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Commission permanente
du travail, de la main-d'oeuvre
et de l'immigration
Conflit ouvrier à United Aircraft
Séance du mercredi 6 novembre 1974
(Dix heures trente-deux minutes)
M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de
la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission parlementaire pour la séance de ce
matin sont les suivants: MM. Bellemare (Johnson); Bérard
(Saint-Maurice); Leduc (Taillon); Boudreault (Bourget); Burns (Maisonneuve);
Charron (Saint-Jacques); Lachance (Mille-Iles); Cournoyer (Robert-Baldwin);
Déziel (Saint-François); Tardif (Anjou); Bonnier (Taschereau);
Harvey (Charlesbourg); Marchand (Laurier); Roy (Beauce-Sud).
Nous allons continuer nos travaux et nous les suspendrons à 12 h
30, pour les reprendre, si nécessaire, après la période
des questions en Chambre, soit vers 16 heures pour aller jusqu'à 18
heures si nécessaire. Il n'y aura pas de séance ce soir. S'il
s'agit de continuer à un autre moment, l'annonce se fera à ce
sujet, si possible, cet après-midi, sinon ce sera une convocation pour
une date de la semaine prochaine ou plus tard, si c'est nécessaire. Je
n'ai pas l'intention de prévoir que la séance durera aussi
longtemps que cela. J'ai reçu une demande de la part de la Chambre de
commerce de la province de Québec pour se faire entendre. Je dois dire
immédiatement que nous sommes ici plutôt pour entendre les deux
parties dans le conflit, c'est-à-dire la United Aircraft Corporation, de
la part du patronat, et le local 510 des Travailleurs unis de l'automobile, qui
sont les deux parties dans ce conflit. Je ne mets pas de côté la
possibilité d'en entendre d'autres, mais pour la séance
d'aujourd'hui, nous allons certainement entendre les deux parties en cause.
Je ne crois pas que j'aie d'autres commentaires à faire à
ce moment, si ce n'est de vous remercier de vous être
présentés devant la commission. J'agis au nom de la commission
elle-même. Nous allons, à la suite peut-être de quelques
commentaires que nos membres voudront faire commentaires brefs, je pense
bien procéder à entendre les deux parties.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. LETOURNEAU (Jean-Paul): M. le Président, une question de
privilège, s'il vous plaît.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, un instant, sur quel point?
M. LETOURNEAU: Je suis le représentant de la Chambre de commerce.
Pouvons-nous nous attendre à être convoqués par la
suite?
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission en décidera. Nous
allons entendre les deux parties en cause. Ensuite, si nécessaire, ou si
désiré par la commission, nous entendrons les autres. Maintenant,
aussitôt que nous en entendrons une autre, à part les deux,
naturellement, il faudra aussi écouter ce que d'autres groupes auront
à nous dire.
M. LETOURNEAU: Par la suite, nous aurons le privilège de venir
faire valoir notre prétention à être entendus.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Si la commission le juge
nécessaire. On vous informera certainement de la décision de la
commission.
M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président. S'il y a d'autres parties
que les deux parties que vous venez de mentionner, nous pourrons faire valoir
notre droit à être entendus devant cette commission.
LE PRESIDENT (M. Séguin): En toute justice, je pense qu'il
faudrait prendre une décision dans ce sens.
M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président.
M. MORIN: M. le Président, là-dessus, je voudrais ajouter
deux mots. Tout le monde sait le respect que nous avons pour la Chambre de
commerce du Québec, mais il est bien entendu que, si nous ouvrons les
portes à la Chambre de commerce, beaucoup d'autres organismes, à
tout le moins aussi intéressés que la Chambre de commerce, vont
vouloir se faire entendre. Le risque, pendant ce temps, c'est que le conflit
continue de perdurer, que le conflit puisse même s'aggraver. N'oublions
pas non plus que nous avons à entendre parler d'un autre conflit fort
important, soit celui de la Canadian Gypsum. Alors, si nous ouvrons les portes
et que nous commençons à entendre toutes les parties qui ne sont
pas directement intéressées, les parties qui s'affrontent
à l'heure actuelle, et que nous tentons de départager, cela
pourrait nous mener à plusieurs semaines d'ici. Cela n'est pas
l'idée qui sous-tend la séance de ce matin. Tout le monde, ici,
est conscient de l'urgence qu'il y a à régler ce conflit. Ce
n'est pas pour rien que l'Assemblée a pris la décision qu'elle a
prise. C'est parce que vraiment nous avons un sentiment d'urgence.
Il ne faudrait pas ouvrir les portes de façon à faire
durer les séances deux semaines, trois semaines, ou un mois. Il faudrait
que ce soit réglé le plus vite possible. Je pense que les gens de
la Chambre de commerce peuvent facilement comprendre cela.
M. LETOURNEAU: Oui, M. le Président,
nous comprenons très bien que, si d'autres parties que les deux
que vous venez de mentionner sont entendues, nous aurons le privilège de
venir faire valoir notre droit à être entendus, parce que nous
nous considérons comme identifiés à des parties en cause
actuellement.
M. COURNOYER: Quand vous parlez d'autres parties, M. Létourneau,
de quoi parlez-vous au juste?
M. LETOURNEAU: Le président a mentionné
spécifiquement les deux parties en cause qui seraient entendues. Si
d'autres personnes que ces représentants directs de ces deux parties
viennent devant cette commission, je comprends que nous pourrons revenir devant
cette commission et faire valoir notre droit à être entendus.
M. COURNOYER: Je comprends bien que si c'étaient d'autres parties
que les deux parties vous dites: Nous aussi avons le droit d'être
entendus j'accepte cela facilement.
Si ce sont les Travailleurs unis de l'automobile, le local 510 avec le
représentant autorisé du local 510 et la compagnie United
Aircraft qui font leur présentation, c'est une tout autre discussion que
vous voudriez faire plus tard. C'est-à-dire que vous pouvez toujours
contester le principe de l'intervention gouvernementale, mais à d'autres
occasions que le cas précis de United Aircraft, sauf si d'autres
personnes venaient plaider dans le cas de United Aircraft. Je n'exclus pas la
possibilité que Gypsum et le syndicat des employés de Gypsum
viennent ici de la même manière que les employés de United
Aircraft et la compagnie United Aircraft. Les autres parties dont vous parliez
ne sont pas Gypsum et le syndicat des employés de Gypsum. Ce n'est pas
de ces parties dont vous parlez.
M. LETOURNEAU: Je comprends qu'il peut y avoir, par exemple, des
associations par voie de fédération, alors par voie de
"membership", sur le plan syndical et si cela existe et si vous les recevez,
à ce titre, nous aimerions être aussi reçus à ce
même titre; parce qu'une des parties est membre chez nous, et nous sommes
identifiés à cette partie dans le débat que vous allez
avoir.
M. COURNOYER: Très bien.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est tout cela que j'ai essayé
de dire tout à l'heure, mais apparemment, je me suis mal
exprimé.
M. LETOURNEAU: M. le Président, nous demeurons disponibles.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est cela. Merci. Nous demandons aux
représentants du local 510 des Travailleurs unis de l'automobile de bien
vouloir se présenter à la table et de faire valoir leur point de
vue.
On me dit que vous avez un mémoire assez volumineux. Je vous
demanderais de nous faire part de ce mémoire. Lorsque vous serez
prêts, messieurs...
Vous voulez bien, s'il vous plaît, donner votre nom et les noms de
ceux qui vous accompagnent. Je ne parle pas de tout le local 510. Je veux dire
les noms de ceux qui sont à la table.
Local 510 des travailleurs unis de
l'automobile
M. DEAN: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire, mon nom est Robert Dean, je suis directeur
québécois du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile,
syndicat qui groupe 1,700,000 membres en Amérique du Nord dont 100,000
au Canada et 13,000 membres au Québec.
Je suis accompagné de M. Claude Ducharme, représentant et
conseiller technique de notre syndicat, de notre conseiller juridique, Me
Gaston Nadeau, et éventuellement, il n'est pas ici avec moi, mais un
recherchiste nous accompagne, M. Jean-Guy Frenette.
Alors, au nom des grévistes de United Aircraft, je vous remercie
d'avoir convoqué les parties et de tenter d'apporter une solution
à ce conflit qui dure depuis si longtemps.
Le conflit de travail que vous avez à étudier aujourd'hui,
messieurs, est vieux de 20 ans. La campagne de recrutement de notre syndicat
auprès des employés des usines de la United Aircraft sur la rive
sud a en effet débuté en 1953 et une accréditation
syndicale n'a été émise par le gouvernement du
Québec qu'en 1963. Pendant cette campagne, l'employeur a
résisté, par tous les appareils d'intimidation et l'utilisation
de l'appareil judiciaire, par des mesures dilatoires, des contestations et tout
ce qu'un employeur vicieusement antisyndical peut faire pour empêcher les
travailleurs de se grouper en syndicat.
Accrédité en 1963, notre syndicat a réussi, en
1964, à conclure une première entente collective qui se
caractérisait par la faiblesse de ses clauses. C'était une
première convention collective tout juste, rien de plus. En 1967, les
travailleurs sont sortis en grève, mais, grâce au barrage inoui'
de lettres aux employés et à leurs familles, aux appels
téléphoniques par les cadres de la compagnie, à tout
l'appareillage d'intimidation aux entrées de l'usine, 3 l'utilisation
des caméras, des agents de sécurité et de l'injonction, la
compagnie a réussi à écraser la résistance des
travailleurs. Après sept semaines de grève, une deuxième
convention collective intervenait, provoquant l'humiliation des
travailleurs.
En 1970, au début des négociations, et à cause de
l'absence de toute forme de sécurité
syndicale valable, les négociateurs patronaux nous ont
informés que nous ne représentions plus la majorité des
travailleurs et qu'ils ne voulaient plus négocier avec nous.
Heureusement, nous gardions une majorité faible des travailleurs
dans nos rangs et, après de longues négociations, les
travailleurs, "un peu beaucoup" démoralisés de l'échec de
1967, ont accepté une troisième convention collective
basée sur la première offre patronale.
Mais, entre 1970 et le début des négociations en 1973, une
transformation radicale s'est produite chez les travailleurs de la United. De
jeunes militants se sont joints à ceux qui militaient déjà
depuis cinq ans, dix ans, quinze ans et vingt ans pour bâtir un syndicat
véritable. L'écoeurement des travailleurs face à un
régime de mépris et d'insultes constant des cadres donnait
naissance à un sentiment de révolte.
Le système salarial à la United comporte la soi-disant
"rémunération au mérite", qui prévoit quatre taux
de salaire pour chaque emploi, attribués au gré de l'employeur.
Ce système permet à un balayeur de gagner $0.14 l'heure de plus
qu'un autre balayeur et un outilleur peut gagner jusqu'à $0.37 l'heure
de plus qu'un autre outilleur. Ce système de favoritisme
systématique est également appliqué de façon
à exploiter le manque de sécurité syndicale dans l'usine.
Les non-syndiqués sont favorisés au détriment des
syndiqués. Le syndiqué ordinaire est favorisé au
détriment de celui qui accepte de défendre ses camarades de
travail à titre de délégué ou de dirigeant de la
section locale.
En mars 1973, une tentative unilatérale de la direction d'imposer
des équipes rotatives sept jours par semaine, pour remplacer un
système de travail du lundi au vendredi avec les fins de semaine
effectuées en travail supplémentaire, a cristallisé le
militantisme en un débrayage de protestation. A l'approche des
négociations, en août 1973, le militantisme et le recrutement
syndical s'accéléraient et s'accompagnaient d'une volonté
de faire face à la United une fois pour toutes.
United Aircraft est le plus grand fabricant au monde de moteurs à
réaction et à turbines destinés aux avions et aux bateaux.
Sa division Pratt & Whitney fabrique des moteurs pour les DC-8, DC-9 et
DC-10 de Douglas et les 707, 727, 737 et 747 de Boeing, entre autres. Dans ses
autres divisions, elle fabrique des hélicoptères (Sikorsky
Aircraft Division), des éléments électriques et
électromécaniques (Norden Division) et une gamme de pièces
d'avion, y compris des hélices, des unités de
réfrigération, des démarreurs et pompes hydrauliques
(Hamilton Standard Division). Je pourrais ajouter ce n'est pas dans le
texte qu'au cours de l'année 1973 la compagnie a acquis une autre
grande entreprise qui s'appelle Essex International Corporation qui fabrique
des filages électriques et de nombreux autres produits de nature
électrique.
Le gouvernement américain est le plus grand client de la United
on parle de la totalité de la corporation accaparant
approximativement 50 p.c. de ses ventes. Le reste de sa clientèle se
compose d'autres gouvernements et d'entreprises privées: constructeurs
d'avions, lignes aériennes, compagnies d'électricité et de
gaz.
Les ventes de la United Aircraft en 1973 étaient de $3.14
milliards et les profits après impôt étaient de $98.5
millions. Dans les six premiers mois de 1974, ses ventes étaient de
$1.71 milliard et ses profits après impôt, de $57.1 millions.
Des produits canadiens. La United Aircraft of Canada est une
société "canadienne" dont la compagnie mère contrôle
96.4 p.c. des actifs. Le dernier bilan de la compagnie rapporte 97.1 p.c. Les
moteurs produits aux usines de la United à Longueuil et à
Saint-Hubert sont uniques parce qu'ils sont destinés à des
hélicoptères et à de plus petits avions, mais
également parce qu'ils ont presque entièrement été
conçus, dessinés, construits, expérimentés,
perfectionnés et produits massivement au Canada par les Canadiens.
Il y a, aux établissements de la société à
Longueuil, 2,700 employés de bureau, techniciens, ingénieurs et
cadres non syndiqués. Au début de la grève, il y avait
aussi 2,500 travailleurs d'expérimentation et de production
syndiqués. Ces travailleurs sont, en grande partie, hautement
spécialisés, travaillent à des échelles de mesure
qui vont jusque dans les millionnièmes de pouce et la qualité du
travail effectué par la main-d'oeuvre à Longueuil et à
Saint-Hubert est supérieure à celle de toutes les autres usines
de cette entreprise géante.
On remarque le même phénomène chez la General
Motors, la Sicard à Sainte-Thérèse, la Firestone; c'est la
qualité de la main-d'oeuvre québécoise par rapport
à la main-d'oeuvre canadienne et américaine.
Les moteurs fabriqués à Longueuil, les PT-6 et les JT-15,
en plus d'être utilisés pour propulser des bateaux, des centrales
électriques, etc., sont principalement destinés aux constructeurs
de petits avions, comme Bell Helicopter de Fort Worth au Texas, Cessna et Beech
Aircraft au Kansas, DeHavilland à Toronto (qui fabrique surtout des
avions à décollage et à atterrissage court, qui
constituent la base de la politique aéronautique du gouvernement
canadien pour l'avenir), l'aérospatiale de France, Short Brothers en
Irlande. Les constructeurs d'avions de 38 pays du monde utilisent ces
moteurs.
Des conditions de travail généralisées. Notre
syndicat considère à juste titre que la United Aircraft, qui
accapare 70 p.c. de la production mondiale de moteurs d'avions, fait partie
intégrante de l'industrie aérospatiale, et que sa convention
collective, ses salaires et ses conditions de travail devraient refléter
ceux en vigueur dans l'industrie aérospatiale canadienne.
Ce fait a toujours été le point de départ dans la
formulation de nos revendications syndicales, lors des négociations
depuis 1964. Cependant, nous nous sommes trouvés au début des
négociations de 1973, après vingt ans d'efforts et trois
conventions collectives, avec des conditions, à United Aircraft du
Canada, qui faisaient honte à notre syndicat et à nos 2,500
membres travailleurs. Ces derniers, conscients de la complexité et de la
qualité de leur travail, se croyaient justifiés de revendiquer
des conditions de travail qui existent déjà presque sans
exception dans toutes les conventions collectives négociées dans
l'industrie aérospatiale au Canada par notre syndicat. Leur devise
était: "Nous ne demandons pas plus, mais nous n'accepterons pas
moins."
Les revendications formulées par les membres de la section 510
des Travailleurs unis de l'automobile pendant les présentes
négociations sont collées sur ce qui existe à la Douglas
Aircraft of Canada à Toronto, à la DeHavilland Aircraft de
Toronto et à Spar Aerospace de Toronto, pour n'en nommer que trois. Les
usines de United Aircraft à Longueuil font d'elle la deuxième
plus grande entreprise aérospatiale au Canada, ce qui justifie amplement
nos comparaisons.
Un retard humiliant. Au début des négociations en 1973,
les salaires payés pour les employés non
spécialisés et spécialisés de la United Aircraft of
Canada Limited étaient substantiellement plus bas que ceux payés
pour les mêmes métiers dans d'autres entreprises. A cause de cela,
la compagnie avait perdu, durant l'été et l'automne 1973,
au-delà de 200 hommes hautement spécialisés, qui sont
partis pour aller travailler à des salaires et à des conditions
nettement supérieurs dans des entreprises comme Air Canada, Canadair,
Rolls Royce, DeHavilland, Douglas, Spar ou autres.
Malgré dix ans de lutte... Après trois conventions
collectives et dix ans de lutte syndicale, les travailleurs de la United n'ont
toujours pas la progression automatique des salaires, système qui permet
à tout employé qui, après une période de temps
d'apprentissage, occupe les mêmes fonctions, de bénéficier
du même taux de salaire. Ceci existe dans toutes les industries
aérospatiales du Canada sans exception.
Après dix ans et trois coventions, les travailleurs de la United
n'ont toujours pas l'indexation de leurs salaires au coût de la vie, ce
qui existe déjà depuis fort longtemps à Douglas, à
DeHavilland et à Spar et que nous avons négocié lors d'une
première convention avec la société Aviation Electric
Limited de ville Saint-Laurent, filiale de la Bendix Corporation,
également une entreprise multinationale.
Après dix ans et trois conventions, les travailleurs de la United
n'ont toujours pas la sécurité syndicale, ni la formule Rand qui
oblige tout employé dans l'unité de négociation à
payer un montant équivalant aux cotisations syndicales comme
contribution pour les services reçus du syndicat mandaté pour le
représenter tel qu'exigé par la loi j'ajouterais un oubli
dans le mémoire ni la formule d'atelier syndical qui est la
formule d'adhésion obligatoire au syndicat après une
période stagiaire.
Après dix ans et trois conventions collectives, les travailleurs
de la United n'ont toujours pas leur mot à dire dans la fixation des
horaires de travail, ni le droit d'effectuer le travail supplémentaire
sur une base volontaire, ni un programme négocié d'apprentissage
dans les métiers spécialisés, ni un programme de
prestations supplémentaires de chômage qui complète les
prestations d'assurance-chômage lors de la mise à pied, ni le
régime d'assurance collective et l'assurance-maladie du Québec
payée à 100 p.c. par l'employeur, pas plus qu'ils ne
bénéficient des régimes de soins dentaires,
d'assurance-médicaments et assurance-incapacité à long
terme, ni un régime de retraite payé à 100 p.c. par
l'employeur et à des prestations égales à celles des
autres entreprises déjà nommées. Pourtant, toutes ces
conditions de travail énumérées existent et depuis fort
longtemps dans les autres entreprises majeures de l'industrie
aérospatiale canadienne, telles la Douglas, DeHavilland et Spar.
Un mandat clair. La dernière convention collective a
expiré le 21 septembre 1973. Les négociations se sont poursuivies
de façon intensive du mois d'août jusqu'à la fin de
novembre. La demande de conciliation n'a été faite qu'à la
fin de septembre et le droit de grève a été acquis le 28
novembre 1973. Le comité de négociation du syndicat fut
appuyé par un vote de grève, mais n'a pas mis en vigueur son
mandat de grève à cette date. Effectivement, les
négociations se sont poursuivies jusqu'au 8 décembre et l'offre
patronale fut soumise à une assemblée générale des
membres, qui l'ont rejetée à 92 p.c. (toujours par scrutin
secret).
Dans les semaines qui ont suivi, la compagnie n'a fait aucun effort pour
retourner à la table de négociation. Au contraire, elle a
commencé une campagne intensive de lessivage de cerveaux auprès
des travailleurs pour leur faire accepter son offre. Elle s'adressa directement
à eux en ignorant entièrement les dirigeants du syndicat. Des
lettres furent envoyées aux domiciles des employés et les cadres
les apostrophaient sur les heures de travail, mais en vain.
Les provocations. Le 18 décembre, la compagnie annonce qu'elle
met en vigueur les nouveaux taux de salaire et certaines conditions de travail
faisant partie de l'offre. Mais elle ne met pas en vigueur la fermeture de
l'usine entre Noël et le Jour de l'An qui faisait partie de son offre.
Dans son arrogance inouie, la compagnie établit un horaire de travail
supplémentaire pour le samedi entre Noël et le Jour de l'An et
profère des menaces aux travailleurs qui refusent de s'y conformer, ce
qui venait justifier davantage la revendication des travailleurs pour le
travail supplémentaire volontaire.
A la suite de certains événements dans
l'usine, le vendredi 4 janvier, la compagnie somme les employés
de se rapporter au travail le lundi 7 janvier par petits groupes et à
des intervalles de quinze minutes. Elle modifiait ainsi les horaires de travail
et justifiait la détermination des travailleurs qui réclament les
horaires de travail précis, écrits dans la convention collective
et modifiables uniquement par entente mutuelle entre les parties. On trouve
pareilles clauses dans les conventions collectives de Douglas, de DeHavilland,
de Spar et de bien d'autres.
United armée jusqu'aux dents. En face de ces provocations, la
grève est déclenchée le 7 janvier 1974. Et la compagnie
entreprend une campagne massive de lettres aux employés, de
publicité dans les journaux. Elle place des caméras de
télévision en circuit fermé aux portes de l'usine, des
batteries de photographes, des agents de sécurité armés et
accompagnés de chiens dressés. Notons que l'agence de
sécurité Garda est couverte par United Aircraft pour tout
accident, blessure et décès qui surviendraient aux gardes ou
à leurs victimes, dans l'exercice de leurs fonctions. Nous joignons
d'ailleurs à ce texte une copie du contrat qui en fait foi. Non contente
de s'armer jusqu'aux dents, la compagnie a poussé la provocation
jusqu'à faire visiter les grévistes par des cadres qui
manipulaient tantôt les promesses, tantôt le chantage. Nous avons
d'ailleurs obtenu une injonction interdisant à la compagnie ce genre de
pressions.
