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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 5 juin 1974 - Vol. 15 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

Séance du mercredi 5 juin 1974

(Onze heures trente-cinq minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie ce matin pour étudier les crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Sans plus tarder, je cède la parole au ministre du Travail.

Exposé général du ministre

M. COURNOYER: M. le Président, je n'ai pas de grandes remarques préliminaires à faire. Nous avons passé une année ardue et dans le courant des semaines qui viennent je devrais, normalement, présenter des amendements au code du travail, à l'Assemblée nationale. Ce serait, à toutes fins utiles, le résultat des recherches et des études que nous avons entreprises avant et pendant l'année financière qui vient de se terminer.

Comme les amendements au code du travail sont, à mon sens, majeurs et qu'ils seront soumis à l'Assemblée nationale sous peu, je m'en voudrais de discuter de cela ici en commission parlementaire, maintenant. Cependant, si les membres de la commission veulent en discuter, je suis disponible pour traiter des amendements au code du travail. D'une façon générale, depuis le mois de juin de l'année dernière, on a connu un climat relativement paisible au Québec. Je le dis en insistant sur le mot relativement. Je pense que les différents mouvements ou gestes qui ont été posés par ceux qui se partagent le monde des relations de travail ont, à toutes fins utiles, permis que ce climat soit au moins paisible d'une façon générale.

Je pourrais vous décrire mon ministère, mais, comme il est tellement grand et vaste, avec toutes sortes de composantes et que, dans chacun des éléments du budget, vous retrouvez d'ailleurs la description des crédits qui s'entourent chacun d'une histoire, je préfère, si vous me le permettez, M. le Président, m'en tenir à ces remarques, parce que dans mon domaine en particulier il n'est pas bon de se vanter de ses bons coups et il ne faut pas trop crier qu'on en a fait de mauvais. Je sais que les mauvais qu'on a faits seront critiqués par les membres de la commission parlementaire.

Quant aux bons coups, j'aime autant ne pas dire qu'ils sont bons de peur que demain matin quelqu'un s'évertue à me prouver qu'ils sont mauvais. Je n'aime pas décrire le climat de paix sauf en disant qu'il est relatif, parce que si je ne mets pas "relatif", il y a quelqu'un qui va me prouver demain matin que ce n'est pas vrai que cela existe, la paix, au Québec.

Je n'ai pas autre chose à ajouter pour le moment. Je sais qu'au début de l'étude des crédits les partis de l'Opposition font une critique générale du ministère et du ministre. Je leur laisse donc ce loisir. En toute liberté et en toute humilité, je prendrai les remarques comme je les prends d'habitude.

M. BURNS: C'est-à-dire en ne vous en occupant pas.

M. COURNOYER: Cela est moins sûr.

M. BURNS: Avant d'aller plus loin, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Maisonneuve, si vous me le permettez, j'aimerais tout de même signaler que le rapporteur de la commission sera M. Boudreault, député de Bourget.

M. BURNS: Est-ce que la commission est d'accord?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Si la commission est d'accord, si elle donne son assentiment.

M. BURNS: Bien, moi, je suis d'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Du consentement unanime de la commission, M. Boudreault (Bourget) agira comme rapporteur de la commission.

Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, avant de faire des remarques d'ordre général, est-ce que le ministre ne pourrait pas tout au moins nous présenter les fonctionnaires qui l'assistent ici?

