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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 12 juin 1974 - Vol. 15 N° 88

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude des crédits du ministère du Travail

et de la Main-d'Oeuvre

Séance du mercredi 12 juin 1974

(Dix heures quarante minutes)

M. PICARD (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs! La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration continuera ce matin l'étude des crédits du ministère du Travail. Pour la séance d'aujourd'hui, M. Bonnier (Taschereau) remplace M. Bienvenue (Crémazie) et M. Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Bou-dreault (Bourget). Je donne la parole au leader parlementaire de l'Opposition officielle.

Situation dans la construction

M. BURNS: Merci, M. le Président. Nous ne sommes peut-être pas rendus à ce point de l'étude de nos crédits, mais je profite de l'occasion, avant de reprendre l'étude normale des crédits, pour demander au ministre du Travail de faire le point sur la situation dans la construction actuellement.

Tout le monde sait qu'un peut partout au Québec il semble y avoir des arrêts de travail ou des — je ne les qualifie pas — lock-outs ou des grèves, peu importe; je parle d'arrêts de travail, en tout cas de conflits de travail. Je ne suis pas pour commencer à vouloir les qualifier et je ne pense pas que le ministre soit intéressé à les qualifier, non plus.

Pour avoir parlé avec lui, hier soir, et avoir ajourné à cause du problème de la construction, la séance qui devait avoir lieu hier soir, est-ce qu'il aurait de bonne nouvelles à nous annoncer ou des mauvaises nouvelles? En tout cas, est-ce qu'il accepterait de faire le point sur la situation, de nous dire exactement où on en est?

M. COURNOYER: D'après les renseignements que je possède ce matin, l'industrie de la construction au Québec serait presque totalement paralysée. Je parle de la construction industrielle; on peut dire que c'est totalement paralysé. Dans la construction résidentielle, il reste encore certaines unités de construction qui continuent de travailler.

Cela s'étend à la province. On peut dire qu'à Montréal la situation est plus tragique qu'ailleurs, c'est-à-dire qu'il y a moins de travailleurs qui effectuent leur devoir quotidien, pour utiliser une expression ennuyeuse; on ne sait pas pourquoi, mais ils n'effectuent pas leur devoir quotidien, ce matin, dans l'industrie de la construction, à Montréal.

Le ministère du Travail que je dirige est obligé de constater des faits pour le moment, et voici la situation telle qu'elle est. La responsabilité première de discussion appartient aux parties; ça, c'est sur le contenu du conflit.

Sur les accidents du conflit, par exemple, les gestes illégaux posés par quinconque, que ce soient des lock-out, des grèves ou des ralentissements de travail, il appartient à ceux qui en sont victimes de s'en informer ou d'en informer le ministre de la Justice qui verra à faire observer le bill 290.

Tant et aussi longtemps que les parties n'auront pas manifesté, sur la base du bill 9, une volonté d'intervention du ministre du Travail ou du ministère du Travail, section construction en particulier, officiellement le ministre du Travail ne fera pas plus que ce qu'il fait actuellement.

M. BURNS: Qu'est-ce qu'il fait actuellement?

M. COURNOYER: Rien.

M. BURNS: Cela, c'est officiellement. Mais officieusement?

M. COURNOYER: Officieusement, ça deviendra officiel lorsque je vous le dirai.

M. BURNS: Mais est-ce que le ministre lui-même, son sous-ministre en titre ou certains de ses officiers tentent d'intervenir actuellement pour rapprocher les parties, ou est-ce qu'il n'y a rien du tout qui se fait de ce côté?

M. COURNOYER: La minute où je vous dis ce que nous faisons, ça devient officiel.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Et je vous dis qu'il n'y a rien d'officiel qui se fait.

M. BURNS: Je connais les réticences du ministre à dire ce qu'il fait quand une grève est illégale ou qu'un lock-out est illégal, il nous a...

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: ... exposé sa théorie là-dessus. Mais je pense qu'on ne se formalisera pas avec des questions de légalité ou d'illégalité dans un cas comme celui de la construction; on est obligé de constater un fait, c'est que les chantiers sont bloqués, que ce soit légal ou que ce ne le soit pas.

M. COURNOYER: Les chantiers sont bloqués.

M. BURNS: Oui. Vous l'avez constaté?

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Bon, alors...

M. COURNOYER: Vous aussi?

M. BURNS: Oui, je l'ai constaté, pas de visu, mais par les journaux et les media. Devant cette question de fait, peu importe la légalité de l'affaire, il y a une question de relations humaines au-delà des problèmes légaux ou illégaux. Et ce que je veux savoir, c'est si le ministre fait quelque chose en vue de remettre dans un cadre normal ces relations humaines.

M. COURNOYER: Nous nous tenons au courant de la situation au fur et à mesure qu'elle se développe en espérant qu'elle change de direction parce que là, ç'a l'air...

M. BURNS: Cela n'a pas l'air d'être parti dans la bonne direction.

M. COURNOYER: Cela est parti dans la direction de tout fermer. Je peux dire sans rire que c'est tragique ce qui se passe là et puis que, comme toute situation tragique, surtout lorsqu'elle implique des masses de travailleurs comme cela, puisqu'on a quand même 120,000 personnes qui, actuellement, au moment où on se parle, peuvent gagner leur vie dans l'industrie proprement dite de la construction, comme travailleurs de la construction... Mais, en plus de ça, il y a toutes les conséquences sur les fournisseurs de matériaux, sur d'autres catégories d'emplois qui ne sont pas effectivement régies par le décret de la construction.

Si la grève ou l'arrêt de travail ou l'absence de travail — enfin, appelons-le comme vous voulez, pour ne pas me faire accuser demain d'autres choses — disons le fait que les gens ne soient pas à faire leur devoir ce matin, se prolongeait de quelque manière, il me semble, à moi, que ça causerait davantage de problèmes que ceux que nous avons en face de nous au moment où on se parle. Plus une grève dans la construction; je ne veux pas dire grève, s'il y a moyen de régler ça...

M. BURNS: Un conflit de travail.

M. COURNOYER: ... plus un arrêt. Comment peut-on retrouver des termes qui ne sont pas...

M. BURNS: Un conflit de travail.

M. COURNOYER: ...juridiques? Vous décidez de tout, ici.

Disons que ce conflit, s'il se prolongeait dans la voie qu'il a épousée pour le moment, est déjà tragique en soi. Si ça s'envenime davantage, les conséquences tragiques vont se multiplier. Les premières conséquences tragiques, c'est, bien sûr, le fait que 120,000 travailleurs sont susceptibles de ne pas travailler aujourd'hui. En plus de ça, il y a les travailleurs qui sont à côté de ça, qui gagnent leur vie parce que l'industrie de la construction fonctionne ou ne fonctionne pas, surtout lorsqu'elle fonctionne. A plus ou moins brève échéance, nous sommes placés dans la situation où d'autres travailleurs vont subir des conséquences de ce fait que nous constatons aujourd'hui.

M. BURNS: Par exemple, quelles catégories vous viennent à l'esprit?

M. COURNOYER: II me vient à l'esprit ceux qui travaillent chez les fournisseurs de matériaux de construction, par exemple, chez les fabricants de matériaux de construction aussi. On n'a pas l'habitude de faire de l'emmagasinage constant. Quand on sera rendu à un point donné où les matériaux ne sortent pas parce qu'ils ne peuvent pas être reçus sur les chantiers de construction, tous ces gens seront peut-être susceptibles de subir des mises à pied. Je dis peut-être, parce qu'il n'y a personne qui puisse dire que c'est ça qui va arriver, mais, comme voie de conséquence, les autres travailleurs qui ne sont pas impliqués dans ce genre de conflit peuvent en subir les conséquences du fait que, les matériaux ne sortant pas, on les mettra à pied. Il y a une multitude d'autres conséquences sur le fait que certains travaux de construction qui doivent être terminés à telle ou telle date, n'étant pas terminés, si la grève ou l'arrêt de travail — appelons-le comme on voudra pour le moment — se prolongeait.

S'il y a des écoles en construction, par exemple, qui devaient être livrées pour le mois de septembre, un délai de quinze jours, une reprise difficile ou même un délai d'une semaine est déjà dangereux quand on est déjà en retard. Je ne parlerai pas du vélodrome, parce que ce n'est pas une école; pour le vélodrome, la date est passée, semble-t-il.

M. BURNS: C'était déjà en retard, le vélodrome.

M. COURNOYER: C'était déjà en retard. Mais s'il y avait une école, par exemple, cela aurait comme conséquence que les écoles n'ouvrent pas. Enfin, ce genre de conséquences, par voie d'entraf-nement, va causer des problèmes qui vont se prolonger dans le temps. C'est-à-dire que, même après le règlement, des problèmes supplémentaires se prolongeront dans le temps. La situation est donc tragique. Je ne peux accuser personne de l'avoir voulu; loin de moi cette idée. Les travailleurs semblent avoir demandé des augmentations, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie. Dans certains domaines d'activités, comme je le disais à cette commission parlementaire au début de nos auditions, on a consenti des augmentations à cause du coût de la vie; dans l'industrie de la construction, cela semble extrêmement plus difficile de consentir des augmentations, compte tenu du fait qu'on ne peut pas transférer facilement dans cette industrie, aux consommateurs, le prix de l'augmentation.

M. BURNS: Sauf dans le domaine résidentiel.

M. COURNOYER: Dans le domaine résidentiel, à condition que la maison soit construite par un entrepreneur qui construit pour lui-même et pour vendre. Dès la minute où une personne construit pour elle-même et pour vendre, le prix a peu d'importance, elle n'a qu'à augmenter le coût de sa maison à la fin. Mais, lorsqu'elle travaille par devis et marché, la situation divent un peu plus embêtante. Là, je ne veux pas prendre partie non plus sur le contenu parce que le contenu lui-même, ce sont les parties qui ont autorité pour en régler les tenants et aboutissants.

