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Commission permanente
du travail, de la main-d'oeuvre
et de l'immigration
Etude des crédits du ministère de
l'Immigration
Séance du mercredi 22 mai 1974
(Dix heures douze minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
l'immigration reprend ses travaux pour l'étude des crédits du
ministère de l'Immigration. A la dernière réunion le
ministre avait commencé à donner la réplique, mais le
député de Beauce-Sud s'était réservé le
privilège, avec l'assentiment des membres de la commission, de revenir
sur des commentaires préliminaires, étant donné qu'il
avait dû s'absenter avant la fin de la dernière séance. Si
les membres de la commission donnent leur assentiment, lorsque le
député de Beauce-Sud voudra faire ses commentaires, on lui
donnera le droit de parole.
M. BIENVENUE: II doit venir ce matin?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): II doit venir ce matin, il m'a averti
qu'il serait quelques minutes en retard.
M. BURNS: J'ai parlé au député de Beauce-Sud avant
la séance et il semble qu'il soit retenu à son bureau, mais qu'il
va se joindre à nous bientôt. Je serais d'accord pour qu'on lui
réserve son droit de revenir sur les remarques à caractère
général.
M. BIENVENUE: D'autant plus qu'il n'avait pas eu la chance de dire un
seul mot la dernière fois pour les raisons qu'on se rappelle.
M. BURNS: D'accord!
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, j'aimerais signaler que M. Blank de
Saint-Louis remplace à la commission M. Cournoyer, de Robert Baldwin. Je
cède maintenant la parole au ministre de l'Immigration.
Remarques préliminaires (suite)
M. BIENVENUE: M. le Président, dans ses remarques
préliminaires le 9 avril dernier, le député de Maisonneuve
s'est livré à ce que j'appellerais le jeu des comparaisons,
c'est-à-dire comparaisons entre certains propos tenus
antérieurement et d'autres tenus plus récemment par celui qui
vous parle ou encore, comparaisons entre des faits, des réalisations,
des projets discutés l'an dernier à nos crédits et la
situation actuelle. En ce qui me concerne, je n'ai pas l'intention, M. le
Président, de me placer sur ce terrain parce que je pense qu'il est
toujours délicat de faire des citations qui, hors de leur contexte
général, fort souvent changent la pensée de leur auteur.
Je voudrais plutôt m'en tenir au message qui ressort, je crois, de
l'exposé du leader parlementaire de l'Opposition. Si je comprends bien
ou si je résume ses remarques, je dirais que ses conclusions sont de
deux ordres. Premièrement, il n'y a rien de nouveau sous le soleil, donc
dans le cas qui nous occupe, il n'y a pas de nouvelle politique de
l'immigration au Québec et, deuxièmement, celui qui vous parle
comme titulaire de ce ministère se contenterait d'année en
année d'exprimer des voeux pieux, sinon des velléités.
Il est bien vrai, M. le Président, que d'une année
à l'autre, les problèmes étant les mêmes, mes
préoccupations sont évidemment les mêmes. Pas plus qu'aucun
membre de cette commission ou de l'Assemblée nationale, je ne suis
magicien, je ne dispose de baguette magique pour régler par miracle ou
autrement des problèmes qui sont vieux de cent ans. Par ailleurs, je
respecte trop le député de Maisonneuve et ses idéologies
pour lui dire que je pourrais, à son égard, utiliser la
même argumentation et affirmer que ses réponses au discours
inaugural ou ses discours à l'occasion des crédits ou ses prises
de positions politiques en général ne l'empêchent pas de se
retrouver constamment, d'année en année, avec les mêmes
objectifs, les mêmes aspirations.
Je ne l'accuserais pas pour autant d'être un velléitaire.
Je pense bien que c'est le propre des hommes d'action et donc, celui des hommes
politiques, de tenir compte des contraintes qui leur sont imposées et de
remettre, suivant un vieil adage, leur ouvrage cent fois sur le
métier.
Ceci étant dit, je veux rappeler à mon collègue que
mon exposé introductif faisait un bilan très précis du
chemin parcouru et je crois, je le dis bien humblement, qu'il est important, ce
chemin parcouru par mon ministère durant le précédent
exercice budgétaire. Ce bilan avait été
énoncé lors de notre séance des crédits du 9 avril,
avant même, évidemment, que le député de Maisonneuve
ne pose ses questions. Je n'y peux rien, mais je regrette simplement, plus que
lui d'ailleurs, que son texte qui, et c'est normal, étant écrit
à l'avance, ne pouvait tenir compte à l'avance de ce que j'ai dit
dans ma propre allocution, dans ma propre intervention. Je n'ai pas l'intention
de reprendre, point par point, tout ce qui s'est dit.
Je réfère la commission au texte, qui est au journal des
Débats, de mes propos introductifs du 9 avril. Je vous prierais
plutôt de bien vouloir vous reporter à ce texte que l'on
retrouvera aux pages B-693 à B-697. Je me contenterai plutôt, ici,
de redire, en réponse à une question précise, d'abord, que
la commission interministérielle des affaires des immi-
grants, jusque-là en sommeil, a travaillé, par le biais de
14 comités interministériels très actifs, dans les
domaines de l'éducation, des affaires sociales, de la main-d'oeuvre et
des affaires intergouvernementales. L'accent y a été mis tout
particulièrement sur les problèmes de l'intégration
linguistique des enfants et j'y reviendrai d'ailleurs dans un instant. Je
voudrais maintenant reprendre certaines affirmations, certaines interrogations
du leader de l'Opposition en faisant, à l'occasion de chacune d'elles,
un certain nombre de remarques.
Première remarque. Il est certain que le mouvement migratoire au
Québec a accusé, dans les dix dernières années, une
tendance à la baisse par rapport à l'année record que fut
1967, l'année de l'exposition universelle. Cependant, ce mouvement est
plus fort au Québec que dans les autres provinces.
Incontestablement, il existe une corrélation entre mouvement
migratoire et situation économique; je l'avais déjà dit
d'ailleurs dans le passé. Mais encore faut-il souligner les
conséquences de la réalité socio-linguistique
particulière du Québec sur l'immigration. On constate que, depuis
trois ans, le pourcentage des immigrants arrivant au Canada et qui se destinent
au Québec, n'a cessé de diminuer. Durant la même
période, la province a intensifié ses efforts pour faire
connaître sa situation linguistique particulière.
Y a-t-il une relation de cause à effet? Rien ne le prouve, mais
on peut s'interroger quand même à ce propos, tout comme on peut se
poser la question de savoir, de la même façon et au même
titre, si l'incertitude de l'avenir politique du Québec au sein de la
confédération ne pèse pas d'un certain poids sur la
destination finale des nouveaux immigrants.
Je pense bien que je n'apprendrai rien à personne en affirmant
que la grande majorité, la très grande majorité des
candidats qui se destinent à venir vivre chez nous, viennent tout
d'abord au Canada, quand ce n'est pas en Amérique du Nord; ils viennent
tout d'abord au Canada, et accessoirement au Québec, en Ontario, en
Nouvelle-Ecosse ou ailleurs.
Deuxième remarque. C'est bien vrai que, d'année en
année, je constate la maigreur de mon budget. En termes de larmes, de
larmes publiques, je pense que même mon collègue et ami
député de l'Agriculture se classe derrière moi. En termes
de plaintes et de complaintes publiques sur la maigreur de son budget.
Je dois souligner que le taux de croissance de mes crédits nets
est, cette année, de 36.4 p.c, ce qui me situe à la seconde place
parmi tous les ministères. Il est évident, cependant, qu'un fort
taux de croissance sur un petit nombre, n'a pas le même impact qu'un
faible taux sur un grand nombre. C'est la raison pour laquelle, remarquant en
cela l'intérêt que porte le gouvernement aux dossiers de
l'Immigration en ce qui regarde l'avenir du Québec, le premier ministre
a vu, d'un très bon oeil, une demande que je lui ai faite de
crédits supplémentaires, au moment où je suis
désormais prêt à aborder une étape de
développement, après l'étape antérieure de mise en
place et de consolidation de l'appareil du ministère de l'Immigration du
Québec.
Troisième remarque. Je rappelais, il y a un instant, le gros
effort de concertation interministérielle entrepris au plan de
l'intégration linguistique des enfants.
Cet effort s'est accompli dans le cadre du plan de développement
de l'enseignement des langues, le DEL, et a valu la mise en place de trois
comités permanents en vue de l'ouverture des maternelles pour enfants de
cinq ans, des prématernelles pour enfants de quatre ans et de la
poursuite des classes d'accueil.
Ces comités sont les suivants: comité d'orientation et de
concertation entre les trois ministères les plus impliqués, soit
l'Immigration, l'Education et les Affaires sociales pour fins
d'élaboration des politiques; comité de coordination entre
l'Immigration et l'Education en vue de mettre au point les opérations
administratives, financières et techniques; enfin, bureau de
coordination au plan local où se retrouvent tous les partenaires
ci-dessus auxquels s'ajoutent le ministère des Transports et onze
commissions scolaires régionales impliquées.
Au total, M. le Président, c'est un budget de $2,700,000 qui a
été affecté à cette première année du
plan qui a démarré, comme on le sait, en septembre 1973 dans 25
écoles avec 60 classes maternelles, une quinzaine de classes d'accueil
et plus de 1,500 enfants.
Je me plais à souligner que sur ce chiffre d'environ 1,500
enfants, renversant ainsi la vapeur, renversant ce qu'on avait connu
auparavant, un pourcentage d'environ 72 p.c. a opté pour le
réseau scolaire francophone. Comme on le voit, il s'agit encore d'une
politique incitative et non coercitive qui semble donner de bons
résultats.
J'aimerais rappeler ici d'autres actions entreprises dans ce secteur
combien prioritaire de l'intégration des nouveaux arrivants à la
communauté québécoise. On a triplé les places en
garderies pour les enfants de trois ans et moins, passant de 112 places
à 340 dans dix garderies au lieu de deux qu'elles étaient
auparavant.
On a, par ailleurs, lancé à mon ministère un
nouveau projet baptisé OVAL, pour les mots opération
vacances-loisirs, dont l'objectif est de faciliter la rencontre combien
importante entre de jeunes immigrants et de jeunes Québécois
durant les périodes de vacances et durant les fins de semaine.
Les premiers résultats de l'OVAL sont très
encourageants.
Par ailleurs, l'appareil des COFI a été rajusté
pour l'amener à un niveau comparable à la situation linguistique
du Québec. C'est-à-dire que maintenant, c'est avec beaucoup de
fierté que je dis que 86 p.c des classes sont des classes de
français et 14 p.c. sont des classes d'anglais,
après prolongation de 20 à 30 semaines des cours de
français. Les services, enfin, préparent activement une semaine
de l'amitié québécoise en liaison étroite avec le
Comité des fêtes nationales, semaine qui verra se réaliser
diverses manifestations populaires à l'occasion de la fête du 24
juin prochain qui mon ami, le député de Saint-Louis est
parti comme il l'a déjà dit, est la fête de tous les
Québécois.
Quatrième remarque. Le comité consultatif du
ministère qui existe, qui a vu le jour il y a de cela déjà
plusieurs mois, comprend quatorze représentants. Dix d'entre eux ont
été nommés par l'arrêté en conseil 3476 du 21
septembre 1973. J'ignorais, à ce moment-là, M. le
Président, quel sort me réservait ma modeste carrière
politique. En septembre dernier, j'ai voulu m'assurer, ignorant l'avenir, que
ce comité consultatif existerait. Les membres qui ont été
nommés en septembre dernier sont M. Maurice Champagne, directeur
général de la Ligue des droits de l'homme; M. Lucien Darveau, de
Québec, qui s'occupe d'organismes d'immigration ici à
Québec, depuis longtemps; M. Lévy Leroy, économiste
réputé et membre de la communauté haïtienne de
Montréal; M. Dale Thompson, vice-recteur à la planification de
l'Université McGill, qui nous donne un rapport précieux; Madame
Magali Dô, présidente de l'Aide aux Néo-Canadiens, de
Sherbrooke; MM. Sarto Marchand, Henri Gauthier, Thomas Monti, Maurice Legault,
ainsi que Madame Monica Matte, tous cinq membres du Bureau des gouverneurs des
citoyens du monde, qui organise chaque année, à Montréal,
le banquet annuel des Citoyens du monde, symbole de la fraternité qui
unit et doit unir Québécois et nouveaux arrivants. Les quatre
autres membres ont été nommés beaucoup plus
récemment par l'arrêté en conseil 1055 du 20 mars 1974, en
la personne de M. Nicolas Ciamarra, de la communauté italienne; M. Ralph
Lalouz, de la communauté juive; Madame Shake Minassian, de la
communauté arménienne, et M. Georges Kout-chougoura, de la
communauté russe.
Il restera à nommer un quinzième membre, qui sera
vraisemblablement je le souhaite du moins de la communauté
chinoise.
Cinquième remarque. Le leader de l'Opposition s'inquiétait
de savoir si le Québec recevait d'Ottawa les mêmes services que
les autres provinces. Je suis tenté de dire oui et de dire non seulement
oui, mais je suis tenté de dire même plus que certaines autres
provinces, si je me réfère à certains
événements récents et j'en cite quelques-uns.
Nos agents à l'étranger ont accompli, pour la
première fois, récemment, plusieurs missions de recrutement dans
certains pays à titre expérimental et avec l'assentiment et la
bénédiction du ministère fédéral de
l'Immigration.
Je viens, il y a à peine quelques jours, d'être
consulté, et pour la première fois toujours, par le
ministère fédéral de l'Immigration avant l'ouverture
projetée et relativement à l'ouver- ture projetée d'un
nouveau bureau des visas dans un nouveau bassin d'immigration francophone.
Enfin, et toujours à titre d'exemple parmi plusieurs, les copies
des formulaires 1,000 viennent, pour la première fois dans l'histoire du
Québec, de nous être fournies, et cela en remontant dans le
passé jusqu'à 1968.
