. BIENVENUE: Très bien. J'ai dit que c'était le
désir du Québec, son souhait profond, son désir ardent,
d'avoir, d'obtenir des éléments désirables et
évidemment pas des éléments indésirables.
C'était presque un lieu commun. Lorsqu'on m'a demandé ce que
j'appelais indésirable, les exemples étaient faciles. Je ne
voulais pas que nous accueillions chez nous de meurtriers, d'assassins, de
méchants, tout ce que l'on voudra, et je souhaitais des gens qui soient
un actif pour le Québec.
Alors, reprenant la question fort bien posée par le
député de Sainte-Marie, je disais que, à la base,
l'autorité décidante était le fédéral
seulement. Grâce à la présence de nos gens, le
fédéral nous réfère les candidats afin que nous
voyons ceux qui ont manifesté le désir de venir au Québec.
Mais de plus et cela est à retenir, c'est important le
Québec, en vertu de la même entente, a le droit de rechercher des
sujets, de trouver des prospects, de les interviewer, de les orienter, de les
amener à songer à venir au Québec pour ensuite et
là, veux, veux pas, tant que les choses sont ce qu'elles sont, elles
demeurent ce qu'elles sont les faire passer par l'autorité
fédérale.
Je veux tout de même dire que ce n'est pas seulement une question
de nous faire référer les gens mais nos gens ont le droit
l'entente le dit en noir sur blanc de prendre des initiatives, de faire
de la prospection.
Seulement, c'est comme en toute matière, il y a progrès
tous les jours, et j'ai dit, et je me suis fait dire par les autorités
fédérales des pays visités, par nos officiers
d'orientation du Québec, que, comme en toute matière, il y avait
une question de bon jugement, de bonne foi, d'intelligence et de saines
relations humaines. Il y a différentes façons d'appliquer une
entente; il y a une façon à la lettre, qui peut être
bornée et limitée, et il y a également possibilité
de se diriger vers l'esprit d'une entente.
De la façon que les individus eux-mêmes l'appliquent et
collaborent au lieu de se repousser, peuvent dépendre des succès
assez surprenants. J'ai dit qu'il y avait eu une période de
relâche, j'ai vu sur place le résultat que donne une intelligente
collaboration entre deux paliers de gouvernement et nous avons vu de ces gens
qui allaient peut-être être admis, qui allaient peut-être
faire l'objet d'une décision favorable de venue au Québec et chez
qui, à la suite de conversations, de rencontres, il se produisait un
phénomène d'intelligente relation tel qu'à un moment
donné des décisions ont été changées.
Ce sont des choses qui se font. Nous en sommes au début, je l'ai
dit, quant au ministère de l'Immigration du Québec et quant
à la mise en application de cette entente. Mais je suis convaincu
et j'en ai eu la preuve à peu près certaine que si un
fonctionnaire, qu'il soit du Québec ou du Canada, en vient à
convaincre l'autre que, pour telle et telle raison, ce n'est pas un sujet
désirable pour le Québec, il ne viendra pas. J'ai dit tout
à l'heure que ce qui était bon pour le Québec était
bon pour le pays, mais ce qui pourrait être mauvais pour le Québec
pourrait être mauvais pour le pays également.
C'est pour ça que je dis qu'il y a deux façons
extrêmes d'appliquer cette entente; il y a la façon à
courte vue, avec oeillères, la façon, j'allais presque dire
stupidement à la lettre, et il y a l'autre qui est une formule
mitigée, où la bonne compréhension a sa place.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si vous me permettez, remarquez bien que je
discute en toute objectivité. Ce n'est pas vous qui avez fondé le
ministère.
M. BIENVENUE : Non.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous êtes obligé de vous
arranger avec, d'essayer de le parfaire; c'est normal. Mais, en d'autres
termes, lorsque le ministère de l'Immigration fédéral fait
le choix d'un immigrant qui s'en vient au Canada, si cet immigrant choisit le
Québec, est-ce que le ministère de l'Immigration du Québec
est consulté?
M. BIENVENUE: Oui, l'entente dit que, dans tous les cas et
l'entente ne dit pas peut-être ou on recommande que l'entente est
formelle: dans tous les cas où un candidat immigrant dit à
l'autorité fédérale que son intention est de
s'établir au Québec, le fonctionnaire fédéral est
obligé, je le répète, est obligé de lui
suggérer de voir le représentant du Québec.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Et si vous le refusez?
M. BIENVENUE: Non, on ne refusera pas de voir ce gars-là.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, mais si vous le refusez...
M. BIENVENUE: Juste avant d'arriver à ça, il faut
cependant se rappeler que l'immigrant n'est pas obligé de venir voir le
représentant du Québec. Le gars du fédéral ne le
suivra pas avec
une carabine 303 sur la nuque jusqu'à notre bureau... Ce ne sera
pas long, mon cher sous-ministre, laissez-moi finir.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si le sous-ministre a des précisions
à donner, il peut le faire. On l'a fait aux autres commissions, les
sous-ministres pouvaient répondre au nom du ministre.
M. BIENVENUE: Oui, c'est parce que je voulais finir ma phrase. Il n'y a
pas obligation, pour l'immigrant, de venir nous voir, n'est-ce pas? Il n'y a
pas obligation, mais évidemment, il y a un phénomène qui
survient, qui est, là aussi, purement humain. L'immigrant est un
personnage surtout quand il part de son pays pour aller dans un pays
nouveau un peu timoré, c'est normal, face à
différentes formes de contrôle de l'Etat.
L'immigrant qui se dit qu'il doit voir une autorité
additionnelle, un fonctionnaire additionnel de l'Etat, qui est le fonctionnaire
du Québec, est dans certains cas, un peu hésitant. C'est humain.
Le même phénomène se produirait pour des gens de chez nous
qui iraient en Europe. Il se dit: Je ne suis pas obligé de le voir, si
ça n'est pas la loi qui m'y force. Et dans bien des cas, l'immigrant ne
le fait pas.
Mais je puis affirmer et c'est scrupuleusement observé, et nos
gens du Québec nous ont dit que le fédéral s'acquitte de
sa tâche qui est de suggérer fortement au candidat immigrant de
voir le fonctionnaire du Québec. Nos propres fonctionnaires nous
assurent que cela est respecté et davantage, non seulement on
réfère le candidat immigrant mais on remet à notre
fonctionnaire le dossier de demande de visa qui l'accompagne afin que le
fonctionnaire du Québec sache ce qui en est de cet immigrant, de son, si
on me permet l'expression qui dit tout, "background", de ses capacités,
etc. Le dossier accompagne l'immigrant et, s'il y a eu des cas de
non-rencontre, c'est l'immigrant lui-même, pour des raisons qui le
concernent, qui s'est abstenu de participer à la rencontre ou à
l'interview. Je puis affirmer, et je le tiens de nos propres fonctionnaires,
que le fédéral se décharge de ses responsabilités
face à l'entente. Et la grande majorité des immigrants voient nos
fonctionnaires.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Après ce processus de
procédure...
M. BIENVENUE: La dernière question était...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... est-ce que, effectivement, vous
avez...
M. BIENVENUE: ... est-ce que nous, nous pouvons le refuser?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... le droit de veto et de dire : On le
refuse?
