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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mardi 12 novembre 1974 - Vol. 15 N° 172

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Conflit ouvrier à United Aircraft


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Conflit ouvrier à United Aircraft

Séance du mardi 12 novembre 1974

(Dix heures quarante et une minute)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ce matin ses travaux dans le cadre du conflit patronal-ouvrier de la United Aircraft Limited. Avant de procéder aux travaux de la commission, j'aimerais mentionner certains changements à la liste des membres. M. Picotte (Maskinongé) remplace M. Bérard (Saint-Maurice); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) remplace M. Bienvenue (Crémazie); M. Côté (Matane) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Gallienne (Duplessis); M. Massicotte (Lotbinière) remplace M. Harvey (Dubuc).

Si les membres de la commission n'ont pas de commentaire à faire au sujet de ce qui s'est discuté la semaine dernière, la parole appartiendrait ce matin à M. Heenan, de la compagnie United Aircraft. Est-ce que...

M. BURNS: Je pense qu'on s'était entendu pour que ce soit la réplique de United Aircraft. Je suis prêt à l'entendre, en tout cas, comme un des membres de la commission. J'imagine que le syndicat voudra répliquer après. Maintenant, après cela, j'aurai sans doute certains commentaires.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Très bien.

Calendrier des travaux

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que vous me permettriez, M. le Président, simplement une question de procédure. Est-ce que l'honorable ministre pourrait nous assurer que nous allons siéger cet après-midi et ce soir ou si la Chambre va siéger en même temps que nous, parce que j'ai soumis à mon caucus le travail de la journée ce matin, et mon caucus était unanime à demander des directives à ce sujet, parce qu'on ne peut pas se multiplier entre la Chambre et la commission parlementaire, pour le charroyage de mes dossiers?

M. COURNOYER: Personnellement, M. le Président, je vois comme possibilité que nous siégions cet après-midi, c'est personnel, et ce soir s'il le faut. C'est encore personnel. Je demanderai tout simplement à mon leader parlementaire de déterminer si la chose est possible. Je dirige peut-être ou je suis responsable, devant cette commission, des travaux de cette commission, tandis que le leader parlementaire est responsable d'autres travaux. J'imagine qu'il discute habituellement, avec les leaders parlementaires, du calendrier des travaux. Personnellement j'avais l'intention de siéger cet après-midi, au moins à 16 heures, après la période des questions, si c'est possible et autorisé selon les règlements de la Chambre.

M. BELLEMARE (Johnson): C'est parce que l'honorable leader du gouvernement a annoncé vendredi que ce serait le projet de loi 50, concernant les droits et libertés de la personne.

Je crois que c'est un sujet qui nous intéresse, d'une manière particulière, tous les membres de l'Opposition, c'est-à-dire entendre d'abord l'honorable ministre de la Justice et aussi l'honorable leader de l'Opposition, je crois, qui, à ce moment, va faire son discours. Je comprends que nous avons tous la possibilité de relire l'exposé du ministre et celui du chef de l'Opposition, mais ce sont des sujets qui ont une extrême importance pour nous. Si nous ne participons pas dès le début à ces mises en place de toute la structure...

M. COURNOYER: Je n'aimerais pas que...

M. BELLEMARE (Johnson): Je ne voudrais pas non plus... Pardon?

M. COURNOYER: Je n'aimerais pas que mes remarques soient interprétées comme...

M. BELLEMARE (Johnson): Non, non.

M. COURNOYER: ... intervenant dans ce genre de préoccupations que vous avez sans doute, ou comme étant mon intention, mais je n'en ai pas discuté avec le leader parlementaire, ni avec vous-même, ni avec personne. Je ne sais pas, moi, jusqu'à quel point je peux prendre sur moi de dire: Nous allons siéger à 4 heures. Je ne peux pas le prendre sur moi. Je laisse au leader parlementaire le soin de déterminer la suite des travaux.

M. BELLEMARE (Johnson): S'il y avait une suggestion, M. le Président, que je pourrais faire à l'honorable ministre, ce serait peut-être de lui demander de reporter l'étude du bill 50, et il y a plusieurs autres lois que nous connaissons, par exemple, la Loi sur les terres et forêts, la Loi des agents de voyages et d'autres qui ont moins de conséquence au point de vue de la responsabilité publique et d'entendre ici, en commission parlementaire...

Le projet de loi 50 est fondamental. Je pense que l'honorable leader du gouvernement pourrait peut-être nous donner l'avantage... Il y a tellement d'autres projets qui sont déjà commencés, qui pourraient se terminer. Je ne sais pas. Je n'ai pas consulté le leader de l'Opposition, mais je pense que lui aussi tiendrait énormément — je ne sais pas, mais je pense bien — à entendre ce que vont dire l'honorable

ministre de la Justice et le chef de l'Opposition officielle.

M. COURNOYER: Je suggère aux leaders de se réunir et de discuter de l'ordre des travaux de la Chambre. Ce n'est certainement pas à moi de discuter de l'ordre des travaux de la Chambre.

M. ROY: De toute façon, M. le ministre peut nous assurer qu'à 4 heures cet après-midi la commission parlementaire pourra continuer ses travaux jusqu'à 6 heures au moins.

M. COURNOYER: Je ne peux rien assurer du tout. Je dis que je ne veux pas intervenir dans un débat qui doit se tenir entre les leaders des partis. Je ne veux pas intervenir. C'est rien que cela. Il me semble que c'est à vous autres de discuter de cela avec le leader du gouvernement, si vous avez d'autres préoccupations qui peuvent être discutées avec le leader du gouvernement. Quant à moi, j'ai tout simplement dit oui en réponse à la question du député de Johnson, mais à condition que les travaux de la Chambre le permettent...

M. BELLEMARE (Johnson): A cette condition-là, M. le Président, est-ce que vous ne pourriez pas communiquer avec le leader parlementaire et nous convoquer quelques minutes avant la séance pour savoir véritablement quel va être l'ordre des travaux?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, nous pourrions essayer de communiquer avec le leader parlementaire du gouvernement parce que, autrement, lorsque nous suspendrons les travaux à midi, nous serons encore dans l'ombre quant à savoir ce que nous devrons faire cet après-midi.

Alors, je vais demander tantôt au secrétaire de bien vouloir communiquer avec le leader du gouvernement. S'il y a lieu, un peu plus tard, nous pourrons suspendre pour quelques minutes afin de permettre la consultation entre les représentants de chacun des partis dans le but de connaître l'horaire de cet après-midi.

Comme le ministre l'a mentionné, plus tôt, il appartient en effet au leader du gouvernement de déterminer l'ordre des travaux de la Chambre et ceux des commissions parlementaires, en particulier durant les travaux sessionnels.

Il est très difficile et au président de la commission et au ministre de déterminer eux-mêmes quel sera l'ordre des travaux de la Chambre cet après-midi. Je vais donc demander s'il est possible de communiquer avec le leader du gouvernement afin de réunir d'urgence les représentants de chacun des partis.

M. ROY: Je suis d'accord sur ce que vous venez de dire. Je croyais sincèrement que le ministre du Travail avait eu des rencontres avec le leader du gouvernement de façon que lui aussi puisse planifier ses travaux, et également, que les gens qui sont ici sachent à quoi s'en tenir. Qu'il n'y ait eu aucune discussion avec le leader du gouvernement et le ministre du Travail, je suis très surpris.

M. COURNOYER: II est possible, comme la semaine dernière, que la commission parlementaire siège. C'est une préoccupation qui m'a été énoncée par le député de Johnson, préoccupation que je n'ai pas personnellement. Je n'ai pas cette préoccupation de savoir ce qui se passe de l'autre côté, pour le moment. J'ai le conflit de la United Aircraft devant moi. C'est celui-là qui me préoccupe. Je ne sais pas ce qui se passe en Chambre pour le moment. Je n'ai pas à le discuter avec le leader parlementaire. Tout ce que j'ai à dire, c'est que si vous avez des problèmes quant à l'ordre des travaux de la Chambre, discutez-les avec le leader parlementaire, non pas avec moi. C'est ce que je dis.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): D'ailleurs, le député de Johnson a apporté un élément nouveau dans la discussion. Il s'agit non seulement du travail de la commission ici, mais du travail qui se déroulera en Chambre. Ce n'est pas à la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration de déterminer quels seront les travaux de la Chambre.

M. COURNOYER: Notre préoccupation actuelle, c'est la United Aircraft et j'espérais qu'on commence à étudier le problème. Si tout à coup, il était terminé à midi. On n'aura plus de problème pour cet après-midi. Mais on va finir si on commence, par exemple.

M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, le ministre pourrait-il faire déposer, par M. Heenan, le protocole d'entente signé par le ministre? Il avait été question qu'il le dépose ce matin. Est-ce que Me Heenan est prêt à le déposer? Cela ne serait pas si mauvais de l'avoir.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Si vous voulez bien, nous allons donner la parole à Me Heenan qui fera son exposé et qui déposera, s'il y a lieu, les documents que la commission lui a demandés.

M. HEENAN (Roy): Merci, M. le Président.

M. ROY: Une minute, s'il vous plaît. M. le Président, je m'excuse, mais c'est une demande que j'avais formulée à la dernière séance, à savoir que le protocole d'entente signé d'une part par United Aircraft et le gouvernement de la province soit déposé dès le début de la séance suivante. Alors, si on est prêt à le faire tout de suite, je suis bien d'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est justement ce que Me Heenan se préparait à faire.

Partie patronale (suite)

M. HEENAN: Merci, M. le Président. Je vais déposer tout de suite un autre arrêté en conseil, le no 3792. Ceci, c'est le seul document qui existe concernant les subventions à la United Aircraft de la part du gouvernement provincial. D'ailleurs, la façon dont ces subventions semblent avoir été faites, c'est qu'il y a eu un arrêté en conseil de cinq, de six, d'ordre général, sur lequel le gouvernement se disait prêt à donner des subventions à certaines industries. A la suite d'une demande de la United Aircraft, il y a eu un engagement de la part de United Aircraft que j'ai produit la dernière fois. A la suite de cela, il y a ce document que je dépose actuellement qui est la réponse du gouvernement qui, par arrêté en conseil, a accepté de verser à la United Aircraft les $5 millions. C'est le document qui existe actuellement, où le gouvernement accepte de verser ces montants spécifiquement à la compagnie United Aircraft à la suite de l'engagement que la compagnie a pris devant le notaire. C'est le seul autre document. Je regrette que cela ait manqué la dernière fois et j'ai des copies ici pour les membres de la commission.

Encore une fois, M. le Président, je signale à l'attention de messieurs les membres de cette commission que toutes les conditions prévues dans cet arrêté en conseil ont été respectées à la lettre par la société United Aircraft et que toutes les conditions continuent à être respectées par la société United Aircraft jusqu'à pleine concurrence du montant de $5 millions, malgré que, jusqu'à maintenant, seulement $3 millions ont été versés. La différence, évidemment, c'est que, pour $3 millions, les investissements que la société United Aircraft sera obligée de faire s'élèveront à $24 millions.

Les investissements faits, jusqu'à maintenant, par la United Aircraft ou à la fin de l'année 1973 dépassent $46 millions.

Maintenant, comme M. le député de Maisonneuve l'a souligné, si je prends la parole encore ce matin, c'est à la demande expresse du syndicat que je le fais. Je veux que ce soit bien noté; j'accepte de reprendre la parole, mais c'est à la demande du syndicat que je parle d'abord. C'est leur demande, pas la mienne. J'ai préparé une réponse, on a préparé une réponse, c'est la suivante: Dans le mémoire soumis la semaine dernière devant la présente commission par le local 510 du Syndicat international des travailleurs unis de l'automobile, diverses accusations ont été lancées contre la compagnie en s'ap-puyant sur des événements survenus au cours des dernières années. La compagnie a été accusée d'être rétrograde, provocatrice et armée jusqu'aux dents. Nous ne croyons pas qu'il serve aux fins de cette commission, constituée pour étudier l'échec des négociations, de faire une longue réponse historique au mémoire du local 510.

Cependant, il nous paraît essentiel de répondre à certains points soulevés dans le mémoire, lesquels points demeurent au noeud du problème du conflit actuel et expliquent en partie, l'échec actuel des négociations. Ces points sont: 1. Le mandat clair que prétend avoir le syndicat. 2. La violence déployée, laquelle ne crée pas le climat propice à la négociation et ne permet pas l'exercice, par les employés, de l'expression libre de leur choix. D'ailleurs, c'est cette même violence déployée au cours de la grève qui explique que le document de rappel au travail et de non-rappel conditionnel de 15 employés soit tellement complexe. Je dis non-rappel conditionnel, expressément, car je comprends dans ce que M. Dean a dit l'autre jour qu'il a compris ces termes dans un sens différent. 3. L'offre de la compagnie que le syndicat, pendant neuf mois, soit depuis février 1974, a constamment refusé de soumettre à ses membres.

Le mandat du syndicat et le vote tenu. A la page 6 de son mémoire, le syndicat prétend détenir un mandat clair. Il est important de faire la lumière sur ce mandat. Le mandat de grève est accordé au syndicat par un vote tenu le 11 novembre 1973. Pour bien comprendre l'étendue et la portée de ce mandat, il est essentiel de relater les circonstances dans lesquelles ce vote est tenu.

Le 11 novembre, avant même que l'offre salariale de la compagnie ne soit mise sur la table et trois semaines avant la date de la grève légale, le syndicat convoque ses membres en assemblée générale. Le syndicat réussit alors à convaincre les employés présents qu'un vote de grève constituerait un excellent moyen de pression pour amener la compagnie à hausser ses offres, quelles qu'elles soient.

Le syndicat atteint à toutes fins pratiques le but qu'il s'était fixé. Le vote de grève est gagné, dans le but de mettre une pression sur la compagnie, sous réserve toutefois qu'un autre scrutin soit tenu en temps opportun.

Je souligne qu'à ce moment-là il n'y a pas eu d'offre de la compagnie sur laquelle voter. Le vote de grève a été pris avant qu'il y ait une offre sur laquelle voter.

Le 5 décembre 1973, la compagnie présente une offre complète au syndicat. Le soir même, le président du syndicat déclare que la compagnie avait fait une offre que le syndicat ne pouvait pas refuser.

Le 8 décembre 1973, trois jours après — c'est important, car, dans une autre circonstance, on va voir que cela a pris plus de temps pour avoir un vote — le syndicat tient une assemblée de ses membres. Il ne fait pas circuler l'offre présentée, mais plutôt un document portant le titre: Résumé des points en litige.

L'offre comme telle est qualifiée de bonne, mais on déclare alors aux employés que, s'ils demeurent au travail mais rejettent quand même l'offre, le syndicat pourrait leur obtenir davantage. Il n'est pas question de grève à cette occasion, tout au contraire, des représentations sont faites voulant que les employés demeureraient au travail.

C'est muni de ces deux votes de grève que le

syndicat déclare officiellement la grève le 9 janvier 1974. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse là d'un mandat clair. Les employés n'auraient-ils pas voté différemment si le vote de grève avait été pris après l'offre et face à la possibilité d'une grève immédiate? Nous ne le saurons jamais. Il est toutefois certain que la volonté des salariés se serait ainsi manifestée de façon beaucoup plus exacte. Je souligne en passant, à ce stade-ci, que l'une des suggestions du rapport de la commission Woods, où siégeaient le professeur Woods, le professeur Crispo, l'abbé Dion et le doyen Carruthers, c'est que cette sorte de vote de grève ne soit pas permise, juste pour mettre des pressions, mais que ce soit pris seulement au moment d'une possibilité immédiate de grève après que les dernières offres de la compagnie ont été reçues.

A la demande du ministre du Travail, une médiation spéciale a lieu entre la compagnie et le syndicat. C'est à peu près sept semaines après le commencement de la grève. La compagnie formule, lors de ces rencontres, une autre offre.

Le 15 février, le syndicat a l'offre totale en main. On l'a faite, à ce moment, devant le médiateur du ministre et l'offre totale fut soumise, finalement, le 15 février. C'était le dernier jour. Le syndicat annonce alors qu'il n'est pas certain qu'il va soumettre l'offre à ses membres. Le médiateur intervient avec insistance auprès du syndicat afin de lui faire comprendre que l'offre était destinée aux membres; non pas au syndicat, mais par le syndicat aux membres. Le syndicat se rend finalement aux pressions. Il accepte de soumettre l'offre au vote de ses membres, mais il ne fixe pas de date pour la réunion. Trois jours plus tard, il a annoncé qu'elle était fixée pour la fin de la semaine, soit une semaine après que l'offre fut présentée. La dernière fois, cela a pris trois jours pour avoir cette assemblée. Maintenant, il y a une période d'une semaine. Pourquoi?

Au cours de la semaine précédant le vote, le syndicat tient, sur une base quotidienne, de petites — ici, je cite le syndicat — "séances d'information intensives" en groupes restreints, auxquelles les membres du syndicat sont tenus d'assister pour bénéficier des fonds de grève.

Le but de ces mini-assemblées n'est pas d'expliquer quelle était l'offre de la compagnie. Au contraire, de l'aveu même du porte-parole du syndicat, ces petites assemblées visent à expliquer aux membres pourquoi ils devront voter contre les offres de la compagnie.

Au cours de cette même semaine, la compagnie est informée que des déclarations avaient été faites pendant ces assemblées selon lesquelles la compagnie avait retiré certains éléments de son offre antérieure. La compagnie a reçu plusieurs appels, de la part de plusieurs de ses employés, pour savoir si, ce qu'on leur avait raconté était vrai, à savoir qu'il y avait une partie de l'offre antérieure qui était enlevée — ce qui était inexact — mais ce qui expliquait que la compagnie se sentait obligée de s'adresser aux employés pour les assurer qu'il n'y avait rien d'enlevé de l'offre antérieure. Elle apprend également qu'à toute personne qui posait des questions l'on rétorquait de rester sur place après la réunion afin d'obtenir réponse à sa question.

En d'autres mots, c'était une communication dans un sens, sans possibilité d'une réaction des membres de l'assemblée, de ces petites assemblées.

Devant ce fait, le 20 février — je m'excuse, c'était le 19 février; la lettre porte la date du 19 février — la compagnie fait parvenir au ministre du Travail, une lettre l'informant qu'elle doutait sérieusement que les employés puissent voter librement dans de telles circonstances.

C'était évidemment avant le vote.

Après une semaine, le terrain est de toute évidence mûr. Les employés votent majoritairement pour le rejet de l'offre. Tout le problème du vote libre et des garanties de l'expression libre et éclairée de l'opinion de tous les syndiqués fut étudié dans un editorial de l'éditorialiste en chef de la Presse, M. Vincent Prince, dont copie est jointe à celles que vous avez. C'est l'avant-dernier document que j'ai soumis.

Je cite l'éditorial de M. Vincent Prince, qui est intitulé "La démocratie syndicale" où, en partie, M. Prince dit ceci: "Ce qui frappe parfois l'observateur de l'extérieur, c'est que les syndiqués ne sont pas toujours informés objectivement des propositions patronales avant de les accepter ou de les rejeter. L'exécutif, qui est rarement neutre, face à ces propositions, se sert plutôt de la réunion pour les chauffer à blanc. Le vote sera pris dans cette atmosphère peu propice à une réflexion sereine". Là, il continue avec les autres suggestions, à savoir, comment améliorer le système de vote actuel.

Je prends également un extrait d'un article écrit par l'abbé Dion sur la démocratie syndicale. Ce qu'il dit s'ouvre aux assemblées de masse. "Il existe, dit-il, une sorte de mythe de l'assemblée de masse. L'assemblée générale, jusqu'ici, était considérée comme l'épine dorsale de la démocratie syndicale. Elle a encore un rôle à jouer, mais les conditions ont changé. On oublie souvent ce que la réalité vient pourtant nous rappeler. D'abord, le fait qu'il est presque impossible de rassembler tous les membres. Ensuite, les travailleurs se désintéressent des réunions syndicales, étant préoccupés par mille autres choses. Enfin, dans une assemblée tant soit peu nombreuse où les émotions et les sentiments priment sur la raison, il est relativement facile, à quelque habile agitateur, d'orienter des décisions".

Quoiqu'il en soit de ce vote, depuis le 22 février, le syndicat s'est de plus toujours obstiné à refuser de soumettre toute offre à ses membres. Comme cela, même si on accepte que, le 22 février, ces votes étaient représentatifs, depuis ce temps, le syndicat a refusé, de façon catégorique, de soumettre n'importe quoi à ses membres. Au cours de toutes les rencontres

tenues, soit en présence des représentants du ministère, soit dans le cas de négociations directes entre les parties, le syndicat a continuellement exigé que la compagnie cède, face à l'adoption de la formule Rand et à la réintégration inconditionnelle de M. André Choquette. Ceci comme condition préalable à la soumission aux employés de toute offre, quelque avantageuse qu'elle puisse être.

Au début d'avril 1974, le ministre du Travail rencontre les négociateurs syndicaux, dont le vice-président du Syndicat international des travailleurs unis de l'automobile, M. Dennis McDermott. La teneur des discussions, tenues au cours de cette rencontre, est relatée dans un article publié dans le journal Le Devoir, édition du 5 avril 1974, copie de cet article est jointe aux présentes, et c'est le premier article que vous avez.

L'honorable Jean Cournoyer révéla avoir proposé aux négociateurs syndicaux de référer la question de la sécurité syndicale au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Le syndicat refuse toutefois d'accéder à cette solution d'intervention gouvernementale, préférant de beaucoup une lutte à finir entre la United et les TUA et là, il semble citer M. McDermott. Cela, c'était le choix de M. McDermott.

L'article du Devoir du 5 avril 1974 rapporte en partie que M. Cournoyer a par ailleurs révélé qu'il avait proposé aux négociateurs de référer tout le problème de la sécurité syndicale au Conseil consultatif de la main-d'oeuvre, en vue d'un règlement général. L'équipe syndicale a toutefois refusé cette solution de type gouvernemental, préférant l'épreuve de force jusqu'au bout, selon M. Cournoyer.

Je suis un peu surpris de voir dans le document du Syndicat qu'il demande maintenant que le gouvernement intervienne — c'est la conclusion — après que le syndicat lui-même, le 22 avril, ait refusé toute intervention gouvernementale pour étudier calmement la question de la sécurité syndicale, et qui a dit: On veut — cela, c'est d'après le dire du syndicat — une épreuve de force jusqu'à la fin. C'est cela que M. McDermott a dit, et on a parlé beaucoup de l'arrogance de la compagnie dans le mémoire soumis par le syndicat, mais M. Cournoyer, d'après cet article, a demandé au syndicat s'il disposait d'une aide suffisante pour que les ouvriers de Longueuil ne fassent pas les frais de la bataille de Hartford. Précisant sa pensée, le ministre a rappelé que les 25,000 travailleurs de la principale usine de la United Aircraft allaient commencer prochainement à négocier leur convention collective. M. Cournoyer ne voulait pas que les employés de la United Aircraft. souffrent de cette affaire. Il a demandé de pouvoir étudier en conseil consultatif et de laisser régler le problème qui semblait être là.

Mais, selon M. Cournoyer, les négociateurs syndicaux lui ont affirmé que personne ne souffrirait outre mesure de la grève, même si elle devait durer 22 ans. Cela, c'était la réponse du syndicat disant: Personne des employés de la United Aricraft ne va souffrir outre mesure, même si cette grève se prolonge pendant 22 ans. La compagnie a toujours dit que, dans ces conflits, ce sont les employés qui, actuellement, en souffrent, mais la réponse du syndicat, c'est: Laissez-nous faire. On sait ce qu'on fait. On ne veut pas que vous interveniez. Les employés, ont-ils vraiment mandaté le syndicat pour mener cette épreuve de force jusqu'au bout?

Depuis le 22 février, soit pendant neuf mois, le syndicat s'est obstiné à répéter qu'il n'était pas intéressé à aucune offre, qu'il ne comprenait pas la réintégration sans condition de M. André Choquette et l'adoption de la formule Rand. Il affirma de plus, sans ambages, qu'il ne soumettrait à ses membres aucune offre qui ne remplirait pas ces deux conditions préalables. En d'autres mots, des conditions avant que n'importe quelle offre soit soumise aux membres.

Le syndicat se buta dans cette position imperméable malgré de nombreuses rencontres entre les parties et avec des représentants du ministère du Travail et malgré la présentation de nouvelles offres substantiellement modifiées. De fait, le syndicat a, depuis, toujours refusé de soumettre quoi que ce soit à ses membres.

Le dernier prétexte avancé pour tenter de justifier cet entêtement est qu'il n'avait pas reçu la dernière offre de façon régulière.

Pourtant, le syndicat a reçu cette offre par l'entremise du ministère du Travail. Cette procédure est parfaitement normale et courante. Plus encore, l'enquêteur spécial, M. Pierre Du-fresne, avait cette offre entre les mains et put mener une enquête approfondie auprès des deux parties et se prononcer en détail sur les dernières positions adoptées par les deux parties.

Qui est en grève? Est-ce que c'est le syndicat ou est-ce que ce sont les employés? La réaction des employés face à cette façon de procéder de leur syndicat est à ce point négative qu'environ 1,100 d'entre eux sont retournés au travail.

Combien y a-t-il d'employés encore en grève et désireux de reprendre le travail? Personne ne le sait. Pour cette raison, la compagnie suggère l'instauration d'une procédure d'enregistrement des grévistes auprès du ministère du Travail et on suggère que cela soit fait au plus tôt. Y a-t-il seulement 200, 300, 500 ou 800 grévistes qui souhaiteraient reprendre le travail? Ni la compagnie, ni le syndicat ne le savent, ne peuvent répondre. Il est pourtant important de connaître la réponse à cette question afin de pouvoir équilibrer équitablement les intérêts des 1,800 employés —je dis 1,800 employés... le chiffre, hier après-midi, était de 1,919 employés de l'unité — qui travaillent présentement et les intérêts des employés qui poursuivent la grève dans l'intention de reprendre le travail ultérieurement.

Cela dépend du nombre de personnes qui

sont intéressées. Cela se peut très bien qu'il n'y ait pas de problème. On ne le sait pas, et il n'y a pas moyen de savoir exactement le nombre de personnes qui, vraiment, sont intéressées à retourner travailler à la United Aircraft. C'est pour cela que nous faisons la première suggestion, à savoir qu'il y ait un système d'enregistrement pour qu'on puisse savoir combien d'employés sont là. Je vous assure, au nom de la compagnie United Aircraft, qu'elle est très intéressée à ses employés et elle veut qu'ils retournent au travail.

Une constatation claire s'impose toutefois. Trop souvent, le syndicat et les employés sont identifiés comme étant une seule entité poursuivant les mêmes objectifs et cherchant à faire valoir des intérêts identiques. La réalité est pourtant différente.

Toute institution a ses intérêts propres, différents des intérêts particuliers des membres qui la composent. Le syndicat est une institution et il ne déroge pas à cette règle universelle. Il a ses propres intérêts qui ne sont pas nécessairement assimilables aux intérêts des employés et qui, même, peuvent être directement en conflit avec ceux des employés.

Dans le présent cas, jamais le syndicat n'a reçu mandat des employés de refuser de leur soumettre toute offre qui n'incorporait pas la réintégration inconditionnelle de M. André Choquette et la formule Rand. Le syndicat continue quand même à poursuivre avec acharnement cette bataille sans se préoccuper de vérifier si les employés eux-mêmes jugent avoir quelque intérêt dans cette lutte et sans s'assurer que cette lutte reçoit l'appui volontaire de la majorité des employés.

Tout semble indiquer le contraire. Par exemple, le député fédéral du comté de Chambly, M. Jacques Olivier, syndicaliste de profession, a personnellement mené une enquête auprès des membres du syndicat et du comité de négociation. Qu'en conclut-il? Que ces personnes n'étaient pas prêtes à rester en grève sur la question de la formule Rand. C'est, nous le soumettons, le sens qu'il faut donner à son rapport publié récemment dans le journal Le Devoir.

La compagnie, comme toute gérance d'ailleurs, a un intérêt évident dans le bien-être de ses employés et dans le maintien d'un climat de satisfaction. Les offres qu'elle présente sont destinées à ses employés.

Devant le refus obstiné du syndicat de soumettre ses offres aux employés, comment celles-ci pourraient-elles leur être transmises.

Tableau de la violence. Il est de notoriété publique que la grève fut marquée par une campagne orchestrée d'intimidation et de violence. Jamais cette violence ne fut le fruit de réactions spontanées ou isolées de membres du syndicat. Au contraire, tout observateur, même le plus inexpérimenté, devait se rendre à l'évidence: ces actes étaient concertés et organisés par un noyau d'activistes, officiers et membres du local 510 des Travailleurs unis de l'automobile, dont la présence fut constatée sur les lieux des scènes répétées de violence. Même le syndicat international, dans la lettre que j'ai déposée l'autre jour, l'a constaté cela.

La violence n'éclata pas uniquement au début de la grève. Au contraire, l'intimidation et la violence, les débrayages sporadiques et autres illégalités semblables furent utilisés dès le début des négociations, en septembre 1973. La compagnie dut ainsi négocier dans une atmosphère de tension. Malgré tout, afin de conserver, dans la mesure du possible, une atmosphère plus propice à la conclusion d'une entente, elle décida de payer quand même aux employés les heures perdues au cours de plusieurs débrayages illégaux.

C'est très rare qu'on voit cela.

Dans son mémoire, à la page 2, le syndicat admet qu'une lutte concertée et organisée se préparait à l'horizon dès le début des négociations. C'est le syndicat lui-même qui l'admet.

Le syndicat écrit, je pense que cela se trouve à la page 2 de son mémoire: "A l'approche des négociations, en août 1973, le militantisme et le recrutement syndical s'accéléraient et s'accompagnaient d'une volonté de faire face à la United une fois pour toutes". C'est le syndicat qui a écrit cela.

Dès le 17 septembre 1973, veille de la quatrième rencontre de négociation, des officiers du syndicat entraînent les employés de l'usine no 1 vers la cafétéria. Trois cents employés occupent la cafétéria pendant quatre heures. Ces derniers sont quand même payés pour les heures perdues au cours de ce premier débrayage.

