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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mardi 3 mai 1977 - Vol. 19 N° 48

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre

(Dix heures vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson); M. Bisaillon (Sainte-Marie) est remplacé par M. Gravel (Limoilou); M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette), M. Couture (Saint-Henri); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Gagnon (Maskinongé); M. Forget (Saint-Laurent); M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Mercier (Berthier); M. Gosselin (Sherbrooke), M.Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Lefebvre (Viau), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

La commission doit désigner un rapporteur. Je suggérerais M. Jolivet, de Laviolette.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

Exposé général du ministre

M. Jacques Couture

M. Couture: M. le Président, messieurs, mesdames, l'étude des crédits de mon ministère nous amène d'abord, je crois, à réfléchir sur l'esprit et le sens à donner à cette étude.

J'aimerais, si vous le permettez, M. le Président, indiquer, en ce qui me concerne, dans quel esprit j'aborde cette étude. Comme élus du peuple, je crois que nous sommes tous comptables à la population des montants d'argent dispensés pour offrir des services dans des secteurs particuliers.

Il est évident que les élus du peuple ont cette responsabilité inaliénable et extrêmement importante de vérifier si l'argent du peuple est dispensé à bonne fin, si les services qu'on prétend vouloir lui donner, effectivement, sont rendus ou doivent être rendus selon les politiques cohérentes et dans son intérêt.

J'imagine que, dans une commission parlementaire comme celle-ci, on doit attendre des membres de la commission cet esprit de franche collaboration, parce que nous sommes à ce titre, je crois, tous comptables.

On doit attendre un esprit de vigilance aussi parce que je veux profiter des lumières et de l'esprit critique des membres de cette commission pour nous aider à bien administrer les crédits qui seront votés. J'ose espérer aussi que cette commission est un moment privilégié de réflexion sur les politiques du ministère. Donc, je remercie à l'avance les membres de cette commission de leur présence et de l'action positive qu'ils voudront bien nous apporter dans l'étude de ces crédits.

M. Bellemare: Si le ministre me permettait, simplement pour mon information, j'aimerais demander une directive au président. Est-ce que cette étude va se faire comme cela s'est fait dans d'autres commissions parlementaires, c'est-à-dire l'exposé du ministre, l'exposé du représentant de l'Opposition officielle et celui du parti de l'Union Nationale?

M. Couture: Je n'ai pas d'inconvénient.

M. Bellemare: On commence toujours par un tour d'horizon...

M. Couture: Oui.

M. Bellemare: ...ce qui nous permet d'aller beaucoup plus vite dans l'étude, par la suite, des éléments, des différentes missions. Le ministre, qui a l'expérience, sait que c'est beaucoup plus rapide parce qu'il y a une foule de questions qu'on élimine par le fait même qu'on les a déjà traitées, on a déjà eu les réponses. Je ne sais pas quelle est l'opinion du ministre.

M. Couture: Oui, je voulais, en effet, faire une espèce de tour d'horizon pour annoncer nos couleurs, nos politiques et nos intentions, ce qui permettrait, à travers les éléments des divers programmes, déjà, à l'avance, de peut-être répondre à certaines questions. Je suis tout à fait d'accord que les membres de la commission s'expriment après.

M. Forget: Je suis tout à fait d'accord.

Le Président (M. Marcoux): Selon l'habitude, lors de l'étude des crédits, après l'exposé du ministre, vous pourrez poser toutes les questions générales et même un peu particulières. De toute façon, cela facilite la discussion de chacun des éléments par la suite.

M. Couture: Les crédits que nous avons à voter sont au titre de personnel, de services dont le ministre a l'administration. Evidemment, les chiffres que vous avez devant vous, ces crédits que nous avons à voter reflètent l'action que nous aurons à mener de la prochaine année financière.

Je pense que c'est important, pour les membres de cette commission, surtout avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement, de connaître davantage notre intention, quelle orientation, quelles couleurs nous voulons donner à ce type de service.

II ne faut pas se le cacher, je pense que nous ne commençons pas à zéro. Nous arrivons dans un ministère qui est structuré, qui a des services depuis de nombreuses années et je suis heureux de signaler en passant que certains membres, au moins un membre éminent de cette commission a un certain temps oeuvré dans ce domaine et il a été lui aussi artisan.

Il y a certaines politiques que nous continuons à maintenir et à développer, et je pense qu'effectivement ce serait faux de prétendre que nous voulons recommencer à zéro et que nous voulons tout chambarder, au contraire. Si vous permettez, c'est une impression, une perception personnelle, je crois que, dans une première année de gouvernement, surtout après cinq mois, il est normal et raisonnable, et j'allais dire prudent, de se situer dans cette continuité d'un grand nombre de services du ministère et d'assumer déjà un certain nombre de travaux. J'ai fait line évaluation avec les gens du gouvernement, des collègues; elle nous indique qu'effectivement ce sont des travaux qui s'orientaient vers le meilleur service de la population du Québec en ce qui concerne les secteurs du travail et de la main-d'oeuvre.

Il ne faudra donc pas se surprendre de nos intentions, de nos projets, des services que nous voulons développer. Plusieurs d'entre vous, ceux qui étaient présents dans les Parlements précédents, reconnaîtront des lignes de forces déjà amorcées.

Je pense d'ailleurs que c'est de la sagesse politique de vouloir profiter de ce que nos prédécesseurs auraient pu commencer, mais dont notre propre évaluation nous fait conclure à un bien réel de la population, sauf que c'est peut-être à ce niveau qu'il sera plus original de notre part de continuer ou de développer des services et réaliser des travaux déjà commencés par nos prédécesseurs.

C'est l'accent que nous voulons apporter à certaines orientations; un accent qui devrait, selon le mandat reçu de la population, refléter notre programme politique ou notre philosophie, nos principes. Je dois aussi, dans ces remarques préliminaires... M. le président est toujours tolérant...

Le Président (M. Marcoux): Très tolérant.

M. Couture: Bon. Je voudrais aussi vous donner un peu la perception générale que j'ai du ministère, après quelques mois, et si on peut parler en ce sens, une espèce de vision d'avenir qui parfois traverse ma pensée. Je pense que c'est un ministère qui est très complexe et où on sent à bien des niveaux le besoin de réformes importantes. Je suis porté à dire qu'on a voulu à certains effets introduire trop rapidement une série de superstructures pour effectivement coller aux besoins de la population, mais que nous sommes dans une période de digestion laborieuse.

Je m'explique par des exemples; je pense que tout le monde comprendra. On sait que dans ce ministère le ministre est responsable à la fois de tout le domaine des relations de travail au Québec, ce qui veut dire quotidiennement... Ceux qui m'ont précédé ou qui ont oeuvré dans ce secteur — même je n'ai pas mentionné la présence de l'éminent ex-ministre du Travail du Canada — savent à quel point nous devons faire face à une série de demandes d'interventions, bien naturelles, évidemment, dans notre régime du Code du Travail.

Mais ce que je remarque, c'est que ce champ des relations de travail — j'en parlerai un peu plus loin — extrêmement, je dirais, quotidien, si solliciteur, qui reflète des situations conflictuelles parfois très graves, est, à toutes fins pratiques, dépendant, à mon humble avis, trop directement du pouvoir politique.

Le même ministre a aussi la responsabilité de tout le secteur de la main-d'oeuvre qui est un champ extrêmement vaste où on sent, ne serait-ce — je le signale en passant — qu'au sujet de la formation professionnelle dans nos centres de main-d'oeuvre, à quel point l'incapacité, peut-être physique, du responsable d'accorder à ce problème une attention vigilante et quotidienne, à cause de ce que j'appelle la complexité du ministère, fait qu'à bien des points de vue — peut-être était-ce le cas pour nos prédécesseurs — même dans la structure actuelle, il n'est pas possible de répondre adéquatement aux interventions qu'on aurait le goût de faire. Pensons en même temps aussi à l'Office de la construction du Québec qui a été créé en vertu d'une recommandation de la commission Cliche, qui était une nécessité, mais dont le ministre est responsable aussi. Notons la complexité de ce domaine-là, le caractère explosif du milieu de la construction et les tentatives d'apaisement dans le milieu par des lois dont je sens, moi aussi, à quel point il faudrait les modifier sans doute. On a tous les jours des échos que des secteurs, des syndicats de la construction, des groupes de travailleurs ne sont pas satisfaits du régime dans lequel ils vivent.

De cela aussi le ministre doit en être responsable; il doit veiller à ce que ce milieu de la construction reçoive toute l'attention requise. Qu'on songe aussi à la Commission des accidents du travail qui est sous la responsabilité du ministre. Je pense que c'est presque un euphémisme de dire que dans la population, jusqu'à ces temps-ci, cette commission a reçu de nombreuses critiques qui n'étaient pas toujours liées aux personnes en place, mais peut-être même à la structure et à la loi qui régit la Commission des accidents du travail.

Il faut songer aussi à la Commission du salaire minimum dont les principaux griefs qui nous sont rapportés sont sous sa surveillance et dans sa structure aussi. Nous avons aussi tout le domaine des décrets, et on le voit par les événements qui surviennent dans l'industrie de la robe, avec les demandes que nous recevons dans différents secteurs comme l'automobile, le gant, les coiffeurs. Là aussi, c'est la responsabilité du ministre qui doit accorder une attention réelle quotidienne à ces différents problèmes.

En bref, je voulais tout simplement, M. le Président, souligner — et je pense que ceux qui

connaissent bien le milieu reconnaîtront, dans ce diagnostic, la pertinence de ces remarques — que c'est un ministère trop complexe, dont les structures ne sont pas adéquates, et qui mérite une révision en profondeur.

Je parlerai tout à l'heure des relations entre l'immigration, la main-d'oeuvre et les ressources humaines. A ce moment-ci, je serais porté à vous dire qu'après quelques mois de présence dans ce ministère, je sens, d'une part, l'acquis des années passées où il y a eu des tentatives réelles, par des lois et des interventions de répondre à certains besoins. Mais il me semble que le moment est venu, et j'espère que nous aurons l'occasion et le temps de le faire, de repenser en profondeur ce ministère et de penser à des réformes dans le domaine de la construction, des accidents du travail, du salaire minimum et de la structure même du ministère.

Je souligne aussi, d'ailleurs, que ce sont des remarques qui avaient déjà été faites par des prédécesseurs, mais vous permettrez à un nouveau ministre de faire lui-même son diagnostic après quelques mois de vie au ministère.

Dans l'étude des crédits, je pense qu'on peut avoir des méthodologies différentes.

On peut évidemment prendre les chapitres, les uns après les autres, et dire que ce sont des services à la population, et on essaie de les justifier. Je pense que c'est notre rôle aussi. Parallèlement à ce modèle d'étude classique qu'on ne peut pas éviter, il y a cette voie d'identification des besoins. J'avoue que, finalement, ce qui m'intéresse dans le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre, ce sont les services aux travailleurs. Je pense que c'est probablement la préoccupation de tous les membres de cette commission; je dis probablement, j'en suis assuré. Comme élus du peuple et comme participants, d'une certaine façon, au vote des crédits qui permettront des services à la population, ce qui nous intéresse c'est qu'au bout de la ligne il y a des travailleurs, des gens qui sont concernés par les services. Il faut qu'ils les reçoivent bien ces services, donc qu'ils soient efficaces et que les besoins qu'ils expriment, on puisse, au long des années, y trouver des réponses.

Si vous permettez, j'aimerais utiliser un peu ces deux méthodes. On a des services bien déterminés et à l'occasion, pour mieux cerner l'intention du ministère dans le service à donner, j'aimerais aussi qu'on prenne, enfin c'est ce que je veux faire, comme référence la population visée. Il faut essayer d'évaluer comment elle peut effectivement être bien servie par tel service, telle intervention.

Les relations de travail. On me corrigera si je me trompe, mais de mémoire d'homme je pense que le ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre a été peut-être à 80% identifié comme le ministère des relations de travail. Il y a bien des raisons à cela, ne serait-ce que l'actualité, où, évidemment, dans le régime actuel du Code du travail, il y a des parties en présence qui, continuellement, ont des conventions collectives à négocier et à signer.

Sous notre régime l'Etat a ce rôle, dans certains cas, d'intervention, de soutien et d'arbitre, ne serait-ce que par son Tribunal du travail. Evidem- ment, l'Etat est un peu l'élément quotidien à travers les conflits que nous vivons au Québec.

Je ferais les observations suivantes. Je dis que le champ des relations de travail, au Québec, a été beaucoup trop politisé. A mon humble avis, c'est lié aussi à la structure que nous avons. Je pense bien que dans le débat, nous aurons, les uns et les autres, à nous exprimer là-dessus. Je ne vous dis pas que, pour le moment, j'ai une formule magique ou définitive, mais je pose le problème et je vous dis un peu quelles sont mes intentions personnelles pour essayer de répondre à ce genre de problème.

Quand je dis politisé, je crois qu'il est malsain, dans la philosophie du droit du travail, quand des parties sont en présence, qui sont responsables du règlement à chercher, qui sont responsables de la convention collective à négocier et à signer, effectivement, que le pouvoir politique soit trop souvent, ou d'une façon trop déterminée, identifié à celui qui règle le conflit quand cela ne va pas. Je m'explique. Je pense que la philosophie du droit du travail, justement, commande que les parties qui s'établissent en rapport de forces et qui négocient une convention selon le droit sacré à l'association et le droit collectif aient cette responsabilité de chercher, par ce mécanisme de rapport de forces une solution, un règlement au litige en question.

Le rôle de l'Etat est un rôle de législateur, d'une part, c'est-à-dire que le gouvernement qui est responsable des lois qui permettent à des parties, à des négociations de vivre sous un certain régime de travail, comme législateur, doit se préoccuper — c'est sa première préoccupation — de voir à ce que les lois soient adéquates, à ce que cette philosophie du Code du travail, ce que je peux appeler ce modèle de relations de travail dans la recherche d'un règlement par deux parties en présence, rattaché à des droits bien précis et bien déterminés par le code, à ce que tous ces mécanismes et ces droits soient effectivement bien ajustés et bien exercés.

C'est le rôle premier du gouvernement d'être législateur. A ce point de vue, je pense que c'est une responsabilité prioritaire du ministre du Travail, devant le champ des relations de travail, témoin de tout ce qui se vit, au long des jours, dans la recherche de règlements à travers des centaines et des centaines de conventions collectives, de jouer un rôle de législateur. Je crois que dans le passé les gouvernements ont cherché, pas toujours heureusement, sincèrement à répondre par des lois aux besoins des parties en présence.

Je pense plus important pour le ministre du Travail d'être préoccupé d'améliorer les lois qui, effectivement, permettront aux parties qui ont à négocier de mieux le faire, d'éviter le pourrissement des conflits et de leur assurer un cadre normal de relations de travail et un cadre qui respecte des droits aussi importants que le droit d'association, le droit de grève, etc.

Deuxièmement, je crois aussi que le ministre doit être avant tout un administrateur de son ministère. A ce point de vue, il a des services d'intervention et de soutien aux parties dans les relations

de travail, des services de conciliation, des services techniques, des services de recherche. Par sa loi générale, il a le pouvoir, en tout temps, d'intervenir directement pour, non pas lui-même, mais à travers des nominations, à travers la demande qu'il peut faire à son ministère, apporter ce soutien technique aux parties en présence. Ceci m'amène à dire, à propos de tout ce monde des relations de travail, que chez moi, c'est une préoccupation de chercher à transformer la structure que nous avons au ministère quant aux relations de travail de façon que les parties présentes à une convention collective, qui ont à négocier une convention collective, puissent davantage s'identifier à un service bien structuré avec, effectivement, peut-être un soutien technique beaucoup plus solide — quand je dis solide, c'est peut-être plus important — pour que la demande d'intervention du ministère soit davantage identifiée au service même qu'au ministre.

On sait que la politisation, les interventions directes d'un ministre ne font, à long terme, que fausser un peu la négociation. C'est évident que, quand les gens sont assis autour d'une table et qu'ils ont à négocier un contrat, s'ils savent que n'importe quand le ministre peut intervenir — de fait, selon l'usage passé, il intervenait — cela fausse un peu la négociation. Les gens s'accrochent à cette possibilité. Je pense qu'il serait plus sain que nos lois soient, d'abord, mieux adaptées pour que ce jeu de la négociation collective soit joué adéquatement et que, par ailleurs, les parties en présence aient ce soutien technique et ne recherchent que ce soutien technique et non pas une intervention, à tout bout de champ, du pouvoir politique. Ceci dit, je n'exclus pas l'intervention du pouvoir politique et du ministre. Je pense qu'on est tous d'accord, j'imagine, sur des cas précis où la négociation d'une convention collective, où la longueur d'un conflit dans un domaine donné, nous indique qu'il y a un intérêt public à sauvegarder.

Ce ne sont plus simplement des intérêts particuliers qui cherchent à se confronter pour forcer la reprise des négociations ou forcer la convention collective, mais où l'évaluation de l'intérêt public commande l'intervention de l'Etat. Je dois dire que c'est mon intention, en tout cas, de travailler davantage à modifier ou à améliorer nos lois, notre Code du travail, à améliorer nos services et peut-être à restructurer le ministère que directement m'orienter vers l'interventionnisme.

Quant au Code du travail, on en parle depuis des années, tout le monde parle de réforme du Code du travail. C'est un objectif de notre parti, c'est un objectif de notre gouvernement. Je suis porté à dire — j'imagine que plusieurs membres de cette commission partageront cette analyse ou cette évaluation — que la grande réforme du Code du travail mérite un peu plus de temps que quelques semaines de présence dans un ministère, et mérite, je pense, de mettre en place des mécanismes de réforme. Effectivement, je pense qu'assez rapidement on pourra vous informer qu'une commission de réforme sera mise en place avec des gens qualifiés, reconnus par tous, pour, à long terme, préparer cette réforme. Ce qui n'exclut pas, à court terme — comme d'ailleurs, cela a été dit à quelques reprises — quand les données sont là, que les études ont été faites, et que déjà un travail considérable a été produit, d'amender ce que l'on peut appeler la tuyauterie du Code du travail. Il y a effectivement des amendements qui seront retenus, qui ont déjà été travaillés par le conseil consultatif et qu'on espère assez rapidement pouvoir proposer.

Sur ce chapitre des relations de travail, je terminerai en disant que, moi je ne crois pas aussi simplement que, par des modifications au régime du Code du travail ou des grandes réformes en profondeur, l'on va, par le fait même, changer toutes les mentalités. Je suis porté à dire qu'il nous faut faire un effort collectif pour que ce régime des relations de travail se décrispe. Je pense que nous sommes dans un domaine conflictuel qui est évidemment inhérent au type de société dans laquelle nous vivons, qui est inhérent aussi à la-philosophie du Code du travail. Le moment est peut-être venu d'avoir un petit peu plus d'imagination et de chercher, je ne dis pas des formules magiques, mais au moins des formules nouvelles. Enfin, c'est un peu dans ce type de commande que j'ai le goût, moi, de procéder, de chercher comment notre domaine des relations de travail pourrait se bonifier, s'assainir, je dirais plutôt s'assainir, ce qui, effectivement, pourrait entraîner un certain changement de mentalité.

Il y a les syndiqués au Québec, il y a les syndicats, il y a aussi les non-syndiqués qui sont importants, qu'on peut situer — on ne se battra pas sur les pourcentages — à peu près autour de 65%, semble-t-il. Quand on fait cette première consta-tion, on est impressionné puis on est un peu aussi révolté, quand on confronte cela au programme de notre parti. La population nous a donné mandat, je pense, de gouverner en fonction de ce programme où il est clairement dit qu'on s'engage à humaniser la vie au travail, rendre réalisable la syndicalisation de tous les travailleurs, à d'autres endroits aussi on parle de syndicalisation massive.

Je crois que c'est la première réaction que l'on doit avoir. Qu'est-ce qu'on peut faire pour favoriser cette syndicalisation? C'est la conviction du gouvernement actuel et la mienne que le syndicalisme est l'instrument privilégié de défense des travailleurs. Je crois que l'Etat, qui a cette responsabilité sociale d'assurer à tous les travailleurs québécois le minimum de conditions de travail, d'assurer à tous les travailleurs québécois de bons mécanismes pour leur permettre librement, volontairement d'utiliser cet instrument qu'est le syndicalisme, ne doit pas se substituer au syndicalisme. Je dirais qu'il y a quand même ces deux objectifs qu'on doit garder à l'esprit, favoriser la syndicalisation, mais respecter quand même le choix libre et volontaire des travailleurs qui veulent ou ne veulent pas se syndiquer ou choisir tel ou tel syndicat.

Je me vois forcé de vous dire ici que ce projet de syndicalisation à grande échelle des travailleurs québécois est un projet qui m'apparaît tellement important qu'il ne doit pas être improvisé. Il y a plusieurs théories là-dessus. Je pense que l'on

peut parler d'accréditation sectorielle, de négociation sectorielle, d'un certain syndicalisme obligatoire à certains points de vue. J'imagine que les membres seront d'accord pour évaluer avec moi que le problème est tellement important que cela mérite une certaine étude précise. Il faut des consultations pour préparer, et cela sera introduit dans la réforme du Code du travail, les amendements nécessaires pour favoriser la syndicalisa-tion des travailleurs québécois. C'est notre objectif de gouvernement, un objectif d'un gouvernement qui a un mandat de quatre ans. En tant que ministre actuel du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je veux que l'on commence rapidement à mettre en place des groupes de travail et que l'on fasse de la consultation, qu'on profite des recherches passées, parce qu'il y a quand même eu beaucoup de documents de produits sur la négociation sectorielle, entre autres. Que l'on s'inspire de notre programme, puisque c'est notre mandat où déjà on suggère des formules, mais que ces mécanismes de syndicalisation importants des travailleurs québécois soient bien préparés. Je dois vous dire ici que c'est un projet à plus long terme.

Il restera toujours des non-syndiqués. Avant d'arriver à mettre en place ces mécanismes, avant d'augmenter progressivement le nombre des syndiqués québécois, nous avons la responsabilité, et je la sens très vive, de pourvoir aux besoins des non-syndiqués, à leur protection et de leur offrir des services à cette période que je peux appeler transitoire. Pour d'autres, je pense que ce sera une période permanente, parce que comme c'est un choix libre et volontaire, le syndicalisme, ce ne sera pas à nous de forcer les gens à venir. Je pense qu'il y a des secteurs très difficilement syn-dicables. Il restera toujours une marge importante de non-syndiqués.

Cette responsabilité, je dirais, m'apparaît prioritaire avant de mettre en place l'instrument, d'être capable d'offrir cet instrument facile d'accès à tous les salariés québécois, ce qui n'existe pas maintenant, qu'est le syndicalisme.

Cela me paraît prioritaire de protéger ceux qui ne le sont pas parce que les non-syndiqués sont isolés, n'ont pas de rapport de forces, n'ont pas de moyens de défense, sauf les lois. Je pense qu'on peut à l'occasion souligner que l'ancien gouvernement n'a pas seulement fait des mauvais coups, ce n'est pas mauvais de le souligner. Il a au moins fait faire des travaux. Sa caractéristique, c'est qu'il a fait faire beaucoup de travaux, et c'est nous qui allons les mettre à jour.

Je dois souligner que mon arrivée au ministère m'a permis de prendre connaissance de travaux importants qui effectivement débouchaient sur un projet de loi sur les conditions minimales de travail au Québec. J'ai été heureux d'en prendre connaissance parce qu'il était le fruit de longs mois de travail, au moins un an. Je pense même qu'on en a discuté au dernier Conseil des ministres. Il a été travaillé et s'est inspiré aussi de certaines législations européennes. Au gouvernement, nous assumons au moins la philosophie de base de ce projet et, je pense que c'était notre droit, nous avons voulu le réviser, le polir, peut-être l'améliorer sous certains aspects. Effectivement, c'est un projet de loi qui sera déposé lors de cette session sur les conditions minimales de travail et qui est un contrat de base pour tous les salariés québécois. C'est lié aux préoccupations que nous avions au sujet du salaire minimum et de la Commission du salaire minimum. Il y a le rapport d'un groupe de travail sous la direction de M. Cas-tonguay qui fait autorité, qui nous a beaucoup éclairés sur les principes de base qui doivent nous orienter pour aborder ce monde des non-syridiqués et essayer de mieux situer nos interventions concernant le salaire minimum dans une politique plus globale.

Ne serait-ce que pour cette raison, au lieu de simplement — je ne dirais pas arbitrairement — être obligés, à tous les six mois ou à tous les ans, selon le rythme qu'on prend — depuis 1970, c'est à tous les six mois que cela se fait — de prendre une décision politique, de se demander plutôt quel taux on va mettre cette fois-ci, si on l'augmente de $0.05, $0.10 ou $0.15, je pense que tout le monde cherche à ce que cela soit beaucoup plus cohérent et plus inclus dans une politique globale. Cette loi des conditions minimales comportera évidemment le salaire. On pourra discuter éventuellement de certaines conditions minimales pour les salariés. Mais l'objectif, d'une part, c'est effectivement, en 1977, en sachant qu'au moins tous les salariés, par leur convention collective, ont obtenu un certain nombre de conditions de travail, d'acquisitions, de rechercher au moins, par une analyse de notre société actuelle, un cadre minimal.

Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas syndiqués. On souhaite qu'ils le deviennent. On va même y travailler. On va préparer effectivement des lois pour faciliter cette syndicalisation. Mais actuellement ils ne le sont pas. Il y en a certainement un bon nombre qui ne le seront jamais. Je pense que c'est une responsabilité du gouvernement de définir à tel moment de l'histoire d'une société à quel prix on doit travailler dans ce pays, dans quelles conditions.

Je sais qu'en 1910, dans mon comté, il y avait des enfants de onze ans à la Dominion Textile. Je ne sais pas s'il y avait un ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à cette époque. Si oui, il devait peut-être réfléchir et se demander si ce ne serait pas mieux d'empêcher les enfants de onze ans de travailler et de ne laisser que les enfants de douze ans au travail, je ne sais pas.

Mais, en 1977, je crois qu'on doit être capable de prendre ses responsabilités et de définir ce cadre minimal des conditions de travail et de salaire aussi.

D'autre part — c'est le reproche qu'on fait souvent à tout gouvernement quel qu'il soit — c'est bien beau des lois, mais il y a l'application des lois. On ne peut pas, en gardant à l'esprit cette responsabilité que nous avons, légiférer sans s'assurer que telle législation a des chances d'être appliquée et sans mettre en place des mécanismes pour qu'elle le soit.

A ce niveau, je cherche — et il y a déjà des choses plus précises — pour qu'on trouve des mécanismes efficaces d'application de la loi. Effectivement, la Commission du salaire minimum sera réformée pour donner une structure peut-être plus souple et plus efficace quant à l'administration de cette loi. Mais il ne sera pas suffisant qu'on ait un service d'inspection peut-être plus large. La théorie d'avoir un policier devant chaque entreprise non syndiquée, je ne la retiens pas. Il restera toujours des moments où personne ne sera là et où on ne pourra pas vérifier si la loi est appliquée ou non. Je voudrais bien qu'on s'oriente de plus en plus vers la responsabilité locale des citoyens, des syndicats et des chefs d'entreprise sur l'application de nos lois.

A ce sujet, il y a deux intentions précises. D'abord — là aussi, je dois dire qu'on profite du travaiI qui a déjà été commencé dans le passé — une transformation des centres de main-d'oeuvre du Québec. C'est peut-être un élément qui n'était pas là et sur lequel j'insiste beaucoup. La transformation du réseau des centres de main-d'oeuvre, ce n'est pas une mince affaire, parce qu'il y en a environ 55. Mais je veux, à court terme, que, dans tous nos centres de main-d'oeuvre du Québec, nous ayons des agents d'information très bien préparés — et nous allons les former en conséquence — pour connaître à fond les lois du ministère, non seulement être des agents, mais avoir aussi — j'espère que vous n'y verrez pas là la défense de ma profession — un certain rôle d'animation dans le milieu. Je pense qu'il n'est pas suffisant que, dans les régions du Québec, les gens sachent que, dans un centre de main-d'oeuvre du Québec, il y a un agent d'information qui peut dire à n'importe quel salarié que telle loi est appliquée ou non. Il faut aussi que, dans ces milieux mêmes, on puisse effectivement avoir un personnel qualifié qui puisse être en contact avec les entreprises non syndiquées. Cela peut aller assez loin. D'ailleurs, je pense que ces centres Travail-Québec, avec cette dimension information et animation, pourraient même assez rapidement, connaissant mieux les mécanismes d'accréditation, aider des non-syndiqués qui chercheraient à se syndiquer, leur donner l'information suffisante et peut-être le soutien technique. Ce qui me préoccupe dans ce chapitre des non-syndiqués, c'est de vous dire que le contact avec les salariés d'entreprises non syndiquées, nous voulons l'organiser systématiquement, non seulement par cet office ou cette régie future qui administrera la prochaine loi, mais aussi par des personnes, dans le milieu même. Assorti à cela, pour vous dire un peu l'autre intention politique que j'ai, je voudrais mettre en place, dans les régions québécoises — peut-être régions et sous-régions; tout dépendra du nombre de citoyens impliqués — des comités tripartites de main-d'oeuvre, peut-être à l'image du Conseil consultatif.

Il y aurait là des représentants des syndicats locaux, des représentants des patrons, des représentants du gouvernement qui pourraient être un directeur régional ou un agent d'information et possiblement aussi des corps intermédiaires, des groupes de citoyens, selon une formule qui pourrait être définie différemment d'une région à l'autre. Il faut chercher avant tout à nous donner une espèce de comité régional, indépendant du gouvernement, mais qui aurait comme mandat principal — c'est cela qu'il faut retenir — la vigilance sur l'application des lois du ministère et sur la main-d'oeuvre locale et qui, effectivement, je pense, pourrait recevoir le mandat de nous aider, d'aider le ministre dans les régions du Québec — on sait à quel point elles sont différentes, elles ont des besoins différents — à mieux connaître les déficiences de l'application de telle ou telle loi dans une région donnée. Cela pourra être, par exemple, à la Commission des accidents du travail, dans le cas des travailleurs de la construction, le salaire minimum, la future loi des conditions minimales, la main-d'oeuvre locale, etc. Ce sont déjà, je pense, deux mécanismes qu'on essaie de mettre en place pour que notre loi sur les conditions minimales puisse avoir plus de chance d'être appliquée.

J'ai parlé, quelque part, de comité d'entreprise dans les entreprises non syndiquées. Je dis tout de suite qu'actuellement c'est une pure hypothèse de travail, et que ce ne sera pas encore dans la prochaine loi, mais c'est une formule qu'on étudie. Et comme toute formule qui est étudiée, l'objectif c'est de chercher, en attendant que les gens soient syndiqués, des moyens de protéger mieux le travailleur non syndiqué.

Dans le chapitre sur la main-d'oeuvre, la première évaluation que je peux faire c'est qu'on a vraiment un déchiffrage d'importance à faire. Je crois que les critiques les plus constantes qui reviennent, quand on parle de main-d'oeuvre au Québec, sont des critiques d'incohérence, de mauvaise perception des besoins et aussi de manque d'instruments pour, effectivement, aider cette main-d'oeuvre québécoise. Sans reprendre le refrain bien connu de "c'est la faute du fédéral", c'est difficile de ne pas en parler, quand on parle de main-d'oeuvre. Je ne veux pas faire trop de peine à M. Mackasey qui arrive tout frais du fédéral...

M. Mackasey: Je suis membre de l'Assemblée provinciale, maintenant.

M. Couture: Je dois quand même souligner que, s'il y a un domaine où le fédéral vraiment brouille les cartes et nous empêche effectivement d'avoir une politique cohérente en main-d'oeuvre, c'est bien celui-là.

Il y a évidemment des accords avec le fédéral sur les programmes de formation professionnelle des adultes. Il y a des accords, parce qu'il y a effectivement des millions en question et de nombreux travailleurs québécois tout court qui veulent apprendre, suivre des cours etc., en profitent. Mais je souligne, tout simplement, que tant que nous n'aurons pas tous les instruments et de sélection des étudiants, et de programmes de placement pour, nous-mêmes, assurer ces mécanismes d'intervention dans la main-d'oeuvre, il ne sera pas possible de mettre à jour une véritable politique québécoise de main-d'oeuvre. D'ailleurs, je pense

que nos prédécesseurs, là-dessus, ont manifesté les mêmes préoccupations.

Je vous fais grâce, d'ailleurs, des montants énormes dépensés au Québec par le fédéral, dans la main-d'oeuvre. Placer des Québécois, faire coïncider la demande d'emploi avec l'emploi offert, quand il y a près de 80% du placement fait par le fédéral — est-ce cela, au fait? — c'est à peu près 80%, comment voulez-vous, quand vous n'avez pas de prise sur cet élément si important, faire coïncider la demande d'emploi à l'emploi offert? Comment voulez-vous faire une politique de main-d'oeuvre?

Ceci dit, j'ai comme principe qu'il ne faut pas doubler les services, quand ce sont les mêmes montants d'argent qui sont dépensés. Je crois que, dans l'état actuel des choses, il y a deux façons d'aborder le problème, soit celle de négocier, le plus possible, le transfert de ces programmes au gouvernement du Québec — effectivement, dans les rencontres que nous aurons avec nos homologues fédéraux, nous allons continuer à revendiquer ces demandes — la deuxième façon, c'est d'acquérir notre souveraineté. L'un et l'autre ne sont pas exclus. Ils sont parallèles.

Pour la politique de main-d'oeuvre, j'ai établi ce principe qui me paraît quand même important. Nous ne voulons pas concurrencer les services fédéraux, là où ils se donnent, en cherchant, évidemment, à les récupérer éventuellement, mais nous ne voulons pas essayer de chercher à faire du meilleur placement qu'eux autres, parce qu'ils en font. C'est l'argent des Québécois qui est donné dans les deux instances. Au niveau des responsabilités publiques, nous devons avoir cette préoccupation de ne pas augmenter au moins l'odieux du gaspillage d'administration publique.

Ceci dit, je pense que les centres de main-d'oeuvre peuvent avoir quand même un rôle extrêmement original, ce qu'on pourra appeler plus tard les centres Travail-Québec. Je sais qu'il en a été question dans les commissions parlementaires de l'année dernière, entre autres, parce que c'était un projet qui était sur les tablettes, qui était en marche. Je pense qu'on cherche, et c'est mon intention, plutôt à développer des services spécialisés dans nos centres Travail-Québec, au lieu d'essayer de faire la même chose que le fédéral; nous ne ferons jamais mieux, parce que nous n'avons pas l'argent nécessaire, etc., et ils ont une tradition que nous n'avons pas. Nous allons chercher à intervenir d'une façon plus originale, c'est-à-dire le rôle d'information dont je vous ai parlé tout à l'heure, le soutien technique, la prise avec le milieu, rendre le milieu responsable de ce qui se passe au niveau de la main-d'oeuvre, au niveau de l'emploi et travailler sur des clientèles cibles. Les centres de main-d'oeuvre du Canada reçoivent tout le monde. Il n'y a pas de préférence pour telle ou telle clientèle. Je pense que l'analyse de la main-d'oeuvre québécoise nous révèle qu'il y a certaines clientèles qui mériteraient une attention très spéciale.

