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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 6 juin 1974 - Vol. 15 N° 82

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude des crédits du ministère du Travail

et de la Main-d'Oeuvre

Séance du jeudi 6 juin 1974

(Dix heures trente-six minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend, ce matin, l'étude des crédits du ministère du Travail. Qu'on me permette de mentionner que M. Bonnier (Taschereau) remplace M. Bienvenue (Crémazie).

Lors de l'ajournement de la commission, hier, le ministre du Travail fournissait des explications sur les modifications qu'il entend apporter au code du travail. Je vais lui céder la parole pour qu'il complète ses explications.

Exposé général du ministre (suite)

M. COURNOYER: J'ai parlé, hier, de l'exercice du droit de grève. Immédiatement à la suite des dispositions dont nous avons parlé hier, nous avons aussi un autre ensemble de dispositions qui réglementent l'arbitrage des griefs et qui donnent un certain statut à l'arbitre, un certain nombre de pouvoirs qu'il ne possédait pas auparavant.

Si vous vous souvenez de la rédaction du code du travail — le député de Maisonneuve en parlait hier dans le cas de l'arbitrage — cela se résume à: L'arbitre est nommé par le ministre si les parties n'ont pas donné suite à leur convention, etc.

Au moment où on se parle, après une étude du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on en est venu à la conclusion, au conseil consultatif, conclusion qui a été acceptée par le ministre, que l'arbitre ou les arbitres nommés pour arbitrer les conventions collectives dans les griefs devraient avoir un ensemble de procédures et un ensemble de droits que la loi leur reconnaîtrait, de même qu'un certain nombre d'obligations que la loi leur reconnaîtrait quant à la forme de nomination, etc.

Il y a donc, dans le code que nous proposerons, cet ensemble de dispositions concernant l'arbitrage des griefs en cours de convention. Nous allons également abolir l'un des articles. Nous proposerons l'abolition de l'article 50, qui limitait les pouvoirs de négociation dans le cas de municipalités ou de corporations scolaires.

M. BURNS: Est-ce qu'il y aura un amendement parallèle à la Loi des cités et villes et au code municipal?

M. COURNOYER: Je ne suis pas le maître du code municipal, ni de la Loi des cités et villes mais les possibilités que les municipalités avaient dans la négociation d'invoquer l'article 50, qui reconnaissait, jusqu'à un certain point, des limites au pouvoir de négociation des municipalités, vont disparaître par le seul fait que cela n'existera plus dans le code. Les municipalités se trouveront à devenir des employeurs comme les autres employeurs au point de vue de la négociation de certains droits.

Je vous avoue, cependant, que je n'ai pas discuté avec le ministre des Affaires municipales d'amendements possibles à ses propres lois. Quand la mienne sera adoptée, j'imagine qu'on en rediscutera au moment où on étudiera ce texte.

M. BURNS: Je souligne le fait au ministre parce que les autorités municipales qui se sont servies, dans le passé, des dispositions de l'article 50 du code du travail, évidemment, se sont fait rabrouer par la jurisprudence au fur et à mesure. Elles se sont fait dire : Ce n'est pas vrai que le maire a droit de vie et de mort sur tout le monde et que les congédiements ne peuvent pas être contestés et que les promotions ne peuvent pas, non plus, être contestées, etc.

Si je comprends le ministre, il veut faire un nettoyage dans ce secteur, même si la jurisprudence, actuellement, donne raison au côté syndical. Tant qu'à y être, il y aurait peut-être lieu de faire une étude de corrélation entre les dispositions pertinentes qui se trouvent dans le code municipal et dans la Loi des cités et villes, ce sur quoi, effectivement, les autorités municipales se fondent lorsqu'elles veulent se servir...

M. COURNOYER: De l'article 50.

M. BURNS: ... de l'article 50.

Maintenant, l'article 50 disparaissant, cela ne veut pas dire que les pouvoirs n'ont pas besoin d'être précisés dans le code municipal.

M. COURNOYER: Là-dessus, disons que l'article 50 disparaissant, il dit, par sa propre disparition: N'invoquez plus l'article 50 qui vous permettait de dire que vous ne pouviez pas négocier des systèmes de promotion, parce que c'est de la responsabilité ou de l'autorité exclusive de la municipalité ou de la commission scolaire.

La limitation, je crois, d'après ma petite expérience, qu'elle était surtout utilisée en négociation, mais que, traditionnellement, cela n'a pas fonctionné comme c'est écrit dans le code. Les gens ont négocié, à toutes fins utiles, des clauses, dans les conventions collectives, qui conditionnaient l'exercice de cette responsabilité dans des milieux où il y avait un syndicat.

Les arbitres ont été surtout appelés à décider dans les cas où les employés n'avaient pas le droit de grève, surtout dans le domaine de la police, en particulier, et dans le domaine des pompiers. Dans le cas de la police en particulier, cela a été remplacé. L'autorité de la municipali-

té est drôlement conditionnée maintenant à l'exercice du contrôle de la Commission de police, ce qui ne serait pas le cas pour les pompiers.

Il n'y a pas le même contrôle que nous. On ne peut pas congédier un policier comme on le veut, aujourd'hui.

De toute façon, je vous avoue que je ne me suis pas préoccupé du code municipal ni de la Loi des cités et villes, je ne me suis préoccupé que du code du travail et de l'article 50 qui existait et qui était souvent invoqué par les municipalités pour refuser de négocier.

M. BURNS: Je le mentionne au ministre étant donné que son projet est en gestation; peut-être qu'il pourrait soumettre ce problème à ses légistes pour savoir si ça vaudrait la peine. Je ne vous dis pas que c'est absolument nécessaire, mais quant à y être — on semble vouloir, comme je le disais tout à l'heure, faire un nettoyage de ce problème — autant le nettoyer à fond.

M. COURNOYER: Bien, disons que...

M. BURNS: Je signale au ministre qu'à ma connaissance, aussi tard qu'en 1966, je me suis fait servir, dans un arbitrage soulevé par une municipalité — en l'occurrence Dorval — une objection comme celle-là. Moi, je croyais que c'était réglé, que c'était définitif, il a fallu faire des notes et soumettre notre argumentation à l'arbitre et avoir une décision préliminaire, ce qui a retardé l'affaire, dans le cas d'un congédiement, d'à peu près six mois. Ce n'est pas impossible non plus...

M. COURNOYER: Remarquez que l'article 50...

M. BURNS: ... qu'un avocat patronal se décide à se servir de ça.

M. COURNOYER: ... est à la source de la reconnaissance de droits exclusifs.

M. BURNS: Quant à la négociation, mais quand vous arrivez en arbitrage après...

M. COURNOYER: C'est la même chose.

M. BURNS: A ce moment-là, on se fonde sur le code municipal.

M. COURNOYER: L'arbitre est lié par l'article 50.

M. BURNS: On se fonde sur les pouvoirs du maire et du conseil de ville dans la Loi des cités et villes.

M. COURNOYER: M. le député de Maisonneuve, vous savez fort bien que dans toute entreprise aujourd'hui on a assisté, par le truchement des conventions collectives, à l'éro- sion des droits de gérance ou des pouvoirs de gérance, c'est-à-dire qu'on a conditionné ça presque continuellement. Je n'ai pas d'objection à ça, mais je dis qu'au point de départ cette érosion se fait par la négociation. Mais si on empêche, par la négociation, par une interprétation ou par l'existence d'un article, la discussion de l'exercice de ces droits de gérance, comme c'est le cas dans les municipalités et les commissions scolaires, parce que les deux sont dans l'article 50 actuellement, si on enlève cette restriction à l'intérieur du code du travail, tout devient donc identique pour une municipalité ou une corporation municipale en négociation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de prohibition, on ne peut pas invoquer l'article 50 s'il disparaît.

Quant à savoir si, par ailleurs, le gouvernement ou le Parlement a donné des droits exclusifs non négociables dans d'autres lois, je vous dis que je ne me suis pas arrêté là; je n'ai que le code du travail sous mon contrôle, et il n'est pas tout à fait sous mon contrôle je vous prie de le croire, c'est le contrôle du Parlement pour le moment.

Je ne m'arrêterai pas à amender le code municipal sans que le ministre des Affaires municipales lui-même décide de l'amender, s'il y a lieu. Mais compte tenu de la disparition de l'article 50, sous l'autorité du ministre du Travail, il est possible — et je mentionnerai très certainement à M. Goldbloom — de voir s'il y a des choses qui deviennent incompatibles avec l'esprit du code du travail dans le domaine municpal ou dans le domaine scolaire. Mais, quant à l'amender, ce n'est pas moi qui va amender le code municipal.

Ce qui m'amène à parler d'une autre série d'articles qu'il y a aussi dans le code du travail et qui traitent de la langue de négociation. Nous avons obtenu de la part du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre un consensus sur un texte pour le code du travail. J'ai nettement l'intention de mettre dans le code du travail les mots du consensus concernant la négociation des contrats collectifs de travail et aussi les procédures de respect de la langue des individus quand ils présentent un grief, mais tels qu'ils ont été écrits par le ministre du Travail et, bien sûr, par les membres du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. BURNS: Donc, sur le plan linguistique, ça ne se limite pas aux seuls énoncés qu'on voit dans le projet de loi 22. Est-ce que c'est ça qu'on doit comprendre?

M. COURNOYER: Sur le plan linguistique, il y a des énoncés dans le projet de loi 22 qui se sont inspirés, semble-t-il, du consensus obtenu au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre mais qui ne sont pas identiques à ce consensus. Comme artisan du nouveau code du travail ou des amendements au code du travail, j'ai nettement l'intention d'introduire l'article 115 a), b), c) et d) avec les pouvoirs du tribunal du travail d'annuler certaines choses, ce

qui ne se trouve pas du tout dans le bill 22. On va aller plus loin que le bill 22 dans ce sens. Le bill 22 est une loi générale, et j'ai l'intention de mettre dans le code du travail ce qui regarde le code du travail

M. BURNS: On pourrait aller plus loin que le bill 22.

M. COURNOYER: Cela dépend ce qu'on entend par aller plus loin. Si je vous donne l'esprit — au moins l'esprit si vous n'avez pas le texte — c'est que les négociations collectives se font en français, à moins que le syndicat accrédité — et là-dessus, nous n'avons pas été dans une procédure d'assemblée générale — décide, comme il le veut, de la façon qu'il le veut, d'aviser le ministre du Travail qu'il a décidé que c'est la langue anglaise. Mais c'est la langue française dans les négociations qui devient un peu comme le bill 22.

Je pense bien que je n'ai parlé ici que d'une procédure, question de l'assemblée générale. Donc, la langue française sera la langue maîtresse, on peut dire, non seulement prioritaire, mais la langue utilisée généralement dans les conventions collectives, à moins que le syndicat accrédité ne décide qu'il utilisera la langue anglaise.

Quant au grief, il pourra être présenté dans la langue de celui qui fait le grief, mais nous n'imposerons pas au syndicat la langue de celui qui fait le grief pour ses propres procédures. Alors, je prends les deux situations possibles, un individu francophone dans un syndicat anglophone ou un individu anglophone dans un syndicat francophone. Le syndicat n'a pas décidé d'utiliser l'anglais; donc, il utilise le français. Un individu anglophone aura le pouvoir de présenter son grief dans sa propre langue, mais, quant aux procédures qui impliquent le syndicat, elles seront dans la langue du syndicat.

Les sentences arbitrales, de même que les conventions collectives devront être dans la langue du syndicat, donc en français. Elles seront déposées auprès du commissaire-enquêteur en chef, toujours en français, mais elles seront accompagnées d'une copie anglaise s'ils le veulent.

M. ROY: Même le syndicat anglais.

M. COURNOYER: Même les syndicats anglais devront les déposer en français. La raison pour ' ça, c'est que le dépôt est pour les tiers beaucoup plus que pour les individus et que les tiers au Québec sont en majorité français. Les termes mêmes des conventions collectives, nous ne croyons pas toujours que nous devions les traduire pour les tiers qui sont francophones. Alors, nous obligeons donc la négociation en français, à moins que le syndicat accrédité n'ait décidé que ce soit l'anglais, mais, quand il a décidé que c'est l'anglais, il est tenu de déposer quand même sa convention en français.

Alors, ça, c'est l'entente, et les sentences arbitrales suivront le même modèle pour leur dépôt aussi. Elles devront être en français, mais elles pourront être accompagnées d'une version anglaise.

M. ROY: Vous allez mettre des dispositions dans les lois?

M. COURNOYER: Oui, c'est-à-dire que ce sont des articles du code du travail qui sont déjà écrits, mais qui vont faire partie des amendements au code du travail que je proposerai à l'Assemblée nationale, je l'espère, dans la semaine qui vient ou l'autre semaine après. Je veux les déposer au moins en première lecture.

Est-ce qu'il y a beaucoup d'autres choses que nous faisons?

M. BONNIER: M. le Président, comme nous sommes dans les modifications possibles au code du travail — si je comprends bien, c'est ça que le ministre discute actuellement — est-ce possible d'inclure dans le code du travail un article à l'effet de forcer, jusqu'à un certain point, les deux parties, l'employeur et le syndicat, à commencer les discussions, bien avant la date limite de la convention collective? Il y a plusieurs grèves dans lesquelles j'ai été indirectement impliqué qui furent dues à différentes raisons mais en particulier au fait qu'il y a eu énormément de retard dans la signature de la convention justement parce que les discussions commençaient trop tard.

M. COURNOYER: Là-dessus, vous savez, ça fait un certain nombre d'années que j'évolue dans le milieu patronal et syndical. On peut bien mettre dans la convention collective elle-même une disposition pour que les négociations commencent six mois avant et on peut s'engager formellement, pendant la durée de la négociation qu'on fait et qu'on signe après, à commencer les négociations six mois ou encore trois mois avant l'expiration ou le terme qu'on fixe. Malheureusement, pour des raisons qui peuvent varier, on n'est pas en mesure de commencer les négociations aux dates qu'on a prévues sur une base conventionnée.