Le 25 septembre, les négociateurs des deux parties se rencontrent pour la cinquième fois, dans un motel de Longueuil. Soixante-quinze piqueteurs paradent, pancartes injurieuses en main, à l'entrée du motel.

Au cours de cette même journée, tous les employés de production refusent systématiquement de travailler en temps supplémentaire. Les quelques employés qui acceptent de travailler en temps supplémentaire sont intimidés, menacés de représailles et leurs voitures sont endommagées. Entre autres, les vitres de leurs voitures volent en éclat. De l'acide est versé sur leurs automobiles.

Le lendemain de la demande de conciliation présentée au ministère du Travail par le syndicat, soit le 28 septembre 1973, alors que la compagnie voulait muter un employé, un groupe d'environ 400 employés de production de l'usine no 2 quittent de concert leur travail. Ils se rendent à la cafétéria de l'usine et, en bloc, l'assiègent pendant plus de deux heures. Environ neuf cents employés de production des usines no 1 et no 4 suivent le mouvement amorcé et occupent leur cafétéria respective.

Soulignons ici que ces usines sont situées à un demi-mille de distance, peut-être un peu moins, mais quand cela se passe comme cela

d'une usine à l'autre, il y a quelque chose de concerté, car c'est inexact de prétendre que cela peut se faire d'une façon spontanée.

La compagnie verse quand même à ces employés leur salaire pour ces heures de débrayage. Le 18 octobre 1973, 19 machinistes débrayent de concert pour la journée.

Dès le 29 octobre, un mois avant la date légale de grève, le syndicat distribue à tous les employés de l'unité de négociation une circulaire leur demandant de devenir membres du syndicat afin d'être éligibles aux prestations de grève.

Je souligne ici, M. le Président, qu'un des documents qui fut présenté, à ce moment-là, montrait le tableau du fonds de grève du syndicat international à Detroit. Evidemment on parle d'argent aux Etats-Unis car le syndicat a des liens à Detroit, comme la compagnie en a à Hartford. Le document démontrait que le fonds — c'était publié, on l'a distribué à tous les membres — était à ce moment-là de $66 millions, à Detroit.

Le 21 novembre 1973, un directeur de la compagnie fait parvenir, par courrier recommandé, à M. André Choquette, une lettre l'avisant qu'une enquête est en cours concernant sa présence sur les lieux de travail de la compagnie dans la nuit du 16 novembre, alors qu'il n'était pas censé être là, alors qu'il n'était pas assigné pour travailler avec cette équipe. La lettre l'informe également que des menaces avaient été proférées à l'égard de plusieurs employés de la compagnie qui travaillaient en surtemps. Sa visite ne semblait pas étrangère à ces événements. Une suspension de trois jours, je pense, a suivi.

De nouveau, le 22 novembre 1973, les employés de production refusent, de concert, d'effectuer tout travail en temps supplémentaire. En même temps, la violence est utilisée comme arme contre les quelques employés désireux de travailler en temps supplémentaire. Ces derniers sont menacés et intimidés. Les vitres de leurs résidences sont fracassées par des roches et des bouteilles. Leurs cartes de temps sont détruites.

Le 4 décembre 1973, veille de la présentation de la première offre globale de la compagnie, les employés de l'unité de négociation ralentissent leur rythme de travail et produisent à environ 40 p.c. du rythme normal de production.

Le 7 décembre, des résidences d'employés de la compagnie et des membres de son personnel de cadre sont endommagées. Les employés de l'unité débrayent en bloc à l'usine no 4. Au cours de la soirée, deux coups de feu sont tirés de l'intérieur d'une voiture à travers les fenêtres de l'usine, alors que des employés qui avaient refusé de débrayer étaient encore à l'ouvrage. Heureusement, personne n'est tué ou blessé.

Le 20 décembre 1973, M. André Choquette, membre du comité de négociation, refuse d'obéir à toute instruction de son contremaître. Ce dernier lui ordonne de quitter les lieux de travail. M. Choquette refuse. Le contremaître fait donc appel au service de sécurité afin de demander à M. Choquette de quitter les lieux. M. Choquette refuse toujours de bouger. Les employés de production quittent leur travail et encerclent M. Choquette. Deux vice-présidents de la compagnie s'adressent à leur tour à M. Choquette. Devant le refus obstiné de celui-ci de quitter l'endroit, la police de Longueuil est mandée sur les lieux. M. Choquette refuse d'obéir aux ordres de la police de Longueuil. Après quelque deux heures de résistance, entouré de près de 400 employés de production, M. Choquette décide finalement de quitter l'usine. Le 21 décembre, M. Choquette est avisé qu'il est suspendu pendant qu'une enquête se déroule sur ses activités de la veille.

Au début de janvier 1974, le syndicat met sur pied une campagne d'intimidation visant à forcer les employés de l'unité de négociation à faire la grève, et ceci en dépit d'une réaction généralement favorable à l'offre patronale. A titre d'exemple, le 4 janvier 1974, le local 510 organise une manifestation à l'intérieur de l'usine pendant les heures de travail. Les manifestants paradent à l'intérieur de l'usine à deux ou trois reprises. Les manifestants s'arrêtent chaque fois que les employés continuent à travailler et refusent d'emboîter le pas. Les manifestants vont finalement jusqu'à arracher physiquement de leur machine ceux qui continuent à travailler.

Suite à cette parade, les manifestants assiègent la cafétéria de l'usine principale, refusent de quitter la propriété de la compagnie, bloquent tout accès à la cafétéria aux 2,700 employés de bureau et de cadre, car il faut se souvenir encore que le nombre des employés de bureau et de cadre est plus grand que le nombre des employés dans l'unité de négociation.

La police est mandée sur les lieux mais demeure impuissante face à la résistance des manifestants. La compagnie se voit obligée d'annuler la deuxième équipe de travail. Après six heures d'occupation, les manifestants quittent finalement l'usine. Cette manifestation et cette occupation furent organisées par des dirigeants du syndicat.

Il faut le souligner, à ce moment-là, c'était légal pour le syndicat de faire la grève, c'était légal pour lui de faire la grève s'il voulait faire la grève, il avait le droit de le faire à ce moment-là, c'était un droit légal et il avait ce droit. Ce que la compagnie voulait savoir, c'est si les employés voulaient faire la grève ou s'ils voulaient travailler? La compagnie voulait qu'ils travaillent mais ils étaient libres de faire la grève.

Devant cet état d'anarchie totale qu'aucune compagnie ne peut accepter, la compagnie demande à tous les employés concernés de se rapporter au travail le lundi suivant, mais à des heures un peu différentes pour qu'ils puissent tous être interviewés par le contremaître et dire s'ils étaient intéressés à travailler ou non.

S'ils voulaient être en grève, c'était leur liberté, leur choix; s'ils voulaient travailler, il y avait du travail pour eux.

Le syndicat rétorque en ordonnant publiquement aux employés de faire fi de ces instructions et de se présenter tous à 7 heures du matin. Le lundi 7 janvier, à l'heure prévue, environ 1,200 employés de production convergent vers les terrains de la compagnie.

Il est évident que si les employés, un par un, avaient décidé s'ils voulaient travailler ou non, le syndicat aurait trouvé que la grande majorité voulait toujours travailler.

A cette occasion, M. André Choquette, toujours sous le coup de la suspension, et à qui il est défendu d'entrer sur la propriété de la compagnie, dirige un groupe d'employés de l'unité de négociation et pénètre par effraction à l'intérieur de l'usine numéro 1.

Le groupe renverse d'abord la barrière de l'usine. M. Choquette pénètre à l'intérieur de l'usine par une porte d'accès, s'empare de ciseaux industriels et coupe la barrière du magasin, afin de permettre à d'autres employés de pénétrer à l'intérieur de l'usine.

Le groupe, M. Choquette en tête, parade à l'intérieur de l'usine et entraîne de force des employés encore à l'ouvrage, car, malgré toutes ces choses, il y avait encore des employés qui étaient à l'ouvrage; mais par force, ils sont obligés de sortir. Il se rend subséquemment à une autre barrière de l'usine, cisèle la barrière et incite un autre groupe d'employés à s'introduire dans l'usine.

Suite à ces incidents, les employés de l'unité de négociation bloquent massivement les entrées des usines de la compagnie. Plusieurs employés de la compagnie sont menacés, des fenêtres de bâtiment de la compagnie sont cassées et divers autres dommages sont causés à sa propriété.

Je pense que je devrais insister ici, MM. les membres de cette commission, pour dire qu'à l'usine numéro un de la United Aircraft, les 2,000 employés de bureau travaillent dans cette même usine. Les bureaux et l'usine sont dans le même édifice, dans le même bâtiment. Les employés se servent des mêmes entrées, des mêmes portes. Il y a à ce moment-là, 2,700 employés de cadre ou de gérance et 2,600 employés de production. Ils sont obligés de se servir des mêmes portes.

Devant cette autre flambée de violence — où il était défendu aux employés de cadre d'entrer — la compagnie demande et obtient le 7 janvier 1974 l'émission d'une première ordonnance d'injonction. Cette ordonnance défend au syndicat international, au local 510 et à ses membres, d'empêcher le libre accès aux usines de la compagnie, de menacer et d'intimider ses employés, d'occuper sans permission et d'endommager sa propriété.

Nous sommes accusés quelquefois de nous servir d'une injonction. Mais que voulez-vous? Prenez la décision, vous, comme gérant. Vous avez 2,700 employés qui ont le droit de gagner leur pain, qui ne sont nullement affectés par cette grève, qui ne peuvent pas entrer, qui se font menacer. Que feriez-vous si vous ne vous adressiez pas à la cour?

Le 9 janvier 1974, le syndicat déclare publiquement et officiellement le début de la grève.

Débute alors une véritable escalade de violence organisée aux abords des usines et aux résidences des employés de la compagnie.

En passant, je devrais dire que c'était annoncé, à quelques-unes de ces assemblées, que personne n'était pour entrer sur cette propriété. C'était annoncé. Les lois, messieurs, c'est vous qui les faites. Vous avez dit que c'est libre à quelqu'un de travailler pendant une grève; le rapport Woods, au fédéral, conclut la même chose, que cela devrait être comme cela. Ce sont vos lois. On vous dit: Personne n'entrera, on s'emparera de l'entrée.

Il est impossible, en quelques pages, de décrire en détail toutes les scènes répétées de violence dirigées contre la propriété de la compagnie et ses employés. Il suffit d'en donner quelques exemples pour en démontrer l'intensité:

Depuis le début de la grève, les employés de la compagnie désireux d'exercer leur droit au travail furent, à certaines périodes, sur une base quotidienne, retardés ou empêchés d'entrer sur les terrains de la compagnie par des piqueteurs. A l'occasion de cedit piquetage, organisé par le syndicat, des employés furent roués de coups de pied et de coups de poing, et 52 d'entre eux subirent des blessures diverses, nécessitant même l'hospitalisation dans certains cas.

Je souligne que la plupart de ces 52 employés n'étaient pas des employés de l'unité de production; ils étaient des employés de bureau, la plupart d'entre eux faisant leur ouvrage régulier. 914 voitures furent endommagées par des piqueteurs, encore, en grande majorité, des voitures d'employés de bureau et de cadre. Des vitres de voitures furent fracassées à l'aide de roches, de boulets de métal et d'autres objets. Même les piquets de grève, supposément utilisés pour informer le public, servirent fréquemment d'armes aux piqueteurs.

Des propriétés de la compagnie furent, à deux reprises, incendiées. Un des membres du syndicat purge actuellement une sentence de deux ans, suite à sa participation à l'un de ces incendies criminels.

Des coups de feu endommagèrent des transformateurs électriques de la compagnie.

Des dommages divers aux résidences des employés de la compagnie se chiffrent par 143.

Ici, je devrais dire que se sont les résidences personnelles, par exemples, des contremaîtres qui sont visitées, d'une façon spontanée, par deux ou trois personnes qui lancent des roches dans les fenêtres, coupent les arbres, détruisent ou brûlent les automobiles.

Les employés de la compagnie, leurs épouses et leurs familles furent également victimes d'une campagne continuelle d'intimidation et de menaces allant jusqu'à des menaces de mort.

Le 14 Janvier 1974, la première ordonnance d'injonction est transgressée. Les piqueteurs bloquent l'accès de l'usine à ses 2,700 employés, personnel de cadre, d'ingénierie et de bureau. Un groupe de trente piqueteurs envahissent la propriété de la compagnie. Ils s'élancent vers une roulotte occupée par quatre employés et la renversent. Trois fils de 220 volts sont ainsi exposés à l'air libre, risquant d'entraîner la mort des employés emprisonnés dans la roulotte. Deux d'entre eux subissent des blessures.

Le même jour, les piqueteurs renversent la voiture d'un employé de bureau et endommagent 56 automobiles qui réussissent à pénétrer sur la propriété de la compagnie. De la ligne de piquetage, des morceaux de glace sont propulsés au hasard. Un morceau de glace heurte un employé à la cheville. L'employé est blessé au point d'être hospitalisé et incapable de travailler pendant plus de six semaines.

Afin de protéger ses employés et sa propriété, la compagnie retourne immédiatement devant la cour Supérieure. L'honorable juge Maurice Archambault émet, le 15 janvier 1974, une deuxième ordonance d'injonction. Cette injonction ordonne au syndicat international, au local 510, et à ses membres, de ne pas former des lignes de piquetage composées de plus de trois personnes à chacune des entrées ou sorties des établissements de la compagnie et leur défend d'avoir en leur possession des armes offensives.

Au défi des lois et des ordres des tribuanux, des officiers et membres du local 510 poursuivent leurs activités au cours du mois de janvier 1974. Entre autres, le 15 janvier, trois membres du local 510 cassent des vitres de la résidence d'un employé.

Le 23 janvier 1974, un employé de Canteen of Canada Ltd., qui ne fait même pas partie de la United Aircraft, sous-traitant en restauration, quitte son travail. Un officier du local 510, accompagné de trois individus masqués pourchasse cet employé à travers les rues de Lon-gueuil, l'attaque et le bat sauvagement. Le même jour, un groupe de cinq piqueteurs s'attaque à un employé de bureau qui entre seul, à pied, à l'usine. Le groupe le frappe brutalement. Au cours de cet assaut, l'employé est lacéré dans la région oculaire par un objet tranchant. Il doit être hospitalisé et les cicatrices résultantes doivent être effacées par de la chirurgie esthétique.

Suite à ces événements, le local 510 et quelques-uns de ses officiers et membres sont condamnés pour outrage au tribunal par l'honorable juge Claude Vallerand dont le jugement est joint aux présentes.

Je souligne, en passant, que, si quelqu'un allait dire que le juge Vallerand ne comprend pas cela ou est propatronat, c'est le juge Vallerand qui a refusé, dans le conflit de la Canadian Gypsum, de restreindre le piquetage de quelque façon, en disant que, pour lui, le piquetage était un droit qui existait. Ce fut renversé en cour d'Appel, mais c'était le même juge.

Relativement aux événements survenus en janvier sur la ligne de piquetage, l'honorable juge Vallerand écrit au sujet du local 510 et de son directeur de grève : "La preuve circonstancielle non seulement de l'acceptation des procédés illégaux, mais même de l'incitation, à ce point accablante qu'elle doit emporter la condamnation à défaut d'une explication ou d'une justification qu'on n'a pas tenté d'offrir. Ce n'est pas renverser le fardeau de la preuve que de constater que celui qui a été pris en flagrant délit n'a ni cherché ni réussi à se disculper."

Le juge Vallerand trouve le syndicat, son directeur de grève, André Choquette, et d'autres officiers et membres du syndicat coupables d'outrage au tribunal. Il prononce subséquemment sa sentence dans un second jugement dont copie est jointe.

A la fin de janvier, le Syndicat international des travailleurs organise des réunions au cours desquelles la désobéissance civile est envisagée. Peu après, le 1er février 1974, un groupe de piqueteurs se masse aux barrières de la compagnie. Plusieurs d'entre eux sont armés de bâtons qu'ils utilisent pour frapper les voitures qui tentent, malgré le blocage systématique, de pénétrer sur le terrain de la compagnie. Des blocs de ciment sont également projetés sur des véhicules.

Au mois de mars 1974, de nouvelles flambées de violence éclatent. Le 11 mars, environ 130 piqueteurs se massent à trois différentes barrières. Des officiers du local 510 figurent parmi eux. Les actes traditionnels se répètent. Entre autres, plusieurs voitures sont considérablement endommagées à l'aide de roches, de morceaux de glace et d'une barre de fer. Une roche fait voler en éclat la vitre avant droite d'une voiture occupée par des employés. Un piqueteur profite de l'ouverture créée pour frapper au visage l'employé occupant le siège avant. Les 12, 13 et 14 mars, ces scènes macabres se répètent. Le 14 mars, des piqueteurs se lancent vers une voiture Volkswagen, occupée par un employé de la compagnie, et la tournent à l'envers.

En conséquence de ces activités concertées, le syndicat, local 510, est condamné à $20,000 d'amende pour outrage au tribunal, par l'honorable juge René Duranleau. Copie de ce jugement est jointe aux présentes. Le 29 avril 1974, nouvelle recrudescence de la violence. De nombreux piqueteurs se regroupent aux barrières. Ils obstruent le libre accès aux usines aux voitures qui s'y dirigent. Plusieurs voitures sont considérablement endommagées.

Les 30 avril, 1er mai, 2 mai, 27 mai et 28 mai sont le théâtre de scènes similaires: utilisation du piquetage pour bloquer systématiquement les entrées et camoufler les actes de violence. Entre autres, des miroirs et des antennes de voitures sont arrachés et cassés par des officiers et des membres du local 510. Ces derniers frappent des voitures à coup de pied, intimident des employés de la compagnie.

Le 27 mai, des employés de la compagnie rebroussent chemin en voiture après avoir été empêchés par une vingtaine de piqueteurs de se présenter au travail. Le directeur de grève, M. André Choquette, accompagné de deux membres du local 510 pourchassent la voiture. Les poursuivants réussissent à intercepter la voiture à Longueuil, lancent des roches en direction de la voiture et l'endommagent. Suite à cette attaque sauvage, une bataille s'engage. Les quatre employés subissent des blessures.

Le 27 mai, les piqueteurs arrêtent systématiquement les voitures qui tentent d'entrer sur la propriété de la compagnie. 18 voitures sont endommagées. Un membre du local 510 s'attaque à un employé et le frappe de deux coups de poing au visage.

La violence s'amplifie encore davantage le 28 mai. Des piqueteurs convergent en masse vers les usines. Entre autres, un groupe encercle une voiture occupée par un employé de la compagnie et renverse la voiture. Alors que l'employé est encore emprisonné à l'intérieur, un pique-teur frappe les vitres de la voiture de violents coups de pied.

Le même jour, deux automobiles pourchassent la voiture d'un employé à travers les rues de Longueuil. La voiture de l'employé est interceptée. Deux des poursuivants lui ordonnent brutalement de sortir de sa voiture. Alors que l'employé est à peine sorti, un des poursuivants lance un bidon d'essence sur le siège avant et, sans crier gare, y projette une cigarette allumée. La voiture explose sur-le-champ. Paralysé par la peur, l'employé n'a même pas le temps de se rendre compte de ce qui se passe. Les flammes jaillissent de toutes parts et lui brûlent le visage, les cheveux et les mains. Les incendiaires s'enfuient et abandonnent leur victime. Dans un geste de désespoir, celui-ci se roule dans un trou de vase afin d'éteindre le feu qui se répand sur son corps. Un camion passe par hasard et son occupant mande la police sur les lieux. L'employé est transporté d'urgence à l'hôpital.

Le lendemain, les activités criminelles reprennent de nouveau. Une motocyclette et deux voitures prennent en filature une "station-wagon" occupée par neuf employés de la compagnie. La voiture est arrêtée de force. Le groupe de poursuivants passe à l'attaque. Une brique est lancée sur le pare-brise et la vitre gauche est fracassée à laide d'une barre de fer. Un membre du local 510 est arrêté alors qu'il tente de prendre la fuite. Pendant ce temps, aux abords des usines, d'autres employés de la compagnie sont victimes d'attaques similaires par des membres du local 510. Même les vitres de l'ambulance de la compagnie sont brisées par des pierres alors qu'elle circule sur une rue de Longueuil.

Le 30 mai 1974, le piquetage massif se poursuit. Tôt le matin, trois membres du local 510 arrêtent et encerclent un employé qui se rend paisiblement au travail à pied. L'employé est seul et vulnérable. Le groupe profite de l'occasion pour l'assaillir, le frappe de plusieurs coups de poing au visage, le jette par terre, le rue de coups de pied sur le corps, le relève et le repousse dans la direction d'où il venait. Il s'agissait là d'un employé de bureau qui n'avait rien à faire avec ce conflit.

Face aux événements des deux derniers jours, la compagnie doit agir. Elle s'adresse encore aux tribunaux. La cour Supérieure émet, le 30 mai 1974, une nouvelle ordonnance d'injonction prohibant tout piquetage aux abords des usines.

La requête en injonction est subséquemment entendue puis accordée interlocutoirement le 15 juillet 1974. Copie de ce jugement fut déposée au cours des audiences de la commission tenues le 7 novembre dernier.

Au soutien de sa décision de prohiber tout piquetage, le juge Vallerand écrit : "Attendu que selon la preuve les intimés ont, au cours des mois d'avril et mai 1974, interdit l'accès aux établissements de la requérante, intimidé et attaqué ses employés et autres personnes, causant des lésions corporelles et des avaries à la propriété;

Attendu que ces gestes qui ont été posés aux abords des établissements de la requérante, ont eu leur source, leur origine, leur inspiration dans la "ligne de piquetage";

Attendu que les intimés, s'opposant à l'émission d'une ordonnance interdisant tout "piquetage", ont demandé à la cour de "façonner" une ordonnance qui favorisait le respect des droits de la requérante et de ses employés sans pour autant empêcher l'exercice des droits des intimés;

Attendu que deux telles ordonnances ont déjà été émises assurant le respect des droits de chacun, mais n'ont pas été respectées par les intimés;

Attendu que malgré la répugnance de la cour à interdire l'exercice du droit d'établir des piquets de grève, elle ne peut ignorer l'insistance que mettent les intimés eux-mêmes à confondre d'une part, l'exercice de ce droit d'expression et de réunion et, d'autre part, l'emploi de la violence".

Le syndicat a tenté de justifier l'utilisation de la violence, souvent farouche, en accusant la compagnie de provoquer elle-même ces actes par l'embauche des gardes de sécurité. Je vais passer à cela. Car on nous accuse toujours, que c'était à la suite de provocation. Il y a des juges qui ont eu à se prononcer à savoir s'il s'agissait d'actes provocateurs.

Je souligne en passant quelque chose qui me vient à la mémoire. On disait que les roulottes étaient des provocations vis-à-vis des lignes de piquetage. Les roulottes sont là, justement, pour protéger les employés de bureau qui essaient d'entrer et de prendre des photos de ce qui se passe sur la scène. Elles sont là justement pour protéger les employés qui veulent entrer. On a accepté cela; on dit: Mais, peut-être que

c'est une forme de provocation. On a enlevé les roulottes. Le fait d'enlever les roulottes semblait aussi une provocation, car le lendemain, on a eu un éclat de violence pire que celui qu'on a vu avant cela. Ainsi, quand on parle de provocation, n'importe quoi peut servir comme excuse à la provocation par la suite.

Le syndicat tente de justifier l'utilisation de la violence en accusant la compagnie de provoquer elle-même ces actes par l'embauche des gardes de sécurité.

Ce thème est repris dans son mémoire présenté à la commission, lequel reproche à la compagnie d'être "provocatrice" et "armée jusqu'aux dents".

Cependant, le juge Claude Vallerand a lui-même eu l'occasion d'analyser d'un oeil impartial les faits sous-jacents aux accusations lancées par le syndicat. On a eu dix jours d'un côté et de l'autre, pour faire toute la preuve devant lui.

Le 15 juillet 1974, l'honorable juge Vallerand adjuge sur une requête en injonction présentée par le local 150. Copie de ce jugement fut déposée devant la commission le 7 novembre.

Dans cette décision, le juge Vallerand déclare que, contrairement aux allégations du syndicat, la compagnie n'a usé d'aucune violence ni d'aucune provocation à l'égard des grévistes.

Le juge Vallerand écrit: "Quant au premier poste, celui tendant à faire interdire tout acte de violence sur la "ligne de piquetage", la preuve ne justifie guère l'émission de l'ordonnance à l'encontre de la société intimée. Celle-ci a requis les services d'une "agence de sécurité" pour assurer la protection de sa propriété contre les actes de violence commis par les membres du syndicat requérant à l'occasion et en marge du "piquetage". Les gestes reprochés à ces gardiens par le requérant ont été, selon la preuve, le fruit non pas de la provocation mais du souci soit de défendre légitimement la propriété de l'intimée soit alors de se porter au secours d'individus assaillis sur la voie publique ainsi que le ferait tout citoyen dans les mêmes circonstances". Les gardes de sécurité sont sortis seulement deux fois de la barrière. Et les deux ont été mises en preuve devant le juge Vallerand. "La preuve n'a guère révélé qu'un ou deux incidents où les agissements des gardiens, sous le coup d'indéniables provocations, pourraient possiblement faire l'objet de reproches. "Compte tenu du fait que ces incidents sont très isolés, qu'ils ne peuvent guère être reliés à l'activité de l'intimée elle-même, que les dirigeants et les employés de l'intimée tout comme les gardiens qui ne sont pas ses employés ont fait preuve d'une louable discrétion face à la violence, l'intimidation et la provocation mises en oeuvre par les membres et les dirigeants du syndicat requérant (ce dont la Cour a eu à traiter dans un jugement de ce jour accueillant la requête pour injonction interlocutoire de la présente intimée, la preuve ayant été comme aux deux requêtes); compte tenu enfin du fait que par suite du jugement rendu ce même jour sur la requête de la présente intimée, tout "piquetage" a été interdit et ce à raison de la persistance qu'a mise le syndicat ici requérant à user de violence et d'intimidation, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requête tendant à restreindre les activités de la société intimée à l'encontre de la ligne de piquetage, telles conclusions en outre de n'être pas justifiées par la preuve, étant maintenant devenues inutiles."

C'est un jugement après preuve. On nous accuse de provocation, mais ces provocations ont été jugées. A ceci, il est important d'ajouter que ces gardiens furent embauchés uniquement après que la violence eut atteint une importance telle que la compagnie se devait d'assurer une protection adéquate à ses employés victimes d'assauts farouches et d'autres actes de violence.

Je ne doute pas que le syndicat va dire que le fait de la part de l'employeur de ne pas mettre à pied les 2,700 employés de bureau et de cadre pendant cette grève est une provocation, mais est-ce qu'on pense vraiment que cela sera désirable pour une compagnie en grève d'être obligée de mettre à pied tous ses employés?

Le législateur, jusqu'à maintenant, n'a pas pensé que c'était bon et lorsqu'on nous accuse — la compagnie — de ne pas respecter les lois, j'aimerais savoir quelles sont les lois que nous n'avons pas respectées.

De plus, contrairement à l'impression que le syndicat semble vouloir créer dans son mémoire, la violence n'éclate pas en réaction à une prétendue provocation incitée par la compagnie, mais sert de moyen depression dès le début des négociations en septembre dernier.

A la mi-août 1974, tous les employés de production qui travaillent reçoivent une lettre de menaces dont copie est jointe.

Vous n'avez pas une copie de cette lettre, mais je vais la faire circuler, car cela dit tout simplement ceci et je la lis, car cela vous démontre le problème que nous avons actuellement avec 1,900 employés qui sont là: "Cher "scab": Nous te demandons de revenir avec nous dans la semaine à venir. Maintenant, nous savons que la compagnie paie tous les dommages, mais après la grève, qui va les payer"?

Deux semaines avant que l'enquête Dufresne ne remette son rapport, des rumeurs circulent selon lesquelles, une fois le rapport déposé et peu importe le contenu — peu importe le contenu — la violence se répétera.

La compagnie a connu ces rumeurs deux semaines avant le rapport Dufresne. Le lundi matin 30 septembre, toujours avant que l'enquêteur ne remette son rapport au ministre, ces rumeurs prennent une telle ampleur que la compagnie informe officiellement la police qu'elle s'attend que la violence éclate le lendemain et demande de la protection pour ses 4,500 employés.

En d'autres mots, c'était avant que le contenu du rapport Dufresne soit connu. Le rapport est rendu public le lundi soir 30 septembre à 6 heures. Le syndicat convoque une réunion pour six heures du matin. Depuis des mois, ses réunions sont toujours à neuf heures ou à huit heures. A 6 heures du matin, et à 6 h 15, soit quinze minutes plus tard, les membres et officiers du syndicat sont déjà assemblés en masse aux portes de l'usine no 1, quelques-uns armés de chaînes et d'autres d'objets offensifs. Peut-on prétendre qu'il s'agit vraiment de violence spontanée?

Le 1er octobre fut l'une des pires journées de violence depuis le commencement de la grève.

Le 1er octobre, des membres et des officiers du syndicat se massent aux portes de l'usine no 1. Ils renversent plus de dix voitures occupées par des employés de la compagnie et, à l'aide de torches, incendient plusieurs d'entre elles.

Alors que les foyers d'incendies se propagent de toutes parts autour d'eux, des employés coincés à l'intérieur de leurs voitures renversées, assistent, impuissants et terrorisés, à cette scène de guérilla.

Le lendemain, le piquetage reprend. 200 piqueteurs bloquent les entrées et projettent des pierres sur le terrain de la compagnie.

Depuis septembre 1973, la violence n'a pas uniquement sévi dans les environs immédiats de la propriété de la compagnie. Les résidences d'employés de la compagnie furent, à maintes reprises, attaquées. Les dommages divers aux résidences sont au nombre de 143.

Les employés de la compagnie, leurs épouses et leurs familles furent également victimes d'une campagne continuelle d'intimidation et de menaces, allant jusqu'à des menaces de mort.

