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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mercredi 21 mai 1975 - Vol. 16 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 30 — Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l'industrie de la construction


Journal des débats

 

Commission permanente du travail,

de la main-d'oeuvre et de l'immigration

Etude du projet de loi no 30

Loi modifiant la Loi sur les relations

du travail dans l'industrie de la construction

Séance du mercredi 21 mai I975

(Dix heures quarante-deux minutes)

M. Séguin (Président de la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

La séance du 21 mai, commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration sur le projet de loi no 30. Les membres de la commission pour la séance de ce matin sont: MM. Bellemare (Johnson), Choquette (Outremont), Boudreault (Bourget), Burns (Maisonneuve), Morin (Sauvé), Ciaccia (Mont-Royal), Cournoyer (Robert Baldwin), Déziel (Saint-François), Harvey (Charlesbourg), Lachance (Mille-Iles), Lecours (Frontenac), Malépart (Sainte-Marie), Roy (Beauce-Sud), Verreault (Shefford). Le rapporteur continue d'être M. Lachance (Mille-Iles).

Maintenant, nous savons tous qu'il est fort probable que le ministre du Travail ne soit pas ici ce matin. Je vais attendre quelque peu et, si on m'avise de quelqu'un qui remplacerait le ministre du Travail, député de Robert-Baldwin, peut-être que, durant la séance, je nommerai une personne pour le remplacer.

M. Burns: M. le Président, c'est au début de la séance que cela doit se faire.

Le Président (M. Séguin): Oui, je comprends, je demande...

M. Burns: Vous avez un assistant-whip qui est là; il devrait être capable de vous le dire.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, je n'aurais pas abordé le sujet; ce n'était que pour dire qu'au cours de la séance...

M. Burns: M. le Président, le règlement, c'est le règlement. La loi, c'est la loi.

Le Président (M. Séguin): Bien!

M. Burns: D'après le règlement, c'est au début de la séance que cela se fait.

M. Bellemare (Johnson): II y a une manière de procéder, nommez-le comme membre.

Le Président (M. Séguin): Dans ce cas...

M. Bellemare (Johnson): II n'y a toujours pas de danger à trois contre dix.

Le Président (M. Séguin): Dans ce cas, j'ai nommé les membres et ils seront ici jusqu'à la suspension ou à l'ajournement de nos travaux.

M. Burns: C'est bien, vous respectez le règlement.

Le Président (M. Séguin): Ce n'était pas dans le but de ne pas respecter le règlement que j'ai fait l'observation.

Article 32 r).

M. Burns: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le ministre...

M. Burns: D'accord, vous avez une réponse.

Le Président (M. Séguin): Le ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, hier soir, juste avant l'ajournement des travaux, le chef de l'Opposition a soulevé quelques questions en rapport avec l'article 32 r) dans la rédaction qui était proposée. Il a indiqué certaines différences entre la portée apparente de cet article par rapport à d'autres articles pertinents du code de procédure civile, à savoir les articles 838 et 839.

Je voudrais, ce matin, apporter une nouvelle rédaction à cet article 32 r). Je dépose les documents pertinents.

M. Morin: M. le Président, je constate que la nouvelle version répond, point par point, dans ses deux derniers paragraphes, aux observations dont je faisais part au ministre hier. Je me déclare satisfait de la réponse qu'il y a apportée.

Délégués de chantier (suite)

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Est-ce que je dois considérer le nouvel article 32 r) comme adopté?

M. Burns: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): L'article 3 au complet?

M. Burns: Adopté, avec, évidemment, la dissidence que nous avons mentionnée hier soir.

Le Président (M. Séguin): Oui, oui! C'est enregistré.

M. Burns: D'accord.

M. Morin: L'article 3 au complet. Un instant, voulez-vous préciser votre pensée? Est-ce que ce n'était pas l'article 2 au complet? N'est-ce pas plutôt ça?

Une Voix: L'article 2 au complet est adopté.

M. Morin: D'accord. Maintenant, je me souviens d'une autre modification que nous avions laissée en suspens et qui se trouve donc adoptée, indirectement, par l'acceptation de l'article que nous venons de voter. C'était dans l'article 3, le

troisième paragraphe, les modifications proposées par le gouvernement, la semaine dernière, qui tendaient à remplacer, dans la première ligne de l'article 32 r), les mots "aux articles 2 g) et 2 h)" par les mots "à l'article 2 g)". Donc, ceci est automatiquement adopté.

Le Président (M. Séguin): II y avait eu aussi, au cours de la soirée ou à la fin de la soirée d'hier, un vote sur un autre article — je crois que c'était à l'article 5 — sur une modification...

M. Choquette: 2 g) et 2 h), on sait que sur cet article... Ah oui! 2 g) et 2 h), M. le Président...

M. Burns: On n'en a pas discuté, en tout cas pas fondamentalement.

M. Choquette: Ah! C'est l'article 1 du projet de loi...

M. Morin: Une concordance.

M. Choquette: Et, en fait, le député de Sauvé a raison de soulever la question. J'apporterai tout à l'heure un nouveau texte pour les articles 2 g) et 2 h).

M. Burns: D'accord.

Le Président (M. Séguin): Vous avez mentionné l'article 2. Je ne voudrais pas qu'on se méprenne. L'article 2, remplacé par un nouvel article qui a été apporté hier, a été adopté au complet.

Le voici.

M. Burns: ... M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Alors l'article 3 est adopté. Les deux articles, 2 et 3, sont adoptés au complet.

M. Burns: M. le Président, est-ce que vous me permettez de poser au ministre une question, uniquement une question? Je n'ai pas l'intention de revenir sur l'article 2, loin de là. On a pris tout le temps qu'il fallait pour en discuter hier. De la façon que l'article 2, en particulier l'article 24, est rédigé, est-ce que la présomption, à votre avis, va s'appliquer aux tuteurs?

M. Choquette: De prime abord, sans donner une opinion juridique absolue, j'ai l'impression que les tuteurs sont liés par toutes les lois en vigueur au Québec, donc celle-là.

M. Burns: Cela veut dire que, si jamais il y a une grève illégale, il faudra qu'ils viennent prouver qu'ils ne l'ont pas ordonnée, qu'ils ne l'ont pas encouragée.

M. Choquette: Si on décide de les poursuivre!

M. Burns: C'est cela. Si jamais vous décidez de les poursuivre. Ah! voilà! Voilà la question.

M. Morin: Voilà, voilà! C'est ce que nous pensions!

M. Burns: Notre chat est sorti du sac!

M. Choquette: Ce n'est pas un gros chat, c'est un minichat!

M. Bellemare (Johnson): On voyait passer la queue mais on ne voyait pas la tête!

M. Choquette: C'est rien. C'est un tout petit!

M. Burns: C'est parce que je vois M. Ryan venir dire: Vous savez, je n'ai pas ordonné cette grève, je ne l'ai pas encouragée. Ce serait de toute beauté, ce serait une splendeur magnifique. Je n'ai même pas participé a cette grève! En tout cas...

M. Choquette: Mais si le député me le permet, je veux revenir à l'intervention du député de Sauvé, qui attirait notre attention sur l'article 32 r), où il y a référence à 2 g) et 2 h). Il est évident, M. le Président, que ces références aux articles 2 g) et 2 h) ne sont pas au projet de loi mais aux articles qui seront compris comme amendements dans le bill 290 tel qu'amendé. Je crois que cela saute aux yeux.

M. Morin: Bien sûr, oui.

Le Président (M. Séguin): Messieurs, je reviens en arrière tout en avançant. C'est une belle contradiction, mais n'empêche.

M. Burns: Avancez en arrière, comme ils disent dans les autobus.

Le Président (M. Séguin): Autrefois, ou dans les tramways. Je lis l'article.

M. Choquette: II n'y aura pas d'article 2 h). Il n'y aura qu'un article 2 g). Je pense donc, M. le Président, qu'il serait opportun...

Le Président (M. Séguin): Article 1,2 g). M. Choquette: Oui.

Le Président (M. Séguin): C'est cela. Alors j'appelle l'article 1, lequel a été, tel que présenté dans la loi, suspendu, article 1 ; qui comprend, dans notre texte actuel, un sous-paragraphe 2 g) et un troisième paragraphe rattaché à 2 g).

M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait nous faire distribuer la nouvelle version de son article 2 g)?

M. Choquette: M. le Président, avant de passer à l'article 1 du projet de loi, je pense qu'il y aurait quand même quelques amendements de concordance à apporter.

Je suggère donc que nous continuions la suite des articles du projet de loi, l'article 4 et ainsi de suite, parce qu'il y a un certain nombre de résultantes de l'adoption de l'article 2 qui doivent être prises en considération par la commission.

Le Président (M. Séguin): Alors, vous voulez poursuivre l'étude de l'article 4 au lieu de l'article 1.

M. Choquette: Oui, nous pourrons revenir à l'article 1, à la fin, si vous le voulez.

Le Président (M. Séguin): C'est parce que, continuellement au cours du débat, on s'est référé à l'article 1. J'ai pensé qu'on voulait y revenir. De toute façon, vous allez voir, ça va se faire.

Donc, article 4, tel que rédigé dans le projet de loi.

M. le ministre?

M. Choquette: Je ne demande pas la parole, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Le chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, nous n'avons pas d'observation particulière sur l'article 4.

Le Président (M. Séguin): Pas d'autres observations, messieurs? Excusez.

M. Bellemare (Johnson): Je voudrais simplement dire qu'en considérant l'article 38 de la loi 290 on rend plus claire la définition de certains termes et surtout l'application vis-à-vis de ce qu'on va voir tout à l'heure au sous-article 2 de l'article 1 du projet. Je pense que c'est une définition qui est plus appropriée et à l'article 1 qui sera discuté tout à l'heure et en vertu de l'article 38 de la loi 290 qui devient plus clair. Je n'ai aucune objection.

M. Choquette: M. le Président, je suis content de voir que l'unanimité règne.

M. Burns: Puis-je faire une suggestion à la commission, si elle y agrée? D'abord, il y a le journal des Débats à qui on s'adresse, sans lui parler directement, qui, apparemment, ne comprend pas tellement la façon dont nous voyageons. Il y a également les journalistes, qui sont ici, qui doivent faire un rapport le plus fidèle possible de nos débats. Serait-il possible, lorsqu'arrive un amendement où un article complet est remplacé, que le président le lise tout simplement?

M. Choquette: C'est une excellente idée, M. le Président. Je crois que la suggestion du député de Maisonneuve est tout à fait pertinente. Je crois que la clarté importe non seulement pour ceux qui délibèrent ici, mais pour le journal des Débats et pour la presse.

M. Burns: D'accord.

M. Morin: Même le ministre de la Justice va s'y retrouver davantage.

M. Choquette: Bien oui! tout le monde va s'y retrouver davantage.

Le Président (M. Séguin): Alors, sans retourner sur ce qui est déjà fait, mais, à l'avenir, durant l'étude de ce projet, nous ferons tel que suggéré.

M. Burns: Nous pourrions le faire, M. le Président, pour l'article 4, je pense, qui n'a été distribué ni au journal des Débats, ni aux journalistes.

Le Président (M. Séguin): L'article 4 est dans le projet de loi.

M. Burns: II n'y a pas d'amendement à l'article 4?

Une Voix: Non.

M. Burns: D'accord.

Le Président (M. Séguin): Article 4, adopté. Article 5.

M. Choquette: M. le Président, avant l'article 5, je voudrais proposer un amendement qui se lirait comme suit... Excusez-moi, il faudrait insérer cet article ou cet amendement après l'article 4 du projet. Ce nouvel article 5 se lirait comme suit: "L'article 53 de ladite loi, remplacé par l'article 2 du chapitre 10 des Lois de I972, est modifié par le remplacement des quatre premières lignes par ce qui suit: Quiconque ordonne, encourage ou appuie une grève, un ralentissement de travail ou un lock-out, contrairement aux dispositions de la présente loi ou y participe ou..." ainsi de suite, jusqu'à la fin de l'article 53 de la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. En somme, M. le Président, il s'agit de faire concorder les infractions prévues à l'article 53 avec le texte que nous avons adopté hier soir en vertu de l'adoption de l'article 2 du projet de loi actuellement à l'étude. On se rappellera que le projet de loi prévoit à l'article 2 qu'il est interdit d'ordonner, d'encourager, d'appuyer ou de participer à une grève ou un lock-out.

Par conséquent, nous reprenons dans l'article 53, exactement la même terminologie pour ce qui est défendu par ailleurs dans la loi. Je pense que ceci contribuera à clarifier, d'une part, les défenses qui sont faites dans la loi telle qu'amendée et, d'autre part, la commission de certaines infractions.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le ministre.

M. Choquette: J'ai fait distribuer un texte, je pense que vous l'avez en main...

Le Président (M. Séguin): C'est cela.

M. Choquette: ... mes collègues aussi.

M. Burns: II y a concordance, M. le Président. J'inscris également ma dissidence à cet endroit comme j'ai inscrit ma dissidence à l'endroit de l'amendement que vous avez apporté à l'article 2. Je comprends, maintenant que l'article 2 est adopté, que ce soit une concordance normale.

Le Président (M. Séguin): Alors, le nouvel article 5, adopté sur division?

M. Bellemare (Johnson): L'article 5 a plusieurs volets. Il y a l'amendement à l'article 53, puis un amendement aussi à l'article 54. Cela va devenir l'article 6.

M. Choquette: Oui, nous pensons immédiatement...

M. Bellemare (Johnson): Ah! vous allez le mettre.

Le Président (M. Séguin): C'est une nouvelle nomenclature puisqu'on l'insère à l'article 5. Article 5, adopté sur division.

M. Morin: Sur division.

Le Président (M. Séguin): L'ancien article 5, devenu article 6.

M. Burns: C'est-à-dire les articles 54 a), b) et c); c'est cela?

Le Président (M. Séguin): C'est cela. Cela redevient article 6; si vous voulez modifier votre texte.

M. Bellemare (Johnson): Qu'est-ce que vous faites avec les recommandations de la commission Cliche, 46 et 47?

Le Président (M. Séguin): Je ne sais pas s'il y a d'autres changements, mais pour le moment l'ancien article 5 devient l'article 6. Est-ce que c'est presque au texte avec les articles des recommandations Cliche 46 et 47?

M. Choquette: Excusez-moi, je n'ai pas saisi avec précision.

M. Bellemare (Johnson): Je dis que les articles suivants insérés à l'article 6, le 54 de ladite loi, c'est presque au texte avec ce qu'on retrouve dans la recommandation 46 et la recommandation 47 de l'enquête Cliche.

M. Choquette: Oui, M. le Président, on m'assure que c'est bien le cas et cela vise spécifiquement les pots-de-vin.

M. Bellemare (Johnson): Les amendes de $500 à $10,000 puis...

M. Choquette: Oui, en fait, nous avons suivi les recommandations de la commission Cliche. Maintenant, M. le Président, vous permettez...

Le Président (M. Séguin): Maintenant, avant de passer à un autre sujet, le chef de l'Opposition a un commentaire à faire.

M. Morin: Oui, M. le Président, j'allais dire simplement que nous n'avons pas d'observation particulière sur ce nouvel article 6, qui semble effectivement entériner ou mettre en vigueur les recommandations de la commission Cliche. Si on s'en tenait au rapport de la commission sur tous les points, comme on l'a fait dans ce cas, il y aurait peut-être moins de problèmes.

M. Choquette: En général, c'est notre attitude, M. le Président, sauf lorsqu'il y a un désaccord.

M. Morin: On va voir à l'article 1. On va voir. M. Burns: A l'article 1, on va voir cela. Une Voix: C'est une vérité de la Palice.

M. Morin: Dans son cas, c'est une vérité de la police.

M. Burns: Est-ce que cela veut dire, M. le ministre, que, par l'adoption des article 54 a), 54 b) sur lesquels nous sommes entièrement d'accord — c'est peut-être le seul texte de ce projet de loi sur lequel nous sommes d'emblée d'accord — on ne poursuivra plus, en vertu du code criminel...

M. Choquette: Non.

M. Burns: ...les gens qui peuvent tenter de soudoyer quelqu'un? Le cas Joyal, par exemple, ou une histoire comme cela.

M. Choquette: Le député de Maisonneuve ramène sur le tapis un incident intéressant que j'aimerais beaucoup pouvoir discuter avec lui...

M. Burns: C'est pas mal plus qu'un incident, d'ailleurs.

M. Choquette: ... en toute liberté. Mais je ne peux malheureusement pas le faire — comme le sait le député de Johnson, pour avoir été au Parlement pendant de nombreuses années, lui qui connaît très bien sa procédure parlementaire — étant donné que toute cette question est sub judice. Vous l'avez entendue déjà, celle-là?

M. Bellemare (Johnson): Oui, je m'en suis servie aussi.

M. Choquette: Pour répondre sérieusement à la question du député de Maisonneuve...

M. Burns: II y a des gens, actuellement, qui ne

sont pas visés par le sub judice, c'est-à-dire ceux qui ont accepté le pot-de-vin. On peut peut-être parler de ceux-là.

M. Choquette: Bien non, je crois... M. Burns: Non?

M. Choquette: ... que le député de Maisonneuve se méprend.

M. Burns: Ah, oui?

M. Choquette: II y a eu donation et réception, mais toutes les personnes impliquées sont actuellement devant la cour.

M. Burns: Toutes les personnes? M. Choquette: Bien oui. M. Burns: Ah bon.

M. Choquette: Alors, je ne peux pas aller plus loin.

M. Burns: De toute façon, il y a les crédits de la Justice qui s'en viennent.

M. Choquette: Vous aurez toute la latitude voulue.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre!

M. Choquette: D'ailleurs, le député de Maisonneuve connaît très bien la latitude que j'ai pour répondre à certaines questions dans ce domaine-là. Je ne pense pas être obligé d'argumenter avec lui très longuement. Je veux répondre, cependant, à la question que m'a posée le député de Maisonneuve, sans aller dans cette affaire Joyal où cela m'est interdit.

Le Président (M. Séguin): II faudrait que vous restiez dans l'ordre.

M. Choquette: Oui, je veux rester sur la question au mérite qu'il m'a posée. Il a dit: Est-ce que l'adoption de ces dispositions, qui seront contenues dans un nouvel article 6 — puisque l'ancien article 5 devient l'article 6 — va être un empêchement à poursuivre en vertu du code criminel? Je lui réponds: Non. Je lui réponds avec beaucoup de certitude et de franchise que ce n'est pas le cas. Lorsqu'un acte sera réphéhensible en vertu du code criminel ou en vertu du droit statutaire, là, évidemment, la couronne aura l'option d'exercer l'un ou l'autre recours, comme cela peut exister dans un certain nombre de lois.

On sait, par exemple, que dans le code de la route il y a des interdictions ou des infractions prévues qu'on retrouve, par ailleurs, au code criminel. Par contre, je pense que les interdictions qui se trouvent au nouvel article qui est proposé et qui sera adopté incessamment ne sont pas couver- tes par le code criminel. C'est justement pour cette raison que la commission Cliche en a proposé l'adoption. C'est-à-dire que donner un pot-de-vin à un fonctionnaire et, pour ce fonctionnaire, accepter un pot-de-vin c'est sûrement un acte criminel en vertu du code criminel. Mais donner un pot-de-vin à un représentant ou officier syndical, qui n'est pas un fonctionnaire, ce n'est pas prévu au code criminel. Etant donné les abus que la commission a constatés dans ce domaine, que ceci était une pratique répréhensible, une pratique qui avait des effets néfastes pour la protection des travailleurs et introduisait un élément de corruption dans tout le syndicalisme et dans les relations patronales-syndicales, la commission a cru qu'il importait d'adopter des mesures pour l'interdire dans notre droit statutaire. A ce point de vue, le gouvernement est pleinement d'accord.

Le Président (M. Séguin): Article 6, adopté?

