Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
du travail, de la main-d'oeuvre
et de l'immigration
Etude du projet de loi no 46
Loi modifiant la loi du ministère de
l'Immigration
Séance du jeudi 26 décembre 1974
(Vingt heures et vingt minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!
Etude du projet de loi no 46
LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission du travail, de la
main-d'oeuvre et de l'immigration entreprend l'étude du projet de loi no
46, article par article.
Parmi les membres de la commission M. Dionne (Mégantic-Compton)
remplace M. Bou-dreault (Bourget), M. Déom (Laporte) remplace M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Veilleux (Saint-Jean) remplace M. Cournoyer (Robert-Baldwin),
M. Mercier (Bellechasse) remplace M. Déziel (Saint-François), M.
Lachance (Mille-Iles) remplace M. Gallienne (Duplessis), M. Samson
(Rouyn-Noranda) remplace M. Roy (Beauce-Sud).
Avant d'entreprendre l'étude du projet de loi...
M. VEILLEUX: M. le Président, on peut proposer, justement, le
député de Mille-Iles, qui nous est revenu en pleine santé,
comme rapporteur de la commission.
UNE VOIX: Appuyé.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors cette proposition est
agréée. M. Lachance (Mille-Iles) agira donc comme rapporteur de
la commission.
Projet de loi no 46, Loi modifiant la loi du ministère de
l'Immigration, article 1.
Remarques générales
M. BURNS: M. le Président, je pense que c'est le moment où
je dois dire que peu importe l'approche qu'on puisse avoir au niveau des
pouvoirs qui sont partagés entre Ottawa et Québec, l'Opposition
officielle, parce qu'il faut la distinguer, n'a aucune espèce
d'objection aux pouvoirs que le ministre de l'Immigration et son
ministère se donnent à l'intérieur du projet de loi no 46.
Loin de là, bien au contraire, dans mon intervention de deuxième
lecture, j'ai demandé simplement que les énoncés de
principes qu'on voit dans le projet de loi no 46 soient traduits de
façon concrète par des actions précises. Nous serons
sûrement les premiers; mise à part la partisanerie qu'on peut
jouer autour du fait que Québec soit souverain ou ne soit pas souverain,
etc., à penser qu'à l'intérieur même de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique actuel qui nous tient lieu de
constitution, il est possible au ministre de l'Immigration d'agir, de mettre
son poids dans la balance, au niveau de l'Immigration.
Je ne peux que souhaiter au ministre la meilleure des chances avec les
pouvoirs qu'il semble vouloir se donner ou que l'Exécutif semble vouloir
donner au ministère de l'Immigration. Je ne peux que lui dire qu'en ce
qui concerne l'Opposition officielle, nous serons toujours derrière lui
pour l'appuyer en vue de rendre concrète l'exécution de ces
pouvoirs. Pour le moment, en tout cas, à l'égard de l'article 1,
en ce qui me concerne, que le ministre soit chargé de l'application des
lois relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui
s'établissent temporairement au Québec, je suis
entièrement d'accord. Cela peut poser des problèmes pratiques,
comme le ministre l'a dit dans sa réplique, relativement au fait qu'il
est difficile de contrôler le va-et-vient des immigrants à
l'intérieur du Canada. Ils peuvent arriver à Halifax et
s'installer à Québec. Ils peuvent arriver à Vancouver et
revenir à Toronto pour ensuite se retrouver à Montréal. Je
comprends qu'il y a des problèmes pratiques.
J'aimerais au départ que le ministre précise davantage le
fait qu'il a l'intention de discuter de façon beaucoup plus
précise avec son homologue fédéral, M. Andras, et la
façon dont il a l'intention de rendre applicable sa loi au
Québec, la façon dont il a l'intention de donner au Québec
de plus en plus de pouvoirs en vue de rendre, selon l'expression même du
ministre, "francophonisables", je crois, les immigrants
québécois, dise comment il a l'intention de plus en plus d'agir
de façon telle sur la politique d'immigration fédérale
pour que les immigrants qui arrivent au Québec soient intégrables
à toutes fins pratiques beaucoup plus facilement à
l'intérieur de la communauté française du
Québec.
Je pense que c'est l'un de ses objectifs. D'ailleurs, il y a des
articles dans sa loi qui peuvent être examinés sous cet angle, qui
jusqu'à maintenant pouvaient apparaître comme étant des
énoncés de principe gentils, agréables, mais avec surtout
des statistiques d'intégration des immigrants au milieu anglophone et de
façon alarmante pour le milieu francophone majoritaire au Québec.
Je pense qu'il est de plus en plus important que l'on pose le problème
dès ce moment-ci et que le ministre nous dise ce qu'il a l'intention de
faire de façon précise, de façon immédiate dans ce
domaine et, s'il doit le faire, avec quels moyens et aussi, s'il a des
délais à nous imposer, qu'il nous les donne.
Alors, globalement, je vous demande ce que veut dire, dans le fond, le
projet de loi no 46, ce
que cela va changer aux pouvoirs du Québec, comment vous, M. le
ministre, vous avez l'intention d'utiliser ces nouveaux pouvoirs pour arriver
à rendre concrète une certaine réalité
québécoise qui tient compte du besoin d'immigration francophone
ou du besoin d'immigration "francophonisable".
M. BIENVENUE: M. le Président, je retiens ce qu'a dit au
début faites comme moi, M. le député de
Maisonneuve, j'ai changé de fauteuil le député de
Maisonneuve. Je répète pour la niéme fois que, vraiment,
j'ai trouvé dans l'Opposition et dans la personne du
député de Maisonneuve un allié pour la plupart des
objectifs que je poursuis depuis mon accession au portefeuille de ce
ministère. Je m'explique. Sa critique au nom de son parti a toujours
été sauf en de rares exceptions qui sont normales, ce sont
les jeux de la politique constructive et positive.
Je me suis même servi, M. le Président, du
député de Maisonneuve dans mon argumentation auprès de mon
collègue le ministre des Finances et même auprès de mon
homologue, le ministre fédéral de l'Immigration. Le
député de Maisonneuve l'ignore, mais son nom a été
prononcé dans les bureaux du ministre fédéral de la
Main-d'Oeuvre et de l'Immigration quand je lui disais: Si vous ne me donnez pas
telle chose, je vais avoir des difficultés avec l'Opposition en face de
moi. La poursuite de leurs objectifs, c'est la séparation. Ce n'est pas
populaire, à Ottawa, M. le Président. Cela m'a aidé
à obtenir des concessions.
M. BURNS: J'espère que vous ne vous servez pas de nous, M. le
ministre, en ce sens que, pour nous, c'est un principe de base alors que, pour
vous, c'est une espèce de palliatif ou un moyen de
négociation.
M. BIENVENUE: Cela m'a aidé.
M. BURNS: Cela vous aide, mais... M. BIENVENUE: De façon
positive.
M. BURNS: ... remarquez que ce n'est pas notre but.
M. BIENVENUE: Non, non, je le sais.
M. SAMSON: ... que le ministre fédéral s'est aperçu
que la peur était le commencement de la sagesse.
M. BIENVENUE: La sagesse, dans mon cas.
M. le Président, quand je suis arrivé à ce
ministère, j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises et
je ne fais que me répéter ce soir mais de façon plus
actuelle, parce que nous sommes en plein dans un projet de loi, dans une
étape importante et concluante de notre modeste action depuis trois ans
quand je suis arrivé il y a trois ans, la loi qui dirigeait mon
ministère était un ensemble de voeux pieux, de bonnes intentions,
de chastes intentions.
C'était rempli de formules aimables. Mes fonctions, telles qu'on
me les révélait, telles que la situation et les faits me les
révélaient il y a trois ans, étaient les fonctions quasi
sociales d'un bonhomme qui se promène d'un groupe ethnique à
l'autre, assiste à des fêtes annuelles, à des bals annuels.
Je devais être comme la loi, c'est-à-dire plein de bonnes
intentions et de voeux pieux.
J'ai tôt fait de réaliser, avec la nouvelle équipe
que j'ai mise en place équipe jeune, dynamique, progressive,
parce qu'une bonne partie des cadres supérieurs de mon ministère
a été l'objet de changements, de renouvellement, de
rajeunissement qu'il y avait moyen de faire plus et surtout de rattraper
ce que j'ai appelé souventefois un retard de 100 ans, un retard d'un
siècle au point de vue de l'immigration sur d'autres provinces,
notamment sur l'Ontario qui, depuis belle lurette, sans tambour, sans
trompette, sans tapage, avait eu l'intelligence de placer à
l'étranger des hommes clefs à droite et à gauche pour
s'assurer de la qualité et de la quantité de son immigration.
L'Ontario une fois de plus, nous a donné une leçon, bien
anglo-saxonne, de sens pratico-prati-que. En effet, même si elle n'a pas
de ministère de l'Immigration nous sommes, d'ailleurs, la seule
province à en avoir un l'Ontario, indépendamment des
cadres, du contexte, des formules agissait.
Nous avions un ministère tout jeune, depuis à peine six,
sept ans, mais qui n'agissait pas. Alors, avec beaucoup de patience je
le répète, je ne puis pas assez insister sur le mot patience
sur tous les plans, à tous les niveaux et auprès de tous
les gouvernements, y compris celui auquel j'appartiens, nous avons tenté
de semer l'idée de l'importance de l'immigration, importance accrue
à cause de ce phénomène de dénatalité que je
déplore avec plusieurs autres au Québec, importance sur le plan
socio-culturel et importance sur le plan socio-économique. Je lisais,
l'autre jour, en Chambre, un article assez bien écrit, un papier assez
bien écrit dans le journal La Presse de date récente qui
expliquait les différences majeures entre l'Ontario et nous,
attribuables, d'abord et avant tout, à son taux élevé
d'immigration et d'immigration sélective, d'immigration intelligente, ne
serait-ce qu'au plan de la population.
Je vous le dis de mémoire, en 1951, la population de l'Ontario
n'était supérieure à la nôtre que de 500,000
personnes. Au moment où nous nous parlons, cette population nous est
supérieure de 1,500,000 personnes, même près de 2,000,000.
Ce n'est pas parce que j'en prends à témoins tous ceux qui
m'entourent les statistiques révèlent que les mères
ontarien-nes ont plus d'enfants ou avaient plus d'enfants que les nôtres,
mais l'immigration constitue
l'explication de cette différence. Ce même journaliste
poursuivait en montrant les bienfaits de cela sur le plan économique, au
point de vue de la consommation, au point de vue des consommateurs, au point de
vue de la création d'emplois, etc. Je n'ai pas à redire ce que
j'ai dit souvent, ce que d'autres ont dit avant moi; c'est qu'un immigrant, un
Néo-québécois a autant besoin que nous de vêtement,
de nourriture, de bière, d'appareil de télévision,
d'appareils ménagers, d'appareils électriques, d'automobile, il
paie des impôts, etc. C'est une roue motrice très importante dans
le mécanisme de l'économie dans un pays, une province ou une
région donnée.
Nous avions donc ce défi de rattrapage qui était difficile
à relever il l'est moins maintenant et il le sera moins si la
Législature m'accorde ce projet de loi no 46 parce que nous
habitons un Etat souverain qui s'appelle le Canada, qui a le dernier mot en
matière d'immigration. Quand je dis qu'il a le dernier mot, je veux dire
par là qu'il exerce la sanction finale du oui ou du non, une fois
l'examen passé, une fois les formalités de candidature remplies.
L'Etat souverain, qu'il s'appelle la France, l'Angleterre, les Etats-Unis, le
Canada ou la Hollande, tout pays que l'on voudra, avec ou sans provinces, tout
pays qui est une fédération a le dernier mot et il ne peut en
être autrement. Je n'ai pas à rappeler tout ce que j'ai dit, il y
a quelques jours, à l'Assemblée nationale. Qu'on pense, si l'on
veut, même si la comparaison est mauvaise, au pays voisin, les Etats-Unis
d'Amérique, où l'Etat du Maine, du Vermont, de la Pennsylvanie ou
de 1'Oregon n'a pas le mot final en matière d'immigration; c'est
Washington qui l'a parce qu'il y a la libre circulation entre Etats comme on
l'a ici au Québec.
Alors, tant et aussi longtemps que ne surviendra le jour qu'envisage
et c'est normal le député de Maisonneuve, l'Etat
fédéral aura toujours le dernier mot.
Donc, rattrapage difficile parce que, l'Etat fédéral ayant
le dernier mot, cela implique que je ne puis me livrer seul avec mes hauts
fonctionnaires à une action illimitée dans ce domaine. Toutefois,
à partir de l'époque des voeux pieux et des choses aimables que
comportait notre loi et que comportait le rôle de ceux qui m'ont
précédé, il fallait essayer de reprendre du terrain. C'est
ce que nous avons essayé de faire depuis trois ans, nous immiscer
davantage dans le processus de décision du gouvernement
fédéral à l'étranger et même ici au pays pour
que le Québec, province différente des autres je ne dirai
pas combien elle est différente, je me contenterai de dire
différente, un peu sur le plan économique parce que les
industries, les matières premières, l'économie du
Québec sont différentes de celles des autres provinces. Mais ce
n'est pas tellement à ce point que nous sommes différents comme
au point de ce qui constitue notre population, son visage, sa langue, sa
culture, ses origines, province à majorité francophone.
Ce que nous avons tenté de gagner au cours de cette
négociation de bientôt 18 mois, qui est à la veille
d'accoucher dans quelques semaines si rien ne survient, s'il n'y a pas une
autre élection au fédéral comme cela a été
le cas au début de l'été dernier, c'est la signature d'une
entente qui va moderniser considérablement l'entente Lang-Cloutier.
L'entente Lang-Cloutier, pour qu'on se situe bien, c'est cette entente qui a
été le premier pas, le pas timide dans la direction où
nous sommes maintenant et en vertu duquel le Québec a eu la permission
je dis bien la permission d'avoir certains de ses agents
d'immigration dans trois, quatre ou cinq pays étrangers dans la
majorité des cas "chapeautés" à l'ambassade du Canada dans
les pays en question, avec un droit de présence fort limité. Nos
gens du Québec recevaient tout candidat immigrant qui avait
été choisi, qui avait été reconnu, qui avait
reçu le O.K. du fonctionnaire fédéral. Donc, à ce
moment, on ne participait pas de près ou de loin à la
décision, donc il avait eu le O.K. et il voyait le fonctionnaire du
Québec si le coeur lui en disait. Comme cela est arrivé dans bien
des cas, s'il refusait la suggestion du fonctionnaire fédéral de
voir le fonctionnaire du Québec, cela finissait là. Ce nouveau
Québécois entrait chez nous, non seulement sans que l'on ait eu
un mot à dire, mais sans même que nous sachions qu'il entrait chez
nous. Et dans la majorité des cas ces gens refusaient.
Ces futurs Néo-Québécois refusaient de voir le
fonctionnaire de l'immigration du Québec parce que cela signifiait pour
eux une barrière de plus, un obstacle de plus, un fonctionnaire de plus
à voir et cela inquiétait le bonhomme qui se disait: Cela a
été assez compliqué pour avoir mon visa, si j'en vois un
de plus, il va peut-être me bloquer, il va peut-être me mettre les
bois dans les roues.
Alors, ce bonhomme du Québec recevait ceux qui voulaient bien
aller le voir, et je répète, nous ignorions même la venue
de l'immigrant en question. Le fédéral ne nous en avisait pas.
Nous l'apprenions tout à fait par hasard, peut-être dans les mois
qui suivaient, si ce bonhomme avait besoin d'argent, de logement, d'emploi, de
secours direct ou indirect.
Revenant maintenant à l'amélioration considérable
de cette formule Lang-Cloutier, qui est l'entente et le protocole que,
normalement, nous devrions signer avec Ottawa en janvier prochain, nos
fonctionnaires, nos représentants à l'étranger auront les
principaux pouvoirs que nous retrouvons dans le projet de loi no 46 et c'est
pour cela que je tiens tant à son adoption. Les trois principaux
pouvoirs sont ceux de tout représentant d'un pays à
l'étranger lorsqu'il s'agit d'admettre des immigrants,
c'est-à-dire de procéder à la sélection, donc de
choisir parmi ceux qui sont aptes à, qui s'offrent, qui sont sujets, qui
sont candidats, de sélectionner, recruter... J'oubliais l'étape
du recrutement qui est même antérieure ou parfois
subséquente parce qu'on peut sélectionner à travers un
groupe qui s'est déjà porté candidat, mais on peut
également recruter dans un pays, dans un endroit donné où
il n'y a pas de candidats qui ont fait connaître leur candidature, mais
où cela ferait notre affaire d'aller chercher des immigrants. Et enfin,
le troisième et dernier pouvoir qui est d'informer et cela
répond, je l'ai dit l'autre fois en Chambre, au voeu du
député de Rouyn-Noranda pour que ces gens sachent à
quoi s'attendre, sachent qu'il fait froid au Québec l'hiver, sachent
qu'on parle le français au Québec, l'hiver, le printemps,
l'été et l'automne, et connaissent notre genre de vie, nos
institutions, nos défauts, nos qualités, etc. Oui?
Ressortissants étrangers
M. BURNS: Simplement une question, M. le ministre parce que vous touchez
actuellement peut-être le coeur du sujet. On est très proche en
tout cas du coeur du sujet, si on n'y touche pas. Comment, dans le concret,
voulez-vous mettre en application l'article 2 de la loi tel que vous le
modifiez par l'article 1 du projet de loi no 46, lorsque vous dites que vous,
le ministre, êtes chargé de l'application des lois relatives aux
immigrants et aux ressortissants étrangers qui s'établissent
temporairement au Québec à titre autre que celui de
représentant d'un gouvernement étranger ou de fonctionnaire
international?
Dans le concret, comment allez-vous réussir, vous comme ministre
de l'Immigration, à appliquer les lois relatives aux immigrants et aux
ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au
Québec? Remarquez que c'est bien; je n'ai rien contre cela que vous le
disiez dans votre projet de loi. Je me demande comment vous allez
réussir concrètement à l'appliquer. Je souhaiterais que
vous réussissiez à l'appliquer. Mais quels sont les moyens
concrets que vous avez à votre disposition?
M. BIENVENUE: Evidemment, cela s'entend de l'application des lois
provinciales et non pas des lois fédérales. Elles ne sont pas
nombreuses, ces lois qui s'appliquent aux immigrants et aux ressortissants
étrangers, actuellement. Elles peuvent le devenir. Je suis sûr que
le député de Maisonneuve a compris que, peu importe leur nombre,
leur quantité ou leur qualité, il appartient à celui de
qui relève la juridiction sur ces sujets, sur ces citoyens d'appliquer
les lois en question. J'en ai une qui me vient à l'idée, la loi
64 de 1971, 1970, etc.
M. BURNS: Sur les professionnels, en 1972.
M. BIENVENUE: C'est ça. Ils peuvent, grâce à cette
loi qui en est une d'exception, être admis à la pratique de
certaines professions, avant même le délai existant qui
était de cinq ans à cause de la citoyenneté pourvu qu'ils
puissent prouver qu'ils ont une connaissance suffisante...
M. BURNS: Connaissance d'usage.
M. BIENVENUE: ... une connaissance d'usage de la langue
française. Alors, c'est mon ministère qui administre cette loi,
qui l'applique, comme le dit ici l'article 2. Et c'est celui qui vous parle qui
signe les certificats reconnaissant la connaissance d'usage de cette langue.
Voilà une loi qui a été à l'avantage des
Néo-Québécois en question et de la population du
Québec qui en a bénéficié, et comment, dans
certaines régions, en profitant des soins et des services professionnels
de ceux-là. Evidemment, des lois relatives aux immigrants et aux
ressortissants étrangers, il n'en existe pas une quantité au
Québec. Il en existe d'ailleurs fort peu. Je vais plus loin dans
l'échelon en disant: Elles sont extrêmement rares.
M. BURNS: A part celle que vous avez mentionnée, je n'en connais
pas d'autres.