Ceci m'amène à une sixième remarque qui est
à l'effet que l'envoi de ces formulaires 1,000 à la fin du
présent exercice nous permet de constituer, là aussi pour la
première fois dans l'histoire du Québec, le fichier de notre
clientèle d'immigration dans l'optique suivante: Mieux connaître
et j'allais dire, non seulement mieux connaître mais
connaître purement et simplement, avant de les mieux connaître, les
connaître les nouveaux arrivants pour les mieux servir.
Le Centre de traitement électronique des données
CTED traite présentement les premières tranches de
renseignements statistiques qui seront disponibles à partir de ces
formulaires et qui seront disponibles à tous hommes politiques,
députés, chercheurs, journalistes, etc.
Un récent article, d'ailleurs, de M. Gérald Leblanc, dans
le journal Le Devoir, a diffusé cette nouvelle.
Septième remarque. En ce qui concerne les bureaux
régionaux, des études plus systématiques nous ont
amenés à penser que l'on pourrait sans doute atteindre les
mêmes objectifs avec des coûts moindres en développement,
à Montréal et à Québec, à partir de services
mobiles aux employeurs, services assurés par des professionnels de mon
ministère qui se rendront à la demande là où on
exprime des besoins.
Il n'est pas dit cependant qu'on ne reviendra pas ultérieurement
à l'idée des bureaux régionaux si le besoin s'en fait
sentir d'une manière aiguë et si telle est, évidemment, la
politique générale du gouvernement.
Huitième remarque. L'accroissement du nombre de postes à
l'étranger et l'accroissement des pouvoirs de ceux qui occupent ces
postes à l'étranger, de ces agents, et l'accroissement de leur
champ d'action, sont désormais établis au niveau des analyses et
de la préparation. La mise en oeuvre ne dépend plus
désormais que des résultats de la négociation qui est
menée avec Ottawa, à laquelle j'ai fait allusion il y a un an,
à laquelle j'ai fait allusion au cours de deux ou trois interventions
à l'Assemblée nationale, à laquelle j'ai fait allusion le
9 avril, mais qui, hélas, pour des raisons que tous connaissent, est
suspendue pour une période de quelques semaines.
Neuvième remarque. Quant au programme de perfectionnement du
personnel, la situation est la suivante. Un administrateur sur six que nous
avons au ministère est inscrit à la maîtrise en
administration publique de l'ENAP, et vient de suivre la première
année du programme à
temps partiel qui se déroule sur trois années. Deux
professionnels, attachés d'administration de la classe II, suivent le
même programme. Un autre professionnel, spécialiste en sciences de
l'éducation de la classe I, subit actuellement les tests pour son
inscription au programme normal de la maîtrise en administration publique
de l'ENAP, pour la session de septembre prochain. Un autre professionnel, agent
de recherche et de planification de la classe II, est rentré en
décembre dernier d'un séjour d'un an à l'Ecole
internationale de Bordeaux, école créée par l'Agence
technique de coopération. Enfin, un autre professionnel, attaché
d'administration de la classe I, a terminé avec succès en mai
1973 sa scolarité de maîtrise en service social faite à
temps partiel.
Je pense bien, M. le Président, qu'on admettra avec moi que pour
un ministère qui ne compte que 147 postes à l'effectif, le
programme de perfectionnement du personnel est assez intéressant, si
l'on tient compte du peu de temps disponible réservé à ces
dévoués collaborateurs qui sont en nombre fort modeste au
ministère de l'Immigration du Québec.
Voilà donc, messieurs, quelques-unes des observations que je
voulais apporter en réponse aux remarques préliminaires faites
par le leader de l'Opposition officielle, mon collègue le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, je ne me mettrai pas à
répondre à la réponse du ministre...
M. BIENVENUE: Une "duplique".
M. BURNS: ...une "duplique" ou une supplique du genre parce qu'on en
finira pas. Je veux tout simplement signaler cependant, relativement à
une des choses que le ministre a dites, que c'est évident que le
ministre et moi-même, d'année en année, avons toujours les
mêmes objectifs. C'est un signe de constance probablement et chez le
ministre et de la part du député de Maisonneuve et des autres
députés du Parti québécois qui prônent une
certaine thèse, mais je dois cependant dire au ministre que je ne suis
pas ministre et que je n'ai pas, actuellement, la possibilité de faire
changer la politique gouvernementale autant que lui. C'était dans ce
sens que je faisais remarquer que le ministre nous revenait, d'année en
année, avec les mêmes choses.
Je ne le blâme pas dans sa constance, on n'a qu'à le
féliciter d'être constant dans ce domaine, sauf qu'on voudrait
avec lui que cela porte des résultats, qu'à un moment
donné, ses collègues du cabinet s'aperçoivent que le
ministère de l'Immigration, c'est autre chose qu'un bureau du
ministère de l'Immigration fédérale. A ce
moment-là, c'est tout le problème des crédits. De toute
façon, on aura l'occasion d'en parler. J'aimerais cependant, avant
d'entrer dans le détail, parler d'une question d'actualité. Je
tire ma source de l'éditorial du journal Le
Jour de ce matin, sous la signature de M. Yves Michaud. Pardon? Est-ce
que vous trouvez que ma source n'est pas sérieuse?
M. BOUDREAULT: Je ne pense pas.
M. BURNS: On va la vérifier auprès du ministre. On va voir
exactement. C'est cela que je m'apprête à faire. Dans cet
éditorial, qui est une première réaction de la part de ce
journal au dépôt du projet de loi no 22, il y a quelque chose qui
concerne particulièrement le ministère de l'Immigration. Je
pensais que c'était peut-être l'occasion idéale de se poser
la question. Je cite l'éditorialiste...
M. BIENVENUE: Une occasion en or.
M. BURNS: Oui. Si cela était arrivé demain,
peut-être qu'il aurait été trop tard. Je cite une partie du
texte de M. Michaud: Tendance à la hausse de l'immigration anglophone au
Québec. L'affirmation n'est pas gratuite. "Dans un mémoire secret
présenté par le ministre de l'Immigration du Québec, Jean
Bienvenue, à son collègue fédéral, il est
révélé des choses stupéfiantes, inconnues du public
mais connues des membres du cabinet fédéral et des auteurs du
projet de loi 22." Il cite, c'est ça qui est l'aspect qui surprend tout
le monde, sans doute qui a surpris également M. Michaud quand il a eu
connaissance de ça: "Pour les neuf premiers mois de mars 1973", par
exemple, "42 p.c. des immigrants venus s'installer au Québec ne
connaissent que l'anglais, 11.4 p.c, les deux langues, 18.6 p.c, le
français seulement et 28 p.c, ni l'une, ni l'autre. "M. Michaud conclut
de la façon suivante: "53.4 p.c. des immigrants de 1973 peuvent et
pourront choisir l'école anglaise en vertu de la loi 22. De 1968
à 1972, inclusivement, les immigrants de langue anglaise, au
Québec, sont passés de 29.9 p.c. à 40 p.c, tandis que ceux
de langue française sont descendus de 24.2 p.c. à 14.5 p.c. Fin
de la citation de M. Michaud.
J'aimerais savoir du ministre, d'une part, si, effectivement, ce
mémoire secret, comme dit M. Michaud, a été remis par le
ministère de l'Immigration québécois à son pendant
fédéral, le ministère du Travail et de l'Immigration,
d'une part, et deuxièmement, s'il est possible que ce document soit
rendu public. Surtout à l'époque où on s'apprêtera
à discuter du projet de loi no 22, qui a été
déposé en Chambre hier, je trouve qu'il serait
d'intérêt public que ces chiffres, qui sont en possession,
semble-t-il, si la déclaration de M. Michaud est exacte, et du
ministère fédéral et du ministère
québécois de l'Immigration, soient rendus publics pour pouvoir
jauger sérieusement et avec le plus de précision possible, ayant
toutes les données en main, la situation nouvelle que présente le
projet de loi no 22. Je n'ai pas l'intention de le commenter ici
d'ailleurs ce n'est pas la place j'ai des collègues qui sont
encore plus
compétents que moi pour commenter le projet de loi 22, mais j'en
parle simplement comme incidence sur la politique du ministère de
l'Immigration et, entre autres, sur ce document qui nous est
révélé par M. Michaud ce matin.
M. BIENVENUE: Je dis tout de suite que je ne préside pas les
débats et je dis que les questions du député de
Maisonneuve sont parfaitement légales, elles cadrent parfaitement avec
notre règlement et sont fort appropriées. Tout d'abord, je suis
heureux de voir mon ami, le représentant du journal Le Jour qui, j'en
suis sûr, rapportera fidèlement, mieux que n'importe qui, au
rédacteur en chef, les propos que je vais tenir. Tout d'abord, je
voudrais dire que je fais toute la différence au monde entre un
mémoire secret et un mémoire discret. Le mémoire en
question n'est pas secret, il est discret dans le sens où nous avons
convenu, mon homologue fédéral et moi-même, de garder ce
mémoire dans le même contexte que sont toutes les
négociations que nous avons tenues à ce jour et qui ont
été marquées au point de la discrétion la plus
absolue. Je répète ce que je lui disais encore récemment.
Si un malencontreux accident de parcours, qui s'appelle l'élection
fédérale, n'était pas survenue, j'aurais peut-être
aujourd'hui beaucoup de fierté et de joie à annoncer un tas de
choses. Evidemment, tout est laissé en plan pour quelques semaines.
J'ai bien dit discret mais non secret; quand je dis qu'il n'est pas
secret, M. le Président, la preuve en est évidente: il est
tellement peu secret que le journal Le Soleil l'a déjà
depuis...
M. BURNS: Le 29 avril.
M. BIENVENUE: ... le 29 avril et cela m'a valu l'honneur d'une
première page en haut, d'un article intitulé: Les 22
recommandations du ministre Bienvenue. Cela m'a valu moins d'honneur par la
suite, parce que depuis ce temps-là le journal Le Soleil parle toujours
des contradictions du ministre Bienvenue et je suis moins favorisé dans
les articles qui ont suivi.
Par ailleurs, le journal Le Jour a également ce mémoire en
main, M. le Président, et c'est manifeste, parce que je vous affirme que
les chiffres cités par M. Michaud sont textuellement, pas à une
décimale près, les chiffres absolus et les décimales
apparaissant au tableau I des tableaux de ce mémoire.
Par conséquent, je pense que la meilleure façon, pour mon
ami le député de Maisonneuve ou pour le journal Le Jour d'avoir
le mémoire ou enfin de le diffuser, serait un peu de faire ce qui a
été fait dans la page 4, je pense, du journal Le Jour
aujourd'hui, qui publie, in extenso, le texte du projet de loi auquel on vient
de faire allusion. Je dis que ce serait la meilleure façon, mais...
M. BURNS: Les réponses du ministre sont sans doute une
très bonne réponse aux députés qui se posaient des
questions sur la valeur de ma source de tantôt; alors, je pense bien que
le journal Le Jour semble être une bonne source.
M. BOUDREAULT: Vous semblez très bien conseillé.
M. BIENVENUE: Elle est au moins fort précise et quand je fais ces
remarques, M. le Président qu'on me comprenne bien, je ne souhaite pas
pour tout l'or au monde que le journal Le Jour ou le journal Le Soleil publient
in extenso. Je ne le souhaite pas, parce que cela ne m'aiderait pas, je
voudrais tellement garder discrète cette négociation,
déjà entreprise et fort bien entreprise avec le
fédéral. Et non seulement, cela ne m'aiderait pas, M. le
Président, mais la parution dans le journal Le Soleil, il y a
déjà quelques semaines, a fait au Québec un tort
considérable et cette journaliste, qui est elle-même une
ex-immigrante... Je ne sais pas si elle était bien ou mal
intentionnée, mais je sais que, comme résultat, personne ni rien
n'a fait autant de mal au ministère que je dirige, au cours de sa courte
existence. Et quand je dis mal, je sais de quoi je parle, dans le cadre de ma
négociation actuelle.
Par ailleurs, M. le Président, revenant toujours sur la question
de mon collègue, le député de Maisonneuve, j'ai remis
effectivement ce mémoire à mon homologue fédéral,
il y a déjà plusieurs mois. Il en a fait l'étude et je
disais il y a un instant que, hélas, un incident de parcours m'a
empêché, au cours des derniers jours, de connaître la
réponse à plusieurs des questions qu'il posait.
M. BURNS: M. le ministre, il s'agit bien alors est-ce que je dois
conclure cela de la réponse du ministre du même
mémoire que celui qui est cité dans le Soleil du 29 avril.
M. BIENVENUE: Et par le Soleil, et par le Jour. Il s'agit du même
mémoire.
M. BURNS: Du même mémoire, le Jour se
référant à un des tableaux qui apparaissaient au
mémoire.
M. BIENVENUE: C'est cela.
Mais il est manifeste que le Jour a ce mémoire, comme il est
manifeste que le Soleil a ce mémoire. Dans le cas du Soleil, il
n'était pas question de chiffres, mais je ne dirais même pas
à une virgule près, c'étaient les mêmes
virgules.
Je dis donc qu'il est déjà public de la façon que
je viens de le dire et je vous avoue que je le regrette vivement. Cela a fait
à mon ministère un tort peut-être pas irréparable,
mais un tort considérable.
Pour ce qui est d'une autre phrase que prononçait mon
collègue, le député de Maisonneuve, en citant
évidemment le texte de M. Michaud, parlant de chiffres ou de
révélations stupéfiantes qui seraient cachés au
public et que
le gouvernement connaîtrait depuis plusieurs mois, le public, M.
le Président, connaît ces choses stupéfiantes depuis
plusieurs mois, même depuis décembre. En décembre et au
mois de mars dernier, ces choses stupéfiantes, ces chiffres
stupéfiants, qui d'ailleurs sont publics, qui m'ont d'ailleurs
été fournis par le gouvernement fédéral, par des
statistiques publiques, je les citais en public par le truchement de
l'Assemblée nationale en mars et en décembre dernier.
Je me cite, sans aimer cela, mais avec votre permission, M. le
Président. Je disais en mars dernier textuellement ce qui suit: "Mais
bien plus préoccupante encore est la répartition linguistique des
nouveaux arrivants. Ce n'est pas sans raison que M. Robert Andras, ministre
fédéral de l'Immigration, m'écrivait le 19 septembre
dernier et je cite: "Je pense à l'immigration francophone c'est
lui qui m'écrivait et je vous avoue que l'évolution
actuelle de ce mouvement me préoccupe".
