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Commission permanente
du travail, de la main-d'oeuvre
et de l'immigration
Etude des crédits du ministère de
l'Immigration
Séance du mardi 28 mai 1974
(Dix heures quarante-cinq minutes)
M. CORNEILLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration
reprend ce matin l'étude des crédits du ministère de
l'Immigration. Vous me permettrez de mentionner que M. Tardif (Anjou) remplace
M. Cournoyer (Robert Baldwin).
Je céderai la parole maintenant au ministre de l'Immigration qui
aimerait donner la réponse à une question que lui posait, lors de
la dernière réunion, le député de Maisonneuve.
Remarques préliminaires (suite)
M. BIENVENUE: Effectivement, M. le Président, et pour la
meilleure compréhension de cette réponse, le député
de Maisonneuve m'avait posé une question qui avait
déclenché un minidébat de procédure, mais qui s'est
quand même terminé dans l'harmonie. Je pense qu'il est utile de
relire cette question pour mieux se retrouver dans le contexte de la
réponse.
Au feuillet R/46-C/1 page 1, de la galée, de l'audition de
notre dernière séance, le député de Maisonneuve me
tenait les propos suivants qui aboutissent à une question: "Je reviens
à ce qu'on discutait avant que le député de Beauce-Sud
vienne faire son intervention. Je me réfère d'abord à
l'étude des crédits de l'année dernière, où
celui qui était alors député de Saint-Maurice, le jovial
Philippe Demers, posait la question suivante au ministre et je cite sa question
au journal des Débats: (c'est donc une citation dans la citation) "Dans
un récent congrès politique" il se référait
au congrès de la Fédération libérale du
Québec "il y a eu une résolution d'adoptée qui
obligeait les enfants des immigrants des pays non anglophones à
fréquenter les écoles françaises. Quelle est la position
du ministre? " Je trouve cela à la page B-1523, du 15 mai 1973. A la
même page, le ministre a répondu ceci: "J'ai dit à un
journaliste qui m'interviewait que j'étais contre cette
résolution. J'ai dit que j'étais contre, que je maintenais le
système de l'incitation et non de la coercition. Ma position
était claire et nette. Je me suis prononcé contre cette
résolution adoptée par une assemblée du parti auquel
j'appartenais"
Je reprends la question, c'est la fin de ma citation telle que faite par
le député de Maisonneuve, et j'arrive à la question qui
terminait ces prémisses: "Evidemment, le ministre s'attend à ma
question. Est-ce qu'il a toujours la même question claire et nette
à ce sujet cette année? "
M. le Président, voici ma réponse à cette question:
A la question du député de Maisonneuve, je voudrais faire une
réponse à la fois fondamentale et solennelle. Je me rappelle,
lorsque j'étais plus jeune, M. le Président, et que j'entendais
l'expression "solennelle", cela avait son sens le plus riche, le plus absolu et
c'est une expression qui a perdu un peu de panache au cours des années.
Aujourd'hui, on est même souvent porté à rire lorsque l'on
entend quelqu'un employer le mot "solennelle" et dire: Je fais une
déclaration solennelle. Je tiens quand même à
préciser que j'emploie ici le mot "solennelle" pour qualifier ma
réponse dans son sens le plus solennel, si on me permet d'employer
l'expression dans toute sa plénitude.
Cette réponse m'est dictée par mes convictions
personnelles et politiques les plus profondes, celles pour lesquelles je milite
depuis toujours, celles qui ont éclairé mon action politique
jusqu'à ce jour et qui ont guidé la philosophie de mon action
comme ministre de l'Immigration. En effet, j'ai la fierté de penser que
mes idéologies se sont trouvées renforcées au contact
quotidien de mes frères québécois d'autre origine que la
mienne.
Ma réponse, M. le Président, repose donc sur trois
principes fondamentaux: premier principe, celui de la liberté. Dans une
démocratie comme celle où nous avons la chance de vivre, la
liberté est la valeur première. C'est d'ailleurs ce que viennent
chercher en tout premier lieu les nouveaux arrivants, dont un certain nombre
ont dû fuir des régions totalitaires, qu'elles soient de droite ou
de gauche.
Comme eux, je tiens, plus qu'à toute autre chose, à cette
liberté dont le Canada et le Québec reflètent, à
l'extérieur, une image exceptionnelle dans le monde. Je suis fier
d'appartenir à un pays dont le rayonnement et l'attraction reposent, en
grande partie, sur cette réputation de pays de liberté. C'est au
nom de ce principe, au nom de cette valeur, que je continue à croire que
l'incitation est meilleure que la coercition.
Notre expérience quotidienne nous révèle, en effet,
que les choses auxquelles nous adhérons volontairement sont mieux
intégrées en nous que celles que nous subissons par la loi ou par
la force.
L'action de mon ministère a toujours été largement
orientée par ce principe de l'incitation. C'est pour cette raison que
j'ai toujours demandé, depuis deux ans, aux groupes ethniques de
rejoindre le groupe majoritaire du Québec avant d'y être
contraints.
Je rappelais, comme le député de Maisonneuve l'a fait
l'autre jour par sa question, que, précisément quatre jours avant
cette réponse sur la résolution du Parti libéral du
Québec à
laquelle je m'étais opposé au nom de l'incitation, j'avais
déclaré à peu près textuellement aux hommes
d'affaires canadiens-italiens: Venez vers nous, vers le système
entre autres, on parlait d'éducation à ce moment-là
scolaire francophone, venez de vous-mêmes vers le secteur d'enseignement
francophone au Québec renverser la vapeur avant qu'il ne soit trop tard
et de crainte qu'un jour, un gouvernement, quel qu'il soit, vous y
contraigne.
Par ailleurs, M. le Président, à une date encore beaucoup
plus rapprochée que celle à laquelle je viens de faire allusion
et qui remonte quand même à un an et demi, j'avais tenu, à
l'Assemblée nationale, comme participation aux débats sur le
discours inaugural, le 5 décembre 1973, des propos que je voudrais citer
à nouveau au texte et qui montrent que, toujours, tout le long de cette
trajectoire, dans le déroulement du fil des événements,
j'étais toujours tenant de cette thèse de l'incitation. Je cite:
"Engagée réellement depuis 1970, c'est-à-dire depuis trois
années seulement, la politique québécoise de l'immigration
repose sur un principe fondamental: Dans le respect des valeurs culturelles
d'origine, il s'agit d'inciter, par des moyens variés, et non pas de
contraindre, les nouveaux arrivants à rejoindre le groupe majoritaire,
c'est-à-dire la communauté francophone, et à s'y
intégrer harmonieusement."
Je me félicite, M. le Président, des progrès
immenses qui ont été accomplis depuis deux ou trois ans et dont
je ne rappellerai que deux exemples significatifs parmi d'autres. D'une part,
la prise de position extrêmement courageuse et non équivoque de la
Fédération des associations italiennes du Québec en faveur
de la langue et de la culture françaises, en janvier 1974, par la voix
de son président qui est mon ami, M. Pietro Rizzuto, qui vient
d'ailleurs d'être réélu à la direction de cette
fédération il y a quelques jours à peine.
D'autre part, l'attitude de la communauté grecque qui, depuis
deux ans, a donné une place prépondérante à la
langue française dans ses écoles privées, renversant ainsi
une habitude ancienne qui y consacrait la primauté de l'anglais.
M'étant exprimé sur ce premier principe qui était
un élément primordial de ma réponse, celui de la
liberté, je veux maintenant parler du second principe qui est à
la base de la même réponse, celui du bien commun.
Toutefois, il est évident que les libertés individuelles
connaissent une limite naturelle qui est celle du bien commun. Sans doute,
est-ce là une réminiscence de ce qui nous était
enseigné autrefois dans nos études classiques, une
réminiscence de la philosophie thomiste qui a été à
la base de la formation de celui qui vous parle.
Si donc le bien commun l'exige, je suis prêt à y sacrifier
certaines des libertés individuelles auxquelles je viens de faire
allusion. Si la survivance de la langue et de la culture françaises au
Québec l'exige, je n'ai aucune objection, bien au contraire, à
légiférer ou à entreprendre des actions administratives
précises.
C'est dans cet esprit que, depuis ma nomination, j'ai veillé
à ce que mon ministère prenne des mesures très
précises dans le domaine de la langue. Je vous rappelle que, depuis deux
ans, l'appareil des COFI est passé de 50 p.c. de classes de
français et 50 p.c. de classes d'anglais à 86 p.c. de classes de
français et 14 p.c. de classes d'anglais. Les cours de langues, à
temps partiel, donnés sous l'autorité de mon ministère,
ont connu la même évolution. Des garderies uniquement en langue
française ont été ouvertes et sont passées, depuis
1972, de 2 à 10 et de 112 places à 340 places.
A l'énoncé de ce second principe, M. le Président,
je tiens cependant à apporter une précision de taille: En aucun
cas, la défense du bien commun ne doit entraîner de
discrimination. Je me contenterai de redire ici, mot à mot, et avec
vigueur, le message que m'ont transmis, de façon très claire, les
porte-parole des groupes ethniques et que je lisais à l'Assemblée
nationale du Québec, dans mon discours du 26 mars 1974: "Nous
reconnaissons la nécessité pour le Québec, auquel nous
sommes fiers d'appartenir, de défendre sa langue et sa culture et nous
voulons participer à cet effort collectif, mais, de grâce, pas de
discrimination et surtout ne faites pas porter aux seuls immigrants la
responsabilité de cette entreprise".
Je ne peux pas me résoudre, en effet, à considérer
qu'il puisse y avoir, au Québec et au Canada, deux sortes d'êtres
humains: des êtres humains à part entière et des
êtres humains de seconde zone. C'est là encore l'une des images
que nous projetons à l'étranger. Un pays où l'on respecte
l'homme dans sa totalité. Je ne peux pas non plus me résoudre
à contraindre un autre de faire ce que je n'aurais pas moi-même le
courage de faire.
Troisième et dernier principe qui est à la base, M. le
Président, de cette réponse que je donne au député
de Maisonneuve: Le respect sacré des droits des minorités.
Notre histoire nous a appris à vivre dans un pays
diversifié et pluraliste où se côtoyent des
minorités. Ma conception de la démocratie et mon esprit de
justice me font affirmer que les droits des minorités doivent être
respectés scrupuleusement et ce n'est pas parce que nous avons souffert,
tout au long de notre histoire, que nous ne devons pas appliquer ce principe
avec rigueur.
Bien au contraire, nous sommes encore plus responsables de le faire
respecter au nom de l'équité.
Voilà, M. le Président, la réponse un peu longue,
mais bien pesée et, veuillez me croire, bien réfléchie que
je voulais faire au député de Maisonneuve. L'application
scrupuleuse de ces trois grands principes que je viens d'énumérer
a toujours conduit mon action comme ministre
de l'Immigration et continuera à l'inspirer tant que je serai
à ce poste. Elle gouvernera d'ailleurs toute ma vie, comme elle l'a fait
jusqu'à maintenant.
M. BURNS: Je remercie le ministre d'avoir répondu à ma
question.
Je me permettrais de revenir sur une déclaration. Peut-être
va-t-il me dire qu'il l'a nuancée par ce qu'il vient de nous dire en
élaborant les trois principes sur lesquels il se fonde, sauf que je vais
référer le ministre au journal Le Soleil, du 11 mars dernier, qui
lui fait dire ceci et je cite: "Le moyen idéal, c'est l'incitation, mais
si les faits révèlent qu'il faut recourir à la coercition,
même si c'est un moyen détestable que personne n'aime, si la
survivance de la culture et de la langue françaises au Québec en
dépend, je devrai, comme les autres, choisir cette voie".
En somme, je pense que c'est un peu ce que le ministre vient de nous
dire.
M. BIENVENUE: C'est cela. C'est un résumé de la longue
position.
M. BURNS: C'est plus nuancé et peut-être plus
élaboré.
M. BIENVENUE : Et encore plus récent que ce que j'avais dit au
mois de décembre dernier, encore plus près de nous.
M. BURNS: Je vois que le ministre s'assagit à mesure que les mois
avancent. Maintenant, je n'ai pas l'intention, comme je l'ai mentionné
au cours de la rencontre avec le président de l'Assemblée
nationale, de discuter, à proprement parler, de la substance du projet
de loi 22. Mais, comme l'aspect linguistique a une importance majeure dans les
politiques du ministère de l'Immigration, et comme les politiques telles
qu'envisagées par le ministre peuvent avoir énormément
d'importance pour les années à venir, eu égard aux
chiffres que le ministre a confirmés et que le Jour publiait la semaine
dernière, entre autres je les ai sous les yeux...
M. BIENVENUE: Qu'on a relevés ici.
M. BURNS: ... ceux dont on a parlé, selon lesquels, de 1968
à 1972, les immigrants de langue anglaise sont passés de 29.9
p.c. à 40 p.c. et ceux de langue française, de 24.2 p.c. à
14.5 p.c. C'est pour cela que j'attache tellement d'importance à la
politique du ministère sur le plan linguistique, d'une part, et aussi
à ce fameux projet de loi 22. Je ne peux pas m'empêcher de noter,
dans le projet de loi 22, qu'à proprement parler il n'y a pas de
dispositions précises relativement aux immigrants. Donc, je me demande
quelle a été la participation du ministre lui-même, qui est
membre du cabinet des ministres, à l'élaboration de ce projet de
loi, quant aux politiques qui visent directement les immigrants.
Si je peux simplement citer un cas cela a l'air tiré par
les cheveux si on prend un des articles du projet de loi, celui en
particulier qui nous dit que les élèves doivent connaître
suffisamment la langue d'enseignement pour recevoir l'enseignement de cette
langue, cela nous mène probablement, vu qu'il n'y a pas de dispositions
particulières concernant les immigrants, à une situation aussi
folle que celle que je vous cite et qui pourrait être la suivante. Disons
qu'un immigrant de langue anglaise arrive au Québec et c'est
possible et qu'il décide lui-même qu'il va intégrer
ses enfants au milieu français. Selon les dispositions de l'article 49,
si les enfants n'ont pas une connaissance suffisante de la langue
française, ils ne pourraient pas être intégrés au
milieu français. C'est aussi bête que cela, en l'absence de
dispositions visant précisément les immigrants. Est-ce que le
ministre me suit là-dessus? En somme, c'est cela. M. John O'Hearn venant
d'Irlande pourrait avoir deux enfants d'âge scolaire qui ne disent pas un
traître mot de français; selon les dispositions de l'article 49,
ils ne pourraient pas être intégrés au milieu francophone.
C'est ma question d'ordre général. Je me demande quelle a
été la participation du ministre. Quelle a été sa
contribution à la préparation de ce projet de loi, étant
donné qu'un article comme 117 lui a échappé, comme il l'a
admis l'autre jour, l'article abolissant l'article 3, paragraphe e) de la loi
de 1969, le fameux bill 63? Non seulement cela lui a échappé,
mais il n'y a pas de politique précise à l'égard des
immigrants, sinon celle qu'on peut retrouver dans le chapitre de la langue
d'enseignement, qui peut mener à des incohérences et qui, en
l'absence du texte qui est abrogé par l'article 117, à toutes
fins pratiques, enlève toute possibilité au ministre de
l'Immigration de voir à intégrer au milieu francophone les
immigrants. Est-ce que le ministre a des commentaires à nous formuler
là-dessus, sur sa contribution à l'élaboration du projet
de loi 22? Remarquez que je ne lui demande pas de nous dévoiler des
secrets du cabinet. Je pense bien que le ministre se protégerait
derrière la solidarité ministérielle et à bon
droit, mais il reste quand même que c'est au ministre de l'Immigration de
choisir les moyens qu'il entend utiliser pour mener à bonne fin les
politiques de son ministère.
M. BIENVENUE: Evidemment, le député de Maisonneuve avait
raison. La question est extrêmement délicate et subtile. Où
cela commence et où cela finit? Le député de Maisonneuve a
conçu lui-même, dans sa question, que je ne pouvais pas
dévoiler ce qui se déroule derrière le mur du Conseil
exécutif. Evidemment, les discussions qui s'y déroulent, si je
suis un ordre parfaitement logique, ne pouvant dévoiler ce qui s'y
déroule...
M. BURNS: Non, mais vous pouvez nous parler de votre contribution.
M. BIENVENUE: Si je ne puis dévoiler ce qui s'y déroule,
ni les discussions qui s'y tiennent, je ne puis non plus aller plus loin et
parler de la participation aux discussions qui s'y tiennent. A titre d'exemple,
et je parle de façon purement fantaisiste, je ne pourrais pas dire qu'au
conseil des ministres tel ou tel de mes collègues s'est opposé
à tel article de tel projet de loi, c'est battu pour ou s'est battu
contre, s'il est resté muet et coi à son siège, s'il n'a
pas participé ou alors a participé. Ce serait déjà
un pied dans la porte, si je le faisais. Je veux dire au député
de Maisonneuve que l'exemple de l'article 117 qu'il a rappelé l'autre
fois nous l'avons appris, je pense, tous les deux à peu
près le même matin; dans mon cas, c'est grâce au journaliste
du journal Le Jour, je le reconnais est un exemple de choses qui peuvent
se produire. A ce moment-là, je ne pouvais pas commenter, je ne pouvais
pas expliquer autre chose, sinon que cela devait avoir trait à la
concordance. C'est, je pense, à peu près mot à mot la
réponse que j'ai donnée et qui, d'ailleurs, est inscrite au
journal des Débats.
H me plaît de dire que le ministère que je dirige va
déposer, dans un avenir assez rapproché, un projet de loi dans
lequel sera incorporé cet article qui devait normalement partir avec
toutes les dispositions ayant trait à l'ancienne loi 63. Au moment
où on abroge ces dispositions pour les remplacer par d'autres, il est
normal que tout le contenu, toutes ces parties disparaissent avec le tout, dont
l'article qui nous intéresse présentement.
J'ai pensé, à tort ou à raison, qu'une telle
disposition, qui était autrefois incorporée à la Loi de
l'instruction publique, se trouverait fort bien chez nous, qu'elle serait la
bienvenue dans la Loi du ministère de l'Immigration.
M. BURNS: Je m'excuse, elle était incorporée à la
loi favorisant je ne sais pas quel était le titre exact de la loi
63 elle était intégrée à cela, mais
c'était un amendement à la loi du ministère.
M. BIENVENUE: D'accord. Mais cela aura une suite très prochaine,
je viens de le dire. Cette disposition se retrouvera dans une Loi du
ministère de l'Immigration. Je ne veux pas présumer, mais elle
sera peut-être encore mieux libellée. Je dis bien peut-être,
et avec beaucoup de modestie, encore mieux libellée, plus vigoureuse. Je
ne puis pas le dire avant, évidemment, le dépôt d'un tel
projet de loi, mais je veux assurer le député de Maisonneuve et
mes collègues que cette disposition portant sur ce que j'ai
qualifié, l'autre jour, d'un devoir et non pas d'un pouvoir ou d'un
mandat, ce que je considère être un devoir pour nous y sera, et
dans les meilleurs délais.
M. ROY: M. le Président, avant que le ministre ne termine sa
réponse, lorsqu'il parle des meilleurs délais, j'aimerais savoir,
avant d'aborder un autre sujet ou d'aller plus loin, si les meilleurs
délais veulent dire que votre projet de loi va être
déposé avant que nous discutions du projet de loi 22. Je pense
que c'est extrêmement important.
M. BIENVENUE: Oui, je comprends, mais je ne peux pas répondre
à cette question.
M. ROY: Nous allons alors encore discuter d'un projet de loi, mais
peut-être qu'il en viendra un autre...
M. BIENVENUE: Si je savais la réponse, je la donnerais avec
plaisir au député de Beauce-Sud, mais, au moment où je lui
parle, j'ignore la réponse. Quand je dis: Dans les meilleurs
délais, quant à moi, pour correspondre à mes propres
souhaits, le plus tôt possible sera le mieux. Je ne peux pas donner la
réponse, parce que je l'ignore.
M. ROY: J'avais également la même question à poser
que celle du député de Maisonneuve sur ce sujet. Je pense que
cela nous intéresse.
M. BIENVENUE: D'accord. Toujours par référence au projet
de loi 22, pas plus tard qu'hier midi, à des auditeurs exclusivement de
langue anglaise et qui venaient de toutes les provinces du Canada, j'ai dit, en
parlant du projet de loi 22: "Bill 22, not perfect." Pas parfait. La traduction
française, qui a été faite et qu'on a reprise dans les
journaux de ce matin, me faisait dire: Bien imparfait, en parlant de ce projet
de loi.
Il y a, avant d'aller plus loin, toute la différence au monde
entre "not perfect", "pas parfait" et le député de
Maisonneuve qui est parfaitement bilingue me suit et la traduction "bien
imparfait".
Il y aurait une autre petite correction à apporter qui est
purement de traduction, qui n'a rien à voir avec le sens de ma
pensée, mais qui a des implications, on le voit, c'est que la traduction
aurait dû se lire et cela a été la dictée
"Bien qu'imparfait" alors qu'on a dit: "Bien imparfait". Ce sont des
choses qui se produisent.
Je voyais, dans le journal Le Jour d'hier, une erreur dans le texte de
M. Guay, erreur involontaire, je le sais, où on me faisait dire,
contrairement aux autres journaux et je cite: "Ajoutez à ces facteurs
cela est la traduction française, évidemment, d'un texte
original en anglais celui de l'attraction de la culture anglophone pour
les immigrants qui voient le Québec comme un petit ilôt
francophone perdu dans une mer anglophone. Ajoutez également le
phénomène des transferts linguistiques au niveau scolaire
c'est toujours dans la même phrase alors que les parents
francophones du Québec choisissent de faire instruire leurs enfants en
anglais." A l'impression du journal Le Jour, on a mis un point au mauvais
endroit de
sorte que l'on me fait dire: "... au niveau scolaire." Et la phrase se
lit comme telle et donnera l'impression que je formule un voeu: "Alors, que les
parents francophones du Québec choisissent de faire instruire leurs
enfants en anglais." Evidemment, c'est une faute purement de typographie et
c'est la même chose que je voulais dire au sujet de ce que j'ai dit.
J'ai tout de même dit que et c'est très frais,
c'était hier que le bill 22 n'était pas parfait ou alors,
en français, bien qu'imparfait, etc. Par conséquent, j'ai
invité les gens, après bien d'autres, à se gouverner
eux-mêmes, à participer au gouvernement d'eux-mêmes en se
faisant entendre devant la commission.
Je ne voudrais pas, M. le Président, anticiper sur la position
que je prendrai, non plus cette fois, comme je le fais ce matin, comme ministre
de l'Immigration, mais comme député, comme membre de la
majorité ministérielle. Du côté ministériel,
en Chambre, je me ferai entendre, je l'ai déjà dit.
Evidemment, cela s'inscrira dans le cadre du débat sur le bill
22. Je ne crois pas pouvoir aller plus loin et indiquer au député
de Maisonneuve quelle fut ma participation ou pas à l'élaboration
du bill 22, derrière les murs du Conseil exécutif, parce que,
logiquement, on peut penser à tous les éléments qui en
découlent. Si vous avez participé, avez-vous soulevé tel
point? Vous êtes-vous plaint de telle absence? Avez-vous insisté
pour obtenir tel paragraphe ou tel article touchant l'immigration? Si oui,
est-ce qu'on vous a écouté? Sinon, est-ce qu'on vous a
repoussé? Est-ce qu'on vous a laissé en plan? Est-ce qu'on vous a
laissé de côté? On voit où entraîne
nécessairement une première réponse dans cet ordre.
M. BURNS: Le ministre peut-être...
M. BIENVENUE: Je veux rassurer le député de Maisonneuve
que, très bientôt, il aura l'occasion de m'entendre sur le bill 22
tel quel, c'est-à-dire sur son contenu et sur ses dispositions de
principe les plus importantes.
M. BURNS: Oui, mais comme c'est là, cette histoire risque de
venir dans une couple de mois. Si le ministre attend de se prononcer en
deuxième lecture, ce ne sera sûrement pas avant au moins un mois,
en tout cas.
M. BIENVENUE: Je conçois difficilement...
M. BURNS: Alors que je me suis pris à lui poser des questions sur
ses politiques à l'égard des immigrants, en ce qui a trait
à l'aspect linguistique, est-ce que le ministre est en train de me dire
qu'on ne pourra pas parler du problème linguistique à
l'étude de ses prévisions budgétaires?
M. BIENVENUE: Non, mais à la minute où on s'inscrit dans
le contexte du bill 22 et ses éléments de principe, je
conçois difficilement, M. le Président, étant tenu par la
solidarité ministérielle, comment je pourrais m'aventurer dans le
texte, dans le contenu du bill 22 sans faire autre chose, si je voulais
commenter les articles de base, que dire béatement: C'est beau, c'est
fin, c'est courageux, je suis d'accord, je suis en faveur.
Si je devais m'inscrire tout de suite ou plus tard contre un des
éléments de principe de base de ce projet de loi, il ne me
resterait qu'une chose à faire, au moment même où je le
ferais, c'est de remettre ma démission.
On ne peut pas concevoir, d'une procédure parlementaire
britannique, autre chose que ce que je viens de dire quant à la position
d'un membre de l'exécutif sur un projet de loi.
M. BURNS: Votre chef de gouvernement ne se gêne pas pour en faire.
Je vois dans la Gazette d'hier un titre qui se lit comme suit: "Bourassa Seeks
Veto Power Over English Immigrants". Le premier paragraphe de ce texte se lit
comme suit: "The Provincial Government wants to limit the number of English
speaking immigrants coming to Quebec". Si je continue un peu plus loin,
après avoir déclaré qu'un des objectifs clefs du
gouvernement était d'y arriver par l'entremise des fameuses
négociations avec Ottawa, dont le ministre nous a parlé la
semaine dernière, l'article continue en disant: "Bourassa described the
immigrant question as being et le journal cite à ce point-ci
at the heart of the language problem for Quebec".
M. BIENVENUE: Je suis totalement d'accord.
M. BURNS: Moi aussi, je suis totalement d'accord. C'est pour cela que je
veux avoir des réponses. C'est pour cela que je vous dis que le chef du
gouvernement ne semble pas se gêner pour élaborer les politiques.
Est-ce que je dois conclure que c'est le premier ministre qui élabore
les politiques du ministère de l'Immigration et que le ministre de
l'Immigration attend que le premier ministre lui dise quoi dire?
M. BIENVENUE: Je ne refuse pas l'aide et les conseils de mon chef, mais
je garde la pleine et entière responsabilité de mon
ministère. Si le député de Maisonneuve a bien lu la Presse
d'hier, ce qui est à la base de l'affirmation que je viens de faire, il
y trouvera même une contradiction au moins apparente entre mon chef et
celui qui vous parle. Au moment ou après qu'il eut énoncé,
devant des journalistes, un principe ou qu'il eut fait part de certaines
données, le journaliste me fait dire que je l'ai contredit en affirmant
au contraire telle chose. C'est vrai, c'est aussi vrai que dimanche il y a deux
jours, mais je reviens à la question du député de
Maisonneuve. Il y a toute la différence au monde entre les propos qu'a
tenus le premier ministre dans la Gazette au sujet du
calibre d'immigrants que l'on veut avoir à l'avenir, au sujet
desquels, d'ailleurs, j'ai répondu à peu près aux
mêmes questions hier midi et sur lesquels je me suis clairement
prononcé, il y a toute la différence entre cela et la question
que me pose le député de Maisonneuve relativement à ma
participation ou non à l'élaboration de la loi avec tout ce que
cela entraîne.
Je n'ai aucune objection à répondre à toutes les
questions du député de Maisonneuve, parlant à titre
d'exemple, même si c'est dans le contexte de la langue des nouveaux
immigrants que nous souhaitons pour le Québec.
Je rappelle que, sur l'aspect qui touche le plus le député
de Maisonneuve, il pourra retrouver le texte dans le journal des Débats.
Au début, j'ai donné une réponse de quelques pages de
texte portant sur le sujet névralgique de l'incitation et de la
coercition au niveau de la langue d'enseignement. Ma réponse ne portait
pas comme telle sur l'aspect du monde du travail ou du monde des affaires ou de
la publicité, c'était directement sur la langue. Je pense
qu'à ce stade-ci, M. le Président, je puis difficilement, sinon
de façon impossible, aller plus loin que là où je suis
allé. Certains y trouveront des sources de contentement, d'autres
peut-être de mécontentement, mais ce qui est important dans la
vie, c'est que l'on livre sa pensée la plus intime tout en respectant
les cadres constitutionnels qui nous affectent. Dans mon cas, il y a la
solidarité ministérielle et il y a le secret de l'exécutif
que je ne puis pas dépasser.
M. BURNS: Alors, revenons à une question plus
générale.
Est-ce que les imperfections auxquelles se référait le
ministre dans sa conférence de fin de semaine...
M. BIENVENUE: Ou la non-perfection.
M. BURNS: Ou la non-perfection. Disons les imperfections, je pense que
c'est plus français. Est-ce qu'une de ces imperfections, dans l'esprit
du ministre, n'est pas le fait, outre la disposition que j'ai mentionnée
tantôt à l'article 49, qu'il n'y a pas de disposition
précise concernant les immigrants et que la disposition précise
qui existait dans la Loi du ministère de l'Immigration a
été abrogée ou qu'on se propose de l'abroger par l'article
117? Est-ce que ce n'est pas une des imperfections? Est-ce que c'est ce
à quoi se réfère le ministre?
M. BIENVENUE: Non. Cette imperfection, si on veut l'appeler ainsi la
disparition de cette clause qui avait trait à l'immigration, je la mets
de côté. Je ne voudrais pas la mettre au bilan de l'imperfection,
si tel est le cas, parce que j'ai rassuré cette commission dès la
semaine dernière, dès la découverte que j'ai faite de ce
que j'ai appelé une anomalie, mais qui n'en est plus une, j'ai
immédiatement avisé cette commission et j'ai
précisé ce matin qu'au moyen d'un projet de loi du
ministère de l'Immigration, cette absence normale, vu l'abrogation de
l'ancien bill 63, serait comblée par le retour, dans la loi de mon
ministère, d'une disposition semblable et peut-être, je
l'espère, encore plus parfaite et un meilleur outil, peut-être
encore, de cette politique que je poursuis avec plus d'acharnement que jamais,
qui est celle de la francisation des immigrants au Québec, qui est une
province francophone et combien différente des autres provinces et au
sujet de laquelle j'ai dit hier que la survivance de sa langue et de sa culture
me paraissait nettement en cause en 1974.
Je veux rassurer le député de Maisonneuve que, loin de
reculer ou de rester stagnant, mes hauts fonctionnaires et moi-même et le
gouvernement derrière nous, avons l'intention de mettre plus de dents,
si la chose est possible, à cette disposition qui remplacera celle,
maintenant désuète, de l'ancien bill 63.
M. ROY: M. le Président, si le député de
Maisonneuve me le permet, j'aimerais revenir à une question que j'aurais
aimé poser au ministre immédiatement après qu'il eût
fini sa déclaration tout à l'heure, au début de la
séance, lorsqu'il a répondu à une question du
député de Maisonneuve. Il a dit que personne n'était
intéressé à devenir un citoyen de seconde zone. En somme,
il ne veut pas que la minorité anglophone, au Québec, devienne
des citoyens de seconde zone.
M. BIENVENUE: J'ai parlé avec insistance des minorités,
quelles qu'elles soient.
M. ROY: Quelles qu'elles soient, pour qu'elles ne deviennent pas des
citoyens de seconde zone. Or, si le ministre accepte le principe de la seconde
zone, le ministre admettra quand même que, si ce principe est
accepté, malgré que je le conteste, je n'aime pas ce genre de
discussion...
M. BIENVENUE: Je m'excuse auprès du député de
Beauce-Sud. Je n'ai pas dit des citoyens, mais des humains de seconde zone.
M. ROY: Humains ou citoyens...
M. BIENVENUE: II y a des petites différences.
M. ROY: Laissons faire les nuances. Ce n'est pas le point que je voulais
surtout soulever. Mais si on accepte le principe des zones, il faudra quand
même admettre un autre principe, c'est qu'il y aura quelqu'un qui sera
dans la première zone. Alors, si on veut faire...
M. BIENVENUE: Non. J'ai dit que je ne voulais pas qu'il y ait d'humains
de seconde zone. Je ne veux pas de zone.
M. ROY: Vous ne voulez pas de zone, nous n'en voulons pas non plus. Le
débat est engagé à l'heure actuelle, on parle de citoyens
de seconde zone. On en parle beaucoup dans les journaux et, depuis le
dépôt de la loi 22, on parle énormément de ce
qu'on...
M. BIENVENUE: C'est ce qu'on ne veut pas. Le député de
Beauce-Sud...
M. ROY: Alors, il ne faut pas aller de ce côté.
M. BIENVENUE: On s'entend.
M. ROY: Si on parle de seconde zone, il va falloir parler de
troisième zone, de quatrième zone et de cinquième zone. Je
suis bien d'accord avec le ministre lorsqu'on dit qu'il faut respecter les
droits des minorités. On peut être d'accord sur cela. Mais il y a
quand même les droits de la majorité.
M. BIENVENUE: Egalement d'accord.
M. ROY: Je pense qu'on ne peut pas ménager le chou et la
chèvre là-dedans. Il va falloir, à un moment donné,
faire un choix. Je pense sincèrement la réponse du
ministre m'a un peu déçu, dans son ensemble qu'il y a des
droits, pour un peuple, qui ne se négocient pas. Si, au Québec,
nous sommes convaincus de faire du Québec la province française
qu'elle est, de fait...
Mais, actuellement, étant donné les circonstances,
étant donné la baisse considérable du taux de
natalité, étant donné le fait que le Québec ne
contrôle pas entièrement son immigration, étant
donné le fait qu'on se rend compte de par les chiffres qui nous ont
été donnés, que l'immigration anglophone au Québec
a préséance sur l'immigration francophone, il ne faut pas
être très fort en mathématiques pour se rendre compte que
nous perdons du terrain à chaque année.
M. BIENVENUE: Je continue d'être d'accord j'écoute
le député sur tout ce qu'il dit.
M. ROY: Alors, ilya des choses qui ne se négocient pas. Si on
revient aux articles 49 et 48 du projet de loi, depuis le dépôt de
cette loi je ne sais pas si le député de Maisonneuve est
d'accord avec moi je pense qu'on ne peut plus envisager les
crédits du ministère de l'Immigration de la même
façon qu'on pouvait les envisager lorsqu'on a commencé
l'étude des crédits, parce qu'il y a eu dans l'intervalle le
dépôt d'une loi 22 qui constitue, à mon avis, un recul
très net. Je me permets de dire que c'est même pire que le bill
63, parce qu'il y a quand même dans l'article 48, deuxième
paragraphe, des dispositions qui placent le ministère et le ministre de
l'Immigration dans des situations assez difficiles, assez particulières.
On dit: "L'enseignement se donne en langue française dans les
écoles régies par les commissions scolaires, les commissions
scolaires régionales et les corporations de syndics. Ces organismes
peuvent donner l'enseignement en langue anglaise; ils ne peuvent cependant ni
commencer ni cesser l'enseignement en cette langue sans l'autorisation
préalable du ministre de l'Education". Je pense qu'on n'avance pas, on
recule; par le fait que si, dans une commission scolaire donnée, dans
une région de la province où il y a beaucoup d'immigration, la
commission scolaire décide, en collaboration avec les parents, avec 90
p.c. ou même 95 p.c. de la population, de faire en sorte que cela
devienne ou que cela demeure une école française, autrement dit
que cela devienne une école française, à ce
moment-là, cela veut dire qu'il peut y avoir un petit groupe, une petite
minorité qui, à partir du principe qu'a défendu le
ministre tout à l'heure, fasse en sorte d'empêcher le ministre de
l'Education de donner son autorisation. Il s'agit, en quelque sorte, d'une
tutelle que la loi des langues impose aux commissions scolaires, une
tutelle.
Je pense que, de ce côté, on est loin d'avancer, on recule.
Si on regarde les dispositions de l'article 48 et si on regarde
également les dispositions de l'article 49, je suis obligé de
conclure, je suis obligé de déduire que l'orientation qui avait
été donnée au début de l'étude des
crédits du ministère, se trouve complètement
faussée. On ne peut plus discuter de la même façon du tout.
On ne peut plus discuter des politiques de la même façon,
étant donné de plus que le ministre nous annonce ce matin qu'il
va y avoir une loi qui va venir mais après, peut-être, que nous
aurons discuté de la loi 22, alors que cela peut être fondamental
que nous sachions ce que le gouvernement a l'intention d'apporter dans cette
loi sur l'immigration et ce qui peut faire en sorte de changer passablement le
débat lors des discussions qui auront lieu, que ce soit en commission
plénière ou que ce soit en deuxième lecture, ou même
en troisième lecture de la loi 22.
M. le Président, je suis obligé ce matin de signaler tous
ces points au ministre. Je me demande réellement, sincèrement ce
matin, à partir de tout cela, de tous ces faits, de tout ce qui a
été discuté, vers quel endroit nous nous dirigeons. J'ai
l'impression très nette que le gouvernement ne sait pas où il se
dirige. Si le gouvernement ne sait pas où il se dirige, il est
évident que, suite aux énoncés de principe que le ministre
de l'Immigration vient de nous donner à l'effet qu'il est quand
même solidaire du gouvernement, solidaire des ministres...
M. BIENVENUE: Je n'ai rien appris de neuf en disant cela.
M. ROY: Non, vous n'avez rien appris de neuf, mais étant
donné que vous êtes solidaire,
je dis que si le gouvernement ne sait pas où il va, le ministre
de l'Immigration, le ministère de l'Immigration ne sait pas où il
va non plus. Si le gouvernement ne sait pas où il va, si le
ministère de l'Immigration ne sait pas où il va, comment
voulez-vous que nous, en commission parlementaire, ce matin, nous puissions
savoir où le gouvernement veut nous emmener?
M. BIENVENUE: Je ne puis précisément parler au nom du
gouvernement, ni ne veut entrer dans la viande, dans la moelle du projet de loi
22, mais je corrige simplement une observation du député de
Beauce-Sud en disant que le ministère de l'Immigration et son titulaire
savent où ils vont. J'ai indiqué deux réserves, cependant;
la première, c'est qu'il m'était impossible de dire quand serait
déposé ce projet de loi. J'ai indiqué assez clairement que
mon voeu, c'est qu'il soit déposé le plus tôt possible.