Après six semaines de grève, le ministère du
Travail convoque les parties et la compagnie formule une nouvelle offre
ridiculement semblable à l'offre précédente. Elle continue
d'y refuser les revendications que les travailleurs considèrent
essentielles. Soit dit en passant, dans une tentative d'éviter la
grève ou de l'écourter, le syndicat a accepté des offres
patronales qui demeurent inférieures à ce qui existe
déjà dans l'industrie aérospatiale canadienne, au chapitre
des régimes de retraite, du régime d'assurance collective, de la
formation professionnelle, des prestations supplémentaires
d'assurance-chômage et à bien d'autres niveaux.
Une sympathie généralisée. La nouvelle offre
patronale est soumise à une assemblée générale des
membres le 27 février. Elle est rejetée par scrutin secret dans
une proportion de 90 p.c. Cette assemblée est surveillée du
début à la fin par les caméras de télévision
et les journalistes. Ce sont ces derniers qui ont ouvert les boîtes de
scrutin et compté les bulletins. Cette assemblée et ce vote ont
mérité au syndicat des éditoriaux fort sympathiques dans
le Devoir et la Presse, dans les jours qui ont suivi. Des journaux, comme la
Gazette, ont également affirmé que les points en litige
étaient des points fondamentaux qui ne devraient pas faire l'objet d'un
conflit en 1974.
La lutte continue aujourd'hui sur les mêmes points. Au cours des
dernières semaines, il y a eu au Québec et dans tout le Canada
une attention des media d'information jamais égalée dans un
conflit de travail sévissant dans l'industrie privée. La presse
francophone et anglophone, dans tout le pays, les hommes politiques de
différents partis et de différents niveaux de gouvernement, le
maire de Longueuil, des députés provinciaux et
fédéraux ont exprimé leurs sympathies pour les
grévistes et pour leurs revendications légitimes. Tous disent
leur étonnement face aux agissements de cette entreprise qui refuse de
les accepter en 1974. Les évêques de la région
métropolitaine de Montréal, dans un geste sans
précédent, ont analysé les effets humains, familiaux et
sociaux catastrophiques qui accompagnent ce conflit et ont expressément
exprimé leur accord pour au moins quatre des six revendications qui font
l'objet du litige.
Les points en litige. Passons maintenant à l'objet du conflit au
moment où je vous parle. Il y a trois semaines, le ministre du Travail
du Québec a demandé au syndicat de formuler une nouvelle
proposition sur les points en litige. Ceci fut fait. Trois semaines plus tard,
nous attendons toujours une réponse, qu'elle soit positive ou
négative, de la partie patronale. Cette dernière n'a pas
daigné se manifester jusqu'à ce jour.
La durée de la convention collective. L'ancienne convention
collective a expiré le 21 septembre 1973. Déjà plus d'un
an a passé. A ce jour, dans les négociations et les tentatives de
médiation et d'enquête qui ont ponctué ce conflit, nous
avons toujours parlé d'une convention d'une durée de trois ans
à compter du 22 septembre 1973. Lors d'une contreproposition soumise
à un médiateur spécial du ministère du Travail en
mars, à la suite de l'assemblée des membres tenue le 27
février dernier, le syndicat a indiqué qu'il serait prêt
à accepter une convention collective de 40 mois, expirant en janvier
1977 au lieu de septembre 1976.
Dans la nouvelle proposition soumise au ministre du Travail du
Québec il y a trois semaines, le syndicat a indiqué son
désir de conclure une convention collective de trois ans à
compter du 1er octobre 1974. Tenant compte de l'année
écoulée depuis l'expiration de l'ancienne convention collective,
ceci veut dire que nous parlons maintenant d'une convention de quatre ans,
à toutes fins pratiques. Par ce fait, le contenant de la future
convention collective est substantiellement modifié.
La sécurité syndicale. Il y a deux formes de
véritable sécurité syndicale dans les conventions
collectives signées dans l'industrie privée: l'atelier syndical
prévoit que tout employé, après une période de
probation définie à la convention, doit devenir et demeurer
membre en règle du syndicat pour la durée de la convention
collective. Il est membre à part entière. L'autre forme,
communément appelée formule Rand, prévoit que tout
employé qui a accompli une période de probation définie
à la convention et n'est pas membre en règle du syndicat doit,
comme condition du maintien de son emploi, contribuer au syndicat par un
montant équivalant à la cotisation syndicale.
Le principe qui justifie ces formes de sécurité syndicale
est connu de tous. Tous les avantages négociés par le syndicat
à la convention collective doivent, en conformité avec la loi,
être accordés à tous les travailleurs faisant partie de
l'unité de négociation, qu'ils soient syndiqués ou non. De
plus, le syndicat est tenu par la loi de représenter tout employé
faisant partie de l'unité de négociation qui a un grief pour
violation de la convention collective, encore qu'il soit membre ou non du
syndicat. Partant de la fameuse déclaration qui a marqué la
révolution américaine: "Pas de taxation sans
représentation", nous disons que si tel travailleur doit être
représenté, il doit payer sa juste part et à part
égale avec ses camarades de travail.
Les recherchistes de l'université McGill nous informent que 85
p.c. de toutes les conventions collectives de travail régissant plus de
500 employés prévoient soit l'atelier syndical, soit la formule
Rand. Dans l'industrie aérospatiale canadienne, la Douglas Aircraft, la
DeHavilland Aircraft, la Spar Aerospace prévoient toutes trois l'atelier
syndical. Canadair prévoit une combinaison des deux. De petites
entreprises aérospatiales, dès la première convention
collective négociée par notre syndicat, soit Saunders Aircraft
à Gimli, Manitoba, et Bell Aerospace à Grand Bend, Ontario,
prévoient toutes les deux la sécurité syndicale. Une
première convention collective négociée par notre syndicat
avec Aviation Electric Limited de ville Saint-Laurent, filiale de Bendix
Corporation, prévoit l'atelier syndical parfait.
Dans plus de 80 conventions collectives négociées par
notre syndicat au Québec, on prévoit l'atelier syndical ou la
formule Rand ou une combinaison des deux. United Aircraft constitue la seule
exception.
La compagnie prétexte que c'est pour elle un principe
sacré qu'aucune personne ne soit tenue de payer pour travailler dans ses
murs. Elle n'a sans doute pas évalué le coût des sacrifices
que font présentement un millier de familles pour être
respectées par elle. Tous ceux, évêques, journalistes,
hommes politiques, éditorialistes, qui ont élevé la voix
au cours de ce conflit s'accordent sur la nécessité d'imposer
l'une de ces deux formules à la United Aircraft. Un. citoyen a-t-il le
droit de refuser de payer ses taxes sous prétexte qu'il n'a pas
voté pour le parti au pouvoir? C'est là le principe qui est en
jeu quand on parle de sécurité syndicale à la United
Aircraft.
Les horaires de travail. Les horaires de travail à DeHavilland,
Douglas et Spar entre autres prévoient en toutes lettres l'heure du
début et de la fin de chaque équipe de travail et
prévoient que tout changement dans ces horaires doit être
négocié et faire l'objet d'une entente mutuelle entre la
compagnie et le syndicat. Ceci fut notre demande à la United Aircraft.
Elle se dit prête à afficher les horaires dans les usines, mais
veut se réserver le droit de les changer unilatéralement,
laissant comme seule défense au syndicat le droit d'arbitrage. Un droit
d'arbitrage assorti d'une clause des droits de la direction qui lui conserve,
à la direction, le pouvoir exclusif de déterminer les horaires de
travail est absolument illusoire et sans effet.
Dans notre proposition modifiée et soumise au ministre du
Travail, il y a trois semaines, nous suggérons que les horaires actuels
demeurent et ne puissent être modifiés que par entente mutuelle.
Nous ajoutons cependant une clause qui permettrait des modifications, advenant
l'introduction par l'entreprise de nouveaux procédés de
production justifiant par leur nature (chimique, plastique) des horaires
continus, sept jours par semaine. Le syndicat accepterait de tels horaires si
les heures du début et de la fin du système étaient
négociées et décidées par entente mutuelle entre
les parties. Nous demandons en outre que les employés affectés
à ces horaires soient des volontaires ou, à défaut, des
employés nouvellement embauchés et que les taux de travail
supplémentaire, (temps et demi et temps double) s'appliquent lors de la
première et deuxième journées de congé de chaque
employé, ainsi que pour le travail effectué le samedi et le
dimanche.
Travail supplémentaire volontaire. A Douglas, DeHavilland et
Spar, le travail supplémentaire est entièrement volontaire.
L'homme n'est pas une machine. Tout en demeurant un employé loyal, il se
garde le droit de disposer de ses heures de loisirs pour son bien-être et
celui de sa famille. La seule obligation qu'a le syndicat, dans ces trois
entreprises, est de coopérer avec la direction pour essayer de trouver
la main-d'oeuvre qualifiée lorsqu'il y a un besoin de travail
supplémentaire. Soit dit en passant, il n'y a jamais de problème
pour trouver du monde pour faire le travail supplémentaire dans ces
usines.
Nous avons présenté la même demande à la
United Aircraft. Elle a répliqué, avec un système de
volontariat au premier tour qui prévoirait que, lorsqu'il n'y a pas
assez d'employés qualifiés pour effectuer le travail, elle se
réserve le droit d'imposer l'obligation d'effectuer le travail
supplémentaire. Le syndicat déclare sans crainte de se faire
contredire, que les employés de la United Aircraft, lorsque les besoins
et les problèmes urgents de la compagnie leur étaient
expliqués, ont toujours accepté d'effectuer dans le passé
des semaines allant jusqu'à sept jours de douze heures et de
quatre-vingt-quatre heures par semaine et ce, pendant des mois. La motivation
pécuniaire aidant, nous ne craignons pas que cette attitude
antérieure des employés de United Aircraft se modifie.
Cependant, le travailleur, comme homme, comme père de famille,
exige le droit, lorsque besoin est, de décliner le travail
supplémentaire sans crainte de mesures disciplinaires. A la demande du
ministre du Travail, le syndicat a soumis une modification de sa position
à cet
égard. Nous avons proposé, en vue d'un règlement
rapide du conflit, un système en vertu duquel le travail
supplémentaire serait obligatoire deux heures par jour, du lundi au
jeudi, tout travail supplémentaire devenant volontaire après dix
heures de travail effectué dans les journées du lundi au jeudi
inclusivement, après huit heures, le vendredi, et toutes les heures
travaillées le samedi et le dimanche.
Nous ajoutons que, lorsque ce système de volontariat sera en
vigueur, la compagnie, après avoir cherché les employés
qualifiés dans un département donné, pourrait en chercher
dans l'usine entière et, à défaut d'un nombre suffisant,
le syndicat reconnaîtrait à la direction le droit de faire
effectuer le travail supplémentaire refusé par ses membres par
les cadres de la compagnie. Ceci représente une modification
substantielle de la position antérieure du syndicat.
Salaires. Le syndicat avait à faire face à des
problèmes majeurs en matière salariale au début des
négociations en 1973.
Premièrement, le taux de salaire métier par métier
était de $0.60 à $1.15 l'heure inférieur au taux
payé couramment pour les mêmes métiers dans l'industrie
aérospatiale canadienne. La compagnie avait déjà perdu
quelques centaines de travailleurs hautement spécialisés qui ne
voulaient pas attendre le résultat des négociations après
de longues années de frustration. Se pose alors le problème de
rattrapage salarial.
Deuxièmement, il y avait le problème d'une augmentation
générale de salaire normale pour l'époque où on vit
qui tiendrait compte et de l'augmentation de productivité, et du
rattrapage mentionné ci-dessus. De plus, le syndicat croit que
l'écart entre le niveau 10 (le plus bas) et le niveau 1 (le plus
élevé) de l'échelle salariale est trop grand et qu'une
augmentation de salaire d'un montant uniforme pour tous les employés
serait dans l'ordre pour la formulation d'une nouvelle convention
collective.
Troisièmement, il y avait la question de l'indexation des
salaires au coût de la vie. Tel qu'en font foi certains documents qui
vous seront remis, l'indexation des salaires au coût de la vie, dans sa
forme la plus connue aujourd'hui, a été implantée par le
Syndicat des travailleurs unis de l'automobile à la General Motors il y
a plus de 25 ans. Depuis cette époque, cette formule s'est
généralisée dans les industries où notre syndicat
évolue, l'automobile, les équipements aratoires,
l'électronique et l'aérospatiale. Au cours des dernières
années et des derniers mois surtout, l'indexation des salaires au
coût de la vie est devenue chose courante dans une forte proportion de
conventions collectives négociées au Québec et au Canada.
Une clause d'indexation au coût de la vie, à raison d'un cent
l'heure d'augmentation de salaire pour chaque 0.4 ou 0.45 de majoration de
l'indice des prix à la consommation, existe depuis longtemps dans les
conventions collectives de la Douglas, De Havilland et Spar à
Toronto. Il s'agit de savoir que la Douglas et la Spar sont actuellement
en négociation pour le renouvellement de leur convention et que le
montant de l'indexation évolue vers un cent les 0.35 ou un cent les 0.3
du point de majoration à l'indice des prix à la consommation.
Un autre problème de la politique salariale à la United
Aircraft a été décrit plus haut: le système de
"rémunération au mérite". Dans l'échelle de
salaires à la United, on constate à chaque niveau de salaire des
taux N, J, R, P, T. Le taux J est le taux garanti pour chaque employé
titulaire d'une occupation; les taux R, P, et T sont acquis "au mérite".
De tels systèmes de rémunération "au mérite" sont
totalement désuets, non seulement dans l'industrie aérospatiale
canadienne, mais dans la plupart des grosses industries manufacturières
et autres. A Douglas, De Havilland et Spar, il n'existe pas de tels
systèmes; les employés progressent automatiquement avec le temps
jusqu'au taux fixé pour chaque emploi. Et même dans une
première convention collective à Aviation Electric (Bendix)
à Saint-Laurent, nous avons pu négocier un système de
progression automatique dès la première convention.
En réplique à ces revendications, la United a
répondu avec des augmentations de salaire basées sur des
pourcentages pondérés, a refusé de modifier le
système de rémunération "au mérite" et a
proposé un soi-disant système d'indexation qui n'en est pas un,
car il est tout à fait inadéquat pour corriger l'augmentation du
coût de la vie.
Depuis la première offre pécuniaire avant la grève,
la compagnie a très peu modifié son augmentation de la
première année et n'a fait que redistribuer les mêmes
montants d'argent, ou encore n'a fait que tenir compte du fait qu'un an s'est
écoulé depuis l'expiration de la dernière convention
collective.
Avant la grève, le syndicat proposait $0.85 l'heure pour la
première année, $0.30 pour la deuxième année et
$0.30 pour la troisième année de la convention, en
éliminant le système de rémunération "au
mérite" et en prévoyant une indexation des salaires au coût
de la vie, un cent par 0.4 de point de majoration de l'indice des prix à
la consommation avec comme base l'indice publié en septembre 1973,
ajusté tous les trois mois et sans plafonnement.
Il s'agit encore de souligner que nous avons demandé ce qui
existait déjà dans les anciennes conventions collectives et on ne
cherchait pas à faire du droit nouveau dans cette convention, à
cette époque.
Suite à la nouvelle proposition de la compagnie qui a
été rejetée le 27 février 1974 par les membres du
syndicat, le syndicat a réduit sa demande à $0.65 pour la
première année, rétroactifs au mois de septembre 1973,
$0.25 en septembre 1974 et $0.25 en septembre 1975, prévoyant
l'expiration de la convention collective en janvier 1977, soit une durée
de 40 mois. Le tout était évidemment accompagné de
l'élimination du système de rémunération au
mérite et du maintien de notre formule de l'indexation des salaires au
coût de la vie.
Le 26 juillet 1974, la compagnie a formulé une nouvelle
proposition qui n'avait comme effet réel que de tenir compte du temps
écoulé et d'avancer la date d'application des offres
déjà faites, toujours dans l'optique d'une convention de trois
ans, à compter de septembre 1973. Incidemment, cette offre n'a pas
été faite en négociation avec les parties, mais par
l'entremise d'un représentant du ministère du Travail.
Cette offre et les taux de salaire qu'elle représente pour les
employés peuvent être comparés aux taux présentement
en vigueur pour un certain nombre d'emplois précis à Spar,
DeHavilland, Douglas, Canadair et Air Canada, pour vous indiquer l'écart
qui existe encore entre les taux payés à la United et ceux en
vigueur dans les autres usines de l'industrie aérospatiale canadienne.
Cette nouvelle offre patronale continue à ne pas inclure
l'élimination du système de rémunération au
mérite, non plus qu'une véritable indexation des salaires au
coût de la vie.
M. le Président, pourrait-on faire distribuer des copies des
trois conventions des trois entreprises que j'ai nommées, avec un
tableau comparatif sur les cinq points de convention en litige qui vous
indiquent l'écart entre la dernière offre de la compagnie et les
taux de salaire ou les conditions sur les quatre autres points, en vigueur
à ces quatre entreprises qui ont des usines canadiennes?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Voulez-vous quelques minutes, en
attendant qu'on fasse la distribution? Voulez-vous attendre que la distribution
soit faite, puisque vous voulez, je suppose, faire référence
à ce petit livre?
M. DEAN: Je souligne aussi, M. le Président, messieurs, que les
trois conventions étant des conventions ontariennes, elles ne sont
disponibles que dans la langue de Shakespeare, je m'en excuse. On n'a pas pu se
permettre de faire la traduction de documents aussi élaborés.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, si vous le voulez bien.
M. DEAN: Juste pour vous situer. Vous voyez les articles:
sécurité syndicale, horaire, surtemps, indexation, et des
salaires de quatre métiers typiques dans ces usines, avec les conditions
et les références dans chaque convention collective, qui vous
permettraient de comparer les clauses existantes dans ces trois conventions, en
comparaison avec leur absence dans la convention de la United Aircraft.
Pour ce qui est des salaires, vous les voyez aux trois conventions de
Douglas, DeHavilland et Spar, un chiffre avec un plus et un total. Le plus
représente le montant actuellement accumulé en vertu des clauses
d'indexation des salaires au coût de la vie durant la vie de la
convention collective actuelle. Le taux total, dans chaque colonne,
représente le taux actuel de ces métiers et le taux marqué
pour la United Aircraft, c'est le taux J, c'est-à-dire le seul taux
garanti aux hommes qui occupent ces quatre métiers, en vertu de la
dernière offre salariale de la compagnie.
Si vous permettez, je vais continuer. Il doit être noté ici
que pour faire une proposition syndicale qui tiendrait compte de la proposition
patronale du 26 juillet dernier laquelle, à toutes fins pratiques,
incorporerait les augmentations déjà proposées pour
l'année 1973 et pour le mois de septembre 1974 le syndicat
nous devrions formuler la demande suivante:
Si la proposition du syndicat, après le rejet par les membres de
l'offre patronale du 27 février dernier, avait été mise
à jour au mois de septembre 1974, elle serait devenue les $0.65
mentionnés ci-haut, plus les $0.25 proposés par le syndicat pour
le mois de septembre 1974, pour faire un total de $0.90. Il faut aussi ajouter
l'augmentation du coût de la vie, entre les mois de septembre 1973 et
septembre 1974, l'indice des prix à la consommation étant de
169.6, tel que publié en septembre 1974, par rapport à 153.0,
publié en septembre 1973, soit un écart de 16.6 points. A raison
de $0.01 par 0.4 de point de majoration, cela représente $0.41
additionnels, soit un total global de $1.31 d'augmentation à compter du
1er octobre 1974.
C'est cela qui aurait été nécessaire pour mettre
à jour, en septembre 1974, la proposition syndicale soumise en
février, en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie
durant l'année et des $0.25 que le syndicat avait proposé pour le
mois de septembre 1974.
L'offre de la compagnie, en juillet 1974, selon ses
représentants, équivaut à une moyenne de $0.88 l'heure.
Malgré la légitimité de nos revendications
antérieures, à la demande du ministère du Travail, il y a
trois semaines, le syndicat a indiqué un changement majeur dans sa
position sur les salaires. Maintenant, dans le contexte d'une convention,
à toutes fins pratiques, d'une durée de quatre ans,
c'est-à-dire de trois ans à compter du mois d'octobre 1974 mais
avec un an déjà passé, le syndicat propose d'accepter, au
chapitre de l'augmentation générale de salaire, les taux
proposés par la compagnie le 26 juillet 1974, avec une augmentation de 5
p.c. le 1er octobre 1975 et une autre de 5 p.c. le 1er octobre 1976, pour une
convention qui se terminera le 30 septembre 1977. Accepter une moyenne de $0.90
ou de $0.88 quand on se croit justifié dans notre demande qui
représentait $1.31 constitue, à notre avis, une modification
substantielle à notre position antérieure, en vue de
régler le conflit le plus rapidement possible.
Nous reproduisons en annexe des tableaux qui illustrent
l'évolution de nos demandes salariales et des comparaisons avec des taux
de
salaires versés dans d'autres entreprises canadiennes de
l'industrie aérospatiale.
Indexation des salaires: Le syndicat maintient sa demande pour
l'indexation des salaires au coût de la vie en raison d'un cent pour
chaque 0.4 de point de majoration de l'indice des prix â la consommation
basé sur septembre 1974 et ajustable à tous les trois mois, sans
plafonnement. De plus, cette indexation sera plafonnée à un
niveau conforme à la réalité de l'augmentation du
coût de la vie à notre époque, un montant maximal de $0.32
du coût de la vie, la première année de la convention, de
$0.36 additionnels la deuxième année de la convention et sans
plafonnement à compter du 1er octobre 1976. Ceci constitue une autre
concession substantielle de principe et d'argent de la part du syndicat.
Montant forfaitaire. Le syndicat demande un montant forfaitaire de $500
pour chaque employé en grève lors de son retour au travail.
Le congédiement d'André Choquette. Une cause additionnelle
de litige dans le conflit est le congédiement d'André Choquette,
membre du comité de négociation et membre du bureau
exécutif de la section 510 des TUA. Au moment où M. Choquette fut
victime de cette sanction disciplinaire, vingt autres dirigeants et militants
du syndicat ont été suspendus, mais les suspensions de ces vingt
personnes furent retirées par l'employeur. Il s'est acharné
à refuser de retirer le congédiement de M. André
Choquette.
Le cas de M. Choquette est quand même englobé dans le
prochain et dernier point en litige, soit le protocole de retour au
travail.
