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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 11 juin 1974 - Vol. 15 N° 87

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Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude des crédits du ministère du Travail

et de la Main-d'Oeuvre

Séance du mardi 11 juin 1974

(Dix heures quarante-six minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux, ce matin, pour l'étude des crédits du ministère du Travail.

Les membres de la commission, ce matin, seront: MM. Gratton (Gatineau), Kennedy (Châteauguay), Burns (Maisonneuve), Ciaccia (Mont-Royal), Cournoyer (Robert Baldwin), Déziel (Saint-François), Springate (Sainte-Anne), Bonnier (Taschereau), Marchand (Laurier), Malépart (Sainte-Marie).

M. BURNS: J'aimerais vous signaler également que M. Charron est remplacé, pour la séance, par M. Bédard, du comté de Chicoutimi.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Charron (Saint-Jacques).

A l'ajournement de la séance précédente, la parole était au député de Maisonneuve. Je lui cède immédiatement la parole.

M. BURNS: Merci, M. le Président. On était en train, la dernière fois, si je me rappelle bien, de faire le tour des promesses de législations du ministre depuis les trois ou quatre dernières années. J'en étais rendu à lui demander, je pense, ce qui arrivait de sa fameuse loi de la sécurité au travail. Est-ce que le ministre m'avait répondu là-dessus? Je m'excuse s'il l'a fait.

Exposé général du ministre (suite)

M. COURNOYER: Je l'ai fait, mais succinctement. Je peux juste vous dire que nous avions entrepris l'étude d'un projet de loi complet de la sécurité au travail.

Compte tenu des problèmes que cela cause, remarquez bien que j'aime à consulter maintenant, comme je vous le disais aussi la dernière fois. Ce n'est pas tellement profitable tout le temps, mais, comme j'ai décidé, à la suggestion d'à peu près tout le monde, de bien consulter avant, cela ne m'embête pas. C'est très bien. Mais il reste que, pour consulter, cela prend plus de temps.

Dans le cas de la loi de la sécurité au travail, pour aller plus vite, nous avons décidé d'augmenter sensiblement les amendes de la Loi des établissements industriels et commerciaux, par- ce qu'il ne semblerait pas, aujourd'hui, que ces amendes, compte tenu des montants, soient suffisantes pour encourager les gens à respecter cette Loi des établissements industriels et commerciaux, en vertu de laquelle tous nos règlements de sécurité sont faits, même celui de la construction.

Nous avons également, dans le cours de l'année, refait totalement les règlements de sécurité sur les chantiers de construction. Ils ont été adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil pour entrer en vigueur le 1er septembre 1974. Avant de les mettre en vigueur, déjà, hier, je voyais à mes bureaux tous les inspecteurs de la Commission de l'industrie de la construction de la province de Québec qui étaient en train de suivre un cours sur ces nouveaux règlements.

Un cours sera également donné par la CIC aux agents d'affaires, aux "shop stewards", aux délégués de chantier, de même qu'à toute personne responsable à un certain degré de la sécurité sur les chantiers de construction du côté patronal. Ce qui veut dire que lorsque les nouveaux règlements — qui ne sont pas tellement nouveaux, mais il y a des changements par rapport à ceux qui existent actuellement — entreront en vigueur, ce ne sera rien de nouveau pour tout le monde. Ils auront suivi un cours pour qu'à partir du moment où ça entrera en vigueur ils aient une notion de ce que seront les nouveaux règlements de sécurité.

M. BURNS: Est-il question de changer les pouvoirs des inspecteurs? Parce qu'il semble que ce soit le noyau du problème.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: C'est-à-dire leur en accorder plus.

M. COURNOYER: Là, nous en avons discuté assez longuement dans le cas de la possibilité de fermeture de chantiers ou d'arrêts de travaux. Il est entendu que ces possibilités seront données aux inspecteurs. Il nous reste à établir cependant une sorte de hiérarchisation dans la prise de décision de fermer les travaux.

Remarquez bien qu'il peut s'agir tout simplement d'ordonner que personne ne travaille près d'une tranchée ouverte, par exemple, qui ne posséderait pas les degrés d'étançonnement mentionnés au règlement. Ou encore qu'il n'y aurait pas de barrière ou de garde sur un échafaud ou qu'un échafaud ne serait pas conforme aux devis; tout près on empêche quelqu'un de se casser la gueule. Mais, quand on ferme un chantier au complet, on empêche tout le monde de travailler. Il me semble que donner cette autorité à un seul inspecteur sans qu'il n'ait à dépendre de personne, sans qu'il ait au moins à se garantir lui-même, c'est-à-dire que le geste qu'il pose obtienne la caution de ses supérieurs immédiats tout au

moins, le directeur de la sécurité, par exemple, à la CIC ou même le directeur général de la sécurité chez nous au ministère du Travail, ce serait une sorte de caution et de réponse anticipée d'un inspecteur à une autorité supérieure pour qu'il y ait une plus grande garantie que le geste qu'il pose n'est pas ou ne sera pas interprété comme étant un geste posé d'une façon qui, sans être discriminatoire, serait interprétée comme tel le lendemain matin, dépendant de la source d'information qu'il a. Dans ce sens-là, oui l'inspecteur aura plus de pouvoirs ou il pourra les exercer d'une façon plus rationnelle qu'il ne peut le faire actuellement.

M. BURNS: Parce qu'actuellement, à toutes fins pratiques, il se limite à faire une enquête et un rapport et cela ne change pas grand-chose à long terme.

M. COURNOYER: A long terme, je m'excuse d'être en léger désaccord avec vous...

M. BURNS: A court terme, je veux dire, c'est plutôt à court terme que je voulais dire, parce qu'à long terme c'est sûr que ça change quelque chose.

M. COURNOYER: A long terme, nous avons obtenu, je pense, d'après les rapports que j'ai, juste par l'utilisation maximale des inspecteurs de la CIC, leur présence, leur uniforme, le pouvoir qu'ils ont sur les entrepreneurs qui est presque total maintenant, compte tenu du fait qu'ils surveillent également le décret.

Nous avons obtenu une amélioration sensible dans le comportement des entreprises et le comportement au point de vue de la sécurité des employés. Est-ce que c'est la panacée? Je ne crois pas que ce le soit; il reste que la CIC elle-même a décidé d'investir un montant d'argent assez considérable. Comme je le disais la semaine dernière, l'autre règlement va entrer en vigueur en 1976, et même un journalier devra avoir des notions de sécurité avant de mettre les pieds sur un chantier de construction, en remplacement, bien sûr, du permis de travail. Donc, cette fois-ci, ce ne sera pas un permis de travail pour un permis de travail, ce sera un permis de travail pour empêcher une personne de mettre les pieds sur un chantier de construction, de contribuer à ce qu'un autre groupe de personne puisse se casser la gueule à cause de la négligence ou de l'incapacité d'une personne à faire face à un chantier de construction, par manque d'habitude, manque de ceci et manque de cela.

J'ai participé à des visites industrielles il n'y a pas tellement longtemps et j'imagine que vous autres aussi êtes allés dans l'industrie déjà. Il n'y a rien de pire qu'une personne qui n'est pas au courant de ce qui se passe dans une industrie pour causer des accidents d'autres personnes à cause de gestes brusques que d'autres personnes sont obligées de poser vu la négligence ou l'incapacité de la personne à savoir dans quel milieu elle se trouve. Dans le cas de la construction, nous avions un permis de travail qui existait pour les journaliers; normalement ce permis de travail c'était pour une toute autre fin que celle qu'on peut appeler fins de sécurité.

Il y a maintenant l'obligation, à compter du 1er janvier 1976, pour obtenir un permis de travail, d'avoir des notions de sécurité sur un chantier de construction. Il y a donc une raison différente de celle qui existait auparavant pour un permis de travail dans l'industrie de la construction: c'est la sécurité. Je pense bien que lorsqu'on a eu certains accidents graves, les représentations principales qu'on nous a faites, pour le permis de travail, c'était à l'effet qu'un individu qui ne connaissait pas un chantier de construction était très souvent une cause d'accident pour lui-même comme pour les autres qui travaillaient sur le chantier de construction. Et c'est pour ça que nous réintroduisons un permis de travail, mais pour fins de sécurité, à compter du 1er janvier 1976.

Maintenant, les règlements eux-mêmes, je pourrais vous en distribuer des exemplaires parce qu'ils sont adoptés pour les chantiers de construction. Les gens sont en train, comme j'ai dit tantôt, de s'éduquer comme inspecteur, comme représentant d'employeur et comme représentant de travailleur quant au contenu de ces règlements.

Cela devrait être en vigueur le 1er septembre. C'est-à-dire que c'est en vigueur, la date est spécifiée pour la mise en vigueur le 1er septembre 1974 des nouveaux règlements. Quant à la loi, les amendes seront ajoutées dans le cas du bill 15 dont je vous ai parlé la semaine dernière, le bill 15 qui traitait du travail de la femme. C'est dans La loi des établissements industriels et commerciaux.

Nous profitons de cet amendement rapide, nécessaire, pour modifier les amendes, de façon qu'elles soient supérieures dans les cas d'une troisième infraction ou de toute récidive dans les deux ans. Le montant, je ne l'ai pas ici. Les pénalités seront trois fois supérieures pour une troisième infraction, pouvant atteindre dix fois les amendes ordinaires lorsqu'une infraction est de nature à mettre directement en danger la vie ou la santé du personnel. C'est déjà prévu dans le bill 15 actuellement, le bill 15 lui-même, sauf la partie qui regarde le travail des femmes, que nous voulons reviser davantage pour rendre les femmes plus libres encore qu'elles ne semblent l'être à l'intérieur du projet de loi 15 qui était sur la table à la fin de l'année 1973. Il reste que des amendes étaient prévues pour être multipliées et multipliables, de façon qu'elles aient un caractère plus décourageant que celles qui sont actuellement comprise dans la Loi des établissements industriels et commerciaux.

Et ça, c'est compte tenu du fait que nous n'avons pas mis de côté notre intention de faire une loi sur la sécurité au travail, l'hygiène au travail. Mais compte tenu du fait que ça prend

du temps pour arriver à faire cette loi, nous avons pensé qu'il y avait lieu de l'amender immédiatement pour éviter qu'on retarde jusqu'à l'adoption d'une loi-maîtresse des amendements qui par ailleurs sont rendus nécessaires, compte tenu de la nature des choses.

M. BURNS: Cette fameuse loi m'intéresse, M. le ministre. Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer à peu près quand on sera en droit de s'attendre à sa présentation à l'Assemblée nationale?

M. COURNOYER: Je ne suis pas capable de vous le dire. La loi de la sécurité, est-ce qu'elle est maintenant devant le conseil consultatif? Non, mais avant ça, nécessairement, c'est la loi de la sécurité... L'une des difficultés que nous rencontrons actuellement, je le dis sous toute réserve, compte tenu d'autres collègues qui sont aussi impliqués là-dedans, c'est que nous n'avons pas encore fait le consensus chez nous sur le ministère qui devrait avoir l'autorité en matière de sécurité.

On sait que nous avons l'autorité en matière de sécurité, d'une façon générale, sauf dans les mines où c'est le ministère des Richesses naturelles. En matière d'hygiène, par exemple, qui est très souvent intimement reliée à la sécurité — on peut penser qu'il s'agit d'accidents; c'est sûr qu'il y a des accidents aussi, mais, quand on pense, par exemple, au degré de poussière, au degré de gaz toxique qui existe dans une industrie, en particulier — nous avons énoncé l'opinion que notre ministère, enfin, le ministre et le ministère du Travail et de la Main-d'Oeu-vre, croyait sincèrement que tout ce qui se passait dans une boutique et qui influençait les conditions de travail devrait être sous l'autorité du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Ainsi, lorsque nous discutons avec un syndicat, par exemple, en conciliation ou autrement, et que certaines conditions de travail sont demandées qui demandent l'inspection soit du ministère du Travail, soit d'un autre ministère, actuellement, nous avions pensé qu'il aurait été nécessaire que ce soit sous la même autorité.

C'est pourquoi, après des représentations que j'ai faites auprès de mes collègues, nous avons pensé qu'il y aurait peut-être lieu de modifier sensiblement les préoccupations du ministère du Travail, de les réexaminer et de redonner certaines préoccupations du ministère du Travail soit au ministère des Affaires municipales, soit au ministère de l'environnement pour reprendre totalement de ces ministères la juridiction sur l'hygiène et sur la sécurité des travailleurs proprement dits dans leur milieu de travail. Cela, c'est à l'étape des discussions préliminaires. Pour arriver à résoudre ce problème causé par l'approche que nous prenons, il y a eu la formation, très récemment, d'un comité interministériel d'hygiène et de sécurité qui devrait, lui-même, participer à l'élaboration pas d'une structure, mais... Autant que le ministre est concerné, je ne vois pas ce que je fais dans l'inspection électrique des maisons. Vous comprenez ce que je veux dire. J'ai peut-être 600 ou 700 employés, que vous allez retrouver au budget, qui font l'inspection des installations électriques. La préoccupation de ceux qui font l'inspection n'est pas nécessairement de protéger le travailleur; en qualification, oui, mais la préoccupation de cette section est beaucoup plus la protection du public, la protection de l'individu acheteur, par exemple.

Il m'a semblé à moi que ceci devrait peut-être retourner sous une autorité qui est plus près de la protection du public, soit le protecteur du consommateur quant à l'achat, soit le ministère de l'environnement quant à l'aspect des choses. Prenons le code du bâtiment, par exemple; qu'est-ce que ça fait, au ministère du Travail, le code du bâtiment? Personne ne s'est jamais posé la question. On peut découvrir que c'est dans le ministère du Travail strictement parce qu'en 1931, lorsqu'on a créé le ministère du Travail, c'était une section du ministère des Travaux publics; le ministère des Travaux publics se faisait des règlements pour ses propres édifices et cela s'est étendu à d'autres édifices publics qui n'étaient pas propriété gouvernementale. Mais comme c'était le ministère des Travaux publics et du Travail, on a toujours gardé cette section dans les préoccupations du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Avec cette remise en question de cet aspect des opérations du ministère, en même temps que celle d'un certain nombre d'aspects que d'autres ministères se trouvent à toucher en hygiène, en sécurité, comme dans le cas du ministère des Richesses naturelles, on retournerait cela sous une seule autorité: le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il me semble, à moi toujours, que cela devrait faire l'objet d'une étude sérieuse afin d'en arriver à des conclusions avant la fin de cette année-ci. Parce qu'au 1er janvier, par exemple, — je vous le donne immédiatement, ce n'est pas une primeur, c'est déjà annoncé — il y aura un code du bâtiment. Le code du bâtiment comporte, en fait, la section plomberie, qui est sous l'autorité du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre dans tous les édifices. Mais si on a d'autres sections, structures, etc., dans le code national du bâtiment et que nous l'absorbons au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, nous perpétuons une situation qui fait que peut-être nous devrions réviser le genre d'autorité. Il me semble, par exemple, compte tenu de l'implication des villes et des communautés urbaines dans l'administration, que ce code du bâtiment irait beaucoup mieux dans le cadre des affaires municipales ou de l'environnement qu'au ministère du Travail. Je ne peux pas manquer cependant de saisir cette occasion d'ajouter au ministère responsable de l'environnement, au ministère des Affaires municipales une juridiction assez considérable

quoique, naturellement, venant sous cette autorité de tenter comme ministre de reprendre l'autorité en hygiène industrielle.

M. BURNS: M. le ministre, je pense qu'un comité interministériel, recommandait, en juillet 1972, l'institution d'une autorité unique fusionnant l'Office de protection civile, la Direction générale de prévention des incendies, la Direction générale des services techniques, sauf la sécurité au travail, l'inspection, la Régie de l'électricité et du gaz et la section du ministère des Affaires municipales qui s'occupe de la salubrité et de l'hygiène dans les immeubles...

M. COURNOYER: Cela est pour le public. M. BURNS: Est-ce que...

M. COURNOYER: II arrive un point... Ce qui arrive à point maintenant, c'est qu'à partir de ce comité interministériel il nous a semblé, à l'époque, qu'il y avait lieu d'étudier immédiatement un code du bâtiment provincial en adaptant, bien sûr, le code national du bâtiment. La partie du code du bâtiment est finie. Il nous semble qu'il y a peut-être des amendements législatifs dont on aura besoin pour adopter le code du bâtiment. Mais le code du bâtiment proprement dit, au point de vue strictement politique, c'est décidé. Le contenu est décidé au complet. Il s'agit toujours dans ça de la protection du public.

Le travailleur lui-même est partie du public. Quand je vous dis que je préférerais que certaines choses s'en aillent dans d'autres ministères, déjà le regroupement est considéré comme essentiel par ce ministre-ci. Je ne vois pas pourquoi, par exemple, le service de protection contre les incendies serait au ministère des Affaires municipales, que le service de protection contre la fumée serait à l'environnement et que l'autre partie, c'est-à-dire la structure et tout ça, serait au ministère du Travail. La multiplication des autorités ne peut qu'engendrer un certain degré de confusion, ce qui va permettre à bien du monde d'échapper à ces responsabilités qui sont, par ailleurs, décrétées par le gouvernement.

Dans ce sens-là, oui, pour ma part, l'unification — c'est à peu près ce que je venais de vous dire en d'autres termes — est décidée dans mon ministère. Mais sachons bien que cela a des implications assez considérables sur le personnel lui-même. Ce n'est pas juste un changement d'autorité; c'est un changement d'expectatives, c'est un changement d'opportunités pour les individus. C'est de s'engouffrer dans un autre ministère en étant dans une situation relative différente de celle dans laquelle ils se trouvent à l'intérieur de ce ministère. Alors, cela nous paraît, à nous, administrateurs ou législateurs, comme étant la chose la plus logique à faire. Mais sur les comportements des individus, cela a une incidence directe. Il faut que les gens s'habituent à cette nouvelle idée de changer d'autorité. Ce n'est pas le ministre proprement dit; c'est comme si c'était un enfant qui, soudainement, se découvre bâtard parce qu'il a été engendré par le ministère du Travail. Tout à coup, il est tout seul dans les airs et il s'en va sous une autre autorité au ministère des Affaires municipales ou à l'environnement.

Cet enfant, cela reste un enfant de 600 têtes. Il y a une question de comportement. Cela part du sous-ministre adjoint en descendant, quand cela ne part pas du sous-ministre aussi, n'est-ce pas? Il y a une perte assez grande de juridiction. Vous avez 600 à 700 employés là-dedans.

C'est beaucoup plus une question de "timing", de psychologie, d'habitude pour les gens d'abord d'être unifiés, malgré les petits problèmes qu'ils ont eus avant, les petites sections, pour ne pas dire sectes, les petites paroisses, pour ne pas dire clochers.

M. BURNS: M. le ministre, vous parliez d'un comité interministériel qui existait actuellement. J'imagine que c'est avec le ministère des Affaires municipales que ce comité est formé.

M. COURNOYER: Celui-là, c'est pour le travail.

M. BURNS: Oui. Je ne parle plus de l'autre qui a fait un rapport en juillet 1972. Vous avez mentionné, tout à l'heure, un comité interministériel qui, actuellement, travaillait.

M. COURNOYER: Cela, c'est pour l'hygiène et la sécurité au travail.

M. BURNS: C'est avec le ministère des Affaires municipales.

M. COURNOYER: II est formé avec à peu près tous les ministères, incluant les Affaires sociales, qui ont une partie d'hygiène à cause de la médecine préventive, si je me souviens bien. La CAT est là-dessus, l'environnement, les Richesses naturelles, la Justice, à cause des amendes et à cause de la poursuite, les Affaires sociales à cause de la médecine industrielle.

M. BURNS: Est-ce que ce comité interministériel travaille simplement à aplanir ce que vous mentionniez, soit les problèmes de clochers d'un ministère à l'autre, ou bien est-ce qu'en plus de cela, il a mandat de travailler...

M. COURNOYER: J'aimerais vous donner l'arrêté en conseil le formant. Vous allez même pouvoir poser des questions après coup.

M. BURNS: Bon, d'accord.

M. COURNOYER: Je vais vous donner l'arrêté en conseil et, si vous avez d'autres questions à poser à une autre séance...

M. BURNS: D'accord. D'ailleurs, on peut y revenir à un autre élément de votre budget. J'y

reviendrai après avoir pris connaissance de l'arrêté en conseil.

Maintenant, toujours dans le domaine de la nouvelle loi ou de la loi projetée, vous avez, je pense, la dernière fois, amendé la Loi des accidents du travail, en fin de 1971, début de 1972. L'amendement majeur, à ce moment-là, était de faire passer le maximum de gains admissibles de $6,000 à $9,000. Est-ce que, vu l'augmentation constante du coût de la vie, vu toutes les difficultés que ce genre de travailleurs rencontrent actuellement, vous envisagez de réviser à nouveau, entre autres, le montant des gains admissibles et, deuxièmement, pour arriver un jour — je pense que cela fait deux ou trois fois que je vous en parle à l'étude de vos crédits — à ce que la compensation soit à 100 p.c. du salaire?

Je m'explique là-dessus, M. le ministre. Je pense que l'idée des 75 p.c. remboursables comme compensation à un accidenté du travail vient d'une vieille mentalité en matière d'assurance. J'ai toujours trouvé assez désolant qu'on considère la Commission des accidents du travail comme une compagnie d'assurance. C'est beaucoup plus que cela. Je pense que c'est un service public pour cette catégorie de travailleurs qui se trouvent dans une situation absolument intolérable. L'Etat a décidé de leur donner un organisme, un instrument pour se sortir du pétrin dans ces cas.

Je pense que les travailleurs handicapés seraient fortement intéressés à savoir, d'une part, si vous envisagez, à court terme, d'augmenter le montant des gains admissibles pour fins de calcul de la prestation et, deuxièmement, d'augmenter le montant de la compensation à 100 p.c. une fois le calcul fait.

M. COURNOYER: Sur la question des 100 p.c, étant donné non seulement la mentalité...

M. BURNS: Si vous me permettez, je voudrais compléter là-dessus avant que vous donniez votre réponse. Les compagnies d'assurance ont toujours fonctionné avec une compensation moindre que le risque total en matière de salaire parce qu'elles se disent: Nous ne voulons pas que les gens se forcent pour être malades. Sauf que là, nous ne sommes pas dans ce domaine. Ce serait aberrant s'il fallait s'imaginer que des travailleurs vont se mutiler délibérément dans le but de recevoir des prestations d'accidents de travail. C'est habituellement, à 99.9 p.c., accidentel. Il y a peut-être des cas de négligence grossière qui arrivent à l'occasion, mais je pense bien que personne n'est intéressé à se mutiler ou à se blesser au travail.

Je pense donc que cette vieille mentalité d'appliquer le système des assurances aux prestations d'accidents du travail est dépassée et qu'il faudrait qu'on la revise.

M. COURNOYER: II y avait plus que ça.

D'après les renseignements que je possède, les 75 p.c. étaient nettement basés sur le fait que ça équivalait, à toutes fins utiles, à 100 p.c. Je ne parlerai pas des $6,000, parce que la grande préoccupation, c'est beaucoup plus les $6,000 ou les $9,000, c'est-à-dire que ce sont 75 p.c. d'une partie seulement du salaire qui sont inscrits dans la loi, mais si les 75 p.c. étaient basés — et je prends ça strictement comme hypothèse — sur la totalité du salaire, ça équivaudrait à 100 p.c, compte tenu du fait qu'on ne paie pas d'impôt sur une indemnisation d'assurance.

Quand vous recevez 75 p.c, vous recevez pratiquement 100 p.c. si vous payez 25 p.c. d'impôt. Je dis cela sous toute réserve parce que même dans le cas des assurances que nous avons négociées avec les enseignants, par exemple, quand je négociais pour le gouvernement, il était clair qu'on parlait de 80 p.c. ou de 75 p.c. parce que ça équivalait à 100 p.c. Il n'était pas question de diminuer ou de plafonner le montant global du salaire dont une partie était assurée. C'est le montant global, mais on ne paie pas d'impôt étant donné qu'il s'agit d'une indemnisation d'assurance. En conséquence, une personne qui aurait 100 p.c. par l'assurance aurait plus cher à 100 p.c. qu'en travaillant, parce qu'elle ne paie pas d'impôt sur les 100 p.c. Si je dis que la personne a $9,000 en salaire effectif, et que je lui donne 100 p.c. de $9,000 par le truchement d'une commission d'accidents de travail qui est nettement un groupe de mutuelle d'assurance, si j'ai bien compris, ça veut dire que la personne aurait $9,000 net, et qu'elle n'aurait que 75 p.c. des $9,000 quand elle travaille, compte tenu du fait qu'elle paie de l'impôt quand elle travaille et qu'elle n'en paie pas quand elle ne travaille pas. Disons que ce fut le raisonnement. Je ne dis pas que je ne remets pas ça en question; je remets ça aussi en question.

Quant à la question des $9,000, nous avions monté à $9,000, je pense, il y a deux ans, si je me souviens bien.

M. BURNS: Fin 1971 ou début 1972.

M. COURNOYER: Cela a passé assez rapidement de $6,000 à $9,000. Nous rejoignions, à l'époque, l'Ontario.

M. BURNS: Sauf, M. le ministre, que vous vous souviendrez que j'avais proposé un amendement pour rendre les $9,000 rétroactifs et ç'a été refusé.

M. COURNOYER: Cela a été refusé.

M. BURNS: Vous avez des travailleurs qui, actuellement, ont été accidentés avant l'amendement à la loi, qui gagnaient plus de $6,000 et dont la prestation est encore calculée sur les $6,000 à peu près.

M. COURNOYER: Oui mais, depuis ce

temps-là, il y a aussi une indexation des pensions qui sont données, qui ont été indexées...

M. BURNS: 3 p.c.

M. COURNOYER: ... mais ç'a coûté quelque $30 millions à la commission au mois de janvier de cette année, juste l'indexation. Lorsque l'Assemblée nationale a approuvé le bill indexant le régime de rentes au Québec, au mois de décembre — ce n'est pas par accident, c'était voulu j'imagine par le législateur— toutes les prestations, y inclus celles de la Commission des accidents de travail, se sont trouvées par le fait même indexées. Mais, comme la Commission des accidents de travail ne s'alimente pas au produit des taxes générales, il a fallu prélever une taxe spéciale chez les employeurs pour payer juste l'indexation. On me dit que ç'a coûté une trentaine de millions juste pour l'indexation au mois de janvier, en plus d'autres choses dont la commission pourra vous entretenir sur les coûts qu'elle a eus quand elle viendra.