M. BIENVENUE: II y en a une autre.
M. VEILLEUX: Tous les permis qui existent.
M. BIENVENUE: Non, ce n'est pas en vertu d'une loi.
M. VEILLEUX: Non, mais le règlement.
M. BIENVENUE: Non, mais ici c'est parce qu'on dit "est chargé de
l'application des lois relatives..." Elles sont très peu nombreuses et
pour une raison bien particulière, c'est que je le dis avec
beaucoup de fierté tant comme Canadien que comme Québécois
le Québec et le Canada et les autres provinces, en fait, sont un
de ces pays au monde combien rares où le
Néo-Québécois, le Néo-Canadien ou enfin
l'immigrant, à toutes fins pratiques, jouit de tous les pouvoirs,
privilèges, prérogatives des citoyens autochtones qui y vivent et
qui ont habité ici de père en fils, sauf du droit de vote et
c'est très rare. A l'inverse de ce que je disais tout à l'heure
quand je parlais du nombre de lois, parce qu'un est bien la preuve de l'autre,
j'essaie de penser aux privilèges dont ne jouissent pas les citoyens
étrangers et l'accession à certains postes tels que, disons, la
magistrature, toutes des choses qui découlent du cens
d'éligibilité.
M. BURNS: C'est relié au cens...
M. BIENVENUE: C'est ça. Il faut avoir vécu dans d'autres
pays pour réaliser à quel point nos immigrants sont
privilégiés ici. C'est l'universalité trois mois
après leur arrivée. Il est bon que ces choses-là se
sachent. Trois mois après leur arrivée au pays, ils
bénéficient, et cela même rétroactivement au premier
mois ou au premier jour des trois mois, de l'assurance-santé, de
l'assurance-hospitalisation, de tous les bénéfices sociaux que
nous avons.
A titre d'exemple, un immigrant...
M. VEILLEUX: L'aide juridique.
M. BIENVENUE: Oui, l'aide juridique, tout. Un immigrant qui, en
descendant les marches de l'avion à Dorval, tombe et se casse la colonne
vertébrale verra un jour c'est au bout de trois mois et mon
rêve est de le faire admettre dès le début, mais il y a des
difficultés d'ordre pratique qui découlent justement du fait que
c'est très mobile car un immigrant peut décider au bout d'une
semaine d'aller vivre ailleurs tous ses comptes médicaux, toutes
ses dépenses remboursées par le pays nouveau où il vient
habiter et où il n'a jamais contribué même sous forme
d'impôt.
A cause de cela je réponds à la question du
député de Maisonneuve nous avons peu de lois s'appliquant
telles quelles ad hoc aux immigrants, que ce soit au Québec ou au
Canada, sauf... Ils ont donc tous les pouvoirs. Ce sont des citoyens à
part entière, suivant une expression qui m'est bien chère, sauf
certaines exceptions du genre de celles que je viens de mentionner.
Mais, enfin, je pense qu'il est important que dans un projet de loi on
dise que relèvent d'un tel ministre toutes les lois, même
inexistantes mais futures qui pourront s'appliquer à telle ou telle
catégorie de personnes. Je pense aux Terres et Forêts, à
l'Agriculture. Cet article 2, dans le fond, n'est pas nouveau. C'est l'ancien
article 2 auquel on a voulu incorporer tous les sujets pertinents et en
particulier c'est le but de l'amendement, de l'article les
ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au
Québec. De plus en plus, nous allons connaître ici le
phénomène qui se retrouve, qui est à la mode dans le reste
de l'univers actuellement, les mouvements migratoires temporaires de ceux qu'on
appelle les migrants par opposition aux immigrants. Ceux qui viennent pour un
temps donné dans un métier ou une ligne donnée
qu'on pense à ceux qui sont venus pour la récolte des pommes,
à ceux que peut-être on sera obligé de faire venir de plus
en plus dans des endroits éloignés comme les chantiers de la Baie
James ou de l'Iron Ore, pour lesquels les nôtres veulent de moins en
moins quitter femme, foyer, quartier, maison, etc., pour s'expatrier
temporairement. On dit s'expatrier parce que notre province, notre territoire
est tellement vaste que l'on s'expatrie lorsqu'on va travailler dans certains
coins chez nous. Alors, il y a de ces travailleurs européens, Antillais
ou d'ailleurs qui viendront. Cela fera leur affaire et la nôtre. Il
fallait évidemment le prévoir dans cet article de loi,
c'était l'endroit pour l'indiquer. En Europe, ça se pratique
couramment. Je racontais l'autre jour que la Yougoslavie, actuellement,
connaît certains problèmes je reviendrai tout à
l'heure là-dessus peut-être à l'occasion d'un autre article
parce que l'Allemagne a, entre autres, retourné à ses
frontières quelque 400,000 travailleurs saisonniers ou migrants,
travailleurs temporaires, dont 100,000 retournaient en Yougoslavie. Or c'est
tout un problème, tout un défi que de recevoir d'un seul coup
100,000 personnes sans emploi et souvent sans logis, sans rien.
C'est surtout le but de cet article.
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au ministre de
quelle façon le bill 46 pourrait l'aider à résoudre des
problèmes comme celui qui s'est posé dernièrement dans le
cas des Haitiens.
M. BIENVENUE: Oui.
M. SAMSON: Est-ce que le bill 46 permettrait en quelque sorte au
ministre de peut-être avoir une meilleure performance que la
dernière fois?
M. BIENVENUE: D'accord. Cela me replonge exactement à l'endroit
où j'étais rendu dans mes explications du début en
réponse au député de Maisonneuve.
La question du député de Rouyn-Noranda ne peut pas
être plus à point à ce moment-ci de mon modeste
exposé. Je veux juste finir et cela va m'amener à lui
répondre, je pense.
Je disais que ces pouvoirs nouveaux de sélectionner, recruter et
informer à l'étranger, nous ne les avions pas. Nous ne les avions
tellement pas que, dans l'entente Lang-Cloutier, qui, pour moi, est
déjà vieille même si elle n'est vieille que de deux ou
trois ans, il était expressément dit que nos représentants
à l'étranger ne pouvaient pas s'adonner au recrutement. On voit
bien qu'ils avaient un rôle de valets ou de gentils compagnons dont on
tolère la présence pourvu qu'elle soit discrète. On disait
même expressément que nos gens à l'étranger ne
pouvaient pas s'adonner au recrutement.
Donc, tous ces pouvoirs nouveaux vont se faire mais pas exclusivement,
c'est-à-dire conjointement avec les gens du fédéral qui
seront dans les pays en question et qui auront évidemment les
instructions formelles qu'auront mes fonctionnaires de faire le travail la main
dans la main.
Je m'en viens vers Haiti, cela ne sera pas long. Cela sera nouveau sur
le papier mais cela ne sera pas nouveau dans les faits, en ce sens qu'à
au moins deux endroits où j'ai des fonctionnaires, à Paris et
à Beyrouth, au Liban, dans les faits, ce système existe, ce
travail conjoint existe depuis un an, en s'améliorant à presque
toutes les semaines, de façon très heureuse, au point que
l'officier du fédéral se réjouit de la présence de
celui du Québec, dans le cas des immigrants qui sont destinés au
Québec. Cela soulage son travail, cela lui donne un meilleur temps et
les deux se consultent régulièrement et hebdomadairement, sinon
quotidiennement. En plus de ce travail de coopération intense,
localement, il y a même eu, et le rythme va en augmentant, des missions
conjointes à partir de
telle ville donnée disons à partir de Paris ou
à partir de Beyrouth du fédéral et du
représentant du Québec qui se rend à l'étranger,
que ce soit en Afrique du Nord, que ce soit dans les pays qui entourent le
Liban, au Moyen-Orient, que ce soit à Madagascar, où c'est
arrivé récemment, où le gars du fédéral et
celui du Québec procèdent ensemble à l'examen, à
l'étude des candidatures et à la décision de dire oui ou
non.
Les chiffres absolument précis que j'ai eus, qui sont combien
encourageants, indiquent, à titre d'exemple, que dans le cas de Paris
cela en est rendu à peu près à 99 p.c. La décision
est commune à peu près à 99 p.c. et cela, malgré le
pouvoir du dernier mot qui appartient au fonctionnaire fédéral.
C'est à 99 p.c. qu'on s'entend pour rejeter ou accepter un candidat,
l'officier du fédéral sachant fort bien que l'officier du
Québec n'a pas intérêt à accepter ici un candidat
qui ne nous convient pas ou à rejeter un candidat qui nous
conviendrait.
C'est ce que j'espère étendre aux autres pays du monde par
ce protocole qui va être signé au mois de janvier, si aucune
malchance ne nous frappe, de sorte que ce même système qui
fonctionne à merveille à Paris et à Beyrouth et
même là, c'est rendu à Bruxelles puisse fonctionner
ailleurs dans d'autres pays du monde. Le fédéral a instruction
d'être bienveillant et ouvert aux suggestions ou aux prétentions
de l'officier du Québec pour répondre ainsi au voeu qu'a
manifesté publiquement le ministre de ces gens, qui est M. Andras, et le
premier ministre du Canada, qui ont dit publiquement, pas en petit circuit, pas
en petit comité mais publiquement qu'ils étaient, d'une part,
inquiets du déséquilibre entre l'immigration francophone et
anglophone au Canada et surtout au Québec, où on s'en allait
à pieds joints vers les 50 p.c., et, d'autre part, non seulement
s'inquiéter mais rétablir l'équilibre, prendre les
moyens.
Alors le fonctionnaire fédéral devra se soumettre aux
directives qui seront à partir de cette entente qui va lier les deux
gouvernements.
Revenant maintenant à Haiti, j'ai annoncé l'autre jour
que, parmi les postes que j'entendais créer pendant les prochains mois
grâce au budget accru que je vais avoir de mon ministre des Finances, un
des tout premiers endroits où nous nommerons quelqu'un sera à
Port-au-Prince, en Haiti.
Le député de Rouyn-Noranda me disait: Comment est-ce que,
grâce à 46...
M. BURNS: A quel moment?
M. BIENVENUE: Probablement, si nous avons le candidat, d'ici avril
prochain. Et si nous avons, remarquons-le, c'est un des problèmes
à résoudre à chaque fois, l'assentiment des
autorités locales qui, lorsqu'elles ont un ambassadeur dans notre pays,
veulent un ambassadeur de notre pays et qui n'ont pas d'engagement de droit
international avec aucun des Etats membres d'un pays ou des provinces d'un
pays, comme c'est le cas actuellement.
Donc, c'est une des petites formalités à remplir, celle
d'avoir le feu vert du pays en question, que ce soit Haiti, que ce soit comme
ce fut le cas en Italie, en Grèce, au Liban, etc.
M. BURNS: Est-ce que vous avez pensé à M. Claude Lavergne
pour vous aider?
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: II peut vous aider, lui.
M. BIENVENUE: Est-ce que je dois prendre la suggestion par
écrit?
M. BURNS: Non, mais, c'est à lire les journaux. J'espère
que vous voyez l'allusion peu sérieuse.
M. BIENVENUE: Prenons le cas d'Haiti. Comme on le sait, cette
année 1974, qui s'achève dans quelques jours, aura
été pour Haiti une année record au point de vue de
l'immigration au Canada, c'est-à-dire au Québec, parce que la
très très grande majorité des Haïtiens qui viennent
au Canada viennent au Québec. Nous allons probablement atteindre le
chiffre de 4,000. C'est une année record. C'est tellement une
année record je n'ai pas avec moi les statistiques
qu'Haiti, la toute petite île d'Haiti va se classer à un des tout
tout premiers rangs de l'immigration venant au Québec cette
année. 4,000 c'est assez gros, veuillez me croire, 4,000 qui sont venus
légalement, absolument dans l'ordre, avec le visa émis
là-bas, émis à Port-au-Prince, le visa d'immigrant
reçu, émis par le Canada, etc. 800 pour des raisons qui
les concernent, il ne m'appartient pas ici d'analyser ne sont pas venus
de la même façon, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas
demandé leur visa d'immigrant reçu. Ils ont décidé
de choisir l'autre voie qui, maintenant, est connue, celle de venir avec un
permis de touriste, un permis temporaire et de ne pas repartir à
l'expiration du permis de touriste.
Mais, enfin, pour revenir à la question du député
de Rouyn-Noranda, voici un cas où ce sera utile et combien important que
le fonctionnaire du Québec y soit, je n'ai pas peur de le dire, soit
pour freiner, pour dire non au fonctionnaire fédéral, soit pour
dire oui dans des cas où le fonctionnaire fédéral aura
peut-être dit non. Peut-être, dans le cas de ces 800, est-il des
cas où le Québec aurait pu intervenir en disant: Vous
représentez le gouvernement fédéral, vous avez dans votre
tête le tableau des dix provinces, vous ne pouvez pas connaître de
façon aussi précise que moi les besoins régionaux à
l'échelle infinie dans telle partie du Québec, dans telle partie
de telle partie du Québec, dans telle ville ou tel village du
Québec. Peut-être ignorez-vous, vous qui avez le
tableau d'ensemble, les pénuries et les carences que nous avons,
mais moi je vous souligne qu'à Victoriaville, disons, il y a une usine
où l'on manque de main-d'oeuvre, où il y a 35 personnes que nous
pourrions employer demain matin. Alors, peut-être que dans certains cas,
je parle au passé et au futur, nous aurions pu ou nous pourrions faire
accepter certains des 800 en question à partir de là-bas. Donc,
leur éviter tout ce que l'on sait, qui est survenu ici.
Peut-être, au contraire, dans d'autres cas, et je veux montrer que
je donne le volet de façon bien impartiale, bien objective,
peut-être dans d'autres cas aurions-nous suggéré au
représentant du fédéral que, parmi les 4,000 qui sont
venus, il y en a qui n'auraient pas dû venir. Je ne parle pas sur le plan
apostolat, sur le plan de nourrir les gens du tiers monde qui sont
affamés, je parle sur le plan strictement professionnel de
l'immigration. Peut-être aurions-nous pu empêcher la venue de
certains parmi les 4,000 qui sont des assistés sociaux, qui ne sont
guère plus heureux que là-bas, toutes proportions
gardées.
Ou, à l'inverse, favoriser la venue légale et
légitime, sans retour et sans trouble, de certains parmi les 800. Quand
je dis certains, quelle en serait la proportion? Je l'ignore. Alors, pour
Port-au-Prince, c'est utile. Pour le Québec et aussi pour celui qui fait
une demande. C'est une règle quasi absolue, personne n'immigre par
apostolat.
Cela vaut à partir de l'époque de nos missionnaires qui
sont venus dans les années seize cent au Québec, au Canada. Je
pense qu'aujourd'hui, quand on parle d'un immigrant, on parle d'un individu qui
veut améliorer son sort ou sa situation lorsqu'il fait le sacrifice de
tout laisser derrière lui pour aller dans l'inconnu, dans un pays
nouveau, surtout s'il traverse l'Atlantique.
Alors, il y a bien assez que celui-là prenne ce risque et que
l'on retienne qu'il le fait pour améliorer son sort pour en conclure
que, si, en venant ici, loin d'améliorer son sort, il devient
malheureux, si c'est mauvais pour lui, c'est mauvais également pour ceux
qui le reçoivent, pour ceux qui l'accueillent, c'est mauvais pour tout
le monde. Et mieux vaut pour lui rester où il est ou alors aller
ailleurs parce que nous ne sommes pas la seule terre d'immigration.
Donc, pour Haiti et pour ailleurs, il n'y a rien de mieux que
d'être présent soi-même pour connaître ceux qui font
ou qui ne font pas notre affaire. Je pense que plusieurs des problèmes
qu'on a vécu eussent été différents ou inexistants
dans certains cas, si le Québec avait eu un représentant à
Port-au-Prince. Je ne voudrais surtout pas que l'on conclue qu'Ottawa a mal
fait son devoir; ce n'est pas facile, lorsque vous êtes inondés de
demandes. Dites-vous bien que, s'il en est venu 4,000 vous pouvez multiplier je
ne sais combien de fois le chiffre 4,000 pour connaître le nombre de ceux
qui ont fait une demande. Lorsqu'il s'agit de faire un choix, tout cela se
rassemble. La plupart, sinon tous, sont ce que j'appelle des immigrants
économiques qui viennent ici pour améliorer leur sort, pour
recevoir $100 par semaine, au lieu de $100 par année, parce que
même le bien-être social est de $100 ou un peu plus par semaine.
C'est mieux que le salaire annuel de là-bas.
Alors, ce n'est pas facile et loin de moi l'idée de critiquer
Ottawa pour la façon dont ont été traités les
demandes d'immigration à partir d'Haiti. Cela ne devait pas être
facile et ce ne sera pas plus facile à l'avenir parce que, si toutes les
demandes étaient acceptées, ce ne sont pas 4,000 qui seraient
venus, c'est X mille, et ce de façon considérable. Et ce sera
toujours comme cela; le Canada et le Québec, mais le Canada en
général, est une terre de prédilection pour les gens qui
ont des problèmes d'ordre économique ou politique dans les pays
où ils vivent actuellement.
Alors, en deux mots, le projet de loi no 46, parce qu'on a touché
à l'essence du projet de loi, donnerait pour la première fois au
Québec qui veut se rattraper et au seul Québec, parce que les
autres provinces n'ont pas l'équivalent des pouvoirs non pas de
décision exclusive, mais des pouvoirs de participation directe dans
peut-être autant de pays du monde qu'il aura les moyens de s'en donner.
Lorsque j'ai vu mon homologue fédéral, il y a quelques semaines,
il s'est fait fort de me laisser entendre que, quant à lui,
c'était feu vert n'importe où dans le monde; pourvu que j'arrache
par vol à main armée ou autrement à mon collègue
des Finances les sommes nécessaires, c'était feu vert quant
à lui. Evidemment, à ce sujet, je l'ai dit je termine
là-dessus il faut prévoir un tas de détails
techniques, tels que la réaction du pays où on va aller
s'installer, les facilités d'ordre physique dans les ambassades en
question parce qu'il faut quand même avoir un espace. Il ne faut pas que
le Québec soit logé dans la cave de l'ambassade à
l'étranger, c'est déjà une mauvaise publicité. Il y
a toutes ces questions de protocole, d'immunité, etc. Mais la
volonté, le désir des autorités fédérales
est manifeste; pourvu qu'on passe par-dessus les obstacles mineurs et d'ordre
matériel, feu vert. Et c'est important pour qu'on sache qui vient chez
nous, ceux qu'on accepte et ceux qu'on ne veut pas accepter.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 1. L'honorable
député de Maisonneuve.
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 1, adopté. Article 2?
Fonctions du ministre
M. BURNS: M. le Président, à l'article 2, je m'attache
d'abord au premier paragraphe de
l'article 3 de la loi qui est modifié par l'article 2, en
particulier.
Les mots qui disent que "le ministre est responsable de la
planification, de la coordination et de la mise en oeuvre des politiques
gouvernementales ce sont les mots qui suivent qui m'intéressent
relatives aux immigrants et aux ressortissants étrangers qui
s'établissent temporairement au Québec à un titre autre
que celui de représentant d'un gouvernement, etc."
On arrive je ne sais pas s'il y a des collègues qui ont
des remarques à faire avant le paragraphe c) au paragraphe c) et
on voit que le ministre doit à ces fins, c'est-à-dire les fins
décrites aux paragraphes a) et b), le paragraphe b) comprenant tout
l'aspect information, recrutement, sélection, etc., "prendre les mesures
nécessaires pour informer, recruter, sélectionner et implanter
ces personnes sur le territoire, en fonction des besoins démographiques,
économiques et socio-culturels des diverses régions du
Québec".
Il me semble que, dans le texte que j'ai lu au premier paragraphe du
nouvel article 3 de la loi, on voit que l'on tient compte aussi des
ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au
Québec. Il semblerait que ce serait là une belle occasion de
faire valoir auprès des ressortissants étrangers, tant ceux qui
veulent immigrer au Québec d'une façon permanente que ceux qui
veulent uniquement venir faire un petit séjour temporaire soit de
perfectionnement, soit d'étude, peu importe, d'expérience,
quelles que soient leurs raisons, il me semblerait, dis-je, que ce serait le
moment idéal pour permettre au Québec de s'insérer dans le
milieu de la coopération internationale. C'est pour cela qu'après
les mots "régions du Québec", je proposerais d'insérer "et
en fonction des efforts que le Québec doit déployer pour
coopérer avec les pays en voie de développement". Je
m'explique.