M. Choquette: M. le Président, à l'article 6, il y a néanmoins une légère modification à apporter à l'article 54 c). Je pense que ceci se rattache un peu aux propos que tenait, tout à l'heure, le chef de l'Opposition. Il est suggéré de rayer "ou 2 h" dans la deuxième ligne de l'article 54 c).

M. Morin: Nous ne ferons pas de grosse querelle là-dessus.

M. Choquette: "Ou 2 h" devient inutile en raison de l'article 2 qu'on retrouvera plus tard et qui sera l'objet de discussions.

Le Président (M. Séguin): Alors il s'agit d'enlever dans l'article 54 c) du nouvel article 6, deuxième ligne, "ou 2 h".

Article 6, adopté?

Nouvel article 6 devient...

M. Burns: Je signale que c'est un projet de loi de toute beauté pour un filibuster. Je dis cela justement à l'intention du député de Mille-Iles. Si jamais on voulait faire un filibuster, c'est vraiment le projet de loi idéal. Moi, je vois des motions, des bebelles qu'on pourrait faire, ce serait fantastique. On serait ici pour les quatre prochains mois.

M. Bellemare (Johnson): C'est-à-dire on ne serait pas ici, on serait encore en Chambre.

M. Burns: On serait d'abord encore en Chambre, mais ici ce serait magnifique.

M. Morin: Comme dit l'autre: Si qu'on aurait voulu.

M. Burns: Alors c'est juste pour aider le député de Mille-Iles à rectifier son rapport.

M. Choquette: M. le Président, heureusement que l'Opposition est consciente de ses responsabilités, avec le gouvernement, d'apporter une loi qui

va rétablir l'ordre et la paix dans le domaine de la construction.

M. Burns: Cette partie, je n'en suis pas tout à fait sûr.

M. Choquette: Heureusement, je me réjouis de cette évolution de l'Opposition...

M. Bellemare (Johnson): ... dans le deuxième article, cela aurait été beaucoup mieux.

M. Morin: M. le Président, je ferais une question de privilège. Si tout cela tourne mal, je ne voudrais pas être associé à l'affaire, selon les propos du ministre de la Justice.

M. Choquette: On sait que, si cela tourne mal, c'est nous qui allons attraper exclusivement les pots cassés.

M. Morin: Parce que nous avons prévenu le gouvernement.

M. Burns: A part cela, on ne veut pas que la présomption s'applique à nous autres.

Elle est rendue qu'elle s'applique aux tuteurs; on ne sait pas si les députés de l'Opposition ne seront pas poignés là-dedans, un moment donné.

Le Président (M. Séguin): Afin de ne pas créer de précédent, puisqu'il n'y a pas de question de privilège en commission, les commentaires du chef de l'Opposition sont des observations plutôt qu'une question de privilège.

M. Morin: Des observations de privilège.

Le Président (M. Séguin): Observations de privilège.

M. Burns: Ce sont des observations à caractère privilégié.

Le Président (M. Séguin): Mettez les termes que vous voulez, du moment que ce n'est pas une question de privilège.

M. Burns: On ne fera pas de chicane là-dessus.

Le Président (M. Séguin): L'article 6 du projet de loi est devenu l'article 7.

M. Choquette: Bon, M. le Président, quant aux articles 6, 7 et 8 du projet de loi, qui devraient être renumérotés 7, 8 et 9, j'ai un texte à vous remettre, qui apporte certains amendements de concordance et qui, par ailleurs, laisse intact le texte des anciens articles 7 et 8. Il ne les modifie pas.

Mais l'ancien article 6, qui deviendrait l'article 7, subit une modification de clarification, dis-je, de telle sorte qu'il se lirait comme suit: "56. Quiconque commet une contravention à la présente loi pour laquelle aucune peine n'est prévue est passi- ble, en outre du paiement des frais, d'une amende". Là, il faut référer à l'article 56 actuel. L'article 56 est un article résiduaire qui prévoit une pénalité au cas où aucune autre pénalité n'est prévue dans la loi.

Alors, étant donné les changements apportés aux articles 2 et 4 visant en particulier l'article 53, il nous semble utile d'apporter une clarification qui est de la nature d'un amendement de concordance.

Alors, je dépose, M. le Président, pour votre bénéfice et celui des participants à cette commission, les nouveaux articles 7, 8 et 9.

M. Bellemare (Johnson): Vous gardez la récidive dans l'article 56.

M. Choquette: Oui, sans doute, nous modifions simplement le début de l'article 56.

M. Bellemare (Johnson): Vous gardez... M. Choquette: Tout le reste est intact.

Le Président (M. Séguin): Alors, je le lis, textuellement, pour me conformer à ce qui a été demandé tout à l'heure par la commission: "Remplacer les articles 6, 7 et 8 du projet par les articles suivants: Article 7. L'article 56 de ladite loi est modifié par le remplacement des quatre premières lignes par ce qui suit: "56. Quiconque commet une contravention à la présente loi pour laquelle aucune peine n'est prévue est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende". Article 8. Les articles 32 m) et 32 n) de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, édictés par l'article 3 de la présente loi, entreront en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil. Article 9. Sous réserve de l'article 8, la présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction."

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, on est à l'article 7 seulement.

Le Président (M. Séguin): Oui, c'est l'article 7.

M. Bellemare (Johnson): Seulement; l'article 8 n'est pas adopté.

Le Président (M. Séguin): Nous les prendrons article par article. Article 7?

M. Morin: Nouvel article 7.

Le Président (M. Séguin): Nouvel article 7?

M. Morin: Nous sommes prêts à l'adopter sur division, M. le Président.

M. Burns: M. le Président, vous parlez de l'article 7 seulement, actuellement, et non pas de l'article 8.

Le Président (M. Séguin): Non, non. M. Burns: D'accord.

Le Président (M. Séguin): L'article 7, adopté sur division.

Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): A l'article 7, je n'ai pas d'objection. A l'article 8, j'aurai une question.

M. Choquette: C'est parce que la rédaction de l'ancien article 56, "sous réserve des articles 53, 54 et 55," c'est une expression qui, sur le plan législatif, ne s'applique pas réellement. Les termes ne devraient pas être....

Le Président (M. Séguin): Nouvel article 8?

M. Morin: M. le Président, j'aimerais demander au ministre pourquoi, aux articles 32 m) et 32 n), qui traitent respectivement des délégués de chantier et de la convention collective et qui écartent les dispositions des conventions collectives dans le cas des délégués de chantier, on suspend l'entrée en vigueur de ces deux articles par rapport au reste de la loi. J'aimerais que le ministre nous explique ses intentions. J'aimerais qu'il nous dise aussi combien de temps pourrait s'écouler entre leur entrée en vigueur et celle du reste de la loi, notamment en ce qui concerne les présomptions et l'article 1 qui, tout à l'heure, va définir un certain nombre de crimes entraînant une inhabilité à exercer certaines fonctions dans la construction. J'aimerais qu'il nous explique pourquoi ces articles vont entrer en vigueur sans doute assez prochainement, pourquoi les autres vont être retardés et quelle serait, d'après lui, la longueur du délai auquel nous devrions nous attendre.

M. Choquette: M. le Président, c'est parce qu'en vertu du nouveau système de désignation des délégués de chantier prévu par un article que nous avons adopté, je pense, ce matin, dans sa forme définitive, soit l'article 3 du projet de loi, il est prévu que ce sera par un mode électoral que seront désignés les nouveaux délégués de chantier et non pas par le mode de la désignation, ainsi que c'était le fait en vertu du décret qui existait dans l'industrie de la construction.

Par conséquent, il faut laisser un certain délai pour qu'on organise ces élections sur les chantiers. Il faut aussi, je pense, donner aux tuteurs qui ont été ou seront désignés incessamment le temps de mettre en place un système électoral qui puisse donner satisfaction et qui puisse assurer que les délégués de chantier seront choisis dans un scrutin relativement bien organisé.

Donc, M. le Président, c'est pour des motifs exclusivement pratiques que ces deux articles 32 m) et 32 n) de l'article 3 subissent une certaine suspension dans le temps.

Quant au délai particulier que cela peut prendre pour mettre en place les mécanismes électoraux voulus, je ne saurais me prononcer avec une absolue certitude. Je crois que cela dépendra de la volonté des tuteurs, en large partie. Cela pourra dépendre également de différents autres aspects... Mais je crois que l'on peut estimer facilement que cela ne devrait pas dépasser quelques mois.

M. Bellemare (Johnson): Quelques mois? M. Choquette: Quelques mois.

M. Burns: Quelques mois, cela peut être deux mois comme être dix mois.

M. Choquette: J'avais plutôt à l'idée deux mois, une couple de mois. C'est ce que je pensais personnellement. Maintenant, je ne suis pas le ministre du Travail. C'est beaucoup plus lui qui serait en mesure de donner des renseignements très précis à la commission.

Il n'y a pas de doute que c'est un des aspects importants du travail des tuteurs — je pense que tout le monde sera d'accord sur cela — que de provoquer les élections des nouveaux délégués de chantier. Je ne voudrais pas et je pense qu'aucun membre de la commission ne voudrait qu'à la faveur de ces changements sur le plan législatif et administratif, on assiste, de la part des employeurs, à des tentatives de profiter d'une situation où les travailleurs, sur les chantiers, ne sont pas adéquatement représentés.

Je suis très conscient du problème et...

M. Bellemare (Johnson): Si le ministre me le permet, il n'y a pas des tuteurs partout.

M. Choquette: Non.

M. Bellemare (Johnson): II y a des tuteurs dans quatre...

M. Choquette: Dans les quatre...

M. Bellemare (Johnson): La loi s'applique à tous les délégués de chantier en dehors des tutelles et là aussi, si ça retarde, si vous dites deux mois, je trouve que c'est déjà considérable...

M. Choquette: C'est déjà pas mal.

M. Bellemare (Johnson): ... avec la loi qui va entrer en vigueur. Surtout quant à la présomption de culpabilité que vous insérez immédiatement dans la loi.

M. Choquette: Par contre, il faut dire aussi que, dans l'intervalle, ceux qui sont déjà délégués de chantier restent en place à moins d'être inéligibles. Il faudra voir quels seront les effets avant de voir quel sera le nombre des élections qui seront organisées par les locaux qui échappent à la tutelle et de celles qui devront être tenues dans les locaux qui sont soumis à la tutelle.

De toute façon, je prends bonne note de l'insistance du député de Johnson et de ses collègues de l'Opposition pour que l'application de ces arti-

des ne subisse pas de retard indu. Je signalerai au ministre du Travail qu'il importe qu'on voie à ce que les élections se tiennent dans les meilleurs délais.

M. Bellemare (Johnson): C'est extrêmement dangereux.

Le Président (M. Séguin): Autres observations? Article 8? Article 8, adopté.

M. Burns: Sur division, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): Avec restriction quant au délai.

Le Président (M. Séguin): C'est déjà bien enregistré au journal des Débats, la raison de la division.

M. Bellemare (Johnson): D'accord, nous continuons.

Le Président (M. Séguin): Article 9. Nouvel article 9.

M. Burns: Sur division, M. le Président. Le Président (M. Séguin): Agréé.

M. Choquette: Alors, on va revenir à l'article 1, le plus facile.

Le Président (M. Séguin): Articles 7, 8 et 9 adoptés sur division?

M. Burns: C'est cela, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Maintenant, le mot de la fin.

M. Morin: II ne reste que l'article premier.

Le Président (M. Séguin): Article 1 du projet de loi.

M. Bellemare (Johnson): Qui a été modifié, M. le Président, par une nouvelle rédaction.

Le Président (M. Séguin): Un instant, je n'ai pas compris.

M. Bellemare (Johnson): Qui a été modifié par une nouvelle rédaction.

M. Burns: Qu'on s'apprête à compliquer par une deuxième rédaction.

Le Président (M. Séguin): Dans le moment, je considère les articles 1, 2 g) et 2 h) comme suspendus. Je reprends à ce moment-là de la suspension et s'il y a un nouvel article à proposer, qu'il le soit.

M. Bellemare (Johnson): Et après, celui-là va être réamendé.

Le Président (M. Séguin): Le tout avait été suspendu, de toute façon.

Qualités requises d'un représentant syndical

M. Choquette: M. le Président, pour clarifier les questions soulevées par les députés, je voudrais déposer une nouvelle rédaction du projet de loi à l'article 1.

M. Morin: Pourriez-vous très rapidement nous indiquer en quoi cette version diffère de celle qu'on nous avait fait distribuer vendredi ou hier?

M. Choquette: M. le Président, le nouveau projet que je dépose ce matin comporte tout d'abord une énumération plus complète des crimes qui sont constatés à l'occasion sur les chantiers de construction et fait un partage entre les crimes qui ont plus d'importance et les autres, ceux qui sont plus graves et les autres. Donc, il fait une distinction entre leur caractère de gravité.

C'est la raison pour laquelle on trouvera un article 2 g 1) et un article 2 g 2).

Quant aux crimes qui se trouvent dans la première catégorie, savoir les voies de fait simples, les assauts infligeant des blessures corporelles, le vol, l'intimidation, le chantage, le trafic de narcotiques ou la conspiration pour commettre un de ces actes, nous rendons une personne, qui est trouvée coupable d'un de ces crimes, inéligible au poste de représentant syndical ou de délégué de chantier, et ceci pour une période de cinq ans.

M. Morin: Vous ramenez la perpétuité.

M. Choquette: Non. Mais nous faisons en sorte que, si une personne obtient, suivant la loi sur le casier judiciaire, un pardon avant que la période de cinq ans ne soit expirée, ce pardon accordé par le gouverneur général en conseil, sur recommandation de la Commission des libérations conditionnelles, puisse raccourcir le délai qui rendrait cette personne inéligible à l'un des postes que j'ai mentionnés tout à l'heure.

Nous avons fait ce changement en prenant en considération le fait que, dans la loi sur le casier judiciaire, lorsqu'une infraction est poursuivie par voie de poursuites sommaires en vertu du code criminel, il est loisible au gouverneur général d'accorder le pardon avant l'expiration de cinq années. Ainsi, je pense que cela peut se donner deux ou trois ans après.

Donc, étant donné qu'en vertu de la loi sur le casier judiciaire, au moment où le gouverneur général accorde le pardon, il peut et il doit tenir compte de la conduite de celui qui a été tenu coupable d'un crime et que, tenant compte de la gravité du crime et de la conduite, il peut ainsi accorder le pardon, nous ne voyons pas pourquoi, devant un cas particulier où un individu ayant commis même un crime d'une gravité évidente — certains d'entre eux sont mentionnés spécifiquement par la commission Cliche dans son rapport — on suspendrait plus longtemps qu'il

ne le faut, c'est-à-dire jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans, le fait que cette personne pourrait ou ne pourrait pas participer à certaines activités syndicales.

Nous considérons qu'en ce faisant nous aurons donné effet, n'est-ce pas, à la loi sur le casier judiciaire qui comporte quand même une certaine souplesse pour tenir compte de la réhabilitation qu'un individu peut avoir démontrée même à la suite d'une condamnation.

Evidemment, si l'intéressé ne se prévaut pas de la loi sur le casier judiciaire et s'il n'obtient pas, tout en s'en prévalant, le pardon parce que sa conduite n'offre pas les garanties jugées satisfaisantes par la Commission des libérations conditionnelles, eh bien, dans ces cas-là, il sera astreint au délai de cinq ans dont on retrouve la mention dans le rapport de la commission Cliche.

D'autre part — et ici j'arrive à la section deux du projet d'article — dans le cas de crimes plus graves, M. le Président, nous avons adopté une nomenclature qui fait une énumération de crimes, à mon sens, qui ont un caractère de gravité plus considérable que dans la première énumération. Dans ce cas, nous disons que la personne qui a été trouvée coupable d'un de ces crimes est inhabile à occuper une des fonctions syndicales qui y sont mentionnées, ceci pour une période de cinq ans. Donc, nous nous rattachons, quand même, à cette norme de cinq années que l'on retrouve dans le rapport de la commission Cliche, que l'on retrouve dans certaines de nos lois provinciales.

Mais nous astreignons quand même, M. le Président, la personne qui pourrait, au bout de cinq ans, occuper un poste syndical à la suite de la commission d'un des crimes graves qui y sont mentionnés à l'obligation d'obtenir le pardon prévu à la loi sur le casier judiciaire, donnant ainsi l'occasion à la loi sur le casier judiciaire d'avoir son plein effet. Au risque de répéter ce que je disais tout à l'heure en rapport avec les crimes de moindre gravité, dans les crimes de plus de gravité, il va de soi que, si l'intéressé est réhabilité, si sa conduite ne souffre pas d'objection, si on peut trouver que dans sa conduite, depuis cinq années, il y a effectivement réhabilitation, à ce moment-là cette personne devrait pouvoir obtenir la pardon qui est prévu à la loi sur le casier judiciaire. Si...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas à la section 2, cela.

M. Choquette: Mais oui.

M. Morin: Non, ce n'est pas inscrit.

M. Bellemare (Johnson): Cinq ans, non.

M. Choquette: Bien, M. le Président, il faut se référer au texte de la loi sur le casier judiciaire d'ailleurs...

M. Morin: La loi fédérale.

M. Choquette: ...la loi fédérale, qui est de cinq ans. Il va de soi qu'à ce moment-là, il devient éligible, au bout de cinq années, pour obtenir le pardon dans le cas de ces crimes.

M. Bellemare (Johnson): S'il n'obtient pas le pardon, c'est de...

M. Choquette: Voici, je voudrais répondre à l'interrogation du député de Johnson. Une personne peut avoir commis un crime il y a plus de cinq ans et être techniquement éligible pour obtenir le pardon en vertu de la Commission des libérations conditionnelles. Mais si cette personne continue à fréquenter des criminels, si cette personne continue à avoir des activités criminelles mais clandestines... Il n'est pas besoin d'en faire la démonstration devant les membres de cette commission, on sait que les criminels, souvent les plus influents, sont ceux que la justice a le plus de difficulté à rejoindre, parce que leurs crimes, ils ne les commettent pas personnellement, ils les font commettre par personnes interposées.

Evidemment, nous savons qu'elles ont, ces personnes, des associations criminelles. Nous savons qu'elles continuent à vivre en somme dans un climat néfaste pour la société. Mais il est difficile, compte tenu des obligations que nous impose le code criminel, de le démontrer et ainsi de démontrer la commission de crimes subséquents. C'est la raison pour laquelle, avec beaucoup de bon sens, la Loi sur le casier judiciaire dit qu'une personne peut, après cinq ans, pour certains crimes graves, obtenir le pardon, premièrement en démontrant qu'elle n'a commis aucun autre crime dans le délai qui a couru depuis sa condamnation et, deuxièmement, en démontrant qu'elle a eu une conduite qui est jugée acceptable et qui indique que cette personne est véritablement réhabilitée.

Donc, M. le Président, je pense qu'avec ces amendements, nous tenons véritablement en considération les arguments que le chef de l'Opposition a soulevés l'autre jour à l'Assemblée nationale, en débat sur la deuxième lecture...

M. Morin: Non.

M. Choquette:... discours que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt avec tellement d'intérêt que je n'ai pas voulu répondre au chef de l'Opposition le soir même, me donnant un peu de temps pour réfléchir à la portée de ses arguments. Alors compte tenu du fait, M. le Président, que, d'une part, il ne s'agit pas d'empêcher quelqu'un d'exercer des fonctions syndicales d'une façon permanente et à vie, compte tenu, d'autre part, M. le Président, qu'il faut tenir en considération la gravité relative des crimes qui peuvent avoir été commis, compte tenu également du fait qu'il faut donner à chacun l'occasion de se réhabiliter mais sans prendre des risques inutiles pour la société, et compte tenu, finalement, du fait que le monde de la construction comporte malheureusement, à l'heure actuelle, des personnes qui ont une très mauvaise influence, qui ont une influence vraiment néfaste que la commission Cliche a décrite dans les ter-

mes les plus forts que l'on puisse trouver dans aucun rapport que je n'ai jamais eu l'occasion de lire, l'action de ces personnages, eh bien, il nous faut je pense, faire la balance, il nous faut faire l'équilibre entre notre désir de ne pas garder en somme, de ne pas exclure en permanence certains personnages, mais d'autres part, d'assurer la protection de la société, d'assurer la protection des travailleurs, d'assurer la protection d'un syndicalisme libre et d'un syndicalisme démocratique.

