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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 24 novembre 1977 - Vol. 19 N° 257

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 45 — Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 45

Loi modifiant le Code du travail

et la Loi du ministère du Travail

et de la Main-d'Oeuvre

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour procéder à l'étude article par article du projet de loi no 45.

Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal)...

M. Forget: Remplacé par M. Pagé...

Le Président (M. Clair): ... remplacé par M. Pagé (Portneuf).

M. Forget: Non, M. Pagé est membre de la commission.

M. Pagé: M. Pagé est membre de la commission.

Le Président (M. Clair): Ah bon, excusez!

M. Pagé: M. Ciaccia est remplacé par M. Blank.

Le Président (M. Clair): ... remplacé par M. Blank (Saint-Louis); M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte)...

M. Chevrette: Remplacé par M. Mercier.

Le Président (M. Clair): ... remplacé par M. Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf) et M. Roy (Beauce-Sud).

Au moment où nous avons ajourné nos travaux hier, nous avions commencé l'étude de l'article 7. Je pense que le ministre en avait demandé la suspension.

Réintégration de l'emploi et indemnité (suite)

M. Johnson: Maintenant nous serions prêts à procéder, M. le Président, à l'article 7, en tenant compte, au départ, que je fais miennes les modifications suivantes. Il y aura celle que j'ai proposée, c'est-à-dire de remplacer la notion de "délai de quatorze jours" par "délai de quinze jours"; c'est une erreur d'écriture, en fait, qu'on retrouve à l'article 18a, premier paragraphe, deuxième alinéa. Deuxièmement, nous allons faire nôtre, effectivement, la proposition du député de Sainte-Marie, touchant le cinquième paragraphe de l'article 18a, qui se lit comme suit: "Ce dépôt doit être opéré dans les six mois à compter de la décision du commissaire du travail ou, s'il y a lieu, à l'appel de la décision du tribunal" de reporter ce paragraphe après le paragraphe 2 de l'article 18a qui se lit comme suit: "Le dépôt de la décision lui confère...", etc.; à ce moment-là, on introduit, sous ce paragraphe, le paragraphe dont je viens de parler.

Quant à la troisième suggestion du député de Sainte-Marie, M. le Président, j'ai revu hier, avec les légistes, la question soulevée par le député de Sainte-Marie. Le vocabulaire que nous utilisons, où nous employons l'expression "derechef cette pénalité", est vraiment le vocabulaire employé à l'article 750 du Code de procédure civile et, en pratique, cela signifie que le contrevenant pourrait, par exemple, se voir imposer une peine d'emprisonnement et/ou une amende qui est celle qui est prévue dans le cas d'outrage au tribunal et que cette amende et dette peine d'emprisonnement peuvent être répétées tant et aussi longtemps que le sujet ne s'est pas plié à l'ordonnance en question.

Le cas que le député de Sainte-Marie soulevait, c'est le cas de celui qui serait condamné à deux mois d'emprisonnement et $5000. Le texte est, à mon avis, l'application du droit commun, ce qui fait que, si l'individu était condamné à $5000, il verse les $5000; il n'est pas question qu'on les lui restitue, cela devient un bien d'Etat. Deuxièmement, s'il est condamné à l'emprisonnement et s'il décide, en cours d'emprisonnement, d'obtempérer à l'ordre de réintégration, la peine d'emprisonnement ne prend pas fin pour autant, il pourra probablement demander un pardon, etc. Je me permets, d'autre part, d'être à peu près convaincu que nous n'aurons jamais à utiliser cet article dans la pratique.

M. Forget: "Jusqu'à" s'applique à la condamnation, pas à la sentence?

M. Johnson: C'est cela. M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais, avant qu'on laisse définitivement l'article 7, et sans prendre le temps de la commission, souligner qu'il y a une curieuse rédaction, non pas dans les amendements qui viennent de nous être soumis, mais dans l'article lui-même du Code du travail, l'article 18. On dit, dans son premier paragraphe: "Au cas de contestation, c'est le commissaire du travail qui fixe le quantum de l'indemnité", c'est d'ailleurs ce qu'on répète: "sur requête de l'em-

ployeur ou du salarié, le commissaire du travail peut fixer, de temps à autre, le quantum d'une indemnité". C'est une rédaction très générale qui ne dit pas ce qu'elle veut vraiment dire, dans un sens, parce que, comme on l'a bien illustré ou surtout comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a bien illustré, c'est l'article 14 qui fixe le quantum de l'indemnité, parce que les règles de détermination du quantum sont contenues à l'article 14. Dans le fond, l'article 18 est beaucoup moins ambitieux quant aux pouvoirs du commissaire du travail que c'en a l'air; tout ce que l'article devrait dire, dans le fond, c'est que le commissaire du travail fixe l'indemnité conformément à l'article 14 parce que, à l'article 14, on lui donne toutes les règles qu'il doit utiliser — comme l'a d'ailleurs dit le ministre hier — pour déterminer le quantum. Il n'a pas véritablement de pouvoirs discrétionnaires dans la détermination du quantum, il ne fait qu'appliquer mécaniquement les règles que lui fournit l'article 14. Tout ce qu'il a à déterminer, c'est qu'il y a eu un congédiement et que l'employeur n'a pas pu expliquer que c'était dû à des causes autres que l'activité syndicale.

Ce n'est pas discrétionnaire et cela pourrait être rédigé différemment, mais j'attire l'attention là-dessus, parce que je pense que le ministre a été très clair, il n'est pas dans son intention de lui donner quelque pouvoir discrétionnaire que ce soit dans le contexte du congédiement pour activité syndicale.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, pour compléter ce que dit le député de Saint-Laurent, effectivement, ce n'est pas discrétionnaire. Cependant, je rappellerais que l'article 14 prévoit l'ordonnance et l'ordonnance est un peu comme ceci: vous reprenez l'employé avec le montant que vous lui devez. On ne parle pas de chiffres. Les parties peuvent s'asseoir et ne pas s'entendre sur le montant qui est dû puisque s'il y avait eu, à cette époque-là, du surtemps auquel il aurait eu droit, s'il avait été là, etc., c'est sur ce quantum justement qu'on essaie de donner un pouvoir au commissaire-enquêteur en vertu des modifications qu'on apporte à l'article 18. Si les parties ne s'entendent pas sur le montant réel qui est dû, le commissaire-enquêteur pourra, sur simple requête de l'employeur ou du salarié, décider, au temps où il le jugera opportun, au temps où les parties le jugent opportun et le veulent, décider quel est ce quantum à partir de ce qui a mis la contestation entre les parties.

M. Forget: Le ministre vient de dire que les parties peuvent s'entendre ou le commissaire peut décider que du temps supplémentaire qui aurait pu être fait pendant la période où le congédiement s'est appliqué pourrait faire l'objet d'une indemnité. Est-ce que, à titre d'information, effectivement, ce genre d'indemnité basée sur du temps supplémentaire non obligatoire fait l'objet d'indemnisation pour les salariés?

M. Chevrette: Je peux vous dire que, dans les sentences, le juge, par exemple, dit: J'ordonne la réintégration, j'ordonne à l'employeur de payer la différence du salaire par rapport aux gains faits durant la période et je me réserve le droit d'intervenir quant au quantum s'il n'y a pas eu entente dans les 30 jours parce qu'il y a une déclaration faite par le salarié sur les salaires effectivement gagnés. C'est là-dessus qu'on arrive avec une intervention du commissaire-enquêteur si, au bout de 30 jours, l'employeur dit: Tu déclares cela, mais nous savons que tu as fait du travail dans un bar que tu ne déclares pas. C'est là-dessus que le commissaire se garde une prérogative à l'intérieur des 30 jours, pour le fixer.

M. Forget: C'est le temps supplémentaire qu'a fait le salarié dans un autre emploi qu'il aurait occupé pendant son congédiement, mais ce n'est pas du temps supplémentaire qu'il aurait pu faire s'il n'avait pas été congédié.

M. Johnson: Oui. D'accord.

M. Forget: Ah bon! D'accord! C'est quand même un peu odieux — je ne veux pas revenir là-dessus — que quelqu'un qui a travaillé plus d'heures que s'il n'avait pas perdu son emploi, se voie devant la situation où il perd son indemnité, parce qu'il a travaillé plus longtemps dans l'emploi qu'il a eu, à cause de son congédiement illégal. On ne reviendra pas là-dessus, mais...

Le Président (M. Clair): L'article 7 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Clair): L'article 7 est adopté avec les deux modifications suivantes. A l'article 18a, on remplace, à la deuxième ligne, le numéro "14" par "15"; le paragraphe 4 devient le paragraphe 3; le paragraphe 3 devient le paragraphe 4.

M. Johnson: C'est le paragraphe 5 qui devient le paragraphe 3, je pense.

Le Président (M. Clair): II n'y a pas cinq paragraphes.

M. Johnson: Je m'excuse, c'est parce que je n'ai pas la même pagination.

Le Président (M. Clair): II y a bien quatre paragraphes à l'article 18a?

M. Chevrette: ... est inclus après... Donc, c'est le paragraphe 5 qui devient le paragraphe 3...

M. de Bellefeuille: C'est le paragraphe 4. M. Chevrette: Ah! C'est parce qu'il continue.

M. Johnson: Le paragraphe 3 devient le paragraphe 4.

Le Président (M. Clair): Adopté. M. Forget: On ne peut rien vous cacher.