M. BIENVENUE: Non. Ce n'est pas encore cela, peut-être...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Avez-vous l'intention un jour de voir
si...
M. BIENVENUE: J'ai dit tout à l'heure que j'essaierais, lors de
mes rencontres, plus qu'une, avec les gens du fédéral, d'obtenir
sans clameur et sans coup de foudre, sans verser de sang...
M. DEMERS: Sans menace de démission.
M. BIENVENUE: C'est le député qui parle, ce n'est pas moi.
J'essaierai d'améliorer les choses.
M. DEMERS: Vous voulez dire que cela pourrait même aller
jusqu'à...
M. BIENVENUE: Non, je ne suis pas "dé-missionneux" par nature. Ce
qui n'est pas essentiel...
M. DEMERS: Démissionner, cela passe, mais c'est de ne pas partir
qui est grave.
M. BIENVENUE: D'ailleurs mon gérant de banque ne me le
permettrait pas. Revenons aux choses sérieuses.
M. DEMERS: Ce n'est pas sérieux de... vous n'étiez pas ici
le matin de...
M. BIENVENUE: Ce que j'allais dire, c'est qu'il faut se rappeler que le
fédéral lui-même ne désire pas obtenir, quelle que
soit la province, de mauvais citoyens ou de mauvais sujets. Je dois dire en
toute objectivité que le fédéral lui-même fait
passer un test, pose des exigences vis-à-vis de l'entrée d'un
immigrant, il y a un système de pointage qui est à eux et,
habituellement ce système nous convient. Je ne suis pas en train de
prétendre que ce système nous convient parfaitement, c'est de la
négociation et deux parties, ce sont deux parties. Mais il a quand
même sur nous 200 ans d'expérience et ce système de
pointage, ce test que doit subir l'immigrant est déjà très
satisfaisant. Je répète que ce qui est mauvais pour nous peut
être mauvais pour le pays et, à l'inverse, le candidat que dans la
grande majorité des cas le fédéral refuse, nous l'aurions
refusé en vertu des mêmes barèmes, des mêmes aspects,
des mêmes points de vue, alors il n'y a pas là une cause de grande
friction. Je ne suis pas en train de prétendre qu'il y a 1,000 cas
parfaits sur 1,000, l'exception confirme toujours la règle mais, dans
les grandes lignes, même s'il y a place pour certaines
améliorations, le travail commun de nos gens là-bas et de ceux du
fédéral est plus que satisfaisant.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous avais demandé quel
était le pourcentage de francophones parmi les immigrants qui
viennent
au Québec. Quel est le pourcentage de ceux qui choisissent de
s'intégrer à la francophonie, qui choisissent la langue
française?
M. BIENVENUE: Je dirais environ 25 p.c. à 30 p.c. de ceux qui
s'établissent au Québec sont francophones.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous me corrigerez si je fais erreur, vous
n'avez pas déjà déclaré publiquement que vous
vouliez favoriser l'immigration francophone au Québec?
M. BIENVENUE: Oui, et je l'ai déclaré ce matin.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qu'est-ce que vous pouvez faire si vous
n'avez aucun pouvoir de décision sur le choix des immigrés?
M. BIENVENUE: Le député de Sainte-Marie a raison de dire
que je l'ai déjà déclaré publiquement et je croyais
avoir dit assez clairement ce matin même que je voulais la favoriser,
j'en ai fait même une question de survie. C'est pour cela que nous avons
établi des postes dans ce qui nous parait être des bassins
naturels.
Je donne tout de suite un exemple. Le Liban d'où nous vient une
excellente catégorie d'immigrants, tant sur le plan de l'investissement
que de l'esprit de travail, etc. le Liban, comme on le sait, sa langue
seconde, presque première, dans une foule de cas est le français
c'est un excellent bassin pour nous. A Paris, nos gens travaillent
et Paris est un bel exemple de la collaboration entre le
fédéral et nous je l'ai vu sur place, réellement de
pair avec les officiers de l'Immigration fédéral à trouver
de bons éléments d'immigration pour nous, évidemment,
francophones; mais, un effort accru est fait en France. C'est d'ailleurs pour
cela qu'en France, pour le seul poste français, nous avons quatre
officiers d'immigration du Québec alors qu'en Grèce, en Italie et
au Liban, nous n'en avons qu'un. Alors, à Paris, notre bureau a une
importance assez spéciale, une importance accrue. Et je puis dire que le
personnel fédéral à Paris comporte et c'est normal
plusieurs officiers francophones: notre ambassadeur, M. Cadieux, est
évidemment francophone et les autorités fédérales
à Paris en particulier. Je pourrais aussi parler d'Athènes, du
Liban où est M. Gignac, notre ambassadeur du Canada, et de Rome
où il y a M. Rogers qui est un anglophone qui est un grand diplomate de
carrière et un des anglophones canadiens chez qui j'ai rencontré
le plus de largeur de vues, d'intelligente largeur de vues du côté
de l'immigration au Québec. Je me plais à le souligner.
Alors, à Paris, il y a une collaboration intense du
fédéral. C'est du moins ce que me disent et je l'ai vu un
peu sur place pendant quelques jours nos quatre fonctionnaires. Tout
ça étant une parmi plusieurs mesures ou plusieurs efforts pour
augmenter le rendement du pourcentage d'immigration francophone au
Québec dont j'ai dit et je répète face au
problème de la natalité, qu'il était intimement lié
à notre survie sur le plan de la langue au Québec. Et je suis un
des tenants, avec mes collaborateurs, de tous les efforts possibles;
l'imagination pourra même aider, pour améliorer ce
pourcentage.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je ne mets aucunement en doute vos bonnes
intentions. Lorsqu'on étudie les crédits de tous les
ministères, non seulement ceux du ministère de l'Immigration, ce
qui est assez surprenant et décevant en même temps, c'est qu'on
s'aperçoit souvent que ce sont des ministères qui n'ont pas
tellement de pouvoirs. Comme je vous le disais tantôt, ce n'est pas vous
qui l'avez institué et on s'aperçoit que, dans le
ministère de l'Immigration, vous n'avez pas tellement de pouvoirs de
décision sur le choix des immigrants et tout ça. En somme, vous
pouvez faire des recommandations, vous pouvez inciter Ottawa à faire
passer les immigrants par les gens du Québec, c'est-à-dire les
fonctionnaires, mais tout de même, ce ne sont pas des pouvoirs qui
existent dans votre ministère. C'est assez décevant de voir que,
surtout un ministère comme le ministère de l'Immigration, qui est
très important pour le Québec et c'est ce qui fait
qu'à Montréal on est en train de s'angliciser le
pourcentage des francophones diminue constamment. C'est parce que nous avons
été à peu près noyés d'immigrants qui
n'étaient pas des francophones et en vertu de ce que leur donne
on ne reviendra pas là-dessus le bill 63, ils ont le choix
même d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Alors,
j'espère que le ministre va commencer, un moment donné, à
faire comme d'autres ministres, à montrer le poing au
fédéral et à revendiquer les pouvoirs s'il veut
réellement réaliser tout ce qu'il pourrait réaliser.
M. BIENVENUE: C'est-à-dire que ma méthode n'est pas celle
du poing.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Sans frapper avec,
nécessairement.
