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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 6 novembre 1974 - Vol. 15 N° 168

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Conflit ouvrier à United Aircraft


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Conflit ouvrier à United Aircraft

Séance du mercredi 6 novembre 1974

(Dix heures trente-deux minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Les membres de la commission parlementaire pour la séance de ce matin sont les suivants: MM. Bellemare (Johnson); Bérard (Saint-Maurice); Leduc (Taillon); Boudreault (Bourget); Burns (Maisonneuve); Charron (Saint-Jacques); Lachance (Mille-Iles); Cournoyer (Robert-Baldwin); Déziel (Saint-François); Tardif (Anjou); Bonnier (Taschereau); Harvey (Charlesbourg); Marchand (Laurier); Roy (Beauce-Sud).

Nous allons continuer nos travaux et nous les suspendrons à 12 h 30, pour les reprendre, si nécessaire, après la période des questions en Chambre, soit vers 16 heures pour aller jusqu'à 18 heures si nécessaire. Il n'y aura pas de séance ce soir. S'il s'agit de continuer à un autre moment, l'annonce se fera à ce sujet, si possible, cet après-midi, sinon ce sera une convocation pour une date de la semaine prochaine ou plus tard, si c'est nécessaire. Je n'ai pas l'intention de prévoir que la séance durera aussi longtemps que cela. J'ai reçu une demande de la part de la Chambre de commerce de la province de Québec pour se faire entendre. Je dois dire immédiatement que nous sommes ici plutôt pour entendre les deux parties dans le conflit, c'est-à-dire la United Aircraft Corporation, de la part du patronat, et le local 510 des Travailleurs unis de l'automobile, qui sont les deux parties dans ce conflit. Je ne mets pas de côté la possibilité d'en entendre d'autres, mais pour la séance d'aujourd'hui, nous allons certainement entendre les deux parties en cause.

Je ne crois pas que j'aie d'autres commentaires à faire à ce moment, si ce n'est de vous remercier de vous être présentés devant la commission. J'agis au nom de la commission elle-même. Nous allons, à la suite peut-être de quelques commentaires que nos membres voudront faire — commentaires brefs, je pense bien — procéder à entendre les deux parties.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. LETOURNEAU (Jean-Paul): M. le Président, une question de privilège, s'il vous plaît.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, un instant, sur quel point?

M. LETOURNEAU: Je suis le représentant de la Chambre de commerce. Pouvons-nous nous attendre à être convoqués par la suite?

LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission en décidera. Nous allons entendre les deux parties en cause. Ensuite, si nécessaire, ou si désiré par la commission, nous entendrons les autres. Maintenant, aussitôt que nous en entendrons une autre, à part les deux, naturellement, il faudra aussi écouter ce que d'autres groupes auront à nous dire.

M. LETOURNEAU: Par la suite, nous aurons le privilège de venir faire valoir notre prétention à être entendus.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Si la commission le juge nécessaire. On vous informera certainement de la décision de la commission.

M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président. S'il y a d'autres parties que les deux parties que vous venez de mentionner, nous pourrons faire valoir notre droit à être entendus devant cette commission.

LE PRESIDENT (M. Séguin): En toute justice, je pense qu'il faudrait prendre une décision dans ce sens.

M. LETOURNEAU: Merci, M. le Président.

M. MORIN: M. le Président, là-dessus, je voudrais ajouter deux mots. Tout le monde sait le respect que nous avons pour la Chambre de commerce du Québec, mais il est bien entendu que, si nous ouvrons les portes à la Chambre de commerce, beaucoup d'autres organismes, à tout le moins aussi intéressés que la Chambre de commerce, vont vouloir se faire entendre. Le risque, pendant ce temps, c'est que le conflit continue de perdurer, que le conflit puisse même s'aggraver. N'oublions pas non plus que nous avons à entendre parler d'un autre conflit fort important, soit celui de la Canadian Gypsum. Alors, si nous ouvrons les portes et que nous commençons à entendre toutes les parties qui ne sont pas directement intéressées, les parties qui s'affrontent à l'heure actuelle, et que nous tentons de départager, cela pourrait nous mener à plusieurs semaines d'ici. Cela n'est pas l'idée qui sous-tend la séance de ce matin. Tout le monde, ici, est conscient de l'urgence qu'il y a à régler ce conflit. Ce n'est pas pour rien que l'Assemblée a pris la décision qu'elle a prise. C'est parce que vraiment nous avons un sentiment d'urgence.

Il ne faudrait pas ouvrir les portes de façon à faire durer les séances deux semaines, trois semaines, ou un mois. Il faudrait que ce soit réglé le plus vite possible. Je pense que les gens de la Chambre de commerce peuvent facilement comprendre cela.

M. LETOURNEAU: Oui, M. le Président,

nous comprenons très bien que, si d'autres parties que les deux que vous venez de mentionner sont entendues, nous aurons le privilège de venir faire valoir notre droit à être entendus, parce que nous nous considérons comme identifiés à des parties en cause actuellement.

M. COURNOYER: Quand vous parlez d'autres parties, M. Létourneau, de quoi parlez-vous au juste?

M. LETOURNEAU: Le président a mentionné spécifiquement les deux parties en cause qui seraient entendues. Si d'autres personnes que ces représentants directs de ces deux parties viennent devant cette commission, je comprends que nous pourrons revenir devant cette commission et faire valoir notre droit à être entendus.

M. COURNOYER: Je comprends bien que si c'étaient d'autres parties que les deux parties — vous dites: Nous aussi avons le droit d'être entendus — j'accepte cela facilement.

Si ce sont les Travailleurs unis de l'automobile, le local 510 avec le représentant autorisé du local 510 et la compagnie United Aircraft qui font leur présentation, c'est une tout autre discussion que vous voudriez faire plus tard. C'est-à-dire que vous pouvez toujours contester le principe de l'intervention gouvernementale, mais à d'autres occasions que le cas précis de United Aircraft, sauf si d'autres personnes venaient plaider dans le cas de United Aircraft. Je n'exclus pas la possibilité que Gypsum et le syndicat des employés de Gypsum viennent ici de la même manière que les employés de United Aircraft et la compagnie United Aircraft. Les autres parties dont vous parliez ne sont pas Gypsum et le syndicat des employés de Gypsum. Ce n'est pas de ces parties dont vous parlez.

M. LETOURNEAU: Je comprends qu'il peut y avoir, par exemple, des associations par voie de fédération, alors par voie de "membership", sur le plan syndical et si cela existe et si vous les recevez, à ce titre, nous aimerions être aussi reçus à ce même titre; parce qu'une des parties est membre chez nous, et nous sommes identifiés à cette partie dans le débat que vous allez avoir.

M. COURNOYER: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est tout cela que j'ai essayé de dire tout à l'heure, mais apparemment, je me suis mal exprimé.

M. LETOURNEAU: M. le Président, nous demeurons disponibles.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est cela. Merci. Nous demandons aux représentants du local 510 des Travailleurs unis de l'automobile de bien vouloir se présenter à la table et de faire valoir leur point de vue.

On me dit que vous avez un mémoire assez volumineux. Je vous demanderais de nous faire part de ce mémoire. Lorsque vous serez prêts, messieurs...

Vous voulez bien, s'il vous plaît, donner votre nom et les noms de ceux qui vous accompagnent. Je ne parle pas de tout le local 510. Je veux dire les noms de ceux qui sont à la table.

Local 510 des travailleurs unis de l'automobile

M. DEAN: M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, mon nom est Robert Dean, je suis directeur québécois du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, syndicat qui groupe 1,700,000 membres en Amérique du Nord dont 100,000 au Canada et 13,000 membres au Québec.

Je suis accompagné de M. Claude Ducharme, représentant et conseiller technique de notre syndicat, de notre conseiller juridique, Me Gaston Nadeau, et éventuellement, il n'est pas ici avec moi, mais un recherchiste nous accompagne, M. Jean-Guy Frenette.

Alors, au nom des grévistes de United Aircraft, je vous remercie d'avoir convoqué les parties et de tenter d'apporter une solution à ce conflit qui dure depuis si longtemps.

Le conflit de travail que vous avez à étudier aujourd'hui, messieurs, est vieux de 20 ans. La campagne de recrutement de notre syndicat auprès des employés des usines de la United Aircraft sur la rive sud a en effet débuté en 1953 et une accréditation syndicale n'a été émise par le gouvernement du Québec qu'en 1963. Pendant cette campagne, l'employeur a résisté, par tous les appareils d'intimidation et l'utilisation de l'appareil judiciaire, par des mesures dilatoires, des contestations et tout ce qu'un employeur vicieusement antisyndical peut faire pour empêcher les travailleurs de se grouper en syndicat.

Accrédité en 1963, notre syndicat a réussi, en 1964, à conclure une première entente collective qui se caractérisait par la faiblesse de ses clauses. C'était une première convention collective tout juste, rien de plus. En 1967, les travailleurs sont sortis en grève, mais, grâce au barrage inoui' de lettres aux employés et à leurs familles, aux appels téléphoniques par les cadres de la compagnie, à tout l'appareillage d'intimidation aux entrées de l'usine, 3 l'utilisation des caméras, des agents de sécurité et de l'injonction, la compagnie a réussi à écraser la résistance des travailleurs. Après sept semaines de grève, une deuxième convention collective intervenait, provoquant l'humiliation des travailleurs.

En 1970, au début des négociations, et à cause de l'absence de toute forme de sécurité

syndicale valable, les négociateurs patronaux nous ont informés que nous ne représentions plus la majorité des travailleurs et qu'ils ne voulaient plus négocier avec nous.

Heureusement, nous gardions une majorité faible des travailleurs dans nos rangs et, après de longues négociations, les travailleurs, "un peu beaucoup" démoralisés de l'échec de 1967, ont accepté une troisième convention collective basée sur la première offre patronale.

Mais, entre 1970 et le début des négociations en 1973, une transformation radicale s'est produite chez les travailleurs de la United. De jeunes militants se sont joints à ceux qui militaient déjà depuis cinq ans, dix ans, quinze ans et vingt ans pour bâtir un syndicat véritable. L'écoeurement des travailleurs face à un régime de mépris et d'insultes constant des cadres donnait naissance à un sentiment de révolte.

Le système salarial à la United comporte la soi-disant "rémunération au mérite", qui prévoit quatre taux de salaire pour chaque emploi, attribués au gré de l'employeur. Ce système permet à un balayeur de gagner $0.14 l'heure de plus qu'un autre balayeur et un outilleur peut gagner jusqu'à $0.37 l'heure de plus qu'un autre outilleur. Ce système de favoritisme systématique est également appliqué de façon à exploiter le manque de sécurité syndicale dans l'usine. Les non-syndiqués sont favorisés au détriment des syndiqués. Le syndiqué ordinaire est favorisé au détriment de celui qui accepte de défendre ses camarades de travail à titre de délégué ou de dirigeant de la section locale.

En mars 1973, une tentative unilatérale de la direction d'imposer des équipes rotatives sept jours par semaine, pour remplacer un système de travail du lundi au vendredi avec les fins de semaine effectuées en travail supplémentaire, a cristallisé le militantisme en un débrayage de protestation. A l'approche des négociations, en août 1973, le militantisme et le recrutement syndical s'accéléraient et s'accompagnaient d'une volonté de faire face à la United une fois pour toutes.

United Aircraft est le plus grand fabricant au monde de moteurs à réaction et à turbines destinés aux avions et aux bateaux. Sa division Pratt & Whitney fabrique des moteurs pour les DC-8, DC-9 et DC-10 de Douglas et les 707, 727, 737 et 747 de Boeing, entre autres. Dans ses autres divisions, elle fabrique des hélicoptères (Sikorsky Aircraft Division), des éléments électriques et électromécaniques (Norden Division) et une gamme de pièces d'avion, y compris des hélices, des unités de réfrigération, des démarreurs et pompes hydrauliques (Hamilton Standard Division). Je pourrais ajouter — ce n'est pas dans le texte — qu'au cours de l'année 1973 la compagnie a acquis une autre grande entreprise qui s'appelle Essex International Corporation qui fabrique des filages électriques et de nombreux autres produits de nature électrique.

Le gouvernement américain est le plus grand client de la United — on parle de la totalité de la corporation — accaparant approximativement 50 p.c. de ses ventes. Le reste de sa clientèle se compose d'autres gouvernements et d'entreprises privées: constructeurs d'avions, lignes aériennes, compagnies d'électricité et de gaz.

Les ventes de la United Aircraft en 1973 étaient de $3.14 milliards et les profits après impôt étaient de $98.5 millions. Dans les six premiers mois de 1974, ses ventes étaient de $1.71 milliard et ses profits après impôt, de $57.1 millions.

Des produits canadiens. La United Aircraft of Canada est une société "canadienne" dont la compagnie mère contrôle 96.4 p.c. des actifs. Le dernier bilan de la compagnie rapporte 97.1 p.c. Les moteurs produits aux usines de la United à Longueuil et à Saint-Hubert sont uniques parce qu'ils sont destinés à des hélicoptères et à de plus petits avions, mais également parce qu'ils ont presque entièrement été conçus, dessinés, construits, expérimentés, perfectionnés et produits massivement au Canada par les Canadiens.

Il y a, aux établissements de la société à Longueuil, 2,700 employés de bureau, techniciens, ingénieurs et cadres non syndiqués. Au début de la grève, il y avait aussi 2,500 travailleurs d'expérimentation et de production syndiqués. Ces travailleurs sont, en grande partie, hautement spécialisés, travaillent à des échelles de mesure qui vont jusque dans les millionnièmes de pouce et la qualité du travail effectué par la main-d'oeuvre à Longueuil et à Saint-Hubert est supérieure à celle de toutes les autres usines de cette entreprise géante.

On remarque le même phénomène chez la General Motors, la Sicard à Sainte-Thérèse, la Firestone; c'est la qualité de la main-d'oeuvre québécoise par rapport à la main-d'oeuvre canadienne et américaine.

Les moteurs fabriqués à Longueuil, les PT-6 et les JT-15, en plus d'être utilisés pour propulser des bateaux, des centrales électriques, etc., sont principalement destinés aux constructeurs de petits avions, comme Bell Helicopter de Fort Worth au Texas, Cessna et Beech Aircraft au Kansas, DeHavilland à Toronto (qui fabrique surtout des avions à décollage et à atterrissage court, qui constituent la base de la politique aéronautique du gouvernement canadien pour l'avenir), l'aérospatiale de France, Short Brothers en Irlande. Les constructeurs d'avions de 38 pays du monde utilisent ces moteurs.

Des conditions de travail généralisées. Notre syndicat considère à juste titre que la United Aircraft, qui accapare 70 p.c. de la production mondiale de moteurs d'avions, fait partie intégrante de l'industrie aérospatiale, et que sa convention collective, ses salaires et ses conditions de travail devraient refléter ceux en vigueur dans l'industrie aérospatiale canadienne.

Ce fait a toujours été le point de départ dans la formulation de nos revendications syndicales, lors des négociations depuis 1964. Cependant, nous nous sommes trouvés au début des négociations de 1973, après vingt ans d'efforts et trois conventions collectives, avec des conditions, à United Aircraft du Canada, qui faisaient honte à notre syndicat et à nos 2,500 membres travailleurs. Ces derniers, conscients de la complexité et de la qualité de leur travail, se croyaient justifiés de revendiquer des conditions de travail qui existent déjà presque sans exception dans toutes les conventions collectives négociées dans l'industrie aérospatiale au Canada par notre syndicat. Leur devise était: "Nous ne demandons pas plus, mais nous n'accepterons pas moins."

Les revendications formulées par les membres de la section 510 des Travailleurs unis de l'automobile pendant les présentes négociations sont collées sur ce qui existe à la Douglas Aircraft of Canada à Toronto, à la DeHavilland Aircraft de Toronto et à Spar Aerospace de Toronto, pour n'en nommer que trois. Les usines de United Aircraft à Longueuil font d'elle la deuxième plus grande entreprise aérospatiale au Canada, ce qui justifie amplement nos comparaisons.

Un retard humiliant. Au début des négociations en 1973, les salaires payés pour les employés non spécialisés et spécialisés de la United Aircraft of Canada Limited étaient substantiellement plus bas que ceux payés pour les mêmes métiers dans d'autres entreprises. A cause de cela, la compagnie avait perdu, durant l'été et l'automne 1973, au-delà de 200 hommes hautement spécialisés, qui sont partis pour aller travailler à des salaires et à des conditions nettement supérieurs dans des entreprises comme Air Canada, Canadair, Rolls Royce, DeHavilland, Douglas, Spar ou autres.

Malgré dix ans de lutte... Après trois conventions collectives et dix ans de lutte syndicale, les travailleurs de la United n'ont toujours pas la progression automatique des salaires, système qui permet à tout employé qui, après une période de temps d'apprentissage, occupe les mêmes fonctions, de bénéficier du même taux de salaire. Ceci existe dans toutes les industries aérospatiales du Canada sans exception.

Après dix ans et trois coventions, les travailleurs de la United n'ont toujours pas l'indexation de leurs salaires au coût de la vie, ce qui existe déjà depuis fort longtemps à Douglas, à DeHavilland et à Spar et que nous avons négocié lors d'une première convention avec la société Aviation Electric Limited de ville Saint-Laurent, filiale de la Bendix Corporation, également une entreprise multinationale.

Après dix ans et trois conventions, les travailleurs de la United n'ont toujours pas la sécurité syndicale, ni la formule Rand qui oblige tout employé dans l'unité de négociation à payer un montant équivalant aux cotisations syndicales comme contribution pour les services reçus du syndicat mandaté pour le représenter tel qu'exigé par la loi —j'ajouterais un oubli dans le mémoire — ni la formule d'atelier syndical qui est la formule d'adhésion obligatoire au syndicat après une période stagiaire.

Après dix ans et trois conventions collectives, les travailleurs de la United n'ont toujours pas leur mot à dire dans la fixation des horaires de travail, ni le droit d'effectuer le travail supplémentaire sur une base volontaire, ni un programme négocié d'apprentissage dans les métiers spécialisés, ni un programme de prestations supplémentaires de chômage qui complète les prestations d'assurance-chômage lors de la mise à pied, ni le régime d'assurance collective et l'assurance-maladie du Québec payée à 100 p.c. par l'employeur, pas plus qu'ils ne bénéficient des régimes de soins dentaires, d'assurance-médicaments et assurance-incapacité à long terme, ni un régime de retraite payé à 100 p.c. par l'employeur et à des prestations égales à celles des autres entreprises déjà nommées. Pourtant, toutes ces conditions de travail énumérées existent et depuis fort longtemps dans les autres entreprises majeures de l'industrie aérospatiale canadienne, telles la Douglas, DeHavilland et Spar.

Un mandat clair. La dernière convention collective a expiré le 21 septembre 1973. Les négociations se sont poursuivies de façon intensive du mois d'août jusqu'à la fin de novembre. La demande de conciliation n'a été faite qu'à la fin de septembre et le droit de grève a été acquis le 28 novembre 1973. Le comité de négociation du syndicat fut appuyé par un vote de grève, mais n'a pas mis en vigueur son mandat de grève à cette date. Effectivement, les négociations se sont poursuivies jusqu'au 8 décembre et l'offre patronale fut soumise à une assemblée générale des membres, qui l'ont rejetée à 92 p.c. (toujours par scrutin secret).

Dans les semaines qui ont suivi, la compagnie n'a fait aucun effort pour retourner à la table de négociation. Au contraire, elle a commencé une campagne intensive de lessivage de cerveaux auprès des travailleurs pour leur faire accepter son offre. Elle s'adressa directement à eux en ignorant entièrement les dirigeants du syndicat. Des lettres furent envoyées aux domiciles des employés et les cadres les apostrophaient sur les heures de travail, mais en vain.

Les provocations. Le 18 décembre, la compagnie annonce qu'elle met en vigueur les nouveaux taux de salaire et certaines conditions de travail faisant partie de l'offre. Mais elle ne met pas en vigueur la fermeture de l'usine entre Noël et le Jour de l'An qui faisait partie de son offre. Dans son arrogance inouie, la compagnie établit un horaire de travail supplémentaire pour le samedi entre Noël et le Jour de l'An et profère des menaces aux travailleurs qui refusent de s'y conformer, ce qui venait justifier davantage la revendication des travailleurs pour le travail supplémentaire volontaire.

A la suite de certains événements dans

l'usine, le vendredi 4 janvier, la compagnie somme les employés de se rapporter au travail le lundi 7 janvier par petits groupes et à des intervalles de quinze minutes. Elle modifiait ainsi les horaires de travail et justifiait la détermination des travailleurs qui réclament les horaires de travail précis, écrits dans la convention collective et modifiables uniquement par entente mutuelle entre les parties. On trouve pareilles clauses dans les conventions collectives de Douglas, de DeHavilland, de Spar et de bien d'autres.

United armée jusqu'aux dents. En face de ces provocations, la grève est déclenchée le 7 janvier 1974. Et la compagnie entreprend une campagne massive de lettres aux employés, de publicité dans les journaux. Elle place des caméras de télévision en circuit fermé aux portes de l'usine, des batteries de photographes, des agents de sécurité armés et accompagnés de chiens dressés. Notons que l'agence de sécurité Garda est couverte par United Aircraft pour tout accident, blessure et décès qui surviendraient aux gardes ou à leurs victimes, dans l'exercice de leurs fonctions. Nous joignons d'ailleurs à ce texte une copie du contrat qui en fait foi. Non contente de s'armer jusqu'aux dents, la compagnie a poussé la provocation jusqu'à faire visiter les grévistes par des cadres qui manipulaient tantôt les promesses, tantôt le chantage. Nous avons d'ailleurs obtenu une injonction interdisant à la compagnie ce genre de pressions.

