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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le jeudi 26 décembre 1974 - Vol. 15 N° 214

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 46 — Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration


Journal des débats

 

Commission permanente

du travail, de la main-d'oeuvre

et de l'immigration

Etude du projet de loi no 46

Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration

Séance du jeudi 26 décembre 1974

(Vingt heures et vingt minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

Etude du projet de loi no 46

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration entreprend l'étude du projet de loi no 46, article par article.

Parmi les membres de la commission M. Dionne (Mégantic-Compton) remplace M. Bou-dreault (Bourget), M. Déom (Laporte) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Veilleux (Saint-Jean) remplace M. Cournoyer (Robert-Baldwin), M. Mercier (Bellechasse) remplace M. Déziel (Saint-François), M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Gallienne (Duplessis), M. Samson (Rouyn-Noranda) remplace M. Roy (Beauce-Sud).

Avant d'entreprendre l'étude du projet de loi...

M. VEILLEUX: M. le Président, on peut proposer, justement, le député de Mille-Iles, qui nous est revenu en pleine santé, comme rapporteur de la commission.

UNE VOIX: Appuyé.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors cette proposition est agréée. M. Lachance (Mille-Iles) agira donc comme rapporteur de la commission.

Projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de l'Immigration, article 1.

Remarques générales

M. BURNS: M. le Président, je pense que c'est le moment où je dois dire que peu importe l'approche qu'on puisse avoir au niveau des pouvoirs qui sont partagés entre Ottawa et Québec, l'Opposition officielle, parce qu'il faut la distinguer, n'a aucune espèce d'objection aux pouvoirs que le ministre de l'Immigration et son ministère se donnent à l'intérieur du projet de loi no 46. Loin de là, bien au contraire, dans mon intervention de deuxième lecture, j'ai demandé simplement que les énoncés de principes qu'on voit dans le projet de loi no 46 soient traduits de façon concrète par des actions précises. Nous serons sûrement les premiers; mise à part la partisanerie qu'on peut jouer autour du fait que Québec soit souverain ou ne soit pas souverain, etc., à penser qu'à l'intérieur même de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique actuel qui nous tient lieu de constitution, il est possible au ministre de l'Immigration d'agir, de mettre son poids dans la balance, au niveau de l'Immigration.

Je ne peux que souhaiter au ministre la meilleure des chances avec les pouvoirs qu'il semble vouloir se donner ou que l'Exécutif semble vouloir donner au ministère de l'Immigration. Je ne peux que lui dire qu'en ce qui concerne l'Opposition officielle, nous serons toujours derrière lui pour l'appuyer en vue de rendre concrète l'exécution de ces pouvoirs. Pour le moment, en tout cas, à l'égard de l'article 1, en ce qui me concerne, que le ministre soit chargé de l'application des lois relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec, je suis entièrement d'accord. Cela peut poser des problèmes pratiques, comme le ministre l'a dit dans sa réplique, relativement au fait qu'il est difficile de contrôler le va-et-vient des immigrants à l'intérieur du Canada. Ils peuvent arriver à Halifax et s'installer à Québec. Ils peuvent arriver à Vancouver et revenir à Toronto pour ensuite se retrouver à Montréal. Je comprends qu'il y a des problèmes pratiques.

J'aimerais au départ que le ministre précise davantage le fait qu'il a l'intention de discuter de façon beaucoup plus précise avec son homologue fédéral, M. Andras, et la façon dont il a l'intention de rendre applicable sa loi au Québec, la façon dont il a l'intention de donner au Québec de plus en plus de pouvoirs en vue de rendre, selon l'expression même du ministre, "francophonisables", je crois, les immigrants québécois, dise comment il a l'intention de plus en plus d'agir de façon telle sur la politique d'immigration fédérale pour que les immigrants qui arrivent au Québec soient intégrables à toutes fins pratiques beaucoup plus facilement à l'intérieur de la communauté française du Québec.

Je pense que c'est l'un de ses objectifs. D'ailleurs, il y a des articles dans sa loi qui peuvent être examinés sous cet angle, qui jusqu'à maintenant pouvaient apparaître comme étant des énoncés de principe gentils, agréables, mais avec surtout des statistiques d'intégration des immigrants au milieu anglophone et de façon alarmante pour le milieu francophone majoritaire au Québec. Je pense qu'il est de plus en plus important que l'on pose le problème dès ce moment-ci et que le ministre nous dise ce qu'il a l'intention de faire de façon précise, de façon immédiate dans ce domaine et, s'il doit le faire, avec quels moyens et aussi, s'il a des délais à nous imposer, qu'il nous les donne.

Alors, globalement, je vous demande ce que veut dire, dans le fond, le projet de loi no 46, ce

que cela va changer aux pouvoirs du Québec, comment vous, M. le ministre, vous avez l'intention d'utiliser ces nouveaux pouvoirs pour arriver à rendre concrète une certaine réalité québécoise qui tient compte du besoin d'immigration francophone ou du besoin d'immigration "francophonisable".

M. BIENVENUE: M. le Président, je retiens ce qu'a dit au début — faites comme moi, M. le député de Maisonneuve, j'ai changé de fauteuil — le député de Maisonneuve. Je répète pour la niéme fois que, vraiment, j'ai trouvé dans l'Opposition et dans la personne du député de Maisonneuve un allié pour la plupart des objectifs que je poursuis depuis mon accession au portefeuille de ce ministère. Je m'explique. Sa critique au nom de son parti a toujours été —sauf en de rares exceptions qui sont normales, ce sont les jeux de la politique — constructive et positive.

Je me suis même servi, M. le Président, du député de Maisonneuve dans mon argumentation auprès de mon collègue le ministre des Finances et même auprès de mon homologue, le ministre fédéral de l'Immigration. Le député de Maisonneuve l'ignore, mais son nom a été prononcé dans les bureaux du ministre fédéral de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration quand je lui disais: Si vous ne me donnez pas telle chose, je vais avoir des difficultés avec l'Opposition en face de moi. La poursuite de leurs objectifs, c'est la séparation. Ce n'est pas populaire, à Ottawa, M. le Président. Cela m'a aidé à obtenir des concessions.

M. BURNS: J'espère que vous ne vous servez pas de nous, M. le ministre, en ce sens que, pour nous, c'est un principe de base alors que, pour vous, c'est une espèce de palliatif ou un moyen de négociation.

M. BIENVENUE: Cela m'a aidé.

M. BURNS: Cela vous aide, mais... M. BIENVENUE: De façon positive.

M. BURNS: ... remarquez que ce n'est pas notre but.

M. BIENVENUE: Non, non, je le sais.

M. SAMSON: ... que le ministre fédéral s'est aperçu que la peur était le commencement de la sagesse.

M. BIENVENUE: La sagesse, dans mon cas.

M. le Président, quand je suis arrivé à ce ministère, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises et je ne fais que me répéter ce soir —mais de façon plus actuelle, parce que nous sommes en plein dans un projet de loi, dans une étape importante et concluante de notre modeste action depuis trois ans — quand je suis arrivé il y a trois ans, la loi qui dirigeait mon ministère était un ensemble de voeux pieux, de bonnes intentions, de chastes intentions.

C'était rempli de formules aimables. Mes fonctions, telles qu'on me les révélait, telles que la situation et les faits me les révélaient il y a trois ans, étaient les fonctions quasi sociales d'un bonhomme qui se promène d'un groupe ethnique à l'autre, assiste à des fêtes annuelles, à des bals annuels. Je devais être comme la loi, c'est-à-dire plein de bonnes intentions et de voeux pieux.

J'ai tôt fait de réaliser, avec la nouvelle équipe que j'ai mise en place — équipe jeune, dynamique, progressive, parce qu'une bonne partie des cadres supérieurs de mon ministère a été l'objet de changements, de renouvellement, de rajeunissement — qu'il y avait moyen de faire plus et surtout de rattraper ce que j'ai appelé souventefois un retard de 100 ans, un retard d'un siècle au point de vue de l'immigration sur d'autres provinces, notamment sur l'Ontario qui, depuis belle lurette, sans tambour, sans trompette, sans tapage, avait eu l'intelligence de placer à l'étranger des hommes clefs à droite et à gauche pour s'assurer de la qualité et de la quantité de son immigration. L'Ontario une fois de plus, nous a donné une leçon, bien anglo-saxonne, de sens pratico-prati-que. En effet, même si elle n'a pas de ministère de l'Immigration — nous sommes, d'ailleurs, la seule province à en avoir un — l'Ontario, indépendamment des cadres, du contexte, des formules agissait.

Nous avions un ministère tout jeune, depuis à peine six, sept ans, mais qui n'agissait pas. Alors, avec beaucoup de patience — je le répète, je ne puis pas assez insister sur le mot patience — sur tous les plans, à tous les niveaux et auprès de tous les gouvernements, y compris celui auquel j'appartiens, nous avons tenté de semer l'idée de l'importance de l'immigration, importance accrue à cause de ce phénomène de dénatalité que je déplore avec plusieurs autres au Québec, importance sur le plan socio-culturel et importance sur le plan socio-économique. Je lisais, l'autre jour, en Chambre, un article assez bien écrit, un papier assez bien écrit dans le journal La Presse de date récente qui expliquait les différences majeures entre l'Ontario et nous, attribuables, d'abord et avant tout, à son taux élevé d'immigration et d'immigration sélective, d'immigration intelligente, ne serait-ce qu'au plan de la population.

Je vous le dis de mémoire, en 1951, la population de l'Ontario n'était supérieure à la nôtre que de 500,000 personnes. Au moment où nous nous parlons, cette population nous est supérieure de 1,500,000 personnes, même près de 2,000,000. Ce n'est pas parce que —j'en prends à témoins tous ceux qui m'entourent — les statistiques révèlent que les mères ontarien-nes ont plus d'enfants ou avaient plus d'enfants que les nôtres, mais l'immigration constitue

l'explication de cette différence. Ce même journaliste poursuivait en montrant les bienfaits de cela sur le plan économique, au point de vue de la consommation, au point de vue des consommateurs, au point de vue de la création d'emplois, etc. Je n'ai pas à redire ce que j'ai dit souvent, ce que d'autres ont dit avant moi; c'est qu'un immigrant, un Néo-québécois a autant besoin que nous de vêtement, de nourriture, de bière, d'appareil de télévision, d'appareils ménagers, d'appareils électriques, d'automobile, il paie des impôts, etc. C'est une roue motrice très importante dans le mécanisme de l'économie dans un pays, une province ou une région donnée.

Nous avions donc ce défi de rattrapage qui était difficile à relever — il l'est moins maintenant et il le sera moins si la Législature m'accorde ce projet de loi no 46 — parce que nous habitons un Etat souverain qui s'appelle le Canada, qui a le dernier mot en matière d'immigration. Quand je dis qu'il a le dernier mot, je veux dire par là qu'il exerce la sanction finale du oui ou du non, une fois l'examen passé, une fois les formalités de candidature remplies. L'Etat souverain, qu'il s'appelle la France, l'Angleterre, les Etats-Unis, le Canada ou la Hollande, tout pays que l'on voudra, avec ou sans provinces, tout pays qui est une fédération a le dernier mot et il ne peut en être autrement. Je n'ai pas à rappeler tout ce que j'ai dit, il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale. Qu'on pense, si l'on veut, même si la comparaison est mauvaise, au pays voisin, les Etats-Unis d'Amérique, où l'Etat du Maine, du Vermont, de la Pennsylvanie ou de 1'Oregon n'a pas le mot final en matière d'immigration; c'est Washington qui l'a parce qu'il y a la libre circulation entre Etats comme on l'a ici au Québec.

Alors, tant et aussi longtemps que ne surviendra le jour qu'envisage — et c'est normal — le député de Maisonneuve, l'Etat fédéral aura toujours le dernier mot.

Donc, rattrapage difficile parce que, l'Etat fédéral ayant le dernier mot, cela implique que je ne puis me livrer seul avec mes hauts fonctionnaires à une action illimitée dans ce domaine. Toutefois, à partir de l'époque des voeux pieux et des choses aimables que comportait notre loi et que comportait le rôle de ceux qui m'ont précédé, il fallait essayer de reprendre du terrain. C'est ce que nous avons essayé de faire depuis trois ans, nous immiscer davantage dans le processus de décision du gouvernement fédéral à l'étranger et même ici au pays pour que le Québec, province différente des autres — je ne dirai pas combien elle est différente, je me contenterai de dire différente, un peu sur le plan économique parce que les industries, les matières premières, l'économie du Québec sont différentes de celles des autres provinces. Mais ce n'est pas tellement à ce point que nous sommes différents comme au point de ce qui constitue notre population, son visage, sa langue, sa culture, ses origines, province à majorité francophone.

Ce que nous avons tenté de gagner au cours de cette négociation de bientôt 18 mois, qui est à la veille d'accoucher dans quelques semaines si rien ne survient, s'il n'y a pas une autre élection au fédéral comme cela a été le cas au début de l'été dernier, c'est la signature d'une entente qui va moderniser considérablement l'entente Lang-Cloutier. L'entente Lang-Cloutier, pour qu'on se situe bien, c'est cette entente qui a été le premier pas, le pas timide dans la direction où nous sommes maintenant et en vertu duquel le Québec a eu la permission — je dis bien la permission — d'avoir certains de ses agents d'immigration dans trois, quatre ou cinq pays étrangers dans la majorité des cas "chapeautés" à l'ambassade du Canada dans les pays en question, avec un droit de présence fort limité. Nos gens du Québec recevaient tout candidat immigrant qui avait été choisi, qui avait été reconnu, qui avait reçu le O.K. du fonctionnaire fédéral. Donc, à ce moment, on ne participait pas de près ou de loin à la décision, donc il avait eu le O.K. et il voyait le fonctionnaire du Québec si le coeur lui en disait. Comme cela est arrivé dans bien des cas, s'il refusait la suggestion du fonctionnaire fédéral de voir le fonctionnaire du Québec, cela finissait là. Ce nouveau Québécois entrait chez nous, non seulement sans que l'on ait eu un mot à dire, mais sans même que nous sachions qu'il entrait chez nous. Et dans la majorité des cas ces gens refusaient.

Ces futurs Néo-Québécois refusaient de voir le fonctionnaire de l'immigration du Québec parce que cela signifiait pour eux une barrière de plus, un obstacle de plus, un fonctionnaire de plus à voir et cela inquiétait le bonhomme qui se disait: Cela a été assez compliqué pour avoir mon visa, si j'en vois un de plus, il va peut-être me bloquer, il va peut-être me mettre les bois dans les roues.

Alors, ce bonhomme du Québec recevait ceux qui voulaient bien aller le voir, et je répète, nous ignorions même la venue de l'immigrant en question. Le fédéral ne nous en avisait pas. Nous l'apprenions tout à fait par hasard, peut-être dans les mois qui suivaient, si ce bonhomme avait besoin d'argent, de logement, d'emploi, de secours direct ou indirect.

Revenant maintenant à l'amélioration considérable de cette formule Lang-Cloutier, qui est l'entente et le protocole que, normalement, nous devrions signer avec Ottawa en janvier prochain, nos fonctionnaires, nos représentants à l'étranger auront les principaux pouvoirs que nous retrouvons dans le projet de loi no 46 et c'est pour cela que je tiens tant à son adoption. Les trois principaux pouvoirs sont ceux de tout représentant d'un pays à l'étranger lorsqu'il s'agit d'admettre des immigrants, c'est-à-dire de procéder à la sélection, donc de choisir parmi ceux qui sont aptes à, qui s'offrent, qui sont sujets, qui sont candidats, de sélectionner, recruter... J'oubliais l'étape du recrutement qui est même antérieure ou parfois subséquente parce qu'on peut sélectionner à travers un

groupe qui s'est déjà porté candidat, mais on peut également recruter dans un pays, dans un endroit donné où il n'y a pas de candidats qui ont fait connaître leur candidature, mais où cela ferait notre affaire d'aller chercher des immigrants. Et enfin, le troisième et dernier pouvoir qui est d'informer — et cela répond, je l'ai dit l'autre fois en Chambre, au voeu du député de Rouyn-Noranda — pour que ces gens sachent à quoi s'attendre, sachent qu'il fait froid au Québec l'hiver, sachent qu'on parle le français au Québec, l'hiver, le printemps, l'été et l'automne, et connaissent notre genre de vie, nos institutions, nos défauts, nos qualités, etc. Oui?

Ressortissants étrangers

M. BURNS: Simplement une question, M. le ministre parce que vous touchez actuellement peut-être le coeur du sujet. On est très proche en tout cas du coeur du sujet, si on n'y touche pas. Comment, dans le concret, voulez-vous mettre en application l'article 2 de la loi tel que vous le modifiez par l'article 1 du projet de loi no 46, lorsque vous dites que vous, le ministre, êtes chargé de l'application des lois relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec à titre autre que celui de représentant d'un gouvernement étranger ou de fonctionnaire international?

Dans le concret, comment allez-vous réussir, vous comme ministre de l'Immigration, à appliquer les lois relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec? Remarquez que c'est bien; je n'ai rien contre cela que vous le disiez dans votre projet de loi. Je me demande comment vous allez réussir concrètement à l'appliquer. Je souhaiterais que vous réussissiez à l'appliquer. Mais quels sont les moyens concrets que vous avez à votre disposition?

M. BIENVENUE: Evidemment, cela s'entend de l'application des lois provinciales et non pas des lois fédérales. Elles ne sont pas nombreuses, ces lois qui s'appliquent aux immigrants et aux ressortissants étrangers, actuellement. Elles peuvent le devenir. Je suis sûr que le député de Maisonneuve a compris que, peu importe leur nombre, leur quantité ou leur qualité, il appartient à celui de qui relève la juridiction sur ces sujets, sur ces citoyens d'appliquer les lois en question. J'en ai une qui me vient à l'idée, la loi 64 de 1971, 1970, etc.

M. BURNS: Sur les professionnels, en 1972.

M. BIENVENUE: C'est ça. Ils peuvent, grâce à cette loi qui en est une d'exception, être admis à la pratique de certaines professions, avant même le délai existant qui était de cinq ans à cause de la citoyenneté pourvu qu'ils puissent prouver qu'ils ont une connaissance suffisante...

M. BURNS: Connaissance d'usage.

M. BIENVENUE: ... une connaissance d'usage de la langue française. Alors, c'est mon ministère qui administre cette loi, qui l'applique, comme le dit ici l'article 2. Et c'est celui qui vous parle qui signe les certificats reconnaissant la connaissance d'usage de cette langue. Voilà une loi qui a été à l'avantage des Néo-Québécois en question et de la population du Québec qui en a bénéficié, et comment, dans certaines régions, en profitant des soins et des services professionnels de ceux-là. Evidemment, des lois relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers, il n'en existe pas une quantité au Québec. Il en existe d'ailleurs fort peu. Je vais plus loin dans l'échelon en disant: Elles sont extrêmement rares.

M. BURNS: A part celle que vous avez mentionnée, je n'en connais pas d'autres.

M. BIENVENUE: II y en a une autre.

M. VEILLEUX: Tous les permis qui existent.

M. BIENVENUE: Non, ce n'est pas en vertu d'une loi.

M. VEILLEUX: Non, mais le règlement.

M. BIENVENUE: Non, mais ici c'est parce qu'on dit "est chargé de l'application des lois relatives..." Elles sont très peu nombreuses et pour une raison bien particulière, c'est que — je le dis avec beaucoup de fierté tant comme Canadien que comme Québécois — le Québec et le Canada et les autres provinces, en fait, sont un de ces pays au monde combien rares où le Néo-Québécois, le Néo-Canadien ou enfin l'immigrant, à toutes fins pratiques, jouit de tous les pouvoirs, privilèges, prérogatives des citoyens autochtones qui y vivent et qui ont habité ici de père en fils, sauf du droit de vote et c'est très rare. A l'inverse de ce que je disais tout à l'heure quand je parlais du nombre de lois, parce qu'un est bien la preuve de l'autre, j'essaie de penser aux privilèges dont ne jouissent pas les citoyens étrangers et l'accession à certains postes tels que, disons, la magistrature, toutes des choses qui découlent du cens d'éligibilité.