Alors, c'est donc dans cet esprit, que je présente ces amendements.

Le Président (M. Séguin): Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, je demanderais à la commission de suspendre les travaux pour à peu près cinq à dix minutes, simplement pour nous donner le temps de faire les comparaisons nécessaires avec le rapport Cliche, avec la première version du projet de loi, avec la deuxième version du projet de loi et avec la troisième qu'on vient de nous soumettre. Je vous demanderais à peu près dix minutes si c'est possible, pour faire un simple examen.

M. Choquette: M. le Président, je comprends la demande de l'Opposition et je suis certainement...

M. Lachance: M. le Président, je demande une directive.

Le Président (M. Séguin): Le député de Mille-Iles.

M. Lachance: ... pour votre information, l'hôpital Rivière-des-Prairies à Montréal où il y a 740 personnes, de jeunes enfants malades, l'hôpital de Maisonneuve viennent d'être vidés par les membres de la FTQ. Je présume que ce sont des membres de la FTQ. Ils ont laissé, à l'hôpital Maisonneuve, un cuisinier seulement et un moniteur par salle. Ils viennent d'arriver, je viens d'avoir l'appel à 11 h 10. Ils ont vidé l'hôpital...

Le Président (M. Séguin): II serait préférable que nous en parlions à la période des questions cet après-midi sûrement...

M. Lachance: L'hôpital de la Rivière-des-Prairies et l'hôpital Maisonneuve.

Le Président (M. Séguin): Par quel article ces gens seraient-ils visés.

M. Burns: Ils ne sont pas visés. Ce ne sont pas des gens de la construction, on est en matière de relations de travail dans l'industrie de la construction. Ils ne sont pas visés par cela.

M. Ciaccia: Ces gens-là seraient visés.

M. Burns: Ils ne sont pas visés, ce ne sont pas des gens de la construction. On est en matière de relations de travail dans l'industrie de la construction. Ils ne sont pas visés par cela.

M. Lachance: En tout cas, à Rivière-des-Prairies...

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! Vous avez fait part de ce commentaire à la commission et je pense que les membres en prennent bonne note. Je vous suggérerais qu'à la période des questions, à trots heures à la reprise des travaux de la Chambre, vous posiez cette question. Je regrette le délai de quelques heures que cela peut occasionner. De toute façon, ce ne serait pas l'endroit, ici, pour discuter de ce problème bien spécifique.

M. Lachance: Non, non, c'était pour votre information. C'est la façon dont ils procèdent ce matin, ils vident les hôpitaux et ces choses-là. Pour leur grève générale, c'est de la façon qu'ils procèdent.

Le Président (M. Séguin): Le député de Saint-François.

M. Déziel: Est-ce qu'il y aurait possibilité de fixer une heure pour qu'on puisse revenir, car on a immensément d'ouvrage?

Le Président (M. Séguin): La commission suspend ses travaux à loisir. On a suggéré quinze à vingt minutes, on en a suggéré dix, alors je dis quinze à vingt minutes.

M. Morin: Cela va suffire.

Le Président (M. Séguin): Pour les membres de la commission qui ne sont pas pris dans la discussion ou l'étude, qu'ils ne s'absentent pas plus de quinze minutes. Nous reprendrons à ce moment-là.

M. Burns: D'accord. Cela sera suffisant, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Donc, nous suspendons nos travaux, selon le désir de la commission, pour une période de quinze à vingt minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

Reprise de la séance à 11 h 50

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

La parole était au député de Maisonneuve. Le député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, dans un tout autre contexte, c'est-à-dire dans un contexte où on n'aurait pas survolté l'opinion publique, je serais porté à vous dire que je suis contre l'idée même de l'existence d'un article comme l'article 1.

Quand je dis: Dans un tout autre contexte et dans un contexte où on n'aurait survolté ni l'opinion publique, ni les gens du milieu de la construction, c'est que depuis quelque temps, évidemment, on a surtout mis en lumière les cas véritablement déplorables de représentants syndicaux qui se servaient de leurs fonctions pour, à toutes fins pratiques, faire leur petite pègre à eux autres. L'Opposition est consciente de cela. Je suis convaincu d'ailleurs, si j'écoute les représentations qui ont été faites récemment par les représentants de la FTQ — je ne parle pas de la FTQ-Construction en particulier, mais de la FTQ en général — qu'eux aussi sont conscients de cela. M. Laberge, M. Daoust ont tour à tour mentionné qu'il était nécessaire qu'il se fasse un ménage dans certains des secteurs de la construction.

Quand je dis que, dans un tout autre contexte, je m'opposerais à cela c'est que je me demande si l'aspect humain et social de la réhabilitation est très présent derrière un texte comme celui qu'on nous présente à cet article. Si on commence à dire que quelqu'un qui a été trouvé coupable d'un acte criminel quelconque ne doit pas se présenter dans tel domaine, je me dis: Où est-ce que cela va finir, alors que l'idée même de la réhabilitation repose sur le fait que la personne qui a été trouvée coupable d'un acte criminel doit être, le plus vite possible, réinsérée dans la société, dans une position que n'importe quel individu, membre de cette société, peut occuper? Je n'irai pas plus loin parce que je suis fort conscient qu'on ne m'écoutera pas là-dessus, sur ce point, mais je pense que la question de principe se pose. La question de principe est là. Elle doit être, en tout cas, constamment présente à notre esprit au cours de la discussion de l'article 1.

Si on dit, par exemple, que le travailleur de la construction ne peut pas devenir délégué syndical, ne peut pas devenir officier syndical, pendant une durée X, parce qu'il a commis un crime et que, du même coup, son vis-à-vis, l'entrepreneur en construction, ne se voit pas imposer ces mêmes choses, je suis porté à croire qu'à ce moment, on tente de nous laisser croire qu'il y a des problèmes seulement d'un côté. C'est-à-dire que quelqu'un qui serait visé par l'article 2 g), techniquement, pourrait être banni d'une fonction syndicale mais pourrait très bien être entrepreneur en construction.

Ce sont les deux grandes remarques que j'ai à faire sur la question de principe. Cela m'inquiète un peu, cette approche.

Je vais délaisser quand même cette position pour simplement tenter de me rapprocher du problème factuel qui est présenté par l'article 2 g).

D'abord, nous avons noté — cela nous frappe — qu'il y a deux actes criminels ou deux infractions, selon le cas, que la commission Cliche ne mentionnait pas du tout dans sa recommandation no 12. Sa recommandation no 12 nous dit: "Que la Loi des Syndicats Professionnels soit modifiée, afin d'exclure du poste de délégué de chantier, d'agent d'affaires, de représentant syndical, toute personne condamnée en raison de l'un ou l'autre des crimes suivants: — là, on énu-mère — vol, chantage, extorsion, détournement de fonds, vol qualifié, vol par effraction, incendie criminel, trafic de narcotiques, meurtre, assaut avec intention de tuer, assaut infligeant des blessures corporelles ou conspiration pour commettre l'un ou l'autre de ces crimes."

Je pense que la commission Cliche, si l'on doit suivre son opinion dans ce domaine, nous a indiqué que, d'une part, on devait se limiter à ce qu'il y avait de plus flagrant comme crime et le ministre de la Justice nous présente un amendement qui ajoute deux crimes, deux offenses criminelles qui peuvent aussi être traitées comme des infractions criminelles.

Je pense particulièrement aux voies de fait simples et à l'intimidation. Voies de fait simples, article 245 du code criminel, alinéa 1, je vous cite: "Quiconque se porte à des voies de fait simples est coupable d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité." Comme le ministre de la Justice le sait, c'est une infraction punissable d'un maximum de six mois de prison.

Et également, on pourrait citer l'article 381 parce que je pense que le cas d'intimidation que l'on vise, c'est celui qui est visé à l'article 381 du code criminel, à l'alinéa 1 où on nous dit: "Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité quiconque, injustement et sans autorisation légitime, dans le dessein de forcer une autre personne à s'abstenir de faire une chose qu'elle a légalement le droit de faire ou à faire une chose qu'elle peut légalement s'abstenir de faire, use de violence, de menaces, etc..." C'est habituellement l'article 381 qui s'appliqua dans le cas d'intimidation visé par les syndicats ouvriers. C'est habituellement l'article 245, alinéa 1, qu'on utilise également dans les cas de voies de fait simples.

Ce que je me pose comme question, c'est: Les voies de fait simples — commençons par cela — c'est à peu près la chose — je m'excuse de le dire — la plus plausible que n'importe qui autour de cette table puisse se voir imposer comme accusation, en partant du ministre de la Justice lui-même et en faisant tout le tour de la table, avec tous les députés, les journalistes et les gens qui sont ici. Je pense, par exemple, au cas le plus courant de voie de fait simple: la chicane entre voisins. Je pense à un autre cas très courant, dans des cas de séparation de corps, dans des cas de difficultés matrimoniales. Il arrive très souvent que le mari étend sa main sur la figure de sa femme ou

vice versa, pendant que tout le monde est survolté. Je pense, par exemple, au cas de l'accident d'automobile, où, sur le coup d'une nervosité, le conducteur sort et dit: Qu'est-ce que tu as fait là? Là, ça commence à se bousculer et la chicane "poigne". Ce sont des voies de fait simples. Je vais plus loin que ça. Des voies de fait simples, cela peut être tout simplement que je m'approche du ministre de la Justice et que je lui offre des coups de poing sur la gueule..,

M. Morin: Des menaces.

M. Burns: ... des menaces... Oui...

M. Lachance: Des menaces.

M. Burns: Non, non. Des menaces peuvent devenir des voies de fait simples. Je peux dire, sur le coup de ma colère, au ministre de la Justice ou à n'importe quel député autour de la table: Je te promets un bon coup de poing sur la gueule. Et je suis, si on fait cette preuve, coupable de voies de fait simples.

De sorte qu'on embarque toute une série de gestes dont personne n'est exempt, qui sont considérés par le code criminel même comme n'étant pas suffisamment importants qu'on puisse les traduire en justice, ces coupables, si on peut dire, par voie de déclaration sommaire de culpabilité, donc qui, en principe, ne comportent pas de dossier judiciaire. C'est-à-dire qu'on ne traîne pas ça dans le dossier de quelqu'un.

Dans le cas d'intimidation, c'est la même chose. A l'article 381, on s'aperçoit qu'il est possible de poursuivre pour intimidation, en vertu d'une déclaration sommaire de culpabilité. Me basant sur ces deux faits, sur le fait que l'intimidation, dans le fond, c'est quelque chose comme les voies de fait simples, dans un contexte précis, dont à peu près n'importe qui peut être trouvé coupable, qui, souvent, n'ont pas de caractère précis relativement aux relations de travail, il me semble qu'au moins ces deux infractions ou ces deux crimes, appelons-les ainsi, devraient être exclus de la nomenclature de l'article 2 g).

Je vais plus loin que cela, M. le Président. Dans la plupart des grèves où il y a des "scabs", où il y a des gens qui tentent de rentrer au travail alors que les gens sont légalement en grève, il y a des accusations de voies de fait simples et il y a des accusations d'intimidation. Il y a très souvent des gens qui sont trouvés coupables de voies de fait simples et d'intimidation. Est-ce que, parce qu'un travailleur, à un moment donné, est en maudit de voir quelqu'un aller faire le travail qui lui est normalement confié, alors qu'il ne fait qu'exercer un droit qui est prévu par la loi, on ne va pas comprendre que le travailleur bouscule un peu le "scab" sur la ligne de piquetage? M. le ministre, on a beau se mettre la tête dans le sable, on a beau se dire que ce n'est pas fin, que ce n'est pas beau de faire cela, cela va toujours se faire. Cela, je l'ai dit au ministre du Travail à de nombreuses reprises. Tant et aussi longtemps que sa fameuse loi "antiscab" ne sera pas adoptée, il y aura bousculage, il y aura même violence sur les lignes de piquetage et la violence sera caractérisée, habituellement, par ces deux articles 245 et 381 du code criminel.

Moi, c'est bien malheureux, mais je ne trouve pas qu'un travailleur qui, à un moment donné, a tout simplement réagi avec son ventre, avec ses tripes, sur la ligne de piquetage, doive être banni pendant cinq ans de toute fonction syndicale. Si vous commencez à me parler du gars qui fait du trafic de narcotiques sur les chantiers, du gars qui fait de l'extorsion, du gars qui commet des fraudes, toute cette série d'affaires, je suis déjà un petit peu diminué dans mon argumentation. Ce n'est pas là-dessus, vous l'avez remarqué, que j'ai l'intention de plaider. Mais que celui qui a malheureusement, dans un geste spontané, battu sa femme ou son voisin, qui s'est défendu sur une ligne de piquetage, qui a dit à un camionneur qui essayait de foncer dans une ligne de piquetage: T'as besoin de nous respecter ici, que ce gars ou cette fille — dans le cas de la construction, on devrait dire ce gars — soit mis de côté de toute fonction syndicale pour cinq ans, M. le Président, je ne peux pas comprendre cela.

Il me semble que la commission Cliche ne voyait pas cela non plus puisqu'elle n'a pas mentionné ces deux infractions ou ces deux crimes, crime de voies de fait et d'intimidation. De sorte que, M. le Président, je me sens dans l'obligation de proposer que — je n'ai pas rédigé de proposition formelle, mais vous connaissez le sens de mon intervention — parmi les actes mentionnés à l'article 2 g), on retranche les mots "de voies de fait simples", à la deuxième ligne et les mots "d'intimidation", à la fin de la troisième et au début de la quatrième ligne. Je ne peux pas accepter qu'une fois qu'on s'est dit que ce sont des actes criminels, des actes criminels qui ont une certaine consonance, soit dit en passant, si on les prend globalement, si on énumère tout ce que la commission Cliche a visé, des actes criminels qui rendent, à toutes fins pratiques, douteuse l'administration normale à laquelle on est en droit de s'attendre d'un représentant syndical.

C'est ça, dans le fond, que la commission Cliche veut faire dans sa recommandation. Ce n'est pas de bannir tout travailleur qui, à un moment donné, se sent un peu plus gaillard à l'endroit de "scabs" qui veulent rentrer au travail. Ce n'est pas cela qu'on veut bannir. Je pense qu'en étant réaliste et, encore une fois, tant qu'il n'y aura pas de loi anti-scabs, il y en aura toujours de ça. Je connais très peu de grèves où la compagnie a tenté de fonctionner pendans la grève, même dans une grève légale, où il n'y en a pas eu, de ces accusations-là. Dieu sait que les juges — ce n'est pas une critique que je leur fais; je constate simplement—ont la cuisse pas mal légère à l'endroit de la culpabilité dans ces cas-là, parce qu'ils disent: Ce n'est pas grave, c'est courant, mais il faut leur dire, aux gars, de se calmer. Il faut leur dire: Ne brassez pas trop sur la ligne de piquetage. Je connais un juge, je pourrais vous le nommer, qui automatiquement, quand il voit ce genre de choses-là, n'écoute à peu près pas la preuve. Je

vous le dis: C'est un juge, mais il n'écoute à peu près pas la preuve.

M. Choquette: C'est un juge qui n'écoute pas la preuve.

M. Burns: Oui, je ne le nommerai pas, parce qu'à d'autres égards c'est un très bon juge, mais, là-dessus, quand survient un cas de grève, un cas de bousculade sur une ligne de piquetage, c'est réglé; le gars est coupable. Vous avez des gens, dans cette salle-ci, qui seraient capable d'en témoigner. Il n'écoute à peu près pas la preuve, mais, quand arrive la sentence pour voies de fait simples, pour intimidation, ça ne dépasse jamais $25. C'est un petit signe qu'il fait aux gens, qui veut dire: Ne vous énervez pas. Je ne suis pas nécessairement d'accord sur sa position, mais ça vous montre jusqu'à quel point, dans certains milieux, on considère ces choses-là comme "normales" dans un cas de grève où il y a des difficultés qui se posent. Plus la grève dure, plus ce genre d'accusations-là est possible, est probable et se présente.

Je vous demanderais, tout simplement, dans le fond, de ne pas exiger plus des travailleurs de la construction pour être délégué syndical que ce qu'on exige d'un citoyen ordinaire pour devenir député.

Il ne faudrait quand même pas charrier là-dessus. Si jamais je suis coupable de voies de fait simples dans les semaines qui viennent, ça ne m'empêchera pas, à ma connaissance, d'être candidat aux prochaines élections, même si elles ont lieu d'ici cinq ans. Il ne faudrait quand même pas exagérer, ni demander aux travailleurs de la construction d'être plus purs qu'aux candidats policiers. Il y en a des candidats policiers, qui sont policiers actuellement, et qui ont commis des voies de fait simples. Il y en a qui sont en poste, qui ont été trouvés coupables, par la suite, de voies de fait simples.

M. Choquette: Ce n'est pas vrai.

M. Burns: Voyons donc, M. le ministre, faites donc votre petite enquête.

M. Choquette: C'est faux, c'est complètement faux.

M. Burns: Je vais vous montrer cela dans quelques municipalités. Il y a des gens, dans quelques municipalités, qui ont des dossiers qui s'apparentent à l'article 2 g). Faites votre petite enquête, M. le ministre, et ne demandez pas plus aux travailleurs de la construction pour devenir représentant syndical que ce qu'on demande aux députés ou aux policiers, dans les faits. C'est ce que je vous demande de faire. Ne charriez pas sur cette chose qui, au départ, je vous le dis, me fait me poser un certain nombre de questions.

Le jour où vous allez dire à des gens: Tu sais, parce que tu as commis l'acte criminel de trafiquer des narcotiques ou que tu as fait un assaut infligeant des blessures corporelles ou que tu as commis un vol, tu n'es pas une personne désirable dans tel milieu, il n'y a rien qui m'empêche de dire: Je ne vois pas pourquoi les personnes qui commettent ces crimes-là non seulement ne deviendront pas représentants syndicaux dans la construction, mais ne devraient même pas travailler dans la construction. Continuons, elles ne devraient même pas être vendeurs dans un magasin au détail, parce que, si quelqu'un a commis un vol, on ne sait jamais; si ça lui tente de faire du vol à l'étalage, c'est la place par excellence pour le faire. Pourquoi ne continuerions-nous pas, en disant: II ne faudrait pas qu'ils soient camionneurs, parce que le camionneur transporte des marchandises de grande valeur et il n'y a rien qui l'empêche d'arrêter quelque part et de verser la moitié de son chargement à quelqu'un qui est son complice.

Il n'y a plus rien qui nous arrête à partir du moment où on dit qu'on bannit d'un certain secteur des gens qui ont commis des crimes. Il me semble que ce n'est pas comme cela qu'on envisage la réhabilitation.

Il me semble qu'on essaie le plus vite possible — j'insiste là-dessus — de réinsérer des gens dans la société et dans des fonctions qu'ils sont capables d'occuper. Entre autres, pour un travailleur de la construction, une fonction qu'il est capable, des fois, selon ses talents, d'occuper c'est d'être un dirigeant syndical, c'est d'être un délégué de chantier, c'est d'être un officier syndical.

Mais me disant que l'atmosphère n'est pas propice, surtout après avoir vécu les derniers jours et la discussion de fond que nous avons eue sur d'autres aspects des projets de loi 29 et 30, je me limite à ce moment-ci à demander au ministre de la Justice de rayer de sa nomenclature de crimes au moins les voies de faits simples et l'intimidation.

Le Président (M. Séguin): Le chef de l'Opposition.