Il y a une décision des groupements patronaux de ne pas rouvrir le décret ou la convention collective qui donne lieu au décret. Cette décision-là, j'imagine que les entrepreneurs ou les associations d'entrepreneurs l'ont prise en connaissant les effets de cette décision-là. Du côté des syndicats, on a demandé une réouverture; je ne peux pas dire qu'ils ne sont pas légitimés — compte tenu de l'augmentation du coût de la vie — de demander une réouverture. Cela a été refusé. Cela cause l'état de fait dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui. A toutes fins utiles, le ministre du Travail, qui a d'une façon sporadique le problème de la construction sur les bras, quand ce n'est pas une semaine, c'est l'autre semaine, sous plusieurs facettes, ne voit pas comment, au moment où on se parle, il pourrait intervenir sans avoir une décision à prendre au lieu et place des parties, sans remplacer l'une ou l'autre des parties.

M. BURNS: Sans prendre parti.

M. COURNOYER: Sans prendre parti. Parce qu'on ne discute pas du contenu. La seule chose que le ministre du Travail oserait espérer c'est qu'il y ait non pas reprise des pourparlers, mais pourparlers entre les principaux intéressés.

Nous avons fait le bill 9, l'an passé, c'est à peu près à cette date-ci, si je me souviens bien. On avait un autre problème dans ce temps-là, un problème d'établissement des conditions de travail qui sont présentement contestées de part et d'autre. Dans le bill 9, nous avons formulé une nouvelle façon de prendre le pouls des parties patronales et syndicales, c'est-à-dire que des majorités peuvent se dégager. Cela ne prend pas la totalité des gens. Du côté patronal, nous avons une association au moins qui représente les deux corporations de plombiers et d'électriciens qui sont disposées non pas à donner mais à engager des pourparlers. Je ne pourrais, à ce moment-ci, qu'encourager les autres parties patronales à engager des pourparlers avec les parties syndicales impliquées. Parce que tant qu'ils ne se parlent pas, c'est un peu comme chez vos amis de United Aircraft, tant que la

United Aircraft ne parle pas avec le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, j'ai peu d'espoir qu'il y ait une solution négociée au conflit. Mais, dans le cas de la construction, c'est la même façon de voir les choses.

M. BURNS: Excusez, je ne veux pas vous interrompre, mais je voulais insérer cette question dans ce que vous êtes en train de dire. Est-ce qu'on doit comprendre comme ça qu'il n'y a aucune négociation ou aucun pourparler entre les associations patronales, d'une part, et les centrales syndicales, d'autre part?

M. COURNOYER: II ne me semble pas, d'après mes dernières nouvelles. Maintenant, la nuit a été courte et longue. Cela dépend qui s'est couché de bonne heure.

M. BURNS: Cela n'a pas l'air d'être vous, en tout cas. Cela n'a pas l'air que vous vous êtes couché de bonne heure.

M. COURNOYER: De toute façon, je vous ai dit que je ne voulais pas parler de ce que je faisais officieusement. Bon, s'il vous plaît! Je pense que là j'en ai assez dit, j'ai dit que j'espérais qu'ils reprennent les pourparlers. J'imagine que c'est la limite du devoir parlementaire que je m'impose pour le moment, quitte à vous reparler dans le courant de cette journée qui va me sembler longue aussi.

M. BURNS: Bon. Une dernière question là-dessus. Est-ce que le ministre a constaté que le conflit touchait autant les chantiers où la CSN pourrait être majoritaire? Le ministre comprend ce que je veux dire. Il y a des chantiers, en province surtout, en dehors de Montréal, où la CSN est majoritaire, c'est-à-dire que la FTQ n'est presque pas présente...

M. COURNOYER: II ne nous semble pas que les chantiers de la CSN...

M. BURNS: Par contre...

M. COURNOYER: ... soient fermés.

M. BURNS: II ne vous semble pas que les chantiers de la CSN soient fermés. Alors, au moment où on se parle, le conflit viserait surtout les chantiers où la FTQ est majoritaire.

M. COURNOYER: Au moment où on se parle, le fait que des gens ne travaillent pas se produirait plutôt sur des chantiers où la FTQ est majoritaire, mais le conflit reste le même. Je ne veux pas mêler les mots parce que, dans la demande d'indexation, la CSN est aussi partie. Sur le fait...

M. BURNS: La CSD également, je pense. M. COURNOYER: Pardon?

M. BURNS: La CSD également.

M. COURNOYER: Oui, oui. La CSD l'a demandé. Mais je veux dire que, sur le contenu, le pourquoi du fait que des gens ne travaillent pas ce matin serait identique partout; sauf que dans certains cas des gens ne travaillent pas "pour le pourquoi" et, dans d'autres cas, ils travaillent quand même "malgré le pourquoi."

M. BURNS: Dans les cas où ils travaillent, c'est surtout des cas où dans les chantiers la CSN est majoritaire.

M. COURNOYER: Je ne pourrais pas dire ça non plus. Je dirai que, dans les cas où la CSN nous semble majoritaire, ils travaillent quand même. Mais, dans tous les cas où on travaille, je ne peux pas dire qu'il s'agit de gars de la CSN. Il y a des places où, comme je vous l'ai dit tantôt, sur les gros chantiers industriels, cela nous semble fermé bien dur. Mais, dans certains chantiers résidentiels, il nous semble qu'il n'y ait pas ce degré de fermeture dure qu'on retrouve sur d'autres chantiers.

Cela veut dire qu'il y a peut-être des travailleurs de la FTQ qui travaillent, que les employeurs n'ont pas remerciés de leurs services. Ils n'ont pas décidé de prendre du soleil ce matin. Dans le cas de la CSN, on peut dire, d'après les observations qu'on peut faire de chez nous, que les chantiers où la CSN serait en majorité continueraient de fonctionner ce matin.

M. BURNS: Bon, alors on va changer de sujet, cela va permettre au ministre de...

M. DEZIEL: Juste une observation, si vous n'avez pas d'objection. J'aurais bien voulu, lorsque le ministre rencontrera les parties éventuellement, qu'il soit pris en considération les bouleversements économiques qui pourraient s'ensuivre. C'est beau le côté syndical mais il ne faut pas oublier le côté patronal non plus.

Ce qui arrive, c'est qu'on sait que les entrepreneurs ont basé des contrats, éventuellement, sur un décret. Vous allez prendre des chantiers de 12, 16, 18, 24 mois qui sont en cours présentement et qui auraient à subir des hausses fantastiques. Qui va payer la note? Est-ce encore le gouvernement provincial qui va payer la note pour la différence?

Maintenant, vous allez prendre le petit et le moyen entrepreneur. Le petit entrepreneur, lui, va encore une fois avoir à subir le crucifiement de cette affaire. Je pense que le ministre, dans sa sagesse, va prendre cela en considération.

M. COURNOYER: Je tiens compte de votre observation, mais le ministre n'a pas la solution dans ses poches. Les représentants des entrepreneurs sont ceux qui peuvent au moins engager des pourparlers avec les parties syndi- cales. Je suis convaincu que lorsqu'il y a des pourparlers, il est possible à la partie patronale d'expliquer à la partie syndicale les difficultés que causerait, à ce moment-ci, pour les entrepreneurs, une augmentation des coûts de la main-d'oeuvre sur les chantiers de construction.

Le ministre n'a pas à prendre la place des entrepreneurs. Il n'a pas non plus à prendre la place des syndicats. Les syndicats sont pris avec un genre de problème, les entrepreneurs sont pris avec un autre genre de problème. La convention que nous avons actuellement en vigueur est la première convention en vertu du bill 290 qui a été, bien sûr, amendé par le bill 9 l'an passé; cette convention a été signée par les parties majoritaires. Ce sont elles, ce n'est pas le ministre qui leur a dit quoi faire et quoi écrire dedans. Ce sont elles qui l'ont écrite, de part et d'autre.

Les conséquences économiques de l'arrêt de travail sont grandes pour tout le monde. Les conséquences économiques d'une augmentation des coûts horaires de la main-d'oeuvre sont grandes surtout pour les entrepreneurs, parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de transférer facilement ce coût additionnel à leurs clients. C'est clair.

Mais cela se dit et cela s'explique. Cela n'empêche pas l'autre partie, la partie syndicale, de constater elle aussi, en même temps que l'entreprise, qu'elles ont des difficultés, et comme il s'agit d'une convention collective qui est transportée en décret, c'est quand elles vont s'expliquer leurs problèmes réciproques qu'elles vont pouvoir arriver à une conclusion satisfaisante pour tout le monde.

M. DEZIEL: II faudrait qu'il y ait de la bonne volonté de constatée.

M. COURNOYER: La constater, la bonne volonté? Je ne porterai pas de jugement encore une fois, mais c'est à la table qu'ils vont la constater. Ce n'est pas dans les déclarations publiques, dans les grands discours effrénés; c'est à la table qu'ils vont la constater.

Je suis convaincu, moi, du fait que c'est arrivé déjà avant aujourd'hui, pas seulement dans la construction, que, comme je vous le disais tantôt, tant qu'ils ne se parlent pas, il n'y a pas grand espoir. Les positions devenant de plus en plus radicales, de part et d'autre, nous allons être placés, comme gouvernement, moi comme ministre du Travail, devant une obligation d'intervention que nous ne jugeons pas opportune à ce moment.

Mais si le climat économique du Québec se détériore à cause de cette situation, il est bien sûr que le gouvernement devra intervenir d'une manière ou d'une autre. Mais je vous avoue que je n'ai pas la manière dans les poches actuellement, ni dans la tête. Je ne le sais pas comment. Si je le savais, ce serait déjà fait. Mais je ne le sais pas. Vous allez me dire: Démissionne. Je

suis bien prêt à faire ça, si vous me le demandez fort, fort.