M. COURNOYER: Ah! oui, avec plaisir. Vous avez à ma droite le sous-ministre du Travail, M. Réal Mireault; en arrière, M. Claude Merineau, sous-ministre adjoint, M. Paul-Emile Bergeron, sous-ministre adjoint en charge de l'administration, M. Matte, qui est le grand patron des finances, gestion financière, M. Desrochers, qui est le secrétaire du ministère, et le sous-ministre, Guy Lapointe, chargé principalement de l'inspection technique et de l'information. Après ça, j'ai toute la série des gens de la Commission des accidents du travail. Je ne les connais pas tous, mais je vous présente le président qui est juge en plus et que vous avez connu dans d'autres circonstances, M. le député de Maisonneuve: il s'agit de M. le juge Maurice

Tessier. A sa droite, il y a le commissaire Roger Mathieu et, à la droite de Roger Mathieu, nous avons le commissaire Bellemare, docteur de profession, qui est commissaire depuis longtemps. Il y a le vice-président, que je vois à l'autre bout, M. Delagrave. Les autres fonctionnaires, vous allez m'excuser de ne pas savoir tous vos noms, quoique je reconnaisse M. Gignac avec une chemise rose et une cravate fuchsia.

M. BURNS: On ne demandera pas de dépôt de document.

M. COURNOYER: Le véritable travailleur de tout ce monde est Charles Bélanger, qui est secrétaire de la commission, et vous avez aussi le docteur, un docteur avocat... mes amis c'est ennuyeux, mais le docteur... C'est quoi votre nom, vous? M. Depeyre, pas "de fer".

M. DEPEYRE: Avec un "y".

M. COURNOYER: Avec un "y", à part ça. Vous avez le petit directeur général de la main-d'oeuvre par intérim, M. Frigon, qui est pris, de ce temps-ci, dans les inondations pardessus la tête. A sa gauche, le chef de cabinet chez nous, celui qui tente, du mieux qu'il le peut, de régler les problèmes que les députés soumettent à notre attention.

M. BURNS: Merci, M. le ministre. Vu que le ministre a laissé la porte ouverte là-dessus, je ne sais pas si c'est l'avis de mon collègue de Beauce-Sud et des autres collègues du parti ministériel, mais je me demande si, pour compléter ses remarques de départ, il ne pourrait pas nous donner, à vol d'oiseau, des indications pour qu'on sache en quoi pourraient consister les amendements projetés au code du travail. Je comprendrai le ministre de ne pas entrer dans les détails. Je sais bien que ce sera plus clair quand on aura le texte lui-même. Mais j'aimerais qu'il touche aux sujets qu'il veut viser par ces amendements au code du travail.

Pour des raisons évidentes, c'est que cela éviterait peut-être au cours de l'étude des crédits de revenir sur des choses où le ministre aura, chaque fois, à nous dire: Cela sera couvert par les amendements éventuels.

M. COURNOYER: En tout premier lieu, les amendements porteront principalement sur les procédures d'accréditation et sur une révision qui est beaucoup plus une mise à jour face aux différentes difficultés que le monde syndical et patronal ont connues depuis que nous avons créé le poste de commissaire-enquêteur en chef en remplacement de la Commission des relations du travail. Il n'y avait pas eu d'amendement. Mais les amendements que nous avons dans cette sphère sont strictement des amendements d'ajustement ou de correction de choses qui auraient été jugées, par exemple, par les tribunaux comme étant contraires à l'esprit que le législateur avait, mais avec le texte qu'il avait. On a modifié le texte aujourd'hui pour arriver à modernier cette partie afin d'éviter que les tribunaux n'aient encore à décider de la même manière qu'avant. Cela est sur la question d'accréditation; ce sont les amendements que je considérerais comme des amendements de détail.

Vous avez l'exercice du droit de grève qui sera nettement différent de ce qu'il est aujourd'hui. Dans la procédure actuelle, pour avoir le droit de faire la grève, il faut à un syndicat requérir, à une époque ou à une autre de sa négociation, les services du conciliateur du ministère du Travail. Ce que nous révisons, c'est que nous ne conditionnerons plus l'exercice du droit de grève à cette demande d'intervention conciliatrice au ministère du Travail.

Le droit de grève sera acquis avec un maximum de 90 jours suivant l'expiration d'une convention collective ou à la fin de la convention collective si l'avis de négociation donné au ministre est donné 90 jours avant l'expiration de la convention collective.

