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Commission permanente
du travail, de la main-d'oeuvre
et de l'immigration
Etude des crédits du ministère du
Travail
et de la Main-d'Oeuvre
Séance du mardi 11 juin 1974
(Dix heures quarante-six minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission
du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux, ce
matin, pour l'étude des crédits du ministère du
Travail.
Les membres de la commission, ce matin, seront: MM. Gratton (Gatineau),
Kennedy (Châteauguay), Burns (Maisonneuve), Ciaccia (Mont-Royal),
Cournoyer (Robert Baldwin), Déziel (Saint-François), Springate
(Sainte-Anne), Bonnier (Taschereau), Marchand (Laurier), Malépart
(Sainte-Marie).
M. BURNS: J'aimerais vous signaler également que M. Charron est
remplacé, pour la séance, par M. Bédard, du comté
de Chicoutimi.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Bédard (Chicoutimi) remplace M.
Charron (Saint-Jacques).
A l'ajournement de la séance précédente, la parole
était au député de Maisonneuve. Je lui cède
immédiatement la parole.
M. BURNS: Merci, M. le Président. On était en train, la
dernière fois, si je me rappelle bien, de faire le tour des promesses de
législations du ministre depuis les trois ou quatre dernières
années. J'en étais rendu à lui demander, je pense, ce qui
arrivait de sa fameuse loi de la sécurité au travail. Est-ce que
le ministre m'avait répondu là-dessus? Je m'excuse s'il l'a
fait.
Exposé général du ministre
(suite)
M. COURNOYER: Je l'ai fait, mais succinctement. Je peux juste vous dire
que nous avions entrepris l'étude d'un projet de loi complet de la
sécurité au travail.
Compte tenu des problèmes que cela cause, remarquez bien que
j'aime à consulter maintenant, comme je vous le disais aussi la
dernière fois. Ce n'est pas tellement profitable tout le temps, mais,
comme j'ai décidé, à la suggestion d'à peu
près tout le monde, de bien consulter avant, cela ne m'embête pas.
C'est très bien. Mais il reste que, pour consulter, cela prend plus de
temps.
Dans le cas de la loi de la sécurité au travail, pour
aller plus vite, nous avons décidé d'augmenter sensiblement les
amendes de la Loi des établissements industriels et commerciaux, par- ce
qu'il ne semblerait pas, aujourd'hui, que ces amendes, compte tenu des
montants, soient suffisantes pour encourager les gens à respecter cette
Loi des établissements industriels et commerciaux, en vertu de laquelle
tous nos règlements de sécurité sont faits, même
celui de la construction.
Nous avons également, dans le cours de l'année, refait
totalement les règlements de sécurité sur les chantiers de
construction. Ils ont été adoptés par le
lieutenant-gouverneur en conseil pour entrer en vigueur le 1er septembre 1974.
Avant de les mettre en vigueur, déjà, hier, je voyais à
mes bureaux tous les inspecteurs de la Commission de l'industrie de la
construction de la province de Québec qui étaient en train de
suivre un cours sur ces nouveaux règlements.
Un cours sera également donné par la CIC aux agents
d'affaires, aux "shop stewards", aux délégués de chantier,
de même qu'à toute personne responsable à un certain
degré de la sécurité sur les chantiers de construction du
côté patronal. Ce qui veut dire que lorsque les nouveaux
règlements qui ne sont pas tellement nouveaux, mais il y a des
changements par rapport à ceux qui existent actuellement
entreront en vigueur, ce ne sera rien de nouveau pour tout le monde. Ils auront
suivi un cours pour qu'à partir du moment où ça entrera en
vigueur ils aient une notion de ce que seront les nouveaux règlements de
sécurité.
M. BURNS: Est-il question de changer les pouvoirs des inspecteurs? Parce
qu'il semble que ce soit le noyau du problème.
M. COURNOYER: Oui.
M. BURNS: C'est-à-dire leur en accorder plus.
M. COURNOYER: Là, nous en avons discuté assez longuement
dans le cas de la possibilité de fermeture de chantiers ou
d'arrêts de travaux. Il est entendu que ces possibilités seront
données aux inspecteurs. Il nous reste à établir cependant
une sorte de hiérarchisation dans la prise de décision de fermer
les travaux.
Remarquez bien qu'il peut s'agir tout simplement d'ordonner que personne
ne travaille près d'une tranchée ouverte, par exemple, qui ne
posséderait pas les degrés d'étançonnement
mentionnés au règlement. Ou encore qu'il n'y aurait pas de
barrière ou de garde sur un échafaud ou qu'un échafaud ne
serait pas conforme aux devis; tout près on empêche quelqu'un de
se casser la gueule. Mais, quand on ferme un chantier au complet, on
empêche tout le monde de travailler. Il me semble que donner cette
autorité à un seul inspecteur sans qu'il n'ait à
dépendre de personne, sans qu'il ait au moins à se garantir
lui-même, c'est-à-dire que le geste qu'il pose obtienne la caution
de ses supérieurs immédiats tout au
moins, le directeur de la sécurité, par exemple, à
la CIC ou même le directeur général de la
sécurité chez nous au ministère du Travail, ce serait une
sorte de caution et de réponse anticipée d'un inspecteur à
une autorité supérieure pour qu'il y ait une plus grande garantie
que le geste qu'il pose n'est pas ou ne sera pas interprété comme
étant un geste posé d'une façon qui, sans être
discriminatoire, serait interprétée comme tel le lendemain matin,
dépendant de la source d'information qu'il a. Dans ce sens-là,
oui l'inspecteur aura plus de pouvoirs ou il pourra les exercer d'une
façon plus rationnelle qu'il ne peut le faire actuellement.
M. BURNS: Parce qu'actuellement, à toutes fins pratiques, il se
limite à faire une enquête et un rapport et cela ne change pas
grand-chose à long terme.
M. COURNOYER: A long terme, je m'excuse d'être en léger
désaccord avec vous...
M. BURNS: A court terme, je veux dire, c'est plutôt à court
terme que je voulais dire, parce qu'à long terme c'est sûr que
ça change quelque chose.
M. COURNOYER: A long terme, nous avons obtenu, je pense, d'après
les rapports que j'ai, juste par l'utilisation maximale des inspecteurs de la
CIC, leur présence, leur uniforme, le pouvoir qu'ils ont sur les
entrepreneurs qui est presque total maintenant, compte tenu du fait qu'ils
surveillent également le décret.
Nous avons obtenu une amélioration sensible dans le comportement
des entreprises et le comportement au point de vue de la sécurité
des employés. Est-ce que c'est la panacée? Je ne crois pas que ce
le soit; il reste que la CIC elle-même a décidé d'investir
un montant d'argent assez considérable. Comme je le disais la semaine
dernière, l'autre règlement va entrer en vigueur en 1976, et
même un journalier devra avoir des notions de sécurité
avant de mettre les pieds sur un chantier de construction, en remplacement,
bien sûr, du permis de travail. Donc, cette fois-ci, ce ne sera pas un
permis de travail pour un permis de travail, ce sera un permis de travail pour
empêcher une personne de mettre les pieds sur un chantier de
construction, de contribuer à ce qu'un autre groupe de personne puisse
se casser la gueule à cause de la négligence ou de
l'incapacité d'une personne à faire face à un chantier de
construction, par manque d'habitude, manque de ceci et manque de cela.
J'ai participé à des visites industrielles il n'y a pas
tellement longtemps et j'imagine que vous autres aussi êtes allés
dans l'industrie déjà. Il n'y a rien de pire qu'une personne qui
n'est pas au courant de ce qui se passe dans une industrie pour causer des
accidents d'autres personnes à cause de gestes brusques que d'autres
personnes sont obligées de poser vu la négligence ou
l'incapacité de la personne à savoir dans quel milieu elle se
trouve. Dans le cas de la construction, nous avions un permis de travail qui
existait pour les journaliers; normalement ce permis de travail c'était
pour une toute autre fin que celle qu'on peut appeler fins de
sécurité.
Il y a maintenant l'obligation, à compter du 1er janvier 1976,
pour obtenir un permis de travail, d'avoir des notions de
sécurité sur un chantier de construction. Il y a donc une raison
différente de celle qui existait auparavant pour un permis de travail
dans l'industrie de la construction: c'est la sécurité. Je pense
bien que lorsqu'on a eu certains accidents graves, les représentations
principales qu'on nous a faites, pour le permis de travail, c'était
à l'effet qu'un individu qui ne connaissait pas un chantier de
construction était très souvent une cause d'accident pour
lui-même comme pour les autres qui travaillaient sur le chantier de
construction. Et c'est pour ça que nous réintroduisons un permis
de travail, mais pour fins de sécurité, à compter du 1er
janvier 1976.
Maintenant, les règlements eux-mêmes, je pourrais vous en
distribuer des exemplaires parce qu'ils sont adoptés pour les chantiers
de construction. Les gens sont en train, comme j'ai dit tantôt, de
s'éduquer comme inspecteur, comme représentant d'employeur et
comme représentant de travailleur quant au contenu de ces
règlements.
Cela devrait être en vigueur le 1er septembre. C'est-à-dire
que c'est en vigueur, la date est spécifiée pour la mise en
vigueur le 1er septembre 1974 des nouveaux règlements. Quant à la
loi, les amendes seront ajoutées dans le cas du bill 15 dont je vous ai
parlé la semaine dernière, le bill 15 qui traitait du travail de
la femme. C'est dans La loi des établissements industriels et
commerciaux.
Nous profitons de cet amendement rapide, nécessaire, pour
modifier les amendes, de façon qu'elles soient supérieures dans
les cas d'une troisième infraction ou de toute récidive dans les
deux ans. Le montant, je ne l'ai pas ici. Les pénalités seront
trois fois supérieures pour une troisième infraction, pouvant
atteindre dix fois les amendes ordinaires lorsqu'une infraction est de nature
à mettre directement en danger la vie ou la santé du personnel.
C'est déjà prévu dans le bill 15 actuellement, le bill 15
lui-même, sauf la partie qui regarde le travail des femmes, que nous
voulons reviser davantage pour rendre les femmes plus libres encore qu'elles ne
semblent l'être à l'intérieur du projet de loi 15 qui
était sur la table à la fin de l'année 1973. Il reste que
des amendes étaient prévues pour être multipliées et
multipliables, de façon qu'elles aient un caractère plus
décourageant que celles qui sont actuellement comprise dans la Loi des
établissements industriels et commerciaux.
Et ça, c'est compte tenu du fait que nous n'avons pas mis de
côté notre intention de faire une loi sur la
sécurité au travail, l'hygiène au travail. Mais compte
tenu du fait que ça prend
du temps pour arriver à faire cette loi, nous avons pensé
qu'il y avait lieu de l'amender immédiatement pour éviter qu'on
retarde jusqu'à l'adoption d'une loi-maîtresse des amendements qui
par ailleurs sont rendus nécessaires, compte tenu de la nature des
choses.
M. BURNS: Cette fameuse loi m'intéresse, M. le ministre. Est-ce
que vous êtes en mesure de nous indiquer à peu près quand
on sera en droit de s'attendre à sa présentation à
l'Assemblée nationale?
M. COURNOYER: Je ne suis pas capable de vous le dire. La loi de la
sécurité, est-ce qu'elle est maintenant devant le conseil
consultatif? Non, mais avant ça, nécessairement, c'est la loi de
la sécurité... L'une des difficultés que nous rencontrons
actuellement, je le dis sous toute réserve, compte tenu d'autres
collègues qui sont aussi impliqués là-dedans, c'est que
nous n'avons pas encore fait le consensus chez nous sur le ministère qui
devrait avoir l'autorité en matière de
sécurité.
On sait que nous avons l'autorité en matière de
sécurité, d'une façon générale, sauf dans
les mines où c'est le ministère des Richesses naturelles. En
matière d'hygiène, par exemple, qui est très souvent
intimement reliée à la sécurité on peut
penser qu'il s'agit d'accidents; c'est sûr qu'il y a des accidents aussi,
mais, quand on pense, par exemple, au degré de poussière, au
degré de gaz toxique qui existe dans une industrie, en particulier
nous avons énoncé l'opinion que notre ministère,
enfin, le ministre et le ministère du Travail et de la Main-d'Oeu-vre,
croyait sincèrement que tout ce qui se passait dans une boutique et qui
influençait les conditions de travail devrait être sous
l'autorité du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Ainsi, lorsque
nous discutons avec un syndicat, par exemple, en conciliation ou autrement, et
que certaines conditions de travail sont demandées qui demandent
l'inspection soit du ministère du Travail, soit d'un autre
ministère, actuellement, nous avions pensé qu'il aurait
été nécessaire que ce soit sous la même
autorité.
C'est pourquoi, après des représentations que j'ai faites
auprès de mes collègues, nous avons pensé qu'il y aurait
peut-être lieu de modifier sensiblement les préoccupations du
ministère du Travail, de les réexaminer et de redonner certaines
préoccupations du ministère du Travail soit au ministère
des Affaires municipales, soit au ministère de l'environnement pour
reprendre totalement de ces ministères la juridiction sur
l'hygiène et sur la sécurité des travailleurs proprement
dits dans leur milieu de travail. Cela, c'est à l'étape des
discussions préliminaires. Pour arriver à résoudre ce
problème causé par l'approche que nous prenons, il y a eu la
formation, très récemment, d'un comité
interministériel d'hygiène et de sécurité qui
devrait, lui-même, participer à l'élaboration pas d'une
structure, mais... Autant que le ministre est concerné, je ne vois pas
ce que je fais dans l'inspection électrique des maisons. Vous comprenez
ce que je veux dire. J'ai peut-être 600 ou 700 employés, que vous
allez retrouver au budget, qui font l'inspection des installations
électriques. La préoccupation de ceux qui font l'inspection n'est
pas nécessairement de protéger le travailleur; en qualification,
oui, mais la préoccupation de cette section est beaucoup plus la
protection du public, la protection de l'individu acheteur, par exemple.
Il m'a semblé à moi que ceci devrait peut-être
retourner sous une autorité qui est plus près de la protection du
public, soit le protecteur du consommateur quant à l'achat, soit le
ministère de l'environnement quant à l'aspect des choses. Prenons
le code du bâtiment, par exemple; qu'est-ce que ça fait, au
ministère du Travail, le code du bâtiment? Personne ne s'est
jamais posé la question. On peut découvrir que c'est dans le
ministère du Travail strictement parce qu'en 1931, lorsqu'on a
créé le ministère du Travail, c'était une section
du ministère des Travaux publics; le ministère des Travaux
publics se faisait des règlements pour ses propres édifices et
cela s'est étendu à d'autres édifices publics qui
n'étaient pas propriété gouvernementale. Mais comme
c'était le ministère des Travaux publics et du Travail, on a
toujours gardé cette section dans les préoccupations du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Avec cette remise en question de cet aspect des opérations du
ministère, en même temps que celle d'un certain nombre d'aspects
que d'autres ministères se trouvent à toucher en hygiène,
en sécurité, comme dans le cas du ministère des Richesses
naturelles, on retournerait cela sous une seule autorité: le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il me semble, à moi
toujours, que cela devrait faire l'objet d'une étude sérieuse
afin d'en arriver à des conclusions avant la fin de cette
année-ci. Parce qu'au 1er janvier, par exemple, je vous le donne
immédiatement, ce n'est pas une primeur, c'est déjà
annoncé il y aura un code du bâtiment. Le code du
bâtiment comporte, en fait, la section plomberie, qui est sous
l'autorité du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre dans
tous les édifices. Mais si on a d'autres sections, structures, etc.,
dans le code national du bâtiment et que nous l'absorbons au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, nous perpétuons une
situation qui fait que peut-être nous devrions réviser le genre
d'autorité. Il me semble, par exemple, compte tenu de l'implication des
villes et des communautés urbaines dans l'administration, que ce code du
bâtiment irait beaucoup mieux dans le cadre des affaires municipales ou
de l'environnement qu'au ministère du Travail. Je ne peux pas manquer
cependant de saisir cette occasion d'ajouter au ministère responsable de
l'environnement, au ministère des Affaires municipales une juridiction
assez considérable
quoique, naturellement, venant sous cette autorité de tenter
comme ministre de reprendre l'autorité en hygiène
industrielle.
M. BURNS: M. le ministre, je pense qu'un comité
interministériel, recommandait, en juillet 1972, l'institution d'une
autorité unique fusionnant l'Office de protection civile, la Direction
générale de prévention des incendies, la Direction
générale des services techniques, sauf la sécurité
au travail, l'inspection, la Régie de l'électricité et du
gaz et la section du ministère des Affaires municipales qui s'occupe de
la salubrité et de l'hygiène dans les immeubles...
M. COURNOYER: Cela est pour le public. M. BURNS: Est-ce que...
M. COURNOYER: II arrive un point... Ce qui arrive à point
maintenant, c'est qu'à partir de ce comité
interministériel il nous a semblé, à l'époque,
qu'il y avait lieu d'étudier immédiatement un code du
bâtiment provincial en adaptant, bien sûr, le code national du
bâtiment. La partie du code du bâtiment est finie. Il nous semble
qu'il y a peut-être des amendements législatifs dont on aura
besoin pour adopter le code du bâtiment. Mais le code du bâtiment
proprement dit, au point de vue strictement politique, c'est
décidé. Le contenu est décidé au complet. Il s'agit
toujours dans ça de la protection du public.
Le travailleur lui-même est partie du public. Quand je vous dis
que je préférerais que certaines choses s'en aillent dans
d'autres ministères, déjà le regroupement est
considéré comme essentiel par ce ministre-ci. Je ne vois pas
pourquoi, par exemple, le service de protection contre les incendies serait au
ministère des Affaires municipales, que le service de protection contre
la fumée serait à l'environnement et que l'autre partie,
c'est-à-dire la structure et tout ça, serait au ministère
du Travail. La multiplication des autorités ne peut qu'engendrer un
certain degré de confusion, ce qui va permettre à bien du monde
d'échapper à ces responsabilités qui sont, par ailleurs,
décrétées par le gouvernement.
Dans ce sens-là, oui, pour ma part, l'unification c'est
à peu près ce que je venais de vous dire en d'autres termes
est décidée dans mon ministère. Mais sachons bien
que cela a des implications assez considérables sur le personnel
lui-même. Ce n'est pas juste un changement d'autorité; c'est un
changement d'expectatives, c'est un changement d'opportunités pour les
individus. C'est de s'engouffrer dans un autre ministère en étant
dans une situation relative différente de celle dans laquelle ils se
trouvent à l'intérieur de ce ministère. Alors, cela nous
paraît, à nous, administrateurs ou législateurs, comme
étant la chose la plus logique à faire. Mais sur les
comportements des individus, cela a une incidence directe. Il faut que les gens
s'habituent à cette nouvelle idée de changer d'autorité.
Ce n'est pas le ministre proprement dit; c'est comme si c'était un
enfant qui, soudainement, se découvre bâtard parce qu'il a
été engendré par le ministère du Travail. Tout
à coup, il est tout seul dans les airs et il s'en va sous une autre
autorité au ministère des Affaires municipales ou à
l'environnement.
Cet enfant, cela reste un enfant de 600 têtes. Il y a une question
de comportement. Cela part du sous-ministre adjoint en descendant, quand cela
ne part pas du sous-ministre aussi, n'est-ce pas? Il y a une perte assez grande
de juridiction. Vous avez 600 à 700 employés
là-dedans.
C'est beaucoup plus une question de "timing", de psychologie, d'habitude
pour les gens d'abord d'être unifiés, malgré les petits
problèmes qu'ils ont eus avant, les petites sections, pour ne pas dire
sectes, les petites paroisses, pour ne pas dire clochers.
M. BURNS: M. le ministre, vous parliez d'un comité
interministériel qui existait actuellement. J'imagine que c'est avec le
ministère des Affaires municipales que ce comité est
formé.
M. COURNOYER: Celui-là, c'est pour le travail.
M. BURNS: Oui. Je ne parle plus de l'autre qui a fait un rapport en
juillet 1972. Vous avez mentionné, tout à l'heure, un
comité interministériel qui, actuellement, travaillait.
M. COURNOYER: Cela, c'est pour l'hygiène et la
sécurité au travail.
M. BURNS: C'est avec le ministère des Affaires municipales.
M. COURNOYER: II est formé avec à peu près tous les
ministères, incluant les Affaires sociales, qui ont une partie
d'hygiène à cause de la médecine préventive, si je
me souviens bien. La CAT est là-dessus, l'environnement, les Richesses
naturelles, la Justice, à cause des amendes et à cause de la
poursuite, les Affaires sociales à cause de la médecine
industrielle.
M. BURNS: Est-ce que ce comité interministériel travaille
simplement à aplanir ce que vous mentionniez, soit les problèmes
de clochers d'un ministère à l'autre, ou bien est-ce qu'en plus
de cela, il a mandat de travailler...
M. COURNOYER: J'aimerais vous donner l'arrêté en conseil le
formant. Vous allez même pouvoir poser des questions après
coup.
M. BURNS: Bon, d'accord.
M. COURNOYER: Je vais vous donner l'arrêté en conseil et,
si vous avez d'autres questions à poser à une autre
séance...
M. BURNS: D'accord. D'ailleurs, on peut y revenir à un autre
élément de votre budget. J'y
reviendrai après avoir pris connaissance de l'arrêté
en conseil.
Maintenant, toujours dans le domaine de la nouvelle loi ou de la loi
projetée, vous avez, je pense, la dernière fois, amendé la
Loi des accidents du travail, en fin de 1971, début de 1972.
L'amendement majeur, à ce moment-là, était de faire passer
le maximum de gains admissibles de $6,000 à $9,000. Est-ce que, vu
l'augmentation constante du coût de la vie, vu toutes les
difficultés que ce genre de travailleurs rencontrent actuellement, vous
envisagez de réviser à nouveau, entre autres, le montant des
gains admissibles et, deuxièmement, pour arriver un jour je pense
que cela fait deux ou trois fois que je vous en parle à l'étude
de vos crédits à ce que la compensation soit à 100
p.c. du salaire?
Je m'explique là-dessus, M. le ministre. Je pense que
l'idée des 75 p.c. remboursables comme compensation à un
accidenté du travail vient d'une vieille mentalité en
matière d'assurance. J'ai toujours trouvé assez désolant
qu'on considère la Commission des accidents du travail comme une
compagnie d'assurance. C'est beaucoup plus que cela. Je pense que c'est un
service public pour cette catégorie de travailleurs qui se trouvent dans
une situation absolument intolérable. L'Etat a décidé de
leur donner un organisme, un instrument pour se sortir du pétrin dans
ces cas.
Je pense que les travailleurs handicapés seraient fortement
intéressés à savoir, d'une part, si vous envisagez,
à court terme, d'augmenter le montant des gains admissibles pour fins de
calcul de la prestation et, deuxièmement, d'augmenter le montant de la
compensation à 100 p.c. une fois le calcul fait.
M. COURNOYER: Sur la question des 100 p.c, étant donné non
seulement la mentalité...
M. BURNS: Si vous me permettez, je voudrais compléter
là-dessus avant que vous donniez votre réponse. Les compagnies
d'assurance ont toujours fonctionné avec une compensation moindre que le
risque total en matière de salaire parce qu'elles se disent: Nous ne
voulons pas que les gens se forcent pour être malades. Sauf que
là, nous ne sommes pas dans ce domaine. Ce serait aberrant s'il fallait
s'imaginer que des travailleurs vont se mutiler
délibérément dans le but de recevoir des prestations
d'accidents de travail. C'est habituellement, à 99.9 p.c., accidentel.
Il y a peut-être des cas de négligence grossière qui
arrivent à l'occasion, mais je pense bien que personne n'est
intéressé à se mutiler ou à se blesser au
travail.
Je pense donc que cette vieille mentalité d'appliquer le
système des assurances aux prestations d'accidents du travail est
dépassée et qu'il faudrait qu'on la revise.
M. COURNOYER: II y avait plus que ça.
D'après les renseignements que je possède, les 75 p.c.
étaient nettement basés sur le fait que ça
équivalait, à toutes fins utiles, à 100 p.c. Je ne
parlerai pas des $6,000, parce que la grande préoccupation, c'est
beaucoup plus les $6,000 ou les $9,000, c'est-à-dire que ce sont 75 p.c.
d'une partie seulement du salaire qui sont inscrits dans la loi, mais si les 75
p.c. étaient basés et je prends ça strictement
comme hypothèse sur la totalité du salaire, ça
équivaudrait à 100 p.c, compte tenu du fait qu'on ne paie pas
d'impôt sur une indemnisation d'assurance.
Quand vous recevez 75 p.c, vous recevez pratiquement 100 p.c. si vous
payez 25 p.c. d'impôt. Je dis cela sous toute réserve parce que
même dans le cas des assurances que nous avons négociées
avec les enseignants, par exemple, quand je négociais pour le
gouvernement, il était clair qu'on parlait de 80 p.c. ou de 75 p.c.
parce que ça équivalait à 100 p.c. Il n'était pas
question de diminuer ou de plafonner le montant global du salaire dont une
partie était assurée. C'est le montant global, mais on ne paie
pas d'impôt étant donné qu'il s'agit d'une indemnisation
d'assurance. En conséquence, une personne qui aurait 100 p.c. par
l'assurance aurait plus cher à 100 p.c. qu'en travaillant, parce qu'elle
ne paie pas d'impôt sur les 100 p.c. Si je dis que la personne a $9,000
en salaire effectif, et que je lui donne 100 p.c. de $9,000 par le truchement
d'une commission d'accidents de travail qui est nettement un groupe de mutuelle
d'assurance, si j'ai bien compris, ça veut dire que la personne aurait
$9,000 net, et qu'elle n'aurait que 75 p.c. des $9,000 quand elle travaille,
compte tenu du fait qu'elle paie de l'impôt quand elle travaille et
qu'elle n'en paie pas quand elle ne travaille pas. Disons que ce fut le
raisonnement. Je ne dis pas que je ne remets pas ça en question; je
remets ça aussi en question.
Quant à la question des $9,000, nous avions monté à
$9,000, je pense, il y a deux ans, si je me souviens bien.
M. BURNS: Fin 1971 ou début 1972.
M. COURNOYER: Cela a passé assez rapidement de $6,000 à
$9,000. Nous rejoignions, à l'époque, l'Ontario.
M. BURNS: Sauf, M. le ministre, que vous vous souviendrez que j'avais
proposé un amendement pour rendre les $9,000 rétroactifs et
ç'a été refusé.
M. COURNOYER: Cela a été refusé.
M. BURNS: Vous avez des travailleurs qui, actuellement, ont
été accidentés avant l'amendement à la loi, qui
gagnaient plus de $6,000 et dont la prestation est encore calculée sur
les $6,000 à peu près.
M. COURNOYER: Oui mais, depuis ce
temps-là, il y a aussi une indexation des pensions qui sont
données, qui ont été indexées...