Quelle que soit l'influence de la loi, une négociation, ça ne ressemble absolument pas à une autre négociation. J'ai beau vouloir faire une règle générale ici, je m'abstiens de le faire. J'ai parlé hier de ce que nous croyons devoir faire dans les services publics; à l'expérience, dans les services publics, on verra si on peut le transporter plus tard ailleurs, à l'intérieur d'un certain délai. Il faut quand même que je fasse l'expérience quelque part. Il faut une conclusion totale avant qu'on ne puisse exercer le droit de grève. On doit avoir un vote sur un projet total de convention. J'ai expliqué, hier, la nouvelle méthode dans les services publics. Déjà, je n'ai pas enlevé le droit de grève dans les services publics mais je l'ai conditionné à un refus de proposition complète. Ainsi, dans les

services publics, tout au moins, compte tenu de la formule dont j'ai parlé hier, on pourrait s'attendre qu'on ne fasse pas de grève pour presser une négociation mais qu'on fasse la grève parce qu'on est en désaccord sur la conclusion de la négociation, s'il s'agit d'une entente; parce qu'il peut y avoir des ententes qui sont rejetées.

De plus en plus, on voit des ententes rejetées, mais sur un contenu global, avec des recommandations d'un conciliateur; si on n'a pas eu une entente sur le tout, il y a toujours possibilité de refuser. Mais là, quand on va en grève, on sait pourquoi on va en grève. Non seulement on sait aussi pourquoi, mais ce qui arrive, c'est qu'on n'a pas une décision ferme sur un refus global de toutes les dispositions d'une convention collective.

Alors, sans mettre qu'on doive commencer des négociations qui pourraient être illusoires pour chacune des deux parties, je me souviens d'un certain nombre de négociations — je prendrai pour exemple les secteurs public et parapublic — on peut s'imaginer là que dans les secteurs public et parapublic il serait illusoire de penser que l'un ou l'autre des syndicats ou même le patron — je les place tous les deux sur un pied d'égalité — seraient intéressés à créer le précédent pour le reste du secteur public. S'ils sont petits, gros ou forts ou grands, ils ne sont pas intéressés, à moins d'avoir une vue d'ensemble de ce qui pourrait survenir.

On va retourner à l'Hydro-Québec pour 1972, par exemple, et là on n'a pas à faire le procès d'intention à personne, mais si je me souviens bien, PHydro-Québec, cela a pris 18 mois à négocier. Je ne les accuserai pas, j'aurais fait la même chose dans les deux cas. L'Hydro-Québec et le Syndicat canadien de la fonction publique n'étaient nettement pas intéressés à signer une convention collective ou encore à se placer dans l'obligation de signer une convention collective, de part ou d'autre, avant de savoir ce qui se passait dans les hôpitaux, ce qui se passait dans les commissions scolaires ou ce qui se passait dans le milieu gouvernemental. Ils n'ont commencé, à toutes fins utiles, leur négociation que lorsqu'ils ont vu le résultat des autres. Si on se replace dans le temps, les négociations réelles — parce qu'on peut se rencontrer à une table, on se dit: bonjour, et puis on s'en va — ont commencé après le mois d'octobre, c'est-à-dire après que, dans le secteur des hôpitaux et dans le secteur de la fonction publique provinciale, on eût signé les ententes de 1972.

Mais cela faisait longtemps que la convention collective de PHydro-Québec était expirée. Elle était expirée au mois de janvier avant. On était rendu au mois d'octobre et la convention de PHydro-Québec ne s'est signée, en définitive, que vers le mois de janvier ou février de l'année suivante, parce que les négociations n'ont commencé que lorsqu'un certain nombre de choses ont été connues par les parties. Possiblement, si PHydro-Québec avait signé en premier, il y a une sorte d'attente réciproque d'un tel employeur face à l'autre décision d'un autre employeur, ce qui fait que, quand on voudra mettre une règle générale disant que vous allez commencer six mois avant ou encore trois mois avant l'expiration de votre terme, les parties le font déjà souvent, mais elles se sentent toutes les deux dans une position que se parler pour se parler, ça ne donne rien.

On attend qu'un certain nombre de circonstances se soient mises en place pour pouvoir réellement commencer les négociations. Le député de Maisonneuve le sait. Les négociations, on a beau vouloir théoriser là-dessus, cela va rester de la théorie. Il faut que les parties soient dans un climat tel qu'elles puissent conclure une entente et la présenter à leurs commettants, que ce soient des membres ou encore les autorités patronales, en disant: Voici, ce qui n'était pas bon hier, vous pouvez constater aujourd'hui que cela a de l'allure. Eh bien, constatons que cela a de l'allure aujourd'hui. Si je l'avais présenté la veille, cela n'aurait été rien du tout. Aujourd'hui, c'est possible.

Ce n'est pas vrai, à mon sens, que la loi pourrait, avec coercition, dire: Vous commencez des négociations. On pourrait l'écrire, mais on aurait écrit une loi qui, à mon sens, compte tenu de la liberté qui reste aux parties de négocier et du fait que le contenu de la négociation, il n'y a pas un chrétien sur la terre qui le sait... On ne le sait pas. On dit au syndicat: Vous pouvez demander ce que vous voulez et le patron peut donner ce qu'il veut...

J'ai des problèmes à la ville de Montréal, actuellement, pas moi, mais la ville de Montréal en a, avec les policiers ou les pompiers. Si la ville demande 96 clauses révisées et que le syndicat en demande 96 autres révisées, on peut bien se parler longtemps. On va avoir commencé, cependant, six mois avant. Mais, au bout du compte, on n'aura pas plus une convention parce qu'on a été six mois à se parler dans le beurre; peut-être qu'on n'en aura justement pas parce qu'on s'est parlé dans le beurre pendant six mois.

Il y a du travail sérieux que l'on peut vouloir éviter de faire dans une nuit. Il commence à s'établir une tradition. Des conciliations et des négociations de nuit, cela me semble dépassé. Il était un temps où l'on finissait de nuit, vers cinq heures du matin, et tout le monde était fatigué. Là, on serrait la corde et finalement on avait une convention. Mais quand les gens qui avaient signé la convention ou le mémoire d'entente se présentaient devant leurs membres, ils découvraient ce qu'ils avaient convenu parce que leurs membres leur posaient des questions, pas nécessairement insidieuses, mais des questions que, pendant la nuit, ils avaient oubliées. Pourquoi as-tu laissé tomber telle demande que nous avons faite? Je ne m'en souviens plus, j'étais fatigué.

Là, on assiste très souvent, dans la province de Québec — probablement que c'est ainsi partout au Canada au moins et aux Etats-

Unis — à des rejets d'ententes par les membres en assemblée générale. Ce qui nous enseigne, au service de conciliation chez nous, du moins, à ne pas insister pour que les parties se parlent à des heures où elles ne peuvent pas se parler. Le lendemain matin, ce n'est pas nous qui allons en assemblée générale, ce n'est pas nous qui rencontrons les autorités patronales. Ce sont ceux qui sont assis aux tables de négociation. Quand ils viennent pour donner des explications, ils ne les ont pas toutes et ils disent: On s'est fait fourrer. Il y a toujours la possibilité, pour une assemblée générale, de dire: Vous autres, vous vous êtes fait fourrer mais pas nous autres, parce que c'est nous qui vivons là-dedans. Vous êtes nos employés et nos représentants, à ce moment-là: Non, messieurs, à votre mémoire d'entente. Retournez à la table de négociation, même si vous avez signé votre mémoire d'entente.

Dernièrement, je pense que j'avais quatre grèves en cours. Dans un cas, en particulier, nous avions deux mémoires d'entente successifs acceptés par les comités de négociation. Les deux mémoires d'entente ont été rejetés par l'assemblée générale. C'est de Valleyfield que je parle, en particulier de la Canadian Electrolytic Zinc. Cette tendance marquée à obliger les gens à négocier quand ils ne sont pas capables de négocier, quand ils ne sont pas en position de négocier.

Je trouverais onéreux d'avoir écrit un article comme celui-là qui ne ferait pas autre chose, dans la réalité, que contribuer possiblement à créer un climat d'antipathie parce qu'une partie voudrait parler et l'autre partie ne voudrait pas l'entendre, à cette époque. Un autre matin, tout le monde est prêt. Comme par hasard, tout le monde veut se parler.

Dans ce sens, c'est une suggestion à laquelle nous nous sommes arrêtés. On s'est arrêté à penser à l'obligation, mais, compte tenu de la petite expérience que nous avons, nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de faire de la coercition dans le commencement des négociations. On a déjà assez de problèmes avec les mots "de bonne foi". On ne sait pas ce que c'est négocier de bonne foi.

M. ROY: Quelle est la définition exacte du mot?

M. COURNOYER: J'espère qu'on ne la cherchera pas trop non plus, parce que, si on commence à chercher la définition des mots "de bonne foi", on va obliger les gens à se retrouver devant une définition de "bonne foi" qui va être onéreuse pour tout le monde.

M. BURNS: En plus des raisons que le ministre nous donne et que je partage entièrement, il y a aussi d'autres très bonnes raisons qui retardent les négociations, parce qu'on est dans un domaine où il faut être réaliste, c'est un problème de structures. Ce sont des structures qui se déplacent pour se rencontrer. Des comités de négociation patronaux et des comités de négociation syndicaux, chacun de leur côté, doivent se rencontrer pour préparer des projets. Déjà, cela devient des structures lourdes à déplacer.

Il y a aussi des phénomènes — il faut être bien réaliste — purement, dans l'industrie privée surtout, de stratégie tout simplement. Il y a des périodes de l'année où cela n'est pas bon de négocier. Ce n'est pas bon pour le syndicat, par exemple, ou ce n'est pas bon pour le patron, à telle époque. C'est là qu'entre également en conflit, comme le ministre le disait, la fameuse notion de bonne foi. Est-ce qu'on est de mauvaise foi si, pour des raisons de stratégie, on retarde délibérément les négociations? Cela se fait régulièrement.

M. BONNIER: Moi, j'accepte tout cela et j'accepte surtout la suggestion — malheureusement, je n'étais pas ici hier matin— d'essayer tout de même, dans le secteur public, d'éviter qu'il n'y ait une pression vers un déclenchement de grève pour, justement, conclure une convention, alors que ce n'est pas mûr. Parce qu'au niveau des travailleurs, ce qui arrive bien souvent, c'est que les gars se disent: Ecoute, cela fait six mois que cela traîne. C'est bien normal qu'on aille en grève !

C'est pour cela que je trouve que la suggestion, du moins l'essai, en tout cas, de faire en sorte que cela ne soit pas une des raisons pour aller en grève — autant que possible, ou la principale— je trouve cela excellent. C'est peut-être la meilleure façon, c'est bien sûr...

M. BURNS: En principe, les deux parties ne sont pas intéressées, normalement, à retarder les négociations. Le syndicat n'est pas intéressé à mettre ses membres en maudit parce que cela fait un an qu'il est en négociation et que la convention est expirée. Le patron n'est pas intéressé non plus, pour une bien bonne raison, c'est qu'il sait qu'il va avoir un plus gros chèque de rétroactivité à payer, plus cela retarde après la date d'expiration. Cela ajoute, dans les négociations, un autre élément de conflit, c'est-à-dire: Est-ce que cela va être la pleine rétroactivité ou pas?

Je pense que les parties, en principe, ne sont pas intéressées, mais il arrive, comme on le mentionnait tout à l'heure, qu'il y a des incidents de parcours.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-François a demandé la parole.

M. DEZIEL: M. le ministre, j'aimerais savoir pourquoi la question du bien-être de la population n'est pas mentionnée dans l'article 99 et, dans le même article, pourquoi la question des injonctions est enlevée, en fin de compte.

M. COURNOYER: Disons que le mot bien-

être — on peut disserter là-dessus très longuement — a été interprété dans le bill 89, par ceux qui l'ont lu, comme étant une intervention possible de l'Etat dans n'importe quel domaine. Si j'ai une grève en face de chez moi des employés de la United Aircraft, par exemple, la simple existence de cette grève en face de ma maison est certainement une cause de malaise pour moi, même si je ne suis pas impliqué. Ce n'est certainement pas mon bien-être d'avoir une ligne de piquetage à ma porte parce que je reste en face de United Aircraft. C'est une hypothèse que j'émets. Il y a 2,600 gars qui viennent tous les matins, 300 pour en empêcher d'autres d'entrer, toutes sortes de raisons pour manifester, mais quand ils manifestent, ils me réveillent, mon bien-être est donc mauditement en danger.

Quand les gars de la construction, par exemple, à l'occasion d'une grève, retardent la construction de mon sous-sol que je suis en train de faire, comme par hasard, même si effectivement c'est illégal, je suis placé dans une situation de malaise que je pourrais interpréter en disant : mon bien-être est en danger.

Regardez l'interprétation du mot bien-être, quand on parle de santé ou de sécurité publique...