Après six semaines de grève, le ministère du Travail convoque les parties et la compagnie formule une nouvelle offre ridiculement semblable à l'offre précédente. Elle continue d'y refuser les revendications que les travailleurs considèrent essentielles. Soit dit en passant, dans une tentative d'éviter la grève ou de l'écourter, le syndicat a accepté des offres patronales qui demeurent inférieures à ce qui existe déjà dans l'industrie aérospatiale canadienne, au chapitre des régimes de retraite, du régime d'assurance collective, de la formation professionnelle, des prestations supplémentaires d'assurance-chômage et à bien d'autres niveaux.

Une sympathie généralisée. La nouvelle offre patronale est soumise à une assemblée générale des membres le 27 février. Elle est rejetée par scrutin secret dans une proportion de 90 p.c. Cette assemblée est surveillée du début à la fin par les caméras de télévision et les journalistes. Ce sont ces derniers qui ont ouvert les boîtes de scrutin et compté les bulletins. Cette assemblée et ce vote ont mérité au syndicat des éditoriaux fort sympathiques dans le Devoir et la Presse, dans les jours qui ont suivi. Des journaux, comme la Gazette, ont également affirmé que les points en litige étaient des points fondamentaux qui ne devraient pas faire l'objet d'un conflit en 1974.

La lutte continue aujourd'hui sur les mêmes points. Au cours des dernières semaines, il y a eu au Québec et dans tout le Canada une attention des media d'information jamais égalée dans un conflit de travail sévissant dans l'industrie privée. La presse francophone et anglophone, dans tout le pays, les hommes politiques de différents partis et de différents niveaux de gouvernement, le maire de Longueuil, des députés provinciaux et fédéraux ont exprimé leurs sympathies pour les grévistes et pour leurs revendications légitimes. Tous disent leur étonnement face aux agissements de cette entreprise qui refuse de les accepter en 1974. Les évêques de la région métropolitaine de Montréal, dans un geste sans précédent, ont analysé les effets humains, familiaux et sociaux catastrophiques qui accompagnent ce conflit et ont expressément exprimé leur accord pour au moins quatre des six revendications qui font l'objet du litige.

Les points en litige. Passons maintenant à l'objet du conflit au moment où je vous parle. Il y a trois semaines, le ministre du Travail du Québec a demandé au syndicat de formuler une nouvelle proposition sur les points en litige. Ceci fut fait. Trois semaines plus tard, nous attendons toujours une réponse, qu'elle soit positive ou négative, de la partie patronale. Cette dernière n'a pas daigné se manifester jusqu'à ce jour.

La durée de la convention collective. L'ancienne convention collective a expiré le 21 septembre 1973. Déjà plus d'un an a passé. A ce jour, dans les négociations et les tentatives de médiation et d'enquête qui ont ponctué ce conflit, nous avons toujours parlé d'une convention d'une durée de trois ans à compter du 22 septembre 1973. Lors d'une contreproposition soumise à un médiateur spécial du ministère du Travail en mars, à la suite de l'assemblée des membres tenue le 27 février dernier, le syndicat a indiqué qu'il serait prêt à accepter une convention collective de 40 mois, expirant en janvier 1977 au lieu de septembre 1976.

Dans la nouvelle proposition soumise au ministre du Travail du Québec il y a trois semaines, le syndicat a indiqué son désir de conclure une convention collective de trois ans à compter du 1er octobre 1974. Tenant compte de l'année écoulée depuis l'expiration de l'ancienne convention collective, ceci veut dire que nous parlons maintenant d'une convention de quatre ans, à toutes fins pratiques. Par ce fait, le contenant de la future convention collective est substantiellement modifié.

La sécurité syndicale. Il y a deux formes de véritable sécurité syndicale dans les conventions collectives signées dans l'industrie privée: l'atelier syndical prévoit que tout employé, après une période de probation définie à la convention, doit devenir et demeurer membre en règle du syndicat pour la durée de la convention collective. Il est membre à part entière. L'autre forme, communément appelée formule Rand, prévoit que tout employé qui a accompli une période de probation définie à la convention et n'est pas membre en règle du syndicat doit, comme condition du maintien de son emploi, contribuer au syndicat par un montant équivalant à la cotisation syndicale.

Le principe qui justifie ces formes de sécurité syndicale est connu de tous. Tous les avantages négociés par le syndicat à la convention collective doivent, en conformité avec la loi, être accordés à tous les travailleurs faisant partie de l'unité de négociation, qu'ils soient syndiqués ou non. De plus, le syndicat est tenu par la loi de représenter tout employé faisant partie de l'unité de négociation qui a un grief pour violation de la convention collective, encore qu'il soit membre ou non du syndicat. Partant de la fameuse déclaration qui a marqué la révolution américaine: "Pas de taxation sans représentation", nous disons que si tel travailleur doit être représenté, il doit payer sa juste part et à part égale avec ses camarades de travail.

Les recherchistes de l'université McGill nous informent que 85 p.c. de toutes les conventions collectives de travail régissant plus de 500 employés prévoient soit l'atelier syndical, soit la formule Rand. Dans l'industrie aérospatiale canadienne, la Douglas Aircraft, la DeHavilland Aircraft, la Spar Aerospace prévoient toutes trois l'atelier syndical. Canadair prévoit une combinaison des deux. De petites entreprises aérospatiales, dès la première convention collective négociée par notre syndicat, soit Saunders Aircraft à Gimli, Manitoba, et Bell Aerospace à Grand Bend, Ontario, prévoient toutes les deux la sécurité syndicale. Une première convention collective négociée par notre syndicat avec Aviation Electric Limited de ville Saint-Laurent, filiale de Bendix Corporation, prévoit l'atelier syndical parfait.

Dans plus de 80 conventions collectives négociées par notre syndicat au Québec, on prévoit l'atelier syndical ou la formule Rand ou une combinaison des deux. United Aircraft constitue la seule exception.

La compagnie prétexte que c'est pour elle un principe sacré qu'aucune personne ne soit tenue de payer pour travailler dans ses murs. Elle n'a sans doute pas évalué le coût des sacrifices que font présentement un millier de familles pour être respectées par elle. Tous ceux, évêques, journalistes, hommes politiques, éditorialistes, qui ont élevé la voix au cours de ce conflit s'accordent sur la nécessité d'imposer l'une de ces deux formules à la United Aircraft. Un. citoyen a-t-il le droit de refuser de payer ses taxes sous prétexte qu'il n'a pas voté pour le parti au pouvoir? C'est là le principe qui est en jeu quand on parle de sécurité syndicale à la United Aircraft.

Les horaires de travail. Les horaires de travail à DeHavilland, Douglas et Spar entre autres prévoient en toutes lettres l'heure du début et de la fin de chaque équipe de travail et prévoient que tout changement dans ces horaires doit être négocié et faire l'objet d'une entente mutuelle entre la compagnie et le syndicat. Ceci fut notre demande à la United Aircraft. Elle se dit prête à afficher les horaires dans les usines, mais veut se réserver le droit de les changer unilatéralement, laissant comme seule défense au syndicat le droit d'arbitrage. Un droit d'arbitrage assorti d'une clause des droits de la direction qui lui conserve, à la direction, le pouvoir exclusif de déterminer les horaires de travail est absolument illusoire et sans effet.

Dans notre proposition modifiée et soumise au ministre du Travail, il y a trois semaines, nous suggérons que les horaires actuels demeurent et ne puissent être modifiés que par entente mutuelle. Nous ajoutons cependant une clause qui permettrait des modifications, advenant l'introduction par l'entreprise de nouveaux procédés de production justifiant par leur nature (chimique, plastique) des horaires continus, sept jours par semaine. Le syndicat accepterait de tels horaires si les heures du début et de la fin du système étaient négociées et décidées par entente mutuelle entre les parties. Nous demandons en outre que les employés affectés à ces horaires soient des volontaires ou, à défaut, des employés nouvellement embauchés et que les taux de travail supplémentaire, (temps et demi et temps double) s'appliquent lors de la première et deuxième journées de congé de chaque employé, ainsi que pour le travail effectué le samedi et le dimanche.

Travail supplémentaire volontaire. A Douglas, DeHavilland et Spar, le travail supplémentaire est entièrement volontaire. L'homme n'est pas une machine. Tout en demeurant un employé loyal, il se garde le droit de disposer de ses heures de loisirs pour son bien-être et celui de sa famille. La seule obligation qu'a le syndicat, dans ces trois entreprises, est de coopérer avec la direction pour essayer de trouver la main-d'oeuvre qualifiée lorsqu'il y a un besoin de travail supplémentaire. Soit dit en passant, il n'y a jamais de problème pour trouver du monde pour faire le travail supplémentaire dans ces usines.

Nous avons présenté la même demande à la United Aircraft. Elle a répliqué, avec un système de volontariat au premier tour qui prévoirait que, lorsqu'il n'y a pas assez d'employés qualifiés pour effectuer le travail, elle se réserve le droit d'imposer l'obligation d'effectuer le travail supplémentaire. Le syndicat déclare sans crainte de se faire contredire, que les employés de la United Aircraft, lorsque les besoins et les problèmes urgents de la compagnie leur étaient expliqués, ont toujours accepté d'effectuer dans le passé des semaines allant jusqu'à sept jours de douze heures et de quatre-vingt-quatre heures par semaine et ce, pendant des mois. La motivation pécuniaire aidant, nous ne craignons pas que cette attitude antérieure des employés de United Aircraft se modifie.

Cependant, le travailleur, comme homme, comme père de famille, exige le droit, lorsque besoin est, de décliner le travail supplémentaire sans crainte de mesures disciplinaires. A la demande du ministre du Travail, le syndicat a soumis une modification de sa position à cet

égard. Nous avons proposé, en vue d'un règlement rapide du conflit, un système en vertu duquel le travail supplémentaire serait obligatoire deux heures par jour, du lundi au jeudi, tout travail supplémentaire devenant volontaire après dix heures de travail effectué dans les journées du lundi au jeudi inclusivement, après huit heures, le vendredi, et toutes les heures travaillées le samedi et le dimanche.

Nous ajoutons que, lorsque ce système de volontariat sera en vigueur, la compagnie, après avoir cherché les employés qualifiés dans un département donné, pourrait en chercher dans l'usine entière et, à défaut d'un nombre suffisant, le syndicat reconnaîtrait à la direction le droit de faire effectuer le travail supplémentaire refusé par ses membres par les cadres de la compagnie. Ceci représente une modification substantielle de la position antérieure du syndicat.

Salaires. Le syndicat avait à faire face à des problèmes majeurs en matière salariale au début des négociations en 1973.

Premièrement, le taux de salaire métier par métier était de $0.60 à $1.15 l'heure inférieur au taux payé couramment pour les mêmes métiers dans l'industrie aérospatiale canadienne. La compagnie avait déjà perdu quelques centaines de travailleurs hautement spécialisés qui ne voulaient pas attendre le résultat des négociations après de longues années de frustration. Se pose alors le problème de rattrapage salarial.

Deuxièmement, il y avait le problème d'une augmentation générale de salaire normale pour l'époque où on vit qui tiendrait compte et de l'augmentation de productivité, et du rattrapage mentionné ci-dessus. De plus, le syndicat croit que l'écart entre le niveau 10 (le plus bas) et le niveau 1 (le plus élevé) de l'échelle salariale est trop grand et qu'une augmentation de salaire d'un montant uniforme pour tous les employés serait dans l'ordre pour la formulation d'une nouvelle convention collective.

Troisièmement, il y avait la question de l'indexation des salaires au coût de la vie. Tel qu'en font foi certains documents qui vous seront remis, l'indexation des salaires au coût de la vie, dans sa forme la plus connue aujourd'hui, a été implantée par le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile à la General Motors il y a plus de 25 ans. Depuis cette époque, cette formule s'est généralisée dans les industries où notre syndicat évolue, l'automobile, les équipements aratoires, l'électronique et l'aérospatiale. Au cours des dernières années et des derniers mois surtout, l'indexation des salaires au coût de la vie est devenue chose courante dans une forte proportion de conventions collectives négociées au Québec et au Canada. Une clause d'indexation au coût de la vie, à raison d'un cent l'heure d'augmentation de salaire pour chaque 0.4 ou 0.45 de majoration de l'indice des prix à la consommation, existe depuis longtemps dans les conventions collectives de la Douglas, De Havilland et Spar à

Toronto. Il s'agit de savoir que la Douglas et la Spar sont actuellement en négociation pour le renouvellement de leur convention et que le montant de l'indexation évolue vers un cent les 0.35 ou un cent les 0.3 du point de majoration à l'indice des prix à la consommation.

Un autre problème de la politique salariale à la United Aircraft a été décrit plus haut: le système de "rémunération au mérite". Dans l'échelle de salaires à la United, on constate à chaque niveau de salaire des taux N, J, R, P, T. Le taux J est le taux garanti pour chaque employé titulaire d'une occupation; les taux R, P, et T sont acquis "au mérite". De tels systèmes de rémunération "au mérite" sont totalement désuets, non seulement dans l'industrie aérospatiale canadienne, mais dans la plupart des grosses industries manufacturières et autres. A Douglas, De Havilland et Spar, il n'existe pas de tels systèmes; les employés progressent automatiquement avec le temps jusqu'au taux fixé pour chaque emploi. Et même dans une première convention collective à Aviation Electric (Bendix) à Saint-Laurent, nous avons pu négocier un système de progression automatique dès la première convention.

En réplique à ces revendications, la United a répondu avec des augmentations de salaire basées sur des pourcentages pondérés, a refusé de modifier le système de rémunération "au mérite" et a proposé un soi-disant système d'indexation qui n'en est pas un, car il est tout à fait inadéquat pour corriger l'augmentation du coût de la vie.

Depuis la première offre pécuniaire avant la grève, la compagnie a très peu modifié son augmentation de la première année et n'a fait que redistribuer les mêmes montants d'argent, ou encore n'a fait que tenir compte du fait qu'un an s'est écoulé depuis l'expiration de la dernière convention collective.

Avant la grève, le syndicat proposait $0.85 l'heure pour la première année, $0.30 pour la deuxième année et $0.30 pour la troisième année de la convention, en éliminant le système de rémunération "au mérite" et en prévoyant une indexation des salaires au coût de la vie, un cent par 0.4 de point de majoration de l'indice des prix à la consommation avec comme base l'indice publié en septembre 1973, ajusté tous les trois mois et sans plafonnement.

Il s'agit encore de souligner que nous avons demandé ce qui existait déjà dans les anciennes conventions collectives et on ne cherchait pas à faire du droit nouveau dans cette convention, à cette époque.

Suite à la nouvelle proposition de la compagnie qui a été rejetée le 27 février 1974 par les membres du syndicat, le syndicat a réduit sa demande à $0.65 pour la première année, rétroactifs au mois de septembre 1973, $0.25 en septembre 1974 et $0.25 en septembre 1975, prévoyant l'expiration de la convention collective en janvier 1977, soit une durée de 40 mois. Le tout était évidemment accompagné de

l'élimination du système de rémunération au mérite et du maintien de notre formule de l'indexation des salaires au coût de la vie.

Le 26 juillet 1974, la compagnie a formulé une nouvelle proposition qui n'avait comme effet réel que de tenir compte du temps écoulé et d'avancer la date d'application des offres déjà faites, toujours dans l'optique d'une convention de trois ans, à compter de septembre 1973. Incidemment, cette offre n'a pas été faite en négociation avec les parties, mais par l'entremise d'un représentant du ministère du Travail.

Cette offre et les taux de salaire qu'elle représente pour les employés peuvent être comparés aux taux présentement en vigueur pour un certain nombre d'emplois précis à Spar, DeHavilland, Douglas, Canadair et Air Canada, pour vous indiquer l'écart qui existe encore entre les taux payés à la United et ceux en vigueur dans les autres usines de l'industrie aérospatiale canadienne. Cette nouvelle offre patronale continue à ne pas inclure l'élimination du système de rémunération au mérite, non plus qu'une véritable indexation des salaires au coût de la vie.

M. le Président, pourrait-on faire distribuer des copies des trois conventions des trois entreprises que j'ai nommées, avec un tableau comparatif sur les cinq points de convention en litige qui vous indiquent l'écart entre la dernière offre de la compagnie et les taux de salaire ou les conditions sur les quatre autres points, en vigueur à ces quatre entreprises qui ont des usines canadiennes?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Voulez-vous quelques minutes, en attendant qu'on fasse la distribution? Voulez-vous attendre que la distribution soit faite, puisque vous voulez, je suppose, faire référence à ce petit livre?

M. DEAN: Je souligne aussi, M. le Président, messieurs, que les trois conventions étant des conventions ontariennes, elles ne sont disponibles que dans la langue de Shakespeare, je m'en excuse. On n'a pas pu se permettre de faire la traduction de documents aussi élaborés.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, si vous le voulez bien.

M. DEAN: Juste pour vous situer. Vous voyez les articles: sécurité syndicale, horaire, surtemps, indexation, et des salaires de quatre métiers typiques dans ces usines, avec les conditions et les références dans chaque convention collective, qui vous permettraient de comparer les clauses existantes dans ces trois conventions, en comparaison avec leur absence dans la convention de la United Aircraft.

Pour ce qui est des salaires, vous les voyez aux trois conventions de Douglas, DeHavilland et Spar, un chiffre avec un plus et un total. Le plus représente le montant actuellement accumulé en vertu des clauses d'indexation des salaires au coût de la vie durant la vie de la convention collective actuelle. Le taux total, dans chaque colonne, représente le taux actuel de ces métiers et le taux marqué pour la United Aircraft, c'est le taux J, c'est-à-dire le seul taux garanti aux hommes qui occupent ces quatre métiers, en vertu de la dernière offre salariale de la compagnie.

Si vous permettez, je vais continuer. Il doit être noté ici que pour faire une proposition syndicale qui tiendrait compte de la proposition patronale du 26 juillet dernier laquelle, à toutes fins pratiques, incorporerait les augmentations déjà proposées pour l'année 1973 et pour le mois de septembre 1974 — le syndicat — nous devrions formuler la demande suivante:

Si la proposition du syndicat, après le rejet par les membres de l'offre patronale du 27 février dernier, avait été mise à jour au mois de septembre 1974, elle serait devenue les $0.65 mentionnés ci-haut, plus les $0.25 proposés par le syndicat pour le mois de septembre 1974, pour faire un total de $0.90. Il faut aussi ajouter l'augmentation du coût de la vie, entre les mois de septembre 1973 et septembre 1974, l'indice des prix à la consommation étant de 169.6, tel que publié en septembre 1974, par rapport à 153.0, publié en septembre 1973, soit un écart de 16.6 points. A raison de $0.01 par 0.4 de point de majoration, cela représente $0.41 additionnels, soit un total global de $1.31 d'augmentation à compter du 1er octobre 1974.

C'est cela qui aurait été nécessaire pour mettre à jour, en septembre 1974, la proposition syndicale soumise en février, en tenant compte de l'augmentation du coût de la vie durant l'année et des $0.25 que le syndicat avait proposé pour le mois de septembre 1974.

L'offre de la compagnie, en juillet 1974, selon ses représentants, équivaut à une moyenne de $0.88 l'heure. Malgré la légitimité de nos revendications antérieures, à la demande du ministère du Travail, il y a trois semaines, le syndicat a indiqué un changement majeur dans sa position sur les salaires. Maintenant, dans le contexte d'une convention, à toutes fins pratiques, d'une durée de quatre ans, c'est-à-dire de trois ans à compter du mois d'octobre 1974 mais avec un an déjà passé, le syndicat propose d'accepter, au chapitre de l'augmentation générale de salaire, les taux proposés par la compagnie le 26 juillet 1974, avec une augmentation de 5 p.c. le 1er octobre 1975 et une autre de 5 p.c. le 1er octobre 1976, pour une convention qui se terminera le 30 septembre 1977. Accepter une moyenne de $0.90 ou de $0.88 quand on se croit justifié dans notre demande qui représentait $1.31 constitue, à notre avis, une modification substantielle à notre position antérieure, en vue de régler le conflit le plus rapidement possible.

Nous reproduisons en annexe des tableaux qui illustrent l'évolution de nos demandes salariales et des comparaisons avec des taux de

salaires versés dans d'autres entreprises canadiennes de l'industrie aérospatiale.

Indexation des salaires: Le syndicat maintient sa demande pour l'indexation des salaires au coût de la vie en raison d'un cent pour chaque 0.4 de point de majoration de l'indice des prix â la consommation basé sur septembre 1974 et ajustable à tous les trois mois, sans plafonnement. De plus, cette indexation sera plafonnée à un niveau conforme à la réalité de l'augmentation du coût de la vie à notre époque, un montant maximal de $0.32 du coût de la vie, la première année de la convention, de $0.36 additionnels la deuxième année de la convention et sans plafonnement à compter du 1er octobre 1976. Ceci constitue une autre concession substantielle de principe et d'argent de la part du syndicat.

Montant forfaitaire. Le syndicat demande un montant forfaitaire de $500 pour chaque employé en grève lors de son retour au travail.

Le congédiement d'André Choquette. Une cause additionnelle de litige dans le conflit est le congédiement d'André Choquette, membre du comité de négociation et membre du bureau exécutif de la section 510 des TUA. Au moment où M. Choquette fut victime de cette sanction disciplinaire, vingt autres dirigeants et militants du syndicat ont été suspendus, mais les suspensions de ces vingt personnes furent retirées par l'employeur. Il s'est acharné à refuser de retirer le congédiement de M. André Choquette.

Le cas de M. Choquette est quand même englobé dans le prochain et dernier point en litige, soit le protocole de retour au travail.