M. BURNS: C'est relié au cens...

M. BIENVENUE: C'est ça. Il faut avoir vécu dans d'autres pays pour réaliser à quel point nos immigrants sont privilégiés ici. C'est l'universalité trois mois après leur arrivée. Il est bon que ces choses-là se sachent. Trois mois après leur arrivée au pays, ils bénéficient, et cela même rétroactivement au premier mois ou au premier jour des trois mois, de l'assurance-santé, de l'assurance-hospitalisation, de tous les bénéfices sociaux que nous avons.

A titre d'exemple, un immigrant...

M. VEILLEUX: L'aide juridique.

M. BIENVENUE: Oui, l'aide juridique, tout. Un immigrant qui, en descendant les marches de l'avion à Dorval, tombe et se casse la colonne vertébrale verra un jour — c'est au bout de trois mois et mon rêve est de le faire admettre dès le début, mais il y a des difficultés d'ordre pratique qui découlent justement du fait que c'est très mobile car un immigrant peut décider au bout d'une semaine d'aller vivre ailleurs — tous ses comptes médicaux, toutes ses dépenses remboursées par le pays nouveau où il vient habiter et où il n'a jamais contribué même sous forme d'impôt.

A cause de cela — je réponds à la question du député de Maisonneuve — nous avons peu de lois s'appliquant telles quelles ad hoc aux immigrants, que ce soit au Québec ou au Canada, sauf... Ils ont donc tous les pouvoirs. Ce sont des citoyens à part entière, suivant une expression qui m'est bien chère, sauf certaines exceptions du genre de celles que je viens de mentionner.

Mais, enfin, je pense qu'il est important que dans un projet de loi on dise que relèvent d'un tel ministre toutes les lois, même inexistantes mais futures qui pourront s'appliquer à telle ou telle catégorie de personnes. Je pense aux Terres et Forêts, à l'Agriculture. Cet article 2, dans le fond, n'est pas nouveau. C'est l'ancien article 2 auquel on a voulu incorporer tous les sujets pertinents et en particulier — c'est le but de l'amendement, de l'article — les ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec. De plus en plus, nous allons connaître ici le phénomène qui se retrouve, qui est à la mode dans le reste de l'univers actuellement, les mouvements migratoires temporaires de ceux qu'on appelle les migrants par opposition aux immigrants. Ceux qui viennent pour un temps donné dans un métier ou une ligne donnée — qu'on pense à ceux qui sont venus pour la récolte des pommes, à ceux que peut-être on sera obligé de faire venir de plus en plus dans des endroits éloignés comme les chantiers de la Baie James ou de l'Iron Ore, pour lesquels les nôtres veulent de moins en moins quitter femme, foyer, quartier, maison, etc., pour s'expatrier temporairement. On dit s'expatrier parce que notre province, notre territoire est tellement vaste que l'on s'expatrie lorsqu'on va travailler dans certains coins chez nous. Alors, il y a de ces travailleurs européens, Antillais ou d'ailleurs qui viendront. Cela fera leur affaire et la nôtre. Il fallait évidemment le prévoir dans cet article de loi, c'était l'endroit pour l'indiquer. En Europe, ça se pratique couramment. Je racontais l'autre jour que la Yougoslavie, actuellement, connaît certains problèmes — je reviendrai tout à l'heure là-dessus peut-être à l'occasion d'un autre article — parce que l'Allemagne a, entre autres, retourné à ses frontières quelque 400,000 travailleurs saisonniers ou migrants, travailleurs temporaires, dont 100,000 retournaient en Yougoslavie. Or c'est tout un problème, tout un défi que de recevoir d'un seul coup 100,000 personnes sans emploi et souvent sans logis, sans rien.

C'est surtout le but de cet article.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au ministre de quelle façon le bill 46 pourrait l'aider à résoudre des problèmes comme celui qui s'est posé dernièrement dans le cas des Haitiens.

M. BIENVENUE: Oui.

M. SAMSON: Est-ce que le bill 46 permettrait en quelque sorte au ministre de peut-être avoir une meilleure performance que la dernière fois?

M. BIENVENUE: D'accord. Cela me replonge exactement à l'endroit où j'étais rendu dans mes explications du début en réponse au député de Maisonneuve.

La question du député de Rouyn-Noranda ne peut pas être plus à point à ce moment-ci de mon modeste exposé. Je veux juste finir et cela va m'amener à lui répondre, je pense.

Je disais que ces pouvoirs nouveaux de sélectionner, recruter et informer à l'étranger, nous ne les avions pas. Nous ne les avions tellement pas que, dans l'entente Lang-Cloutier, qui, pour moi, est déjà vieille même si elle n'est vieille que de deux ou trois ans, il était expressément dit que nos représentants à l'étranger ne pouvaient pas s'adonner au recrutement. On voit bien qu'ils avaient un rôle de valets ou de gentils compagnons dont on tolère la présence pourvu qu'elle soit discrète. On disait même expressément que nos gens à l'étranger ne pouvaient pas s'adonner au recrutement.

Donc, tous ces pouvoirs nouveaux vont se faire mais pas exclusivement, c'est-à-dire conjointement avec les gens du fédéral qui seront dans les pays en question et qui auront évidemment les instructions formelles qu'auront mes fonctionnaires de faire le travail la main dans la main.

Je m'en viens vers Haiti, cela ne sera pas long. Cela sera nouveau sur le papier mais cela ne sera pas nouveau dans les faits, en ce sens qu'à au moins deux endroits où j'ai des fonctionnaires, à Paris et à Beyrouth, au Liban, dans les faits, ce système existe, ce travail conjoint existe depuis un an, en s'améliorant à presque toutes les semaines, de façon très heureuse, au point que l'officier du fédéral se réjouit de la présence de celui du Québec, dans le cas des immigrants qui sont destinés au Québec. Cela soulage son travail, cela lui donne un meilleur temps et les deux se consultent régulièrement et hebdomadairement, sinon quotidiennement. En plus de ce travail de coopération intense, localement, il y a même eu, et le rythme va en augmentant, des missions conjointes à partir de

telle ville donnée — disons à partir de Paris ou à partir de Beyrouth — du fédéral et du représentant du Québec qui se rend à l'étranger, que ce soit en Afrique du Nord, que ce soit dans les pays qui entourent le Liban, au Moyen-Orient, que ce soit à Madagascar, où c'est arrivé récemment, où le gars du fédéral et celui du Québec procèdent ensemble à l'examen, à l'étude des candidatures et à la décision de dire oui ou non.

Les chiffres absolument précis que j'ai eus, qui sont combien encourageants, indiquent, à titre d'exemple, que dans le cas de Paris cela en est rendu à peu près à 99 p.c. La décision est commune à peu près à 99 p.c. et cela, malgré le pouvoir du dernier mot qui appartient au fonctionnaire fédéral. C'est à 99 p.c. qu'on s'entend pour rejeter ou accepter un candidat, l'officier du fédéral sachant fort bien que l'officier du Québec n'a pas intérêt à accepter ici un candidat qui ne nous convient pas ou à rejeter un candidat qui nous conviendrait.

C'est ce que j'espère étendre aux autres pays du monde par ce protocole qui va être signé au mois de janvier, si aucune malchance ne nous frappe, de sorte que ce même système qui fonctionne à merveille à Paris et à Beyrouth — et même là, c'est rendu à Bruxelles — puisse fonctionner ailleurs dans d'autres pays du monde. Le fédéral a instruction d'être bienveillant et ouvert aux suggestions ou aux prétentions de l'officier du Québec pour répondre ainsi au voeu qu'a manifesté publiquement le ministre de ces gens, qui est M. Andras, et le premier ministre du Canada, qui ont dit publiquement, pas en petit circuit, pas en petit comité mais publiquement qu'ils étaient, d'une part, inquiets du déséquilibre entre l'immigration francophone et anglophone au Canada et surtout au Québec, où on s'en allait à pieds joints vers les 50 p.c., et, d'autre part, non seulement s'inquiéter mais rétablir l'équilibre, prendre les moyens.

Alors le fonctionnaire fédéral devra se soumettre aux directives qui seront à partir de cette entente qui va lier les deux gouvernements.

Revenant maintenant à Haiti, j'ai annoncé l'autre jour que, parmi les postes que j'entendais créer pendant les prochains mois grâce au budget accru que je vais avoir de mon ministre des Finances, un des tout premiers endroits où nous nommerons quelqu'un sera à Port-au-Prince, en Haiti.

Le député de Rouyn-Noranda me disait: Comment est-ce que, grâce à 46...

M. BURNS: A quel moment?

M. BIENVENUE: Probablement, si nous avons le candidat, d'ici avril prochain. Et si nous avons, remarquons-le, c'est un des problèmes à résoudre à chaque fois, l'assentiment des autorités locales qui, lorsqu'elles ont un ambassadeur dans notre pays, veulent un ambassadeur de notre pays et qui n'ont pas d'engagement de droit international avec aucun des Etats membres d'un pays ou des provinces d'un pays, comme c'est le cas actuellement.

Donc, c'est une des petites formalités à remplir, celle d'avoir le feu vert du pays en question, que ce soit Haiti, que ce soit comme ce fut le cas en Italie, en Grèce, au Liban, etc.

M. BURNS: Est-ce que vous avez pensé à M. Claude Lavergne pour vous aider?

M. BIENVENUE: Non.

M. BURNS: II peut vous aider, lui.

M. BIENVENUE: Est-ce que je dois prendre la suggestion par écrit?

M. BURNS: Non, mais, c'est à lire les journaux. J'espère que vous voyez l'allusion peu sérieuse.

M. BIENVENUE: Prenons le cas d'Haiti. Comme on le sait, cette année 1974, qui s'achève dans quelques jours, aura été pour Haiti une année record au point de vue de l'immigration au Canada, c'est-à-dire au Québec, parce que la très très grande majorité des Haïtiens qui viennent au Canada viennent au Québec. Nous allons probablement atteindre le chiffre de 4,000. C'est une année record. C'est tellement une année record — je n'ai pas avec moi les statistiques — qu'Haiti, la toute petite île d'Haiti va se classer à un des tout tout premiers rangs de l'immigration venant au Québec cette année. 4,000 c'est assez gros, veuillez me croire, 4,000 qui sont venus légalement, absolument dans l'ordre, avec le visa émis là-bas, émis à Port-au-Prince, le visa d'immigrant reçu, émis par le Canada, etc. 800 — pour des raisons qui les concernent, il ne m'appartient pas ici d'analyser — ne sont pas venus de la même façon, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas demandé leur visa d'immigrant reçu. Ils ont décidé de choisir l'autre voie qui, maintenant, est connue, celle de venir avec un permis de touriste, un permis temporaire et de ne pas repartir à l'expiration du permis de touriste.

Mais, enfin, pour revenir à la question du député de Rouyn-Noranda, voici un cas où ce sera utile et combien important que le fonctionnaire du Québec y soit, je n'ai pas peur de le dire, soit pour freiner, pour dire non au fonctionnaire fédéral, soit pour dire oui dans des cas où le fonctionnaire fédéral aura peut-être dit non. Peut-être, dans le cas de ces 800, est-il des cas où le Québec aurait pu intervenir en disant: Vous représentez le gouvernement fédéral, vous avez dans votre tête le tableau des dix provinces, vous ne pouvez pas connaître de façon aussi précise que moi les besoins régionaux à l'échelle infinie dans telle partie du Québec, dans telle partie de telle partie du Québec, dans telle ville ou tel village du Québec. Peut-être ignorez-vous, vous qui avez le

tableau d'ensemble, les pénuries et les carences que nous avons, mais moi je vous souligne qu'à Victoriaville, disons, il y a une usine où l'on manque de main-d'oeuvre, où il y a 35 personnes que nous pourrions employer demain matin. Alors, peut-être que dans certains cas, je parle au passé et au futur, nous aurions pu ou nous pourrions faire accepter certains des 800 en question à partir de là-bas. Donc, leur éviter tout ce que l'on sait, qui est survenu ici.

Peut-être, au contraire, dans d'autres cas, et je veux montrer que je donne le volet de façon bien impartiale, bien objective, peut-être dans d'autres cas aurions-nous suggéré au représentant du fédéral que, parmi les 4,000 qui sont venus, il y en a qui n'auraient pas dû venir. Je ne parle pas sur le plan apostolat, sur le plan de nourrir les gens du tiers monde qui sont affamés, je parle sur le plan strictement professionnel de l'immigration. Peut-être aurions-nous pu empêcher la venue de certains parmi les 4,000 qui sont des assistés sociaux, qui ne sont guère plus heureux que là-bas, toutes proportions gardées.

Ou, à l'inverse, favoriser la venue légale et légitime, sans retour et sans trouble, de certains parmi les 800. Quand je dis certains, quelle en serait la proportion? Je l'ignore. Alors, pour Port-au-Prince, c'est utile. Pour le Québec et aussi pour celui qui fait une demande. C'est une règle quasi absolue, personne n'immigre par apostolat.

Cela vaut à partir de l'époque de nos missionnaires qui sont venus dans les années seize cent au Québec, au Canada. Je pense qu'aujourd'hui, quand on parle d'un immigrant, on parle d'un individu qui veut améliorer son sort ou sa situation lorsqu'il fait le sacrifice de tout laisser derrière lui pour aller dans l'inconnu, dans un pays nouveau, surtout s'il traverse l'Atlantique.

Alors, il y a bien assez que celui-là prenne ce risque et que l'on retienne qu'il le fait pour améliorer son sort pour en conclure que, si, en venant ici, loin d'améliorer son sort, il devient malheureux, si c'est mauvais pour lui, c'est mauvais également pour ceux qui le reçoivent, pour ceux qui l'accueillent, c'est mauvais pour tout le monde. Et mieux vaut pour lui rester où il est ou alors aller ailleurs parce que nous ne sommes pas la seule terre d'immigration.

Donc, pour Haiti et pour ailleurs, il n'y a rien de mieux que d'être présent soi-même pour connaître ceux qui font ou qui ne font pas notre affaire. Je pense que plusieurs des problèmes qu'on a vécu eussent été différents ou inexistants dans certains cas, si le Québec avait eu un représentant à Port-au-Prince. Je ne voudrais surtout pas que l'on conclue qu'Ottawa a mal fait son devoir; ce n'est pas facile, lorsque vous êtes inondés de demandes. Dites-vous bien que, s'il en est venu 4,000 vous pouvez multiplier je ne sais combien de fois le chiffre 4,000 pour connaître le nombre de ceux qui ont fait une demande. Lorsqu'il s'agit de faire un choix, tout cela se rassemble. La plupart, sinon tous, sont ce que j'appelle des immigrants économiques qui viennent ici pour améliorer leur sort, pour recevoir $100 par semaine, au lieu de $100 par année, parce que même le bien-être social est de $100 ou un peu plus par semaine. C'est mieux que le salaire annuel de là-bas.

Alors, ce n'est pas facile et loin de moi l'idée de critiquer Ottawa pour la façon dont ont été traités les demandes d'immigration à partir d'Haiti. Cela ne devait pas être facile et ce ne sera pas plus facile à l'avenir parce que, si toutes les demandes étaient acceptées, ce ne sont pas 4,000 qui seraient venus, c'est X mille, et ce de façon considérable. Et ce sera toujours comme cela; le Canada et le Québec, mais le Canada en général, est une terre de prédilection pour les gens qui ont des problèmes d'ordre économique ou politique dans les pays où ils vivent actuellement.

Alors, en deux mots, le projet de loi no 46, parce qu'on a touché à l'essence du projet de loi, donnerait pour la première fois au Québec qui veut se rattraper et au seul Québec, parce que les autres provinces n'ont pas l'équivalent des pouvoirs non pas de décision exclusive, mais des pouvoirs de participation directe dans peut-être autant de pays du monde qu'il aura les moyens de s'en donner. Lorsque j'ai vu mon homologue fédéral, il y a quelques semaines, il s'est fait fort de me laisser entendre que, quant à lui, c'était feu vert n'importe où dans le monde; pourvu que j'arrache par vol à main armée ou autrement à mon collègue des Finances les sommes nécessaires, c'était feu vert quant à lui. Evidemment, à ce sujet, je l'ai dit — je termine là-dessus — il faut prévoir un tas de détails techniques, tels que la réaction du pays où on va aller s'installer, les facilités d'ordre physique dans les ambassades en question parce qu'il faut quand même avoir un espace. Il ne faut pas que le Québec soit logé dans la cave de l'ambassade à l'étranger, c'est déjà une mauvaise publicité. Il y a toutes ces questions de protocole, d'immunité, etc. Mais la volonté, le désir des autorités fédérales est manifeste; pourvu qu'on passe par-dessus les obstacles mineurs et d'ordre matériel, feu vert. Et c'est important pour qu'on sache qui vient chez nous, ceux qu'on accepte et ceux qu'on ne veut pas accepter.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 1. L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 1, adopté. Article 2?

Fonctions du ministre

M. BURNS: M. le Président, à l'article 2, je m'attache d'abord au premier paragraphe de

l'article 3 de la loi qui est modifié par l'article 2, en particulier.

Les mots qui disent que "le ministre est responsable de la planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques gouvernementales — ce sont les mots qui suivent qui m'intéressent — relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec à un titre autre que celui de représentant d'un gouvernement, etc."

On arrive — je ne sais pas s'il y a des collègues qui ont des remarques à faire avant le paragraphe c) — au paragraphe c) et on voit que le ministre doit à ces fins, c'est-à-dire les fins décrites aux paragraphes a) et b), le paragraphe b) comprenant tout l'aspect information, recrutement, sélection, etc., "prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, en fonction des besoins démographiques, économiques et socio-culturels des diverses régions du Québec".

Il me semble que, dans le texte que j'ai lu au premier paragraphe du nouvel article 3 de la loi, on voit que l'on tient compte aussi des ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec. Il semblerait que ce serait là une belle occasion de faire valoir auprès des ressortissants étrangers, tant ceux qui veulent immigrer au Québec d'une façon permanente que ceux qui veulent uniquement venir faire un petit séjour temporaire soit de perfectionnement, soit d'étude, peu importe, d'expérience, quelles que soient leurs raisons, il me semblerait, dis-je, que ce serait le moment idéal pour permettre au Québec de s'insérer dans le milieu de la coopération internationale. C'est pour cela qu'après les mots "régions du Québec", je proposerais d'insérer "et en fonction des efforts que le Québec doit déployer pour coopérer avec les pays en voie de développement". Je m'explique.

Nous avons actuellement plusieurs ressortissants étrangers qui viennent chez nous à titre d'immigrants et qui ne terminent pas le mandat qui est nécessaire pour acquérir leur droit de nationalité québécoise; nous avons également beaucoup de ressortissants étrangers qui viennent temporairement, principalement pour fins d'étude, pour fins d'expérience, surtout dans le domaine médical, dans le domaine technique, en particulier dans un domaine où de plus en plus nous attirons les gens, le domaine de l'électronique, l'informatique et je pense, bien humblement, que nous ne saisissons pas l'occasion de créer des liens avec ces gens qui vont éventuellement retourner dans leur pays. Peut-être qu'après avoir connu le Québec et seulement certaines de ses valeurs, ils vont retourner dans leur pays en disant que le Québec, c'est bien, c'est beau, c'est gentil, c'est parfait, les gens sont agréables, malgré les réticences que le ministre a exprimées relativement à notre xénophobie presque congénitale, et là-dessus je partage son avis entièrement et je le regrette autant que lui. Je pense que l'on ne saisit pas cette occasion de dire aux gens ce que le Québec peut faire comme partie francophone du Canada. Il y a deux ans — je peux vous livrer une petite expérience — lorsque je suis allé en délégation officielle pour l'Assemblée nationale dans le cadre du quatrième congrès de l'Association internationale des parlementaires de langue française, je n'étais pas chef de l'Opposition...