M. DEZIEL: M. le ministre, si nous nous référons aux services essentiels?

M. COURNOYER: Qu'est-ce que c'est au juste que les services essentiels? Si nous avions une méthode de définition des services essentiels, je serais probablement le plus disposé et le Parlement serait le plus disposé à dire qu'est-ce qui est essentiel. La définition des services essentiels, c'est quoi? A toutes fins utiles, posons-nous la question: Qu'est-ce qui est essentiel dans l'éducation? A mon sens à moi, c'est l'éducation. A partir du moment où vous dites que l'éducation est essentielle, vous devez enlever le droit de grève à ceux qui font de l'éducation. A moins que vous découvriez que ce n'est pas si essentiel que ça. Si ce n'est pas si essentiel que ça, posons-nous la question: Pourquoi avons-nous un système d'éducation? Tout ce que nous faisons, en fait, dans le domaine public, a un caractère essentiel. Autrement, qu'est-ce que ça donne de le faire? On va dire l'électricité, par exemple, l'électricité en hiver, pour la population, c'est un service qu'on peut considérer totalement comme essentiel. On peut faire une grève mais on peut dire: Qu'est-ce qu'on doit conserver pendant cette grève? C'est l'électricité. Hydro-Québec est en grève, c'est l'électricité que vous devez maintenir, c'est bien sûr que ce ne sont pas les hommes qui font l'électricité comme ça. Il y a des machines. On peut toujours dire, par exemple, en s'entendant avec Hydro-Québec, que s'il y a un bris d'électricité, on va aller le réparer, peut-être un peu moins vite qu'on l'aurait réparé avant parce qu'on est là tout le temps, mais là on est en grève, on exerce ce droit, on va aller le réparer, ça peut prendre 24 heures quand ça prenait huit heures avant, mais de toute façon nous exerçons notre droit, le droit à la grève. C'est une question de services essentiels encore là.

Ma santé et ma sécurité, c'est essentiel pour moi, on peut toujours se poser la question: Est-ce que l'Etat devrait intervenir lorsqu'il s'agit de santé publique, et non pas de santé individuelle, en cas d'épidémie, par exemple? Je suis convaincu que l'exercice du droit de grève dans les services publics comporte pratiquement — et c'est ça qu'aurait dû être l'interprétation de l'article 99 et jamais autre chose — santé publique, sécurité publique, et non pas santé d'un individu, sécurité d'un individu en particulier.

M. BURNS: Alors, ce n'est pas comme ça que les juges...

M. COURNOYER: II n'a jamais été interprété comme ça, on a toujours dit: II y a quelqu'un qui est susceptible de ne pas avoir un service le jour où il est malade, donc, santé publique, injonction dans les hôpitaux alors qu'il n'y avait pas de problème de santé publique encore. S'il y a une épidémie — et c'est comme ça que l'article 99 aurait, semble-t-il, été conçu en 1964 — le gouvernement peut dire: c'est dommage de suspendre votre droit de grève. Vous retournez au travail parce qu'il y a un danger pour la santé publique.

Sécurité publique, électricité. Pour une raison ou pour une autre, il y a des bris de courant et des incendies se déclarent... le gaz naturel, par exemple. Le député de Maisonneuve connaît ça, le gaz, d'ailleurs, il a déjà représenté les employés du gaz, il y a longtemps.

M. BURNS: Cela ne fait pas si longtemps.

M. COURNOYER: Cela ne fait pas si longtemps que ça? Est-ce que vous pratiquez aussi?

M. BURNS: Rarement maintenant, vous ne me donnez pas le temps avec vos maudites sessions.

M. COURNOYER: Remarquez bien que c'est vous qui prenez dix heures. Je prends le gaz ; si je n'ai pas de gaz et que je me chauffe au gaz en hiver, il est clair que je suis mal pris et qu'on peut avoir toute une société mal prise si une conduite principale de gaz est brisée à un moment donné et qu'il n'y a plus de gaz qui arrive pour servir toute une société. Alors, cela devient un danger pour la sécurité publique ou la santé publique. Mais je prends le gaz en plein été, j'ai moins de chauffage en été qu'en hiver; le caractère essentiel du gaz en été n'est pas du tout le même qu'en hiver. En été, ce n'est pas tellement grave de ne pas avoir d'électricité dans la maison, parce qu'on ne chauffe pas, l'été. Mais, par ailleurs, en hiver, l'électricité est extrêmement importante.

On pense, par exemple, au nettoyage des

rues. Prenons les cols bleus de Montréal; en plein hiver, ils sont en grève. Il y a la plus grosse tempête de neige, ils sont malheureux ces gars-là, ils sont toujours pris comme ça; la plus grosse tempête de neige qu'on ait eue à Montréal et ça arrive au début de leur grève, juste au début. Donc, on est obligé, on prend une injonction, que je n'avais pas le goût de prendre. De toute façon, on dit: Au point de vue de la santé publique, les camions d'incendie ne peuvent pas circuler dans les rues de Montréal, vous allez les nettoyer; les ambulances ne peuvent pas passer pour aller chercher les malades, il y a donc un danger pour la sécurité publique. Alors, on enlève le droit de grève.

Mais si on avait dit: C'est essentiel, maintenant on a décidé qu'un service essentiel c'est quand il y a de la neige dans les rues; donc, vous l'enlevez. J'aurais oublié que, trois mois après, c'étaient les ordures qu'il y avait dans les rues. Et les ordures dans les rues, ça devient probablement un danger pour la santé publique mais après un certain temps d'exercice de la grève. Il faut savoir aussi qu'est-ce que c'est qu'une grève. Une grève ou lock-out, c'est un moyen de pression pour forcer l'autre à des conditions de travail, pour obtenir une amélioration de mes conditions de vie comme syndiqué, tout en ne détériorant pas trop les conditions de vie des autres. Mais c'est de la négociation, c'est un pouvoir de négociation qui existe dans nos codes, dans nos lois, qui existe au Québec en particulier, au Canada et sur le continent nord-américain. On l'a donné, on a consenti ce droit et je crois bien que ce consentement n'avait été conditionné que par l'article 99, et cet article se référait à la santé ou la sécurité publique et non pas au bien-être du public.

Mais quand vous venez pour parler du bien-être, c'est beaucoup de choses le bien-être. Cela reste de l'interprétation, ça peut être le bien-être public comme le bien-être particulier mais, si on mettait même le bien-être public, vous arrêteriez toutes les grèves dans la province de Québec. Je pense bien que l'interprétation qu'on a donnée du bill 89 pouvait avoir cet effet, même si ce n'était pas l'intention du législateur quand il l'a déposé. Mais, si ça pouvait avoir cet effet-là, nous ne le recherchions pas; ça pouvait avoir l'effet de dire: La grève de United Aircraft me fatigue, elle modifie mon bien-être, mon état de bien-être; pour autant que je suis concerné, prenez l'injonction de l'article 99 ou prenez le bill 89 et arrêtez cette grève.

M. DEZIEL: Dans l'article 99, il n'est plus question d'injonction?

M. BURNS: II disparaît.

M. COURNOYER: II va disparaître. L'injonction n'existera plus. J'ai expliqué hier pourquoi elle n'existerait plus et je la remplace par autre chose qui me semble plus important. Si l'injonc- tion était un procédé qui m'assurait, qui assurait à la population les services essentiels dont vous parlez, pas nécessairement au bien-être mais les services essentiels dont vous parlez, je n'aurais pas d'objection à garder l'injonction. Mais l'expérience nous enseigne qu'on peut avoir une injonction ordonnant de donner tels services essentiels et découvrir que, malgré l'injonction, ou bien ils ne sont pas donnés ou bien ils sont très mal donnés, ces services essentiels. L'idée maîtresse que nous avons actuellement, c'est de faire une expérience d'établissement des services essentiels par les parties les premières impliquées.

L'article 99, tel qu'il est écrit aujourd'hui, ne présume pas d'une obligation d'établir les services essentiels par les deux parties en cause. Il n'y a pas de ça.

Nous obligeons maintenant les deux parties, pour l'exercice du droit de grève, à tenter de négocier quels seront les services essentiels qui seront maintenus lorsqu'on exercera ce droit de grève, ce qui n'existe pas actuellement dans l'article 99. D'autre part, nous avons cru, nous, que si, à toutes fins utiles, l'injonction ou la coercition ne pouvait pas, en 1974, nous garantir les services essentiels, par le volontariat c'est-à-dire par le fait qu'on a consenti à donner tels services essentiels, c'était beaucoup plus sûr, compte tenu de l'expérience que nous avons eue, que nous ayons des services essentiels.

Je pense bien que, si j'avais l'injonction encore, c'est un mariage qui me semble extrêmement difficile à faire avec le volontariat. De toute façon, si je gardais l'injonction en forçant les gens à négocier les services essentiels, à les accepter, puis à les donner et qu'en plus de ça je disais: Si vous ne le faites pas, il va y avoir une injonction, je serais placé pour toujours prendre des injonctions. Dès qu'il y a cette facilité-là de transférer sur les épaules de quelqu'un d'autre la décision finale, on va le transférer sur les épaules de quelqu'un d'autre ou on va ignorer presque totalement les voeux d'une population qui s'exprime par ses représentants.

L'an passé, nous avons eu des demandes d'injonction. Dans le cas du Gaz métropolitain, par exemple, j'ai refusé les demandes d'injonction. J'ai demandé — demandé, il faut dire que je demande parfois avec véhémence — aux deux parties, de négocier les services essentiels, ce qu'elles ont fait et rapidement. Au lieu d'avoir ajouté une cause de conflit, les deux parties ont trouvé, dans leur négociation des services essentiels, ce qu'il fallait pour qu'elles règlent leur convention collective. Mais, si j'avais ajouté une injonction, la grève se serait probablement poursuivie parce qu'il y avait une injonction. Pendant tout le temps où on discute de l'injonction, puis de la matraque du gouvernement, on ne discute pas du contenu de la convention collective. On a donc un obiter, c'est-à-dire un à-côté qui fait que les gens s'enragent et, pour signer une convention col-

lective, il ne faut pas être trop enragé. Il ne faut pas être placé dans une situation psychologique où on va refuser de la signer juste parce qu'elle nous est imposée. C'est le raisonnement général que nous voulons suivre. Je le disais hier, cette tentative que nous faisons, ça reste une tentative et nous verrons à l'expérience si nous avons eu raison de la faire. Nous savons par expérience, encore une fois, que l'injonction est une arme tellement forte que, lorsqu'on l'utilise, on se coupe. C'est une arme à deux tranchants. Comme on recherche d'abord et avant tout dans le code du travail la signature d'une convention collective, nous voulons placer les parties dans une situation où elle pourront conclure une convention collective.

Je rappelle que, quand il y a un état de grève quelque part, on peut toujours accuser le syndicat ou les syndiqués. Qu'on se souvienne, cependant, que la décision d'aller en grève habituellement correspond à la décision de les laisser aller en grève. Cela ne se fait jamais tout seul, ces affaires-là. Alors, c'est dans ce sens. Je pense que j'aurai encore à expliquer tout ça quand je présenterai les amendements au code du travail. Vous serez libres de me dire tout ce que vous voulez lorsque je présenterai ces amendements au code du travail. Mais, quand vous allez le regarder, le code du travail, particulièrement à l'article 99, je vous demande de rechercher l'esprit qu'il y a dedans. Comme toutes nos lois ont nécessairement un caractère temporaire, parce qu'elles sont toujours susceptibles d'être amendées par le Parlement qui les a faites, puis, que je sache, le Parlement continue d'exister, ce que je veux faire avec ça, c'est une expérience, une expérience qui sera plausible et qui sera possible. Ce qu'on cherche, c'est qu'il y ait des services essentiels de donnés, et je n'abolirai pas le droit de grève. Je n'ai pas l'intention d'abolir le droit de grève.

M. BURNS: Dernière question, quant à moi, sur ce point des amendements projetés. Est-ce que le ministre a déjà pensé à la possibilité de soumettre à des auditions publiques son projet d'amendement ou s'il se croit suffisamment conseillé par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre?

M. COURNOYER: Disons qu'il est peut-être prématuré... Pour la première fois depuis que je suis ministre du Travail, j'ai consulté, reconsulté, surconsulté et doublement consulté le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je sais qu'en particulier, sur un certain nombre de points, il n'y a pas consensus, mais d'une façon générale il y a consensus. Les points où il n'y a pas consensus, c'est justement sur l'article 99 où le Conseil du patronat pense que je n'ai pas de dentition au bout. Le Conseil du patronat voudrait que je force l'établissement de services essentiels, ce que, bien sûr, par les déclarations que j'ai faites, je n'ai pas l'intention de faire.

Dans d'autres domaines aussi, le syndicat n'est pas d'accord. Il y a un article, en particulier, dont je n'ai pas parlé et qui remplacerait, à toutes fins utiles, l'article 50. Cet article 50 enlève un certain nombre d'abus — qu'on pourra prouver — d'expulsions de syndicat pour des raisons futiles, parfois. Nous disons, nous, qu'on ne peut pas expulser une personne, surtout lorsqu'elle est tenue par la convention d'être membre du syndicat pour gagner sa vie. On ne peut pas l'expulser et la priver ainsi du droit de travailler. C'est une clause que vous lirez avec anxiété, mon cher député de Maisonneuve, mais elle est là. Elle remplace l'article 50.

M. BURNS: Vous aviez oublié de nous en parler.

M. COURNOYER: Je n'ai pas considéré cela comme suffisamment important pour que je vous en parle.

M. BURNS: Ah non?

M. COURNOYER: Cela est tellement évident qu'un syndicat ne prive personne de travailler, que j'ai pensé que ce n'était qu'une petite chose pour éviter que certaines personnes, qui ont des activités parlementaires, ne se voient expulsées du syndicat parce qu'elles ne sont pas d'accord ou qu'elles sont obligées ou qu'elles sont d'accord sur le bill 19, par exemple.

M. BURNS: C'est déjà arrivé, cela.

M. COURNOYER: C'est justement ce dont je viens de parler.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Maurice, sur le même sujet.

M. BERARD: M. le ministre, il existe actuellement plusieurs grèves illégales dans la province évidemment dues principalement à l'inflation. Que fait le ministère du Travail pour remédier à cette situation?

