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Commission permanente du travail,
de la main-d'oeuvre et de l'immigration
Etude du rapport Cliche
Le mardi 3 juin 1975
(Seize heures vingt-neuf minutes)
M. Séguin (président de la commission permanente du
travail et de la maln-d'oeuvre et de l'immigration): A l'ordre,
messieurs!
Commission du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration,
première séance sur les auditions des corps
représentatifs. Nous sommes déjà près d'une
demi-heure en retard. Pour cet après-midi, les membres de la commission
sont M. Bellemare (Johnson); M. Bérard (Saint-Maurice); M. Boudreault
(Bourget); M. Burns (Maisonneuve); M. Charron (Saint-Jacques); M. Ciaccia
(Mont-Royal); M. Cournoyer (Robert-Baldwin); M. Déziel
(Saint-François); M. Harvey (Charlesbourg); M. Pelletier
(Kamouraska-Témiscouata); M. Lecours (Frontenac); M. Bédard
(Montmorency); M. Roy (Beauce-Sud); M. Verreault (Shefford). Le rapporteur pour
cette nouvelle séance de nos travaux, serait M. Harvey
(Charlesbourg).
M. Bédard (Montmorency): D'accord, M. le
Président.
M. Harvey (Charlesbourg): Si cela ne provoque pas de
débat.
Le Président (M. Séguin): Au tout début, je
voudrais faire part aux membres de la commission et à ceux qui sont ici
présents dans la salle de trois messages que nous avons reçus,
adressés à M. Jacques Pouliot, commission parlementaire du
travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration. Je lis: "Comme nous vous
l'avons indiqué au cours d'une récente conversation
téléphonique, nous sommes toujours intéressés
è nous faire entendre à la commission parlementaire sur
l'industrie de la construction, mais il nous serait impossible, physiquement,
de le faire la semaine prochaine." Ce télégramme a
été reçu vendredi de la semaine dernière, donc la
semaine dont on parle serait cette semaine. C'est signé: Fernand Daoust,
secrétaire général, FrQ, tuteur du Conseil provincial des
métiers de la construction.
Je vous fais part d'un second message adressé à M. Jean
Cournoyer, ministre du Travail: "La Confédération des syndicats
nationaux est intéressée à comparaître devant la
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pour donner son
opinion sur la rapport Cliche et les suites que le gouvernement entend lui
apporter et a déjà commencé à lui apporter. La
semaine prochaine, la CSN tient une importante réunion de son bureau et
de son conseil confédéral.
En conséquence, nous aimerions, si c'est possible,
comparaître devant ia commission au début de la semaine du 9
juin.
Je soussigné, Michel Bourdon, président,
Fédération nationale des syndicats du bâtiment et du bois,
CSN.
Je note aussi ce télégramme adressé au
secrétaire permanent des commissions parlementaires, M. Jacques Pouliot.
"Cher M. le secrétaire,
Suite à votre télégramme du 28 mai 1975, et compte
tenu des circonstances particulières, les associations patronales
soussignées, vous feront connaître leur décision, mercredi
le 4 juin 1975. "L'association de la construction de Montréal et du
Québec; l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du
Québec; l'Association provinciale des constructeurs d'habitation du
Québec et la Corporation des maîtres électriciens du
Québec."
Alors, nous avons la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec, la Fédération de la construction du
Québec. J'ai aussi devant moi une demande de la part de certaines
associations ou certains groupements qui ont exprimé le désir de
paraître devant la commission. Ce sont l'Association internationale des
machinistes et les travailleurs de l'Aéro-astronautique, je pense,
Gilles Côté, 56e 9e avenue, appartement 4, Lachine; l'Association
de la construction de Montréal et du Québec, J.-L. Langlois; le
Centre des dirigeants d'entreprises, Jean Brunelle; le Building Trades
Department of the AFL-CIO, Maynard B. Golt, Q.C.; M. René
Harmégnies, 943, avenue Painchaud, Sainte-Foy représentant
à ce qu'on indique ici la majorité silencieuse.
Je voudrais rappeler dès le début de cette séance,
afin de ne pas y revenir, qu'il a été exprimé le
désir, par la commission la semaine dernière, que nous
entendrions, à l'occasion des audiences publiques, six associations
patronales qu'on a bien voulu déterminer, puisqu'elles se relatent
directement au problème et trois centrales syndicales. Nous avons
aujourd'hui devant nous les représentants de la CSD. Il n'y a pas de
commentaire.
Je demanderais, tout de suite, au président, M. Dalpé, de
commenter, de faire ses observations et de poursuivre ses commentaires.
Centrale des syndicats démocratiques
M. Dalpé: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission. Nous avons l'intention d'être très
brefs; la raison de notre présence ici est de donner un caractère
officiel aux déclarations déjà faites, suite à la
parution du rapport de la commission Cliche et également à
l'occasion de la présentation de notre manifeste au gouvernement
provincial.
Nous avons déjà dit que c'était sans ambages que
nous acceptions le rapport de la commission Cliche. J'aimerais justifier une
telle déclaration.
Déjà, en 1972, lors du dépôt d'un
mémoire préparé par ia Centrale des syndicats
démocratiques sur les relations de travail dans l'industrie de la
construction, nous avions dénoncé toutes les actions dont nous
avions pu être témoins et qui nous avaient été
relatées par des travailleurs de la
construction. De même, parce que nous avons déjà
fait partie de la Confédération des syndicats nationaux, nous
avions entendu dire et vu des gestes de même nature. A ce moment,
également, nous réclamions qu'une enquête soit
instituée. Or, la commission Cliche a été formée,
constituée d'un représentant ou monde syndical, d'un
représentant du monde patronal et du juge Cliche.