M. BURNS: Vous n'êtes pas comme la Société d'énergie, vous n'avez pas toutes les solutions.

M. COURNOYER: Je ne suis pas parfait.

M. BURNS: J'étais absent à ce moment, mais j'ai entendu dire que le ministre avait eu de très bonnes paroles à l'endroit de la Société d'énergie.

M. COURNOYER: Ils sont parfaits.

M. BURNS: A moins que d'autres collègues n'aient d'autres questions sur le phénomène de la construction, je suis prêt à revenir à l'étude régulière des crédits pour empêcher le ministre de se torturer pour tenter de nous répondre sans nous répondre.

M. COURNOYER: Je n'ai pas l'habitude, pourtant.

Fonds minier

M. BURNS: II s'agit d'un problème qui revient d'année en année et d'une chose qui est particulièrement réclamée par le Syndicat des métallos du Nord-Ouest québécois, parce que ça le vise plus directement. Evidemment, le ministre sait déjà qu'il s'agit du fonds minier. Je pense que le ministre connaît suffisamment la nature particulière de ce type d'entreprises que sont les mines, l'espèce d'instabilité qu'il y a dans l'essence même de l'entreprise.

Si, à un moment donné, une mine se met à ne plus produire comme elle devrait produire, il y a des travailleurs qui sont affectés, il y a des mises à pied. On se souvient des années 1970/71 où il y a un tas de mines dans le Nord-Ouest qui ont fermé et un très grand nombre de travailleurs qui ont été affectés.

Le Syndicat des métallos a toujours proposé qu'une espèce de fonds minier soit créé pour agir comme tampon dans les cas inévitables de fermetures de mines. Cela arrive, par exemple, pour des raisons de marché. A un moment donné, par exemple, les mines d'argent ont cessé de produire sérieusement dans le Nord-Ouest parce que l'argent était rendu sur le marché à un prix où ça ne payait même plus le coût de la production. C'est évident qu'à ce moment ces mines ne sont pas intéressées à continuer à faire ni de la prospection ni de l'exploitation.

Ce que je voudrais savoir du ministre — comme c'est dans l'air, depuis quatre ou cinq ans, cette histoire de fonds miniers — c'est si son ministère fait des études sur la possibilité d'en arriver à concrétiser cette idée et, deuxièmement, j'aimerais savoir si, étant donné que ça intéresse un autre ministère, celui des Richesses naturelles, il y a des contacts entre les deux ministères relativement à ce problème. Dans le moment, semble-t-il, ça va relativement bien dans certaines mines, ce n'est pas la situation tragique de 1970 et 1971. Autrement, je pense que le député de Rouyn-Noranda nous en aurait parlé à plusieurs reprises en Chambre.

Mais dans le but de prévoir, si jamais une telle situation revenait, j'aimerais savoir du ministre si, au moins, des études se font et s'il y a des contacts avec le ministère des Richesses naturelles à ce sujet.

M. COURNOYER: Nous, au ministère du Travail et au ministère des Richesses naturelles, avons rencontré la semaine dernière, je pense, ou l'autre semaine avant, l'Association des mines de métaux du Québec. Disons qu'aujourd'hui, en 1974, on est à l'envers de ce qu'on était en 1971, c'est-à-dire qu'en 1971 vous aviez des fermetures de mines et qu'aujourd'hui vous cherchez des mineurs. C'est un peu différent. L'attitude des compagnies minières que nous avons rencontrées, qui sont membres de l'Association des mines de métaux du Québec, me semble avoir évolué dans un sens égoïste, normal: aujourd'hui, cherchant des mineurs, elles sont obligées de mettre des conditions alléchantes, plus alléchantes qu'elles ne l'étaient.

Je ne dirai pas qu'il s'agit de la création d'un fonds minier, mais nous avons demandé à l'industrie minière de reprendre, au comité de main-d'oeuvre des mines, qui a été en état de latence depuis à peu près deux ans, les études qu'elle doit reprendre pour maintenir une main-d'oeuvre plus satisfaisante dans l'industrie minière. Remarquez que je ne dis pas que je favorise davantage les compagnies que les mineurs. Ce qui arrive, c'est que l'évolution de la situation rend les compagnies minières beaucoup plus ouvertes à une sorte de collaboration intercompagnies, qui aurait été une collaboration intercompagnies dans le cas de la création d'un fonds minier, pour qu'on puisse trouver des solutions aux problèmes de recrutement de main-d'oeuvre. J'ai dit personnellement à l'Association des mines de métaux du Québec que les problèmes de recrutement de main-d'oeuvre seraient susceptibles d'être minimisés à condition que les entreprises minières fassent en sorte d'assurer aux mineurs des choses pour lesquelles ils n'avaient aucun degré d'assurance en 1971. Afin d'attirer du monde nouveau là-dedans, il va peut-être falloir que les compagnies minières pensent à leur assurer ce que d'autres industries assurent à leurs employés.

Comme les compagnies minières ont des exploitations mine par mine, le cas de Manitou-Barvue, par exemple, de Preissac ou de Cadillac peut se répéter, parce qu'on connaît une tendance vers la hausse, mais on peut bien commencer un jour une tendance vers la baisse.

Pour attirer du monde nouveau, compte tenu du besoin en métal que nous produisons ici et compte tenu aussi du nombre assez considérable d'avantages consentis par d'autres industries maintenant en concurrence avec les mines... Si vous vous en souvenez, M. le député de Maisonneuve, à l'époque de la fermeture des mines, dans le territoire du Nord-Ouest en particulier, le projet de la baie James était un projet éloigné et là, avec le projet de la baie James, on est dans la hausse. Disons qu'on n'a plus les incidents qu'on a connus au mois de février, que ça reprend et qu'on arrive à 9,000 travailleurs, pour continuer d'exploiter les mines dans le même territoire, les compagnies seront en concurrence davantage avec les taux de salaire et les conditions de travail qu'on trouve maintenant dans le domaine de la construction.

Dans le domaine de la construction, malgré le fait qu'on en a parlé ce matin, sans aller dans le contenu, le système d'avantages sociaux qui existe à cause de la mobilité des gars a pu se réaliser par le truchement d'une structure unique qu'on appelle la Commission d'industrie de la construction, mais cette structure unique a pu elle-même administrer des fonds qui ne sont pas miniers, mais par exemple, des fonds de pension communs, qui sont transportables, parce que c'est aux individus qu'ils appartiennent, ces fonds de pension-là.

Quelquefois, l'employeur pour lequel il travaille doit contribuer au fonds de pension du travailleur de la construction, parce que c'est un travailleur de la construction. Le système d'avantages, par exemple, qu'on retrouve à l'intérieur du décret de la construction, sans pour autant imposer qu'il soit copié par les compagnies minières, inspire aujourd'hui les compagnies minières, parce qu'elles sont en concurrence avec les gars de la construction.

Même si on ne change pas d'employeur cinq fois par année dans les mines, il peut arriver qu'une compagnie minière change cinq fois son employé de place pendant sa vie, dans la recherche des mines. Comme on le disait, on ne peut pas parler trop trop de la construction ce matin, parce que ça n'a pas l'air de marcher comme dans le meilleur des mondes...

M. BURNS: Cela n'a pas l'air d'un bon exemple, ce matin.

M. COURNOYER: Ce n'est pas un bon exemple, mais c'en est un en même temps. Ce serait peut-être plus tragique que ça encore si on n'avait pas ce genre d'unification. On peut toujours dire ce que nous avons évité; on ne sait pas ce que nous avons évité. On sait ce qu'on a, par exemple, de positif. Et parce que la baie James se développe dans le territoire du Nord-Ouest, la main-d'oeuvre qui va travailler dans les mines est rare, compte tenu du fait qu'il y a plus de sécurité maintenant dans l'industrie de la construction que dans les mines. Avant, il y avait plus de sécurité dans les mines. Aujourd'hui, il y a plus de sécurité dans l'industrie de la construction que dans les mines.

Le travailleur de la construction, tant qu'il veut, accumule là des bénéfices qui sont proportionnels au travail qu'il a donné dans l'industrie de la construction. On ne voudrait pas imposer ça aux industries minières, mais il me semble que c'est par le truchement du comité de main-d'oeuvre des mines, compte tenu de l'existence d'un problème de main-d'oeuvre ou le recrutement de main-d'oeuvre en concurrence avec d'autres industries mieux organisées qui ont un caractère de mobilité aussi, qu'on pourra trouver des solutions aux problèmes de recrutement de la main-d'oeuvre. La plupart du temps, en 1971, par exemple, lorsque les mines baissaient, la partie syndicale demandait la création d'un fonds minier.

La partie patronale voyant les mines baisser, on voyait bien ce qui se ferait avec le fonds minier. Aujourd'hui, placées dans le contexte opposé, les parties patronales ont pris du poids dans le sens d'une cohésion, et les parties syndicales sont mieux venues encore, parce qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre, d'expliquer à la partie patronale que pour avoir de la main-d'oeuvre, il va falloir qu'elle soit en concurrence avec les autres, puis qu'elle assure certains bénéfices qu'elle n'assure pas actuellement. Et pour assurer ces bénéfices-là, on peut toujours se dire que ce n'est pas une compagnie en particulier qui va l'assurer, c'est la collectivité des compagnies minières, comme c'est la collectivité des entreprises de construction qui assure des bénéfices aux travailleurs de la construction.

Moi, je ne veux pas dire que nous refusons le fonds minier, pas du tout, ça peut être une solution, la solution au problème. Il est bien possible, aussi, que la solution au problème réside dans certaines dispositions de conventions collectives qui deviendraient uniformes si les parties le veulent bien, et je dis bien les parties. Par exemple les clauses d'ancienneté, je ne le suggère pas, mais je pense aux difficultés d'un travailleur des mines qui se retrouve à Nor metal, qui travaille dans le complexe de la compagnie Noranda et qui, demain matin, pourrait fort bien aller travailler à l'autre mine de la compagnie Noranda. Il y a deux conventions collectives distinctes et dans ces deux conventions collectives distinctes il y a deux règles d'ancienneté. Le gars qui, depuis 20 ans, travaille à Normétal dans le complexe Noranda, va entrer dans la compagnie ici, le dernier, le moins ancien? Il n'est pas intéressé du tout à s'en aller là, lui.