Encore avec votre permission, M. le Président, on va vous distribuer cela tout de suite. En même temps, M. le Président, messieurs, on va vous distribuer aussi nos textes proposés dans la dernière proposition au ministère sur les questions d'horaires de travail, d'indexation, de travail supplémentaire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Avis aux photographes, si vous voulez, faites cela assez vite, parce que c'est assez difficile déjà avec une lumière en pleine face pour celui qui lit de continuer son travail.

M. DEAN: Protocole de retour au travail. A la fin de toute grève, il est normal de prévoir un nombre de conditions qui régissent le retour au travail. On maintient l'ancienneté des grévistes pour la période de la grève, on prévoit qu'il n'y aura pas de discrimination, de représailles contre les employés pour des gestes posés durant la grève, on prévoit le retrait de procédures civiles qui auraient pu être intentées de part et d'autre durant le conflit, on prévoit une méthode de retour au travail et de nombreuses autres conditions. Le texte intégral de la proposition syndicale du protocole de retour au travail que nous avons soumis au ministre du Travail, il y a trois semaines, vous est remis avec ce document. A cause de la nature particulière de ce conflit, je vous assure que le document est plus long et plus complexe que d'habitude.

Messieurs, nous avons tenté, par le présent exposé, de vous informer honnêtement et objectivement sur la situation à la United Aircraft. A cause de sa position prédominante dans l'industrie aérospatiale mondiale, nous soumettons que la United Aircraft est capable d'accorder à ses employés, parmi les plus spécialisés en Amérique du Nord, des salaires, des conditions de travail et des bénéfices marginaux égaux à ceux qui existent dans l'industrie aérospatiale canadienne en général. Il ne faut pas oublier que la United est la deuxième plus grosse usine dans cette industrie, au Canada.

Avant la grève, nous avons accepté à de nombreux chapitres de la convention collective, des clauses parfois inchangées, parfois améliorées, mais toujours inférieures aux clauses semblables dans les autres conventions collectives dans l'industrie aérospatiale canadienne dont je vous ai fait mention.

Le litige porte sur la durée de la convention, la sécurité syndicale, les horaires de travail, le temps supplémentaire, les salaires, l'indexation, le montant forfaitaire et le congédiement de M. Choquette, ainsi que le protocole de retour au travail.

A la demande du ministre, le syndicat a soumis une nouvelle proposition dans laquelle il a modifié de façon substantielle ses positions pour mettre rapidement fin à cette grève tragique pour des milliers de familles, pour l'économie de la région et pour la collectivité québécoise et canadienne. Trois semaines se sont écoulées et nous n'avons rien entendu de la part de la compagnie en réponse à ces propositions.

Les travailleurs impliqués ont loyalement tenté, par tous les moyens prévus à nos lois ouvrières et nos coutumes, d'en arriver à un juste règlement de cette convention collective: la négociation, la conciliation, le retard pendant quatre mois de l'exercice du droit de grève, la médiation, la médiation spéciale, l'enquêteur spécial, la médiation extraordinaire.

Cette compagnie étrangère, dont les dirigeants locaux ne sont que des marionnettes téléguidées des Etats-Unis, toute engraissée qu'elle est des millions de dollars de subventions et de contrats de la part du gouvernement provincial et du gouvernement fédéral, des forces armées canadiennes et de nombreuses entreprises canadiennes, hydroélectriques, marines, lignes aériennes, fabricants d'avions, propriétaires d'avions de tout acabit, a démontré, du début à la fin, comme elle l'a fait depuis vingt ans, le plus profond mépris de nos lois, de nos coutumes de relations industrielles et surtout de ses ouvriers.

Si nous sommes véritablement citoyens d'un pays indépendant et souverain, pouvons-nous accepter le fait qu'un groupe de travailleurs accrédités en syndicat en vertu des lois de notre

pays puissent être frustrés, bafoués, méprisés, pendant vingt ans de temps dans l'exercice de leur droit le plus strict et le plus fondamental, celui de se faire reconnaître en syndicat et de défendre les justes revendications des travailleurs?

Pouvons-nous admettre en pays libre et souverain que les travailleurs de notre pays, syndiqués en vertu de nos lois, revendiquant des salaires et des conditions de travail déterminés par eux, et personne d'autre, puissent être bafoués et frustrés de façon si arrogante dans la réalisation de leurs aspirations légitimes?

Peut-on accepter que cette grève soit prolongée uniquement pour permettre à cette compagnie de régler aux Etats-Unis auparavant et de mieux nous isoler ensuite?

United serait-elle justifiée d'écraser l'organisation des travailleurs chez nous sous prétexte que la force syndicale ne lui oppose pas toute l'énergie qu'elle devrait aux Etats-Unis?

Le gouvernement québécois peut-il se faire complice de cet impérialisme brutal par son inaction?

Cette grève, messieurs, est une grève de reconnaissance syndicale. Cette grève a suivi sans succès tous les mécanismes prévus par la loi et par l'initiative du ministère du Travail. Cette grève n'a pas été réglée et ne semble pas être réglable par les moyens normaux.

Le gouvernement actuel du Québec vient de faire connaître la nouvelle orientation qu'il veut donner à sa politique de développement industriel, afin que la collectivité québécoise soit respectée par les entreprises qui s'établiront dorénavant sur notre territoire. Peut-il demeurer inactif devant l'attitude antisociale d'une entreprise déjà établie, mais qui, en fonction des énoncés de principe du gouvernement du Québec, serait dorénavant empêchée de s'établir et de poser chez nous les gestes qu'elle pose actuellement impunément?

Les moyens normaux sont tous épuisés. La grève continue. Vous avez le pouvoir moral et le pouvoir législatif, messieurs, de mettre fin à ce conflit avec justice pour les travailleurs. Vous êtes élus pour gouverner le Québec. United Aircraft n'a pas ce mandat.

Des milliers de citoyens impliqués dans cette grève, appuyés par d'autres milliers de travailleurs et de citoyens de nombreuses autres couches sociales, ceux qui influencent l'opinion publique, vous demandent, respectueusement, de gouverner.

Merci, Messieurs.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. Dean.

M. DEAN: Nous avons quatre autres documents, soit trois éditoriaux de journaux, la déclaration des évêques de la région métropolitaine de Montréal et un article de la revue Relations sur l'indexation des salaires au coût de la vie. Nous avons quelques pages annexes de notre document; je demanderais à notre recher-chiste, M. Jean-Guy Frenette, de vous faire un tableau très rapide de l'analyse à la fin de notre mémoire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. Procédez immédiatement.

M. FRENETTE (Jean-Guy): M. le Président, MM. les députés, nous avons résumé ci-annexé, les offres et les demandes salariales de façon schématique, mais de façon juste et précise.

Comme vous le voyez dans la première annexe, les comparaisons entre les demandes syndicales et les offres patronales datées du 7 décembre 1973... Le syndicat demandait, pour la première année de la convention collective, une augmentation de $0.85 et des augmentations de $0.30 par année pour les deux autres années de la convention collective, ce qui représentait des augmentations respectives de 22 p.c. pour la première année, 6.4 p.c. et 6 p.c. pour la deuxième et la troisième année. L'offre patronale consistait en une offre pécuniaire d'une augmentation de $0.53 la première année, $0.30 et $0.39 la deuxième et la troisième année, ce qui représentait 13.9 p.c, 6.9 p.c. et 8.4 p.c. d'augmentation.

De plus, le syndicat demandait une clause d'indexation de $0.01 par 0.4 à partir de septembre 1973. L'écart salarial était donc du côté syndical une demande de $1.45 et une offre patronale de $1.22, ce qui représentait une augmentation annuelle, moyenne, dans la demande syndicale de 11.5 p.c. et, du côté patronal, une offre de 9.7 p.c. en moyenne, par année.

Dans le compromis du 15 février 1974, le syndicat réduit sa demande de la première année de $0.85 à $0.65, ce qui ne représente plus qu'une augmentation de 17 p.c. pour la première année et réduit les demandes pour les deux années successives à $0.25 par année, donc une diminution à 5.6 p.c. et à 5.3 p.c. pour la deuxième et la troisième année par rapport à la demande originale qui était de 6.4 p.c. pour la deuxième année et de 6 p.c. pour la troisième année.

D'autre part, la compagnie maintient son offre de $0.53 la première année et augmente son offre de la deuxième année de $0.30 qu'elle était dans sa première offre à $0.33 en moyenne incluant l'indexation. Elle offre une augmentation de $0.04 pour la deuxième année. Par contre, pour la troisième année, alors qu'elle précisait dans sa première offre $0.39, elle n'offre plus, en moyenne, dans la troisième année, que $0.35; c'est-à-dire ce qu'elle donne durant la deuxième année en plus, elle l'enlève dans la troisième année.

De plus, dans la demande syndicale, à ce moment, le syndicat accepte de diminuer, en gros, ses demandes pécuniaires de 2.2 p.c. et retarde la clause d'indexation de dix mois. Comme on le voit, la compagnie, dans sa deuxième offre, n'a pas bougé.

En troisième lieu, la situation qui existe à l'heure actuelle au 5 novembre 1974. Le syndicat accepte les $0.90 qui sont devenus maintenant une situation de fait, c'est-à-dire qu'au mois de juillet la compagnie annonce qu'elle hausse le salaire moyen de $0.90. Le syndicat accepte cette demande. Ceci couvre deux ans. C'est-à-dire que c'étaient les demandes originelles du syndicat pour septembre 1974 et septembre 1975, c'est-à-dire ses demandes de $0.65 et de $35 originellement. Le syndicat accepte une diminution à $0.90 pour ces deux années et accepte, encore une fois, une diminution des hausses pour les deuxième et troisième années de la convention collective à 5 p.c. Ce qui représente, à ce moment-ci, une augmentation annuelle moyenne de 8.5 p.c. pendant quatre ans. Donc, le syndicat est parti, en résumé d'une demande salariale moyenne de 11.5 p.c. par année et il a diminué à 9.3 p.c. dans sa deuxième demande et il diminue dans sa troisième à 8.5 p.c. en moyenne par année.

Evidemment, il faut considérer — on ne peut pas l'évaluer — que le syndicat, de plus, s'engage dans une convention collective de quatre ans, c'est-à-dire qu'à partir d'octobre 1976 il aurait dû, nécessairement, y avoir une nouvelle négociation, donc de nouvelles augmentations de salaire. En prolongeant la convention collective d'un an, le syndicat économise évidemment à la compagnie les demandes qu'il aurait dû faire à l'expiration de la convention collective de septembre 1976. Cette perte, de la part du syndicat, on ne peut l'évaluer, car on ne peut savoir, à ce moment-ci, quelles auraient été les exigences salariales du syndicat en 1976, compte tenu du rattrapage qu'il fallait faire, etc.

Dans l'ensemble, le syndicat a continuellement diminué ses demandes. De 11.5 p.c., il en est à 8.5 p.c. en moyenne par année. De plus, il a laissé tomber une année d'indexation, de septembre 1973 à septembre 1974 et il prolonge la convention collective d'un an, ce qui représente, en octobre 1976, un gain important pour la compagnie. Je vous remercie, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci. J'invite donc maintenant les représentants de la United Aircraft à faire leur exposé.

M. COURNOYER: Avant que la United Aircraft fasse son exposé, j'aimerais mentionner quelle sorte de procédure nous allons suivre. Nous avons entendu la partie syndicale sur l'aspect global du conflit. Nous entendrons la partie patronale sur sa façon de présenter son affaire ici. Immédiatement après, et j'espérerais que ce soit pour cet après-midi, j'aimerais que les parties se répondent mutuellement avant que les députés ne commencent à poser des questions. Peut-être qu'il y a des choses que vous voyez pour la première fois comme argumentation — j'en doute, mais quand même — j'aimerais que vous répondiez à l'argumentation de l'autre avant que l'on s'aventure dans des questions précises de la part des députés.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande donc aux représentants de la United Aircraft Corporation de présenter leur mémoire.

Partie patronale

M. HEENAN (Roy): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, je suis un avocat, Roy Heenan, je suis le porte-parole de la United Aircraft. United Aircraft est très contente d'être ici pour pouvoir exposer, devant cette commission,...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! M. Heenan, est-ce qu'il y a d'autres représentants qui auront à prendre la parole?

M. HEENAN: Ils ne prendront pas la parole. Nous avons les directeurs de la production financière, etc., de la planification financière, que je vais appeler pour m'aider à certains moments, mais je vais exposer le point de vue de la compagnie en négociation.

M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'on peut savoir qui l'accompagne?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, si vous voulez simplement les nommer.

M. BURNS: C'est ça que j'aimerais savoir.

M. HEENAN: Nous avons plusieurs personnes. Ici, à ma droite, Me Pierre Trépanier, de mon bureau, M. Paul Dion, directeur de la planification financière pour la United Aircraft; Me Suzanne Thibodeau, aussi de mon bureau, est à la table ici avec moi. Nous avons d'autres messieurs de la United Aircraft qui vont, par la suite, nous appuyer avec des chiffres et de l'information.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, procédez, s'il vous plaît.

M. HEENAN: Comme je l'ai dit, nous sommes très contents de pouvoir exposer ici notre point de vue, car on trouve surtout que quelquefois, c'est un peu difficile que des positions soient transmises par la presse. Je vous assure, messieurs les membres, que la United Aircraft m'a mandaté ici pour essayer de répondre, à toutes les questions que vous pourriez avoir et, par la suite, faire ouvertement la défense de sa position.

Je pense qu'une des choses qu'il est très important de souligner au début est la suivante. A United Aircraft, le nombre des employés, avant la grève, était de 5,300 employés. Il y avait 2,700 de ces employés qui sont des employés-cadres, qui sont des ingénieurs, des

techniciens, des gérants, des contremaîtres, qui ne sont nullement impliqués dans la grève. Avant la grève, il y avait 2,600 employés à l'unité de production qui sont maintenant en grève. De ce nombre de 2,600 employés, à la suite de la grève actuelle, il y en a 300 qui ont démissionné. Actuellement, à la United Aircraft, on a 4,500 employés qui travaillent. Je pense que c'est important de souligner le fait que les 2,700 employés de la gérance ou des ingénieurs-cadres n'étaient pas en grève. Une chose que je veux souligner, c'est que, pendant toute cette grève, il n'y a pas eu une seule mise à pied chez les employés de United Aircraft. Tous les employés-cadres de production ont été gardés.

Je pense que la suggestion du ministre du Travail était bonne, qu'on ne réponde pas à ce stade à la documentation que nous a présentée le syndicat, mais inévitablement, dans quelques-unes de mes remarques, je vais être obligé de faire référence à quelques faits qui se produisent dans ce conflit.

D'abord, comme vous le savez, 90 p.c. de la production de la United Aircraft sont destinés à l'extérieur, à l'exportation. On joue dans un monde très concurrentiel. Nous sommes les seuls fabricants de moteurs au Canada, tous nos concurrents sont à l'extérieur, aux Etats-Unis, au Japon, en France. Ceci veut dire qu'on joue dans un monde très concurrentiel. J'ai vu les commentaires du syndicat et je pense que c'est important que ce soit mentionné. Ses chiffres se basent d'après les firmes suivantes: Douglas, DeHavilland, il a mentionné Spar, mais je vais faire exception. Je pense que c'est très important de savoir ce qui est arrivé à ces endroits.

Dans l'avionnerie canadienne, il n'y a vraiment que quatre compagnies qui sont des manufacturiers soit de moteurs, soit de fuselages. Les quatre sont: Douglas, DeHavilland, United Aircraft et Canadair. Les trois premières compagnies de ces compagnies ont le TUA à la table de négociation. La dernière fois que Douglas Aircraft s'est assise à la table de négociation avec les TUA, il en est résulté une grève de trois mois et demi. Le nombre des emplois à la Douglas avant cette grève était de 5,000. Actuellement, il y a 3,500 emplois et ça diminue. Je m'excuse, le total actuel de Douglas est de 2,800 emplois; en d'autres mots, une perte de 2,200 emplois depuis la dernière négociation.

La dernière fois que la DeHavilland Aircraft s'est assise à la table de négociations avec les TUA, il en est résulté une grève de dix mois. Après cette grève de dix mois, la situation financière de DeHavilland était tellement précaire qu'elle a été obligée — comme vous le savez — d'être prise en charge par le gouvernement fédéral. Elle a été sauvée financièrement, il n'y a pas tellement longtemps. C'était la dernière fois, à la table de négociations.

La dernière fois que la United Aircraft s'est présentée à la table de négociations avec les TUA, il y a eu une grève qui dure toujours.

En d'autres mots, dans le domaine aérospatial canadien, les TUA, à la dernière table de négociations, a eu des grèves de trois mois et demi avec une perte de 2,000 emplois...

M. ROY: En quelle année?

M. HEENAN: En 1972. Fin de 1971, commencement de 1972, M...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. HEENAN: C'était Douglas.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. HEENAN: DeHavilland en 1972, United en 1973.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous ferais remarquer que nous avons convenu d'un certain règlement. Je demanderais aux membres de la commission de placer leurs questions un peu dans l'ombre, pour le moment...

M. HEENAN: Je m'excuse, M. le Président, je pense que je n'ai pas donné assez d'informations et je pense que les précisions demandées étaient nécessaires.

Quand la Douglas a siégé, c'était à l'automne 1971. La grève s'est terminée à la fin de 1971, au commencement de 1972. Quand la DeHavilland s'est assise à la table de négociations avec les TUA, c'était en 1972 et la grève s'est terminée, si je me rappelle bien, vers la fin de 1972.

Notre grève a commencé en 1973. Maintenant, vous savez, lorsqu'on nous compare à Douglas et DeHavilland, j'aimerais dire quelque chose. Les taux de salaires, par exemple, à Douglas et DeHavilland, sont supérieurs à ceux payés dans les Etats-Unis; même en Californie, ils sont en dessus.

Donc, il est bien de dire qu'à Douglas et DeHavilland, on a les meilleurs taux de salaires, mais s'il n'y a pas d'emplois; c'est bon d'avoir de meilleures conditions, mais il n'y a pas d'employés et cela va à la baisse.

On nous mentionne toujours, dans ce mémoire, comme étant la deuxième industrie aérospatiale au Canada, mais effectivement, nous sommes devenus la première, à cause des baisses des autres compagnies.

Je pense que je dois faire le point sur la question de l'industrie concurrentielle où nous sommes, car c'est une industrie. Si des erreurs se font dans les finances ou dans les aspects financiers, les compagnies peuvent disparaître entièrement. Tout le monde se rappelle le cas de Rolls Royce en Angleterre, qui a fait des erreurs dans le coût de ses moteurs et qui est descendue entièrement; elle était rendue en faillite.

Arrow, c'est un autre exemple concret dans l'industrie canadienne. On est dans un domaine très concurrentiel. Je remarque aussi que, dans

tous les chiffres ici, on ne nous compare pas avec les salaires de Canadair, par exemple, qui est une compagnie tout à fait comparable, dans la même région que nous et ayant des salaires très comparables aux nôtres. Mais cette comparaison n'est pas faite.

Je pense qu'avant d'entrer sur chacun des points qui sont en litige, je devrais faire le point qu'un des problèmes — et je pense que c'est bien relaté dans ce mémoire — qui existent actuellement à la United Aircraft, c'est le problème du "pattern" des TUA. Les TUA le disent ouvertement: Ce qu'on essaie de faire, c'est d'avoir un "pattern" et on essaie de l'amplifier où nous avons des conventions collectives.

A la page 4 de leur mémoire, ils parlent des conditions de travail généralisées. Ce qu'ils veulent dire, c'est que lorsqu'ils négocient une convention collective, ils essaient d'avoir un "pattern" et ils essaient de le généraliser.

Maintenant, cela est très intéressant, mais cela cause bien des complications pour les compagnies qui sont en face de ce "pattern". Après dix mois de grève, DeHavilland a accepté une convention collective qu'elle ne voulait pas accepter, avec les conséquences financières qu'on a vues.

Pour dire maintenant que cela devient le "pattern" de DeHavilland qu'on devrait appliquer à toute l'industrie, est-ce que toute l'industrie va être dans la même position que DeHavilland le fut après avoir signé cette convention et après cette grève? Je ne pense pas que ce soit le cas. Si vous regardez à la page 4, on parle de toutes les conventions collectives négociées dans l'industrie par notre syndicat.

Justement, M. le Président et MM. les membres de cette commission, à l'université Queen's, il y a eu une étude de faite sur les incidences de grève avec les TUA. C'était rapporté dans le Globe and Mail, la semaine dernière. Et le titre de cet article — qui était rédigé par un recherchiste, le professeur Lawrence Kelly, qui est le directeur des relations industrielles pour le centre des relations industrielles de l'université Queen's — se lisait comme suit: Les membres militants des TUA et "Tops union list for strikes". Le pire au point de vue de grèves, c'est qu'il y a une grève à toutes les trois conventions collectives qu'ils négocient. En d'autres mots, il y a eu une grève 34.5 p.c. des fois qu'ils se sont assis à la table des négociations. Le même président du syndicat, M. McDermott, a expliqué que c'est peut-être dû à notre habitude de former un "pattern" ou d'essayer d'avoir un "pattern" et de l'implanter dans l'industrie.

Donc, les commentaires, qui sont faits dans ce document, veulent nous comparer, non pas à notre industrie, à Canadair, ou à des gens comparables, mais aux conventions du "pattern" que les TUA ont réussi à implanter dans d'autres usines. Je dois dire que, d'après le tableau fait par le professeur Kelly, le syndicat des TUA a eu... Le pourcentage, comme je l'ai dit, était de 34.5 p.c. dans toutes leurs négociations, en faveur de la grève. La moyenne de tous les syndicats était de 18 p.c. Le suivant, après les TUA, se trouvait à être à un pourcentage qui était de 10 p.c. plus bas.