Je voudrais que dans nos centres Travail-Québec — non seulement je voudrais, mais je veux, et nous allons travailler à cela — on développe des services plus spécialisés, par exemple, pour les jeunes travailleurs de. 18 à 25 ans. Dans bien des comtés du Québec, nous sommes tous témoins qu'à cet âge il est très difficile de se stabiliser. Les gens cherchent un emploi, surtout quelqu'un qui n'est pas suffisamment formé, qui n'a pas suffisamment reçu la préparation nécessaire; il change d'emploi rapidement, il est instable, il est en période de chômage et il recommence, etc. Ils ne sont vraiment pas pris en charge. C'est une clientèle cible que je trouve extrêmement importante. Nous allons essayer de la suivre, c'est-à-dire que, dans un milieu donné, avec un agent de main-d'oeuvre préparé en conséquence, nous allons faire un suivi des travailleurs qui sont dans les entreprises du milieu, ou qui sont du moins inscrits dans ce centre Travail-Québec. Nous allons les aider ou les stimuler à poursuivre des formations nécessaires, nous allons les informer sur les programmes qui existent pour se perfectionner. Vous voyez un peu où nous voulons en venir. Nous allons essayer de garder ce suivi sur cette population de jeunes travailleurs.

Il y a une autre catégorie, qu'on peut appeler les assistés sociaux disponibles sur le marché du travail. Je sais que c'est effectivement la responsabilité des Affaires sociales, mais grâce à mes excellents rapports avec mon collègue des Affaires sociales, nous sommes en train de travailler conjointement, au comité de développement social, sur ce problème social extrêmement grave et sérieux. Je pense surtout aux assistés sociaux, aux personnes seules qui ont de 20 à 35 ans. M. Forget connaît bien cette clientèle. On sent qu'on n'a pas, actuellement, les instruments ou les réponses à ce type de problème. Je suis porté à croire que cette catégorie d'assistés sociaux... Je n'aime pas les mots "assistés sociaux", on va peut-être, un jour ou l'autre, les changer.

M. Forget: II en existe d'autres; "bénéficiaires d'aide sociale".

M. Couture: C'est vrai, mais cela fait un peu technocrate.

M. Forget: Alors, je vous laisse le soin de l'inventer.

M. Couture: L'Office de la langue française y pourvoira. A mon avis, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre devra avoir la responsabilité de cette catégorie. Je pense que les gens vont attendre qu'on ait les services adéquats dans les milieux pour pouvoir prendre en charge ce monde-là.

Il y a une autre clientèle cible que l'on retient; ce sont les travailleurs de 40 ans et plus — cela nous concerne, M. Mackasey et moi — ceux qui, de fait, comme il arrive bien souvent, surtout dans des entreprises non syndiquées où ils ne sont pas protégés, sont licenciés et pour qui la recherche d'emploi est très difficile. C'est une clientèle... Il y

a déjà des organismes qui s'en préoccupent; je pense que tout le monde connaît les Partenaires associés, à Montréal. On va simplement soit assumer ce qu'ils font, soit les aider à continuer ou essayer de coordonner les services que l'on pourrait donner en commun, mais je pense que c'est une clientèle très importante.

Je parle d'une autre clientèle cible, les immigrants. Comme je suis aussi ministre de l'Immigration, depuis plusieurs mois un groupe de fonctionnaires du ministère de l'Immigration et du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre a travaillé sur le problème et on arrive à penser que dans la réorganisation des centres Travail-Québec un service spécial aux immigrants pourrait être donné.

M. Bellemare: Avez-vous l'intention de mettre la pension à 55 ans, tel que vous le dites dans votre programme?

M. Couture: On en reparlera.

M. Bellemare: C'est parce que c'est au chapitre Travail: Permettre au travailleur de prendre sa retraite à partir de 55 ans.

M. Couture: Volontaire. Socialement, il ne faut pas forcer les gens à prendre leur pension à 55 ans. Trouver des mesures qui leur permettraient de la demander et qui permettraient aussi à ceux qui veulent travailler plus longtemps, même après 65 ans, de continuer à travailler, c'est ce genre d'objectif qu'on recherche.

Dans la main-d'oeuvre, il y a aussi le service de reclassement où on a la fameuse loi 49, article 45, quant au préavis de licenciement, qui permet la mise sur pied de comités de reclassement. J'envisage — non pas pour cette année, mais pour une année subséquente — une réforme de la loi 49 parce que je crois que la contrainte quant aux licenciements n'est pas suffisante. A ce point de vue, il y a des lois européennes qui sont beaucoup plus avancées et qui manifestent davantage — je pense qu'il faut le retenir — ce lien entre le salarié et l'employeur. Quelqu'un qui a été pendant des années chez un employeur a participé à la vie de l'entreprise, il a participé à ses profits. Je crois qu'on doit décourager — mais vraiment décourager — les licenciements trop hâtifs. Je sais qu'en France, entre autres, pour certaines catégories de travailleurs, quand l'employeur est obligé de payer 90% du salaire pendant un an, il y pense deux fois. Cela a comme effet, au moins, de forcer l'employeur à évaluer davantage ses décisions qui peuvent affecter les travailleurs.

Pour le moment, dans le programme que nous avons, je veux qu'on travaille davantage sur la prévention.

Déjà, au ministère, on a commencé à faire fonctionner des comités de main-d'oeuvre où, dans certains secteurs, on sent qu'il y a des problèmes particuliers, par exemple, le problème de l'automatisation ou le problème du recyclage des vieux travailleurs et le reste. L'intervention du ministère s'avère importante et cela permet, à ce moment-là, d'éviter des licenciements. C'est dans ce sens que, peut-être, au niveau de notre cadre actuel, je voudrais qu'on mette l'accent sur la mise sur pied de comités de main-d'oeuvre dans des secteurs fragiles. Il peut y avoir des secteurs fragiles, des régions fragiles où notre service de reclassement pourrait — ils ont commencé, d'ailleurs, dans certains milieux — effectivement intervenir et aider un milieu, syndicats et chefs d'entreprise, à réfléchir sur les problèmes qu'ils ont et, par un soutien technique, à les aider à chercher des solutions ou à atténuer certaines décisions.

Il y a la question de la formation professionnelle. Je pense que les principales critiques que nous avons, c'est aussi une certaine incohérence dans ce domaine où on fait de l'apprentissage à tour de bras, un peu partout: les gens dans les CEGEP apprennent des métiers et, effectivement, cela ne coïncide pas toujours avec les véritables besoins de main-d'oeuvre. Je veux, pour ma part, dans ce domaine, chercher, avec le ministère de l'Education, je ne dirais pas à récupérer, mais au moins à trouver des formules de meilleure coordination entre la formation professionnelle au Québec et les véritables besoins de main-d'oeuvre.

C'est lié aussi aux commissions de formation professionnelle; comme chacun le sait, elles ne remplissent pas le rôle qu'on attendait d'elles. Dans la mise sur pied de ces comités tripartites régionaux, je pense que cette dimension des besoins de main-d'oeuvre et de la formation pourra être évaluée et précisée et peut-être donner un instrument de plus au ministère pour mieux faire coïncider les besoins de main-d'oeuvre et la formation.

Dans le secteur de la construction, directement, c'est un office qui a son propre budget. Je veux simplement le souligner parce qu'habituellement la qualification professionnelle est la responsabilité de notre ministère. Sur le placement aussi, on a une responsabilité, puis, par la loi, l'Office de la construction a son mandat, lui aussi. Je dois dire qu'assez rapidement nous voulons mettre en vigueur ce règlement de placement que nous avons fait refaire, que nous avons étudié de nouveau, pour au moins répondre à des besoins très évidents, des besoins, par exemple, de protéger l'emploi chez les travailleurs de la construction, de mieux cerner les vrais travailleurs de la construction, d'accorder une priorité régionale aux travailleurs de la construction. Aussi, effectivement, dans le prochain règlement, on veut permettre aux travailleurs qui se sentiraient lésés, parce qu'à court terme on n'a pas l'alternative aux bureaux de placement qui existent actuellement, d'en appeler des décisions dont ils ne sont pas heureux ou en cas de discrimination s'il y a lieu. Dans le placement étudiant, nous avons cette année recherché la rationalité. Je ne dis pas que la formule que nous avons retenue est vraiment la meilleure. Je pense que nous sommes partis de l'analyse que ce qui se faisait dans le passé n'était pas adéquat pour toutes sortes de raisons et, vu le nombre considérable d'étudiants qui s'inscrivaient au Service de placement étudiant, il est important d'accorder des chances égales à tout le monde.

Cette formule que nous avons retenue, qui retient la région, la compétence, la disponibilité, puis qu'effectivement aboutit au tirage au sort, est en rodage. On l'utilise cette année en restant ouvert sur des améliorations pour les années subséquentes.

La sécurité et la santé au travail, c'est une responsabilité directement confiée par le Conseil des ministres au ministre du développement social. Il reste que, comme responsable de la CAT, et quand même par les lois que nous avons sur la sécurité au travail et les lieux de salubrité publique, je cherche à améliorer la qualité de ces services. Je pense qu'ils ne sont pas développés comme tels tellement. Et surtout, ce que nous faisons depuis plusieurs mois c'est que, par l'information donnée dans tous les milieux — je parle aussi du message que les syndicats ont retenu assez vite — de notre préoccupation de la sécurité et de la santé au travail, nos interventions sont très nombreuses, et à la demande, si l'on peut dire. Dans plusieurs cas, ces services d'inspection interviennent rapidement quand les services réguliers offerts ne semblent pas suffisants. Les demandes d'enquête sont rapides, et ce que nous chercherons à faire cette année c'est d'avoir une intervention très rapide et souple.

Il y aura la loi 52 que l'on veut amender ou substituer, à la suite d'un long cheminement, selon la philosophie que nous développons au gouvernement, que la consultation des milieux est très importante. C'est la raison, peut-être, pour laquelle certains s'impatientent parce que les choses ne vont pas assez vite. Ou on ne fait aucune consultation et on fait les lois rapidement qui déplaisent à tout le monde, ou on consulte vraiment les milieux. Quand on sait ce que cela signifie, une volonté de consultation et, effectivement, aller rencontrer les gens et rediscuter avec eux de certains principes de loi, revenir et chercher d'une certaine façon un consensus, on comprend que les délais s'allongent.

Je voudrais dire un mot aussi du service de recherche où de nombreux travaux se font régulièrement. Les dossiers que j'aimerais que l'on étudie davantage dans les prochains mois sont ceux-ci, par exemple: les structures de participation. Je pense que cela fait référence à ce que je disais au début. Je sens — et, aussi, bien des gens du gouvernement ont la même perception — que ce n'est pas tout que d'administrer un ministère ou de gouverner si les citoyens ne sont pas dans le coup, s'ils ne participent pas à certaines applications de ces lois, s'ils ne jouent pas un rôle responsable face à l'intervention de l'Etat.

Sans entrer dans des principes philosophiques, je pense que c'est peut-être la plus grande carence de notre société. Je ne sais pas d'où cela vient, c'est peut-être lié à notre société de consommation, mais les gens sont habitués à être de purs consommateurs de services, des consommateurs d'hommes politiques, des consommateurs de gouvernements, des consommateurs de lois, et tout ce qu'ils veulent c'est consommer. Ils ne veulent pas faire l'effort de par- ticiper à la préparation de ces lois, à ce que l'Etat, qui est leur instrument, veut faire pour eux. Ils ne veulent pas suffisamment non plus, dans leur milieu même, que ce soit dans leur quartier, dans leur village, leur ville, être contributaires de la responsabilité de l'Etat.

Cela me paraît vicieux comme réaction parce que, à la longue, on est simplement des donneurs de recettes magiques. On crie, et on donne une solution quelconque, alors que je pense que le processus de gouvernement, du moins celui qui m'intéresse, c'est que les gens sentent de plus en plus que l'Etat est leur instrument et que l'on n'improvise pas n'importe quoi.

On prépare des choses avec eux et ils ont une responsabilité non seulement pour la préparation de certaines interventions ou lois mais aussi pour l'application de ce que l'on fait. Alors, au service de recherche, dans certains secteurs je veux qu'on étudie ce problème, comment rendre les citoyens plus responsables par rapport aux lois qui nous concernent et aussi dans les structures de l'entreprise. Je crois que cela paraît que les attitudes sont un peu figées dans ce domaine où on veut garder encore ce bon vieux modèle conflictuel de rapport de force.

Des expériences fort intéressantes se font dans le monde et je veux qu'au moins on suggère et qu'on puisse trouver un modèle québécois de participation à la vie d'entreprises qui puisse éventuellement rencontrer un certain consensus.

Il y a certains dossiers que je voudrais qu'on étudie plus directement, le travail à domicile entre autres, où c'est vraiment un vrai fouillis. Il y a des entrepreneurs qui donnent du travail à la pièce dans les maisons. Quelquefois, cela peut aider des gens. Il y a des handicapés ou des mères de famille qui ne peuvent pas se déplacer mais il y a une exploitation énorme.

J'ai été témoin dans mon quartier, il y a quelques années, du fait que des gens faisaient des sacs d'ordures et, au bout de la ligne, on a calculé qu'ils recevaient $0.13 l'heure. C'était pendant votre temps, M. Bellemare.

M. Bellemare: Oui, le travail de nuit féminin aussi.

M. Couture: Cela ne faisait pas cher, $0.13 l'heure. J'y arrive plus loin. Le travail à domicile, je pense qu'il faut faire une recherche sérieuse sur ce problème. Le travail domestique aussi, où la législation n'est pas facile parce que le contrôle de ce travail n'est pas facile non plus. Il y a beaucoup d'immigrants qui sont exploité dans ce domaine. Il y a les agents de sécurité. On a beaucoup de griefs de ce côté; ils se sentent mal payés et mal protégés. Les vendeurs d'automobiles, les employés à pourboires, évidemment, cherchent les négociations sectorielles, les chauffeurs de taxi, dont le problème est loin d'être réglé, les ministres peut-être, les ex-ministres encore plus, le recyclage des ex-ministres...

M. Mackasey: II faudrait l'assurance-chômage.

M. Couture: Le travail féminin — voyez-vous, M. Bellemare, c'était là — et les bureaux de placement privés.

Pour finir, en ce qui concerne le ministère, on a parlé depuis plusieurs années de restructuration du ministère. Il y a même un projet de restructuration. C'est un projet qui n'est pas sur les tablettes mais qui est tout près de moi et qui est à l'étude. Je pense qu'on ne peut pas en quelques mois facilement évaluer toute la réforme administrative d . ministère aussi complexe. Je crois que cette étude devrait se prolonger quelques mois encore pour éventuellement vers la fin de l'année en arriver à un projet cohérent. La philosophie générale qui me guide là-dessus, c'est que cela soit un ministère qui soit davantage un instrument des politiques du gouvernement, un instrument pour la population et qui ait ses qualités de souplesse, d'efficacité et de transparence — pourquoi ne pas le dire puisque c'est rendu dans le vocabulaire — comme un véritable outil. Si on est en politique, à la tête d'un ministère, c'est pour que les services que l'on donne deviennent un outil pour les gens concernés.

Il y a quelques implications que je retiens aussi. Il va falloir coordonner davantage les différentes régies qui existent avec les politiques du ministère.

Pour ma part, je n'accepte pas que chaque régie fasse des politiques globales, que ce soit dans le placement, dans l'éducation, ou autrement, si on réfléchit sur les liens très étroits qui doivent exister avec l'immigration et la main-d'oeuvre.

M. le Président, je pense avoir — je ne sais pas si c'est trop rapidement ou trop longuement — fait une espèce de tour d'horizon de ce que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre me paraît être actuellement, de sa perception et de ce qu'il me suggère comme orientation. Evidemment, toujours dans le cadre des crédits que nous avons à voter, je résumerais en disant que les crédits qu'on nous demande de voter sont sur une série de services qui, fondamentalement, continuent les pratiques du passé et, dans un certain domaine, apportent un accent ou une orientation nouvelle qui coïncide avec les objectifs de notre gouvernement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

Commentaires de l'Opposition M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. Je note, avec tous les autres membres de la commission, que le ministre a parlé pendant une heure et vingt-cinq minutes. Je voudrais vous indiquer que je n'ai pas l'intention de parler aussi longtemps. Je pense que le travail de la commission peut être plus fructueux si nous nous imposons une limite assez stricte quant à la longueur de nos interventions. Le ministre ayant mentionné, à la fin de ses remarques, la participation, je crois que cela s'ap- plique aussi à nos institutions parlementaires. La participation, c'est essentiellement non pas une suite de monologues, mais un dialogue. C'est dans des questions précises que je pense que cette commission peut le plus utilement non seulement éclairer les membres de l'Assemblée nationale, mais aussi l'opinion publique sur les intentions précises du gouvernement. Ceci d'autant plus que ces intentions du nouveau gouvernement revêtent un intérêt tout à fait particulier. C'est bien normal pour tous ceux qui peuvent être touchés — et Dieu sait combien ils sont nombreux — par les différents sujets que le ministre a abordés dans son introduction.

Nous avons en effet, et je crois qu'il faut le mentionner au nom de l'Opposition officielle, comme le ministre l'a fait implicitement au moins pour le gouvernement, notre conviction profonde que, mises à part peut-être — et ce n'est même pas sûr — les questions constitutionnelles qui opposent les partis politiques et de larges secteurs de l'opinion publique, c'est peut-être dans le domaine des relations et des conditions de travail qu'on retrouve le secteur le plus important pour l'avenir du Québec.

C'est, en tout cas, ma conviction profonde que rien ne pourra se faire d'intéressant au Québec, dans le prochain quart de siècle, à moins que nous ne réussissions à trouver une réponse à ce domaine extrêmement vaste et malgré tous assez bien défini. Nous avons, dans notre histoire récente, comme, malheureusement dans notre histoire plus ancienne, eu des difficultés tout à fait particulières, au Québec, à surmonter le défi que pose pour toute société, parce que ce n'est pas seulement au Québec qu'il y a des problèmes, le domaine des relations et des conditions de travail. Le Québec a eu des difficultés tout à fait particulières à faire cette jonction entre le social et l'économique, entre la justice et l'efficacité, qui caractérise par excellence le problème que cherchent à résoudre nos institutions, qu'il s'agisse du Code du travail ou du fonctionnement du ministère du Travail lui-même. C'est un défi qui nous semble très difficile à surmonter et je pense bien que la plupart des Québécois, au moment où on se parle, et ceci depuis un certain temps, sont profondément inquiets à ce sujet plus qu'à tous les autres.

Enfin, je ne veux pas discourir davantage; je tenais à souligner que j'attache personnellement aux travaux de cette commission une importance proportionnelle à celle de son sujet. Je vais personnellement, comme nous l'a demandé le ministre, lui donner toute la collaboration possible de l'Opposition officielle. Je le dis parce que cette collaboration prend parfois une tournure qui peut sembler superficiellement ne pas être de la collaboration, en ce sens qu'il y a nécessairement des oppositions partisanes qui ne sont jamais autre chose que cela, c'est-à-dire qui ne sont pas des oppositions personnelles. Il faut bien voir le sens de ces oppositions. Il s'agit, par une critique et par des questions qui sont parfois impitoyables, de faire ressortir les intentions véritables du gouvernement, parce que c'est crucial, c'est absolument important. On ne peut pas se permettre, simple-

ment pour maintenir un climat ou pour favoriser les bonnes relations sur un plan personnel, de négliger un tant soit peu ce devoir, qui doit être placé par-dessus tous les autres, de bien s'assurer que les intentions du gouvernement sont comprises, connues dans toutes leurs implications, dans tous leurs détails. C'est dans cet esprit de collaboration, mais d'une collaboration qui est une recherche un peu impitoyable de la vérité des intentions et de la vérité des actions gouvernementales que je vais inscrire mon travail à cette commission qui est un moment privilégié justement pour faire le tour de ce que peut nous réserver l'avenir.

Puisqu'on parle d'avenir, on peut parler du passé. Le ministre a été très généreux — je l'en félicite et je l'en remercie — de reconnaître que les efforts du gouvernement actuel s'inscrivent dans une continuité, continuité qui est faite à la fois d'échecs et de succès. Pour l'avenir également, on peut présumer qu'il va y avoir des succès et des échecs. C'est important, parce que la continuité des gouvernements s'inscrit dans des institutions et dans des hommes, c'est-à-dire dans un ministère et dans des hommes. L'ancien ministre du Travail, le leader de l'Union Nationale, disait, avant le début de nos travaux, qu'il reconnaissait des visages familiers en arrière du ministre. C'est plus que simplement une remarque anecdotique. C'est très important qu'au moment d'un changement de gouvernement il y ait cette continuité qui soit bien comprise, bien assumée par le nouveau gouvernement. Le Québec, à cet égard, n'a pas un réservoir de main-d'oeuvre hautement qualifiée suffisamment important, malheureusement, dans bien des cas, pour qu'on se paie le luxe de remettre en question cette continuité. Elle est essentielle à notre progrès comme collectivité. C'est dans ce sens que je la souligne. Je pense qu'au moment d'une passation de pouvoir, on ne doit pas s'étonner de retrouver un héritage de ce genre; il faut l'assumer. Je félicite le ministre pour l'avoir assumé et l'avoir mentionné. Au-delà du plaisir qu'on peut retirer, dans l'Opposition officielle, de ce coup de chapeau, je pense qu'il m'appartient, pour être également honnête, de dire que cet héritage n'est pas seulement le fait d'un parti politique qui n'est plus maintenant au pouvoir; il est le fait d'une institution, d'un groupe d'hommes qui ont consacré leur vie au domaine des relations de travail, qui constituent un pool d'expertise qui peut permettre au ministre d'assumer ses responsabilités. Il est important de conserver à ce groupe le sens du mouvement, l'appui, l'encouragement, le moral nécessaires à ce que son travail se continue dans les meilleures conditions possible.

Je vais commenter, très brièvement, ce qui m'apparaît le plus significatif dans les remarques de caractère général. Il y a des choses très significatives dans certaines remarques particulières que le ministre a faites, mais je crois qu'il y a certains aspects plus généraux de ce qu'il a dit qui méritent peut-être un bref commentaire de ma part. Encore une fois, je ne veux pas m'étendre trop longuement. Le ministre — cela a été sans aucun doute à ses yeux et aux yeux de plusieurs qui l'écoutaient un aspect important de ses remarques — a dit qu'il voulait dépolitiser le domaine des relations de travail.

Au cours des années antérieures, il y a eu, bien sûr, beaucoup de commentaires, de discussions au sujet de ce besoin de dépolitiser le domaine des relations de travail. Je voudrais lui dire que je souscris totalement à un objectif comme celui-là, pourvu qu'on le définisse avec soin.

Il y a un sens où le ministre sera à jamais incapable de dépolitiser les relations de travail, c'est, comme il l'a indiqué lui-même, qu'il est effectivement responsable devant l'Assemblée nationale du fonctionnement du ministère du Travail et de l'efficacité et de l'opportunité des lois qui encadrent les relations de travail. C'est une responsabilité politique qui est importante et qui va jusqu'à impliquer, dans un certain nombre de cas, dans les cas où l'intérêt public est en jeu, dans un conflit même particulier, qu'il assume lui-même la responsabilité de voir à ce que l'intérêt public soit protégé dans ce cas.

C'est donc plus qu'une responsabilité politique en tant que législateur, ou en tant qu'administrateur, c'est parfois une responsabilité politique qui va jusqu'à la nécessité de prendre la défense d'intérêts publics et d'intervenir. D'ailleurs, c'est dans ce sens que la plupart de ses prédécesseurs sont intervenus à l'occasion. Je crois qu'il est important de le spécifier, parce qu'on pourrait, à écouter le ministre, supposer qu'il cherche à décourager toute espèce d'interprétation de sa responsabilité qui pourrait impliquer sa participation personnelle, comme ministre, son intervention personnelle dans des conflits particuliers. Pas du tout, non seulement sera-t-il responsable des lois et de leur modification, non seulement est-il responsable à l'Assemblée nationale de tout ce qui se fait dans son ministère, mais il a aussi une responsabilité, à l'occasion, beaucoup plus directe.

De façon plus générale, quand on parle de dépolitisation des relations de travail, il y a des propos, qu'on retrouve dans l'introduction du ministre, qui me paraissent un peu contradictoires. Il a manifesté le souhait de pouvoir accorder plus d'attention, plus d'intérêt à un certain nombre de dossiers qu'il a énumérés. Dans la mesure où il réussit à le faire, je pense qu'il va politiser davantage ces dossiers plutôt que de les politiser moins, parce que, par définition, lorsqu'il va s'intéresser ne serait-ce qu'à la formation professionnelle, ou à l'apprentissage ou à n'importe quoi — je ne donne cela que comme exemple — c'est donc qu'il croit que l'impact de son intervention comme ministre, comme personne, comme individu n'est pas suffisant, à l'heure actuelle. Donc, il y a une espèce de contradiction dans tout cela. Il ignore peut-être un peu trop qu'il n'est pas seul à ce ministère, qu'il a des fonctionnaires pour l'aider, qu'il y a une question de délégation de responsabilités. Je ne vois pas vraiment en quoi, s'il veut vraiment dépolitiser les relations de travail, dans le sens au moins où c'est plausible, il trouve qu'il a à faire face à des demandes trop nombreuses ou à des sollicitations trop nombreuses et qu'il faudrait peut-être réor-

ganiser son ministère pour lui permettre d'accorder plus de temps pour répondre à ces demandes. Je vois là une contradiction. L'administration est-elle trop considérable? Est-elle trop lourde? Quand on pense aux effectifs du ministère du Travail, on a, ici, dans le document qu'on nous a remis, l'indication qu'il s'agit environ de 2000 personnes; c'est un monde bien curieux, un monde où l'administration — où il y a 200 personnes — est trop grosse pour être administrée. Il y a des dizaines de milliers d'exemples à travers le monde où il y a des organisations beaucoup plus grosses que cela. Il y a peut-être des cas où les administrations sont plus grosses que leurs administrateurs, mais ce n'est pas le problème de l'administration. C'est le problème de trouver les bons administrateurs.

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une remarque qui soit de nature à nous faire bien comprendre l'intention du ministre. Il dit: Dépolitiser les relations de travail, dépolitiser l'intervention de son ministère. Dans le même souffle, il nous dit qu'il semble que c'est déjà trop gros, qu'il a déjà trop de choses à s'occuper, et il nous indique, en terminant, qu'il trouve inacceptable que certains organismes, certaines régies dont il est le responsable devant l'Assemblée nationale, puissent déterminer un si grand nombre de choses sans intervention politique.

Il y a une raison pour laquelle certaines activités sont confiées à des régies plutôt qu'à des ministères; plutôt que de lancer les hauts cris sur la question de savoir s'il est opportun ou pas que le ministre contrôle davantage certaines régies, peut-être faudrait-il s'interroger sur des principes qui doivent guider l'organisation gouvernementale.

A l'entendre, au début, on croirait qu'il va nous suggérer que toute la direction générale des relations de travail, ou ce qui correspond à ces préoccupations dans son ministère, devrait être confiée à une régie. Ce serait un moyen excellent de dépolitiser tout cela puisqu'il pourrait, à l'intérieur d'un cadre légal défini, s'en remettre à une telle commission ou régie des relations de travail pour le règlement de tous les différends. Loin de vouloir aller dans ce sens, il semble vouloir assujettir les régies, la Commission du salaire minimum, la Commission des accidents du travail et d'autres organismes comme l'Office de la construction, à un pouvoir d'intervention plus direct du ministre.

M. Couture: Est-ce que je peux vous donner un point d'information?

M. Forget: Vous pouvez bien, si vous voulez.

M. Couture: On a le droit d'être bien compris, M. le Président. Ce que j'ai surtout voulu dire, en respectant leur autonomie, évidemment, c'est une délégation de pouvoir absolument essentielle. C'est important que leurs politiques coïncident avec celles du ministère.

M. Forget: II y a pour cela des moyens et je comprends bien qu'on veuille que des organismes publics, des organismes gouvernementaux correspondent à des politiques approuvées par le gouvernement, mais encore une fois il faut s'interroger: Pourquoi ces organismes existent-ils en dehors d'un ministère? Si on voulait qu'ils soient responsables de toutes leurs actions devant le ministre, on n'aurait pas créé de tels organismes. Donc, je pense que nous restons un peu sur notre appétit quand on nous dit qu'on veut dépolitiser, d'un côté, que le ministère est peut-être trop gros pour que le ministre puisse vraiment le contrôler, d'autre part, et que, finalement, on voudrait que les organismes d'Etat, qui sont des régies, soient plus étroitement contrôlés par le ministère. Je pense qu'il y a là des préoccupations qui vont dans des directions opposées.

Encore une fois, je suis capable de faire des distinctions, je suis capable d'imaginer des réponses, mais les réponses que je peux imaginer ne sont pas pertinentes aux intentions gouvernementales actuelles. Il sera nécessaire que le ministre nous donne une indication plus précise sur ce qu'il veut politiser dans le bon sens du mot, c'est-à-dire de soumettre plus étroitement aux orientations gouvernementales, qui sont des orientations politiques — elles peuvent difficilement être autre chose — et ce qu'il veut dépolitiser, en l'avertissant que là il y a une limite. Il va, de toute manière, être responsable de tout, d'une certaine façon, et il va falloir qu'il s'implique personnellement dans un certain nombre de conflits, lorsque l'intérêt public est en jeu. Cela, on peut difficilement le limiter à un seul cas, le cas où les services publics sont en jeu, cela peut même être une entreprise privée, par son importance dans une région, etc. Je n'ai pas besoin de préciser.

Donc, il y a beaucoup de distinctions à faire. Je pense que nous devrons peut-être attendre une autre occasion, ou peut-être, lors d'une discussion plus détaillée, obtenir des indications plus précises du ministre parce que ces questions sont importantes, puisqu'elles engagent sa responsabilité, comme ministre et la direction qu'il veut.

Je vais quitter ce sujet, pour l'instant du moins, et parler de la question de la main-d'oeuvre, qui est l'autre grand volet des activités du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il a, à mon avis — je parle toujours du ministre — à la fois posé une question et fourni la réponse. Je pense qu'il est bon de le préciser, parce que cela a été donné par le ministre comme deux affirmations qui n'étaient pas reliées l'une avec l'autre. Il me semble qu'il a posé, à deux moments distincts, à la fois une question et une réponse. Il s'est, d'une part, interrogé sur la possibilité qu'il avait, comme ministre responsable des services de main-d'oeuvre, de planifier et d'organiser de façon cohérente les services de main-d'oeuvre.

Il a allégué, pour cela, l'importance de la présence du ministère fédéral de la main-d'oeuvre, en disant s'il y a 80% des services qui sont fournis de ce côté-là, comment peut-on effectivement planifier et faire cela de façon cohérente, de le faire en

fonction d'un objectif ou d'une série d'objectifs? Je pense que cela mériterait d'être grandement précisé. Il a donné d'ailleurs une partie de la réponse lorsqu'il a dit que les services de main-d'oeuvre du Québec, en suivant dans cela une orientation qui était d'ailleurs déjà amorcée, avaient choisi de se spécialiser et de privilégier certaines clientèles.

C'est cela, dans le fond, la cohérence. La cohérence peut consister dans une division des tâches, une division des tâches qui, en termes de clientèle, en termes de catégories d'emplois, est déjà inscrite dans une large mesure dans la réalité. Comme tout le monde le sait, qui connaît un peu les services de main-d'oeuvre, ce ne sont pas les mêmes gens, ce ne sont pas les mêmes genres de personnes qui sont placées par les services de main-d'oeuvre fédéraux et les services de main-d'oeuvre provinciaux.

Il y a, bien sûr, un petit peu de chevauchement inévitable, mais de façon générale, lorsqu'on regarde les chiffres, les clientèles auxquelles ils s'adressent, etc., on se rend compte qu'il y a deux groupes bien distincts. Il faudrait aussi préciser ce qu'on veut dire par des objectifs cohérents dans le placement de la main-d'oeuvre. Pour moi, a priori et naïvement, si on veut, les services de main-d'oeuvre ont d'abord à donner de l'information et à établir la meilleure correspondance possible entre la main-d'oeuvre aujourd'hui disponible et des emplois également disponibles.

Je ne sais pas à quoi, à moins qu'on tombe dans les politiques de formation professionnelle, etc., qui, bien sûr, ont un certain rapport, mais qui sont malgré tout une autre question, on veut faire allusion lorsqu'on parle d'une politique cohérente dans ce secteur-là, si ce n'est de couvrir le champ complètement et de s'assurer qu'on le fait de façon au moins complémentaire s'il y a deux services de main-d'oeuvre. D'ailleurs, sur ce sujet-là, je pense que les options constitutionnelles du Parti québécois et du gouvernement actuel ouvrent des possibilités intéressantes, mais avant d'en venir là je soulignerais — je ne sais pas si le ministre est au courant de cela — que dans la plupart des provinces autres que le Québec, et ceci de façon croissante, depuis quelques années, se sont développés des services provinciaux de main-d'oeuvre.

On avait l'habitude, au Québec, de penser que les services de main-d'oeuvre avaient survécu à la centralisation lors de l'amendement constitutionnel du début des années quarante, qui a donné un rôle dans la constitution canadienne au gouvernement fédéral relativement à l'assurance-chômage, aux services de main-d'oeuvre, etc. On a toujours cru, peut-être trop rapidement, que les services de main-d'oeuvre au Québec avaient survécu parce que le Québec, étant donné sa position vis-à-vis de cette question, avait toujours refusé de poser le geste symbolique d'abolir des bureaux de main-d'oeuvre qui préexistaient mais, dans le fond, que c'était là un dédoublement inutile et que, réserves constitutionnelles mises à part, il n'y avait vraiment pas de raison d'avoir ce dédoublement.

Or, à la grande surprise probablement des observateurs, ce à quoi on assiste depuis quelques années, c'est que dans toutes les autres provinces qui n'ont pas ce problème constitutionnel on a vu se développer des services de main-d'oeuvre. Cela existe, je crois, dans toutes les provinces à l'ouest du Québec et peut-être, avec une exception, aussi dans certaines provinces de l'est, je pense, au moins dans une. Cela indique clairement que le problème de dédoublement dont on fait grand état, dont on a fait grand état dans le passé, est un peu un faux problème, parce qu'il y a véritablement, même s'ils ont la même étiquette, des services de main-d'oeuvre assez fortement différenciés selon les clientèles et que cela ne cause pas dans le fond de grands problèmes. Même au Québec on pourrait dire qu'on fait un dédoublement puisqu'il y a un régime de placement pour les ouvriers de la construction qui s'inscrit en parallèle et qui, si je comprends bien le ministre va continuer à s'inscrire en parallèle des services de placement provinciaux.

Donc, ceci dit, pour le parallélisme dans le régime actuel, maintenant, étant donné la confiance, j'imagine, qu'a le Parti québécois et le gouvernement actuel de voir se réaliser son option constitutionnelle, si jamais le problème de parallélisme semblait se poser à son point de vue, il pourrait rapidement y mettre fin, étant donné qu'il sera résolu, de toute façon, lorsque cet élément de la souveraineté nationale sera rapatrié au Québec.

Donc, on pourrait déjà commencer à mettre de l'ordre en se basant sur l'hypothèse qui est sûrement réaliste, au moins aux yeux du gouvernement actuel, que, de toute manière, le transfert de juridiction éliminera le problème et que temporairement on ferait une économie, si économie il y a à faire, qui pourrait permettre de progresser dans la réalisation de certains programmes sociaux.