La propriété de la compagnie fut lourdement endommagée. Entre autres, des établissements lui appartenant furent, à deux reprises, incendiés. Un des membres du local 510 purge actuellement une sentence de deux ans d'emprisonnement suite à sa participation à l'un de ces incendies criminels. De plus, des coups de feu endommagèrent les transformateurs électriques d'une usine de la compagnie.

Le Syndicat international des travailleurs unis de l'automobile et le local 510 sont sommés, par ordonnance de la cour Supérieure, de se présenter en cour le 9 octobre dernier pour se défendre contre une accusation d'outrage au tribunal. Une vingtaine d'employés de la compagnie sont présents, au palais de justice, afin de témoigner sur ces incidents. Alors que ces derniers sont réunis dans une chambre réservée aux témoins, une trentaine d'officiers et membres du local 510 arrivent sur les lieux et se massent à la porte d'entrée de la chambre des témoins. Le groupe lance des insultes aux témoins. M. André Choquette se dégage du groupe, s'avance vers trois témoins et les accable, tour à tour, de menaces et d'insultes. Les témoins ne bronchent pas. M. Choquette continue alors à proférer d'autres menaces à l'égard de différents témoins. Cet épisode se poursuit pendant environ vingt minutes. Informé de la situation, le procureur du syndicat éloigne le groupe. Lui n'était pas là. Cela a été porté à son attention, il a immédiatement éloigné le groupe, mais malheureusement, lui, devait cependant entrer de nouveau à l'intérieur d'une des salles d'audience.

Subséquemment, M. André Choquette, accompagné de quatre autres membres du local 510, s'introduit de nouveau dans la chambre des témoins. Les témoins sont encore une fois accablés d'insultes. D'autres grévistes se joignent à eux et le groupe commence à chanter à haute voix tout en marchant lentement à l'intérieur de la salle où était réunie la majorité des employés appelés à témoigner.

A l'annonce de la remise des auditions, fixées à une date ultérieure, le groupe quitte le palais de justice après que M. André Choquette eut lancé une dernière menace adressée à tous les témoins.

Cette scène se déroule pendant environ une heure.

Terrifiés, les témoins durent être escortés à leurs voitures respectives par des représentants de la compagnie. Et si vous pensez que l'on exagère, huit d'entre eux demandent à la compagnie de leur procurer une protection spéciale à leur résidence.

Il n'y a pas uniquement la compagnie qui souffre de ces actes de violence. Ce n'est pas seulement la compagnie et ses employés qui en souffrent, il y a également le syndicat international lui-même. Nous avons déjà déposé, devant la commission, une lettre en date du 31 octobre 1974, où le secrétaire-trésorier du syndicat s'en prend à "un groupe minoritaire mais bien organisé du syndicat local" et relate des actes continuels d'intimidation, de menaces, de harcèlement et même, d'assaut et, au moins, un cas de destruction de voiture. Selon le représentant du syndicat international, ces actes sont commis par le même groupe de membres du syndicat, local 510, à l'égard des représentants du syndicat international.

Ici, le représentant du syndicat arrive aux mêmes conclusions que la compagnie.

Ces actes violents dont se plaint la compagnie ont été dirigés contre 4,500 citoyens de la province de Québec qui, eux aussi, ont des droits et qui respectent les lois du Québec. De plus, cette violence organisée commence à faire une mauvaise réputation au syndicalisme québécois.

J'ai dit la dernière fois, M. le Président, en soumettant l'affidavit que j'avais ici, que je ne mettais pas le fardeau de cet affidavit ou de ces actes sur le syndicat. Je veux demander à M. Dean, au nom du syndicat international et au nom du syndicat local, s'il approuve ou s'il désapprouve ces actes violents d'un groupe restreint de militants. Car c'est ce groupe qui

nous cause effectivement un problème relativement au retour au travail. Qu'il nous dise s'il les approuve, alors à ce moment-là, il vivra avec les conséquences de cette décision. S'il les désapprouve, lui aussi devrait être intéressé à savoir comment s'est organisé ce groupe d'hommes violents. Ce n'est pas la grande majorité des employés, mais toujours, les actes sont dirigés par un groupe d'à peu près 15 employés.

J'ai une liste, par exemple, des arrestations d'un membre, il y en a onze actuellement. Onze fois, la même personne a été arrêtée. Il n'y a pas une cause qui est passée devant les tribunaux, jusqu'à maintenant; c'est toujours remis. Mais une personne a été arrêtée onze fois, est-ce là de la violence spontanée?

Nous avons une conclusion sur la violence. Il nous semble important de faire remarquer les incidences de la violence dans le domaine du travail dans le Québec.

C'est sur ce problème surtout, tel qu'il existe dans le domaine de la construction que se penche la commission Cliche. Il est à craindre que la méthode utilisée dans le champ de la construction se retrouve dans l'industrie. Il n'y a maintenant plus de doute que dans le domaine de la construction, quelques personnes tentent d'arriver à leurs fins par l'utilisation de "bras" dont la mission est de semer la terreur parmi les salariés et les employeurs. Cette stratégie sert non seulement à tenter d'assurer un monopole syndical mais souvent à amener l'employeur à céder face à des demandes, qu'elles soient légitimes, farfelues ou déraisonnables.

Les actes de violence relatés à la section qui précède ne sont pas des réactions spontanées mais sont bien organisées. Presque toujours, le même noyau de militants se retrouve sur les scènes de violence.

Je dis tout de suite que la compagnie dit que ce ne sont pas ses employés, en grande majorité, qui approuvent et qui veulent ça. La plupart ne participent pas. Mais il y a un groupe qui est organisé pour faire ça. Ce n'est pas spontané.

Ces gestes causent irrémédiablement un problème additionnel à la table de négociations lorsqu'un syndicat demande la protection des "bras" en exigeant qu'une clause spéciale soit incorporée au protocole de retour au travail, garantissant une immunité contre les actes de violence commis.

Dans le cas actuel, comme vous le savez, il y a une demande que je pourrais qualifier de nouvelle, car c'est arrivé il y a seulement trois semaines. Toute personne qui devra comparaf-tre devant les tribunaux à la suite de ces actes ou qui devra être emprisonnée par la suite, continuera à bénéficier de toute son ancienneté et privilèges à l'intérieur de la compagnie et revenir comme si de rien n'était. C'est une demande du syndicat.

Ces clauses sont la source de problèmes exceptionnels.

Elles impliquent que les auteurs de ces actes de violence retourneront travailler côte à côte avec leurs victimes comme si rien ne s'était passé.

Elles impliquent, par exemple, que l'employé sauvagement battu se retrouvera côte à côte au travail avec ses assaillants. Les situations de tension intolérable ainsi créées et leurs répercussions inévitables sur le niveau de production soulèvent un problème sur lequel nul ne peut fermer les yeux.

La violence ne règle pas les conflits de travail mais constitue, dans bien des cas, une pierre d'achoppement au règlement des conflits. Ceux qui prônent la violence devront y penser deux ou trois fois. Les protagonistes de la violence doivent se rendre compte qu'elle ne contribue en aucune façon à résoudre le conflit, mais qu'au contraire, elle devient souvent un obstacle à un règlement. L'effet d'une telle violence et l'immunité que les syndicats tentent d'obtenir en faveur de ceux qui y ont participé ajoutent une nouvelle dimension au conflit et créent des problèmes additionnels, étrangers aux points en litige.

Je souligne encore que, d'après moi, cette sorte de chose est illégale dans l'entente de retour au travail. C'est sûrement de l'extorsion que de dire: Vous allez oublier tous ces actes. Mais ils sont incorporés d'une façon régulière. C'est mon opinion personnelle; il y en a certainement qui pensent que cela est bien légal. Moi, je pense que c'est un problème sur lequel le législateur devra se pencher.

J'ai vu, juste après notre dernière séance, mon ami Brian Mulroney, qui siège à la commission Cliche, qui a rapporté, dans ces mots, le problème: "Le ménage à faire n'est pas exclusivement du côté de la FTQ et j'espère que ceux qui paient les gros salaires et les grosses dépenses de M. Chartrand vont s'en occuper. Ce n'est pas toujours en parlant bien fort qu'on défend bien les intérêts des travailleurs".

Dans ce contexte, l'utilisation de la violence peut engendrer des situations où le seul obstacle au règlement final d'un conflit sera le refus d'un employeur d'accepter d'accorder cette immunité réclamée pour protéger un groupe habituellement très restreint d'individus irrespectueux des lois et des moeurs ainsi que de la liberté d'action et d'expression de leurs compagnons de travail.

Là n'est pas l'unique conséquence de la violence. Comment, en effet, pourra-t-on prétendre que, dans une situation de tensions intolérables et de craintes engendrées par une campagne de violence, tous les employés en grève seront en mesure d'exprimer librement leur volonté et faire valoir leurs intérêts particuliers et leurs opinions véritables? La crainte de représailles sévères ne sera-t-elle pas alors souvent le seul motif qui les fera pencher en faveur des positions adoptées par le syndicat? Nous soumettons qu'il n'est pas nécessaire d'être fin psychologue pour répondre oui à cette question.

Ainsi risque-t-on non seulement de brimer l'individu en l'empêchant de s'exprimer librement, mais également l'utilisation de telles tactiques peut permettre à un syndicat de prolonger indûment une grève que les employés ne souhaitent pas ou ne souhaitent plus.

Je pense, MM. les membres de cette commission, qu'il est très important qu'on établisse des règles. Mais une fois que ces règles seront là, qu'elles soient appliquées et qu'on mette un terme à cette violence qui n'est pas spontanée.

L'offre de la compagnie.

Depuis un certain temps, on fait grand état des points demeurant en litige dans le présent conflit. A chaque fois qu'on se réfère à l'offre de la compagnie, on ne mentionne que la partie de son offre qui a trait aux points en litige.

Il serait cependant illusoire de prétendre apprécier adéquatement l'offre de la compagnie en se limitant uniquement à l'étude de sa position sur les points en litige. C'est pourquoi nous croyons qu'il est nécessaire de résumer brièvement les améliorations qui ont été apportées par la compagnie aux conditions de travail qui existaient antérieurement à la présente négociation. L'énumération de ces bénéfices améliorés laisse voir que, contrairement à ce qu'on a voulu faire croire, la compagnie a tenté l'impossible pour concéder à ses employés des conditions de travail avantageuses.

Les faits saillants de l'offre sont brièvement exposés ci-après:

Vacances:

Les dispositions révisées du contrat prévoient que les employés pourront profiter de vacances à chaque année de : 4semaines après 1 an. 5semaines après 9 ans. 6semaines après 19 ans.

Ceci est fait d'une façon très originale, que vous ne trouverez nulle part ailleurs, nulle part, certainement — dans les conventions de la United Aircraft aux Etats-Unis, — de la façon suivante:

II y aura un long congé entre le 24 décembre et le 2 janvier. La période s'échelonnant du 24 décembre au 2 janvier inclusivement serait une période de vacances payées par la compagnie. Effectivement, on se sert de quelques congés durant cette période. Cela donne, par exemple, cette année, huit jours, à ce moment, et on calcule cela comme un jour de vacances plus trois jours de congé. De plus, une option additionnelle, que vous ne trouverez nulle part, même pas dans toutes les conventions collectives de la United Aircraft, — car ce n'est pas vrai que les choses sont dictées d'ailleurs, — permettrait aux employés qui ont droit à des congés de maladie — dans l'industrie, c'est une clause très rare — de cinq par année, après un an, de choisir chaque année, de se servir de ces cinq jours, soit comme vacances, une semaine de vacances, soit de prendre des congés de maladie à court terme, soit de recevoir, si cela fait son affaire, à la fin de l'année, l'équivalent en argent comptant.

C'est une option laissée à chaque employé. Vous ne trouverez cela nulle part ailleurs. Qu'on ne nous parle pas de "pattern contract". Ce choix individuel s'exerce individuellement, chaque année.

Régime de retraite amélioré et autonome. La compagnie comblera la différence entre les rentes supplémentaires créditées à chacun des participants et celles qui auraient été créditées depuis 1966.

Le syndicat n'aimait pas le régime actuel du plan de retraite. II ne voulait pas que cela soit mis avec les autres employés. Il voulait un plan différent. C'est quelque chose qui n'existe nulle part ailleurs dans la United Aircraft. United Aircraft of Canada Ltd a pris ses propres décisions et a dit oui.

Le régime actuel, incluant les ajustements mentionnés ci-dessus, ainsi que des garanties seront gelés à partir du 31 décembre 1973.

Un régime et un fonds seront établis pour les employés de l'unité de négociation, à partir du 1er janvier 1974, prévoyant:

Des contributions moins élevées par l'employé; une pension de base améliorée, un plan de retraite du type TUA; de nouvelles prestations minimales, $9 par mois, au minimum, pour chaque année de service contributoire, passée et future; des prestations transitoires accrues; de nouveaux bénéfices d'incapacité; des droits acquis sur les contributions de la compagnie, après dix ans de service; des bénéfices au cas de décès; des intérêts accrus.

J'ai fait préparer — et je demanderais que ce soit distribué par les conseillers qui ont aidé à les planifier — un résumé du plan de retraite et du plan d'assurance-groupe qui coûtent assez cher.

Prestations d'assurance accrues. Des améliorations substantielles défrayées par la compagnie sont apportées à la protection des employés et de leurs dépendants, incluant:

Une nouvelle protection maximale de $18,300 sur la vie; des prestations additionnelles maximales de $9,150, en cas de mort accidentelle et la perte de membres c'était auparavant de $6,750 une protection améliorée de $500 pour les enfants c'était de $100; l'indemnité hebdomadaire en cas d'invalidité est portée à 75 p.c. du salaire hebdomadaire, non pas à 66 2/3 qu'on retrouve normalement pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage, mais à 75 p.c. du salaire hebdomadaire de base, qui était de 60 p.c. avant, pendant une période de 52 semaines, les montants hebdomadaires maximaux payables étant de $179 par semaine; l'ancien maximum était de $105 par semaine; les prestations des survivants sont augmentées à $110 par mois; les frais médicaux majeurs, en deça de la franchise de $25, sont remboursables à 90 p.c. au lieu de 80 p.c.

Evaluation des tâches: a) La compagnie a offert d'entraîner, à ses frais et sur son temps, trois délégués d'usine — on laissera le choix au syndicat de les choisir — au fonctionnement du

plan actuel d'évaluation des tâches, pour qu'il voie qu'on se sert d'un système; b) La compagnie a convenu d'effectuer, après rectification du contrat, une nouvelle analyse des tâches de l'atelier de révision et de soumettre ladite analyse au syndicat qui aurait alors le droit de la contester par la procédure de griefs, incluant l'arbitrage obligatoire; c) La compagnie a convenu que le syndicat pourrait choisir, à son entière discrétion, ou que ce soit dans la compagnie, jusqu'à douze autres tâches existantes qu'elle désirerait faire soumettre à une nouvelle analyse et qu'il pourrait, par la suite, soumettre à la procédure de griefs, y compris l'arbitrage obligatoire.

Procédures de griefs. Les améliorations suivantes ont été effectuées à ce chapitre: délais prolongés pour loger un grief à la première étape; arbitrage accéléré des griefs relatifs aux mises à pied et aux rappels; procédure simplifiée, pour les délégués d'atelier, pour la soumission des griefs à la première étape; temps additionnel payé aux délégués d'atelier lors de la discussion des griefs à la deuxième étape, maintenant quatre heures au lieu de trois heures.

Paiement forfaitaire. Un règlement forfaitaire de $250 sera payé à chaque employé qui était à l'emploi de la compagnie avant le 22 septembre 1973 et qui est encore à l'emploi de la compagnie au moment de la ratification du contrat.

Un paiement, au prorata du règlement forfaitaire ci-haut, serait fait aux employés embauchés après le 21 septembre 1973 et qui sont encore à l'emploi de la compagnie au moment de la ratification du contrat.

Je devrais dire que, dans l'étude que l'enquêteur Pierre N. Dufresne a faite, il a oublié de calculer le coût de cela, qui représente en somme un peu plus que la rétroactivité de l'offre du mois de septembre. Donc, ces chiffres ne tiennent pas compte de ce bénéfice.

Délégués spéciaux de sécurité et d'hygiène. La compagnie accepte que des délégués spéciaux soient nommés à cette fin, lesquels pourront loger directement aux réunions du comité de direction, des griefs sur la santé et la sécurité.

Améliorations au temps supplémentaire. Le contrat a été révisé de façon que le temps supplémentaire soit effectué sur la base la plus volontaire possible. La proposition patronale est reproduite en entier aux pages 15 et 16 du rapport Dufresne déjà produit. Les améliorations à ce chapitre sont principalement les suivantes: 1— Lorsque du temps supplémentaire est requis pour répondre aux exigences de la production et qu'il se trouve un nombre insuffisant d'employés qualifiés et effectuant régulièrement le travail en question, désireux de travailler durant lesdites heures supplémentaires, l'ouvrage pourra être assigné à l'employé qualifié ayant acquis le moins d'ancienneté. 2—Cependant, encore là, toutes les urgences de nature personnelle seront vraiment considérées. 3—Toute administration injuste sera sujette à l'arbitrage. 4— Un préavis de 24 heures est requis pour le surtemps sur semaine. 5—Un préavis doit être donné le jeudi précédent dans le cas de surtemps de fin de semaine. 6—Aucune équipe de 12 heures. 7—Tout surtemps en plus de deux heures sera totalement volontaire pour l'employé qui a travaillé huit heures avec son équipe.

C'était pour faire face... On disait qu'il y avait des équipes de douze heures. Effectivement, il y avait des équipes de douze heures. On dit: D'accord, on va abandonner ce droit d'avoir des équipes de douze heures. On nous avait suggéré qu'ils préféraient des équipes de douze heures, au lieu d'engager d'autres personnes et avoir une rotation d'équipe. On a dit: Non, on préfère le faire en supplémentaire sur les équipes de douze heures. Maintenant, on a dit: On ne veut plus d'équipes de douze heures. On a dit: D'accord, on va les éliminer, après deux heures, c'est volontaire.

Heures de travail. Les améliorations apportées à ce chapitre sont les suivantes: a)aucune cédule de sept jours continus. La compagnie a accepté de biffer du contrat l'article de l'ancien contrat qui lui permettait de payer, au taux de temps et demi, le sixième jour consécutif de travail seulement et, au taux de temps double, le septième jour de travail seulement, plutôt que de payer directement, au taux de temps et demi, le samedi comme tel et, au taux de temps double, le dimanche comme tel. b) de plus, la compagnie a convenu que les horaires seront affichés dans chaque service et que: 1) copie de ces horaires seront remises au syndicat; 2) aucun changement de plus ou de moins d'une heure ne sera effectué sans préavis et discussions avec le syndicat au moins une semaine à l'avance; 3) il y a droit d'arbitrage pour tout changement que le syndicat conteste.

La proposition patronale est reproduite en entier aux pages 13 et 14 du rapport Dufresne et commentée aux pages 18 et 20.

Sécurité syndicale. La compagnie accepte le principe de la liberté de tout individu de décider librement s'il veut ou ne veut pas appuyer financièrement le syndicat.

A cet égard, la compagnie accepte qu'une formule de cotisation volontairement signée devienne irrévocable pendant la durée de la convention collective.

Dans son rapport, à la page 19, et sur lequel il base ses commentaires, M. Dufresne fait un relevé des clauses du Centre de relations industrielles de l'université McGill. Il faut se souvenir que le relevé est limité à l'information contenue aux conventions collectives — là, on a oublié quelques mots — à la disposition du centre. Ce n'est pas un relevé complet; ce sont seulement

les conventions qui sont envoyées au centre. Elles ne sont pas toutes enregistrées par l'ordinateur, loin de là. Ce sont seulement celles qui sont à la disposition du centre. C'est sur cela que M. Dufresne se base pour dire que 15 p.c. seulement contiennent de telles clauses.

Cependant, tous les ans, il y a un autre relevé qui est fait sur les salaires et conditions de travail dans la région de Montréal. Je demanderais que copie de ce relevé soit distribuée à tous les membres de cette commission. A la page 2 de cette enquête vous trouvez les clauses de sécurité syndicale. Là, vous trouvez les titres suivants: retenue volontaire révocable; retenue volontaire irrévocable; retenue volontaire irrévocable avec clause de désistement; retenue volontaire irrévocable, maintien de la participation. Jusque-là, elles respectent toute la formule. Il n'y a pas d'obligation, pour qui que ce soit, de payer. Seulement, celles qui suivent sont celles où il y a une obligation pour l'individu. Si vous faites le calcul en pourcentage, vous trouverez que 36 p.c. des conventions collectives ne contiennent pas de clauses d'adhésion ou de paiement obligatoire. En d'autres mots, d'après ce rapport, dans la région de Montréal, il y en a 36 p.c. qui n'ont pas une telle clause.

Augmentation de salaires; indexation des salaires. L'offre de salaire telle que soumise par la compagnie représente quand même une augmentation de 43 p.c, pendant la durée de la convention collective. L'augmentation de 43 p.c, nous le soumettons, n'est pas tellement déraisonnable.

En plus des augmentations directes de salaires concédées, lesquelles augmentations directes comportent déjà une prévision pour les augmentations du coût de la vie, la compagnie offre une indexation semi-annuelle plafonnée à $0.08, non intégrée au taux de salaire de base pour fins de calcul des augmentations de salaires successives.

L'offre salariale est expliquée en détail dans le rapport Dufresne déjà produit. Cependant, par inadvertance, l'enquêteur n'a pas inclus dans ses calculs l'offre de $250, somme forfaitaire, et qui modifie légèrement ses calculs.

Maintenant sur cela, je devrai ajouter quelque chose. L'offre, comme j'ai dit, est de 43 p.c, dans cette période d'augmentation de salaires, elle est de 43 p.c. J'ai entendu quelqu'un l'autre jour me dire: Oui, mais est-ce que vous plaidez l'incapacité de payer? Si j'étais ici pour plaider l'incapacité de payer, je ne serais pas ici avec une offre de 43 p.c. Ce qu'on essaie de dire, c'est que l'offre que la compagnie a faite de 43 p.c. d'augmentation est raisonnable, vu exactement le monde concurrentiel dans lequel on est et les pertes qu'on a subies. Nous pensons que l'offre est raisonnable en soi. D'ailleurs, c'est un peu la conclusion de M. Dufresne.

A cet égard je souligne que les 2,700 employés de cadre, de gérance, incluant le président de la compagnie, tous les vice-présidents et les officiers, pendant la durée de cette convention collective qui expirait, ont tous accepté une baisse, dans une année, de leur salaire de 6.7 p.c, je pense. C'est aux environs de 6 p.c, mais tout le monde, parmi les cadres, les 2,700, ont accepté une diminution de leur salaire de 6 p.c. dans une année à cause du fait que l'impact du salaire était trop élevé par rapport aux ventes sur le marché. Heureusement, cela a repris par la suite, mais s'ils ont accepté cela, ils ne l'ont pas fait par plaisir.

Conclusions. Il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il y a trois groupes intéressés dans le présent conflit : la compagnie, le syndicat et les employés. Cette commission a entendu la compagnie, elle a entendu le syndicat, mais a-t-elle entendu les employés?

Le syndicat a fait des demandes à l'Assemblée nationale. Il réclame l'intervention de l'Assemblée nationale tout en oubliant qu'au mois d'avril il a repoussé cette solution suggérée par le ministre du Travail. Les négociateurs syndicaux préféraient, à ce moment, une épreuve de force et, avec une certaine arrogance, affirmèrent que "personne ne souffrirait outre mesure de la grève, même si elle devait durer 22 ans."

L'abbé Dion a déjà écrit ce qui suit dans une étude sur la démocratie syndicale: "Sans chercher à poser une présomption de malhonnêteté chez les syndicats, il serait peut-être ainsi bon de mettre de côté la présomption de vertu et de s'arrêter pour découvrir un ensemble de règles qui protégeraient les droits individuels des travailleurs tout en se gardant de détruire les syndicats et de les paralyser dans leur action."

C'est dans cet esprit que la compagnie demande à l'assemblée de prendre les mesures nécessaires afin qu'une enquête soit menée sur la question du vote, de prendre les mesures nécessaires afin qu'une enquête soit tenue sur l'organisation de la violence et de s'assurer que les offres destinées aux employés leur seront soumises.

M. le Président, avec cette dernière suggestion, la compagnie m'a mandaté pour lire la suivante: La compagnie est prête à s'asseoir avec le syndicat, tout de suite, pour expliquer son offre dans tous les détails... A l'intérieur de ses termes, de lui aménager, si cela semble plaire au syndicat, de la façon que le syndicat le veut... Le montant est là. Si le syndicat préfère qu'une somme d'argent soit mise ici au lieu de là, elle est prête à envisager tout cela. La compagnie est prête à le faire tout de suite, à la condition que le résultat de ces discussions soit soumis au vote secret, surveillé, de tous les employés qui sont intéressés dans cette offre, tous les employés de l'unité de production. La compagnie est prête à s'asseoir pour discuter de cette offre, je dis bien dans les termes de cette offre. Par exemple, M. Dean semble être choqué parce qu'il y avait quinze personnes qui étaient impliquées par nos rappels conditionnels. On ne

dit pas qu'on les congédie. On dit qu'on ne pense pas, à cause de leurs activités pendant la grève, qu'elles devront être rappelées au travail. On veut qu'un arbitre se prononce là-dessus, car c'est vraiment le noyau de militants. Il se peut très bien que la compagnie ait fait une erreur. Si oui, elle est prête à regarder cela d'abord avec le syndicat.

Le syndicat international semble avoir les mêmes problèmes aves ses gens. On est prêt à examiner les données, les pourquoi de notre affaire, qu'il nous éclaircisse là-dessus. Si nous avons fait une erreur, nous sommes prêts à la modifier. Nous sommes prêts à soumettre cela par la suite à un arbitrage pour qu'un arbitre nous dise si, oui ou non, ces personnes qui ont mené la violence devront être rappelées au travail. Nous ne voulons pas nous arroger des décisions, il faut comprendre, car c'est la responsabilité de la gérance, mais on est prêt à discuter et, si on a fait une erreur... Cela se pourrait très bien. La compagnie est obligée de juger d'après les informations quelle a. Il se peut très bien que, dans ces discussions, ils puissent nous montrer qu'il y a des raisons pour lesquelles on a fait une erreur pour quelques-unes de ces quinze personnes. Nous sommes prêts à examiner la question. Sinon, si nous ne venons pas à une entente comme celle-là, on va soumettre le litige à un arbitre et qu'il décide. Nous sommes prêts à examiner de cette façon toute la question de retour au travail. En effet, la compagnie me dit: Voici l'offre. On nous a demandé, en juillet, de faire le plus qu'on pouvait. On l'a calculé, on l'a fait. Maintenant, cela représente un coût, mais si le syndicat préfère le voir réaménagé d'une façon ou d'une autre, nous sommes prêts à le faire. Nous ne voulons pas imposer ce qu'on... Nous sommes prêts à le discuter, nous sommes prêts à avoir des réaménagements et nous sommes prêts à le faire tout de suite, mais nous n'allons pas le faire si cela ne doit pas être soumis aux employés. Car nos offres, nous les faisons par l'intermédiaire du syndicat, mais c'est destiné quand même aux employés. C'est une suggestion que je fais très sérieusement dans cette salle. Nous sommes prêts à discuter pour que l'offre soit claire. Le syndicat nous dit: Nous n'avons jamais reçu l'offre de façon claire. Nous sommes prêts à nous asseoir, que cela prenne une semaine, que cela prenne un jour, que cela prenne deux semaines, on s'en fiche. On sera là pour expliquer en détail, pour réaménager les offres, toujours à l'intérieur du cadre. Nous sommes prêts à faire cela si ces offres parviennent aux personnes à qui elles sont destinées, les employés de la United Aircraft.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci bien, M. Heenan. Il avait été entendu que le syndicat des employés de la United Aircraft pourrait donner la réplique après la présentation de la compagnie. Cependant, étant donné l'heure avancée, nous remettrons à la prochaine réunion cette présentation par le syndicat. Pour répondre à une question qui a été posée au début de la séance par le député de Johnson, je dois informer les membres de la commission que le Leader du gouvernement m'informe que, cet après-midi, l'Assemblée nationale entreprendra la deuxième lecture du projet de loi 50, concernant les libertés et les droits des personnes, mais le leader croit aussi qu'il sera possible à la commission de siéger cet après-midi après la période des questions. A moins qu'il y ait des changements, la commission se réunira donc cet après-midi après la période des questions, soit vers 4 heures et, d'ici là, la commission parlementaire suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 16 h 13

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La commission reprend ses travaux et, tel qu'il avait été entendu au moment de la suspension pour le lunch, la parole est maintenant au représentant du syndicat.

Partie syndicale (suite)

M. DEAN (Robert): M. le Président, MM. les membres de la commission, je crois que nous n'avons pas l'intention de répondre à tous les commentaires de la compagnie, suite à la présentation de notre mémoire initial, à cause de l'urgence de la situation. Nous allons faire, je l'avoue, un bon nombre de commentaires, mais nous avons l'intention de laisser, à vous les membres de la commission, le soin de poser les questions que vous voudrez sur les points que nous n'aurons pas touchés dans nos remarques.

Avec votre permission, la réplique du syndicat sera faite en faisant appel à trois collaborateurs spécialisés, au moment approprié, pour compléter l'exposé du syndicat.

Je dois relever des commentaires faits par la compagnie lors de la première journée de séance, et certaines additions à ces remarques contenues dans le document de ce matin.

Premièrement, la compagnie semble, dans sa sagesse infinie, avoir décidé que la grève est déjà finie. Même la presse a rapporté à la une, il y a quelques semaines; en grande manchette, la déclaration de M. Morse, de Hartford, à l'effet que la grève était finie.

Je vous prie de me croire, messieurs, que la grève est loin d'être finie. Il y a 1,100 syndiqués grévistes qui croient encore en leur cause et qui sont déterminés à aller au bout. Il y a aussi quelques centaines de travailleurs syndiqués, qui ont obtenu des emplois ailleurs, mais qui n'ont pas démissionné de la compagnie et qui attendent les résultats de cette grève pour décider si, oui ou non, ils retourneront à la United Aircraft.