Il n'est pas intéressé parce qu'il recommence, d'abord, une vie matérielle différente — c'est déjà fatigant sur le système — et, en plus de cela, il entre au dernier échelon à l'intérieur de la compagnie; le premier mis à pied, ce sera encore lui. C'est le premier à cause d'une fermeture et, quand il entre dans le complexe,

c'est encore lui qui va être le premier. Il manque, donc, d'intérêt.

Ce n'est pas facile, par exemple, de demander, dans des conventions collectives, au syndicat en question d'accepter qu'un type qui vient de la mine Normétal ait l'ancienneté de Normétal à l'intérieur d'une unité de négociation différente.

M. BURNS: C'est du côté syndical, d'ailleurs, que vous allez avoir des problèmes...

M. COURNOYER: C'est cela.

M. BURNS: ... avec cela; pas du côté patronal.

M. COURNOYER: Dans ce sens-là, je pense qu'on a vécu ce genre de problème-là, M. le député de Maisonneuve, lorsqu'il s'est agi d'intégrer un certain personnel des compagnies d'autobus à Montréal...

M. BURNS: Vous avez le cas de tous les autobus qui ont été...

M. COURNOYER: ... dans la Communauté urbaine de Montréal.

M. BURNS: ... intégrés à la CTCUM et où cela a été carrément refusé par le syndicat.

M. COURNOYER: Cela a été refusé, à cette époque. Maintenant, compte tenu du fait que, du côté syndical, on a une autre formule, il est possible aussi qu'encore là c'est quand on se parle qu'on puisse régler le problème. L'instrument de discussion que nous avons mis à la disposition des parties, elles l'ont laissé pour des raisons que j'ignore encore, peut-être parce qu'elles étaient parties sur une question d'inventaire, pour avoir l'inventaire de la main-d'oeuvre, et que ça n'a pas fonctionné comme elles le désiraient. De toute façon, au comité de main-d'oeuvre en question, j'ai l'impression qu'ils peuvent discuter cette fois-ci non pas de maintien d'emploi, mais des problèmes de recrutement de la main-d'oeuvre qui devient de plus en plus difficile face à une concurrence qui donne plus de sécurité que celle qu'on donne dans l'industrie des mines.

A ce moment-là, je pense que, quelles que soient les représentations que les employeurs viennent nous faire sur le fait qu'ils ne sont pas capables de recruter de la main-d'oeuvre, on n'enverra personne travailler avec un coup de pied au derrière dans l'industrie des mines, quand ils peuvent aller travailler dans l'industrie de la construction à la baie James et avoir des salaires et des conditions qui sont plus avantageuses pour eux, semble-t-il, que celles qu'on leur offre dans les mines.

M. BURNS: Justement, si j'ai posé la question, c'est que je me demande si votre ministère ne devrait pas agir comme étincelle, si vous voulez, ou comme une espèce de phénomène...

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: ... d'instigation dans le règlement de ce problème-là. Justement, le ministre a touché un point tout à fait exact. C'était évident qu'en 1970/71, quand Manitou-Barvue et toutes les autres mines fermaient les unes après les autres, ce n'était pas le moment pour les compagnies minières de songer à investir dans un fonds minier. Maintenant que cela semble être sur une remontée et qu'elles ont un problème à caractère très égoïste, comme vous l'avez dit tout à l'heure, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas le personnel requis pour faire la production qui répondrait à leurs besoins, je pense que votre ministère devrait être l'instigateur, sinon d'un fonds minier comme tel, du moins d'un programme de sécurité d'emploi quelconque pour les mauvais jours. Si on ne le fait pas maintenant, les mauvais jours vont arriver et on va se retrouver dans la situation de 1970/71. Les compagnies minières vont dire: Ne venez pas nous parler de cela, on a de la misère à joindre les deux bouts, comme c'est là.

M. COURNOYER: Nous allons continuer, c'est-à-dire que, là-dessus, la discussion avec l'Association des compagnies minières a eu lieu il y a deux semaines. C'est exactement ce que nous avons suggéré, qu'on restaure le comité de la main-d'oeuvre des mines qui est formé, à parts égales, de syndicats et de l'Association des mines. Que non seulement on le restaure, mais que nous fournissions, nous, le personnel technique requis pour que certains travaux d'envergure puissent prendre place. S'il s'agit pour nous de faire un inventaire, à ce moment-là, on se dit, nous autres, qu'un inventaire, c'est ridicule, pour le moment du moins, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas un organisme qui a une incitation à maintenir l'inventaire.

On a l'inventaire de la construction. Si vous voulez savoir qui travaille dans la construction demain matin, vous allez peser sur un bouton et vous allez l'avoir, mais l'intérêt, c'est la participation des gens dans un fonds de pension, qu'ils participent et que les entrepreneurs aussi participent. A partir du moment où il n'y a pas d'autre intérêt qu'une théorie quelconque, ça ne fonctionne pas, les inventaires. Vous pouvez avoir un inventaire de la construction rapidement; en pesant sur un bouton, trois heures après, vous l'avez. Vous savez combien vous en avez dans tel corps de métier, combien ils font d'argent par année, d'où ils viennent, ce qu'ils font, s'ils sont mobiles, combien de fois ils changent d'entrepreneurs par année. On peut savoir tout cela très rapidement dans l'industrie de la construction.

M. BURNS: Vous m'excuserez.

M. COURNOYER: Oui, je vous donne la permission de parler avec le leader.

M. BURNS: Le leader du gouvernement a l'air de s'ennuyer de l'Opposition; il est venu s'asseoir près de moi.

M. COURNOYER: Entre deux leaders vous pouvez parler en face d'un ministre.

M. BURNS: Je pense qu'il a des choses à me dire. Il veut peut-être me conseiller certaines questions que je devrais poser au ministre du Travail. Je vais voir si c'est ça.

M. COURNOYER: Je vous prête deux minutes.

M. DEZIEL: M. le Président, je pourrais peut-être poser une question.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-François.

M. DEZIEL: Je pense qu'il y a eu des concours pour trouver des spécialistes en relations de travail. Est-ce que vous en avez trouvé? Deuxièmement, vers quelle orientation voulez-vous les diriger?

M. COURNOYER: II y en a eu cinq qui ont été qualifiés. Avec ce que je vous disais hier sur une sorte de sectorialisation de mon ministère, un spécialiste comme ceux-là, en relations de travail, serait en fait utilisé comme la bougie d'allumage de l'équipe sectorielle. Il faut donc — même si j'ai cinq personnes qualifiées — qu'ils aient un certain degré d'aptitude à prendre la direction d'une équipe multidisciplinaire pour s'occuper de tel secteur industriel.

Les spécialistes, originalement, et c'est encore la même chose aujourd'hui, c'était surtout et c'est encore aujourd'hui la même chose, peuvent faire de la médiation préventive. Nous tentons de les rendre responsables d'un secteur d'activités. Je prendrai, par exemple, l'un des spécialistes qui ont été qualifiés comme tels, M. Pilote, qui lui prend à peu près tout le secteur minier au Québec. C'est lui qu'on veut qu'il soit au courant de tout ce qui se passe dans le secteur minier au Québec. Il est maintenant sur là Côte-Nord, avec M. Belleville, pour étudier les problèmes causés par l'isolement qu'on retrouve régulièrement sur la Côte-Nord. Et, en même temps, il se prépare à la prochaine ronde de négociation qui devrait commencer au mois de septembre ou au moins d'ici la fin de cette année. Il va être présent.

Vous en aurez un autre qui serait affecté à l'industrie des textiles, par exemple. Tous les problèmes du textile seraient donc connus. Même s'il fait une conciliation à telle entreprise de textile ou telle autre entreprise de textile, on s'arrangera pour que ce soit la même équipe qui fasse la conciliation et qui soit continuellement au courant des développements dans cette industrie en matière de relations de travail, en matière de main-d'oeuvre et en matière de perfectionnement ou de qualifications requises.

C'est ça l'équipe multidisciplinaire dont je parlais hier affectée à un secteur d'activités. Elle sera dirigée par un spécialiste. Il y en a cinq qui ont été qualifiés par la Commission de la fonction publique.

Je peux vous en nommer trois au moins que je connais: M. Dansereau, qui est particulièrement dans le secteur de la construction; M. Vassard, qui est affecté pour le moment ou qui a été affecté à l'industrie des pâtes et papiers. Tout le dernier voyage, c'est lui qui l'a transporté sur ses épaules sans pour autant être un spécialiste, mais comme il a été qualifié de spécialiste, il était l'homme tout désigné pour s'occuper des pâtes et papiers, et il l'a fait. Il s'occupe aussi d'autres choses, mais disons qu'il est affecté à ça particulièrement. Ces trois-là, je les connais bien. Les deux autres, je ne les connais pas. Ils viendraient de l'extérieur du ministère et auraient été qualifiés; il s'agit de M. Caron et M. Guilbert, que je ne connais pas personnellement. Les trois autres, les connaissant personnellement, je peux vous en parler.

Conseiller spécial du ministre

M. BURNS: Puisqu'on parle de...

M. DEZIEL: Spécialistes en relations de travail.

M. BURNS: ... spécialistes en relations de travail, on aurait peut-être pu parler de ce sujet ailleurs, au programme de gestion et de régie interne. Je n'aime jamais faire des personnalités mais, dans ce cas-là, je suis obligé de le faire parce que je suis obligé de vous demander le statut particulier d'un de vos collaborateurs, c'est-à-dire de M. Gilles Laporte.

