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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 28 mai 1974 - Vol. 15 N° 73

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Immigration


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude des crédits du ministère de l'Immigration

Séance du mardi 28 mai 1974

(Dix heures quarante-cinq minutes)

M. CORNEILLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ce matin l'étude des crédits du ministère de l'Immigration. Vous me permettrez de mentionner que M. Tardif (Anjou) remplace M. Cournoyer (Robert Baldwin).

Je céderai la parole maintenant au ministre de l'Immigration qui aimerait donner la réponse à une question que lui posait, lors de la dernière réunion, le député de Maisonneuve.

Remarques préliminaires (suite)

M. BIENVENUE: Effectivement, M. le Président, et pour la meilleure compréhension de cette réponse, le député de Maisonneuve m'avait posé une question qui avait déclenché un minidébat de procédure, mais qui s'est quand même terminé dans l'harmonie. Je pense qu'il est utile de relire cette question pour mieux se retrouver dans le contexte de la réponse.

Au feuillet R/46-C/1 — page 1, de la galée, de l'audition de notre dernière séance, le député de Maisonneuve me tenait les propos suivants qui aboutissent à une question: "Je reviens à ce qu'on discutait avant que le député de Beauce-Sud vienne faire son intervention. Je me réfère d'abord à l'étude des crédits de l'année dernière, où celui qui était alors député de Saint-Maurice, le jovial Philippe Demers, posait la question suivante au ministre et je cite sa question au journal des Débats: (c'est donc une citation dans la citation) "Dans un récent congrès politique" — il se référait au congrès de la Fédération libérale du Québec — "il y a eu une résolution d'adoptée qui obligeait les enfants des immigrants des pays non anglophones à fréquenter les écoles françaises. Quelle est la position du ministre? " Je trouve cela à la page B-1523, du 15 mai 1973. A la même page, le ministre a répondu ceci: "J'ai dit à un journaliste qui m'interviewait que j'étais contre cette résolution. J'ai dit que j'étais contre, que je maintenais le système de l'incitation et non de la coercition. Ma position était claire et nette. Je me suis prononcé contre cette résolution adoptée par une assemblée du parti auquel j'appartenais"

Je reprends la question, c'est la fin de ma citation telle que faite par le député de Maisonneuve, et j'arrive à la question qui terminait ces prémisses: "Evidemment, le ministre s'attend à ma question. Est-ce qu'il a toujours la même question claire et nette à ce sujet cette année? "

M. le Président, voici ma réponse à cette question: A la question du député de Maisonneuve, je voudrais faire une réponse à la fois fondamentale et solennelle. Je me rappelle, lorsque j'étais plus jeune, M. le Président, et que j'entendais l'expression "solennelle", cela avait son sens le plus riche, le plus absolu et c'est une expression qui a perdu un peu de panache au cours des années. Aujourd'hui, on est même souvent porté à rire lorsque l'on entend quelqu'un employer le mot "solennelle" et dire: Je fais une déclaration solennelle. Je tiens quand même à préciser que j'emploie ici le mot "solennelle" pour qualifier ma réponse dans son sens le plus solennel, si on me permet d'employer l'expression dans toute sa plénitude.

Cette réponse m'est dictée par mes convictions personnelles et politiques les plus profondes, celles pour lesquelles je milite depuis toujours, celles qui ont éclairé mon action politique jusqu'à ce jour et qui ont guidé la philosophie de mon action comme ministre de l'Immigration. En effet, j'ai la fierté de penser que mes idéologies se sont trouvées renforcées au contact quotidien de mes frères québécois d'autre origine que la mienne.

Ma réponse, M. le Président, repose donc sur trois principes fondamentaux: premier principe, celui de la liberté. Dans une démocratie comme celle où nous avons la chance de vivre, la liberté est la valeur première. C'est d'ailleurs ce que viennent chercher en tout premier lieu les nouveaux arrivants, dont un certain nombre ont dû fuir des régions totalitaires, qu'elles soient de droite ou de gauche.

Comme eux, je tiens, plus qu'à toute autre chose, à cette liberté dont le Canada et le Québec reflètent, à l'extérieur, une image exceptionnelle dans le monde. Je suis fier d'appartenir à un pays dont le rayonnement et l'attraction reposent, en grande partie, sur cette réputation de pays de liberté. C'est au nom de ce principe, au nom de cette valeur, que je continue à croire que l'incitation est meilleure que la coercition.

Notre expérience quotidienne nous révèle, en effet, que les choses auxquelles nous adhérons volontairement sont mieux intégrées en nous que celles que nous subissons par la loi ou par la force.

L'action de mon ministère a toujours été largement orientée par ce principe de l'incitation. C'est pour cette raison que j'ai toujours demandé, depuis deux ans, aux groupes ethniques de rejoindre le groupe majoritaire du Québec avant d'y être contraints.

Je rappelais, comme le député de Maisonneuve l'a fait l'autre jour par sa question, que, précisément quatre jours avant cette réponse sur la résolution du Parti libéral du Québec à

laquelle je m'étais opposé au nom de l'incitation, j'avais déclaré à peu près textuellement aux hommes d'affaires canadiens-italiens: Venez vers nous, vers le système — entre autres, on parlait d'éducation à ce moment-là — scolaire francophone, venez de vous-mêmes vers le secteur d'enseignement francophone au Québec renverser la vapeur avant qu'il ne soit trop tard et de crainte qu'un jour, un gouvernement, quel qu'il soit, vous y contraigne.

Par ailleurs, M. le Président, à une date encore beaucoup plus rapprochée que celle à laquelle je viens de faire allusion et qui remonte quand même à un an et demi, j'avais tenu, à l'Assemblée nationale, comme participation aux débats sur le discours inaugural, le 5 décembre 1973, des propos que je voudrais citer à nouveau au texte et qui montrent que, toujours, tout le long de cette trajectoire, dans le déroulement du fil des événements, j'étais toujours tenant de cette thèse de l'incitation. Je cite: "Engagée réellement depuis 1970, c'est-à-dire depuis trois années seulement, la politique québécoise de l'immigration repose sur un principe fondamental: Dans le respect des valeurs culturelles d'origine, il s'agit d'inciter, par des moyens variés, et non pas de contraindre, les nouveaux arrivants à rejoindre le groupe majoritaire, c'est-à-dire la communauté francophone, et à s'y intégrer harmonieusement."

Je me félicite, M. le Président, des progrès immenses qui ont été accomplis depuis deux ou trois ans et dont je ne rappellerai que deux exemples significatifs parmi d'autres. D'une part, la prise de position extrêmement courageuse et non équivoque de la Fédération des associations italiennes du Québec en faveur de la langue et de la culture françaises, en janvier 1974, par la voix de son président qui est mon ami, M. Pietro Rizzuto, qui vient d'ailleurs d'être réélu à la direction de cette fédération il y a quelques jours à peine.

D'autre part, l'attitude de la communauté grecque qui, depuis deux ans, a donné une place prépondérante à la langue française dans ses écoles privées, renversant ainsi une habitude ancienne qui y consacrait la primauté de l'anglais.

M'étant exprimé sur ce premier principe qui était un élément primordial de ma réponse, celui de la liberté, je veux maintenant parler du second principe qui est à la base de la même réponse, celui du bien commun.

Toutefois, il est évident que les libertés individuelles connaissent une limite naturelle qui est celle du bien commun. Sans doute, est-ce là une réminiscence de ce qui nous était enseigné autrefois dans nos études classiques, une réminiscence de la philosophie thomiste qui a été à la base de la formation de celui qui vous parle.

Si donc le bien commun l'exige, je suis prêt à y sacrifier certaines des libertés individuelles auxquelles je viens de faire allusion. Si la survivance de la langue et de la culture françaises au Québec l'exige, je n'ai aucune objection, bien au contraire, à légiférer ou à entreprendre des actions administratives précises.

C'est dans cet esprit que, depuis ma nomination, j'ai veillé à ce que mon ministère prenne des mesures très précises dans le domaine de la langue. Je vous rappelle que, depuis deux ans, l'appareil des COFI est passé de 50 p.c. de classes de français et 50 p.c. de classes d'anglais à 86 p.c. de classes de français et 14 p.c. de classes d'anglais. Les cours de langues, à temps partiel, donnés sous l'autorité de mon ministère, ont connu la même évolution. Des garderies uniquement en langue française ont été ouvertes et sont passées, depuis 1972, de 2 à 10 et de 112 places à 340 places.

A l'énoncé de ce second principe, M. le Président, je tiens cependant à apporter une précision de taille: En aucun cas, la défense du bien commun ne doit entraîner de discrimination. Je me contenterai de redire ici, mot à mot, et avec vigueur, le message que m'ont transmis, de façon très claire, les porte-parole des groupes ethniques et que je lisais à l'Assemblée nationale du Québec, dans mon discours du 26 mars 1974: "Nous reconnaissons la nécessité pour le Québec, auquel nous sommes fiers d'appartenir, de défendre sa langue et sa culture et nous voulons participer à cet effort collectif, mais, de grâce, pas de discrimination et surtout ne faites pas porter aux seuls immigrants la responsabilité de cette entreprise".

Je ne peux pas me résoudre, en effet, à considérer qu'il puisse y avoir, au Québec et au Canada, deux sortes d'êtres humains: des êtres humains à part entière et des êtres humains de seconde zone. C'est là encore l'une des images que nous projetons à l'étranger. Un pays où l'on respecte l'homme dans sa totalité. Je ne peux pas non plus me résoudre à contraindre un autre de faire ce que je n'aurais pas moi-même le courage de faire.

Troisième et dernier principe qui est à la base, M. le Président, de cette réponse que je donne au député de Maisonneuve: Le respect sacré des droits des minorités.

Notre histoire nous a appris à vivre dans un pays diversifié et pluraliste où se côtoyent des minorités. Ma conception de la démocratie et mon esprit de justice me font affirmer que les droits des minorités doivent être respectés scrupuleusement et ce n'est pas parce que nous avons souffert, tout au long de notre histoire, que nous ne devons pas appliquer ce principe avec rigueur.

Bien au contraire, nous sommes encore plus responsables de le faire respecter au nom de l'équité.

Voilà, M. le Président, la réponse un peu longue, mais bien pesée et, veuillez me croire, bien réfléchie que je voulais faire au député de Maisonneuve. L'application scrupuleuse de ces trois grands principes que je viens d'énumérer a toujours conduit mon action comme ministre

de l'Immigration et continuera à l'inspirer tant que je serai à ce poste. Elle gouvernera d'ailleurs toute ma vie, comme elle l'a fait jusqu'à maintenant.

M. BURNS: Je remercie le ministre d'avoir répondu à ma question.

Je me permettrais de revenir sur une déclaration. Peut-être va-t-il me dire qu'il l'a nuancée par ce qu'il vient de nous dire en élaborant les trois principes sur lesquels il se fonde, sauf que je vais référer le ministre au journal Le Soleil, du 11 mars dernier, qui lui fait dire ceci et je cite: "Le moyen idéal, c'est l'incitation, mais si les faits révèlent qu'il faut recourir à la coercition, même si c'est un moyen détestable que personne n'aime, si la survivance de la culture et de la langue françaises au Québec en dépend, je devrai, comme les autres, choisir cette voie".

En somme, je pense que c'est un peu ce que le ministre vient de nous dire.

M. BIENVENUE: C'est cela. C'est un résumé de la longue position.

M. BURNS: C'est plus nuancé et peut-être plus élaboré.

M. BIENVENUE : Et encore plus récent que ce que j'avais dit au mois de décembre dernier, encore plus près de nous.

M. BURNS: Je vois que le ministre s'assagit à mesure que les mois avancent. Maintenant, je n'ai pas l'intention, comme je l'ai mentionné au cours de la rencontre avec le président de l'Assemblée nationale, de discuter, à proprement parler, de la substance du projet de loi 22. Mais, comme l'aspect linguistique a une importance majeure dans les politiques du ministère de l'Immigration, et comme les politiques telles qu'envisagées par le ministre peuvent avoir énormément d'importance pour les années à venir, eu égard aux chiffres que le ministre a confirmés et que le Jour publiait la semaine dernière, entre autres — je les ai sous les yeux—...

M. BIENVENUE: Qu'on a relevés ici.

M. BURNS: ... ceux dont on a parlé, selon lesquels, de 1968 à 1972, les immigrants de langue anglaise sont passés de 29.9 p.c. à 40 p.c. et ceux de langue française, de 24.2 p.c. à 14.5 p.c. C'est pour cela que j'attache tellement d'importance à la politique du ministère sur le plan linguistique, d'une part, et aussi à ce fameux projet de loi 22. Je ne peux pas m'empêcher de noter, dans le projet de loi 22, qu'à proprement parler il n'y a pas de dispositions précises relativement aux immigrants. Donc, je me demande quelle a été la participation du ministre lui-même, qui est membre du cabinet des ministres, à l'élaboration de ce projet de loi, quant aux politiques qui visent directement les immigrants.

Si je peux simplement citer un cas — cela a l'air tiré par les cheveux — si on prend un des articles du projet de loi, celui en particulier qui nous dit que les élèves doivent connaître suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement de cette langue, cela nous mène probablement, vu qu'il n'y a pas de dispositions particulières concernant les immigrants, à une situation aussi folle que celle que je vous cite et qui pourrait être la suivante. Disons qu'un immigrant de langue anglaise arrive au Québec — et c'est possible — et qu'il décide lui-même qu'il va intégrer ses enfants au milieu français. Selon les dispositions de l'article 49, si les enfants n'ont pas une connaissance suffisante de la langue française, ils ne pourraient pas être intégrés au milieu français. C'est aussi bête que cela, en l'absence de dispositions visant précisément les immigrants. Est-ce que le ministre me suit là-dessus? En somme, c'est cela. M. John O'Hearn venant d'Irlande pourrait avoir deux enfants d'âge scolaire qui ne disent pas un traître mot de français; selon les dispositions de l'article 49, ils ne pourraient pas être intégrés au milieu francophone. C'est ma question d'ordre général. Je me demande quelle a été la participation du ministre. Quelle a été sa contribution à la préparation de ce projet de loi, étant donné qu'un article comme 117 lui a échappé, comme il l'a admis l'autre jour, l'article abolissant l'article 3, paragraphe e) de la loi de 1969, le fameux bill 63? Non seulement cela lui a échappé, mais il n'y a pas de politique précise à l'égard des immigrants, sinon celle qu'on peut retrouver dans le chapitre de la langue d'enseignement, qui peut mener à des incohérences et qui, en l'absence du texte qui est abrogé par l'article 117, à toutes fins pratiques, enlève toute possibilité au ministre de l'Immigration de voir à intégrer au milieu francophone les immigrants. Est-ce que le ministre a des commentaires à nous formuler là-dessus, sur sa contribution à l'élaboration du projet de loi 22? Remarquez que je ne lui demande pas de nous dévoiler des secrets du cabinet. Je pense bien que le ministre se protégerait derrière la solidarité ministérielle et à bon droit, mais il reste quand même que c'est au ministre de l'Immigration de choisir les moyens qu'il entend utiliser pour mener à bonne fin les politiques de son ministère.

M. BIENVENUE: Evidemment, le député de Maisonneuve avait raison. La question est extrêmement délicate et subtile. Où cela commence et où cela finit? Le député de Maisonneuve a conçu lui-même, dans sa question, que je ne pouvais pas dévoiler ce qui se déroule derrière le mur du Conseil exécutif. Evidemment, les discussions qui s'y déroulent, si je suis un ordre parfaitement logique, ne pouvant dévoiler ce qui s'y déroule...

M. BURNS: Non, mais vous pouvez nous parler de votre contribution.

M. BIENVENUE: Si je ne puis dévoiler ce qui s'y déroule, ni les discussions qui s'y tiennent, je ne puis non plus aller plus loin et parler de la participation aux discussions qui s'y tiennent. A titre d'exemple, et je parle de façon purement fantaisiste, je ne pourrais pas dire qu'au conseil des ministres tel ou tel de mes collègues s'est opposé à tel article de tel projet de loi, c'est battu pour ou s'est battu contre, s'il est resté muet et coi à son siège, s'il n'a pas participé ou alors a participé. Ce serait déjà un pied dans la porte, si je le faisais. Je veux dire au député de Maisonneuve que l'exemple de l'article 117 qu'il a rappelé l'autre fois —nous l'avons appris, je pense, tous les deux à peu près le même matin; dans mon cas, c'est grâce au journaliste du journal Le Jour, je le reconnais — est un exemple de choses qui peuvent se produire. A ce moment-là, je ne pouvais pas commenter, je ne pouvais pas expliquer autre chose, sinon que cela devait avoir trait à la concordance. C'est, je pense, à peu près mot à mot la réponse que j'ai donnée et qui, d'ailleurs, est inscrite au journal des Débats.

H me plaît de dire que le ministère que je dirige va déposer, dans un avenir assez rapproché, un projet de loi dans lequel sera incorporé cet article qui devait normalement partir avec toutes les dispositions ayant trait à l'ancienne loi 63. Au moment où on abroge ces dispositions pour les remplacer par d'autres, il est normal que tout le contenu, toutes ces parties disparaissent avec le tout, dont l'article qui nous intéresse présentement.

J'ai pensé, à tort ou à raison, qu'une telle disposition, qui était autrefois incorporée à la Loi de l'instruction publique, se trouverait fort bien chez nous, qu'elle serait la bienvenue dans la Loi du ministère de l'Immigration.

M. BURNS: Je m'excuse, elle était incorporée à la loi favorisant — je ne sais pas quel était le titre exact de la loi 63 — elle était intégrée à cela, mais c'était un amendement à la loi du ministère.

M. BIENVENUE: D'accord. Mais cela aura une suite très prochaine, je viens de le dire. Cette disposition se retrouvera dans une Loi du ministère de l'Immigration. Je ne veux pas présumer, mais elle sera peut-être encore mieux libellée. Je dis bien peut-être, et avec beaucoup de modestie, encore mieux libellée, plus vigoureuse. Je ne puis pas le dire avant, évidemment, le dépôt d'un tel projet de loi, mais je veux assurer le député de Maisonneuve et mes collègues que cette disposition portant sur ce que j'ai qualifié, l'autre jour, d'un devoir et non pas d'un pouvoir ou d'un mandat, ce que je considère être un devoir pour nous y sera, et dans les meilleurs délais.

M. ROY: M. le Président, avant que le ministre ne termine sa réponse, lorsqu'il parle des meilleurs délais, j'aimerais savoir, avant d'aborder un autre sujet ou d'aller plus loin, si les meilleurs délais veulent dire que votre projet de loi va être déposé avant que nous discutions du projet de loi 22. Je pense que c'est extrêmement important.

M. BIENVENUE: Oui, je comprends, mais je ne peux pas répondre à cette question.

M. ROY: Nous allons alors encore discuter d'un projet de loi, mais peut-être qu'il en viendra un autre...

M. BIENVENUE: Si je savais la réponse, je la donnerais avec plaisir au député de Beauce-Sud, mais, au moment où je lui parle, j'ignore la réponse. Quand je dis: Dans les meilleurs délais, quant à moi, pour correspondre à mes propres souhaits, le plus tôt possible sera le mieux. Je ne peux pas donner la réponse, parce que je l'ignore.

M. ROY: J'avais également la même question à poser que celle du député de Maisonneuve sur ce sujet. Je pense que cela nous intéresse.

M. BIENVENUE: D'accord. Toujours par référence au projet de loi 22, pas plus tard qu'hier midi, à des auditeurs exclusivement de langue anglaise et qui venaient de toutes les provinces du Canada, j'ai dit, en parlant du projet de loi 22: "Bill 22, not perfect." Pas parfait. La traduction française, qui a été faite et qu'on a reprise dans les journaux de ce matin, me faisait dire: Bien imparfait, en parlant de ce projet de loi.

Il y a, avant d'aller plus loin, toute la différence au monde entre "not perfect", "pas parfait" — et le député de Maisonneuve qui est parfaitement bilingue me suit — et la traduction "bien imparfait".

Il y aurait une autre petite correction à apporter qui est purement de traduction, qui n'a rien à voir avec le sens de ma pensée, mais qui a des implications, on le voit, c'est que la traduction aurait dû se lire — et cela a été la dictée — "Bien qu'imparfait" alors qu'on a dit: "Bien imparfait". Ce sont des choses qui se produisent.

Je voyais, dans le journal Le Jour d'hier, une erreur dans le texte de M. Guay, erreur involontaire, je le sais, où on me faisait dire, contrairement aux autres journaux et je cite: "Ajoutez à ces facteurs — cela est la traduction française, évidemment, d'un texte original en anglais — celui de l'attraction de la culture anglophone pour les immigrants qui voient le Québec comme un petit ilôt francophone perdu dans une mer anglophone. Ajoutez également le phénomène des transferts linguistiques au niveau scolaire — c'est toujours dans la même phrase — alors que les parents francophones du Québec choisissent de faire instruire leurs enfants en anglais." A l'impression du journal Le Jour, on a mis un point au mauvais endroit de

sorte que l'on me fait dire: "... au niveau scolaire." Et la phrase se lit comme telle et donnera l'impression que je formule un voeu: "Alors, que les parents francophones du Québec choisissent de faire instruire leurs enfants en anglais." Evidemment, c'est une faute purement de typographie et c'est la même chose que je voulais dire au sujet de ce que j'ai dit.

J'ai tout de même dit que — et c'est très frais, c'était hier — que le bill 22 n'était pas parfait ou alors, en français, bien qu'imparfait, etc. Par conséquent, j'ai invité les gens, après bien d'autres, à se gouverner eux-mêmes, à participer au gouvernement d'eux-mêmes en se faisant entendre devant la commission.

Je ne voudrais pas, M. le Président, anticiper sur la position que je prendrai, non plus cette fois, comme je le fais ce matin, comme ministre de l'Immigration, mais comme député, comme membre de la majorité ministérielle. Du côté ministériel, en Chambre, je me ferai entendre, je l'ai déjà dit.

Evidemment, cela s'inscrira dans le cadre du débat sur le bill 22. Je ne crois pas pouvoir aller plus loin et indiquer au député de Maisonneuve quelle fut ma participation ou pas à l'élaboration du bill 22, derrière les murs du Conseil exécutif, parce que, logiquement, on peut penser à tous les éléments qui en découlent. Si vous avez participé, avez-vous soulevé tel point? Vous êtes-vous plaint de telle absence? Avez-vous insisté pour obtenir tel paragraphe ou tel article touchant l'immigration? Si oui, est-ce qu'on vous a écouté? Sinon, est-ce qu'on vous a repoussé? Est-ce qu'on vous a laissé en plan? Est-ce qu'on vous a laissé de côté? On voit où entraîne nécessairement une première réponse dans cet ordre.

M. BURNS: Le ministre peut-être...

M. BIENVENUE: Je veux rassurer le député de Maisonneuve que, très bientôt, il aura l'occasion de m'entendre sur le bill 22 tel quel, c'est-à-dire sur son contenu et sur ses dispositions de principe les plus importantes.

M. BURNS: Oui, mais comme c'est là, cette histoire risque de venir dans une couple de mois. Si le ministre attend de se prononcer en deuxième lecture, ce ne sera sûrement pas avant au moins un mois, en tout cas.

M. BIENVENUE: Je conçois difficilement...

M. BURNS: Alors que je me suis pris à lui poser des questions sur ses politiques à l'égard des immigrants, en ce qui a trait à l'aspect linguistique, est-ce que le ministre est en train de me dire qu'on ne pourra pas parler du problème linguistique à l'étude de ses prévisions budgétaires?

M. BIENVENUE: Non, mais à la minute où on s'inscrit dans le contexte du bill 22 et ses éléments de principe, je conçois difficilement, M. le Président, étant tenu par la solidarité ministérielle, comment je pourrais m'aventurer dans le texte, dans le contenu du bill 22 sans faire autre chose, si je voulais commenter les articles de base, que dire béatement: C'est beau, c'est fin, c'est courageux, je suis d'accord, je suis en faveur.

Si je devais m'inscrire tout de suite ou plus tard contre un des éléments de principe de base de ce projet de loi, il ne me resterait qu'une chose à faire, au moment même où je le ferais, c'est de remettre ma démission.

On ne peut pas concevoir, d'une procédure parlementaire britannique, autre chose que ce que je viens de dire quant à la position d'un membre de l'exécutif sur un projet de loi.

M. BURNS: Votre chef de gouvernement ne se gêne pas pour en faire. Je vois dans la Gazette d'hier un titre qui se lit comme suit: "Bourassa Seeks Veto Power Over English Immigrants". Le premier paragraphe de ce texte se lit comme suit: "The Provincial Government wants to limit the number of English speaking immigrants coming to Quebec". Si je continue un peu plus loin, après avoir déclaré qu'un des objectifs clefs du gouvernement était d'y arriver par l'entremise des fameuses négociations avec Ottawa, dont le ministre nous a parlé la semaine dernière, l'article continue en disant: "Bourassa described the immigrant question as being — et le journal cite à ce point-ci — at the heart of the language problem for Quebec".

M. BIENVENUE: Je suis totalement d'accord.

M. BURNS: Moi aussi, je suis totalement d'accord. C'est pour cela que je veux avoir des réponses. C'est pour cela que je vous dis que le chef du gouvernement ne semble pas se gêner pour élaborer les politiques. Est-ce que je dois conclure que c'est le premier ministre qui élabore les politiques du ministère de l'Immigration et que le ministre de l'Immigration attend que le premier ministre lui dise quoi dire?

M. BIENVENUE: Je ne refuse pas l'aide et les conseils de mon chef, mais je garde la pleine et entière responsabilité de mon ministère. Si le député de Maisonneuve a bien lu la Presse d'hier, ce qui est à la base de l'affirmation que je viens de faire, il y trouvera même une contradiction au moins apparente entre mon chef et celui qui vous parle. Au moment ou après qu'il eut énoncé, devant des journalistes, un principe ou qu'il eut fait part de certaines données, le journaliste me fait dire que je l'ai contredit en affirmant au contraire telle chose. C'est vrai, c'est aussi vrai que dimanche il y a deux jours, mais je reviens à la question du député de Maisonneuve. Il y a toute la différence au monde entre les propos qu'a tenus le premier ministre dans la Gazette au sujet du

calibre d'immigrants que l'on veut avoir à l'avenir, au sujet desquels, d'ailleurs, j'ai répondu à peu près aux mêmes questions hier midi et sur lesquels je me suis clairement prononcé, il y a toute la différence entre cela et la question que me pose le député de Maisonneuve relativement à ma participation ou non à l'élaboration de la loi avec tout ce que cela entraîne.

Je n'ai aucune objection à répondre à toutes les questions du député de Maisonneuve, parlant à titre d'exemple, même si c'est dans le contexte de la langue des nouveaux immigrants que nous souhaitons pour le Québec.

Je rappelle que, sur l'aspect qui touche le plus le député de Maisonneuve, il pourra retrouver le texte dans le journal des Débats. Au début, j'ai donné une réponse de quelques pages de texte portant sur le sujet névralgique de l'incitation et de la coercition au niveau de la langue d'enseignement. Ma réponse ne portait pas comme telle sur l'aspect du monde du travail ou du monde des affaires ou de la publicité, c'était directement sur la langue. Je pense qu'à ce stade-ci, M. le Président, je puis difficilement, sinon de façon impossible, aller plus loin que là où je suis allé. Certains y trouveront des sources de contentement, d'autres peut-être de mécontentement, mais ce qui est important dans la vie, c'est que l'on livre sa pensée la plus intime tout en respectant les cadres constitutionnels qui nous affectent. Dans mon cas, il y a la solidarité ministérielle et il y a le secret de l'exécutif que je ne puis pas dépasser.

M. BURNS: Alors, revenons à une question plus générale.

Est-ce que les imperfections auxquelles se référait le ministre dans sa conférence de fin de semaine...

M. BIENVENUE: Ou la non-perfection.

M. BURNS: Ou la non-perfection. Disons les imperfections, je pense que c'est plus français. Est-ce qu'une de ces imperfections, dans l'esprit du ministre, n'est pas le fait, outre la disposition que j'ai mentionnée tantôt à l'article 49, qu'il n'y a pas de disposition précise concernant les immigrants et que la disposition précise qui existait dans la Loi du ministère de l'Immigration a été abrogée ou qu'on se propose de l'abroger par l'article 117? Est-ce que ce n'est pas une des imperfections? Est-ce que c'est ce à quoi se réfère le ministre?

M. BIENVENUE: Non. Cette imperfection, si on veut l'appeler ainsi la disparition de cette clause qui avait trait à l'immigration, je la mets de côté. Je ne voudrais pas la mettre au bilan de l'imperfection, si tel est le cas, parce que j'ai rassuré cette commission dès la semaine dernière, dès la découverte que j'ai faite de ce que j'ai appelé une anomalie, mais qui n'en est plus une, j'ai immédiatement avisé cette commission et j'ai précisé ce matin qu'au moyen d'un projet de loi du ministère de l'Immigration, cette absence normale, vu l'abrogation de l'ancien bill 63, serait comblée par le retour, dans la loi de mon ministère, d'une disposition semblable et peut-être, je l'espère, encore plus parfaite et un meilleur outil, peut-être encore, de cette politique que je poursuis avec plus d'acharnement que jamais, qui est celle de la francisation des immigrants au Québec, qui est une province francophone et combien différente des autres provinces et au sujet de laquelle j'ai dit hier que la survivance de sa langue et de sa culture me paraissait nettement en cause en 1974.

Je veux rassurer le député de Maisonneuve que, loin de reculer ou de rester stagnant, mes hauts fonctionnaires et moi-même et le gouvernement derrière nous, avons l'intention de mettre plus de dents, si la chose est possible, à cette disposition qui remplacera celle, maintenant désuète, de l'ancien bill 63.

M. ROY: M. le Président, si le député de Maisonneuve me le permet, j'aimerais revenir à une question que j'aurais aimé poser au ministre immédiatement après qu'il eût fini sa déclaration tout à l'heure, au début de la séance, lorsqu'il a répondu à une question du député de Maisonneuve. Il a dit que personne n'était intéressé à devenir un citoyen de seconde zone. En somme, il ne veut pas que la minorité anglophone, au Québec, devienne des citoyens de seconde zone.

M. BIENVENUE: J'ai parlé avec insistance des minorités, quelles qu'elles soient.

M. ROY: Quelles qu'elles soient, pour qu'elles ne deviennent pas des citoyens de seconde zone. Or, si le ministre accepte le principe de la seconde zone, le ministre admettra quand même que, si ce principe est accepté, malgré que je le conteste, je n'aime pas ce genre de discussion...

M. BIENVENUE: Je m'excuse auprès du député de Beauce-Sud. Je n'ai pas dit des citoyens, mais des humains de seconde zone.

M. ROY: Humains ou citoyens...

M. BIENVENUE: II y a des petites différences.

M. ROY: Laissons faire les nuances. Ce n'est pas le point que je voulais surtout soulever. Mais si on accepte le principe des zones, il faudra quand même admettre un autre principe, c'est qu'il y aura quelqu'un qui sera dans la première zone. Alors, si on veut faire...

M. BIENVENUE: Non. J'ai dit que je ne voulais pas qu'il y ait d'humains de seconde zone. Je ne veux pas de zone.

M. ROY: Vous ne voulez pas de zone, nous n'en voulons pas non plus. Le débat est engagé à l'heure actuelle, on parle de citoyens de seconde zone. On en parle beaucoup dans les journaux et, depuis le dépôt de la loi 22, on parle énormément de ce qu'on...

M. BIENVENUE: C'est ce qu'on ne veut pas. Le député de Beauce-Sud...

M. ROY: Alors, il ne faut pas aller de ce côté.

M. BIENVENUE: On s'entend.

M. ROY: Si on parle de seconde zone, il va falloir parler de troisième zone, de quatrième zone et de cinquième zone. Je suis bien d'accord avec le ministre lorsqu'on dit qu'il faut respecter les droits des minorités. On peut être d'accord sur cela. Mais il y a quand même les droits de la majorité.

M. BIENVENUE: Egalement d'accord.

M. ROY: Je pense qu'on ne peut pas ménager le chou et la chèvre là-dedans. Il va falloir, à un moment donné, faire un choix. Je pense sincèrement — la réponse du ministre m'a un peu déçu, dans son ensemble — qu'il y a des droits, pour un peuple, qui ne se négocient pas. Si, au Québec, nous sommes convaincus de faire du Québec la province française qu'elle est, de fait...

Mais, actuellement, étant donné les circonstances, étant donné la baisse considérable du taux de natalité, étant donné le fait que le Québec ne contrôle pas entièrement son immigration, étant donné le fait qu'on se rend compte de par les chiffres qui nous ont été donnés, que l'immigration anglophone au Québec a préséance sur l'immigration francophone, il ne faut pas être très fort en mathématiques pour se rendre compte que nous perdons du terrain à chaque année.

M. BIENVENUE: Je continue d'être d'accord — j'écoute le député — sur tout ce qu'il dit.

M. ROY: Alors, ilya des choses qui ne se négocient pas. Si on revient aux articles 49 et 48 du projet de loi, depuis le dépôt de cette loi — je ne sais pas si le député de Maisonneuve est d'accord avec moi — je pense qu'on ne peut plus envisager les crédits du ministère de l'Immigration de la même façon qu'on pouvait les envisager lorsqu'on a commencé l'étude des crédits, parce qu'il y a eu dans l'intervalle le dépôt d'une loi 22 qui constitue, à mon avis, un recul très net. Je me permets de dire que c'est même pire que le bill 63, parce qu'il y a quand même dans l'article 48, deuxième paragraphe, des dispositions qui placent le ministère et le ministre de l'Immigration dans des situations assez difficiles, assez particulières. On dit: "L'enseignement se donne en langue française dans les écoles régies par les commissions scolaires, les commissions scolaires régionales et les corporations de syndics. Ces organismes peuvent donner l'enseignement en langue anglaise; ils ne peuvent cependant ni commencer ni cesser l'enseignement en cette langue sans l'autorisation préalable du ministre de l'Education". Je pense qu'on n'avance pas, on recule; par le fait que si, dans une commission scolaire donnée, dans une région de la province où il y a beaucoup d'immigration, la commission scolaire décide, en collaboration avec les parents, avec 90 p.c. ou même 95 p.c. de la population, de faire en sorte que cela devienne ou que cela demeure une école française, autrement dit que cela devienne une école française, à ce moment-là, cela veut dire qu'il peut y avoir un petit groupe, une petite minorité qui, à partir du principe qu'a défendu le ministre tout à l'heure, fasse en sorte d'empêcher le ministre de l'Education de donner son autorisation. Il s'agit, en quelque sorte, d'une tutelle que la loi des langues impose aux commissions scolaires, une tutelle.

Je pense que, de ce côté, on est loin d'avancer, on recule. Si on regarde les dispositions de l'article 48 et si on regarde également les dispositions de l'article 49, je suis obligé de conclure, je suis obligé de déduire que l'orientation qui avait été donnée au début de l'étude des crédits du ministère, se trouve complètement faussée. On ne peut plus discuter de la même façon du tout. On ne peut plus discuter des politiques de la même façon, étant donné de plus que le ministre nous annonce ce matin qu'il va y avoir une loi qui va venir mais après, peut-être, que nous aurons discuté de la loi 22, alors que cela peut être fondamental que nous sachions ce que le gouvernement a l'intention d'apporter dans cette loi sur l'immigration et ce qui peut faire en sorte de changer passablement le débat lors des discussions qui auront lieu, que ce soit en commission plénière ou que ce soit en deuxième lecture, ou même en troisième lecture de la loi 22.

M. le Président, je suis obligé ce matin de signaler tous ces points au ministre. Je me demande réellement, sincèrement ce matin, à partir de tout cela, de tous ces faits, de tout ce qui a été discuté, vers quel endroit nous nous dirigeons. J'ai l'impression très nette que le gouvernement ne sait pas où il se dirige. Si le gouvernement ne sait pas où il se dirige, il est évident que, suite aux énoncés de principe que le ministre de l'Immigration vient de nous donner à l'effet qu'il est quand même solidaire du gouvernement, solidaire des ministres...

M. BIENVENUE: Je n'ai rien appris de neuf en disant cela.

M. ROY: Non, vous n'avez rien appris de neuf, mais étant donné que vous êtes solidaire,

je dis que si le gouvernement ne sait pas où il va, le ministre de l'Immigration, le ministère de l'Immigration ne sait pas où il va non plus. Si le gouvernement ne sait pas où il va, si le ministère de l'Immigration ne sait pas où il va, comment voulez-vous que nous, en commission parlementaire, ce matin, nous puissions savoir où le gouvernement veut nous emmener?

M. BIENVENUE: Je ne puis précisément parler au nom du gouvernement, ni ne veut entrer dans la viande, dans la moelle du projet de loi 22, mais je corrige simplement une observation du député de Beauce-Sud en disant que le ministère de l'Immigration et son titulaire savent où ils vont. J'ai indiqué deux réserves, cependant; la première, c'est qu'il m'était impossible de dire quand serait déposé ce projet de loi. J'ai indiqué assez clairement que mon voeu, c'est qu'il soit déposé le plus tôt possible. Dans la deuxième réserve, j'ai indiqué que je ne pouvais pas livrer à cette commission le contenu de ce projet de loi et surtout la disposition qui nous intéresse mais que, quant à moi et à mon ministère, nous voulions cette disposition en allant encore plus loin que l'ancienne qui était dans la loi 63, nous voulons la parfaire, nous voulons l'améliorer.