M. COURNOYER: Disons que j'ai des secrets que je ne voudrais pas divulguer partout. Nous tentons, habituellement, de ne pas nous immiscer, officiellement, comme ministère du Travail dans les grèves illégales, ce qui ne veut pas dire, cependant, que nous ne donnons pas aux parties...

M. BURNS: Par l'entremise des services du ministère.

M. COURNOYER: Disons qu'on peut prêter des locaux parce qu'ils ne vont pas tous à l'hôtel Reine Elisabeth. Nous avons des locaux et nous les invitons parfois à des rencontres, au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre,

dans des locaux de conciliation. Comme nous sommes intéressés à l'évolution, nous envoyons un observateur neutre pour faire un rapport au ministre.

M. BURNS: Je vois que la position du ministre s'est assouplie depuis quelques semaines.

M. COURNOYÉR: Elle n'est pas assouplie du tout; cela s'est toujours fait comme cela.

M. BURNS: II y a quelques semaines, je me souviens que vous nous avez affirmé que, quand c'était une grève illégale, vous ne vous en occupiez pas.

M. COURNOYER: Je ne m'en occupe pas, non plus.

M. BURNS: Qu'ils se débrouillent!

M. COURNOYER: Je vous avertis, je ne m'en occupe pas.

M. BURNS: Qu'ils se débrouillent!

M. COURNOYER: Etant donné que mes locaux...

M. BONNIER: II leur facilite le débrouillage.

M. COURNOYER: ... appartiennent à une population qui a besoin de se réunir quelque part et que des manifestations dans la rue, ce n'est pas tellement intéressant pour personne, parce que cela empêche le bien-être de ceux qui circulent...

M. ROY: C'est-à-dire que le ministre aurait dû ajouter...

M. COURNOYER: ... nous mettons à leur disposition des locaux qui leur appartiennent, de toute façon. Nous nous arrangeons pour qu'il y ait un programme, cependant.

M. BURNS: Vous faites bien.

M. COURNOYER: Parce qu'on est obligé de programmer notre affaire.

M. ROY: Le ministre aurait dû dire qu'il ne s'en occupe pas officiellement, mais officieusement.

M. COURNOYER: C'est d'ailleurs cela que j'ai dit la dernière fois. La dernière fois, la remarque dont parle le député de Maisonneuve, il était clair que c'était la seule chose que le ministre fera officiellement. Lisez la dernière phrase de cette déclaration et vous le saurez.

M. ROY: Si on lit la dernière phrase, cela nous porte à lire un peu entre les lignes.

M. COURNOYER: Cela a été fait exprès, mais il ne faudrait pas que vous fassiez exprès ce matin pour me faire déclarer toutes mes petites affaires. Je voudrais bien vous en déclarer beaucoup; je pourrais bien vous dire que les grèves illégales, je suis en total désaccord avec cela, et c'est vrai, parce que la loi ne les permet pas. Moi, je vais faire observer les lois au Québec, pour autant qu'il est possible pour moi de les faire observer.

Mais, par ailleurs, il m'a semblé très souvent — et c'est pour ça que dans le code du travail, je demande l'autorisation d'intervenir à n'importe quelle époque du contrat — que c'était en fait faire l'autruche et se mettre la tête dans le sable que de dire: Nous n'intervenons pas, parce que ce n'est pas pendant la durée d'une conciliation. A tout bout de champ — que ce soit un député, que ce soit la population — quand il y a un état de conflit, qu'il soit légal ou illégal, ça retombe sur les épaules du ministre du Travail ou sur les épaules du ministre de la Justice. Comme, de toute façon, il s'agit d'un conflit patronal-syndical, il nous semble, nous, même si la loi ne nous y oblige pas aujourd'hui, qu'il faut s'arrêter et dire: Arrêtons de faire l'autruche, de toute façon, vous allez nous appeler pour dire: Qu'est-ce que vous faites là-dedans? Je pourrais bien vous dire: On ne fait rien. Officiellement, on ne fait rien, mais officieusement, nous tentons de faire en sorte que les conflits se règlent.

Lorsqu'il y a un conflit comme celui-là, de nature illégale, on ne peut pas donner de bénédiction à un conflit de nature illégale. Je ne peux pas faire ça, puis je ne peux pas non plus avoir l'air de donner une bénédiction à un conflit illégal. Comme ministre du Travail, ce serait tout chambarder ou jeter par terre tout un système de relations de travail qui, comme le disait le député de Maisonneuve hier, est le système probablement le plus progressiste au Canada. On va rester au Canada, je n'irai pas de l'autre bord, mais disons qu'ici nous avons un code du travail assez bien rodé, il ne faudrait pas le jeter par terre.

Les circonstances d'aujourd'hui, cependant, font qu'un certain nombre de personnes ont vu, à cause de l'inflation en particulier, leur salaire érodé considérablement, alors que très souvent, en période de négociation, on disait: Voici ce qu'on prévoit: pour le coût de la vie, c'est 2.5 p.c; pour l'augmentation de la productivité, c'est 2.8 p.c. ou 2.3 p.c, et c'est là votre salaire. Cela est une projection qu'on faisait de ce qui se produirait. Sans vouloir donner de bénédiction aux gestes illégaux, je dis: Si j'étais placé dans une situation de contrat avec quelqu'un individuellement, je parle en vertu du code civil ordinaire, et que j'aie tablé sur une inconnue et fait de l'argent avec cette inconnue, j'ai l'impression parfois qu'il y a un degré d'immoralité parce que je suis innocent, ignorant, je ne sais pas ce qui s'en vient, mais j'ai décidé que lui, il avait raison et nous signons un contrat aujourd'hui.

Quand nous signons ce contrat, je n'ai pas en ma possession toute la connaissance pour réellement donner un libre consentement à ce contrat individuel. Et l'une des caractéristiques de nos contrats dans le système civil dans lequel nous évoluons, c'est que nous devons avoir la pleine connaissance de ce que nous faisons quand nous signons un contrat. Si quelqu'un nous fourre sur un bord, on a droit de faire annuler ce contrat. Est-ce que c'est vrai?

M. BURNS: C'est parfaitement vrai.

M. COURNOYER: Parce que je n'ai pas consenti librement. Si la liberté comporte connaissance, je ne peux être libre que si je sais. Or, je n'ai pas consenti librement. Je ne veux pas faire un grand raisonnement pour dire que tous les contrats doivent être rouverts, mais je dis, par exemple, que ça pourrait s'expliquer, ce genre de réaction d'une population syndiquée qui a réglé à 4.8 p.c, parce qu'on croyait tous que cela allait être 2.5 p.c, l'augmentation du coût de la vie annuel projeté, et que nous constatons que ce n'est pas 2.5 p.c, mais 10 p.c. Il y a quelqu'un dans le contrat qui est dans une situation où il s'est fait organiser le portrait ou mal renseigner ou encore il a dit: Je me fie à toi, tu connais ça mieux que moi, tu dis que c'est ça 2.5 p.c, mes expert me disent que c'est 2.5 p.c. aussi. Comme on a marqué 2.5 p.c, ce sont les 2.5 p.c. qu'on connaissait tous les deux au moment où on a signé. C'étaient deux projections.

Je prendrai les pompiers de Montréal; c'est un exemple que je peux donner assez librement.

La sentence arbitrale comporte quatre critères pour fixer l'augmentation de salaire des pompiers en 1974. L'un de ces critères, c'est ce que la ville consentira à ses cols bleus, à ses cols blancs, à ses policiers, enfin aux autres employés de la ville de Montréal.

Au moment où M. Lalancette rend sa sentence, il présume que ce sera à peu près 4 p.c. que la ville va consentir, en 1974. Il présume ça. Il traduit cela dans un montant de $500 qui équivaut à peu près à 4 p.c. Mais, parmi les critères, les augmentations consenties aux cols bleus et aux cols blancs, ce sont des inconnues au moment où il écrit sa sentence. Il les projette. Il ne se trompe pas sur la projection. Mais dans la constatation, par exemple, au mois de juin, il va constater que la ville a consenti au moins 8 p.c. à ses cols bleus, qu'elle offre pratiquement 8 p.c. — je dis au moins 8 p.c. parce que c'est assez variable avec les augmentations dans les échelles — à ses cols blancs, et qu'on ne sait pas encore ce que les policiers auront. Mais les pompiers, qui sont pris avec la sentence arbitrale, sont, dans la structure salariale de la ville de Montréal, dans une position de pauvres frères, parce qu'ils ont eu $500, ce qui équivaut à 4 p.c. Mais le critère est là, par exemple.

Si je retourne à la politique salariale du gouvernement en 1972, cette politique n'était pas chiffrée lorsqu'elle a été approuvée par le gouvernement. Elle dit: Nous allons maintenir le pouvoir d'achat de nos salariés. C'est ça qu'elle dit. D'autre part, nous allons faire participer nos salariés à l'augmentation de la productivité nationale brute au Québec. On chiffre à 2.5 p.c. l'augmentation projetée du coût de la vie, en se basant sur l'évaluation de longue durée. On dit, c'est 2.5 p.c. On dit à l'autre, ta productivité va augmenter de 2.3 p.c. non, le contraire: 2.3 p.c. dans le coût de la vie, et 2.5 p.c; cela fait 4.8 p.c. Vous offrez donc 4.8 p.c. à vos employés. Mais ce que vous avez offert dans la politique salariale, c'est le maintien du pouvoir d'achat et la participation à l'augmentation de la productivité. Vous l'avez chiffrée en projection, là aussi.

Tant et si bien que lorsque, par un pur hasard, j'ai pris le portefeuille du ministère de la Fonction publique, je me suis retrouvé là un an après la projection, du mois de juillet à juillet. Quand je me suis retrouvé, un an après, M. Pepin a dit: On ne l'acceptait pas ta politique, mais là on l'accepte, par exemple, parce que les 2.3 p.c. sont changés en 3.8 p.c., déjà, à Cette époque, un an après. Cela n'est pas une projection, c'est une constatation de ce que cela a été. Quand on a fait la projection, comme la convention n'était pas encore signée, M. Pepin, président de la CSN, a dit: C'est correct, on va prendre ta politique. J'étais pris avec quelque $50 millions manquants. Le premier ministre m'a dit: C'est cela la politique. On va trouver $50 millions en dessous du fond du baril.

M. ROY: Sans augmentation de taxe!

M. COURNOYER: Tout le temps, parce que c'est un gouvernement qui administre bien!

M. ROY: ... entre guillemets.

M. COURNOYER: En tout cas, disons que tout cela, c'est de l'arbitraire, des choses qui sont certainement à côté des préoccupations ordinaires d'une commission parlementaire. Mais je ne peux pas, encore une fois, donner ma bénédiction aux grèves illégales. Je ne peux m'empêcher, cependant, de donner au moins une possibilité aux gens de se parler en prenant en considération que, la plupart du temps, ils veulent se parler. C'est qu'il n'y a pas une fois encore où on a forcé personne. Tout le monde veut se parler. Cela a pris tout le monde par surprise. Il y en a qui disent: Nous ne sommes pas placés dans la position de pouvoir, nous, augmenter nos prix. Il y en a d'autres qui sont placés dans la position de pouvoir augmenter les prix, donc de pouvoir modifier sensiblement les conventions collectives de travail. L'Alcan l'a fait. L'acier, aux Etats-Unis, l'a fait. Un certain nombre de compagnies, au Québec, n'ont pas attendu qu'il y ait des manifestations. Elles ont dit: C'est vrai, l'augmentation est là.

Très souvent d'autorité, sans modifier les termes de la convention collective, d'autres fois

en modifiant les termes de la convention collective, on a modifé ce qui était dans la convention collective.

Donc, quand le monde patronal parle de ne pas vouloir rouvrir des conventions collectives, cela, c'est une question technique. Ce à quoi l'employé est habituellement en droit de s'attendre, ce n'est pas du tout à un texte. Ce n'est pas ce qu'il veut. C'est de savoir: Est-ce que j'ai le même pouvoir d'achat que j'avais avant et est-ce que vous pourriez me le donner? Donnez-le-moi sous n'importe quelle "désespoir" de forme! Si vous ne pouvez pas changer la convention par principe, ne la changez pas, la convention, mais donnez-le-moi pareil. Dans plusieurs cas, cela s'est réglé comme ça.

On pense, du moins il m'arrive parfois de penser, pas souvent, mais il m'arrive parfois de penser.

M. DEZIEL: M. le Président, juste une question. Vous m'avez ouvert une porte. Lorsqu'on s'en reporte strictement au niveau de la construction, surtout des entrepreneurs qui ont signé des gros contrats d'envergure avec un prix forfaitaire, il devient assez difficile pour eux de rouvrir des conventions collectives et d'encourir des pertes.

M. COURNOYER: Dans la construction, vous savez que c'est presque une convention collective mais c'est surtout un décret. Les parties n'ont pas du tout le même degré de liberté, c'est-à-dire les individus entrepreneurs n'ont pas le même degré de liberté qu'on va retrouver chez Alcan. L'Alcan, elle, sait ce qu'elle peut faire avec son affaire.

Quand vous arrivez avec des règles générales, comme dans la construction, dès que vous modifiez, vous modifiez pour tout le monde. Vous ne pouvez pas modifier pour un entrepreneur en particulier. Si vous modifiez les termes du décret, cela veut dire qu'il y a un certain nombre de personnes qui vont en subir les conséquences du côté des employeurs, dans la plus petite entreprise beaucoup plus que dans la grosse, parce que la grosse a probablement des instruments à sa disposition pour pouvoir renégocier les prix de contrats.

Il y a, par exemple, dans le cas de la ville de Montréal, une augmentation du prix général basé sur les changements dans le décret. S'il y avait un changement dans le décret, les entreprises qui travaillent pour la ville de Montréal, à contrat, ont dans leurs devis une clause d'échelle mobile intimement reliée au décret. S'il changeait, dans le cas de la ville de Montréal, cela ne serait pas tellement grave.