Je souligne ces faits car, le procès, si vous voulez, de la United Aircraft — les journaux ont bien parlé de la compagnie — mais, jusqu'ici, je ne pense pas que personne ait examiné le contrepoids de cela et le syndicat qui est en cause. Le syndicat des TUA, n'est pas né à Montréal. Il a son siège social à Détroit. Bien des conventions et bien des points en litige actuellement viennent de General Motors et de Détroit. C'est une de nos complications, pour nous qui fabriquons des moteurs d'avions. On n'est pas dans l'automobile, on ne peut pas vendre de l'automobile. Nos produits ne sont pas destinés aux consommateurs.

Comme vous le savez tous, la General Motors vient de signer une convention, il y a un an. A cause des coûts, elle était obligée de hausser le prix de ses voitures, cette année, de $350. Tous ceux qui en achètent paient la différence.

Les moteurs d'avions, dans l'avionnerie, se vendent deux ou trois ans à l'avance, sur un marché international, avec une concurrence internationale, à des prix fixes. Donc, il faut qu'on puisse calculer deux ou trois ans à l'avance nos prix pour pouvoir soumissionner. La concurrence qui est faite ne vient pas du Canada, mais elle vient des Etats-Unis, du Japon ou de la France.

Je pense que c'est très important car, quand nous faisons le calcul, par exemple, quand on parle de l'indexation, on va voir que, pour la United Aircraft, c'est essentiel de pouvoir savoir au cent la base sur laquelle elle va soumissionner. C'est cela qu'elle essaie de faire. Si elle a réussi, même pendant cette grève, à garder le nombre d'emplois à 4,500 comme il l'est actuellement, elle pense que, dans les prochains mois, cela va revenir comme avant, ou même dépasser le nombre d'emplois d'avant.

C'était justement à cause du fait qu'elle a pu soutenir la concurrence sur le marché international. Je veux expliquer quelles sont les positions prises par la compagnie face à chacun des points que le syndicat a énoncés. Je devrais dire, d'abord, pourquoi la compagnie United a travaillé pendant la grève. Vous savez, bien des gens nous reprochent ou reprochent à la compagnie d'avoir travaillé pendant cette grève. Quel choix la compagnie avait-elle? Elle avait 2,700 employés, des ingénieurs, des cadres, des groupes techniques ou scientifiques. Elle avait l'option de tout simplement fermer en attendant que la grève se règle et de mettre à pied tout ce monde. Comme elle savait qu'à Douglas il y avait une grève de trois mois et demi et à DeHavilland une grève de dix mois, elle pouvait peut-être s'attendre au même sort. Ou bien elle pouvait essayer de fonctionner. Elle a essayé de fonctionner justement pour protéger les emplois ici au Québec, les emplois non seulement techniques et de la direction, mais aussi dans

l'unité de négociation. Ici, actuellement, on a presque autant d'emplois dans l'unité de négociation qu'on en avait autrefois, car la protection s'était faite.

Il faut quand même qu'à un moment donné cette grève se règle et qu'il y ait des emplois pour les employés en cause. Je dois dire aussi que, pour ce qui est du fait de travailler pendant une grève, ce que l'on nous a reproché, il y a eu l'étude de la commission des relations de travail du Canada à laquelle ont assisté le doyen Carruthers, le professeur Crispo, l'abbé Dion et le professeur Woods. Ces messieurs, à la suite de leur examen de la situation, ont dit ce qui suit: Comme nous l'avons indiqué ailleurs, pour l'employeur, la sanction économique équivalente à la grève n'est que rarement le lockout. C'est plutôt sa capacité de faire face à une grève. Nos remarques porteront donc, pour la plupart, sur la grève. Il est important de noter toutefois que la capacité pour un employeur d'encaisser une grève dépend pour une large part de sa possibilité de stocker des marchandises en prévision d'une grève et de son droit de faire appel à d'autres employés et à un personnel suppléant pour accomplir le travail normalement dévolu aux grévistes. Ces droits joints au lock-out constituent pour l'employeur l'équivalent du droit de grève des travailleurs. Il nous semble que les choses sont comme elles doivent l'être. C'est un rapport qui date de quatre ans.

Maintenant, dans le cas actuel, j'aimerais exposer, expliquer la position de la compagnie sur chacun des points en litige tels qu'ils sont mentionnés ici. Quand je dis cela, on a mis dans l'information qu'on vous a donnée une étude de l'enquêteur spécial nommé dans le conflit par le ministre du Travail, M. Pierre Dufresne. Vous avez ce rapport devant vous; on y fait un examen des positions prises par les parties et surtout des dernières positions prises. Je souligne la conclusion de cette enquête qui dit ce qui suit: En considération de ce qui précède, il est conclu que la position des parties est irréconciliable par la voie de la négociation, de la médiation, mais ceci est plus important: il a commenté les positions prises par les parties et il dit que la position de la compagnie étant qualifiée d'intransigeante à l'égard de la revendication de l'union concernant l'adoption de toute forme de la formule Rand — mais là il va plus loin — et celle de l'union comme exigeante, particulièrement à l'égard des horaires de travail, le surtemps et l'arbitrage du cas de M. Choquette.

Dans la proposition que l'enquêteur spécial a faite après son enquête aux parties et qui fut rejetée par les deux parties, l'enquêteur trouve que sur les cinq premiers points, la position de la compagnie devrait être acceptée par le syndicat et seulement sur la question de la formule Rand, il a suggéré trois modifications. En d'autres mots, aux pages 20 et 21 de ce rapport, vous allez voir une proposition soumise par l'enquêteur, après étude des positions des parties, où il nous dit: Nous pensons, après étude, que la position de la compagnie devrait être acceptée sur cinq points et celle du syndicat dans une modification de la formule Rand.

Passons donc aux points, comme je l'ai dit, dont quelques-uns sont déjà résumés par l'enquêteur spécial. J'ai parlé un peu de l'historique, mais je vais d'abord passer aux points qui sont en litige.

La question des salaires. La compagnie a soumis, en juillet dernier, une offre salariale globale représentant un montant additionnel...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Juste un instant.

M. BURNS: Je demanderais simplement à M. Heenan... Je ne veux pas vous interrompre, mais, comme vous vous apprêtez à donner le point de vue de la compagnie en réponse aux demandes syndicales, j'aimerais simplement m'assurer que c'est la réponse de la compagnie, eu égard à la dernière position syndicale, celle exprimée par M. Dean tout à l'heure, et apparemment faite par l'entremise du ministère du Travail, il y a trois semaines. On se comprend?

M. HEENAN: Oui, M. le député, on se comprend. Ce sera cette position. Je remarque cependant que, dans la position syndicale, par exemple, elle n'a pas tenu compte de notre dernière offre, celle du mois de juillet. Les comparaisons salariales, par exemple, sont toujours faites en fonction de nos offres du mois de février. Il n'y a pas une étude faite en tenant compte de notre offre faite par l'entremise du ministère du Travail.

Maintenant, je vais cependant tenir compte de ce que le député vient de dire et je vais répondre aux dernières positions du syndicat.

La compagnie a soumis en juillet dernier une offre salariale globale représentant un montant additionnel de $24 millions, répartis à travers un contrat d'une durée proposée de trois ans, et ceci bien que les opérations de la compagnie se soient soldées par une perte de $3 millions en 1973. A cause de cette perte, il est un fait également que la compagnie United Aircraft du Canada ltée n'a pas fait de profit pendant cinq ans, les cinq dernières années, en n'incluant pas les pertes de cette année à cause de la grève.

L'augmentation en vigueur au mois de juillet 1974 représente une augmentation moyenne de $0.88 l'heure — le syndicat la qualifie comme $0.90, mais, effectivement, c'est $0.88 l'heure — une augmentation moyenne approximative de 23 p.c. par rapport aux salaires en vigueur à la fin de la convention collective. A ce moment-là, le syndicat refusa de soumettre cette offre à ses membres, et cette offre n'a jamais été présentée à ses membres. Le syndicat a présenté récemment d'autres demandes salariales qui ajouteraient $12.5 millions à ce montant de $24 millions, augmentant ainsi de plus de 50 p.c. le coût de la dernière offre

substantiellement accrue présentée par la compagnie.

A l'heure actuelle, donc, la différence se trouve à être $12.5 millions de plus que la dernière offre faite par la compagnie, qui représentait une augmentation de 23 p.c. sur les salaires payés en 1973 et ces 23 p.c, en 1973, comme je l'ai dit, ont représenté une perte à la compagnie de $3 millions.

L'indexation des salaires. Le syndicat demande l'indexation des taux de salaire à l'indice des coûts des prix à la consommation sans plafonnement. En plus du salaire, évidemment, les 23 p.c. ont été pris en prévision d'une augmentation de salaire. Cela a été fait seulement au mois de juillet et on savait les prévisions pour l'augmentation du coût de la vie.

En plus du salaire qui comporte déjà, évidemment, une prévision pour les augmentations du coût de la vie, la compagnie offre une indexation. L'indexation qu'elle propose sera faite deux fois par année et, deux fois par année, elle est plafonnée, cependant, à $0.08. Ce sont en plus des augmentations de salaire qu'on prévoit pour chaque année et qui tiennent déjà compte, en partie, d'une augmentation prévue.

Le résultat qui en découle est que la compagnie peut très bien savoir ces coûts en soumissionnant et elle peut faire des estimations pour les soumissions qu'elle est obligée de faire d'ici deux ou trois ans.

Comme je l'ai dit, dans cette industrie, les compagnies qui n'ont pas tenu compte de leur coût ont fait faillite ou ont subi une baisse importante dans la production car immédiatement, il y a des compagnies concurrentes qui peuvent faire face à cela.

Comme exemple, je vais vous citer un cas très intéressant, celui de General Electric aux Etats-Unis. Cette compagnie entre en concurrence avec nous pour des moteurs. Les employés de General Electric sont membres du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile et ils ont une convention collective qui ne contient pas une indexation des salaires, sans plafonnement et qui ne contient pas une formule dite Rand. Cette convention ne contient pas le genre de choses qu'on demande ici. C'est un concurrent direct. On n'a pas de concurrent, évidemment, ici au Canada. Il n'y a pas d'indexation, car cette compagnie elle aussi est obligée de soumissionner deux ou trois ans à l'avance et il faut, à ce moment, savoir quels sont les coûts de cette compagnie, sinon elle perd ce marché ou elle risque de le perdre.

Les horaires de travail. A ce que je sache, à la United Aircraft, en grande partie, les horaires de travail n'ont pas changé depuis 20 ans. Mais il faut savoir quelque chose. Il y a cinq usines comprenant, comme je l'ai dit, 5,300 employés avant la grève. Dans ces cinq usines, durant certaines périodes de l'année, les horaires sont un peu différents. Exemple: Saint-Hubert et Longueuil ou le Plan 4 et le Plan 2. Et dans le cas du turbotrain au CN, à la gare centrale, on a été obligé d'engager des employés à cette gare pour faire l'entretien. L'horaire de ces employés était, obligatoirement, celui des employés du CN avec qui ils travaillaient. On a été obligé d'implanter cet horaire, cela a été un changement d'horaire. Mais à part cela, aux usines les horaires n'ont pas changé.

Nous avons dit que nous étions prêts à fixer un horaire de travail, celui qui était là, dans chaque département et de ne pas le changer. Si on était pour le changer, on discuterait ouvertement avec le syndicat à l'avance, s'il n'y avait pas d'entente. On pourra implanter la chose et aller tout de suite en arbitrage. Cela sera à une tierce partie de décider si les raisons qui motivaient la compagnie de changer les horaires de travail étaient valables ou non et on sera lié par sa décision.

Evidemment, nous n'avons pas accepté — et c'était la demande du syndicat — que cela soit fait par entente mutuelle.

Messieurs, vous savez très bien, quand vous mettez une entente mutuelle, ça peut être tout de suite un droit de veto. Vous ne changerez pas sans notre consentement. Ce veto peut s'exercer pour toutes sortes de raisons, non pas relatives seulement aux horaires de travail mais si vous avez un grief en cours sur un autre sujet, on peut très bien vous dire: Messieurs, on va accepter de modifier les heures mais vous allez régler trois, quatre ou cinq cas de griefs. En d'autres mots, la décision sur l'horaire n'est pas prise sur le mérite du changement des horaires mais sur d'autres problèmes qui peuvent exister entre les parties à ce moment-là.

Ce que nous disons, c'est que nous voulons que ce soit décidé par un tiers, nous ne voulons pas poser un geste arbitraire de la part de la compagnie United Aircraft dans cette décision.

Si elle fait des changements, elle va en discuter, elle va donner toutes les données au syndicat, va l'informer pleinement des raisons pour lesquelles elle veut changer les heures de travail. S'il n'y a pas d'entente, on procédera, prioritairement, à un arbitrage ou l'arbitre dira: Oui, vous avez raison ou non, vous n'avez pas raison. Si on peut justifier que les raisons qui motivent ce changement d'horaire dans une section quelconque de l'usine sont valables, à ce moment-là on a le droit. Si on ne peut pas le justifier, on n'a pas le droit et l'horaire restera. On prend un tiers, ce ne sera ni entre les mains de la compagnie, ni du syndicat. Comme je l'ai dit, dans les usines principales de la United Aircraft, les horaires de travail n'ont pas chan-gé.

Maintenant, il y a un autre facteur qui est, je pense, très important. On dit que la compagnie suit toujours les conventions collectives du siège social. Ceci n'est pas exact. Je vais vous donner plusieurs exemples dans cette convention collective qui sont tout à fait différents mais celui qui me vient tout de suite à l'esprit, c'est le droit de fonctionner sept jours par semaine. C'est un droit qui s'exerce rarement, mais quand il y a

des machines, par exemple, qui coûtent un million de dollars, et nous en avons deux ou trois qui sont de cette envergure, évidemment, économiquement, c'est plus rentable que des machines comme celles-là puissent fonctionner sept jours par semaine.

Ce que nous avons proposé au syndicat, à un moment donné, c'était ceci: On veut fonctionner comme ça, on va négocier avec vous la cédule que vous voulez, on va engager d'autres employés, nous aurons quatre équipes pour fonctionner continuellement, sur une base continue. La réponse du syndicat fut: Non, on ne veut pas que vous engagiez d'autre personnel, nous ne voulons pas de cédule continue. Vous n'avez jamais eu de problème avec le temps supplémentaire, nous vous assurons que ce sera fait en surtemps et que vous n'aurez pas de problème. Etant donné que c'était quelque chose qui inquiétait, qui fatiguait beaucoup les employés de la United Aircraft, nous semblait-il, la United Aircraft a dit: D'accord, on va renoncer au droit de fonctionner sept jours par semaine, et nous avons abandonné ce droit. Nous avons dit au syndicat, et nous avons une lettre, une proposition à ce sujet : On ne va pas fonctionner sept jours par semaine. Quand nous en aurons besoin, nous le ferons en surtemps. C'était — vu l'assurance donnée par le syndicat, que ce serait fait en surtemps, et on nous a défendu, effectivement — d'engager une autre équipe d'employés pour faire face à nos demandes.

Les propositions qu'on a faites sur les horaires de travail, on n'était pas pour les changer sans qu'un arbitre les étudie ensuite, l'enquêteur spécial, Pierre Dufresne. A la page 18, il examine les propositions que la compagnie a faites là-dessus et il dit: "L'offre patronale concernant les horaires de travail répond partiellement aux revendications syndicales, comme suit: abrogation de l'article 10.06 a) et b) — qui était le droit de travailler sept jours par semaine — abolition des équipes de sept jours; tout travail du samedi et dimanche aux taux de temps supplémentaire, y compris les employés de la salle des chaudières et quarts spéciaux; affichage des horaires de travail; changements pour raisons valables discutés avec l'union une semaine à l'avance et sujets à l'arbitrage; de tels griefs auront préséance sur les griefs en cours." Dans sa suggestion, à la page 20, il constate, "considérant que la position de la compagnie concernant les horaires de travail comporte un certain compromis ayant pour effet d'améliorer sensiblement les conditions de travail des salariés", il recommande, comme vous le voyez à la page 21, "que la position de la compagnie sur les horaires de travail soit acceptée", à la page 22, il qualifie la demande du syndicat sur les horaires de travail comme exigeante. C'est après étude des positions, pas les dernières positions du syndicat car il ne les avait pas à ce moment-là les positions des parties.

Je dois dire que la dernière position du syndicat sur ce point ne me parait pas changée depuis le mois de février.

Sur la question du surtemps. Le syndicat parle beaucoup de surtemps entièrement volontaire. Messieurs, durant la vie de la convention collective en cours, sur la question de surtemps, on n'a eu que 34 griefs dans les trois ans de la convention collective, dont 31 réclamaient plus de surtemps et dont trois seulement se plaignaient qu'ils étaient obligés de travailler en surtemps. C'était dans une convention où le surtemps n'était pas volontaire. Il n'y avait que trois griefs, dans les trois ans, de personnes qui se disaient lésées à cause du fait qu'elles étaient obligées de travailler en surtemps.

Comme je vous l'ai souligné tout à l'heure, la question, pour la compagnie, de fonctionner sur une base de sept jours continus a été abandonnée en vue de la position syndicale suivant laquelle ils feront du temps supplémentaire. Pas de problème. Mais une fois qu'on a cédé sur le droit de fonctionner pendant sept jours, ils disent: On veut ça en temps supplémentaire, que le temps supplémentaire soit entièrement libre. Un autre point, la seule période où le temps supplémentaire fut refusé, ce fut dans les trois derniers mois, lorsqu'on était en négociation, quand le syndicat a dit à tout le monde — une grosse campagne d'intimidation fut conduite à ce moment-là —: Vous allez refuser le temps supplémentaire, ça va mettre des pressions sur la compagnie.

En d'autres mots, on se sert de la question de temps supplémentaire volontaire, pas pour que le gars puisse s'excuser, car on n'a pas eu cette sorte de problème pendant trois ans de convention collective, mais, à un moment donné, dans la période avant les négociations, tout le monde refuse de façon systématique, pour mettre la soi-disant pression sur la compagnie. Quelle était la position de la compagnie sur la question du temps supplémentaire? On a écrit un texte de deux pages qui se trouve reproduit à la page 15 du rapport Dufresne. Encore une fois, on nous accuse parfois dans les journaux d'avoir toujours suivi les conventions collectives d'ailleurs. Ce texte, je vous l'assure, n'existe nulle part ailleurs, cela a été fait ici, en tenant compte de nos problèmes ici, du point de vue spécifique des problèmes d'ici.

Ce que nous avons dit — le texte se trouve là — c'est qu'on était pour faire le tour de tous les employés et demander des volontaires. A ce moment-là, s'il y avait des volontaires comme nous en avons toujours eus, pas de problème. S'il n'y avait pas eu de volontaires, en procédant selon le système d'ancienneté, on en venait aux plus jeunes.

On a dit: On regrette, mais il n'y a pas de volontaires, vous allez être tenus de travailler en temps supplémentaire. Même à cela, l'employé pouvait invoquer une raison personnelle, familiale, majeure, et à ce moment-là, il pouvait se faire excuser et on passerait au prochain. Comme je l'ai dit, c'est un peu académique, car

on n'a jamais eu de problème de volontaires à ce jour sauf quand le syndicat a arrêté le temps supplémentaire.

Voici ce qu'on a dit aux employés: Même à cela, on ne peut pas exiger que vous travailliez en tant que plus jeunes dans le groupe, à moins qu'on puisse vous avertir pour la fin de semaine, au moins le jeudi précédent, et pour une équipe régulière, si on ne peut pas vous le dire la journée avant que vous finissiez votre tour dans l'équipe.

En d'autres mots, normalement, il n'y a pas de problème, car on a toujours eu des volontaires. Si on n'avait pas assez de volontaires, on passait aux plus jeunes. Eux, ils pouvaient se faire excuser pour raisons familiales. On passerait aux prochains et on pourrait exiger qu'ils travaillent seulement lorsqu'on pourra leur donner un préavis de deux jours pour la fin de semaine et d'un jour pour le lendemain. C'était la formule, comme je l'ai dit, qui occupe deux pages. C'est seulement pour protéger la compagnie, quand elle a vraiment besoin qu'un travail soit fait. Après tout, nous servons aussi nos clients. Si on ne peut pas donner de service à nos clients, c'est le danger que cela cause à l'industrie.

Normalement, on n'a jamais eu le problème, à moins que le syndicat ait mis une pression sur la compagnie. L'enquêteur Dufresne commente la position de la compagnie et, à la page 18, il dit ce qui suit: "L'offre patronale concernant la distribution de surtemps rencontre partiellement les revendications syndicales comme suit: a) Distribution équitable du surtemps parmi les employés qualifiés et effectuant régulièrement le travail, b) Possibilité de l'employé à qui le travail est offert de le refuser pourvu qu'un nombre suffisant soit trouvé à défaut de quoi l'ordre inverse d'ancienneté s'appliquera, c) Lors de telles assignations, les employés seront informés avant la fin du quart précédent et avant la fin du quart du jeudi pour du travail de fin de semaine, d) Au besoin, la compagnie comblera ses besoins en s'adressant à des volontaires qualifiés travaillant à l'entretien de la section en question, e) Recours à la procédure de griefs, f) Deux heures de surtemps maximum suite à une journée régulière de huit heures".

En d'autres mots, on ne pourra pas exiger plus que deux heures, même après toutes ces autres choses.