Il y a deux contraintes que je ne puis oublier, ce sont celles que je viens d'expliquer. Je n'ai pas le droit de donner de date ce matin, parce que je ne connais pas cette date. Je ne peux pas donner ce que je ne connais pas. Deuxièmement, je ne peux pas donner le contenu, parce qu'il n'est même pas encore discuté à l'exécutif, ce contenu.

M. BURNS: Sans parler du contenu de ce futur projet de loi, est-ce que le ministre est en mesure de nous dire si, outre la disposition qui est abolie par l'article 117 du bill 22, il y aura d'autres dispositions linguistiques dans ce projet de loi concernant les immigrants? Est-ce l'intention du ministère, en somme, de combler les vides...

M. BIENVENUE: Je ne pourrais pas...

M. BURNS: ... que je mentionnais tantôt dans le bill 22 par un projet de loi particulier?

M. BIENVENUE: Ecoutez, je ne pourrai pas donner de réponse précise à cela, sinon, je le répète, l'expression renouvelée du désir du ministère de l'Immigration du Québec de se donner les outils pour bien accomplir ce que j'ai qualifié de devoir vis-à-vis des futurs Québécois et en rappelant — c'est pour cela que je ne peux pas donner de précision au député de Maisonneuve, au député de Beauce-Sud — que l'éducation, l'enseignement des enfants au Québec, quels qu'ils soient, je dis bien quels qu'ils soient, relèvent directement du ministère de l'Education. Alors, le ministère de l'Immigration ou tout autre ministère ne peut se substi- tuer à celui de l'Education au Québec et avoir des dispositions portant directement sur l'éducation des enfants, pas plus que je ne permettrais à un de mes collègues de venir dans mes plate-bandes.

M. BURNS: Mais entendons-nous, M. le ministre, depuis que vous êtes en poste, depuis que vous êtes ministre de l'Immigration, je vous ai entendu de vive voix, je vous ai entendu très souvent, par les journaux et la télévision, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, nous répéter — on ne met pas cela en doute, on prend votre parole là-dessus — qu'un de vos principaux buts était de voir à la francisation des immigrants. C'est peut-être l'énoncé qui est revenu le plus souvent dans vos interventions.

M. BIENVENUE: Je vous l'ai dit encore dans les dernières 24 heures.

M. BURNS: Vous l'avez dit encore dans les dernières 24 heures, vous l'avez dit au début de cette commission.

M. ROY: Le 15 août 1973, le 9 avril 1974, dans le journal des Débats, c'est en toutes lettres.

M. BURNS: Je vous posais un problème tantôt qui est soulevé par une interprétation que je pense exacte, en tout cas, de l'article 49. En quoi est-ce compatible ce désir de francisation, alors que l'article 49 nous laisse entendre que, si vous avez des immigrants anglophones dont les enfants ne parlent pas le français, qui ne parlent que l'anglais, en quoi est-ce compatible avec ce que vous dites quand on voit que ces immigrants anglophones ne pourraient pas envoyer leurs enfants anglophones à l'école française? C'est donc qu'il y a des lacunes dans cette loi, cette loi imparfaite, comme vous dites. C'est donc que le ministre a peut-être d'autres idées derrière la tête, c'est cela qu'on veut savoir. On aimerait se faire rassurer, savoir que ce ne sont pas seulement les dispositions des articles 48 à 52 qui vont régler le cas des immigrants, parce que, quand le ministre a parlé de francisation des immigrants, je ne l'ai pas entendu dire francisation des immigrants autres que les immigrants anglophones.

J'ai entendu le ministre parler de francisation, donc y compris les immigrants anglophones. Il est fort possible que M. Untel, venant de Détroit, transféré au Québec par sa compagnie, décide tout simplement d'intégrer de lui-même ses enfants au système francophone. Alors l'article 49 ne le permettrait pas dans la situation actuelle.

M. ROY: Ceci prouve qu'on est loin d'avancer, comme je le disais tout à l'heure, on recule.

M. BIENVENUE: Le député de Beauce-Sud et le député de Maisonneuve admettent-ils qu'ils

ne veulent pas une réponse de patinage 'à cette question?

M. BURNS: Non.

M. BIENVENUE: Ils veulent une réponse de fond.

M. ROY: C'est cela.

M. BURNS: On ne parle pas au député de Taillon, on parle au ministre.

M. BIENVENUE: Les deux députés admettent-ils que la seule position que me permet la constitution, si je devais la prendre avant le moment où c'est prévu de le faire, et même à ce moment, la seule position que peut prendre un membre de l'exécutif sur une question de fond comme celle-là, et je répète, est celle d'approuver, d'être solidaire ou, alors, de partir?

Est-ce que mes deux collègues admettent cette position sur le plan strictement du droit constitutionnel britannique ou, enfin, du parlementarisme britannique?

M. BURNS: M. le ministre, vous avez toujours le droit de partir. Personne ne vous empêchera.

M. BIENVENUE: D'accord!

M. BURNS: Ce qui préoccupe actuellement le député de Beauce-Sud et moi — sans vouloir discuter de la substance du projet de loi 22, comme j'en ai assuré personnellement le président de la commission et le président de l'Assemblée nationale— est de savoir, après avoir lu — je dois le dire — le projet de loi 22, pour se faire rassurer, comment le ministre entend effectuer cette francisation, cette "fran-cophonisation", comme il dit si souvent, des immigrants. J'ai beau lire le chapitre 5, entre autres, et je cherche comment le ministre va y réussir. Si le ministre nous dit qu'il va nous déposer éventuellement un projet de loi pour réinsérer les dispositions qui sont abolies par l'article 117 du projet de loi 22, cela ne me satisfait pas encore. Je veux savoir s'il va y avoir autres choses que la réinsertion de ce qui est un équivalent de ce qu'on abolit par l'article 117.

M. BIENVENUE: M. le Président, il y a toute la différence au monde entre le ministère de l'Immigration et celui de l'Education. Le travail, l'oeuvre, les préoccupations du ministère de l'Education portent exclusivement sur l'éducation, alors qu'au contraire, le champ d'activité de mon ministère porte exclusivement sur l'intégration des nouveaux arrivants, des immigrants. Ce qui est bien autre chose que l'éducation. L'éducation est une des sphères nombreuses de cette intégration dont je viens de parler. L'intégration, M. le Président, ne porte pas que sur l'éducation. Elle porte sur un tas d'autres choses et elle porte notamment sur l'intégration ou la francisation des immigrants à bien d'autres niveaux. Je pense à celui des enfants d'âge préscolaire. J'ai donné, tout à l'heure, des chiffres sur les maternelles, des chiffres assez éloquents, je pense, Dieu merci! Elle porte sur l'intégration encore ou la francisation au niveau des adultes. J'ai donné des chiffres et des statistiques sur les adultes. J'ai parlé des cours à temps partiel des adultes et surtout des cours des COFI. Elle porte sur des opérations un peu directement en dehors du champ même de l'éducation, telle que cette opération OVAL dont j'ai parlé à une précédente séance de la commission. Donc, l'intégration, c'est le genre dont l'éducation comme telle aux niveaux primaire et secondaire, entre autres, est une espèce, une des filles. Ce phénomène beaucoup plus vaste qui s'appelle l'intégration porte directement sur la mission de base de mon ministère, la raison d'être du ministère de l'Immigration du Québec. Sinon, on pourrait penser en termes d'un ministère de l'Education subdivisé où la responsabilité de l'éducation comme telle, à certains niveaux scolaires des enfants, serait confiée à mon ministère. Ce qui n'est pas le cas et ce qui ne sera jamais le cas. J'en suis convaincu.

Par conséquent, il faut faire cette différence essentielle, en vertu de laquelle je puis m'exprimer librement et indéfiniment pendant des heures sur ce qui relève directement du ministère de l'Immigration. Oublions le bill 22. Et à la minute où, je le répète, on veut trop cerner le problème du ministère de l'Immigration sur celui de l'Education comme tel, et seulement celui-là, je ne puis pas aller outre, M. le Président, à ce que j'ai dit au début de cette séance. Je crois être allé plus loin qu'il m'était possible de le faire en restant dans ce corridor quand même assez étroit qui est celui de la solidarité et de la discrétion ministérielles.

M. BURNS: Est-ce que je peux rappeler au ministre que le fameux projet de loi no 22 n'est pas une loi qui ne concerne que le domaine de l'enseignement? C'est la loi de la langue officielle, que son chef a pompeusement appelée la charte de la langue française au Québec. Il me semble qu'on devrait y retrouver tous les volets des préoccupations de francisation, et entre autres, celui qui a trait aux immigrants.

Je m'excuse de me répéter là-dessus, mais je vous dis que je ne les trouve pas, ou si j'en trouve, j'en trouve de façon bien imparfaite. Je vous en ai signalé une des incohérences que cela pourrait donner quant aux immigrants anglophones, aux enfants des immigrants anglophones. Votre ministère se doit d'en être préoccupé.

M. BIENVENUE: II l'est.

M. BURNS: II doit trouver des solutions concrètes à cela. Je ne les trouve pas dans le

projet de loi 22. La question que posent au ministre, le député de Beauce-Sud et moi, est la suivante. Comment va-t-il nous assurer que cela va se faire? Quel texte législatif va appuyer le ministre dans ses tentatives qui seraient autres que des vélléités de francisation?

M. BIENVENUE: Quel texte législatif dans 22?

M. BURNS: Dans 22 ou ailleurs. Je ne les trouve pas dans 22. Le ministre nous dit qu'il va déposer un projet de loi, et le député de Beauce-Sud, à bon droit, se demande: Est-ce que vous allez déposer votre projet de loi avant l'adoption de 22? Vous me dites; On ne le sait pas. Voilà déjà un point d'interrogation qu'on se pose, à savoir si, véritablement, c'est pour combler les lacunes qu'il y a là-dedans. Même cela, on ne le sait pas. Le ministre, jusqu'à maintenant, nous a parlé simplement de la disposition du bill 63 qui est abolie par l'article 117 qui serait probablement réintégré sous une forme ou sous une autre dans un projet de loi. Mais est-ce qu'il y aura d'autres choses relativement à la francisation des immigrants dans ce projet de loi éventuel? Je sais qu'il devra aller au conseil des ministres et si le conseil des ministres lui dit: II n'en pas question... Je ne lui demande pas de nous donner une assurance par-dessus la tête du conseil des ministres. Ici, je parle au ministre de l'Immigration de ses politiques. Est-ce dans ses projets à lui, de mettre des dispositions précises concernant l'intégration, la francisation des immigrants dans ce projet de loi?

M. BIENVENUE: II y avait, dans le projet de loi existant, dans la loi organique de mon ministère, des dispositions concernant l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants à la communauté francophone. C'est mon désir, je l'ai dit clairement et je le répète, même avec la disparition de 63 et de sept clauses parmi tant d'autres qui sont dans la loi organique de mon ministère, c'est mon intention claire et nette de continuer cette francisation et de me donner les outils nécessaires à cette intégration des nouveaux immigrants, des nouveaux arrivants à la communauté francophone majoritaire du Québec, à la majorité du Québec, par opposition aux minorités du Québec. Donc, pas moins et plus, si la chose est possible, compte tenu d'une autre contrainte dont vient de parler le député de Maisonneuve, qui est celle de la décision du conseil des ministres, sans laquelle, ni moi ni aucun de mes collègues ne pouvons rien faire.

Alors, pour être le plus clair possible, je veux que nous ayons autant que ce que nous avons déjà — parce qu'il n'y avait pas que la disposition qui disparaît avec 63 — et davantage, sujet à l'approbation de mes collègues du conseil des ministres, évidemment, dans le cadre, dans le contexte des attributions et de la vocation de ce ministère, qui ne peut se substituer aux autres ministères, que ce soit celui de la Justice, des Affaires sociales, du Travail et de la Main-d'Oeuvre, ou de l'Education dans les matières qui seront du ressort exclusif de ces ministères.

M. BURNS: Oui, mais le gouvernement, M. le Ministre, reconnaît déjà, qu'entre le ministère de l'Education et le ministère de l'Immigration, il y a des efforts communs...

M. BIENVENUE: Des affinités.

M. BURNS: ... c'est déjà reconnu par le comité interministériel qui existe. Bon! Il me semble que tout le monde est capable de reconnaître que vous n'êtes pas pour aller dire quels programmes vont être enseignés en secondaire IV. Je sais fort bien que ceci n'est pas de votre ressort. Mais quant aux choses qui sont d'intérêt commun aux deux ministères, c'est cela qu'on aimerait savoir. Qu'allez-vous faire? Quels sont ces instruments que vous voulez obtenir? Je ne vous dis pas que c'est cela... Je ne vous demande pas, encore une fois, de nous donner l'assurance que cela va être contenu dans le projet de loi. Mais vous, comme ministre de l'Immigration, quels sont vos projets de ce côté, quant à ces instruments, en plus de ce que vous voulez récupérer d'Ottawa, dont on a parlé la semaine dernière?

Quant à l'intérieur de votre juridiction actuelle dans le Québec, et particulièrement quant au problème de la langue, je répète au ministre la citation du premier ministre, en fin de semaine, devant quelque 300 libéraux de Québec. Le journal The Gazette disait: "Bourassa described the immigrant question as being at the heart of the language problem for Québec". Je ne peux pas accepter qu'un ministre de l'Immigration se cache derrière la solidarité ministérielle — je ne le dis pas de façon péjorative — pour ne pas nous dire quels sont les instruments qu'il veut avoir.

M. BIENVENUE: Cela veut dire quoi "... is at the heart..."? Est au coeur de la question.

M. BURNS: Est au coeur, c'est cela.

M. BIENVENUE: Je dis la même chose. Je ne dis pas grand-chose, j'admets, en disant: Je dis la même chose, mais je dis cela et rien de plus. C'est au coeur, évidemment, du problème linguistique. Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit des centaines de fois, ce que j'ai repris encore hier, la dénatalité, le taux d'immigration décroissant au Québec par rapport aux autres provinces, le taux d'immigration francophone décroissant, les transferts des autochtones dans le secteur anglophone au Québec.

M. BURNS: L'arrivée majoritaire d'immigrants anglophones, également...

M. BIENVENUE: C'est cela.

M. BURNS: ... selon les chiffres dont on a parlé.

M. BIENVENUE: Je reconnais tout cela et c'est d'ailleurs pour cela que je m'inquiète et c'est pour cela que prenant le ton biblique auquel faisait allusion le député de Maisonneuve, j'ai dit récemment que l'avenir du Québec était dans l'immigration. Mais, j'essaie de faire comprendre depuis un instant au député de Maisonneuve qu'il y a toute une marge entre les responsabilités, le "scope", des deux ministères et que, évidemment, il n'y a pas que l'éducation au chapitre de l'intégration. Cela en est un parmi plusieurs. Davantage, si j'allais plus loin pour faire plaisir au député de Maisonneuve ou au député de Beauce-Sud et que je répondais à titre d'exemple — et j'espère qu'on me comprend bien, que je serai bien cité: Vous avez parfaitement raison, à l'article 49, c'est désastreux pour les immigrants au point de vue de l'éducation, c'est un article ni fait, ni à refaire, il ne me resterait plus qu'une chose à faire, si je m'exprimais de cette façon. Vous savez laquelle. Jusqu'où je peux aller et au-delà de quoi je ne puis aller, pour m'exprimer dans le sens que le souhaite le député de Maisonneuve... C'est à ce moment m'exprimer directement, non seulement sur une mais peut-être sur la disposition la plus litigieuse qui a fait l'objet de plus de discussions et de critiques positives et négatives depuis le début. Je ne puis le faire. Si — je dis bien si — c'était ma pensée profonde que cet article n'est ni fait, ni à refaire et que c'est désastreux, je n'aurais qu'à le dire et à faire ce que vous savez ensuite. Alors, je ne puis pas, dans le cadre de l'étude des crédits du ministère de l'Immigration, aller plus loin que je suis allé au début et je ne peux parler de l'intégration des immigrants à la majorité francophone, du phénomène de francisation des immigrants que dans le cadre de la vocation et des objectifs de mon ministère.

Je ne puis m'immiscer dans celui de l'Education sans, d'une part, entrer directement dans le vif du débat public sur le bill 22 qui ne sera débattu et débattable en Chambre qu'après la commission parlementaire et sans, évidemment, aller sur les plates-bandes des crédits d'un autre ministère que le mien.

M. BURNS: Est-ce que je dois conclure — je m'excuse, M. le député de Beauce-Sud — dans le fond des propos que nous tenons avec le ministre depuis quelques minutes, que s'il veut approuver le bill 22, il n'a qu'à se clore le bec et que s'il veut être contre, 0 n'a qu'à démissionner? Dans le fond, c'est le dilemme devant lequel le ministre se place lui-même.

M. BIENVENUE: Absolument.

M. BURNS: Par contre, cela ne me satisfait pas sur les politiques de francisation du ministère.

M. BIENVENUE: Je comprends. D'accord, mais ce n'est pas le rôle de la commission ici. Ce que dit le député de Maisonneuve est très clair. Si je suis pour le bill 22 —et j'ai indiqué que j'étais pour cela en restant dans l'exécutif qui l'a déposé devant la Chambre pour étude — je peux faire de beaux discours béats et nombreux pour dire: On est beau, on est fin, cela a pris beaucoup de courage, etc. mais là n'est pas mon propos.

Si au contraire, j'étais contre ce bill ou une de ses dispositions essentielles...

M. BURNS: Ou contre certaines de ses lacunes...

M. BIENVENUE: Oui... ou contre certaines de ses dispositions essentielles...

M. BURNS: ... est-ce que cela irait jusqu'à...

Je parle de lacunes, entre autres, au niveau de l'immigration. Depuis tantôt, je parle de lacunes.

M. BIENVENUE: J'ai indiqué hier assez clairement que ce bill n'était pas parfait ou dans le texte français, bien qu'imparfait, il était susceptible d'améliorations, de changements, d'amendements. Le premier ministre et d'autres l'ont dit avant moi. C'est d'ailleurs le but de l'exercice démocratique de la commission parlementaire avant même la deuxième lecture.

M. BURNS: Grâce à l'Opposition, d'ailleurs. Même si le premier ministre se pète les bretelles en disant qu'il a, dans une grande magnanimité, décidé d'entendre les gens avant la deuxième lecture, il est peut-être bon qu'on répète, autant de fois qu'on le devra, que c'est grâce à l'Opposition que c'est après la première lecture parce que l'intention originale du premier ministre était de faire les auditions publiques après la deuxième lecture.

M. BIENVENUE: Je résumerais en disant qu'il a eu un heureux concours entre l'Opposition et le gouvernement.

M. BURNS: Et qu'on a réussi à convaincre le gouvernement.

M. ROY: Oui, parce qu'il a fallu intervenir une couple de fois à l'Assemblée nationale pour dire que nous acceptions et que nous ne ferions pas d'objection en ce qui avait trait au règlement.

M. BIENVENUE: Je me réjouis personnellement de cette décision, grâce à laquelle le peuple pourra participer au gouvernement de lui-même.

M. ROY: Dans ce projet de loi bien imparfait comme vous l'avez signalé, devant les...

M. BIENVENUE: Pas bien imparfait, bien qu'imparfait... J'ai précisé.

M. ROY: Bien imparfait. Le ministre a dit, et ce sont quand même des documents officiels, des renseignements de Claude Péloquin, le lundi, 27 mai 1974...

M. BIENVENUE: Le député n'était pas arrivé.

M. ROY: Non, mais j'ai le texte de la conférence qui émane directement de votre ministère, "... ce projet de loi bien imparfait..."

M. BIENVENUE: Je répète...

M. ROY: Troisième paragraphe de la page 14, de la déclaration du ministre.

M. BIENVENUE: Est-ce que je peux dire un mot? Je répète qu'avant l'arrivée du député de Beauce-Sud, j'ai indiqué que ce texte est une traduction de l'original qui fut délivré — pour employer un anglicisme — et qui ne parlait seulement pas d'interjection, mais qui disait: "Not perfect".

M. ROY: Cela prouve, M. le Président...

M. BURNS: Est-ce que nous ne devrions pas conclure que ce sont les services de traduction du ministère qui sont bien imparfaits?

M. ROY: ... qu'on ne peut jamais se fier aux documents que nous donne le gouvernement libéral. On vient d'en avoir une preuve ce matin. On a un document officiel émis par le gouvernement lui-même et le ministre trouve bon de préciser que dans la traduction, il a été mal cité.

J'aimerais revenir sur un point, sur lequel le ministre a beaucoup insisté, la francisation des immigrants. Le ministre dit qu'il devra se donner des outils. On est bien d'accord avec lui. Parmi les outils dont disposent un gouvernement et une nation, pour être capables d'enseigner une langue, c'est l'école. On a parlé de l'école ce matin. Le député de Maisonneuve a posé des questions et moi aussi sur l'article 49. Nous avons posé des questions au ministre là-dessus. Le ministre nous dit que cela n'est pas le seul. On est bien d'accord que cela n'est pas le seul, mais dans ce domaine, il ne semble pas qu'il y ait eu collaboration entre le ministère de l'Immigration ou du moins les politiques, les intentions du ministre de l'Immigration et le projet de loi qui a été présenté par le ministre de l'Education.

En ce qui a trait à l'enseignement, nous aimerions savoir quelles sont les intentions du ministre de l'Immigration en ce qui a trait à l'article de la loi tel que stipulé à l'article 49, je pense qu'on a le droit de savoir cela.

Deuxièmement, le ministre nous dit qu'il a l'intention de présenter un projet de loi. Nous connaissons les dispositions de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et dans la loi que le ministre a l'intention de proposer et de présenter devant l'Assemblée nationale, est-ce que le ministre serait prêt ou a-t-il pris des dispositions ou a-t-il l'intention d'aller même prendre le risque, en présentant une loi, que le Québec prenne une position qui pourrait être contestée, compte tenu des dispositions de l'article.95 lorsqu'on dit ceci: "Une loi de la Législature d'une province concernant l'agriculture et l'immigration, pour ce qui a trait à l'immigration particulièrement, n'aura d'effet qu'aussi longtemps et autant qu'elle ne sera pas incompatible avec une loi du Canada". Est-ce que le ministre pourrait nous dire à ce moment-ci, si, dans la loi qu'il a l'intention de nous présenter, il serait prêt à prendre une position qui risquerait d'être contestée mais qui pourrait répondre aux besoins et aux aspirations du Québec, parce qu'il y a déjà eu des provinces qui ont pris l'initiative dans ce domaine et la preuve est faite aujourd'hui que le gouvernement fédéral n'a pas contesté les lois qui ont été présentées dans les Législatures provinciales. Je pense à l'Alberta, entre autres, qui a présenté une loi, il y a déjà plus de 30 ans, sur l'immigration.

Je n'ai pas le texte devant moi, mais nous savons que l'Alberta a déjà présenté une loi là-dessus, a déjà adopté une loi sur le plan provincial.

M. BIENVENUE: Québec aussi.

M. ROY: Est-ce que vous seriez prêt...

M. BIENVENUE: Québec aussi a déjà fait une loi sur l'immigration, qui est la loi constituant le ministère de l'Immigration. Je répète que le ministère de l'Immigration n'a pas autorité comme tel sur l'éducation au Québec.

M. ROY: Cela, nous le savons.

M. BIENVENUE: II a autorité sur les garderies, il a autorité au chapitre de la loi 250. Le ministère de l'Immigration a déjà fait un projet de loi qui était le projet de loi 64 et qui est devenu la loi, au sujet de certains privilèges accordés aux immigrants avant l'atteinte de leurs cinq ans donnant droit à la citoyenneté. Le ministère de l'Immigration s'apprête, je viens de le dire, à faire une nouvelle loi qui va aider notamment, au remplacement de l'article 63, qui disparaît, qui nous concerne et qui comprendra d'autres clauses. Mais jamais, au grand jamais, je ne pourrai, ni moi ou personne d'autre, inclure dans ce projet de loi des clauses

portant sur l'éducation comme telle des enfants d'immigrants, là où cela s'inscrit dans la juridiction exclusive du ministère de l'Education. Je ne pourrai pas, et aucun ministère ne pourra le faire non plus, et je ne pourrais pas avoir de clause portant sur des aspects qui sont de la juridiction du ministère de la Justice, même s'il s'agit des immigrants.

M. ROY: M. le Président, je ne voudrais pas que la séance en soit une de patinage. J'ai l'impression nettement, par les questions que nous posons, qu'on assiste à une séance de patinage. Je m'excuse, M. le Président, mais je suis obligé de le signaler, on a l'impression d'assister à une séance de patinage ce matin.

M. BIENVENUE: En ce sens que...

M. ROY: Je sais très bien que le ministre de l'Immigration ne peut pas mettre dans sa loi des dispositions qui concernent le ministère de l'Education. Nous le savons et c'est de même dans tous les domaines. Mais ce que nous voulons dire, c'est qu'il doit quand même y avoir au niveau du gouvernement des politiques d'ensemble, dans lesquelles le ministère de l'Education fait en sorte que les politiques du ministère de l'Immigration aient des objectifs convergeant dans la même direction. Le ministre nous dit ce matin qu'il y a énormément de différence entre le ministère de l'Education et le ministère de l'Immigration. Est-ce à dire qu'il y a un cloisonnement tel qu'il n'y a aucune rencontre, aucune collaboration, aucune discussion entre les deux ministères? C'est un peu l'impression que nous avons. Le ministre nous déclare qu'il va tout faire pour favoriser la francisation des immigrants. Il nous parle d'outils. L'outil, on sait que c'est l'éducation. C'est le principal, le plus grand des outils.

M. BIENVENUE: Non.

M. ROY: Oui, je le dis. C'est une question, à un moment donné...

M. BIENVENUE: Je ne suis pas d'accord là-dessus.

M. ROY: Le ministre aura beau être d'accord ou ne pas être d'accord, on sait très bien que le ministère de l'Education joue un rôle de premier plan dans ce domaine.

M. BIENVENUE: Pas le principal.

M. ROY: II joue un rôle de premier plan, et je le dirais, je m'excuse auprès du ministre, mais j'ai quand même le droit de le penser...

M. BIENVENUE: Oui, ce n'est pas grave...

M. ROY: Le ministère de l'Education joue un rôle de premier plan. Mais il ne semble pas qu'il y ait coordination, collaboration entre le ministère de l'Education du Québec et le ministère de l'Immigration.

M. BIENVENUE: II y en a. M. ROY: Ecoutez, il y en a. M. BIENVENUE: II y en a.

M. ROY: II y en a, mais où est-elle? Est-ce que le ministre pourrait nous dire ce matin...

M. BIENVENUE: II y a le comité interministériel notamment qui ne se penche pas que sur le problème de la langue d'enseignement aux jeunes immigrants...

M. ROY: Non, mais, sur ce plan, le comité interministériel qui existe sur ce plan en particulier, où en sont rendues les études?

M. BIENVENUE: Sur quoi?

M. ROY: Sur le problème que nous signalons ce matin, le problème de l'enseignement en ce qui a trait aux immigrants qui désireraient, comme l'a souligné le député de Maisonneuve tout à l'heure, fréquenter l'école française et, à cause des dispositions de l'article 49, ne le pourraient pas.

M. BIENVENUE: J'ai répondu précédemment au député de Maisonneuve, je pense que c'était avant l'arrivée du député de Beauce-Sud, qu'une des choses que je ne pouvais pas dévoiler était la nature, le degré et les détails de participation, évidemment, lors de la rédaction, lors de la préparation du projet de loi, d'un ministère à l'autre.

M. BURNS: Le conseil consultatif ou le comité consultatif, vous n'êtes pas pris avec la solidarité ministérielle, est-ce qu'il a été appelé à siéger au ministère?

M. BIENVENUE: Le comité consultatif, pas plus tard qu'hier.

M. BURNS: Hier. D'après l'impression du...

M. BIENVENUE: Hier, durant quatre heures de séance... Je m'apprête à demander à ce comité consultatif de me faire un rapport sur toute cette question.

M. ROY: M. le Président, je m'excuse auprès de l'honorable collègue, ce n'est pas un problème qui concerne la question qui est posée présentement, mais je veux tout de même signaler que nous n'avons pas quorum.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Nous avons quorum. Le député de Sherbrooke... Nous sommes sept.

M. ROY: II doit prendre place autour de la table, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Bien que ce ne soit pas obligatoire, disons que cela simplifiera le comptage.

M. DEZIEL: Lorsque je suis arrivé, M. le Président, je voudrais souligner une chose, toutes les chaises étaient prises.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est cela.

M. ROY: Je m'excuse, mais il est nécessaire qu'on le signale. Puisqu'on fait siéger trois commissions parlementaires en même temps, au moins que l'équipe ministérielle...

LE PRESIDENT (M. CorneUier): Le quorum, je l'ai vérifié au début de la séance, je l'ai constaté depuis, nous avons toujours eu quorum depuis le début de la séance.

M. MALEPART: Nous avons attendu l'Opposition.

UNE VOIX: Oui

M. ROY: Le député a fait son possible. Si les routes de la province étaient réparées, j'aurais pu arriver plus tôt. J'allais poser une question tout à l'heure... Je m'excuse, le député de Maisonneuve avait posé une question.

M. BURNS: Le ministre ne m'a pas répondu. M. ROY: J'en aurai une autre par la suite.

M. BURNS: Le ministre ne m'a pas répondu au complet encore, il s'apprêtait à répondre. On va perdre le quorum si le député d'Anjou s'en va. Restez avec nous, cela ne vous intéresse pas, ce qu'on fait?

M. TARDIF: Je suis arrivé avant vous ce matin, je...

M. BURNS: Restez avec nous. Pour avoir quorum, il faut être à la table.

M. TARDIF: Ce n'est pas ma commission, tout d'abord. Deuxièmement, je suis arrivé le premier ici, ce matin. Le député de Maisonneuve n'a aucune...

M. BURNS: Ce n'est pas votre commission?

M. TARDIF: Non, ce n'est pas ma commission.

M. ROY: II remplace le ministre du Travail. M. BURNS: Oui.

M. TARDIF: Je viens ici parce que cela me tente. J'ai fait un spécial pour venir ici.

M. BURNS: C'est cela, restez avec nous. Je vous dis que si vous vous en allez, on n'aura plus quorum.

M. TARDIF: J'aimerais souligner au député de Verdun... si vous étiez arrivé à temps ce matin...

M. BURNS: Allez parler au député de Verdun si vous le voulez, mais nous n'aurons plus quorum. C'est ce que je suis à vous dire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, à l'ordre s'il vous plaît!

M. TARDIF: C'est le président qui va décider. Ce n'est certainement pas vous.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre!

M. BURNS: Nous allons soulever la question de règlement, par exemple.

M. TARDIF: Vous la soulèverez et on va en discuter après. Commencez par la soulever et après on va en discuter.

M. BURNS: Je vous le dis d'avance.

M. TARDIF: Je suis prévenu, je le sais...

M. BURNS: Bon.

M. TARDIF: Mais cela ne m'impressionne pas.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs ! Le ministre s'apprêtait à répondre à une question du député de Maisonneuve.

M. BIENVENUE: J'ai donné cette réponse déjà, M. le Président. J'ai indiqué qu'au cours d'une séance de quatre heures, le comité consultatif du ministère de l'Immigration s'était entretenu de tous ces sujets et de bien d'autres, dont le fameux mémoire de mon homologue fédéral qui a fait l'objet d'une fuite dans les journaux. J'ai demandé à ce comité de me faire rapport sur toutes ces questions.

M. BURNS: Mais le ministre confirme que le comité consultatif a siégé après le dépôt du projet de loi. Il n'a pas été appelé à conseiller le ministère avant l'impression du projet de loi.

M. BIENVENUE: Le comité consultatif s'est réuni à trois reprises, M. le Président. Avant, pendant et après, pour employer la formule sacramentelle.

M. BURNS: Oui. Avant, pendant et après. Je ne ferai pas la farce habituelle. Est-ce que le ministre peut me dire si avant surtout, c'est-à-dire avant le dépôt du projet de loi 22, le comité consultatif a été appelé à conseiller le ministère, relativement aux dispositions linguistiques?

M. BIENVENUE: Le sujet de ces dispositions linguistiques — ce que je vais dire ici devrait plaire à mes deux collègues — s'apparente tellement, malgré les contraintes auxquelles j'ai fait allusion, à tous les sujets dont on a parlé ici en commission et à d'autres séances de mon comité consultatif, je reviens toujours sur les représentations du Québec auprès du gouvernement central pour l'avenir de l'Immigration et des pouvoirs du ministère de l'Immigration du Québec, qu'il en a été question déjà et depuis.

M. BURNS: Ces gens ne vous ont pas fait de recommandations précises sur ce que, eux voyaient qui pourrait être intégré à une éventuelle, appelons-la, charte linguistique, comme dirait le premier ministre?

M. BIENVENUE: Non, je viens d'indiqué au député de Maisonneuve, ce que j'ai demandé, je pense bien que cela correspondait à un de leurs voeux les plus chers.

J'ai demandé aux membres, je vais surtout demander en termes plus précis aux membres de ce comité consultatif de me faire un rapport de leurs suggestions, de leurs commentaires, de leurs critiques positives ou négatives. Positives, j'espère.

M. BURNS: Si je ne m'abuse, M. Dale Thompson, qui est vice-président de la planification à l'université McGill, fait partie de ce comité consultatif.

M. BIENVENUE: ... de même que...

M. CARON: ... sera remplacé par l'honorable député de Montmagny-L'Islet.

M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président, on n'a pas le droit de changer en cours de séance. Il faut que ce soit au début d'une séance. Restez avec nous. On vous aime bien.

M. TARDIF: ... j'ai d'autres choses à faire.

M. BIENVENUE: M. Dale Thompson, de même que M. Maurice Champagne, qui est président de la Ligue des droits de l'homme, et M. Elie Leroy et tous les autres que j'ai énumérés l'autre jour.

M. BURNS: Je vois, dans le Devoir de ce matin, que M. Dale Thompson appuie avec réserve le projet de loi sur la langue officielle. Sur une colonne et demie, on voit les réserves de M. Dale Thompson. Est-ce que c'était à titre de membre du conseil consultatif qu'il faisait ces réserves?

M. BIENVENUE: Avant de répondre à la question, M. Thompson appuie sous réserve et M. Champagne, sauf erreur, est loin d'appuyer avec ou sans réserve. Il fait également partie de mon comité consultatif. Alors, ni l'un ni l'autre, c'est évident, ne se sont exprimés en tant que membres du comité consultatif en question, mais bien à titre purement personnel, j'imagine, dans le cas de M. Thompson, et l'autre, M. Champagne, à titre de président de la Ligue des droits de l'homme. Il est secrétaire général, je m'excuse. Alors, je réponds non à la question du député de Maisonneuve. Cela n'était pas à titre de membres de ce comité consultatif.

M. ROY: Une personne ne peut quand même pas penser une chose privément et en penser une autre en réunion.

M. BIENVENUE: Ce serait fort mauvais que cette personne soit ainsi, c'est pour cela que la pensée...

M. ROY: On assisterait à des dédoublements. On a vu un peu cela à l'Assemblée nationale la semaine passée.

M. BIENVENUE: C'est pour cela que la pensée que je vous ai livrée au début est ma pensée personnelle et d'homme public. Il faut faire toute la différence qu'a comprise le député de Maisonneuve quand j'ai dit qu'ils ne s'exprimaient pas "en tant que". Cela ne veut pas dire qu'ils ont deux pensées. Je puis m'exprimer en tant que marguillier ce matin et m'exprimer en tant que député cet après-midi et ma pensée peut être la même.

M. ROY: En tant que marguillier, c'est en tant que fonction, c'est une fonction différente. Une personne ne peut quand même pas...

M. BIENVENUE: Dans les deux cas... Ce que nous venons de discuter, c'est en tant que fonction.

M. ROY: Est-ce que cela veut dire que le ministère, le gouvernement n'était pas prêt à présenter sa législation sur la langue?

M. BIENVENUE: Ma réponse ferait les manchettes et serait candide si je répondais au député de Beauce-Sud: Le gouvernement n'était pas prêt, c'est un mauvais gouvernement. Ce serait une réponse qui ferait les manchettes et que n'aura pas, hélas, le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Mais vous n'êtes pas prêt à dire que le gouvernement était prêt à présenter sa législation sur la langue non plus?

M. BIENVENUE: Je pense que la question... M. ROY: Question très embarrassante.

M. BIENVENUE: Non. Je rappellerai seulement au député de Beauce-Sud que les grands media d'information ont prié depuis longtemps le gouvernement de prendre position sur la question linguistique et que, par ailleurs, d'autres media ont reproché au gouvernement

d'avoir pris position trop tôt parce que cela pouvait nuire à l'élection fédérale. Mais je le dis avec tout le sérieux que comporte cette remarque.