M. BIENVENUE: Mon sourire a précédé d'une seconde!

M. BURNS: J'ai vu, c'est pour cela que j'ai dit que je n'étais pas chef de l'Opposition.

J'ai donc eu l'occasion d'aller à ce congrès et j'ai surtout eu l'occasion, parce que j'ai doublé ce voyage de mes vacances, de parcourir, entre autres, le Sénégal du nord au sud et de l'est à l'ouest.

Et, partout, j'ai été à même de voir un certain nombre de réalisations qui, officiellement, portaient l'étendard de l'ACDI, c'est-à-dire l'Agence canadienne de développement international, qui est un organisme fédéral. A chaque endroit, je rencontrais des Québécois qui oeuvraient au Sénégal, qui carrément ne se sentaient — et je ne livre personne à la pâture fédérale en le disant parce que je ne nommerai personne — pas tellement des délégués du Canada, même si les fonds étaient fournis par le Canada. Ils se sentaient beaucoup plus des délégués de la francophonie canadienne, qui, à toutes fins pratiques, a son berceau au Québec, actuellement.

J'ai rencontré le même phénomène chez les représentants du SUCO au Sénégal, c'est-à-dire le Service universitaire canadien outre-mer, qui oeuvraient avec des Africains, qui tentaient de faire de cette coopération internationale quelque chose de concret dans les gestes de tous les jours, dans le travail de tous les jours. J'ai vu à l'intérieur du ministère des Finances au Sénégal, des gens qui s'imposaient des sacrifices énormes simplement au niveau pécuniaire. Les députés ministériels qui sont autour de la table auraient été vraiment étonnés de voir cela. Nous parlons de gens qui, actuellement, ont besoin un peu plus d'augmentation de salaire que les députés de l'Assemblée nationale. Ils verraient que certaines de ces gens que je mentionne avaient le souci de voir au moins hausser à un strict minimum les revenus des gens avec qui ils travaillaient, avant de se soucier de leur revenu personnel. Ce n'est pas de l'apostolat. Ce sont tout simplement des gens qui croient à ce qu'ils font. C'est bien plus qu'on peut dire de beaucoup de députés qui siègent à l'Assemblée nationale. Je ne les nommerai pas, mais ne me provoquez pas parce que je vais vous nommer. Ecoutez, si vous vous sentez visé, je vais être obligé de vous nommer. Je ne vous nomme pas. Je vous regarde.

M. VEILLEUX: On ne se sent pas visé du tout.

M. BURNS: Cela ne parait pas au journal des Débats. Ne parlez pas. Vous allez être nommé au journal des Débats.

M. VEILLEUX: On ne se sent pas visé. D'ailleurs, ce n'est pas dans les habitudes du député de Maisonneuve de viser les gens.

M. BURNS: Non. Je ne vise personne. Je parle in génère.

M. VEILLEUX: En général?

M. BURNS: C'est cela. Et je dis tout simplement que les efforts de ces gens que j'ai vus, si on veut accepter cette expression, dans le champ, ces efforts devraient être, à mon avis, doublés des efforts...

M. BIENVENUE: Les crédits allaient bien.

M. BOURASSA: J'entendais la voix douce du député de Maisonneuve.

M. BIENVENUE: II est très doux ce soir.

M. BURNS: ... des gens qui viennent ici, soit dans un but d'y rester pour toujours, ou soit dans un but avoué d'être ici temporairement. Il me semble que les meilleurs alliés que nous pourrions avoir lorsque ces gens retournent seraient ces individus qui ont vécu parmi nous, qui comprennent exactement comment nous percevons les efforts de développement des pays qui, actuellement, ont des difficultés. Cela devrait être un des rôles principaux du ministère de l'Immigration s'il veut prendre en main tous les pouvoirs qu'il mentionne dans cette loi rénovée qu'il présente, on devrait leur faire comprendre, lorsque nous y allons — que cela soit à l'intérieur de l'ACDI ou de SUCO ou de quelque mission que ce soit — que nous ne sommes pas là pour essayer de les évangéliser au sens économique du mot, non pas au sens religieux du mot, mais pour tout simplement partager avec eux certaines difficultés que nous avons résolues avant eux et pas plus, pas à un niveau d'enseignement, avec tout ce que cela peut comporter de dérisoire et de péjoratif.

Il y a l'exemple, peut-être le plus classique, que vous avez toujours au Sénégal — c'est un phénomène que j'ai vu de mes yeux — où l'ACDI, par l'entremise des fonds fédéraux, a décidé de bâtir, ce que nous, nous appellerions ici, une école polytechnique. Le député de Laporte, je pense, est assez au courant de ce problème, le phénomène du prytanée, à Thiès, où nous avons, comme Canadiens — cela va vous surprendre que je dise cela — investi dans une école polytechnique qui, à toutes fins pratiques, est à 80 p.c. bâtie par les fonds canadiens, où c'est le Québec qui fournit au-delà de 80 p.c. du personnel d'enseignement à des Africains sénégalais et d'autres pays, parce qu'il y a même des Ivoiriens et des Marocains qui vont éventuellement être admis, je pense qu'ils le sont déjà. Ce prytanée est cette école polytechnique du Sénégal où effectivement nous avons des professeurs québécois qui apportent sur les lieux leurs connaissances, qui établissent des communications avec ces futurs ingénieurs africains.

Il me semble que, tôt ou tard, plusieurs de ces éventuels ingénieurs africains vont venir au Québec, soit pour compléter leurs travaux à polytechnique ou à l'école de génie de Laval, ou encore à la faculté d'Engineering de McGill. Ce sont justement des gens que je vise par ma motion. Pas dans le sens que je les vise directement, mais je vise le ministère dans son rôle à leur égard. Le ministre, à ces fins, devrait tenir compte qu'il faut prendre toutes les mesures nécessaires, non seulement pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire en fonction des besoins démographiques, économiques et socioculturels des diverses régions du Québec, mais aussi en fonction — c'est le pendant — des efforts que le Québec doit déployer pour coopérer avec les pays en voie de développement.

Cela veut dire les gens qui viennent leur faire part de nos objectifs de coopération éventuelle. Si on est sérieux dans une politique d'immigration, nous, pays — je parle du Québec —- suffisamment riche pour envoyer — là-dessus on pourrait avoir une longue discussion — des compétences techniques à l'étranger, on devrait aussi non seulement préparer nos gens qu'on envoie là-bas mais aussi préparer les gens qui sont ici temporairement pour, lorsqu'ils retourneront, savoir quelle est notre pensée à cet égard, à l'égard de la coopération internationale pour les pays en voie de développement. Evidemment, cela présuppose qu'on a une politique à cet égard. Je crains malheureusement qu'on n'en ait pas. Si c'était dans la loi, je me dis peut-être que cela nous forcerait à en avoir une.

C'est l'amendement que je propose, soit d'ajouter, après les mots "région de Québec", les mots "et en fonction des efforts que le Québec doit déployer pour coopérer avec les pays en voie de développement".

M. BIENVENUE: M. le Président j'avais quelques notes. Le député de Maisonneuve a eu la gentillesse de me donner le texte, dès cet après-midi, dans l'espoir intelligent d'abréger ou écourter les débats si c'était nécessaire, de les écourter et pas davantage, parce qu'on a tout le temps qu'il faut.

Alors, je veux dire que je l'apprécie. C'est comme ça que j'ai pu jeter sur papier quelques notes au sujet de la question qu'il me pose, de l'amendement qu'il me suggère. Je l'ai compris, l'amendement, pour les fins des notes que j'ai

préparées, comme s'appliquant en général aux immigrants et pas seulement à ceux que j'ai appelés les migrants, ou encore à ceux qui, comme le dit le projet, s'établissent temporairement au Québec. J'ai vu le projet d'amendement comme un tout s'appliquant à ceux qui viennent ici en permanence et à ceux qui viennent temporairement.

Je dis tout de suite que, dans le cas de ceux qui viennent ou qui vont venir... En effet ça n'a pas été beaucoup, sauf exception, le cas. Je vous ai parlé de la récolte des pommes, qui était peut-être la première expérience semblable au Québec, mais j'anticipe que ça vienne.

M. BURNS: Mais, M. le ministre, c'est un mauvais exemple. On a essayé d'obtenir du "cheap labour" pour la récolte des pommes. Même les assistés sociaux au Québec refusaient d'aller faire ce travail.

M. BIENVENUE: Le ministère n'avait pas été consulté.

M. BURNS: Je ne vous blâme pas. Je vous dis que, dans les faits, ce qui est arrivé, c'est que même les assistés sociaux se demandaient, diable, comment on pouvait rire d'eux à ce point. Je ne blâme pas les pomiculteurs non plus: ils avaient fixé leur prix, mais on a amené des gens, des Antillais en particulier, pour faire la récolte des pommes qui se perdaient parce qu'on n'était pas capable de rencontrer les besoins que la saison imposait au point de vue des délais. Mais le jour où on fera une expérience comme celle-là, il faudrait la faire avec toutes les possibilités de réussite en main. Je pense que, dans ce cas-là, on n'a pas utilisé toutes les possibilités de réussite qu'on avait. Maintenant, avait-on la capacité de le faire? Cela je l'ignore, c'est un autre problème.

M. BIENVENUE: De toute façon, disons que je voyais l'amendement suggéré par le député de Maisonneuve comme s'appliquant aux nouveaux venus indistinctement. Face à la proposition qu'il fait, ce n'est pas quant aux faits, mais plutôt quant au droit, quant à la forme, que se trouve mon inquiétude d'ajouter cet amendement au texte et je dirai pourquoi dans un instant. Je veux tout de suite dire que, quant au fond, précisément dans le cas de tous ceux qui viendront ici pour résider temporairement, dans la grande majorité des cas l'expérience le révèle... C'est l'expérience aussi des autres pays, pas tellement des autres pays d'Europe parce que là-bas les migrants, les résidents temporaires, ceux qui viennent pour travailler pendant neuf mois, comme on en a vu beaucoup aller d'Italie en Suisse, de Yougoslavie en Allemagne, dans ces cas-là, ce n'était pas des pays en voie de développement auxquels on avait recours, mais là où il y avait des surplus de main-d'oeuvre à courte distance. Il s'agissait, dans un cas, de sauter une frontière et ça y était. Dans le reste du monde, lorsqu'on est séparé par des océans ou par des mers ou d'assez fortes distances, lorsqu'on a besoin de cette main-d'oeuvre saisonnière ou temporaire, c'est presque inévitablement aux pays en voie de développement que l'on s'adresse et ce sont eux qui la fournissent. Ce sera le cas, je pense bien, du Québec aussi.

Pour montrer au député de Maisonneuve que je me soucie de la philosophie qu'il y a derrière ce qu'il vient de dire, je voudrais répéter rapidement ce que j'ai indiqué à l'Assemblée nationale l'autre jour quant aux pays où l'on veut que les agents du Québec fassent leur travail de recrutement. Je pense que c'est significatif; je vais rappeler quelques-uns de ces pays. Pourquoi? Parce qu'au moment où on veut aller chercher des immigrants francophones les anciens bassins traditionnels d'immigration francophone sont taris. Je pense à la France, entre autres d'où il part de moins en moins de sujets, de citoyens chaque année. Je pense à certains pays comme la Belgique, dont j'aimerais — je ne m'en cache pas — recevoir beaucoup plus d'immigrants, la Suisse, la Suisse du Valais, la Suisse française, mais où c'est de plus en plus difficile depuis l'avènement du Marché commun, de la Communauté européenne parce que l'économie s'est améliorée considérablement dans ces pays.

Veut, veut pas, il faut aller dans les pays du Tiers-Monde ou en voie de développement auxquels a fait allusion le député de Maisonneuve.

J'en nomme quelques-uns que j'ai mentionnés en Chambre il y a quelques jours, de ces pays où nos gens rayonneraient en mission pour aller faire la cueillette en question. Je nommais et je renomme aujourd'hui l'Afrique francophone, l'Afrique portugaise aussi, les Cara'ibes et l'Amérique Centrale, où l'on retrouve, hélas! même si c'est en Amérique Centrale, certains pays qui sont toujours en voie de développement, qui le sont depuis des siècles. Je veux bien montrer — ce que je viens de dire n'est pas limitatif, l'Amérique Latine aussi — que dans ces continents où il y a des pays en voie de développement, c'est là que nous devrons, bon gré mal gré, aller chercher cette complémentarité de population francophone que les anciens pays fournisseurs traditionnels, les anciens bassins, comme la France, entre autres, peuvent nous servir de moins en moins. Il y a aussi le Maroc que j'oubliais de nommer, qui n'est pas riche dans tous ses coins, qui est en voie de développement pour une bonne partie, où il faudra aller chercher les sources de ravitaillement.

Ceci dit, j'expliquais que c'était beaucoup plus à la forme et aux mots de l'amendement que je m'oppose qu'à l'idée d'aller chercher, idée sur laquelle je suis complètement le député de Maisonneuve et je dis tout de suite ceci. Je n'ai pas d'objection fondamentale quant au principe de l'amendement que propose le dépu-

té de Maisonneuve. Quant au fond, aucune objection. Mais objection à la forme parce que la politique canadienne, d'une part, est la nôtre par jeu de rebondissement, par jeu d'écho. Celle du Québec et celle des autres provinces est une politique, jusqu'à nouvel ordre, enfin, complètement universelle et une des seules politiques d'immigration universelles au monde, une des seules, sinon, je n'ose pas me risquer à le dire, la seule, mais je ne suis pas loin de le dire, sinon la seule au monde où c'est universel, et cela contrairement à certains pays que j'ai notés au passage, les Etats-Unis d'Amérique, ici, au sud, qui ont ce qu'on appelle une politique de quotas. C'est-à-dire qu'à chaque année, aux Etats-Unis, on ne reçoit pas plus de tant de centaines ou tant de milliers, suivant le cas, d'Haitiens, d'Italiens, de Français, d'Anglais, de Marocains, de tout ce que l'on voudra. C'est rigide. Si vous faites une demande au no 501 et qu'on avait décidé d'en prendre 500 pour cette année-là, même si vous êtes Einstein, c'est d'une rigidité absolue.

La France a cette même politique non universelle; l'Australie, l'Allemagne, tous pays qui, incidemment, au cours des derniers mois, ont non seulement ralenti leur immigration mais ont scellé leurs portes. Les portes sont scellées. L'Australie, je le disais l'autre jour, il y a environ trois mois, qui était un des plus grands pays récepteurs du monde a scellé ses portes et d'autres le font. On a vu ce qui s'est passé en Belgique, je crois, lorsqu'on a été livrer à la frontière 500 ou 600 personnes...

M. BURNS: Quand vous parlez de l'Australie et de la Belgique, c'est un cheval et un lapin.

M. BIENVENUE: D'accord, malgré que l'Australie...

M. BURNS: Pas sur le plan de l'échange mais sur le plan du territoire.

M. BIENVENUE: Des dimensions du territoire, c'est cela. Mais on voit qu'il y a un problème — on n'est pas ici pour se le cacher — qui est intimement relié à la situation économique mondiale, à la crise de l'énergie. Les gens ont réalisé ce vieux principe: Charité bien ordonnée commence par soi-même. Au moment où il y aura de plus en plus de sans-emploi à travers le monde, c'est beau le geste d'aider le voisin, mais il faut commencer par diminuer chez soi le nombre de chômeurs.

Quoi qu'il en soit, notre politique canadienne et, par répercussion, québécoise rejette au départ l'idée de discrimination quant aux endroits éloignés où on s'adresse pour accepter l'immigration. Le mot discrimination est tout à fait à bannir et à proscrire dans notre politique actuelle d'immigration, et cela même si, à travers les nouvelles politiques de mon ministère, à travers nos nouveaux objectifs, ceux qui font l'objet du projet de loi no 46, ceux dont j'ai parlé tant et plus, même si je suis le premier à admettre une certaine forme de discrimination, une certaine forme de restriction, de contrainte ou de réserve de la part du Québec, de la part de celui qui vous parle en ce que j'ai prôné, prêché, et je répète aujourd'hui que nous voulons, et cela urge, de l'immigration, c'est-à-dire des immigrants, donc des bassins d'immigration francophone ou "francophonisable".

J'admets le premier, et là je le reconnais, de la discrimination en ce sens que nous voulons tendre vers ceux-là et mettre de côté, non pas éliminer, mais diminuer considérablement les autres puisque j'ai dit, en réponse, au député de Maisonneuve que mon objectif, mon "target" c'était de rétablir au moins la proportion 80 p.c. — 20 p.c. dans le cas de la langue ou de la culture des nouveaux immigrants que nous avons à la suite de l'entente dont j'ai parlé.

Alors, nous pouvons mettre, dans notre loi, ou dans les faits, une insistance sur les pays en voie de développement, enfin, si on l'écrit. J'ai bien dit au député de Maisonneuve que je veux voir prendre ma parole, j'ai bien dit que, quant au fond, je n'ai aucune objection, au contraire. D'ailleurs dans bien des cas on n'aura pas le choix, c'est là et là seulement qu'on trouvera ces francophones ou "francophonisables" dont j'ai parlé. Si on met de l'insistance sur ces pays-là, il y a le danger, à cause de la discrimination que je viens d'avouer quant au Québec, de s'écarter de cet objectif dont je viens de parler, quant au genre, au type d'immigrants que nous voulons avoir et le tout à ce moment-là ne sera pas nécessairement dans l'intérêt du Québec, et je m'explique.

Quand on parle des pays en voie de développement, il n'y a pas que le Sénégal ou Haiti auxquels on peut facilement penser dans le cas actuel, surtout depuis le contexte des derniers mois. Mais dans les pays en voie de développement, qui le sont, qui l'ont été et qui le seront peut-être encore longtemps, il y a la Jamaïque, les Bahamas, la Barbade, les Indes, où là c'est non seulement en voie de développement mais il en meurt, le Bangla Desh, etc. Il en meurt à la tonne et c'est pire que certains des pays que j'ai nommés. Il y a l'Ouganda, enfin tous ces pays d'Afrique qui ne sont pas tous nécessairement...

M. BURNS: Cela va diminuer vos 80 p.c.

M. BIENVENUE: Oui, justement c'est que, si dans les faits on les accepte, sur le plan humanitaire et autres, ça peut diminuer, affecter les 80 p.c. Je veux dire, si on l'ajoute dans le projet de loi, on énonce peut-être plus clairement une source, on se limite peut-être davantage. Je répète que, dans cette source-là, je ne suis pas sûr que tous ceux qui viendraient forts de cet article de notre loi et forts que nous serions d'être nous-mêmes...