Permettez-moi de souligner que les grévistes sont en grande partie des travailleurs spécialisés et même ultraspécialisés. Ce sont des travailleurs, pour la plupart, de très longue ancienneté. Ce n'est pas une grève de jeunes têtes folles, c'est une grève de jeunes, de gars de cinq, dix, quinze, vingt, vingt-cinq et trente ans d'ancienneté.

Ceux qui demeurent en grève sont des employés des plus spécialisés dans une usine, qui travaillent avec une exactitude presque sans pareille en Amérique du Nord. C'est un travail très spécialisé, très exigeant. Quant on pense simplement que ce sont des moteurs qui propulsent des avions, je pense que nous sommes tous d'accord qu'il en soit ainsi. De la "butch", cela peut avoir des résultats pour tous ceux qui voyagent en avion de temps en temps.

Les chiffres de la compagnie, c'est une très vieille tactique que la compagnie joue, le jeu des chiffres, pour intimider et décourager les travailleurs en grève en disant: II y a tant de monde au travail, il y a tant de monde au travail, il y a tant de monde au travail.

Il est sûr qu'il y a des grévistes qui ont lâché et qui sont retournés au travail. La compagnie a avoué avoir engagé 600 nouveaux employés. Permettez-moi de vous dire que les exigences de spécialisation sont telles, dans cette usine, que ce n'est pas en engageant les plus compétents des jeunes diplômés d'écoles de technologie qu'on fait des producteurs de moteurs du jour au lendemain. C'est un processus assez long.

Les plus grandes capacités, les plus grandes spécialisations, ce sont ces gars qui continuent la grève qui les détiennent et qui sont déterminés à la poursuivre jusqu'à une conclusion honorable qui leur donne une convention collective qu'ils sont prêts à accepter et qui satisfait leurs exigences en matière d'indexation de salaires, de conditions de travail, de sécurité syndicale et, surtout, de dignité humaine.

La compagnie a beaucoup fait état de la soi-disant production qui se fait ailleurs, mais nous avons les témoignages des syndiqués américains de la compagnie et, dans le groupe dont la compagnie se vante, de cadres, d'employés de bureaux qui sont restés au travail depuis le début de la grève, assez souvent sous menace de congédiement s'ils ne se conformaient pas...

Nous avons aussi des informations de l'intérieur de cette usine et d'autres usines. Ce n'est tout simplement pas vrai que la production de cette compagnie se fait comme si rien n'était. A DeHavilland, à Toronto, on parle d'une usine de planeurs, des avions complétés sans moteur qui s'empilent. A Beech Aircraft, on parle de millions de dollars de contrats perdus, parce qu'il n'y a pas de moteur. Pour les autres compagnies clientes de cette compagnie, la United Aircraft, les constructeurs d'avions qui se servent des moteurs produits à Longueuil, c'est la même histoire.

Il y a des carlingues, il y a des avions, des hélicoptères de fabriqués, mais qui attendent des moteurs. Nous savons aussi que les allées des usines de la compagnie à Longueuil sont remplies de "scrap". Cela ne fait pas de bons moteurs d'avion, de la "scrap". La compagnie parle du "pattern" des Travailleurs unis de l'automobile. Nous, nous avons basé nos arguments depuis le début des négociations, tel que souligné l'autre jour, sur les conventions déjà négociées par notre syndicat avec Douglas, DeHavilland et Spar Aerospace à Toronto.

La compagnie a prétendu l'autre jour que ces compagnies qui respectaient ce qu'on a convenu d'appeler le "pattern" des TUA sont très mal prises à cause de ce fait. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. A Douglas Canada, c'est vrai, il y avait une grève en 1971, je crois. Il est vrai aussi que la main-d'oeuvre a baissé de 4,600 à quelque 3,600. Là, cela comprend usines et bureaux. Incidemment, usines et

bureaux, à Douglas, sont syndiqués. Mais ce qu'on ne vous a pas dit, c'est que tous ceux qui lisent les journaux depuis quelque temps constatent que les lignes aériennes mondiales subissent actuellement des problèmes financiers suite censément à une trop grande hâte de s'équiper de super-avions, de "jumbo jets" et, en face d'une certaine pénurie de passagers, on a ralenti les commandes pour ces avions. La Douglas a été victime de cela. Ce n'est pas le "pattern" des Travailleurs unis de l'automobile qui a fait les mises à pied à Douglas. C'est une baisse des commandes qui reflète une situation qui affecte d'autres constructeurs d'avions, et aussi le fait que deux DC-10 de Douglas se sont écrasés tuant au-delà de 600 personnes et que les deux écrasements étaient dus à un défaut de structure de l'avion en ce qui regarde la soute aux bagages — le mot m'échappe un peu — un défaut de construction, de toute façon.

Cela ne rassure pas son acheteur et cela ne rassure sûrement pas le voyageur potentiel. S'il y a une baisse de volume et une baisse d'emplois à Douglas Canada, cela se reflète à Douglas des Etats-Unis pour les raisons suivantes: a) des écrasements de DC-10, et b) une baisse de commandes de la part des lignes aériennes du monde.

A DeHavilland, on a dit qu'on a fait une grève en 1972, c'est vrai, et on a dit que DeHavilland est très mal prise par suite du fait qu'elle a concédé ou consenti à donner ce qu'on appelle le "pattern" des TUA.

Au moment de la grève en 1972, il y avait 850 employés à l'usine de DeHavilland à Toronto. Aujourd'hui, il y en a 1,600 et la compagnie souhaiterait embaucher d'autres employés, parce qu'elle a des commandes par-dessus la tête. Mais la raison pour laquelle elle n'embauche pas — même si la main-d'oeuvre a presque doublé et on voudrait embaucher davantage — c'est qu'il manque de moteurs pour les avions, et ces moteurs viennent de Longueuil, de United Aircraft Canada Limited.

Si le gouvernement canadien a décidé de faire l'acquisition de cette entreprise — c'était dans les journaux, c'était une déclaration de M. Trudeau ou d'un de ses ministres les plus éminents — c'était parce que DeHavilland est une entreprise dont la maison mère est en Angleterre et le gouvernement canadien a jugé que les propriétaires de cette entreprise ne prenaient pas leurs décisions en fonction du bien-être de la population canadienne. Si le gouvernement fédéral — selon ses déclarations qui sont publiques, qui ont été publiées dans les journaux — songe à se porter acquéreur de Canadair également, c'est pour la même raison que General Dynamic, propriétaire de Canadair; selon le gouvernement fédéral, selon ce qu'on a tous lu dans les journaux, ils ne prennent pas leurs décisions pour le bien-être de la population canadienne. Il semble que le gouvernement fédéral aurait décidé de se porter acquéreur de ces entreprises pour peut-être les remettre dans les mains d'une autre entreprise privée, mais une entreprise privée qui tiendrait compte d'une politique canadienne de l'aéronautique ou de l'aérospatial.

A Spar Aerospace, le troisième de nos exemples, on a parlé du "pattern" des TUA.

Malgré le "pattern", Spar Aerospace a connu des ventes et des profits dans les dernières années supérieurs à ceux qu'elle a connus dans son histoire et n'a jamais eu de grève jusqu'à tout récemment. Je vais vous en parler tout à l'heure.

La compagnie a souligné dans ses remarques que le syndicat ici ne parlait pas de Canadair. On n'a pas parlé de Canadair parce que c'est un autre syndicat qui représente ces travailleurs et on n'accepte pas la responsabilité pour les négociations ou la convention collective de cette entreprise.

On avoue que certains éléments de la convention à Canadair peuvent être supérieurs aux nôtres, et d'autres, inférieurs. Il suffit de dire que le taux moyen à Canadair ressemble beaucoup au taux moyen de la United Aircraft, mais aussi — vous me permettez de m'exprimer comme je le veux — Canadair, depuis un certain temps, est sur le derrière. La main-d'oeuvre a baissé de façon substantielle et ce, malgré le fait que Canadair paie le moins et n'a pas le "pattern" des TUA.

Les avancés de la compagnie sont absolument sans fondement dans ce domaine. Je peux dire que malgré la situation de l'emploi à Canadair — quant à nous, on souhaite qu'elle s'améliore très bientôt — la convention de Canadair, entre autres, prévoit la sécurité syndicale, les horaires fixes et une prime de productivité un peu unique, mais elle prévoit des augmentations de salaire pour les travailleurs au-delà des taux de salaire prévus à la convention collective.

En faisant les recherches qui m'ont amené à faire les déclarations que je viens de faire, j'ai découvert quelque chose de très intéressant. En 1967, lors de la première grève de United Aircraft à Longueuil, grève qui s'est soldée par un désastre pour les travailleurs, après sept semaines, il y avait comme vice-président des opérations de United Aircraft à cette époque un M. Dick Richmond. Directeur des opérations à United Aircraft de Longueuil est un poste très important. Le directeur des opérations est un vice-président et il est pas mal fort dans le déroulement de l'entreprise.

Après la grève de 1967, M. Dick Richmond s'est trouvé en 1969 président de Douglas Canada et à Douglas Canada, où on a toujours connu auparavant des bonnes relations patronales-syndicales. Suite à l'arrivée de M. Dick Richmond, la situation s'est gâtée très rapidement et une grève très amère en est résultée en 1971. Cela continue avec de nouvelles politiques de relations syndicales et la pagaille est prise dans l'usine. Cela a abouti, tout récem-

ment, par le congédiement, pendant la convention, du comité syndical au complet — soit dit en passant, le premier congédiement a été gagné à l'arbitrage et les quatre autres sont en train de se plaider.

Mais M. Dick Richmond a présidé à ce pourrissement des relations à Douglas Canada et à cette grève. Au début de 1974, M. Dick Richmond est devenu président de Spar Aerospace du Canada et, dans les négociations actuelles, on voit depuis quelques jours la première grève dans l'histoire de cette compagnie et on constate aussi les mêmes caméras de télévision à la porte de l'usine, le même appareil d'intimidation qu'on a constaté à United Aircraft en 1967 et en 1974. M. Richmond a été très bien formé par United Aircraft. Il a ensuite fait le tour de l'industrie aerospaciale canadienne et a mis en pratique les principes qu'il a appris pour faire en sorte que les relations, dans toutes les usines, se gâtent.

Maintenant, au même chapitre de ses remarques, la compagnie a parlé de sa saine administration et que d'accorder le "pattern" des TUA impliquait des mises à pied, des mauvaises relations. Mais en 1970, la United Aircraft n'a pas eu de grève. On a signé une convention collective honteuse, mais les travailleurs ont choisi ainsi, ont voté pour ce contrat et, malgré cela, la compagnie United Aircraft a mis à pied au-delà de 1,000 employés de l'usine, après avoir eu une subvention du gouvernement du Québec de $5 millions sensément pour créer des emplois. Quand on parle de baisse de salaire des employés de bureau de United Aircraft en 1970 ou à peu près à cette époque, c'est sûr qu'il y en avait une.

Les travailleurs de bureau n'avaient pas de syndicat pour les protéger, la compagnie a tout bonnement affiché une baisse de salaire, les gars n'y ont pas consenti. Il n'y avait pas de choix, n'étant pas syndiqués. S'ils ont une baisse de salaire, les syndiqués ont subi mille mises à pied à cause du manque de commandes.

Maintenant, la compagnie a parlé des grèves des Travailleurs unis de l'automobile. On a parlé d'un pourcentage de 34.5 p.c. des conventions des TUA au Canada qui se soldent par une grève. Moi aussi, j'ai vu l'article dans la Presse et je trouve que la manchette à la page financière était très à point; ça disait: "Les TUA ne craignent pas les grèves". Cela peut paraître un pourcentage effrayant, mais on constate que c'est à peu près 1/3 des conventions collectives. La plupart de nos conventions sont d'une durée de trois ans. Si on fait un genre d'extrapolation des chiffres, comme on dit les soirs d'élection, ça fait une grève par neuf ans par entreprise. Ce n'est pas sorcier, surtout quand on sait que la grève n'est pas décidée par la centrale syndicale, par Détroit ou Toronto. C'est décidé par les travailleurs impliqués qui travaillent pour telle ou telle compagnie et par une procédure très démocratique que je vais vous détailler davantage.

Le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile est reconnu dans toute l'Amérique du Nord comme un syndicat démocratique militant, progressiste. Quant à sa démocratie, soit dit en passant, vous avez déjà un document qui vous donne quelques petits résumés, en trois dimensions et en couleur, de notre syndicat. Mais une des choses uniques de notre syndicat, entre bien d'autres choses, c'est l'existence de ce qu'on appelle la Commission publique de révision, The Public Review Board. C'est un groupe de sept personnes choisies à l'extérieur de notre syndicat, qui forment, à toutes fins pratiques, la cour suprême de notre syndicat. Tout membre, toute section locale qui aurait des accusations, qui se sentirait lésée en vertu de la constitution de notre syndicat ou en vertu d'une décision de qui que ce soit dans notre syndicat a, comme dernier recours, la commission publique de révision.

Cette commission publique de révision, formée d'avocats, de juges, de professeurs d'université, d'évêques catholiques et de rabbins juifs, a le pouvoir, après avoir entendu les causes comme une cour de dernier appel, de dire, même aux officiers supérieurs de notre syndicat international: Vous avez mal agi, vous allez faire telle chose, telle chose, telle chose. C'est la cour suprême de notre syndicat et je pense qu'il n'y a pas beaucoup de syndicats qui ont ça. Quand on parle de démocratie, on commence par ça.

Cette démocratie s'exprime surtout — et je touche le vif du sujet — on fait grand état de notre processus de prise de vote dans le conflit actuel. Alors, on remonte au mois de décembre. Notre syndicat, de par ses statuts, prévoit d'abord un vote de grève, lors d'une assemblée ou lors d'un vote secret qui selon le règlement de régie interne de chaque section locale, prévoit un préavis d'au moins sept jours de l'assemblée ou du vote. Le premier vote est le vote traditionnel, si vous voulez, pour autoriser le comité de négociation à déclencher la grève au moment opportun. Ce vote est secret et exige une majorité de deux tiers des membres votants.

Les statuts exigent, après ce vote, que le syndicat fasse avec ce mandat en main, une autre tentative pour négocier un règlement. Avant que la grève soit effectivement déclenchée, la dernière offre patronale est soumise à une deuxième assemblée générale des membres; ce n'est plus alors deux tiers requis, mais 50 p.c. plus un. On vote sur la dernière offre patronale, c'est-à-dire premier vote: autorisation, mandat de grève au comité, deux tiers de majorité, scrutin secret, mais pas de grève avant la soumission aux membres de la dernière offre patronale, encore par vote secret. Là, si les membres décident à 50 p.c. plus un d'accepter l'offre patronale, il n'y a pas de grève.

L'assemblée que la compagnie a mentionnée ce matin, l'assemblée du 11 novembre, je crois, était la première assemblée de ce processus.

Au tout début, j'ai oublié de vous prier de corriger, dans notre premier mémoire, une erreur de pourcentage. Cela a été fait en vitesse, on a transposé des pourcentages. A la page 6 de notre premier mémoire, on dit, après le titre: Un mandat clair. Cinquième ligne: "Le comité de négociation du syndicat fut appuyé par un vote de grève". C'était à 92 p.c. des membres qui ont voté.

A la fin du même paragraphe, on dit: "L'offre patronale fut soumise à une assemblée générale des membres qui l'ont rejetée à 85 p.c."

A la page 7, dernier paragraphe, troisième ligne, on parle du vote du 22 février, et cela, c'était 80.5 p.c. de rejets, par l'assemblée des membres.

Maintenant, la compagnie, soit par erreur...

La compagnie soit par erreur — disons que je n'ai pas vu de représentant de la partie patronale à aucune de ces assemblées — affirme qu'à l'assemblée du 8 décembre, qui était l'assemblée où l'offre patronale fut soumise aux membres, on a soumis seulement un document, à savoir pourquoi on devait rejeter l'offre. Ceci est faux. Le syndicat a soumis aux membres deux documents. On a même changé la couleur pour être certain que les membres ne se trompent pas. Un document, de couleur blanche, donnait les points de l'offre patronale dont le comité de négociation recommandait l'acceptation. L'autre, de couleur rose — cela ne paraît pas dans vos photocopies — énumérait les questions sur lesquelles le comité de négociation recommandait aux membres le rejet de l'offre patronale, les points en litige.

Soit dit en passant — et je répète que c'était dans notre mémoire — je le répète encore, le document où on dit: On recommande votre acceptation des offres patronales sur les questions de non-discrimination, de représentation syndicale, d'arbitrage, d'ancienneté, de sécurité et d'hygiène, du travail supplémentaire, d'évaluation des emplois, d'assurance collective et du régime de retraite. La compagnie a dit, ce matin, que son offre comportait un régime de retraite de style ou de type TUA. Ceci est faux, parce que le régime de retraite, type TUA, est un régime de retraite entièrement contributoire où l'employeur paie la totalité du coût et c'est aussi le cas du régime d'assurance collective de santé, de maladie, etc. Lorsqu'on parle de "pattern", dans les TUA, on exige que l'employeur paie 100 p.c. des primes.

Dans les deux cas, on a avoué, dans notre mémoire, que ces offres étaient des améliorations sur ce qui existait, mais cela représente l'acceptation des choses en bas du fameux "pattern" des TUA. Sur la feuille des points dont on recommandait l'acceptation, plusieurs étaient des choses inférieures à ce qui existe dans les autres conventions collectives de notre syndicat avec l'industrie aérospatiale canadienne et le comité a décidé de se concentrer sur un certain nombre d'objectifs qui faisaient partie de la liste de points en litige.

Suite à ce rejet, avec le mandat de grève, celle-ci fut déclenchée. On arrive au vote du 22 février où le ministère a essayé de ramener les parties ensemble après six ou sept semaines de grève, où il a joué un rôle de médiation et où la compagnie a fait une nouvelle offre — il faut le dire vite — mais, de toute façon, elle appelait cela une nouvelle offre.

Il faut demander ici, en réplique à certaines remarques de la partie patronale, quel est le rôle d'un comité de négociation, quel est le rôle d'un négociateur syndical. Ce comité a été élu par les membres, pour les représenter à la table de négociations. Ce sont ces gars qui voient, qui écoutent, qui discutent. Quand on va devant les membres, c'est tout à fait normal et c'est notre devoir de faire des recommandations, à cette assemblée, soit de rejet, soit d'acceptation; abdiquer ce droit, ce rôle et cette obligation, c'est démissionner comme négociateur. Je ne sais pas si je fais un parallèle défendable, mais je dirais que c'est un peu comme les ministres ou le cabinet des ministres.

M. COURNOYER: Ce n'est pas défendable?

M. DEAN: M. le ministre, d'accord. Je crois que dans tout organisme démocratique, il y en a qui ont des postes plus responsables, qui sont appelés à étudier des questions, à approfondir des questions et à faire des recommandations à leurs collègues, à leurs confrères. Que les collègues ou les confrères acceptent ou rejettent ces recommandations, c'est leur affaire. C'est un rôle de leadership que de recommander quelque chose, après avoir étudié en toute honnêteté et en toute connaissance de cause. C'est cela que le comité de négociation a fait, tout au cours des négociations et de cette grève. Le comité recommande, les membres disposent de la question, soit en acceptant la recommandation du comité ou en la rejetant. C'est le droit le plus fondamental.

Maintenant, on parle des assemblées, encore de l'assemblée de février. On parle des miniassemblées. On dit que l'on a pris un certain temps avant de soumettre les offres aux membres. Laissez-moi vous dire encore, messieurs les membres de la commission, que dans notre syndicat, depuis cinq ou six ans, nous avons une institution qui s'appelle les cours de "formation grève". C'est-à-dire, en plus de son piquetage, on exige de tout membre de notre syndicat, comme condition de réception de ses prestations de grève, de participer à des séances d'information et d'éducation. Les membres, ce sont eux qui ont décidé une grève. Nous, un peu arbitrairement, mais dans le but d'encourager la démocratie et l'éducation syndicale et sociale, on organise des cours chaque semaine pour tous nos membres en grève sur toute la gamme de questions, notamment la structure du mouvement syndical, le fonctionnement du syndicat.

On accompagne cela d'informations, des dernières nouvelles sur les négociations, sur le

déroulement de la grève, sur la propagande patronale et tout cela. Lors de cette séance, on donne une petite carte blanche au gars et le gars doit présenter cela, la semaine suivante, s'il veut recevoir ses prestations de grève. C'est un peu une éducation forcée, mais c'est une éducation quand même. Le but de cela, c'est d'éclairer les travailleurs et d'obliger quasiment tous les travailleurs impliqués à savoir clairement ce qui se passe et à pouvoir poser des questions et avoir des réponses satisfaisantes. Ceci, on l'a fait dès la première semaine de la grève et on l'a continué bien longtemps après l'assemblée du 22 février. De plus, on a fait presque sans exception, depuis le début de la grève, une assemblée générale des membres toutes les semaines, avec quelques exceptions, où les membres et leurs épouses étaient invités, en assemblée générale, à poser des questions, à recevoir des nouvelles, des informations, ainsi de suite.

On a souvent accusé les syndicats de présenter les offres patronales à la hâte, en vitesse, de présenter les propositions patronales verbalement, de façon à éblouir les travailleurs et à les inciter à voter soit pour, soit contre, sans que les gars soient suffisamment éclairés sur les questions sur lesquelles ils devaient se prononcer. Nous, nous avons choisi de prendre un peu plus de temps, de publier des textes exacts et intégraux de l'offre patronale et, la semaine qui à précédé l'assemblée du 22 février, nous nous sommes servis de nos séances d'information, avec copie des textes pour chaque membre, pour discuter et expliquer aux travailleurs le sens et le contenu de ces offres. Ces assemblées ont eu lieu le lundi et le mardi et l'assemblée du 22 février, qui devait prendre position par vote secret, c'était le vendredi qui suivait.

Moi, j'ai présidé toutes ces mini-assemblées — pour employer l'expression de la partie patronale — et après avoir distribué des copies aux gars, expliqué le point de vue du comité de négociation, j'ai moi-même fait un discours qui parfois était un peu comique, mais qui était très sincère. J'ai dit: Les gars, vous avez le texte; vous savez lire. On vous a expliqué le point de vue de votre comité. Maintenant, c'est lundi ou c'est mardi, l'assemblée a lieu vendredi soir. Allez-vous-en en paix, les gars. Discutez avec votre femme, discutez avec votre curé, discutez avec votre député, discutez avec M. Stevenson, si vous voulez, votre contremaître, votre surintendant, votre beau-frère, n'importe qui, et venez vendredi à l'assemblée générale et votez par vote secret pour ou contre ces offres.

A la fin de la séance de négociation qui a abouti à ces offres, en face de certaines insinuations parce qu'on ne faisait pas une assemblée, la compagnie n'était pas de bonne humeur parce qu'on ne faisait pas une assemblée, on a fini à 4 heures le samedi matin, et la compagnie n'était pas de bonne humeur parce qu'on avait décidé de ne pas faire l'assemblée quasiment immédiatement.

On a invité Me Heenan à assister à l'assemblée. A défaut de M. Heenan, on a invité M. Blain, le médiateur du ministère du Travail. Ils ne se sont pas présentés à l'assemblée, avec ou sans raison. En tout cas, on les a invités.

Lors d'une conférence de presse le lundi ou le mardi, j'ai dit: II y a des insinuations à l'égard de notre syndicat. J'ai invité les journalistes à venir aussi nombreux qu'ils voulaient l'être et à surveiller le vote. Normalement, l'horaire des cameramen de télévision est assez serré, quand ils arrivent, habituellement, ils font quelques prises de vue et s'en vont.

Ce soir-là Radio-Canada, entre autres, a assigné un cameraman une heure avant le début de l'assemblée et le gars est resté jusqu'à minuit. A cette assemblée, les boîtes de scrutin ont été ouvertes devant les caméras de télévision et un tas de journalistes. Elles étaient cadenassées devant ces mêmes caméras. Les cameramen et les journalistes les ont suivies dans la salle où avait lieu la votation. Ils ont surveillé le vote. Ils ont suivi les boites de scrutin qui ont été comptées sur une table en avant de la salle, devant tout le monde et ce sont sept journalistes qui ont compté les bulletins de vote.

Je ne commente pas les résultats de cette assemblée. La compagnie, ce matin, a parlé de M. Vincent Prince, éditorialiste très estimé du journal La Presse. M. Prince était présent à l'assemblée et à celle du samedi 23 février. Vous avez copie de ces deux éditoriaux. Dès la première séance, on vous les a distribuée, messieurs les membres de la commission, au début de nos auditions... Vous êtes libres de lire tout le texte. Je vais souligner quelques paragraphes.

M. Prince dit: "Même si on peut dire que M. Dean a plaidé comme un avocat de la défense, qui n'a pas à souligner des bons points de la couronne, on doit reconnaître que l'assemblée était en possession du texte des offres patronales qu'on discutait et qu'elle pouvait donc en faire sa propre analyse. D'ailleurs, M. Dean n'a pas fait que lancer des slogans. Il a apporté des arguments pour détruire les prétentions patronales et chaque syndiqué présent pouvait, au moins, en principe, en juger par lui-même, de sorte qu'en dépit d'un certain chauffage à blanc, qui est assez traditionnel en pareille circonstance, n'importe quel observateur impartial doit reconnaître que l'adhésion des membres aux vues des négociateurs syndicaux n'a pas été arrachée de force. De toute façon, le vote a été parfaitement secret et régulier et la seule conclusion utile à en tirer est qu'une majorité de ces employés n'acceptent pas les arguments de la compagnie".

Le mercredi suivant, dans le Devoir...

M. BELLEMARE (Johnson): Tout de suite après, l'autre petit paragraphe.

M. DEAN: Comme je l'ai dit... "Celle-ci a commis des erreurs..."

M. BELLEMARE (Johnson): Oui. M. DEAN: Je peux tout vous le lire. M. BELLEMARE (Johnson): Non.

M. DEAN: "Celle-ci a commis..." — il parle de la compagnie — "... des erreurs de stratégie en multipliant des appels directs à ses employés. Ces derniers ont interprété son impatience comme un signe de panique". Il y a bien d'autres choses qui sont dites et je vous invite, respectueusement, messieurs, à lire le texte intégral parce qu'il y a beaucoup d'autres choses qui se sont dites quant au nombre de membres présents, la proportion des travailleurs présents. Je peux dire, à cette commission, que M. Drapeau est aujourd'hui maire de Montréal, suite à une élection où beaucoup moins d'électeurs ont voté que ceux qui ont voté à cette assemblée, parce que 71 p.c. des membres en règle ont voté à cette assemblée, et c'est le drame de la démocratie. Je ne veux pas faire d'allusion aux élections provinciales ou fédérales, mais c'est un des drames de la démocratie, que tout le monde qui devrait voter ne vote pas. Mais le pourcentage de membres qui ont voté ce soir était très élevé par rapport à ce qu'on connaît dans les votes démocratiques, que ce soit municipal, scolaire, provincial, fédéral, etc.

UNE VOIX: Patronal?

M. DEAN: Patronal? Cela ne vote pas. Le patronat n'a même pas besoin de se fatiguer avec cela.

Le mercredi suivant — et là, je cite M. Jean-Claude Leclerc, éditorialiste du Devoir et, d'après ce que je sais, il n'a pas changé de journal depuis. Il est toujours là.

Je ne cite encore que quatre paragraphes, mais dans une analyse très longue et très poussée... Encore une fois, je vous invite très respectueusement à le lire.

Il dit: "La United Aircraft ayant entrepris de convaincre ses employés en s'adressant directement à eux, par-dessus la tête du syndicat, les résultats du scrutin de vendredi, tenu le plus régulièrement du monde, constituent à la fois un échec cuisant pour les stratégies patronaux et un vote de confiance non équivoque en faveur des dirigeants syndicaux.

Au lieu de tirer les leçons qui s'imposaient, le président de la United Aircraft du Canada, M. Thor Stephenson, s'est enlisé plus lourdement dans un antisyndicalisme retardataire et dans une campagne de chantage au chômage. "Plus tard, dans le même éditorial, M. Leclerc dit: "Dans ses messages aux grévistes, le président de la United Aircraft prétendait que les dirigeants syndicaux auraient pu recommander un retour au travail et qu'ils n'avaient refusé de le faire que pour deux motifs cités à partir d'une émission radiophonique".

Là, je dois dire que les deux motifs se retrouvent dans le texte patronal ce matin. On essaie de bâtir un cas selon lequel le syndicat n'a pas voulu négocier à moins que le cas du congédiement d'André Choquette et la formule Rand soient réglés. Ceci est absolument et archifaux, depuis le début jusqu'à la fin des négociations. Le syndicat est prêt à négocier, a toujours été prêt à négocier sur tous les points en litige. Je souligne le mot "négocier", pas expliquer sa position, mais négocier.

Je continue: "Qu'une déclaration syndicale ait été écourtée à la radio pour des raisons techniques et qu'une certaine confusion dure quelques heures, passe encore, mais dûment informé de l'état des discussions entre le syndicat et les négociateurs de la compagnie, jamais le président de la United Aircraft n'aurait pu ainsi réduire le litige. Ou bien il trompait les employés et le public dans ses messages, ou bien lui-même avait été trompé n'ayant plus le contrôle de la négociation dans son propre camp".

Je passe à un autre paragraphe: "Quant un conflit tourne à l'affrontement plus ou moins violent, on ne manque jamais d'y voir la main de fauteurs de troubles, d'agitateurs trop heureux d'exploiter à des fins politiques ou idéologiques un simple problème de relations de travail. On remarque, hélas, moins souvent la participation non moins corrosive et explosive de "spécialistes" en droit du travail dont c'est la mentalité et le métier de casser le syndicat, parfois au mépris de la rentabilité même de l'entreprise. Des traces d'un tel esprit suintaient dans les messages du président Stephenson. Qu'ils proviennent de la partie patronale ou de certains de ses conseillers, voilà qui a sûrement contribué à fausser les négociations et à faire perdre à la compagnie, comme à ses employés, de précieuses semaines où il aurait été nécessaire de rechercher un accord acceptable".