Théoriquement, vous avez une période de 90 jours au minimum pour avoir le droit de grève; c'est-à-dire pour avoir le droit de grève à la fin de la convention, on devra donner un avis de 90 jours au ministre, le 90e jour expirant à la fin de la convention. Si on donne l'avis plus tard, on aura toujours le droit de grève 90 jours après l'avis, avec un maximum de 90 jours, puisqu'on pourra donner théoriquement l'avis à la toute fin de la convention On commence les négociations à la fin de la convention, cela veut dire qu'on a 90 jours en face de nous.

Nous n'abolissons pas pour autant le service de conciliation mais nous rendons la conciliation beaucoup plus volontaire, si vous voulez, c'est-à-dire que les parties pourraient s'entendre pour ne pas avoir de conciliateur. Mais, si une des parties demande un conciliateur ou l'intervention conciliatrice du ministre, le ministre doit nommer un conciliateur. L'évolution a été que le ministre ne le nommait pas mais finalement, après consultation avec le Conseil consultatif, le ministre devra nommer un conciliateur lorsqu'il est requis de le faire par une partie, à toute époque, tant que la convention collective n'est pas signée.

Il y a un autre amendement, dans la même ligne, qui permettra au ministre, mais en vertu de la Loi du ministère du Travail, d'intervenir à toute époque, même en dehors de la convention, s'il y a un problème jugé de relations de travail. Aujourd'hui, dès qu'il y a une convention de signée, les procédures qui sont inscrites dans la convention sont les seules qui sont à la disposition des parties pour régler un certain nombre de problèmes.

Or, il est arrivé dans le passé un certain nombre de cas où le ministre se devait de refuser l'intervention parce qu'il n'avait pas le pouvoir de le faire et qu'il n'y avait pas lieu qu'il le fasse sans donner une bénédiction, par

le biais, à un geste qui pouvait être illégal. Alors, disons que le pouvoir d'intervention du ministre s'étendra, selon les projets que je déposerai, au-delà de la période ordinaire de conciliation du ministère. Il pourra aller plus loin.

Cela, c'est, d'une façon générale, pour l'exercice du droit de grève. Vous avez, en plus de cela, c'est là où nous en sommes rendus — et c'est ce qui retarderait, pour le moment, le dépôt du code du travail — l'article 99 du code du travail. Le ministre a proposé l'abolition de l'article 99 du code du travail, article qui se réfère au pouvoir d'injonction du lieutenant-gouverneur en conseil lorsque la santé ou la sécurité publiques sont mises en danger.

Pour en arriver à cette décision du ministre, à maintes reprises j'ai indiqué que je ne croyais pas aux injonctions pour régler les problèmes ouvriers, et à maintes reprises, pendant la dernière année, j'ai refusé presque totalement de consentir, comme ministre du Travail, à ce que les injonctions soient obtenues, mais qu'on établisse les services essentiels à la population par négociation directe entre, par exemple, la Corporation de gaz métropolitain à Montréal et le syndicat représentant ses employés qui exerçaient le droit de grève, normalement dans mes livres à moi, parce que je n'ai pas comme ministre du Travail à juger de la façon dont on exerce le droit de grève.

De toute façon, lorsqu'une demande d'injonction m'a été faite par la Corporation du gaz métropolitain j'ai dit non; et j'avais le pouvoir de dire non, je ne croyais pas aux injonctions. Cette attitude du ministre a permis aux parties de trouver immédiatement une solution au problème des services essentiels à être donnés aux contribuables et, presque en même temps, on a pu régler la convention collective.

Je répète, même pour mes collègues libéraux, que l'injonction, pour moi, n'a jamais donné les résultats qu'on escomptait, cela a débordé sur d'autres choses et ç'a causé, très souvent, plus de problèmes que ça en a résolu dans le passé.