M. Bellemare (Johnson): Non, on va attendre le ministre.

M. Choquette: Voici, M. le Président... M. Bellemare (Johnson): Excepté s'il...

M. Choquette: ... si on était dans un domaine traditionnel, peut-être que je me rallierais aux arguments du député de Maisonneuve; si on était dans un domaine ordinaire, peut-être que j'abonderais dans son sens et je dirais: Bien, il ne faut pas faire preuve de sévérité extrême, il ne faut pas trop en mettre.

Mais le fait est que le domaine de la construction est largement pourri, justement à cause de ces crimes que le député de Maisonneuve considère mineurs, des crimes banals en règle générale. C'est justement ce que l'on constate dans le domaine de la construction, où les voies de fait simples et l'intimidation sont monnaie courante, et c'est ce qui pourrit le climat de l'industrie de la construction. C'est ce qui fait que le travailleur a perdu sa liberté syndicale.

On a eu tout une enquête pour dire que, à la fin de tout cela, on va permettre à des représentants syndicaux de ne pas faire de gros crimes, sous peine d'inéligibilité, mais par contre on va tolérer qu'ils se livrent à des voies de fait simples, des claques sur la gueule, des actes d'intimidation par des "goons". On va tout tolérer ce système alors que cela fait un an qu'on lutte avec ce problème, et qu'on lutte avec ce problème d'une manière ouverte alors qu'on en était bien conscient auparavant. On va faire mine que tout cela c'est rien? Bien, M. le Président, je ne me rallie pas à cette opinion.

Pour moi, à moins qu'on exclue d'une manière catégorique ceux qui se livrent à ce genre d'actes, on n'arrivera pas à assainir le domaine de la construction. Je n'ai pas dit que je voulais étendre ces interdictions à d'autres domaines du travail, parce que le problème ne le rend pas nécessaire. Mais devant, en somme, un domaine où on a fréquemment rencontré des cas de voies de fait simples, d'intimidation, de méfaits, d'assauts infligeant des blessures corporelles, avec toutes les conséquences que cela a, non seulement sur la liberté syndicale mais toutes les conséquences que cela a même jusque dans l'administration de la justice... On m'a fait rapport, je ne sais combien de fois, des craintes que tes témoins ont d'aller témoigner dans des causes qui concernent justement tout le domaine de la construction.

Et moi, je vais pudiquement et mièvrement, je dirais, suivre le député de Maisonneuve et dire: non, on va faire en sorte, vous savez, ce n'est rien cela, c'est banal, c'est insignifiant. Tout le monde a le droit d'en commettre des voies de fait, tout le monde a le droit de pratiquer l'intimidation. On va ouvrir la porte à cela? Bien, M. le Président...

M. Burns: Ce n'est pas cela qu'on vous dit, voyons!

M. Choquette: C'est un peu ce que vous dites.

M. Burns: Bien, voyons donc!

M. Choquette: Vous le dites...

M. Burns: Arrêtez donc de niaiser là.

M. Choquette: Non, vous dites...

M. Burns: Je vous ai dit tranquillement, pas vite...

M. Choquette: M. le Président...

M. Burns: ...de faire ce que vous voudrez.

M. Choquette: J'invoque le règlement.

M. Burns: Mettez-vous la tête dans le sable, si vous voulez, il va y en avoir encore de cela.

M. Choquette: M. le Président, j'invoque le règlement...

M. Burns: Voyons donc!

M. Choquette: ... et je demande qu'on respecte mon droit de parole comme je respecte celui des autres.

M. Burns: Arrêtez de dire des conneries et on va vous respecter.

M. Choquette: M. le Président, moi je vous ai écouté déverser votre flot de conneries tout à l'heure, je n'ai pas dit un mot. Alors, tolérez que je prenne la parole à mon tour.

M. Morin: Un si joli mot dans une si vilaine bouche!

Le Président (M. Séguin): A l'ordre! La parole...

M. Choquette: Le littérateur.

Le Président (M. Séguin): ... est au ministre de la Justice. Je demanderais, s'il vous plaît, qu'on laisse terminer chacun de ceux qui s'expriment, sans les interrompre.

L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, je disais donc qu'en fait nous sommes tous familiers avec les façons utilisées dans ce domaine. Où nous voulons venir à bout du mal ou nous ne le voulons pas. Si on veut venir à bout du mal, de la perte de la liberté individuelle, si on veut tolérer que s'instaure encore de façon plus permanente un système de violence dans le domaine de la construction, eh bien on n'a qu'à suivre les conseils doucereux du député de Maisonneuve qui, lui, trouvera toujours des motifs d'excuser des actions qui sont par ailleurs illégales.

Si, aujourd'hui, nous sommes obligés de prendre les grands moyens, c'est parce que la situation les rend nécessaires. Et pour ma part, je n'ai pas l'intention d'acquiescer à la suggestion du député de Maisonneuve.

Le Président (M. Séguin): Le député de Sauvé, chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: M. le Président, je constate d'abord que, pour des raisons...

Le Président (M. Séguin): Excusez-moi. Je demanderais aux députés de se taire parce qu'on a de la difficulté à entendre celui qui parle.

M. Morin: Je constate d'abord que, pour des raisons qui se rattachent sans doute, qui sont du même ordre que celles que le député de Maisonneuve vient de mentionner, la troisième version de l'article 1 écarte le méfait.

M. Choquette: Nous allons le rétablir.

Une Voix: On va l'inclure.

M. Morin: Eh bien, voilà où nous en sommes.

Une Voix: C'est encore pire.

M. Morin: M. le Président, c'est à peu près du même ordre. Le méfait peut consister tout simplement à crier un peu fort sur un trottoir la nuit en sortant d'une taverne, à crier un peu fort sur une ligne de piquetage et voilà, vous êtes coupable de méfait. J'espère que le ministre a compris qu'il ne s'agit pas, de notre part, d'excuser des voies de fait simples ou l'intimidation. Ce n'est pas cela du tout qui est en cause et, d'ailleurs, je fais suffisamment confiance à l'intelligence du ministre pour savoir qu'il n'a pas pu ne pas comprendre ce que nous voulions dire.

Ce que nous voulons souligner, ce sont les risques que comporte le système mis en place par l'article 2 g) paragraphe 1. Je ne sais pas si le ministre se rend compte des possibilités de provocation, voire de "frame-up", de coup monté que comporte l'article 2 g) tel qu'il est rédigé. Il suffit, pour qu'on veuille se débarrasser de quelqu'un dans le domaine de la construction, pour qu'on veuille écarter, pour une période de cinq ans, puisqu'il s'agit d'infractions prévues au paragraphe 1, il suffit qu'on veuille écarter quelqu'un de la direction d'une association de salariés ou qu'on veuille empêcher quelqu'un d'être délégué de chantier ou agent d'affaires ou représentant syndical de tout simplement le bousculer un peu. Bien sûr, cette personne va vouloir se défendre, peut-être bousculer à son tour et voilà, le tour est joué, on se trouve devant des voies de fait simples et la personne peut, en suivant la procédure prévue devant les tribunaux, la personne qui veut faire écarter quelqu'un peut obtenir le résultat en quelques semaines.

Nous pensons que c'est très dangereux et si, par hasard, le ministre veut rétablir le méfait, ce sera encore plus dangereux, encore plus risqué d'aboutir à des cas flagrants d'injustice. Il suffira que quelqu'un soit vu en train de faire du bruit ou de crier. Le méfait, vous savez que c'est très large comme définition, je renvoie le ministre au code pénal.

M. Choquette: Bien, moi, je le connais le code pénal...

M. Morin: Et les risques de "frame-up" sont tout à fait réels dans ces cas. C'est pourquoi j'appuierais le délégué de Maisonneuve lorsqu'il veut retirer les voies de fait simples et l'intimidation, et surtout les voies de fait simples...

M. Burns: Délégué par le peuple. M. Morin: Le député de Maisonneuve.

M. Burns: Bien non, au contraire, je suis délégué par le peuple de Maisonneuve pour venir crier ma hargne à l'endroit de ce projet de loi.

M. Morin: M. le Président, je voudrais peut-être...

M. Choquette: Cela paraît.

M. Burns: J'espère que cela paraît.

M. Morin: ... souligner au ministre un autre aspect auquel il n'a peut-être pas songé dans sa hâte de présenter un projet de loi qui me paraît sans doute trop répressif, comme j'aurai l'occasion de le dire tout à l'heure sur le paragraphe 2.

Dans sa hâte de présenter ce projet de loi, il ne s'est peut-être pas penché suffisamment sur l'aspect constitutionnel. Ces articles, je m'interroge quant à savoir s'ils ne vont pas placer les personnes dans ce qu'on appelle le "double jeopardy" et si c'était le cas, je pense qu'il faudrait que le ministère de la Justice se penche sur la question de savoir si ces articles sont vraiment conformes à la constitution.

Je n'en suis pas sûr, je me pose la question à la lecture. Ce serait peut-être bon que le ministère examine la chose avant l'entrée en vigueur de la loi, avant même peut-être qu'on l'adopte. On devrait peut-être ne pas adopter cet article ce matin et donner au ministère l'occasion d'examiner au moins superficiellement cette question que je soulève.

Ce qui nous inquiète le plus, pour me résumer, c'est la possibilité de "frame up"; passe encore dans le cas du vol, Dieu sait qu'il est facile de monter un cas de "frame up" dans le cas du vol à l'étalage, par exemple. Il suffit de jeter une clef anglaise dans le coffre à outil d'un travailleur et ça y est, c'est vite fait. Alors, si c'est possible pour le vol, combien ce sera plus facile, si on veut disposer de quelqu'un, de l'entraîner dans des voies de fait simples, combien ce sera plus facile de l'entraîner dans une accusation d'intimidation. Ce sont ces risques qui nous amènent à vouloir faire supprimer ces infractions de l'article 2 g), paragraphe 1. Il ne s'agit pas d'excuser qui que ce soit, mais nous pensons que le système peut permettre des abus beaucoup plus qu'il peut aider à régler les problèmes.

Le Président (M. Séguin): A la demande du leader de l'Opposition en Chambre, la commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions. C'est une concession qu'on fait généralement dans le cas de caucus de parti.

M. Bellemare (Johnson): C'est parce que j'aurais deux mots à dire. Je ne serai pas présent, cet après-midi, probablement, à la reprise.

M. Burns: Je suis d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Avec le consentement, oui.

M. Bellemare (Johnson): Je veux simplement donner mon opinion.

Le Président (M. Séguin): Votre opinion, ça va prendre plus que deux mots.

M. Bellemare (Johnson): Non, non, deux minutes. Je serais porté à appuyer le gouvernement dans cette nouvelle prescription des voies de fait simples.

Ayant vécu dans le monde du travail et ayant connu différentes étapes de la progression de certains individus, qui commencent par des voies de fait et qui après, obtiennent une charge comme délégué de chantier et après deviennent des agents syndicaux peu recommandables, à cause de tout ce que j'ai vécu personnellement, je pense que la loi n'est pas trop sévère vis-à-vis de ces voies de fait. Je serais porté, M. le Président, à l'accepter d'emblée, comme l'intimidation qui est devenue aujourd'hui monnaie courante. Non, je n'aurai pas besoin de cela du tout. C'est seulement mon bon sens, ma conscience professionnelle. Dans ce domaine particulier, à cause des faits troublants qu'on vit présentement, et à cause de la progression qui se fait pour obtenir certains postes, je pense qu'on doit aller à la limite possible de toutes ces interventions qui sont contre nature, qui sont contre le syndicat pur et simple.

Le Président (M. Séguin): Merci, M. le député. La commission suspend ses travaux jusqu'après la période des questions.

Il est possible que ce ne soit pas ici cet après-midi, mais dans une autre salle.

M. Burns: Je m'excuse d'avance, M. le Président, de ne pas être présent, cet après-midi, mais je sais que l'Opposition sera entre bonnes mains, entre les mains du chef de l'Opposition.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

Reprise de la séance à 16 h 12

M. Séguin (président de la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre, messieurs!

D'après une décision prise en Chambre, nous devons garder les mêmes membres qu'à la section de la séance de ce matin. Alors, MM. Bellemare (Johnson); Choquette (Outremont); Boudreault (Bourget); Burns (Maisonneuve); Charron...

M. Morin: Avant que vous n'alliez plus loin, l'objet de la motion en Chambre était justement de substituer au nom de M. Burns, celui de M. Marc-André Bédard de Chicoutimi, qui viendra à la commission un peu plus tard.

Le Président (M. Séguin): Vous savez, messieurs, que j'ai toujours observé une certaine largeur d'esprit pour remplacer des membres.

M. Morin: Le tout est de savoir si, ce matin, nous avons simplement suspendu ou ajourné sine die. Si nous avons ajourné sine die, il n'y avait pas de problème.

Le Président (M. Séguin): Cela a été suspendu.

M. Morin: Alors, dans ce cas, c'est pour cela que nous avons fait la motion en Chambre et malheureusement...

Le Président (M. Séguin): Avec le consentement, je pense qu'il ne faudrait pas...

M. Boudreault: On va vous le donner, le consentement, ce que vous nous avez refusé ce matin.

M. Lachance: On vous donne ce que vous nous avez retourné.

M. Morin: Oui, mais ce que vous nous aviez refusé la veille. C'est un échange de mauvais procédés qui peut tourner à un échange de bons procédés.

M. Lachance: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): Pour ne pas dégénérer en un débat inutile et futile, M. Bédard (Chicoutimi) remplace M. Burns (Maisonneuve); les autres membres sont M. Morin (Sauvé); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Cournoyer (Robert-Baldwin); M. Déziel (Saint-François); M. Harvey (Charlesbourg); M. Lachance (Mille-Iles); M. Lecours (Frontenac); M. Malépart (Sainte-Marie); M. Roy (Beauce-Sud); M. Verreault (Shefford); le rapporteur M. Lachance (Mille-Iles). Lorsque nous avions suspendu nos travaux, le député de Johnson avait fait un bref exposé et le député de Bourget avait demandé la parole. Le député de Bourget.

M. Boudreault: M. le Président, j'aimerais apporter un petit amendement à l'article 1, paragra-

phe 2 g) et à la deuxième ligne, on voudrait que cela se lise comme suit: "Toute personne trouvée coupable, au Canada ou ailleurs, de voies de fait simples et de méfait", il faut ajouter méfait.

M. Lachance: "D'assault infligeant". M. Boudreault: "De méfait".

M. Morin: Puis-je faire observer au député que cette infraction ne se retrouve pas dans le rapport Cliche.

Le Président (M. Séguin): Juste un instant, s'il vous plaît. Je voudrais d'abord permettre au député, s'il a des commentaires additionnels à faire sur sa suggestion, pour ensuite reconnaître le débat sur la proposition du député de Bourget. Cela viendrait après "voie de fait simple"?

M. Boudreault: "Voie de fait simple", ajouter "de méfait".

Le Président (M. Séguin): Le député de Bourget, avez-vous des commentaires à faire?

M. Boudreault: Je pense que ce matin, c'est le chef de l'Opposition lui-même qui avait interprété le mot "méfait" qui était tout simplement, faire du tapage et le mot "méfait" va plus loin que ça. Ça veut dire bris de biens ou démolition, attaque, destruction. C'est la raison pour laquelle nous voulons ajouter cela à cet article, afin que ce soit plus précis.

Le Président (M. Séguin): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires sur le sous-amendement?

M. Morin: M. le Président, je ne sais pas si le député a terminé son exposé?

M. Boudreault: Oui, Monsieur.

M. Morin: Je ne sais pas s'il a lu l'article 387 du code pénal, il aurait compris...

M. Boudreault: Je ne suis pas professeur de droit, malheureusement.

M. Morin: Non, mais ça lui aurait appris toute la portée de ce qu'il vient de proposer. J'imagine que c'est avec l'appui du ministre de la Justice, puisque celui-ci, dès ce matin, nous annonçait que c'était son intention de remettre l'infraction appelée "méfait" sur la liste des infractions ou crimes portant inhabilité d'exercer une fonction sur les chantiers. Je regrette profondément que le ministre et le député aient décidé de remettre cette infraction sur la liste parce que, ça peut donner lieu à des abus qui paraissent tout à fait manifestes, quand on se donne là peine de lire l'article 387, paragraphe 1) du code pénal.

Par exemple, commet un méfait quiconque empêche, interrompt ou gêne l'emploi, la jouissance ou l'exploitation légitime d'un bien, ou empêche, interrompt ou gêne une personne dans l'emploi, la jouissance ou l'exploitation légitime d'un bien.

M. le Président, bien sûr qu'il y a des aspects du méfait, des finitions du méfait qui sont plus graves par la suite et qui en font, dans certains cas, un crime. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que le méfait a été défini par les tribunaux de telle sorte qu'il peut couvrir des situations aussi banales que celle de quelqu'un qui déambule dans la rue, le soir, en faisant du chahut. Techniquement, il gêne ou il interrompt la jouissance ou l'exploitation légitime d'un bien; en faisant du bruit, il empêche les gens de dormir. Je ne dis pas qu'il n'est pas une nuisance publique. Il commet peut-être un méfait au sens du code pénal.

Mais est-ce que, pour si peu, on va, par la suite, le décréter inhabile à exercer des fonctions qu'on connaît sur les chantiers? J'estime qu'il y a une démesure entre l'acte, dans ces cas-là, et la peine infligée, l'inhabilité, l'exclusion qu'on lui inflige. Une démesure telle que, très franchement, elle me laisse pantois.

J'avoue que je ne peux absolument pas suivre le ministre sur des sentiers comme ceux-là. M. le Président, il n'y a pas que le méfait d'ailleurs — pour l'instant, je vais m'en tenir au sous-amendement — qui peut donner ouverture à l'arbitraire, au "frame-up" même. On veut exclure quelqu'un des chantiers; il suffit de s'arranger pour l'emmener dans une taverne et le bousculer et, aussitôt, on va se trouver devant des cas de méfaits et devant des cas de voies de fait simples.

Il va devenir très facile de se débarrasser des individus dont on ne veut pas. Il y a aussi danger qu'on encourage la délation avec le système que nous sommes en train de mettre en place.

C'est devant ces dangers qui, à notre avis, vont contribuer, non pas à restaurer la paix sur les chantiers, mais qui vont, au contraire, très probablement — et le ministre ne pourra pas dire que nous ne l'avons pas prévenu — contribuer à aggraver la situation sur les chantiers et à aggraver le climat social. Ce sont ces risques que nous dénonçons depuis le début.

Je m'étonne que le ministre n'en tienne pas davantage compte. Voilà ce que j'ai à dire pour l'instant, M. le Président, sur le sous-amendement.

Le Président (M. Séguin): L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: M. le Président, sous le sous-amendement proposé par le député de ...

M. Boudreault: De Bourget.

M. Choquette: ... Bourget, je voudrais attirer l'attention du chef de l'Opposition sur le fait qu'il ne faut pas confondre "méfait" avec "troubler la paix publique" et "vagabondage". "Troubler la paix publique", nous ne l'avons pas mis dans notre énumération, parce que nous n'avons pas considéré que c'était un crime suffisant pour disqualifier quelqu'un d'être représentant syndical. Nous n'avons pas mis "vagabondage" non plus, puisqu'il a parlé de crier, la nuit, dans des endroits

publics. Nous avons quand même, dans la liste que nous avons dressée des actes criminels qui pourraient entraîner la disqualification, sélectionné un certain nombre de crimes que nous avons eus, malheureusement, à déplorer sur les chantiers de construction ou de crimes qui sont susceptibles de se produire sur les chantiers de construction ou, encore, de crimes qui sont susceptibles de nuire à l'exercice de la liberté individuelle des travailleurs.

Je pense que je devrais rejoindre la conscience du chef de l'Opposition qui, dans sa carrière de professeur, a été professeur de droit constitutionnel, s'est intéressé, en particulier, à l'exercice des droits fondamentaux de la personne, ce qui en a fait un critique très autorisé...

M. Morin: C'est justement ce qui me préoccupe.

M. Choquette: ... de la législation présentée par le gouvernement, en matière de liberté et de droits fondamentaux des individus.