Encore avec votre permission, M. le Président, on va vous
distribuer cela tout de suite. En même temps, M. le Président,
messieurs, on va vous distribuer aussi nos textes proposés dans la
dernière proposition au ministère sur les questions d'horaires de
travail, d'indexation, de travail supplémentaire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Avis
aux photographes, si vous voulez, faites cela assez vite, parce que c'est assez
difficile déjà avec une lumière en pleine face pour celui
qui lit de continuer son travail.
M. DEAN: Protocole de retour au travail. A la fin de toute grève,
il est normal de prévoir un nombre de conditions qui régissent le
retour au travail. On maintient l'ancienneté des grévistes pour
la période de la grève, on prévoit qu'il n'y aura pas de
discrimination, de représailles contre les employés pour des
gestes posés durant la grève, on prévoit le retrait de
procédures civiles qui auraient pu être intentées de part
et d'autre durant le conflit, on prévoit une méthode de retour au
travail et de nombreuses autres conditions. Le texte intégral de la
proposition syndicale du protocole de retour au travail que nous avons soumis
au ministre du Travail, il y a trois semaines, vous est remis avec ce document.
A cause de la nature particulière de ce conflit, je vous assure que le
document est plus long et plus complexe que d'habitude.
Messieurs, nous avons tenté, par le présent exposé,
de vous informer honnêtement et objectivement sur la situation à
la United Aircraft. A cause de sa position prédominante dans l'industrie
aérospatiale mondiale, nous soumettons que la United Aircraft est
capable d'accorder à ses employés, parmi les plus
spécialisés en Amérique du Nord, des salaires, des
conditions de travail et des bénéfices marginaux égaux
à ceux qui existent dans l'industrie aérospatiale canadienne en
général. Il ne faut pas oublier que la United est la
deuxième plus grosse usine dans cette industrie, au Canada.
Avant la grève, nous avons accepté à de nombreux
chapitres de la convention collective, des clauses parfois inchangées,
parfois améliorées, mais toujours inférieures aux clauses
semblables dans les autres conventions collectives dans l'industrie
aérospatiale canadienne dont je vous ai fait mention.
Le litige porte sur la durée de la convention, la
sécurité syndicale, les horaires de travail, le temps
supplémentaire, les salaires, l'indexation, le montant forfaitaire et le
congédiement de M. Choquette, ainsi que le protocole de retour au
travail.
A la demande du ministre, le syndicat a soumis une nouvelle proposition
dans laquelle il a modifié de façon substantielle ses positions
pour mettre rapidement fin à cette grève tragique pour des
milliers de familles, pour l'économie de la région et pour la
collectivité québécoise et canadienne. Trois semaines se
sont écoulées et nous n'avons rien entendu de la part de la
compagnie en réponse à ces propositions.
Les travailleurs impliqués ont loyalement tenté, par tous
les moyens prévus à nos lois ouvrières et nos coutumes,
d'en arriver à un juste règlement de cette convention collective:
la négociation, la conciliation, le retard pendant quatre mois de
l'exercice du droit de grève, la médiation, la médiation
spéciale, l'enquêteur spécial, la médiation
extraordinaire.
Cette compagnie étrangère, dont les dirigeants locaux ne
sont que des marionnettes téléguidées des Etats-Unis,
toute engraissée qu'elle est des millions de dollars de subventions et
de contrats de la part du gouvernement provincial et du gouvernement
fédéral, des forces armées canadiennes et de nombreuses
entreprises canadiennes, hydroélectriques, marines, lignes
aériennes, fabricants d'avions, propriétaires d'avions de tout
acabit, a démontré, du début à la fin, comme elle
l'a fait depuis vingt ans, le plus profond mépris de nos lois, de nos
coutumes de relations industrielles et surtout de ses ouvriers.
Si nous sommes véritablement citoyens d'un pays
indépendant et souverain, pouvons-nous accepter le fait qu'un groupe de
travailleurs accrédités en syndicat en vertu des lois de
notre
pays puissent être frustrés, bafoués,
méprisés, pendant vingt ans de temps dans l'exercice de leur
droit le plus strict et le plus fondamental, celui de se faire
reconnaître en syndicat et de défendre les justes revendications
des travailleurs?
Pouvons-nous admettre en pays libre et souverain que les travailleurs de
notre pays, syndiqués en vertu de nos lois, revendiquant des salaires et
des conditions de travail déterminés par eux, et personne
d'autre, puissent être bafoués et frustrés de façon
si arrogante dans la réalisation de leurs aspirations
légitimes?
Peut-on accepter que cette grève soit prolongée uniquement
pour permettre à cette compagnie de régler aux Etats-Unis
auparavant et de mieux nous isoler ensuite?
United serait-elle justifiée d'écraser l'organisation des
travailleurs chez nous sous prétexte que la force syndicale ne lui
oppose pas toute l'énergie qu'elle devrait aux Etats-Unis?
Le gouvernement québécois peut-il se faire complice de cet
impérialisme brutal par son inaction?
Cette grève, messieurs, est une grève de reconnaissance
syndicale. Cette grève a suivi sans succès tous les
mécanismes prévus par la loi et par l'initiative du
ministère du Travail. Cette grève n'a pas été
réglée et ne semble pas être réglable par les moyens
normaux.
Le gouvernement actuel du Québec vient de faire connaître
la nouvelle orientation qu'il veut donner à sa politique de
développement industriel, afin que la collectivité
québécoise soit respectée par les entreprises qui
s'établiront dorénavant sur notre territoire. Peut-il demeurer
inactif devant l'attitude antisociale d'une entreprise déjà
établie, mais qui, en fonction des énoncés de principe du
gouvernement du Québec, serait dorénavant empêchée
de s'établir et de poser chez nous les gestes qu'elle pose actuellement
impunément?
Les moyens normaux sont tous épuisés. La grève
continue. Vous avez le pouvoir moral et le pouvoir législatif,
messieurs, de mettre fin à ce conflit avec justice pour les
travailleurs. Vous êtes élus pour gouverner le Québec.
United Aircraft n'a pas ce mandat.
Des milliers de citoyens impliqués dans cette grève,
appuyés par d'autres milliers de travailleurs et de citoyens de
nombreuses autres couches sociales, ceux qui influencent l'opinion publique,
vous demandent, respectueusement, de gouverner.
Merci, Messieurs.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. Dean.
M. DEAN: Nous avons quatre autres documents, soit trois
éditoriaux de journaux, la déclaration des évêques
de la région métropolitaine de Montréal et un article de
la revue Relations sur l'indexation des salaires au coût de la vie. Nous
avons quelques pages annexes de notre document; je demanderais à notre
recher-chiste, M. Jean-Guy Frenette, de vous faire un tableau très
rapide de l'analyse à la fin de notre mémoire.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. Procédez
immédiatement.
M. FRENETTE (Jean-Guy): M. le Président, MM. les
députés, nous avons résumé ci-annexé, les
offres et les demandes salariales de façon schématique, mais de
façon juste et précise.
Comme vous le voyez dans la première annexe, les comparaisons
entre les demandes syndicales et les offres patronales datées du 7
décembre 1973... Le syndicat demandait, pour la première
année de la convention collective, une augmentation de $0.85 et des
augmentations de $0.30 par année pour les deux autres années de
la convention collective, ce qui représentait des augmentations
respectives de 22 p.c. pour la première année, 6.4 p.c. et 6 p.c.
pour la deuxième et la troisième année. L'offre patronale
consistait en une offre pécuniaire d'une augmentation de $0.53 la
première année, $0.30 et $0.39 la deuxième et la
troisième année, ce qui représentait 13.9 p.c, 6.9 p.c. et
8.4 p.c. d'augmentation.
De plus, le syndicat demandait une clause d'indexation de $0.01 par 0.4
à partir de septembre 1973. L'écart salarial était donc du
côté syndical une demande de $1.45 et une offre patronale de
$1.22, ce qui représentait une augmentation annuelle, moyenne, dans la
demande syndicale de 11.5 p.c. et, du côté patronal, une offre de
9.7 p.c. en moyenne, par année.
Dans le compromis du 15 février 1974, le syndicat réduit
sa demande de la première année de $0.85 à $0.65, ce qui
ne représente plus qu'une augmentation de 17 p.c. pour la
première année et réduit les demandes pour les deux
années successives à $0.25 par année, donc une diminution
à 5.6 p.c. et à 5.3 p.c. pour la deuxième et la
troisième année par rapport à la demande originale qui
était de 6.4 p.c. pour la deuxième année et de 6 p.c. pour
la troisième année.
D'autre part, la compagnie maintient son offre de $0.53 la
première année et augmente son offre de la deuxième
année de $0.30 qu'elle était dans sa première offre
à $0.33 en moyenne incluant l'indexation. Elle offre une augmentation de
$0.04 pour la deuxième année. Par contre, pour la
troisième année, alors qu'elle précisait dans sa
première offre $0.39, elle n'offre plus, en moyenne, dans la
troisième année, que $0.35; c'est-à-dire ce qu'elle donne
durant la deuxième année en plus, elle l'enlève dans la
troisième année.
De plus, dans la demande syndicale, à ce moment, le syndicat
accepte de diminuer, en gros, ses demandes pécuniaires de 2.2 p.c. et
retarde la clause d'indexation de dix mois. Comme on le voit, la compagnie,
dans sa deuxième offre, n'a pas bougé.
En troisième lieu, la situation qui existe à l'heure
actuelle au 5 novembre 1974. Le syndicat accepte les $0.90 qui sont devenus
maintenant une situation de fait, c'est-à-dire qu'au mois de juillet la
compagnie annonce qu'elle hausse le salaire moyen de $0.90. Le syndicat accepte
cette demande. Ceci couvre deux ans. C'est-à-dire que c'étaient
les demandes originelles du syndicat pour septembre 1974 et septembre 1975,
c'est-à-dire ses demandes de $0.65 et de $35 originellement. Le syndicat
accepte une diminution à $0.90 pour ces deux années et accepte,
encore une fois, une diminution des hausses pour les deuxième et
troisième années de la convention collective à 5 p.c. Ce
qui représente, à ce moment-ci, une augmentation annuelle moyenne
de 8.5 p.c. pendant quatre ans. Donc, le syndicat est parti, en
résumé d'une demande salariale moyenne de 11.5 p.c. par
année et il a diminué à 9.3 p.c. dans sa deuxième
demande et il diminue dans sa troisième à 8.5 p.c. en moyenne par
année.
Evidemment, il faut considérer on ne peut pas
l'évaluer que le syndicat, de plus, s'engage dans une convention
collective de quatre ans, c'est-à-dire qu'à partir d'octobre 1976
il aurait dû, nécessairement, y avoir une nouvelle
négociation, donc de nouvelles augmentations de salaire. En prolongeant
la convention collective d'un an, le syndicat économise
évidemment à la compagnie les demandes qu'il aurait dû
faire à l'expiration de la convention collective de septembre 1976.
Cette perte, de la part du syndicat, on ne peut l'évaluer, car on ne
peut savoir, à ce moment-ci, quelles auraient été les
exigences salariales du syndicat en 1976, compte tenu du rattrapage qu'il
fallait faire, etc.
Dans l'ensemble, le syndicat a continuellement diminué ses
demandes. De 11.5 p.c., il en est à 8.5 p.c. en moyenne par
année. De plus, il a laissé tomber une année d'indexation,
de septembre 1973 à septembre 1974 et il prolonge la convention
collective d'un an, ce qui représente, en octobre 1976, un gain
important pour la compagnie. Je vous remercie, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci. J'invite donc maintenant les
représentants de la United Aircraft à faire leur
exposé.
M. COURNOYER: Avant que la United Aircraft fasse son exposé,
j'aimerais mentionner quelle sorte de procédure nous allons suivre. Nous
avons entendu la partie syndicale sur l'aspect global du conflit. Nous
entendrons la partie patronale sur sa façon de présenter son
affaire ici. Immédiatement après, et j'espérerais que ce
soit pour cet après-midi, j'aimerais que les parties se répondent
mutuellement avant que les députés ne commencent à poser
des questions. Peut-être qu'il y a des choses que vous voyez pour la
première fois comme argumentation j'en doute, mais quand
même j'aimerais que vous répondiez à l'argumentation
de l'autre avant que l'on s'aventure dans des questions précises de la
part des députés.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande donc aux
représentants de la United Aircraft Corporation de présenter leur
mémoire.
Partie patronale
M. HEENAN (Roy): M. le Président, M. le ministre, messieurs les
membres de la commission, je suis un avocat, Roy Heenan, je suis le
porte-parole de la United Aircraft. United Aircraft est très contente
d'être ici pour pouvoir exposer, devant cette commission,...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! M. Heenan, est-ce qu'il y a
d'autres représentants qui auront à prendre la parole?
M. HEENAN: Ils ne prendront pas la parole. Nous avons les directeurs de
la production financière, etc., de la planification financière,
que je vais appeler pour m'aider à certains moments, mais je vais
exposer le point de vue de la compagnie en négociation.
M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'on peut savoir qui
l'accompagne?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, si vous voulez simplement les
nommer.
M. BURNS: C'est ça que j'aimerais savoir.
M. HEENAN: Nous avons plusieurs personnes. Ici, à ma droite, Me
Pierre Trépanier, de mon bureau, M. Paul Dion, directeur de la
planification financière pour la United Aircraft; Me Suzanne Thibodeau,
aussi de mon bureau, est à la table ici avec moi. Nous avons d'autres
messieurs de la United Aircraft qui vont, par la suite, nous appuyer avec des
chiffres et de l'information.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, procédez, s'il vous
plaît.
M. HEENAN: Comme je l'ai dit, nous sommes très contents de
pouvoir exposer ici notre point de vue, car on trouve surtout que quelquefois,
c'est un peu difficile que des positions soient transmises par la presse. Je
vous assure, messieurs les membres, que la United Aircraft m'a mandaté
ici pour essayer de répondre, à toutes les questions que vous
pourriez avoir et, par la suite, faire ouvertement la défense de sa
position.
Je pense qu'une des choses qu'il est très important de souligner
au début est la suivante. A United Aircraft, le nombre des
employés, avant la grève, était de 5,300 employés.
Il y avait 2,700 de ces employés qui sont des employés-cadres,
qui sont des ingénieurs, des
techniciens, des gérants, des contremaîtres, qui ne sont
nullement impliqués dans la grève. Avant la grève, il y
avait 2,600 employés à l'unité de production qui sont
maintenant en grève. De ce nombre de 2,600 employés, à la
suite de la grève actuelle, il y en a 300 qui ont
démissionné. Actuellement, à la United Aircraft, on a
4,500 employés qui travaillent. Je pense que c'est important de
souligner le fait que les 2,700 employés de la gérance ou des
ingénieurs-cadres n'étaient pas en grève. Une chose que je
veux souligner, c'est que, pendant toute cette grève, il n'y a pas eu
une seule mise à pied chez les employés de United Aircraft. Tous
les employés-cadres de production ont été
gardés.
Je pense que la suggestion du ministre du Travail était bonne,
qu'on ne réponde pas à ce stade à la documentation que
nous a présentée le syndicat, mais inévitablement, dans
quelques-unes de mes remarques, je vais être obligé de faire
référence à quelques faits qui se produisent dans ce
conflit.
D'abord, comme vous le savez, 90 p.c. de la production de la United
Aircraft sont destinés à l'extérieur, à
l'exportation. On joue dans un monde très concurrentiel. Nous sommes les
seuls fabricants de moteurs au Canada, tous nos concurrents sont à
l'extérieur, aux Etats-Unis, au Japon, en France. Ceci veut dire qu'on
joue dans un monde très concurrentiel. J'ai vu les commentaires du
syndicat et je pense que c'est important que ce soit mentionné. Ses
chiffres se basent d'après les firmes suivantes: Douglas, DeHavilland,
il a mentionné Spar, mais je vais faire exception. Je pense que c'est
très important de savoir ce qui est arrivé à ces
endroits.
Dans l'avionnerie canadienne, il n'y a vraiment que quatre compagnies
qui sont des manufacturiers soit de moteurs, soit de fuselages. Les quatre
sont: Douglas, DeHavilland, United Aircraft et Canadair. Les trois
premières compagnies de ces compagnies ont le TUA à la table de
négociation. La dernière fois que Douglas Aircraft s'est assise
à la table de négociation avec les TUA, il en est
résulté une grève de trois mois et demi. Le nombre des
emplois à la Douglas avant cette grève était de 5,000.
Actuellement, il y a 3,500 emplois et ça diminue. Je m'excuse, le total
actuel de Douglas est de 2,800 emplois; en d'autres mots, une perte de 2,200
emplois depuis la dernière négociation.
La dernière fois que la DeHavilland Aircraft s'est assise
à la table de négociations avec les TUA, il en est
résulté une grève de dix mois. Après cette
grève de dix mois, la situation financière de DeHavilland
était tellement précaire qu'elle a été
obligée comme vous le savez d'être prise en charge
par le gouvernement fédéral. Elle a été
sauvée financièrement, il n'y a pas tellement longtemps.
C'était la dernière fois, à la table de
négociations.
La dernière fois que la United Aircraft s'est
présentée à la table de négociations avec les TUA,
il y a eu une grève qui dure toujours.
En d'autres mots, dans le domaine aérospatial canadien, les TUA,
à la dernière table de négociations, a eu des
grèves de trois mois et demi avec une perte de 2,000 emplois...
M. ROY: En quelle année?
M. HEENAN: En 1972. Fin de 1971, commencement de 1972, M...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. HEENAN: C'était Douglas.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. HEENAN: DeHavilland en 1972, United en 1973.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous ferais remarquer que nous avons
convenu d'un certain règlement. Je demanderais aux membres de la
commission de placer leurs questions un peu dans l'ombre, pour le moment...
M. HEENAN: Je m'excuse, M. le Président, je pense que je n'ai pas
donné assez d'informations et je pense que les précisions
demandées étaient nécessaires.
Quand la Douglas a siégé, c'était à
l'automne 1971. La grève s'est terminée à la fin de 1971,
au commencement de 1972. Quand la DeHavilland s'est assise à la table de
négociations avec les TUA, c'était en 1972 et la grève
s'est terminée, si je me rappelle bien, vers la fin de 1972.
Notre grève a commencé en 1973. Maintenant, vous savez,
lorsqu'on nous compare à Douglas et DeHavilland, j'aimerais dire quelque
chose. Les taux de salaires, par exemple, à Douglas et DeHavilland, sont
supérieurs à ceux payés dans les Etats-Unis; même en
Californie, ils sont en dessus.
Donc, il est bien de dire qu'à Douglas et DeHavilland, on a les
meilleurs taux de salaires, mais s'il n'y a pas d'emplois; c'est bon d'avoir de
meilleures conditions, mais il n'y a pas d'employés et cela va à
la baisse.
On nous mentionne toujours, dans ce mémoire, comme étant
la deuxième industrie aérospatiale au Canada, mais effectivement,
nous sommes devenus la première, à cause des baisses des autres
compagnies.
Je pense que je dois faire le point sur la question de l'industrie
concurrentielle où nous sommes, car c'est une industrie. Si des erreurs
se font dans les finances ou dans les aspects financiers, les compagnies
peuvent disparaître entièrement. Tout le monde se rappelle le cas
de Rolls Royce en Angleterre, qui a fait des erreurs dans le coût de ses
moteurs et qui est descendue entièrement; elle était rendue en
faillite.
Arrow, c'est un autre exemple concret dans l'industrie canadienne. On
est dans un domaine très concurrentiel. Je remarque aussi que, dans
tous les chiffres ici, on ne nous compare pas avec les salaires de
Canadair, par exemple, qui est une compagnie tout à fait comparable,
dans la même région que nous et ayant des salaires très
comparables aux nôtres. Mais cette comparaison n'est pas faite.
Je pense qu'avant d'entrer sur chacun des points qui sont en litige, je
devrais faire le point qu'un des problèmes et je pense que c'est
bien relaté dans ce mémoire qui existent actuellement
à la United Aircraft, c'est le problème du "pattern" des TUA. Les
TUA le disent ouvertement: Ce qu'on essaie de faire, c'est d'avoir un "pattern"
et on essaie de l'amplifier où nous avons des conventions
collectives.
A la page 4 de leur mémoire, ils parlent des conditions de
travail généralisées. Ce qu'ils veulent dire, c'est que
lorsqu'ils négocient une convention collective, ils essaient d'avoir un
"pattern" et ils essaient de le généraliser.
Maintenant, cela est très intéressant, mais cela cause
bien des complications pour les compagnies qui sont en face de ce "pattern".
Après dix mois de grève, DeHavilland a accepté une
convention collective qu'elle ne voulait pas accepter, avec les
conséquences financières qu'on a vues.
Pour dire maintenant que cela devient le "pattern" de DeHavilland qu'on
devrait appliquer à toute l'industrie, est-ce que toute l'industrie va
être dans la même position que DeHavilland le fut après
avoir signé cette convention et après cette grève? Je ne
pense pas que ce soit le cas. Si vous regardez à la page 4, on parle de
toutes les conventions collectives négociées dans l'industrie par
notre syndicat.
Justement, M. le Président et MM. les membres de cette
commission, à l'université Queen's, il y a eu une étude de
faite sur les incidences de grève avec les TUA. C'était
rapporté dans le Globe and Mail, la semaine dernière. Et le titre
de cet article qui était rédigé par un
recherchiste, le professeur Lawrence Kelly, qui est le directeur des relations
industrielles pour le centre des relations industrielles de l'université
Queen's se lisait comme suit: Les membres militants des TUA et "Tops
union list for strikes". Le pire au point de vue de grèves, c'est qu'il
y a une grève à toutes les trois conventions collectives qu'ils
négocient. En d'autres mots, il y a eu une grève 34.5 p.c. des
fois qu'ils se sont assis à la table des négociations. Le
même président du syndicat, M. McDermott, a expliqué que
c'est peut-être dû à notre habitude de former un "pattern"
ou d'essayer d'avoir un "pattern" et de l'implanter dans l'industrie.
Donc, les commentaires, qui sont faits dans ce document, veulent nous
comparer, non pas à notre industrie, à Canadair, ou à des
gens comparables, mais aux conventions du "pattern" que les TUA ont
réussi à implanter dans d'autres usines. Je dois dire que,
d'après le tableau fait par le professeur Kelly, le syndicat des TUA a
eu... Le pourcentage, comme je l'ai dit, était de 34.5 p.c. dans toutes
leurs négociations, en faveur de la grève. La moyenne de tous les
syndicats était de 18 p.c. Le suivant, après les TUA, se trouvait
à être à un pourcentage qui était de 10 p.c. plus
bas.