Dès la nomination de ce comité d'enquête, nous avons
affirmé que nous avions confiance dans les trois commissaires
nommés. Nous avons participé aux auditions publiques de la
commission.
Le rapport a été rendu à temps et, quant à
nous, les motifs qui avaient justifié sa création, l'envergure de
la situation décrite par les commissaires, justifient qu'à ce
moment-ci, on ne cherche pas dans le rapport des bibites, des bêtes
noires ou des questions de détail pour en paralyser l'application. Nous
disons tout simplement: Le rapport est connu, que le gouvernement en applique
toutes et chacune des dispositions qu'il contient. Si, en cours d'application,
des torts devaient être révélés, je pense qu'il
appartiendra alors autant à la CSD qu'à touts autre organisation,
qu'elle soit syndicale ou patronale, de demander que le tir soit
rectifié.
Mous croyons que, dans le rapport soumis par les commissaires, on peut
retrouver i'essentiel des demandes que nous avions formulées. Elles
peuvent, à un moment ou à un autre, prendre une au tre forme. Et
nous nous déclarons satisfaits de l'intention de la commission Ciiche,
de préserver les droits des travailleurs qui font l'objet d'une
déclaration au tout début du rapport, de même que sur les
différents organismes qu'il conseille ou qu'il suggère de mettre
en place pour corriger la situation".
C'est donc à titre officiel que nous cherchions, M. le
Président, à comparaîtra devant la commission des relations
de travail dsns le but de faire savoir que, quant à nous, ce rapport
devrait recevoir immédiatement toute son application de la part du
gouvernement. C'esï ce que nous avions à dire.
Le Président (M. Séguin): Je vous remercie, M. le
président. Je demande maintenant au ministre s'il a des commentaires
d'usage ou des questions.
M. Cournoyer: Je pense bien que, comme le président
Dalpé l'a dit plus tôt, d'une façon générale
et compte tenu des détails, nous n'avons pas, jusqu'à un certain
point, à nous enfarger dans trop de détails. Je voudrais
mentionner, pour le président Dalpé et pour la CSD, que, si nous
n'avons déposé jusqu'à maintenant que quatre projets de
loi, ce n'est pas par décision de notre côté c'a feire
exprès de toucher à des choses et mettra de côté le
reste du rapport.
Je pense que notre intention est clairement manifestée par les
quatre projets de loi et j'annonçais ce matin que l'autre clef qu'on
peut appeier une cief dans !3 rapport Cliche, c'est-à-dire l'office de
la construction, sera également créé et le ma- raudage, si
on peut appeler cela maraudage, ce qu'on a communément appelé
maraudage, serait fait, cette année, conformément aux
recommandations de la commission Clicha, donc, les choses les plus urgentes,
compte tenu de la disponibilité de ceux qui écrivent des lois,
et ce n'est pas nécessairement !e ministre quoiqu'on dise tout le
monde les urgences restent pour nous de faire ies choses qui peuvent
être faites rapidement et cast l'ordre c!e priorité que nous avons
établi. !i y a certaines choses qui devront être discutées
immédiatement, dans la création de l'office, c'est la sorte de
mandat que I office doit avoir par rapport à l'existence de la CIC et de
CASiC en particulier et de certaines autres préoccupations que nous
avions au ministère du Travail quant à l'administration du
système d'apprentissage.
Sur le système d'apprentissage, il m'apparait que l'orientation
que nous avions prise l'an passé ne devrait pas être compromise
par les recommandations de la commission Ciiche et les parties devraient
normalement être les mieux placées et les plus
spécialisées dans l'industrie de la construction pour
régler un certain nombre de problèmes d'apprentissage,
c'est-à-dire ie règlement no 1 qui a déjà
été déposé. Je ne panse pas qu'il y ait
incompatibilité entre les recommandations de la commission Cliche et la
participation des parties quant à l'administration de l'apprentissage.
C'est qu'on vaut confier à la direction, générale de !a
main-d'oeuvre tout ce qu'il y a à l'apprentissage. Ce n'est pas tout
à fait comme cela que j'interprète !e rapport de la commission
Cliche. Je dis-L'administration proprement, dite du système
d'apprentissage, c'est une chose, les politiques d'apprentissage, cela en est
une autre. Qu'on remette aux parties l'organisation de l'apprentissage si on
veut protéger le travailleur contre ies abus toujours possibles d'un
égoïsme collectivement exprimé par des syndicats ou par des
patrons, que ie gouvernement prenne ses responsabilités par sa direction
générale de la main d'oeuvre pour émettre les certificats
de qualification s'il appartient au gouvernement de protéger las
individus dans le système. Dans ce cas particulier, je ne veux pas
savoir ce que vous pensez. Mais la participation des parties à leurs
affairas, que ce soit l'administration du décret, que ça soit
l'administration du régime de sécurité sociale, est-ce que
je dois comprendre que, vu la publication du rapport Cliche, dans la cas de
l'administration des régimes d'avantages sociaux, par exemple, ce que
nous avons dans le projet de loi 20, qui était à l'époque
l'expression d'un consensus avant ie rapport de la Commission Ciiche, que ceci
doive faire l'objet de modifications de la part du gouvernement si se rendre
beaucoup plus conforme à ce qui est inscrit ici, au titre des
bénéfices de sécurité sociale.