Section II

Statuts et règlements des associations de salariés

Le Président (M. Clair): Article 8.

M. Bellemare: M. le Président, c'est pour moi, pour tous ceux qui ont un peu le sens... c'est une directive que je demande.

M. Bisaillon: Est-ce que vous pouvez parler dans votre micro, parce que je ne vous entends pas? Je voudrais bien vous entendre.

Le Président (M. Clair): MM. les députés, je reçois une demande de la part des spectateurs du personnel du journal des Débats et des membres de la presse. A cause du bruit à l'extérieur, on entend mal. Vous voudrez bien parler directement dans le micro.

M. Bellemare: Je pense que l'article 8 est un des articles les plus importants de la loi 45. C'est pourquoi je vous demande une directive. N'y aurait-il pas lieu de faire un mini-débat sur l'article en général, pour ne pas mêler les paragraphes a, b, c, d, qui se prêtent à d'autres discussions?

M. le Président, avec le consentement unanime, j'en ai parlé au député de Saint-Laurent, je pense qu'il y aurait moyen que chacun puisse donner, sur cet article capital, son point de vue et, ensuite, nous procéderons au reste de l'étude. Parce qu'il peut y avoir un enchevêtrement dans la discussion sur chacun des articles et je pense qu'on a un peu de bagage sur...

M. Johnson: M. le Président; je n'aurais personnellement aucune objection à ce qu'on fasse un premier tour de table pour que chacun des partis puisse s'exprimer, de façon générale, sur la notion d'inclusion du vote secret, quitte à ce qu'ensuite nous parlions... J'avoue que cela ressemble un peu à un débat de deuxième lecture. Je veux bien l'accepter, à condition, cependant, si le député de Johnson était d'accord, qu'on limite le temps d'intervention de chacun des partis à dix minutes, par exemple, quitte à ce qu'ensuite on revienne aux rèqles normales de procédure pour la discussion, sous-article par sous-article, avec les amendements.

M. Bellemare: Si c'était onze minutes, on n'aurait peut-être pas d'objection. Le temps ne sera pas long. Je ne pense pas qu'il y ait énormément de dépassements de la normale.

M.Johnson: Est-ce qu'on pourrait s'entendre pour dix minutes?

M. Bellemare: Mais il y aurait peut-être lieu, à cause de l'importance qu'il y a, de ne pas imposer de limite. Je pense que cela va bien et, dans l'ensemble, il n'y a aucune précipitation. Mais il faudrait qu'il n'y ait aucune restriction.

M. Johnson: M. le Président, le député de Johnson conviendra que, jusqu'à maintenant, la partie gouvernementale a été très large et n'est pas intervenue pour interrompre l'Opposition qui veut s'exprimer sur ces questions.

M. Bellemare: II n'y a pas eu lieu...

M. Johnson: Cependant, étant donné qu'il y a eu une deuxième lecture, que les considérations dont veut nous faire part le député de Johnson en particulier, touchent, à mon avis, fondamentalement, les questions de principe afférentes au bill, je veux bien, pour éclairer le reste du débat et les propositions d'amendement qu'il a, que nous puissions procéder à un tour de table de chacun des partis, de façon générale, sur la notion de vote secret.

Cependant, j'aimerais quand même qu'il accepte que nous limitions cette intervention à dix minutes par parti, pour ne pas faire ici ce qui est un débat de deuxième lecture.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je suis d'accord avec le député de Johnson, et, dans le fond, aussi avec le ministre, sur l'opportunité d'un débat général. Il y a, malgré tout, un fait que le ministre ne niera certainement pas, c'est que, depuis la deuxième lecture, il s'est produit un changement de venue dans la conception même de l'article 8 ou des amendements qui se regroupent sous l'article 8. Sans vouloir être pointilleux sur le règlement, je pense que cela oblige toutes les formations politiques à redéfinir leurs positions sur l'article 8.

Je ne voudrais pas non plus qu'on passe des heures là-dessus, mais il me semble qu'il y a eu passablement de collaboration de la part des partis de l'Opposition et que, si le député de Johnson veut prendre quinze minutes ou même vingt minutes, quant à moi, je n'ai pas d'objection, pourvu qu'on ne dépasse pas cela cependant. La règle ordinaire, quand on se met à limiter les débats ou à chronométrer les interventions, c'est ordinairement vingt minutes en commission parlementaire. Le sujet en vaut certainement la peine.

Je suis persuadé que la plupart d'entre nous ne se rendront pas à vingt minutes.

M. Johnson: M. le Président, à ce moment-là, je veux bien accepter la proposition du député de Johnson, renforcée par l'opinion du député de Saint-Laurent.

Cependant, je voudrais que le député de Johnson soit... Je ne sais pas s'il m'écoute. Cependant, je n'aurais pas d'objection effective-

ment à ce qu'on puisse déborder, mais comme c'est un peu exceptionnel qu'on fasse un débat de principe, je suis sûr qu'on peut compter sur la collaboration du député de Johnson pour que cela ne devienne pas...

M. Bellemare: II n'y a pas l'ombre d'un doute que cela ne durera peut-être pas cela, mais je ne voudrais pas accepter une limitation qui soit une restriction, c'est simplement cela. Je voudrais commencer par entendre le ministre et qu'on fasse un tour de table et le député...

Le Président (M. Clair): Messieurs, accepteriez-vous mon interprétation du règlement et en même temps une suggestion de l'entente? En vertu du règlement, tant pour l'étude d'un article que d'un point, chacun des députés a droit à vingt minutes.

M. Bellemare: Cela peut prendre la matinée et même l'après-midi.

Le Président (M. Clair): Exactement. Un instant, M. le député de Johnson! Pour le débat du principe de l'article 8, j'accorderais vingt minutes à chacun des intervenants, tel que le règlement le prévoit.

J'ai compris également que le ministre proposait qu'on étudie ensuite, sous-article par sous-article. A ce moment-là, on reprendra pour chacun des sous-articles les règles qui ont habituellement cours en commission parlementaire.

M. Bellemare: C'est d'accord.

Le Président (M. Clair): Je pense que cela peut faire l'affaire de tout le monde.

M. Bellemare: C'est d'accord.

Le Président (M. Clair): S'il n'y a pas d'objection, j'accorderai vingt minutes à chacun des intervenants pour exposer son point de vue. Je ne permettrai, autant que possible, pas de débat sur l'énoncé des points de vue des membres de la commission. Une fois que cela sera terminé, on commencera l'étude, sous-article par sous-article, même si ce n'est pas très conforme au règlement, puisqu'on est supposé adopter les articles, article par article, mais on s'entendra pour le faire, sous-article par sous-article.

M. Bellemare: II y a du travail pour l'après-midi et la journée de demain.

Le Président (M. Clair): Je comprends, M. le député de Johnson. Nous commençons immédiatement. Je donne la parole au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. M. le ministre.

Exposés généraux M. Pierre-Marc Johnson M. Johnson: M. le Président, je ne reviendrai pas sur ce qui a fait l'objet du débat de deuxième lecture quant à la notion même d'imposer l'obligation du vote secret. Je pense que beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, que la position du gouvernement est connue; elle s'inspire — je peux la résumer brièvement — du fait que, d'une part, au niveau de la réalité, on sait que l'immense majorité des syndicats prévoit le vote secret, l'immense majorité des syndicats également applique le vote secret dans des choses comme le vote de grève, l'élection des officiers et l'acceptation d'une convention collective, première chose. Deuxième chose, on sait, cependant, qu'il y a certains endroits où, à certaines occasions, cela ne se fait pas, pour des raisons diverses, dans certains cas, peut-être, parce que certains syndicats n'ont pas une tradition démocratique qui est vraiment à la base de leurs préoccupations, un respect fondamental de la démocratie, mais, encore une fois, je pense qu'il s'agit de cas exceptionnels.

D'autre part, c'est inspiré d'une conception qui considère que la légitimité d'une décision aussi importante que celle d'accepter de ne pas avoir ses revenus, par exemple, le vote de grève, cette légitimité doit s'asseoir sur le libre exercice d'un vote secret, c'est-à-dire que le salarié impliqué par une telle décision a vraiment à choisir en son âme et conscience, a à faire un choix en son âme et conscience. Je pense que cela découle un peu de cette conception que je juge de nature presque aussi publique des activités syndicales dans notre société. Le Code du travail est là, non seulement pour faciliter les relations entre employeur et employés, mais également, pour une large part, dans le Code du travail tel qu'il existe en ce moment, tel que modifié par le député de Johnson, alors qu'il était ministre du Travail, et tel que nous le modifions en ce moment par le projet de loi 45, le Code du travail est également là pour être un instrument pour les salariés pour qu'ils s'organisent afin de négocier collectivement des conditions de travail qui les touchent.