Pour cause, la répartition linguistique de l'immigration venue au
Québec depuis la fin de la seconde guerre mondiale est très
exactement inversement proportionnelle à celle de la population
québécoise; 82 p.c. d'immigrants non francophones et 18 p.c. dont
le français est la langue d'usage.
Le rapport statistique pour 1972, publié le 20 mars dernier par
le ministère fédéral de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration, fait état d'une aggravation de la situation. En effet,
seulement 15 p.c. des immigrants venaient de pays de dernière
résidence entièrement ou partiellement de la langue
française tandis que 39 p.c. provenaient de pays de dernière
résidence entièrement ou partiellement de langue anglaise, contre
26 p.c. en 1968. C'étaient et je viens de le montrer des
statistiques publiques. Cela va être très court, me citant
toujours, je disais à l'Assemblée nationale le 5 décembre
1973, et je cite: "Tout le monde, tant à Québec qu'à
Ottawa, est préoccupé de l'évolution actuelle du mouvement
de l'immigration. Pour la deuxième année consécutive, le
Québec a perdu la seconde place au profit de la Colombie-Britannique.
Plus inquiétante est la répartition des immigrants selon leur
origine linguistique. Au cours des neuf premiers mois de l'année 1973,
58 p.c. des immigrants reçus au Canada provenaient d'un pays de
dernière résidence de langue anglaise et seulement 3.7 p.c. d'un
pays de dernière résidence de langue française".
Comme on le voit, M. le Président, ces choses stupéfiantes
ou secrètes auxquelles fait allusion M. Michaud dans le journal Le Jour
d'aujourd'hui, je les ai dites en grand public à deux reprises, la
première des deux fois étant en décembre dernier. Je les
ai puisées aux statistiques du fédéral, qui sont
publiques, mais cela ne m'empêche toujours pas de dire que M. Michaud a
vraiment le texte de mon mémoire, parce que les chiffres cités
dans son article comprennent les décimales que je n'avais pas et ces
décimales correspondent très exactement à un des tableaux
du fameux mémoire auquel on fait allusion.
M. BURNS: Si je comprends bien, le ministre ne désire pas le
rendre public. A ce moment-là, n'est-il pas normal que les membres de
l'Assemblée nationale en aient une copie, au moins de ce document?
Remarquez que je n'ai pas vérifié avec M. Michaud s'il avait le
texte intégral, mais, peu importe, je pense que la voie normale, pour
moi ou tout autre membre de l'Assemblée nationale, serait d'être
informé de ce document par le canal normal, c'est-à-dire par le
ministre de l'Immigration, qui pourrait nous en fournir au moins une copie par
parti, en tout cas, si cela devient compliqué d'en fournir une copie
à tous les membres de l'Assemblée nationale.
M. BIENVENUE: Je le répète, M. le Président, dans
le moment, conscient de mes responsabilités et, Dieu merci, n'ayant rien
à cacher au sens de faire des cachettes au grand public, surtout
à l'époque où il est question du sujet que l'on sait dans
une autre Chambre que cette salle de commission, il n'est pas question de
cacher... Je pense que les chiffres qui auraient pu être les plus secrets
ou les plus troublants ou les plus inquiétants ou les plus remplis
d'implications sont précisément ceux qu'a publiés Le Jour.
C'est beaucoup plus avec autre chose à l'idée, M. le
Président, que nous avons convenu, mon homologue fédéral
et moi, de garder ce mémoire discret, de ne pas le diffuser, parce
qu'évidemment il y a des raisons. Si je les révèle, cela
devient illusoire, ce que je dis. Il y a des raisons qui, je pense, militent en
faveur d'une discrétion autour de ce mémoire, au moins pour le
moment. Je le dis clairement de la même façon que je le dirais
s'il s'agissait d'une question posée en Chambre, question au sujet de
laquelle le règlement a prévu un article. Au point de vue de
l'Etat, au point de vue de mes responsabilités, mieux vaut que ce
mémoire ne soit pas distribué. Je répète qu'il est
manifeste, il est à ma connaissance que deux journaux l'ont
déjà... Je ne souhaite pas que ces deux journaux le publient.
Jamais au grand jamais, dans le contexte actuel. Je regrette, d'ailleurs, que
ces deux journaux l'aient. Quant à moi, le député de
Maisonneuve me connaît assez, cela n'est pas un manque de collaboration,
ce n'est pas à la légère que je dis que je
préfère ne pas le faire. Ma conscience d'homme politique me dicte
que cela ne serait pas approprié à ce moment-ci, mais pas pour
des choses qui font peur, pas parce qu'il contient des données qui font
honte ou qu'on veut cacher au public comme tel. Cela n'a rien à voir
avec cela.
M. BURNS: Mon raisonnement devant cela, c'est justement le fait que deux
journaux l'aient maintenant, devrait porter le ministre à modifier son
attitude, en ce sens que...
M. BOUDREAULT: M. Michaud?
M. BURNS: Mon interlocuteur n'est pas M. Michaud, comme dit le
député. Il me suggère d'aller voir M. Michaud, mais mon
interlocuteur, même si nos relations sont très amicales, M.
Michaud et moi, ce n'est pas mon interlocuteur. Ce n'est pas à M.
Michaud que je dois poser des questions. C'est au ministre de l'Immigration. Je
me dis que j'aurais peut-être pu comprendre les réserves du
ministre si le document n'avait pas été rendu public par d'autres
sources. Exemple: Les media d'information. Maintenant que c'est rendu public,
ce n'est plus, je pense, et ce n'est pas, sans doute, la faute du ministre si
cela a été rendu public. Je présume, voyant sa
déception, que ces deux journaux...
M. BIENVENUE: Amère déception!
M. BURNS: ... ont le document. Maintenant que c'est chose faite, cette
histoire, je me dis qu'il serait normal que le ministre, malgré
l'entente qu'il a eue avec son homologue, son monologue fédéral,
comme dirait le député de Verdun...
M. BIENVENUE: Voici...
M. BURNS: ... il ne serait que normal, dis-je, maintenant que c'est
partiellement public...
M. BIENVENUE: Le dossier...
M. BURNS: ... que les députés puissent en prendre
connaissance.
M. BIENVENUE: Le mémoire en question est pour nous aussi un
instrument de travail que, comme tel, je le répète, je crois
préférable de ne pas livrer au public. Le député de
Maisonneuve disait: Maintenant que deux journaux l'ont, on peut dire que c'est
public. Je regrette, premièrement, qu'ils l'aient et,
deuxièmement, je souhaite de tout coeur que cela ne fasse pas plus de
dégâts, plus de tort que cela en a fait jusqu'à maintenant,
et par conséquent, que ces deux journaux, enfin, le nouveau qui vient de
s'ajouter, le Jour, ne publient rien de plus.
J'ai d'ailleurs pris vis-à-vis de mon collègue du
fédéral un engagement qu'il a pris lui-même
vis-à-vis de moi à ce sujet, mais je puis répondre tout de
suite, avec infiniment de plaisir, au député de Maisonneuve que
pour ce qui est des tableaux qui sont annexés au mémoire, je puis
lui fournir les données "at large", ainsi qu'au grand public, sans
gêne, sans hésitation.
D'ailleurs, ils seront même publiés dans le premier
bulletin statistique du ministère auquel je faisais allusion et cela
dans quelques jours. Mais en ce qui concerne la partie du mémoire autre
que ces tableaux, je crois qu'il serait contre mon devoir actuellement de la
rendre publique et c'est pour cela que je souhaite tellement que les journaux
ne le fassent pas, dans le seul et unique intérêt du Québec
j'allais dire, qui est le pays dans lequel nous vivons...
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: ... qui est la province...
M. BURNS : Cela aurait été un bon lapsus de la part d'un
ministre j'allais dire... fédéral... provincial.
M. BIENVENUE: ... dans laquelle nous vivons.
M. BURNS: Mais je tiens à dire au ministre que nous ne sommes pas
contre ses recommandations. Loin de là. Je trouve qu'en ne nous
fournissant pas ce document, il se refuse des alliés. Nous sommes de
ceux qui, depuis le début, ont dit que le ministère de
l'Immigration devrait avoir des pouvoirs accrus. Nous sommes de ceux qui
partagent les vues du ministre dans ses 22 recommandations, et il me semble
qu'à ce moment il se refuse inutilement des alliés dans cette
bataille.
M. BIENVENUE: Je n'ai pas voulu en dire trop long sur le résultat
actuel des négociations, sur le climat des négociations. J'ai
quand même dit avec insistance comment bien cela se déroulait et
que je regrettais de n'avoir pas pu, ce matin, annoncer bien des choses qui, je
pense, auraient fait plaisir à mon collègue de Maisonneuve
à tous mes collègues de l'Assemblée nationale et à
toute la population du Québec, qui, je pense, veut voir ces pouvoirs
accrus en matière d'immigration, et cela pour la première fois.
Cela va assez bien que je ne refuse pas l'aide d'alliés dont me parle le
député de Maisonneuve. On a toujours besoin d'alliés, mais
je pense qu'on s'est assez bien débrouillé, je le dis avec toute
la modestie dont je suis capable, jusqu'à maintenant. Je craindrais trop
que faire moi-même ce que je déplore que d'autres aient fait, cela
nuise, au moment où je parle. Je pense que tout est sur la bonne voie,
mais je ne voudrais pas prendre le risque que la publication, à titre
d'exemple, de ce mémoire ou d'autres faits et gestes de même
nature gâche ce qui est entrepris. Je voudrais tellement que le
député de Maisonneuve prenne ma parole là-dessus et me
croie quand je lui dis que j'ai l'impression que tout est bien engagé et
je craindrais trop de prendre le risque que comporterait la demande qu'il me
formule.
M. BURNS: Comment dois-je comprendre alors ce que le ministre a dit tout
à l'heure que la publication des 22 recommandations dans le Soleil a
causé un tort au Québec et au ministère de
l'Immigration?
M. BIENVENUE: Je vais essayer d'être le plus prudent possible dans
ma réponse au
député de Maisonneuve. Cela a causé un tort dont je
n'ai pas dit qu'il n'était pas partiellement ou plus partiellement
réparé, mais cela a causé un tort au moins en ce qu'une
partie de ces recommandations seront peut-être assujetties à plus
de caution, à certains retards. C'est dans cette veine que je parle du
tort causé, et si je voulais aller plus loin dans la réponse que
souhaite le député de Maisonneuve, cela me forcerait
précisément à dire des choses qui elles aussi pourraient
me nuire dans une espèce de réaction en chaîne.
J'essaie d'en dire le plus possible pour ne pas nuire à ce
dossier que je souhaite tellement voir se régler.
Je crains tellement que des incidents de parcours comme celui auquel
j'ai fait allusion, les fuites nuisent, je ne voudrais pas qu'il y en ait trop,
le moins possible et pas du tout. Il y a des choses que je ne peux pas dire au
député de Maisonneuve. Je lui demande je ne sais pas si la
chose se fait de pratique courante de me faire confiance et de prendre
ma parole lorsque je lui dis que ma conscience politique ou personnelle me dit
que mieux vaut pas pour le succès que j'anticipe ou que je souhaite
à tout le moins. Evidemment, je ne peux pas empêcher la
publication par les deux journaux en question, ils ne l'ont pas fait
jusqu'à ce jour et j'espère qu'ils ne le feront pas. C'est leur
responsabilité, ce n'est pas la mienne. Je respecte la liberté de
presse.
M. BURNS: Je vais tendre la perche au ministre. Comme cela, le ministre
trouve qu'il n'est pas d'intérêt public de me répondre?
M. BIENVENUE: C'est cela.
M. BURNS: Toujours dans ce domaine, j'ai noté à une
première lecture très rapide du projet de loi no 22, que
l'article 117 supprime le paragraphe e) de l'article 3 de la Loi du
ministère de l'Immigration.
Par curiosité, je suis allé voir ce qu'était ce
paragraphe e) de l'article 3, lequel avait été mis en vigueur par
les lois de 1969, chapitre 9, c'est-à-dire le bill 63. Ce fameux
paragraphe donne comme pouvoir ou comme mandat au ministère de je
cite "Prendre de concert avec le ministère de l'Education des
dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent
au Québec acquièrent dès leur arrivée ou même
avant qu'ils quittent leur pays d'origine la connaissance de la langue
française et qu'elles fassent instruire leurs enfants dans des
institutions d'enseignement où les cours sont donnés en langue
française".
Comme le ministre est membre de l'exécutif, j'imagine qu'il a
participé à l'élaboration comme telle du projet de loi no
22 et comme, également, il est titulaire du ministère de
l'Immigration, il a sans doute eu son mot à dire dans cela, dans le fait
que l'article 117 supprime le fameux paragraphe e) de l'article 3 que je viens
de lire. Ce que j'aimerais savoir du ministre, c'est pourquoi l'exécutif
a décidé de supprimer ce paragraphe e) qui, à toutes fins
pratiques, donnait mandat au ministre de l'Immigration, au ministère de
l'Immigration de voir, selon l'expression favorite du ministre lui-même,
à la "francophonisation" des immigrants qui n'étaient pas
francophones. Dieu sait que, par les statistiques dont on a discuté il y
a un instant, cela devient une lourde tâche que la "francophonisation"
des immigrants, si la tendance actuelle se maintient, c'est-à-dire si,
chaque année...
M. BIENVENUE: Très inquiétant.
M. BURNS: C'est très inquiétant et stupéfiant,
comme dirait M. Michaud, si la tendance continue à nous déverser
un flot d'immigrants d'année en année qui est au-delà de
50 p.c. anglophone et ne dépasse jamais 20 p.c. de véritable
immigration francophone. Ce que j'aimerais savoir du ministre, c'est pourquoi
cette suppression du paragraphe e) de l'article 3?