M. BURNS: 3 p.c.
M. COURNOYER: ... mais ç'a coûté quelque $30
millions à la commission au mois de janvier de cette année, juste
l'indexation. Lorsque l'Assemblée nationale a approuvé le bill
indexant le régime de rentes au Québec, au mois de
décembre ce n'est pas par accident, c'était voulu
j'imagine par le législateur toutes les prestations, y inclus
celles de la Commission des accidents de travail, se sont trouvées par
le fait même indexées. Mais, comme la Commission des accidents de
travail ne s'alimente pas au produit des taxes générales, il a
fallu prélever une taxe spéciale chez les employeurs pour payer
juste l'indexation. On me dit que ç'a coûté une trentaine
de millions juste pour l'indexation au mois de janvier, en plus d'autres choses
dont la commission pourra vous entretenir sur les coûts qu'elle a eus
quand elle viendra.
Malheureusement, on parle de la commission et elle n'est pas ici, mais
à tout événement...
M. BURNS: J'en parlais uniquement au point de vue de la
législation. On y reviendra avec la commission quand elle sera ici.
M. COURNOYER: Oui, c'est-à-dire que les lois de cet ordre, quand
il s'agit de modifier sensiblement les obligations de la commission, on doit se
rendre compte que c'est facile pour le ministre de dire: On va monter cela
à $11,000 ou à $12,000 ou encore on va le déplafonner
totalement. Pour arriver à votre conclusion, il faudrait normalement que
je dise: II n'y a plus de plafond, parce que les salaires augmentent tous les
ans...
M. BURNS: Je pense que c'est un but qu'on doit viser à long
terme.
M. COURNOYER: Oui, je ne vous cacherai pas qu'à une
réunion des ministres du Travail, il y a à peine un an et demi,
j'ai posé publiquement la question: Pourquoi avons-nous des plafonds
partout au Canada? Et je regardais, par exemple, le genre de couverture que
nous avions avant, il y a cinq ans, le genre de personnes couvertes il y a cinq
ans, le genre de salaire que nous avions. Les $6,000 étaient
probablement basés sur le salaire moyen de l'époque, toujours
rattrapé après coup, c'est-à-dire qu'on rattrapait
toujours après coup. C'est $9,000 aujourd'hui; c'était
très beau il y a deux ans mais ils n'ont plus du tout la même
signification dans le contexte économique actuel qu'ils avaient lorsque
nous avons décidé cela il y a à peine deux ans. Pour moi,
comme ministre, je ne vois aucune raison de plafonner cette chose. Par
ailleurs, il faut qu'on finance cela, il faut aller chercher l'argent quelque
part et il y a des limites, j'imagine, qu'on va m'expliquer et qu'on va vous
expliquer. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons pas mais, en le faisant
cependant, nous devrions le faire en toute connaissance de cause.
J'ai, par exemple, donné instruction à la commission de
réexaminer toute sa méthode de financement. L'une des grandes
difficultés que la commission éprouve, c'est qu'elle finance, au
moment de l'accident, pour la période d'expectative de vie de
l'accidenté. Elle doit déposer à la Caisse de
dépôt un montant d'argent suffisant pour que, même si la
commission disparaissait, la pension ou la rente d'invalidité totale,
partielle, temporaire ou permanente, pour toute la durée de cette
expectative, soit payable pour l'individu. A la minute que vous faites une
modification dans le montant payable à l'individu, vous êtes
obligé d'aller chercher de l'argent quelque part. Comme la seule source
de financement de la Commission des accidents du travail c'est l'entreprise au
Québec, à ce moment-là l'entreprise de 1975 finance des
accidents d'entreprises qui ont disparu depuis 1940, qui ont mis de
côté leurs responsabilités parce qu'on a demandé
à ces entreprises, à l'époque, de financer
immédiatement, pour la durée de l'invalidité, la pension
totale à être payée à un individu
accidenté.
J'ai donc demandé à la commission et c'était
une demande assez intempestive de réviser sa méthode de
financement des accidents de façon à ce que nous rendions
l'approche plus moderne. On a peut-être environ $280 millions à la
Caisse de dépôt actuellement qui sont déposés pour
tenir compte strictement des accidents déjà survenus.
Nous devons, au point de vue actuariel, chaque année, mettre dans
ce fonds des montants pour couvrir les nouveaux accidentés pendant leur
expectative d'invalidité. Alors, quand on est obligé de faire
ça à un organisme public qui est universel comme tel, il y a $283
millions ou quelque $200 millions qui ne peuvent pas servir pour ajuster les
pensions, mais qu'on doit aller chercher chaque année dans les poches de
ceux qui ne sont même pas responsables des accidents qui sont survenus,
qui n'ont aucun degré de responsabilité.
C'est la collectivité qui est responsable. On a donc
augmenté à $9,000, mais, en même temps qu'on a
augmenté à $9,000, nous avons augmenté la couverture aussi
de la Commission des accidents du travail. Avant, on ne couvrait pas les
employés de bureau des avocats. Aujourd'hui, tout le monde est couvert
à la Commission des accidents du travail. C'est donc une
législation qui est universelle d'application. Nous n'avons pas, pour
autant, modifié la structure de financement de cette commission.
Indépendamment de la structure de financement, lorsque nous avons des
obligations additionnelles à imposer, moi j'ai pensé que, pour
faire oeuvre utile et nous diriger justement vers une compensation pleine et
entière pour les durées d'invalidité, nous devions avoir
une nouvelle méthode de financement.
Autrement, nous pouvons être accusés ou nous pouvons
constater un certain degré d'injustice vis-à-vis de ceux qui
n'étaient pas dans l'entreprise hier, qui ont fondé une
entreprise aujourd'hui, qui n'ont pas d'accident. Ils font tout ce qu'ils
veulent, ils font ça très bien, il n'y a pas de problème,
mais ils sont obligés, à cause du financement mutuel, de financer
les accidents qui sont arrivés il y a dix ans, il y a douze ans, puis
onze ans, à cause de la forme de financement.
Alors, M. Guérard, qui est un illustre actuaire, a
été requis par la Commission des accidents du travail de faire
une étude sur le financement des rentes d'invalidité à la
Commission des accidents du travail, qui pourrait être différent
du financement actuel. Bien sûr, à deux reprises, j'ai
demandé à la commission au moins temporairement de réviser
le montant de $9,000, de me dire ce que ça coûterait, puis si on
est capable de le faire, pour, encore une fois, tenter de se rapprocher
davantage des législations des autres provinces qui traitent leurs
accidentés pas tout à fait pareil, mais, dans le cas de la
Colombie-Britannique, pas mal mieux que les miens.
On peut regarder la formule de la Colombie-Britannique, on peut regarder
la formule de l'Ontario. Il y a des nouvelles formules qui, dans les deux
dernières années, sont venues s'ajouter à celles qui
étaient presque universelles en 1971. On mettait le montant dans la loi,
on le révisait par une autre loi, comme nous le faisons. Une formule qui
serait, à toutes fins utiles, soit sans aucun plafond ou avec un plafond
décroissant. Il y a différentes formules dont on pourra discuter
en temps et lieu.
M. BURNS: C'est quoi, un plafond décroissant? Croissant, vous
voulez dire.
M. COURNOYER: C'est-à-dire que le montant payable à
l'individu en pourcentage serait croissant par rapport au montant de salaire
décroissant. Une personne qui fait $15,000 aurait peut-être 75
p.c. de $15,000, tandis qu'une personne qui fait $6,000 aurait peut-être
100 p.c. de $6,000.
M. BURNS: Je comprends.
M. COURNOYER: C'est une question de rebalancement à l'endroit
d'une personne qui fait $6,000. Encore là, c'est une question de
philosophie beaucoup plus que d'autre chose, une question d'approche
philosophique. Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce une compensation pleine et
entière d'une expectative de revenu à n'importe quel individu ou
si c'est une compensation pour maintenir un individu dans un état
relatif de gagner sa vie, malgré le fait qu'il a eu un accident? Pour le
moment, je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais je pense qu'à
l'occasion d'une révision, que j'es- père être cette
année... Là, j'ai un conflit entre le conseil consultatif de la
Commission des accidents du travail et la Commission des accidents du travail
sur l'examen que j'ai demandé à la commission de faire sur toute
son existence. Je lui ai demandé de se remettre en question comme
commission avec tout ce qu'il faut, psychologues, travailleurs sociaux, tout le
tralala, de se remettre en question comme institution au Québec, pour le
bénéfice, bien sûr, de l'Assemblée nationale, pour
que l'Assemblée nationale puisse refaire, disons, le raisonnement qui a
pu être fait à l'époque, puis dire: Est-ce qu'on le fait
encore, ce raisonnement-là, en 1975?
Est-ce encore juste d'avoir une commission formée comme
celle-là? Si on pose des questions sur le financement, on dit: Oui, tant
qu'il s'agit de compagnies d'assurance mutuelles, le financement se fait comme
cela mais, s'il ne s'agit plus de mutuelles, s'il ne devait pas s'agir de
mutuelles, quelles sortes de prestations devrions-nous payer? Comment
financerions-nous la Commission des accidents du travail? Toutes ces
questions-là doivent être posées.
Le conflit qui existerait, semble-t-il, entre le conseil consultatif de
la Commission des accidents du travail et la Commission des accidents du
travail, c'est un conflit beaucoup plus d'ajustement, le conseil consultatif
croyant qu'il n'y a pas lieu que la commission se remette en question, moi
croyant que la commission doit continuellement se remettre en question. C'est
sur les méthodes, sur la sélection des personnes et sur le fait
que le conseil consultatif lui-même peut devenir un instrument de remise
en question de la Commission des accidents du travail. Il en était un et
maintenant, moi, je préfère qu'il n'y ait qu'un conseil
consultatif parce que ce sont les mêmes personnes qui répondent au
ministre. Quand je viens ici, c'est moi qui réponds à
l'Assemblée nationale et non pas la Commission des accidents du
travail.
M. BONNIER: M. le Président, je crois que le ministre a bien
raison de penser qu'il faut probablement remettre en question la vocation
même et le mode de fonctionnement de la commission. Du moment que vous
relevez le plafond, c'est une question qui se pose rapidement. A ce
moment-là, vous êtes obligés d'augmenter, d'une part, votre
réserve mathématique, parce que votre risque grandit
drôlement; par ailleurs, comme l'expliquait le ministre, vous êtes
obligé d'aller chercher des contributions, vous êtes obligé
d'élargir l'assiette des contributions.
M. COURNOYER: Tout le temps.
M. BONNIER: Autrement, ça ne fonctionne pas. A ce
moment-là, on repose toute la question de la vocation réelle de
la commission. Je pense que c'est vraiment par là qu'il faut
commencer.
M. COURNOYER: Les $9,000 eux-mêmes servent d'assiette.
M. BONNIER: C'est cela, oui.
M. COURNOYER: Si je monte à $15,000, des taxes vont être
payées sur $15,000. Il ya une compensation après coup. Les taxes
sont payées sur $15,000. Compte tenu de la couverture actuelle, c'est
toute l'économie qui paie cela parce que c'est tout le monde qui est
couvert par les accidents du travail.
M. BONNIER: C'est cela.
M. COURNOYER: Avant, c'était réellement une partie
seulement du monde qui était couverte par la Commission des accidents du
travail, tout le monde ne l'était pas. Vous aviez les classes couvertes,
vous aviez l'industrie couverte mais on est rendu à couvrir les bureaux
de députés et les bureaux d'avocats... Quand je dis les bureaux
d'avocats, il y a peut-être moins d'accidents, dans un bureau d'avocat,
que dans une industrie en particulier. Cela coûte probablement moins cher
aussi.
M. BURNS: ...
M. COURNOYER: Cela, c'est les... Ils ne sont pas couverts par la
Commission des accidents du travail mais par la loi des victimes d'actes
criminels!
M. BURNS: Ce n'est pas toujours un acte criminel !
M. BONNIER: Je ne sais pas si le député de Maisonneuve a
terminé là-dessus.
M. BURNS: Oui.
M. BONNIER: J'avais deux petites questions sur la Commission des
accidents du travail mais je ne sais pas si je dois les poser étant
donné qu'on va peut-être la recevoir ici. Je ne sais pas si cela
regarde la loi.
M. COURNOYER: Posez-les.
M. BONNIER: Premièrement, il semble bien que lorsque la
Commission des accidents du travail a défini qu'un accidenté doit
être compensé, dépendant des organismes ou de l'employeur
concerné, du type d'employeurs concernés, il y a des fois
où la Commission des accidents du travail va elle-même faire le
déboursé nécessaire en compensation et, d'autres fois,
elle va demander à l'employeur de le faire. Or, quand l'employeur,
suivant qu'il est public, parapublic ou privé, néglige de le
faire, l'accidenté, au bout de l'année, est obligé
d'attendre. J'ai eu un cas où le gars a été obligé
d'attendre six mois. Je me demande si ce n'est pas possible, dans une nouvelle
réglementation, que ce soit toujours la Commission des acci- dents du
travail qui verse la compensation quitte à la faire
récupérer par l'employeur si, pour celui-là, il a
été jugé deux ou trois fois qu'il devait payer et qu'il ne
paie pas. C'est une première question que je me pose au niveau de la
nouvelle réglementation.
M. COURNOYER: Là-dessus, je vais répondre
immédiatement. Il s'agit de la cédule 1 et de la cédule
2.
M. BONNIER: Oui.
M. COURNOYER: La décision politique est prise là-dessus
d'incorporer dans la cédule 1 tout ce qu'il y a dans la cédule 2;
c'est-à-dire que la commission paierait. La difficulté que nous
éprouvons actuellement est avec des types comme le gouvernement
provincial, par exemple, qui paierait à une de ses commissions un
montant d'argent; cela dépend des ministères. Vous allez le voir,
par exemple, dans les crédits des ministères; il y a toujours une
provision pour les accidents du travail. On est obligé de payer ou
d'assumer un certain coût que nous payons directement.
Il y a, par ailleurs, des petites municipalités qui ne sont pas
désireuse de payer. Je parle des municipalités, en particulier;
je peux parler de la Commission de transport de Montréal, par exemple,
qui ne paie pas. Même si elle en reçoit l'ordre, elle va en appel,
etc.
L'idée générale c'est d'abolir la cédule
2.
UNE VOIX: Ah! bon.
M. COURNOYER: D'abolir la cédule 2 en l'intégrant tout
simplement à la cédule 1.
M. BURNS : Très bonne affaire.
M. COURNOYER: Mais il y a des problèmes financiers assez
considérables là-dessus. La commission a décidé de
l'abolir par règlement, mais avant de l'abolir il nous a semblé
que le Conseil du trésor du Québec devrait se prononcer sur
l'opportunité de l'abolir, parce que le gouvernement lui-même avec
ses fonctionnaires, les entreprises hospitalières qui chargent au
gouvernement devraient payer continuellement la commission. Mais nous, on pense
je le dis parce que je l'ai déjà dit au Conseil du
trésor que ce que la commission demande, compte tenu que c'est du
financement des accidents chaque année, que c'est juste un virement de
crédit. Il n'y a pas de différence fondamentale,
c'est-à-dire qu'on ne paiera pas plus que le nombre d'accidents, parce
que c'est fait en révisant les taux chaque année. On
révise les taux, compte tenu des accidents qu'on a faits, on ne
révise pas les taux compte tenu des obligations qu'on a encourues
pendant une année, on révise l'année d'après.
Pour moi, il n'y a pas, à l'échelon gouvernemental
proprement dit, d'obligations nouvelles, parce que nous sommes
déjà une entité qui se
finance elle-même. Mais lorsque nous arrivons dans les
municipalités, par le truchement des mutuelles, il se trouverait
à y avoir des municipalités qui financeraient des accidents des
municipalités d'à côté. Comme les
municipalités ne sont pas, au point de vue de la capacité, encore
normalisées au complet dans la province de Québec, comme les
commissions scolaires le sont, par exemple, partir de là, cela peut
causer des problèmes financiers à certaines municipalités
de participer au financement des accidents de la collectivité dans les
municipalités. A partir de ce genre de raisonnement je dis: Oui, la
décision politique est prise de faire ça, maintenant il s'agit de
trouver la meilleure méthode qui ne chambarde pas tout dans la province
de Québec au point de vue des accidents de travail. Il y a des gens qui
sont bien payés, il ne faut pas penser seulement à ceux qui sont
mal payés, il y en a qui sont bien payés par le système
actuel, ils seraient peut-être moins bien payés si ça
tombait dans la grande affaire de la commission, payés moins
rapidement.
De plus en plus, on assiste, comme le sait le député de
Maisonneuve et même les autres députés qui ont fait du
mouvement syndical, à une compensation immédiate par la
convention collective d'un accident de travail. Là-dessus, la commission
commence à avoir une opinion un peu différente de celle qu'elle a
toujours eue. C'est que pour éviter un certain nombre de
problèmes, il est possible que nous songions dès à
présent à maintenir l'obligation de l'employeur de payer le
salaire pendant que la commission étudie l'opportunité de payer,
ce qui forcerait très souvent l'employeur à faire vite pour
rapporter ses accidents, parce qu'il continuerait à payer. Cela est
déjà dans le processus mental de la commission. Je peux vous le
dire, en toute sincérité, c'est déjà dans le
processus mental de la commission, compte tenu des réformes
administratives dont nous avons parlé, et pour inciter davantage tous
ceux qui sont impliqués à rapporter les accidents. On nous dit
à la commission que, psychologiquement, si l'employeur était tenu
de payer pendant que la commission ne paie pas, et que s'il était tenu
peut-être aussi de payer lui-même les trois ou quatre premiers
jours d'accident, maintenir le salaire au complet, ça inciterait
probablement pas mal de monde à se dépêcher à
régler les problèmes plutôt que de les maintenir un peu
partout. Cela va même dans la cédule 2 et dans la cédule 1,
même comportement des individus.
Je pense que même si la réponse à votre question
pourra être plus détaillée lorsque nous reviendrons avec la
Commission des accidents du travail, suite à la motion qui a
été passée à l'Assemblée nationale, il y
aurait lieu quand même qu'on parle à ce moment-ci de la
cédule 1 et de la cédule 2.
UNE VOIX: Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Laurier.
M. MARCHAND: M. le Président, étant donné
l'inflation qui sévit actuellement, tant au Canada qu'à travers
le monde entier, je voudrais demander au ministre du Travail quelle est son
opinion quant au gel des prix et salaires? Et quelles pourraient être les
conséquences d'une telle politique?
M. COURNOYER: Là-dessus, il y a une campagne
fédérale qui marche, et il y en a un qui veut absolument geler
les salaires. Cela fait quelques fois que j'ai l'occasion de discuter avec les
fédéraux, pas les fédéralistes, les
fédéraux...
M. BURNS: Les fédéralistes, c'est vous autres.
M. COURNOYER: Oui. Nous, nous sommes des fédéralistes,
mais il y a des fédéraux. Vous autres, vous êtes des
provinciaux.
M. BURNS: On n'est pas des séparatistes?
M. COURNOYER: Moi, je ne vous appelle pas des séparatistes; vous
êtes des provinciaux par opposition aux ruraux.
Disons que j'ai eu une discussion ici, à mon bureau, sur le gel
des prix et des salaires avec M. Young, lorsqu'il était président
de la Commission des prix et salaires d'Ottawa. M. Young, de bonne foi,
j'imagine, était venu me voir pour me demander mon opinion sur le gel
des prix et des salaires.
La réponse que je lui ai faite à l'époque, c'est
que ce n'était pas de leurs maudites affaires de geler les salaires. Je
considère que c'est nettement de juridiction provinciale dans tout le
domaine des conventions collectives qui relèvent de l'autorité
provinciale, c'est-à-dire celles qui relèvent du code du travail.
Quant à celles qui relèvent du fédéral, qu'ils
s'arrangent avec leurs troubles; ce ne sont pas mes troubles.
Mais, quand il s'agit de geler des conventions collectives ou les
salaires payés au Québec par des entreprises qui obéissent
aux lois québécoises, je ne vois pas, c'est-à-dire je ne
veux pas que le gouvernement fédéral vienne se mettre le nez
là-dedans. Cela ne le regarde pas.
Un gel des prix, cela est un problème que je ne veux même
pas discuter. Mais à la minute où un gouvernement
fédéral voudrait geler les salaires payés dans la province
de Québec par conventions collectives ou par ententes privées en
vertu du code civil, je considérerais ça comme une intervention
directe de l'autorité fédérale dans des affaires nettement
de juridiction provinciale. Ce ne serait pas la première fois que cela
arriverait.
M. BURNS: Non!
M. COURNOYER: Disons qu'à partir du moment où cela
arriverait dans ce domaine, là il n'y a réellement plus de
limites à l'interven-
tion gouvernementale fédérale dans les affaires d'une
province. Parce que toutes nos relations au Québec, ensemble, sont
basées sur le code civil. Cela nous appartient. Je suis libre de payer
le salaire que je veux. C'est bien sûr que le code civil ou
l'autorité provinciale pourrait, à une époque ou à
une autre, décider de geler les salaires. Je ne ferai pas ça ici,
pas moi. Le premier ministre peut-être, le ministre des Finances
peut-être, mais, pour autant que le ministre du Travail est
concerné, je serais prêt à geler les salaires au
Québec le jour où les salaires au Québec seront nettement
comparables aux salaires de la Colombie-Britannique. A partir de là, je
les gèlerai, parce qu'ils gèleront eux aussi et on gèlera
ensemble. Mais on va geler chacun dans notre autorité; ce n'est pas une
autorité qu'on appelle le gouvernement fédéral qui va
venir geler les salaires chez nous, qui sont payés en vertu de nos lois.
Je ne peux pas accepter ça. Ce n'est pas acceptable. Je ne pense pas que
ce soit acceptable pour aucun gouvernement provincial, y inclus ceux de
1'Alberta et de la Colombie-Britannique, que le gouvernement
fédéral, par son autorité, puisse geler les salaires et
les conventions collectives. Je ne pourrais pas accepter ça. C'est
nettement, à mon sens... Remarquez bien que je ne suis pas un avocat qui
pratique; je suis un avocat qui n'a jamais pratiqué; mais il y a des
petits bouts que je sais lire.
A ce moment-ci, avec le salaire minimum qui est à $2.10 chez nous
et qui est à $2.50 à l'autre bout, alors qu'on a
déjà de la difficulté, à l'intérieur de nos
propres juridictions, à maintenir un niveau de vie qui soit comparable
au reste du Canada, et on gèlerait ça! Non, monsieur, cela n'est
pas de leurs maudites affairés. Qu'ils se mêlent donc de leurs
affaires! Qu'ils règlent donc leur gel de salaire au ministère
des Postes, s'ils veulent, et dans le système fédéral,
dans les trains et dans les transports. Cela les regarde. Qu'ils règlent
là. Mais, quand il s'agira de geler des salaires chez nous, que ce soit
le Parlement ou que ce soit le gouvernement actuel du Québec qui le
fasse, on le fera en connaissance de cause de ce qu'il y a chez nous par
rapport aux autres provinces. Autrement, c'est de l'intrusion
fédérale dans des affaires qui sont nettement provinciales. C'est
le commencement de la fin, pour autant que je suis concerné, si jamais
on gelait les salaires au Québec. Cela ne vaut plus la peine qu'on
existe.
M. MARCHAND: M. le Président, je voudrais aussi demander au
ministre c'est la deuxième partie de ma question quelles
seraient les conséquences d'un gel des prix et salaires pour le pays,
comparativement à ce qui s'est fait ailleurs.
M. COURNOYER: Sur le gel des prix proprement dit, je ne ferai pas trop
de commentaires. Je pense bien que les prix, il y en a qui ont essayé de
les geler et ils se sont retrouvés avec des prix pas mal plus
élevés qu'avant le gel. Dans le système économique
dans lequel on vit, personne n'est forcé de vendre au moment où
c'est gelé. On n'a qu'à attendre que ce soit
dégelé, surtout s'ils nous donnent 90 jours, pour vendre au prix
que l'on veut.
Dans le cas du salaire, si jamais on gelait les salaires au
Québec, actuellement c'est moi qui aurais le bordel sur le dos. Ce n'est
pas celui qui les aurait gelés. Ce sont des conventions qui sont
signées chez nous.
Il n'y a pas un chrétien qui va venir d'Ottawa pour me dire qu'on
va geler les conventions collectives ici. Cela voudrait dire que même le
gouvernement provincial, ses salaires à ses employés, il ne
serait pas capable de les payer. C'est cela que ça voudrait dire. Si on
gelait les augmentations de salaires prévues dans les conventions
collectives actuelles, je considérerais cela comme de l'aberration
mentale pour le moment. Il serait fou, le gars qui ferait cela. Cela serait
faire exprès pour créer le bordel. Excusez l'expression. Est-ce
parlementaire?
M. BURNS: Oui, je l'utilise souvent!
M. COURNOYER: Cela, c'est la partie qui regarde les conventions
collectives déjà signées, prévoyant certaines
augmentations de salaires.
Quant aux autres, si vous décidez de les geler parce qu'elles ne
sont pas encore prévues, et que vous dites : Vous allez rester en bas de
tout ce qui existe; vous autres, vous allez rester en bas, il n'y a que vous
autres qui êtes gelés! vous avez eu le malheur de ne pas avoir
négocié votre convention collective il y a un an, parce qu'elle
était échue cette année, on va vous défendre,
à vous autres, de l'augmenter, on ne fait que maintenir des
disparités alors que tout le système veut que nous les
réduisions. C'est le système dans lequel on vit. Chaque syndicat
ou chaque groupement de travailleurs demande toujours de rejoindre les
confrères qui font un travail de même nature.
Alors, parce qu'il y a eu une convention collective de signée,
par exemple, dans le cas de la CTCUM, avec les employés manuels, il y en
a une aussi de signée avec la ville de Montréal. Pourquoi? Parce
que c'est le cours normal des choses. Tout de monde se suit, là-dedans.
Pointe-Claire va signer en premier, cela va régler le problème
pour Montréal-Nord, qui va demander la même chose que
Pointe-Claire.
Admettons, par exemple, que Pointe-Claire signe aujourd'hui et que,
demain, il y ait un gel des salaires. Le gel des salaires, c'est pour tous ceux
qui n'ont pas signé hier. Cela veut dire: Maintenons les
disparités pendant 90 jours, ou maintenons les disparités d'une
façon totalement indéfinie, alors qu'effectivement toutes les
tendances de cette société, c'est de réduire davantage les
disparités, tant au point de vue régional qu'à
l'intérieur des régions.
La consécration d'une décision fédérale de
geler les salaires, d'abord je la contesterais, je
serais obligé de la contester au point de vue constitutionnel.
Cela ne les regarde pas. Mais si jamais je perdais parce qu'on perd
parfois à partir de là, je considérerais encore
cela comme de l'aberration mentale et contraire à toute politique de
réduction des disparités canadiennes. Ce serait le maintien des
disparités dans leur état actuel. A partir du moment où
vous les maintenez, cela dépend de qui est en bas. Mais comme nous
sommes encore au-dessous, au point de vue des conditions de travail, de notre
voisin de l'Ontario, le gel m'empêcherait de tendre à rejoindre
mon voisin de l'Ontario, alors qu'effectivement l'industrialisation que nous
faisons au Québec nous permettrait d'atteindre à cette
parité avec l'Ontario à plus ou moins brève
échéance.
Mais qu'un gouvernement fédéral me dise: Tu n'atteindras
pas à cette parité... pas parité nécessairement,
mais disons: Tu n'as plus le droit de vouloir atteindre à une
disparition des divergences entre l'Ontario et le Québec en
matière de salaires, c'est me dire, à moi: Je suis petit, tu vas
rester petit!