A ce moment, l'enquêteur spécial commente à la page 20 cette offre de la compagnie et dit : "Considérant que la position de la compagnie, en ce qui a trait à l'assignation du surtemps, permet une certaine latitude aux employés", il recommande, à la page 21, que la position finale de la compagnie soit acceptée et il qualifie la position syndicale, à la page 22, d'exigeante.

On revient maintenant, MM. les députés, aux questions de la sécurité syndicale. Dans la convention actuelle, ce qui a été proposé par ce syndicat est une formule de retenue à la source pour tous les employés qui le veulent et qui ont signé la carte; c'est irrévocable pendant la durée d'une convention collective.

Avant le commencement de cette grève, on nous a informés que le syndicat avait 92 p.c. de membres. C'était son chiffre. A ce moment, c'est inexact de dire que la sécurité de ces employés ou de ces syndiqués était en jeu. Il y avait 92 p.c. des membres qui étaient obligés de rester membres et de continuer â payer pendant toute la durée de la convention collective, sauf pour la période déjà prévue par la loi qui est la période normale de maraudage.

Donc ce n'était pas vraiment une question de sécurité du syndicat. La compagnie United Aircraft, je pense, a expliqué sa philosophie sur la formule Rand qui se résume à ceci: Le législateur, généralement, laisse la grande majorité des employés libres d'être membres ou de ne pas être membres du syndicat. On respecte le droit de chaque individu de prendre ses propres décisions. S'il veut payer la cotisation syndicale, il sera tenu pendant la durée de la convention collective, de la payer. S'il ne veut pas, c'est une décision qui lui revient. On a dit que cette philosophie vient d'ailleurs. H n'y a pas de doute que c'est une compagnie qui croit beaucoup à ce principe, comme question de principe. La United Aircraft a déjà expliqué elle-même que sa position sur cela était que personne ne sera obligé contre son gré de payer quoi que ce soit à une tierce personne pour travailler à la United Aircraft. C'était la volonté de l'individu qu'on respectait, et si l'individu a signé, c'est irrévocable pendant la durée de la convention collective.

Je souligne que cela semble certainement le point de vue de la volonté individuelle qui est reconnu par le législateur dans notre code du travail, à la page... M. le Président, je remarque que c'est proche de l'heure, je ne sais pas si vous voulez qu'on continue ensuite.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous en avez pour combien de temps?

M. HEENAN: Encore dix minutes, peut-être.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Sans vous brusquer, encore une dizaine de minutes, on va continuer.

M. HEENAN: Ou quinze minutes. Est-ce que ce serait plus simple que je continue ou que je termine?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je ne voudrais pas, M. Heenan, ni vous limiter, ni... Je pense que ce serait mieux de ne pas vous limiter au cas où vous voudriez revoir vos notes pour vérifier si vous avez oublié quelque chose ou si vous voulez revenir sur quelque chose. Peut-être que si nous devions, à ce moment, suspendre nos travaux jusqu'à 16 heures, cela vous permettrait à 16 heures de reprendre...

M. HEENAN: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): ... à ce moment, on continuera tel que convenu. Le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Tout simplement avant la suspension, excusez, M. Dean...

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est vous qui avez demandé la parole.

M. BURNS: Oui, mais c'est sur une autre affaire. J'allais parler d'une autre affaire. Je ne sais pas si M. Dean veut parler de la United Aircraft...

M. LABERGE: C'est juste pour vous dire, M. le Président, que si on est pour répondre à la présentation de la compagnie, ce serait préférable qu'elle termine maintenant pour nous donner au moins l'heure du lunch pour y penser.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Laberge, je reconnais vos demandes et tout cela, j'y suis très sympathique. D'un autre côté, je constate qu'il est midi et demi. On a convenu, au début, qu'on arrêterait à midi et demi. Il y a peut-être des gens qui ont pris des engagements à ce moment-là pour l'heure du lunch et tout cela.

Alors, je vous prie tout simplement de...

Oui, le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Maintenant que ce point-là est clair, c'est que ce matin, au début de la séance, on a parlé des employés de la Canadian Gypsum et du conflit à la Canadian Gypsum. Ces gens-là, je ne sais pas s'ils sont encore ici, je pense que j'en vois quelques-uns ici, peut-être que cet après-midi, ils n'y seront pas. Est-ce que c'est bien clair, ce qu'on a dit, que quand on aura fini d'entendre les gens impliqués dans le conflit United Aircraft, il y aura une convocation immédiatement après, c'est-à-dire quand...

LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission en décidera à ce moment-là.

M. BURNS: Au moment où la commission siégera pour ces gens-là?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.

M. COURNOYER: La commission, c'est-à-dire que c'est la commission parlementaire permanente du travail et de la main-d'oeuvre, c'est nettement mon intention, si le conflit n'est pas réglé à la Canadian Gypsum, lorsque nous aurons terminé avec United Aircraft, de convoquer les deux parties pour faire le même exercice que nous faisons actuellement avec les employés et la compagnie United Aircraft.

M. MORIN: Est-ce que, M. le Président, je pourrais demander au ministre s'il a l'intention de procéder assez rapidement ou bien si la convocation pourrait aller à une semaine ou deux ou...

M. COURNOYER: C'est-à-dire non...

M. MORIN: Quel est la calendrier qu'il prévoit suivre?

M. COURNOYER: Les seules limitations au calendrier du ministre là-dedans, ce sont les travaux de la Chambre. Je ne suis pas maître des travaux de la Chambre mais pour autant que je suis concerné, je suis prêt à continuer l'exercice dès que nous avons fini celui de United Aircraft.

M. MORIN: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Séguin): La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

Reprise de la séance à 16 h 35

M. SEGUIN (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Pour la séance de cet après-midi, les députés suivants sont membres de la commission: Belle-mare (Johnson); Bérard (Saint-Maurice); Saint-Germain (Jacques-Cartier); Boudreault (Bourget); Burns (Maisonneuve); Charron (Saint-Jacques); Lachance (Mille-Iles); Cournoyer (Robert-Baldwin); Déziel (Saint-François); Houde (Limoilou); Harvey (Dubuc); Harvey (Charlesbourg); Malépart (Sainte-Marie); Roy (Beauce-Sud).

Au moment où nous avons suspendu nos travaux pour le déjeuner, Me Heenan avait la parole. Alors, voulez-vous continuer...

M. BOUDREAULT: M. le Président, n'y aurait-il pas lieu de nommer un rapporteur de la commission?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous remercie de me faire remarquer cela.

M. HARVEY (Charlesbourg): Je suggère M. Boudreault. Jean Boudreault, député de...?

M. BOUDREAULT: ... de Bourget.

M. HARVEY (Charlesbourg): ... Bourget. ... depuis que la famille Laurin l'a appelé.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors, le rapporteur pour la séance : le député de Bourget. Me Heenan.

M. HEENAN: Merci, M. le Président. J'avais commencé ce matin à parler de la position de la compagnie concernant la sécurité syndicale. J'avais seulement abordé la question et je pense que je vais la reprendre entièrement.

La position de la compagnie sur la question de la sécurité syndicale est la suivante: Que tout employé a la liberté de décider librement s'il veut appuyer le syndicat et, s'il le fait, sa liberté est entièrement respectée. La compagnie fait la déduction des cotisations syndicales à la source et ces cotisations sont irrévocables pendant la durée de la convention collective.

Donc, je disais que le syndicat estimait le nombre de ses membres syndiqués entre 85 p.c. et 92 p.c. et, étant donné que tout ce monde était obligé de continuer ses cotisations syndicales pendant la durée de la convention collective, il n'était pas du tout question de la sécurité syndicale.

Ce que le syndicat vise n'est pas sa sécurité mais il vise les cotisations des 7 p.c. qui ne veulent pas payer ou qui n'ont pas librement décidé de payer.

C'est une question de principe que la compagnie adopte.

La compagnie dit: Pour nous, tout le monde qui travaille chez nous est entièrement libre et ne sera pas obligé de payer des cotisations syndicales à un syndicat, à une fraternité ou ailleurs, à une agence de placement ou à qui que ce soit.

Je pense que, dans la loi du Québec, on reconnaît implicitement cette liberté. Si on prend le code du travail, par exemple, on voit l'article 3. L'article 3 prévoit que "tout salarié a droit d'appartenir à une association de salariés de son choix" et d'y participer. Cela lui donne également le droit de ne pas y appartenir. L'article 12: "Nul ne doit user d'intimidation ou de menaces pour amener quiconque à devenir membre, à s'abstenir de devenir membre ou à cesser d'être membre d'une association de salariés ou d'employeurs, ni pour amener un salarié à signer, à refuser, à révoquer ou à rétablir une autorisation de retenir un montant sur son salaire comme cotisation". Encore la liberté, on ne pourra pas forcer quelqu'un à signer des autorisations. A l'article 38 encore, qui est plus récent, le législateur a voulu qu'un employeur soit tenu d'honorer l'autorisation écrite volontaire et révocable, en tout temps, donnée par tout salarié, membre d'une association accréditée, de retenir mensuellement un montant spécifié comme cotisation à prélever sur son salaire au bénéfice de cette dernière. Evidemment, cela est révocable. Encore, le législateur consacre le principe de la liberté de l'individu d'en décider.

Quant à ce point, dans notre convention collective, par convention, par entente à la suite de négociations, il a été convenu que les employés qui avaient signé, soit les 92 au maximum d'après l'estimation des syndicats, n'avaient pas le droit de révoquer. Donc, il n'est pas exact de dire que le syndicat était faible ou était en danger de disparaître. Je souligne que la même pensée a été adoptée partout en Amérique du Nord, dans toutes les autres provinces du Canada, en incluant le gouvernement fédéral, sauf au Manitoba. C'est le seul endroit où le législateur n'ordonne pas la liberté de choix. C'est le seul endroit où le gouvernement NPD a décidé une forme différente, mais dans toutes les autres législations cette liberté est respectée. D'ailleurs, la question de la formule Rand — on appelle la demande du syndicat la formule Rand — mais je pense qu'il y a une énorme confusion à ce sujet.

La formule Rand telle que conçue par l'honorable juge Rand ne comprenait pas uniquement la retenue syndicale à la source, mais faisait partie d'au moins six autres conditions visant à assurer la démocratie syndicale. Pour en citer des exemples, de ce qui faisait partie intégrante de la formule Rand — je les cite car on les oublie quelquefois — pas de grève générale ou partielle avant un vote, 1) par scrutin secret, 2) surveillé par le gouvernement, 3) parmi tous les employés auxquels la convention

collective s'applique, donc, membres ou pas du syndicat.

Cela n'existe presque nulle part maintenant, que les employés qui ne sont pas membres du syndicat aient l'occasion de s'exprimer, qu'il y ait un vote par scrutin secret, après les dernières offres, et surveillé par le gouvernement.

Deuxième point, le syndicat dénoncera toute grève illégale ou qui n'a pas été autorisée conformément à la condition ci-dessus et déclarera que toute ligne de piquetage est illégale et qu'elle ne lie pas les membres du syndicat.

Troisième point, tout employé qui participera à une grève illégale perdra un an d'ancienneté, pour toute semaine ou partie de semaine où il s'absentera ainsi de son travail et payera une amende de $3 — c'est automatique, selon l'article 46 — pour chaque journée d'absence.

Quatrième point, une grève illégale que le syndicat n'aura pas dénoncée entraînera la perte de toutes les retenues à la source pour pas moins de deux mois et pas plus de six mois. En d'autres mots, si un syndicat acceptait une grève illégale ou ne la dénonçait pas tout de suite, il perdait toute retenue à la source pendant une période de deux mois à six mois et ça, le juge Rand l'a laissé au choix de l'employeur. Mais pas moins de deux mois. Le dernier point, dix mois après l'entrée en vigueur de la convention collective, 25 p.c. des employés pourront exiger que le ministre du Travail tienne un nouveau vote au scrutin secret pour décider si le syndicat continuera à agir comme agent négociateur des employés. En d'autres mots, après dix mois, les employés auront, à la demande de 25 p.c., le droit de décider si le syndicat sera remplacé par un autre ou agira comme agent négociateur tout simplement.

Dans la situation actuelle à la United Aircraft, il y a un autre problème qui se pose à cause de ce qui se passe actuellement. Il y a déjà, sur les 2,600 ou les 2,400 emplois qui existaient, 1,700 employés de retour au travail, dont la moitié du syndicat, 1,100 y sont déjà retournés.

Forcer la formule Rand voudrait dire qu'on l'imposerait aux 1,700 personnes qui n'ont pas voulu la retenue à la source, ce qui est beaucoup plus que la majorité des employés. Vous remarquerez que, ce matin, j'ai mentionné le chiffre de 1,800, et maintenant, je parle de 1,700; la raison, c'est qu'il y a environ quatre-vingt employés qui n'ont pas démissionné du syndicat et qui n'ont pas révoqué leur cotisation. On respecte leur liberté de faire cela. C'est le principe de la compagnie, savoir qu'elle respecte la liberté de l'individu.

Le point le plus important peut-être, M. le Président, c'est que, dans le cas de la dernière augmentation de cotisation syndicale, pour nos employés à la United Aircraft, c'était en 1968. La décision de changer la cotisation syndicale a été faite à Détroit, d'après la constitution internationale du syndicat.

Elle fut soumise à un vote des employés membres du syndicat à la United Aircraft. La majorité de ces employés ont refusé le changement lors de cette assemblée et ont voté contre l'augmentation et le changement de cotisation syndicale.

Nonobstant le vote parmi les employés de la United Aircraft, la lettre datée du 23 février 1968 fut envoyée à la compagnie par le syndicat, demandant — peu importe ce que les employés avaient voté — que la compagnie impose la nouvelle forme pour être en règle avec la constitution des TUA à Détroit.

Je lis la lettre qui vous a été remise. Elle est écrite en anglais; je la lis donc en anglais. Elle venait du local 510, le Financial Secretary UAW, local 510, à la United Aircraft. Elle est datée du 23 février 1968: "Dear Sir,

Please be advised that due to recent modifications to the Constitution of the International Union, the monthly union dues are now established at an amount twice the straight time hourly rate of pay earned by each individual member.

In accordance with the provisions of article 4 of the labour agreement now in effect, we are therefore requesting you to deduct monthly, as of April the first, 1968, from the pay of each employee, instead of $5, an amount equal to two hours of pay on the basis of the last straight time hourly rate earned by each individual employee during the pay period from which earnings the union dues are deducted".

Je souligne que c'était après le vote tenu à l'assemblée des employés de United Aircraft, membres des TUA, refusant cette demande. Mais, quatre jours plus tard, la lettre est venue quand même. Cela a évidemment mis la compagnie dans une position assez difficile, car elle savait, elle était au courant que les employés avaient voté contre cet amendement en assemblée, mais elle a reçu quand même la lettre disant que la constitution internationale exigeait cela.

La compagnie, à ce moment, a refusé la demande telle que faite ici et s'en est tenue à la convention collective qu'elle avait signée. Pour tout le monde, la retenue, qui était évidemment irrévocable, était de $5 et on a continué cela jusqu'au changement par négociation. Ce changement fut fait par négociation et fut, par la suite, approuvé par les employés deux ans plus tard. Mais la demande est venue, nonobstant le vote de tous les employés de United Aircraft, en majorité, le refusant.

Je souligne cela comme un point, à savoir comment contre leur gré, leur cotisation syndicale peut être augmentée ailleurs et pas dans leur localité et parmi les employés locaux qui sont assujettis à cette condition. Dans bien des cas, dans les autres syndicats, une lettre est venue de Toronto, de Détroit, de Washington ou d'ailleurs, disant tout simplement: Amendez les cotisations syndicales, les nouvelles sont celles-ci, sans même qu'il y ait eu un vote parmi

les membres. Assujettir ceux qui ne veulent pas appuyer financièrement le syndicat à des choses ou des décisions qui peuvent être prises ailleurs et changer tout le système de cotisation syndicale, paraît injustifiable à la compagnie.

Je pense, M. le ministre, à la question de la réintégration de M. Choquette, et je voudrais juste ouvrir une parenthèse sur la question de la formule Rand. Je m'excuse, je devrais dire, comme je le dis dans tous les autres cas, que la position de la compagnie fut soumise à l'enquêteur spécial, M. Dufresne, qui a trouvé la position de la compagnie intransigeante sur ce point. Je souligne cela car, tout au long de toutes nos prises de position, j'ai toujours introduit ce que pensait l'enquêteur spécial nommé par le ministre.

La position sur laquelle la compagnie s'appuie, l'argument dans le rapport Dufresne sur cela est que, d'après le sondage de McGill — McGill ne tient pas compte de toutes les conventions collectives, mais seulement d'un certain nombre — il y avait, je pense, 15 p.c. des personnes qui ne payaient pas la cotisation. On tire de cela l'argument que c'est accepté par l'employeur dans 85 p.c. des cas. Je pense que ce serait plus exact de dire que ce n'est pas une question d'acceptation par l'employeur, mais que bien des employeurs ont abandonné ce principe à la table des négociations pour des raisons de force économique. Il y a bien des ateliers syndicaux et des ateliers fermés dans des conventions collectives. Ce n'est pas que l'employeur ait tellement accepté le principe comme étant le bon, mais qu'à la table des négociations, en présence de la force des parties, il a décidé que c'était mieux de lâcher sur ce point. Je pense que c'est important de faire valoir ce point. Ce n'est pas exact que ce soit accepté volontairement par 85 p.c. des employeurs dans le cas des études de McGill mais il reste qu'à la table des négociations, ils ont décidé d'abandonner la lutte sur ce principe. La plupart des groupes patronaux, je pense, appuient toujours le principe de la liberté individuelle.

Sur la question de la réintégration de M. Choquette, M. Choquette fut congédié avant le début de la grève. Je peux relater en détail exactement ce qui est arrivé. Pour vous donner une idée, quand il était sous suspension, étant donné qu'il ne suivait pas les ordres de ses contremaîtres, il refusait de se soumettre à l'autorité de son contremaître et il est entré à l'usine de United Aircraft par effraction.

Il a cassé la porte d'entrée pour pénétrer où il n'avait pas le droit d'être. Avec un autre, il a pris des ciseaux, des pinces, il a coupé la propriété de la United Aircraft, il s'est emparé de choses et il a ouvert l'usine à un certain moment, sans suivre d'ordre, et, entre-temps, il a intimidé d'autres personnes. Ce sont quelques-uns des reproches qui sont faits à M. Choquette et l'employeur dit: Quelqu'un qui ne veut se soumettre ni à l'autorité de son contremaître, ni aux règlements internes de la compagnie, ni aux lois de la province, et qui entre par effraction, on pense qu'on devrait le congédier. On a pris cette décision, mais on n'a jamais dit: On n'est pas prêt à soumettre son cas à l'étude devant quelqu'un d'impartial. On a toujours dit, dans le cas de M. Choquette: On est prêt. Nous avons compris et nous voulons que son cas soit étudié à l'arbitrage, comme n'importe quel autre congédiement, selon les termes de la convention collective, et que l'arbitre décide si la compagnie avait raison ou non de congédier M. Choquette.

Maintenant, je devrais dire que la réponse que nous avons eue du syndicat était la suivante, et c'est au mois de juillet que nous avons eu cette réponse de deux sources: Avant qu'on soumette n'importe quelle proposition à nos membres, vous allez d'abord accepter la formule Rand dans les termes de retenues obligatoires et vous allez réintégrer M. Choquette. Avant qu'on soumette n'importe quelle offre aux membres. Si vous nous faites une offre sans cela, vous perdez votre temps, elle ne sera pas soumise à nos membres! Elle ne sera pas soumise aux employés! C'était une position qui nous fut formellement donnée vraiment, comme condition de présenter l'offre de la compagnie aux employés: il fallait d'abord ces deux choses.

Effectivement, la dernière proposition de la compagnie n'a jamais été soumise aux employés. Le dernier vote fut tenu au mois de février et la dernière offre de la compagnie au mois de juillet.

Les autres demandes du syndicat.

M. COURNOYER: M. Heenan, est-ce bien le mois de février, ou le mois de mai?

M. HEENAN: C'était au mois de février ou au commencement de mars. Je pense que c'était le 22 février. C'était peut-être le 2 mars, mais je pense que c'était à la fin de février. C'était le 22 février, oui.

Depuis ce temps, il n'y a pas eu de vote. Notre position a au moins changé à deux occasions depuis ce temps, mais l'offre n'a jamais été soumise aux employés pour qu'ils en décident.

Je vais revenir, en réponse plus tard au mémoire de la partie syndicale, sur la façon dont ces votes ont été pris, car pour répondre à cela, je pense qu'il faut se situer dans le contexte dans lequel ces votes ont été pris. Mais, depuis le mois de février, il n'y a pas eu de vote, malgré les changements majeurs dans la position de la compagnie.

Les autres demandes du syndicat qui restent dans un document qui nous a été transmis, surtout le document de retour au travail. D'abord, une demande qui m'a surpris un peu en l'examinant — car cela semble contredire tout à fait l'argumentation que le syndicat fait sur la formule Rand — c'était qu'il y aura un

montant de $500 payé aux personnes qui sont en grève, seulement, non pas aux autres employés, mais seulement à ceux qui sont toujours en grève. Donc, je pense qu'il est inexact de dire qu'un syndicat ne peut pas négocier des conditions spéciales pour un groupe d'employés contre un autre groupe d'employés. Ici, une des conditions qu'il nous pose, c'est que vous allez payer à tous les employés qui sont toujours en grève $500 et rien aux autres, seulement à ces messieurs. C'est une condition — et c'est un exemple des sortes de conditions qui peuvent être négociées à la table de négociation — qui n'est pas uniforme pour tout le monde.