S'il y a une conclusion qu'il faut retenir du rapport de la commission Cliche, c'est bien que la liberté des travailleurs est mise en danger par toutes sortes d'actions de nature illégale, par des crimes décrits au code criminel qui constituent des entraves, sinon, des empêchements absolus à l'exercice de cette liberté. Je suis sûr que le député de Sauvé et son collègue de Chicoutimi, dans leur for intérieur, ne veulent pas qu'existe, sur les chantiers, un régime de violence et d'anarchie, un régime où on bafoue les droits des individus, un régime où le crime soit en quelque sorte la loi du milieu. Ils ne le veulent pas.

M. Morin: Non seulement dans notre for intérieur, nous avons toujours dit que nous ne le voulons pas. Vous prenez les mauvais moyens.

M. Choquette: Nous leur demandons, compte tenu de la situation déplorable qui s'est créée dans ce milieu, de nous suivre et de faire en sorte qu'on extirpe le mal là où il se trouve. Le mal se trouve, suivant mon expérience et celle vécue par bien d'autres, dans un certain nombre de crimes, comme celui du méfait, celui de l'intimidation, celui des voies de fait simples. J'entendais avant l'ajournement l'intervention de l'ancien ministre du Travail, le député de Johnson, qui disait: Cela commence par des crimes de cette nature, mais on gradue plus tard à des assauts infligeant des blessures. On gradue à des crimes encore plus graves, parce que j'ai des cas qui m'ont été signalés de gens qui se sont fait casser la figure, démolir le visage, par des voies de fait. J'ai des cas de gens qui se sont fait casser les jambes sur les chantiers.

M. Bédard (Chicoutimi): Poursuivez-les.

M. Choquette: Poursuivez-les. Enfin, je ne suis pas pour commencer à faire...

M. Bédard (Chicoutimi): Quand Dédé Desjar- dins est venu ici à la commission parlementaire sur le bill 9, vous n'avez pas pris de procédure...

M. Choquette: Vous n'étiez pas là.

Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Choquette: En tout cas, même à cette époque, vous n'étiez pas élu député...

M. Morin: M. le ministre, ce n'est pas le bill qui va vous donner du courage, vous savez. Ce n'est pas cette loi qui va vous rendre le courage dont vous n'avez pas fait preuve dans le passé.

M. Choquette: Je regrette, M. le Président, je ne suis pas pour souffrir les interruptions ni du chef de l'Opposition, ni du député de Chicoutimi. Premièrement, pour ce qui est du député de Chicoutimi, il n'était pas là quand ces incidents se sont produits il y a quelques années...

M. Bédard (Chicoutimi): La commission...

M. Choquette: ... premièrement; deuxièmement, quant au chef de l'Opposition, je lui pose la question suivante: Ne pense-t-il pas qu'en y inscrivant ces actes criminels et en faisant en sorte qu'une personne qui s'en rend coupable soit disqualifiée, justement on va faire prévaloir d'une façon absolument claire et nette, évidente aux yeux de ceux qui occupent des fonctions syndicales, que, dorénavant l'Assemblée nationale, le Parlement du Québec réprouve absolument et de façon complètement catégorique toute action illégale de cette nature. Je pense que ceci va contribuer à assainir le climat social auquel le député de Sauvé fait allusion. L'argument du climat social, vous savez, cela fait cinq ans que je suis ministre de la Justice, je l'ai entendu souvent, chaque fois qu'il s'agit pour le gouvernement de poser un geste le moindrement énergique pour empêcher la commission de crimes, pour empêcher le désordre, on nous arrive toujours en nous disant: Est-ce que l'action du gouvernement ne sera pas provocante et ne fera pas en sorte qu'elle va surexciter le climat social? Savez-vous une chose? Je n'ai jamais écouté ces arguments. C'est ce qui fait que je n'ai jamais succombé à cet argument de faiblesse qui est celui du climat social. Le climat social au Québec va commencer à avoir du bon sens le jour où les lois seront respectées, le jour où on aura pris les moyens de les faire respecter...

M. Morin: Le jour où vous les appliquerez.

M. Choquette: M. le Président, je les applique dans toute la mesure que je peux.

M. Morin: Ah oui!

M. Choquette: Je ne suis pas pour faire mon autodéfense ici, aujourd'hui, parce que je n'en ai pas besoin. Je n'ai pas besoin de me justifier aux yeux du chef de l'Opposition ou aux yeux de qui que ce soit.

M. Morin: Aux yeux de l'opinion publique, oui.

M. Choquette: L'opinion publique, M. le Président, elle le sait que j'ai fait mon devoir. Je n'ai pas besoin de faire l'état de mes services depuis que je suis ministre de la Justice. Je dis, M. le Président, qu'en toute conscience, je pense que les députés ne devraient avoir aucune hésitation à adopter ce texte de loi avec l'amendement proposé par le député de Bourget. J'ajoute une chose: C'est que le méfait, ce n'est pas une chose banale aux yeux du législateur fédéral, si je me rappore au code criminel et en particulier à l'article 387. Le méfait, à l'égard d'un bien privé, est punissable d'un emprisonnement de cinq ans ou d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité. Mais c'est punissable d'une sentence de cinq ans, et le méfait à l'égard d'un bien public, c'est punissable de quatorze ans d'emprisonnement. Ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'un crime banal, de passer sur un feu rouge, enfin d'une infraction de cette nature. C'est la raison pour laquelle je trouve que le député de Bourget a démontré, encore une fois, aujourd'hui, que c'est un législateur profond, en proposant cet amendement.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le député de...

M. Choquette: Mais je vais faire plaisir au député de Sauvé. On va l'enlever...

Le Président (M. Séguin): Le chef de l'Opposition.

M. Morin: ... ce qui nous inquiète dans ces dispositions et dans l'addition de cette expression "méfait", qui est un mot qui recouvre des infractions et des crimes, qui recouvre toute une gamme d'actes qui peuvent être posés par les individus, c'est qu'on y inclut également des actes qui peuvent être tout à fait mineurs et presque inoffensifs, et que cette expression peut servir à créer des cas de "frame-up". Je rappelle au ministre que l'article 32 r), que nous avons adopté avec deux modifications que j'avais suggérées, hier soir, et que le ministre a acceptées, prévoit que l'inhabilité prévue à l'article 2 g) dont nous traitons actuellement, donne ouverture à la procédure de quo warranto, c'est-à-dire à la procédure de destitution, à la suite d'une requête présentée par tout membre de l'association ou par le procureur général.

Ce qui signifie, qu'on peut imaginer facilement des situations où des syndicats rivaux, pour éliminer les hommes responsables sur les chantiers, ou les responsables d'associations, pour éliminer les adversaires, peuvent très bien, et facilement, faire tomber dans des traquenards et obtenir des accusations de méfaits contre ces adversaires. Ensuite, ayant obtenu cela, Dieu sait que ce n'est pas difficile de se rendre coupable de méfaits ou de voies de fait simples. Il suffit d'une bagarre, même de lever la main sur quelqu'un et on est coupable de voies de fait simples; même pas frapper, lever la main sur quelqu'un, injurier quelqu'un peut constituer une voie de fait simple.

M. le Président, le ministre connaît la jurisprudence, il devrait au moins l'avoir consultée avant de nous proposer des modifications comme celles-là. Ce qui veut dire, qu'après avoir monté un coup contre des adversaires, on pourra se présenter, toute personne pourra se présenter devant les tribunaux, en vertu de l'article 838 du code de procédure civile, et obtenir un bref de quo warranto, obtenir la destitution et donc l'inhabilité de toute personne qui aurait été accusée de ces infractions ou de ces crimes.

Je ne conteste pas au ministre que le meurtre et les autres crimes qui sont décrits dans le rapport de la commission Cliche, je ne conteste pas que, dans ces cas, il y a lieu de prévoir une inhabilité. Nous n'en avons pas au principe même. Nous disons que le ministre donne dans la démesure quand, au lieu de s'en tenir à la liste fournie par la commission Cliche... Il a dû y réfléchir à ce problème et il n'a pas proposé des choses à la légère. Je dis que le ministre tombe dans la démesure quand il ajoute à cette liste des infractions qui n'ont pas le caractère de gravité de celles qu'on trouve dans la liste donnée par la commission Cliche.

M. le Président, je trouve que le ministre crée une situation qu'il aura sans doute à regretter par la suite, où on verra littéralement les gens se tendre des pièges pour arriver à obtenir la destitution d'adversaires ou encore de personnes considérées indésirables par certains dirigeants. C'est très dangereux, le système que vous êtes en train de mettre en route.

M. Choquette: J'attire l'attention du chef de l'Opposition sur la définition de "voies de fait" telle qu'elle se trouve à l'article 244 du code criminel.

M. Morin: Des voies de fait simples.

M. Choquette: "Commet des voies de fait ou se livre à une attaque, quiconque, sans le consentement d'autrui, ou avec son consentement s'il est obtenu par fraude, a) d'une manière intentionnelle applique directement ou indirectement la force ou la violence contre la personne d'autrui ou b) tente ou menace par un acte ou un geste d'appliquer la force ou la violence contre la personne d'autrui...

M. Morin: C'est cela.

M. Choquette:... s'il est en mesure actuelle ou s'il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu'il est en mesure actuelle d'accomplir son dessein.

M. Morin: C'est cela. C'est ce que je vous dis depuis tout à l'heure.

M. Choquette: Oui, mais c'est grave. C'est le climat, justement, qu'on a à réprouver sur les chantiers de construction. C'est justement ce que l'on a à réprouver. Si on ne va pas au fond des

choses, on va s'arrêter en chemin. C'est ce que l'Opposition veut?

M. Morin: Voyons donc!

M. Choquette: L'Opposition veut que le gouvernement s'arrête en chemin dans ses mesures d'épuration des chantiers de construction! Aidez-nous au lieu d'essayer de détruire ce que nous faisons.

M. Morin: On veut que ce soit suffisamment grave pour motiver une exclusion de cinq ans.

M. Choquette: Pour le moment, c'est grave. Pour le moment c'est grave, parce que c'est le régime qui existe. J'ai eu des cas. Je l'ai dénoncée, l'intimidation, la violence, depuis trois ou quatre ans que je suis ministre de la Justice. Avant que le député de Sauvé soit député, avant que le député de Chicoutimi soit là, le député de Saint-Jacques était élu depuis 1970, j'ai dénoncé exactement ces choses et même on l'appelait, à ce moment-là, l'opération intimidation, justement, ou le dossier intimidation, pour tenter de faire la lumière sur ces actes d'intimidation. M. le Président, ne me demandez pas, aujourd'hui qu'on arrive au terme d'une campagne que j'ai entreprise il y a plusieurs années, de m'arrêter et de dire: On va dire que ce n'est pas grave, les voies de fait. Ne me demandez pas cela, je ne le ferai pas.

M. Morin: M. le Président, je pourrais peut-être demander au ministre, à ce moment-là, s'il ne devrait pas être indiqué alors, dans son article, qu'il s'agit de voie de fait simple ou de méfait commis sur les chantiers, parce que, de la façon que c'est présenté, c'est n'importe où, n'importe quand, c'est-à-dire aussi bien à la taverne du coin — et le ministre connaît le monde du travail — il sait que ce genre de chose, ce genre de bousculade peut arriver très fréquemment pour des raisons les plus diverses qui n'ont rien à voir avec la vie des chantiers.

M. Choquette: Souvent, cela a affaire avec la vie des chantiers justement dans les tavernes et autrement. On le sait. On a l'expérience vécue. Les voies de fait ne se commettent pas toujours sur les chantiers. Elles se commettent dans les lieux où on se réunit. La commission Cliche est pleine d'incidents comme cela. Rappelez-vous le cas des chefs d'un local qui ont été destitués sous la menace en disant: Vous allez être exposés à des voies de fait. Et d'ailleurs, il y a eu des voies de fait, ces gens ont été obligés de démissionner justement parce qu'ils étaient exposés à ce genre de violence. La commission Cliche nous a même recommandé de mettre ce syndicat en tutelle. Je tire les conclusions de l'enquête, qui a été faite impartialement par la commission Cliche et dans laquelle figuraient des amis de nos amis d'en face. Alors qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus?

M. Morin: On vous dit...

M. Choquette: Je vous dis une chose. Il faut s'attaquer au mal là où il est. Les mesures que nous prenons ici n'empêchent pas quelqu'un de gagner sa vie. On n'a pas fait en sorte que le représentant syndical disqualifié pour un de ces actes criminels pour lesquels il faudra qu'il soit condamné en cour, pour lesquels il aura le bénéfice du doute, et à l'égard duquel le fardeau de la preuve appartiendra à la poursuite, soit empêché de gagner sa vie comme un travailleur.

M. Morin: II ne manquerait plus que cela.

M. Choquette: Non, il ne faut pas exagérer. Il s'agit tout simplement de l'empêcher d'occuper une position d'autorité et d'user justement de ces voies de fait, de l'intimidation, etc. et du méfait, pour faire avancer ses idées en matière syndicale ou ses objectifs syndicaux. Idée, c'est beaucoup dire.

Le Président (M. Séguin): Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, d'abord, je tiens à dire...

Le Président (M. Séguin): Juste un instant, pour ne pas interrompre. Messieurs, si vous êtes consentants, nous allons procéder avec beaucoup d'ordre. Chacun a le droit et le pouvoir de parler, de s'exprimer.

Je reconnais une mesure de dialogue. Mais d'un autre côté, je voudrais que le dialogue se fasse une personne à la fois. C'est très difficile à enregistrer au journal des Débats et c'est très difficile d'avoir un débat sensé. M. le député de Chicoutimi, ce n'est pas à vous que je m'adresse, ni à personne d'autre dans le moment, mais dès le début, je voudrais établir un peu d'ordre dans ce sens.

M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, le ministre de la Justice sait très bien que, non seulement dans notre for intérieur, mais très ouvertement, nous avons eu à dénoncer le régime de violence qui sévit depuis trop longtemps dans le domaine de la construction. Qu'il y ait nécessité de légiférer, d'accord. Maintenant, le ministre nous demande, en tant qu'Opposition, de l'aider à réaliser ce travail. On s'aperçoit que par la loi proposée, la seule manière d'aider le gouvernement, à l'heure actuelle, dans sa loi, c'est de l'empêcher de tomber dans l'exagération, sous prétexte de vouloir mettre de l'ordre dans le domaine de la construction. Votre projet de loi, si vous regardez l'article 3, spécifie très bien que l'article 1 va s'appliquer rétroactivement a toutes les personnes qui peuvent être concernées par le projet de loi, les personnes qui sont des travailleurs dans le domaine de la construction.

Si vous appliquez cet article rétroactivement, le ministre le sait, j'ai eu l'occasion de pratiquer du droit criminel et le ministre de la Justice sait très bien qu'ils sont légion, beaucoup trop nombreux, ces jeunes qu'on traduit, tous les jours, de-

vant la cour pour des accusations de méfait. Par exemple, en vertu de l'alinéa 1 de l'article 387, à savoir détériorer des biens, endommager des biens publics ou des biens privés. Le ministre sait qu'il y a des centaines et des centaines de jeunes qui sont traduits sous l'empire de cet article.

Quand vous adoptez cette loi, rétroactivement, cela veut dire que tous ces jeunes qui, à l'âge de 18 ans ou 19 ans, ont commis une petite bêtise ou ont eu un égarement momentané, que ce soit individuellement ou en groupe, ont détérioré un bien public ou un bien privé, se sont ensuite ramassés devant la cour, ce qui est normal, ont été condamnés. Votre projet de loi a pour conséquence de frapper directement toutes ces personnes. Vous ne trouvez pas que c'est tomber dans l'exagération?

M. Choquette: Je ne crois pas, parce qu'il faut prendre des mesures assez draconiennes.

M. Bédard (Chicoutimi): II y a draconiennes et mesures.

M. Choquette: II faut prendre des mesures assez draconiennes. On ne peut pas y aller "mollo" dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle je suis obligé de présenter un projet de loi et d'abonder dans le sens du député de Bourget quant à son amendement. Maintenant, n'oubliez pas que pour ce qui est de l'énumération des crimes dont vous avez fait état, entre autres, le méfait — ce matin vous étiez absent, mais le chef de l'Opposition et votre collègue, M. le député de Maisonneuve ont parlé de l'intimidation et des voies de fait simples — n'oubliez pas qu'il est permis à l'intéressé de faire une demande de pardon, bien avant l'expiration du délai de cinq ans.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous savez ce que ça demande en procédures, une demande de pardon? Ce que ça coûte?

M. Choquette: Ce que ça coûte.

M. Morin: ... la réponse, il l'a donnée en Chambre et il ne le sait pas.

M. Bédard (Chicoutimi): C'est assez difficile d'avoir des renseignements...

M. Choquette: Ecoutez. Ce n'est pas si compliqué que cela. D'autant plus, on me dit que le gouvernement fédéral va possiblement améliorer les délais, pour l'obtention des pardons, de telle sorte que ceci ne veut pas dire que cela condamne quelqu'un irrémédiablement, au délai de cinq ans qui est prévu dans cet article du projet de loi.

Même à l'heure actuelle, je crois qu'au bout de deux ans, on pourrait faire la demande de pardon et si on a démontré une bonne conduite dans l'intervalle, on pourra obtenir un pardon. De telle sorte que le jeune dont vous parlez depuis tout à l'heure, de 19 ou 20 ans, qui peut avoir commis quelques méfaits, avoir été trouvé coupable, cela ne le rendrait pas inéligible à une position de représentant syndical ou de délégué de chantier, pour une période de plus de deux ans.

Je conçois que c'est assez fort comme législation, mais c'est voulu comme cela. C'est justement parce que nous avons décidé d'aller au fond des choses.

M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que ce n'est pas de l'exagération? Prenez le cas de trois jeunes hommes qui, il y a dix ans, alors qu'ils avaient 19 ans, ont été traduits devant les tribunaux pour une plainte... Ils ont été accusés solidairement de méfait.

M. Choquette: Ils ne tomberaient pas sous le coup de cette loi.

Une Voix: Pas de problème il y a dix ans.

M. Bédard (Chicoutimi): Cinq ans. Même il y a cinq ans. Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est tomber dans l'exagération que trois jeunes hommes, qui ont été traduits en cour, qui ont commis une bévue dans leur vie...

M. Boudreault: On ne leur enlève pas le droit de travailler.

M. Bédard (Chicoutimi): ... qui ont été condamnés, qui ont expié — la plupart du temps, c'est simplement une amende dans ces cas-là, ou des sentences suspendues, on ne parle même pas de réhabilitation dans ces cas-là — qui, tout simplement, après avoir commis leur bévue, se sont ressaisis et ne se sont acheminés vers le marché du travail, à ce moment-là, se voient pénalisés par une loi rétroactive dans le sens de celle que vous présentez?

M. Choquette: Je suis prêt à aller aussi loin que de reconnaître avec le député de Chicoutimi qu'en règle générale, des dispositions comme celles-ci ne s'imposent pas.

Mais ici, nous sommes dans un domaine particulier, celui de la construction, enquêté depuis un an par la commission Cliche, enquêté avec un avocat qui est un ami personnel du député de Chicoutimi et qui connaît bien la situation. Il a vu tout ce qui s'est déroulé sur ces chantiers. M. le Président, il faut prendre les moyens voulus.

M. Bédard (Chicoutimi): Les moyens voulus, il aurait peut-être fallu les prendre en temps, aussi. J'espère que vous avez lu les pages I28 et I29...

M. Choquette: Ce n'est jamais facile.

M. Bédard (Chicoutimi): ... qui font la relation très claire avec la conduite de M. Dédé Desjardins, à une certaine commission parlementaire où je n'étais pas, j'en conviens, mais où il y avait quand même des députés et suffisamment de ministres pour être témoins de la manière dont ce dernier s'est conduit — vous me permettez de finir — avec ses hommes, qui, en fait, a été une opération de

molestage systématique, à ce moment-là. Vous le savez. Vous lirez...