Et plus loin, juste un petit bout de phrase: "Ces exigences et le battage publicitaire qu'elle a affiché n'ont cependant pas eu raison de la détermination des grévistes". Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont les éditorialistes bien-aimés de deux journaux les plus influents au Québec.

M. BOSSE: C'est le Jour ou la Presse?

M. BURNS: Le Jour n'avait pas vu le jour. Ce n'est pas exclusif, ce qu'a dit M. Dean. Cela veut dire qu'il peut y en avoir d'autres aussi.

M. DEAN: J'ai choisi judicieusement mes autorités.

M. BURNS: Vous avez bien fait, M. Dean.

M. DEAN: Sans pour cela vouloir blesser les autres.

Depuis février, tout ce qui a changé dans la situation, c'est qu'au mois de juillet dans une offre qui n'en était pas une et à laquelle on va

se référer un peu plus loin dans mon exposé, la compagnie a changé quelques cents de place, dans sa prétendue offre. Elle a changé quelques cents de place dans l'offre salariale en juillet, elle a maintenu le silence le plus absolu sur l'indexation des salaires au coût de la vie, le surtemps volontaire, les horaires de travail, le congédiement et la sécurité syndicale. Mais, depuis le mois de février, messieurs, je vous dis que notre syndicat a tenu des assemblées hebdomadaires de grévistes et on a été en mesure de constater que les membres appuyaient ces revendications et qu'ils n'avaient pas besoin de faire remettre les mêmes veilles rengaines à un nouveau vote.

Disons que le "pattern" des TUA, les structures... A un certain moment, on dit que la grève est l'oeuvre de quelques radicaux; de l'autre côté, on cite en autorité le pape ou au moins ses cardinaux du syndicat international. On n'est pas trop sûr, la compagnie, parfois, risque de se casser le nez dans ses contradictions.

A Longueuil, la grève des travailleurs du local 510, comme toute grève dans notre syndicat, a été décidée par les membres de ce groupe de travailleurs. Ils ont déterminé leurs objectifs. Ils ont discuté les différentes offres et les différentes étapes du conflit en assemblée générale. Le jour où il y aura une offre acceptable, c'est eux qui vont l'accepter. L'engagement du syndicat international est aussi simple que ceci: il y a un fonds de grève qui appartient à tous les travailleurs de notre syndicat; aussi longtemps que vous êtes prêts à vous battre, nous, on va vous appuyer financièrement, selon les règles de notre syndicat et dans la même mesure que tous les autres membres de notre syndicat. C'est ça, le rôle du syndicat international et des gars de Détroit dans toute cette affaire.

Je pense que je n'ai pas besoin de trop en dire sur le "pattern" parce qu'au moins un des membres de la commission a discuté "un peu beaucoup" l'autre jour, avec beaucoup de compétence, de la question des "patterns". Quand on négocie dans le textile, on se compare aux travailleurs du textile. Quand on négocie dans la bottine, on se compare aux travailleurs de la bottine. Quand on négocie dans les patates frites, on se compare avec les travailleurs de la patate frite. Quand on négocie dans l'aérospatial, on se compare à juste titre avec les travailleurs de l'aérospatial.

On a essayé de dire: C'est un règlement, un "pattern" de Détroit, de l'automobile. Mais ou la compagnie est complètement ignorante ou elle ment. Parce que ce n'est pas vrai que c'est un "pattern" de l'automobile. Les syndicats du secteur aérospatial de notre syndicat ont obtenu l'assurance des soins dentaires avant les travailleurs de l'automobile. Les travailleurs de l'automobile viennent de l'obtenir cette année; les travailleurs de l'aérospatial l'ont depuis au moins trois ans et, dans certains cas, quatre ou cinq ans.

Le surtemps volontaire, pur, tel qu'il existe à Douglas, DeHavilland et Spar, existe dans l'aérospatial depuis longtemps et, dans le domaine de l'automobile, ce n'est que cette année ou l'automne dernier, en 1973, que les travailleurs de l'automobile ont obtenu une forme mitigée de surtemps volontaire parce que c'est une formule où il y a 48 heures par semaine. On peut être obligé de travailler huit heures en surtemps par semaine, mais après huit heures dans la semaine, c'est facultatif.

La sécurité syndicale a été obtenue à Douglas, au Canada, avant que ce soit obtenu à Douglas, aux Etats-Unis; pas la formule Rand, mais l'atelier syndical parfait qui prévoit qu'après une période stagiaire... L'employeur est libre d'engager qui il veut, mais après un stage de trois mois ou de deux mois, tout employé, comme condition d'emploi, doit devenir membre du syndicat, pas seulement payer des cotisations, mais devenir membre du syndicat.

On a fait référence l'autre jour à General Electric comme concurrente de United Aircraft de Longueuil. Selon le service de recherche de notre syndicat à Détroit, l'usine en Ohio de General Electric ne fait pas de petits moteurs comme on en fait à Longueuil. La General Electric fait de gros jets, de gros moteurs pour les gros avions. Comme concurrente, elle fait peut-être concurrence à United Aircraft dans les gros moteurs de jets qui vont dans les gros avions comme le 747, le Lockheed 1011, le DC 10, les avions militaires.

Mais General Electric, à Evandale, selon nos informations, ne fait que très peu ou pas du tout de petits moteurs jet ou de turbines, tels que produits à Longueuil. En plus de cela, General Electric au Canada a la sécurité syndicale, même si General Electric aux Etats-Unis ne l'a pas.

J'ai touché la question de Détroit et le rôle des autorités de notre syndicat, mais j'insiste très brièvement à nouveau pour dire que les sections locales de notre syndicat sont autonomes. Les statuts et la constitution de notre syndicat international sont décidés, au congrès international. A ce congrès assistent des délégués élus de toutes les sections locales de tout le syndicat international. C'est ce congrès qui décide, entre autres choses, de l'élection des officiers, du montant minimal des cotisations syndicales, ainsi de suite.

Quand on essaie de faire état du fait qu'à un moment donné le syndicat international, en congrès, ait augmenté ses cotisations et que les gars du local 510 n'étaient pas trop de bonne humeur, c'est tout à fait normal. Je connais très bien des centrales beaucoup plus près de chez nous que j'estime beaucoup également, mais lorsqu'il est question d'augmentation de cotisations, il y a certains groupes de travailleurs là-dedans qui sont moins heureux que d'autres. Je ne pense pas qu'il y ait un travailleur qui aime tellement des augmentations de cotisations. Mais il faut que cela arrive, pour la bonne

administration d'un syndicat. Ceux qui veulent rester affiliés à ce syndicat ont la possibilité ou bien de payer les cotisations, tel que décidé en congrès, ou bien, lors de la prochaine période ouverte de leur convention prévue par la loi, de se désaffilier, de changer ou de quitter le syndicat. C'est leur liberté la plus entière.

On parle surtout du domaine de l'indexation. La compagnie a parlé de ses problèmes de concurrence et de planification financière. On a fait état du fait qu'on commande des moteurs des années à l'avance et que c'est concurrentiel. On peut se poser des questions sur la concurrence quand on sait que 70 p.c. des moteurs d'avions au monde sont faits par United Aircraft. La concurrence n'est pas bien forte.

Mais c'est aussi vrai pour les constructeurs d'avions qui achètent les moteurs de United Aircraft. On ne vend pas des DC-10 ou des Boeing 747 aux concessionnaires au coin de la rue. Les lignes aériennes commandent des 747 des années à l'avance. Je fais assez confiance aux administrateurs de ces entreprises pour qu'ils fassent des projections économiques nécessaires pour coter des prix qui vont tenir compte du coût d'augmentation des matériaux, du coût d'augmentation de la main-d'oeuvre, en salaires négociés et en indexation au coût de la vie. C'est très facile pour des gars qui s'y connaissent un peu. C'est drôle comment ils peuvent estimer à l'avance l'augmentation du coût de la vie dans une période de 12 mois, de 24 mois et même de 36 mois à l'avance. Leur marge d'erreur est très petite.

Ce qui est vrai pour United Aircraft est vrai pour toute autre entreprise. Je parle d'une industrie que je connais un peu, mais il y a bien d'autres industries où la période de temps entre la commande et le prix, la cotisation, la soumission et l'exécution des travaux ou la livraison du produit est très longue.

On peut parler de certains projets de grande envergure, mais même pour l'évaluation du coût de la construction d'une maison, entre la commande et la finition des travaux, on risque de se mettre le doigt dans l'oeil.

Il suffit de dire que les constructeurs d'avions — Douglas, Bell Helicopter, DeHavilland, Lockheed, Boeing — ont indexé le coût de la vie, sans plafonnement, ajustable à tous les trois mois. Le nouveau contrat récemment conclu à Boeing et à Lockheed prévoit un cent du 0.3, ce qui est un tiers plus fort que ce qu'on demande ici, alors qu'on demande un cent du 0.4.

Boeing va très bien, merci; Lockheed un peu moins bien, à cause du retard des commandes de l'industrie aérospatiale dont je vous ai parlé tout à l'heure.

Cela n'empêche pas Boeing de payer des salaires de $4.83, au minimum, à $7 l'heure, au maximum, avec progression automatique, pas de système de mérite, s'il vous plaît, et prévoir des augmentations annuelles de 5 1/2 p.c. pour la durée de la convention tandis que, nous, on demande 5 p.c. par année. C'est le même phénomène chez Lockheed où on vient de conclure les deux conventions collectives en question.

Nous avons bien d'autres entreprises. On peut vous en nommer une, Torrington, de Bedford, ici au Québec. Le siège social est au Connecticut, pas loin de Hartford. Cette compagnie ne fait pas de moteur, elle fait des aiguilles pour le tricot et des coussinets. Elle concurrence des industries en Allemagne et en Angleterre. Elle évolue sur le marché mondial, mais elle a consenti à l'indexation du coût de la vie sans plafonnement et sans même se plaindre. Ce n'était pas à cause de la difficulté de fixer ses prix à l'avance qu'elle a résisté — elle a résisté un brin — mais il n'y a pas eu de grève et on a obtenu l'indexation au coût de la vie.

Pour terminer ce point, on a vu, cette année, au Canada, au Québec comme ailleurs, le phénomène où des milliers et des centaines de milliers de travailleurs de nombreuses entreprises ont débrayé, en grève illégale, à cause de l'augmentation effarante du coût de la vie. On a vu des entreprises, même sans débrayage —comme Stelco et International Nickel, pour n'en mentionner que deux — qui volontairement, elles-mêmes, de concret avec leur syndicat, ont ouvert les conventions collectives en plein milieu de la convention et ont soit inséré une clause d'indexation en bonne et due forme, ou bien accordé des augmentations en cents l'heure pour compenser les pertes du pouvoir d'achat des travailleurs à cause d'une inflation très rapide et très difficile pour les travailleurs.

Au Québec, la FTQ a fait une estimation, après consultation de ses affiliés, et quelque 260,000 membres, ici au Québec, du secteur privé et du secteur public, ont, d'une façon ou d'une autre, cette année, obtenu quelque chose, soit l'indexation, soit un montant forfaitaire pour compenser le coût de la vie.

La compagnie parle de la conservation des emplois et nous sommes d'accord sur cela. Le fait de travailler pour un syndicat international ne fait pas moins que l'on soit Québécois et qu'on soit citoyen du Québec et du Canada.

La compagnie dit que sa saine administration est responsable pour cette conservation d'emplois, mais nous croyons que des grévistes, des travailleurs, de par leur productivité et la qualité de leur travail — à l'aveu même de la compagnie, l'année dernière, c'était la meilleure de toutes ses usines en Amérique du Nord —sont aussi importants que le taux de salaire ou la sagesse administrative des entreprises dans le fait que cette compagnie vend ses produits sur le marché mondial.

Il est intéressant de souligner que, même avec ladite dernière offre de la compagnie, les salaires que la compagnie a arbitrairement mis en vigueur dans l'usine, au mois d'août, cette année, comparés avec le siège social à Hartford, en bas de l'échelle, la différence est une différence de $0.21 l'heure plus bas qu'à Hartford et, au sommet de l'échelle, la différence est de $0.53 l'heure. Pour le même travail,

que les gars se crèvent en temps supplémentaire, qu'ils produisent un produit de qualité inégalée, les gars les plus spécialisés gagnent $0.53 l'heure de moins que leurs confrères de Hartford, dans la même compagnie. Hartford est en négociation actuellement et on peut s'attendre à une augmentation substantielle de salaire. L'écart peut encore monter à $1 l'heure pour les travailleurs qui font le même travail dans la même entreprise, entre Longueuil et Hartford.

Si ce n'est pas cela du "cheap labor", et l'attitude des porteurs d'eau et des coupeurs de bois, je me demande bien, respectueusement, messieurs, ce que cela peut-être. Soit dit en passant, le syndicat n'a jamais demandé la parité avec l'usine américaine de la compagnie. Mais je constate cela en passant. Nos demandes ont été basées sur une ressemblance avec les autres compagnies de l'industrie aérospatiale canadienne.

La compagnie fait état du choix qu'elle a fait de fonctionner durant la grève, de maintenir des emplois, de ne pas mettre à pied des employés de bureau et des techniciens. Des douzaines et des centaines d'autres grandes entreprises, ici, au Québec comme ailleurs, en face d'une grève des travailleurs d'usine, c'est très rare qu'elles mettent à pied des employés de bureau, mais les employés de bureau entrent en toute quiétude pour faire du travail de bureau. Les employés de bureau n'entrent pas au travail le lundi matin en "jean" pour voler les jobs des gars qui sont en grève. C'est cela qui fait la différence.

La compagnie dit qu'elle avait un choix. Oui, elle avait un choix, un choix de faire ce qu'elle a fait ou de s'asseoir et de négocier comme du monde. Elle ne l'a pas fait et elle ne l'a jamais fait. Peut-être qu'elle n'est même pas capable de le faire, parce qu'il y a beaucoup de grandes entreprises, ici au Québec, qui négocient des conventions progressives sans grève, ou s'il y a grève, ce n'est pas long. Même si c'est long, on négocie en monde civilisé et on finit, après une épreuve de force, de nature économique et sans violence, par négocier une convention collective qui tient compte des exigences de l'entreprise ou de sa rentabilité et qui tient compte de la dignité, des conditions de vie et de travail des travailleurs. On peut en nommer en masse.

La compagnie, dans son premier document, l'autre jour, a parlé du rapport Dufresne. Sur chaque point en litige, la compagnie a dit: M. Dufresne a donné raison à la compagnie. Il a donné raison à la compagnie sur cinq points sur six, mais la compagnie n'a pas accepté ses recommandations. Alors qu'on n'en parle plus du rapport Dufresne ! Les travailleurs ont opté de faire la grève sur six points, après avoir fait concession par-dessus concession pour éviter une grève. On a mis de l'eau dans notre vin jusqu'à ce que le vin ne goûte plus et qu'il n'enivre personne. On a fait la grève sur six points. On propose de régler la grève sur six points.

Malgré que le rapport Dufresne ait donné raison à la compagnie sur cinq points sur six, la compagnie l'a rejeté. Alors, qu'elle n'en parle plus! Nous sommes devant vous, messieurs, aujourd'hui parce que la médiation et tout le bagage, conciliation, médiation, enquêteur et tout cela n'a pas fonctionné pour régler ce conflit.

La compagnie a fait état de ses offres de juillet. L'autre jour, en réponse à une question, j'ai bégayé un peu parce que je n'étais pas présent. Je vais demander à celui qui était présent alors, mon collègue Claude Ducharme, de vous dire ce qui s'est passé à ce moment.

M. DUCHARME (Claude): M. le Président, j'aimerais porter à l'attention des membres de la commission la lettre qui a été envoyée aux employés par le président de la compagnie, M. Stevenson, le 26 juillet 1974. Si cette lettre peut être distribuée, j'aimerais en faire lecture, si vous me le permettez, M. le Président. "Cher employé — remarquez bien que c'est au singulier, ce n'est pas au pluriel — faisant suite à l'invitation du ministre du Travail du Québec, les représentants de la compagnies ont rencontré M. Jean Cournoyer, ainsi que les membres de son ministère. Le but de cette rencontre était de permettre à M. Cournoyer d'explorer des changements possibles à l'offre de la compagnie faite en février dernier, dans l'espoir de mettre fin à la grève.

Le ministre a eu une rencontre similaire avec les représentants du local 510. "Dans une tentative sérieuse pour mettre fin à la grève, la compagnie indiquait qu'elle était prête à augmenter substantiellement sa dernière offre pécuniaire et qu'elle était aussi prête à prendre certains engagements non pécuniaires dans l'espoir d'établir ainsi la base du règlement du conflit. "Nous avons été informés que le local 510, encore une fois, exigeait que M. André Cho-quette soit réembauché et que les cotisations syndicales deviennent obligatoires pour les employés. Autrement, elle n'était pas intéressée à considérer une offre de la compagnie ou à la soumettre à ses membres. Ainsi, nous sommes toujours devant une impasse. Vous n'aurez pas l'occasion de décider vous-mêmes de l'importance de l'offre de la compagnie. Ceci me frappe comme étant grossièrement injuste puisque c'est vous, les membres, et non le syndicat qui êtes les plus appelés à supporter le lourd fardeau de cette grève. "Devant cette impasse qui se perpétue, la compagnie, à compter du lundi 29 juillet 1974, établira une nouvelle échelle des taux horaires de base comme détaillée sur la feuille ci-jointe. "Ces nouveaux taux s'appliqueront aux 800 employés qui sont maintenant de retour au travail, ainsi qu'à tous ceux qui reprendront le travail à l'avenir, aussi longtemps qu'il y aura des emplois disponibles. "Comme j'en suis certain, vous avez pu lire dans les journaux, le piquetage n'est plus

permis; le Syndicat a été condamné à des amendes pour avoir commis des actes illégaux; certains individus ont été trouvés coupables de mépris de cour ou mis en prison, et le local 510, l'International et les membres ont été sérieusement avertis par la cour qu'une telle conduite ne serait plus tolérée. "Devant ces faits, je vous suggère fortement de réexaminer les raisons pour lesquelles vous êtes toujours en grève, surtout à cause du fait qu'on ne vous donnera pas l'occasion de donner votre opinion par voie de vote. "Si vous avez des questions, soyez bien à l'aise d'appeler votre contremaître ou le bureau du personnel. Nous ferons tout en notre pouvoir pour répondre honnêtement et avec exactitude à toutes vos questions. Si vous le préférez, communiquez avec le Syndicat et demandez-lui s'il n'a pas, encore une fois, exigé que la retenue syndicale obligatoire et le réembauchage d'André Choquette soient toujours une nécessité absolue pour mettre fin à la grève.

Sincèrement, T.E. Stephenson."

A la page 2 qui accompagne cette lettre, ce sont les taux de salaire qui ont été mentionnés par la compagnie à ses employés.

M. le Président, MM. les membres de la commission, il est extrêmement important que vous soyez placés dans le contexte qui a existé au mois de juillet, et le mois de juillet, pour nous autres, c'était le septième mois de grève. La compagnie le dit dans son premier paragraphe, et c'est peut-être l'aspect le plus véridique de la lettre du 26.

Le ministère du Travail, par l'entremise du ministre, avait demandé à la partie syndicale de se rendre, afin de pouvoir explorer les possibilités de mettre fin au conflit. Le ministre, lorsqu'on l'a rencontré, a voulu être extrêmement précis. Cette fois-là, même si, dans d'autres occasions, on lui avait dit qu'il n'avait pas été précis, on peut dire que lors de la rencontre du 25 juillet à 10 heures du matin, dans son bureau, le ministre a été extrêmement précis. Le ministre nous a dit, bien avant que la discussion commence: Je n'ai pas d'offre à vous présenter. Le ministre ne vous fait pas d'offre. Cela, ce sont les paroles du ministre lorsqu'on était devant lui. Mais je vous rencontre pour essayer de trouver une solution au conflit. J'ai, de la part de la compagnie, une position. Elle est prête à modifier légèrement sa position sur les salaires. Il y a peut-être une petite modification sur les horaires de travail et sur le temps supplémentaire. Si tout cela devenait accepté, c'est important parce que l'employeur n'en fait pas mention, mais il y a deux choses de rattachées à tout cela.

Il y aura rappel au travail sur une période échelonnée de cinq mois. Imaginez-vous des gars en grève depuis sept mois... La compagnie est prête à retoucher aux salaires, elle est prête à retoucher sensiblement — selon ce qui nous a été dit — aux horaires de travail et au temps supplémentaire, les gars vont revenir sur une période échelonnée de cinq mois. Et là, la compagnie va plus loin. Elle a déterminé à quel moment le conflit va prendre fin et elle dit: Si le conflit ne prend pas fin le 1er août, nous allons embaucher du personnel, c'est-à-dire, dans notre langage, que l'employeur va faire appel à des "scabs" de l'extérieur.

M. BELLEMARE (Johnson): Est-ce que c'est la compagnie qui vous a dit cela ou le ministre?

M. DUCHARME: C'est le ministre qui détenait cela de la compagnie. Alors, devant cela, nous avons dit au ministre: Ecoutez, nous avons six points en litige. Nous avons passé en revue les six points, et nous avons dit au ministre que nous étions prêts à considérer de la part de la compagnie une position sur les six points, pas une position sur seulement un point. On a aussi mentionné au ministre qu'il y avait le cas de Choquette, qu'il y avait le cas de la sécurité syndicale et que tous les points étaient importants, mais parmi ces points, il y en avait qui ressortaient. Il y avait aussi l'indexation des salaires au coût de la vie. Nous avons dit au ministre qu'après sept mois de grève, un employeur qui a l'audace de laisser planer qu'il va rappeler ceux qui ont fait la grève dans une période de cinq mois, ce n'était pas sérieux.

Devant les arguments qu'on a soulevés et devant le fait qu'on avait indiqué au ministre, avec beaucoup d'insistance, qu'on était prêt à négocier, qu'on était prêt à rencontrer la partie patronale, et cela sans prérequis, sans poser de conditions, on a dit au ministre que s'il y avait une entente, c'était seulement à la table de négociation, par l'entremise du ministère du Travail qu'elle pouvait avoir lieu. Ce n'est pas en nous envoyant des parties de modification de position que la compagnie devait s'attendre à ce qu'il y ait un règlement du conflit.

Alors, le ministre devait faire part de cela à la compagnie et informer la partie syndicale. On n'a pas eu à attendre la réponse du ministre. On l'a rencontré le 25. Le 26 juillet, cette lettre était envoyée à tous les employés, à tous ceux qui étaient en grève. La partie syndicale n'a jamais été informée de la modification de l'offre pécuniaire qui, en somme, n'est seulement qu'un changement de chiffres, à un certain moment, et les montants qui sont impliqués — Jean-Guy Frenette, notre spécialiste dans ce domaine, pourra vous démontrer la valeur qui y est rattachée.

Je veux seulement m'en tenir au climat qui existait lorsque nous avons rencontré le ministre du Travail et à la supposée offre que la compagnie a prétendu avoir faite au syndicat. Je tiens à vous souligner que Me Heenan, porte-parole de la compagnie, après une question de M. Bellemare, après avoir tourné autour du pot, a finalement admis que jamais la partie syndicale n'avait reçu cette offre. C'est une lettre, un document qui a été envoyé à nos membres.

Alors, la lettre du 26 juillet aux employés

vous démontre, après sept mois de grève, la tentative sérieuse de la compagnie pour mettre fin à la grève. Premièrement, en passant pardessus la tête du comité de négociation, en laissant croire qu'elle a fait une offre alors qu'elle n'en a jamais fait. Vraiment, si on ne peut appeler cela être malhonnête, je me demande comment on peut appeler cela.

En insinuant que la partie syndicale n'était pas prête à faire des recommandations, à prendre de votes, si la partie patronale ne consentait pas à nous donner la retenue obligatoire et à réinstaller André Choquette, jamais la partie syndicale n'a laissé entendre cela. Jamais! On a toujours prétendu et on a toujours mentionné qu'on était prêt à reprendre les négociations sans prérequis, mais la compagnie a toujours tourné cela en sa faveur en essayant de laisser croire à nos membres que la partie syndicale ne faisait la grève que sur deux points, c'est-à-dire le retour au travail d'André Choquette et la sécurité syndicale — la formule Rand.

Alors, l'employeur, dans sa lettre du 26 et dans les pourparlers qu'il a pu avoir avec le ministre du Travail, a essayé de régler le conflit en touchant seulement à un seul point en litige.

En plus de cela, il prétend faire une tentative et il a fait cette tentative en faisant porter le fardeau sur les épaules des employés les plus spécialisés, ceux qui sont en grève, qui ont dix ans, quinze ans, vingt ans et trente ans de service et plus.

Je me demande, messieurs delà commission, si vraiment on peut qualifier cela de tentative sérieuse. L'employeur cherche une réponse à sa lettre. Il a eu cette réponse. Les gars sont toujours en grève.

M. DEAN: M. le Président, maintenant, je voudrais toucher très brièvement et faire quelques commentaires sur certains points en litige. On vient de démontrer que, quand la compagnie dit que le syndicat pose des conditions préalables pour négocier un règlement, elle fausse la réalité et devant les employés et devant l'opinion publique et devant vous, les délégués, les représentants de l'Assemblée nationale du Québec.

Le syndicat a toujours dit: On est prêt à négocier sur les six points. Effectivement, quand on parle de ces points, on a déjà dit dans notre mémoire, je l'ai répété tout à l'heure, je ne veux pas vous pousser à bout de patience en insistant sur le fait qu'avant même que la grève éclate, le syndicat a abandonné de loin le soi-disant "pattern" TUA et a accepté bien des choses en bas des niveaux de ce qu'on appelle le "pattern" des TUA dans l'industrie aérospatiale. A la suite de l'assemblée des membres du 22 février où l'offre de la compagnie fut rejetée, on a soumis aux représentants du ministère du Travail une liste de treize points. Maintenant il y a six points. D'après mes calculs, cela représente des concessions. Sur les six points, à ce moment-là, on a fait des modifications de notre position et, il y a trois semaines, encore une fois à la demande de M. le ministre, on a fait d'autres concessions dans nos positions et sur le coût de la vie et sur les horaires et sur le surtemps.

Sur les horaires, je ne veux pas entrer dans un débat technique, mais quand la compagnie vous dit qu'elle se réserve le droit de changer des horaires pour des motifs valables, on va mettre ces changements en vigueur et le syndicat va aller à l'arbitrage, c'est du trompe-l'oeil, parce que, pour ceux qui connaissent les conventions collectives, il y a, dans la clause des droits de la direction, le droit de l'employeur de fixer les horaires de travail. Cela fait 22 ans que je fais du syndicalisme et je ne suis pas à mon premier arbitrage, mais je n'aimerais pas plaider un arbitrage sur le changement des horaires quand la clause des droits de la direction dit que l'employeur a le droit de changer les horaires de travail. C'est de la folie furieuse. Si le système de volontariat, si le système d'horaires fixes avec changement seulement après consentement du syndicat fonctionne à Douglas, DeHavilland, Spar et à Aviation Electric qu'on vient de négocier, je ne vois pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas à United Aircraft.

Sur le surtemps volontaire, je vais essayer de vous dire en termes assez simples ce que cela représente. C'est bien beau de dire que sur le premiertour c'est volontaire, mais qu'est-ce qui arrive au deuxième tour? C'est obligatoire. A la United Aircraft, quand il y a du travail à faire, il y a beaucoup de travail. Des départements entiers travaillent. Le surtemps obligatoire cela veut dire, par exemple, pour un employé, un gars qui est ici dans la salle, trois mois consécutifs, sept jours par semaine, douze heures par jour, de nuit. Et s'il osait dire: Je suis fatigué, j'ai quelque chose dans la famille, une obligation familiale, je ne peux pas, il fait face à des sanctions. Surtemps obligatoire veut dire pour un département entier six mois, sept jours par semaine, douze heures par jour.

Le syndicat a dit que, dans nos autres contrats dans l'industrie aérospatiale canadienne, le surtemps est le plus volontaire au monde. Ses usines fonctionnent encore et très bien, merci. Mais on a modifié notre position deux fois et la dernière modification, dont on vous a soumis le texte l'autre jour, comporte deux éléments. Ce n'est plus le surtemps volontaire, on propose que 8 heures par semaine peuvent être obligatoires. Seulement après huit heures, ça peut devenir volontaire.

Ceci est reconnu dans le Fair Employment Standards Act d'Ontario; ce principe est déjà reconnu dans la loi. Au-delà de 48 heures de travail dans la semaine, le surtemps est volontaire et une compagnie qui a contesté cette loi vient de se faire dire par la cour Suprême du Canada que la loi veut dire effectivement ça. Un travailleur, après 48 heures effectuées dans la semaine, est libre de faire du travail supplémentaire.

On vous demande, par convention collective,

ce qui existe déjà dans le Fair Employment Standards Act de l'Ontario appuyé par la cour Suprême du Canada. En plus de ça, on fait une autre concession un peu inusitée. On dit que, si la compagnie, en fonction de ce système, ne trouve pas assez d'employés qualifiés, aptes à faire le travail, un jour, un soir, une fin de semaine donnés, on lui donne la permission de faire travailler ses cadres. Ceux qui connaissent le syndicalisme un petit brin savent que ce n'est pas souvent qu'un syndicat va accepter de faire faire du travail de l'unité de négociation par les cadres. D'ailleurs, ils ont acquis l'expérience durant les grèves et on veut leur permettre de garder leurs mains, juste au cas où dans cinq ans, dix ans ou quinze ans, il y aurait une autre grève.

De plus, la compagnie a évoqué le spectre de la concertation par les travailleurs de refuser en bloc, mais, dans notre proposition, il y a un paragraphe qui énonce le principe que ce droit de refuser du travail supplémentaire après 48 heures dans la semaine ou 8 heures de travail supplémentaire dans la semaine, est un droit individuel et on relie ce droit ou la possibilité de la concertation, par implication, à la clause de la convention et au code du travail qui interdit des arrêts concertés de travail. Pour faire des concessions, on ne peut pas faire beaucoup plus sans tout lâcher.