M. ROY: Vous ne pouvez ni nous certifier, ni affirmer, ni nier que le gouvernement était réellement prêt à présenter sa législation sur la langue.

M. BIENVENUE: Le gouvernement auquel j'appartiens est toujours prêt.

M. ROY: "Prêt".

M. BIENVENUE: Près et prêt.

M. ROY: J'avais posé une question au ministre tout à l'heure. Face à la loi qu'il se propose de présenter... Je m'étais référé à l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, article qui date de 1967. Le ministre conviendra facilement que le contexte est changé, que les besoins sont changés aussi et que la réalité n'est plus ce qu'elle était. Est-ce que le ministre est prêt, dans sa loi, à prendre une position pour le meilleur intérêt du Québec, même si cela risque d'aller un peu à l'encontre de la dernière partie de l'article qui dit qu'une loi de la Législature d'une province concernant l'immigration n'aura d'effet qu'aussi longtemps et pour autant qu'elle ne sera pas incompatible avec une loi du Parlement du Canada. Nous estimons, et nous l'avons déjà déclaré à maintes et maintes occasions, que l'immigration doit être contrôlée et qu'il est important que le Québec contrôle son immigration. Est-ce que le ministre serait prêt à nous dire ce matin si, dans la loi qu'il entend proposer devant l'Assemblée nationale, il est prêt â poser un jalon de ce côté. Le ministre nous a dit tantôt qu'il était prêt à partir. Il ne faudrait pas que le ministre confirme le proverbe, parce que partir...

M. BIENVENUE: Prêt à partir.

M. ROY: II fallait partir à un moment donné. Mais partir, c'est mourir un peu.

M. BIENVENUE: Donner le départ, vous voulez dire.

M. ROY: Donner le départ.

M. BIENVENUE: Vous ne parliez pas de moi en disant ça.

M. ROY: Je parlais de vous, parce qu'à la suite, je parlais du ministre, parce qu'il venait de le déclarer. Il était prêt à partir, prêt à donner le départ. Mais dans ce départ que le gouvernement est prêt à nous donner ou à nous assurer ce matin, j'aimerais savoir si, de ce côté, le gouvernement est prêt à prendre toutes les dispositions. Cela fait un bout de temps que le ministre nous parle d'avoir des dents, de s'exercer pour avoir des dents au ministère de l'Immigration. Est-ce que le ministre serait prêt ce matin à prendre les dents si nécessaire pour que le Québec puisse, dans la plus grande mesure du possible, contrôler son immigration lui-même?

M. BIENyENUE: Le ministre de l'Immigration du Québec n'est pas prêt à et n'ira pas jusqu'à aller à l'encontre de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique tant et aussi longtemps que cet article ne sera pas modifié du consentement des provinces. Il n'aura pas à le faire. Je vais revenir au "je", je vais laisser la troisième personne, je n'aurai pas à faire tout cela. J'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, à la dernière étude des crédits, au cours d'allocutions à l'Assemblée nationale, que les négociations que conduisait mon ministère auprès du ministère fédéral de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration se déroulaient sans heurt, dans l'harmonie, et aussi dans un contexte de discrétion qui, hélas, a subi des accrocs regrettables il y a quelque temps. Lorsque je disais que tout ça pouvait se faire à l'aide d'accommodements administratifs et non pas par le truchement d'une loi, j'en prends à témoin la lettre la plus récente que m'écrivait mon homologue fédéral. Elle ne peut pas encore être dans les journaux parce que je ne l'ai eue qu'hier soir. J'en cite avec plaisir un passage, celui qui nous préoccupe exclusivement et qui préoccupe le député de Beauce et qui se lit comme suit: "Je m'empresse de souligner, comme je l'ai fait au cours de notre entretien, que je comprends parfaitement la position du Québec selon laquelle le programme d'immigration devrait tendre à protéger et à renforcer le caractère culturel et linguistique particulier à la province et comme je vous en ai déjà donné l'assurance, les collègues de mon cabinet", ça, c'est le cabinet fédéral, "sont aussi très conscients des besoins du Québec".

Cela ne peut être plus frais, cela a été reçu hier. Lorsque j'ai dit que mes négociations, malgré les accrocs auxquels j'ai fait allusion, se poursuivaient bien sans heurt sans drame et sans tambour, j'en prends à témoin parmi d'autres pièces ou d'autres faits que j'ai déjà portés à la connaissance de la commission, ce document émanant de mon collègue, M. Robert Andras, ministre fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration. Puisqu'on est là-dessus... oui?

M. ROY: C'est une lettre que vous avez reçue hier soir?

M. BIENVENUE: Oui. puisqu'on en est là-dessus au moment où je rappelais les heurts ou les accrocs auxquels je faisais allusion, qui m'ont fait du mal ou qui ont fait du mal au ministère que je dirige, j'en avais parlé longuement lors de notre dernière séance, je lis un

autre extrait d'une autre lettre de mon-homologue fédéral de date un peu plus ancienne mais pas beaucoup, qui se situe toujours en mai, le 7 mai pour être précis, et je cite: "Je dois vous dire que je suis quelque peu préoccupé de la publicité à laquelle votre mémoire a donné lieu. Une fois ce document rendu public, il m'est difficile d'éviter d'y répondre", rappelez-vous ce que j'avais dit au sujet de cette prétendue rebuffade que j'avais essuyée, "mais en le faisant, bon nombre de personnes seraient portées à croire que l'étude sur l'immigration et sur les objectifs démographiques du Canada (le futur livre vert) n'est qu'une supercherie et que nous avons déjà décidé de la ligne de conduite à adopter. En outre, je crois que nous pourrons mieux faire l'unanimité sur certaines questions si, pour ainsi dire, nous ne travaillons pas en présence des personnes qui tentent de déformer les faits en vue d'affaiblir l'unité nationale." C'est écrit, ce n'est pas dit. Je pense que ça confirme ce que j'indiquais quand j'ai parlé des difficultés immenses que m'ont créées des indiscrétions insensées.

M. ROY: Si j'ai bien compris le ministre, ça veut dire que, si le Québec veut se donner une loi, de nouvelles dispositions dans une loi qui pourraient correspondre aux besoins et satisfaire aux exigences du Québec, même s'il y avait quelques accrocs qui pourraient exister en regard des dispositions de l'article 95, le gouvernement fédéral n'interviendrait pas. Est-ce qu'on peut pousser la réflexion jusque-là?

M. BIENVENUE: Je comprends la question du député de Beauce, ce n'est pas tout à fait ça. Il ne serait pas question d'accroc à l'article 95 par les ententes de nature administrative que j'espère pouvoir conclure le plus tôt possible avec le gouvernement fédéral même avec le retard causé par cet incident de parcours que j'ai appelé la présente élection. Il n'est pas question d'accroc à l'article 95, il est question d'améliorer considérablement les pouvoirs que nous avions en vertu d'une entente qui s'appelait l'entente Lang-Cloutier, signée entre mon prédécesseur et l'ex-ministre de l'Immigration fédéral, M. Otto Lang, entente en vertu de laquelle nous avons des gens en poste à l'étranger dans certaines ambassades de certains pays.

Ce que nous tentons d'obtenir par des ententes administratives sans heurt et où le gouvernement fédéral se montre très ouvert — et je lui en reconnais le crédit — c'est une nouvelle entente où nos gens auront beaucoup plus de pouvoirs, ces pouvoirs que j'ai résumés en les classifiant récemment en trois catégories. D'abord, il y a ceux d'informer l'étranger les futurs candidats pour qu'ils sachent que le Québec est une province combien différente des autres, province, entre autres, où la langue de la majorité est différente de celle des neuf autres provinces. Deuxièmement, le pouvoir en commun avec le fédéral de recruter des candidats à l'étranger, que ce soit n'importe où dans le monde et, troisièmement, une fois cette étape de recrutement faite, accomplie, ce pouvoir combien important de faire, parmi les immigrants ainsi recrutés, la sélection de ceux qui correspondent aux besoins, aux désirs et aux aspirations du Québec pas comme les autres.

J'ai déjà indiqué clairement, je l'ai précisé davantage il y a à peine quelques jours, que ce type d'immigrant dont nous avons besoin, c'est un immigrant généralement ou en grande majorité francophone ou "francophonisable", un immigrant qui corresponde dans sa nature, dans son origine, dans sa langue, dans sa culture, grosso modo, aux tendances ou au caractère démographique du Québec où la majorité est à 80 p.c. francophone, où les groupes ethniques forment un autre 10 p.c. et où la minorité anglophone forme un autre 10 p.c. Voilà ce que nous recherchons sans, pour ça, être obligés de porter atteinte aux dispositions de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sans heurter personne, sans froisser personne, toujours avec le concours du gouvernement fédéral qui, je l'ai déjà dit, est aussi soucieux que nous le sommes de ce déséquilibre démographique qui est en train de s'installer au Québec.

M. BURNS: Je veux juste dire au ministre, en terminant sur ce point, que je suis d'abord bien déçu de ne pas l'entendre nous donner quelque chose de concret, eu égard aux dispositions qui sont actuellement sur la table, en particulier le bill 22. En ce qui me concerne, quant à l'immigration — j'ai quand même le droit d'émettre mon opinion — le bill 22 est de la foutaise et rien de moins, surtout rien de plus. Je suis obligé de revenir aux fameux chiffres qui ont été cités par le journal Le Jour la semaine dernière, où on apprend, le ministre les a confirmés, que de 1968 à 1972 inclusivement, les immigrants de langue anglaise sont passés de 29.9 p.c. à 40 p.c. et ceux de langue française sont descendus de 24.2 p.c. à 14.5 p.c.

Devant ce fait, devant ce que j'appelle l'absence totale de politique de "francophonisa-tion", comme dit le ministre, dans le bill 22, devant les négociations qui sont actuellement, je pense, en suspens, étant donné la campagne électorale, devant l'impossibilité du ministre de nous donner des garanties que ces négociations vont aboutir —je pense bien qu'il n'est pas capable de nous en donner, car il ne sait même pas qui va être son interlocuteur après le 8 juillet prochain — je suis, personnellement, déçu que le ministre ne nous dise pas, au moins, que si jamais il n'y avait pas de pouvoir de recrutement des immigrants qu'il désire obtenir, si jamais il n'avait pas, tout au moins, un droit de veto sur l'immigration qui doit entrer au Québec, qu'il nous dise quels instruments, dans le cadre d'une politique linguistique il voudrait utiliser, au moins, à l'intérieur. Personnellement, cela me déçoit et je suis obligé de

conclure que le ministre est tout à fait impuissant devant cette politique, qui dans le fond est décidée à Ottawa, d'augmenter l'immigration anglophone de 1968 à 1972, et de diminuer l'immigration francophone.

Je suis — le mot n'est pas trop fort — réellement déçu de voir cette absence totale de la part du ministre dans ce problème linguistique eu égard à tous ces phénomènes qui, actuellement, défavorisent l'immigration francophone au Québec.

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me permet, je ne voudrais pas relever tout ce qu'il vient de dire, je voudrais faire une seule petite correction. Ce n'est pas le gouvernement fédéral — je veux être bien juste — qui a décidé depuis 1967 qu'il viendrait plus d'immigrants anglophones et moins d'immigrants francophones.

M. BURNS: C'est lui qui fait la sélection.

M. BIENVENUE: Non. La loi de l'immigration au Canada est la loi de l'universalité, c'est-à-dire que toute personne, d'où qu'elle vienne, qui fait la demande d'immigrer au Canada, dans l'une ou l'autre des dix provinces, sera acceptée ou refusée selon, et je parle toujours du passé, qu'elle subit le test de la pondération, selon qu'elle réussit ou non l'examen avec le système de points existant. C'est ce qu'on appelle l'immigration universelle dans laquelle il n'y a aucune discrimination. Il peut entrer en théorie, au Canada, cette année, 100,000 Chinois, et pas un autre, ou 100,000 Français et pas un autre, etc. Ce qui est responsable de l'entrée ou du refus de tel ou tel type, ou de telle catégorie d'immigrants au Canada, cela n'est pas le fédéral, ni le Québec, ni l'Ontario, c'est le fait que dans tel ou tel pays, on a décidé ou non de venir immigrer au Canada, et qu'on a réussi, évidemment, le test du système de points qui est à la base de l'admission. Mais cela ne m'empêche pas, je le répète, de constater et avec combien de regret et d'inquiétude, je l'ai dit combien de fois, les taux actuels, et de vouloir, cela aussi je l'ai dit combien de fois, d'un commun accord avec le fédéral qui est également inquiet, obtenir des pouvoirs tels que dorénavant — Dieu sait là-dessus comme sur combien d'autres choses, il y a du retard sur l'immigration au Québec — nous puissions contrôler l'immigration qui entre au Québec, son origine, etc. Je voulais seulement faire cette petite mise au point pour dire que le fédéral n'est pas à blâmer comme tel de ce qui survient actuellement, ou de ce qui est survenu avant.

M. BURNS: C'est quand même lui qui fait la sélection. Le résultat est clair. L'immigration anglophone augmente et l'immigration francophone diminue. Donc, la pseudo-unité nationale au nom de laquelle fonctionne M. Andras, com- me il dit dans sa lettre, je n'ai pas l'impression qu'il tient bien compte que dans cette unité nationale, même si je ne suis pas d'accord avec l'expression, il y a aussi les préoccupations québécoises...

M. BIENVENUE: Voici! Vous ne pouvez pas...

M. BURNS: ... les préoccupations québécoi-sess, si je les comprends,... de toutes les interventions du ministre sur la francisation, la francophonisation et le besoin d'aller chercher dans un bassin francophone davantage des gens facilement intégrables à la majorité francophone du Québec, je m'aperçois qu'Ottawa n'en tient aucunement compte. C'est pas mal clair. Peu importe que cela se fasse en vertu de quel que système de points qu'on voudra.

Moi, je m'en balance du système de points. Le résultat brut, c'est que, non seulement on se fait rogner de l'intérieur par nos francophones qui s'en vont du côté anglophones...

M. BIENVENUE: Ou qui n'ont plus d'enfants.

M. BURNS: ... ou qui n'ont plus d'enfants, non seulement on se fait rogner par le phénomène de la dénatalité, mais, en plus de cela, on se fait rogner par un vague système de points que je ne connais pas dans le détail, qui est peut-être bien le "fun", mais le résultat n'est pas le "fun", du tout à ce stade !

M. BIENVENUE: Non, mais un système de points qui est tel que, si un Français de France ne veut pas devenir candidat à l'immigration chez nous, peu importe le système de points, il ne sera pas question pour lui de subir un échec à cet examen, parce qu'il ne subit pas l'examen, parce qu'il veut rester chez lui. D'accord? Je suis conscient de ce que dit le député de Maisonneuve. C'est d'ailleurs pour cela que je dis que nous avons du retard, et quand je dis du retard, je ne parle pas en termes de deux ans, trois ans ou cinq ans. Je vais bien plus loin dans le passé. C'est pour cela que, conscient de ce problème, je veux — avec tous les efforts modestes dont je suis capable — obtenir pour le Québec, dorénavant, un pouvoir de contrôle qui va rémédier à cette situation, que je déplore autant que le député de Maisonneuve, que j'ai déplorée publiquement depuis fort longtemps déjà. Mettre fin à cette inégalité ou à ce déséquilibre des forces en présence, c'est là le but de la recherche des pouvoirs additionnels que nous demandons au gouvernement central. J'ai tout lieu de croire, sans être optimiste de façon exagérée, que nous obtiendrons dans les prochains six mois.

M. BURNS: Vous avez tout lieu de croire, mais vous n'êtes pas capable de nous dire que vous êtes assuré. C'est cela qui est le problème fondamental.

M. BIENVENUE: Si...

M. BURNS: Vous n'êtes pas assuré d'avoir votre gros mot à dire dans la sélection. Vous n'êtes pas assuré, non plus, même pas, d'avoir, à la rigueur, un droit de veto, et en plus de cela, c'est là que je ne comprends pas que vous soyez solidaire d'un projet de loi comme celui-ci qui, lui, ne guérit pas la situation. Il n'a même pas une vague approche pour guérir cette situation.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve ne comprends pas que je sois encore ministre aujourd'hui, 28 mai. C'est cela.

M. BURNS: Non, je ne comprends pas cela! A moins que le ministre se soit fait passer l'ensemble du projet de loi entre les pattes, comme il s'est fait passé la disposition de l'article 117. Si c'est cela, à ce moment, ce sont d'autres types de commentaires que je pourrais faire au ministre.

M. BIENVENUE: Ne les faites pas!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, le ministre se référait à l'unité nationale tantôt. Je suis toujours inquiet quand j'entends parler d'unité nationale, parce que j'ai toujours eu l'impression — et d'ailleurs, je pense que les faits sont là — que le Québec a été dans le sous-sol de cet édifice.

M. BURNS : C'est un sens unique.

M. ROY: Nous sommes encore dans le sous-sol de l'édifice de l'unité nationale. M. le Président, pour faire suite à ce que vient de dire le député de Maisonneuve, j'aimerais donner quelques statistiques au ministre aussi, concernant l'accroissement naturel que nous avons connu au Québec, au cours de l'année 1972. J'ai ici les chiffres qui démontrent qu'il y a eu 48,000 naissances au Québec, et qu'il y a eu 19,000 immigrants reçus. Donc, 67,000. Mais ce qui est important de signaler, c'est qu'au lieu d'avoir une augmentation nette de 67,000, cette augmentation fut de 23,000. La raison, c'est que 44,000 quittèrent le Québec pour une raison ou pour une autre. On sait que ceux qui quittent le Québec sont en majorité des francophones. Mais, M. le Président, si on fait une comparaison avec l'Ontario pour les cinq années finissant avec 1972, c'est que le Québec aurait eu une augmentation naturelle de 252,000 personnes, donc un taux de croissance de 4.3 p.c, alors que l'augmentation de la population nette a été de 166,000; donc, une augmentation au taux de 2.8 p.c. Ce qui veut dire que nous avons eu une diminution de 86,000 de la population sur l'augmentation naturelle que nous avions eue. Alors que dans l'Ontario, il y a eu une augmentation naturelle de 360,000, soit 5 p.c. et la population a augmentée, pendant cette période, de 680,000. C'est qu'il y a eu une augmentation au niveau de l'immigration dans l'Ontario de 320,000, alors que nous avons subi, au Québec, pendant la même période, une diminution de 86,000. Si les chiffres et cette tendance persistent, dans quelques années, la province de Québec sera au troisième rang au point de vue de la population canadienne.

M. BIENVENUE: C'est vrai.

M. ROY: C'est là qu'il est important que le ministre se donne une loi avec des dents, et qu'on arrête d'avoir peur de prendre des positions osées au nom de l'unité canadienne, parce que les Québécois commencent à en avoir marre de toujours être logés dans le sous-sol de l'unité canadienne. Je pense qu'il appartient au ministre de l'Immigration, là-dessus, de prendre des dispositions.

J'aimerais que le ministre me rassure en me disant si selon ces chiffres, selon les études faites au ministère de l'Immigration, on peut dès maintenant envisager un retour à la normale, c'est-à-dire une amélioration au lieu de la dégradation constante que nous avons connue depuis les dernières années.

M. BIENVENUE: Je n'ai pas le détail de ces chiffres, mais en général, grosso modo, ils m'apparaissent exacts. Ils sont à la base de ma propre inquiétude. J'ai déjà parlé — et d'autres l'ont fait — d'un ministère éventuel des ressources humaines qui enfin pourrait se donner des outils du contrôle, étudier les phénomènes qui sont à la base de l'évolution de la population au Québec. Cela me paraît combien plus important que bien d'autres outils ou d'autres organismes qui se penchent sur la viande, sur les légumes ou sur les oeufs — la population — parce que tout est en fonction du capital humain au Québec, et je n'exclus pas l'aspect futur de la main-d'oeuvre, qui comporte des inquiétudes à l'avenir.

Il y a une chose dans cette loi que nous aurons, que tout autre loi ne pourra, je pense, prévoir, même avec toutes les dents aussi aiguisées que l'on voudra. C'est que je n'ai pas de truc pour convaincre les jeunes foyers au Québec d'avoir plus d'enfants; je n'ai pas de façon directe et obligatoire — on se comprend — d'aller tordre le cou des futurs immigrants; je ne peux pas leur tordre le cou pour leur imposer de venir vivre au Québec. Mais il y a un tas de mesures que j'ai déjà préconisées — et je ne veux pas y revenir — et cela découlera notamment des pouvoirs que je veux obtenir du gouvernement central pour inciter les immigrants à venir plus nombreux et parmi ceux-là, ceux que je veux, que nous voulons pour le Québec. Enfin, il y a un autre phénomène combien important, et le député de Beauce-Sud me donne l'occasion d'y revenir pour la X centième fois depuis deux ans, c'est celui de la

mentalité de la population autochtone au Québec et de l'accueil que nous réservons ou que nous ne réservons pas aux immigrants par comparaison à d'autres régions de l'Amérique du Nord. Il faut se rappeler que nos nouveaux Québécois d'origines diverses ont le droit de se servir de la force, ont le droit d'écrire à leurs parents ou amis de pays étrangers, ont le droit de décrire comment ils sont ou ne sont pas accueillis au Québec comme le font d'ailleurs les immigrants des autres provinces. C'est un autre facteur important, que les Anglais appellent "incentive" pour faire venir ici au Québec de nouveaux immigrants. Je continue, hélas, de recevoir, chaque semaine, des lettres anonymes de bêtises ou non tendant à cette même conclusion: Quand allez-vous cesser de nous emmener de maudits étrangers? J'en reçois continuellement et cela n'est pas bon, cette mentalité n'est pas bonne. J'aime aller veiller chez un ami qui m'accueille, mais je n'aime pas être reçu avec une balle de 22 — le mot 22 étant une pure coincidence —

M. ROY: Un lapsus.

M. BURNS: C'est une 22 qui tire à blanc, par exemple.

M. ROY: ... il ne tuera personne, votre bill. Le ministre peut se rassurer immédiatement.

M. BIENVENUE: Non, mais je pense que le député de Beauce-Sud a compris ce que je voulais dire, cette crainte de l'étranger qui favorise si peu la venue de l'étranger.

M. ROY: Je n'aimerais pas engager un débat là-dessus, mais j'aurais bien des choses à ajouter.

M. BIENVENUE: Je le sais.

M. ROY: II y a des problèmes qui ont découlé du fait que le Québec n'avait pas son mot à dire dans l'immigration et qu'on n'a peut-être pas fait la sélection qui aurait pu être faite et qui aurait dû être faite. Il y a énormément de Québécois qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans travail parce que, justement, ils étaient remplacés par des personnes qui nous arrivaient de l'extérieur. Cela s'est produit, malheureusement, dans bien des cas et cela n'a pas contribué à améliorer le climat. C'est pourquoi nous insistons — et c'est un des points sur lesquels nous insistons tant — pour que le Québec ait des pouvoirs en matière d'immigration.

M. BURNS: Le ministre va admettre que la xénophobie est une réaction d'insécurité...

M. ROY: C'est cela.

M. BURNS: ... et ce que vous allez devoir faire, ce n'est pas seulement de dire aux Québécois francophones ou anglophones ou peu importe, il ne s'agit pas juste de dire: Soyez plus accueillants pour les immigrants. Il s'agit de les rassurer tant au niveau du travail qu'au niveau de la langue, entre autres, et c'est pour cela que le problème est tellement important. Le jour, je pense bien, où les Québécois vont se sentir en parfaite sécurité, c'est-à-dire que leur souveraineté culturelle, comme on se plaît à le dire dans ce gouvernement, sera véritablement une chose et non pas seulement des mots, j'ai nettement l'impression que vous n'aurez pas de xénophobie. C'est courant. N'importe quel sociologue va vous dire que la xénophobie n'existe pas à l'état pur. Cela existe chez des gens qui se sentent menacés, à tort ou à raison. Mais, dans le cas du Québec, au niveau culturel — et je m'excuse d'y revenir tout le temps, mais ces chiffres sont tellement frappants — les chiffres des quelques dernières années, si je transforme le mot du ministre, sur l"'anglophonisation" sont assez inquiétants et assez inquiétants pour que les Québécois se disent: Diable, qu'est-ce qui nous arrive? Le député de Beauce-Sud citait le cas du domaine du travail. Tant qu'on aura au Québec des taux de chômage qui vont battre les records au Canada, à ce moment, je comprends, même si je ne l'approuve pas, cette xénophobie qui peut exister chez certains de nos concitoyens. Je pense que le gouvernement doit d'abord s'employer à libérer les Québécois de cette insécurité tant au niveau du chômage qu'au niveau culturel ou au niveau linguistique. Après cela, on pourra parler de quelque chose de plus concret.

Ce que je veux dire par cela, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de dire à ce pauvre type qui vous envoie une lettre anonyme ou pas, vous blâmant d'emmener des immigrants ici, que c'est de sa faute. Il s'agit de dire aussi qu'il y a des pouvoirs publics qui devraient réagir, de façon à lui enlever la cause du mal, pas seulement le symptôme.

En ce qui concerne ce problème de la langue, je suis bien prêt à passer à un autre sujet. Je vois bien que, on a beau tourner autour du ministre, le député de Beauce-Sud et moi avec toutes sortes de questions, on n'en tirera pas grand-chose. Il a décidé de ne pas nous répondre sur "ces instruments" qu'il veut se donner pour améliorer la francisation ou la "francophonisa-tion".

M. ROY: D'ailleurs, je pense que cela va lui reposer les jambes. On va l'enlever de la patinoire.

M. BURNS: II pourra enlever ses patins. En terminant, je veux simplement lui signaler quelque chose. Quand on parlait tantôt de la récupération de certains pouvoirs quant à la sélection des immigrants et quant à tout le moins, à un droit de veto, le ministre doit ne pas souhaiter que cela soit un gouvernement conservateur qui soit au pouvoir le 8 juillet parce que j'ai un extrait du journal Le Jour du 28 mai 1974 — c'est récent — où on voit que

d'une part, M. Roch Lasalle qui est candidat dans Joliette est favorable à ce que le Québec obtienne des pouvoirs élargis en matière d'immigration, principalement sur la sélection des nouveaux immigrants. Un peu plus bas, dans le même article, on cite que M. Stanfield a déclaré que quant à lui, il favorisait le maintien de la situation actuelle, que le Québec avait suffisamment de pouvoirs pour se débrouiller. Je ne sais pas mais...

M. BIENVENUE: Je réponds. Je souhaite effectivement le retour...

M. ROY: II ne faut pas oublier qu'il y a le maire Jones également...

M. BIENVENUE: ... parlant comme ministre de l'Immigration, du gouvernement actuel et de l'actuel titulaire du ministère de la Main-d'Oeu-vre et de l'Immigration.

M. BURNS: Comme cela, vous ne ferez pas comme votre collègue, le ministre des Communications. Vous n'enverrez pas une lettre de bons souhaits à M. Roch Lasalle.

M. BIENVENUE: II semble que j'ai été plus heureux que mon collègue du ministère des Communications dans mes négociations avec le gouvernement central. Alors, mon homologue fait mon affaire et je souhaite sa réélection. Je le lui ai écrit d'ailleurs.

M. BURNS: J'aimerais, étant donné que je n'ai pas d'autres questions...

M. ROY: J'en aurais bien d'autres, mais j'en anticipe les réponses.

M. BIENVENUE: Je peux peut-être vous faire des surprises.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que le programme 1...

M. BURNS: Non. On va faire le tour d'autres affaires. Je voudrais simplement, à ce moment-ci, prendre l'occasion pour permettre au ministre de faire le point sur certaines des priorités de son ministère et je dois lui dire que c'est un peu inquiétant de voir les ministres de l'Immigration se succéder les uns après les autres, sans que véritablement, ce qu'ils nous disent avoir à l'esprit semble se réaliser dans le concret.

Je vais commencer par référer le ministre au journal des Débats du 15 mai l'année dernière à la page B-1528, c'était toujours l'étude des crédits. C'est heureusement le même ministre à qui on parle cette année. Le ministre avait affirmé ceci. "... Alors les bureaux régionaux sont un autre des projets, des rêves que nous caressons d'avoir et cela a été un manque absolu parce qu'il n'y a pas que Montréal. J'ai déjà parlé de la "démétropolisation..." Je dois dire que le ministre est très fort en néologismes, soit dit en passant.

M. BIENVENUE: En quoi?

M. BURNS: En néologismes, la création de nouveaux mots. Je reprends la citation. "J'ai déjà parlé de la "démétropolisation", qui serait une des grandes solutions au problème, non seulement économique, mais socio-culturel et linguistique.

Alors, nous aurions des bureaux régionaux dans tout le Québec" J'aimerais savoir de la part du ministre, vu qu'on est un an plus tard, où en est rendue cette "démétropolisation" des bureaux régionaux? Est-ce qu'il y a d'autres bureaux que les bureaux de Montréal?

M. BIENVENUE: Nous avons des bureaux évidemment à Québec.

M. BURNS: A Québec, oui.

M. BIENVENUE: En ce qui concerne ces bureaux régionaux, M. le Président...

M. BURNS: Excusez, mais à Québec, ce sont les bureaux du ministère.

M. BIENVENUE: C'est cela.

M. BURNS: Ce ne sont pas les bureaux régionaux, comme tels?

M. BIENVENUE: Si, c'est un bureau régional.

M. BURNS: C'est un bureau régional, mais ce n'est...

M. BIENVENUE: Qui est dans la région de Québec.

M. BURNS: Ce ne sont pas les bureaux du ministère comme tels, je veux dire, ce sont d'autres bureaux, à part les bureaux du ministère. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. BIENVENUE: Oui, c'est exact.

M. BURNS: Ce sont des bureaux d'accueil.

M. BIENVENUE: C'est une succursale du ministère de l'Immigration située à Montréal, c'est une succursale située dans la région de Québec.

M. BURNS: D'accord. Je vous écoute.

M. BIENVENUE: En ce qui concerne ces bureaux régionaux, nous avons fait des études plus poussées, des études systématiques qui nous ont amenés à penser qu'on pourrait probablement atteindre les mêmes objectifs, avec des coûts moindres, évidemment. On me comprendra de parler de coûts moindres avec...

M. BURNS: Avec le budget que vous avez...

M. BIENVENUE: Avec mon superbudget. En développant à Montréal et à Québec des services mobiles aux employeurs, il se fait du progrès de ce côté; ces services sont assurés par des professionnels qui se rendront à la demande là où s'expriment les besoins. Il n'est évidemment pas dit cependant que l'on ne reviendra pas plus tard, ultérieurement, à l'idée de bureaux régionaux, si le besoin s'en fait sentir de façon aiguë, et si telle est la politique générale du gouvernement. On avait songé, je me le rappelle, on se le rappellera, à la possibilité d'installer des gens dans ces bureaux régionaux qui sont ceux du ministère québécois du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je répète qu'après étude, on en est venu à la conclusion que mieux valait peut-être avoir des équipes mobiles qui se rendent là où sont les besoins. Il se fait du progrès de ce côté. Notre direction générale de l'établissement est de plus en plus en contact avec des employeurs du Québec qui ont des pénuries de main-d'oeuvre, quoi que l'on pense ou que l'on dise ou que l'on ait dit au sujet des immigrants piqueurs de "job". Il est des domaines où il y a des pénuries aiguës de main-d'oeuvre. Alors, les gens, à partir du bureau de Québec ou du centre, qui est le ministère à Montréal, rencontrent ces employeurs pour tâcher d'aider à satisfaire leurs besoins.

Des progrès notables sont à souligner dans ce domaine depuis plusieurs mois.

M. BURNS: Si le ministre me permet juste de l'interrompre ici, quand il parle de domaines où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, est-ce qu'il pense entre autres au domaine des mines?

M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS: Je lui signale que lors d'un récent passage dans la région de Chibougamau, j'avais entendu parler de la possibilité qu'il y ait une espèce d'immigration massive et importante d'Antillais pour aller travailler dans les mines. Est-ce que c'est exact?

M. BIENVENUE: Non, pas des Antillais pour répondre à la question d'Antillais, mais il est exact que, dans le milieu, le monde des mines, l'industrie minière, il y a des carences, des pénuries plus aiguës dans certains coins. Ces gens sont en contact avec nous, au moment où je vous parle, c'est un des domaines auxquels je faisais allusion, avec la direction générale de l'établissement à mon ministère.

Je pense aussi au domaine hôtelier où les immigrants — on me cite au journal des Débats — "où les immigrants ne piquent pas de "job". Mais où il y a un problème grave. Je m'explique. D'une part, l'aspect purement négatif. Si, demain matin, vous vouliez retirer des grands hôtels, de tous les plus grands hôtels de la périphérie de la région de Montréal, les

Québécois d'origine ethnique différente de la nôtre, vous verriez la fermeture de ces hôtels dans les meilleures heures. Voilà pour l'aspect négatif. Par ailleurs, le problème est tellement aigu qu'on prévoit une pénurie d'ici peu de temps de 4,000 personnes pour oeuvrer, pour travailler dans le monde hôtelier face à la demande accrue, je pense entre autres, à la venue des Jeux olympiques, etc., mais face également à l'accroissement normal des besoins et de la clientèle dans ces établissements hôteliers. Je ne parle pas de la restauration, mais c'est un peu la même chose. Si vous n'aviez pas, dans ces cas en particulier, des Québécois d'origine ethnique différente, ça vient de finir, pour employer une expression populaire.

Il y a une relation étroite avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et avec la main-d'oeuvre évidemment indiquant que cette pénurie est réelle, et non pas le fruit d'un patronat qui ne respecte pas les normes; je fais allusion au "cheap labor". Il y a une pénurie réelle, aiguë et inquiétante. C'est un des domaines là aussi...

M. BURNS: Dans le cas des mines, si le ministre me permet de l'interrompre, c'est un cas de "cheap labor". On envisage même, dans certaines mines actuellement, parce qu'on ne peut pas avoir de mineurs, de revenir à la fin XIXe et d'embaucher des femmes. Il y a même certaines mines où c'est fait déjà, on embauche des femmes pour certaines tâches, parce que justement les mineurs se disent: Plutôt que d'aller brûler ma santé sous terre...

M. BIENVENUE: C'est mieux de brûler celle de ma femme.

M. BURNS: ... à ce prix, je vais aller dans la construction. Habituellement, ce n'est pas la femme du mineur qui va à la mine, parce que le mineur a déjà l'expérience. Il lui dit de ne pas y aller.

En tout cas, je remarquais simplement cette affirmation du ministre, savoir que dans certains domaines, ce n'est pas une question de "cheap labor".

M. BIENVENUE: Non, mais je pense que dans tous les domaines, en disant que ce n'était pas du "cheap labor"...

M. BURNS: Dans le domaine de l'hôtellerie aussi, il y a sans doute un problème de salaire, parce que s'il y a des endroits où on travaille au salaire minimum, c'est bien là.

M. BIENVENUE: D'ailleurs, je veux souligner au député de Maisonneuve que, dans tous ces cas, avant de procéder à la prospection, au recrutement de gens pour ces domaines où on nous signale des pénuries, le ministère demande des expertises, en étroite collaboration avec le ministère québécois du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour savoir ce qui en est de cette

question des taux et du salaire. Nous ne voulons pas, ni de près, ni de loin, être complices dans une effervescence du "cheap labor" au Québec. J'ai parlé tout à l'heure, au début de mes remarques, d'êtres humains —c'est à dessein que j'ai employé, entre autres, le mot "humain" au lieu de citoyen — de même zone que nous, d'êtres humains comme nous qui ne doivent pas, de par leur origine, être pénalisés dans ce domaine comme dans d'autres.

M. BURNS: Est-ce qu'il y a d'autres domaines où votre ministère est actuellement en train d'étudier les possibilités de...

M. BIENVENUE: L'agriculture évidemment. Je l'ai déjà souligné...

M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: ... à une autre séance de la commission. Dans l'industrie du bois aussi, dans le domaine forestier, des pâtes et papiers, il y a pénurie.

M. BURNS: En somme, revenant à ma question première, je dois comprendre que ce que le ministre nous disait l'année passée, comme étant le projet qu'il caressait chèrement, celui des bureaux régionaux, a été mis de côté pour des questions financières principalement.

M. BIENVENUE: Oui, financières, parce que je souligne, en passant, que lorsque nous avons fait part de nos aspirations, lors de la dernière révision de programmes pour 1974/75, le Conseil du trésor qui a des dents, lui aussi, souvent, nous a demandé de reporter à plus tard cette demande. L'argent, le nerf de la guerre, est toujours là présent.

Maintenant, nous songeons aussi à des primes d'établissement pour favoriser la décentralisation ou la "démétropolisation" dont parlait le député de Maisonneuve, trouver, encore une fois je m'excuse, mais le mot est plus clair en anglais, des "incentives" pour convaincre les gens de s'éloigner du grand centre et de s'établir en province, ce qui, on l'a déjà indiqué, présente tous les avantages que l'on sait au point de vue, entre autres, de la culture et de la langue, et je parle surtout de la langue évidemment.