Gilles Laporte était, je pense, jusqu'à l'année dernière — le ministre me corrigera sur les dates, je ne suis pas tellement certain — un de vos directeurs généraux, le directeur général, si je ne me trompe pas, des...

M. COURNOYER: Des relations de travail.

M. BURNS: ... relations de travail. J'aperçois son nom, à un moment donné, aux comptes publics, l'année passée, pour une somme de quelque $14,000. Si mes informations sont exactes, il est conseiller spécial auprès du ministre, non plus à titre de fonctionnaire à plein temps mais à titre de pigiste, si je peux me permettre cette expression. C'est pour moi, en tout cas, une situation pour le moins étonnante. Comment se fait-il qu'une journée vous ayez un directeur général dans votre ministère qui, à toutes fins pratiques, quitte la Fonction publique et qui, du jour au lendemain, devient votre conseiller spécial, payé à honoraires, avec un

bureau sur place à Montréal au ministère du Travail?

M. COURNOYER: Mettez-en.

M. BURNS: J'ai cité le chiffre... Pardon?

M. COURNOYER: $14,000, mettez-en.

M. BURNS: Pardon?

M. COURNOYER: Mettez-en, $14,000...

M. BURNS: Oui, $14,000, c'est cela que j'allais compléter. J'ai vu quelque $14,000 dans les comptes publics 1972/73; c'est évident que ce n'est pas le montant total. L'année financière, comme le ministre le sait, s'arrête au 31 mars de chaque année. Donc, c'est $14,000 qui auraient été versés à M. Laporte pour la période où il est passé d'employé au ministère à conseiller extérieur du ministère, jusqu'au 31 mars 1973. J'ai bien compris ça. Mais cette situation, pour moi, me paraît pour le moins bizarre. Comment le ministre, devant une telle situation, s'il y a participé, peut-il regarder ses autres fonctionnaires en face sans être gêné?

M. COURNOYER: Je ne suis jamais gêné, moi.

M. BURNS: Parce qu'il demande... Je sais qu'il n'est pas gêné, le ministre.

M. COURNOYER: Pas devant mes fonctionnaires. Regardez s'ils sont gras! Je ne suis pas gêné devant mes fonctionnaires. Il y a des statuts particuliers pour certains individus.

M. BURNS: Bien, c'est ce que j'aimerais que le ministre nous explique.

M. COURNOYER: Le statut particulier de M. Laporte, en particulier, c'est qu'il est conseiller du ministre; il fait à peu près tout ce que le ministre pourrait faire dans le domaine des relations de travail à un échelon que je vais appeler politique, très politique, et les fonctionnaires administrent. Les problèmes, par exemple, de relations de travail sont de deux ordres dans mon ministère: il y a les problèmes officiels et les problèmes officieux. J'en ai parlé, tantôt, des problèmes officieux et des problèmes officiels.

Mon ministère, techniquement, en particulier dans le service de conciliation, le service du droit des relations de travail, ce service en particulier, formellement, termine son travail 30 jours après la demande de conciliation. Après cela, le ministère du Travail n'a plus rien à voir, formellement, dans les conflits ouvriers.

Là, vous appelez le ministre. Vous dites au ministre: Ecoute, Jean. C'est bien sûr que ce n'est pas légal mais d'un autre côté, parce que ce n'est pas légal, il reste que, politiquement, tu es poigné! Comme la construction, par exemple. Le ministre a beau se "garrocher". Vous m'avez blâmé à deux ou trois reprises d'intervenir personnellement comme pompier.

M. BURNS: Ce n'est pas de ça que je vous ai blâmé.

M. COURNOYER: Ah! Ah!

M. BURNS: Je ne vous ai pas blâmé de ça.

M. COURNOYER: Vous avez dit: Quand est-ce que tu vas arrêter d'agir comme pompier?

M. BURNS: C'est ça que je vous dis: Quand est-ce que tu vas arrêter d'agir comme pompier et faire ton job de ministre du travail, c'est-à-dire penser à la législation?

M. COURNOYER: C'est ce que je fais.

M. BURNS: Et penser à des grandes politiques de relations de travail?

M. COURNOYER: C'est ce que je fais. Et M. Laporte fait exactement ce que je faisais avant.

M. BURNS: Cela veut dire que mes critiques ont porté fruit.

M. COURNOYER: Bien oui. M. Laporte fait exactement ce que je faisais avant. Il est devenu le pompier par excellence du gouvernement du Québec!

M. BURNS: Bon.

M. COURNOYER: Mais ça, cela coûte plus cher pour le moment, à honoraires, que quand un gars est fonctionnaire.

M. BURNS: C'est cela que je trouve drôle.

M. COURNOYER: Les fonctionnaires ne sont pas des pompiers. Le ministre, c'est un pompier.

M. BURNS: Mais vous pouvez "driller" un de vos fonctionnaires comme pompier. C'est bien possible, cela. C'est ce que je vous dis.

Si la situation inverse s'était présentée, je dirais: Ce n'est pas grave. C'est compréhensible. C'est-à-dire qu'une bonne journée le ministre du Travail dit: Bon, j'ai besoin d'un pompier. Je suis "tanné" de le faire. Ce n'est pas mon "job" de le faire à part ça. Burns m'a convaincu que ce n'était pas mon "job".

M. COURNOYER: Cela n'empêche pas Burns de me demander à toutes les fois qu'est-ce que je fais comme pompier!

M. BURNS: Je comprendrais que le ministre, arrivant à cette conclusion, dise: Qui va

être mon pompier officiel? Tout d'un coup, il aperçoit Gilles Laporte, qui est à l'extérieur du ministère. Il dit: Ecoute donc, Gilles, cela ne te tenterait pas de venir faire ça?

Ce n'est pas ce qui est arrivé et c'est ce que je comprends mal. C'est que vous avez un de vos hauts fonctionnaires — c'est quand même un haut fonctionnaire, un directeur général; c'est l'échelon, je pense, juste en bas de sous-ministre ou presque égal, pas loin en tout cas — vous prenez ce haut fonctionnaire, vous le sortez de votre ministère et, ensuite, vour le réengagez à honoraires. Vous lui faites, dans le fond, une augmentation de salaire qui n'est pas prévue par la Loi de la fonction publique. C'est le résultat que ça donne.

M. COURNOYER: Le résultat que je cherchais.

M. BURNS: Vous avouez cela ouvertement. Vous trouvez cela normal?

M. COURNOYER: Vous pouvez être certain que je vais l'avouer longtemps ouvertement. Dites-moi maintenant que le gars ne fait pas son "job" comme il le faut!

M. BURNS: Ce n'est pas ce que je vous dis. Je vous dis que ce n'est pas normal.

M. COURNOYER: Qu'est-ce qui n'est pas normal?

M. BURNS: Je vous dis que ce n'est pas normal. Pourquoi ne serait-ce pas un de vos fonctionnaires qui fasse cela?

M. COURNOYER: Je ne les paie pas assez cher, mes fonctionnaires!

M. BURNS: Si vous ne les payez pas assez cher, faites vos représentations à la fonction publique.

M. COURNOYER: Cela a pris deux ans, avec M. Laporte, en particulier, juste pour pouvoir obtenir $2,000 de salaire de plus parce qu'il était conseiller spécial du ministre et qu'un conseiller spécial du ministre ne travaille pas de neuf heures à cinq heures. Ce n'est pas vrai. Cela a pris deux ans pour obtenir $2,000 parce qu'il avait une fonction additionnelle à celle du directeur général.

Au bout de deux ans, on m'a dit: Non. Ce n'est pas possible, cela, dans la fonction publique. Tu ne les lui donneras pas.

M. BURNS: Mais ce n'est pas un problème que vous êtes capable...

M. COURNOYER: Bien moi, j'ai dételé!

M. BURNS: Ce n'est pas un problème que vous êtes capable de régler au niveau du conseil des ministres?

M. COURNOYER: J'ai trouvé la méthode pour le régler au niveau du conseil des ministres. Je l'ai employé comme conseiller spécial.

M. BURNS: Vous n'admettez pas que c'est normal?

M. COURNOYER: J'admets que c'est peut-être la meilleure méthode.

M. BURNS: Mais vous admettez que c'est normal de fonctionner comme ça?

M. COURNOYER: Non seulement je l'admets, mais je voudrais qu'on fonctionne de même tout le temps, au ministère.

M. BURNS: Qui est d'accord sur cela?

M. COURNOYER: En tout cas, moi je suis d'accord sur cela. Cela devrait suffire, c'est moi qui suis responsable de ce ministère.

M. BURNS: Non, je cherchais qui applaudissait.

Moi, personnellement, en tout cas, M. le ministre, je ne trouve pas cela normal. Si vous avez des problèmes avec la fonction publique, réglez-les vos problèmes avec la fonction publique.

M. COURNOYER: II y a celui-là, le problème avec la fonction publique. D y a aussi le problème de la responsabilité directe au ministre. Je ne voudrais pas du tout que mes fonctionnaires, ici, pensent qu'ils ne sont pas responsables au ministre.

M. BURNS: II me semblait, oui.

M. COURNOYER: Mais il y a la question, par exemple, qu'un fonctionnaire, avec la sécurité d'emploi qu'il possède, peut dire au ministre: Va chez le diable, toi! Ce n'est pas de même qu'on marche. Tandis qu'au gars qui est le conseiller spécial du ministre, le jour où cela ne va pas avec le ministre, celui-ci dit: Bonjour, merci! Le pouvoir est changé de bord. H n'est pas à la même place.

M. BURNS: Mais vous ne me convaincrez pas, M. le ministre, que c'est la façon normale de fonctionner. Ce n'est pas possible que...

M. COURNOYER: Moi, j'ai un statut temporaire. Cela a été prouvé déjà.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Ayant un statut temporaire, mes collaborateurs immédiats auront le même statut que moi. Et ils partiront en même temps que moi.