Ce serait donc de confier à l'office de l'industrie ds la
construction l'administration de tous les régimes de
sécurité sociale avec cet organisms paritaire qui est là,
qui ne s'appellera pas nécessairement CASIC, mais i'organisme paritaire
plus ou moins consultatif qu'il y a ià.
Est-ce que je dois comprendre qus c'est ce que vos remarques veulent
dire?
M. Dalpé: Le rapport Cliche, quant à nous,
répondait aux questions les plus urgentes. Il semble en avoir
profité pour explorer tout le domaine de la construction et avoir
profité de son rapport pour attirer l'attention sur différents
secteurs d'activités. Sur les questions précises que vous posez,
je n'ai pas l'intention d'entreprendre de débat, parce que, pour nous,
ça ne fait pas partie de l'essence du rapport de la commission. Ce qui
était particulièrement visé, c'étaient les actes de
violence et l'installation, plus ou moins insidieuse et plus ou moins ouverte
de tout un système.
Or, au tout début, vous parliez d'apprentissage; bien sûr,
c'est un sujet qui intéresse tout le monde, les parties, et je ne vois
pas pourquoi elles ne devraient pas être plus près de ce secteur
que d'autres. Mais ce que nous visons plus particulièrement c'est le
placement. J'aurais aimé vous entendra annoncer les intentions du
gouvernement Vous parlez de maraudage, c'en est un cas majeur qui doit
être rég!é le plus rapidement possible, mais il y a
également celui qui pour nous est responsable de tout le système
et qui conduit à la captivité des travailleurs, donc, à
finir par les empêcher d'exercer leur véritable liberté, 03
que !e rapport Cliche dit qui doit être respecté de façon
fondamentale.
Dans ia création de l'office et des pouvoirs qu'on suggère
par le truchement de ia commission, le placement tient une bonne place. Je
pense que le gouvernement doit se pencher là-dessus, de façon
à y répondre le plus tôt possible. Vouloir régler
tout le processus du maraudage en laissant le placement à la disposition
de ceux qui l'ont utilisé à leurs fins et au détriment de
l'utilisation de la liberté, je pense que ce n'est rien corriger at
c'est peut-être le point principal par lequel on devrait commencer.
M. Cournoyer: J'ai annoncé ce matin en votre absence,
parce que j'étudiais mes crédits avec le comité
parlementaire qui est ici, mais dans une autre sphère d'activité,
que la création de l'office et son mandat devait toucher
nécessairement au placement.
J'ai annoncé également que je ne pouvais pas, à ce
moment du moins, garantir que le placement serait fait comme la commission
Cliche le désire et qu'il y aurait abolition immédiate de tout
système de placement qui existe actuellement.
Je n'ai pas été capable de le faire et je ne crois pas
qu'il soit opportun de le faire du jour su lendemain, avant que l'office n'ait
mis en place ce qu'il faut pour ie faire, le placement.
Je pense bien que vous allez comprendre qu'il y a des difficultés
techniques de miss en place d'un système de placement. Les tentatives
que nous avions faites en 1970 se sont soldées, à
l'époque, par un certain nombre d'échecs assez coûteux pour
je ministère du Travail, an particulier. Il ne faudrait pas
répéter ie même genre d'échecs en édictant,
d'une façon prématurée, des règles strictes que
l'office de l'industrie de la construcion aurait de la difficulté
lui-même à appliquer.
Vous comprendrez que si nous créions l'of- fice, i! y aura
référence au placement dans le mandai de l'office et qu'il y aura
un certain nombre de choses qui seront faites dans un certain nombre de
délais.
Du jour au lendemain, on ne change pas des traditions an les
remplaçant par rien. Vous comprenez ce que je veux dire? C'est qu'ii
n'est pas question pour moi de vous dire: Oui, le placement va être aboli
chez les syndicats. Je ne suis pas capable de vous le dire aujourd'hui.
Si je vous disais cela aujourd'hui et que je créais l'offre
demain en disant: Vous vous occupez du placement, on ferait la preuve
très rapidement que l'office est incapable de placer les gens et on
reviendrait probablement, en l'espace de trois ou quatre mois, à la
situation antérieure que nous voulions corriger.
C'est une impression que j'ai, à cause des échecs du
passe. Donner un mandat à l'office quant au placement, c'est une chose.
Il s'agit de savoir quel est le mandat que l'office devra avoir et cela fera
l'objet de décisions cette semaine. Sur la question de l'office, bien
sûr.
M. Daipé: Si vous me permettez, M. le ministre, je pense
que vouloir réglementer à ce moment le maraudage, de façon
aussi précise qu'on pourrait le souhaiter, n'aura aucune signification
si le placement doit continuer de fonctionner, parce que, pratiquement pour la
commission ou l'office, ce serait impossible de mettre en place les
mécanismes; c'est du même au pareil.
Ce qu'il faut, c'est que les travailleurs de la construction aient dans
l'esprit que ce n'est pas une union qui les place, qu'iis sont placés
parce qu'ils sont compétents, qu'ils sont des travailleurs, qu'ils ont
des services à offrir, que ces services sont les bienvenus, qu'ils ne
doivent leur fonction à personne et que c'est leur mérite
personnel de travailleur qui leur vaut cela.
Tant et aussi longtemps qu'on laissera dans l'esprit des gens que c'est
grâce à leur union qu'ils sont placés, qu'iis peuvent aller
aux Etats-Unis et aux îles Mouc-Mouc, je regrette, on va perpétuer
le système qui a été dénoncé et que le
rapport Cliche cherche à corriger. C'est notre conviction.