Dans la deuxième réserve, j'ai indiqué que je ne pouvais
pas livrer à cette commission le contenu de ce projet de loi et surtout
la disposition qui nous intéresse mais que, quant à moi et
à mon ministère, nous voulions cette disposition en allant encore
plus loin que l'ancienne qui était dans la loi 63, nous voulons la
parfaire, nous voulons l'améliorer.
Il y a deux contraintes que je ne puis oublier, ce sont celles que je
viens d'expliquer. Je n'ai pas le droit de donner de date ce matin, parce que
je ne connais pas cette date. Je ne peux pas donner ce que je ne connais pas.
Deuxièmement, je ne peux pas donner le contenu, parce qu'il n'est
même pas encore discuté à l'exécutif, ce
contenu.
M. BURNS: Sans parler du contenu de ce futur projet de loi, est-ce que
le ministre est en mesure de nous dire si, outre la disposition qui est abolie
par l'article 117 du bill 22, il y aura d'autres dispositions linguistiques
dans ce projet de loi concernant les immigrants? Est-ce l'intention du
ministère, en somme, de combler les vides...
M. BIENVENUE: Je ne pourrais pas...
M. BURNS: ... que je mentionnais tantôt dans le bill 22 par un
projet de loi particulier?
M. BIENVENUE: Ecoutez, je ne pourrai pas donner de réponse
précise à cela, sinon, je le répète, l'expression
renouvelée du désir du ministère de l'Immigration du
Québec de se donner les outils pour bien accomplir ce que j'ai
qualifié de devoir vis-à-vis des futurs Québécois
et en rappelant c'est pour cela que je ne peux pas donner de
précision au député de Maisonneuve, au
député de Beauce-Sud que l'éducation,
l'enseignement des enfants au Québec, quels qu'ils soient, je dis bien
quels qu'ils soient, relèvent directement du ministère de
l'Education. Alors, le ministère de l'Immigration ou tout autre
ministère ne peut se substi- tuer à celui de l'Education au
Québec et avoir des dispositions portant directement sur
l'éducation des enfants, pas plus que je ne permettrais à un de
mes collègues de venir dans mes plate-bandes.
M. BURNS: Mais entendons-nous, M. le ministre, depuis que vous
êtes en poste, depuis que vous êtes ministre de l'Immigration, je
vous ai entendu de vive voix, je vous ai entendu très souvent, par les
journaux et la télévision, ainsi qu'à l'Assemblée
nationale, nous répéter on ne met pas cela en doute, on
prend votre parole là-dessus qu'un de vos principaux buts
était de voir à la francisation des immigrants. C'est
peut-être l'énoncé qui est revenu le plus souvent dans vos
interventions.
M. BIENVENUE: Je vous l'ai dit encore dans les dernières 24
heures.
M. BURNS: Vous l'avez dit encore dans les dernières 24 heures,
vous l'avez dit au début de cette commission.
M. ROY: Le 15 août 1973, le 9 avril 1974, dans le journal des
Débats, c'est en toutes lettres.
M. BURNS: Je vous posais un problème tantôt qui est
soulevé par une interprétation que je pense exacte, en tout cas,
de l'article 49. En quoi est-ce compatible ce désir de francisation,
alors que l'article 49 nous laisse entendre que, si vous avez des immigrants
anglophones dont les enfants ne parlent pas le français, qui ne parlent
que l'anglais, en quoi est-ce compatible avec ce que vous dites quand on voit
que ces immigrants anglophones ne pourraient pas envoyer leurs enfants
anglophones à l'école française? C'est donc qu'il y a des
lacunes dans cette loi, cette loi imparfaite, comme vous dites. C'est donc que
le ministre a peut-être d'autres idées derrière la
tête, c'est cela qu'on veut savoir. On aimerait se faire rassurer, savoir
que ce ne sont pas seulement les dispositions des articles 48 à 52 qui
vont régler le cas des immigrants, parce que, quand le ministre a
parlé de francisation des immigrants, je ne l'ai pas entendu dire
francisation des immigrants autres que les immigrants anglophones.
J'ai entendu le ministre parler de francisation, donc y compris les
immigrants anglophones. Il est fort possible que M. Untel, venant de
Détroit, transféré au Québec par sa compagnie,
décide tout simplement d'intégrer de lui-même ses enfants
au système francophone. Alors l'article 49 ne le permettrait pas dans la
situation actuelle.
M. ROY: Ceci prouve qu'on est loin d'avancer, comme je le disais tout
à l'heure, on recule.
M. BIENVENUE: Le député de Beauce-Sud et le
député de Maisonneuve admettent-ils qu'ils
ne veulent pas une réponse de patinage 'à cette
question?
M. BURNS: Non.
M. BIENVENUE: Ils veulent une réponse de fond.
M. ROY: C'est cela.
M. BURNS: On ne parle pas au député de Taillon, on parle
au ministre.
M. BIENVENUE: Les deux députés admettent-ils que la seule
position que me permet la constitution, si je devais la prendre avant le moment
où c'est prévu de le faire, et même à ce moment, la
seule position que peut prendre un membre de l'exécutif sur une question
de fond comme celle-là, et je répète, est celle
d'approuver, d'être solidaire ou, alors, de partir?
Est-ce que mes deux collègues admettent cette position sur le
plan strictement du droit constitutionnel britannique ou, enfin, du
parlementarisme britannique?
M. BURNS: M. le ministre, vous avez toujours le droit de partir.
Personne ne vous empêchera.
M. BIENVENUE: D'accord!
M. BURNS: Ce qui préoccupe actuellement le député
de Beauce-Sud et moi sans vouloir discuter de la substance du projet de
loi 22, comme j'en ai assuré personnellement le président de la
commission et le président de l'Assemblée nationale est de
savoir, après avoir lu je dois le dire le projet de loi
22, pour se faire rassurer, comment le ministre entend effectuer cette
francisation, cette "fran-cophonisation", comme il dit si souvent, des
immigrants. J'ai beau lire le chapitre 5, entre autres, et je cherche comment
le ministre va y réussir. Si le ministre nous dit qu'il va nous
déposer éventuellement un projet de loi pour
réinsérer les dispositions qui sont abolies par l'article 117 du
projet de loi 22, cela ne me satisfait pas encore. Je veux savoir s'il va y
avoir autres choses que la réinsertion de ce qui est un
équivalent de ce qu'on abolit par l'article 117.
M. BIENVENUE: M. le Président, il y a toute la différence
au monde entre le ministère de l'Immigration et celui de l'Education. Le
travail, l'oeuvre, les préoccupations du ministère de l'Education
portent exclusivement sur l'éducation, alors qu'au contraire, le champ
d'activité de mon ministère porte exclusivement sur
l'intégration des nouveaux arrivants, des immigrants. Ce qui est bien
autre chose que l'éducation. L'éducation est une des
sphères nombreuses de cette intégration dont je viens de parler.
L'intégration, M. le Président, ne porte pas que sur
l'éducation. Elle porte sur un tas d'autres choses et elle porte
notamment sur l'intégration ou la francisation des immigrants à
bien d'autres niveaux. Je pense à celui des enfants d'âge
préscolaire. J'ai donné, tout à l'heure, des chiffres sur
les maternelles, des chiffres assez éloquents, je pense, Dieu merci!
Elle porte sur l'intégration encore ou la francisation au niveau des
adultes. J'ai donné des chiffres et des statistiques sur les adultes.
J'ai parlé des cours à temps partiel des adultes et surtout des
cours des COFI. Elle porte sur des opérations un peu directement en
dehors du champ même de l'éducation, telle que cette
opération OVAL dont j'ai parlé à une
précédente séance de la commission. Donc,
l'intégration, c'est le genre dont l'éducation comme telle aux
niveaux primaire et secondaire, entre autres, est une espèce, une des
filles. Ce phénomène beaucoup plus vaste qui s'appelle
l'intégration porte directement sur la mission de base de mon
ministère, la raison d'être du ministère de l'Immigration
du Québec. Sinon, on pourrait penser en termes d'un ministère de
l'Education subdivisé où la responsabilité de
l'éducation comme telle, à certains niveaux scolaires des
enfants, serait confiée à mon ministère. Ce qui n'est pas
le cas et ce qui ne sera jamais le cas. J'en suis convaincu.
Par conséquent, il faut faire cette différence
essentielle, en vertu de laquelle je puis m'exprimer librement et
indéfiniment pendant des heures sur ce qui relève directement du
ministère de l'Immigration. Oublions le bill 22. Et à la minute
où, je le répète, on veut trop cerner le problème
du ministère de l'Immigration sur celui de l'Education comme tel, et
seulement celui-là, je ne puis pas aller outre, M. le Président,
à ce que j'ai dit au début de cette séance. Je crois
être allé plus loin qu'il m'était possible de le faire en
restant dans ce corridor quand même assez étroit qui est celui de
la solidarité et de la discrétion ministérielles.
M. BURNS: Est-ce que je peux rappeler au ministre que le fameux projet
de loi no 22 n'est pas une loi qui ne concerne que le domaine de
l'enseignement? C'est la loi de la langue officielle, que son chef a
pompeusement appelée la charte de la langue française au
Québec. Il me semble qu'on devrait y retrouver tous les volets des
préoccupations de francisation, et entre autres, celui qui a trait aux
immigrants.
Je m'excuse de me répéter là-dessus, mais je vous
dis que je ne les trouve pas, ou si j'en trouve, j'en trouve de façon
bien imparfaite. Je vous en ai signalé une des incohérences que
cela pourrait donner quant aux immigrants anglophones, aux enfants des
immigrants anglophones. Votre ministère se doit d'en être
préoccupé.
M. BIENVENUE: II l'est.
M. BURNS: II doit trouver des solutions concrètes à cela.
Je ne les trouve pas dans le
projet de loi 22. La question que posent au ministre, le
député de Beauce-Sud et moi, est la suivante. Comment va-t-il
nous assurer que cela va se faire? Quel texte législatif va appuyer le
ministre dans ses tentatives qui seraient autres que des
vélléités de francisation?
M. BIENVENUE: Quel texte législatif dans 22?
M. BURNS: Dans 22 ou ailleurs. Je ne les trouve pas dans 22. Le ministre
nous dit qu'il va déposer un projet de loi, et le député
de Beauce-Sud, à bon droit, se demande: Est-ce que vous allez
déposer votre projet de loi avant l'adoption de 22? Vous me dites; On ne
le sait pas. Voilà déjà un point d'interrogation qu'on se
pose, à savoir si, véritablement, c'est pour combler les lacunes
qu'il y a là-dedans. Même cela, on ne le sait pas. Le ministre,
jusqu'à maintenant, nous a parlé simplement de la disposition du
bill 63 qui est abolie par l'article 117 qui serait probablement
réintégré sous une forme ou sous une autre dans un projet
de loi. Mais est-ce qu'il y aura d'autres choses relativement à la
francisation des immigrants dans ce projet de loi éventuel? Je sais
qu'il devra aller au conseil des ministres et si le conseil des ministres lui
dit: II n'en pas question... Je ne lui demande pas de nous donner une assurance
par-dessus la tête du conseil des ministres. Ici, je parle au ministre de
l'Immigration de ses politiques. Est-ce dans ses projets à lui, de
mettre des dispositions précises concernant l'intégration, la
francisation des immigrants dans ce projet de loi?
M. BIENVENUE: II y avait, dans le projet de loi existant, dans la loi
organique de mon ministère, des dispositions concernant
l'intégration harmonieuse des nouveaux arrivants à la
communauté francophone. C'est mon désir, je l'ai dit clairement
et je le répète, même avec la disparition de 63 et de sept
clauses parmi tant d'autres qui sont dans la loi organique de mon
ministère, c'est mon intention claire et nette de continuer cette
francisation et de me donner les outils nécessaires à cette
intégration des nouveaux immigrants, des nouveaux arrivants à la
communauté francophone majoritaire du Québec, à la
majorité du Québec, par opposition aux minorités du
Québec. Donc, pas moins et plus, si la chose est possible, compte tenu
d'une autre contrainte dont vient de parler le député de
Maisonneuve, qui est celle de la décision du conseil des ministres, sans
laquelle, ni moi ni aucun de mes collègues ne pouvons rien faire.
Alors, pour être le plus clair possible, je veux que nous ayons
autant que ce que nous avons déjà parce qu'il n'y avait
pas que la disposition qui disparaît avec 63 et davantage, sujet
à l'approbation de mes collègues du conseil des ministres,
évidemment, dans le cadre, dans le contexte des attributions et de la
vocation de ce ministère, qui ne peut se substituer aux autres
ministères, que ce soit celui de la Justice, des Affaires sociales, du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, ou de l'Education dans les matières qui
seront du ressort exclusif de ces ministères.
M. BURNS: Oui, mais le gouvernement, M. le Ministre, reconnaît
déjà, qu'entre le ministère de l'Education et le
ministère de l'Immigration, il y a des efforts communs...
M. BIENVENUE: Des affinités.
M. BURNS: ... c'est déjà reconnu par le comité
interministériel qui existe. Bon! Il me semble que tout le monde est
capable de reconnaître que vous n'êtes pas pour aller dire quels
programmes vont être enseignés en secondaire IV. Je sais fort bien
que ceci n'est pas de votre ressort. Mais quant aux choses qui sont
d'intérêt commun aux deux ministères, c'est cela qu'on
aimerait savoir. Qu'allez-vous faire? Quels sont ces instruments que vous
voulez obtenir? Je ne vous dis pas que c'est cela... Je ne vous demande pas,
encore une fois, de nous donner l'assurance que cela va être contenu dans
le projet de loi. Mais vous, comme ministre de l'Immigration, quels sont vos
projets de ce côté, quant à ces instruments, en plus de ce
que vous voulez récupérer d'Ottawa, dont on a parlé la
semaine dernière?
Quant à l'intérieur de votre juridiction actuelle dans le
Québec, et particulièrement quant au problème de la
langue, je répète au ministre la citation du premier ministre, en
fin de semaine, devant quelque 300 libéraux de Québec. Le journal
The Gazette disait: "Bourassa described the immigrant question as being at the
heart of the language problem for Québec". Je ne peux pas accepter qu'un
ministre de l'Immigration se cache derrière la solidarité
ministérielle je ne le dis pas de façon péjorative
pour ne pas nous dire quels sont les instruments qu'il veut avoir.
M. BIENVENUE: Cela veut dire quoi "... is at the heart..."? Est au coeur
de la question.
M. BURNS: Est au coeur, c'est cela.
M. BIENVENUE: Je dis la même chose. Je ne dis pas grand-chose,
j'admets, en disant: Je dis la même chose, mais je dis cela et rien de
plus. C'est au coeur, évidemment, du problème linguistique. Je ne
veux pas répéter ce que j'ai dit des centaines de fois, ce que
j'ai repris encore hier, la dénatalité, le taux d'immigration
décroissant au Québec par rapport aux autres provinces, le taux
d'immigration francophone décroissant, les transferts des autochtones
dans le secteur anglophone au Québec.
M. BURNS: L'arrivée majoritaire d'immigrants anglophones,
également...
M. BIENVENUE: C'est cela.
M. BURNS: ... selon les chiffres dont on a parlé.
M. BIENVENUE: Je reconnais tout cela et c'est d'ailleurs pour cela que
je m'inquiète et c'est pour cela que prenant le ton biblique auquel
faisait allusion le député de Maisonneuve, j'ai dit
récemment que l'avenir du Québec était dans l'immigration.
Mais, j'essaie de faire comprendre depuis un instant au député de
Maisonneuve qu'il y a toute une marge entre les responsabilités, le
"scope", des deux ministères et que, évidemment, il n'y a pas que
l'éducation au chapitre de l'intégration. Cela en est un parmi
plusieurs. Davantage, si j'allais plus loin pour faire plaisir au
député de Maisonneuve ou au député de Beauce-Sud et
que je répondais à titre d'exemple et j'espère
qu'on me comprend bien, que je serai bien cité: Vous avez parfaitement
raison, à l'article 49, c'est désastreux pour les immigrants au
point de vue de l'éducation, c'est un article ni fait, ni à
refaire, il ne me resterait plus qu'une chose à faire, si je m'exprimais
de cette façon. Vous savez laquelle. Jusqu'où je peux aller et
au-delà de quoi je ne puis aller, pour m'exprimer dans le sens que le
souhaite le député de Maisonneuve... C'est à ce moment
m'exprimer directement, non seulement sur une mais peut-être sur la
disposition la plus litigieuse qui a fait l'objet de plus de discussions et de
critiques positives et négatives depuis le début. Je ne puis le
faire. Si je dis bien si c'était ma pensée profonde
que cet article n'est ni fait, ni à refaire et que c'est
désastreux, je n'aurais qu'à le dire et à faire ce que
vous savez ensuite. Alors, je ne puis pas, dans le cadre de l'étude des
crédits du ministère de l'Immigration, aller plus loin que je
suis allé au début et je ne peux parler de l'intégration
des immigrants à la majorité francophone, du
phénomène de francisation des immigrants que dans le cadre de la
vocation et des objectifs de mon ministère.
Je ne puis m'immiscer dans celui de l'Education sans, d'une part, entrer
directement dans le vif du débat public sur le bill 22 qui ne sera
débattu et débattable en Chambre qu'après la commission
parlementaire et sans, évidemment, aller sur les plates-bandes des
crédits d'un autre ministère que le mien.
M. BURNS: Est-ce que je dois conclure je m'excuse, M. le
député de Beauce-Sud dans le fond des propos que nous
tenons avec le ministre depuis quelques minutes, que s'il veut approuver le
bill 22, il n'a qu'à se clore le bec et que s'il veut être contre,
0 n'a qu'à démissionner? Dans le fond, c'est le dilemme devant
lequel le ministre se place lui-même.
M. BIENVENUE: Absolument.
M. BURNS: Par contre, cela ne me satisfait pas sur les politiques de
francisation du ministère.
M. BIENVENUE: Je comprends. D'accord, mais ce n'est pas le rôle de
la commission ici. Ce que dit le député de Maisonneuve est
très clair. Si je suis pour le bill 22 et j'ai indiqué que
j'étais pour cela en restant dans l'exécutif qui l'a
déposé devant la Chambre pour étude je peux faire
de beaux discours béats et nombreux pour dire: On est beau, on est fin,
cela a pris beaucoup de courage, etc. mais là n'est pas mon propos.
Si au contraire, j'étais contre ce bill ou une de ses
dispositions essentielles...
M. BURNS: Ou contre certaines de ses lacunes...
M. BIENVENUE: Oui... ou contre certaines de ses dispositions
essentielles...
M. BURNS: ... est-ce que cela irait jusqu'à...
Je parle de lacunes, entre autres, au niveau de l'immigration. Depuis
tantôt, je parle de lacunes.
M. BIENVENUE: J'ai indiqué hier assez clairement que ce bill
n'était pas parfait ou dans le texte français, bien qu'imparfait,
il était susceptible d'améliorations, de changements,
d'amendements. Le premier ministre et d'autres l'ont dit avant moi. C'est
d'ailleurs le but de l'exercice démocratique de la commission
parlementaire avant même la deuxième lecture.
M. BURNS: Grâce à l'Opposition, d'ailleurs. Même si
le premier ministre se pète les bretelles en disant qu'il a, dans une
grande magnanimité, décidé d'entendre les gens avant la
deuxième lecture, il est peut-être bon qu'on répète,
autant de fois qu'on le devra, que c'est grâce à l'Opposition que
c'est après la première lecture parce que l'intention originale
du premier ministre était de faire les auditions publiques après
la deuxième lecture.
M. BIENVENUE: Je résumerais en disant qu'il a eu un heureux
concours entre l'Opposition et le gouvernement.
M. BURNS: Et qu'on a réussi à convaincre le
gouvernement.
M. ROY: Oui, parce qu'il a fallu intervenir une couple de fois à
l'Assemblée nationale pour dire que nous acceptions et que nous ne
ferions pas d'objection en ce qui avait trait au règlement.
M. BIENVENUE: Je me réjouis personnellement de cette
décision, grâce à laquelle le peuple pourra participer au
gouvernement de lui-même.
M. ROY: Dans ce projet de loi bien imparfait comme vous l'avez
signalé, devant les...
M. BIENVENUE: Pas bien imparfait, bien qu'imparfait... J'ai
précisé.
M. ROY: Bien imparfait. Le ministre a dit, et ce sont quand même
des documents officiels, des renseignements de Claude Péloquin, le
lundi, 27 mai 1974...
M. BIENVENUE: Le député n'était pas
arrivé.
M. ROY: Non, mais j'ai le texte de la conférence qui émane
directement de votre ministère, "... ce projet de loi bien
imparfait..."
M. BIENVENUE: Je répète...
M. ROY: Troisième paragraphe de la page 14, de la
déclaration du ministre.
M. BIENVENUE: Est-ce que je peux dire un mot? Je répète
qu'avant l'arrivée du député de Beauce-Sud, j'ai
indiqué que ce texte est une traduction de l'original qui fut
délivré pour employer un anglicisme et qui ne
parlait seulement pas d'interjection, mais qui disait: "Not perfect".
M. ROY: Cela prouve, M. le Président...
M. BURNS: Est-ce que nous ne devrions pas conclure que ce sont les
services de traduction du ministère qui sont bien imparfaits?
M. ROY: ... qu'on ne peut jamais se fier aux documents que nous donne le
gouvernement libéral. On vient d'en avoir une preuve ce matin. On a un
document officiel émis par le gouvernement lui-même et le ministre
trouve bon de préciser que dans la traduction, il a été
mal cité.
J'aimerais revenir sur un point, sur lequel le ministre a beaucoup
insisté, la francisation des immigrants. Le ministre dit qu'il devra se
donner des outils. On est bien d'accord avec lui. Parmi les outils dont
disposent un gouvernement et une nation, pour être capables d'enseigner
une langue, c'est l'école. On a parlé de l'école ce matin.
Le député de Maisonneuve a posé des questions et moi aussi
sur l'article 49. Nous avons posé des questions au ministre
là-dessus. Le ministre nous dit que cela n'est pas le seul. On est bien
d'accord que cela n'est pas le seul, mais dans ce domaine, il ne semble pas
qu'il y ait eu collaboration entre le ministère de l'Immigration ou du
moins les politiques, les intentions du ministre de l'Immigration et le projet
de loi qui a été présenté par le ministre de
l'Education.
En ce qui a trait à l'enseignement, nous aimerions savoir quelles
sont les intentions du ministre de l'Immigration en ce qui a trait à
l'article de la loi tel que stipulé à l'article 49, je pense
qu'on a le droit de savoir cela.
Deuxièmement, le ministre nous dit qu'il a l'intention de
présenter un projet de loi. Nous connaissons les dispositions de
l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et dans la loi
que le ministre a l'intention de proposer et de présenter devant
l'Assemblée nationale, est-ce que le ministre serait prêt ou
a-t-il pris des dispositions ou a-t-il l'intention d'aller même prendre
le risque, en présentant une loi, que le Québec prenne une
position qui pourrait être contestée, compte tenu des dispositions
de l'article.95 lorsqu'on dit ceci: "Une loi de la Législature d'une
province concernant l'agriculture et l'immigration, pour ce qui a trait
à l'immigration particulièrement, n'aura d'effet qu'aussi
longtemps et autant qu'elle ne sera pas incompatible avec une loi du Canada".
Est-ce que le ministre pourrait nous dire à ce moment-ci, si, dans la
loi qu'il a l'intention de nous présenter, il serait prêt à
prendre une position qui risquerait d'être contestée mais qui
pourrait répondre aux besoins et aux aspirations du Québec, parce
qu'il y a déjà eu des provinces qui ont pris l'initiative dans ce
domaine et la preuve est faite aujourd'hui que le gouvernement
fédéral n'a pas contesté les lois qui ont
été présentées dans les Législatures
provinciales. Je pense à l'Alberta, entre autres, qui a
présenté une loi, il y a déjà plus de 30 ans, sur
l'immigration.
Je n'ai pas le texte devant moi, mais nous savons que l'Alberta a
déjà présenté une loi là-dessus, a
déjà adopté une loi sur le plan provincial.
M. BIENVENUE: Québec aussi.
M. ROY: Est-ce que vous seriez prêt...
M. BIENVENUE: Québec aussi a déjà fait une loi sur
l'immigration, qui est la loi constituant le ministère de l'Immigration.
Je répète que le ministère de l'Immigration n'a pas
autorité comme tel sur l'éducation au Québec.
M. ROY: Cela, nous le savons.
M. BIENVENUE: II a autorité sur les garderies, il a
autorité au chapitre de la loi 250. Le ministère de l'Immigration
a déjà fait un projet de loi qui était le projet de loi 64
et qui est devenu la loi, au sujet de certains privilèges
accordés aux immigrants avant l'atteinte de leurs cinq ans donnant droit
à la citoyenneté. Le ministère de l'Immigration
s'apprête, je viens de le dire, à faire une nouvelle loi qui va
aider notamment, au remplacement de l'article 63, qui disparaît, qui nous
concerne et qui comprendra d'autres clauses. Mais jamais, au grand jamais, je
ne pourrai, ni moi ou personne d'autre, inclure dans ce projet de loi des
clauses
portant sur l'éducation comme telle des enfants d'immigrants,
là où cela s'inscrit dans la juridiction exclusive du
ministère de l'Education. Je ne pourrai pas, et aucun ministère
ne pourra le faire non plus, et je ne pourrais pas avoir de clause portant sur
des aspects qui sont de la juridiction du ministère de la Justice,
même s'il s'agit des immigrants.
M. ROY: M. le Président, je ne voudrais pas que la séance
en soit une de patinage. J'ai l'impression nettement, par les questions que
nous posons, qu'on assiste à une séance de patinage. Je m'excuse,
M. le Président, mais je suis obligé de le signaler, on a
l'impression d'assister à une séance de patinage ce matin.
M. BIENVENUE: En ce sens que...
M. ROY: Je sais très bien que le ministre de l'Immigration ne
peut pas mettre dans sa loi des dispositions qui concernent le ministère
de l'Education. Nous le savons et c'est de même dans tous les domaines.
Mais ce que nous voulons dire, c'est qu'il doit quand même y avoir au
niveau du gouvernement des politiques d'ensemble, dans lesquelles le
ministère de l'Education fait en sorte que les politiques du
ministère de l'Immigration aient des objectifs convergeant dans la
même direction. Le ministre nous dit ce matin qu'il y a
énormément de différence entre le ministère de
l'Education et le ministère de l'Immigration. Est-ce à dire qu'il
y a un cloisonnement tel qu'il n'y a aucune rencontre, aucune collaboration,
aucune discussion entre les deux ministères? C'est un peu l'impression
que nous avons. Le ministre nous déclare qu'il va tout faire pour
favoriser la francisation des immigrants. Il nous parle d'outils. L'outil, on
sait que c'est l'éducation. C'est le principal, le plus grand des
outils.
M. BIENVENUE: Non.
M. ROY: Oui, je le dis. C'est une question, à un moment
donné...
M. BIENVENUE: Je ne suis pas d'accord là-dessus.
M. ROY: Le ministre aura beau être d'accord ou ne pas être
d'accord, on sait très bien que le ministère de l'Education joue
un rôle de premier plan dans ce domaine.
M. BIENVENUE: Pas le principal.
M. ROY: II joue un rôle de premier plan, et je le dirais, je
m'excuse auprès du ministre, mais j'ai quand même le droit de le
penser...
M. BIENVENUE: Oui, ce n'est pas grave...
M. ROY: Le ministère de l'Education joue un rôle de premier
plan. Mais il ne semble pas qu'il y ait coordination, collaboration entre le
ministère de l'Education du Québec et le ministère de
l'Immigration.
M. BIENVENUE: II y en a. M. ROY: Ecoutez, il y en a. M. BIENVENUE: II y
en a.
M. ROY: II y en a, mais où est-elle? Est-ce que le ministre
pourrait nous dire ce matin...
M. BIENVENUE: II y a le comité interministériel notamment
qui ne se penche pas que sur le problème de la langue d'enseignement aux
jeunes immigrants...
M. ROY: Non, mais, sur ce plan, le comité interministériel
qui existe sur ce plan en particulier, où en sont rendues les
études?
M. BIENVENUE: Sur quoi?
M. ROY: Sur le problème que nous signalons ce matin, le
problème de l'enseignement en ce qui a trait aux immigrants qui
désireraient, comme l'a souligné le député de
Maisonneuve tout à l'heure, fréquenter l'école
française et, à cause des dispositions de l'article 49, ne le
pourraient pas.
M. BIENVENUE: J'ai répondu précédemment au
député de Maisonneuve, je pense que c'était avant
l'arrivée du député de Beauce-Sud, qu'une des choses que
je ne pouvais pas dévoiler était la nature, le degré et
les détails de participation, évidemment, lors de la
rédaction, lors de la préparation du projet de loi, d'un
ministère à l'autre.
M. BURNS: Le conseil consultatif ou le comité consultatif, vous
n'êtes pas pris avec la solidarité ministérielle, est-ce
qu'il a été appelé à siéger au
ministère?
M. BIENVENUE: Le comité consultatif, pas plus tard qu'hier.
M. BURNS: Hier. D'après l'impression du...
M. BIENVENUE: Hier, durant quatre heures de séance... Je
m'apprête à demander à ce comité consultatif de me
faire un rapport sur toute cette question.
M. ROY: M. le Président, je m'excuse auprès de l'honorable
collègue, ce n'est pas un problème qui concerne la question qui
est posée présentement, mais je veux tout de même signaler
que nous n'avons pas quorum.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Nous avons quorum. Le député
de Sherbrooke... Nous sommes sept.
M. ROY: II doit prendre place autour de la table, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Bien que ce ne soit pas obligatoire,
disons que cela simplifiera le comptage.
M. DEZIEL: Lorsque je suis arrivé, M. le Président, je
voudrais souligner une chose, toutes les chaises étaient prises.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est cela.
M. ROY: Je m'excuse, mais il est nécessaire qu'on le signale.
Puisqu'on fait siéger trois commissions parlementaires en même
temps, au moins que l'équipe ministérielle...
LE PRESIDENT (M. CorneUier): Le quorum, je l'ai vérifié au
début de la séance, je l'ai constaté depuis, nous avons
toujours eu quorum depuis le début de la séance.
M. MALEPART: Nous avons attendu l'Opposition.
UNE VOIX: Oui
M. ROY: Le député a fait son possible. Si les routes de la
province étaient réparées, j'aurais pu arriver plus
tôt. J'allais poser une question tout à l'heure... Je m'excuse, le
député de Maisonneuve avait posé une question.
M. BURNS: Le ministre ne m'a pas répondu. M. ROY: J'en aurai une
autre par la suite.
M. BURNS: Le ministre ne m'a pas répondu au complet encore, il
s'apprêtait à répondre. On va perdre le quorum si le
député d'Anjou s'en va. Restez avec nous, cela ne vous
intéresse pas, ce qu'on fait?
M. TARDIF: Je suis arrivé avant vous ce matin, je...
M. BURNS: Restez avec nous. Pour avoir quorum, il faut être
à la table.
M. TARDIF: Ce n'est pas ma commission, tout d'abord.
Deuxièmement, je suis arrivé le premier ici, ce matin. Le
député de Maisonneuve n'a aucune...
M. BURNS: Ce n'est pas votre commission?
M. TARDIF: Non, ce n'est pas ma commission.
M. ROY: II remplace le ministre du Travail. M. BURNS: Oui.
M. TARDIF: Je viens ici parce que cela me tente. J'ai fait un
spécial pour venir ici.
M. BURNS: C'est cela, restez avec nous. Je vous dis que si vous vous en
allez, on n'aura plus quorum.
M. TARDIF: J'aimerais souligner au député de Verdun... si
vous étiez arrivé à temps ce matin...
M. BURNS: Allez parler au député de Verdun si vous le
voulez, mais nous n'aurons plus quorum. C'est ce que je suis à vous
dire.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, à l'ordre s'il vous
plaît!
M. TARDIF: C'est le président qui va décider. Ce n'est
certainement pas vous.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre!
M. BURNS: Nous allons soulever la question de règlement, par
exemple.
M. TARDIF: Vous la soulèverez et on va en discuter après.
Commencez par la soulever et après on va en discuter.
M. BURNS: Je vous le dis d'avance.
M. TARDIF: Je suis prévenu, je le sais...
M. BURNS: Bon.
M. TARDIF: Mais cela ne m'impressionne pas.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs ! Le ministre
s'apprêtait à répondre à une question du
député de Maisonneuve.
M. BIENVENUE: J'ai donné cette réponse déjà,
M. le Président. J'ai indiqué qu'au cours d'une séance de
quatre heures, le comité consultatif du ministère de
l'Immigration s'était entretenu de tous ces sujets et de bien d'autres,
dont le fameux mémoire de mon homologue fédéral qui a fait
l'objet d'une fuite dans les journaux. J'ai demandé à ce
comité de me faire rapport sur toutes ces questions.
M. BURNS: Mais le ministre confirme que le comité consultatif a
siégé après le dépôt du projet de loi. Il n'a
pas été appelé à conseiller le ministère
avant l'impression du projet de loi.
M. BIENVENUE: Le comité consultatif s'est réuni à
trois reprises, M. le Président. Avant, pendant et après, pour
employer la formule sacramentelle.
M. BURNS: Oui. Avant, pendant et après. Je ne ferai pas la farce
habituelle. Est-ce que le ministre peut me dire si avant surtout,
c'est-à-dire avant le dépôt du projet de loi 22, le
comité consultatif a été appelé à conseiller
le ministère, relativement aux dispositions linguistiques?
M. BIENVENUE: Le sujet de ces dispositions linguistiques ce que
je vais dire ici devrait plaire à mes deux collègues
s'apparente tellement, malgré les contraintes auxquelles j'ai fait
allusion, à tous les sujets dont on a parlé ici en commission et
à d'autres séances de mon comité consultatif, je reviens
toujours sur les représentations du Québec auprès du
gouvernement central pour l'avenir de l'Immigration et des pouvoirs du
ministère de l'Immigration du Québec, qu'il en a
été question déjà et depuis.
M. BURNS: Ces gens ne vous ont pas fait de recommandations
précises sur ce que, eux voyaient qui pourrait être
intégré à une éventuelle, appelons-la, charte
linguistique, comme dirait le premier ministre?
M. BIENVENUE: Non, je viens d'indiqué au député de
Maisonneuve, ce que j'ai demandé, je pense bien que cela correspondait
à un de leurs voeux les plus chers.
J'ai demandé aux membres, je vais surtout demander en termes plus
précis aux membres de ce comité consultatif de me faire un
rapport de leurs suggestions, de leurs commentaires, de leurs critiques
positives ou négatives. Positives, j'espère.
M. BURNS: Si je ne m'abuse, M. Dale Thompson, qui est
vice-président de la planification à l'université McGill,
fait partie de ce comité consultatif.
M. BIENVENUE: ... de même que...
M. CARON: ... sera remplacé par l'honorable député
de Montmagny-L'Islet.
M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président, on n'a pas le droit de
changer en cours de séance. Il faut que ce soit au début d'une
séance. Restez avec nous. On vous aime bien.
M. TARDIF: ... j'ai d'autres choses à faire.
M. BIENVENUE: M. Dale Thompson, de même que M. Maurice Champagne,
qui est président de la Ligue des droits de l'homme, et M. Elie Leroy et
tous les autres que j'ai énumérés l'autre jour.
M. BURNS: Je vois, dans le Devoir de ce matin, que M. Dale Thompson
appuie avec réserve le projet de loi sur la langue officielle. Sur une
colonne et demie, on voit les réserves de M. Dale Thompson. Est-ce que
c'était à titre de membre du conseil consultatif qu'il faisait
ces réserves?
M. BIENVENUE: Avant de répondre à la question, M. Thompson
appuie sous réserve et M. Champagne, sauf erreur, est loin d'appuyer
avec ou sans réserve. Il fait également partie de mon
comité consultatif. Alors, ni l'un ni l'autre, c'est évident, ne
se sont exprimés en tant que membres du comité consultatif en
question, mais bien à titre purement personnel, j'imagine, dans le cas
de M. Thompson, et l'autre, M. Champagne, à titre de président de
la Ligue des droits de l'homme. Il est secrétaire général,
je m'excuse. Alors, je réponds non à la question du
député de Maisonneuve. Cela n'était pas à titre de
membres de ce comité consultatif.
M. ROY: Une personne ne peut quand même pas penser une chose
privément et en penser une autre en réunion.
M. BIENVENUE: Ce serait fort mauvais que cette personne soit ainsi,
c'est pour cela que la pensée...
M. ROY: On assisterait à des dédoublements. On a vu un peu
cela à l'Assemblée nationale la semaine passée.
M. BIENVENUE: C'est pour cela que la pensée que je vous ai
livrée au début est ma pensée personnelle et d'homme
public. Il faut faire toute la différence qu'a comprise le
député de Maisonneuve quand j'ai dit qu'ils ne s'exprimaient pas
"en tant que". Cela ne veut pas dire qu'ils ont deux pensées. Je puis
m'exprimer en tant que marguillier ce matin et m'exprimer en tant que
député cet après-midi et ma pensée peut être
la même.
M. ROY: En tant que marguillier, c'est en tant que fonction, c'est une
fonction différente. Une personne ne peut quand même pas...
M. BIENVENUE: Dans les deux cas... Ce que nous venons de discuter, c'est
en tant que fonction.
M. ROY: Est-ce que cela veut dire que le ministère, le
gouvernement n'était pas prêt à présenter sa
législation sur la langue?
M. BIENVENUE: Ma réponse ferait les manchettes et serait candide
si je répondais au député de Beauce-Sud: Le gouvernement
n'était pas prêt, c'est un mauvais gouvernement. Ce serait une
réponse qui ferait les manchettes et que n'aura pas, hélas, le
député de Beauce-Sud.
M. ROY: Mais vous n'êtes pas prêt à dire que le
gouvernement était prêt à présenter sa
législation sur la langue non plus?
M. BIENVENUE: Je pense que la question... M. ROY: Question très
embarrassante.
M. BIENVENUE: Non. Je rappellerai seulement au député de
Beauce-Sud que les grands media d'information ont prié depuis longtemps
le gouvernement de prendre position sur la question linguistique et que, par
ailleurs, d'autres media ont reproché au gouvernement
d'avoir pris position trop tôt parce que cela pouvait nuire
à l'élection fédérale. Mais je le dis avec tout le
sérieux que comporte cette remarque.