Par ailleurs, on ne peut pas en dire autant de tous les contrats dans la province de Québec. C'est pour cela que nous avons un certain nombre d'hésitations. Ce n'est pas notre bébé, le décret de la construction. Il est fait par les parties, parties multiples, j'en conviens, mais il est fait par les parties et, si nous avons des amendements, nous avons l'obligation, par la loi, de modifier. Si nous avons des amendements qui représentent l'expression de la majorité patronale d'un côté et de la majorité syndicale de l'autre, nous sommes tenus de publier cela dans la Gazette officielle et nous ne pouvons même pas les changer. Nous devons les leur renvoyer. Mais, s'ils demandent des amendements, on va être obligé de les passer, avec ce que cela peut comporter.

Comme vous le savez, il n'y a pas d'amendements demandés au ministre du Travail aujourd'hui. Il n'y a pas d'amendements à publier. Il y a des retentissements annoncés.

M. ROY: Oui. D'ailleurs, les journaux en font mention, ce matin. Je voudrais savoir du ministre de quelle façon le ministère du Travail va envisager cette question, compte tenu que les nouvelles nous informent que cela risque de s'étendre sur tout le territoire du Québec.

M. COURNOYER: Disons qu'on va y aller à l'oreille. J'ai des grandes oreilles. Je n'irai certainement pas avec un plan préannoncé et je n'ai pas, non plus, de plan dans la tête.

Si nous n'intervenons pas ou intervenons officiellement, encore une fois, ou même officieusement dans ce cas particulier, compte tenu de l'état actuel des parties, il me semble que les parties impliquées doivent faire les tentatives qu'elles veulent faire à leur temps et selon ce qu'elles pensent être le mieux pour les membres qu'elles représentent d'un côté et de l'autre.

Je ne peux pas m'empêcher, cependant, de dire que des actions comme celles qui existent actuellement peuvent être préjudiciables pour la construction au Québec. Je parle de la construction d'une façon générale. Maintenant, il faudra qu'on me prouve qu'ailleurs au Canada c'est mieux qu'au Québec. Mais je ne suis pas capable, comme ministre, de même demander à mes officiers d'intervenir dans ce conflit. Pour ma part, il n'y a pas de conflit. Il n'y a pas de conflit.

Si les parties se parlent, elles vont se parler, si elles viennent voir le ministre avec une convention signée, il va publier la convention et se conformer à la loi qui fait que ça s'étend à tout le monde. S'il y a une augmentation quelconque, d'une certaine manière, ça s'étend à tout le monde. Il y a une chose, par exemple, que j'aimerais bien mentionner pour les travailleurs de la construction.

Ils ont l'impression que, depuis le 1er mai, ils n'ont pas eu d'augmentation de salaire, et l'augmentation décrétée le 1er mai se chiffrait par $0.50. Une grosse partie de cette augmentation va dans le fonds de pension des travailleurs de la construction. C'est probablement le seul endroit où l'impôt ne va pas. C'est la place où ils ne souffrent pas de l'inflation avec l'augmentation qu'ils ont eue, ça s'en va dans leur fonds de pension. Mais je pense que les travailleurs ne le savent pas, ils pensent que ça finance le

bien-être social au Québec parce que ça s'appelle sécurité sociale.

J'en parle en toute connaissance de cause. Dans ma maison il y a des menuisiers et des peintres et ils ont dit au ministre que c'était assez. Ils avaient reçu une augmentation de $0.50, ça leur donnerait normalement $20 par semaine et il leur en reste $2; l'impôt ôte tout le restant.

M. ROY: Dans l'impôt, il y a eu différentes augmentations qui ont été ajoutées parce qu'avec l'augmentation de salaire, évidemment, ce ne sont pas les mêmes retenues à la source. Il y a une partie de l'augmentation qui est retenue par l'impôt.

M. COURNOYER: L'augmentation de salaire, il y a une retenue immédiate de $0.25 qui s'en va dans le fonds de pension des travailleurs. C'est à leur nom, c'est de l'argent qu'ils mettent en banque d'une façon obligatoire. Mais ils ne le savent pas et ces sommes font partie d'un plan de pension enregistré qui, comme tel, est déductible pour fins d'impôt. C'est la seule place où ils ne paient pas d'impôt.

M. ROY: C'est déductible pour fins d'impôt mais il reste que sur les $0.50 l'heur ; qu'ils ont reçus en augmentation — j'ai justement eu des représentations de plusieurs travailleurs de la construction — il ne leur reste que de $0.06 à $0.08 l'heure. Il est évident que recevoir $0.50 d'augmentation l'heure, alors qu'il ne reste que $0.06 ou $0.08...

M. COURNOYER: II y a $0.25 qui sont envoyés à la banque,

M. ROY: Je comprends, mais je considère le montant que la personne reçoit. Je ne veux pas remettre la question des fonds de pension en cause, on sait que les fonds de pension ils l'ont demandé, ils y ont droit. Mais il demeure que ces personnes ont des obligations courantes, ils subissent des augmentations directes du coût de la vie et ils demandent une augmentation de salaire à un moment donné. On enlève le fonds de pension, je suis d'accord, mais il reste quand même $0.25 et le solde des $0.25 est pris par toutes les autres formes de déductions possibles.

M. COURNOYER: Ecoutez, quand on fait partie d'une société, par exemple, la société des gars de la construction, il faut participer à la société parce qu'il y a aussi des avantages à faire partie de l'industrie de la construction. C'est probablement l'industrie la mieux organisée, au point de vue de la sécurité sociale, qu'il y ait dans la province de Québec.

M. ROY: Je ne discute pas du principe de l'industrie de la construction.

M. COURNOYER: Regardez bien...

M. ROY: Je parle du principe de l'augmentation.

M. COURNOYER: Mais cela se paie par quelqu'un.

M. ROY: C'est peut-être là que le gouvernement va chercher en dessous du baril les montants d'argent dont vous parliez.

M. COURNOYER: Non, non! ne dites pas des choses comme ça. De toute façon, c'est la caisse de dépôt qui administre ces sommes d'argent pour le plus grand bien-être des travailleurs de la construction. Pour une fois qu'ils ont quelque chose pour se retirer, ces gars-là!

M. ROY: J'ai bien dit que je ne parlais pas du fonds de pension, il prend $0.25 l'heure. Mais il y a l'autre montant de $0.25 l'heure.

M. COURNOYER: Je ne sais pas de quoi il est fait. Mais en lisant le décret vous allez savoir ce qu'on fait avec. C'est bien sûr que, quand il y a une augmentation de salaire, ils paient plus d'impôt. Moi, j'en paie plus depuis longtemps, cela fait longtemps que je paie ce qu'ils paient eux. C'est vrai que je suis un riche moi, très riche. Millionnaire. Moi, je suis affilié aux Simard de Sorel.

M. BURNS: Des petits gars de Sorel.

M. COURNOYER: Je pensais acheter les actions de Paragon et me retirer.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Duplessis.

M. GALLIENNE: Sur la question de construction, quelles sont les périodes de rodage? On assiste de temps à autre à des pique-niques qui sont assez durs dans mon coin, est-ce qu'il y a quelque chose que l'on peut faire?

M. COURNOYER: C'est très difficile même de penser à faire quelque chose. Il ne s'agit même pas des individus, il s'agit probablement, dans ce domaine-là comme dans d'autres, d'une question d'information. Quand les gens sont bien informés, habituellement ils peuvent avoir des attitudes de personnes bien informées.

Mais je prends trois travailleurs de la construction, dans la maison chez nous, par hasard, et je leur explique qu'il y a $0.25 qui vont dans leur fonds de pension, ils pensent que ce fonds de pension-là c'est strictement leur fonds de pension de vieillesse d'Ottawa et qu'ils vont avoir le même montant que tout le monde dans la province de Québec. Je leur dire: Non, c'est votre argent, c'est à vous autres, vous allez pouvoir retirer tout cela. Comme ça, mes héritiers vont pouvoir avoir cet argent-là? Je ne perds pas cela quand je meurs? Toi, tu le perds quand tu t'en vas dans le trou, mais les autres vont avoir ça. Il dit: Je ne savais pas ça. Il ne

savait pas ça. Il dit: Pourquoi ne pas nous avoir expliqué ça? J'ai posé la question au comité des avantages sociaux, ç'a été expliqué et réexpliqué par des brochures; on ne peut quand même pas avoir une conversation particulière avec chaque individu. Quand il reçoit la brochure, il la jette au panier. A partir du moment où il dit qu'il n'a pas été informé, peut-être que c'est la technique d'information qui est mauvaise, mais il ne s'agit pas de propagande non plus; ça explique ce à quoi il a droit. C'est tout expliqué cette chose-là.

Mais quand arrive une augmentation comme celle du 1er mai, c'est une augmentation de coût considérable, c'est $20 par semaine par individu que coûte, de plus, la construction. C'est ce que ça coûte, ce qu'on a décidé, à mon sens, de la façon la plus libre possible. Ils ont mis dans leur convention de faire ça de cette façon. Mais c'est bien clair que c'est ennuyeux pour un individu qu'il ne sache pas ce qu'il y a dans la convention. Il dit: Moi, j'ai $20 de plus par semaine, mais ça m'en donne $2.50. Sur la partie qu'il touche, il va payer plus d'impôt, comme moi je paie plus d'impôt aussitôt que vous augmentez mon salaire. Cela fait longtemps que vous ne l'avez pas fait, en passant. Je ne sais pas ce que pense le Parlement. Vous avez augmenté le salaire des juges d'une façon telle que je me demande toujours quand je vais m'en aller vers la magistrature.

M. BURNS: J'y pense, moi aussi, M. le Président.

M. ROY: J'ai l'impression qu'ils font des sessions moins longues que les nôtres.

M. COURNOYER: Les juges travaillent fort.

M. BOURDREAULT: ... quand vous serez rendu là.

M. COURNOYER: C'est donc, à mon sens, une question d'information. Ce qui ne veut pas dire que le problème de l'inflation n'est pas senti par les gars de la construction au même titre qu'il est senti par d'autres. Mais dans le domaine de la construction, je rappellerais à tous les députés de l'Assemblée nationale que, de 1970 à aujourd'hui, sauf dans Montréal et dans Sept-Iles, les salaires ont été drôlement augmentés pour tous les travailleurs de la construction. Prenez le salaire dans la Beauce-Beauce-Sud, c'est sud, vous?

M. ROY: Beauce-Sud ou Beauce-Nord, ce sont les mêmes prix.

M. COURNOYER: Ce sont les mêmes prix, mais retournez à 1970 et comparez le salaire d'aujourd'hui, en 1974, pour tout ce qui se fait de travaux de construction. On se souvient que la seule ordonnance — je ne me souviens plus du numéro — pour les travaux du gouvernement du

Québec a dû subir des augmentations extrêmement considérables pour rattraper le prix des décrets qui existaient à l'époque, et chacun des décrets a subi une augmentation de cinq ans pour rejoindre le taux de Montréal pour avoir un taux unique. Chacun des décrets de la province. On prend les décrets qui sont extrêmement bas, on les a tous montés, et ça, c'est dans l'espace de quatre ans.

L'augmentation du prix des constructions a peut-être été influencée, je ne le sais pas. Parce que ç'a causé la création d'une industrie à côté, qu'on appelle la maison mobile où les taux de salaires ne sont pas encore égaux à ceux de la construction parce que les gens travaillent 52 semaines par année et dans l'usine. A partir de là, beaucoup d'autres travaux de construction sont entrés dans le préfabriqué, que ce soit de la grosse construction ou de la petite construction. La petite n'était pas accessible au préfabriqué très sensiblement, sauf depuis que les salaires ont augmenté comme cela. Vous en avez déjà parlé, M. le député de Beauce-Sud, disant qu'il y a des industries, même chez vous, qui ont été créées de toutes pièces et qui ont progressé à cause de cela, et que vos maisons envahissent maintenant la région de Chicoutimi, telle ou telle autre région. Les gars de Chicoutimi travaillent moins qu'ils travaillaient parce qu'il n'y a plus de construction de maisons qui se fait de la même manière qu'avant.

Dans le domaine du précontraint, par exemple, on peut construire un motel complet en boutique chez Francon, après l'expérience d'Habitat '67 ; et on a des grues maintenant de 200 tonnes et de 250 tonnes juste pour placer ces choses-là une par-dessus l'autre, et on fait ça rapidement.

On construit des motels en l'espace de six mois, de gros motels, sur les grandes rues de Toronto. Eux ne sont peut-être pas tellement plus avancés que nous là-dedans, mais on sent venir, par exemple, un très haut degré de préfabrication, la préfabrication de murs complets. On m'a dit qu'on va prendre quatre étages à la fois, puis qu'on va monter quatre étages à la fois. Cela s'en vient dans ce domaine-là, particulièrement à New-York. Est-ce que cela a eu une influence sur le coût des maisons? Moi, je dirai probablement pas, parce qu'on a trouvé d'autres méthodes de construction qui font qu'on peut construire sur une base plus économique et ramener le coût de la maison à un niveau abordable par les individus.

Ce qui coûte beaucoup plus cher dans les maisons, c'est la spéculation sur les terrains. Cela, ça coûte cher. Cela a coûté plus cher encore que les augmentations de salaires. Alors, dans le cas de la construction je rappelle au député que, bien sûr, les travailleurs de la construction peuvent aller vous voir pour vous dire que ça n'a pas d'allure l'augmentation de $0.50 l'heure qui a été consentie. Je n'ai pas à prendre la défense des employeurs; je n'ai qu'à regarder ce qui est pris dans les $0.50. Si le gars

n'a que $2.50 dans sa poche, il peut être choqué, mais, au point de vue de la stricte information, il faut aussi qu'il sache ce qu'on fait avec ses autres $0.25. Cela lui appartient. C'est inaliénable, c'est à lui et ça lui sera remis formellement s'il laisse l'industrie de la construction; tout ça lui sera remis. C'est un article en passant.