Malheureusement, on parle de la commission et elle n'est pas ici, mais à tout événement...

M. BURNS: J'en parlais uniquement au point de vue de la législation. On y reviendra avec la commission quand elle sera ici.

M. COURNOYER: Oui, c'est-à-dire que les lois de cet ordre, quand il s'agit de modifier sensiblement les obligations de la commission, on doit se rendre compte que c'est facile pour le ministre de dire: On va monter cela à $11,000 ou à $12,000 ou encore on va le déplafonner totalement. Pour arriver à votre conclusion, il faudrait normalement que je dise: II n'y a plus de plafond, parce que les salaires augmentent tous les ans...

M. BURNS: Je pense que c'est un but qu'on doit viser à long terme.

M. COURNOYER: Oui, je ne vous cacherai pas qu'à une réunion des ministres du Travail, il y a à peine un an et demi, j'ai posé publiquement la question: Pourquoi avons-nous des plafonds partout au Canada? Et je regardais, par exemple, le genre de couverture que nous avions avant, il y a cinq ans, le genre de personnes couvertes il y a cinq ans, le genre de salaire que nous avions. Les $6,000 étaient probablement basés sur le salaire moyen de l'époque, toujours rattrapé après coup, c'est-à-dire qu'on rattrapait toujours après coup. C'est $9,000 aujourd'hui; c'était très beau il y a deux ans mais ils n'ont plus du tout la même signification dans le contexte économique actuel qu'ils avaient lorsque nous avons décidé cela il y a à peine deux ans. Pour moi, comme ministre, je ne vois aucune raison de plafonner cette chose. Par ailleurs, il faut qu'on finance cela, il faut aller chercher l'argent quelque part et il y a des limites, j'imagine, qu'on va m'expliquer et qu'on va vous expliquer. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons pas mais, en le faisant cependant, nous devrions le faire en toute connaissance de cause.

J'ai, par exemple, donné instruction à la commission de réexaminer toute sa méthode de financement. L'une des grandes difficultés que la commission éprouve, c'est qu'elle finance, au moment de l'accident, pour la période d'expectative de vie de l'accidenté. Elle doit déposer à la Caisse de dépôt un montant d'argent suffisant pour que, même si la commission disparaissait, la pension ou la rente d'invalidité totale, partielle, temporaire ou permanente, pour toute la durée de cette expectative, soit payable pour l'individu. A la minute que vous faites une modification dans le montant payable à l'individu, vous êtes obligé d'aller chercher de l'argent quelque part. Comme la seule source de financement de la Commission des accidents du travail c'est l'entreprise au Québec, à ce moment-là l'entreprise de 1975 finance des accidents d'entreprises qui ont disparu depuis 1940, qui ont mis de côté leurs responsabilités parce qu'on a demandé à ces entreprises, à l'époque, de financer immédiatement, pour la durée de l'invalidité, la pension totale à être payée à un individu accidenté.

J'ai donc demandé à la commission — et c'était une demande assez intempestive — de réviser sa méthode de financement des accidents de façon à ce que nous rendions l'approche plus moderne. On a peut-être environ $280 millions à la Caisse de dépôt actuellement qui sont déposés pour tenir compte strictement des accidents déjà survenus.

Nous devons, au point de vue actuariel, chaque année, mettre dans ce fonds des montants pour couvrir les nouveaux accidentés pendant leur expectative d'invalidité. Alors, quand on est obligé de faire ça à un organisme public qui est universel comme tel, il y a $283 millions ou quelque $200 millions qui ne peuvent pas servir pour ajuster les pensions, mais qu'on doit aller chercher chaque année dans les poches de ceux qui ne sont même pas responsables des accidents qui sont survenus, qui n'ont aucun degré de responsabilité.

C'est la collectivité qui est responsable. On a donc augmenté à $9,000, mais, en même temps qu'on a augmenté à $9,000, nous avons augmenté la couverture aussi de la Commission des accidents du travail. Avant, on ne couvrait pas les employés de bureau des avocats. Aujourd'hui, tout le monde est couvert à la Commission des accidents du travail. C'est donc une législation qui est universelle d'application. Nous n'avons pas, pour autant, modifié la structure de financement de cette commission. Indépendamment de la structure de financement, lorsque nous avons des obligations additionnelles à imposer, moi j'ai pensé que, pour faire oeuvre utile et nous diriger justement vers une compensation pleine et entière pour les durées d'invalidité, nous devions avoir une nouvelle méthode de financement.

Autrement, nous pouvons être accusés ou nous pouvons constater un certain degré d'injustice vis-à-vis de ceux qui n'étaient pas dans l'entreprise hier, qui ont fondé une entreprise aujourd'hui, qui n'ont pas d'accident. Ils font tout ce qu'ils veulent, ils font ça très bien, il n'y a pas de problème, mais ils sont obligés, à cause du financement mutuel, de financer les accidents qui sont arrivés il y a dix ans, il y a douze ans, puis onze ans, à cause de la forme de financement.

Alors, M. Guérard, qui est un illustre actuaire, a été requis par la Commission des accidents du travail de faire une étude sur le financement des rentes d'invalidité à la Commission des accidents du travail, qui pourrait être différent du financement actuel. Bien sûr, à deux reprises, j'ai demandé à la commission au moins temporairement de réviser le montant de $9,000, de me dire ce que ça coûterait, puis si on est capable de le faire, pour, encore une fois, tenter de se rapprocher davantage des législations des autres provinces qui traitent leurs accidentés pas tout à fait pareil, mais, dans le cas de la Colombie-Britannique, pas mal mieux que les miens.

On peut regarder la formule de la Colombie-Britannique, on peut regarder la formule de l'Ontario. Il y a des nouvelles formules qui, dans les deux dernières années, sont venues s'ajouter à celles qui étaient presque universelles en 1971. On mettait le montant dans la loi, on le révisait par une autre loi, comme nous le faisons. Une formule qui serait, à toutes fins utiles, soit sans aucun plafond ou avec un plafond décroissant. Il y a différentes formules dont on pourra discuter en temps et lieu.

M. BURNS: C'est quoi, un plafond décroissant? Croissant, vous voulez dire.

M. COURNOYER: C'est-à-dire que le montant payable à l'individu en pourcentage serait croissant par rapport au montant de salaire décroissant. Une personne qui fait $15,000 aurait peut-être 75 p.c. de $15,000, tandis qu'une personne qui fait $6,000 aurait peut-être 100 p.c. de $6,000.

M. BURNS: Je comprends.

M. COURNOYER: C'est une question de rebalancement à l'endroit d'une personne qui fait $6,000. Encore là, c'est une question de philosophie beaucoup plus que d'autre chose, une question d'approche philosophique. Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce une compensation pleine et entière d'une expectative de revenu à n'importe quel individu ou si c'est une compensation pour maintenir un individu dans un état relatif de gagner sa vie, malgré le fait qu'il a eu un accident? Pour le moment, je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais je pense qu'à l'occasion d'une révision, que j'es- père être cette année... Là, j'ai un conflit entre le conseil consultatif de la Commission des accidents du travail et la Commission des accidents du travail sur l'examen que j'ai demandé à la commission de faire sur toute son existence. Je lui ai demandé de se remettre en question comme commission avec tout ce qu'il faut, psychologues, travailleurs sociaux, tout le tralala, de se remettre en question comme institution au Québec, pour le bénéfice, bien sûr, de l'Assemblée nationale, pour que l'Assemblée nationale puisse refaire, disons, le raisonnement qui a pu être fait à l'époque, puis dire: Est-ce qu'on le fait encore, ce raisonnement-là, en 1975?

Est-ce encore juste d'avoir une commission formée comme celle-là? Si on pose des questions sur le financement, on dit: Oui, tant qu'il s'agit de compagnies d'assurance mutuelles, le financement se fait comme cela mais, s'il ne s'agit plus de mutuelles, s'il ne devait pas s'agir de mutuelles, quelles sortes de prestations devrions-nous payer? Comment financerions-nous la Commission des accidents du travail? Toutes ces questions-là doivent être posées.

Le conflit qui existerait, semble-t-il, entre le conseil consultatif de la Commission des accidents du travail et la Commission des accidents du travail, c'est un conflit beaucoup plus d'ajustement, le conseil consultatif croyant qu'il n'y a pas lieu que la commission se remette en question, moi croyant que la commission doit continuellement se remettre en question. C'est sur les méthodes, sur la sélection des personnes et sur le fait que le conseil consultatif lui-même peut devenir un instrument de remise en question de la Commission des accidents du travail. Il en était un et maintenant, moi, je préfère qu'il n'y ait qu'un conseil consultatif parce que ce sont les mêmes personnes qui répondent au ministre. Quand je viens ici, c'est moi qui réponds à l'Assemblée nationale et non pas la Commission des accidents du travail.

M. BONNIER: M. le Président, je crois que le ministre a bien raison de penser qu'il faut probablement remettre en question la vocation même et le mode de fonctionnement de la commission. Du moment que vous relevez le plafond, c'est une question qui se pose rapidement. A ce moment-là, vous êtes obligés d'augmenter, d'une part, votre réserve mathématique, parce que votre risque grandit drôlement; par ailleurs, comme l'expliquait le ministre, vous êtes obligé d'aller chercher des contributions, vous êtes obligé d'élargir l'assiette des contributions.

M. COURNOYER: Tout le temps.

M. BONNIER: Autrement, ça ne fonctionne pas. A ce moment-là, on repose toute la question de la vocation réelle de la commission. Je pense que c'est vraiment par là qu'il faut commencer.

M. COURNOYER: Les $9,000 eux-mêmes servent d'assiette.

M. BONNIER: C'est cela, oui.

M. COURNOYER: Si je monte à $15,000, des taxes vont être payées sur $15,000. Il ya une compensation après coup. Les taxes sont payées sur $15,000. Compte tenu de la couverture actuelle, c'est toute l'économie qui paie cela parce que c'est tout le monde qui est couvert par les accidents du travail.

M. BONNIER: C'est cela.

M. COURNOYER: Avant, c'était réellement une partie seulement du monde qui était couverte par la Commission des accidents du travail, tout le monde ne l'était pas. Vous aviez les classes couvertes, vous aviez l'industrie couverte mais on est rendu à couvrir les bureaux de députés et les bureaux d'avocats... Quand je dis les bureaux d'avocats, il y a peut-être moins d'accidents, dans un bureau d'avocat, que dans une industrie en particulier. Cela coûte probablement moins cher aussi.

M. BURNS: ...

M. COURNOYER: Cela, c'est les... Ils ne sont pas couverts par la Commission des accidents du travail mais par la loi des victimes d'actes criminels!

M. BURNS: Ce n'est pas toujours un acte criminel !

M. BONNIER: Je ne sais pas si le député de Maisonneuve a terminé là-dessus.

M. BURNS: Oui.

M. BONNIER: J'avais deux petites questions sur la Commission des accidents du travail mais je ne sais pas si je dois les poser étant donné qu'on va peut-être la recevoir ici. Je ne sais pas si cela regarde la loi.

M. COURNOYER: Posez-les.

M. BONNIER: Premièrement, il semble bien que lorsque la Commission des accidents du travail a défini qu'un accidenté doit être compensé, dépendant des organismes ou de l'employeur concerné, du type d'employeurs concernés, il y a des fois où la Commission des accidents du travail va elle-même faire le déboursé nécessaire en compensation et, d'autres fois, elle va demander à l'employeur de le faire. Or, quand l'employeur, suivant qu'il est public, parapublic ou privé, néglige de le faire, l'accidenté, au bout de l'année, est obligé d'attendre. J'ai eu un cas où le gars a été obligé d'attendre six mois. Je me demande si ce n'est pas possible, dans une nouvelle réglementation, que ce soit toujours la Commission des acci- dents du travail qui verse la compensation quitte à la faire récupérer par l'employeur si, pour celui-là, il a été jugé deux ou trois fois qu'il devait payer et qu'il ne paie pas. C'est une première question que je me pose au niveau de la nouvelle réglementation.

M. COURNOYER: Là-dessus, je vais répondre immédiatement. Il s'agit de la cédule 1 et de la cédule 2.

M. BONNIER: Oui.

M. COURNOYER: La décision politique est prise là-dessus d'incorporer dans la cédule 1 tout ce qu'il y a dans la cédule 2; c'est-à-dire que la commission paierait. La difficulté que nous éprouvons actuellement est avec des types comme le gouvernement provincial, par exemple, qui paierait à une de ses commissions un montant d'argent; cela dépend des ministères. Vous allez le voir, par exemple, dans les crédits des ministères; il y a toujours une provision pour les accidents du travail. On est obligé de payer ou d'assumer un certain coût que nous payons directement.

Il y a, par ailleurs, des petites municipalités qui ne sont pas désireuse de payer. Je parle des municipalités, en particulier; je peux parler de la Commission de transport de Montréal, par exemple, qui ne paie pas. Même si elle en reçoit l'ordre, elle va en appel, etc.

L'idée générale c'est d'abolir la cédule 2.

UNE VOIX: Ah! bon.

M. COURNOYER: D'abolir la cédule 2 en l'intégrant tout simplement à la cédule 1.

M. BURNS : Très bonne affaire.

M. COURNOYER: Mais il y a des problèmes financiers assez considérables là-dessus. La commission a décidé de l'abolir par règlement, mais avant de l'abolir il nous a semblé que le Conseil du trésor du Québec devrait se prononcer sur l'opportunité de l'abolir, parce que le gouvernement lui-même avec ses fonctionnaires, les entreprises hospitalières qui chargent au gouvernement devraient payer continuellement la commission. Mais nous, on pense — je le dis parce que je l'ai déjà dit au Conseil du trésor — que ce que la commission demande, compte tenu que c'est du financement des accidents chaque année, que c'est juste un virement de crédit. Il n'y a pas de différence fondamentale, c'est-à-dire qu'on ne paiera pas plus que le nombre d'accidents, parce que c'est fait en révisant les taux chaque année. On révise les taux, compte tenu des accidents qu'on a faits, on ne révise pas les taux compte tenu des obligations qu'on a encourues pendant une année, on révise l'année d'après.

Pour moi, il n'y a pas, à l'échelon gouvernemental proprement dit, d'obligations nouvelles, parce que nous sommes déjà une entité qui se

finance elle-même. Mais lorsque nous arrivons dans les municipalités, par le truchement des mutuelles, il se trouverait à y avoir des municipalités qui financeraient des accidents des municipalités d'à côté. Comme les municipalités ne sont pas, au point de vue de la capacité, encore normalisées au complet dans la province de Québec, comme les commissions scolaires le sont, par exemple, partir de là, cela peut causer des problèmes financiers à certaines municipalités de participer au financement des accidents de la collectivité dans les municipalités. A partir de ce genre de raisonnement je dis: Oui, la décision politique est prise de faire ça, maintenant il s'agit de trouver la meilleure méthode qui ne chambarde pas tout dans la province de Québec au point de vue des accidents de travail. Il y a des gens qui sont bien payés, il ne faut pas penser seulement à ceux qui sont mal payés, il y en a qui sont bien payés par le système actuel, ils seraient peut-être moins bien payés si ça tombait dans la grande affaire de la commission, payés moins rapidement.

De plus en plus, on assiste, comme le sait le député de Maisonneuve et même les autres députés qui ont fait du mouvement syndical, à une compensation immédiate par la convention collective d'un accident de travail. Là-dessus, la commission commence à avoir une opinion un peu différente de celle qu'elle a toujours eue. C'est que pour éviter un certain nombre de problèmes, il est possible que nous songions dès à présent à maintenir l'obligation de l'employeur de payer le salaire pendant que la commission étudie l'opportunité de payer, ce qui forcerait très souvent l'employeur à faire vite pour rapporter ses accidents, parce qu'il continuerait à payer. Cela est déjà dans le processus mental de la commission. Je peux vous le dire, en toute sincérité, c'est déjà dans le processus mental de la commission, compte tenu des réformes administratives dont nous avons parlé, et pour inciter davantage tous ceux qui sont impliqués à rapporter les accidents. On nous dit à la commission que, psychologiquement, si l'employeur était tenu de payer pendant que la commission ne paie pas, et que s'il était tenu peut-être aussi de payer lui-même les trois ou quatre premiers jours d'accident, maintenir le salaire au complet, ça inciterait probablement pas mal de monde à se dépêcher à régler les problèmes plutôt que de les maintenir un peu partout. Cela va même dans la cédule 2 et dans la cédule 1, même comportement des individus.

Je pense que même si la réponse à votre question pourra être plus détaillée lorsque nous reviendrons avec la Commission des accidents du travail, suite à la motion qui a été passée à l'Assemblée nationale, il y aurait lieu quand même qu'on parle à ce moment-ci de la cédule 1 et de la cédule 2.

UNE VOIX: Merci.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Laurier.

M. MARCHAND: M. le Président, étant donné l'inflation qui sévit actuellement, tant au Canada qu'à travers le monde entier, je voudrais demander au ministre du Travail quelle est son opinion quant au gel des prix et salaires? Et quelles pourraient être les conséquences d'une telle politique?

M. COURNOYER: Là-dessus, il y a une campagne fédérale qui marche, et il y en a un qui veut absolument geler les salaires. Cela fait quelques fois que j'ai l'occasion de discuter avec les fédéraux, pas les fédéralistes, les fédéraux...

M. BURNS: Les fédéralistes, c'est vous autres.

M. COURNOYER: Oui. Nous, nous sommes des fédéralistes, mais il y a des fédéraux. Vous autres, vous êtes des provinciaux.

M. BURNS: On n'est pas des séparatistes?

M. COURNOYER: Moi, je ne vous appelle pas des séparatistes; vous êtes des provinciaux par opposition aux ruraux.

Disons que j'ai eu une discussion ici, à mon bureau, sur le gel des prix et des salaires avec M. Young, lorsqu'il était président de la Commission des prix et salaires d'Ottawa. M. Young, de bonne foi, j'imagine, était venu me voir pour me demander mon opinion sur le gel des prix et des salaires.

La réponse que je lui ai faite à l'époque, c'est que ce n'était pas de leurs maudites affaires de geler les salaires. Je considère que c'est nettement de juridiction provinciale dans tout le domaine des conventions collectives qui relèvent de l'autorité provinciale, c'est-à-dire celles qui relèvent du code du travail. Quant à celles qui relèvent du fédéral, qu'ils s'arrangent avec leurs troubles; ce ne sont pas mes troubles.

Mais, quand il s'agit de geler des conventions collectives ou les salaires payés au Québec par des entreprises qui obéissent aux lois québécoises, je ne vois pas, c'est-à-dire je ne veux pas que le gouvernement fédéral vienne se mettre le nez là-dedans. Cela ne le regarde pas.

Un gel des prix, cela est un problème que je ne veux même pas discuter. Mais à la minute où un gouvernement fédéral voudrait geler les salaires payés dans la province de Québec par conventions collectives ou par ententes privées en vertu du code civil, je considérerais ça comme une intervention directe de l'autorité fédérale dans des affaires nettement de juridiction provinciale. Ce ne serait pas la première fois que cela arriverait.

M. BURNS: Non!

M. COURNOYER: Disons qu'à partir du moment où cela arriverait dans ce domaine, là il n'y a réellement plus de limites à l'interven-

tion gouvernementale fédérale dans les affaires d'une province. Parce que toutes nos relations au Québec, ensemble, sont basées sur le code civil. Cela nous appartient. Je suis libre de payer le salaire que je veux. C'est bien sûr que le code civil ou l'autorité provinciale pourrait, à une époque ou à une autre, décider de geler les salaires. Je ne ferai pas ça ici, pas moi. Le premier ministre peut-être, le ministre des Finances peut-être, mais, pour autant que le ministre du Travail est concerné, je serais prêt à geler les salaires au Québec le jour où les salaires au Québec seront nettement comparables aux salaires de la Colombie-Britannique. A partir de là, je les gèlerai, parce qu'ils gèleront eux aussi et on gèlera ensemble. Mais on va geler chacun dans notre autorité; ce n'est pas une autorité qu'on appelle le gouvernement fédéral qui va venir geler les salaires chez nous, qui sont payés en vertu de nos lois. Je ne peux pas accepter ça. Ce n'est pas acceptable. Je ne pense pas que ce soit acceptable pour aucun gouvernement provincial, y inclus ceux de 1'Alberta et de la Colombie-Britannique, que le gouvernement fédéral, par son autorité, puisse geler les salaires et les conventions collectives. Je ne pourrais pas accepter ça. C'est nettement, à mon sens... Remarquez bien que je ne suis pas un avocat qui pratique; je suis un avocat qui n'a jamais pratiqué; mais il y a des petits bouts que je sais lire.

A ce moment-ci, avec le salaire minimum qui est à $2.10 chez nous et qui est à $2.50 à l'autre bout, alors qu'on a déjà de la difficulté, à l'intérieur de nos propres juridictions, à maintenir un niveau de vie qui soit comparable au reste du Canada, et on gèlerait ça! Non, monsieur, cela n'est pas de leurs maudites affairés. Qu'ils se mêlent donc de leurs affaires! Qu'ils règlent donc leur gel de salaire au ministère des Postes, s'ils veulent, et dans le système fédéral, dans les trains et dans les transports. Cela les regarde. Qu'ils règlent là. Mais, quand il s'agira de geler des salaires chez nous, que ce soit le Parlement ou que ce soit le gouvernement actuel du Québec qui le fasse, on le fera en connaissance de cause de ce qu'il y a chez nous par rapport aux autres provinces. Autrement, c'est de l'intrusion fédérale dans des affaires qui sont nettement provinciales. C'est le commencement de la fin, pour autant que je suis concerné, si jamais on gelait les salaires au Québec. Cela ne vaut plus la peine qu'on existe.

M. MARCHAND: M. le Président, je voudrais aussi demander au ministre — c'est la deuxième partie de ma question — quelles seraient les conséquences d'un gel des prix et salaires pour le pays, comparativement à ce qui s'est fait ailleurs.

M. COURNOYER: Sur le gel des prix proprement dit, je ne ferai pas trop de commentaires. Je pense bien que les prix, il y en a qui ont essayé de les geler et ils se sont retrouvés avec des prix pas mal plus élevés qu'avant le gel. Dans le système économique dans lequel on vit, personne n'est forcé de vendre au moment où c'est gelé. On n'a qu'à attendre que ce soit dégelé, surtout s'ils nous donnent 90 jours, pour vendre au prix que l'on veut.

Dans le cas du salaire, si jamais on gelait les salaires au Québec, actuellement c'est moi qui aurais le bordel sur le dos. Ce n'est pas celui qui les aurait gelés. Ce sont des conventions qui sont signées chez nous.

Il n'y a pas un chrétien qui va venir d'Ottawa pour me dire qu'on va geler les conventions collectives ici. Cela voudrait dire que même le gouvernement provincial, ses salaires à ses employés, il ne serait pas capable de les payer. C'est cela que ça voudrait dire. Si on gelait les augmentations de salaires prévues dans les conventions collectives actuelles, je considérerais cela comme de l'aberration mentale pour le moment. Il serait fou, le gars qui ferait cela. Cela serait faire exprès pour créer le bordel. Excusez l'expression. Est-ce parlementaire?

M. BURNS: Oui, je l'utilise souvent!

M. COURNOYER: Cela, c'est la partie qui regarde les conventions collectives déjà signées, prévoyant certaines augmentations de salaires.

Quant aux autres, si vous décidez de les geler parce qu'elles ne sont pas encore prévues, et que vous dites : Vous allez rester en bas de tout ce qui existe; vous autres, vous allez rester en bas, il n'y a que vous autres qui êtes gelés! vous avez eu le malheur de ne pas avoir négocié votre convention collective il y a un an, parce qu'elle était échue cette année, on va vous défendre, à vous autres, de l'augmenter, on ne fait que maintenir des disparités alors que tout le système veut que nous les réduisions. C'est le système dans lequel on vit. Chaque syndicat ou chaque groupement de travailleurs demande toujours de rejoindre les confrères qui font un travail de même nature.

Alors, parce qu'il y a eu une convention collective de signée, par exemple, dans le cas de la CTCUM, avec les employés manuels, il y en a une aussi de signée avec la ville de Montréal. Pourquoi? Parce que c'est le cours normal des choses. Tout de monde se suit, là-dedans. Pointe-Claire va signer en premier, cela va régler le problème pour Montréal-Nord, qui va demander la même chose que Pointe-Claire.

Admettons, par exemple, que Pointe-Claire signe aujourd'hui et que, demain, il y ait un gel des salaires. Le gel des salaires, c'est pour tous ceux qui n'ont pas signé hier. Cela veut dire: Maintenons les disparités pendant 90 jours, ou maintenons les disparités d'une façon totalement indéfinie, alors qu'effectivement toutes les tendances de cette société, c'est de réduire davantage les disparités, tant au point de vue régional qu'à l'intérieur des régions.

La consécration d'une décision fédérale de geler les salaires, d'abord je la contesterais, je

serais obligé de la contester au point de vue constitutionnel. Cela ne les regarde pas. Mais si jamais je perdais — parce qu'on perd parfois — à partir de là, je considérerais encore cela comme de l'aberration mentale et contraire à toute politique de réduction des disparités canadiennes. Ce serait le maintien des disparités dans leur état actuel. A partir du moment où vous les maintenez, cela dépend de qui est en bas. Mais comme nous sommes encore au-dessous, au point de vue des conditions de travail, de notre voisin de l'Ontario, le gel m'empêcherait de tendre à rejoindre mon voisin de l'Ontario, alors qu'effectivement l'industrialisation que nous faisons au Québec nous permettrait d'atteindre à cette parité avec l'Ontario à plus ou moins brève échéance.

Mais qu'un gouvernement fédéral me dise: Tu n'atteindras pas à cette parité... pas parité nécessairement, mais disons: Tu n'as plus le droit de vouloir atteindre à une disparition des divergences entre l'Ontario et le Québec en matière de salaires, c'est me dire, à moi: Je suis petit, tu vas rester petit!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, la question principale, si vous me permettez, était la législation du ministère. Je pense bien qu'il faudrait revenir à la question principale. Autrement, on s'éparpille un peu.