D'ailleurs, j'ai lu dans le mémoire de la partie syndicale, lorsqu'il était question de la formule Rand, qu'il existait une obligation du syndicat de prendre en arbitrage un grief d'un non-membre. Respectueusement, M. le Président, je ne connais pas une telle chose en droit. Le code du travail ne le spécifie pas et, à ce que je sache, selon mon expérience personnelle, il n'y a jamais eu un tel cas d'un non-membre qui voit son grief soumis à l'arbitrage par le syndicat. Il se peut très bien qu'il y en ait. Je ne suis pas au courant d'une telle chose et je dis que le code du travail ne l'exige pas, comme notre code du travail n'exige pas actuellement l'obligation de représenter équitablement, cela n'existe pas. C'est peut-être quelque chose que bien des syndicats acceptent, mais cela n'existe pas et, quand je vois qu'il y a une obligation légale pour un syndicat de présenter un grief d'un non-membre, je ne suis pas au courant d'une telle chose en droit et je ne la trouve pas dans le code du travail.

Une autre exigence syndicale est que le retour au travail doit s'effectuer de la façon suivante: On va retourner au 31 décembre 1973. On va oublier qu'on a eu l'année 1974. On va replacer toutes les personnes dans les positions qu'elles occupaient à ce moment et on va mettre à pied le surplus de personnel qui est là. Mais c'est tout simplement oublier l'année 1974.

Il y a eu pas mal de choses, de production, de promotion, de démissions, de transferts qui ont eu lieu depuis ce temps et on nous dit tout simplement: On va fixer une date de 1973 et là on va remettre le portrait comme il était, comme s'il n'y avait pas eu 1974. On va congédier ou mettre à pied les employés les plus jeunes. Pendant cette grève, pendant sept mois, la compagnie United Aircraft, malgré tous les rapports que vous lisiez presque quotidiennement dans les journaux, n'a pas embauché une personne. Pendant sept mois...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je demande votre coopération la plus étroite. On permettra à chacun des représentants des deux parties d'exposer son point de vue. Je vous demanderais de coopérer avec la commission qui entend faire son travail et permettre à ceux qui vous représentent d'exposer leurs commentaires sans interruption. Continuez, Me Heenan.

M. HEENAN: Merci, M. le Président. Comme je disais, depuis le commencement de la grève jusqu'au mois d'août, dans l'unité de production, il n'y a pas eu une personne embauchée par la compagnie. Je souligne ceci, car si on accuse parfois la United Aircraft de vouloir briser le syndicat, ce n'est certainement pas la position qu'une compagnie qui veut briser le syndicat va adopter, de ne pas embaucher qui que ce soit. Le seul moment où les embauchages furent faits, c'était au mois d'août après que les dernières offres de la compagnie furent présentées au syndicat. Le syndicat refusa, à ce moment-là, de les soumettre à ses membres. Après sept mois de grève, des employés furent embauchés, c'était au mois d'août et, depuis ce temps-là, je pense qu'il y a à peu près 500 à 600 employés — environ 600 employés — qui furent embauchés.

Quant à la position de la compagnie à ce sujet, elle a dit deux choses. D'abord, on nous accuse de ne pas être intéressé au sort des employés. Ce à quoi la compagnie répond: Ce n'est pas du tout exact. Nous avons à considérer tous nos employés, les quelques centaines, car je crois que c'est maintenant entre 500 et 700. On ne sait pas maintenant combien de personnes restent en grève, mais également les 4,500 employés de la United Aircraft qui sont là actuellement, il faut considérer tous les employés. La proposition de la compagnie est la suivante. On a annoncé publiquement, M. le Président, qu'on rapatrie... on a fait faire le travail ailleurs pour protéger les emplois, on a réussi à protéger des emplois, on fait revenir le travail ici à Longueuil actuellement et on est prêt — car on sait qu'on va avoir besoin de plus de main-d'oeuvre — à garder l'exclusivité de tous ces postes qui vont augmenter aux employés en grève. On va les rappeler aussi vite que possible, aussi vite que cet ouvrage sera rapatrié, ce qui se fait actuellement, par ordre d'ancienneté, selon les termes de la convention collective.

La chose que nous ne savons pas, évidemment — je pense que même le syndicat a de la difficulté à le savoir à ce stade-ci — c'est combien d'employés sont en grève. On sait que des employés de la United Aircraft actuellement, il y en a 2,300 qui n'ont pas démissionné. L'unité de production telle qu'elle était avant la grève et telle qu'elle est actuellement compte 2,300 personnes. La moitié, en plus de 1,100, est déjà de retour à la United Aircraft. D'après notre expérience en relations de travail, après une grève de plusieurs mois, il y en a plusieurs qui s'en vont tout simplement, qui n'avertissent pas, qui ne démissionnent pas ou qui ne sont pas intéressés à revenir, car ils ont trouvé des emplois ailleurs. Je pense que c'est aussi difficile pour le syndicat que pour la compagnie de savoir combien d'employés sont vraiment intéressés à revenir. Nous estimons que c'est entre 500 et 700, mais nous n'avons pas un moyen exact de le savoir.

C'est pourquoi nous avons suggéré que, sous la surveillance du ministre du Travail, il y ait un enregistrement de tous les grévistes qui veulent retourner à la United Aircraft et là, ils auront la priorité de tout emploi. On n'embauchera personne d'autre, ils auront tous leurs droits, etc.

On nous a accusés également de vouloir briser le syndicat. La position de la United Aircraft, c'est qu'elle est toujours prête, comme elle l'a toujours été, à signer une convention collective. Elle a déjà signé la convention collective en 1964, en 1967, en 1970, avec les mêmes termes — sauf tous les changements qu'on a faits ici — et on est toujours prêt à le faire. On n'a pas d'intérêt à briser le syndicat, mais on ne peut pas accepter le "pattern" de Douglas ou de DeHavilland des TUA, ou ce qui a eu des effets désastreux sur ces compagnies. Mais de là à dire que nous ne sommes pas prêts à signer avec le syndicat, ce n'est pas exact, nous sommes prêts à le faire.

Je souligne un autre point, une autre demande que le syndicat a faite et ceci, on a de la misère à le comprendre. Je vais vous le lire textuellement: "Tout salarié qui a été accusé devant des tribunaux à la suite d'actes posés ou d'omissions commises pendant la grève se voit accordé un congé sans solde avec accumulation d'ancienneté pour toute période de temps pendant laquelle il doit comparaître devant les tribunaux et purger toute peine d'emprisonnement qui lui a été imposée ou qui pourrait lui être imposée". En d'autres mots, dans le cas des personnes qui, tout simplement, n'ont pas tenu compte du tout des lois de la province de Québec, qui se trouvent emprisonnées ou condamnées, on devrait tout simplement dire: Vous continuez à accumuler votre ancienneté. Je souligne qu'il y a un employé qui, après avoir mis le feu à la propriété de la compagnie, après avoir causé plusieurs milliers de dollars de dommages, a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans. On nous a dit: Là, ça se fait, il y a des personnes qui ne respectent pas les lois et vous n'avez pas le droit de les congédier.

Je souligne que bien de ces actes de violence qui ont été commis l'ont été contre les 4,500 employés qui sont là actuellement. Pendant sept mois, c'étaient les 2,700 employés de bureau et des ingénieurs qui venaient au travail. En se présentant au travail, ils étaient battus, leurs voitures renversées, la torche mise là-dedans, et même quelquefois quand ils y étaient. On dit tout simplement: C'était toujours un noyau — ce n'était pas de la violence spontanée— de moins de 20 employés qui étaient toujours responsables ou présents lors de ces actes. Le directeur de la grève a été arrêté, je pense que c'est cinq fois, et attend toujours son procès pour ça. Malgré des ordres de la cour de ne pas se présenter dans les environs d'un mille de la United Aircraft, il l'a fait à maintes reprises et fut condamné pour outrage au tribunal deux fois.

Maintenant, est-ce qu'on devrait tout simplement tolérer ça ou est-ce que ce n'est pas un peu la violence de la construction qui vient là d'ailleurs. Et on veut dire tout simplement: Oui, mais on va oublier ça. Pensez-vous à l'employeur qui a le problème de réintégrer ce noyau de violence avec les personnes qui étaient leurs victimes, qui vont travailler côte à côte? Ce n'est pas la grande majorité, je parle d'un nombre inférieur à vingt mais qui ont fait des choses semblables et on nous dit: Tout simplement, vous allez oublier ça, vous n'allez rien faire, et s'ils sont condamnés à la prison, vous allez leur garder toute leur ancienneté. Cela nous semble un peu fort. Après tout, ce sont vos lois, les lois de ce Parlement, de cette Assemblée nationale qui n'ont pas été respectées à ce moment-là. On nous dit tout simplement de fermer les yeux sur ce qui est arrivé.

Si c'était seulement la compagnie qui avait eu ce problème, ce serait une chose.

Mais le syndicat lui-même a eu des problèmes avec ce qu'il appelle un groupe militant des employés qui veulent s'emparer du syndicat. Le syndicat même, comme vous le savez — les journaux en ont parlé à un moment donné — a vu 226 chèques, pendant une période de six semaines, en d'autres mots, 226 chèques pendant six semaines, cela fait 1,300 chèques fraudés. C'est le terme du syndicat international de Détroit.

Les directeurs du syndicat ont été sortis de leur propre salle à coups de pied, d'après les informations qui le relatent, par les employés. C'est le syndicat qui le dit. Donc, on nous dit tout simplement que la violence, on devra l'oublier. M. le Président, MM. les membres, comme je l'ai dit, il y a eu 4,500 employés qui ont souffert à cause d'un groupe relativement restreint. Le groupe en grève actuellement est de 500 employés. Tout ce que nous disons, c'est que tous les employés, sauf ce groupe de moins de 20, comme je le souligne, les auteurs de cet acte, vont avoir l'exclusivité de retourner au travail.

Maintenant, M. le Président, la Société United Aircraft m'a aussi mandaté pour vous donner une réponse — car cela se parlait dans les journaux — sur ce qui est arrivé des subventions que le gouvernement avait octroyées à la United Aircraft.

J'ai lu dans les journaux que ces subventions servaient à acheter de l'équipement ou des meubles, tout simplement, et que la United Aircraft ne respectait pas effectivement les termes des subventions ou des lois de cette Assemblée nationale.

C'est suite à un ordre précis de la compagnie que je suis ici pour, tout d'abord, vous assurer que la United Aircraft a respecté intégralement les termes de ces subventions. Pour vous relater les faits, une subvention de $5 millions a été approuvée, je pense que c'était en 1969/70. Jusqu'ici, le montant versé à la Société United Aircraft est de $3 millions; pas $5 millions,

mais $3 millions, jusqu'ici, toujours selon les termes du prêt.

Les termes de cette subvention se trouvent dans l'arrêté en conseil 2526 qui prévoit que des subventions peuvent être faites aux compagnies qui remplissent les conditions d'admissibilité suivantes:

L'entreprise qui désire se prévaloir du programme devrait établir à la satisfaction du ministre — je m'excuse, c'est la deuxième chose qui nous touche directement: 1- Qu'elle va produire, avec une technologie avancée, un produit non encore fabriqué au Québec. 2- Qu'elle ou les entreprises qui la contrôlent sont connues sur les marchés internationaux. 3- Que le marché qu'elle entend desservir dépasse les limites du Québec et du Canada. 4-Que l'investissement proposé dépasse $5 millions.

Les conditions, M. le Président, sont les suivantes:

Employer des diplômés en génie, sciences, technologie ou administration des collèges ou universités du Québec dans une proportion d'au moins un diplômé par $50,000 de subvention, à la fin de la troisième année, depuis l'entrée en production.

En d'autres mots, selon les termes de la subvention, pour les $5 millions qui ont été approuvés à ce moment, une des conditions était que la United Aircraft emploie cent diplômés en génie, sciences, technologie ou administration des collèges ou universités du Québec. Depuis que la subvention fut approuvée, il y a 125 diplômés en génie, sciences, technologie ou administration qui ont été engagés. Je pense que c'est important de le noter en passant: Pendant toute cette grève, aucune de ces personnes n'a été mise à pied. D'ailleurs, si elles étaient mises à pied, si on était obligé de fermer et de mettre à pied les employés qui se trouvaient à n'avoir rien à faire, à ce moment, on aurait été contre les termes de la subvention. Si on avait mis à pied ces diplômés récents, on serait contre les termes de la subvention. Il n'y a eu, depuis le commencement de la grève, M. le Président, aucune mise à pied.

La deuxième condition qui s'applique rigoureusement, c'est qu'il faut que la compagnie investisse, de ses propres fonds, un montant de $40 millions contre une subvention de $5 millions. A la fin de l'année 1973, les fonds investis étaient de $42.5 millions — c'était le 31 octobre 1973 — et de $46.5 millions à la fin de l'année 1973. Donc, toutes les conditions ont été remplies et je peux vous assurer que l'argent des subventions approuvées par l'Assemblée nationale a servi aux fins auxquelles elles furent approuvées et qu'on ne s'est pas servi de cela pour acheter des meubles.

M. BURNS: M. Heenan, est-ce que vous avez l'intention de déposer ces ententes? Je m'excuse, M. le Président, c'est simplement de façon incidente que je pose cette question.

M. HEENAN: Je n'en avais pas l'intention. Je pense, d'ailleurs, que c'est une entente avec l'Assemblée nationale. Je ne veux pas, à ce stade-ci, commencer les questions. Peut-être que, par la suite, vous pourriez demander cela, mais je pense que cela appartient déjà à l'Assemblée nationale ou au ministre qui les a déjà, si je comprends bien.

M. BURNS: La raison pour laquelle j'ai posé cette question, à ce stade-ci, c'est que, quand le syndicat a témoigné ce matin, il nous a fourni des documents au fur et à mesure plutôt que de nous raconter des histoires qui étaient dans les documents. C'est pour cela que je pose la question. Je me demande si la compagnie ne devrait pas déposer les ententes, relativement à toutes ces subventions, pour qu'on ait le temps de se barder de questions autant à l'endroit de la compagnie qu'à l'endroit du syndicat, parce que le syndicat nous a fourni une série de documents qui va préparer, sans aucun doute, après lecture, un certain nombre de nos questions. Je pose la même question à l'endroit de la compagnie. J'entends Me Heenan depuis les quelque quinze dernières minutes nous raconter ce qu'il y a dans ces ententes, relativement aux subventions. M. Heenan pourrait très bien oublier des paragraphes de l'entente qui a été soulignée. C'est possible. J'aimerais avoir une vue générale de cela.

M. BELLEMARE (Johnson): Surtout les $46 millions que vous avez faits.

M. HEENAN: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. HEENAN: ... je préfère de beaucoup terminer à ce stade-ci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Je reviens...

M. HEENAN: Je préfère reprendre les questions plus tard, sinon je vais perdre le fil de mes idées. Je suis ici à la disposition de cette commission pour répondre à toutes les questions, mais je pense que, en fait...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous avons eu une entente, ce matin, sur notre façon de procéder. Il y a eu une question posée tout à fait normalement. Je voudrais, si possible, que les membres acceptent cette sanction de ne pas poser de question à ce moment-ci, quitte à y revenir. Ce sera à monsieur...

M. ROY: J'en aurais une à poser...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je ne voudrais pas... La question se pose à ce moment. Je pense qu'une fois qu'on aura entendu les débats entre les deux parties, les membres de la commission, tel que convenu, poseront les questions qu'ils jugeront à point. On aura nos réponses à ce moment de la part des personnes qui paraissent devant la commission. Alors, Me...

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à vous poser, en tant que président de la commission.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, en tant que président de la commission, est-ce que vous auriez objection à ce que les documents auxquels on fait référence soient déposés, soient photocopiés pour que les membres de la commission en aient des copies?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Absolument. Maintenant, il s'agirait d'attendre les réponses.

M. ROY: Est-ce que vous avez objection? LE PRESIDENT (M. Séguin): Non.

M. ROY: Alors, si le président de la commission n'a pas d'objection, est-ce qu'on pourrait demander à quelqu'un de responsable de voir à ce que ces documents soient photocopiés de façon qu'on puisse avoir une photocopie?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Bon. Le ministre.

M. COURNOYER: C'est, je pense bien, une entente dont on parle. Je ne voudrais pas du tout avoir l'air de ne pas vouloir faire déposer cette entente. Je suis convaincu que, dans le cas des dépôts de documents par la partie syndicale ce matin, on a obtenu jusqu'à un certain point l'autorisation — elle est là — de déposer ces documents. Dans les ententes que j'ai ici, c'est DeHavilland, Spar. On n'a peut-être pas posé la question, mais il s'agit de documents qui ont acquis une notoriété publique. Je suggère aux députés de l'Opposition de poser demain la question à l'autre partie à ces ententes, le ministre de l'Industrie et du Commerce, pour voir si lui a des objections à la publication.

M. BURNS: Sur une question de règlement, M. le Président, cela va bien plus loin que cela, M. le ministre. Vous, comme ministre, de par notre règlement, si vous citez, — ne serait-ce qu'en partie — un texte, on peut exiger sur-le-champ le dépôt de ce document. C'est notre règlement qui dit cela. Imaginez-vous, vous, ministre, on peut exiger cela de vous. Une personne qui vient témoigner devant nous, qui cite à pleines pages des documents et on ne peut pas exiger le dépôt de cela, je ne comprends plus rien.

M. COURNOYER: Je n'ai jamais dit cela, mais je pense... Ce que j'essaie de dire au député de Maisonneuve, c'est qu'il y a une autre partie à cette entente qu'on pourrait aussi consulter, parce que j'imagine que la réponse, c'est une entente entre deux parties. Je n'ai aucune forme d'objection au dépôt de quelque entente que ce soit qui implique des fonds publics, étant donné que nous sommes, semble-t-il, les administrateurs des fonds publics. A partir de là, je n'ai pas cette objection. Encore faut-il que la personne qui s'inspire de cette entente ait la chance de discuter avec celui qui a signé l'entente avec elle pour voir si elle a des objections. Ce n'est que cela. Je suis convaincu que, dans le cas des syndicats, il n'y a personne qui a des objections. Je ne pense pas qu'il n'y ait non plus des objections.

M. BURNS: Si Me Heenan nous cite des parties de ce document, il doit avoir consulté, il doit avoir demandé avant, à moins que vous ne me disiez qu'il est totalement irresponsable, ce que je ne pense pas.

M. COURNOYER: Une chose est certaine. M. le Président, c'est que je ne sais pas ce qu'il y a dans la tête de Me Heenan, pas du tout.

M. BURNS: En tout cas, vous ne le paraissez pas.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, une question de règlement. Tel que l'a dit mon collègue de Maisonneuve, il est spécifiquement dit dans notre règlement que si le ministre, d'autorité, cite un document, il doit le déposer à la demande.

M. COURNOYER: Le ministre. Le ministre ne l'a pas cité encore.

M. BELLEMARE (Johnson): Un instant. C'est peut-être là qu'est tout le problème de ce jeu de cache-cache qu'on devrait Connaître. On est ici pour entendre les parties, mais on est ici aussi pour entendre la vérité. La vérité, on n'est pas capable aujourd'hui de la vérifier. Si M. Heenan dit: Nous avons reçu $40 millions, et s'il y a dans l'entente: On a dépensé $46 millions en 1973, sur quoi peut-on juger la véracité de ses dires? Je prends la parole de M. Heenan, je le connais depuis longtemps. Je l'ai rencontré dans d'autres conflits et j'aurai sur cela mon intervention en temps et lieu. Je dis, par exemple, qu'aujourd'hui, devant les faits qui ont été établis ce matin par la partie syndicale et qui ont été très clairs, pourquoi cet

imbroglio? Pourquoi ne pas dire: Oui, messieurs, et ne pas se retirer sur une confidentialité...

M. COURNOYER: II n'est pas supposé y en avoir.

M. BELLEMARE (Johnson): ... qui n'existe pas du tout, c'est public. Ce sont des fonds qui ont été payés par des gens de la province et qui ont été mis à la disposition d'une compagnie pour bénéficier de certains avantages avec des conditions, bien entendu.

Et à partir de là, si nous voulons véritablement être en mesure de juger ces conditions, parce que c'est un argument frappant...

M. COURNOYER: Oui, mais posons la question à M. Heenan.

M. Heenan, avez-vous des objections à déposer ces ententes?

M. BELLEMARE (Johnson): Non seulement les ententes, mais les réalisations, qu'est-ce qu'ils ont fait avec l'argent? Ils n'ont pas tous été des balayeurs!

M. COURNOYER: Ce sont des arguments. Mais le point de départ de l'entente, M. Heenan, avez-vous objection à le déposer? Je pose la question.

M. BELLEMARE (Johnson): II y a un arrêté en conseil.

M. HEENAN: M. le Président...

M. BURNS: Un instant. Nous sommes à régler des problèmes de procédure entre nous. Vous êtes à notre disposition. Restez là. Ne vous sauvez pas!

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. COURNOYER: Je viens de lui poser une question. M. Heenan, avez-vous objection à déposer ces ententes?

M. HEENAN: M. le Président, les ententes en question...

M. BURNS: Il est ici pour témoigner, il n'est pas ici pour nous dire ...

M. HEENAN: Je peux répondre à cette question. Je n'ai cité aucune entente, et c'est pour cela que je suis un peu perdu. Quand je lisais, je citais un arrêté en conseil qui est d'ordre public, le no 2526, et je suis certain que, si ce n'est pas public pour les membres de l'Assemblée nationale, je le déposerai.

M. COURNOYER: C'est cela. Donc, la question est posée plutôt au ministre de publier l'arrêté en conseil en question, c'est-à-dire de le distribuer aux membres. Je n'y ai aucune forme d'objection.