Le comité des avantages sociaux devrait normalement réinformer les gens.J'espère qu'ils ne seront pas "enfargés" par la question d'une négociation pour des augmentations lorsqu'ils informeront les gens sur ce qu'ils ont réellement dans leurs poches. Je maintiens, moi, que, pour un travailleur de la construction, ces $0.25 pour son fonds de pension, ce n'est pas encore suffisant ni adéquat comparé aux autres fonds de pension qui sont tous basés sur au moins 5 p.c. Les $0.25 par rapport à $8, qui viennent s'ajouter seulement aux $0.05 ce n'est pas grand-chose.

Comprenons-le dans ce sens. Le fonds de pension a été établi en 1963 sur une base de $0.10 dont $0.05 fournis par l'employeur et $0.05 fournis par le travailleur. Cela donne une grosse masse d'argent de quelque $100 millions après dix ans d'application, mais, au point de vue du strict rendement pour les individus, je vous assure que vous ne prenez pas une pension à 60 ans avec ça. Si on veut penser au travailleur de la construction, il pense à lui-même, mais à un moment donné il faudra penser à réduire pour lui la pension à 60 ans. Elle est encore à 65 ans.

Un travailleur de la construction, à 60 ans, ne travaille pas comme un gars dans l'industrie. A 55 ans, il ne monte plus et il ne peinture plus, il est déjà ruiné; peut-être pas ruiné, mais il n'a pas l'efficacité d'un autre. Tout ça, ce sont des considérations que...

M. BERARD: Lors de la fermeture d'une usine, est-ce qu'il y a une politique du ministère pour réintégrer les employés mis à pied dans un autre milieu de travail? Je pense à un cas en particulier, l'usine Elpee de Shawinigan-Sud qui a fermé ses portes récemment. Est-ce que le ministère a une politique, pour réintégrer les 40 employés qui ont été mis à pied par cette fermeture?

M. COURNOYER: Nous avons ce qu'on appelle les comités de reclassement, financés en partie par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, en partie par le syndicat, en partie par l'employeur, puis en partie par le ministère canadien de la Main-d'Oeuvre. Jusqu'ici, je vais vous donner au moins les statistiques de reclassement de ces travailleurs parce qu'il y a eu un certain nombre de mises à pied étant donné ce qu'on vient de passer et on n'en a pas tellement entendu parler. Cette politique est mal connue, mais elle est suivie.

Il y a une chose cependant qui me fatigue un peu, c'est qu'on me faisait la remarque hier que les avis de fermeture, en vertu du bill 45, se font ordinairement lorsqu'il y a un syndicat dans la boutique, mais, lorsqu'il n'y a pas de syndicat, on n'est pas au courant. On le découvre, mais longtemps après que tout est fait.

M. BURNS: Le bill 49.

M. COURNOYER: Oui, l'article 45.

M. BURNS: L'article 45 de 49.

M. COURNOYER: Oui. Quand il y a un syndicat, il semble que l'employeur est mis par le syndicat au courant de l'article 45, lorsqu'il veut faire une mise à pied. Mais quand il n'y a pas de syndicat, personne ne le met au courant; il y a l'obligation de nous aviser, mais on ne le voit pas. On a beau vouloir être alerte, on le sait habituellement après que la chose a été faite ou on le sait par accident. A ce moment-là, il est parfois trop tard, les employés sont déjà dispersés, déjà partis. La formule idéale là-dedans, on ne la connaît pas encore.

L'expérience que nous avons vécue nous indique cependant que l'activité reclassement, au ministère du Travail, est probablement la plus profitable que nous ayons établie dans les quatre dernières années. Cela aide énormément les gens et cela aide aussi à absorber les coûts ordinaires d'un déplacement assez considérable. On va loin, dans cela.

UNE VOIX: Avez-vous les chiffres?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: On a parlé des travailleurs de la construction, tout à l'heure. J'ai d'ailleurs posé, sur le sujet que je veux aborder, une couple de questions au ministre du Travail à l'Assemblée nationale. Il s'agit du projet de modification qui a été publié dans la Gazette officielle du 23 janvier 1974: projet de règlement no 1 relatif à la formation et à la qualification des travailleurs de l'industrie de la construction. Le ministre me faisait parvenir une lettre, en date du 22 février 1974, dans laquelle il disait: "J'ai bien reçu votre lettre du 21 janvier dernier concernant une certaine personne". C'était le cas que je lui avais référé. Le ministre ajoutait: "Je tiens à vous informer de l'existence de l'arrêté en conseil 537-74 qui abroge l'arrêté 3297 réglementant les permis de travail dans l'industrie de la construction". Comme on sait — selon les règlements établis — qu'il y a trente jours d'avis, est-ce que le ministre pourrait nous dire où en est rendu son projet de modification? Est-ce qu'un règlement sera publié incessamment? Est-il exact que les permis de travail seront éventuellement définitivement abrogés?

M. COURNOYER: Nous avons maintenant le consensus de toutes les parties impliquées sur le contenu du règlement. Compte tenu de la

dualité qui a existé là-dedans — et qui a été probablement l'un des facteurs de harassement des employés — du fait que le Centre de main-d'oeuvre émettait des certificats de qualification ou n'émettait pas de carnet d'apprentissage et qu'il fallait avoir un permis de travail émis par la commission de l'industrie de la construction, etc., la double obligation pour l'individu était, d'abord, d'aller chercher un permis de travail et après d'aller chercher un carnet d'apprentissage. Les rapports apprentis-compagnons qui étaient souvent utilisés parce qu'ils existaient dans le règlement no 1 vont continuer d'exister, mais ils seront utilisés pour l'émission des carnets d'apprentissage et l'émission des permis de travail. Nous avons pris comme attitude que nous retournions l'administration de ces règlements aux parties impliquées dans l'industrie de la construction et que le ministère, graduellement, en matière de qualification, en sortirait; qu'il ne serait présent que par le truchement de son règlement. C'est-à-dire que c'est le ministère qui va continuer de faire les règlements, en consultation, j'espère, avec les parties pour que ça réponde à des besoins identifiés par les parties, et aussi pour la protection des individus, mais c'est une autre autorité qui aura l'administration du règlement. On ne sait pas encore laquelle, et c'est là-dessus qu'il n'y a pas consensus. Il y a consensus sur le contenu du règlement, mais il n'y a pas consensus sur qui aura l'autorité.

Est-ce que cela devrait être les commissions de formation professionnelle? Est-ce que cela devrait être la CIC? Est-ce que cela devrait être une nouvelle formation à l'intérieur de la CIC ou indépendante de la CIC? On n'est pas rendu au consensus là-dessus, mais ça ne sera pas tellement long, cependant. L'idée générale est de retourner aux parties l'administration du système de qualification et d'abolir, par la même occasion, les permis de travail qui font double emploi. Ce qui ne voudra jamais dire qu'il n'y aura pas de restrictions à l'entrée dans l'industrie de la construction; il y aura des restrictions, qui sont prévues dans le règlement, mais il n'y aura pas des restrictions dans un règlement de qualification et des restrictions dans un règlement de permis de travail. Il n'y aura qu'un règlement administré par une seule autorité.

Le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, face à cette autorité, sera, comme vous l'êtes d'ailleurs très souvent dans votre comté, le protecteur des individus. On ne veut pas que les individus voient leurs droits brimés, quand ils ont des droits, par une collectivité qu'on appellerait l'industrie de la construction. C'est ce genre de protection que nous allons tous donner à l'individu qui veut avoir un carnet d'apprentissage ou qui veut simplement avoir son certificat de qualification.

La qualification, là où on a eu un certain nombre de problèmes, cela a été très souvent qu'on faisait passer des examens écrits à des individus qui, à cause d'accidents de parcours dans leur vie, ne possédaient pas un degré suffisant d'instruction pour passer des examens écrits, même si cela faisait 20 ans qu'ils pratiquaient un certain métier. L'industrie ne sera pas tenue de ne passer que des examens écrits. Mais, comme les remarques nous ont été faites par des syndicats en particulier, par des employeurs aussi et par des députés très souvent, que des individus ne pouvaient pas passer d'examens écrits parce qu'ils étaient nerveux, ils n'étaient pas capables de faire ça, parce que c'étaient des menuisiers, c'étaient des opérateurs de machinerie lourde, nous avons décidé avec l'industrie que le système d'examens changerait totalement de couleur. L'industrie se propose, du moins d'après ce que j'ai pu comprendre des rapports que j'ai eus, de faire passer des examens le plus souvent possible, le plus près possible aussi des individus, et défonctionnariser totalement cette opération de qualification. Quand je dis: Défonctionnariser, je ne voudrais pas que cela ait l'air péjoratif. C'est que je laisse à l'industrie le soin d'établir ses besoins en qualification et ses besoins en quantité de personnes qualifiées. Je laisse à l'industrie de faire ça, quoiqu'ils agissent dans les rapports apprentis-compagnons qui, à toutes fins utiles, sont des rapports intimement reliés, non pas à la quantité, mais à la qualité de l'apprentissage.

Il serait illusoire de penser qu'en modifiant sensiblement ces rapports nous pourrions avoir des apprentis qui font un apprentissage dans l'industrie de la construction. Quand on dit un apprenti par compagnon, c'est qu'on pense qu'il peut apprendre un métier, quand un compagnon peut lui enseigner le métier, peut l'aider à apprendre son métier. Quand on dit: Trois apprentis par compagnon, c'est regrettable, c'est un professeur d'école qui est là, et, très souvent, ce n'est pas facile au campagnon d'enseigner le métier à l'individu, à moins que ce soit un métier déjà extrêmement facile. Comme les métiers qui sont susceptibles de qualifications sont des métiers habituellement plus difficiles, les rapports qui sont inscrits dans l'arrêté en conseil sont des rapports raisonnables pour permettre à un individu qui entre, non pas de voir restreindre son entrée, mais de s'arranger pour qu'il soit capable de faire un apprentissage qui le rendra un employé qualifié à un moment donné.

C'est bien clair que, quand on parle de qualité ou de qualification, on ne peut pas ne pas en même temps obliger un apprenti à faire un apprentissage et l'ôter des listes d'apprentis puis l'empêcher de le faire s'il ne travaille pas dans l'industrie. Il y a bien des gens qui demandent des carnets d'apprentissage pour leur fils et qui les obtiennent parfois. Mais ce qui arrive, c'est que ces personnes ont un carnet d'apprentissage dans leur poche, ils faussent considérablement le rapport apprentis-compagnons que nous avons dans le règlement

et ils ne travaillent pas sur les chantiers de construction, et il n'y a personne qui leur montre le métier. Mais quand nous refusons un carnet d'apprentissage à un autre qui veut le faire, c'est parce que nous avons émis un certain nombre de carnets d'apprentissage.

Vous aviez raison très souvent de dire: II manque de travailleurs qualifiés. Par ailleurs, si vous constatez les chiffres que nous avons devant nous, le nombre de carnets d'apprentissage émis et le nombre de travailleurs qualifiés, vous êtes obligés de constater que nous arrivons dans les chiffres. Mais ce sont des nombres de carnets d'apprentissage et non pas des gens qui sont en apprentissage. Nous obligeons donc, par le même règlement, un individu qui a un carnet d'apprentissage à faire son apprentissage ou à sortir de l'apprentissage pour qu'un autre individu qui veut faire l'apprentissage puisse le faire à l'intérieur des rapports compagnons-apprentis que nous avons établis.

M. ROY: Si j'ai bien compris le ministre, c'est définitif, les permis de travail seront abolis.

M. COURNOYER: En même temps que le règlement de qualification sera adopté, parce que le règlement de qualification prend soin du permis de travail.

M. ROY: Parce qu'il va y avoir un contrôle quantitatif prévu au niveau du nouveau règlement?

M. COURNOYER: Non. On peut parler de quantitatif et de qualitatif, mais j'essaie d'expliquer que ce qui est important, c'est le qualitatif. Vous ne pouvez améliorer la qualité de l'apprentissage qu'en réduisant le nombre d'apprentis ou en vous arrangeant pour que le nombre d'apprentis soit, d'une certaine façon, proportionnel au nombre de compagnons qui peuvent enseigner, qui peuvent aider un individu à faire son apprentissage.

Alors, j'essaie d'expliquer que le mot qualitatif, ici, implique non pas un règlement quantitatif, mais un règlement qualitatif qu'on ne peut pas réaliser au point de vue qualitatif sans imposer des normes quantitatives qui existent déjà dans le règlement no 1, dans le règlement de la construction. Le rapport apprentis-compagnons n'a jamais été fait pour limiter l'accès à l'industrie. Il a été fait pour qu'un apprenti puisse faire son apprentissage et qu'il puisse être assis avec un compagnon ou travailler avec un compagnon. C'est pour cela qu'a été fait le rapport apprentis-compagnons. Il y a donc un effet quantitatif.

Mais la recherche que nous faisons, ce n'est pas de contingenter ou d'empêcher quelqu'un d'y entrer. C'est de permettre à quelqu'un, s'il y entre, d'apprendre le métier en question. Au bout du compte, il sera qualifié.