M. Cournoyer: C'est exact. Je la connaissais avant, mais je
voulais vous l'entendre répéter.
Le Président (M. Séguin): Y a-t-il d'autres membres
de ia commission qui veulent s'adresser au porte-parole de la CSD? Le
député de Charlesbourg, le député de
Saint-François.
M. Harvey (Charlesbourg): Je vais donner préséance
à mon collègue de Saint-François.
M. Déziel: Merci, mon collègue. M. Dalpé,
d'après ce que je viens d'entendre, vous êtes parfaitement
d'accord sur tout ce qui a été entériné par le
rapport Cliche. Est-ce que cela veut dire que, de façon officielle, vous
approuvez le projet de loi no 30, qui a été adopté en
troisième lecture, qui devrait être sanctionné sous peu,
s'il ne l'a pas
déjà été, concernant les relations de
travail dans l'industrie de la construction.
M. Dalpé: Le projet de loi 30 a été
déposé; il a été discuté. Vous n'avez pas
entendu de commentaires de notre part, ce qui signifie l'accord, parce que,
pour nous, il est la conséquence du rapport.
M. Déziel: Merci, M. Dalpé. Je pense que c'est tout
à l'honneur de la CSD.
Le Président (M. Séguin): Pour l'information du
député, je dirai tout simplement que les deux lois qu'il a
mentionnés sont déjà sanctionnées.
M. Déziel: Merci.
M. Cournoyer: Elles sont en vigueur.
Le Président (M. Séguin): Je regrette, M. le
député. Vous n'êtes pas membre de la commission. A moins
qu'il n'y ait consentement unanime...
Des Voix: II y a consentement.
Le Président (M. Séguin): ... il n'y a pas
d'opposition à ce que le député s'exprime.
Des Voix: Aucune.
Le Président (M. Séguin): Le député
d'Iberville.
M. Tremblay: Merci, M. le Président. M. Dalpé, pour
mon information et probablement pour l'information de beaucoup de gens ici,
auriez-vous, s'il vous plaît, l'obligeance de nous donner une
explication, suivie d'un exemple concret, de l'incidence du maraudage
vis-à-vis du placement, afin de nous tracer une image bien
précise de ce phénomène qui semble, d'après vous,
la clef majeure de la solution éventuelle au malaise dans les syndicats
de la construction?
M. Dalpé: Je vais tenter de répondre à votre
question. Pour travailler dans la construction cela existe depuis nombre
d'années on a fini par installer un système qui, à
toutes fins pratiques, condamnait le travailleur à se trouver un
promoteur pour son emploi. Autrement dit, on a installé des bureaux de
placement.
Or, les unions internationales, qui regroupent énormément
de travailleurs de la construction et plus particulièrement des gens des
métiers, ont fini par inculquer dans la tête des travailleurs
qu'elles étaient les seules à pouvoir leur procurer de l'emploi.
La conséquence automatique d'une telle façon de procéder,
c'est d'attacher le travailleur à l'union qui peut lui fournir un
emploi. A ce moment, ce n'est plus sa liberté d'adhérer à
un syndicat plutôt qu'à un autre, mais le fait que, pour lui,
l'obligation de travailler existe et que, s'il veut travailler, c'est seulement
par l'entremise de telle ou telle union qu'il va pouvoir le faire. A ce moment,
on dit qu'il n'y a pas de liberté syndicale et que, tant et aussi
longtemps que ces bureaux de placement vont exister par le truchement des
unions, le travailleur, presque forcément, va continuer d'adhérer
à un syndicat pour lequel peut-être il ne voudrait même pas
donner $0.05, sachant tout ce qui se passe et comment il peut en être
victime lui-même. C'est cela.
M. Tremblay: Dans les faits, ce que vous venez ce dire, est
relié directement au facteur de maraudage également, qui lui...
Qu'est-ce que c'est le maraudage? C'est la période libre où les
gens vont solliciter d'autres syndiqués, enfin, ils se sollicitent entre
eux, je suppose, pour adhérer à un syndicat ou à un autre.
Alors, on se servait sans doute de l'argument: Bien écoute, ici on est
organisé pour te placer, c'est la meilleure union. Ils avaient de
meilleurs produits à vendre, au fond. C'était cela, l'incidence
de maraudage qui arrive avec le bureau de... Vous dites que, si on ne corrige
pas le système de placement, rien ne sert de toucher au maraudage. C'est
exactement cela que je voudrais que vous essayiez de placer en lumière
dans un langage qui nous est peut-être plus familier pour comprendre
exactement ce qu'est l'incidence de maraudage vis-à-vis du bureau de
placement .
M. Dalpé: Le maraudage, comme vous pouvez le
soupçonner, c'est la possibilité d'arracher à quelqu'un,
qui adhère déjà à un syndicat ou à une
centrale, son adhésion à une autre. Alors, si, à
l'intérieur d'une centrale, on a réussi à monopoliser la
possibilité de placement des travailleurs de la construction, je pense
qu'automatiquement le travailleur va aller là où on peut lui
offrir de l'emploi. En fait, ce ne sont pas ses droits au travail qu'on
protège, c'est son droit de travailler. On finit par en faire une
obligation d'aller là s'il veut travailler. Je pense que c'est
absolument anormal.
M. Tremblay: C'est ce qui explique qu'à un moment
donné le syndicat de la construction dont on veut parler a
monopolisé la majorité des ouvriers de la construction, parce
qu'ils avaient cet attrait, ce meilleur produit à vendre. Il a dit:
Ecoutez, si vous êtes chez nous, vous êtes placés. C'est
cela que cela veut dire. C'est un manque d'équité à
l'égard des autres syndicats, au fond.