M. Choquette: D'après vous, est-ce qu'il s'est commis un crime cette fois? D'après vous, je vous pose la question, est-ce qu'il s'est commis un crime cette fois-là.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous me permettez de finir ma question? Vous vous référez à la commission Cliche, vous aimez cela lorsque cela fait votre affaire; prenez-la quand cela ne fait pas votre affaire également. Que dit-elle la commission Cliche?

Elle dit ceci très textuellement et j'abrège: "Une pareille immunité est d'autant plus étonnante-que la Loi de la Législature définit, comme une infraction punissable d'un emprisonnement n'excédant pas un an, le fait de molester, menacer ou tenter de violenter ou d'intimider un député."

La commission dit qu'elle n'est pas capable de comprendre que Desjardins et ses hommes ne furent jamais inquiétés à la suite de ces événements, elle ne comprend pas la complicité du silence du gouvernement, à ce moment.

M. Choquette: Et de l'Opposition.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, du gouvernement.

M. Choquette: Oui...

M. Bédard (Chicoutimi): A ce que je sache, qui est le ministre de la Justice?

M. Choquette: Et de l'Opposition.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais qui est le ministre de la Justice? Qui était le ministre de la Justice?

M. Choquette: Qui est le président de la Chambre?

M. Bédard (Chicoutimi): Qui était le ministre de la Justice?

M. Choquette: C'est évident que c'était moi. M. Bédard (Chicoutimi): C'était vous? M. Choquette: Mais non. M. Morin: "Pass the buck", comme on dit.

M. Choquette: Mais non, pas "pass the buck". J'essaie de vous mettre en contradiction.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous tombez dans l'exagération, justement, après avoir adopté une attitude, le moins qu'on puisse dire, non pas de collusion, mais de...

M. Morin: Faiblesse.

M. Bédard (Chicoutimi): ... très grande faiblesse. Vous nous disiez, tantôt, qu'il ne faut pas tomber dans les arguments de faiblesse. Pour ce qui est de l'incident dont je parle — il y en a d'autres dans le rapport de la commission Cliche — c'est clair que ce n'étaient pas seulement des arguments de faiblesse. C'était une attitude de faiblesse qu'a adoptée le gouvernement. Je ne sais pas si la complicité du silence était commencée avec Dédé Desjardins et les autres, concernant le monopole, etc., mais il reste quand même que vous êtes d'accord que les reproches qui sont faits par la commission Cliche sont très graves sur cet aspect.

M. Choquette: Quand même...

M. Bédard (Chicoutimi): Aujourd'hui, vous nous arrivez avec l'argument qu'il ne faut pas faire preuve de faiblesse. Vous tombez dans l'exagération.

M. Morin: Inverse.

M. Bédard (Chicoutimi): Parce que c'est une loi qui est rétroactive. C'est rare les lois, quand même, rétroactives.

M. Choquette: Ce n'est pas une loi...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous allez frapper des jeunes, des personnes rétroactivement. Vous allez assister au système de la délation. Vous allez assister au système de la recherche du dossier. Oui, mais sur le marché du travail, ces gens, en fait, les ouvriers, que ce soit au niveau de postes qu'ils veulent obtenir ou, d'avantages qu'ils veulent obtenir, sont quand même placés, parfois, dans des situations où cela ferait l'affaire, peut-être, pour un ouvrier, d'essayer de remonter à cinq ans et de relever le petit dossier qu'il y a contre un de ses compagnons de travail. Vous savez, c'est tout ce système que vous mettez en branle. C'est vraiment, systématiquement, un système de délation.

Il me semble, quand on parle de climat social, que le système de délation, il faut y prendre garde. Si on l'instaure systématiquement, cela ne peut pas aider la paix sociale. Je conviens que vous recherchez...

M. Choquette: Vous n'êtes pas du même avis que la commission Cliche, puisque vous êtes contre un système de délation.

M. Bédard (Chicoutimi): La commission Cliche ne met pas ces crimes.

M. Choquette: Elle en a mis d'autres.

M. Bédard (Chicoutimi): Non.

M. Choquette: Donc, elle est pour la délation?

M. Morin: Les crimes graves.

M. Bédard (Chicoutimi): Les crimes graves. M. Choquette: Les crimes graves.

M. Bédard (Chicoutimi): Peut-être, pour que les crimes, par voie de mise en accusation, ce qu'on appelle un acte criminel, il me semble que, l'idée, comme votre loi est tellement sévère du fait qu'elle est rétroactive, elle est déjà sévère en soi pour ceux qui oeuvrent sur le marché de la construction. N'est-il pas venu à l'idée du ministre, au moins, de ne pas la faire rétroactive?

M. Choquette: Ce n'est pas une loi rétroactive, c'est une loi rétrospective. C'est différent.

M. Bédard (Chicoutimi): Je ne commencerai pas à m'obstiner sur des détails.

M. Choquette: Le chef de l'Opposition me comprend.

M. Morin: Oui.

M. Choquette: S'il me comprend, je suis satisfait.

M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas besoin de comprendre le ministre de la Justice.

M. Morin: Ce que je sais...

M. Bédard (Chicoutimi): Ce qui m'intéresse...

M. Choquette: Le chef de l'Opposition et moi, nous nous comprenons.

M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas besoin de comprendre le ministre de la Justice, mais j'ai besoin de comprendre, comme législateur, ce à quoi votre loi mène. Je vous le dis, elle mène à l'exagération.

M. Choquette: L'exagération est constatée par la commission Cliche. L'exagération est constatée par les événements qui ont été vécus par les travailleurs.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Cela n'empêche pas qu'une législation soit raisonnable.

M. Choquette: C'est démontré que les crimes les plus fréquents, c'est l'intimidation, ce sont les voies de fait, c'est le méfait. Si on ne commence pas par cela, on ne commencera nulle part. Vous aurez toujours une bonne raison pour empêcher le gouvernement d'agir.

M. Morin: M. le Président, le ministre...

M. Bédard (Chicoutimi): Pourquoi n'avez-vous pas commencé, en commission parlementaire, M. le Président?

M. Choquette: Puisque vous voulez parler de cette commission parlementaire, est-ce que vous affirmez qu'il y a eu crime commis, cette fois?

M. Bédard (Chicoutimi): Je dis...

M. Choquette: Affirmez-vous qu'il y a eu un crime, au sens du code criminel?

M. Bédard (Chicoutimi): Si vous me laissez parler, je vais vous dire ce que j'affirme.

M. Choquette: Oui.

M. Bédard (Chicoutimi): D'accord?

M. Choquette: Oui.

Le Président (M. Séguin): Le député de Chicoutimi.

M. Bédard (Chicoutimi): -J'affirme textuellement ce que la commission Cliche a dit, à savoir que... Si vous voulez, je peux vous lire tout... Voulez-vous que je vous le lise? Je vais vous dire ce que j'affirme.

M. Choquette: Je le connais.

M. Bédard (Chicoutimi): La commission Cliche dit ceci: "Certains hommes politiques ont eu des réactions analogues — les réactions de peur vis-à-vis de M. Desjardins, si on va dans les pages précédentes — au moment de mettre en chantier les plus grands travaux de construction, jamais entrepris au Québec, il fallait s'assurer du concours syndical." Avec qui traiter? Avec le plus fort, c'est-à-dire André Desjardins. Ne pouvaient pas douter de sa toute puissance, ceux qui l'ont vu à l'oeuvre le 24 mars 1971, faisant irruption, avec une trentaine de fiers-à-bras, dans l'enceinte où siégeait une commission parlementaire. On était en train d'étudier un projet de règlement que la FTQ n'agréait pas. Dans le tumulte, les syndiqués de la CSN furent roués de coups.

André Desjardins lui-même pourchassait, en hurlant, le président de la CSN, le tout sous les yeux des députés impuissants. Ce chahut indescriptible fit suspendre les travaux de la commission, qui ne tint plus jamais aucune séance. Les manifestants se retirèrent ensuite — cela vous rappelle des souvenirs — non sans endommager quatre voitures de députés garées à la porte du parlement. Desjardins et ses hommes ne furent jamais inquiétés à la suite de ces événements. La commission conclut: Pareille immunité — vous savez ce que veut dire immunité, on ferme les yeux — est d'autant plus étonnante que la Loi de la Législature définit comme infraction punissable d'un emprisonnement n'excédant pas un an, le fait de molester un député.

M. Choquette: La commission ne l'a peut-être pas dit, mais je peux vous dire que la Sûreté du Québec a enquêté sur les actions qui ont été posées par ces hommes à l'extérieur. La Sûreté n'a pas pu identifier ceux qui avaient causé les dommages à l'extérieur. A l'intérieur de l'enceinte, ici, c'était une matière qui était soumise au président de l'Assemblée nationale. N'importe quel député,

même de votre parti, aurait pu rapporter l'incident. Maintenant, quant à la description de l'incident, le juge Cliche n'était pas là, par conséquent, on ne sait pas...

M. Bédard (Chicoutimi): II s'est trompé encore là. Cela ne fait pas votre affaire.

M. Choquette: Vous savez, il ne faut pas suivre le rapport Cliche, aveuglément. Il faut le prendre comme une oeuvre humaine.

M. Bédard (Chicoutimi): II faut le prendre quand cela fait votre affaire.

M. Morin: Je veux dire au ministre que je suis d'accord avec lui rétroactivement et rétrospectivement. Je pense que je commence à comprendre son affaire. Je m'entends avec lui. Rétroactivement et rétrospectivement, il cherche en faisant aujourd'hui le matamore, à faire oublier qu'il s'est comporté comme une lavette depuis quelques années. C'est cela. Je commence à comprendre. Avec cette loi, il est en train de se servir d'un marteau-pilon pour écraser les mouches. C'est cela que nous voulons dire quand nous parlons de démesure. Comprenez-vous? Il n'y a pas de raison aujourd'hui d'aller si fort et contre des gens contre qui pèseraient des accusations mineures, alors qu'il y a quelques années, quelques mois, vous n'avez pas agi quand il s'agissait d'actes beaucoup plus graves.

M. Boudreault: M. le Président...

Le Président (M. Séguin): Le député de Bourget.

M. Choquette: ... ça ne vaut même pas la peine que je réponde à ces propos si farfelus.

M. Morin: Oui.

M. Boudreault: M. le Président, j'insiste beaucoup sur cet amendement ou sous-amendement afin que la loi soit très claire et très sévère. Surtout, parce qu'il faut mettre de l'ordre dans l'industrie de la construction. Ces députés de l'Opposition ne l'ont pas vécu. Moi, en particulier, je les ai vécus les problèmes de construction. On a besoin de cette loi très sévère, parce que vous ne l'avez pas vécu, cela fait 25 ans que je suis dans le domaine de la construction. Je ne suis pas avocat, je suis dans le domaine de la construction...

M. Morin: Vous êtes intéressé, je vois.

M. Boudreault: J'étais très intéressé. En plus de cela, on a eu tellement de problèmes qu'il nous faut régler les problèmes. C'est avec cette loi qu'on va les régler. D'ailleurs, vous avez vu le député de Johnson avant de partir ce matin, qui nous a dit qu'il était avec nous autres. Il était avec le gouvernement, parce qu'il a vécu lui aussi les problèmes de la construction, peut-être pas dans le même domaine, il était ministre, mais il les a vécus les problèmes de la construction. Il est d'accord avec le gouvernement pour qu'on adopte des lois qui soient quand même avec des dents. Afin de protéger aussi l'honnête travailleur qui veut travailler. On ne touche pas l'honnête travailleur avec cette loi. C'est un homme qui va prendre des fonctions de délégué de chantier. Il va falloir qu'il soit sans tache lui aussi. Si le gars n'est pas apte à faire le travail de délégué de chantier, parce qu'il a un dossier ou qu'il est accusé de voies de fait ou de méfait, il travaillera dans son métier, c'est tout. On aura des hommes envers qui l'ouvrier pourra avoir confiance. Ce seront des hommes purs, purs dans le sens que ce ne seront pas des gars qui auront la matraque sur la tête pour comprendre quelque chose. Alors, je pense que c'est très important que cette loi et que le mot "méfait"... Interprétez-le comme vous voulez, vous êtes des juristes.

M. Bédard (Chicoutimi): II faut...

M. Boudreault: En tant qu'employeur, j'ai été aussi un syndicaliste et un travailleur dans le domaine de la construction. Je pense que je suis en mesure de vous en parler.

M. Bédard (Chicoutimi): II faut placer la discussion là où elle se trouve.

M. Boudreault: Elle est là, la discussion. Le problème est là.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous permettez? On n'est pas contre le fait qu'il y ait nécessité d'une loi avec des dents pour amener de l'ordre dans le domaine de la construction. La discussion, à moins que je ne me trompe, se situe au niveau législatif. Comment légiférer pour, d'une part, amener la paix sociale, si on peut employer l'expression, ou amener l'ordre dans les chantiers de construction, d'un autre côté, comme législateur, c'est de prendre garde de ne pas tomber dans l'exagération. On n'est pas contre le fait qu'il y ait une loi pour mettre de l'ordre, mais d'un autre côté, je pense que si on trouve qu'il y a de l'exagération dans les mesures qui sont apportées, dans les mesures législatives qui sont apportées, il est de notre devoir de le dire. Comme le ministre l'a dit tout à l'heure, il faut légiférer là où le mal se trouve. Il faut frapper...

M. Lachance: ... ce qu'on fait.

M. Bédard (Chicoutimi):... les personnes qu'il est nécessaire de frapper. D'accord? C'est dans ce sens que je dis: La législation que vous préconisez est exagérée, parce qu'elle frappe des gens qui ne devraient pas l'être dans cette législation. Je vous ai parlé de l'exemple... On ne me fera jamais croire, moi, qu'il est nécessaire, pour amener l'ordre dans le domaine de la construction, que la loi rétroactive ait à ce point des dents qu'elle permette de revenir en arrière pour frapper des jeunes qui ont pu être condamnés pour une plainte de méfait ou de détérioration de biens publics,

pour qui cela a été simplement un événement passager et qui, après cela, sont rentrés dans l'ordre, ont respecté, en fait, les lois auxquelles ils sont assujettis. Il me semble que le mal n'est pas là. Le mal n'est pas chez ces personnes qui, dans le passé, ont pu commettre une bévue et se sont rétractées après. Le danger, c'est que votre loi frappe ces gens.

M. Harvey (Charlesbourg): Comme les délégués de chantier.

Une Voix: II faut comprendre les jeunes.

M. Bédard (Chicoutimi): Ecoutez! Vous pouvez toujours dire cela...

M. Harvey (Charlesbourg): Mais, M. le Président, dans le même ordre d'idées, l'exemple...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous auriez pu comprendre, vous aussi, dans le passé. Peut-être qu'avec plus d'ordre dans le passé, il y aurait moins de désordre aujourd'hui.

M. Harvey (Charlesbourg):... qui a été donné tout à l'heure par le député de Chicoutimi, à mon point de vue, méritait d'être souligné, mais, à l'instar du ministre de la Justice, je pense que, pour être honnête dans l'exposé qu'il a donné tout à l'heure, le député de Chicoutimi a cité trois paragraphes, mais, involontairement sans doute — je lui prête toujours bonne foi — a omis l'autre paragraphe, qui indique qu'en vertu des règlements qui prévalent à l'Assemblée nationale, n'importe quel député peut mettre la procédure en branle en saisissant l'Assemblée nationale d'une motion qui propose rémission d'une ordonnance de comparution contre le prévenu, chose qui n'a pas été faite. Evidemment, du côté judiciaire, l'enquête policière a été menée. Je pense que, du côté du ministre de la Justice ou de son service, il y a eu enquête; donc, le devoir a été rempli. D'autre part, si, en vertu de l'Assemblée nationale, lors des auditions publiques, alors qu'immédiatement après la première lecture, on invite même les contestataires, les groupes de pression à venir se faire entendre sur des projets de loi, c'est que nous-mêmes, nous provoquons, à ce moment, l'opinion des corps intermédiaires sur des sujets qui peuvent les intéresser et particulièrement changer leur façon de vivre. C'est clair que ce qui est évoqué dans le texte du rapport de la commission Cliche, c'est qu'il y avait, évidemment, des réglementations qui n'avaient pas l'air de plaire à la FTQ en particulier. Alors, à ce moment, on a profité d'une commission parlementaire pour venir créer du chahut, chose qui, à mon point de vue, est condamnable. Maintenant, qu'il n'y ait pas eu de poursuites par l'Assemblée nationale, je pense qu'à ce moment, au niveau de chacune des personnes, puisqu'un témoignage était difficile à apporter au point de vue concret sur le bris, par exemple, des automobiles, je ne pense pas qu'un député puisse s'autoriser et embarquer tout le monde dans le bateau à l'Assemblée nationale pour faire des poursuites contre personne en particulier.

Je pense que déjà là, on fait beaucoup plus état du leadership ou enfin, de celui qui dirigeait un groupe de fiers-à-bras qui s'appelle Desjardins, qu'à toute autre personne. Mais à ce moment, je ne vois pas comment, même l'Assemblée nationale qui a été perturbée dans son administration, alors que le tout avait provoqué un ajournement sine die — je présidais moi-même cette commission; je m'en souviens très bien — et je pense que, pour le bien du parlementarisme et des commissions parlementaires, on va continuer encore de faire appel à ceux qui, même s'ils sont opposés à nos règlements ou à nos lois, ont le droit de venir se faire entendre. Je pense que c'est cela, la social-démocratie. C'est comme cela, je pense bien, qu'on doit respecter les gens, sans pécher, nécessairement, par présomption. Je pense qu'on devait faire état de ce paragraphe du côté de l'Opposition et c'est pourquoi, M. le Président, je pense bien que l'addition de cette correction, à l'intérieur du point no 1, mériterait qu'on se prononce. Je pense bien qu'on a pu entendre les points de vue de chaque côté de la table et je propose, M. le Président, qu'on prenne le vote.

Le Président (M. Séguin): Vous allez vous exprimer, messieurs, pour ou contre le sous-amendement suggéré par le député de Bourget.

M. Bellemare (Johnson): M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)?

M. Boudreault: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Bédard (Chicoutimi).

M. Bédard (Chicoutimi): Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé).

M. Morin: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Cournoyer (Robert-Baldwin); M. Déziel (Saint-François).

M. Déziel: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg).

M. Harvey (Charlesbourg): En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles).

M. Lachance: En faveur, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac).

M. Lecours: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie).

M. Malépart: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud); M. Verreault (Shefford).

M. Verreault: Pour.

Le Président (M. Séguin): En faveur: Huit. Contre: Deux. Le sous-amendement est donc adopté. Messieurs, je vais vous suggérer ou tolérer un dépassement de la procédure normale en ce qui concerne la tenue en Chambre ou en commission. Je vois qu'il fait probablement à peu près 30 degrés dans cette pièce, nous en avons encore pour quelque temps, que tous ceux qui veulent enlever leur veston le fassent, et cela pour l'auditoire aussi bien que pour les journalistes, n'importe qui ici. Ce n'est pas obligatoire. Si les membres de la commission y sont consentants, pour cette séance du moins, nous allons accepter cette tenue.

Le chef de l'Opposition.

M. Morin: Maintenant que le sous-amendement a été adopté ajoutant le méfait à la liste déjà longue des infractions et des crimes qui peuvent entraîner une exclusion, une inhabilité, je voudrais, avec votre permission proposer un nouvel amendement qui clarifierait l'intention du législateur, lorsqu'il impose ces mesures extrêmement dures, dans la mesure où elles peuvent toucher des gens qui ne sont coupables que d'infractions mineures.

Je voudrais proposer que l'article premier que nous discutons en ce moment soit amendé en insérant dans le premier alinéa du paragraphe premier de l'article 2 g) après le mot "coupable", qui se trouve à la première ligne, les mots suivants: "par voie de mise en accusation". Je vous tends quelques copies de l'amendement, M. le Président, pour que vous puissiez les remettre à qui de droit.