Il y a aussi la possibilité, qui va rester là, que des personnes peuvent être qualifiées aujourd'hui. Je n'ai pas vu le texte du consensus. De toute façon, ce consensus me semble universel entre la CSN, la CSD et la FTQ, d'un côté, et les associations patronales au complet, de l'autre côté: que des individus, qui sembleraient qualifiés, mais qui travaillent aujourd'hui dans une industrie sédentaire et ne viendraient dans l'industrie de la construction que par accident ne prennent pas la place des gars de la construction, ne viennent pas grossir le nombre de gens qualifiés et artificiellement grossir le nombre d'apprentis. Quand ils retournent à l'industrie, on a un nombre d'apprentis de trop par rapport au nombre de compagnons que nous avons. Dans ce sens-là, il est clair que, pour pouvoir travailler dans l'industrie de la construction, il sera nécessaire non seulement d'être qualifié, mais de respecter les rapports dont nous avons parlé tantôt.

D'autre part, juste un correctif: le règlement de qualification comportera des dispositions concernant la sécurité sur les chantiers de construction. Là-dessus, nous ne sommes pas encore fixés sur le genre de cours que nous devrons donner. Dans le domaine du journalier, en particulier, celui qui n'est pas assujetti au permis de travail, il sera assujetti à avoir des notions de sécurité avant de pouvoir mettre les pieds sur les chantiers de construction, à compter de 1976. Cela est le règlement que je serai obligé de discuter avec la commission parlementaire, compte tenu de ce que j'ai déjà compris. J'obtenais d'abord un consensus, je soumettais le règlement à la commission parlementaire avant de le soumettre au conseil des ministres pour approbation finale.

M. ROY: Maintenant, cela me porterait à poser une autre question au ministre. Le ministre nous a dit que des amendements s'en venaient, que le nouveau règlement s'en venait. Mais quand? Si je pose cette question actuellement, c'est qu'il y a énormément de travailleurs de la construction dont le permis de travail est échu. J'ai eu des informations à l'effet que la Commission de l'industrie de la construction ne renouvellerait pas les permis de travail, mais qu'il y aurait une certaine tolérance en attendant que tout cela soit définitivement réglé. Alors, il y a une certaine insécurité chez les travailleurs, actuellement, qui se demandent: Est-ce que demain ou cet après-midi, ou aujourd'hui, je me ferai arrêter par un inspecteur de la Commission de l'industrie de la construction et que je serai obligé de comparaître devant les tribunaux pour la fameuse amende de $200? Alors, des questions nous sont posées là-dessus tous les jours. J'aimerais bien, à ce moment-ci, que le ministre nous éclaire, que le ministre informe la population...

M. COURNOYER: Disons que je...

M. ROY: ... informe les travailleurs sur ce qui les attend.

Si les permis de travail sont renouvelés automatiquement vu l'arrivée d'un nouveau décret, tout simplement que les travailleurs en soient informés; et si les permis de travail ne sont pas renouvelés, s'ils sont toujours en vigueur et que les inspecteurs de la Commission de l'industrie de la construction peuvent aller sur les chantiers de construction et faire des plaintes, déposer des griefs contre les travailleurs, que le ministère du Travail prenne les mesures nécessaires auprès de la Commission de l'industrie de la construction pour que les permis se renouvellent.

M. COURNOYER: Disons que j'ai pris des dispositions là-dessus avec la commission. Ce que je lui ai demandé — à peu près au moment où j'ai annoncé la nouvelle politique en matière de qualification et où j'ai annoncé en même temps que j'abolirais définitivement, le plus rapidement possible, les permis de travail lorsqu'ils seraient remplacés par le nouveau système de qualification — ce que j'ai demandé, dis-je, à la Commission de l'industrie de la construction, c'est de ne pas émettre de nouveaux permis de travail mais de considérer que tous les permis de travail émis, l'an passé sont bons. Je ne vais pas faire une procédure qui coûterait peut-être $100,000 pour envoyer des permis de travail qui, de toute façon, sont appelés à disparaître comme permis de travail.

Quant aux nouveaux permis, le règlement continuant d'être appliqué, pour obtenir un permis de travail, on doit l'obtenir. Mais un permis de travail de l'an passé, on le considère, à la Commission de l'industrie de la construction, comme un permis de travail renouvelé, et on ne pose pas de questions dessus. Il est bon, ce permis. Cela, c'est pour éviter qu'on dépense de l'argent pour rien.

Quand j'ai annoncé que j'abolirais les permis de travail, ce n'était toujours bien pas pour permettre à la Commission de l'industrie de la construction d'émettre des renouvellements pour une période d'un mois ou de deux mois. Cela a pris plus de temps, la consultation... Pour avoir un consensus, cela prend plus de temps que quand vous avez décidé de passer le marteau dedans. Quand tu as décidé que c'était comme ça, tu n'as pas besoin du consensus, mais quand tu recherches le consensus, cela prend plus de temps, comme cela me prend plus de temps pour trouver un enquêteur à l'hôpital Notre-Dame. Je cherche un consensus. Mais si je ne cherchais pas de consensus, j'aurais un enquêteur à l'hôpital Notre-Dame. Alors, cela me prendra plus de temps, le consensus.

Dans le cas de la construction, le consensus a été plus long à réaliser. Je vous ai dit que sur le contenu du règlement, il y avait consensus, mais avant même que d'adopter ce règlement, je veux être sûr de l'organisme que nous allons mettre sur pied, ou qui existe déjà, qui va s'occuper de l'administration du règlement, puisque j'ai décidé que la qualification, en matière de construction, ce n'est plus mon ministère qui la ferait. J'enlève deux autorités, c'est-à-dire que j'enlève la double autorité qu'il y avait là-dedans. Nous avons une autorité de surveillance générale de ce règlement ou de son application, pour la protection des individus, j'en conviens. Mais de là à l'administrer et à faire passer des examens de qualification, nous pensons, je pense en particulier, qu'il y a lieu de demander à l'industrie d'établir son système de qualification elle-même et de s'organiser pour que les individus dont elle a besoin soient bien examinés, examinés de la manière dont cette industrie voudra les examiner, beaucoup plus que de la manière dont le ministère de l'Education voudrait les examiner, si vous me permettez.

Que des gens, par exemple, qui n'ont jamais mis les mains sur une grue puissent passer l'examen parce qu'ils savent lire et que d'autres, qui la conduisent depuis vingt ans ne passent pas l'examen parce qu'ils ne savent pas lire, c'est un peu embêtant.

M. ROY: ... une grue.

M. COURNOYER: Une grue, c'est une grue. C'est important, une grue.

M. ROY: Oui, oui.

M. COURNOYER: Cela dépend de la grue.

M. ROY: Je suis bien d'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-François a demandé la parole, pour une question additionnelle.

M. DEZIEL: M. le Président, je pense que ma question s'enchafne énormément à celle du député de Beauce-Sud.

Il s'agit de quelqu'un qui a un certificat de qualification. Si, comme vous le dites si bien, dans un accident de parcours, il a dû aller travailler, disons, dans une industrie manufacturière, mais tout de même il est parfaitement bien qualifié et il revient sur le chantier de construction et on lui refuse, par le truchement du CIC, un permis de travail, finalement on n'a pas raison de le faire.

M. COURNOYER: C'est-à-dire qu'on a raison de le faire aujourd'hui, le permis de travail existant, et j'ai mentionné qu'on aura probablement encore raison de le faire, compte tenu du fait que ces individus viennent modifier sensiblement le rapport apprentis-compagnons et que, lorsqu'ils retournent à l'industrie — parce que c'est très souvent par accident qu'ils viennent dans l'industrie de la construction — ces gens en particulier se retrouvent dans la douloureuse situation de laisser un apprenti en bas à cause de l'application du rapport apprentis-compagnons et à cause de l'émission des permis

ou des carnets d'apprentissage aux compagnons. Dans ce sens, il y a possibilité que ces individus, qui sont probablement très intéressants, soient refusés parce que la qualification qu'ils ont — je ne le dirai jamais assez — est une qualification d'électricien, par exemple, en vertu du règlement no 2, et cette qualification d'électricien ne leur a pas été donnée, la formation d'électricien, nécessairement pour être un électricien de construction.

L'installation et la maintenance, ce n'est pas pareil. Et un type, même électricien — on peut apprendre dans une commission scolaire, en apprentissage, en vertu du règlement no 2, le règlement est aussi là — a pu apprendre le métier d'électricien comme ça. Cette personne est un danger pour les travailleurs de la construction lorsqu'elle met les pieds sur le chantier de construction et qu'elle ne connaît pas un chantier de construction.

Tandis que l'apprenti électricien, lui., qui a appris son métier sur les chantiers de construction, en vertu du règlement no 1, est une personne qui a au moins les notions de ce qu'est un chantier de construction avant d'y mettre les pieds, parce qu'elle a commencé là, elle s'est fait enseigner par un gars qui connaissait ça et a pu avancer progressivement dans l'industrie de la construction.

Je ne dirai pas que c'est vrai pour les électriciens en particulier. Vous avez tous les corps de métiers qui ont besoin de qualification pour avoir le genre de salaire qu'on donne dans cette industrie. Et si vous me dites: L'électricien, ce n'est pas vrai, je vous dirai: prenez le plombier, prenez le menuisier, prenez l'opérateur de machinerie lourde. Vous avez des opérateurs de machinerie, par exemple, qui travaillent exclusivement dans des carrières. Vous allez me dire qu'un chantier de construction, c'est une carrière? Un instant. C'est vrai que ça se ressemble, un grand trou et un autre grand trou; c'est probablement la similitude la plus ordinaire. Que vous creusiez un trou pour la Place Desjardins ou que vous creusiez un trou pour chez Francon, ça reste deux trous. Mais le type qui est opérateur de machinerie lourde est aussi opérateur de grues, et son certificat lui donne le droit de manoeuvrer une grue. Une grue sur la rue Sainte-Catherine et une pelle dans une carrière, ce n'est pas pareil. Vous voyez ce que je veux dire? C'est strictement ça, c'est que ce genre de salaire que nous payons, que l'industrie paie à ses travailleurs sous la seule affirmation d'un certificat de qualification qu'elle met entre les mains des individus, des pièces d'équipement très intéressantes et importantes. Vous allez me dire que cet employeur-là, en particulier, est prêt à vous donner n'importe quoi. Je vais vous dire oui, celui-là, mais le lendemain matin, le type perd son emploi chez cet employeur-là, il a toujours le même certificat de qualification et il va le donner ailleurs.

Travailler sur un chantier de petite construction comme dit souvent le député de Beauce-Sud, c'est une chose et travailler à Place

Desjardins, c'en est une autre. Je concevrai cela rapidement. Et il n'est pas nécessaire pour un type de connaître tout ce qui se passe sur un gros chantier de construction pour travailler sur de la petite construction. J'ai déjà dit à M. le député de Beauce-Sud que, s'il convient qu'il ne mettra jamais les pieds sur un gros chantier de construction, je vais lui donner un certificat de qualification pour la petite construction. Mais quand il va avoir son certificat de qualification pour la petite construction, je viens de l'empêcher de mettre les pieds sur la grosse, et là "tu vas brailler".

M. DEZIEL: Est-ce que ça veut dire, M. le ministre, qu'éventuellement...

M. ROY: Je trouve justement...

M. DEZIEL: ... il y aura des codifications à l'intérieur d'une classification?

M. COURNOYER: Non, je ne suis pas rendu là pour la simple et bonne raison que, si j'avais une codification à l'intérieur d'une même classification, il faudrait que j'aie des salaires et des conditions de travail totalement différents, ce qui ne semble pas être le but de l'industrie pour le moment.

M. BOUDREAULT: M. le ministre, on cherche éventuellement à grouper les métiers de plus en plus, par exemple les menuisiers essaient d'accaparer tout, les latteurs, les tireurs de joints; qu'est-ce qui arrive quand il y a des concours de classification à passer? Par exemple, le gars qui est spécialisé dans le tirage de joints; on veut le grouper avec les peintres, mais il ne connaît absolument rien dans la peinture. Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là?

M. COURNOYER: C'est mal interprété, là; d'abord, je pense bien que si on se réfère au poseur de lattis métallique, que vous connaissez bien, il y a eu des protestations assez véhémentes, mais sur le règlement de qualification publié. Ce sont des protestations qui avaient un certain degré d'allure. Je ne conteste pas le mérite de ce qu'elles représentaient. Seulement, nous nous disons une chose, c'est qu'il ne nous appartient pas de maintenir des métiers pour maintenir des métiers. Tandis qu'un gars comme vous, qui avez fait partie du mouvement syndical dans les latteurs métalliques, vous avez toujours pensé en termes de corporation fermée et de maintien d'un métier pour maintenir le métier que vous avez appris.

M. BOUDREAULT: C'est une spécialisation.

M. COURNOYER: Oui, mais ça peut être une spécialisation du menuisier. Il n'y a personne qui va empêcher un menuisier de faire cela. Le règlement permet au menuisier de faire cela, alors qu'avant le règlement ne le permettait pas; de là, la réaction des latteurs métalliques.

M. BOUDREAULT: Je ne veux pas défendre le point de vue des latteurs métalliques.

M. COURNOYER: Non, mais je vous explique la réaction. C'est que, en fait, il y a quelqu'un qui va pouvoir faire ce qui était réservé exclusivement au poseur de lattis métallique hier. Quand nous faisons cela, ça doit s'inscrire dans une sorte de politique de main-d'oeuvre; c'est que, compte tenu de l'évolution rapide dans le domaine de la construction, compte tenu de la disparition de certains corps de métier, on veut que ceux qui gagnent leur vie là-dedans puissent continuer de la gagner par accident. Par accident là, j'oublie les accidents de travail; je veux dire que, s'il est menuisier, il a beaucoup plus de chances de pouvoir gagner sa vie dans la construction que s'il n'est que poseur de lattis métallique. Que ceux qui posent du lattis métallique aujourd'hui, qui sont qualifiés comme ça et spécialisés là-dedans aient une certaine anxiété, je les comprends. Mais il n'est pas question pour nous de les empêcher de poser du lattis métallique.