M. ROY: Vous ne pouvez ni nous certifier, ni affirmer, ni nier que le
gouvernement était réellement prêt à
présenter sa législation sur la langue.
M. BIENVENUE: Le gouvernement auquel j'appartiens est toujours
prêt.
M. ROY: "Prêt".
M. BIENVENUE: Près et prêt.
M. ROY: J'avais posé une question au ministre tout à
l'heure. Face à la loi qu'il se propose de présenter... Je
m'étais référé à l'article 95 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, article qui date de 1967. Le ministre
conviendra facilement que le contexte est changé, que les besoins sont
changés aussi et que la réalité n'est plus ce qu'elle
était. Est-ce que le ministre est prêt, dans sa loi, à
prendre une position pour le meilleur intérêt du Québec,
même si cela risque d'aller un peu à l'encontre de la
dernière partie de l'article qui dit qu'une loi de la Législature
d'une province concernant l'immigration n'aura d'effet qu'aussi longtemps et
pour autant qu'elle ne sera pas incompatible avec une loi du Parlement du
Canada. Nous estimons, et nous l'avons déjà déclaré
à maintes et maintes occasions, que l'immigration doit être
contrôlée et qu'il est important que le Québec
contrôle son immigration. Est-ce que le ministre serait prêt
à nous dire ce matin si, dans la loi qu'il entend proposer devant
l'Assemblée nationale, il est prêt â poser un jalon de ce
côté. Le ministre nous a dit tantôt qu'il était
prêt à partir. Il ne faudrait pas que le ministre confirme le
proverbe, parce que partir...
M. BIENVENUE: Prêt à partir.
M. ROY: II fallait partir à un moment donné. Mais partir,
c'est mourir un peu.
M. BIENVENUE: Donner le départ, vous voulez dire.
M. ROY: Donner le départ.
M. BIENVENUE: Vous ne parliez pas de moi en disant ça.
M. ROY: Je parlais de vous, parce qu'à la suite, je parlais du
ministre, parce qu'il venait de le déclarer. Il était prêt
à partir, prêt à donner le départ. Mais dans ce
départ que le gouvernement est prêt à nous donner ou
à nous assurer ce matin, j'aimerais savoir si, de ce côté,
le gouvernement est prêt à prendre toutes les dispositions. Cela
fait un bout de temps que le ministre nous parle d'avoir des dents, de
s'exercer pour avoir des dents au ministère de l'Immigration. Est-ce que
le ministre serait prêt ce matin à prendre les dents si
nécessaire pour que le Québec puisse, dans la plus grande mesure
du possible, contrôler son immigration lui-même?
M. BIENyENUE: Le ministre de l'Immigration du Québec n'est pas
prêt à et n'ira pas jusqu'à aller à l'encontre de
l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique tant et aussi
longtemps que cet article ne sera pas modifié du consentement des
provinces. Il n'aura pas à le faire. Je vais revenir au "je", je vais
laisser la troisième personne, je n'aurai pas à faire tout cela.
J'ai déjà indiqué à plusieurs reprises, à la
dernière étude des crédits, au cours d'allocutions
à l'Assemblée nationale, que les négociations que
conduisait mon ministère auprès du ministère
fédéral de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration se
déroulaient sans heurt, dans l'harmonie, et aussi dans un contexte de
discrétion qui, hélas, a subi des accrocs regrettables il y a
quelque temps. Lorsque je disais que tout ça pouvait se faire à
l'aide d'accommodements administratifs et non pas par le truchement d'une loi,
j'en prends à témoin la lettre la plus récente que
m'écrivait mon homologue fédéral. Elle ne peut pas encore
être dans les journaux parce que je ne l'ai eue qu'hier soir. J'en cite
avec plaisir un passage, celui qui nous préoccupe exclusivement et qui
préoccupe le député de Beauce et qui se lit comme suit:
"Je m'empresse de souligner, comme je l'ai fait au cours de notre entretien,
que je comprends parfaitement la position du Québec selon laquelle le
programme d'immigration devrait tendre à protéger et à
renforcer le caractère culturel et linguistique particulier à la
province et comme je vous en ai déjà donné l'assurance,
les collègues de mon cabinet", ça, c'est le cabinet
fédéral, "sont aussi très conscients des besoins du
Québec".
Cela ne peut être plus frais, cela a été reçu
hier. Lorsque j'ai dit que mes négociations, malgré les accrocs
auxquels j'ai fait allusion, se poursuivaient bien sans heurt sans drame et
sans tambour, j'en prends à témoin parmi d'autres pièces
ou d'autres faits que j'ai déjà portés à la
connaissance de la commission, ce document émanant de mon
collègue, M. Robert Andras, ministre fédéral de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration. Puisqu'on est là-dessus... oui?
M. ROY: C'est une lettre que vous avez reçue hier soir?
M. BIENVENUE: Oui. puisqu'on en est là-dessus au moment où
je rappelais les heurts ou les accrocs auxquels je faisais allusion, qui m'ont
fait du mal ou qui ont fait du mal au ministère que je dirige, j'en
avais parlé longuement lors de notre dernière séance, je
lis un
autre extrait d'une autre lettre de mon-homologue fédéral
de date un peu plus ancienne mais pas beaucoup, qui se situe toujours en mai,
le 7 mai pour être précis, et je cite: "Je dois vous dire que je
suis quelque peu préoccupé de la publicité à
laquelle votre mémoire a donné lieu. Une fois ce document rendu
public, il m'est difficile d'éviter d'y répondre", rappelez-vous
ce que j'avais dit au sujet de cette prétendue rebuffade que j'avais
essuyée, "mais en le faisant, bon nombre de personnes seraient
portées à croire que l'étude sur l'immigration et sur les
objectifs démographiques du Canada (le futur livre vert) n'est qu'une
supercherie et que nous avons déjà décidé de la
ligne de conduite à adopter. En outre, je crois que nous pourrons mieux
faire l'unanimité sur certaines questions si, pour ainsi dire, nous ne
travaillons pas en présence des personnes qui tentent de déformer
les faits en vue d'affaiblir l'unité nationale." C'est écrit, ce
n'est pas dit. Je pense que ça confirme ce que j'indiquais quand j'ai
parlé des difficultés immenses que m'ont créées des
indiscrétions insensées.
M. ROY: Si j'ai bien compris le ministre, ça veut dire que, si le
Québec veut se donner une loi, de nouvelles dispositions dans une loi
qui pourraient correspondre aux besoins et satisfaire aux exigences du
Québec, même s'il y avait quelques accrocs qui pourraient exister
en regard des dispositions de l'article 95, le gouvernement
fédéral n'interviendrait pas. Est-ce qu'on peut pousser la
réflexion jusque-là?
M. BIENVENUE: Je comprends la question du député de
Beauce, ce n'est pas tout à fait ça. Il ne serait pas question
d'accroc à l'article 95 par les ententes de nature administrative que
j'espère pouvoir conclure le plus tôt possible avec le
gouvernement fédéral même avec le retard causé par
cet incident de parcours que j'ai appelé la présente
élection. Il n'est pas question d'accroc à l'article 95, il est
question d'améliorer considérablement les pouvoirs que nous
avions en vertu d'une entente qui s'appelait l'entente Lang-Cloutier,
signée entre mon prédécesseur et l'ex-ministre de
l'Immigration fédéral, M. Otto Lang, entente en vertu de laquelle
nous avons des gens en poste à l'étranger dans certaines
ambassades de certains pays.
Ce que nous tentons d'obtenir par des ententes administratives sans
heurt et où le gouvernement fédéral se montre très
ouvert et je lui en reconnais le crédit c'est une nouvelle
entente où nos gens auront beaucoup plus de pouvoirs, ces pouvoirs que
j'ai résumés en les classifiant récemment en trois
catégories. D'abord, il y a ceux d'informer l'étranger les futurs
candidats pour qu'ils sachent que le Québec est une province combien
différente des autres, province, entre autres, où la langue de la
majorité est différente de celle des neuf autres provinces.
Deuxièmement, le pouvoir en commun avec le fédéral de
recruter des candidats à l'étranger, que ce soit n'importe
où dans le monde et, troisièmement, une fois cette étape
de recrutement faite, accomplie, ce pouvoir combien important de faire, parmi
les immigrants ainsi recrutés, la sélection de ceux qui
correspondent aux besoins, aux désirs et aux aspirations du
Québec pas comme les autres.
J'ai déjà indiqué clairement, je l'ai
précisé davantage il y a à peine quelques jours, que ce
type d'immigrant dont nous avons besoin, c'est un immigrant
généralement ou en grande majorité francophone ou
"francophonisable", un immigrant qui corresponde dans sa nature, dans son
origine, dans sa langue, dans sa culture, grosso modo, aux tendances ou au
caractère démographique du Québec où la
majorité est à 80 p.c. francophone, où les groupes
ethniques forment un autre 10 p.c. et où la minorité anglophone
forme un autre 10 p.c. Voilà ce que nous recherchons sans, pour
ça, être obligés de porter atteinte aux dispositions de
l'article 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sans heurter
personne, sans froisser personne, toujours avec le concours du gouvernement
fédéral qui, je l'ai déjà dit, est aussi soucieux
que nous le sommes de ce déséquilibre démographique qui
est en train de s'installer au Québec.
M. BURNS: Je veux juste dire au ministre, en terminant sur ce point, que
je suis d'abord bien déçu de ne pas l'entendre nous donner
quelque chose de concret, eu égard aux dispositions qui sont
actuellement sur la table, en particulier le bill 22. En ce qui me concerne,
quant à l'immigration j'ai quand même le droit
d'émettre mon opinion le bill 22 est de la foutaise et rien de
moins, surtout rien de plus. Je suis obligé de revenir aux fameux
chiffres qui ont été cités par le journal Le Jour la
semaine dernière, où on apprend, le ministre les a
confirmés, que de 1968 à 1972 inclusivement, les immigrants de
langue anglaise sont passés de 29.9 p.c. à 40 p.c. et ceux de
langue française sont descendus de 24.2 p.c. à 14.5 p.c.
Devant ce fait, devant ce que j'appelle l'absence totale de politique de
"francophonisa-tion", comme dit le ministre, dans le bill 22, devant les
négociations qui sont actuellement, je pense, en suspens, étant
donné la campagne électorale, devant l'impossibilité du
ministre de nous donner des garanties que ces négociations vont aboutir
je pense bien qu'il n'est pas capable de nous en donner, car il ne sait
même pas qui va être son interlocuteur après le 8 juillet
prochain je suis, personnellement, déçu que le ministre ne
nous dise pas, au moins, que si jamais il n'y avait pas de pouvoir de
recrutement des immigrants qu'il désire obtenir, si jamais il n'avait
pas, tout au moins, un droit de veto sur l'immigration qui doit entrer au
Québec, qu'il nous dise quels instruments, dans le cadre d'une politique
linguistique il voudrait utiliser, au moins, à l'intérieur.
Personnellement, cela me déçoit et je suis obligé de
conclure que le ministre est tout à fait impuissant devant cette
politique, qui dans le fond est décidée à Ottawa,
d'augmenter l'immigration anglophone de 1968 à 1972, et de diminuer
l'immigration francophone.
Je suis le mot n'est pas trop fort réellement
déçu de voir cette absence totale de la part du ministre dans ce
problème linguistique eu égard à tous ces
phénomènes qui, actuellement, défavorisent l'immigration
francophone au Québec.
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me permet, je ne
voudrais pas relever tout ce qu'il vient de dire, je voudrais faire une seule
petite correction. Ce n'est pas le gouvernement fédéral je
veux être bien juste qui a décidé depuis 1967 qu'il
viendrait plus d'immigrants anglophones et moins d'immigrants francophones.
M. BURNS: C'est lui qui fait la sélection.
M. BIENVENUE: Non. La loi de l'immigration au Canada est la loi de
l'universalité, c'est-à-dire que toute personne, d'où
qu'elle vienne, qui fait la demande d'immigrer au Canada, dans l'une ou l'autre
des dix provinces, sera acceptée ou refusée selon, et je parle
toujours du passé, qu'elle subit le test de la pondération, selon
qu'elle réussit ou non l'examen avec le système de points
existant. C'est ce qu'on appelle l'immigration universelle dans laquelle il n'y
a aucune discrimination. Il peut entrer en théorie, au Canada, cette
année, 100,000 Chinois, et pas un autre, ou 100,000 Français et
pas un autre, etc. Ce qui est responsable de l'entrée ou du refus de tel
ou tel type, ou de telle catégorie d'immigrants au Canada, cela n'est
pas le fédéral, ni le Québec, ni l'Ontario, c'est le fait
que dans tel ou tel pays, on a décidé ou non de venir immigrer au
Canada, et qu'on a réussi, évidemment, le test du système
de points qui est à la base de l'admission. Mais cela ne m'empêche
pas, je le répète, de constater et avec combien de regret et
d'inquiétude, je l'ai dit combien de fois, les taux actuels, et de
vouloir, cela aussi je l'ai dit combien de fois, d'un commun accord avec le
fédéral qui est également inquiet, obtenir des pouvoirs
tels que dorénavant Dieu sait là-dessus comme sur combien
d'autres choses, il y a du retard sur l'immigration au Québec
nous puissions contrôler l'immigration qui entre au Québec, son
origine, etc. Je voulais seulement faire cette petite mise au point pour dire
que le fédéral n'est pas à blâmer comme tel de ce
qui survient actuellement, ou de ce qui est survenu avant.
M. BURNS: C'est quand même lui qui fait la sélection. Le
résultat est clair. L'immigration anglophone augmente et l'immigration
francophone diminue. Donc, la pseudo-unité nationale au nom de laquelle
fonctionne M. Andras, com- me il dit dans sa lettre, je n'ai pas l'impression
qu'il tient bien compte que dans cette unité nationale, même si je
ne suis pas d'accord avec l'expression, il y a aussi les préoccupations
québécoises...
M. BIENVENUE: Voici! Vous ne pouvez pas...
M. BURNS: ... les préoccupations québécoi-sess, si
je les comprends,... de toutes les interventions du ministre sur la
francisation, la francophonisation et le besoin d'aller chercher dans un bassin
francophone davantage des gens facilement intégrables à la
majorité francophone du Québec, je m'aperçois qu'Ottawa
n'en tient aucunement compte. C'est pas mal clair. Peu importe que cela se
fasse en vertu de quel que système de points qu'on voudra.
Moi, je m'en balance du système de points. Le résultat
brut, c'est que, non seulement on se fait rogner de l'intérieur par nos
francophones qui s'en vont du côté anglophones...
M. BIENVENUE: Ou qui n'ont plus d'enfants.
M. BURNS: ... ou qui n'ont plus d'enfants, non seulement on se fait
rogner par le phénomène de la dénatalité, mais, en
plus de cela, on se fait rogner par un vague système de points que je ne
connais pas dans le détail, qui est peut-être bien le "fun", mais
le résultat n'est pas le "fun", du tout à ce stade !
M. BIENVENUE: Non, mais un système de points qui est tel que, si
un Français de France ne veut pas devenir candidat à
l'immigration chez nous, peu importe le système de points, il ne sera
pas question pour lui de subir un échec à cet examen, parce qu'il
ne subit pas l'examen, parce qu'il veut rester chez lui. D'accord? Je suis
conscient de ce que dit le député de Maisonneuve. C'est
d'ailleurs pour cela que je dis que nous avons du retard, et quand je dis du
retard, je ne parle pas en termes de deux ans, trois ans ou cinq ans. Je vais
bien plus loin dans le passé. C'est pour cela que, conscient de ce
problème, je veux avec tous les efforts modestes dont je suis
capable obtenir pour le Québec, dorénavant, un pouvoir de
contrôle qui va rémédier à cette situation, que je
déplore autant que le député de Maisonneuve, que j'ai
déplorée publiquement depuis fort longtemps déjà.
Mettre fin à cette inégalité ou à ce
déséquilibre des forces en présence, c'est là le
but de la recherche des pouvoirs additionnels que nous demandons au
gouvernement central. J'ai tout lieu de croire, sans être optimiste de
façon exagérée, que nous obtiendrons dans les prochains
six mois.
M. BURNS: Vous avez tout lieu de croire, mais vous n'êtes pas
capable de nous dire que vous êtes assuré. C'est cela qui est le
problème fondamental.
M. BIENVENUE: Si...
M. BURNS: Vous n'êtes pas assuré d'avoir votre gros mot
à dire dans la sélection. Vous n'êtes pas assuré,
non plus, même pas, d'avoir, à la rigueur, un droit de veto, et en
plus de cela, c'est là que je ne comprends pas que vous soyez solidaire
d'un projet de loi comme celui-ci qui, lui, ne guérit pas la situation.
Il n'a même pas une vague approche pour guérir cette
situation.
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve ne comprends pas
que je sois encore ministre aujourd'hui, 28 mai. C'est cela.
M. BURNS: Non, je ne comprends pas cela! A moins que le ministre se soit
fait passer l'ensemble du projet de loi entre les pattes, comme il s'est fait
passé la disposition de l'article 117. Si c'est cela, à ce
moment, ce sont d'autres types de commentaires que je pourrais faire au
ministre.
M. BIENVENUE: Ne les faites pas!
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, le ministre se référait
à l'unité nationale tantôt. Je suis toujours inquiet quand
j'entends parler d'unité nationale, parce que j'ai toujours eu
l'impression et d'ailleurs, je pense que les faits sont là
que le Québec a été dans le sous-sol de cet
édifice.
M. BURNS : C'est un sens unique.
M. ROY: Nous sommes encore dans le sous-sol de l'édifice de
l'unité nationale. M. le Président, pour faire suite à ce
que vient de dire le député de Maisonneuve, j'aimerais donner
quelques statistiques au ministre aussi, concernant l'accroissement naturel que
nous avons connu au Québec, au cours de l'année 1972. J'ai ici
les chiffres qui démontrent qu'il y a eu 48,000 naissances au
Québec, et qu'il y a eu 19,000 immigrants reçus. Donc, 67,000.
Mais ce qui est important de signaler, c'est qu'au lieu d'avoir une
augmentation nette de 67,000, cette augmentation fut de 23,000. La raison,
c'est que 44,000 quittèrent le Québec pour une raison ou pour une
autre. On sait que ceux qui quittent le Québec sont en majorité
des francophones. Mais, M. le Président, si on fait une comparaison avec
l'Ontario pour les cinq années finissant avec 1972, c'est que le
Québec aurait eu une augmentation naturelle de 252,000 personnes, donc
un taux de croissance de 4.3 p.c, alors que l'augmentation de la population
nette a été de 166,000; donc, une augmentation au taux de 2.8
p.c. Ce qui veut dire que nous avons eu une diminution de 86,000 de la
population sur l'augmentation naturelle que nous avions eue. Alors que dans
l'Ontario, il y a eu une augmentation naturelle de 360,000, soit 5 p.c. et la
population a augmentée, pendant cette période, de 680,000. C'est
qu'il y a eu une augmentation au niveau de l'immigration dans l'Ontario de
320,000, alors que nous avons subi, au Québec, pendant la même
période, une diminution de 86,000. Si les chiffres et cette tendance
persistent, dans quelques années, la province de Québec sera au
troisième rang au point de vue de la population canadienne.
M. BIENVENUE: C'est vrai.
M. ROY: C'est là qu'il est important que le ministre se donne une
loi avec des dents, et qu'on arrête d'avoir peur de prendre des positions
osées au nom de l'unité canadienne, parce que les
Québécois commencent à en avoir marre de toujours
être logés dans le sous-sol de l'unité canadienne. Je pense
qu'il appartient au ministre de l'Immigration, là-dessus, de prendre des
dispositions.
J'aimerais que le ministre me rassure en me disant si selon ces
chiffres, selon les études faites au ministère de l'Immigration,
on peut dès maintenant envisager un retour à la normale,
c'est-à-dire une amélioration au lieu de la dégradation
constante que nous avons connue depuis les dernières années.
M. BIENVENUE: Je n'ai pas le détail de ces chiffres, mais en
général, grosso modo, ils m'apparaissent exacts. Ils sont
à la base de ma propre inquiétude. J'ai déjà
parlé et d'autres l'ont fait d'un ministère
éventuel des ressources humaines qui enfin pourrait se donner des outils
du contrôle, étudier les phénomènes qui sont
à la base de l'évolution de la population au Québec. Cela
me paraît combien plus important que bien d'autres outils ou d'autres
organismes qui se penchent sur la viande, sur les légumes ou sur les
oeufs la population parce que tout est en fonction du capital
humain au Québec, et je n'exclus pas l'aspect futur de la main-d'oeuvre,
qui comporte des inquiétudes à l'avenir.
Il y a une chose dans cette loi que nous aurons, que tout autre loi ne
pourra, je pense, prévoir, même avec toutes les dents aussi
aiguisées que l'on voudra. C'est que je n'ai pas de truc pour convaincre
les jeunes foyers au Québec d'avoir plus d'enfants; je n'ai pas de
façon directe et obligatoire on se comprend d'aller tordre
le cou des futurs immigrants; je ne peux pas leur tordre le cou pour leur
imposer de venir vivre au Québec. Mais il y a un tas de mesures que j'ai
déjà préconisées et je ne veux pas y revenir
et cela découlera notamment des pouvoirs que je veux obtenir du
gouvernement central pour inciter les immigrants à venir plus nombreux
et parmi ceux-là, ceux que je veux, que nous voulons pour le
Québec. Enfin, il y a un autre phénomène combien
important, et le député de Beauce-Sud me donne l'occasion d'y
revenir pour la X centième fois depuis deux ans, c'est celui de la
mentalité de la population autochtone au Québec et de
l'accueil que nous réservons ou que nous ne réservons pas aux
immigrants par comparaison à d'autres régions de
l'Amérique du Nord. Il faut se rappeler que nos nouveaux
Québécois d'origines diverses ont le droit de se servir de la
force, ont le droit d'écrire à leurs parents ou amis de pays
étrangers, ont le droit de décrire comment ils sont ou ne sont
pas accueillis au Québec comme le font d'ailleurs les immigrants des
autres provinces. C'est un autre facteur important, que les Anglais appellent
"incentive" pour faire venir ici au Québec de nouveaux immigrants. Je
continue, hélas, de recevoir, chaque semaine, des lettres anonymes de
bêtises ou non tendant à cette même conclusion: Quand
allez-vous cesser de nous emmener de maudits étrangers? J'en
reçois continuellement et cela n'est pas bon, cette mentalité
n'est pas bonne. J'aime aller veiller chez un ami qui m'accueille, mais je
n'aime pas être reçu avec une balle de 22 le mot 22
étant une pure coincidence
M. ROY: Un lapsus.
M. BURNS: C'est une 22 qui tire à blanc, par exemple.
M. ROY: ... il ne tuera personne, votre bill. Le ministre peut se
rassurer immédiatement.
M. BIENVENUE: Non, mais je pense que le député de
Beauce-Sud a compris ce que je voulais dire, cette crainte de l'étranger
qui favorise si peu la venue de l'étranger.
M. ROY: Je n'aimerais pas engager un débat là-dessus, mais
j'aurais bien des choses à ajouter.
M. BIENVENUE: Je le sais.
M. ROY: II y a des problèmes qui ont découlé du
fait que le Québec n'avait pas son mot à dire dans l'immigration
et qu'on n'a peut-être pas fait la sélection qui aurait pu
être faite et qui aurait dû être faite. Il y a
énormément de Québécois qui se sont
retrouvés du jour au lendemain sans travail parce que, justement, ils
étaient remplacés par des personnes qui nous arrivaient de
l'extérieur. Cela s'est produit, malheureusement, dans bien des cas et
cela n'a pas contribué à améliorer le climat. C'est
pourquoi nous insistons et c'est un des points sur lesquels nous
insistons tant pour que le Québec ait des pouvoirs en
matière d'immigration.
M. BURNS: Le ministre va admettre que la xénophobie est une
réaction d'insécurité...
M. ROY: C'est cela.
M. BURNS: ... et ce que vous allez devoir faire, ce n'est pas seulement
de dire aux Québécois francophones ou anglophones ou peu importe,
il ne s'agit pas juste de dire: Soyez plus accueillants pour les immigrants. Il
s'agit de les rassurer tant au niveau du travail qu'au niveau de la langue,
entre autres, et c'est pour cela que le problème est tellement
important. Le jour, je pense bien, où les Québécois vont
se sentir en parfaite sécurité, c'est-à-dire que leur
souveraineté culturelle, comme on se plaît à le dire dans
ce gouvernement, sera véritablement une chose et non pas seulement des
mots, j'ai nettement l'impression que vous n'aurez pas de xénophobie.
C'est courant. N'importe quel sociologue va vous dire que la xénophobie
n'existe pas à l'état pur. Cela existe chez des gens qui se
sentent menacés, à tort ou à raison. Mais, dans le cas du
Québec, au niveau culturel et je m'excuse d'y revenir tout le
temps, mais ces chiffres sont tellement frappants les chiffres des
quelques dernières années, si je transforme le mot du ministre,
sur l"'anglophonisation" sont assez inquiétants et assez
inquiétants pour que les Québécois se disent: Diable,
qu'est-ce qui nous arrive? Le député de Beauce-Sud citait le cas
du domaine du travail. Tant qu'on aura au Québec des taux de
chômage qui vont battre les records au Canada, à ce moment, je
comprends, même si je ne l'approuve pas, cette xénophobie qui peut
exister chez certains de nos concitoyens. Je pense que le gouvernement doit
d'abord s'employer à libérer les Québécois de cette
insécurité tant au niveau du chômage qu'au niveau culturel
ou au niveau linguistique. Après cela, on pourra parler de quelque chose
de plus concret.
Ce que je veux dire par cela, c'est qu'il ne s'agit pas seulement de
dire à ce pauvre type qui vous envoie une lettre anonyme ou pas, vous
blâmant d'emmener des immigrants ici, que c'est de sa faute. Il s'agit de
dire aussi qu'il y a des pouvoirs publics qui devraient réagir, de
façon à lui enlever la cause du mal, pas seulement le
symptôme.
En ce qui concerne ce problème de la langue, je suis bien
prêt à passer à un autre sujet. Je vois bien que, on a beau
tourner autour du ministre, le député de Beauce-Sud et moi avec
toutes sortes de questions, on n'en tirera pas grand-chose. Il a
décidé de ne pas nous répondre sur "ces instruments" qu'il
veut se donner pour améliorer la francisation ou la
"francophonisa-tion".
M. ROY: D'ailleurs, je pense que cela va lui reposer les jambes. On va
l'enlever de la patinoire.
M. BURNS: II pourra enlever ses patins. En terminant, je veux simplement
lui signaler quelque chose. Quand on parlait tantôt de la
récupération de certains pouvoirs quant à la
sélection des immigrants et quant à tout le moins, à un
droit de veto, le ministre doit ne pas souhaiter que cela soit un gouvernement
conservateur qui soit au pouvoir le 8 juillet parce que j'ai un extrait du
journal Le Jour du 28 mai 1974 c'est récent où on
voit que
d'une part, M. Roch Lasalle qui est candidat dans Joliette est favorable
à ce que le Québec obtienne des pouvoirs élargis en
matière d'immigration, principalement sur la sélection des
nouveaux immigrants. Un peu plus bas, dans le même article, on cite que
M. Stanfield a déclaré que quant à lui, il favorisait le
maintien de la situation actuelle, que le Québec avait suffisamment de
pouvoirs pour se débrouiller. Je ne sais pas mais...
M. BIENVENUE: Je réponds. Je souhaite effectivement le
retour...
M. ROY: II ne faut pas oublier qu'il y a le maire Jones
également...
M. BIENVENUE: ... parlant comme ministre de l'Immigration, du
gouvernement actuel et de l'actuel titulaire du ministère de la
Main-d'Oeu-vre et de l'Immigration.
M. BURNS: Comme cela, vous ne ferez pas comme votre collègue, le
ministre des Communications. Vous n'enverrez pas une lettre de bons souhaits
à M. Roch Lasalle.
M. BIENVENUE: II semble que j'ai été plus heureux que mon
collègue du ministère des Communications dans mes
négociations avec le gouvernement central. Alors, mon homologue fait mon
affaire et je souhaite sa réélection. Je le lui ai écrit
d'ailleurs.
M. BURNS: J'aimerais, étant donné que je n'ai pas d'autres
questions...
M. ROY: J'en aurais bien d'autres, mais j'en anticipe les
réponses.
M. BIENVENUE: Je peux peut-être vous faire des surprises.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que le programme 1...
M. BURNS: Non. On va faire le tour d'autres affaires. Je voudrais
simplement, à ce moment-ci, prendre l'occasion pour permettre au
ministre de faire le point sur certaines des priorités de son
ministère et je dois lui dire que c'est un peu inquiétant de voir
les ministres de l'Immigration se succéder les uns après les
autres, sans que véritablement, ce qu'ils nous disent avoir à
l'esprit semble se réaliser dans le concret.
Je vais commencer par référer le ministre au journal des
Débats du 15 mai l'année dernière à la page B-1528,
c'était toujours l'étude des crédits. C'est heureusement
le même ministre à qui on parle cette année. Le ministre
avait affirmé ceci. "... Alors les bureaux régionaux sont un
autre des projets, des rêves que nous caressons d'avoir et cela a
été un manque absolu parce qu'il n'y a pas que Montréal.
J'ai déjà parlé de la "démétropolisation..."
Je dois dire que le ministre est très fort en néologismes, soit
dit en passant.
M. BIENVENUE: En quoi?
M. BURNS: En néologismes, la création de nouveaux mots. Je
reprends la citation. "J'ai déjà parlé de la
"démétropolisation", qui serait une des grandes solutions au
problème, non seulement économique, mais socio-culturel et
linguistique.
Alors, nous aurions des bureaux régionaux dans tout le
Québec" J'aimerais savoir de la part du ministre, vu qu'on est un an
plus tard, où en est rendue cette "démétropolisation" des
bureaux régionaux? Est-ce qu'il y a d'autres bureaux que les bureaux de
Montréal?
M. BIENVENUE: Nous avons des bureaux évidemment à
Québec.
M. BURNS: A Québec, oui.
M. BIENVENUE: En ce qui concerne ces bureaux régionaux, M. le
Président...
M. BURNS: Excusez, mais à Québec, ce sont les bureaux du
ministère.
M. BIENVENUE: C'est cela.
M. BURNS: Ce ne sont pas les bureaux régionaux, comme tels?
M. BIENVENUE: Si, c'est un bureau régional.
M. BURNS: C'est un bureau régional, mais ce n'est...
M. BIENVENUE: Qui est dans la région de Québec.
M. BURNS: Ce ne sont pas les bureaux du ministère comme tels, je
veux dire, ce sont d'autres bureaux, à part les bureaux du
ministère. Vous comprenez ce que je veux dire?
M. BIENVENUE: Oui, c'est exact.
M. BURNS: Ce sont des bureaux d'accueil.
M. BIENVENUE: C'est une succursale du ministère de l'Immigration
située à Montréal, c'est une succursale située dans
la région de Québec.
M. BURNS: D'accord. Je vous écoute.
M. BIENVENUE: En ce qui concerne ces bureaux régionaux, nous
avons fait des études plus poussées, des études
systématiques qui nous ont amenés à penser qu'on pourrait
probablement atteindre les mêmes objectifs, avec des coûts
moindres, évidemment. On me comprendra de parler de coûts moindres
avec...
M. BURNS: Avec le budget que vous avez...
M. BIENVENUE: Avec mon superbudget. En développant à
Montréal et à Québec des services mobiles aux employeurs,
il se fait du progrès de ce côté; ces services sont
assurés par des professionnels qui se rendront à la demande
là où s'expriment les besoins. Il n'est évidemment pas dit
cependant que l'on ne reviendra pas plus tard, ultérieurement, à
l'idée de bureaux régionaux, si le besoin s'en fait sentir de
façon aiguë, et si telle est la politique générale du
gouvernement. On avait songé, je me le rappelle, on se le rappellera,
à la possibilité d'installer des gens dans ces bureaux
régionaux qui sont ceux du ministère québécois du
Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je répète qu'après
étude, on en est venu à la conclusion que mieux valait
peut-être avoir des équipes mobiles qui se rendent là
où sont les besoins. Il se fait du progrès de ce
côté. Notre direction générale de
l'établissement est de plus en plus en contact avec des employeurs du
Québec qui ont des pénuries de main-d'oeuvre, quoi que l'on pense
ou que l'on dise ou que l'on ait dit au sujet des immigrants piqueurs de "job".
Il est des domaines où il y a des pénuries aiguës de
main-d'oeuvre. Alors, les gens, à partir du bureau de Québec ou
du centre, qui est le ministère à Montréal, rencontrent
ces employeurs pour tâcher d'aider à satisfaire leurs besoins.
Des progrès notables sont à souligner dans ce domaine
depuis plusieurs mois.
M. BURNS: Si le ministre me permet juste de l'interrompre ici, quand il
parle de domaines où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, est-ce
qu'il pense entre autres au domaine des mines?
M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS: Je lui signale que lors d'un récent passage dans la
région de Chibougamau, j'avais entendu parler de la possibilité
qu'il y ait une espèce d'immigration massive et importante d'Antillais
pour aller travailler dans les mines. Est-ce que c'est exact?
M. BIENVENUE: Non, pas des Antillais pour répondre à la
question d'Antillais, mais il est exact que, dans le milieu, le monde des
mines, l'industrie minière, il y a des carences, des pénuries
plus aiguës dans certains coins. Ces gens sont en contact avec nous, au
moment où je vous parle, c'est un des domaines auxquels je faisais
allusion, avec la direction générale de l'établissement
à mon ministère.
Je pense aussi au domaine hôtelier où les immigrants
on me cite au journal des Débats "où les immigrants ne
piquent pas de "job". Mais où il y a un problème grave. Je
m'explique. D'une part, l'aspect purement négatif. Si, demain matin,
vous vouliez retirer des grands hôtels, de tous les plus grands
hôtels de la périphérie de la région de
Montréal, les
Québécois d'origine ethnique différente de la
nôtre, vous verriez la fermeture de ces hôtels dans les meilleures
heures. Voilà pour l'aspect négatif. Par ailleurs, le
problème est tellement aigu qu'on prévoit une pénurie
d'ici peu de temps de 4,000 personnes pour oeuvrer, pour travailler dans le
monde hôtelier face à la demande accrue, je pense entre autres,
à la venue des Jeux olympiques, etc., mais face également
à l'accroissement normal des besoins et de la clientèle dans ces
établissements hôteliers. Je ne parle pas de la restauration, mais
c'est un peu la même chose. Si vous n'aviez pas, dans ces cas en
particulier, des Québécois d'origine ethnique différente,
ça vient de finir, pour employer une expression populaire.
Il y a une relation étroite avec le ministère de la
Main-d'Oeuvre et avec la main-d'oeuvre évidemment indiquant que cette
pénurie est réelle, et non pas le fruit d'un patronat qui ne
respecte pas les normes; je fais allusion au "cheap labor". Il y a une
pénurie réelle, aiguë et inquiétante. C'est un des
domaines là aussi...
M. BURNS: Dans le cas des mines, si le ministre me permet de
l'interrompre, c'est un cas de "cheap labor". On envisage même, dans
certaines mines actuellement, parce qu'on ne peut pas avoir de mineurs, de
revenir à la fin XIXe et d'embaucher des femmes. Il y a même
certaines mines où c'est fait déjà, on embauche des femmes
pour certaines tâches, parce que justement les mineurs se disent:
Plutôt que d'aller brûler ma santé sous terre...
M. BIENVENUE: C'est mieux de brûler celle de ma femme.
M. BURNS: ... à ce prix, je vais aller dans la construction.
Habituellement, ce n'est pas la femme du mineur qui va à la mine, parce
que le mineur a déjà l'expérience. Il lui dit de ne pas y
aller.
En tout cas, je remarquais simplement cette affirmation du ministre,
savoir que dans certains domaines, ce n'est pas une question de "cheap
labor".
M. BIENVENUE: Non, mais je pense que dans tous les domaines, en disant
que ce n'était pas du "cheap labor"...
M. BURNS: Dans le domaine de l'hôtellerie aussi, il y a sans doute
un problème de salaire, parce que s'il y a des endroits où on
travaille au salaire minimum, c'est bien là.
M. BIENVENUE: D'ailleurs, je veux souligner au député de
Maisonneuve que, dans tous ces cas, avant de procéder à la
prospection, au recrutement de gens pour ces domaines où on nous signale
des pénuries, le ministère demande des expertises, en
étroite collaboration avec le ministère québécois
du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour savoir ce qui en est de cette
question des taux et du salaire. Nous ne voulons pas, ni de près,
ni de loin, être complices dans une effervescence du "cheap labor" au
Québec. J'ai parlé tout à l'heure, au début de mes
remarques, d'êtres humains c'est à dessein que j'ai
employé, entre autres, le mot "humain" au lieu de citoyen de
même zone que nous, d'êtres humains comme nous qui ne doivent pas,
de par leur origine, être pénalisés dans ce domaine comme
dans d'autres.
M. BURNS: Est-ce qu'il y a d'autres domaines où votre
ministère est actuellement en train d'étudier les
possibilités de...
M. BIENVENUE: L'agriculture évidemment. Je l'ai
déjà souligné...
M. BURNS: D'accord.
M. BIENVENUE: ... à une autre séance de la commission.
Dans l'industrie du bois aussi, dans le domaine forestier, des pâtes et
papiers, il y a pénurie.
M. BURNS: En somme, revenant à ma question première, je
dois comprendre que ce que le ministre nous disait l'année
passée, comme étant le projet qu'il caressait chèrement,
celui des bureaux régionaux, a été mis de
côté pour des questions financières principalement.
M. BIENVENUE: Oui, financières, parce que je souligne, en
passant, que lorsque nous avons fait part de nos aspirations, lors de la
dernière révision de programmes pour 1974/75, le Conseil du
trésor qui a des dents, lui aussi, souvent, nous a demandé de
reporter à plus tard cette demande. L'argent, le nerf de la guerre, est
toujours là présent.
Maintenant, nous songeons aussi à des primes
d'établissement pour favoriser la décentralisation ou la
"démétropolisation" dont parlait le député de
Maisonneuve, trouver, encore une fois je m'excuse, mais le mot est plus clair
en anglais, des "incentives" pour convaincre les gens de s'éloigner du
grand centre et de s'établir en province, ce qui, on l'a
déjà indiqué, présente tous les avantages que l'on
sait au point de vue, entre autres, de la culture et de la langue, et je parle
surtout de la langue évidemment.