NI. Dalpé: Pour le traduire d'une autre façon, le
travailleur achetait son emploi en étant membre de quelque chose.
M. Tremblay: Ah bon!
M. Harvey (Charlesbourg): M. le Président, je tiens pour
acquis que vous êtes favorable à l'office...
Le Président (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Tremblay: Cela va.
Le Président (M. Séguin): Le député
de Charlesbourg.
M. Harvey (Charlesbourg): M. Dalpé, je tiens pour acquis
que vous êtes favorable à la création de l'office de la
construction au Québec et que ce maraudage, durant la période qui
est permise par la loi ou préconisée par la commission Cliche se
fasse en dehors des chantiers de construction. Comment concevez-vous, si ce
n'est par des campagnes publicitaires ou peut-être par de la persuasion
de bouche à oreille, si vous voulez, qui se ferait en dehors des
chantiers de construction, comparativement à ce qui se fait
actuellement, malgré le décret qui évoque 30 jours par
année, alors qu'on sait si bien que ce sont douze mois sur douze...
M. Dalpé: Les commissaires semblent avoir saisi ce point.
Je pense qu'ils y ont touché de façon assez précise en
suggérant que la période de maraudage se fasse par le truchement
de campagnes de publicité et de sensibilisation à
l'extérieur des chantiers. A ce moment, c'est le travailleur qui, quand
même, est sorti de l'environnement qui le tient corsé, et qui peut
être amené à réfléchir par ce que les
différents corps, qui sont intéressés à son
adhésion, peuvent lui soumettre comme proposition. Je pense que c'est
une formule très bien trouvée que tout le monde aurait avantage
à utiliser. Je pense que les commissaires ont été à
même, avec ce qu'ils ont entendu au cours de l'enquête, de
réaliser qu'il fallait que le système change, parce qu'autrement
ie cassage de gueules, la promesse de casser les jambes parfois,
c'était plus que deux continueraient. A ce moment, ils
suggèrent ce moyen qui, pour nous, nous apparaît comme un moyen
accessible à tout le monde. Cela supposera évidemment des
déboursés pour essayer d'attraper autant d'adhérents que
possible dans la transmission de la publicité, de l'information, mais
c'est la charge des syndicats.
M. Harvey (Charlesbourg): Alors, vous percevez cela beaucoup plus
comme étant une approche qui serait personnalisée à
chacune des centrales, mais vous n'avez pas, vous-même, de conception sur
la façon dont cela doit être fait ou ainsi de suite?
M. Dalpé: II y a eu un processus d'utilisé dans le
passé qui va continuer d'être utilisé. Cela a
été l'émission de circulaires. Je me souviens d'une entre
autres, celle de la FTQ, qui disait: C'est nous, la force. Je pense que la
preuve est faite. C'est à eux la force, et toute la force et toutes les
forces. A ce moment, on publiera que nous, ce n'est pas cette force, mais qu'on
est capable d'offrir aux travailleurs un point de ralliement où leurs
droits vont être aussi bien respectés et que, par contre, ils
n'auront pas à payer pour travailler, pour acheter leurs jobs.
M. Harvey (Charlesbourg): Comment concevez-vous les
multinationales à l'intérieur du contexte, par exemple au niveau
de leur appartenance syndicale? Est-ce que vous croyez que le Québec
devrait éliminer la reconnaissance d'une appartenance à une
multinationale, même si ses succursales ont pignon sur rue au
Québec, ou si cela doit faire objet d'un décret en particulier,
uniquement avec des centrales reconnues par leur accréditation
québécoise?
M. Dalpé: Le rapport a touché cet aspect, en
soulignant, entre autres, que certaines unions contenaient, dans leur
constitution, des dispositions absolument aberrantes et qui subjuguaient la
législation du Québec à d'autres instances, entre autres
les constitutions de certaines unions internationales. Je pense qu'il a
posé le problème. Il demande au gouvernement de faire en sorte
que cela n'existe plus.
Vous demander de légiférer pour faire disparaître ce
qu'on appelle les unions internationales, je ne peux pas vous dire cela. Les
travailleurs ont le droit d'adhérer, en fonction du principe de
liberté de base qu'on demande, que tout le monde reconnaît,
à l'union de leur choix. S'ils croient être mieux servis par une
union internationale, libre à eux de le faire, mais actuellement, on l'a
fait parce qu'on pouvait ou on tentait de leur faire croire qu'avec
l'internationale, il y avait du travail pour eux au Québec, à
Saint-Colomban, à Vancouver, aux Etats-Unis, à Denver, d'un bord
ou de l'autre dans tout le monde.
Cela était une fausseté. Qu'on arrête cela et j'ai
l'impression qu'un paquet de choses vont pouvoir rentrer dans l'ordre.
M. Harvey (Charlesbourg): Vous avez quand même des
restrictions à cet égard. Parce que si vous représentiez
la clientèle maximale du marché du travail, peut-être que
votre position serait autre que celle que vous avez concernant autant de
latitude ou de liberté.
M. Dalpé: Tout cela est une question de droit. M.
Harvey (Charlesbourg): Oui.
M. Dalpé: L'abus que je peux faire du droit après,
c'est une autre chose. C'est ce qui est arrivé. Que quelqu'un se
proclame le meilleur, je pense que tout le monde va finir par dire cela.