C'est un principe vieux comme le code. A cause de la nature, finalement, de ses pouvoirs considérables que l'Etat confie à l'association accréditée, à cause de la nature hautement technique des conventions collectives qu'on rencontre de plus en plus, je pense que les syndicats ont un rôle d'une nature quasi publique. En ce sens, il est donc normal qu'ils soient astreints à un minimum de conditions d'exercice dans les décisions qui peuvent affecter la vie de ceux qu'ils représentent, c'est-à-dire les travailleurs, les salariés; également, l'appréciation qu'un salarié a le droit de faire des conséquences du geste qu'il pose non seulement sur lui-même, mais sur l'entreprise qu'il privera maintenant, à cause de l'application de l'article 97a des moyens classiques auxquels, en principe, même si, en pratique, ils étaient peu utilisés, l'employeur pouvait avoir recours pour fonctionner. Cela m'apparaît fondamental.

Quant à certains autres aspects, j'aurai l'occasion d'y revenir dans l'étude sous-article par sous-article et, dans l'étude, j'en suis sûr, des nombreux amendements que nous présentera le

député de Johnson, entre autres, on retrouve certains autres principes, le fait que ceux qui ont accès à ce vote, ce sont les membres de l'association accréditée et non pas tous les membres de l'unité. Cela m'apparaît un principe fondamental.

Le Code du travail reconnaît à des associations accréditées des droits, il leur impose des obligations et, à mon avis, ce sont les membres de cette association accréditée, malgré le précompte syndical, qui doivent prendre des décisions en ce sens. On n'oblige personne à faire partie de l'association accréditée, bien que, par le précompte syndical, on oblige tout le monde à contribuer à cette association. Mais, fondamentalement, c'est le geste que le gouvernement pose. On le qualifiera, peut-être, au niveau du Conseil du patronat, comme je l'ai entendu, d'un renforcement de l'establishment syndical. Je ne l'accepte pas. Je considère que c'est la reconnaissance, non pas d'une sorte d'establishment syndical éthéré ou très réel dans certains cas, mais c'est la reconnaissance que le syndicalisme, comme forme d'organisation dans notre société, est une voie qui doit être efficace pour ceux qui l'utilisent et qui peut être efficace. Quand je dis: Ceux qui l'utilisent, je parle des salariés. A cet égard, il est normal que celui qui pose le geste d'adhérer à une association, puisse avoir, dans des décisions aussi importantes que celle d'un vote de grève, un droit que les autres n'ont pas, puisqu'ils ont choisi de ne pas participer à cette association. Cela m'apparaît fondamental dans l'économie du Code du travail tel qu'il existe depuis 1964.

Un autre aspect qu'on retrouve dans cet article est la notion nouvellement introduite, depuis le dépôt des amendements, du préavis de 48 heures. A ce sujet, encore une fois, M. le Président, je répète qu'en pratique, le problème souvent ne se pose pas.

Cependant, là où le problème peut se poser, l'article, même s'il risque dans certains cas particuliers, d'ennuyer le syndicat qui se verrait obligé, d'attendre pendant 48 heures avant de procéder au scrutin secret pour le déclenchement de la grève, c'est clair que, dans certains cas, ça causera des ennuis, mais je pense que si l'on fait la somme des avantages et des inconvénients, c'est finalement une première amorce de ce que j'appellerais les conditions d'accessibilité au vote pour ceux qui sont touchés par ce vote. Le gouvernement a choisi de ne pas entrer dans le détail de ce que pourraient être les différentes conditions d'accessibilité au vote, d'abord parce qu'il présume que, dans l'immense majorité des cas, il n'a pas à légiférer, puisque c'est respecté, et, deuxièmement, parce que canter dans la loi des règles précises risquerait de nous amener à des situations un peu aberrantes comme, par exemple, ces votes qu'on sait être pris par correspondance, dans certains syndicats. Si on se mettait à réglementer à l'article 19a l'ensemble du mécanisme du vote secret, on pourrait arriver à des aberrations qui font que certains syndicats qui ont des ramifications considérables à travers le Québec seraient, à toutes fins pratiques, dans l'impossibilité de respecter ces dispositions. Je pense que le texte est à la foi souple et indicatif, il est cependant clair, il a, je pense, sa valeur considérable de message au niveau des institutions syndicales et ii sera peut-être la base, comme beaucoup d'autres articles du Code du travail, de la définition éventuelle de ce qui est la bonne ou la mauvaise foi. Je pense que, dans l'avenir, il faudra commencer à essayer de qualifier concrètement ce que constitue la bonne ou la mauvaise foi de la part de l'employeur comme de la part de l'association accréditée. Or, des balises comme celles que nous introduisons à 19a deviendront peut-être un jour des critères objectifs, ou les plus objectifs possible ou vaguement quantifia-bles, de ce que peut représenter la bonne ou la mauvaise foi.

On retrouve également dans cet article — à cause des amendements que nous avons déposés hier — une nouvelle notion qui est celle de la distinction entre l'élection des officiers et, d'autre part, les votes de grève ou les votes sur convention collective. On sait que certaines associations accréditées procèdent, pour l'élection de leurs officiers, à un vote par palier, par délégation. C'est le cas de certaines centrales syndicales — on le sait — où il n'y a pas au suffrage universel élection d'officiers, mais bel et bien élection par délégation à un pouvoir local ou régional. En ce sens, le gouvernement juge, parce qu'il ne veut pas intervenir dans le mécanisme très concret et dans les structures proprement dites des syndicats — il peut intervenir au niveau d'un geste, c'est vrai, nous le reconnaissons — de laisser les syndicats déterminer quelles sont ces fonctions qui doivent être électives. Il leur laisse aussi le pouvoir de déterminer comment ce scrutin secret doit avoir lieu et qui a accès au vote. Il prévoit cependant que les syndicats — et, à ma connaissance, il n'en existe pas, il en existe sans doute, mais, à ma connaissance, pour le moment, il n'en existe pas, sûrement en totalité, sinon en immense majorité, prévoient dans leurs statuts un mécanisme de vote secret pour l'élection des officiers. Mais s'il advenait que nous trouvions un syndicat dont les règlements ou les status ne prévoient pas de vote secret, il faudrait à ce moment que le syndicat procède à un vote au scrutin universel de ses membres pour l'élection de ses officiers.

Encore une fois, il s'agit, je pense, d'un article qui a, dans la pratique, une valeur beaucoup plus indicative.

Une dernière chose, à mon avis, fondamentale que nous retrouvons dans cet article, soit la notion de non-ingérence de l'employeur et de respect, finalement, de la vie démocratique des syndicats par l'effort de ne pas les enquiquiner avec ce qui pourrait devenir une série de recours judiciaires. On se rappellera que, dans le projet de loi 45, il y avait un mécanisme fort complexe qui était prévu: l'obligation d'inclusion dans les

statuts. Dans une deuxième étape on prévoyait la nécessité pour le syndicat de respecter ses propres statuts. On créait, en vertu du dernier alinéa de l'article 19a du projet de loi 45, un recours de droit commun pour imposer aux syndicats le respect de leurs propres statuts.

Nous avons supprimé cela en introduisant une notion de sanction pénale, celle prévue au chapitre 8 du code, et non pas les sanctions qu'on peut retrouver au niveau de l'utilisation, par exemple, de l'injonction par la Cour supérieure.

Ceci dit, nous n'avons évidemment, par définition, puisque nous sommes un gouvernement provincial dans le contexte de !a constitution et des articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nous n'avons évidemment aucune garantie que la Cour supérieure ne trouverait pas, un jour, justification à une intervention. Il ne nous appartient pas de légiférer sur les pouvoirs de la Cour supérieure. Cependant, nous pensons avoir pris toutes les précautions possibles, compte tenu de l'état du droit administratif actuel au Canada dans cette matière, pour que vraiment le seul recours auquel puisse donner lieu une dérogation aux obligations qu'on retrouve aux articles 19a et suivants soit le recours en vertu du chapitre 8 du code, c'est-à-dire les sanctions pénales contre l'association accréditée.

Je pense, M. le Président, qu'il s'agit là des grands principes qu'on retrouve dans cet article et je suis prêt, évidemment, à entendre les commentaires de l'Opposition. Peut-être qu'en terminant je pourrais vous aviser d'une erreur d'écriture, encore une fois. L'article 19b, deuxième alinéa, commence par: Si l'association est autorisée à déclarer la grève, elle doit en aviser le ministre... C'est: Elle doit en aviser "par écrit" le ministre, évidemment.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai écouté l'exposé du ministre, intérêt d'ailleurs proportionnel à celui avec lequel j'ai pris connaissance des amendements qu'il a déposés avant-hier relativement à l'article 8. Ces amendements étaient attendus puisque, de l'avis presque unanime de tous ceux qui ont bien voulu discuter en détail de l'article 8 du projet de loi 45, la procédure, le mécanisme utilisé pour assurer l'exercice de la démocratie à l'intérieur des syndicats, telle qu'elle était envisagée dans le projet de loi 45, était totalement inefficace. Cela supposait qu'on ait d'abord la démocratie pour qu'on puisse en revendiquer les manquements. Si, par hypothèse, on se trouvait dans un syndicat où n'existait pas la démocratie au départ, il était à peu près inévitable qu'on ne puisse y apporter de correctifs par le moyen envisagé dans le projet de loi 45.