Le député de Saint-François avait demandé la parole. Etait-ce sur la question principale?

M. DEZIEL: C'était justement sur la Commission des accidents du travail.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que vous me permettriez seulement une question?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, certainement. Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je trouve cela très agréable et en même temps surprenant, parce qu'on n'est pas tellement habitué de voir un ministre du Québec s'opposer avec un ton aussi énergique, avec véhémence, je dirais, à l'intrusion du fédéral concernant certaines juridictions provinciales comme celle dont on parle.

Je demanderais au ministre si, sans aller dans les autres ministères, il lui est arrivé déjà de s'élever d'une façon aussi énergique à certaines intrusions du fédéral dans le domaine du travail, avec des résultats qui, effectivement, ont passé par dessus... L'assuranee-chômage, les centres de main-d'oeuvre...

M. COURNOYER: Les centres de main-d'oeuvre, nous en reparlerons dans dix minutes. On va arriver dans le contentieux fédéral-provincial, je reparlerai des centres de main-d'oeuvre tout à l'heure.

M. BEDARD (Chicoutimi): Disons l'assuran- ce-chômage. Mais c'est que ça fait plaisir de voir un ministre...

M. COURNOYER: L'assurance-chômage, j'ai fait ce que je croyais devoir faire à l'époque. Si j'avais eu, à ce moment-là, la collaboration des syndicats, en particulier, s'ils n'avaient pas été pris à négocier avec le gouvernement à l'époque, on aurait probablement tenu jusqu'au bout et nous n'aurions pas payé, nous. Mais on a payé. D'un côté, vous discutez avec les gens et il arrive qu'il y a des gens qui ne sont pas prêts à faire les sacrifices; ils voudraient avoir tous les avantages du fédéralisme mais pas un désespoir de désavantage du provincialisme. Quand vous parlez avec eux sérieusement, et d'argent, surtout d'argent, c'est effrayant; quand tu parles de principes, ils sont tous d'accord avec toi mais, quand tu viens pour mettre cela en argent, c'est une autre histoire.

Le député de Chicoutimi n'était pas ici à cette époque-là, mais le député de Maisonneuve y était. Nous avons eu une réunion dans cette salle-ci, avec tous les syndicats affectés, des représentants des travailleurs de la fonction publique québécoise dans les hôpitaux, les écoles, et dans les différents ministères. A cette époque nous venions à peine d'apporter la loi 22, qu'elle s'appelait, en tout cas, une petite loi...

M. BURNS: C'est un chiffre magique, ça.

M. COURNOYER: ... qui s'inspirait de la loi de l'assurance-chômage fédérale pour que nos employés du gouvernement ne soient pas couverts par cette loi-là. Nous venions de l'adopter mais, quand est venu le temps de la mettre en pratique, on a expliqué qu'on ne pouvait pas garantir le même montant d'argent que celui qui était garanti par le fédéral, avec des prestations d'assurance-chômage en matière de maternité, de maladie et aussi de prestations de chômage. La principale évocation que nous faisions à l'époque c'était que, dans tout le domaine public ou parapublic, nous avions une sécurité d'emploi totale, enfin on peut dire totale, pas tout à fait mais en tout cas. On ne prévoyait pas de diminution de tout dans le système hospitalier, bien au contraire. On prévoyait peut-être une diminution dans le nombre d'enfants; compte tenu de la pilule et de tout ce que vous voudrez, on prévoyait peut-être une diminution du nombre d'enfants dans les écoles. Par ailleurs, il y avait une possibilité de discussion d'une formule de sécurité d'emploi avec les professeurs ou avec le personnel dans les écoles. On ne prévoyait pas, dans le système, une possibilité de perte d'emplois considérable pour les employés du secteur public et du domaine parapublic. On n'en prévoyait certainement pas à Hydro-Québec, compte tenu de tout ce qui se développait à l'époque et de tout ce qui se développe encore

aujourd'hui; tout ce à quoi l'on peut s'attendre dans ce domaine, ce sont à des augmentations plutôt qu'à des diminutions.

Dans le personnel gouvernemental, ce sont encore des augmentations plutôt que des diminutions. Alors, nous avions fait des remarques désobligeantes au ministre Mackasey et finalement — il était ministre du Travail à l'époque — quand j'ai demandé la collaboration des centrales syndicales, on nous a dit: Oui, mais à condition qu'on ait les mêmes bénéfices que si on était dans l'assurance-chômage fédérale.

A partir du moment où vous demandez les mêmes bénéfices que si vous étiez dans le grand pot et que vous êtes dans une petite marmite — c'est "de valeur", on est dans une petite marmite — et j'ai dételé, non pas devant Ottawa mais à cause du manque d'appui que j'avais à côté de moi.

Le dételage n'a pas été seulement stratégique, j'ai demandé et obtenu du gouvernement qu'on conteste encore la constitutionnalité de certaines dispositions de la Loi de l'assurance-chômage de l'époque, particulièrement quant à son intrusion dans les affaires strictement sociales comme les congés de maternité et les congés de maladie, et qu'on conteste ça, qu'on ne paye pas notre part là-dessus.

Mais j'imagine que ça doit être une des causes qui attendent devant la cour Suprême au point de vue constitutionnel.

M. BURNS: Pour revenir au domaine de la législation...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-François avait demandé la parole. Comme on a discuté tantôt de la Commission des accidents du travail, je permettrai la question.

M. DEZIEL: M. le ministre, si vous me permettez, on sait que tous les services de la Commission des accidents du travail sont présentement centralisés ici dans la ville de Québec. Votre ministère, éventuellement, entrevoit-il la possibilité d'ouvrir des bureaux régionaux avec services complets?

M. COURNOYER: II n'y a rien que j'aimerais mieux, moi, que de donner un service régional complet non seulement de la Commission des accidents du travail mais de tous les services de mon ministère.

Et, dans le cas de la Commission des accidents du travail, vous pouvez constater qu'il ne manque pas beaucoup de bureaux dans chacune des régions de la province de Québec, mais le service n'est pas complet. Même celui de Montréal n'est pas complet.

Il y a un bureau à Chicoutimi, je suis convaincu, il y en a un en Abitibi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ce n'est pas complet.

M. COURNOYER: A Sherbrooke. Je ne sais pas s'il n'y en a pas dans toutes les capitales régionales maintenant. Je pense que dans toutes les capitales régionales la commission a ouvert des bureaux. Mais ils n'ont pas le service complet, le service est centralisé à Québec. Il semble, parmi les constatations du rapport Mineau... Je ne sais pas si je vous ai remis le rapport Mineau.

M. BURNS: Je ne pense pas, pas à ma connaissance.

M. COURNOYER: J'aimerais vous le donner. Il y a cette régionalisation d'un certain nombre de services et surtout de l'autorité de la commission. Une fois qu'une règle est établie, on peut toujours faire suffisamment confiance à un individu qu'on a employé pour cette fonction pour qu'il puisse prendre un certain nombre de décisions à un échelon inférieur sans que, pour autant, tous les dossiers viennent à Québec. Cependant, il y a les écrans cathodiques que nous avons inaugurés à Montréal il y a à peu près un an. S'il y a des écrans cathodiques partout, la centralisation des documents et l'utilisation des procédés mécanographiques qui sont en place se font très rapidement. A la minute près, vous pouvez savoir à quel endroit se trouve un dossier et quel est le contenu du dossier et qui est susceptible d'être contacté pour avoir des renseignements sur ce dossier.

Seulement, si vous n'avez pas revisé le système des dossiers en haut et s'il y a encore 25 places où le dossier peut se trouver et qu'il doit suivre un cheminement de 25 places, vous n'avez rien fait de plus. Même si vous amenez cela à l'échelon régional, il va encore suivre 25 places, ça va prendre 25 employés à l'échelon régional plutôt que d'avoir 25 employés à l'échelon central. La révision commandée par le rapport Mineau tend à réduire de 65 à 15 jours le procédé que la commission doit suivre pour pouvoir payer la première compensation. Et avec ce dont je parlais tantôt d'incitatif, on a par exemple changé et simplifié la formule médicale à remplir. Les médecins se plaignaient que ça prenait du temps à la remplir et que ça leur prenait une secrétaire pour la commission.

M. DEZIEL: J'ai une question: A quand l'implantation du rapport Mineau?

M. COURNOYER: Je pense que la question serait mieux posée à la commission, mais je dois vous dire que c'est déjà commencé. La plupart des choses sont commencées et tous les directeurs de services ont depuis six mois, je pense, instructions de la commission de préparer leur personnel à une implantation totale du rapport Mineau, mais suivant une échelle de priorités qui a été établie par la commission. C'est un rapport qui est épais

comme ça et il y a beaucoup de comportements encore là, de jugements sur le comportement.

Je vais vous donner le rapport aujourd'hui si je l'ai, de façon que, lorsque la commission viendra, vous pourrez au moins poser des questions sur le rapport en question. Vous pourrez le lire pour la commission parlementaire qui siégera effectivement pour la Commission des accidents de travail, à la date que vous jugerez appropriée. Je veux vous donner cette information de façon que vous puissiez au moins poser des questions à partir du document en question.

M. BURNS: Maintenant, M. le Président, toujours dans le domaine de la législation, il y a une pièce de législation qui est attendue avec impatience depuis au moins deux ans; il s'agit de la loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs dans le domaine de la construction. J'ai été assez étonné de lire dans la Presse du 6 avril dernier, sous la signature de Pierre Vennat, que M. Pierre-Paul Aird, qui est le secrétaire général de l'Association des constructeurs d'habitations de Montréal, prétendait que cette loi ne venait pas parce que M. Paul Desrochers, conseiller spécial auprès du premier ministre, avait déclaré qu'il n'en était pas question, qu'elle ne viendrait pas. J'ai été étonné d'une première façon. C'est qui ça, M. Desrochers, pour décider qu'il ne viendra pas de loi? D'autre part, qu'à un moment donné un ministère ou, encore, le conseil des ministres se plie à des décisions comme celle-là, c'est absolument incompréhensible.

Maintenant que M. Paul Desrochers est parti, du moins en apparence, du cabinet du premier ministre, est-ce que le ministre du Travail a l'intention d'amener son fameux projet de loi?

M. COURNOYER: Disons que la question, basée sur un rapport de journal, est insidieuse parce que vous la commentez. Je vais vous répondre à ça; je n'ai pas répondu dans le temps. A aucun moment, M. Desrochers n'a même été mis au courant qu'il existait une possibilité de licence des entrepreneurs par le ministre du Travail, et le seul endroit où c'est arrêté c'est au bureau du ministre du Travail. Il n'y a personne qui m'a dit d'arrêter ça, jamais, au grand jamais. Encore moins Paul Desrochers.

Je vais vous dire cependant la difficulté que nous avons. Il y a un consensus, chez les entrepreneurs, pour avoir une loi des licences. Là où le ministre est en désaccord avec eux, c'est sur la constitution de la régie en question pour émettre les licences. Le ministre croit sincèrement qu'il doit s'agir d'un registraire fonctionnaire, et non pas d'une émanation des entrepreneurs proprement dits. Alors la grande difficulté réside là.

Mais ma décision a été prise la semaine dernière. En 1962, le ministre a demandé, comme conseiller de l'Association de la construction de Montréal, de la Fédération de la construction de Québec, qu'il y ait une corporation autonome pour administrer ça. Le conseil consultatif, en 1971, lui a dit que ça ne devrait pas être une corporation autonome — il n'était pas ministre dans ce temps-là, le ministre du Travail actuel — et, par la suite, il a dit oui, ce sera une corporation autonome. Le dernier projet que nous avons en main ne comporte pas de corporation autonome. Il comporte simplement une régie, un registraire, pas une régie mais un registraire. La différence entre le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le rapport de 1971, et la proposition du ministère du Travail, en 1974, qui va venir incessament, je l'espère, la seule différence, c'est le fonds d'indemnisation en cas de faillite, et cette différence n'existe plus parce que le décret de la construction comporte la création d'un fonds d'indemnisation qui est déjà en vigueur.

La loi des licences d'entrepreneurs ne comporterait donc pas de création de fonds d'indemnisation de victimes de faillite, parce qu'en vertu de la Loi des relations de travail dans la construction, il est établi, ce fonds-là. Par ailleurs, le reste me semble nettement semblable à ce que le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre avait proposé en 1971, sauf qu'eux voulaient une régie constituée de trois ou quatre personnes, si je me souviens bien, et nous disons: un seul registraire, c'est-à-dire un seul fonctionnaire avec tous les autres fonctionnaires qui seront cités en autorité immédiate.

L'idée générale que nous avons, c'est de faire rédiger ce projet de loi; des instructions ont été données la semaine dernière, je le fais rédiger par le comité de législation du Québec, même si tout est fini, là, article par article. Je le fais vérifier par le comité de législation et montrerai ce projet au conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre pour que le conseil consultatif voit la correspondance, qu'il fasse les corrections d'usage, pour qu'on puisse présenter ce projet de loi dès le mois de septembre. Au point de vue du texte, il ne devrait pas y avoir de problème. Je suis "tanné" de me faire changer des affaires par le comité de législation. Je vais m'arranger pour que le texte qui a été compris par tout le monde, soit continuellement compris par tout le monde, dans la forme qu'il a, par ceux qui l'administreront.

M. BURNS: Je les comprends, les gens de la législation, quand on sait ce qui s'est passé en 1969/70 au point de vue de la loi du travail. Une loi a été adoptée en juin, puis en novembre on était obligé de revenir avec quelque chose comme 75 amendements, parce que la loi était incompréhensible. On peut comprendre les gens du comité de législation.

M. COURNOYER: Cela prend du temps, parce qu'il y a pas mal de lois, qui se font

actuellement. Le gouvernement libéral a été celui qui a passé le plus de lois en quatre ans de session, d'après ce que j'ai pu comprendre...

M. BURNS: Sans augmentation de taxes.

M. COURNOYER: ...Sans augmentation de taxes. Je l'ai oublié celle-là, je vais le répéter pour qu'elle m'entre dans l'esprit.

M. BURNS: J'allais dire, mais je ne le dirai pas parce que ce n'est pas parlementaire: Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose, mais je ne le dis pas.

M. COURNOYER: II ne faut pas dire ça, ce n'est pas parlementaire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-François, sur le même sujet.

M. DEZIEL: M. le Président, est-ce que la loi du licenciement des entrepreneurs va apporter les amendements aux lois des faillites?

M. COURNOYER: Non, la Loi des faillites est de juridiction fédérale. Maintenant, il est clair, par exemple, que pour obtenir le permis il va falloir... Quand vous aurez fait faillite, il y aura des choses... Là, il y avait un fonds d'indemnisation des victimes de faillite; à celui-là, nous disons non, parce qu'on en tient compte pour les travailleurs. Le fonds d'indemnisation des victimes de faillite, dans le projet de loi de 1969, débordait beaucoup la protection du travailleur, c'est-à-dire qu'on pouvait indemniser les fournisseurs de matériaux, par exemple, et tous ceux qui avaient participé.

Cette indemnisation, à notre sens, à l'époque — là-dessus, je n'ai pas changé d'idée — enlevait toute possibilité de police interne. On vend à n'importe qui et, vendant à n'importe qui, il y a un fonds qui prend soin de tout cela. Dans le cas de la construction, actuellement, on a beaucoup de difficulté à en arriver à une réglementation à savoir qui nous allons indemniser. On veut bien payer les travailleurs qui sont mal pris; on veut bien les payer, il y en a de l'argent, là. Par ailleurs, il ne s'agit pas de créer une nouvelle forme de paiement continuel des individus qui font faillite, qui n'ont pas besoin de leur payer leurs salaires. Ils n'ont même plus de responsabilités vis-à-vis des travailleurs, ils n'ont qu'à faire faillite, c'est payé par la commission et, parfois, que voulez-vous, c'est assez facile de faire un petit "family compact" là-dedans et dire: Ecoute, on va attendre; ne nous paie pas de salaire pendant trois mois, de toute façon, la Commission de l'industrie de la construction va nous le payer et toi, fais faillite au bout de trois mois. Une collusion de cet ordre est très difficile à prouver et elle fait que le fonds financerait la construction plutôt que d'aider les individus de la construction à faire leur "job" telle qu'ils doivent la faire.

Quant à l'autre, les matériaux, moi, je trouvais cela épouvantable à l'époque et je trouve encore cela épouvantable qu'on puisse créer un fonds qui, en soi, inviterait à ne pas prendre les mesures nécessaires pour mettre en doute le crédit de certaines personnes en disant: De toute façon, le fonds va payer. Je dis non, là-dessus. Quant au reste, par exemple pour la question de se qualifier comme entrepreneur en construction, il est bien clair que dans les règlements que nous allons adopter, et c'est même contenu dans la loi, un gars qui aura fait faillite hier ne pourra pas rouvrir demain matin, ni avec un prête-nom ni autrement. Cela fait partie des dispositions de la loi actuelle, de celle qui s'en vient.

M. BURNS: De votre projet. M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Là-dessus, en terminant, on comprend que cela devrait être déposé en septembre devant l'Assemblée nationale ou, en tout cas, à la reprise.

M. COURNOYER: Oui. Dans les priorités, il y a cela, il y a le bill 81 aussi, dont nous parlerons bientôt, bien sûr.

M. BURNS: C'est quoi?

M. COURNOYER: C'est-à-dire que ce n'est pas le bill 81, comme on me le dit. Le bill 81 remettait à la Régie des rentes l'administration des régimes de sécurité sociale dans la construction. La Caisse de dépôt possède les fonds, cela va rester tel quel, mais le Comité des avantages sociaux de l'industrie de la construction reprendrait la juridiction sur l'administration des régimes de sécurité sociale. Il y aurait le consensus de tout le monde, à ce moment-ci, y inclus la régie, le ministère des Affaires sociales, qui est responsable des rentes, et toutes les parties, me dit-on, c'est-à-dire la CSN, la FTQ, la CSD, et les différentes parties patronales. Tous seraient d'accord pour le retour au comité des avantages sociaux de l'administration des régimes de retraite des employés de la construction, mais pas de l'administration des fonds qui resterait à la Caisse de dépôt.

M. BURNS: Maintenant, M. le ministre, l'été dernier, un certain nombre de travailleurs en grève de la région de Joliette, en particulier — les gens de Waterloo étaient également présents — les employés de Firestone, de Canadian Gypsum et de Slack Brothers, j'en oublie, il y en avait d'autres, à peu près 400 travailleurs sont allés vous voir à votre bureau de Montréal.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Vous aviez, à ce moment-là — je ne sais pas si c'était la nervosité du moment ou quoi — acquiescé à un éventuel projet de loi

"antiscab". Quand vous avez fait la nomenclature, au début de la présente commission qui étudie vos crédits, je n'ai pas entendu mentionner des amendements au code du travail — c'est sans doute là qu'une loi "antiscab" s'installerait — je n'ai pas entendu dire que vous aviez l'intention de légiférer à ce sujet. Qu'en est-il, comme disait l'autre?

M. COURNOYER: J'ai préparé un projet de loi qui amendait le code du travail, comme vous le dites, qui a été soumis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. C'était une loi équilibrée, bien faite et les deux parties du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre m'ont dit qu'elle ne valait rien. C'est, en fait, la seule chose que je vais faire là-dedans. J'ai fait ce que j'avais à faire. Comme les deux parties sont en désaccord total sur les deux parties, mais pour des raisons totalement différentes, je n'ai pas l'intention de modifier le code du travail actuellement dans ce sens.

M. BURNS: Vous ne pensez pas que, si vous aviez voulu en mettre un peu moins pour les deux côtés, essayer un peu moins de faire un consensus et viser le problème lui-même, c'est-à-dire le fait qu'il y a de la violence dans certaines grèves malheureusement, à cause justement de l'inexistence d'une loi "antiscabs"...

M. COURNOYER: Cela est...

M. BURNS: Je pense, entre autres, à une des dispositions que vous aviez dans cet avant-projet; d'ailleurs, je remercie le ministre de m'en avoir fourni copie. Je pense à la disposition qui voulait que ce soit 60 p.c. des membres de l'unité de négociation qui se prononcent en faveur de la grève pour qu'une telle grève provoque le déclenchement ou l'application de la loi "antiscabs". Au départ, c'était beaucoup demander. Ce sont, entre autres choses, des choses comme ça qui, j'imagine, ont fait sauter le projet. Mais est-ce que le ministre, visant à corriger cette situation dans les conflits de travail, n'a pas l'intention de réviser sa position, de revenir au conseil consultatif avec quelque chose de plus concret, de plus pratique surtout et de plus réaliste?

M. COURNOYER: II n'y a rien d'irréaliste à en demander 60 p.c. ou même 50 p.c.; j'aurais pu régler pour 50 p.c. Cela n'aurait pas été une grosse affaire pour moi de dire 50 p.c. plus un, la majorité des travailleurs qui décident d'aller en grève. Il n'y a rien de plus facile que ça. Si la CSN et la FTQ veulent le prendre à 50 p.c. plus un, je vais revenir avec. Mais ils ne veulent pas du tout que le gouvernement ou que le Parlement donne une bénédiction, pas une bénédiction, mais dise: Voici, quand vous décidez de faire la grève, on ferme. Veux-tu arrêter, toi? On serait bien mieux dans la grande salle là-bas; il ne serait pas là, lui. Je suis là avec mes fonctionnaires, je ne leur demande pas leur opinion tout le temps. Vous voyez comment c'est arrangé. C'est viré à l'envers. Avant, on disait: Le ministre se tourne vers son fonctionnaire et il lui donne la réponse.

M. BURNS: Chacun nos fonctionnaires. M. COURNOYER: C'est reviré à l'envers.

M. BURNS: Chacun nos fonctionnaires et chacun nos sous-ministres.

M. COURNOYER: II est excellent, par exemple. Pour les questions, il est pas pire.

M. BURNS: Il est excellent, sûrement.

M. COURNOYER: II sait que les questions, tu voudrais me les poser, mais il te rappelle que tu devrais me les poser.

M. BURNS: C'est mon aide-mémoire.

M. COURNOYER: J'essaie d'expliquer qu'avant de donner un effet plus fort à une décision de faire la grève, le ministre du Travail croit qu'il y a lieu que la décision de faire la grève soit prise d'une façon différente de la façon dont on la prend actuellement. Si on n'accepte pas que le gouvernement ou qu'une autre autorité — c'était assez ouvert — surveille la façon dont les votes de grève sont pris pour que tout le monde sache bien ce qu'ils font quand ils font la grève, qu'ils ne sont pas juste entrînés à coups de poing et à coups de coude à la faire... Cela arrive parfois. Ce n'est pas tout le temps comme ça, mais ça arrive. On a vu ça à la télévision une fois. Quand on donne une extension à la signification de la grève comme elle devrait être — je vais répéter ce que j'ai déjà dit — quand on fait une grève, on se prive de gagner sa vie et normalement la compagnie devrait arrêter de travailler. C'est clair, je l'ai dit cette fois. Il faisait chaud en désespoir, je tiens à vous le dire, puis les gars de Slack Brothers n'étaient pas du tout des scabs. Firestone, il n'y avait pas de scabs et puis ils étaient tous là, tout le monde était là. Il y en avait deux qui avaient des scabs, Gypsum... Non, United Aircraft n'était pas commencé dans ce temps.

M. BURNS: II y avait l'autre conflit à Joliette dans le textile.

M. COURNOYER: Non, il y avait les trois pavillons ici, il y avait Seven-Up; il n'y avait pas de "scabs" à Seven-Up, tout le monde le sait. Ce n'étaient pas des "scabs".

C'était une autre union qui était là, c'était une autre union qui se trouve à être les "teamsters", cela, c'est par accident.

Vous aviez, après ça, le pavillon Saint-Dominique. Il a continué totalement à fonctionner en employant de nouvelles personnes

pour remplacer, semble-t-il, les travailleurs qui étaient en grève à l'époque au pavillon Saint-Dominique.

Vous aviez Pollack. On disait qu'il y avait des "scabs" chez Pollack. J'ai répété, à deux ou trois reprises, que chez Pollack, il y avait peut-être des "scabs", peut-être qu'il n'y en avait pas du tout. Ils étaient tous les trois là, les manifestants.

A Slack Bros Ltd, dans le fumier, il n'y avait pas de "scabs", personne ne voulait travailler là. Il n'y avait pas de problème, ce n'était pas ça la raison de la grève. Le soir même, j'ai dit que, normalement, on devrait arriver à ça. Je le répète: Normalement, une industrie devrait fermer ses portes lorsqu'il y a une grève. Mais pour donner une valeur légale à cette décision, je dis: Comment devons-nous prendre la décision d'aller en grève? Ceci doit refléter le voeu d'une majorité librement exprimée. A ce moment-là, je dis: D'accord, je vais vous donner ce que cela veut dire. Quand 60 p.c. de vos employés ont décidé d'aller en grève, c'est qu'il y a quelque chose que vous devez réviser vous-mêmes, comme employeurs. Et si vous devez réviser ça, ce n'est pas que les gars vont être dans la rue à attendre à 60 p.c. Un an à 60 p.c, tout en étant très conservateur, espérant qu'on me dirait 50 p.c, cela va faire, mais ce n'est pas ça qu'on a fait. On a dit: Pas du tout d'intervention gouvernementale dans les votes de grève. On est capable de faire cela tout seul. Ils font ça tout seul, et à ce moment-là...

M. PERREAULT: Ils sont capables.

M. COURNOYER: Pardon?

M. PERREAULT: Ils sont capables.

M. COURNOYER: Bien, ils le font seuls et, très souvent, ce qui est malheureux, c'est que c'est fait normalement.

M. BURNS: Est-ce que le ministre ne reconnaît pas, cependant, que le climat n'était pas au beau fixe au moment où vous avez consulté le conseil concultatif? C'était l'époque où MM. Pepin, Laberge et Charbonneau étaient encore tout frais...