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, la question principale, si vous
me permettez, était la législation du ministère. Je pense
bien qu'il faudrait revenir à la question principale. Autrement, on
s'éparpille un peu.
Le député de Saint-François avait demandé la
parole. Etait-ce sur la question principale?
M. DEZIEL: C'était justement sur la Commission des accidents du
travail.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que vous me permettriez seulement une
question?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, certainement. Le député
de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je trouve cela très agréable et en
même temps surprenant, parce qu'on n'est pas tellement habitué de
voir un ministre du Québec s'opposer avec un ton aussi énergique,
avec véhémence, je dirais, à l'intrusion du
fédéral concernant certaines juridictions provinciales comme
celle dont on parle.
Je demanderais au ministre si, sans aller dans les autres
ministères, il lui est arrivé déjà de
s'élever d'une façon aussi énergique à certaines
intrusions du fédéral dans le domaine du travail, avec des
résultats qui, effectivement, ont passé par dessus...
L'assuranee-chômage, les centres de main-d'oeuvre...
M. COURNOYER: Les centres de main-d'oeuvre, nous en reparlerons dans dix
minutes. On va arriver dans le contentieux fédéral-provincial, je
reparlerai des centres de main-d'oeuvre tout à l'heure.
M. BEDARD (Chicoutimi): Disons l'assuran- ce-chômage. Mais c'est
que ça fait plaisir de voir un ministre...
M. COURNOYER: L'assurance-chômage, j'ai fait ce que je croyais
devoir faire à l'époque. Si j'avais eu, à ce
moment-là, la collaboration des syndicats, en particulier, s'ils
n'avaient pas été pris à négocier avec le
gouvernement à l'époque, on aurait probablement tenu jusqu'au
bout et nous n'aurions pas payé, nous. Mais on a payé. D'un
côté, vous discutez avec les gens et il arrive qu'il y a des gens
qui ne sont pas prêts à faire les sacrifices; ils voudraient avoir
tous les avantages du fédéralisme mais pas un désespoir de
désavantage du provincialisme. Quand vous parlez avec eux
sérieusement, et d'argent, surtout d'argent, c'est effrayant; quand tu
parles de principes, ils sont tous d'accord avec toi mais, quand tu viens pour
mettre cela en argent, c'est une autre histoire.
Le député de Chicoutimi n'était pas ici à
cette époque-là, mais le député de Maisonneuve y
était. Nous avons eu une réunion dans cette salle-ci, avec tous
les syndicats affectés, des représentants des travailleurs de la
fonction publique québécoise dans les hôpitaux, les
écoles, et dans les différents ministères. A cette
époque nous venions à peine d'apporter la loi 22, qu'elle
s'appelait, en tout cas, une petite loi...
M. BURNS: C'est un chiffre magique, ça.
M. COURNOYER: ... qui s'inspirait de la loi de l'assurance-chômage
fédérale pour que nos employés du gouvernement ne soient
pas couverts par cette loi-là. Nous venions de l'adopter mais, quand est
venu le temps de la mettre en pratique, on a expliqué qu'on ne pouvait
pas garantir le même montant d'argent que celui qui était garanti
par le fédéral, avec des prestations d'assurance-chômage en
matière de maternité, de maladie et aussi de prestations de
chômage. La principale évocation que nous faisions à
l'époque c'était que, dans tout le domaine public ou parapublic,
nous avions une sécurité d'emploi totale, enfin on peut dire
totale, pas tout à fait mais en tout cas. On ne prévoyait pas de
diminution de tout dans le système hospitalier, bien au contraire. On
prévoyait peut-être une diminution dans le nombre d'enfants;
compte tenu de la pilule et de tout ce que vous voudrez, on prévoyait
peut-être une diminution du nombre d'enfants dans les écoles. Par
ailleurs, il y avait une possibilité de discussion d'une formule de
sécurité d'emploi avec les professeurs ou avec le personnel dans
les écoles. On ne prévoyait pas, dans le système, une
possibilité de perte d'emplois considérable pour les
employés du secteur public et du domaine parapublic. On n'en
prévoyait certainement pas à Hydro-Québec, compte tenu de
tout ce qui se développait à l'époque et de tout ce qui se
développe encore
aujourd'hui; tout ce à quoi l'on peut s'attendre dans ce domaine,
ce sont à des augmentations plutôt qu'à des
diminutions.
Dans le personnel gouvernemental, ce sont encore des augmentations
plutôt que des diminutions. Alors, nous avions fait des remarques
désobligeantes au ministre Mackasey et finalement il était
ministre du Travail à l'époque quand j'ai demandé
la collaboration des centrales syndicales, on nous a dit: Oui, mais à
condition qu'on ait les mêmes bénéfices que si on
était dans l'assurance-chômage fédérale.
A partir du moment où vous demandez les mêmes
bénéfices que si vous étiez dans le grand pot et que vous
êtes dans une petite marmite c'est "de valeur", on est dans une
petite marmite et j'ai dételé, non pas devant Ottawa mais
à cause du manque d'appui que j'avais à côté de
moi.
Le dételage n'a pas été seulement
stratégique, j'ai demandé et obtenu du gouvernement qu'on
conteste encore la constitutionnalité de certaines dispositions de la
Loi de l'assurance-chômage de l'époque, particulièrement
quant à son intrusion dans les affaires strictement sociales comme les
congés de maternité et les congés de maladie, et qu'on
conteste ça, qu'on ne paye pas notre part là-dessus.
Mais j'imagine que ça doit être une des causes qui
attendent devant la cour Suprême au point de vue constitutionnel.
M. BURNS: Pour revenir au domaine de la législation...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Saint-François avait demandé la parole. Comme on a discuté
tantôt de la Commission des accidents du travail, je permettrai la
question.
M. DEZIEL: M. le ministre, si vous me permettez, on sait que tous les
services de la Commission des accidents du travail sont présentement
centralisés ici dans la ville de Québec. Votre ministère,
éventuellement, entrevoit-il la possibilité d'ouvrir des bureaux
régionaux avec services complets?
M. COURNOYER: II n'y a rien que j'aimerais mieux, moi, que de donner un
service régional complet non seulement de la Commission des accidents du
travail mais de tous les services de mon ministère.
Et, dans le cas de la Commission des accidents du travail, vous pouvez
constater qu'il ne manque pas beaucoup de bureaux dans chacune des
régions de la province de Québec, mais le service n'est pas
complet. Même celui de Montréal n'est pas complet.
Il y a un bureau à Chicoutimi, je suis convaincu, il y en a un en
Abitibi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas complet.
M. COURNOYER: A Sherbrooke. Je ne sais pas s'il n'y en a pas dans toutes
les capitales régionales maintenant. Je pense que dans toutes les
capitales régionales la commission a ouvert des bureaux. Mais ils n'ont
pas le service complet, le service est centralisé à
Québec. Il semble, parmi les constatations du rapport Mineau... Je ne
sais pas si je vous ai remis le rapport Mineau.
M. BURNS: Je ne pense pas, pas à ma connaissance.
M. COURNOYER: J'aimerais vous le donner. Il y a cette
régionalisation d'un certain nombre de services et surtout de
l'autorité de la commission. Une fois qu'une règle est
établie, on peut toujours faire suffisamment confiance à un
individu qu'on a employé pour cette fonction pour qu'il puisse prendre
un certain nombre de décisions à un échelon
inférieur sans que, pour autant, tous les dossiers viennent à
Québec. Cependant, il y a les écrans cathodiques que nous avons
inaugurés à Montréal il y a à peu près un
an. S'il y a des écrans cathodiques partout, la centralisation des
documents et l'utilisation des procédés mécanographiques
qui sont en place se font très rapidement. A la minute près, vous
pouvez savoir à quel endroit se trouve un dossier et quel est le contenu
du dossier et qui est susceptible d'être contacté pour avoir des
renseignements sur ce dossier.
Seulement, si vous n'avez pas revisé le système des
dossiers en haut et s'il y a encore 25 places où le dossier peut se
trouver et qu'il doit suivre un cheminement de 25 places, vous n'avez rien fait
de plus. Même si vous amenez cela à l'échelon
régional, il va encore suivre 25 places, ça va prendre 25
employés à l'échelon régional plutôt que
d'avoir 25 employés à l'échelon central. La
révision commandée par le rapport Mineau tend à
réduire de 65 à 15 jours le procédé que la
commission doit suivre pour pouvoir payer la première compensation. Et
avec ce dont je parlais tantôt d'incitatif, on a par exemple
changé et simplifié la formule médicale à remplir.
Les médecins se plaignaient que ça prenait du temps à la
remplir et que ça leur prenait une secrétaire pour la
commission.
M. DEZIEL: J'ai une question: A quand l'implantation du rapport
Mineau?
M. COURNOYER: Je pense que la question serait mieux posée
à la commission, mais je dois vous dire que c'est déjà
commencé. La plupart des choses sont commencées et tous les
directeurs de services ont depuis six mois, je pense, instructions de la
commission de préparer leur personnel à une implantation totale
du rapport Mineau, mais suivant une échelle de priorités qui a
été établie par la commission. C'est un rapport qui est
épais
comme ça et il y a beaucoup de comportements encore là, de
jugements sur le comportement.
Je vais vous donner le rapport aujourd'hui si je l'ai, de façon
que, lorsque la commission viendra, vous pourrez au moins poser des questions
sur le rapport en question. Vous pourrez le lire pour la commission
parlementaire qui siégera effectivement pour la Commission des accidents
de travail, à la date que vous jugerez appropriée. Je veux vous
donner cette information de façon que vous puissiez au moins poser des
questions à partir du document en question.
M. BURNS: Maintenant, M. le Président, toujours dans le domaine
de la législation, il y a une pièce de législation qui est
attendue avec impatience depuis au moins deux ans; il s'agit de la loi sur la
qualification professionnelle des entrepreneurs dans le domaine de la
construction. J'ai été assez étonné de lire dans la
Presse du 6 avril dernier, sous la signature de Pierre Vennat, que M.
Pierre-Paul Aird, qui est le secrétaire général de
l'Association des constructeurs d'habitations de Montréal,
prétendait que cette loi ne venait pas parce que M. Paul Desrochers,
conseiller spécial auprès du premier ministre, avait
déclaré qu'il n'en était pas question, qu'elle ne
viendrait pas. J'ai été étonné d'une
première façon. C'est qui ça, M. Desrochers, pour
décider qu'il ne viendra pas de loi? D'autre part, qu'à un moment
donné un ministère ou, encore, le conseil des ministres se plie
à des décisions comme celle-là, c'est absolument
incompréhensible.
Maintenant que M. Paul Desrochers est parti, du moins en apparence, du
cabinet du premier ministre, est-ce que le ministre du Travail a l'intention
d'amener son fameux projet de loi?
M. COURNOYER: Disons que la question, basée sur un rapport de
journal, est insidieuse parce que vous la commentez. Je vais vous
répondre à ça; je n'ai pas répondu dans le temps. A
aucun moment, M. Desrochers n'a même été mis au courant
qu'il existait une possibilité de licence des entrepreneurs par le
ministre du Travail, et le seul endroit où c'est arrêté
c'est au bureau du ministre du Travail. Il n'y a personne qui m'a dit
d'arrêter ça, jamais, au grand jamais. Encore moins Paul
Desrochers.
Je vais vous dire cependant la difficulté que nous avons. Il y a
un consensus, chez les entrepreneurs, pour avoir une loi des licences.
Là où le ministre est en désaccord avec eux, c'est sur la
constitution de la régie en question pour émettre les licences.
Le ministre croit sincèrement qu'il doit s'agir d'un registraire
fonctionnaire, et non pas d'une émanation des entrepreneurs proprement
dits. Alors la grande difficulté réside là.
Mais ma décision a été prise la semaine
dernière. En 1962, le ministre a demandé, comme conseiller de
l'Association de la construction de Montréal, de la
Fédération de la construction de Québec, qu'il y ait une
corporation autonome pour administrer ça. Le conseil consultatif, en
1971, lui a dit que ça ne devrait pas être une corporation
autonome il n'était pas ministre dans ce temps-là, le
ministre du Travail actuel et, par la suite, il a dit oui, ce sera une
corporation autonome. Le dernier projet que nous avons en main ne comporte pas
de corporation autonome. Il comporte simplement une régie, un
registraire, pas une régie mais un registraire. La différence
entre le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le rapport de
1971, et la proposition du ministère du Travail, en 1974, qui va venir
incessament, je l'espère, la seule différence, c'est le fonds
d'indemnisation en cas de faillite, et cette différence n'existe plus
parce que le décret de la construction comporte la création d'un
fonds d'indemnisation qui est déjà en vigueur.
La loi des licences d'entrepreneurs ne comporterait donc pas de
création de fonds d'indemnisation de victimes de faillite, parce qu'en
vertu de la Loi des relations de travail dans la construction, il est
établi, ce fonds-là. Par ailleurs, le reste me semble nettement
semblable à ce que le conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre avait proposé en 1971, sauf qu'eux voulaient une
régie constituée de trois ou quatre personnes, si je me souviens
bien, et nous disons: un seul registraire, c'est-à-dire un seul
fonctionnaire avec tous les autres fonctionnaires qui seront cités en
autorité immédiate.
L'idée générale que nous avons, c'est de faire
rédiger ce projet de loi; des instructions ont été
données la semaine dernière, je le fais rédiger par le
comité de législation du Québec, même si tout est
fini, là, article par article. Je le fais vérifier par le
comité de législation et montrerai ce projet au conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour que le conseil consultatif
voit la correspondance, qu'il fasse les corrections d'usage, pour qu'on puisse
présenter ce projet de loi dès le mois de septembre. Au point de
vue du texte, il ne devrait pas y avoir de problème. Je suis
"tanné" de me faire changer des affaires par le comité de
législation. Je vais m'arranger pour que le texte qui a
été compris par tout le monde, soit continuellement compris par
tout le monde, dans la forme qu'il a, par ceux qui l'administreront.
M. BURNS: Je les comprends, les gens de la législation, quand on
sait ce qui s'est passé en 1969/70 au point de vue de la loi du travail.
Une loi a été adoptée en juin, puis en novembre on
était obligé de revenir avec quelque chose comme 75 amendements,
parce que la loi était incompréhensible. On peut comprendre les
gens du comité de législation.
M. COURNOYER: Cela prend du temps, parce qu'il y a pas mal de lois, qui
se font
actuellement. Le gouvernement libéral a été celui
qui a passé le plus de lois en quatre ans de session, d'après ce
que j'ai pu comprendre...
M. BURNS: Sans augmentation de taxes.
M. COURNOYER: ...Sans augmentation de taxes. Je l'ai oublié
celle-là, je vais le répéter pour qu'elle m'entre dans
l'esprit.
M. BURNS: J'allais dire, mais je ne le dirai pas parce que ce n'est pas
parlementaire: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose, mais je ne
le dis pas.
M. COURNOYER: II ne faut pas dire ça, ce n'est pas
parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Saint-François, sur le même sujet.
M. DEZIEL: M. le Président, est-ce que la loi du licenciement des
entrepreneurs va apporter les amendements aux lois des faillites?
M. COURNOYER: Non, la Loi des faillites est de juridiction
fédérale. Maintenant, il est clair, par exemple, que pour obtenir
le permis il va falloir... Quand vous aurez fait faillite, il y aura des
choses... Là, il y avait un fonds d'indemnisation des victimes de
faillite; à celui-là, nous disons non, parce qu'on en tient
compte pour les travailleurs. Le fonds d'indemnisation des victimes de
faillite, dans le projet de loi de 1969, débordait beaucoup la
protection du travailleur, c'est-à-dire qu'on pouvait indemniser les
fournisseurs de matériaux, par exemple, et tous ceux qui avaient
participé.
Cette indemnisation, à notre sens, à l'époque
là-dessus, je n'ai pas changé d'idée
enlevait toute possibilité de police interne. On vend à n'importe
qui et, vendant à n'importe qui, il y a un fonds qui prend soin de tout
cela. Dans le cas de la construction, actuellement, on a beaucoup de
difficulté à en arriver à une réglementation
à savoir qui nous allons indemniser. On veut bien payer les travailleurs
qui sont mal pris; on veut bien les payer, il y en a de l'argent, là.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de créer une nouvelle forme de paiement
continuel des individus qui font faillite, qui n'ont pas besoin de leur payer
leurs salaires. Ils n'ont même plus de responsabilités
vis-à-vis des travailleurs, ils n'ont qu'à faire faillite, c'est
payé par la commission et, parfois, que voulez-vous, c'est assez facile
de faire un petit "family compact" là-dedans et dire: Ecoute, on va
attendre; ne nous paie pas de salaire pendant trois mois, de toute
façon, la Commission de l'industrie de la construction va nous le payer
et toi, fais faillite au bout de trois mois. Une collusion de cet ordre est
très difficile à prouver et elle fait que le fonds financerait la
construction plutôt que d'aider les individus de la construction à
faire leur "job" telle qu'ils doivent la faire.
Quant à l'autre, les matériaux, moi, je trouvais cela
épouvantable à l'époque et je trouve encore cela
épouvantable qu'on puisse créer un fonds qui, en soi, inviterait
à ne pas prendre les mesures nécessaires pour mettre en doute le
crédit de certaines personnes en disant: De toute façon, le fonds
va payer. Je dis non, là-dessus. Quant au reste, par exemple pour la
question de se qualifier comme entrepreneur en construction, il est bien clair
que dans les règlements que nous allons adopter, et c'est même
contenu dans la loi, un gars qui aura fait faillite hier ne pourra pas rouvrir
demain matin, ni avec un prête-nom ni autrement. Cela fait partie des
dispositions de la loi actuelle, de celle qui s'en vient.
M. BURNS: De votre projet. M. COURNOYER: Oui.
M. BURNS: Là-dessus, en terminant, on comprend que cela devrait
être déposé en septembre devant l'Assemblée
nationale ou, en tout cas, à la reprise.
M. COURNOYER: Oui. Dans les priorités, il y a cela, il y a le
bill 81 aussi, dont nous parlerons bientôt, bien sûr.
M. BURNS: C'est quoi?
M. COURNOYER: C'est-à-dire que ce n'est pas le bill 81, comme on
me le dit. Le bill 81 remettait à la Régie des rentes
l'administration des régimes de sécurité sociale dans la
construction. La Caisse de dépôt possède les fonds, cela va
rester tel quel, mais le Comité des avantages sociaux de l'industrie de
la construction reprendrait la juridiction sur l'administration des
régimes de sécurité sociale. Il y aurait le consensus de
tout le monde, à ce moment-ci, y inclus la régie, le
ministère des Affaires sociales, qui est responsable des rentes, et
toutes les parties, me dit-on, c'est-à-dire la CSN, la FTQ, la CSD, et
les différentes parties patronales. Tous seraient d'accord pour le
retour au comité des avantages sociaux de l'administration des
régimes de retraite des employés de la construction, mais pas de
l'administration des fonds qui resterait à la Caisse de
dépôt.
M. BURNS: Maintenant, M. le ministre, l'été dernier, un
certain nombre de travailleurs en grève de la région de Joliette,
en particulier les gens de Waterloo étaient également
présents les employés de Firestone, de Canadian Gypsum et
de Slack Brothers, j'en oublie, il y en avait d'autres, à peu
près 400 travailleurs sont allés vous voir à votre bureau
de Montréal.
M. COURNOYER: Oui.
M. BURNS: Vous aviez, à ce moment-là je ne sais pas
si c'était la nervosité du moment ou quoi acquiescé
à un éventuel projet de loi
"antiscab". Quand vous avez fait la nomenclature, au début de la
présente commission qui étudie vos crédits, je n'ai pas
entendu mentionner des amendements au code du travail c'est sans doute
là qu'une loi "antiscab" s'installerait je n'ai pas entendu dire
que vous aviez l'intention de légiférer à ce sujet. Qu'en
est-il, comme disait l'autre?
M. COURNOYER: J'ai préparé un projet de loi qui amendait
le code du travail, comme vous le dites, qui a été soumis au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. C'était une loi
équilibrée, bien faite et les deux parties du Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre m'ont dit qu'elle ne valait rien. C'est, en
fait, la seule chose que je vais faire là-dedans. J'ai fait ce que
j'avais à faire. Comme les deux parties sont en désaccord total
sur les deux parties, mais pour des raisons totalement différentes, je
n'ai pas l'intention de modifier le code du travail actuellement dans ce
sens.
M. BURNS: Vous ne pensez pas que, si vous aviez voulu en mettre un peu
moins pour les deux côtés, essayer un peu moins de faire un
consensus et viser le problème lui-même, c'est-à-dire le
fait qu'il y a de la violence dans certaines grèves malheureusement,
à cause justement de l'inexistence d'une loi "antiscabs"...
M. COURNOYER: Cela est...
M. BURNS: Je pense, entre autres, à une des dispositions que vous
aviez dans cet avant-projet; d'ailleurs, je remercie le ministre de m'en avoir
fourni copie. Je pense à la disposition qui voulait que ce soit 60 p.c.
des membres de l'unité de négociation qui se prononcent en faveur
de la grève pour qu'une telle grève provoque le
déclenchement ou l'application de la loi "antiscabs". Au départ,
c'était beaucoup demander. Ce sont, entre autres choses, des choses
comme ça qui, j'imagine, ont fait sauter le projet. Mais est-ce que le
ministre, visant à corriger cette situation dans les conflits de
travail, n'a pas l'intention de réviser sa position, de revenir au
conseil consultatif avec quelque chose de plus concret, de plus pratique
surtout et de plus réaliste?
M. COURNOYER: II n'y a rien d'irréaliste à en demander 60
p.c. ou même 50 p.c.; j'aurais pu régler pour 50 p.c. Cela
n'aurait pas été une grosse affaire pour moi de dire 50 p.c. plus
un, la majorité des travailleurs qui décident d'aller en
grève. Il n'y a rien de plus facile que ça. Si la CSN et la FTQ
veulent le prendre à 50 p.c. plus un, je vais revenir avec. Mais ils ne
veulent pas du tout que le gouvernement ou que le Parlement donne une
bénédiction, pas une bénédiction, mais dise: Voici,
quand vous décidez de faire la grève, on ferme. Veux-tu
arrêter, toi? On serait bien mieux dans la grande salle là-bas; il
ne serait pas là, lui. Je suis là avec mes fonctionnaires, je ne
leur demande pas leur opinion tout le temps. Vous voyez comment c'est
arrangé. C'est viré à l'envers. Avant, on disait: Le
ministre se tourne vers son fonctionnaire et il lui donne la
réponse.
M. BURNS: Chacun nos fonctionnaires. M. COURNOYER: C'est reviré
à l'envers.
M. BURNS: Chacun nos fonctionnaires et chacun nos sous-ministres.
M. COURNOYER: II est excellent, par exemple. Pour les questions, il est
pas pire.
M. BURNS: Il est excellent, sûrement.
M. COURNOYER: II sait que les questions, tu voudrais me les poser, mais
il te rappelle que tu devrais me les poser.
M. BURNS: C'est mon aide-mémoire.
M. COURNOYER: J'essaie d'expliquer qu'avant de donner un effet plus fort
à une décision de faire la grève, le ministre du Travail
croit qu'il y a lieu que la décision de faire la grève soit prise
d'une façon différente de la façon dont on la prend
actuellement. Si on n'accepte pas que le gouvernement ou qu'une autre
autorité c'était assez ouvert surveille la
façon dont les votes de grève sont pris pour que tout le monde
sache bien ce qu'ils font quand ils font la grève, qu'ils ne sont pas
juste entrînés à coups de poing et à coups de coude
à la faire... Cela arrive parfois. Ce n'est pas tout le temps comme
ça, mais ça arrive. On a vu ça à la
télévision une fois. Quand on donne une extension à la
signification de la grève comme elle devrait être je vais
répéter ce que j'ai déjà dit quand on fait
une grève, on se prive de gagner sa vie et normalement la compagnie
devrait arrêter de travailler. C'est clair, je l'ai dit cette fois. Il
faisait chaud en désespoir, je tiens à vous le dire, puis les
gars de Slack Brothers n'étaient pas du tout des scabs. Firestone, il
n'y avait pas de scabs et puis ils étaient tous là, tout le monde
était là. Il y en avait deux qui avaient des scabs, Gypsum...
Non, United Aircraft n'était pas commencé dans ce temps.
M. BURNS: II y avait l'autre conflit à Joliette dans le
textile.
M. COURNOYER: Non, il y avait les trois pavillons ici, il y avait
Seven-Up; il n'y avait pas de "scabs" à Seven-Up, tout le monde le sait.
Ce n'étaient pas des "scabs".
C'était une autre union qui était là,
c'était une autre union qui se trouve à être les
"teamsters", cela, c'est par accident.
Vous aviez, après ça, le pavillon Saint-Dominique. Il a
continué totalement à fonctionner en employant de nouvelles
personnes
pour remplacer, semble-t-il, les travailleurs qui étaient en
grève à l'époque au pavillon Saint-Dominique.
Vous aviez Pollack. On disait qu'il y avait des "scabs" chez Pollack.
J'ai répété, à deux ou trois reprises, que chez
Pollack, il y avait peut-être des "scabs", peut-être qu'il n'y en
avait pas du tout. Ils étaient tous les trois là, les
manifestants.
A Slack Bros Ltd, dans le fumier, il n'y avait pas de "scabs", personne
ne voulait travailler là. Il n'y avait pas de problème, ce
n'était pas ça la raison de la grève. Le soir même,
j'ai dit que, normalement, on devrait arriver à ça. Je le
répète: Normalement, une industrie devrait fermer ses portes
lorsqu'il y a une grève. Mais pour donner une valeur légale
à cette décision, je dis: Comment devons-nous prendre la
décision d'aller en grève? Ceci doit refléter le voeu
d'une majorité librement exprimée. A ce moment-là, je dis:
D'accord, je vais vous donner ce que cela veut dire. Quand 60 p.c. de vos
employés ont décidé d'aller en grève, c'est qu'il y
a quelque chose que vous devez réviser vous-mêmes, comme
employeurs. Et si vous devez réviser ça, ce n'est pas que les
gars vont être dans la rue à attendre à 60 p.c. Un an
à 60 p.c, tout en étant très conservateur, espérant
qu'on me dirait 50 p.c, cela va faire, mais ce n'est pas ça qu'on a
fait. On a dit: Pas du tout d'intervention gouvernementale dans les votes de
grève. On est capable de faire cela tout seul. Ils font ça tout
seul, et à ce moment-là...
M. PERREAULT: Ils sont capables.
M. COURNOYER: Pardon?
M. PERREAULT: Ils sont capables.
M. COURNOYER: Bien, ils le font seuls et, très souvent, ce qui
est malheureux, c'est que c'est fait normalement.
M. BURNS: Est-ce que le ministre ne reconnaît pas, cependant, que
le climat n'était pas au beau fixe au moment où vous avez
consulté le conseil concultatif? C'était l'époque
où MM. Pepin, Laberge et Charbonneau étaient encore tout
frais...
M. COURNOYER: Emoulus de prison.
M. BURNS: ... émoulus de prison, fraîchement sortis, leurs
places étaient encore chaudes.