Nous avons actuellement plusieurs ressortissants étrangers qui
viennent chez nous à titre d'immigrants et qui ne terminent pas le
mandat qui est nécessaire pour acquérir leur droit de
nationalité québécoise; nous avons également
beaucoup de ressortissants étrangers qui viennent temporairement,
principalement pour fins d'étude, pour fins d'expérience, surtout
dans le domaine médical, dans le domaine technique, en particulier dans
un domaine où de plus en plus nous attirons les gens, le domaine de
l'électronique, l'informatique et je pense, bien humblement, que nous ne
saisissons pas l'occasion de créer des liens avec ces gens qui vont
éventuellement retourner dans leur pays. Peut-être qu'après
avoir connu le Québec et seulement certaines de ses valeurs, ils vont
retourner dans leur pays en disant que le Québec, c'est bien, c'est
beau, c'est gentil, c'est parfait, les gens sont agréables,
malgré les réticences que le ministre a exprimées
relativement à notre xénophobie presque congénitale, et
là-dessus je partage son avis entièrement et je le regrette
autant que lui. Je pense que l'on ne saisit pas cette occasion de dire aux gens
ce que le Québec peut faire comme partie francophone du Canada. Il y a
deux ans je peux vous livrer une petite expérience lorsque
je suis allé en délégation officielle pour
l'Assemblée nationale dans le cadre du quatrième congrès
de l'Association internationale des parlementaires de langue française,
je n'étais pas chef de l'Opposition...
M. BIENVENUE: Mon sourire a précédé d'une
seconde!
M. BURNS: J'ai vu, c'est pour cela que j'ai dit que je n'étais
pas chef de l'Opposition.
J'ai donc eu l'occasion d'aller à ce congrès et j'ai
surtout eu l'occasion, parce que j'ai doublé ce voyage de mes vacances,
de parcourir, entre autres, le Sénégal du nord au sud et de l'est
à l'ouest.
Et, partout, j'ai été à même de voir un
certain nombre de réalisations qui, officiellement, portaient
l'étendard de l'ACDI, c'est-à-dire l'Agence canadienne de
développement international, qui est un organisme fédéral.
A chaque endroit, je rencontrais des Québécois qui oeuvraient au
Sénégal, qui carrément ne se sentaient et je ne
livre personne à la pâture fédérale en le disant
parce que je ne nommerai personne pas tellement des
délégués du Canada, même si les fonds étaient
fournis par le Canada. Ils se sentaient beaucoup plus des
délégués de la francophonie canadienne, qui, à
toutes fins pratiques, a son berceau au Québec, actuellement.
J'ai rencontré le même phénomène chez les
représentants du SUCO au Sénégal, c'est-à-dire le
Service universitaire canadien outre-mer, qui oeuvraient avec des Africains,
qui tentaient de faire de cette coopération internationale quelque chose
de concret dans les gestes de tous les jours, dans le travail de tous les
jours. J'ai vu à l'intérieur du ministère des Finances au
Sénégal, des gens qui s'imposaient des sacrifices énormes
simplement au niveau pécuniaire. Les députés
ministériels qui sont autour de la table auraient été
vraiment étonnés de voir cela. Nous parlons de gens qui,
actuellement, ont besoin un peu plus d'augmentation de salaire que les
députés de l'Assemblée nationale. Ils verraient que
certaines de ces gens que je mentionne avaient le souci de voir au moins
hausser à un strict minimum les revenus des gens avec qui ils
travaillaient, avant de se soucier de leur revenu personnel. Ce n'est pas de
l'apostolat. Ce sont tout simplement des gens qui croient à ce qu'ils
font. C'est bien plus qu'on peut dire de beaucoup de députés qui
siègent à l'Assemblée nationale. Je ne les nommerai pas,
mais ne me provoquez pas parce que je vais vous nommer. Ecoutez, si vous vous
sentez visé, je vais être obligé de vous nommer. Je ne vous
nomme pas. Je vous regarde.
M. VEILLEUX: On ne se sent pas visé du tout.
M. BURNS: Cela ne parait pas au journal des Débats. Ne parlez
pas. Vous allez être nommé au journal des Débats.
M. VEILLEUX: On ne se sent pas visé. D'ailleurs, ce n'est pas
dans les habitudes du député de Maisonneuve de viser les
gens.
M. BURNS: Non. Je ne vise personne. Je parle in
génère.
M. VEILLEUX: En général?
M. BURNS: C'est cela. Et je dis tout simplement que les efforts de ces
gens que j'ai vus, si on veut accepter cette expression, dans le champ, ces
efforts devraient être, à mon avis, doublés des
efforts...
M. BIENVENUE: Les crédits allaient bien.
M. BOURASSA: J'entendais la voix douce du député de
Maisonneuve.
M. BIENVENUE: II est très doux ce soir.
M. BURNS: ... des gens qui viennent ici, soit dans un but d'y rester
pour toujours, ou soit dans un but avoué d'être ici
temporairement. Il me semble que les meilleurs alliés que nous pourrions
avoir lorsque ces gens retournent seraient ces individus qui ont vécu
parmi nous, qui comprennent exactement comment nous percevons les efforts de
développement des pays qui, actuellement, ont des difficultés.
Cela devrait être un des rôles principaux du ministère de
l'Immigration s'il veut prendre en main tous les pouvoirs qu'il mentionne dans
cette loi rénovée qu'il présente, on devrait leur faire
comprendre, lorsque nous y allons que cela soit à
l'intérieur de l'ACDI ou de SUCO ou de quelque mission que ce soit
que nous ne sommes pas là pour essayer de les
évangéliser au sens économique du mot, non pas au sens
religieux du mot, mais pour tout simplement partager avec eux certaines
difficultés que nous avons résolues avant eux et pas plus, pas
à un niveau d'enseignement, avec tout ce que cela peut comporter de
dérisoire et de péjoratif.
Il y a l'exemple, peut-être le plus classique, que vous avez
toujours au Sénégal c'est un phénomène que
j'ai vu de mes yeux où l'ACDI, par l'entremise des fonds
fédéraux, a décidé de bâtir, ce que nous,
nous appellerions ici, une école polytechnique. Le député
de Laporte, je pense, est assez au courant de ce problème, le
phénomène du prytanée, à Thiès, où
nous avons, comme Canadiens cela va vous surprendre que je dise cela
investi dans une école polytechnique qui, à toutes fins
pratiques, est à 80 p.c. bâtie par les fonds canadiens, où
c'est le Québec qui fournit au-delà de 80 p.c. du personnel
d'enseignement à des Africains sénégalais et d'autres
pays, parce qu'il y a même des Ivoiriens et des Marocains qui vont
éventuellement être admis, je pense qu'ils le sont
déjà. Ce prytanée est cette école polytechnique du
Sénégal où effectivement nous avons des professeurs
québécois qui apportent sur les lieux leurs connaissances, qui
établissent des communications avec ces futurs ingénieurs
africains.
Il me semble que, tôt ou tard, plusieurs de ces éventuels
ingénieurs africains vont venir au Québec, soit pour
compléter leurs travaux à polytechnique ou à
l'école de génie de Laval, ou encore à la faculté
d'Engineering de McGill. Ce sont justement des gens que je vise par ma motion.
Pas dans le sens que je les vise directement, mais je vise le ministère
dans son rôle à leur égard. Le ministre, à ces fins,
devrait tenir compte qu'il faut prendre toutes les mesures nécessaires,
non seulement pour informer, recruter, sélectionner et implanter ces
personnes sur le territoire en fonction des besoins démographiques,
économiques et socioculturels des diverses régions du
Québec, mais aussi en fonction c'est le pendant des
efforts que le Québec doit déployer pour coopérer avec les
pays en voie de développement.
Cela veut dire les gens qui viennent leur faire part de nos objectifs de
coopération éventuelle. Si on est sérieux dans une
politique d'immigration, nous, pays je parle du Québec -
suffisamment riche pour envoyer là-dessus on pourrait avoir une
longue discussion des compétences techniques à
l'étranger, on devrait aussi non seulement préparer nos gens
qu'on envoie là-bas mais aussi préparer les gens qui sont ici
temporairement pour, lorsqu'ils retourneront, savoir quelle est notre
pensée à cet égard, à l'égard de la
coopération internationale pour les pays en voie de
développement. Evidemment, cela présuppose qu'on a une politique
à cet égard. Je crains malheureusement qu'on n'en ait pas. Si
c'était dans la loi, je me dis peut-être que cela nous forcerait
à en avoir une.
C'est l'amendement que je propose, soit d'ajouter, après les mots
"région de Québec", les mots "et en fonction des efforts que le
Québec doit déployer pour coopérer avec les pays en voie
de développement".
M. BIENVENUE: M. le Président j'avais quelques notes. Le
député de Maisonneuve a eu la gentillesse de me donner le texte,
dès cet après-midi, dans l'espoir intelligent d'abréger ou
écourter les débats si c'était nécessaire, de les
écourter et pas davantage, parce qu'on a tout le temps qu'il faut.
Alors, je veux dire que je l'apprécie. C'est comme ça que
j'ai pu jeter sur papier quelques notes au sujet de la question qu'il me pose,
de l'amendement qu'il me suggère. Je l'ai compris, l'amendement, pour
les fins des notes que j'ai
préparées, comme s'appliquant en général aux
immigrants et pas seulement à ceux que j'ai appelés les migrants,
ou encore à ceux qui, comme le dit le projet, s'établissent
temporairement au Québec. J'ai vu le projet d'amendement comme un tout
s'appliquant à ceux qui viennent ici en permanence et à ceux qui
viennent temporairement.
Je dis tout de suite que, dans le cas de ceux qui viennent ou qui vont
venir... En effet ça n'a pas été beaucoup, sauf exception,
le cas. Je vous ai parlé de la récolte des pommes, qui
était peut-être la première expérience semblable au
Québec, mais j'anticipe que ça vienne.
M. BURNS: Mais, M. le ministre, c'est un mauvais exemple. On a
essayé d'obtenir du "cheap labour" pour la récolte des pommes.
Même les assistés sociaux au Québec refusaient d'aller
faire ce travail.
M. BIENVENUE: Le ministère n'avait pas été
consulté.
M. BURNS: Je ne vous blâme pas. Je vous dis que, dans les faits,
ce qui est arrivé, c'est que même les assistés sociaux se
demandaient, diable, comment on pouvait rire d'eux à ce point. Je ne
blâme pas les pomiculteurs non plus: ils avaient fixé leur prix,
mais on a amené des gens, des Antillais en particulier, pour faire la
récolte des pommes qui se perdaient parce qu'on n'était pas
capable de rencontrer les besoins que la saison imposait au point de vue des
délais. Mais le jour où on fera une expérience comme
celle-là, il faudrait la faire avec toutes les possibilités de
réussite en main. Je pense que, dans ce cas-là, on n'a pas
utilisé toutes les possibilités de réussite qu'on avait.
Maintenant, avait-on la capacité de le faire? Cela je l'ignore, c'est un
autre problème.
M. BIENVENUE: De toute façon, disons que je voyais l'amendement
suggéré par le député de Maisonneuve comme
s'appliquant aux nouveaux venus indistinctement. Face à la proposition
qu'il fait, ce n'est pas quant aux faits, mais plutôt quant au droit,
quant à la forme, que se trouve mon inquiétude d'ajouter cet
amendement au texte et je dirai pourquoi dans un instant. Je veux tout de suite
dire que, quant au fond, précisément dans le cas de tous ceux qui
viendront ici pour résider temporairement, dans la grande
majorité des cas l'expérience le révèle... C'est
l'expérience aussi des autres pays, pas tellement des autres pays
d'Europe parce que là-bas les migrants, les résidents
temporaires, ceux qui viennent pour travailler pendant neuf mois, comme on en a
vu beaucoup aller d'Italie en Suisse, de Yougoslavie en Allemagne, dans ces
cas-là, ce n'était pas des pays en voie de développement
auxquels on avait recours, mais là où il y avait des surplus de
main-d'oeuvre à courte distance. Il s'agissait, dans un cas, de sauter
une frontière et ça y était. Dans le reste du monde,
lorsqu'on est séparé par des océans ou par des mers ou
d'assez fortes distances, lorsqu'on a besoin de cette main-d'oeuvre
saisonnière ou temporaire, c'est presque inévitablement aux pays
en voie de développement que l'on s'adresse et ce sont eux qui la
fournissent. Ce sera le cas, je pense bien, du Québec aussi.
Pour montrer au député de Maisonneuve que je me soucie de
la philosophie qu'il y a derrière ce qu'il vient de dire, je voudrais
répéter rapidement ce que j'ai indiqué à
l'Assemblée nationale l'autre jour quant aux pays où l'on veut
que les agents du Québec fassent leur travail de recrutement. Je pense
que c'est significatif; je vais rappeler quelques-uns de ces pays. Pourquoi?
Parce qu'au moment où on veut aller chercher des immigrants francophones
les anciens bassins traditionnels d'immigration francophone sont taris. Je
pense à la France, entre autres d'où il part de moins en moins de
sujets, de citoyens chaque année. Je pense à certains pays comme
la Belgique, dont j'aimerais je ne m'en cache pas recevoir
beaucoup plus d'immigrants, la Suisse, la Suisse du Valais, la Suisse
française, mais où c'est de plus en plus difficile depuis
l'avènement du Marché commun, de la Communauté
européenne parce que l'économie s'est améliorée
considérablement dans ces pays.
Veut, veut pas, il faut aller dans les pays du Tiers-Monde ou en voie de
développement auxquels a fait allusion le député de
Maisonneuve.
J'en nomme quelques-uns que j'ai mentionnés en Chambre il y a
quelques jours, de ces pays où nos gens rayonneraient en mission pour
aller faire la cueillette en question. Je nommais et je renomme aujourd'hui
l'Afrique francophone, l'Afrique portugaise aussi, les Cara'ibes et
l'Amérique Centrale, où l'on retrouve, hélas! même
si c'est en Amérique Centrale, certains pays qui sont toujours en voie
de développement, qui le sont depuis des siècles. Je veux bien
montrer ce que je viens de dire n'est pas limitatif, l'Amérique
Latine aussi que dans ces continents où il y a des pays en voie
de développement, c'est là que nous devrons, bon gré mal
gré, aller chercher cette complémentarité de population
francophone que les anciens pays fournisseurs traditionnels, les anciens
bassins, comme la France, entre autres, peuvent nous servir de moins en moins.
Il y a aussi le Maroc que j'oubliais de nommer, qui n'est pas riche dans tous
ses coins, qui est en voie de développement pour une bonne partie,
où il faudra aller chercher les sources de ravitaillement.
Ceci dit, j'expliquais que c'était beaucoup plus à la
forme et aux mots de l'amendement que je m'oppose qu'à l'idée
d'aller chercher, idée sur laquelle je suis complètement le
député de Maisonneuve et je dis tout de suite ceci. Je n'ai pas
d'objection fondamentale quant au principe de l'amendement que propose le
dépu-
té de Maisonneuve. Quant au fond, aucune objection. Mais
objection à la forme parce que la politique canadienne, d'une part, est
la nôtre par jeu de rebondissement, par jeu d'écho. Celle du
Québec et celle des autres provinces est une politique, jusqu'à
nouvel ordre, enfin, complètement universelle et une des seules
politiques d'immigration universelles au monde, une des seules, sinon, je n'ose
pas me risquer à le dire, la seule, mais je ne suis pas loin de le dire,
sinon la seule au monde où c'est universel, et cela contrairement
à certains pays que j'ai notés au passage, les Etats-Unis
d'Amérique, ici, au sud, qui ont ce qu'on appelle une politique de
quotas. C'est-à-dire qu'à chaque année, aux Etats-Unis, on
ne reçoit pas plus de tant de centaines ou tant de milliers, suivant le
cas, d'Haitiens, d'Italiens, de Français, d'Anglais, de Marocains, de
tout ce que l'on voudra. C'est rigide. Si vous faites une demande au no 501 et
qu'on avait décidé d'en prendre 500 pour cette
année-là, même si vous êtes Einstein, c'est d'une
rigidité absolue.
La France a cette même politique non universelle; l'Australie,
l'Allemagne, tous pays qui, incidemment, au cours des derniers mois, ont non
seulement ralenti leur immigration mais ont scellé leurs portes. Les
portes sont scellées. L'Australie, je le disais l'autre jour, il y a
environ trois mois, qui était un des plus grands pays récepteurs
du monde a scellé ses portes et d'autres le font. On a vu ce qui s'est
passé en Belgique, je crois, lorsqu'on a été livrer
à la frontière 500 ou 600 personnes...
M. BURNS: Quand vous parlez de l'Australie et de la Belgique, c'est un
cheval et un lapin.
M. BIENVENUE: D'accord, malgré que l'Australie...
M. BURNS: Pas sur le plan de l'échange mais sur le plan du
territoire.
M. BIENVENUE: Des dimensions du territoire, c'est cela. Mais on voit
qu'il y a un problème on n'est pas ici pour se le cacher
qui est intimement relié à la situation économique
mondiale, à la crise de l'énergie. Les gens ont
réalisé ce vieux principe: Charité bien ordonnée
commence par soi-même. Au moment où il y aura de plus en plus de
sans-emploi à travers le monde, c'est beau le geste d'aider le voisin,
mais il faut commencer par diminuer chez soi le nombre de chômeurs.
Quoi qu'il en soit, notre politique canadienne et, par
répercussion, québécoise rejette au départ
l'idée de discrimination quant aux endroits éloignés
où on s'adresse pour accepter l'immigration. Le mot discrimination est
tout à fait à bannir et à proscrire dans notre politique
actuelle d'immigration, et cela même si, à travers les nouvelles
politiques de mon ministère, à travers nos nouveaux objectifs,
ceux qui font l'objet du projet de loi no 46, ceux dont j'ai parlé tant
et plus, même si je suis le premier à admettre une certaine forme
de discrimination, une certaine forme de restriction, de contrainte ou de
réserve de la part du Québec, de la part de celui qui vous parle
en ce que j'ai prôné, prêché, et je
répète aujourd'hui que nous voulons, et cela urge, de
l'immigration, c'est-à-dire des immigrants, donc des bassins
d'immigration francophone ou "francophonisable".
J'admets le premier, et là je le reconnais, de la discrimination
en ce sens que nous voulons tendre vers ceux-là et mettre de
côté, non pas éliminer, mais diminuer
considérablement les autres puisque j'ai dit, en réponse, au
député de Maisonneuve que mon objectif, mon "target"
c'était de rétablir au moins la proportion 80 p.c. 20 p.c.
dans le cas de la langue ou de la culture des nouveaux immigrants que nous
avons à la suite de l'entente dont j'ai parlé.
Alors, nous pouvons mettre, dans notre loi, ou dans les faits, une
insistance sur les pays en voie de développement, enfin, si on
l'écrit. J'ai bien dit au député de Maisonneuve que je
veux voir prendre ma parole, j'ai bien dit que, quant au fond, je n'ai aucune
objection, au contraire. D'ailleurs dans bien des cas on n'aura pas le choix,
c'est là et là seulement qu'on trouvera ces francophones ou
"francophonisables" dont j'ai parlé. Si on met de l'insistance sur ces
pays-là, il y a le danger, à cause de la discrimination que je
viens d'avouer quant au Québec, de s'écarter de cet objectif dont
je viens de parler, quant au genre, au type d'immigrants que nous voulons avoir
et le tout à ce moment-là ne sera pas nécessairement dans
l'intérêt du Québec, et je m'explique.
Quand on parle des pays en voie de développement, il n'y a pas
que le Sénégal ou Haiti auxquels on peut facilement penser dans
le cas actuel, surtout depuis le contexte des derniers mois. Mais dans les pays
en voie de développement, qui le sont, qui l'ont été et
qui le seront peut-être encore longtemps, il y a la Jamaïque, les
Bahamas, la Barbade, les Indes, où là c'est non seulement en voie
de développement mais il en meurt, le Bangla Desh, etc. Il en meurt
à la tonne et c'est pire que certains des pays que j'ai nommés.
Il y a l'Ouganda, enfin tous ces pays d'Afrique qui ne sont pas tous
nécessairement...
M. BURNS: Cela va diminuer vos 80 p.c.
M. BIENVENUE: Oui, justement c'est que, si dans les faits on les
accepte, sur le plan humanitaire et autres, ça peut diminuer, affecter
les 80 p.c. Je veux dire, si on l'ajoute dans le projet de loi, on
énonce peut-être plus clairement une source, on se limite
peut-être davantage. Je répète que, dans cette
source-là, je ne suis pas sûr que tous ceux qui viendraient forts
de cet article de notre loi et forts que nous serions d'être
nous-mêmes...