Sur la sécurité syndicale, tout le monde a dit bien des choses. Je ne connais pas le sondage que la compagnie a soumis ce matin; elle a dû creuser le fond du baril pour trouver ces pourcentages. Encore là, ça doit englober une bonne proportion de compagnies de non-syndiqués ou syndiqués, disons dans les industries les plus malheureuses de notre société québécoise, la chaussure, le textile, etc., qui sont vraiment aux prises avec des situations économiques difficiles. Je vais vous dire ce qu'est la sécurité syndicale. Cela pose quelle sorte de problème? Cela pose le problème du travailleur qui, à longueur d'année, dit à ses confrères: Ah! j'ai tout ce que vous avez et ça ne me coûte pas un cent. Cela pose le problème d'un arbitrage que notre syndicat a défendu.

M. Albert Blain, non-syndiqué, non-membre du syndicat à United Aircraft, congédié pour maladie, congédié pour avoir été malade, on l'a défendu à l'arbitrage, on a gagné son cas, on l'a retourné au travail, et dès le premier jour de la grève, il a couché dans l'usine pendant six semaines, comme "scab". C'est M. Heenan qui était le procureur de la partie patronale lors de ce grief. S'il ne le sait pas, il devrait vérifier ses papiers.

C'est cela le drame humain d'un manque de sécurité syndicale. Ce n'est pas une question de vulgaires cents, on se fout des cents. C'est une question de dignité, c'est une question de respect, c'est une question de payer pour les services et les conditions de travail qu'on reçoit, grâce au syndicat. C'est cela, la sécurité syndicale.

La compagnie se scandalise d'une demande d'un montant forfaitaire de $500 pour les grévistes. On peut peut-être considérer que ceux qui sont retournés au travail, qui ont "lâché" en cours de route, ceux-là ont accepté le montant inférieur. Le petit montant forfaitaire qu'ils ont reçu était utilisé comme perche pour les faire retourner au travail. Il s'agissait de gars qui étaient mal pris avec leurs finances.

Nous croyons que les travailleurs en grève ont perdu du salaire depuis 1973 jusqu'à 1974 et ne devraient sûrement pas rentrer au travail avec des conditions inférieures à celles qui sont faites à ceux qui ont "lâché" ou encore pire, de ceux qui ont été embauchés nouvellement par la compagnie, comme "scabs".

Sur l'entente du retour au travail, le principe du syndicat, c'est que tout le monde doit retourner au travail ensemble, la même journée. S'il était vrai qu'il y a trop de monde pour le nombre d'emplois disponibles à la fin de la grève — et cela, nous nous en doutons très fortement, parce que nous avons vu et nous avons entendu des déclarations à la compagnie, qu'au contraire, après la grève, il y aurait plus d'emplois qu'auparavant, malgré tout ce qu'elle a dit sur des menaces de transférer des emplois ailleurs.

On dit que s'il y avait mise à pied après le retour au travail, cela devrait se faire en vertu de la clause d'ancienneté de la convention collective et cette clause couvrirait membres et non-membres, grévistes et non-grévistes, selon l'ancienneté. C'est une injustice criante de penser que 600 nouveaux employés embauchés comme "scabs" et d'autres avec une très courte ancienneté qui auraient pu retourner au travail, passent en priorité devant les travailleurs qui ont donné le meilleur de leur habileté, leur compétence, leur loyauté à cette compagnie pendant dix, quinze, vingt, ving-cinq, trente et trente-cinq ans.

Parmi les grévistes les plus solides, il y a des hommes qui ne sont pas loin de l'âge de la retraite, mais qui n'acceptent plus d'être méprisés et humiliés comme hommes.

Dans la rémunération au mérite, on a fait grand état qu'on ajoutait quelque chose, mais vu que la compagnie a ajouté quinze congédiements, on se sentirait beaucoup à l'aise d'ajouter pas mal de choses.

Mais, la question de mérite, ce n'est pas seulement une question de salaire, c'est toute une conception de relations industrielles, c'est ériger un système de "tétage", d'humiliation et c'est une conception qui n'existe pas à Douglas, à DeHavilland, à Spar, à Aviation Electric et même — la chère Canadair que United Aircraft a mentionnée — à Canadair, il n'y a pas de mérite, c'est la progression automatique et, après un certain temps, toutes les personnes qui pratiquent le même métier ont le même salaire que les autres.

C'est une conception de relations syndicales ou industrielles qui cherche à diviser les travail-

leurs, à créer des chicanes, de la jalousie. Soit dit en passant, ce fameux système de mérite, chaque six mois, quand un gars passe, faisant ses neuvaines en espérant que son beau contremaître va le trouver beau et fin et lui donner une petite augmentation de plus, chaque six mois, il y a un paquet de gars qui veulent faire un grief parce qu'ils se trouvent injustement jugés par leur contremaître et la convention prévoit que ces affaires ne sont pas arbitrables en vertu de la convention collective. Le gars mange son injustice et il l'avale.

Je vais passer à un de mes collègues, qui va vous analyser plus profondément les éléments pécuniaires. Mais j'attire votre attention, finalement, sur un autre éditorial, dont vous avez reçu copie la première journée des séances, qui vient de la Gazette de Montréal qui n'est sûrement pas réputée d'être follement socialiste dans ses idées. Ce journal a dit, dans un éditorial, le 6 février, après seulement à peu près quatre ou cinq semaines de grève, que les attitudes, les relations telles que pratiquées par les deux parties, n'étaient pas acceptables. Excusez-moi, peut-être, en vertu du bill 22, je devrai le lire an anglais, en version originale.

Violence cannot be condoned, and should never be a part of union tactics, even in response to some of the outlandish statements emanating from UAC management. The company's action of implementing its final wage offer as the de facto wage rates, despite rejection by more than 80 p.c. of the workers, smacks of the early days of union conflicts with the bosses rather than 1974.

Statements by UAC president Thor Stephenson, expressing extreme frustration with the union leadership and taking other cracks at the union position, have only served to exacerbate a tense situation. Some of the company tactics bound to provoke, rather than to persuave, the workers include use of nonunion workers on the production line, photographing of strikers by office employees, televising strikers'activities on close circuit television, a letter from Mr Stephenson to striking workers urging them to return to work, a further letter from the president attacking the union leadership and the procedure of trying to question union members one by one.

Union proposals for a cost of living escalator clause, an end to the split shift system and compulsory overtime, and the closed shop are not surprising demands to find in labour négociations. United Aircraft can hardly expect to insulate itself from the pursuit by its workers of labour aspirations that have become common place and command a good deal of support from society. The union, on the other hand, loses that support when it resorts to violence.

Mais le lien entre la provocation et l'état rétrograde et quelques malheureux incidents de violence est reconnu même par la Gazette de Montréal. Maintenant, pour parler de l'analyse économique de la question et de certains des arguments de la compagnie du côté économique, je vais céder le microphone à M. Jean-Guy Frenette, directeur de la recherche de la Fédération des travailleurs du Québec.

M. FRENETTE (Jean-Guy): M. le Président, messieurs les membres de la commission, je voudrais d'abord vous présenter la réaction syndicale à la situation financière catastrophique évoquée la semaine dernière par le porte-parole de United Aircraft; en deuxième lieu, vous présenter une évaluation pécunière des offres et des demandes salariales. Sur la situation financière de la compagnie, le porte-parole de United Aircraft... Vous avez ces documents, ils vous sont remis à ce moment-ci. Parmi les documents qui sont déposés, il y a d'abord l'analyse de la situation financière de United Aircraft, le bilan consolidé de United Aircraft. Nous aurons également un rapport du président de United Aircraft qui donne ses commentaires sur la situation des activités de l'usine de Longueuil, ainsi qu'une feuille présentant l'évaluation des offres et des demandes salariales.

Je vais vous lire rapidement le texte sur l'évaluation que l'on fait de la situation financière de United Aircraft. Le porte-parole de United Aircraft a affirmé devant cette commission, la semaine dernière, que la compagnie faisait face à une rude concurrence, qu'elle éprouvait des difficultés financières importantes depuis cinq ans à Longueuil, que ses opérations de 1973 s'étaient soldées par une perte de $3 millions et qu'elle ne pouvait pas, en conséquence, faire face aux demandes syndicales. C'était la première fois que la compagnie évoquait de tels arguments durant le conflit. Les analyses que nous avions effectuées sur la situation financière de United Aircraft ne nous avaient jamais convaincus de catastrophes imminentes. Les bilans financiers déposés la semaine dernière laissent plus de questions sans réponse qu'ils n'apportent de réponses claires à cette question.

Nos commentaires visent à démontrer que la compagnie n'a encore rien prouvé de sa misère, et que si elle maintient son allégation d'incapacité de payer, elle devrait, MM. les membres de la commission, vous fournir des éléments additionnels sur les problèmes que soulèvent ces bilans financiers. La société mère est en position confortable. Dans le bilan consolidé de United Aircraft que l'on dépose pour l'année 1973, l'on joint à ce bilan financier également le bilan des activités des deux premiers trimestres de 1974. Je pourrai aussi vous donner des indications générales sur le bilan des trois premiers trimestres de 1974.

Le bilan consolidé démontre que cette société n'est pas encore au bord de la misère. Bien au contraire, comme on le constate à l'exception de l'année 1971, ses taux de profits sur le capital-actions se sont maintenus au cours des cinq dernières années entre 8.1 p.c. et 8.6 p.c. Ses profits atteignaient $58.2 millions en 1973.

Ses ventes, après une baisse en 1971 et en 1972, ont remonté en 1973. La société mère a été affectée durement par la crise survenue dans l'industrie aérospatiale en 1971 et engendrée entre autres par la réduction des budgets gouvernementaux. Cependant, il faut noter que la succursale canadienne fut, en partie, à l'abri de cette crise, grâce à la production commerciale de ses modèles de moteurs PT-6 et JT-15D.

Et la croissance s'accélère à la société mère. Le 5 février 1974, United Aircraft a acquis la compagnie Essex International Incorporated. Les ventes d'Essex ont augmenté en 1973 de 36 p.c. pour atteindre $845 millions. Les profits ont augmenté de 8.1 p.c. pour atteindre $40 millions.

Les ventes consolidées de United Aircraft, incluant Essex, ont augmenté de 51 p.c. pour les premiers six mois de 1974. Les profits nets atteignaient $57.1 millions, soit une augmentation de 84.5 p.c. par rapport à la même période de 1973. Avec l'acquisition d'Essex, United Aircraft dépassera en 1974 le cap des $100 millions de profits.

Je ne vous ai pas remis le bilan provisoire au 30 septembre 1974, mais nous avons les données et on pourra vous le remettre demain.

Au 30 septembre 1974, par rapport à la même période de l'année dernière et selon les bilans pro forma, c'est-à-dire, y incluant Essex, les ventes avaient augmenté, au cours des trois premiers semestres en 1974, de 10.4 p.c. Les profits avaient augmenté de 7.2 p.c. et les dividendes versés sur les actions ordinaires de 8.3p.c.

L'enfant pauvre du Canada est dans une division prospère, la division "Power" de United Aircraft. Comme vous le voyez dans les bilans consolidés, il y a une présentation par grande division des activités de United Aircraft.

Il existe cinq divisions, soit les divisions Power, Industrial, System, Space, Other. La succursale canadienne prend place dans la division Power. En 1973, les ventes de cette division augmentaient de 16 p.c. pour atteindre $1,698,000. Les profits d'exploitation croissaient de 18 p.c. et atteignaient $53 millions, soit 3.1 p.c. des ventes. Pour les six premiers mois de 1974, les ventes ont augmenté de 8.4p.c. par rapport à la période correspondante en 1973. Il ne fait aucun doute que l'enfant pauvre canadien est spécialisé dans une division internationale de la production rentable et en pleine croissance.

Vue de la maison mère, la situation de la succursale canadienne est heureuse. L'évaluation de la situation de 1972 et 1973... Le président Gray, dans son rapport aux actionnaires sur les activités de 1972 déclare... On vous a remis ce rapport du président Gray et il s'agit des pages 4 et 5 que je vais vous citer. C'est le rapport avec la photo du président. Il faisait partie du rapport financier remis aux actionnaires en 1973 et portant sur les activités de 1972. Le président Gray mentionne — vous excuserez mon accent anglais — "I depart a moment to mention United Aircraft of Canada because of the outstanding achievement that they have turned in this past year and what appears to be an even greater year in 1973." C'est à la page 5 des commentaires du président.

De plus, le président Gray affirme au sujet de la production des moteurs PT6 faits à Longueuil: "In reference to general aviation, I should mention our United Aircraft of Canada Limited's contribution. This has been an auspicious year for them, too. Their PT6 engine has passed the 10 millionth hour of operation. This is a significant milestone in any engine's development. The PT6 is in 91 different applications and is one of the most broadly used aircraft engine in the world."

Le président ajoute: "The Beech people, who use the PT6, are also knocking very hard at United Aircraft of Canada's door to get additional production. ' '

Au sujet de la production des moteurs JT15D, le président ajoute également: "While speaking of United Aircraft of Canada, I would like to mention their JT15D, which powers the Cessna Citation, a general aviation jet for commercial and executive use, which has really caught fire in the commercial market with the upsurge in general aviation.

Our Canadian subsidiary is doing a splendid job in that. Our only problem there is producing the engine fast enough to keep the Cessna organization happy. The performance...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si vous permettez, sur ce, pourrais-je vous suggérer de suspendre la séance, étant donné qu'il est 18 heures, à 20 h 15, auquel moment vous pourriez continuer votre présentation? Est-ce que ce serait le voeu de la commission?

M. BURNS: Dites-lui que cela n'a rien à faire avec son accent anglais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Absolument pas, parce qu'on s'assurera que les sténographes aient le texte écrit. Je vous le promets. Alors, si c'est le voeu de la commission, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir 20 h 15.

M. DEAN: Merci, M. le Président. (Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 39

M. GRATTON (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Au moment de la suspension cet après-midi, je pense que c'est M. Frenette qui était en train de faire une présentation quant aux commentaires du syndicat sur l'incapacité de payer de United Aircraft. M. Frenette.

M. FRENETTE: Les performances heureuses de United Aircraft. Le président signale donc au sujet de United Aircraft de Longueuil les performances heureuses obtenues au cours des dernières années; envisage des perspectives d'avenir encore meilleures; la qualité de la production à Longueuil est de renommée internationale; le seul problème, selon lui, est de répondre à la demande croissante; en 1974, le nouveau président, H.S. Gray, déclare que la production s'est accélérée à Longueuil en 1973.

En somme, on oublie seulement de mentionner que les travailleurs ont quelque chose à voir à ces résultats fantastiques, même s'ils ont dû se crever au travail à des salaires inférieurs à ceux du secteur et à des conditions de travail esclavagistes, des semaines et des mois entiers pendant lesquels certains effectuèrent, sans la possibilité de les refuser, jusqu'à 84 heures de travail par semaine afin de réaliser des performances inusitées pour leur compagnie.

D'où vient la pauvreté de United Aircraft of Canada? Si, d'une part, aux Etats-Unis, on porte un jugement positif sur les opérations de la succursale canadienne et que, d'autre part, les administrateurs canadiens crient à la misère, et si personne ne ment de part et d'autre de la frontière, c'est que la structure même de cette société multinationale engendre à la fois la pauvreté pour la succursale et la richesse pour la maison mère. C'est celle contradiction que la commission parlementaire devrait approfondir si les représentants canadiens de United Aircraft continuent à maintenir leur incapacité de payer.

Ce que me disent pas les bilans financiers. Je voudrais vous faire remarquer, M. le Président, que les bilans qui nous ont été soumis, la semaine dernière, ne contiennent pas l'état des profits et pertes, ce qui nous a empêchés d'identifier les facteurs qui ont pu influencer la diminution des profits d'exploitation. C'est une faille majeure dans les bilans qui ont été déposés, d'où la difficulté d'analyse de la situation financière.

Les profits d'exploitation, pourquoi baissent-ils et quelles sont les indications qu'on peut avoir dans le bilan financier pour trouver des réponses à ces questions? De 1968 à 1972, les profits d'exploitation ont fluctué entre 4.2 p.c. et 8.4 p.c. des ventes. En 1973, toujours à Longueuil, ils chutent dramatiquement à 2.2 p.c. Les ventes augmentent de 30 p.c. et les profits d'exploitation diminuent de 53 p.c.

Comme nous ne croyons pas que United Aircraft Canada ait soudainement changé sa vocation et se soit lancée en 1973 dans l'expansion de la production bénévole pour répondre aux besoins sociaux croissants de ses clients, il nous faut savoir quels sont effectivement les coûts de production qui sont soudainement devenus exorbitants. Comme il ne s'agit pas de production nouvelle, mais bien d'une augmentation de la production dont les coûts sont connus, il nous apparaît impensable que les administrateurs décident d'augmenter le volume de production de 30 p.c. pour perdre 53 p.c. des profits d'exploitation.

Il nous faudrait savoir, entre autres: 1— Parmi les coûts de production, lesquels sont contrôlés par la succursale et lesquels sont fixés par la société mère? En somme, quels sont les coûts de transfert pour la succursale? 2— Quelle a été l'augmentation respective des coûts contrôlés et des coûts fixés? 3— Quelle est la politique de vente imposée à la succursale, les mécanismes de fixation des prix et la part des ventes faites à la société mère? 4— Quels sont les autres revenus d'exploitation qui ont fluctué en 1973?

Ce n'est qu'avec ces données que nous pourrions savoir la cause exacte de la diminution des profits d'exploitation et cela nous permettrait de savoir si, à l'exemple des autres sociétés multinationales, United Aircraft hausse les coûts des biens et services fournis à sa succursale canadienne et si celle-ci vend "à un prix familial" ses produits à la société mère.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, la société mère prévoyait des années florissantes pour sa succursale canadienne. On est en droit de se demander si la société mère n'a pas pris les dispositions requises pour "éviter" à sa succursale des problèmes de rentabilité et d'impôt canadiens et québécois.

Pourquoi augmenter les inventaires de $20 millions en 1973?

On observe dans le bilan consolidé de 1973, pour la United Aircraft Corporation, que les inventaires n'ont augmenté que de $31 millions pour la société mère. La succursale de Longueil a donc absorbé seule les deux tiers de l'augmentation des inventaires, avec une augmentation de $20 millions.

Concernant les inventaires, il nous faudrait savoir si ceux-ci ou une partie de ceux-ci n'ont pas été inclus dans les coûts de production de 1973, créant ainsi un déficit d'exploitation.

De plus, dans cette opération, il faudrait que la compagnie nous démontre que les inventaires s'appliquaient au travail en cours, normalement fait à Longueuil, et qu'ils étaient nécessaires ou alors, nous pouvons croire que l'opération a consisté à créer une perte au passif, afin de transférer des profits en 1973 par le biais de prêts ou de comptes payables à la société mère.

Cette opération est tout à fait contraire à la

pratique suivie par les entreprises manufacturières canadiennes en 1973, qui ont réalisé, en moyenne, 43 p.c. de profit, dont une bonne partie est qualifiée de profit d'inventaire.

United Aircraft serait l'une des rares sociétés à s'être imposé un gel des prix unilatéral afin de lutter contre l'inflation. On pourrait se réjouir de ce sens social développé si on était certain que toute l'opération était sous son contrôle.

United Aircraft Corp. vole 1 1/2 p.c. d'intérêt sur les prêts effectués à sa succursale. C'est le "shylock" légalisé.

La société mère emprunte à la First National City Bank, au taux primaire. Vous pouvez voir l'énoncé de cette position à la note no 3 du bilan financier consolidé, page 27. Par contre, United Aircraft Corp. prête ce même argent à un taux de 11/2 p.c. supérieur à ce qu'il lui coûte. Aujourd'hui, ce taux est de 11 1/2 p.c.

Selon toute vraisemblance, les conditions du prêt à long terme de $20 millions s'appliquent également au prêt à court terme et aux comptes payables par la succursale à la société mère. A ce chapitre, ce sont $6 millions qui furent payés en intérêt depuis 1968. Il faudrait savoir quelle est la proportion qui fut versée à la société mère et savoir également si les conditions du prêt à long terme s'appliquent à ces articles pour être en mesure d'estimer le détournement des profits par ces postes.

Depuis 1968, le prêt à long terme de $20 millions a coûté à la succursale $11.5 millions. C'est donc de $1.5 à $2 millions qui furent versés à United Aircraft Corp., grâce à sa clause de 1 1/2 p.c. que l'on peut qualifier de "shylock" légalisé et endossé par nos gouvernements. Cette situation se prolongera au moins jusqu'en 1983, qui est la date d'échéance d'un prêt de $5 millions dont une des conditions stipule que la succursale ne peut rembourser le prêt de $20 millions à la United Aircraft.

Il ne fait aucun doute que, par le biais de l'endettement auprès de la société mère, la succursale transfère des profits aux Etats-Unis; seule l'ampleur de l'opération nous échappe.

Le risque de la rentabilité. Le gouvernement canadien a versé, jusqu'ici, selon les bilans de la compagnie, $57 millions d'aide financière à la United Aircraft of Canada. Je mets, en annexe à ce document, la somme des subventions que la United Aircraft a reçues et qui, effectivement, dans notre document, sont estimées à $60 millions. On n'en est qu'à quelques millions près. Il semble exister, dans les ententes secrètes, entre le fédéral et la United Aircraft, une disposition selon laquelle, si les programmes pour lesquels les subventions ont été versées deviennent rentables, la compagnie devra rembourser au fédéral $5.2 millions en quatre ans à partir de 1973 ou, selon le dernier bilan, $6 millions en quatre ans, à partir de 1974.

Aucune provision n'est faite dans les bilans pour ce remboursement, et si la situation financière de 1973 se maintient, il n'y aura jamais de remboursement au fédéral. Dans ce contexte, la rentabilité de United Aircraft of Canada présente un risque, celui d'être obligé de rembourser le fédéral et il est douteux que United Aircraft ait un jour à assumer ce risque.

La subvention du Québec de $5 millions: Est-ce que toutes les conditions sont remplies?

L'article 2A de l'entente prévoit que United Aircraft of Canada doit investir $40 millions comme condition de la subvention et que 80 p.c. de cette somme auront été dépensés un an après l'entrée en production régulière et les derniers 20 p.c, deux ans après l'entrée en production. Comme tous ces délais sont donc expirés et que la compagnie affirme avoir rempli cette exigence également, elle peut, en conséquence, toucher la dernière partie de la subvention au rythme de 10 p.c. par année.

Dans les documents déposés, elle soutient avoir investi $42.5 millions, dont $26.5 millions en fonds de roulement. D'après les bilans financiers, le fonds de roulement ou le "working capital" depuis 1968 s'est toujours maintenu aux environs de $26 millions et on n'y voit pas là un investissement nouveau, tel que requis par l'entente.

Cependant, ceci n'est peut-être pas grave, car à l'article 5 de l'entente il est spécifié que la compagnie ne pourra être tenue de rembourser les sommes qu'elle aura perçues à titre de subvention révisée pour le seul défaut de ne pas avoir investi la somme de $40 millions.

En fait, il serait important de savoir si le ministre de l'Industrie et du Commerce considère, aux fins d'interprétation de l'entente, qu'un fonds de roulement constant est un nouvel investissement et, sinon, les montants additionnels de la subvention ne devraient pas être versés à United Aircraft.

United Aircraft pourra soutenir qu'il y a eu injection de $26 millions dans le fonds de roulement, bien que cette opération comptable, d'après ce que l'on peut voir dans les bilans, n'a consisté qu'à diminuer les inventaires: emprunter à la société mère et rembourser un prêt à la banque en 1970 et 1971. Essentiellement, pour United Aircraft, le fonds de roulement a consisté à changer de créancier, passant de la banque à la société mère.

On ne peut trouver, dans les bilans présentés, un apport net de capital pour le financement de ces investissement. La question se résume à ceci: S'il y a eu des dépenses de $40 millions, il doit y avoir eu injection de revenus additionnels de $40 millions. Or, où sont ces $40 millions de revenus additionnels dans les bilans? D'où proviennent-ils?

C'est ce qu'il faudrait éclaircir pour savoir comment cette condition d'investissement de $40 millions fut remplie par United Aircraft. De plus, la Société de développement industriel devra payer jusqu'à 30 p.c. du coût d'intérêt d'un prêt de $5 millions effectué en 1973. Ce sera une autre subvention qui pourra coûter jusqu'à $685,000 au gouvernement du Québec. Il faudrait savoir là encore quelles sont les

conditions de ce prêt et si United Aircraft s'y est conformée.

Les subventions fédérales. Pourquoi le mystère? Le gouvernement fédéral a renoncé, après les échecs successifs du CF-105 du Bobcat et du Bras d'or, à se doter d'un équipement sophistiqué.

Il n'a pas pour autant discontinué son soutien à l'industrie militaire au Canada. C'est dans ce contexte qu'est apparu le programme DIP. L'objectif de ce programme d'assistance est de renforcer la compétence des industries dans le domaine de l'aéronautique pour leur permettre de percer sur le marché international et de prendre avantage de la technologie acquise au Canada par la recherche et le développement. Par ce programme, c'est plus de $300 millions de subventions qui furent accordées à l'industrie au cours des dix dernières années; United Aircraft en a touché, jusqu'à ce jour, près de $60 millions. Vous trouverez également en annexe pour 1971, la distribution de ces subventions aux différentes compagnies installées au Canada.

Chez United Aircraft, ces investissements sont affectés directement aux revenus d'exploitation et n'apparaissent qu'au poste des comptes à recevoir.

Ces subventions peuvent être affectées aussi bien à la recherche et au développement qu'à la production. Elles peuvent être dépensées en partie seulement au Canada. Elles peuvent couvrir à la limite des commandes. Elles représentent une valeur presque égale aux actifs de la compagnie en 1972, ce qui est tout à fait exorbitant comme soutien financier. United Aircraft, en fait, aurait pu appartenir au peuple canadien si les subventions avaient contenu un droit de propriété proportionnel.

Face à l'ampleur des subventions obtenues, on est presque porté à passer sous silence le fait qu'elle n'ait pas payé d'impôt et qu'elle ait même touché des "retours d'impôt" de plus de $1 million qui lui ont été crédités à même les sommes qu'elle aura à verser un jour au gouvernement. Dans l'immédiat, les impôts différés et les "retours d'impôt" correspondent effectivement à un prêt sans intérêt, consenti par les gouvernements à la United Aircraft.

En 1972, les impôts différés totalisaient $4 millions; grâce au déficit de 1973, ils ont diminué à $2.5 millions.

Devant une telle injection de capitaux publics dans cette entreprise, il est tout à fait contradictoire pour les administrateurs de vouloir maintenir quelque velléité de confidentialité immanente à l'entreprise privée. Il est devenu impérieux que les gouvernements fassent la lumière sur cette entreprise qui engouffre, avec la complicité des gouvernements, les fonds publics avec une voracité déconcertante. C'est même devenu, selon nous, un devoir public pour tout gouvernement qui veut se maintenir debout, de freiner cet engloutissement de capitaux des contribuables dans une entreprise qui n'a pas encore obtenu ses lettres de créance de bon citoyen canadien.

Sommes-nous confrontés à une stratégie d'exploitation?

Les problèmes que nous avons soulevés sur les activités de United Aircraft à Longueuil ne sont pas étrangers au conflit de travail qu'a créé de toute pièce cette compagnie.

Ces problèmes font partie intégrante des habitudes et des coutumes de cette compagnie qui tente par tous les moyens d'exploiter autant nos gouvernements que les travailleurs québécois.

A l'analyse de la situation financière de United Aircraft et à l'exemple de nombreuses sociétés multinationales installées au Québec, une stratégie financière semble se profiler dans cette succursale dont les éléments seraient les suivants:

Premièrement, elle tente par tous les moyens de faire pression sur les travailleurs pour maintenir le "cheap labor".

Deuxièmement, elle utilise au maximum toutes les lois et tous les règlements canadiens et québécois de soutien à l'entreprise privée — subventions — prêts avec réduction du taux d'intérêt — impôts différés — commandes publiques, etc...

Troisièmement, la société-mère hausse possiblement les coûts des biens et services fournis à la succursale québécoise.

Quatrièmement, la succursale vend possiblement à rabais une partie de sa production à la société-mère ou à ses succursales.

Cinquièmement, la succursale québécoise doit être maintenue artificiellement en déficit ou presque.

Sixièmement, la société retire des profits, mais son siège social est installé dans un paradis fiscal au Delaware, évitant de payer de l'impôt sur ses profits.

Le tout se fait au détriment des travailleurs, de la population et de la collectivité québécoise et canadienne. L'acceptation de cette situation par nos gouvernements risque d'accroître la mainmise étrangère déjà excessive sur notre économie. Elle rend, en outre, tout à fait illusoire l'équilibre des forces entre le capital et le travail que les lois ouvrières qui nous régissent sont censées préserver.

Messieurs les membres de la commission, vous savez tous que l'argument patronal de l'incapacité de payer est une arme secrète utilisée par les compagnies dans les relations de travail. Cette arme est un moyen de chantage pour faire pression sur les travailleurs. Dans les conflits privés, nous ne pouvons jamais démasquer ce chantage car on nous y oppose toujours la confidentialité. Si United Aircraft persiste à vouloir utiliser cette arme, il vous revient de droit d'exiger une démonstration claire et exhaustive de ces allégués, ce que nous ne pouvons jamais faire en négociation privée.

Les questions que nous avons soulevées dans cet exposé ne présentent que la pointe d'un

iceberg qu'il vous appartiendra de découvrir, si vous le jugez bon.

Enfin, nous tenons à vous préciser que cette levée de rideau que nous avons effectuée sur la situation financière de United Aircraft ne doit pas mettre en retrait le problème des relations de travail que vous devez trancher; c'est d'abord ce problème qu'il est urgent de résoudre et le gouvernement du Québec pourra, par le biais d'autres mécanismes, mettre à jour le comportement financier de United Aircraft.