M. Harvey (Charlesbourg): Tout le monde a le droit de...
M. Dalpé: Si on n'est pas le meilleur, il est temps qu'on
change de camp. On a l'impression, nous, d'être la meilleure centrale. On
a peut-être le moins de membres, mais cela ne nous empêche pas
d'être la meilleure. C'est ma conviction.
M. Harvey (Charlesbourg): Vous semblez même avoir plus que
l'impression. Vous avez la conviction.
M. Dalpé: Oui, on a la conviction. Autrement, on ne serait
pas dans la CSD. On serait ailleurs.
M. Harvey (Charlesbourg): Moi, cela répond à mes
questions, M. le Président.
La Président (M. Séguin): Y a-t-il d'autres membres de la
commission?
M. Leduc: Oui, M. ie Président, si les membres de la
commission me le permettent.
Le Président (M. Séguin): Cela me prend un
consentement unanime.
M. Bédard (Montmorency): Pas d'opposition, M. le
Président.
La Président (M. Séguin): Le député de
Taillon.
M. Leduc: M. Dalpé, je reviens un peu à C3 que vous
avez mentionné tantôt, à la question du maraudage et des
bureaux de placement. C'est une impression que je voudrais vous mentionner pour
que vous me donniez votre réaction.
Vous avez mentionné tantôt qu'à l'occasion du
maraudage, en fait, les gars, sur las chantiers, s'achetaient une "job". A ce
moment, est-ce qu'il n'est pas déjà arrivé que, sur
certains chantiers, on ait trouvé des gars qui étaient membres de
deux centrales syndicales, par exemple, de deux syndicats?
Ensuite, est-ce que cela n'amène pas, dans !e fond, un mauvais
syndicalisme? Dans le sens que les gens adhèrent à une centrale
ou à un syndicat, non pas parce qu'ils croient nécessairement
à la politique ou à ia philosophie de cette centrale syndicale,
mais en fais pour travailler.
Si tel est ie cas, l'interprétation que j'en donne, c'est que le
nombre dans une centrale syndicsie ne compte pius. Qu'est-ce qu'on a fait? On a
acheté une "job". Et en conséquence de l'achat de cette "job", on
participe à un organisme X sans pour autant nécessairement
endosser la politique de cet organisme. Cast complètement, à mon
sens, briser les droits et la liberté des individus de s'associer
à un organisme parce qu'à ce moment, c'est une "job" qu'on veut,
ce n'est pas autre chose. Ce n'est pas nécessairement appuyer une
centrale syndicale mais bien se trouver du travail.
M. Dalpé: II est exact que des travailleurs ont deux
cartes. Il est encore plus exact que beaucoup de travailleurs ont trois cartes,
pour iss raisons que vous énumérez vous-même. Leur
fidélité à un syndicat plutôt qu'à un autre,
bien sûr que cela pourrait être mis en doute mais il resta qu'il y
a, dans la construction, obligation pour le travailleur d'être
syndiqué. Il faut qu'il soit quelque part, donc dans une organisation
syndicale. Qu'il ait cherché à se protéger en ayant trois
cartes dans sa poche, même si la loi l'interdit, c'est exact, c'est
absolument vrai. Mais, à partir du syndicalisme obligatoire dans ia
construction, il faut accepter que le travailleur adhère à une
organisation syndicale. La commission a prévu que ce n'était plus
possible d'avoir deux ou trois adhésions. Dorénavant il n'y en
aura qu'une. Lorsque ie système suggéré sera mis en place,
il ne sera plus possible de voir apparaître le nom du même gars
sous deux étiquettes syndicales. Il n'y aura qu'une seule
adhésion. Il lui restera à participer à l'organisation
pour laquelle il a opté, à tenter d'en connaître les
mérites et à voir si l'élan, la façon syndicale de
tra-vaiiler peuvent conduire aux résultais qu'il cherche, soit sa propre
promotion.
M. Leduc: Merci.
M. Cournoyer: M. Dalpé, est-ce que vous avez compris, dans
!e rapport Cliche par exemple, que la façon de parfaire cette
dernière partie de vos remarques c'était par le truchement de la
cotisation syndicale. Donc, cela veut dire que dès que...
M. Dalpé: Oui. Le compte doit être remis à
i'office.
M, Cournoyer: On s'est arrêté à penser à
ceia, nous, à savoir comment on pourrait arriver. Est-ce que ce!a
n'engendre pas pratiquement, pour l'assurance des choses, pas strictement un
enregistrement sur IBM mais l'émission par l'office de ia carte du
syndicat?
M. Dalpé: Ceia pourrait aller jusque-là.
M. Cournoyer: L'un des problèmes qu'a le ministre, c'est
de savoir comment on peut, comme office, lui donner le mandat et comment
l'office peut charger, en vertu de la loi toujours, les droits d'initiation,
Ies cotisations syndicales et émettre la carte. Parce qu'il n'y a qu'une
façon de ne pas émettre deux cartes dans le système, c'est
que ce soit émis seulement par une source. Lorsque ia personne a fait
son choix devant l'office, c'est i'of-[ice qui lui remet son reçu, que
son. choix soit la CSD, la CSN ou la FTQ. Ce n'est plus le syndicat qui dit:
Voici, j'ai ta carte dans mes mains. Pour l'office, il faut que cela
dépasse les seuls enregistrements pour fins d'établissement du
degré de représentativité pour que cela serve aux fins de
la protection de la liberté syndicale.