M. BURNS: On ne dit pas qu'il faut absolument que vous recherchiez, dans le bassin du

Tiers-Monde, les éléments "francophonisables", comme vous dites, d'immigration. Même si on avait à faire notre part relativement à des peuples comme ceux de l'Ouganda et du Bangla Desh, même s'ils sont, en principe, d'origine anglophone, ce n'est pas moi qui vais crier. Si les mécanismes sont en place pour les recevoir dans la communauté francophone et s'ils comprennent qu'ils s'en viennent dans une communauté francophone, ce n'est pas moi qui vais crier. Au contraire, je vais féliciter le gouvernement québécois de faire valoir l'aspect humanitaire d'un tel type d'immigration. Ce type d'immigration cependant, je le signale au ministre, il existe en Afrique, dans la partie ouest de l'Afrique entre autres, où vous avez des communautés francophones existantes. Evidemment dans l'arrière-pays vous avez des gens qui ne parlent ni le français ni l'anglais, qui parle le Wolofs ou qui parlent le Dioulas; ce sont des gens qui ne sont pas plus intégrables à la francophonie que les Ougandais ou que les gens du Bangla Desh. Ce n'est pas le problème. Je ne voudrais pas que vous sentiez que l'amendement que je propose est un amendement qui vous impose un type d'immigration; c'est un autre amendement que je vous ferai tout à l'heure, dont vous avez copie.

Si on parle de politiques d'immigration et si on parle, d'autre part, de politiques de coopération comme le gouvernement canadien en parle, c'est-à-dire uniquement de façon égoïste, sur le plan économique, pour s'ouvrir de nouveaux marchés, je trouve que c'est une erreur. Et là je suis beaucoup plus d'accord sur ce que vient de dire le ministre de l'Immigration en ce sens que les politiques de coopération sont faites, d'abord et avant tout, dans un but humanitaire mais pas dans un but paternaliste humanitaire. Cela a toujours été le défaut de nos politiques de coopération et c'est le grand défaut actuel de la politique de coopération du Canada à l'étranger.

M. BIENVENUE: La vente des tracteurs et...

M. BURNS: La vente des tracteurs, la vente des moteurs de bateau pour les pêcheurs dans l'Atlantique, et des histoires comme cela. En tout cas, il y a une série de choses qui sont d'utilité immédiate mais qui ne sont pas, à mon avis, de la saine politique de coopération. Un gouvernement qui se targue, comme le gouvernement du Québec, par l'entremise de son ministre de l'Immigration, d'avoir pour fonction d'informer, de recruter, de sélectionner les personnes qui, éventuellement, veulent venir comme immigrants ou encore comme ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au Québec et d'assurer leur intégration harmonieuse, il me semble que cela doit être doublé d'une politique de coopération sérieuse. Cela ne doit pas être une politique de coopération mercantile, en ce sens que si on a des bateaux à voile à vendre, on va les vendre aux Esquimaux en autant que ce soit payant, ou si on a des éventails, on va les vendre aux gens du Groenland. Encore une fois, je dis que c'est de la folie de parler de coopération à ce niveau.

D'autre part, la coopération, je la vois comme un chaînon, un élément, si vous voulez, dans cette grande ligne de communication avec les pays en voie de développement, et cela s'intègre dans une politique gratuite d'immigration. Et si on doit en avoir une, on doit avoir aussi une politique gratuite de coopération. Ce qu'on vous demande, c'est de dire que, quand on parlera d'établir et de maintenir des services, c'est-à-dire — je saute un paragraphe — de prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, il faut faire l'inverse aussi et le faire en fonction des efforts que le Québec doit déployer pour coopérer. Il y a peut-être des problèmes constitutionnels, si c'est ce que vous me dites, M. le ministre?

M. BIENVENUE: Oui, évidemment...

M. BURNS: A ce moment-là, je vais vous dire que vous avez de sérieux problèmes constitutionnels aussi pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, en fonction des besoins démographiques, économiques, socio-culturels des diverses régions du Québec. Je pense que si on fait une affirmation comme celle qui paraît au paragraphe c), sans parler de l'effort qu'on veut faire ou des efforts que le Québec veut faire pour imposer sa politique de coopération avec les pays en voie de développement, je vous dis que ce n'est pas sérieux. C'est uniquement cela que je vous dis. Il faudrait y aller gaiement. On dit: On veut recruter, on veut sélectionner, on veut tenter d'intégrer ces gens-là au milieu de la communauté québécoise. On dit aussi: Ce qui complète cela, ce qui ferme la boucle, ce n'est pas la seule, parce qu'après cela, on pourrait entrer tous les éléments du commerce international. Et là, le ministre aurait raison de me dire: Ce n'est pas de ma juridiction.

Mais comme on a une juridiction concurrente en matière d'immigration, je vous dis: Pourquoi pas aussi utiliser le pouvoir subsidiaire de déployer tous les efforts en vue d'imposer une saine coopération avec ces pays?

M. BIENVENUE: M. le Président, je répète au député de Maisonneuve que dans la première remarque que j'ai faite, je n'avais pas d'objection fondamentale quant au principe. Mais l'inscrire, c'est-à-dire donner une apparence de privilège — j'emploie les mots les plus modérés possibles — une apparence de privilège ou d'incitation du côté de certains pays, en l'occurrence ceux en voie de développement, c'est peut-être mettre, de façon non nécessaire, dans la loi, face à ce que j'ai indiqué, comme pays où, veut, veut pas, bon gré, mal gré, il faudrait aller, mettre une préférence qui peut être dangereuse parce que nul ne connaît l'avenir.

Je pense que le Québec a fait sa part lorsque les Nations Unies ont demandé à différents pays et au Canada d'ouvrir, peu importent les barèmes et les règles, par urgence leurs frontières aux Tchèques, aux Hongrois, plus près de nous aux Ougandais et plus près de nous encore aux Chiliens. Mon ministère, malgré les modestes ressources que l'on sait, a mis des sommes à la disposition des Chiliens et c'étaient des cas de vie ou de mort à partir du pays où ils étaient.

Sauf ces cas, il y a cette espèce de règle mondiale qui est non écrite, mais qui se vérifie et qui se comprend, qui veut que l'immigration soit en fonction... Comprenez-moi bien, il n'est pas question de parler de privilèges ou d'égoïsme là-dedans, malgré que d'autres ont employé le mot "privilège", ou ont dit: L'immigration, c'est un privilège, c'est égoiste. Quand même il faut s'ouvrir les yeux, l'immigration est en fonction des besoins, des carences, des pénuries d'abord et avant tout du pays qui reçoit plutôt que de celui qui fournit. C'est cela que certains ont appelé un privilège ou un phénomène d'égoisme humain. Enfin, ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut que nous pensions aux besoins du Québec. J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir tout à l'heure, lors de l'étude d'un autre projet d'amendement du député de Maisonneuve. H faut tenir compte de notre capacité.

Or, il arrive que, dans le moment, c'est assurément par la coopération avec les pays en voie de développement que cela se fait. C'est là que devront porter les efforts de mon ministère beaucoup plus, je le répète, que dans certains vieux pays traditionnels qui non seulement ne fournissent plus allègrement, mais, au contraire, ferment leurs frontières et pour l'extérieur et pour l'intérieur, empêchent leurs gens d'émigrer. Ils leur mettent tellement de restrictions que cela n'est plus possible pour eux.

Alors, je veux que le député de Maisonneuve sache bien — d'ailleurs, ce que je dis sera dans le journal des Débats — qu'autant je n'ai pas d'objection quant au fond de sa suggestion qui est excellente et qui correspond à la nécessité et aux faits et aux toutes prochaines années — j'ai nommé quelques pays tout à l'heure — autant j'hésiterais à l'ajouter au projet de loi pour les raisons que j'ai indiquées et pour bien m'assurer que l'on ne s'impose pas de près ou de loin une contrainte. Evidemment, comme le dit le député de Maisonneuve et avec raison, c'est notre devoir de tâcher d'intégrer ceux qui viennent ici. L'expérience a prouvé que ce n'est pas toujours facile. Cet après-midi, le chef de l'Opposition posait une question au sujet du choix de la langue d'enseignement par certains parents d'enfants immigrants. Tout cela n'est pas toujours facile. Les gens viennent ici parce que c'est une terre de liberté. A leurs yeux, je l'ai déjà dit, ils viennent au Canada d'abord.

M. BURNS: Ils ne sont pas venus en 1970! M. BIENVENUE: Non, d'accord. Enfin, pour eux, le Canada et le Québec ensuite, c'est l'image d'une terre de liberté et on a vu les réactions, lors de l'étude du projet de loi no 22, dans certains milieux et on continue à les voir. Jamais on n'aurait assez de policiers, même avec l'Etat policier auquel a fait allusion le député de Maisonneuve cet après-midi...

M. BURNS: Les petits colonels!

M. BIENVENUE: Les petits colonels! Jamais on n'en aurait assez. Je crois beaucoup plus à l'incitation qu'à la coercition dans bien des cas. J'aimerais mieux ne pas voir ce paragraphe s'ajouter, tout en rappelant que c'est notre philosophie.

M. BURNS: Est-ce que je peux vous poser une question? Au fond, ce qu'on pose comme problème en discutant de mon amendement, ce sont deux choses. Je vais poser le deuxième problème avant le premier, parce que j'ai l'impression que tout est relié au premier. Est-ce que, d'une part, quand vous dites le fond de l'amendement, vous l'acceptez...

M. BIENVENUE: Lidée, oui.

M. BURNS: ...le fond, l'idée, le mérite de l'amendement, vous l'acceptez, mais, lorsque vous dites que vous préférez ne pas voir cela dans le projet de loi no 46, je me pose la question suivante:

Dans le fond, est-ce que je peux tenir pour acquis que ce que le ministre dit au point de vue du fond, au point de vue du mérite, c'est qu'il accepte qu'un pays qui fait de la coopération avec l'étranger est un pays qui non seulement veut se faire connaître auprès du pays à l'étranger, non seulement veut faire du commerce avec l'étranger, mais veut d'abord et avant tout se faire comprendre, d'une part, sur son plan égoiste à lui, mais aussi permettre de hausser le standard de vie du pays avec lequel il coopère?

Je pense que s'il y a un avantage commun qui doit être fait dans une politique de coopération, c'est là. Si on regarde ce que chaque côté a à y gagner, ce n'est pas de se faire connaître, ce n'est pas de vendre plus de céréales dans tel ou tel pays, de vendre plus de machinerie dans tel ou tel pays, mais c'est de se faire comprendre. Je pense que le mot coopération procède de cette idée. D'autre part, une fois que je suis compris, je suis à même, peut-être, d'aider davantage ce pays. Encore une fois, je n'ai aucune crainte de le dire, c'est une chose que le Canada, par l'ACDI, surtout, n'a pas encore réussie et ne réussira pas parce que jusqu'à maintenant il y a vu un phénomène mercantile, un phénomène de se faire connaître toujours par le biais mercantile et par tout ce que cela peut comporter éventuellement.

Je dis que si vous me comprenez sur le fond et que vous partagez mes vues là-dessus, si je n'ai pas tort d'interpréter votre point de vue

là-dessus, cela serait-il un problème qu'Ottawa ne partage pas la même philosophie que le ministre de l'Immigration du Québec là-dessus? Cela serait-il ce qui fait qu'à un certain moment, vous ne voulez pas ajouter à l'article 2, paragraphe 3 c), ce que je vous demande d'ajouter?

M. BIENVENUE: Non. Je réponds tout de suite non. Non pour une partie et oui pour l'autre. Non en ce sens que les statistiques et les faits sont là pour le démontrer. Je parlais tout à l'heure du cas des Haïtiens. Laisser venir au Canada et au Québec en fait à peu près 4,000 Haïtiens cette année indique bien qu'Ottawa, à ma connaissance du moins — je ne peux pas parler en son nom — n'exerce pas de discrimination dans ce sens vis-à-vis des pays en voie de développement. Bien au contraire.

Je n'ai malheureusement pas avec moi les chiffres — on les aura très prochainement — de ce qu'aura été l'immigration au Québec cette année. On verra que les pays du Tiers-Monde, que les pays en voie de développement auront non seulement leur juste part, mais auront la grosse partie du gâteau de l'immigration qui est venue au Québec cette année et, Dieu merci, je ne veux pas être mal interprété, mais il s'agit là de l'immigration que d'autres ont appelé l'immigration visible qui est venue au Québec cette année.

Je pourrai peut-être parler tout à l'heure de l'éducation qu'il y a à faire, de la réaction de nos concitoyens, en vous exhibant quelques documents auxquels je n'ai pas voulu toucher à l'Assemblée nationale l'autre soir, mais Ottawa a bien démontré que sa politique vis-à-vis des pays en voie de développement était large, universelle et, de cette façon pense la même chose que nous. On le voit par les missions que mes gens ont fait avec ceux du fédéral qui sont allés aussi loin, aussi creux, au sens géographique du mot — pas dans l'autre sens — qu'à Madagascar et dans plusieurs pays d'Afrique.

Donc, sur ce plan, je ne vois pas de pensée différente dans le cas du gouvernement fédéral. A cela s'ajoute l'autre volet où je verrais, cependant, une pensée différente, mais tout cela se tient a contrario. Ottawa, je l'ai dit, a une politique universelle qui justifie le premier volet que je viens de donner, sans limite, sans quota.

A titre d'exemple, je pousse le raisonnement à l'infini. Si aucune demande ne venait des pays d'Europe, des pays que l'on connaît et qu'Ottawa voulait garder l'équilibre de la quantité d'immigration qu'on reçoit à chaque année, Ottawa recevrait 25,000 demandes des seuls pays du Tiers-Monde ou en voie de développement, des pays d'immigration visible, comme je l'ai dit, et Dieu sait que je ne veux rien mettre de péjoratif là-dedans.

Si ces gens répondaient aux barèmes, c'est tout ce qui nous arriverait comme immigration, tant et aussi longtemps que l'universalité qui a été instaurée par un ex-ministre fédéral de l'Immigration et de la Main-d'Oeuvre, M. Jean Marchand, à l'occasion de l'Expo 67, tant et aussi longtemps que cette politique ne sera pas révisée cela reste la règle absolue. C'était cela mon deuxième point. En revanche Ottawa, dans sa loi, dans ses règlements, ne veut jamais indiquer — du moins, "as of now", on sait qu'il y a une refonte prévue pour 1975 de la Loi de l'Immigration — même par des phrases, par des allusions directes ou indirectes, une entrave quelconque à cette politique d'universalité. C'est un peu le but que je poursuis en disant au député de Maisonneuve, tout en étant d'accord sur le principe de fond, que je ne voudrais pas, dans la forme, ajouter où que ce soit dans cette loi, pas plus qu'Ottawa ne le fait, le moindre indice que nous voudrions mettre l'accent sur tel ou tel pays, ou telle région au point de vue géographique. Je répète, il y a assez que je le fasse au point de vue francophone et "franco-phonisable" et que j'aie fait accepter mon point de vue par le gouvernement central. C'est la seule règle, la seule entorse, la seule exception que je connaisse à la politique globale d'Ottawa, qui, par la voix du premier ministre, son ministre de l'Immigration et par la voie de l'entente que nous allons avoir bientôt, fait pour la première fois à ma connaissance cette entorse, cette exception au principe général qui fait qu'on va indiquer une tendance vers tel ou tel type d'immigration. Cela va être à ma connaissance la première fois, parce que la loi universelle d'Ottawa prévoyait toujours le même système de points à titre d'exemple. On réussit le test à l'examen, qu'on ait la peau de quelque couleur que ce soit, qu'on parle quelque langue que ce soit. Cela va être vraiment la première fois que dans le cas du Québec, à cause de son caractère particulier, on va favoriser nettement une immigration de telle langue. C'est déjà un gain, je pense, assez considérable. J'aime mieux ne pas m'aventurer, du moins là, en décembre 1974, vers une indication écrite de ce qu'en pratique va se produire. Je veux que le député de Maisonneuve en soit sûr, pas seulement par apostolat; dans les faits c'est ce qui va devoir se produire. Quant à moi, ce seront d'aussi bons concitoyens que d'autres. J'y reviendrai tout à l'heure.

M. SEGUIN: On s'est référé tout à l'heure à l'ACDI. Le Canada, le gouvernement fédéral, fait déjà affaires avec 80 pays au monde à peu près, non pas sur le plan de l'immigration, mais surtout sur une base économique. C'est surtout pour essayer de remonter un peu des pays en développement, quitte ensuite à abandonner les subventions que le pays donne et pour permettre à ces gens de négocier en hommes raisonnables, en pays producteurs, etc. Je voulais faire ce commentaire, parce que le député de Maisonneuve a fait allusion à l'ACDI tout à l'heure et les relations que le gouvernement fédéral pouvait avoir avec d'autres pays; il y en a à peu près

80 dans le moment, je pense, 80, 81, 82, 79, quelque chose comme ça. Ma question s'adresse plutôt au ministre de l'Education, surtout en rapport avec votre amendement, il n'y a pas de débat de cela. Est-ce que la province a comme critère principal, au point de vue de l'immigration, quant à permettre à des gens d'arriver dans la province, premièrement les qualifications; deuxièmement, qu'ils soient des personnes responsables; troisièmement, peut-être la langue; quatrièmement, peut-être autre chose qu'on voudrait y apporter, mais est-ce la langue qui est le facteur qui détermine qui doit venir dans la province de Québec? Si c'est cela, j'ai mon voyage, je dois vous le dire bien carrément.

Si ce n'est pas une question de qualification, peu importe le pays d'où vient cette personne, peu importe son origine, si elle ne peut pas contribuer économiquement, culturellement dans le sens du commerce, du développement, de ce qu'elle peut apporter elle-même...

M. BURNS: Cela n'a rien à faire avec le commerce.

M. SEGUIN: Absolument pas. Bien, la culture, oui.

M. BURNS: Vous allez parler longtemps pour me convaincre de ça.

M. SEGUIN: II y en a qui ne veulent pas que ce soit rattaché, mais en réalité une culture se rattache très facilement au commerce et à l'industrie.

M. BURNS: II y a la culture des patates. Le député de ... pourrait nous parler de ça.

M. SEGUIN: Non. Ne charriez pas. Vous me comprenez tellement bien.

M. BURNS: Cela a quelque chose à faire... A part cela...

M. SEGUIN: Je demande au ministre tout simplement... Non, je reviendrai là-dessus. On a dans les journaux de ce temps-ci justement des bons exemples de ce qu'est la culture par rapport à l'industrie et au commerce. On a de ces exemples régulièrement dans les journaux. Est-ce qu'on établit un barème réel, parce que je me rapporte à cette chose-là? "En fonction des efforts que le Québec doit déployer"... Quels sont les efforts que le Québec doit déployer et sur quoi se base-t-on pour l'acceptation d'un immigrant ou d'une personne qui veut venir rester au Québec? Dans ce contexte de la première phase, est-ce que cette personne doit d'abord ... Si elle parle français, elle est admise?

M. BURNS: A 80 p.c, nous dit le ministre. M. SEGUIN: A 80 p.c.

M. BURNS: On va le voir dans les années qui viennent.

M. SEGUIN: Bien, ce n'est pas tellement une qualification, franchement. Je demande une qualification à l'extérieur de la culture. Comme immigrant, une personne qui veut...

M. BURNS: Le député de Pointe-Claire n'était peut-être pas là, mais le ministre a parlé d'un barème de 80 p.c. des immigrants qui seraient à l'avenir des gens francophones ou facilement francophonisables.

M. SEGUIN: Oui, je mets ça de côté, ce commentaire du ministre, qu'il aurait pu faire avant que j'arrive et je lui demande...

M. BURNS: Ne mettez pas cela de côté, c'est la meilleure chose qu'il a dite depuis longtemps. Parce qu'il est en train d'inverser le processus, on est en train de ...