On a pensé à ces primes à l'établissement, plus loin, à l'extérieur des grands centres; là aussi, cela prend ce que je viens de dire, du fric, et on n'en a pas à revendre au ministère de l'Immigration du Québec.

M. BURNS: Est-ce à dire que si jamais le ministre obtenait des crédits supplémentaires de l'ordre de $15 millions, comme il l'a déjà mentionné, à ce moment-là, on pourrait repenser à l'établissement des bureaux régionaux?

M. BIENVENUE: Oui, sûrement, là et dans d'autres domaines, on pourrait nous donner des outils. Je rappelle au député de Maisonneuve, que si jamais nous obtenons, je devrais plutôt dire, lorsque nous aurons obtenu les pouvoirs accrus que nous demandons au fédéral pour l'étranger notamment, il faudra de l'argent pour payer ces nouveaux et plus nombreux fonctionnaires que nous voulons répandre de par le monde, bien ailleurs qu'aux trois ou quatre endroits où nous en avons actuellement. Tant sur le plan extérieur qu'intérieur, avec l'argent auquel fait allusion le député de Maisonneuve, nous pourrions nous outiller davantage et augmenter le personnel, les effectifs dans notre direction d'établissement, dont c'était justement une des responsabilités.

M. BURNS: En somme, actuellement, il n'y a que deux bureaux régionaux au Québec, si je comprends bien les réponses du ministre?

M. BIENVENUE: En somme, c'est cela. M. BURNS: Un à Montréal et un à Québec. M. BIENVENUE: En permanence. M. BURNS: En permanence.

M. BIENVENUE: Outre ces équipes mobiles dont j'ai parlé.

M. BURNS: Quel est le personnel en poste au bureau régional de Québec?

M. BIENVENUE: Neuf personnes.

M. BURNS: J'imagine que vous avez là-dedans un agent régional d'immigration et tous les autres postes?

M. BIENVENUE: Un chef de bureau est évidemment responsable des huit autres. Il y a donc un chef de bureau, deux agents de main-d'oeuvre dont la principale occupation est justement celle dont on parle depuis un instant, deux agents d'accueil, parce que l'on sait que certains immigrants, en nombre beaucoup moins nombreux, arrivent à Québec plutôt qu'à Montréal, deux personnes qui sont à l'adaptation, autre direction générale qui suit dans l'ordre chronologique et logique l'établissement et qui s'occupe en particulier de l'aspect du COF, dans l'adaptation ici même, à Québec, et enfin deux personnes au niveau du personnel de soutien.

M. BURNS: Me référant toujours à la même source, c'est-à-dire, le journal des Débats de l'année passée, à la page B-1535, vous aviez dit, à ce moment-là, que des seize personnes rattachées au cabinet du ministre, trois se trouvaient à Matane. Autres temps, autres moeurs, autres lieux! Est-ce que ces trois personnes sont toujours à Matane?

M. BIENVENUE: Non. Je suis bien heureux...

M. BURNS: Est-ce qu'elles sont dans le comté de Crémazie maintenant?

M. BIENVENUE: De ces trois personnes qui étaient à Matane, deux sont à Crémazie. Autres temps, autres moeurs et autres problèmes! Je suis heureux de dire au député de Maisonneuve que, soucieux de donner l'exemple, face à ce tout petit ministère et à ce tout petit budget, j'ai vu à faire réduire ce nombre de seize personnes au nombre de neuf personnes. C'est une économie qui n'est pas trop mal, qui n'est pas loin de 50 p.c.

M. BURNS: Vous voulez dire des seize personnes qui étaient rattachées à votre cabinet, cela a été réduit à neuf personnes?

M. BIENVENUE: C'est cela. Mon chef de cabinet me dit, à l'oreille, que c'est grâce aux talents...

M. BURNS: Est-ce qu'il y a moins de chefs... M. BIENVENUE: ... cumulatifs.

M. BURNS: En somme, vous appliquez simplement la règle: Moins de chefs, plus d'Indiens probablement? C'est peut-être cela.

M. BIENVENUE: La règle: Moins de monde, plus d'économie et plus de travail.

M. BURNS: Que font ces personnes attachées à votre cabinet dans le comté du ministre? S'agit-il de bureaux régionaux ou, d'embryons de bureaux régionaux?

M. BIENVENUE: Non. Une des deux est l'équivalent de ce que mon collègue, le député de Maisonneuve a dans son comté, soit un secrétaire de comté, comme ont droit tous les députés. L'autre est une jeune fille de soutien qui tape des lettres à la machine et qui répond gentiment au téléphone.

M. BURNS: En somme, vous avez, comme député, le secrétaire de comté habituel auquel tout député a droit et vous avez une personne additionnelle.

M. BIENVENUE: C'est cela.

M. BURNS: C'est une bonne économie par rapport à l'année dernière.

M. BIENVENUE: Cette personne, je le dis avec un sourire, reçoit même parfois des lettres d'ex-électeurs de Matane.

M. ROY: Ce n'est pas elle qui reçoit des lettres anonymes que vous mentionniez tout à l'heure?

M. BIENVENUE: Non, celles-là habituelle- ment sont adressées bien à moi. Elles se reconnaissent, avant même que l'on ouvre l'enveloppe, par l'écriture carrée, par l'écriture en lettres moulées qui se trouvent sur l'enveloppe.

M. BURNS: Egalement, M. le ministre, l'année dernière, toujours en étudiant vos crédits, je cite ce que vous nous disiez: "Dans la restructuration dont j'ai parlé précédemment nous allons constituer un fichier — et ça aussi c'était une carence, ça aussi ça pressait depuis longtemps — des immigrants à travers le Québec". Je continue la citation: "Et ce sera là encore une des responsabilités de cette direction nouvelle de la recherche dont j'ai parlé".

Par la suite, à la page 1528, vous nous dites également: "C'est le système de fichier universel que l'on veut établir qui, lui aussi, est absolument nécessaire".

On sait que la direction de la recherche a été effectivement constituée. Où en est rendu votre fichier universel?

M. BIENVENUE: Je suis heureux de relire ce que j'avais lu à l'ouverture de l'étude de ces crédits, ce que j'ai lu la semaine dernière et que je relis pour la troisième fois.

C'est tout cela et d'ailleurs déjà deux fois dans le journal des Débats.

L'envoi des formulaires 1,000, qui, pour la première fois nous sont fournis depuis 1968 et qui nous rentrent maintenant régulièrement, à la fin du présent exercice, nous permet de constituer, c'est en train de se faire au moment où je vous parle, le fichier de notre clientèle dans l'optique suivante: Mieux connaître les nouveaux arrivants pour les mieux servir. Quand je dis "mieux connaître", j'avais même dit l'autre fois, "les connaître avant de les mieux connaître".

Le Centre de traitement électronique des données traite présentement les premières tranches de renseignements statistiques qui seront disponibles à tous, hommes politiques, députés, chercheurs, journalistes, et autres. Je soulignais l'autre jour qu'un récent article du journal Le Deoir a diffusé cette nouvelle et a commenté abondamment cette initiative.

C'est en marche et d'ici peu de jours on va publier notre premier bulletin statistique. Le fichier évidemment est en confection à partir de ces renseignements qui remontent rétroactivement en 1968.

M. BURNS: En somme, est-ce que je dois comprendre que ce que vous annonciez comme le fichier universel l'année dernière ce sont des renseignements fédéraux, à toutes fins pratiques?

M. BIENVENUE: Evidemment.

M. BURNS: Que vous avez réussi à soutirer du ministère fédéral?

M. BIENVENUE: C'est cela. Evidemment.

M. BURNS: II n'y a pas d'autres éléments que vous avez l'intention de mettre dans votre fichier universel?

M. BIENVENUE: Voici, ce sont les mêmes que ceux que nous voudrions avoir parce que ces renseignements nous donnent à peu près tout, sauf la marque de cigarettes que fument les nouveaux arrivants: nom, adresse, le lieu de naissance, âge, statut matrimonial, occupation, etc.

M. BURNS: Comment se fait-il, M. le ministre, qu'il a fallu tellement de temps pour obtenir ces renseignements?

M. BIENVENUE: Je réponds au député de Maisonneuve que c'est parce que cela n'avait jamais été demandé par personne à personne.

M. BURNS: II y avait vraiment de l'action dans ce ministère.

M. BIENVENUE: J'ai déjà parlé de cette léthargie que nous avions constatée après à peine quatre ou cinq ans d'existence et à laquelle nous avons voulu mettre fin dans ce que j'ai appelé cette première opération qui consistait à faire le ménage et ensuite à se lancer en mouvement.

M. BURNS: Je constate que vous avez décidé d'être en mouvement. Et ce fichier, vous nous dites...

M. BIENVENUE: Nous essayons.

M. BURNS: ... qu'il va être disponible...

M. BIENVENUE: Oui, au moment où on se parle, il est en train de se faire. Cela avance bien, sauf erreur — je n'ai pas été le voir fonctionner — mais les statistiques qui en sont le fruit, qui en découlent, vont être les premières — pour la première fois dans l'histoire du Québec — à être publiées et cela d'ici quelques jours. Les maquettes sont à l'impression.

M. ROY: Avant l'étude du projet de loi 22. M. BURNS: On l'espère bien, en tout cas.

M. BIENVENUE: On aura tout à compter de 1968. Le député de Maisonneuve retrouvera là-dedans le rapport, le lien direct immigration-langue. J'assure le député de Maisonneuve et avec beaucoup plus de facilité, je suis beaucoup plus détendu cette fois-ci pour lui dire qu'il n'y a rien de prévu, il n'y a rien de systématique, il n'y a rien de voulu, eu égard au projet de loi 22 et que si cela avait pu sortir hier, j'aurais été heureux de le déposer aujourd'hui, devant lui, peu importe le projet de loi 22, son avenir, son passé et son présent. Aucun rapport. Tant mieux si le député de Maisonneuve y trouve, le plus tôt possible, je le souhaite, des chiffres et des statistiques qui le desservent.

M. BURNS: Qui le desservent?

M. BIENVENUE: Qui le servent, pardon ! Je voulais voir si le député me suivait!

M. BURNS: Ah, je vous écoute!

M. ROY: Le ministre peut donc nous assurer que ces chiffres vont être déposés avant l'étude du projet de loi 22.

M. BIENVENUE: Si cela ne devait pas l'être, c'est parce qu'il arriverait un drame, parce que mon ministère prendrait feu, parce que les machines sauteraient. Quant à moi, je le répète, si cela avait pu être ce matin, je l'aurais fait avec plaisir.

M. BURNS: D'accord! Il est une heure. Mes informations, M. le Président, à moins qu'il y ait changement concernant l'heure du lunch, sont qu'à quatre heures ou après la période des questions, nous reprendrions, entre autres, l'étude des crédits du ministère de l'Immigration. Maintenant, il est toujours possible qu'à l'heure du lunch, le leader du gouvernement manifeste des idées de changement, mais ce que je sais également, c'est qu'aussitôt que les crédits du ministère de l'Immigration seraient terminés, on veut, semble-t-il, véhiculer à cette commission-ci l'étude des crédits du ministère des Finances, qui n'est pas terminée.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve et celui de Beauce-Sud pourraient-ils — je ne les force pas, il n'y a, Dieu merci, aucune indiscrétion à la base de ma question — nous fournir une indication plus ou moins précise qui me permettrait d'organiser mon ordre du jour en conséquence. Je dois, en principe, recevoir vers cinq heures un groupe qui intéresse beaucoup de près le député de Maisonneuve qui lui est même sympathique, je pense, je dois les recevoir...

M. BURNS: Vous m'inquiétez.

M. BIENVENUE: J'en suis presque au point d'inviter le député de Maisonneuve à se joindre au groupe.

M. BURNS: Pourvu que cela ne soit pas l'Association du Parti québécois de Maisonneuve.

M. BIENVENUE: Non, non. Je devais les recevoir vers cinq heures. Croyez-vous que c'est irréaliste ou non? C'est simplement dans ce but.

M. BURNS: Je peux difficilement assurer le ministre qu'on aura terminé à cinq heures. Je peux presque assurer le ministre qu'on aura terminé aujourd'hui. Quant à lui dire que ce sera terminé à cinq heures, je n'aurais pas d'objection, à moins que mon collègue de Beauce-Sud en ait, si on n'a pas terminé à cinq heures de suspendre jusqu'à la reprise normale à 8 h 15.

M. ROY: Je serais bien d'accord pour apporter ma collaboration et permettre au ministre de recevoir...

M. BIENVENUE: On pourrait dire 5 h 15. Mais j'insiste pour dire que ce sont des amis du député de Maisonneuve.

M. BURNS: Surtout si ce sont de mes amis, je n'ai pas honte de mes amis, alors à ce moment on pourra suspendre à cinq heures.

M. BIENVENUE: Enfin, on pourrait s'entendre pour aller entre cinq heures ou cinq heures trente. Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, étant donné que nous ne connaissons pas l'opinion précise ou la décision précise du leader du gouvernement, nous allons ajourner sine die, quitte à reprendre cet après-midi si nous en recevons l'avis.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

Reprise de la séance à 16 h 15

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux. Nous avons quorum. Je tiens à le souligner.

M. BURNS: Toujours dans les problèmes généraux que le ministre nous avait annoncés l'année dernière, encore une fois je me réfère aux crédits du 15 mai 1973, au journal des Débats, page 1534, alors que le ministre nous affirmait: "Nous avons un programme précis de perfectionnement de nos hauts fonctionnaires," j'aimerais connaître les grandes lignes de ce programme précis, afin de savoir si, effectivement, ce programme a été mis en application et comment, et tout ce que le ministre peut mettre autour d'une question comme celle-là.

M. BIENVENUE: Là aussi je fais la même remarque que ce matin. Ce sera, sauf erreur, la trosième fois.

M. BURNS: Oui, mais je veux les dégager, au cas où le ministre ne le saurait pas. Je sais qu'il a sorti, dans un tas d'informations, au début, dans sa déclaration, certaines des choses que je veux toucher. Ce sont des choses qui méritent d'être dégagées de l'ensemble du débat. C'est dans ce sens que je la pose.

M. BIENVENUE: J'en ai parlé la semaine dernière aussi, mais je le relis avec plaisir.

M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: Quant au programme de perfectionnement du personnel, la situation est et était la suivante la semaine dernière: Un administrateur sur six, au ministère, est inscrit à la maîtrise en administration publique de l'ENAP et vient de suivre la première année du programme à temps partiel qui se déroule sur trois années. Deux professionnels attachés à l'administration de la classe II suivent le même programme. Un professionnel spécialiste en sciences de l'éducation, classe I, subit actuellement les tests pour son inscription au programme normal de la maîtrise en administration publique de l'ENAP, pour la session de septembre prochain. Un professionnel agent de recherche et de planification de la classe II est rentré, en décembre dernier, d'un séjour d'un an à l'Ecole internationale de Bordeaux, école créée par l'agence technique de coopération. Enfin, un autre professionnel, attaché d'administration à la classe I, a terminé avec succès, en mai 1973, sa scolarité de maîtrise en service social, faite à temps partiel.

Je le disais la semaine dernière, et je le répète, vous admettrez sans doute avec moi que

pour un ministère de 147 postes à l'effectif, le programme de perfectionnement du personnel est assez intéressant, puisqu'il porte sur 4 p.c. des effectifs. Evidemment, je pense bien que le député de Maisonneuve conçoit avec moi que plus l'effectif est restreint — on parle ici de 147, au lieu de 1,000 ou 5,000 ou 10,000 — plus chaque fonctionnaire prend de l'importance, quant à la fonction et au rôle qu'il joue dans la machine, qui est plus petite, évidemment, dans le cas actuel, et moins il a de temps disponible. Donc, plus l'absence de l'un ou de l'autre est remarquée et peut présenter des conséquences. Je dis au député de Maisonneuve, sous réserve de notre budget, des dimensions de notre effectif, de l'importance du ministère, qu'on ne peut pas faire un plus gros effort sans se priver de chevilles fort utiles pour le déroulement normal de notre administration.

M. BURNS: Est-ce que le ministre est en mesure d'évaluer la part de son budget de l'année dernière qui a été consacrée à ce programme de perfectionnement? Quelle est la part du budget de cette année qui est consacrée à ces programmes de perfectionnement?

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve voulait réserver sa question, ou ma réponse pour un peu plus tard, parce que c'est un calcul qui n'est pas facile, il n'a pas été fait, mais d'ici quelques minutes, je devrais pouvoir lui donner la réponse.

M. BURNS: Très bien. J'attendrai la réponse du ministre.

Concernant le comité consultatif dont on a parlé brièvement ce matin, le ministre nous a dit que jusqu'à maintenant il y a eu trois réunions, la dernière date d'hier. Mes informations, qui ont été prises avant la rencontre d'hier, étaient qu'il y avait eu deux rencontres de ce comité consultatif.

M. BIENVENUE: Deux plus une, il y en a eu trois.

M. BURNS: Donc, deux plus une, cela s'équilibre, on s'entend, il y en a eu trois.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve continue d'être bien renseigné.

M. BURNS: Oui. J'aimerais que le ministre nous dise, à toutes fins pratiques, sur quoi les deux premières, celles dont je connaissais l'existence, au début de l'étude des prévisions budgétaires, ont fait porter leurs délibérations.

M. BIENVENUE: On continue...

M. BURNS: Je ne l'empêche pas de nous dire d'ailleurs plus en détail ce sur quoi ont porté les délibérations de la troisième. Je sais qu'il a été question du projet de loi 22. Il a sans doute été question d'autre chose aussi.

Est-ce que le ministre peut faire une espèce de portrait global des délibérations des trois rencontres du comité consultatif du ministère?

M. BIENVENUE: Normalement et sous réserve de cette première remarque, M. le Président, là aussi je peux me tromper, mais je pense de bonne foi...

M. BURNS: Excusez-moi, mais est-ce que le ministre y assiste généralement? Est-ce qu'il a assisté aux trois rencontres tenues jusqu'à maintenant?

M. BIENVENUE: J'ai une moyenne de 100 p.c. de présence.

M. BURNS: C'est bien. C'est mieux que bien des députés libéraux en Chambre.

Pas ceux qui sont ici, cela ne vise personne de ceux qui sont ici, je ne sais pas pourquoi le député d'Anjou réagit cela ne le vise pas, il est là souvent.

M. TARDIF: Je ne me suis pas senti visé.

M. BURNS: Non? Pourquoi réagissez-vous alors?

M. TARDIF: Parce que je trouve que c'est injuste comme rumeur.

M. BURNS: Mais le député de Sainte-Marie est visé. Lui, je ne le blâme pas de se rebeller.

M. MALEPART: Je ne jouerai pas le jeu du député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je ne joue pas de jeu. J'écoute le ministre.

M. BIENVENUE: J'allais dire que je ne suis pas du tout certain que je doive obligatoirement dévoiler le sujet de ces délibération qui, comme on le sait, sont à huis clos. Ces gens se réunissent pour informer, conseiller, aviser le ministre d'un ministère donné. Sous réserve de cette remarque, je veux dire que la première réunion, comme c'était normal, a porté surtout sur des sujets bien préliminaires, entre autres le fait de se connaître les uns et les autres, parce que l'on parle toujours de cette première réunion. Elle a donc porté sur des sujets d'intérêt très général, des sujets très préliminaires. Toujours au sujet de cette première réunion, on a parlé surtout des projets de réglementation éventuelle, de procès-verbaux, de convocations, etc. et d'échanges très vastes, très vagues sur de grands sujets "at large" sans jamais entrer dans aucun en particulier.

Au cours de la deuxième réunion, nous nous sommes penchés bien davantage sur ce mémoire qui a fait l'objet d'une fuite, comme on l'a dit, sur son contenu et j'ai demandé l'avis des membres du comité consultatif sur ce mémoire, sur ses principales clauses, ses retombées éven-

tuelles, etc. Quant à la dernière séance qui s'est déroulée hier, il a été question, comme je l'ai dit ce matin, d'un projet de loi qui crée tant d'effervescence depuis une semaine, le projet de loi 22. Il a été question à nouveau de ce mémoire aux autorités fédérales venant du Québec, parce qu'il y a un lien bien étroit, bien intime, sur bien des plans entre les deux sujets et il a également été question de choses de routine ayant trait à la réglementation du comité consultatif. Ce sont les grandes lignes des trois rencontres que nous avons eues. Evidemment, plus elles seront nombreuses, plus elles seront intéressantes, parce que c'est un sujet tellement vaste, l'immigration, il y a tellement de volets qui peuvent être discutés, observés et amenés sur le tapis que, évidemment, plus ces rencontres auront lieu, plus elles seront nombreuses, plus elles seront intéressantes.

M. BURNS: Je comprends la remarque préliminaire du ministre lorsqu'il dit qu'il ne se sent pas obligé, dans le fond, de nous donner un rapport complet des délibérations et que, par la suite, il accepte de me dire certains sujets qui ont été traités.

M. BIENVENUE: J'ai vraiment couvert les sujets qui me reviennent à l'esprit.

M. BURNS: Je croyais que, de la part du ministre, c'était une façon de ne pas me dire certaines choses qui ont été discutées aux réunions. Je ne dois pas comprendre cela?

M. BIENVENUE: Non, pas du tout. M. BURNS: Bon.

M. BIENVENUE: Je ne voulais, d'une part, ni créer de précédents, ni, d'autre part, oublier la réserve que j'ai faite, mais je n'ai vraiment rien caché.

M. BURNS: Sauf que, je vais plus loin que cela, M. le ministre, dans le cas de la plupart des conseils consultatifs que nous connaissions, au Travail, à la Justice, entre autres, et le Conseil supérieur de l'éducation, il y a des rapports officiels qui sont publiés annuellement. Le Conseil consultatif, en tout cas, du travail et de la main-d'oeuvre publie un rapport, le Conseil consultatif de la justice publie un rapport également. Ce ne serait peut-être pas une mauvaise affaire si ce comité consultatif devait avoir ou acquérir une certaine permanence ou un caractère de permanence, que l'on envisage même de publier un rapport de leurs délibérations.

M. BIENVENUE: Je note l'excellente suggestion du député de Maisonneuve et je lui répète que je n'ai rien caché, au contraire, j'ai donné de mémoire tous les grands sujets qui s'y sont discutés et j'ai pris un risque en le faisant.

Je ne serais pas plus surpris que le député de Maisonneuve eût vent du contenu de ces discussions. Est-ce que j'ai été complet dans mon rapport?

M. BURNS: Non, je peux dire qu'à ma connaissance vous avez été complet.

Cependant — et c'est cela le point auquel je voulais en venir — je remarque une chose qui ne se fait pas, par exemple, dans un autre conseil consultatif que je connais assez bien, celui du travail et de la main-d'oeuvre, c'est que quand il arrive des choses majeures et importantes, on demande, puisque c'est un conseil consultatif, l'opinion avant d'agir au niveau du ministère. Je sais que le ministère du Travail, par exemple, se propose actuellement de soumettre un certain nombre d'amendements au code du travail, certaines réformes au niveau des commissions, comme la Commission des accidents du travail ou la Commission du salaire minimum et ce sont des points que l'on soumet à l'avance au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. On fait un peu la même chose... Je pense que votre collègue de la Justice fait un peu la même chose avec le Conseil consultatif de la justice. Prenons l'exemple que l'on a vécu en décembre, quand il a envisagé d'augmenter le salaire des juges de $28,000 à $33,000. Ce qu'il a fait, c'est qu'il a soumis, même si l'on était pas d'accord — on était d'accord sur le fait qu'il le soumette — au conseil consultatif d'avance le problème.

Vous avez là deux problèmes majeurs qui ont été soumis au comité consultatif du ministère de l'Immigration, soit le fameux mémoire secret ou discret, selon l'expression du ministre, a son collègue fédéral ou à son homologue fédéral, M. Andras, relativement à la récupération d'un certain nombre de pouvoirs.

Deuxièmement, j'apprends que le projet de loi no 22, qui est déjà déposé depuis une semaine, fait l'objet d'une étude depuis hier au comité consultatif. Je trouve qu'à ce moment ce n'est pas véritablement un comité consultatif, c'est un comité de consultation après coup, c'est un peu si on disait à quelqu'un: Regarde, j'ai fait cela. Qu'est-ce que tu en penses? Penses-tu que j'ai bien fait? Dans mon esprit, n'importe quel comité consultatif est un comité que l'on consulte a priori, pas une fois que les choses sont faites et, si ces comités ont une valeur, c'est parce que l'on s'imagine qu'il y a un certain nombre de gens qui sont là et qui peuvent agir comme experts. Je comprends que les hauts fonctionnaires du ministère sont aussi des experts qui conseillent les ministres. Il n'y a pas de doute et c'est dans tous les ministères. C'est normal que le sous-ministre et tous les autres hauts fonctionnaires conseillent le ministre dans ses orientations, mais, si on prend la peine de former, en dehors des cadres du ministère, un conseil consultatif quelconque, il me semble que, si on veut être logique avec soi-même, il faut le consulter avant que le geste soit posé. Certes, j'aurais trouvé normal — et

j'aimerais savoir quelle est la philosophie du ministre là-dessus— qu'il consulte le comité consultatif avant le dépôt du projet de loi no 22.

Si le ministre ne voulait pas leur donner le texte lui-même, au moins les grandes lignes du projet de loi, surtout, dans le cas du mémoire qui était adressé à M. Andras, le ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration au fédéral. Quel est le point de vue du ministre sur le fait de consulter a posteriori ces gens sur des affaires importantes comme celles-là?

M. BIENVENUE: C'est une bonne question. Je vais essayer d'y répondre le plus objectivement possible. C'est avec raison, qu'en parle le député de Maisonneuve. Dans le cas du mémoire aux autorités fédérales de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration, je dois rappeler que ce mémoire a commencé à être en gestation et, subséquemment, en rédaction à compter de l'automne dernier, plus particulièrement à compter, sauf erreur, de la fin de septembre dernier. Mais le comité consultatif dont on parle n'a siégé, pour la première fois, qu'en janvier. C'était le 27 janvier, presque en février, il venait d'être formé. Il n'a eu sa première réunion — comme je l'ai dit, c'était une réunion pour les préliminaires, les questions de règlements et de convocations, etc., pour faire connaissance les uns avec les autres — qu'à la fin de janvier ou en février. Par conséquent, il était impossible, pour des raisons évidentes, de consulter ces gens au moment de la confection du mémoire qui, lui, a été confectionné dans les mois et les semaines qui ont précédé.

Non seulement cela, mais on me rappelle aussi que le comité consultatif, même en janvier, lors de sa première réunion — réunion bien partielle, bien incomplète — était à l'image de la composition du comité, c'est-à-dire incomplet. Le comité n'est pas encore complet. Il est presque complet, mais il ne l'est pas encore au moment où je vous parle. Alors, en gros, le comité n'était formé qu'aux deux tiers à la fin de janvier, alors qu'il n'était pas question des deux tiers, mais de la totalité du mémoire qui était confectionné à l'époque ou précédemment, parce que c'est à peu près vers les mêmes dates que j'ai eu, avec mon homologue fédéral, la rencontre qui était à la base et qui a déclenché tout cela.

Le député de Maisonneuve me donne un exemple que je retiens, celui du ministère de la Justice où, avant de lancer en première lecture le projet de loi pour augmenter le traitement des juges au Québec, le comité consultatif...

M. BURNS: Je mentionnais celui-là, mais j'aurais pu mentionner également la Loi des petites créances, la Loi de l'aide juridique...

M. BIENVENUE: D'accord.

M. BURNS: ... tous les projets majeurs du ministère.

M. BIENVENUE: Justement, la distinction que je fais entre ces cas du ministère de la Justice et le cas du ministère actuel, au moment où on parle du projet de loi 22, c'est que, précisément, dans le cas du ministère de la Justice, c'étaient des lois de ce ministère, déposées et proposées à l'adoption de la Chambre par le ministre de la Justice.

Dans le cas qui nous occupe maintenant au sujet du projet de loi 22, ce n'est pas une loi du ministère de l'Immigration, comme on le sait; c'est une loi du ministère de l'Education. Je n'avais pas sur cette loi le parfait contrôle qu'avait le ministre de la Justice sur les lois de la justice dont on vient de parler. Evidemment, il m'était difficile, à toutes fins pratiques, sinon impossible de consulter les gens du Comité consultatif de l'immigration — je sais à quoi pense le député de Maisonneuve — sur ce projet qui était celui d'un autre ministère. Celui qui vous parle ne se promenait pas sur la rue avec des textes du projet de loi 22 avant qu'il soit déposé en première lecture. Ce projet de loi a été bien protégé, bien entouré.

Enfin, pour ce qui est de la réunion d'hier, je dis au député de Maisonneuve...

M. BURNS: On a même su que le caucus a été averti après coup, après le dépôt.

M. BIENVENUE: J'écoute parler le député de Maisonneuve et je ne réponds pas.

M. BURNS: Vous en avez le goût, par exemple. Laissez-vous donc aller un peu !

M. BIENVENUE: Je rappelle au député de Maisonneuve qu'hier, lors de cette troisième réunion du comité consultatif d'immigration, on a mis sur pied, et seulement hier, les premières bases, les premières pierres d'un sous-comité des règlements ou de la réglementation à ce comité consultatif qui, justement, va se pencher sur la stratégie, sur les modalités d'une réglementation pour prévoir des cas comme celui auquel fait allusion le député de Maisonneuve. Je dis cela pour bien montrer à quel point nous en sommes encore vraiment au début. C'est une chose toute nouvelle qui, elle aussi, a tardé, parce que ce comité existait dans notre loi, mais seulement dans notre loi, depuis la création du ministère, il y a cinq ans. Toutefois le comité est vraiment venu au monde sur ses deux pattes, depuis l'étude de nos crédits, il y a un an, et suivant l'engagement que j'avais pris à ce moment-là.

Je comprends les préoccupations du député de Maisonneuve et j'ai soigneusement noté sa recommandation pour l'avenir au point de vue des rapports, au point de vue de la consultation et nous allons essayer, là comme ailleurs, de faire du rattrapage.

M. BURNS: M. le ministre, si je pose cette question, c'est que je regarde les gens qui forment le comité. Si mes informations sont

bonnes, elles devraient l'être, c'est le bulletin du ministère que j'ai devant les yeux, Québec Monde, les personnes qui forment le comité, c'est-à-dire M. Maurice Champagne, directeur général de la Ligue des droits de l'homme, M. Lucien Darveau, président du bien-être des immigrants à Québec, M. Dale Thompson, vice-recteur à la planification de l'Université McGill et les cinq membres que le comité compte en plus, c'est-à-dire, M. Henri Gautrin... Est-ce celui qui est occupé par d'autres choses actuellement?

M. BIENVENUE: C'est le père de celui...

M. BURNS: C'est son père. Ce n'est pas François?

M. BIENVENUE: C'est celui qui fait vivre l'autre.

M. BURNS: Bon. M. Gautrin va être content d'entendre cela.

M. BIENVENUE: II faudrait que l'on inscrive mon sourire au journal des Débats.

M. BURNS: M. Maurice Legault, M. Sarto Marchand, Mme Monica Matte et M. Thomas Monti. Une chance que le député des Iles-de-la-Madeleine n'est pas ici, parce qu'il aurait sûrement sursauté quand j'ai mentionné le nom de M. Sarto Marchand.

Quoiqu'il en soit, il semble que l'on a affaire à un groupe de gens qui, chacun dans son domaine, ont des éléments de compétence qui peuvent amener des opinions intéressantes au ministère.

Je parlerai d'ailleurs d'un élément du comité consultatif un peu plus loin, mais il y a une question que je me pose. Je vois des gens qui ont des opinions aussi diverses que M. Maurice Champagne et M. Dale Thompson. Le ministre le mentionnait lui-même ce matin, M. Champagne, d'une part, comme secrétaire de la Ligue des droits de l'homme, est contre le projet de loi 22. M. Dale Thompson, selon une nouvelle qui paraît dans le Devoir de ce matin, se dit pour sa part favorable au projet mais avec des réticences...

M. BIENVENUE: Des réserves.

M. BURNS: Beaucoup de réticences, d'après ce que j'ai pu voir.

Quant au domaine précis de l'Immigration, qu'est-ce qui arrive si votre comité consultatif avec toutes les divergences que l'on peut lui connaître, réussit à se faire une idée unique et vous recommande quelque chose qui va à l'encontre du projet de loi no 22?

C'est ce que je me pose, comme question de fait. Comment, dans les faits, vous débrouillez-vous avec un problème comme celui-là?

M. BIENVENUE: Si je m'arrête au choix théorique, il va de soi que la réponse ressemble un peu à ce que l'on s'est dit ce matin. Elle pourrait être qu'où je rejette quant à moi le rapport unanime, n'est-ce pas, ou que je le retiens pour le soumettre au conseil des ministres, l'avaler moi-même, ensuite le soumettre aux autres ou — je parle toujours en pure, stricte et idéale théorie — j'en fais ma position. On est absolument dans le jeu amusant des théories à la limite. Ou c'est ma position ou cela peut le devenir ou cela peut ne jamais le devenir ou j'essaie de le vendre aux autres, si cela le devient. Je ne peux pas aller plus loin dans l'énumération de tous les volets d'hypothèse qui peuvent s'ensuivre. Je comprends la question du député.

M. BURNS: On connaît l'émotivité qui entoure ce projet de loi et surtout je dois dire que le premier ministre, à certaines occasions, est même hystérique, même qu'il traite les autres d'orangistes, d'excentriques et d'extrémistes; on connaît son attitude sur le projet de loi 22.

Disons, par hypothèse, que votre comité consultatif arrive avec quelque chose d'important en matière d'immigration. Je vous ai dit ce matin que, selon mon opinion, en matière d'immigration, c'était de la foutaise, le bill 22. Je maintiens mon opinion; je n'ai pas changé d'idée durant l'heure du lunch. Mais il est possible que ce comité arrive avec des recommandations sérieuses au ministre qui méritent vraiment de s'y arrêter au niveau de sa juridiction propre, c'est-à-dire quant à l'aspect de l'immigration via la langue.

M. BIENVENUE: Je dis tout de suite qu'indépendamment de ma propre opinion — je l'ai dit, je pense, il y a un instant — je me ferai un devoir de communiquer cette opinion majoritaire ou ce consensus de mon comité consultatif à mes collègues du conseil des ministres, au ministre de l'Education, au premier ministre. Evidemment, tout le monde siège autour de la même table. J'ajoute en vitesse et je laisse ensuite continuer le député de Maisonneuve que ces gens que nous avons tenté de choisir pour leur valeur respective — je pense que le choix est fort heureux — ont su, jusqu'à maintenant, discuter — qu'on me prenne à témoin de ça — de façon absolument rationnelle, avec fort peu d'émotivité, un sujet aussi important. De cela, je leur rends témoignage.

M. BURNS: Si je soulève cette question, c'est que je trouve qu'on ne met pas toutes les chances de notre côté. Avec les engagements publics que le premier ministre et le ministre de l'Education prennent depuis quelques jours, en fait depuis moins d'une semaine, je me demande si, à un moment donné, même si les recommandations du comité consultatif étaient ultravalables, pour des raisons politiques, à cause du fait qu'on les place devant une situation de fait déjà acquise, ces gens ne

sentiront pas ou bien l'inutilité de certaines recommandations valables qu'ils pourraient vous faire ou encore si les recommandations valables que ces personnes pourraient vous faire ne seront pas tout simplement mises de côté parce que ce serait, jusqu'à un certain point', comme certaines gens le pensent déjà, perdre la face de reculer sur le bill 22.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve, qui est juriste et qui connaît bien son règlement de l'Assemblée nationale, conviendra avec moi que son interrogation — il s'interroge tout haut devant nous— est évidemment très hypothétique. Je sais à quoi il fait allusion. N'importe qui, autour de cette table, peut se poser la même question, tant au sujet d'un groupement politique ou d'un autre. Dans le contexte politique du Québec, en 1974, si on convainquait le gouvernement Bourassa — je fais comme le député de Maisonneuve, évidemment; j'espère qu'on me cite bien, je pense tout haut — de la futilité ou de la faiblesse du bill 22, jusqu'à quel point, pour des motifs politiques, a dit le député de Maisonneuve, serait-il en mesure de reculer? Par contre, jusqu'à quel point, si un jour —je ne crois pas avoir jamais ce talent — moi ou un autre, nous convainquions le député de Maisonneuve ou le Parti québécois de la futilité où du mal fondé de la thèse de la séparation, réussirions-nous à les convaincre? Il y a toujours le contexte politique.

M. BURNS: Je suis toujours ouvert, moi, j'écoute toujours les arguments, sauf que je n'en ai jamais entendu de bons encore jusqu'à maintenant.

M. BIENVENUE: Moi aussi, je suis ouvert. C'est pour ça que j'écoute le député de Maisonneuve avec beaucoup d'intérêt depuis ce matin.

M. BURNS: Je suis bien prêt à vous expliquer un tas de choses là-dessus, je n'ai pas d'objection, mais j'ai l'impression que le président me rappellerait à l'ordre et qu'il me dirait: Parlez donc des crédits du ministère.