M. COURNOYER: Emoulus de prison.

M. BURNS: ... émoulus de prison, fraîchement sortis, leurs places étaient encore chaudes.

M. COURNOYER: Disons que j'ai consulté le conseil consultatif après coup, par exemple, M. le député de Maisonneuve, c'est-à-dire que je l'ai consulté au début de 1974, non, à la fin de 1973, au mois de novembre ou décembre 1973. Je comprends qu'il faisait moins chaud qu'au mois d'août. Je comprends que cela faisait plus longtemps qu'ils étaient sortis aus- si. Mais je comprends que ce que les syndicats, en particulier, n'ont pas du tout digéré dans ce projet de loi "antiscabs", si on l'appelle un projet de loi "antiscabs", c'est traditionnellement, pas seulement parce qu'on vient de sortir de prison, une non-intervention étatique dans les décisions syndicales. Je pense que c'est traditionnellement — vous et moi le savons — qu'ils ne veulent pas d'intervention de quiconque dans la prise des votes, que ce soit pour ça ou pour autre chose, à l'intérieur d'un syndicat.

Seulement, il reste que lorsque l'on fait une loi, on fait une loi qui ne s'applique pas nécessairement à tel bon syndicat. Il y a d'autres syndicats qui n'agissent pas tout à fait de la même manière que ceux qui sont représentés si dignement par MM. Laberge et Pepin. Il y en a d'autres qui prennent des décisions de la façon qu'ils jugent appropriée.

Lorsque nous avons fait ça, nous nous inspirions de la formule Rand qui demandait que le vote soit pris par tous les salariés d'une entreprise. Tout ça vient de la formule Rand, vous le savez, cela a été pris là, l'idée générale de ce contrôle.

Je pourrais encore régler autre chose que le contrôle étatique, à condition que l'Etat ait la garantie que les individus font la grève de leur propre gré et en toute connaissance de cause, sachant fort bien que, quand ils s'aventurent dans une grève, cela peut durer longtemps. Ce n'est pas juste pour dire: On fait une pression; on se découvre en grève le lendemain matin et on se demande, au bout de six mois, pourquoi on est en grève.

Cela arrive, ça, M. Burns. Vous le savez.

M. BURNS: Cela arrive, mais rarement, M. le ministre.

M. COURNOYER: Oh!

M. BURNS: Vous le savez comme moi. Mon expérience syndicale me dit que, dans 99.9 p.c. des cas, il n'y a pas de syndicat logique avec lui-même, réaliste, qui va se lancer dans une grève qui risque de durer longtemps sans qu'il se base...

M. COURNOYER: Vous avez calculé votre affaire.

M. BURNS: ... sur un vote d'un fort pourcentage des travailleurs. Moi, en tout cas, je n'en ai pas vu dans ma petite carrière syndicale.

M. PERREAULT: Ce n'est pas cela qui s'est produit pour la construction, en 1970.

M. BURNS: Pardon?

M. PERREAULT: Ce n'est pas cela qui s'est produit pour la construction, en 1970.

M. BURNS: Le ministre et moi serons

unanimes sur une chose : ce qui se passe dans la construction, ce n'est pas du syndicalisme comme ailleurs. Alors, quand je parle de syndicalisme, je ne parle pas du syndicalisme dans la construction.

M. BONNIER: Par ailleurs, aussi, dans les cas où on voit des briseurs de grève, moi, en tout cas, les cas auxquels j'ai été mêlé, ce n'était vraiment pas la majorité qui avait voté pour sortir. C'est ça, l'affaire. Je parle de la majorité des travailleurs de l'usine elle-même ou de l'entreprise. Ce n'est pas nécessairement la faute du syndicat; c'est la faute des travailleurs qui ne sont pas allés voter.

M. COURNOYER: C'était l'autre élément qu'il y avait dans le bill.

M. BONNIER: Dans la formule Rand, on explique bien qu'il faut que ce soit une majorité des travailleurs de l'entreprise.

M. COURNOYER: Aussitôt qu'il s'agit d'une assemblée, M. Pépin le disait à la télévision l'autre jour, sur la question du bill 22, quant au choix de la langue, ce sont ceux qui vont y aller qui vont décider quelle est la langue, n'est-ce pas? M. Pepin nous disait cela à la télévision, l'autre soir.

M. BURNS: C'est ça qui va arriver. C'est ça qui arrive dans l'administration de n'importe quel syndicat. C'est ceux qui y vont qui décident des politiques et de l'administration du syndicat.

M. COURNOYER: Dans le cas de la langue, M. Pepin ne semblait pas tout à fait d'accord sur cela. Dans le cas de la grève, je préférerais que ce soit autre chose qu'une assemblée. Je préférerais, comme ministre, que les gens, quand ils décident de faire la grève, ne le fassent pas sous l'humeur du moment. M. le député de Maisonneuve, vous le savez. Vous en avez vu d'autres avant aujourd'hui. Quand vous avez une assemblée qui est chauffée à blanc, il n'y a pas d'autre conclusion, à la fin de l'assemblée, que de dire: On s'en va en grève. Ceux qui ne veulent pas y aller y vont pareil, parce qu'ils y ont été invités par une houle, une vague de fond.

M. BURNS: Pour moi, vous n'avez pas assisté à mes assemblées syndicales.

M. COURNOYER: Mais vous, vous en êtes sorti depuis un certain temps!

M. BURNS: Voulez-vous dire que cela mène à tout pourvu qu'on en sorte?

M. COURNOYER: Non, non! Je vous dirai cela quand vous serez juge!

M. BURNS: C'est le quatrième ministre qui me l'offre cette année! Je ne comprends pas cela. Je commence à me sentir ostracise!

M. COURNOYER: De toute façon, si le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre veut regarder à nouveau le projet de loi que je lui ai demandé d'examiner, je suis toujours prêt à entendre ses nouveaux commentaires. J'aimerais ça si, au conseil consultatif, on faisait un consensus là-dessus et qu'on le garde jusqu'au bout.

M. BELLEMARE: M. le Président, au sujet du conseil consultatif, est-ce que vous êtes informé ou pouvez vous informer à savoir si les chefs syndicaux ont consulté les membres à la base à ce sujet?

M. COURNOYER: Disons que je suis croyablement informé qu'à une époque ou à une autre, les idées qui viennent au conseil consultatif ont fait l'objet de discussions avec les syndiqués, mais je ne dirai pas, par exemple, qu'il y a eu des assemblées générales sur l'article 27 du code du travail. Je ne le pense pas. Mais, d'une façon générale, les articles eux-mêmes sont la résultante de principes déjà adoptés en assemblées un peu partout. Quand on prend l'article, c'est un texte. Au conseil consultatif, même si on s'attarde sur les principes... Vous prendrez, par exemple, l'article 99; je suis convaincu qu'à la Fédération des affaires sociales, en particulier, des discussions ont peut-être eu cours dans les deux dernières années sur les principes nouveaux à développer là-dedans. C'est pour ça que je disais l'autre jour que j'avais un certain degré de confiance dans les dirigeants syndiaux parce que j'aurais l'allure de penser que, sur cet article en particulier, c'est comme ça.

Quant aux autres dispositions du code du travail dont je parlais, je suis bien convaincu que des changements majeurs comme ceux-là — parce qu'il y a des changements majeurs — ont fait l'objet de consultations en principe auprès des différentes instances syndicales. Autrement, je ne vois pas comment le... Remarquez bien qu'il s'agit de choses très précises.

M. PERREAULT: Vous en êtes convaincu?

M. COURNOYER: Oui et non. Disons que, pour ma part, je pense que les principes, vous allez les retrouver dans des documents moraux qui sont présentés à l'occasion d'un congrès ou d'une convention syndicale. C'est comme dans des discours politiques, on retrouve ça un jour ou l'autre. On dit: II en a parlé, oui, mais si vous vous souvenez du discours politique qui a été prononcé à telle date, vous allez découvrir que nous avions dit ça mais on n'en a pas reparlé après dans le texte et là, on dit: C'est ça. Les gens découvrent qu'on dirait que c'est là première fois qu'on dit quelque chose, mais cela fait quelques fois qu'on le dit.

M. BURNS: Si vous parlez des discours — là, on fait le tour de la législation — j'aimerais vous parler un peu du contentieux fédéral-provincial. Vous parlez des discours déjà prononcés. J'ai justement, sous les yeux, un extrait qui est de vous, je ne sais pas si vous allez vous reconnaître. C'était le 18 mai 1971 et on vous entendait dire: "La confusion actuelle conduit à des dédoublements inacceptables, à des pertes considérables d'énergie et de ressources et, chose plus grave, à des contradictions administratives préjudiciables au développement de la province". Vous en parliez particulièrement dans le contexte des centres de main-d'oeuvre, de la dualité de juridiction entre le fédéral et le provincial.

Je voudrais vous rappeler aussi une position que vous aviez prise en 1973, à la conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail, où vous réclamiez, entre autres choses, juridiction pour le Québec sur les travaux fédéraux sur les meuneries, sur le transport interprovincial, le camionnage. On sait déjà que dans le cas des meuneries, — c'est une décision récente qui a été rendue — on a confirmé qu'elles resteraient de juridiction fédérale. Finalement, je Us, au début de 1974 que dans un article de notre bon ami Gilles Lesage, dans la Presse, celui-ci, à la suite d'une entrevue avec vous, dit ceci: "En ce sens, il a abandonné — parlant du ministre du Travail — le désir entretenu par ses prédécesseurs, MM. Bellemare et Laporte, de récupérer les centres de main-d'oeuvre d'Ottawa. "Il se félicite, au contraire, d'une collaboration accrue entre les centres des deux gouvernements." J'aimerais que le ministre nous dise exactement si, véritablement, il a laissé tomber son idée de récupérer entièrement la juridiction sur les centres de main-d'oeuvre, de mettre un terme à ce dédoublement de juridiction entre les centres de main-d'oeuvre du Canada et ceux du Québec et commencer à faire fonctionner enfin les centres de main-d'oeuvre au Québec. J'aimerais également qu'il fasse le point sur les trois problèmes qu'il avait soulevés, en particulier à la conférence fédérale-provinciale de 1973, c'est-à-dire la juridiction sur les travaux fédéraux dans la construction, les meuneries et le transport, le camionnage.

M. COURNOYER: Disons, pour commencer par la fin, les meuneries, le transport et les travaux de construction : Les décisions qui sont survenues dans le cas des meuneries restent des décisions d'ordre judiciaire, compte tenu du pouvoir que le fédéral avait ou a encore de déclaration, c'est un pouvoir déclaratoire du fédéral. On ne peut pas contester facilement la décision qui a été rendue dans le cas des meuneries, je ne sais pas laquelle, enfin Camirand.

Pour moi, ce serait difficile, je pense, d'aller me faire confirmer une autre fois par une autre cour que la juridiction fédérale est exercée normalement, compte tenu de l'état actuel de la législation.

M. GIASSON: Pourquoi cela?

M. COURNOYER : Parce que la tendance de la jurisprudence est de confirmer la juridiction du fédéral.

M. GIASSON: Oui, mais une meunerie, ce ne sont pas des élévateurs à grain.

M. COURNOYER: Nous sommes totalement d'accord, entre vous et moi. Maintenant, si je retourne devant les tribunaux, ils vont être encore en désaccord avec moi.

M. BURNS: D'ailleurs, ce n'est pas ce que je vous demande. Je pense qu'on est d'accord avec vous que si vous retournez...

M. COURNOYER: C'est parce que, lui, je suis en train de lui expliquer.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Si je retourne devant les tribunaux, je vais me faire dire la même chose que je me suis fait dire dans le cas des meuneries de Camirand. A mon sens, à moi...

M. GIASSON: Les meuneries du Québec, en matière de politique salariale minimum, sont l'équivalent des élévateurs à grain qu'on retrouve généralement au Canada. C'est ce qu'ils vont vous dire.

M. COURNOYER: Ce n'est pas ce qu'ils disent. Ils disent que c'est de l'autorité fédérale. En vertu du pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral, ils ont déclaré que c'était "Fédéral undertaking". Ce que vous voulez, la façon dont c'est arrivé, c'est une industrie...

M. BURNS: Dans l'intérêt du Canada.

M. COURNOYER: ... dans l'intérêt du Canada. En vertu de ce pouvoir qu'ils ont...

M. GIASSON: Dans l'intérêt du Canada?

M. COURNOYER: Oui, c'est en vertu de cela que le juge est obligé de dire qu'ils ont déclaré cela conformément au droit qu'ils avaient de le déclarer; un droit résiduel, c'est dans l'intérêt général du Canada, les meuneries, même la meunerie de M. Camirand.

M. GIASSON: Je ne pensais pas que c'était dans l'intérêt du Canada.

M. COURNOYER: Pardon?

M. GIASSON: En vertu de ce principe, il y a...

M. COURNOYER: N'importe quoi.

M. GIASSON: ... un tas de choses qui sont dans l'intérêt du Canada.

M. COURNOYER: Voilà! UNE VOIX: Québec.

M. COURNOYER: Québec est dans l'intérêt du Canada, donc c'est une juridiction fédérale. Là-dessus, nous avons — est-ce qu'on a des copies? — A la conférence des ministres du Travail, il y a un an et demi de ça, nous avons inscrit à l'ordre du jour la discussion sur ces trois problèmes de juridiction concurrente ou de juridiction confuse, au moins. Notre opinion a été exprimée à l'époque comme étant un problème à discuter pour clarifier les juridictions. Et nous prétendons, au moins dans la construction et dans le cas des meuneries, dans ces deux-là, non seulement politiquement, mais pratiquement, qu'il y a lieu que ce soit sous juridiction provinciale. C'est-à-dire que ce sont les lois provinciales qui devraient s'appliquer surtout lorsque l'entité est nettement québécoise — elle peut être on-tarienne, parce que c'est la même chose, le même principe dans les autres provinces — mais lorsque cette entité est localisée ici, elle n'a rien à voir avec les Prairies, puis le National Wheat Board — ils appellent ça comme ça, eux — n'a rien à voir là. C'est quelque chose qui est nettement identifié au Québec, par conséquent, ça devrait suivre les lois ordinaires du Québec.

Dans le cas de la construction, si le gouvernement fédéral, en vertu du même pouvoir, l'appliquait intégralement, ou si les syndicats aujourd'hui, au moment où on se parle, décidaient de l'appliquer, c'est possible que les syndicats profitent de cet état de confusion dans le domaine de l'application de la Loi des relations de travail dans la construction. Ils disent: A Mirabel, ne nous poursuivez pas parce qu'il n'y a pas de loi qui s'applique là. C'est la loi fédérale des justes salaires. Quant à nous, on n'a rien à voir avec la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction à Mirabel.

Maintenant, vous étendez ça, et parce que le mot "federal undertaking" est interprété, en vertu de la loi ou du code du travail canadien, comme étant là où le gouvernement fédéral participe financièrement, ça veut dire que sur tous les quais, toute la construction de quais sur le fleuve Saint-Laurent, cela ne relève pas de l'industrie de la construction. Toutes les constructions en vertu des décisions du ministère de l'Expansion économique régionale, il y a de l'argent fédéral là-dedans, donc ça ne devrait pas non plus tomber sous la Loi des relations de travail dans la construction. En même temps, si vous construisez la Place Guy-Favreau à Montréal, étant donné que ce sont des fonds fédéraux, ça ne tombe pas sous la loi québécoise de l'industrie de la construction. Et vous continuez comme ça et finalement vous allez découvrir qu'il y a de l'argent fédéral à peu près partout et que la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction s'applique presque exclusivement lorsque le gouvernement provincial construit.

Puis, encore là, il faut tirer ça par les cheveux, parce que quand vous arrivez dans le domaine des universités, il y a des financements quelconques qui viennent du fédéral, soit à la recherche ou autrement. Vous pouvez peut-être dire que l'université, c'est un "federal undertaking". Alors quand on construit une université "it is another federal undertaking". Les hôpitaux, où une grande partie de l'immobilisation est faite par le gouvernement fédéral, ça devient "federal undertaking".

M. GIASSON: Cette participation du fédéral s'applique très bien pour les élévateurs à grain qu'on retrouve au Québec, mais elle ne s'applique pas dans le cas des meuneries.

M. COURNOYER: Disons que j'essaie d'expliquer les défauts pratiques d'une telle attitude. Je prends la construction, en particulier. Malgré toutes les difficultés que nous avons dans l'industrie de la construction, nous avons quand même tenté de l'organiser sur une base propice à l'industrie de la construction au Québec, en uniformisant ou en tendant à uniformiser au moins les conditions de travail des travailleurs de la construction, compte tenu de leur mobilité, et en unifiant même les systèmes de bénéfices sociaux pour les travailleurs de la construction. Si le fédéral entre, par sa juridiction, dans un champ d'activités comme celui que nous occupons totalement dans l'industrie de la construction — parce que là, ce n'est pas la question de ne pas l'occuper; on l'occupe au complet, celui-là — donc, si on le laisse entrer ou s'il entre de sa propre volonté, moi, je ne vois pas comment je pourrais permettre à la Commission de l'industrie de la construction de continuer de recevoir des prestations ou des montants d'argent pour le fonds de pension des travailleurs de la construction. Je ne vois pas comment je pourrais permettre à l'industrie de la construction de continuer à recevoir de l'argent pour les prestations d'aide sociale aux travailleurs de la construction. Ce serait dire: Je vais tous vous exclure au grand complet. La confusion, qui ne règne pas encore totalement, là, on va l'organiser.

Je ne veux menacer personne, mais cette intrusion dans le domaine de la construction, par le truchement d'une application du code canadien des relations de travail dans un domaine qui a toujours été occupé par les provinces, serait susceptible d'engendrer beaucoup plus de problèmes que si on laisse les choses comme elles sont actuellement, même si le fédéral,

théoriquement, aurait le pouvoir d'intervenir. Je veux clarifier cela aussi. Dans le cas des meuneries, notre position est qu'au point de vue juridique nous sommes placés dans une situation où retourner devant un tribunal supérieur, avec la Meunerie Camirand, serait se faire dire, par un tribunal supérieur, que le fédéral aurait le droit de le faire et qu'il a juridiction sur cela. Nous croyons donc que la décision, la discussion est d'ordre essentiellement politique dans le cas des meuneries, dans le cas de la construction et aussi dans le cas des transports interprovinciaux. Par leur extension, ils pourraient aussi bien décider que la Commission de transport de Montréal relève, au sujet des relations de travail, de l'autorité fédérale, alors que toute son activité est située sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal.

Mais, parce qu'il y a deux ou trois autobus qui peuvent aller, en Ontario, faire un voyage à Ottawa de temps en temps, ces trois autobus, par extension, font que toute l'entreprise qu'on appelle la Commission de transport de Montréal, la CTCUM, ou la CTCUQ, toutes ces entreprises tomberaient sous l'autorité du fédéral, code canadien des relations de travail.

S'ils en veulent des préoccupations, ou s'ils ont le goût d'en prendre, c'est un privilège qu'on pourrait leur laisser, mais c'est un champ qui est totalement occupé par nous, avec difficulté j'en conviens, parce que c'est du transport, M. Burns.

M. BURNS: C'est bien dur.

M. COURNOYER: C'est bien dur. Mais, de toute façon, nous l'occupons ce champ et nous n'avons pas l'intention de le laisser aller. Je ne pense pas non plus qu'il y a une velléité de le laisser aller. Les causes dont on parle, si on parle, par exemple de la cause Camirand, il me semble qu'il s'agit d'une application de la Loi des justes salaires fédérale à Camirand, code canadien, donc ce sont les inspecteurs du ministère fédéral du Travail qui sont là-dedans.

Mais, dans le cas de la construction, il ne s'agit plus d'inspecteurs du fédéral, il s'agit d'une entreprise qui a décidé de contester l'applicabilité de la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction et qui a réussi, ainsi à éviter certaines dispositions de nos décrets. Ils ont réussi devant le juge, et on a été en appel. Mettons que le deuxième tribunal donne raison au premier juge; cela veut dire que, demain matin, n'importe qui peut contester l'applicabilité du décret de la construction sur tout chantier qui a $0.01 du fédéral dedans. Tous les chantiers de construction au Québec, à part quelques-uns dans le nord, ont de l'argent du fédéral. Mais d'un coup qu'il y en aurait dans le nord et que je ne le saurais pas. Quelqu'un peut le savoir et cela veut dire que je n'ai plus de juridiction sur n'importe quelle des activités de construction. Un chemin, vous avez le financement de la route transcanadienne, par exemple, c'est nettement fédéral-provincial, un financement géré par la province de Québec. Vous avez l'usine de Gentilly qui va être construite. Celle de Gentilly 1 appartient à la Atomic Energy of Canada. Cela veut dire que la construction elle-même de cette usine était sous la loi fédérale et la construction de la deuxième parce que c'est financé en partie du moins par Atomic Energy of Canada encore une fois, ce serait sous la loi fédérale des relations de travail, c'est-à-dire le code canadien des relations de travail.

M. GIASSON: Toutes les usines d'eau lourde sont financées par Ottawa.

M. COURNOYER: La même chose et tous les quais, tout ce que vous avez dans la province de Québec tomberait sous cette juridiction.

L'unification que nous avons réussi à faire dans la province de Québec en matière de construction, cette unification qu'on réussit de peine et de misère, mieux qu'ailleurs au Canada, vient d'être tout simplement chambardée par la décision d'un juge qui a répondu favorablement à la contestation d'une entreprise, pas nécessairement du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral n'aime probablement pas ça, cette intrusion, parce que cela allait bien. Mais même s'il n'aime pas ça, cela ne change en rien la contestation toujours possible d'une entreprise et sa réussite. Il faut donc qu'on règle ce problème.

J'ai trois études, actuellement, faites par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre que j'ai l'intention de publier ces jours-ci parce qu'elles sont terminées. L'une porte sur les meuneries et a été faite par les officiers du ministère; l'une porte sur les transports interprovinciaux, qui est assez volumineuse et qui a été faite aussi avec les officiers du ministère des Transports; vous avez aussi l'autre qui porte sur l'industrie de la construction. J'ai l'intention de les publier telles qu'elles ont été conçues par les officiers du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, comme documents nous servant de base dans des discussions politiques avec le gouvernement fédéral et établissant aussi la position juridique dans laquelle nous nous trouvons sur ces trois sujets.

Au point de vue juridique, en matière de transport, nous devons admettre une très grande faiblesse lorsqu'il s'agit de transport interprovincial. Je ne suis pas un avocat là-dedans, mais on doit admettre une faiblesse.

Dans le cas de la construction, parce qu'il y a eu un jugement, je vais peut-être admettre une petite faiblesse, un peu plus petite, cependant, que la première.

Dans le cas des meuneries, au point de vue juridique, nous sommes très faibles. Il reste donc au gouvernement du Québec la discussion politique avec le gouvernement fédéral, discussion politique qui doit être basée sur les inconvénients d'une intervention fédérale dans ces domaines par rapport aux législations d'ici, les inconvénients pour le fédéral comme pour

les entreprises qui sont au Québec. Vous retrouverez ça dans les trois études que nous avons l'intention de publier.

Maintenant, j'aimerais mieux attendre à la semaine prochaine pour publier les études parce que, encore avant l'assemblée de ce matin, j'avais une discussion avec mon sous-ministre sur le mérite tactique ou stratégique de les publier. Pour autant que je suis concerné, je ne vois pas pourquoi je changerais quoi que ce soit dans ces études. Elles ont été faites objectivement. Je n'ai pas non plus de stratégie à annoncer et je ne veux pas essayer de passer à côté de la discussion. Elle est là, elle doit avoir lieu, cette discussion.

Nous la faisons actuellement, cependant, au nom des autres gouvernements provinciaux, parce que ce que nous avons convenu, à la réunion des ministres du Travail il y a un an et demi, c'est que les autres provinces sont aussi mal prises que nous dans ces domaines particuliers. Une meunerie, il y en a une au Québec, mais il y en a aussi au Nouveau-Brunswick, il y en a en Ontario. Ils sont aussi mal pris que nous.

Alors, nous avons convenu, avec les autres ministres, de les tenir informés de nos discussions avec le fédéral, une fois que nos dossiers seraient totalement faits. Si je ne le publie pas immédiatement, c'est juste une question de décence vis-à-vis des collègues ministres du Travail à travers le Canada. Je veux leur dire dans quelle direction nous allons. Immédiatement après, et cela, c'est presque simultané, je vais vous donner l'étude.

L'étude fait des recommandations. Par exemple, elle nous dit : On devrait faire cela, on devrait faire cela et on devrait faire cela. Cela ne veut pas dire qu'on va le faire. Mais, comme je n'ai pas décidé de le faire nécessairement, je ne vois pas d'objection à publier l'étude.

Ce sont trois études, assez volumineuses, que je vais faire imprimer sous le nom de Québec-Travail et que je vais vous remettre à tous au moment jugé opportun par moi.

M. BURNS: Est-ce que le ministre juge opportun d'ajourner, M. le Président?

M. COURNOYER: Quand vous le voudrez. Je vous laisse cela à vous.

M. BURNS: Je propose l'ajournement sine die.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 38)

Reprise de la séance à 16 h 12

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux pour l'étude des crédits du ministère du Travail. Pour la séance de cet après-midi, la liste des membres de la commission s'établit comme suit: M. Bérard (Saint-Maurice), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Bonnier (Taschereau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Cournoyer (Robert-Baldwin), M. Malépart (Sainte-Marie).

Au moment de la suspension, le ministre venait de parler du dépôt d'un rapport qu'il ferait en temps opportun.

M. COURNOYER: J'ai déposé le rapport de la révision de la structure administrative de la Commission des accidents du travail, tel que proposé. Il y a un examen, bien sûr, de l'ancienne et les révisions proposées par M. Mineau, de la firme Mineau, Allard et Associés. Quand la commission viendra, vous pourrez poser des questions sur l'état de la question maintenant.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, avant la suspension, M. le ministre nous a parlé, entre autres, des conséquences juridiques que pouvait avoir le jugement qui a été rendu dans le cas de la meunerie Camirand, des difficultés qui pourraient être rencontrées en fonction des relations fédérales-provinciales et surtout des implications juridiques. Il nous a tracé un tableau qui, effectivement, montre jusqu'à quel point, si on pousse le raisonnement ou la logique de ce jugement, bien des secteurs d'activités seraient touchés. Il nous a parlé, et à juste titre, de la nécessité de négociations, étant donné la situation. Je voudrais simplement savoir ... Je sais que la cause de la meunerie Camirand est en appel présentement.

M. COURNOYER: Je ne crois pas, non. Je pense que la cause de Camirand n'est pas en appel.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que les délais d'appel sont expirés?