M. BURNS: Est-ce que je peux vous dire que vous vous êtes assuré une certaine sécurité d'emploi par votre déménagement de comté?

M. COURNOYER: Cela, c'est moins sûr, depuis le bill 22!

M. BURNS: Une question qui me vient à l'idée, en tout cas, sur ce cas Laporte: Quel était son salaire avant et quels sont ses honoraires aujourd'hui?

M. COURNOYER: Cela doit friser les $40,000.

M. BURNS: $40,000. Et comme directeur général?

M. COURNOYER: Cela devait être à peu près $20,000 ou $21,000, il y a deux ans. Aujourd'hui, ce serait, quoi, une échelle de salaire de directeur général? $24,000 ou $25,000. Mais $24,000 ou $25,000 avec sécurité d'emploi totale, avec participation au fonds de pension de l'Etat, c'est-à-dire que l'Etat participe au fonds de pension; vous pouvez ajouter les bénéfices marginaux, au-delà des $24,000 ou $25,000, qui coûtent un certain montant à l'Etat.

Si vous comparez ce qu'il reçoit en honoraires, sans les bénéfices marginaux, vous comparez des choses qui sont comparables. Il faut tenir compte du fait qu'il n'a pas de sécurité d'emploi du tout, qu'il a la même sécurité que le ministre. Il n'a pas la même sécurité que le ministre. Le ministre peut durer quatre ans; lui, il peut durer deux ans, un an; ça dépendra de ses relations avec le ministre.

M. BURNS: C'est un contrat renouvelable?

M. COURNOYER: C'est un contrat mensuel. Il n'a pas la garantie d'un an. C'est quotidien. Annulable à une journée d'avis. Il marche sur mandat. Je n'ai qu'à lui dire: Tu n'as plus de mandat ce matin, et il n'est plus payé.

J'ai d'excellents fonctionnaires en plus de ça, vous savez.

M. BURNS: Justement, je trouve que vous avez d'excellents fonctionnaires. C'est sûr, je n'ai jamais dit le contraire. Ils vous ont sauvé la vie souvent, du point de vue politique.

M. COURNOYER: Je comprends. Ma vie politique?

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Depuis que je suis là, ça fait au moins 25 fois qu'ils me sauvent la vie tous les mois. Ils sont très bien, mes fonctionnaires.

M. BURNS: Je suis d'accord sur ça. C'est pour ça que je soulève ce problème. Je trouve que vous faites deux catégories de fonctionnaires, parce que Gilles Laporte, ne nous cassons pas la tête, c'en est un fonctionnaire à toutes fins pratiques, sauf que vous avez trouvé ce moyen pour le payer davantage pour le travail qu'il faisait. Je ne suis pas malheureux que M. Laporte fasse plus d'argent qu'avant. C'est le principe de l'affaire qui me surprend; que le ministre du Travail, surtout lui, ne prenne pas, à un moment donné, la peine d'aller au conseil des ministres et de dire: Ecoutez, batêche, ça va faire, les folies! J'ai besoin d'un gars qui est hors catégorie pour faire ma "job" de pompier et vous allez m'ouvrir un salaire. Il me semble que c'est ça qui est normal. Autrement, on administre d'une drôle de façon.

M. COURNOYER: Disons que ça c'est la façon dont vous...

M. BURNS: Parce que la tendance, si vous me permettez de terminer...

M. COURNOYER: ... n'administreriez pas si vous étiez à ma place.

M. BURNS: La tendance normale, je dis, de n'importe quel ministère, c'est d'avoir ses fonctionnaires; ce n'est pas d'aller à l'extérieur. Quand on pose cette question aux ministres — je l'ai posée au ministre des Transports, à celui de la Justice, également à celui de l'Agriculture; c'est le problème constant dans la fonction publique — on nous dit toujours: On ne peut pas les embaucher, ces gens, parce qu'on ne peut pas les payer selon les normes de la fonction publique.

Je dis: Bonguienne ! changez-les, les normes de la fonction publique! C'est ça, le problème; on s'enfouit la tête dans le sable.

M. COURNOYER: Cela va rester un problème de normes.

M. BURNS: Cela reste un problème de normes. Je sais ce que c'est, le problème; c'est qu'on ne veut pas trop augmenter les cadres dans les ministères en vue de certaines négociations qui vont s'en venir dans la prochaine ronde. En tout cas, ça me semble être ça. Si c'est ça, je trouve que ce n'est pas une façon d'administrer. C'est de même dans tous les ministères, mais, dans ce cas, c'est encore plus flagrant. C'est un haut fonctionnaire qui était fonctionnaire, qui cesse de l'être et qui devient conseiller extérieur à honoraires, pigiste du ministre. C'est s'enfouir la tête dans le sable de dire que c'est normal.

M. COURNOYER: Moi, je ne m'enfouis pas la tête dans le sable. Je dis que, si je pouvais fonctionner comme ça tout le temps, je fonctionnerais de même tout le temps.

M. BURNS: Cela ne m'entre pas dans la tête. M. COURNOYER: Que ça ne vous entre pas

dans la tête, M. le député de Maisonneuve, c'est parce que vous n'êtes pas assis à la même place que moi.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Quand vous serez assis à la même place que moi...

M. BURNS: Le ministre a dit quand.

M. COURNOYER: Bien oui, mais tu va avoir des cheveux blancs un jour? A moins que tu ne sois sur le banc.

Ce que je veux dire, c'est bien simple, c'est que j'assume ma responsabilité de ministre avec les aides que je choisis. Bien sûr, ceux qui sont ici ont été choisis en fonction de leurs capacités et ils sont tous capables. Dans leur domaine respectif, je vais dire que ces gens ne sont pas suffisamment bien payés; si lui me disait demain matin: Jean, je voudrais avoir une autre formule. Bien, je trouverais une autre formule pour lui, et pour lui, pour lui et pour lui. Je les aime tous. Mais le jour, par exemple, où ils voudront une autre formule et qu'ils voudront faire de la politique à ma place, dans les cas où ça n'entre pas dans leur juridiction, je vais dire: D'accord, vous allez avoir la même vie que moi, au moins, et je ne peux pas vous garantir non plus que vous allez avoir la même vie que moi parce que je peux me choquer avant vous autres; ce qui va arriver, c'est que vous allez vivre avec la responsabilité que j'ai comme ministre devant une population et devant un Parlement. Et quand vous ne serez pas d'accord avec moi, je ne vous mettrai pas sur une tablette, vous allez vous en aller chez vous parce que c'est moi qui suis responsable de vous autres devant le Parlement.

Là, on parle des très hauts fonctionnaires. La sécurité d'emploi pour les très hauts fonctionnaires, je n'ai aucune forme d'objection à la leur consentir. Mais si, par hasard, moi, comme ministre, je pense qu'il y a lieu non pas de gratifier quelqu'un, pas de lui donner un cadeau, mais de m'arranger pour qu'il soit aussi heureux que possible, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles il évolue et que les règles de la fonction publique m'empêchent de le faire, je vais trouver un moyen à côté, comme ça a été le cas pour M. Laporte. L'uniformisation ou la normalisation de tout fait que vous avez des hauts et des bas; il y en a qui sont trop hauts pour ce qu'ils valent et il y en a qui sont trop bas pour ce qu'ils valent. Et parce qu'on demande à la même Commission de la fonction publique de déterminer ce que vaut tel travail par rapport à une règle normale, on nous dit: Cela vaut la règle normale.

Je suis pris avec d'autres problèmes de cette même nature dans le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. J'en ai d'autres semblables. A la Commission des accidents de travail, on a des problèmes de personnel continuellement, juste parce qu'à un moment donné on a besoin d'une catégorie de personnes dont seule la Commission des accidents de travail a besoin. Mais parce que cette catégorie répond aux mêmes critères de scolarité et d'expérience que les critères communs qu'on a établis pour tout le monde, on se retrouve dans la douloureuse situation qu'on ne tient pas compte du tout du marché, et ne tenant pas compte du marché, en vertu des règles de la Commission de la fonction publique, on se prive de personnes qui seraient susceptibles de rendre service à la population. Et je ne peux pas me priver de personne, compte tenu du genre de problèmes que j'ai.

M. BURNS: C'est ce que j'essaie de vous expliquer, M. le ministre, vous avez un problème particulier, vous le réglez à votre façon particulière, vous y trouvez une solution particulière.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Sauf que, ce faisant, M. le ministre, vous ne contribuez pas à régler l'ensemble du problème qui se répercute partout ailleurs, à l'intérieur de votre ministère comme à l'extérieur de votre ministère. Je dis qu'un problème comme celui-là se règle en prenant le boeuf par les cornes, et on dit: c'est évident qu'en 1974 je ne peux pas avoir une personne qui va me rendre les services que j'attends d'elle à ce salaire. Cela s'appelle prendre le boeuf par les cornes et le régler le problème. Mais pas de le régler de façon particulière pour un cas, une solution pratique immédiate.

M. COURNOYER: Oui, mais ce que vous me dites, M. le député de Maisonneuve, c'est que vous ne voudriez pas qu'il soit réglé d'une façon particulière alors que, justement, il est un problème particulier.

M. BURNS: Bien non, puisque vous l'avez un peu partout.

M. COURNOYER: Non, non, pas partout.

M. BURNS: Vous avez le ministre des Transports, qui nous dit qu'il n'est pas capable de trouver suffisamment d'inspecteurs pour inspecter les autobus scolaires. On voit ce que ç'a donné là, ça ne fait pas tellement longtemps. Il ne peut pas trouver, savez-vous pourquoi? Parce que les normes de la fonction publique ne sont pas assez élevées.

M. COURNOYER: II faudrait qu'il trouve une solution particulière au problème qu'il là. Et tant et aussi longtemps qu'on voudra une solution uniforme...