M. COURNOYER: Disons que j'ai consulté le conseil consultatif
après coup, par exemple, M. le député de Maisonneuve,
c'est-à-dire que je l'ai consulté au début de 1974, non,
à la fin de 1973, au mois de novembre ou décembre 1973. Je
comprends qu'il faisait moins chaud qu'au mois d'août. Je comprends que
cela faisait plus longtemps qu'ils étaient sortis aus- si. Mais je
comprends que ce que les syndicats, en particulier, n'ont pas du tout
digéré dans ce projet de loi "antiscabs", si on l'appelle un
projet de loi "antiscabs", c'est traditionnellement, pas seulement parce qu'on
vient de sortir de prison, une non-intervention étatique dans les
décisions syndicales. Je pense que c'est traditionnellement vous
et moi le savons qu'ils ne veulent pas d'intervention de quiconque dans
la prise des votes, que ce soit pour ça ou pour autre chose, à
l'intérieur d'un syndicat.
Seulement, il reste que lorsque l'on fait une loi, on fait une loi qui
ne s'applique pas nécessairement à tel bon syndicat. Il y a
d'autres syndicats qui n'agissent pas tout à fait de la même
manière que ceux qui sont représentés si dignement par MM.
Laberge et Pepin. Il y en a d'autres qui prennent des décisions de la
façon qu'ils jugent appropriée.
Lorsque nous avons fait ça, nous nous inspirions de la formule
Rand qui demandait que le vote soit pris par tous les salariés d'une
entreprise. Tout ça vient de la formule Rand, vous le savez, cela a
été pris là, l'idée générale de ce
contrôle.
Je pourrais encore régler autre chose que le contrôle
étatique, à condition que l'Etat ait la garantie que les
individus font la grève de leur propre gré et en toute
connaissance de cause, sachant fort bien que, quand ils s'aventurent dans une
grève, cela peut durer longtemps. Ce n'est pas juste pour dire: On fait
une pression; on se découvre en grève le lendemain matin et on se
demande, au bout de six mois, pourquoi on est en grève.
Cela arrive, ça, M. Burns. Vous le savez.
M. BURNS: Cela arrive, mais rarement, M. le ministre.
M. COURNOYER: Oh!
M. BURNS: Vous le savez comme moi. Mon expérience syndicale me
dit que, dans 99.9 p.c. des cas, il n'y a pas de syndicat logique avec
lui-même, réaliste, qui va se lancer dans une grève qui
risque de durer longtemps sans qu'il se base...
M. COURNOYER: Vous avez calculé votre affaire.
M. BURNS: ... sur un vote d'un fort pourcentage des travailleurs. Moi,
en tout cas, je n'en ai pas vu dans ma petite carrière syndicale.
M. PERREAULT: Ce n'est pas cela qui s'est produit pour la construction,
en 1970.
M. BURNS: Pardon?
M. PERREAULT: Ce n'est pas cela qui s'est produit pour la construction,
en 1970.
M. BURNS: Le ministre et moi serons
unanimes sur une chose : ce qui se passe dans la construction, ce n'est
pas du syndicalisme comme ailleurs. Alors, quand je parle de syndicalisme, je
ne parle pas du syndicalisme dans la construction.
M. BONNIER: Par ailleurs, aussi, dans les cas où on voit des
briseurs de grève, moi, en tout cas, les cas auxquels j'ai
été mêlé, ce n'était vraiment pas la
majorité qui avait voté pour sortir. C'est ça, l'affaire.
Je parle de la majorité des travailleurs de l'usine elle-même ou
de l'entreprise. Ce n'est pas nécessairement la faute du syndicat; c'est
la faute des travailleurs qui ne sont pas allés voter.
M. COURNOYER: C'était l'autre élément qu'il y avait
dans le bill.
M. BONNIER: Dans la formule Rand, on explique bien qu'il faut que ce
soit une majorité des travailleurs de l'entreprise.
M. COURNOYER: Aussitôt qu'il s'agit d'une assemblée, M.
Pépin le disait à la télévision l'autre jour, sur
la question du bill 22, quant au choix de la langue, ce sont ceux qui vont y
aller qui vont décider quelle est la langue, n'est-ce pas? M. Pepin nous
disait cela à la télévision, l'autre soir.
M. BURNS: C'est ça qui va arriver. C'est ça qui arrive
dans l'administration de n'importe quel syndicat. C'est ceux qui y vont qui
décident des politiques et de l'administration du syndicat.
M. COURNOYER: Dans le cas de la langue, M. Pepin ne semblait pas tout
à fait d'accord sur cela. Dans le cas de la grève, je
préférerais que ce soit autre chose qu'une assemblée. Je
préférerais, comme ministre, que les gens, quand ils
décident de faire la grève, ne le fassent pas sous l'humeur du
moment. M. le député de Maisonneuve, vous le savez. Vous en avez
vu d'autres avant aujourd'hui. Quand vous avez une assemblée qui est
chauffée à blanc, il n'y a pas d'autre conclusion, à la
fin de l'assemblée, que de dire: On s'en va en grève. Ceux qui ne
veulent pas y aller y vont pareil, parce qu'ils y ont été
invités par une houle, une vague de fond.
M. BURNS: Pour moi, vous n'avez pas assisté à mes
assemblées syndicales.
M. COURNOYER: Mais vous, vous en êtes sorti depuis un certain
temps!
M. BURNS: Voulez-vous dire que cela mène à tout pourvu
qu'on en sorte?
M. COURNOYER: Non, non! Je vous dirai cela quand vous serez juge!
M. BURNS: C'est le quatrième ministre qui me l'offre cette
année! Je ne comprends pas cela. Je commence à me sentir
ostracise!
M. COURNOYER: De toute façon, si le Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre veut regarder à nouveau le projet de loi
que je lui ai demandé d'examiner, je suis toujours prêt à
entendre ses nouveaux commentaires. J'aimerais ça si, au conseil
consultatif, on faisait un consensus là-dessus et qu'on le garde
jusqu'au bout.
M. BELLEMARE: M. le Président, au sujet du conseil consultatif,
est-ce que vous êtes informé ou pouvez vous informer à
savoir si les chefs syndicaux ont consulté les membres à la base
à ce sujet?
M. COURNOYER: Disons que je suis croyablement informé qu'à
une époque ou à une autre, les idées qui viennent au
conseil consultatif ont fait l'objet de discussions avec les syndiqués,
mais je ne dirai pas, par exemple, qu'il y a eu des assemblées
générales sur l'article 27 du code du travail. Je ne le pense
pas. Mais, d'une façon générale, les articles
eux-mêmes sont la résultante de principes déjà
adoptés en assemblées un peu partout. Quand on prend l'article,
c'est un texte. Au conseil consultatif, même si on s'attarde sur les
principes... Vous prendrez, par exemple, l'article 99; je suis convaincu
qu'à la Fédération des affaires sociales, en particulier,
des discussions ont peut-être eu cours dans les deux dernières
années sur les principes nouveaux à développer
là-dedans. C'est pour ça que je disais l'autre jour que j'avais
un certain degré de confiance dans les dirigeants syndiaux parce que
j'aurais l'allure de penser que, sur cet article en particulier, c'est comme
ça.
Quant aux autres dispositions du code du travail dont je parlais, je
suis bien convaincu que des changements majeurs comme ceux-là
parce qu'il y a des changements majeurs ont fait l'objet de
consultations en principe auprès des différentes instances
syndicales. Autrement, je ne vois pas comment le... Remarquez bien qu'il s'agit
de choses très précises.
M. PERREAULT: Vous en êtes convaincu?
M. COURNOYER: Oui et non. Disons que, pour ma part, je pense que les
principes, vous allez les retrouver dans des documents moraux qui sont
présentés à l'occasion d'un congrès ou d'une
convention syndicale. C'est comme dans des discours politiques, on retrouve
ça un jour ou l'autre. On dit: II en a parlé, oui, mais si vous
vous souvenez du discours politique qui a été prononcé
à telle date, vous allez découvrir que nous avions dit ça
mais on n'en a pas reparlé après dans le texte et là, on
dit: C'est ça. Les gens découvrent qu'on dirait que c'est
là première fois qu'on dit quelque chose, mais cela fait quelques
fois qu'on le dit.
M. BURNS: Si vous parlez des discours là, on fait le tour
de la législation j'aimerais vous parler un peu du contentieux
fédéral-provincial. Vous parlez des discours déjà
prononcés. J'ai justement, sous les yeux, un extrait qui est de vous, je
ne sais pas si vous allez vous reconnaître. C'était le 18 mai 1971
et on vous entendait dire: "La confusion actuelle conduit à des
dédoublements inacceptables, à des pertes considérables
d'énergie et de ressources et, chose plus grave, à des
contradictions administratives préjudiciables au développement de
la province". Vous en parliez particulièrement dans le contexte des
centres de main-d'oeuvre, de la dualité de juridiction entre le
fédéral et le provincial.
Je voudrais vous rappeler aussi une position que vous aviez prise en
1973, à la conférence fédérale-provinciale des
ministres du Travail, où vous réclamiez, entre autres choses,
juridiction pour le Québec sur les travaux fédéraux sur
les meuneries, sur le transport interprovincial, le camionnage. On sait
déjà que dans le cas des meuneries, c'est une
décision récente qui a été rendue on a
confirmé qu'elles resteraient de juridiction fédérale.
Finalement, je Us, au début de 1974 que dans un article de notre bon ami
Gilles Lesage, dans la Presse, celui-ci, à la suite d'une entrevue avec
vous, dit ceci: "En ce sens, il a abandonné parlant du ministre
du Travail le désir entretenu par ses
prédécesseurs, MM. Bellemare et Laporte, de
récupérer les centres de main-d'oeuvre d'Ottawa. "Il se
félicite, au contraire, d'une collaboration accrue entre les centres des
deux gouvernements." J'aimerais que le ministre nous dise exactement si,
véritablement, il a laissé tomber son idée de
récupérer entièrement la juridiction sur les centres de
main-d'oeuvre, de mettre un terme à ce dédoublement de
juridiction entre les centres de main-d'oeuvre du Canada et ceux du
Québec et commencer à faire fonctionner enfin les centres de
main-d'oeuvre au Québec. J'aimerais également qu'il fasse le
point sur les trois problèmes qu'il avait soulevés, en
particulier à la conférence fédérale-provinciale de
1973, c'est-à-dire la juridiction sur les travaux fédéraux
dans la construction, les meuneries et le transport, le camionnage.
M. COURNOYER: Disons, pour commencer par la fin, les meuneries, le
transport et les travaux de construction : Les décisions qui sont
survenues dans le cas des meuneries restent des décisions d'ordre
judiciaire, compte tenu du pouvoir que le fédéral avait ou a
encore de déclaration, c'est un pouvoir déclaratoire du
fédéral. On ne peut pas contester facilement la décision
qui a été rendue dans le cas des meuneries, je ne sais pas
laquelle, enfin Camirand.
Pour moi, ce serait difficile, je pense, d'aller me faire confirmer une
autre fois par une autre cour que la juridiction fédérale est
exercée normalement, compte tenu de l'état actuel de la
législation.
M. GIASSON: Pourquoi cela?
M. COURNOYER : Parce que la tendance de la jurisprudence est de
confirmer la juridiction du fédéral.
M. GIASSON: Oui, mais une meunerie, ce ne sont pas des
élévateurs à grain.
M. COURNOYER: Nous sommes totalement d'accord, entre vous et moi.
Maintenant, si je retourne devant les tribunaux, ils vont être encore en
désaccord avec moi.
M. BURNS: D'ailleurs, ce n'est pas ce que je vous demande. Je pense
qu'on est d'accord avec vous que si vous retournez...
M. COURNOYER: C'est parce que, lui, je suis en train de lui
expliquer.
M. BURNS: Oui.
M. COURNOYER: Si je retourne devant les tribunaux, je vais me faire dire
la même chose que je me suis fait dire dans le cas des meuneries de
Camirand. A mon sens, à moi...
M. GIASSON: Les meuneries du Québec, en matière de
politique salariale minimum, sont l'équivalent des
élévateurs à grain qu'on retrouve
généralement au Canada. C'est ce qu'ils vont vous dire.
M. COURNOYER: Ce n'est pas ce qu'ils disent. Ils disent que c'est de
l'autorité fédérale. En vertu du pouvoir
déclaratoire du gouvernement fédéral, ils ont
déclaré que c'était "Fédéral undertaking".
Ce que vous voulez, la façon dont c'est arrivé, c'est une
industrie...
M. BURNS: Dans l'intérêt du Canada.
M. COURNOYER: ... dans l'intérêt du Canada. En vertu de ce
pouvoir qu'ils ont...
M. GIASSON: Dans l'intérêt du Canada?
M. COURNOYER: Oui, c'est en vertu de cela que le juge est obligé
de dire qu'ils ont déclaré cela conformément au droit
qu'ils avaient de le déclarer; un droit résiduel, c'est dans
l'intérêt général du Canada, les meuneries,
même la meunerie de M. Camirand.
M. GIASSON: Je ne pensais pas que c'était dans
l'intérêt du Canada.
M. COURNOYER: Pardon?
M. GIASSON: En vertu de ce principe, il y a...
M. COURNOYER: N'importe quoi.
M. GIASSON: ... un tas de choses qui sont dans l'intérêt du
Canada.
M. COURNOYER: Voilà! UNE VOIX: Québec.
M. COURNOYER: Québec est dans l'intérêt du Canada,
donc c'est une juridiction fédérale. Là-dessus, nous avons
est-ce qu'on a des copies? A la conférence des ministres
du Travail, il y a un an et demi de ça, nous avons inscrit à
l'ordre du jour la discussion sur ces trois problèmes de juridiction
concurrente ou de juridiction confuse, au moins. Notre opinion a
été exprimée à l'époque comme étant
un problème à discuter pour clarifier les juridictions. Et nous
prétendons, au moins dans la construction et dans le cas des meuneries,
dans ces deux-là, non seulement politiquement, mais pratiquement, qu'il
y a lieu que ce soit sous juridiction provinciale. C'est-à-dire que ce
sont les lois provinciales qui devraient s'appliquer surtout lorsque
l'entité est nettement québécoise elle peut
être on-tarienne, parce que c'est la même chose, le même
principe dans les autres provinces mais lorsque cette entité est
localisée ici, elle n'a rien à voir avec les Prairies, puis le
National Wheat Board ils appellent ça comme ça, eux
n'a rien à voir là. C'est quelque chose qui est nettement
identifié au Québec, par conséquent, ça devrait
suivre les lois ordinaires du Québec.
Dans le cas de la construction, si le gouvernement
fédéral, en vertu du même pouvoir, l'appliquait
intégralement, ou si les syndicats aujourd'hui, au moment où on
se parle, décidaient de l'appliquer, c'est possible que les syndicats
profitent de cet état de confusion dans le domaine de l'application de
la Loi des relations de travail dans la construction. Ils disent: A Mirabel, ne
nous poursuivez pas parce qu'il n'y a pas de loi qui s'applique là.
C'est la loi fédérale des justes salaires. Quant à nous,
on n'a rien à voir avec la Loi des relations de travail dans l'industrie
de la construction à Mirabel.
Maintenant, vous étendez ça, et parce que le mot "federal
undertaking" est interprété, en vertu de la loi ou du code du
travail canadien, comme étant là où le gouvernement
fédéral participe financièrement, ça veut dire que
sur tous les quais, toute la construction de quais sur le fleuve Saint-Laurent,
cela ne relève pas de l'industrie de la construction. Toutes les
constructions en vertu des décisions du ministère de l'Expansion
économique régionale, il y a de l'argent fédéral
là-dedans, donc ça ne devrait pas non plus tomber sous la Loi des
relations de travail dans la construction. En même temps, si vous
construisez la Place Guy-Favreau à Montréal, étant
donné que ce sont des fonds fédéraux, ça ne tombe
pas sous la loi québécoise de l'industrie de la construction. Et
vous continuez comme ça et finalement vous allez découvrir qu'il
y a de l'argent fédéral à peu près partout et que
la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction s'applique
presque exclusivement lorsque le gouvernement provincial construit.
Puis, encore là, il faut tirer ça par les cheveux, parce
que quand vous arrivez dans le domaine des universités, il y a des
financements quelconques qui viennent du fédéral, soit à
la recherche ou autrement. Vous pouvez peut-être dire que
l'université, c'est un "federal undertaking". Alors quand on construit
une université "it is another federal undertaking". Les hôpitaux,
où une grande partie de l'immobilisation est faite par le gouvernement
fédéral, ça devient "federal undertaking".
M. GIASSON: Cette participation du fédéral s'applique
très bien pour les élévateurs à grain qu'on
retrouve au Québec, mais elle ne s'applique pas dans le cas des
meuneries.
M. COURNOYER: Disons que j'essaie d'expliquer les défauts
pratiques d'une telle attitude. Je prends la construction, en particulier.
Malgré toutes les difficultés que nous avons dans l'industrie de
la construction, nous avons quand même tenté de l'organiser sur
une base propice à l'industrie de la construction au Québec, en
uniformisant ou en tendant à uniformiser au moins les conditions de
travail des travailleurs de la construction, compte tenu de leur
mobilité, et en unifiant même les systèmes de
bénéfices sociaux pour les travailleurs de la construction. Si le
fédéral entre, par sa juridiction, dans un champ
d'activités comme celui que nous occupons totalement dans l'industrie de
la construction parce que là, ce n'est pas la question de ne pas
l'occuper; on l'occupe au complet, celui-là donc, si on le laisse
entrer ou s'il entre de sa propre volonté, moi, je ne vois pas comment
je pourrais permettre à la Commission de l'industrie de la construction
de continuer de recevoir des prestations ou des montants d'argent pour le fonds
de pension des travailleurs de la construction. Je ne vois pas comment je
pourrais permettre à l'industrie de la construction de continuer
à recevoir de l'argent pour les prestations d'aide sociale aux
travailleurs de la construction. Ce serait dire: Je vais tous vous exclure au
grand complet. La confusion, qui ne règne pas encore totalement,
là, on va l'organiser.
Je ne veux menacer personne, mais cette intrusion dans le domaine de la
construction, par le truchement d'une application du code canadien des
relations de travail dans un domaine qui a toujours été
occupé par les provinces, serait susceptible d'engendrer beaucoup plus
de problèmes que si on laisse les choses comme elles sont actuellement,
même si le fédéral,
théoriquement, aurait le pouvoir d'intervenir. Je veux clarifier
cela aussi. Dans le cas des meuneries, notre position est qu'au point de vue
juridique nous sommes placés dans une situation où retourner
devant un tribunal supérieur, avec la Meunerie Camirand, serait se faire
dire, par un tribunal supérieur, que le fédéral aurait le
droit de le faire et qu'il a juridiction sur cela. Nous croyons donc que la
décision, la discussion est d'ordre essentiellement politique dans le
cas des meuneries, dans le cas de la construction et aussi dans le cas des
transports interprovinciaux. Par leur extension, ils pourraient aussi bien
décider que la Commission de transport de Montréal relève,
au sujet des relations de travail, de l'autorité fédérale,
alors que toute son activité est située sur le territoire de la
Communauté urbaine de Montréal.
Mais, parce qu'il y a deux ou trois autobus qui peuvent aller, en
Ontario, faire un voyage à Ottawa de temps en temps, ces trois autobus,
par extension, font que toute l'entreprise qu'on appelle la Commission de
transport de Montréal, la CTCUM, ou la CTCUQ, toutes ces entreprises
tomberaient sous l'autorité du fédéral, code canadien des
relations de travail.
S'ils en veulent des préoccupations, ou s'ils ont le goût
d'en prendre, c'est un privilège qu'on pourrait leur laisser, mais c'est
un champ qui est totalement occupé par nous, avec difficulté j'en
conviens, parce que c'est du transport, M. Burns.
M. BURNS: C'est bien dur.
M. COURNOYER: C'est bien dur. Mais, de toute façon, nous
l'occupons ce champ et nous n'avons pas l'intention de le laisser aller. Je ne
pense pas non plus qu'il y a une velléité de le laisser aller.
Les causes dont on parle, si on parle, par exemple de la cause Camirand, il me
semble qu'il s'agit d'une application de la Loi des justes salaires
fédérale à Camirand, code canadien, donc ce sont les
inspecteurs du ministère fédéral du Travail qui sont
là-dedans.
Mais, dans le cas de la construction, il ne s'agit plus d'inspecteurs du
fédéral, il s'agit d'une entreprise qui a décidé de
contester l'applicabilité de la Loi des relations du travail dans
l'industrie de la construction et qui a réussi, ainsi à
éviter certaines dispositions de nos décrets. Ils ont
réussi devant le juge, et on a été en appel. Mettons que
le deuxième tribunal donne raison au premier juge; cela veut dire que,
demain matin, n'importe qui peut contester l'applicabilité du
décret de la construction sur tout chantier qui a $0.01 du
fédéral dedans. Tous les chantiers de construction au
Québec, à part quelques-uns dans le nord, ont de l'argent du
fédéral. Mais d'un coup qu'il y en aurait dans le nord et que je
ne le saurais pas. Quelqu'un peut le savoir et cela veut dire que je n'ai plus
de juridiction sur n'importe quelle des activités de construction. Un
chemin, vous avez le financement de la route transcanadienne, par exemple,
c'est nettement fédéral-provincial, un financement
géré par la province de Québec. Vous avez l'usine de
Gentilly qui va être construite. Celle de Gentilly 1 appartient à
la Atomic Energy of Canada. Cela veut dire que la construction elle-même
de cette usine était sous la loi fédérale et la
construction de la deuxième parce que c'est financé en partie du
moins par Atomic Energy of Canada encore une fois, ce serait sous la loi
fédérale des relations de travail, c'est-à-dire le code
canadien des relations de travail.
M. GIASSON: Toutes les usines d'eau lourde sont financées par
Ottawa.
M. COURNOYER: La même chose et tous les quais, tout ce que vous
avez dans la province de Québec tomberait sous cette juridiction.
L'unification que nous avons réussi à faire dans la
province de Québec en matière de construction, cette unification
qu'on réussit de peine et de misère, mieux qu'ailleurs au Canada,
vient d'être tout simplement chambardée par la décision
d'un juge qui a répondu favorablement à la contestation d'une
entreprise, pas nécessairement du gouvernement fédéral. Le
gouvernement fédéral n'aime probablement pas ça, cette
intrusion, parce que cela allait bien. Mais même s'il n'aime pas
ça, cela ne change en rien la contestation toujours possible d'une
entreprise et sa réussite. Il faut donc qu'on règle ce
problème.
J'ai trois études, actuellement, faites par le ministère
du Travail et de la Main-d'Oeuvre que j'ai l'intention de publier ces jours-ci
parce qu'elles sont terminées. L'une porte sur les meuneries et a
été faite par les officiers du ministère; l'une porte sur
les transports interprovinciaux, qui est assez volumineuse et qui a
été faite aussi avec les officiers du ministère des
Transports; vous avez aussi l'autre qui porte sur l'industrie de la
construction. J'ai l'intention de les publier telles qu'elles ont
été conçues par les officiers du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre, comme documents nous servant de base dans des
discussions politiques avec le gouvernement fédéral et
établissant aussi la position juridique dans laquelle nous nous trouvons
sur ces trois sujets.
Au point de vue juridique, en matière de transport, nous devons
admettre une très grande faiblesse lorsqu'il s'agit de transport
interprovincial. Je ne suis pas un avocat là-dedans, mais on doit
admettre une faiblesse.
Dans le cas de la construction, parce qu'il y a eu un jugement, je vais
peut-être admettre une petite faiblesse, un peu plus petite, cependant,
que la première.
Dans le cas des meuneries, au point de vue juridique, nous sommes
très faibles. Il reste donc au gouvernement du Québec la
discussion politique avec le gouvernement fédéral, discussion
politique qui doit être basée sur les inconvénients d'une
intervention fédérale dans ces domaines par rapport aux
législations d'ici, les inconvénients pour le
fédéral comme pour
les entreprises qui sont au Québec. Vous retrouverez ça
dans les trois études que nous avons l'intention de publier.
Maintenant, j'aimerais mieux attendre à la semaine prochaine pour
publier les études parce que, encore avant l'assemblée de ce
matin, j'avais une discussion avec mon sous-ministre sur le mérite
tactique ou stratégique de les publier. Pour autant que je suis
concerné, je ne vois pas pourquoi je changerais quoi que ce soit dans
ces études. Elles ont été faites objectivement. Je n'ai
pas non plus de stratégie à annoncer et je ne veux pas essayer de
passer à côté de la discussion. Elle est là, elle
doit avoir lieu, cette discussion.
Nous la faisons actuellement, cependant, au nom des autres gouvernements
provinciaux, parce que ce que nous avons convenu, à la réunion
des ministres du Travail il y a un an et demi, c'est que les autres provinces
sont aussi mal prises que nous dans ces domaines particuliers. Une meunerie, il
y en a une au Québec, mais il y en a aussi au Nouveau-Brunswick, il y en
a en Ontario. Ils sont aussi mal pris que nous.
Alors, nous avons convenu, avec les autres ministres, de les tenir
informés de nos discussions avec le fédéral, une fois que
nos dossiers seraient totalement faits. Si je ne le publie pas
immédiatement, c'est juste une question de décence
vis-à-vis des collègues ministres du Travail à travers le
Canada. Je veux leur dire dans quelle direction nous allons.
Immédiatement après, et cela, c'est presque simultané, je
vais vous donner l'étude.
L'étude fait des recommandations. Par exemple, elle nous dit : On
devrait faire cela, on devrait faire cela et on devrait faire cela. Cela ne
veut pas dire qu'on va le faire. Mais, comme je n'ai pas décidé
de le faire nécessairement, je ne vois pas d'objection à publier
l'étude.
Ce sont trois études, assez volumineuses, que je vais faire
imprimer sous le nom de Québec-Travail et que je vais vous remettre
à tous au moment jugé opportun par moi.
M. BURNS: Est-ce que le ministre juge opportun d'ajourner, M. le
Président?
M. COURNOYER: Quand vous le voudrez. Je vous laisse cela à
vous.
M. BURNS: Je propose l'ajournement sine die.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 38)
Reprise de la séance à 16 h 12
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission
du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux pour
l'étude des crédits du ministère du Travail. Pour la
séance de cet après-midi, la liste des membres de la commission
s'établit comme suit: M. Bérard (Saint-Maurice), M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Bonnier (Taschereau), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Cournoyer (Robert-Baldwin), M. Malépart
(Sainte-Marie).
Au moment de la suspension, le ministre venait de parler du
dépôt d'un rapport qu'il ferait en temps opportun.
M. COURNOYER: J'ai déposé le rapport de la révision
de la structure administrative de la Commission des accidents du travail, tel
que proposé. Il y a un examen, bien sûr, de l'ancienne et les
révisions proposées par M. Mineau, de la firme Mineau, Allard et
Associés. Quand la commission viendra, vous pourrez poser des questions
sur l'état de la question maintenant.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, avant la suspension, M.
le ministre nous a parlé, entre autres, des conséquences
juridiques que pouvait avoir le jugement qui a été rendu dans le
cas de la meunerie Camirand, des difficultés qui pourraient être
rencontrées en fonction des relations
fédérales-provinciales et surtout des implications juridiques. Il
nous a tracé un tableau qui, effectivement, montre jusqu'à quel
point, si on pousse le raisonnement ou la logique de ce jugement, bien des
secteurs d'activités seraient touchés. Il nous a parlé, et
à juste titre, de la nécessité de négociations,
étant donné la situation. Je voudrais simplement savoir ... Je
sais que la cause de la meunerie Camirand est en appel présentement.