M. BIENVENUE: Enfin, disons, pour revenir à une note sérieuse, que j'ai bien dit devant le député de Maisonneuve — et on ne s'est pas consulté à l'avance, Dieu merci, ni en cela ni en autre chose — que je me ferais un devoir de porter à la connaissance de mes collègues tout mémoire que me ferait mon comité consultatif, dans un sens ou dans l'autre, tendant vers une conclusion ou vers la conclusion opposée. Je le ferais, car je pense que c'est de la saine démocratie. Je reviens toujours à l'histoire. S'il est un cas où la population doit participer, où les organismes doivent participer, dont celui-là, c'est bien celui où l'on se penche, pour la première fois, depuis un siècle — je le dis sans drame et sans orchestre — sur le problème combien vital de notre identité nationale, de notre langue et de notre culture.

C'est très important, et parce que c'est important, le comité consultatif de l'immigration mérite autant que d'autres organismes de voir son message porté à la connaissance de ceux qui le dirigent, et je m'y engage sans hésitation.

M. BURNS: Bon, en tout cas, on verra avec le temps. J'espère que si ces délibérations ou si un rapport quelconque sont publiés de la part du comité consultatif, on saura exactement quelle a été, même a posteriori, la position du comité consultatif relativement au projet de loi 22. Ce sera peut-être seulement l'année prochaine, aux crédits, qu'on pourra en reparler au ministre, mais comme on le suit d'année en année...

M. BIENVENUE: Et on le suit bien. M. BURNS: Oui, on le suit de près.

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me le permet, j'ai la réponse à la question qu'il me posait tout à l'heure quant à l'exercice budgétaire 1973/74. Les 4 p.c. des effectifs dont on a parlé et qui ont suivi des cours de perfectionnement, cela a encouru une dépense d'environ —je dis bien environ parce que ce n'est pas facile — $50,000, soit une proportion à peu près semblable à celle de 3 p.c. du montant des salaires des effectifs. Pour 1974/75, évidemment, l'avenir étant ce qu'il est, je puis parler vraisemblablement des mêmes montants avec évidemment, dans le contexte actuel, le même pourcentage d'effectifs. Mais, cela, c'est pour l'avenir; ça ne peut pas être aussi rigoureusement précis.

M. BURNS: En somme, ce n'est pas encore budgétisé pour l'année qui vient, c'est ça? C'est-à-dire que c'est au budget, mais vous ne savez pas quelle part sera affectée à ça?

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve l'a compris: il s'agit de cours ou d'activités d'instruction ou de perfectionnement pris sur le temps de ces employés. Il est difficile de faire autrement que de le budgétiser sur la base du salaire gagné par ces employés. En d'autres termes on ne pourrait pas, je l'ai dit tout à l'heure, se payer le luxe de vider à l'infini les effectifs de notre ministère, combien restreints, pour envoyer tout le monde se perfectionner, parce qu'alors il faudrait les remplacer par d'autres. On essaie de combiner temps d'emploi et temps de perfectionnement.

M. BURNS: Bon, bon. Je reviens au comité consultatif — je remercie le ministre pour l'information à ce sujet — et en particulier à M. Dale Thompson. Ce n'est pas dans mon habitude de critiquer la compétence de hauts fonctionnaires ou de gens qui occupent des fonctions semblables. Sans être des fonctionnaires, ces personnes occupent des fonctions très pro-

ches, et il y a quand même une similitude avec les conseillers du ministre qui sont ses hauts fonctionnaires. Malgré cela, je suis obligé de noter, eu égard aux négociations que le ministre a déjà entreprises ou amorcées avec le gouvernement fédéral relativement à la récupération de certains pouvoirs — par exemple, le mémoire qui a été produit auprès de M. Andras — je suis obligé de noter, dis-je, que M. Thompson a été longtemps un haut fonctionnaire fédéral, à ma connaissance, et qu'il est même encore aujourd'hui conseiller du caucus libéral fédéral dont, à ce que je sache, M. Andras fait partie.

Est-ce que le ministre a envisagé certaines inquiétudes relativement à cette espèce de double personnalité de M. Thompson? Je ne mets pas en doute son intégrité ni quoi que ce soit, mais vous avez une personne qui, dans le fond, siège à un de vos comités consultatifs, à un de vos instruments de consultation et qui, d'autre part, est possiblement une personne qui pourrait être utilisée de l'autre côté, c'est-à-dire du côté fédéral. Il n'y a pas de doute qu'au départ les intérêts des deux ministères, fédéral et provincial, ne sont pas nécessairement les mêmes.

Il est peut-être de l'intérêt du ministère fédéral de garder le plus de pouvoirs possible en matière d'immigration donc de laisser au ministère québécois le moins de concessions possible. Il est d'autre part dans l'intérêt du ministère québécois de l'Immigration de récupérer le plus de pouvoirs possible en matière d'immigration, que ce soit au niveau simple du veto ou même encore sur le droit de parole au niveau du recrutement.

Je pose la question au ministre: Est-ce qu'il ne s'agit pas d'un cas de personne qui coiffe deux chapeaux différents, eu égard à un même problème, c'est-à-dire la récupération des pouvoirs du ministère québécois de l'Immigration? Est-ce que le ministre a envisagé cette possibilité?

M. BIENVENUE: Oui, dans le cas de M. Thompson, je savais qu'il avait déjà été pendant plusieurs années au service de l'administration fédérale; je l'avais appris — c'est un vieux souvenir pour moi que je révèle au député de Maisonneuve— d'un homme pour qui j'avais énormément d'admiration et qui était mon aîné au Barreau de Québec, M. Saint-Laurent dont M. Thompson a été, pendant plusieurs années, sauf erreur, le chef de cabinet. M. Saint-Laurent, un jour, je ne sais pas par quel hasard on parlait de M. Thompson, il y a de cela quelques années avant sa mort, m'avait parlé de cet homme comme ce qui lui paraissait être le prototype parfait du Canadien anglophone vivant au Québec et présentant toutes les caractéristiques de ce que doit être un bon Canadien qui, en même temps, peut être un bon Québécois. Et cela m'avait toujours marqué.

Qu'il soit conseiller auprès du caucus libéral fédéral, j'avoue que je l'apprends de la bouche même et à l'instant du député de Maisonneuve.

Nous avons retenu les services de M. Thompson, à cause de ce que j'ai dit il y a un instant, parce que j'ai eu l'occasion de le lire souvent, d'entendre les commentaires de ceux qui le connaissent. Je sais que le gouvernement américain et les universités, américaines comme canadiennes, ont souvent eu recours à son intelligence, à sa culture, à sa grande compétence et à son honnêteté intellectuelle. Je sais que c'est d'ailleurs pour cette raison que l'université McGill lui a confié d'importantes fonctions. Par ailleurs, je voulais absolument, dans un esprit que je crois être, je pense du moins, de saine démocratie, que le plus grand nombre possible de minorités soient représentées à ce comité consultatif. Nous avons des gens de différents groupes ethniques; j'ai même voulu que la couleur...

M. BURNS: Soit représentée.

M. BIENVENUE: Oui, que la peau des individus soit représentée et j'y attache combien d'importance! Là aussi notre choix a été combien heureux, quelle intelligence que M. Vély Leroy, auquel je fais allusion, quelle belle intelligence et quelle merveilleuse intégration à la communauté francophone et canadienne à la fois.

Il était, je pense, bien normal que, parmi toutes ces minorités, il y en ait une, soit la minorité anglophone, qui soit représentée par un personnage que je voulais aussi ouvert, aussi large d'esprit, aussi bien reconnu dans différents milieux que l'est M. Thompson.

Evidemment, au chapitre des conflits d'intérêts, un autre choix dont je me réjouis chaque jour davantage est celui de M. Champagne, qui est secrétaire général de la Ligue des droits de l'homme. Je ne crois pas qu'à tous les jours M. Champagne encense la présente administration, je pense même qu'à l'occasion du bill 22 il y est allé assez abondamment et généreusement de ses commentaires de dissension. Alors, je vous avoue que je ne vois pas plus de conflits d'intérêts entre, disons, un bonhomme comme M. Champagne et nous, qu'entre M. Thompson et nous. Je puis vous dire — je rends ce témoignage aussi — que M. Thompson, au cours des réunions auxquelles il a assisté dans ce comité consultatif, a mis en évidence, a fait montre des qualités que je viens d'énumérer, et sa largeur de vues en a impressionné plusieurs et était bien à la hauteur des commentaires que l'on m'en avait fait.

Je connais assez, de ce que je connais de M. Thompson, son intégrité personnelle pour savoir qu'il se serait fait ou qu'il se fera éventuellement, si le cas devait se poser, le premier à invoquer ce conflit d'intérêts et à se retirer. Je vous avoue qu'à ce jour je n'ai qu'à me féliciter de son choix, comme d'ailleurs de tous et chacun de ceux qui constituent ce comité consultatif et qui savent — et M. Champagne en est un exemple — faire la part des choses, c'est-à-dire se dissocier d'un organisme au moment où ils siègent dans un autre.

M. BURNS: Je suis heureux d'entendre le ministre le dire. Si je soulevais le cas c'est que, comme on nage en plein milieu de conflits d'intérêts depuis quelque temps, à des niveaux encore supérieurs à ceux qu'on examine actuellement, c'était peut-être bon de le mentionner avant le coup pour ne pas qu'à un moment donné les gens ne se rendent pas compte qu'ils sont susceptibles d'être dans une situation de conflits d'intérêts. Si le ministre en est conscient, j'en suis parfaitement heureux et je présume que M. Thompson en est également conscient. Il ne faudrait pas qu'on dise après coup, si jamais on vient l'année prochaine avec des remarques à ce sujet, qu'on n'aura pas averti le ministère d'avance.

M. BIENVENUE: D'accord, le député de Maisonneuve fait son devoir et je n'ai aucune arrière-pensée face à la question qu'il a posée.

M. BURNS: D'accord. Autre problème, M. le ministre. Dans vos crédits de l'année dernière vous nous disiez — toujours au journal des Débats du 15 mai, à la page B-1519 — que vous vouliez augmenter le nombre de vos postes à l'étranger. A ce que je sache, à moins que mes informations ne soient pas exactes, il n'y aurait pas eu d'augmentation de vos postes à l'étranger.

M. BIENVENUE: Votre information...

M. BURNS: J'aimerais savoir si c'est exact.

M. BIENVENUE: L'information du député de Maisonneuve est rigoureusement exacte. Je dis tout de suite, pour enlever toute confusion, que telle augmentation est intimement et directement liée aux fameux pouvoirs que nous négocions avec Ottawa actuellement, c'est-à-dire que, dès que nous en arriverons avec une entente sur ce que nous recherchons, ce nombre de postes à l'étranger sera substantiellement accru. Je le répète, j'aurais souhaité qu'il n'y ait pas d'élections fédérales pour peut-être pouvoir répondre au passé au député de Maisonneuve. Mais là je suis obligé de répondre au futur, dans l'expectative que cette entente soit conclue et que, au budget de l'année prochaine, on parle au passé en disant qu'il y en a tant de nouveaux...

M. BURNS: Bon.

M. BIENVENUE: ... dans certains pays.

M. BURNS: Vraisemblablement, si...

M. BIENVENUE: Plus, évidemment, ce qui suit toujours, ce qui s'appelle le budget additionnel...

M. BURNS Oui, je n'ai pas...

M. BIENVENUE: ... qui servira en partie à défrayer le traitement de ces nouveaux fonctionnaires. L'un attend l'autre, il y a une espèce de cercle vicieux.

M. BURNS: D'accord, mais ce que j'allais dire c'est que, vraisemblablement, toute augmentation éventuelle des nombres de postes à l'étranger va de pair avec une certaine politique du ministère. Alors, est-ce que le ministre peut nous dire, advenant — il y a deux si — qu'il récupère un certain nombre de pouvoirs du fédéral et advenant qu'il ait les budgets suffisants, quelle est la politique précise du ministère qui est derrière cette augmentation des postes à l'étranger?

En même temps, le ministre pourrait-il songer, en répondant à cette question, à me dire quels sont ces postes qu'il entend ouvrir, dans quelles villes, me dire également s'il a déjà pressenti des candidats?

M. BIENVENUE: II y a des candidats qui nous ont pressenti...

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: ... et nous n'en avons pas encore pressenti.

M. BURNS: Vous n'en avez pas pressenti. A celle-là, il est facile de répondre; il y aurait l'autre aussi, dans quelles villes? Sinon dans quelles villes, du moins dans quels pays?

M. BIENVENUE: Oui, je me reporte à nouveau — en le regrettant, mais c'est utile à l'occasion — aux propos que je tenais à l'Assemblée nationale le 26 mars 1974, donc assez récemment, où je répondais à la principale partie, la partie importante de la question du député de Maisonneuve, et je "nous" cite: Pour répondre aux contraintes déjà expliquées...

M. BURNS: Quand vous dites "nous", vous voulez dire vous et vos hauts fonctionnaires qui ont travaillé au document?

M. BIENVENUE: C'est ça, ou alors moi, très modestement.

Pour répondre aux contraintes déjà expliquées une telle situation...

M. BURNS: A quelle page, M. le ministre?

M. BIENVENUE: A la page 10 de l'allocution en question.

Pour répondre aux contraintes déjà expliquées, une telle situation ne saurait convenir, et les termes de l'entente, ce que j'ai dit ce matin, doivent conséquemment être négociés. Une politique satisfaisante d'information, de sélection et de recrutement devrait alors être fondée sur trois principes essentiels.

Premier principe: la polarisation. C'est là qu'on établit des pôles. Mon ministère disposerait d'une équipe de quatre ou cinq agents

d'immigration localisés dans un pôle continental — et là j'ai cité, à titre d'exemple, l'Europe, l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine, l'Amérique du Nord, qui elle serait couverte depuis le Québec évidemment. Il conviendra de déterminer exactement le lieu d'implantation de ces pôles.

Deuxième principe: la localisation. On va du plus vaste au plus étroit là, n'est-ce pas? L'entente actuelle devrait être révisée pour obtenir que les ambassades canadiennes soient, non seulement des lieux de résidence permanente des agents provinciaux dans les pôles où il n'y a pas de Maison du Québec, mais également des lieux d'accueil des missions itinérantes — et cela est un concept nouveau — de sélection et de recrutement.

Troisième principe: la mobilité. Celui en vertu duquel des agents d'immigration du Québec rayonneraient depuis leur base, où qu'elle soit de par le monde, pour deux types d'interventions. D'une part, des missions périodiques de sélection, selon des calendriers établis en accord avec les autorités fédérales, missions au cours desquelles seraient examinées et traitées toutes les candidatures destinées au Québec.

Conclusion logique qui en découle, la province devrait en outre obtenir le droit de s'opposer à des candidats qui ne correspondent pas à ses besoins. C'est là que nous avions parlé de l'éventuel permis de travail.

D'autre part, des missions de recrutement destinées à stimuler les mouvements migratoires, soit des missions générales de recrutement dans des bassins qui intéressent le Québec, et notamment les pays francophones ou ceux dont les résidences sont francophonisables — c'est là que j'avais inclus les citoyens du Royaume-Uni — soit des missions spécifiques de recrutement destinées à combler certaines pénuries de main-d'oeuvre.

J'exprimais le voeu que des employeurs québécois se joignent à de telles missions qui rejoindraient un tant soit peu la notion de missions dont je parlais ce matin, à l'intérieur même du Québec.

Là-bas ce seraient des missions pour trouver les individus alors qu'ici ce seraient des missions pour trouver les besoins.

A l'occasion de ces missions de recrutement, toutes les formules auraient suite. Les formules attachées aux candidatures dans les différents pays où nous irions voir les candidats seraient à notre disposition là-bas de façon que personne ne vienne au Québec sans que nous soyons consultés dans chaque cas. Il ne faut pas confondre ces formules avec la formule 1000 dont j'ai parlé, qui, elle, est à partir d'ici au pays lors de l'arrivée d'un immigrant.

M. BURNS: Je reviendrai plus tard, M. le Président, sur les trois principes mentionnés par le ministre, soit la polarisation, la localisation et la mobilité. Mais je dois dire au ministre qu'il ne m'apprend rien quand il me dit que son ministère, selon le premier des principes, la polarisation, disposerait d'une équipe de quatre ou cinq agents d'immigration localisés dans un pôle continental et il nous nomme les cinq continents. Je comprends que les cinq continents l'intéressent, l'Europe, l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Amérique du Nord, mais est-ce qu'il ne peut pas être plus précis dans...

M. BIENVENUE: C'est-à-dire...

M. BURNS: Je donne l'exemple de Bruxelles, où on a une Maison du Québec, je pense, sans avoir un agent d'immigration.

M. BIENVENUE: C'est exact.

M. BURNS: C'est ça que je veux dire là.

M. BIENVENUE: Vous voulez que je devienne beaucoup plus précis dans les endroits?

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Bon.

M. BURNS C'est-à-dire, ma question était: Admettant que vous récupéreriez les pouvoirsque vous voulez récupérer du fédéral et admettant que les suppléments budgétaires que vous demandez vous soient accordés, dans quelle ville au moins dans .quel pays?

M. BIENVENUE: Tout d'abord, en Europe occidentale, le pôle normal — et c'est en fait actuellement l'endroit où nous avons le plus de représentants — serait Paris, en France, pôle, comme je l'ai expliqué, à partir duquel des missions circuleraient.

Le député conviendra avec moi qu'à moins que nous ayons un jour des budgets fantastiques, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'un agent dans les principales capitales de l'Europe occidentale, de la même façon qu'il y a, si on veut, des ambassades fédérales dans les principaux pays. Ce ou ces agents — je devrais dire ces agents, dans le cas de Paris — rayonneraient vers les principales ambassades environnantes, et c'est là l'objet d'une de nos discussions, pour y avoir des pieds-à-terre.

Dans le cas de l'Europe orientale, du Moyen-Orient, c'est évidemment Beyrouth, peut-être avec un point d'interrogation, mais comme nous avons déjà là un homme en poste au Liban, terre absolument pacifique dans tout ce volcan qui l'entoure, je pense que Beyrouth continuerait d'être l'endroit tout désigné, jusqu'à preuve du contraire.

Dans le cas de l'Afrique, nous avons mis un gros point d'interrogation et je ne peux pas donner la réponse que j'ignore moi-même.

Dans le cas de l'Amérique latine, nous...

M. BURNS: Vous n'avez pas pensé à Dakar qui est en plein milieu de tout ça.

M. BIENVENUE: Le jeu de mots serait trop facile de dire: D'accord.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: On y a pensé, c'est une excellente suggestion. Cela peut être Abidjan. Ce sont des endroits auxquels nous avons pensé, mais j'avoue que nous sommes moins précis là que pour ce qui est de l'Europe.

En Amérique latine, nous avons pensé à Buenos Aires. Le bureau d'immigration fédéral y est déjà installé, et jusqu'à nouvel ordre, pour couvrir l'Amérique du Nord et l'Asie, Montréal demeurerait le port d'attache.

Evidemment, on réalise qu'on s'interroge dans tous ces domaines. Il n'y a pas que les autorités fédérales, il y a le ministère québécois des Affaires intergouvernementales qui a son mot à dire dans ce domaine et avec qui nous sommes actuellement en pleins pourparlers pour prévoir, advenant que tout débloque sur le plan fédéral. Nous sommes déjà en pourparlers avec les Affaires intergouvernementales, ici à Québec, mais je répète toujours au député de Maisonneuve qu'il y a un problème budgétaire, de la même façon que nous en aurions s'il fallait, du jour au lendemain, avoir des ambassades dans les principaux pays du monde.

M. BURNS: Actuellement, ceux qui sont sur place, aux endroits où vous en avez, je pense qu'ils sont dans les ambassades canadiennes.

M. BIENVENUE: Sauf à Paris, où ils sont logés à la Maison du Québec.

M. BURNS: A la Maison du Québec.

Est-ce qu'éventuellement vous envisageriez, dans les cas où il y a déjà des maisons du Québec...

M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS: ... d'y installer vos gens?

M. BIENVENUE: Réponse: Prioritairement. C'est normal, cela évite le double emploi ou le dédoublement. C'est parfaitement normal que ce soit là de façon prioritaire. Mais comme il n'y a pas et que je ne prévois pas de maisons du Québec partout pour très bientôt, il faut évidemment songer à l'ambassade du Canada où, évidemment, nos représentants sont tout près, à la portée des renseignements et des documents qui les intéressent. De là la nécessité de changer l'entente Lang-Cloutier, comme je l'ai dit ce matin.

M. BURNS: Je sais que le ministre avait un rendez-vous, je n'ai pas d'objection à suspendre quand il me fera signe de le faire. C'est évident qu'on ne pourra pas terminer avant ce soir.

M. BIENVENUE: J'ai certains de mes visiteurs avec moi, fort sympathiques, dans cette salle. Je regarde pour voir s'ils ont l'air impatient, mais ils n'ont pas l'air impatient. Ils ont l'air souriant. On peut arrêter tout de suite.

M. BURNS: Libre à vous, M. le ministre. Je vous avais dit ce midi que je n'avais pas d'objection à suspendre. Libre à vous, je n'ai pas d'objection à revenir à vingt heures.

M. BIENVENUE: Le peuple est souverain.

M. BURNS: Si ce sont les gens des COFI que vous devez rencontrer... est-ce que c'est ça? Ce n'est peut-être pas mauvais que vous les rencontriez maintenant, parce que j'aurai des questions à vous poser relativement aux COFI, ce soir.

M. BIENVENUE: Que de générosité!

M. BURNS: Je pourrais vous les poser avant, mais...

M. BIENVENUE: Les réponses seront peut-être meilleures si je les vois avant.

M. BURNS: Elles seront peut-être meilleures, c'est ça, si vous les voyez avant...

M. BIENVENUE: Vingt heures ou vingt heures quinze?

M. BURNS: Vingt heures.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

Reprise de la séance à 20 h 15

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux pour l'étude des crédits du ministère de l'Immigration et je cède la parole au député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, vous avez failli faire un lapsus bien le "fun".

LE PRESIDENT (M. Cornellier): En effet, mais je m'en suis aperçu à temps.

M. BIENVENUE: Je l'ai manqué, qu'est-ce que c'était?

M. BURNS: II a failli parler du ministère de l'Edu... de l'Immigration.

M. BIENVENUE: De l'Edugration. M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): J'ai seulement frôlé le lapsus. Je me suis corrigé assez tôt.

M. BURNS: Vous avez bien fait, M. le Président. D'ailleurs, M. le ministre, c'était une partie de nos discussions, dans les jours qui ont précédé.

Alors, M. le Président, à la fin de la séance, nous étions, je pense...

Je ne vous dérange pas, les whips adjoints?

M. GIASSON: Nous sommes tous attentifs à vos propos.

M. BURNS: D'accord, venez vous joindre à nous, s'il vous plaît.

Le problème que je veux soulever et qui relève toujours des bureaux à l'extérieur du Québec se réfère, encore une fois, à des déclarations du ministre en date du 15 mai 1973, page B-1527, où le ministre nous dit: "II y aura M. André Ménard sur qui je fonde aussi les plus grands espoirs pour nous représenter à Paris". En dehors de la lettre que M. Ménard a adressée à l'appui de M. René Gagnon...

M. BIENVENUE: Au premier ministre du Québec.

M. BURNS: ... je tiens à le mentionner, lettre qui, du même coup, s'en prenait au député de Maisonneuve, en date du 5 juillet, pour votre information.

M. BIENVENUE: Que j'ai lue devant une certaine commission d'enquête...

M. BURNS: Oui, que vous avez lue devant une certaine commission d'enquête. Le 5 juillet, il semble que ce M. André Ménard écrivait une lettre de recommandation en faveur de M. Gagnon, et soit dit en passant, ce n'est pas ma conception, je n'attaque pas de fonctionnaires. Je me violente même certaines fois pour ne pas attaquer de fonctionnaires, parce que c'est un peu la raison d'ailleurs pour laquelle nous demandons qu'un sous-ministre, lorsqu'il parle au nom du ministre, enregistre ses propos au nom du ministre. C'est-à-dire que je puisse dire au ministre: Vous avez dit telle et telle chose, alors que c'est son sous-ministre qui l'a dite. Je pense que c'est une règle d'éthique. Je mentionne cela, en passant, tout simplement.

M. BIENVENUE: II vous attaquait comment?

M. BURNS: Je vais vous citer l'extrait pertinent. Je pense que je l'ai devant moi, ici. De toute façon, je n'ai pas l'extrait devant moi.

M. BIENVENUE: Cela me frappe.

M. BURNS: Vous l'avez lu devant la CECO, je pense. Vous en avez lu des extraits.

M. BIENVENUE: Tout, au complet. M. BURNS: Au complet?

M. BIENVENUE: Oui. Et je ne me rappelle pas...

M. BURNS: La lettre de M. Ménard disait qu'il comprenait mal que j'aie attaqué ce pauvre M. Gagnon, grosso modo.

M. BIENVENUE: Disons que c'était une attaque négative, en ce sens que, face à la recommandation qu'il donnait au sujet du personnage en question, il disait à la façon négative: Je me surprends qu'on l'ait attaqué. Mais je ne crois pas réellement qu'il ait voulu attaquer...

M. BURNS: Non. Sauf qu'on se référait à mes déclarations ou à mes questions en date du 5 juillet en Chambre. Peu importe, je ne veux pas faire un débat là-dessus.

J'aimerais que le ministre nous dise ou puisse nous renseigner sur ce qu'on appelle généralement le "background", ou le curriculum vitae de M. Ménard. Est-ce qu'il est toujours en poste?

M. BIENVENUE: De mémoire, pendant qu'on me jette quelques notes, parce que nous n'avons pas le curriculum vitae de M. Ménard, d'après les quelques notes qu'on rédige à mon intention, je dirai au député de Maisonneuve que M. Ménard était entré en fonction au service du ministère de l'Immigration avant que j'y arrive moi-même, comme ce fut le cas de M. Gagnon dont on vient de parler.

M. Ménard était à l'emploi de mon collègue, le ministre de l'Education qui, à l'époque, était ministre de l'Immigration et c'est lui qui l'avait embauché, c'est lui qui le connaissait. Je suis arrivé, il était déjà là et il occupait le poste de secrétaire particulier adjoint au cabinet du ministre de l'Immigration à Montréal. Au moment où nous avons eu à remplacer un fonctionnaire qui, à l'expiration de son engagement de deux ou trois ans, je pense, devait revenir de Paris vers Montréal, ce fonctionnaire est effectivement revenu et M. Ménard, qui avait eu vent de l'ouverture de ce poste, cette vacance à Paris, avait fait application auprès de moi et de mes hauts fonctionnaires pour remplir ce poste. Après étude de son dossier, de son curriculum vitae, de ce que j'essaie de recueillir pour vous donner plus de détails, nous avions convenu qu'il remplissait parfaitement les normes que nous attendions d'un agent d'immigration du Québec à Paris ou ailleurs. C'est de cette façon qu'il est devenu fonctionnaire, agent d'immigration du Québec à Paris, où il est toujours et où les rapports que j'ai sur son sujet comme d'ailleurs sur les deux ou trois autres qui sont là sont excellents. On me parle toujours de l'excellent boulot fait par les agents d'immigration du Québec à Paris, dont M. Ménard, évidemment, qui fait partie de l'équipe. Sans vouloir anticiper sur les questions du député de Maisonneuve, je veux dire que cette lettre à caractère très privé que j'avais lue pour les besoins de la cause et qui m'avait été envoyée parce qu'elle portait quand même sur un personnage dont on sait qu'il était en cause à ce moment-là et sous lequel il avait servi, lui, comme secrétaire particulier adjoint, cette lettre, dis-je, était adressée au premier ministre que M. Ménard connaissait intimement et depuis longtemps, dans le passé. Je n'étais pas au courant de cela, j'ai appris tout cela par la suite, mais il le connaissait intimement au point de le tutoyer.

On sait que le premier ministre, qui est jeune, moderne, dynamique et démocrate...

M. BURNS: C'est l'opinion du ministre. On n'est pas obligé de la partager.

M. BIENVENUE: ... se fait tutoyer par bien des gens y compris...

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: ... bien des journalistes, et c'est peut-être la première fois dans l'histoire du Québec qu'un premier ministre se fait tutoyer par un si grand nombre de personnes.

M. Ménard était un de ceux qui avaient milité, à l'époque, bien avant que j'arrive à l'Immigration, dans les mêmes mouvements que le premier ministre et ils se connaissaient de vieille date. Je veux dire tout de même à sa décharge que c'était une note bien privée dont il m'avait envoyé copie pour les raisons que je viens d'expliquer et il a dû être le premier, lui-même, à se surprendre de voir que sa lettre avait connu une telle diffusion de façon bien involontaire, c'est-à-dire non prévue.

M. BURNS: Oui, mais comme vous l'avez rendue publique, la lettre en question nous fait nous poser des questions sur M. Ménard. Je les pose donc.

M. BIENVENUE: J'ajoute tout de suite aux détails qui manquaient sous réserve de précisions ou de contrôle des précisions, que M. Ménard est un homme qui a énormément de mérite, là aussi, j'emprunte une expression anglaise pas toujours facile à traduire, mais dont le député de Maisonneuve va bien convenir, M. Ménard est un exemple parfait de "self-made man".

M. BURNS: Un autodidacte.

M. BIENVENUE: Oui, mais dans son cas cela va un peu plus loin que le didacte, cela a été "self-made" à bien des niveaux.

M. BURNS: Pas "didace", c'est "didacte".

M. BIENVENUE: Quand je dis "self-made man", je le dis sans aucune arrière-pensée, en rappelant qu'il n'y a pas de sot métier et surtout je me réfère à son désir de vaincre, de s'améliorer, d'apprendre. M. Ménard a été menuisier, et je pourrais dire un tas d'autres choses...

M. BURNS: Je n'ai pas dit un mot là-dessus, M. le Président.

M. BIENVENUE: Je le sais.

M. Ménard a été un tas d'autres choses qu'il n'est peut-être pas nécessaire de livrer en public. Quant à son passé, M. Ménard a eu un mérite fou, il n'a pas hésité et j'ai certains détails à l'idée, il n'a pas reculé devant les tâches, devant les travaux les plus durs, les plus pénibles, et je vais être modeste dans mes épithètes, les plus pénibles, je le répète, et les plus durs pour s'arracher et devenir quelqu'un dans la vie.

Il a. gravi des échelons successifs et est devenu un jour agent de l'aide sociale à la ville de Montréal, avec une dixième année. Il a continué à lire, à faire des journées de 22 heures sur 24, je pense que je peux le dire sans exagérer, pour finalement élever une famille après s'être élevé lui-même. Il a accédé, je le répète, avant mon arrivée, au cabinet de mon prédécesseur, l'ex-ministre de l'Immigration.

J'ai donc énormément d'admiration pour ce bonhomme qui se doit à lui-même ce qu'il est aujourd'hui, et presque entièrement à lui-même.

Tout à l'heure, j'ai parlé de réserves au député de Maisonneuve, parce que, dans cette série de phases qui ont fait de lui ce qu'il est aujourd'hui, je crois, mais je n'ose pas l'affirmer, qu'il est diplômé en animation sociale de

l'Université de Montréal. Il a vraiment gravi l'échelle du premier échelon situé au sous-sol, et je ne le dis pas de façon péjorative, jusqu'au sommet de ce qu'il pouvait attendre de lui-même.

M. BURNS: On n'a pas d'objection à cela, M. le ministre.

M. BIENVENUE: C'est un gros travailleur.

M. BURNS: Je vous réfère à votre déclaration de l'année dernière lorsque vous disiez que vous fondiez les plus grands espoirs...

M. BIENVENUE: C'est vrai.

M. BURNS: ... relativement à M. Ménard pour vous représenter à Paris.

M. BIENVENUE: Oui, je les fonde toujours.

M. BURNS: Comme, malheureusement, je ne pouvais pas être à l'étude des crédits, l'année dernière, de ce ministère-ci, je vous pose la question cette année.

M. BIENVENUE: II a répondu.

M. BURNS: Ces grands espoirs, vous les avez fondés sur quoi?

C'est pour cela que je vous demande, quel est, dans le fond, le curriculum vitae de M. Ménard.

M. BIENVENUE: Je suis obligé de répéter qu'il me manque des éléments. Il est probablement, au point de vue de l'atteinte de diplômes, etc., beaucoup mieux que tous les détails que j'ai pu fournir.

M. BURNS: Remarquez que je ne serai pas choqué si vous me dites qu'il a une septième année et qu'il a acquis l'expérience parallèle.

M. BIENVENUE: II a une dixième année...

M. BURNS: Je suis un de ceux qui croient à cela, je suis un de ceux qui croient énormément à cela. Ce n'est pas le problème, mais je veux savoir qui est ce M. Ménard.

M. BIENVENUE: II a une dixième année et plus, j'en suis sûr. Si je pouvais, mais, hélas, je n'ai pas prévu la question. Je n'ai pas ce qu'il faut pour répondre adéquatement à la question du député de Maisonneuve. Je sais qu'il répondait, parce que, chez nous, c'est sacré, aux normes de la fonction publique pour le poste qu'il occupe et les espoirs que je fondais se sont avérés bien fondés. Quand je dis que chez nous c'est sacré, je veux que le député de Maisonneuve sache que je suis disposé à répondre à toutes les questions dans ce domaine, contrairement à ce qui était mon attitude, ce matin, dans le débat que l'on sait. Je veux que le député de Maisonneuve sache...

M. BURNS: Voulez-vous que l'on recommence?

M. BIENVENUE: Non, pas ce soir. Je veux que le député de Maisonneuve sache que ce à quoi il pense peut-être au point de vue des éléments de qualification est le dernier et, à toutes fins pratiques, inexistant, qui compte au ministère que je dirige. J'ai d'ailleurs essuyé des reproches en certains milieux quant à cette ignorance qui est la mienne et celle de mes hauts fonctionnaires de certains éléments ou de certains barèmes qui viennent parfois à la surface, dont on entend parfois parler, barèmes de qualification pour entrer à la fonction publique. Le député de Maisonneuve sait à quoi je fais allusion, je pense que je sais à quoi il fait allusion.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: En d'autres termes, disons-le clairement, l'allégeance politique.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: M. Ménard était déjà en poste, cela ne constituait pas, à proprement parler, une promotion pour lui que cette nouvelle assignation à Paris, je veux dire que ce n'est pas comme si on l'avait grimpé ou qu'on lui avait donné des faveurs, c'était un changement d'orientation qu'il avait au sein du ministère. Je répète avec insistance que je suis ouvert à toutes les questions, et avec beaucoup de joie, du député de Maisonneuve sur cet aspect auquel il a peut-être pensé en posant sa question.

M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: Sur ce fonctionnaire ou sur tous les autres.

M. BURNS: II y en aura d'autres. M. Ménard est au ministère, à votre connaissance, depuis combien de temps?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie.

M. MALEPART: Si vous me permettez...

M. BURNS: Non, je ne permets pas. Je pose une question.

M. MALEPART: C'est pour répondre à une des questions.

M. BURNS: J'ai beaucoup d'estime pour mon voisin, le député de Sainte-Marie, mon voisin de comté.

M. MALEPART: Je vais répondre à la question du député de Maisonneuve.

M. BURNS: Est-ce que le député de Sainte-Marie est d'accord pour que je finisse ma question là-dessus?

M. MALEPART: Oui...

M. BURNS: Ce n'est pas pour être méchant à l'endroit de mon bon ami, le député de Sainte-Marie.

M. BIENVENUE: Je réponds à la question: Depuis combien de temps... Tout de suite après, je demande à M. Malépart de faire connaître le fruit de ses lumières sur le sujet.

M. BURNS Oui, mais pour autant que je n'ai pas fini ma question.

M. BIENVENUE : A la connaissance des renseignements que l'on me fournit, selon les renseignements que l'on me fournit, ce serait depuis 1970, c'est-à-dire au moins deux ans avant ma propre arrivée au ministère de l'Immigration.

M. BURNS: Quelle période, en 1970?

M. BIENVENUE: Sans connaître la période, je vais aller directement au-devant de la question du député de Maisonneuve et lui dire que, comme je l'ai indiqué il y a un instant, sauf erreur, il avait été amené là par mon prédécesseur. C'est évidemment après le 29 avril 1970, donc sous le régime libéral.

M. BURNS: A l'époque où M. Pierre Laporte était ministre de l'Immigration?

M. BIENVENUE: Pas nécessairement. C'est ce qui me fait donc dire que ce n'est pas 1970 ou alors, c'est après octobre 1970, après la date pénible d'octobre 1970, mais toujours, semble-t-il, en 1970, sous mon prédécesseur, le ministre de l'Education, M. François. Cloutier. Je répète qu'il était entré là, au cabinet, comme secrétaire particulier adjoint.

M. BURNS: Oui, avec M. Gagnon.

M. BIENVENUE: Donc, comme personnage au sujet duquel on peut penser que la politique avait quelque chose à voir ou à faire, au sujet duquel on peut penser.

M. BURNS: C'est pour cela que je vous demande à quelle date, en 1970, il est entré?

M. BIENVENUE: Certainement après octobre 1970, sous M. Cloutier.

M. BURNS: Sous M. Cloutier, vous en êtes certain?

M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS D'accord, je voulais vérifier.