M. BELLEMARE (Johnson): Et la compagnie doit produire des documents qui sont publics.

M. COURNOYER: Ce sont les documents qui sont consécutifs à cela. Je n'ai pas d'objection à sortir l'arrêté en conseil, ni à demander au conseil des ministres de donner l'arrêté en conseil aux membres. C'est une question d'entente.

M. ROY: M. le Président, l'arrêté en conseil ou tout autre document auquel on fait référence et qui appuie l'argumentation que nous fournit la compagnie. Nous sommes ici depuis longtemps. Nous avons écouté religieusement et j'aimerais savoir quand même — et je serais tenté de poser une question au président de la commission, à ce moment-ci — ce que nous sommes venus faire ici.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous avons confié...

M. COURNOYER: II n'y a personne qui s'oppose.

M. ROY: Je comprends tout cela. Mais quand même, nous sommes ici — et le chef de l'Union Nationale vient de le dire — pour interroger les témoins, pour connaître la vérité.

M. COURNOYER: Oui.

M. ROY: Or, c'est la première fois que j'interviens aujourd'hui et j'ai remarqué que la partie syndicale nous a remis beaucoup de documents ce matin, ce pourquoi nous la remercions, mais, cet après-midi, c'est au tour de la compagnie et elle se doit en faire autant, de façon à faire la lumière sur cette question.

M. COURNOYER: Oui.

M. ROY: Pour ma part, c'est une exigence fondamentale que je pose, à ce moment, à la commission afin qu'on dépose les documents auxquels on fait référence et sur lesquels la discussion est basée.

M. COURNOYER: II s'agit de savoir justement qui a l'autorité sur les documents, et c'est le gouvernement qui a les arrêtés en conseil. Posez-moi la question et je vais vous dire: Oui, je vais vous donner les arrêtés en conseil. C'est aussi simple que cela.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, comme nous ce matin le ministre a entendu M. Heenan, le représentant de la United Aircraft, lorsqu'il a fait ses préliminaires et qu'il a dit: Voici une compagnie qui a à subir

une concurrence extérieure difficile. C'est là qu'est le point. Qu'est-il advenu des $46 millions, puisqu'il y a un conflit véritable dans la concurrence qui est établie? Si M. Heenan est prêt à nous dire, aujourd'hui, ce qu'il a fait avec les $46 millions et pourquoi il est arrivé, à un moment donné, avec $3 millions de déficit sur les $24 millions qu'il avait adjugés â ses employés, je suis bien prêt à écouter cela, mais il est temps que la vérité soit faite. Ce n'est pas le moment de jouer à cache-cache devant nous. Nous sommes ici pour prendre nos responsabilités et j'espère que M. Heenan n'en sera pas froissé si je lui dis de montrer son jeu. Nous sommes ici pour savoir. Si nous voulons rendre une bonne décision, une décision qui protège le bien commun, qui protège tout le monde, il faut savoir de M. Heenan s'il est prêt à nous donner un état financier.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Heenan.

M. HEENAN: Je ne suis pas ici pour jouer à cache-cache. Je dirai que la compagnie est ici pour répondre. J'ai cité des ententes. J'ai cité un arrêté en conseil. Je suis évidemment prêt à le déposer. J'ai dit: D'après les chiffres qu'on m'a donnés, on a dépensé $46,500,000. Je suis certain que la compagnie est prête à expliquer exactement ce qu'elle a fait avec les $46,500,000, de quelle façon elle l'a fait et à quoi ils ont servi. Nous sommes ici à votre demande, M. le Président, pour essayer d'aider et répondre à des questions. Je suis certain que la compagnie n'aura pas d'objection, si telle est la demande, à fournir des explications sur tout ce que j'ai dit cet après-midi. Je veux que tout le monde comprenne que je suis ici pour répondre.

M. BELLEMARE (Johnson): J'ai simplement une sous-accessoire.

M. Heenan nous a dit ce matin qu'en juillet 1974, il avait offert $0.88 l'heure. Cela représente 23 p.c. et cela représentait une perte de $3 millions. Est-ce que c'est exact?

M. HEENAN: Non.

M. BELLEMARE (Johnson): Sur les $24 millions...

M. HEENAN: Non. Je m'excuse. J'ai dit ce matin que, pendant l'année financière de 1973, la perte de la société fut de $3 millions et je pense que le rapport...

M. BELLEMARE (Johnson): Alors, à partir de votre assertion, je dis que, si votre compagnie a eu $3 millions de déficit en 1973, pourquoi pas nous expliciter les $46 millions?

M. HEENAN: Je n'ai pas d'objection.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, Me Heenan.

M. HEENAN: Pour terminer, en expliquant la position de la société, sur toutes ces questions jusqu'à maintenant, je vous démontre exactement ce qui se passe dans les négociations des conventions collectives. Le système que le législateur québécois a choisi est la libre négociation. On explique nos positions et il semble qu'il y ait des suggestions et que cela devienne un système normatif qu'on impose des normes dans quelque chose. C'est entièrement un autre système, mais à ce moment, cela laisse très peu de place pour le système de négociation libre.

Je pense que ce qui oppose les parties dans le conflit de United Aircraft, c'est une grève non pas entre la United Aircraft et ses employés, mais une grève entre la United Aircraft et son syndicat. Il y a une drôle de différence. Les relations de travail, après tout, sont des relations humaines et, si on prend le pourcentage des employés qui ont quitté le roulement normal, des personnes qui ont quitté la société, des changements et des transferts, on trouve que le pourcentage de ceux qui vont ailleurs est beaucoup moins que la normale, 12 p.c. comparativement à 15 p.c. ou 20 p.c. est la normale.

Donc, il est faux de dire que la compagnie United Aircraft est inhumaine car l'effet où il y a des conventions collectives ou il n'y en a pas... C'est un peu le contraire, le "turnover" est beaucoup moins que la normale.

Ce que le syndicat exige — et je ne veux pas répondre à ce stade-ci à bien des faits que je trouve de nouveau dans leur chose — mais ce qu'il essaie de dire est ceci: Vous n'avez pas suivi nos "patterns" de Douglas et DeHavilland. Vous verrez, cependant, qu'il ne mentionne pas Canadair. Pourquoi? Parce que cela appartient à un autre syndicat. C'est comme cela que c'est conçu.

Maintenant, cela n'est pas nécessairement le "pattern" ou le contrat qui fait des bonnes relations de travail. Je prends, par exemple, le cas de Douglas qui est cité. Je pense que c'est connu de tout le monde que Douglas et les TUA ont toujours des problèmes assez amers à un point tel qu'ils ont été obligés de congédier le président et une vingtaine — si ma mémoire est bonne — de militants syndicaux, il y a six mois ou un an. Donc, il est faux de dire qu'étant donné que la convention collective de Douglas est bonne, il y a des bonnes relations à ce stade.

Je pense que c'est important de voir que le problème est vraiment avec le syndicat qui dit: C'est ce qu'on a dans le domaine de l'automobile. Les principes de l'automobile, c'est ce qu'on a et on essaie de l'étendre où on est et on dit: Mais peut-être ces principes, votre "pattern" que vous essayez d'établir et qu'ils ont établi à DeHavilland après une grève de dix mois qui a causé sa faillite, qui a brisé la compagnie... Peut-être que ce "pattern" n'est pas entièrement fait pour notre industrie. On essaie de négocier des termes qui sont raisonnables en vertu de ce que nous produisons ici.

Evidemment, nous sommes le seul produc-

teur de moteurs. On n'est pas sur une chaine d'assemblage, mais tout moteur d'avion est fabriqué â la main avec des tolérances très spéciales et ce qui est bon pour General Motors n'est pas nécessairement bon dans l'avionnerie.

Effectivement, on trouve cette réplique dans la réplique syndicale: Vous allez nous donner ce qu'on a forcé Douglas et DeHavilland à nous donner.

Bien des choses qui sont mentionnées ici sont des demandes des TUA. Le système d'apprentissage, par exemple, dont ils parlent, c'est quelque chose qu'aucun autre syndicat ne veut, c'est quelque chose qui se trouve, à cause des expériences à General Motors à Detroit, le syndicat des TUA a été obligé d'amender sa constitution, mais ce n'est pas nécessairement bon de dire: Etant donné qu'on l'a à General Motors à Detroit, cela devrait se répandre partout. Ce n'est pas l'avionnerie. C'est cela que les TUA ont avec quelques-unes des compagnies. On ne peut pas dire que cela existe partout. C'est le "pattern" des TUA. C'est exact qu'on a énormément de problèmes à s'entendre sur le "pattern" des TUA. La position de la compagnie, c'est qu'on veut négocier en vertu ce qu'on fait ici. Le problème que j'ai eu cet après-midi, c'est que, quand j'ai reçu la convocation vendredi dernier, quand la compagnie l'a reçue, on a compris que c'était pour expliquer notre point de vue sur les points en litige.

Je trouve dans le mémoire présenté un historique des autres points qui comporte bien des choses qui ne sont pas exactes. J'aimerais répondre à ces points. Pas sur le point en litige évidemment, j'en ai parlé beaucoup cet après-midi, c'est pour cela, je pense, que nous sommes ici. Mais j'aimerais répondre à bien de ces allégations. Je vais vous dire comment ces votes ont été pris. Je vais vous dire ce que c'était, car on nous taxe de cela. Par exemple, on trouve à la page 2 toute une référence au système de rémunération au mérite. Ce point a été réglé en négociation au mois de novembre de l'année dernière. Ce n'est pas un point toujours en litige. Je ne sais pas si le syndicat veut l'amener encore sur la table, mais ce n'était pas un point toujours en litige et j'aimerais y répondre. Car, par exemple, dans ce que le syndicat en dit, à ce moment-là...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que vous demandez une permission et vous la prenez tout de suite. Si je comprends bien, vous voulez, suite au mémoire qui a été présenté ce matin, déjà amorcer ce qu'on pourrait appeler communément la contreproposition. Alors, avant d'y arriver, je pense que déjà vous avez pu élaborer la philosophie de la compagnie et également ses positions, les points en litige et vous avez pu extrapoler, enfin, tous ces points. Il serait, si vous n'avez pas d'objection, si vous êtes sur le point de conclure ou si vous avez conclu votre exposé, respecteux à l'endroit de la présidence, puisque c'était son désir au moment où mon prédécesseur m'a cédé sa place... le président m'avait suggéré, une fois votre exposé terminé, de retourner à la partie syndicale et, à cet égard, donner la parole à M. Dean pour lui permettre, à la suite de l'audition de votre exposé, de relever à son tour certains points qui ont pu peut-être soulever certaines contestations de sa part.

M. BURNS: A moins qu'il ait autre chose à ajouter.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A moins qu'il ait autre chose à ajouter. Je ne veux pas impunément vous empêcher de continuer, mais je voudrais vous inviter à conclure si c'est votre intention.

M. HEENAN: D'accord. Pour ma part, j'ai terminé mon exposé sur les points en litige. Mais, ce que j'ai vu dans l'exposé syndical de ce matin, c'était l'historique qui comporte d'autres problèmes et d'autres conséquences sur lesquels, en terminant, je demanderais la permission de déposer un document écrit. Car il y a bien des choses ici sur lequelles j'ai besoin de documents qui sont toujours à Montréal, qui ne touchent pas le point actuellement en litige que j'aimerais déposer ici. Sinon, il faut que je revienne pour reprendre chacun de ces points, sur lesquels je ne suis pas d'accord, pour y répondre. Peut-être que c'est ce qu'on va faire, c'est très bien.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): On reviendra certainement à votre version après, mais si vous avez conclu — c'est le cas — nous allons passer à M. Dean.

M. HEENAN: Est-ce que je peux demander, en terminant, la permission de déposer ces documents? Est-ce que c'est possible?

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Certainement.

M. COURNOYER: La procédure que j'avais instaurée ce matin était que vous aviez la chance de parler de la même manière que M. Dean avait parlé, puis que M. Dean pourrait vous répondre et, enfin, que vous pourriez répondre à ce que M. Dean a dit ce matin. Après cela on commencera à poser des questions.

M. HEENAN: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je crois que tout cela a été adopté, je pense.

M. COURNOYER: Je sais que du côté du député de Johnson...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Cela "bouille".

M. COURNOYER: ... ça "bouille". M. ROY: J'en aurai plusieurs à poser.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): C'est un processus qui a été proposé et accepté, je pense, par l'ensemble des députés ce matin.

M. COURNOYER: Si M. Dean ne croit pas bon de répondre immédiatement, c'est son privilège. Par ailleurs, on sera peut-être intéressé à poser des questions qui nous viennent immédiatement à l'esprit, si les parties sont prêtes à répondre immédiatement. Remarquez bien que c'est assez odieux de demander au syndicat de répondre immédiatement, étant donné que l'autre partie vient de finir. De là, à prendre une période intercalaire pour poser des questions qui intéressent les députés, compte tenu du fait que nous siégerons sans doute demain après-midi à quatre heures, pour entendre les positions des parties, l'une vis-à-vis de l'autre par rapport aux positions énoncées aujourd'hui, à ce moment-ci, je crois, M. le Président, qu'on peut ajourner immédiatement. Il y a peut-être des questions qui viennent â l'esprit des membres de la députation, ça ne me fait rien que les gens qui voudraient clarifier quelque chose le fassent immédiatement, mais ce serait peut-être odieux de demander aux parties de se répondre immédiatement. Je comprends...

M. CHARRON: M. le Président, moi aussi, je crois que, puisqu'on s'est entendu pour reprendre demain après-midi, à quatre heures, la réponse de la partie syndicale et la réponse de la partie patronale, on pourrait les entendre à ce moment-ci, et consacrer la fin de la séance aux questions venant des députés mais qui seraient peut-être plus dans l'ordre pour compléter l'information qui nous a été fournie plutôt que d'engager un débat qui devra venir à la suite des exposés.

M. COURNOYER: Un complément d'information.

M. CHARRON: Sinon, quand ce sera terminé, qu'on ajourne.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Antérieurement à ça, je crois que vous avez des documents à déposer.

M. HEENAN: J'ai demandé la permission de déposer des documents.

M. COURNOYER: Pour nous, pour demain? Vous allez déposer ça demain? Vous ne les déposez pas maintenant?

M. HEENAN: On va répondre demain sûrement.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Mais vous pouvez déposer les documents immédiatement, si je comprends bien?

M. COURNOYER: Non.

M. HEENAN: Le problème, c'est que, sur bien de ces choses, j'ai les données à mon bureau à Montréal, à la compagnie. Evidemment, il faudra les sortir pour pouvoir les donner. Je puis, à la convenance de cette assemblée, répondre verbalement, d'après mes souvenirs. Mais il y a bien des choses qu'on nous reproche par écrit. J'aimerais répondre par écrit et donner notre version là-dessus. Je suis à votre entière disposition, mais j'aimerais avoir cette permission.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Très bien. La partie patronale déposera les documents qu'elle juge pertinents demain. S'il y a des questions, oui, M. Dean?

M. DEAN: M. le Président, le syndicat a soumis un document appuyé par d'autres documents et la compagnie en a préparé un, je vous demande respectueusement si on va se lancer dans un document pour répondre à un document qui peut avoir comme effet d'éterniser vos délibérations et aussi éterniser ce malheureux conflit.

M. COURNOYER: Le syndicat a déposé un document. Je ne veux pas défendre la compagnie, mais vous avez déposé quelque chose de volumineux ce matin et vous avez affirmé des choses volumineuses aussi. Je ne doute pas du tout de ce que vous avez affirmé ce matin. Je pense que c'est clair dans mon esprit; ce que vous avez dit, c'est votre opinion, c'est ainsi que les faits se sont présentés à vous et ainsi que vous les avez vécus. Il semble que la compagnie puisse ne pas les avoir vécus de la même manière puisqu'elle était de l'autre côté de la barrière. J'ai toujours remarqué que la compagnie était de l'autre côté de la barrière.

Etant donné que nous sommes ici pour donner la chance aux gens de se contredire, face aux députés, il y a de quoi se dire et je ne sais pas si vous allez répondre par des documents aux affirmations qui ont été faites par Me Heenan. Il est fort possible que vous déposiez demain matin la convention de la DeHavilland ou le bilan financier de la DeHavilland pour me convaincre ou convaincre les députés présents qu'il n'y a pas eu de faillite, que c'était simplement une belle opération du gouvernement du Canada de nationaliser cette affaire-là.

Je ne sais pas, mais il a été affirmé tantôt que, comme conséquence directe à une grève de dix jours ou de dix mois, il y avait eu des mises à pied considérables à la DeHavilland. J'ai entendu cela tantôt. J'imagine que, de votre côté, vous allez tenter d'établir d'une façon ou d'une autre que la grève ou les conditions de travail du côté de la DeHavilland n'ont pas été

la cause directe de ces mises à pied massives que nous avons connues.

Peut-être que vous allez utiliser les documents. Je ne voudrais pas empêcher la compagnie de demander la permission de déposer les documents demain et, par le fait même, vous empêcher aussi de déposer des documents de même nature qui contrediraient certaines affirmations d'aujourd'hui de la part de la compagnie.

Ce n'est pas pour prolonger inutilement le débat. Quand nous demandons de continuer, cet après-midi, les éclaircissements demandés par les députés et non pas entrer, comme députés, dans les débats, c'est strictement pour compléter, dans la période de temps qui nous reste jusqu'à six heures, ce qu'on aura peut-être à compléter quand même demain ou après-demain — demain, surtout, à quatre heures — en posant des questions qui viennent déjà à l'esprit des députés après cette journée. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le chef de l'Opposition officielle.

M. MORIN: M. le Président, j'aimerais demander à M. Heenan de nous donner quelques détails au sujet d'un aspect du conflit qui ne laisse pas de m'étonner. Nous avons appris un certain nombre de choses depuis ce matin; certaines nous étaient connues, mais l'une des choses qui m'étonnent le plus dans le dossier, c'est le système de la rémunération au mérite qui ne semble pas se trouver dans beaucoup d'industries et qui, à première vue, est un système qui peut donner lieu à énormément d'occasions de choix arbitraires.

J'aimerais que M. Heenan nous explique comment fonctionne, à la United Aircraft, le système de rémunération au mérite, qu'il nous explique quelle est la différence entre les niveaux N, J, R, P et T, qu'il nous dise également si l'on trouve un tel système dans d'autres industries reliées au secteur aéronautique et qu'il nous dise également quelles sont les intentions de la société United Aircraft pour l'avenir à l'égard de ce système qui — je le dis au départ, peut-être M. Heenan pourra-t-il me convaincre du contraire — me paraît un système désuet, cela me paraît un système arbitraire. A première vue, cela me parait être une sorte de stakhanovisme pécuniaire qui, j'ose espérer, est une chose du passé. C'est une demande de renseignements supplémentaires, M. Heenan, mais si ces messieurs du syndicat ont quelque chose à ajouter pour m'éclairer, je m'en réjouirai.

UNE VOIX: La question est à M. Heenan?

M. MORIN: Elle est d'abord à Me Heenan, mais cela n'exclut pas que le syndicat puisse également ajouter quelque chose.

M. HEENAN: II me fera plaisir de répondre à cette question et je vais essayer de répondre sur tous les points que vous avez soulevés et apportés. Je vais essayer de répondre pleinement.

Avant de répondre directement à cela, je souligne que ce n'est pas un des points en litige.

Dans les six points en litige, il n'y en avait pas un qui fût abandonné au mois de novembre 1973. Malgré qu'il me fasse plaisir d'exprimer le point de vue de United Aircraft sur son système de mérite, je souligne que ce n'est pas un point en litige. On a assez de problèmes actuellement sans en ajouter.

M. MORIN: J'ai compris cela, mais cela me parait de nature à éclairer l'ambiance qui règne dans votre affaire.

M. HEENAN: Parfait. Monsieur, le système de rémunération au mérite, je le dis, existe évidemment dans plusieurs compagnies. De dire que cela n'existe pas, je ne pense pas que ce soit exact. D'ailleurs, le système de rémunération au mérite, de motiver quelqu'un financièrement pour les efforts et les capacités qu'il donne, est un système qui, je pense, est accepté. Il est exact que certains syndicats contestent énormément cela. Je prends, par exemple, bien des conventions collectives de bureaux où, justement, la rémunération au mérite est bien connue, mais cela existe également dans la production. Je m'excuse, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, tout simplement pour porter votre attention à la question qui a été posée par le chef de l'Opposition, il vous a demandé certaines précisions.

M. HEENAN: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous revenez peut-être un peu sur ce que vous avez déjà dit ou sur ce qui a été mentionné d'ordre général. Avez-vous des compagnies? Avez-vous des organisations du genre qui emploient cette façon de procéder?

M. MORIN: A quoi correspond la catégorie?

M. HEENAN: Oui, il y a des compagnies qui ont le système au mérite. Cela existe. C'est un système connu. Vous m'avez également demandé, si je comprends bien, M. le ministre, quel est le système. Je vais vous expliquer, comme vous l'avez dit, le système GRPT. Il y a un taux, le premier N, qui est celui de l'embauche. Quand quelqu'un est embauché sur le N, il est reçu là. Après une période d'essai, s'il réussit son essai, il peut aller au niveau G. C'était le taux pour la classification comme telle.

Les autres points sont donnés au mérite. Il y a un système d'évaluation de mérite qui peut rendre quelqu'un aux niveaux R, P et T. D'ailleurs, tous ces points sont gagnés au mérite,

mais une fois rendue à un de ces taux, R, P ou T, la personne demeure là. En d'autres mots, il n'y a pas de possibilité arbitraire de descendre quelqu'un en disant: Toi, tu as été un mauvais gars la semaine dernière, donc, on va te descendre. La progression se fait à R, P et T. Une fois rendue là, la personne reste là.