Mais ce n'est pas sur des questions d'efficacité plus ou moins grande des mesures envisagées que je veux faire porter mes remarques, à ce moment-ci du moins. Il n'est pas prouvé d'ailleurs que l'efficacité des mesures introduites par le ministre soit plus grande, à supposer qu'on puisse définir ce qu'est l'efficacité dans ce cas-là, mais ce n'est pas du tout prouvé que cette nouvelle formulation soit meilleure, d'une certaine façon, que celle qui l'a précédée.

Je crois qu'il y a un point plus fondamental sur lequel il faut faire porter nos débats, dans un premier temps; c'est la question du principe qui est sous-jacent à cette intervention gouvernementale. Il me semble qu'il y a, sur le plan des principes, énormément de réticence, il devrait y avoir énormément de réticence de la part de tous et chacun d'entre nous à ce que, dans le cas d'un organisme essentiellement privé et volontaire, d'autant plus volontaire et privé qu'on le fait reporter sur la liberté d'association, l'exercice par les syndiqués de leur liberté d'association, comme je l'indiquais hier, liberté également à la dissidence vis-à-vis d'une association qui prétend les représenter...

Donc, si les associations de salariés sont l'expression de la liberté des travailleurs, une expression volontaire, privée, non étatique, il me semble extrêmement douteux que l'on s'embarque dans un effort pour venir dire à un organisme, qui correspond à cette description, comment aménager, organiser ses affaires internes, comment procéder au choix de ses dirigeants, à quelle procédure se soumettre pour décider de ses orientations, etc.

Nous tous qui sommes dans une activité, non pas syndicale, mais politique, interrogeons-nous pour savoir si nous accepterions qu'une loi, même avec les meilleures intentions du monde, vienne dire à chacun des partis politiques selon quelle procédure interne le parti auquel chacun d'entre nous appartient doit procéder à telle ou telle élection à ses postes de direction, dans quelle circonstance ça doit se faire, avec quelle fréquence, etc.

Je crois que, très rapidement, on en viendrait à convenir que ce genre d'intervention, même dans un parti politique qui est presque le prolongement des institutions publiques et gouvernementales, ça pourrait se faire, à la limite, de façon très minime, mais vraiment pas dans le fond, puisque les limites seraient tellement étroites qu'il ne resterait que bien peu de choses à réglementer.

Ce que nous disons vis-à-vis des partis politiques, c'est que chacun doit se justifier vis-à-vis du public en général, vis-à-vis de l'électorat et c'est l'électorat, le peuple qui, en dernier ressort, juge si un parti politique est suffisamment démocratique, suffisamment soucieux de tout faire au grand jour, etc., pour mériter sa confiance.

De la même façon, le raisonnement vaut pour une association volontaire de salariés qui se regroupent pour défendre leurs intérêts. Je pense que c'est sur ce principe qu'il est essen-

tiel de se placer pour juger de l'opportunité de l'article 8. Je serai appelé à développer ce point de vue davantage, mais je pense qu'il suffit de l'affirmer comme je l'ai fait pour montrer quelle est notre attitude, au départ, vis-à-vis de ce projet de réglementation. A cet argument, d'autres vont en ajouter de caractère plus pratique en disant: Ce n'est pas nécessaire parce que ça existe dans tous les cas. C'est un argument qui est valable dans l'immense majorité des cas, mais c'est un argument de convenance, d'opportunité qui n'a pas le même caractère qu'une objection de principe.

Il y a cependant un point de vue, une objection qu'on peut faire à cette vision peut-être un peu éthérée de la réalité et c'est une objection qui est basée sur le rôle du syndicat dans la société, qui rejoint non seulement ses propres membres, mais qui, par son action, sa présence au sein de l'entreprise, sa possibilité, par exemple, de déclencher une grève, a des effets sur des gens qui ne sont pas membres et, comme tout organisme qui a un effet qui dépasse ses membres, qui n'est pas simplement analogue, dans le fond, à un club de tennis ou à quelque chose du genre.

Il y a une action syndicale qui peut, à l'occasion, toucher les tiers, peut causer de graves préjudices non seulement à l'employeur, mais aussi au grand public, par l'interruption de services essentiels, etc., et qui peut aussi viser des salariés qui ne sont pas membres du syndicat.

Donc, il y a un effet possible sur les tiers et c'est dans la mesure où un syndicat affecte les tiers que l'Etat peut valablement se poser des questions, à savoir par exemple, si cet organisme qui prétend agir au nom d'une majorité de salariés agit effectivement au nom d'une majorité de salariés et, si oui, il y a quand même un début d'indication que cette action, même si elle cause des préjudices, pourvu qu'elle se fasse à l'intérieur des lois, est légitime.

Il s'agit donc pour l'Etat d'une action qui finit par atteindre des tiers et de vérifier la légitimité de l'action syndicale. A mon avis, c'est tout à fait différent, comme principe d'intervention, d'un intéressement, d'une intervention gouvernementale étatique, pour, à tout moment, vérifier si les procédures internes ont été correctement définies et correctement observées. Effectivement, il y a un monde de différence entre les deux.

Je crois que ce serait important que ce soit inscrit dans le cadre du journal des Débats, parce qu'il s'agit d'un point de vue qui n'émane pas du patronat, qui n'émane pas d'organisations syndicales non plus, mais qui expose très clairement ce point de vue que je viens de citer, et j'aimerais citer un article de M. Gérard Dion, un spécialiste des relations de travail, dont tout le monde reconnaît la valeur, article publié le 5 novembre dernier, dans le Devoir, qui soulignait de la façon que je viens de la décrire l'attitude possiblement défendable de l'Etat relativement à cette question de vote de grève, etc.

Il disait donc: "Pour notre part, même si nous ne croyons pas à la vertu magique de l'insertion dans la législation de l'obligation de tenir un vote au scrutin secret, étant donné les pratiques actuelles dans les relations du travail au Québec, nous sommes bien obligés de nous résoudre à favoriser cette mesure."

On voit donc, M. le Président, que, dans toute cette affaire, il ne s'agit pas d'agir de façon doctrinaire, il ne s'agit pas de vouloir imposer au syndicat sa conception personnelle, de la façon dont les choses devraient aller, mais de s'y résoudre parce qu'il y a des conséquences possibles à une absence de légitimité, dans certains cas exceptionnelle, de l'action syndicale.

Le professeur Dion reprend: "Puisque tous les travailleurs compris dans l'unité de négociation sont directement affectés par la grève et qu'ils auront à vivre la convention qui sera signée, c'est leur droit strict de pouvoir dire leur mot dans ces affaires qui les concernent intimement et donc de participer à ces votes. Il s'agit d'une question de justice élémentaire qui doit être inscrite dans la loi. "De plus, le scrutin secret ne doit pas être tenu au cours d'une assemblée et, encore moins, les décisions prises par un vote majoritaire des membres qui y participent, ainsi que le prévoyait alors le bill 45. D'abord, si tous les salariés de l'unité de négociation y participent, il ne peut s'agir d'une assemblée syndicale. Ensuite, on sait comment il est facile de manipuler une assemblée et on connaît la technique classique toujours efficace qui consiste à en prolonger la durée, en écoeurant les participants et à prendre le vote lorsqu'il ne reste plus qu'un petit groupe d'activistes. "C'est pourquoi le scrutin doit être tenu en dehors d'une assemblée et sous la surveillance d'un représentant du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, etc."

La position que défend le professeur Dion dans tout ceci, c'est effectivement dans des circonstances exceptionnelles et dans des cas spéciaux où on peut douter de la légitimité d'une décision syndicale qui affecte les tiers, de faire un référendum, en quelque sorte, auprès de tous les travailleurs impliqués, non seulement les membres de l'association de salariés, de manière à vérifier cette légitimité, mais non pas d'intervenir de façon systématique dans les affaires internes du syndicat.

J'aimerais, en terminant, sur ce point général, M. le Président, opposer ce point de vue aux prétentions ou aux demandes qu'ont présentées le patronat et les syndicats.

Voici un point sur lequel le ministre a également insisté. La position patronale donne parfois l'impression, sur cette question des votes de grève, de chercher à semer des difficultés procédurières ou des embûches sur la voie d'une action syndicale normale, c'est-à-dire en spécifiant suffisamment de modalités techniques dans une loi pour qu'un vote soit pris légalement en forçant la prise répétée de scrutin au cours d'un conflit, à multiplier les difficultés techniques, les

ennuis, à rendre l'expression de la volonté des syndiqués plus difficile, à ouvrir la porte à des contestations judiciaires qui pourraient évidemment non pas régler quoi que ce soit, parce qu'on sait avec quelle lenteur ces choses se déroulent, mais, envenimer en quelque sorte les relations de travail en suscitant des occasions pour les plaideurs et les plaidoiries, bref, à placer le syndicalisme dans une position défensive par rapport à sa participation à des grèves ou à des arrêts de travail.

Ce n'est clairement pas la position que nous défendons dans cette affaire. Je crois, comme le ministre l'a dit et pour les mêmes raisons, qu'il ne s'agit pas du tout d'adopter une attitude comme celle-là. Notre préoccupation vise à intervenir non pas pour semer des embûches de façon systématique et sans besoin, mais à donner ouverture, dans des cas exceptionnels, lorsque le ministre peut se satisfaire des motifs valables de douter de la légitimité d'une action syndicale, de pouvoir mettre à l'épreuve ce doute ou l'éliminer par l'organisation d'un référendum sur les lieux de travail auxquel participeraient tous les travailleurs impliqués.