M'. COURNOYER: Je ne le crois pas; de toute façon, le ministère de la Justice n'avait pas l'intention d'intervenir. Je pense que j'indiquais ce matin qu'aller en appel, ce serait strictement, compte tenu des études que nous avons faites, demander une confirmation additionnelle établissant que c'est correct. Au point de vue strictement légal, il y aurait, semble-t-il, selon nous, une confirmation du jugement dont on appellerait.

Ce que je tentais d'expliquer c'est que ça ne sert à rien de demander une confirmation de ce genre de jugement et de payer pour, comme gouvernement québécois ou encore de demander à la compagnie en question d'absorber une partie, ou même d'absorber au nom de la compagnie une partie des coûts. H me semble que le jugement est clair et nos études juridiques nous conduisent à une conclusion qui ressemble à celle qui est dans le jugement.

Alors, la décision que je disais tantôt, c'est que je ne vois pas d'opportunité d'aller en appel, parce que je verrais une confirmation d'une chose qui au strict point de vue juridique est véridique mais qui cause les embêtements pratiques dont je parlais ce matin. Là-dessus, je dis qu'on doit plutôt s'attarder à une solution d'ordre politique qu'à une solution d'ordre judiciaire. Nous perdrions si nous allions devant le juge.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense que le ministre présume à bon droit, en tout cas à mon humble opinion, de ce que pourrait être effectivement le jugement de la cour d'Appel. Comme il l'a dit, ça se situe au niveau politique et, si ça se situe à ce point-là, on entre dans la voie des négociations normalement.

M. COURNOYER: C'est ça, des négociations promises, d'ailleurs.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que ça ne fait pas tellement longtemps que le jugement a été rendu, mais est-ce que le ministre prévoit déjà des...

M. COURNOYER: Nous n'attendions pas ce jugement pour la décision politique. Ce jugement a été obtenu et c'était une des raisons pour lesquelles nous avions amené à l'ordre du jour de la réunion des ministres du Travail l'article meunerie, quant à l'applicabilité des lois fédérales du travail dans les meuneries essentiellement québécoises ou ontariennes, pour ce que ça peut valoir lorsqu'elles sont pareilles. On doit répondre aux mêmes principes.

C'était l'un des trois articles que nous avons demandés d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion des ministres du Travail du Canada. C'est à ce sujet que je mentionnais que, lors de cette réunion, les autres provinces ont voulu, sans nous faire le porte-étendard des provinces là-dedans, que nous les tenions au courant des discussions que nous avions à l'époque l'intention d'avoir avec le gouvernement fédéral, puisque toute décision serait susceptible de s'appliquer non seulement au Québec, mais aux autres provinces.

Et, pour nous préparer à cette discussion avec le gouvernement fédéral, nous avons fait les études que nous croyions opportunes de faire, en collaboration bien sûr, dans le cas du transport interprovincial, avec le ministère des

Transports puisque le raisonnement suivi dans certaines lois des transports nous invite à suivre le même raisonnement dans les lois ouvrières applicables au transport. Dans le cas des meuneries, c'était une chose qui répondait non pas à un cas d'espèce, la meunerie Camirand, mais toutes les meuneries répondent à peu près à la même situation.

Par l'application du principe suivi par le gouvernement fédéral dans le cas des meuneries, on pourrait, encore là, tirer des conclusions sur une foule d'autres choses que, par la seule décision du gouvernement fédéral, il s'agit d'une opération qui est dans l'intérêt général du Canada, si c'est bien l'expression comprise. C'est tout basé sur l'article 45, en fait, de la Loi de la commission canadienne du blé.

On dit ici: "La prétention du fédéral à ce sujet, telle qu'elle appert au document de base présenté à la conférence fédérale-provinciale des ministres du Travail, est fort simple. Le fédéral soutient que la déclaration contenue à l'article 45 de la Loi sur la commission canadienne du blé s'applique à tous les moulins, où qu'ils soient situés au Canada et que, par conséquent, même les meuneries du Québec, dont le champ d'action est strictement local, doivent tomber sous la juridiction du fédéral en matière de relations de travail. Pour plus de certitude mais sans restreindre — en fait, c'est l'article 45 — la généralité de toute déclaration dans la loi sur les grains du Canada, portant à ce qu'un élévateur est à l'avantage général du Canada, il est, par les présentes, décrété que tout moulin à farine, moulin à provende, entrepôt à provende et moulin de nettoyage de semence, qu'ils aient été construits jusqu'ici ou qu'ils le soient à l'avenir, sont déclarés et chacun de ces moulins est déclaré par les présentes à l'avantage général du Canada. Et sans restreindre la généralité de ce qui précède, chacun des moulins ou entrepôts mentionnés ou décrits dans l'annexe est un ouvrage à l'avantage général du Canada."

A partir d'une telle décision — pour plus de certitude on a précisé que chacun des moulins était à l'avantage général du Canada — quel que soit le juge qui est appelé à juger et à quelque niveau qu'il se situe, si la déclaration elle-même rencontre le caractère correct au point de vue constitutionnel, cette déclaration ayant été faite, les moulins à provende ou autrement situés exclusivement et n'opérant que dans la province sont des moulins qui tombent sous la juridiction fédérale. Voilà pourquoi il nous semblerait onéreux pour la province d'aller en appel. On a décidé de ne pas y aller.

Si je continue de lire mes recommandations — celles que j'avais l'intention de publier bientôt, après que j'en aurais avisé mes collègues les autres ministres du Travail du Canada qui possèdent, semble-t-il, le même degré d'intérêt que nous possédons ici dans des choses locales comme celle-là — il est entendu que les recommandations qui me sont faites par les fonctionnaires du ministère c'est, à toutes fins utiles, la négociation politique pour faire en sorte que cette articulation de l'article 45 soit différente et ne s'applique pas aux meuneries du Québec.

Cela est notre intention. Maintenant, ce n'est pas mon intention de faire une conférence constitutionnelle fédérale-provinciale pour modifier toute la constitution, parce que cela peut prendre un peu plus de temps.

M. BEDARD (Chicoutimi): Normalement, si on se fie au passé.

M. COURNOYER: Je pourrais vous lire tout ça, si vous voulez; ce serait intéressant comme le diable.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je n'en doute pas.

M. COURNOYER: Je voulais plutôt vous le donner, quitte à répondre, dans d'autres moments, sur les décisions du ministre face à des recommandations des fonctionnaires. Je n'ai aucune objection à vous donner les recommandations de mes fonctionnaires, sans pour autant m'engager à suivre mot à mot ce qu'ils m'ont dit.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.

M. COURNOYER: Vous pourrez toujours par la suite me faire des observations ou me poser des questions devant d'autres commissions parlementaires quant à ce que j'entends faire avec ce rapport. Mais il est clair que j'ai l'intention de le publier à plusieurs exemplaires à part ça. Il y a toutes sortes d'affaires là-dedans, c'est très bien fait. Je félicite mes fonctionnaires en passant. Cela ne m'arrive pas souvent. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas besoin de félicitations, mais c'est parce qu'ils n'aiment pas ça être félicités.

M. BEDARD (Chicoutimi): Comme, à bon droit, vous avez dit que la négociation demeurait la seule forme, est-ce que vous pouvez nous dire où vous en êtes, comment vous voyez ce cheminement? Si les discussions sont commencées, quels sont les espoirs en termes de résultats du ministre?

M. COURNOYER: Le ministre pourrait avoir un certain nombre d'espoirs, mais je ne voudrais pas présumer de la réaction du gouvernement fédéral. Il semble cependant, que, depuis que la décision dans le cas de Camirand est sortie, il y a une "trâlée" d'inspecteurs du gouvernement fédéral qui ont mis les pieds dans les meuneries québécoises et là ils ont décidé de faire appliquer cette loi-là.

M. BEDARD (Chicoutimi): Ils envahissent vite le territoire.

M. COURNOYER: Oui, le privilège qu'ils se sont donné, ils l'utilisent à bon ou à mauvais escient, suivant les circonstances. A mon sens, compte tenu de l'imbroglio dans lequel se trouvent un certain nombre d'entreprises comme les meuneries et que tout un système de lois différentes doivent s'appliquer à eux à cause de cette décision, on peut parler de sécurité, par exemple, on peut parler de règlements des édifices publics qui sont ou ne sont pas applicables dans le cas des meuneries. On peut parler de la Loi des relations du travail, mais on peut parler aussi de la Loi du salaire minimum qui ne serait pas applicable aux meuneries.

Compte tenu de ce jugement, je ne voudrais pas laisser passer trop de temps dans la discussion publique de ce problème, compte tenu du fait que, dans l'intervalle et en l'absence de solution négociée, il y aura une habitude nouvelle de créée, chez les meuniers, de s'ajuster à la législation fédérale plutôt qu'à la législation provinciale. Mais comme il y a des différences, très souvent, marquées entre les deux systèmes de législation, cela causera, si nous ne prenons pas le boeuf par les cornes immédiatement, des habitudes qu'il sera très difficile de briser à une époque où nous aurons peut-être décidé de les briser d'un commun accord avec le gouvernement fédéral.

Je vais chercher avec le gouvernement fédéral une solution temporaire, si je peux en trouver une. Mais il y a des choses temporaires avec le gouvernement fédéral qui ont une tendance à devenir permanentes beaucoup plus que d'autres choses temporaires au gouvernement.

Alors, dans ce sens en particulier, disons que nous sommes faibles — je l'ai avoué, ce matin — au point de vue juridique...

M. BEDARD (Chicoutimi): Sur le plan judi-dique, oui.

M. COURNOYER: ... et nous avons des torts au point de vue politique.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je pense que, sur ce programme-là...

M. COURNOYER: II y a d'autres problèmes. On a parlé d'une partie seulement de ce que le député de Maisonneuve appelait, ce matin, le contentieux fédéral-provincial. Il a aussi mentionné des questions de main-d'oeuvre en particulier, des postes politiques de main-d'oeuvre. Je ne voudrais pas passer sous silence ce qui se passe dans la main-d'oeuvre chez nous.

Bien entendu, la présence du gouvernement fédéral dans les centres de main-d'oeuvre est.. Je ne voudrais pas les vanter, mais cela a un gros degré d'efficacité à comparer au nôtres. Ce ne sont pas les normes que l'on doit comparer, ce sont beaucoup plus les structures et les systèmes. C'est ce qui a fait que, dans le cours des mois qui ont suivi le genre de déclaration que j'ai faite, nous avons pu identifier nos capacités, nos possibilités, avec nos besoins d'effectif, et en venir à la conclusion que si nous faisions du placement dans nos centres de main-d'oeuvre du Québec, ce placement devrait être un placement spécialisé. Nous avons fait une expérience assez enrichissante dans le cas de l'opération placement des assistés sociaux en particulier. Je pense qu'on vous a distribué les rapports de cette opération. Nous nous dirigeons nettement vers une opération placement spécialisé: placer ce que les autres ne placent pas, s'occuper de clientèles spéciales.

Cela se résume, à ce moment-ci, à rendre service d'abord à ceux qui veulent bien prendre nos services. Je parle de l'industrie de la construction et je parle aussi de certains autres employeurs qui font appel à nos centres de main-d'oeuvre. Mais, face à l'efficacité des centres de main-d'oeuvre fédéraux, il est clair que certains employeurs hésitent beaucoup à venir voir les centres de main-d'oeuvre du Québec.

Il y a aussi le fait que les centres de main-d'oeuvre du Canada sont intimement reliés à la structure de l'assurance-chômage; en conséquence, le premier contact d'une personne, lorsqu'elle est en chômage, c'est de se présenter dans un centre de main-d'oeuvre du Canada. Quand elle est rendue dans le centre de main-d'oeuvre du Canada, on en prend soin. Elle ne demande pas d'être considérée par les centres de main-d'oeuvre du Québec dont elle n'a pas besoin. En conséquence, il nous arrive que même si on décide de se spécialiser dans des clientèles particulières, c'est uniquement parce que ce genre de clientèles dont il est question n'a aucune affaire, a priori, dans les centres de main-d'oeuvre du Canada.

Mais dès que la Commission de l'assurance-chômage ou la Loi de l'assurance-chômage indique qu'on doit passer par le centre de main-d'oeuvre du Canada, il est clair qu'une fois que tu as mis les pieds là, tu n'a pas le goût d'aller mettre les pieds dans un autre centre de main-d'oeuvre du Québec, pour peut-être obtenir quelque chose et peut-être ne rien obtenir non plus. Cela ne te donnerait rien de te déplacer. Là, je parle de l'individu.

Etablir une structure à côté, à grands renforts de coûts, pour le gouvernement provincial alors que l'autre continue d'exister, je pense qu'à ce moment-ci, du moins, ce serait tout simplement trop onéreux pour la province de Québec.

Il y a cependant des préoccupations que nous avions énoncées à l'époque et qui regardaient beaucoup plus la formation professionnelle que le seul centre de main-d'oeuvre. Une des activités principales des centres de main-d'oeuvre du Canada était la sélection pour les

cours de formation, par les centres de main-d'oeuvre du Canada, exclusivement de ceux qui devaient être envoyés à des cours soit de commissions de formation professionnelle soit à l'enseignement aux adultes avec les commissions scolaires.

Là-dessus, l'entente que nous espérons obtenir avec le fédéral dans les prochains jours devrait contenir un certain nombre de précédents heureux, compte tenu des positions que nous avons prises déjà en matière de sélection du personnel et surtout en matière d'établissement anticipé des cours de formation qui ne seraient pas et qui ne devraient pas être achetés au cours ou au début de l'année pour découvrir à la fin de l'année qu'on n'avait pas assez d'argent pour continuer à négocier. Maintenir des systèmes sur une base d'achat de cours, pour nous, a toujours été l'une des principales préoccupations du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre face aux commissions de formation professionnelle ou face aux commissions scolaires. La sélection et la méthode de financement des cours de formation professionnelle où nous espérons avoir fait une percée assez intéressante pour l'avenir de la formation professionnelle, est un contentieux qui traîne depuis déjà longtemps.

Cela date de 1967, je pense, ou 1966. Lorsque étant ministre M. Johnson a signé cela, c'était à titre d'expérience pour cinq ans. On s'est retrouvé en 1972, l'expérience avait été non concluante, quant à nous, et nous avons pu renégocier. Nous croyons être en mesure, la semaine prochaine ou la semaine d'après, de signer une nouvelle entente pour trois ans qui spécifierait un minimum en millions de dollars applicable chaque année et révisible dans le sens de la hausse chaque année, compte tenu des formules qui sont inscrites dans l'entente mais pas d'achat de cours sans prévision de ce qu'il y aurait possibilité d'obtenir pour l'année qui suit.

Si l'on s'entend, ceci sera un changement draconien, à mon sens. Cela peut ne pas être interprété comme ça, mais vous avez une entente qui spécifierait, dès le point de départ, que pour les trois prochaines années il y aura, chaque année, une tranche minimale d'un certain nombre de millions de dollars qui seront consentis en formation professionnelle au Québec par le gouvernement fédéral.

Quant à la sélection, la percée que nous espérons faire c'est qu'aujourd'hui nous ne sommes pas présents du tout dans la sélection des candidats. Cela ne veut pas dire que les gens qui font la sélection sont des imbéciles, mais nous ne sommes absolument pas présents. Nous prenons le résultat d'une décision dans telle ou telle région. Nous avons l'impression de participer â l'établissement des besoins quantitatifs ou qualitatifs mais ça ne reste très souvent qu'une impression puisque, dans la pratique, ça se traduit par une sélection qui est faite par quelqu'un d'autre qui contrôle non seulement la sélection des individus mais aussi l'achat des cours.

Alors, dans les deux cas, j'espère que vous aurez des surprises agréables.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-François avait demandé la parole.

M. DEZIEL: M. le ministre, une question sur la main-d'oeuvre. Concernant la formation des employés de la construction, est-ce que votre ministère a l'intention éventuellement de récupérer sous son égide cette formation des employés? Je pense entre autres aux centres d'apprentissage qui existaient dans le temps, formule qui était tout simplement formidable — c'est une opinion personnelle que je vous émets — comparativement aux centres de formation professionnelle. Je crois que dans le temps il y avait une commission qui régissait ces centres d'apprentissage et qui établissait elle-même les besoins, soit qualitatifs ou quantitatifs, selon les données d'une région.

Je pense que cela a été un tort plus qu'un bien que d'avoir abandonné cette formule des centres d'apprentissage. Mais, à votre avis, est-ce qu'il y aurait lieu de récupérer cette nouvelle formule au sein du ministère du Travail?

M. COURNOYER: Disons que, là-dessus, je ne sais pas si nous serons jamais capables de restaurer l'esprit des commissions d'apprentissage. Je ne sais pas si nous serons jamais capables de le faire.

Il faut dire qu'il y a une opposition entre le ministère de l'Education et le ministère du Travail qui sont parfois diamétralement opposés. Nous avons signé une entente avec le ministère de l'Education sur les contenus de la formation. On dit: La pédagogie vous appartient, les besoins, nous les établissons et c'est vous qui les remplissez. Il reste qu'au cours des mois ou des ans, on a décelé un certain nombre de difficultés majeures entre les préoccupations du ministère du Travail et les préoccupations normales du ministère de l'Education. Au ministère de l'Education, généralement parlant, il semble que la philosophie première est qu'on doit apprendre à apprendre; tandis que dans le cas de la formation professionnelle, dans le cas de l'apprentissage tel qu'il était conçu avant, c'était qu'on doit apprendre à travailler.

Quand vous partez avec deux philosophies ou deux approches totalement différentes, comme celles-là, et que vous essayez de composer cela en utilisant une même source d'argent, les problèmes commencent à se faire sentir. D'un côté, les travailleurs ne sont pas satisfaits du genre de formation qu'ils ont reçue et s'en plaignent parce qu'ils n'ont pas nécessairement un emploi, ce que la plupart d'entre eux recherchaient, et, de l'autre côté, le produit de la formation n'est pas satisfaisant pour les employeurs. Ce qui fait qu'on met de côté ou on utilise très peu le produit de la formation

professionnelle. Je ne parlerai pas de la formation des adultes; qu'on veuille éduquer tout le monde et qu'on dise de continuer à apprendre, de vous former, je trouve cela normal, mais je dis: Pas à même les fonds qui sont censés être pour la formation professionnelle, pour gagner sa vie.

Là-dessus, il est bien sûr qu'il y a une grave difficulté entre le ministère de l'Education et le ministère du Travail. Comme le ministre du Travail est responsable de la signature des ententes avec le gouvernement fédéral, qu'il répond à toutes fins utiles devant la population québécoise, surtout, de l'utilisation de ces fonds pour les fins auxquelles ils sont destinés, bien, la bataille est un peu engagée entre le ministère du Travail et celui de l'Education. Sans être trop véhéments à ce moment-ci, parce que ça ne produirait pas nécessairement les bénéfices escomptés, il est bien entendu que nous avons l'intention de récupérer la juridiction.

Maintenant, récupérer la juridiction pour faire la même chose que le ministère de l'Education, c'est-à-dire la grosse bofte du ministère du Travail qui remplace la grosse boite du ministère de l'Education, ave l'individu qui va être aussi perdu dans le ministère du Travail qu'il peut être perdu aujourd'hui sous la tutelle du ministère de l'Education qui est très gros, ce serait changer quatre $0.25 pour $1, et cela, je ne le veux pas. On a donc décidé d'orienter la formation professionnelle sur une base sectorielle dans les industries où la législation des relations de travail serait sectorielle. J'utilise ces mots pour la première fois devant une commission parlementaire, malgré les demandes répétées...

M. BURNS: Je m'aperçois que c'est nouveau.

M. COURNOYER: C'est très nouveau. Je n'ai jamais dit non; j'ai toujours dit: On va faire nos expériences avant. Un certain nombre d'expériences ont été faites. Là, je m'apprête à compléter l'expérience dans l'industrie de la construction, en donnant à l'industrie proprement dite le soin de préparer elle-même ses besoins qualitatifs et quantitatifs. C'est ça le règlement de qualification dont on parle assez souvent en Chambre de ce temps-ci. Il y a M. Roy que ça énerve un peu. Il n'a pas besoin de trop s'énerver, c'est un très beau règlement comme tous les autres que nous avons faits avant, donc modifiable.

M. BURNS: Donc mettable de côté.

M. COURNOYER: Mettable de côté. De toute façon, celui-là, il aura le bénéfice d'avoir subi l'expérience du temps et d'être modifié aujourd'hui du consensus des parties; elles l'ont, le consensus. Là, on voudrait amender la loi 49 sur la formation professionnelle, pour extraire de l'application de la loi 49 ce que nous consentirions à donner en vertu de la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction, au titre de l'autorité en matière de formation professionnelle. On assisterait, techniquement du moins, à un retour à la formation précédée d'un apprentissage ou accompagnée d'un apprentissage sur les chantiers. Mais ce serait un apprentissage surveillé; ce n'est pas un apprentissage comme n'importe quel apprentissage.

On a des apprentis aujourd'hui, mais ils s'enregistrent, ils prennent un carnet; on applique, comme je le disais l'autre jour, des rapports apprentis-compagnons. Tu refuses un carnet d'apprentissage, mais il y en a un qui n'a jamais mis les pieds, puis qui ne mettra pas les pieds sur un chantier de construction...

M. DEZIEL: Sous forme de stagiaires.

M. COURNOYER: Ce serait sous forme de stagiaires, mais surveillés, c'est-à-dire qu'on va suivre l'apprenti. Actuellement, personne ne le suit. Ce n'est pas nous qui le suivrions; c'est l'industrie qui en a besoin. Alors, si nous extrayons dans le cas de l'industrie de la construction de la Loi sur la qualification professionnelle et que nous introduisons dans la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction la création de ce qu'on me demandera sans doute de créer, soit une commission de formation professionnelle sectorielle qu'on appellera la commission de formation professionnelle de l'industrie de la construction, avec les responsabilités que la loi comportera, à partir de là, nous retournons un tant soit peu à la vieille commission d'apprentissage; donc, avec les mêmes buts et beaucoup plus près de la réalité constatée par les employeurs et par les salariés aussi dans le domaine de la construction.

Là, on va me dire: Tu fais ça encore pour l'industrie de la construction. On va vous dire que c'est l'industrie de la construction qui est probablement la plus avancée au point de vue sectoriel et qui peut prendre soin de ses propres intérêts. Là où je dirige maintenant mon ministère, c'est dans les services automobiles. Vous vous souvenez que nous avons déposé à deux ou trois reprises un règlement qui visait à qualifier les travailleurs dans les garages, ce qu'on appelle des services automobiles.

Ce que je demande à l'industrie, je l'ai demandé formellement à toutes les associations patronales et à tous les syndicats qui sont dans cette industrie c'est de préparer pour eux une loi qui serait inspirée de la Loi des relations du travail dans l'industrie de la construction. Donc, elle s'inspirerait des grands principes de cette loi, sans pour autant la copier, mais elle aurait pour effet d'extraire ce secteur de l'application des autres lois, à titre toujours, non pas seulement expérimental, mais on présenterait ça comme la loi des

relations du travail et de la formation professionnelle dans l'industrie des services automobiles.

Sans vouloir dévoiler une autre stratégie, dans le cas du troisième dossier fédéral, celui des transports, j'ai demandé la même chose à l'industrie des transports: établir la Loi des relations de travail dans l'industrie des transports qui serait accompagnée d'une section de formation professionnelle, parce qu'il y a aussi un besoin de formation professionnelle dans l'industrie des transports. Conduire un camion, ce n'est pas comme conduire une automobile. Cela me ferait trois lois. On en aurait trois qui répondraient, à mon sens, beaucoup plus à l'aspiration des parties composantes de chacun des trois secteurs.

Compte tenu de l'évolution des pensées dans ces deux domaines nouveaux, des services automobiles et des transports, il y aurait, dans les deux cas, une extraction de l'application des autres lois générales au Québec pour en faire des lois aussi particulières que l'industrie de la construction et remettre à l'industrie la formation professionnelle qui, aujourd'hui, relève des commissions de formation professionnelle mais par extraction, tout le temps, l'extraction des lois générales et cela sans vouloir dire que ce sera comme cela partout. Cela doit indiquer quand même une tendance de la loi qui viendrait du ministère du Travail à se sectorialiser, et comme il y aurait une loi qui se sectorialiserait, nous devrons assister en parallèle et en même temps à une sectorialisation du ministère et à le sortir des grandes directions générales que vous retrouvez au titre des budgets actuels.

L'expérience est en cours actuellement dans l'industrie de la construction. L'industrie de la construction est sortie ou en voie de sortir, au point de vue de la formation professionnelle, les préoccupations de la Direction générale de la main-d'oeuvre; elle est en voie de sortir également des préoccupations — en fait, elle était pratiquement sortie — de la direction générale de la conciliation. La conciliation, dans l'industrie de la construction, ne se fait pas comme dans l'autre partie. Je pense, à mon sens, même si les instructions ou si les discussions avec mes sous-ministres n'ont eu lieu que récemment, qu'on doit la sortir aussi des schèmes généraux de pensée en matière de sécurité pour en remettre davantage la responsabilité de la conception aux parties impliquées dans l'industrie de la construction.

On assisterait, si Dieu me prête vie, non pas à un virage à gauche mais à un redressement de la ligne de pensée qui a commencé au ministère du Travail lorsque la Loi des relations de travail, dans l'industrie de la construction, a été faite. Nous devrons, en même temps, surveiller, parce qu'on parle toujours de sectoriel, la façon dont la loi évoluera en matière de négociation dans les services publics soit au point de vue législatif ou autrement pour que nous ne répétions pas, dans des lois particulières sans les avoir soupesé au moins, les erreurs qui pourraient avoir été commises soit par le bill 46 soit par d'autres bills de même nature. C'est tout un ensemble et je ne vois pas pour demain la disparition des directions générales chez nous, mais je vois un ajustement. Je vous assure qu'il y a deux ans, si nous avions parlé à l'industrie des services automobiles de se sectorialiser, elle nous aurait envoyés chez le diable. C'est clair dans mon esprit. On aurait parlé à l'industrie des transports de se sectorialiser qu'elle nous aurait dit: Non, vous êtes fous raide, il y a deux ans.