M. BIENVENUE: Je vais plus loin que le député de
Maisonneuve, dans mes remarques préliminaires, en parlant non seulement
quant à moi d'un mandat, d'un pouvoir, mais je parle en mon nom, d'un
devoir du ministre de l'Immigration du Québec de favoriser ce que disait
l'ancien article. Avec toute la franchise dont je suis capable, je me plais
à dire au député de Maisonneuve et à mes
collègues que, bien que siégant à l'exécutif, comme
le député vient de le dire, je dis que cette abrogation, cette
nouvelle disposition m'a échappé complètement, tellement
complètement que, moi aussi, je l'ai apprise ce matin.
Sans vouloir entrer dans la technique législative ou sans vouloir
parler du projet de loi 22, je veux dire que je vais sûrement donner
suite à cette déficience, cette carence, cette chose qui semble,
à première vue, une anomalie, que vient de souligner le
député de Maisonneuve. Je ne sais pas par quel moyen, je ne veux
pas entrer dans les détails, mais je veux que mes intentions soient bien
claires et inscrites au journal des Débats, de façon qu'en aucune
façon, ni directe, ni indirecte, ce que j'ai appelé un devoir de
mon ministère et de son titulaire soit affaibli, diminué ou
disparu. Je répète, je ne sais pas encore par quel moyen, par
quelle disposition. Une des façons serait de faire un amendement
à la loi organique du ministère de l'Immigration, dans laquelle
apparaissait cette disposition législative. Mais mon intention claire,
ferme, nette, indubitable est que ce ministère que je dirige continue
pour employer le terme même de l'article de faire, de
concert avec le ministère de l'Education, ou sans concert, ou seul, ou
de concert avec tous les orchestres que l'on voudra, franciser les immigrants
qui viennent au Québec, dont la langue de la majorité est le
français. Non seulement il n'est pas question de
diminuer ou de reculer, mais tous mes efforts et tous ceux de mes hauts
fonctionnaires tendent à amplifier le mouvement qui découle de
ces dispositions de la loi auxquelles a fait allusion le député
de Maisonneuve.
M. BURNS: Je conseille au ministre, je me permets de conseiller au
ministre de clarifier cette situation le plus rapidement possible avec ses
collègues du cabinet parce qu'il n'est pas sans savoir qu'à
compter du 11 juin prochain il y aura des auditions publiques à la
commission parlementaire de l'éducation où le grand public
intéressé, les organismes intéressés à
critiquer le projet de loi viendront se présenter devant nous et sans
doute que cela fera l'objet de curieuses remarques de la part des gens qui
viendront devant nous si la situation n'est pas publiquement
rétablie.
M. BIENVENUE: Evidemment, et là je me livre à une pure
hypothèse, je pense tout haut devant les membres de la commission, je me
demande si, tout simplement, au moment où on a abrogé les
dispositions du fameux bill 63 pour les remplacer par autre chose, cela n'a pas
échappé à ceux qui abrogeaient pour remplacer... Je serais
extrêmement surpris, M. le Président, que ce soit l'objet d'une
manoeuvre volontaire que la disparition comme telle de cette disposition. Je
pense que je viens d'indiquer mes intentions assez clairement. Je n'ai pas
parlé au nom du gouvernement dont je ne suis qu'un membre, j'ai
parlé en mon nom personnel, mais je pense que j'ai été
assez clair en le faisant pour assurer le député de Maisonneuve
que je suis conscient comme lui que, dans quelques semaines à peine,
cela pourrait être l'objet de vives discussions, pour ne pas employer
d'autres termes, s'il n'y avait pas un remède apporté à
cette chose qui m'apparaît clairement comme une anomalie.
M. BURNS: Remarquez que je n'ai fait qu'un survol rapide de la loi 22 et
que je n'ai pas encore analysé toutes les implications qu'avaient les
nouveaux textes. Même si on dit, d'une part, qu'on abolit le bill 63 on
retrouve certaines de ses dispositions parsemées à
l'intérieur du texte du projet de loi 22. Mais je n'ai pas
trouvé, sauf erreur, de remplacement valable des dispositions de
l'article 3 du bill 63.
M. BIENVENUE: Moi non plus. Ce n'est que ce matin, il y a à peine
quelques instants, que j'ai pris connaissance de cette situation.
M. BURNS: M. le Président, toujours sur cette question
reliée à l'aspect linguistique, je pense bien que le
ministère de l'Immigration n'est pas désintéressé
de ce problème. Je lui signale également que, dans le cas
où les dispositions de l'article 117 du projet de loi 22 demeureraient,
cela voudrait dire je le dis sous forme de question au ministre
est-ce que ça ne voudrait pas dire la disparition du comité
interministériel Education-Immigration, etc.?
M. BIENVENUE: On pourrait penser à ça comme à une
conséquence logique si cette situation devait se maintenir,
c'est-à-dire qu'à la minute ou dès l'instant où mon
ministère ne fait plus rien de concert avec l'autre, les organismes ou
les liens normaux qui justifient cette participation de concert en question
disparaissent, c'est évident. Il n'en est pas du tout question, bien au
contraire; c'est pour ça que je pense que cela amplifie davantage ce
qu'a dit le député de Maisonneuve et ce que j'ai reconnu. Je ne
voudrais pas, pour tout l'or au monde, voir disparaître ni ce
comité interministériel, ni d'autres, parce qu'il y a beaucoup
à faire, beaucoup à faire.
M. BURNS: J'imagine, M. le Président, je veux maintenant me
référer à un extrait d'une déclaration que le
ministre faisait le 10 avril dernier devant le club Kiwanis Saint-Laurent,
à l'hôtel Ritz Carlton à Montréal. Dans un style
tout à fait biblique, le ministre disait et je cite: "En
vérité, je vous le dis, l'immigration, c'est l'avenir du
Québec", ce sur quoi je suis en grande partie d'accord. C'est
évident que le Québec de demain devra compter sur l'immigration
et je suis également d'accord avec le ministre de l'Immigration que,
forcément, dans l'élaboration de politiques linguistiques, eu
égard aux immigrants, le ministère de l'Immigration
québécois doit être une espèce de clé de
voûte de ce qu'on a appelé ce que bien des ministres ont
charrié, dont le premier ministre la souveraineté
culturelle du Québec. Il y a eu toutes sortes de définitions qui
nous ont été données, certaines claires, certaines peu
claires et les plus claires qu'on a eues ont été celles qui nous
sont venues du fédéral et qui, à toutes fins pratiques,
étaient négatives, des définitions négatives de la
souveraineté culturelle. Comme je pense que le ministre de l'Immigration
aura sûrement, dans les années à venir, un rôle
important à jouer, du moins en ce qui concerne les immigrants, dans
cette élaboration de la souveraineté culturelle, j'aimerais
d'abord lui demander quelle est sa définition à lui de la
souveraineté culturelle?
M. BIENVENUE: Surtout dans le contexte de l'immigration, si je comprends
bien la question du député de Maisonneuve, je ne veux pas
anticiper ou élargir ou empiéter sur les plates-bandes de mes
collègues d'autres ministères, surtout celles encore plus vastes
du premier ministre. Mes vues, à moi, sur cette souveraineté
culturelle dans le cadre de l'immigration, portent d'abord et avant tout sur le
fait que le Québec, province combien différente des autres au
plan culturel, dont une des filles préférées s'appelle la
langue, a un besoin urgent...
M. BURNS: Combien bellement ces choses sont dites!
M. BIENVENUE: C'est pour ça que je les dis lentement... a un
besoin urgent d'une immigration je fais une parenthèse pour dire
que l'immigration est la complémentarité d'une population
qui suive le modèle de sa population actuelle. Et dans le cas du
Québec, je l'ai dit à plusieurs reprises et je le dis sans aucune
hésitation, la souveraineté culturelle sera atteinte au chapitre
de l'immigration si on fait venir chez nous des immigrants qui sont ou
déjà francophones ou "francophonisables" de la même
façon que je dirais qu'en Ontario, la logique des choses veut qu'on y
attire des immigrants anglophones. Assurément pour combattre la
dénatalité, qui est extrêmement dramatique au Québec
actuellement, je ne vois que l'immigration et c'était là
la phrase biblique à laquelle faisait allusion le député
de Maisonneuve et une immigration qui est celle que je viens de
décrire, francophone ou "fran-cophonisable".
Il ne faut et c'est la seule réserve que j'y apporte
si on me permet l'expression, jamais lever le nez sur des candidats
à l'immigration qui, au plan strictement économique, seraient
combien importants pour l'économie du Québec. Je donne un exemple
criant. Si j'apprenais, et c'est déjà arrivé, M. le
Président, ou si mes services apprenaient qu'un candidat, qu'un candidat
possible à l'immigration, venant d'un quelconque pays du monde, qui ne
parle pas un traître mot de français ou qui parle presque ou
surtout exclusivement l'anglais, s'amenait au Canada, avait
décidé de venir vivre au Canada et apportait avec lui un
pécule de $25 millions et s'il avait le choix entre l'une ou l'autre des
dix provinces, je vous avoue que je me parerais de tous mes plus beaux atours
pour essayer de le convaincre de venir au Québec, avec ses $25 millions
qui me paraîtraient à tout le moins aussi importants que la langue
qu'il parle.
M. BURNS: Le ministre ferait du racolage!
M. BIENVENUE: Du trottoir! Mais je demanderais à mes hauts
fonctionnaires de continuer, de concert avec le ministre de l'Education ou de
concert avec nous-mêmes, de tout faire pour le convaincre, lui comme les
autres, pour l'amener à parler la langue de la majorité au
Québec.
Cette définition un peu vaste de la souveraineté
culturelle comme je la vois au ministère de l'Immigration, je pense
qu'on a bien compris que, pour moi, il faut d'abord et avant tout une
immigration francophone ou "francophonisable", et je ne choque personne, parce
que le fédéral est soucieux, est inquiet de ce
déséquilibre démographique, de ce
déséquilibre entre l'immigration anglophone et francophone au
Québec. Je pense qu'il est de l'intérêt du pays tout entier
que le Québec garde je pense que c'est un "must" son
caractère culturel francophone différent de celui des autres. Je
pense que c'est un actif pour le pays.
M. BURNS: Mais, ce n'est pas dans le but d'embêter le
ministre...
M. BIENVENUE: Non, non.
M. BURNS: ... que je pose cette question. C'est que je trouve qu'elle a,
dans le contexte actuel, une grande importance. Je note les efforts que le
ministre fait pour me définir la souveraineté culturelle dans le
cadre du ministère de l'Immigration, mais je note...
M. BIENVENUE: Disons que c'est défini par des opérations
et non pas par une définition technique.
M. BURNS: Je note aussi, cependant, que cette définition que le
ministre nous donne est quand même, et il l'avouera lui-même, assez
vague. Parce que, quand on parle de souveraineté, ce n'est pas un vain
mot, je pense; la souveraineté, c'est un mot qui a un caractère
d'exclusivité. Je vois actuellement les efforts que déploie le
ministre pour garder discrètement certains documents qui sont l'objet de
négociations avec Ottawa, je vois le ministre, dans le fond, demander
à son homologue fédéral, M. Andras, du moins jusqu'au 8
juillet...
M. BIENVENUE: Dans le champ que nous n'occupions pas avant.
M. BURNS: Oui, c'est cela. Et je note aussi je ne sais pas si le
ministre partage mes vues là-dessus que l'article 95 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique fait de l'immigration une juridiction
partagée, c'est-à-dire, et par Ottawa et par les
différentes provinces, et je n'ai pas entendu le ministre nous dire
qu'il avait l'intention d'occuper le champ qui lui est laissé ouvert par
l'article 95 au point de vue de la législation. C'est-à-dire que
je ne suis pas un grand constitutionnaliste, loin de là si
mon interprétation, de l'article 95 est exacte, le Québec
pourrait légiférer en matière d'immigration. Il l'a fait
d'ailleurs lorsqu'il a constitué son ministère de l'Immigration,
et il a imposé certaines normes et certaines directives à ce
ministère. Mais il pourrait aussi légiférer de
façon beaucoup plus précise, à mon avis, relativement
à ce que le ministère québécois demande
actuellement au fédéral de lui céder, c'est-à-dire,
les droits de veto relativement à la sélection, au recrutement,
etc. Le droit, entre autres, que j'ai vu dans l'une des 22 recommandations du
ministre, de participer à fond à la sélection de
l'immigration future.
C'est dans ce cadre que je me dis que ce que vient de nous dire le
ministre, sur la souveraineté culturelle, vu par les yeux du
ministère de l'Immigration, n'est pas très précis comme
définition.
M. BIENVENUE: Outre ce que j'ai déjà dit
sur le sujet de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique dans mon
allocution de mars dernier à l'Assemblée nationale, je rappelle
évidemment au député de Maisonneuve que l'article 95 va
plus loin que simplement dire: C'est partagé. Il y a toujours la fameuse
clause qui se lit à peu près comme suit: Advenant qu'une loi
provinciale soit à l'encontre de la loi fédérale, celle-ci
prime, etc. Les mots sont exactements ceci: "... et toute la loi de la
Législature d'une province, relative à l'agriculture ou à
l'immigration, il n'y aura d'effet qu'aussi longtemps et tant qu'elle ne sera
pas incompatible avec aucun des actes du Parlement du Canada, etc."
Je dis tout de suite là-dessus et la question de mon
collègue est très pertinente que c'est beaucoup au plan
opérationnel qu'au plan législatif que surgissent des
difficultés qu'il faut contourner, et c'est ce que j'essaie de faire
présentement depuis plusieurs mois avec Ottawa. Je m'explique.
On se rappelle que, tant et aussi longtemps du moins que les
désirs les plus chers du député de Maisonneuve ne se
réaliseront pas, tant et aussi longtemps que le Québec va faire
partie de la Confédération canadienne, il n'y a pas de
frontière.
M. BURNS: Cela a l'air que ce n'est pas pour cette année, en tout
cas. Je ne vais pas plus loin qu'un an et je ne commente pas cela.