M. BURNS: On ne dit pas qu'il faut absolument que vous recherchiez, dans
le bassin du
Tiers-Monde, les éléments "francophonisables", comme vous
dites, d'immigration. Même si on avait à faire notre part
relativement à des peuples comme ceux de l'Ouganda et du Bangla Desh,
même s'ils sont, en principe, d'origine anglophone, ce n'est pas moi qui
vais crier. Si les mécanismes sont en place pour les recevoir dans la
communauté francophone et s'ils comprennent qu'ils s'en viennent dans
une communauté francophone, ce n'est pas moi qui vais crier. Au
contraire, je vais féliciter le gouvernement québécois de
faire valoir l'aspect humanitaire d'un tel type d'immigration. Ce type
d'immigration cependant, je le signale au ministre, il existe en Afrique, dans
la partie ouest de l'Afrique entre autres, où vous avez des
communautés francophones existantes. Evidemment dans
l'arrière-pays vous avez des gens qui ne parlent ni le français
ni l'anglais, qui parle le Wolofs ou qui parlent le Dioulas; ce sont des gens
qui ne sont pas plus intégrables à la francophonie que les
Ougandais ou que les gens du Bangla Desh. Ce n'est pas le problème. Je
ne voudrais pas que vous sentiez que l'amendement que je propose est un
amendement qui vous impose un type d'immigration; c'est un autre amendement que
je vous ferai tout à l'heure, dont vous avez copie.
Si on parle de politiques d'immigration et si on parle, d'autre part, de
politiques de coopération comme le gouvernement canadien en parle,
c'est-à-dire uniquement de façon égoïste, sur le plan
économique, pour s'ouvrir de nouveaux marchés, je trouve que
c'est une erreur. Et là je suis beaucoup plus d'accord sur ce que vient
de dire le ministre de l'Immigration en ce sens que les politiques de
coopération sont faites, d'abord et avant tout, dans un but humanitaire
mais pas dans un but paternaliste humanitaire. Cela a toujours
été le défaut de nos politiques de coopération et
c'est le grand défaut actuel de la politique de coopération du
Canada à l'étranger.
M. BIENVENUE: La vente des tracteurs et...
M. BURNS: La vente des tracteurs, la vente des moteurs de bateau pour
les pêcheurs dans l'Atlantique, et des histoires comme cela. En tout cas,
il y a une série de choses qui sont d'utilité immédiate
mais qui ne sont pas, à mon avis, de la saine politique de
coopération. Un gouvernement qui se targue, comme le gouvernement du
Québec, par l'entremise de son ministre de l'Immigration, d'avoir pour
fonction d'informer, de recruter, de sélectionner les personnes qui,
éventuellement, veulent venir comme immigrants ou encore comme
ressortissants étrangers qui s'établissent temporairement au
Québec et d'assurer leur intégration harmonieuse, il me semble
que cela doit être doublé d'une politique de coopération
sérieuse. Cela ne doit pas être une politique de
coopération mercantile, en ce sens que si on a des bateaux à
voile à vendre, on va les vendre aux Esquimaux en autant que ce soit
payant, ou si on a des éventails, on va les vendre aux gens du
Groenland. Encore une fois, je dis que c'est de la folie de parler de
coopération à ce niveau.
D'autre part, la coopération, je la vois comme un chaînon,
un élément, si vous voulez, dans cette grande ligne de
communication avec les pays en voie de développement, et cela
s'intègre dans une politique gratuite d'immigration. Et si on doit en
avoir une, on doit avoir aussi une politique gratuite de coopération. Ce
qu'on vous demande, c'est de dire que, quand on parlera d'établir et de
maintenir des services, c'est-à-dire je saute un paragraphe
de prendre les mesures nécessaires pour informer, recruter,
sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, il faut faire
l'inverse aussi et le faire en fonction des efforts que le Québec doit
déployer pour coopérer. Il y a peut-être des
problèmes constitutionnels, si c'est ce que vous me dites, M. le
ministre?
M. BIENVENUE: Oui, évidemment...
M. BURNS: A ce moment-là, je vais vous dire que vous avez de
sérieux problèmes constitutionnels aussi pour informer, recruter,
sélectionner et implanter ces personnes sur le territoire, en fonction
des besoins démographiques, économiques, socio-culturels des
diverses régions du Québec. Je pense que si on fait une
affirmation comme celle qui paraît au paragraphe c), sans parler de
l'effort qu'on veut faire ou des efforts que le Québec veut faire pour
imposer sa politique de coopération avec les pays en voie de
développement, je vous dis que ce n'est pas sérieux. C'est
uniquement cela que je vous dis. Il faudrait y aller gaiement. On dit: On veut
recruter, on veut sélectionner, on veut tenter d'intégrer ces
gens-là au milieu de la communauté québécoise. On
dit aussi: Ce qui complète cela, ce qui ferme la boucle, ce n'est pas la
seule, parce qu'après cela, on pourrait entrer tous les
éléments du commerce international. Et là, le ministre
aurait raison de me dire: Ce n'est pas de ma juridiction.
Mais comme on a une juridiction concurrente en matière
d'immigration, je vous dis: Pourquoi pas aussi utiliser le pouvoir subsidiaire
de déployer tous les efforts en vue d'imposer une saine
coopération avec ces pays?
M. BIENVENUE: M. le Président, je répète au
député de Maisonneuve que dans la première remarque que
j'ai faite, je n'avais pas d'objection fondamentale quant au principe. Mais
l'inscrire, c'est-à-dire donner une apparence de privilège
j'emploie les mots les plus modérés possibles une
apparence de privilège ou d'incitation du côté de certains
pays, en l'occurrence ceux en voie de développement, c'est
peut-être mettre, de façon non nécessaire, dans la loi,
face à ce que j'ai indiqué, comme pays où, veut, veut pas,
bon gré, mal gré, il faudrait aller, mettre une
préférence qui peut être dangereuse parce que nul ne
connaît l'avenir.
Je pense que le Québec a fait sa part lorsque les Nations Unies
ont demandé à différents pays et au Canada d'ouvrir, peu
importent les barèmes et les règles, par urgence leurs
frontières aux Tchèques, aux Hongrois, plus près de nous
aux Ougandais et plus près de nous encore aux Chiliens. Mon
ministère, malgré les modestes ressources que l'on sait, a mis
des sommes à la disposition des Chiliens et c'étaient des cas de
vie ou de mort à partir du pays où ils étaient.
Sauf ces cas, il y a cette espèce de règle mondiale qui
est non écrite, mais qui se vérifie et qui se comprend, qui veut
que l'immigration soit en fonction... Comprenez-moi bien, il n'est pas question
de parler de privilèges ou d'égoïsme là-dedans,
malgré que d'autres ont employé le mot "privilège", ou ont
dit: L'immigration, c'est un privilège, c'est égoiste. Quand
même il faut s'ouvrir les yeux, l'immigration est en fonction des
besoins, des carences, des pénuries d'abord et avant tout du pays qui
reçoit plutôt que de celui qui fournit. C'est cela que certains
ont appelé un privilège ou un phénomène
d'égoisme humain. Enfin, ce que je veux dire par là, c'est qu'il
faut que nous pensions aux besoins du Québec. J'aurai peut-être
l'occasion d'y revenir tout à l'heure, lors de l'étude d'un autre
projet d'amendement du député de Maisonneuve. H faut tenir compte
de notre capacité.
Or, il arrive que, dans le moment, c'est assurément par la
coopération avec les pays en voie de développement que cela se
fait. C'est là que devront porter les efforts de mon ministère
beaucoup plus, je le répète, que dans certains vieux pays
traditionnels qui non seulement ne fournissent plus allègrement, mais,
au contraire, ferment leurs frontières et pour l'extérieur et
pour l'intérieur, empêchent leurs gens d'émigrer. Ils leur
mettent tellement de restrictions que cela n'est plus possible pour eux.
Alors, je veux que le député de Maisonneuve sache bien
d'ailleurs, ce que je dis sera dans le journal des Débats
qu'autant je n'ai pas d'objection quant au fond de sa suggestion qui est
excellente et qui correspond à la nécessité et aux faits
et aux toutes prochaines années j'ai nommé quelques pays
tout à l'heure autant j'hésiterais à l'ajouter au
projet de loi pour les raisons que j'ai indiquées et pour bien m'assurer
que l'on ne s'impose pas de près ou de loin une contrainte. Evidemment,
comme le dit le député de Maisonneuve et avec raison, c'est notre
devoir de tâcher d'intégrer ceux qui viennent ici.
L'expérience a prouvé que ce n'est pas toujours facile. Cet
après-midi, le chef de l'Opposition posait une question au sujet du
choix de la langue d'enseignement par certains parents d'enfants immigrants.
Tout cela n'est pas toujours facile. Les gens viennent ici parce que c'est une
terre de liberté. A leurs yeux, je l'ai déjà dit, ils
viennent au Canada d'abord.
M. BURNS: Ils ne sont pas venus en 1970! M. BIENVENUE: Non, d'accord.
Enfin, pour eux, le Canada et le Québec ensuite, c'est l'image d'une
terre de liberté et on a vu les réactions, lors de l'étude
du projet de loi no 22, dans certains milieux et on continue à les voir.
Jamais on n'aurait assez de policiers, même avec l'Etat policier auquel a
fait allusion le député de Maisonneuve cet
après-midi...
M. BURNS: Les petits colonels!
M. BIENVENUE: Les petits colonels! Jamais on n'en aurait assez. Je crois
beaucoup plus à l'incitation qu'à la coercition dans bien des
cas. J'aimerais mieux ne pas voir ce paragraphe s'ajouter, tout en rappelant
que c'est notre philosophie.
M. BURNS: Est-ce que je peux vous poser une question? Au fond, ce qu'on
pose comme problème en discutant de mon amendement, ce sont deux choses.
Je vais poser le deuxième problème avant le premier, parce que
j'ai l'impression que tout est relié au premier. Est-ce que, d'une part,
quand vous dites le fond de l'amendement, vous l'acceptez...
M. BIENVENUE: Lidée, oui.
M. BURNS: ...le fond, l'idée, le mérite de l'amendement,
vous l'acceptez, mais, lorsque vous dites que vous préférez ne
pas voir cela dans le projet de loi no 46, je me pose la question suivante:
Dans le fond, est-ce que je peux tenir pour acquis que ce que le
ministre dit au point de vue du fond, au point de vue du mérite, c'est
qu'il accepte qu'un pays qui fait de la coopération avec
l'étranger est un pays qui non seulement veut se faire connaître
auprès du pays à l'étranger, non seulement veut faire du
commerce avec l'étranger, mais veut d'abord et avant tout se faire
comprendre, d'une part, sur son plan égoiste à lui, mais aussi
permettre de hausser le standard de vie du pays avec lequel il
coopère?
Je pense que s'il y a un avantage commun qui doit être fait dans
une politique de coopération, c'est là. Si on regarde ce que
chaque côté a à y gagner, ce n'est pas de se faire
connaître, ce n'est pas de vendre plus de céréales dans tel
ou tel pays, de vendre plus de machinerie dans tel ou tel pays, mais c'est de
se faire comprendre. Je pense que le mot coopération procède de
cette idée. D'autre part, une fois que je suis compris, je suis à
même, peut-être, d'aider davantage ce pays. Encore une fois, je
n'ai aucune crainte de le dire, c'est une chose que le Canada, par l'ACDI,
surtout, n'a pas encore réussie et ne réussira pas parce que
jusqu'à maintenant il y a vu un phénomène mercantile, un
phénomène de se faire connaître toujours par le biais
mercantile et par tout ce que cela peut comporter éventuellement.
Je dis que si vous me comprenez sur le fond et que vous partagez mes
vues là-dessus, si je n'ai pas tort d'interpréter votre point de
vue
là-dessus, cela serait-il un problème qu'Ottawa ne partage
pas la même philosophie que le ministre de l'Immigration du Québec
là-dessus? Cela serait-il ce qui fait qu'à un certain moment,
vous ne voulez pas ajouter à l'article 2, paragraphe 3 c), ce que je
vous demande d'ajouter?
M. BIENVENUE: Non. Je réponds tout de suite non. Non pour une
partie et oui pour l'autre. Non en ce sens que les statistiques et les faits
sont là pour le démontrer. Je parlais tout à l'heure du
cas des Haïtiens. Laisser venir au Canada et au Québec en fait
à peu près 4,000 Haïtiens cette année indique bien
qu'Ottawa, à ma connaissance du moins je ne peux pas parler en
son nom n'exerce pas de discrimination dans ce sens vis-à-vis des
pays en voie de développement. Bien au contraire.
Je n'ai malheureusement pas avec moi les chiffres on les aura
très prochainement de ce qu'aura été l'immigration
au Québec cette année. On verra que les pays du Tiers-Monde, que
les pays en voie de développement auront non seulement leur juste part,
mais auront la grosse partie du gâteau de l'immigration qui est venue au
Québec cette année et, Dieu merci, je ne veux pas être mal
interprété, mais il s'agit là de l'immigration que
d'autres ont appelé l'immigration visible qui est venue au Québec
cette année.
Je pourrai peut-être parler tout à l'heure de
l'éducation qu'il y a à faire, de la réaction de nos
concitoyens, en vous exhibant quelques documents auxquels je n'ai pas voulu
toucher à l'Assemblée nationale l'autre soir, mais Ottawa a bien
démontré que sa politique vis-à-vis des pays en voie de
développement était large, universelle et, de cette façon
pense la même chose que nous. On le voit par les missions que mes gens
ont fait avec ceux du fédéral qui sont allés aussi loin,
aussi creux, au sens géographique du mot pas dans l'autre sens
qu'à Madagascar et dans plusieurs pays d'Afrique.
Donc, sur ce plan, je ne vois pas de pensée différente
dans le cas du gouvernement fédéral. A cela s'ajoute l'autre
volet où je verrais, cependant, une pensée différente,
mais tout cela se tient a contrario. Ottawa, je l'ai dit, a une politique
universelle qui justifie le premier volet que je viens de donner, sans limite,
sans quota.
A titre d'exemple, je pousse le raisonnement à l'infini. Si
aucune demande ne venait des pays d'Europe, des pays que l'on connaît et
qu'Ottawa voulait garder l'équilibre de la quantité d'immigration
qu'on reçoit à chaque année, Ottawa recevrait 25,000
demandes des seuls pays du Tiers-Monde ou en voie de développement, des
pays d'immigration visible, comme je l'ai dit, et Dieu sait que je ne veux rien
mettre de péjoratif là-dedans.
Si ces gens répondaient aux barèmes, c'est tout ce qui
nous arriverait comme immigration, tant et aussi longtemps que
l'universalité qui a été instaurée par un
ex-ministre fédéral de l'Immigration et de la Main-d'Oeuvre, M.
Jean Marchand, à l'occasion de l'Expo 67, tant et aussi longtemps que
cette politique ne sera pas révisée cela reste la règle
absolue. C'était cela mon deuxième point. En revanche Ottawa,
dans sa loi, dans ses règlements, ne veut jamais indiquer du
moins, "as of now", on sait qu'il y a une refonte prévue pour 1975 de la
Loi de l'Immigration même par des phrases, par des allusions
directes ou indirectes, une entrave quelconque à cette politique
d'universalité. C'est un peu le but que je poursuis en disant au
député de Maisonneuve, tout en étant d'accord sur le
principe de fond, que je ne voudrais pas, dans la forme, ajouter où que
ce soit dans cette loi, pas plus qu'Ottawa ne le fait, le moindre indice que
nous voudrions mettre l'accent sur tel ou tel pays, ou telle région au
point de vue géographique. Je répète, il y a assez que je
le fasse au point de vue francophone et "franco-phonisable" et que j'aie fait
accepter mon point de vue par le gouvernement central. C'est la seule
règle, la seule entorse, la seule exception que je connaisse à la
politique globale d'Ottawa, qui, par la voix du premier ministre, son ministre
de l'Immigration et par la voie de l'entente que nous allons avoir
bientôt, fait pour la première fois à ma connaissance cette
entorse, cette exception au principe général qui fait qu'on va
indiquer une tendance vers tel ou tel type d'immigration. Cela va être
à ma connaissance la première fois, parce que la loi universelle
d'Ottawa prévoyait toujours le même système de points
à titre d'exemple. On réussit le test à l'examen, qu'on
ait la peau de quelque couleur que ce soit, qu'on parle quelque langue que ce
soit. Cela va être vraiment la première fois que dans le cas du
Québec, à cause de son caractère particulier, on va
favoriser nettement une immigration de telle langue. C'est déjà
un gain, je pense, assez considérable. J'aime mieux ne pas m'aventurer,
du moins là, en décembre 1974, vers une indication écrite
de ce qu'en pratique va se produire. Je veux que le député de
Maisonneuve en soit sûr, pas seulement par apostolat; dans les faits
c'est ce qui va devoir se produire. Quant à moi, ce seront d'aussi bons
concitoyens que d'autres. J'y reviendrai tout à l'heure.
M. SEGUIN: On s'est référé tout à l'heure
à l'ACDI. Le Canada, le gouvernement fédéral, fait
déjà affaires avec 80 pays au monde à peu près, non
pas sur le plan de l'immigration, mais surtout sur une base économique.
C'est surtout pour essayer de remonter un peu des pays en développement,
quitte ensuite à abandonner les subventions que le pays donne et pour
permettre à ces gens de négocier en hommes raisonnables, en pays
producteurs, etc. Je voulais faire ce commentaire, parce que le
député de Maisonneuve a fait allusion à l'ACDI tout
à l'heure et les relations que le gouvernement fédéral
pouvait avoir avec d'autres pays; il y en a à peu près
80 dans le moment, je pense, 80, 81, 82, 79, quelque chose comme
ça. Ma question s'adresse plutôt au ministre de l'Education,
surtout en rapport avec votre amendement, il n'y a pas de débat de cela.
Est-ce que la province a comme critère principal, au point de vue de
l'immigration, quant à permettre à des gens d'arriver dans la
province, premièrement les qualifications; deuxièmement, qu'ils
soient des personnes responsables; troisièmement, peut-être la
langue; quatrièmement, peut-être autre chose qu'on voudrait y
apporter, mais est-ce la langue qui est le facteur qui détermine qui
doit venir dans la province de Québec? Si c'est cela, j'ai mon voyage,
je dois vous le dire bien carrément.
Si ce n'est pas une question de qualification, peu importe le pays
d'où vient cette personne, peu importe son origine, si elle ne peut pas
contribuer économiquement, culturellement dans le sens du commerce, du
développement, de ce qu'elle peut apporter elle-même...
M. BURNS: Cela n'a rien à faire avec le commerce.
M. SEGUIN: Absolument pas. Bien, la culture, oui.
M. BURNS: Vous allez parler longtemps pour me convaincre de
ça.
M. SEGUIN: II y en a qui ne veulent pas que ce soit rattaché,
mais en réalité une culture se rattache très facilement au
commerce et à l'industrie.
M. BURNS: II y a la culture des patates. Le député de ...
pourrait nous parler de ça.
M. SEGUIN: Non. Ne charriez pas. Vous me comprenez tellement bien.
M. BURNS: Cela a quelque chose à faire... A part cela...
M. SEGUIN: Je demande au ministre tout simplement... Non, je reviendrai
là-dessus. On a dans les journaux de ce temps-ci justement des bons
exemples de ce qu'est la culture par rapport à l'industrie et au
commerce. On a de ces exemples régulièrement dans les journaux.
Est-ce qu'on établit un barème réel, parce que je me
rapporte à cette chose-là? "En fonction des efforts que le
Québec doit déployer"... Quels sont les efforts que le
Québec doit déployer et sur quoi se base-t-on pour l'acceptation
d'un immigrant ou d'une personne qui veut venir rester au Québec? Dans
ce contexte de la première phase, est-ce que cette personne doit d'abord
... Si elle parle français, elle est admise?
M. BURNS: A 80 p.c, nous dit le ministre. M. SEGUIN: A 80 p.c.
M. BURNS: On va le voir dans les années qui viennent.
M. SEGUIN: Bien, ce n'est pas tellement une qualification, franchement.
Je demande une qualification à l'extérieur de la culture. Comme
immigrant, une personne qui veut...
M. BURNS: Le député de Pointe-Claire n'était
peut-être pas là, mais le ministre a parlé d'un
barème de 80 p.c. des immigrants qui seraient à l'avenir des gens
francophones ou facilement francophonisables.
M. SEGUIN: Oui, je mets ça de côté, ce commentaire
du ministre, qu'il aurait pu faire avant que j'arrive et je lui demande...