M. SEGUIN: Cela dépend dans quel contexte ...

M. BURNS: ... se faire bouffer par l'immigration anglophone depuis 1963, vous connaissez les chiffres comme moi.

M. SEGUIN: Vous vous êtes embarqué avec anglophone, francophone, saxophone, téléphone ...

M. BURNS: Ce n'est pas ça. Il y a plus qu'un saxophone ...

M. SEGUIN: Vous êtes embarqué avec ça.

M. BURNS: Ce qui arrive actuellement, c'est qu'on y perd, vous le savez, on a participé ensemble au projet de loi no 22.

M. SEGUIN: Mais pourquoi? J'ai des exemples.

M. BURNS: Vous le savez, on a participé ensemble à ça, vous le savez, on y perd au point de vue du transfert de Québécois francophones du côté anglophone et on y perd à part ça, en plus, par l'immigration même parmi les groupes qui sont neutres, que j'appelle neutres ... qui ne sont ni anglophones, ni francophones, on ne les intègre pas. On va voir les résultats.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs, si vous le voulez bien.

M. SEGUIN: Alors, j'ai posé une question au ministre. Quelle est la priorité?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Pointe-Claire a posé une question à laquelle peut-être le ministre avait répondu avant son arrivée.

M. SEGUIN: Quelle était la réponse, M. le Président, brièvement, je vous le demande?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le ministre a-t-il quelque commentaire à faire?

M. SEGUIN: Je vous demande quelle était la réponse, brièvement.

M. BIENVENUE: Alors, très brièvement.

M. SEGUIN: Pas le ministre nécessairement. Peut-être, M. le Président, pourriez-vous me répondre indirectement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Non, le ministre est consentant à donner une brève réponse à la question qui lui a été posée.

M. BIENVENUE: Le président me fait confiance.

M. VEILLEUX: C'est un "filibuster".

M. SEGUIN: Non, mais on a amené l'ACDI là-dedans. Je suis fier de l'ACDI, de ce qu'on fait à Ottawa de ce côté-là, je suis très fier. Ce n'est pas le député de Maisonneuve qui va apporter des commentaires contre ce qui se fait à Ottawa ...

M. BURNS: Je demande une réparation du député...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît.

M. SAMSON: Vous allez vous faire expulser.

M. BURNS: Vous auriez mieux fait de vous faire élire à Ottawa pour aller plaider cette cause-là.

M. SEGUIN: Ce serait parfait. J'aimerais plaider ça avec le député de Maisonneuve ...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre! S'il vous plaît!

M. BIENVENUE: Ce que j'ai dit et répète — et pas seulement ce soir — c'est qu'on constatait effectivement une tendance, qui va s'ac-croissant d'année en année, en vertu de laquelle le nombre d'anglophones ne parlant qu'anglais qui vient s'établir au Québec va s'accroissant à un tel point que l'année dernière, c'était rendu à 41 p.c. Si on suit le "trend", pour parler français...

M. SEGUIN: Ce n'est pas ça ma question... M. VEILLEUX: Vous arrivez ...

M. BIENVENUE: ...si on suit le "trend", ça devient inquiétant sur le plan de ce que, avant moi, le premier ministre a appelé la souveraineté culturelle du Québec. Les barèmes — et c'est la question du député — que l'on envisage et qui sont les nôtres, que ce soit au Canada ou au Québec, ne portent pas seulement sur la langue. Il y a un système de points. Lorsqu'on parle telle langue on a droit à tant de points, si on parle les deux langues, on a droit à encore plus de points, si on a un emploi — ça, c'est plus récent — la promesse d'un emploi, cela donne droit à dix points additionnels.

Si on a tel ou tel métier, tel ou tel degré d'instruction, cela donne droit à tant de points. Cela n'est pas unique au Canada ou au Québec, c'est la règle dans le monde.

Or, ce que le Québec veut faire — et ce sont là mes politiques — c'est que toutes choses étant égales, nous voulons préférer ici, au Québec, ceux qui parlent ou qui sont plus aptes à parler la langue de la majorité que ceux qui ne le sont pas. Comme, à l'inverse, il est normal que l'immigrant qui veut s'établir en Ontario, en Nouvelle-Ecosse ou en Colombie-Britannique — et cela lui donne droit à des points — parle la langue de la majorité de ces provinces. C'est bon pour l'immigrant qui va en Ontario de comprendre la langue de l'Ontario, et c'est bon pour les citoyens de l'Ontario de le comprendre. Il peut mieux trafiquer, il peut mieux négocier, il peut mieux s'intégrer.

A l'inverse, c'est la même chose. Je disais qu'en même temps que moi, pas avant moi mais en même temps que moi, et je ne veux pas qu'on pense que je manque de modestie en faisant l'analogie, le premier ministre du Canada, M. Trudeau, et son ministre de l'Immigration et de la Main-d'Oeuvre, M. Andras, ont tous deux, proprio motu, de leur propre initiative, manifesté publiquement leur inquiétude au sujet de ce phénomène, ce qu'ils ont appelé eux-mêmes ce déséquilibre entre les deux types d'immigration francophone et anglophone, soucieux, je pense bien, comme celui qui vous parle et ceux qui m'entourent, que c'était un avantage pour le pays, du moins tant qu'on y est, que d'avoir une province qui, sur le plan linguistique et culturel, soit différente des autres. C'est une source d'enrichissement pour le Canada. Enfin, moi, c'est ma prétention.

Cela ne veut pas dire, lorsque j'ai parlé de 80 p.c-20 p.c. que c'est ce qui allait arriver. J'ai dit que c'était un objectif que je poursuivais pour que notre immigration, toutes choses étant égales, équivaille aux composantes de la population québécoise actuelle qui sont dans le proportion de 80 p.c.-20 p.c. Mais j'ai dit l'autre jour, en Chambre, en réponse à la question du député de Rouyn-Noranda, à ce sujet, que ce n'était pas une règle rigide, stricte et bête, et que j'étais prêt à aller à 79 p.c-21 p.c. ou à 78 p.c-22 p.c. si le coût de cet écart devait être le fait de recevoir ici un immigrant Londonien anglophone, "British" à 100 p.c, qui apporte avec lui la somme rondelette de $1 million en investissement. Je préfère

le voir ici que de le voir ailleurs au Canada. Je suis un de ceux qui ont fait la petite course, quasiment disgracieuse, il y a un an ou deux, lorsque les Ougandais nous sont venus, par la nécessité que l'on sait. J'étais l'un de ceux qui, avec mes collègues des autres provinces, ont fait une course quasiment disgracieuse pour essayer de mettre la main sur un ou deux de ces Ougandais. Je pense à l'un d'entre eux qui apportait avec lui la somme rondelette de $25 millions. C'était le montant de ses économies et de ses épargnes. Je préférais le voir à Québec qu'à Vancouver ou à Halifax.

UNE VOIX: Cela ne devait pas être un parlementaire.

M. BIENVENUE: Non. Ce n'est pas la barrière de la langue, de la couleur ou de la culture qui m'aurait empêché de tout faire pour essayer de l'avoir. C'est une immigration qui est saine pour le pays qui reçoit. Je répète en terminant, en guise de conclusion, qu'il n'y a pas que la langue parce qu'il y a un tas d'autres facteurs. Il y a le facteur suivant: Quel actif —"asset" en anglais — ce citoyen X qui vient de quelque pays que ce soit au monde, de quelque langue qu'il soit, quel "asset" est-ce pour le Québec? Est-il d'une profession ou d'un métier où nous sommes déjà saturés qu Québec, ou alors est-il d'une profession ou d'un métier où il y a carence et pénurie au Québec et où cela va faire l'affaire des deux, la sienne et la nôtre?

M. MERCIER: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. SEGUIN: Juste un instant. J'allais dire au ministre qu'il doit, de par ses commentaires, approuver l'amendement.

M. BIENVENUE: J'ai dit que, dans le fond, quant à l'idée d'aider les pays qui ont le plus besoin d'aide, j'étais en faveur. Mais quant à la forme, j'aime mieux ne pas inscrire l'amendement pour ne pas me limiter, sans connaître l'avenir, de quelque façon que ce soit.

M. SEGUIN: Le député m'excusera.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Bellechasse.

M. MERCIER: Simplement une question. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait un fort pourcentage d'immigrants, en 1974, en provenance d'Haïti. Est-ce que vous avez quelques chiffres relativement, par exemple, à la deuxième source d'immigration la plus importante, d'une part? Deuxièmement, dans les critères de sélection que votre ministère a, est-il question d'âge ou de sexe?

M. BIENVENUE: Malheureusement, avant qu'il sorte pour quelques minutes, le député de Maisonneuve va être mon témoin pour dire que, vu la journée où nous siégeons, vu l'heure et le peu de délai, j'ai consenti avec lui à faire venir mon sous-ministre pour les questions de détail.

M. MERCIER: De mémoire.

M. BIENVENUE: Grosso modo, les Etats-Unis d'Amérique sont un de nos gros fournisseurs. A moins qu'il n'y ait eu changement, je crois que ça demeure le plus gros fournisseur encore cette année; du moins, ce l'était l'an dernier.

M. MERCIER: La deuxième partie de ma question, c'était pour savoir si, dans les critères que vous avez mentionnés tout à l'heure, entraient en ligne de compte également les questions d'âge et de sexe.

M. BIENVENUE: Oui et non. Je m'explique. D'âge et de sexe, uniquement lorsqu'il s'agit de certains types d'immigrants qui sont ce qu'on appelle, à titre d'exemple, les immigrants parrainés ou les immigrants nommément désignés. Les immigrants parrainés sont des immigrants qui ne subissent aucun test, aucune épreuve, de qui ont n'exige même pas qu'ils parlent l'une des deux langues du pays, dont on exigera, cependant, certains tests, tels que l'examen médical.

M. MERCIER: Pourriez-vous illustrer par un exemple?

M. BIENVENUE: L'immigrant qui est ici au Canada, l'immigrant reçu, pas même encore citoyen canadien, s'il décide, après s'être établi, après s'être trouvé un emploi et un logis, etc., de faire venir ses vieux parents de Sicile, de Grèce ou d'ailleurs, le gouvernement canadien, sur le plan purement humanitaire, facilite la réunion des familles. A ce moment-là, vous avez un cas où ni l'âge ni le sexe n'entrent en ligne de compte. Vous avez les nommément désignés qui, eux, sont à un échelon un peu éloigné, c'est-à-dire que ce n'est pas le père ni la mère, ce n'est pas le fils, mais ce sera la soeur, le frère, etc. Cette immigration a justement renversé la vapeur et fait en sorte que, par opposition aux immigrants indépendants, à ceux qui viennent ici par leur propre mérite, de moins en moins il vient d'immigrants des vieux pays traditionnels et davantage des pays en voie de développement comme les Caraïbes, l'Amérique du Sud, etc., ceux qui font l'objet de la présente discussion. Chacun d'eux s'empressait de faire venir ses parents et ses proches, dès qu'il avait pu mettre un pied solide ici, en terre canadienne.

M. SEGUIN: Je voudrais poser une question tout à fait de base, tout à fait simple, sans créer de débat. Supposons que j'habite l'Ecosse et qu'il y ait un endroit pour loger comme immigrant dans la province de Québec. Je suis une personne bien spécialisée, un technicien,

par exemple, au niveau médical, ayant les mêmes qualifications que ceux qui sont dans nos services hospitaliers, mais je demeure en Ecosse. Un autre, un cousin lointain, demeure en Algérie, mêmes qualifications, même âge, même sexe. Lequel serait admis en priorité au Québec, celui de l'Ecosse ou celui de l'Algérie? Mêmes qualifications, même base, même formation, mêmes connaissances, deux jumeaux.

M. BIENVENUE: Je réponds à la question. Au départ, par principe, à priori, je m'entendrais avec mon collègue et ami du fédéral qui, en vertu du protocole que nous allons signer, va travailler conjointement avec les représentants du Québec là où il y en aura. On tenterait de favoriser celui des deux qui serait à armes égales avec l'autre, mais qui a cet avantage de parler la langue majoritaire du Québec; quant à l'autre, celui qui vient d'Ecosse, on lui trouverait une opportunité semblable dans une province anglaise où il sera beaucoup plus à l'aise pour se faire comprendre et s'exprimer.

A l'inverse, l'autre sera plus à l'aise ici alors qu'il pourrait se faire que tous les deux soient moins à l'aise et aient plus de difficultés si on envoyait le bonhomme de l'Algérie à Toronto et celui d'Ecosse ici. Mais...

M. SEGUIN: C'est un jeu de domino. M. BIENVENUE: Bien c'est cela. M. SEGUIN: Noir et blanc. M. BIENVENUE: C'est cela.

M. SEGUIN: On prend les Noirs et eux autres prennent les Blancs.

M. BIENVENUE: Naturellement, je n'ai pas coloré dans mon exemple parce que...

M. SEGUIN: Non, je n'ai pas voulu le faire non plus mais n'empêche que c'est le résultat.

M. BIENVENUE: J'ajoute que si j'ai... M. SEGUIN: Parlons franc.

M. BIENVENUE: ... un seul poste, une seule ouverture et un seul candidat qui vient d'Ecosse ou de Londres, je vais tout faire pour le faire venir ici, le Québec en a besoin. C'est pour cela que j'ai annoncé à travers toute cette politique, il y a deux jours, que pour la première fois le Québec aurait un représentant nulle part ailleurs qu'à Londres, d'où il nous vient, bon an, mal an, de 2,000 à 3,000 immigrants par année, qui viennent au Québec, je ne parle pas au Canada. Je pense qu'il est fort utile qu'on ait là-bas, à leur service, un représentant du Québec qui puisse les renseigner davantage sur les exigences, les pénuries, les besoins en main-d'oeuvre, sur les conditions de vie, sur la langue, sur les lois du Québec, etc. qu'il s'agisse du bill 22 ou d'autres.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, est-ce que les membres de la commission sont prêts à se prononcer sur la proposition d'amendement du député de Maisonneuve?

M. BURNS: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que cette proposition d'amendement est acceptée? Sur division? Ou rejetée sur division?

M. BURNS: II n'y a pas de chance qu'il y ait un député ministériel qui vote avec moi là-dessus?

M. VEILLEUX: Moi, j'aime bien le député de Maisonneuve mais je ne l'aime pas assez pour aller jusque-là.

M. BURNS: Je ne vous demande pas de m'aimer, je vous demande d'aimer mon amendement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, la proposition d'amendement du député de Maisonneuve, à l'article 2, paragraphe 3 c), est rejetée sur division.

M. SAMSON: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Maintenant, est-ce que nous revenons à l'article 2, paragraphe 3 comme tel? Parce qu'on n'a pas adopté cela, on est rendu à c) et nous n'avons pas adopté les alinéas a) et b).

M. SAMSON: ... c'est une question que je voudrais poser.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, l'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Avant le paragraphe c), au paragraphe a) on lit: II doit à ces fins étudier les données disponibles sur les besoins de main-d'oeuvre dans chacune des régions économiques du Québec, etc. Est-ce que le ministre ne prétendrait pas qu'il vaudrait mieux que la main-d'oeuvre soit reliée à son ministère? Est-ce que cela ne rendrait pas plus service à tout le monde?

M. BIENVENUE: Ce que dit là le député de Rouyn-Noranda est absolument logique. D'ailleurs, on regarde ce qui se fait ailleurs, je ne peux pas dire partout ailleurs parce qu'il n'y a pas de ministère de l'Immigration dans les autres provinces, mais regardons ce qui se passe à Ottawa, où il y a un ministère fédéral de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration. J'ai dit l'autre jour à la Chambre que, malgré qu'il ne m'appartienne pas à moi de jouer avec l'échiquier de l'Exécutif, le premier ministre avait

donné au mois d'août dernier une entrevue exclusive au journal La Presse dans laquelle il avait lancé cette idée d'un futur ministère des Ressources humaines au Québec, qui engloberait éventuellement la main-d'oeuvre, l'immigration. L'immigration n'est, comme on le sait, qu'un secteur, qu'une direction. C'est complémentaire à la population de tel ou tel pays donné, c'est par le jeu de l'immigration qu'on ajoute ou qu'on n'ajoute pas, ou qu'on ajoute de tant à la population autochtone. Devait aussi être incluse, suivant ce qu'il avait dit, la démographie, qui est l'étude de la population. Tout cela est de plus en plus actuel au Québec pour les raisons que l'on sait et qu'on a cent fois répétées.

Alors, je réponds à la question du député de Rouyn-Noranda que cela me paraît effectivement extrêmement logique parce qu'au sein d'un même ministère, au lieu d'être obligé d'être en communication, par téléphone ou autrement, sans arrêt avec l'autre ministère pour connaître les besoins, les pénuries, les surplus, bien ce serait au sein d'un même organisme unique où ces renseignement s'échangeraient.

Ma réponse est oui. Le député ne m'a pas demandé si cela allait se faire, il m'a demandé si je trouvais cela logique, et j'ai dit oui.

M. SAMSON: M. le Président, si j'ai posé la question de cette façon, c'est parce que j'ai l'impression, malgré tous les pouvoirs que revendique le ministre avec le bill 46, qu'il va quand même rester un flanc ouvert. Et si les dispositions ne sont pas prises pour que la main-d'oeuvre s'allie à l'immigration de façon directe, il y aura toujours une lacune, même avec le projet de loi no 46. J'ai posé la question, mais en même temps je vous avoue que la réponse que me donne le ministre me plaît parce que je m'aperçois qu'ils en sont conscients au ministère. Il reste que, dans l'ensemble, les politiques gouvernementales ne sont pas encore ajustées. Mais si tout le monde en parle, si tout le monde semble d'accord, un jour cela va s'ajuster et cela va être pour le mieux.

M. BIENVENUE: Nous en sommes tellement conscients que les hauts fonctionnaires de mon ministère poursuivent, en lien étroit avec d'autres ministères, l'étude, l'analyse, la cueillette de tous les renseignements qui seraient essentiels, avant la création de ce nouveau ministère, que le ministère que je dirige a mis sur pied. A la fin de janvier, un colloque aura lieu à Montréal pendant deux ou trois jours, qui réunira ce que je puis sans hésitation appeler les sommités ou les experts dans toutes ces matières connexes qui se greffent autour des problèmes des ressources humaines ou de la population. Des gens de tous les milieux se réuniront et feront ensemble la critique constructive, je l'espère, j'en suis sûr, d'un livre brun que mes hauts fonctionnaires ont préparé et qui pourrait devenir l'étape préliminaire à un livre blanc et ensuite à un projet de loi.

M. SEGUIN: Un livre brun?

M. BURNS: En fonction de quoi, choisissez-vous le brun?

M. BIENVENUE: Ah, cela aurait pu être vert.

M. SEGUIN: Le gouvernement est brun. M. SAMSON: Blanc coloré.

M. BURNS: J'avais trouvé que la Justice choisissait toujours le livre blanc, les Terres et Forêts toujours le livre vert, je me demande pourquoi vous choisissez le livre brun, vous?

M. BIENVENUE: Le choix de la couleur ne devrait pas déplaire à mon ami, le député de Maisonneuve. Ce n'est pas moi qui ai choisi la couleur.

M. BURNS: Ah bon!

M. BIENVENUE: Vert, rouge, bleu, caille, peu m'importe.

M. BURNS: Non, je me demandais pourquoi.

M. BIENVENUE: Ce qui est plus important que la couleur, c'est ce qu'il y aura dedans.

M. SAMSON: De toute façon, il ne devrait pas rester un choix de couleurs.

M. BIENVENUE: Il devrait déboucher, je l'ai dit, sur un livre blanc ou enfin, si on veut sauter l'étape du livre blanc, sur un projet de loi qui réponde aux aspirations du député de Rouyn-Noranda et mon homologue...