Mais, pour enlever cette injonction, nous avons pensé, au ministère du Travail — et là-dessus le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est unanime, du côté patronal comme du côté syndical — qu'il fallait s'attarder davantage à trouver une solution aux conflits plutôt que de trouver des solutions aux résultats du conflit, c'est-à-dire après que le conflit existe. Nous modifierons donc l'article 99 dans le sens suivant. Le texte précis, M. le député de Maisonneuve, je ne l'ai pas, il est en discussion entre le conseil consultatif et les légistes du ministère. D'une façon générale, nous obligeons tout le monde à négocier, et c'est rare de dire cela dans une loi, mais quand il s'agit de services publics, la négociation doit se faire dans les mêmes limites que les autres services, les entreprises privées. Par ailleurs, la fin de la négociation se fera différemment. C'est que, ou bien on se sera entendu sur un mémoire d'entente, ou bien le conciliateur qui devra nécessairement être nommé là, dans les services publics, aura fait une recommandation sur tout le contenu d'une convention collective, et les membres du syndicat et aussi l'employeur seront appelés à décider d'un contenu complet: à dire oui ou non.

Ce n'est pas une sentence arbitrale; il s'agit de dire oui ou non, mais à un contenu complet. Pas 51 clauses en suspens et on va à l'Assemblée générale ou encore on va au conseil d'administration d'une corporation et on dit: II reste 51 clauses; pour mettre la pression, faisons un lock-out ou faisons une grève. Il y aura encore 51 clauses. Mais le syndicat sera tenu de soumettre à ses membres une convention complète à rejeter, convention formée des ententes, complétée par des recommandations d'un conciliateur. Actuellement, le conciliateur ne fait pas de recommandations à moins que les parties ne lui en demandent. Dans ces cas-là, il sera tenu de compléter un contenu de convention collective totale.

Une fois que le contenu de la convention collective totale aura été publié — et ça, ce sera public; il y a une nécessité ici, étant donné qu'on parle de services publics, de publier le contenu de la recommandation sur la convention collective proprement dite — si le syndicat ou le patron refuse d'accepter les termes de ce contenu complet, le droit de grève pourra être exercé à l'intérieur d'un certain délai dont les parties ont convenu, mais je ne peux pas dire le délai au moment où on se parle. Maintenant, ils devront, là aussi, négocier et établir les services essentiels à la santé ou à la sécurité publique, pendant qu'ils exerceront leur droit de grève. Ils devront les établir par négociation, au plus bas échelon, c'est-à-dire que c'est le syndicat local avec l'entreprise qui établira les services essentiels.

S'ils ne s'entendent pas sur les services essentiels, il y aura un conciliateur là encore, mais différent du premier, qui, lui, viendra faire des recommandations sur les services essentiels qui doivent ou devraient être maintenus dans le cas de l'exercice du droit de grève par les salariés en question. Et cette recommandation sera publique. Donc, que tout le public sache que quelqu'un a examiné les conditions d'exercice du droit de grève. Le conciliateur en question, indépendant des deux parties — on l'espère — pourra faire la recommandation qui s'impose, mais cette recommandation, ni les patrons, ni le syndicat ne seraient tenus de l'observer.

C'est une grève qui affecte le public, c'est une grève ou un lock-out qui, la plupart du temps, demande la sympathie du public. On demande toujours la sympathie du public dans ces cas. Si un conciliateur — et c'est, à mon sens, une formule qui en vaut bien d'autres — si un conciliateur, indépendant des parties, suggère aux parties, publiquement, de maintenir

tels ou tels services essentiels et que les parties ne les maintiennent pas ces services essentiels-là, ça me semble — et jusqu'à preuve du contraire, ce sera une tentative — ça me semble plus important d'avoir des services essentiels que de choisir une méthode coercitive qui n'aurait pas l'effet d'accorder à la population les services essentiels.

Je ne fais pas de la philosophie, c'est de la pratique. C'est même dans ce sens-là que nous nous dirigeons, dans l'article 99. Du côté patronal...