M. MORIN: Quels sont les critères pour monter? Si on ne peut pas descendre quelqu'un, on peut dire: Si tu n'es pas un bon gars, tu ne monteras pas. J'aimerais connaître les critères utilisés par la société United Aircraft.

M. HEENAN: Les critères de mérite...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant! A l'ordre, s'il vous plaît! Une question.

M. ROY: Je voudrais ajouter une question supplémentaire. Je voudrais ajouter, pour éviter de revenir sur le débat, que cette rémunération au mérite est également basée sur la productivité.

M. HEENAN: C'est justement cela. Ce n'est pas un système d'incitation sur lequel on peut mesurer le rendement à tous les jours. On n'a pas un système d'incitation. C'était votre question, si je comprends bien, M. Roy. On n'a pas le système d'incitation qu'on connaît dans d'autres industries qui, d'ailleurs, est très commun.

C'est un autre système de mérite qui peut s'évaluer de jour en jour et qui est très commun dans certaines industries, comme sans doute les anciens membres. Ici, c'est un système d'appréciation. Il y a une évaluation qui est faite deux fois par année, c'est tout récent. Je pourrais m'informer auprès de la compagnie du pourcentage exact d'avancement à tous les six mois. Je pourrai certainement vous avoir ce renseignement et vous répondre pleinement. Ce dont on est accusé dans cela, c'est de s'en servir discrimi-natoirement. J'ai sorti l'évaluation du comité de négociation, des membres de l'exécutif du syndicat avec tous les officiers du syndicat. Je suis content de pouvoir vous dire cet après-midi que leur moyenne est plus que la moyenne de tous les autres employés. Comme cela, si discrimination il y a eu, c'était une discrimination vis-à-vis des officiers et des délégués du syndicat et non pas à leur encontre.

M. MORIN: Ce ne serait pas beaucoup mieux. Mais vous ne m'avez pas encore dit quels sont les critères.

M. HEENAN: Je pourrais certainement. Vous savez, le critère du système au mérite, c'est évidemment le mérite: productivité, assiduité. Je peux évidemment vous produire des livres sur tout cela, car le système de progression au mérite... Là, je peux vous donner un groupe des critères qui ont servi, et je pourrai m'y référer. Etant donné que ce n'était pas un des points en litige, je vous avoue que je ne m'étais pas préparé tellement à cela, mais je pourrai l'avoir et il me fera plaisir de vous donner une liste des critères qui sont là. Ce sont les critères normaux de mérite: assiduité, productivité, assistance, pas d'absence, etc.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aurais simplement une question tout à fait neutre, si vous voulez, là-dessus, sur votre système de mérite et je voudrais compléter, non pas la question, parce que je n'ai pas le droit de prendre part aux débats, mais pour essayer d'éclaircir. En ce qui concerne votre système de mérite, de quelle façon est-ce fait? C'est fait, vous me dites, à tous les six mois. Est-ce que ce sont des contremaîtres en groupes ou individuellement? De quelle façon fait-on l'évaluation de l'employé? Est-ce que c'est une personne ou plusieurs personnes qui font l'évaluation de son travail pour pouvoir le faire progresser?

M. HEENAN: Ce sont plusieurs personnes. Cela commence, je pense, par le contremaître directement, et puis cela s'achemine entre les contremaîtres en général. Je sais qu'avant que le résultat du système de mérite soit donné, c'est passé entre les mains de plusieurs contremaîtres. C'est commencé par un, mais c'est fait par plusieurs. Il y a une entrevue, par la suite, avec l'employé et la chose est là.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci. Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Ma question s'adresse à M. Heenan également.

Une des affirmations les plus contradictoires par rapport aux témoignages du syndicat depuis le début, c'est celle qui porte sur les profits de l'entreprise.

Vous avez affirmé, vous, si je vous ai bien compris, si j'ai bien pris note, que votre entreprise n'avait pas fait de profits depuis les cinq dernières années. Par contre, la partie syndicale, ce matin, nous a apporté non seulement l'affirmation contraire, mais des chiffres également à l'appui, que vous connaissez et qui nous disaient, dans le témoignage, que les profits avaient été élevés à $57 millions, je crois. Je comprends la distinction que vous allez probablement m'expliquer entre la filiale de Longueuil et la société mère qui est installée en dehors du Québec, comme chacun le sait. Mais votre affirmation porte-t-elle uniquement sur la filiale de Longueuil? Pouvez-vous, peut-être pas sur le champ, mais à votre retour à la commission parlementaire, nous apporter les preuves comme quoi la compagnie fonctionnerait à déficit ou à perte depuis cinq ans?

M. HEENAN: Je pense que les bilans financiers sont déposés. Il y a un rapport financier qui est entre les mains du ministère des Institu-

tions financières. J'aimerais bien le consulter avec le directeur de la planification fiscale, mais les chiffres que je vous donne sont officiels et cela me fera plaisir d'essayer de répondre avec plus de détails, si c'est cela qui vous intéresse.

M. COURNOYER: La question posée par le député de Saint-Jacques est celle-ci: Demain après-midi, pourriez-vous apporter, pour le bénéfice des députés ce que vous avez déposé au ministère des Institutions financières?

M. HEENAN: Je vais consulter mon client là-dessus, M. le ministre.

M. COURNOYER: Avisez-moi demain matin, pour que je puisse demander au ministre des Institutions financières de me le donner, dans l'éventualité où vous refuseriez de nous le donner.

M. HEENAN: II faut que je pose la question à mon client, avant que je puisse vous répondre.

M. COURNOYER: Nous pensions que c'était vous qui étiez là.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Une toute courte question additionnelle à M. Dean. L'affirmation que vous faisiez ce matin, quant aux profits de United Aircraft, ce sont ceux de la société dans son ensemble et non pas de la filiale de Longueuil. Est-ce que le syndicat possède des informations sur les actifs et les passifs, les revenus et les dépenses de la société, à Longueuil?

M. DEAN: C'est le bilan global de la United Aircraft Corporation, la compagnie ne fait pas de bilan séparé pour la filiale canadienne. J'ai ici une photocopie du rapport financier annuel pour 1973 et un rapport aux actionnaires de la United Aircraft pour les six premiers mois de 1974, qui indique les profits, le volume des ventes, et si vous voulez des photocopies, cela me fera plaisir de vous en fournir.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Johnson.

M. BELLEMARE (Johnson): Ma question s'adresse en double à Me Heenan et à M. Dean. J'ai cru comprendre, à un certain moment, que vous aviez dit que vous aviez fait une nouvelle proposition au syndicat au mois de juillet et vous avez affirmé que l'unité syndicale des TUA avait refusé de la soumettre à ses membres. C'est la première question.

Ma deuxième question est au sujet des "patterns" — je reviendrai sur cela — si M. Dean veut m'en donner la raison puisqu'il affirme qu'il a fait une nouvelle proposition au mois de juillet et que vous ne l'avez pas soumise à vos membres. Est-ce vrai ou non?

M. DEAN: Au mois de juillet, il y a eu des rencontres au ministère du Travail auxquelles ont participé le ministre lui-même et ses médiateurs, etc. Je n'étais pas présent à cette rencontre. On m'informe — et si je me trompe, il y a des gens ici qui peuvent me corriger — qu'on a parlé d'une possibilité d'offre pécuniaire en laissant entendre que la question de la sécurité syndicale et le congédiement d'André Cho-quette étaient des choses non discutables.

Le syndicat a refusé de discuter avec la compagnie, à moins de ne discuter de tous les points en litige. Suite à cet échec, la compagnie a fait une offre, par lettre, adressée aux employés, encore une fois, comme elle l'a fait à de nombreuses reprises, complètement par-dessus la tête du syndicat. Je ne considère pas cela une offre patronale et je ne considère pas cela de la négociation.

En réponse à votre deuxième question, lors de l'assemblée générale, le 22 février, où la dernière vraie offre patronale qui était faite au ministère...

M. BELLEMARE (Johnson): Ma question est bien simple: L'avez-vous soumise ou non?

M. DEAN: Non. Parce que, d'abord, la façon dont l'offre était faite était irrégulière...

M. BELLEMARE (Johnson): Très bien.

M. DEAN: ... et, deuxièmement, nous avions un mandat de cette dernière assemblée en février de ne pas revenir devant les membres à moins d'avoir une proposition à présenter...

M. BELLEMARE (Johnson): C'est-à-dire que vous n'avez pas eu d'autres assemblées depuis le 22 février?

M. DEAN: Non, monsieur, toutes les semaines, les assemblées...

M. BELLEMARE (Johnson): Non. Une assemblée pour soumettre une nouvelle proposition de la compagnie.

M. DEAN: Non, parce qu'on n'a pas eu de nouvelles propositions.

M. BELLEMARE (Johnson): Très bien. L'autre question — et c'est pour moi la dernière — Me Dean, vous avez dit aujourd'hui que la principale pierre d'achoppement du règlement à la United Aircraft, c'était la question du "pattern". Vous avez même terminé votre exposé en disant: On veut nous imposer un "pattern" qui existe ailleurs. Vous qui êtes avocat du droit ouvrier, vous avez pratiqué assez longtemps — puisque je vous connais depuis plusieurs années — je voudrais bien que vous me citiez une seule convention collective où on ne s'est pas servi du "pattern" des autres, soit chez les policiers, les pompiers de Toronto, soit chez les éducateurs ou les enseignants, soit

pour le métro, soit pour les autobus, pour régler certains conflits. On se servait, à ce moment-là, vous comme d'autres, particulièrement dans le cas de Daly et Morin, d'un "pattern". Pourquoi, aujourd'hui, la compagnie se dit-elle dans l'impossibilité de traiter sur un "pattern" qui existe déjà? Est-ce qu'il y a une très bonne raison à me donner?

M. HEENAN: M. le député, M. le mi...

M. BELLEMARE (Johnson): Oui, c'est cela.

M. HEENAN: Je me souviens d'autrefois.

M. BELLEMARE (Johnson): Vous avez une déformation professionnelle, vous m'appelez le ministre, mais cela va être avant longtemps.

M. HEENAN: Je pense que la question de "patterns" vient beaucoup plus du côté syndical que du côté patronal.

M. BELLEMARE (Johnson): Dans toutes les conventions collectives, le "pattern" d'une autre convention collective a servi souvent de base aux négociations d'un règlement d'une grève.

M. HEENAN: Non, je ne pense pas que normalement cela se fasse. Je pense qu'il n'y a pas seulement des conflits, mais bien des négociations, la plupart, où il n'y a pas de "pattern" comme tel et il n'y a pas un "pattern" de tout ce qui est fait. Il y a quelques syndicats qui l'exigent et, d'ailleurs, dans cet article, M. McDermott explique qu'une des raisons pour lesquelles il a tellement de problèmes, c'est qu'il essaie d'installer le "pattern" et que le syndicat TUA s'en sert beaucoup plus que d'autres. Ce qu'il dit, à ce moment-là, c'est que bien d'autres cas ne sont pas une question de "pattern". Il y a des phrases qui entrent en négociation; évidemment, chaque syndicat a des points qu'il aime plus que d'autres, mais je pense que, normalement, en négociation il n'y a pas de "pattern" qui...

M. BELLEMARE (Johnson): Non, mais on peut prendre comme exemple ce qui existe et qui a été réalisé dans d'autres conventions collectives. Quand vous allez devant le tribunal d'arbitrage ou devant le commissaire-enquêteur, à tous les jours vous citez les "patterns" qui existent dans d'autres circonstances similaires aux vôtres.

Si je comprends bien votre réponse, c'est que vous n'avez pas voulu considérer le "pattern".

M. HEENAN: M. le député je pense que le point que vous soulevez est excellent. Il n'y a pas de doute que, dans une négociation, on va regarder ce qui se fait alentour et ce n'était pas dans ce sens que je voulais m'en servir. Vous avez absolument raison. Normalement, on essaie de voir ce qui se passe aux alentours. Justement, une des choses que je critiquais, c'est qu'ici on ne va pas regarder ce qui se passe autour, par exemple à Canadair, qui est le plus proche dans l'avionnerie. On n'a pas une comparaison avec Canadair.

M. BELLEMARE (Johnson): Quand on prend comme "pattern" les policiers de Toronto, ou qu'on prend les éducateurs de la Saskatchewan ou d'ailleurs, en Colombie-Britannique, on ne va pas chercher ça à la porte non plus.

M. HEENAN: Normalement, on va toujours à celle qui paye le plus, c'est exact, quelqu'un va toujours où ça paye plus. Mais installer des clauses qui viennent vraiment d'un "pattern contract", je pense que ça se fait très peu. D'ailleurs, c'est le commentaire qui a été fait dans le Globe and Mail du 31 octobre 1974.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Dernière question, le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, je m'adresse au représentant de la compagnie. Vous avez beaucoup insisté au cours de cette matinée et au cours de cet après-midi sur le caractère concurrentiel, les contrats que vous devez négocier avec les grandes sociétés d'avionnerie et sur la concurrence que vous pouvez avoir aux Etats-Unis. Par contre, j'ai remarqué que vous avez beaucoup insisté sur deux points particuliers qui semblent, à mon avis, être la cause de la situation actuelle, c'est-à-dire, qu'il n'y a pas eu de règlement ou de rencontre depuis. Je me réfère à la formule Rand, dont vous avez beaucoup parlé cet après-midi, ainsi qu'à l'engagement de M. Choquette. J'aimerais que vous donniez des explications. Quelles relations peut-il y avoir entre la formule Rand, l'engagement de M. Choquette et le caractère concurrentiel de la compagnie?

M. HEENAN: Sur la question, il n'y a pas de doute, je ne pense pas que ce soit une question de profit. Il n'est pas question d'états financiers ou de concurrence dans ce sens. Sur la question de la formule Rand, c'était une question de principe, comme je l'expliquais tout à l'heure. Dans le cas de l'engagement de M. Choquette, ce n'est pas une question de profit, c'est une question d'organisation. Si les contremaîtres ne peuvent pas donner d'ordres ou si les ordres ne sont pas suivis, ça devient presque impossible de produire. Après tout, le but d'une industrie manufacturière est de produire.

S'il y a des choses qui font qu'elle ne peut pas produire dans ce sens-là, elle devient moins concurrentielle, seulement dans ce sens-là. S'il y a de la pagaille constante à l'intérieur, il n'y a pas de doute que cela va causer des problèmes. Si des personnes ne suivent pas les ordres des contremaîtres ou n'acceptent pas l'autorité, cela peut causer des problèmes.

Mais la question de la formule Rand n'était pas une question de profits, c'était une question de principe. La question du réengagement de M. Choquette relève de l'autorité de l'employeur. Comme plusieurs arbitres l'ont dit, on ne peut pas risquer tout simplement de laisser cela là où il n'y a aucune personne qui suit les ordres des autres. Dans, une société manufacturière ou autre, un employeur est une personne qui donne des ordres qui sont suivis.

UNE VOIX: M. Heenan...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. BURNS: Je m'excuse, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): On arrive à l'heure.

M. BURNS: J'avais compris — parce que moi aussi, j'ai des questions sur le fond, sur le mérite de l'affaire, M. le Président — qu'on se limitait uniquement à des questions d'information directe.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui.

M. BURNS: Je me sens lésé si on embarque dans le fond. Je n'en ai pas posé sur le fond et j'ai une question sur le plan uniquement de l'information que je voudrais adresser à M. Heenan. Je ne veux pas empêcher mon collègue de Beauce-Sud de parler non plus, mais je me rends compte qu'il est déjà six heures cinq...

LE PRESIDENT (M. Séguin): On va autoriser, si vous voulez, la question du député de Maisonneuve. Une fois que vous aurez terminé, je vous demanderais, s'il vous plaît...

M. ROY: Voici...

M. BELLEMARE (Johnson): C'était pour compléter l'information...

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'aime mieux finir sur un bon ton que sur un mauvais ton. Alors...

M. BELLEMARE (Johnson): J'aimerais savoir de M. Heenan, s'il a soumis au syndicat la dernière proposition du mois de juillet. Oui ou non?

M. HEENAN: Cela a été soumis par le ministère du Travail. On nous a convoqués au ministère du Travail, on nous a demandé si nous étions prêts à faire certaines choses. On a dit: Oui, nous sommes prêts à faire certaines choses. On a fait certaines choses.

M. BELLEMARE (Johnson): Répondez-moi. Avez-vous soumis au syndicat, aux officiers...

M. HEENAN: Dans le dos. On n'a pas été appelé à une table de négociations ensemble...

M. BELLEMARE (Johnson): L'avez-vous soumis au syndicat, oui ou non?

M. HEENAN: On l'a soumis au ministre pour qu'il le soumette au syndicat. Oui.

M. BELLEMARE (Johnson): Mais vous, personnellement, l'avocat de la compagnie, l'avez-vous soumis au syndicat?

M. HEENAN: Non, c'était jugé...

M. BELLEMARE (Johnson): D'accord, merci.

M. HEENAN: Si je peux répondre. Il a été suggéré à ce moment-là qu'il n'était pas opportun, comme dans plusieurs de ces négociations, de mettre les personnes face à face, mais de le faire par l'intermédiaire du ministère du Travail. Cela fut fait comme cela. L'offre fut faite et destinée au syndicat, et la réponse qui nous fut retournée par la suite, c'est que le syndicat avait reçu l'offre et qu'il refusait de la soumettre à ses membres, tant et aussi longtemps qu'on ne donnerait pas la formule Rand et le réengagement de M. Choquette.

M. ROY: M. le Président, j'aurais d'autres questions à poser qui vont amener des questions subsidiaires.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Non.

M. ROY: Je vais tout simplement les réserver pour la prochaine séance.

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est cela.

M. ROY: J'aimerais bien qu'on s'entende une fois pour toutes de façon que, lorsque notre tour reviendra de poser des questions, nous ne soyons pas limités à toutes sortes de contraintes.

LE PRESIDENT (M. Séguin): II avait été...

M. ROY: II y a des points sur lesquels j'ai des questions précises à poser aux deux parties. Je pense que ces questions doivent être posées. Il est possible que dautres collègues les posent avant moi, mais, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): On sait qu'il n'en est pas question.

M. ROY: J'estime qu'on va attendre à demain, étant donné que nous sommes pressés par le temps.

LE PRESIDENT (M. Séguin): II ne s'agit aucunement ici d'empêcher un membre de la

commission de poser une question. Simplement, ce n'est pas une période de questions, en réalité. On a autorisé, pendant quinze minutes, ou, on a reconnu pendant quinze minutes certaines questions courtes pour l'information. Le député de Maisonneuve sur celle-ci.

M. BURNS: C'est ça que j'ai comme question.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Une dernière information.

M. BURNS: Je m'excuse auprès des membres et auprès de tout le monde de vous retenir une fois passé six heures. On avait fixé six heures.

UNE VOIX: II y en a qui attendent.

M. BURNS: Oui, c'est ça, il y a des gars qui attendent depuis plusieurs mois, semble-t-il.

LE PRESIDENT (M. Séguin): II y en autour de la table aussi.

M. BURNS: Quand bien même on prendrait quelques minutes de plus. Si je veux poser la question ce soir, c'est qu'il est possible que M. Heenan voudra consulter ses mandants avant de me donner une réponse définitive, de sorte que si je lui pose demain cela va remettre à plus tard sa réponse. Peut-être. En tout cas, je présume. Puisqu'il a été question dans votre exposé, M. Heenan, de pertes financières de la compagnie, vous nous avez parlé de décalage de quelques millions, je pense que vous parliez même de $3 millions pour l'année dernière ou quelque chose du genre.

M. HEENAN: Pour 1973, oui.

M. BURNS: Oui. Est-ce que vous pourriez déposer, pour le bénéfice des membres de la commission, les bilans financiers de votre com- pagnie, non pas ceux de la compagnie United Aircraft comme telle avec toutes ses succursales, mais quant à ses opérations de Longueuil et de Saint-Hubert? Y aurait-il moyen d'avoir cela, d'une part?

Deuxièmement, j'aimerais beaucoup que vous nous répondiez clairement à la question que je vous ai posé plus tôt sur les subventions, à savoir: Est-ce que vous êtes capable de déposer les ententes elles-mêmes —je vous la rappelle parce que pour moi ce n'était pas une réponse tout à l'heure, je ne veux pas que vous l'oubliiez parce que moi je ne l'oublierai pas — concernant les subventions. C'est le deuxième point que j'aimerais que vous nous clarifiiez.

Troisièmement, si vous étiez capable de donner à la commission, la liste, au cours des cinq dernières années, des subventions, des montants et de leur provenance. Quand je dis leur provenance, il s'agit du fédéral ou du provincial.

M. HEENAN: Vous demandez aussi du fédéral, monsieur?

M. BURNS: Ah oui! Je pense que ce n'est pas sans intérêt. Alors, je pense que si vous pouviez, même si vous ne pouvez pas me répondre tout de suite, je vais accepter que vous me disiez que vous allez vérifier cela auprès de vos mandants. Soyez certains, et je vous prie, quant à moi, de dire à vos mandants que je vais me battre à mort pour avoir ces informations.

M. HEENAN: Très bien, monsieur.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Avant de proposer l'ajournement, je voudrais remercier les deux personnes qui ont bien voulu servir de pare-chocs entre les deux parties cet après-midi. Je reconnais Me Létourneau et M. Laberge. Je vous remercie de votre coopération. Vous m'avez aidé énormément. La commission ajourne ses travaux à 16 heures, demain.

(Fin de la séance à 18 h 14)

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