M. BURNS: Ne mettez pas cela de côté, c'est la meilleure
chose qu'il a dite depuis longtemps. Parce qu'il est en train d'inverser le
processus, on est en train de ...
M. SEGUIN: Cela dépend dans quel contexte ...
M. BURNS: ... se faire bouffer par l'immigration anglophone depuis 1963,
vous connaissez les chiffres comme moi.
M. SEGUIN: Vous vous êtes embarqué avec anglophone,
francophone, saxophone, téléphone ...
M. BURNS: Ce n'est pas ça. Il y a plus qu'un saxophone ...
M. SEGUIN: Vous êtes embarqué avec ça.
M. BURNS: Ce qui arrive actuellement, c'est qu'on y perd, vous le savez,
on a participé ensemble au projet de loi no 22.
M. SEGUIN: Mais pourquoi? J'ai des exemples.
M. BURNS: Vous le savez, on a participé ensemble à
ça, vous le savez, on y perd au point de vue du transfert de
Québécois francophones du côté anglophone et on y
perd à part ça, en plus, par l'immigration même parmi les
groupes qui sont neutres, que j'appelle neutres ... qui ne sont ni anglophones,
ni francophones, on ne les intègre pas. On va voir les
résultats.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, messieurs, si vous le voulez
bien.
M. SEGUIN: Alors, j'ai posé une question au ministre. Quelle est
la priorité?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Pointe-Claire a
posé une question à laquelle peut-être le ministre avait
répondu avant son arrivée.
M. SEGUIN: Quelle était la réponse, M. le
Président, brièvement, je vous le demande?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le ministre a-t-il quelque commentaire
à faire?
M. SEGUIN: Je vous demande quelle était la réponse,
brièvement.
M. BIENVENUE: Alors, très brièvement.
M. SEGUIN: Pas le ministre nécessairement. Peut-être, M. le
Président, pourriez-vous me répondre indirectement.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Non, le ministre est consentant à
donner une brève réponse à la question qui lui a
été posée.
M. BIENVENUE: Le président me fait confiance.
M. VEILLEUX: C'est un "filibuster".
M. SEGUIN: Non, mais on a amené l'ACDI là-dedans. Je suis
fier de l'ACDI, de ce qu'on fait à Ottawa de ce
côté-là, je suis très fier. Ce n'est pas le
député de Maisonneuve qui va apporter des commentaires contre ce
qui se fait à Ottawa ...
M. BURNS: Je demande une réparation du
député...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît.
M. SAMSON: Vous allez vous faire expulser.
M. BURNS: Vous auriez mieux fait de vous faire élire à
Ottawa pour aller plaider cette cause-là.
M. SEGUIN: Ce serait parfait. J'aimerais plaider ça avec le
député de Maisonneuve ...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre! S'il vous plaît!
M. BIENVENUE: Ce que j'ai dit et répète et pas
seulement ce soir c'est qu'on constatait effectivement une tendance, qui
va s'ac-croissant d'année en année, en vertu de laquelle le
nombre d'anglophones ne parlant qu'anglais qui vient s'établir au
Québec va s'accroissant à un tel point que l'année
dernière, c'était rendu à 41 p.c. Si on suit le "trend",
pour parler français...
M. SEGUIN: Ce n'est pas ça ma question... M. VEILLEUX: Vous
arrivez ...
M. BIENVENUE: ...si on suit le "trend", ça devient
inquiétant sur le plan de ce que, avant moi, le premier ministre a
appelé la souveraineté culturelle du Québec. Les
barèmes et c'est la question du député que
l'on envisage et qui sont les nôtres, que ce soit au Canada ou au
Québec, ne portent pas seulement sur la langue. Il y a un système
de points. Lorsqu'on parle telle langue on a droit à tant de points, si
on parle les deux langues, on a droit à encore plus de points, si on a
un emploi ça, c'est plus récent la promesse d'un
emploi, cela donne droit à dix points additionnels.
Si on a tel ou tel métier, tel ou tel degré d'instruction,
cela donne droit à tant de points. Cela n'est pas unique au Canada ou au
Québec, c'est la règle dans le monde.
Or, ce que le Québec veut faire et ce sont là mes
politiques c'est que toutes choses étant égales, nous
voulons préférer ici, au Québec, ceux qui parlent ou qui
sont plus aptes à parler la langue de la majorité que ceux qui ne
le sont pas. Comme, à l'inverse, il est normal que l'immigrant qui veut
s'établir en Ontario, en Nouvelle-Ecosse ou en Colombie-Britannique
et cela lui donne droit à des points parle la langue de la
majorité de ces provinces. C'est bon pour l'immigrant qui va en Ontario
de comprendre la langue de l'Ontario, et c'est bon pour les citoyens de
l'Ontario de le comprendre. Il peut mieux trafiquer, il peut mieux
négocier, il peut mieux s'intégrer.
A l'inverse, c'est la même chose. Je disais qu'en même temps
que moi, pas avant moi mais en même temps que moi, et je ne veux pas
qu'on pense que je manque de modestie en faisant l'analogie, le premier
ministre du Canada, M. Trudeau, et son ministre de l'Immigration et de la
Main-d'Oeuvre, M. Andras, ont tous deux, proprio motu, de leur propre
initiative, manifesté publiquement leur inquiétude au sujet de ce
phénomène, ce qu'ils ont appelé eux-mêmes ce
déséquilibre entre les deux types d'immigration francophone et
anglophone, soucieux, je pense bien, comme celui qui vous parle et ceux qui
m'entourent, que c'était un avantage pour le pays, du moins tant qu'on y
est, que d'avoir une province qui, sur le plan linguistique et culturel, soit
différente des autres. C'est une source d'enrichissement pour le Canada.
Enfin, moi, c'est ma prétention.
Cela ne veut pas dire, lorsque j'ai parlé de 80 p.c-20 p.c. que
c'est ce qui allait arriver. J'ai dit que c'était un objectif que je
poursuivais pour que notre immigration, toutes choses étant
égales, équivaille aux composantes de la population
québécoise actuelle qui sont dans le proportion de 80 p.c.-20
p.c. Mais j'ai dit l'autre jour, en Chambre, en réponse à la
question du député de Rouyn-Noranda, à ce sujet, que ce
n'était pas une règle rigide, stricte et bête, et que
j'étais prêt à aller à 79 p.c-21 p.c. ou à 78
p.c-22 p.c. si le coût de cet écart devait être le fait de
recevoir ici un immigrant Londonien anglophone, "British" à 100 p.c, qui
apporte avec lui la somme rondelette de $1 million en investissement. Je
préfère
le voir ici que de le voir ailleurs au Canada. Je suis un de ceux qui
ont fait la petite course, quasiment disgracieuse, il y a un an ou deux,
lorsque les Ougandais nous sont venus, par la nécessité que l'on
sait. J'étais l'un de ceux qui, avec mes collègues des autres
provinces, ont fait une course quasiment disgracieuse pour essayer de mettre la
main sur un ou deux de ces Ougandais. Je pense à l'un d'entre eux qui
apportait avec lui la somme rondelette de $25 millions. C'était le
montant de ses économies et de ses épargnes. Je
préférais le voir à Québec qu'à Vancouver ou
à Halifax.
UNE VOIX: Cela ne devait pas être un parlementaire.
M. BIENVENUE: Non. Ce n'est pas la barrière de la langue, de la
couleur ou de la culture qui m'aurait empêché de tout faire pour
essayer de l'avoir. C'est une immigration qui est saine pour le pays qui
reçoit. Je répète en terminant, en guise de conclusion,
qu'il n'y a pas que la langue parce qu'il y a un tas d'autres facteurs. Il y a
le facteur suivant: Quel actif "asset" en anglais ce citoyen X qui
vient de quelque pays que ce soit au monde, de quelque langue qu'il soit, quel
"asset" est-ce pour le Québec? Est-il d'une profession ou d'un
métier où nous sommes déjà saturés qu
Québec, ou alors est-il d'une profession ou d'un métier où
il y a carence et pénurie au Québec et où cela va faire
l'affaire des deux, la sienne et la nôtre?
M. MERCIER: M. le Président, est-ce que le ministre me
permettrait une question?
M. SEGUIN: Juste un instant. J'allais dire au ministre qu'il doit, de
par ses commentaires, approuver l'amendement.
M. BIENVENUE: J'ai dit que, dans le fond, quant à l'idée
d'aider les pays qui ont le plus besoin d'aide, j'étais en faveur. Mais
quant à la forme, j'aime mieux ne pas inscrire l'amendement pour ne pas
me limiter, sans connaître l'avenir, de quelque façon que ce
soit.
M. SEGUIN: Le député m'excusera.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Bellechasse.
M. MERCIER: Simplement une question. Vous avez mentionné tout
à l'heure qu'il y avait un fort pourcentage d'immigrants, en 1974, en
provenance d'Haïti. Est-ce que vous avez quelques chiffres relativement,
par exemple, à la deuxième source d'immigration la plus
importante, d'une part? Deuxièmement, dans les critères de
sélection que votre ministère a, est-il question d'âge ou
de sexe?
M. BIENVENUE: Malheureusement, avant qu'il sorte pour quelques minutes,
le député de Maisonneuve va être mon témoin pour
dire que, vu la journée où nous siégeons, vu l'heure et le
peu de délai, j'ai consenti avec lui à faire venir mon
sous-ministre pour les questions de détail.
M. MERCIER: De mémoire.
M. BIENVENUE: Grosso modo, les Etats-Unis d'Amérique sont un de
nos gros fournisseurs. A moins qu'il n'y ait eu changement, je crois que
ça demeure le plus gros fournisseur encore cette année; du moins,
ce l'était l'an dernier.
M. MERCIER: La deuxième partie de ma question, c'était
pour savoir si, dans les critères que vous avez mentionnés tout
à l'heure, entraient en ligne de compte également les questions
d'âge et de sexe.
M. BIENVENUE: Oui et non. Je m'explique. D'âge et de sexe,
uniquement lorsqu'il s'agit de certains types d'immigrants qui sont ce qu'on
appelle, à titre d'exemple, les immigrants parrainés ou les
immigrants nommément désignés. Les immigrants
parrainés sont des immigrants qui ne subissent aucun test, aucune
épreuve, de qui ont n'exige même pas qu'ils parlent l'une des deux
langues du pays, dont on exigera, cependant, certains tests, tels que l'examen
médical.
M. MERCIER: Pourriez-vous illustrer par un exemple?
M. BIENVENUE: L'immigrant qui est ici au Canada, l'immigrant
reçu, pas même encore citoyen canadien, s'il décide,
après s'être établi, après s'être
trouvé un emploi et un logis, etc., de faire venir ses vieux parents de
Sicile, de Grèce ou d'ailleurs, le gouvernement canadien, sur le plan
purement humanitaire, facilite la réunion des familles. A ce
moment-là, vous avez un cas où ni l'âge ni le sexe
n'entrent en ligne de compte. Vous avez les nommément
désignés qui, eux, sont à un échelon un peu
éloigné, c'est-à-dire que ce n'est pas le père ni
la mère, ce n'est pas le fils, mais ce sera la soeur, le frère,
etc. Cette immigration a justement renversé la vapeur et fait en sorte
que, par opposition aux immigrants indépendants, à ceux qui
viennent ici par leur propre mérite, de moins en moins il vient
d'immigrants des vieux pays traditionnels et davantage des pays en voie de
développement comme les Caraïbes, l'Amérique du Sud, etc.,
ceux qui font l'objet de la présente discussion. Chacun d'eux
s'empressait de faire venir ses parents et ses proches, dès qu'il avait
pu mettre un pied solide ici, en terre canadienne.
M. SEGUIN: Je voudrais poser une question tout à fait de base,
tout à fait simple, sans créer de débat. Supposons que
j'habite l'Ecosse et qu'il y ait un endroit pour loger comme immigrant dans la
province de Québec. Je suis une personne bien spécialisée,
un technicien,
par exemple, au niveau médical, ayant les mêmes
qualifications que ceux qui sont dans nos services hospitaliers, mais je
demeure en Ecosse. Un autre, un cousin lointain, demeure en Algérie,
mêmes qualifications, même âge, même sexe. Lequel
serait admis en priorité au Québec, celui de l'Ecosse ou celui de
l'Algérie? Mêmes qualifications, même base, même
formation, mêmes connaissances, deux jumeaux.
M. BIENVENUE: Je réponds à la question. Au départ,
par principe, à priori, je m'entendrais avec mon collègue et ami
du fédéral qui, en vertu du protocole que nous allons signer, va
travailler conjointement avec les représentants du Québec
là où il y en aura. On tenterait de favoriser celui des deux qui
serait à armes égales avec l'autre, mais qui a cet avantage de
parler la langue majoritaire du Québec; quant à l'autre, celui
qui vient d'Ecosse, on lui trouverait une opportunité semblable dans une
province anglaise où il sera beaucoup plus à l'aise pour se faire
comprendre et s'exprimer.
A l'inverse, l'autre sera plus à l'aise ici alors qu'il pourrait
se faire que tous les deux soient moins à l'aise et aient plus de
difficultés si on envoyait le bonhomme de l'Algérie à
Toronto et celui d'Ecosse ici. Mais...
M. SEGUIN: C'est un jeu de domino. M. BIENVENUE: Bien c'est cela. M.
SEGUIN: Noir et blanc. M. BIENVENUE: C'est cela.
M. SEGUIN: On prend les Noirs et eux autres prennent les Blancs.
M. BIENVENUE: Naturellement, je n'ai pas coloré dans mon exemple
parce que...
M. SEGUIN: Non, je n'ai pas voulu le faire non plus mais n'empêche
que c'est le résultat.
M. BIENVENUE: J'ajoute que si j'ai... M. SEGUIN: Parlons franc.
M. BIENVENUE: ... un seul poste, une seule ouverture et un seul candidat
qui vient d'Ecosse ou de Londres, je vais tout faire pour le faire venir ici,
le Québec en a besoin. C'est pour cela que j'ai annoncé à
travers toute cette politique, il y a deux jours, que pour la première
fois le Québec aurait un représentant nulle part ailleurs
qu'à Londres, d'où il nous vient, bon an, mal an, de 2,000
à 3,000 immigrants par année, qui viennent au Québec, je
ne parle pas au Canada. Je pense qu'il est fort utile qu'on ait là-bas,
à leur service, un représentant du Québec qui puisse les
renseigner davantage sur les exigences, les pénuries, les besoins en
main-d'oeuvre, sur les conditions de vie, sur la langue, sur les lois du
Québec, etc. qu'il s'agisse du bill 22 ou d'autres.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, est-ce que les membres de la
commission sont prêts à se prononcer sur la proposition
d'amendement du député de Maisonneuve?
M. BURNS: Oui, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que cette proposition d'amendement
est acceptée? Sur division? Ou rejetée sur division?
M. BURNS: II n'y a pas de chance qu'il y ait un député
ministériel qui vote avec moi là-dessus?
M. VEILLEUX: Moi, j'aime bien le député de Maisonneuve
mais je ne l'aime pas assez pour aller jusque-là.
M. BURNS: Je ne vous demande pas de m'aimer, je vous demande d'aimer mon
amendement.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, la proposition d'amendement du
député de Maisonneuve, à l'article 2, paragraphe 3 c), est
rejetée sur division.
M. SAMSON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Maintenant, est-ce que nous revenons
à l'article 2, paragraphe 3 comme tel? Parce qu'on n'a pas adopté
cela, on est rendu à c) et nous n'avons pas adopté les
alinéas a) et b).
M. SAMSON: ... c'est une question que je voudrais poser.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, l'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Avant le paragraphe c), au paragraphe a) on lit: II doit
à ces fins étudier les données disponibles sur les besoins
de main-d'oeuvre dans chacune des régions économiques du
Québec, etc. Est-ce que le ministre ne prétendrait pas qu'il
vaudrait mieux que la main-d'oeuvre soit reliée à son
ministère? Est-ce que cela ne rendrait pas plus service à tout le
monde?
M. BIENVENUE: Ce que dit là le député de
Rouyn-Noranda est absolument logique. D'ailleurs, on regarde ce qui se fait
ailleurs, je ne peux pas dire partout ailleurs parce qu'il n'y a pas de
ministère de l'Immigration dans les autres provinces, mais regardons ce
qui se passe à Ottawa, où il y a un ministère
fédéral de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration. J'ai dit l'autre
jour à la Chambre que, malgré qu'il ne m'appartienne pas à
moi de jouer avec l'échiquier de l'Exécutif, le premier ministre
avait
donné au mois d'août dernier une entrevue exclusive au
journal La Presse dans laquelle il avait lancé cette idée d'un
futur ministère des Ressources humaines au Québec, qui
engloberait éventuellement la main-d'oeuvre, l'immigration.
L'immigration n'est, comme on le sait, qu'un secteur, qu'une direction. C'est
complémentaire à la population de tel ou tel pays donné,
c'est par le jeu de l'immigration qu'on ajoute ou qu'on n'ajoute pas, ou qu'on
ajoute de tant à la population autochtone. Devait aussi être
incluse, suivant ce qu'il avait dit, la démographie, qui est
l'étude de la population. Tout cela est de plus en plus actuel au
Québec pour les raisons que l'on sait et qu'on a cent fois
répétées.
Alors, je réponds à la question du député de
Rouyn-Noranda que cela me paraît effectivement extrêmement logique
parce qu'au sein d'un même ministère, au lieu d'être
obligé d'être en communication, par téléphone ou
autrement, sans arrêt avec l'autre ministère pour connaître
les besoins, les pénuries, les surplus, bien ce serait au sein d'un
même organisme unique où ces renseignement
s'échangeraient.
Ma réponse est oui. Le député ne m'a pas
demandé si cela allait se faire, il m'a demandé si je trouvais
cela logique, et j'ai dit oui.
M. SAMSON: M. le Président, si j'ai posé la question de
cette façon, c'est parce que j'ai l'impression, malgré tous les
pouvoirs que revendique le ministre avec le bill 46, qu'il va quand même
rester un flanc ouvert. Et si les dispositions ne sont pas prises pour que la
main-d'oeuvre s'allie à l'immigration de façon directe, il y aura
toujours une lacune, même avec le projet de loi no 46. J'ai posé
la question, mais en même temps je vous avoue que la réponse que
me donne le ministre me plaît parce que je m'aperçois qu'ils en
sont conscients au ministère. Il reste que, dans l'ensemble, les
politiques gouvernementales ne sont pas encore ajustées. Mais si tout le
monde en parle, si tout le monde semble d'accord, un jour cela va s'ajuster et
cela va être pour le mieux.
M. BIENVENUE: Nous en sommes tellement conscients que les hauts
fonctionnaires de mon ministère poursuivent, en lien étroit avec
d'autres ministères, l'étude, l'analyse, la cueillette de tous
les renseignements qui seraient essentiels, avant la création de ce
nouveau ministère, que le ministère que je dirige a mis sur pied.
A la fin de janvier, un colloque aura lieu à Montréal pendant
deux ou trois jours, qui réunira ce que je puis sans hésitation
appeler les sommités ou les experts dans toutes ces matières
connexes qui se greffent autour des problèmes des ressources humaines ou
de la population. Des gens de tous les milieux se réuniront et feront
ensemble la critique constructive, je l'espère, j'en suis sûr,
d'un livre brun que mes hauts fonctionnaires ont préparé et qui
pourrait devenir l'étape préliminaire à un livre blanc et
ensuite à un projet de loi.
M. SEGUIN: Un livre brun?
M. BURNS: En fonction de quoi, choisissez-vous le brun?
M. BIENVENUE: Ah, cela aurait pu être vert.
M. SEGUIN: Le gouvernement est brun. M. SAMSON: Blanc coloré.
M. BURNS: J'avais trouvé que la Justice choisissait toujours le
livre blanc, les Terres et Forêts toujours le livre vert, je me demande
pourquoi vous choisissez le livre brun, vous?
M. BIENVENUE: Le choix de la couleur ne devrait pas déplaire
à mon ami, le député de Maisonneuve. Ce n'est pas moi qui
ai choisi la couleur.
M. BURNS: Ah bon!
M. BIENVENUE: Vert, rouge, bleu, caille, peu m'importe.
M. BURNS: Non, je me demandais pourquoi.
M. BIENVENUE: Ce qui est plus important que la couleur, c'est ce qu'il y
aura dedans.
M. SAMSON: De toute façon, il ne devrait pas rester un choix de
couleurs.