On a pensé à ces primes à l'établissement,
plus loin, à l'extérieur des grands centres; là aussi,
cela prend ce que je viens de dire, du fric, et on n'en a pas à revendre
au ministère de l'Immigration du Québec.
M. BURNS: Est-ce à dire que si jamais le ministre obtenait des
crédits supplémentaires de l'ordre de $15 millions, comme il l'a
déjà mentionné, à ce moment-là, on pourrait
repenser à l'établissement des bureaux régionaux?
M. BIENVENUE: Oui, sûrement, là et dans d'autres domaines,
on pourrait nous donner des outils. Je rappelle au député de
Maisonneuve, que si jamais nous obtenons, je devrais plutôt dire, lorsque
nous aurons obtenu les pouvoirs accrus que nous demandons au
fédéral pour l'étranger notamment, il faudra de l'argent
pour payer ces nouveaux et plus nombreux fonctionnaires que nous voulons
répandre de par le monde, bien ailleurs qu'aux trois ou quatre endroits
où nous en avons actuellement. Tant sur le plan extérieur
qu'intérieur, avec l'argent auquel fait allusion le député
de Maisonneuve, nous pourrions nous outiller davantage et augmenter le
personnel, les effectifs dans notre direction d'établissement, dont
c'était justement une des responsabilités.
M. BURNS: En somme, actuellement, il n'y a que deux bureaux
régionaux au Québec, si je comprends bien les réponses du
ministre?
M. BIENVENUE: En somme, c'est cela. M. BURNS: Un à
Montréal et un à Québec. M. BIENVENUE: En permanence. M.
BURNS: En permanence.
M. BIENVENUE: Outre ces équipes mobiles dont j'ai
parlé.
M. BURNS: Quel est le personnel en poste au bureau régional de
Québec?
M. BIENVENUE: Neuf personnes.
M. BURNS: J'imagine que vous avez là-dedans un agent
régional d'immigration et tous les autres postes?
M. BIENVENUE: Un chef de bureau est évidemment responsable des
huit autres. Il y a donc un chef de bureau, deux agents de main-d'oeuvre dont
la principale occupation est justement celle dont on parle depuis un instant,
deux agents d'accueil, parce que l'on sait que certains immigrants, en nombre
beaucoup moins nombreux, arrivent à Québec plutôt
qu'à Montréal, deux personnes qui sont à l'adaptation,
autre direction générale qui suit dans l'ordre chronologique et
logique l'établissement et qui s'occupe en particulier de l'aspect du
COF, dans l'adaptation ici même, à Québec, et enfin deux
personnes au niveau du personnel de soutien.
M. BURNS: Me référant toujours à la même
source, c'est-à-dire, le journal des Débats de l'année
passée, à la page B-1535, vous aviez dit, à ce
moment-là, que des seize personnes rattachées au cabinet du
ministre, trois se trouvaient à Matane. Autres temps, autres moeurs,
autres lieux! Est-ce que ces trois personnes sont toujours à Matane?
M. BIENVENUE: Non. Je suis bien heureux...
M. BURNS: Est-ce qu'elles sont dans le comté de Crémazie
maintenant?
M. BIENVENUE: De ces trois personnes qui étaient à Matane,
deux sont à Crémazie. Autres temps, autres moeurs et autres
problèmes! Je suis heureux de dire au député de
Maisonneuve que, soucieux de donner l'exemple, face à ce tout petit
ministère et à ce tout petit budget, j'ai vu à faire
réduire ce nombre de seize personnes au nombre de neuf personnes. C'est
une économie qui n'est pas trop mal, qui n'est pas loin de 50 p.c.
M. BURNS: Vous voulez dire des seize personnes qui étaient
rattachées à votre cabinet, cela a été
réduit à neuf personnes?
M. BIENVENUE: C'est cela. Mon chef de cabinet me dit, à
l'oreille, que c'est grâce aux talents...
M. BURNS: Est-ce qu'il y a moins de chefs... M. BIENVENUE: ...
cumulatifs.
M. BURNS: En somme, vous appliquez simplement la règle: Moins de
chefs, plus d'Indiens probablement? C'est peut-être cela.
M. BIENVENUE: La règle: Moins de monde, plus d'économie et
plus de travail.
M. BURNS: Que font ces personnes attachées à votre cabinet
dans le comté du ministre? S'agit-il de bureaux régionaux ou,
d'embryons de bureaux régionaux?
M. BIENVENUE: Non. Une des deux est l'équivalent de ce que mon
collègue, le député de Maisonneuve a dans son
comté, soit un secrétaire de comté, comme ont droit tous
les députés. L'autre est une jeune fille de soutien qui tape des
lettres à la machine et qui répond gentiment au
téléphone.
M. BURNS: En somme, vous avez, comme député, le
secrétaire de comté habituel auquel tout député a
droit et vous avez une personne additionnelle.
M. BIENVENUE: C'est cela.
M. BURNS: C'est une bonne économie par rapport à
l'année dernière.
M. BIENVENUE: Cette personne, je le dis avec un sourire, reçoit
même parfois des lettres d'ex-électeurs de Matane.
M. ROY: Ce n'est pas elle qui reçoit des lettres anonymes que
vous mentionniez tout à l'heure?
M. BIENVENUE: Non, celles-là habituelle- ment sont
adressées bien à moi. Elles se reconnaissent, avant même
que l'on ouvre l'enveloppe, par l'écriture carrée, par
l'écriture en lettres moulées qui se trouvent sur
l'enveloppe.
M. BURNS: Egalement, M. le ministre, l'année dernière,
toujours en étudiant vos crédits, je cite ce que vous nous
disiez: "Dans la restructuration dont j'ai parlé
précédemment nous allons constituer un fichier et
ça aussi c'était une carence, ça aussi ça pressait
depuis longtemps des immigrants à travers le Québec". Je
continue la citation: "Et ce sera là encore une des
responsabilités de cette direction nouvelle de la recherche dont j'ai
parlé".
Par la suite, à la page 1528, vous nous dites également:
"C'est le système de fichier universel que l'on veut établir qui,
lui aussi, est absolument nécessaire".
On sait que la direction de la recherche a été
effectivement constituée. Où en est rendu votre fichier
universel?
M. BIENVENUE: Je suis heureux de relire ce que j'avais lu à
l'ouverture de l'étude de ces crédits, ce que j'ai lu la semaine
dernière et que je relis pour la troisième fois.
C'est tout cela et d'ailleurs déjà deux fois dans le
journal des Débats.
L'envoi des formulaires 1,000, qui, pour la première fois nous
sont fournis depuis 1968 et qui nous rentrent maintenant
régulièrement, à la fin du présent exercice, nous
permet de constituer, c'est en train de se faire au moment où je vous
parle, le fichier de notre clientèle dans l'optique suivante: Mieux
connaître les nouveaux arrivants pour les mieux servir. Quand je dis
"mieux connaître", j'avais même dit l'autre fois, "les
connaître avant de les mieux connaître".
Le Centre de traitement électronique des données traite
présentement les premières tranches de renseignements
statistiques qui seront disponibles à tous, hommes politiques,
députés, chercheurs, journalistes, et autres. Je soulignais
l'autre jour qu'un récent article du journal Le Deoir a diffusé
cette nouvelle et a commenté abondamment cette initiative.
C'est en marche et d'ici peu de jours on va publier notre premier
bulletin statistique. Le fichier évidemment est en confection à
partir de ces renseignements qui remontent rétroactivement en 1968.
M. BURNS: En somme, est-ce que je dois comprendre que ce que vous
annonciez comme le fichier universel l'année dernière ce sont des
renseignements fédéraux, à toutes fins pratiques?
M. BIENVENUE: Evidemment.
M. BURNS: Que vous avez réussi à soutirer du
ministère fédéral?
M. BIENVENUE: C'est cela. Evidemment.
M. BURNS: II n'y a pas d'autres éléments que vous avez
l'intention de mettre dans votre fichier universel?
M. BIENVENUE: Voici, ce sont les mêmes que ceux que nous voudrions
avoir parce que ces renseignements nous donnent à peu près tout,
sauf la marque de cigarettes que fument les nouveaux arrivants: nom, adresse,
le lieu de naissance, âge, statut matrimonial, occupation, etc.
M. BURNS: Comment se fait-il, M. le ministre, qu'il a fallu tellement de
temps pour obtenir ces renseignements?
M. BIENVENUE: Je réponds au député de Maisonneuve
que c'est parce que cela n'avait jamais été demandé par
personne à personne.
M. BURNS: II y avait vraiment de l'action dans ce ministère.
M. BIENVENUE: J'ai déjà parlé de cette
léthargie que nous avions constatée après à peine
quatre ou cinq ans d'existence et à laquelle nous avons voulu mettre fin
dans ce que j'ai appelé cette première opération qui
consistait à faire le ménage et ensuite à se lancer en
mouvement.
M. BURNS: Je constate que vous avez décidé d'être en
mouvement. Et ce fichier, vous nous dites...
M. BIENVENUE: Nous essayons.
M. BURNS: ... qu'il va être disponible...
M. BIENVENUE: Oui, au moment où on se parle, il est en train de
se faire. Cela avance bien, sauf erreur je n'ai pas été le
voir fonctionner mais les statistiques qui en sont le fruit, qui en
découlent, vont être les premières pour la
première fois dans l'histoire du Québec à
être publiées et cela d'ici quelques jours. Les maquettes sont
à l'impression.
M. ROY: Avant l'étude du projet de loi 22. M. BURNS: On
l'espère bien, en tout cas.
M. BIENVENUE: On aura tout à compter de 1968. Le
député de Maisonneuve retrouvera là-dedans le rapport, le
lien direct immigration-langue. J'assure le député de Maisonneuve
et avec beaucoup plus de facilité, je suis beaucoup plus détendu
cette fois-ci pour lui dire qu'il n'y a rien de prévu, il n'y a rien de
systématique, il n'y a rien de voulu, eu égard au projet de loi
22 et que si cela avait pu sortir hier, j'aurais été heureux de
le déposer aujourd'hui, devant lui, peu importe le projet de loi 22, son
avenir, son passé et son présent. Aucun rapport. Tant mieux si le
député de Maisonneuve y trouve, le plus tôt possible, je le
souhaite, des chiffres et des statistiques qui le desservent.
M. BURNS: Qui le desservent?
M. BIENVENUE: Qui le servent, pardon ! Je voulais voir si le
député me suivait!
M. BURNS: Ah, je vous écoute!
M. ROY: Le ministre peut donc nous assurer que ces chiffres vont
être déposés avant l'étude du projet de loi 22.
M. BIENVENUE: Si cela ne devait pas l'être, c'est parce qu'il
arriverait un drame, parce que mon ministère prendrait feu, parce que
les machines sauteraient. Quant à moi, je le répète, si
cela avait pu être ce matin, je l'aurais fait avec plaisir.
M. BURNS: D'accord! Il est une heure. Mes informations, M. le
Président, à moins qu'il y ait changement concernant l'heure du
lunch, sont qu'à quatre heures ou après la période des
questions, nous reprendrions, entre autres, l'étude des crédits
du ministère de l'Immigration. Maintenant, il est toujours possible
qu'à l'heure du lunch, le leader du gouvernement manifeste des
idées de changement, mais ce que je sais également, c'est
qu'aussitôt que les crédits du ministère de l'Immigration
seraient terminés, on veut, semble-t-il, véhiculer à cette
commission-ci l'étude des crédits du ministère des
Finances, qui n'est pas terminée.
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve et celui de
Beauce-Sud pourraient-ils je ne les force pas, il n'y a, Dieu merci,
aucune indiscrétion à la base de ma question nous fournir
une indication plus ou moins précise qui me permettrait d'organiser mon
ordre du jour en conséquence. Je dois, en principe, recevoir vers cinq
heures un groupe qui intéresse beaucoup de près le
député de Maisonneuve qui lui est même sympathique, je
pense, je dois les recevoir...
M. BURNS: Vous m'inquiétez.
M. BIENVENUE: J'en suis presque au point d'inviter le
député de Maisonneuve à se joindre au groupe.
M. BURNS: Pourvu que cela ne soit pas l'Association du Parti
québécois de Maisonneuve.
M. BIENVENUE: Non, non. Je devais les recevoir vers cinq heures.
Croyez-vous que c'est irréaliste ou non? C'est simplement dans ce
but.
M. BURNS: Je peux difficilement assurer le ministre qu'on aura
terminé à cinq heures. Je peux presque assurer le ministre qu'on
aura terminé aujourd'hui. Quant à lui dire que ce sera
terminé à cinq heures, je n'aurais pas d'objection, à
moins que mon collègue de Beauce-Sud en ait, si on n'a pas
terminé à cinq heures de suspendre jusqu'à la reprise
normale à 8 h 15.
M. ROY: Je serais bien d'accord pour apporter ma collaboration et
permettre au ministre de recevoir...
M. BIENVENUE: On pourrait dire 5 h 15. Mais j'insiste pour dire que ce
sont des amis du député de Maisonneuve.
M. BURNS: Surtout si ce sont de mes amis, je n'ai pas honte de mes amis,
alors à ce moment on pourra suspendre à cinq heures.
M. BIENVENUE: Enfin, on pourrait s'entendre pour aller entre cinq heures
ou cinq heures trente. Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, étant donné que
nous ne connaissons pas l'opinion précise ou la décision
précise du leader du gouvernement, nous allons ajourner sine die, quitte
à reprendre cet après-midi si nous en recevons l'avis.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
Reprise de la séance à 16 h 15
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration
reprend ses travaux. Nous avons quorum. Je tiens à le souligner.
M. BURNS: Toujours dans les problèmes généraux que
le ministre nous avait annoncés l'année dernière, encore
une fois je me réfère aux crédits du 15 mai 1973, au
journal des Débats, page 1534, alors que le ministre nous affirmait:
"Nous avons un programme précis de perfectionnement de nos hauts
fonctionnaires," j'aimerais connaître les grandes lignes de ce programme
précis, afin de savoir si, effectivement, ce programme a
été mis en application et comment, et tout ce que le ministre
peut mettre autour d'une question comme celle-là.
M. BIENVENUE: Là aussi je fais la même remarque que ce
matin. Ce sera, sauf erreur, la trosième fois.
M. BURNS: Oui, mais je veux les dégager, au cas où le
ministre ne le saurait pas. Je sais qu'il a sorti, dans un tas d'informations,
au début, dans sa déclaration, certaines des choses que je veux
toucher. Ce sont des choses qui méritent d'être
dégagées de l'ensemble du débat. C'est dans ce sens que je
la pose.
M. BIENVENUE: J'en ai parlé la semaine dernière aussi,
mais je le relis avec plaisir.
M. BURNS: D'accord.
M. BIENVENUE: Quant au programme de perfectionnement du personnel, la
situation est et était la suivante la semaine dernière: Un
administrateur sur six, au ministère, est inscrit à la
maîtrise en administration publique de l'ENAP et vient de suivre la
première année du programme à temps partiel qui se
déroule sur trois années. Deux professionnels attachés
à l'administration de la classe II suivent le même programme. Un
professionnel spécialiste en sciences de l'éducation, classe I,
subit actuellement les tests pour son inscription au programme normal de la
maîtrise en administration publique de l'ENAP, pour la session de
septembre prochain. Un professionnel agent de recherche et de planification de
la classe II est rentré, en décembre dernier, d'un séjour
d'un an à l'Ecole internationale de Bordeaux, école
créée par l'agence technique de coopération. Enfin, un
autre professionnel, attaché d'administration à la classe I, a
terminé avec succès, en mai 1973, sa scolarité de
maîtrise en service social, faite à temps partiel.
Je le disais la semaine dernière, et je le répète,
vous admettrez sans doute avec moi que
pour un ministère de 147 postes à l'effectif, le programme
de perfectionnement du personnel est assez intéressant, puisqu'il porte
sur 4 p.c. des effectifs. Evidemment, je pense bien que le député
de Maisonneuve conçoit avec moi que plus l'effectif est restreint
on parle ici de 147, au lieu de 1,000 ou 5,000 ou 10,000 plus chaque
fonctionnaire prend de l'importance, quant à la fonction et au
rôle qu'il joue dans la machine, qui est plus petite, évidemment,
dans le cas actuel, et moins il a de temps disponible. Donc, plus l'absence de
l'un ou de l'autre est remarquée et peut présenter des
conséquences. Je dis au député de Maisonneuve, sous
réserve de notre budget, des dimensions de notre effectif, de
l'importance du ministère, qu'on ne peut pas faire un plus gros effort
sans se priver de chevilles fort utiles pour le déroulement normal de
notre administration.
M. BURNS: Est-ce que le ministre est en mesure d'évaluer la part
de son budget de l'année dernière qui a été
consacrée à ce programme de perfectionnement? Quelle est la part
du budget de cette année qui est consacrée à ces
programmes de perfectionnement?
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve voulait
réserver sa question, ou ma réponse pour un peu plus tard, parce
que c'est un calcul qui n'est pas facile, il n'a pas été fait,
mais d'ici quelques minutes, je devrais pouvoir lui donner la
réponse.
M. BURNS: Très bien. J'attendrai la réponse du
ministre.
Concernant le comité consultatif dont on a parlé
brièvement ce matin, le ministre nous a dit que jusqu'à
maintenant il y a eu trois réunions, la dernière date d'hier. Mes
informations, qui ont été prises avant la rencontre d'hier,
étaient qu'il y avait eu deux rencontres de ce comité
consultatif.
M. BIENVENUE: Deux plus une, il y en a eu trois.
M. BURNS: Donc, deux plus une, cela s'équilibre, on s'entend, il
y en a eu trois.
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve continue
d'être bien renseigné.
M. BURNS: Oui. J'aimerais que le ministre nous dise, à toutes
fins pratiques, sur quoi les deux premières, celles dont je connaissais
l'existence, au début de l'étude des prévisions
budgétaires, ont fait porter leurs délibérations.
M. BIENVENUE: On continue...
M. BURNS: Je ne l'empêche pas de nous dire d'ailleurs plus en
détail ce sur quoi ont porté les délibérations de
la troisième. Je sais qu'il a été question du projet de
loi 22. Il a sans doute été question d'autre chose aussi.
Est-ce que le ministre peut faire une espèce de portrait global
des délibérations des trois rencontres du comité
consultatif du ministère?
M. BIENVENUE: Normalement et sous réserve de cette
première remarque, M. le Président, là aussi je peux me
tromper, mais je pense de bonne foi...
M. BURNS: Excusez-moi, mais est-ce que le ministre y assiste
généralement? Est-ce qu'il a assisté aux trois rencontres
tenues jusqu'à maintenant?
M. BIENVENUE: J'ai une moyenne de 100 p.c. de présence.
M. BURNS: C'est bien. C'est mieux que bien des députés
libéraux en Chambre.
Pas ceux qui sont ici, cela ne vise personne de ceux qui sont ici, je ne
sais pas pourquoi le député d'Anjou réagit cela ne le vise
pas, il est là souvent.
M. TARDIF: Je ne me suis pas senti visé.
M. BURNS: Non? Pourquoi réagissez-vous alors?
M. TARDIF: Parce que je trouve que c'est injuste comme rumeur.
M. BURNS: Mais le député de Sainte-Marie est visé.
Lui, je ne le blâme pas de se rebeller.
M. MALEPART: Je ne jouerai pas le jeu du député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je ne joue pas de jeu. J'écoute le ministre.
M. BIENVENUE: J'allais dire que je ne suis pas du tout certain que je
doive obligatoirement dévoiler le sujet de ces
délibération qui, comme on le sait, sont à huis clos. Ces
gens se réunissent pour informer, conseiller, aviser le ministre d'un
ministère donné. Sous réserve de cette remarque, je veux
dire que la première réunion, comme c'était normal, a
porté surtout sur des sujets bien préliminaires, entre autres le
fait de se connaître les uns et les autres, parce que l'on parle toujours
de cette première réunion. Elle a donc porté sur des
sujets d'intérêt très général, des sujets
très préliminaires. Toujours au sujet de cette première
réunion, on a parlé surtout des projets de réglementation
éventuelle, de procès-verbaux, de convocations, etc. et
d'échanges très vastes, très vagues sur de grands sujets
"at large" sans jamais entrer dans aucun en particulier.
Au cours de la deuxième réunion, nous nous sommes
penchés bien davantage sur ce mémoire qui a fait l'objet d'une
fuite, comme on l'a dit, sur son contenu et j'ai demandé l'avis des
membres du comité consultatif sur ce mémoire, sur ses principales
clauses, ses retombées éven-
tuelles, etc. Quant à la dernière séance qui s'est
déroulée hier, il a été question, comme je l'ai dit
ce matin, d'un projet de loi qui crée tant d'effervescence depuis une
semaine, le projet de loi 22. Il a été question à nouveau
de ce mémoire aux autorités fédérales venant du
Québec, parce qu'il y a un lien bien étroit, bien intime, sur
bien des plans entre les deux sujets et il a également été
question de choses de routine ayant trait à la réglementation du
comité consultatif. Ce sont les grandes lignes des trois rencontres que
nous avons eues. Evidemment, plus elles seront nombreuses, plus elles seront
intéressantes, parce que c'est un sujet tellement vaste, l'immigration,
il y a tellement de volets qui peuvent être discutés,
observés et amenés sur le tapis que, évidemment, plus ces
rencontres auront lieu, plus elles seront nombreuses, plus elles seront
intéressantes.
M. BURNS: Je comprends la remarque préliminaire du ministre
lorsqu'il dit qu'il ne se sent pas obligé, dans le fond, de nous donner
un rapport complet des délibérations et que, par la suite, il
accepte de me dire certains sujets qui ont été
traités.
M. BIENVENUE: J'ai vraiment couvert les sujets qui me reviennent
à l'esprit.
M. BURNS: Je croyais que, de la part du ministre, c'était une
façon de ne pas me dire certaines choses qui ont été
discutées aux réunions. Je ne dois pas comprendre cela?
M. BIENVENUE: Non, pas du tout. M. BURNS: Bon.
M. BIENVENUE: Je ne voulais, d'une part, ni créer de
précédents, ni, d'autre part, oublier la réserve que j'ai
faite, mais je n'ai vraiment rien caché.
M. BURNS: Sauf que, je vais plus loin que cela, M. le ministre, dans le
cas de la plupart des conseils consultatifs que nous connaissions, au Travail,
à la Justice, entre autres, et le Conseil supérieur de
l'éducation, il y a des rapports officiels qui sont publiés
annuellement. Le Conseil consultatif, en tout cas, du travail et de la
main-d'oeuvre publie un rapport, le Conseil consultatif de la justice publie un
rapport également. Ce ne serait peut-être pas une mauvaise affaire
si ce comité consultatif devait avoir ou acquérir une certaine
permanence ou un caractère de permanence, que l'on envisage même
de publier un rapport de leurs délibérations.
M. BIENVENUE: Je note l'excellente suggestion du député de
Maisonneuve et je lui répète que je n'ai rien caché, au
contraire, j'ai donné de mémoire tous les grands sujets qui s'y
sont discutés et j'ai pris un risque en le faisant.
Je ne serais pas plus surpris que le député de Maisonneuve
eût vent du contenu de ces discussions. Est-ce que j'ai été
complet dans mon rapport?
M. BURNS: Non, je peux dire qu'à ma connaissance vous avez
été complet.
Cependant et c'est cela le point auquel je voulais en venir
je remarque une chose qui ne se fait pas, par exemple, dans un autre
conseil consultatif que je connais assez bien, celui du travail et de la
main-d'oeuvre, c'est que quand il arrive des choses majeures et importantes, on
demande, puisque c'est un conseil consultatif, l'opinion avant d'agir au niveau
du ministère. Je sais que le ministère du Travail, par exemple,
se propose actuellement de soumettre un certain nombre d'amendements au code du
travail, certaines réformes au niveau des commissions, comme la
Commission des accidents du travail ou la Commission du salaire minimum et ce
sont des points que l'on soumet à l'avance au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. On fait un peu la même chose... Je pense
que votre collègue de la Justice fait un peu la même chose avec le
Conseil consultatif de la justice. Prenons l'exemple que l'on a vécu en
décembre, quand il a envisagé d'augmenter le salaire des juges de
$28,000 à $33,000. Ce qu'il a fait, c'est qu'il a soumis, même si
l'on était pas d'accord on était d'accord sur le fait
qu'il le soumette au conseil consultatif d'avance le
problème.
Vous avez là deux problèmes majeurs qui ont
été soumis au comité consultatif du ministère de
l'Immigration, soit le fameux mémoire secret ou discret, selon
l'expression du ministre, a son collègue fédéral ou
à son homologue fédéral, M. Andras, relativement à
la récupération d'un certain nombre de pouvoirs.
Deuxièmement, j'apprends que le projet de loi no 22, qui est
déjà déposé depuis une semaine, fait l'objet d'une
étude depuis hier au comité consultatif. Je trouve qu'à ce
moment ce n'est pas véritablement un comité consultatif, c'est un
comité de consultation après coup, c'est un peu si on disait
à quelqu'un: Regarde, j'ai fait cela. Qu'est-ce que tu en penses?
Penses-tu que j'ai bien fait? Dans mon esprit, n'importe quel comité
consultatif est un comité que l'on consulte a priori, pas une fois que
les choses sont faites et, si ces comités ont une valeur, c'est parce
que l'on s'imagine qu'il y a un certain nombre de gens qui sont là et
qui peuvent agir comme experts. Je comprends que les hauts fonctionnaires du
ministère sont aussi des experts qui conseillent les ministres. Il n'y a
pas de doute et c'est dans tous les ministères. C'est normal que le
sous-ministre et tous les autres hauts fonctionnaires conseillent le ministre
dans ses orientations, mais, si on prend la peine de former, en dehors des
cadres du ministère, un conseil consultatif quelconque, il me semble
que, si on veut être logique avec soi-même, il faut le consulter
avant que le geste soit posé. Certes, j'aurais trouvé normal
et
j'aimerais savoir quelle est la philosophie du ministre
là-dessus qu'il consulte le comité consultatif avant le
dépôt du projet de loi no 22.
Si le ministre ne voulait pas leur donner le texte lui-même, au
moins les grandes lignes du projet de loi, surtout, dans le cas du
mémoire qui était adressé à M. Andras, le ministre
de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration au fédéral. Quel est le
point de vue du ministre sur le fait de consulter a posteriori ces gens sur des
affaires importantes comme celles-là?
M. BIENVENUE: C'est une bonne question. Je vais essayer d'y
répondre le plus objectivement possible. C'est avec raison, qu'en parle
le député de Maisonneuve. Dans le cas du mémoire aux
autorités fédérales de la Main-d'Oeuvre et de
l'Immigration, je dois rappeler que ce mémoire a commencé
à être en gestation et, subséquemment, en rédaction
à compter de l'automne dernier, plus particulièrement à
compter, sauf erreur, de la fin de septembre dernier. Mais le comité
consultatif dont on parle n'a siégé, pour la première
fois, qu'en janvier. C'était le 27 janvier, presque en février,
il venait d'être formé. Il n'a eu sa première
réunion comme je l'ai dit, c'était une réunion pour
les préliminaires, les questions de règlements et de
convocations, etc., pour faire connaissance les uns avec les autres
qu'à la fin de janvier ou en février. Par conséquent, il
était impossible, pour des raisons évidentes, de consulter ces
gens au moment de la confection du mémoire qui, lui, a été
confectionné dans les mois et les semaines qui ont
précédé.
Non seulement cela, mais on me rappelle aussi que le comité
consultatif, même en janvier, lors de sa première réunion
réunion bien partielle, bien incomplète
était à l'image de la composition du comité,
c'est-à-dire incomplet. Le comité n'est pas encore complet. Il
est presque complet, mais il ne l'est pas encore au moment où je vous
parle. Alors, en gros, le comité n'était formé qu'aux deux
tiers à la fin de janvier, alors qu'il n'était pas question des
deux tiers, mais de la totalité du mémoire qui était
confectionné à l'époque ou précédemment,
parce que c'est à peu près vers les mêmes dates que j'ai
eu, avec mon homologue fédéral, la rencontre qui était
à la base et qui a déclenché tout cela.
Le député de Maisonneuve me donne un exemple que je
retiens, celui du ministère de la Justice où, avant de lancer en
première lecture le projet de loi pour augmenter le traitement des juges
au Québec, le comité consultatif...
M. BURNS: Je mentionnais celui-là, mais j'aurais pu mentionner
également la Loi des petites créances, la Loi de l'aide
juridique...
M. BIENVENUE: D'accord.
M. BURNS: ... tous les projets majeurs du ministère.
M. BIENVENUE: Justement, la distinction que je fais entre ces cas du
ministère de la Justice et le cas du ministère actuel, au moment
où on parle du projet de loi 22, c'est que, précisément,
dans le cas du ministère de la Justice, c'étaient des lois de ce
ministère, déposées et proposées à
l'adoption de la Chambre par le ministre de la Justice.
Dans le cas qui nous occupe maintenant au sujet du projet de loi 22, ce
n'est pas une loi du ministère de l'Immigration, comme on le sait; c'est
une loi du ministère de l'Education. Je n'avais pas sur cette loi le
parfait contrôle qu'avait le ministre de la Justice sur les lois de la
justice dont on vient de parler. Evidemment, il m'était difficile,
à toutes fins pratiques, sinon impossible de consulter les gens du
Comité consultatif de l'immigration je sais à quoi pense
le député de Maisonneuve sur ce projet qui était
celui d'un autre ministère. Celui qui vous parle ne se promenait pas sur
la rue avec des textes du projet de loi 22 avant qu'il soit
déposé en première lecture. Ce projet de loi a
été bien protégé, bien entouré.
Enfin, pour ce qui est de la réunion d'hier, je dis au
député de Maisonneuve...
M. BURNS: On a même su que le caucus a été averti
après coup, après le dépôt.
M. BIENVENUE: J'écoute parler le député de
Maisonneuve et je ne réponds pas.
M. BURNS: Vous en avez le goût, par exemple. Laissez-vous donc
aller un peu !
M. BIENVENUE: Je rappelle au député de Maisonneuve
qu'hier, lors de cette troisième réunion du comité
consultatif d'immigration, on a mis sur pied, et seulement hier, les
premières bases, les premières pierres d'un sous-comité
des règlements ou de la réglementation à ce comité
consultatif qui, justement, va se pencher sur la stratégie, sur les
modalités d'une réglementation pour prévoir des cas comme
celui auquel fait allusion le député de Maisonneuve. Je dis cela
pour bien montrer à quel point nous en sommes encore vraiment au
début. C'est une chose toute nouvelle qui, elle aussi, a tardé,
parce que ce comité existait dans notre loi, mais seulement dans notre
loi, depuis la création du ministère, il y a cinq ans. Toutefois
le comité est vraiment venu au monde sur ses deux pattes, depuis
l'étude de nos crédits, il y a un an, et suivant l'engagement que
j'avais pris à ce moment-là.
Je comprends les préoccupations du député de
Maisonneuve et j'ai soigneusement noté sa recommandation pour l'avenir
au point de vue des rapports, au point de vue de la consultation et nous allons
essayer, là comme ailleurs, de faire du rattrapage.
M. BURNS: M. le ministre, si je pose cette question, c'est que je
regarde les gens qui forment le comité. Si mes informations sont
bonnes, elles devraient l'être, c'est le bulletin du
ministère que j'ai devant les yeux, Québec Monde, les personnes
qui forment le comité, c'est-à-dire M. Maurice Champagne,
directeur général de la Ligue des droits de l'homme, M. Lucien
Darveau, président du bien-être des immigrants à
Québec, M. Dale Thompson, vice-recteur à la planification de
l'Université McGill et les cinq membres que le comité compte en
plus, c'est-à-dire, M. Henri Gautrin... Est-ce celui qui est
occupé par d'autres choses actuellement?
M. BIENVENUE: C'est le père de celui...
M. BURNS: C'est son père. Ce n'est pas François?
M. BIENVENUE: C'est celui qui fait vivre l'autre.
M. BURNS: Bon. M. Gautrin va être content d'entendre cela.
M. BIENVENUE: II faudrait que l'on inscrive mon sourire au journal des
Débats.
M. BURNS: M. Maurice Legault, M. Sarto Marchand, Mme Monica Matte et M.
Thomas Monti. Une chance que le député des Iles-de-la-Madeleine
n'est pas ici, parce qu'il aurait sûrement sursauté quand j'ai
mentionné le nom de M. Sarto Marchand.
Quoiqu'il en soit, il semble que l'on a affaire à un groupe de
gens qui, chacun dans son domaine, ont des éléments de
compétence qui peuvent amener des opinions intéressantes au
ministère.
Je parlerai d'ailleurs d'un élément du comité
consultatif un peu plus loin, mais il y a une question que je me pose. Je vois
des gens qui ont des opinions aussi diverses que M. Maurice Champagne et M.
Dale Thompson. Le ministre le mentionnait lui-même ce matin, M.
Champagne, d'une part, comme secrétaire de la Ligue des droits de
l'homme, est contre le projet de loi 22. M. Dale Thompson, selon une nouvelle
qui paraît dans le Devoir de ce matin, se dit pour sa part favorable au
projet mais avec des réticences...
M. BIENVENUE: Des réserves.
M. BURNS: Beaucoup de réticences, d'après ce que j'ai pu
voir.
Quant au domaine précis de l'Immigration, qu'est-ce qui arrive si
votre comité consultatif avec toutes les divergences que l'on peut lui
connaître, réussit à se faire une idée unique et
vous recommande quelque chose qui va à l'encontre du projet de loi no
22?
C'est ce que je me pose, comme question de fait. Comment, dans les
faits, vous débrouillez-vous avec un problème comme
celui-là?
M. BIENVENUE: Si je m'arrête au choix théorique, il va de
soi que la réponse ressemble un peu à ce que l'on s'est dit ce
matin. Elle pourrait être qu'où je rejette quant à moi le
rapport unanime, n'est-ce pas, ou que je le retiens pour le soumettre au
conseil des ministres, l'avaler moi-même, ensuite le soumettre aux autres
ou je parle toujours en pure, stricte et idéale théorie
j'en fais ma position. On est absolument dans le jeu amusant des
théories à la limite. Ou c'est ma position ou cela peut le
devenir ou cela peut ne jamais le devenir ou j'essaie de le vendre aux autres,
si cela le devient. Je ne peux pas aller plus loin dans
l'énumération de tous les volets d'hypothèse qui peuvent
s'ensuivre. Je comprends la question du député.
M. BURNS: On connaît l'émotivité qui entoure ce
projet de loi et surtout je dois dire que le premier ministre, à
certaines occasions, est même hystérique, même qu'il traite
les autres d'orangistes, d'excentriques et d'extrémistes; on
connaît son attitude sur le projet de loi 22.
Disons, par hypothèse, que votre comité consultatif arrive
avec quelque chose d'important en matière d'immigration. Je vous ai dit
ce matin que, selon mon opinion, en matière d'immigration,
c'était de la foutaise, le bill 22. Je maintiens mon opinion; je n'ai
pas changé d'idée durant l'heure du lunch. Mais il est possible
que ce comité arrive avec des recommandations sérieuses au
ministre qui méritent vraiment de s'y arrêter au niveau de sa
juridiction propre, c'est-à-dire quant à l'aspect de
l'immigration via la langue.
M. BIENVENUE: Je dis tout de suite qu'indépendamment de ma propre
opinion je l'ai dit, je pense, il y a un instant je me ferai un
devoir de communiquer cette opinion majoritaire ou ce consensus de mon
comité consultatif à mes collègues du conseil des
ministres, au ministre de l'Education, au premier ministre. Evidemment, tout le
monde siège autour de la même table. J'ajoute en vitesse et je
laisse ensuite continuer le député de Maisonneuve que ces gens
que nous avons tenté de choisir pour leur valeur respective je
pense que le choix est fort heureux ont su, jusqu'à maintenant,
discuter qu'on me prenne à témoin de ça de
façon absolument rationnelle, avec fort peu d'émotivité,
un sujet aussi important. De cela, je leur rends témoignage.
M. BURNS: Si je soulève cette question, c'est que je trouve qu'on
ne met pas toutes les chances de notre côté. Avec les engagements
publics que le premier ministre et le ministre de l'Education prennent depuis
quelques jours, en fait depuis moins d'une semaine, je me demande si, à
un moment donné, même si les recommandations du comité
consultatif étaient ultravalables, pour des raisons politiques, à
cause du fait qu'on les place devant une situation de fait déjà
acquise, ces gens ne
sentiront pas ou bien l'inutilité de certaines recommandations
valables qu'ils pourraient vous faire ou encore si les recommandations valables
que ces personnes pourraient vous faire ne seront pas tout simplement mises de
côté parce que ce serait, jusqu'à un certain point', comme
certaines gens le pensent déjà, perdre la face de reculer sur le
bill 22.
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve, qui est juriste et
qui connaît bien son règlement de l'Assemblée nationale,
conviendra avec moi que son interrogation il s'interroge tout haut
devant nous est évidemment très hypothétique. Je
sais à quoi il fait allusion. N'importe qui, autour de cette table, peut
se poser la même question, tant au sujet d'un groupement politique ou
d'un autre. Dans le contexte politique du Québec, en 1974, si on
convainquait le gouvernement Bourassa je fais comme le
député de Maisonneuve, évidemment; j'espère qu'on
me cite bien, je pense tout haut de la futilité ou de la
faiblesse du bill 22, jusqu'à quel point, pour des motifs politiques, a
dit le député de Maisonneuve, serait-il en mesure de reculer? Par
contre, jusqu'à quel point, si un jour je ne crois pas avoir
jamais ce talent moi ou un autre, nous convainquions le
député de Maisonneuve ou le Parti québécois de la
futilité où du mal fondé de la thèse de la
séparation, réussirions-nous à les convaincre? Il y a
toujours le contexte politique.
M. BURNS: Je suis toujours ouvert, moi, j'écoute toujours les
arguments, sauf que je n'en ai jamais entendu de bons encore jusqu'à
maintenant.
M. BIENVENUE: Moi aussi, je suis ouvert. C'est pour ça que
j'écoute le député de Maisonneuve avec beaucoup
d'intérêt depuis ce matin.
M. BURNS: Je suis bien prêt à vous expliquer un tas de
choses là-dessus, je n'ai pas d'objection, mais j'ai l'impression que le
président me rappellerait à l'ordre et qu'il me dirait: Parlez
donc des crédits du ministère.