M. SAMSON: Je m'excuse, M. le Président, ce ne sont pas mes aspirations...

M. BIENVENUE: Ce sont les aspirations pour d'autres.

M. SAMSON: ... ce sont les aspirations légitimes, je pense...

M. BIENVENUE: Pour d'autres. M. SAMSON: ... de la population.

M. BIENVENUE: D'ailleurs, je complète en disant que M. Andras, mon homologue fédéral, m'a souventefois expliqué que ce serait moins compliqué de faire affaires avec un endroit unique que d'être obligé de communiquer à deux endroits, à deux niveaux pour satisfaire aux exigences de nos ministères respectifs.

M. SEGUIN: Vous avez donné beaucoup d'explications à la question du député de Rouyn-Noranda sur le rattachement qu'il pourrait y avoir entre le marché du travail et l'immigration. Je pense que cela a été la base de sa question. Alors, je suis un peu confus à la suite des commentaires du ministre. Si cela se rattache strictement au marché du travail et à la demande et à la nécessité d'immigrants, la portée au plan de l'économie, si vous voulez, ou du marché du travail, alors ce que vous avez dit avant, c'est plus ou moins vrai. Il faudrait ramener cela maintenant, et il s'agirait de qualification d'abord, comme premier point.

M. BIENVENUE: Non, je fais une correction à ce que dit le député. Cela ne se rattacherait pas strictement et pas exclusivement. J'ai tenté d'indiquer tout à l'heure, en réponse à la question du député de Bellechasse, la série de facteurs, de critères ou de barèmes.

M. SEGUIN: Oui, oui.

M. BIENVENUE: La capacité d'occuper un emploi ici ou de combler une pénurie ici est un des facteurs. C'est pour cela que j'ai répondu au député de Baldwin...

M. SEGUIN: Non, de Pointe-Claire. M. BIENVENUE: ... de Pointe-Claire...

M. SEGUIN: C'est M. Cournoyer qui est député de Robert Baldwin.

M. BIENVENUE: ... au sujet de sa question quant à l'Ecossais et à l'Algérien que, toutes choses étant égales, donc tous deux arrivant ici avec la même compétence, la même capacité de remplir un emploi à la satisfaction du pays qui reçoit, je verrais mieux mon ami Ecossais à Toronto et l'autre ici.

M. SEGUIN: J'ai compris la réponse du ministre. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec le ministre.

M. BIENVENUE: Mais je voulais bien indiquer par là que, s'ils étaient à capacités égales, l'élément travail ou capacité de travail ou métier devenait, à ce moment, un des points, mais pas le seul critère.

M. SEGUIN: Très bien.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 23 a), adopté?

M. BIENVENUE: Pour être clair, j'ajouterai que j'aime mieux un mécanicien ou un technicien anglophone qui vient au Québec, mais est susceptible d'apprendre la langue majoritaire du Québec, qu'un francophone chômeur qui vit ici d'assistance sociale.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 2.3 b) adopté?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 2.3 c) adopté?

M. BURNS: Adopté sur division.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté sur division tantôt. Article 2.3 d) adopté?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 2.3 e) adopté?

M. BURNS: Adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 2.3 f)?

M. BURNS: A l'article 2.3 f), je demanderais, par un amendement, de préciser ce qu'on veut dire par "dans le milieu québécois". J'ai déjà remis au ministre une copie de l'amendement que je propose. Je ne sais pas si mes autres collègues en ont. Je proposerais de préciser ce qu'on veut dire par "dans le milieu québécois". Sans vouloir faire une longue thèse là-dessus, je me restreindrai à dire, tout simplement, que le milieu québécois, pour moi, se traduit par les mots société québécoise. Une société est une communauté comme on dit en anglais, mais le mot français est société.

M. SEGUIN: Un Québécois pour moi, c'est quelqu'un qui demeure dans la ville de Québec.

M. BURNS: Non.

M. SEGUIN: Je ne vois pas plus loin que cela, parce qu'un Montréalais, c'est un Montréalais et un Québécois, c'est un Québécois.

M. BURNS: Non. Je pense que le député de Pointe-Claire me comprendra quand je lui dirai ce que, dans mon esprit, veut dire la société. Par une mauvaise traduction, je dirais communauté, mais, en français, cela n'a pas son véritable sens. En anglais, cela voudrait dire "community".

M. SEGUIN: Très bien.

M. BURNS: The Quebec community which means, of course, the whole Province of Québec, if you consider it in that manner, Mr Séguin, if not...

M. SEGUIN: Mr. Burns.

M. BURNS: ... Mr "Seguine".

M. SEGUIN: Je ne peux pas déformer le nom de M. Burns.

M. BURNS: Non.

M. SEGUIN: M. Brun?

M. BURNS: Non. J'ai bien dit Mr Séguin.

M. SEGUIN: Mr. "Seguine", M. Burns et M. Brun.

M. BURNS: Bon. D'après moi, nous rendrions beaucoup plus justice au texte...

M. SEGUIN: M. Brûlé, non plus.

M. BURNS: Même Brûlé, c'est une mauvaise traduction.

M. SEGUIN: Ou brûlant.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. BURNS: Tant qu'à y être, mettez le mot "Brûlures" au pluriel.

M. SEGUIN: On ne traduit pas les noms propres.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Revenons à la pertinence du débat.

M. BURNS: Je verrais davantage qu'on amende le texte actuel du paragraphe f ) en remplaçant les mots "dans le milieu québécois" par les mot "au sein de la société québécoise et plus particulièrement dans la majorité francophone". Cela nous permettrait de dire que le ministre doit, aux fins de l'intégration, du recrutement, de la sélection, etc., "établir et maintenir des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants au sein de la société québécoise et plus particulièrement dans la majorité francophone, ce qui serait... Pardon?

M. BIENVENUE: Et plus particulièrement de la...

M. BURNS: Oui. Je m'excuse. J'ai sauté un mot?

M. BIENVENUE: Vous avez dit "dans la".

M. BURNS: Je m'excuse, c'est "et plus particulièrement de la majorité de francophone". Ce qui serait conforme, je pense, à un certain nombre d'énoncés que le ministre a déjà faits. Je ne sais pas s'il est encore prêt à les maintenir, ces énoncés, mais...

M. BIENVENUE: C'est conforme à ce qu'on retrouve à la page précédente, deuxième alinéa de l'article 3. On verra au deuxième alinéa, au bas de la page, complètement...

M. BURNS: M. le Président, on parle également à cet endroit de "la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone."

M. BIENVENUE: Comme commentaire sur le projet d'amendement que le député a eu l'amabilité de m'envoyer à l'avance, j'ai mis deux lettres ici: les lettres "O" et "K".

M. BURNS: Cela veut dire qu'en ce qui concerne le ministre, c'est acceptable.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Jean.

M. VEILLEUX: M. le Président, j'aurais une question. Lorsqu'on dit "dans le milieu québécois", je trouve que ce serait beaucoup mieux d'indiquer "au sein de la société québécoise".

M. BIENVENUE: C'est ça.

M. BURNS: C'est ça qu'on dit, mais vous ne voulez pas "et plus particulièrement de la majorité francophone? "

M. VEILLEUX: Bien, la société québécoise...

M. BURNS: C'est déjà prévu dans l'article.

M. VEILLEUX: Dans mon esprit, la société québécoise, c'est...

M. BURNS: On le répète, là. Mais vous savez, une nation, le député de Saint-Jean devrait le savoir...

M. VEILLEUX: II ne faudrait pas, M. le Président, que le député de Maisonneuve oublie que la société québécoise, c'est 80 p.c. de francophones.

M. BURNS: ... une société québécoise qui prend la peine de légiférer pour tenter de prouver à tout le monde que la langue officielle est le français, à ce moment, ce n'est pas plus mal que ce qu'on voit dans beaucoup d'autres sociétés, peu importe leur origine linguistique. On ne voit pas, et je pense qu'on ne reprendra pas le débat sur le projet de loi 22, malgré que cela pourrait être bien le "fun"...

M. VEILLEUX: Je ne vous le souhaite pas.

M. BURNS: On en a assez d'un "filibuster" qui marche actuellement, on n'est pas pour en repartir un autre.

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être rappeler de doux souvenirs au député de Maisonneuve.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre!

M. BURNS: Non, non, mais je dis tout simplement...

M. VEILLEUX: Vous relirez mes interventions lors de la loi 22, vous allez voir ce que, dans mon esprit et dans votre esprit, est la société québécoise.

M. BURNS: Oui, oui. La société québécoise, c'est actuellement, dans votre esprit et dans le mien, peut-être, une société francophone en majorité, selon les faits. Mais quand cette société sent le besoin de légiférer pour dire quelle sera la langue officielle, quand cette loi de la langue officielle prend la peine de donner des droits à la minorité anglophone, il me semble que ce n'est pas superflu de redire à nouveau ce qu'on veut dire par société québécoise, lorsqu'on parle d'établir et de maintenir des services d'adaptation chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants. Il me semble que ce n'est pas superflu. C'est pour ça que j'ai fait cet amendement et je suis très heureux d'entendre le ministre marquer à côté de mon amendement O.K.

M. BIENVENUE: En dessous.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet amendement proposé par le député de Maisonneuve est accepté? Adopté.

M. VEILLEUX: Un instant, M. le Président. Qu'est-ce que c'est, l'amendement du député de Maisonneuve?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement à l'article 2, paragraphe 3 f) demande de remplacer les mots "dans le milieu québécois" par les mots suivants: "au sein de la société québécoise et plus particulièrement de la majorité francophone".

M. BIENVENUE: Qui est la répétition de ce qu'on retrouve mot à mot à la page précédente, au bas de l'article 3, en bas complètement.

M. VEILLEUX: Je trouve curieux qu'on sente le besoin d'ajouter "et plus particulièrement la majorité francophone", étant donné que dans les faits c'est ça et étant donné, comme le disait si bien mon collègue de Maisonneuve tout à l'heure, que la loi 22 a consacré le français comme langue officielle. Alors, c'est inutile...

M. SEGUIN: ... les privilèges aux Anglais... M. BURNS: Vous auriez dû vous battre...

M. VEILLEUX: II est inutile de dire "et plus particulièrement la majorité francophone".

M. SEGUIN: J'ai perdu mon anglais...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que le député de Saint-Jean préférerait qu'on adopte cet article sur division?

M. VEILLEUX: Oui, M. le Président. M. BURNS: ... le vote M. le Président.

M. SAMSON: C'est un "filibuster" ministériel.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Un vote demandé par le député de Maisonneuve. M. Bérard (Saint-Maurice)?

M. BERARD: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Bienvenue?

M. BIENVENUE: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Dionne?

M. DIONNE: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Burns?

M. BURNS: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Déom?

M. DEOM: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Veilleux?

M. VEILLEUX: Je m'abstiens.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Mercier?

M. MERCIER: En faveur.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Lachan-ce?

M. LACHANCE: Pour l'amendement.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Harvey (Dubuc)? M. Malépart? M. Samson?

M. SAMSON: Pour.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement proposé par le député de Maisonneuve est accepté par un vote majoritaire de huit pour et une abstention.

M. BURNS: Et un contre dans l'arrière-plan.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 2, 3 g), adopté. Article 3.

M. BURNS: A l'article 3, M. le Président, si je comprends bien, vous abrogez l'article 6, qui

dit que le ministre, de concert avec le ministre de l'Education et les organismes responsables, etc..

M. BIENVENUE: Oui, j'ai enlevé le concert.

M. BURNS: ... prend les dispositions nécessaires pour que soient offerts aux immigrants des cours d'adaptation technique et professionnelle ainsi que des cours spéciaux d'enseignement général. Si je comprends bien, on a disposé de cela ailleurs?

M. BIENVENUE: Ce qui arrive c'est que dorénavant le ministère de l'Immigration va s'occuper seul de l'outil principal qui en l'occurrence est le COFI.

M. BURNS: Le ministre peut-il nous dire, sur le plan législatif, où il a disposé de ça ailleurs? Pendant que le ministre examine ses documents en vue de me répondre, ça me permet de lui dire que ça nous avait beaucoup étonnés, justement dans le projet de loi 22, où, la première fois, on voyait disparaître cette obligation conjointe du ministère de l'Education et du ministère de l'Immigration de faire en sorte ensemble que les organismes responsables avec ces deux ministères prennent les dispositions requises pour que soient offerts aux immigrants des cours d'adaptation technique et professionnelle ainsi que des cours spéciaux d'enseignement général. Et on ajoutait même au deuxième alinéa de l'article 6 que l'on abroge par l'article 3: II — c'est-à-dire le ministre de l'Immigration — favorise de la même façon l'établissement des normes pour la reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à l'étranger, des études qui ont été poursuivies et de la formation qui a été reçue ainsi que pour rétablissement d'équivalences.

M. BIENVENUE: On le retrouve à g) de l'article 2, juste au-dessus.

M. BURNS: Oui, les diplômes. D'accord. Mais la première partie de l'article, je ne la trouve pas. En tout cas, sauf erreur, j'ai peut-être passé rapidement sur cet aspect mais je me souviens que je m'inquiétais de voir disparaître cette mesure parce que dans le fond je me dis: Qu'est-ce qu'il advient des COFI...

M. VEILLEUX: Il s'agit de maintenir des services d'adaptation chargés des COFI.

M. BURNS: Si le ministre me dit ça.

M. BIENVENUE: Bien il arrive qu'il y a également e), où on remplaçait l'ancien article qu'on avait avant le bill 22: Prendre les mesures nécessaires pour que les personnes qui s'établissent acquièrent dès leur arrivée, etc., la connaissance de la langue française. Evidemment, ça ne s'applique pas aux enfants, n'est-ce pas? Le ministère de l'Education a la juridiction exclusive sur la question de l'éducation des enfants.

M. BURNS: Oui, d'accord. C'est réglé. D'ailleurs, je ne voyais pas ça non plus dans le texte habituel de l'article 6 lorsqu'on parle des dispositions nécessaires pour qu'il soit offert aux immigrants des cours d'adaptation technique et professionnelle. Je pense bien qu'on ne parle pas à ce moment-là de cours réservés aux enfants lorsqu'on parle d'adaptation technique et professionnelle.

M. BIENVENUE: Non, il s'agit des adultes. Pourrait-on suspendre, tout à l'heure, la séance deux ou trois minutes et je ferai une vérification?

M. BURNS: Je suis entièrement d'accord. Je veux juste qu'on couvre cet angle-là et qu'on s'assure que le projet de loi le couvre parce que, voyant disparaître ça dans le projet de loi 22, voyant également l'abrogation de ça dans le projet de loi 46, je me dis: Ou bien on en a tenu compte ou bien on a décidé tout simplement que ce pouvoir-là n'appartenait plus au ministère de l'Immigration. Or, je suis de ceux qui croient que le ministère de l'Immigration au Québec doit avoir de plus en plus de pouvoirs. M. le ministre, vous le savez, je pense.

M. BIENVENUE: Oui, d'ailleurs, j'ai dit justement que, le 31 juillet dernier, le conseil des ministres avait décrété que, dorénavant et éventuellement jusqu'à ce que certaines conventions collectives aboutissent, nous aurions seuls la responsabilité des COFI.

M. BURNS: Je n'essaie pas de vous poigner les culottes baissées, là. Je vous pose la question.

M. BIENVENUE: Non, non. C'est pour cela que je pense que, tout à l'heure, une suspension de quelques minutes permettra de me rassurer sur ce point et de rassurer mes collègues.

M. BURNS: Cela va bien, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, nous allons suspendre l'article 3.

M. VEILLEUX: Un instant, M. le Président. Nous sommes deux, ici, qui avons des questions à poser.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Excusez-moi. Le député de Laporte.

M. DEOM: Si je comprends bien, l'article 6, actuellement, prévoit le fait de donner aux immigrants des cours d'adaptation technique et professionnelle.

M. BURNS: C'est cela.

M. DEOM: Est-ce que ce n'est pas incompatible avec l'essence même d'une politique d'immigration?

M. BURNS: Egalement, il y a des cours spéciaux d'enseignement général.

M. DEOM: Oui mais...

M. BURNS: Tout cela doit se faire de concert avec le ministère de l'Immigration et de l'Education.

M. DEOM: D'accord, mais n'est-ce pas incompatible avec l'essence même d'une politique d'immigration qui vise à amener de la main-d'oeuvre, ici, qui est déjà qualifiée, qui rencontre les besoins de qualification qu'on a? Si on est pour leur donner des cours d'adaptation et de technique professionnelle...

M. BURNS: On ne parle pas de cours, on parle d'adaptation.

M. DEOM: Même là, si on manque d'ingénieurs, pour prendre un exemple...

M. BURNS: L'exemple concret actuel, c'est que, si vous avez des gens qui travaillent dans le domaine technique, qui sont habitués à fonctionner avec le système métrique, encore pour quelques mois, il faudrait les ajuster au système anglais.

M. DEOM: Je vous concède cet exemple.

M. BURNS: Je vous donne l'exemple le plus gros qui me vient à l'esprit.

M. DEOM: Mais, en 1976, cela n'existera plus.

M. BURNS: Non, non, mais quand même, si le ministre me dit que ce n'est plus nécessaire à cause de cela, parce que c'était le seul cas...

M. DEOM: Non, mais je veux juste soulever le point que cela me paraît...

M. BURNS: Mais ce n'est pas le seul cas.

M. BIENVENUE: Je pense à un autre exemple: des infirmières diplômées d'autres pays, qui sont là-bas des compétences reconnues, mais où il n'y a pas telle ou telle exigence technique que nous avons ici. J'imagine que nous manquions — c'est une pure hypothèse — d'infirmières. Cela voudrait dire qu'on admet au départ qu'on ne pourra en faire venir aucune, parce qu'elles n'ont pas, dans ce pays-là, les qualifications qu'on ixige ici à tel ou tel chapitre, qu'il s'agisse de gynécologie, d'obstétrique, etc. Il y a des cas, d'ailleurs, qui me viennent à l'esprit. On va leur donner ces cours, à ce moment-là, plutôt que de se priver des services d'une personne, par ailleurs, extrêmement compétente.

Il y a aussi d'autres domaines, comme le domaine industriel, où un de nos sujets allant dans un autre pays devra recevoir des cours parce que, sans cela, il ne pourrait pas réussir le test. Alors, il n'est pas question de les reformer au complet, mais de leur donner, dans certains cas ou certains domaines, ce petit minimum vital qui est essentiel et qu'ils n'ont pas à l'arrivée.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jean, sur le même article.

M. VEILLEUX: M. le Président, je pense qu'on a adopté le paragraphe 3 g), mais, étant donné que l'article 3 supprime les diplômes, j'aurais une question à poser au ministre. Est-ce l'intention du ministère de l'Immigration — si je lis bien l'article — d'évaluer une fois pour toutes les diplômes étrangers...

M. BIENVENUE: Oui.

M. VEILLEUX: ... que le ministère de l'Education n'a pas réussi à évaluer?

M. BIENVENUE: C'est ce que l'on veut faire. C'est pour cela que vous avez l'addition que vous retrouvez au paragraphe g).

M. VEILLEUX: Est-ce que cela s'appliquerait pour ceux qui sont arrivés ici auparavant et qui subissent les foudres du ministère de l'Education quant à la classification des enseignants?

M. BIENVENUE: La réponse est évidemment oui et il ne s'écoule pas une journée sans qu'au ministère nous arrive une demande d'une personne déjà ici, qui a des difficultés à faire reconnaître tel diplôme, tel certificat. Nous sommes en relation continuelle avec le ministère de l'Education. Paris ne s'est pas fait en un jour.