M. BOUDREAULT: Comment un type, qui est poseur de lattis, peut-il passer un test 'de menuisier et vice versa?

M. COURNOYER: II n'est pas question, que je sache, d'imposer au poseur de lattis métallique d'aller passer un test de menuisier.

M. BOUDREAULT: C'est ce qu'ils demandent.

M. COURNOYER: C'est ce que les gens pensent. Il est question de permettre aux menuisiers de poser du lattis métallique et des poseurs de lattis métallique, il y en a, aujourd'hui, une quarantaine, je pense.

M. BOUDREAULT: Voyons, voyons!

M. COURNOYER: Cela a changé depuis le temps où tu étais là.

M. BOURDREAULT: J'ai été parti un bon bout de temps, oui.

M. COURNOYER: Depuis que vous êtes parti, monsieur le député... Pardon, je suis rendu, moi, à faire des familiarités au Parlement.

M. BURNS: Ce ne sera pas la première fois.

M. le Président, je m'aperçois que depuis quelque temps on s'en va dans des problèmes un peu particuliers. Je n'ai pas d'objection, mais j'aurais voulu revenir à des choses d'aspect plus général avant qu'on s'insère dans les problèmes particuliers. Comme le ministre est ici — il l'a dit dans ses remarques générales — pour entendre nos critiques, il y a deux domaines en particulier où je pense que le ministère a notamment manqué le bateau. C'est le domaine de la législation, d'une part, et le domaine du contentieux fédéral-provincial.

J'aurais aimé, dans les remarques générales du ministre, qu'il nous expose pour la nième fois quelles sont ses intentions de légiférer dans l'année qui vient. Il nous a parlé des amendements au code du travail, et je le remercie des détails qu'il nous a donnés là-dessus. Ces amendements au fameux code du travail, on en parlait, je pense, depuis 1971/72. Je me souviens cependant que, régulièrement, d'année en année, moi-même ou, l'année dernière, le docteur Laurin qui me remplaçait à la commission du travail, on avait soulevé un certain nombre de questions relativement à des projets de législation ou à des politiques de législation que pouvait envisager le ministère.

Tout à fait par hasard, je lisais dans le rapport du ministère 1971/72... C'est le plus récent qu'on a à ce jour, soit dit en passant. Je ne sais pas quand on va avoir le plus récent, celui de 1972/73. Cela aurait été bon d'avoir ça avant l'étude des crédits, soit dit en passant.

M. COURNOYER: Demain. M. BURNS: Demain.

M. COURNOYER: On me dit demain. Il est prêt. Ma structure me dit demain.

M. BURNS: Vous nous donnez ça juste au bon moment pour qu'on n'ait pas le temps de le lire comme il le faut pour vos crédits.

M. COURNOYER: Je vous assure, mon cher, que si vous voulez retarder mes crédits d'une semaine, vous allez avoir le rapport demain. Moi, ça ne me ferait rien de retarder mes crédits d'une semaine. Je veux que la Chambre soit bien informée.

M. BURNS : En tout cas, c'est une remarque que je faisais en passant. Je lisais, dans le rapport annuel de 1971/72, quelque chose qui m'a bien étonné. A la page 156, sous le titre Projets de loi, on voit: "Bien que les poursuites pénales et les opinions juridiques ont occupé une partie importante de l'activité du contentieux, il importe de mentionner qu'au cours de l'année 1971/72 le domaine de la législation a, plus que par les années antérieures, constitué un centre d'activités pour les conseillers juridiques du ministère".

Je me suis demandé quelles lois avaient véritablement été adoptées depuis ce temps-là. D'accord, ils travaillaient probablement sur les amendements au code du travail, mais j'aimerais, à ce stade-ci, rappeler au ministre — et par l'entremise des crédits de 1972/73 et par ceux de 1973/74 — un certain nombre de domaines où, à toutes fins pratiques, le ministre nous a fait des promesses de légiférer, et dans bien des cas dans le cours de l'année. Je vais simplement

vous en faire l'énumération et j'aimerais que le ministre me réponde après, à savoir s'il a toujours l'intention de légiférer là-dessus et quand.

Entre autres, on a parlé de la loi d'inspection technique pour la sécurité publique regroupant deux lois: la Loi modifiant la loi des établissements industriels et commerciaux et la Loi des mécaniciens en tuyauterie. Le ministre nous avait même dit, l'année dernière, que cela avait passé l'étape du comité de législation. Or, je sais que de très légers amendements ont été déposés, soit le bill 15. Est-ce que c'était ça que le ministre envisageait? Le bill 15 qui, d'ailleurs...

M. COURNOYER: C'est un autre.

M. BURNS: ... est resté au feuilleton à la fin de l'autre session?

M. COURNOYER: II va revenir. Est-ce que vous pourriez me poser les questions sur ces sujets-là? Je vais répondre tout de suite.

M. BURNS: Voulez-vous y répondre au fur et à mesure?

M. COURNOYER: Oui, au fur et à mesure.

M. BURNS: Bon. La loi regroupant la loi des établissements industriels et la loi des mécaniciens.

M. COURNOYER: Dans le cas de la loi des établissements industriels et commerciaux, qui regroupait un certain nombre de lois, cela s'appelait la loi d'inspection technique.

M. BURNS: C'est cela.

M. COURNOYER: II y avait eu une étude par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre au moment où je vous ai parlé. Cela a été au comité de législation et c'est revenu du comité de législation; pour me placer non pas dans une situation avantageuse, mais surtout pour être sûr que le comité de législation n'avait pas modifié sensiblement la sorte de consensus auquel le conseil consultatif était arrivé, j'ai demandé à mes officiers de retourner le texte du comité de législation au conseil consultatif et on m'a dit, la sermaine dernière, qu'il y avait d'énormes changements. Je n'ai pas été, moi-même...

M. BURNS: Par le conseil consultatif?

M. COURNOYER: Par le comité...

M. BURNS: Par le comité de législation.

M. COURNOYER: Ce qui veut dire que ces textes ont été retournés, à toutes fins utiles, au conseil consultatif et qu'on n'a pas retrouvé là le même consensus, même mes fonctionnaires ici, qu'on avait obtenu au moment où le texte est parti du conseil consultatif pour aller au comité de législation. C'est une question beaucoup plus d'étapes que d'autre chose. Lorsque j'ai pris en main le code du travail, cela a été plus vite, dans le sens que je me suis attardé d'abord au code du travail.

Je rappelle, pour le député de Maisonneuve, que le conseil consultatif n'a pas beaucoup siégé l'autre année avant, parce qu'il manquait des éléments.

M. BURNS: Pour des raisons qu'on connaît.

M. COURNOYER: Comme il ne pouvait pas siéger, je ne peux pas dire qu'il n'avait pas raison de ne pas siéger, mais cela a été difficile, l'année 1973, en particulier.

M. BURNS: On s'en aperçoit par l'épaisseur du rapport.

M. COURNOYER: II est petit, n'est-ce pas?

M. BURNS: Il est pas mal petit, tout de même.

M. COURNOYER: De toute façon, cette année, il travaille beaucoup, comme vous le savez et les relations entre le ministre et le conseil consultatif se sont sensiblement améliorées, pas parce qu'il pense comme moi, mais de toute façon ça va bien. Je ne voudrais pas précipiter les choses.

Quant à loi loi 15, la loi des inspections techniques proprement dites, c'est encore devant le conseil consultatif, mais cela n'a pas été leur préoccupation première, étant donné qu'ils se sont eux aussi, inspirés par le ministre, attardés à finir le code du travail. Quant à la loi 15 qui a été déposée, suite aux représentations qui ont été faites et qui sont intimement reliées à l'évolution de la femme au Québec et au Canada, nous devrions retourner au comité de législation ou au comité consultatif d'ici quelques semaines; c'est long quelques semaines, par rapport aux plans de travail. C'est quoi, quelques semaines?

A la prochaine rencontre du conseil, nous proposerions au conseil d'éliminer toutes dispositions qui ont été connues dans une autre ère pour protéger la femme — nous croyons que la femme a atteint un statut d'égalité qui lui permet de décider de sa propre protection — et enlever en fait les impossibilités que la loi, même celle que nous avions déposée...

M. BURNS: Même le bill 15.

M. COURNOYER: ... même le bill 15 continuait de maintenir, compte tenu du fait qu'il y avait des procédures à suivre pour obtenir la permission du ministre quant au travail de nuit, de la femme, par exemple. On dit: On va continuer à protéger les enfants, les enfants en bas de dix-huit ans.

Mais les femmes semblent avoir des notions de...

M. BURNS: Pas en bas de 16 ans.

M. COURNOYER: ... "self-protection". Nous autres, ils ne travaillent pas en bas de 16 ans. C'est entre 16 et 18, c'est-à-dire...

M. BURNS: Entre 16 et 18.

M. COURNOYER: ... qui sont encore d'âge scolaire, entre 16 et 18. En bas de 16 ans...

M. BURNS: J'avais le chiffre 16 dans l'esprit à cause de ça.

M. COURNOYER: Alors, on pense que les femmes sont assez grandes pour se surveiller toutes seules et que, si elles veulent travailler de nuit, c'est leur privilège. On ne devrait pas maintenir dans la loi les prohibitions, des semblants de prohibitions, je veux dire des situations qui font que des femmes ne sont pas employées parce qu'il y a certaines conditions qui enlèvent un certain degré de liberté aux femmes de convenir de telle et telle chose.

C'est dans ce sens-là. Ce sera soumis au conseil consultatif à la prochaine réunion. J'espère qu'ils pourront prendre une décision là-dessus comme sur l'article 99. La loi d'inspection technique, l'état du texte actuel n'est pas satisfaisant, ni pour le ministre, ni pour le conseil consultatif; je préfère avoir le consensus là aussi avant que de présenter au Parlement une loi à cet effet-là.

M. BURNS: En somme, on ne pourra pas s'attendre à avoir une loi là-dessus cette année.

M. COURNOYER: Je ne le sais pas. Le code du travail, vous savez, est une préoccupation majeure du conseil consultatif. Il a été une préoccupation majeure. Nous avons maintenant un consensus très général, je ne dirai pas dans le particulier...

M. BURNS: A peu près sur tout.

M. COURNOYER: ... mais à peu près sur tout. Aussitôt ceci fait, j'avais demandé au conseil consultatif de s'attarder à ce qu'on ferait dans les secteurs public et parapublic, parce qu'il semble aussi y avoir une urgence. Etant donné que les négociations, dans les secteurs public et parapublic, devraient normalement commencer au mois de janvier 1975, vu que des conventions expirent en juillet 1975, j'aurais aimé que, si nous avons un nouveau système de négociation, il ait été au moins annoncé et adopté pour le début de la prochaine ronde de négociation de 1975. C'est demain le 7, la réunion. C'est le 7 juin qu'on décide sur le texte de l'article 99 préparé par nos légistes. Alors, si demain il y a un consensus sur l'article 99, je devrais déposer le code du travail la semaine prochaine puisque toutes les autres choses ont été aussi approuvées par le comité de législation et le conseil des ministres. Il ne reste que le texte de l'article 99. Avant de le passer au conseil des ministres, je veux avoir le consensus sur le texte parce que, des fois, ce sont toujours des histoires de texte. Je ne veux plus de ça. Je vais partir avec ce texte, j'espère, la semaine prochaine.

Je ne veux pas oublier, non plus, le bill 46, parce qu'il est important de l'étudier cette année. Mais il semble que le Conseil consultatif puisse procéder par sous-comités techniques qui fonctionnent assez régulièrement, quand ils ne sont pas dans des endroits où ils ne peuvent pas fonctionner.

M. BURNS: Je le sais; j'ai déjà fait partie de ces sous-comités, M. le ministre.

M. COURNOYER: Oui. Alors, ils fonctionnent assez bien. Ce qui veut dire que ces deux textes, dont celui de la loi d'inspection technique, normalement, nous, on pense qu'ils devraient être prêts pour au moins le début de la session du mois de septembre ou d'octobre, quand on aura fini les vacances d'été.

M. BURNS: Et la loi de la sécurité au travail, M. le ministre? Cela fait au moins deux ans qu'on vous en parle. Je ne vois pas la lueur du jour où on nous soumettra cela. Soit dit en passant, je vous en avais parlé à l'étude des crédits de 1972/73, et le Dr Laurin vous en avait touché un mot également l'année dernière, à l'étude des crédits de 1973/74.

M. COURNOYER: Nous touchons très sensiblement, dans le nouveau bill 15 — pas celui qui vous a été soumis — aux amendes et à tout cela.

M. BURNS: Dans celui dont vous venez de parler, qui est soumis au Conseil consultatif?

M. COURNOYER: C'est cela, qui est soumis au Conseil consultatif.

M. BURNS: Et non pas celui qui a été déposé en décembre, je crois.

M. COURNOYER: Non, non. Celui de décembre était limité à très peu de choses, parce qu'il y avait une certaine...

M. BURNS: Cela concernait les femmes.

M. COURNOYER: ... affaire de femmes, mais, là, il y a plus que cela sur la sécurité et sur l'hygiène. Non, pas l'hygiène? Les pénalités vont être beaucoup plus fortes. Mais, je pense que je pourrais être en mesure, après la réunion de demain, de vous en dire plus sur le bill 15.

M. BURNS: D'accord. D'ailleurs, M. le minis-

tre, j'ai plusieurs autres questions au niveau de la législation. Alors, comme il est déjà passé midi et demi, je propose de suspendre la séance.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission ajourne ses travaux sine die, parce que nous ne connaissons pas le programme des travaux de la Chambre cet après-midi. Nous attendrons l'avis du leader du gouvernement pour reprendre nos travaux.

(Fin de la séance à 12 h 37)

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