Pour nous, rien ne prouve que United Aircraft est l'enfant pauvre, que les travailleurs doivent subventionner en diminuant leurs demandes salariales qui sont justes et équitables dans ce secteur.

Je voudrais, en terminant, vous présenter l'évaluation pécuniaire des demandes et des offres salariales. C'est le document 8 1/2x14 avec les offres de la compagnie en haut et les offres syndicales en bas.

La semaine dernière, le porte-parole de la compagnie disait ici à la commission que la compagnie a soumis, en juillet dernier, une offre salariale globale représentant un montant additionnel de $24 millions répartis dans un contrat d'une durée proposée de trois ans.

Ceci, bien que les opérations de la compagnie se soient soldées par une perte de $3 millions en 1973. De plus, le porte-parole disait que le syndicat avait refuse de soumettre cette offre à ses membres. Le porte-parole disait que le syndicat présenta récemment d'autres demandes salariales. La demande syndicale ajouterait une autre tranche de $12,500,000 à ce montant de $24 millions additionnels qu'elle a offert dans ses offres salariales, augmentant ainsi de plus de 50 p.c. le coût de la dernière offre substantiellement accrue. C'était la prétention de la compagnie la semaine dernière sur les offres et les demandes salariales.

Or, dans le tableau que je vous ai préparé, j'ai chiffré par millions de dollars les offres de la compagnie et les demandes du syndicat. Le tableau doit se lire: La première offre du 7 décembre 1973, la compagnie offrait $0.53 la première année, ces $0.53 s'appliquaient durant 2,080 heures pour 2,600 employés, ce qui représentait donc $2.9 millions. Les $0.53, s'appliquant pendant la durée de la convention collective qui est de trois ans, représentaient donc $8.6 millions. C'est ainsi que le calcul a été fait pour toutes les offres. Or, la première offre de la compagnie représentait donc $13.9 millions. La deuxième offre de la compagnie représentait $13.3 millions. La troisième offre de la compagnie, que l'on n'a jamais reçue, tout ce qu'on a reçu lorsqu'on a fait les évaluations avant de venir ici, c'étaient les $0.90 qu'elle avait décidé d'appliquer en augmentation de salaire au mois de juillet. Je reprends: L'offre de la compagnie qui apparaît dans le rapport Dufresne et là je l'interprète évidemment telle qu'elle est possiblement interprétée dans le rapport Dufresne.

M. COURNOYER: C'est bien $14.3, ce n'est pas $13.3, c'est $14.3 pour la deuxième.

M. FRENETTE: Onze, douze, treize.

M. COURNOYER: C'est une addition.Vous avez dit: $13.3 et moi je calcule à $14.3.

M. HEENAN: On va souligner plusieurs erreurs du même genre.

M. FRENETTE: Oui, $14.3.

M. COURNOYER: Celle-là, disons que j'ai voulu la mentionner parce que...

M. FRENETTE: Elle est évidente.

M. COURNOYER: Les autres qui ne sont pas évidentes, je ne les vois pas.

M. HEENAN: C'est seulement $1 million.

M. FRENETTE: La troisième offre telle que présentée à Dufresne représentait $20 millions; rapportée sur une durée effective de convention collective de quatre ans, elle représente $15 millions.

Les offres syndicales, la demande syndicale. La première représentait $18.6 millions, la deuxième représentait $16.6 millions et la troisième demande, celle du 5 novembre, représentait $17.9 millions d'augmentation en salaires et $500,000 pour le forfaitaire, ce qui représentait $18.4 millions; rapportée sur la base d'une convention collective effective de quatre ans, celle-ci représentait $13.8 millions comme demande salariale. De plus, le syndicat — et vous avez les évaluations — demandait une clause d'indexation. La première demande d'indexation représentait $6.1 millions; à la deuxième demande, celle du mois de février, la clause d'indexation représentait $10.5 millions. Evidemment, les cinq mois de grève faisaient la différence. La troisième demande, estimée à un taux d'inflation de 8 p.c. représente $9 millions et un taux d'inflation de 12 p.c. représente $12 millions; rapporté à une durée effective de convention collective de quatre ans, ça représente $6.7 millions et $9 millions.

Si on regarde l'évolution des demandes syndicales, de ces trois demandes, on observe une diminution de $5 millions des demandes salariales. Pour ce qui est de l'indexation, on observe une croissance, au niveau de la troisième demande par rapport à la première, du coût de la formule d'indexation de $600,000 à $3 millions, selon que le taux d'inflation est à 8 p.c. ou à 12 p.c. Donc, de façon globale, on aboutit à une diminution des offres salariales de $2 millions à $4.5 millions et ceci, au niveau des demandes salariales, en ne prenant pas en considération le fait que, puisque la convention sera effective pour quatre ans, la compagnie se trouve à gagner au moins une année de négociation.

On a estimé nécessaire de rapporter ces points parce que la compagnie avance que ce sont $24 millions qu'on offre et qu'il s'agit de $12 millions de plus que l'on demande. Je ne réussis pas à trouver ces $36 millions dans nos demandes. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Dean.

M. DEAN: M. le Président, pour la troisième phase de notre rapport et la dernière, qui sera suivie de quelques remarques de ma part pour terminer, je demanderais à notre conseiller juridique, Me Gaston Nadeau, de vous livrer le contenu de certains documents qui sont en voie de distribution.

M. NADEAU (Gaston): M. le Président, MM. les membres de la commission, depuis le début des travaux de cette commission, vous avez été appelés à examiner ce qu'on pourrait appeler une avalanche de documents et de prétentions de part et d'autre. Nous avons cru qu'il serait peut-être souhaitable que la partie syndicale vous soumette la conclusion à laquelle elle en vient à la suite de la communication de toutes ces informations.

Nous avons demandé une intervention énergique du gouvernement, non pas pour nous permettre de sauver la face, mais parce qu'à notre avis, des droits fondamentaux sont bafoués.

Le principe, qui est à la base de notre législation en matière de relations de travail et qui est le même principe partout en Amérique du Nord, est d'assurer un équilibre des forces entre le capital et le travail pour donner aux travailleurs — et c'est une législation en faveur du travailleur — la possibilité de vivre décemment à l'usine et dans sa famille.

L'équilibre dans le présent conflit est rompu. Non pas parce que les revendications des travailleurs sont déraisonnables — je pense que nous l'avons démontré amplement — non pas parce que nous risquons de perdre la grève, mais parce que nous sommes en présence d'une violation subtile mais systématique de l'esprit, sinon de la lettre, de nos lois et que ces mêmes lois apparaissent maintenant impuissantes devant cette nouvelle manifestation de la puissance patronale que constitue l'entreprise multinationale.

Nous avons mentionné dans notre mémoire que cette grève était une grève de reconnaissance syndicale. C'est le premier moyen prévu par la loi pour assurer cet équilibre des forces. C'est le regroupement des travailleurs en syndicat et l'obligation pour l'employeur de transiger uniquement avec le syndicat.

Ces mesures, qui sont prévues dans nos lois, ne sont pas là pour le bénéfice des syndicats, comme on est trop souvent porté à le penser, mais pour celui des salariés. Ces mécanismes, ces dispositions veulent empêcher que le travailleur soit isolé face à son employeur. Elles veulent empêcher que l'employeur puisse faire des pressions indues sur le salarié pour le forcer à accepter des conditions de travail déraisonnables.

Or, le comportement de United Aircraft est une constante violation de ces principes. Toutes les démarches de la compagnie ont pour but d'isoler le travailleur, de le dissocier de son syndicat, de lui faire perdre confiance dans son syndicat et, finalement, de lui faire abandonner son syndicat de façon à lui imposer plus facilement des conditions de travail conçues uniquement dans l'intérêt de l'employeur.

Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'oeil, non seulement sur les gestes posés par la compagnie depuis le début de ce conflit, mais même sur son attitude devant cette commission.

Les préparatifs et la stratégie pour briser la grève.

On vous distribue, ou on va vous distribuer dans quelques instants un mémo de la United Aircraft, du 15 novembre 1973. Dans ce mémo, la compagnie avait décidé de tout mettre en oeuvre pour continuer à opérer pendant la grève, quels qu'en soient la durée et l'enjeu. Elle prévoyait déjà le remplacement des grévistes par des non-syndiqués — je vous invite fortement à lire ce mémo interne du 15 novembre 1973 — et sa campagne auprès des travailleurs pour les inciter à briser la grève; c'est presque textuel dans le mémo. Elle savait déjà qu'une telle attitude provoquerait de la violence. Elle a quand même mis cette politique en application.

Au cours des semaines qui suivront, la compagnie utilisera une avalanche de lettres, d'annonces dans les journaux, de visites et de téléphones de contremaîtres pour faire pression sur le travailleur, individuellement, et l'amener à se dissocier de la collectivité pour rentrer au travail aux conditions fixées par la compagnie.

Malgré les difficultés de preuve, le syndicat a réussi à obtenir une injonction de la cour Supérieure, dont vous avez le texte — il vous a été gracieusement distribué par Me Heenan — pour empêcher certaines manoeuvres de la compagnie. Le juge Vallerand parle, dans sa décision, d'une action concertée de la part de la compagnie — cela partait du niveau de vice-président — pour faire une pression, par des contremaftres, sur des travailleurs individuels.

Les démissions. Le représentant de la compagnie a déclaré devant cette commission que tous les salariés qui ont repris le travail avaient démissionné du syndicat à l'exception de 80 d'entre eux. Il a ajouté qu'on respectait cette liberté chez United Aircraft. Pourtant, le syndicat n'a reçu que cinq ou six démissions depuis le début de la grève. Nous savons cependant que ces démissions ont été signées, dans l'usine, sur des formules fournies par la compagnie et que ces démissions sont actuellement entre les mains de l'employeur. Il semble d'ailleurs — le même employeur — particulièrement bien informé du nombre total de ces démissions.

Nous ne sommes pas en mesure de savoir comment la compagnie a obtenu ces démissions, mais on peut l'imaginer facilement. On peut imaginer également l'utilisation qui pourra être faite de ces démissions par la compagnie tant auprès de chacun des travailleurs intéressés qu'auprès du groupe qui demeure en grève.

Communications directes avec les employés. Avant même le début de la grève et régulièrement par la suite, la compagnie a systématiquement cherché à passer par-dessus le syndicat, à le discréditer dans son action et à isoler les travailleurs en leur faisant parvenir des messages par lettres personnelles, journaux, etc. Vous avez d'ailleurs, devant vous, dans plusieurs des documents qui ont été soumis, de part et d'autre, des exemples de cette stratégie utilisée par l'employeur. Cette stratégie avait essentiellement pour but d'amener le travailleur à délaisser l'action collective où il peut trouver sa protection dans l'équilibre des forces pour l'amener à se retrouver seul face à l'employeur. Il ne faut donc pas se surprendre du nombre de "scabs" qui ont repris le travail.

La position de la compagnie sur la formule Rand. La position de la compagnie témoigne bien de son souci d'éliminer tout syndicalisme le moindrement efficace. Au soutien de sa position, elle invoque la liberté du travailleur. C'est une curieuse contradiction avec sa position sur le temps supplémentaire où elle veut forcer le même travailleur, sous peine de congédiement, à effectuer des heures de travail abusivement longues.

Elle appelle ensuite à sa rescousse des arguments d'ordre juridique en s'appuyant sur certaines dispositions du code du travail. Je ne crois pas que ce soit l'endroit pour lancer des débats juridiques. Qu'il suffise de rappeler que la cour Suprême, en 1959, a disposé de ces arguments et que cela n'a pas été remis en question depuis.

Elle veut, par ailleurs, faire un retour de plus de 15 ans en arrière pour ajouter à la formule actuelle des conditions que le juge Rand avait trouvées opportunes à l'époque, suivant la législation de l'époque et les problèmes de l'époque. Mais, des années se sont écoulées depuis; les lois ont été considérablement modifiées et les relations industrielles ont évolué au point où cette formule est maintenant imposée par quelques lois du Québec et même réclamée par certains représentants du Conseil du patronat, non pour les salariés, mais pour les employeurs.

La position de la compagnie sur cette question témoigne surtout de son désir d'affaiblir, sinon de détruire le principe même du droit d'association et de diviser les travailleurs. On ne peut plus faire de distinction entre le droit d'association et les moyens de l'exercer. C'est purement théorique de prétendre qu'on reconnaît le droit d'association si on ne veut pas en même temps donner des moyens minima de l'exercer efficacement ce droit d'association.

Elle mise ici sur l'individualisme et l'égoïsme. Il se trouvera malheureusement toujours une minorité plus ou moins importante qui choisira de ne pas payer et de profiter gratuitement de l'effort des autres. Il est inutile de décrire ici le genre de conflit et de division que cette situation peut créer. Au total, c'est toujours l'employeur qui en profite au détriment de la collectivité.

Quand la compagnie invoque son sacro-saint principe de liberté et qu'elle ne veut pas que ses employés paient à des tiers pour avoir le privilège de travailler chez elle, elle nous livre le fond de sa pensée. Pour United Aircraft, le syndicat est un tiers et non pas, comme le disent ou le veulent non seulement la loi, mais les principes fondamentaux à la base de notre loi, l'expression de la volonté collective de la majorité des employés.

Nous savions depuis longtemps que pour United Aircraft, ses employés sont des tiers. C'est cela le fondement de cette grève, la bataille sur la formule Rand, c'est encore une fois la pointe tout simplement de l'iceberg.

Un des autres moyens prévus par la loi pour assurer cet équilibre des forces, c'est le droit de grève. La grève permet d'exercer une pression économique sur les deux parties, de sorte qu'il en résulte une forme d'équilibre entre les justes revendications des travailleurs et les profits de l'employeur.

Dans le présent conflit, le mécanisme de la grève est complètement faussé pour deux raisons principales: cette grève n'est pas ou n'est plus une grève économique, mais une grève pour assurer le respect des travailleurs et leur dignité d'homme. Sur le strict plan économique, cette grève est peu susceptible d'affecter l'employeur.

En effet, de tous les points en litige, un seul peut vraiment être considéré comme économique, et c'est la question des salaires. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le dossier pour réaliser que, sur ce point, la marge qui sépare les parties est très mince, sinon inexistante.

Je souligne ici, en passant, que lorsque le président du syndicat a fait des commentaires sur les offres de la compagnie au mois de décembre, il a fait des commentaires sur les offres pécuniaires de la compagnie qui touchaient strictement au salaire et non pas sur l'offre globale de la compagnie sur tous les points en litige, comme le mémoire de la partie patronale semble le laisser entendre.

Tous les autres points en litige témoignent beaucoup plus d'un conflit social que d'un conflit économique, comme l'ont si bien compris notamment les évêques de la région métropolitaine de Montréal. Ils écrivent en effet au sujet des horaires de travail et du temps supplémentaire, et vous avez devant vous le texte intégral de la déclaration des évêques que nous avons produit la semaine dernière: "Les aspirations des travailleurs à ce sujet ne sont pas des caprices. Elles traduisent au contraire un

juste souci de construire des milieux de travail qui soient épanouissants pour l'homme et non uniquement tournés vers la recherche du gain".

Sur la formule Rand, les mêmes évêques notent en se référant au présent conflit: "Sans nous prononcer sur le choix d'une formule particulière, nous affirmons qu'il est juste que tous les travailleurs qui bénéficient des avantages d'une convention collective assument leur part des frais encourus pour la négociation et l'application de cette convention.

Le refus intransigeant de négocier une mesure qui, en cette matière, soit efficace nous paraît déraisonnable.

Nous ajouterons que les congédiements et les modalités du retour au travail sont également des problèmes strictement sociaux en ce qu'ils touchent non seulement à l'exercice, mais même à la survie du droit d'association des travailleurs de United Aircraft, et non pas seulement pour demain matin, mais pour des années à venir.

Enfin, l'indexation demandée par les travailleurs permettra tout simplement d'assurer à leur famille le maintien de leur pouvoir d'achat.

On constate donc que les mécanismes normaux prévus au code du travail pour assurer la protection des travailleurs et, en particulier, de leur droit d'association sont inadéquats et inefficaces à cause des politiques et des stratégies antisyndicales et antisociales de la compagnie. Les travailleurs de United Aircraft ne peuvent donc pas compter sur la loi actuelle pour protéger et défendre les mêmes droits que cette loi leur accorde. Ils ne peuvent alors compter que sur la force de leur résistance et c'est pourquoi cette grève, qui est fondamentalement une grève de reconnaissance syndicale, se prolongera tant et aussi longtemps que le législateur n'interviendra pas.

Dans sa présentation d'aujourd'hui, la partie patronale a soumis à cette commission des commentaires, notamment de l'abbé Dion, pour qui nous avons énormément de respect; elle a fait des allusions à la commission Cliche, elle a mis en doute le caractère particulièrement démocratique du syndicat qui est en cause ici, elle a mis en doute le mandat du syndicat. Tout cela a été réfuté préalablement par M. Dean. Son mémoire ainsi que son attitude reposent donc sur des présomptions.

Nous avons voulu soumettre à cette commission, non pas des présomptions, mais un ensemble de décisions judiciaires, et je ne crois pas qu'on puisse accuser ces organismes de partialité.

Dans une décision du 3 septembre 1974 du National Labor Relations Board, qui est aux Etats-Unis l'équivalent de nos tribunaux du travail, on trouve les remarques suivantes et chacune des décisions dont je vais parler vous sont ou vous seront distribuées dans leur texte intégral. "This Board — je souligne la date: 3 septembre 1974 — has found repeated instances where respondent (United Aircraft) has committed violations of the Act which demonstrate its desire to frustrate employee rights". "It is also clear that, since a difficult strike in 1960, respondent has demonstrated an enmity toward unionism marked by the lack of a stable relationship with the unions".

On fait alors référence à d'autres décisions du NLRB et des tribunaux et on cite des extraits de ces jugements. Par exemple: "The Board found respondent's conduct demonstrated hostility towards unionism and proclivity towards violating the Act". "The record shows that a pattern of discrimination against Union Stewards has been perpetrated by the respondent in prior cases".

On a parlé de "pattern" tout au long des auditions. On retrouve le même "pattern" ici. Le 9 mars 1971, dans une affaire opposant United Aircraft et le NLRB, la United States Court of Appeals, qui est la plus haute cour américaine avant la cour Suprême — et selon les informations que j'ai obtenues, il n'y a pas eu d'appel à la cour Suprême ou, s'il y a eu appel, cet appel a été rejeté — cette cour d'Appel en venait donc aux conclusions suivantes sur la conduite de United Aircraft: "We also note that, if the Board had declined to entertain these claims, arbitrators deciding individual cases may never have found the general pattern of anti-union activity which is now revealed to us".

Il convient de souligner qu'il s'agissait alors de congédiements d'officiers syndicaux comme dans le présent conflit et que la compagnie voulait soumettre les cas à l'arbitrage comme elle veut le faire dans le présent conflit.

La cour rejeta la position de la compagnie et son jugement est résumé ainsi: "Substantial evidence supported NLRB's finding that whether or not some of disciplined union stewards violated company rules, the action taken against all was motivated in whole or in part by stewards' union activities".

On comprendra dans les circonstances pourquoi les travailleurs de Longueuil exigent, maintenant, la réinstallation d'André Choquette et des autres et refusent de soumettre ces cas à l'arbitrage.

Il est possible que des "company rules" aient été violées, mais Choquette et les autres ont été congédiés, selon nous, pour leur militantisme syndical. Aucun syndicat digne de ce nom et aucun groupe de travailleurs ne peuvent accepter qu'un employeur se débarasse aussi facilement de ceux qui ont voulu défendre et protéger les droits du groupe.

Accepter cela veut dire accepter de détruire le syndicat. Si ceux qui se mettent en évidence pour aider leurs compagnons doivent perdre leur emploi, peu de travailleurs auront le courage de le faire.

En congédiant Choquette et les autres, la compagnie est fidèle à sa politique constante qui consiste à discriminer les leaders syndicaux,

à tenter de décapiter et d'affaiblir le syndicat.

Elle fait même d'une pierre deux coups. En effet, elle peut ensuite tenter de faire croire à tout le monde que le syndicat fait la grève pour un seul homme au détriment de l'ensemble des travailleurs, et que c'est la compagnie qui, contrairement au syndicat, est la grande protectrice des travailleurs.

Ce jugement de la U.S. Court of Appeals contient d'autres remarques très révélatrices sur le comportement de la compagnie: "This is sufficient to demonstrate the company's use of altered and misleading affidavits, intemperate conduct of company investigators, interrogations designed to find some basis for discharging stewards and discharges on the basis of evidence that was, in the Board's words, "false, biased, minimal or distorted".

De telles constatations de la part de l'une des plus importantes cours de justice américaines se passent de commentaires.

Enfin, ce jugement de 1971 se termine par la conclusion suivante et c'est toujours le jugement de la même cour d'Appel: "... and the many unfair labor practices follow a general pattern of anti-union hostility and discriminatory conduct".

On aurait pu espérer qu'après une telle condamnation la compagnie aurait changé d'attitude. Hélas non! United Aircraft semble se placer au-dessus des lois.

Le 28 décembre 1973, la même U.S. Court of Appeals est de nouveau appelée à se prononcer sur les pratiques de United Aircraft et elle écrit: "... it is difficult to imagine discriminatory employer conduct more likely to discourage the exercise by employees of their rights to engage in concerted activities than the refusal to put a scheduled wage increase into effect because the employees, four days before, selected an Union as bargaining representative. Thus, the Board was amply justified in concluding that the company's conduct in this case was "inherently destructive of important employee rights..."

Tout comme dans le présent conflit, la compagnie s'est défendue en prétendant qu'elle avait "a legitimate and substantial business justification for its conduct".

La cour examine donc cette défense et formule les commentaires suivants: "While the business purpose would be "substantial" we could not characterize it as "legitimate", Furthermore, the "dilemma" argument is clearly an afterthought".

L'analyse des données économiques dans le présent conflit démontre de la même façon que le "business justification" invoqué ici par la compagnie est également un leurre et une façade pour tromper tout le monde.

Pour terminer ce portrait, il est intéressant de revenir à la décision du 3 septembre 1974 où l'on apprend que, dans une décision antérieure du NLRB, la compagnie United Aircraft avait été donnée en exemple: "In referring to arbitra- tion in the case of National Radio... the majority of the Board distinguished that case from those in which a history of Union animus or pattern of action subversive of Section 7 rights has been alleged. The case cited from comparison... was United Aircraft..."

Ainsi donc, pour le NLRB, United Aircraft constitue l'exemple aux Etats-Unis d'un employeur qui historiquement est réputé pour son antisyndicalisme et sa politique systématique et subversive de violer les droits des travailleurs. On s'est défendu devant cette commission avec beaucoup trop d'énergie, disant que les décisions étaient prises non pas à East Hartford, mais ici à Longueuil. Je vous réfère à un document qui a été déposé par la partie patronale, c'est l'article du Devoir du 5 avril et je me permets, comme l'a fait Me Heenan ce matin, de citer l'honorable ministre du Travail. "M. Cournoyer a précisé que la direction du siège social de la United à Hartford au Connecticut avait affirmé à son médiateur spécial, M. Yvan Blain, qu'il ne serait jamais question d'accorder la formule Rand aux syndiqués de Longueuil".

Les représentants du syndicat ont eu l'occasion, au cours de ces mois, de réaliser que l'homme qui prenait les décisions était M. Morse, vice-président aux relations industrielles de United Aircraft Corporation, Hartford, Connecticut.

Et c'est maintenant cette compagnie qui a le culot, l'effronterie et l'arrogance de venir devant cette commission prétendre qu'elle protège les intérêts des travailleurs contre les menées et visées d'un syndicat comme les Travailleurs unis de l'automobile qui a apporté à des millions de travailleurs en Amérique du Nord, et notamment au Québec, un niveau de vie décent. C'est cette compagnie qui veut tracer à ce syndicat une ligne de conduite, les méthodes à utiliser, les moments où on va prendre des votes et ce qu'on va dire à nos membres.

Les membres de la commission pourront constater facilement que la conduite de United Aircraft dans le présent conflit est en tous points conforme à sa politique bien établie, et telle que révélée par les décisions déjà citées, de congédier les officiers syndicaux à cause de leur travail syndical en utilisant toutes sortes de prétextes; ignorer systématiquement la présence du syndicat pour tenter de négocier et transiger avec les travailleurs isolément; tenter de détruire, par des manoeuvres de toutes sortes, la confiance des travailleurs dans leur syndicat; diviser les travailleurs et susciter la haine entre eux par la provocation qui entraîne la violence, par le pourrissement d'un conflit qui entraîne la misère.,

Les voies d'évitement. Devant un tel "casier judiciaire", la compagnie, au lieu de se rendre à l'évidence, cherche plutôt à mettre l'accent sur des "voies d'évitement" ou ce que les Anglais appellent des "side issues" et, notamment — et cela m'appara^t être les deux plus importants —

la violence pendant le conflit et même les problèmes internes du syndicat. Parce qu'on veut non seulement régler les problèmes au niveau du local 510, mais également au niveau du syndicat international.

Oui et, malheureusement, il y a eu des actes de violence pendant le conflit et le syndicat est le premier à les déplorer et il a fait des efforts constants pour éviter que ça se répète. D'ailleurs, grâce notamment à ces efforts, aucun acte de violence n'a été perpétré depuis le début du mois de juin jusqu'à ce jour, à l'exception des incidents du 1er octobre causés par la publication du rapport Dufresne. Et on a mentionné que, contrairement à nos habitudes, on faisait nos assemblées à 6 heures. Il y a eu plusieurs assemblées à 6 heures du matin pendant la grève, pour la bonne raison qu'il y a un certain nombre de grévistes qui travaillent et qui veulent suivre les assemblées quand même. Alors, on les fixe beaucoup plus tôt le matin pour leur permettre d'assister aux assemblées et ensuite d'aller travailler.

Il ne faut pas se surprendre, lorsqu'après neuf ou dix mois de grève, un enquêteur du ministère du Travail dit que la position patronale est intransigeante, il ne faut pas se surprendre, même si on doit le déplorer, qu'il y ait des actes de violence.

D'ailleurs, toute violence a des causes. Dans le cas présent, la violence constitue ce que j'appelle un accident de parcours qui a été engendré par le conflit et qui va disparaftre avec le conflit, comme c'est toujours le cas. Je pense que c'est ce qu'il importe de retenir.

Nous pourrions passer des heures et certainement consacrer autant, sinon plus de temps que le représentant de la partie patronale n'en a fait, à réfuter, analyser, commenter, nuancer et disserter sur l'ensemble des accusations lancées, les chiffres avancés, les remarques faites au sujet de la violence. Nous pourrions souligner que le premier geste de violence physique dans ce conflit a été un coup de hache donné à un gréviste par un cadre. Que, dès le début de la grève, la violence a été provoquée par l'entrée au travail des employés de bureau en "jeans", que cette violence a été voulue et provoquée, comme en fait foi le mémo du 15 novembre.

Pendant tout ce temps, on laisserait de côté, à la grande satisfaction de l'employeur, le véritable problème pour lequel nous sommes convoqués devant cette commission.

Ce n'est pas la violence qui cause ou qui prolonge le conflit mais bien la prolongation et l'enjeu du conflit qui sont générateurs de violence. On a fait grand état du document syndical sur les conditions de retour au travail. On s'est scandalisé parce que le syndicat réclame que des employés qui ont pu être emprisonnés gardent leur emploi. Mais il y a un phénomène qu'il importe de souligner: lorsqu'un citoyen ordinaire commet un acte criminel, il est traduit devant les tribunaux criminels et paye sa dette à la société. Il est puni une fois.

Mais le gréviste de United Aircraft, comme malheureusement trop de gars, est puni deux et trois fois. Il est poursuivi au criminel, il est poursuivi pour outrage au tribunal et, dans certains cas, il est congédié. Pourquoi ce double traitement? Tout simplement parce que le gars est gréviste? Parce que le gars exerce un droit qui lui est reconnu dans nos lois? Je ne vois pas de matière à scandale que l'on cherche à protéger l'emploi d'un gars qui a peut-être fait un faux pas. Il a payé sa dette.

Parce qu'il s'agit d'une voie d'évitement, nous ne croyons pas utile d'expliciter davantage la question de la violence mais nous prions tous les membres de la commission de bien vouloir nous poser toutes les questions sur ce sujet qu'on jugera opportunes.

Si vous estimez qu'il y a des points, là-dessus, qui mériteraient d'être éclaircis, et au sujet desquels vous aimeriez avoir le point de vue du syndicat, nous nous ferons un plaisir, documents à l'appui, s'il le faut, de répondre à vos questions.

Il y a eu une autre voie d'évitement qui a été utilisée aujourd'hui. C'est l'argument que la United Aircraft est en grève contre le syndicat et non contre ses employés. On a émis des doutes sur le mandat du syndicat, on a émis des doutes sur la valeur des votes. On a fait appel à des jugements d'observateurs impartiaux. On a cité M. Vincent Prince. Je pense et je n'ai pas à y revenir, que M. Dean, cet après-midi, vous a expliqué, avec tous les détails et surtout le témoignage non équivoque de Vincent Prince et de Jean-Claude Leclerc, que le syndicat a un mandat non équivoque, très clair et que les positions prises l'ont été à la suite des décisions des membres. le syndicat demande au gouvernement de régler ce conflit par une loi spéciale qui disposerait de tous les points en litige selon la dernière proposition du syndicat.

Cette loi est nécessaire à un double point de vue: —Pour assurer le respect des principes fondamentaux de notre régime de relations de travail. —Pour régler un problème social qui a scandalisé toute notre société.

Le législateur doit intervenir dans ce conflit — nous le soumettons respectueusement — comme il l'a fait à différentes reprises dans le passé, chaque fois qu'à son avis, les lois existantes ne permettaient pas ou ne permettaient plus d'assurer le respect des principes auxquels adhère notre société en matière de relations de travail.

Il est évident que dans le cas de United Aircraft, les mécanismes actuellement prévus dans nos lois pour assurer le respect de ces principes sont totalement inefficaces et dépassés.