Aujourd'hui, c'est avec enthousiasme qu'ils reçoivent la demande du ministre de participer à l'élaboration d'une loi qui va répondre à ce genre d'industrie. Je ne veux pas me vanter de ça, c'est juste en passant, c'est un obiter. Mais à partir du moment où nous sectorialisons dans ces coins, dans les industries organisées, on arrivera peut-être bientôt au salaire minimum. Il est possible que nous dussions sectorialiser aussi le salaire minimum de façon que le minimum, qui est à $2.10 aujourd'hui parce qu'il est général, subisse des variantes vers le haut, compte tenu des capacités différentes des industries qui sont assujetties au salaire minimum actuellement. Mais, avant, il subissait des variantes vers le bas seulement. Aujourd'hui, je voudrais lui faire subir des variantes vers le haut. Dans ce sens, je pense que la sectorialisation de mon ministère implique des révisions profondes dans la Commission du salaire minimum.

M. BURNS: C'est-à-dire sa disparition?

M. COURNOYER: C'est-à-dire son intégration aux préoccupations ordinaires de mon ministère.

M. BURNS: En parlant du salaire minimum, est-ce que vous avez — c'est juste une parenthèse, je ne veux pas élaborer là-dessus — l'intention, lorsque viendra le moment de poser des questions sur le salaire minimum, d'inviter la présidente de la Commission à se joindre à vous?

M. COURNOYER: Vous pouvez toujours faire ça, mais...

M. BURNS: C'est parce qu'on a vu certaines coupures de journaux où, semble-t-il, la présidente n'avait pas nécessairement toujours les mêmes vues que le ministre ou vice versa!

M. COURNOYER: Dans les circonstances, étant donné que c'est le ministre qui est responsable devant la commission parlementaire et que les vues entre la présidente et le ministre peuvent-être divergentes parfois, je ne vois pas comment vous pourriez rendre responsable directement la présidente de venir faire des représentations à votre commission.

M. BURNS: Je ne veux pas qu'elle vienne faire des représentations; d'ailleurs c'est un

fonctionnaire comme tout le monde, mais plus important et avec un "background" plus chargé. J'aimerais ça lui poser des questions, si jamais elle venait nous rencontrer.

M. COURNOYER: Ce n'est pas mon intention...

M. BURNS: Ce n'est pas votre intention...

M. COURNOYER: C'est mon intention d'assumer totalement mes responsabilités vis-à-vis de cet organisme.

M. BURNS: En tout cas, on y reviendra quant au salaire minimum.

M. BONNIER: M. le Président, est-ce que...

M. BURNS: Autre remarque sur le problème des centres de main-d'oeuvre, parce qu'on joue autour, malgré que vous avez ouvert une grande grande porte, en parlant de sectorialisa-tion et de votre ministère et de certaines de ses activités. Avant qu'on quitte complètement le domaine de la main-d'oeuvre, moi je ne suis pas encore sûr que le ministre, actuellement, par ce qu'il nous dit, nous rassure quant à l'efficacité de tous les jours de ces centres de main-d'oeuvre et surtout nous rassure quant à l'utilisation que le public puisse en faire...

M. COURNOYER: Je ne veux pas vous rassurer.

M. BURNS: Pardon?

M. COURNOYER: Je ne veux pas vous rassurer.

M. BURNS: J'aimerais ça que vous me rassuriez, parce...

M. COURNOYER: Je ne suis pas capable de vous rassurer.

M. BURNS: ... que, moi, je veux qu'ils fonctionnent, vos centres de mâin-d'oeuvre.

M. COURNOYER: On ne forcera pas le monde à venir me voir...

M. BURNS: C'est ça que je suis en train d'essayer de vous dire. Non seulement je ne veux pas que vous les forciez, mais je veux que vous les convainquiez que c'est utile d'aller à vos centres de main-d'oeuvre. Ce qu'on constate actuellement, c'est encore une fois ce maudit phénomène de dédoublement des deux juridictions, le centre de la main-d'oeuvre du Canada et le centre de la main-d'oeuvre du Québec. Les employeurs n'ont pas confiance aux centres de main-d'oeuvre du Québec.

M. COURNOYER: C'est ça.

M. BURNS: Le ministre le sait, je pense, vous l'avez avoué à plusieurs reprises en toute candeur. Je ne vous blâme pas, vous êtes réaliste. Ni les employeurs ni les syndicats n'ont confiance et encore moins les individus. La plupart du temps ils se disent: Quand on va là, c'est pour rien, strictement pour rien. Je me rappelle, quand l'embauchage a commencé pour la baie James, il y avait des gens qui venaient à nos bureaux, à mon bureau de comté en tout cas, je ne sais pas si c'est le cas des autres; je m'étais informé d'ailleurs auprès de votre chef de cabinet, M. Dorion, pour savoir ce qu'on faisait alors. Où est-ce qu'on dirigeait nos gens qui voulaient aller travailler à la baie James. M. Dorion, je pense, bien normalement, m'avait dit: La meilleure place, envoie-les aux centres de main-d'oeuvre du Québec. C'est ce qu'on fait, M. le Président, et, semble-t-il c'était peut-être la meilleure façon de ne pas avoir une "job" à la baie James, les envoyer là.

M. COURNOYER: Pourtant...

M. BURNS: Est-ce que, là-dessus, vous êtes en mesure de nous prouver une certaine efficacité? Peut-être que cela a changé depuis ce temps.

Je suis prêt à l'admettre. Si le ministre nous dit: Dans le temps que tu l'as fait, c'était comme ça, mais maintenant ce n'est plus comme ça, je suis bien prêt à dire que je m'excuse, mais je vous parle peut-être d'une chose qui remonte à sept ou huit mois.

M. COURNOYER: Bien moi, j'ai quelque chose qui remonte à ce midi. Alors, cela ressemble un peu à ce que vous m'avez dit.

M. BURNS: Bon.

M. COURNOYER: C'est qu'on va s'enregistrer dans les centres de main-d'oeuvre du Québec pour aller travailler à la baie James. La politique avouée, annoncée par l'Hydro-Qué-bec, c'est d'employer les gens par les centres de main-d'oeuvre du Québec. Je pense bien que cela a été annoncé il y a deux ou trois semaines par la Société d'énergie de la baie James. Ils sont en train d'employer du monde. Ils embauchent du monde pour là-bas. Je ne sais pas combien ils en embauchent. Mais quand vous avez des listes, des listes et des listes de gens qui veulent aller travailler à la baie James, il reste que cela doit être distribué à travers la province, et cela n'a pas l'air de venir de partout. Ce que je veux dire, c'est qu'il peut arriver que vous ayez 50 personnes d'enregistrées chez vous, au centre de main-d'oeuvre de la région immédiatement environnante et qu'il peut y en avoir 200 dans un autre centre de main-d'oeuvre. Et quand l'officier de main-d'oeuvre ne fait que remplir, cela ne donne pas plus de "jobs" à la baie James. S'il y a 1,000 personnes qui doivent

travailler à la baie James et que je dois aller les chercher dans tous les centres de main-d'oeuvre du Québec, c'est bien sûr qu'il y a une sélection qui va être faite par quelqu'un qui va dire: Bien, on en prend deux de Baie-Saint-Paul, trois de la Gaspésie et dix de Montréal ou de tel centre de main-d'oeuvre qui est situé à Montréal, à Laval ou ailleurs. La province est grande.

Cela donne l'impression que lorsqu'on ne veut pas avoir de "job", on va au centre de main-d'oeuvre du Québec parce que le bassin, le réservoir vers lequel il peut envoyer des gens reste limité pour le moment au territoire de la baie James. C'est le seul employeur officiel qui, par décision, a décidé de faire affaire avec les centres de main-d'oeuvre.

Quant aux autres employeurs, c'est toujours ou la plupart du temps, M. le député de Maisonneuve, dans l'industrie de la construction. Il ne faut pas se leurrer, c'est la plupart du temps des endroits plus propices à un emploi rapide et plus propices aussi à ce qu'il y ait des employeurs qui en demandent. Cela a ses hauts et ses bas. Mais disons que c'est dans l'industrie de la construction où c'est le plus propice au travail. Je ne dis pas que cela devrait continuer à être comme ça, mais je dis que c'est ça. Quand vous avez de la concurrence, ce n'est pas avec les centres de main-d'oeuvre du Canada. Dans la construction; ce n'est pas là que se trouve la compétition, mais beaucoup plus avec les bureaux de placement syndicaux qu'avec les centres de main-d'oeuvre du Canada. Ce n'est pas un aveu que je fais, c'est une constatation que tout le monde peut faire de la façon dont il veut la faire.

Vous avez un plombier qui veut avoir un emploi. Il va aller d'abord voir au bureau de son député, pensant que son député contrôle la baie James. Il va le demander à son député. Son député va le faire enregistrer au centre de main-d'oeuvre. La Société d'énergie ou l'employeur comme tel dit: Ecoute, j'ai une "job", mais je suis obligé de passer par les bureaux de placement syndicaux. Tu l'as enregistré là, mais c'est illusoire pour lui d'espérer qu'il va avoir une "job" là quand la plupart des plombiers sont employés par le local 144, dans la province de Québec, et ce n'est pas de la baie James que je parle, mais de partout.

Alors, si vous êtes plombier, je n'invite personne à aller au local 144. Je dis: Si vous allez au centre de main-d'oeuvre, vous allez peut-être avoir un petit haut-le-coeur sur l'efficacité du centre de main-d'oeuvre qui n'est pas là pour créer des "jobs". Il est là pour recevoir des appels d'employeurs et faire la correspondance entre un type qui veut un emploi et un employeur qui veut se genre de type. Si l'employeur n'en demande pas à mon centre de main-d'oeuvre parce qu'il en demande ailleurs et qu'il en obtient, celui qui vient chez nous se trouve préjudicié par les circonstances.

Abolir les bureaux de placement syndicaux, ce serait un voeu pieux. Aujourd'hui, en particulier, ce n'est pas le temps du tout de faire de tels voeux. Pas dans la journée d'aujourd'hui; peut-être que demain on pourra en faire...

M. BURNS: Pas plus demain, je pense.

M. COURNOYER: ... bien, pas plus demain.

M. BURNS: Dans les semaines qui viennent, on fait mieux de ne pas en parler.

M. COURNOYER: On fait mieux de ne pas en parler de ça. De toute façon, je ne dis pas qu'ils ne sont pas efficaces mais je dis: Pour le moment, voulez-vous on va parler d'autre chose. Je suis bien prêt à entreprendre la question, mais pas aujourd'hui.

Encore une fois, l'efficacité de nos centres de main-d'oeuvre du Québec, l'expérience du placement des assistés sociaux en prenant des officiers de main-d'oeuvre de nos centres et en les rapprochant des bureaux d'aide sociale, cela nous a fait réaliser des choses que nous n'aurions jamais espéré réaliser sans ce rapprochement qui existe, à toutes fins utiles, entre l'assurance-chômage fédérale et les centres de main-d'oeuvre du Canada. Cette obligation, lorsque vous tombez en chômage, d'aller au centre de main-d'oeuvre pour vous enregistrer pour avoir une "job", obligation qui est peut-être même illusoire, c'est qu'aussitôt que c'est enregistré à l'assurance-chômage, c'est déjà enregistré dans les centres de main-d'oeuvre du Canada.

Nous, nous avions et nous avons encore nos assistés sociaux qui sont à la recherche d'emplois, très souvent, après avoir connu l'échec de l'assurance-chômage; ils sont tombés sur l'assistance sociale, le "treatment" qu'on a déjà décrit, et là, il n'y a pas de contact entre notre organisme de placement, parce que c'est encore notre organisme de placement, au gouvernement du Québec, et la source d'information, qui est le bureau d'aide sociale. Immédiatement, lorsque nous avons mis en contact physique, aussitôt qu'on a mis en contact, dans un endroit précis, un officier d'aide sociale et un agent de main-d'oeuvre, ils ont pu réaliser le contact nécessaire pour placer un assisté social.

C'est là que l'expérience dans le placement spécialisé nous indique que c'est notre voie maintenant, c'est la voie qu'on doit prendre. Je ne dis pas qu'on ne se trompera pas encore là, M. le Président, mais pour le moment, il nous semble que c'est la voie qu'on doit prendre. Si nous allons maintenant dans la sectorialisation dont je parlais tantôt, et qu'une industrie est chargée de la formation, est chargée également de la qualification, est-ce qu'il n'est pas à espérer que le placement se fasse par cette industrie, qui connaît le besoin quantitatif établi au départ et le besoin qualitatif, qui a établi un apprentissage et des cours de formation en fonction de ces besoin?

Nous avons participé à la sélection des individus qui y viendraient, qui participeraient à ce plan de formation. Et vous avez le terminus

où vous avez un gars formé, conformément aux besoins de l'industrie. Son terminus est pris par l'industrie, qui l'amène jusqu'à sa conclusion logique: As-tu une "job" ou si tu n'en as pas?

Si l'industrie a participé non pas comme consultant mais comme pouvoir de décision dans l'établissement de ses besoins, et si nous avons participé en protégeant les droits individuels à la sélection des individus qui suivent des cours de formation professionnelle, par exemple dans l'industrie de la construction, il n'est qu'à espérer que le terminus comporte aussi et davantage que ce qu'il comporte actuellement: le placement.

Mais le placement ne devient pas essentiel. Il devient l'accident nécessaire d'un système de formation professionnelle, si vous comprenez ce que je veux dire. Alors, comme le système n'est pas fait comme cela aujourd'hui mais qu'on espère qu'il va être fait comme cela dans l'industrie de la construction, que personnellement j'espère qu'il va être fait comme cela dans les services automobiles, que personnellement j'espère qu'il va être fait comme cela dans l'industrie du transport et que ceci nous indiquerait une tendance des prochaines lois, si nous réussissons à adopter ces deux-là, les deux nouvelles dont je parle, à partir de là, on peut penser que le placement deviendrait un instrument de travail de l'industrie et qu'en conséquence, c'est à l'industrie d'abord qu'on ferait appel pour le placement.

M. BURNS: Mais là, M. le ministre, est-ce qu'on ne tourne pas toujours autour du même pot, dans le fond? Quelle que soit la formule que vous envisagez, centres de main-d'oeuvre avec spécialisation selon le type d'industries, etc., et regroupement de tout ce qui se passe au ministère dans ce type d'industries, est-ce qu'on n'évite pas, dans le fond, de poser la vraie question, à savoir pour que vos centres de main-d'oeuvre deviennent efficaces — je vous rappelle les paroles que je vous citais au début, ce matin, les paroles que vous aviez prononcées en mai 1971 — est-ce qu'il ne s'agit pas, pour augmenter l'efficacité des centres de main-d'oeuvre du Québec, de convaincre les centres de main-d'oeuvre ou, en fait...

M. COURNOYER: Les autorités fédérales.

M. BURNS: ... les autorités fédérales que les centres de main-d'oeuvre du Canada sortent du secteur, quel que soit le secteur, quel que soit le type d'entreprises?

Le jour où vous avez une espèce de dualité d'endroits où les employeurs s'adressent, où vous avez une dualité d'endroits où les informations s'accumulent, où vous avez une dualité d'endroits où les travailleurs en chômage s'adressent pour obtenir un emploi, nécessairement vous avez un manque de cohésion.

Vous n'avez d'abord surtout pas un inventaire complet de la main-d'oeuvre nécessaire, des postes vacants. Si vous compliquez ça, par exemple, avec les bureaux de placement syndicaux dans un domaine particulier, celui de la construction, qui dans le fond mettent une béquille à vos centres... Ce n'est pas votre faute, je l'admets; c'est une question de fait qui existe. C'est bien plus historique qu'autre chose; c'est historique et c'est intéressé à part cela, je pense bien. Mis à part le phénomène de la construction, si on veut véritablement faire un travail valable dans le domaine de la main-d'oeuvre, avec tout ce que cela comporte; sélection, recyclage, réorganisation du secteur au point de vue du type de main-d'oeuvre, quantitatif comme qualitatif, est-ce qu'il ne faut pas, M. le ministre, que vous disiez, une fois pour toutes, aux centres de main-d'oeuvre du Canada, par l'entremise des autorités fédérales: Sortez donc de là et laissez-moi donc faire ma "job"?

M. COURNOYER: J'aimerais pouvoir dire ça, mais les difficultés que ça cause au moins temporairement et peut-être à très long terme, c'est que je détruirais, si le gouvernement fédéral acceptait, bien sûr — ce n'est pas moi qui détruirais, mais ce serait eux — quelque chose qui est jugé efficace par tout le monde pour le remplacer par quelque chose qui est jugé inefficace par tout le monde. Peut-être qu'après une certaine période de rodage je deviendrais fort, moi aussi, mais, entre-temps, aujourd'hui, je ne peux pas me permettre de dire: Vous sortez, parce que je n'ai pas ce qu'il faut pour les remplacer.

M. BEDARD (Chicoutimi): Cela pourrait se faire graduellement.

M. COURNOYER: C'est juste une question de sortir la Direction générale de la main-d'oeuvre de la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. Graduellement, ça ne peut pas se faire. On le fait tout d'un coup ou on ne fait rien du tout.

M. BURNS: Oui mais c'est cela qui...

M. COURNOYER: Vous auriez les mêmes individus sous la même juridiction ministérielle.

M. BURNS: C'est cela, M. le ministre, le cercle vicieux. Actuellement, si ce n'est pas efficace, n'est-ce pas justement parce que vous êtes en concurrence?

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: A moins que vous ne me disiez que ce n'est pas raisonnable de penser que c'est le Québec qui devrait avoir la politique définitive sur la main-d'oeuvre?

M. COURNOYER: Je n'ai jamais dit cela, M. le Président. Ce que je dis, c'est que nous faisons des pas cette année, bien sûr, à l'inté-

rieur du système fédéral dont nous ne sommes pas sortis, qui vont nous permettre à nous de jouer davantage notre rôle, même si c'est un rôle prêté, je le dis en toute sincérité, et peut-être de nous préparer davantage à faire face à de nouvelles responsabilités en matière de main-d'oeuvre. Mais, si jamais le gouvernement fédéral avait dit oui à ma demande d'il y a deux ans, les premiers qui seraient venus se plaindre de l'inefficacité, qui s'en plaindraient encore aujourd'hui... Le recrutement de la main-d'oeuvre spécialisée dont il est question, savez-vous que ce n'est pas aussi simple que ça en a l'air. C'est bien beau de demander. Je demande des inspecteurs électriciens; il faudrait quasiment que ce soient des ingénieurs, et je n'en trouve pas dans la province de Québec. Ce peut-être des agents de main-d'oeuvre. Si on demandait, par exemple, que nos bureaux de main-d'oeuvre changent totalement leur attitude, que ce ne soit pas seulement du placement, parce que ce n'est pas censé être seulement du placement en définitive dans un bureau de main-d'oeuvre. Il devrait y avoir un orienteur professionnel, il devrait peut-être y avoir un psychologue, un travailleur social qui aideraient les travailleurs.

Nos bureaux ne sont pas constitués de la sorte et, si je décidais de le faire demain matin, les budgets qui devraient être investis là-dedans seraient énormes. Peut-être que, lorsque j'aurais investi les budgets nécessaires là-dedans, la concurrence entre les deux arrêterait ou serait de force égale et, là, les employeurs viendraient me voir parce que je serais efficace comme l'autre et les employés seraient heureux de venir me voir parce que je serais efficace comme l'autre.

Mais, avant d'être efficace comme eux, est-ce que l'on doit détruire le système actuel quand il est jugé par tous les travailleurs que je connais plus efficace que le mien, compte tenu des circonstances? Un instant, je peux viser la même chose que je visais il y a deux ans et il y a trois ans, c'est qu'il doit y avoir un réseau de main-d'oeuvre au Québec. Je peux encore le viser, mais les méthodes que je choisis pour y arriver peuvent être différentes de la concurrence entre mes bureaux de main-d'oeuvre, les bureaux de Québec, et les bureaux du gouvernement fédéral. Ce que je voudrais, ce serait que mes bureaux s'occupent actuellement du placement spécialisé, parce que je pense qu'il y a là une carence immédiate à remplir. C'est ce que me disent mes officiers. Il y a une carence immédiate à remplir que le bureau fédéral ne remplit pas et ne peut pas remplir compte tenu du fait qu'il est déjà occupé à placer les gens qui viennent de l'assurance-chômage.

Le placement spécialisé dont je parle, c'est le placement des étudiants qui ont fini leur cours terminal. C'est déjà beaucoup; on a une expérience à Chicoutimi, où, à l'Université du Québec, il y a un centre de main-d'oeuvre du Québec, à l'université même, qui, semble-t-il, a un degré d'efficacité correspondant à la proxi- mité dans laquelle il est de sa clientèle et correspondant aussi au fait qu'il vit dans le milieu, qu'il connaît la qualité des individus. Il éduque pratiquement toute la région d'Arvida, de Chicoutimi, toute la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. H incite ceux qui ont besoin de diplômés à venir à ce bureau qui est situé dans l'Université du Québec. Mais on n'en a pas à l'Université de Montréal, que je sache. Est-ce que'on en a à l'Université de Sherbrooke? La seule place où on en a un dans une université, c'est Laval, à Laval même.

Maintenant, il y a beaucoup d'étudiants de CEGEP où apparemment...

M. BURNS: Le centre de main-d'oeuvre du Canada en a un à l'Université de Montréal.

M. COURNOYER: Oui, oui, je le sais, je suis au courant. Disons que ce que j'essaie de dire, c'est où nous en avons. Mais si je spécialise immédiatement mes centres de main-d'oeuvre avec les mêmes effectifs ou autrement — je ne parle pas des mêmes individus — si on se dirige vers une spécialisation du placement chez nous, je vais peut-être requérir du ministère de l'Education de me laisser occuper des bureaux dans les CEGEP aussi et formellement.

M. BURNS: Pourquoi pas?

M. COURNOYER : Je ne vois pas pourquoi il n'y en aurait pas. Je spécialiserais mon placement dans ce domaine et j'occuperais un champ d'activité qui est beaucoup plus propice étant donné qu'il ne s'agit pas de connexion avec l'assurance-chômage, puisque les étudiants ne sont pas sur l'assurance-chômage. Je l'occuperais d'abord, celui-là. Après coup, prenons les deux ou trois projets qui sont en voie. Le placement spécialisé de camionneurs, par exemple, pourrait être fait par l'industrie du camionnage, qui serait elle-même maîtresse de la formation et de la qualification. Le placement spécialisé des travailleurs dans l'industrie de l'automobile, les services automobiles serait fait par l'industrie qui les a formés ou qui a contribué à les former. Il faut partir de là; c'est une méthode différente d'occuper la juridiction du placement. Mais nous occupons la juridiction du placement et nous pouvons être plus efficaces parce que ça fait partie d'un grand tout à l'intérieur d'un secteur industriel qui a établi ses besoins quantitatifs et qualitatifs, qui a participé à remplir ses propres besoins. Et le terminus au bout, que voulez-vous, c'est un homme formé par l'industrie qui sort de là. L'industrie, la première chose, c'est qu'il doit remplir les besoins qu'elle avait établis elle-même auparavant; il a donc un emploi le lendemain. Pourquoi irait-il ailleurs? Comme, aujourd'hui, pourquoi forcerais-je, tant qu'il existe des bureaux de main-d'oeuvre fédéraux, un individu à aller à deux places? Pourquoi le forcer à aller au centre de main-d'oeuvre du

Québec quand il est déjà tenu par la loi fédérale d'assurance-chômage d'aller au centre de main-d'oeuvre du Canada? Pourquoi lui dirais-je: Ecoute, tu vas venir à deux places? De toute façon, s'il a un employeur à trouver, il y a deux sources; le centre de main-d'oeuvre du Canada cherche des employeurs, il fait de la prospection d'emploi; nous, il faudrait aussi faire de la prospection d'emploi. Il faudrait donc, au lieu d'avoir un individu dans le bureau de la main-d'oeuvre de telle place dans la province, en avoir trois ou quatre qui vont faire de la prospection d'emploi. Aujourd'hui, quand un individu va dans le bureau, il n'y a qu'un homme là-dedans et il remplit des formules. Il ne fait que remplir des formules; quand le gars a fini de travailler à quatre heures et demie, quand même il partirait pour la gloire, les bureaux des compagnies sont fermés, il ne peut pas faire de prospection d'emploi. Il ne fera pas de prospection d'emploi; il attend que le téléphone sonne des deux côtés. Si le téléphone ne sonne pas du côté des employeurs, il a toujours ses gars qui veulent travailler, qui sont venus le voir, envoyés par le député du comté, à l'instigation du ministre ou du cabinet du ministre, mais s'il n'y a pas d'employeur qui appelle; qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait rien, il attend. On dit: Si vous ne voulez pas avoir de job, allez au centre de main-d'oeuvre du Québec et, parce qu'on ne peut pas avoir de job au centre de main-d'oeuvre du Québec, le cercle vicieux existe là aussi. Plus tu es efficace dans cette affaire-là, plus tu deviens en demande et tu ne sais pas lequel des deux a commencé, lequel est la poule et lequel est l'oeuf.

A partir de là, je pense que la façon dont nous envisageons la solution sectorialisée, si nous réussissons avec l'industrie — je dis toujours avec, je ne leur imposerai pas une loi à ce moment-ci, quoiqu'ils ont tous semblé extrêmement disposés à faire cela — nous allons occuper ce champ différemment, mais nous allons l'occuper, le champ du placement.

M. BURNS: Pendant qu'on est dans le domaine du placement spécialisé — je soulève cette question immédiatement, parce que je vais être obligé de m'absenter pour la commission de l'éducation, pour quelques instants — je m'en voudrais de ne pas vous parler d'un groupe qui, lui, ne relève pas de votre ministère et qui aide beaucoup à vos centres de main-d'oeuvre. Vous vous doutiez que c'étaient les Partenaires Associés qui ont pignon sur rue dans le comté de Maisonneuve.