Cet amendement a pour but de distinguer entre l'acte criminel, d'une part, et la simple infraction, en limitant les infractions ou crimes qui sont mentionnés dans l'article 2 g) à ceux qui font l'objet ou doivent faire l'objet d'une mise en accusation formelle. Il s'agit donc, si le ministre me suit, d'exclure...

M. Choquette: Je vous suis très bien.

M. Morin: ... les infractions qui feraient l'objet d'une procédure en vertu de la partie 24. Nous pensons que cela est utile surtout dans la perspective où jouera soit la rétroactivité, soit la rétrospec-tivité, pour parler comme le ministre, en l'occur- rence la distinction est bien mince, telle qu'elle apparaît au paragraphe 3 de l'article 2 g).

On éviterait, de la sorte, que les infractions mineures commises il y a trois ou quatre ans n'entraîne pour les personnes qui s'en seraient rendues coupables, une inhabilité qui, dans ces cas, serait tout à fait injuste et à vrai dire ne contribuerait pas à répondre aux objectifs que le ministre s'est proposés en nous soumettant ce projet de loi. Il s'agit, ne l'oublions pas, d'assainir le climat sur les chantiers. Il s'agit, n'est-ce pas, M. le ministre, maintenant que j'ai votre oreille, d'assainir le climat sur les chantiers.

M. Choquette: Je vous suivais.

M. Morin: II s'agit d'écarter les indésirables, ceux qui auraient des choses sérieuses à se reprocher et dont les antécédents pourraient permettre de supposer que leur comportement sur les chantiers ne sera pas pacifique ou ne contribuera pas à faire revenir la paix sur les chantiers. Je vous fais remarquer, M. le ministre, que déjà la mise en tutelle va permettre un premier ménage, à supposer qu'elle réussisse. Cela est une autre affaire. Mais, théoriquement, la mise en tutelle déjà vise à effectuer un certain ménage puisque les tuteurs vont être habilités à démettre de leurs fonctions tous les indésirables dans les quatre syndicats en tutelle. Donc, vous avez déjà à votre disposition une arme, un balai, si l'on veut, pour arriver à vos fins. Ce que nous vous disons, c'est que le coup de balai doit être donné tout de même avec de la circonspection, avec jugement. Il ne s'agit pas de prendre un balai et de — passez moi l'expression — "varger" dans le tas n'importe comment. Ce n'est pas cela qui ferait le ménage. Je crains au contraire que cela ne laisse pas mal de plumes sur le plancher. Quand la commission Cliche dit qu'il faut donner un coup de balai, elle parle, bien entendu, d'un coup de balai mesuré, proportionnel au ménage qu'il y a à faire sur les chantiers. Ce n'est pas un jeu de curling, M. le Président. C'est véritablement la responsabilité du ministre de faire un ménage correctement parce que, s'il ne le fait pas correctement, il peut obtenir des résultats contraires à ceux qu'il recherche. C'est pourquoi, poursuivant toujours l'idée dont nous tentons de persuader le ministre qu'il ne sert à rien de se donner un marteau-pilon alors que nous pensons qu'un solide balai suffit, il n'est pas nécessaire d'utiliser un rouleau compresseur qui va écraser sans discrimination un peu tout le monde, tous ceux qui auraient des choses même mineures à se reprocher. C'est dans cet esprit, dis-je, que nous proposons cet amendement qui aurait pour but de restreindre l'application de la loi à ceux qui ont vraiment des choses graves à se reprocher. D'ailAh laurs, je rappelle au ministre pour la nième fois que c'est l'esprit du rapport de la commission Cliche. Que le ministre ne vienne pas nous dire, comme il a tenté de le faire à une ou deux reprises, que nous étions contre la restauration de l'ordre sur les chantiers. Cela serait de la basse démagogie, le ministre le sait. Je crains que certains de ses propos n'aient pu laisser entendre quelque chose du genre un peu plus tôt aujourd'hui.

M. Choquette: J'aimerais en être convaincu.

M. Morin: Nous voulons, comme lui, restaurer l'ordre sur les chantiers, mais nous pensons que ce qui était proposé par la commission Cliche, mieux informée que quiconque je pense, à la suite de toute son enquête, suffisait à restaurer la paix sur les chantiers.

Or, la commission Cliche a établi sa liste avec beaucoup de circonspection. J'espère que le ministre avait lu avec attention cette liste. On dirait qu'après l'avoir lue, il s'est dit: On va ajouter tout ce qui nous tombe sous la main, tout ce qu'on peut, pour être sûr de rejoindre tous ceux qui seraient coupables du moindre méfait ou de la moindre infraction mineure. C'est pourquoi, M. le Président, dans l'esprit de la commission Cliche, dans l'esprit de son rapport, j'entends plus particulièrement dans l'esprit de la recommandation no 12 — que je ne relirai pas, parce que ce serait quand même faire affront à l'intelligence et à la mémoire du ministre et de ses collègues — dans l'esprit de cette recommandation, nous pensons qu'il y a lieu de nous en restreindre aux crimes qui doivent faire l'objet d'une mise en accusation formelle aux termes du code pénal.

Voilà, M. le Président, les raisons qui militent en faveur de cet amendement et j'espère que, cette fois, le ministre va convenir avec nous de la nécessité de faire preuve d'un peu de discernement. Nous ne lui demandons pas de faire preuve de faiblesse, nous disons, dans l'emploi de sa force enfin retrouvée, qu'il ne se comporte pas en matamore, mais qu'il se comporte en homme qui est conscient de sa force et qui l'applique avec mesure, en fonction et en proportion des maux dont il veut venir à bout.

M. Choquette: M. le Président, la commission Cliche a été tellement circonspecte, comme dit le chef de l'Opposition pour employer ses termes, que dans l'énumération qu'elle a faite dans la recommandation numéro 12, qui est à la base de l'article que le gouvernement propose, qu'elle a créé un crime qui n'existait pas. Est-ce que le chef de l'Opposition s'est rendu compte de ça? Que la commission Cliche...

M. Morin: Vous voulez dire que la description du crime n'est pas techniquement exacte?

M. Choquette: La commission Cliche a introduit un nouveau crime qui ne se trouve pas au code criminel. J'allais justement proposer qu'il soit biffé, parce que ce crime ne correspond à aucun crime connu dans le code criminel. Je dis que le travail de la commission Cliche, si on peut formuler une critique, je pense que tout le monde a le droit d'en faire, c'est simplement une manière de respecter le rapport que de le critiquer de façon légitime, mais le crime de chantage n'existe pas dans le code criminel. Je suggérerai, tout à l'heure, qu'il soit biffé pour qu'on ne puisse pas dire que quelqu'un a été convaincu de chantage alors que c'est impossible en vertu du code crimi- nel. Ceci nous montre que l'oeuvre de la commission Cliche...

M. Morin: C'est...

M. Choquette: ... est une oeuvre humaine et n'est pas parfaite, qu'on doit sans doute respecter le travail des commissaires. Pour ma part, je suis prêt à suivre largement l'esprit qui préside aux recommandations de la commission. Donc, il ne s'agit en aucune façon, pour moi, de mettre en question, la valeur du travail qui a été fait par les commissaires et surtout, la sincérité des commissaires. Je ne peux pas abonder dans le sens de l'amendement proposé par le chef de l'Opposition. Parce qu'à mon sens, en introduisant cet amendement, on laisserait tomber automatiquement l'intimidation et les voies de fait simples qui sont poursuivables en vertu de la partie 24. On pourrait laisser tomber des cas d'intimidation qui sont des cas fréquemment constatés parmi les chantiers de construction.

Par conséquent, même en faisant la part des choses que me demande de faire le chef de l'Opposition, je lui sais gré d'insister sur le devoir de discernement du ministre qui a la responsabilité de ces articles et le devoir de discernement du gouvernement.

M. Morin: Ce n'est pas ça...

M. Choquette: Mais discernement veut dire que nous allons faire face à la situation réelle, telle qu'elle existe sur les chantiers de construction, telle qu'elle a été décrite par la commission. Ce n'est pas moi qui l'ai décrite. On n'a qu'à prendre les pages du début et voir quelle description est faite du régime de terreur qui utilise justement ces systèmes d'intimidation et ces systèmes de voies de fait et de méfait.

M. le Président, il me semble que nous manquerions à notre devoir le plus élémentaire si nous mettions de côté ces cas, qui à certains moments peuvent être, disons donc, sans beaucoup d'importance. Je suis prêt à en convenir, je l'ai dit tout à l'heure au député de Chicoutimi en répondant à son intervention, qu'en certaines circonstances, certains de ces crimes n'ont pas beaucoup d'importance. C'est le contexte général du domaine de la construction qui est notre préoccupation principale. C'est celui-là qu'il faut assainir. Je comprends qu'on puisse prendre des moyens vigoureux pour le faire qui ne s'appliquent pas nécessairement à un autre domaine. Je ne dis pas qu'il faut transposer ce type de législation à tout autre domaine des relations de travail, je n'ai jamais dit ça.

Mais nous étions devant un cancer quand on était devant cette industrie de la construction...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous l'avez transposé à tout domaine de la construction, même la CSD.

M. Choquette: Mais oui! Mais comment voulez-vous qu'on isole ça?

On n'est pas pour légiférer pour les quatre syndicats mis en tutelle. Le problème ne se limite pas aux quatre syndicats mis en tutelle et dont la tutelle nous est recommandée par la commission Cliche, il est dans les chantiers de construction. Il permettra la coexistence pacifique de trois centrales syndicales.

Vous savez, les périodes de maraudage, puisqu'il faut revenir sur le passé, ont donné lieu à toutes sortes d'incidents où on faisait des pressions de toutes sortes sur les syndiqués, pour qu'ils changent d'allégeance syndicale.

Au Québec, on doit avoir la liberté d'adhérer à la centrale syndicale de son choix, comme au parti politique de son choix, sans que quelqu'un vienne vous faire des menaces, essaie de vous intimider, vous fasse des voies de fait.

C'est simplement cela qu'on essaie de restaurer. D'accord, c'est une mesure extraordinaire que nous proposons. D'accord sur cela. La mesure est extraordinaire, parce que nous avons affaire à une situation extraordinaire.

Si la situation se rétablit, comme je l'ai dit, dans quelques années, on pourra voir à éliminer ce genre de législation. Je serai parfaitement d'accord; quand le climat sera rétabli, lorsque la situation sera revenue à la normale, on pourra revenir à de la législation plus traditionnelle.

Pour le moment, je ne peux vraiment pas, malgré l'intérêt des arguments soulevés par le chef de l'Opposition et de ceux de son collègue, le député de Chicoutimi, abonder dans le sens de l'amendement qu'il a proposé.

M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous dites que vous voulez l'appliquer seulement en espérant que, dans quelques années, l'ordre sera revenu et qu'à ce moment-là on pourra envisager des amendements, vous ne semblez pas manifester une grande confiance dans les moyens plus qu'énergiques que vous employez présentement, puisque vous en reportez l'échéance très loin.

M. Choquette: II le faut, parce que c'est assez implanté à l'heure actuelle que régler le problème va certainement prendre un certain temps. Mais comme je l'ai dit au chef de l'Opposition, en réponse à certaines interventions qu'il a faites hier, où il signalait, je pense, à juste titre, le caractère exceptionnel de certaines dispositions de ce projet de loi, je lui ai dit: On aura la chance d'apprécier ces mesures, parce que le bill 290 et toutes les lois qui l'ont amendé vont revenir devant l'Assemblée nationale, à des intervalles plus ou moins réguliers, dans les prochaines années.

L'Opposition pourra de nouveau nous saisir du problème et nous demander de biffer ces choses-là, si cela n'est plus nécessaire, si la situation est normalisée, s'il y a des excès qui résultent de cette législation.

Le chef de l'Opposition a insisté sur cela tout à l'heure. Il a dit qu'on pourrait possiblement voir naître des excès par suite de ces mesures contraignantes, dit-il, à l'excès. Je n'approuve pas l'excès, mais disons que j'approuve contraignantes.

On verra; si c'est le cas, on verra à remédier à la situation. Pour le moment, j'ai l'impression que le devoir des députés, c'est de voter favorablement et non dans le sens exprimé par...

M. Lachance: Contre l'amendement.

M. Choquette: Oui, contre l'amendement, mais favorablement à l'ensemble de l'article.

Le Président (M. Séguin): Le vote, messieurs?

M. Choquette: Maintenant, qu'on dise qu'on déplore...

M. Morin: M. le Président, une dernière observation...

M. Choquette: Le chef de l'Opposition a été un peu insultant pour moi tout à l'heure, mais je ne l'ai pas relevé, parce que le chef de l'Opposition, je le connais depuis longtemps et je l'estime beaucoup.

J'aurais pu hurler et commencer à défendre ce que j'ai fait dans le passé. Ce n'est pas mon intention. Même s'il y avait eu des erreurs de commises, même s'il y avait des faiblesses de démontrées ou autrement, ce qui n'est pas le cas, parce qu'on a cherché à agir dans tous les cas — même dans le cas particulier que vous avez soulevé — je puis vous assurer que la Sûreté a tenté d'identifier ceux qui avaient causé des méfaits sur des voitures de députés.

M. Morin: Oui.

M. Choquette: On n'a pas réussi à rattacher l'identité des personnes par rapport aux dommages causés à ces voitures. On n'a pas pu porter d'accusation.

Je dis ceci pour vous démontrer les difficultés de la preuve. Le député de Chicoutimi a plaidé bien assez de causes pour savoir que cela n'est pas toujours facile de réussir dans des causes criminelles.

Quoi qu'il en soit, même s'il y avait eu des faiblesses commises...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez de la misère dans l'autre enquête.

M. Choquette: ... dans le passé, même si c'était le cas — et je le nie d'une manière absolue — .

M. Morin: Même dans les cas des comtés de Taillon et de Laporte.

M. Choquette: Ecoutez. Qu'il y ait eu des affaires électorales, des choses comme cela...

M. Morin: Oui, c'est bénin.

M. Choquette: Ce n'est pas nécessairement bénin. Je n'approuve pas cela. C'est devant les tribunaux à l'heure actuelle. N'allons pas nous prononcer.

M. Bédard (Chicoutimi): A l'intérieur de la commission parlementaire, qu'un gars comme Dédé Desjardins se conduise comme un sauvage, c'est bénin?

M. Choquette: Non, un instant. Je pense que le président de la commission vous a répondu tout à l'heure, je n'étais pas témoin, je n'étais pas présent. Je n'ai pas vu les actes en question.

Le président de la commission, le député de Chauveau, a relaté, je pense, passablement bien comment il avait vu les choses a ce moment. Mais, admettons qu'il y ait eu des faiblesses, dans le passé, est-ce une raison de continuer dans la faiblesse et d'abonder dans le sens du Parti québécois? Pour moi, non, pour moi, c'est le temps d'agir.

M. Morin: II n'est pas question de faiblesse..

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, on a le droit, par exemple, de se poser des questions sur ceux qui admettent presque qu'ils ont été faibles dans le passé.

M. Choquette: Je ne pense pas.

M. Bédard (Chicoutimi): Lorsqu'ils décident, à un moment donné, de se donner une allure énergique, on peut se poser des questions et se demander jusqu'à quel point c'est modéré, c'est un usage modéré de la force.

M. Choquette: Enfin. M. Morin: En tout cas.

M. Choquette: Je n'admets aucune espèce de faiblesse. Chaque fois qu'il y a eu des infractions, le police a reçu des instructions de poursuivre et elle a reçu des instructions d'enquêter sur toutes les circonstances qui ont pu donner naissance à des actes criminels.

M. Morin: Le ministre n'admet jamais rien.

M. Choquette: Je puis vous assurer de cela. Nous avons mis sur pied des opérations policières. Mais, ce qu'on semble ignorer, c'est que, souvent, tout cela se passe dans la clandestinité et que les gens qui sont justement victimes de l'intimidation, des voies de fait, ne viennent pas les rapporter à la police, parce qu'ils ont peur, justement, après avoir subi les voies de fait simples, d'être l'objet d'assauts leur infligeant des blessures corporelles, d'être l'objet, après cela, d'homicide involontaire coupable et peut-être aussi de meurtre. C'est de cela qu'ils ont peur. C'est aussi simple que cela.

Cela ne sert à rien d'être naïf, d'être bien intentionné et de se dire: On va espérer que la situation se corrige. Aux grands maux, les grands moyens. C'est tout.

M. Morin: Mais, M. le Président, je vais clore ce débat, avant que nous passions au vote. Nous n'avons pas l'intention de faire durer cela indéfiniment. Nous avons tenté tout simplement d'amener le ministre à faire preuve d'un peu plus de discernement et de mesure. Nous ne lui contestons pas qu'il ne faille plus faire preuve de faiblesse. Ce n'est pas du tout cela qui est en cause. Nous sommes d'accord qu'un nettoyage s'impose sur les chantiers. Nous l'avons dit à maintes reprises. Mais, ce n'est pas parce qu'on décide qu'un nettoyage s'impose qu'on doit abdiquer tout jugement ou qu'on doive "varger" dans le tas, comme je disais tout à l'heure. On risque alors d'obtenir exactement des résultats à l'inverse de ceux qu'on recherche. Nous en reparlerons d'ici quelques mois.

J'ai l'impression que le ministre aura de mauvaises surprises. Parce que, non seulement il ne fait pas preuve de discernement, en refusant cet amendement, mais ceux qui vont utiliser ces articles comme autant d'armes contre leurs adversaires, ceux-là risquent de ne pas faire preuve de plus de discernement que le ministre. Même, non seulement risquent-ils de ne pas faire preuve de discernement, mais ils risquent au contraire de s'en servir, d'utiliser les moyens que le ministre met à leur disposition pour faire tomber les adversaires dans des pièges.

Il est facile d'entraîner quelqu'un dans un méfait. Il est facile d'entraîner quelqu'un à poser des gestes qui peuvent être, par la suite, qualifiés de voies de fait simples. C'est ce que nous pensons, ce que nous craignons. C'est que cela ne donne naissance, ne donne ouverture à l'arbitraire, à des cas de "frame-up", de coups montés, à des cas de délation aussi, des centaines de cas dont on n'entendra peut-être pas plus parler, que les gens qui ne se plaignaient pas, comme le disait le ministre, il y a un instant, des centaines de cas obscurs de chantage, de coups montés qui, loin de ramener la paix sur les chantiers, risquent, à moyen et long termes, de créer une situation sociale tout à fait intolérable et, avant tout, pour les travailleurs eux-mêmes.

Je pense que nous faisons cette législation pour les travailleurs eux-mêmes, pour leur bénéfice, d'abord et avant tout, à moins que le ministre ne me dise qu'il ne fait cela que pour les employeurs. Je tiens pour acquis qu'il travaille aussi pour les travailleurs. Ce n'est pas le genre de législation qui va les aider, je le crains. Je sens bien qu'il n'est pas utile de pousser plus avant. Je sens bien que l'idée du ministre est faite. Il est pour la force. Otez-vous de là, je passe, je m'en viens. Nous ne lui demandons pas d'être un matamore, nous lui demandons d'être fort. La vraie force, elle fait toujours preuve de discernement.

La Président (M. Séguin): Vote, messieurs?

M. Choquette: Enfin, on pourra apprécier dans quelque temps.

M. Bédard (Chicoutimi): Reconnaissez-vous qu'il y a quand même l'ouverture à la possibilité d'un chantage continuel, dissimulé; un ouvrier va pouvoir dire à son compagnon de travail: Toi, je

sais que tu as un dossier qui remonte à cinq ans. D'accord, c'est une peccadille, mais si tu ne te fermes pas ta boîte ou si tu ne marches pas de telle façon, je vais dénoncer par quo warranto ton dossier.

Vous ne pensez pas que c'est une ouverture à cela? Si c'est un climat, cela va être un climat pourri, un climat de méfiance, un climat de peur et une peur du chantage.