M. BIENVENUE: Tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de
frontière entre les différentes provinces du Canada, pas plus
qu'il n'y en a entre les Etats américains et je dis ce que j'ai
dit précédemment la très grande, sinon la
quasi-totalité des immigrants viennent d'abord en Amérique du
Nord, ensuite au Canada et enfin au Québec. Il y a des problèmes,
des difficultés qui surgissent du fait qu'un immigrant est parfaitement
libre de circuler à son aise, à son goût, sans demander de
permission, sans avoir à rendre compte à qui que ce soit,
n'importe où au pays depuis l'instant où il a mis le pied sur le
débarcadère, à l'aéroport de Dorval. Or, on
conçoit facilement qu'un immigrant, qui puisse être l'objet d'un
refus du Québec comme tel, qui puisse être l'objet du rejet du
Québec comme tel, puisse, par contre, être reçu,
agréé dans d'autres provinces.
Par ailleurs, on peut également penser à un immigrant qui,
étant déjà dans une autre province, veut entrer au
Québec, il n'a aucune formalité de douane, d'immigration, il n'a
aucune restriction dans l'état actuel des choses; il peut le faire,
circuler librement. C'est pour cela que je tente d'expliquer au
député de Maisonneuve que c'est beaucoup plus dans le cadre
opérationnel que dans le cadre législatif que peut se
régler ce problème. Qu'il me croie, on l'a tourné et
retourné sous tous les sens et sous tous les angles. C'est pour cela que
je suis tenant pour ma part, tant que nous serons dans le cadre
confédéral actuel, de cette théorie, selon laquelle,
là aussi, de concert ou en commun accord avec les autorités
fédérales, on peut atteindre nos vues, nos objectifs.
C'est peut-être et je l'admets moins glorieux, moins
flamboyant, c'est peut-être moins palpitant, mais ce que je recherche
surtout c'est le résultat.
Comme le député de Maisonneuve y a fait allusion,
dès l'instant, ou comme on l'a publié dans le journal Le Soleil
ou en vertu de certaines recommandations, nos fonctionnaires, de façon
commune, conjointement avec ceux du fédéral, acceptent quelqu'un
ou, cela peut aller jusqu'à l'éventualité du veto, dont
faisait allusion Le Soleil, rejettent quelqu'un... C'est la façon la
plus sûre d'atteindre nos fins. On ne peut pas le faire exporté et
unilatéralement, dans le moment, précisément pour ce que
je viens d'indiquer, parce que nous pourrions on va le voir facilement
émettre un veto sur un individu X qui, un instant après,
atterrit quand même à l'aéroport de Toronto, et qui, un
instant après, peut se retrouver sur les sites de la rivière
Outaouais, du côté québécois, sans que nous ayons,
toujours dans le contexte actuel, le pouvoir de le repousser de le rejeter ou
de le bloquer.
Nous avons cru jusqu'à ce jour, et je crois que nous sommes sur
la bonne voie, que la meilleure façon d'atteindre ces fins, je reviens
à la souveraineté culturelle, est de faire venir chez nous le
type d'immigrants dont nous avons besoin, dont le Québec a besoin, et de
le faire de concours avec les autorités fédérales,
plutôt que de chercher à le faire sans elles.
Mon sous-ministre me fait, avec beaucoup de raisons, songer à un
autre aspect. C'est que la législation en général, et en
particulier une législation qui pourrait être trop dure, trop
énergique, pourrait comporter le danger du tarissement de nos sources
d'immigration. C'est notre expérience que l'immigrant qui,
déjà, va dans l'inconnu, dans un nouveau pays pour lui, est
craintif par nature, et avec raison, de toutes les formes, de toutes les
structures, de tous les contrôles, de toutes les barrières, et
moins il en a à traverser, mieux c'est pour lui, moins c'est
inquiétant pour lui, lui qui est déjà inquiet.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je pense que c'est
beaucoup plus suivant la ligne de stratégie que nous nous sommes
tracés que l'on peut aspirer à, finalement avoir, soit par
l'aspect positif qui est la sélection, l'information d'abord, le
recrutement ensuite, et la sélection enfin, de tous ceux qui sont
recrutés. C'est l'aspect positif. L'aspect négatif, c'est
évidemment le veto. Je pense que c'est la façon la plus
sûre, de concert avec le fédéral, d'arriver à nos
fins, c'est-à-dire d'avoir ce type, de calibre d'immigration qui
corresponde à l'idée de souveraineté culturelle du
Québec dans ce domaine. Encore une fois, pas souveraineté en ce
sens qu'on fait tout à l'exclusion du fédéral, ce qui
serait, je le conçois, dans les termes mêmes de la
souveraineté totale, mais notre souveraineté
culturelle conditionnée par les difficultés auxquelles je
viens de faire allusion. Je pense que si, peu importent les moyens, nous
arrivons à recruter ce que nous voulons et que ce que nous voulons, on a
fait un immense pas dans le sens de la souveraineté culturelle dans ce
contexte. J'ai dit assez clairement, je pense, précédemment
à mes collègues, et je l'ai dit publiquement, que c'est le genre
d'immigration qui est un "must" pour le Québec, tant sur le plan
économique je pense à la démographie, entre autres,
et à la main-d'oeuvre, parce que les problèmes s'en viennent
beaucoup trop vite tant sur le plan de la langue et de la culture du
Québec, qui doivent rester ce qu'elles sont pour que le Québec
soit différent des autres provinces. Il est combien important à
mes yeux que le Québec soit différent des autres provinces !
M. BURNS: M. le ministre, même si c'est très
intéressant, l'échange qu'on a actuellement, je
suggérerais qu'on l'interrompe brièvement. Je note que le
député de Beauce-Sud vient d'arriver, et comme on s'était
entendu pour lui donner la chance, parmi ses nombreuses activités, de
venir nous voir au moment où il pourrait le faire, je serais d'accord
à interrompre, ici, cet...
M. BIENVENUE: ... échange...
M. BURNS: ... quitte à y revenir plus tard.
M. BIENVENUE: C'est cela. Avec beaucoup de plaisir. Nous avons devant
nous la qualité, à défaut de la quantité.
M. BURNS: On a quand même, il faut le reconnaître, 50 p.c.
du caucus du Parti créditis- te.
M. ROY: II n'y a pas un seul parti qui peut se vanter d'être
représenté à 50 p.c. dans une commission parlementaire ce
temps-ci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Je remercie mon collègue de Maisonneuve, ainsi que le
ministre. J'aurais aimé et j'aurais beaucoup désiré
pouvoir participer à toutes les discussions qui ont lieu et qui auront
lieu lors de l'étude des crédits de ce ministère que je
qualifie, quand même, de très important, du moins au niveau des
politiques qui devraient être appliquées au Québec, compte
tenu des limites dans lesquelles se trouve présentement le
ministère de l'Immigration.
Le ministre vient de signaler justement l'article 95 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et je pense que nous avons là la
réalité toute crue devant nous. L'immigration est un pouvoir
une juridiction que partagent le gouvernement
fédéral et le gouverne- ment provincial et le gouvernement des
provinces et les lois fédérales ont priorité sur les lois
provinciales. C'est-à-dire que si les provinces adoptent des lois, elles
ne peuvent pas être incompatibles avec les lois du gouvernement
fédéral.
Sur ce point, je me permettrai de rappeler aux membres de la commission
la position que nous avions prise à ce sujet en 1971 alors que nous
avions déclaré publiquement que l'immigration devrait être
une juridiction d'exclusivité provinciale. Au Québec, compte tenu
de notre situation particulière, compte tenu de nos besoins
particuliers, compte tenu du fait que le Québec, comme le disait le
ministre, n'est pas une province comme les autres, j'ai hâte qu'on dise
autre chose que le Québec n'est pas une province comme les autres du
fait qu'elle a le record du chômage et le record des assistés
sociaux...
Le problème de l'immigration découle aussi du fait
c'est pourquoi j'aurais aimé aborder ce problème dans le cadre
d'une discussion beaucoup plus globale que l'immigration est
conditionnée en quelque sorte par le désir que peuvent avoir
certaines personnes de venir s'établir au Québec. Or, on ne
forcera personne à venir s'établir au Québec s'il n'y
trouve pas des avantages marqués, s'il ne trouve pas intéressant
de venir s'établir au Québec. C'est pourquoi il faut qu'il y ait
un ensemble de politiques, un ensemble de lois et surtout des conditions
économiques favorables qui nous permettent d'ouvrir la porte à
ceux qui partagent notre culture, à ceux qui parlent la même
langue que nous, à venir nous rejoindre et à former au
Québec une communauté francophone beaucoup plus forte que celle
que nous avons présentement qui, au moins, pourrait quand même
maintenir les pourcentages que nous avons connus dans le passé par
rapport aux pourcentages de la nation canadienne comme telle, si on tient
compte de la population de toutes et chacune des provinces.
Pour avoir des politiques et pour que ces politiques soient efficaces,
il y a deux choses essentielles à la base et c'est aussi vrai dans le
ministère de l'Immigration que dans d'autres ministères.
Il faut d'abord avoir des pouvoirs clairement définis. Une fois
que ces pouvoirs sont clairement définis, il faut les moyens
d'être en mesure d'utiliser ces pouvoirs vers les objectifs que nous nous
sommes fixés.
Je trouve qu'il n'y a pas de pouvoirs au ministère de
l'Immigration ou qu'il n'y en a pratiquement pas dans le cadre actuel. La seule
chose que le ministre de l'Immigration peut faire est de faire des voeux,
exprimer des souhaits, faire quelques recommandations qui peuvent ou ne peuvent
pas être retenues. A partir de ce moment, compte tenu du fait
également que nous avons eu à subir une diminution
considérable du taux de natalité au
Québec, je crains que si on ne regarde pas plus
profondément et que si on ne prend pas les moyens d'accroître les
pouvoirs de notre ministère de l'Immigration, il ne faudra pas tellement
d'années avant que le Québec se classe au point de vue de la
population au Canada au troisième rang. Nous avons déjà
été au premier rang, nous sommes maintenant au deuxième
rang et de beaucoup en arrière de la première place, et
actuellement, nous voyons qu'il y a des provinces, la Colombie-Britannique
entre autres, qui connaissent un taux de progression assez marqué, alors
qu'au Québec, il est assez difficile de parler d'une augmentation de la
population par rapport à l'ensemble du pays.
Si on analyse ces faits et si on fait un graphique, on constatera que
dans 15 ans ou 18 ans et peut-être moins, le Québec sera
passé au troisième rang de la population canadienne. On ne peut
pas demeurer insensible devant ces faits et devant cette situation. Nous
devrons aller beaucoup plus loin que parler et discuter autour de la
souveraineté culturelle.
Il faudra des politiques économiques, il faudra des politiques de
développement économique, il faudra des plans d'ensemble dans
lesquels pourra s'insérer une politique de l'immigration, mais vouloir
faire jouer au ministère de l'Immigration un rôle
complémentaire du fait que, dans les autres secteurs, nous n'avons pas
les politiques qu'il faut, je dis que c'est se leurrer et faire jouer au
ministère de l'Immigration un rôle de façade ou en quelque
sorte un rôle de mascarade pour tâcher de calmer certaines
inquiétudes en nous faisant croire qu'avec le ministère de
l'Immigration au Québec, du fait que nous avons un ministère de
l'Immigration au Québec, on pourra en quelque sorte éviter le
pire, éviter le désastre.
M. le Président, en ce qui me concerne, actuellement, je ne suis
pas du tout rassuré, même après l'exposé de bonnes
intentions dont le ministre nous a fait part lors du début de
l'étude des crédits de son ministère, lors des
déclarations qu'il nous a faites à ce sujet, je ne suis pas plus
rassuré après les déclarations du ministre que je ne
l'étais avant.
M. le Président, j'aimerais aborder aussi la question de la
situation du Québec sur le plan de la population par rapport aux autres.
Il y a des statistiques qui ont paru dans le journal The Gazette du 20 mars
1974; on y parlait des taux de naissance au Québec et au Canada, et au
Québec par rapport au Canada. Ces statistiques remontent à 1958
et on nous donne également les statistiques de 1972. Au Québec,
le taux de naissances était de 28.8 par 1,000 habitants en 1958, alors
qu'il était au Canada de 27.7 par 1,000 habitants. En 1972, le taux de
naissances était de 13.8 par 1,000 habitants, le plus bas taux du
Canada. Or, l'accroissement naturel qui s'est fait au Québec
était de 48,000 naissances et 19,000 immigrants reçus, ce qui
faisait un total de 67,000 personnes nouvellement arrivées pour
augmenter la population du Québec.
Au lieu d'avoir une augmentation nette de 67,000, cette augmentation fut
de 23,000. Ce qui veut dire que 40,000 quittèrent pour une raison ou
pour une autre la province de Québec. Nous avons également le
problème de l'immigration, mais nous avons le problème de
l'émigration. J'aimerais bien que le ministère de l'Immigration
se préoccupe également de l'émigration. Il suffit de
regarder un peu nos régions rurales, les régions près de
la frontière américaine et de voir le grand nombre de
Québécois qui doivent aller, à leur grand regret, je dis
bien, pour la plupart, aux Etats-Unis gagner leur vie. Il n'y a pas tellement
longtemps, on discutait des politiques linguistiques, on parlait du fameux bill
de la langue qui devait dans le temps nous être présenté et
qui nous a été présenté hier, et je me suis
laissé dire par de bons Canadiens français, de bons patriotes, de
bons nationalistes: C'est bien dommage, c'est bien regrettable, mais nous
aimons mieux travailler en anglais aux Etats-Unis que d'être sous le
bien-être social en français, dans la province de
Québec.
Nous avons là quand même une situation de fait qui nous
démontre une situation tragique, je dirai bien une situation tragique,
et qui devrait préoccuper le gouvernement au plus haut point. Le
ministère de l'Education devrait, cette année, non pas analyser
les statistiques, mais faire une étude sur les causes concernant cette
émigration qui se fait vers les Etats-Unis. Je parle d'une
émigration vers les Etats-Unis, mais il faudrait peut-être aller
dans la région de Témiscamingue, aller dans la région du
Nord-Ouest québécois, pour voir que le même
phénomène se produit vers l'Ontario. Alors, de toute part et de
tout côté, M. le Président, nous perdons notre population.
Pourquoi? Parce que cela revient un peu à ce que je disais au
début, il faut que ce soit intéressant de vivre au Québec.