Pour ce qui est de la santé et de la sécurité des travailleurs, je remarque avec une certaine inquiétude que le ministre du Travail a glissé très rapidement sur le sujet en nous référant, comme c'est le cas, bien sûr, au mandat spécial qui a été donné au ministre d'Etat responsable du développement social. C'est un exemple du problème que j'ai soulevé lorsque l'Assemblée nationale a adopté, avant Noël, l'amendement à la Loi de l'Exécutif, soit que les forums habituels qui sont donnés aux parlementaires pour discuter de certaines orientations ont tout simplement été abolis. Nous savons très bien que, depuis que le Parlement existe et spécialement depuis que les comités permanents existent, la discussion des crédits est un moment privilégié pour discuter des orientations gouvernementales. S'il n'y avait pas eu cet amendement à la Loi de l'Exécutif, il nous serait possible, au cours de ces discussions, d'interroger le ministre du Travail sur ses intentions dans ce secteur, puisque ce serait sa responsabilité. Il se trouve que ce n'est plus sa responsabilité et ce n'est plus la responsabilité de quelqu'un qui a un budget à défendre devant l'Assemblée nationale. Cela veut dire que les parlementaires n'ont plus le droit de poser des questions sur l'orienta-

tion dans un secteur important, tellement important qu'on a voulu en faire une priorité.

Peut-être que le ministre pourra faire des représentations auprès de son collègue afin que, malgré qu'il n'est pas attaché, en quelque sorte, au ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qu'il n'a pas de crédits à défendre, il accepte de participer à nos travaux, à un moment ou à l'autre — on ne se fera pas de difficultés sur le moment — de manière qu'on n'ait pas cette conséquence un peu désolante, parce que c'est, malgré tout, le domaine où les plus nombreuses questions se posent.

C'est un domaine aussi où il y a un héritage de travaux volumineux. Je sais qu'il y a ici, derrière le ministre, deux de ses collaborateurs qui ont participé pendant plusieurs réunions à des discussions fort intéressantes, mais difficiles, sur la préparation d'un projet de loi de plusieurs centaines d'articles; je pense qu'on était rendu à plus de 250 articles dans la dernière version que j'ai vue lors de ces séances en comité. Cela indique qu'il y a beaucoup de travail à faire et beaucoup de questions à poser aussi sur cette question.

J'avais promis d'être bref; je ne l'ai pas été suffisamment à mon goût. Il est difficile d'être bref et clair sur des sujets aussi larges. On est parfois porté à compenser par plus de longueur. Malgré tout, pour résumer, je désirerais indiquer au ministre du Travail que nous attachons beaucoup d'importance à ce qui fait l'objet de ses nouvelles responsabilités. Nous lui adressons nos meilleurs voeux de succès et nous l'assurons de notre collaboration. Cette collaboration se manifestera par notre désir d'obtenir de lui des précisions à l'intention de tous ceux qui suivent nos travaux. Ils sont plus nombreux que l'on ne le pense; il y en a beaucoup qui reçoivent le journal des Débats et qui liront avec soin chacune de ses réponses. C'est à leur intention, d'ailleurs, qu'il parle, beaucoup plus qu'à l'intention, dans le fond, de l'Opposition, officielle ou non. Donc, cette collaboration visera à lui fournir l'occasion de donner les réponses les plus précises possible à un assez grand nombre de questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, je serais malvenu ce matin de commencer mes remarques, qui seront très brèves, peut-être une heure au maximum...

M. Mackasey: On va coucher ici.

M. Bellemare: Je n'ai pas d'affaire à vous retenir... sans présenter à mes anciens fonctionnaires l'expression de ma plus vive gratitude. Ils ont été de ces militants dévoués et sincères qui ont, pendant des années, porté le poids du jour.

Aujourd'hui ils continuent, sous toutes les administrations qui m'ont succédé, à être des modèles de fidélité, de loyauté et de dévouement. Je leur redis ma profonde gratitude et l'expression de mes vifs remerciements pour tout ce qu'ils ont fait, pas seulement pour le ministre mais pour la province et particulièrement pour le ministère qui a fait des pas de géant pendant ce temps.

S'il y a un ministère aujourd'hui qui retient l'attention de toute la population québécoise et particulièrement du monde ouvrier, je pense que c'est bien le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je tiens à vous rendre un hommage particulier, M. le ministre, et je le ferai dans quelques minutes. C'est bien normal, si j'ose le dire, j'ai occupé cette tâche pendant quatre années, et Dieu sait quelle tâche c'est. Etre ministre du Travail, c'est presque inhumain, avec toutes les responsabilités qui nous incombent. Vous avez tracé, tout à l'heure, une liste énorme des responsabilités qui vous incombent. Je les ai toutes vécues, et particulièrement dans des circonstances difficiles. Le ministre du Travail ne peut pas ne pas avoir le moral plus fort que tous les ministres ensemble pour supporter le poids du jour.

Une Voix: Et de la nuit.

M. Bellemare: Et de la nuit aussi. Même si le ministre du Travail dit, dans un article paru hier, qu'il a peur que le temps joue contre lui et qu'il faillisse à la tâche, c'est-à-dire que par les attentes qu'on a suscitées, par la dégradation dont on a hérité depuis plusieurs années — on exige tellement de nos hommes politiques et surtout du ministre du Travail — je ne suis pas sûr que je puisse réussir à m'accrocher. La nouvelle société que l'on veut créer, on ne peut pas la bâtir dans le chaos à partir de l'état de fait. C'était hier dans les journaux.

Je dis que le ministre du Travail est celui qui doit avoir le moral le plus fort parce que c'est, en somme, le ministre qui assume l'ingratitude de tous les ministères. S'il y a un coin où cela va mal, c'est toujours au ministère du Travail ou à cause du ministre du Travail. C'est le ministre qui est un peu le pare-brise du gouvernement. S'il y a grand conflit qui existe — remarquez ce qui a existé depuis des années — c'est toujours au travail que le feu débute.

Le ministre du Travail est souvent un bouc émissaire, il paie pour les autres et pour la mauvaise administration de beaucoup d'autres ministères. Cela a peut-être été mon cas mais, de toute façon, je n'ai pas à rendre compte de mon administration, le gouvernement a été éliminé. Mais je dois vous dire, M. le ministre, que votre tâche est pénible, difficile, ardue mais elle n'est pas sans issue. Vous possédez une formation, peut-être encore meilleure que celle que j'ai eue personnellement, qui vous donne sans doute des avantages. Vous êtes entouré d'un personnel extrêmement loyal sur lequel vous pouvez compter, sur lequel vous avez une certaine sécurité que je n'avais pas quand je suis arrivé. On l'a formé, on l'a bâti, ce ministère, avec des hommes qui y sont demeurés. Ils sont restés des exemples vivants de leur loyauté.

La situation économique est difficile et insta-

ble. Je n'ai qu'à prendre le témoignage de la semaine dernière et de cette semaine des évêques, quand ils disent qu'il y a une personne adulte sur dix qui ne travaille pas, une sur cinq qui est un déchet de la société et qui tombe après avoir subi des coups.

Compte tenu des attentes et des espoirs nombreux que vous avez suscités, il y a ici un programme pour lequel, vous l'avez dit si bien tout à l'heure, les gens vous ont fait confiance. C'est vrai que chaque ligne a été étudiée par toutes les centrales syndicales, par tous ceux qui sont dans le mouvement ouvrier. Depuis que vous avez été élus, portés au pouvoir, vous et d'autres ministres qui vous sont reliés directement avez fait des déclarations assez surprenantes.

La loi anti-scabs. Le "timing" n'était peut-être pas juste. La charte des conditions minimales de travail. La loi-cadre sur la sécurité et la santé du travail. C'est dans votre programme, c'est sûr.

La réforme complète des règles du jeu dans l'industrie de la construction. Dieu sait qu'il y a là un fouillis extraordinaire! D'ailleurs, le commissaire de l'enquête Cliche l'avait souligné avec des propos véhéments. Il l'a répété aussi — je vais vous en parler tout à l'heure — après avoir été votre adjoint.

La cogestion dans les entreprises. C'est une nouvelle méthode pour remplacer peut-être, un jour, les conventions collectives. Une réforme en profondeur du Code du travail. Sur ce, je suis en bonne compagnie, parce qu'hier M. Forget disait — c'est cité dans le Devoir de ce matin — : Je crois que le gouvernement met la charrue devant les boeufs. On devrait plutôt commencer par la réforme du Code du travail laquelle pourrait être de nature à solutionner un nombre infini de problèmes dans ce secteur et à éviter bien des erreurs. Il a dit cela hier, à Drummondville. Je suis en bonne compagnie.

Je suis aussi d'accord pour dire que vous avez le climat le plus favorable qui ait jamais existé au ministère du Travail. Les grands problèmes des conventions collectives des secteurs public et parapublic sont probablement tous réglés. Les problèmes majeurs de conventions collectives qui ont existé dans le passé dans le coton, le textile, le fer, l'acier, l'automobile sont réglés ou presque aujourd'hui. On a une paix sociale, aujourd'hui, sauf dans certains cas particuliers qui accrochent. La paix sociale étant meilleure, les relations de travail étant meilleures, le ministre, aujourd'hui, se trouve, relativement à ces éléments auxquels il doit s'associer pour apporter des choses nouvelles, dans une situation beaucoup meilleure que celle que j'ai vécue dans mon temps, de même que mes successeurs.

Je dis donc que, pour une rare fois dans l'histoire du Québec, on a un climat qui semble assez stable. Des promesses ont été faites de bonne foi vers lesquelles les 800 000 syndiqués de la province de Québec et les 1 600 000 de non-syndiqués ont les yeux tournés. Vous êtes un gouvernement nouveau; on a espoir que vous allez réaliser une grande partie de ces attentes. Vous allez me dire: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait, dans le temps? Nous étions un gouvernement, comme tout le monde, fait d'hommes qui agissaient selon le temps, les besoins et les budgets mis à notre disposition. On n'a pas tout fait, c'était impossible, et vous ne ferez pas tout. Mais il y a des espoirs que vous avez suscités dans la population qui sont aujourd'hui à deux pas, s'ils ne sont pas réalisés, de créer une grave mésentente dans la population. Je pense que dans le monde patronal aussi on attend beaucoup du ministère. Si on avait un nouveau Code du travail, et Dieu sait combien ce serait nécessaire... Je vous entendais tout à l'heure dire: II va falloir réviser le Code du travail. Mon Dieu que c'est vrai! Cela fait trois ans que je suis revenu ici, en Chambre, et cela fait trois ans que je demande, dans des motions que j'ai faites chaque année, de faire siéger la commission parlementaire ou une commission d'enquête royale sur les besoins qu'on a, non pas de régler des problèmes, non pas de faire face à des situations qui n'ont pas de solution, mais d'étudier les nouveaux processus d'amélioration du Code du travail, quelles sont les formules qu'il faut adopter pour rendre véritablement les formules de travail...

Les conventions collectives, cela ne vaut plus rien, cela ne voudra plus rien dans cinq ans. La preuve c'est que les conventions collectives, au bout de trois ou quatre mois, sont déjà fragmentées. Vous savez, M. le ministre, que les conventions collectives ne tiennent plus. Vous ne changerez pas, mon cher monsieur, le Code du travail, même si vous changiez tous les articles, si vous ne changez pas la mentalité des syndiqués et des patrons. J'ai fait adopter un amendement spécial devant l'intransigeance des patrons. J'ai été courageux cette année-là quand j'ai fait dire qu'après un avis prévu à l'article 40 "les négociations doivent commencer immédiatement et se poursuivre avec diligence et bonne foi". C'est là qu'est tout le problème des relations ouvrières. C'est que les négociations ne commencent pas immédiatement, traînent en longueur il y a toutes sortes d'expédients, on ajourne, on trouve des délais, le représentant de la partie patronale est absent, on donne toutes sortes de raisons, on ne collabore pas dans le règlement du conflit. C'est pour cela que le conflit dure. C'est pour cela qu'il s'envenime. Il y en a eu un au Trust Général du Canada qui s'est envenimé Cela a pris, mon cher monsieur, quatorze mois avant qu'on se rencontre. Quatorze mois. Dès que les deux gars, les quatre plutôt, deux d'un bord et deux de l'autre, se sont rencontrés, vous savez ce qui est arrivé? Le lendemain soir c'était réglé. C'est cela qui arrive. C'est que le Code du travail n'est pas respecté. Il y a des sanctions, ils s'en fichent comme l'an quarante, $50 et $30, $100. Ils se fichent de cela.

Il faudrait qu'on ait véritablement une enquête royale, contrairement à ce que pensait le député de Joliette à savoir que ce que Bellemare préconisait ce n'était pas bon. Je vous dirai cela dans deux ou trois minutes. Je vais vous lire l'article, je l'ai conservé précieusement. J'ai pensé que c'était utile de vous lire cela quand j'arriverai là tout à l'heure. Je trouve que c'est la solution: une commission royale d'enquête. Pas pour savoir ce

qui va mal, on sait ce qui va mal, mais pour savoir ce qu'il serait bien d'apporter dans les relations de travail. Il y a des docteurs, il y a des gens, mon cher monsieur, en relations de travail, il y a des avocats éminents, il y a des syndicalistes, il y a des patrons qui sont véritablement convaincus de la façon dont les relations de travail devraient se faire. Pas comme autrefois. Aujourd'hui en 1977. Un nouveau système qu'il faudrait établir, qui viendrait devant nous, qui viendrait devant une commission royale, qui exposerait les nouvelles pensées. Peut-être qu'on en trouverait une nouvelle. Que la cogestion soit la bonne nouvelle formule, peut-être. Cogestion administrative, pas cogestion des biens. Je ne suis pas prêt à dire cela parce que ce serait la vraie socialisation. Cogestion administrative. Vous avez des preuves évidentes de cela où cela a réussi. Vous avez le garage Guay à Montréal, avec 150 employés, où on a une cogestion administrative fantastique. Lui pourrait peut-être venir témoigner. Il y a 150 gars qui n'ont pas d'union, qui peuvent faire du temps supplémentaire et qui sont bien payés, mieux payés que les centrales syndicales les paieraient. Ils ont de l'ouvrage à déborder. Ils sont 150 personnes au garage Guay à Verdun. Je suis allé visiter cela. J'ai trouvé cela merveilleux la formule de la cogestion. Peut-être qu'un autre système serait encore meilleur. Lequel? On est devant une loi qui nous dit: Huit jours d'avis, 30 jours de délai. Pensez-vous que pendant les 30 jours d'avis qu'ils donnent, mon cher monsieur, ils ne tuent pas le temps pour aller en conciliation? Pensez-vous que c'est raisonnable? Il n'y a pas de négociations durant ce temps, pendant les 30 jours. Voyez le code. On le suivait le code. Les gens s'usent et s'usent et s'usent, la nervosité monte, les barricades, et cela commence. Huit jours d'avis. 30 jours avant la fin de la convention dit le code. Huit jours d'avis, après cela, 30 jours pour avoir la conciliation, après cela on a la conciliation, après cela c'est 60 jours pour la grève. On attend la grève. Je trouve que les délais, cela devrait être réformé et ramené à des temps modernes pour des hommes d'affaires qui veulent véritablement s'entendre. Quand on a adopté cela, je me suis battu contre cela. M. Lesage disait en Chambre: "Ecoutez, M. le député de Champlain, vous savez que l'usure, cela règle bien des blessures."

Je me souviens encore de cela: L'usure guérit bien des blessures. Ne venez donc pas m'en faire accroire. Je suis un syndicaliste et, quand on était parti pour faire une grève, on la faisait. Au CPR, on en a fait deux, je sais ce que c'est. Pour le Code du travail, il devrait y avoir une commission d'enquête où l'on entendrait des gens compétents, comme Louis-Marie Tremblay, par exemple, de l'université, qui est un homme extraordinaire en droit ouvrier. Je ne sais pas si vous le connaissez. Il y a des juges nommés au Tribunal du travail, des gens qui sont pourris de science au point de vue des relations de travail. Non, ils ne sont pas pourris, je retire cela. Je veux dire, vous avez compris l'expression, qu'ils sont bourrés de talents. Le nouveau système ne consisterait-il pas à débarrasser le gouvernement de tous ces conflits de travail et de trouver véritablement un tribunal du travail, qui, en dernier ressort, déciderait avec un quorum de deux ou trois juges? S'il faut en nommer 20, nommez-en 20, mais qu'on n'ait plus au gouvernement provincial la responsabilité de décider en dernier ressort. Les gens se fient sur cela. Le gouvernement va plier, parce qu'il y a des influences politiques. Cela ne devrait pas être, cela.

A-t-on eu des plaintes contre le Tribunal du travail qu'on a institué en 1968? Y a-t-il eu une seule plainte? Jamais. Il y a eu des contestations. Il y a eu des appels. C'est normal. C'est un bureau que nous avons formé, une section de la Cour provinciale, qui nous a rendu de grands services dans l'interprétation du nouveau code, parce qu'à ce moment on a refait le code. Ils avaient traîné longtemps. Je ne sais pas si on vous a dit cela, mais il y a une Commission des relations du travail, que ces messieurs en arrière connaissent, qui avait pris 4000 causes en retard quand je suis arrivé. J'ai fait sauter cela comme cela. J'ai dit: Dehors! Nous allons faire autre chose pour les ouvriers et nous avons fait autre chose. Aujourd'hui, nous avons des commissaires-enquêteurs. Je ne sais pas si vous avez lu cela. Tout le chapitre des commissaires-enquêteurs que nous avons établi, c'est fantastique. Votre sous-ministre s'en est servi. Au début, il trouvait cela un peu dur, lui aussi, de s'astreindre à une décision d'un commissaire-enquêteur, qui référait à un tribunal. Cela a été bon, cela a mis de l'ordre. Mais je dis que, pour avoir plus d'ordre dans la province — la solution est peut-être là; je ne dis pas que c'est la solution parfaite — j'irais devant le tribunal, devant la commission permanente, j'irais devant la commission d'enquête royale pour témoigner. Avec tout ce que je sais sur le code et tout ce qu'on pourrait apporter comme amendement, ce ne serait peut-être pas grand-chose. Ils diraient: C'est un vieux, il radote, il a passé son temps, mais ils verraient que je suis encore d'actualité. Le Tribunal du travail a rendu des décisions qui ont fait loi, qui ont renouvelé le Code du travail. Il y a eu des décisions rendues, dans bien des cas, où il y a eu énormément de patrons et de syndicalistes qui ont compris qu'il y avait une limite entre leurs droits et leurs devoirs. C'est à partir de là qu'ils ont commencé à raisonner, quand ils ont été rendus là.

Souvent, les commissaires-enquêteurs faisaient rire d'eux et ils ne pouvaient pas rendre la décision. Ils se transportaient devant le juge et on a eu des décisions. C'est peut-être la formule. Il y en a d'autres. On pourrait avoir devant nous des experts bien plus savants et meilleurs que moi, pour venir nous dire: J'ai étudié dans les livres les formules d'autres pays ou d'autres Etats américains où on a moins de conflits ouvriers, où on peut plus facilement régler des conflits. Pensez-vous que les délais donnés dans cela justifient véritablement l'attitude qu'on peut prendre en 1977? Vous avez compté combien cela fait de jours? Vous savez cela, c'est certain. Je ne dirai pas au ministre combien cela prend de jours pour avoir une grève.

M. Couture: Une grève illégale ou légale? M. Bellemare: Une grève légale.

M. Couture: Une grève illégale, cela prend un jour.

M. Bellemare: 38, 30 et 60, cela fait 128 jours; 30 jours avant, 8 jours d'avis, 30 jours de délai et 60 jours pour faire la grève, cela fait 128 jours. Pendant tout ce temps, voyez-vous le climat se développer? Les gens sont sous tension. La machinerie fonctionne mal. Le patron est inquiet. Pensez-vous que les relations de travail peuvent être bonnes? Il reste que cela pourrait se régler, peut-être pas comme cela, mais avec des relations plus cordiales.

Une convention collective, cela ne se règle pas à la date où c'est échu, vous ne me ferez jamais croire cela, non. Cela se prépare, une convention collective entre les parties. Le patron devient de plus en plus — c'est votre chef qui l'a dit — civilisé. Votre chef a déjà dit cela d'un employeur, qu'il n'était pas civilisé. Cela n'empêche pas qu'il est allé dîner avec lui dernièrement. Il était bien content de dîner avec lui. C'est votre chef qui est allé dîner avec lui après lui avoir dit qu'il n'était pas civilisé.

M. Couture: Cela va peut-être l'aider à le devenir.

M. Bellemare: Non, non, il n'a pas changé. Le président de la Noranda, non, il n'a pas changé. Vous lui demanderez, vous allez voir. Je l'ai connu, dans le temps, et je vous dis qu'il ne ménageait pas ses expressions. Moi, je suis poli, je les ménage.

Je pense que vous avez un climat qui vous favorise, un climat pendant lequel vous devriez tout de suite, pendant qu'il est sain... Je vais vous lire un paragraphe que j'ai retenu dans le livre du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre. Je vous remercie et je vous félicite, en passant, car il a recommencé à siéger — imaginez-vous! — après un temps immémorial. J'avais refait la loi complètement et pour toutes sortes de raisons, on avait négligé ces consultations. On disait: Le conseil, il ne connaît pas grand-chose; les gens se chicanent et ne sont jamais d'accord. Ils ont mis cela de côté, ils ont arrêté de le faire siéger. Là, depuis quelque temps, il a repris.

M. Couture: On tient nos promesses.

M. Bellemare: Pardon?

M. Couture: On tient nos promesses.

M. Bellemare: Ce ne sont pas vos promesses, ce sont les miennes!

M. Couture: Quand il a arrêté, on a promis qu'il reprendrait.

M. Bellemare: Vous n'avez pas promis cela. J'ai lu votre livre et ce n'était pas marqué. Ce n'est pas marqué dedans.

M. Couture: Ce sont de petites déclarations.

M. Bellemare: Non, ne les prenez pas pour rien. Un jour, le premier ministre et ceux qui avaient de l'expérience dans le ministère du Travail, en particulier, Robert Burns, votre leader, lui, il connaît cela! Les relations de travail, lui, il connaît cela! Il a dit: On va faire siéger le Conseil consultatif pour avoir une opinion sur telle et telle affaire. Je ne vous le dirai pas parce que ce sont des secrets d'Etat. Le Conseil des ministres a demandé des directives sur tel article. Il lui a demandé des directives.

J'ai lu: Pour une deuxième année consécutive, il nous faut constater que la distorsion entre le législatif, en matière de travail, et les avis que le ministère requiert du conseil est beaucoup améliorée. Cela m'a fait plaisir et chaud au coeur de voir que mon Conseil consultatif était redevenu l'ami et le conseiller du gouvernement. J'ai dit: Bon! Il y a des hommes intelligents et brillants dans cela. Je sais que vous les connaissez tous, mais il y en a que je connais aussi, particulièrement, et qui sont extraordinaires.

Je pense que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre doit être conscient des lourdes responsabilités qu'il a vis-à-vis non seulement du ministère, non seulement de la population, mais de son gouvernement. De là viendrait la nécessité de convoquer une enquête royale pour qu'on puisse dégager et vous fournir des idées. On en fait pour toutes sortes de problèmes. Pour savoir si un gars a besoin de deux béquilles ou d'une, on fait une grosse enquête pour cela. On fait une enquête pour savoir si on va mettre la barre jaune ou la barre blanche. Quand il s'agit de la vie économique même de la nation, au point de vue du travail, on dirait qu'on est capable d'avoir ces idées tout seul.

Je pense, M. le ministre, que ce serait l'occasion donnée de convoquer une commission devant tout le monde. Que tous ceux qui ont des mémoires à venir présenter, sur les améliorations, viennent. Je n'aurais pas peur de les entendre. Les syndicats vont venir, c'est sûr. Ils vont vous reprocher telles choses; n'ayez pas peur de cela! Je les ai eus, les syndicats, contre moi. Ils m'ont promené, dans la ville de Québec, sur un charriot avec un gros boeuf. J'ai vu cela, cher monsieur. Ils m'ont pendu combien de fois devant le Windsor? Ne vous inquiétez pas, ils vont vous pendre, vous aussi, c'est sûr et certain, mais en effigie, bien entendu!

Mais, la suite, par exemple! Quand je suis parti du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, j'ai reçu un maudit beau témoignage de toutes les centrales syndicales et je l'ai conservé. De toutes les centrales syndicales et de tous les présidents. Les employés étaient fiers d'avoir entendu ce témoignage.

Je ne mise pas trop sur le sommet économique. Je ne mise pas trop là-dessus parce que je connais les ouvriers et je connais aussi les patrons.

Mettre ces deux groupes en face l'un de l'autre, subitement, sans grande préparation, vous sa-

vez vous aussi ce qui va se produire. I! va y avoir beaucoup de réticences. Le premier ministre disait l'autre jour: Si, au moins, on peut sortir de là sans s'être cassé la gueule. Il appelle cela de même. Il a dit au moins un semblant d'entente; il n'y en aura pas d'entente. Quand on reconnaît les relations patronales-ouvrières, le sommet économique, c'est le sommeil économique.

M. Couture: C'est clair.

M. Bellemare: Oui, oui cela va être du sommeil.

M. Couture: A moins qu'on se réveille économiquement.

M. Bellemare: Oui, moi aussi, je souhaite cela, moi aussi, je vais y être, vous pouvez être sûr que je vais y être et puis, oui, oui je vais y être, parce que je vais me faire inviter, certain. Certain que je vais y être, oui, cela m'intéresse beaucoup. Seulement les changements tellement attendus des groupes, la mentalité des groupes, ce qui, dans le processus normal de ces gens, qui oeuvrent dans le grand champ économique des relations de travail, vous l'avez dit tout à l'heure, je l'ai noté, cela ne se fait pas du jour au lendemain, ce n'est pas par un sommet économique qu'on va régler cela, seulement, c'est bon qu'il y en ait un.

C'est bon qu'on sente qu'ils viennent, mais vous voyez la réticence de certains syndicats déjà qui viennent rien que sur le bout des pieds et disent: Si cela ne fait pas, je m'en irai. Ce n'est pas parfait. En tout cas, le vrai test, ce seront les faits et les gestes du gouvernement et particulièrement au niveau de la législation. Voulez-vous avoir un grand succès, M. le ministre, comme ministre du Travail? Voulez-vous que votre gouvernement ait moins de problèmes au point de vue de la législation ouvrière? Faites une enquête publique sur le Code du travail et demandez de le refaire au plus tôt.

Vous n'avez pas besoin de prendre ma motion, déchirez ma motion, faites-en une pour vous, je vais voter pour elle, qu'il y ait une enquête royale au plus tôt, pour entendre les parties et là vous allez régler une foule de problèmes. D'abord, vous allez régler, mon cher, le problème des bureaux de placement. Etes-vous prêt à dire que c'est fini, les bureaux de placement, mon cher, la FTQ et la CSN? Même si vous avez, mon cher monsieur, l'Office de la construction, qui vous a dit: Faites cela. Une minute, une minute! Je le connais le problème, je l'ai faite, moi, la lutte contre Ottawa pendant des années, c'était Macka-sey qui était là et il ne voulait pas me les donner. Il disait: Non, vous ne l'aurez pas. Vous ne l'aurez pas.

M. Mackasey: C'est vrai que j'ai dit non.

M. Bellemare: C'est vrai, oui, c'est rare, mais cette fois, vous me l'avez dit. J'ai perdu, ils ont commencé à mettre plus d'argent et à ouvrir des grands bureaux puis à mettre du personnel puis à $20 000 puis à $15 000; je commençais à avoir l'air fou; je payais $8000 et $9000 mes officiers du ministère du Travail, aux bureaux de placement, on avait l'air quêteux. Mon Mackasey riait de moi, il disait à une conférence fédérale-provinciale: Comment est-ce qu'ils vont, tes bureaux de placement, Maurice? Vont-ils bien? Assez bien.

M. Mackasey: C'était votre fête, c'est pour cela que...

M. Bellemare: C'était ma fête, oui, tu m'en as donné un beau gâteau et un bouquet, mais si tu ne m'avais pas donné mes bureaux de placement, par exemple... Mais cela, c'est un problème, les bureaux de placement, et c'était à nous autres, par droit constitutionnel, c'était à nous, ces bureaux de placement. Le fédéral n'a pas d'affaires à entrer dans ce domaine. Il rentre par intrusion, parce qu'on n'y va pas, et vous avez même un ministre libéral qui vous a précédé, qui a dit aux employés: "Ne vous en occupez plus des bureaux de placement provinciaux, laissez faire cela à ceux qui... C'est une perte de temps et d'argent. Oui, oui, cela s'est fait depuis trois ans.

J'étais content ce matin de voir que le montant de $8 millions est monté à $9 millions. Il est de $8 840 403 en 1976/77 et de $9 919 000 cette année. Ce n'est pas une grosse amélioration, mais il y en a toujours une. Si le ministre, comme il l'a dit tout à l'heure, en fait une de ses priorités, et s'il faut des recherches et des études sur les bureaux de placement, je pense que cela est encore un bon point. Cela pourrait peut-être se plaider devant la commission, et on pourrait donner des raisons constitutionnelles comme quoi les bureaux de placement diraient: Ils n'ont pas d'affaire à rentrer chez nous dans notre domaine.

M. Couture: II n'y a pas assez de place.

M. Bellemare: Commençons par une, c'est à vous celle-là. Vous les laissez faire vous aussi, et je n'aime pas cela. Non, ce n'est pas normal. Que les bureaux de placement provinciaux soient meilleurs, qu'on y mette des piastres s'il le faut et que l'on soit maître. Ils s'en vont tous au bureau de placement fédéral ou encore à la fameuse concession que vous avez faite... Pas vous, mais votre prédécesseur qui avait donné le bureau de placement provincial à la FTQ. C'est clair et je n'ai pas peur de le lui dire.

Vous avez parlé de structures tout à l'heure. Je suis bien favorable à des structures dans le ministère. Cela en prendrait. Vous avez un trop gros ministère. M. le député de Saint-Laurent tout à l'heure a fait allusion à cela. C'est immense en responsabilités et aussi en obligations. Le ministère du Travail, à mon sens, devrait avoir quatre ou cinq sections différentes et peut-être être divisé en deux ou trois ministères.

D'abord, les relations de travail, tous les griefs, le tribunal du travail, etc. devrait vous appartenir en propre. Toute la partie technique de M.

le sous-ministre, là-bas, devrait en être un autre, les licences, les permis, les inspections, la loi des établissements commerciaux, la loi des heures de fermeture, tout ce secteur devrait être à un autre ministère. C'est quelque chose qui ne devrait pas être chez vous. Cela n'a pas de bon sens. Vous arrivez avec une tuyauterie qui fend, c'est le ministère du Travail. Vous arrivez avec un gars qui n'a pas son permis d'électricien, c'est le ministère du Travail. Cela n'a pas de bon sens.

Vous avez, en plus de cela, l'immigration qui vient s'ajouter à tout le reste. Vous avez la main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre et l'immigration pourraient peut-être se rejoindre. Les structures sont là. Le ministre ne peut pas répondre à tout cela, c'est impossible. Cela devient d'une lourdeur épouvantable dans l'administration.

C'est vrai qu'on lui a donné de l'aide, le développement social avec M. Marois et l'adjoint parlementaire au Travail avec M. Guy Chevrette. Ils ont multiplié les déclarations pour vous embêter. C'est sûr et certain qu'il n'est pas étonnant que vous ayez des problèmes avec le ministère du Travail parce qu'il y a eu des choses de déclarées dans cela. J'y arrive, M. le Président... "Les problèmes peuvent être résolus sans interruption brutale de l'Etat". C'est la Presse de Montréal, le 15 février. C'est vous qui avez dit cela, M. le ministre. "Les problèmes peuvent être résolus sans intervention brutale de l'Etat. Le gouvernement annonce ses intentions et, ensuite, il dialogue avec les parties concernées. La législation viendra ensuite. Ainsi, le gouvernement a l'intention de modifier sérieusement le Code du travail". Félicitations. N'attendez pas trop longtemps. Vous allez être débordés, vous allez avoir d'autres problèmes. Le Code du travail va rester ce qu'il est et cela va nous apporter encore des problèmes. Cela s'en vient, mais j'ai entendu dire cela pendant près de six mois pour le décret de la construction. En fin de compte, il est arrivé. "Il compte procéder en deux étapes". C'est là que je rejoins le ministre. "Ainsi, à court terme, on amendera le Code du travail et, à long terme, on le réformera". On améliorera le Code du travail et, après, on le réformera. Il y a une chose qui reste sûre, c'est que, dans l'amélioration du Code du travail, il y a des choses absolument importantes, nécessaires et urgentes. Si vous faisiez votre enquête, cela pourrait durer deux ou trois mois, on pourrait être entendu et faire peut-être de bonnes suggestions au gouvernement et le ministre pourrait commencer tout de suite.

Mais il y a une chose que je voudrais dire. Depuis que vous êtes arrivé, vous avez mis le bâillon à l'Opposition.

M. Couture: Ce n'est pas moi qui suis leader parlementaire.

M. Bellemare: C'est vous qui avez mis le bâillon, parce que j'avais continuellement de votre ministère le rapport, tous les matins, de l'état des grèves et des "lock-out" dans la province. Depuis que vous êtes arrivé, je les ai reçus le lendemain et le surlendemain et, après cela, rien.

M. Couture: C'est que la demande n'est pas venue.

M. Bellemare: Ah! La demande est arrivée, j'ai fait téléphoner et j'ai téléphoné moi-même à un homme que vous connaissez bien dans votre ministère. Il m'a dit: J'ai reçu des ordres et je ne les envoie plus.

M. Couture: Ah!

M. Bellemare: Ah oui! mais je ne les ai pas.

M. Couture: Je retiens immédiatement votre demande. Prenez cela en note.

M. Bellemare: Si je ne les ai pas demain matin, je vous le répéterai.

M. Couture: Donnez-moi au moins deux jours.

M. Forget: Je dois dire que l'Opposition officielle a fait la même demande avec le même résultat.

M. Bellemare: Même résultat. Vous n'en avez pas vous, non plus. Mais moi, au moins, je les avais toujours eus. C'est moi qui avais établi ce système pour donner l'état des grèves et des "lock-out" dans la province.

M. Couture: Je n'ai aucune objection de principe.

M. Bellemare: Bon. Alors, là, je ne les ai pas. M. Couture: Vous les aurez.

M. Bellemare: Depuis que vous êtes là, je ne les ai plus.

M. Couture: Vous venez d'obtenir quelque chose.

M. Bellemare: Oui.

M. Couture: Vous voyez que c'est important de se parler.

M. Bellemare: Oui, mais c'est important de le savoir.

M. Couture: Changement de mentalité. Vous les aurez.

M. Bellemare: D'accord. Je vais le noter aussi. Le 3 mai.

M. Forget: Cela va finir par être aussi bon que c'était avant le 15 novembre.

M. Bellemare: Oui, bien sûr.

M. Couture: Ce n'est pas pour rien qu'on a changé, le 15 novembre.

M. Bellemare: Mais avant Cournoyer, c'était M. Réal Mireault.

M. Mackasey: II est rendu où, là?

M. Bellemare: II est rendu à l'Office de la construction à Montréal, il est président. Après être parti, je lui avais dit: J'aimerais bien avoir cela, je suivrais cela de proche. J'arrive en Chambre et je n'avais rien. Je l'appelle. Il me dit: Oui, ce ne sera pas long. Il m'a envoyé une liste mitigée, avec certaines restrictions que je connaissais. Je l'ai rappelé et je lui ai dit: Ce n'est pas cela que je veux avoir; je veux avoir la vraie liste avec tous les détails. Il me répond: Celle du ministre? Je lui dis: Oui, ce sont des renseignements publics que j'ai le droit d'avoir. Et je l'ai eue tout le temps, sauf, deux jours après votre arrivée, cela a été coupé bien raide. Je me suis dit: II a eu des ordres. Je lui ai téléphoné. Non licet, fini.