M. VEILLEUX: Oui mais...

M. BIENVENUE: II y a tellement de pays impliqués que...

M. VEILLEUX: ... est-ce qu'à l'heure actuelle le ministère prend uniquement l'évaluation des diplômes qui a été faite par le ministère de l'Education ou s'il fait des enquêtes dans les pays en question pour connaître la véritable valeur des diplômes?

M. BIENVENUE: C'est cela. C'est une des fonctions qu'ont nos représentants à l'étranger et qu'ils auront davantage, de plus en plus, maintenant qu'ils auront plus de pouvoirs dans le domaine du recrutement et de la sélection.

C'est une des fonctions de s'assurer, à l'étranger, déjà, que celui qui s'amène ici ait

avec lui tous les papiers, tous les documents lui permettant de travailler plus vite dans son métier véritable ou à son niveau véritable.

M. VEILLEUX: Parce que le ministre n'est pas sans savoir que, moi en tout cas, pour avoir été président d'une association d'enseignants, les difficultés qu'on rencontrait...

M. BIENVENUE: Enormes.

M. VEILLEUX: ... comme chef syndical, à faire reconnaître certains diplômes. On arrivait aussi devant des cas inverses où les diplômes avaient été surévalués par les commissions scolaires, ce qui faisait que l'immigrant qui enseignait depuis trois ou quatre ans dans une commission scolaire, qui avait été habitué à vivre avec un certain salaire, se trouvait, du jour au lendemain, déclassifié de trois ou quatre ans et une perte énorme de salaire. Est-ce que, dans votre évaluation, il y aura, en plus, des recommandations au ministère de l'Education, dans le sens que je viens de vous le mentionner? Si on a déjà reconnu, il y a trois ou quatre ans, un diplôme, que la déclassification s'échelonne sur un certain nombre d'années, qu'elle ne soit pas subite pour celui qui...

M. BIENVENUE: Nous voulons tellement aller dans le sens que suggère le député de Saint-Jean que vous remarquerez une addition dans le nouveau texte, celle notamment où on parle de l'expérience acquise qui ne se trouvait pas dans l'ancien texte.

Je pense que c'est capital, surtout à cause des différences, des distinctions entre le système de classification ou le type de diplômes là-bas. Nous tâchons de nous agripper à tout ce qui peut nous tomber sous la main pour favoriser l'emploi immédiat d'un tel immigrant. Et un des facteurs c'est évidemment l'expérience acquise qui remplace tel type de diplôme que nous avons ici mais où, après examen, on voit qu'il y a équivalence au point de vue compétence.

M. VEILLEUX: II ne faut pas que ça se fasse, quand même au détriment des...

M. BIENVENUE: Non, non.

M. VEILLEUX: ... citoyens canadiens...

M. BIENVENUE: Jamais du pays qui reçoit plus que de celui qui donne.

M. VEILLEUX: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Comellier): L'article 3 est suspendu. Article 4.

M. BURNS: M. le Président, avant que vous alliez à l'article 4, pendant que l'article 3 est suspendu, je veux vous demander une directive qui dépend des présidents, je pense en tout cas, qui dépend aussi d'une certaine approche. Si je veux ajouter au projet de loi, préférez-vous que je le fasse dès maintenant, puisque ça s'insérerait très bien entre l'article 2 et l'article 3 actuel, ou préférez-vous que je revienne à la fin?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je n'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse tout de suite...

M. BIENVENUE: Cela suit l'ordre logique. M. BURNS: D'accord.

M. BIENVENUE: Je pourrais peut-être demander la suspension tout de suite pour ne pas disposer trop tard...

M. VEILLEUX: On pourrait lire l'amendement pendant ce temps-là.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission suspend ses travaux pendant quelques minutes.

Tel que l'a constaté le député de Maisonneuve, nous avons quorum et nous reprenons les travaux de la commission. M. le ministre a peut-être quelques précisions.

M. BIENVENUE: Au sujet du mot "peut" à être changé par le mot "doit", n'est-ce pas?

M. BURNS: C'est cela, M. le Président. Pour ceux qui n'auraient pas l'article 5 devant eux, je vais le lire. L'article 5 actuel de la loi se lit comme suit: "Le ministre peut, de concert avec le ministre des Affaires intergouvernementales, établir des bureaux d'immigration à l'extérieur du Québec et y déléguer des fonctionnaires et employés de son ministère".

Pour éviter toute ambiguïté, M. le Président, concernant le rôle du ministère de l'Immigration, il me semble que le mot "peut" devrait être changé par le mot "doit", tout en gardant la concertation qui paraît dans l'article 5 avec le ministère des Affaires intergouvernementales. A ce moment-là, cela me satisferait de voir le ministère accepter cet amendement parce que cela me prouverait justement que le ministre veut faire de ce ministère un ministère à vocation totale, entière, en matière d'immigration, quitte à ce que ce soit fait ou exercé avec concertation...

M. BIENVENUE: L'amendement est sur la loi.

M. BURNS: Oui, sur la loi.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Non pas sur le bill.

M. BURNS: Non, pas sur le bill, sur l'article.

C'est pour cela que je le propose, et je laisse à la commission le soin de me dire si je devrai revenir après que tous les articles du projet de loi auront été adoptés ou bien si je dois le proposer actuellement; il semble que, du consentement unanime, c'est ici que je dois le proposer.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, vous aviez fini?

M. BURNS: Oui.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): D'accord.

M. BURNS: Je pense que c'est clair, l'amendement parle par lui-même.

M. BIENVENUE: "Peut" au lieu de "doit" avoir des bureaux à l'étranger.

M. BURNS: C'est cela.

M. BIENVENUE: C'est uniquement par technique législative que nous avons mis le mot "peut" qui était dans la loi, d'ailleurs, bien avant que je sois au ministère, et nous n'avons pas jugé à propos de le changer lors de la présente refonte. J'ai parlé aux légistes du gouvernement qui m'ont confirmé la bien modeste opinion à ce sujet de la technique législative, et le raisonnement est: qu'on ne doit jamais employer le mot "doit" —je le dis moi-même...

M. BURNS: II ne faut jamais utiliser le mot jamais.

M. BIENVENUE: Oui. On ne doit jamais employer le mot "doit" dans tous les cas de ce qu'il serait convenu d'appeler des mesures facultatives, des actes administratifs conditionnés par des états, par des situations qui requièrent, ou qui sont requises ou pas, selon les circonstances ou selon le besoin. Je m'expliquerai dans un instant. Je veux seulement dire, pour rassurer le député de Maisonneuve, pour bien montrer qu'on ne veut pas y échapper, qu'on veut bien remplir notre rôle et que c'est bien notre idée d'avoir des gens à l'étranger. Je n'ai qu'à attirer votre attention sur l'article 3, deuxième paragraphe, petit b) et petit c). On dit à petit b): "effectuer des études et des recherches sur les bassins d'immigration susceptibles de fournir au Québec des immigrants et sur les moyens à mettre en oeuvre pour recruter et sélectionner ces derniers". Il est évident que pour les sélectionner et les recruter, il faut être sur place. Petit c): "prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter, sélectionner ou implanter ces personnes..." Là aussi, cela sous-entend qu'on ne peut faire l'opération sélection, recrutement et information à partir d'ici. Il faut être sur place, à l'étranger.

Même chose si on va au nouvel article 15 de la loi où l'article 4 du projet de loi dit: "Les fonctionnaires et employés du ministère en fonction dans un pays où a compétence un agent ou délégué général du Québec sont affectés auprès de, etc." Ce que je voudrais ajouter, c'est ceci: Tout cela donne ouverture — les articles que je viens de lire — à l'existence des postes à l'étranger, outre l'emploi du mot "peut" qui est dans la loi organique. Si on mettait "doit", c'est là qu'on verrait les inconvénients. "Doit" signifierait dans quel pays? Est-ce que cela signifierait dans tous les pays parce que le mot "doit" est impératif. Je fais simplement l'hypothèse suivante, peut-être farfelue mais souvent, comme d'autres l'ont dit avant moi, le passé est garant de l'avenir.

Qu'arriverait-il si au Québec, comme au Canada, ou sans le Canada, peu importe — habituellement on est lié directement à la situation économique du Canada qui, lui, l'est à celle des Etats-Unis — si on décidait d'arrêter complètement l'immigration et de mettre un frein absolu à l'immigration, comme cela se pratique dans certains pays d'Europe actuellement et en Australie, et cela à cause de ce que j'appelerais une récession terrible? J'imagine que nous ayons — le premier ministre me dérange encore, M. le Président...

M. SAMSON: C'est peut-être le temps de parler de notre affaire de main-d'oeuvre?

M. BIENVENUE: Non, non, vous le verrez seul et sans que je sois là.

Alors qu'arriverait-il, à titre d'exemple, si nous avions un "crash" comme en 1929, un arrêt subit de la roue de l'économie? Le secours direct, Dieu nous préserve que cela n'arrive jamais, les Québécois et les Canadiens par milliers sans emploi. Il est évident qu'à ce moment on ferme le rideau, qui devient un rideau de fer. Alors, avec mon "doit" on serait pris avec des gens qui se baladeraient en Citroën à l'étranger à chercher des gens dont on n'a plus besoin, c'est-à-dire à ne pas chercher, mais à rester là.

Alors le but du "peut", c'est de ne pas se forcer, même si dans les faits actuellement cela correspond à des besoins. Et je fais une brève analogie avec le mot "peut", je dis cela au député de Maisonneuve, que l'on retrouve dans la loi organique à l'article 9, à titre d'exemple, où on dit que le lieutenant-gouverneur en conseil peut constituer un comité consultatif. En fait il existe, mais je montre que le législateur parfois...

M. BURNS: C'est un pouvoir, dans le fond. M. BIENVENUE: Oui, c'est un pouvoir.

M. BURNS: Cela vous aiderait-il si je retirais mon amendement?

M. BIENVENUE: Oui, parce que...

M. BURNS: Bon, je le retire. M. BIENVENUE: Merci.

M. BURNS: Je voulais simplement entendre le ministre me dire qu'il...

M. BIENVENUE: Qu'il tient à ses bureaux à l'étranger.

M. BURNS: ... tient à ses bureaux à l'étranger parce que je vous avoue que depuis quelque temps j'ai vu passer la loi des Affaires intergouvernementales, j'avais des légères doutances.

M. BIENVENUE: J'ai eu assez peur de perdre mes bureaux à l'étranger à l'occasion de cette loi que j'avais prévenu le ministre des Affaires intergouvernementales que je planterais une question que je ferais poser par un de mes amis de l'Opposition...

M. BURNS: II vous en reste?

M. BIENVENUE: Non, vous allez voir. ... il m'a supplié de n'en rien faire...

M. MERCIER: Votre sous-question, M. le Président, a été bienvenue?

M. BIENVENUE: Elle est venue la question finalement.

M. BURNS: Une question brûlante.

M. BIENVENUE: La question a été posée, à savoir si mes gens disparaîtraient à l'étranger avalés par Afinter, puis j'ai su que c'était le chef de l'Opposition qui avait posé cette question. Alors, le leader du gouvernement m'a dit qu'il ne me soupçonnait pas d'avoir planté la question parce qu'elle a été posée par le chef de l'Opposition officielle.

M. BURNS: D'accord, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, cette proposition de l'honorable député de Maisonneuve est retirée à sa demande.

M. BURNS: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 3 demeure encore en suspens pour quelques minutes. Article 4.

M. BURNS: Avant l'article 4, j'ai un amendement à proposer après l'article 3; encore une fois c'est un amendement à la loi actuelle et non pas au projet de loi. C'est un amendement à l'article 9, lequel se lit comme suit, je vais vous lire surtout la première phrase parce que c'est à la fin de la première phrase que mon amendement vient s'insérer: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut constituer — comme le ministre le disait tout à l'heure, on retrouve le "peut"— un comité consultatif composé d'au plus quinze membres pour conseiller le ministre sur toute question que ce dernier lui soumet relativement à l'immigration, à l'adaptation des immigrants à leur nouveau milieu et à la conservation des coutumes ethniques". Je pense que l'on devrait élargir le mandat de ce conseil consultatif et il me semble en tout cas, de la façon dont le ministre s'est servi du conseil consultatif dans le passé, qu'il devrait être d'accord sur mon amendement. Je propose qu'on insère après l'article 3 l'article suivant, l'article 4:

L'article 9 de ladite loi est modifié en ajoutant, après les mots "la conservation des coutumes ethniques", les mots "et pour communiquer au ministre tout avis que ce conseil juge approprié quant aux mêmes questions."

En somme, ce que je demande, c'est que le conseil consultatif puisse, jusqu'à un certain point, agir proprio motu quant à ses avis ...

M. BIENVENUE: Sans que je lui en demande, mais qu'il prenne l'initiative.

M. BURNS: Qu'il ne soit pas uniquement placé dans la position passive d'attendre les avis du ministre, mais que, dans les domaines qui sont mentionnés à l'article 9, c'est-à-dire l'immigration, en général, l'adaptation des immigrants à leur nouveau milieu et la conservation des coutumes ethniques, de lui-même, le conseil puisse dire au ministre: Nous croyons que... Donc, le ministre n'est pas lié par cela. Ce sont des avis, et je pense que ce serait permettre une bonne initiative à ce conseil. Ce serait lui permettre au moins de penser à autre chose que ce que le ministre veut bien les laisser penser à, comme diraient quelques personnes qui feraient un anglicisme à ce sujet.

M. BIENVENUE: Je dis oui au député de Maisonneuve à une condition.

M. BURNS: Oui.

M. BIENVENUE: Je fais du chantage.

M. BURNS: Ah!

M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve nous dit pourquoi, dans l'amendement, il appelle cela conseil...

M. BURNS: Pourquoi j'appelle cela conseil? On va mettre le mot comité.

M. BIENVENUE: Je vois rire le député de Maisonneuve. Je sais pourquoi il rit et il se doute pourquoi je ris.

M. BURNS: Oui?

M. VEILLEUX: Est-ce qu'on pourrait savoir nous aussi?

M. BIENVENUE: C'est parce que je soupçonne que la personne qui a suggéré cela au député de Maisonneuve a employé le mot conseil, mais je ne peux aller plus loin, à moins qu'il n'ouvre la trappe lui-même. Je soupçonne, mais en riant, sans colère.

M. BURNS: C'est une simple faute de frappe, je pense.

M. BIENVENUE: ... le député de Maisonneuve, seul derrière le fauteuil, après.

M. BURNS: Ah oui! Alors, on remplace le mot "conseil" par le mot "comité".

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Au début de la cinquième ligne, on remplace le mot "conseil" par le mot "comité".

M. BIENVENUE: C'est normal et c'est très démocratique qu'il en soit ainsi.

M. VEILLEUX: C'est permis de se poser des interrogations?

M. BURNS: Oui.

M. VEILLEUX: J'ai eu l'occasion d'assister à des débats sur d'autres projets de loi qui touchaient d'autres ministères, lesquels autres ministères étaient conseillés par des comités sur des points de vue que voulait bien leur soumettre ou condescendre à leur soumettre le ministre. Je me souviens que l'Opposition officielle d'aujourd'hui proposait des amendements dans le sens de ceux qu'a proposés le député de Maisonneuve. Et, à moins que ma mémoire ne fasse défaut, les ministres en question n'ont jamais voulu accepter de créer un précédent en acceptant de tels amendements, prétextant qu'un tel comité ou un tel conseil comitatif, comme dirait le député de Maisonneuve...

M. BURNS: Je n'ai pas dit comitatif. C'est un comité consultatif. C'est un simple lapsus qui m'a fait dire conseil.

M. VEILLEUX: ... pouvait s'immiscer dans des affaires du ministère.

M. BURNS: Je pense que le lieutenant-gouverneur en conseil a le pouvoir de constituer ce genre de comité et il existe actuellement. D'ailleurs, les membres ont fait un rapport il n'y a pas tellement longtemps, si je me rappelle bien, qui a été publié dans une de vos premières publications, les statistiques du ministère. Ce comité existe. Il est actif, en autant que le veuille bien le ministre, actuellement, et il pourrait...

M. BIENVENUE: ... M. BURNS: Oui, je sais.

M. BIENVENUE: Cela fait partie du rire de tout à l'heure.

M. BURNS: Oui. Et je pense qu'on devrait, justement, donner à ce genre de comité ou de conseil — appelez-le comme vous voulez, dans la loi, il s'appelle comité consultatif — son véritable sens et surtout lui donner le goût d'avoir de l'initiative. Il me semble qu'il n'y a rien de plus normal, surtout que ce n'est qu'un avis dont le ministre peut tenir compte ou ne pas tenir compte s'il le veut ou s'il ne le veut pas. Il me semble qu'il n'y a pas de péril en la demeure que de dire à ces gens: Vous êtes nos conseillers en matière d'immigration, en matière d'adaptation des immigrants, et si vous avez des bonnes idées que vous croyez qu'on devrait mettre en vigueur, parce que cela arrive au cours...

Je me souviens d'avoir fait partie, moi-même, pas comme membre en titre, mais comme membre associé ad hoc dans le cas de la révision du code du travail, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre où j'avais été délégué. Justement c'est un conseil consultatif qui a une assez grande latitude et, au cours de ces discussions sur un point X, on se met à discuter d'un point X prime ou d'un point Y ou d'un point Z, et les gens disent: II faudrait peut-être conseiller le ministre sur ce point, alors que le ministre ne nous a pas demandé ce qu'il en pensait.

M. VEILLEUX: Si je comprends bien l'amendement apporté par le député de Maisonneuve, dans son esprit, ce comité, qui est le conseiller du ministre, ne jouerait pas, par exemple, le même rôle que peut jouer le comité ou le conseil national du parti vis-à-vis de l'aile parlementaire; c'est uniquement pour conseiller.

M. BURNS: II n'a pas autant de pouvoirs.

M. BIENVENUE: J'ajoute que je ne serais pas obligé d'en tenir compte.

M. BURNS: Est-ce que je peux dire au député de Saint-Jean d'aller au diable?

M. VEILLEUX: Non, il ne peut pas me le dire.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Ce n'est pas parlementaire.

M. BURNS: Alors, je retire mes paroles.

M. BIENVENUE: Je voudrais ajouter un élément de réponse à celui du député de Maisonneuve. J'ignorais si c'était un précédent, mais je ne suis pas surpris si c'en est un. Non, ce n'en est pas un.

M. VEILLEUX: Le Conseil supérieur de l'éducation.

M. BIENVENUE: Le Conseil supérieur de l'éducation.

M. MERCIER: Le Conseil de la protection du consommateur.

M. BIENVENUE: Voici pourquoi cela me paraît utile dans ce cas. Si petit soit-il, si modeste soit-il, le ministère que je dirige n'en porte pas moins sur un sujet que l'on sent de plus en plus d'actualité. Il est souvent question, non pas du ministère, mais du problème, du défi de l'immigration.

M. VEILLEUX: II est peut-être minime, mais pas le ministre.

M. BIENVENUE: Non, 5 et 11. Alors, c'est un sujet, quand même, vieux comme le monde, mais tellement nouveau au Québec. Au point de vue de l'administration gouvernementale, c'est, et de beaucoup, le plus jeune ministère. Or, contrairement à certains ministères, beaucoup plus spécifiques, je pense, à titre d'exemple, à l'Agriculture ou aux Terres et Forêts dont la mission ou la vocation porte à peu près exclusivement sur un champ beaucoup plus restreint qui sont les arbres, les forêts et tout ce qui s'y rapporte, les animaux, les légumes les oeufs, etc., les sols dans le cas de l'Agriculture...