M. BIENVENUE: Il devrait déboucher, je l'ai dit, sur un livre
blanc ou enfin, si on veut sauter l'étape du livre blanc, sur un projet
de loi qui réponde aux aspirations du député de
Rouyn-Noranda et mon homologue...
M. SAMSON: Je m'excuse, M. le Président, ce ne sont pas mes
aspirations...
M. BIENVENUE: Ce sont les aspirations pour d'autres.
M. SAMSON: ... ce sont les aspirations légitimes, je pense...
M. BIENVENUE: Pour d'autres. M. SAMSON: ... de la population.
M. BIENVENUE: D'ailleurs, je complète en disant que M. Andras,
mon homologue fédéral, m'a souventefois expliqué que ce
serait moins compliqué de faire affaires avec un endroit unique que
d'être obligé de communiquer à deux endroits, à deux
niveaux pour satisfaire aux exigences de nos ministères respectifs.
M. SEGUIN: Vous avez donné beaucoup d'explications à la
question du député de Rouyn-Noranda sur le rattachement qu'il
pourrait y avoir entre le marché du travail et l'immigration. Je pense
que cela a été la base de sa question. Alors, je suis un peu
confus à la suite des commentaires du ministre. Si cela se rattache
strictement au marché du travail et à la demande et à la
nécessité d'immigrants, la portée au plan de
l'économie, si vous voulez, ou du marché du travail, alors ce que
vous avez dit avant, c'est plus ou moins vrai. Il faudrait ramener cela
maintenant, et il s'agirait de qualification d'abord, comme premier point.
M. BIENVENUE: Non, je fais une correction à ce que dit le
député. Cela ne se rattacherait pas strictement et pas
exclusivement. J'ai tenté d'indiquer tout à l'heure, en
réponse à la question du député de Bellechasse, la
série de facteurs, de critères ou de barèmes.
M. SEGUIN: Oui, oui.
M. BIENVENUE: La capacité d'occuper un emploi ici ou de combler
une pénurie ici est un des facteurs. C'est pour cela que j'ai
répondu au député de Baldwin...
M. SEGUIN: Non, de Pointe-Claire. M. BIENVENUE: ... de
Pointe-Claire...
M. SEGUIN: C'est M. Cournoyer qui est député de Robert
Baldwin.
M. BIENVENUE: ... au sujet de sa question quant à l'Ecossais et
à l'Algérien que, toutes choses étant égales, donc
tous deux arrivant ici avec la même compétence, la même
capacité de remplir un emploi à la satisfaction du pays qui
reçoit, je verrais mieux mon ami Ecossais à Toronto et l'autre
ici.
M. SEGUIN: J'ai compris la réponse du ministre. Je ne suis pas
nécessairement d'accord avec le ministre.
M. BIENVENUE: Mais je voulais bien indiquer par là que, s'ils
étaient à capacités égales, l'élément
travail ou capacité de travail ou métier devenait, à ce
moment, un des points, mais pas le seul critère.
M. SEGUIN: Très bien.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 23 a), adopté?
M. BIENVENUE: Pour être clair, j'ajouterai que j'aime mieux un
mécanicien ou un technicien anglophone qui vient au Québec, mais
est susceptible d'apprendre la langue majoritaire du Québec, qu'un
francophone chômeur qui vit ici d'assistance sociale.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 2.3 b) adopté?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 2.3 c)
adopté?
M. BURNS: Adopté sur division.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté sur division tantôt.
Article 2.3 d) adopté?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 2.3 e) adopté?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Adopté. Article 2.3 f)?
M. BURNS: A l'article 2.3 f), je demanderais, par un amendement, de
préciser ce qu'on veut dire par "dans le milieu
québécois". J'ai déjà remis au ministre une copie
de l'amendement que je propose. Je ne sais pas si mes autres collègues
en ont. Je proposerais de préciser ce qu'on veut dire par "dans le
milieu québécois". Sans vouloir faire une longue thèse
là-dessus, je me restreindrai à dire, tout simplement, que le
milieu québécois, pour moi, se traduit par les mots
société québécoise. Une société est
une communauté comme on dit en anglais, mais le mot français est
société.
M. SEGUIN: Un Québécois pour moi, c'est quelqu'un qui
demeure dans la ville de Québec.
M. BURNS: Non.
M. SEGUIN: Je ne vois pas plus loin que cela, parce qu'un
Montréalais, c'est un Montréalais et un Québécois,
c'est un Québécois.
M. BURNS: Non. Je pense que le député de Pointe-Claire me
comprendra quand je lui dirai ce que, dans mon esprit, veut dire la
société. Par une mauvaise traduction, je dirais
communauté, mais, en français, cela n'a pas son véritable
sens. En anglais, cela voudrait dire "community".
M. SEGUIN: Très bien.
M. BURNS: The Quebec community which means, of course, the whole
Province of Québec, if you consider it in that manner, Mr Séguin,
if not...
M. SEGUIN: Mr. Burns.
M. BURNS: ... Mr "Seguine".
M. SEGUIN: Je ne peux pas déformer le nom de M. Burns.
M. BURNS: Non.
M. SEGUIN: M. Brun?
M. BURNS: Non. J'ai bien dit Mr Séguin.
M. SEGUIN: Mr. "Seguine", M. Burns et M. Brun.
M. BURNS: Bon. D'après moi, nous rendrions beaucoup plus justice
au texte...
M. SEGUIN: M. Brûlé, non plus.
M. BURNS: Même Brûlé, c'est une mauvaise
traduction.
M. SEGUIN: Ou brûlant.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: Tant qu'à y être, mettez le mot "Brûlures"
au pluriel.
M. SEGUIN: On ne traduit pas les noms propres.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Revenons à la pertinence du
débat.
M. BURNS: Je verrais davantage qu'on amende le texte actuel du
paragraphe f ) en remplaçant les mots "dans le milieu
québécois" par les mot "au sein de la société
québécoise et plus particulièrement dans la
majorité francophone". Cela nous permettrait de dire que le ministre
doit, aux fins de l'intégration, du recrutement, de la sélection,
etc., "établir et maintenir des services d'adaptation chargés de
l'intégration harmonieuse des immigrants au sein de la
société québécoise et plus particulièrement
dans la majorité francophone, ce qui serait... Pardon?
M. BIENVENUE: Et plus particulièrement de la...
M. BURNS: Oui. Je m'excuse. J'ai sauté un mot?
M. BIENVENUE: Vous avez dit "dans la".
M. BURNS: Je m'excuse, c'est "et plus particulièrement de la
majorité de francophone". Ce qui serait conforme, je pense, à un
certain nombre d'énoncés que le ministre a déjà
faits. Je ne sais pas s'il est encore prêt à les maintenir, ces
énoncés, mais...
M. BIENVENUE: C'est conforme à ce qu'on retrouve à la page
précédente, deuxième alinéa de l'article 3. On
verra au deuxième alinéa, au bas de la page,
complètement...
M. BURNS: M. le Président, on parle également à cet
endroit de "la société québécoise et plus
particulièrement de la majorité francophone."
M. BIENVENUE: Comme commentaire sur le projet d'amendement que le
député a eu l'amabilité de m'envoyer à l'avance,
j'ai mis deux lettres ici: les lettres "O" et "K".
M. BURNS: Cela veut dire qu'en ce qui concerne le ministre, c'est
acceptable.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, j'aurais une question. Lorsqu'on
dit "dans le milieu québécois", je trouve que ce serait beaucoup
mieux d'indiquer "au sein de la société
québécoise".
M. BIENVENUE: C'est ça.
M. BURNS: C'est ça qu'on dit, mais vous ne voulez pas "et plus
particulièrement de la majorité francophone? "
M. VEILLEUX: Bien, la société
québécoise...
M. BURNS: C'est déjà prévu dans l'article.
M. VEILLEUX: Dans mon esprit, la société
québécoise, c'est...
M. BURNS: On le répète, là. Mais vous savez, une
nation, le député de Saint-Jean devrait le savoir...
M. VEILLEUX: II ne faudrait pas, M. le Président, que le
député de Maisonneuve oublie que la société
québécoise, c'est 80 p.c. de francophones.
M. BURNS: ... une société québécoise qui
prend la peine de légiférer pour tenter de prouver à tout
le monde que la langue officielle est le français, à ce moment,
ce n'est pas plus mal que ce qu'on voit dans beaucoup d'autres
sociétés, peu importe leur origine linguistique. On ne voit pas,
et je pense qu'on ne reprendra pas le débat sur le projet de loi 22,
malgré que cela pourrait être bien le "fun"...
M. VEILLEUX: Je ne vous le souhaite pas.
M. BURNS: On en a assez d'un "filibuster" qui marche actuellement, on
n'est pas pour en repartir un autre.
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être rappeler de doux souvenirs au
député de Maisonneuve.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A l'ordre!
M. BURNS: Non, non, mais je dis tout simplement...
M. VEILLEUX: Vous relirez mes interventions lors de la loi 22, vous
allez voir ce que, dans mon esprit et dans votre esprit, est la
société québécoise.
M. BURNS: Oui, oui. La société québécoise,
c'est actuellement, dans votre esprit et dans le mien, peut-être, une
société francophone en majorité, selon les faits. Mais
quand cette société sent le besoin de légiférer
pour dire quelle sera la langue officielle, quand cette loi de la langue
officielle prend la peine de donner des droits à la minorité
anglophone, il me semble que ce n'est pas superflu de redire à nouveau
ce qu'on veut dire par société québécoise,
lorsqu'on parle d'établir et de maintenir des services d'adaptation
chargés de l'intégration harmonieuse des immigrants. Il me semble
que ce n'est pas superflu. C'est pour ça que j'ai fait cet amendement et
je suis très heureux d'entendre le ministre marquer à
côté de mon amendement O.K.
M. BIENVENUE: En dessous.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet amendement proposé par le
député de Maisonneuve est accepté? Adopté.
M. VEILLEUX: Un instant, M. le Président. Qu'est-ce que c'est,
l'amendement du député de Maisonneuve?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement à l'article 2,
paragraphe 3 f) demande de remplacer les mots "dans le milieu
québécois" par les mots suivants: "au sein de la
société québécoise et plus particulièrement
de la majorité francophone".
M. BIENVENUE: Qui est la répétition de ce qu'on retrouve
mot à mot à la page précédente, au bas de l'article
3, en bas complètement.
M. VEILLEUX: Je trouve curieux qu'on sente le besoin d'ajouter "et plus
particulièrement la majorité francophone", étant
donné que dans les faits c'est ça et étant donné,
comme le disait si bien mon collègue de Maisonneuve tout à
l'heure, que la loi 22 a consacré le français comme langue
officielle. Alors, c'est inutile...
M. SEGUIN: ... les privilèges aux Anglais... M. BURNS: Vous
auriez dû vous battre...
M. VEILLEUX: II est inutile de dire "et plus particulièrement la
majorité francophone".
M. SEGUIN: J'ai perdu mon anglais...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que le député de
Saint-Jean préférerait qu'on adopte cet article sur division?
M. VEILLEUX: Oui, M. le Président. M. BURNS: ... le vote M. le
Président.
M. SAMSON: C'est un "filibuster" ministériel.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Un vote demandé par le
député de Maisonneuve. M. Bérard (Saint-Maurice)?
M. BERARD: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Bienvenue?
M. BIENVENUE: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Dionne?
M. DIONNE: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Burns?
M. BURNS: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Déom?
M. DEOM: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Veilleux?
M. VEILLEUX: Je m'abstiens.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Mercier?
M. MERCIER: En faveur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Lachan-ce?
M. LACHANCE: Pour l'amendement.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Harvey (Dubuc)? M. Malépart? M.
Samson?
M. SAMSON: Pour.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement proposé par le
député de Maisonneuve est accepté par un vote majoritaire
de huit pour et une abstention.
M. BURNS: Et un contre dans l'arrière-plan.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 2, 3 g), adopté. Article
3.
M. BURNS: A l'article 3, M. le Président, si je comprends bien,
vous abrogez l'article 6, qui
dit que le ministre, de concert avec le ministre de l'Education et les
organismes responsables, etc..
M. BIENVENUE: Oui, j'ai enlevé le concert.
M. BURNS: ... prend les dispositions nécessaires pour que soient
offerts aux immigrants des cours d'adaptation technique et professionnelle
ainsi que des cours spéciaux d'enseignement général. Si je
comprends bien, on a disposé de cela ailleurs?
M. BIENVENUE: Ce qui arrive c'est que dorénavant le
ministère de l'Immigration va s'occuper seul de l'outil principal qui en
l'occurrence est le COFI.
M. BURNS: Le ministre peut-il nous dire, sur le plan législatif,
où il a disposé de ça ailleurs? Pendant que le ministre
examine ses documents en vue de me répondre, ça me permet de lui
dire que ça nous avait beaucoup étonnés, justement dans le
projet de loi 22, où, la première fois, on voyait
disparaître cette obligation conjointe du ministère de l'Education
et du ministère de l'Immigration de faire en sorte ensemble que les
organismes responsables avec ces deux ministères prennent les
dispositions requises pour que soient offerts aux immigrants des cours
d'adaptation technique et professionnelle ainsi que des cours spéciaux
d'enseignement général. Et on ajoutait même au
deuxième alinéa de l'article 6 que l'on abroge par l'article 3:
II c'est-à-dire le ministre de l'Immigration favorise de
la même façon l'établissement des normes pour la
reconnaissance au Québec des diplômes obtenus à
l'étranger, des études qui ont été poursuivies et
de la formation qui a été reçue ainsi que pour
rétablissement d'équivalences.
M. BIENVENUE: On le retrouve à g) de l'article 2, juste
au-dessus.
M. BURNS: Oui, les diplômes. D'accord. Mais la première
partie de l'article, je ne la trouve pas. En tout cas, sauf erreur, j'ai
peut-être passé rapidement sur cet aspect mais je me souviens que
je m'inquiétais de voir disparaître cette mesure parce que dans le
fond je me dis: Qu'est-ce qu'il advient des COFI...
M. VEILLEUX: Il s'agit de maintenir des services d'adaptation
chargés des COFI.
M. BURNS: Si le ministre me dit ça.
M. BIENVENUE: Bien il arrive qu'il y a également e), où on
remplaçait l'ancien article qu'on avait avant le bill 22: Prendre les
mesures nécessaires pour que les personnes qui s'établissent
acquièrent dès leur arrivée, etc., la connaissance de la
langue française. Evidemment, ça ne s'applique pas aux enfants,
n'est-ce pas? Le ministère de l'Education a la juridiction exclusive sur
la question de l'éducation des enfants.
M. BURNS: Oui, d'accord. C'est réglé. D'ailleurs, je ne
voyais pas ça non plus dans le texte habituel de l'article 6 lorsqu'on
parle des dispositions nécessaires pour qu'il soit offert aux immigrants
des cours d'adaptation technique et professionnelle. Je pense bien qu'on ne
parle pas à ce moment-là de cours réservés aux
enfants lorsqu'on parle d'adaptation technique et professionnelle.
M. BIENVENUE: Non, il s'agit des adultes. Pourrait-on suspendre, tout
à l'heure, la séance deux ou trois minutes et je ferai une
vérification?
M. BURNS: Je suis entièrement d'accord. Je veux juste qu'on
couvre cet angle-là et qu'on s'assure que le projet de loi le couvre
parce que, voyant disparaître ça dans le projet de loi 22, voyant
également l'abrogation de ça dans le projet de loi 46, je me dis:
Ou bien on en a tenu compte ou bien on a décidé tout simplement
que ce pouvoir-là n'appartenait plus au ministère de
l'Immigration. Or, je suis de ceux qui croient que le ministère de
l'Immigration au Québec doit avoir de plus en plus de pouvoirs. M. le
ministre, vous le savez, je pense.
M. BIENVENUE: Oui, d'ailleurs, j'ai dit justement que, le 31 juillet
dernier, le conseil des ministres avait décrété que,
dorénavant et éventuellement jusqu'à ce que certaines
conventions collectives aboutissent, nous aurions seuls la
responsabilité des COFI.
M. BURNS: Je n'essaie pas de vous poigner les culottes baissées,
là. Je vous pose la question.
M. BIENVENUE: Non, non. C'est pour cela que je pense que, tout à
l'heure, une suspension de quelques minutes permettra de me rassurer sur ce
point et de rassurer mes collègues.
M. BURNS: Cela va bien, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, nous allons suspendre l'article
3.
M. VEILLEUX: Un instant, M. le Président. Nous sommes deux, ici,
qui avons des questions à poser.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Excusez-moi. Le député de
Laporte.
M. DEOM: Si je comprends bien, l'article 6, actuellement, prévoit
le fait de donner aux immigrants des cours d'adaptation technique et
professionnelle.
M. BURNS: C'est cela.
M. DEOM: Est-ce que ce n'est pas incompatible avec l'essence même
d'une politique d'immigration?
M. BURNS: Egalement, il y a des cours spéciaux d'enseignement
général.
M. DEOM: Oui mais...
M. BURNS: Tout cela doit se faire de concert avec le ministère de
l'Immigration et de l'Education.
M. DEOM: D'accord, mais n'est-ce pas incompatible avec l'essence
même d'une politique d'immigration qui vise à amener de la
main-d'oeuvre, ici, qui est déjà qualifiée, qui rencontre
les besoins de qualification qu'on a? Si on est pour leur donner des cours
d'adaptation et de technique professionnelle...
M. BURNS: On ne parle pas de cours, on parle d'adaptation.
M. DEOM: Même là, si on manque d'ingénieurs, pour
prendre un exemple...
M. BURNS: L'exemple concret actuel, c'est que, si vous avez des gens qui
travaillent dans le domaine technique, qui sont habitués à
fonctionner avec le système métrique, encore pour quelques mois,
il faudrait les ajuster au système anglais.
M. DEOM: Je vous concède cet exemple.
M. BURNS: Je vous donne l'exemple le plus gros qui me vient à
l'esprit.
M. DEOM: Mais, en 1976, cela n'existera plus.
M. BURNS: Non, non, mais quand même, si le ministre me dit que ce
n'est plus nécessaire à cause de cela, parce que c'était
le seul cas...
M. DEOM: Non, mais je veux juste soulever le point que cela me
paraît...
M. BURNS: Mais ce n'est pas le seul cas.
M. BIENVENUE: Je pense à un autre exemple: des infirmières
diplômées d'autres pays, qui sont là-bas des
compétences reconnues, mais où il n'y a pas telle ou telle
exigence technique que nous avons ici. J'imagine que nous manquions
c'est une pure hypothèse d'infirmières. Cela voudrait dire
qu'on admet au départ qu'on ne pourra en faire venir aucune, parce
qu'elles n'ont pas, dans ce pays-là, les qualifications qu'on ixige ici
à tel ou tel chapitre, qu'il s'agisse de gynécologie,
d'obstétrique, etc. Il y a des cas, d'ailleurs, qui me viennent à
l'esprit. On va leur donner ces cours, à ce moment-là,
plutôt que de se priver des services d'une personne, par ailleurs,
extrêmement compétente.
Il y a aussi d'autres domaines, comme le domaine industriel, où
un de nos sujets allant dans un autre pays devra recevoir des cours parce que,
sans cela, il ne pourrait pas réussir le test. Alors, il n'est pas
question de les reformer au complet, mais de leur donner, dans certains cas ou
certains domaines, ce petit minimum vital qui est essentiel et qu'ils n'ont pas
à l'arrivée.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Saint-Jean, sur le même article.
M. VEILLEUX: M. le Président, je pense qu'on a adopté le
paragraphe 3 g), mais, étant donné que l'article 3 supprime les
diplômes, j'aurais une question à poser au ministre. Est-ce
l'intention du ministère de l'Immigration si je lis bien
l'article d'évaluer une fois pour toutes les diplômes
étrangers...
M. BIENVENUE: Oui.
M. VEILLEUX: ... que le ministère de l'Education n'a pas
réussi à évaluer?
M. BIENVENUE: C'est ce que l'on veut faire. C'est pour cela que vous
avez l'addition que vous retrouvez au paragraphe g).
M. VEILLEUX: Est-ce que cela s'appliquerait pour ceux qui sont
arrivés ici auparavant et qui subissent les foudres du ministère
de l'Education quant à la classification des enseignants?
M. BIENVENUE: La réponse est évidemment oui et il ne
s'écoule pas une journée sans qu'au ministère nous arrive
une demande d'une personne déjà ici, qui a des difficultés
à faire reconnaître tel diplôme, tel certificat. Nous sommes
en relation continuelle avec le ministère de l'Education. Paris ne s'est
pas fait en un jour.