La position syndicale, par ailleurs, en est une de laisser-faire absolu. On dit, et avec raison sans doute, que ces règles internes existent souvent, même dans la plupart des cas, et même on dit dans l'immense majorité des cas observés. Je veux bien le croire. C'est sans aucun doute une assurance de l'entendre dire. C'est même rassurant de le constater. J'ai constaté moi-même que, dans bien des cas, ces votes étaient absolument réguliers. Mais un argument de laisser-faire comme dans tous les cas et tous les arguments de laisser-faire ne sont jamais convaincants, parce qu'il est clair que nous n'avons pas besoin du Code criminel non plus, puisque la plupart des gens ne tuent personne et que la plupart des gens ne se livrent à aucune activité criminelle de façon habituelle.

Dire que cela ne vise qu'une proportion infime de la population, abolissons le Code criminel, puisque cela n'a aucune application pour 99% des gens, ce n'est évidemment pas un raisonnement acceptable.

Il y a des choses qui se passent, à la fois sur le plan du Code criminel et sur le plan d'accrocs à la démocratie syndicale et de perte de légitimité de l'action syndicale qui, même si elles sont minoritaires, doivent être sanctionnées d'une façon ou d'une autre, mais, précisément, le type de sanction qui doit intervenir doit s'inspirer un peu de ce qu'on fait justement dans le cas des actes criminels.

Le Code criminel présume que tout le monde est innocent, qu'il doit d'abord y avoir un motif raisonnable de croire que quelqu'un a commis une offense et il faut, en plus de cela, prouver qu'il a commis une offense de manière qu'il soit formellement condamné.

Je crois que l'argument syndical vis-à-vis de l'immense majorité des cas nous amène non pas à abolir toute réglementation, mais à s'assurer que la réglementation est une réglementation d'exception, non pas qu'on intervienne par des lois d'exception, mais qu'elle ne cherche pas à créer des difficultés à tous les syndicats tout le temps et qu'elle cherche simplement à donner une possibilité d'intervention spécifique, lorsqu'on a des motifs valables de croire qu'il y a quelque chose qui ne va pas, qu'il y a une perte de légitimité.

C'est tout cela qui nous amènera à exprimer des doutes quant à des règles générales sur la démocratie syndicale et à recommander que le Code du travail soit amendé de manière que le ministre, dans des cas bien circonscrits, puisse mettre en marche une procédure pour vérifier la légitimité d'un geste syndical, mais qu'en dehors de ces cas qui sont très peu nombreux, j'en suis sûr, il y ait reconnaissance d'un principe de non-ingérence générale dans la vie des syndicats, comme il y a, dans le Code criminel et dans le reste des lois, un principe général de non-intervention dans la vie privée des citoyens.

On voit, par les accrocs qu'on y fait justement, combien ce principe est perçu par tout le monde comme une des assises du genre de société dans laquelle on vit. Tout le monde sent bien que les accrocs auxquels le ministre a fait allusion, il y a un instant, sont une violation absolument intolérable du genre de société dans laquelle non seulement on vit, enfin, on l'espère, dans la plupart des cas habituellement, mais dans laquelle on veut continuer de vivre. C'est là-dessus que je termine. Il y aura, bien sûr, un certain nombre d'amendements inspirés par ces recommandations. Je voulais indiquer un peu à l'avance l'esprit dans lequel on les présenterait.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: M. le Président, d'abord la première chose qui me frappe, c'est que, dans la section II, accréditation des associations, on change le titre de l'accréditation pour certaines obligations des associations accréditées. Le titre dit beaucoup, parce que, quand on interprète la loi et même le Code du travail, on commence par voir le titre des chapitres et des différentes sections qui ont été mises là par le législateur justement pour que, s'il y a des droits, il y ait aussi des devoirs. Je pense que les syndicats ne doivent pas échapper à cette règle fondamentale. C'est pour cela que la nouvelle section II s'intitulera "De certaines obligations des associations accréditées".

Maintenant, je tiens à dire, dès le départ, que nous considérons cette section du Code du travail, les obligations des associations accréditées, comme un contrepoids bien normal aux droits reconnus à toute association en vertu de l'article 8 du projet de loi 45, par exemple, le précompte syndical obligatoire.

Il y a une chose, cependant, que je tiens à noter d'une manière bien spéciale, c'est qu'il faut se rendre compte que cet article vise tout d'abord à protéger les droits les plus fondamen-

taux des salariés. Il faut nous assurer que les obligations qui sont prévues dans ces amendements ne resteront pas que des voeux pieux, au contraire.

Je pense que le ministre, au lieu de nous présenter une clause omnibus, a accepté que les quatre points séparés qui étaient dans ses amendements, soit le vote sur le retour au travail, soient complètement exclus. J'ai un peu de difficulté à comprendre cet argument du ministre, parce que le vote du retour au travail, qui est exclu complètement maintenant, me rend un peu songeur. S'il y a véritablement souvent des lacunes ou des choses troublantes qui amènent de la discrimination, c'est bien dans le retour au travail qui est aujourd'hui négocié quasiment comme une convention collective. On l'a exclu du vote complètement.

Je ne sais pas s'il y a des détails qui pourraient peut-être me convaincre que c'est mieux. On dira peut-être que cela avait pour objection principale de retarder la fin d'une grève. Je suis bien disposé à entendre ces réflexions du ministre ou d'autres, mais je pense que l'avoir exclu complètement du vote secret sur les conditions de retour au travail peut amener des complications.

Le ministre a aussi retiré les articles 19c et suivants du projet de loi no 45 qui prévoyaient particulièrement une procédure assez complexe pour l'inobservance de l'article 19a. Je dois sûrement lui dire que, maintenant, l'article 19d, qui remplace les articles établissant une sanction, est extrêmement décevant. Je voudrais bien qu'il prenne ça, le ministre, en passant. D'ailleurs, nous aurons l'occasion d'en reparler un peu plus tard, avec d'autres arguments.

Mais j'avais, un jour, M. le Président — je pense que l'anecdote vaut la peine d'être racontée— travaillé au règlement d'une longue grève qui avait duré cinq mois et j'avais présidé, pour essayer de faciliter les choses, à l'étude article par article de la convention collective; comme c'était Carrier et Frères, il y avait les chauffeurs d'autobus et il y avait aussi les mécaniciens d'atelier. Après avoir passé plusieurs nuits blanches à étiqueter les articles et à les faire contresigner par chacun des représentants syndicaux officiels, j'avais demandé au sous-ministre du temps, M. Donat Quimper, d'aller lui-même présider l'assemblée pour le retour au travail. A ma grande surprise, le lendemain matin, j'ai appris que le vote avait été pris et que les articles qui avaient tous été acceptés et contresignés avaient été rejetés.

Alors, je ne pense pas que ce soit par des lois qu'on pourra véritablement forcer tous les syndicalistes à faire qu'une convention collective apporte le mieux-être, mais il y a un point que je voudrais souligner d'une manière plus spéciale, c'est qu'ici, tous les membres d'une unité de négociation n'auront pas le droit de vote. Auront le droit de vote au secret seulement les membres qui appartiennent à l'association accréditée. Vous allez peut-être me trouver un peu vieillot, mais je comprends qu'aujourd'hui, dans presque toutes les associations, il n'y a pas 5% de ces gens, qui font partie d'une unité de négociation, qui ne sont pas réellement des membres accrédités. Mais j'y vois là une intervention, comme disait tout à l'heure le député de Saint-Laurent, assez directe du gouvernement pour exclure tous ceux qui n'ont pas le droit de vote, qui sont membres d'une unité de négociation, mais qui ne font pas partie de l'unité d'accréditation.

On parle, d'ailleurs, d'une association de salariés très large, mais on ne parle plus de ça. On parle plutôt d'une association accréditée, c'est beaucoup plus restreint. Je voudrais simplement faire une relation avec ce que nous disaient les membres de l'Hydro-Québec quand ils sont venus.

Ils disaient "Dans le contexte des structures syndicales actuelles, le terme: "association de salariés" désigne souvent un ensemble d'unités d'accréditation, souvent regroupées en association. Au lieu et place du terme "association de salariés", c'est le terme "association accréditée", puisque c'est à ce niveau que se prennent les décisions touchant les salariés d'une unité de négociation."