Je souligne ces faits car, le procès, si vous voulez, de la
United Aircraft les journaux ont bien parlé de la compagnie
mais, jusqu'ici, je ne pense pas que personne ait examiné le
contrepoids de cela et le syndicat qui est en cause. Le syndicat des TUA, n'est
pas né à Montréal. Il a son siège social à
Détroit. Bien des conventions et bien des points en litige actuellement
viennent de General Motors et de Détroit. C'est une de nos
complications, pour nous qui fabriquons des moteurs d'avions. On n'est pas dans
l'automobile, on ne peut pas vendre de l'automobile. Nos produits ne sont pas
destinés aux consommateurs.
Comme vous le savez tous, la General Motors vient de signer une
convention, il y a un an. A cause des coûts, elle était
obligée de hausser le prix de ses voitures, cette année, de $350.
Tous ceux qui en achètent paient la différence.
Les moteurs d'avions, dans l'avionnerie, se vendent deux ou trois ans
à l'avance, sur un marché international, avec une concurrence
internationale, à des prix fixes. Donc, il faut qu'on puisse calculer
deux ou trois ans à l'avance nos prix pour pouvoir soumissionner. La
concurrence qui est faite ne vient pas du Canada, mais elle vient des
Etats-Unis, du Japon ou de la France.
Je pense que c'est très important car, quand nous faisons le
calcul, par exemple, quand on parle de l'indexation, on va voir que, pour la
United Aircraft, c'est essentiel de pouvoir savoir au cent la base sur laquelle
elle va soumissionner. C'est cela qu'elle essaie de faire. Si elle a
réussi, même pendant cette grève, à garder le nombre
d'emplois à 4,500 comme il l'est actuellement, elle pense que, dans les
prochains mois, cela va revenir comme avant, ou même dépasser le
nombre d'emplois d'avant.
C'était justement à cause du fait qu'elle a pu soutenir la
concurrence sur le marché international. Je veux expliquer quelles sont
les positions prises par la compagnie face à chacun des points que le
syndicat a énoncés. Je devrais dire, d'abord, pourquoi la
compagnie United a travaillé pendant la grève. Vous savez, bien
des gens nous reprochent ou reprochent à la compagnie d'avoir
travaillé pendant cette grève. Quel choix la compagnie
avait-elle? Elle avait 2,700 employés, des ingénieurs, des
cadres, des groupes techniques ou scientifiques. Elle avait l'option de tout
simplement fermer en attendant que la grève se règle et de mettre
à pied tout ce monde. Comme elle savait qu'à Douglas il y avait
une grève de trois mois et demi et à DeHavilland une grève
de dix mois, elle pouvait peut-être s'attendre au même sort. Ou
bien elle pouvait essayer de fonctionner. Elle a essayé de fonctionner
justement pour protéger les emplois ici au Québec, les emplois
non seulement techniques et de la direction, mais aussi dans
l'unité de négociation. Ici, actuellement, on a presque
autant d'emplois dans l'unité de négociation qu'on en avait
autrefois, car la protection s'était faite.
Il faut quand même qu'à un moment donné cette
grève se règle et qu'il y ait des emplois pour les
employés en cause. Je dois dire aussi que, pour ce qui est du fait de
travailler pendant une grève, ce que l'on nous a reproché, il y a
eu l'étude de la commission des relations de travail du Canada à
laquelle ont assisté le doyen Carruthers, le professeur Crispo,
l'abbé Dion et le professeur Woods. Ces messieurs, à la suite de
leur examen de la situation, ont dit ce qui suit: Comme nous l'avons
indiqué ailleurs, pour l'employeur, la sanction économique
équivalente à la grève n'est que rarement le lockout.
C'est plutôt sa capacité de faire face à une grève.
Nos remarques porteront donc, pour la plupart, sur la grève. Il est
important de noter toutefois que la capacité pour un employeur
d'encaisser une grève dépend pour une large part de sa
possibilité de stocker des marchandises en prévision d'une
grève et de son droit de faire appel à d'autres employés
et à un personnel suppléant pour accomplir le travail normalement
dévolu aux grévistes. Ces droits joints au lock-out constituent
pour l'employeur l'équivalent du droit de grève des travailleurs.
Il nous semble que les choses sont comme elles doivent l'être. C'est un
rapport qui date de quatre ans.
Maintenant, dans le cas actuel, j'aimerais exposer, expliquer la
position de la compagnie sur chacun des points en litige tels qu'ils sont
mentionnés ici. Quand je dis cela, on a mis dans l'information qu'on
vous a donnée une étude de l'enquêteur spécial
nommé dans le conflit par le ministre du Travail, M. Pierre Dufresne.
Vous avez ce rapport devant vous; on y fait un examen des positions prises par
les parties et surtout des dernières positions prises. Je souligne la
conclusion de cette enquête qui dit ce qui suit: En considération
de ce qui précède, il est conclu que la position des parties est
irréconciliable par la voie de la négociation, de la
médiation, mais ceci est plus important: il a commenté les
positions prises par les parties et il dit que la position de la compagnie
étant qualifiée d'intransigeante à l'égard de la
revendication de l'union concernant l'adoption de toute forme de la formule
Rand mais là il va plus loin et celle de l'union comme
exigeante, particulièrement à l'égard des horaires de
travail, le surtemps et l'arbitrage du cas de M. Choquette.
Dans la proposition que l'enquêteur spécial a faite
après son enquête aux parties et qui fut rejetée par les
deux parties, l'enquêteur trouve que sur les cinq premiers points, la
position de la compagnie devrait être acceptée par le syndicat et
seulement sur la question de la formule Rand, il a suggéré trois
modifications. En d'autres mots, aux pages 20 et 21 de ce rapport, vous allez
voir une proposition soumise par l'enquêteur, après étude
des positions des parties, où il nous dit: Nous pensons, après
étude, que la position de la compagnie devrait être
acceptée sur cinq points et celle du syndicat dans une modification de
la formule Rand.
Passons donc aux points, comme je l'ai dit, dont quelques-uns sont
déjà résumés par l'enquêteur spécial.
J'ai parlé un peu de l'historique, mais je vais d'abord passer aux
points qui sont en litige.
La question des salaires. La compagnie a soumis, en juillet dernier, une
offre salariale globale représentant un montant additionnel...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Juste
un instant.
M. BURNS: Je demanderais simplement à M. Heenan... Je ne veux pas
vous interrompre, mais, comme vous vous apprêtez à donner le point
de vue de la compagnie en réponse aux demandes syndicales, j'aimerais
simplement m'assurer que c'est la réponse de la compagnie, eu
égard à la dernière position syndicale, celle
exprimée par M. Dean tout à l'heure, et apparemment faite par
l'entremise du ministère du Travail, il y a trois semaines. On se
comprend?
M. HEENAN: Oui, M. le député, on se comprend. Ce sera
cette position. Je remarque cependant que, dans la position syndicale, par
exemple, elle n'a pas tenu compte de notre dernière offre, celle du
mois de juillet. Les comparaisons salariales, par exemple, sont toujours faites
en fonction de nos offres du mois de février. Il n'y a pas une
étude faite en tenant compte de notre offre faite par l'entremise du
ministère du Travail.
Maintenant, je vais cependant tenir compte de ce que le
député vient de dire et je vais répondre aux
dernières positions du syndicat.
La compagnie a soumis en juillet dernier une offre salariale globale
représentant un montant additionnel de $24 millions, répartis
à travers un contrat d'une durée proposée de trois ans, et
ceci bien que les opérations de la compagnie se soient soldées
par une perte de $3 millions en 1973. A cause de cette perte, il est un fait
également que la compagnie United Aircraft du Canada ltée n'a pas
fait de profit pendant cinq ans, les cinq dernières années, en
n'incluant pas les pertes de cette année à cause de la
grève.
L'augmentation en vigueur au mois de juillet 1974 représente une
augmentation moyenne de $0.88 l'heure le syndicat la qualifie comme
$0.90, mais, effectivement, c'est $0.88 l'heure une augmentation moyenne
approximative de 23 p.c. par rapport aux salaires en vigueur à la fin de
la convention collective. A ce moment-là, le syndicat refusa de
soumettre cette offre à ses membres, et cette offre n'a jamais
été présentée à ses membres. Le syndicat a
présenté récemment d'autres demandes salariales qui
ajouteraient $12.5 millions à ce montant de $24 millions, augmentant
ainsi de plus de 50 p.c. le coût de la dernière offre
substantiellement accrue présentée par la compagnie.
A l'heure actuelle, donc, la différence se trouve à
être $12.5 millions de plus que la dernière offre faite par la
compagnie, qui représentait une augmentation de 23 p.c. sur les salaires
payés en 1973 et ces 23 p.c, en 1973, comme je l'ai dit, ont
représenté une perte à la compagnie de $3 millions.
L'indexation des salaires. Le syndicat demande l'indexation des taux de
salaire à l'indice des coûts des prix à la consommation
sans plafonnement. En plus du salaire, évidemment, les 23 p.c. ont
été pris en prévision d'une augmentation de salaire. Cela
a été fait seulement au mois de juillet et on savait les
prévisions pour l'augmentation du coût de la vie.
En plus du salaire qui comporte déjà, évidemment,
une prévision pour les augmentations du coût de la vie, la
compagnie offre une indexation. L'indexation qu'elle propose sera faite deux
fois par année et, deux fois par année, elle est
plafonnée, cependant, à $0.08. Ce sont en plus des augmentations
de salaire qu'on prévoit pour chaque année et qui tiennent
déjà compte, en partie, d'une augmentation prévue.
Le résultat qui en découle est que la compagnie peut
très bien savoir ces coûts en soumissionnant et elle peut faire
des estimations pour les soumissions qu'elle est obligée de faire d'ici
deux ou trois ans.
Comme je l'ai dit, dans cette industrie, les compagnies qui n'ont pas
tenu compte de leur coût ont fait faillite ou ont subi une baisse
importante dans la production car immédiatement, il y a des compagnies
concurrentes qui peuvent faire face à cela.
Comme exemple, je vais vous citer un cas très intéressant,
celui de General Electric aux Etats-Unis. Cette compagnie entre en concurrence
avec nous pour des moteurs. Les employés de General Electric sont
membres du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile et ils ont une
convention collective qui ne contient pas une indexation des salaires, sans
plafonnement et qui ne contient pas une formule dite Rand. Cette convention ne
contient pas le genre de choses qu'on demande ici. C'est un concurrent direct.
On n'a pas de concurrent, évidemment, ici au Canada. Il n'y a pas
d'indexation, car cette compagnie elle aussi est obligée de
soumissionner deux ou trois ans à l'avance et il faut, à ce
moment, savoir quels sont les coûts de cette compagnie, sinon elle perd
ce marché ou elle risque de le perdre.
Les horaires de travail. A ce que je sache, à la United Aircraft,
en grande partie, les horaires de travail n'ont pas changé depuis 20
ans. Mais il faut savoir quelque chose. Il y a cinq usines comprenant, comme je
l'ai dit, 5,300 employés avant la grève. Dans ces cinq usines,
durant certaines périodes de l'année, les horaires sont un peu
différents. Exemple: Saint-Hubert et Longueuil ou le Plan 4 et le Plan
2. Et dans le cas du turbotrain au CN, à la gare centrale, on a
été obligé d'engager des employés à cette
gare pour faire l'entretien. L'horaire de ces employés était,
obligatoirement, celui des employés du CN avec qui ils travaillaient. On
a été obligé d'implanter cet horaire, cela a
été un changement d'horaire. Mais à part cela, aux usines
les horaires n'ont pas changé.
Nous avons dit que nous étions prêts à fixer un
horaire de travail, celui qui était là, dans chaque
département et de ne pas le changer. Si on était pour le changer,
on discuterait ouvertement avec le syndicat à l'avance, s'il n'y avait
pas d'entente. On pourra implanter la chose et aller tout de suite en
arbitrage. Cela sera à une tierce partie de décider si les
raisons qui motivaient la compagnie de changer les horaires de travail
étaient valables ou non et on sera lié par sa
décision.
Evidemment, nous n'avons pas accepté et c'était la
demande du syndicat que cela soit fait par entente mutuelle.
Messieurs, vous savez très bien, quand vous mettez une entente
mutuelle, ça peut être tout de suite un droit de veto. Vous ne
changerez pas sans notre consentement. Ce veto peut s'exercer pour toutes
sortes de raisons, non pas relatives seulement aux horaires de travail mais si
vous avez un grief en cours sur un autre sujet, on peut très bien vous
dire: Messieurs, on va accepter de modifier les heures mais vous allez
régler trois, quatre ou cinq cas de griefs. En d'autres mots, la
décision sur l'horaire n'est pas prise sur le mérite du
changement des horaires mais sur d'autres problèmes qui peuvent exister
entre les parties à ce moment-là.
Ce que nous disons, c'est que nous voulons que ce soit
décidé par un tiers, nous ne voulons pas poser un geste
arbitraire de la part de la compagnie United Aircraft dans cette
décision.
Si elle fait des changements, elle va en discuter, elle va donner toutes
les données au syndicat, va l'informer pleinement des raisons pour
lesquelles elle veut changer les heures de travail. S'il n'y a pas d'entente,
on procédera, prioritairement, à un arbitrage ou l'arbitre dira:
Oui, vous avez raison ou non, vous n'avez pas raison. Si on peut justifier que
les raisons qui motivent ce changement d'horaire dans une section quelconque de
l'usine sont valables, à ce moment-là on a le droit. Si on ne
peut pas le justifier, on n'a pas le droit et l'horaire restera. On prend un
tiers, ce ne sera ni entre les mains de la compagnie, ni du syndicat. Comme je
l'ai dit, dans les usines principales de la United Aircraft, les horaires de
travail n'ont pas chan-gé.
Maintenant, il y a un autre facteur qui est, je pense, très
important. On dit que la compagnie suit toujours les conventions collectives du
siège social. Ceci n'est pas exact. Je vais vous donner plusieurs
exemples dans cette convention collective qui sont tout à fait
différents mais celui qui me vient tout de suite à l'esprit,
c'est le droit de fonctionner sept jours par semaine. C'est un droit qui
s'exerce rarement, mais quand il y a
des machines, par exemple, qui coûtent un million de dollars, et
nous en avons deux ou trois qui sont de cette envergure, évidemment,
économiquement, c'est plus rentable que des machines comme
celles-là puissent fonctionner sept jours par semaine.
Ce que nous avons proposé au syndicat, à un moment
donné, c'était ceci: On veut fonctionner comme ça, on va
négocier avec vous la cédule que vous voulez, on va engager
d'autres employés, nous aurons quatre équipes pour fonctionner
continuellement, sur une base continue. La réponse du syndicat fut: Non,
on ne veut pas que vous engagiez d'autre personnel, nous ne voulons pas de
cédule continue. Vous n'avez jamais eu de problème avec le temps
supplémentaire, nous vous assurons que ce sera fait en surtemps et que
vous n'aurez pas de problème. Etant donné que c'était
quelque chose qui inquiétait, qui fatiguait beaucoup les employés
de la United Aircraft, nous semblait-il, la United Aircraft a dit: D'accord, on
va renoncer au droit de fonctionner sept jours par semaine, et nous avons
abandonné ce droit. Nous avons dit au syndicat, et nous avons une
lettre, une proposition à ce sujet : On ne va pas fonctionner sept jours
par semaine. Quand nous en aurons besoin, nous le ferons en surtemps.
C'était vu l'assurance donnée par le syndicat, que ce
serait fait en surtemps, et on nous a défendu, effectivement
d'engager une autre équipe d'employés pour faire face à
nos demandes.
Les propositions qu'on a faites sur les horaires de travail, on
n'était pas pour les changer sans qu'un arbitre les étudie
ensuite, l'enquêteur spécial, Pierre Dufresne. A la page 18, il
examine les propositions que la compagnie a faites là-dessus et il dit:
"L'offre patronale concernant les horaires de travail répond
partiellement aux revendications syndicales, comme suit: abrogation de
l'article 10.06 a) et b) qui était le droit de travailler sept
jours par semaine abolition des équipes de sept jours; tout
travail du samedi et dimanche aux taux de temps supplémentaire, y
compris les employés de la salle des chaudières et quarts
spéciaux; affichage des horaires de travail; changements pour raisons
valables discutés avec l'union une semaine à l'avance et sujets
à l'arbitrage; de tels griefs auront préséance sur les
griefs en cours." Dans sa suggestion, à la page 20, il constate,
"considérant que la position de la compagnie concernant les horaires de
travail comporte un certain compromis ayant pour effet d'améliorer
sensiblement les conditions de travail des salariés", il recommande,
comme vous le voyez à la page 21, "que la position de la compagnie sur
les horaires de travail soit acceptée", à la page 22, il qualifie
la demande du syndicat sur les horaires de travail comme exigeante. C'est
après étude des positions, pas les dernières positions du
syndicat car il ne les avait pas à ce moment-là les positions des
parties.
Je dois dire que la dernière position du syndicat sur ce point ne
me parait pas changée depuis le mois de février.
Sur la question du surtemps. Le syndicat parle beaucoup de surtemps
entièrement volontaire. Messieurs, durant la vie de la convention
collective en cours, sur la question de surtemps, on n'a eu que 34 griefs dans
les trois ans de la convention collective, dont 31 réclamaient plus de
surtemps et dont trois seulement se plaignaient qu'ils étaient
obligés de travailler en surtemps. C'était dans une convention
où le surtemps n'était pas volontaire. Il n'y avait que trois
griefs, dans les trois ans, de personnes qui se disaient lésées
à cause du fait qu'elles étaient obligées de travailler en
surtemps.
Comme je vous l'ai souligné tout à l'heure, la question,
pour la compagnie, de fonctionner sur une base de sept jours continus a
été abandonnée en vue de la position syndicale suivant
laquelle ils feront du temps supplémentaire. Pas de problème.
Mais une fois qu'on a cédé sur le droit de fonctionner pendant
sept jours, ils disent: On veut ça en temps supplémentaire, que
le temps supplémentaire soit entièrement libre. Un autre point,
la seule période où le temps supplémentaire fut
refusé, ce fut dans les trois derniers mois, lorsqu'on était en
négociation, quand le syndicat a dit à tout le monde une
grosse campagne d'intimidation fut conduite à ce moment-là
: Vous allez refuser le temps supplémentaire, ça va mettre
des pressions sur la compagnie.
En d'autres mots, on se sert de la question de temps
supplémentaire volontaire, pas pour que le gars puisse s'excuser, car on
n'a pas eu cette sorte de problème pendant trois ans de convention
collective, mais, à un moment donné, dans la période avant
les négociations, tout le monde refuse de façon
systématique, pour mettre la soi-disant pression sur la compagnie.
Quelle était la position de la compagnie sur la question du temps
supplémentaire? On a écrit un texte de deux pages qui se trouve
reproduit à la page 15 du rapport Dufresne. Encore une fois, on nous
accuse parfois dans les journaux d'avoir toujours suivi les conventions
collectives d'ailleurs. Ce texte, je vous l'assure, n'existe nulle part
ailleurs, cela a été fait ici, en tenant compte de nos
problèmes ici, du point de vue spécifique des problèmes
d'ici.
Ce que nous avons dit le texte se trouve là c'est
qu'on était pour faire le tour de tous les employés et demander
des volontaires. A ce moment-là, s'il y avait des volontaires comme nous
en avons toujours eus, pas de problème. S'il n'y avait pas eu de
volontaires, en procédant selon le système d'ancienneté,
on en venait aux plus jeunes.
On a dit: On regrette, mais il n'y a pas de volontaires, vous allez
être tenus de travailler en temps supplémentaire. Même
à cela, l'employé pouvait invoquer une raison personnelle,
familiale, majeure, et à ce moment-là, il pouvait se faire
excuser et on passerait au prochain. Comme je l'ai dit, c'est un peu
académique, car
on n'a jamais eu de problème de volontaires à ce jour sauf
quand le syndicat a arrêté le temps supplémentaire.
Voici ce qu'on a dit aux employés: Même à cela, on
ne peut pas exiger que vous travailliez en tant que plus jeunes dans le groupe,
à moins qu'on puisse vous avertir pour la fin de semaine, au moins le
jeudi précédent, et pour une équipe
régulière, si on ne peut pas vous le dire la journée avant
que vous finissiez votre tour dans l'équipe.
En d'autres mots, normalement, il n'y a pas de problème, car on a
toujours eu des volontaires. Si on n'avait pas assez de volontaires, on passait
aux plus jeunes. Eux, ils pouvaient se faire excuser pour raisons familiales.
On passerait aux prochains et on pourrait exiger qu'ils travaillent seulement
lorsqu'on pourra leur donner un préavis de deux jours pour la fin de
semaine et d'un jour pour le lendemain. C'était la formule, comme je
l'ai dit, qui occupe deux pages. C'est seulement pour protéger la
compagnie, quand elle a vraiment besoin qu'un travail soit fait. Après
tout, nous servons aussi nos clients. Si on ne peut pas donner de service
à nos clients, c'est le danger que cela cause à l'industrie.
Normalement, on n'a jamais eu le problème, à moins que le
syndicat ait mis une pression sur la compagnie. L'enquêteur Dufresne
commente la position de la compagnie et, à la page 18, il dit ce qui
suit: "L'offre patronale concernant la distribution de surtemps rencontre
partiellement les revendications syndicales comme suit: a) Distribution
équitable du surtemps parmi les employés qualifiés et
effectuant régulièrement le travail, b) Possibilité de
l'employé à qui le travail est offert de le refuser pourvu qu'un
nombre suffisant soit trouvé à défaut de quoi l'ordre
inverse d'ancienneté s'appliquera, c) Lors de telles assignations, les
employés seront informés avant la fin du quart
précédent et avant la fin du quart du jeudi pour du travail de
fin de semaine, d) Au besoin, la compagnie comblera ses besoins en s'adressant
à des volontaires qualifiés travaillant à l'entretien de
la section en question, e) Recours à la procédure de griefs, f)
Deux heures de surtemps maximum suite à une journée
régulière de huit heures".
En d'autres mots, on ne pourra pas exiger plus que deux heures,
même après toutes ces autres choses.