M. VEILLEUX: Oui mais...
M. BIENVENUE: II y a tellement de pays impliqués que...
M. VEILLEUX: ... est-ce qu'à l'heure actuelle le ministère
prend uniquement l'évaluation des diplômes qui a été
faite par le ministère de l'Education ou s'il fait des enquêtes
dans les pays en question pour connaître la véritable valeur des
diplômes?
M. BIENVENUE: C'est cela. C'est une des fonctions qu'ont nos
représentants à l'étranger et qu'ils auront davantage, de
plus en plus, maintenant qu'ils auront plus de pouvoirs dans le domaine du
recrutement et de la sélection.
C'est une des fonctions de s'assurer, à l'étranger,
déjà, que celui qui s'amène ici ait
avec lui tous les papiers, tous les documents lui permettant de
travailler plus vite dans son métier véritable ou à son
niveau véritable.
M. VEILLEUX: Parce que le ministre n'est pas sans savoir que, moi en
tout cas, pour avoir été président d'une association
d'enseignants, les difficultés qu'on rencontrait...
M. BIENVENUE: Enormes.
M. VEILLEUX: ... comme chef syndical, à faire reconnaître
certains diplômes. On arrivait aussi devant des cas inverses où
les diplômes avaient été surévalués par les
commissions scolaires, ce qui faisait que l'immigrant qui enseignait depuis
trois ou quatre ans dans une commission scolaire, qui avait été
habitué à vivre avec un certain salaire, se trouvait, du jour au
lendemain, déclassifié de trois ou quatre ans et une perte
énorme de salaire. Est-ce que, dans votre évaluation, il y aura,
en plus, des recommandations au ministère de l'Education, dans le sens
que je viens de vous le mentionner? Si on a déjà reconnu, il y a
trois ou quatre ans, un diplôme, que la déclassification
s'échelonne sur un certain nombre d'années, qu'elle ne soit pas
subite pour celui qui...
M. BIENVENUE: Nous voulons tellement aller dans le sens que
suggère le député de Saint-Jean que vous remarquerez une
addition dans le nouveau texte, celle notamment où on parle de
l'expérience acquise qui ne se trouvait pas dans l'ancien texte.
Je pense que c'est capital, surtout à cause des
différences, des distinctions entre le système de classification
ou le type de diplômes là-bas. Nous tâchons de nous agripper
à tout ce qui peut nous tomber sous la main pour favoriser l'emploi
immédiat d'un tel immigrant. Et un des facteurs c'est évidemment
l'expérience acquise qui remplace tel type de diplôme que nous
avons ici mais où, après examen, on voit qu'il y a
équivalence au point de vue compétence.
M. VEILLEUX: II ne faut pas que ça se fasse, quand même au
détriment des...
M. BIENVENUE: Non, non.
M. VEILLEUX: ... citoyens canadiens...
M. BIENVENUE: Jamais du pays qui reçoit plus que de celui qui
donne.
M. VEILLEUX: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Comellier): L'article 3 est suspendu. Article 4.
M. BURNS: M. le Président, avant que vous alliez à
l'article 4, pendant que l'article 3 est suspendu, je veux vous demander une
directive qui dépend des présidents, je pense en tout cas, qui
dépend aussi d'une certaine approche. Si je veux ajouter au projet de
loi, préférez-vous que je le fasse dès maintenant, puisque
ça s'insérerait très bien entre l'article 2 et l'article 3
actuel, ou préférez-vous que je revienne à la fin?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je n'ai pas d'objection à ce qu'on
le fasse tout de suite...
M. BIENVENUE: Cela suit l'ordre logique. M. BURNS: D'accord.
M. BIENVENUE: Je pourrais peut-être demander la suspension tout de
suite pour ne pas disposer trop tard...
M. VEILLEUX: On pourrait lire l'amendement pendant ce
temps-là.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission suspend ses travaux pendant
quelques minutes.
Tel que l'a constaté le député de Maisonneuve, nous
avons quorum et nous reprenons les travaux de la commission. M. le ministre a
peut-être quelques précisions.
M. BIENVENUE: Au sujet du mot "peut" à être changé
par le mot "doit", n'est-ce pas?
M. BURNS: C'est cela, M. le Président. Pour ceux qui n'auraient
pas l'article 5 devant eux, je vais le lire. L'article 5 actuel de la loi se
lit comme suit: "Le ministre peut, de concert avec le ministre des Affaires
intergouvernementales, établir des bureaux d'immigration à
l'extérieur du Québec et y déléguer des
fonctionnaires et employés de son ministère".
Pour éviter toute ambiguïté, M. le Président,
concernant le rôle du ministère de l'Immigration, il me semble que
le mot "peut" devrait être changé par le mot "doit", tout en
gardant la concertation qui paraît dans l'article 5 avec le
ministère des Affaires intergouvernementales. A ce moment-là,
cela me satisferait de voir le ministère accepter cet amendement parce
que cela me prouverait justement que le ministre veut faire de ce
ministère un ministère à vocation totale, entière,
en matière d'immigration, quitte à ce que ce soit fait ou
exercé avec concertation...
M. BIENVENUE: L'amendement est sur la loi.
M. BURNS: Oui, sur la loi.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Non pas sur le bill.
M. BURNS: Non, pas sur le bill, sur l'article.
C'est pour cela que je le propose, et je laisse à la commission
le soin de me dire si je devrai revenir après que tous les articles du
projet de loi auront été adoptés ou bien si je dois le
proposer actuellement; il semble que, du consentement unanime, c'est ici que je
dois le proposer.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, vous aviez fini?
M. BURNS: Oui.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): D'accord.
M. BURNS: Je pense que c'est clair, l'amendement parle par
lui-même.
M. BIENVENUE: "Peut" au lieu de "doit" avoir des bureaux à
l'étranger.
M. BURNS: C'est cela.
M. BIENVENUE: C'est uniquement par technique législative que nous
avons mis le mot "peut" qui était dans la loi, d'ailleurs, bien avant
que je sois au ministère, et nous n'avons pas jugé à
propos de le changer lors de la présente refonte. J'ai parlé aux
légistes du gouvernement qui m'ont confirmé la bien modeste
opinion à ce sujet de la technique législative, et le
raisonnement est: qu'on ne doit jamais employer le mot "doit" je le dis
moi-même...
M. BURNS: II ne faut jamais utiliser le mot jamais.
M. BIENVENUE: Oui. On ne doit jamais employer le mot "doit" dans tous
les cas de ce qu'il serait convenu d'appeler des mesures facultatives, des
actes administratifs conditionnés par des états, par des
situations qui requièrent, ou qui sont requises ou pas, selon les
circonstances ou selon le besoin. Je m'expliquerai dans un instant. Je veux
seulement dire, pour rassurer le député de Maisonneuve, pour bien
montrer qu'on ne veut pas y échapper, qu'on veut bien remplir notre
rôle et que c'est bien notre idée d'avoir des gens à
l'étranger. Je n'ai qu'à attirer votre attention sur l'article 3,
deuxième paragraphe, petit b) et petit c). On dit à petit b):
"effectuer des études et des recherches sur les bassins d'immigration
susceptibles de fournir au Québec des immigrants et sur les moyens
à mettre en oeuvre pour recruter et sélectionner ces derniers".
Il est évident que pour les sélectionner et les recruter, il faut
être sur place. Petit c): "prendre les mesures nécessaires pour
informer, recruter, sélectionner ou implanter ces personnes..."
Là aussi, cela sous-entend qu'on ne peut faire l'opération
sélection, recrutement et information à partir d'ici. Il faut
être sur place, à l'étranger.
Même chose si on va au nouvel article 15 de la loi où
l'article 4 du projet de loi dit: "Les fonctionnaires et employés du
ministère en fonction dans un pays où a compétence un
agent ou délégué général du Québec
sont affectés auprès de, etc." Ce que je voudrais ajouter, c'est
ceci: Tout cela donne ouverture les articles que je viens de lire
à l'existence des postes à l'étranger, outre l'emploi du
mot "peut" qui est dans la loi organique. Si on mettait "doit", c'est là
qu'on verrait les inconvénients. "Doit" signifierait dans quel pays?
Est-ce que cela signifierait dans tous les pays parce que le mot "doit" est
impératif. Je fais simplement l'hypothèse suivante,
peut-être farfelue mais souvent, comme d'autres l'ont dit avant moi, le
passé est garant de l'avenir.
Qu'arriverait-il si au Québec, comme au Canada, ou sans le
Canada, peu importe habituellement on est lié directement
à la situation économique du Canada qui, lui, l'est à
celle des Etats-Unis si on décidait d'arrêter
complètement l'immigration et de mettre un frein absolu à
l'immigration, comme cela se pratique dans certains pays d'Europe actuellement
et en Australie, et cela à cause de ce que j'appelerais une
récession terrible? J'imagine que nous ayons le premier ministre
me dérange encore, M. le Président...
M. SAMSON: C'est peut-être le temps de parler de notre affaire de
main-d'oeuvre?
M. BIENVENUE: Non, non, vous le verrez seul et sans que je sois
là.
Alors qu'arriverait-il, à titre d'exemple, si nous avions un
"crash" comme en 1929, un arrêt subit de la roue de l'économie? Le
secours direct, Dieu nous préserve que cela n'arrive jamais, les
Québécois et les Canadiens par milliers sans emploi. Il est
évident qu'à ce moment on ferme le rideau, qui devient un rideau
de fer. Alors, avec mon "doit" on serait pris avec des gens qui se baladeraient
en Citroën à l'étranger à chercher des gens dont on
n'a plus besoin, c'est-à-dire à ne pas chercher, mais à
rester là.
Alors le but du "peut", c'est de ne pas se forcer, même si dans
les faits actuellement cela correspond à des besoins. Et je fais une
brève analogie avec le mot "peut", je dis cela au député
de Maisonneuve, que l'on retrouve dans la loi organique à l'article 9,
à titre d'exemple, où on dit que le lieutenant-gouverneur en
conseil peut constituer un comité consultatif. En fait il existe, mais
je montre que le législateur parfois...
M. BURNS: C'est un pouvoir, dans le fond. M. BIENVENUE: Oui, c'est un
pouvoir.
M. BURNS: Cela vous aiderait-il si je retirais mon amendement?
M. BIENVENUE: Oui, parce que...
M. BURNS: Bon, je le retire. M. BIENVENUE: Merci.
M. BURNS: Je voulais simplement entendre le ministre me dire
qu'il...
M. BIENVENUE: Qu'il tient à ses bureaux à
l'étranger.
M. BURNS: ... tient à ses bureaux à l'étranger
parce que je vous avoue que depuis quelque temps j'ai vu passer la loi des
Affaires intergouvernementales, j'avais des légères
doutances.
M. BIENVENUE: J'ai eu assez peur de perdre mes bureaux à
l'étranger à l'occasion de cette loi que j'avais prévenu
le ministre des Affaires intergouvernementales que je planterais une question
que je ferais poser par un de mes amis de l'Opposition...
M. BURNS: II vous en reste?
M. BIENVENUE: Non, vous allez voir. ... il m'a supplié de n'en
rien faire...
M. MERCIER: Votre sous-question, M. le Président, a
été bienvenue?
M. BIENVENUE: Elle est venue la question finalement.
M. BURNS: Une question brûlante.
M. BIENVENUE: La question a été posée, à
savoir si mes gens disparaîtraient à l'étranger
avalés par Afinter, puis j'ai su que c'était le chef de
l'Opposition qui avait posé cette question. Alors, le leader du
gouvernement m'a dit qu'il ne me soupçonnait pas d'avoir planté
la question parce qu'elle a été posée par le chef de
l'Opposition officielle.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, cette proposition de l'honorable
député de Maisonneuve est retirée à sa demande.
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'article 3 demeure encore en suspens pour
quelques minutes. Article 4.
M. BURNS: Avant l'article 4, j'ai un amendement à proposer
après l'article 3; encore une fois c'est un amendement à la loi
actuelle et non pas au projet de loi. C'est un amendement à l'article 9,
lequel se lit comme suit, je vais vous lire surtout la première phrase
parce que c'est à la fin de la première phrase que mon amendement
vient s'insérer: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut constituer
comme le ministre le disait tout à l'heure, on retrouve le
"peut" un comité consultatif composé d'au plus quinze
membres pour conseiller le ministre sur toute question que ce dernier lui
soumet relativement à l'immigration, à l'adaptation des
immigrants à leur nouveau milieu et à la conservation des
coutumes ethniques". Je pense que l'on devrait élargir le mandat de ce
conseil consultatif et il me semble en tout cas, de la façon dont le
ministre s'est servi du conseil consultatif dans le passé, qu'il devrait
être d'accord sur mon amendement. Je propose qu'on insère
après l'article 3 l'article suivant, l'article 4:
L'article 9 de ladite loi est modifié en ajoutant, après
les mots "la conservation des coutumes ethniques", les mots "et pour
communiquer au ministre tout avis que ce conseil juge approprié quant
aux mêmes questions."
En somme, ce que je demande, c'est que le conseil consultatif puisse,
jusqu'à un certain point, agir proprio motu quant à ses avis
...
M. BIENVENUE: Sans que je lui en demande, mais qu'il prenne
l'initiative.
M. BURNS: Qu'il ne soit pas uniquement placé dans la position
passive d'attendre les avis du ministre, mais que, dans les domaines qui sont
mentionnés à l'article 9, c'est-à-dire l'immigration, en
général, l'adaptation des immigrants à leur nouveau milieu
et la conservation des coutumes ethniques, de lui-même, le conseil puisse
dire au ministre: Nous croyons que... Donc, le ministre n'est pas lié
par cela. Ce sont des avis, et je pense que ce serait permettre une bonne
initiative à ce conseil. Ce serait lui permettre au moins de penser
à autre chose que ce que le ministre veut bien les laisser penser
à, comme diraient quelques personnes qui feraient un anglicisme à
ce sujet.
M. BIENVENUE: Je dis oui au député de Maisonneuve à
une condition.
M. BURNS: Oui.
M. BIENVENUE: Je fais du chantage.
M. BURNS: Ah!
M. BIENVENUE: Si le député de Maisonneuve nous dit
pourquoi, dans l'amendement, il appelle cela conseil...
M. BURNS: Pourquoi j'appelle cela conseil? On va mettre le mot
comité.
M. BIENVENUE: Je vois rire le député de Maisonneuve. Je
sais pourquoi il rit et il se doute pourquoi je ris.
M. BURNS: Oui?
M. VEILLEUX: Est-ce qu'on pourrait savoir nous aussi?
M. BIENVENUE: C'est parce que je soupçonne que la personne qui a
suggéré cela au député de Maisonneuve a
employé le mot conseil, mais je ne peux aller plus loin, à moins
qu'il n'ouvre la trappe lui-même. Je soupçonne, mais en riant,
sans colère.
M. BURNS: C'est une simple faute de frappe, je pense.
M. BIENVENUE: ... le député de Maisonneuve, seul
derrière le fauteuil, après.
M. BURNS: Ah oui! Alors, on remplace le mot "conseil" par le mot
"comité".
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Au début de la cinquième
ligne, on remplace le mot "conseil" par le mot "comité".
M. BIENVENUE: C'est normal et c'est très démocratique
qu'il en soit ainsi.
M. VEILLEUX: C'est permis de se poser des interrogations?
M. BURNS: Oui.
M. VEILLEUX: J'ai eu l'occasion d'assister à des débats
sur d'autres projets de loi qui touchaient d'autres ministères, lesquels
autres ministères étaient conseillés par des
comités sur des points de vue que voulait bien leur soumettre ou
condescendre à leur soumettre le ministre. Je me souviens que
l'Opposition officielle d'aujourd'hui proposait des amendements dans le sens de
ceux qu'a proposés le député de Maisonneuve. Et, à
moins que ma mémoire ne fasse défaut, les ministres en question
n'ont jamais voulu accepter de créer un précédent en
acceptant de tels amendements, prétextant qu'un tel comité ou un
tel conseil comitatif, comme dirait le député de
Maisonneuve...
M. BURNS: Je n'ai pas dit comitatif. C'est un comité consultatif.
C'est un simple lapsus qui m'a fait dire conseil.
M. VEILLEUX: ... pouvait s'immiscer dans des affaires du
ministère.
M. BURNS: Je pense que le lieutenant-gouverneur en conseil a le pouvoir
de constituer ce genre de comité et il existe actuellement. D'ailleurs,
les membres ont fait un rapport il n'y a pas tellement longtemps, si je me
rappelle bien, qui a été publié dans une de vos
premières publications, les statistiques du ministère. Ce
comité existe. Il est actif, en autant que le veuille bien le ministre,
actuellement, et il pourrait...
M. BIENVENUE: ... M. BURNS: Oui, je sais.
M. BIENVENUE: Cela fait partie du rire de tout à l'heure.
M. BURNS: Oui. Et je pense qu'on devrait, justement, donner à ce
genre de comité ou de conseil appelez-le comme vous voulez, dans
la loi, il s'appelle comité consultatif son véritable sens
et surtout lui donner le goût d'avoir de l'initiative. Il me semble qu'il
n'y a rien de plus normal, surtout que ce n'est qu'un avis dont le ministre
peut tenir compte ou ne pas tenir compte s'il le veut ou s'il ne le veut pas.
Il me semble qu'il n'y a pas de péril en la demeure que de dire à
ces gens: Vous êtes nos conseillers en matière d'immigration, en
matière d'adaptation des immigrants, et si vous avez des bonnes
idées que vous croyez qu'on devrait mettre en vigueur, parce que cela
arrive au cours...
Je me souviens d'avoir fait partie, moi-même, pas comme membre en
titre, mais comme membre associé ad hoc dans le cas de la
révision du code du travail, du Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre où j'avais été délégué.
Justement c'est un conseil consultatif qui a une assez grande latitude et, au
cours de ces discussions sur un point X, on se met à discuter d'un point
X prime ou d'un point Y ou d'un point Z, et les gens disent: II faudrait
peut-être conseiller le ministre sur ce point, alors que le ministre ne
nous a pas demandé ce qu'il en pensait.
M. VEILLEUX: Si je comprends bien l'amendement apporté par le
député de Maisonneuve, dans son esprit, ce comité, qui est
le conseiller du ministre, ne jouerait pas, par exemple, le même
rôle que peut jouer le comité ou le conseil national du parti
vis-à-vis de l'aile parlementaire; c'est uniquement pour conseiller.
M. BURNS: II n'a pas autant de pouvoirs.
M. BIENVENUE: J'ajoute que je ne serais pas obligé d'en tenir
compte.
M. BURNS: Est-ce que je peux dire au député de Saint-Jean
d'aller au diable?
M. VEILLEUX: Non, il ne peut pas me le dire.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Ce n'est pas parlementaire.
M. BURNS: Alors, je retire mes paroles.
M. BIENVENUE: Je voudrais ajouter un élément de
réponse à celui du député de Maisonneuve.
J'ignorais si c'était un précédent, mais je ne suis pas
surpris si c'en est un. Non, ce n'en est pas un.
M. VEILLEUX: Le Conseil supérieur de l'éducation.
M. BIENVENUE: Le Conseil supérieur de l'éducation.
M. MERCIER: Le Conseil de la protection du consommateur.
M. BIENVENUE: Voici pourquoi cela me paraît utile dans ce cas. Si
petit soit-il, si modeste soit-il, le ministère que je dirige n'en porte
pas moins sur un sujet que l'on sent de plus en plus d'actualité. Il est
souvent question, non pas du ministère, mais du problème, du
défi de l'immigration.
M. VEILLEUX: II est peut-être minime, mais pas le ministre.
M. BIENVENUE: Non, 5 et 11. Alors, c'est un sujet, quand même,
vieux comme le monde, mais tellement nouveau au Québec. Au point de vue
de l'administration gouvernementale, c'est, et de beaucoup, le plus jeune
ministère. Or, contrairement à certains ministères,
beaucoup plus spécifiques, je pense, à titre d'exemple, à
l'Agriculture ou aux Terres et Forêts dont la mission ou la vocation
porte à peu près exclusivement sur un champ beaucoup plus
restreint qui sont les arbres, les forêts et tout ce qui s'y rapporte,
les animaux, les légumes les oeufs, etc., les sols dans le cas de
l'Agriculture...
M. VEILLEUX: Nous ne pouvons pas parler de la Régie de
l'assurance-récolte.