Le ministre s'est rendu à cette suggestion et nous croyons qu'il a peut-être choisi le moindre mal, mais comme nous avons voté, en deuxième lecture, en faveur de l'association accréditée, nous ne voudrons pas changer notre vote, c'est sûr, mais je dis qu'il y a véritablement... Je comprends que si la formule Rand s'appliquait, tout ceux qui sont dans l'unité de négociation auraient le droit de vote secret. Qu'on réserve le vote secret à ceux qui font partie de l'association accréditée pour les cadres supérieurs, d'accord, mais lorsqu'il s'agit de déclencher une grève ou des autres points qui suivent, je pense que ce serait... D'ailleurs on va le voir à l'étude des sous-articles, mais quand j'entends le député de Saint-Laurent dire qu'il y a une intervention gouvernementale ou un principe qui ne semble pas justifié, je pense que... Il y a plusieurs exemples notoires du Code du travail où le gouvernement a délégué certaines responsabilités et on a fait que le principe en cause actuellement semble plutôt porter à certaines allusions diverses. Mais je pense que le ministre a été très habile pour faire disparaître toute cette longue procédure que contenait l'ancien projet de loi, à 19e 19f, 19g, 19h, 19j, qui avait, dans le temps, véritablement noté que le gouvernement craignait... Le ministre d'aujourd'hui semble plus résolu à appliquer certaines disciplines qui sont plus modernes. Je ne pense pas qu'il y ait un nombre considérable de membres qui n'appartiennent pas à des associations accréditées; ils sont maintenant assez rares parce que, au début, le syndicalisme se butait surtout à cet argument difficile de ceux qui faisaient partie des négociations et qui ne voulaient pas faire partie d'une association accréditée. Mais, avec la formule Rand, avec les améliorations que les conventions collectives ont apportées, avec la meilleure

compréhension qui existe dans le monde du travail, des obligations et des responsabilités de chacun, je pense qu'on peut, aujourd'hui, procéder de cette façon sans trop léser les droits de quiconque.

Le député de Saint-Laurent semble inquiet, je lui dirai qu'il s'agirait de vivre au milieu de cette masse d'ouvriers, pas ceux qui crient le plus fort, mais ceux qui pensent réellement, pour savoir qu'il y a peut-être eu des gens qui ont dépassé certaines bornes, mais, depuis quelques années, et en particulier depuis l'enquête qui s'est faite sur les relations de travail, il y a eu des prises de position qui ont été acceptées et qui avaient été mises de l'avant dans le temps pour convaincre les patrons qui étaient antisyndicaux.

Je comprends qu'on était allé très loin dans certaines mesures, qu'on avait même dépassé les bornes. Le Barreau canadien avait trouvé des formules assez souples pour répondre à certains désirs de patrons qui étaient antisyndicaux. Aujourd'hui, on est en train de chercher la véritable voie, comme je le disais hier, la voie qui doit être plutôt conciliante et la voie qui doit nous amener vers une certaine paix industrielle entre patrons et employés.

M. le Président, comme vous l'avez vu, mon intervention n'a pas duré 20 minutes et mes remarques ont été assez ponctuelles sur le sujet même. Je serais prêt à entendre maintenant le ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, on a répété à plusieurs reprises depuis le début du dépôt...

M. Bellemare: Parlez proche, parce qu'en plus d'être vieux et sourd, ce tapage, ce matin...

M. Chevrette: Je disais donc qu'on a répété à plusieurs reprises que le projet de loi 45 reproduisait, à toutes fins pratiques, une situation de fait.

M. Bellemare: Oui, je viens de le dire.

M. Chevrette: Par exemple, la question de considérer que 95% des syndicats de la CSN ont, dans leurs règlements, le vote secret. Egalement, l'élection des officiers se fait par vote secret dans 95, sinon 98% des syndicats de la CSN, et la très forte majorité des syndicats de la FTQ, CEQ, CSD, etc. Donc, là-dessus, je n'ai pas l'intention d'argumenter très longtemps. Je voudrais plutôt faire ressortir une certaine inquiétude quant à l'aspect pratique des amendements proposés et peut-être du projet de loi comme tel, une inquiétude basée sur une expérience passée que j'ai vécue et qui peut contribuer, en tout cas je le crois, au niveau de ce débat en troisième lecture, à une certaine analyse comme groupe.

Je suis content, en passant, de l'atmosphère qui règne au niveau de. cette commission puisqu'on peut s'exprimer en tant que député de l'Assemblée nationale d'une façon assez ouverte et sans qu'il y ait eu de charriage de part et d'autre. J'en suis très heureux jusqu'à maintenant, et j'espère que cela va continuer jusqu'à la fin. Au-delà des titres de dissociation de parti ou encore de dissidence, je pense qu'on se doit, comme députés, d'apporter sûrement une contribution à ce débat.

Je disais donc que j'ai une inquiétude basée sur une expérience pratique à partir, en particulier, des 48 heures pour ce qui est de l'avis écrit du vote de grève. Des situations me viennent à l'esprit — en particulier, lors des différents types de grèves utilisés par les syndicats et la riposte patronale, qui est le pendant de la grève, le lock-out — et m'intriguent énormément.

Je prends l'exemple d'un employeur qui aurait vu venir une grève éventuelle, un conflit de travail, qui aurait bourré des entrepôts de matériel, fruit de sa production, et qui déciderait de mettre la clef dans la porte, jusqu'au moment où il a passablement écoulé le matériel en question. Ensuite, il décide de rouvrir.

Ma question va s'adresser à M. le ministre. Si je comprends bien, le retour au travail s'effectue, puisque pour être en grève, il faut un avis de 48 heures.

Il y a donc un retour au travail de 24 heures, au minimum. Là-dessus, je me demande si le projet de loi comme tel, même le premier brouillon ou le deuxième, ne fournit pas une occasion encore plus grande de casse à l'intérieur de l'usine. L'individu qui serait forcé d'entrer au travail pour 24 heures ou 48 heures, par dépit, ne serait-il pas porté à provoquer du sabotage à l'intérieur? Et là, je comprends pourquoi M. le ministre n'a pas mis 48 heures avant le déclenchement d'un lock-out, parce que le lock-out, si on ne met pas d'heure ou d'avis écrit, c'est précisément pour éviter qu'il y ait de la casse. Cela m'intrigue énormément et je ne sais pas s'il y a un moyen de reformuler ça pour essayer d'éviter qu'on n'assiste pas à ces scènes disgracieuses d'obligation de retour au travail pour prendre uniquement un vote de grève et sortir de nouveau.

Parce que, quand tu es en grève, et en lockout en particulier, tu reviens au travail, tu es en fusil parce que tu réalises que tu t'es fait jouer par le lock-out, tu ne voudrais pas retourner au travail, mais la loi t'y force et uniquement dans un contexte de prise de vote. C'est une inquiétude que j'ai, qui est assez grande.

Deuxièmement, il y a l'aspect mobilisation des troupes syndicales. Et là, c'est peut-être mon vieux passé qui revient à la surface, mais je suppose qu'on joue au fou une ou deux fois, entrée au travail, sortie par vote de grève, suite à des lock-out, on sait que ça démobilise des trou-

pes énormément. Je me demande jusqu'à quel point on ne briserait pas le rapport de force. Là-dessus, je dois vous avouer que des troupes bien mobilisées peuvent facilement entrer au travail et ressortir en grève.

Mais, dans un vote de grève serré, où on sait que, par exemple, à 70% d'une semaine à l'autre, ça peut changer de 10% ou 15%, un vote de grève, je me demande si on n'affaiblirait pas la mobilisation à l'intérieur des troupes syndicales. Là-dessus, j'ai une interrogation assez grande. Quant au reste de l'article comme tel, je n'ai personnellement pas d'inquiétude quant au protocole de retour au travail, parce que les trois quarts, sinon 90% des syndiqués subordonnent l'acceptation d'une convention collective au résultat de l'entente sur le protocole de retour au travail. Je ne m'interrogerai pas tellement là-dessus, parce que je pense qu'il y a des ententes de principe, mais les gens sont assez sages qu'avant de faire voter sur l'entente de principe, ils présentent à leurs troupes les grandes lignes du protocole de retour au travail et le vote se prend à peu près là-dessus.

Les gens ont développé une certaine prudence là-dessus, ils ne risquent pas de se ramasser, à moins d'une stratégie qui est de dire: Oui, on accepte les offres, à une condition, que tu nous donnes telle chose dans le protocole du retour au travail pour laisser porter l'odieux sur le patron. C'est possible que ce soient des stratégies, mais, règle générale, quand les gens arrivent à une entente de principe, c'est parce qu'ils ont déjà sondé les reins et les coeurs en ce qui regarde le protocole de retour au travail.

C'étaient donc les quelques observations que je voulais faire, j'espère qu'elles seront prises dans le sens de vouloir contribuer au débat et non pas dans le sens de me dissocier de mon ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je suis assez heureux qu'on puisse avoir ce matin la possibilité de faire une discussion générale sur l'article 8 avant de commencer l'étude article par article, parce que ça va me permettre d'expliquer le sens du travail que j'entends faire, face à l'article 8, mais aussi à l'ensemble des articles amendés ou pas du projet de loi 45. Il me semble que le rôle d'un député qui siège en commission parlementaire et qui étudie un projet de loi article par article, c'est d'apporter son concours afin d'améliorer au maximum le projet de loi et de faire que le produit fini qui va arriver à l'Assemblée nationale pour la troisième lecture soit le plus parfait possible.

Dans ce sens, n'importe quel député, il me semble, qu'il soit de l'Opposition ou du parti ministériel, doit en conscience apporter tout l'éclairage qu'il juge utile d'apporter. On doit le faire, il me semble aussi, de façon ouverte, franche, dégagée et publique.

Si les ministres n'avaient pas la possibilité de "souffir" le fait que des ministériels puissent apporter des suggestions pour un projet de loi, il me semble qu'on ne serait pas le gouvernement qu'on s'est engagé à être.