M. BIENVENUE: J'aime toujours ne recourir au poing qu'en dernier
lieu.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je n'ai pas dit frapper, j'ai dit
montrer.
M. BIENVENUE: Sans aller avec le sourire non plus, je pense qu'il y a un
juste milieu entre le poing et le sourire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est une expression.
M. BIENVENUE: Oui, oui, j'ai compris. C'est pour ça que j'ai dit
avec tellement
d'insistance combien nous comptions sur ce que j'ai appelé la
démétropolisation. Parce que nous concevons facilement que
l'immigrant qui vient à Rimouski, dans Dorchester, à Matane,
à Chicoutimi ou dans le comté de Saint-Maurice a plus de chance,
malgré lui, que ça lui plaise ou lui déplaise,
d'être obligé de parler de langue du coin s'il veut se faire
comprendre et faire une piastre, n'est-ce pas?
Je comprends le député de Sainte-Marie. C'est pour cela
que j'ai dit aussi que, sans blâmer le passé, sans jeter de
condamnation à droite et à gauche, il eût été
tellement plus profitable que, comme l'Ontario, nous nous soyions
penchés depuis des décennies et des décennies sur ce
problème assez crucial nous le voyons maintenant de
l'immigration. Je ne veux pas dire par là que si nous avions eu des
mécanismes d'immigration, il y a 50 ans ou 100 ans, nous aurions pour
tout cela, changé dans le texte, la constitution. Dans les faits, je
vois tellement de progrès depuis quelques mois seulement et je pense que
nous aurions pu faire beaucoup plus dans le sens que le souhaite le
député de Sainte-Marie, nous implanter à
l'étranger. Nous savons que l'Ontario est à Londres depuis 101
ans...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il faut dire que l'Ontario n'a pas nos
problèmes. Les immigrants qui arrivent en Ontario apprennent
l'anglais.
M. BIENVENUE: Oui. D'ailleurs, j'ai dit à l'étranger que
je trouvais normal qu'un immigrant je l'ai dit, je répète
l'expression, noir sur blanc qui va en Italie apprenne l'italien, en
Grèce, le grec, à Toronto , l'anglais. Et que je trouvais
également normal et plus que normal que l'immigrant qui vient au
Québec et je le dis clairement devant tout le monde, je l'ai dit
à plusieurs reprises apprenne et parle la langue de la
majorité, le français. Je voulais seulement dire que si nous
avions pu prendre l'avance sur plusieurs décennies, nos positions, sans
toucher à la constitution elle-même, auraient pu être
sensiblement meilleures après tant d'années, dans l'importance
que nous prenons à l'étranger vis-à-vis des candidats, le
recrutement d'immigrants francophones. Enfin, vaut mieux tard que jamais. Je
puis assurer le député de Sainte-Marie que nos efforts portent
d'abord et avant tout sur cette question. Ils sont exorbitants des cadres
mêmes du tout petit ministère de l'Immigration mais touchent
profondément à la survie de notre langue et de la francophonie au
Québec.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est un petit ministère de
$1,500,000 à peine, mais il est très important pour l'avenir de
la francophonie au Québec. Est-ce que vous avez des statistiques pour
savoir quels sont les immigrants qui choisissent la langue française ou
la langue anglaise une fois au Québec?
M. BIENVENUE: Nous n'avons rien de précis pour le moment.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce qu'il y aurait moyen, plus tard,
d'avoir ces précisions?
M. BIENVENUE: Si on me le permet et Dieu sait que je ne veux bousculer
personne, je pense que le député de Saint-Maurice l'a
entendu...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, non.
M. BIENVENUE: M. Lacroix, le député des
Iles-de-la-Madeleine vient de me dire et je n'y pensais pas du tout, qu'il faut
libérer cette salle immédiatement pour une affaire de
Loto-Québec.
M. DEMERS: Une réception.
M. BIENVENUE: Comprenons-nous, je ne veux pas du tout bousculer
l'adoption des articles.
M. LE PRESIDENT: Sans bousculer pour autant l'adoption des articles,
à moins que le député de Sainte-Marie ait encore des
questions?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A quelle heures ajournons-nous
normalement?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez des questions?
M. DEMERS: Non. Si nous regardons article par article, ce sont les
mêmes montants, certains sont même diminués. Et le ministre
nous en a dit la raison.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Dorchester, avez-vous
d'autres questions?
M. DEMERS: Si c'est pour être fait "à la job", nous ferons
mieux de revenir après dfner.
M. GUAY: Je pense que nous sommes mieux de revenir.
M. BIENVENUE: A 4 heures.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ce ne sera pas très long.
M. BIENVENUE: Certainement. Je l'ai indiqué. Ce pourrait
être très court.
M. CROISETIERE: Après la période des questions.
M. LE PRESIDENT: Alors, la commission suspend ses travaux sous toutes
réserves, quand même, des directives qui seront données
à la Chambre, à savoir si nous siégerons ou non à 4
heures. La commission suspend ses travaux jusqu'à 4 heures, après
la période des questions.
(Suspension de la séance à 12 heures)
Remise de la séance à 16 h 3
M. PHANEUF (président de la commission permanente du travail, de
la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
Lorsque nous avons suspendu nos travaux à midi, la parole
était au député de Sainte-Marie et je lui remets la
parole.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, seulement une
observation d'ordre général. Seulement une question et j'aurai
terminé. Ce ne sera pas long. Peut-être, M. le ministre,
n'avez-vous pas les statistiques en main vous pourriez probablement nous
les faire parvenir on parle des immigrants mais il y a aussi les
émigrants, ceux qui sortent... Je ne sais pas si le ministère a
des statistiques sur le nombre d'émigrants, de personnes qui quittent le
Québec, qui s'en vont à l'extérieur.
M. BIENVENUE: C'est une bonne question.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Quelle est leur langue maternelle, leur
appartenance ethnique, et dans quel pays s'en vont-ils? Est-ce que nous
pourrions le savoir?
M. BIENVENUE: C'est une excellent question. Et je réponds tout de
suite, sans l'ombre d'une hésitation au député de
Sainte-Marie, que c'est justement l'une de nos préoccupations et l'objet
d'une de nos plus vives inquiétudes. C'est pour cela que j'ai cru avoir
dit peut-être n'ai-je pas été assez explicite ce
matin? j'ai voulu dire ce matin à quel point nous étions
intéressés à l'aspect démographique et je vais
même répéter ce que j'ai dit ce matin à ce
sujet-là. En parlant des mouvements migratoires, j'ai dit et je cite:
"Il s'agit ici de soulever l'importance pour le Québec de mettre sur
pied un mécanisme de contrôle des mouvements migratoires ou des
allées et venues des immigrants d'une province à l'autre et d'un
pays à l'autre. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un contrôle
excessif mais il y aurait lieu cependant de souligner que le ministère
effectue actuellement des recherches en vue de proposer ce mécanisme qui
nous permettra de mieux connaître ces mouvements de la population. Le
contrôle est d'autant plus nécessaire qu'il est onéreux
pour une province de former un immigrant pendant les premiers mois pour le
perdre ensuite dans d'autres pays." Alors, pour me résumer, ce
contrôle nous échappe, à toutes fins pratiques.