M. VEILLEUX: Nous ne pouvons pas parler de la Régie de l'assurance-récolte.

M. BIENVENUE: Non, non. Ma matière première à moi, si on me permet l'expression, est un être humain; c'est un immigrant, qui, en venant ici, frappe du nouveau sur tous les plans, qui a affaire à tous les ministères, à tous les problèmes, parce qu'il y a des immigrants cultivateurs, il y a des immigrants forestiers, il y a, enfin, toute la gamme des activités humaines. Or, le sujet étant nouveau, les inconnues, les interrogations étant combien nombreuses, je pense qu'il n'est pas mauvais d'avoir toutes ces personnes extrêmement compétentes, chacune dans son milieu, dont j'ai recommandé la nomination au lieutenant-gouverneur et qui sont susceptibles, à cause de leurs connaissances théoriques, de leur expérience passée, de me fournir, ainsi qu'à mes hauts fonctionnaires des renseignements, des avis extrêmement précieux, parce qu'elles ont le temps de penser, chose que nous n'avons pas toujours. Alors, je pense que, s'il y a un ministère où cet élargissement — qui n'est pas, et je suis heureux de l'apprendre, un précédent — peut être utile, c'est bien celui-là.

M. VEILLEUX: Les rapports que fait ce comité au ministre, ce sont des rapports publics ou des rapports privés?

M. BIENVENUE: Ce sont des rapports privés.

M. VEILLEUX: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement proposé par le député de Maisonneuve pour insérer, après l'article 3, l'article suivant que le député de Maisonneuve a lu tantôt est adopté. Cet article pourra devenir l'article 3, si l'article 3 du projet de loi était maintenu.

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être l'appeler 3 a).

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet article pourra devenir l'article 3 si l'article 3 du projet de loi est maintenu.

M. VEILLEUX: J'ai l'impression que le député de Maisonneuve en a d'autres.

M. BURNS: Non, je n'en ai pas d'autres. C'est une mauvaise technique législative lorsqu'on fait un nouveau projet de loi de mettre un 3 a). Je ne veux pas avoir l'air d'un professeur.

M. VEILLEUX: M. le Président, dès le départ, j'abonde dans le même sens que le député de Maisonneuve. Nécessairement", il a beaucoup plus de connaissances que moi au niveau législatif.

M. BURNS: Je ne le dis pas avec une certaine hauteur.

M. VEILLEUX: Quand cela vient d'une personne autorisée...

M. BURNS: Si l'article 3 devait à un moment donné disparaître, l'amendement pourrait devenir l'article 3. Si l'article 3 demeurait, il pourrait être l'article 4 et on renuméroterait les autres articles jusque là.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Si l'article 3 disparaît dans le projet de loi, on pourra modifier l'amendement que le député de Maisonneuve m'a remis d'indiquer "inséré" après l'article 3, on mettrait "inséré" après l'article 2.

M. VEILLEUX: Si l'article 3 est accepté, alors...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est ça. Il n'y en a pas beaucoup. Article 4.

M. VEILLEUX: Est-ce qu'il y a d'autres amendements?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4.

M. VEILLEUX: J'aimerais ça, converser jusqu'à minuit avec le député de Maisonneuve.

M. BURNS: Adopté, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4. Adopté.

M. VEILLEUX: Le président ne l'a pas lu. Pas si vite.

M. BURNS: Ah! vous auriez dû le lire avant de venir ici. C'est ce que nous avons tous fait.

M. VEILLEUX: Oui, mais...

M. MERCIER: M. le Président, je tiens à vous dire que le député de Maisonneuve a un service de recherche que le député de Saint-Jean n'a pas.

M. BURNS: J'ai passé la journée de Noël à lire ce projet de loi.

M. VEILLEUX: Oui, vous avez beaucoup de mérite. On vous félicite. Entre deux réveillons.

M. SAMSON: ... de Noël jusqu'au Jour de l'an.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4, adopté. Nous passons maintenant à l'article 5.

Délégation des pouvoirs de signature

M. BURNS: M. le Président, à l'article 5 je m'inquiète beaucoup au deuxième paragraphe. Je n'ai pas d'amendement à faire mais je vois que le lieutenant-gouverneur en conseil prend la chance de "permettre, même aux conditions qu'il fixe, que la signature requise soit apposée au moyen d'un appareil automatique sur les documents qu'il détermine". Vous et moi, M. le Ministre, vous vous souvenez d'un événement qui a eu lieu au cours du mois de juin où un député se plaignait d'être l'objet d'une machine automatique. Y a-t-il un danger qui pourrait être le même dans ce cas-ci?

M. BIENVENUE: Dans notre cas, on signe tellement peu souvent. C'est une précaution.

M. BURNS: Oui, il n'y a pas de danger. C'est la question que je me posais.

M. BIENVENUE: C'est une précaution.

M. BURNS: Je ne sais pas si, au deuxième paragraphe...

M. SEGUIN: Au premier paragraphe, je me pose une question sérieuse, je pense bien. On dit: "... n'engage le ministre, ni ne peut être attribué au ministre, s'il n'est signé par lui, par le sous-ministre..." Je me demande l'utilité du reste de tout ce paragraphe. Par exemple: ... ou par un fonctionnaire, mais uniquement, dans le cas de ce dernier, dans la mesure déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil..."

Avez-vous tellement de travail? Le ministre vient de me confirmer qu'il en signait très peu.

Est-ce que, franchement, dans des cas semblables, ça ne devrait pas être le ministre ou le sous-ministre qui signe ces documents? Je me demande pourquoi Pierre, Jean, Jacques peuvent signer ça. On est pris à courir, on a un problème, moi j'en ai peut-être plus que d'autres. Il y a des comtés qui n'ont pas de problèmes d'immigration mais j'en ai chez moi. On a des signatures de différentes gens, on ne sait pas. C'est le lieutenant-gouverneur qui autorise ça, le règlement l'autorise. Pourquoi pas rien que le ministre ou le sous-ministre?

M. BIENVENUE: Premièrement, j'allais dire que dans tous les ministères, maintenant, chaque fois qu'on touche à un ministère à l'occasion d'une refonte ou d'amendements, on l'inscrit partout, ça, peu importe le volume de chaque ministère. On a voulu tout prévoir et corriger surtout des situations passées. Dans celui qui nous intéresse particulièrement, le ministère de l'Immigration, je dis au député de Pointe-Claire que même si le volume est petit, de par notre vocation, on est plus susceptible de trouver des inconvénients de ce côté que bien d'autres ministères. Et je pense tout de suite à mes agents à Beyrouth, à Paris et à l'étranger qui, à un moment donné, ont à signer des formulaires. Je ne détesterais pas, remarquez, traverser tous les quinze jours pour signer, mais...

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être y aller à la place du ministre.

M. SEGUIN: Non, mais dans le contexte, où il y en a 3 ou 4 par année, il me semble que le ministre pourrait signer pour ces documents-là.

M. BIENVENUE: Non, il y a des documents qui se signent sur place à l'étranger.

M. SEGUIN: Parce que cela touche à l'individu ici.

M. BIENVENUE: Comment l'individu?

M. SEGUIN: L'individu, l'immigré, celui qui s'en vient.

M. BIENVENUE: Oui mais je...

M. SEGUIN: Cela peut être signé par un fonctionnaire pourvu que le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. BURNS: Le fonctionnaire à l'étranger. M. SEGUIN: Oui, oui, je comprends.

M. MERCIER: C'est pour fins d'efficacité administrative.

M. BURNS: II est possible que certains documents à caractère officiel doivent être signés sur place, à l'étranger.

M. BIENVENUE: Je ne peux pas y aller chaque fois.

M. SEGUIN: Je comprends, mais, d'un autre côté, avant que le gars...

M. BIENVENUE: Le leader du gouvernement ne me laisserait pas partir.

M. SEGUIN: ... soit admis ici, je ne voudrais pas qu'il soit admis sous une signature de fonctionnaire.

M. BIENVENUE: Non, non. Ce n'est pas son admission finale.

M. SEGUIN: Non.

M. BIENVENUE: Ce n'est pas cela.

M. SEGUIN: Ce n'est pas ce que cela dit, non plus.

M. BIENVENUE: D'ailleurs, le dernier document est signé par l'employé du fédéral. Mais, à un moment donné, mes hauts fonctionnaires signent à l'étranger des documents où la signature est requise.

M. SEGUIN: C'est une application indirecte de ce qu'on appelle le "Peter principle". Je n'irai pas plus loin parce que cela prendrait trop d'explications.

M. VEILLEUX: J'abonde un peu dans le même sens que mon collègue de Pointe-Claire. Je comprends très bien le ministre lorsqu'il parle des fonctionnaires à Beyrouth et un peu partout, mais je le mets en garde de déléguer de tels pouvoirs à des fonctionnaires qui sont au bureau du ministère, soit à Montréal ou à Québec. Je trouve qu'il y a trop de délégations, à un certain moment, à de simples fonctionnaires qui peuvent créer des embêtements.

La Gazette officielle peut prévoir certaines choses, certaines modalités. Elle ne donne pas le nom du fonctionnaire. Parfois, cela peut être le cinquième fonctionnaire dans tel bureau. Lui, il commence à lire la Gazette officielle et il dit: C'est intéressant, cette chose-là. Il se sert de cette réglementation pour signer des choses. A ce moment-là, le ministère, le ministre et le gouvernement peuvent être impliqués. Moi, cela me fait peur.

M. BURNS: De toute façon, au nombre actuel de fonctionnaires qu'il y a dans ce ministère, s'il y a un gars qui fait un "goof", ils vont le retrouver rapidement.

M. VEILLEUX: C'est encore curieux. M. BURNS: N'est-ce pas, M. le ministre?

M. BIENVENUE: II n'y en a pas eu beaucoup. On guette, on guette.

M. BURNS: Mais, au nombre de fonctionnaires que vous avez sous vos ordres, il est assez facile à retrouver, celui qui se met les pieds dans les plats.

M. BIENVENUE: C'est d'ailleurs pour cela que vous avez remarqué que le législateur, pas seulement dans le cas de ce ministère-ci, mais dans tous les autres où on profite d'une refonte de la loi pour l'insérer, a bien dit dans le cas du fonctionnaire, uniquement dans le cas de ce dernier, dans la mesure déterminée par le lieutenant-gouverneur en conseil, etc.

M. VEILLEUX: Si je lis bien l'article, cela peut être le ministre qui délègue certains pouvoirs de signature à des fonctionnaires, mais cela peut être le sous-ministre aussi qui prend cette décision, à un certain moment.

M. BIENVENUE: II y a un vieux principe latin qui dit delegata non est deleganda, c'est-à-dire les pouvoirs qui vous sont délégués par un autre, vous ne pouvez pas les déléguer à votre tour. C'est pour cela qu'on dit: Dans le cas du fonctionnaire autre que le ministre et le sous-ministre, il doit être autorisé spécifiquement par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. VEILLEUX: Mais est-ce que le sous-ministre, dans le...

M. SEGUIN: Est-ce une version grecque du delegatus delegare non potest?

M. BIENVENUE: Oui, oui. C'est la version féminine. Il y a des a à la fin.

M. SEGUIN: Je ne veux pas interrompre, mais, dans le même contexte, dans le premier paragraphe, on dit "un fonctionnaire" dans le deuxième paragraphe, il emploie un "appareil automatique", dans le troisième paragraphe, c'est un "fac-similé" qui est autorisé.

Si je vais chercher un passeport canadien pour aller à l'étranger, cela me prend un baptistaire original, pas un fac-similé. On exige ma signature — pas ma signature parce que je n'y étais pas pour le signer — mais au moins la signature du curé qui m'a baptisé ou du bureau d'enregistrement.

UNE VOIX: Lisez jusqu'à la fin.

M. SEGUIN: On parle de fac-similé, au début.

M. LACHANCE: Contresigné. M. SEGUIN: Contresigné.

M. BURNS: Le Québec n'a pas le droit d'émettre des passeports. Alors, ce ne sont pas des choses possibles.

M. BIENVENUE: Pensez, si vous voulez, aux

permis de conduire, aux enregistrements de véhicules automobiles. S'il fallait que le pauvre ministre des Finances ou son sous-ministre signe chacun des chèques de paie chaque fois...

M. VEILLEUX: Ce n'est pa le même cas.

M. BIENVENUE: Je répète juste que cette disposition ne vient pas de celui qui vous parle. Elle est insérée automatiquement par le comité de législation dans toutes les lois du ministère.

M. VEILLEUX: Je suis d'accord avec le ministre. Le comité de législation propose bien des choses à tout le monde et on se rend compte que, parfois, ils font des erreurs, eux aussi. Si on regardait la dernière loi de l'assurance-récolte, ils avaient oublié la loi 22 qu'on venait adopter. Il a fallu les rappeler à l'ordre. Peut-être que là, le ministre nous donne des raisons très valables, mais pour moi, disons, le débat repose beaucoup plus sur la philosophie qui semble...

M. BIENVENUE: Sortir de cela.

M. VEILLEUX: ... animer le comité de législation d'appliquer cela à tous les ministères. Dieu sait, si vous arrivez, par exemple, avec des ministères comme l'Education, les Affaires sociales, les Transports — vous l'avez mentionné, d'ailleurs — il n'y a rien de plus insultant que de recevoir, comme je l'ai reçu, une lettre du ministère des Transports disant:

Monsieur, vous avez perdu deux fois quatre points à tel endroit et tel endroit, et c'est une signature estampillée. D'ailleurs, j'en ai fait mention au ministre d'Etat l'autre jour. J'aimerais bien que ce soit signé par quelqu'un. Tant qu'à perdre des points, j'aimerais bien avoir au moins le plaisir...

M. DEOM: Avoir la jouissance.

M. VEILLEUX: ... avoir la jouissance d'avoir une véritable signature par le ministre.

M. BURNS: Vous allez avoir besoin d'un chauffeur.

M. VEILLEUX: J'engagerai le député de Maisonneuve, je voyagerai avec lui.

M. BURNS: On ne reste pas loin.

M. VEILLEUX: Un de mes amis me descendra à Montréal...

M. SEGUIN: Contresigné par quelqu'un de désigné par le ministre.

M. VEILLEUX: ... on fera le retour dans la même...

UNE VOIX: ... un chauffeur...

M. VEILLEUX: Oui, si le député de Maisonneuve a un chauffeur particulier, on pourra peut-être voyager dans la même limousine, avec le même chauffeur.

M. BURNS: II n'y a aucun danger là-dessus. M. VEILLEUX: II n'y a aucun danger. M. BURNS: Adopté.

M. VEILLEUX: Est-ce qu'on peut ajourner ou si nous restons ici jusqu'à minuit.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que cet article 5 est adopté?

M. BURNS: Adopté.

M. VEILLEUX: Pour l'article 3, on va attendre la réponse.

M. SEGUIN: M. le Président...

M. BIENVENUE: ... une suspension de trois minutes pour que j'essaie de rejoindre au téléphone mon...

M. BURNS: Concernant l'article 6, puisqu'on est aussi bien de vider l'affaire, ça va être mis en vigueur sur proclamation. Pour quelle raison, dans ce cas-ci, ce n'est pas sur sanction du lieutenant gouverneur? Est-ce qu'il y a une raison particulière? Vous voulez retarder la mise en application de la loi pour des raisons précises, ou quoi?

M. BIENVENUE: Non.

M. VEILLEUX: II faut attendre l'entente?

M. BIENVENUE: Non. Je vous avoue que je ne vois pas de raison particulière.

M. SEGUIN: C'est pour avoir l'avis du comité aviseur, non?

M. SAMSON: II faut attendre la loi 59.

M. BIENVENUE: Ecoutez, peut-être que la raison était à ce moment-là... Oui, je pense que ce n'est pas bête ce que dit le député de Rouyn-Noranda. On voulait s'assurer de la concordance éventuelle avec la loi du ministère des Affaires intergouvernementales, c'est la raison pour laquelle on a mis sur proclamation, mais là je ne vois plus de raison de retard.

Mon leader me gardait toujours avec sa loi, on jouait au chat et à la souris, tous les deux, avec nos petites lois respectives. Mais là, l'autre est adoptée.

M. BURNS: Elle est même sanctionnée, je pense.

M. BIENVENUE: Oui.

M. VEILLEUX: ... que la proclamation viendra immédiatement au moment de la sanction.

M. BIENVENUE: Je ne vois pas l'utilité...

M. BURNS: C'est parce que d'habitude cette formule de mise en application est là lorsqu'il y a des difficultés quant à la mise en application pratique de certains aspects de la loi.

M. VEILLEUX: On pourrait peut-être apporter un amendement: La présente loi entrera en vigueur le jour de la sanction.

UNE VOIX: C'est ça.

M. BURNS: Moi, je serais d'accord sur cela.

M. VEILLEUX: J'en fais l'amendement.

M. SEGUIN: C'est proclamé dans la Gazette officielle du Québec, sur proclamation dans la Gazette officielle du Québec.

M. VEILLEUX: M. le Président, pourriez-vous demander au ministre s'il verrait un inconvénient à ce que le député de Saint-Jean apporte un amendement comme ceci à l'article 6: "La présente loi entrera en vigueur le jour de sa sanction."?

Il pourrait peut-être demander à son conseiller spécial.

M. BURNS: Comme les autres lois.

UNE VOIX: Je ne suis pas au courant des... J'attendais...

M. BOURASSA: Oui, ils ont fait une différence entre...

M. BIENVENUE: Oui, ils avaient peut-être l'idée aussi du bill 22, vous vous rappelez ce fameux article qui...

M. BURNS: Oui, parce que votre projet avait été déposé...

M. BIENVENUE: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on dise le jour de sa sanction.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): On pourra accepter cet amendement qui ferait que l'article 6 se lirait: "La présente loi entrera en vigueur le jour de sa sanction".

M. BURNS: Adopté.

M. SEGUIN: ... des fac-similés des fonctionnaires, tout ça, n'importe qui peut signer ces papiers-là.

M. BURNS: Oui, c'est adopté.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, l'article est adopté.

M. VEILLEUX: Le député de Pointe-Claire, il faudrait qu'il se fasse nommer à la commission pour appuyer le député de Saint-Jean pour voter contre certains articles à certains moments.

M. SEGUIN: Quand on sait que je vais voter contre un article, on me nomme pour présider une commission. On a manqué notre coup ce soir, je ne suis pas président, j'ai le droit de parler.

M. VEILLEUX: ... pas membre.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je voudrais soumettre à l'agrément des membres de la commission de suspendre l'article 3 et d'ajourner la commission sine die, quitte à ce que le ministre puisse revenir à l'article 3 lors du dépôt du rapport à l'Assemblée nationale demain.

M. SEGUIN: C'est parce qu'il y a un danger. Si l'Opposition considère, M. le Président...

M. SAMSON: Je permets qu'on suspende quelques minutes pour lire en entier...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): A la demande donc des membres de la commission, suspension de trois minutes pour que le ministre puisse aller faire une consultation. J'inviterais les membres de la commission à ne pas quitter la salle.

A l'ordre, messieurs!

M. BURNS: Avant d'ajourner sine die, je proposerais que le rapporteur fasse rapport quand même à la Chambre. Je ne sais pas qui est le rapporteur désigné de la commission, c'est le député de Mille-Iles. Je proposerais que le rapporteur fasse rapport à la Chambre en tenant compte du fait que l'article 3 n'a pas été adopté, qu'il a été suspendu. Personnellement, avec le consentement du député de Rouyn-Noranda, comme les deux représentants de l'Opposition ici, je serais d'accord, s'il est d'accord, à ce qu'à un moment donné quand vous aurez l'information voulue, le rapport ayant été fait, on révoque en Chambre de consentement l'étude du rapport et qu'à ce moment on vienne en commission plénière, brièvement, pour recevoir ce que vous avez à nous dire, ce qui évitera un nouveau rapport.

M. BIENVENUE: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 29)

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