M. BURNS: Ils ne règlent pas le problème

général, le problème général de toute la fonction publique. Vous le savez, vous avez été ministre de la Fonction publique puis j'en ai parlé dans le temps de ce problème-là.

M. COURNOYER: Oui, j'ai même participé à établir les normes.

M. BURNS: Oui, mais à ce moment-là il faut être un petit peu plus réaliste, il me semble.

M. COURNOYER: II faudrait trouver des normes pour passer à côté des normes.

M. BURNS: Non, il faudrait ajuster les normes à la réalité, c'est ça qu'il faudrait faire.

M. COURNOYER: Quelle réalité?

M. BURNS: La vrai réalité c'est de dire: J'ai besoin de tel spécialiste puis les normes actuelles ne me permettent pas de me le payer ce spécialiste.

M. COURNOYER: Régulièrement, M. le député de Maisonneuve, la Commission de la fonction publique va réviser des normes. On va demander à la Commission des accidents du travail, à la Commission du salaire minimum ou au ministère du Travail d'aller discuter à la fonction publique de tel cas qui est particulier par rapport aux normes. Puis on va demander une réévaluation de tel poste, telle fonction à l'intérieur du ministère, puis on leur demande, puis on leur demande encore. Ils en font. Le jour où on l'a, la décision de la commission,...

M. BURNS: C'est déjà dépassé.

M. COURNOYER: ... cela fait déjà un bout de temps qu'on ne cherche plus, parce qu'on ne trouve plus. On va prendre les conciliateurs par exemple, je vais vous donner des exemples, puis ça ne me fait rien de le dire à n'importe qui. On offre à des conciliateurs, selon les règles de la fonction publique, des salaires inférieurs à ceux qu'ils possèdent actuellement dans l'industrie. On dit que c'est compensé par la sécurité d'emploi, c'est compensé par ça. Je comprends que c'est compensé par ça.

Si j'avais le privilège de le faire, ce que j'ai fait avec Laporte, je le répéterais davantage, compte tenu des circonstances dans lesquelles j'évolue.

M. BURNS: Vous ne régleriez pas le problème.

M. COURNOYER: Je ne réglerais pas le problème? Je ne comprends pas que je ne réglerais pas le problème. Je l'ai réglé le mien avec Laporte. Il est réglé le problème.

M. BURNS: Vous avez réglé votre petit problème à vous dans votre petit coin. Je vous dis qu'en agissant comme ça...

M. COURNOYER: Bien il y a assez de ceux-là pour le moment.

M. BURNS: ... vous ne réglez pas le problème d'ensemble, qui lui est grave, qui lui mine la fonction publique.

M. COURNOYER: Enfin, disons que...

M. BURNS: II me semble que ça devrait préoccuper le ministre du travail.

M. COURNOYER: Ah! bien, si vous m'invitez à me préoccuper du problème de tout le monde dans le gouvernement, particulièrement dans ce genre d'activité, de recherche de personnel compétent, si vous m'invitez à faire ça, je vous remercie beaucoup. Je considère l'invitation et je m'y rendrai aussitôt que je pourrai, mais je vais m'y rendre quand je vais avoir réglé le genre de problèmes qui me sont particuliers à moi, c'est-à-dire pas particuliers à Jean Cour-noyer, mais au ministère du Travail.

Je ne voudrais pas non plus être placé dans la situation où je deviens un gouvernement dans le gouvernement. Je dois suivre les normes le plus possible. Quand j'arrive par exemple avec les résultats des normes, vous allez me permettre d'utiliser mon imagination pour régler les problèmes qui me sont causés par les normes. Si le fait de demander des révisions de normes cause à toute la fonction publique un problème de conscience, je n'ai pas le goût du tout de lui causer des problèmes de conscience. Mes problèmes de conscience ce sont les miens, je suis capable de débattre ici l'emploi de M. Laporte n'importe quand, n'importe où et n'importe comment.

M. BURNS: Je ne dis pas qu'il n'est pas utile, je n'ai jamais dit ça.

M. COURNOYER: Non je sais que ce n'est pas ça que vous dites. Vous dites qu'il y aurait peut-être eu lieu de réviser la structure de salaire de M. Laporte. En révisant la structure de salaire de M. Laporte, j'espère que vous vivez aussi longtemps que moi dans la fonction publique, le directeur général de la main-d'eou-vre, le directeur général des services techniques, le directeur général des autres sont dans la hiérarchisation gouvernementale, des directeurs généraux. Est-ce qu'on se comprend là-dessus?

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Ce sont des directeurs généraux. Ils comparent mes directeurs généraux avec les directeurs généraux du ministère des Travaux publics, les directeurs généraux du ministère de l'Education, les directeurs généraux des autres ministères et ils disent: Ce sont tous des directeurs généraux. Moi, je dis que ce n'est pas tout à fait vrai dans mon cas. Il y a des directeurs généraux et il y a des directeurs généraux. Il y a des directeurs généraux qui sont au ministère du Travail et il y a des directeurs généraux qui sont au ministère de la Voirie ou des Transports. Dans les deux cas, il s'agit de contenu d'emploi différent; j'ai toujours pensé que si on évaluait chaque contenu

d'emploi, on n'aurait plus besoin de normes. La norme elle-même, quand on l'établit, on le fait en prenant un barème quelconque qui devient commun à tous les emplois de même nature, et ce barème commun, qui est basé sur la scolarité ou les années d'expérience, actuellement, à la Commission de la fonction publique, ce barème commun ne me satisfait pas tout le temps. Avant de faire changer ce barème commun, je suis placé dans la situation où je perds les occasions d'employer quelqu'un.

Je ne vais pas prendre le système d'un autre gouvernement, je ne vais pas prendre le système d'un autre ministère. Qu'est-ce que je fais quand j'ai un problème de cette nature? Je le règle le mieux possible, compte tenu des circonstances. Je n'ai rien à cacher sur le contrat de Laporte. S'il fait $50,000 et s'il fait $60,000, ça ne me fait rien du tout, ça dépend du genre de services qu'il a rendus dans le poste qu'il occupe. S'il pouvait faire $75,000 ailleurs et que j'étais en compétition avec lui avec $40,000 chez nous, je vous le dis, probablement que j'augmenterais ses honoraires pour qu'ils montent à $75,000 par année. Je vous défis, M. le député de Maisonneuve, de me dire que ce n'est pas honnête.

M. BURNS: Je ne vous dis pas que ce n'est pas honnête.

M. COURNOYER: Je suis en compétition avec du monde qui gagne de l'argent et là, je ne suis pas en train de refaire le débat sur les juges.

M. BURNS: Mais la solidarité ministérielle, M. le ministre, vous en faites quoi?

M. COURNOYER: Le contrat entre M. Laporte et le gouvernement a été signé par le gouvernement et M. Laporte.

M. BURNS: Oui.

M. COURNOYER: Donc...

M. BURNS: Vous êtes membre du cabinet, jusqu'à nouvel ordre?

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: Si le gouvernement ne décide pas, lui, de changer quelque chose dans l'ensemble de la Fonction publique, vous êtes solidaire de cette décision.

M. COURNOYER: Oui, mais s'il décide de le changer pour moi?

M. BURNS: Sauf qu'à ce moment-là, on revient au problème du début, c'est courir tout le temps après la queue du chien.

M. COURNOYER: Je ne sais pas, moi, quels sont les problèmes du ministère de l'Education, du ministère de la Fonction publique ou du ministère des Travaux publics, je ne le sais pas.

M. BURNS: C'est un problème partout, vous le savez, M. le ministre. Vous avez été ministre de la Fonction publique, vous savez que le problème existe partout.

M. COURNOYER: J'ai beau avoir été ministre de la Fonction publique pendant six mois, préoccupé par la négociation d'une convention collective pendant six mois et, au bout de six mois, avoir débarqué parce que la convention collective était signée, je n'ai pas vu tout ce qui se passait dans le ministère de la Fonction publique dans l'espace de six mois.

M. BURNS: Sauf qu'on a étudié des crédits ensemble, à un moment donné.

M. COURNOYER: Oui.

M. BURNS: On vous a appris des problèmes.

M. COURNOYER: Pardon?

M. BURNS: Si vous ne les connaissiez pas, on vous a appris quelques problèmes.

M. COURNOYER: Oui, mais je n'ai pas été assez longtemps pour les résoudre.

M. BURNS: Je reviens à ce que je disais tout à l'heure. Vous êtes membre du cabinet et comme tel il y a une certaine solidarité ministérielle qui existe. Vous passez à côté, vous; vous décidez, vous convainquez le gouvernement de signer un contrat particulier avec M. Laporte. C'est cela que je veux dire. Ce n'est pas plus que cela et ce n'est pas moins que cela.

M. COURNOYER: Parce que dans mon personnel politique, j'ai besoin de M. Laporte. Est-ce clair, là?

M. BURNS: Là, vous dites: J'ai besoin de M. Laporte; j'ai un problème particulier, je vais le régler à ma façon, puis je vais continuer de le régler à ma façon.

M. COURNOYER: A condition que vous me prouviez qu'il y a de la malhonnêteté. Vous n'avez pas même besoin de me le prouvez, mais affirmez-le, et c'est tout.

M. BURNS: II n'est pas question de malhonnêteté.

M. COURNOYER: Vous n'avez pas besoin de le prouver, affirmez-le.

M. BURNS: Je n'ai pas parlé de malhonnêteté; j'ai parlé de choses pas normales. Ce n'est pas pareil.

M. COURNOYER: Normales, c'est quoi la normalité des choses, M. le député de Maison-

neuve? C'est quoi qui est normal? C'est la norme.

M. BURNS: La normalité des choses, M. le ministre, c'est d'être constant et d'être conséquent dans ses décisions. C'est ça.

M. COURNOYER: Je suis constant et conséquent dans cette décision.

M. BURNS: Vous n'êtes pas conséquent avec la décision du cabinet qui lui décide que les normes actuelles sont suffisantes.