M. BIENVENUE: Je peux aller plus loin et vous dire qu'à ma connaissance, mais c'est du oui-dire, il aurait été militant sous M. Cloutier pour les fins politiques de M. Cloutier.

M. BURNS C'est cela. Il a détenu un poste dans...

M. BIENVENUE: Je n'y étais pas à l'époque, mais je vais le plus loin que je peux aller dans le oui-dire en disant qu'il a sûrement...

M. BURNS Dans la Fédération libérale du Québec, est-ce qu'il a détenu un poste?

M. BIENVENUE: ... comme au chapitre politique, je suis moi-même arriéré et en retard, je suis obligé de me faire "briefer" par mon chef de cabinet.

M. BURNS: II me semble que vous vous informez bien auprès de votre chef de cabinet.

M. BIENVENUE: Je suis obligé.

M. BURNS: Ancien directeur de publicité de la Fédération libérale du Québec.

M. BIENVENUE: J'allais le dire dans un instant. Vous voyez que l'histoire se répète.

M. BURNS: Remarquez que, dans votre cabinet...

M. BIENVENUE: Ce n'est pas trop "pire".

M. BURNS: ...je ne peux pas vous blâmer. Ce sont des postes politiques. D'ailleurs, si mon ami André Larocque, qui est mon chef de cabinet, n'était pas...

M. BIENVENUE: Ce n'est pas parce qu'il est conservateur.

M. BURNS ... le moindrement près de mes idées, peut-être que l'on s'entendrait moins bien, mais c'est bien normal. C'est dans le cabinet. Je ne parle pas nécessairement...

M. BIENVENUE: Je suis totalement d'accord.

Il aurait été président du comité d'animation de la commission d'organisation du Parti libéral du Québec. Si on met son titre avec des lettres, il doit avoir huit lettres après son nom. Je vous dis qu'il aurait été...

M. BURNS Est-ce que le député de Dubuc a quelque chose à dire? Je ne le sais pas, mais depuis tantôt que je l'entends glousser.

M. HARVEY (Dubuc): Non.

M. BURNS: Est-ce que vous voulez glousser publiquement ?

M. HARVEY (Dubuc): Non, continuez à parler.

M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: II aurait été ce que je viens de dire et il est arrivé, je l'ai dit, sous mon prédécesseur, M. Cloutier, au cabinet du ministre de l'Immigration. Je n'avais pas ni n'étais tenu de le garder parce que, comme le député de Maisonneuve le sait, chacun est maître des personnages qui composent son cabinet. Mais j'ai gardé M. Ménard parce que j'ai constaté, j'ai retrouvé chez lui les qualités que je viens de vous dire et j'étais beaucoup plus impressionné par l'efficacité de son travail à mon cabinet, sur le plan administratif et de l'immigration, que par ses activités passées dont je ne connaissais rien. J'apprends à l'instant en quoi consistait son titre jadis, dans le parti auquel j'appartiens.

C'est avec tout cela à l'idée que j'ai accepté, que je me suis rendu à sa requête après avoir pris une fois de plus, une xième fois de plus, la décision collégialement avec les hauts fonctionnaires de mon ministère qui, comme moi, étaient d'accord sur sa capacité, son aptitude à remplir le poste qui était vacant à Paris.

M. BURNS: Vous parliez des plus grands espoirs que vous fondiez en cette personne l'année dernière. En quoi ce espoirs se sont-ils réalisés?

Qu'est-ce que cette personne a fait pour répondre à vos espoirs?

M. BIENVENUE: J'ai dit que M. Ménard était un "self-made man", | mais c'est un animateur professionnel né. Quand j'ai dit que je fondais de grands espoirs sur lui, c'était quant â l'accomplissement de ses fonctions là-bas, à Paris. Ces espoirs étaient fondés en ce sens qu'il a parfaitement bien exécuté ses fonctions. Si j'avais pu prévoir... J'ai reçu justement —les Américains appellent cela un bon "timing", mais le "timing", est mauvais parce que je n'ai pas le document en question — il y a deux jours à peine, d'une corporation de Montréal qui s'est adressée, comme bien d'autres, à notre ministère à Paris pour recruter de la main-d'eouvre spécialisée dans un domaine très précis, qu'on ne pouvait pas trouver ici, j'ai reçu, dis-je, de ces directeurs ou de ces administrateurs une lettre extrêmement flatteuse à l'endroit du ministère de l'Immigration du Québec et en particulier de M. Ménard qui, à Paris, a été l'agent d'immigration qui a facilité les contacts souhaités, les rencontres souhaitées, le recrutement voulu et qui a surtout trouvé les personnes idéales requises. Je signais justement ce matin, avant de venir à l'étude de mes crédits, une carte personnelle accompagnant une copie de cette lettre, carte que j'envoyais à M. Ménard, parce que j'ai pensé qu'il serait bon et encourageant pour lui de lire ces commentaires, et pas plus tard que ce matin, c'est arrivé. J'en apprends au fur et à mesure. C'est bon les crédits. C'est M. Malépart qui me passe cela. Je vais laisser parler M. Malépart.

M. BURNS: Oui. Cela va.

M. MALEPART: Du côté action et diplômes, je ne suis pas au courant, mais je peux vous dire que j'ai connu M. Ménard dans le quartier centre-sud, en tant que principal fondateur de la Maison du quartier, par un ami commun que connaît bien le député de Maisonneuve, Michel Boisvert. Il pourrait sûrement vous donner des informations sur Michel Ménard qui a été réellement un travailleur infatigable, comme le ministre le mentionnait. Il ne regarde pas les heures et il a un sens de l'animation assez fort.

M. BURNS: C'est un ancien officier du Parti libéral quand même. C'est comme cela que vous l'avez connu, M. le député de Sainte-Marie?

M. MALEPART: Non, je l'ai connu en tant que travailleur communautaire moi-même.

M. BURNS: De travailleur communautaire. Comme vous-même d'ailleurs.

M. MALEPART: Oui.

M. BURNS: Comme vous-même.

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me permet d'ajouter un mot... Des bribes me viennent de tout bord et tout côté.

M. BURNS: C'est cela. On veut voir qui est cette personne en qui vous fondiez les plus grands espoirs. Remarquez que je ne la connais pas et, je le dis tout de suite, je n'ai rien à lui reprocher. Je pose tout simplement la question.

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve fait son devoir.

M. BURNS: Je ne veux pas prendre le ministre par surprise non plus. Je pose la question à cause de sa proximité avec M. René Gagnon, à qui on fait référence éventuellement.

M. BIENVENUE: J'ajoute que M. Ménard — et je termine à peu près là-dessus — à toutes fins pratiques, a été intégré comme attaché d'administration de la classe I et qu'une liste d'admissibilité a été émise à son sujet. En vertu d'une politique nouvelle du personnel à l'étranger, nous voulons opérer certains changements, et je m'explique. A titre d'exemple, le chef de

poste actuel à Paris est un ex-immigrant français, et nous avons tôt fait d'apprendre, à droite et à gauche, à Paris comme ailleurs, que ce n'est pas toujours l'idéal si celui qui représente un pays ou une province étrangère est de même origine que les gens du pays où il représente quelqu'un d'autre. Nous voulons mettre fin à cette situation. Ce n'est pas seulement le cas du chef actuel en poste à Paris. Il y en a eu d'autres qui étaient d'origine française aussi. Nous avons pris connaissance de tout ce dossier. Nous avons surtout une bonne connaissance de tout ce dossier.

M. Ménard, puisqu'on parle de lui, actuellement, à Paris, en plus de vaquer à ses fonctions normales d'agent d'immigration du Québec, est en cours de formation, et c'est là qu'arrivent les espoirs auxquels j'avais fait allusion l'an dernier, "over and above" son travail de tous les jours, avec une option possible, dans son cas, la possibilité de devenir chef de poste de l'immigration du Québec à Paris, de remplacer celui qui est là actuellement.

J'ai bien dit comme option, dans la plénitude du sens du mot option. Là, je touche, je pense, encore d'un peu plus près au sens de cet "espoir que j'avais fondé" dont j'ai parlé.

C'est possible que cela arrive si l'efficacité de son travail continue, parce que, je le répète, je n'ai eu à son sujet que des notes extrêmement élogieuses et du milieu où il évolue et de ceux qui ont eu à profiter de ses services. Je me réjouis, en conséquence, de ce choix ou de cette mission que nous lui avons confiée.

M. BURNS: Maintenant, est-ce que le ministre serait en mesure — je ne sais pas s'il l'a avec lui — de nous livrer, à nous, la lettre qu'il a soumise à la Commission d'enquête sur le crime organisé, qui vient de M. Ménard relativement à M. Gagnon?

M. BIENVENUE: Je ne l'ai pas, malheureusement.

M. BURNS: Vous ne l'avez pas. Est-ce que le ministre accepte de nous en fournir une copie?

M. BIENVENUE: Oui. D'ailleurs, je l'ai lue in extenso...

M. BURNS: Vous l'avez lue.

M. BIENVENUE: ... devant la CECO. Moi aussi, j'ai mes petits renseignements. Je sais que le député de Maisonneuve reçoit chaque semaine la transcription des témoignages.

M. BURNS: Qui vous a dit ça? M. BIENVENUE: J'ai su ça. M. BURNS: C'est effrayant.

M. BIENVENUE: J'avais averti le député de Maisonneuve.

M. BURNS: II y a des indiscrétions à la CECO.

M. BIENVENUE: Cela joue des deux bords de la table. Je sais, farce à part, que le député de Maisonneuve — et je ne lui en fais pas reproche, d'ailleurs — reçoit toutes les semaines la transcription des témoignages qui sont donnés devant la CECO.

M. BURNS: C'est exact.

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve relit ses notes comme il faut, il va retrouver in extenso la lettre en question.

M. BURNS: Sauf que les notes de la CECO ne paraissent pas dans le journal des Débats, M. le ministre.

M. BIENVENUE: D'accord. Je ne l'ai pas avec moi.

On essaie tous les deux de la trouver en premier, cette lettre.

M. BURNS: Remarquez que je peux aller à mon bureau, la sortir, puis vous la lire ici au micro.

M. BIENVENUE: Est-ce qu'il y a moyen d'envoyer M. Larocque parce que mon bureau est au complexe G?

M. BURNS: J'ai trop besoin de M. Larocque, on va le garder avec nous autres.

M. BIENVENUE: Je serais en peine sans mon personnel de trouver cela.

M. BURNS: On va passer par-dessus ça. M. BIENVENUE: Merci.

M. BURNS: Je pense que le ministre devrait, même si je me fie entièrement à la sténotypie ou à la sténographie qui nous rapporte les témoignages de la CECO, nous fournir copie de cette lettre.

M. BIENVENUE: J'ai dit: Aucune objection.

M. BURNS: Aucun problème.

M. BIENVENUE: D'ailleurs, il ne peut pas y avoir de problème, je l'ai lue en public, parce que les témoignages de la CECO, c'est le grand public.

M. BURNS: Est-ce que le ministre peut nous dire comment il est arrivé que M. Ménard a décidé ou a été incité à envoyer cette lettre?

M. BIENVENUE: Pas incité, que je sache.

M. BURNS: Non, j'ai dit: "a décidé ou a été incité", je ne sais pas.

M. BIENVENUE: Ou a été incité. Je ne peux pas répondre, parce que M. Ménard, étant à Paris, je ne sais pas ce qu'il a dans son cerveau. Tout ce que je sais, c'est que...

M. BURNS: Sauf que c'est un document que vous avez utilisé vous-même devant la CECO. Alors, vous devez savoir comment c'est venu, ce document.

M. BIENVENUE: Sauf erreur...

M. BURNS: Cela ne vous est pas venu du ciel.

M. BIENVENUE: ... on me rappelle que M. Ménard, au début de cette lettre ou quelque part dans cette lettre, prend la peine de dire que cette lettre est le fruit de sa propre initiative et qu'il n'y a pas été incité par qui que ce soit. De toute façon, tout ce que je sais, c'est qu'à l'époque où ces faits se sont déroulés, peu de temps après les déclarations du député de Maisonneuve à l'Assemblée nationale, le 5 juillet — mais je ne peux pas préciser la date, je n'ai pas la lettre devant moi— j'ai reçu cette copie de lettre de l'original d'une lettre envoyée au premier ministre par M. Ménard à titre privé, comme je l'ai indiqué, précédemment. On me rappelle — et cela me revient à l'idée — que, dans cette lettre, je me répète, M. Ménard fait état qu'il fait ça de lui-même, de sa propre initiative. Mais je ne peux pas en dire plus et répondre davantage au député de Maisonneuve, sur le motif qui a poussé M. Ménard à le faire, parce qu'évidemment je ne peux pas parler en son nom.

J'ai tout lieu de croire, connaissant l'une et l'autre des personnes dont on parle, je crois, du moins, connaître assez bien M. Ménard, c'est le genre de gestes qu'il était apte, de par tempérament, à poser. Cela va bien dans son tempérament extrêmement généreux et extrêmement positif, quand il s'agit de son prochain.

En d'autres termes, je n'étais pas surpris. J'ai reconnu dans cette lettre la pernonnalité même, extrêmement humaine, de M. Ménard.

M. BURNS: Ce qui est tout à son honneur. M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS: Est-ce que le ministre, comme son supérieur, lui a posé des questions à savoir comment il se faisait qu'il se référait de façon péjorative à des déclarations en date du 5 juillet du député de Maisonneuve en Chambre? Est-ce que le ministre considère que c'est un comportement normal pour un fonctionnaire? Si le ministre nous dit que oui, à ce moment-là, moi, je n'ai plus d'éthique à l'égard des fonctionnaires. Moi, j'ai toujours respecté l'éthique parce qu'un fonctionnaire ne peut pas se défendre sur la même place publique que nous. Le ministre de l'Immigration le sait, si on se lance des pierres l'un et l'autre, on peut se défendre parce qu'on est au même niveau.

M. BIENVENUE: Et Dieu sait qu'on se défend.

M. BURNS: Et Dieu sait qu'on s'est lancé des pierres aussi, n'est-ce pas? Alors, cela, je le sais fort bien. Je sais, par exemple, que je ne me sentirais pas véritablement "fair play", si vous me passez l'expression, si aujourd'hui je faisais une déclaration contre votre sous-ministre ou votre chef de cabinet, sachant que lui, il a, lui aussi, une certaine éthique à respecter. Comme fonctionnaire, je pense bien, il ne doit pas se mêler de l'aspect politique, même si, dans votre cabinet surtout, c'est politique. Cela, je l'admets. C'est normal dans un cabinet de ministre et même dans un cabinet de leader parlementaire que le personnel soit politique. C'est très clair. Je vois le chef de cabinet du ministre qui admet par ses gestes. C'est tout à fait normal.

M. BIENVENUE: Mais je suis en train de le dépolitiser. Il ne se reconnaît plus! Je suis en train de le dépolitiser et de le rendre à l'image de mon ministère.

M. BURNS: Voulez-vous dire que vous êtes en train de lui faire signer une carte dans le Parti québécois?

M. BIENVENUE: Ah non! Pas encore là, pas encore à ce point.

M. BURNS: Le député des Iles-de-la-Madeleine devrait être ici pour comprendre au moins qu'un de ses ministres est en train de dépolitiser un de ses collaborateurs immédiats.

Non, mais je suis sérieux là-dessus.

M. BIENVENUE: D'accord.

M. BURNS: C'est évident que le personnel immédiat du ministre — je ne parle pas des sous-ministre, qui ont des fonctions beaucoup plus techniques — les gens du cabinet immédiat, chef de cabinet, secrétaire particulier, etc., sont des personnes qui ont, sinon les mêmes idées politiques que le ministre en question ou que l'homme politique en question, au moins une certaine affinité avec les idées politiques qui se trouvent là.

Je l'ai mentionné à M. Simard, le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, la semaine dernière, lorsqu'on a appris, tout à fait par hasard, qu'il y avait une espèce d'inquisition qui se faisait à l'endroit des fonctionnaires quant à leur allégeance politique. Si c'est dans le cabinet, je dis que c'est bien normal. Si c'est à l'extérieur du cabinet, je dis que c'est anormal, absolument anormal.

La personne dont on parle, c'est-à-dire M. Ménard, est à l'extérieur, à ce que je sache, du cabinet. Cette personne fait une réflexion, dans sa lettre, à la suite des événements des 5 et 6 juillet 1973. Je me pose sérieusement des questions, à savoir si le ministre s'est enquis, auprès de ce fonctionnaire, en qui il avait les plus grands espoirs, comment il se faisait qu'il posait, dans sa lettre, un jugement politique.

M. BIENVENUE: D'accord, je réponds. Premièrement, comme je l'ai dit tout à l'heure de mémoire, il faudrait évidemment avoir le texte, mais j'ai dit tout à l'heure au député de Maisonneuve que cela me frappait, pour la première fois, au moment où il me disait qu'il y avait eu une attaque contre lui. Je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu une attaque contre lui, sinon de façon totalement négative, en ce sens...

M. BURNS: Je n'ai pas le texte en mémoire mais M. Ménard parle de la malheureuse intervention. Il qualifie mon intervention à l'Assemblée nationale en date du 5 juillet.

M. BIENVENUE: En parlant de malheureuse ce serait...

M. BURNS: C'est quelque chose du genre, c'est malheureuse ou quelque chose de semblable; malencontreuse, en tout cas; c'est quelque chose comme ça. Pour qu'on me comprenne, je pense que le ministre me comprend, c'est le jour où j'ai posé la question au ministre de la Justice...

M. BIENVENUE: Oui, le 5 juillet.

M. BURNS: ... à savoir s'il était exact que MM. René Gagnon, Jean-Jacques Côté, Pierre Laporte avaient assisté à une réunion avec MM. Nicola Di Iorio et Frank Dasti.

M. BIENVENUE: C'est le 5 juillet, une date que je n'ai pas oubliée d'ailleurs.

M. BURNS: Qui est difficile à oublier.

M. BIENVENUE: C'est cela. Alors, si ce n'est pas plus grave que malheureuse ou malencontreuse...

M. BURNS: C'est un qualificatif qui porte un jugement sur mon intention.

M. BIENVENUE: D'accord, mais je veux quand même l'expliquer dans le contexte de la lettre. C'est que tout de suite après on sait que M. Ménard, par sa lettre, devait se porter à la défense de M. Gagnon en disant: A l'époque où j'ai travaillé avec lui, etc., je n'ai jamais été témoin d'aucune mauvaise liaison, etc. Il concluait en disant: Je serais extrêmement surpris... Je n'ai pas la lettre mot à mot à l'esprit mais je pense que c'est à peu près l'idée de la lettre pour l'avoir lue deux fois, une fois pour moi-même et une fois à la commission.

M. BURNS: Une fois à huis clos et une fois ouvertement.

M. BIENVENUE: Et une autre fois en public. Alors, le texte était de ce genre et concluait comme ceci: Je serais extrêmement surpris que M. Gagnon ait été tout ce qu'a dit M. Burns ou tout ce que ça peut impliquer.

Alors, j'explique mieux à ce moment-là le contexte, le sens du mot malencontreux. Le texte même de sa lettre indique qu'il était convaincu de la bonne foi et de l'intégrité de M. Gagnon. Je. comprends mieux le sens du mot malencontreux ou malheureuse intervention. C'est le premier point.

Le deuxième point, je rappelle qu'il s'agissait d'une lettre très personnelle dont le contenu n'aurait jamais été connu du public si je n'avais eu un jour à rendre le témoignage que l'on sait, lettre très personnelle d'un ami à un ami. J'en prends à témoin le fait, et je l'ai même expliqué devant la Commission de police pour ne pas qu'on se surprenne, qu'elle commençait par les mots: "Mon cher Robert", et il le tutoyait tout le long. En plus de la lettre d'un ami à un ami, c'était la lettre d'un ancien membre de cabinet au sujet d'un ancien membre du cabinet, sur des événements de l'époque où ils étaient tous deux au cabinet. Je veux dire par là que ce n'était pas la lettre d'un fonctionnaire écrivant sur des faits qui se rapportent à l'époque où il est fonctionnaire en tant que fonctionnaire, pas du tout. Sa lettre, rétroactive, portait sur des faits antérieurs à l'époque où il était au même cabinet que l'autre dont il est question. C'était en cette ex-qualité de membre du cabinet pour cette période vécue en commun par les deux. C'est là-dessus que sa lettre portait. C'est pour cela que je ne l'ai pas considérée, à ce moment-là, comme une lettre de fonctionnaire et que je n'ai pas senti le besoin de lui écrire ou de lui faire des reproches, de lui dire: Mon vieux, comme fonctionnaire, comment se fait-il que tu te permettes d'écrire une telle lettre? C'est dans le contexte que je viens d'expliquer au député de Maisonneuve.

M. BURNS: Est-ce que vous avez communiqué avec lui au sujet de cette lettre?

M. BIENVENUE: Sans doute parce que j'accuse toujours réception des lettres que je reçois, sauf celles qui ne sont pas signées et dont je parlerai ce matin. J'ai dû sûrement lui écrire pour lui dire que j'accusais réception de la copie de la lettre et que j'en avais soigneusement noté le contenu. J'ai dû parce que, en règle générale, je réponds toujours.

M. BURNS: Mais vous n'avez pas poussé votre enquête plus loin que ça à son endroit?

M. BIENVENUE: Non pas du tout, uniquement à cause de ce que je viens d'expliquer au député de Maisonneuve devant la commission. Je considérais ça comme une lettre qui, par accident, serait écrite aujourd'hui par un fonctionnaire mais portant sur des faits antérieurs, lettre qu'il aurait écrite à l'époque où il était au cabinet si les révélations du député de Maisonneuve s'étaient faites à l'époque en question.

M. BURNS: En tout cas, remarquez que, n'ayant pas la peau particulièrement tendre, je n'ai pas été choqué, comme tel, comme individu, par cette lettre. Je pense qu'on est en politique et dans une position où des attaques peuvent se faire, même par une épithète à notre endroit; ce n'est pas dans ce sens que je soulevais le problème. Je le soulève...

M. BIENVENUE: J'ai compris pourquoi le député de Maisonneuve...

M. BURNS: ... parce que je me dis: Les politiciens — même si je n'aime pas le mot — s'imposent l'éthique de ne pas porter des jugements de valeur sur les gestes des fonctionnaires. On peut en porter sur leur efficacité, on peut en porter relativement à leur façon d'administrer, c'est parfaitement normal.

Pour porter des jugements de valeur, il y a des supérieurs qui s'appellent les ministres, il y a également une commission qui est censée être indépendante, qui s'appelle la Commission de la fonction publique, qui est là pour ça. Comme homme politique, je me suis toujours défendu de porter des jugements de valeur, mais non pas au point de vue de la quantité ni de l'efficacité du travail. Je ne pense pas que ce soit mon rôle. Au point de vue d'un certain aspect politique ou politisant du travail du fonctionnaire, je me suis toujours restreint de ce côté, je trouve que tous les hommes politiques doivent se restreindre de ce côté. Je trouve aussi que, si ça marche de notre côté, ça doit marcher des deux côtés, je veux dire du côté des fonctionnaires aussi.

M. BIENVENUE: Je suis heureux de ces remarques du député de Maisonneuve et de cette espèce de petit minidébat. Cela me permet de dire une chose que je n'aurais peut-être pas pensé de dire, combien je constate, avec fierté, qu'au ministère que je dirige le mot "politique", au sens où on l'a employé, avec un très petit p, est totalement absent. J'admets qu'il est petit mais, s'il est un ministère où il n'y a pas de telle notion, c'est bien celui-là, celui de l'Immigration du Québec, qui, d'ailleurs, n'a rien à voir, de près ou de loin, avec la politique. Notre première et seule préoccupation, ce sont des êtres humains, les humains dont je parlais ce matin, qui n'ont d'autre couleur, quant à moi et quant à mes hauts fonctionnaires, que la couleur de l'être humain qu'on veut intégrer à notre société. Qu'il vote pour qui il veut ou contre qui il veut, ça n'est plus mon rôle une fois qu'on l'a intégré chez nous. Je dis avec beaucoup de fierté, je le répète et j'espère que mes fonctionnaires le liront, dans le journal des Débats, que ça été un problème inexistant, à ma connaissance, à mon ministère et je souhaite de toutes mes forces qu'il en soit toujours ainsi.

M. BURNS: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre, et c'est là qu'on va parler de M. René Gagnon. C'est probablement l'exemple type du contraire. Je sais que c'est un sujet qui ne plaît pas particulièrement au ministre.

M. BIENVENUE: Et pour cause!

M. BURNS: Je sais également que j'ai eu le don de le choquer par certaines de mes déclarations là-dessus. On pourrait y revenir. Je sais que le ministre m'a dit qu'une bonne journée...

M. BIENVENUE: L'éponge est passée.

M. BURNS: ... il me trouverait sur son chemin. Me voilà, M. le ministre, je suis sur votre chemin.

M. BIENVENUE: Vous voyez, j'ai découvert que vous receviez des documents de l'USECO.

M. BURNS: Vous avez fait enquête, à ce que je vois.

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: De toute façon, il y en a d'autres qui s'en occupent. Ne perdez pas votre temps avec ça, M. le ministre, il y a tellement de gens qui en font des enquêtes.

M. BIENVENUE: Est-ce que le député de Maisonneuve est pur?

M. BURNS: II n'y a pas de problème. A part cela, j'ai l'avantage de ne pas être paranoïaque. On n'a aucun problème. Mais je relève simplement la dernière remarque du ministre à l'effet qu'à son ministère — c'est peut-être vrai maintenant, remarquez que je prends la parole du ministre — il n'y a pas de politique. En tout cas ses hauts fonctionnaires, même son chef de cabinet qui, lui, a une fonction politique...

M. BIENVENUE: Je répète que je suis entrain de dépolitiser.

M. BURNS: Vous ne devriez pas, M. le ministre, vous ne devriez pas, au contraire...

M. BIENVENUE: Ce n'est pas pour ses talents politiques que je suis allé le chercher, c'est pour ses talents tout court.

M. BURNS: Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas faire comme certains de vos

collègues, à moins que vous me disiez que ça se fait déjà, soit de vérifier les allégeances politiques des nouveaux employés de votre ministère; il n'y a rien que cela que je vous demande.

M. BIENVENUE: Si mon sous-ministre avait le droit de parler, M. le député de Maisonneuve, mais je ne lui demanderai pas de le faire, mais s'il en avait le droit...

M. BURNS: Mais il peut parler; pour autant que ses paroles sont enregistrées au nom du ministre, je n'ai pas d'objection. Allez-y.

M. BIENVENUE: II vous livrerait ses pensées et ses jugements là-dessus, sur la direction que je tente modestement de donner au ministère sur le plan dont vous me parlez.

M. BURNS: En tout cas, c'est le ministre qui jugera quand ses fonctionnaires devront parler en son nom. Mais je veux tout simplement dire ceci, M. le ministre: Dans le cas de René Gagnon, dont le ministre actuel a hérité, évidemment, on ne peut pas dire qu'il l'a choisi.

M. BIENVENUE: J'ai eu deux prédécesseurs.

M. BURNS: Exactement. A cet égard, on ne peut pas faire de procès au ministre, c'est bien normal.

Là où je peux contredire le ministre, c'est que les gestes que M. Gagnon a posés sont typiquement de nature politique et ça va même à une période postérieure à sa candidature comme éventuel prétendant au poste de député dans Saint-Jean. Postérieurement à ça, il a été choisi comme chef de cabinet du ministre de l'Immigration, en l'occurrence M. Laporte et, par la suite, M. Cloutier.

J'aimerais savoir, au départ, où est M. Gagnon actuellement, pas son adresse, ne vous inquiétez pas, mais que fait-il actuellement? Est-ce qu'il est encore à l'emploi de la fonction publique? Est-ce qu'il est encore considéré comme un employé du ministère de l'Immigration?

M. BIENVENUE: D'abord, où il est, je l'ignore; je ne parle pas de l'adresse.

M. BURNS: Bien, sur l'adresse, le ministre a compris que je ne veux pas savoir où il demeure; ça ne m'intéresse pas du tout.

M. BIENVENUE: Je parle de son occupation présente, je l'ignore. Je ne sais rien.

M. BURNS: Oui. A un moment donné, il était question de l'envoyer en Afrique. Est-ce qu'il est rendu là, peut-être? Il était question de l'envoyer en Afrique, à un moment donné.

M. BIENVENUE: Ah! c'est bien avant ça. C'est avant que j'arrive.

M. BURNS: Bien avant. Il n'est pas là actuellement?

M. BIENVENUE: Bien, je ne sais pas, je ne sais pas où il est. Il est actuellement en congé sans solde et cela —je n'ai pas mon dossier — depuis le 6 septembre je crois...

M. BURNS: 1973.

M. BIENVENUE: ... 1973, affecté à la direction des ressources internes du ministère, mais absent physiquement et sur tous les plans, non payé évidemment.

M. BURNS: II est en congé sans solde, depuis le 6 septembre 1973.

M. BIENVENUE: Evidemment, on comprend qu'il est permanent de la fonction publique...

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: ... comme tous les chefs de cabinet et il n'a pas fait, sur le plan purement technique, ce que l'on pourrait appeler une faute professionnelle au sens de la fonction publique, si on me suit bien. J'ajoute que ça nous bloque un poste. J'ai fait moi-même, à combien de reprises et j'ai fait faire par la suite par mon nouveau chef de cabinet, son successeur, je ne sais combien de démarches pour obtenir son départ définitif, volontaire sans avoir à passer par le processus très long, parfois bien compliqué de la fonction publique. Bien avant que le député de Maisonneuve se préoccupe de cette question, c'est-à-dire il y a plusieurs mois, j'ai entrepris les démarches au moins officieuses dont je parle qui n'ont eu de cesse depuis, tant par moi-même que par mon nouveau chef de cabinet. Mon chef de cabinet m'informe qu'il devait avoir, d'ailleurs, une réponse le 15 mai, il y a déjà donc près de quinze jours, et qu'il ne l'a pas eue.

M. BURNS: Réponse de la part de la fonction publique?

M. BIENVENUE: De la part de l'intéressé.

M. BURNS: Ce qui m'étonne, M. le ministre, c'est que des gestes précis n'aient pas été posés avant.

M. BIENVENUE: Dès le moment où je lui ai signifié son congé sans solde, enfin dans les semaines qui ont suivi, j'ai notifié par écrit... Je vois que le député de Maisonneuve a mal lu la transcription de mes témoignages devant l'USECO et la CECO.

M. BURNS: Non, non, je l'ai très bien lu.

M. BIENVENUE: J'ai cité ces faits, j'ai écrit à la fonction publique il y a déjà plusieurs mois,

au ministre de la Fonction publique et au président de la fonction publique pour...

M. BURNS: Je l'ai tellement bien lu, M. le ministre, que je me réfère à votre témoignage. Ce qui m'étonne, c'est que justement, dès la connaissance de la participation de l'individu en question aux événements qu'on connaît, on n'ait pas déjà entrepris de tenter au moins de le convaincre que ce n'était pas tellement bon pour quelque ministère que ce soit, et en particulier le ministère de l'Immigration, qu'un individu comme celui-là, qui a peut-être ses qualités sur le plan personnel, je ne le nie pas...

M. BIENVENUE: J'ai fait toutes ces choses-là.

M. BURNS: Non, votre témoignage est que vous l'avez rencontré — vous me corrigerez là — après le 5 juillet.

Vous lui avez servi un avertissement et vous lui avez dit: H ne faudrait pas te mêler à ça, parce que ça pourrait être dangereux pour toi. Or ce que je dis au ministre, c'est que ça pourrait être dangereux...

M. BIENVENUE: Ce n'est pas tout à fait mon témoignage...

M. BURNS: Bien je résume beaucoup. Je suis d'accord. Je résume beaucoup, mais...

M. BIENVENUE: Un résumé.

M. BURNS: ... le sens général de votre témoignage, M. le ministre, est à cet effet. Vous avez tenté de le convaincre que les mauvaises fréquentations en question devaient peut-être...

M. BIENVENUE: Non, je dois dire au député de Maisonneuve les faits...

M. BURNS: Ecoutez, les faits...

M. BIENVENUE: ... je dois dire au député de Maisonneuve, et ça prendra vingt heures s'il le faut, que si on veut entrer dans ce sujet, je vais prendre le temps qu'il faut pour aller chercher ce témoignage et je vais le relire ici, au complet, parce que c'est une des matières où je ne joue pas, même à une virgule près.

M. BURNS: Moi non plus, M. le Président.

M. BIENVENUE: Et les débats dureront 50 heures s'il le faut, mais que ma volonté soit bien connue que là il n'y a pas de résumé, ni succinct, ni partiel, ni complet, c'est au texte.

M. BURNS: Non, je veux, au texte, M. le ministre...

M. BIENVENUE: Au texte.

M. BURNS: ... dans le fond, je ne vous demande pas de prendre 20 heures, je ne vous demande même pas de prendre le temps que vous avez pris devant la Commission d'enquête sur le crime organisé, je vous demande tout simplement de nous expliquer comment il se fait que, dès la connaissance que vous avez eue de la participation de M. Gagnon, qui était à ce moment-là votre chef de cabinet, aux événements que l'on sait, c'est-à-dire la rencontre Laporte, Côté, Gagnon, Dasti, Di Iorio, en date du 16 avril 1970, comment se fait-il qu'à partir du moment où vous avez eu connaissance de ça...

M. BIENVENUE: Soit à partir du 5 juillet...

M. BURNS: A compter du 5 juillet 1973, vous n'avez pas posé le problème de façon plus claire à M. Gagnon, c'est rien que ça. Moi, je ne vous demanderai pas de refaire votre témoignage devant la CECO, vous l'avez fait...

M. BIENVENUE: C'est pour ça que j'ai dit que le député de Maisonneuve, de deux choses l'une: ou il n'a pas lu mon témoignage, ou il l'a mal lu et ne s'en rappelle pas. J'ai répondu de façon très précise à cette question, lors du témoignage, sauf erreur, de près de deux heures, et j'ai dit, au contraire, que dans les meilleurs délais, il s'agissait en l'occurence du délai en termes...

M. BURNS: Oui, je me souviens de l'expression, dans les meilleurs délais.

M. BIENVENUE: ... en termes d'heures quant au téléphone et en termes de 24 heures quant à la rencontre, enfin à peu près 24 heures, j'ai eu une longue explication avec M. Gagnon.

M. BURNS: Je me souviens également de cette expression, longue explication. Vous voyez que j'ai lu la transcription.

M. BIENVENUE: Vous voyez que je suis constant dans l'expression de la vérité.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Alors j'ai eu une longue explication avec M. Gagnon, qui m'a donné sa version de cette rencontre, version que j'ai donnée, vers le 17 juillet, au journal La Presse — tout ça aussi c'est dans mon témoignage — déclaration dans laquelle j'ai expliqué que je ne trouvais rien de répréhensible à cette rencontre, à cette rencontre comme on me l'avait racontée. Je n'avais aucunement l'intention d'aller demander la version de MM. Dasti et Di Iorio, et je ne pouvais pas avoir la version, hélas! de mon ami, M. Laporte qui était décédé.

Alors, me basant sur ce témoignage de mon chef de cabinet, vous avez confiance en votre chef de cabinet ou alors vous ne le gardez pas...

M. BURNS: C'est justement pourquoi je vous pose ce genre de question.

M. BIENVENUE: C'est justement pour ça que j'ai dit cette phrase. Vous croyez votre chef de cabinet, vous avez lieu de le croire jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à preuve du mensonge ou alors il n'est pas votre chef de cabinet. En me reportant à ce qu'il m'a dit, je l'ai gardé jusqu'au jour où j'ai appris — et ça aussi c'est dans mon témoignage — l'existence de rencontres survenues sous mon règne, si on me pardonne le mot règne, et là ç'a été la goutte d'eau et j'ai agi, et combien vite. Je suis depuis des mois à attendre le départ total que, je le répète, j'ai demandé à plusieurs reprises et fait demander par d'autres.

J'espère l'obtenir parce que je considère que c'est encore plus rapide que le long mécanisme de la fonction publique. J'ai écrit...

M. BURNS: Cela n'a pas l'air d'être rapide parce que ça fait déjà près d'un an que ces événements sont connus publiquement. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus rapide.

M. BIENVENUE: Le congé sans solde remonte à septembre ou octobre, j'ai vécu, comme le député de Maisonneuve, une élection. Dès que j'ai appris que j'étais réélu député et d'autre part, que je restais à l'Immigration — tout ça aussi, c'est dans mon témoignage — dans les meilleurs délais, soit exactement six jours après ma réélection, j'ai demandé et obtenu de M. Gagnon, non pas son congé sans solde, mais sa démission pure et simple comme chef de cabinet, par écrit. C'est après et c'est à partir de ce moment que j'ai averti la fonction publique que M. Gagnon était disponible pour tout autre ministère qui, semble-t-il, ne se sont pas empressés.