M. COURNOYER: Le plus beau comté de la province, après le mien, puis après le tien, puis après le sien.

M. BURNS: C'est ce que je pense. C'est ce que probablement chaque député pense de son comté. Mais là-dessus, pour résumer simplement, je sais que le ministre est pas mal au courant de ce que font les Partenaires Associés. C'est un organisme sans but lucratif, indépendant et qui s'occupe d'un type particulier de main-d'oeuvre à placer, c'est-à-dire les 45 ans et plus, disons en général les 45 ans à 65 ans. Le ministre sait fort bien — je pense qu'à plusieurs reprises les Partenaires Associés ont communiqué avec lui — que, depuis 1970 qu'ils existent, ils ont démontré une certaine efficacité dans ce type particulièrement difficile de main-d'oeuvre à placer. De plus en plus, le gars qui a 45 ans et plus a de la misère à se trouver une "job". Au mois de janvier dernier, par exemple, M. Gauthier qui est le président, le directeur général des Partenaires Associés, annonçait que, depuis 1970, au-delà de 4,500 personnes avaient été placées par l'entremise de leurs services et, ce qui est assez étonnant, de façon permanente. Ce n'étaient pas juste des "jobbines" de passage, une espèce d'envoi de lettre pressant où on engage des gens pour deux ou trois semaines ou bien pour fabriquer des stylos, mais c'était des emplois constants.

Depuis leur existence, moi j'ai été régulièrement en contact avec eux. J'ai été à même de vérifier l'efficacité de leur boulot, sauf qu'ils ont toujours régulièrement le même problème, c'est leur survie financière. Moi, mon raisonnement est bien simple là-dedans. Je me dis: Ils font quelque chose actuellement que ni le centre de main-d'oeuvre du Canada, ni les centres de main-d'oeuvre du Québec ne font, c'est-à-dire s'occuper de cette main-d'oeuvre particulièrement défavorisée, si je peux dire. Le gars qui perd sa "job" à 48 ans, il a bien de la misère à s'en trouver une autre.

Il peut encore être bien utile dans d'autres domaines que ceux dans lesquels il a toujours été habitué à travailler. Par exemple, on parlait du travailleur de la construction. Il est possible que rhumatismes et lumbago aidant, le travailleur de la construction n'ait pas le temps de se rendre à sa retraite normalement fixée, puis qu'il doive quitter ce domaine particulièrement difficile sur le plan physique.

Or, qu'est-ce qui arrive à ce travailleur? S'il connaît l'existence des Partenaires Associés, il va s'adresser là. Moyennant une cotisation qui est minime — je pense que c'est une affaire comme $2 ou $3 par mois — il devient membre des Partenaires Associés, puis les Partenaires Associés essaient de lui trouver un emploi. Le ministre va comprendre un phénomène bien naturel qui arrive, c'est que le gars, une fois qu'il s'est fait placer, par hasard, il oublie d'envoyer ses cotisations, de sorte que le financement de cet organisme-là est toujours un problème: c'est un cercle vicieux.

Je demande au ministre, malgré qu'il n'a pas un budget absolument fantasmagorique, s'il a dans son budget des sommes pour subventionner des organismes comme celui-là et en particulier les Partenaires Associés. Je sais que déjà le gouvernement du Québec l'a fait à

une occasion. C'est le premier ministre qui avait, à grand renfort de publicité, envahi le comté de Maisonneuve pour venir remettre un beau chèque de quelque $2,000 ou $4,000, je ne me souviens pas, aux Partenaires Associés. Cela c'était fait à une époque particulièrement critique de la vie de cet organisme.

Mais, sans être obligé de quémander d'année en année pour ce groupe, est-ce qu'il y a quelque chose qui est envisagé à long terme pour aider ce genre d'organisme — il y en a peut-être d'autres, mais moi, c'est le seul que je connaisse actuellement — qui justement rend des services au Québec? Des gens qu'on dirige à des emplois, lorsqu'ils ont au-delà de 45 ans, c'est du monde qu'on enlève au bien-être social. Il faut l'envisager strictement sur ce plan-là aussi.

M. COURNOYER: Disons, M. le Président, que pour les Partenaires Associés, la première intervention a, bien sûr, été une intervention du premier ministre, comme vous l'avez dit tantôt, et comme complément à cela, comme ministre du Travail, j'avais donné l'ordre — cela s'était fait, d'ailleurs — de payer un salaire, à titre d'employés occasionnels, à un certain nombre d'individus qui travaillaient pour M. Gauthier. Je pense que c'était une question de salaire, à l'époque, et j'avais utilisé la technique de l'emploi occasionnel, même si je ne les voyais pas tous les jours, pour financer cette association des Partenaires Associés. Je me rappelle qu'on ne peut pas demander d'argent pour placer, en vertu de la Loi des bureaux de placement, c'est défendu d'exiger quel que montant que ce soit.

M. BURNS: C'est-à-dire qu'ils demandent aux jeunes de devenir membres, tout simplement.

M. COURNOYER: C'est la même chose que d'autres endroits où on est obligé de devenir membres et où on découvre, après...

M. BURNS: Si vous leur dites: Ne prenez pas de cotisations, et nous autres, on va vous assurer votre survie financière...

M. COURNOYER: Disons qu'il y a la question du permis.

M. BURNS: ... je pense qu'ils vont être bien heureux.

M. COURNOYER: II y a la question du permis qui ne peut pas être octroyé à moins qu'ils ne demandent pas d'argent. C'est une question à part. Cette année, mes fonctionnaires me disaient de ne pas financer cela pour une foule de raisons que je n'ai pas à la mémoire; par ailleurs, j'ai donné instructions de le financer quand même. Ce n'est pas parce que mes fonctionnaires n'avaient pas raison; ils avaient probablement raison, eux autres.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je peux penser à autre chose, en souriant.

M. COURNOYER: En fait, j'ai demandé quand même qu'on le finance. On s'est inspiré des accords de reclassement; on fait des accords de reclassement un peu partout. On arrive à une entreprise qui a des mises à pied; on s'est inspiré de cette chose, un accord de reclassement avec les Partenaires Associés, pour leur donner $30,000. Ils ont refusé de signer l'accord et on me l'apprend à l'instant. Ils ont refusé de signer l'accord, les Partenaires Associés, et j'aimerais savoir pourquoi. Pour le moment, je ne le sais pas. C'était un accord de financement.

M. BURNS: C'était probablement les conditions que vous posiez à l'accord de financement.

M. COURNOYER: Ce sont des conditions qu'on pose, j'imagine, comme dans tous les autres accords de reclassement, comme on a une certaine participation et une certaine surveillance de ce qui se passe avec l'argent de la population. On ne sait pas, nous autres, ce qui se passe aux Partenaires Associés. Il y a une forme de contrôle qu'on ne voudrait pas éviter et que personne ne voudrait que nous évitions. A partir de là, je pense que vous connaissez M. Gauthier; voilà un type d'homme fonceur et qui n'aime pas qu'on lui fasse des observations...

M. BURNS: Qu'on lui dicte sa ligne de conduite.

M. COURNOYER: Voilà. Vous connaissez aussi les politiques gouvernementales; c'est que tout le monde dicte à tout le monde. Quand on arrive quelque part...

M. BURNS: A un point tel qu'il n'y a plus personne qui sait qui mène.

M. COURNOYER: C'est très simple. Comme cela, il n'y a personne qui est réellement responsable sauf le ministre.

M. BURNS: Quand on est en maudit, on ne sait pas quel derrière botter. C'est cela, le problème.

M. COURNOYER: C'est cela, mais vous avez habituellement un bon derrière à trouver chez le ministre, c'est-à-dire que vous êtes correct.

M. BURNS: C'est notre seul.

M. COURNOYER: C'est le seul qui existe.

M. BONNIER: M. le Président, je voudrais juste...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Taschereau.

M. COURNOYER: En tout cas, je ne peux pas dire pourquoi, mais selon les informations de mes fonctionnaires, on a demandé qu'ils soumettent un budget et ils ont refusé ou ils auraient refusé de soumettre un budget. Je ne veux pas non plus dire qu'ils n'en auront jamais, mais je veux au moins voir pourquoi ils refusent de soumettre un budget. C'est de l'argent public et il me semble que c'est...

M. BURNS: Le dossier n'est pas fermé, là-dessus?

M. COURNOYER: Moi, je ne considère pas le dossier fermé. J'ai refait, je pense, l'invitation à M. Gauthier d'entrer en contact avec les officiers de mon ministère et de dire ce qu'il veut. Nous, on a fait une offre conformément aux lois que nous administrons. Pour accepter cette offre, il faut qu'il y ait un budget. S'il ne veut pas faire de budget, c'est bien dommage. Mais les $30,000, qu'est-ce qu'il fait avec? Il fait du placement, bien sûr, il en fait avec $30,000, mais moi aussi je peux en partir une association, demain matin, et dire au gouvernement: Donnez-moi cela et je vais faire ce que je veux avec, je vais être plus efficace que vous autres. C'est bien beau d'être plus efficace que nous autres, mais la réponse à donner à la commission parlementaire, c'est le ministre qui la donne.

J'ai donné $30,000 aux Partenaires Associés. Je peux bien en avoir donné $30,000, demain matin, à un autre individu et à un autre groupe d'individus et vous ne les aimerez pas autant que les Partenaires Associés et vous allez peut-être me disputer parce que je vais avoir donné $30,000 à ceux-là ou même $20,000, $10,000 et même $5,000. A partir de là, il y a la question que le ministre peut intervenir. J'ai demandé à mes fonctionnaires de le faire. Ils ont offert un accord de reclassement à M. Gauthier, mais M. Gauthier aurait, semble-t-il, refusé de présenter un budget. Ce n'est pas fermé et si vous le connaissez bien, vous, vous pourriez lui expliquer que présenter un budget au gouvernement, ce sont des affaires qui se changent, avec autorisation, bien sûr, et que si jamais il y avait des nouvelles circonstances, il n'a qu'à me dire qu'on est obligé de changer pour des nouvelles circonstances par un autre truchement budgétaire. Là, je me présenterai devant l'Assemblée nationale et je demanderai des crédits additionnels.

M. BURNS: Remarquez que je n'ai pas l'intention — j'espère que le ministre comprend bien le sens de mon intervention qui n'est pas un plaidoyer pro domo...

M. COURNOYER: Non.

M. BURNS: Ce n'est pas pour défendre le...

M. COURNOYER: Cela dépasse et de beaucoup le comté de Maisonneuve.

M. BURNS: II arrive que ce soit dans le comté de Maisonneuve et il arrive que j'aie pris connaissance de leurs difficultés, ce qui vraiment m'intéresse. Remarquez que s'ils m'avaient approché, ces gens, qu'ils avaient été dans le comté de Taschereau...

M. COURNOYER: De Mercier.

M. BURNS: ... dans le comté de Robert-Baldwin, peut-être que je n'aurais pas eu à argumenter longtemps, mais j'aurais défendu leur cause autant, sachant...

M. COURNOYER: Le monde chez nous, ils sont placés.

M. BURNS: ... le rôle utile que ces gens jouent, parce que c'est cette espèce de vacuum de main-d'oeuvre au point de vue du placement qui n'est pas touchée actuellement ou en tout cas qui l'est tellement peu, parce que c'est le genre de main-d'oeuvre qui est difficile à placer. C'est uniquement dans ce sens que je fais ces remarques.

M. COURNOYER: Puis je les prends en bonne considération. Mais, encore une fois, ce n'est pas un refus du ministre, même pas un refus motivé. Si les Partenaires veulent se plier àa ce genre d'opérations auxquelles tous nos fonctionnaires sont obligés de se plier de notre côté, à partir de là je ne ferai pas des fonctionnaires chez les Partenaires Associés, mais je m'attends à ce qu'ils répondent aux mêmes critères que d'autres personnes qui demandent de l'argent au ministère.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le député de Taschereau.

M. BONNIER: Je ne voudrais pas allonger le débat sur la formation professionnelle, mais cela m'a drôlement intéressé ce que le ministre a expliqué par rapport à la reformulation de tout ce programme de formation. Je me demande si par ce cheminement, il pense résoudre le problème des jeunes techniciens qui arrivent sur le marché du travail et qui ont effectivement de la difficulté à trouver de l'emploi, parce que les employeurs trouvent qu'ils ne sont pas suffisamment formés en regard de l'industrie elle-même.

M. COURNOYER: Cela dépend desquels. Il y a les deux sections. Vous avez la formation professionnelle dans le système scolaire, à laquelle nous participons très peu, sinon pas du tout. Dans le système scolaire, l'enseignement terminal dans une école polyvalente où on va apprendre un métier ou encore l'enseignement professionnel des CEGEP, nous n'y participons pas au ministère du Travail.

M. BONNIER: Justement, M. le ministre, ce

serait ma question. Est-ce que dans votre perspective il y aurait lieu d'aller jusque là?

M. COURNOYER: A moins que le ministère de l'Education décide lui-même et de lui-même de modifier son approche à la formation professionnelle des jeunes... Moi, je parle toujours de la formation professionnelle des adultes. Et comme nous formons des adultes, notre approche à nous, c'est de les former pour travailler tandis que tant et aussi longtemps que vous êtes dans le système scolaire, vous obéissez à la philosophie générale du système scolaire qui dit: Vous devez venir ici pour apprendre à apprendre. Même si on arrive dans l'enseignement professionnel, la même philosophie déteint un peu partout. Bien sûr que si nous faisions un succès dans la formation professionnelle des adultes par un programme dirigé de la façon dont j'ai parlé tantôt, les jeunes qui sortent du système scolaire québécois auraient encore plus de difficulté à se placer, parce qu'il y aurait un réservoir de main-d'oeuvre formée pour les besoins de l'industrie et formée par l'industrie. A partir du moment où ils auront plus de difficulté à se placer — ce n'est pas du bluff qu'on fait là — encore plus de difficulté à se placer qu'aujourd'hui, il y a quelqu'un qui devra un jour ou l'autre réviser la formation professionnelle du système d'enseignement ordinaire. Ce n'est pas à moi de le faire. Cependant, il faudrait que j'aie fait un succès dans l'autre domaine pour dire à l'autre ministre ou à l'autre ministère: Otez-vous qu'on se mette.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Une question additionnelle, le député de Saint-François.

M. DEZIEL: M. le ministre, je comprends très bien la question de mon collègue de Taschereau. Ce qui arrive, c'est qu'avec les centres d'apprentissage qui existaient antérieurement — excusez-moi si je reviens là-dessus — la formule était parfaite. Moi-même, j'ai été commissaire à la Commission d'apprentissage pendant onze ans et président de la commission. Lorsque j'y suis arrivé, j'ai ouvert ce qu'on appelle la classe d'électricité en tant que représentant de la Corporation des maîtres électriciens.

Je peux vous dire que, par le truchement d'un agent de relations publiques qu'on avait en fonction, un seul homme, pendant onze ans, j'ai conservé une moyenne de placement de 97.1 p.c, des gars qui restaient en place, des gars qui ont fait le métier. Ils sont quelqu'un aujourd'hui et plusieurs sont entrepreneurs. C'est pour cela qu'au moment où on a aboli cette formule j'ai été réellement peiné.

Maintenant, j'avais une autre question. Mais je crois que ce n'est pas à mon tour. Je reviendrai.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie avait demandé la parole.

M. MALEPART: M. le Président, c'est au sujet des Partenaires Associés. Est-ce que, dans l'accord, il était fait mention de les empêcher de percevoir une cotisation de leurs membres?

M. COURNOYER: Oui. Ils avaient encore une petite permission de le faire, mais elle a été affaiblie un peu.

Juste pour aller plus loin dans la réponse à la question du député de Taschereau, de notre côté, au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, une plus grande tranche de la somme fantastique d'à peu près $60 millions ou $75 millions qui sont là devrait être dépensée pour la formation en industrie. Voilà une discussion que nous avons avec le ministère de l'Education. Cela ne marche pas aussi bien qu'on voudrait. Pour le ministère de l'Education, c'est en institution qu'on doit aller. Pour le ministère du Travail, la meilleure place pour former, c'est dans l'industrie. Que ce soit l'aide à l'industrie pour la formation professionnelle ou l'aide à l'individu qui est en apprentissage, pour nous, on dit: Le complément nécessaire de formation en institution n'est qu'un complément de la formation en industrie et non pas la formation en industrie, le complément de la formation en institution.

On tend donc, de notre côté, au ministère du Travail, à augmenter les montants d'argent pour la formation en industrie quand, du côté du ministère de l'Education, on tend à augmenter les montants d'argent pour la formation en institution. Alors, la chicane n'est pas prise bien fort, mais on est sur le point de ne plus se parler.

M. BONNIER: Le gars au bout de la ligne, on le reçoit et on le rencontre dans des groupements. Lui a des besoins spécifiques.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Chicoutimi.

M. BEDARD (Chicoutimi): Quand vous parlez de placement spécialisé, est-ce que vous pensez — il me semble que cela pourrait être normal— au placement des étudiants en vacances?

M. COURNOYER: Là, on parle davantage du placement des étudiants qui ont fini leur cours que du placement des étudiants en vacances.

M. BEDARD (Chicoutimi): Dans l'esprit du ministère, est-ce que vous pensez que ce ne serait pas une bonne chose?

M. COURNOYER: Ah! Disons que je trouve cela prématuré de porter un jugement là-dessus, étant donné qu'il s'agit d'une opération qui est essentiellement temporaire et qui existe tous les ans. Pour ma part, je me préoccupe beaucoup plus d'un placement per-

manent que d'un placement occasionnel, comme le placement des étudiants.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est temporaire...

M. COURNOYER: C'est-à-dire que c'est un placement temporaire.

M. BEDARD (Chicoutimi): ... et politique.

M. COURNOYER: Alors, j'aimerais mieux... Pardon?

M. BEDARD (Chicoutimi): Temporaire et politique, quoi?

M. COURNOYER: Je ne le sais pas! Est-ce qu'il y a des gens qui n'ont pas été placés dans les comtés péquistes ou dans les autres comtés? Je ne vois pas ça. Je n'ai jamais posé de question pour savoir si nous employons ou non des péquistes. Je ne le sais pas. Il y en a probablement quelques-uns, des péquistes. La preuve, vous en représentez un petit groupe.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.

M. COURNOYER: Alors, je n'ai pas posé la question à tout le monde.

M. BEDARD (Chicoutimi): Si je prends le cas de Chicoutimi, il y a au moins 1,300 demandes et il y a des possibilités très limitées de placement.

M. COURNOYER: Maintenant, 1,300 demandes, est-ce que ce sont seulement des péquistes?

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non! Je n'ai jamais fait de distinction, pour quelqu'un qui doit travailler, de ses allégeances, qu'elles soient politiques ou autres.

M. COURNOYER: Tant qu'ils vont vouloir travailler, il n'y a pas tellement de problèmes. Maintenant, l'Opération placement-étudiant, pour ma part, cela s'est déjà fait par les centres de main-d'oeuvre du Québec. Cela s'est fait une fois. Il y avait une collaboration. Vous savez, dans chacune des maisons ou des boutiques que vous avez dans les centres de main-d'oeuvre, ce sont des hommes. Et où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Si tu changes de patron, tu changes de patronage. Entre le patronage d'un fonctionnaire ou le patronage d'un député, pour autant que je suis concerné...

M. BEDARD (Chicoutimi): Dans le placement étudiant.

M. COURNOYER: ... j'aime autant que ce soit le patronage d'un député, parce que je suis député moi-même. Mais il n'y a pas de problème et il ne s'agit pas, non plus, d'allégeance politique. Il s'agit de patronage.

M. HARVEY (Charlesbourg): II y a une certaine stabilité chez vous.

M. COURNOYER: Parce que pour un homme... Pardon?

M. HARVEY (Charlesbourg): II y a une certaine stabilité à votre ministère.

M. COURNOYER: A mon ministère, au point de vue patronage, oui. Je ne dis pas que je fais du patronage chez nous; je ne dis pas qu'il ne s'en fait pas, non plus.

M. BEDARD (Chicoutimi): Tu fais de la sélection, c'est normal.

M. COURNOYER: Non. Enfin, ceux qui travaillent dans mon entourage immédiat, je ne veux pas leur voir la face s'ils ne m'aiment pas.

M. HARVEY (Charlesbourg): Cela va de soi.

M. COURNOYER: Je ne veux pas leur demander s'ils m'aiment non plus, il y en a de belles!

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous avez parlé, il y a quelques minutes déjà, de la Société d'énergie de la baie James.

M. COURNOYER: Oui.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-il exact que les relations du ministère ou du ministre sont pour ainsi dire très difficiles avec la Société d'énergie de la baie James et qu'effectivement, même au niveau de la correspondance, c'est très difficile d'avoir des réponses du ministère et du ministre? Remarquez que je n'affirme pas, je demande. Il semblerait que le ministre ou le ministère se ferait un point d'honneur d'avoir le moins de rencontres possibles avec les membres de la Société d'énergie de la baie James.

M. COURNOYER: Disons que le ministre ne se fait pas un point d'honneur d'avoir le moins de rencontres possible, il les rencontre le moins souvent possible, point. Ce n'est pas un point d'honneur nécessairement, et c'est le moins souvent possible que je les rencontre.

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous savez dans quel sens je veux dire.

M. COURNOYER: Oui. Le moins souvent possible.

M. BEDARD (Chicoutimi): L'honneur, on peut le placer ailleurs.

M. COURNOYER: C'est clair, clair. Le moins souvent possible je vais rencontrer les gars de la Société d'énergie, le mieux je vais être. Personnellement, cela.

M. BEDARD (Chicoutimi): Pourquoi?

M. COURNOYER: Ecoutez une minute, je ne suis pas pour commencer à vous déclarer tous mes sentiments! Vous êtes ici pour me poser des questions sur mon ministère, par sur mes sentiments !

M. BEDARD (Chicoutimi): Vous semblez en exprimer un, en tout cas, qui n'en est pas un de... Vous dites: Moins je vais les rencontrer, mieux ce sera.

M. COURNOYER: D'une façon générale, les membres de la Société d'énergie de la baie James, tels que je les connais, c'est du monde parfait. Puis moi, je ne suis pas un gars parfait. Ils sont parfaits et je ne suis pas parfait, et je ne pense pas que le bon Dieu va me prêter assez longtemps de vie pour devenir parfait. L'imperfection, quand elle rencontre la perfection, il y a un "flash" quelque part.

Comme ce sont eux qui construisent la baie James, pas moi, et qu'ils sont parfaits, je ne vois pas pourquoi mes imperfections viendraient atténuer la splendeur de leurs opérations.

M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pense qu'il peut améliorer ses imperfections de manière à permettre qu'éventuellement un organisme parfait et un ministre parfait puissent se parler, concernant des projets comme la baie James et concernant l'emploi de personnel, les règles d'emploi du personnel?

M. COURNOYER: Sur les règles d'emploi de personnel, la Société d'énergie de la baie James peut faire les règles qu'elle veut. Mais si elle demande au ministre de leur garantir que cela va bien aller à la baie James, ce n'est pas vrai. Le ministre ne prendra pas la place des syndicats, à la baie James, et il ne prendra pas la place des individus, non plus, à la baie James. C'est clair, cela.

Je ne suis pas pour leur dire, aux gens de la Société d'énergie de la baie James, parce qu'ils veulent une loi spéciale pour eux seuls, qu'ils ont raison et qu'avec une loi spéciale cela va aller bien à la baie James. Je ne peux pas garantir cela. Je ne suis pas capable de faire cela.

Si on me demande de leur rendre un service comme centre de main-d'oeuvre, je rendrai le service à la société d'énergie de la même façon que nous rendons service à d'autres employeurs. Mais je ne vois pas pourquoi je ferais quelque chose de spécial à la société d'énergie de la baie James et leur garantir qu'ils n'auront pas de bandits sur leurs chantiers. Je ne suis pas capable de garantir cela à personne. Je ne suis pas pour commencer à examiner le dossier judiciaire des individus qui ont besoin d'un job. Ce n'est pas mon ministère qui va faire cela.

On a toujours une clientèle spécialisée, comme je l'ai dit tantôt. A partir du moment où c'est spécialisé, un jour peut-être que je placerai des criminels. Si je me ferme la barrière de placer des gens qui sortent de prison pour les envoyer à la baie James, je ne serai plus capable de placer les criminels, moi. Comprenez-vous? Non?

Moi, je me comprends. Effectivement,...

M. BEDARD (Chicoutimi): Le ministre se comprend et comprend très bien ce que je veux dire, aussi, parce que le ton qu'il emploie est un ton tout à fait différent, qui montre, qui confirme, tout simplement, que les rapports sont très difficiles.

M. COURNOYER: Ils sont très tendus. C'est clair. Maintenant, comme mes rapports sont tendus avec la présidente de la Commission du salaire minimum, comme ils sont tendus avec d'autre monde, vous allez dire: C'est un gars tendant !

M. BEDARD (Chicoutimi): A part ça, ça va bien?

M. COURNOYER: A la condition que vous ne me disiez pas que je suis tendancieux!

Ecoutez, chacun sa personnalité. Moi, j'ai la mienne. A partir du moment où je suis responsable de ce ministère devant l'Assemblée nationale, je ne changerai pas ma personnalité. Je vais changer, peut-être, ma façon de voir les choses quand d'autres choses viendront. Mais je vous parlais tantôt de la perfection des gens de la baie James. Ils sont parfaits! Que voulez-vous que je fasse?

M. BEDARD (Chicoutimi): Et vous ne leur reprochez pas d'être parfaits?

M. COURNOYER: Je ne le leur reproche pas. La perfection, quand on la retrouve en ce bas monde, c'est du parfait!

M. BEDARD (Chicoutimi): Mais est-ce que le point où il y a vraiment une difficulté d'entente, c'est celui que vous avez mentionné, ce besoin ou cette demande de loi spéciale concernant l'embauche à la baie James, ou encore si effectivement il y a d'autres secteurs qui auraient existé...

M. COURNOYER: J'aurais aimé discuter davantage sur ce point, M. le député de Chicoutimi, ç'aurait été que la belle réalisation qu'on appelle la baie James soit une oeuvre de génie bien sûr, mais une oeuvre de génie humain en même temps. Et comme la perfection n'existe pas chez les humains, vous comprenez ce que je veux dire?

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, je comprends très bien.

M. COURNOYER: On fait affaires avec du monde et le monde n'est pas parfait. Qu'on s'attende à des comportements qui soient parfaits parce qu'on est parfait soi-même, à partir de là, je dis que quelque chose va aller mal à la baie James. Ne me demandez pas des garanties légales de passer une loi spéciale qui va s'appliquer au territoire de la baie James et qu'en vertu de cette loi, il n'y aura pas de problème à la baie James.

M. BEDARD (Chicoutimi): Remarquez que je ne vous l'ai pas demandé, je vous ai simplement demandé la nature de vos rapports avec la Société d'énergie de la baie James.