A ce moment, l'enquêteur spécial commente à la page
20 cette offre de la compagnie et dit : "Considérant que la position de
la compagnie, en ce qui a trait à l'assignation du surtemps, permet une
certaine latitude aux employés", il recommande, à la page 21, que
la position finale de la compagnie soit acceptée et il qualifie la
position syndicale, à la page 22, d'exigeante.
On revient maintenant, MM. les députés, aux questions de
la sécurité syndicale. Dans la convention actuelle, ce qui a
été proposé par ce syndicat est une formule de retenue
à la source pour tous les employés qui le veulent et qui ont
signé la carte; c'est irrévocable pendant la durée d'une
convention collective.
Avant le commencement de cette grève, on nous a informés
que le syndicat avait 92 p.c. de membres. C'était son chiffre. A ce
moment, c'est inexact de dire que la sécurité de ces
employés ou de ces syndiqués était en jeu. Il y avait 92
p.c. des membres qui étaient obligés de rester membres et de
continuer â payer pendant toute la durée de la convention
collective, sauf pour la période déjà prévue par la
loi qui est la période normale de maraudage.
Donc ce n'était pas vraiment une question de
sécurité du syndicat. La compagnie United Aircraft, je pense, a
expliqué sa philosophie sur la formule Rand qui se résume
à ceci: Le législateur, généralement, laisse la
grande majorité des employés libres d'être membres ou de ne
pas être membres du syndicat. On respecte le droit de chaque individu de
prendre ses propres décisions. S'il veut payer la cotisation syndicale,
il sera tenu pendant la durée de la convention collective, de la payer.
S'il ne veut pas, c'est une décision qui lui revient. On a dit que cette
philosophie vient d'ailleurs. H n'y a pas de doute que c'est une compagnie qui
croit beaucoup à ce principe, comme question de principe. La United
Aircraft a déjà expliqué elle-même que sa position
sur cela était que personne ne sera obligé contre son gré
de payer quoi que ce soit à une tierce personne pour travailler à
la United Aircraft. C'était la volonté de l'individu qu'on
respectait, et si l'individu a signé, c'est irrévocable pendant
la durée de la convention collective.
Je souligne que cela semble certainement le point de vue de la
volonté individuelle qui est reconnu par le législateur dans
notre code du travail, à la page... M. le Président, je remarque
que c'est proche de l'heure, je ne sais pas si vous voulez qu'on continue
ensuite.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous en avez pour combien de temps?
M. HEENAN: Encore dix minutes, peut-être.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Sans vous brusquer, encore une dizaine
de minutes, on va continuer.
M. HEENAN: Ou quinze minutes. Est-ce que ce serait plus simple que je
continue ou que je termine?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je ne voudrais pas, M. Heenan, ni vous
limiter, ni... Je pense que ce serait mieux de ne pas vous limiter au cas
où vous voudriez revoir vos notes pour vérifier si vous avez
oublié quelque chose ou si vous voulez revenir sur quelque chose.
Peut-être que si nous devions, à ce moment, suspendre nos travaux
jusqu'à 16 heures, cela vous permettrait à 16 heures de
reprendre...
M. HEENAN: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Séguin): ... à ce moment, on continuera
tel que convenu. Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Tout simplement avant la suspension, excusez, M. Dean...
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est vous qui avez demandé la
parole.
M. BURNS: Oui, mais c'est sur une autre affaire. J'allais parler d'une
autre affaire. Je ne sais pas si M. Dean veut parler de la United
Aircraft...
M. LABERGE: C'est juste pour vous dire, M. le Président, que si
on est pour répondre à la présentation de la compagnie, ce
serait préférable qu'elle termine maintenant pour nous donner au
moins l'heure du lunch pour y penser.
LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Laberge, je reconnais vos demandes
et tout cela, j'y suis très sympathique. D'un autre côté,
je constate qu'il est midi et demi. On a convenu, au début, qu'on
arrêterait à midi et demi. Il y a peut-être des gens qui ont
pris des engagements à ce moment-là pour l'heure du lunch et tout
cela.
Alors, je vous prie tout simplement de...
Oui, le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Maintenant que ce point-là est clair, c'est que ce
matin, au début de la séance, on a parlé des
employés de la Canadian Gypsum et du conflit à la Canadian
Gypsum. Ces gens-là, je ne sais pas s'ils sont encore ici, je pense que
j'en vois quelques-uns ici, peut-être que cet après-midi, ils n'y
seront pas. Est-ce que c'est bien clair, ce qu'on a dit, que quand on aura fini
d'entendre les gens impliqués dans le conflit United Aircraft, il y aura
une convocation immédiatement après, c'est-à-dire
quand...
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission en décidera
à ce moment-là.
M. BURNS: Au moment où la commission siégera pour ces
gens-là?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.
M. COURNOYER: La commission, c'est-à-dire que c'est la commission
parlementaire permanente du travail et de la main-d'oeuvre, c'est nettement mon
intention, si le conflit n'est pas réglé à la Canadian
Gypsum, lorsque nous aurons terminé avec United Aircraft, de convoquer
les deux parties pour faire le même exercice que nous faisons
actuellement avec les employés et la compagnie United Aircraft.
M. MORIN: Est-ce que, M. le Président, je pourrais demander au
ministre s'il a l'intention de procéder assez rapidement ou bien si la
convocation pourrait aller à une semaine ou deux ou...
M. COURNOYER: C'est-à-dire non...
M. MORIN: Quel est la calendrier qu'il prévoit suivre?
M. COURNOYER: Les seules limitations au calendrier du ministre
là-dedans, ce sont les travaux de la Chambre. Je ne suis pas
maître des travaux de la Chambre mais pour autant que je suis
concerné, je suis prêt à continuer l'exercice dès
que nous avons fini celui de United Aircraft.
M. MORIN: Très bien.
LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission suspend ses travaux
jusqu'après la période des questions.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
Reprise de la séance à 16 h 35
M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de
la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
Pour la séance de cet après-midi, les
députés suivants sont membres de la commission: Belle-mare
(Johnson); Bérard (Saint-Maurice); Saint-Germain (Jacques-Cartier);
Boudreault (Bourget); Burns (Maisonneuve); Charron (Saint-Jacques); Lachance
(Mille-Iles); Cournoyer (Robert-Baldwin); Déziel
(Saint-François); Houde (Limoilou); Harvey (Dubuc); Harvey
(Charlesbourg); Malépart (Sainte-Marie); Roy (Beauce-Sud).
Au moment où nous avons suspendu nos travaux pour le
déjeuner, Me Heenan avait la parole. Alors, voulez-vous continuer...
M. BOUDREAULT: M. le Président, n'y aurait-il pas lieu de nommer
un rapporteur de la commission?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous remercie de me faire remarquer
cela.
M. HARVEY (Charlesbourg): Je suggère M. Boudreault. Jean
Boudreault, député de...?
M. BOUDREAULT: ... de Bourget.
M. HARVEY (Charlesbourg): ... Bourget. ... depuis que la famille Laurin
l'a appelé.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, le rapporteur pour la
séance : le député de Bourget. Me Heenan.
M. HEENAN: Merci, M. le Président. J'avais commencé ce
matin à parler de la position de la compagnie concernant la
sécurité syndicale. J'avais seulement abordé la question
et je pense que je vais la reprendre entièrement.
La position de la compagnie sur la question de la sécurité
syndicale est la suivante: Que tout employé a la liberté de
décider librement s'il veut appuyer le syndicat et, s'il le fait, sa
liberté est entièrement respectée. La compagnie fait la
déduction des cotisations syndicales à la source et ces
cotisations sont irrévocables pendant la durée de la convention
collective.
Donc, je disais que le syndicat estimait le nombre de ses membres
syndiqués entre 85 p.c. et 92 p.c. et, étant donné que
tout ce monde était obligé de continuer ses cotisations
syndicales pendant la durée de la convention collective, il
n'était pas du tout question de la sécurité syndicale.
Ce que le syndicat vise n'est pas sa sécurité mais il vise
les cotisations des 7 p.c. qui ne veulent pas payer ou qui n'ont pas librement
décidé de payer.
C'est une question de principe que la compagnie adopte.
La compagnie dit: Pour nous, tout le monde qui travaille chez nous est
entièrement libre et ne sera pas obligé de payer des cotisations
syndicales à un syndicat, à une fraternité ou ailleurs,
à une agence de placement ou à qui que ce soit.
Je pense que, dans la loi du Québec, on reconnaît
implicitement cette liberté. Si on prend le code du travail, par
exemple, on voit l'article 3. L'article 3 prévoit que "tout
salarié a droit d'appartenir à une association de salariés
de son choix" et d'y participer. Cela lui donne également le droit de ne
pas y appartenir. L'article 12: "Nul ne doit user d'intimidation ou de menaces
pour amener quiconque à devenir membre, à s'abstenir de devenir
membre ou à cesser d'être membre d'une association de
salariés ou d'employeurs, ni pour amener un salarié à
signer, à refuser, à révoquer ou à rétablir
une autorisation de retenir un montant sur son salaire comme cotisation".
Encore la liberté, on ne pourra pas forcer quelqu'un à signer des
autorisations. A l'article 38 encore, qui est plus récent, le
législateur a voulu qu'un employeur soit tenu d'honorer l'autorisation
écrite volontaire et révocable, en tout temps, donnée par
tout salarié, membre d'une association accréditée, de
retenir mensuellement un montant spécifié comme cotisation
à prélever sur son salaire au bénéfice de cette
dernière. Evidemment, cela est révocable. Encore, le
législateur consacre le principe de la liberté de l'individu d'en
décider.
Quant à ce point, dans notre convention collective, par
convention, par entente à la suite de négociations, il a
été convenu que les employés qui avaient signé,
soit les 92 au maximum d'après l'estimation des syndicats, n'avaient pas
le droit de révoquer. Donc, il n'est pas exact de dire que le syndicat
était faible ou était en danger de disparaître. Je souligne
que la même pensée a été adoptée partout en
Amérique du Nord, dans toutes les autres provinces du Canada, en
incluant le gouvernement fédéral, sauf au Manitoba. C'est le seul
endroit où le législateur n'ordonne pas la liberté de
choix. C'est le seul endroit où le gouvernement NPD a
décidé une forme différente, mais dans toutes les autres
législations cette liberté est respectée. D'ailleurs, la
question de la formule Rand on appelle la demande du syndicat la formule
Rand mais je pense qu'il y a une énorme confusion à ce
sujet.
La formule Rand telle que conçue par l'honorable juge Rand ne
comprenait pas uniquement la retenue syndicale à la source, mais faisait
partie d'au moins six autres conditions visant à assurer la
démocratie syndicale. Pour en citer des exemples, de ce qui faisait
partie intégrante de la formule Rand je les cite car on les
oublie quelquefois pas de grève générale ou
partielle avant un vote, 1) par scrutin secret, 2) surveillé par le
gouvernement, 3) parmi tous les employés auxquels la convention
collective s'applique, donc, membres ou pas du syndicat.
Cela n'existe presque nulle part maintenant, que les employés qui
ne sont pas membres du syndicat aient l'occasion de s'exprimer, qu'il y ait un
vote par scrutin secret, après les dernières offres, et
surveillé par le gouvernement.
Deuxième point, le syndicat dénoncera toute grève
illégale ou qui n'a pas été autorisée
conformément à la condition ci-dessus et déclarera que
toute ligne de piquetage est illégale et qu'elle ne lie pas les membres
du syndicat.
Troisième point, tout employé qui participera à une
grève illégale perdra un an d'ancienneté, pour toute
semaine ou partie de semaine où il s'absentera ainsi de son travail et
payera une amende de $3 c'est automatique, selon l'article 46
pour chaque journée d'absence.
Quatrième point, une grève illégale que le syndicat
n'aura pas dénoncée entraînera la perte de toutes les
retenues à la source pour pas moins de deux mois et pas plus de six
mois. En d'autres mots, si un syndicat acceptait une grève
illégale ou ne la dénonçait pas tout de suite, il perdait
toute retenue à la source pendant une période de deux mois
à six mois et ça, le juge Rand l'a laissé au choix de
l'employeur. Mais pas moins de deux mois. Le dernier point, dix mois
après l'entrée en vigueur de la convention collective, 25 p.c.
des employés pourront exiger que le ministre du Travail tienne un
nouveau vote au scrutin secret pour décider si le syndicat continuera
à agir comme agent négociateur des employés. En d'autres
mots, après dix mois, les employés auront, à la demande de
25 p.c., le droit de décider si le syndicat sera remplacé par un
autre ou agira comme agent négociateur tout simplement.
Dans la situation actuelle à la United Aircraft, il y a un autre
problème qui se pose à cause de ce qui se passe actuellement. Il
y a déjà, sur les 2,600 ou les 2,400 emplois qui existaient,
1,700 employés de retour au travail, dont la moitié du syndicat,
1,100 y sont déjà retournés.
Forcer la formule Rand voudrait dire qu'on l'imposerait aux 1,700
personnes qui n'ont pas voulu la retenue à la source, ce qui est
beaucoup plus que la majorité des employés. Vous remarquerez que,
ce matin, j'ai mentionné le chiffre de 1,800, et maintenant, je parle de
1,700; la raison, c'est qu'il y a environ quatre-vingt employés qui
n'ont pas démissionné du syndicat et qui n'ont pas
révoqué leur cotisation. On respecte leur liberté de faire
cela. C'est le principe de la compagnie, savoir qu'elle respecte la
liberté de l'individu.
Le point le plus important peut-être, M. le Président,
c'est que, dans le cas de la dernière augmentation de cotisation
syndicale, pour nos employés à la United Aircraft, c'était
en 1968. La décision de changer la cotisation syndicale a
été faite à Détroit, d'après la constitution
internationale du syndicat.
Elle fut soumise à un vote des employés membres du
syndicat à la United Aircraft. La majorité de ces employés
ont refusé le changement lors de cette assemblée et ont
voté contre l'augmentation et le changement de cotisation syndicale.
Nonobstant le vote parmi les employés de la United Aircraft, la
lettre datée du 23 février 1968 fut envoyée à la
compagnie par le syndicat, demandant peu importe ce que les
employés avaient voté que la compagnie impose la nouvelle
forme pour être en règle avec la constitution des TUA à
Détroit.
Je lis la lettre qui vous a été remise. Elle est
écrite en anglais; je la lis donc en anglais. Elle venait du local 510,
le Financial Secretary UAW, local 510, à la United Aircraft. Elle est
datée du 23 février 1968: "Dear Sir,
Please be advised that due to recent modifications to the Constitution
of the International Union, the monthly union dues are now established at an
amount twice the straight time hourly rate of pay earned by each individual
member.
In accordance with the provisions of article 4 of the labour agreement
now in effect, we are therefore requesting you to deduct monthly, as of April
the first, 1968, from the pay of each employee, instead of $5, an amount equal
to two hours of pay on the basis of the last straight time hourly rate earned
by each individual employee during the pay period from which earnings the union
dues are deducted".
Je souligne que c'était après le vote tenu à
l'assemblée des employés de United Aircraft, membres des TUA,
refusant cette demande. Mais, quatre jours plus tard, la lettre est venue quand
même. Cela a évidemment mis la compagnie dans une position assez
difficile, car elle savait, elle était au courant que les
employés avaient voté contre cet amendement en assemblée,
mais elle a reçu quand même la lettre disant que la constitution
internationale exigeait cela.
La compagnie, à ce moment, a refusé la demande telle que
faite ici et s'en est tenue à la convention collective qu'elle avait
signée. Pour tout le monde, la retenue, qui était
évidemment irrévocable, était de $5 et on a
continué cela jusqu'au changement par négociation. Ce changement
fut fait par négociation et fut, par la suite, approuvé par les
employés deux ans plus tard. Mais la demande est venue, nonobstant le
vote de tous les employés de United Aircraft, en majorité, le
refusant.
Je souligne cela comme un point, à savoir comment contre leur
gré, leur cotisation syndicale peut être augmentée ailleurs
et pas dans leur localité et parmi les employés locaux qui sont
assujettis à cette condition. Dans bien des cas, dans les autres
syndicats, une lettre est venue de Toronto, de Détroit, de Washington ou
d'ailleurs, disant tout simplement: Amendez les cotisations syndicales, les
nouvelles sont celles-ci, sans même qu'il y ait eu un vote parmi
les membres. Assujettir ceux qui ne veulent pas appuyer
financièrement le syndicat à des choses ou des décisions
qui peuvent être prises ailleurs et changer tout le système de
cotisation syndicale, paraît injustifiable à la compagnie.
Je pense, M. le ministre, à la question de la
réintégration de M. Choquette, et je voudrais juste ouvrir une
parenthèse sur la question de la formule Rand. Je m'excuse, je devrais
dire, comme je le dis dans tous les autres cas, que la position de la compagnie
fut soumise à l'enquêteur spécial, M. Dufresne, qui a
trouvé la position de la compagnie intransigeante sur ce point. Je
souligne cela car, tout au long de toutes nos prises de position, j'ai toujours
introduit ce que pensait l'enquêteur spécial nommé par le
ministre.
La position sur laquelle la compagnie s'appuie, l'argument dans le
rapport Dufresne sur cela est que, d'après le sondage de McGill
McGill ne tient pas compte de toutes les conventions collectives, mais
seulement d'un certain nombre il y avait, je pense, 15 p.c. des
personnes qui ne payaient pas la cotisation. On tire de cela l'argument que
c'est accepté par l'employeur dans 85 p.c. des cas. Je pense que ce
serait plus exact de dire que ce n'est pas une question d'acceptation par
l'employeur, mais que bien des employeurs ont abandonné ce principe
à la table des négociations pour des raisons de force
économique. Il y a bien des ateliers syndicaux et des ateliers
fermés dans des conventions collectives. Ce n'est pas que l'employeur
ait tellement accepté le principe comme étant le bon, mais
qu'à la table des négociations, en présence de la force
des parties, il a décidé que c'était mieux de lâcher
sur ce point. Je pense que c'est important de faire valoir ce point. Ce n'est
pas exact que ce soit accepté volontairement par 85 p.c. des employeurs
dans le cas des études de McGill mais il reste qu'à la table des
négociations, ils ont décidé d'abandonner la lutte sur ce
principe. La plupart des groupes patronaux, je pense, appuient toujours le
principe de la liberté individuelle.
Sur la question de la réintégration de M. Choquette, M.
Choquette fut congédié avant le début de la grève.
Je peux relater en détail exactement ce qui est arrivé. Pour vous
donner une idée, quand il était sous suspension, étant
donné qu'il ne suivait pas les ordres de ses contremaîtres, il
refusait de se soumettre à l'autorité de son contremaître
et il est entré à l'usine de United Aircraft par effraction.
Il a cassé la porte d'entrée pour pénétrer
où il n'avait pas le droit d'être. Avec un autre, il a pris des
ciseaux, des pinces, il a coupé la propriété de la United
Aircraft, il s'est emparé de choses et il a ouvert l'usine à un
certain moment, sans suivre d'ordre, et, entre-temps, il a intimidé
d'autres personnes. Ce sont quelques-uns des reproches qui sont faits à
M. Choquette et l'employeur dit: Quelqu'un qui ne veut se soumettre ni à
l'autorité de son contremaître, ni aux règlements internes
de la compagnie, ni aux lois de la province, et qui entre par effraction, on
pense qu'on devrait le congédier. On a pris cette décision, mais
on n'a jamais dit: On n'est pas prêt à soumettre son cas à
l'étude devant quelqu'un d'impartial. On a toujours dit, dans le cas de
M. Choquette: On est prêt. Nous avons compris et nous voulons que son cas
soit étudié à l'arbitrage, comme n'importe quel autre
congédiement, selon les termes de la convention collective, et que
l'arbitre décide si la compagnie avait raison ou non de congédier
M. Choquette.
Maintenant, je devrais dire que la réponse que nous avons eue du
syndicat était la suivante, et c'est au mois de juillet que nous avons
eu cette réponse de deux sources: Avant qu'on soumette n'importe quelle
proposition à nos membres, vous allez d'abord accepter la formule Rand
dans les termes de retenues obligatoires et vous allez réintégrer
M. Choquette. Avant qu'on soumette n'importe quelle offre aux membres. Si vous
nous faites une offre sans cela, vous perdez votre temps, elle ne sera pas
soumise à nos membres! Elle ne sera pas soumise aux employés!
C'était une position qui nous fut formellement donnée vraiment,
comme condition de présenter l'offre de la compagnie aux
employés: il fallait d'abord ces deux choses.
Effectivement, la dernière proposition de la compagnie n'a jamais
été soumise aux employés. Le dernier vote fut tenu au mois
de février et la dernière offre de la compagnie au mois de
juillet.
Les autres demandes du syndicat.
M. COURNOYER: M. Heenan, est-ce bien le mois de février, ou le
mois de mai?
M. HEENAN: C'était au mois de février ou au commencement
de mars. Je pense que c'était le 22 février. C'était
peut-être le 2 mars, mais je pense que c'était à la fin de
février. C'était le 22 février, oui.
Depuis ce temps, il n'y a pas eu de vote. Notre position a au moins
changé à deux occasions depuis ce temps, mais l'offre n'a jamais
été soumise aux employés pour qu'ils en
décident.
Je vais revenir, en réponse plus tard au mémoire de la
partie syndicale, sur la façon dont ces votes ont été
pris, car pour répondre à cela, je pense qu'il faut se situer
dans le contexte dans lequel ces votes ont été pris. Mais, depuis
le mois de février, il n'y a pas eu de vote, malgré les
changements majeurs dans la position de la compagnie.
Les autres demandes du syndicat qui restent dans un document qui nous a
été transmis, surtout le document de retour au travail. D'abord,
une demande qui m'a surpris un peu en l'examinant car cela semble
contredire tout à fait l'argumentation que le syndicat fait sur la
formule Rand c'était qu'il y aura un
montant de $500 payé aux personnes qui sont en grève,
seulement, non pas aux autres employés, mais seulement à ceux qui
sont toujours en grève. Donc, je pense qu'il est inexact de dire qu'un
syndicat ne peut pas négocier des conditions spéciales pour un
groupe d'employés contre un autre groupe d'employés. Ici, une des
conditions qu'il nous pose, c'est que vous allez payer à tous les
employés qui sont toujours en grève $500 et rien aux autres,
seulement à ces messieurs. C'est une condition et c'est un
exemple des sortes de conditions qui peuvent être négociées
à la table de négociation qui n'est pas uniforme pour tout
le monde.