Le vote enregistré, c'est une chose, mais le fait de
détenir deux ou trois cartes, c'en sont deux choses. C'est une question
de conclusion à laquelle, comme ministre, j'en arrive. II découle
du rapport Cliche que, dès que nous donnons à l'office le mandat
premier de régler la question du maraudage pendant la période qui
est prévue pour cela, donc pour les fins de l'établissement de la
représentativité qui va durer pendant !a durée du prochain
décret comme représentativité, il n'est pas question de ia
réviser tous les mois, mais juste pour les fins de ia
représentativité et les fins de la négociation et de la
conclusion de la prochaine convention collective. Et, à coté de
cela et en plus de cela, mais comme voie de conséquence, vous avez
l'émission des cartes sur paiement de droits, les droits d'entrée
dans les cas où il y a une question de transfert ou des nouveaux qui
viennent par la suite, la réception des cotisations syndicales toujours
à la même place, selon la décision de la personne,
lorsqu'elle a eu à faire son choix, et la rémission aux centrales
syndicales respectives, suivant la liste continuelle, quel quo soit le
changement d'employeur, toujours à la même place pendant la
durée du décret. Cela implique tout cela. On se comprend
là-dessus.
M. Dalpé: Oui, sauf qu'il n'y a rien qui empêche le
syndicat d'émettre sa carte de membre au travailleur. Ce que l'office
sait, c'est que le travailleur est membre de tel syndicat affilié
à telle centrale et il lui émet une carte en conséquence,
qui est valide sur les chantiers. L'autre carte que le syndicat va
émettre, c'est la carte interne du syndicat qui permet aux travailleurs,
selon certaines prescriptions prévues dans des constitutions, lorsqu'il
montre sa carte, d'avoir droit à ceci, de pouvoir assister aux
réunions, etc. Ce sont deux choses qui peuvent continuer de façon
parallèle. L'autre n'est que l'application stricte de ce que ia loi
prévoit, pas autre chose.
M. Coumpyer: Donc, ia sécurité syndicale ne serait
plus dans le décret, mais dans !a Ici.
M. Dalpé: C'est cela.
Le Président (M. Séguin): Vouiez-vous, s'i! vous
piaît, vous nommer pour ie journal des Débats?
M. Carey (Raynald): Raynald Carey. J'aimerais ajouter un exemple
à la question qui a été posée par M. Tremblay,
d'Iberville, concernant les difficultés qu'on pourrait prévoir
vis-à-vis de la liberté syndicale si le problème du
placement n'est pas réglé. Une, entre autres, qui m'est venue
à l'esprit, c'est qu'on ssit et c'est écrit, qu'il y a des
"deals" qui sont faits entre des associations, ou plutôt entre de grosses
entreprises, pour prendre la main-d'oeuvre à un endroit donné. Ce
sont les unions, les unions internationales actuellement. Or, si vous permettez
l'exercice de la liberté syndicale avec la meilleure
réglementation possible et que le placement demeure ce qu'il est, avec
Ies "deals" tels qu'ils sont, le travailleur va se dire: Parce que je veux
travailler, même sur le plan de la philosophie de la centrale... Non, ma
"job" avant. Il est pris par cela et il va continuer à vouloir passer
par là. Il y a aussi i'autre problème qu'on a vécu. Je
pense que c'est l'autre exemple qu'on pourrait donner, ce sont les
ralentissements de travail. C'était pourquoi, vous pensez?
C'était pour obtenir, justement, le monopole, monopoliser Ie secteur
donné.
Cela n'empêchera pas cas ralentissements de travail de continuer
à vouloir monopoliser, et on n'aura pas enlevé au travailleur ce
qu'il a vécu, ce qu'il vit actuellement, à savoir qu'il faut
qu'il passe à un tel endroit, parce que son employeur va appeler
à cet endroit. Il n'appellera pas ailleurs. S'il n'appeile pas, c'est le
ralentissement de travail. Je pense que c'est un exemple qui répond
assez à votre question.
La Président (M. Séguin): La député
d'Iberville.
M. Tremblay: II serait peut-être intéressant que
vous puissiez nous donner votre version d'une amorce de solution que vous
pourriez suggérer à M. le ministre.
M. Cournoyer: ...recommande qu'on accepte intégralement le
rapport Cliche. L'amorce de solution pour la CSD, si je comprends bien, c'est
que je trouve mes réponses dans le rapport Cliche.
M. Tramblay: Ah, bon! M. Carey: Pour nous...
M. Tremblay: Vous n'y apportez aucune nuance proprement CSD.
M. Carey: Pour nous, M. le ministre a fait allusion aux
difficultés que ça pourrait poser, de l'abolition des bureaux de
placement syndicaux actuels, à cause de l'expérience du
passé. Il faut quand même se rendre compte que l'expérience
du passé a été un système de placement où on
maintenait quand même le bureau syndical, ce qui devient différent
si le bureau syndical n'est plus !à. Je pense que c'est une distinction
qu'il faut vraiment regarder dans !e mécanisme d'application d'un bureau
central, parce que, si vous avez encore le choix de faire ce qu'on vous force
à faire, vous continuerez à être forcé à
passer par là où on vous a fait passer avant.
M. Tremblay: Juste une information éclair. Combien
d'ouvriers de la construction sont membres de la CSD, au Québec?
M. Dalpé: Je vais vous dire qu'on en a perdu
énormément dans l'ordinateur en 1900 je ne sais pas trop
quoi.
M. Coumoyer: On ne ies a pas perdus dans l'ordinateur, c'est toi
qui sais combien, tu en as.