Jusqu'à ce jour, nous n'avons pas de contrôle sur les sorties, sur
ce que le député a appelé l'émigration, nous
n'avons pas de contrôle précis. D'ailleurs, non pas seulement au
Québec mais nulle part au Canada un tel contrôle exist e-t-il.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Même pas un contrôle
général?
M. BIENVENUE: Non plus. C'est pour cela que j'ai dit à quel point
j'avais été impressionné par les efforts qui se font en
France, notamment, et dans d'autres pays d'Europe, mais plus
particulièrement en France, où je disais que sous un même
chapeau, l'on avait réuni et c'est M. Fontanet, je le
répète, qui est titulaire le travail, l'immigration, la
main-d'oeuvre, une partie des affaires sociales et surtout, je le
répète, la démographie.
Alors, ce contrôle nous échappe et nous espérons
mettre en branle, les bonnes volontés aidant et Dieu merci!
les crédits futurs, je l'espère, aidant, un service de
contrôle. Et on pourrait, pour ceux qui ont de la saine imagination et
pour ceux qui aiment les longs titres, penser, non seulement en couleur,
à un ministère ou à un service qui s'appellerait celui de
la main-d'oeuvre, de l'immigration et de la population ou même, le mot
population pourrait couvrir tout ça.
M. DEMERS: Des contrôles, M. le Président, je pense que le
gouvernement en a eu quelques-uns lors des voyages à Cuba,
organisés au mois d'octobre l'an passé. On a, du moins,
certainement su où étaient allés ces gens.
M. BIENVENUE: On sait au moins où sont ceux-là, mais c'est
un contrôle partiel.
M. MARCHAND: Là, on se demande s'ils ne sont pas rendus en
Algérie.
M. BIENVENUE: Ou si on aime mieux, laissant toujours courir
l'imagination, ce même ministère ou service pourrait s'appeler
celui des ressources humaines. Tout ça revient toujours à
l'idée de contrôle de la population qui nous quitte.
M. DEMERS: J'aurais une question à poser au ministre. On a fait
état dans les journaux, particulièrement à une date
récente, au mois de mai, dans le Soleil, que les dépliants du
ministère donnaient une image paradisiaque du Québec.
M. BIENVENUE: Une image de quel genre?
M. DEMERS: Paradisiaque, de paradis terrestre? Je n'ai pas besoin
d'expliquer ces mots au ministre parce qu'il m'en a sorti un ce matin de sa
fabrication qui était assez nouveau lui aussi. Je voudrais savoir si
c'est réellement fondé que certains fonctionnaires ont mis
à jour des dépliants, qu'ils ont vulgarisé ces
dépliants, faisant croire aux futurs immigrants que chez nous, ici,
c'était la terre promise. Ainsi, on avait comme moyen publicitaire: "Le
Québec offre quantité de débouchés à une
main-d'oeuvre qualifiée ainsi qu'à tous les travailleurs
spécialisés des professions diverses". C'était dans la
revue Le Travail. Je comprends que ce n'est pas
contrôlé par le ministère, mais il faudrait
peut-être qu'il jette un oeil là-dessus parce que je crois que
c'est assez difficile. Lorsque l'immigrant est rendu chez nous et qu'il
déchante un peu, le ministre sera obligé d'en bercer quelques-uns
parce qu'on a comme annonce, par exemple bref: "Demain matin, le Québec
t'attend"; quand on sait qu'il y a des Québécois qui attendent
quelque chose au Québec aussi. Si c'est exact que la publicité
est ainsi agencée, on y met franchement le paquet.
J'aimerais que ce soit un peu plus conforme à la
réalité, afin que les gens qui viennent chez nous ne
déchantent pas.
M. BIENVENUE: Je dis au député de Saint-Maurice que, sous
réserve de ce que j'ai dit ce matin, je n'aurai jamais trop
insisté quand j'ai dit que nous sommes favorables à
l'immigration, mais jamais au point de priver les nôtres d'emplois. Sous
réserve de cette affirmation, il est évident que l'immigration
est et demeure un processus difficile, une opération délicate.
Evidemment, ceux dont on entend le plus parler sont en général
ceux qui ont le plus de difficulté à s'adapter.
Pour ce qui est de la question même du député, il
reste vrai que nous aurons, dans un avenir que l'on ne prévoit pas
très prochain, toujours besoin de main-d'oeuvre qualifiée au
Québec dans certains domaines. L'auteur de l'article auquel fait
allusion le député nous honore de sa visite â
l'étude de nos crédits, Mme Paule-France Dufaux, je pense.
M. DEMERS: J'avais pensé que ce pouvait être elle, c'est
pour cela que j'ai voulu mettre en valeur l'article.
M. BIENVENUE: Nous avons fait de notre mieux pour lui donner une
réponse; je lui ai écrit il y a quelques jours pour lui donner
une réponse que je souhaitais et que je souhaite encore satisfaisante.
Je n'ai pas avec moi cette lettre, ma réponse à cet
article-là. Si le député considère que cela vaut la
peine, je pourrai envoyer quelqu'un à mon bureau c'est tout
près chercher cette lettre et en communiquer la teneur au
député de Saint-Maurice, en lui donnant les explications qu'il
jugera appropriées. Je le ferai avec plaisir.
C'est une réponse de trois ou quatre pages, parce qu'il y a
certains points assez précis soulevés dans la lettre de Mme
Dufaux et nous avons tenté de lui donner les explications les plus
satisfaisantes possible. Evidemment, je dois dire, sans lire tout le texte de
la lettre que je ne sais pas par coeur, que ces dépliants s'adressent,
on le sait, à une certaine catégorie d'immigrants et en
particulier à ceux qui nous sont référés par, comme
je l'ai expliqué dans le processus, les autorités
fédérales en vertu de l'entente Lang-Cloutier. Et à ceux
évidemment qu'on désire avoir, parce que j'ai dit que nous avions
droit de faire du recrutement. Ces dépliants-là, nous ne les
livrons pas "at large" en France ou ailleurs; ils ne seront pas sur les
tablettes des bureaux de poste ou des gares.
Nos agents les ont en main et s'en servent auprès de ceux qu'ils
ont recrutés eux-mêmes, ou de ceux je pense à la
main-d'oeuvre spécialisée qui viennent les voir avec des
fins bien précises, pour des emplois particuliers. Maintenant je serais
le premier à ne pas me prendre au sérieux, si j'allais affirmer
que ces dépliants sont parfaits. Je répète qu'au
ministère de l'Immigration et il y a la partie qui ne
dépend pas de nous, qui vient du ministère du Travail nous
sommes jeunes, que ces dépliants-là ne sont pas parfaits, comme
aucune publication gouvernementale d'ailleurs, qu'elle soit
québécoise, fédérale ou autre, n'est parfaite, ni
en France, ni ailleurs. Il y a place pour de l'amélioration et je prends
en bonne part les remarques du député de Saint-Maurice.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Marie.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Lorsque des gens veulent immigrer ici, au
Canada, le ministère a deux représentants, disiez-vous, à
Beyrouth, Rome, Paris et Athènes.