M. COURNOYER: Je ne crois pas, non. Je pense que la cause de Camirand
n'est pas en appel.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que les délais d'appel sont
expirés?
M'. COURNOYER: Je ne le crois pas; de toute façon, le
ministère de la Justice n'avait pas l'intention d'intervenir. Je pense
que j'indiquais ce matin qu'aller en appel, ce serait strictement, compte tenu
des études que nous avons faites, demander une confirmation
additionnelle établissant que c'est correct. Au point de vue strictement
légal, il y aurait, semble-t-il, selon nous, une confirmation du
jugement dont on appellerait.
Ce que je tentais d'expliquer c'est que ça ne sert à rien
de demander une confirmation de ce genre de jugement et de payer pour, comme
gouvernement québécois ou encore de demander à la
compagnie en question d'absorber une partie, ou même d'absorber au nom de
la compagnie une partie des coûts. H me semble que le jugement est clair
et nos études juridiques nous conduisent à une conclusion qui
ressemble à celle qui est dans le jugement.
Alors, la décision que je disais tantôt, c'est que je ne
vois pas d'opportunité d'aller en appel, parce que je verrais une
confirmation d'une chose qui au strict point de vue juridique est
véridique mais qui cause les embêtements pratiques dont je parlais
ce matin. Là-dessus, je dis qu'on doit plutôt s'attarder à
une solution d'ordre politique qu'à une solution d'ordre judiciaire.
Nous perdrions si nous allions devant le juge.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense que le ministre présume à
bon droit, en tout cas à mon humble opinion, de ce que pourrait
être effectivement le jugement de la cour d'Appel. Comme il l'a dit,
ça se situe au niveau politique et, si ça se situe à ce
point-là, on entre dans la voie des négociations normalement.
M. COURNOYER: C'est ça, des négociations promises,
d'ailleurs.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que ça ne fait pas tellement
longtemps que le jugement a été rendu, mais est-ce que le
ministre prévoit déjà des...
M. COURNOYER: Nous n'attendions pas ce jugement pour la décision
politique. Ce jugement a été obtenu et c'était une des
raisons pour lesquelles nous avions amené à l'ordre du jour de la
réunion des ministres du Travail l'article meunerie, quant à
l'applicabilité des lois fédérales du travail dans les
meuneries essentiellement québécoises ou ontariennes, pour ce que
ça peut valoir lorsqu'elles sont pareilles. On doit répondre aux
mêmes principes.
C'était l'un des trois articles que nous avons demandés
d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion des ministres du
Travail du Canada. C'est à ce sujet que je mentionnais que, lors de
cette réunion, les autres provinces ont voulu, sans nous faire le
porte-étendard des provinces là-dedans, que nous les tenions au
courant des discussions que nous avions à l'époque l'intention
d'avoir avec le gouvernement fédéral, puisque toute
décision serait susceptible de s'appliquer non seulement au
Québec, mais aux autres provinces.
Et, pour nous préparer à cette discussion avec le
gouvernement fédéral, nous avons fait les études que nous
croyions opportunes de faire, en collaboration bien sûr, dans le cas du
transport interprovincial, avec le ministère des
Transports puisque le raisonnement suivi dans certaines lois des
transports nous invite à suivre le même raisonnement dans les lois
ouvrières applicables au transport. Dans le cas des meuneries,
c'était une chose qui répondait non pas à un cas
d'espèce, la meunerie Camirand, mais toutes les meuneries
répondent à peu près à la même situation.
Par l'application du principe suivi par le gouvernement
fédéral dans le cas des meuneries, on pourrait, encore là,
tirer des conclusions sur une foule d'autres choses que, par la seule
décision du gouvernement fédéral, il s'agit d'une
opération qui est dans l'intérêt général du
Canada, si c'est bien l'expression comprise. C'est tout basé sur
l'article 45, en fait, de la Loi de la commission canadienne du blé.
On dit ici: "La prétention du fédéral à ce
sujet, telle qu'elle appert au document de base présenté à
la conférence fédérale-provinciale des ministres du
Travail, est fort simple. Le fédéral soutient que la
déclaration contenue à l'article 45 de la Loi sur la commission
canadienne du blé s'applique à tous les moulins, où qu'ils
soient situés au Canada et que, par conséquent, même les
meuneries du Québec, dont le champ d'action est strictement local,
doivent tomber sous la juridiction du fédéral en matière
de relations de travail. Pour plus de certitude mais sans restreindre en
fait, c'est l'article 45 la généralité de toute
déclaration dans la loi sur les grains du Canada, portant à ce
qu'un élévateur est à l'avantage général du
Canada, il est, par les présentes, décrété que tout
moulin à farine, moulin à provende, entrepôt à
provende et moulin de nettoyage de semence, qu'ils aient été
construits jusqu'ici ou qu'ils le soient à l'avenir, sont
déclarés et chacun de ces moulins est déclaré par
les présentes à l'avantage général du Canada. Et
sans restreindre la généralité de ce qui
précède, chacun des moulins ou entrepôts mentionnés
ou décrits dans l'annexe est un ouvrage à l'avantage
général du Canada."
A partir d'une telle décision pour plus de certitude on a
précisé que chacun des moulins était à l'avantage
général du Canada quel que soit le juge qui est
appelé à juger et à quelque niveau qu'il se situe, si la
déclaration elle-même rencontre le caractère correct au
point de vue constitutionnel, cette déclaration ayant été
faite, les moulins à provende ou autrement situés exclusivement
et n'opérant que dans la province sont des moulins qui tombent sous la
juridiction fédérale. Voilà pourquoi il nous semblerait
onéreux pour la province d'aller en appel. On a décidé de
ne pas y aller.
Si je continue de lire mes recommandations celles que j'avais
l'intention de publier bientôt, après que j'en aurais avisé
mes collègues les autres ministres du Travail du Canada qui
possèdent, semble-t-il, le même degré
d'intérêt que nous possédons ici dans des choses locales
comme celle-là il est entendu que les recommandations qui me sont
faites par les fonctionnaires du ministère c'est, à toutes fins
utiles, la négociation politique pour faire en sorte que cette
articulation de l'article 45 soit différente et ne s'applique pas aux
meuneries du Québec.
Cela est notre intention. Maintenant, ce n'est pas mon intention de
faire une conférence constitutionnelle
fédérale-provinciale pour modifier toute la constitution, parce
que cela peut prendre un peu plus de temps.
M. BEDARD (Chicoutimi): Normalement, si on se fie au passé.
M. COURNOYER: Je pourrais vous lire tout ça, si vous voulez; ce
serait intéressant comme le diable.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je n'en doute pas.
M. COURNOYER: Je voulais plutôt vous le donner, quitte à
répondre, dans d'autres moments, sur les décisions du ministre
face à des recommandations des fonctionnaires. Je n'ai aucune objection
à vous donner les recommandations de mes fonctionnaires, sans pour
autant m'engager à suivre mot à mot ce qu'ils m'ont dit.
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.
M. COURNOYER: Vous pourrez toujours par la suite me faire des
observations ou me poser des questions devant d'autres commissions
parlementaires quant à ce que j'entends faire avec ce rapport. Mais il
est clair que j'ai l'intention de le publier à plusieurs exemplaires
à part ça. Il y a toutes sortes d'affaires là-dedans,
c'est très bien fait. Je félicite mes fonctionnaires en passant.
Cela ne m'arrive pas souvent. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas besoin de
félicitations, mais c'est parce qu'ils n'aiment pas ça être
félicités.
M. BEDARD (Chicoutimi): Comme, à bon droit, vous avez dit que la
négociation demeurait la seule forme, est-ce que vous pouvez nous dire
où vous en êtes, comment vous voyez ce cheminement? Si les
discussions sont commencées, quels sont les espoirs en termes de
résultats du ministre?
M. COURNOYER: Le ministre pourrait avoir un certain nombre d'espoirs,
mais je ne voudrais pas présumer de la réaction du gouvernement
fédéral. Il semble cependant, que, depuis que la décision
dans le cas de Camirand est sortie, il y a une "trâlée"
d'inspecteurs du gouvernement fédéral qui ont mis les pieds dans
les meuneries québécoises et là ils ont
décidé de faire appliquer cette loi-là.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ils envahissent vite le territoire.
M. COURNOYER: Oui, le privilège qu'ils se sont donné, ils
l'utilisent à bon ou à mauvais escient, suivant les
circonstances. A mon sens, compte tenu de l'imbroglio dans lequel se trouvent
un certain nombre d'entreprises comme les meuneries et que tout un
système de lois différentes doivent s'appliquer à eux
à cause de cette décision, on peut parler de
sécurité, par exemple, on peut parler de règlements des
édifices publics qui sont ou ne sont pas applicables dans le cas des
meuneries. On peut parler de la Loi des relations du travail, mais on peut
parler aussi de la Loi du salaire minimum qui ne serait pas applicable aux
meuneries.
Compte tenu de ce jugement, je ne voudrais pas laisser passer trop de
temps dans la discussion publique de ce problème, compte tenu du fait
que, dans l'intervalle et en l'absence de solution négociée, il y
aura une habitude nouvelle de créée, chez les meuniers, de
s'ajuster à la législation fédérale plutôt
qu'à la législation provinciale. Mais comme il y a des
différences, très souvent, marquées entre les deux
systèmes de législation, cela causera, si nous ne prenons pas le
boeuf par les cornes immédiatement, des habitudes qu'il sera très
difficile de briser à une époque où nous aurons
peut-être décidé de les briser d'un commun accord avec le
gouvernement fédéral.
Je vais chercher avec le gouvernement fédéral une solution
temporaire, si je peux en trouver une. Mais il y a des choses temporaires avec
le gouvernement fédéral qui ont une tendance à devenir
permanentes beaucoup plus que d'autres choses temporaires au gouvernement.
Alors, dans ce sens en particulier, disons que nous sommes faibles
je l'ai avoué, ce matin au point de vue juridique...
M. BEDARD (Chicoutimi): Sur le plan judi-dique, oui.
M. COURNOYER: ... et nous avons des torts au point de vue politique.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense que, sur ce programme-là...
M. COURNOYER: II y a d'autres problèmes. On a parlé d'une
partie seulement de ce que le député de Maisonneuve appelait, ce
matin, le contentieux fédéral-provincial. Il a aussi
mentionné des questions de main-d'oeuvre en particulier, des postes
politiques de main-d'oeuvre. Je ne voudrais pas passer sous silence ce qui se
passe dans la main-d'oeuvre chez nous.
Bien entendu, la présence du gouvernement fédéral
dans les centres de main-d'oeuvre est.. Je ne voudrais pas les vanter, mais
cela a un gros degré d'efficacité à comparer au
nôtres. Ce ne sont pas les normes que l'on doit comparer, ce sont
beaucoup plus les structures et les systèmes. C'est ce qui a fait que,
dans le cours des mois qui ont suivi le genre de déclaration que j'ai
faite, nous avons pu identifier nos capacités, nos possibilités,
avec nos besoins d'effectif, et en venir à la conclusion que si nous
faisions du placement dans nos centres de main-d'oeuvre du Québec, ce
placement devrait être un placement spécialisé. Nous avons
fait une expérience assez enrichissante dans le cas de
l'opération placement des assistés sociaux en particulier. Je
pense qu'on vous a distribué les rapports de cette opération.
Nous nous dirigeons nettement vers une opération placement
spécialisé: placer ce que les autres ne placent pas, s'occuper de
clientèles spéciales.
Cela se résume, à ce moment-ci, à rendre service
d'abord à ceux qui veulent bien prendre nos services. Je parle de
l'industrie de la construction et je parle aussi de certains autres employeurs
qui font appel à nos centres de main-d'oeuvre. Mais, face à
l'efficacité des centres de main-d'oeuvre fédéraux, il est
clair que certains employeurs hésitent beaucoup à venir voir les
centres de main-d'oeuvre du Québec.
Il y a aussi le fait que les centres de main-d'oeuvre du Canada sont
intimement reliés à la structure de l'assurance-chômage; en
conséquence, le premier contact d'une personne, lorsqu'elle est en
chômage, c'est de se présenter dans un centre de main-d'oeuvre du
Canada. Quand elle est rendue dans le centre de main-d'oeuvre du Canada, on en
prend soin. Elle ne demande pas d'être considérée par les
centres de main-d'oeuvre du Québec dont elle n'a pas besoin. En
conséquence, il nous arrive que même si on décide de se
spécialiser dans des clientèles particulières, c'est
uniquement parce que ce genre de clientèles dont il est question n'a
aucune affaire, a priori, dans les centres de main-d'oeuvre du Canada.
Mais dès que la Commission de l'assurance-chômage ou la Loi
de l'assurance-chômage indique qu'on doit passer par le centre de
main-d'oeuvre du Canada, il est clair qu'une fois que tu as mis les pieds
là, tu n'a pas le goût d'aller mettre les pieds dans un autre
centre de main-d'oeuvre du Québec, pour peut-être obtenir quelque
chose et peut-être ne rien obtenir non plus. Cela ne te donnerait rien de
te déplacer. Là, je parle de l'individu.
Etablir une structure à côté, à grands
renforts de coûts, pour le gouvernement provincial alors que l'autre
continue d'exister, je pense qu'à ce moment-ci, du moins, ce serait tout
simplement trop onéreux pour la province de Québec.
Il y a cependant des préoccupations que nous avions
énoncées à l'époque et qui regardaient beaucoup
plus la formation professionnelle que le seul centre de main-d'oeuvre. Une des
activités principales des centres de main-d'oeuvre du Canada
était la sélection pour les
cours de formation, par les centres de main-d'oeuvre du Canada,
exclusivement de ceux qui devaient être envoyés à des cours
soit de commissions de formation professionnelle soit à l'enseignement
aux adultes avec les commissions scolaires.
Là-dessus, l'entente que nous espérons obtenir avec le
fédéral dans les prochains jours devrait contenir un certain
nombre de précédents heureux, compte tenu des positions que nous
avons prises déjà en matière de sélection du
personnel et surtout en matière d'établissement anticipé
des cours de formation qui ne seraient pas et qui ne devraient pas être
achetés au cours ou au début de l'année pour
découvrir à la fin de l'année qu'on n'avait pas assez
d'argent pour continuer à négocier. Maintenir des systèmes
sur une base d'achat de cours, pour nous, a toujours été l'une
des principales préoccupations du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre face aux commissions de formation professionnelle ou face aux
commissions scolaires. La sélection et la méthode de financement
des cours de formation professionnelle où nous espérons avoir
fait une percée assez intéressante pour l'avenir de la formation
professionnelle, est un contentieux qui traîne depuis déjà
longtemps.
Cela date de 1967, je pense, ou 1966. Lorsque étant ministre M.
Johnson a signé cela, c'était à titre d'expérience
pour cinq ans. On s'est retrouvé en 1972, l'expérience avait
été non concluante, quant à nous, et nous avons pu
renégocier. Nous croyons être en mesure, la semaine prochaine ou
la semaine d'après, de signer une nouvelle entente pour trois ans qui
spécifierait un minimum en millions de dollars applicable chaque
année et révisible dans le sens de la hausse chaque année,
compte tenu des formules qui sont inscrites dans l'entente mais pas d'achat de
cours sans prévision de ce qu'il y aurait possibilité d'obtenir
pour l'année qui suit.
Si l'on s'entend, ceci sera un changement draconien, à mon sens.
Cela peut ne pas être interprété comme ça, mais vous
avez une entente qui spécifierait, dès le point de départ,
que pour les trois prochaines années il y aura, chaque année, une
tranche minimale d'un certain nombre de millions de dollars qui seront
consentis en formation professionnelle au Québec par le gouvernement
fédéral.
Quant à la sélection, la percée que nous
espérons faire c'est qu'aujourd'hui nous ne sommes pas présents
du tout dans la sélection des candidats. Cela ne veut pas dire que les
gens qui font la sélection sont des imbéciles, mais nous ne
sommes absolument pas présents. Nous prenons le résultat d'une
décision dans telle ou telle région. Nous avons l'impression de
participer â l'établissement des besoins quantitatifs ou
qualitatifs mais ça ne reste très souvent qu'une impression
puisque, dans la pratique, ça se traduit par une sélection qui
est faite par quelqu'un d'autre qui contrôle non seulement la
sélection des individus mais aussi l'achat des cours.
Alors, dans les deux cas, j'espère que vous aurez des surprises
agréables.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Saint-François avait demandé la parole.
M. DEZIEL: M. le ministre, une question sur la main-d'oeuvre. Concernant
la formation des employés de la construction, est-ce que votre
ministère a l'intention éventuellement de récupérer
sous son égide cette formation des employés? Je pense entre
autres aux centres d'apprentissage qui existaient dans le temps, formule qui
était tout simplement formidable c'est une opinion personnelle
que je vous émets comparativement aux centres de formation
professionnelle. Je crois que dans le temps il y avait une commission qui
régissait ces centres d'apprentissage et qui établissait
elle-même les besoins, soit qualitatifs ou quantitatifs, selon les
données d'une région.
Je pense que cela a été un tort plus qu'un bien que
d'avoir abandonné cette formule des centres d'apprentissage. Mais,
à votre avis, est-ce qu'il y aurait lieu de récupérer
cette nouvelle formule au sein du ministère du Travail?
M. COURNOYER: Disons que, là-dessus, je ne sais pas si nous
serons jamais capables de restaurer l'esprit des commissions d'apprentissage.
Je ne sais pas si nous serons jamais capables de le faire.
Il faut dire qu'il y a une opposition entre le ministère de
l'Education et le ministère du Travail qui sont parfois
diamétralement opposés. Nous avons signé une entente avec
le ministère de l'Education sur les contenus de la formation. On dit: La
pédagogie vous appartient, les besoins, nous les établissons et
c'est vous qui les remplissez. Il reste qu'au cours des mois ou des ans, on a
décelé un certain nombre de difficultés majeures entre les
préoccupations du ministère du Travail et les
préoccupations normales du ministère de l'Education. Au
ministère de l'Education, généralement parlant, il semble
que la philosophie première est qu'on doit apprendre à apprendre;
tandis que dans le cas de la formation professionnelle, dans le cas de
l'apprentissage tel qu'il était conçu avant, c'était qu'on
doit apprendre à travailler.
Quand vous partez avec deux philosophies ou deux approches totalement
différentes, comme celles-là, et que vous essayez de composer
cela en utilisant une même source d'argent, les problèmes
commencent à se faire sentir. D'un côté, les travailleurs
ne sont pas satisfaits du genre de formation qu'ils ont reçue et s'en
plaignent parce qu'ils n'ont pas nécessairement un emploi, ce que la
plupart d'entre eux recherchaient, et, de l'autre côté, le produit
de la formation n'est pas satisfaisant pour les employeurs. Ce qui fait qu'on
met de côté ou on utilise très peu le produit de la
formation
professionnelle. Je ne parlerai pas de la formation des adultes; qu'on
veuille éduquer tout le monde et qu'on dise de continuer à
apprendre, de vous former, je trouve cela normal, mais je dis: Pas à
même les fonds qui sont censés être pour la formation
professionnelle, pour gagner sa vie.
Là-dessus, il est bien sûr qu'il y a une grave
difficulté entre le ministère de l'Education et le
ministère du Travail. Comme le ministre du Travail est responsable de la
signature des ententes avec le gouvernement fédéral, qu'il
répond à toutes fins utiles devant la population
québécoise, surtout, de l'utilisation de ces fonds pour les fins
auxquelles ils sont destinés, bien, la bataille est un peu
engagée entre le ministère du Travail et celui de l'Education.
Sans être trop véhéments à ce moment-ci, parce que
ça ne produirait pas nécessairement les bénéfices
escomptés, il est bien entendu que nous avons l'intention de
récupérer la juridiction.
Maintenant, récupérer la juridiction pour faire la
même chose que le ministère de l'Education, c'est-à-dire la
grosse bofte du ministère du Travail qui remplace la grosse boite du
ministère de l'Education, ave l'individu qui va être aussi perdu
dans le ministère du Travail qu'il peut être perdu aujourd'hui
sous la tutelle du ministère de l'Education qui est très gros, ce
serait changer quatre $0.25 pour $1, et cela, je ne le veux pas. On a donc
décidé d'orienter la formation professionnelle sur une base
sectorielle dans les industries où la législation des relations
de travail serait sectorielle. J'utilise ces mots pour la première fois
devant une commission parlementaire, malgré les demandes
répétées...
M. BURNS: Je m'aperçois que c'est nouveau.
M. COURNOYER: C'est très nouveau. Je n'ai jamais dit non; j'ai
toujours dit: On va faire nos expériences avant. Un certain nombre
d'expériences ont été faites. Là, je
m'apprête à compléter l'expérience dans l'industrie
de la construction, en donnant à l'industrie proprement dite le soin de
préparer elle-même ses besoins qualitatifs et quantitatifs. C'est
ça le règlement de qualification dont on parle assez souvent en
Chambre de ce temps-ci. Il y a M. Roy que ça énerve un peu. Il
n'a pas besoin de trop s'énerver, c'est un très beau
règlement comme tous les autres que nous avons faits avant, donc
modifiable.
M. BURNS: Donc mettable de côté.
M. COURNOYER: Mettable de côté. De toute façon,
celui-là, il aura le bénéfice d'avoir subi
l'expérience du temps et d'être modifié aujourd'hui du
consensus des parties; elles l'ont, le consensus. Là, on voudrait
amender la loi 49 sur la formation professionnelle, pour extraire de
l'application de la loi 49 ce que nous consentirions à donner en vertu
de la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction, au
titre de l'autorité en matière de formation professionnelle. On
assisterait, techniquement du moins, à un retour à la formation
précédée d'un apprentissage ou accompagnée d'un
apprentissage sur les chantiers. Mais ce serait un apprentissage
surveillé; ce n'est pas un apprentissage comme n'importe quel
apprentissage.
On a des apprentis aujourd'hui, mais ils s'enregistrent, ils prennent un
carnet; on applique, comme je le disais l'autre jour, des rapports
apprentis-compagnons. Tu refuses un carnet d'apprentissage, mais il y en a un
qui n'a jamais mis les pieds, puis qui ne mettra pas les pieds sur un chantier
de construction...
M. DEZIEL: Sous forme de stagiaires.
M. COURNOYER: Ce serait sous forme de stagiaires, mais
surveillés, c'est-à-dire qu'on va suivre l'apprenti.
Actuellement, personne ne le suit. Ce n'est pas nous qui le suivrions; c'est
l'industrie qui en a besoin. Alors, si nous extrayons dans le cas de
l'industrie de la construction de la Loi sur la qualification professionnelle
et que nous introduisons dans la Loi des relations du travail dans l'industrie
de la construction la création de ce qu'on me demandera sans doute de
créer, soit une commission de formation professionnelle sectorielle
qu'on appellera la commission de formation professionnelle de l'industrie de la
construction, avec les responsabilités que la loi comportera, à
partir de là, nous retournons un tant soit peu à la vieille
commission d'apprentissage; donc, avec les mêmes buts et beaucoup plus
près de la réalité constatée par les employeurs et
par les salariés aussi dans le domaine de la construction.
Là, on va me dire: Tu fais ça encore pour l'industrie de
la construction. On va vous dire que c'est l'industrie de la construction qui
est probablement la plus avancée au point de vue sectoriel et qui peut
prendre soin de ses propres intérêts. Là où je
dirige maintenant mon ministère, c'est dans les services automobiles.
Vous vous souvenez que nous avons déposé à deux ou trois
reprises un règlement qui visait à qualifier les travailleurs
dans les garages, ce qu'on appelle des services automobiles.
Ce que je demande à l'industrie, je l'ai demandé
formellement à toutes les associations patronales et à tous les
syndicats qui sont dans cette industrie c'est de préparer pour eux une
loi qui serait inspirée de la Loi des relations du travail dans
l'industrie de la construction. Donc, elle s'inspirerait des grands principes
de cette loi, sans pour autant la copier, mais elle aurait pour effet
d'extraire ce secteur de l'application des autres lois, à titre
toujours, non pas seulement expérimental, mais on présenterait
ça comme la loi des
relations du travail et de la formation professionnelle dans l'industrie
des services automobiles.
Sans vouloir dévoiler une autre stratégie, dans le cas du
troisième dossier fédéral, celui des transports, j'ai
demandé la même chose à l'industrie des transports:
établir la Loi des relations de travail dans l'industrie des transports
qui serait accompagnée d'une section de formation professionnelle, parce
qu'il y a aussi un besoin de formation professionnelle dans l'industrie des
transports. Conduire un camion, ce n'est pas comme conduire une automobile.
Cela me ferait trois lois. On en aurait trois qui répondraient, à
mon sens, beaucoup plus à l'aspiration des parties composantes de chacun
des trois secteurs.
Compte tenu de l'évolution des pensées dans ces deux
domaines nouveaux, des services automobiles et des transports, il y aurait,
dans les deux cas, une extraction de l'application des autres lois
générales au Québec pour en faire des lois aussi
particulières que l'industrie de la construction et remettre à
l'industrie la formation professionnelle qui, aujourd'hui, relève des
commissions de formation professionnelle mais par extraction, tout le temps,
l'extraction des lois générales et cela sans vouloir dire que ce
sera comme cela partout. Cela doit indiquer quand même une tendance de la
loi qui viendrait du ministère du Travail à se sectorialiser, et
comme il y aurait une loi qui se sectorialiserait, nous devrons assister en
parallèle et en même temps à une sectorialisation du
ministère et à le sortir des grandes directions
générales que vous retrouvez au titre des budgets actuels.
L'expérience est en cours actuellement dans l'industrie de la
construction. L'industrie de la construction est sortie ou en voie de sortir,
au point de vue de la formation professionnelle, les préoccupations de
la Direction générale de la main-d'oeuvre; elle est en voie de
sortir également des préoccupations en fait, elle
était pratiquement sortie de la direction générale
de la conciliation. La conciliation, dans l'industrie de la construction, ne se
fait pas comme dans l'autre partie. Je pense, à mon sens, même si
les instructions ou si les discussions avec mes sous-ministres n'ont eu lieu
que récemment, qu'on doit la sortir aussi des schèmes
généraux de pensée en matière de
sécurité pour en remettre davantage la responsabilité de
la conception aux parties impliquées dans l'industrie de la
construction.
On assisterait, si Dieu me prête vie, non pas à un virage
à gauche mais à un redressement de la ligne de pensée qui
a commencé au ministère du Travail lorsque la Loi des relations
de travail, dans l'industrie de la construction, a été faite.
Nous devrons, en même temps, surveiller, parce qu'on parle toujours de
sectoriel, la façon dont la loi évoluera en matière de
négociation dans les services publics soit au point de vue
législatif ou autrement pour que nous ne répétions pas,
dans des lois particulières sans les avoir soupesé au moins, les
erreurs qui pourraient avoir été commises soit par le bill 46
soit par d'autres bills de même nature. C'est tout un ensemble et je ne
vois pas pour demain la disparition des directions générales chez
nous, mais je vois un ajustement. Je vous assure qu'il y a deux ans, si nous
avions parlé à l'industrie des services automobiles de se
sectorialiser, elle nous aurait envoyés chez le diable. C'est clair dans
mon esprit. On aurait parlé à l'industrie des transports de se
sectorialiser qu'elle nous aurait dit: Non, vous êtes fous raide, il y a
deux ans.