M. Dalpé: Pardon?
M. Cournoyer: C'est vous qui savez combien vous en avez, bien
plus que moi.
M. Dalpé: Je pense qu'on peut tenter de répondre et
la réponse va être assez longue. Parce que le cheminement qu'on
nous a fait traverser, depuis l'adoption du bill 58, est passablement long.
M. Harvey (Charlesbourg): Vous n'êtes pas obligé de
répondre.
M. Dalpé: Je vais répondre, je pense que
l'opportunité m'en est fournie.
M. Tremblay: C'sst démocratique.
M. Dalpé: Avec le bill 58, nous avions obtenu, par un
amendement à l'article 33, que les travailleurs ne soient plus tenus de
souscrire, de participer ou de payer des cotisations syndicales à un
syndicat. Ce qui pour nous avait comme conséquence de permettre
aux travailleurs de la construction dans ce temps, il y en avait 20,000
et plus à la CSN seulement de se libérer et de traverser
avec la nouvelle centrale. Certains l'ont fait en bloc, c'est le cas de
plusieurs syndicats de Québec, d'un syndicat au Saguenay-Lac-Saint-Jean,
d'un syndicat à Victoriaville, etc.
D'autres l'ont fait de façon individuelle. Environ 15 jours
après la sanction du bill 58, nous avions des procédures en cour
Supérieure, on cherchait à paralyser les effets de la loi. Depuis
ce temps, nous sommes devant les tribunaux, des cotisations ont
été gelées. Il y en a pour des centaines de milliers de
dollars, des cotisations que des membres chez nous, normalement, devraient nous
verser, mais que les employeurs, par crainte de la CSN, par crainte de la
FTQ...
Le Président (M. Séguin): A l'ordre! M.
Dalpé. Je ne sais pas si j'ai mal compris vos commentaires. Avez-vous
dit encore, ou avez-vous dit que c'était encore devant les
tribunaux?
M. Dalpé: Oui. J'explique ce qui est devant les tribunaux.
Je ne donne raison ni à l'un ni à l'autre. J'explique ce qui est
devant les tribunaux.
Le Président (M. Séguin): Je vais vous
écouter avec énormément d'attention.
M. Dalpé: Nous sommes devant les tribunaux d'un bord et de
l'autre, dans la province, pour obtenir ce qui nous appartient. Il y a des
contestations dans tout le Québec. Ces travailleurs que, normalement,
nous devrions compter dans nos effectifs, nous ne les comptons pas.
Pour répondre de façon précise à ce
moment-ci, le nombre d'adhérents que nous avons à la CSD, payant
des cotisations, est de près de 3,000. Il faut s'entendre, souvent, dans
la construction, pour recevoir une contribution syndicale, cela vous prend
quatre personnes. Elies travaillent une semaine, et ensuite, elles ne
travaillent plus. Après cela, une autre travaille une autre semaine.
Cela en prend quatre pour en faire une, parce que c'est la cotisation à
la semaine.
M. Tremblay: Quel est le nombre de cas qui sont en instance de
procédure judiciaire?
M. Dalpé: II y en a dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean...
M. Tremblay: Cela implique combien de membres? Le potentiel qui
serait à vous?
M. Dalpé: Cela peut aller dans les 20,000.
M. Tremblay: Si le jugement devenait favorable à la CSD,
par exemple?
M. Dalpé: Cela peut aller dans les 20,000.
M. Tremblay: Cela peut aller dans les 20,000. Les
procédures sont intentées contre la CSD même?
M. Dalpé: Oui.
M. Tremblay: Par des syndicats rivaux ou par des employeurs? Je
ne comprends pas exactement.
M. Dalpé: Par des syndicats rivaux.
M. Tremblay: Bon. Qui sont les syndicats qu'on connaît?
M. Dalpé: C'est cela. M. Tremblay: CSN, FTQ? M.
Dalpé: C'est cela.
M. Tremblay: C'est une lutte. Et cela date de combien
d'années?
M. Dalpé: Depuis 1972.
M. Tremblay: Avez-vous des informations selon lesquelles le
jugement finirait par arriver, ou si c'est perdu?
M. Dalpé: II y a des causes sur lesquelles nous sommes en
possession de jugements qui nous sont favorables. Jusqu'ici, je peux vous dire
que nous n'en avons pas perdu un seul. Celles qui nous intéressent et
où nous pourrions recevoir les cotisations que les membres ont
versées effectivement, ces décisions, nous ne les avons pas
encore.
M. Tremblay: Le ministre n'y peut rien? M. Dalpé:
II n'est pas juge.
Le Président (M. Séguin): J'arrête
l'interrogatoire à ce moment-ci sur ce point. On touche aux tribunaux et
on commence à demander les opinions du ministre sur une décision
des tribunaux. Je pense qu'on dépasse un peu réellement ce qu'on
doit discuter ici.
M. Harvey (Charlesbourg): M. le Président, je propose
l'ajournement sine die.
Le Président (M. Séguin): Un instant, s'il vous
plaît! Je suis prêt à recevoir votre demande. Il ne doit pas
y avoir de débat, mais je voudrais en toute justice demander s'il y a
d'autres membres de la commission qui veulent poser des questions.
Je dois aussi, dans le même souffle, demander à M. le
Président Dalpé de la CSD si d'autres personnes de sa
délégation auraient quelque chose à ajouter. Je
reçois votre demande. C'était de?
M. Harvey (Charlesbourg): Je propose l'ajournement sine die, M.
le Président.
Le Présidant (M. Séguin): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 18)