M. BIENVENUE: Et à Beyrouth, c'est cela.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce qu'à ce moment-là, pour
les immigrants francophones, on fait des représentations,
c'est-à-dire qu'on leur explique qu'ils ont intérêt
à immigrer au Québec, à s'intégrer à
l'élément francophone, à cause de la langue, de la culture
et tout cela? Est-ce qu'il se fait un travail en ce sens-là, de la part
des représentants du ministère, pour les inciter à
s'intégrer à la francophonie?
M. BIENVENUE: La réponse est oui. C'est un oui définitif
et formel. Nos agents avaient déjà ce mandat, au moment où
ils sont allés respectivement en France, en Italie, en Grèce et
au Liban. C'était un de leurs premiers, sinon leur premier mandat. Ce
mandat n'a pas été interrompu, il continue. Toutes nos
communications avec eux ont pour effet, entre autres, de le leur rappeler.
C'est avec beaucoup de fierté que je dis que je me suis fait un devoir
moi-même, lors de ce voyage auquel j'ai fait allusion, de leur
répéter de façon formelle, comme directive venant du
titulaire du ministère, et non seulement je le leur ai dit à eux,
mais je l'ai dit devant les représentants du fédéral, dans
les ambassades, qu'ils soient anglophones ou francophones, je l'ai dit aux
journalistes des pays visités, qui nous ont interviewés, et je
l'ai dit en m'adressant de façon unilatérale aux seules
autorités fédérales dans ces pays-là je
pense à Rome notamment où l'ambassadeur a eu l'amabilité
de convier quelques 50 personnes de son personnel fédéral pour me
poser des
questions je l'ai dit de façon claire et non
équivoque que le mandat que nous donnions à nos gens était
d'attirer autant que faire se peut, et d'insister à cette fin, une
immigration francophone parce que ce n'est pas donné à
tous de connaître le français ou soucieuse de le
devenir.
Il m'apparaissait aussi normal et logique qu'on encourage un immigrant
allant dans l'Ontario ou en Colombie-Britannique à apprendre l'anglais.
Alors, je peux répondre sans aucune hésitation à la
question du député de Sainte-Marie. J'en ai fait, je l'ai dit,
une question de survie nationale pour nous.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je suis content que le
député de Saint-Maurice ait repris en quelques mots ce qu'on leur
dit. J'ai l'impression qu'on n'est pas tout à fait franc.
Peut-être que c'est corrigé, mais dans le passé, on n'a pas
été aussi franc qu'on aurait dû. Si on s'engage sur une
voie, par exemple, dans le domaine de la voirie, où il y a des travaux,
où c'est difficile, c'est marqué là: A vos risques.
Peut-être qu'il y aurait lieu, à un moment donné, de leur
faire savoir que, même s'ils s'en viennent vers le paradis terrestre,
comme là soulevé le député de Saint-Maurice
tantôt, il peut manquer des barreaux à l'échelle. Il y a
cet aspect de franchise qui, je crois, doit régner entre les agents
informateurs et l'immigrant. Si par exemple, on veut aller vers les Etats-Unis,
il y a tellement de difficultés à prouver, actuellement, qu'on
est mis en garde contre ça. On nous dit: Aux Etats-Unis, n'allez pas
penser que c'est le paradis. Il faut survivre et il va falloir quand même
que vous travailliez.
J'ai une autre observation et le ministre me répondra s'il a les
informations: j'aimerais savoir la part, l'effort que les immigrants
démontrent, premièrement pour s'intégrer, et ensuite pour
s'établir. Est-ce qu'une fois rendus au Québec, au Canada ou
même ailleurs, les immigrants se laissent faire? Est-ce que ce sont
plutôt des gens qui disent: On va attendre, et l'Etat, le nouveau pays,
va faire quelque chose pour nous? Ou est-ce que ce sont des gens qui essaient
de se prendre en charge et qui mettent en pratique les conseils que leur donne
le ministère de l'Immigration? Si, par exemple, des personnes arrivent
au Québec et, tout simplement, attendent, attendent et attendent,
à partir de là, elles seront constamment à la remorque de
l'Etat. Si, par contre, ces gens-là arrivent ici bien
intentionnés et se disent: S'il y a possibilité, s'il y a
ouverture, s'il y a du recyclage à prendre, nous sommes prêts
à prendre les cours de recyclage, on est prêt, à nous
autosuggestionner si vous voulez.
Nous sommes conscients que, ici comme ailleurs, il faut travailler pour
réussir et nous acceptons ça.
C'est peut-être dans la conception. Il ne faut pas oublier, au
départ, que des personnes qui décident de changer de pays, si on
regarde les implications, les dépenses que cela exige, cherchent
réellement un monde meilleur, une vie plus facile.
Si elles arrivent ici et qu'elles ne trouvent pas la vie plus facile,
elles sont peut-être déçues. Nous sommes peut-être un
peuple attirant, comme je le disais ce matin, peut-être le sommes-nous
moins depuis les dernières années mais en tout cas, il y aurait
une longue discussion à faire à ce sujet.
Nous vivons actuellement des conflits dans les domaines public et
parapublic. Est-ce que ça ne vient pas faire peur un peu à ces
personnes qui ont réellement envie d'être quelqu'un, de faire
quelque chose? Qu'elles viennent de la France, qu'elles arrivent au
Québec... Des démonstrations bien pratiques qui ont
été faites et je veux savoir si l'ensemble des gens qui viennent
vivre au Québec, a réellement l'intention de se prendre en charge
une fois rendus chez nous?
M. BIENVENUE: Je retiens une des dernières affirmations du
député de Dorchester et je n'apprendrai rien de nouveau à
cette commission. Je n'analyserai pas les causes, je ne ferai pas l'inventaire
des motifs, je ne ferai pas d'analyse profonde. Je constate tout simplement
que, si les choses tournent un peu moins rondement dans un pays donné,
s'il y a des crises, qu'elles soient sociales, politiques, qu'il s'agisse de
chômage, qu'il s'agisse d'insurrection, de tout ce qu'on voudra, ce n'est
pas de nature à appeler davantage les immigrants.
Je n'invente rien, c'est une vérité de La Palice. Si on
essayait actuellement de convaincre des Canadiens d'aller en Irlande du Nord,
si on leur donnait le choix d'aller en Irlande du Nord ou au pays de Galles, je
suis convaincu que nous aurions plus de facilité à les envoyer au
pays de Galles. Alors, je fais une constatation, je n'analyse pas les causes.
Il est évident, lorsqu'on traverse certaines périodes plus
troublées, que le climat social est moins bon, et que ce n'est pas de
nature à séduire et à attirer l'immigrant.
Encore une fois, je n'invente rien et je ne vais pas plus loin. Je
constate, comme l'a fait le député de Dorchester. Pour ce qui est
de sa première question d'ordre plus général, à
savoir si les immigrants se prennent eux-mêmes en charge, je
réponds sans hésiter qu'en général, je parle donc
de la majorité, la réponse est oui.
L'immigrant, je l'ai dit ce matin, qui a le coeur de prendre la grande
décision de tout laisser derrière lui, ses amis, son habitation,
son domicile, ses parents, son environnement, le pays où il est
né, ses coutumes, il a un but bien précis à l'esprit.