M. COURNOYER: La nature de mes rapports, on en a parlé suffisamment.

M. BEDARD (Chicoutimi): On peut souhaiter qu'ils s'améliorent.

M. COURNOYER: Vous pouvez souhaiter que les rapports s'améliorent. Vous pouvez aussi souhaiter que moi je change en autant qu'ils feront, eux aussi, du chemin. Pour le moment, le genre de chemin qu'ils sont prêts à faire c'est de me rendre responsable des ennuis de la baie James, et je ne l'accepterai pas. Ce n'est pas ma faute à moi s'il y a une espèce d'individu qui a pris un D-9 et qui a mis cela dans les cabanes, dans les réservoirs d'huile. Cela peut arriver sur la rue Sainte-Catherine demain matin, mais c'est arrivé à la baie James. Ce n'est pas moi qui l'ai envoyé là ce monsieur là, je ne donne pas son nom parce qu'il est sub judice, ce n'est pas moi qui l'ai envoyé là. Et qu'il ait pris le bulldozer, ce n'est pas moi qui lui ai dit de faire ça non plus. Des accidents comme ceux-là, ç'aurait pu arriver autrement, mais c'est arrivé comme ça. Je n'irai pas prendre sur mes épaules la responsabilité des faits et gestes de tous les individus qui travaillent dans le Québec, il y en a 2,500,000.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je ne crois pas que ce soit ce que vous demande la société pour faire suite aux questions que je posais, il ne faut pas trop s'étendre en dehors du sujet. Je ne crois pas que ç'aurait mené à ça si vous accédiez aux demandes de la société d'énergie.

M. COURNOYER: Mais quelles sont les demandes de la société d'énergie? C'est d'abord de faire...

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est ce que nous aimerions savoir.

M. COURNOYER: ... une loi spéciale de relations de travail sur le chantier de la baie James. C'est la première demande qui a été faite il y a déjà deux ans. Presque en même temps qu'on créait la société d'énergie ou tout près de la création de cette société, elle a demandé au ministre du Travail de faire une loi spéciale. On venait à peine de commencer à uniformiser l'industrie de la construction, j'ai donc refusé d'une façon véhémente. Depuis ce temps, c'est ma faute s'il y a des problèmes à la baie James. Parce que j'ai refusé de faire une loi spéciale dans le temps. La société d'énergie et la Société de développement de la baie James sont des sociétés qui ont pour but ou pour objet de développer la baie James comme une autre société peut avoir pour but et objet de développer Mont-Wright, Fire-Lake, Port-Cartier et Sept-Iles, et dans votre bout il y a Manicouagan.

Des constructions se sont faites là. Il y avait une loi spéciale à Manicouagan parce qu'ils étaient exclus de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Il y avait des accréditations là. Cela a été bien tout le long, pas une grève à Manicouagan, personne n'a jamais fait rien de mal à Manicouagan, est-ce vrai?

On ne se souviendra personne, de 1966, et on ne se souviendra pas de quatre contremaîtres "saprés" dehors, on ne se souviendra pas de ça. Moi, je m'en souviens, j'étais là, j'avais été nommé médiateur dans ce cas-là. Dans ce temps-là, ils étaient 6,000 à pied à Baie-Comeau. Cela fait un bout de temps. C'est le genre de perfection que l'on recherche. Qu'ils prennent leurs expériences et qu'ils nous disent quoi faire. Moi ce que je veux faire pour eux, je veux le faire pour tous les autres employeurs, pour les autres salariés dans l'industrie de la construction en particulier. Je conçois qu'il y a des difficultés possibles dans l'organisation de ce qui n'est pas construction, dans la possiblité que des accréditations obtenues à des moments différents causent des conventions collectives qui expirent à des moments différents, qu'à la fin ou à l'expiration d'une convention collective, les gens ayant le droit de grève peuvent paralyser le chantier au complet et faire sortir 6,000 gars parce qu'il y a une grève dans les cuisines, par exemple, parce que l'accréditation ou la négociation arrive à cette date-là.

D'autre part, vous avez les techniciens qui sont là, qui peuvent aussi paralyser — ils ne sont pas dans l'industrie de la construction — par l'exercice du droit de grève, les cuisines. Vous avez les pompiers qui sont peut-être dans une autre unité d'accréditation. Vous avez les employés de bureau qui peuvent aussi paralyser au complet. Un syndicat interprofessionnel, par exemple, des commis de bureau, des commis aux pièces qu'on retrouvait à Manicouagan dans les grands hangars qu'on avait pour entreposer les pièces. Donc, un certain nombre de catégories de personnes qui travaillent sur le chantier. Les accréditations en vertu du code du travail peuvent faire que des conventions collectives expirent à des dates différentes.

Dans mes livres, une convention collective expire à la date prévue par les deux parties. Cela a toujours été dans mes livres. Si les deux parties s'entendent pour qu'elle expire au 1er mars et que l'unité patronale demande que l'autre convention, qui est négociée, par surcroît, par la même unité patronale, expire à la même date que l'autre, cela se fait conformément à nos lois actuelles, cela se fait par négociation. Une loi spéciale qui dirait une seule accréditation pour tous les employés de la baie James qui ne sont pas de la construction, est-ce qu'on a déjà pensé à ce que ça voulait dire comme recherche d'une convention collective applicable à une variété de catégories de personnes? Dans bien des cas, on spécialise les catégories de personnes parce qu'on se dit que les intérêts d'un individu sont différents dépendant du métier qu'il exerce et du contexte dans lequel il l'exerce.

On a l'expérience, par exemple, des négociations dans les secteurs publics où on a mêlé, pour des fins, des enseignants avec des journaliers du gouvernement ou encore des travailleurs d'hôpitaux avec des journaliers du gouvernement ou des fonctionnaires du gouvernement. Bien sûr, il y a un facteur uniforme qui s'appelle le gouvernement présent partout dans cela; je n'ai pas d'objection à cela. Mais, quand vous avez les intérêts de tout ce monde noyés dans une communauté unique, quand vous venez pour administrer votre convention après, vous découvrez le genre de difficultés que nous découvrons tous les jours dans les hôpitaux. Dans les hôpitaux, ça ne va pas comme dans le meilleur des mondes. Qu'est-ce qui est arrivé? On ne peut pas tout de suite juger de la raison des difficultés dans les hôpitaux. N'oubliez pas que j'ai refusé ici, très souvent, une négociation sectorielle. Je l'ai refusée pour des raisons que je considère encore comme valables aujourd'hui, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas vu à ce que les formules de négociations aient subi un rodage et qu'elles soient ajustées aux erreurs que nous avons commises d'une façon commune, avec les syndicats, et que tout le monde explore dans cela.

Par exemple, dans l'enseignement, négocier une seule convention collective dans la province de Québec pour tous les enseignants à quelque endroit qu'ils se trouvent cause aujourd'hui des problèmes. Cela en causait avant. Juste la réalisation de la convention elle-même était déjà difficile. Cela a pris deux ans à négocier une convention collective. Aujourd'hui, on découvre qu'on n'est pas capable d'avoir de professeurs à Sept-Iles parce que nous avons établi à l'époque la parité salariale, sans tenir compte qu'il y avait des disparités régionales. On ne pouvait pas en tenir compte, non plus, parce que le premier principe d'une négociation universelle, c'est la parité.

Dans l'industrie de la construction, nous n'avons pas encore atteint la parité. J'imagine qu'à la fin de ce décret on aura atteint la parité salariale dans tous les secteurs. Mais dès la minute où vous avez atteint la parité salariale, vous avez semé les germes de la création immédiate d'une disparité rendue nécessaire par les difficultés différentes à l'intérieur d'une province aussi grande que la nôtre.

Aujourd'hui, pour avoir du monde dans l'industrie de la construction, à Mont-Wright, vous êtes pratiquement obligés de ne plus avoir la parité salariale. Vous trouvez toutes sortes de systèmes pour passer à côté. Vous obligez l'employeur à faire 60 heures par semaine et vous l'obligez à payer temps double garanti pour 20 heures. C'est une méthode de remplacer la parité salariale. Le gars qui arrive sur la rue Sainte-Catherine ne se plaint pas autant que le gars qui est à Mont-Wright ou à la baie James. Mais on a la parité salariale dans ces cas-là. L'ayant établie, il faut maintenant songer comment on fait pour ne plus l'avoir.

C'est dangereux, mais c'est la négociation sectorielle qui a fait ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends que le ministre a beaucoup discouru sur la question qui au début était simplement la nature des relations entre lui, son ministère et la Société de l'énergie de la baie James. En tout cas, on va sûrement vous lire.

M. COURNOYER: J'espère qu'on ne va pas dire que j'ai dit que ce n'était pas une bonne société. C'est une excellente société. Les individus qu'elle a employés sont d'excellents individus, puis c'est parfait.

M. BEDARD (Chicoutimi): Puisqu'on en est au domaine des relations, je ne sais pas si on pourrait traiter du salaire minimum, peut-être.

M. DEZIEL: C'était à mon tour tout à l'heure, M. le Président.

M. BEDARD (Chicoutimi): D'accord.

M. DEZIEL: Seulement une courte question concernant les inspecteurs dans leur technique respective. On sait que présentement les architectes, et surtout les ingénieurs ou certains entrepreneurs qui font le dessin de leurs plans doivent les faire approuver, évidemment, par les inspecteurs concernés, d'accord? Maintenant, on sait qu'il y a différentes lois qui existent pour les plombiers, les maîtres-électriciens, les édifices publics, la prévention des incendies, tout ça. Est-ce que ça pourrait rentrer à l'intérieur de vos vues éventuellement de grouper tous ces services sous un même toit?

M. COURNOYER: Là-dessus, ils sont déjà, au moins à l'intérieur du ministère, groupés sous la Direction générale d'inspection technique.

M. DEZIEL: Non, mais je veux dire: régionalement parlant.

M. COURNOYER: Régionalement? Disons que je prendrais plutôt la question en délibéré à ce moment-ci; je ne serais pas capable d'y répondre pour le moment. Je sais qu'avec ce que j'ai déclaré sur l'établissement du code du bâtiment, nous tendrions, de notre côté, à sortir de la juridiction de l'inspection des installations électriques, par exemple, et par le truchement du code du bâtiment qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier, une autorité serait sans doute consentie, dans d'autres endroits que la plomberie, le chauffage et l'électricité, pour d'autres formes d'inspection, aux municipalités proprement dites qui adopteraient le règlement.

Donc, effectuant là une sorte de décentralisation administrative à l'échelon local, comme je ne vois pas comment je pourrais appliquer facilement le code dans les endroits en bas de 5,000 habitants aujourd'hui du moins. A partir de là on monte dans les municipalités qui ont plus de 5,000 habitants, et dans, j'imagine beaucoup plus des affaires de comtés. A l'échelon le plus central.

M. DEZIEL: Est-ce que cela veut dire que les coûts de permis seraient automatiquement perçus par les municipalités?

M. COURNOYER: II faudrait voir. Il y a plusieurs coûts de permis. Si vous parlez, en particulier, des installations électriques, ce coût de permis finance l'Opération inspection du ministère du Travail au complet. Si le ministère du Travail se départissait de sa juridiction, cela ne voudrait pas dire que l'inspection ne coûterait plus rien le lendemain matin. Si, par ailleurs, l'inspection était reportée sur d'autres épaules, ce serait à d'autres de prendre la décision de faire une distribution différente de ce qui existe actuellement.

Dans le domaine de l'électricité, je ne crois pas que nous songions, à ce moment-ci, à régionaliser rapidement. Je ne pense pas que cela ait même effleuré l'esprit des gens. C'est peut-être d'un changement d'autorité qu'on parle mais on ne parle pas nécessairement de différentes façons d'administrer le régime en question. J'ai songé, à quelques reprises, à confier davantage à la Corporation des maîtres électriciens l'inspection des installations électriques faites par ses membres. Mais ça nécessite une discussion beaucoup plus longue qu'une seule discussion en commission parlementaire et ça nécessite aussi un examen, par les fonctionnaires chez nous, de ce que ça cause sur le comportement des individus chez nous. On a pensé aussi à le faire faire par l'Hydro-Québec, cette partie-là, qui, elle, doit mettre le courant dans une maison, par exemple; on peut se poser la question régulièrement à savoir: Pourquoi continuerions-nous de faire cette inspection quand, de toute façon, c'est l'Hydro-Québec qui met le courant?

M. DEZIEL: Mais l'Hydro-Québec n'a pas juridiction partout dans la province. C'est cela qui arrive, là.

M. COURNOYER: L'Hydro-Québec?

M. DEZIEL: L'Hydro-Québec n'a pas juridiction partout en province. Chez nous, c'est l'Hydro-Sherbrooke qui s'occupe d'un très grand secteur.

M. COURNOYER: C'est municipalisé? M. DEZIEL: Oui.

M. COURNOYER: Encore une fois, je n'ai pas fait d'examen suffisant. Je laisserais l'étude du code du bâtiment, de ses effets de même que cette discussion dont je parlais hier au ministère des Affaires municipales et responsable de l'environnement, pour récupérer tout ce qui regarde la sécurité et l'hygiène des travailleurs. Je remettrais ce qui regarde la sécurité du public dans les mains d'un autre ministère que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Nous ne sommes pas prêts à le faire encore aujourd'hui, compte tenu des effets que cela a sur le comportement des individus qui sont là aujourd'hui. J'ai parlé de cela, je pense que c'est hier ou la semaine passée.

M. DEZIEL: Justement, vous en avez parlé, et il me passe quelque chose par la tête. Cela me permet de faire une petite parenthèse. Les salles de tir, normalement, sont censées être régies par le domaine de la construction et elles sont régies présentement, à ma grande surprise, par le ministère responsable de l'environnement.

M. COURNOYER: A cause des "fumes"?

M. DEZIEL: Mais, il reste que le calcul des forces motrices et tout ça, c'est surtout le ministère du Travail qui devrait régir ça.

M. COURNOYER: II y a toutes sortes de confusion là-dedans. Le comité interministériel dont il est question, pas dans la partie sécurité des travailleurs, mais surtout dans la partie de la sécurité du public a déjà fait un certain nombre de recommandations là-dedans.

UNE VOIX: Ça se lie indirectement.

M. COURNOYER: L'autre partie des travailleurs, ça va venir plus tard. Mais je prends bonne note de ce que vous nous dites. D'ici un an, j'espère avoir fait un certain nombre de pas dans une direction ou dans l'autre dans le domaine de l'administration de l'inspection technique, soit par la Loi de l'inspection technique, soit par le transfert de l'inspection technique à d'autres ministères, soit par des transferts de l'inspection à d'autres autorités; tout ça, compte tenu du fait que ce que nous recherchons le plus au ministère actuellement, c'est une utilisation maximale des ressources

dans le but de ne pas multiplier les emplois, pas en ce qui concerne les individus, mais en ce qui concerne les interventions dans les entreprises.

M. BEDARD (Chicoutimi): Concernant le salaire minimum, le député de Maisonneuve, tout à l'heure, a fait allusion, d'une part, à certaines prises de position de la présidente de la Commission du salaire minimum, faisant part de son objection dans le temps à la hausse du salaire minimum à plus de $2. Egalement, on sait que vous avez donné à M. Castonguay le mandat de définir une politique générale du salaire minimum. D'autre part, également, vous avez fait tout cela naturellement pour de bonnes raisons. Entre autres, je crois que vous avez exprimé publiquement que vous n'étiez pas satisfait, à l'heure actuelle, de la Commission du salaire minimum. Même vous avez parlé de l'inefficacité, autrement dit, de la Commission du salaire minimum, en déclarant publiquement, le 8 avril 1974, qu'elle ne protégeait pas les travailleurs, à votre opinion, et qu'il pouvait même être question de la faire disparaître. Je voudrais savoir du ministre d'une façon bien générale pourquoi il est insatisfait de la Commission du salaire minimum. Quelles sont les raisons et aussi, pour autant qu'il peut nous l'expliciter à ce moment-ci, vers quoi on s'en va exactement?

M. COURNOYER: Disons que la question...

M. BEDARD (Chicoutimi): Je m'excuse, mais vous avez parlé, à un moment donné, de possibilités de procéder par extension de décret...

M. COURNOYER: Oui. Disons qu'il y a cette formule-là...

M. BEDARD (Chicoutimi): Je comprends qu'il peut y en avoir d'autres.

M. COURNOYER: ... c'est sur la philosophie beaucoup plus que d'autre chose.

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui.

M. COURNOYER: On peut parler de deux choses à la Commission du salaire minimum, des deux rôles en fait de la Commission du salaire minimum. La première, c'est la fabrication des ordonnances. C'est le premier. La Commission du salaire minimum, c'est elle qui est censée faire les ordonnances. Le deuxième rôle, c'est de surveiller que ces ordonnances soient appliquées. Donc, c'est un rôle de police et un rôle de politique en même temps.

Je ne sais pas pourquoi il existe une Commission du salaire minimum. On la prend pour acquise. Il y a une Commission du salaire minimum. Dans les trois ou quatre dernières années, le ministre du Travail actuel a donné une tendance à l'établissement des ordonnances qui est nettement une tendance donnée par le ministre et non pas par la Commission du salaire minimum. Là, je ne parle pas de la présidente actuelle. Ce n'est pas ça.

M. BEDARD (Chicoutimi): Non, non!

M. COURNOYER: H y a quatre ans, elle n'était pas là. Et la commission actuelle n'est peut-être pas du tout la même commission qu'à l'époque. La tendance que j'ai voulu donner, c'est de dépolitiser le plus possible le salaire minimum, le dépolitiser en annonçant longuement à l'avance, pas $0.10 à la fois, les augmentations, même si cette année j'ai été obligé de dire $0.10 de plus, les circonstances me forçant à le faire. J'ai voulu dépolitiser ça. Bien sûr qu'il n'y a pas eu d'objection de la Commission du salaire minimum à se dépolitiser mais la fabrication des ordonnances a donc subi une tendance qui s'est éloignée de la Commission du salaire minimum. Nous sommes beaucoup plus assis sur le service de recherche du ministère du Travail, qui existe pour d'autres fins également; il n'existe pas seulement pour celle-là. Mais cette fin du salaire minimum n'est qu'une préoccupation du ministre du Travail et n'est pas une préoccupation du ministère du Travail. Vous comprenez ce que je veux dire...

M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, oui.

M. COURNOYER: ... la distinction que je fais entre les deux. La commission étant indépendante du ministère mais dépendante du ministre, le ministre se voit donc obligé, seul, comme politicien, donc susceptible de changer régulièrement, à coordonner des choses qui sont disparates dans l'administration et qui sont indépendantes les unes des autes. On pourra peut-être poser la même question vis-à-vis la Commission des accidents du travail, quoique, dans le domaine des accidents de travail, l'implication du ministère n'est pas aussi évidente que dans le domaine du salaire minimum.

Vous avez trois ou quatre façons de fabriquer des conditions de travail. La première est une convention collective. La deuxième est l'extension juridique d'une convention collective. La troisième finalement, c'est le salaire minimum, qui comporte actuellement seulement deux ou trois articles, c'est-à-dire le salaire minimum plus le prix des repas, de temps en temps, plus les vacances payées ou l'ordonnance no 4.

Alors, vous avez trois choses, dont l'une est totalement indépendante des deux autres, dans les structures, mais qui dépendent par une tête changeante, une tête de politicien qu'on appelle le ministre, de la même personne.

Depuis que je suis ministre, je me suis posé régulièrement la question suivante: Pourquoi mon sous-ministre en titre n'aurait-il pas autorité sur le salaire minimum, c'est-à-dire qu'il y ait plus de cohésion entre le salaire minimum et les

autres politiques du ministère du Travail? Même si les politiques sont censées venir du ministre, il reste qu'à un moment donné vous retrouvez le haut fonctionnaire à côté de vous qui, lui, ayant discuté avec le ministre de la politique qu'il entend suivre dans le salaire minimum, peut s'arranger pour que cette politique soit au moins semblable dans les autres sphères d'activité qu'il dirige comme haut fonctionnaire. La même chose pour les sous-ministres adjoints.

Alors la question étant posée, personnellement j'en suis venu à la conclusion que, dans le domaine des ordonnances, la seule chose qui pouvait survenir — et c'est survenu cette année — c'est une différence d'opinion entre le ministre et sa commission. Là, je l'ai eue, cette année. Je ne l'ai pas provoquée. Mais je l'ai eue cette année.

Non, tu ne modifieras pas le salaire minimum. Moi, je pense qu'il y a lieu, et politiquement, et techniquement —je prends mes risques, bien sûr — d'augmenter le salaire minimum d'une façon différente de celle qui était prévue.

Cette partie, fabrication des ordonnances, encore la semaine dernière, pour une raison que je n'ai pas à expliquer, je suis tenu de constater — mon sous-ministre ne me l'a pas dit, il n'a pas d'affaire à me le dire, il n'est pas là-dedans lui, je ne blâme pas non plus la commission de ne pas me l'avoir dit — de découvrir que dans les scieries, le salaire minimum était de $1.50. Il y a l'ordonnance no 9. J'avais toujours eu l'impression qu'elle avait été abolie, il y a deux ou trois ans, quand on a aboli une foule d'ordonnances. Il y a l'ordonnance no 9 et l'ordonnance no 10. Je découvre que dans les scieries, c'est $1.50, le salaire minimum, et $1.65 dans la forêt. Après ça, on se demande, dans la forêt, pourquoi on ne trouve pas de monde!

On m'a dit cela l'année passé. Je ne pensais pas, moi. Je pensais qu'on était au salaire minimum. Vous allez me dire que je suis fou d'admettre cela ici, mais je l'admets pareil. J'ai découvert cela comme ça. J'ai donné ordre de modifier immédiatement les deux ordonnances, la 9 et la 10, pour qu'elles soient au moins égales à l'ordonnance générale. C'est fait, maintenant.

M. BEDARD (Chicoutimi): C'est normal.

M. COURNOYER: Quand M. Dalpé est venu me voir et qu'il m'a reparlé de ces 10 p.c. de différence dans l'industrie du soulier, c'est qu'il y a quelqu'un qui avait pris la décision, à l'époque, de la révision de toutes les ordonnances et qu'on avait aboli l'ordonnance du soulier. Parce qu'il y avait une très grande différence entre cette ordonnance et l'ordonnance générale de l'époque qui était tellement augmentée par rapport à ce qu'elle était et que ça faisait une augmentation encore plus considérable dans le soulier, la com- mission a mis cette petite clause en bas en disant: Pour 10 p.c. de main-d'oeuvre, tu paieras 10 p.c. de moins pendant les 40 premiers jours d'emploi. Ce qui a fait ce qu'on appelle un roulement de main-d'oeuvre assez considérable là-dedans. Moi, j'avais l'impression, honnêtement, que cette affaire était réglée, mais ce ne l'était pas. J'ai donc donné instruction, encore une fois, à la Commission du salaire minimum d'abolir cette différence, ce qui est fait. Elle n'a plus de raison d'être.

M. BEDARD (Chicoutimi): Sans trop de réticence de la part de...

M. COURNOYER: Réticence ou pas réticence, au premier voyage, ils n'ont pas aimé que je sois en désaccord avec eux et au deuxième voyage ils se sont arrangés pour être d'accord avec moi. C'est plus simple comme ça. Cela, c'est pour vous dire qu'effectivement la difficulté est née de l'existence de la structure. Si le ministre dit à la structure quoi faire, tu n'as pas besoin de ça en matière d'ordonnance; s'il ne le dit pas et qu'il n'y a pas d'entente entre les deux, s'il y a une différence entre le ministre et la commission, vous vous retrouvez dans un drame où l'un doit disparaître, et ce n'est pas moi qui vais disparaître tant que je vais être là.

Vous arrivez maintenant dans la partie examens ou police. Pour la partie de la police, l'autorité de la commission est presque totale. Si vous lisez la loi de la commission, elle est totale. Le gars qui mange des coups, par exemple, ce n'est pas la commission, c'est le ministre. Quand, par exemple, la Commission de l'industrie de la construction — qui est une commission qui n'est pas du tout comme celle de la Commission du salaire minimum — a établi, au fur et à mesure des ans, un système d'inspection des conditions de travail sur les chantiers de construction qui est rodé, qui oblige l'employeur à rapporter chaque mois ce qu'il paie à ses employés, qui l'oblige donc à faire un acte juridique devant une personne indépendante qui le surveille par surcroît et qu'on ne procède absolument pas — cela marche, mais c'est le cas d'exception — sur plainte dans l'industrie de la construction mais qu'à la Commission du salaire minimum on ne procède que sur plainte, vous dites: Pourquoi la commission n'a-t-elle pas révisé elle-même cette façon de voir les choses, n'a pas en couvrant 1,700,000 personnes avec les instruments mécanimes que nous avons aujourd'hui, décidé de moderniser son affaire pour que le ministre n'ait pas l'air d'une espèce d'imbécile avec son salaire minimum à $2.10 et que des gens puissent gagner $50.00 par semaine pour 75 heures.

Il ne comprend rien là. Si c'est possible, à ce moment-là, on se dit: Ecoutez, il y a quelque chose qui ne va pas dans le système. Si le ministre leur dit: Vous allez faire cela de même

et qu'ils m'écoutent, encore une fois, je dis: Pourquoi êtes-vous là? Si vous ne l'avez pas fait tout seuls, le ministre est en droit de se poser des questions.

M. BEDARD (Chicoutimi): II en manque?

M. COURNOYER: Non, à cause des modifications; que veux-tu, ils ont changé de commissaire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): On me signale qu'il est passé six heures. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à vingt heures quinze ce soir.

M. COURNOYER: Je ne peux pas y être à vingt heures quinze.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A quelle heure?

M. COURNOYER: Je serai ici demain matin.

M. BEDARD (Chicoutimi): II y aurait peut-être possibilité qu'il y ait une rencontre tout de suite après.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Bon! Alors, si le ministre doit être absent, nous allons ajourner la commission...

M. COURNOYER: Vous pouvez faire ça avec le président de la commission, si vous voulez.

M. BEDARD (Chicoutimi): Le président de la Commission du salaire minimum.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Puisque le ministre est empêché de participer à la réunion de la commission ce soir, la commission ajourne ses travaux à demain dix heures, selon les instructions que nous avons reçues du leader du gouvernement.

(Fin de la séance à 18 h 5)

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