M. Couture: II y a eu malentendu, certainement.

M. Bellemare: Oui. Bonne note a été prise. Le problème no 1, les revendications de tous les intéressés du monde des relations de travail. C'est cela. Le Code du travail, c'est sur cela que portait mon propos.

Tout le monde est d'avis que le Code du travail est vétuste et dépassé, c'est sûr. Après avoir annoncé vos intentions, je demeure encore bien sûr que vous allez les réaliser par un dialogue entre les parties. J'espère que ce ne sera pas votre dialogue mais celui des gens compétents qui ont peut-être, comme vous, des expériences dans le monde du travail mais qui ont vécu, depuis des années, ces problèmes connexes aux relations patronales. Eux aussi ont des problèmes qu'ils peuvent nous exposer et auxquels ils nous apporteront des solutions qui seront véritablement des solutions pratiques.

Dans un article publié dans la Presse du 15 février dernier et qui était intitulé: Québec s'engage à consulter tous les intéressés avant la refonte du Code du travail, il a été écrit ce qui suit: J'aimerais bien, pour ma propre compréhension, que le ministre m'explique ce qu'il entend par des amendements à court terme et à long terme, dans l'amélioration du Code du travail. Je me demande très sérieusement si c'est user de prudence que de se lancer, comme il le disait tout à l'heure, dans une réforme du Code du travail sans être bien sûr qu'il va atteindre l'objectif que recherchent les syndicats et les patrons.

Dans les enquêtes que nous vous demandons, il y a beaucoup de bonnes relations qui pourraient s'établir entre le patronat et les syndicats. Il ne faut pas oublier qu'un dialogue ne peut jamais s'établir en sens unique dans les relations patronales-syndicales. Il me semble que ce serait beaucoup plus ordonné et beaucoup plus démocratique pour tout ce qu'on pourrait obtenir de ces gens qui veulent aujourd'hui garder une espèce de monopole sur le travail et qui ne veulent pas faire participer les employés syndiqués.

Le député de Joliette, dans son article qu'il a fait publier dernièrement, disait, par exemple, avec sa photographie en belle page: Maurice Bellemare, c'est un vieux ministre du Travail. Il a longuement insisté, à son retour dans l'arène politique, sur la nécessité d'établir une commission royale d'enquête sur les relations de travail au Québec. On ne crée pas des commissions pour faire plaisir à l'ancien député de Champlain. Voyons donc! A son avis, les commissions parlementaires peuvent peut-être, en temps opportun, jouer un rôle utile. Que le vieux se ravise! Est-ce que ce n'est pas assez insultant?

C'était dans le journal Le Soleil, le 18 décembre 1976.

Une Voix: C'est bon.

M. Bellemare: C'est bon? Arrêtez-moi cela tout de suite, vous. En ce qui a trait au travail, il faudra, par contre, prendre le temps de bien mûrir les dossiers si nous voulons rétablir la paix sociale. Vous l'avez la paix sociale, actuellement! J'ai été ministre longtemps, je ne l'avais pas comme vous l'avez présentement! Les grands conflits, il n'en existe pas dans la province de Québec! Vous jouissez d'un temps serein pour établir une nouvelle politique de relations patronales-ouvrières. Quelles sont les mesures qui pressent? Le ministre répond au député de Joliette, il a déjà parlé du processus d'accréditation et s'est aussi attardé au mécanisme de prévention dans les conflits, bien que dans ce dernier cas cela fasse partie d'une réforme du Code du travail puisque c'est dans le Code du travail que l'on retrouve tous les mécanismes de la négociation. Bien sûr que c'est là qu'on retrouve cela. C'est l'ABC du Code du travail. Maintenant, il y en a, madame, mais je ne veux pas faire perdre le temps parce que c'est perdre du temps que de dire des sottises comme celles-là...

M. Couture: II y a des formules affectueuses dans cela.

M. Bellemare: Oui, quand ils m'appellent le vieux. Je suis à la veille de m'appeler pépère.

M. Chevrette: Cela vous est déjà arrivé de lire des textes en changeant les mots. J'aimerais lire cela.

M. Bellemare: Je vais vous le donner. Je vais vous en faire faire des copies.

M. Chevrette: Cela vous est déjà arrivé de lire des textes "avec rien dessus", vous me l'avez dit.

M. Bellemare: Ah oui! C'est pas pour vous là. Lisez cela. C'est au commencement. Vous allez voir l'esprit qui vous a animé. Ils ne voient qu'une perte de temps, si c'est bien compris, j'attends toujours les arguments sérieux et pertinents de la part du gouvernement qui démontre l'inutilité et la futilité d'une telle commission d'enquête. Le gouvernement précédent avait fait la sourde oreille à

ma requête et cela ne m'a pas surpris, mais que le "PQuiou", c'est autre chose... J'espérais, au moins, qu'il analyserait la situation bien en face et qu'il ne rejetterait pas du revers de la main cette heureuse suggestion. Mon chef, M. Biron, disait hier dans un communiqué aux travailleurs: "Sortir le travailleur du rôle d'instrument que lui a imposé le Code du travail, maintenant, pour en faire véritablement un agent économique". C'est une belle trouvaille. Cesser de le traiter simplement comme un ouvrier qui produit un produit, mais surtout qu'il ait un rôle d'agent économique. Il disait aussi: "Que la rentabilité de l'industrie au Québec soit assurée en créant une ambiance de travail qui permette l'épanouissement de tous les travailleurs". C'est véritablement la pensée que devrait avoir aujourd'hui...

M. Chevrette: M. le Président, je ne voudrais pas arrêter le député de Johnson dans une envolée...

M. Bellemare: Parce qu'il n'est pas vieux?

M. Chevrette: Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai bien compris qu'il lisait entre les lignes. Il a beau me prêter des intentions, la prochaine fois, j'aimerais qu'il cite les textes à la lettre. Je n'ai jamais dit "vieux député".

M. Bellemare: Bon.

M. Chevrette: J'ai bien dit "ancien ministre du Travail". J'aurais peut-être pu employer l'expression "ex-ministre du Travail"...

M. Bellemare: Oui.

M. Chevrette: Mais il est pas question de "vieux". Vous avez fait comme d'habitude.

M. Bellemare: Oui, c'est tous les jours que vous le répétez.

M. Chevrette: Vous avez fait comme d'habitude.

M. Bellemare: Bon, c'est cela.

M. Chevrette: Vous avez planté votre charrue un peu trop profondément.

M. Bellemare: Non, non. Ecoutez, avec les cailloux que vous avez, ce n'est pas étonnant. Pas du tout. Quand vous m'abordez et vous me dites: Bonjour, M. le vieux! Bon!

M. Chevrette: C'est un "vieux" amical.

M. Bellemare: Oui, très bien. On pourrait revenir... J'en ai encore pour cinq ou six minutes, et peut-être plus que cela. J'ai le décret de la construction et...

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux sine die. La parole sera au député de Johnson à la reprise pour la poursuite de son intervention.

(Fin de la séance à 12 h 59)

Reprise de la séance à 16 h 58

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux pour étudier les crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'oeuvre. Je donne la parole au député de Johnson. Oui, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais aviser la commission de certains faits qui ont été énoncés ce matin. J'ai eu la chance à l'heure du dîner de relire très attentivement la coupure de journal qu'a citée le député de Johnson. Je ne voudrais pas lui prêter d'intentions, mais il a sûrement donné beaucoup d'extension aux mots "ancien ministre" parce qu'il n'y avait pas le mot "vieux" dedans. Par le fait même, je pense que le député de Johnson a induit en erreur le député de Saint-Laurent, qui me prêtait des propos non parlementaires. A partir de ces faits, en relisant l'article vous verrez que le mot "vieux" ne figure à aucun endroit et que les mots "ancien ministre du Travail" ont été cités une fois. Ceci étant dit, je reconnais que le député de Johnson donne beaucoup de propension aux termes qu'il lit.

M. Bellemare: Ce n'est pas ma faute si vous n'êtes pas imaginatif.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson.

M. Mackasey: N'oubliez pas, M. le Président, que les anciens ministres sont tellement sensibles, pas vrai? Pour être des bons ministres, il faut être sensibles.

M. Bellemare: Certainement. M. le ministre, je reviendrai sur cela parce que j'ai toute une déclaration du député Chevrette qui suit.

M. Couture: Avec la citation fidèle. M. Bellemare: Cela sent la vieillerie.

M. Chevrette: Je la lirai.

M. Maurice Bellemare (suite)

M. Bellemare: M. le Président, il existe deux autres points qui retiennent mon attention et qui, je pense, méritent d'être abordés à ce stade-ci compte tenu de leur importance. Il s'agit d'abord des réformes absolument nécessaires dans le domaine de la construction. Vous en avez dit un mot ce matin, mais nous allons préciser ce point au cours de la discussion de vos crédits. A la suite de l'enquête Cliche et particulièrement à la suite d'autres événements qui sont survenus depuis, il y a eu une convention collective signée entre les parties puis sur laquelle on a refusé de s'entendre parce qu'il y avait des particularités qui ne se trouvaient pas à remplir véritablement les liens que

nécessitait la volonté, d'une partie. On a dit: On aura une commission parlementaire pour étudier certains aspects de la convention collective qui devront être repris, même après la signature qui a eu lieu il y a quelque temps. Le deuxième point, c'est la sécurité du travail et la santé au travail.

Quant à l'industrie de la construction, je n'ai pas été trop surpris d'apprendre, un peu avant Noël, que le ministre avait mandaté son brillant collègue et renommé adjoint parlementaire pour procéder à une analyse de la situation dans le secteur de la construction et pour lui faire rapport des réformes à venir. Je sais que le député de Joliette-Montcalm devait, selon les dires de certains journaux, produire un rapport merveilleux vers la fin du mois de janvier.

Déjà, la presse a fait écho à ses intentions et particulièrement aux intentions du ministre à refuser de corroborer pour l'instant, si je ne me trompe pas, dans l'industrie de la construction.

Pour ne pas me faire traiter de vieux, je vais prendre l'article de la Presse du 20 janvier 1977 dans lequel étaient incluses les six recommandations du député, adjoint parlementaire du ministre. "Le gouvernement Lévesque a décidé de repenser à nouveau le fonctionnement de l'industrie de la construction sous toutes ses facettes. C'est l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, M. Guy Chevrette, coauteur du rapport Cliche, qui s'est vu confier le dossier et celui-ci s'apprête à faire les suggestions suivantes: "Le placement devrait dépendre le plus tôt possible de la juridiction exclusive des centres de main-d'oeuvre du Québec et non de l'Office de la construction et encore moins des bureaux de placement syndicaux". Retenez bien cela, M. le ministre. Cela a été écrit dans un journal responsable et dit par un député qui semblait posséder beaucoup de logique et d'expérience. "Comme une politique de placement dans la construction ne saurait être possible avant l'établissement d'une politique de main-d'oeuvre à l'échelle du Québec dans tous les secteurs, statu quo en attendant, mais M. Chevrette aimerait que ladite politique de main-d'oeuvre soit établie le plus tôt possible, "as soon as possible". Afin de favoriser l'amélioration des centres de main-d'oeuvre du Québec, qui font figure de parent pauvre à côté des centres fédéraux, comme le dirait si bien l'honorable député de Verdun...

M. Mackasey: Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bellemare: Notre-Dame-de-Grâce, c'est vrai, ce n'est plus Verdun. Pardon?

M. Mackasey: Je demeure encore là.

M. Bellemare: ... le gouvernement n'aurait qu'à couper dans les subventions qu'il fait à l'Office de la construction du Québec. "Par ailleurs, le fonctionnement de la table syndicale de négociations devra être repensé de façon à ce que, pour être consacrée seul agent négociateur, une centrale syndicale devra avoir recueilli 75% des suffrages des ouvriers de la cons- truction, et non seulement 50%, et même là, toute centrale ayant obtenu au moins 5% des votes devrait avoir au moins le droit d'être présente à la table des négociations pour faire valoir le point de vue de tous ses membres." Voyez-vous la grande idée de votre adjoint de détruire, là où il y a eu un vote démocratique et tant de chicanes sur la place publique pour établir qui serait le négociateur, là où on a défait tous les secteurs des entrepreneurs pour n'en garder qu'une seule et unique. Il dit: Non, il va falloir défaire cela, même 5% suffiraient. "Parallèlement, la loi créant l'Association des entrepreneurs en construction du Québec devra être passée à la loupe, M. Chevrette n'étant pas convaincu, vu les nombreuses remarques qu'on a reçues, que cela a été une bonne chose de fondre tous les entrepreneurs dans le même moule." On l'a toujours dit et c'est pour cela qu'on a fait ces associations différentes.

Pensez-vous qu'un électricien et un plombier se fondent dans le même moule? Jamais en cent ans. Vous savez que, par la constitution et surtout par les différentes opérations, c'est bien différent. "La tutelle sur certains syndicats, dont M. Chevrette est particulièrement mécontent, devra être aussi sérieusement repensée de façon à redonner véritablement le contrôle des syndicats à la base." Vous n'avez jamais dit cela, M. le ministre. Je ne sais pas si vous endossez cela. "Enfin, l'Office de la construction lui-même devra être réexaminé et peut-être réaménagé." Il n'y a rien de nouveau dans cela. C'est depuis que je suis là et après moi qu'on a dit que l'article 290 était un essai loyal pour essayer d'unifier les forces dans la construction. Il y a des parties qui ont été excellentes, il y en a d'autres qui ont été mauvaises, il y en a d'autres qui ont été reprises par d'autres gouvernements, il y en a d'autres qui ont été améliorées et il y en a d'autres qui sont à défaire. C'est bien sûr. "M. Chevrette déclare que si c'était à refaire, il aurait insisté pour qu'on préconise plutôt une tutelle originant du milieu, c'est-à-dire qui aurait été confiée au monde syndical, soit la base de ces syndicats et peut-être des syndicalistes de l'extérieur des syndicats concernés, mais des syndicalistes tout de même plutôt que quelqu'un étranger du milieu." Il ne faut pas avoir vécu longtemps au sein du syndicalisme pour savoir où cela aurait mené. C'est qui et quoi pour assurer l'autorité de ces gens et donner des directives? "M. Chevrette a déclaré aussi qu'il avait été fort naïf de cautionner la recommandation sur la présomption de culpabilité." Vous étiez donc ministre. Vous étiez donc commissaire, et vous l'avez cautionnée. Nous avons dit en Chambre — le Parti libéral était contre nous, le PQ était pour nous — que nous étions contre cela. On ne cautionnait pas cela, nous autres. Et vous, vous cautionniez cela et, aujourd'hui, vous êtes parmi le gouvernement. On va vous poser des questions tout à l'heure.

M. Chevrette: On vous répondra.

M. Bellemare: Oui certain, j'espère bien.

M. Chevrette: Avec fermeté.

M. Bellemare: II était donc préférable que seuls les centres de main-d'oeuvre du Québec soient habilités à faire du placement et il faut couper toutes les subventions à l'Office de construction, pas vrai cela? Vous n'avez pas dit cela?

M. Chevrette: Voulez-vous que je vous répète les paroles exactes?

M. Bellemare: "II est donc préférable que seuls les centres de main-d'oeuvre du Québec soient habilités à faire le placement et il faut couper les subventions à l'Office de la construction pour favoriser l'amélioration des centres de main-d'oeuvre provinciaux."

Cela, monsieur, a été écrit; si la Presse s'est trompée, vous demanderez à la presse de se rétracter.

M. Chevrette: Vous regarderez la rectification que M. Vennat a faite, M. le Président, le lendemain, sur deux points qui viennent d'être cités. Je demanderais au député de Johnson de lire également l'article du Devoir, le même jour, qui, lui, était au courant du dossier et qui ne faisait que relater les propositions à l'intérieur du rapport Cliche. M. le ministre Couture est au courant de cela.

M. Couture: M. le Président, je me demande si le but de la commission parlementaire est de faire de l'exégèse.

M. Bellemare: Non. Comme vous avez fait pendant une heure et quart, ce matin. Je n'ai pas dit un mot.

M. Couture: Je demandais seulement au président...

Législation concernant les casseurs de grève

M. Bellemare: Je pense que c'est mon droit de parler, et je l'exerce à ma façon. C'est peut-être ennuyeux, tout comme vous, ce matin, un peu. Je n'ai pas dit un mot, mais je pense que c'est mon tour et je vais m'en servir. Maintenant, il y a dans la loi de la construction ce que vous avez préconisé, aussi. En effet, le député a eu l'occasion de faire connaître ses points de vue sur le placement, sur le fonctionnement de la table syndicale des négociations, sur l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, sur l'Office de la construction, enfin sur les tutelles qui existent à l'heure actuelle. Ces points de vue ont provoqué plusieurs réactions dans le monde syndical et patronal. Ce fut, pour le moins, un accueil mitigé et, chez certains, carrément hostile.

Je n'ai pas besoin de vous dire, non plus, lorsque vous avez annoncé votre loi "antiscabs" que si vous y aviez mis un peu de précautions, vous ne seriez pas pris avec un outil dangereux entre les mains maintenant. Quant à la loi "antiscabs", je suis contre les gens qui travaillent pendant que les autres font du piquetage.

Je suis contre cela. Je suis aussi contre le fait que les ouvriers qui sont en grève travaillent eux aussi. Si vous faites une loi "antiscabs", vous allez en faire une pour tout le monde. Autant pour l'ouvrier qui est en grève — lui non plus n'aura pas le droit de travailler — que pour le gars qui est "scab" et qui vient travailler à la place d'un autre. Je comprendrai la loi "antiscabs" à ce moment-là, mais si vous visez un seul élément, celui de l'ouvrier qui travaille comme "scab", vous allez avoir un tollé général dans la province.

Je ne citerai pas tout votre article, au contraire. Par ailleurs, le nouveau ministre s'est dit agacé par les dispositions de présomption de culpabilité contenues dans certaines lois et dans d'autres projets de loi se rapportant à des syndicats. Il a voulu expliquer davantage sa pensée. La notion de présomption de culpabilité, contraire à notre système de droit britannique, est introduite par la commission Cliche, dont M. Chevrette était un des membres les plus distingués. Ce bout n'est pas marqué, c'est moi qui l'ai ajouté.

M. Chevrette: Les fleurs sont toujours ajoutées.

M. Bellemare: Voulez-vous que je vous lise ce qui est marqué? L'un des commissaires, M. Guy Chevrette, vient d'être nommé adjoint du ministre Couture. C'est le nouveau député de Joliette.

M. le Président, aujourd'hui, si je ne me trompe, il s'agit de la première occasion, pour le député de Joliette-Montcalm, d'aborder toute cette question, y compris la nature et la portée de son mandat, ici même, à l'Assemblée nationale. Il faudrait être bien précis sur ces questions, parce que je n'ai pas l'intention, avec le rapport Cliche, d'en sortir. Il y a eu des recommandations qui ont été mises de l'avant immédiatement. Il y en a d'autres qui sont restées juchées, il y en a d'autres qui devraient être mises de l'avant, parce que cette enquête Cliche a révélé bien des choses.

En ma qualité de parlementaire et aussi d'ancien ministre du Travail, qui a bien connu l'industrie de la construction, et particulièrement la loi 290, je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas prêt à absoudre tout ce qui s'est fait avec la loi 290, mais je suis prêt à en prendre une grande responsabilité, parce que la loi 290 a permis, dans bien des cas, de régler des conflits qui étaient inextricables.

J'aimerais mieux que le député profite de la perche que je lui tends pour expliquer aux membres de cette commission ce qu'il entend faire à long terme avec la loi 290. Si le ministre prétend qu'il peut, dans un projet à long terme, améliorer la loi 290, savoir ce qu'on peut en faire, garder certains éléments utiles, il nous le dira.

Quelles sont ses orientations vis-à-vis du monde de la construction aujourd'hui? Vous avez encore des problèmes énormes; cela ne sera pas long qu'ils vont revenir. Vous avez aussi des positions véritablement difficiles à prendre dans certains cas. Les gens qui ont accepté de signer le décret l'ont fait parce que vous avez promis qu'une commission parlementaire siégerait pour

entendre toute la série de revendications qui ne sont pas dans la convention collective, qui n'ont pas été reçues. Sur cela aussi, la commission parlementaire va siéger. Je voudrais savoir quand elle va siéger et de quelle façon on va procéder. C'est important pour le monde du travail et particulièrement pour ceux qui ont à subir les conséquences de ces relations de travail, qui ne sont pas dans la convention collective et qui causent des préjudices.

Oui, d'accord, vous avez promulgué le décret du bâtiment. Par le fait même, vous avez mis hors cause les ascenseurs parce que c'est devenu illégal. Vous avez, durant la nuit, travaillé fermement pour essayer d'obtenir le règlement. Sous la menace de l'épée de Damoclès, on s'est décidé à suivre vos recommandations qui étaient les mêmes, bien avant la signature du décret, et je pense que c'était pour le mieux. Je reviendrai sur le décret parce que j'aurai deux autres remarques à faire.

Ici, dans la sécurité au travail, dans la santé publique, dans la santé du travailleur, l'honorable M. Marois a reçu le mandat de préparer un projet de loi. "Le gouvernement préparera, au cours de cette année, une législation établissant les droits et les devoirs du patronat, des travailleurs et du gouvernement dans le secteur de la santé et de la sécurité au travail. C'est ce qu'a confirmé, hier, l'honorable premier ministre, M. René Lévesque, au cours d'une conférence de presse précisant qu'un mandat à cet égard a été confié par le Conseil des ministres à Pierre Marois, ministre d'Etat au développement social. Le ministre, a déclaré M. Lévesque, aura pour son comité jusqu'à la fin de l'année 1977 pour préparer un projet de loi qui soit une loi véritablement organisée comme un cadre complet pour identifier les droits, les devoirs et les responsabilités de l'Etat, des entrepreneurs et des travailleurs dans le domaine de la santé et de la sécurité. "Le chef du gouvernement précise que le travail du ministre d'Etat au développement social portera en outre sur la préparation des structures utiles à appliquer des lois qui, très souvent, existent sur papier mais ne sont jamais appliquées. A court terme, cependant, le ministre d'Etat aura pour mandat, a d'autre part expliqué le premier ministre, de rechercher dans les lois déjà existantes les choses qui peuvent être corrigées rapidement, parce qu'il y a beaucoup de coins où c'est nécessaire".

Je voudrais savoir si cela est en marche, si des instructions sont données, si le comité a été formé, s'il progresse et si nous pouvons escompter obtenir une législation d'ici la fin de l'année 1977, tel que le dit le premier ministre, pour la santé et la sécurité publiques. Je vais en passer parce que le temps est court, et dans le secteur à long terme, dans le secteur à court terme, il y a beaucoup de choses à dire. J'aimerais que le ministre d'Etat au développement social nous explique, il n'est pas ici, ce qu'il entend faire à court terme et à long terme, quelle mesure provisoire suggérera-t-il?

Et la CAT qu'est-ce qu'on en fera? Pauvre CAT qui boite depuis bien des années. J'ai fait mon possible pour essayer de la rendre meilleure, mais Dieu sait que je n'ai pas pu, malgré toute la bonne volonté que j'y ai mise, je n'ai pas pu, c'est un organisme géant qui dévore ses enfants. Je vous dis, je vous répète que jamais je n'ai vu un organisme aussi difficile à contrôler.

M. Forget: Elle a presque dévoré son père.

M. Bellemare: Oui, son père. Là, dernièrement, elle en a mangé un autre, parce qu'on a dévoré M. Tessier. Mais on a nommé, à la tête de cet organisme, un jeune premier, un homme brillant, un homme qui fut mon sous-ministre, que j'étais allé chercher à l'Université McGill et que j'avais amené comme sous-ministre d'office, extrêmement bien préparé, un garçon qui avait d'abord vécu de syndicalisme. Il avait fait son apprentissage comme secrétaire de la CSN et il avait été secrétaire général, et après cela, il est devenu professeur à l'Université McGill comme professeur de droit ouvrier.

Il possède une érudition au point de vue du droit ouvrier qui est fantastique et son ami le disciple d'Emmaüs qui est toujours avec lui, le juge Geoffroy, c'est encore une compétence au point de vue du droit ouvrier.

Il n'est pas connu ou presque pas, mais sa puissance de travail et d'imagination dans un monde en ébullition, mais nouveau, nous a apporté des solutions merveilleuses. Il a fallu avoir le courage, l'autorité au Conseil des ministres pour faire passer cela, parce que, autrement, quelqu'un qui ne l'aurait pas eue n'aurait pas fait passer cela. Je ne dis pas cela parce que vous n'avez pas d'autorité, je sais que vous en avez beaucoup. Je sais que le premier ministre doit vous écouter, parce que vous représentez un comté d'ouvriers, un comté qui s'est toujours battu en faveur de la classe ouvrière. Vous avez un avantage marqué d'avoir avec vous un grand bonhomme et je fais hommage particulièrement à Robert Sauvé.

Ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec lui, au ministère, savent avec quelle bonne humeur, avec quelle simplicité, mais avec quel dynamisme ce sous-ministre, cet homme, ce fonctionnaire engendrait les idées nouvelles. Tous les matins, quand nous avions le caucus de 9 heures, il avait toujours une idée merveilleuse à nous sortir, une orientation nouvelle à nous donner. C'est vrai que c'étaient des choses difficiles à atteindre parce qu'on dirait que l'on ne vit pas dans son monde. On dirait qu'il a des idées... Prenez, par exemple, la cogestion, il y a longtemps qu'il m'a prêché cela. Prenez, par exemple, la négociation sectorielle. J'ai ri de lui les premières fois. J'ai dit: Es-tu fou, la négociation sectorielle, où irons-nous avec cela, cela va briser tout le système? J'ai ri de lui. Regardez aujourd'hui ce que vaut la négociation sectorielle. Allez dans votre programme. Ce n'est pas si drôle que cela, c'est dans le programme. C'est vrai que c'est bon.

C'est vrai aussi qu'il y aurait peut-être une solution de ce côté-là, mais dans la commission même des accidents du travail, il y a là un mal. On aura beau changer, la rapidité avec laquelle on va

répondre, de huit jours à trois jours, les réponses qui nous sont faites pour payer les allocations qui sont dues en vertu de la Loi des accidents du travail, on aura beau être beaucoup plus large sur l'interprétation d'une blessure, on aura beau comprendre plus l'amiantose, la silicose ou les autres maladies industrielles, on aura beau donner une attention particulière, on aura toujours des gens qui penseront que l'accident du travail, c'est une assurance pour les payer à ne rien faire. Il y en a beaucoup de ces gens qui viennent à la Commission des accidents du travail avec cette idée. C'est fini, j'ai eu un accident, etc.

J'en ai eu un, hier. Il a reçu une pitoune en pleine figure. Ce n'est pas agréable. Comment vous appelez cela, une pitoune... en pleine figure. Il s'est fait... Il est arrangé avec des fils pour tenir les mâchoires, c'est fantastique. Ce gars est infirme pour le reste de ses jours, mais il ne veut pas rester infirme. Il dit que la commission le traite comme un gars qui veut abuser d'elle. Ce n'est pas cela, je ne veux pas d'argent, je veux voir clair, je veux pouvoir manger, pouvoir travailler. C'est cela que je veux. Je lui ai répondu que c'était là un raisonnement complètement logique et très franc.

La commission ne veut pas comprendre. Les gens disent va-t'en, on va te payer encore vingt semaines ou encore quatre mois. Ce n'est pas cela que je veux, je ne veux pas d'argent, je veux me faire soigner et je veux me faire guérir.

On ne l'a pas à la commission. A la commission, il y a des gens qui, on dirait, n'ont pas le sens de ce qu'est l'être humain, de ce qu'est le capital humain.

M. le ministre, je voudrais en terminant, parce que vous avez hâte, c'est sûr, mais j'ai d'autres questions... Quelqu'un m'a dit en Chambre cet après-midi: Tu dois nous réserver un méchant plat parce que tu es trop aimable. Non, non, je vais rester aussi aimable que cela, mais il y a des choses que je vais vous dire qui seront désagréables. Quelquefois vous ne consultez pas assez. Ecoutez, je vous le dis, ce ne sont pas vos gens qui me le disent. Non, la loyauté de ces gens, je n'en doute jamais. Et je n'ai jamais parlé à M. Laporte depuis... Je me prive de vous parler parce que je ne veux pas qu'il soit dit quoi que ce soit. Aux deux autres sous-ministres non plus ni au trésorier. Je l'ai vu pour la première fois ce matin et cela faisait des années que je ne l'avais vu. Je ne les vois pas. J'aimerais bien les voir au point de vue social mais ce ne sont pas eux. Il y a des gens qui, dans votre ministère, me disent que vous êtes difficile d'accès. Cela, il faut que je vous le dise car c'est important pour un ministre d'être proche... Choquez-vous ou ne vous choquez pas.

M. Couture: Remarquez, je dis oui, je suis d'accord.

M. Bellemare: Vous êtes bourru, vous êtes malcommode, vous n'êtes pas raisonnable. Ce n'est pas parlementaire, ce n'est pas correct. J'ai dit à la personne qui m'a dit cela: Vous êtes bien aimable et je vais faire bien attention pour le lui dire délicatement, pour qu'il ne se choque pas.

M. Couture: Le message est reçu.

M. Bellemare: Tâchez donc d'être aimable. Je suis toujours souriant, et même si cela fait mal.

M. Couture: ... M. Bellemare.

M. Bellemare: J'espère. Si je suis une médaille, vous m'embrasserez. Mais, écoutez, vous avez une trop grande tâche pour vous impatienter. Fermer les portes, fermer les dossiers, les laisser sur le bureau et ne revenir que le lundi, vous n'avez pas le droit de faire cela. Vous voyez que je sais des choses. A partir de là, un ministre du Travail doit payer de sa personne. C'est un apostolat de la présence à tous les jours, c'est le plus maudit ministère que la terre puisse porter. J'ai déjà dit cela à un premier ministre: Quand vous haïssez bien un ministre parmi les vôtres, envoyez-le au ministère du Travail. J'ai dit cela à Johnson: Qu'est-ce que je t'ai fait pour me punir et m'en-voyer au ministère du Travail?

M. Couture: Je ne sais pas si c'est la même chose. On dit tous la même chose ici.

M. Bellemare: C'est épouvantable! Lorsqu'on arrive dans ce ministère, c'est fantastique. Cela nous arrive de partout. Les employés veulent souvent avoir une directive, comptent sur nous, sur notre expérience, sur une directive et, que voulez-vous, on est découragé soi-même.

Je termine et vous remercie de la bonne oreille que vous avez portée à mes requêtes, à mes réflexions. On reviendra tout à l'heure sur le Conseil supérieur du travail. Je lirai une couple de paragraphes pour vous féliciter parce qu'il y a une source de renseignements dans cela qui sont utiles pour le ministre.

C'est la grâce que je vous souhaite de tout mon coeur. Amen.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il un autre député qui veuille faire des commentaires généraux avant que nous passions à l'étude — avant que je cède de nouveau la parole au ministre d'ailleurs — programme par programme?

M. le député de Sherbrooke.

Aide aux chômeurs

M. Gosselin: Quelques considérations générales à partir de l'exposé du ministre ce matin sur les intentions générales qu'il a manifestées quant à la conduite du ministère du Travail. J'ai relevé dans ses observations plusieurs éléments très pertinents aux problèmes que le Québec affronte aujourd'hui face aux situations de travail, si on veut bien dépasser le cadre des seules négociations collectives et des seules relations de travail.

J'ai aimé particulièrement cette perspective que le ministre nous a présentée sur ce que devraient devenir les futurs centres régionaux du ministère du Travail, sur les rôles de référence quotidienne et d'appui aux travailleurs et aux populations en chômage également quant aux diver-

ses lois du travail, quant aux facilités d'organisation de la classe des travailleurs au Québec, quant à la promotion véritable des intérêts des travailleurs, en dépassant le contexte pur et simple des relations de travail. A mon point de vue, il est très important de centrer l'élection de notre gouvernement, le 15 novembre, sur la volonté manifeste de la population de vraiment changer l'ordre des choses établi et les préjugés devenus particulièrement odieux dans lesquels la classe des travailleurs était entretenue.

Les avancés du ministre et le programme qu'il nous a déjà annoncé au niveau législatif nous inspirent une véritable foulée dans le sens progressiste de la social-démocratie que nous voulons instaurer au Québec. Je crois que ces dispositions sont de nature à rallier la majorité de la population.

Je voudrais signaler, par la même occasion, les situations relativement odieuses auxquelles le gouvernement du Canada nous accule de plus en plus, en tant que gouvernement provincial, sur la question du travail et du chômage et sur les questions générales rattachées à cela. Je voulais vous signaler, à partir de données que j'espère aussi fondées que possible, que, depuis les trois ou quatre dernières années, le gouvernement fédéral, par une politique subtile et contraignante du côté de son administration courante de l'assurance-chômage et par les rôles factices et improvisés qu'il s'est donnés dans le secteur de la création d'emplois, alors qu'il a des marges de manoeuvre budgétaire beaucoup plus considérables que celles que peut avoir chaque gouvernement provincial pour agir fondamentalement en vue de la solution du problème du chômage, au lieu d'assumer ses responsabilités de fond dans le secteur de la création d'emplois et dans le secteur de la solution au chômage, en est arrivé par ses politiques de contrainte... On sait comment, au cours des dernières années, seulement au niveau de l'assurance-chômage, on a institutionnalisé, au niveau du gouvernement fédéral, une sorte de chasse constante au chômage qui a eu comme résultat, subtilement, de faire glisser un certain nombre de chômeurs québécois sur les régimes d'aide sociale.

Juste pour illustrer quelques statistiques, en 1972, si mes souvenirs sont exacts, la population de prestataires d'aide sociale au Québec qui était chômeurs se situaient à environ 10% de tous les prestataires de l'aide sociale. Je ne sais pas si M. Forget peut corriger mes informations, mais si mes souvenirs sont exacts, c'était la proportion. Or on lit, dans le bulletin des statistiques des affaires sociales, le relevé de juin 1976, que pour l'année 1975/76, les prestations d'assistance sociale s'adressaient à une clientèle qui était composée de 38,7% de chômeurs. C'est donc que progressivement, en quelques années, il y a eu une sorte de transfert, finalement la responsabilité de l'aide et de la subsistance aux chômeurs, vers le gouvernement provincial et des budgets provinciaux sans qu'il y ait nécessairement, de la part du gouver- nement fédéral, un transfert de fonds équivalent à la prise en charge de cette responsabilité. Pendant ce temps...

M. Forget: M. le Président, au député. Est-ce que je peux vous poser une question, très brièvement, s'il vous plaît?

Le Président (M. Marcoux): S'il accepte. M. Gosselin: Oui.

M. Forget: Lorsque vous faites cette classification, est-ce que c'est une classification que vous empruntez telle quelle des bulletins statistiques du ministère des Affaires sociales, ou est-ce que c'est une interprétation que vous faites à partir des statistiques que vous trouvez dans le bulletin?

M. Gosselin: Bon, c'est des coupures de presse que j'ai ici qui singalent — je peux vous les montrer — d'après le relevé de juin 1976, je vais vous les montrer tout à l'heure, si vous permettez, d'après le relevé de juin 1976, la population, j'ai un article ici du journal La Tribune: "Impact du chômage sur l'aide sociale, la dernière livraison de statistiques des Affaires sociales situe à 38,7% la proportion des chômeurs retirant des prestations d'aide sociale en juin 1976." La Tribune, 9 avril 1977.