Il ne s'agit pas, comme c'est le cas en Europe, de faire quelques
kilomètres pour traverser une frontière. Je parle, disons, de
l'immigrant de l'Italie, du nord de l'Italie, qui
va en Suisse ou celui de la Suisse qui va en Allemagne. Comme dit le
député de Saint-Maurice, parfois il va veiller et il revient. Je
parle de celui qui a le coeur de prendre cette grande décision de
traverser l'océan avec tous les coûts, tous les risques. Il ne
vient pas ici par amour ou par apostolat. Il vient ici pour connaître des
jours meilleurs, pour mieux vivre, pour faire de l'argent, c'est normal, et
pour le bien-être de sa famille s'il l'emmène avec lui, s'il en a
une.
C'est pour ça que j'ai parlé en général.
Celui qui a le coeur de poser ce geste, nos statistiques, notre
expérience nous révèlent... J'en prends à
témoin M. Gauthier que j'ai déjà surnommé, en
badinant mais il y a du sérieux, le père de l'immigration, un des
pères de l'immigration chez nous, je ne le vieillis pas en disant cela,
mais il est père comme expérience...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'avez pas dit père des
immigrants.
M. BIENVENUE: Non, le père de l'immigration.
M. GUAY: Un second Champlain.
M. BIENVENUE: C'est ça, dont la barbe me rappelle celle du
député de Dorchester. Les immigrants en général qui
ont le coeur de faire ce geste, de s'arracher, ont le coeur de se trouver de
l'emploi. Il y a évidemment dès exceptions. Il y a des cas
malheureux. On en a tous parlé. Vous en avez rencontré, le
député de Sainte-Marie en a rencontré de ces
professionnels qui sont chauffeurs de taxi ou qui ont des emplois non
proportionnés à leur préparation, à leur formation.
Il y en a et il y en aura toujours. Mais on veut en diminuer le nombre. On veut
diminuer le nombre des immigrants qui, après être venus ici, sont
désillusionnés et songent à repartir. Et il y en a, je ne
m'en cache pas, il y en a. Il y a certaines périodes où il y en a
plus qu'à d'autres.
Mais je rassure le député en lui disant que le grand
nombre ici s'arrache lui-même, se trouve un emploi. On a des services
pour l'aider. D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai parlé ce matin de ce
service d'accueil et j'ai même parlé de service d'aide sociale. De
concert avec le ministère des Affaires sociales, nous avons prévu
des modalités, des subsides, des subventions pour les aider à
survivre s'il y a problème au début et à trouver du
logement et tous les services connexes qui s'y attachent.
Ce problème n'est évidemment pas nouveau, on l'a
retrouvé en Europe, en interviewant les gens qui s'occupent
là-bas d'immigration. C'est un problème universel. Nos efforts
tendent à diminuer ce nombre minoritaire. Puisqu'on parlait de mandats
à nos agents à l'étranger, là aussi, le mandat est
bien clair et bien précis, dire la vérité aux gens.
Si cela n'a pas toujours été fait, c'est possible, je le
déplore. Je ne suis pas ici pour faire l'apologie sine qua non du
ministère de l'Immigration provincial ou fédéral mais nous
insistons auprès de nos agents pour que la vérité soit
dite là-bas. L'agent n'est pas heureux, lui d'envoyer ici, pour qu'il
soit reçu par notre accueil local, un immigrant qui devient un
problème pour le pays qui le reçoit et un problème pour
lui-même. C'est de la mauvaise publicité pour cet immigrant qui
devra repartir.
M. DEMERS: M. le Président, j'aurais une dernière question
à poser au ministre. Il doit rencontrer, d'après ce qu'il nous a
dit ce matin, au cours du mois de juin, le ministre de la Main-d'Oeuvre, M.
Mackasey, qui viendra lui rendre visite ici à Québec. Lors du
colloque de la Ligne des droits de l'homme, vers le 28 avril, on a émis
l'opinion que la loi canadienne de l'immigration aurait des tendances vers le
racisme. Est-ce que le ministre a étudié cette loi? Est-ce que le
ministre a jeté un oeil sur cette loi? On faisait peut-être une
sélection arbitraire des gens et on soumettait certaines personnes qui
étaient entrées ici avec un visa de touriste, à certaines
pénalités. Comme la Ligue des droits de l'homme a soulevé
la question, je me demande si cela ne serait pas bien que le ministre de
l'Immigration du Québec puisse soumettre le problème à son
homologue qui viendra le rencontrer au mois de juin.
M. BIENVENUE: Il est dommage que mon commissaire général
n'ait pas parlé un peu plus fort, je n'aurais pas eu besoin de
répondre. Je m'excuse. J'ai consulté un peu plus que d'habitude
parce que j'avais manqué...
M. DEMERS: C'est un problème qui est assez...
M. BIENVENUE: Evidemment, nous connaissons le phénomène
qui se produit et c'est le même dans l'univers. Là aussi, on m'en
a parlé dans les pays que j'ai visités. Il y a de ces immigrants,
de ces prospects qui font une tentative auprès du fédéral,
dans le cas actuel, pour passer le test dont j'ai parlé, le
système de pointage, en vue d'être admis comme immigrant
permanent. Pour une raison ou pour une autre, chaque cas est un cas
d'espèce, la demande subit un échec et il y a de ces
gens-là, à ce moment qui font une tentative de contourner en
venant avec un visa de touriste et qui se disent: Une fois rendu, ce sera plus
facile d'y rester. Il n'y a pas à ce moment, de la part du Canada plus
que d'autres pays, une politique, soit de racisme, soit une politique de
vengeance ou de punition. Ces immigrants ont ici ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas
dans tous les autres pays, nécessairement.
M. DEMERS: Mais un quart des gens, tel que le rapporte un journal,
entreraient ici comme touristes sur les 122,000 immigrants au pays.
M. BIENVENUE: La question est bien pla-
cée. Cela fait l'objet d'un des sujets que nous voulons discuter
avec les autorités fédérales. Nous pourrions ajouter
beaucoup à cela. Je parlais des touristes. Il y a le cas de ces marins.
Je sais qu'il existe des marins de certains pays en particulier qui descendent
de leur navire et prennent un congé prolongé au point que le
navire repart sans eux. Il y a de ces gens-là. On a aussi parlé
des gens qui évitaient la guerre au Vietnam, etc. Il est difficile
d'avoir un contrôle exact du nombre quand on parle d'un corps en
particulier parce que l'on n'a pas de contrôle sur ces gens. S'ils
étaient des immigrants entrés ici par les voies normales, avec la
procédure normale et tout le dossier, on pourrait en faire le
dénombrement. Ils entrent ici, si je peux dire, non pas de façon
illégale mais leur séjour devient illégal lorsque le
délai est expiré et il n'est pas facile d'en faire le
décompte.
M. DEMERS: Cela se fait dans tous les pays du monde.
M. BIENVENUE: C'est un phénomène mondial. Je le
répète c'est pour ça que j'ai dit que la question
du député de Saint-Maurice était fort appropriée
qu'un des amendements que l'on voudrait discuter avec les
autorités fédérales à la loi fédérale
porte précisément sur ce sujet. Mais, ce n'est pas, et je le
répète, comme dans bien d'autres cas, un phénomène
unique au Québec ou au Canada.