Aujourd'hui, c'est avec enthousiasme qu'ils reçoivent la demande
du ministre de participer à l'élaboration d'une loi qui va
répondre à ce genre d'industrie. Je ne veux pas me vanter de
ça, c'est juste en passant, c'est un obiter. Mais à partir du
moment où nous sectorialisons dans ces coins, dans les industries
organisées, on arrivera peut-être bientôt au salaire
minimum. Il est possible que nous dussions sectorialiser aussi le salaire
minimum de façon que le minimum, qui est à $2.10 aujourd'hui
parce qu'il est général, subisse des variantes vers le haut,
compte tenu des capacités différentes des industries qui sont
assujetties au salaire minimum actuellement. Mais, avant, il subissait des
variantes vers le bas seulement. Aujourd'hui, je voudrais lui faire subir des
variantes vers le haut. Dans ce sens, je pense que la sectorialisation de mon
ministère implique des révisions profondes dans la Commission du
salaire minimum.
M. BURNS: C'est-à-dire sa disparition?
M. COURNOYER: C'est-à-dire son intégration aux
préoccupations ordinaires de mon ministère.
M. BURNS: En parlant du salaire minimum, est-ce que vous avez
c'est juste une parenthèse, je ne veux pas élaborer
là-dessus l'intention, lorsque viendra le moment de poser des
questions sur le salaire minimum, d'inviter la présidente de la
Commission à se joindre à vous?
M. COURNOYER: Vous pouvez toujours faire ça, mais...
M. BURNS: C'est parce qu'on a vu certaines coupures de journaux
où, semble-t-il, la présidente n'avait pas nécessairement
toujours les mêmes vues que le ministre ou vice versa!
M. COURNOYER: Dans les circonstances, étant donné que
c'est le ministre qui est responsable devant la commission parlementaire et que
les vues entre la présidente et le ministre peuvent-être
divergentes parfois, je ne vois pas comment vous pourriez rendre responsable
directement la présidente de venir faire des représentations
à votre commission.
M. BURNS: Je ne veux pas qu'elle vienne faire des
représentations; d'ailleurs c'est un
fonctionnaire comme tout le monde, mais plus important et avec un
"background" plus chargé. J'aimerais ça lui poser des questions,
si jamais elle venait nous rencontrer.
M. COURNOYER: Ce n'est pas mon intention...
M. BURNS: Ce n'est pas votre intention...
M. COURNOYER: C'est mon intention d'assumer totalement mes
responsabilités vis-à-vis de cet organisme.
M. BURNS: En tout cas, on y reviendra quant au salaire minimum.
M. BONNIER: M. le Président, est-ce que...
M. BURNS: Autre remarque sur le problème des centres de
main-d'oeuvre, parce qu'on joue autour, malgré que vous avez ouvert une
grande grande porte, en parlant de sectorialisa-tion et de votre
ministère et de certaines de ses activités. Avant qu'on quitte
complètement le domaine de la main-d'oeuvre, moi je ne suis pas encore
sûr que le ministre, actuellement, par ce qu'il nous dit, nous rassure
quant à l'efficacité de tous les jours de ces centres de
main-d'oeuvre et surtout nous rassure quant à l'utilisation que le
public puisse en faire...
M. COURNOYER: Je ne veux pas vous rassurer.
M. BURNS: Pardon?
M. COURNOYER: Je ne veux pas vous rassurer.
M. BURNS: J'aimerais ça que vous me rassuriez, parce...
M. COURNOYER: Je ne suis pas capable de vous rassurer.
M. BURNS: ... que, moi, je veux qu'ils fonctionnent, vos centres de
mâin-d'oeuvre.
M. COURNOYER: On ne forcera pas le monde à venir me voir...
M. BURNS: C'est ça que je suis en train d'essayer de vous dire.
Non seulement je ne veux pas que vous les forciez, mais je veux que vous les
convainquiez que c'est utile d'aller à vos centres de main-d'oeuvre. Ce
qu'on constate actuellement, c'est encore une fois ce maudit
phénomène de dédoublement des deux juridictions, le centre
de la main-d'oeuvre du Canada et le centre de la main-d'oeuvre du
Québec. Les employeurs n'ont pas confiance aux centres de main-d'oeuvre
du Québec.
M. COURNOYER: C'est ça.
M. BURNS: Le ministre le sait, je pense, vous l'avez avoué
à plusieurs reprises en toute candeur. Je ne vous blâme pas, vous
êtes réaliste. Ni les employeurs ni les syndicats n'ont confiance
et encore moins les individus. La plupart du temps ils se disent: Quand on va
là, c'est pour rien, strictement pour rien. Je me rappelle, quand
l'embauchage a commencé pour la baie James, il y avait des gens qui
venaient à nos bureaux, à mon bureau de comté en tout cas,
je ne sais pas si c'est le cas des autres; je m'étais informé
d'ailleurs auprès de votre chef de cabinet, M. Dorion, pour savoir ce
qu'on faisait alors. Où est-ce qu'on dirigeait nos gens qui voulaient
aller travailler à la baie James. M. Dorion, je pense, bien normalement,
m'avait dit: La meilleure place, envoie-les aux centres de main-d'oeuvre du
Québec. C'est ce qu'on fait, M. le Président, et, semble-t-il
c'était peut-être la meilleure façon de ne pas avoir une
"job" à la baie James, les envoyer là.
M. COURNOYER: Pourtant...
M. BURNS: Est-ce que, là-dessus, vous êtes en mesure de
nous prouver une certaine efficacité? Peut-être que cela a
changé depuis ce temps.
Je suis prêt à l'admettre. Si le ministre nous dit: Dans le
temps que tu l'as fait, c'était comme ça, mais maintenant ce
n'est plus comme ça, je suis bien prêt à dire que je
m'excuse, mais je vous parle peut-être d'une chose qui remonte à
sept ou huit mois.
M. COURNOYER: Bien moi, j'ai quelque chose qui remonte à ce midi.
Alors, cela ressemble un peu à ce que vous m'avez dit.
M. BURNS: Bon.
M. COURNOYER: C'est qu'on va s'enregistrer dans les centres de
main-d'oeuvre du Québec pour aller travailler à la baie James. La
politique avouée, annoncée par l'Hydro-Qué-bec, c'est
d'employer les gens par les centres de main-d'oeuvre du Québec. Je pense
bien que cela a été annoncé il y a deux ou trois semaines
par la Société d'énergie de la baie James. Ils sont en
train d'employer du monde. Ils embauchent du monde pour là-bas. Je ne
sais pas combien ils en embauchent. Mais quand vous avez des listes, des listes
et des listes de gens qui veulent aller travailler à la baie James, il
reste que cela doit être distribué à travers la province,
et cela n'a pas l'air de venir de partout. Ce que je veux dire, c'est qu'il
peut arriver que vous ayez 50 personnes d'enregistrées chez vous, au
centre de main-d'oeuvre de la région immédiatement environnante
et qu'il peut y en avoir 200 dans un autre centre de main-d'oeuvre. Et quand
l'officier de main-d'oeuvre ne fait que remplir, cela ne donne pas plus de
"jobs" à la baie James. S'il y a 1,000 personnes qui doivent
travailler à la baie James et que je dois aller les chercher dans
tous les centres de main-d'oeuvre du Québec, c'est bien sûr qu'il
y a une sélection qui va être faite par quelqu'un qui va dire:
Bien, on en prend deux de Baie-Saint-Paul, trois de la Gaspésie et dix
de Montréal ou de tel centre de main-d'oeuvre qui est situé
à Montréal, à Laval ou ailleurs. La province est
grande.
Cela donne l'impression que lorsqu'on ne veut pas avoir de "job", on va
au centre de main-d'oeuvre du Québec parce que le bassin, le
réservoir vers lequel il peut envoyer des gens reste limité pour
le moment au territoire de la baie James. C'est le seul employeur officiel qui,
par décision, a décidé de faire affaire avec les centres
de main-d'oeuvre.
Quant aux autres employeurs, c'est toujours ou la plupart du temps, M.
le député de Maisonneuve, dans l'industrie de la construction. Il
ne faut pas se leurrer, c'est la plupart du temps des endroits plus propices
à un emploi rapide et plus propices aussi à ce qu'il y ait des
employeurs qui en demandent. Cela a ses hauts et ses bas. Mais disons que c'est
dans l'industrie de la construction où c'est le plus propice au travail.
Je ne dis pas que cela devrait continuer à être comme ça,
mais je dis que c'est ça. Quand vous avez de la concurrence, ce n'est
pas avec les centres de main-d'oeuvre du Canada. Dans la construction; ce n'est
pas là que se trouve la compétition, mais beaucoup plus avec les
bureaux de placement syndicaux qu'avec les centres de main-d'oeuvre du Canada.
Ce n'est pas un aveu que je fais, c'est une constatation que tout le monde peut
faire de la façon dont il veut la faire.
Vous avez un plombier qui veut avoir un emploi. Il va aller d'abord voir
au bureau de son député, pensant que son député
contrôle la baie James. Il va le demander à son
député. Son député va le faire enregistrer au
centre de main-d'oeuvre. La Société d'énergie ou
l'employeur comme tel dit: Ecoute, j'ai une "job", mais je suis obligé
de passer par les bureaux de placement syndicaux. Tu l'as enregistré
là, mais c'est illusoire pour lui d'espérer qu'il va avoir une
"job" là quand la plupart des plombiers sont employés par le
local 144, dans la province de Québec, et ce n'est pas de la baie James
que je parle, mais de partout.
Alors, si vous êtes plombier, je n'invite personne à aller
au local 144. Je dis: Si vous allez au centre de main-d'oeuvre, vous allez
peut-être avoir un petit haut-le-coeur sur l'efficacité du centre
de main-d'oeuvre qui n'est pas là pour créer des "jobs". Il est
là pour recevoir des appels d'employeurs et faire la correspondance
entre un type qui veut un emploi et un employeur qui veut se genre de type. Si
l'employeur n'en demande pas à mon centre de main-d'oeuvre parce qu'il
en demande ailleurs et qu'il en obtient, celui qui vient chez nous se trouve
préjudicié par les circonstances.
Abolir les bureaux de placement syndicaux, ce serait un voeu pieux.
Aujourd'hui, en particulier, ce n'est pas le temps du tout de faire de tels
voeux. Pas dans la journée d'aujourd'hui; peut-être que demain on
pourra en faire...
M. BURNS: Pas plus demain, je pense.
M. COURNOYER: ... bien, pas plus demain.
M. BURNS: Dans les semaines qui viennent, on fait mieux de ne pas en
parler.
M. COURNOYER: On fait mieux de ne pas en parler de ça. De toute
façon, je ne dis pas qu'ils ne sont pas efficaces mais je dis: Pour le
moment, voulez-vous on va parler d'autre chose. Je suis bien prêt
à entreprendre la question, mais pas aujourd'hui.
Encore une fois, l'efficacité de nos centres de main-d'oeuvre du
Québec, l'expérience du placement des assistés sociaux en
prenant des officiers de main-d'oeuvre de nos centres et en les rapprochant des
bureaux d'aide sociale, cela nous a fait réaliser des choses que nous
n'aurions jamais espéré réaliser sans ce rapprochement qui
existe, à toutes fins utiles, entre l'assurance-chômage
fédérale et les centres de main-d'oeuvre du Canada. Cette
obligation, lorsque vous tombez en chômage, d'aller au centre de
main-d'oeuvre pour vous enregistrer pour avoir une "job", obligation qui est
peut-être même illusoire, c'est qu'aussitôt que c'est
enregistré à l'assurance-chômage, c'est déjà
enregistré dans les centres de main-d'oeuvre du Canada.
Nous, nous avions et nous avons encore nos assistés sociaux qui
sont à la recherche d'emplois, très souvent, après avoir
connu l'échec de l'assurance-chômage; ils sont tombés sur
l'assistance sociale, le "treatment" qu'on a déjà décrit,
et là, il n'y a pas de contact entre notre organisme de placement, parce
que c'est encore notre organisme de placement, au gouvernement du
Québec, et la source d'information, qui est le bureau d'aide sociale.
Immédiatement, lorsque nous avons mis en contact physique,
aussitôt qu'on a mis en contact, dans un endroit précis, un
officier d'aide sociale et un agent de main-d'oeuvre, ils ont pu
réaliser le contact nécessaire pour placer un assisté
social.
C'est là que l'expérience dans le placement
spécialisé nous indique que c'est notre voie maintenant, c'est la
voie qu'on doit prendre. Je ne dis pas qu'on ne se trompera pas encore
là, M. le Président, mais pour le moment, il nous semble que
c'est la voie qu'on doit prendre. Si nous allons maintenant dans la
sectorialisation dont je parlais tantôt, et qu'une industrie est
chargée de la formation, est chargée également de la
qualification, est-ce qu'il n'est pas à espérer que le placement
se fasse par cette industrie, qui connaît le besoin quantitatif
établi au départ et le besoin qualitatif, qui a établi un
apprentissage et des cours de formation en fonction de ces besoin?
Nous avons participé à la sélection des individus
qui y viendraient, qui participeraient à ce plan de formation. Et vous
avez le terminus
où vous avez un gars formé, conformément aux
besoins de l'industrie. Son terminus est pris par l'industrie, qui
l'amène jusqu'à sa conclusion logique: As-tu une "job" ou si tu
n'en as pas?
Si l'industrie a participé non pas comme consultant mais comme
pouvoir de décision dans l'établissement de ses besoins, et si
nous avons participé en protégeant les droits individuels
à la sélection des individus qui suivent des cours de formation
professionnelle, par exemple dans l'industrie de la construction, il n'est
qu'à espérer que le terminus comporte aussi et davantage que ce
qu'il comporte actuellement: le placement.
Mais le placement ne devient pas essentiel. Il devient l'accident
nécessaire d'un système de formation professionnelle, si vous
comprenez ce que je veux dire. Alors, comme le système n'est pas fait
comme cela aujourd'hui mais qu'on espère qu'il va être fait comme
cela dans l'industrie de la construction, que personnellement j'espère
qu'il va être fait comme cela dans les services automobiles, que
personnellement j'espère qu'il va être fait comme cela dans
l'industrie du transport et que ceci nous indiquerait une tendance des
prochaines lois, si nous réussissons à adopter ces
deux-là, les deux nouvelles dont je parle, à partir de là,
on peut penser que le placement deviendrait un instrument de travail de
l'industrie et qu'en conséquence, c'est à l'industrie d'abord
qu'on ferait appel pour le placement.
M. BURNS: Mais là, M. le ministre, est-ce qu'on ne tourne pas
toujours autour du même pot, dans le fond? Quelle que soit la formule que
vous envisagez, centres de main-d'oeuvre avec spécialisation selon le
type d'industries, etc., et regroupement de tout ce qui se passe au
ministère dans ce type d'industries, est-ce qu'on n'évite pas,
dans le fond, de poser la vraie question, à savoir pour que vos centres
de main-d'oeuvre deviennent efficaces je vous rappelle les paroles que
je vous citais au début, ce matin, les paroles que vous aviez
prononcées en mai 1971 est-ce qu'il ne s'agit pas, pour augmenter
l'efficacité des centres de main-d'oeuvre du Québec, de
convaincre les centres de main-d'oeuvre ou, en fait...
M. COURNOYER: Les autorités fédérales.
M. BURNS: ... les autorités fédérales que les
centres de main-d'oeuvre du Canada sortent du secteur, quel que soit le
secteur, quel que soit le type d'entreprises?
Le jour où vous avez une espèce de dualité
d'endroits où les employeurs s'adressent, où vous avez une
dualité d'endroits où les informations s'accumulent, où
vous avez une dualité d'endroits où les travailleurs en
chômage s'adressent pour obtenir un emploi, nécessairement vous
avez un manque de cohésion.
Vous n'avez d'abord surtout pas un inventaire complet de la
main-d'oeuvre nécessaire, des postes vacants. Si vous compliquez
ça, par exemple, avec les bureaux de placement syndicaux dans un domaine
particulier, celui de la construction, qui dans le fond mettent une
béquille à vos centres... Ce n'est pas votre faute, je l'admets;
c'est une question de fait qui existe. C'est bien plus historique qu'autre
chose; c'est historique et c'est intéressé à part cela, je
pense bien. Mis à part le phénomène de la construction, si
on veut véritablement faire un travail valable dans le domaine de la
main-d'oeuvre, avec tout ce que cela comporte; sélection, recyclage,
réorganisation du secteur au point de vue du type de main-d'oeuvre,
quantitatif comme qualitatif, est-ce qu'il ne faut pas, M. le ministre, que
vous disiez, une fois pour toutes, aux centres de main-d'oeuvre du Canada, par
l'entremise des autorités fédérales: Sortez donc de
là et laissez-moi donc faire ma "job"?
M. COURNOYER: J'aimerais pouvoir dire ça, mais les
difficultés que ça cause au moins temporairement et
peut-être à très long terme, c'est que je
détruirais, si le gouvernement fédéral acceptait, bien
sûr ce n'est pas moi qui détruirais, mais ce serait eux
quelque chose qui est jugé efficace par tout le monde pour le
remplacer par quelque chose qui est jugé inefficace par tout le monde.
Peut-être qu'après une certaine période de rodage je
deviendrais fort, moi aussi, mais, entre-temps, aujourd'hui, je ne peux pas me
permettre de dire: Vous sortez, parce que je n'ai pas ce qu'il faut pour les
remplacer.
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela pourrait se faire graduellement.
M. COURNOYER: C'est juste une question de sortir la Direction
générale de la main-d'oeuvre de la formation professionnelle dans
l'industrie de la construction. Graduellement, ça ne peut pas se faire.
On le fait tout d'un coup ou on ne fait rien du tout.
M. BURNS: Oui mais c'est cela qui...
M. COURNOYER: Vous auriez les mêmes individus sous la même
juridiction ministérielle.
M. BURNS: C'est cela, M. le ministre, le cercle vicieux. Actuellement,
si ce n'est pas efficace, n'est-ce pas justement parce que vous êtes en
concurrence?
M. COURNOYER: Oui.
M. BURNS: A moins que vous ne me disiez que ce n'est pas raisonnable de
penser que c'est le Québec qui devrait avoir la politique
définitive sur la main-d'oeuvre?
M. COURNOYER: Je n'ai jamais dit cela, M. le Président. Ce que je
dis, c'est que nous faisons des pas cette année, bien sûr,
à l'inté-
rieur du système fédéral dont nous ne sommes pas
sortis, qui vont nous permettre à nous de jouer davantage notre
rôle, même si c'est un rôle prêté, je le dis en
toute sincérité, et peut-être de nous préparer
davantage à faire face à de nouvelles responsabilités en
matière de main-d'oeuvre. Mais, si jamais le gouvernement
fédéral avait dit oui à ma demande d'il y a deux ans, les
premiers qui seraient venus se plaindre de l'inefficacité, qui s'en
plaindraient encore aujourd'hui... Le recrutement de la main-d'oeuvre
spécialisée dont il est question, savez-vous que ce n'est pas
aussi simple que ça en a l'air. C'est bien beau de demander. Je demande
des inspecteurs électriciens; il faudrait quasiment que ce soient des
ingénieurs, et je n'en trouve pas dans la province de Québec. Ce
peut-être des agents de main-d'oeuvre. Si on demandait, par exemple, que
nos bureaux de main-d'oeuvre changent totalement leur attitude, que ce ne soit
pas seulement du placement, parce que ce n'est pas censé être
seulement du placement en définitive dans un bureau de main-d'oeuvre. Il
devrait y avoir un orienteur professionnel, il devrait peut-être y avoir
un psychologue, un travailleur social qui aideraient les travailleurs.
Nos bureaux ne sont pas constitués de la sorte et, si je
décidais de le faire demain matin, les budgets qui devraient être
investis là-dedans seraient énormes. Peut-être que, lorsque
j'aurais investi les budgets nécessaires là-dedans, la
concurrence entre les deux arrêterait ou serait de force égale et,
là, les employeurs viendraient me voir parce que je serais efficace
comme l'autre et les employés seraient heureux de venir me voir parce
que je serais efficace comme l'autre.
Mais, avant d'être efficace comme eux, est-ce que l'on doit
détruire le système actuel quand il est jugé par tous les
travailleurs que je connais plus efficace que le mien, compte tenu des
circonstances? Un instant, je peux viser la même chose que je visais il y
a deux ans et il y a trois ans, c'est qu'il doit y avoir un réseau de
main-d'oeuvre au Québec. Je peux encore le viser, mais les
méthodes que je choisis pour y arriver peuvent être
différentes de la concurrence entre mes bureaux de main-d'oeuvre, les
bureaux de Québec, et les bureaux du gouvernement fédéral.
Ce que je voudrais, ce serait que mes bureaux s'occupent actuellement du
placement spécialisé, parce que je pense qu'il y a là une
carence immédiate à remplir. C'est ce que me disent mes
officiers. Il y a une carence immédiate à remplir que le bureau
fédéral ne remplit pas et ne peut pas remplir compte tenu du fait
qu'il est déjà occupé à placer les gens qui
viennent de l'assurance-chômage.
Le placement spécialisé dont je parle, c'est le placement
des étudiants qui ont fini leur cours terminal. C'est déjà
beaucoup; on a une expérience à Chicoutimi, où, à
l'Université du Québec, il y a un centre de main-d'oeuvre du
Québec, à l'université même, qui, semble-t-il, a un
degré d'efficacité correspondant à la proxi- mité
dans laquelle il est de sa clientèle et correspondant aussi au fait
qu'il vit dans le milieu, qu'il connaît la qualité des individus.
Il éduque pratiquement toute la région d'Arvida, de Chicoutimi,
toute la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. H incite ceux qui ont besoin
de diplômés à venir à ce bureau qui est situé
dans l'Université du Québec. Mais on n'en a pas à
l'Université de Montréal, que je sache. Est-ce que'on en a
à l'Université de Sherbrooke? La seule place où on en a un
dans une université, c'est Laval, à Laval même.
Maintenant, il y a beaucoup d'étudiants de CEGEP où
apparemment...
M. BURNS: Le centre de main-d'oeuvre du Canada en a un à
l'Université de Montréal.
M. COURNOYER: Oui, oui, je le sais, je suis au courant. Disons que ce
que j'essaie de dire, c'est où nous en avons. Mais si je
spécialise immédiatement mes centres de main-d'oeuvre avec les
mêmes effectifs ou autrement je ne parle pas des mêmes
individus si on se dirige vers une spécialisation du placement
chez nous, je vais peut-être requérir du ministère de
l'Education de me laisser occuper des bureaux dans les CEGEP aussi et
formellement.
M. BURNS: Pourquoi pas?
M. COURNOYER : Je ne vois pas pourquoi il n'y en aurait pas. Je
spécialiserais mon placement dans ce domaine et j'occuperais un champ
d'activité qui est beaucoup plus propice étant donné qu'il
ne s'agit pas de connexion avec l'assurance-chômage, puisque les
étudiants ne sont pas sur l'assurance-chômage. Je l'occuperais
d'abord, celui-là. Après coup, prenons les deux ou trois projets
qui sont en voie. Le placement spécialisé de camionneurs, par
exemple, pourrait être fait par l'industrie du camionnage, qui serait
elle-même maîtresse de la formation et de la qualification. Le
placement spécialisé des travailleurs dans l'industrie de
l'automobile, les services automobiles serait fait par l'industrie qui les a
formés ou qui a contribué à les former. Il faut partir de
là; c'est une méthode différente d'occuper la juridiction
du placement. Mais nous occupons la juridiction du placement et nous pouvons
être plus efficaces parce que ça fait partie d'un grand tout
à l'intérieur d'un secteur industriel qui a établi ses
besoins quantitatifs et qualitatifs, qui a participé à remplir
ses propres besoins. Et le terminus au bout, que voulez-vous, c'est un homme
formé par l'industrie qui sort de là. L'industrie, la
première chose, c'est qu'il doit remplir les besoins qu'elle avait
établis elle-même auparavant; il a donc un emploi le lendemain.
Pourquoi irait-il ailleurs? Comme, aujourd'hui, pourquoi forcerais-je, tant
qu'il existe des bureaux de main-d'oeuvre fédéraux, un individu
à aller à deux places? Pourquoi le forcer à aller au
centre de main-d'oeuvre du
Québec quand il est déjà tenu par la loi
fédérale d'assurance-chômage d'aller au centre de
main-d'oeuvre du Canada? Pourquoi lui dirais-je: Ecoute, tu vas venir à
deux places? De toute façon, s'il a un employeur à trouver, il y
a deux sources; le centre de main-d'oeuvre du Canada cherche des employeurs, il
fait de la prospection d'emploi; nous, il faudrait aussi faire de la
prospection d'emploi. Il faudrait donc, au lieu d'avoir un individu dans le
bureau de la main-d'oeuvre de telle place dans la province, en avoir trois ou
quatre qui vont faire de la prospection d'emploi. Aujourd'hui, quand un
individu va dans le bureau, il n'y a qu'un homme là-dedans et il remplit
des formules. Il ne fait que remplir des formules; quand le gars a fini de
travailler à quatre heures et demie, quand même il partirait pour
la gloire, les bureaux des compagnies sont fermés, il ne peut pas faire
de prospection d'emploi. Il ne fera pas de prospection d'emploi; il attend que
le téléphone sonne des deux côtés. Si le
téléphone ne sonne pas du côté des employeurs, il a
toujours ses gars qui veulent travailler, qui sont venus le voir,
envoyés par le député du comté, à
l'instigation du ministre ou du cabinet du ministre, mais s'il n'y a pas
d'employeur qui appelle; qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait rien, il attend. On
dit: Si vous ne voulez pas avoir de job, allez au centre de main-d'oeuvre du
Québec et, parce qu'on ne peut pas avoir de job au centre de
main-d'oeuvre du Québec, le cercle vicieux existe là aussi. Plus
tu es efficace dans cette affaire-là, plus tu deviens en demande et tu
ne sais pas lequel des deux a commencé, lequel est la poule et lequel
est l'oeuf.
A partir de là, je pense que la façon dont nous
envisageons la solution sectorialisée, si nous réussissons avec
l'industrie je dis toujours avec, je ne leur imposerai pas une loi
à ce moment-ci, quoiqu'ils ont tous semblé extrêmement
disposés à faire cela nous allons occuper ce champ
différemment, mais nous allons l'occuper, le champ du placement.
M. BURNS: Pendant qu'on est dans le domaine du placement
spécialisé je soulève cette question
immédiatement, parce que je vais être obligé de m'absenter
pour la commission de l'éducation, pour quelques instants je m'en
voudrais de ne pas vous parler d'un groupe qui, lui, ne relève pas de
votre ministère et qui aide beaucoup à vos centres de
main-d'oeuvre. Vous vous doutiez que c'étaient les Partenaires
Associés qui ont pignon sur rue dans le comté de Maisonneuve.
M. COURNOYER: Le plus beau comté de la province, après le
mien, puis après le tien, puis après le sien.