M. BIENVENUE: Enfin, disons, pour revenir à une note
sérieuse, que j'ai bien dit devant le député de
Maisonneuve et on ne s'est pas consulté à l'avance, Dieu
merci, ni en cela ni en autre chose que je me ferais un devoir de porter
à la connaissance de mes collègues tout mémoire que me
ferait mon comité consultatif, dans un sens ou dans l'autre, tendant
vers une conclusion ou vers la conclusion opposée. Je le ferais, car je
pense que c'est de la saine démocratie. Je reviens toujours à
l'histoire. S'il est un cas où la population doit participer, où
les organismes doivent participer, dont celui-là, c'est bien celui
où l'on se penche, pour la première fois, depuis un siècle
je le dis sans drame et sans orchestre sur le problème
combien vital de notre identité nationale, de notre langue et de notre
culture.
C'est très important, et parce que c'est important, le
comité consultatif de l'immigration mérite autant que d'autres
organismes de voir son message porté à la connaissance de ceux
qui le dirigent, et je m'y engage sans hésitation.
M. BURNS: Bon, en tout cas, on verra avec le temps. J'espère que
si ces délibérations ou si un rapport quelconque sont
publiés de la part du comité consultatif, on saura exactement
quelle a été, même a posteriori, la position du
comité consultatif relativement au projet de loi 22. Ce sera
peut-être seulement l'année prochaine, aux crédits, qu'on
pourra en reparler au ministre, mais comme on le suit d'année en
année...
M. BIENVENUE: Et on le suit bien. M. BURNS: Oui, on le suit de
près.
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me le permet,
j'ai la réponse à la question qu'il me posait tout à
l'heure quant à l'exercice budgétaire 1973/74. Les 4 p.c. des
effectifs dont on a parlé et qui ont suivi des cours de
perfectionnement, cela a encouru une dépense d'environ je dis bien
environ parce que ce n'est pas facile $50,000, soit une proportion
à peu près semblable à celle de 3 p.c. du montant des
salaires des effectifs. Pour 1974/75, évidemment, l'avenir étant
ce qu'il est, je puis parler vraisemblablement des mêmes montants avec
évidemment, dans le contexte actuel, le même pourcentage
d'effectifs. Mais, cela, c'est pour l'avenir; ça ne peut pas être
aussi rigoureusement précis.
M. BURNS: En somme, ce n'est pas encore budgétisé pour
l'année qui vient, c'est ça? C'est-à-dire que c'est au
budget, mais vous ne savez pas quelle part sera affectée à
ça?
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve l'a compris: il
s'agit de cours ou d'activités d'instruction ou de perfectionnement pris
sur le temps de ces employés. Il est difficile de faire autrement que de
le budgétiser sur la base du salaire gagné par ces
employés. En d'autres termes on ne pourrait pas, je l'ai dit tout
à l'heure, se payer le luxe de vider à l'infini les effectifs de
notre ministère, combien restreints, pour envoyer tout le monde se
perfectionner, parce qu'alors il faudrait les remplacer par d'autres. On essaie
de combiner temps d'emploi et temps de perfectionnement.
M. BURNS: Bon, bon. Je reviens au comité consultatif je
remercie le ministre pour l'information à ce sujet et en
particulier à M. Dale Thompson. Ce n'est pas dans mon habitude de
critiquer la compétence de hauts fonctionnaires ou de gens qui occupent
des fonctions semblables. Sans être des fonctionnaires, ces personnes
occupent des fonctions très pro-
ches, et il y a quand même une similitude avec les conseillers du
ministre qui sont ses hauts fonctionnaires. Malgré cela, je suis
obligé de noter, eu égard aux négociations que le ministre
a déjà entreprises ou amorcées avec le gouvernement
fédéral relativement à la récupération de
certains pouvoirs par exemple, le mémoire qui a été
produit auprès de M. Andras je suis obligé de noter,
dis-je, que M. Thompson a été longtemps un haut fonctionnaire
fédéral, à ma connaissance, et qu'il est même encore
aujourd'hui conseiller du caucus libéral fédéral dont,
à ce que je sache, M. Andras fait partie.
Est-ce que le ministre a envisagé certaines inquiétudes
relativement à cette espèce de double personnalité de M.
Thompson? Je ne mets pas en doute son intégrité ni quoi que ce
soit, mais vous avez une personne qui, dans le fond, siège à un
de vos comités consultatifs, à un de vos instruments de
consultation et qui, d'autre part, est possiblement une personne qui pourrait
être utilisée de l'autre côté, c'est-à-dire du
côté fédéral. Il n'y a pas de doute qu'au
départ les intérêts des deux ministères,
fédéral et provincial, ne sont pas nécessairement les
mêmes.
Il est peut-être de l'intérêt du ministère
fédéral de garder le plus de pouvoirs possible en matière
d'immigration donc de laisser au ministère québécois le
moins de concessions possible. Il est d'autre part dans l'intérêt
du ministère québécois de l'Immigration de
récupérer le plus de pouvoirs possible en matière
d'immigration, que ce soit au niveau simple du veto ou même encore sur le
droit de parole au niveau du recrutement.
Je pose la question au ministre: Est-ce qu'il ne s'agit pas d'un cas de
personne qui coiffe deux chapeaux différents, eu égard à
un même problème, c'est-à-dire la
récupération des pouvoirs du ministère
québécois de l'Immigration? Est-ce que le ministre a
envisagé cette possibilité?
M. BIENVENUE: Oui, dans le cas de M. Thompson, je savais qu'il avait
déjà été pendant plusieurs années au service
de l'administration fédérale; je l'avais appris c'est un
vieux souvenir pour moi que je révèle au député de
Maisonneuve d'un homme pour qui j'avais énormément
d'admiration et qui était mon aîné au Barreau de
Québec, M. Saint-Laurent dont M. Thompson a été, pendant
plusieurs années, sauf erreur, le chef de cabinet. M. Saint-Laurent, un
jour, je ne sais pas par quel hasard on parlait de M. Thompson, il y a de cela
quelques années avant sa mort, m'avait parlé de cet homme comme
ce qui lui paraissait être le prototype parfait du Canadien anglophone
vivant au Québec et présentant toutes les caractéristiques
de ce que doit être un bon Canadien qui, en même temps, peut
être un bon Québécois. Et cela m'avait toujours
marqué.
Qu'il soit conseiller auprès du caucus libéral
fédéral, j'avoue que je l'apprends de la bouche même et
à l'instant du député de Maisonneuve.
Nous avons retenu les services de M. Thompson, à cause de ce que
j'ai dit il y a un instant, parce que j'ai eu l'occasion de le lire souvent,
d'entendre les commentaires de ceux qui le connaissent. Je sais que le
gouvernement américain et les universités, américaines
comme canadiennes, ont souvent eu recours à son intelligence, à
sa culture, à sa grande compétence et à son
honnêteté intellectuelle. Je sais que c'est d'ailleurs pour cette
raison que l'université McGill lui a confié d'importantes
fonctions. Par ailleurs, je voulais absolument, dans un esprit que je crois
être, je pense du moins, de saine démocratie, que le plus grand
nombre possible de minorités soient représentées à
ce comité consultatif. Nous avons des gens de différents groupes
ethniques; j'ai même voulu que la couleur...
M. BURNS: Soit représentée.
M. BIENVENUE: Oui, que la peau des individus soit
représentée et j'y attache combien d'importance! Là aussi
notre choix a été combien heureux, quelle intelligence que M.
Vély Leroy, auquel je fais allusion, quelle belle intelligence et quelle
merveilleuse intégration à la communauté francophone et
canadienne à la fois.
Il était, je pense, bien normal que, parmi toutes ces
minorités, il y en ait une, soit la minorité anglophone, qui soit
représentée par un personnage que je voulais aussi ouvert, aussi
large d'esprit, aussi bien reconnu dans différents milieux que l'est M.
Thompson.
Evidemment, au chapitre des conflits d'intérêts, un autre
choix dont je me réjouis chaque jour davantage est celui de M.
Champagne, qui est secrétaire général de la Ligue des
droits de l'homme. Je ne crois pas qu'à tous les jours M. Champagne
encense la présente administration, je pense même qu'à
l'occasion du bill 22 il y est allé assez abondamment et
généreusement de ses commentaires de dissension. Alors, je vous
avoue que je ne vois pas plus de conflits d'intérêts entre,
disons, un bonhomme comme M. Champagne et nous, qu'entre M. Thompson et nous.
Je puis vous dire je rends ce témoignage aussi que M.
Thompson, au cours des réunions auxquelles il a assisté dans ce
comité consultatif, a mis en évidence, a fait montre des
qualités que je viens d'énumérer, et sa largeur de vues en
a impressionné plusieurs et était bien à la hauteur des
commentaires que l'on m'en avait fait.
Je connais assez, de ce que je connais de M. Thompson, son
intégrité personnelle pour savoir qu'il se serait fait ou qu'il
se fera éventuellement, si le cas devait se poser, le premier à
invoquer ce conflit d'intérêts et à se retirer. Je vous
avoue qu'à ce jour je n'ai qu'à me féliciter de son choix,
comme d'ailleurs de tous et chacun de ceux qui constituent ce comité
consultatif et qui savent et M. Champagne en est un exemple faire
la part des choses, c'est-à-dire se dissocier d'un organisme au moment
où ils siègent dans un autre.
M. BURNS: Je suis heureux d'entendre le ministre le dire. Si je
soulevais le cas c'est que, comme on nage en plein milieu de conflits
d'intérêts depuis quelque temps, à des niveaux encore
supérieurs à ceux qu'on examine actuellement, c'était
peut-être bon de le mentionner avant le coup pour ne pas qu'à un
moment donné les gens ne se rendent pas compte qu'ils sont susceptibles
d'être dans une situation de conflits d'intérêts. Si le
ministre en est conscient, j'en suis parfaitement heureux et je présume
que M. Thompson en est également conscient. Il ne faudrait pas qu'on
dise après coup, si jamais on vient l'année prochaine avec des
remarques à ce sujet, qu'on n'aura pas averti le ministère
d'avance.
M. BIENVENUE: D'accord, le député de Maisonneuve fait son
devoir et je n'ai aucune arrière-pensée face à la question
qu'il a posée.
M. BURNS: D'accord. Autre problème, M. le ministre. Dans vos
crédits de l'année dernière vous nous disiez
toujours au journal des Débats du 15 mai, à la page B-1519
que vous vouliez augmenter le nombre de vos postes à l'étranger.
A ce que je sache, à moins que mes informations ne soient pas exactes,
il n'y aurait pas eu d'augmentation de vos postes à
l'étranger.
M. BIENVENUE: Votre information...
M. BURNS: J'aimerais savoir si c'est exact.
M. BIENVENUE: L'information du député de Maisonneuve est
rigoureusement exacte. Je dis tout de suite, pour enlever toute confusion, que
telle augmentation est intimement et directement liée aux fameux
pouvoirs que nous négocions avec Ottawa actuellement,
c'est-à-dire que, dès que nous en arriverons avec une entente sur
ce que nous recherchons, ce nombre de postes à l'étranger sera
substantiellement accru. Je le répète, j'aurais souhaité
qu'il n'y ait pas d'élections fédérales pour
peut-être pouvoir répondre au passé au député
de Maisonneuve. Mais là je suis obligé de répondre au
futur, dans l'expectative que cette entente soit conclue et que, au budget de
l'année prochaine, on parle au passé en disant qu'il y en a tant
de nouveaux...
M. BURNS: Bon.
M. BIENVENUE: ... dans certains pays.
M. BURNS: Vraisemblablement, si...
M. BIENVENUE: Plus, évidemment, ce qui suit toujours, ce qui
s'appelle le budget additionnel...
M. BURNS Oui, je n'ai pas...
M. BIENVENUE: ... qui servira en partie à défrayer le
traitement de ces nouveaux fonctionnaires. L'un attend l'autre, il y a une
espèce de cercle vicieux.
M. BURNS: D'accord, mais ce que j'allais dire c'est que,
vraisemblablement, toute augmentation éventuelle des nombres de postes
à l'étranger va de pair avec une certaine politique du
ministère. Alors, est-ce que le ministre peut nous dire, advenant
il y a deux si qu'il récupère un certain nombre de
pouvoirs du fédéral et advenant qu'il ait les budgets suffisants,
quelle est la politique précise du ministère qui est
derrière cette augmentation des postes à l'étranger?
En même temps, le ministre pourrait-il songer, en répondant
à cette question, à me dire quels sont ces postes qu'il entend
ouvrir, dans quelles villes, me dire également s'il a déjà
pressenti des candidats?
M. BIENVENUE: II y a des candidats qui nous ont pressenti...
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: ... et nous n'en avons pas encore pressenti.
M. BURNS: Vous n'en avez pas pressenti. A celle-là, il est facile
de répondre; il y aurait l'autre aussi, dans quelles villes? Sinon dans
quelles villes, du moins dans quels pays?
M. BIENVENUE: Oui, je me reporte à nouveau en le
regrettant, mais c'est utile à l'occasion aux propos que je
tenais à l'Assemblée nationale le 26 mars 1974, donc assez
récemment, où je répondais à la principale partie,
la partie importante de la question du député de Maisonneuve, et
je "nous" cite: Pour répondre aux contraintes déjà
expliquées...
M. BURNS: Quand vous dites "nous", vous voulez dire vous et vos hauts
fonctionnaires qui ont travaillé au document?
M. BIENVENUE: C'est ça, ou alors moi, très
modestement.
Pour répondre aux contraintes déjà
expliquées une telle situation...
M. BURNS: A quelle page, M. le ministre?
M. BIENVENUE: A la page 10 de l'allocution en question.
Pour répondre aux contraintes déjà
expliquées, une telle situation ne saurait convenir, et les termes de
l'entente, ce que j'ai dit ce matin, doivent conséquemment être
négociés. Une politique satisfaisante d'information, de
sélection et de recrutement devrait alors être fondée sur
trois principes essentiels.
Premier principe: la polarisation. C'est là qu'on établit
des pôles. Mon ministère disposerait d'une équipe de quatre
ou cinq agents
d'immigration localisés dans un pôle continental et
là j'ai cité, à titre d'exemple, l'Europe, l'Afrique,
l'Asie, l'Amérique latine, l'Amérique du Nord, qui elle serait
couverte depuis le Québec évidemment. Il conviendra de
déterminer exactement le lieu d'implantation de ces pôles.
Deuxième principe: la localisation. On va du plus vaste au plus
étroit là, n'est-ce pas? L'entente actuelle devrait être
révisée pour obtenir que les ambassades canadiennes soient, non
seulement des lieux de résidence permanente des agents provinciaux dans
les pôles où il n'y a pas de Maison du Québec, mais
également des lieux d'accueil des missions itinérantes et
cela est un concept nouveau de sélection et de recrutement.
Troisième principe: la mobilité. Celui en vertu duquel des
agents d'immigration du Québec rayonneraient depuis leur base, où
qu'elle soit de par le monde, pour deux types d'interventions. D'une part, des
missions périodiques de sélection, selon des calendriers
établis en accord avec les autorités fédérales,
missions au cours desquelles seraient examinées et traitées
toutes les candidatures destinées au Québec.
Conclusion logique qui en découle, la province devrait en outre
obtenir le droit de s'opposer à des candidats qui ne correspondent pas
à ses besoins. C'est là que nous avions parlé de
l'éventuel permis de travail.
D'autre part, des missions de recrutement destinées à
stimuler les mouvements migratoires, soit des missions générales
de recrutement dans des bassins qui intéressent le Québec, et
notamment les pays francophones ou ceux dont les résidences sont
francophonisables c'est là que j'avais inclus les citoyens du
Royaume-Uni soit des missions spécifiques de recrutement
destinées à combler certaines pénuries de
main-d'oeuvre.
J'exprimais le voeu que des employeurs québécois se
joignent à de telles missions qui rejoindraient un tant soit peu la
notion de missions dont je parlais ce matin, à l'intérieur
même du Québec.
Là-bas ce seraient des missions pour trouver les individus alors
qu'ici ce seraient des missions pour trouver les besoins.
A l'occasion de ces missions de recrutement, toutes les formules
auraient suite. Les formules attachées aux candidatures dans les
différents pays où nous irions voir les candidats seraient
à notre disposition là-bas de façon que personne ne vienne
au Québec sans que nous soyons consultés dans chaque cas. Il ne
faut pas confondre ces formules avec la formule 1000 dont j'ai parlé,
qui, elle, est à partir d'ici au pays lors de l'arrivée d'un
immigrant.
M. BURNS: Je reviendrai plus tard, M. le Président, sur les trois
principes mentionnés par le ministre, soit la polarisation, la
localisation et la mobilité. Mais je dois dire au ministre qu'il ne
m'apprend rien quand il me dit que son ministère, selon le premier des
principes, la polarisation, disposerait d'une équipe de quatre ou cinq
agents d'immigration localisés dans un pôle continental et il nous
nomme les cinq continents. Je comprends que les cinq continents
l'intéressent, l'Europe, l'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine et
l'Amérique du Nord, mais est-ce qu'il ne peut pas être plus
précis dans...
M. BIENVENUE: C'est-à-dire...
M. BURNS: Je donne l'exemple de Bruxelles, où on a une Maison du
Québec, je pense, sans avoir un agent d'immigration.
M. BIENVENUE: C'est exact.
M. BURNS: C'est ça que je veux dire là.
M. BIENVENUE: Vous voulez que je devienne beaucoup plus précis
dans les endroits?
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: Bon.
M. BURNS C'est-à-dire, ma question était: Admettant que
vous récupéreriez les pouvoirsque vous voulez
récupérer du fédéral et admettant que les
suppléments budgétaires que vous demandez vous soient
accordés, dans quelle ville au moins dans .quel pays?
M. BIENVENUE: Tout d'abord, en Europe occidentale, le pôle normal
et c'est en fait actuellement l'endroit où nous avons le plus de
représentants serait Paris, en France, pôle, comme je l'ai
expliqué, à partir duquel des missions circuleraient.
Le député conviendra avec moi qu'à moins que nous
ayons un jour des budgets fantastiques, nous ne pouvons pas nous payer le luxe
d'un agent dans les principales capitales de l'Europe occidentale, de la
même façon qu'il y a, si on veut, des ambassades
fédérales dans les principaux pays. Ce ou ces agents je
devrais dire ces agents, dans le cas de Paris rayonneraient vers les
principales ambassades environnantes, et c'est là l'objet d'une de nos
discussions, pour y avoir des pieds-à-terre.
Dans le cas de l'Europe orientale, du Moyen-Orient, c'est
évidemment Beyrouth, peut-être avec un point d'interrogation, mais
comme nous avons déjà là un homme en poste au Liban, terre
absolument pacifique dans tout ce volcan qui l'entoure, je pense que Beyrouth
continuerait d'être l'endroit tout désigné, jusqu'à
preuve du contraire.
Dans le cas de l'Afrique, nous avons mis un gros point d'interrogation
et je ne peux pas donner la réponse que j'ignore moi-même.
Dans le cas de l'Amérique latine, nous...
M. BURNS: Vous n'avez pas pensé à Dakar qui est en plein
milieu de tout ça.
M. BIENVENUE: Le jeu de mots serait trop facile de dire: D'accord.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: On y a pensé, c'est une excellente suggestion. Cela
peut être Abidjan. Ce sont des endroits auxquels nous avons pensé,
mais j'avoue que nous sommes moins précis là que pour ce qui est
de l'Europe.
En Amérique latine, nous avons pensé à Buenos
Aires. Le bureau d'immigration fédéral y est déjà
installé, et jusqu'à nouvel ordre, pour couvrir l'Amérique
du Nord et l'Asie, Montréal demeurerait le port d'attache.
Evidemment, on réalise qu'on s'interroge dans tous ces domaines.
Il n'y a pas que les autorités fédérales, il y a le
ministère québécois des Affaires intergouvernementales qui
a son mot à dire dans ce domaine et avec qui nous sommes actuellement en
pleins pourparlers pour prévoir, advenant que tout débloque sur
le plan fédéral. Nous sommes déjà en pourparlers
avec les Affaires intergouvernementales, ici à Québec, mais je
répète toujours au député de Maisonneuve qu'il y a
un problème budgétaire, de la même façon que nous en
aurions s'il fallait, du jour au lendemain, avoir des ambassades dans les
principaux pays du monde.
M. BURNS: Actuellement, ceux qui sont sur place, aux endroits où
vous en avez, je pense qu'ils sont dans les ambassades canadiennes.
M. BIENVENUE: Sauf à Paris, où ils sont logés
à la Maison du Québec.
M. BURNS: A la Maison du Québec.
Est-ce qu'éventuellement vous envisageriez, dans les cas
où il y a déjà des maisons du Québec...
M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS: ... d'y installer vos gens?
M. BIENVENUE: Réponse: Prioritairement. C'est normal, cela
évite le double emploi ou le dédoublement. C'est parfaitement
normal que ce soit là de façon prioritaire. Mais comme il n'y a
pas et que je ne prévois pas de maisons du Québec partout pour
très bientôt, il faut évidemment songer à
l'ambassade du Canada où, évidemment, nos représentants
sont tout près, à la portée des renseignements et des
documents qui les intéressent. De là la nécessité
de changer l'entente Lang-Cloutier, comme je l'ai dit ce matin.
M. BURNS: Je sais que le ministre avait un rendez-vous, je n'ai pas
d'objection à suspendre quand il me fera signe de le faire. C'est
évident qu'on ne pourra pas terminer avant ce soir.
M. BIENVENUE: J'ai certains de mes visiteurs avec moi, fort
sympathiques, dans cette salle. Je regarde pour voir s'ils ont l'air impatient,
mais ils n'ont pas l'air impatient. Ils ont l'air souriant. On peut
arrêter tout de suite.
M. BURNS: Libre à vous, M. le ministre. Je vous avais dit ce midi
que je n'avais pas d'objection à suspendre. Libre à vous, je n'ai
pas d'objection à revenir à vingt heures.
M. BIENVENUE: Le peuple est souverain.
M. BURNS: Si ce sont les gens des COFI que vous devez rencontrer...
est-ce que c'est ça? Ce n'est peut-être pas mauvais que vous les
rencontriez maintenant, parce que j'aurai des questions à vous poser
relativement aux COFI, ce soir.
M. BIENVENUE: Que de générosité!
M. BURNS: Je pourrais vous les poser avant, mais...
M. BIENVENUE: Les réponses seront peut-être meilleures si
je les vois avant.
M. BURNS: Elles seront peut-être meilleures, c'est ça, si
vous les voyez avant...
M. BIENVENUE: Vingt heures ou vingt heures quinze?
M. BURNS: Vingt heures.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission suspend ses travaux
jusqu'à vingt heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 10)
Reprise de la séance à 20 h 15
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration
reprend ses travaux pour l'étude des crédits du ministère
de l'Immigration et je cède la parole au député de
Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, vous avez failli faire un lapsus bien
le "fun".
LE PRESIDENT (M. Cornellier): En effet, mais je m'en suis aperçu
à temps.
M. BIENVENUE: Je l'ai manqué, qu'est-ce que c'était?
M. BURNS: II a failli parler du ministère de l'Edu... de
l'Immigration.
M. BIENVENUE: De l'Edugration. M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): J'ai seulement frôlé le
lapsus. Je me suis corrigé assez tôt.
M. BURNS: Vous avez bien fait, M. le Président. D'ailleurs, M. le
ministre, c'était une partie de nos discussions, dans les jours qui ont
précédé.
Alors, M. le Président, à la fin de la séance, nous
étions, je pense...
Je ne vous dérange pas, les whips adjoints?
M. GIASSON: Nous sommes tous attentifs à vos propos.
M. BURNS: D'accord, venez vous joindre à nous, s'il vous
plaît.
Le problème que je veux soulever et qui relève toujours
des bureaux à l'extérieur du Québec se
réfère, encore une fois, à des déclarations du
ministre en date du 15 mai 1973, page B-1527, où le ministre nous dit:
"II y aura M. André Ménard sur qui je fonde aussi les plus grands
espoirs pour nous représenter à Paris". En dehors de la lettre
que M. Ménard a adressée à l'appui de M. René
Gagnon...
M. BIENVENUE: Au premier ministre du Québec.
M. BURNS: ... je tiens à le mentionner, lettre qui, du même
coup, s'en prenait au député de Maisonneuve, en date du 5
juillet, pour votre information.
M. BIENVENUE: Que j'ai lue devant une certaine commission
d'enquête...
M. BURNS: Oui, que vous avez lue devant une certaine commission
d'enquête. Le 5 juillet, il semble que ce M. André Ménard
écrivait une lettre de recommandation en faveur de M. Gagnon, et soit
dit en passant, ce n'est pas ma conception, je n'attaque pas de fonctionnaires.
Je me violente même certaines fois pour ne pas attaquer de
fonctionnaires, parce que c'est un peu la raison d'ailleurs pour laquelle nous
demandons qu'un sous-ministre, lorsqu'il parle au nom du ministre, enregistre
ses propos au nom du ministre. C'est-à-dire que je puisse dire au
ministre: Vous avez dit telle et telle chose, alors que c'est son sous-ministre
qui l'a dite. Je pense que c'est une règle d'éthique. Je
mentionne cela, en passant, tout simplement.
M. BIENVENUE: II vous attaquait comment?
M. BURNS: Je vais vous citer l'extrait pertinent. Je pense que je l'ai
devant moi, ici. De toute façon, je n'ai pas l'extrait devant moi.
M. BIENVENUE: Cela me frappe.
M. BURNS: Vous l'avez lu devant la CECO, je pense. Vous en avez lu des
extraits.
M. BIENVENUE: Tout, au complet. M. BURNS: Au complet?
M. BIENVENUE: Oui. Et je ne me rappelle pas...
M. BURNS: La lettre de M. Ménard disait qu'il comprenait mal que
j'aie attaqué ce pauvre M. Gagnon, grosso modo.
M. BIENVENUE: Disons que c'était une attaque négative, en
ce sens que, face à la recommandation qu'il donnait au sujet du
personnage en question, il disait à la façon négative: Je
me surprends qu'on l'ait attaqué. Mais je ne crois pas réellement
qu'il ait voulu attaquer...
M. BURNS: Non. Sauf qu'on se référait à mes
déclarations ou à mes questions en date du 5 juillet en Chambre.
Peu importe, je ne veux pas faire un débat là-dessus.
J'aimerais que le ministre nous dise ou puisse nous renseigner sur ce
qu'on appelle généralement le "background", ou le curriculum
vitae de M. Ménard. Est-ce qu'il est toujours en poste?
M. BIENVENUE: De mémoire, pendant qu'on me jette quelques notes,
parce que nous n'avons pas le curriculum vitae de M. Ménard,
d'après les quelques notes qu'on rédige à mon intention,
je dirai au député de Maisonneuve que M. Ménard
était entré en fonction au service du ministère de
l'Immigration avant que j'y arrive moi-même, comme ce fut le cas de M.
Gagnon dont on vient de parler.
M. Ménard était à l'emploi de mon collègue,
le ministre de l'Education qui, à l'époque, était ministre
de l'Immigration et c'est lui qui l'avait embauché, c'est lui qui le
connaissait. Je suis arrivé, il était déjà
là et il occupait le poste de secrétaire particulier adjoint au
cabinet du ministre de l'Immigration à Montréal. Au moment
où nous avons eu à remplacer un fonctionnaire qui, à
l'expiration de son engagement de deux ou trois ans, je pense, devait revenir
de Paris vers Montréal, ce fonctionnaire est effectivement revenu et M.
Ménard, qui avait eu vent de l'ouverture de ce poste, cette vacance
à Paris, avait fait application auprès de moi et de mes hauts
fonctionnaires pour remplir ce poste. Après étude de son dossier,
de son curriculum vitae, de ce que j'essaie de recueillir pour vous donner plus
de détails, nous avions convenu qu'il remplissait parfaitement les
normes que nous attendions d'un agent d'immigration du Québec à
Paris ou ailleurs. C'est de cette façon qu'il est devenu fonctionnaire,
agent d'immigration du Québec à Paris, où il est toujours
et où les rapports que j'ai sur son sujet comme d'ailleurs sur les deux
ou trois autres qui sont là sont excellents. On me parle toujours de
l'excellent boulot fait par les agents d'immigration du Québec à
Paris, dont M. Ménard, évidemment, qui fait partie de
l'équipe. Sans vouloir anticiper sur les questions du
député de Maisonneuve, je veux dire que cette lettre à
caractère très privé que j'avais lue pour les besoins de
la cause et qui m'avait été envoyée parce qu'elle portait
quand même sur un personnage dont on sait qu'il était en cause
à ce moment-là et sous lequel il avait servi, lui, comme
secrétaire particulier adjoint, cette lettre, dis-je, était
adressée au premier ministre que M. Ménard connaissait intimement
et depuis longtemps, dans le passé. Je n'étais pas au courant de
cela, j'ai appris tout cela par la suite, mais il le connaissait intimement au
point de le tutoyer.
On sait que le premier ministre, qui est jeune, moderne, dynamique et
démocrate...
M. BURNS: C'est l'opinion du ministre. On n'est pas obligé de la
partager.
M. BIENVENUE: ... se fait tutoyer par bien des gens y compris...
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: ... bien des journalistes, et c'est peut-être la
première fois dans l'histoire du Québec qu'un premier ministre se
fait tutoyer par un si grand nombre de personnes.
M. Ménard était un de ceux qui avaient milité,
à l'époque, bien avant que j'arrive à l'Immigration, dans
les mêmes mouvements que le premier ministre et ils se connaissaient de
vieille date. Je veux dire tout de même à sa décharge que
c'était une note bien privée dont il m'avait envoyé copie
pour les raisons que je viens d'expliquer et il a dû être le
premier, lui-même, à se surprendre de voir que sa lettre avait
connu une telle diffusion de façon bien involontaire,
c'est-à-dire non prévue.
M. BURNS: Oui, mais comme vous l'avez rendue publique, la lettre en
question nous fait nous poser des questions sur M. Ménard. Je les pose
donc.
M. BIENVENUE: J'ajoute tout de suite aux détails qui manquaient
sous réserve de précisions ou de contrôle des
précisions, que M. Ménard est un homme qui a
énormément de mérite, là aussi, j'emprunte une
expression anglaise pas toujours facile à traduire, mais dont le
député de Maisonneuve va bien convenir, M. Ménard est un
exemple parfait de "self-made man".
M. BURNS: Un autodidacte.
M. BIENVENUE: Oui, mais dans son cas cela va un peu plus loin que le
didacte, cela a été "self-made" à bien des niveaux.
M. BURNS: Pas "didace", c'est "didacte".
M. BIENVENUE: Quand je dis "self-made man", je le dis sans aucune
arrière-pensée, en rappelant qu'il n'y a pas de sot métier
et surtout je me réfère à son désir de vaincre, de
s'améliorer, d'apprendre. M. Ménard a été
menuisier, et je pourrais dire un tas d'autres choses...
M. BURNS: Je n'ai pas dit un mot là-dessus, M. le
Président.
M. BIENVENUE: Je le sais.
M. Ménard a été un tas d'autres choses qu'il n'est
peut-être pas nécessaire de livrer en public. Quant à son
passé, M. Ménard a eu un mérite fou, il n'a pas
hésité et j'ai certains détails à l'idée, il
n'a pas reculé devant les tâches, devant les travaux les plus
durs, les plus pénibles, et je vais être modeste dans mes
épithètes, les plus pénibles, je le répète,
et les plus durs pour s'arracher et devenir quelqu'un dans la vie.
Il a. gravi des échelons successifs et est devenu un jour agent
de l'aide sociale à la ville de Montréal, avec une dixième
année. Il a continué à lire, à faire des
journées de 22 heures sur 24, je pense que je peux le dire sans
exagérer, pour finalement élever une famille après
s'être élevé lui-même. Il a accédé, je
le répète, avant mon arrivée, au cabinet de mon
prédécesseur, l'ex-ministre de l'Immigration.
J'ai donc énormément d'admiration pour ce bonhomme qui se
doit à lui-même ce qu'il est aujourd'hui, et presque
entièrement à lui-même.
Tout à l'heure, j'ai parlé de réserves au
député de Maisonneuve, parce que, dans cette série de
phases qui ont fait de lui ce qu'il est aujourd'hui, je crois, mais je n'ose
pas l'affirmer, qu'il est diplômé en animation sociale de
l'Université de Montréal. Il a vraiment gravi
l'échelle du premier échelon situé au sous-sol, et je ne
le dis pas de façon péjorative, jusqu'au sommet de ce qu'il
pouvait attendre de lui-même.
M. BURNS: On n'a pas d'objection à cela, M. le ministre.
M. BIENVENUE: C'est un gros travailleur.
M. BURNS: Je vous réfère à votre déclaration
de l'année dernière lorsque vous disiez que vous fondiez les plus
grands espoirs...
M. BIENVENUE: C'est vrai.
M. BURNS: ... relativement à M. Ménard pour vous
représenter à Paris.
M. BIENVENUE: Oui, je les fonde toujours.
M. BURNS: Comme, malheureusement, je ne pouvais pas être à
l'étude des crédits, l'année dernière, de ce
ministère-ci, je vous pose la question cette année.
M. BIENVENUE: II a répondu.
M. BURNS: Ces grands espoirs, vous les avez fondés sur quoi?
C'est pour cela que je vous demande, quel est, dans le fond, le
curriculum vitae de M. Ménard.
M. BIENVENUE: Je suis obligé de répéter qu'il me
manque des éléments. Il est probablement, au point de vue de
l'atteinte de diplômes, etc., beaucoup mieux que tous les détails
que j'ai pu fournir.
M. BURNS: Remarquez que je ne serai pas choqué si vous me dites
qu'il a une septième année et qu'il a acquis l'expérience
parallèle.
M. BIENVENUE: II a une dixième année...
M. BURNS: Je suis un de ceux qui croient à cela, je suis un de
ceux qui croient énormément à cela. Ce n'est pas le
problème, mais je veux savoir qui est ce M. Ménard.
M. BIENVENUE: II a une dixième année et plus, j'en suis
sûr. Si je pouvais, mais, hélas, je n'ai pas prévu la
question. Je n'ai pas ce qu'il faut pour répondre adéquatement
à la question du député de Maisonneuve. Je sais qu'il
répondait, parce que, chez nous, c'est sacré, aux normes de la
fonction publique pour le poste qu'il occupe et les espoirs que je fondais se
sont avérés bien fondés. Quand je dis que chez nous c'est
sacré, je veux que le député de Maisonneuve sache que je
suis disposé à répondre à toutes les questions dans
ce domaine, contrairement à ce qui était mon attitude, ce matin,
dans le débat que l'on sait. Je veux que le député de
Maisonneuve sache...
M. BURNS: Voulez-vous que l'on recommence?
M. BIENVENUE: Non, pas ce soir. Je veux que le député de
Maisonneuve sache que ce à quoi il pense peut-être au point de vue
des éléments de qualification est le dernier et, à toutes
fins pratiques, inexistant, qui compte au ministère que je dirige. J'ai
d'ailleurs essuyé des reproches en certains milieux quant à cette
ignorance qui est la mienne et celle de mes hauts fonctionnaires de certains
éléments ou de certains barèmes qui viennent parfois
à la surface, dont on entend parfois parler, barèmes de
qualification pour entrer à la fonction publique. Le
député de Maisonneuve sait à quoi je fais allusion, je
pense que je sais à quoi il fait allusion.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: En d'autres termes, disons-le clairement,
l'allégeance politique.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: M. Ménard était déjà en poste,
cela ne constituait pas, à proprement parler, une promotion pour lui que
cette nouvelle assignation à Paris, je veux dire que ce n'est pas comme
si on l'avait grimpé ou qu'on lui avait donné des faveurs,
c'était un changement d'orientation qu'il avait au sein du
ministère. Je répète avec insistance que je suis ouvert
à toutes les questions, et avec beaucoup de joie, du
député de Maisonneuve sur cet aspect auquel il a peut-être
pensé en posant sa question.
M. BURNS: D'accord.
M. BIENVENUE: Sur ce fonctionnaire ou sur tous les autres.
M. BURNS: II y en aura d'autres. M. Ménard est au
ministère, à votre connaissance, depuis combien de temps?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Sainte-Marie.
M. MALEPART: Si vous me permettez...
M. BURNS: Non, je ne permets pas. Je pose une question.
M. MALEPART: C'est pour répondre à une des questions.
M. BURNS: J'ai beaucoup d'estime pour mon voisin, le
député de Sainte-Marie, mon voisin de comté.
M. MALEPART: Je vais répondre à la question du
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Est-ce que le député de Sainte-Marie est
d'accord pour que je finisse ma question là-dessus?
M. MALEPART: Oui...
M. BURNS: Ce n'est pas pour être méchant à l'endroit
de mon bon ami, le député de Sainte-Marie.
M. BIENVENUE: Je réponds à la question: Depuis combien de
temps... Tout de suite après, je demande à M. Malépart de
faire connaître le fruit de ses lumières sur le sujet.
M. BURNS Oui, mais pour autant que je n'ai pas fini ma question.
M. BIENVENUE : A la connaissance des renseignements que l'on me fournit,
selon les renseignements que l'on me fournit, ce serait depuis 1970,
c'est-à-dire au moins deux ans avant ma propre arrivée au
ministère de l'Immigration.
M. BURNS: Quelle période, en 1970?
M. BIENVENUE: Sans connaître la période, je vais aller
directement au-devant de la question du député de Maisonneuve et
lui dire que, comme je l'ai indiqué il y a un instant, sauf erreur, il
avait été amené là par mon
prédécesseur. C'est évidemment après le 29 avril
1970, donc sous le régime libéral.
M. BURNS: A l'époque où M. Pierre Laporte était
ministre de l'Immigration?
M. BIENVENUE: Pas nécessairement. C'est ce qui me fait donc dire
que ce n'est pas 1970 ou alors, c'est après octobre 1970, après
la date pénible d'octobre 1970, mais toujours, semble-t-il, en 1970,
sous mon prédécesseur, le ministre de l'Education, M.
François. Cloutier. Je répète qu'il était
entré là, au cabinet, comme secrétaire particulier
adjoint.
M. BURNS: Oui, avec M. Gagnon.
M. BIENVENUE: Donc, comme personnage au sujet duquel on peut penser que
la politique avait quelque chose à voir ou à faire, au sujet
duquel on peut penser.