M. GUAY: Une dernière question, si vous me permettez. Vous n'avez
probablement pas droit de regard non plus au comité d'appel, mais, en
quelques mots, comment fonctionne le comité d'appel du ministère
fédéral de la Main-d'Oeuvre, dans le cas où des personnes
sont refusées? C'est transmis à un comité d'appel
peut-être semblable à la Loi d'assurance-chômage ou quelque
chose comme ça?
M. BIENVENUE: Pouvez-vous parler un peu plus fort de façon
officieuse? J'invite M. Gauthier à parler un peu plus fort de
façon officieuse.
M. DEMERS: Mais les paroles que vous dites sont enregistrées au
nom du ministre.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il peut répondre au nom du
ministre.
M. BIENVENUE: Vous voyez, je l'endosse en blanc. Je lui donne un
blanc-seing. "White breast" en anglais.
M. DEMERS: Oui, c'est mieux.
M. BIENVENUE: Il est prévu dans la loi qu'un bonhomme qui vient
ici d'abord comme touriste, ou tente de percer l'évaluation qu'on a
faite de sa demande dans son pays d'origine ou peut venir d'une façon
très franche, comme prospecteur. Rendu ici, il a le privilège
et c'est la loi qui le lui accorde de demander sa
résidence permanente. Il s'inscrit auprès d'un officier de
l'Immigration, que ce soit à Québec ou à Montréal,
sa demande est étudiée et un verdict est rendu, il est
accepté ou il n'est pas accepté. Il n'est pas accepté en
fonction de l'évaluation du barème qui est réparti sur
cent et qui ne correspond pas à un moment donné aux
critères, parce qu'à ce moment-là, ce qui joue est la
possibilité de son intégration au marché du travail. S'il
n'est pas satisfait de la décision rendue en première instance
par le fonctionnaire de l'Immigration, à ce moment-là, la loi
l'autorise à demander à revenir devant un enquêteur
spécial. De nouveau, le dossier est examiné. Le candidat a droit
de faire appel à un avocat ou à une tout autre personne qui peut
l'appuyer, et s'il est capable d'apporter des éléments nouveaux,
le montant de l'évaluation peut fluctuer à son avantage. S'il ne
réussit pas là, il a le droit d'aller devant la commission
d'appel de l'Immigration.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est un organisme
fédéral?
M. BIENVENUE: C'est fédéral assurément. Tout ce qui
est admission au niveau de la délivrance du passeport est
l'exclusivité du fédéral. Je crois que c'est normal en
fonction de toutes les implications internationales. La commission d'appel peut
estimer qu'il y a peut-être des éléments qui ont pu
être oubliés.
C'est à ce moment-là que joue vraiment un aspect nettement
humanitaire. Il peut arriver dans le délai qu'à cause du grand
nombre de cas, au Québec la période d'attente devant la
commission d'appel s'échelonne actuellement entre un an et demi et deux
mois et atteigne presque quatre ans à Toronto.
A ce moment-là, il peut arriver que l'immigrant épouse une
Canadienne, que naisse un enfant canadien, ce sont autant d'arguments qui sont
considérés par cette commission d'appel. Bien souvent, pour ne
pas dire la plupart du temps, c'est toujours au point de vue humain de
l'individu que sa cause est révisée.
En ultime instance, s'il veut aller au-delà de la commission
d'appel, il peut aller devant la cour de l'Echiquier. Remarquez que depuis
l'enquêteur spécial jusque là, c'est le gouvernement du
Canada qui absorbe tous les frais, excepté s'il se fait accompagner d'un
avocat; à ce moment-là, l'individu paie son avocat. Quant au
reste, il est capable de défendre sa cause, de la présenter ou de
se faire appuyer par un curé, un président d'association, un ami,
cela ne lui coûte rien.
M. GUAY: Un exemple, M. le Président, un Français qui
vient comme touriste au Canada peut rester pendant combien de temps avant
d'être un hors-la-loi?
M. BIENVENUE: Il vient avec un visa de touriste qui lui donne, suivant
ce qu'il a demandé la raison pour laquelle il est venu, habituellement
trois mois.
S'il décide de rester, il doit faire sa demande avant trois mois,
sinon, il peut encore, s'il veut continuer à prospecter, demander un
prolongement de son visa de visiteur.
M. GUAY: Pour des raisons qu'il mentionne lors de sa demande.
M. BIENVENUE: Comme renseignement additionnel, au niveau de
l'enquête spéciale, s'il va devant la commission d'appel à
ce moment-là il a le droit de travailler, pour ne pas être sans
ressources. Personne, comme touriste, n'a le droit de travailler au Canada sauf
dans des cas très particuliers et ce permis est accordé par le
gouvernement fédéral.
A partir de l'enquête spéciale, s'il n'a pas les moyens,
automatiquement il a le droit de travailler en attendant sa comparution devant
la commission d'appel.
M. GUAY: Le gouvernement fédéral le
ministère à Ottawa a quand même le droit de
retourner quelqu'un à son pays d'origine autant qu'il le veut,
l'extrader?
M. BIENVENUE: Oui, mais entendons-nous. Il lui faut une raison
extrêmement sérieuse. A ce moment-là, si le bonhomme fait
une infraction et qu'il est condamné en fonction du code criminel, il
peut perdre son droit aux divers appels que je vous ai mentionnés.
M. GUAY: Cela clarifie les questions que je me posais depuis un bout de
temps.
M. BIENVENUE: Si vous poussez au-delà, durant la période
d'attente de la citoyenneté canadienne qui est de cinq ans, si un
bonhomme est condamné comme criminel, il est expatriable à
n'importe quel moment.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour ce qui est de moi, M. le
Président, on peut commencer article par article...
M. BIENVENUE: Si vous me permettez, de façon très
brève et juste avant qu'on ne commence j'ai hâte comme
vous, messieurs, de finir je constate il est aujourd'hui un peu
dépassé 16 h 30 que des événements
très récents qui se situent au jour même de l'étude
des crédits permettent qu'on fasse un bref commentaire et je fais le
commentaire suivant. Nous parlions tout à l'heure de Mme Dufaux qui nous
honorait de sa présence. Je n'ai pas lu l'article et c'est pour
ça que je ne pourrai pas le citer au texte, mais on me rapporte qu'elle
a également honoré notre ministère aujourd'hui de nouveaux
articles ayant trait précisément au voyage que nous avons fait
dans les pays de l'Europe et dont il a été amplement question ce
matin.
Alors, sans citer au texte Mme Dufaux, je profite de l'occasion qui
m'est donnée pour la réfuter. Elle semblerait indiquer ou
affirmer que ce voyage au Liban en particulier en était un de propagande
et qu'il suscitait de l'inquiétude dans les milieux officiels
libanais.