M. Choquette: Ecoutez, si on pouvait faire abstraction...

M. Morin: Maintenant, c'est vous qui organisez la peur.

M. Choquette: Oui, vous posez une question, je vais vous donner une réponse. Dites-moi où on va arrêter? On va commencer à assauts infligeant des blessures corporelles?

M. Morin: On vous l'a dit... On fait un amendement...

M. Bédard (Chicoutimi): Méfait, une chose qui est certaine, on vous l'a dit très clairement, cela ne devrait pas être là.

M. Choquette: De toute façon, il faut qu'il y ait un nettoyage qui se fasse. Alors, aussi bien prendre les crimes qui sont des crimes traditionnels et habituels dans ce milieu, aussi bien prendre les crimes les plus graves, c'est ce que nous avons tenté de faire. Je comprends que cela n'est pas agréable, mais il le faut. C'est cela.

M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends qu'il faille y aller avec énergie, mais on peut se poser des questions sur l'énergie que vous semblez mettre dans certaines parties du rapport Cliche par rapport...

M. Choquette: Ne vous inquiétez pas...

M. Bédard (Chicoutimi): Vous me permettez de finir? ... aux attentes que vous avez laissé prévoir. Je pense qu'à un moment donné, vous avez parlé de poursuites que vous prendriez contre des personnes à la suite de l'enquête Cliche où il y a des exemples de "shylocking" qui sont très clairement exprimés. La preuve est toute là, il y a des exemples d'intimidation, il y a des preuves d'intimidation. En fait, il y a des preuves de chantage. Cela fait quand même un bon bout de temps que ces preuves sont sorties, ce sont parmi les premiers témoins qui ont été entendus. On s'aperçoit que, de ce côté, je ne sais pas si le ministre a l'intention de procéder avec énergie...

M. Choquette: Je suis content que le député de Chicoutimi soulève ce point. J'ai désigné, avec le concours du procureur-chef à Montréal, trois avocats qui ont la responsabilité de scruter tout le rapport de la commission Cliche, toute la preuve qui a été faite devant la commission Cliche, en vue de porter des accusations criminelles. Je n'ai mis aucune réserve aux poursuites qu'ils pourraient intenter ou recommander d'intenter. Toute la preuve est actuellement en train d'être examinée, de telle sorte que...

M. Bédard (Chicoutimi): Même pour le cas que je vous signalais concernant M. Desrochers et la corruption de fonctionnaires...

M. Choquette: S'il y avait des actes criminels, ils seront poursuivis d'où qu'ils viennent.

M. Morin: Article 110.

M. Choquette: Je n'ai mis aucune réserve. J'ai dit: Voici le rapport, voici la preuve, arrangez-vous; chaque fois qu'il y aura des poursuites, vous allez les prendre. Je tiens à dire ceci, cependant. C'est qu'il est plus facile parfois pour une commission de conclure à la commission d'un crime ou à ce qui semble être la commission d'un crime que parfois de le prouver devant le tribunal criminel, parce qu'on sait très bien que le bénéfice du doute appartient à l'accusé. On sait très bien qu'il faut avoir tous les éléments de preuve pour l'emporter. Alors, le député de Chicoutimi peut dormir sur ses deux oreilles, je pourrais lui désigner le nom des trois avocats qui ont cette responsabilité. Il y en a qui appartiennent à la couronne, il y en a qui sont de la pratique privée. Parmi eux, il y a même un avocat qui était un des avocats de la commission Cliche. Alors, j'ai cherché des spécialistes en droit criminel. Les poursuites criminelles qui découlent de cette enquête seront prises devant les tribunaux. Il peut en être assuré.

M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez plus que des conclusions dans votre enquête. Vous avez des témoignages très clairs...

M. Choquette: C'est évident.

M. Bédard (Chicoutimi): ... qui montrent qu'il y a des parjures, qu'il y a des gens qui affirment une telle chose et qui, après avoir entendu l'enregistrement, se rétractent et...

M. Choquette: C'est évident, mais même sur une question de parjure, vous savez, je pourrais être à la place du juge Cliche, être le président de la commission, entendre un témoin et dire: II ment comme un cochon. Vraiment, vous savez...

M. Bédard (Chicoutimi): Ne parlons pas d'impression par rapport au juge et au témoin, mais par rapport à la preuve, les témoignages des notes sténographiques.

M. Choquette: Non, mais il arrive fréquemment, vous savez, qu'on puisse conclure très facilement. Disons, sur le plan humain, que quelqu'un se parjure. De là à prouver qu'il se parjure, il y a un pas à franchir. Souvent, c'est un pas important, parce qu'il faut apporter la preuve de la contradiction entre le témoignage et la vérité, il faut appor-

ter des éléments de preuve qui sont absolument convaincants, au-delà de tout doute raisonnable. Or, c'est la raison pour laquelle le rapport de la commission mérite, sans aucun doute, notre respect. Cela ne veut pas dire que j'abonde dans toutes ses conclusions et que j'approuve tous les points de vue adoptés par la commission à l'égard de tous les personnages qui ont défilé devant elle. Il faut que je me situe en dehors du cadre d'une commission d'enquête, qui est assez différent, et que je me situe dans le cadre du droit criminel et que je dise: On va administrer cela à la lumière de ce livre, qui est le code criminel.

M. Morin: Oui.

M. Choquette: C'est différent.

M. Morin: Vous choisissez ceux à qui vous allez serrer la vis.

M. Choquette: Pardon?

M. Morin: Je dis que vous choisissez soigneusement ceux à qui vous allez serrer la vis.

M. Choquette: Ceux, à l'égard desquels il y aura de la preuve, seront poursuivis.

M. Bédard (Chicoutimi): Mais, ce que je crois comprendre à vos paroles, c'est que vous portez la plainte lorsque vous avez l'assurance que la personne va être condamnée. Si, comme il est normal, lorsque vous avez des éléments de preuve quand même assez probants, à partir de ce moment, vous procédez, quitte à remettre, ce qui est normal, entre les mains d'un tribunal, le soin d'évaluer la plainte portée.

M. Choquette: D'abord, j'attends les recommandations des avocats qui étudient la preuve. Ceux-ci en discutent avec le procureur-chef et là, c'est traité comme une autre cause ordinaire.

M. Morin: Oui, mais ce que je voulais dire...

M. Choquette: Si on a la conviction qu'il y a eu la commission d'un acte criminel, et qu'on a les éléments de preuve à apporter.

M. Bédard (Chicoutimi): Puis-je avoir la conviction que le cas que je vous ai souligné, concernant l'article 110, qui se référait à la conduite de MM. Desrochers-Guay-Saindon, va être étudié, qu'il y aura une opinion juridique là-dessus, et que nous aurons l'occasion de voir le contenu de cette opinion?

M. Choquette: Là, c'est une autre paire de manches.

M. Morin: Ah!

M. Choquette: Je ne sors pas toutes les opinions juridiques du ministère de la Justice pour les donner à Pierre, Jean, Jacques.

M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais là, c'est une enquête publique?

M. Choquette: Ecoutez! Depuis quand le ministère de la Justice publie-t-il sur la place publique?

M. Bédard (Chicoutimi): Qu'est-ce qui va me donner l'assurance que le cas a été étudié?

M. Choquette: En tout cas, toute la matière est devant ce groupe d'avocats. M. Morin: Oui.

M. Choquette: Nous attendons leur opinion là-dessus.

M. Morin: Ce n'est pas Pierre, Jean, Jacques, ni Jérôme. C'est l'opinion publique, et c'est l'Opposition officielle.

M. Choquette: Oui, je comprends, mais vous savez, l'Opposition officielle, ce n'est pas le gouvernement non plus.

M. Morin: Non, je suis tout à fait conscient de cela. Mais notre tâche est de surveiller le gouvernement.

M. Choquette: Vous le faites très bien.

M. Morin: Quand je vous parlais de deux poids, deux mesures, tout à l'heure, on voit bien comment vous avez durci, au-delà de toute mesure, la recommandation no 12, mais que dans le cas de M. Desrochers, c'est une autre affaire.

Ecoutez! C'est l'impression très nette que vous nous donnez jusqu'ici, en tout cas. Je m'en voudrais de le cacher au ministre.

M. Choquette: En tout cas, M. le Président, je n'accepte pas ce genre d'observation. Je ne suis aucunement intervenu. Toute la matière est devant ces avocats. Ils feront leur devoir. C'est leur seule instruction.

Le Président (M. Séguin): Jusqu'aux derniers commentaires qui se sont faits, nous étions, je pense, dans l'ordre, au sous-amendement, question de la preuve. Maintenant, on a dépassé cela. Je pense, dans ce cas, que je devrai demander le vote.

Alors, pour ou contre la motion de sous-amendement.

M. Morin: C'est cela.

Le Président (M. Séguin): La motion de sous-amendement de M. Morin: Que l'article 1 soit amendé, en insérant, dans le premier alinéa du paragraphe 1, de l'article 2g, après le mot "coupable", les mots suivants: "Par voie de mise en accusation".

M. Bellemare (Johnson)? M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)? M. Bédard (Chicoutimi)?

M. Bédard (Chicoutimi): En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: En faveur, également.

Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. Cournoyer (Robert-Baldwin)? M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg)? M. Lachance (Mille-Iles)?

M. Lachance: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

M. Verreault: Contre.

Le Président (M. Séguin): Deux, en faveur; six, contre. La motion est rejetée. Article 1.

M. Morin: Est-ce que le ministre veut conclure avant que je fasse part de mes observations?

M. Choquette: Pour conclure, tout simplement, M. le Président, ce n'est pas nécessairement conclure, parce que je voudrais écouter l'exposé du chef de l'Opposition. Mais je pense que tout le monde conviendra qu'il y a lieu de biffer "de chantage", qui n'est pas un crime au sens du code criminel.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que vous le présentez sous forme d'amendement ou tout simplement d'une correction de rédaction?

M. Choquette: Une correction, parce qu'en fait, c'est un terme impropre.

Le Président (M. Séguin): Est-ce que la commission...

M. Bédard (Chicoutimi): ... un crime... M. Choquette: C'est le cas, c'est cela.

M. Morin: Vous êtes sûr que vous voulez l'enlever.

M. Choquette: Je n'invente pas de nouveaux crimes, vous savez.

M. Morin: Mais je me disais, dans l'esprit dans lequel...

M. Bédard (Chicoutimi): A moins que le Parti libéral en inventerait un.

M. Choquette: Non, non.

M. Morin: Je me demandais si vous ne pouviez pas en ajouter d'autres.

M. Choquette: Je crois que le chef de l'Opposition est un critique extrêmement dur pour moi et je n'ai pas l'intention d'inventer des nouveaux crimes qui ne sont pas dans le code criminel.

M. Bédard (Chicoutimi): A moins que le fédéral le fasse.

Le Président (M. Séguin): Je voudrais le consentement unanime pour modifier le texte, enlevez le moi "chantage".

M. Morin: Oui, vous l'avez, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): Article I. Le chef de l'Opposition.

M. Morin: Je vais très brièvement me résumer avant le vote sur ce premier article du projet. Je crois que c'est d'ailleurs le dernier que nous ayons à adopter, M. le Président.

Le Président (M. Séguin): C'est cela, justement.

M. Morin: A notre avis, le projet dépasse de beaucoup et les recommandations de la commission Cliche que nous avons débattues, il y a encore un instant, et sur lesquelles je ne reviendrai pas, et ce qui est nécessaire pour mettre de l'ordre dans la situation. Je répète pour que ce soit clair, qu'on n'aille pas nous faire dire ce que nous n'avons pas dit, je répète que nous sommes d'accord qu'il convient, qu'il est même urgent de mettre de l'ordre sur les chantiers. Nous n'en avons jamais disconvenu. Le ministre peut témoigner que depuis le début de ce débat, nous avons constamment rappelé notre souci de ramener l'ordre sur les chantiers. Nos observations et les amendements que nous avons présentés à ce bill, pour lequel nous avons voté en deuxième lecture dans l'espoir qu'il y avait possibilité de l'améliorer, je le rappelle également au ministre. Notre espoir, c'était de trouver des moyens idoines, des moyens proportionnels au mal qu'on veut guérir. Il nous semble qu'il y a, entre les maux auxquels on veut s'attaquer et les moyens qu'on prétend utiliser, une disproportion. Il y a inadéquation. C'est ce qui nous inquiète, parce que cet excès dont fait preuve l'article 1er, notamment, plus les autres objections fondées toujours sur la démesure que nous avons fait valoir, à rencontre de l'article 2, et de la présomption qu'il comporte, ces excès nous paraissent inviter le désordre sur les chantiers.

Je sais bien que j'ai l'air de manier le para-

doxe. Je sais que le ministre va protester en disant que l'heure de la force est venue. Mais, malheureusement, nous allons confier à des compagnons de travail, nous allons laisser entre les mains des employeurs, des armes qui peuvent être facilement utilisées contre d'autres compagnons de travail ou contre des employés.

Je veux dire par là qu'en ajoutant à la liste proposée par la recommandation no 12 du rapport Cliche, en proposant d'y ajouter des infractions mineures, en refusant de s'en tenir aux infractions sérieuses, commises par des personnes qui mériteraient, en raison de cela, d'être écartées des postes de responsabilité sur les chantiers, nous pensons, nous avons tenté de persuader le ministre qu'il y aura là de multiples occasions de chantage. Je les vois d'ici. Ce n'est pas difficile de les imaginer: Tu fais mieux de voter de telle façon, parce que tu sais, ton affaire de voies de fait, il y a deux ans! Ou encore, dans l'hypothèse où un employeur peu scrupuleux — et il y en a qui sont peu scrupuleux — soit déterminé à se débarrasser d'un délégué de chantier, ou d'un représentant syndical quelconque, il pourrait très bien se servir de ces dispositions et à peu de frais, pour monter un coup à l'encontre de la personne qu'il désire éloigner. Ce qu'on appelle un "frame up".

Ce système que nous propose le ministre encourage donc la délation entre camarades de travail, il encourage l'intimidation des employeurs à l'égard des employés, il encourage l'intimidation entre employés. Toutes ces infractions, tous ces moyens de chantage que le ministre nous dit avoir souci d'extirper des chantiers, il les met entre les mains de certains travailleurs qui pourraient être moins honnêtes que d'autres et moins scrupuleux que d'autres avec sa législation. C'est cela l'objection fondamentale, M. le Président. Elle porte sur les moyens et elle porte sur la mesure. Il faut que cela soit clair.

Si le ministre s'en était tenu aux suggestions et à l'esprit de la douzième recommandation de la commission Cliche, il aurait eu notre appui. Je tiens à le dire. C'est pour cela que nous avons voté en faveur en deuxième lecture, mais la discussion en troisième lecture nous montre que le ministre veut compenser les faiblesses du passé par un débordement de muscles dans l'avenir. Ce n'est pas la façon de régler le problème, M. le Président. Il aurait fallu au contraire, justement dans une situation critique — nous reconnaissons qu'elle est critique — faire preuve de mesure, de jugement, de pondération au moment où on s'apprête à manier les grandes orgues, ou devrais-je dire les canons, parce que les grandes orgues font plus de bruit que de mal, à moins, évidemment, que tout cela ne soit une sorte de tableau, de mise en scène destinée à dire à l'opinion publique: Voyez, nous sommes forts, nous n'avons peur de rien, nous allons écraser tous ces cas de désordre dans les chantiers. C'est peut-être cela aussi le but de l'opération.

Je fais confiance au ministre suffisamment pour croire qu il est sans doute sincère lorsqu'il nous propose ce système, mais il y a peut-être autour de lui des gens qui sont moins sincères et qui l'ont poussé à faire preuve de ce "show of strength", n'est-ce pas, pour impressionner la galerie, en se disant que peut-être cela ne porte pas trop à conséquence d'ajouter, dans l'article, l'intimidation, les voies de fait, les méfaits. Tout cela ne porte pas à conséquence. Je dis au ministre que cela va peut-être porter à conséquence plus qu'il ne le pense, que cela va peut-être toucher beaucoup de petites gens que cela va écarter des postes de responsabilité.

C'est pour ces raisons, M. le Président, donc des raisons qui tiennent à la mesure et non pas à l'idée qu'il faille remettre de l'ordre sur les chantiers... C'est une idée avec laquelle nous sommes d'accord, c'est sur les moyens que nous avons fait porter notre tentative d'amener le ministre à plus de mesure.

Cela étant dit, nous nous rendons compte que le ministre est tout à fait déterminé à foncer, quoi qu'il arrive. Il se comporte comme une sorte de rouleau compresseur, il en portera la responsabilité. Voilà.

M. Choquette: M. le Président, je pense que tout a été dit sur les raisons pour lesquelles il faut proposer cet article 1 dans sa rédaction actuelle. Je crois que la démonstration de la nécessité a été amplement faite, quand bien même le Parti québécois feindrait d'ignorer l'impératif qu'il y a pour le législateur de mettre les points sur les "i", et pour autant que certaines infractions ou crimes sont concernés.

Quand même on voudrait se payer d'illusions et même de mots, pour dire qu'on abonde avec l'idée qui se trouve à la base de cette loi, mais sans vouloir y aller jusque dans ses conséquences, quand même on voudrait ignorer tout le passé et tous les incidents...

M. Morin: Dites donc que la commission Cliche a ignoré tout le passé aussi, pendant que vous y êtes.

M. Choquette: Tout le passé, tous les incidents qui ont été notés, il y a eu de nombreux incidents de méfait, d'intimidation, de voies de fait, eh bien! il y a une chose qu'on n'effacera pas, il y a un fait qu'on ne peut pas faire disparaître derrière toutes ces fleurs de rhétorique, c'est le fait qu'il y a des travailleurs qui ont souffert d'un système qui était bâti justement autour de ces voies de fait, de cette intimidation et de ces méfaits. Cela, M. le Président, cette réalité, le Parti québécois ne pourra pas la faire oublier par ceux qui en ont été les victimes et par ceux qui peuvent en être les victimes dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle nous devons être vigilants, M. le Président, et nous devons être conséquents avec les positions de principe que nous avons adoptées et suivre ces principes jusque dans leurs conséquences.

Il serait illusoire, à mon sens, de dire qu'on va rendre inéligibles les gens qui ont commis seulement des gros crimes alors qu'on sait que le petit crime est monnaie courante, qu'il était justement la base du système de violence qui existait.

Le Président (M. Séguin): C'est le moment du vote sur la motion. Je prendrai, si vous voulez bien, le vote sur l'article au complet, le nouvel article I. Au lieu d'une série de votes, je demanderai le vote sur l'article au complet, qui n'a reçu qu'un amendement, pour ajouter "voies de fait simple et méfait". Il y a eu consentement pour une modification de texte pour enlever le mot "chantage". A part ça, je n'ai aucune modification, aucun changement, aucun amendement.

Pour ou contre l'article I: M. Bellemare (Johnson)? M. Choquette (Outremont)?

M. Choquette: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Boudreault (Bourget)? M. Bédard (Chicoutimi)? M. Morin (Sauvé)?

M. Morin: Contre.

Le Président (M. Séguin): M. Ciaccia (Mont-Royal? M. Cournoyer (Robert-Baldwin)? M. Déziel (Saint-François)?

M. Déziel: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Harvey (Charlesbourg)?

M. Harvey (Charlesbourg): En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Lachance (Mille-Iles)?

M. Lachance: En faveur.

Le Président (M. Séguin): M. Lecours (Frontenac)?

M. Lecours: Pour.

Le Président (M. Séguin): M.Malépart (Sainte-Marie)?

M. Malépart: Pour.

Le Président (M. Séguin): M. Roy (Beauce-Sud)? M. Verreault (Shefford)?

M. Verreault: Pour.

Le Président (M. Séguin): Sept en faveur, un contre. Le nouvel article 1 est adopté avec amendement. Le projet de loi no 30 est adopté.

La commission, ayant terminé ses travaux fera rapport en Chambre dans les plus brefs délais et la commission du travail ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 49)

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