M. BURNS: C'est pour cela que je vous demande à quelle date, en
1970, il est entré?
M. BIENVENUE: Certainement après octobre 1970, sous M.
Cloutier.
M. BURNS: Sous M. Cloutier, vous en êtes certain?
M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS D'accord, je voulais vérifier.
M. BIENVENUE: Je peux aller plus loin et vous dire qu'à ma
connaissance, mais c'est du oui-dire, il aurait été militant sous
M. Cloutier pour les fins politiques de M. Cloutier.
M. BURNS C'est cela. Il a détenu un poste dans...
M. BIENVENUE: Je n'y étais pas à l'époque, mais je
vais le plus loin que je peux aller dans le oui-dire en disant qu'il a
sûrement...
M. BURNS Dans la Fédération libérale du
Québec, est-ce qu'il a détenu un poste?
M. BIENVENUE: ... comme au chapitre politique, je suis moi-même
arriéré et en retard, je suis obligé de me faire "briefer"
par mon chef de cabinet.
M. BURNS: II me semble que vous vous informez bien auprès de
votre chef de cabinet.
M. BIENVENUE: Je suis obligé.
M. BURNS: Ancien directeur de publicité de la
Fédération libérale du Québec.
M. BIENVENUE: J'allais le dire dans un instant. Vous voyez que
l'histoire se répète.
M. BURNS: Remarquez que, dans votre cabinet...
M. BIENVENUE: Ce n'est pas trop "pire".
M. BURNS: ...je ne peux pas vous blâmer. Ce sont des postes
politiques. D'ailleurs, si mon ami André Larocque, qui est mon chef de
cabinet, n'était pas...
M. BIENVENUE: Ce n'est pas parce qu'il est conservateur.
M. BURNS ... le moindrement près de mes idées,
peut-être que l'on s'entendrait moins bien, mais c'est bien normal. C'est
dans le cabinet. Je ne parle pas nécessairement...
M. BIENVENUE: Je suis totalement d'accord.
Il aurait été président du comité
d'animation de la commission d'organisation du Parti libéral du
Québec. Si on met son titre avec des lettres, il doit avoir huit lettres
après son nom. Je vous dis qu'il aurait été...
M. BURNS Est-ce que le député de Dubuc a quelque chose
à dire? Je ne le sais pas, mais depuis tantôt que je l'entends
glousser.
M. HARVEY (Dubuc): Non.
M. BURNS: Est-ce que vous voulez glousser publiquement ?
M. HARVEY (Dubuc): Non, continuez à parler.
M. BURNS: D'accord.
M. BIENVENUE: II aurait été ce que je viens de dire et il
est arrivé, je l'ai dit, sous mon prédécesseur, M.
Cloutier, au cabinet du ministre de l'Immigration. Je n'avais pas ni
n'étais tenu de le garder parce que, comme le député de
Maisonneuve le sait, chacun est maître des personnages qui composent son
cabinet. Mais j'ai gardé M. Ménard parce que j'ai
constaté, j'ai retrouvé chez lui les qualités que je viens
de vous dire et j'étais beaucoup plus impressionné par
l'efficacité de son travail à mon cabinet, sur le plan
administratif et de l'immigration, que par ses activités passées
dont je ne connaissais rien. J'apprends à l'instant en quoi consistait
son titre jadis, dans le parti auquel j'appartiens.
C'est avec tout cela à l'idée que j'ai accepté, que
je me suis rendu à sa requête après avoir pris une fois de
plus, une xième fois de plus, la décision collégialement
avec les hauts fonctionnaires de mon ministère qui, comme moi,
étaient d'accord sur sa capacité, son aptitude à remplir
le poste qui était vacant à Paris.
M. BURNS: Vous parliez des plus grands espoirs que vous fondiez en cette
personne l'année dernière. En quoi ce espoirs se sont-ils
réalisés?
Qu'est-ce que cette personne a fait pour répondre à vos
espoirs?
M. BIENVENUE: J'ai dit que M. Ménard était un "self-made
man", | mais c'est un animateur professionnel né. Quand j'ai dit que je
fondais de grands espoirs sur lui, c'était quant â
l'accomplissement de ses fonctions là-bas, à Paris. Ces espoirs
étaient fondés en ce sens qu'il a parfaitement bien
exécuté ses fonctions. Si j'avais pu prévoir... J'ai
reçu justement les Américains appellent cela un bon
"timing", mais le "timing", est mauvais parce que je n'ai pas le document en
question il y a deux jours à peine, d'une corporation de
Montréal qui s'est adressée, comme bien d'autres, à notre
ministère à Paris pour recruter de la main-d'eouvre
spécialisée dans un domaine très précis, qu'on ne
pouvait pas trouver ici, j'ai reçu, dis-je, de ces directeurs ou de ces
administrateurs une lettre extrêmement flatteuse à l'endroit du
ministère de l'Immigration du Québec et en particulier de M.
Ménard qui, à Paris, a été l'agent d'immigration
qui a facilité les contacts souhaités, les rencontres
souhaitées, le recrutement voulu et qui a surtout trouvé les
personnes idéales requises. Je signais justement ce matin, avant de
venir à l'étude de mes crédits, une carte personnelle
accompagnant une copie de cette lettre, carte que j'envoyais à M.
Ménard, parce que j'ai pensé qu'il serait bon et encourageant
pour lui de lire ces commentaires, et pas plus tard que ce matin, c'est
arrivé. J'en apprends au fur et à mesure. C'est bon les
crédits. C'est M. Malépart qui me passe cela. Je vais laisser
parler M. Malépart.
M. BURNS: Oui. Cela va.
M. MALEPART: Du côté action et diplômes, je ne suis
pas au courant, mais je peux vous dire que j'ai connu M. Ménard dans le
quartier centre-sud, en tant que principal fondateur de la Maison du quartier,
par un ami commun que connaît bien le député de
Maisonneuve, Michel Boisvert. Il pourrait sûrement vous donner des
informations sur Michel Ménard qui a été réellement
un travailleur infatigable, comme le ministre le mentionnait. Il ne regarde pas
les heures et il a un sens de l'animation assez fort.
M. BURNS: C'est un ancien officier du Parti libéral quand
même. C'est comme cela que vous l'avez connu, M. le député
de Sainte-Marie?
M. MALEPART: Non, je l'ai connu en tant que travailleur communautaire
moi-même.
M. BURNS: De travailleur communautaire. Comme vous-même
d'ailleurs.
M. MALEPART: Oui.
M. BURNS: Comme vous-même.
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve me permet
d'ajouter un mot... Des bribes me viennent de tout bord et tout
côté.
M. BURNS: C'est cela. On veut voir qui est cette personne en qui vous
fondiez les plus grands espoirs. Remarquez que je ne la connais pas et, je le
dis tout de suite, je n'ai rien à lui reprocher. Je pose tout simplement
la question.
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve fait son
devoir.
M. BURNS: Je ne veux pas prendre le ministre par surprise non plus. Je
pose la question à cause de sa proximité avec M. René
Gagnon, à qui on fait référence éventuellement.
M. BIENVENUE: J'ajoute que M. Ménard et je termine
à peu près là-dessus à toutes fins
pratiques, a été intégré comme attaché
d'administration de la classe I et qu'une liste d'admissibilité a
été émise à son sujet. En vertu d'une politique
nouvelle du personnel à l'étranger, nous voulons opérer
certains changements, et je m'explique. A titre d'exemple, le chef de
poste actuel à Paris est un ex-immigrant français, et nous
avons tôt fait d'apprendre, à droite et à gauche, à
Paris comme ailleurs, que ce n'est pas toujours l'idéal si celui qui
représente un pays ou une province étrangère est de
même origine que les gens du pays où il représente
quelqu'un d'autre. Nous voulons mettre fin à cette situation. Ce n'est
pas seulement le cas du chef actuel en poste à Paris. Il y en a eu
d'autres qui étaient d'origine française aussi. Nous avons pris
connaissance de tout ce dossier. Nous avons surtout une bonne connaissance de
tout ce dossier.
M. Ménard, puisqu'on parle de lui, actuellement, à Paris,
en plus de vaquer à ses fonctions normales d'agent d'immigration du
Québec, est en cours de formation, et c'est là qu'arrivent les
espoirs auxquels j'avais fait allusion l'an dernier, "over and above" son
travail de tous les jours, avec une option possible, dans son cas, la
possibilité de devenir chef de poste de l'immigration du Québec
à Paris, de remplacer celui qui est là actuellement.
J'ai bien dit comme option, dans la plénitude du sens du mot
option. Là, je touche, je pense, encore d'un peu plus près au
sens de cet "espoir que j'avais fondé" dont j'ai parlé.
C'est possible que cela arrive si l'efficacité de son travail
continue, parce que, je le répète, je n'ai eu à son sujet
que des notes extrêmement élogieuses et du milieu où il
évolue et de ceux qui ont eu à profiter de ses services. Je me
réjouis, en conséquence, de ce choix ou de cette mission que nous
lui avons confiée.
M. BURNS: Maintenant, est-ce que le ministre serait en mesure je
ne sais pas s'il l'a avec lui de nous livrer, à nous, la lettre
qu'il a soumise à la Commission d'enquête sur le crime
organisé, qui vient de M. Ménard relativement à M.
Gagnon?
M. BIENVENUE: Je ne l'ai pas, malheureusement.
M. BURNS: Vous ne l'avez pas. Est-ce que le ministre accepte de nous en
fournir une copie?
M. BIENVENUE: Oui. D'ailleurs, je l'ai lue in extenso...
M. BURNS: Vous l'avez lue.
M. BIENVENUE: ... devant la CECO. Moi aussi, j'ai mes petits
renseignements. Je sais que le député de Maisonneuve
reçoit chaque semaine la transcription des témoignages.
M. BURNS: Qui vous a dit ça? M. BIENVENUE: J'ai su ça. M.
BURNS: C'est effrayant.
M. BIENVENUE: J'avais averti le député de Maisonneuve.
M. BURNS: II y a des indiscrétions à la CECO.
M. BIENVENUE: Cela joue des deux bords de la table. Je sais, farce
à part, que le député de Maisonneuve et je ne lui
en fais pas reproche, d'ailleurs reçoit toutes les semaines la
transcription des témoignages qui sont donnés devant la CECO.
M. BURNS: C'est exact.
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve relit ses notes
comme il faut, il va retrouver in extenso la lettre en question.
M. BURNS: Sauf que les notes de la CECO ne paraissent pas dans le
journal des Débats, M. le ministre.
M. BIENVENUE: D'accord. Je ne l'ai pas avec moi.
On essaie tous les deux de la trouver en premier, cette lettre.
M. BURNS: Remarquez que je peux aller à mon bureau, la sortir,
puis vous la lire ici au micro.
M. BIENVENUE: Est-ce qu'il y a moyen d'envoyer M. Larocque parce que mon
bureau est au complexe G?
M. BURNS: J'ai trop besoin de M. Larocque, on va le garder avec nous
autres.
M. BIENVENUE: Je serais en peine sans mon personnel de trouver cela.
M. BURNS: On va passer par-dessus ça. M. BIENVENUE: Merci.
M. BURNS: Je pense que le ministre devrait, même si je me fie
entièrement à la sténotypie ou à la
sténographie qui nous rapporte les témoignages de la CECO, nous
fournir copie de cette lettre.
M. BIENVENUE: J'ai dit: Aucune objection.
M. BURNS: Aucun problème.
M. BIENVENUE: D'ailleurs, il ne peut pas y avoir de problème, je
l'ai lue en public, parce que les témoignages de la CECO, c'est le grand
public.
M. BURNS: Est-ce que le ministre peut nous dire comment il est
arrivé que M. Ménard a décidé ou a
été incité à envoyer cette lettre?
M. BIENVENUE: Pas incité, que je sache.
M. BURNS: Non, j'ai dit: "a décidé ou a été
incité", je ne sais pas.
M. BIENVENUE: Ou a été incité. Je ne peux pas
répondre, parce que M. Ménard, étant à Paris, je ne
sais pas ce qu'il a dans son cerveau. Tout ce que je sais, c'est que...
M. BURNS: Sauf que c'est un document que vous avez utilisé
vous-même devant la CECO. Alors, vous devez savoir comment c'est venu, ce
document.
M. BIENVENUE: Sauf erreur...
M. BURNS: Cela ne vous est pas venu du ciel.
M. BIENVENUE: ... on me rappelle que M. Ménard, au début
de cette lettre ou quelque part dans cette lettre, prend la peine de dire que
cette lettre est le fruit de sa propre initiative et qu'il n'y a pas
été incité par qui que ce soit. De toute façon,
tout ce que je sais, c'est qu'à l'époque où ces faits se
sont déroulés, peu de temps après les déclarations
du député de Maisonneuve à l'Assemblée nationale,
le 5 juillet mais je ne peux pas préciser la date, je n'ai pas la
lettre devant moi j'ai reçu cette copie de lettre de l'original
d'une lettre envoyée au premier ministre par M. Ménard à
titre privé, comme je l'ai indiqué, précédemment.
On me rappelle et cela me revient à l'idée que,
dans cette lettre, je me répète, M. Ménard fait
état qu'il fait ça de lui-même, de sa propre initiative.
Mais je ne peux pas en dire plus et répondre davantage au
député de Maisonneuve, sur le motif qui a poussé M.
Ménard à le faire, parce qu'évidemment je ne peux pas
parler en son nom.
J'ai tout lieu de croire, connaissant l'une et l'autre des personnes
dont on parle, je crois, du moins, connaître assez bien M. Ménard,
c'est le genre de gestes qu'il était apte, de par tempérament,
à poser. Cela va bien dans son tempérament extrêmement
généreux et extrêmement positif, quand il s'agit de son
prochain.
En d'autres termes, je n'étais pas surpris. J'ai reconnu dans
cette lettre la pernonnalité même, extrêmement humaine, de
M. Ménard.
M. BURNS: Ce qui est tout à son honneur. M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS: Est-ce que le ministre, comme son supérieur, lui a
posé des questions à savoir comment il se faisait qu'il se
référait de façon péjorative à des
déclarations en date du 5 juillet du député de Maisonneuve
en Chambre? Est-ce que le ministre considère que c'est un comportement
normal pour un fonctionnaire? Si le ministre nous dit que oui, à ce
moment-là, moi, je n'ai plus d'éthique à l'égard
des fonctionnaires. Moi, j'ai toujours respecté l'éthique parce
qu'un fonctionnaire ne peut pas se défendre sur la même place
publique que nous. Le ministre de l'Immigration le sait, si on se lance des
pierres l'un et l'autre, on peut se défendre parce qu'on est au
même niveau.
M. BIENVENUE: Et Dieu sait qu'on se défend.
M. BURNS: Et Dieu sait qu'on s'est lancé des pierres aussi,
n'est-ce pas? Alors, cela, je le sais fort bien. Je sais, par exemple, que je
ne me sentirais pas véritablement "fair play", si vous me passez
l'expression, si aujourd'hui je faisais une déclaration contre votre
sous-ministre ou votre chef de cabinet, sachant que lui, il a, lui aussi, une
certaine éthique à respecter. Comme fonctionnaire, je pense bien,
il ne doit pas se mêler de l'aspect politique, même si, dans votre
cabinet surtout, c'est politique. Cela, je l'admets. C'est normal dans un
cabinet de ministre et même dans un cabinet de leader parlementaire que
le personnel soit politique. C'est très clair. Je vois le chef de
cabinet du ministre qui admet par ses gestes. C'est tout à fait
normal.
M. BIENVENUE: Mais je suis en train de le dépolitiser. Il ne se
reconnaît plus! Je suis en train de le dépolitiser et de le rendre
à l'image de mon ministère.
M. BURNS: Voulez-vous dire que vous êtes en train de lui faire
signer une carte dans le Parti québécois?
M. BIENVENUE: Ah non! Pas encore là, pas encore à ce
point.
M. BURNS: Le député des Iles-de-la-Madeleine devrait
être ici pour comprendre au moins qu'un de ses ministres est en train de
dépolitiser un de ses collaborateurs immédiats.
Non, mais je suis sérieux là-dessus.
M. BIENVENUE: D'accord.
M. BURNS: C'est évident que le personnel immédiat du
ministre je ne parle pas des sous-ministre, qui ont des fonctions
beaucoup plus techniques les gens du cabinet immédiat, chef de
cabinet, secrétaire particulier, etc., sont des personnes qui ont, sinon
les mêmes idées politiques que le ministre en question ou que
l'homme politique en question, au moins une certaine affinité avec les
idées politiques qui se trouvent là.
Je l'ai mentionné à M. Simard, le ministre du Tourisme, de
la Chasse et de la Pêche, la semaine dernière, lorsqu'on a appris,
tout à fait par hasard, qu'il y avait une espèce d'inquisition
qui se faisait à l'endroit des fonctionnaires quant à leur
allégeance politique. Si c'est dans le cabinet, je dis que c'est bien
normal. Si c'est à l'extérieur du cabinet, je dis que c'est
anormal, absolument anormal.
La personne dont on parle, c'est-à-dire M. Ménard, est
à l'extérieur, à ce que je sache, du cabinet. Cette
personne fait une réflexion, dans sa lettre, à la suite des
événements des 5 et 6 juillet 1973. Je me pose
sérieusement des questions, à savoir si le ministre s'est enquis,
auprès de ce fonctionnaire, en qui il avait les plus grands espoirs,
comment il se faisait qu'il posait, dans sa lettre, un jugement politique.
M. BIENVENUE: D'accord, je réponds. Premièrement, comme je
l'ai dit tout à l'heure de mémoire, il faudrait évidemment
avoir le texte, mais j'ai dit tout à l'heure au député de
Maisonneuve que cela me frappait, pour la première fois, au moment
où il me disait qu'il y avait eu une attaque contre lui. Je n'ai pas
souvenir qu'il y ait eu une attaque contre lui, sinon de façon
totalement négative, en ce sens...
M. BURNS: Je n'ai pas le texte en mémoire mais M. Ménard
parle de la malheureuse intervention. Il qualifie mon intervention à
l'Assemblée nationale en date du 5 juillet.
M. BIENVENUE: En parlant de malheureuse ce serait...
M. BURNS: C'est quelque chose du genre, c'est malheureuse ou quelque
chose de semblable; malencontreuse, en tout cas; c'est quelque chose comme
ça. Pour qu'on me comprenne, je pense que le ministre me comprend, c'est
le jour où j'ai posé la question au ministre de la Justice...
M. BIENVENUE: Oui, le 5 juillet.
M. BURNS: ... à savoir s'il était exact que MM.
René Gagnon, Jean-Jacques Côté, Pierre Laporte avaient
assisté à une réunion avec MM. Nicola Di Iorio et Frank
Dasti.
M. BIENVENUE: C'est le 5 juillet, une date que je n'ai pas
oubliée d'ailleurs.
M. BURNS: Qui est difficile à oublier.
M. BIENVENUE: C'est cela. Alors, si ce n'est pas plus grave que
malheureuse ou malencontreuse...
M. BURNS: C'est un qualificatif qui porte un jugement sur mon
intention.
M. BIENVENUE: D'accord, mais je veux quand même l'expliquer dans
le contexte de la lettre. C'est que tout de suite après on sait que M.
Ménard, par sa lettre, devait se porter à la défense de M.
Gagnon en disant: A l'époque où j'ai travaillé avec lui,
etc., je n'ai jamais été témoin d'aucune mauvaise liaison,
etc. Il concluait en disant: Je serais extrêmement surpris... Je n'ai pas
la lettre mot à mot à l'esprit mais je pense que c'est à
peu près l'idée de la lettre pour l'avoir lue deux fois, une fois
pour moi-même et une fois à la commission.
M. BURNS: Une fois à huis clos et une fois ouvertement.
M. BIENVENUE: Et une autre fois en public. Alors, le texte était
de ce genre et concluait comme ceci: Je serais extrêmement surpris que M.
Gagnon ait été tout ce qu'a dit M. Burns ou tout ce que ça
peut impliquer.
Alors, j'explique mieux à ce moment-là le contexte, le
sens du mot malencontreux. Le texte même de sa lettre indique qu'il
était convaincu de la bonne foi et de l'intégrité de M.
Gagnon. Je. comprends mieux le sens du mot malencontreux ou malheureuse
intervention. C'est le premier point.
Le deuxième point, je rappelle qu'il s'agissait d'une lettre
très personnelle dont le contenu n'aurait jamais été connu
du public si je n'avais eu un jour à rendre le témoignage que
l'on sait, lettre très personnelle d'un ami à un ami. J'en prends
à témoin le fait, et je l'ai même expliqué devant la
Commission de police pour ne pas qu'on se surprenne, qu'elle commençait
par les mots: "Mon cher Robert", et il le tutoyait tout le long. En plus de la
lettre d'un ami à un ami, c'était la lettre d'un ancien membre de
cabinet au sujet d'un ancien membre du cabinet, sur des
événements de l'époque où ils étaient tous
deux au cabinet. Je veux dire par là que ce n'était pas la lettre
d'un fonctionnaire écrivant sur des faits qui se rapportent à
l'époque où il est fonctionnaire en tant que fonctionnaire, pas
du tout. Sa lettre, rétroactive, portait sur des faits antérieurs
à l'époque où il était au même cabinet que
l'autre dont il est question. C'était en cette ex-qualité de
membre du cabinet pour cette période vécue en commun par les
deux. C'est là-dessus que sa lettre portait. C'est pour cela que je ne
l'ai pas considérée, à ce moment-là, comme une
lettre de fonctionnaire et que je n'ai pas senti le besoin de lui écrire
ou de lui faire des reproches, de lui dire: Mon vieux, comme fonctionnaire,
comment se fait-il que tu te permettes d'écrire une telle lettre? C'est
dans le contexte que je viens d'expliquer au député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Est-ce que vous avez communiqué avec lui au sujet de
cette lettre?
M. BIENVENUE: Sans doute parce que j'accuse toujours réception
des lettres que je reçois, sauf celles qui ne sont pas signées et
dont je parlerai ce matin. J'ai dû sûrement lui écrire pour
lui dire que j'accusais réception de la copie de la lettre et que j'en
avais soigneusement noté le contenu. J'ai dû parce que, en
règle générale, je réponds toujours.
M. BURNS: Mais vous n'avez pas poussé votre enquête plus
loin que ça à son endroit?
M. BIENVENUE: Non pas du tout, uniquement à cause de ce que je
viens d'expliquer au député de Maisonneuve devant la commission.
Je considérais ça comme une lettre qui, par accident, serait
écrite aujourd'hui par un fonctionnaire mais portant sur des faits
antérieurs, lettre qu'il aurait écrite à l'époque
où il était au cabinet si les révélations du
député de Maisonneuve s'étaient faites à
l'époque en question.
M. BURNS: En tout cas, remarquez que, n'ayant pas la peau
particulièrement tendre, je n'ai pas été choqué,
comme tel, comme individu, par cette lettre. Je pense qu'on est en politique et
dans une position où des attaques peuvent se faire, même par une
épithète à notre endroit; ce n'est pas dans ce sens que je
soulevais le problème. Je le soulève...
M. BIENVENUE: J'ai compris pourquoi le député de
Maisonneuve...
M. BURNS: ... parce que je me dis: Les politiciens même si
je n'aime pas le mot s'imposent l'éthique de ne pas porter des
jugements de valeur sur les gestes des fonctionnaires. On peut en porter sur
leur efficacité, on peut en porter relativement à leur
façon d'administrer, c'est parfaitement normal.
Pour porter des jugements de valeur, il y a des supérieurs qui
s'appellent les ministres, il y a également une commission qui est
censée être indépendante, qui s'appelle la Commission de la
fonction publique, qui est là pour ça. Comme homme politique, je
me suis toujours défendu de porter des jugements de valeur, mais non pas
au point de vue de la quantité ni de l'efficacité du travail. Je
ne pense pas que ce soit mon rôle. Au point de vue d'un certain aspect
politique ou politisant du travail du fonctionnaire, je me suis toujours
restreint de ce côté, je trouve que tous les hommes politiques
doivent se restreindre de ce côté. Je trouve aussi que, si
ça marche de notre côté, ça doit marcher des deux
côtés, je veux dire du côté des fonctionnaires
aussi.
M. BIENVENUE: Je suis heureux de ces remarques du député
de Maisonneuve et de cette espèce de petit minidébat. Cela me
permet de dire une chose que je n'aurais peut-être pas pensé de
dire, combien je constate, avec fierté, qu'au ministère que je
dirige le mot "politique", au sens où on l'a employé, avec un
très petit p, est totalement absent. J'admets qu'il est petit mais, s'il
est un ministère où il n'y a pas de telle notion, c'est bien
celui-là, celui de l'Immigration du Québec, qui, d'ailleurs, n'a
rien à voir, de près ou de loin, avec la politique. Notre
première et seule préoccupation, ce sont des êtres humains,
les humains dont je parlais ce matin, qui n'ont d'autre couleur, quant à
moi et quant à mes hauts fonctionnaires, que la couleur de l'être
humain qu'on veut intégrer à notre société. Qu'il
vote pour qui il veut ou contre qui il veut, ça n'est plus mon
rôle une fois qu'on l'a intégré chez nous. Je dis avec
beaucoup de fierté, je le répète et j'espère que
mes fonctionnaires le liront, dans le journal des Débats, que ça
été un problème inexistant, à ma connaissance,
à mon ministère et je souhaite de toutes mes forces qu'il en soit
toujours ainsi.
M. BURNS: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, M. le
ministre, et c'est là qu'on va parler de M. René Gagnon. C'est
probablement l'exemple type du contraire. Je sais que c'est un sujet qui ne
plaît pas particulièrement au ministre.
M. BIENVENUE: Et pour cause!
M. BURNS: Je sais également que j'ai eu le don de le choquer par
certaines de mes déclarations là-dessus. On pourrait y revenir.
Je sais que le ministre m'a dit qu'une bonne journée...
M. BIENVENUE: L'éponge est passée.
M. BURNS: ... il me trouverait sur son chemin. Me voilà, M. le
ministre, je suis sur votre chemin.
M. BIENVENUE: Vous voyez, j'ai découvert que vous receviez des
documents de l'USECO.
M. BURNS: Vous avez fait enquête, à ce que je vois.
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: De toute façon, il y en a d'autres qui s'en occupent.
Ne perdez pas votre temps avec ça, M. le ministre, il y a tellement de
gens qui en font des enquêtes.
M. BIENVENUE: Est-ce que le député de Maisonneuve est
pur?
M. BURNS: II n'y a pas de problème. A part cela, j'ai l'avantage
de ne pas être paranoïaque. On n'a aucun problème. Mais je
relève simplement la dernière remarque du ministre à
l'effet qu'à son ministère c'est peut-être vrai
maintenant, remarquez que je prends la parole du ministre il n'y a pas
de politique. En tout cas ses hauts fonctionnaires, même son chef de
cabinet qui, lui, a une fonction politique...
M. BIENVENUE: Je répète que je suis entrain de
dépolitiser.
M. BURNS: Vous ne devriez pas, M. le ministre, vous ne devriez pas, au
contraire...
M. BIENVENUE: Ce n'est pas pour ses talents politiques que je suis
allé le chercher, c'est pour ses talents tout court.
M. BURNS: Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas faire comme
certains de vos
collègues, à moins que vous me disiez que ça se
fait déjà, soit de vérifier les allégeances
politiques des nouveaux employés de votre ministère; il n'y a
rien que cela que je vous demande.
M. BIENVENUE: Si mon sous-ministre avait le droit de parler, M. le
député de Maisonneuve, mais je ne lui demanderai pas de le faire,
mais s'il en avait le droit...
M. BURNS: Mais il peut parler; pour autant que ses paroles sont
enregistrées au nom du ministre, je n'ai pas d'objection. Allez-y.
M. BIENVENUE: II vous livrerait ses pensées et ses jugements
là-dessus, sur la direction que je tente modestement de donner au
ministère sur le plan dont vous me parlez.
M. BURNS: En tout cas, c'est le ministre qui jugera quand ses
fonctionnaires devront parler en son nom. Mais je veux tout simplement dire
ceci, M. le ministre: Dans le cas de René Gagnon, dont le ministre
actuel a hérité, évidemment, on ne peut pas dire qu'il l'a
choisi.
M. BIENVENUE: J'ai eu deux prédécesseurs.
M. BURNS: Exactement. A cet égard, on ne peut pas faire de
procès au ministre, c'est bien normal.
Là où je peux contredire le ministre, c'est que les gestes
que M. Gagnon a posés sont typiquement de nature politique et ça
va même à une période postérieure à sa
candidature comme éventuel prétendant au poste de
député dans Saint-Jean. Postérieurement à
ça, il a été choisi comme chef de cabinet du ministre de
l'Immigration, en l'occurrence M. Laporte et, par la suite, M. Cloutier.
J'aimerais savoir, au départ, où est M. Gagnon
actuellement, pas son adresse, ne vous inquiétez pas, mais que fait-il
actuellement? Est-ce qu'il est encore à l'emploi de la fonction
publique? Est-ce qu'il est encore considéré comme un
employé du ministère de l'Immigration?
M. BIENVENUE: D'abord, où il est, je l'ignore; je ne parle pas de
l'adresse.
M. BURNS: Bien, sur l'adresse, le ministre a compris que je ne veux pas
savoir où il demeure; ça ne m'intéresse pas du tout.
M. BIENVENUE: Je parle de son occupation présente, je l'ignore.
Je ne sais rien.
M. BURNS: Oui. A un moment donné, il était question de
l'envoyer en Afrique. Est-ce qu'il est rendu là, peut-être? Il
était question de l'envoyer en Afrique, à un moment
donné.
M. BIENVENUE: Ah! c'est bien avant ça. C'est avant que
j'arrive.
M. BURNS: Bien avant. Il n'est pas là actuellement?
M. BIENVENUE: Bien, je ne sais pas, je ne sais pas où il est. Il
est actuellement en congé sans solde et cela je n'ai pas mon
dossier depuis le 6 septembre je crois...
M. BURNS: 1973.
M. BIENVENUE: ... 1973, affecté à la direction des
ressources internes du ministère, mais absent physiquement et sur tous
les plans, non payé évidemment.
M. BURNS: II est en congé sans solde, depuis le 6 septembre
1973.
M. BIENVENUE: Evidemment, on comprend qu'il est permanent de la fonction
publique...
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: ... comme tous les chefs de cabinet et il n'a pas fait,
sur le plan purement technique, ce que l'on pourrait appeler une faute
professionnelle au sens de la fonction publique, si on me suit bien. J'ajoute
que ça nous bloque un poste. J'ai fait moi-même, à combien
de reprises et j'ai fait faire par la suite par mon nouveau chef de cabinet,
son successeur, je ne sais combien de démarches pour obtenir son
départ définitif, volontaire sans avoir à passer par le
processus très long, parfois bien compliqué de la fonction
publique. Bien avant que le député de Maisonneuve se
préoccupe de cette question, c'est-à-dire il y a plusieurs mois,
j'ai entrepris les démarches au moins officieuses dont je parle qui
n'ont eu de cesse depuis, tant par moi-même que par mon nouveau chef de
cabinet. Mon chef de cabinet m'informe qu'il devait avoir, d'ailleurs, une
réponse le 15 mai, il y a déjà donc près de quinze
jours, et qu'il ne l'a pas eue.
M. BURNS: Réponse de la part de la fonction publique?
M. BIENVENUE: De la part de l'intéressé.
M. BURNS: Ce qui m'étonne, M. le ministre, c'est que des gestes
précis n'aient pas été posés avant.
M. BIENVENUE: Dès le moment où je lui ai signifié
son congé sans solde, enfin dans les semaines qui ont suivi, j'ai
notifié par écrit... Je vois que le député de
Maisonneuve a mal lu la transcription de mes témoignages devant l'USECO
et la CECO.
M. BURNS: Non, non, je l'ai très bien lu.
M. BIENVENUE: J'ai cité ces faits, j'ai écrit à la
fonction publique il y a déjà plusieurs mois,
au ministre de la Fonction publique et au président de la
fonction publique pour...
M. BURNS: Je l'ai tellement bien lu, M. le ministre, que je me
réfère à votre témoignage. Ce qui m'étonne,
c'est que justement, dès la connaissance de la participation de
l'individu en question aux événements qu'on connaît, on
n'ait pas déjà entrepris de tenter au moins de le convaincre que
ce n'était pas tellement bon pour quelque ministère que ce soit,
et en particulier le ministère de l'Immigration, qu'un individu comme
celui-là, qui a peut-être ses qualités sur le plan
personnel, je ne le nie pas...
M. BIENVENUE: J'ai fait toutes ces choses-là.
M. BURNS: Non, votre témoignage est que vous l'avez
rencontré vous me corrigerez là après le 5
juillet.
Vous lui avez servi un avertissement et vous lui avez dit: H ne faudrait
pas te mêler à ça, parce que ça pourrait être
dangereux pour toi. Or ce que je dis au ministre, c'est que ça pourrait
être dangereux...
M. BIENVENUE: Ce n'est pas tout à fait mon
témoignage...
M. BURNS: Bien je résume beaucoup. Je suis d'accord. Je
résume beaucoup, mais...
M. BIENVENUE: Un résumé.
M. BURNS: ... le sens général de votre témoignage,
M. le ministre, est à cet effet. Vous avez tenté de le convaincre
que les mauvaises fréquentations en question devaient
peut-être...
M. BIENVENUE: Non, je dois dire au député de Maisonneuve
les faits...
M. BURNS: Ecoutez, les faits...
M. BIENVENUE: ... je dois dire au député de Maisonneuve,
et ça prendra vingt heures s'il le faut, que si on veut entrer dans ce
sujet, je vais prendre le temps qu'il faut pour aller chercher ce
témoignage et je vais le relire ici, au complet, parce que c'est une des
matières où je ne joue pas, même à une virgule
près.
M. BURNS: Moi non plus, M. le Président.
M. BIENVENUE: Et les débats dureront 50 heures s'il le faut, mais
que ma volonté soit bien connue que là il n'y a pas de
résumé, ni succinct, ni partiel, ni complet, c'est au texte.
M. BURNS: Non, je veux, au texte, M. le ministre...
M. BIENVENUE: Au texte.
M. BURNS: ... dans le fond, je ne vous demande pas de prendre 20 heures,
je ne vous demande même pas de prendre le temps que vous avez pris devant
la Commission d'enquête sur le crime organisé, je vous demande
tout simplement de nous expliquer comment il se fait que, dès la
connaissance que vous avez eue de la participation de M. Gagnon, qui
était à ce moment-là votre chef de cabinet, aux
événements que l'on sait, c'est-à-dire la rencontre
Laporte, Côté, Gagnon, Dasti, Di Iorio, en date du 16 avril 1970,
comment se fait-il qu'à partir du moment où vous avez eu
connaissance de ça...
M. BIENVENUE: Soit à partir du 5 juillet...
M. BURNS: A compter du 5 juillet 1973, vous n'avez pas posé le
problème de façon plus claire à M. Gagnon, c'est rien que
ça. Moi, je ne vous demanderai pas de refaire votre témoignage
devant la CECO, vous l'avez fait...
M. BIENVENUE: C'est pour ça que j'ai dit que le
député de Maisonneuve, de deux choses l'une: ou il n'a pas lu mon
témoignage, ou il l'a mal lu et ne s'en rappelle pas. J'ai
répondu de façon très précise à cette
question, lors du témoignage, sauf erreur, de près de deux
heures, et j'ai dit, au contraire, que dans les meilleurs délais, il
s'agissait en l'occurence du délai en termes...
M. BURNS: Oui, je me souviens de l'expression, dans les meilleurs
délais.
M. BIENVENUE: ... en termes d'heures quant au téléphone et
en termes de 24 heures quant à la rencontre, enfin à peu
près 24 heures, j'ai eu une longue explication avec M. Gagnon.
M. BURNS: Je me souviens également de cette expression, longue
explication. Vous voyez que j'ai lu la transcription.
M. BIENVENUE: Vous voyez que je suis constant dans l'expression de la
vérité.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: Alors j'ai eu une longue explication avec M. Gagnon, qui
m'a donné sa version de cette rencontre, version que j'ai donnée,
vers le 17 juillet, au journal La Presse tout ça aussi c'est dans
mon témoignage déclaration dans laquelle j'ai
expliqué que je ne trouvais rien de répréhensible à
cette rencontre, à cette rencontre comme on me l'avait racontée.
Je n'avais aucunement l'intention d'aller demander la version de MM. Dasti et
Di Iorio, et je ne pouvais pas avoir la version, hélas! de mon ami, M.
Laporte qui était décédé.
Alors, me basant sur ce témoignage de mon chef de cabinet, vous
avez confiance en votre chef de cabinet ou alors vous ne le gardez pas...
M. BURNS: C'est justement pourquoi je vous pose ce genre de
question.
M. BIENVENUE: C'est justement pour ça que j'ai dit cette phrase.
Vous croyez votre chef de cabinet, vous avez lieu de le croire jusqu'à
preuve du contraire, jusqu'à preuve du mensonge ou alors il n'est pas
votre chef de cabinet. En me reportant à ce qu'il m'a dit, je l'ai
gardé jusqu'au jour où j'ai appris et ça aussi
c'est dans mon témoignage l'existence de rencontres survenues
sous mon règne, si on me pardonne le mot règne, et là
ç'a été la goutte d'eau et j'ai agi, et combien vite. Je
suis depuis des mois à attendre le départ total que, je le
répète, j'ai demandé à plusieurs reprises et fait
demander par d'autres.
J'espère l'obtenir parce que je considère que c'est encore
plus rapide que le long mécanisme de la fonction publique. J'ai
écrit...
M. BURNS: Cela n'a pas l'air d'être rapide parce que ça
fait déjà près d'un an que ces événements
sont connus publiquement. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus rapide.
M. BIENVENUE: Le congé sans solde remonte à septembre ou
octobre, j'ai vécu, comme le député de Maisonneuve, une
élection. Dès que j'ai appris que j'étais
réélu député et d'autre part, que je restais
à l'Immigration tout ça aussi, c'est dans mon
témoignage dans les meilleurs délais, soit exactement six
jours après ma réélection, j'ai demandé et obtenu
de M. Gagnon, non pas son congé sans solde, mais sa démission
pure et simple comme chef de cabinet, par écrit. C'est après et
c'est à partir de ce moment que j'ai averti la fonction publique que M.
Gagnon était disponible pour tout autre ministère qui,
semble-t-il, ne se sont pas empressés.