M. BURNS: C'est ce que je pense. C'est ce que probablement chaque
député pense de son comté. Mais là-dessus, pour
résumer simplement, je sais que le ministre est pas mal au courant de ce
que font les Partenaires Associés. C'est un organisme sans but lucratif,
indépendant et qui s'occupe d'un type particulier de main-d'oeuvre
à placer, c'est-à-dire les 45 ans et plus, disons en
général les 45 ans à 65 ans. Le ministre sait fort bien
je pense qu'à plusieurs reprises les Partenaires Associés
ont communiqué avec lui que, depuis 1970 qu'ils existent, ils ont
démontré une certaine efficacité dans ce type
particulièrement difficile de main-d'oeuvre à placer. De plus en
plus, le gars qui a 45 ans et plus a de la misère à se trouver
une "job". Au mois de janvier dernier, par exemple, M. Gauthier qui est le
président, le directeur général des Partenaires
Associés, annonçait que, depuis 1970, au-delà de 4,500
personnes avaient été placées par l'entremise de leurs
services et, ce qui est assez étonnant, de façon permanente. Ce
n'étaient pas juste des "jobbines" de passage, une espèce d'envoi
de lettre pressant où on engage des gens pour deux ou trois semaines ou
bien pour fabriquer des stylos, mais c'était des emplois constants.
Depuis leur existence, moi j'ai été
régulièrement en contact avec eux. J'ai été
à même de vérifier l'efficacité de leur boulot, sauf
qu'ils ont toujours régulièrement le même problème,
c'est leur survie financière. Moi, mon raisonnement est bien simple
là-dedans. Je me dis: Ils font quelque chose actuellement que ni le
centre de main-d'oeuvre du Canada, ni les centres de main-d'oeuvre du
Québec ne font, c'est-à-dire s'occuper de cette main-d'oeuvre
particulièrement défavorisée, si je peux dire. Le gars qui
perd sa "job" à 48 ans, il a bien de la misère à s'en
trouver une autre.
Il peut encore être bien utile dans d'autres domaines que ceux
dans lesquels il a toujours été habitué à
travailler. Par exemple, on parlait du travailleur de la construction. Il est
possible que rhumatismes et lumbago aidant, le travailleur de la construction
n'ait pas le temps de se rendre à sa retraite normalement fixée,
puis qu'il doive quitter ce domaine particulièrement difficile sur le
plan physique.
Or, qu'est-ce qui arrive à ce travailleur? S'il connaît
l'existence des Partenaires Associés, il va s'adresser là.
Moyennant une cotisation qui est minime je pense que c'est une affaire
comme $2 ou $3 par mois il devient membre des Partenaires
Associés, puis les Partenaires Associés essaient de lui trouver
un emploi. Le ministre va comprendre un phénomène bien naturel
qui arrive, c'est que le gars, une fois qu'il s'est fait placer, par hasard, il
oublie d'envoyer ses cotisations, de sorte que le financement de cet
organisme-là est toujours un problème: c'est un cercle
vicieux.
Je demande au ministre, malgré qu'il n'a pas un budget absolument
fantasmagorique, s'il a dans son budget des sommes pour subventionner des
organismes comme celui-là et en particulier les Partenaires
Associés. Je sais que déjà le gouvernement du
Québec l'a fait à
une occasion. C'est le premier ministre qui avait, à grand
renfort de publicité, envahi le comté de Maisonneuve pour venir
remettre un beau chèque de quelque $2,000 ou $4,000, je ne me souviens
pas, aux Partenaires Associés. Cela c'était fait à une
époque particulièrement critique de la vie de cet organisme.
Mais, sans être obligé de quémander d'année
en année pour ce groupe, est-ce qu'il y a quelque chose qui est
envisagé à long terme pour aider ce genre d'organisme il y
en a peut-être d'autres, mais moi, c'est le seul que je connaisse
actuellement qui justement rend des services au Québec? Des gens
qu'on dirige à des emplois, lorsqu'ils ont au-delà de 45 ans,
c'est du monde qu'on enlève au bien-être social. Il faut
l'envisager strictement sur ce plan-là aussi.
M. COURNOYER: Disons, M. le Président, que pour les Partenaires
Associés, la première intervention a, bien sûr,
été une intervention du premier ministre, comme vous l'avez dit
tantôt, et comme complément à cela, comme ministre du
Travail, j'avais donné l'ordre cela s'était fait,
d'ailleurs de payer un salaire, à titre d'employés
occasionnels, à un certain nombre d'individus qui travaillaient pour M.
Gauthier. Je pense que c'était une question de salaire, à
l'époque, et j'avais utilisé la technique de l'emploi
occasionnel, même si je ne les voyais pas tous les jours, pour financer
cette association des Partenaires Associés. Je me rappelle qu'on ne peut
pas demander d'argent pour placer, en vertu de la Loi des bureaux de placement,
c'est défendu d'exiger quel que montant que ce soit.
M. BURNS: C'est-à-dire qu'ils demandent aux jeunes de devenir
membres, tout simplement.
M. COURNOYER: C'est la même chose que d'autres endroits où
on est obligé de devenir membres et où on découvre,
après...
M. BURNS: Si vous leur dites: Ne prenez pas de cotisations, et nous
autres, on va vous assurer votre survie financière...
M. COURNOYER: Disons qu'il y a la question du permis.
M. BURNS: ... je pense qu'ils vont être bien heureux.
M. COURNOYER: II y a la question du permis qui ne peut pas être
octroyé à moins qu'ils ne demandent pas d'argent. C'est une
question à part. Cette année, mes fonctionnaires me disaient de
ne pas financer cela pour une foule de raisons que je n'ai pas à la
mémoire; par ailleurs, j'ai donné instructions de le financer
quand même. Ce n'est pas parce que mes fonctionnaires n'avaient pas
raison; ils avaient probablement raison, eux autres.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je peux penser à autre chose, en
souriant.
M. COURNOYER: En fait, j'ai demandé quand même qu'on le
finance. On s'est inspiré des accords de reclassement; on fait des
accords de reclassement un peu partout. On arrive à une entreprise qui a
des mises à pied; on s'est inspiré de cette chose, un accord de
reclassement avec les Partenaires Associés, pour leur donner $30,000.
Ils ont refusé de signer l'accord et on me l'apprend à l'instant.
Ils ont refusé de signer l'accord, les Partenaires Associés, et
j'aimerais savoir pourquoi. Pour le moment, je ne le sais pas. C'était
un accord de financement.
M. BURNS: C'était probablement les conditions que vous posiez
à l'accord de financement.
M. COURNOYER: Ce sont des conditions qu'on pose, j'imagine, comme dans
tous les autres accords de reclassement, comme on a une certaine participation
et une certaine surveillance de ce qui se passe avec l'argent de la population.
On ne sait pas, nous autres, ce qui se passe aux Partenaires Associés.
Il y a une forme de contrôle qu'on ne voudrait pas éviter et que
personne ne voudrait que nous évitions. A partir de là, je pense
que vous connaissez M. Gauthier; voilà un type d'homme fonceur et qui
n'aime pas qu'on lui fasse des observations...
M. BURNS: Qu'on lui dicte sa ligne de conduite.
M. COURNOYER: Voilà. Vous connaissez aussi les politiques
gouvernementales; c'est que tout le monde dicte à tout le monde. Quand
on arrive quelque part...
M. BURNS: A un point tel qu'il n'y a plus personne qui sait qui
mène.
M. COURNOYER: C'est très simple. Comme cela, il n'y a personne
qui est réellement responsable sauf le ministre.
M. BURNS: Quand on est en maudit, on ne sait pas quel derrière
botter. C'est cela, le problème.
M. COURNOYER: C'est cela, mais vous avez habituellement un bon
derrière à trouver chez le ministre, c'est-à-dire que vous
êtes correct.
M. BURNS: C'est notre seul.
M. COURNOYER: C'est le seul qui existe.
M. BONNIER: M. le Président, je voudrais juste...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Taschereau.
M. COURNOYER: En tout cas, je ne peux pas dire pourquoi, mais selon les
informations de mes fonctionnaires, on a demandé qu'ils soumettent un
budget et ils ont refusé ou ils auraient refusé de soumettre un
budget. Je ne veux pas non plus dire qu'ils n'en auront jamais, mais je veux au
moins voir pourquoi ils refusent de soumettre un budget. C'est de l'argent
public et il me semble que c'est...
M. BURNS: Le dossier n'est pas fermé, là-dessus?
M. COURNOYER: Moi, je ne considère pas le dossier fermé.
J'ai refait, je pense, l'invitation à M. Gauthier d'entrer en contact
avec les officiers de mon ministère et de dire ce qu'il veut. Nous, on a
fait une offre conformément aux lois que nous administrons. Pour
accepter cette offre, il faut qu'il y ait un budget. S'il ne veut pas faire de
budget, c'est bien dommage. Mais les $30,000, qu'est-ce qu'il fait avec? Il
fait du placement, bien sûr, il en fait avec $30,000, mais moi aussi je
peux en partir une association, demain matin, et dire au gouvernement:
Donnez-moi cela et je vais faire ce que je veux avec, je vais être plus
efficace que vous autres. C'est bien beau d'être plus efficace que nous
autres, mais la réponse à donner à la commission
parlementaire, c'est le ministre qui la donne.
J'ai donné $30,000 aux Partenaires Associés. Je peux bien
en avoir donné $30,000, demain matin, à un autre individu et
à un autre groupe d'individus et vous ne les aimerez pas autant que les
Partenaires Associés et vous allez peut-être me disputer parce que
je vais avoir donné $30,000 à ceux-là ou même
$20,000, $10,000 et même $5,000. A partir de là, il y a la
question que le ministre peut intervenir. J'ai demandé à mes
fonctionnaires de le faire. Ils ont offert un accord de reclassement à
M. Gauthier, mais M. Gauthier aurait, semble-t-il, refusé de
présenter un budget. Ce n'est pas fermé et si vous le connaissez
bien, vous, vous pourriez lui expliquer que présenter un budget au
gouvernement, ce sont des affaires qui se changent, avec autorisation, bien
sûr, et que si jamais il y avait des nouvelles circonstances, il n'a
qu'à me dire qu'on est obligé de changer pour des nouvelles
circonstances par un autre truchement budgétaire. Là, je me
présenterai devant l'Assemblée nationale et je demanderai des
crédits additionnels.
M. BURNS: Remarquez que je n'ai pas l'intention j'espère
que le ministre comprend bien le sens de mon intervention qui n'est pas un
plaidoyer pro domo...
M. COURNOYER: Non.
M. BURNS: Ce n'est pas pour défendre le...
M. COURNOYER: Cela dépasse et de beaucoup le comté de
Maisonneuve.
M. BURNS: II arrive que ce soit dans le comté de Maisonneuve et
il arrive que j'aie pris connaissance de leurs difficultés, ce qui
vraiment m'intéresse. Remarquez que s'ils m'avaient approché, ces
gens, qu'ils avaient été dans le comté de
Taschereau...
M. COURNOYER: De Mercier.
M. BURNS: ... dans le comté de Robert-Baldwin, peut-être
que je n'aurais pas eu à argumenter longtemps, mais j'aurais
défendu leur cause autant, sachant...
M. COURNOYER: Le monde chez nous, ils sont placés.
M. BURNS: ... le rôle utile que ces gens jouent, parce que c'est
cette espèce de vacuum de main-d'oeuvre au point de vue du placement qui
n'est pas touchée actuellement ou en tout cas qui l'est tellement peu,
parce que c'est le genre de main-d'oeuvre qui est difficile à placer.
C'est uniquement dans ce sens que je fais ces remarques.
M. COURNOYER: Puis je les prends en bonne considération. Mais,
encore une fois, ce n'est pas un refus du ministre, même pas un refus
motivé. Si les Partenaires veulent se plier àa ce genre
d'opérations auxquelles tous nos fonctionnaires sont obligés de
se plier de notre côté, à partir de là je ne ferai
pas des fonctionnaires chez les Partenaires Associés, mais je m'attends
à ce qu'ils répondent aux mêmes critères que
d'autres personnes qui demandent de l'argent au ministère.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de
Taschereau.
M. BONNIER: Je ne voudrais pas allonger le débat sur la formation
professionnelle, mais cela m'a drôlement intéressé ce que
le ministre a expliqué par rapport à la reformulation de tout ce
programme de formation. Je me demande si par ce cheminement, il pense
résoudre le problème des jeunes techniciens qui arrivent sur le
marché du travail et qui ont effectivement de la difficulté
à trouver de l'emploi, parce que les employeurs trouvent qu'ils ne sont
pas suffisamment formés en regard de l'industrie elle-même.
M. COURNOYER: Cela dépend desquels. Il y a les deux sections.
Vous avez la formation professionnelle dans le système scolaire,
à laquelle nous participons très peu, sinon pas du tout. Dans le
système scolaire, l'enseignement terminal dans une école
polyvalente où on va apprendre un métier ou encore l'enseignement
professionnel des CEGEP, nous n'y participons pas au ministère du
Travail.
M. BONNIER: Justement, M. le ministre, ce
serait ma question. Est-ce que dans votre perspective il y aurait lieu
d'aller jusque là?
M. COURNOYER: A moins que le ministère de l'Education
décide lui-même et de lui-même de modifier son approche
à la formation professionnelle des jeunes... Moi, je parle toujours de
la formation professionnelle des adultes. Et comme nous formons des adultes,
notre approche à nous, c'est de les former pour travailler tandis que
tant et aussi longtemps que vous êtes dans le système scolaire,
vous obéissez à la philosophie générale du
système scolaire qui dit: Vous devez venir ici pour apprendre à
apprendre. Même si on arrive dans l'enseignement professionnel, la
même philosophie déteint un peu partout. Bien sûr que si
nous faisions un succès dans la formation professionnelle des adultes
par un programme dirigé de la façon dont j'ai parlé
tantôt, les jeunes qui sortent du système scolaire
québécois auraient encore plus de difficulté à se
placer, parce qu'il y aurait un réservoir de main-d'oeuvre formée
pour les besoins de l'industrie et formée par l'industrie. A partir du
moment où ils auront plus de difficulté à se placer
ce n'est pas du bluff qu'on fait là encore plus de
difficulté à se placer qu'aujourd'hui, il y a quelqu'un qui devra
un jour ou l'autre réviser la formation professionnelle du
système d'enseignement ordinaire. Ce n'est pas à moi de le faire.
Cependant, il faudrait que j'aie fait un succès dans l'autre domaine
pour dire à l'autre ministre ou à l'autre ministère:
Otez-vous qu'on se mette.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Une question additionnelle, le
député de Saint-François.
M. DEZIEL: M. le ministre, je comprends très bien la question de
mon collègue de Taschereau. Ce qui arrive, c'est qu'avec les centres
d'apprentissage qui existaient antérieurement excusez-moi si je
reviens là-dessus la formule était parfaite.
Moi-même, j'ai été commissaire à la Commission
d'apprentissage pendant onze ans et président de la commission. Lorsque
j'y suis arrivé, j'ai ouvert ce qu'on appelle la classe
d'électricité en tant que représentant de la Corporation
des maîtres électriciens.
Je peux vous dire que, par le truchement d'un agent de relations
publiques qu'on avait en fonction, un seul homme, pendant onze ans, j'ai
conservé une moyenne de placement de 97.1 p.c, des gars qui restaient en
place, des gars qui ont fait le métier. Ils sont quelqu'un aujourd'hui
et plusieurs sont entrepreneurs. C'est pour cela qu'au moment où on a
aboli cette formule j'ai été réellement peiné.
Maintenant, j'avais une autre question. Mais je crois que ce n'est pas
à mon tour. Je reviendrai.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie
avait demandé la parole.
M. MALEPART: M. le Président, c'est au sujet des Partenaires
Associés. Est-ce que, dans l'accord, il était fait mention de les
empêcher de percevoir une cotisation de leurs membres?
M. COURNOYER: Oui. Ils avaient encore une petite permission de le faire,
mais elle a été affaiblie un peu.
Juste pour aller plus loin dans la réponse à la question
du député de Taschereau, de notre côté, au
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, une plus grande tranche de
la somme fantastique d'à peu près $60 millions ou $75 millions
qui sont là devrait être dépensée pour la formation
en industrie. Voilà une discussion que nous avons avec le
ministère de l'Education. Cela ne marche pas aussi bien qu'on voudrait.
Pour le ministère de l'Education, c'est en institution qu'on doit aller.
Pour le ministère du Travail, la meilleure place pour former, c'est dans
l'industrie. Que ce soit l'aide à l'industrie pour la formation
professionnelle ou l'aide à l'individu qui est en apprentissage, pour
nous, on dit: Le complément nécessaire de formation en
institution n'est qu'un complément de la formation en industrie et non
pas la formation en industrie, le complément de la formation en
institution.
On tend donc, de notre côté, au ministère du
Travail, à augmenter les montants d'argent pour la formation en
industrie quand, du côté du ministère de l'Education, on
tend à augmenter les montants d'argent pour la formation en institution.
Alors, la chicane n'est pas prise bien fort, mais on est sur le point de ne
plus se parler.
M. BONNIER: Le gars au bout de la ligne, on le reçoit et on le
rencontre dans des groupements. Lui a des besoins spécifiques.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Quand vous parlez de placement
spécialisé, est-ce que vous pensez il me semble que cela
pourrait être normal au placement des étudiants en
vacances?
M. COURNOYER: Là, on parle davantage du placement des
étudiants qui ont fini leur cours que du placement des étudiants
en vacances.
M. BEDARD (Chicoutimi): Dans l'esprit du ministère, est-ce que
vous pensez que ce ne serait pas une bonne chose?
M. COURNOYER: Ah! Disons que je trouve cela prématuré de
porter un jugement là-dessus, étant donné qu'il s'agit
d'une opération qui est essentiellement temporaire et qui existe tous
les ans. Pour ma part, je me préoccupe beaucoup plus d'un placement
per-
manent que d'un placement occasionnel, comme le placement des
étudiants.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est temporaire...
M. COURNOYER: C'est-à-dire que c'est un placement temporaire.
M. BEDARD (Chicoutimi): ... et politique.
M. COURNOYER: Alors, j'aimerais mieux... Pardon?
M. BEDARD (Chicoutimi): Temporaire et politique, quoi?
M. COURNOYER: Je ne le sais pas! Est-ce qu'il y a des gens qui n'ont pas
été placés dans les comtés péquistes ou dans
les autres comtés? Je ne vois pas ça. Je n'ai jamais posé
de question pour savoir si nous employons ou non des péquistes. Je ne le
sais pas. Il y en a probablement quelques-uns, des péquistes. La preuve,
vous en représentez un petit groupe.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.
M. COURNOYER: Alors, je n'ai pas posé la question à tout
le monde.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si je prends le cas de Chicoutimi, il y a au
moins 1,300 demandes et il y a des possibilités très
limitées de placement.
M. COURNOYER: Maintenant, 1,300 demandes, est-ce que ce sont seulement
des péquistes?
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non! Je n'ai jamais fait de distinction,
pour quelqu'un qui doit travailler, de ses allégeances, qu'elles soient
politiques ou autres.
M. COURNOYER: Tant qu'ils vont vouloir travailler, il n'y a pas
tellement de problèmes. Maintenant, l'Opération
placement-étudiant, pour ma part, cela s'est déjà fait par
les centres de main-d'oeuvre du Québec. Cela s'est fait une fois. Il y
avait une collaboration. Vous savez, dans chacune des maisons ou des boutiques
que vous avez dans les centres de main-d'oeuvre, ce sont des hommes. Et
où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Si tu changes de patron, tu
changes de patronage. Entre le patronage d'un fonctionnaire ou le patronage
d'un député, pour autant que je suis concerné...
M. BEDARD (Chicoutimi): Dans le placement étudiant.
M. COURNOYER: ... j'aime autant que ce soit le patronage d'un
député, parce que je suis député moi-même.
Mais il n'y a pas de problème et il ne s'agit pas, non plus,
d'allégeance politique. Il s'agit de patronage.
M. HARVEY (Charlesbourg): II y a une certaine stabilité chez
vous.
M. COURNOYER: Parce que pour un homme... Pardon?
M. HARVEY (Charlesbourg): II y a une certaine stabilité à
votre ministère.
M. COURNOYER: A mon ministère, au point de vue patronage, oui. Je
ne dis pas que je fais du patronage chez nous; je ne dis pas qu'il ne s'en fait
pas, non plus.
M. BEDARD (Chicoutimi): Tu fais de la sélection, c'est
normal.
M. COURNOYER: Non. Enfin, ceux qui travaillent dans mon entourage
immédiat, je ne veux pas leur voir la face s'ils ne m'aiment pas.
M. HARVEY (Charlesbourg): Cela va de soi.
M. COURNOYER: Je ne veux pas leur demander s'ils m'aiment non plus, il y
en a de belles!
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez parlé, il y a quelques minutes
déjà, de la Société d'énergie de la baie
James.
M. COURNOYER: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-il exact que les relations du
ministère ou du ministre sont pour ainsi dire très difficiles
avec la Société d'énergie de la baie James et
qu'effectivement, même au niveau de la correspondance, c'est très
difficile d'avoir des réponses du ministère et du ministre?
Remarquez que je n'affirme pas, je demande. Il semblerait que le ministre ou le
ministère se ferait un point d'honneur d'avoir le moins de rencontres
possibles avec les membres de la Société d'énergie de la
baie James.
M. COURNOYER: Disons que le ministre ne se fait pas un point d'honneur
d'avoir le moins de rencontres possible, il les rencontre le moins souvent
possible, point. Ce n'est pas un point d'honneur nécessairement, et
c'est le moins souvent possible que je les rencontre.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous savez dans quel sens je veux dire.
M. COURNOYER: Oui. Le moins souvent possible.
M. BEDARD (Chicoutimi): L'honneur, on peut le placer ailleurs.
M. COURNOYER: C'est clair, clair. Le moins souvent possible je vais
rencontrer les gars de la Société d'énergie, le mieux je
vais être. Personnellement, cela.
M. BEDARD (Chicoutimi): Pourquoi?
M. COURNOYER: Ecoutez une minute, je ne suis pas pour commencer à
vous déclarer tous mes sentiments! Vous êtes ici pour me poser des
questions sur mon ministère, par sur mes sentiments !
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous semblez en exprimer un, en tout cas, qui
n'en est pas un de... Vous dites: Moins je vais les rencontrer, mieux ce
sera.
M. COURNOYER: D'une façon générale, les membres de
la Société d'énergie de la baie James, tels que je les
connais, c'est du monde parfait. Puis moi, je ne suis pas un gars parfait. Ils
sont parfaits et je ne suis pas parfait, et je ne pense pas que le bon Dieu va
me prêter assez longtemps de vie pour devenir parfait. L'imperfection,
quand elle rencontre la perfection, il y a un "flash" quelque part.
Comme ce sont eux qui construisent la baie James, pas moi, et qu'ils
sont parfaits, je ne vois pas pourquoi mes imperfections viendraient
atténuer la splendeur de leurs opérations.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pense qu'il peut
améliorer ses imperfections de manière à permettre
qu'éventuellement un organisme parfait et un ministre parfait puissent
se parler, concernant des projets comme la baie James et concernant l'emploi de
personnel, les règles d'emploi du personnel?
M. COURNOYER: Sur les règles d'emploi de personnel, la
Société d'énergie de la baie James peut faire les
règles qu'elle veut. Mais si elle demande au ministre de leur garantir
que cela va bien aller à la baie James, ce n'est pas vrai. Le ministre
ne prendra pas la place des syndicats, à la baie James, et il ne prendra
pas la place des individus, non plus, à la baie James. C'est clair,
cela.
Je ne suis pas pour leur dire, aux gens de la Société
d'énergie de la baie James, parce qu'ils veulent une loi spéciale
pour eux seuls, qu'ils ont raison et qu'avec une loi spéciale cela va
aller bien à la baie James. Je ne peux pas garantir cela. Je ne suis pas
capable de faire cela.
Si on me demande de leur rendre un service comme centre de
main-d'oeuvre, je rendrai le service à la société
d'énergie de la même façon que nous rendons service
à d'autres employeurs. Mais je ne vois pas pourquoi je ferais quelque
chose de spécial à la société d'énergie de
la baie James et leur garantir qu'ils n'auront pas de bandits sur leurs
chantiers. Je ne suis pas capable de garantir cela à personne. Je ne
suis pas pour commencer à examiner le dossier judiciaire des individus
qui ont besoin d'un job. Ce n'est pas mon ministère qui va faire
cela.
On a toujours une clientèle spécialisée, comme je
l'ai dit tantôt. A partir du moment où c'est
spécialisé, un jour peut-être que je placerai des
criminels. Si je me ferme la barrière de placer des gens qui sortent de
prison pour les envoyer à la baie James, je ne serai plus capable de
placer les criminels, moi. Comprenez-vous? Non?
Moi, je me comprends. Effectivement,...
M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre se comprend et comprend très
bien ce que je veux dire, aussi, parce que le ton qu'il emploie est un ton tout
à fait différent, qui montre, qui confirme, tout simplement, que
les rapports sont très difficiles.
M. COURNOYER: Ils sont très tendus. C'est clair. Maintenant,
comme mes rapports sont tendus avec la présidente de la Commission du
salaire minimum, comme ils sont tendus avec d'autre monde, vous allez dire:
C'est un gars tendant !
M. BEDARD (Chicoutimi): A part ça, ça va bien?
M. COURNOYER: A la condition que vous ne me disiez pas que je suis
tendancieux!
Ecoutez, chacun sa personnalité. Moi, j'ai la mienne. A partir du
moment où je suis responsable de ce ministère devant
l'Assemblée nationale, je ne changerai pas ma personnalité. Je
vais changer, peut-être, ma façon de voir les choses quand
d'autres choses viendront. Mais je vous parlais tantôt de la perfection
des gens de la baie James. Ils sont parfaits! Que voulez-vous que je fasse?
M. BEDARD (Chicoutimi): Et vous ne leur reprochez pas d'être
parfaits?
M. COURNOYER: Je ne le leur reproche pas. La perfection, quand on la
retrouve en ce bas monde, c'est du parfait!
M. BEDARD (Chicoutimi): Mais est-ce que le point où il y a
vraiment une difficulté d'entente, c'est celui que vous avez
mentionné, ce besoin ou cette demande de loi spéciale concernant
l'embauche à la baie James, ou encore si effectivement il y a d'autres
secteurs qui auraient existé...
M. COURNOYER: J'aurais aimé discuter davantage sur ce point, M.
le député de Chicoutimi, ç'aurait été que la
belle réalisation qu'on appelle la baie James soit une oeuvre de
génie bien sûr, mais une oeuvre de génie humain en
même temps. Et comme la perfection n'existe pas chez les humains, vous
comprenez ce que je veux dire?
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, je comprends très bien.
M. COURNOYER: On fait affaires avec du monde et le monde n'est pas
parfait. Qu'on s'attende à des comportements qui soient parfaits parce
qu'on est parfait soi-même, à partir de là, je dis que
quelque chose va aller mal à la baie James. Ne me demandez pas des
garanties légales de passer une loi spéciale qui va s'appliquer
au territoire de la baie James et qu'en vertu de cette loi, il n'y aura pas de
problème à la baie James.