Dans ce sens-là, je voudrais aussi souligner que les attitudes et les commentaires qu'on peut entendre ou lire depuis hier frôlent pratiquement, quant à moi, l'intimidation face au travail d'un député. Il me semble que, chaque fois qu'un député manifeste, soit son désaccord sur la formulation d'un article de loi, soit son intention de vouloir améliorer le projet de loi, si chaque fois, on crie à la dissension, à la discorde, on empêcherait chaque député d'exercer véritablement ce pourquoi il est à l'Assemblée nationale.

Je voudrais donc, M. le Président, qu'on sache que chacun des commentaires que je vais apporter, chacun des votes que je vais prendre sur le projet de loi 45, comme sur l'ensemble des projets de loi qui seront présentés à l'Assemblée nationale, le seront dans cet esprit, dans l'esprit de contribuer, comme tous les députés doivent le faire, à atteindre les projets de loi les plus parfaits possible.

Sur l'article 8, de façon plus précise, à l'article 19a, sur le vote secret quant à l'élection des exécutifs de syndicats d'associations accréditées, je sais que, dans certains milieux syndicaux, on s'offusque et on refuse que la loi prévoie, écrive ce qui se passe en réalité. On se dit, dans certains milieux syndicaux, que, comme les règlements des syndicats, des associations, prévoient déjà le vote secret, il est inutile de le placer dans la loi.

Quant à moi, depuis près de douze ans que je suis dans le milieu syndical, je n'ai jamais rencontré, dans le milieu où j'ai évolué, de syndicats qui faisaient voter une grève ou qui élisaient leur exécutif sans le faire par scrutin secret. C'était une pratique courante, admise, même quand ce n'était pas inscrit dans les règlements du syndicat. C'était la façon de procéder, à 90% ou 95%.

Les circonstances ont aussi démontré que, lorsqu'on ne procède pas de cette façon, on ne peut réaliser une action syndicale valable. Un vote de grève pris à main levée, à la hâte, dans le désordre, ne peut pas faire une grève qui, finalement, rende justice aux travailleurs et leur permette d'atteindre ce pourquoi ils font la grève, c'est-à-dire la meilleure des conventions collectives. Je pense qu'il n'y a rien de plus pitoyable que d'assister à un vote de grève pris de cette façon.

Les syndicats, depuis les dix dernières années, ont eu l'occasion de corriger ces situations, ont eu l'occasion d'inscrire, dans leur réglementation ou dans leur pratique, le vote secret. Un certain pourcentage ne l'a pas fait. Il me semble que cela justifie parfaitement l'Etat, à ce moment-là, comme pour le précompte syndical qui est généralisé à 85% ou 90% — parce qu'il est généralisé à 90%, on ne s'empêche pas de le

mettre dans la loi — il me semble que, de la même façon, pour ce qui est du vote secret, même si c'est généralisé à 90%, on doit aussi l'inscrire dans la loi pour faire en sorte que les autres syndicats qui ne se sont pas, pour l'instant, pliés à cette pratique courante et reconnue, soient en mesure de procéder, à l'avenir, de cette façon.

Par ailleurs, dans le deuxième paragraphe — le ministre n'est pas là, mais j'espère qu'il y a des gens qui pourront prendre des notes — de l'article 19a, il me semble que la façon dont ce paragraphe est rédigé peut prêter à confusion. Je lis la deuxième partie du paragraphe: "A défaut de dispositions dans les statuts ou règlements de l'association prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu tous les ans au scrutin secret des membres de l'association."

Si j'appliquais intégralement cet article, cela voudrait dire que, si une association ou un syndicat avait, dans ses règlements, prévu que l'élection se ferait tous les deux ans, mais n'avait pas prévu que ce serait par scrutin secret, automatiquement, ce syndicat devrait tenir son élection tous les ans, même si, dans sa constitution, cela doit être tous les deux ans.

Il me semble qu'on devrait peut-être avoir une formulation qui permette de dire que, si le vote au scrutin secret n'est pas dans les règlements, on sera obligé de procéder à l'élection par scrutin secret, mais selon les modalités de l'élection prévues dans les divers règlements de chacun des syndicats.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, mais il me semble qu'il est clair pour moi que cela forcerait automatiquement un syndicat, qui n'aurait pas prévu le scrutin secret, à faire son élection tous les ans, même s'il a prévu, dans sa constitution...

M. Bellemare: M. le Président, le député me permettrait-il seulement une question? Est-ce que, dans la constitution même des centrales syndicales, il n'est pas spécifiquement dit, comme dans le Brotherhood, par exemple, qui est une autre sorte d'association syndicale, que, tous les ans, les officiers seront élus annuellement?

M. Bisaillon: Je pense que cela dépend des milieux, de différents milieux. Je sais qu'il y a beaucoup d'associations qui ont des élections tous les deux ans parce qu'au niveau de leur conseil d'administration, il y a des élections par rotation.

M. Bellemare: Je demande au député si, dans la constitution de la CSN, il y a un article qui prévoit qu'il y a une élection annuelle.

M. Bisaillon: II me semble que, dans le cas de la CSN, l'élection est à tous les deux ans. Dans le cas de la CEQ, il me semble que c'est à tous les deux ans aussi, puisque leur congrès se tient à tous les deux ans. Dans le cas de la FTQ, je pense que c'est la même chose. C'est au niveau des centrales, mais, dans les syndicats locaux, on peut assister à la même chose.

Ce que je voudrais qu'on précise, dans le deuxième paragraphe de l'article 19a, c'est que la seule obligation qu'on doit faire, ce n'est pas de changer les modalités prévues dans les constitutions, mais c'est d'obliger le scrutin secret à l'élection des membres de l'exécutif.

A l'article 19b, je ne voudrais pas reprendre l'ensemble des arguments qui ont déjà été invoqués, en particulier par le député de Joliette-Montcalm, mais je voudrais, avec vous, relire le deuxième paragraphe de l'article 19b. "Si l'association est autorisée à déclarer la grève, elle doit en aviser, par écrit, le ministre dans les quarante-huit heures qui suivent le scrutin".

Dans ce paragraphe, il me semble que, là aussi — j'oublie la question des quarante-huit heures pour l'instant — il y aurait avantage à préciser ou à améliorer la formulation même de l'article, puisqu'il peut prêter à confusion.

Le ministre, dans ses déclarations de départ, a parlé, dans le cas de l'avis de quarante-huit heures, d'un préavis. C'est, je pense, le terme qu'il a utilisé. Si je relis le deuxième paragraphe, il n'est pas clair pour moi que, dans le deuxième paragraphe, il s'agisse d'un préavis. On pourrait lire le deuxième paragraphe en supposant que, lorsque les membres d'un syndicat ont voté pour la grève à scrutin secret, lorsqu'ils ont autorisé le conseil d'administration à appliquer cette décision, ils doivent tout simplement faire parvenir un avis pour informer le ministre, ce qui est bien différent d'un préavis, comme l'a dit le ministre.

Si ce qu'on veut, c'est un préavis, déjà, la formulation, selon moi, n'est pas satisfaisante, puisque ce n'est pas clairement d'un préavis qu'il s'agit.

Si, par ailleurs, l'intention est de placer un préavis, c'est-à-dire de faire en sorte que la décision ne puisse effectivement s'appliquer qu'après la réception par le ministre de l'avis, que l'on ne puisse pas commencer la grève avant les quarante-huit heures prévues pour informer le ministre, s'il s'agit vraiment de cela, je me pose un certain nombre de questions et, dans le fond, un certain nombre d'objections sur cette façon de procéder.

Pour le faire, je voudrais faire le parallèle entre le lock-out et la grève. On a toujours prétendu que, dans le Code du travail, il y avait un certain parallélisme entre les obligations et les devoirs d'un organisme syndical et les obligations et les devoirs de l'employeur.

Dans le cas d'un lock-out, il n'y a pas de scrutin secret pour déterminer si le lock-out va se décider. Il n'y a pas de réunion forcée des actionnaires pour leur demander s'ils sont d'accord pour qu'on fasse un lock-out et il n'y a pas non plus de préavis au ministre pour lui dire que, dans quarante-huit heures, je ferai un lock-out, je fermerai l'usine. Ce parallèle n'existe pas.

Par ailleurs, lorsque des employés décident d'utiliser des droits reconnus par le Code du travail, ils doivent, pour exercer leurs droits, avant même de les exercer, aviser le ministre, donc rendre publiques leurs décisions.

Rendre publiques leurs décisions, c'est déjà dévoiler leur stratégie et le moment où ils entendent les appliquer. C'est déjà prêter le flanc et ouvrir les deux bras — cela fait de très mauvais boxeurs — à l'adversaire, et dire: Dépêche-toi de me frapper, parce que dans 48 heures, cela ne sera plus le temps, je vais être en grève. C'est donc annoncer clairement son jeu.

Cela pose aussi le problème... Le député de Joliette a déjà mentionné le cas où, par exemple, il y aurait eu un lock-out, les employés n'ont pas eu à prendre de décisions, car ils ont subi un lock-out. Le lock-out est levé, mais ils veulent, parce qu'ils ont eu l'occasion de se regrouper et de se parler, faire la grève; ils seraient obligés de rentrer dans l'usine et d'en sortir par la suite, dans le milieu syndical. Au strict plan humain, par surcroît, il semble qu'on ne peut pas jouer avec des individus de cette façon, seulement pour avoir un texte étanche. On ne peut pas demander à des gens: Entre et, dans 48 heures, tu sortiras, parce que la loi prévoit... Les gens ne comprennent pas cela, et ce n'est pas pour cela qu'ils se battent. Ce n'est pas pour cela, d'ailleurs, que les mécanismes du Code du travail sont prévus.