Dans la mesure où cette information journalistique est fondée sur des relevés exacts, on aurait assisté, donc, dans ces deux, trois dernières années, à une évolution dramatique du côté des charges fiscales du gouvernement québécois, en regard des problèmes de chômage. Je veux juste continuer dans le même ordre et vous signaler qu'il est en train de se produire, au niveau canadien, à ce moment-ci, une tractation, un changement encore plus radical des politiques du gouvernement fédéral qui vise à transférer, d'une manière particulièrement odieuse, la responsabilité, ce transfert étant déjà commencé, du chômage aux provinces. On connaît tous le bill C-27. Le bill C-27 visait, au départ, à empêcher, à toutes fins pratiques, 256 000 chômeurs d'avoir accès, selon les normes, à l'actuel programme d'assurance-chômage. On l'a modifié dernièrement. J'ai une coupure de presse du 26 avril qui signale que suite aux pressions de toute l'opinion publique canadienne, les partis de l'Opposition, et même de députés ministériels fédéraux, du côté du gouvernement, suite à toutes ces pressions, on a réussi à modifier cette loi.

Même avec les amendements que le gouvernement fédéral a consentis, il y a 226 000 chômeurs canadiens qui ne seront plus couverts par les régimes d'assurance-chômage. Si on fait une proportion sommaire, quant au nombre de chômeurs québécois qui seront affectés par cette mesure, on dirait qu'on a une proportion de 60 000 à I00 000 chômeurs sur les 299 000 chômeurs québécois, selon les relevés de Statistique Canada de mars 1977, qui seraient privés, en fonction du pro-

jet de loi C-27, qui est en train d'être discuté à Ottawa, en deuxième lecture, de prestations de chômage, ce qui équivaudrait à une économie, de la part du gouvernement fédéral, de près de $100 millions, et peut-être davantage, ce qui équivaut à un transfert inqualifiable d'une responsabilité fondamentale du gouvernement fédéral dans le secteur de l'emploi et de la solution au problème du chômage vers le gouvernement provincial. Je ne sache pas que les péréquations fédérales-provinciales permettent au Québec et aux provinces d'assumer ce nouveau champ de responsabilités.

Seulement pour vous rappeler les consequences dramatiques de cette loi que le fédéral est en train d'adopter, signalons que 66,3% de tous les chômeurs canadiens se situent dans les provinces maritimes et au Québec principalement. Le Québec contribue à 26,3% de toutes les prestations, de toutes les contributions de chômage pour le gouvernement canadien, et, finalement, la conséquence de la politique fédérale nous impose d'avoir à assumer dorénavant, sans avoir en contrepartie les fonds, les marges de manoeuvre dont le gouvernement fédéral dispose, une partie importante du poids et du fardeau du chômage au

Québec.

Je pense qu'on ne saurait dénoncer avec trop de virulence cette stratégie foncièrement malhonnête en regard du champ d'exercice des responsabilités que le fédéral s'est affecté, dans le champ de la protection des chômeurs et de la création d'emplois, ce transfert odieux vers les provinces et dont les conséquences, pour le Québec, sont encore à mesurer.

Cela plaide davantage pour qu'au Québec nous sachions développer pour notre population, malheureusement grandissante... et de grâce, qu'on nous épargne d'accabler le gouvernement élu, le 15 novembre dernier, de tous les maux et de toutes les responsabilités à cet égard, quant au nombre de chômeurs québécois.

C'est une situation qui a commencé à se détériorer depuis plusieurs années, et qui, à la suite de l'absence de viligance fondamentale du gouvernement québécois de l'époque, a consacré un sabotage continu de la part du gouvernement fédéral, en regard du développement de l'emploi au Québec.

On peut aussi le décrire en partie par la fameuse manie d'improvisation et le paternalisme avoué, dont les conséquences ont été par trop fâcheuses, des divers programmes de création d'emplois constamment changés, constamment rapiécés par bouts consécutifs. Qu'on se rappelle les PJ, les PIL, les Services communautaires étudiants et toutes ces formules imaginables qui, dans le fond, au lieu d'engendrer, au sein de nos communautés, de véritables perspectives de développement à long terme et de vraies perspectives de création d'emplois pour nos populations de chômeurs, ont contribué, au contraire, à souvent démobiliser les forces vives du milieu, à souvent saboter les efforts de développement que les milieux mêmes faisaient.

Je veux citer mon expérience personnelle à cet égard. En 1973, dans le comté de Sherbrooke, nous avions réuni 90% de toutes les organisations communautaires qui étaient habituellement les parrains des projets d'initiatives locales. Le ministre Andras, à l'époque, avait annoncé la formation de comités consultatifs de comtés, la consultation des populations quant au lancement de ces programmes de création d'emplois. Nous avions donc réuni 90% de toutes les associations représentatives de la population quant à ces programmes de création d'emplois. Nous avions stipulé des critères par lesquels le gouvernement fédéral devait verser ses fonds dans les divers comtés fédéraux du Québec. Nous avions postulé que le milieu qui était le nôtre, le milieu sherbrookois — cela aurait pu être le milieu montréalais, le milieu de la ville de Québec ou de la ville de Hull — devait se donner des mécanismes permanents de contrôle et de supervision pour éviter les gaspillages éhontés d'argent qu'on a connus dans ces projets d'initiatives locales ou de Perspectives-Jeunesse, à certains moments, ces fantaisies organisées. Finalement, on ne donnait pas aux groupes en question, souvent, les forces d'encadrement dont ils auraient eu besoin pour vraiment respecter, d'une part, les besoins de la communauté, mais aussi pour réaliser une oeuvre de production valable au sein de ces communautés.

Nous avons été accablés par une fin de non-recevoir totale du gouvernement fédéral qui s'est toujours refusé et qui, chez nous, précisément, s'était carrément refusé à établir quelque mécanisme de coordination que ce soit, quelque continuité que ce soit dans l'organisation de ces programmes de création d'emplois d'une manière qui aurait pu être plus fonctionnelle pour nos communautés. Pendant ce temps-là, le gouvernement fédéral se targuait de dépenser des millions.

Il me semble que c'est la responsabilité du ministère du Travail québécois, compte tenu de cet héritage très lourd que nous laisse actuellement le manque de vigilance des gouvernements qui nous ont précédés sur cette question. Il est très important qu'au ministère du Travail on établisse une véritable problématique de la création d'emplois pour les chômeurs québécois et que, du même coup, on fasse une évaluation aussi serrée que possible, évaluation qui n'a été faite nulle part, qui ne semble pas avoir été faite au gouvernement fédéral — ou si elle l'a été, on ne l'a jamais rendue publique — des programmes fédéraux de création d'emplois.

Le fédéral se vante encore constamment, dans tous ses feuillets de propagande, des sommes fabuleuses qu'il dépense à ce chapitre au Québec. Je crois que des affirmations comme celles-là, quant aux montants que le fédéral a dépensés et quant aux effets réels qu'ils ont engendrés pour résoudre le problème du chômage des Québécois, devraient être évaluées très sérieusement par notre gouvernement.

Au-delà de cette analyse, je crois qu'on devra, à l'intérieur du présent exercice financier et pour les années à venir, imaginer un cadre et des budgets québécois de création d'emplois, imaginer un avancé ferme de notre gouvernement dans le sens de la solution au chômage qui n'est pas unique à notre collectivité, qui se retrouve dans toutes les provinces canadiennes, dans les provinces de l'Est, ailleurs aux Etats-Unis. Je crois qu'on a été

trop amené, par l'évolution des choses, à considérer comme normale des situations de chômage qui tendent à se stabiliser autour de 10%; 10% d'une main-d'oeuvre inemployée, d'une contribution inutilisée pour les efforts de productivité nationale que nous avons à déployer.

Comme député ministériel, M. le ministre, vous pouvez être assuré de ma plus entière collaboration quant aux perspectives, quant aux efforts que nous devons faire pour tenter, comme Québécois, comme gouvernement responsable, de résoudre ce problème et d'orienter de mieux en mieux nos politiques au ministère du Travail vers le véritable secours aux populations de travailleurs, mais aussi de chômeurs, en n'oubliant pas, si c'est possible, d'obtenir du gouvernement fédéral la contrepartie des dettes qu'il nous occasionne en ne prenant pas ses responsabilités dans ce secteur. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: M. le Président, je ne suis pas ici pour défendre la loi de l'assurance-chômage, même si je l'ai déjà fait — c'est ma faute — parce que j'étais le parrain de l'assurance-chômage quand j'étais ministre du Travail. Je me rappelle les paroles de M. Tremblay, il y a un mois, qui disait que $1,5 milliard de plus étaient versés à la province de Québec que ce qu'on y avait payé en prestations depuis dix ans. Je pense que ce sont les chiffres, mais la solution pour le député est très simple. En respectant les droits de la province de Québec, quand nous avons établi, M. le Président, l'assurance-chômage, nous avons inclus dans le projet de loi une ou deux clauses qui donnent à la province de Québec le droit de prendre sous sa pleine responsabilité l'assurance-chômage. Elle n'a tout simplement qu'à écrire une lettre au gouvernement fédéral pour lui dire qu'elle veut faire cela.

Alors, je propose au député, demain, de se lever en Chambre et de demander à son gouvernement de prendre avantage de cette clause et de prendre l'assurance-chômage qu'il nous promet; qu'il ramasse les prestations et qu'il paye aux chômeurs le montant qu'il prétend que le gouvernement vole au Québec.

Je pense qu'il serait très surpris, par exemple.

M. Chevrette: C'est une clause qui ajoute des crédits, cela.

M. Mackasey: Durant ce temps, il y a eu les questions des relations fédérales-provinciales et une qui a toujours respecté les droits provinciaux. Il y a quelques articles, dans le projet de loi, par exemple dans le domaine des maladies, dans les droits des femmes, où le ministre du temps, M. Castonguay, a insisté pour que la loi protège les droits de la province de Québec. Quand la province de Québec veut reprendre ses pouvoirs, c'est très facile, elle n'a qu'à insister.

M. Couture: Avec le transfert des millions, de l'argent.

M. Mackasey: Avec le transfert de votre, comment dirait-on...

M. Couture: Responsabilité et le pouvoir de taxation, d'aller chercher, chez l'employeur et chez l'employé, l'argent.

M. Mackasey: En plus, M. le ministre, si vous voulez, la province de Québec n'était pas obligée d'inclure dans le projet de l'assurance-chômage, les employés civils. Je parle objectivement et non pas comme défenseur de la loi et du gouvernement fédéral. Je pense qu'avec le niveau de chômage à 10%, 11% ou 12% et peut-être 20% en Gaspésie ce temps-ci, ce n'est peut-être pas le temps de sortir le plan d'assurance-chômage qui vraiment serait un transfert d'argent d'Alberta et d'Ontario à des provinces où il n'y a pas autant de manufacturiers qu'on devrait avoir ici et qui, malheureusement, n'existent pas.

M. Couture: Me permettez-vous une question? M. Mackasey: Oui.

M. Couture: Est-ce que vous seriez d'accord que si le fédéral nous donnait ces pouvoirs de cotiser et de payer, en même temps il pourrait en profiter pour nous transférer aussi de l'argent pour le développement industriel, de l'argent pour la création d'emplois? C'est pénalisant, actuellement, de payer 10% de chômage, mais il faudrait considérer cela dans une politique globale.

M. Mackasey: M. le ministre, ce n'est pas moi qui... Je le vérifie avec... Je pense qu'il faut être positif aujourd'hui, pas pour défendre le gouvernement fédéral, mais je pourrais...

M. Bellemare: Cela va lui rappeler un souvenir. C'est eux qui ont demandé l'amendement à la constitution.

M. Mackasey: Cela n'est pas difficile de le faire.

M. Bellemare: On prend une loi provinciale pour qu'on puisse la donner au fédéral. C'est eux qui ont fait cela. Ils ont amendé la constitution dans ce temps-là. On a vu cela en 1944

M. Mackasey: Je ne suis pas ici pour débattre la question de la constitution. Je pense que c'est elle qui va décider.

M. Bellemare: II reste que c'est le fédéral qui est venu chercher ce droit. Il a fait amender la constitution canadienne, et ce n'est pas souvent que l'on amendait dans ce temps-là. Il l'a fait amender et s'est arrogé un pouvoir qui ne lui appartenait pas. Il appartenait aux provinces, le droit à l'assurance-chômage. Il l'a sur le dos et maintenant il veut nous le remettre.

M. Mackasey: Après sa création en 1942, toutes les provinces...

M. Bellemare: En 1940.

M. Mackasey: Toutes les provinces ont suggéré que le gouvernement fédéral assume les responsabilités de l'assurance-chômage.

On n'est pas ici pour discuter de l'assurance-chômage.

Code du travail

M. Bellemare: On ne vous blâme pas, on dit que c'est un fait.

M. Mackasey: Non, au contraire, je dis que si cela ne fait pas l'affaire de la province,... je pense que pour nous Québécois, ce n'est pas justement la fin. Si je cite encore les chiffres de M. Tremblay, je pense que ce n'est pas tout à fait le temps de soulever les questions que le député de Sherbrooke vient de faire. Qui est responsable pour ce niveau de chômage? C'est une autre question. Il y en a qui prétendent que c'est le gouvernement fédéral, il y en a qui disent que c'est le gouvernement provincial. Je ne suis pas ici non plus pour discuter de cette question, pas plus que les problèmes de l'Alberta. Je suis ici pour discuter des estimations du ministre du Travail qui est un de mes voisins. Il demeure à Saint-Henri et il a une réputation d'être très près du peuple de Saint-Henri. Comme vous, je suis un ancien ministre. Il y en a de plus anciens que d'autres. Peut-être suis-je le plus vieux, je ne sais pas?

M. Bellemare: Non.

M. Mackasey: J'ai été ministre du Travail pendant quatre ans. Je veux dire tout simplement quelques remarques peut-être pour vos fonctionnaires qui, sans doute, vont vous aider avec le Code du travail. On parlait tout à l'heure d'une commission royale. On avait une commission qui s'appelait, je pense, la commission Woods. Le député a sans doute eu connaissance de cette commission. Elle a coûté, je pense, entre $1 million et $2 millions. Elle était dirigée par l'abbé Dion et par le professeur Woods. On a réussi à ne prendre que trois de leurs recommandations, mais quand même.

M. Couture: C'est fin.

M. Mackasey: Cette production a valu des livres de recherche qui valent la peine et qui sont dans les bibliothèques. Mes expériences, c'est que c'est très difficile d'accepter ou d'appliquer les idées des autres pays. Le système qui existe, par exemple, en Suède, en Hollande, ne s'applique pas ici; même si c'est un pays de la même grandeur.

Nos relations industrielles sont vraiment en relation avec la culture d'un pays. C'est pour cela que c'est si difficile, chaque pays étant différent. Votre rôle est très difficile parce que les relations industrielles sont vraiment des relations humaines. Il est aussi difficile de régler les conflits entre employeurs et employés par la loi que régler un conflit entre un homme et une femme par l'entremise de la loi, ou même par les prières que vous connaissez. ' C'est difficile. Quand même, on a besoin, au Québec, d'un Code du travail. Le Code du travail du Canada — je pense qu'on peut employer ces mots pendant deux minutes sans vous insulter — c'était ma tâche et c'était le premier amendement dans l'espace de trente ans qui en a fait le code qui existe à l'heure actuelle.

Si j'avais un conseil à donner à vos députés, c'est qu'il faut avoir le moins possible de recours, du travail. En anglais, on dirait: As far away as possible from the courts, as far away as possible from the government — Les relations sont meilleures quand elles sont aussi directes que possible entre l'employeur et l'employé. Un code doit être très simple avec le moins possible d'intervention du gouvernement.

Je parle du secteur privé, naturellement, pas nécessairement du secteur public où le gouvernement est en même temps l'employeur, ce qui rend le travail très difficile. Je ne suis pas tellement au courant de vos lois mais j'espère que le ministre du Travail du Québec n'a rien à faire avec les problèmes des employés civils, des enseignants, ou des fonctionnaires. Sa tâche est impossible et inhumaine dans ce domaine. On parlait tout à l'heure de ce qu'on appelle en anglais le "sectorial bargaining". Sur cela, je suggère d'étudier peut-être l'histoire du "sectorial bargaining" en Colombie-Britannique où on a déjà des difficultés comme vous le savez.

L'idée est bonne, mais l'application générale, M. le ministre, n'est pas bonne. Cela marche bien Robert Burns va vous le dire, avec le MIA, avec les débardeurs; il y a des problèmes, mais au moins il n'y a pas de grève. Mais cela marche également avec Eaton, Simpsons et Morgan, par exemple, ou avec Molson, Dow et Labatt. Ne demandez pas aux employeurs dans notre culture de révéler leur bilan, comme ils le font, par exemple, au Danemark entre Tuborg et Carlsburg.

Ce sont seulement des observations et des suggestions que je fais dans un esprit positif, après vous avoir écouté ce matin comme tous mes collègues ici. Il y en a d'autres, mais je peux attendre une autre occasion, parce qu'il est déjà six heures. Peut-être qu'on commencera ce soir les questions relativement à vos estimations. Je vous souhaite, par exemple, bonne chance, parce que je sais que c'est le rôle le plus difficile dans le cabinet. Si j'avais un conseil à vous donner, et le dernier, c'est d'insister auprès de votre premier ministre, M. Lévesque, pour qu'il n'y ait qu'un seul ministre du Travail dans le gouvernement. Si vous avez un cabinet de 30 membres, une bonne journée il y a 30 ministres du Travail. Tout le monde a sa solution. Il faut dire, au début: Si je suis le ministre du Travail, je suis ministre du Travail et dire aux 29 autres membres de cabinet: Mêlez-vous donc de vos affaires!

M. Bellemare: Vous avez de l'expérience, vous.

M. Mackasey: C'est comme cela que cela marchait dans mon temps.

M. Bellemare: Oui, certain.

M. Mackasey: Deuxièmement, ne vous mettez jamais dans la position, avec les fonctionnaires ou avec les compagnies de la couronne, de citer le montant qu'on va payer. Parce que là, on va venir avec le supplémentaire et on va dire: II me manque $6 millions dans le budget; c'est la faute du ministre du Travail qui a imposé une convention collective trop chère. Ne tombez pas dans ce trou. Je vous fais remarquer qu'il est six heures. On reviendra à quelle heure? A huit heures?

Le Président (M. Marcoux): A 20 heures. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures. Est-ce que vous voulez que je vous reconnaisse à nouveau à 20 heures?

M. Mackasey: Oui, pour quelques minutes, s'il vous plaît!

Le Président (M. Marcoux): Je vous reconnaîtrai à nouveau à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour poursuivre ses travaux sur l'étude des crédits budgétaires du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

Une Voix: Je vous ferai remarquer que celui qui voulait parler n'y est pas, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui. Alors, je vais donner la parole à quelqu'un d'autre, en attendant. Le député de Laviolette.

M. Jolivet: Merci, M. le Président.

M. Bellemare: Avons-nous vérifié le quorum?

Le Président (M. Marcoux): Nous avons quorum.

M. Forget: M. le Président, je voudrais peut-être soulever un petit point de règlement. Je ne sais pas si c'est un point de règlement. Ce n'est pas une rectification. J'observe que nous avons siégé ce matin et cet après-midi. Je crois que c'est le député de Johnson qui avait soulevé au début ou suggéré qu'on puisse faire certains exposés de caractère général. Cela a été fait. Cela a même été fait abondamment. Je ne veux priver personne de son droit de parole. Il n'y a rien de personnel dans tout cela, mais il reste que les séances de la commission, qui sont convoquées pour l'étude des crédits, malgré tout, doivent servir à étudier les crédits et à permettre un échange de questions et de réponses entre l'Opposition et le gouvernement, et le ministre. De la façon dont nous allons, si chacun des membres parle pendant 20 ou 40 minutes — cela a été jusqu'à 1 h 30 — nous allons rapidement épuiser tout le temps de la commission. Sans qu'il y ait de règle précise dans notre règlement là-dessus, je pense qu'il y a un certain esprit qui anime nos règlements ou qui les inspire. Je ne citerai pas la phrase célèbre du député de Johnson, sur l'esprit et la lettre, que tout le monde a à l'esprit.

Le Président (M. Marcoux): J'espère que vous ne déchirerez pas de feuille.

M. Forget: Non, j'aurais peine à déchirer une page des règlements, parce que je n'ai pas mes règlements avec moi. Je n'oserais pas déchirer la copie d'un des collègues.

Pour être sérieux, je m'inquiète un peu qu'on passe plus de quatre heures à des dissertations. Sans vouloir être méchant, je vous avoue, pour celui qui suit l'actualité, qui lit les journaux, etc., je n'ai vraiment rien appris encore que je ne savais déjà. Je me désole un peu de cette situation. Je me demande s'il n'y aurait pas une directive de votre part qui, suppléant au silence du règlement, nous permette de contenir tout cela à l'intérieur de limites plus acceptables.

Le Président (M. Marcoux): Comme orientation générale, aux quelques commissions de crédits que j'ai eu l'occasion de présider, j'ai pu constater que lorsque j'ai laissé le maximum de liberté à l'expression, dès le point de départ, cela facilite beaucoup l'étude, ensuite, de chacun des programmes ou de chaque élément de chacun des programmes.

Evidemment, les représentants du Parti libéral et de l'Union Nationale ont parlé moins longuement, mais quand même assez longtemps, suite à l'exposé assez long du ministre, ce qui est bien normal.

M. Forget: M. le Président, le ministre a pris un heure et demie.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, En termes de temps, cela fait trois heures et demie, environ, que nous siégeons — pas plus que cela, oui — et le temps a été réparti. On peut faire faire le décompte pour les fins de cette mathématique. Je suis d'accord avec le point que vous soulevez. C'est vraiment cela, il faut arriver à étudier le plus rapidement possible les crédits comme tels. D'après les demandes, c'était la dernière demande que j'avais de la part d'un député qui voulait s'exprimer. Parmi les députés ministériels, un seul s'est exprimé en vingt minutes. Ce n'est pas un abus jusqu'à maintenant. Je suis d'accord avec votre souhait, soit, qu'on arrive le plus rapidement possible à chaque programme.

M. Bellemare: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Bellemare: ...comme le disait Mme Payette, avec beaucoup de raison, on a l'impression qu'elle veut "planter" quelqu'un. Ce n'est pas cela du tout. Mme payette disait: On a l'impression, en Chambre, que l'Opposition veut planter quelqu'un, un ministre, par une question inattendue. C'est sûr et certain que si elle agit dans ce sens, elle doit être souvent sur ses gardes et elle ne doit pas être heureuse. Ce n'est pas cela du tout. Elle nous connaît mal. On n'est pas de ces gens-là.

M. Couture: Tous des gens aimables.

M. Bellemare: On est des gens aimables. Si on avait l'occasion, je ne dis pas qu'on la manque-

rait, mais on ne l'a pas. On fait bien attention pour ne pas la trouver non plus. On est prêt à vous poser des questions, mais pas pour vous planter.

M. Couture: On en prend note.

M. Bellemare: Pour vous accrocher, peut-être, vous accrocher un peu plus.

Le Président (M. Marcoux): Disons...

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Pagé: ...pour revenir à la question qui a été soulevée par mon honorable collègue de l'Opposition officielle, moi aussi, j'aurais peut-être aimé faire une déclaration d'ouverture, comme cela a été fait par le député de Saint-Laurent, comme cela a été fait par le député de Johnson. Mais, pour respecter cette coutume qui existe au chapitre des crédits — vous n'étiez malheureusement pas là avant, M. le Président — il est généralement de mise que le ministre fasse un exposé, que le représentant de l'Opposition officielle en fasse un, que le représentant des autres partis, comme le député de Johnson, en fasse un aussi et, par la suite, on procède à l'étude des crédits.

Je comprends que certains députés de la majorité ministérielle ne peuvent peut-être pas avoir l'occasion d'échanger ou de soulever des questions trop souvent.

Je crois qu'il serait opportun dans leur cas de soulever les différentes questions qu'ils ont à poser au ministre lors de l'étude spécifique de chacun des articles du budget qui sont présentés pour étude par le ministre ce soir.

Le Président (M. Marcoux): Disons que l'interprétation que je fais de l'esprit de la première période qui préside à l'étude des crédits c'est que, bien sûr, comme vous l'avez souligné après l'exposé du ministre et les deux exposés plus denses et plus longs du parti de l'Opposition officielle et des partis reconnus, il est loisible de reconnaître les autres députés qui veulent intervenir rapidement sur des questions générales qui les préoccupent, pourvu que cela ne prenne pas tout le temps de la commission. Les deux seuls députés qui avaient commencé à le faire l'ont fait dans cet esprit. Je ne crois pas que cela aille contre l'esprit des règlements jusqu'à maintenant et on arrivera rapidement à l'étude des crédits si on n'éternise pas cette discussion.

M. Couture: Je voudrais simplement ajouter, M. le Président, que d'autant plus, c'est à votre invitation même et à celle de tous les membres de la commission que les gens ont voulu s'exprimer. Vous avez dit: Est-ce qu'il y en a qui ont des commentaires à faire sur l'exposé du ministre?

Le Président (M. Marcoux): D'accord.

M. Forget: Sans vouloir prolonger, M. le Président, cet exposé, je dois dire que j'assiste, depuis plusieurs années, comme observateur ou comme participant, à différents titres à l'étude des crédits et que je n'ai jamais, quant à moi du moins, observé la pratique que j'ai observée aujourd'hui.

Quant à moi c'est un précédent. Evidemment, je ne peux pas prétendre avoir assisté à d'autres commissions parlementaires, à toutes les commissions parlementaires à toutes les années, mais j'ai par exemple pris connaissance de ce qui se passait dans les années précédentes et je sais que le député de Maisonneuve, qui remplissait le rôle que je remplis aujourd'hui dans le fond, si on se réfère au journal des Débats de l'an dernier, n'a fait aucune intervention liminaire et que le ministre s'est borné à quelque chose qui dans le journal des Débats prend environ deux pages et quart, je pense, ce qui est bien en deçà de la durée qu'on a vue aujourd'hui.

Je pense qu'il y a un défaut de nos règlements peut-être là-dessus. Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce me signalait aujourd'hui — et c'est un exemple qui est pertinent parce que c'est une autre procédure parlementaire — que le règlement à la Chambre des communes, lors de l'étude des crédits, prévoit une limite de quinze minutes pour ces genres d'introduction générale. Je pense que cela c'est tout à fait dans l'esprit. Encore une fois je ne veux pas prolonger le débat, mais je pense que cela mérite d'être souligné. Cela me paraît être un débat de caractère général comme on pourrait en avoir le mercredi.

Ce n'est pas du tout approprié dans le cadre d'une discussion des crédits. Si on est pour entendre le dernier, je veux bien ne pas prolonger davantage, tout en soulignant que je pense que, déjà, on a dérogé à l'esprit qui préside au fonctionnement et au déroulement normal de l'étude des crédits.

Le Président (M. Marcoux): M. le député, dans l'esprit que vous avez défini et avec lequel le président est d'accord, le député de Laviolette.

M. Chevrette: Vous lui donnez la parole? Vous ne me la donnez pas? Je ne suis pas d'accord avec cela.

Le Président (M. Marcoux): A moins que ce ne soit une question de règlement. Disons que je considère que la discussion a assez duré sur les préambules; le cadre général est fixé.

M. Chevrette: Quelle est la procédure pour qu'un individu puisse s'exprimer quand il n'est pas d'accord? Pourriez-vous me renseigner, s'il vous plaît?

M. Pagé: Une motion de blâme contre le président?

M. Chevrette: Non, je lui ai posé la question à lui.

Le Président (M. Marcoux): On peut faire une remarque ou une question de règlement, s'il y a lieu. J'ai décidé de reconnaître le député de Laviolette. Si vous sentez que vos droits sont lésés par cette reconnaissance, bien...

M. Chevrette: Si, suite au débat qui vient d'avoir lieu, vous êtes pour faire des directives

personnelles, si vous êtes pour en faire une règle générale à laquelle vous allez vous conformer, je m'Inscrirais en faux et je dirais pourquoi. C'est la différence. Si vous acceptez les remarques du député de Saint-Laurent, si vous les prenez comme du "cash" et que vous en faites une règle personnelle pour conduire la commission, je veux dire pourquoi je suis contre. C'est la seule occasion que les députés ministériels...

M. Pagé: Vous n'avez pas à vous prononcer pour ou contre; c'est le président qui décide.

M. Chevrette: Je m'excuse, je parle à M. le Président. Si vous voulez m'arrêter, vous lui demanderez. Je dis que c'est la seule occasion qu'ont les députés ministériels de dire ce qu'ils pensent aussi, parce qu'en Chambre ils n'ont pas l'occasion de le faire.

M. Pagé: Question de règlement.

Le Président (M. Marcoux): Oui. Le député de Portneuf.

M. Pagé: Vous avez statué, vous avez rendu une décision à la lueur des représentations qui vous ont été faites. A la lueur de l'expérience, de la connaissance du règlement que vous avez, de l'interprétation que vous en donnez et de la coutume qui existe dans la commission parlementaire pour l'étude des crédits, vous avez donné le droit de parole au député de Laviolette et je demanderais que le député de Joliette respecte la décision que vous avez prise.

M. Bellemare: M. le Président, le député de Joliette va comprendre que les règles de pratique, de procédure parlementaire sont mutatis mutandis, en Chambre comme en comité. Il est souverainement défendu de critiquer la décision d'un président de commission.

M. Chevrette: J'ai demandé une information. Vous ne lui avez pas encore donné l'occasion de me répondre.

M. Bellemare: II ne faut pas l'envelopper dans une prétendue demande de directive. C'est déjà très difficile pour un homme de votre parti ou de notre parti de présider une commission parlementaire.

J'ai assisté maintes fois à des discussions entre vifs et je pense que l'honorable député devrait comprendre qu'il va avoir moult occasions de revenir sur tous les sujets qu'on va débattre. Vous avez des entrées partout. Dans deux minutes, on va entrer dans une de vos recommandations, dans le rapport de la commission Cliche. Vous allez avoir dix fois l'occasion de me répondre. Oui, c'est vous qui avez fait les recommandations de 1 à 10. C'est justement sur cela que commence le premier article. Et on va y revenir. Vous allez pouvoir facilement revenir sur tout ce que vous voudrez. Main- tenant, qu'il ait statué que quatre heures, c'est assez, je pense bien que c'est normal.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Johnson m'en fait dire plus long que j'en ai dit. Le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, je ne voulais pas être long. J'aurais pu, dans le temps de la discussion, avoir déjà fait mon exposé. Je voulais simplement attirer l'attention du ministre sur une chose qui, dans le passé, a été cause de conflits majeurs entre ce qu'on appelle le gouvernement patron ainsi que le gouvernement législateur.

Je sais très bien que cela a une référence avec la question du ministère de la Fonction publique mais que c'est régi, cependant, par l'ensemble de la législation du Code du travail. Avec ce que l'on a vécu dans les années 1972 et 1976, à titre de ce que l'on a appelé les difficultés du front commun de l'époque avec le gouvernement patron, je voulais attirer l'attention et demander au ministre à cette occasion quelles étaient, dans le climat serein dont faisait mention le député de Johnson ce matin, les étapes qui vont être franchies dans l'avenir pour permettre d'éviter ces conflits d'affrontement entre le gouvernement et les syndicats.

Je sais très bien aussi que, sans être une place où il y aura définitivement des décisions de prises, le sommet économique sera cependant un moyen d'amener ces changements majeurs que l'on désire à l'intérieur de ces relations. Je voulais aussi attirer l'attention sur ce dont on a parlé à titre de négociations sectorielles, mais aussi sur un autre article qu'il serait peut-être bon d'examiner et qu'on a appelé la négociation permanente. De quelle façon le ministre entrevoit-il ces choses au niveau de la négociation permanente? Est-ce dans ses vues, dans les vues de son ministère et de quelle façon entrevoit-on les futures négociations qui commenceront dans les années 1980, probablement avant puisque les conventions se terminent à ce moment-là dans l'ensemble de la fonction publique? Quels seraient les joints qui devraient être faits entre le ministère du Travail et le ministère de la Fonction publique, responsable de ces négociations, que ce soit au niveau de l'enseignement ou au niveau des affaires sociales?

Il y a aussi tout l'ensemble des questions...

M. Bellemare: M. le Président, il y a un détail qui vous a peut-être échappé à la commission parlementaire des engagements financiers de l'autre jour. Il y a maintenant un comité formé au Conseil du trésor qui pourvoit aux négociations du secteur parapublic et qui est déjà en place.

M. Jolivet: Je suis d'accord. Ce à quoi je faisais allusion, c'est à l'ensemble des législations, parce qu'on a souvent, à l'intérieur de ces négociations, changé le Code du travail par des amendements qui ont été apportés, soit par exemple, à la loi 95, qui amendaient de telle façon, qu'on régissait l'ensemble des négociations dans les secteurs de l'enseignement en particulier, à ce niveau, entre les enseignants de la PAPT, de la PACT et de la CEQ. Cela fait partie du Code du travail et

non seulement de tout l'ensemble de la façon dont se dérouleront les négociations, mais c'est surtout cette partie du Code du travail dont je parlais.

Il y a aussi tout l'ensemble — c'est souvent la question qui est posée — de la formule Rand et de la loi "antiscab" dont on a fait mention souvent. A l'intérieur de ces décisions, quelle forme d'échéancier est prévue? A quel moment donné ces lois pourraient-elles être amenées? Quelles sont les pensées du ministre sur cela? Même si elles ont été exprimées souvent, je pense que cela vaut la peine de se les rappeler.

Ce sont à peu près les idées que je voulais émettre et pour lesquelles j'avais demandé la parole.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous allez...

M. Mackasey: J'ai ici le nom de la bière Tu-borg et Labatt.

Une Voix: Rayez!

M. Couture: Ce sont les crédits de quel ministère?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez quelques commentaires supplémentaires à ajouter.

M. Mackasey: Je ne peux pas comprendre comment vous voulez qu'un ministre du Travail, même avec le talent de mon ami de Saint-Henri, un pays divisé par un aqueduc, je pense...

M. Couture: Un viaduc. Il y a un canal là. Ce n'est pas le canal 10.

M. Mackasey: Vous saurez que nous avons un syndicat des ministres du Travail, n'est-ce pas?

M. Bellemare: Oui, c'est vrai!

M. Couture: C'est un syndicat de boutique.

M. Mackasey: Parce que, quand la religion part ou qu'on n'a plus de religion il n'y a plus de Saint-Patrice. Il va nommer tous les saints d'après le ministre du Travail. Il y aurait, par exemple, Saint Bellemare, etc. Mackasey, je ne pense pas.

Je me rappelle, avant Noël, combien on a gaspillé le mois de novembre pour insulter le maire Drapeau. On a parlé de préparation du Code du travail et vous avez parlé de la consultation. Naturellement, vous avez, je pense, suggéré un Code du travail pour dans six mois. C'est un ouvrage de deux ans. Vous aurez le patronat contre vous, la Chambre de commerce, la CSN, Michel Chartrand et Louis Laberge. Tout ce monde présentera un mémoire, et si vous êtes encore en vie, si vous avez un Code du travail d'ici à deux ans, je pense que ce sera un progrès.

Vous avez parlé de consultation. Est-ce qu'il y a quelque chose en marche déjà? Cette promesse, je pense qu'elle a été faite au mois de décembre.