D'ailleurs, j'ai lu dans le mémoire de la partie syndicale,
lorsqu'il était question de la formule Rand, qu'il existait une
obligation du syndicat de prendre en arbitrage un grief d'un non-membre.
Respectueusement, M. le Président, je ne connais pas une telle chose en
droit. Le code du travail ne le spécifie pas et, à ce que je
sache, selon mon expérience personnelle, il n'y a jamais eu un tel cas
d'un non-membre qui voit son grief soumis à l'arbitrage par le syndicat.
Il se peut très bien qu'il y en ait. Je ne suis pas au courant d'une
telle chose et je dis que le code du travail ne l'exige pas, comme notre code
du travail n'exige pas actuellement l'obligation de représenter
équitablement, cela n'existe pas. C'est peut-être quelque chose
que bien des syndicats acceptent, mais cela n'existe pas et, quand je vois
qu'il y a une obligation légale pour un syndicat de présenter un
grief d'un non-membre, je ne suis pas au courant d'une telle chose en droit et
je ne la trouve pas dans le code du travail.
Une autre exigence syndicale est que le retour au travail doit
s'effectuer de la façon suivante: On va retourner au 31 décembre
1973. On va oublier qu'on a eu l'année 1974. On va replacer toutes les
personnes dans les positions qu'elles occupaient à ce moment et on va
mettre à pied le surplus de personnel qui est là. Mais c'est tout
simplement oublier l'année 1974.
Il y a eu pas mal de choses, de production, de promotion, de
démissions, de transferts qui ont eu lieu depuis ce temps et on nous dit
tout simplement: On va fixer une date de 1973 et là on va remettre le
portrait comme il était, comme s'il n'y avait pas eu 1974. On va
congédier ou mettre à pied les employés les plus jeunes.
Pendant cette grève, pendant sept mois, la compagnie United Aircraft,
malgré tous les rapports que vous lisiez presque quotidiennement dans
les journaux, n'a pas embauché une personne. Pendant sept mois...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande votre coopération la
plus étroite. On permettra à chacun des représentants des
deux parties d'exposer son point de vue. Je vous demanderais de coopérer
avec la commission qui entend faire son travail et permettre à ceux qui
vous représentent d'exposer leurs commentaires sans interruption.
Continuez, Me Heenan.
M. HEENAN: Merci, M. le Président. Comme je disais, depuis le
commencement de la grève jusqu'au mois d'août, dans l'unité
de production, il n'y a pas eu une personne embauchée par la compagnie.
Je souligne ceci, car si on accuse parfois la United Aircraft de vouloir briser
le syndicat, ce n'est certainement pas la position qu'une compagnie qui veut
briser le syndicat va adopter, de ne pas embaucher qui que ce soit. Le seul
moment où les embauchages furent faits, c'était au mois
d'août après que les dernières offres de la compagnie
furent présentées au syndicat. Le syndicat refusa, à ce
moment-là, de les soumettre à ses membres. Après sept mois
de grève, des employés furent embauchés, c'était au
mois d'août et, depuis ce temps-là, je pense qu'il y a à
peu près 500 à 600 employés environ 600
employés qui furent embauchés.
Quant à la position de la compagnie à ce sujet, elle a dit
deux choses. D'abord, on nous accuse de ne pas être
intéressé au sort des employés. Ce à quoi la
compagnie répond: Ce n'est pas du tout exact. Nous avons à
considérer tous nos employés, les quelques centaines, car je
crois que c'est maintenant entre 500 et 700. On ne sait pas maintenant combien
de personnes restent en grève, mais également les 4,500
employés de la United Aircraft qui sont là actuellement, il faut
considérer tous les employés. La proposition de la compagnie est
la suivante. On a annoncé publiquement, M. le Président, qu'on
rapatrie... on a fait faire le travail ailleurs pour protéger les
emplois, on a réussi à protéger des emplois, on fait
revenir le travail ici à Longueuil actuellement et on est prêt
car on sait qu'on va avoir besoin de plus de main-d'oeuvre
à garder l'exclusivité de tous ces postes qui vont augmenter aux
employés en grève. On va les rappeler aussi vite que possible,
aussi vite que cet ouvrage sera rapatrié, ce qui se fait actuellement,
par ordre d'ancienneté, selon les termes de la convention
collective.
La chose que nous ne savons pas, évidemment je pense que
même le syndicat a de la difficulté à le savoir à ce
stade-ci c'est combien d'employés sont en grève. On sait
que des employés de la United Aircraft actuellement, il y en a 2,300 qui
n'ont pas démissionné. L'unité de production telle qu'elle
était avant la grève et telle qu'elle est actuellement compte
2,300 personnes. La moitié, en plus de 1,100, est déjà de
retour à la United Aircraft. D'après notre expérience en
relations de travail, après une grève de plusieurs mois, il y en
a plusieurs qui s'en vont tout simplement, qui n'avertissent pas, qui ne
démissionnent pas ou qui ne sont pas intéressés à
revenir, car ils ont trouvé des emplois ailleurs. Je pense que c'est
aussi difficile pour le syndicat que pour la compagnie de savoir combien
d'employés sont vraiment intéressés à revenir. Nous
estimons que c'est entre 500 et 700, mais nous n'avons pas un moyen exact de le
savoir.
C'est pourquoi nous avons suggéré que, sous la
surveillance du ministre du Travail, il y ait un enregistrement de tous les
grévistes qui veulent retourner à la United Aircraft et
là, ils auront la priorité de tout emploi. On n'embauchera
personne d'autre, ils auront tous leurs droits, etc.
On nous a accusés également de vouloir briser le syndicat.
La position de la United Aircraft, c'est qu'elle est toujours prête,
comme elle l'a toujours été, à signer une convention
collective. Elle a déjà signé la convention collective en
1964, en 1967, en 1970, avec les mêmes termes sauf tous les
changements qu'on a faits ici et on est toujours prêt à le
faire. On n'a pas d'intérêt à briser le syndicat, mais on
ne peut pas accepter le "pattern" de Douglas ou de DeHavilland des TUA, ou ce
qui a eu des effets désastreux sur ces compagnies. Mais de là
à dire que nous ne sommes pas prêts à signer avec le
syndicat, ce n'est pas exact, nous sommes prêts à le faire.
Je souligne un autre point, une autre demande que le syndicat a faite et
ceci, on a de la misère à le comprendre. Je vais vous le lire
textuellement: "Tout salarié qui a été accusé
devant des tribunaux à la suite d'actes posés ou d'omissions
commises pendant la grève se voit accordé un congé sans
solde avec accumulation d'ancienneté pour toute période de temps
pendant laquelle il doit comparaître devant les tribunaux et purger toute
peine d'emprisonnement qui lui a été imposée ou qui
pourrait lui être imposée". En d'autres mots, dans le cas des
personnes qui, tout simplement, n'ont pas tenu compte du tout des lois de la
province de Québec, qui se trouvent emprisonnées ou
condamnées, on devrait tout simplement dire: Vous continuez à
accumuler votre ancienneté. Je souligne qu'il y a un employé qui,
après avoir mis le feu à la propriété de la
compagnie, après avoir causé plusieurs milliers de dollars de
dommages, a été condamné à une peine
d'emprisonnement de deux ans. On nous a dit: Là, ça se fait, il y
a des personnes qui ne respectent pas les lois et vous n'avez pas le droit de
les congédier.
Je souligne que bien de ces actes de violence qui ont été
commis l'ont été contre les 4,500 employés qui sont
là actuellement. Pendant sept mois, c'étaient les 2,700
employés de bureau et des ingénieurs qui venaient au travail. En
se présentant au travail, ils étaient battus, leurs voitures
renversées, la torche mise là-dedans, et même quelquefois
quand ils y étaient. On dit tout simplement: C'était toujours un
noyau ce n'était pas de la violence spontanée de
moins de 20 employés qui étaient toujours responsables ou
présents lors de ces actes. Le directeur de la grève a
été arrêté, je pense que c'est cinq fois, et attend
toujours son procès pour ça. Malgré des ordres de la cour
de ne pas se présenter dans les environs d'un mille de la United
Aircraft, il l'a fait à maintes reprises et fut condamné pour
outrage au tribunal deux fois.
Maintenant, est-ce qu'on devrait tout simplement tolérer
ça ou est-ce que ce n'est pas un peu la violence de la construction qui
vient là d'ailleurs. Et on veut dire tout simplement: Oui, mais on va
oublier ça. Pensez-vous à l'employeur qui a le problème de
réintégrer ce noyau de violence avec les personnes qui
étaient leurs victimes, qui vont travailler côte à
côte? Ce n'est pas la grande majorité, je parle d'un nombre
inférieur à vingt mais qui ont fait des choses semblables et on
nous dit: Tout simplement, vous allez oublier ça, vous n'allez rien
faire, et s'ils sont condamnés à la prison, vous allez leur
garder toute leur ancienneté. Cela nous semble un peu fort. Après
tout, ce sont vos lois, les lois de ce Parlement, de cette Assemblée
nationale qui n'ont pas été respectées à ce
moment-là. On nous dit tout simplement de fermer les yeux sur ce qui est
arrivé.
Si c'était seulement la compagnie qui avait eu ce
problème, ce serait une chose.
Mais le syndicat lui-même a eu des problèmes avec ce qu'il
appelle un groupe militant des employés qui veulent s'emparer du
syndicat. Le syndicat même, comme vous le savez les journaux en
ont parlé à un moment donné a vu 226
chèques, pendant une période de six semaines, en d'autres mots,
226 chèques pendant six semaines, cela fait 1,300 chèques
fraudés. C'est le terme du syndicat international de Détroit.
Les directeurs du syndicat ont été sortis de leur propre
salle à coups de pied, d'après les informations qui le relatent,
par les employés. C'est le syndicat qui le dit. Donc, on nous dit tout
simplement que la violence, on devra l'oublier. M. le Président, MM. les
membres, comme je l'ai dit, il y a eu 4,500 employés qui ont souffert
à cause d'un groupe relativement restreint. Le groupe en grève
actuellement est de 500 employés. Tout ce que nous disons, c'est que
tous les employés, sauf ce groupe de moins de 20, comme je le souligne,
les auteurs de cet acte, vont avoir l'exclusivité de retourner au
travail.
Maintenant, M. le Président, la Société United
Aircraft m'a aussi mandaté pour vous donner une réponse
car cela se parlait dans les journaux sur ce qui est arrivé des
subventions que le gouvernement avait octroyées à la United
Aircraft.
J'ai lu dans les journaux que ces subventions servaient à acheter
de l'équipement ou des meubles, tout simplement, et que la United
Aircraft ne respectait pas effectivement les termes des subventions ou des lois
de cette Assemblée nationale.
C'est suite à un ordre précis de la compagnie que je suis
ici pour, tout d'abord, vous assurer que la United Aircraft a respecté
intégralement les termes de ces subventions. Pour vous relater les
faits, une subvention de $5 millions a été approuvée, je
pense que c'était en 1969/70. Jusqu'ici, le montant versé
à la Société United Aircraft est de $3 millions; pas $5
millions,
mais $3 millions, jusqu'ici, toujours selon les termes du
prêt.
Les termes de cette subvention se trouvent dans l'arrêté en
conseil 2526 qui prévoit que des subventions peuvent être faites
aux compagnies qui remplissent les conditions d'admissibilité
suivantes:
L'entreprise qui désire se prévaloir du programme devrait
établir à la satisfaction du ministre je m'excuse, c'est
la deuxième chose qui nous touche directement: 1- Qu'elle va produire,
avec une technologie avancée, un produit non encore fabriqué au
Québec. 2- Qu'elle ou les entreprises qui la contrôlent sont
connues sur les marchés internationaux. 3- Que le marché qu'elle
entend desservir dépasse les limites du Québec et du Canada.
4-Que l'investissement proposé dépasse $5 millions.
Les conditions, M. le Président, sont les suivantes:
Employer des diplômés en génie, sciences,
technologie ou administration des collèges ou universités du
Québec dans une proportion d'au moins un diplômé par
$50,000 de subvention, à la fin de la troisième année,
depuis l'entrée en production.
En d'autres mots, selon les termes de la subvention, pour les $5
millions qui ont été approuvés à ce moment, une des
conditions était que la United Aircraft emploie cent
diplômés en génie, sciences, technologie ou administration
des collèges ou universités du Québec. Depuis que la
subvention fut approuvée, il y a 125 diplômés en
génie, sciences, technologie ou administration qui ont été
engagés. Je pense que c'est important de le noter en passant: Pendant
toute cette grève, aucune de ces personnes n'a été mise
à pied. D'ailleurs, si elles étaient mises à pied, si on
était obligé de fermer et de mettre à pied les
employés qui se trouvaient à n'avoir rien à faire,
à ce moment, on aurait été contre les termes de la
subvention. Si on avait mis à pied ces diplômés
récents, on serait contre les termes de la subvention. Il n'y a eu,
depuis le commencement de la grève, M. le Président, aucune mise
à pied.
La deuxième condition qui s'applique rigoureusement, c'est qu'il
faut que la compagnie investisse, de ses propres fonds, un montant de $40
millions contre une subvention de $5 millions. A la fin de l'année 1973,
les fonds investis étaient de $42.5 millions c'était le 31
octobre 1973 et de $46.5 millions à la fin de l'année
1973. Donc, toutes les conditions ont été remplies et je peux
vous assurer que l'argent des subventions approuvées par
l'Assemblée nationale a servi aux fins auxquelles elles furent
approuvées et qu'on ne s'est pas servi de cela pour acheter des
meubles.
M. BURNS: M. Heenan, est-ce que vous avez l'intention de déposer
ces ententes? Je m'excuse, M. le Président, c'est simplement de
façon incidente que je pose cette question.
M. HEENAN: Je n'en avais pas l'intention. Je pense, d'ailleurs, que
c'est une entente avec l'Assemblée nationale. Je ne veux pas, à
ce stade-ci, commencer les questions. Peut-être que, par la suite, vous
pourriez demander cela, mais je pense que cela appartient déjà
à l'Assemblée nationale ou au ministre qui les a
déjà, si je comprends bien.
M. BURNS: La raison pour laquelle j'ai posé cette question,
à ce stade-ci, c'est que, quand le syndicat a témoigné ce
matin, il nous a fourni des documents au fur et à mesure plutôt
que de nous raconter des histoires qui étaient dans les documents. C'est
pour cela que je pose la question. Je me demande si la compagnie ne devrait pas
déposer les ententes, relativement à toutes ces subventions, pour
qu'on ait le temps de se barder de questions autant à l'endroit de la
compagnie qu'à l'endroit du syndicat, parce que le syndicat nous a
fourni une série de documents qui va préparer, sans aucun doute,
après lecture, un certain nombre de nos questions. Je pose la même
question à l'endroit de la compagnie. J'entends Me Heenan depuis les
quelque quinze dernières minutes nous raconter ce qu'il y a dans ces
ententes, relativement aux subventions. M. Heenan pourrait très bien
oublier des paragraphes de l'entente qui a été soulignée.
C'est possible. J'aimerais avoir une vue générale de cela.
M. BELLEMARE (Johnson): Surtout les $46 millions que vous avez
faits.
M. HEENAN: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. HEENAN: ... je préfère de beaucoup terminer à ce
stade-ci.
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Je reviens...
M. HEENAN: Je préfère reprendre les questions plus tard,
sinon je vais perdre le fil de mes idées. Je suis ici à la
disposition de cette commission pour répondre à toutes les
questions, mais je pense que, en fait...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous avons eu une entente, ce matin,
sur notre façon de procéder. Il y a eu une question posée
tout à fait normalement. Je voudrais, si possible, que les membres
acceptent cette sanction de ne pas poser de question à ce moment-ci,
quitte à y revenir. Ce sera à monsieur...
M. ROY: J'en aurais une à poser...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Je ne voudrais pas... La question se
pose à ce moment. Je pense qu'une fois qu'on aura entendu les
débats entre les deux parties, les membres de la commission, tel que
convenu, poseront les questions qu'ils jugeront à point. On aura nos
réponses à ce moment de la part des personnes qui paraissent
devant la commission. Alors, Me...
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à vous
poser, en tant que président de la commission.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. Le député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, en tant que président de la
commission, est-ce que vous auriez objection à ce que les documents
auxquels on fait référence soient déposés, soient
photocopiés pour que les membres de la commission en aient des
copies?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Absolument. Maintenant, il s'agirait
d'attendre les réponses.
M. ROY: Est-ce que vous avez objection? LE PRESIDENT (M. Séguin):
Non.
M. ROY: Alors, si le président de la commission n'a pas
d'objection, est-ce qu'on pourrait demander à quelqu'un de responsable
de voir à ce que ces documents soient photocopiés de façon
qu'on puisse avoir une photocopie?
LE PRESIDENT (M. Séguin): Bon. Le ministre.
M. COURNOYER: C'est, je pense bien, une entente dont on parle. Je ne
voudrais pas du tout avoir l'air de ne pas vouloir faire déposer cette
entente. Je suis convaincu que, dans le cas des dépôts de
documents par la partie syndicale ce matin, on a obtenu jusqu'à un
certain point l'autorisation elle est là de déposer
ces documents. Dans les ententes que j'ai ici, c'est DeHavilland, Spar. On n'a
peut-être pas posé la question, mais il s'agit de documents qui
ont acquis une notoriété publique. Je suggère aux
députés de l'Opposition de poser demain la question à
l'autre partie à ces ententes, le ministre de l'Industrie et du
Commerce, pour voir si lui a des objections à la publication.
M. BURNS: Sur une question de règlement, M. le Président,
cela va bien plus loin que cela, M. le ministre. Vous, comme ministre, de par
notre règlement, si vous citez, ne serait-ce qu'en partie
un texte, on peut exiger sur-le-champ le dépôt de ce document.
C'est notre règlement qui dit cela. Imaginez-vous, vous, ministre, on
peut exiger cela de vous. Une personne qui vient témoigner devant nous,
qui cite à pleines pages des documents et on ne peut pas exiger le
dépôt de cela, je ne comprends plus rien.
M. COURNOYER: Je n'ai jamais dit cela, mais je pense... Ce que j'essaie
de dire au député de Maisonneuve, c'est qu'il y a une autre
partie à cette entente qu'on pourrait aussi consulter, parce que
j'imagine que la réponse, c'est une entente entre deux parties. Je n'ai
aucune forme d'objection au dépôt de quelque entente que ce soit
qui implique des fonds publics, étant donné que nous sommes,
semble-t-il, les administrateurs des fonds publics. A partir de là, je
n'ai pas cette objection. Encore faut-il que la personne qui s'inspire de cette
entente ait la chance de discuter avec celui qui a signé l'entente avec
elle pour voir si elle a des objections. Ce n'est que cela. Je suis convaincu
que, dans le cas des syndicats, il n'y a personne qui a des objections. Je ne
pense pas qu'il n'y ait non plus des objections.
M. BURNS: Si Me Heenan nous cite des parties de ce document, il doit
avoir consulté, il doit avoir demandé avant, à moins que
vous ne me disiez qu'il est totalement irresponsable, ce que je ne pense
pas.
M. COURNOYER: Une chose est certaine. M. le Président, c'est que
je ne sais pas ce qu'il y a dans la tête de Me Heenan, pas du tout.
M. BURNS: En tout cas, vous ne le paraissez pas.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, une question de
règlement. Tel que l'a dit mon collègue de Maisonneuve, il est
spécifiquement dit dans notre règlement que si le ministre,
d'autorité, cite un document, il doit le déposer à la
demande.
M. COURNOYER: Le ministre. Le ministre ne l'a pas cité
encore.
M. BELLEMARE (Johnson): Un instant. C'est peut-être là
qu'est tout le problème de ce jeu de cache-cache qu'on devrait
Connaître. On est ici pour entendre les parties, mais on est ici aussi
pour entendre la vérité. La vérité, on n'est pas
capable aujourd'hui de la vérifier. Si M. Heenan dit: Nous avons
reçu $40 millions, et s'il y a dans l'entente: On a
dépensé $46 millions en 1973, sur quoi peut-on juger la
véracité de ses dires? Je prends la parole de M. Heenan, je le
connais depuis longtemps. Je l'ai rencontré dans d'autres conflits et
j'aurai sur cela mon intervention en temps et lieu. Je dis, par exemple,
qu'aujourd'hui, devant les faits qui ont été établis ce
matin par la partie syndicale et qui ont été très clairs,
pourquoi cet
imbroglio? Pourquoi ne pas dire: Oui, messieurs, et ne pas se retirer
sur une confidentialité...
M. COURNOYER: II n'est pas supposé y en avoir.
M. BELLEMARE (Johnson): ... qui n'existe pas du tout, c'est public. Ce
sont des fonds qui ont été payés par des gens de la
province et qui ont été mis à la disposition d'une
compagnie pour bénéficier de certains avantages avec des
conditions, bien entendu.
Et à partir de là, si nous voulons véritablement
être en mesure de juger ces conditions, parce que c'est un argument
frappant...
M. COURNOYER: Oui, mais posons la question à M. Heenan.
M. Heenan, avez-vous des objections à déposer ces
ententes?
M. BELLEMARE (Johnson): Non seulement les ententes, mais les
réalisations, qu'est-ce qu'ils ont fait avec l'argent? Ils n'ont pas
tous été des balayeurs!
M. COURNOYER: Ce sont des arguments. Mais le point de départ de
l'entente, M. Heenan, avez-vous objection à le déposer? Je pose
la question.
M. BELLEMARE (Johnson): II y a un arrêté en conseil.
M. HEENAN: M. le Président...
M. BURNS: Un instant. Nous sommes à régler des
problèmes de procédure entre nous. Vous êtes à notre
disposition. Restez là. Ne vous sauvez pas!
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!
M. COURNOYER: Je viens de lui poser une question. M. Heenan, avez-vous
objection à déposer ces ententes?
M. HEENAN: M. le Président, les ententes en question...
M. BURNS: Il est ici pour témoigner, il n'est pas ici pour nous
dire ...
M. HEENAN: Je peux répondre à cette question. Je n'ai
cité aucune entente, et c'est pour cela que je suis un peu perdu. Quand
je lisais, je citais un arrêté en conseil qui est d'ordre public,
le no 2526, et je suis certain que, si ce n'est pas public pour les membres de
l'Assemblée nationale, je le déposerai.