M. BURNS: M. le ministre, je m'excuse de l'expression, mais on fait de
l'enculage de mouches actuellement. Quand vous avez une personne qui est aussi
près d'un ministre qu'un chef de cabinet, ce n'est pas de façon
accessoire et sans y penser que j'ai parlé du caractère
politique, du caractère personnel qui colle à la peau d'un
ministre ou d'un homme politique, de celui qui détient le poste de chef
de cabinet, ce n'est pas sans y penser que je l'ai dit tantôt. Je sais
qu'un chef de cabinet d'un ministre ou d'un leader parlementaire de
l'Opposition ou d'un chef de l'Opposition ou de qui que ce soit qui a un chef
de cabinet, c'est une personne qui vous colle à la peau, c'est aussi
simple que ça.
Cela m'étonne qu'un ministre sachant ce qu'il sait le 5 juillet
1973, ne dise pas à un moment donné, c'est non seulement
quelqu'un qui doit quitter mon cabinet, c'est quelqu'un qui, ayant connaissance
de la proximité de ses fonctions à l'endroit d'un homme
politique, doit non seulement quitter mon cabinet, mais doit quitter la
fonction publique. Ce n'est pas possible, M. le ministre, que quelqu'un comme
René Gagnon, qui a eu des relations avec des gens que tout le monde
sait... Frank Dasti, tout le monde sait ce qui se passe, vous avez
été procureur de la couronne vous-même, vous savez ce que
c'est qu'un gars qui fait du trafic d'héroihe. Vous savez ce que c'est
que quelqu'un qui, comme Frank Dasti, se fait monter, comme on dit dans le
milieu, pour 20 ans à New York. C'était connu, ce n'était
peut-être pas connu que ce gars faisait le trafic de
l'héroïne, mais c'était connu que ce gars détenait,
entre autres, la main haute sur le Victoria Sporting Club. C'était connu
de tout le monde.
M. BIENVENUE: Le soussigné ne connaît pas assez ce milieu
pour savoir toutes ces choses qu'il a apprises depuis le 5 juillet.
M. BURNS: Justement, M. le ministre. Vous êtes peut-être le
ministre le plus averti, même le ministre de la Justice n'est pas plus
averti que vous là-dessus. Parce qu'il n'a pas vu de près, il a
pratiqué, c'est sûr, M. Choquette a pratiqué
peut-être plus que vous et moi ensemble. Mais il n'a pas pratiqué
dans les domaines, peut-être pas plus que vous, que moi, je l'admets, il
a pratiqué sans doute plus que moi. Mais vous avez été
à même d'être près de ces problèmes. Qu'un
ministre ne se rende pas compte de l'importance de la promiscuité, si je
peux utiliser l'expression, qui peut exister entre son chef de cabinet et des
gens comme Frank D'Asti, Nicola Di Orio, ça m'étonne et aussi que
le ministre en question ne pose pas des gestes précis, des gestes en vue
même de sortir cette personne de la fonction publique le plus rapidement
possible. C'est ça mon étonnement, M. le ministre.
M. BIENVENUE: II n'y a pas de miracle, aucun mystère
là-dedans. Je répète que dès que j'ai appris,
à l'heure même où j'ai entendu les
révélations du député de Maisonneuve en Chambre,
à l'Assemblée nationale, j'ai immédiatement réagi
et communiqué avec mon chef de cabinet que j'ai rencontré le
lendemain ou le surlendemain.
Peu importe, mon témoignage devant la commission d'enquête
révèle et sur l'explication formelle de ce dernier
que la rencontre en question n'avait été rien de plus que ce que
les journaux nous ont rapporté, venant de sa bouche et de celle de M.
Côté, quant à la même rencontre. Sur l'explication,
cette rencontre portait je l'ai dit aussi uniquement et
exclusivement sur la question de voitures le jour du vote, rencontre qui avait
eu lieu, on s'en rappelle, trois ans avant, alors que j'étais loin de
tout cela et qu'elle avait porté sur l'existence d'un réseau de
ce qu'on appelle communément "machine à
télégraphes", le jour du vote et j'ai vu par la suite des
rapports de police à ce sujet et ce n'est rien de plus.
J'ai cru mon chef de cabinet. J'ai cru qu'il
n'avait rien fait de mal de plus à cette rencontre; je n'ai
jamais cru, ni même au moment où je vous parle, que l'autre
personnage politique qui assistait, feu Pierre Laporte, avait fait quoi que ce
soit de mal de plus toujours, je le répète me
reportant exclusivement aux explications que m'a fournies mon chef de cabinet
à ce moment et le jour où j'ai appris et le député
de Maisonneuve faisait allusion à ma modeste expérience
passée...
M. BURNS: Non. J'ai dit: Sa grande expérience passée comme
procureur de la couronne.
M. BIENVENUE: Je la vois moins grande, de toute façon, et mon
expérience des hommes et du fardeau de la preuve et de la
présomption d'innoncence, etc., m'ont fait ne pas porter ou rendre de
jugement sur son cas jusqu'à preuve d'autre chose. J'ai pris sa parole
en d'autres termes.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet de lui dire qu'on n'est pas
dans le même domaine? Si je suis procureur de la couronne, il est
évident que je vais tenir compte d'un tas d'éléments qui
peuvent entrer en ligne de compte, comme le bénéfice du doute,
etc., qui peut et qui d'ailleurs doit je pense que le ministre est
d'accord avec moi là-dessus être maintenu, à savoir
qu'une personne accusée, devant les tribunaux à caractère
pénal, doit bénéficier de toutes les chances pour s'en
sortir.
Je pense que le ministre sera d'accord avec moi là-dessus. Mais,
on n'est pas dans le même domaine. Il ne s'agit pas de juger.
M. BIENVENUE: D'accord!
M. BURNS : C'est ce qui est important. C'est ce que je veux dire au
ministre. Il ne s'agit pas de juger un chef de cabinet, un collaborateur
immédiat d'un ministre de la même façon qu'on juge
et dans le sens littéral du mot un prévenu devant les
tribunaux. Ce n'est pas du tout de la même façon. Ce qui est
important de se dire, c'est que l'Etat, que ce soit par son chef, par n'importe
lequel de ses membres de l'exécutif, doit se garder...
M. BIENVENUE: ... la femme de César.
M. BURNS: Mieux que la femme de César.
M. BIENVENUE: Et le député se rappelle-t-il qu'au moment
où...
M. BURNS Est-ce que le ministre me permet d'ajouter...
M. BIENVENUE: Allez-y.
M. BURNS: ... un autre élément à l'affaire?
N'est-il pas exact que le ministre dès sa nomination comme ministre de
l'Immigration, dès sa nomination, avait été mis au courant
des relations de M. Gagnon avec certaines personnes comme M. Di Iorio, comme M.
Dasti?
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: Ce n'est pas exact?
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: Bon.
M. BIENVENUE: Et si le député, encore là, a bien
lu, j'ai appris le nom de ces messieurs...
M. BURNS: Sans connaître les noms.
M. BIENVENUE: ... le 5 juillet, Victoria Curling Club. Pas même le
5 juillet...
M. BURNS: Pas Curling, Sporting.
M. BIENVENUE: Oui, Sporting. J'ai appris les noms le 5 juillet. Le
député se rappelle-t-il que, lorsqu'il a fait ses
révélations en Chambre le 5 juillet, c'était sous forme
d'interrogation au ministre de la Justice, à savoir: Le ministre de la
Justice je ne me rappelle pas le mot à mot est-il au
courant ou peut-il confirmer qu'il y a eu à telle date rencontre entre
un tel, un tel et un tel, point? L'histoire de l'héroïne ou de tout
ce que l'on voudra n'est jamais venue sur le tapis à ce moment. C'est
venu beaucoup plus tard par des révélations subséquentes
et tout ce que j'ai demandé à mon chef de cabinet et je
l'ai fait dans les meilleurs délais, dans les heures immédiates
a été ceci : Qu'en est-il de cette rencontre et qu'est-ce
qui s'y est déroulé?
Je répète que j'ai tiré des conclusions face
à la seule version qu'il me donnait, des conclusions identiques quant
à lui et à feu Pierre Laporte, à ce moment-là. Ce
n'est que plus tard que j'en ai su davantage et c'est quand j'en ai su
davantage que j'ai agi. Je veux que tous ceux qui sont ici, à cette
commission, soient parfaitement conscients qu'il y a toute la différence
au monde entre, d'une part, rencontrer par hasard, de façon fortuite,
des individus et, d'autre part, procéder à des complots, se
livrer au crime ou à des activités illicites ou illégales
avec des individus.
Je ne surprendrai personne en disant que précisément, pas
seulement comme politicien depuis maintenant plusieurs années, mais
comme ministre de l'Immigration, je rencontre durant presque toutes les fins de
semaines de l'année, des gens de tout acabit, de toute race, de toute
nationalité, de toute origine, des Canadiens français ou
autres.
Il peut m'arriver de me faire même photographier souvent avec ces
gens qui sont heureux de se faire photographier avec le ministre Un tel ou le
député Untel. Cela a pu arriver à mon collègue le
député de Maisonneuve, comme à n'importe lequel des
collègues de l'Assemblée
nationale. Ce qui est mal, ce n'est pas de rencontrer ces gens, ce n'est
pas de les voir, ce n'est pas d'être vu ou d'être
photographié avec eux; c'est de se livrer avec eux sciemment et
consciemment à une activité illégale.
Cela est intolérable et je ne le tolère pas. Il y en a qui
l'ont appris ou qui l'ont su à leurs risques et périls depuis que
je suis en politique. Mais, à partir du moment où je ne fais rien
de mal et où le contact cesse instantanément, je n'ai rien fait
de mal. Ce qui est mal, c'est d'aller plus loin et de participer, faire du
trafic d'influence ou tout ce que l'on voudra, toute la gamme est là,
dans le code criminel ou ailleurs.
Je veux que ceci soit bien compris. Face à la version unique,
à la suite de l'interrogation qui n'était qu'un interrogation du
député de Maisonneuve en Chambre la veille, face à la
version unique...
M. BURNS: ... confirmée par le ministre de la Justice?
M. BIENVENUE: Oui, d'accord... à savoir qu'il y avait eu
rencontre.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: Donc, face à cette version unique, "one way", si on
me permet l'expression, de mon chef de cabinet, qui indiquait que cette
rencontre n'avait pas porté sur les sujets que j'ai indiqués
précédemment, strictement politiques et qu'il n'y avait rien de
plus et qu'il n'y avait jamais rien eu de plus, j'ai fait ce que je pensais
être normal, j'ai cru mon chef de cabinet, comme la même situation
pourrait se poser avec mon actuel chef de cabinet, malgré que
celui-là, au moins, je l'ai choisi.
Mais enfin, je l'ai cru...
M. BURNS: Ses appels téléphoniques ne sont pas
enregistrés.
M. BIENVENUE: Je l'ignore et lui aussi. Je l'ai cru jusqu'au jour
où j'ai eu la preuve du contraire et, du mesonge. Alors j'ai agi. Et si
c'était à refaire, j'aurais exactement la même attitude
qu'à l'époque.
M. le Président, par accident ou par exception, pour la
première fois depuis l'étude de ces crédits, mon
sous-ministre, M. René Didier me manifeste qu'il aurait quelques
précisions à apporter. Tel que convenu, j'en prends la
responsabilité sans savoir ce qu'il va dire.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, tout ceci sera enregistré au
nom du ministre.
M. BURNS: C'est cela.
M. BIENVENUE: Je voudrais tout simplement apporter une précision
sur le plan strictement administratif. Je voudrais d'une part rendre
témoignage que le ministre a tenté, à au moins une dizaine
de fois successives, de régler définitivement le problème
de son ex-chef de cabinet, après l'avoir suspendu sans solde et que ses
démarches ont été sans effet.
Le fait que les démarches aient été sans effet ne
m'étonne pas dans la mesure où actuellement il est certain que
dans le cadre de la fonction publique québécoise, il est
extrêmement difficile de faire la preuve pour aller jusqu'à une
rupture de services, il est extrêmement difficile de faire la preuve de
la faute professionnelle grave qui peut entraîner licenciement.
Nous sommes dans un ministère où nous vivons actuellement
un cas assez douloureux d'un fonctionnaire qui a reconnu publiquement avoir
subtilisé des documents, avoir...
Non, ce n'est pas le même personnage, mais pour montrer les
limites administratives dans lesquelles nous sommes obligés de jouer au
point de vue de la cessation des fonctions d'un fonctionnaire, je donne ce cas
comme un cas de référence. Nous avons actuellement un cas
douloureux d'un fonctionnaire qui a reconnu publiquement avoir subtilisé
des documents qui, devant témoin, a eu des voies de faits sur un de ses
supérieurs hiérarchiques, qui avait été
licencié et qui a été réintégré dans
ses fonctions.
A travers cet exemple, je montre simplement l'extrême
difficulté d'obtenir des suites à des dossiers de cette
nature.
M. BURNS: Mais, M. le ministre, comment se fait-il qu'un tout petit
bonhomme qui va être, je ne sais pas, un préposé à
la réception à quelque endroit que ce soit... Il me semble que
c'est drôlement plus facile. J'ai déjà plaidé contre
le ministère de la Fonction publique. Je sais drôlement comment
cela se fait. Je ne vous citerai pas le nom de la personne. Vous avez un petit
gardien de prison à un moment donné. Imaginez-vous, je vais vous
citer un cas. Quand j'entends le ministre nous dire que c'est difficile de
prouver des fautes professionnelles, je vais vous citer le cas d'un gardien de
prison, de la prison de Bordeaux, à qui le directeur de la prison du
temps, qui s'appelait M. Tanguay, qui actuellement est à la Commission
des permis d'alcool, a dit tout simplement: Vous allez... C'est une preuve
juridique. C'est pour cela que je n'ai aucun problème à en
parler. C'était devant le juge John O'Meara. Vous avez un petit gardien
de prison à qui on confie la tâche de voir qu'un tel prisonnier
qui s'en va à l'hôpital Saint-Luc ne s'évade pas, parce que
cela fait exactement quatre fois qu'il s'évade. A chaque fois que ce
gars est malade, il s'évade. On lui dit: Toi, ta "job", c'est qu'il ne
s'évade pas. Le petit bonhomme en question, au petit salaire d'à
peine $5,000 à cette époque, a décidé qu'il ne
s'évaderait pas. Quand il a décidé qu'il ne
s'évaderait pas, il s'en est occupé sérieusement.
Le gars est allé à l'hôpital, pas pour rien cette
fois-là. On lui a dit à un moment donné:
Tu as fait une très bonne job. Tu as fait un très bon
travail. On a dit: Toi, tu es bon là-dedans. Tu gardes les gars en
dedans. Quand il est retourné à Bordeaux, il y a un autre gars
qui a tenté de faire le "barbeux" si vous me passez l'expression. Il a
fait exactement la même chose, ce que M. Tanguay lui avait
conseillé de faire. Ce gars s'est retrouvé sans travail pendant
deux ans devant les tribunaux criminels, parce qu'il y a eu une plainte
portée par le prisonnier en question. Il a été
acquitté par le juge John O'Meara. Pendant tout ce temps, la Commission
de la fonction publique le "barouettait" à gauche et à droite. On
fait cela pour un petit "counne", on fait cela pour un gars qui gagne $5,000;
vous avouez une impuissance totale à l'endroit d'un gars qui gagne
au-delà de $15,000. Je ne sais pas combien il pouvait gagner M...
M. BIENVENUE: Dans le moment, il gagne $20,000 depuis le mois de
septembre.
M. BURNS: En tout cas, je ne me trompais pas en disant au-delà de
$15,000. Il est dans une position drôlement plus forte que mon petit
gardien de prison que je vous donne dans mon exemple; vous m'avouez votre
impuissance devant cela. Je dis non, ce n'est absolument pas acceptable.
Je ne comprends pas qu'à un moment donné un gars fasse des
conneries du style de celles faites par René Gagnon, que vous soyez
encore poignés avec lui, que vous ayez encore un poste bloqué;
cela, je ne comprends pas cela. Je ne comprends vraiment pas cela. Ou, vous
avez besoin d'avoir de bons avocats chez vous.
M. BIENVENUE: D'abord, nous n'en avons pas.
M. BURNS: Peut-être qu'il est temps que vous en ayez.
M. BIENVENUE: Le député ne s'imagine pas que je me
réjouis de la situation, n'est-ce pas? Je n'ai pas fait ces
démarches pour obtenir son départ en prévision de
l'étude de mes crédits. Ces démarches remontent à
il y a plusieurs mois, neuf mois exactement.
M. BURNS: Je n'ai pas prêté d'intention au ministre, loin
de là. Le ministre va me rendre justice là-dessus. Je ne lui
prête pas d'intention, je pose simplement la question, parce que c'est la
première fois que j'ai l'occasion de le faire de façon
importante. Si j'avais posé ce genre de question en Chambre, je sais ce
qui serait arrivé. Le ministre aurait dit: Au feuilleton ou quelques-uns
de ses collègues auraient crié: Au feuilleton et cela aurait fini
là. Aux crédits, c'est le moment d'en parler; c'est le moment de
faire le dialogue là-dessus.
M. BIENVENUE: Je reconnais en termes clairs et nets mon impuissance
jusqu'ici.
C'est une des différences, je le reconnais, entre mon impuissance
et mon ennui qui en découle, c'est une des différences entre
l'entreprise publique et l'entreprise privée. Je ne ferai pas d'autres
commentaires.
M. BURNS: Est-ce que vous avez fait des représentations
auprès du ministère de la Fonction publique à cet
effet?
M. BIENVENUE: J'ai lu, et je le répète, devant la
Commission de police du moins, je crois les avoir lues ou du moins j'ai
fait état les lettres que j'ai écrites respectivement au
président de la Commission de la fonction publique et au ministre de la
Fonction publique. Sans mettre de côté ou oublier les nombreuses
autres démarches que j'ai faites à droite et à gauche,
parce que je n'étais pas heureux et je ne suis pas plus heureux de la
situation, je n'aime pas me le faire rappeler ce soir en public. C'est la "job"
du député de Maisonneuve, il fait son travail...
M. BURNS: Ce n'est pas pour être désagréable,
remarquez.
M. BIENVENUE: Non et je suis le premier à m'en plaindre et
à en souffrir, je suis à la veille de requérir les
services du député de Maisonneuve comme avocat ad hoc pour
m'aider à régler ce cas. Il n'y a pas beaucoup d'honoraires,
parce que les crédits ne sont pas élevés.
M. BURNS: Cela va remonter ma réputation, le premier ministre
veut me nommer juge et vous voulez me nommer avocat du ministère. Vous
êtes en train de me brûler définitivement.
M. BIENVENUE: On reconnaît vos talents.
M. BURNS: En tout cas, je peux dire au ministre tout de suite que je
refuse son mandat et je pourrai lui recommander de bons avocats, si jamais...
Ils ne sont pas membres du Parti québécois, en plus de cela.
M. BIENVENUE: Peu importe, c'est le talent qui compte.
M. BURNS: M. le ministre, je sais bien qu'on pourrait jaser encore
pendant des heures et des heures de temps de cette affaire. Personnellement,
j'ai le droit de vous déclarer ma non-satisfaction sur la façon
dont ce problème a été réglé. Si le
problème est un problème au niveau de la fonction publique, je
vous prie...
M. BIENVENUE: Ce problème n'a pas été
réglé. Je vais plus loin que le député de
Maisonneuve, ce problème n'a pas été réglé,
il ne s'agit pas de la façon dont il a été
réglé, il n'a pas été réglé.
M. BURNS: II n'a pas été réglé, vous avez
parfaitement raison, M. le ministre.
M. BIENVENUE: Je déclare ma propre non-satisfaction comme le
député de Maisonneuve vient de le faire, totalement.
M. BURNS: On est d'accord ensemble. M. BIENVENUE: Totalement.
M. BURNS: II y a une chose que je regrette, c'est que, d'une part, les
crédits du ministère de l'Immigration n'aient pas eu lieu et que
cette discussion qu'on vient de tenir dans ce cadre n'ait pas eu lieu avant
l'étude des crédits du ministère de la Fonction publique,
parce qu'il semble que c'est plutôt à votre collègue de la
Fonction publique, par les remarques que vous me faites, qu'on aurait dû
poser des questions. Mais sachant ce qu'on vient de savoir de la part du
ministre, je regrette également de ne pas avoir été
personnellement présent à cette commission, j'étais
présent à une autre commission.
M. BIENVENUE: Je n'accuse pas mon collègue, je dis juste que,
d'après moi, j'ai fait tout ce que j'ai pu, j'ai écrit, je n'ai
pas parlé, j'ai écrit aux personnes autorisées, les
écrits restent. Je n'accuse donc personne mais je considère bien
humblement que j'ai fait tout mon possible. Malgré ça, je vais
continuer, demain, encore dans une semaine et dans une autre semaine, à
tenter d'obtenir ce que je recherche depuis des mois et qui me permettrait de
libérer un poste dont j'ai tellement besoin dans le contexte du petit
ministère que nous sommes et où chaque poste est important.
M. BURNS: Le plus extraordinaire, M. le ministre, c'est que, dans le cas
du petit employé, je le dis, au point de vue de la hiérarchie,
non pas de son importance, parce que quelle que soit la place d'un
employé de la fonction publique dans la hiérarchie, je pense
qu'il a son importance, autrement, on ne l'engagerait pas, mais quand je dis
petit, je parle au point de vue hiérarchique, ce que je trouve
drôle, c'est comme on est donc vite à congédier quelqu'un.
Je ne dis pas congédier, parce qu'en vertu de la Loi de la fonction
publique, on commence par suspendre quelqu'un pour un maximum de deux mois et
ensuite, son problème est amené devant la Commission de la
fonction publique. C'est donc drôle comme ça va vite lorsqu'il
s'agit de quelqu'un qui ne détient pas un poste politique, lorsqu'il
s'agit de quelqu'un qui est tout simplement balloté par le
système et cela, je le regrette. Je pense que le cas qui nous confronte
actuellement est peut-être un des cas typiques de la discrimination qui
existe dans la fonction publique. J'assure le ministre de l'Immigration,
maintenant qu'il m'a assuré de son intention de régler le
problème, que je vais l'épauler entièrement
là-dessus, à ma façon à moi.
Sur le peu de rapidité de réaction de la part du ministre
à l'égard de M. René Gagnon, j'ai des réticences
là-dessus que je maintiens. Je pense que, dès que les choses ont
été connues, comme le ministre les a connues, il aurait dû
réagir.
M. BIENVENUE: J'apprécierai toute aide que pourra m'offrir d'une
façon ou d'une autre, le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Je tiens à assurer le ministre qu'avec mes petites
capacités, je vais appuyer les efforts du ministre là-dessus.
M. BIENVENUE: Merci.
M. BURNS:, Je reste quand même très déçu de
la façon dont le problème, comme le ministre le disait, ne se
règle pas.
M. le ministre, j'aimerais, puisqu'on vous a permis je ne dis pas
cela de façon "bobon-ne" de suspendre les travaux vers les 17 h
15 pour rencontrer des gens, je pense que c'étaient des
représentants des COFI... Tout le monde sait qu'actuellement, il y a des
arrêts de travail qui affectent en particulier le COFI de la rive sud, de
Montréal...
M. BIENVENUE: Et de la Commission des écoles catholiques de
Montréal.
M. BURNS: D'accord. Est-ce que le ministre peut, d'une part
est-ce que c'est trop lui demander? nous faire rapport de sa rencontre
avec les représentants des COFI vers la fin de l'après-midi?
M. BIENVENUE: Avec plaisir.
M. BURNS: Deuxièmement, j'aimerais que le ministre, dans sa
réponse quant à y être, j'aimerais autant lui donner
tout de suite les éléments de ma question est-ce que le
ministre peut nous expliquer son apparente impuissance à l'endroit du
règlement de ce problème? Je sais que le ministre nous a
déjà fait une déclaration où il nous disait: Ce
n'est pas complètement de mon ressort, je ne veux pas intervenir parce
que je ne suis pas en mesure de régler le problème. J'ai
peut-être mal compris le ministre, mais c'est tout cela que je voudrais
qu'il nous précise. J'aimerais savoir comment, comme ministre de
l'Immigration, il ne peut pas ne pas être impressionné par le fait
qu'actuellement, une de ses chevilles ouvrières, quant à la
francisation, quant à la francophonisation, comme il dit si bien, des
immigrants, n'opère pas normalement. Alors, si le ministre peut nous
faire un petit rapport à ce sujet, j'aimerais bien l'entendre.
M. BIENVENUE: D'abord, je corrige tout de suite l'expression que le
député de Maisonneuve a employée, sûrement pas
à dessein, au moment où il dit: Je ne comprends pas que le
ministre ne soit pas impressionné. Au contraire, je suis
très impressionné, très inquiet, très
malheureux de ce conflit qui dure maintenant depuis cinq mois, je pense, et qui
est extrêmement pénible. J'en dirai un mot dans un instant. Pour
ce qui est du rapport de la rencontre de cet après-midi, ce fut une
rencontre extrêmement cordiale, sollicitée par les
représentants des enseignants en grève qui, sauf erreur, ont fait
demande de cette rencontre il y a à peine quelques jours et j'ai voulu
l'accorder dès aujourd'hui, nonobstant la journée que nous
faisons tous ensemble. Cette rencontre avait pour but, quant aux
représentants des COFI, de faire le point auprès de nous, de nous
dire ce qui en était de l'état des négociations,
l'état très lent des négociations. A la suite d'une
première rencontre que nous avions eue avec eux, ici même à
Québec, en mars dernier, je pense, et au cours de laquelle j'avais
convenu avec eux que je ferais la seule chose qu'il m'était
juridiquement possible de faire, soit des pressions morales auprès des
personnes ou organismes qui sont en cause dans ce conflit, nous avons fait ce
point cet après-midi.
J'ai appris de la bouche des représentants des COFI ce qui en
était, je viens de le dire. Nous avons pensé tout haut devant eux
en leur présence et ils ont pensé tout haut devant nous. Nous
avons parlé de différentes hypothèses pour l'avenir, mais
qui, toutes, toujours n'avaient rien à voir avec la présente
négociation où je ne puis rien faire et là, cela
m'amène à la deuxième question du député de
Maisonneuve et je m'explique.
Le député de Maisonneuve a employé les mots
"impuissance apparente" en parlant de nous, il y a un instant. Cela n'est pas
une impuissance apparente, c'est une impuissance véritable et
fondée. Le député de Maisonneuve disait qu'il ne serait
pas complètement du ressort, ce que je corrige; non seulement ce n'est
pas complètement du ressort de notre ministère, mais ce n'est pas
du tout du ressort de notre ministère.
Tout cela pour dire que nous ne sommes pas partie du conflit actuel
juridiquement. Nous n'avons aucun pouvoir réel ou juridique,
théorique ou pratique à tel point que nous n'y sommes
représentés à ces négociations que par la
présence d'un haut fonctionnaire de mon ministère qui est
là comme observateur, qui n'a pas un mot à dire et qui ne dit pas
un mot. Il écoute, il note, il enregistre, il écrit, point. Son
rôle à son niveau est exactement celui de mon
ministère.
Les parties en cause sont la CECM la Commission des écoles
catholiques de Montréal les professeurs et là, je
ne veux pas entrer dans tous les détails, mais il y a un conflit de
syndicats en cause la table provinciale qui étudie les relations
patronales-syndicales au niveau de l'éducation et enfin le
ministère de l'Education dont nous avons abondamment parlé ce
matin.
Les négociations sont conduites entre ces gens. Je n'y puis rien
parce que ma seule position, quand je dis "ma", je parle de mon
ministère et celle de l'organisme qui reçoit d'une main de
l'argent 100 p.c. fédéral et qui le redistribue de l'autre
main... Nous n'avons rien à voir aux conditions de travail, aux normes,
aux salaires, aux traitements et c'est ce qui me faisait dire le 9 avril,
à l'étude de nos crédits ici même, avant
l'ajournement de Pâques et j'espère que c'est la
dernière fois que je me cite aujourd'hui qu'il est
profondément regrettable pour les nouveaux arrivants et pour la
communauté que le conflit de travail qui a commencé dans les COFI
de la Commission des écoles catholiques de Montréal le 21 janvier
dernier, trafne en longueur. La situation est d'autant plus absurbe qu'il
existe dans le secteur privé, des conditions de travail qui semblent
donner satisfaction à tout le monde.
L'actuel conflit n'est ni de nature financière, ni de nature
économique et je n'ai malheureusement aucun pouvoir juridique pour y
apporter une solution qui me semble, cependant, tout à fait possible et
à portée de main.
Lorsque j'ai dit que ce conflit était pénible, que
j'étais non seulement impressionné, mais très
impressionné et malheureux, de même que mon ministère,
c'est qu'outre le fait que 87 enseignants sont en grève avec tout ce que
cela représente depuis cinq mois, il y a encore plus gros que cela au
plan du bien commun et comme enjeu, il y a 2,000 immigrants dont on dit depuis
ce matin qu'on veut franciser à pleine vapeur, qui ne reçoivent
pas de cours et sont pénalisés pendant cette grève. On
réalise que ce nombre va en augmentant continuellement et ce sont autant
de gens dont l'intégration est retardée et retardée de
façon dramatique parce qu'il est difficile de s'intégrer
lorsqu'on ne parle pas ou lorsqu'on ne comprend pas la langue du nouveau pays
où on est arrivé et c'est leur cas.
Je sais que les voeux pieux donnent fort peu de choses, mais comme je
l'ai dit à ces gens cet après-midi, qui comprennent incidemment
tout ce que je viens de dire, qui sont au fait de tout ce que je viens de dire,
au sujet des mains liées de mon ministère face à ce
conflit... Ces gens me disaient: Tant mieux si on vous en parle lors de
l'étude de vos crédits ce soir, au moins, vous aurez là un
moyen de diffusion plus vaste pour répandre ce message dans la
population, la sensibiliser davantage aux problèmes que vous avez
à affronter dans votre mission d'intégration des nouveaux
immigrants.
Ces gens l'ont compris. Ils savent que nous n'y pouvons rien. Ils savent
que je me suis livré, ainsi que mes hauts fonctionnaires, à
toutes les pressions morales qu'il était décent de faire dans les
circonstances, et ces gens espèrent. Nous leur avons fourni des
hypothèses éventuelles de solution, pas à court terme
évidemment, pas dans le cours du conflit actuel, mais pour l'avenir,
à moyen ou à long terme, pour que, dorénavant, nous ayons
un mot à dire, quel qu'il soit dans l'administration, la
gérance
des COFI et à ceux qui y enseignent. Je pense que c'est à
peu près le résumé, sans vouloir aller dans tous les
détails techniques...
M. BURNS: M. le ministre, le montant qui vous est versé par le
fédéral, est quand même versé à votre
ministère. Ce montant, nous avez-vous dit au début de
l'étude de vos crédits, est en grande partie utilisé
à l'administration des COFI, n'est-ce pas?
M. BIENVENUE: Au chapitre des COFI, en vertu de la Loi de la formation
professionnelle des adultes, tout va au COFI.
M. BURNS: Bon! Alors, est-ce que vous n'avez pas, de ce fait, un minimum
de responsabilités dans ce domaine? Est-ce qu'on ne doit pas comprendre
que le ministère de l'Immigration est autre chose qu'une espèce
de caisse d'échange ou de trait d'union pour recevoir un chèque
d'une main et le remettre de l'autre main? Est-ce que ce n'est pas autre chose
que cela?
M. BIENVENUE: Voici.
M. BURNS: Autrement, je vous vois... J'ai de la difficulté
à comprendre pourquoi on parlerait, dans vos crédits,
d'adaptation des immigrants. Qu'est-ce que cela fait là? On va remettre
cela au ministère de l'Education, si c'est là que cela va.
M. BIENVENUE: Quant à la partie du test, quant à la partie
de la matière, etc., d'accord! Non pas quant à la partie qui a
trait au conflit qu'on voit actuellement. Au secteur privé, je pense au
COFI de Laprairie, le grand frère n'y est pas, c'est nous. Il y a eu des
grèves. Elles furent, heureusement, de courte durée. Comme je le
disais, les parties semblaient être d'accord, semblaient être... On
n'est jamais heureux complètement dans la vie. Les conditions de
travail... Toutes choses étant normales, il n'y a pas de problème
de ce côté.
A partir du moment où vous arrivez dans le secteur public
d'enseignement, dans le cas actuel, c'est la Commission des écoles
catholiques de Montréal, ma présence disparaît, et c'est le
ministère de l'Education qui, au niveau de la formation des adultes,
occupe le champ. C'est pour cela que dans le conflit actuel, contrairement
à ceux dont j'ai parlé, nous sommes absents.
M. BURNS: Mais, vous avez parlé tantôt de pressions
morales. Si les COFI tombent sous votre responsabilité, si c'est
à votre ministère et non pas à d'autres ministères
que les sommes sont versées pour cela, et si c'est de votre
ministère que partent les sommes pour maintenir ce secteur, ne
croyez-vous pas que votre pression morale est beaucoup plus forte que vous
pensez?
M. BIENVENUE: J'aurais voulu qu'elle soit...
M. BURNS: Si c'est véritablement...
M. BIENVENUE: ... aussi forte que je pensais, mais les sommes, je ne
puis pas les verser lorsque les cours ne se donnent pas. Les cours ne se
donnent pas parce que les enseignants sont en grève. Les enseignants
sont en grève au sujet des conditions de travail, ou de relations de
travail, sur lesquelles je n'ai pas un mot à dire. Je paie, pourvu que
les cours se donnent. Si les cours ne se donnent pas, pour des raisons qui
échappent totalement à mon contrôle, contrôle que je
n'ai pas quant au règlement de ce conflit...
M. BURNS: Qu'est-ce que vous pensez, par exemple, de votre
collègue, le ministre actuel du Travail et de la Main-d'Oeuvre, M. Jean
Cournoyer, qui lui, n'avait pas de juridiction sur la police provinciale. Il
s'est rendu, il y a deux ans, sur les lieux d'une assemblée des
policiers provinciaux qui relèvent directement du ministre de la
Justice.
Cela a peut-être choqué beaucoup le ministre de la Justice,
remarquez.
M. BIENVENUE: J'avais été invité à cette
réunion.
M. BURNS: Oui, mais en tout cas, même si vous aviez
été invité, c'est le cas de M. Cournoyer, il est
allé les rencontrer et l'a réglée, la grève. En
tout cas, il ne l'a pas réglée tout seul, mais il a
participé au règlement de cette grève. C'est cela que
j'appelle une pression morale. Vous, actuellement, vous avez une obligation, de
par votre ministère, c'est de voir à ce que les milliers
d'immigrants vous avez parlé de quelques milliers, 2,000
immigrants qui ne reçoivent pas les services auxquels ils sont en
droit de s'attendre les reçoivent. Vous avez une obligation de voir
à ce que se corrige cette situation. Si c'est une querelle entre
ministères, entre le ministère de l'Education et le vôtre,
même si votre budget est pas mal plus petit que celui du ministère
de l'Education, il faudrait peut-être que vous nous prouviez que vous
êtes un véritable ministre. Vous avez droit à un vote, pas
un vote par millions de dollars que votre ministère a comme
crédits. Si c'était cela, il y aurait deux ou trois ministres qui
monopoliseraient le conseil des ministres, par exemple celui des Affaires
sociales, celui de l'Education, celui du Transport.
M. BIENVENUE: Ceux que M. Tremblay a qualifiés de "jumbo
ministers".
M. BURNS: Vous arriveriez, vous...
M. BIENVENUE: Des "jumbo ministers".
M. BURNS: Des "jumbo ministers", oui, vous arriveriez sans doute bon
dernier, au point de vue du montant des crédits, mais je ne pense pas
que ce soit comme cela qu'on doive faire l'approche. Je pense que, comme
ministre, vous avez une responsabilité que vous devez exercer, et
personnellement, je ne peux pas accepter que vous disiez: Ce n'est pas de mon
domaine. Votre domaine, actuellement, c'est de voir comment il se fait que
2,000 immigrants ne reçoivent par les services qu'ils sont en droit de
s'attendre.
M. BIENVENUE: Pas seulement de savoir.
M. BURNS: Oui. Et là, vous avez un problème de relations
de travail à cet égard. Comment se fait-il, à un moment
donné, que le ministre de l'Immigration tente d'imposer ses normes
je ne le sais pas, mais je présume que c'est cela qu'il
tente d'imposer une série de choses que, peut-être, il tente de le
faire à l'égard d'une future négociation qui se situe en
1975, c'est peut-être cela, ce n'est peut-être pas cela aussi? Mais
une chose est certaine, c'est qu'actuellement, comme ministre de l'Immigration,
vous n'avez pas le droit d'accepter que le problème traîne comme
il traîne actuellement depuis cinq mois et que vous fassiez aveu
d'impuissance à toute personne qui vous en parle.
M. BIENVENUE: Dans le secteur privé où j'étais le
seul ministère en cause, mes hauts fonctionnaires et moi nous nous
sommes livrés aux pressions morales dont je viens de parler, et
auprès des parties contractantes, et la grève s'est
réglée très rapidement. Dans le secteur public, on est en
face de la Loi de l'instruction publique et là je ne suis plus seul au
tableau, il y a le grand frère dont j'ai parlé...
M. BURNS: Mais vous êtes là. Vous n'êtes pas seul,
mais vous êtes là.
M. BIENVENUE: Entendons-nous, quand je dis que je suis tout seul au
tableau, je veux dire que mes pressions morales, au lieu de les faire
directement, uniquement et seulement sur deux parties, comme dans le cas du
secteur privé, sur les enseignants et surtout sur la partie patronale,
qui était la Corporation des Saints Apôtres, si j'ai bonne
mémoire, dans le secteur public, on est en face de l'application d'une
loi qui est du ressort exclusif du ministère de l'Education du
Québec, la Loi de l'instruction publique. Les conditions de travail des
professeurs à cet endroit, toutes les clauses, toutes les relations
patronales-syndicales, que ce soit à la formation des adultes, comme
c'est le cas, ou si c'était en général à la
formation générale des enfants, c'est du ressort exclusif du
ministère de l'Education.