Il faut être en mesure de gagner notre vie adéquatement, il faut
être en mesure de s'épanouir, il faut être en mesure
d'assumer nos obligations. Les gens de mon comté, les gens de ma
région, de la rive sud du Québec, qui ont dû émigrer
aux Etats-Unis y sont allés par préoccupation économique,
parce qu'aux Etats-Unis ils pouvaient gagner leur vie, ils pouvaient vivre
mieux, qu'en continuant à vivre dans le Québec.
M. le Président, je le dis encore au ministère de
l'Immigration, il devrait pousser ses études lorsqu'il aura à
faire enquête sur le pourquoi de cette émigration vers d'autres
provinces ou vers d'autres pays. Il pourrait à ce moment voir si nous
n'avons pas des lois au Québec qui font en sorte que des personnes sont
obligées de s'exiler. J'ai déjà eu l'occasion de le
signaler à l'Assemblée nationale, je le souligne à
l'intention du ministre. Je vais prendre un point particulier. Lorsque le
ministère du Travail a rendu obligatoire le port d'un permis de travail,
ceci a eu pour conséquence d'obliger un nombre considérable de
nos jeunes travailleurs du Québec, au sortir de leurs études,
à émigrer aux
Etats-Unis parce qu'on leur refusait systématiquement le droit
non pas de demeurer mais de travailler dans la province de Québec, alors
que ces gens avaient du travail dans la région chez nous.
Je ne parle pas des gens qui auraient dû aller prendre la place
d'autres personnes, d'autres travailleurs professionnels dans les grands
centres. Mais ces gens-là avaient du travail chez nous, et ceux qui ont
pris le risque de travailler sans avoir les permis et sans satisfaire aux
obligations du ministère du Travail ont été poursuivis
devant les tribunaux du Québec.
Je souligne à l'attention du ministre parce que c'est quand
même bon qu'on pense à ces choses-là. Il y a tout le
problème aussi de l'établissement des jeunes. On a eu l'occasion
d'en discuter, j'en ai discuté avec le ministère de
l'Agriculture. Dans les milieux ruraux, M. le Président, c'est un
désastre. Les milieux ruraux du Québec ont toujours
contribué, de par le progrès économique que nous pouvions
avoir dans les milieux ruraux, compte tenu du fait que l'économie rurale
a toujours connu au Québec une certaine progression, a toujours connu
une certaine stabilité à venir jusqu'au début de la
révolution tranquille alors qu'on a tout chambardé dans les
régions rurales... Alors, l'immigration qui se faisait vers les grands
centres provenait des régions rurales du Québec parce qu'on
trouvait, dans les régions rurales du Québec, des familles
d'agriculteurs, des familles nombreuses, on trouvait une grande population et
ces gens constituaient en quelque sorte un bon réservoir pouvait
alimenter le besoin de main-d'oeuvre créé par le
développement des grands centres, des grandes métropoles.
M. le Président, aujourd'hui, c'est changé, c'est
complètement changé. La situation fait en sorte que notre
population rurale diminue par elle-même. Nous sommes rendus à un
point où la population rurale ne se renouvelle même pas, alors que
ce phénomène était caractéristique dans les grands
centres. Aujourd'hui, nous avons les deux phénomènes, dans les
grands centres comme dans les régions rurales.
M. le Président, si on fait une comparaison entre le
Québec et l'Ontario pour les cinq années finissant en 1972, on se
rend compte qu'il y a une augmentation naturelle de 4.3 p.c. au Québec
et qu'il y a une augmentation naturelle de 5 p.c. en Ontario. Alors qu'il y a
une immigration nette avec un plus de 3.20 p.c. pour l'Ontario et une
diminution de 0.86 p.c. pour le Québec, avec une augmentation de la
population nette de 166,000 pour le Québec au cours des cinq
dernières années et de 680,000 pour l'Ontario, soit une
augmentation de 2.8 p.c. pour le Québec et une augmentation de 9.6 p.c.
pour l'Ontario. Pour assurer le remplacement de la population, le taux doit
être de 2.13 p.c. et, depuis 1968, le taux de remplacement du
Québec a été inférieure à 2.13 p.c. En 1972,
le taux de remplacement brut au Québec a été de 1.7 p.c.
alors que le taux canadien a été de 2.2 p.c. C'est une situation
nouvelle au Canada et, dans les années trente alors que le taux de
naissance était généralement bas, le taux de reproduction
au Québec était de 1.7 p.c. et le taux canadien était 1.4
p.c.
M. le Président, je pense que ces chiffres parlent par
eux-mêmes et se passeraient même de commentaires additionnels. Je
veux aussi ajouter quelques mots concernant certains points soulignés
par le ministre... Je m'excuse.
Je terminerai donc, M. le Président, j'avais quelques autres
points à ajouter, je pourrai y revenir au cours des discussions; disons
que ça termine là les grandes lignes, les commentaires
généraux que je voulais faire à ce niveau dès le
début de l'étude des crédits du ministère. Mais,
j'insiste encore une fois, M. le Président, pour dire qu'il est temps
que le ministre de l'Immigration fasse le nécessaire et réussisse
à convaincre ses collègues du conseil des ministres pour que le
Québec prenne toutes ses responsabilités et exige des pouvoirs
accrus dans le domaine de l'immigration. Pour le Québec, c'est une
question de survie et c'est une question que nous ne pouvons pas mettre de
côté, une question que nous ne pouvons pas ignorer. Dans le cadre
des discussions qui pourront avoir lieu à ce sujet avec le gouvernement
fédéral, je demande que le Québec ne soit pas à la
remorque du fédéral, mais qu'il discute et se mette d'accord avec
certaines autres provinces qui peuvent connaître des problèmes
différents mais des problèmes, étant quand même
intéressées à avoir plus de pouvoirs dans le domaine de
l'immigration, pour exiger du fédéral des modifications des
politiques pour faire en sorte que ce qui apparaît aujourd'hui dans
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui est complètement
désuet, complètement dépassé puisse être
modifié avant qu'il ne soit trop tard. Pour nous, au Québec,
c'est une question importante. Je tiens à dire au ministre que, sur ce
point, il aura notre appui total pour que le Québec prenne le plein
contrôle de tous ses pouvoirs en matière d'immigration.
M. BIENVENUE: Si vous me permettez, M. le Président. Evidemment
le député de Beauce ce n'est pas sa faute et Dieu merci,
ce n'est pas un reproche que je lui fais a manqué, malgré
lui, certains des propos que nous avons échangés ce matin et qui
ont fait déceler la même inquiétude, tant par la voix du
député de Maisonneuve qui représente l'Opposition
officielle que par la mienne. Je partage l'inquiétude du
député de Beauce, je l'ai dit et redit combien souvent. Le
député de Beauce faisait allusion à mes collègues,
faisait allusion à des forces plus vives, faisait allusion à un
mouvement d'entraide dans ces objectifs communs, j'en suis. J'ai eu souvent,
hélas, parfois, l'impression que je prêchais seul; on n'a
qu'à regarder les interventions qui sont faites à
l'Assemblée nationale depuis nombre d'années, on n'a pas
parlé souvent d'immigration. J'essaie, de mon côté,
de le faire chaque fois que j'en ai l'occasion, mais je suis
parfaitement conscient de mes limites et trop souvent, de ma solitude dans ce
domaine.
Le Québec est combien en retard, je l'ai déjà dit
au chapitre de l'immigration; nous avons cent ans de retard sur la province de
l'Ontario qui s'est souciée, qui s'est préoccupée bien
avant nous, d'envahir les bassins d'immigration, d'y être présente
de par le monde, de faire du recrutement de par le monde, avec les
résultats que l'on connaît, de la même façon que le
grand pays voisin qui s'appelle les Etats-Unis et qui est ce qu'il est à
force et à coups d'immigration massive.
Combien de retard, avons-nous à cause de l'inaction des
gouvernements dans le passé et cela aussi, je l'ai dit souvent, cela
fait du tort, à cause d'une certaine mentalité qui existe chez
nous nous sommes latins et nous avons hérité de cette
mentalité à cause de nos origines latines! Je ne parlerai
pas de xénophobie. Je pense qu'après avoir réfléchi
longuement, il y a un concept qui devient mien et qui est beaucoup plus ce que
j'appellerais le concept de la "xénotimie", si on me permet, venant du
verbe timeo, qui est craindre. Je pense qu'il y a beaucoup plus chez nous que
la haine, la détestation de l'étranger, c'est la crainte de
l'étranger. On s'inquiète de la présence de
l'étranger et l'effet en est néfaste parce que l'étranger,
à ce moment-là, s'installe dans ce qu'on appelle avec raison des
ghettos; l'étranger, face à cette crainte ou à cette
non-bienvenue, ce non-accueil, s'isole; ces gens-là se groupent entre
eux; c'est mauvais, parce qu'ils deviennent eux-mêmes de mauvais
embassa-deurs, des mauvais vendeurs du Québec.
Ces gens-là gardent des liens très étroits avec
leurs concitoyens d'origine, avec leurs parents à l'étranger,
cela fait boule de neige, et tout cela n'est pas invitant. Je dois
reconnaître qu'on a beaucoup de progrès à faire, beaucoup
de leçons surtout à tirer d'autres régions ou d'autres
pays qui sont peut-être plus accueillants que nous le sommes. Il faudrait
se départir de cette crainte de l'étranger. Comme le souligne
avec combien d'à-propos le député de Beauce, c'est
peut-être le seul ou le principal remède à la situation
inquiétante à laquelle le député de Beauce a fait
allusion en parlant de la dénatalité ou du taux de croissance
qui, à toutes fins pratiques, est devenu à peu près
zéro, chez nous.
Le député de Beauce parlait, c'est aussi une des
préoccupations du ministère, de l'exode, de l'hémorragie
des régions rurales. C'est combien inquiétant cela aussi, de
parcourir des campagnes et de voir des fermes abandonnées qui deviennent
de plus en plus la règle que l'exception. Là aussi, j'avoue que
je ne suis pas trop optimiste sur les possibilités de retour des
autochtones ou des fils de cultivateurs dans les campagnes après avoir
quitté les fermes en question, le milieu rural, pour plonger dans ce
qu'on appelle les facilités, aller vers tout ce qui brille dans les
grandes villes. Là aussi, je pense que le ministère de
l'Immigration a un rôle prépondérant à jouer. Nous
tentons par tous les moyens d'attirer au Québec des candidats
éventuels à l'agriculture québécoise. C'est
déjà commencé, j'ai déjà donné des
chiffres au cours de cette conférence devant le club Kiwanis de Laval
à laquelle faisait allusion le député de Maisonneuve. Il y
a à peine quelques jours, il est venu au Québec une mission du
Maroc composée je pense, sauf erreur, d'agriculteurs francophones. Voici
un exemple classique du genre d'immigration dont a besoin le Québec dans
un domaine particulier: des francophones d'une part, des agriculteurs d'autre
part, et qui sont de gros travailleurs.
Comme la grande majorité des immigrants sont de gros
travailleurs, ils sont prêts, dans bien des cas, à prendre la
relève, à relever le défi des fermes
abandonnées.
Je souhaite évidemment que ce soient les nôtres qui le
fassent. Charité bien ordonnée commence par soi-même, mais
à défaut d'y réussir, voici un domaine précis
où l'immigration peut venir à notre secours.
Le député de Beauce a raison de s'inquiéter sur
l'exode de notre population vers les Etats-Unis, ce qu'il a appelé les
migrations, disant que cela devrait être une préoccupation du
ministère de l'Immigration. Il a parfaitement raison de
s'inquiéter, d'autant plus et on est ici pour se dire la
vérité que nous n'avons absolument aucun contrôle
actuellement sur celui qui décide d'aller vivre aux Etats-Unis, soit
parce que le soleil y est plus chaud ou qu'il décide d'y aller pour
toute autre raison.
C'est pour cela que, dès l'an dernier et à plusieurs
reprises depuis, j'ai lancé cette notion d'un ministère des
ressources humaines, qui lui, enfin, pourrait se doter de tous les outils
nécessaires à la connaissance du capital humain au Québec,
capital qui est ce que nous avons de plus important. Si on pense à la
grande majorité des ministères de mes collègues, on y
verra qu'à l'Agriculture on se préoccupe de choses et d'objets du
monde agricole, qu'il s'agisse de légumes, de fruits, de plantes ou
d'animaux. Si on pense au ministère des Terres et Forêts, on pense
aux arbres; aux Ressources naturelles, on pense aux mines, à l'eau, aux
pouvoirs hydroélectriques, etc. Mais tout cela est en fonction de quoi?
Toujours de l'être humain, du capital humain. A quoi sert tout cela? A
quoi servent les politiques, le développement, l'économie si
c'est pour servir un capital humain qui est en train de dépérir?
C'est là qu'est le drame.
Dans cet éventuel ministère des ressources humaines, qui
regrouperait tous les mécanismes de contrôle, les statistiques et
tout ce qu'on peut penser avec la notion de ressources humaines, il y aurait
moyen, à ce moment, de s'assurer davantage du mieux-être du
capital humain comme tel, l'être humain comme tel, le
Québécois qui vient, le Québécois qui reste ou le
Québécois qui part.
Fort heureusement, le député de Beauce
faisait allusion à l'exode vers les Etats-Unis, par un heureux
retour des choses, je lui dis au moins et j'avais l'occasion de le dire
dernièrement au gouverneur de l'Etat du Rhode Island qui ne se
gênait pas devant moi pour inviter un nombre encore plus grand de
Québécois à aller habiter en Nouvelle-Angleterre.
Je lui disais: Par un retour des choses, nous recevons, nous aussi, des
Américains qui, pour des raisons que je laisse à tout le monde,
préfèrent vivre au Québec que vivre dans l'Etat de New
York ou dans la Nouvelle-Angleterre.
C'est ainsi qu'en 1967 l'apport américain à l'immigration
au Québec ne représentait que 5 p.c. Il est devenu, rapidement,
en 1972, à 15 p.c. Ce chiffre augmente d'année en année,
de sorte que et je tiens compte évidemment de l'aspect culturel
en le disant, je voulais seulement m'en tenir à l'échange
purement numérique entre les Etats-Unis et nous de sorte que ce
contingent, venant des Etats-Unis d'Amérique, est le plus fort
actuellement. Il occupe le plus haut taux, le plus haut pourcentage du flot
d'immigrants qui nous viennent au Québec en 1973 et en 1974.