M. BURNS: M. le ministre, je m'excuse de l'expression, mais on fait de l'enculage de mouches actuellement. Quand vous avez une personne qui est aussi près d'un ministre qu'un chef de cabinet, ce n'est pas de façon accessoire et sans y penser que j'ai parlé du caractère politique, du caractère personnel qui colle à la peau d'un ministre ou d'un homme politique, de celui qui détient le poste de chef de cabinet, ce n'est pas sans y penser que je l'ai dit tantôt. Je sais qu'un chef de cabinet d'un ministre ou d'un leader parlementaire de l'Opposition ou d'un chef de l'Opposition ou de qui que ce soit qui a un chef de cabinet, c'est une personne qui vous colle à la peau, c'est aussi simple que ça.

Cela m'étonne qu'un ministre sachant ce qu'il sait le 5 juillet 1973, ne dise pas à un moment donné, c'est non seulement quelqu'un qui doit quitter mon cabinet, c'est quelqu'un qui, ayant connaissance de la proximité de ses fonctions à l'endroit d'un homme politique, doit non seulement quitter mon cabinet, mais doit quitter la fonction publique. Ce n'est pas possible, M. le ministre, que quelqu'un comme René Gagnon, qui a eu des relations avec des gens que tout le monde sait... Frank Dasti, tout le monde sait ce qui se passe, vous avez été procureur de la couronne vous-même, vous savez ce que c'est qu'un gars qui fait du trafic d'héroihe. Vous savez ce que c'est que quelqu'un qui, comme Frank Dasti, se fait monter, comme on dit dans le milieu, pour 20 ans à New York. C'était connu, ce n'était peut-être pas connu que ce gars faisait le trafic de l'héroïne, mais c'était connu que ce gars détenait, entre autres, la main haute sur le Victoria Sporting Club. C'était connu de tout le monde.

M. BIENVENUE: Le soussigné ne connaît pas assez ce milieu pour savoir toutes ces choses qu'il a apprises depuis le 5 juillet.

M. BURNS: Justement, M. le ministre. Vous êtes peut-être le ministre le plus averti, même le ministre de la Justice n'est pas plus averti que vous là-dessus. Parce qu'il n'a pas vu de près, il a pratiqué, c'est sûr, M. Choquette a pratiqué peut-être plus que vous et moi ensemble. Mais il n'a pas pratiqué dans les domaines, peut-être pas plus que vous, que moi, je l'admets, il a pratiqué sans doute plus que moi. Mais vous avez été à même d'être près de ces problèmes. Qu'un ministre ne se rende pas compte de l'importance de la promiscuité, si je peux utiliser l'expression, qui peut exister entre son chef de cabinet et des gens comme Frank D'Asti, Nicola Di Orio, ça m'étonne et aussi que le ministre en question ne pose pas des gestes précis, des gestes en vue même de sortir cette personne de la fonction publique le plus rapidement possible. C'est ça mon étonnement, M. le ministre.

M. BIENVENUE: II n'y a pas de miracle, aucun mystère là-dedans. Je répète que dès que j'ai appris, à l'heure même où j'ai entendu les révélations du député de Maisonneuve en Chambre, à l'Assemblée nationale, j'ai immédiatement réagi et communiqué avec mon chef de cabinet que j'ai rencontré le lendemain ou le surlendemain.

Peu importe, mon témoignage devant la commission d'enquête révèle — et sur l'explication formelle de ce dernier — que la rencontre en question n'avait été rien de plus que ce que les journaux nous ont rapporté, venant de sa bouche et de celle de M. Côté, quant à la même rencontre. Sur l'explication, cette rencontre portait — je l'ai dit aussi — uniquement et exclusivement sur la question de voitures le jour du vote, rencontre qui avait eu lieu, on s'en rappelle, trois ans avant, alors que j'étais loin de tout cela et qu'elle avait porté sur l'existence d'un réseau de ce qu'on appelle communément "machine à télégraphes", le jour du vote et j'ai vu par la suite des rapports de police à ce sujet et ce n'est rien de plus.

J'ai cru mon chef de cabinet. J'ai cru qu'il

n'avait rien fait de mal de plus à cette rencontre; je n'ai jamais cru, ni même au moment où je vous parle, que l'autre personnage politique qui assistait, feu Pierre Laporte, avait fait quoi que ce soit de mal de plus — toujours, je le répète — me reportant exclusivement aux explications que m'a fournies mon chef de cabinet à ce moment et le jour où j'ai appris et le député de Maisonneuve faisait allusion à ma modeste expérience passée...

M. BURNS: Non. J'ai dit: Sa grande expérience passée comme procureur de la couronne.

M. BIENVENUE: Je la vois moins grande, de toute façon, et mon expérience des hommes et du fardeau de la preuve et de la présomption d'innoncence, etc., m'ont fait ne pas porter ou rendre de jugement sur son cas jusqu'à preuve d'autre chose. J'ai pris sa parole en d'autres termes.

M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet de lui dire qu'on n'est pas dans le même domaine? Si je suis procureur de la couronne, il est évident que je vais tenir compte d'un tas d'éléments qui peuvent entrer en ligne de compte, comme le bénéfice du doute, etc., qui peut et qui d'ailleurs doit — je pense que le ministre est d'accord avec moi là-dessus — être maintenu, à savoir qu'une personne accusée, devant les tribunaux à caractère pénal, doit bénéficier de toutes les chances pour s'en sortir.

Je pense que le ministre sera d'accord avec moi là-dessus. Mais, on n'est pas dans le même domaine. Il ne s'agit pas de juger.

M. BIENVENUE: D'accord!

M. BURNS : C'est ce qui est important. C'est ce que je veux dire au ministre. Il ne s'agit pas de juger un chef de cabinet, un collaborateur immédiat d'un ministre de la même façon qu'on juge — et dans le sens littéral du mot— un prévenu devant les tribunaux. Ce n'est pas du tout de la même façon. Ce qui est important de se dire, c'est que l'Etat, que ce soit par son chef, par n'importe lequel de ses membres de l'exécutif, doit se garder...

M. BIENVENUE: ... la femme de César.

M. BURNS: Mieux que la femme de César.

M. BIENVENUE: Et le député se rappelle-t-il qu'au moment où...

M. BURNS Est-ce que le ministre me permet d'ajouter...

M. BIENVENUE: Allez-y.

M. BURNS: ... un autre élément à l'affaire? N'est-il pas exact que le ministre dès sa nomination comme ministre de l'Immigration, dès sa nomination, avait été mis au courant des relations de M. Gagnon avec certaines personnes comme M. Di Iorio, comme M. Dasti?

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: Ce n'est pas exact?

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: Bon.

M. BIENVENUE: Et si le député, encore là, a bien lu, j'ai appris le nom de ces messieurs...

M. BURNS: Sans connaître les noms.

M. BIENVENUE: ... le 5 juillet, Victoria Curling Club. Pas même le 5 juillet...

M. BURNS: Pas Curling, Sporting.

M. BIENVENUE: Oui, Sporting. J'ai appris les noms le 5 juillet. Le député se rappelle-t-il que, lorsqu'il a fait ses révélations en Chambre le 5 juillet, c'était sous forme d'interrogation au ministre de la Justice, à savoir: Le ministre de la Justice — je ne me rappelle pas le mot à mot — est-il au courant ou peut-il confirmer qu'il y a eu à telle date rencontre entre un tel, un tel et un tel, point? L'histoire de l'héroïne ou de tout ce que l'on voudra n'est jamais venue sur le tapis à ce moment. C'est venu beaucoup plus tard par des révélations subséquentes et tout ce que j'ai demandé à mon chef de cabinet — et je l'ai fait dans les meilleurs délais, dans les heures immédiates — a été ceci : Qu'en est-il de cette rencontre et qu'est-ce qui s'y est déroulé?

Je répète que j'ai tiré des conclusions face à la seule version qu'il me donnait, des conclusions identiques quant à lui et à feu Pierre Laporte, à ce moment-là. Ce n'est que plus tard que j'en ai su davantage et c'est quand j'en ai su davantage que j'ai agi. Je veux que tous ceux qui sont ici, à cette commission, soient parfaitement conscients qu'il y a toute la différence au monde entre, d'une part, rencontrer par hasard, de façon fortuite, des individus et, d'autre part, procéder à des complots, se livrer au crime ou à des activités illicites ou illégales avec des individus.

Je ne surprendrai personne en disant que précisément, pas seulement comme politicien depuis maintenant plusieurs années, mais comme ministre de l'Immigration, je rencontre durant presque toutes les fins de semaines de l'année, des gens de tout acabit, de toute race, de toute nationalité, de toute origine, des Canadiens français ou autres.

Il peut m'arriver de me faire même photographier souvent avec ces gens qui sont heureux de se faire photographier avec le ministre Un tel ou le député Untel. Cela a pu arriver à mon collègue le député de Maisonneuve, comme à n'importe lequel des collègues de l'Assemblée

nationale. Ce qui est mal, ce n'est pas de rencontrer ces gens, ce n'est pas de les voir, ce n'est pas d'être vu ou d'être photographié avec eux; c'est de se livrer avec eux sciemment et consciemment à une activité illégale.

Cela est intolérable et je ne le tolère pas. Il y en a qui l'ont appris ou qui l'ont su à leurs risques et périls depuis que je suis en politique. Mais, à partir du moment où je ne fais rien de mal et où le contact cesse instantanément, je n'ai rien fait de mal. Ce qui est mal, c'est d'aller plus loin et de participer, faire du trafic d'influence ou tout ce que l'on voudra, toute la gamme est là, dans le code criminel ou ailleurs.

Je veux que ceci soit bien compris. Face à la version unique, à la suite de l'interrogation qui n'était qu'un interrogation du député de Maisonneuve en Chambre la veille, face à la version unique...

M. BURNS: ... confirmée par le ministre de la Justice?

M. BIENVENUE: Oui, d'accord... à savoir qu'il y avait eu rencontre.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Donc, face à cette version unique, "one way", si on me permet l'expression, de mon chef de cabinet, qui indiquait que cette rencontre n'avait pas porté sur les sujets que j'ai indiqués précédemment, strictement politiques et qu'il n'y avait rien de plus et qu'il n'y avait jamais rien eu de plus, j'ai fait ce que je pensais être normal, j'ai cru mon chef de cabinet, comme la même situation pourrait se poser avec mon actuel chef de cabinet, malgré que celui-là, au moins, je l'ai choisi.

Mais enfin, je l'ai cru...

M. BURNS: Ses appels téléphoniques ne sont pas enregistrés.

M. BIENVENUE: Je l'ignore et lui aussi. Je l'ai cru jusqu'au jour où j'ai eu la preuve du contraire et, du mesonge. Alors j'ai agi. Et si c'était à refaire, j'aurais exactement la même attitude qu'à l'époque.

M. le Président, par accident ou par exception, pour la première fois depuis l'étude de ces crédits, mon sous-ministre, M. René Didier me manifeste qu'il aurait quelques précisions à apporter. Tel que convenu, j'en prends la responsabilité sans savoir ce qu'il va dire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, tout ceci sera enregistré au nom du ministre.

M. BURNS: C'est cela.

M. BIENVENUE: Je voudrais tout simplement apporter une précision sur le plan strictement administratif. Je voudrais d'une part rendre témoignage que le ministre a tenté, à au moins une dizaine de fois successives, de régler définitivement le problème de son ex-chef de cabinet, après l'avoir suspendu sans solde et que ses démarches ont été sans effet.

Le fait que les démarches aient été sans effet ne m'étonne pas dans la mesure où actuellement il est certain que dans le cadre de la fonction publique québécoise, il est extrêmement difficile de faire la preuve pour aller jusqu'à une rupture de services, il est extrêmement difficile de faire la preuve de la faute professionnelle grave qui peut entraîner licenciement.

Nous sommes dans un ministère où nous vivons actuellement un cas assez douloureux d'un fonctionnaire qui a reconnu publiquement avoir subtilisé des documents, avoir...

Non, ce n'est pas le même personnage, mais pour montrer les limites administratives dans lesquelles nous sommes obligés de jouer au point de vue de la cessation des fonctions d'un fonctionnaire, je donne ce cas comme un cas de référence. Nous avons actuellement un cas douloureux d'un fonctionnaire qui a reconnu publiquement avoir subtilisé des documents qui, devant témoin, a eu des voies de faits sur un de ses supérieurs hiérarchiques, qui avait été licencié et qui a été réintégré dans ses fonctions.

A travers cet exemple, je montre simplement l'extrême difficulté d'obtenir des suites à des dossiers de cette nature.

M. BURNS: Mais, M. le ministre, comment se fait-il qu'un tout petit bonhomme qui va être, je ne sais pas, un préposé à la réception à quelque endroit que ce soit... Il me semble que c'est drôlement plus facile. J'ai déjà plaidé contre le ministère de la Fonction publique. Je sais drôlement comment cela se fait. Je ne vous citerai pas le nom de la personne. Vous avez un petit gardien de prison à un moment donné. Imaginez-vous, je vais vous citer un cas. Quand j'entends le ministre nous dire que c'est difficile de prouver des fautes professionnelles, je vais vous citer le cas d'un gardien de prison, de la prison de Bordeaux, à qui le directeur de la prison du temps, qui s'appelait M. Tanguay, qui actuellement est à la Commission des permis d'alcool, a dit tout simplement: Vous allez... C'est une preuve juridique. C'est pour cela que je n'ai aucun problème à en parler. C'était devant le juge John O'Meara. Vous avez un petit gardien de prison à qui on confie la tâche de voir qu'un tel prisonnier qui s'en va à l'hôpital Saint-Luc ne s'évade pas, parce que cela fait exactement quatre fois qu'il s'évade. A chaque fois que ce gars est malade, il s'évade. On lui dit: Toi, ta "job", c'est qu'il ne s'évade pas. Le petit bonhomme en question, au petit salaire d'à peine $5,000 à cette époque, a décidé qu'il ne s'évaderait pas. Quand il a décidé qu'il ne s'évaderait pas, il s'en est occupé sérieusement.

Le gars est allé à l'hôpital, pas pour rien cette fois-là. On lui a dit à un moment donné:

Tu as fait une très bonne job. Tu as fait un très bon travail. On a dit: Toi, tu es bon là-dedans. Tu gardes les gars en dedans. Quand il est retourné à Bordeaux, il y a un autre gars qui a tenté de faire le "barbeux" si vous me passez l'expression. Il a fait exactement la même chose, ce que M. Tanguay lui avait conseillé de faire. Ce gars s'est retrouvé sans travail pendant deux ans devant les tribunaux criminels, parce qu'il y a eu une plainte portée par le prisonnier en question. Il a été acquitté par le juge John O'Meara. Pendant tout ce temps, la Commission de la fonction publique le "barouettait" à gauche et à droite. On fait cela pour un petit "counne", on fait cela pour un gars qui gagne $5,000; vous avouez une impuissance totale à l'endroit d'un gars qui gagne au-delà de $15,000. Je ne sais pas combien il pouvait gagner M...

M. BIENVENUE: Dans le moment, il gagne $20,000 depuis le mois de septembre.

M. BURNS: En tout cas, je ne me trompais pas en disant au-delà de $15,000. Il est dans une position drôlement plus forte que mon petit gardien de prison que je vous donne dans mon exemple; vous m'avouez votre impuissance devant cela. Je dis non, ce n'est absolument pas acceptable.

Je ne comprends pas qu'à un moment donné un gars fasse des conneries du style de celles faites par René Gagnon, que vous soyez encore poignés avec lui, que vous ayez encore un poste bloqué; cela, je ne comprends pas cela. Je ne comprends vraiment pas cela. Ou, vous avez besoin d'avoir de bons avocats chez vous.

M. BIENVENUE: D'abord, nous n'en avons pas.

M. BURNS: Peut-être qu'il est temps que vous en ayez.

M. BIENVENUE: Le député ne s'imagine pas que je me réjouis de la situation, n'est-ce pas? Je n'ai pas fait ces démarches pour obtenir son départ en prévision de l'étude de mes crédits. Ces démarches remontent à il y a plusieurs mois, neuf mois exactement.

M. BURNS: Je n'ai pas prêté d'intention au ministre, loin de là. Le ministre va me rendre justice là-dessus. Je ne lui prête pas d'intention, je pose simplement la question, parce que c'est la première fois que j'ai l'occasion de le faire de façon importante. Si j'avais posé ce genre de question en Chambre, je sais ce qui serait arrivé. Le ministre aurait dit: Au feuilleton ou quelques-uns de ses collègues auraient crié: Au feuilleton et cela aurait fini là. Aux crédits, c'est le moment d'en parler; c'est le moment de faire le dialogue là-dessus.

M. BIENVENUE: Je reconnais en termes clairs et nets mon impuissance jusqu'ici.

C'est une des différences, je le reconnais, entre mon impuissance et mon ennui qui en découle, c'est une des différences entre l'entreprise publique et l'entreprise privée. Je ne ferai pas d'autres commentaires.

M. BURNS: Est-ce que vous avez fait des représentations auprès du ministère de la Fonction publique à cet effet?

M. BIENVENUE: J'ai lu, et je le répète, devant la Commission de police — du moins, je crois les avoir lues ou du moins j'ai fait état — les lettres que j'ai écrites respectivement au président de la Commission de la fonction publique et au ministre de la Fonction publique. Sans mettre de côté ou oublier les nombreuses autres démarches que j'ai faites à droite et à gauche, parce que je n'étais pas heureux et je ne suis pas plus heureux de la situation, je n'aime pas me le faire rappeler ce soir en public. C'est la "job" du député de Maisonneuve, il fait son travail...

M. BURNS: Ce n'est pas pour être désagréable, remarquez.

M. BIENVENUE: Non et je suis le premier à m'en plaindre et à en souffrir, je suis à la veille de requérir les services du député de Maisonneuve comme avocat ad hoc pour m'aider à régler ce cas. Il n'y a pas beaucoup d'honoraires, parce que les crédits ne sont pas élevés.

M. BURNS: Cela va remonter ma réputation, le premier ministre veut me nommer juge et vous voulez me nommer avocat du ministère. Vous êtes en train de me brûler définitivement.

M. BIENVENUE: On reconnaît vos talents.

M. BURNS: En tout cas, je peux dire au ministre tout de suite que je refuse son mandat et je pourrai lui recommander de bons avocats, si jamais... Ils ne sont pas membres du Parti québécois, en plus de cela.

M. BIENVENUE: Peu importe, c'est le talent qui compte.

M. BURNS: M. le ministre, je sais bien qu'on pourrait jaser encore pendant des heures et des heures de temps de cette affaire. Personnellement, j'ai le droit de vous déclarer ma non-satisfaction sur la façon dont ce problème a été réglé. Si le problème est un problème au niveau de la fonction publique, je vous prie...

M. BIENVENUE: Ce problème n'a pas été réglé. Je vais plus loin que le député de Maisonneuve, ce problème n'a pas été réglé, il ne s'agit pas de la façon dont il a été réglé, il n'a pas été réglé.

M. BURNS: II n'a pas été réglé, vous avez parfaitement raison, M. le ministre.

M. BIENVENUE: Je déclare ma propre non-satisfaction comme le député de Maisonneuve vient de le faire, totalement.

M. BURNS: On est d'accord ensemble. M. BIENVENUE: Totalement.

M. BURNS: II y a une chose que je regrette, c'est que, d'une part, les crédits du ministère de l'Immigration n'aient pas eu lieu et que cette discussion qu'on vient de tenir dans ce cadre n'ait pas eu lieu avant l'étude des crédits du ministère de la Fonction publique, parce qu'il semble que c'est plutôt à votre collègue de la Fonction publique, par les remarques que vous me faites, qu'on aurait dû poser des questions. Mais sachant ce qu'on vient de savoir de la part du ministre, je regrette également de ne pas avoir été personnellement présent à cette commission, j'étais présent à une autre commission.

M. BIENVENUE: Je n'accuse pas mon collègue, je dis juste que, d'après moi, j'ai fait tout ce que j'ai pu, j'ai écrit, je n'ai pas parlé, j'ai écrit aux personnes autorisées, les écrits restent. Je n'accuse donc personne mais je considère bien humblement que j'ai fait tout mon possible. Malgré ça, je vais continuer, demain, encore dans une semaine et dans une autre semaine, à tenter d'obtenir ce que je recherche depuis des mois et qui me permettrait de libérer un poste dont j'ai tellement besoin dans le contexte du petit ministère que nous sommes et où chaque poste est important.

M. BURNS: Le plus extraordinaire, M. le ministre, c'est que, dans le cas du petit employé, je le dis, au point de vue de la hiérarchie, non pas de son importance, parce que quelle que soit la place d'un employé de la fonction publique dans la hiérarchie, je pense qu'il a son importance, autrement, on ne l'engagerait pas, mais quand je dis petit, je parle au point de vue hiérarchique, ce que je trouve drôle, c'est comme on est donc vite à congédier quelqu'un. Je ne dis pas congédier, parce qu'en vertu de la Loi de la fonction publique, on commence par suspendre quelqu'un pour un maximum de deux mois et ensuite, son problème est amené devant la Commission de la fonction publique. C'est donc drôle comme ça va vite lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui ne détient pas un poste politique, lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui est tout simplement balloté par le système et cela, je le regrette. Je pense que le cas qui nous confronte actuellement est peut-être un des cas typiques de la discrimination qui existe dans la fonction publique. J'assure le ministre de l'Immigration, maintenant qu'il m'a assuré de son intention de régler le problème, que je vais l'épauler entièrement là-dessus, à ma façon à moi.

Sur le peu de rapidité de réaction de la part du ministre à l'égard de M. René Gagnon, j'ai des réticences là-dessus que je maintiens. Je pense que, dès que les choses ont été connues, comme le ministre les a connues, il aurait dû réagir.

M. BIENVENUE: J'apprécierai toute aide que pourra m'offrir d'une façon ou d'une autre, le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Je tiens à assurer le ministre qu'avec mes petites capacités, je vais appuyer les efforts du ministre là-dessus.

M. BIENVENUE: Merci.

M. BURNS:, Je reste quand même très déçu de la façon dont le problème, comme le ministre le disait, ne se règle pas.

M. le ministre, j'aimerais, puisqu'on vous a permis — je ne dis pas cela de façon "bobon-ne" — de suspendre les travaux vers les 17 h 15 pour rencontrer des gens, je pense que c'étaient des représentants des COFI... Tout le monde sait qu'actuellement, il y a des arrêts de travail qui affectent en particulier le COFI de la rive sud, de Montréal...

M. BIENVENUE: Et de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

M. BURNS: D'accord. Est-ce que le ministre peut, d'une part — est-ce que c'est trop lui demander? — nous faire rapport de sa rencontre avec les représentants des COFI vers la fin de l'après-midi?

M. BIENVENUE: Avec plaisir.

M. BURNS: Deuxièmement, j'aimerais que le ministre, dans sa réponse — quant à y être, j'aimerais autant lui donner tout de suite les éléments de ma question — est-ce que le ministre peut nous expliquer son apparente impuissance à l'endroit du règlement de ce problème? Je sais que le ministre nous a déjà fait une déclaration où il nous disait: Ce n'est pas complètement de mon ressort, je ne veux pas intervenir parce que je ne suis pas en mesure de régler le problème. J'ai peut-être mal compris le ministre, mais c'est tout cela que je voudrais qu'il nous précise. J'aimerais savoir comment, comme ministre de l'Immigration, il ne peut pas ne pas être impressionné par le fait qu'actuellement, une de ses chevilles ouvrières, quant à la francisation, quant à la francophonisation, comme il dit si bien, des immigrants, n'opère pas normalement. Alors, si le ministre peut nous faire un petit rapport à ce sujet, j'aimerais bien l'entendre.

M. BIENVENUE: D'abord, je corrige tout de suite l'expression que le député de Maisonneuve a employée, sûrement pas à dessein, au moment où il dit: Je ne comprends pas que le ministre ne soit pas impressionné. Au contraire, je suis

très impressionné, très inquiet, très malheureux de ce conflit qui dure maintenant depuis cinq mois, je pense, et qui est extrêmement pénible. J'en dirai un mot dans un instant. Pour ce qui est du rapport de la rencontre de cet après-midi, ce fut une rencontre extrêmement cordiale, sollicitée par les représentants des enseignants en grève qui, sauf erreur, ont fait demande de cette rencontre il y a à peine quelques jours et j'ai voulu l'accorder dès aujourd'hui, nonobstant la journée que nous faisons tous ensemble. Cette rencontre avait pour but, quant aux représentants des COFI, de faire le point auprès de nous, de nous dire ce qui en était de l'état des négociations, l'état très lent des négociations. A la suite d'une première rencontre que nous avions eue avec eux, ici même à Québec, en mars dernier, je pense, et au cours de laquelle j'avais convenu avec eux que je ferais la seule chose qu'il m'était juridiquement possible de faire, soit des pressions morales auprès des personnes ou organismes qui sont en cause dans ce conflit, nous avons fait ce point cet après-midi.

J'ai appris de la bouche des représentants des COFI ce qui en était, je viens de le dire. Nous avons pensé tout haut devant eux en leur présence et ils ont pensé tout haut devant nous. Nous avons parlé de différentes hypothèses pour l'avenir, mais qui, toutes, toujours n'avaient rien à voir avec la présente négociation où je ne puis rien faire et là, cela m'amène à la deuxième question du député de Maisonneuve et je m'explique.

Le député de Maisonneuve a employé les mots "impuissance apparente" en parlant de nous, il y a un instant. Cela n'est pas une impuissance apparente, c'est une impuissance véritable et fondée. Le député de Maisonneuve disait qu'il ne serait pas complètement du ressort, ce que je corrige; non seulement ce n'est pas complètement du ressort de notre ministère, mais ce n'est pas du tout du ressort de notre ministère.

Tout cela pour dire que nous ne sommes pas partie du conflit actuel juridiquement. Nous n'avons aucun pouvoir réel ou juridique, théorique ou pratique à tel point que nous n'y sommes représentés à ces négociations que par la présence d'un haut fonctionnaire de mon ministère qui est là comme observateur, qui n'a pas un mot à dire et qui ne dit pas un mot. Il écoute, il note, il enregistre, il écrit, point. Son rôle à son niveau est exactement celui de mon ministère.

Les parties en cause sont la CECM — la Commission des écoles catholiques de Montréal — les professeurs — et là, je ne veux pas entrer dans tous les détails, mais il y a un conflit de syndicats en cause — la table provinciale qui étudie les relations patronales-syndicales au niveau de l'éducation et enfin le ministère de l'Education dont nous avons abondamment parlé ce matin.

Les négociations sont conduites entre ces gens. Je n'y puis rien parce que ma seule position, quand je dis "ma", je parle de mon ministère et celle de l'organisme qui reçoit d'une main de l'argent 100 p.c. fédéral et qui le redistribue de l'autre main... Nous n'avons rien à voir aux conditions de travail, aux normes, aux salaires, aux traitements et c'est ce qui me faisait dire le 9 avril, à l'étude de nos crédits ici même, avant l'ajournement de Pâques — et j'espère que c'est la dernière fois que je me cite aujourd'hui — qu'il est profondément regrettable pour les nouveaux arrivants et pour la communauté que le conflit de travail qui a commencé dans les COFI de la Commission des écoles catholiques de Montréal le 21 janvier dernier, trafne en longueur. La situation est d'autant plus absurbe qu'il existe dans le secteur privé, des conditions de travail qui semblent donner satisfaction à tout le monde.

L'actuel conflit n'est ni de nature financière, ni de nature économique et je n'ai malheureusement aucun pouvoir juridique pour y apporter une solution qui me semble, cependant, tout à fait possible et à portée de main.

Lorsque j'ai dit que ce conflit était pénible, que j'étais non seulement impressionné, mais très impressionné et malheureux, de même que mon ministère, c'est qu'outre le fait que 87 enseignants sont en grève avec tout ce que cela représente depuis cinq mois, il y a encore plus gros que cela au plan du bien commun et comme enjeu, il y a 2,000 immigrants dont on dit depuis ce matin qu'on veut franciser à pleine vapeur, qui ne reçoivent pas de cours et sont pénalisés pendant cette grève. On réalise que ce nombre va en augmentant continuellement et ce sont autant de gens dont l'intégration est retardée et retardée de façon dramatique parce qu'il est difficile de s'intégrer lorsqu'on ne parle pas ou lorsqu'on ne comprend pas la langue du nouveau pays où on est arrivé et c'est leur cas.

Je sais que les voeux pieux donnent fort peu de choses, mais comme je l'ai dit à ces gens cet après-midi, qui comprennent incidemment tout ce que je viens de dire, qui sont au fait de tout ce que je viens de dire, au sujet des mains liées de mon ministère face à ce conflit... Ces gens me disaient: Tant mieux si on vous en parle lors de l'étude de vos crédits ce soir, au moins, vous aurez là un moyen de diffusion plus vaste pour répandre ce message dans la population, la sensibiliser davantage aux problèmes que vous avez à affronter dans votre mission d'intégration des nouveaux immigrants.

Ces gens l'ont compris. Ils savent que nous n'y pouvons rien. Ils savent que je me suis livré, ainsi que mes hauts fonctionnaires, à toutes les pressions morales qu'il était décent de faire dans les circonstances, et ces gens espèrent. Nous leur avons fourni des hypothèses éventuelles de solution, pas à court terme évidemment, pas dans le cours du conflit actuel, mais pour l'avenir, à moyen ou à long terme, pour que, dorénavant, nous ayons un mot à dire, quel qu'il soit dans l'administration, la gérance

des COFI et à ceux qui y enseignent. Je pense que c'est à peu près le résumé, sans vouloir aller dans tous les détails techniques...

M. BURNS: M. le ministre, le montant qui vous est versé par le fédéral, est quand même versé à votre ministère. Ce montant, nous avez-vous dit au début de l'étude de vos crédits, est en grande partie utilisé à l'administration des COFI, n'est-ce pas?

M. BIENVENUE: Au chapitre des COFI, en vertu de la Loi de la formation professionnelle des adultes, tout va au COFI.

M. BURNS: Bon! Alors, est-ce que vous n'avez pas, de ce fait, un minimum de responsabilités dans ce domaine? Est-ce qu'on ne doit pas comprendre que le ministère de l'Immigration est autre chose qu'une espèce de caisse d'échange ou de trait d'union pour recevoir un chèque d'une main et le remettre de l'autre main? Est-ce que ce n'est pas autre chose que cela?

M. BIENVENUE: Voici.

M. BURNS: Autrement, je vous vois... J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on parlerait, dans vos crédits, d'adaptation des immigrants. Qu'est-ce que cela fait là? On va remettre cela au ministère de l'Education, si c'est là que cela va.

M. BIENVENUE: Quant à la partie du test, quant à la partie de la matière, etc., d'accord! Non pas quant à la partie qui a trait au conflit qu'on voit actuellement. Au secteur privé, je pense au COFI de Laprairie, le grand frère n'y est pas, c'est nous. Il y a eu des grèves. Elles furent, heureusement, de courte durée. Comme je le disais, les parties semblaient être d'accord, semblaient être... On n'est jamais heureux complètement dans la vie. Les conditions de travail... Toutes choses étant normales, il n'y a pas de problème de ce côté.

A partir du moment où vous arrivez dans le secteur public d'enseignement, dans le cas actuel, c'est la Commission des écoles catholiques de Montréal, ma présence disparaît, et c'est le ministère de l'Education qui, au niveau de la formation des adultes, occupe le champ. C'est pour cela que dans le conflit actuel, contrairement à ceux dont j'ai parlé, nous sommes absents.

M. BURNS: Mais, vous avez parlé tantôt de pressions morales. Si les COFI tombent sous votre responsabilité, si c'est à votre ministère et non pas à d'autres ministères que les sommes sont versées pour cela, et si c'est de votre ministère que partent les sommes pour maintenir ce secteur, ne croyez-vous pas que votre pression morale est beaucoup plus forte que vous pensez?

M. BIENVENUE: J'aurais voulu qu'elle soit...

M. BURNS: Si c'est véritablement...

M. BIENVENUE: ... aussi forte que je pensais, mais les sommes, je ne puis pas les verser lorsque les cours ne se donnent pas. Les cours ne se donnent pas parce que les enseignants sont en grève. Les enseignants sont en grève au sujet des conditions de travail, ou de relations de travail, sur lesquelles je n'ai pas un mot à dire. Je paie, pourvu que les cours se donnent. Si les cours ne se donnent pas, pour des raisons qui échappent totalement à mon contrôle, contrôle que je n'ai pas quant au règlement de ce conflit...

M. BURNS: Qu'est-ce que vous pensez, par exemple, de votre collègue, le ministre actuel du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. Jean Cournoyer, qui lui, n'avait pas de juridiction sur la police provinciale. Il s'est rendu, il y a deux ans, sur les lieux d'une assemblée des policiers provinciaux qui relèvent directement du ministre de la Justice.

Cela a peut-être choqué beaucoup le ministre de la Justice, remarquez.

M. BIENVENUE: J'avais été invité à cette réunion.

M. BURNS: Oui, mais en tout cas, même si vous aviez été invité, c'est le cas de M. Cournoyer, il est allé les rencontrer et l'a réglée, la grève. En tout cas, il ne l'a pas réglée tout seul, mais il a participé au règlement de cette grève. C'est cela que j'appelle une pression morale. Vous, actuellement, vous avez une obligation, de par votre ministère, c'est de voir à ce que les milliers d'immigrants —vous avez parlé de quelques milliers, 2,000 immigrants — qui ne reçoivent pas les services auxquels ils sont en droit de s'attendre les reçoivent. Vous avez une obligation de voir à ce que se corrige cette situation. Si c'est une querelle entre ministères, entre le ministère de l'Education et le vôtre, même si votre budget est pas mal plus petit que celui du ministère de l'Education, il faudrait peut-être que vous nous prouviez que vous êtes un véritable ministre. Vous avez droit à un vote, pas un vote par millions de dollars que votre ministère a comme crédits. Si c'était cela, il y aurait deux ou trois ministres qui monopoliseraient le conseil des ministres, par exemple celui des Affaires sociales, celui de l'Education, celui du Transport.

M. BIENVENUE: Ceux que M. Tremblay a qualifiés de "jumbo ministers".

M. BURNS: Vous arriveriez, vous...

M. BIENVENUE: Des "jumbo ministers".

M. BURNS: Des "jumbo ministers", oui, vous arriveriez sans doute bon dernier, au point de vue du montant des crédits, mais je ne pense pas que ce soit comme cela qu'on doive faire l'approche. Je pense que, comme ministre, vous avez une responsabilité que vous devez exercer, et personnellement, je ne peux pas accepter que vous disiez: Ce n'est pas de mon domaine. Votre domaine, actuellement, c'est de voir comment il se fait que 2,000 immigrants ne reçoivent par les services qu'ils sont en droit de s'attendre.

M. BIENVENUE: Pas seulement de savoir.

M. BURNS: Oui. Et là, vous avez un problème de relations de travail à cet égard. Comment se fait-il, à un moment donné, que le ministre de l'Immigration tente d'imposer ses normes — je ne le sais pas, mais je présume que c'est cela — qu'il tente d'imposer une série de choses que, peut-être, il tente de le faire à l'égard d'une future négociation qui se situe en 1975, c'est peut-être cela, ce n'est peut-être pas cela aussi? Mais une chose est certaine, c'est qu'actuellement, comme ministre de l'Immigration, vous n'avez pas le droit d'accepter que le problème traîne comme il traîne actuellement depuis cinq mois et que vous fassiez aveu d'impuissance à toute personne qui vous en parle.

M. BIENVENUE: Dans le secteur privé où j'étais le seul ministère en cause, mes hauts fonctionnaires et moi nous nous sommes livrés aux pressions morales dont je viens de parler, et auprès des parties contractantes, et la grève s'est réglée très rapidement. Dans le secteur public, on est en face de la Loi de l'instruction publique et là je ne suis plus seul au tableau, il y a le grand frère dont j'ai parlé...

M. BURNS: Mais vous êtes là. Vous n'êtes pas seul, mais vous êtes là.

M. BIENVENUE: Entendons-nous, quand je dis que je suis tout seul au tableau, je veux dire que mes pressions morales, au lieu de les faire directement, uniquement et seulement sur deux parties, comme dans le cas du secteur privé, sur les enseignants et surtout sur la partie patronale, qui était la Corporation des Saints Apôtres, si j'ai bonne mémoire, dans le secteur public, on est en face de l'application d'une loi qui est du ressort exclusif du ministère de l'Education du Québec, la Loi de l'instruction publique. Les conditions de travail des professeurs à cet endroit, toutes les clauses, toutes les relations patronales-syndicales, que ce soit à la formation des adultes, comme c'est le cas, ou si c'était en général à la formation générale des enfants, c'est du ressort exclusif du ministère de l'Education.

J'ai fait mes pressions morales, mes hauts fonctionnaires en ont fait également auprès de la Commission des écoles catholiques de Montréal, auprès du ministère de l'Education, et je n'ai pas réussi. C'est aussi simple que cela. Il n'y aura de secret, il n'y aura de cachette pour personne. Je n'ai pas réussi. J'ai été impuissant, pour employer les mots mêmes du député de Maisonneuve, dans mes tentatives, et je n'y peux rien de plus. Je ne peux pas arriver là avec des armes à feu. Je ne peux pas faire un vol à main armée. Selon une expression typique de chez nous, on dirait: J'ai fait patate. Mais c'est le cas. Les enseignants en grève le savent, le ministère de l'Education le sait, la CECM le sait.