M. BURNS : Est-ce que je pourrais poser une question? Ce que vous nous décrivez comme d'éventuels amendements à l'article 99 me paraît comme étant partiellement contenu sinon dans la forme, du moins dans l'idée, dans le projet de loi 89. Est-ce que je dois conclure que le ministre a mis de côté son intention de faire adopter le projet de loi 89, tel qu'il avait été déposé dans les sessions antérieures, c'est-à-dire pas la session qui s'est terminée en décembre mais l'autre avant, celle qui s'est terminée en juillet 1973; on avait au feuilleton un projet de loi 89. Est-ce que ça veut dire que le ministre a mis de côté la possibilité de faire adopter les autres dispositions qui ne concernent pas les services essentiels qui se trouvaient dans le bill 89?

M. COURNOYER: Le ministre en a bien l'intention, du moins en ce qui regarde les entreprises monolithiques, parce que si vous comprenez bien, tout ce que je vous ai décrit ne s'applique pas nécessairement aux entreprises ou aux services publics qui seraient sous l'autorité de la loi 46. J'ai commencé par toucher aux entreprises de type monolithique. Les instructions que j'ai données à mon ministère, de même que le consensus que j'ai pu recueillir du conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est de s'attarder d'abord à trouver une méthode dans les cas des services publics où vous n'avez qu'un employeur unique.

M. BURNS: Comme un hôpital.

M. COURNOYER: Bien, disons que...

M. BURNS: Non, parce que c'est visé par la loi 46 aussi, mais c'est monolithique.

M. COURNOYER: Oui, l'hôpital est visé par la loi 46. Mais la Corporation du gaz métropolitain n'est pas visée par la loi 46, l'Hydro-Qué-bec non plus.

M. BURNS: En somme...

M. COURNOYER: Pour trouver une façon de l'adapter, le principe lui-même. Les demandes que j'ai faites au conseil consultatif sont: Voulez-vous, vous allez l'appliquer sans qu'il y ait de complication, de méthodes de négociation à ce moment-ci, parce qu'il y a une méthode de négociation beaucoup plus qu'autre chose dans la loi 46.

Vous allez prendre ça pour l'appliquer à l'Hydro-Québec, à la Corporation de gaz métropolitain ou à une municipalité, qui est aussi un service public, parce qu'il s'agit d'une autorité localisée, qui peut être universelle comme l'Hydro-Québec, mais qui est quand même une seule autorité. A l'Hydro-Québec, à la municipalité de X, de Y ou de Z, c'est une seule autorité. Comment fait-on pour éviter d'avoir une situation de grève? La première chose qu'on voudrait éviter, nous, du moins l'esprit que nous avons voulu développer, c'est qu'on évite une situation de grève, qu'on ait une possibilité de se décider sur une convention collective totale et, après cela, qu'on pense aux services essentiels, parce que les services essentiels ne devraient pas, selon nous, être discutés avant même qu'on ait discuté un contenu. Ce qui est le plus important, c'est une convention collective qu'on recherche; la question des services essentiels ou la question de la grève, ce n'est qu'une pression pour obtenir un contenu total de convention collective. Nous avons au moins amené là une convention collective.

Cela est possible dans le domaine des entreprises de type monolithique, c'est-à-dire où on est tout seul. Quand vous arrivez avec la loi 46, dans sa constitution actuelle, la loi 46 comporte une obligation de négocier à une seule table sectorielle: tous les CEGEP ensemble, tous les hôpitaux ensemble, toutes les institutions d'affaires sociales ensemble ou encore toutes les écoles ensemble. A partir de là, le processus de décision sur le contenu de la convention collective est totalement différent de ce qu'il est lorsqu'il s'agit d'un seul syndicat qui a sa propre autorité et qui peut signer une convention collective avec son seul employeur.

M. BURNS: Oui, mais je vous en parle uniquement au titre ou au chapitre des services essentiels. Je ne vous parle pas de ...