Là n'est pas le problème! Cette compensation ne
résout pas le problème auquel fait allusion le
député de Beauc-Sud, parce que, dans une province aussi grande
que la nôtre, où il y a tellement de possibilités,
d'espaces disponibles, il n'est pas suffisant de se contenter de dire: On
compense nos départs par les arrivées. Il faudrait freiner les
départs, et continuer d'encourager les arrivées.
Vous aurez tous compris qu'avec le budget dont j'ai parlé si
souvent et du budget dépendent les outils avec l'outillage
que nous avons au ministère de l'Immigration du Québec, il nous
est absolument impossible, en date d'aujourd'hui, de songer à faire
toutes ces choses. Voilà pourquoi j'ai moi-même demandé si
souvent au gouvernement auquel j'appartiens des budgets supplémentaires
qui me permettraient de doter le ministère d'outils
supplémentaires nécessaires pour arriver aux fins auxquelles a
fait allusion le député de Beauce-Sud.
Il n'y a pas que l'apport financier du gouvernement qui est
nécessaire. Il y a l'apport de la mentalité de la population,
chez laquelle il y a place à changement pour nous aider dans notre
travail d'encourager les immigrants à venir chez nous, les immigrants du
genre de ceux dont nous avons besoin.
M. ROY: Je remercie le ministre des remarques qu'il nous a faites. C'est
là, je pense bien, qu'on comprend que les observations de l'Opposition
étaient quand même à point. On se rend compte que le
problème demeure et que cette année encore, je dis que nous
perdrons presque encore une autre année à attendre que le
gouvernement puisse être conscient de ses responsabilités et qu'il
accorde à ce ministère toute l'attention qu'il devrait y
accorder.
Dans sa courte réplique, le ministre a parlé passablement
de l'agriculture comme telle. Je tiens à dire, de façon à
éviter toute interprétation, que je me suis servi de cet exemple
parmi tant d'autres. J'aurais pu prendre d'autres exemples, mais en aucune
façon, je ne veux prêcher un retour à la terre comme il
s'est déjà fait dans l'ancien gouvernement. Je tiens à
être bien précis et bien clair là-dessus.
J'ai voulu signaler que plusieurs personnes, présentement, sont
forcées de quitter les régions rurales à cause des
politiques gouvernementales de notre gouvernement québécois. Il y
a plusieurs personnes qui, aujourd'hui, à cause de toutes les exigences,
de toutes les contingences qu'on retrouve dans ce secteur, ont
été obligées de diminuer ou d'abandonner
complètement cette production, ce secteur d'activité
économique. De ce fait, parce que n'ayant pas eu la chance de
fréquenter nos institutions d'enseignement, comme ce fût le cas
pour la très grande majorité de nos Québécois au
cours des années vingt, des années trente et même des
années trente-cinq et quarante à cause de la crise
économique, des personnes se retrouvent dans une situation telle
qu'elles n'ont pas d'autre choix que d'aller vivre là où elles
peuvent travailler et gagner leur vie. Il y a moins de restriction, il y a plus
d'avantages aux Etats-Unis qu'il n'y en a, malheureusement, dans le
Québec.
C'était surtout cela que je voulais signaler à l'attention
du ministre.
Il y a également le problème des jeunes et le ministre en
a parlé aussi. Il y a beaucoup de jeunes personnes du milieu rural,
même des milieux urbains du Québec qui seraient
intéressées à aller s'établir dans les
régions rurales et, à cause des politiques gouvernementales, il
n'y a pas de place pour elles. Elles ne peuvent pas répondre aux
conditions ou aux exigences. Ce sont encore des faits qui démontrent
présentement et qui accentuent le phénomène de la fuite
des Québécois vers d'autres provinces ou encore
outre-frontières, vers les Etats-Unis.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Le
député de Maisonneuve.
M. BURNS: C'est une chose qui m'est venue à l'idée quand
j'ai entendu parler le ministre de xénophobie tantôt...
M. BIENVENUE: ... de "xénotimie"...
M. BURNS: ... de "xénotimie". Je sais que le ministre est fort
sur les néologismes.
M. BIENVENUE: Qui est de la crainte au lieu de la haine.
M. BURNS: ... francophonie. Etymologiquement, je ne sais pas si cela
existe.
M. BIENVENUE: Non, je ne pense pas que cela existe.
M. BURNS: J'ai bien compris ce que le ministre disait, sauf que cela me
faisait penser à l'une de ses 22 recommandations que je trouve
xénophobe, à certains égards. Je le signale juste en
passant. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles le ministre
n'était pas très heureux de voir son document devenir public. La
recommandation 10 se lit comme suit: "Que des mécanismes permanents de
consultation soient établis avec le gouvernement des provinces
intéressées dans le but de faire engager des procédures
d'expulsion et de déportation des étrangers entrés
illégalement sur leur territoire jusque-là, cela va
très bien, mais c'est la suite qui m'a fait dresser les cheveux
ou des immigrants reçus qui sont devenus une charge pour les services du
bien-être social de la province, avant d'y avoir acquis une
résidence permanente."
Ce que cette recommandation semble vouloir dire, c'est qu'un immigrant,
à partir du moment où il devient une charge pour l'Etat, n'est
plus considéré comme un immigrant intéressant. Je veux
dire qu'il peut arriver un tas de phénomènes qui font que, soit
par l'entremise d'un accident de travail, soit par l'entremise d'une maladie
industrielle ou autre, ou d'un accident qui n'a rien à faire avec le
travail, un immigrant devienne une charge pour l'Etat. Je ne sais pas, mais si
c'était l'intention du ministère d'en faire une espèce de
xénophobie de style un peu particulier, ce sont des risques qu'on prend
quand on invite des gens à immigrer. Ce n'est pas parce que quelqu'un,
un immigrant, une fois entré est devenu incapable de se suffire à
lui-même, pour une période de temps X, qu'il devient persona non
grata à l'intérieur du Québec. Du moins, en tout cas, cela
ne m'entre pas dans la tête. Cela est peut-être une forme de
xénophobie. Je ne sais pas si le ministre veut commenter cette
affirmation.
M. BIENVENUE: Avec plaisir. C'est une excellente question de la part du
député de Maisonneuve qui me permettra tout d'abord, avant
d'aller au fond de sa question, de montrer une des raisons pour lesquelles j'ai
dit que cette publication on va voir que je parle avec beaucoup de
franchise, du moins je le pense était mauvaise,
désastreuse et nuisait au Québec et à celui qui vous
parle. Cette journaliste du Soleil, je n'ajoute aucune épithète,
c'est plus prudent, dans un article subséquent a qualifié cet
article, cette question que vient de soulever le député de
Maisonneuve.
Elle y voyait je n'ai pas le texte, mais on pourrait le retrouver
précisément de la xénophobie. Elle faisait des
commentaires qu'elle n'aurait pas faits si elle n'avait pas eu le texte. Il est
évident que l'on parle dans cette recommandation d'immigrants
légaux, d'accord, mais aussi illégaux et au moment où le
Québec j'attire l'attention du député de
Maisonneuve par cette recommandation veut être consulté,
veut pouvoir entrer dans le jeu de la consultation avec le gouvernement
fédéral.
C'est justement parce que jusqu'à ce jour il n'est pas
consulté. S'il veut être consulté, qu'il s'agisse
d'expulsion, de déportation à des niveaux qui ont trait à
la justice, aux mesures sociales qui, dans bien des cas, sont de la juridiction
provinciale, ce n'est pas par xénophobie, ce n'est pas pour faciliter,
provoquer, accentuer les déportations ou les expulsions, mais pour avoir
son mot à dire, et très éventuellement pour freiner
l'expulsion ou une telle déportation. C'est une exemple criant.
Encore une fois, j'aime mieux m'abstenir d'épithètes pour
parler de cette journaliste, de sa connaissance des problèmes ou de son
interprétation des problèmes. C'est un exemple criant où,
manifestement il y en a eu d'autres parce qu'il y a eu d'autres
articles, et je sais qu'il y en aura d'autres, apparemment, c'est un par
semaine où elle est passée complètement à
côté de la coche. Nous voulons au contraire intervenir parce que
c'est de juridiction provinciale d'une part dans bien des cas et parce que je
suis convaincu qu'il y a des cas ou qu'il y aura des cas où le
Québec peut faire valoir une opinion contraire, expliquer certaines
choses, et favoriser le maintien, le séjour au pays.
M. BURNS: Je comprends l'intérêt du ministère
québécois sur des choses qui sont de sa juridiction exclusive
comme, par exemple, le bien-être social. Cependant, cela ne
m'enlève pas ma question du début. Est-ce que la recommandation
10 n'est pas une expression de l'opinion du ministère que des gens, des
immigrants qui n'ont pas encore acquis le statut de citoyen, dès qu'ils
deviennent une charge pour l'Etat, doivent être expulsés. Ce n'est
pas comme cela qu'on doit lire la recommandation 10?
M. BIENVENUE: Non. Je la relis.
M. BURNS: C'est ça que je voudrais que le ministre
spécifie.
M. BIENVENUE: Je la relis doucement. Il semble que je n'ai pas
été assez clair. J'ai le texte lui-même de ce passage du
mémoire. Je vais faire plaisir au député de Maisonneuve,
je vais lui donner partiellement l'objet de sa demande, relativement à
la publication, je vais y aller pour un cas. Cette journaliste du Soleil n'a
publié que des conclusions, à la fin. Si elle avait mieux lu, si
elle avait eu le temps de mieux lire, si elle avait voulu tout lire, elle
aurait lu ce que je dis au député de Maisonneuve en
exclusivité.
M. BURNS: On va peut-être l'obtenir bribe par bribe, ce
mémoire?
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve ne l'a pas
déjà, je ne suis pas sûr, il est astucieux. Je connais son
talent en certaines
matières. Je lis: "La question de l'expulsion et de la
déportation des immigrants, légaux ou illégaux, nous
paraît aussi être une matière susceptible de se prêter
à des consultations plus étroites entre les autorités
fédérales responsables de l'admission." responsables et
uniquement responsables, je l'ajoute, à ce jour, "et de l'expulsion au
Canada et les autorités provinciales qui sont responsables de
l'administration de la justice et aussi de la plupart des mesures à
caractère social visant ces personnes." Voilà le jus même,
l'essence même du mémoire là-dessus. Je ne me porte pas
responsable de la publication qu'en a fait le journal Le Soleil, ni de
l'interprétation qu'en a faite la journaliste, mais on voit bien que
c'est un exemple criant, je me répète, du tort que cela a pu
faire que cette publication.
Je concluais, j'en donne un autre paragraphe au député de
Maisonneuve: "C'est pourquoi nous croyons que les répercussions des
politiques fédérales sur l'immigration, dans tout le secteur de
la santé et du bien-être social, devraient être
envisagées conjointement avec les autorités provinciales." Donc,
le fédéral, je me résume, avait déjà, seul
et exclusivement, le droit de déporter et d'expulser, par
conséquent, il n'est pas question, pour le Québec, d'empirer
cette situation, il est, au contraire et c'est évident, question pour le
Québec d'avoir son mot à dire, pas pour expulser ce qui devait
déjà s'expulser, mais c'est l'évidence même qui en
découle, pour tenter d'intervenir peut-être dans certains cas et
empêcher cette expulsion ou cette déportation.
M. BURNS: Pendant qu'on est sur le sujet de cette journaliste, qui,
à mon avis, soit dit en passant, n'a fait que son métier, vu de
son point de vue à elle, je n'ai pas à blâmer...
M. BIENVENUE: Tout à l'heure, j'ai dit que je respectais la
liberté de presse, mais j'ai quand même dit...
M. BURNS: Pour vous, cela vous a causé des embêtements.
M. BIENVENUE: Beaucoup.
M. BURNS: II y a bien des articles qui causent des embêtements
à des hommes politiques, c'est sûr.
M. BIENVENUE: Embêtements. Je ne pense pas. A moi, si on me
permet, en tant qu'homme politique qui passe, mais le Québec demeure,
ses politiques demeurent. Cela a peu de conséquence, ma petite personne,
dans tout cela, mais je pense aux dossiers que mes hauts fonctionnaires et moi
tâchons, avec toute la sincérité dont nous sommes capables,
de faire passer à Ottawa, et c'est cela qui fait mal, ce n'est pas ma
personne.
M. BURNS: Quoi qu'il en soit, M. le ministre, je revenais à cette
dame France Dufaux uniquement pour son deuxième article, celui du
mercredi 8 mai où elle commentait le premier article du 29 avril. Le 29,
elle ne faisait que publier les 22 recommandations, alors que le 8 mai, elle
faisait un commentaire et, dans un des paragraphes de son article, on peut lire
ceci: On ne peut prédire quelle sera l'attitude d'Ottawa face à
une telle recommandation c'est la recommandation 10, dont on parle
mais d'après notre confrère de Dimanche-Matin,
édition du 28 avril dernier, le ministre Bienvenue aurait
déjà essuyé une rebuffade d'Ottawa, le gouvernement
fédéral ayant jugé les demandes du ministre
québécois excessives. Est-ce que c'est exact?
M. BIENVENUE: Excellente question encore, qui va me permettre de montrer
une fois de plus ce que j'entendais par tort causé par cette dame
journaliste. Il arrive que mon collègue, le ministre
fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, a eu, lui aussi,
l'étude de ses crédits, il y a quelques semaines; c'était
de bonne guerre, c'est de la politique. Des membres de l'Opposition
conservatrice d'autres provinces, évidemment et surtout, lui ont
posé des questions à partir de ce mémoire dont je n'avais
pas souhaité la parution et il est ministre, lui, de la partie
fédérale. Lui qui avait convenu avec moi de la discrétion
de ce mémoire, dans l'espoir qu'on arrive à nos fins, il a
dû, séance tenante, sans consultation, à l'improviste, de
la même façon que cela se déroule ici, et c'est du jeu de
la politique qui a été inventé bien avant nous, prendre
certaines attitudes, laisser planer certains doutes, bien démontrer
qu'il n'y avait rien de signé, qu'il n'y avait aucun accord conclu, que
ce mémoire faisait l'objet d'étude. Evidemment, là aussi,
ce n'est pas M. Andras qui a dit au journal Dimanche-Matin: Rebuffade à
Québec. C'est le titreur de Dimanche-Matin qui a dit : Rebuffade de la
position du Québec.