J'ai fait mes pressions morales, mes hauts fonctionnaires en ont fait
également auprès de la Commission des écoles catholiques
de Montréal, auprès du ministère de l'Education, et je
n'ai pas réussi. C'est aussi simple que cela. Il n'y aura de secret, il
n'y aura de cachette pour personne. Je n'ai pas réussi. J'ai
été impuissant, pour employer les mots mêmes du
député de Maisonneuve, dans mes tentatives, et je n'y peux rien
de plus. Je ne peux pas arriver là avec des armes à feu. Je ne
peux pas faire un vol à main armée. Selon une expression typique
de chez nous, on dirait: J'ai fait patate. Mais c'est le cas. Les enseignants
en grève le savent, le ministère de l'Education le sait, la CECM
le sait.
Tout le monde le sait. Et maintenant le grand public le sait, mais je
crois que c'est parce que je l'avais déjà dit
antérieurement.
Et je n'y peux rien, strictement rien.
M. BURNS: Le ministre d'une part reconnaît sa
responsabilité à l'égard des COFI, n'est-ce pas?
M. BIENVENUE: A l'égard des immigrants qui sont privés de
cours, et relativement au programme des COFI, absolument.
M. BURNS: Vous reconnaissez ça? M. BIENVENUE: Oui.
M. BURNS: Est-ce que vous reconnaissez également que les
professeurs qui oeuvrent dans le domaine des COFI sont des professeurs à
caractère un peu spécial?
M. BIENVENUE: Je l'ai déjà dit publiquement.
M. BURNS: Bon, vous reconnaissez ça? Est-ce que vous reconnaissez
à ce moment...
M. BIENVENUE: Ils sont des intégrateurs.
M. BURNS: Je suis content d'entendre le ministre le dire.
M. BIENVENUE: Je l'ai déjà dit.
M. BURNS: II vient de faire des professeurs, pas de faire parce que
ça existe... Il vient de reconnaître dans le fond que les
professeurs qui travaillent dans le domaine particulier qui nous
intéresse actuellement sont des gens qui ont une vocation très
spécifique. C'est ça?
M. BIENVENUE: Le député de Maisonneuve me permet une
interruption?
M. BURNS: Qui n'est pas nécessairement celle des enseignants qui
relèvent du ministère de l'Education. C'est ça?
M. BIENVENUE: Lorsque j'ai dit: Ce sont des intégrateurs, c'est
moi qui l'ai dit comme ministre de l'Immigration. Je l'a dit en public, et je
l'ai dit au ministère de l'Education. Mais, c'est moi qui l'ai dit.
M. BURNS: Vous l'avez dit, donc vous n'avez pas pu convaincre le
ministère de l'Immigration. C'est ça?
M. BIENVENUE: De l'Education. Exactement.
M. BURNS: Est-ce que dans vos discussions, parce que je présume
qu'il y en a eu, vous venez de nous dire...
M. BIENVENUE: Plusieurs.
M. BURNS: ... que vous avez dit au ministère de l'Education que
vous considériez les professeurs de ce secteur comme des
intégrateurs, donc vous avez eu des contacts... Est-ce que vous avez
revendiqué la responsabilité des professeurs des COFI?
M. BIENVENUE: Pas la responsabilité actuelle, je ne l'ai pas.
M. BURNS: Pourquoi pas? Je sais que vous ne l'avez pas.
M. BIENVENUE: Ils enseignent dans des commissions scolaires qui
dépendent, elles...
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: ... directement et uniquement du ministère de
l'Education.
M. BURNS: Oui, mais pourquoi à ce moment vous qui êtes
préoccupé, qui êtes même alarmé par le fait
qu'entre autres 2,000 immigrants ne reçoivent pas les services qu'ils
sont en droit de s'attendre, pourquoi, voyant que du côté du
ministère de l'Education, ça ne se règle pas pour des
problèmes bureaucratiques, sans aucun doute...
M. BIENVENUE: Ou juridiques.
M. BURNS: Moi, je pense qu'ils sont plutôt bureaucratiques.
M. BIENVENUE: II est question de juridique actuellement.
M. BURNS: Chacun veut garder ses petits secteurs et ses petites
bébelles. On sait comment ça fonctionne. Chacun veut garder aussi
une certaine main haute sur des politiques qui souvent s'appliquent mal dans
des domaines qui sont aussi spécifiques que celui-là. Le ministre
vient de le reconnaître.
Pourquoi ne demandez-vous pas de rapatrier au ministère de
l'Immigration la responsabilité totale sur ces domaines, et pourquoi,
ayant obtenu ça, n'auriez-vous pas la possibilité, vous, de
régler le problème?
M. BIENVENUE: Cela a été demandé. L'of- fre a
été faite à nouveau cet après-midi, lorsque j'ai
parlé d'hypothèse aux gens des COFI qui nous ont rendu visite. Si
nous n'avons pas voulu intervenir avant, et sans le consentement de ces gens,
c'est parce que nous sommes parfaitement conscients de l'existence des
syndicats, des problèmes qui en découlent, et c'est par respect
nous l'avons dit à ces gens cet après-midi pour
eux, leur situation présente, individuelle comme syndicale. Nous avons
répété devant eux l'offre que nous avions faite
précédemment, et ils y réfléchissent
actuellement.
De sorte que le jour où ces COFI seront entièrement sous
notre juridiction, je serai prêt à mes crédits, avec autant
de facilité que j'ai essayé de le faire à ce jour lorsque
j'étais en cause ou que je faisais des constats d'impuissance, je serai
prêt à dire si ça va bien: C'est grâce à mes
hauts fonctionnaires. Si ça va mal: C'est grâce à moi. Dans
le moment, le vieux "no taxation without reprensentation", ça
m'échappe. Mais le jour où ça viendra sous notre aile
à nous, nous prendrons nos responsabilités pour le meilleur ou
pour le pire.
M. BURNS: Ce qui veut dire...
M. BIENVENUE: De cela, les professeurs concernés en sont
parfaitement conscients.
M. BURNS: ... qu'actuellement vous êtes à peu près
placé devant la situation de simplement constater que ce secteur
important c'est quand même les cinq huitièmes ou presque de
votre budget peut-être pas au total, mais en tout cas...
M. BIENVENUE: Au total.
M. BURNS: Oui, au total, mais je veux dire quant aux groupes
concernés, ils sont moins ... total.
M. BIENVENUE: D'accord.
M. BURNS Mais ce secteur, dans le fond, vous êtes là pour
le faire fonctionner et vous vous rendez compte que vous n'êtes pas
capable de le faire.
M. BIENVENUE: Pieds et poings liés, pour rendre mon image bien
claire.
M. BURNS: Qu'est-ce que vous allez faire pour régler ça?
Est-ce le ministre de l'Education qui vous... Il a assez de chats à
fouetter avec son bill 22, il pourrait vous en laisser un petit bout.
M. BIENVENUE: C'est évidemment une suite du passé
où, au début, les COFI, avant l'existence de notre
ministère, étaient la responsabilité
peut-être pas tout à fait dans la forme complète actuelle
du ministère de l'Education. Je suis heureux de la
dernière remarque du
député de Maisonneuve, elle anticipe peut-être sur
une des remarques que je ferai lorsque sera terminée l'étude de
ces crédits.
Voici un autre domaine où je suis heureux que l'attention du
grand public soit éveillée, grand public qui, encore dans bien
des coins, ignore l'existence même du ministère de l'Immigration
du Québec. Et quand je parle du grand public, je pourrais étendre
cela à d'autres organismes que le grand public. Et ça me reporte
à ce que j'avais dit je ne me rappelle plus où il y
a quelque temps, que ça devenait impérieux et capital qu'on
s'intéresse à l'immigration.
Cela confirme ce que j'ai déjà dit à plusieurs
reprises en Chambre et dans des entrevues à des représentants de
la presse, ce que j'entendais par avoir peu ou pas de pouvoirs, c'en est un
exemple criant, si ça peut contribuer l'étude de ces
crédits à éveiller un plus grand nombre de
concitoyens au Québec sur les problèmes, les carences, l'urgence
et les retards dont j'ai parlé si souventefois, nos retards dans tous
ces domaines.
Quand j'ai parlé de budget, c'est la même chose, les outils
dont on a besoin. Si ça peut éveiller davantage le public, je
serai sorti personnellement combien heureux de l'étude de ces
crédits, où je répète que le député
de Maisonneuve joue le rôle qu'il doit jouer. J'ai vécu ça
souvent dans l'Opposition. Souvent l'Opposition peut jouer un rôle
positif, elle a même des moyens que les ministériels n'ont
pas.
M. BURNS: Vous ne faisiez pas ça aussi bien que nous, c'est
certain.
M. BIENVENUE: Nous étions plus nombreux.
M. BURNS: C'est peut-être pour ça que vous ne faisiez pas
ça aussi bien.
M. BIENVENUE: Chaque joueur pouvait être moins bonne vedette
individuellement, parce que l'équipe était trop vaste.
M. BURNS: Mais si on revient à ce problème de façon
sérieuse, j'aimerais que le ministre sur ce point nous laisse avec un
élément de solution, qu'il va tenter d'obtenir. Moi, ça ne
me satisfait pas que le ministre...
M. BIENVENUE: Oui, alors...
M. BURNS: ... admette qu'il est impuissant à régler le
problème...
M. BIENVENUE: ... j'ai...
M. BURNS: ... alors qu'il lui est évident que ça touche
à son ministère, ça le touche profondément,
ça le touche aux cinq septièmes de ses crédits en tout
cas.
M. BIENVENUE: L'élément de solution, on y a touché
tout à l'heure. On l'a expliqué, mais je peux le résumer.
C'est qu'évidemment, compte tenu du fait qu'au moment où on se
parle, la négociation se continue, je...
M. BURNS: Avec qui?
M. BIENVENUE: La table centrale, la table provinciale.
M. BURNS: Mais qui est l'interlocuteur du côté
gouvernemental?
M. BIENVENUE: Le ministère de l'Education.
M. BURNS: Le ministère de l'Education.
M. BIENVENUE: Pour la partie patronale. La CEC...
M. BURNS: Quelle influence avez-vous sur les décisions qui sont
prises par le ministère de l'Education?
M. BIENVENUE: Je l'ai dit et je le répète, aucune, "none"
en anglais.
M. BURNS: Qu'est-ce que vous faites pour que ça change?
M. BIENVENUE: Ce que je pouvais faire, ce que j'ai tenté de
faire, je l'ai fait, et je répète le résultat que j'ai
annoncé précédemment, patate, si on veut s'exprimer en
termes du terroir, nil.
M. BURNS: Qu'est-ce que vous avez fait?
M. BIENVENUE: J'ai fait tout ce qui pouvait se faire décemment au
chapitre des pressions morales.
M. BURNS: C'est quoi, par exemple?
M. BIENVENUE: On vient d'en parler abondamment, voir...
M. BURNS: Non, on a parlé de pressions morales, mais ça
c'est abstrait; dans le concret, vous avez fait quoi?
M. BIENVENUE: Des rencontres à mon niveau et à celui de
mes hauts fonctionnaires pour faire valoir la thèse du professeur de
COFI, qui est autre chose qu'un simple enseignant qui, deuxièmement, est
autre chose qu'un simple enseignant aux adultes, et qui, troisièmement,
est un enseignant aux adultes qui s'adonnent à être des
immigrants.
Donc, des intégrateurs, des agents de prolongement de l'action de
mon ministère, nous rappelant tous que le professeur des COFI est,
à toutes fins pratiques, un des premiers contacts humains qu'a
l'immigrant après son arrivée au pays ou au Québec. Comme
tel, en lui enseignant les langues, il lui enseigne d'abord, ce qui
fait toute la différence entre gagner sa vie ou tout perdre et
être obligé de retourner dans son pays, ou être
assisté social. En plus de l'enseignement des langues proprement dites,
il lui enseigne, dans bien des cas, par combien de dévouement et en
dehors des heures et des cadres normaux, la connaissance de la vie au
Québec, l'initiation à la vie au Québec ou au Canada.
Il a par conséquent une vocation spéciale. Et c'est ce
message que nous avons tenté de faire comprendre mais sans
succès.
M. BURNS: Auprès du ministère de l'Education?
M. BIENVENUE: Oui. Evidemment, je le dis assez clairement, je pense,
auprès du ministère de l'Education du Québec. Quand je
parle de pressions morales décentes, je veux dire que, malgré
tout mon amour à la cause, je n'y suis pas allé à genoux,
ce qui est normal. Mes hauts fonctionnaires et moi avons essayé de
convaincre, et le député de Maisonneuve sait aussi bien que moi,
comme avocat, qu'on tente tous les jours de convaincre un juge. Parfois on
réussit pas toujours.
M. BURNS: Mais il y a des cours d'appel. La cour d'appel, dans votre
cas, c'est le cabinet des ministres. Est-ce que vous avez l'intention d'y
aller. C'est ça la cour d'appel pour vous.
M. BIENVENUE: Mais la cour d'appel...
M. BURNS: Si vous ne vous entendez pas avec le ministre de l'Education
sur des politiques comme celles-là, pourquoi le problème ne
serait-il pas posé au cabinet des ministres? Pourquoi le ministre de
l'Education ne dirait-il pas: Actuellement, à cause d'un
entêtement stupide du ministère de l'Education, je ne puis pas
réaliser certaines des choses qu'on me demande de réaliser.
M. BIENVENUE: Les mots "entêtement stupide" sont évidemment
de la bouche du député de Maisonneuve.
M. BURNS: Oui, mais j'espère que vous les prenez à votre
compte.
M. BIENVENUE: Je suis à préparer, le mémoire est
prêt, je pense...
M. BURNS: Vous n'appuyez pas ces mots "entêtement stupide"?
M. BIENVENUE: C'est agréable d'être dans l'Opposition, on
peut dire un tas de choses.
M. BURNS: Pourquoi une fois pour toutes un minsitre n'aurait pas le
"guts" de dire ce qu'il pense?
M. BIENVENUE: II y a des silences qui sont parfois plus
héroïques.
M. BURNS: Je comprends que le ministre est d'accord avec moi.
M. BIENVENUE: Je n'ai pas dit ça. Revenons à la note
sérieuse. Je dis au député de Maisonneuve que mon
ministère toute farce mise de côté a
préparé un mémoire dans le sens que souhaite le
député de Maisonneuve, mémoire qui porte sur cette
question et toutes les autres qui s'y rattachent, qui ont fait l'objet de bien
des discussions que nous avons eues depuis le début de l'étude de
ces crédits.
La solution sous réserve évidemment de la
négociation qui n'aboutirait pas dans le sens positif c'est la
gestion directe des COFI par le ministère de l'Immigration. C'est celle
que nous avons à proposer aux représentants des professeurs que
nous avons rencontrés, solution sur laquelle ils
réfléchissent et solution qui avait déjà
été portée à leur connaissance. Mais ils sont
conscients que nous avons voulu procéder comme c'est notre
façon habituelle par consultation, et non par imposition, par
respect pour leur situation actuelle, pour leur syndicat, et se rappelant quand
même que le jour où ces gens deviendraient en gestion directe sous
le ministère de l'Immigration, ils deviendraient des fonctionnaires avec
tout ce que cela implique.
M. BURNS: Vous savez qu'un tout petit amendement...
M. BIENVENUE: Et ça ne sera pas...
M. BURNS: ... aux articles 69 et suivants de la Loi de la fonction
publique pourrait vous faciliter la tâche rapidement.
M. BIENVENUE: Et je vais plus loin, ça ne serait pas un
autre problème qui nous préoccupe et les préoccupe
automatiquement ou nécessairement en loi, ces gens, les 87 en
question... On me comprend au moment où je dis... Parce qu'il y a quand
même les procédures d'intégration, d'admission à la
fonction publique.
Notre voeu le plus ardent et je parle au nom de mon
ministère au complet en le disant serait que ce soient ces gens.
Mais je ne puis pas donner de garantie ou d'assurance comme si j'étais
patron ou chef du personnel dans une entreprise privée. On connaît
trop cette immense machine qui s'appelle la fonction publique.
C'est à toutes ces choses que je pense et auxquelles ces
professeurs pensent très sérieusement au moment où on se
parle.
M. BURNS: Le ministre a-t-il, à court terme, des lueurs d'espoir,
par l'intervention de son ministère, pour un règlement du
conflit? C'est ça le problème.
M. BIENVENUE: Je ne puis que répondre que je dois m'en remettre
comme tout le monde à la négociation qui est en cours.
Evidemment, j'espère comme tout le monde et depuis longtemps que cette
négociation aboutisse. Je pense que je n'exagère pas en disant
que nous ne sommes pas étrangers à la reprise de cette
négociation j'oubliais de le dire, ç'a été
peut-être un des effets de nos pressions qui a été
au point mort pendant un certain bout de temps assez impressionnant.
Le député de Maisonneuve connaît trop bien le monde
du travail pour ne pas se rendre compte que la solution la plus
immédiate, la plus prochaine serait l'aboutissement heureux des
négociations. Mais si elles devaient être rompues
définitivement ou ne jamais aboutir dans un avenir proche, pensable, il
y a l'autre solution. Là-dessus, nous nous sommes quittés, les
représentants des professeurs et nous, avec l'entente que nous nous
reverrions à leur convenance, après leur réflexion,
évidemment à la condition qu'il y ait des négociations.
Notre porte est grande ouverte et ils le savent.
Un dernier détail que je voulais expliquer au
député de Maisonneuve, c'est qu'advenant cette solution de la
gestion en direct par nous j'ai parlé tout à l'heure de la
fonction publique, par opposition à l'entreprise privée
ça ne se ferait pas demain matin. Dans la mise en branle de ce
mécanisme d'intégration, il y a le Conseil du trésor qui
devrait nous fournir des crédits supplémentaires. Mais c'est
surtout du côté de la fonction publique, où vous
n'intégrez pas en un tour de main quelque 80 ou 100 personnes à
ce niveau.
M. BURNS: Mais actuellement, si j'ai bien compris, avec le COFI des
Saints-Apôtres, vous ne semblez pas avoir de problème.
M. BIENVENUE: Non, il y a eu une convention collective de
réglée.
M. BURNS: Pourquoi? Parce que ça ne relève pas du
ministère de l'Education?
M. BIENVENUE: Non. La partie patronale était cette corporation,
l'autre partie était...
M. BURNS: Malgré qu'il y en ait eu des problèmes.
M. BIENVENUE: Oui, d'accord.
M. BURNS: C'est d'ailleurs pour ça que, tout à l'heure, je
parlais de la rive sud, je ne sais pas pourquoi ça m'est venu.
M. BIENVENUE: Le soleil à côté des nuages actuels.
Cela a été très court, cela a été
réglé je le répète à la
satisfaction de tous les intéressés. Nos pressions ne
s'exerçaient, à toutes fins pratiques, qu'à un niveau,
celui de cette corporation des Saints-Apôtres qui gère le
COFI Laprairie. Cela a été court, simple et beaucoup plus
facile. Pour être clair, le chemin était à nous, devant
nous. Nous l'occupions seuls.
Les professeurs des COFI en grève de la CECM sont conscients de
ces faits. Mais ils nous échappent au plan de la juridiction, et le
patron, la partie patronale, nous échappe.
M. BURNS: De toute façon, dans l'immédiat, qu'est-ce que
vous avez l'intention de faire à part les propositions que vous avez
faites aux représentants des COFI, au point de vue de l'appareil
intérieur...
M. BIENVENUE: Continuer...
M. BURNS: ... du gouvernement, je vous parle de l'appareil
intérieur gouvernemental, vos problèmes avec le ministère
de l'Education, par exemple? Qu'est-ce qui se fait de concret dans les jours
qui viennent? Cela fait quand même cinq mois que ça dure.
M. BIENVENUE: Des pressions, rien de plus, plus le mémoire auquel
j'ai fait allusion, que nous nous apprêtons à mettre entre les
mains de l'exécutif pour une solution en profondeur. Quant au court
terme dont parle le député de Maisonneuve, je lui mentirais si je
lui disais que ça peut être autre chose que les pressions
auxquelles j'ai fait allusion pour que la négociation se continue, pour
qu'elle soit accélérée. Je ne peux pas dire plus. Ce
seraient de belles paroles, de beaux mots et rien de plus. Et je suis
malheureux.
M. BURNS: M. le Président, on partage le malheur du ministre,
mais j'aimerais qu'il soit un petit peu plus revendicateur à l'endroit
de ce malheur qui l'afflige. C'est le souhait que je formule. Nous allons,
nous, de notre côté, avoir l'oeil ouvert dans les jours et les
semaines qui vont venir.
Je dis au ministre que nous reviendrons à l'Assemblée
nationale, en Chambre, probablement à la période des questions,
pour savoir exactement quelle est l'évolution de ce dossier. Je pense
qu'il n'est pas suffisant encore une fois, ça ne me satisfait
pas d'entendre le ministre avouer son impuissance. C'est peut-être
une façon de ne pas vider le problème définitivement, mais
ce n'est pas une façon de régler le problème, surtout
quand on sait qu'une grande part de la responsabilité non pas du
conflit, mais de ce milieu ...
M. BIENVENUE: De l'appareil.
M. BURNS: ... de l'appareil relève du ministère de
l'Immigration, je conçois mal que le ministère de l'Immigration
reste devant cet aveu d'impuissance. C'est tout au moins déprimant pour
les personnes qui sont et les usagers du système et ceux qui donnent des
services dans
le système de voir que le ministère de l'Immigration, qui
est, à toutes fins pratiques, la plaque tournante, qui devrait
l'être, en tout cas...
M. BIENVENUE: Qui devrait l'être.
M. BURNS: ... oui, je me rends compte que ça ne l'est pas, mais
que le ministère de l'Immigration, qui devrait être la plaque
tournante, avoue son impuissance devant un problème comme
celui-là.
M. BIENVENUE: Dans cette grève des COFI, c'est au secteur
public.
M. BURNS : En tout cas, tout ce que je peux faire, je ne peux pas
remplacer le ministre, même s'il nous a offert à plusieurs
reprises de démissionner depuis le début.
M. BIENVENUE: Je ne vous ai pas offert cela. Nous lancions tout haut des
hypothèses d'ordre juridique.
M. BURNS Mais à force d'entendre le ministre revenir à
cette hypothèse, je me demandais s'il n'y pensait pas, eu égard
au projet de loi 22 qu'il trouve absolument imparfait.
M. BIENVENUE: Mon gérant de banque m'a appelé à 6
heures et il ne veut rien savoir de ma démission.
M. BURNS : II ne veut pas savoir cela?
Est-ce que je dois comprendre que c'est plus payant pour vous de faire
de la politique que de faire ce que vous faisiez avant?
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: Bon, parce qu'il me semble que...
M. BIENVENUE: Beaucoup moins.
M. BURNS: D'accord. M. le Président, à moins que d'autres
collègues aient quelque chose à dire, avez-vous quelque chose
à dire là-dessus? Non. On ne vous a pas entendu là-dessus.
Le député de Sainte-Marie n'a rien à ajouter? Le
député de Mont-Royal, qui souffre de dédoublement de
personnalité, lui et le premier ministre du Canada?
M. MALEPART: Pas ce soir. Je ne souffre pas de dédoublement de
personnalité.
M. BURNS: Pas ce soir. Le député d'Yamaska n'a rien
à ajouter?
Je veux tout simplement, M. le Président, en guise de conclusion,
faire la petite déclaration suivante. J'aimerais assurer le ministre,
d'une part, que, devant ce budget, ce microbudget, on en a parlé tout au
long des crédits, l'Opposition officielle est en entier accord avec le
ministre québécois de l'Immigration, beaucoup plus d'ailleurs que
ne le sont ses collègues du cabinet, à ce que je peux
comprendre.
Je vois que le ministre déplore de son côté
je vois un de ses collègues du cabinet qui nous arrive de façon
impromptue, peut-être qu'il pourrait écouter ce que l'on
déplore, il arrive d'ailleurs juste à point, le ministre des
Institutions financières et on a déploré je
le dis pour le ministre des Institutions financières, pour qu'il puisse
appuyer son collègue de l'Immigration tout au long des
crédits le tout petit budget du ministre de l'Immigration, du
ministère de l'Immigration. Ne venez pas nous faire pleurer sur votre
petit budget vous aussi, parce que cela ne finira plus.
M. TETLEY: C'est cela. Je voulais commencer par mon budget plutôt
que par le sien.
M. BURNS: Vous avez eu la chance de le faire à vos
crédits.
En ce qui nous concerne, M. le Président, dans le contexte
actuel, le ministre, à toutes fins pratiques, et je ne le dis pas de
façon péjorative, est un fonctionnaire fédéral qui
administre sans pouvoir politique réel, un microbudget destiné
à un microministère, lequel est doté d'une
macropolitique.
Encore une fois, je cite de nouveau au ministre, je lui ai cité
à plusieurs reprises durant nos débats et je lui cite encore
cette fameuse phrase biblique: En vérité, je vous le dis,
l'immigration c'est l'avenir du Québec. Nous, nous disons que le
ministre a parfaitement raison là-dessus. C'est pourquoi, au nom de
l'Opposition officielle, M. le ministre, nous faisons une double proposition au
ministre et à ses collaborateurs et je suis content de voir le ministre
des Institutions financières être témoin de cela.
Relativement au ministère de l'Immigration, nous proposons ceci:
Premièrement, tout d'abord, nous nous refusons, et j'insiste, ce n'est
pas seulement symbolique, M. le Président, à consacrer le
ridicule. C'est pourquoi nous refusons de voter en faveur des crédits de
$2,850,100 proposés par le ministre et qui n'ont aucune commune mesure
avec les pouvoirs que doit avoir le ministre et avec les moyens bien tangibles
dont il doit disposer. Nous appuyons entièrement cependant la demande du
ministre pour que le budget de son ministère soit porté à
une somme de l'ordre de $20 millions. Nous promettons formellement, si je dois
le faire dans cette forme, je promets formellement au ministre de lui apporter
notre appui le plus total à l'Assemblée et hors de
l'Assemblée pour que son ministère cesse d'être, à
toutes fins pratiques et encore une fois ce n'est pas de façon
péjorative à l'endroit du ministre une farce. C'est que
c'en est une actuellement d'avoir de ces politiques et d'avoir un budget si peu
impressionnant et je dirais si ridicule par rapport à toutes les
politiques à engager dans ce domaine.
On a donc l'intention de voir à ce que cela cesse d'être
une farce pour que ce ministère, quelles que soient les bonnes
intentions des gens qui y travaillent, puisse fonctionner réellement
avec les politiques dont on entend parler d'année en année.
Evidemment, en sens inverse, et ce n'est qu'honnête, nous devons
considérer l'éventuelle incapacité du ministre, j'insiste
là-dessus, d'obtenir le budget approprié comme un refus de son
gouvernement de viser concrètement les objectifs verbalement
exprimés et une indication additionnelle fort sérieuse que la
souveraineté culturelle dont on a parlé au tout début de
l'étude de ces crédits, comme la nouvelle politique de
l'Immigration, n'est uniquement que de la poudre aux yeux.
En second lieu, M. le Président, dans le contexte actuel,
c'est-à-dire, en deçà de l'indépendance nationale
du Québec, nous sommes prêts à fonctionner en collaboration
avec le ministre dans le cadre de l'article 95 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique.
Encore une fois, et le ministre le sait fort bien, le Québec est
entièrement souverain en matière d'immigration. On a eu
l'occasion de s'exprimer pendant quelques heures là-dessus. Je
réaffirme, en ce qui nous concerne, la possibilité, à la
façon dont on interprète l'article 95 du ministère de
l'Immigration, de légiférer dans ce domaine. Nous n'avons pas
besoin de demander des pouvoirs à qui que ce soit, à
négocier avec qui que ce soit, à administrer des fonds d'autres
gouvernements ou à nous traîner dans des conférences,
quelles soient fédérales ou fédérales-provinciales.
Etant acquis les moyens financiers dont nous parlions dans notre
première proposition, l'Opposition actuelle offre au ministre de
l'Immigration et à ses collaborateurs son appui le plus entier pour la
mise sur pied concrète et rapide de mécanismes proprement et
totalement québécois qui, en toute conformité, avec la
souveraineté du Québec, dans ce domaine, la souveraineté
culturelle que l'on a galvaudée depuis quelque temps, mais qui
s'applique drôlement dans le domaine de l'immigration, selon nous, de ces
éléments qui permettront au ministre et à son
ministère de voir, sans contrainte extérieure, à la
sélection, le recrutement, l'établissement, l'orientation, la
formation et l'adaptation des nouveaux Québécois dans un
Québec français.
Je signale, parlant du Québec français, l'importance
primordiale que l'intervention du ministre de l'Immigration devrait avoir
à l'occasion de l'étude du projet de loi no 22. On en a
parlé, le ministre s'est refusé à donner un certain nombre
de réponses à nos questions, il s'est placé
derrière le bouclier de la souveraineté culturelle. Mais il est
évident que dans les semaines à venir, le ministre de
l'Immigration devra clairement établir comment le projet de loi no 22
est conforme à ses visées, comment ce projet de loi, comme c'est
notre opinion, manque d'éléments pour permettre au ministre de
l'Immigration de remplir ses fonctions véritables.
Du même coup, M. le Président, nous sommes
profondément convaincus que ce sont les voeux, non seulement du ministre
et de ses collaborateurs, mais en tout premier lieu, des nouveaux
Québécois eux-mêmes qui, une fois éliminées
les doubles structures, remarquez que c'est notre point de vue à nous,
le double "screening" comme on dit, les éternelles complexités de
juridictions entremêlées et le ministre les connaît
actuellement avec ses négociations avec le fédéral et ces
possibilités que cela n'aboutisse pas simplement par un changement de
gouvernement le 8 juillet prochain, nous espérons, malgré tout
cela, au-delà de tout cela, sauront, enfin, en pleine lumière et
quiétude, quel est ce Québec que ces immigrants choisissent pour
en faire leur patrie et quels sont ces Québécois qui, agissant
sans fouillis et à plein jour se préparent à les
accueillir chez eux comme des citoyens à part entière?
Je rappelle au ministre, entre autres, les remarques que nous avons
faites, relativement à la xénophobie québécoise. Un
des éléments les plus importants je pense, pour dissiper cette
xénophobie est sans doute la remise en place d'une véritable
sécurité à tout point de vue et principalement au point de
vue linguistique, au point de vue culturel et au point de vue du travail des
Québécois. La xénophobie, comme je le disais cet
après-midi, n'existe pas toute seule.
M. le Président, je regrette de dire, en terminant, des mots un
peu chocs, mais qui ont été, à plusieurs reprises
utilisés au cours de ce débat.
Les politiques du ministère, selon l'expression du ministre, sont
combien secrètes; les mémoires du ministère sont combien
discrets; les réunions du conseil consultatif sont combien à huis
clos; l'ancien chef du cabinet est combien collant; le pouvoir, face au COFI,
combien inexistant; les premiers du ministère sont combien sans effet et
le budget du ministère est combien ridicule.
M. le Président, sans que je veuille, en terminant, faire cela
sur une note sure, sur une note désagréable, tout en
répétant toutes les offres d'appui que nous avons faites au
ministre, nous ne pouvons décemment voter en faveur d'un budget comme
celui-là. Il sera adopté évidemment, mais avec notre
dissidence, M. le Président.
M. BIENVENUE: On adopte le budget.
Adoption des crédits
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Les crédits du ministère
sont adoptés.
M. BIENVENUE: Avec la dissidence de...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Avec la dissidence de l'Opposition
officielle.
M. BURNS: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté.
M. BIENVENUE: M. le Président, je veux remercier tous ceux qui
ont participé aux travaux de cette commission. Du côté
ministériel tout d'abord, je revois certains des mêmes visages que
l'on a retrouvés ici, depuis le début, avec beaucoup de patience
et beaucoup de silence parce que j'admets qu'il y avait à ce bout de la
table, des deux côtés, un dialogue tellement continu qu'il restait
peu de place pour tous les autres qui auraient voulu intervenir.
J'apprécie quand même leur présence et je les en
remercie.
J'apprécie également, même "in absentia" la
présence du député de Beauce-Sud qui a tenté
d'être le plus positif possible dans ses remarques.
M. TETLEY: Par son absence.
M. BIENVENUE: Non, il est absent ce soir. Il a été
présent, ici, le plus souvent possible; si on réalise
évidemment qu'il représentait la moitié du caucus
créditiste, c'était quand même un bel effort. Je remercie
aussi le député de Maisonneuve à qui j'ai dit, à
plusieurs reprises, qu'il faisait bien son boulot de représentant de
l'Opposition officielle dont le rôle, contrairement à ce que l'on
pense dans certains milieux, ne consiste pas à être
négatif, à faire de la critique négative. Au contraire,
son rôle consiste à faire de la critique constructive et aussi
à représenter la partie opposante aux mesures du gouvernement,
à la position du gouvernement, consiste à servir de chien de
garde, au bon sens du mot, pour ramener le gouvernement ou ses
représentants ou ses ministères dans le corridor qui doit
être le leur.
Evidemment, si je me laissais abattre par le tableau sombre que vient de
tracer le député de Maisonneuve, mon boulot serait difficile ou
cruel à reprendre dès demain matin, parce que le défi
serait considérable. Mais, ce qu'a constaté le
député de Maisonneuve... Souvent, je viens de le dire, on peut le
faire plus facilement dans l'Opposition que lorsque l'on est du
côté ministériel et il m'a même fait regretter,
à plusieurs moments, depuis quelques jours, ces années dans
l'Opposition où l'on est libre...
M. BURNS: Cela viendra.
M. BIENVENUE: ... de dire beaucoup plus qu'on ne peut le faire de
l'autre côté. Ce que j'allais dire, c'est que ce qu'il a dit, ce
qui l'a frappé ce soir, parce qu'il n'avait pas assisté à
l'étude de nos crédits, l'année dernière, c'est ce
qui m'a frappé depuis deux ans. J'en ai parlé à tellement
de reprises que cela devient ennuyant, non seulement pour les autres, mais
même pour moi, de le faire à nouveau. J'ai parlé de
ministère jeune, il faut le retenir, ministère jeune survenant
après au moins un siècle de retard, où les gouvernements
antérieurs, quels qu'ils soient, et souvent la population
elle-même se sont peu ou pas préoccupés de ce
problème majeur.
Mais, malgré mes cinq ans, je me répète en le
disant, j'avais retrouvé une certaine léthargie à ce
ministère qui n'a peut-être pas été
créé sur les bases idéales, comme on aurait pu le
souhaiter, mais enfin, ceux qui l'ont créé étaient bien
animés, bien intentionnés, j'en suis sûr. Il y avait
beaucoup à faire, après à peine quatre ans et, dans cette
première opération dont on . a parlé souvent, il fallait
mettre d'abord de l'ordre dans la maison avant de se relancer. Cette
deuxième phase est partie, celle d'agir. Comme le dit le
député de Maisonneuve, pour agir, il faut avoir les outils. Un
des outils, c'est le nerf de la guerre. Je l'ai demandé à
plusieurs reprises. Je l'ai fait sans gêne, même si je le faisais
sur la place publique et auprès d'un gouvernement qui est le mien, parce
que j'ai dit tout à l'heure que le ministère de l'Immigration
n'est pas et ne devrait jamais être politisé. C'est même
difficile, à un moment donné, de s'arracher aux problèmes,
qu'on y vit, aux défis qui y sont, de s'y arracher pour se retremper un
peu dans le climat purement politique. C'est rendu que je suis pas mal en train
de me dépolitiser moi-même.
Quoi qu'il en soit, le défi est grand, les outils sont petits,
combien modestes. Il y a tellement de choses à obtenir à tous les
niveaux et il y a une espèce de cercle vicieux auquel j'ai fait allusion
à plusieurs reprises. Mais j'ai confiance qu'aux crédits de
l'année prochaine, si toutes les choses sont normales et favorables, il
y ait plusieurs pas de franchis. J'espère être en mesure, à
ce moment-là, de pouvoir faire part à la population, à mes
collègues du gouvernement, au député de Maisonneuve que je
souhaite revoir à l'étude de mes crédits... Il me rendra
le témoignage que j'ai insisté pour qu'il représente
l'Opposition à l'étude de mes crédits, c'est à
dessein que je l'ai fait. Je connaissais son caractère combatif, j'ai
pensé qu'il pourrait m'être utile et je lui ai demandé son
aide à quelques reprises ce soir. D'ailleurs, il me l'a offerte. C'est
la partie la plus positive de ses remarques de la fin, c'est-à-dire
aider et prendre l'engagement formel de nous aider à accomplir notre
mission.
M. le Président, je termine là-dessus et je remercie tous
ceux qui ont participé à l'étude de ces crédits. Je
vous remercie, M. le Président, pour votre patience. Vous aviez devant
vous, au moins en ce qui concerne l'Opposition, un représentant
tellement au courant, au fait de la procédure parlementaire que vous
n'avez pas eu à parler souvent, sauf pour ajourner et reprendre les
séances.
M. BURNS: Je veux seulement ajouter quelque chose qui va peut-être
encourager le minis-
tre, en terminant. C'est que ce n'est pas si farfelu que cela, sa
demande d'augmentation de crédits supplémentaires jusqu'aux
environs de $20 millions. Je lui signale que le budget du Québec
indépendant que nous avons déposé...
M. BIENVENUE: Combien consacrait-il?
M. BURNS: ... pendant la campagne électorale fixait à
$21,534,000 exactement le budget du ministère de l'Immigration. On pense
donc que le ministre est en bonne voie puisqu'il suit nos traces. Je pense
qu'à ce moment-là on peut le féliciter de cela, au moins
il va voir une certaine lumière. Il va aussi se rendre compte que ce
n'était peut-être pas si fou que cela, le budget que l'on avait
proposé.
En tout cas, en ce qui le concerne, il pourra le juger. J'en ai des
copies. Si jamais cela l'intéresse, je pourrai lui en fournir.
M. BIENVENUE: M. Parizeau m'en avait fourni une copie à la
dernière élection.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: Je veux dire au député de Maisonneuve que
j'ai parlé de dépolitisation, mais pas encore à ce point,
je ne suis pas encore tout à fait rendu là.
M. TETLEY: Combien pour le ministère des Institutions
financières?
M. BURNS: Je n'ai pas la copie pour les Institutions financières.
Je pourrai vous la faire parvenir, M. le ministre.
M. TETLEY: Très bien.
M. BURNS: Je voulais seulement signaler que le ministre est dans la
bonne voie. Il suit nos traces...
M. TETLEY: M'avez-vous coupé mon budget?
M. BURNS: ... même si, pendant la campagne électorale, cela
paraissait farfelu de proposer des choses comme cela.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, je vous remercie.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 35)