M. COURNOYER: C'est cela. Donc, la question est posée
plutôt au ministre de publier l'arrêté en conseil en
question, c'est-à-dire de le distribuer aux membres. Je n'y ai aucune
forme d'objection.
M. BELLEMARE (Johnson): Et la compagnie doit produire des documents qui
sont publics.
M. COURNOYER: Ce sont les documents qui sont consécutifs à
cela. Je n'ai pas d'objection à sortir l'arrêté en conseil,
ni à demander au conseil des ministres de donner l'arrêté
en conseil aux membres. C'est une question d'entente.
M. ROY: M. le Président, l'arrêté en conseil ou tout
autre document auquel on fait référence et qui appuie
l'argumentation que nous fournit la compagnie. Nous sommes ici depuis
longtemps. Nous avons écouté religieusement et j'aimerais savoir
quand même et je serais tenté de poser une question au
président de la commission, à ce moment-ci ce que nous
sommes venus faire ici.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous avons confié...
M. COURNOYER: II n'y a personne qui s'oppose.
M. ROY: Je comprends tout cela. Mais quand même, nous sommes ici
et le chef de l'Union Nationale vient de le dire pour interroger
les témoins, pour connaître la vérité.
M. COURNOYER: Oui.
M. ROY: Or, c'est la première fois que j'interviens aujourd'hui
et j'ai remarqué que la partie syndicale nous a remis beaucoup de
documents ce matin, ce pourquoi nous la remercions, mais, cet
après-midi, c'est au tour de la compagnie et elle se doit en faire
autant, de façon à faire la lumière sur cette
question.
M. COURNOYER: Oui.
M. ROY: Pour ma part, c'est une exigence fondamentale que je pose,
à ce moment, à la commission afin qu'on dépose les
documents auxquels on fait référence et sur lesquels la
discussion est basée.
M. COURNOYER: II s'agit de savoir justement qui a l'autorité sur
les documents, et c'est le gouvernement qui a les arrêtés en
conseil. Posez-moi la question et je vais vous dire: Oui, je vais vous donner
les arrêtés en conseil. C'est aussi simple que cela.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, comme nous ce matin le
ministre a entendu M. Heenan, le représentant de la United Aircraft,
lorsqu'il a fait ses préliminaires et qu'il a dit: Voici une compagnie
qui a à subir
une concurrence extérieure difficile. C'est là qu'est le
point. Qu'est-il advenu des $46 millions, puisqu'il y a un conflit
véritable dans la concurrence qui est établie? Si M. Heenan est
prêt à nous dire, aujourd'hui, ce qu'il a fait avec les $46
millions et pourquoi il est arrivé, à un moment donné,
avec $3 millions de déficit sur les $24 millions qu'il avait
adjugés â ses employés, je suis bien prêt à
écouter cela, mais il est temps que la vérité soit faite.
Ce n'est pas le moment de jouer à cache-cache devant nous. Nous sommes
ici pour prendre nos responsabilités et j'espère que M. Heenan
n'en sera pas froissé si je lui dis de montrer son jeu. Nous sommes ici
pour savoir. Si nous voulons rendre une bonne décision, une
décision qui protège le bien commun, qui protège tout le
monde, il faut savoir de M. Heenan s'il est prêt à nous donner un
état financier.
LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Heenan.
M. HEENAN: Je ne suis pas ici pour jouer à cache-cache. Je dirai
que la compagnie est ici pour répondre. J'ai cité des ententes.
J'ai cité un arrêté en conseil. Je suis évidemment
prêt à le déposer. J'ai dit: D'après les chiffres
qu'on m'a donnés, on a dépensé $46,500,000. Je suis
certain que la compagnie est prête à expliquer exactement ce
qu'elle a fait avec les $46,500,000, de quelle façon elle l'a fait et
à quoi ils ont servi. Nous sommes ici à votre demande, M. le
Président, pour essayer d'aider et répondre à des
questions. Je suis certain que la compagnie n'aura pas d'objection, si telle
est la demande, à fournir des explications sur tout ce que j'ai dit cet
après-midi. Je veux que tout le monde comprenne que je suis ici pour
répondre.
M. BELLEMARE (Johnson): J'ai simplement une sous-accessoire.
M. Heenan nous a dit ce matin qu'en juillet 1974, il avait offert $0.88
l'heure. Cela représente 23 p.c. et cela représentait une perte
de $3 millions. Est-ce que c'est exact?
M. HEENAN: Non.
M. BELLEMARE (Johnson): Sur les $24 millions...
M. HEENAN: Non. Je m'excuse. J'ai dit ce matin que, pendant
l'année financière de 1973, la perte de la société
fut de $3 millions et je pense que le rapport...
M. BELLEMARE (Johnson): Alors, à partir de votre assertion, je
dis que, si votre compagnie a eu $3 millions de déficit en 1973,
pourquoi pas nous expliciter les $46 millions?
M. HEENAN: Je n'ai pas d'objection.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, Me Heenan.
M. HEENAN: Pour terminer, en expliquant la position de la
société, sur toutes ces questions jusqu'à maintenant, je
vous démontre exactement ce qui se passe dans les négociations
des conventions collectives. Le système que le législateur
québécois a choisi est la libre négociation. On explique
nos positions et il semble qu'il y ait des suggestions et que cela devienne un
système normatif qu'on impose des normes dans quelque chose. C'est
entièrement un autre système, mais à ce moment, cela
laisse très peu de place pour le système de négociation
libre.
Je pense que ce qui oppose les parties dans le conflit de United
Aircraft, c'est une grève non pas entre la United Aircraft et ses
employés, mais une grève entre la United Aircraft et son
syndicat. Il y a une drôle de différence. Les relations de
travail, après tout, sont des relations humaines et, si on prend le
pourcentage des employés qui ont quitté le roulement normal, des
personnes qui ont quitté la société, des changements et
des transferts, on trouve que le pourcentage de ceux qui vont ailleurs est
beaucoup moins que la normale, 12 p.c. comparativement à 15 p.c. ou 20
p.c. est la normale.
Donc, il est faux de dire que la compagnie United Aircraft est inhumaine
car l'effet où il y a des conventions collectives ou il n'y en a pas...
C'est un peu le contraire, le "turnover" est beaucoup moins que la normale.
Ce que le syndicat exige et je ne veux pas répondre
à ce stade-ci à bien des faits que je trouve de nouveau dans leur
chose mais ce qu'il essaie de dire est ceci: Vous n'avez pas suivi nos
"patterns" de Douglas et DeHavilland. Vous verrez, cependant, qu'il ne
mentionne pas Canadair. Pourquoi? Parce que cela appartient à un autre
syndicat. C'est comme cela que c'est conçu.
Maintenant, cela n'est pas nécessairement le "pattern" ou le
contrat qui fait des bonnes relations de travail. Je prends, par exemple, le
cas de Douglas qui est cité. Je pense que c'est connu de tout le monde
que Douglas et les TUA ont toujours des problèmes assez amers à
un point tel qu'ils ont été obligés de congédier le
président et une vingtaine si ma mémoire est bonne
de militants syndicaux, il y a six mois ou un an. Donc, il est faux de dire
qu'étant donné que la convention collective de Douglas est bonne,
il y a des bonnes relations à ce stade.
Je pense que c'est important de voir que le problème est vraiment
avec le syndicat qui dit: C'est ce qu'on a dans le domaine de l'automobile. Les
principes de l'automobile, c'est ce qu'on a et on essaie de l'étendre
où on est et on dit: Mais peut-être ces principes, votre "pattern"
que vous essayez d'établir et qu'ils ont établi à
DeHavilland après une grève de dix mois qui a causé sa
faillite, qui a brisé la compagnie... Peut-être que ce "pattern"
n'est pas entièrement fait pour notre industrie. On essaie de
négocier des termes qui sont raisonnables en vertu de ce que nous
produisons ici.
Evidemment, nous sommes le seul produc-
teur de moteurs. On n'est pas sur une chaine d'assemblage, mais tout
moteur d'avion est fabriqué â la main avec des tolérances
très spéciales et ce qui est bon pour General Motors n'est pas
nécessairement bon dans l'avionnerie.
Effectivement, on trouve cette réplique dans la réplique
syndicale: Vous allez nous donner ce qu'on a forcé Douglas et
DeHavilland à nous donner.
Bien des choses qui sont mentionnées ici sont des demandes des
TUA. Le système d'apprentissage, par exemple, dont ils parlent, c'est
quelque chose qu'aucun autre syndicat ne veut, c'est quelque chose qui se
trouve, à cause des expériences à General Motors à
Detroit, le syndicat des TUA a été obligé d'amender sa
constitution, mais ce n'est pas nécessairement bon de dire: Etant
donné qu'on l'a à General Motors à Detroit, cela devrait
se répandre partout. Ce n'est pas l'avionnerie. C'est cela que les TUA
ont avec quelques-unes des compagnies. On ne peut pas dire que cela existe
partout. C'est le "pattern" des TUA. C'est exact qu'on a
énormément de problèmes à s'entendre sur le
"pattern" des TUA. La position de la compagnie, c'est qu'on veut
négocier en vertu ce qu'on fait ici. Le problème que j'ai eu cet
après-midi, c'est que, quand j'ai reçu la convocation vendredi
dernier, quand la compagnie l'a reçue, on a compris que c'était
pour expliquer notre point de vue sur les points en litige.
Je trouve dans le mémoire présenté un historique
des autres points qui comporte bien des choses qui ne sont pas exactes.
J'aimerais répondre à ces points. Pas sur le point en litige
évidemment, j'en ai parlé beaucoup cet après-midi, c'est
pour cela, je pense, que nous sommes ici. Mais j'aimerais répondre
à bien de ces allégations. Je vais vous dire comment ces votes
ont été pris. Je vais vous dire ce que c'était, car on
nous taxe de cela. Par exemple, on trouve à la page 2 toute une
référence au système de rémunération au
mérite. Ce point a été réglé en
négociation au mois de novembre de l'année dernière. Ce
n'est pas un point toujours en litige. Je ne sais pas si le syndicat veut
l'amener encore sur la table, mais ce n'était pas un point toujours en
litige et j'aimerais y répondre. Car, par exemple, dans ce que le
syndicat en dit, à ce moment-là...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je pense que vous demandez une permission et vous la prenez tout
de suite. Si je comprends bien, vous voulez, suite au mémoire qui a
été présenté ce matin, déjà amorcer
ce qu'on pourrait appeler communément la contreproposition. Alors, avant
d'y arriver, je pense que déjà vous avez pu élaborer la
philosophie de la compagnie et également ses positions, les points en
litige et vous avez pu extrapoler, enfin, tous ces points. Il serait, si vous
n'avez pas d'objection, si vous êtes sur le point de conclure ou si vous
avez conclu votre exposé, respecteux à l'endroit de la
présidence, puisque c'était son désir au moment où
mon prédécesseur m'a cédé sa place... le
président m'avait suggéré, une fois votre exposé
terminé, de retourner à la partie syndicale et, à cet
égard, donner la parole à M. Dean pour lui permettre, à la
suite de l'audition de votre exposé, de relever à son tour
certains points qui ont pu peut-être soulever certaines contestations de
sa part.
M. BURNS: A moins qu'il ait autre chose à ajouter.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A moins qu'il ait autre chose
à ajouter. Je ne veux pas impunément vous empêcher de
continuer, mais je voudrais vous inviter à conclure si c'est votre
intention.
M. HEENAN: D'accord. Pour ma part, j'ai terminé mon exposé
sur les points en litige. Mais, ce que j'ai vu dans l'exposé syndical de
ce matin, c'était l'historique qui comporte d'autres problèmes et
d'autres conséquences sur lesquels, en terminant, je demanderais la
permission de déposer un document écrit. Car il y a bien des
choses ici sur lequelles j'ai besoin de documents qui sont toujours à
Montréal, qui ne touchent pas le point actuellement en litige que
j'aimerais déposer ici. Sinon, il faut que je revienne pour reprendre
chacun de ces points, sur lesquels je ne suis pas d'accord, pour y
répondre. Peut-être que c'est ce qu'on va faire, c'est très
bien.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): On reviendra certainement
à votre version après, mais si vous avez conclu c'est le
cas nous allons passer à M. Dean.
M. HEENAN: Est-ce que je peux demander, en terminant, la permission de
déposer ces documents? Est-ce que c'est possible?
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Certainement.
M. COURNOYER: La procédure que j'avais instaurée ce matin
était que vous aviez la chance de parler de la même manière
que M. Dean avait parlé, puis que M. Dean pourrait vous répondre
et, enfin, que vous pourriez répondre à ce que M. Dean a dit ce
matin. Après cela on commencera à poser des questions.
M. HEENAN: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je crois que tout cela a
été adopté, je pense.
M. COURNOYER: Je sais que du côté du député
de Johnson...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Cela "bouille".
M. COURNOYER: ... ça "bouille". M. ROY: J'en aurai plusieurs
à poser.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): C'est un processus qui a
été proposé et accepté, je pense, par l'ensemble
des députés ce matin.
M. COURNOYER: Si M. Dean ne croit pas bon de répondre
immédiatement, c'est son privilège. Par ailleurs, on sera
peut-être intéressé à poser des questions qui nous
viennent immédiatement à l'esprit, si les parties sont
prêtes à répondre immédiatement. Remarquez bien que
c'est assez odieux de demander au syndicat de répondre
immédiatement, étant donné que l'autre partie vient de
finir. De là, à prendre une période intercalaire pour
poser des questions qui intéressent les députés, compte
tenu du fait que nous siégerons sans doute demain après-midi
à quatre heures, pour entendre les positions des parties, l'une
vis-à-vis de l'autre par rapport aux positions énoncées
aujourd'hui, à ce moment-ci, je crois, M. le Président, qu'on
peut ajourner immédiatement. Il y a peut-être des questions qui
viennent â l'esprit des membres de la députation, ça ne me
fait rien que les gens qui voudraient clarifier quelque chose le fassent
immédiatement, mais ce serait peut-être odieux de demander aux
parties de se répondre immédiatement. Je comprends...
M. CHARRON: M. le Président, moi aussi, je crois que, puisqu'on
s'est entendu pour reprendre demain après-midi, à quatre heures,
la réponse de la partie syndicale et la réponse de la partie
patronale, on pourrait les entendre à ce moment-ci, et consacrer la fin
de la séance aux questions venant des députés mais qui
seraient peut-être plus dans l'ordre pour compléter l'information
qui nous a été fournie plutôt que d'engager un débat
qui devra venir à la suite des exposés.
M. COURNOYER: Un complément d'information.
M. CHARRON: Sinon, quand ce sera terminé, qu'on ajourne.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Antérieurement à
ça, je crois que vous avez des documents à déposer.
M. HEENAN: J'ai demandé la permission de déposer des
documents.
M. COURNOYER: Pour nous, pour demain? Vous allez déposer
ça demain? Vous ne les déposez pas maintenant?
M. HEENAN: On va répondre demain sûrement.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Mais vous pouvez déposer
les documents immédiatement, si je comprends bien?
M. COURNOYER: Non.
M. HEENAN: Le problème, c'est que, sur bien de ces choses, j'ai
les données à mon bureau à Montréal, à la
compagnie. Evidemment, il faudra les sortir pour pouvoir les donner. Je puis,
à la convenance de cette assemblée, répondre verbalement,
d'après mes souvenirs. Mais il y a bien des choses qu'on nous reproche
par écrit. J'aimerais répondre par écrit et donner notre
version là-dessus. Je suis à votre entière disposition,
mais j'aimerais avoir cette permission.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Très bien. La partie
patronale déposera les documents qu'elle juge pertinents demain. S'il y
a des questions, oui, M. Dean?
M. DEAN: M. le Président, le syndicat a soumis un document
appuyé par d'autres documents et la compagnie en a préparé
un, je vous demande respectueusement si on va se lancer dans un document pour
répondre à un document qui peut avoir comme effet
d'éterniser vos délibérations et aussi éterniser ce
malheureux conflit.
M. COURNOYER: Le syndicat a déposé un document. Je ne veux
pas défendre la compagnie, mais vous avez déposé quelque
chose de volumineux ce matin et vous avez affirmé des choses
volumineuses aussi. Je ne doute pas du tout de ce que vous avez affirmé
ce matin. Je pense que c'est clair dans mon esprit; ce que vous avez dit, c'est
votre opinion, c'est ainsi que les faits se sont présentés
à vous et ainsi que vous les avez vécus. Il semble que la
compagnie puisse ne pas les avoir vécus de la même manière
puisqu'elle était de l'autre côté de la barrière.
J'ai toujours remarqué que la compagnie était de l'autre
côté de la barrière.
Etant donné que nous sommes ici pour donner la chance aux gens de
se contredire, face aux députés, il y a de quoi se dire et je ne
sais pas si vous allez répondre par des documents aux affirmations qui
ont été faites par Me Heenan. Il est fort possible que vous
déposiez demain matin la convention de la DeHavilland ou le bilan
financier de la DeHavilland pour me convaincre ou convaincre les
députés présents qu'il n'y a pas eu de faillite, que
c'était simplement une belle opération du gouvernement du Canada
de nationaliser cette affaire-là.
Je ne sais pas, mais il a été affirmé tantôt
que, comme conséquence directe à une grève de dix jours ou
de dix mois, il y avait eu des mises à pied considérables
à la DeHavilland. J'ai entendu cela tantôt. J'imagine que, de
votre côté, vous allez tenter d'établir d'une façon
ou d'une autre que la grève ou les conditions de travail du
côté de la DeHavilland n'ont pas été
la cause directe de ces mises à pied massives que nous avons
connues.
Peut-être que vous allez utiliser les documents. Je ne voudrais
pas empêcher la compagnie de demander la permission de déposer les
documents demain et, par le fait même, vous empêcher aussi de
déposer des documents de même nature qui contrediraient certaines
affirmations d'aujourd'hui de la part de la compagnie.
Ce n'est pas pour prolonger inutilement le débat. Quand nous
demandons de continuer, cet après-midi, les éclaircissements
demandés par les députés et non pas entrer, comme
députés, dans les débats, c'est strictement pour
compléter, dans la période de temps qui nous reste jusqu'à
six heures, ce qu'on aura peut-être à compléter quand
même demain ou après-demain demain, surtout, à
quatre heures en posant des questions qui viennent déjà
à l'esprit des députés après cette journée.
C'est tout.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le chef de l'Opposition officielle.
M. MORIN: M. le Président, j'aimerais demander à M. Heenan
de nous donner quelques détails au sujet d'un aspect du conflit qui ne
laisse pas de m'étonner. Nous avons appris un certain nombre de choses
depuis ce matin; certaines nous étaient connues, mais l'une des choses
qui m'étonnent le plus dans le dossier, c'est le système de la
rémunération au mérite qui ne semble pas se trouver dans
beaucoup d'industries et qui, à première vue, est un
système qui peut donner lieu à énormément
d'occasions de choix arbitraires.
J'aimerais que M. Heenan nous explique comment fonctionne, à la
United Aircraft, le système de rémunération au
mérite, qu'il nous explique quelle est la différence entre les
niveaux N, J, R, P et T, qu'il nous dise également si l'on trouve un tel
système dans d'autres industries reliées au secteur
aéronautique et qu'il nous dise également quelles sont les
intentions de la société United Aircraft pour l'avenir à
l'égard de ce système qui je le dis au départ,
peut-être M. Heenan pourra-t-il me convaincre du contraire me
paraît un système désuet, cela me paraît un
système arbitraire. A première vue, cela me parait être une
sorte de stakhanovisme pécuniaire qui, j'ose espérer, est une
chose du passé. C'est une demande de renseignements
supplémentaires, M. Heenan, mais si ces messieurs du syndicat ont
quelque chose à ajouter pour m'éclairer, je m'en
réjouirai.
UNE VOIX: La question est à M. Heenan?
M. MORIN: Elle est d'abord à Me Heenan, mais cela n'exclut pas
que le syndicat puisse également ajouter quelque chose.
M. HEENAN: II me fera plaisir de répondre à cette question
et je vais essayer de répondre sur tous les points que vous avez
soulevés et apportés. Je vais essayer de répondre
pleinement.
Avant de répondre directement à cela, je souligne que ce
n'est pas un des points en litige.
Dans les six points en litige, il n'y en avait pas un qui fût
abandonné au mois de novembre 1973. Malgré qu'il me fasse plaisir
d'exprimer le point de vue de United Aircraft sur son système de
mérite, je souligne que ce n'est pas un point en litige. On a assez de
problèmes actuellement sans en ajouter.
M. MORIN: J'ai compris cela, mais cela me parait de nature à
éclairer l'ambiance qui règne dans votre affaire.
M. HEENAN: Parfait. Monsieur, le système de
rémunération au mérite, je le dis, existe
évidemment dans plusieurs compagnies. De dire que cela n'existe pas, je
ne pense pas que ce soit exact. D'ailleurs, le système de
rémunération au mérite, de motiver quelqu'un
financièrement pour les efforts et les capacités qu'il donne, est
un système qui, je pense, est accepté. Il est exact que certains
syndicats contestent énormément cela. Je prends, par exemple,
bien des conventions collectives de bureaux où, justement, la
rémunération au mérite est bien connue, mais cela existe
également dans la production. Je m'excuse, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, tout simplement pour porter votre
attention à la question qui a été posée par le chef
de l'Opposition, il vous a demandé certaines précisions.
M. HEENAN: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous revenez peut-être un peu sur
ce que vous avez déjà dit ou sur ce qui a été
mentionné d'ordre général. Avez-vous des compagnies?
Avez-vous des organisations du genre qui emploient cette façon de
procéder?
M. MORIN: A quoi correspond la catégorie?
M. HEENAN: Oui, il y a des compagnies qui ont le système au
mérite. Cela existe. C'est un système connu. Vous m'avez
également demandé, si je comprends bien, M. le ministre, quel est
le système. Je vais vous expliquer, comme vous l'avez dit, le
système GRPT. Il y a un taux, le premier N, qui est celui de l'embauche.
Quand quelqu'un est embauché sur le N, il est reçu là.
Après une période d'essai, s'il réussit son essai, il peut
aller au niveau G. C'était le taux pour la classification comme
telle.