Tout le monde le sait. Et maintenant le grand public le sait, mais je crois que c'est parce que je l'avais déjà dit antérieurement.

Et je n'y peux rien, strictement rien.

M. BURNS: Le ministre d'une part reconnaît sa responsabilité à l'égard des COFI, n'est-ce pas?

M. BIENVENUE: A l'égard des immigrants qui sont privés de cours, et relativement au programme des COFI, absolument.

M. BURNS: Vous reconnaissez ça? M. BIENVENUE: Oui.

M. BURNS: Est-ce que vous reconnaissez également que les professeurs qui oeuvrent dans le domaine des COFI sont des professeurs à caractère un peu spécial?

M. BIENVENUE: Je l'ai déjà dit publiquement.

M. BURNS: Bon, vous reconnaissez ça? Est-ce que vous reconnaissez à ce moment...

M. BIENVENUE: Ils sont des intégrateurs.

M. BURNS: Je suis content d'entendre le ministre le dire.

M. BIENVENUE: Je l'ai déjà dit.

M. BURNS: II vient de faire des professeurs, pas de faire parce que ça existe... Il vient de reconnaître dans le fond que les professeurs qui travaillent dans le domaine particulier qui nous intéresse actuellement sont des gens qui ont une vocation très spécifique. C'est ça?

M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve me permet une interruption?

M. BURNS: Qui n'est pas nécessairement celle des enseignants qui relèvent du ministère de l'Education. C'est ça?

M. BIENVENUE: Lorsque j'ai dit: Ce sont des intégrateurs, c'est moi qui l'ai dit comme ministre de l'Immigration. Je l'a dit en public, et je l'ai dit au ministère de l'Education. Mais, c'est moi qui l'ai dit.

M. BURNS: Vous l'avez dit, donc vous n'avez pas pu convaincre le ministère de l'Immigration. C'est ça?

M. BIENVENUE: De l'Education. Exactement.

M. BURNS: Est-ce que dans vos discussions, parce que je présume qu'il y en a eu, vous venez de nous dire...

M. BIENVENUE: Plusieurs.

M. BURNS: ... que vous avez dit au ministère de l'Education que vous considériez les professeurs de ce secteur comme des intégrateurs, donc vous avez eu des contacts... Est-ce que vous avez revendiqué la responsabilité des professeurs des COFI?

M. BIENVENUE: Pas la responsabilité actuelle, je ne l'ai pas.

M. BURNS: Pourquoi pas? Je sais que vous ne l'avez pas.

M. BIENVENUE: Ils enseignent dans des commissions scolaires qui dépendent, elles...

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: ... directement et uniquement du ministère de l'Education.

M. BURNS: Oui, mais pourquoi à ce moment vous qui êtes préoccupé, qui êtes même alarmé par le fait qu'entre autres 2,000 immigrants ne reçoivent pas les services qu'ils sont en droit de s'attendre, pourquoi, voyant que du côté du ministère de l'Education, ça ne se règle pas pour des problèmes bureaucratiques, sans aucun doute...

M. BIENVENUE: Ou juridiques.

M. BURNS: Moi, je pense qu'ils sont plutôt bureaucratiques.

M. BIENVENUE: II est question de juridique actuellement.

M. BURNS: Chacun veut garder ses petits secteurs et ses petites bébelles. On sait comment ça fonctionne. Chacun veut garder aussi une certaine main haute sur des politiques qui souvent s'appliquent mal dans des domaines qui sont aussi spécifiques que celui-là. Le ministre vient de le reconnaître.

Pourquoi ne demandez-vous pas de rapatrier au ministère de l'Immigration la responsabilité totale sur ces domaines, et pourquoi, ayant obtenu ça, n'auriez-vous pas la possibilité, vous, de régler le problème?

M. BIENVENUE: Cela a été demandé. L'of- fre a été faite à nouveau cet après-midi, lorsque j'ai parlé d'hypothèse aux gens des COFI qui nous ont rendu visite. Si nous n'avons pas voulu intervenir avant, et sans le consentement de ces gens, c'est parce que nous sommes parfaitement conscients de l'existence des syndicats, des problèmes qui en découlent, et c'est par respect — nous l'avons dit à ces gens cet après-midi — pour eux, leur situation présente, individuelle comme syndicale. Nous avons répété devant eux l'offre que nous avions faite précédemment, et ils y réfléchissent actuellement.

De sorte que le jour où ces COFI seront entièrement sous notre juridiction, je serai prêt à mes crédits, avec autant de facilité que j'ai essayé de le faire à ce jour lorsque j'étais en cause ou que je faisais des constats d'impuissance, je serai prêt à dire si ça va bien: C'est grâce à mes hauts fonctionnaires. Si ça va mal: C'est grâce à moi. Dans le moment, le vieux "no taxation without reprensentation", ça m'échappe. Mais le jour où ça viendra sous notre aile à nous, nous prendrons nos responsabilités pour le meilleur ou pour le pire.

M. BURNS: Ce qui veut dire...

M. BIENVENUE: De cela, les professeurs concernés en sont parfaitement conscients.

M. BURNS: ... qu'actuellement vous êtes à peu près placé devant la situation de simplement constater que ce secteur important — c'est quand même les cinq huitièmes ou presque de votre budget — peut-être pas au total, mais en tout cas...

M. BIENVENUE: Au total.

M. BURNS: Oui, au total, mais je veux dire quant aux groupes concernés, ils sont moins ... total.

M. BIENVENUE: D'accord.

M. BURNS Mais ce secteur, dans le fond, vous êtes là pour le faire fonctionner et vous vous rendez compte que vous n'êtes pas capable de le faire.

M. BIENVENUE: Pieds et poings liés, pour rendre mon image bien claire.

M. BURNS: Qu'est-ce que vous allez faire pour régler ça? Est-ce le ministre de l'Education qui vous... Il a assez de chats à fouetter avec son bill 22, il pourrait vous en laisser un petit bout.

M. BIENVENUE: C'est évidemment une suite du passé où, au début, les COFI, avant l'existence de notre ministère, étaient la responsabilité — peut-être pas tout à fait dans la forme complète actuelle — du ministère de l'Education. Je suis heureux de la dernière remarque du

député de Maisonneuve, elle anticipe peut-être sur une des remarques que je ferai lorsque sera terminée l'étude de ces crédits.

Voici un autre domaine où je suis heureux que l'attention du grand public soit éveillée, grand public qui, encore dans bien des coins, ignore l'existence même du ministère de l'Immigration du Québec. Et quand je parle du grand public, je pourrais étendre cela à d'autres organismes que le grand public. Et ça me reporte à ce que j'avais dit — je ne me rappelle plus où — il y a quelque temps, que ça devenait impérieux et capital qu'on s'intéresse à l'immigration.

Cela confirme ce que j'ai déjà dit à plusieurs reprises en Chambre et dans des entrevues à des représentants de la presse, ce que j'entendais par avoir peu ou pas de pouvoirs, c'en est un exemple criant, si ça peut contribuer — l'étude de ces crédits — à éveiller un plus grand nombre de concitoyens au Québec sur les problèmes, les carences, l'urgence et les retards dont j'ai parlé si souventefois, nos retards dans tous ces domaines.

Quand j'ai parlé de budget, c'est la même chose, les outils dont on a besoin. Si ça peut éveiller davantage le public, je serai sorti personnellement combien heureux de l'étude de ces crédits, où je répète que le député de Maisonneuve joue le rôle qu'il doit jouer. J'ai vécu ça souvent dans l'Opposition. Souvent l'Opposition peut jouer un rôle positif, elle a même des moyens que les ministériels n'ont pas.

M. BURNS: Vous ne faisiez pas ça aussi bien que nous, c'est certain.

M. BIENVENUE: Nous étions plus nombreux.

M. BURNS: C'est peut-être pour ça que vous ne faisiez pas ça aussi bien.

M. BIENVENUE: Chaque joueur pouvait être moins bonne vedette individuellement, parce que l'équipe était trop vaste.

M. BURNS: Mais si on revient à ce problème de façon sérieuse, j'aimerais que le ministre sur ce point nous laisse avec un élément de solution, qu'il va tenter d'obtenir. Moi, ça ne me satisfait pas que le ministre...

M. BIENVENUE: Oui, alors...

M. BURNS: ... admette qu'il est impuissant à régler le problème...

M. BIENVENUE: ... j'ai...

M. BURNS: ... alors qu'il lui est évident que ça touche à son ministère, ça le touche profondément, ça le touche aux cinq septièmes de ses crédits en tout cas.

M. BIENVENUE: L'élément de solution, on y a touché tout à l'heure. On l'a expliqué, mais je peux le résumer. C'est qu'évidemment, compte tenu du fait qu'au moment où on se parle, la négociation se continue, je...

M. BURNS: Avec qui?

M. BIENVENUE: La table centrale, la table provinciale.

M. BURNS: Mais qui est l'interlocuteur du côté gouvernemental?

M. BIENVENUE: Le ministère de l'Education.

M. BURNS: Le ministère de l'Education.

M. BIENVENUE: Pour la partie patronale. La CEC...

M. BURNS: Quelle influence avez-vous sur les décisions qui sont prises par le ministère de l'Education?

M. BIENVENUE: Je l'ai dit et je le répète, aucune, "none" en anglais.

M. BURNS: Qu'est-ce que vous faites pour que ça change?

M. BIENVENUE: Ce que je pouvais faire, ce que j'ai tenté de faire, je l'ai fait, et je répète le résultat que j'ai annoncé précédemment, patate, si on veut s'exprimer en termes du terroir, nil.

M. BURNS: Qu'est-ce que vous avez fait?

M. BIENVENUE: J'ai fait tout ce qui pouvait se faire décemment au chapitre des pressions morales.

M. BURNS: C'est quoi, par exemple?

M. BIENVENUE: On vient d'en parler abondamment, voir...

M. BURNS: Non, on a parlé de pressions morales, mais ça c'est abstrait; dans le concret, vous avez fait quoi?

M. BIENVENUE: Des rencontres à mon niveau et à celui de mes hauts fonctionnaires pour faire valoir la thèse du professeur de COFI, qui est autre chose qu'un simple enseignant qui, deuxièmement, est autre chose qu'un simple enseignant aux adultes, et qui, troisièmement, est un enseignant aux adultes qui s'adonnent à être des immigrants.

Donc, des intégrateurs, des agents de prolongement de l'action de mon ministère, nous rappelant tous que le professeur des COFI est, à toutes fins pratiques, un des premiers contacts humains qu'a l'immigrant après son arrivée au pays ou au Québec. Comme tel, en lui enseignant les langues, il lui enseigne d'abord, ce qui

fait toute la différence entre gagner sa vie ou tout perdre et être obligé de retourner dans son pays, ou être assisté social. En plus de l'enseignement des langues proprement dites, il lui enseigne, dans bien des cas, par combien de dévouement et en dehors des heures et des cadres normaux, la connaissance de la vie au Québec, l'initiation à la vie au Québec ou au Canada.

Il a par conséquent une vocation spéciale. Et c'est ce message que nous avons tenté de faire comprendre mais sans succès.

M. BURNS: Auprès du ministère de l'Education?

M. BIENVENUE: Oui. Evidemment, je le dis assez clairement, je pense, auprès du ministère de l'Education du Québec. Quand je parle de pressions morales décentes, je veux dire que, malgré tout mon amour à la cause, je n'y suis pas allé à genoux, ce qui est normal. Mes hauts fonctionnaires et moi avons essayé de convaincre, et le député de Maisonneuve sait aussi bien que moi, comme avocat, qu'on tente tous les jours de convaincre un juge. Parfois on réussit pas toujours.

M. BURNS: Mais il y a des cours d'appel. La cour d'appel, dans votre cas, c'est le cabinet des ministres. Est-ce que vous avez l'intention d'y aller. C'est ça la cour d'appel pour vous.

M. BIENVENUE: Mais la cour d'appel...

M. BURNS: Si vous ne vous entendez pas avec le ministre de l'Education sur des politiques comme celles-là, pourquoi le problème ne serait-il pas posé au cabinet des ministres? Pourquoi le ministre de l'Education ne dirait-il pas: Actuellement, à cause d'un entêtement stupide du ministère de l'Education, je ne puis pas réaliser certaines des choses qu'on me demande de réaliser.

M. BIENVENUE: Les mots "entêtement stupide" sont évidemment de la bouche du député de Maisonneuve.

M. BURNS: Oui, mais j'espère que vous les prenez à votre compte.

M. BIENVENUE: Je suis à préparer, le mémoire est prêt, je pense...

M. BURNS: Vous n'appuyez pas ces mots "entêtement stupide"?

M. BIENVENUE: C'est agréable d'être dans l'Opposition, on peut dire un tas de choses.

M. BURNS: Pourquoi une fois pour toutes un minsitre n'aurait pas le "guts" de dire ce qu'il pense?

M. BIENVENUE: II y a des silences qui sont parfois plus héroïques.

M. BURNS: Je comprends que le ministre est d'accord avec moi.

M. BIENVENUE: Je n'ai pas dit ça. Revenons à la note sérieuse. Je dis au député de Maisonneuve que mon ministère — toute farce mise de côté — a préparé un mémoire dans le sens que souhaite le député de Maisonneuve, mémoire qui porte sur cette question et toutes les autres qui s'y rattachent, qui ont fait l'objet de bien des discussions que nous avons eues depuis le début de l'étude de ces crédits.

La solution — sous réserve évidemment de la négociation qui n'aboutirait pas dans le sens positif — c'est la gestion directe des COFI par le ministère de l'Immigration. C'est celle que nous avons à proposer aux représentants des professeurs que nous avons rencontrés, solution sur laquelle ils réfléchissent et solution qui avait déjà été portée à leur connaissance. Mais ils sont conscients que nous avons voulu procéder — comme c'est notre façon habituelle — par consultation, et non par imposition, par respect pour leur situation actuelle, pour leur syndicat, et se rappelant quand même que le jour où ces gens deviendraient en gestion directe sous le ministère de l'Immigration, ils deviendraient des fonctionnaires avec tout ce que cela implique.

M. BURNS: Vous savez qu'un tout petit amendement...

M. BIENVENUE: Et ça ne sera pas...

M. BURNS: ... aux articles 69 et suivants de la Loi de la fonction publique pourrait vous faciliter la tâche rapidement.

M. BIENVENUE: Et je vais plus loin, ça ne serait pas — un autre problème qui nous préoccupe et les préoccupe — automatiquement ou nécessairement en loi, ces gens, les 87 en question... On me comprend au moment où je dis... Parce qu'il y a quand même les procédures d'intégration, d'admission à la fonction publique.

Notre voeu le plus ardent — et je parle au nom de mon ministère au complet en le disant — serait que ce soient ces gens. Mais je ne puis pas donner de garantie ou d'assurance comme si j'étais patron ou chef du personnel dans une entreprise privée. On connaît trop cette immense machine qui s'appelle la fonction publique.

C'est à toutes ces choses que je pense et auxquelles ces professeurs pensent très sérieusement au moment où on se parle.

M. BURNS: Le ministre a-t-il, à court terme, des lueurs d'espoir, par l'intervention de son ministère, pour un règlement du conflit? C'est ça le problème.

M. BIENVENUE: Je ne puis que répondre que je dois m'en remettre comme tout le monde à la négociation qui est en cours. Evidemment, j'espère comme tout le monde et depuis longtemps que cette négociation aboutisse. Je pense que je n'exagère pas en disant que nous ne sommes pas étrangers à la reprise de cette négociation — j'oubliais de le dire, ç'a été peut-être un des effets de nos pressions — qui a été au point mort pendant un certain bout de temps assez impressionnant.

Le député de Maisonneuve connaît trop bien le monde du travail pour ne pas se rendre compte que la solution la plus immédiate, la plus prochaine serait l'aboutissement heureux des négociations. Mais si elles devaient être rompues définitivement ou ne jamais aboutir dans un avenir proche, pensable, il y a l'autre solution. Là-dessus, nous nous sommes quittés, les représentants des professeurs et nous, avec l'entente que nous nous reverrions à leur convenance, après leur réflexion, évidemment à la condition qu'il y ait des négociations. Notre porte est grande ouverte et ils le savent.

Un dernier détail que je voulais expliquer au député de Maisonneuve, c'est qu'advenant cette solution de la gestion en direct par nous — j'ai parlé tout à l'heure de la fonction publique, par opposition à l'entreprise privée — ça ne se ferait pas demain matin. Dans la mise en branle de ce mécanisme d'intégration, il y a le Conseil du trésor qui devrait nous fournir des crédits supplémentaires. Mais c'est surtout du côté de la fonction publique, où vous n'intégrez pas en un tour de main quelque 80 ou 100 personnes à ce niveau.

M. BURNS: Mais actuellement, si j'ai bien compris, avec le COFI des Saints-Apôtres, vous ne semblez pas avoir de problème.

M. BIENVENUE: Non, il y a eu une convention collective de réglée.

M. BURNS: Pourquoi? Parce que ça ne relève pas du ministère de l'Education?

M. BIENVENUE: Non. La partie patronale était cette corporation, l'autre partie était...

M. BURNS: Malgré qu'il y en ait eu des problèmes.

M. BIENVENUE: Oui, d'accord.

M. BURNS: C'est d'ailleurs pour ça que, tout à l'heure, je parlais de la rive sud, je ne sais pas pourquoi ça m'est venu.

M. BIENVENUE: Le soleil à côté des nuages actuels. Cela a été très court, cela a été réglé — je le répète — à la satisfaction de tous les intéressés. Nos pressions ne s'exerçaient, à toutes fins pratiques, qu'à un niveau, celui de cette corporation des Saints-Apôtres qui gère le

COFI Laprairie. Cela a été court, simple et beaucoup plus facile. Pour être clair, le chemin était à nous, devant nous. Nous l'occupions seuls.

Les professeurs des COFI en grève de la CECM sont conscients de ces faits. Mais ils nous échappent au plan de la juridiction, et le patron, la partie patronale, nous échappe.

M. BURNS: De toute façon, dans l'immédiat, qu'est-ce que vous avez l'intention de faire à part les propositions que vous avez faites aux représentants des COFI, au point de vue de l'appareil intérieur...

M. BIENVENUE: Continuer...

M. BURNS: ... du gouvernement, je vous parle de l'appareil intérieur gouvernemental, vos problèmes avec le ministère de l'Education, par exemple? Qu'est-ce qui se fait de concret dans les jours qui viennent? Cela fait quand même cinq mois que ça dure.

M. BIENVENUE: Des pressions, rien de plus, plus le mémoire auquel j'ai fait allusion, que nous nous apprêtons à mettre entre les mains de l'exécutif pour une solution en profondeur. Quant au court terme dont parle le député de Maisonneuve, je lui mentirais si je lui disais que ça peut être autre chose que les pressions auxquelles j'ai fait allusion pour que la négociation se continue, pour qu'elle soit accélérée. Je ne peux pas dire plus. Ce seraient de belles paroles, de beaux mots et rien de plus. Et je suis malheureux.

M. BURNS: M. le Président, on partage le malheur du ministre, mais j'aimerais qu'il soit un petit peu plus revendicateur à l'endroit de ce malheur qui l'afflige. C'est le souhait que je formule. Nous allons, nous, de notre côté, avoir l'oeil ouvert dans les jours et les semaines qui vont venir.

Je dis au ministre que nous reviendrons à l'Assemblée nationale, en Chambre, probablement à la période des questions, pour savoir exactement quelle est l'évolution de ce dossier. Je pense qu'il n'est pas suffisant — encore une fois, ça ne me satisfait pas— d'entendre le ministre avouer son impuissance. C'est peut-être une façon de ne pas vider le problème définitivement, mais ce n'est pas une façon de régler le problème, surtout quand on sait qu'une grande part de la responsabilité — non pas du conflit, mais de ce milieu —...

M. BIENVENUE: De l'appareil.

M. BURNS: ... de l'appareil relève du ministère de l'Immigration, je conçois mal que le ministère de l'Immigration reste devant cet aveu d'impuissance. C'est tout au moins déprimant pour les personnes qui sont et les usagers du système et ceux qui donnent des services dans

le système de voir que le ministère de l'Immigration, qui est, à toutes fins pratiques, la plaque tournante, qui devrait l'être, en tout cas...

M. BIENVENUE: Qui devrait l'être.

M. BURNS: ... oui, je me rends compte que ça ne l'est pas, mais que le ministère de l'Immigration, qui devrait être la plaque tournante, avoue son impuissance devant un problème comme celui-là.

M. BIENVENUE: Dans cette grève des COFI, c'est au secteur public.

M. BURNS : En tout cas, tout ce que je peux faire, je ne peux pas remplacer le ministre, même s'il nous a offert à plusieurs reprises de démissionner depuis le début.

M. BIENVENUE: Je ne vous ai pas offert cela. Nous lancions tout haut des hypothèses d'ordre juridique.

M. BURNS Mais à force d'entendre le ministre revenir à cette hypothèse, je me demandais s'il n'y pensait pas, eu égard au projet de loi 22 qu'il trouve absolument imparfait.

M. BIENVENUE: Mon gérant de banque m'a appelé à 6 heures et il ne veut rien savoir de ma démission.

M. BURNS : II ne veut pas savoir cela?

Est-ce que je dois comprendre que c'est plus payant pour vous de faire de la politique que de faire ce que vous faisiez avant?

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: Bon, parce qu'il me semble que...

M. BIENVENUE: Beaucoup moins.

M. BURNS: D'accord. M. le Président, à moins que d'autres collègues aient quelque chose à dire, avez-vous quelque chose à dire là-dessus? Non. On ne vous a pas entendu là-dessus. Le député de Sainte-Marie n'a rien à ajouter? Le député de Mont-Royal, qui souffre de dédoublement de personnalité, lui et le premier ministre du Canada?

M. MALEPART: Pas ce soir. Je ne souffre pas de dédoublement de personnalité.

M. BURNS: Pas ce soir. Le député d'Yamaska n'a rien à ajouter?

Je veux tout simplement, M. le Président, en guise de conclusion, faire la petite déclaration suivante. J'aimerais assurer le ministre, d'une part, que, devant ce budget, ce microbudget, on en a parlé tout au long des crédits, l'Opposition officielle est en entier accord avec le ministre québécois de l'Immigration, beaucoup plus d'ailleurs que ne le sont ses collègues du cabinet, à ce que je peux comprendre.

Je vois que le ministre déplore de son côté — je vois un de ses collègues du cabinet qui nous arrive de façon impromptue, peut-être qu'il pourrait écouter ce que l'on déplore, il arrive d'ailleurs juste à point, le ministre des Institutions financières — et on a déploré — je le dis pour le ministre des Institutions financières, pour qu'il puisse appuyer son collègue de l'Immigration — tout au long des crédits le tout petit budget du ministre de l'Immigration, du ministère de l'Immigration. Ne venez pas nous faire pleurer sur votre petit budget vous aussi, parce que cela ne finira plus.

M. TETLEY: C'est cela. Je voulais commencer par mon budget plutôt que par le sien.

M. BURNS: Vous avez eu la chance de le faire à vos crédits.

En ce qui nous concerne, M. le Président, dans le contexte actuel, le ministre, à toutes fins pratiques, et je ne le dis pas de façon péjorative, est un fonctionnaire fédéral qui administre sans pouvoir politique réel, un microbudget destiné à un microministère, lequel est doté d'une macropolitique.

Encore une fois, je cite de nouveau au ministre, je lui ai cité à plusieurs reprises durant nos débats et je lui cite encore cette fameuse phrase biblique: En vérité, je vous le dis, l'immigration c'est l'avenir du Québec. Nous, nous disons que le ministre a parfaitement raison là-dessus. C'est pourquoi, au nom de l'Opposition officielle, M. le ministre, nous faisons une double proposition au ministre et à ses collaborateurs et je suis content de voir le ministre des Institutions financières être témoin de cela. Relativement au ministère de l'Immigration, nous proposons ceci: Premièrement, tout d'abord, nous nous refusons, et j'insiste, ce n'est pas seulement symbolique, M. le Président, à consacrer le ridicule. C'est pourquoi nous refusons de voter en faveur des crédits de $2,850,100 proposés par le ministre et qui n'ont aucune commune mesure avec les pouvoirs que doit avoir le ministre et avec les moyens bien tangibles dont il doit disposer. Nous appuyons entièrement cependant la demande du ministre pour que le budget de son ministère soit porté à une somme de l'ordre de $20 millions. Nous promettons formellement, si je dois le faire dans cette forme, je promets formellement au ministre de lui apporter notre appui le plus total à l'Assemblée et hors de l'Assemblée pour que son ministère cesse d'être, à toutes fins pratiques — et encore une fois ce n'est pas de façon péjorative à l'endroit du ministre — une farce. C'est que c'en est une actuellement d'avoir de ces politiques et d'avoir un budget si peu impressionnant et je dirais si ridicule par rapport à toutes les politiques à engager dans ce domaine.

On a donc l'intention de voir à ce que cela cesse d'être une farce pour que ce ministère, quelles que soient les bonnes intentions des gens qui y travaillent, puisse fonctionner réellement avec les politiques dont on entend parler d'année en année.

Evidemment, en sens inverse, et ce n'est qu'honnête, nous devons considérer l'éventuelle incapacité du ministre, j'insiste là-dessus, d'obtenir le budget approprié comme un refus de son gouvernement de viser concrètement les objectifs verbalement exprimés et une indication additionnelle fort sérieuse que la souveraineté culturelle dont on a parlé au tout début de l'étude de ces crédits, comme la nouvelle politique de l'Immigration, n'est uniquement que de la poudre aux yeux.

En second lieu, M. le Président, dans le contexte actuel, c'est-à-dire, en deçà de l'indépendance nationale du Québec, nous sommes prêts à fonctionner en collaboration avec le ministre dans le cadre de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Encore une fois, et le ministre le sait fort bien, le Québec est entièrement souverain en matière d'immigration. On a eu l'occasion de s'exprimer pendant quelques heures là-dessus. Je réaffirme, en ce qui nous concerne, la possibilité, à la façon dont on interprète l'article 95 du ministère de l'Immigration, de légiférer dans ce domaine. Nous n'avons pas besoin de demander des pouvoirs à qui que ce soit, à négocier avec qui que ce soit, à administrer des fonds d'autres gouvernements ou à nous traîner dans des conférences, quelles soient fédérales ou fédérales-provinciales. Etant acquis les moyens financiers dont nous parlions dans notre première proposition, l'Opposition actuelle offre au ministre de l'Immigration et à ses collaborateurs son appui le plus entier pour la mise sur pied concrète et rapide de mécanismes proprement et totalement québécois qui, en toute conformité, avec la souveraineté du Québec, dans ce domaine, la souveraineté culturelle que l'on a galvaudée depuis quelque temps, mais qui s'applique drôlement dans le domaine de l'immigration, selon nous, de ces éléments qui permettront au ministre et à son ministère de voir, sans contrainte extérieure, à la sélection, le recrutement, l'établissement, l'orientation, la formation et l'adaptation des nouveaux Québécois dans un Québec français.

Je signale, parlant du Québec français, l'importance primordiale que l'intervention du ministre de l'Immigration devrait avoir à l'occasion de l'étude du projet de loi no 22. On en a parlé, le ministre s'est refusé à donner un certain nombre de réponses à nos questions, il s'est placé derrière le bouclier de la souveraineté culturelle. Mais il est évident que dans les semaines à venir, le ministre de l'Immigration devra clairement établir comment le projet de loi no 22 est conforme à ses visées, comment ce projet de loi, comme c'est notre opinion, manque d'éléments pour permettre au ministre de l'Immigration de remplir ses fonctions véritables.

Du même coup, M. le Président, nous sommes profondément convaincus que ce sont les voeux, non seulement du ministre et de ses collaborateurs, mais en tout premier lieu, des nouveaux Québécois eux-mêmes qui, une fois éliminées les doubles structures, remarquez que c'est notre point de vue à nous, le double "screening" comme on dit, les éternelles complexités de juridictions entremêlées et le ministre les connaît actuellement avec ses négociations avec le fédéral et ces possibilités que cela n'aboutisse pas simplement par un changement de gouvernement le 8 juillet prochain, nous espérons, malgré tout cela, au-delà de tout cela, sauront, enfin, en pleine lumière et quiétude, quel est ce Québec que ces immigrants choisissent pour en faire leur patrie et quels sont ces Québécois qui, agissant sans fouillis et à plein jour se préparent à les accueillir chez eux comme des citoyens à part entière?

Je rappelle au ministre, entre autres, les remarques que nous avons faites, relativement à la xénophobie québécoise. Un des éléments les plus importants je pense, pour dissiper cette xénophobie est sans doute la remise en place d'une véritable sécurité à tout point de vue et principalement au point de vue linguistique, au point de vue culturel et au point de vue du travail des Québécois. La xénophobie, comme je le disais cet après-midi, n'existe pas toute seule.

M. le Président, je regrette de dire, en terminant, des mots un peu chocs, mais qui ont été, à plusieurs reprises utilisés au cours de ce débat.

Les politiques du ministère, selon l'expression du ministre, sont combien secrètes; les mémoires du ministère sont combien discrets; les réunions du conseil consultatif sont combien à huis clos; l'ancien chef du cabinet est combien collant; le pouvoir, face au COFI, combien inexistant; les premiers du ministère sont combien sans effet et le budget du ministère est combien ridicule.

M. le Président, sans que je veuille, en terminant, faire cela sur une note sure, sur une note désagréable, tout en répétant toutes les offres d'appui que nous avons faites au ministre, nous ne pouvons décemment voter en faveur d'un budget comme celui-là. Il sera adopté évidemment, mais avec notre dissidence, M. le Président.

M. BIENVENUE: On adopte le budget.

Adoption des crédits

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Les crédits du ministère sont adoptés.

M. BIENVENUE: Avec la dissidence de...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Avec la dissidence de l'Opposition officielle.

M. BURNS: C'est cela.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté.

M. BIENVENUE: M. le Président, je veux remercier tous ceux qui ont participé aux travaux de cette commission. Du côté ministériel tout d'abord, je revois certains des mêmes visages que l'on a retrouvés ici, depuis le début, avec beaucoup de patience et beaucoup de silence parce que j'admets qu'il y avait à ce bout de la table, des deux côtés, un dialogue tellement continu qu'il restait peu de place pour tous les autres qui auraient voulu intervenir. J'apprécie quand même leur présence et je les en remercie.

J'apprécie également, même "in absentia" la présence du député de Beauce-Sud qui a tenté d'être le plus positif possible dans ses remarques.

M. TETLEY: Par son absence.

M. BIENVENUE: Non, il est absent ce soir. Il a été présent, ici, le plus souvent possible; si on réalise évidemment qu'il représentait la moitié du caucus créditiste, c'était quand même un bel effort. Je remercie aussi le député de Maisonneuve à qui j'ai dit, à plusieurs reprises, qu'il faisait bien son boulot de représentant de l'Opposition officielle dont le rôle, contrairement à ce que l'on pense dans certains milieux, ne consiste pas à être négatif, à faire de la critique négative. Au contraire, son rôle consiste à faire de la critique constructive et aussi à représenter la partie opposante aux mesures du gouvernement, à la position du gouvernement, consiste à servir de chien de garde, au bon sens du mot, pour ramener le gouvernement ou ses représentants ou ses ministères dans le corridor qui doit être le leur.

Evidemment, si je me laissais abattre par le tableau sombre que vient de tracer le député de Maisonneuve, mon boulot serait difficile ou cruel à reprendre dès demain matin, parce que le défi serait considérable. Mais, ce qu'a constaté le député de Maisonneuve... Souvent, je viens de le dire, on peut le faire plus facilement dans l'Opposition que lorsque l'on est du côté ministériel et il m'a même fait regretter, à plusieurs moments, depuis quelques jours, ces années dans l'Opposition où l'on est libre...

M. BURNS: Cela viendra.

M. BIENVENUE: ... de dire beaucoup plus qu'on ne peut le faire de l'autre côté. Ce que j'allais dire, c'est que ce qu'il a dit, ce qui l'a frappé ce soir, parce qu'il n'avait pas assisté à l'étude de nos crédits, l'année dernière, c'est ce qui m'a frappé depuis deux ans. J'en ai parlé à tellement de reprises que cela devient ennuyant, non seulement pour les autres, mais même pour moi, de le faire à nouveau. J'ai parlé de ministère jeune, il faut le retenir, ministère jeune survenant après au moins un siècle de retard, où les gouvernements antérieurs, quels qu'ils soient, et souvent la population elle-même se sont peu ou pas préoccupés de ce problème majeur.

Mais, malgré mes cinq ans, je me répète en le disant, j'avais retrouvé une certaine léthargie à ce ministère qui n'a peut-être pas été créé sur les bases idéales, comme on aurait pu le souhaiter, mais enfin, ceux qui l'ont créé étaient bien animés, bien intentionnés, j'en suis sûr. Il y avait beaucoup à faire, après à peine quatre ans et, dans cette première opération dont on . a parlé souvent, il fallait mettre d'abord de l'ordre dans la maison avant de se relancer. Cette deuxième phase est partie, celle d'agir. Comme le dit le député de Maisonneuve, pour agir, il faut avoir les outils. Un des outils, c'est le nerf de la guerre. Je l'ai demandé à plusieurs reprises. Je l'ai fait sans gêne, même si je le faisais sur la place publique et auprès d'un gouvernement qui est le mien, parce que j'ai dit tout à l'heure que le ministère de l'Immigration n'est pas et ne devrait jamais être politisé. C'est même difficile, à un moment donné, de s'arracher aux problèmes, qu'on y vit, aux défis qui y sont, de s'y arracher pour se retremper un peu dans le climat purement politique. C'est rendu que je suis pas mal en train de me dépolitiser moi-même.

Quoi qu'il en soit, le défi est grand, les outils sont petits, combien modestes. Il y a tellement de choses à obtenir à tous les niveaux et il y a une espèce de cercle vicieux auquel j'ai fait allusion à plusieurs reprises. Mais j'ai confiance qu'aux crédits de l'année prochaine, si toutes les choses sont normales et favorables, il y ait plusieurs pas de franchis. J'espère être en mesure, à ce moment-là, de pouvoir faire part à la population, à mes collègues du gouvernement, au député de Maisonneuve que je souhaite revoir à l'étude de mes crédits... Il me rendra le témoignage que j'ai insisté pour qu'il représente l'Opposition à l'étude de mes crédits, c'est à dessein que je l'ai fait. Je connaissais son caractère combatif, j'ai pensé qu'il pourrait m'être utile et je lui ai demandé son aide à quelques reprises ce soir. D'ailleurs, il me l'a offerte. C'est la partie la plus positive de ses remarques de la fin, c'est-à-dire aider et prendre l'engagement formel de nous aider à accomplir notre mission.

M. le Président, je termine là-dessus et je remercie tous ceux qui ont participé à l'étude de ces crédits. Je vous remercie, M. le Président, pour votre patience. Vous aviez devant vous, au moins en ce qui concerne l'Opposition, un représentant tellement au courant, au fait de la procédure parlementaire que vous n'avez pas eu à parler souvent, sauf pour ajourner et reprendre les séances.

M. BURNS: Je veux seulement ajouter quelque chose qui va peut-être encourager le minis-

tre, en terminant. C'est que ce n'est pas si farfelu que cela, sa demande d'augmentation de crédits supplémentaires jusqu'aux environs de $20 millions. Je lui signale que le budget du Québec indépendant que nous avons déposé...

M. BIENVENUE: Combien consacrait-il?

M. BURNS: ... pendant la campagne électorale fixait à $21,534,000 exactement le budget du ministère de l'Immigration. On pense donc que le ministre est en bonne voie puisqu'il suit nos traces. Je pense qu'à ce moment-là on peut le féliciter de cela, au moins il va voir une certaine lumière. Il va aussi se rendre compte que ce n'était peut-être pas si fou que cela, le budget que l'on avait proposé.

En tout cas, en ce qui le concerne, il pourra le juger. J'en ai des copies. Si jamais cela l'intéresse, je pourrai lui en fournir.

M. BIENVENUE: M. Parizeau m'en avait fourni une copie à la dernière élection.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Je veux dire au député de Maisonneuve que j'ai parlé de dépolitisation, mais pas encore à ce point, je ne suis pas encore tout à fait rendu là.

M. TETLEY: Combien pour le ministère des Institutions financières?

M. BURNS: Je n'ai pas la copie pour les Institutions financières. Je pourrai vous la faire parvenir, M. le ministre.

M. TETLEY: Très bien.

M. BURNS: Je voulais seulement signaler que le ministre est dans la bonne voie. Il suit nos traces...

M. TETLEY: M'avez-vous coupé mon budget?

M. BURNS: ... même si, pendant la campagne électorale, cela paraissait farfelu de proposer des choses comme cela.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, je vous remercie.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 35)

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