M. COURNOYER: Puis, elles sont probablement suffisantes comme normes, à condition qu'on puisse faire des exceptions, ce qui ne nous est pas facilement possible.

M. BURNS: Si vous commencez à en faire, il va y en avoir un "moses" de paquet.

LE PRESIDENT (M. Picard): Le député de Saint-François.

M. DEZIEL: M. le Président, me serait-il permis de poser une question au député de Maisonneuve?

M. BURNS: Sûrement.

M. DEZIEL: Si l'Opposition était au pouvoir, de quelle façon évaluerait-elle la matière grise en termes pécuniaires, par voie de règlements généraux?

M. BURNS: Si j'étais au pouvoir, M. le député de Saint-François, je vous dis tout de suite que la méthode normale de régler un tel problème, c'est de dire: Je ne suis pas capable d'avoir des conciliateurs à combien... Combien les payez-vous vos conciliateurs?

M. COURNOYER: Entre $12,000 et $19,000.

M. BURNS: Bon, je ne suis pas capable d'avoir un conciliateur à $19,000, c'est quoi le prix du marché pour un bon conciliateur? C'est ça que je ferais. On les trouverait, les fonds. Vous les trouvez bien pour d'autres affaires; on les trouverait pour ça.

M. DEZIEL: Comme ça indirectement...

M. BURNS: A ce moment-là, je ferais d'autres choses, par exemple — le ministre du Travail sait drôlement ce que je veux dire — j'arrêterais de mettre du monde sur les tablettes qui perçoivent des salaires à ne rien faire et je les mettrais au travail.

M. COURNOYER: Etes-vous capable de me dire, tandis que vous y êtes, ce que vous feriez avec les gens qui sont sur les tablettes aujourd'hui?

M. BURNS: D'abord, je me poserais la question à savoir comment il se fait qu'ils sont sur les tablettes. Comment cela se fait — je ne sais pas, cela a peut-être changé...

M. COURNOYER: II peut y en avoir une "gang" dans le mien.

M. BURNS: II y en a une "gang" dans ton ministère, tu peux en être sûr.

M. COURNOYER: Oui, oui, puis qu'est-ce qu'on ferait avec ça?

M. BURNS: Bien, on les met au travail, on les utilise.

M. COURNOYER: On les met au travail, dans quel travail?

M. BURNS: II me semble que ce sont des gens qui ont été embauchés et qui ont passé des tests. Ils ont été utiles pendant un bout de temps. Les anciens gars de la CRT qui ont passé je ne sais pas combien d'années sur les tablettes, les André Roy, puis les Gosselin et tout ça...

M. COURNOYER: Bien oui.

M. BURNS: Puis les Brown que vous avez heureusement réussi à caser au fédéral.

M. COURNOYER: On en a ôté plusieurs des tablettes.

M. BURNS: Vous les avez ôtés, mais pendant combien de temps l'ont-ils été? Donc, ce sont des gars utiles si vous les faites travailler aujourd'hui.

M. COURNOYER: Ce sont des gars utiles, certainement.

M. BONNIER: Nous sommes aux crédits du ministère du Travail, je pense bien que la question du député de Maisonneuve se réfère à un point particulier qui regarde le ministère du Travail, mais qui débouche sans doute sur toute une philosophie d'évaluation des tâches qui est du domaine de la fonction publique.

Je pense bien que le député de Maisonneuve sait que si j'essaie d'évaluer la fonction d'un conciliateur — je m'en vais immédiatement — si je fais de l'évaluation de tâches, essayer de la comparer, au niveau du pointage, au niveau de la pondération, avec un autre type de fonction, et là je vais dire que s'il y a un équilibre qui ne marche pas... Parce qu'il n'y a pas un ministère qui peut décider: Moi, je vais majorer, admettons, de $3,000 ou $4,000. Cela ne peut pas se faire comme ça.

M. BURNS: Ce n'est pas ça que je dis non plus.

M. BONNIER: Non. Mais, tout d'un coup, ils vont regarder nécessairement et ils vont commencer à analyser les fonctions qui se ressemblent avec une pondération, le nombre d'années d'étude, d'expérience et tout ça. Cela va prendre du temps. C'est parce que c'est toute la philosophie, disons, de l'analyse des tâches. C'est l'évaluation des salaires qui est en cause, à mon avis, beaucoup plus, des fois...

M. BURNS: D'ailleurs, le cas particulier que j'ai soulevé, encore une fois je ne discute pas de la compétence de Gilles Laporte... Gilles Laporte, c'est un ami personnel de longue date et c'est un ancien confrère de travail. J'ai travaillé avec lui à la CSN et je sais de quoi il est capable, ce gars-là. Il est capable. Ce n'est pas ça le problème. J'espère qu'on comprend que j'ai posé le problème de Gilles Laporte, avec toute l'amitié que j'ai pour lui, pas parce que c'est Gilles Laporte. Le gars se serait appelé Claude Mérineau que j'airais dit la même chose, ou n'importe qui. Il se serait appelé Réal Mireault, j'aurais dit la même chose.

M. BONNIER: Est-ce que ce n'est pas un problème...

M. BURNS: II se serait appelé Maurice Tes-sier, j'aurais dit la même chose!

M. BONNIER: ... par exemple qui regarderait davantage, disons, toute la philosophie de l'analyse des tâches ou de l'évaluation des tâches de la fonction publique, Mais ce problème, on le retrouve même dans l'entreprise privée. Ce n'est pas facile d'évaluer des tâches. Parce qu'aussitôt que vous avez fini de les évaluer et d'établir des échelles de salaires, déjà le marché a avancé et vous recommencez.

M. BURNS: C'est pour ça qu'il y a des hausses constantes dans les conventions collectives. C'est pour cela que vous n'aurez jamais un syndicat qui va être assez fou, même si c'était légalement permis, de signer une convention collective pour dix ans.

M. BONNIER: Non, non.

M. BURNS: Parce que les normes changent et il faut s'ajuster constamment. Je l'admets ça. Si, à un moment donné, j'ai besoin de conciliateurs compétents, où est-ce que je recrute ces gens? Un conciliateur, je pense bien que le ministre va admettre cela avec moi, ce n'est pas le gars qui sort de l'universtié en relations industrielles, d'habitude, que vous engagez. Vous engagez un gars qui a vécu dans le milieu, un gars qui a su ce que c'était qu'un conflit de travail, un gars qui a su comment, à un moment donné, il peut y avoir — si vous me passez l'expression — un "dead lock" dans les négociations et comment cela se débloque. Pour l'avoir fait, il faut qu'il ait négocié, sinon directement il faut qu'il ait été présent plusieurs fois à des tables de négociation. D'ailleurs, des gens très compétents comme Yvan Blain, que je connais également, c'est un gars qui a pris son expérience sur la première ligne de feu. Il s'est fait tirer dessus comme président de syndicat — tirer dessus, pas physiquement mais sur le plan...

M. COURNOYER: Presque.

M. BURNS: Presque, oui, en tout cas ce n'étaient pas des armes à feu mais c'étaient des roches.

Le ministre sait cela. Mais on se demande, à ce moment-là, où on les recrute. On les recrute dans tel endroit, on les recrute dans les services de personnel des compagnies, on les recrute chez des permanents syndicaux qui gagnent entre $15,000 et $20,000. Il faut, à un moment donné, ajuster nos normes à cela. C'est tout. Ce n'est que cela, le problème.

Le problème, s'il n'était pas si général, je ne m'y intéresserais pas. Il est général parce qu'on le rencontre dans tous les ministères. Je vous parlais des inspecteurs d'autobus scolaires, que le ministre des Transports n'est pas capable de recruter parce que les mécaniciens sont plus payés que ce qui est prévu comme salaire pour ces gens-là.

Faisons face au problème une fois pour toutes et examinons-le. Ce n'est que cela que je dis. Et je dis qu'en passant à côté des normes, par une solution brillante, il n'y a pas de doute — le ministre a toujours des petites solutions brillantes comme ça pour passer à côté d'un problème; c'est d'ailleurs une des qualités d'un négociateur — je dis qu'en faisant cela, il ne contribue pas, à long terme, à régler le problème. Au contraire, il contribue à le perpétuer.

Là, il va dire: Moi, je suis satisfait. Moi, j'ai mon Gilles Laporte qui me sert, qui travaille très bien et qui fait exactement ce à quoi je m'attends de sa part. Mais pendant ce temps-là, les agents de main-d'oeuvre, on va les payer à des salaires de crève-faim, les conciliateurs, on va prendre...

Ce n'est pas une critique sur la qualité actuelle des conciliateurs ou même des commissaires-enquêteurs. C'est le même problème. Vous avez perdu mon ex-associé comme commissaire-enquêteur, qui était considéré comme un des meilleurs que vous n'ayez jamais eus, parce que vous n'étiez pas capable de payer l'équivalence de sa compétence.

Ce sont des choses comme ça qui arrivent à faire croire, à un moment donné, que les seuls qui vont accepter d'aller dans la fonction publique, ce sont les médiocres. Et cela, je pense que c'est dévalorisant pour l'ensemble de la fonction publique.

En passant à côté, cela règle peut-être votre problème immédiat, mais cela ne règle jamais le problème à long terme. C'est ce qui est malheureux.

Sur ces mots, M. le Président, je propose l'ajournement sine die.

M. COURNOYER: Jusqu'à quand?

M. BURNS: Cet après-midi —j'ai parlé avec le leader du gouvernement— il n'y aurait qu'une seule commission qui siégerait, apparemment, vu que le ministre du Travail et moi-même serions appelés à rester en Chambre à cause du projet de loi no 99. Ce serait probable- ment une autre commission. Je n'aurais pas d'objection, si le ministre est disponible, à continuer demain matin.

LE PRESIDENT (M. Picard): De toute façon, la commission ajourne sine die.

(Fin de la séance à 12 h 1)

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