J'ai vu, depuis, mon homologue fédéral, il y a à
peine quelques jours. Je suis en mesure de dire aux membres de cette commission
qu'il n'est pas question de rebuffade d'Ottawa au Québec, qu'il n'est
pas question que les demandes soient rejetées, qu'elles soient
excessives, ni l'inverse.
Je veux toujours garder dans l'intérêt public le
caractère discret de ces négociations, mais cette publication non
autorisée, bien prématurée, sans commentaire, sans le
texte qui l'explique pendant de combien nombreuses pages, sans tout le
contexte, a eu, parmi tant d'autres effets, celui auquel fait allusion le
député de Maisonneuve, qui a placé M. Andras dans la
position délicate, ignorant d'où venait la fuite, ignorant qui en
était l'auteur, de répondre aux députés de
l'Opposition qui le questionnaient, d'une façon telle, qu'il
n'était pas question qu'il annonce publiquement un accord signé,
accord
complété sur tous les points ou sur certains points.
M. BURNS: Les propos mêmes du ministre, quand il dit "publication
partielle qui a causé ce problème", m'incitent pratiquement
à lui dire qu'il devrait publier son fameux mémoire pour que les
gens puissent faire toutes les distinctions nécessaires, pour que les
gens puissent savoir sur quoi s'appuient ces 22 recommandations, pour que les
gens puissent véritablement diluer, dans le contexte, les 22
recommandations. Je ne le sais pas, mais il me semble que, logiquement, c'est
la question que je dois me poser.
M. BIENVENUE: Par l'appétit du député de
Maisonneuve, je continue de croire, à tort ou à raison, on est
toujours jugé à ses actes, en politique, que ce ne serait pas
dans l'intérêt public, ni dans ce à quoi j'aspire.
M. BURNS : Pendant qu'on est encore sur ce point, encore un dernier.
Est-ce à dire que vu, semble-t-il, que M. Andras a été
forcé dans le fond par des députés conservateurs à
se prononcer prématurément là-dessus, si le 8 avril
prochain on se retrouvait devant un gouvernement conservateur...
M. BIENVENUE: Le 8 juillet...
M. BURNS: ... oui, le 8 juillet, le ministre a des craintes que ses
recommandations ne soient pas...
M. BIENVENUE: Autre excellente question. Non pas des craintes que les
recommandations n'aient pas de suite, soient refusées, mais des craintes
manifestes et basées sur la réalité d'un retard
considérable. Je vais plus loin, je sors du contexte purement politique,
pas seulement si le Parti conservateur devait...
M. BURNS: A l'oreille, peut-être souffrez-vous de
"conservateurtimie".
M. BIENVENUE: Pas seulement des craintes si le Parti conservateur devait
prendre le pouvoir. Mais même cela, on doit l'envisager. Si, le
gouvernement actuel étant maintenu, devait survenir ce qui arrive
très souvent, un remaniement, si un autre membre de l'équipe
libéral que celui qu'on vient de nommer devenait titulaire de ce
ministère, il pourrait arriver que je subisse là aussi un retard.
Tout retard ne fait pas mon affaire. J'aurais mieux aimé qu'il n'y ait
pas d'élections fédérales quant à moi.
M. BURNS: Vous auriez dû en parler à M. Lewis.
Je reviens à ce qu'on discutait avant que le député
de Beauce-Sud vienne faire son intervention. Je me réfère d'abord
à l'étude des crédits de l'année dernière,
où celui qui était alors député de Saint-Maurice,
le jovial Philippe
Demers, posait la question suivante au ministre et je cite sa question
au journal des Débats: "Dans un récent congrès politique"
il se référait au congrès de la
Fédération libérale du Québec "il y a eu une
résolution d'adoptée qui obligerait les enfants des immigrants
des pays non anglophones à fréquenter les écoles
françaises. Quelle est la position du ministre? " Je trouve cela
à la page B-1523, du 15 mai 1973. A la même page, le ministre a
répondu ceci: "J'ai dit à un journaliste qui m'interviewait que
j'étais contre cette résolution. J'ai dit que j'étais
contre, que je maintenais le système de l'incitation et non de la
coercition. Ma position était claire et nette. Je me suis
prononcé contre cette résolution adoptée par une
assemblée du Parti auquel j'appartenais".
Evidemment, le ministre s'attend à ma question. Est-ce qu'il a
toujours la même position claire et nette à ce sujet cette
année?
M. BIENVENUE: II est exact que j'avais dit cela, et que c'était
ma position. Je pense bien qu'il est important de se relire au complet. Je
cite: "Ma position est la même que celle que j'ai indiquée
à la sortie même de cette séance d'un parti politique,
celui auquel j'appartiens, où a été adoptée cette
résolution". J'ai dit à un journaliste qui m'interviewait que
j'étais contre cette résolution, étant parfaitement
logique avec ce que j'avais dit quatre jours auparavant à une
réunion d'hommes d'affaires Canado-italiens. J'ai dit que j'étais
contre, que je maintenais le système d'incitation et non de la
coercition. Je parlais en mon nom personnel et au nom de personne d'autre. Je
n'ai pas encore changé d'avis, sans présumer de ce que sera
l'attitude du gouvernement auquel j'appartiens sur la question linguistique
globale au Québec. Le premier ministre du Québec a dit
dernièrement à quelques reprises que, dans les semaines qui
viendraient, le gouvernement du Québec ferait connaître sa
politique globale linguistique s'appliquant à tout le Québec, pas
seulement aux immigrants, et dans le cas de ceux-ci, pas seulement aux
Anglo-Saxons, aux non-Anglo-Saxons ou anglophones ou francophones. Ma position
était claire et nette. Je me suis prononcé contre cette
résolution adoptée par une assemblée du parti auquel
j'appartiens.
J'avais fait allusion à ce moment à un mouvement de
Canado-Italiens auquel je m'étais adressé quatre jours plus
tôt. Il est important de remonter à la source qui est cette
conférence que j'avais prononcée devant des Canado-Italiens
quatre jours plus tôt. Je n'ai pas le texte, mais je me rappelle fort
bien avoir dit à peu près ce qui suit: De grâce, messieurs,
venez renverser la vapeur et venez au secteur scolaire francophone de la
même façon que j'enverrais mes enfants à Rome au
système scolaire italien ou dans d'autres pays et faites-le avant qu'il
ne soit trop tard, avant qu'un jour, si l'incitation n'est pas suffisante, on
propose ou on adopte un projet de loi qui vous y forcerait. J'avais
prononcé ces paroles exactement. Cela avait même
provoqué certaines inquiétudes.
Evidemment, pour aller plus loin, il faudrait, qu'on le veuille ou non,
forcément entrer dans le coeur même du sujet qui fait l'objet du
projet de loi 22 qui est dorénavant en discussion devant la Chambre. En
d'autres termes, je ne voudrais pas que mon collègue de Maisonneuve
pense que je veuille profiter d'une échappatoire qui est le
règlement, mais cela serait, qu'on le veuille ou non, aller plus loin,
maintenant qu'on me repose la question.
M. BURNS : Le ministre se réfère sans doute à
l'article 99...
M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS: ... de notre règlement, mais est-ce qu'il a lu les
articles 127 et suivants aussi?
M. BIENVENUE: Non, mais je peux les lire avec plaisir.
M. BURNS: Cela vaudrait la peine. Et ma théorie là-dessus
si je peux me payer le luxe de vous l'émettre est que nous
sommes à l'étude des crédits du ministère de
l'Immigration. Ces crédits n'existent pas de façon
indépendante. Ils viennent du discours du budget et l'article 127 nous
dit qu'à l'occasion de la discussion du budget, donc de l'accessoire
aussi, l'accessoire étant les séances de la commission
parlementaire, l'article 99, paragraphe 2, ne s'applique pas,
c'est-à-dire qu'on peut même parler de sujets qui sont devant la
Chambre et même de choses qui sont référées à
une commission parlementaire comme c'est le cas actuellement.
C'est pour cela que j'invite gentiment le ministre à mettre de
côté ses scrupules, puisque le règlement l'a
déjà fait. Je peux parler à mon ami le leader adjoint du
gouvernement.
M. BIENVENUE: Encore une fois, ce n'est pas pour m'y réfugier
je ne suis pas d'accord sur l'interprétation qu'en donne le
député de Maisonneuve et je relis: "A l'occasion de ce
débat, un député ne peut prononcer qu'un seul discours
dans lequel tous les sujets peuvent être abordés, nonobstant le
paragraphe 2 de l'article 99". Evidemment, on sait la philosophie de cet
article. C'est que le débat sur le discours inaugural, comme d'ailleurs
celui sur le budget, est ouvert, à toutes fins pratiques, à tous
les sujets. C'est vaste, c'est sans limite, mais s'il fallait qu'à cause
de l'une quelconque des motions, ou dans l'un quelconque des projets de loi, on
ne puisse pas parler d'un sujet, il est une foule de sujets dont on ne pourrait
évidemment pas traiter. Le seul point où je diffère
d'opinion avec le député de Maisonneuve, c'est quand il parle du
prolongement, de l'extension qu'il donne à cette règle dans le
cas de la commission ici. Je pense qu'on a voulu, de façon
spécifique, parler de ce débat où on dit qu'un
député ne peut prononcer qu'un seul discours. C'est tellement
manifeste qu'on a voulu limiter cela à ce débat et à un
seul discours que si je prenais le même principe, je pourrais dire qu'ici
un député ne pourrait faire qu'un seul discours. Si on prenait ce
prolongement-ci tel quel, la même règle vaudrait. M. le
Président, on sait que pour que...
M. BURNS: Ma thèse se fonde sur le fait que l'étude des
prévisions budgétaires n'existe pas de façon autonome.
Cela provient de discours du budget. Je n'ai jamais vu un gouvernement ne pas
faire de discours du budget et étudier ses crédits.
M. BIENVENUE: Ou à l'inverse.
M. BURNS: Quoi qu'il en soit, je ne veux pas forcer... Je vois qu'on
approche de 12 h 30, qui est l'heure de l'ajournement. Je ne veux pas forcer un
débat de procédure là-dessus. Je ferais la suggestion
suivante, parce qu'il semble bien qu'on ne pourra pas terminer l'étude
des prévisions budgétaires du ministère de l'Immigration
dès ce midi.
J'en ai connaissance comme leader de l'Opposition. Dans le cas où
la décision du président d'une commission peut avoir une
conséquence sur d'autres affaires, peut-être que je
suggérerais au président de chercher à savoir l'opinion du
président de l'Assemblée nationale là-dessus. Je me
plierai à la décision que le président de la commission
nous rapportera après qu'il aura consulté le président de
l'Assemblée nationale. Mais j'y tiens énormément parce que
si durant l'étude des crédits de quelque ministère que ce
soit on n'est pas capable d'interroger le ministre responsable, le titulaire
d'un ministère à cause du fait qu'il y a des projets de loi
devant la Chambre, cela restreint drôlement la possibilité des
membres de l'Opposition de voir la conception particulière du ministre
relativement aux politiques qui regardent son ministère. Je pense que
c'est autant dans l'intérêt des ministres en cause que dans
l'intérêt des membres de l'Opposition que du public en
général qu'on puisse, nonobstant la présence devant la
Chambre de cette pièce de législation que je ne qualifierai
pas...
M. BIENVENUE: Vous faites comme moi pour la journaliste.
M. BURNS: C'est ce que j'allais dire. Je vais utiliser la même
règle que le ministre a utilisée pour Mme France Dufaux, Mais je
pense quand même que cela pourrait avoir des conséquences assez
importantes qu'on soit empêché lors de l'étude de
crédits, de prévisions budgétaires, de discuter de choses
qui sont de la même nature que ce que contient un projet de loi devant la
Chambre. On n'a qu'à regarder le feuilleton
actuellement, il y en a un certain nombre d'inscrits et je pense que, si
on avait suivi cette règle à l'Agriculture, aux Terres et
Forêts et, entre autres à l'Education où il y a un projet
relatif au Haut-Commissariat à la Jeunesse, aux Loisirs et aux Sports,
on n'aurait pas pu questionner à fond le ministre responsable à
ce sujet, parce qu'il y a un avis et je pense même que le projet de loi
devrait être déposé aujourd'hui ou demain, concernant la
formation d'une commission athlétique alors que le député
de Lafontaine, à ma connaissance, a questionné en long et en
large le ministre à ce sujet-là.
M. BIENVENUE: Sujet à la décision du président
à laquelle je me soumettrai aussi, je peux au moins rassurer le
député de Maisonneuve et lui dire que lors de ce débat
auquel on fait allusion, débat futur sur le bill 22, je prendrai mes
responsabilités et je prendrai le temps qui m'est alloué pour
donner pleinement ma pensée sur toutes ces choses.
M. BURNS: Si jamais le président permettait cette discussion, le
ministre prévoit le genre de questions que je vais lui poser. Alors, il
pourra peut-être jeter un coup d'oeil en survol sur le projet de loi 22.
Je ne sais pas si on devra siéger cet après-midi. Est-ce que
c'est...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): II semblerait que non.
M. BURNS: II n'y a qu'une seule commission qui doit siéger
à ce moment-là.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est ça.
M. BURNS: J.e voudrais savoir si c'est la nôtre ou si c'en sera
une autre?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): II semblerait que c'en serait une
autre.
M. BIENVENUE: II faudrait s'entendre sur la nouvelle date, à ce
moment-là, en rappelant aux membres de la commission que...
M. BURNS: Je suis prêt à reprendre l'étude de vos
crédits dès demain matin si ça fait votre affaire, si
ça fait l'affaire de vos principaux collaborateurs, si c'est dans les
projets du leader du gouvernement.
M. BIENVENUE: On se le dira à la Chambre.
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Pour cette raison, je crois que la
commission devrait ajourner ses travaux sine die.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
(Fin de la séance à 12 h 28)