M. COURNOYER: Ce que je voulais faire... M. BURNS: D'après moi, une des choses...

M. COURNOYER: Je ne vais pas déclarer toutes mes intentions.

M. BURNS: ... et c'était peut-être la seule chose qui était bonne dans le bill 89, c'était qu'on établissait une méthode d'établissement — si vous me passez l'expression — des services essentiels.

M. COURNOYER: Disons que nous avons établi une autre méthode d'établissement des services essentiels dans le code du travail. Je crois opportun de mentionner que j'espère, comme ministre, que cette méthode, trouvée pour une entreprise monolithique, pourra maintenant suivre son cours dans les entreprises soumises à la loi 46. J'espère que ce principe,

qui sera dans le code du travail presque immédiatement, inspirera le même Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre auquel j'ai demandé d'ajouter des représentants du ministère des Affaires sociales, du ministère de la Fonction publique et du ministère de l'Education, de même que les fédérations de commissions scolaires, les associations d'hôpitaux et les syndicats, s'ils le veulent bien, la CEQ, par exemple, viendront participer à la recherche d'une solution ou d'une possibilité de solution qui s'inspirerait davantage de cette méthode.

Ceci veut dire que je mets ça de côté à ce moment-ci et j'espère que pour la prochaine ronde de négociation on aura trouvé une solution différente du bill 89. Je ne dis pas qu'on adoptera le bill 89, je vous dis que la disposition d'ordre visant à établir des conventions collectives conformément à l'article 99 dans les services publics et parapublics, cette nouvelle disposition, dans son esprit au moins, remplace le bill 89. Mais je ne pouvais pas vous dire ce matin, M. le député de Maisonneuve, que je ne ferai pas voter le bill 89 pour ce qui n'est pas déjà couvert là-dedans. Le bill 89 ne s'appliquera certainement pas aux services publics qui sont assujettis au nouvel article 99. Mais, comme les autres, une loi doit être modifiée ou reconduite, la loi 46, à la fin des conventions collectives ou des décrets en existence présentement dans les secteurs publics. Je crois de mon devoir, comme ministre du Travail, d'insister pour qu'on prenne cette nouvelle méthode, qu'on l'adapte aux services publics gouvernementaux, où le gouvernement est impliqué, et qu'on fasse la tentative totale pour la prochaine ronde de négociation de cette méthode nouvelle de négociation d'une convention collective et aussi de l'établissement des services essentiels.

J'espère que cela va marcher. J'ai des bons espoirs que ça marche. Pourquoi ai-je des bons espoirs que ça marche? Quant à la partie d'établissement des services essentiels, vous me permettrez, comme ministre du Travail, d'avoir un certain degré de confiance dans les autorités syndicales; j'en ai, ce n'est peut-être pas tout le monde qui en a, mais moi j'en ai un degré de confiance.

M. BURNS: Vous auriez dû être ici hier pour entendre votre collègue des Iles-de-la-Madeleine.

M. COURNOYER: Mon collègue des Iles-de-la-Madeleine et moi n'avons peut-être pas le même degré de confiance dans les autorités syndicales. Moi, je vis avec les autorités syndicales régulièrement. Cette partie d'établissement des services essentiels, je dois être honnête et reconnaître qu'elle est inspirée de la proposition syndicale d'établissement des services essentiels, qui désire, elle, semble-t-il, inculquer à l'échelon local un degré de responsabilité face à la continuation des services jugés essentiels. On peut établir les services essentiels par décision du tribunal. On a essayé ça déjà. C'est une proposition qui a été faite d'ailleurs à l'occasion du conflit à l'Hydro-Québec. Mais il reste que le tribunal lui-même n'est pas plus habilité que d'autres à donner des ordres qui peuvent ne pas être suivis le lendemain. La population peut avoir l'impression qu'elle a des services essentiels et découvrir que, le consentement manquant, elle n'en a pas plus que s'il n'y avait pas eu de décision du tribunal. J'espère qu'on se comprend.