M. BEDARD (Chicoutimi): Remarquez que je ne vous l'ai pas
demandé, je vous ai simplement demandé la nature de vos rapports
avec la Société d'énergie de la baie James.
M. COURNOYER: La nature de mes rapports, on en a parlé
suffisamment.
M. BEDARD (Chicoutimi): On peut souhaiter qu'ils
s'améliorent.
M. COURNOYER: Vous pouvez souhaiter que les rapports
s'améliorent. Vous pouvez aussi souhaiter que moi je change en autant
qu'ils feront, eux aussi, du chemin. Pour le moment, le genre de chemin qu'ils
sont prêts à faire c'est de me rendre responsable des ennuis de la
baie James, et je ne l'accepterai pas. Ce n'est pas ma faute à moi s'il
y a une espèce d'individu qui a pris un D-9 et qui a mis cela dans les
cabanes, dans les réservoirs d'huile. Cela peut arriver sur la rue
Sainte-Catherine demain matin, mais c'est arrivé à la baie James.
Ce n'est pas moi qui l'ai envoyé là ce monsieur là, je ne
donne pas son nom parce qu'il est sub judice, ce n'est pas moi qui l'ai
envoyé là. Et qu'il ait pris le bulldozer, ce n'est pas moi qui
lui ai dit de faire ça non plus. Des accidents comme ceux-là,
ç'aurait pu arriver autrement, mais c'est arrivé comme ça.
Je n'irai pas prendre sur mes épaules la responsabilité des faits
et gestes de tous les individus qui travaillent dans le Québec, il y en
a 2,500,000.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne crois pas que ce soit ce que vous demande
la société pour faire suite aux questions que je posais, il ne
faut pas trop s'étendre en dehors du sujet. Je ne crois pas que
ç'aurait mené à ça si vous accédiez aux
demandes de la société d'énergie.
M. COURNOYER: Mais quelles sont les demandes de la société
d'énergie? C'est d'abord de faire...
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ce que nous aimerions savoir.
M. COURNOYER: ... une loi spéciale de relations de travail sur le
chantier de la baie James. C'est la première demande qui a
été faite il y a déjà deux ans. Presque en
même temps qu'on créait la société d'énergie
ou tout près de la création de cette société, elle
a demandé au ministre du Travail de faire une loi spéciale. On
venait à peine de commencer à uniformiser l'industrie de la
construction, j'ai donc refusé d'une façon
véhémente. Depuis ce temps, c'est ma faute s'il y a des
problèmes à la baie James. Parce que j'ai refusé de faire
une loi spéciale dans le temps. La société
d'énergie et la Société de développement de la baie
James sont des sociétés qui ont pour but ou pour objet de
développer la baie James comme une autre société peut
avoir pour but et objet de développer Mont-Wright, Fire-Lake,
Port-Cartier et Sept-Iles, et dans votre bout il y a Manicouagan.
Des constructions se sont faites là. Il y avait une loi
spéciale à Manicouagan parce qu'ils étaient exclus de la
Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Il y avait
des accréditations là. Cela a été bien tout le
long, pas une grève à Manicouagan, personne n'a jamais fait rien
de mal à Manicouagan, est-ce vrai?
On ne se souviendra personne, de 1966, et on ne se souviendra pas de
quatre contremaîtres "saprés" dehors, on ne se souviendra pas de
ça. Moi, je m'en souviens, j'étais là, j'avais
été nommé médiateur dans ce cas-là. Dans ce
temps-là, ils étaient 6,000 à pied à Baie-Comeau.
Cela fait un bout de temps. C'est le genre de perfection que l'on recherche.
Qu'ils prennent leurs expériences et qu'ils nous disent quoi faire. Moi
ce que je veux faire pour eux, je veux le faire pour tous les autres
employeurs, pour les autres salariés dans l'industrie de la construction
en particulier. Je conçois qu'il y a des difficultés possibles
dans l'organisation de ce qui n'est pas construction, dans la possiblité
que des accréditations obtenues à des moments différents
causent des conventions collectives qui expirent à des moments
différents, qu'à la fin ou à l'expiration d'une convention
collective, les gens ayant le droit de grève peuvent paralyser le
chantier au complet et faire sortir 6,000 gars parce qu'il y a une grève
dans les cuisines, par exemple, parce que l'accréditation ou la
négociation arrive à cette date-là.
D'autre part, vous avez les techniciens qui sont là, qui peuvent
aussi paralyser ils ne sont pas dans l'industrie de la construction
par l'exercice du droit de grève, les cuisines. Vous avez les
pompiers qui sont peut-être dans une autre unité
d'accréditation. Vous avez les employés de bureau qui peuvent
aussi paralyser au complet. Un syndicat interprofessionnel, par exemple, des
commis de bureau, des commis aux pièces qu'on retrouvait à
Manicouagan dans les grands hangars qu'on avait pour entreposer les
pièces. Donc, un certain nombre de catégories de personnes qui
travaillent sur le chantier. Les accréditations en vertu du code du
travail peuvent faire que des conventions collectives expirent à des
dates différentes.
Dans mes livres, une convention collective expire à la date
prévue par les deux parties. Cela a toujours été dans mes
livres. Si les deux parties s'entendent pour qu'elle expire au 1er mars et que
l'unité patronale demande que l'autre convention, qui est
négociée, par surcroît, par la même unité
patronale, expire à la même date que l'autre, cela se fait
conformément à nos lois actuelles, cela se fait par
négociation. Une loi spéciale qui dirait une seule
accréditation pour tous les employés de la baie James qui ne sont
pas de la construction, est-ce qu'on a déjà pensé à
ce que ça voulait dire comme recherche d'une convention collective
applicable à une variété de catégories de
personnes? Dans bien des cas, on spécialise les catégories de
personnes parce qu'on se dit que les intérêts d'un individu sont
différents dépendant du métier qu'il exerce et du contexte
dans lequel il l'exerce.
On a l'expérience, par exemple, des négociations dans les
secteurs publics où on a mêlé, pour des fins, des
enseignants avec des journaliers du gouvernement ou encore des travailleurs
d'hôpitaux avec des journaliers du gouvernement ou des fonctionnaires du
gouvernement. Bien sûr, il y a un facteur uniforme qui s'appelle le
gouvernement présent partout dans cela; je n'ai pas d'objection à
cela. Mais, quand vous avez les intérêts de tout ce monde
noyés dans une communauté unique, quand vous venez pour
administrer votre convention après, vous découvrez le genre de
difficultés que nous découvrons tous les jours dans les
hôpitaux. Dans les hôpitaux, ça ne va pas comme dans le
meilleur des mondes. Qu'est-ce qui est arrivé? On ne peut pas tout de
suite juger de la raison des difficultés dans les hôpitaux.
N'oubliez pas que j'ai refusé ici, très souvent, une
négociation sectorielle. Je l'ai refusée pour des raisons que je
considère encore comme valables aujourd'hui, tant et aussi longtemps
qu'on n'aura pas vu à ce que les formules de négociations aient
subi un rodage et qu'elles soient ajustées aux erreurs que nous avons
commises d'une façon commune, avec les syndicats, et que tout le monde
explore dans cela.
Par exemple, dans l'enseignement, négocier une seule convention
collective dans la province de Québec pour tous les enseignants à
quelque endroit qu'ils se trouvent cause aujourd'hui des problèmes. Cela
en causait avant. Juste la réalisation de la convention elle-même
était déjà difficile. Cela a pris deux ans à
négocier une convention collective. Aujourd'hui, on découvre
qu'on n'est pas capable d'avoir de professeurs à Sept-Iles parce que
nous avons établi à l'époque la parité salariale,
sans tenir compte qu'il y avait des disparités régionales. On ne
pouvait pas en tenir compte, non plus, parce que le premier principe d'une
négociation universelle, c'est la parité.
Dans l'industrie de la construction, nous n'avons pas encore atteint la
parité. J'imagine qu'à la fin de ce décret on aura atteint
la parité salariale dans tous les secteurs. Mais dès la minute
où vous avez atteint la parité salariale, vous avez semé
les germes de la création immédiate d'une disparité rendue
nécessaire par les difficultés différentes à
l'intérieur d'une province aussi grande que la nôtre.
Aujourd'hui, pour avoir du monde dans l'industrie de la construction,
à Mont-Wright, vous êtes pratiquement obligés de ne plus
avoir la parité salariale. Vous trouvez toutes sortes de systèmes
pour passer à côté. Vous obligez l'employeur à faire
60 heures par semaine et vous l'obligez à payer temps double garanti
pour 20 heures. C'est une méthode de remplacer la parité
salariale. Le gars qui arrive sur la rue Sainte-Catherine ne se plaint pas
autant que le gars qui est à Mont-Wright ou à la baie James. Mais
on a la parité salariale dans ces cas-là. L'ayant établie,
il faut maintenant songer comment on fait pour ne plus l'avoir.
C'est dangereux, mais c'est la négociation sectorielle qui a fait
ça.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que le ministre a beaucoup discouru
sur la question qui au début était simplement la nature des
relations entre lui, son ministère et la Société de
l'énergie de la baie James. En tout cas, on va sûrement vous
lire.
M. COURNOYER: J'espère qu'on ne va pas dire que j'ai dit que ce
n'était pas une bonne société. C'est une excellente
société. Les individus qu'elle a employés sont
d'excellents individus, puis c'est parfait.
M. BEDARD (Chicoutimi): Puisqu'on en est au domaine des relations, je ne
sais pas si on pourrait traiter du salaire minimum, peut-être.
M. DEZIEL: C'était à mon tour tout à l'heure, M. le
Président.
M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.
M. DEZIEL: Seulement une courte question concernant les inspecteurs dans
leur technique respective. On sait que présentement les architectes, et
surtout les ingénieurs ou certains entrepreneurs qui font le dessin de
leurs plans doivent les faire approuver, évidemment, par les inspecteurs
concernés, d'accord? Maintenant, on sait qu'il y a différentes
lois qui existent pour les plombiers, les maîtres-électriciens,
les édifices publics, la prévention des incendies, tout
ça. Est-ce que ça pourrait rentrer à l'intérieur de
vos vues éventuellement de grouper tous ces services sous un même
toit?
M. COURNOYER: Là-dessus, ils sont déjà, au moins
à l'intérieur du ministère, groupés sous la
Direction générale d'inspection technique.
M. DEZIEL: Non, mais je veux dire: régionalement parlant.
M. COURNOYER: Régionalement? Disons que je prendrais plutôt
la question en délibéré à ce moment-ci; je ne
serais pas capable d'y répondre pour le moment. Je sais qu'avec ce que
j'ai déclaré sur l'établissement du code du
bâtiment, nous tendrions, de notre côté, à sortir de
la juridiction de l'inspection des installations électriques, par
exemple, et par le truchement du code du bâtiment qui devrait entrer en
vigueur le 1er janvier, une autorité serait sans doute consentie, dans
d'autres endroits que la plomberie, le chauffage et
l'électricité, pour d'autres formes d'inspection, aux
municipalités proprement dites qui adopteraient le règlement.
Donc, effectuant là une sorte de décentralisation
administrative à l'échelon local, comme je ne vois pas comment je
pourrais appliquer facilement le code dans les endroits en bas de 5,000
habitants aujourd'hui du moins. A partir de là on monte dans les
municipalités qui ont plus de 5,000 habitants, et dans, j'imagine
beaucoup plus des affaires de comtés. A l'échelon le plus
central.
M. DEZIEL: Est-ce que cela veut dire que les coûts de permis
seraient automatiquement perçus par les municipalités?
M. COURNOYER: II faudrait voir. Il y a plusieurs coûts de permis.
Si vous parlez, en particulier, des installations électriques, ce
coût de permis finance l'Opération inspection du ministère
du Travail au complet. Si le ministère du Travail se départissait
de sa juridiction, cela ne voudrait pas dire que l'inspection ne
coûterait plus rien le lendemain matin. Si, par ailleurs, l'inspection
était reportée sur d'autres épaules, ce serait à
d'autres de prendre la décision de faire une distribution
différente de ce qui existe actuellement.
Dans le domaine de l'électricité, je ne crois pas que nous
songions, à ce moment-ci, à régionaliser rapidement. Je ne
pense pas que cela ait même effleuré l'esprit des gens. C'est
peut-être d'un changement d'autorité qu'on parle mais on ne parle
pas nécessairement de différentes façons d'administrer le
régime en question. J'ai songé, à quelques reprises,
à confier davantage à la Corporation des maîtres
électriciens l'inspection des installations électriques faites
par ses membres. Mais ça nécessite une discussion beaucoup plus
longue qu'une seule discussion en commission parlementaire et ça
nécessite aussi un examen, par les fonctionnaires chez nous, de ce que
ça cause sur le comportement des individus chez nous. On a pensé
aussi à le faire faire par l'Hydro-Québec, cette
partie-là, qui, elle, doit mettre le courant dans une maison, par
exemple; on peut se poser la question régulièrement à
savoir: Pourquoi continuerions-nous de faire cette inspection quand, de toute
façon, c'est l'Hydro-Québec qui met le courant?
M. DEZIEL: Mais l'Hydro-Québec n'a pas juridiction partout dans
la province. C'est cela qui arrive, là.
M. COURNOYER: L'Hydro-Québec?
M. DEZIEL: L'Hydro-Québec n'a pas juridiction partout en
province. Chez nous, c'est l'Hydro-Sherbrooke qui s'occupe d'un très
grand secteur.
M. COURNOYER: C'est municipalisé? M. DEZIEL: Oui.
M. COURNOYER: Encore une fois, je n'ai pas fait d'examen suffisant. Je
laisserais l'étude du code du bâtiment, de ses effets de
même que cette discussion dont je parlais hier au ministère des
Affaires municipales et responsable de l'environnement, pour
récupérer tout ce qui regarde la sécurité et
l'hygiène des travailleurs. Je remettrais ce qui regarde la
sécurité du public dans les mains d'un autre ministère que
le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Nous ne sommes pas
prêts à le faire encore aujourd'hui, compte tenu des effets que
cela a sur le comportement des individus qui sont là aujourd'hui. J'ai
parlé de cela, je pense que c'est hier ou la semaine passée.
M. DEZIEL: Justement, vous en avez parlé, et il me passe quelque
chose par la tête. Cela me permet de faire une petite parenthèse.
Les salles de tir, normalement, sont censées être régies
par le domaine de la construction et elles sont régies
présentement, à ma grande surprise, par le ministère
responsable de l'environnement.
M. COURNOYER: A cause des "fumes"?
M. DEZIEL: Mais, il reste que le calcul des forces motrices et tout
ça, c'est surtout le ministère du Travail qui devrait
régir ça.
M. COURNOYER: II y a toutes sortes de confusion là-dedans. Le
comité interministériel dont il est question, pas dans la partie
sécurité des travailleurs, mais surtout dans la partie de la
sécurité du public a déjà fait un certain nombre de
recommandations là-dedans.
UNE VOIX: Ça se lie indirectement.
M. COURNOYER: L'autre partie des travailleurs, ça va venir plus
tard. Mais je prends bonne note de ce que vous nous dites. D'ici un an,
j'espère avoir fait un certain nombre de pas dans une direction ou dans
l'autre dans le domaine de l'administration de l'inspection technique, soit par
la Loi de l'inspection technique, soit par le transfert de l'inspection
technique à d'autres ministères, soit par des transferts de
l'inspection à d'autres autorités; tout ça, compte tenu du
fait que ce que nous recherchons le plus au ministère actuellement,
c'est une utilisation maximale des ressources
dans le but de ne pas multiplier les emplois, pas en ce qui concerne les
individus, mais en ce qui concerne les interventions dans les entreprises.
M. BEDARD (Chicoutimi): Concernant le salaire minimum, le
député de Maisonneuve, tout à l'heure, a fait allusion,
d'une part, à certaines prises de position de la présidente de la
Commission du salaire minimum, faisant part de son objection dans le temps
à la hausse du salaire minimum à plus de $2. Egalement, on sait
que vous avez donné à M. Castonguay le mandat de définir
une politique générale du salaire minimum. D'autre part,
également, vous avez fait tout cela naturellement pour de bonnes
raisons. Entre autres, je crois que vous avez exprimé publiquement que
vous n'étiez pas satisfait, à l'heure actuelle, de la Commission
du salaire minimum. Même vous avez parlé de l'inefficacité,
autrement dit, de la Commission du salaire minimum, en déclarant
publiquement, le 8 avril 1974, qu'elle ne protégeait pas les
travailleurs, à votre opinion, et qu'il pouvait même être
question de la faire disparaître. Je voudrais savoir du ministre d'une
façon bien générale pourquoi il est insatisfait de la
Commission du salaire minimum. Quelles sont les raisons et aussi, pour autant
qu'il peut nous l'expliciter à ce moment-ci, vers quoi on s'en va
exactement?
M. COURNOYER: Disons que la question...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'excuse, mais vous avez parlé,
à un moment donné, de possibilités de procéder par
extension de décret...
M. COURNOYER: Oui. Disons qu'il y a cette formule-là...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends qu'il peut y en avoir d'autres.
M. COURNOYER: ... c'est sur la philosophie beaucoup plus que d'autre
chose.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.
M. COURNOYER: On peut parler de deux choses à la Commission du
salaire minimum, des deux rôles en fait de la Commission du salaire
minimum. La première, c'est la fabrication des ordonnances. C'est le
premier. La Commission du salaire minimum, c'est elle qui est censée
faire les ordonnances. Le deuxième rôle, c'est de surveiller que
ces ordonnances soient appliquées. Donc, c'est un rôle de police
et un rôle de politique en même temps.
Je ne sais pas pourquoi il existe une Commission du salaire minimum. On
la prend pour acquise. Il y a une Commission du salaire minimum. Dans les trois
ou quatre dernières années, le ministre du Travail actuel a
donné une tendance à l'établissement des ordonnances qui
est nettement une tendance donnée par le ministre et non pas par la
Commission du salaire minimum. Là, je ne parle pas de la
présidente actuelle. Ce n'est pas ça.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non!
M. COURNOYER: H y a quatre ans, elle n'était pas là. Et la
commission actuelle n'est peut-être pas du tout la même commission
qu'à l'époque. La tendance que j'ai voulu donner, c'est de
dépolitiser le plus possible le salaire minimum, le dépolitiser
en annonçant longuement à l'avance, pas $0.10 à la fois,
les augmentations, même si cette année j'ai été
obligé de dire $0.10 de plus, les circonstances me forçant
à le faire. J'ai voulu dépolitiser ça. Bien sûr
qu'il n'y a pas eu d'objection de la Commission du salaire minimum à se
dépolitiser mais la fabrication des ordonnances a donc subi une tendance
qui s'est éloignée de la Commission du salaire minimum. Nous
sommes beaucoup plus assis sur le service de recherche du ministère du
Travail, qui existe pour d'autres fins également; il n'existe pas
seulement pour celle-là. Mais cette fin du salaire minimum n'est qu'une
préoccupation du ministre du Travail et n'est pas une
préoccupation du ministère du Travail. Vous comprenez ce que je
veux dire...
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, oui.
M. COURNOYER: ... la distinction que je fais entre les deux. La
commission étant indépendante du ministère mais
dépendante du ministre, le ministre se voit donc obligé, seul,
comme politicien, donc susceptible de changer régulièrement,
à coordonner des choses qui sont disparates dans l'administration et qui
sont indépendantes les unes des autes. On pourra peut-être poser
la même question vis-à-vis la Commission des accidents du travail,
quoique, dans le domaine des accidents de travail, l'implication du
ministère n'est pas aussi évidente que dans le domaine du salaire
minimum.
Vous avez trois ou quatre façons de fabriquer des conditions de
travail. La première est une convention collective. La deuxième
est l'extension juridique d'une convention collective. La troisième
finalement, c'est le salaire minimum, qui comporte actuellement seulement deux
ou trois articles, c'est-à-dire le salaire minimum plus le prix des
repas, de temps en temps, plus les vacances payées ou l'ordonnance no
4.
Alors, vous avez trois choses, dont l'une est totalement
indépendante des deux autres, dans les structures, mais qui
dépendent par une tête changeante, une tête de politicien
qu'on appelle le ministre, de la même personne.
Depuis que je suis ministre, je me suis posé
régulièrement la question suivante: Pourquoi mon sous-ministre en
titre n'aurait-il pas autorité sur le salaire minimum,
c'est-à-dire qu'il y ait plus de cohésion entre le salaire
minimum et les
autres politiques du ministère du Travail? Même si les
politiques sont censées venir du ministre, il reste qu'à un
moment donné vous retrouvez le haut fonctionnaire à
côté de vous qui, lui, ayant discuté avec le ministre de la
politique qu'il entend suivre dans le salaire minimum, peut s'arranger pour que
cette politique soit au moins semblable dans les autres sphères
d'activité qu'il dirige comme haut fonctionnaire. La même chose
pour les sous-ministres adjoints.
Alors la question étant posée, personnellement j'en suis
venu à la conclusion que, dans le domaine des ordonnances, la seule
chose qui pouvait survenir et c'est survenu cette année
c'est une différence d'opinion entre le ministre et sa commission.
Là, je l'ai eue, cette année. Je ne l'ai pas provoquée.
Mais je l'ai eue cette année.
Non, tu ne modifieras pas le salaire minimum. Moi, je pense qu'il y a
lieu, et politiquement, et techniquement je prends mes risques, bien
sûr d'augmenter le salaire minimum d'une façon
différente de celle qui était prévue.
Cette partie, fabrication des ordonnances, encore la semaine
dernière, pour une raison que je n'ai pas à expliquer, je suis
tenu de constater mon sous-ministre ne me l'a pas dit, il n'a pas
d'affaire à me le dire, il n'est pas là-dedans lui, je ne
blâme pas non plus la commission de ne pas me l'avoir dit de
découvrir que dans les scieries, le salaire minimum était de
$1.50. Il y a l'ordonnance no 9. J'avais toujours eu l'impression qu'elle avait
été abolie, il y a deux ou trois ans, quand on a aboli une foule
d'ordonnances. Il y a l'ordonnance no 9 et l'ordonnance no 10. Je
découvre que dans les scieries, c'est $1.50, le salaire minimum, et
$1.65 dans la forêt. Après ça, on se demande, dans la
forêt, pourquoi on ne trouve pas de monde!
On m'a dit cela l'année passé. Je ne pensais pas, moi. Je
pensais qu'on était au salaire minimum. Vous allez me dire que je suis
fou d'admettre cela ici, mais je l'admets pareil. J'ai découvert cela
comme ça. J'ai donné ordre de modifier immédiatement les
deux ordonnances, la 9 et la 10, pour qu'elles soient au moins égales
à l'ordonnance générale. C'est fait, maintenant.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est normal.
M. COURNOYER: Quand M. Dalpé est venu me voir et qu'il m'a
reparlé de ces 10 p.c. de différence dans l'industrie du soulier,
c'est qu'il y a quelqu'un qui avait pris la décision, à
l'époque, de la révision de toutes les ordonnances et qu'on avait
aboli l'ordonnance du soulier. Parce qu'il y avait une très grande
différence entre cette ordonnance et l'ordonnance générale
de l'époque qui était tellement augmentée par rapport
à ce qu'elle était et que ça faisait une augmentation
encore plus considérable dans le soulier, la com- mission a mis cette
petite clause en bas en disant: Pour 10 p.c. de main-d'oeuvre, tu paieras 10
p.c. de moins pendant les 40 premiers jours d'emploi. Ce qui a fait ce qu'on
appelle un roulement de main-d'oeuvre assez considérable
là-dedans. Moi, j'avais l'impression, honnêtement, que cette
affaire était réglée, mais ce ne l'était pas. J'ai
donc donné instruction, encore une fois, à la Commission du
salaire minimum d'abolir cette différence, ce qui est fait. Elle n'a
plus de raison d'être.
M. BEDARD (Chicoutimi): Sans trop de réticence de la part
de...
M. COURNOYER: Réticence ou pas réticence, au premier
voyage, ils n'ont pas aimé que je sois en désaccord avec eux et
au deuxième voyage ils se sont arrangés pour être d'accord
avec moi. C'est plus simple comme ça. Cela, c'est pour vous dire
qu'effectivement la difficulté est née de l'existence de la
structure. Si le ministre dit à la structure quoi faire, tu n'as pas
besoin de ça en matière d'ordonnance; s'il ne le dit pas et qu'il
n'y a pas d'entente entre les deux, s'il y a une différence entre le
ministre et la commission, vous vous retrouvez dans un drame où l'un
doit disparaître, et ce n'est pas moi qui vais disparaître tant que
je vais être là.
Vous arrivez maintenant dans la partie examens ou police. Pour la partie
de la police, l'autorité de la commission est presque totale. Si vous
lisez la loi de la commission, elle est totale. Le gars qui mange des coups,
par exemple, ce n'est pas la commission, c'est le ministre. Quand, par exemple,
la Commission de l'industrie de la construction qui est une commission
qui n'est pas du tout comme celle de la Commission du salaire minimum a
établi, au fur et à mesure des ans, un système
d'inspection des conditions de travail sur les chantiers de construction qui
est rodé, qui oblige l'employeur à rapporter chaque mois ce qu'il
paie à ses employés, qui l'oblige donc à faire un acte
juridique devant une personne indépendante qui le surveille par
surcroît et qu'on ne procède absolument pas cela marche,
mais c'est le cas d'exception sur plainte dans l'industrie de la
construction mais qu'à la Commission du salaire minimum on ne
procède que sur plainte, vous dites: Pourquoi la commission n'a-t-elle
pas révisé elle-même cette façon de voir les choses,
n'a pas en couvrant 1,700,000 personnes avec les instruments mécanimes
que nous avons aujourd'hui, décidé de moderniser son affaire pour
que le ministre n'ait pas l'air d'une espèce d'imbécile avec son
salaire minimum à $2.10 et que des gens puissent gagner $50.00 par
semaine pour 75 heures.
Il ne comprend rien là. Si c'est possible, à ce
moment-là, on se dit: Ecoutez, il y a quelque chose qui ne va pas dans
le système. Si le ministre leur dit: Vous allez faire cela de
même
et qu'ils m'écoutent, encore une fois, je dis: Pourquoi
êtes-vous là? Si vous ne l'avez pas fait tout seuls, le ministre
est en droit de se poser des questions.
M. BEDARD (Chicoutimi): II en manque?
M. COURNOYER: Non, à cause des modifications; que veux-tu, ils
ont changé de commissaire.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): On me signale qu'il est passé six
heures. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à vingt heures
quinze ce soir.
M. COURNOYER: Je ne peux pas y être à vingt heures
quinze.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A quelle heure?
M. COURNOYER: Je serai ici demain matin.
M. BEDARD (Chicoutimi): II y aurait peut-être possibilité
qu'il y ait une rencontre tout de suite après.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Bon! Alors, si le ministre doit être
absent, nous allons ajourner la commission...
M. COURNOYER: Vous pouvez faire ça avec le président de la
commission, si vous voulez.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le président de la Commission du salaire
minimum.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Puisque le ministre est
empêché de participer à la réunion de la commission
ce soir, la commission ajourne ses travaux à demain dix heures, selon
les instructions que nous avons reçues du leader du gouvernement.
(Fin de la séance à 18 h 5)