Les autres points sont donnés au mérite. Il y a un
système d'évaluation de mérite qui peut rendre quelqu'un
aux niveaux R, P et T. D'ailleurs, tous ces points sont gagnés au
mérite,
mais une fois rendue à un de ces taux, R, P ou T, la personne
demeure là. En d'autres mots, il n'y a pas de possibilité
arbitraire de descendre quelqu'un en disant: Toi, tu as été un
mauvais gars la semaine dernière, donc, on va te descendre. La
progression se fait à R, P et T. Une fois rendue là, la personne
reste là.
M. MORIN: Quels sont les critères pour monter? Si on ne peut pas
descendre quelqu'un, on peut dire: Si tu n'es pas un bon gars, tu ne monteras
pas. J'aimerais connaître les critères utilisés par la
société United Aircraft.
M. HEENAN: Les critères de mérite...
LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant! A l'ordre, s'il vous
plaît! Une question.
M. ROY: Je voudrais ajouter une question supplémentaire. Je
voudrais ajouter, pour éviter de revenir sur le débat, que cette
rémunération au mérite est également basée
sur la productivité.
M. HEENAN: C'est justement cela. Ce n'est pas un système
d'incitation sur lequel on peut mesurer le rendement à tous les jours.
On n'a pas un système d'incitation. C'était votre question, si je
comprends bien, M. Roy. On n'a pas le système d'incitation qu'on
connaît dans d'autres industries qui, d'ailleurs, est très
commun.
C'est un autre système de mérite qui peut s'évaluer
de jour en jour et qui est très commun dans certaines industries, comme
sans doute les anciens membres. Ici, c'est un système
d'appréciation. Il y a une évaluation qui est faite deux fois par
année, c'est tout récent. Je pourrais m'informer auprès de
la compagnie du pourcentage exact d'avancement à tous les six mois. Je
pourrai certainement vous avoir ce renseignement et vous répondre
pleinement. Ce dont on est accusé dans cela, c'est de s'en servir
discrimi-natoirement. J'ai sorti l'évaluation du comité de
négociation, des membres de l'exécutif du syndicat avec tous les
officiers du syndicat. Je suis content de pouvoir vous dire cet
après-midi que leur moyenne est plus que la moyenne de tous les autres
employés. Comme cela, si discrimination il y a eu, c'était une
discrimination vis-à-vis des officiers et des
délégués du syndicat et non pas à leur
encontre.
M. MORIN: Ce ne serait pas beaucoup mieux. Mais vous ne m'avez pas
encore dit quels sont les critères.
M. HEENAN: Je pourrais certainement. Vous savez, le critère du
système au mérite, c'est évidemment le mérite:
productivité, assiduité. Je peux évidemment vous produire
des livres sur tout cela, car le système de progression au
mérite... Là, je peux vous donner un groupe des critères
qui ont servi, et je pourrai m'y référer. Etant donné que
ce n'était pas un des points en litige, je vous avoue que je ne
m'étais pas préparé tellement à cela, mais je
pourrai l'avoir et il me fera plaisir de vous donner une liste des
critères qui sont là. Ce sont les critères normaux de
mérite: assiduité, productivité, assistance, pas
d'absence, etc.
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aurais simplement une question tout
à fait neutre, si vous voulez, là-dessus, sur votre
système de mérite et je voudrais compléter, non pas la
question, parce que je n'ai pas le droit de prendre part aux débats,
mais pour essayer d'éclaircir. En ce qui concerne votre système
de mérite, de quelle façon est-ce fait? C'est fait, vous me
dites, à tous les six mois. Est-ce que ce sont des contremaîtres
en groupes ou individuellement? De quelle façon fait-on
l'évaluation de l'employé? Est-ce que c'est une personne ou
plusieurs personnes qui font l'évaluation de son travail pour pouvoir le
faire progresser?
M. HEENAN: Ce sont plusieurs personnes. Cela commence, je pense, par le
contremaître directement, et puis cela s'achemine entre les
contremaîtres en général. Je sais qu'avant que le
résultat du système de mérite soit donné, c'est
passé entre les mains de plusieurs contremaîtres. C'est
commencé par un, mais c'est fait par plusieurs. Il y a une entrevue, par
la suite, avec l'employé et la chose est là.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci. Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Ma question s'adresse à M. Heenan
également.
Une des affirmations les plus contradictoires par rapport aux
témoignages du syndicat depuis le début, c'est celle qui porte
sur les profits de l'entreprise.
Vous avez affirmé, vous, si je vous ai bien compris, si j'ai bien
pris note, que votre entreprise n'avait pas fait de profits depuis les cinq
dernières années. Par contre, la partie syndicale, ce matin, nous
a apporté non seulement l'affirmation contraire, mais des chiffres
également à l'appui, que vous connaissez et qui nous disaient,
dans le témoignage, que les profits avaient été
élevés à $57 millions, je crois. Je comprends la
distinction que vous allez probablement m'expliquer entre la filiale de
Longueuil et la société mère qui est installée en
dehors du Québec, comme chacun le sait. Mais votre affirmation
porte-t-elle uniquement sur la filiale de Longueuil? Pouvez-vous,
peut-être pas sur le champ, mais à votre retour à la
commission parlementaire, nous apporter les preuves comme quoi la compagnie
fonctionnerait à déficit ou à perte depuis cinq ans?
M. HEENAN: Je pense que les bilans financiers sont
déposés. Il y a un rapport financier qui est entre les mains du
ministère des Institu-
tions financières. J'aimerais bien le consulter avec le directeur
de la planification fiscale, mais les chiffres que je vous donne sont officiels
et cela me fera plaisir d'essayer de répondre avec plus de
détails, si c'est cela qui vous intéresse.
M. COURNOYER: La question posée par le député de
Saint-Jacques est celle-ci: Demain après-midi, pourriez-vous apporter,
pour le bénéfice des députés ce que vous avez
déposé au ministère des Institutions
financières?
M. HEENAN: Je vais consulter mon client là-dessus, M. le
ministre.
M. COURNOYER: Avisez-moi demain matin, pour que je puisse demander au
ministre des Institutions financières de me le donner, dans
l'éventualité où vous refuseriez de nous le donner.
M. HEENAN: II faut que je pose la question à mon client, avant
que je puisse vous répondre.
M. COURNOYER: Nous pensions que c'était vous qui étiez
là.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Une toute courte question additionnelle à M. Dean.
L'affirmation que vous faisiez ce matin, quant aux profits de United Aircraft,
ce sont ceux de la société dans son ensemble et non pas de la
filiale de Longueuil. Est-ce que le syndicat possède des informations
sur les actifs et les passifs, les revenus et les dépenses de la
société, à Longueuil?
M. DEAN: C'est le bilan global de la United Aircraft Corporation, la
compagnie ne fait pas de bilan séparé pour la filiale canadienne.
J'ai ici une photocopie du rapport financier annuel pour 1973 et un rapport aux
actionnaires de la United Aircraft pour les six premiers mois de 1974, qui
indique les profits, le volume des ventes, et si vous voulez des photocopies,
cela me fera plaisir de vous en fournir.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): Ma question s'adresse en double à Me
Heenan et à M. Dean. J'ai cru comprendre, à un certain moment,
que vous aviez dit que vous aviez fait une nouvelle proposition au syndicat au
mois de juillet et vous avez affirmé que l'unité syndicale des
TUA avait refusé de la soumettre à ses membres. C'est la
première question.
Ma deuxième question est au sujet des "patterns" je
reviendrai sur cela si M. Dean veut m'en donner la raison puisqu'il
affirme qu'il a fait une nouvelle proposition au mois de juillet et que vous ne
l'avez pas soumise à vos membres. Est-ce vrai ou non?
M. DEAN: Au mois de juillet, il y a eu des rencontres au
ministère du Travail auxquelles ont participé le ministre
lui-même et ses médiateurs, etc. Je n'étais pas
présent à cette rencontre. On m'informe et si je me
trompe, il y a des gens ici qui peuvent me corriger qu'on a parlé
d'une possibilité d'offre pécuniaire en laissant entendre que la
question de la sécurité syndicale et le congédiement
d'André Cho-quette étaient des choses non discutables.
Le syndicat a refusé de discuter avec la compagnie, à
moins de ne discuter de tous les points en litige. Suite à cet
échec, la compagnie a fait une offre, par lettre, adressée aux
employés, encore une fois, comme elle l'a fait à de nombreuses
reprises, complètement par-dessus la tête du syndicat. Je ne
considère pas cela une offre patronale et je ne considère pas
cela de la négociation.
En réponse à votre deuxième question, lors de
l'assemblée générale, le 22 février, où la
dernière vraie offre patronale qui était faite au
ministère...
M. BELLEMARE (Johnson): Ma question est bien simple: L'avez-vous soumise
ou non?
M. DEAN: Non. Parce que, d'abord, la façon dont l'offre
était faite était irrégulière...
M. BELLEMARE (Johnson): Très bien.
M. DEAN: ... et, deuxièmement, nous avions un mandat de cette
dernière assemblée en février de ne pas revenir devant les
membres à moins d'avoir une proposition à présenter...
M. BELLEMARE (Johnson): C'est-à-dire que vous n'avez pas eu
d'autres assemblées depuis le 22 février?
M. DEAN: Non, monsieur, toutes les semaines, les
assemblées...
M. BELLEMARE (Johnson): Non. Une assemblée pour soumettre une
nouvelle proposition de la compagnie.
M. DEAN: Non, parce qu'on n'a pas eu de nouvelles propositions.
M. BELLEMARE (Johnson): Très bien. L'autre question et
c'est pour moi la dernière Me Dean, vous avez dit aujourd'hui que
la principale pierre d'achoppement du règlement à la United
Aircraft, c'était la question du "pattern". Vous avez même
terminé votre exposé en disant: On veut nous imposer un "pattern"
qui existe ailleurs. Vous qui êtes avocat du droit ouvrier, vous avez
pratiqué assez longtemps puisque je vous connais depuis plusieurs
années je voudrais bien que vous me citiez une seule convention
collective où on ne s'est pas servi du "pattern" des autres, soit chez
les policiers, les pompiers de Toronto, soit chez les éducateurs ou les
enseignants, soit
pour le métro, soit pour les autobus, pour régler certains
conflits. On se servait, à ce moment-là, vous comme d'autres,
particulièrement dans le cas de Daly et Morin, d'un "pattern". Pourquoi,
aujourd'hui, la compagnie se dit-elle dans l'impossibilité de traiter
sur un "pattern" qui existe déjà? Est-ce qu'il y a une
très bonne raison à me donner?
M. HEENAN: M. le député, M. le mi...
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, c'est cela.
M. HEENAN: Je me souviens d'autrefois.
M. BELLEMARE (Johnson): Vous avez une déformation
professionnelle, vous m'appelez le ministre, mais cela va être avant
longtemps.
M. HEENAN: Je pense que la question de "patterns" vient beaucoup plus du
côté syndical que du côté patronal.
M. BELLEMARE (Johnson): Dans toutes les conventions collectives, le
"pattern" d'une autre convention collective a servi souvent de base aux
négociations d'un règlement d'une grève.
M. HEENAN: Non, je ne pense pas que normalement cela se fasse. Je pense
qu'il n'y a pas seulement des conflits, mais bien des négociations, la
plupart, où il n'y a pas de "pattern" comme tel et il n'y a pas un
"pattern" de tout ce qui est fait. Il y a quelques syndicats qui l'exigent et,
d'ailleurs, dans cet article, M. McDermott explique qu'une des raisons pour
lesquelles il a tellement de problèmes, c'est qu'il essaie d'installer
le "pattern" et que le syndicat TUA s'en sert beaucoup plus que d'autres. Ce
qu'il dit, à ce moment-là, c'est que bien d'autres cas ne sont
pas une question de "pattern". Il y a des phrases qui entrent en
négociation; évidemment, chaque syndicat a des points qu'il aime
plus que d'autres, mais je pense que, normalement, en négociation il n'y
a pas de "pattern" qui...
M. BELLEMARE (Johnson): Non, mais on peut prendre comme exemple ce qui
existe et qui a été réalisé dans d'autres
conventions collectives. Quand vous allez devant le tribunal d'arbitrage ou
devant le commissaire-enquêteur, à tous les jours vous citez les
"patterns" qui existent dans d'autres circonstances similaires aux
vôtres.
Si je comprends bien votre réponse, c'est que vous n'avez pas
voulu considérer le "pattern".
M. HEENAN: M. le député je pense que le point que vous
soulevez est excellent. Il n'y a pas de doute que, dans une négociation,
on va regarder ce qui se fait alentour et ce n'était pas dans ce sens
que je voulais m'en servir. Vous avez absolument raison. Normalement, on essaie
de voir ce qui se passe aux alentours. Justement, une des choses que je
critiquais, c'est qu'ici on ne va pas regarder ce qui se passe autour, par
exemple à Canadair, qui est le plus proche dans l'avionnerie. On n'a pas
une comparaison avec Canadair.
M. BELLEMARE (Johnson): Quand on prend comme "pattern" les policiers de
Toronto, ou qu'on prend les éducateurs de la Saskatchewan ou d'ailleurs,
en Colombie-Britannique, on ne va pas chercher ça à la porte non
plus.
M. HEENAN: Normalement, on va toujours à celle qui paye le plus,
c'est exact, quelqu'un va toujours où ça paye plus. Mais
installer des clauses qui viennent vraiment d'un "pattern contract", je pense
que ça se fait très peu. D'ailleurs, c'est le commentaire qui a
été fait dans le Globe and Mail du 31 octobre 1974.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Dernière question, le
député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, je m'adresse au représentant de
la compagnie. Vous avez beaucoup insisté au cours de cette
matinée et au cours de cet après-midi sur le caractère
concurrentiel, les contrats que vous devez négocier avec les grandes
sociétés d'avionnerie et sur la concurrence que vous pouvez avoir
aux Etats-Unis. Par contre, j'ai remarqué que vous avez beaucoup
insisté sur deux points particuliers qui semblent, à mon avis,
être la cause de la situation actuelle, c'est-à-dire, qu'il n'y a
pas eu de règlement ou de rencontre depuis. Je me réfère
à la formule Rand, dont vous avez beaucoup parlé cet
après-midi, ainsi qu'à l'engagement de M. Choquette. J'aimerais
que vous donniez des explications. Quelles relations peut-il y avoir entre la
formule Rand, l'engagement de M. Choquette et le caractère concurrentiel
de la compagnie?
M. HEENAN: Sur la question, il n'y a pas de doute, je ne pense pas que
ce soit une question de profit. Il n'est pas question d'états financiers
ou de concurrence dans ce sens. Sur la question de la formule Rand,
c'était une question de principe, comme je l'expliquais tout à
l'heure. Dans le cas de l'engagement de M. Choquette, ce n'est pas une question
de profit, c'est une question d'organisation. Si les contremaîtres ne
peuvent pas donner d'ordres ou si les ordres ne sont pas suivis, ça
devient presque impossible de produire. Après tout, le but d'une
industrie manufacturière est de produire.
S'il y a des choses qui font qu'elle ne peut pas produire dans ce
sens-là, elle devient moins concurrentielle, seulement dans ce
sens-là. S'il y a de la pagaille constante à l'intérieur,
il n'y a pas de doute que cela va causer des problèmes. Si des personnes
ne suivent pas les ordres des contremaîtres ou n'acceptent pas
l'autorité, cela peut causer des problèmes.
Mais la question de la formule Rand n'était pas une question de
profits, c'était une question de principe. La question du
réengagement de M. Choquette relève de l'autorité de
l'employeur. Comme plusieurs arbitres l'ont dit, on ne peut pas risquer tout
simplement de laisser cela là où il n'y a aucune personne qui
suit les ordres des autres. Dans, une société
manufacturière ou autre, un employeur est une personne qui donne des
ordres qui sont suivis.
UNE VOIX: M. Heenan...
LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): On arrive à l'heure.
M. BURNS: J'avais compris parce que moi aussi, j'ai des questions
sur le fond, sur le mérite de l'affaire, M. le Président
qu'on se limitait uniquement à des questions d'information directe.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.
M. BURNS: Je me sens lésé si on embarque dans le fond. Je
n'en ai pas posé sur le fond et j'ai une question sur le plan uniquement
de l'information que je voudrais adresser à M. Heenan. Je ne veux pas
empêcher mon collègue de Beauce-Sud de parler non plus, mais je me
rends compte qu'il est déjà six heures cinq...
LE PRESIDENT (M. Séguin): On va autoriser, si vous voulez, la
question du député de Maisonneuve. Une fois que vous aurez
terminé, je vous demanderais, s'il vous plaît...
M. ROY: Voici...
M. BELLEMARE (Johnson): C'était pour compléter
l'information...
LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aime mieux finir sur un bon ton que
sur un mauvais ton. Alors...
M. BELLEMARE (Johnson): J'aimerais savoir de M. Heenan, s'il a soumis au
syndicat la dernière proposition du mois de juillet. Oui ou non?
M. HEENAN: Cela a été soumis par le ministère du
Travail. On nous a convoqués au ministère du Travail, on nous a
demandé si nous étions prêts à faire certaines
choses. On a dit: Oui, nous sommes prêts à faire certaines choses.
On a fait certaines choses.
M. BELLEMARE (Johnson): Répondez-moi. Avez-vous soumis au
syndicat, aux officiers...
M. HEENAN: Dans le dos. On n'a pas été appelé
à une table de négociations ensemble...
M. BELLEMARE (Johnson): L'avez-vous soumis au syndicat, oui ou non?
M. HEENAN: On l'a soumis au ministre pour qu'il le soumette au syndicat.
Oui.
M. BELLEMARE (Johnson): Mais vous, personnellement, l'avocat de la
compagnie, l'avez-vous soumis au syndicat?
M. HEENAN: Non, c'était jugé...
M. BELLEMARE (Johnson): D'accord, merci.
M. HEENAN: Si je peux répondre. Il a été
suggéré à ce moment-là qu'il n'était pas
opportun, comme dans plusieurs de ces négociations, de mettre les
personnes face à face, mais de le faire par l'intermédiaire du
ministère du Travail. Cela fut fait comme cela. L'offre fut faite et
destinée au syndicat, et la réponse qui nous fut retournée
par la suite, c'est que le syndicat avait reçu l'offre et qu'il refusait
de la soumettre à ses membres, tant et aussi longtemps qu'on ne
donnerait pas la formule Rand et le réengagement de M. Choquette.
M. ROY: M. le Président, j'aurais d'autres questions à
poser qui vont amener des questions subsidiaires.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Non.
M. ROY: Je vais tout simplement les réserver pour la prochaine
séance.
LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est cela.
M. ROY: J'aimerais bien qu'on s'entende une fois pour toutes de
façon que, lorsque notre tour reviendra de poser des questions, nous ne
soyons pas limités à toutes sortes de contraintes.
LE PRESIDENT (M. Séguin): II avait été...
M. ROY: II y a des points sur lesquels j'ai des questions
précises à poser aux deux parties. Je pense que ces questions
doivent être posées. Il est possible que dautres collègues
les posent avant moi, mais, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Séguin): On sait qu'il n'en est pas
question.
M. ROY: J'estime qu'on va attendre à demain, étant
donné que nous sommes pressés par le temps.
LE PRESIDENT (M. Séguin): II ne s'agit aucunement ici
d'empêcher un membre de la
commission de poser une question. Simplement, ce n'est pas une
période de questions, en réalité. On a autorisé,
pendant quinze minutes, ou, on a reconnu pendant quinze minutes certaines
questions courtes pour l'information. Le député de Maisonneuve
sur celle-ci.
M. BURNS: C'est ça que j'ai comme question.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Une dernière information.
M. BURNS: Je m'excuse auprès des membres et auprès de tout
le monde de vous retenir une fois passé six heures. On avait fixé
six heures.
UNE VOIX: II y en a qui attendent.
M. BURNS: Oui, c'est ça, il y a des gars qui attendent depuis
plusieurs mois, semble-t-il.
LE PRESIDENT (M. Séguin): II y en autour de la table aussi.
M. BURNS: Quand bien même on prendrait quelques minutes de plus.
Si je veux poser la question ce soir, c'est qu'il est possible que M. Heenan
voudra consulter ses mandants avant de me donner une réponse
définitive, de sorte que si je lui pose demain cela va remettre à
plus tard sa réponse. Peut-être. En tout cas, je présume.
Puisqu'il a été question dans votre exposé, M. Heenan, de
pertes financières de la compagnie, vous nous avez parlé de
décalage de quelques millions, je pense que vous parliez même de
$3 millions pour l'année dernière ou quelque chose du genre.
M. HEENAN: Pour 1973, oui.
M. BURNS: Oui. Est-ce que vous pourriez déposer, pour le
bénéfice des membres de la commission, les bilans financiers de
votre com- pagnie, non pas ceux de la compagnie United Aircraft comme telle
avec toutes ses succursales, mais quant à ses opérations de
Longueuil et de Saint-Hubert? Y aurait-il moyen d'avoir cela, d'une part?
Deuxièmement, j'aimerais beaucoup que vous nous répondiez
clairement à la question que je vous ai posé plus tôt sur
les subventions, à savoir: Est-ce que vous êtes capable de
déposer les ententes elles-mêmes je vous la rappelle parce
que pour moi ce n'était pas une réponse tout à l'heure, je
ne veux pas que vous l'oubliiez parce que moi je ne l'oublierai pas
concernant les subventions. C'est le deuxième point que j'aimerais que
vous nous clarifiiez.
Troisièmement, si vous étiez capable de donner à la
commission, la liste, au cours des cinq dernières années, des
subventions, des montants et de leur provenance. Quand je dis leur provenance,
il s'agit du fédéral ou du provincial.
M. HEENAN: Vous demandez aussi du fédéral, monsieur?
M. BURNS: Ah oui! Je pense que ce n'est pas sans intérêt.
Alors, je pense que si vous pouviez, même si vous ne pouvez pas me
répondre tout de suite, je vais accepter que vous me disiez que vous
allez vérifier cela auprès de vos mandants. Soyez certains, et je
vous prie, quant à moi, de dire à vos mandants que je vais me
battre à mort pour avoir ces informations.
M. HEENAN: Très bien, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Séguin): Avant de proposer l'ajournement, je
voudrais remercier les deux personnes qui ont bien voulu servir de pare-chocs
entre les deux parties cet après-midi. Je reconnais Me Létourneau
et M. Laberge. Je vous remercie de votre coopération. Vous m'avez
aidé énormément. La commission ajourne ses travaux
à 16 heures, demain.
(Fin de la séance à 18 h 14)