Cette partie est inspirée — je ne dis pas que c'est identique — de suggestions du mouvement syndical pour que le mouvement syndical absorbe la partie de la responsabilité — qui va rester une responsabilité théorique pour le moment — de maintenir des services essentiels et d'inculquer à ses propres membres le besoin de les maintenir, face à la connaissance que le public a de la recommandation du conciliateur, si on ne s'est pas entendu avec son local.

J'admets continuellement qu'il s'agit là d'une tentative pour éviter que la structure juridique ne cause en soi des affrontements que personne n'aura voulus. Le bill 89, tel qu'il s'était dirigé dans l'opinion des syndicats, si nous l'adoptions immédiatement tel quel, c'est l'opinion ferme du ministre qu'il serait lui-même la cause d'un affrontement. Au lieu de discuter d'un contenu de convention collective comme il se doit, on discutera beaucoup plus de la façon de contourner le bill 89, s'il était adopté dans son intégrité.

Je ne peux pas dire, cependant, que, compte tenu de l'expérience que je voudrais faire, je ne ferai jamais de bill 89 ou que je ne m'inspirerai pas du bill 89. Mais il m'est permis, comme ministre du Travail, d'avoir confiance, au moment où l'on se parle, et d'espérer que, si le Parlement donnait cette confiance aux gens qui vivent dans ce monde grouillant du syndicalisme et du patronat, dans les services publics en particulier, cette confiance qu'on leur donnerait mériterait qu'eux aussi aient confiance en nous et, à un moment donné, ils pourraient régler les problèmes sans qu'il y ait les affrontements que nous n'avons pas souhaités et que vous ne souhaiteirez pas comme membres du Parlement.

Alors, c'est une tentative. Quand des gens me demandent: Qu'est-ce que tu vas faire si ça ne marche pas? Je suis obligé de marcher à l'oreille et au nez et d'espérer que ça marche. Si ça ne marche pas, bien, on prendra les dispositions qui s'imposeront après qu'on aura fait la tentative d'une façon sérieuse et honnête. Comme cela vient du mouvement syndical, permettez-moi d'espérer que cela va marcher.

M. ROY: Quelles sont les dispositions que vous pouvez envisager prendre dans le cas où ça ne fonctionnerait pas?

M. COURNOYER: Disons que je n'aime pas envisager l'hypothèse contraire à celle que j'affirme en adoptant la loi. En effet, si je

n'avais pas confiance que la loi pourrait avoir les effets escomptés, je ne ferais pas adopter, cette loi, mais l'autre loi que vous voudriez que je présente au cas où cela ne marche pas. Je ne présenterais pas cette loi au moment où je vous parle.

M. ROY: J'espère que ce n'est pas à nous que vous dites ça.

M. BURNS: J'espère que ce n'est pas à nous que vous dites ça, les deux membres de l'Opposition qui sont ici.

M. ROY: Oui.

M. COURNOYER: Non, mais c'est mon opinion. Remarquez bien que je vous dirai ce que j'envisage au moment où l'hypothèse se vérifiera que cela n'a pas marché. Si je l'envisage immédiatement, c'est parce que je n'ai pas confiance à l'hypothèse qui est ici. Je me permets d'avoir confiance en cette hypothèse-là.

M. ROY: Vous gardez le bill 89 au cas où?

M. COURNOYER: Jamais personne ne dira que le bill 89 n'a pas été écrit. Je ne vais toujours pas dire qu'il n'existe pas, il a été déposé.

M. ROY: Oui, je comprends. Mais il demeure un fait: il n'est pas retiré de façon définitive, comme vous venez de le dire. Il demeure toujours là au cas où.