Est-ce que M. le ministre a quelque chose en vue, ou pas encore, peut-être?

M. Couture: J'attends que vous ayez terminé.

M. Mackasey: Une suggestion. C'est simple, commencez donc les discussions avec les groupes concernés, mais à vous ce sont simplement des questions que je pose. Il y aura une conférence bientôt entre les employeurs, les employés, le gouvernement, dans quelques semaines. Saviez-vous que le ministre du Travail est invité — vous le devriez sans doute — et qu'il n'y aura pas de Code du travail de présenté à ce temps? Sans doute, vous direz quelque chose. Par exemple, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire quelles sont les grandes lignes? Est-ce que vous avez des intentions, dans votre programme, dans le domaine du salaire minimum, d'indexer cela tous les six mois au coût de la vie ou à la productivité?

Avez-vous quelque chose à répondre dans ce domaine? Je vous félicite, cela demande du courage, d'avoir un salaire minimum de $3 qui, comme vous le savez, est le meilleur en Amérique du Nord. Cela épargne de l'argent dans le domaine social. Cela revient au même, je pense. Je suis de votre côté, dans ce sens, mais contre vous, si vous voulez l'indexer, par exemple. En tout cas, j'aimerais avoir une réponse. Est-ce que ce sera indexé à la productivité ou si, selon votre programme original, cela sera indexé au coût de la vie?

Une chose qui m'inquiète, c'est le succès dans les négociations, quand il y a une impasse — je ne sais pas si c'est un bon mot — entre les employés et les employeurs. Il peut, selon les lois, y avoir une situation où l'employé ne gagne pas par une grève, ni l'employeur. C'est toujours facile, comme vous le savez, d'empêcher une grève, de régler une grève. Quand vous parlez de la loi "antiscabs", voulez-vous nous dire si ce sera équilibré ou si c'est votre intention, à cette conférence au sommet entre le gouvernement, les employeurs et les employés de discuter de cette loi? Par exemple, un employé pourra travailler durant la grève et l'employeur n'y aura pas droit parce que c'est défendu. S'il est petit, s'il ne peut pas transférer sa productivité, par exemple, dans une autre province, un autre pays, quel sera l'autre côté de la médaille, comme on dit, pour contrebalancer l'antiscabs? Voulez-vous me répondre à ces deux questions, en attendant?

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Mackasey: La première question.

Le Président (M. Marcoux): Je souhaiterais que vous fassiez le point sur l'ensemble des questions qui ont été posées, pour qu'on puisse passer, ensuite, programme par programme.

M. Couture: J'allais justement demander une directive de votre part, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Elle est rendue.

M. Couture: Je vous remercie.

M. Mackasey: Si le ministre peut répondre à ces questions, nous allons entreprendre l'étude programme par programme.

M. Couture: II y a une série d'interrogations.

M. Mackasey: Ce n'est pas mon intention de faire un "filibuster".

M. Couture: Si les membres de la commission sont d'accord...

M. Bellemare: Je pense que la tradition voudrait, M. le Président... Les questions de l'ancien ministre du Travail sont bien opportunes, mais il y a eu, avant, d'autres questions nombreuses qui ont été posées par les intervenants, par le chef de la délégation de l'Opposition officielle, par d'autres, par moi-même, qui sont des réponses générales au discours du ministre. Le ministre a pris des notes. Après cela, je pense qu'on retrouve ces questions facilement aux relations de travail, à l'élément 1. On les retrouve là.

M. Mackasey: Excusez-moi. Vous avez raison. Mes remarques générales sont terminées. On commencera élément par élément.

M. Couture: Si vous permettez, je pourrais faire un commentaire général sur les remarques qui m'ont été faites, avant d'enchaîner.

Le Président (M. Marcoux): C'est la procédure normale.

Réplique du ministre

M. Couture: Merci, M. le Président. Je dois d'abord remercier les membres de cette commission qui se sont exprimés de l'avoir fait avec beaucoup de soin. J'apprécie aussi le ton de la commission et l'esprit de collaboration évident qui s'est dégagé. Je signale, en général, que dans bien des préoccupations que j'ai entendues des membres de l'Opposition, je crois en effet que ce sont des préoccupations que je partage; il me sera peut-être donné, à l'occasion du débat, de préciser les réponses.

Je relève simplement, dans ce que disait le député de Saint-Laurent, qu'il a retenu des points essentiels de l'exposé que j'ai fait. Cela me paraît central dans l'histoire des relations de travail au Québec. Le moment est peut-être venu — et cela rejoint aussi plusieurs des préoccupations du député de Johnson — de trouver une structure qui permettrait de dépolitiser les relations de travail. Je retiens ce que le député de Saint-Laurent soulignait là-dessus; je crois, en effet, qu'au ministère — c'est ma préoccupation — on devra chercher les voies possibles pour que ce climat des relations de travail soit assaini en favorisant d'une façon beaucoup plus certaine les mécanismes ordinaires de négociation sans avoir toujours en suspens l'intervention de l'Etat.

Le député de Saint-Laurent semblait trouver une certaine contradiction dans les propos où, d'une part, comme ministre, face à la complexité du ministère, je signalais qu'en effet il était important, somme toute, de permettre à des régies ou à des institutions d'être plus indépendantes du pouvoir politique dans l'administration courante sans, évidemment, nier le fait que le ministre est toujours responsable politiquement. Le député de Saint-Laurent disait, par ailleurs, que certaines régies énoncent des politiques; il veut les coordonner, il veut avoir prise sur ces politiques. Je veux, à ce sujet-là, simplement dire que, pour moi, ce n'est pas contradictoire.

Comme c'est le rôle éminent du ministre d'être législateur et donc non seulement d'être un peu le gardien des lois du ministère, mais de travailler à les bonifier, à les modifier et aussi d'être l'administrateur de son ministère, il doit avoir cette préoccupation que les politiques votées et à être appliquées soient cohérentes et se retrouvent dans tous les organismes dont il est responsable.

On a signalé le fait du mandat donné au ministre du développement social sur la santé et la sécurité des travailleurs et on regrettait son absence ici, parce que, il y a plusieurs questions qui se posent. M. Marois n'est pas membre de la commission comme tel. Justement, j'allais ajouter que, j'espère pouvoir — la demande a été faite ce matin — retenir une couple d'heures de sa part afin qu'il soit présent à la commission.

Il ne reste pas moins que j'essaierai de répondre le mieux possible à ce genre de question, même si le mandat direct est donné au ministre Marois. M. Bellemare, le député de Johnson, dans son exposé vigoureux, coloré et même chaleureux, à tel point qu'à un moment donné on se demandait s'il traverserait de l'autre côté...

M. Bellemare: N'ayez pas de mauvaises pensées.

M. Couture: ... nous a rappelé un certain nombre de problèmes, et la remarque générale que j'en ferais, c'est que ce sont des problèmes qu'on traîne depuis plusieurs années, dans la construction, dans le placement, dans la politique de main-d'oeuvre, dans la démocratie syndicale, sans parler des intentions formulées par l'actuel gouvernement sur ce type de problèmes. Avant d'aller dans le détail de ces questions, on y reviendra sans doute tout à l'heure, cela me donne à penser que c'est une chose que je constate à ce ministère, peut-être qu'on trouve cela dans d'autres ministères, à savoir que c'est absolument incroyable comme on a une immense faculté "d'assomption" longue des problèmes. C'est-à-dire qu'on lit le journal des Débats des années passées et c'est remarquable de voir que, dès 1971, à un moment donné, un ministre promet que c'est certain que dans un an il va se passer telle chose à l'occasion d'un problème signalé. Plusieurs problèmes qu'on relève aujourd'hui sont des problèmes effectivement qui sont vécus au Québec, depuis plusieurs années. Est-ce que nous, nous serons en mesure d'y répondre? Comme tout nou-

veau gouvernement, on arrive dans ces dossiers et on a cette ferveur de vouloir rapidement répondre à ces besoins, mais je serais porté quand même à être assez modeste, face d'abord a l'administration qui est une machine qui est efficace mais lourde, pas dans le sens péjoratif du mot, mais dans le sens que c'est une administration complexe.

C'est la raison pour laquelle je suis porté, dans le genre de remarques que vous avez faites, à vous dire que je préfère m'attaquer à la pièce, présentement, à des choses plus spécifiques, et quand ce sont des grands problèmes comme la réforme du Code du travail, la réforme des structures du ministère, je n'ose pas et je ne veux pas vous donner des dates et un ordre de grandeur pour les délais. Je veux simplement signaler la complexité de la question, l'importance de s'y attaquer rapidement, mais quand même l'histoire des années passées nous enseigne qu'il faut être prudent pour dire d'avance à quel moment cela peut arriver.

Je fais la distinction, ce que je ferai durant la commission, entre des réponses à court terme... D'ailleurs, si nous votons des crédits, c'est parce qu'on a une série de services à donner et qu'on a des réponses précises et concrètes sur un certain type de problèmes. Par ailleurs, il y a un ordre de grandeur des problèmes dont je me réserve le droit au moins de signaler l'importance et la complexité pour ne pas d'avance et précisément m'engager sur des dates et des délais.

Je veux aussi dire un mot sur les considérations fort intéressantes du député de Sherbrooke sur l'assurance-chômage, et enfin sur la pénalisation du Québec face à la nouvelle loi, qui est un peu corrigée d'ailleurs. Je dois dire que nous ne sommes pas tellement équipés pour y faire face. Tout ce que nous savons, c'est que le budget de l'aide sociale sera lourdement chargé parce que, effectivement, il y aura moins de chômeurs qui auront des prestations et éventuellement il n'y aura plus de gens recevant l'aide sociale.

Je crois que cela nous signale cette priorité. L'Opposition nous dit souvent que c'est la priorité des priorités et l'Union Nationale le répète. Nous sommes à ce point de vue des convertis. C'est la priorité des priorités au Québec que la création d'emplois et la réponse au problème du chômage. M. le député de Notre- Dame-de-Grâceasurtout signalé un exemple. Du moins ce que j'ai retenu, c'est qu'il nous mettait en garde contre les solutions magiques de commissions royales qui coûtent terriblement cher. Je ne sais pas s'il répondait au député de Johnson quand il parlait de cette façon.

La commission Woods a coûté $2 millions ou $3 millions pour qu'au bout de la ligne il y ait trois amendements qui soient retenus. On trouve cela cher par amendement. Cela n'exclut pas la nécessité de mettre en branle une commission d'étude sur la réforme du Code du travail. Je peux dire à ce moment-ci que déjà des consultations sont faites pour chercher les modalités de cette commission d'étude. C'est au niveau d'une recommandation du ministre du Travail. Ce n'est pas encore rendu au cabinet. J'espère que dans ce lac à l'Epaule que nous ferons ensemble dans quinze jours nous pourrons nous orienter dans ce sens.

J'apprécie aussi les remarques du député de Notre-Dame-de-Grâce, je pense que cela rejoignait un peu la préoccupation que j'avais dans mon exposé, où il nous disait — je pense que son expérience est précieuse à ce sujet — qu'en relations de travail, finalement, ce qui est plus important est de créer des conditions favorables et avoir des mécanismes efficaces pour que — et cela est une position que j'essaye de défendre à tout bout de champ contre marées et vents — le règlement soit la responsabilité des parties.

Toutes les recherches pour améliorer le code, pour améliorer nos services ou améliorer le ministre devront toujours aller dans le sens que les parties sont responsables de leur règlement et qu'on doit les aider à chercher elles-mêmes à assumer cette responsabilité.

Je retiens, évidemment, aussi l'intervention du député, M. Jolivet. Il y a quelques préoccupations au niveau de cette espèce d'ambiguïté qu'il y a dans les relations de travail dans le secteur public, une ambiguïté parce que l'Etat est l'employeur, l'Etat est aussi le législateur et l'arbitre. J'irais plus loin même; je dirais qu'à mon avis l'impasse dans laquelle nous sommes parfois dans le secteur public, c'est parce qu'on transpose purement et simplement le modèle de relations de travail de l'entreprise privée, alors que ce n'est pas le même contexte du tout. Dans le secteur public, il y a la dimension de l'usager qui est présente et je pense qu'on l'oublie.

C'est la raison pour laquelle il faut apporter une première réponse. Cela a été une décision du Conseil des ministres de mettre en route, dans un premier temps, un comité interministériel. Le député de Johnson avait raison de dire que nous sommes dans une bonne période pour le faire; les conventions collectives ne sont quand même pas très prochaines. Ce comité interministériel, dans un premier temps, va essayer de faire un dé-blayage du problème. Effectivement, cela nous mènera aussi à une commission spéciale d'étude sur la négociation dans le secteur public, avec l'aide de spécialistes et d'experts. En effet, je pense que l'expérience des années passées nous enseigne qu'à ce titre on sent l'espèce de cul-de-sac dans lequel nous sommes si nous ne cherchons pas une formule qui est beaucoup plus responsable, une formule qui rejoint davantage l'intérêt public, tout en maintenant le droit essentiel des salariés qui est reconnu partout.

La négociation permanente, je dois dire que pour le moment je n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus. Je suis au niveau de la réflexion. Je pense que cela mérite, en effet, pas mal de réflexion et j'espère y mettre un certain temps avant de m'orienter, parce qu'on sait toute la portée que cela peut avoir. La négociation permanente, c'est aussi le droit de grève à tout moment et le reste. La formule Rand, la loi "antiscabs", l'échéancier, cela rejoint ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce demandait lui-même. Dans la législation, j'ai dit quelques fois qu'à long terme nous cherchions une réforme au Code du travail, mais à

court terme nous crayons possible et nécessaire d'apporter certains amendements au Code du travail, d'autant plus qu'une série d'amendements ont déjà été travaillés au conseil consultatif. Donc, il y a eu dans les années passées une consultation et un certain consensus sur une série d'amendements. Je pense qu'on peut faire référence au bill 24 que vous connaissez. Comme ministre du Travail, j'ai recommandé aussi qu'on ajoute à cela la formule Rand et une loi "antiscabs". Je me réserve le droit éventuellement d'en donner la teneur, mais essentiellement — je pense que le règlement nous l'interdit ou qu'au moins c'est le privilège du ministre de ne pas débattre le fond d'un projet de loi — cela visera à assurer au droit de grève sa véritable signification à la suite de diagnostics bien connus.

Quand des travailleurs sont en grève et qu'ils exercent librement, c'est certain, un droit sacré reconnu par le code, il est anormal et inadmissible que des travailleurs, pendant cet exercice du droit de grève, soient employés et, à toutes fins pratiques, volent leur emploi.

On m'a demandé si je serais au sommet économique — la réponse est oui — et si le ministre du Travail dirait certaines choses. Pas d'une façon formelle, tel que prévu, mais à l'occasion, évidemment, des rencontres avec les autres intervenants.

Le salaire minimum. Depuis plusieurs mois, au ministère, j'ai fait faire, en collaboration avec des fonctionnaires de la Commission du salaire minimum, une étude assez approfondie du salaire minimum et de ses implications économiques pour en arriver à une recommandation au ministère qui doit être acheminée au Conseil des ministres. Effectivement, cette politique du salaire minimum s'inscrira dans les projets de loi des conditions minimales de travail. Je puis dire, à ce moment-ci, que nous retenons, dans l'ensemble, les recommandations du groupe de travail sous la direction de M. Castonguay.

M. Mackasey: Je n'ai pas entendu. Est-ce que le salaire minimum serait dans le Code du travail ou dans les normes du travail?

M. Couture: Dans les normes du travail mais les normes du travail seront la deuxième partie du Code du travail.

M. Mackasey: D'accord± M. Couture: Oui.

M. Mackasey: Vous êtes revenus avec deux projets de loi. J'ai l'impression qu'il y a ceux qui sont syndiqués et ceux qui ne sont pas syndiqués.

M. Couture: Cela dépend de la philosophie qu'on retient. Ce sont les conditions de travail au Québec des syndiqués et des non-syndiqués.

M. Mackasey: Québécois, Australiens, Chinois, les normes de travail sont toutes pareilles. Ce sont des relations humaines. Vous avez ici 65% de nos travailleurs qui ne sont pas membres d'un syndicat. Tenons en main les conseils précis, votre contribution qui prend soin de ceux qui ne sont pas membres d'un syndicat, c'est l'Etat, le salaire minimum, à 40 heures par semaine, huit heures par jour, temps et demi, etc. Il me semble qu'on serait bien mieux de garder cette loi plutôt que d'en prendre une autre. Ce n'est qu'une observation.

M. Couture: C'est-à-dire oui parce que c'est une question d'approche.

M. Mackasey: Excusez! L'autre raison pour laquelle vous êtes bien mieux de garder deux lois c'est qu'il est toujours plus facile d'amender une loi quand vous en avez deux qu'apporter une loi comme le Code du travail qui touche un secteur comme celui du travail. On va prendre avantage de la situation et proposer des amendements dans un secteur qui ne vous intéresse pas.

M. Couture: C'est-à-dire qu'on sera quand même maître de notre décision là-dessus. M. le Président, je pense qu'à ce stade-ci, pour permettre justement ce qu'on recherche de l'autre côté de la table, c'est-à-dire un échange questions-réponses, on pourrait commencer l'étude de nos crédits.

Le Président (M. Marcoux): Programme 1 avant de passer aux éléments. Est-ce que M. le ministre a quelques remarques générales sur le programme?

M. Couture: Je crois que je vais laisser l'Opposition s'exprimer.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai une série de questions que je veux la plus factuelle possible...

M. Couture: Excusez-moi, M. le député de Saint-Laurent. Avant de procéder, j'aimerais quand même présenter l'équipe qui est avec moi...

M. Forget: Excellente idéel

M. Couture: ... du ministère...

M. Pagé: C'est une bonne équipe d'ailleurs.

M. Couture: Messieurs, on ne l'aurait pas gardée...

M. Pagé: J'espère que vous allez prendre soin des gens qu'on vous a laissés.

M. Mackasey: D'autant plus que votre équipe, je ne la connais pas du tout.

M. Couture: C'est une excellente équipe. Comme je l'ai dit ce matin, on apprécie le fait que, d'abord, M. Bellemare en ait choisi plusieurs,

qu'ils aient connu un autre gouvernement et qu'ils continueront à progresser et à se former avec nous. Ils évoluent d'un gouvernement à l'autre.

Une Voix: C'est beaucoup dire.

M. Couture: Je vous présente le sous-ministre, Gilles Laporte, qui est à ma droite, le sous-ministre Guy Lapointe, ici derrière moi, le sous-ministre Bergeron et Paul Matte, qui est trésorier au ministère, des services financiers.

M. Forget: M. Lapointe s'occupe des normes de travail et M. Bergeron, de la gestion interne.

M. Couture: J'imagine que c'est la tradition dans une commission parlementaire, qu'on puisse profiter de l'éclairage de cette équipe à l'occasion.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

Code du travail (suite)

M. Forget: Avant d'en venir aux chiffres précis du budget, on touche la question des relations de travail et, sans vouloir encore une fois revenir sur la philosophie ou l'exposé des problèmes, comme le ministre a donné ouverture dans ses différentes interventions à poser des questions sur certains éléments de solution, j'aimerais lui demander des renseignements relativement au Code du travail. Je comprends, j'ai pris des notes quand il parlait; il a dit très bien qu'il voulait que cette réforme procède tel que le parti auquel il appartient s'y était engagé, de façon à décrisper les relations de travail, à trouver des formules nouvelles, etc., que ce n'était pas nécessairement une échéance à court terme, et cela, je le comprends facilement. Le problème est grand et complexe. Il a dit, cependant, quelque chose qui me semble nouveau, du moins — je ne l'ai pas vu en autant de mots exprimés dans le passé, ailleurs — qu'une commission de réforme sera créée pour, j'imagine, concevoir l'ensemble de ce nouveau Code du travail.

J'aimerais lui demander à ce sujet, pour quel moment, s'agit-il d'une question de jours, de semaines ou de mois, pour que la commission soit créée? Quelle en sera la composition et quel genre de mandat va-t-il lui donner? Est-ce qu'il s'agit d'un mandat à partir d'hypothèses de travail qu'il va lui-même fournir ou s'il va, tout simplement, demander à quelques experts de lui préparer un nouveau Code du travail? J'imagine qu'il va lui donner un mandat un peu plus circonscrit et, si oui, j'aimerais savoir comment il va circonscrire le mandat, s'il peut nous le donner et quelle échéance il envisage pour une commission de ce genre. Est-ce que ces experts ont un mandat très court, dans le fond, pour réunir de la documentation et lui faire rapport à la fin de l'été, ou alors, est-ce que c'est vraiment un comité d'experts qui va siéger, peut-être pendant un an, un an et demi? Est-ce qu'une commission comme celle-là pourrait consulter les groupes ou s'il se réservait cela lui-même une fois qu'il aura le rapport des experts?

Enfin, j'aimerais seulement, en quelques éléments, savoir quelle est la nature de l'animal, autrement dit, qu'il a en tête pour faire cette révision générale du Code du travail.

M. Couture: M. le Président, à ce stade-ci, il est évident que depuis plusieurs semaines, à la suite des interventions que nous avons faites, à la suite de ce qu'on a dans le programme, des attentes du monde du travail, des besoins si souvent exprimés, la question qu'on se posait: la réforme du Code du travail, comment va-t-on l'entreprendre?

Il s'offrait à nous plusieurs voies qui pouvaient, effectivement, faire travailler des gens du ministère, des experts du ministère, s'entourer de personnes compétentes, et faire ce travail de préparation avec des légistes. Cette réforme est tellement importante que cette décision de la modalité même de la recherche, des recherches et du fonctionnement mérite que le cabinet tout entier s'y penche.

Sous toute réserve de l'approbation du conseil des ministres, ce que je retiens, actuellement, c'est une commission d'étude composée de ce qu'on peut appeler des sages et des experts, choisis et à l'intérieur de notre fonction publique et à l'extérieur, une commission d'étude sur la réforme du Code du travail qui aurait à recevoir des mémoires, à rencontrer des groupes. Evidemment, les syndicats, le monde patronal, les gens qui vivent dans le milieu, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, à en faire une analyse et un bilan et, à la suite de cette consultation, de cette analyse, à nous recommander le cadre de réformes.

Je ne pourrais pas dire ce que je retiendrais dans cette troisième partie. Je suis porté à dire qu'il me semble que ce que j'aurais à lui demander c'est peut-être aussi de réfléchir sur la philosophie des relations de travail telle que nous la connaissons par le code, et, éventuellement, de la remettre en cause si nécessaire, après les consultations, ce qui pourrait, évidemment, nous amener dans des transformations d'importance. A ce troisième moment, au niveau des recommandations, quand cette commission d'étude nous dira: Nous croyons qu'on devrait s'orienter dans telle ligne, je pense que la rédaction même, ou ce qui pourrait se transformer en projet de loi pour changer les dispositions du Code du travail ou en créer un autre, éventuellement, cela reviendra au pouvoir politique de le faire.

Pour ce travail de consultation, de déblayage, d'analyse et de recommandations, je crois qu'il faudrait certainement six mois à un an. Mais j'aime mieux, justement, par respect pour les gens qui seront appelés à siéger à cette commission, en discuter avec eux, quand ils auront accepté, quand ce sera passé par le Conseil des ministres, et trouver — parce que je ne prétends pas, à ce moment-ci, savoir quel est le délai nécessaire, mais je pense que pour la question du délai lui-même, j'attendrai d'abord que le principe de la commission soit accepté — avec les membres

choisis, le délai le plus raisonnable et peut-être le plus bref possible, mais le plus réaliste.

Sur cette question, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire pour le moment.

M. Forget: Sans vouloir presser le ministre sur le contenu d'une telle révision du Code du travail, j'aimerais, malgré tout, dans la mesure où il le jugera possible, qu'il nous indique, si on comprend bien, qu'il envisage de changer la philosophie du code, donc de tout remettre en question, ce qui couvre essentiellement, par exemple, toutes les procédures d'accréditation. Cela me semble évident, cela a été mis en question, etc. Dans un domaine comme celui-là, est-ce qu'il ne pourrait pas aller un peu plus loin dans la préparation du mandat et indiquer à la commission en question, et peut-être même nous indiquer ce soir ce qu'il souhaiterait voir, dans quel esprit il souhaiterait voir une commission de réforme comme cela envisager une révision des règles d'accréditation?

M. Couture: Oui, ce que je retiens comme principes, quitte à les élargir, c'est, d'une part, évidemment, l'objectif de la syndicalisation des travailleurs québécois. Donc, c'est le droit d'association, l'accréditation.

D'autre part, c'est évidemment aussi la recherche de meilleurs mécanismes en relations de travail; c'est tout le processus de négociation, de conciliation, l'exercice du droit de grève, enfin, tout ce que comportent les relations de travail. C'est pour cela que je dis que ce n'est pas facile, dès maintenant, de savoir ce qu'on pourrait retenir à la fin. Le mandat, c'est l'analyse qu'on fait des relations de travail au Québec depuis un certain nombre d'années. La consultation va apporter ces éléments. Quand ils vont consulter les intervenants, les représentants du monde patronal et syndical, ils vont se faire dire un tas de choses. Quand ils vont consulter aussi le député de Johnson, probablement qu'il va leur dire aussi beaucoup de choses, qu'en relations de travail au Québec, depuis un certain nombre d'années, il y a des accrochages. D'autre gens vont dire aussi: C'est difficile de se syndiquer parce qu'il y a tel obstacle.

M. Forget: Si vous me le permettez, on le sait déjà.

M. Couture: On le sait, mais il faut cerner cela.

M. Forget: Oui, il faut le cerner. Par exemple, le député de Johnson a mentionné les délais dans la procédure de négociation. Si vous nommez une commission, les experts que vous allez nommer vont vous dire: M. le ministre, vous nous demandez d'étudier cela; nous imaginons que ce n'est pas pour empirer la situation, mais pour l'améliorer, mais en utilisant quelle philosophie, en somme? Souhaitez-vous, dans le domaine de l'accréditation, par exemple, qu'on la rende la plus facile possible ou que, malgré tout, on trouve un juste milieu? Par exemple, dans des domaines qui ne sont pas touchés actuellement par le Code du travail, la syndicalisation des cadres, est-ce que cela devrait faire partie aussi du Code du travail?

M. Couture: Pour répondre plus clairement à votre question, je crois que le mandat, évidemment, reflétera le programme de notre parti, les principes qui sont déjà dans ce programme et qui sont clairs au niveau de la syndicalisation.

M. Mackasey: Une question pour suivre le débat, M. le Président. Une information.

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet?

M. Mackasey: Une information. Quand vous parlez, en français, du Code du travail, vous parlez de toutes les lois ensemble dans un code?

M. Couture: C'est-à-dire de tout ce qui concerne les relations de travail. Enfin, ce que je souhaite, c'est qu'effectivement on ait un jour un Code du travail qui regroupe tout ce qui concerne...

M. Mackasey: Vous avez 25 lois. Combien de temps cela va-t-il vous prendre pour réussir à améliorer, à amender, à changer ou à éliminer 25 lois?

M. Couture: Dans le Code du travail, on aura des chapitres différents.

M. Mackasey: II y en aura au moins 25.

M. Couture: La commission peut retenir déjà ce que l'on a dans certaines lois qui concernent les relations du travail; cela fera des chapitres selon les secteurs d'activités. Maintenant, je ne peux vraiment pas vous dire, à ce moment-ci, ce qu'on... Je souhaite qu'un jour on ait notre Code du travail qui regroupe vraiment, qui rejoigne au Québec tout ce qui concerne les relations de travail.

M. Mackasey: Ce n'est pas une question de priorité? En attendant, il y a des amendements à quelques lois qui font partie du code, n'est-ce pas?

M. Couture: En attendant, vous voulez dire à court terme?

M. Mackasey: Court terme ou long terme, il faut avoir une priorité. Il faut travailler loi par loi.

M. Couture: Je crois que cette réforme du Code du travail... A ce point de vue, je peux répondre. Dans ce premier mandat, on va certainement demander cette révision du code qu'on a actuellement. A long terme — c'est un souhait que j'exprime — je voudrais qu'on puisse effectivement regrouper dans le Code du travail tout ce qu'il y a de conditions et de relations de travail au Québec. Mais, dans le mandat qui concernerait cette commission d'étude, c'est ce qu'on connaît actuellement comme Code du travail.

M. Forget: Un des éléments du Code du travail actuel, dans le fond, c'est pratiquement le seul élément, c'est ce qui touche à la négociation de conventions collectives, par exemple, par opposition à ce qu'on retrouve dans le Code civil, qui comme on l'a souvent suggéré, pourrait faire partie, un jour, dans le Code du travail sur la relation individuelle de l'employé individuel.

M. Couture: Louage des services.

M. Forget: Oui, louage d'ouvrage ou de louage de services, mais ce n'est pas, dans le moment, dans le Code du travail. Donc si votre priorité, c'est ce qui s'y trouve dans le moment, est-ce que vous situez là-dedans, dans le prolongement de cela au moins, les mécanismes d'organisation sectorielle, par exemple ce qu'on retrouve dans le programme, je crois, des règles pour lesquelles on peut obtenir une accréditation sans vote dans le cas où on a une requête qui est présentée par un pourcentage, malgré tout, assez modeste d'employés dans un secteur, vous verriez cela incorporé, dans un premier temps, dans le Code du travail, j'imagine.

M. Couture: Non, à ce moment-là je serais plutôt, je ne dirais pas conservateur, je serais plutôt prudent. Les problèmes qui débordent ce qu'on a actuellement dans notre régime de relations de travail m'apparaissent suffisamment complexes pour qu'on essaie de bonifier et de réformer ce cadre-là. En ce qui concerne la négociation, l'accréditation sectorielle ou négociation sectorielle, je pense que c'est parallèlement à cette commission d'étude que je veux qu'au ministère on travaille sur ce sujet-là, qu'on réfléchisse sur les modalités possibles. J'avoue que, personnellement, c'est dans notre programme et je l'assume, mais je crois que cela mérite beaucoup, beaucoup de réflexion, parce que cela a beaucoup de portée et d'impact et je ne veux pas, je voudrais bien me faire comprendre, je ne veux pas aller dans toutes les directions à la fois. Je veux essayer, peut-être que cela rejoint ce que vous cherchiez: le mandat. Je veux d'abord, dans le cadre qu'on connaît, travailler à la réforme de ce cadre-là, dans les mesures qui débordent ce cadre et qui pourraient effectivement apporter des réponses à des problèmes comme la syndicalisation, je pense qu'on doit l'étudier parallèlement. Eventuellement, si on retient telle ou telle formule, on pourra l'intégrer dans cette réforme.

M. Mackasey: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le député de Saint-Laurent a terminé ses questions générales?

M. Forget: Je n'ai pas terminé, mais si c'est une question incidente à celle que je viens de poser je n'ai pas d'objection à ce que le député de Johnson intervienne à ce moment-là.

M. Mackasey: C'est une nouvelle observation.

M. Bellemare: C'est certainement le même sujet. Si je peux avoir le dernier, dernier mot après que tout le monde aura parlé, je pense bien que ce n'est plus un dialogue. On se prépare des heures et des heures pour participer à une commission, pour donner des opinions, et si vous avez tout le crachoir, je vais m'en aller, c'est tout.

M. Mackasey: Pourquoi ne donnez-vous pas quinze minutes à chaque participant?

M. Bellemare: Si vous prenez tout le gâteau, je n'ai pas d'objection. Vous allez dire probablement tout ce que je dois répéter mais c'est... Bien sûr que vous allez en avoir tout le mérite. On se prépare à...

M. Forget: J'espère que le député de Johnson va trouver d'autres points pour...

M. Bellemare: Ecoutez, vous en couvrez grand quand vous en couvrez. Je ne veux pas offusquer, monsieur, votre modestie, mais vous avez un éclairage qui est peut-être aussi bon que le mien. Puisque nous sommes sur le premier élément du programme 1, protection du droit d'association, c'est cela qu'on étudie présentement.

Le Président (M. Marcoux): Spécifiquement, je n'avais pas appelé l'élément 1 comme tel, on était encore à la phase des questions générales sur le programme 1.

M. Bellemare: Je pense bien que cela va être cela. Alors le ministre nous a dit qu'il avait accouché d'un comité.

M. Couture: II n'a pas accouché encore, il est en gestation.

Une Voix: II est presque enceinte.

M. Bellemare: Pour vous c'est sacré. Mais je m'étonne que le Conseil des ministres n'ait pas mis son veto ni son approbation. Je ne me souviens pas, moi, d'avoir organisé un comité...

M. Couture: Pourquoi vous étonner?

M. Bellemare: ... dans une commission parlementaire, avoir déclaré tout ce que vous avez dit puis tous les éléments que vous y avez ajoutés sans avoir au moins l'autorisation tacite du gouvernement. Vous êtes allé assez loin.

S'il vous plaît, M. le ministre, je vais finir. Cela fait assez longtemps que je n'ai pas parlé. Parce que cette prévision que vous nous donnez d'un comité qui étudierait les aspects de la question des relations de travail, des conditions d'accréditation, de la protection du droit d'association, de tous ces critères qui forment en somme le droit de travail, c'est loin. C'est presque la déclaration formelle qu'il y a un comité formé maintenant qui étudie les éléments de base et qui prépare un premier rapport.

Je dis que si c'est vrai qu'il y a des gens qui

étudient, alors on est content de l'apprendre. Avec tout le respect que j'ai pour votre seigneurie, pour votre responsabilité ministérielle, je dis que vous commencez à l'envers. Il me semble que ce n'est pas tout à fait comme cela qu'il faudrait procéder. Il y a trop de problèmes continuels qui se développent dans les relations patronales-ouvrières pour que vous ne donniez pas une chance à la soupape de se faire entendre. Elle va sauter la soupape. La pression est tellement grande partout, chez les syndicats, chez le patronat, chez les CRT — les conseillers en relations industrielles — chez tous ceux qui s'occupent de négociations collectives. Il y a une soupape qui va sauter. Tandis que si vous lui donniez la chance de se faire entendre dans une commission qui serait bien normale, bien démocratique, vous pourriez prendre énormément avantage... ne pas jouer à la cachette et dire: On prépare, on prépare. Ce serait public et tout le monde vous rendrait grâce en disant qu'enfin on révise le Code du travail. On a fait des suggestions qui vont peut-être produire des effets heureux parce que tous ceux qui en ont souffert vont venir vous le dire.

Pour ma part, je m'engage formellement à venir devant la commission comme simple pékin et vous donner mon expérience dans bien des domaines, sur bien des sujets. Je pense que vous ne m'inviterez pas dans votre comité. J'en suis certain. Autrement de me demander d'écrire un mémoire, et je ne le ferai pas, c'est clair.

Il y a actuellement dans le monde ouvrier, je l'ai dit ce matin, je ne le répète pas, un climat merveilleux. Il n'y a pas de tension véritable dans le monde ouvrier et patronal. Il n'y en a pas. C'est porté ailleurs cette tension. Durant ce temps, il me semble que vous auriez un temps merveilleux, un mois, deux mois, trois mois, pour faire entendre des témoins, des experts qui l'ont professé toute leur vie le droit ouvrier, qui l'ont suivi depuis 1935. Le premier code de M. Duplessis qu'il a retiré un jour, je ne sais pas si vous vous souvenez de cela, vous étiez peut-être jeune. Oui, vous étiez jeune. M. Duplessis a apporté le premier Code du travail et il a été obligé, en plein milieu de la deuxième lecture, de le retirer. Je ne vous conterai pas l'histoire, elle n'est pas bien longue et elle n'est pas bien belle.