Il est évident que nous faisons face à une réalité nouvelle, celle d'une société multinationale omnipuissante. Cette réalité commande une législation nouvelle et spéciale, comme

d'autres réalités nouvelles ont, au cours des dernières années, commandé aux yeux du législateur — et j'ajouterais de ce même législateur — des législations nouvelles et spéciales.

Cette législation nouvelle est d'autant plus impérieuse qu'elle est nécessaire pour empêcher l'importation au Québec d'une politique patronale excessivement néfaste, conçue à l'étranger par des étrangers et pour des étrangers. Une société ne peut permettre que les principes de justice sociale auxquels elle adhère soient ainsi torpillés par une puissance extérieure.

Les travailleurs de United Aircraft ne doivent plus subir le péril social dans lequel ils sont plongés depuis dix mois pour assurer et maintenir, aux lieu et place du législateur, l'équilibre des forces qui doit continuer, à notre avis, d'exister au Québec, en matière de relations de travail.

M. Dean va compléter.

M. DEAN: M. le Président, je vais être très bref pour terminer l'exposé du syndicat. La partie patronale a lancé deux défis dans ses remarques aujourd'hui. On m'a demandé de me prononcer personnellement et au nom du syndicat international sur la violence. On est contre la violence, tout le monde est contre la violence, tout le monde condamne la violence et je la condamne moi-même.

Mais contrairement à la compagnie qui traite des êtres humains comme de vulgaires machines, il faut passer à travers certaines règles strictes et il faut comprendre la réaction humaine du travailleur qui a donné, en bien des cas, les meilleures années de sa vie à une entreprise... Ils se battent légalement pour se faire respecter, pour obtenir les conditions de travail et de vie dignes d'êtres humaines et, par 29 degrés sous zéro et par 100 degrés au-dessus de zéro, ils voient passer sous leur nez des personnes qui entrent dans l'usine pour leur voler leur emploi, sous la protection bienveillante de la compagnie.

Ils passent sous le nez des matraques, des chiens dressés; ils se font bousculer quand ils essaient de faire du piquetage. Ils se font même heurter par des automobiles et, après des mois de lutte, ils se trouvent démunis, frustrés, bafoués, écoeurés. S'ils posent des gestes de violence, il faut les comprendre, et ne pas les condamner.

Deuxièmement, on a demandé au syndicat si on était prêt à se faire expliquer à nouveau, après plusieurs mois, les mêmes vieilles offres rejetées de la partie patronale.

Si on était prêt à changer quelques cents de place et à traiter cela du nom de négociations, à reprendre des négociations pour discuter un sujet en litige et déplacer des cents, je regrette, messieurs, nous ne sommes pas intéressés à faire cela. Il y a six ou sept points en litige; on a fait de notre mieux pour vous les expliquer et les justifier devant vous depuis le début de ces séances. Nous croyons à ces points. Les travail- leurs en grève croient à ces points. Nous avons fait toutes les concessions possibles. Nous sommes au fond du baril. Il y a des points en litige.

M. COURNOYER: II ne faut pas dire au fond du baril, ici.

M. DEOM: Parfois, le baril peut sauter.

M. DEAN: Nous ne sommes pas intéressés à nous faire expliquer à nouveau la sagesse et la bienveillance des offres de la United Aircraft. Les travailleurs ne sont pas stupides. Ils sont assez intelligents pour savoir ce que ces offres valent.

Sur un point sur six, on n'est pas intéressé à négocier. C'est pour cela que nous sommes devant vous, parce qu'on joue cette comédie depuis le mois de février. On a épuisé tous les moyens normaux, anormaux et spéciaux. Je pense qu'on a épuisé l'ingéniosité du ministre, de ses conseillers et, probablement d'un paquet d'autres gens dans les rangs du gouvernement, pour trouver des formules nouvelles, différentes et spéciales pour régler ce conflit.

Nous faisons appel à l'Assemblée nationale du Québec pour adopter une loi spéciale sur tous les points en litige sur la base des dernières offres syndicales. C'est vrai que je suis fatigué. Je m'en excuse. Je commence à entendre gronder les membres derrière moi.

Finalement, messieurs, M. le Président, je vous demande de lire surtout le premier paragraphe d'un document qu'on vient de vous distribuer; le premier ministre de la Suède, pays social-démocrate, y exprime l'opinion que les gouvernements et les syndicats ouvriers doivent collaborer étroitement pour apporter un contrepoids démocratique à la puissance des entreprises multinationales. Au nom des grévistes de la United Aircraft, je vous demande, messieurs les membres de la commission, je demande à l'Assemblée nationale, de collaborer avec le syndicat pour apporter ce contrepoids démocratique à cette puissance déraisonnée des entreprises multinationales. Merci beaucoup, M. le Président, merci beaucoup, messieurs les membres de la commission.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Dean, messieurs, merci.

J'inviterais maintenant le ministre du Travail.

M. HEENAN: M. le Président, quand M. Séguin, le président, nous a rencontrés et nous a demandé de procéder, il nous a dit qu'après l'intervention du syndicat, on aurait toujours le droit de répliquer sur deux ou trois points.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Fort probablement, après que les membres de la commission auront eu l'occasion de questionner les gens du syndicat sur les affirmations faites depuis cet après-midi et la compagnie également, bien entendu, puisque les deux ont comparu aujourd'hui. A ce moment, j'ai bien

l'impression que, durant la période des questions et, sinon durant la période des questions, sûrement après, chaque partie pourra faire valoir ses points de vue.

M. HEENAN: M. le Président, je ne serai pas tellement long, mais cela a été fait dans la chambre quand on a fixé cet ordre du jour. On a alors changé l'ordre selon lequel, je devais procéder avant, comme c'était mentionné par le député de Maisonneuve ce matin. On m'a dit qu'on pourra répondre à certains arguments du syndicat, car il y a quelques affirmations auxquelles je pourrai répondre. A ce moment, étaient avec moi un monsieur de la Chambre de commerce, M. Laberge, M. Dean, qui vont tous se souvenir de ce que M. le Président a dit. J'aimerais, en réponse...

M. COURNOYER: Juste un instant, étant donné qu'il s'agit d'un imbroglio qu'il faut clarifier immédiatement, pour que tout le monde comprenne ce qui s'est passé dans la chambre, de l'autre côté. Vous, M. Burns, vous n'y étiez pas et moi non plus. Ils étaient quatre, avec le président, et le nouveau président n'y était pas.

M. LABERGE: On a un nouveau président.

M. COURNOYER: On a un nouveau président, mais il y avait quatre personnes qui étaient là. Je ne voudrais pas non plus faire un procès. Je ne veux pas savoir. Est-ce que, de bonne foi, il y a eu une entente telle que celle suggérée ici par M. Heenan? Est-ce que cette entente existe?

M. LABERGE: En fait, ce que je me rappelle — ils me corrigeront si je fais erreur — c'est que M. Heenan a dit au président: Très bien, je vais commencer et je vais dire que j'attends après le syndicat. On a été grandement surpris ce matin quand on a vu M. Heenan dire qu'il était prêt à présenter son mémoire. Pour être parfaitement honnête, je pense que le président de la Chambre de commerce... Si je lui donne une promotion, il va peut-être...

M. COURNOYER: M. Laberge, avec tout le respect que je vous dois habituellement, la question que j'ai posée n'était pas celle-là. Oui, ce n'est pas la réponse à la question que j'ai posée. C'est une réponse, mais ce n'est pas celle que j'ai...

M. LABERGE: Ce n'est pas celle que vous voulez. Ecrivez-moi.

M. COURNOYER: C'est-à-dire que c'est la question. Je peux vous l'envoyer par la poste, si vous voulez, enregistrée, ce n'est pas pire. Mais la question que j'ai posée est très simple. Vous étiez quatre, il n'y a personne ici qui était là. Il y a eu une entente entre vous et le président. Le président n'est pas ici, je ne voudrais pas ajourner la séance pour aller voir si le président va me confirmer telle ou telle entente. Est-ce qu'effectivement vous vous êtes compris, sur l'ordre de présentation, que M. Heenan avait le fardeau de répondre ce matin en commençant l'assemblée, que M. Dean et son groupe répondraient eux aussi et que, par la suite — ce que M. Heenan vient d'affirmer et je n'étais pas là — M. Heenan aurait la chance de répondre d'une façon additionnelle aux dernières argumentations du syndicat?

M. LABERGE: Une chose est sûre, c'est qu'on ne s'opposera pas à son droit de réplique; c'est sûr.

M. COURNOYER: Si vous ne vous opposez pas à son droit de réplique et que nous avons encore une demi-heure devant nous ce soir...

M. LABERGE: Même devant le NLRB, il a le droit.

M. COURNOYER: Si vous ne vous opposez pas à son droit de réplique, je ne vois pas pourquoi nous, de la commission, nous nous opposerions à cette entente.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, si la partie syndicale... Je comprends qu'elle a fini sa présentation. J'invite maintenant M. Heenan...

M. COURNOYER: C'est parce qu'il y a eu d'autres ententes, disons pour tout de suite...

M. BURNS: Au cas où vous nous apporteriez des nouvelles...

M. COURNOYER: A la suite de la réplique de M. Heenan, est-ce que vous avez convenu que vous répondriez aussi succinctement pour qu'on règle cela immédiatement?

M. LABERGE: Oui.

M. COURNOYER: Vous avez convenu cela aussi, rapidement. Messieurs, on a jusqu'à 10 h 15 ce soir et, demain matin, on continuera, mais je préfère qu'on continue exactement comme le calendrier avait été prévu par le président de cette commission, vu qu'il est absent.

M. BURNS: M. le Président, pour savoir un peu comment on peut organiser notre travail, j'aimerais savoir s'il y a d'autres ententes aussi, à part celle-là?

M. HEENAN: C'est la seule dont je suis au courant.

M. BURNS: II n'y en a pas d'autres?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Vous n'avez pas décidé si...

M. DEAN: On a eu assez de misère à arriver à cette entente.

M. BURNS: Bon. Je vois bien qu'on ne signera pas de convention collective ce soir, en tout cas.

M. COURNOYER: Un miracle.

LE PRESIDENT (M. Gratton): M. Heenan.

Réplique de la partie patronale

M. BURNS: C'est de plus en plus rare.

M. HEENAN: Merci, M. le Président, j'aimerais reprendre un peu pour clarifier un peu la situation. Je vais répondre d'abord en prenant ce dernier document. Je félicite mon confrère Gaston Nadeau, c'était très bien présenté. Mais je ne suis pas ici pour protéger ou défendre les intérêts de la United Aircraft Corporation de Hartford. Je suis ici pour représenter...

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. HEENAN: ... et exposer le point de vue de United Aircraft of Canada Limited. C'est très important, car cette distinction qu'on fait depuis le commencement, le syndicat ne semble pas la faire, ni dans les états financiers, ni dans les jugements qui sortent, ni dans aucun des documents qui sont produits ici.

En d'autres mots, si le syndicat, dans ce mémoire, veut faire le procès de United Aircraft of Hartford,' on va faire venir le conseiller juridique de United Aircraft of Hartford et on va produire tout le dossier juridique de United Aircraft of Hartford, et ils pourront expliquer toutes ces choses ici.

Cependant, ce que je trouve très malheureux, c'est que pour justifier ici des positions de la grève, on sort des extraits de quelques décisions de United Aircraft of Hartford pour dire: C'est la même chose qui se passe ici. Je regrette. Je vous ai cité des décisions des juges du Québec, tous du tribunal du Québec.

Quand on me dit qu'on a fait des choses et qu'on ignore les lois, j'aimerais savoir où et quand la compagnie canadienne, United Aircraft of Canada Limited, n'a pas respecté ces lois. Cela, j'aimerais bien le savoir. Que je sache, à part la décision que moi-même j'ai produite ce matin, il n'y a aucune violation, ni devant la Commission des relations de travail, ni devant le tribunal du travail, ni devant les cours de la province de Québec. En d'autres mots, qu'on fasse un procès par assimilation, je pense que c'est un peu malheureux.

Quand je vous ai cité des causes, je ne faisais pas le procès de United Automobile Workers, une multinationale de Détroit, je faisais le procès de ce qui est arrivé ici, et si on veut rapprocher la compagnie United Aircraft of Canada Limited, d'accord, qu'ils la rapprochent, mais qu'ils la rapprochent à des décisions qui ont été faites ici. Il n'existe pas de décision. On nous accuse depuis longtemps d'être antisyndicaux, d'être ceci et d'être cela. Il n'y a pas une plainte qui ait été retenu contre la compagnie United Aircraft à cause des activités contraires aux lois de la province de Québec. Il n'y en a nulle part ! Il existe plusieurs décisions, qui ont été produites ici également, qui répondent au syndicat sur les points, et surtout sur la violence.

Maintenant, je tiens pour acquis que la réponse de M. Nadeau, dans ce document, c'est qu'effectivement, oui. Il prend la défense de ces quinze personnes dont on parlait, et qu'effectivement, avec eux, cela s'explique à cause des autres choses et, là, il va justifier cela par une attitude qu'il reproche à la compagnie United Aircraft de Hartford.

Mais reprenons le cas. On nous accuse de quoi? Et je cite: "De congédier les officiers syndicaux à cause de leur travail syndical en utilisant toutes sortes de prétextes". Cela, c'est une accusation lancée à United Aircraft of Canada Limited, car je me fiche de United Aircraft aux Etats-Unis. Qu'ils s'arrangent avec leurs ennuis, s'ils en ont. Mais ici, c'est de cela qu'on nous accuse. Bon! Qui?

La seule personne congédiée, jusqu'à ce jour — que j'ai su — était bel et bien M. André Choquette. Quel est le cas de M. André Cho-quette? On est prêt à le dire. C'est le directeur de grève, d'abord. Mais avant cela, comme je vous ai dit, il y a eu le mois de novembre, quand il est entré dans l'usine pour sortir des personnes qui travaillaient volontairement en surtemps. Il n'avait pas d'affaire à être là. Il les a sortis en leur faisant des menaces. Il n'a pas été congédié pour cela. Il a été suspendu pour trois jours, je pense.

Maintenant, si vous étiez le gérant et que vous saviez que des personnes étaient volontaires, étaient prêtes à travailler en surtemps, et qu'un monsieur qui n'a pas raison d'être dans l'usine entre dans l'usine, sans permission, pour sortir des personnes qui veulent travailler, qu'est-ce que vous feriez?

Est-ce que vous accepteriez cela ou est-ce que cela serait une suspension? Dans bien des cas, je sais que cela serait un congédiement. Est-ce que cela serait une attitude antisyndicale? Est-ce que le syndicat, à ce moment-là approuvait l'activité de M. André Choquette? Je ne sais pas. Si oui, il y a une concertation quand il dit qu'il était prêt à prendre la United Aircraft depuis le commencement d'août...

Un peu plus tard, M. Choquette a refusé d'obéir à tout ordre du contremaître, a refusé de sortir à la demande de son contremaître, des contremaîtres, des constables, des deux vice-présidents de la United Aircraft et même de la police de Longueuil. Qu'est-ce que vous auriez fait si vous aviez été à la direction?

Gérer une entreprise n'est pas facile et s'il y a des personnes qui pensent qu'elles ne sont soumises à aucune autorité, sauf leur propre autorité. Qu'est-ce que vous feriez comme directeur à ce moment? Est-ce que c'est antisyndical de dire, non pas qu'il est congédié sur le champ, mais de dire qu'on lui enverra, pendant une enquête sur ce qu'il avait fait pour une décision ultérieure... Et pendant qu'il est toujours sous le coup de cette suspension, il entre par effraction — il l'admet ouvertement — prend des objets appartenant à la compagnie, s'en sert pour détruire la propriété de United Aircraft et se sert de cela pour faire entrer d'autres personnes. Vous êtes le directeur maintenant, monsieur. Qu'est-ce que vous faites dans de telles circonstances? Est-ce que c'est antisyndical de congédier M. Choquette? Qu'on ne nous jette pas de poudre aux yeux en citant des extraits de quelques jugements de United Aircraft. Je suis certain qu'avec toutes les usines que United Aircraft a aux Etats-Unis (toutes sont syndiquées), il n'y a pas de doute qu'il y a quelques décisions et c'est très habile de la part de mon confrère d'avoir sorti quelques parties de jugements...

Je pourrais faire venir, sans doute, les avocats de la compagnie américaine, mais ce n'est pas le problème que nous avons ici et je vous dis que nous avons congédié une personne et c'était M. Choquette. Je vous ai dit pourquoi on l'a fait. Je vous présente ces faits et je vous demande: Vous êtes le directeur maintenant, qu'est-ce que vous faites? Est-ce que c'est antisyndical à cause de cela?

Maintenant, l'activité de M. Choquette, depuis, a été jugée par plusieurs juges et ces juges ont eu l'occasion d'avoir toute la sagesse de mon confrère Me Nadeau à la défense de M. Choquette, mais ils ont tous — et j'ai mentionné le juge Vallerand — jugé que M. Choquette était coupable des choses qui lui étaient reprochées. A ce que je sache, c'est le seul officier syndical qui a été congédié et quand je parle du dossier, M. Choquette est actuellement — il pourra vous le dire beaucoup mieux que moi, je pense — sous le coup de onze arrestations pour violence, pour avoir battu d'autres employés, pour dommages aux propriétés, pour violation de probation, onze. C'est le directeur de la grève des TUA et c'est pour cela que je leur ai demandé ce matin et j'aimerais bien avoir la réponse du local 510, car l'Union internationale se plaint aussi du groupe de militants.

J'aimerais bien avoir la réponse. Elle n'était pas trop claire. Est-ce que le syndicat appuie ou n'appuie pas les actes de M. André Choquette? Je vous ai montré le tableau. C'est, que je sache, le seul officier syndical qui ait été congédié à cause de son travail syndical. Est-ce que c'est cela le travail syndical? Est-ce que vous accepteriez cela chez vous? J'ai dit: Je ne voulais pas mettre le fardeau des autres actes qui sont organisés par un groupe de militants d'après l'aveu même du syndicat international. Je ne cherche pas à l'exploiter, je constate un fait. Je dis: Est-ce que le syndicat ici l'approuve ou est-ce qu'il ne l'approuve pas? Qu'il ne fasse pas le procès de United Aircraft of Hartford, Connecticut, qu'il réponde aux problèmes qui se sont posés ici à Longueuil cette année. Quand il nous accuse de congédier tout ce monde, qui, quand et où sont les décisions? Quand il nous accuse d'avoir violé les lois du Québec, quand, comment, où? Où sont ces décisions dont il parle? Le seul jugement qui ait jamais, en matière de relations de travail, été prononcé contre la compagnie United Aircraft of Canada Limited, c'était la décision dont j'ai produit une copie, le jugement de l'honorable juge Vallerand. Il y dit et il y souligne qu'après avoir trouvé qu'il n'y avait rien dans ce que la compagnie a fait pour se rapprocher, il pensait, même dans cette histoire, d'envoyer deux contremaîtres visiter les employés, qu'il n'y avait aucune preuve d'intimidation, de menace ni rien de cela. Cependant, je pense, dit-il, que c'est utile d'arrêter la visite des contremaîtres chez les employés car quelques employés pourront voir cela d'un mauvais oeil. Ce jugement est en appel, mais cela a été respecté à la lettre depuis.

C'est le seul jugement et c'est la compagnie qui l'a produit. Où sont ces autres cas? Qu'on ne parle pas d'ailleurs, qu'on parle d'ici! Où sont les autres cas? Je vous ai montré le tableau de M. Choquette et je vous demande si cela est anti-syndical.

L'autre chose qu'on nous reproche, c'est d'avoir ignoré systématiquement la présence du syndicat pour tenter de négocier et transiger avec les travailleurs isolément. Je suis bien content qu'on nous reproche cela, on va faire l'état des choses. Au commencement des négociations — et tout le monde peut vérifier si ce que je dis est exact — la compagnie est venue à la table de négociations et, comme à toute table de négociations on a dit: On est ici pour négocier avec vous, on ne veut pas négocier publiquement. On veut donner une chance à la table de négociations. Quelle a été la réponse du syndicat? C'est une entente qu'on a toujours eue. La réponse du syndicat c'est: Non. Nous voulons aller par les journaux. Nous avons été vraiment surpris à ce moment-là, mais nous avons dit: Cela ne tient pas debout. On négocie à une table de négociations, on garde tout cela secret, on garde cela pour le présenter aux membres par la suite. La réponse du syndicat a encore été non et même, dans le premier rapport de presse, il nous a reproché de ne pas vouloir dire publiquement ce qu'étaient nos offres. Ce fut le commencement des négociations. On nous reprochait de ne pas vouloir dévoiler publiquement ce qu'on faisait.

Vous savez, il y a une pensée, parfois, du côté syndical, qui veut qu'un employeur n'ait pas le droit de communiquer avec ses employés. Une fois qu'ils sont syndiqués, l'employeur n'a rien à voir avec ces syndiqués, ils devront tout

simplement passer outre et c'est seulement le syndicat qui a affaire avec eux. Mais ça, c'est tellement contraire à la conception moderne de gérance que — franchement, ça me dépasse, en 1974 — on en parle de cette façon. Je me réfère au livre de John Kenneth Galbraith qui s'appelle The New Industrial State qui prouve — oui, un économiste très bien connu qui a fait une étude... il est Canadien effectivement, professeur à l'université de Harvard — ce qui suit: Dans l'entreprise moderne, ce n'est plus le propriétaire qui négocie avec ses employés, où il y a ce conflit d'intérêts... il y a ce qu'il appelle "the techno structure". Tous ceux qui sont à la table de négociations sont des salariés. Ce sont des salariés qui n'ont rien à gagner ni rien à perdre. Ils ne sont pas là pour fourvoyer les employés, ce n'est pas vrai.

Les personnes qui sont à la table de négociations sont là pour essayer de répondre aux exigences mais essayer toujours que l'entreprise puisse fonctionner d'une façon productive.

Maintenant, dire que ces personnes sont là pour faire autre chose, c'est détourner complètement le problème. Mais si le syndicat n'informe pas les employés de ce qui se passe ou s'il les informe d'une telle façon qu'il commence la grève, je soulevais toute la question de communications syndicales vis-à-vis des employés, je pense qu'à ce moment-là, l'employeur a le droit d'en parler et d'écrire à ses employés.

Remarquons ici que la compagnie avait suggéré au syndicat de ne pas négocier publiquement et le syndicat avait refusé carrément, en disant: Non, on ne veut pas ça, on veut le faire en public. D'accord. On a dit: D'accord. Mais la première fois qu'on a publié une lettre, on nous le reproche. Ah, vous parlez! En d'autres mots, le syndicat peut se permettre n'importe quoi, mais l'employeur ne peut pas communiquer avec ses employés.

Dire que cette lettre était le commencement d'une politique dans le but d'ignorer le syndicat, c'est déplacer le problème. On a négocié avec le syndicat. Mais si, par contre, le syndicat ne transmettait pas nos offres, comme assez souvent il ne voulait pas le faire, à ce moment-là, l'employeur s'exprime pour dire ce que sont ses offres.

Tenter de détruire par des manoeuvres de toutes sortes la confiance des travailleurs dans leur syndicat, si, à ce sujet, il parle tout simplement du fait que l'employeur a écrit des lettres à ses employés, je dis tout simplement: C'est quelque chose que l'employeur a fait avec ses employés pour qu'ils soient au courant du problème. Cela aussi a été étudié dans un éditorial par M. Vincent Prince, en date du 9 février. Dans le cas de United Aircraft of Canada Limited, de Longueuil, cet editorial s'appelle "Un dur affrontement". Je regrette de ne pas avoir de copies, mais j'en aurai sûrement pour vous demain ainsi que de celui qui précédait.

Il examinait cette approche et il disait: Cette compagnie n'est pas antisyndicale, mais sûrement propatronale. C'est exact. Il est exact que la compagnie est propatronale. Il examine justement cette chose, ici dans la province de Québec, je ne parle pas d'ailleurs — je ne peux pas défendre la maison mère et je n'accepterai pas de mandat pour le faire.

Mais ici, je peux vous dire que tout ce que la compagnie a fait était dans le cadre des lois et des moeurs de la province de Québec et a été jugé à ce moment-là.

Maintenant, c'est bien d'aller de l'avant. Mais pour qu'on nous juge, il faut comprendre ce qui est arrivé ici, dans la province de Québec, et qu'on nous montre où on n'a pas respecté les lois. Avec de gros mots, on nous accuse de ne pas respecter les droits reconnus dans nos lois. Qu'on me dise où, que mon confrère, Me Nadeau, qui est avocat, me dise où on n'a pas respecté ces choses. Qu'on me montre les jugements que moi, j'ai faits, non pas ceux d'ailleurs, mais ceux d'ici, de Québec, avec des juges qui connaissent nos lois et qui ont apporté, après dix jours d'enquête où le syndicat était pleinement représenté —c'était dans un cas — qu'on me cite des jugements de Québec.

Qu'on vienne pas ici chanter une chanson, en sortant des extraits de jugements que j'ignore entièrement sur la United Aircraft de Hartford, pour dire: Vous voyez, ils congédient des représentants du syndicat. Qui a été congédié ici? M. André Choquette. Et je vous ai donné la réponse.

Maintenant, sur la question des offres, je passe au deuxième point, c'est quelque chose qui est d'une importance extrême, je pense. Ici, on vient vraiment au noeud du problème. Le ministre du Travail a fait remarquer aux experts du syndicat qu'ils ont fait une erreur de calcul de $1 million dans la deuxième année, juste en additionnant les chiffres. En d'autres mots, en ajoutant 8.6, 3.6 et 2.1, ils ont fait une erreur de $1 million.

Mais ces erreurs, pour les personnes qui paient, sont beaucoup plus sérieuses que pour les personnes qui demandent. Si la compagnie a évalué ces offres au cent près, c'est qu'elle va être appelée à payer ces offres.

Je vous dis que les chiffres qui sont ici sont nettement inexacts et que, même à ce stade-ci, après tout ce qu'on a dit au syndicat, il ne peut même pas calculer le coût de ce qu'il demande et de ce qui est offert au syndicat.

Des erreurs de calcul pour une compagnie dans l'avionnerie, peuvent être la différence entre la vie et la mort, comme cela a été prouvé dans le cas de Rolls Royce. Ici, on me dit tout simplement : Vous avez exagéré les chiffres. On va vous montrer, MM. les membres de la commission, et je vais le faire demain, que les offres telles que calculées ont été exactement ce que la compagnie a présenté et je vais vous faire connaître les chiffres à part cela.

La première offre du mois de décembre était

de $15,992,000. C'était le coût de l'offre salariale, au mois de décembre 1972. Quand M. le ministre...

M. COURNOYER: 1973.

M. HEENAN: Oui, l'offre de 1973.

M. LABERGE: C'est important, se tromper d'un an.

M. HEENAN: C'est cela. D'accord.

M. LABERGE: Cela vaut plus que $1 million.

M. HEENAN: Mais, les $15,992,000 étaient l'offre, les $15,920,000, je m'excuse, c'est clair.

M. LABERGE: Ce sont $72,000 de différence.

M. HEENAN: En février 1974, quand on a amélioré notre offre, le coût de cette offre était de $16,520,000. On ajoutait, à ce moment, $600,000 à notre offre. Quand le ministre du Travail — cela s'est fait en février et cela se compare avec les 13.3 p.c. — a demandé à la compagnie de faire un meilleur effort, au mois de juillet, elle l'a fait. Le coût, messieurs, de l'offre de juillet 1974 était de $24,200,000. Comment explique-t-on la différence entre ces chiffres et ceux du syndicat? C'est d'abord très facile. Vous verrez que l'offre de juillet, qui comprenait celle de juillet 1974, était une offre de plus de trois ans. C'était de trois ans et dix mois.

L'expert du syndicat, pour des raisons que j'ignore, calcule cela sur quatre ans. Vous trouverez son chiffre de $20 millions pour trois ans et de $15 millions pour quatre ans. Où prend-il ces quatre ans? Ce sont trois ans et dix mois. On ne peut pas jouer avec des chiffres comme cela, surtout si on est obligé de payer.

On trouve toujours cette erreur de quatre ans dans le calcul de ces chiffres. On n'a jamais suggéré jusqu'ici, un contrat de quatre ans; la dernière offre devant être en vigueur jusqu'en juillet 1977, soit trois ans et dix mois après l'autre expiration. On ne peut pas tout simplement dire quatre ans, ce n'est pas exact.

Quand on prend les chiffres, surtout le calcul du syndicat... J'avais dit, à un moment donné, à la table des négociations: M. Dean, quand vous demandez de l'argent, est-ce que vous savez combien cela coûte?

Car dans cette industrie, il faut que l'employeur fasse un calcul très exact des coûts. Il dit: Oui, je pense qu'un cent, c'est $50,000. Je lui ai dit: Je m'excuse, un cent représente 60 fois $1,000. Car chaque cent, évidemment, l'expert du syndicat le calcule seulement sur les salaires de base. Comme vous savez, vous ne payez pas le cent seulement pour le salaire, vous le payez pour les vacances, vous le payez pour les pensions, vous le payez pour tout montant additionnel. C'est ce qu'on appelle le "compounding" d'un cent. Chaque fois que vous payez un cent en salaire, cela a des indices sur tous les bénéfices. C'est la différence entre les 60 fois $1,000 et les $50,000 qui semblent être ce que le syndicat utilise pour ses calculs.

Donc l'erreur qu'il fait ici, en plus ou moins, c'est à peu près $4 millions ou $5 millions dans la période en question. Maintenant, on nous demande: L'offre est épouvantable. Si, vraiment, il ne peut même pas évaluer cette offre, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? S'il ne peut pas évaluer le coût de sa demande, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On essaie à ce stade, justement, de vous montrer que les offres de la compagnie ont augmenté non pas par des cents, mais on prétend que c'est avec des cents qu'on a fait la différence.

LE PRESIDENT (M. Gratton): On s'excuse, M. Heenan, il semble que les membres de la commission devront se rendre de l'autre côté pour un vote. Pourrions-nous peut-être nous entendre pour remettre à demain 10 heures les arguments finals ainsi que la période des questions des membres? Alors qu'il en soit ainsi. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures. Cela va? Merci.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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