M. COURNOYER: Le bill 89, je ne peux pas dire, aujourd'hui, que je ne l'adopterai jamais. Je dis que pour la prochaine ronde de négociations dans les secteurs public et parapublic, j'espérerais qu'on s'inspire de cette méthode trouvée pour le secteur monolithique et syndiqué, qui est tout seul, dans les services publics. Qu'on s'inspire de cela et qu'on étende cela partout. Mais, au bout du compte, cette tentative où il n'y a pas de coercition, sauf celle que le public peut exercer sur les belligérants, je demanderai au Parlement de l'adopter, parce que c'est le Parlement qui va décider, en définitive, d'accepter ou de ne pas accepter cette nouvelle façon de voir les choses. Ce que je demanderai au Parlement, ce sera non pas de me faire confiance à moi tout seul, mais de faire confiance au mouvement syndical pour qu'au prochain voyage on ne fasse pas de grèves comme on en a eues en 1972 et pour qu'on ne veuille pas pénaliser la population.

Remarquez bien que ce qui se passe actuellement à Notre-Dame n'inspire confiance à personne. Cela, je suis obligé de le mentionner pour le moment. Mais j'envoie un enquêteur qui va voir ce qui se passe réellement dans le cas de Notre-Dame. Entre vous et moi, ce n'est pas cela qui assurera les députés libéraux, en particulier, de la bonne foi des gens qui vivent dans le milieu local parce qu'à Notre-Dame, cela va mal. Cela va très mal.

Mais il y a une convention collective à Notre-Dame, le droit de grève est prohibé à Notre-Dame, les coercitions sont là, à Notre-Dame, et, pourtant, il n'y a que 130 lits d'occupés et cela coûte trois quarts de millions par semaine pour faire vivre un hôpital qui n'a que 130 malades.

C'est une remarque que je fais, qui ne se veut pas du tout désobligeante, mais qui est inspirée par la coercition possible. Une convention collective en existence prohibe le droit de grève — il n'y a pas de grève possible — mais il y en a qui font actuellement la grève, au Québec.

M. ROY: Puisque vous parlez de Notre-Dame, quels sont les...

M. COURNOYER: Les causes?

M. ROY: Non, je ne parlerai pas des causes. Quels sont les moyens que vous prévoyez envisager ou appliquer?

M. COURNOYER: Je vais commencer par savoir pourquoi ce climat existe à Notre-Dame apparemment depuis deux ans; par savoir si, en nommant un enquêteur dont le degré d'objectivité serait reconnu par tout le monde, cette personne pourra vous indiquer, vous qui êtes au Parlement, ou indiquer aussi à la population du Québec ce qui va mal dans le domaine de l'hôpital, à Notre-Dame, parce qu'on paie tous pour cette affaire. A partir de là, on verra à prendre les conclusions qui s'imposeront, s'il y en a qui s'imposent à cette époque.

Je souhaiterais qu'on règle ce conflit le plus possible par médiation. J'enverrai l'enquêteur et, s'il était accepté par les parties, il pourrait aussi agir comme médiateur mais parce que les parties le veulent bien comme médiateur au moment où elles voudront le prendre comme médiateur. A ce moment-là peut-être qu'on n'aura pas le problème, s'il se règle. Il ne faut pas encore parler dans l'hypothèse qu'il ne se règle pas; moi, j'aime mieux parler de l'hypothèse qu'il peut se régler.

M. BURNS: M. le Président, je tiens à signaler la présence du député de Dorion parmi nous, qui arrive juste à temps pour assister à l'ajournement.

M. BOSSE: Remarquez, M. le Président, que je siégeais à la commission des affaires intergouvernementales en bas. Je remercie le député de Maisonneuve de rappeler que le député de Dorion, heureusement, est de ce côté-ci de la table.

M. ROY: Le député de Dorion semble vouloir être bien intentionné et reprendre le temps perdu.

M. COURNOYER: M. le Président, avant de partir, j'ai habituellement le privilège de donner des explications sur le budget ou les dispositions budgétaires, c'est un peu complémentaire. J'aimerais le déposer immédiatement pour que les membres l'aient.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Certainement. On distribue le document. Etant donné que plusieurs membres de la commission sont convoqués à une autre réunion, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 10)

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