Je n'invoque pas mon privilège de député, je parle
comme ministre de l'Immigration, je tiens à redire ce que j'ai dit
depuis ce matin, qu'il n'était pas du tout question de propagande mais
que c'était uniquement un voyage administratif comme cela a
été compris. Puisque Mme Dufaux parle du Liban en particulier, je
préfère m'en reporter, quant aux prétendues
inquiétudes des autorités libanaises tout dépend ce
que l'on entend par autorité aux commentaires qui m'ont
été faits de vive voix et même en partie dans les journaux
là-bas en présence de mes collaborateurs. Commentaires de gens
tels que le secrétaire particulier du président du Liban qui est
venu nous reconduire à l'aéroport, le ministre des Affaires
étrangères, responsable de l'immigration, le commissaire
général au tourisme et un tas d'autres personnalités
officielles du Liban qui nous ont donné un accueil que je ne suis pas
près d'oublier qui nous ont accompagnés tout le temps, qui ont
facilité notre travail et dont parfois nous allions presque
jusqu'à freiner l'enthousiasme, pas le nôtre, le leur. J'associe
à cela les autorités fédérales canadiennes,
l'ambassadeur du Canada...
M. DEMERS: Le frère de l'autre.
M. BIENVENUE: ... et son personnel, M. Jacques Gignac, qui a
été, à notre endroit, d'une courtoisie vraiment
remarquable et je commets maintenant à son sujet l'indiscrétion
suivante: il est précisément celui, avec ses collègues,
dont je parlais ce matin, lorsque j'ai dit qu'on nous avait remerciés
je ne parle pas de moi, Dieu merci, je parle de mes collaborateurs
des effets bénéfiques que notre mission apportait au
niveau fédéral lui-même c'est-à-dire aux relations
entre le Canada et le Liban.
Alors, fort de ces appuis et de ces cautions, je dis avec beaucoup de
sérénité à Mme Dufaux que les autorités
libanaises, pour peu qu'elles soient représentées par les gens
que j'ai nommés, non seulement n'étaient pas inquiètes,
mais étaient fort sereines et ce n'était pas un voyage de
propagande mais bien administratif comme il avait été
conçu et comme il le fut. J'espère que ces choses sont dites
suffisamment clairement. Elles se retrouveront d'ailleurs dans le journal des
Débats.
M. LE PRESIDENT: Article 1. Catégorie 1.
Administration
M. DEMERS: Vous avez une diminution de quelques milliers de dollars,
sans doute les
décisions du ministère des Finances de compresser le
budget, le vôtre comme ceux des autres. Adopté.
M. GUAY: Adopté.
M. BIENVENUE: Il est évident, je le dis à l'avance, sauf
erreur que, chaque fois que vous verrez une diminution dans les chiffres, c'est
une diminution...
M. DEMERS: Comme il n'y a aucune augmentation on n'en parlera plus.
M. LE PRESIDENT: Catégorie 3. Adopté.
M. DEMERS: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Catégorie 4. Adopté.
M. GUAY: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Catégorie 5. Adopté.
M. GUAY: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Catégorie 6. Adopté.
M. GUAY: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Catégorie 7. Adopté. Catégorie 8.
Adopté. Catégorie 10. Adopté. Catégorie 11.
Adopté.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Adopté. M. LE PRESIDENT:
Catégorie 13.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Catégorie 13, c'est la contribution
du gouvernement du Canada, $171,000. Qu'est-ce que c'est?
M. BIENVENUE: C'est en vertu de l'entente
fédérale-provinciale, Ottawa-Québec, l'entente sur la
formation professionnelle des adultes. Entente en vertu de laquelle nous
récupérons 25 p.c. des frais d'administration
généraux, spécifiquement encourus au sujet de la FPA, les
dépenses de transfert.
C'est le fédéral qui nous remboursera en vertu de
l'entente qui concerne la formation professionnelle des adultes.
M. DEMERS: Lorsqu'il y en a un qui diminue, l'autre diminue
automatiquement.
M. BIENVENUE: C'est évident. M. DEMERS: Adopté.
Direction générale de
l'adaptation
M. LE PRESIDENT: L'article 1 est adopté. L'article 2:
Catégorie 1.
M. DEMERS: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 3.
M. DEMERS: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 4.
M. DEMERS: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 7.
M. DEMERS: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 8. Adopté.
Catégorie 13. Adopté.
DES VOIX: Adopté.
M. DEMERS: Là il y a augmentation.
M. BIENVENUE: Si vous me permettez, très rapidement, au sujet de
la catégorie 13, c'est plus intéressant. En vertu toujours de
cette même entente relative à la formation professionnelle des
adultes, dans le cas de l'adaptation c'est la direction
générale de l'adaptation nous récupérons
d'Ottawa 93.28 p.c. des frais d'administration, soit dans le cas actuel, je
pense que c'est $313,400.
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'article 2. Adopté.
Direction générale de
l'établissement
M. LE PRESIDENT: L'article 3: Catégorie 1. Adopté?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): L'augmentation de salaires, c'est une
augmentation de personnel ou du coût des salaires?
M. BIENVENUE: C'est l'augmentation statutaire.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ah oui! statutaire.
M. DEMERS: C'est l'augmentation de salaires statutaire.
M. BIENVENUE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Catégorie 3. Adopté.
Catégorie 10. Adopté.
UNE VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: L'article 3. Adopté. Les articles du budget de
l'Immigration sont adoptés en totalité.
M. GUAY: J'aurais seulement une question, si vous me permettez, M. le
Président, à poser
au ministre de l'Immigration. Même si c'est adopté, le
ministère de l'Immigration aurait aimé avoir combien de
crédits de plus?
M. DEMERS: Sky is the limit. UNE VOIX: $6 millions.
M. GUAY: Pour fonctionner selon ses désirs?
M. BIENVENUE: Nous n'irions pas, comme le dit mon sous-ministre, il
approuve bien mes vues là-dessus, jusqu'à demander $5 millions en
tout, mais je vous avoue qu'un petit montant de $400,000 ou de $500,000,
restant dans les six chiffres, auraient été bienvenus.
M. DEMERS: Vous avez assez bien fait cela cette année, M. le
ministre, qu'on intercédera pour vous.
M. BIENVENUE: Je voudrais, très brièvement, remercier les
membres de la commission. Je pense en particulier aux membres des partis
d'Opposition parce que je ne guettais même pas du coin de l'oeil les
membres du parti ministériel; je m'attendais à ce qu'ils me
facilitent la tâche, comme l'ont fait avec combien d'empressement et de
gentillesse...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est frustrant pour eux.
M. BIENVENUE: ... les gens de l'Opposition. C'était la
première fois que j'avais à défendre des crédits et
je pense que l'expression "défendre" n'est même pas
appropriée dans les circonstances. Heureusement, les crédits
n'étaient pas trop substantiels.
M. DEMERS: On a tenu compte, M. le ministre, que c'était votre
première année. L'an prochain...
M. BIENVENUE: Ma jeune expérience...
M. GUAY: Le nouveau ministre de l'Immigration nous a prouvé qu'il
est à la hauteur de la situation.
M. DEMERS: Avec mes compliments... M. BIENVENUE: Je remercie
aussi...
M. DEMERS: ... pour ne pas être obligé de retirer vos
paroles.
M. BIENVENUE: Je remercie aussi, en faisant tout simplement de la
récidive, les fonctionnaires du ministère, qui ne sont pas mes
fonctionnaires mais bien mes collaborateurs, qui sont grandement responsables
du travail de préparation et avec qui il est agréable de
travailler en équipe comme je l'ai dit. Je remercie le président
et le personnel du journal des Débats.
M. LE PRESIDENT: Et je me permets de remercier tous les membres de la
commission d'avoir facilité ma tâche et la commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 45)