Il avait mis dans l'article 5 qu'il était obligé de faire le rapport financier de toutes les activités. Je n'ai pas besoin de vous dire que cela a cogné vrai. Le deuxième code qui est arrivé en 1946 en était un autre qui semblait un peu prévoir... Et le grand Code du travail qu'on a eu est celui de 1964, celui de M. Lesage. J'étais dans l'Opposition à ce moment et je me suis appliqué à faire introduire 64 amendements dans le code. Je pensais qu'à cause de la vie que j'avais menée parmi les ouvriers et le monde syndical, je pouvais apporter ma contribution.

M. Lesage les a acceptés. Aujourd'hui c'est révolu. Le Code du travail ne tient plus. Il y a des choses dans le Code du travail aujourd'hui qui sont risibles et l'article 41 ou l'article 54 ne tiennent plus. On ne négocié pas et on rit du monde et le Code du travail ne sert plus a rien. C'est un tor- chon aujourd'hui, un vilain torchon de papier qui ne sert plus à rien, pas même de limite.

Si vous vouliez véritablement rendre service à la population et au monde ouvrier, patronal et syndical, ce serait de convoquer une vraie commission parlementaire, une commission royale qui entendrait les dépositions de tous ceux qui ont quelque chose à dire. Vous allez être surpris de ce que vous allez apprendre.

On ne vous raconte pas dans votre ministère — peut-être l'avez-vous appris avant ou ailleurs — ce qui se passe dans le monde ouvrier. Il faut y être pour savoir ce qui s'y passe. Quand vous dites: Je vais consulter, la pression monte, elle monte terriblement. Je pense que, comme législateur, je n'appartiens à aucun parti. J'appartiens au bon sens et à celui qui veut rendre service à la collectivité. Cela, c'est mon rôle. Je vous dis bien sincèrement, sans être partisan, pas plus pour ma gloriole que pour celle d'un autre, qu'il est grand temps de refaire le Code du travail.

C'est un élément pas seulement syndical, mais un agent économique important dans tout le rouage de notre structure présente et future. Vous savez ce que je veux dire. Cela sera trop tard, on ne sera plus dans le climat où nous sommes pour en faire un et vous allez obtenir le résultat néfaste que vous ne recherchez pas. Là, c'est calme, on est occupé à d'autres choses. Les gens qui sont paisibles peuvent avoir des idées merveilleuses à vous soumettre. Vous n'êtes pas obligé de les accepter. Mais il y en a une foule: les détails de 8 jours, de 30 jours répétés et 60 jours pour obtenir le droit de grève. Les gens vous rient au nez et il ne font rien que cela, du sit-in, pour avoir leurs 60 jours, pour avoir leur conciliateur parce que la loi dit: II faut un conciliateur nommé par le gouvernement. Ils commencent, la première journée, à compter pour la grève. C'est cela qui est le code. Ils ne font plus rien et ne se voient plus. Ils sont 60 jours à attendre mais la cinquante-neuvième journée, surveillez-les. C'est là qu'arrive la grève, au soixantième jour, c'est là qu'arrive la casse. Les gens sont exaspérés, on ne raisonne plus. Cela, c'est un bobo dangereux qui peut-être peut changer le climat.

Si vous parlez d'une consultation entre les gens... Je ne dis pas que les fonctionnaires de votre ministère ne sont pas compétents; j'en reconnais qui ont une grande compétence au ministère, qui ont rendu d'immenses services, dont vous ne vous êtes peut-être pas servi, mais que le gouvernement précédent a utilisés, pour régler des conflits, jusqu'à trois heures et cinq heures du matin. Moi aussi, je me suis servi d'un fonctionnaire. Il s'appelait Donat Quimper à l'époque, sous-ministre en titre qui a connu les autres. M. Quimper m'a rendu de grands services pour régler certains conflits. N'oubliez pas que, dans mon bureau, un jour on était en train de négocier la grève de Carrier. Je ne sais pas si quelques uns s'en souviennent. Il y en a deux qui sont presque tombés sans connaissance à dix heures de l'avant-midi, un vers dix heures moins le quart et l'autre vers dix heures et quart. J'ai dit: Sortez-les, envoyez-les à l'hôpital. Nous, on continue à négocier.

C'étaient les patrons. C'est vrai, l'ambulance est arrivée et les a sortis tous les deux. C'est cela. Mais on ne meurt pas de négociations, ce n'est pas vrai. On avait des trucs pour empêoher les négociations et les déjouer. On a signé. J'avais une clé et je fermais la porte à clé et leur disais: Vous sortirez d'ici quand cela sera signé. C'est d'accord? Il y avait des sandwiches et tout ce qu'il fallait. Les gens dans la rue, cela avait assez duré.

Maintenant, je pense qu'il faut absolument que les fonctionnaires de votre ministère participent. Il y en a dans cela qui sont compétents mais il y en a d'autres qui sont compétents aussi dans le monde ouvrier et il serait temps d'aller les chercher. Maintenant, si vous ne voulez pas, vous continuerez à avoir des opinions et à diriger à la petite semaine et à attacher des bouts de corde et des bouts de ficelle. Faites donc un beau geste. Plantez-vous donc...

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas être difficile. Je m'excuse auprès de notre collègue, le leader de l'Union Nationale...

M. Bellemare: Qu'est-ce que je vous ai fait?

M. Forget: Vous avez exposé avec énormément d'éloquence vos réactions en face de l'attitude du ministre qui, évidemment, je pense — on est tous d'accord avec cela — est porté à fixer ses échéances un peu tard.

M. Bellemare: Pourquoi ne m'avez-vous pas demandé la parole? Je vous l'aurais donnée plus tôt.

M. Forget: II reste que nous sommes ici pour entendre les réponses du ministre. Je pense que c'est de bon aloi de faire des commentaires. Est-ce qu'on peut inviter l'honorable député de Johnson à...

M. Bellemare: Vous allez limiter mon droit de parole? Je veux bien croire que ce n'est pas vrai.

M. Forget: ... le député de Johnson...

M. Bellemare: M. le Président, je redemande mon droit de parole. Le député de Saint-Laurent n'a pas d'affaire à m'interrompre pour une niaiserie pareille. C'est clair, cela.

M. Forget: On vous a écouté pendant une heure et demie.

M. Bellemare: J'ai le droit de parole et je vais parler tant que je le voudrai. C'est mon droit de parole et j'ai droit à vingt minutes sur chaque sujet. Je vais les prendre, mes vingt minutes. Que cela vous plaise ou pas, ce n'est pas vous qui allez me dicter ma conduite; ce n'est pas vrai, ni vous ni d'autres! J'ai un droit. Je me suis fait élire pour occuper ce siège et pour défendre les intérêts des travailleurs et de tous ceux que je représente. Ce n'est pas vous qui allez m'enlever mon droit de parole.

M. Forget: Question de règlement. M. Bellemare: Ce n'est pas vrai!

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Johnson, je vous avais accordé la parole dans le cadre du sujet qu'avait commencé à traiter le député de Saint-Laurent. Je crois qu'il y a une chose qui est claire dans toutes les commissions qui étudient les crédits budgétaires, c'est que l'Opposition officielle a le droit de poser toutes les questions générales qu'elle désire poser avant qu'on puisse étudier chaque élément. Le député de Saint-Laurent avait commencé à aborder un sujet, le thème du Code du travail. Le ministre a soumis sa réponse et vous vouliez ajouter des questions sur ce point. Je vous ai accordé le droit de parole à l'intérieur de ce cadre. Je crois que le député de Saint-Laurent avait le droit de parole pour poursuivre ses questions générales sur le programme 1 et, après que le représentant de l'Opposition officielle a terminé ses questions générales, la parole revient toujours au représentant de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Cela m'a fait sortir de mes gonds. C'est vrai. Je dis au député de Saint-Laurent qu'il m'a fait assez pâtir dans l'Opposition, quand il était ministre des Affaires sociales avec son arrogance de ne pas me répondre que, maintenant que je l'ai près de moi, je vais lui dire ce que je pense. C'est clair cela, hein? Arrogant comme il l'a été pour nous! Je vous dis qu'il ne me donnera pas de leçons ici, certain, dans l'Opposition. Il est égal à moi, sur la même banquette.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Je termine, M. le Président. J'avais fini.

M. Forget: M. le Président, j'ai demandé la parole.

M. Bellemare: Pardon?

Le Président (M. Marcoux): A moins que...

M. Bellemare: A moins que vous ne vouliez que je m'en aille.

Le Président (M. Marcoux): Non. Je n'ai pas du tout l'intention d'exclure quelqu'un.

M. Bellemare: Si vous voulez que je m'en aille, je vais m'en aller, mais vous me direz pourquoi. Ce serait bien mauvais pour lui particulièrement.

Il a été tellement arrogant quand il était au pouvoir; il nous méprisait du haut de sa grandeur. Il était comme les intendants de Louis XIV; il nous regardait passer du haut de sa grandeur et, aujourd'hui, il veut nous faire la leçon et nous dire de

nous taire. Ce n'est pas vrai, je ne me tairai pas. Non, monsieur.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Couture: M. le Président, j'avais une réponse à donner à deux ou trois éléments qu'a exprimés le député de Johnson. Est-ce que vous le permettez, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Je vous en prie. Si cela peut permettre au député de Johnson de se calmer un peu et de digérer les frustrations des années passées, je n'ai aucune objection à ce qu'il écoute les réponses du ministre.

M. Couture: C'est peut-être...

M. Bellemare: Encore une leçon qu'il veut me donner. Voulez-vous vous mêler de vos affaires, sacrement, rien que de vos maudites affaires! Entre moi et vous, M. le professeur arrogant, restez donc chez vous!

M. Couture: Je vais peut-être faire une petite mise au point à la suite de certaines remarques du député de Johnson. C'est que ce principe de révision du Code du travail est un principe accepté, assumé et souhaité par tous les membres du gouvernement. Le député de Johnson semble dire: Comment se fait-il qu'on arrive avec une affaire de même en commission parlementaire, alors que ce n'est pas passé au Conseil des ministres? Je répète et précise que ce principe de révision du Code du travail est vraiment assumé par le gouvernement actuel. D'autre part, l'étude en vue de la révision de ce Code du travail, c'est aussi une préoccupation et un souhait exprimé plusieurs fois d'ailleurs par le premier ministre et qui est assumé par le gouvernement. La modalité de cette étude, en effet, n'est pas une décision actuelle du gouvernement, mais je pense qu'au gouvernement on cherche à être transparent. J'imagine que vous aimez avoir des réponses claires plutôt que des réponses équivoques. Je vous dis, et ce sera dans le journal des Débats, sous toutes réserves que je propose comme ministre du Travail — que ce qui est accepté, c'est qu'on révise le Code du travail et qu'on étudie les façons de le réviser — une commission d'étude qui ne serait pas — je fais ma troisième mise au point — qui ne serait pas formée simplement de missionnaires, de fonctionnaires.

C'est presque une déformation professionnelle, ce sont de véritables missionnaires, vous savez des fois, en relations de travail. Elle ne serait pas formée seulement de fonctionnaires, mais je l'ai dit clairement tout à l'heure en réponse au député de Saint-Laurent, et on irait chercher aussi des gens de l'extérieur, des spécialistes. La consultation qu'on veut faire, que je propose de faire, serait une consultation qui, à toutes fins pratiques, aurait peut-être le même caractère que celle souhaitée par le député de Johnson. Je voulais quand même rectifier, non pas rectifier mais répondre plus précisément aux préoccupations du député de Johnson.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Vous me permettez, M. le Président. Personnellement, je félicite le ministre de nous faire part de ses intentions puisque c'est le but que nous poursuivons ce soir, n'est-ce pas, de connaître ses intentions. Les réponses qu'il nous a données tout à l'heure nous ont permis, si je résume, pour reprendre le fil, de voir qu'il envisage une réforme du Code du travail, dans le fond, en trois étapes. Une première étape portera, si je comprends bien, seulement sur ce qui fait actuellement partie du Code du travail. Une étape ultérieure comportera d'autres éléments multiples, et il a indiqué qu'il jugeait opportun, effectivement, de peut-être inclure presque toutes les lois sur le travail dans un cadre comme celui-là, c'est un cadre très ambitieux. Et, peut-être, une avant-première étape, et c'est là-dessus que je voudrais poser des questions, c'est un projet à court terme.

J'aimerais, d'abord, qu'il précise. Evidemment, il a donné des échéances d'à peu près six mois à un an pour la commission de réforme. Je vous prie de croire que, quand on a l'expérience des commissions de ce genre, surtout avec les mandats de consultation, un an me semble un strict minimum; cela peut très facilement être 1 1/2 an ou deux. Donc, j'aimerais qu'il nous précise, pour ce qui est du court terme, quelle est l'échéance qu'il envisage. Je me permets de résumer les indications qu'il nous a données tout à l'heure quant au court terme. Il a dit qu'il y a des amendements qui ont déjà été élaborés et qui ont fait l'objet de commentaires au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, le bill 24, qui a été déposé, d'ailleurs, dans le passé, et qu'il aimerait ajouter à cela, toujours dans le cadre du court terme, de la première mesure, l'application de la formule Rand et aussi une des mesures relativement aux "scabs", aux briseurs de grève. En même temps, qu'il nous précise à peu près l'échéance. Est-ce que c'est avant l'ajournement d'été qu'il envisage pouvoir déposer un projet d'amendement rapide, si on veut? Est-ce qu'il a l'intention, pour ce qui est de la formule Rand, d'avoir une application qui permet de rendre obligatoire le prélèvement des cotisations syndicales? Est-ce que, selon lui, la formule Rand, telle qu'il veut l'appliquer, implique les autres éléments que le juge Rand avait suggérés dans son opinion, tels que les éléments suspension, cotisations syndicales, qui en faisaient un ensemble équilibré? Est-ce que, pour lui, c'est cela qu'il voudrait voir dans un amendement rapide, ou si c'est simplement ce qui a fait l'objet, je pense, d'un projet de loi privé soumis par le leader de l'Opposition d'alors, M. Burns, qui avait déposé le projet de loi 99 ou 96, je ne me souviens plus du numéro, et qui comportait seulement la cotisation obligatoire?

M. Couture: C'est effectivement la formule qui avait été proposée par le député de Maisonneuve.

M. Forget: C'est-à-dire, seulement la cotisation syndicale. Pour ce qui est de l'échéance de cette mini-réforme, en attendant la plus grosse, est-ce que vous avez l'impression qu'on pourra voir le projet de loi déposé avant la fin de juin?

M. Couture: II y a aussi les contraintes de l'Opposition, mais le menu législatif est assez chargé. Je peux répondre que l'intention c'est de le déposer durant cette session.

M. Forget: C'est-à-dire avant l'été. La session dure jusqu'en décembre.

M. Couture: C'est cela. Durant cette session. Je ne peux vraiment pas contrôler le moment où on le déposera, mais ce sera durant la session. J'espère que cela pourra être avant l'été, mais je ne peux vraiment pas le promettre.

M. Bellemare: A-t-on soumis le projet de loi 96 au conseil consultatif?

M. Couture: Non. L'ensemble de ces amendements sera soumis au conseil consultatif durant le mois de juin, nous l'espérons.

M. Bellemare: N'a-t-il pas déjà été transporté au conseil consultatif, pour consultation?

M. Couture: Pas à ce stade.

M. Bellemare: Je parle de la formule Rand.

M. Couture: On me dit qu'on n'a pas directement étudié la formule Rand, mais la sécurité syndicale comme telle. Je n'ai pas de détail. A moins que M. Laporte veuille répondre.

M. Bellemare: Le ministre a l'intention de le soumettre au conseil consultatif avant.

M. Couture: Oui. D'ailleurs j'ai l'intention de soumettre toutes les mesures législatives de mon ministère.

M. Bellemare: S'il y avait une opposition contraire, qu'est-ce qui se produirait, de la part du conseil consultatif?

M. Couture: II se produirait ce qui se passe dans tous ces cas.

M. Bellemare: En vertu de la loi, le ministre peut passer outre.

M. Couture: C'est exact. J'imagine que nous sommes tous d'accord sur l'esprit du conseil consultatif, c'est un instrument de consultation priviligié pour le ministre qui doit y porter une grande attention, mais le ministre et le gouvernement restent toujours maîtres de leurs décisions politiques.

M. Forget: Le ministre pourrait-il nous dire s'il a déjà reçu des représentations ou des mémoires de la part d'un groupe quelconque qui soulève des objections à la formule Rand, telle qu'il l'envisage?

M. Couture: Pas à ma connaissance. Il doit probablement y avoir des documents au ministère, arrivés avant notre arrivée au pouvoir, mais depuis le 15 novembre, je n'en ai pas reçu.

M. Forget: Vous n'avez reçu aucun avis, d'aucun groupe depuis que vous êtes là.

M. Couture: Pas à ma connaissance. Un instant, je vais m'informer. Les observations qu'on avait faites étaient à l'occasion de la loi 196.

M. Forget: Mon collègue, tantôt, a posé une question précise. Peut-être est-ce par inadvertance, le ministre n'a pas donné une réponse également précise, relativement à la question de la loi "antiscabs", ou de la disposition de l'amendement qui aurait cet effet.

Dans une entrevue que le ministre donnait à la revue Travail, la revue du ministère du Travail, pour le numéro de mars 1977, le ministre indique une raison pour laquelle il croit qu'une loi de cette nature est essentielle. La seule raison qui est mentionnée, c'est que, selon le ministre, on ne peut empêcher une usine de fonctionner complètement, même si les syndicats le demandent, il est impossible d'empêcher toute production, autant qu'il sera impossible d'empêcher un travailleur d'aller travailler ailleurs.

Il développe le raisonnement selon lequel une entreprise peut changer le lieu de sa production. Il a probablement à l'esprit des cas comme ceux de United Aircraft, etc., où il y a eu un transfert de production dans des usines ailleurs. La question de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce était justement dans le but de savoir, s'il utilise cet argument, envisage-t-il que des règles comme celle-là pourraient s'appliquer différemment dans le cas d'entreprises qui ont plusieurs sites industriels, pour qui c'est donc une possibilité physique de faire ces transferts de production, des entreprises qui sont dans l'impossibilité de faire cela parce que c'est de la petite et moyenne entreprises, typiquement, qui n'ont pas plusieurs sites industriels et la paralysie de l'une de ces installations est véritablement une paralysie totale, par opposition aux multinationales, si on veut employer cette expression, qui sont peut-être dans une meilleure position de marchandage? Envisagez-vous des distinctions là-dessus?

M. Couture: Sur ce sujet, j'imagine qu'il y a probablement plusieurs écoles de pensée, mais, en ce qui me concerne, je serais porté à dire ceci: L'unité de production, l'unité de travail reflète toujours le contexte économique du milieu, c'est-à-dire que dans une petite entreprise, nécessairement, il y a aussi un syndicat qui a plus ou moins d'importance, mais si c'est une petite entreprise, on est certain que c'est de dimension assez modeste.

Face à cela, les plus grandes entreprises reflètent leur type de syndicalisme dans bien des cas.

Je me dis ceci: Autant du côté de l'entreprise, quand on est plus gros et qu'on a plus de force économique, c'est plus facile de faire face à des situations de grève; autant aussi, quand on est une petite entreprise, pour un syndicat — là, je sais qu'on peut avoir des opinions différentes, mais je suis porté à le croire d'après l'analyse que j'en fais — il peut être difficile non seulement de faire la grève, mais de la maintenir un certain temps si les travailleurs, comme dans la très grande majorité des cas, cherchent avant tout un règlement, cherchent à conserver leur emploi.

Ce qui joue, dans le rapport de forces dont il est question pendant une grève, c'est qu'à un moment donné les uns et les autres sont obligés d'évaluer leur force respective. Dans une petite entreprise, le syndicat lui-même est obligé de tenir compte de la fragilité de l'entreprise. Je pense qu'on voit parfois des cas...

M. Mackasey: Je ne sais pas si le ministre me permettrait...

M. Couture: Je n'ai pas tout à fait fini ma phrase.

M. Mackasey: L'ancien ministre va vous dire qu'une loi impossible à appliquer travaille contre le ministre, n'est-ce pas, M. le député de Johnson?

M. Couture: J'aimerais, M. le Président, finir ma phrase, quand même.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre. M. Couture: Je vais finir ma phrase.

M. Bellemare: Le ministre disait ceci: C'est alors qu'il s'explique qu'il y ait un équilibre à respecter entre la survie des entreprises et le maintien des droits fondamentaux des travailleurs, tels que le droit de grève. Il parlait du projet de loi "an-tiscabs". On lui demandait: Etes-vous en faveur? Il répondait cela le 10 février 1977.

M. Couture: Je le maintiens.

M. Bellemare: Que les entreprises doivent vivre.

M. Couture: Absolument. Le syndicat... Je pense qu'on oublie bien souvent que, dans la très très grande majorité des cas, le syndicat est drôlement intéressé aussi à la survie de l'entreprise parce que ou bien on décide de ne plus avoir d'emploi et les travailleurs à la base, surtout chez les petites entreprises, dans les localités...

M. Mackasey: M. le ministre...

M. Couture: Excusez-moi, je n'ai pas fini. On s'aperçoit vraiment que c'est l'intérêt même du petit syndicat en question, face à la petite entreprise, de faire cette bonne analyse des rapports de force. C'est là-dessus que je crois qu'il faut assainir l'exercice du droit de grève, qu'il faut respecter ce rapport de forces qui est exprimé par un droit de grève. Tant qu'on est dans ce régime, il faut laisser les parties faire leurs propres analyses et évaluer la force de l'une et de l'autre; finalement, ce qu'on cherche, c'est que l'autre revienne à la table des négociations, que la grève se termine et qu'on en arrive à un règlement. Je maintiens...

M. Forget: Je suis d'accord avec le ministre, mais j'ai de la misère à concilier cela avec les propositions qu'il tenait tantôt relativement aux mesures "antiscabs". Je lui ai demandé: Est-ce qu'il y a des différences entre les entreprises? Il m'a dit: Oui, il y a des différences. Mais il ne nous a pas dit en quoi ces différences étaient pertinentes relativement au projet de loi "antiscabs". Les explications qu'il me donne me portent à croire qu'effectivement ces distinctions ne sont pas pertinentes et qu'il verrait que la loi s'applique de la même façon à toutes les entreprises. Si c'est cela, il me semble que dans certaines entreprises, en particulier les petites et les moyennes entreprises, on va changer l'équilibre des forces de façon très importante. N'est-ce pas là contradictoire?

M. Couture: II y aurait peut-être moins de grèves, aussi.

M. Forget: C'est sûr qu'il n'y aura jamais de grève si une des parties est sûre de toujours perdre.

M. Couture: II y aura peut-être un règlement qui se fera plus rapidement aussi.

M. Mackasey: Le but de ce que vous poursuivez, c'est d'éliminer autant que possible les grèves, c'est normal. Il est toujours plus facile d'éliminer une grève que de régler une grève. Permettez-moi de donner un exemple, si vous voulez. A une certaine époque, alors que je n'étais pas ministre, j'ai été "sacré" dehors. Je me le rappelle, mais en tout cas!

En 1973, à l'une des rares occasions où j'ai travaillé pour un employeur — je ne peux pas mentionner la compagnie, mais c'est une compagnie multinationale qui était dans la fabrication de boisson, alors, j'étais bien placé — il y avait 187 employés quand j'ai été appelé pour régler la grève; 180 des employés travaillaient en Colombie-Britannique, pas ici, sept étaient sur la ligne de piquetage, assez en Colombie-Britannique pour empêcher l'engagement des"scabs", si vous voulez. Donc, 180 travaillaient. La compagnie ne travaillait pas, ne faisait pas de profits. Finalement, elle a fermé l'usine et a déménagé en Alberta. Cela a coûté probablement, en revenus, quelques millions de dollars à la province de la Colombie-Britannique, parce que c'était l'entrepôt où ils fabriquaient pas seulement le bon whisky, mais c'était là qu'était l'exportation pour l'Etat de Californie, c'est arrivé simplement parce que la compagnie n'était pas capable d'engager ces travailleurs, après huit mois de grève, à cause de la puissance, si vous voulez, dans cette province, des

lignes de piquetage; sept hommes et 180 hommes ne souffraient pas, ils travaillaient.

Alors, si vous venez avec votre loi "anti-scabs" — je ne dis pas que je suis contre — cela va vous prendre encore des inspecteurs et vous n'en avez pas assez. Votre salaire minimum de $3, il ne vaut pas $0.05 parce que vous n'avez pas assez d'inspecteurs. Vous verrez cela tout à l'heure dans vos prévisions; qui va prendre soin, qui va suivre 180 employés qui travaillent dans le tapis, qui travaillent dans les bars, qui travaillent ici, qui travaillent là? Ce ne sera pas pendant deux ou trois semaines. Ils ne souffriront pas du tout parce qu'ils ne travaillent pas. Mais l'employeur, par exemple, ne gagne pas une maudite cent, puis, en fin de compte, mettons sur un cycle de dix ans, un employeur de 180 à 200 employés, plus tous les taux que vous enlevez — nous en avons en masse — sur les boissons... Quelle procédure prenez-vous pour être sûrs qu'un employeur n'engage pas les "scabs", mais que les employés qui sont en grève ne travaillent pas en même temps?

M. Couture: Cela a été retenu par M. Cour-noyer, mais je ne suis pas d'accord.

M. Mackasey: Je ne comprends pas. Comment vous voulez aider les employés qui sont en grève, si vous venez avec cette loi?

M. Couture: Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est que les 187 travailleurs de la compagnie X, dans le fond si ce monde-là fait la grève, c'est qu'à un moment donné ils ne s'entendent pas sur certaines clauses à négocier. Alors, ils font une grève comme moyen de pression pour faire réfléchir la partie patronale, puis la forcer à tenir compte de leurs revendications. Le pari que je fais, moi, c'est que, d'une part, les travailleurs qui sont ici aiment bien mieux garder leur emploi qu'effectivement entraîner la fermeture de l'usine. Je vais ajouter une chose; c'est lié à une déficience très grave de notre système, c'est que l'information...

M. Mackasey: Cela, c'est grave dans 90% des grèves.

M. Couture: Mais l'information, le droit à l'information des travailleurs...

M. Mackasey: La grève a lieu, par exemple, M. le Président. C'est facile à dire que l'employé ne voulait pas aller en grève, cela je l'admets. Je n'ai jamais vu un employé qui cherche la grève; parfois des leaders, pour des raisons personnelles, cherchent la grève, mais normalement l'employé va aller en grève deux fois das sa vie. Il ne veut pas aller en grève. C'est toujnours facile d'empêcher une grève, mais, dans le cas dont je parle, ils sont déjà en grève.

Vous avez un projet de loi "antiscabs" qui dit à l'employeur que vous n'avez pas le droit d'engager quelqu'un pour remplaoer les grévistes qui sont en grève légalement. Je vous pose la question — parce que c'est le "leverage", comme on dit en anglais, que vous cherchez pour que la grève ne dure pas trop longtemps — qui va prendre soin des 180 employés qui ne gagneront pas un cent pendant cette période?

M. Couture: Cela dépend si l'on retient cette mesure.

M. Mackasey: Voulez-vous agir seulement contre l'employeur?

M. Couture: Le principe que je retiens est celui-ci: II y a des travailleurs qui, démocratiquement, ont décidé d'être en grève.

M. Mackasey: Alors vous n'avez aucune compréhension pour les droits de l'employeur?

M. Couture: On n'empêche pas l'employeur de produire.

M. Mackasey: Comment produiront-ils si personne ne travaille? Ils n'ont pas le droit d'engager des "scabs".

M. Couture: L'expérience qu'on a des conflits de travail au Québec manifeste, dans biens des cas... Enfin, c'est la responsabilité des entreprises. Il y a des entreprises qui ont tout ce qu'il faut pour continuer...

M. Mackasey: Toutes les grèves, c'est la faute de l'employeur?

M. Couture: Non, pas du tout. Je voudrais quand même essayer de préciser une chose. Je pense que l'origine de oes conflits vient d'une mauvaise information donnée aux travailleurs. Ils ne connaissent pas la situation de l'entreprise. Il y a une espèce de mur opaque entre les entreprises et les travailleurs là-dessus.

M. Mackasey: Après que la grève soit éclatée.

M. Chevrette: M. le Président, je considère que le député de Notre-Dame-de-Grâce voudrait aller sur le fond des projets de loi qui viendront. Je pense que cela viendra en temps et lieu. Il ne faut pas présumer des mécanismes qui seront là-dedans. Il pourrait y avoir des mécanismes de prévention de conflits.

M. Mackasey: Ecoutez, un point de privilège.

M. Chevrette: Un instant, je n'ai pas fini. Vous me rappellerez à l'ordre après.

M. Mackasey: J'ai le droit de demander au ministre sa philosophie. Si sa philosophie est pour un côté ou l'autre, ce n'est pas un bon ministre. Je ne l'accuse pas de cela du tout.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: J'ai le droit de poser des ques-

tions pour savoir. Dans le cas de son projet de loi éventuel "antiscabs", est-ce qu'il est du côté de l'employé ou de l'employeur?

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Le député de Notre-Dame-de-Grâce a le droit de poser sa question.

M. Mackasey: Je peux m'arranger avec le ministre.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!

M. Mackasey: Vous n'êtes pas ministre encore. Faites votre apprentissage et vous serez ministre un jour. En attendant, restez avec votre réputation. Je vais faire affaires tranquillement avec le ministre. Ce n'est pas difficile du tout. Le ministre et moi, on s'arrange bien.

M. Chevrette: J'ai le droit de parler comme vous. On n'a pas tous eu un apprentissage au fédéral, monsieur. J'espère me faire comprendre dans ma réputation. M. le Président, je n'avais pas fini ma question. Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. le député de Joliette.

M. Mackasey: Excusez-moi, M. le Président.

M. Chevrette: De ma part, il est excusé. Quand le ministre donne des orientations et que l'on veut aller dans le détail du mécanisme d'une loi, je dis que c'est hors du sujet. C'est là-dessus que j'en suis. On n'a pas à traiter des éventuels mécanismes. On aura beau se prononcer à ce moment-là, quand la loi sera proposée. Autrement, on ne passera pas à travers les points du programme.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm, le député de Notre-Dame-de-Grâce avait le droit de poser sa question. Le ministre a pleine liberté d'y répondre, de s'en tenir aux lignes générales ou d'entrer dans certains détails. Je pense que c'est ce qu'il a fait. Est-oe que c'est une question de règlement?

M. Bellemare: Non, c'est sur le même sujet.

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet.

M. Bellemare: Le ministre a donné ses grands points de vue sur la possibilité qu'il y aurait d'établir une loi "antiscabs". Je lui demanderais simplement si, dans les dispositions de la loi, il y aura une contre-partie? Je voudrais savoir si c'est possible de le savoir. Une contrepartie pour qu'il y ait égalité dans les forces, que si l'employeur ne peut pas employer de "scabs", que celui qui fait la grève n'ait pas le droit de travailler ailleurs. C'est tout ce que je veux savoir de la loi "antiscabs". Si c'est cela, ce sera au moins juste à partir de là. Si celui qui fait la grève n'a pas le droit de travailler ailleurs, mais que celui qui est en grève ne voit pas sa position prise par un autre, un "scab", si la loi c'est pour donner la force égale, je verrai dans le temps, mais je pense que ce serait un élément.

M. Couture: M. le Président, je vais m'en tenir à cela, parce que je crois que nous entrons dans le détail du projet de loi. Là-dessus, je retiens l'interprétation du règlement que l'on ne va pas au fond du projet de loi en commission parlementaire.

Simplement, je répète que la philosophie qui me guide dans ce projet de loi est la suivante, c'est de donner toute la signification possible à l'exercice du droit de grève. Quand je dis cela, je répète qu'au moment du droit de grève, considérons que l'entreprise est une unité de travail, une unité de production; il y a un lien évident consacré par le code entre le salarié et le chef d'entreprise. Il y a une unité. Si, au moment d'un conflit, l'exercice d'un droit de grève, qui est reconnu par le code, il y a des gens qui sont engagés pour briser ce lien — ils deviennent un peu comme des gens de trop dans l'unité de production — c'est cela que je cerne comme vice de notre code et c'est cela que je veux réparer.

Le Président (M. Marcoux): Le député de... M. Bellemare: ... pendant la loi.

Le Président (M. Marcoux): Sur le même sujet. Le député de Portneuf.

M. Pagé: Sur le même sujet, M. le Président, M. le ministre vous avez fait état d'un projet de loi que vous entendez déposer éventuellement. Je n'ai pas eu la chance de participer aux débats ce matin ni cet après-midi, mais j'aimerais savoir si vous entendez présenter un projet de loi spécifique sur cette question, parce que c'est en fait la réponse que vous avez donnée a une question que j'avais formulée en décembre dernier. Vous m'aviez dit que cela serait une loi particulière portant spécifiquement sur ce sujet.

En ce qui concerne l'application de cette loi, prévoyez-vous qu'elle s'appliquera de façon générale dans toutes les conventions collectives qui seront négociées ou encore si vous étudiez cette possibilité que cette loi pourrait s'appliquer éventuellement strictement à certains cas de négociations, par exemple, la négociation de la première convention collective dans une entreprise?

M. Couture: A la première question, c'est possible que j'aie parlé d'une loi particulière, mais je peux dire que cette loi dite "antiscabs" — qui ne s'appellera pas ainsi — sera un amendement à la suite d'autres amendements dans un projet global. Alors, il comprendra effectivement ce que l'on a connu dans le bill 24, la formule Rand et cet amendement, une modification d'une disposition du Code du travail pour établir les règles d'exercice du droit de grève qui aura l'effet d'une loi "antiscabs".

La deuxième question, vous me demandez si cela s'appliquera directement à une étape de la

négociation, si c'est une première négociation ou si c'est pour toutes les conventions collectives.

M. Pagé:... cela soit une première convention. Etudiez-vous ces possibilités?

M. Couture: On étudie toutes les possibilités. M. Pagé: D'accord.

M. Couture: Je pense que, lorsque le projet de loi sera déposé, vous verrez ce que l'on aura retenu.

M. Bellemare: M. le ministre, vous avez un cas patent devant vous, vous l'avez dans les mains, Mussens à Lachine. Le comité des "scabs" a voté contre le règlement. Tout le dossier est entre vos mains. Il n'y a aucune réponse de rendue. C'est un vrai problème de "scabs". Et tout le problème est rendu sur votre bureau et vous avez la chance de le régler, de dire: Ecoutez, mes principes, c'est dans mon programme et je l'applique. Eh non! l'équipe a réussi à faire voter les "scabs" et les "scabs" ont rejeté la proposition. Dans un article qui a paru ces jours derniers, jeudi le 14 avril 1977, il est dit: Cette proposition acceptée par le syndicat et refusée par Mussens qui avait soumis cette proposition par vote secret aux "scabs" de l'usine qui l'ont rejetée quasi à l'unanimité... Depuis cette date, cette gifle cinglante, le ministre du Travail Jacques Couture est resté muet.

M. Couture: Je suis vraiment content de voir que vous parlez de cela parce que j'ai de belles choses à vous dire là-dessus.

M. Bellemare: Tant mieux. Nous, nous sommes obligés de le lire. Cela, c'est une affaire de "scabs".

M. Couture: Nous sommes là pour vous informer aussi. J'ai quand même une réponse à donner...

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre...