M. BIENVENUE: Non, non. Ma matière première à moi,
si on me permet l'expression, est un être humain; c'est un immigrant,
qui, en venant ici, frappe du nouveau sur tous les plans, qui a affaire
à tous les ministères, à tous les problèmes, parce
qu'il y a des immigrants cultivateurs, il y a des immigrants forestiers, il y
a, enfin, toute la gamme des activités humaines. Or, le sujet
étant nouveau, les inconnues, les interrogations étant combien
nombreuses, je pense qu'il n'est pas mauvais d'avoir toutes ces personnes
extrêmement compétentes, chacune dans son milieu, dont j'ai
recommandé la nomination au lieutenant-gouverneur et qui sont
susceptibles, à cause de leurs connaissances théoriques, de leur
expérience passée, de me fournir, ainsi qu'à mes hauts
fonctionnaires des renseignements, des avis extrêmement précieux,
parce qu'elles ont le temps de penser, chose que nous n'avons pas toujours.
Alors, je pense que, s'il y a un ministère où cet
élargissement qui n'est pas, et je suis heureux de l'apprendre,
un précédent peut être utile, c'est bien
celui-là.
M. VEILLEUX: Les rapports que fait ce comité au ministre, ce sont
des rapports publics ou des rapports privés?
M. BIENVENUE: Ce sont des rapports privés.
M. VEILLEUX: Adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'amendement proposé par le
député de Maisonneuve pour insérer, après l'article
3, l'article suivant que le député de Maisonneuve a lu
tantôt est adopté. Cet article pourra devenir l'article 3, si
l'article 3 du projet de loi était maintenu.
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être l'appeler 3 a).
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Cet article pourra devenir l'article 3 si
l'article 3 du projet de loi est maintenu.
M. VEILLEUX: J'ai l'impression que le député de
Maisonneuve en a d'autres.
M. BURNS: Non, je n'en ai pas d'autres. C'est une mauvaise technique
législative lorsqu'on fait un nouveau projet de loi de mettre un 3 a).
Je ne veux pas avoir l'air d'un professeur.
M. VEILLEUX: M. le Président, dès le départ,
j'abonde dans le même sens que le député de Maisonneuve.
Nécessairement", il a beaucoup plus de connaissances que moi au niveau
législatif.
M. BURNS: Je ne le dis pas avec une certaine hauteur.
M. VEILLEUX: Quand cela vient d'une personne autorisée...
M. BURNS: Si l'article 3 devait à un moment donné
disparaître, l'amendement pourrait devenir l'article 3. Si l'article 3
demeurait, il pourrait être l'article 4 et on renuméroterait les
autres articles jusque là.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Si l'article 3 disparaît dans le
projet de loi, on pourra modifier l'amendement que le député de
Maisonneuve m'a remis d'indiquer "inséré" après l'article
3, on mettrait "inséré" après l'article 2.
M. VEILLEUX: Si l'article 3 est accepté, alors...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): C'est ça. Il n'y en a pas beaucoup.
Article 4.
M. VEILLEUX: Est-ce qu'il y a d'autres amendements?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4.
M. VEILLEUX: J'aimerais ça, converser jusqu'à minuit avec
le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4. Adopté.
M. VEILLEUX: Le président ne l'a pas lu. Pas si vite.
M. BURNS: Ah! vous auriez dû le lire avant de venir ici. C'est ce
que nous avons tous fait.
M. VEILLEUX: Oui, mais...
M. MERCIER: M. le Président, je tiens à vous dire que le
député de Maisonneuve a un service de recherche que le
député de Saint-Jean n'a pas.
M. BURNS: J'ai passé la journée de Noël à lire
ce projet de loi.
M. VEILLEUX: Oui, vous avez beaucoup de mérite. On vous
félicite. Entre deux réveillons.
M. SAMSON: ... de Noël jusqu'au Jour de l'an.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Article 4, adopté. Nous passons
maintenant à l'article 5.
Délégation des pouvoirs de signature
M. BURNS: M. le Président, à l'article 5 je
m'inquiète beaucoup au deuxième paragraphe. Je n'ai pas
d'amendement à faire mais je vois que le lieutenant-gouverneur en
conseil prend la chance de "permettre, même aux conditions qu'il fixe,
que la signature requise soit apposée au moyen d'un appareil automatique
sur les documents qu'il détermine". Vous et moi, M. le Ministre, vous
vous souvenez d'un événement qui a eu lieu au cours du mois de
juin où un député se plaignait d'être l'objet d'une
machine automatique. Y a-t-il un danger qui pourrait être le même
dans ce cas-ci?
M. BIENVENUE: Dans notre cas, on signe tellement peu souvent. C'est une
précaution.
M. BURNS: Oui, il n'y a pas de danger. C'est la question que je me
posais.
M. BIENVENUE: C'est une précaution.
M. BURNS: Je ne sais pas si, au deuxième paragraphe...
M. SEGUIN: Au premier paragraphe, je me pose une question
sérieuse, je pense bien. On dit: "... n'engage le ministre, ni ne peut
être attribué au ministre, s'il n'est signé par lui, par le
sous-ministre..." Je me demande l'utilité du reste de tout ce
paragraphe. Par exemple: ... ou par un fonctionnaire, mais uniquement, dans le
cas de ce dernier, dans la mesure déterminée par règlement
du lieutenant-gouverneur en conseil..."
Avez-vous tellement de travail? Le ministre vient de me confirmer qu'il
en signait très peu.
Est-ce que, franchement, dans des cas semblables, ça ne devrait
pas être le ministre ou le sous-ministre qui signe ces documents? Je me
demande pourquoi Pierre, Jean, Jacques peuvent signer ça. On est pris
à courir, on a un problème, moi j'en ai peut-être plus que
d'autres. Il y a des comtés qui n'ont pas de problèmes
d'immigration mais j'en ai chez moi. On a des signatures de différentes
gens, on ne sait pas. C'est le lieutenant-gouverneur qui autorise ça, le
règlement l'autorise. Pourquoi pas rien que le ministre ou le
sous-ministre?
M. BIENVENUE: Premièrement, j'allais dire que dans tous les
ministères, maintenant, chaque fois qu'on touche à un
ministère à l'occasion d'une refonte ou d'amendements, on
l'inscrit partout, ça, peu importe le volume de chaque ministère.
On a voulu tout prévoir et corriger surtout des situations
passées. Dans celui qui nous intéresse particulièrement,
le ministère de l'Immigration, je dis au député de
Pointe-Claire que même si le volume est petit, de par notre vocation, on
est plus susceptible de trouver des inconvénients de ce
côté que bien d'autres ministères. Et je pense tout de
suite à mes agents à Beyrouth, à Paris et à
l'étranger qui, à un moment donné, ont à signer des
formulaires. Je ne détesterais pas, remarquez, traverser tous les quinze
jours pour signer, mais...
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être y aller à la place du
ministre.
M. SEGUIN: Non, mais dans le contexte, où il y en a 3 ou 4 par
année, il me semble que le ministre pourrait signer pour ces
documents-là.
M. BIENVENUE: Non, il y a des documents qui se signent sur place
à l'étranger.
M. SEGUIN: Parce que cela touche à l'individu ici.
M. BIENVENUE: Comment l'individu?
M. SEGUIN: L'individu, l'immigré, celui qui s'en vient.
M. BIENVENUE: Oui mais je...
M. SEGUIN: Cela peut être signé par un fonctionnaire pourvu
que le lieutenant-gouverneur en conseil...
M. BURNS: Le fonctionnaire à l'étranger. M. SEGUIN: Oui,
oui, je comprends.
M. MERCIER: C'est pour fins d'efficacité administrative.
M. BURNS: II est possible que certains documents à
caractère officiel doivent être signés sur place, à
l'étranger.
M. BIENVENUE: Je ne peux pas y aller chaque fois.
M. SEGUIN: Je comprends, mais, d'un autre côté, avant que
le gars...
M. BIENVENUE: Le leader du gouvernement ne me laisserait pas partir.
M. SEGUIN: ... soit admis ici, je ne voudrais pas qu'il soit admis sous
une signature de fonctionnaire.
M. BIENVENUE: Non, non. Ce n'est pas son admission finale.
M. SEGUIN: Non.
M. BIENVENUE: Ce n'est pas cela.
M. SEGUIN: Ce n'est pas ce que cela dit, non plus.
M. BIENVENUE: D'ailleurs, le dernier document est signé par
l'employé du fédéral. Mais, à un moment
donné, mes hauts fonctionnaires signent à l'étranger des
documents où la signature est requise.
M. SEGUIN: C'est une application indirecte de ce qu'on appelle le "Peter
principle". Je n'irai pas plus loin parce que cela prendrait trop
d'explications.
M. VEILLEUX: J'abonde un peu dans le même sens que mon
collègue de Pointe-Claire. Je comprends très bien le ministre
lorsqu'il parle des fonctionnaires à Beyrouth et un peu partout, mais je
le mets en garde de déléguer de tels pouvoirs à des
fonctionnaires qui sont au bureau du ministère, soit à
Montréal ou à Québec. Je trouve qu'il y a trop de
délégations, à un certain moment, à de simples
fonctionnaires qui peuvent créer des embêtements.
La Gazette officielle peut prévoir certaines choses, certaines
modalités. Elle ne donne pas le nom du fonctionnaire. Parfois, cela peut
être le cinquième fonctionnaire dans tel bureau. Lui, il commence
à lire la Gazette officielle et il dit: C'est intéressant, cette
chose-là. Il se sert de cette réglementation pour signer des
choses. A ce moment-là, le ministère, le ministre et le
gouvernement peuvent être impliqués. Moi, cela me fait peur.
M. BURNS: De toute façon, au nombre actuel de fonctionnaires
qu'il y a dans ce ministère, s'il y a un gars qui fait un "goof", ils
vont le retrouver rapidement.
M. VEILLEUX: C'est encore curieux. M. BURNS: N'est-ce pas, M. le
ministre?
M. BIENVENUE: II n'y en a pas eu beaucoup. On guette, on guette.
M. BURNS: Mais, au nombre de fonctionnaires que vous avez sous vos
ordres, il est assez facile à retrouver, celui qui se met les pieds dans
les plats.
M. BIENVENUE: C'est d'ailleurs pour cela que vous avez remarqué
que le législateur, pas seulement dans le cas de ce ministère-ci,
mais dans tous les autres où on profite d'une refonte de la loi pour
l'insérer, a bien dit dans le cas du fonctionnaire, uniquement dans le
cas de ce dernier, dans la mesure déterminée par le
lieutenant-gouverneur en conseil, etc.
M. VEILLEUX: Si je lis bien l'article, cela peut être le ministre
qui délègue certains pouvoirs de signature à des
fonctionnaires, mais cela peut être le sous-ministre aussi qui prend
cette décision, à un certain moment.
M. BIENVENUE: II y a un vieux principe latin qui dit delegata non est
deleganda, c'est-à-dire les pouvoirs qui vous sont
délégués par un autre, vous ne pouvez pas les
déléguer à votre tour. C'est pour cela qu'on dit: Dans le
cas du fonctionnaire autre que le ministre et le sous-ministre, il doit
être autorisé spécifiquement par le lieutenant-gouverneur
en conseil.
M. VEILLEUX: Mais est-ce que le sous-ministre, dans le...
M. SEGUIN: Est-ce une version grecque du delegatus delegare non
potest?
M. BIENVENUE: Oui, oui. C'est la version féminine. Il y a des a
à la fin.
M. SEGUIN: Je ne veux pas interrompre, mais, dans le même
contexte, dans le premier paragraphe, on dit "un fonctionnaire" dans le
deuxième paragraphe, il emploie un "appareil automatique", dans le
troisième paragraphe, c'est un "fac-similé" qui est
autorisé.
Si je vais chercher un passeport canadien pour aller à
l'étranger, cela me prend un baptistaire original, pas un
fac-similé. On exige ma signature pas ma signature parce que je
n'y étais pas pour le signer mais au moins la signature du
curé qui m'a baptisé ou du bureau d'enregistrement.
UNE VOIX: Lisez jusqu'à la fin.
M. SEGUIN: On parle de fac-similé, au début.
M. LACHANCE: Contresigné. M. SEGUIN: Contresigné.
M. BURNS: Le Québec n'a pas le droit d'émettre des
passeports. Alors, ce ne sont pas des choses possibles.
M. BIENVENUE: Pensez, si vous voulez, aux
permis de conduire, aux enregistrements de véhicules automobiles.
S'il fallait que le pauvre ministre des Finances ou son sous-ministre signe
chacun des chèques de paie chaque fois...
M. VEILLEUX: Ce n'est pa le même cas.
M. BIENVENUE: Je répète juste que cette disposition ne
vient pas de celui qui vous parle. Elle est insérée
automatiquement par le comité de législation dans toutes les lois
du ministère.
M. VEILLEUX: Je suis d'accord avec le ministre. Le comité de
législation propose bien des choses à tout le monde et on se rend
compte que, parfois, ils font des erreurs, eux aussi. Si on regardait la
dernière loi de l'assurance-récolte, ils avaient oublié la
loi 22 qu'on venait adopter. Il a fallu les rappeler à l'ordre.
Peut-être que là, le ministre nous donne des raisons très
valables, mais pour moi, disons, le débat repose beaucoup plus sur la
philosophie qui semble...
M. BIENVENUE: Sortir de cela.
M. VEILLEUX: ... animer le comité de législation
d'appliquer cela à tous les ministères. Dieu sait, si vous
arrivez, par exemple, avec des ministères comme l'Education, les
Affaires sociales, les Transports vous l'avez mentionné,
d'ailleurs il n'y a rien de plus insultant que de recevoir, comme je
l'ai reçu, une lettre du ministère des Transports disant:
Monsieur, vous avez perdu deux fois quatre points à tel endroit
et tel endroit, et c'est une signature estampillée. D'ailleurs, j'en ai
fait mention au ministre d'Etat l'autre jour. J'aimerais bien que ce soit
signé par quelqu'un. Tant qu'à perdre des points, j'aimerais bien
avoir au moins le plaisir...
M. DEOM: Avoir la jouissance.
M. VEILLEUX: ... avoir la jouissance d'avoir une véritable
signature par le ministre.
M. BURNS: Vous allez avoir besoin d'un chauffeur.
M. VEILLEUX: J'engagerai le député de Maisonneuve, je
voyagerai avec lui.
M. BURNS: On ne reste pas loin.
M. VEILLEUX: Un de mes amis me descendra à Montréal...
M. SEGUIN: Contresigné par quelqu'un de désigné par
le ministre.
M. VEILLEUX: ... on fera le retour dans la même...
UNE VOIX: ... un chauffeur...
M. VEILLEUX: Oui, si le député de Maisonneuve a un
chauffeur particulier, on pourra peut-être voyager dans la même
limousine, avec le même chauffeur.
M. BURNS: II n'y a aucun danger là-dessus. M. VEILLEUX: II n'y a
aucun danger. M. BURNS: Adopté.
M. VEILLEUX: Est-ce qu'on peut ajourner ou si nous restons ici
jusqu'à minuit.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Est-ce que cet article 5 est
adopté?
M. BURNS: Adopté.
M. VEILLEUX: Pour l'article 3, on va attendre la réponse.
M. SEGUIN: M. le Président...
M. BIENVENUE: ... une suspension de trois minutes pour que j'essaie de
rejoindre au téléphone mon...
M. BURNS: Concernant l'article 6, puisqu'on est aussi bien de vider
l'affaire, ça va être mis en vigueur sur proclamation. Pour quelle
raison, dans ce cas-ci, ce n'est pas sur sanction du lieutenant gouverneur?
Est-ce qu'il y a une raison particulière? Vous voulez retarder la mise
en application de la loi pour des raisons précises, ou quoi?
M. BIENVENUE: Non.
M. VEILLEUX: II faut attendre l'entente?
M. BIENVENUE: Non. Je vous avoue que je ne vois pas de raison
particulière.
M. SEGUIN: C'est pour avoir l'avis du comité aviseur, non?
M. SAMSON: II faut attendre la loi 59.
M. BIENVENUE: Ecoutez, peut-être que la raison était
à ce moment-là... Oui, je pense que ce n'est pas bête ce
que dit le député de Rouyn-Noranda. On voulait s'assurer de la
concordance éventuelle avec la loi du ministère des Affaires
intergouvernementales, c'est la raison pour laquelle on a mis sur proclamation,
mais là je ne vois plus de raison de retard.
Mon leader me gardait toujours avec sa loi, on jouait au chat et
à la souris, tous les deux, avec nos petites lois respectives. Mais
là, l'autre est adoptée.
M. BURNS: Elle est même sanctionnée, je pense.
M. BIENVENUE: Oui.
M. VEILLEUX: ... que la proclamation viendra immédiatement au
moment de la sanction.
M. BIENVENUE: Je ne vois pas l'utilité...
M. BURNS: C'est parce que d'habitude cette formule de mise en
application est là lorsqu'il y a des difficultés quant à
la mise en application pratique de certains aspects de la loi.
M. VEILLEUX: On pourrait peut-être apporter un amendement: La
présente loi entrera en vigueur le jour de la sanction.
UNE VOIX: C'est ça.
M. BURNS: Moi, je serais d'accord sur cela.
M. VEILLEUX: J'en fais l'amendement.
M. SEGUIN: C'est proclamé dans la Gazette officielle du
Québec, sur proclamation dans la Gazette officielle du
Québec.
M. VEILLEUX: M. le Président, pourriez-vous demander au ministre
s'il verrait un inconvénient à ce que le député de
Saint-Jean apporte un amendement comme ceci à l'article 6: "La
présente loi entrera en vigueur le jour de sa sanction."?
Il pourrait peut-être demander à son conseiller
spécial.
M. BURNS: Comme les autres lois.
UNE VOIX: Je ne suis pas au courant des... J'attendais...
M. BOURASSA: Oui, ils ont fait une différence entre...
M. BIENVENUE: Oui, ils avaient peut-être l'idée aussi du
bill 22, vous vous rappelez ce fameux article qui...
M. BURNS: Oui, parce que votre projet avait été
déposé...
M. BIENVENUE: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on dise le jour de
sa sanction.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): On pourra accepter cet amendement qui
ferait que l'article 6 se lirait: "La présente loi entrera en vigueur le
jour de sa sanction".
M. BURNS: Adopté.
M. SEGUIN: ... des fac-similés des fonctionnaires, tout
ça, n'importe qui peut signer ces papiers-là.
M. BURNS: Oui, c'est adopté.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui, l'article est adopté.
M. VEILLEUX: Le député de Pointe-Claire, il faudrait qu'il
se fasse nommer à la commission pour appuyer le député de
Saint-Jean pour voter contre certains articles à certains moments.
M. SEGUIN: Quand on sait que je vais voter contre un article, on me
nomme pour présider une commission. On a manqué notre coup ce
soir, je ne suis pas président, j'ai le droit de parler.
M. VEILLEUX: ... pas membre.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je voudrais soumettre à
l'agrément des membres de la commission de suspendre l'article 3 et
d'ajourner la commission sine die, quitte à ce que le ministre puisse
revenir à l'article 3 lors du dépôt du rapport à
l'Assemblée nationale demain.
M. SEGUIN: C'est parce qu'il y a un danger. Si l'Opposition
considère, M. le Président...
M. SAMSON: Je permets qu'on suspende quelques minutes pour lire en
entier...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): A la demande donc des membres de la
commission, suspension de trois minutes pour que le ministre puisse aller faire
une consultation. J'inviterais les membres de la commission à ne pas
quitter la salle.
A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Avant d'ajourner sine die, je proposerais que le rapporteur
fasse rapport quand même à la Chambre. Je ne sais pas qui est le
rapporteur désigné de la commission, c'est le
député de Mille-Iles. Je proposerais que le rapporteur fasse
rapport à la Chambre en tenant compte du fait que l'article 3 n'a pas
été adopté, qu'il a été suspendu.
Personnellement, avec le consentement du député de Rouyn-Noranda,
comme les deux représentants de l'Opposition ici, je serais d'accord,
s'il est d'accord, à ce qu'à un moment donné quand vous
aurez l'information voulue, le rapport ayant été fait, on
révoque en Chambre de consentement l'étude du rapport et
qu'à ce moment on vienne en commission plénière,
brièvement, pour recevoir ce que vous avez à nous dire, ce qui
évitera un nouveau rapport.
M. BIENVENUE: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, la commission ajourne ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 23 h 29)