M. Couture: C'est un fait. Pour vous dire ce qui s'est passé dans les derniers quinze jours, c'est un cas très pénible, très tragique, parce que Mussens est liée à la fameuse loi anti-inflation fédérale. Il y a eu un débrayage illégal pour s'opposer à ces coupures de salaires que la compagnie, semble-t-il, est obligée d'accepter selon l'ordonnance de la commission anti-inflation fédérale.

Le geste posé par le syndicat actuellement, je ne le juge pas, mais on peut faire une analyse différente de l'opportunité de ce geste. Il reste que c'est tragique parce que, finalement, ce sont 95 travailleurs qui sont dans la rue. Au sujet du vote dont vous parlez, on s'est posé la question au ministère. D'ailleurs, une compagnie qui fait organiser un vote dans son usine sur la proposition du médiateur, c'est assez rare. C'est-à-dire que je pense que c'est un principe sacré dans le Code du travail. Ce sont quand même les travailleurs eux- mêmes qui ont la responsabilité de se prononcer sur ce genre de recommandation.

Il reste que j'ai rencontré, il y a quinze jours exactement — oui, je pense que c'est quinze jours ou dix jours — la partie patronale de Mussens après avoir eu, d'ailleurs, une rencontre avec la partie syndicale quelques jours auparavant où vraiment on était dans une impasse totale, c'est-à-dire que la recommandation du médiateur avait été acceptée par le syndicat et refusée par la partie patronale. J'ai rappelé ce que vous venez de dire à la partie patronale et j'ai dit: L'intention du gouvernement s'oriente de telle et telle façon. Il me semble qu'il serait opportun pour vous de prendre en considération que les principes, actuellement, qu'on retient au gouvernement sont en termes des relations de travail et que la recherche d'un règlement devrait s'inspirer de ces principes.

J'ai demandé, d'ailleurs, aux deux parties de faire un peu table rase de toute la série de... d'un côté et de l'autre qui a pu arriver depuis le début du conflit. De fait, je vais terminer là-dessus, parce que je pense qu'on arrive à un conflit particulier. Cela illustre un peu ce qu'on disait tout à l'heure. En fait, le médiateur reprend sa médiation et la compagnie accepte de s'asseoir et de réviser, à certains points de vue, la décision qu'elle avait prise face aux recommandations de la médiation et, pour l'ouverture qu'on a réussi à effectuer chez Mussens, c'est selon la discussion que j'ai eue avec la compagnie. C'est que tous ces travailleurs depuis plusieurs années à l'emploi de la compagnie Mussens, ou ce lien entre le travailleur et l'employeur... Il faut voir à quel point cela devient odieux. La compagnie dit: Tous ceux qui sont dehors, on les reprend mais ils perdent toute leur ancienneté. Finalement, on a réussi à faire comprendre au moins que si on veut la paix sociale dans cette compagnie, si on veut rechercher un règlement raisonnable et acceptable, il faut reconnaître ces droits à l'ancienneté. Ils recommencent à...

M. Bellemare: Toujours avec Yvan Blain?

M. Couture: C'est cela.

M. Bellemare: Avec le même...

M. Couture: Avec le même, qui est excellent d'ailleurs.

M. Bellemare: ... qui avait demandé le vote des "scabs"?

M. Couture: Ce n'est pas lui qui avait demandé le vote des "scabs".

M. Bellemare: Non, mais le vote de la compagnie par le médiateur qui était là.

M. Couture: Je pense qu'il ne faut pas mêler les problèmes. M. Blain a fait une recommandation à la partie syndicale et à la partie patronale. La partie patronale nous a dit que dans l'usine il y avait eu un vote de 90% des travailleurs contre la

recommandation du médiateur. Je trouve cela un peu suspect que ce soit la partie patronale qui nous l'annonce. Il est évident que tous ceux qui sont dans l'usine gagnent des années d'ancienneté parce qu'il y en a même 35 qui ont à peine quelques mois d'ancienneté et qui seraient au-dessus des gars de vingt ans et de quinze ans d'ancienneté. Vous imaginez bien qu'ils votent contre cela.

M. Bellemare: J'ai eu le même problème à la United Aircraft.

M. Couture: J'ai justement fait appel à ce problème pour chercher le règlement avec la compagnie.

M. Bellemare: C'est le même M. Dean qui est là.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le ministre a fait allusion aux questions du secteur public et il a indiqué que là aussi il y a des problèmes. On commence à comprendre qu'il les comprend lui aussi. Mais je ne suis pas plus rassuré au sujet des solutions qu'il nous suggère pour mettre fin à ce qu'il appelle l'ambiguïté de l'Etat qui est l'employeur, l'arbitre et le législateur. C'est une réalité pénible que j'ai vécue personnellement lors des dernières négociations.

J'approuve complètement, sans aucune réserve, ce qu'il a dit au sujet de la nécessité de dissocier le plus possible la fonction du législateur de la fonction d'employeur dans ces négociations. C'est pour cela, d'ailleurs, que ce ne sont pas les mêmes ministres qui s'occupent de la négociation. Mais il reste qu'il y a une fonction législative qui, ordinairement, précède l'étape des négociations. Comme étape législative, je crois bien que c'est en 1974, il y a eu le bill 95 qui a été adopté. Est-ce qu'on doit présumer, de par l'absence d'une loi comme celle-là au feuilleton — on n'a pas annoncé une loi analogue au feuilleton, ni autrement — qu'on va garder le cadre de la loi 95 qui est, dans le fond, une extension du Code du travail dans le secteur public? C'est une qualification, une façon d'appliquer le Code du travail dans le secteur public, c'est une redéfinition des parties à la négociation, si on veut, ou l'imposition d'une superstructure pour la négociation avec le gouvernement. Est-ce qu'on doit présumer que ce cadre va rester inchangé?

Le ministre sait comme moi que, bien sûr, le nouveau gouvernement bénéficie, comme l'ont dit plusieurs membres de cette commission, d'une période de paix sociale qui n'est peut-être pas sans précédent, mais qui est certainement un moment privilégié, parce que toutes les conventions collectives, en particulier dans le secteur public qui est le secteur le plus névralgique, ont été signées l'année dernière. Mais ce qu'il ne faudrait pas que le ministre oublie, c'est que cette période va venir à échéance très rapidement. Quand on sait les délais de l'action législative, c'est demain pratiquement que cette période va venir à échéance. Avec la FTQ, la CSN, le Syndicat canadien de la fonction publique, les enseignants, etc., les grosses unités, les ententes viennent à échéance le 30 juin 1979. Mais, dans le secteur public, il y a un bon nombre de conventions collectives qui viennent à expiration le 30 juin 1978 et même plus tôt dans certains cas. Pour ce qui est du 30 juin 1978, il y a toutes les infirmières, dans le secteur des Affaires sociales, il y a tous les paramédicaux qui reviennent en négociations. Un an et quelques jours, dans le fond, c'est bien peu de temps pour amorcer une négociation, préparer les mandats de négociation, quand on ne sait pas encore — le gouvernement ne semble pas avoir pris une orientation très claire quant à cela — quel sera le cadre légal dans lequel se déroulera cette négociation.

Aux engagements financiers, tout le monde a vu qu'il y avait eu un comité au Conseil du trésor, mais c'est pour la préparation des mandats et l'amorce de la négociation comme telle. Mais le cadre légal est dans une certaine mesure et dans une large mesure la clé des difficultés qui ont été éprouvées au cours des événements — parce que ce ne sont pas simplement des négociations, ce sont des événements; il y a tellement de composantes là-dedans — de 1976 et de ceux de 1972 où on aurait pu espérer qu'on atteigne une certaine maturité, un certain régime de croisière. Est-ce qu'il ne faut pas réviser ce cadre et est-ce que lui, comme ministre du Travail, n'a pas un intérêt prédominant à s'assurer que le Conseil des ministres, le gouvernement dont il fait partie, redéfinisse le cadre légal? Encore une fois, même si c'est de la négociation, je comprends que la négociation appartient à son collègue des Finances et de la Fonction publique, mais le cadre légal, lui fait partie des lois du travail. Il ne peut pas s'en désintéresser, parce que cela a des retombées sur tout le reste. Est-ce qu'il y a de ce côté des choses beaucoup plus précises que ce qu'il a été en mesure de nous dire là-dessus jusqu'à maintenant?

M. Couture: M. le Président, justement, je pense qu'au Conseil des ministres, il y a un mois et demi, le problème a été soulevé et le mandat a été donné au ministre de la Fonction publique, M. de Belleval, pour préparer un canevas de travail sur la façon dont nous devrions aborder les négociations dans le secteur public.

On me dit que la réponse a été donnée à la commission de la fonction publique, par M. de Belleval, de l'état actuel de ses travaux.

Je sais, par ailleurs, que le sous-ministre du Travail est membre de ce comité interministériel pour étudier le problème de la négociation dans le secteur public. Si vous permettez, je pourrais lui demander de vous dire où en sont les travaux et quelle orientation cela prend actuellement.

En fait, le comité s'est réuni. C'est un comité interministériel qui regroupe l'Education, les Affaires sociales, le Conseil du trésor, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. On avait comme mandat d'évaluer la situation du cadre juridique

des négociations dans le domaine des services publics et aussi de réévaluer le processus de négociation de la convention collective dans ce même secteur. Le groupe de travail s'est réuni à cinq ou six reprises. Des recommandations ont déjà été soumises au ministre responsable de l'application de la loi 95, qui est le ministre de la Fonction publique, qui devrait en faire part incessamment à ses collègues du cabinet des ministres.

M. Forget: Le ministre du Travail est-il d'accord avec une orientation comme celle-là qui donne au même ministre, qui a un rôle à jouer dans la négociation, le contrôle sur le cadre juridique?

On a parlé tantôt d'ambiguïté. Je pense que c'est par des choses comme cela... Je comprends qu'il peut facilement me dire: C'est ce qui s'est fait dans le passé. Je suis tout à fait d'accord que ce serait une très bonne objection à faire à ma question, sauf qu'il y a quand même une expérience accumulée. Tout le monde a pu apprendre, à l'aide de cette expérience, justement, qu'il y avait des choses qui ne marchaient pas comme elles devraient marcher. L'ambiguïté dont il a parlé lui-même était une des causes, ce n'est pas la seule, c'est bien sûr. Ce n'est pas aussi simple que cela. Ce n'est pas changer le nom du ministre responsable de la loi 95 qui, en soi, ferait un miracle, mais il y a, malgré tout, un symbole important, et aussi un problème de compatibilité. Il y a cette fameuse histoire du recours à l'article 99 du Code du travail qui intervient, en bout de ligne, comme une espèce de cheveu sur la soupe, quand les mécanismes de la loi 95 se révèlent évidemment incapables de résoudre des problèmes et ils le sont nécessairement.

Il y a aussi tout le problème de la loi sur les services essentiels. Dans quelle mesure faut-il la conserver ou pas? On se rend compte que, dans les journaux, c'est le ministre des Affaires sociales qui exprime un avis que la loi sera modifiée. On a là un peu, dans un ordre dispersé, des indications sur des modifications législatives qui sont cruciales. Si on enlevait le secteur public de nos statistiques sur le nombre de jours de grève au Québec, et sur l'incidence des grèves, je pense que le Québec ferait déjà beaucoup meilleure figure dans toutes les comparaisons qu'on fait. Il n'y a pas d'erreur que c'est dans ce secteur qu'on a, au moins les années où cela vient, les expériences les plus pénibles et peut-être les facteurs de détérioration du climat qui sont les plus visibles, du moins pour l'opinion publique, et je pense bien, pour le climat général dans lequel les relations de travail se déroulent.

Il me semble que le ministre du Travail, à ce moment-ci, étant donné l'expérience que nous avons tous vécue, de toutes sortes de façons, manque à ses responsabilités s'il ne souligne pas très fortement à ses collègues du Conseil des ministres que cette question doit être faite de façon cohérente, et sous sa responsabilité, pour diminuer l'ambiguïté en question.

M. Couture: J'apprécie beaucoup les remar- ques du député de Saint-Laurent, parce que j'avoue que j'en partage une bonne partie. Il y a non seulement une question d'ambiguïté, il y a aussi une question de crédibilité dans le monde du travail et de la Fonction publique.

Ce que je peux dire c'est qu'actuellement il y a eu ce comité interministériel. Il y a un déblayage de la question. On me dit ici, sur un papier, qu'à la Commission de la fonction publique, le ministre de la Fonction publique, à la suite d'une suggestion, a pensé à la publication d'un livre vert, d'un document de travail pour étude, pour faire participer surtout les gens qui sont dans le milieu de travail, dans le secteur public, un peu une réflexion collective. Je pense qu'on doit arriver à une réflexion collective dans ce domaine.

Sur votre question directe, quitte peut-être un jour à me rallier à une décision autre du Conseil des ministres, je pense qu'il n'est pas exclu d'avoir des opinions personnelles avant qu'une décision ne soit prise. Je suis d'accord pour dire que le ministre du Travail est le ministre de tous les salariés québécois. C'est lui qui doit être responsable de toute la législation du travail. C'est ce que je pense.

J'attendrais beaucoup de ce document de travail qu'on a évoqué pour avoir l'opinion de ceux qui vivent dans le secteur et, éventuellement, pour permettre, pour les quelques mois qui nous restent — vous avez bien raison, les délais sont courts — d'essayer de susciter une réflexion collective. Ce n'est pas possible de recommencer cette espèce de climat tout à fait insécure, très malsain qui affecte un nombre considérable d'usagers. Je le disais cet après-midi, la grande déficience des relations de travail dans le secteur public est qu'on transpose purement et simplement le modèle classique des relations de travail du secteur privé, le modèle conflictuel, alors que l'employeur n'est pas n'importe quel employeur; l'employeur est l'Etat et c'est aussi la collectivité qui est atteinte et rejointe par la négociation et la convention collective. A ce point de vue, je crois qu'on doit vraiment et rapidement avoir un peu d'imagination et faire participer les gens à cette réflexion.

Tout ce que je peux dire, actuellement, c'est que le mandat est laissé au ministre de la Fonction publique. Cela va venir au cabinet très prochainement et j'ose espérer qu'on essaiera de clarifier ce genre de problème que vous avez très bien évoqué.

M. Mackasey: Permettez-moi une question supplémentaire sur le même sujet. Le ministre en est-il arrivé à une définition des services essentiels?

M. Couture: Si on posait la question au député de Saint-Laurent, qui a vécu le problème de près... La définition des services essentiels, cela me paraît relatif. C'est une définition qui sera toujours un peu relative selon le secteur, selon ce qu'on veut couvrir.

M. Mackasey: Pour la société en général. C'est relatif si on n'a pas de loi.

M. Couture: Dans des secteurs, il faut presque présumer qu'on a besoin de tout le monde, parce que c'est essentiel que tout le monde soit là. Dans d'autres secteurs, c'est peut-être un tiers.

M. Mackasey: Je ne pense pas que vous me disiez que toutes les grèves sont dans les secteurs essentiels. Il y en a dans les secteurs essentiels et il y en a d'autres qui ne sont pas dans les secteurs essentiels, en général, n'est-ce pas?

M. Couture: Mais oui, mais si vous prenez les ascenseurs...

M. Mackasey: Alors, il faut une définition de ce que sont les services essentiels. Sûrement, le transport est un service essentiel pour quelqu'un qui vit à 28 milles de Québec et que les autobus sont en grève, mais est-ce que le gouvernement considère cela comme un service assez essentiel pour prendre les mesures d'urgence? C'est ce que je veux savoir. Vous savez autant que moi ce que je veux savoir: la définition des services essentiels selon le gouvernement.

M. Couture: Je n'ai pas de définition précise de services essentiels. Tout ce que je peux faire, je peux vous décrire un certain nombre de conditions qui me paraissent essentielles pour assurer un service ou un droit que les citoyens doivent absolument exercer. Ce sont certaines conditions extérieures qui arrivent à cette définition de service essentiel, mais je n'aime pas trop entrer dans le domaine théorique. C'est la raison pour laquelle, à certains points de vue, la présence du syndicalisme dans la définition des services essentiels me paraît absolument — disons-le — essentielle et importante.

M. Mackasey: Tout d'abord, il n'y a aucun secteur où la grève est absolument défendue pour le bien-être de la société.

M. Couture: II y a des choses évidentes comme les policiers, les pompiers.

M. Mackasey: La police...

M. Couture: Les médecins...

M. Mackasey: ...provinciale, par exemple.

M. Couture: ...les chirurgiens...

M. Mackasey: La police provinciale par exemple.

M. Couture: ... il y a les ministres, il y a quand même des cas évidents.

M. Mackasey: Les ministres ne sont pas essentiels, mais la police provinciale.

M. Couture: Bien sûr, bien sûr.

M. Mackasey: II faut bien s'entendre là.

M. Couture: C'est la raison pour laquelle...

M. Mackasey: Est-ce qu'on applique la loi ou est-ce qu'on envoie cela à un comité pour regarder... Vous agissez comme ministre, je me demande pourquoi on n'a pas nommé deux ministres du Travail.

M. Chevrette: Pensez-vous que je n'aurai pas le droit de dire ce que je veux ici?

M. Mackasey: Non, mais tous les... Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!

M. Mackasey: Non, mais sérieusement, je pose la question au ministre du Travail. Je parle au ministre du Travail, je pense que j'ai ce droit.

M. Chevrette: Vous donnez la parole continuellement à votre copain Forget, vous ne laissez pas parler M. Bellemare.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! Le député de Saint-Laurent. Le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Cela fait 250 fois que je la cède.

M. Chevrette: II y a des hommes compétents dans notre parti.

M. Mackasey: Je n'ai jamais demandé de permission.

M. Bellemare:... était tellement brillant.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Portneuf sur le même sujet.

M. Bellemare: Vous pouvez en parler.

M. Pagé: M. le Président, le ministre du Travail n'a pas voulu se hasarder à définir ce que c'était pour lui les services essentiels, mais je suis bien convaincu quand même qu'il peut nous en donner sa perception, à savoir comment cela se définit selon lui, sans que cela soit défini exactement, comment il perçoit la notion de services essentiels, comment cela doit se refléter dans nos lois, comment cela pourra se refléter éventuellement dans les mesures qui seront adoptées par votre gouvernement.

M. Couture: C'est évident que j'ai une perception globale, qui n'est pas précise, qui pourrait peut-être s'exprimer de la façon suivante: Je pense que le service devient essentiel quand son non-exercice...

M. Bellemare: Quand on en a absolument besoin.

M. Couture: ... cause un préjudice grave aux citoyens, un préjudice grave qui ne peut pas être réparé autrement. J'ai l'impression que j'englobe un peu, que c'est assez général pour couvrir pas mal de cas.

M. Bellemare: Je vous dis qu'il n'en reste pas bien bien qui ne sont pas essentiels.

M. Couture: Non. Mais il faut définir peut-être le préjudice grave. C'est évident qu'un malade qui est sur un lit d'hôpital, qui est mourant et qui, à un moment donné, n'a pas la réponse à son besoin, subit un préjudice grave et c'est...

M. Bellemare: Quand on en sort là par dizaines et par vingtaines, puisqu'ils meurent en chemin, je ne sais pas si ce n'est pas essentiel...

M. Pagé: Sur le même sujet toujours.

M. Couture: M. le Président, si vous permettez, parce que tout à l'heure je n'ai pas poursuivi ce que je voulais dire, je crois que, sans porter de jugement sur le passé, il est absolument aussi important que les syndiqués eux-mêmes, qui sont présents dans tous ces secteurs publics, qui ont un contact direct avec l'usager, qui l'auront aussi le lendemain du conflit, il ne faut pas l'oublier... C'est drôlement dangereux de sortir de conflits durs ou très traumatisants où, peut-être, il n'y a pas eu des efforts suffisants de compréhension mutuelle. C'est drôlement dangereux. Enfin, il faut quand même croire que...

M. Bellemare: A Arthabaska ce n'est pas encore réglé.

M. Couture: C'est vrai parce qu'au niveau des relations de travail, quand il s'agit des usagers, ce n'est pas la même chose que quand il s'agit des boîtes de savon, des lacets. Quand, dans un hôpital, les travailleurs reviennent en colère et agressifs, et qu'ils ont à donner des soins à des malades, je pense que là aussi il faut analyser l'impact du climat des relations de travail. C'est la raison pour laquelle je crois que c'est tellement important, dans cette définition des services essentiels, dans cette préparation à une législation en ce sens, de faire participer ceux qui, avant et après, sont en contact direct avec les usagers. Je crois qu'il faut faire confiance à la conscience professionnelle des travailleurs. Quand on les fait participer eux-mêmes, on les rend conjointement responsables de ces types de services. Il y a un exemple qu'on nous donne parfois. Je n'ai pas vérifié moi-même, mais plusieurs en parlent. Peut-être que M. Forget en connaît beaucoup d'autres, mais on me dit qu'à l'hôpital Lafontaine où le Dr Lazure était administrateur, pendant la grève, il a fait le tour de ses départements avec les représentants syndicaux et eux-mêmes, ensemble, ils ont dit: Qu'est-ce que cela prend ici, de quoi a-t-on besoin pour assurer des services essentiels? Moi, c'est ce qu'on m'a dit, que c'était peut-être un des endroits du Québec où finalement cela a été le moins pénalisant.

M. Forget: Sur ce sujet, puisque le ministre en parle, il est sûr que tout le monde est d'accord avec lui que, quand les parties veulent s'entendre sur la définition concrète, dans des cas particu- liers et selon les heures du jour ou les jours de la semaine, de ce qu'on va appeler des services essentiels, c'est la solution la meilleure et celle que tout le monde va retenir. C'était, d'ailleurs, la solution envisagée la dernière fois, la solution générale puisque l'on faisait appel à des ententes locales pour déterminer les services essentiels, même pour décider s'il y en avait ou pas du tout.

Cela s'est fait dans plusieurs endroits. Mais, enfin, quand les problèmes se règlent tout seuls, dans le fond, on n'a pas besoin du ministère du Travail, heureusement. S'il fallait régler tous les problèmes par le ministère du Travail, cela ne suffirait pas. Mais le problème que l'on pose pratiquement, c'est que, quand les parties ne réussissent pas à s'entendre sur une définition des services essentiels, le ministre a deux choix: il peut s'en laver les mains, en disant: C'est dommage, mais les parties ne se sont pas entendues et on va présumer, comme elles ne se sont pas entendues, qu'il n'y en a pas de services essentiels ou que, par miracle, tout ira bien, ou, alors, il peut s'y intéresser. Entre ces deux possibilités, le ministre choisirait-il dans le fond de s'en laver les mains en disant: Advienne que pourra, ou s'il envisagerait des actions?

M. Bellemare: Le Pavillon Saint-Dominique devait être un exemple typique.

M. Couture: Je ne sais pas où cela me mènera, mais j'ai presque le goût de vous dire une chose que je trouve extrêmement importante. Dans le domaine des services publics, surtout je pense qu'on a à l'esprit les cas d'hôpitaux où c'est très clair qu'il faut absolument maintenir des services essentiels. Justement, conséquemment à ce que je disais tout à l'heure, quand on les définit et qu'on légifère sans, dans ce cadre, faire participer les syndiqués à la définition de ces services et aux modalités d'assurer les services pendant la grève, après le conflit, s'il y a eu cette incompréhension, cette agressivité qui perdurent, les usagers eux-mêmes en sont drôlement pénalisés.

Je serais porté presque à dire, dans des cas bien précis où les situations sont graves, que dans certains services publics, si les parties ne s'entendent pas pour définir les services essentiels, j'interdirais la grève.

M. Bellemare: Très bien.

M. Couture: J'irais presque jusqu'à dire cela parce que, si la partie patronale et les syndiqués eux-mêmes ne sont pas capables de prendre ensemble leurs responsabilités face à des usagers, je dis qu'à ce moment ils n'ont pas la maturité nécessaire pour exercer le droit de grève.

M. Pagé: A ce moment-là, M. le Président, toujours sur le même sujet, si mon collègue le permet, vous nous avez décrit la perception que vous avez de ce que sont les services essentiels. Sans que ce soit une définition comme telle ou un engagement de votre part, comment percevez-vous les mécanismes ou les instruments qui devraient être

prévus dans les différentes mesures que vous entendez adopter pour assurer que ces services soient maintenus? Dans le cas que vous venez de mentionner vous venez de dire que vous pourriez aller jusqu'à interdire la grève dans les cas où les deux parties ne s'entendent pas sur les services essentiels, mais, advenant le cas où il y a grève quand même, vous allez faire quoi? Votre perception des mécanismes à établir pour pallier des situations comme celles-là c'est quoi?

M. Couture: Je crois qu'il faudrait évidemment évaluer chaque cas, mais il y a un objectif que je maintiendrai toujours, c'est l'objectif de la responsabilité de l'Etat qui offre des services publics, la responsabilité de l'Etat en tout état de cause, quels que soient les événements qui arrivent quand vraiment on peut cerner d'une façon précise ces services essentiels. Je pense quand même que, dans des cas que je considère comme graves, on peut les cerner, sans les élargir. Entre une classe de deuxième année B et un département d'agonisants, il y a peut-être une différence.

Dans ces cas, je pense que c'est une responsabilité de l'Etat d'envoyer du monde maintenir les services essentiels.

M. Forget: Je suis content d'entendre le commentaire du ministre là-dessus parce que, dans le fond, si l'on se base sur ces affirmations, on se demande un peu pourquoi son collègue, le ministre de la Justice, a choisi de rendre, en quelque sorte, sans effet pour l'avenir des intentions aussi fermes en abrogeant, en annulant tout simplement les sanctions prises en violation d'une loi qui ne faisait rien d'autre que ce qu'il vient de définir comme étant le modèle d'une action gouvernementale vis-à-vis des services publics, comme les hôpitaux, par exemple.

M. Couture: ... sa philosophie était tout à fait différente.

M. Forget: Qu'il relise la loi et aussi la contribution de ses collègues du gouvernement qui ont voté pour la loi en première, deuxième et troisième lectures. Cette loi avait un principe. C'était que les parties devaient s'entendre entre elles pour pouvoir faire la grève. Mais préalablement, elles devaient s'entendre sur les services essentiels à être donnés et, en plus de cela, on leur donnait une chance de plus. C'est que s'ils ne réussissaient pas à le faire seuls, on avait un arbitre ou une tierce partie qui essayait, dans une espèce de conciliation — c'était implicite dans le texte de la loi — ou de médiation, mais avec un pouvoir final de décider si les gens n'en venaient pas à des conclusions assez rapidement, parce que les délais sont quand même importants, qui intervenaient pour trancher à la lumière de ce que les parties leur donnaient.

Evidemment, les cas qui ont été cités, où on a accordé dans ces décisions plus qu'il était raisonnable, découlent tout simplement du fait que ces médiateurs ne pouvaient pas décider entre deux parties quand une des parties ne se présentait pas du tout, et évidemment ils pouvaient se faire charrier. C'est le danger de tant de décisions rapides par l'une des parties quand l'autre refuse de se présenter devant l'arbitre.

Mais il reste que c'est le même principe que le ministre a défendu, le principe de la responsabilité gouvernementale, dans les cas où les parties ne s'entendent pas. Et le principe que tout doit être basé sur l'entente des parties, c'est le principe de fond de la loi 253 qui, pour l'avenir, a été rendue absolument inopérante parce qu'on a fait la démonstration, cette fois-ci d'une façon absolument éclatante, que si elle est violée ou qu'une loi analogue est violée à l'avenir, on n'a absolument pas à s'en faire, les pénalités sont purement symboliques et, de toute façon, temporaires, qu'à la faveur d'une campagne électorale on réussira à tout laver. Cela me paraît quelque chose d'assez dangereux, et cela m'étonne d'autant plus que le ministre du Travail vient de nous dire que, si on avait à examiner le problème à nouveau, on prendrait la même base de solution.

M. Couture: Non, je pense que la philosophie est très différente. Ce que je veux, que je voudrais vraiment souligner, c'est que c'est là que cela m'apparaît tellement important de faire de la prévention. C'est évident qu'à un moment donné, si on a une attitude conflictuelle, si l'Etat employeur a une attitude conflictuelle, face à ses employés, qui eux ont affaire à des usagers, si on regarde ce modèle de relations de travail, où l'Etat patron... Les gens qui vivent le conflit, ce qu'ils regardent c'est la partie patronale. Ils ont ce modèle-là. Ils oublient que l'Etat patron, c'est aussi la collectivité québécoise, c'est aussi finalement tous ces usagers qui sont représentés dans cet Etat. L'employeur recouvre tout ce monde, finalement.

Je crois que, même si on essayait de disserter sur est-ce que vous auriez fait ceci ou cela, pourquoi avez-vous fait, à propos de cette loi, où il y avait des milliers de pénalités, je crois qu'on a bien fait...

M. Forget: C'est une...

M. Couture: C'est cela. Une loi qui recouvre trop de monde, si tout le monde doit aller en prison, elle est tout à fait inapplicable.

M. Forget: Vous n'avez pas de pénalité de prison.

M. Couture: Non, mais quand même, je parle dans le principe de la loi.

M. Forget: Vous n'avez pas prison. Il y avait des pénalités.

M. Couture: II y a un principe de droit romain qui dit que trop, c'est trop. En latin, c'est minis lex excedit, enfin je ne le dirai pas en latin mais quand le droit est trop fort, trop exigeant, finalement on arrive à une frontière où ce n'est pas possible. Je voudrais seulement terminer là-dessus. A ce point de vue, je pense qu'il faut s'orienter de deux fa-

çons. D'abord modifier ce modèle de relations de travail dans le secteur public, et deuxièmement, travailler au niveau de prévention. Quand on a le temps devant nous, c'est absolument essentiel d'associer la collectivité et de l'intéresser à ce changement de mentalité. Sinon on pourra faire toutes les lois qu'on voudra, les lois matraques ou autres si on n'a pas une espèce de connivence des syndiqués eux-mêmes sur des principes essentiels, on n'arrivera jamais à rien.

M. Pagé: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Une minute.

M. Pagé: La question que je lui demandais, c'était sur sa perception des mécanismes à établir pour maintenir ces services. Vous m'avez répondu que c'était une responsabilité gouvernementale et que dans les cas de non-respect de ce qui avait été préalablement prévu, ou dans le cas où la négociation sur ce qu'étaient ces services essentiels où on ne s'entendait pas, vous avez dit qu'on avait une responsabilité gouvernementale à agir et cela pourrait aller jusqu'à engager du personnel pour maintenir ces services. Je m'excuse, mais je pense que c'est une mesure assez draconienne comparativement à des choses qui ont été formulées dans d'autres lois antérieures. Somme toute, cela ne serait-il pas procéder par l'engagement de "scabs"?

M. Couture: Je ne voudrais pas travailler sur des hypothèses. Je veux simplement...

M. Pagé: Non, mais on ne parle pas d'hypothèses, vous avez formulé...

M. Couture: ... réaffirmer des principes qui m'apparaisssent solides et il faut se maintenir à ces principes sans cela...

M. Pagé: Vous avez dit que c'était une responsabilité gouvernementale.

M. Couture: Oui.

M. Pagé: D'accord? Vous avez dit que cette responsabilité peut même aller jusqu'à l'engagement de personnel additionnel pour maintenir les services.

M. Couture: C'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement de l'engagement, cela peut être des volontaires ou des bénévoles. Autrement, vous n'avez pas empêché des citoyens...

M. Pagé: Mais, c'est quoi?

M. Couture: Si ce sont des services essentiels, ce ne sont pas des "scabs", parce que justement, quand on définit les services essentiels, on dit: Dans ce corridor de travail. Il n'y a pas de grève là. Il faut qu'il y ait du monde là, ce ne sont pas des "scabs".

M. Forget: M. le Président, simplement à titre d'information, parce que cela peut être utile pour le ministre, dans le contexte. C'est la dernière fois que j'interviens sur ce sujet. Quant à la question des services essentiels dans le secteur public, je pense qu'on le reconnaîtra, c'est malgré tout la question qui en fait un secteur différent des autres. Il a bien raison qu'il faut que les mentalités changent de même que le climat. Les mentalités, vous savez, cela fait très bien quand on dit qu'il faut les changer, sauf que le lendemain matin on se retrouve avec les mêmes problèmes. Changer les mentalités, ce n'est pas une chose qu'on sait faire souvent. Ce n'est pas dans le pouvoir de chacun de changer les mentalités, je souhaite bonne chance au ministre là-dessus, mais au moins on peut contribuer à des éléments d'apaisement et de conciliation de la loi. Or, dans la loi sur les services essentiels, cela est intéressant, le gouvernement précédent, à la demande d'ailleurs des partis de l'Opposition, avait posé deux gestes qui se rapprochent beaucoup des gestes, des principes qui inspirent le ministre en ce moment. Par exemple, où on retrouvera — et je le réfère à la loi — le principe que si cette loi était respectée, dans son esprit, si on définissait des services essentiels par une entente entre les syndiqués et le patron... Il y avait une disposition de la loi qui avait le même effet que l'amendement "antiscabs" qu'il veut introduire. C'est qu'on faisait une infraction à la loi pour le patron, l'administrateur hospitalier ou de centres d'accueil, d'engager d'autres personnes ou même de prendre des volontaires pour donner des services au-delà de ce qui avait été agréé comme étant des services essentiels.

Cela allait très loin et c'était un précédent. On savait que c'était un précédent quand on l'a introduite, on reconnaissait la possibilité de restreindre justement ce qui est autrement la liberté du patron. Le patron immédiat, ce n'est pas l'Etat, c'est toujours un administrateur dont on ne connaît pas les gestes. On lui disait qu'il n'avait pas, sous peine d'infraction, le pouvoir d'engager des gens ou de retenir les services, même de bénévoles, pour donner des services au-delà de ce qui avait été agréé. C'était déjà un élément pour favoriser un climat d'entente en disant: On va se lier les uns les autres par cela. En plus de cela, en commission parlementaire — et je me réfère au journal des Débats — je m'étais engagé à ne jamais invoquer l'article 99 dans le déroulement des négociations pourvu que la loi soit appliquée avec succès. On va retrouver cela en noir sur blanc. C'était quelque chose, c'était une concession à faire parce que, dans le fond, les solutions de rechange à l'article 99, même si on a toujours mis en doute le caractère approprié de cet article, on ne les a jamais produites et on disait: On va renoncer à cet instrument. D'ailleurs, le seul que le gouvernement actuel a maintenu, dans le fond, au moins rétroactivement en n'abolissant pas les poursuites. On voulait renoncer pourvu que la loi soit loyalement appliquée. Alors, il y a eu des éléments, dans cette loi, qui sont propablement aussi bons que d'autres exemples qu'on pourrait citer d'un effort

pour introduire la bonne foi et un changement de mentalité. Malgré tout, cela n'a pas marché. C'est peut-être un avertissement, les appels à la vertu, cela va très bien, à un certain moment, mais quand arrivent les moments de crise, les responsabilités, on doit les assumer, et c'est moins drôle.

M. Couture: On en prend bonne note, M. le député.

M. Pagé: M. le Président, on a eu des problèmes de présence en Chambre depuis quelques jours. On a vu cela vendredi matin avec tout près de 80% des ministres qui étaient absents...

Le Président (M. Marcoux): J'ai une demande de vérifier le quorum. Je vais vérifier le quorum. La commission n'a pas quorum, donc elle...

M. Forget: Depuis le départ du député de Johnson, M. le Président, nous n'avons plus quorum.

M. Couture: Ce qui a été dit depuis le départ du député de Johnson n'est pas dans le journal des Débats?

M. Mackasey: C'est le voeu que nous terminions...

Le Président (M. Marcoux): La commission, à moins qu'il y ait accord, ajourne ses travaux jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 41)

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