Cela pose, par ailleurs, un problème additionnel. Il existe —je pense que je ne vous apprendrai rien — des mandats qui sont donnés à des exécutifs syndicaux de déclencher une grève, mais en laissant à l'exécutif syndical, souvent après consultation avec les délégués d'ateliers, le soin de décider eux-mêmes de la date, du moment le plus opportun. Il n'y a rien de plus logique. Un groupe de travailleurs est placé devant un résultat de négociation, décide que ce résultat n'est pas satisfaisant, prend le vote de grève, mais laisse à l'exécutif syndical le soin de choisir le moment de la déclencher; ce qui a souvent permis d'éviter des grèves, d'éviter des conflits. Parce que l'employeur était placé devant une décision de l'assemblée générale qui était celle d'une grève, elle forçait la négociation et amenait un règlement.

Je pense qu'avec le préavis, tel qu'il est formulé, on empêche une assemblée générale de donner mandat librement à l'exécutif syndical de choisir lui-même la date du déclenchement. Pour toutes ces raisons, je demanderai au ministre de se pencher de nouveau sur la question du préavis de 48 heures, c'est-à-dire pour l'instant, de ce qui est pour moi seulement un avis, parce qu'il n'est pas clair que le texte, ici, parle d'un préavis. Si on veut maintenir un préavis, je soutiens qu'il faudra changer le texte pour indiquer clairement que cela doit être... Autrement dit, quand le ministre tantôt a annoncé qu'il y avait un mot d'oublié, je pensais que c'était "préalablement" qu'il était pour annoncer; mais il a dit que c'était "par écrit" qui manquait. Si on voulait parler d'un préavis, c'est peut-être "préalablement" qu'il aurait fallu écrire.

Sur le troisième paragraphe du même article, je suis d'accord, en gros. Mais je m'interroge sur la portée que peuvent avoir les termes "compte tenu des circonstances". L'association doit prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer ses membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin. Je sais pourquoi "compte tenu des circonstances" est là, mais j'aimerais que ce soit...

M. Bellemare: Je ne voudrais pas être déplaisant, seulement il entre justement là où on avait des remarques dans le même sens à faire, quant aux articles. Article par article, il était bien entendu...

M. Bisaillon: M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Jolivet): Mais je pense que, d'une façon ou d'une autre...

M. Bisaillon: Comme mes réflexions, M. le député de Johnson, ont pour but d'obtenir un certain nombre de réponses de la part du ministre dans le cours de nos discussions, avant qu'on puisse étudier cela, article par article, et prendre des votes, il semblait que c'était seulement pour indiquer au ministre là où j'avais des interrogations. Cela entre, d'après moi, dans quelque chose de général.

M. Bellemare: Vous nous ôtez quasiment les mots de la bouche. Nous aussi, dans les articles, avions...

M. Bisaillon: Mon objectif n'était pas de "scooper" M. le député de Johnson.

M. Bellemare: On a, au sujet des articles, presque les mêmes arguments.

Une Voix: Un choix très libre.

M. Bisaillon: Rapidement, je vais...

M. Bellemare: On a plané pour dire quelque chose. On n'a pas touché aux articles, parce que les articles...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Bisaillon: Je vais tenter de conclure rapidement. Je sais pourquoi on écrit: "compte tenu des circonstances". Mais cela peut aussi être ambigu. Imaginez, par exemple, une organisation syndicale qui convoque ses membres pour donner un compte rendu de la négociation. Le seul objectif de l'exécutif syndical est de donner une information sur le déroulement de la négociation.

Il faut en avoir tait des assemblées syndicales pour savoir qu'à un moment donné n'importe quel membre peut se lever et dire: Moi, je ne suis pas satisfait; je propose la grève. Là, on est

obligé, parce qu'il a fait une proposition et qu'il a le droit de la faire, de tenir un scrutin secret immédiatement. On n'avait même pas prévu d'être obligé de tenir ce scrutin secret. Alors, "compte tenu des circonstances" pourrait couvrir ça, mais je ne suis pas sûr que ce soit aussi clair que ça. Je demanderais qu'on essaie de se pencher sur une meilleure formulation que celle-là.

A l'article 19d, ma seule question, c'est: Pourquoi a-t-on ajouté "le procureur général"?

L'article 19e. C'est un article qu'il est tout à fait normal de trouver à cet endroit puisque, effectivement, déjà, un bon nombre de constitutions d'associations accréditées comportent des mesures qui vont plus loin que ce que la loi prévoit. Je pense que c'était utile d'indiquer que ça ne détruisait pas... Autrement dit, les mesures qu'on a prévues n'annulent pas ce qu'on pouvait avoir dans sa convention collective.

En résumé, M. le Président, je soulignerai trois amendements que j'aimerais voir, trois, au moins, qui se rapportent à de la formulation, et un de fond sur la question du préavis de 48 heures.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

Réponse de M. le ministre

M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais prendre les interventions que le député de Johnson vient de qualifier de planage ou de vol d'oiseau ou de colombe, comme, disons, évidemment, certaines affirmations, certaines pétitions de principe ou convictions, mais également comme des demandes, finalement, d'éclaircissements pas seulement des intentions, mais aussi de l'interprétation que celui qui vous parle fait des textes qui ont été rédigés et qui ont pris quelque temps à être rédigés. J'aimerais vous faire part de cette expérience de l'interprétation de la rédaction, sans vous parler de tout le cheminement que cela a pu suivre. J'aimerais aussi vous parler du contenu.

J'ai pris quelques notes lors des interventions au niveau précis de la signification du texte. D'abord, la question du député de Johnson: Pourquoi a-t-on exclu le protocole de retour au travail, qui était prévu cependant dans le projet de loi no 45, avec les amendements qu'on apporte? Je pense que le député de Joliette-Montcalm et le député de Sainte-Marie ont répondu à cette question. C'est que, dans certains cas, il y a signature d'une entente de principe; il y a également signature d'un protocole de retour au travail au niveau de ceux qui ont été délégués pour négocier de la part du syndicat.

Retourner devant l'assemblée des membres pour exiger qu'il y ait un vote secret sur le protocole de retour au travail et non pas sur la signature de la convention collective, d'abord, dans bien des cas, ça se fait comme ça puisque, comme le disait le député de Joliette-Montcalm, c'est conditionnel. La signature de la convention collective devient conditionnelle à l'acceptation du protocole de retour au travail, dans une bonne partie des cas.

Dans les autres cas, le nombre de difficultés que cela poserait de l'imposer sont les suivantes: Premièrement, vous auriez — c'est l'exemple qui m'a été donné par des syndicalistes du secteur parapublic, particulièrement du secteur des hôpitaux — vous avez affaire à une association accréditée qui a des membres un peu partout à travers le Québec. Une entente de principe est signée; il y a un protocole de retour au travail sur lequel les gens s'entendent et là, puisqu'il s'agit, entre autres, d'un secteur aussi névralgique que le secteur hospitalier, cela pourrait prendre jusqu'à deux, trois, quatre et cinq jours pour réussir à obtenir des réunions de tout le monde pour l'acceptation du retour au travail. En ce sens-là, on permet que, spontanément, la décision puisse être prise à travers le réseau, qui est habituellement le réseau téléphonique, l'information par des messages radio, TV, etc., les journaux. Finalement, c'est faciliter quoi? C'est faciliter un retour "à la normale", dans la mesure où on considère que, ce qui est normal, c'est que les salariés travaillent. Ils ont obtenu des conditions de travail, ils sont à leur travail, ils gagnent leur vie, etc. Ce qu'on fait, c'est qu'on facilite ce retour à la normale. En ce sens, cela m'apparaît assez fondamental et ça pourrait poser, je pense, des questions pratiques considérables.

L'exemple qu'on peut donner, c'est effectivement celui des hôpitaux. C'est ça, on va au pire, je suis d'accord.

M. Bellemare: Parce que, ordinairement, ça ne se produit pas comme ça.

M. Johnson: D'accord, pas toujours comme ça. C'est ce que je disais, dans la majorité des cas, la convention collective, sa signature ou son acceptation par l'assemblée, est conditionnelle, finalement, à l'acceptation d'une entente de principe, au niveau des négociateurs, sur le protocole de retour au travail.

Il y a un autre aspect qui, celui-là, découlerait beaucoup plus de ce que j'appelerais, encore une fois, la philosophie du Code du travail et qui est cette notion de représentativité collective, monopolistique, par une unité d'accréditation, dans un contexte où on ne vit pas l'accréditation multiple syndicale, comme c'est le cas en Europe, et c'est l'événement suivant qui pourrait se produire: Vous pourriez avoir une entente de principe survenue dans la convention collective, un protocole de retour au travail qui ne fait pas l'affaire de quelques individus et, puisqu'une négociation de convention collective implique une négociation pour l'ensemble et non pour chacun des individus — ce ne sont pas des contrats individuels qui se négocient, c'est une entente s'appliquant à tous — cela pourrait donner lieu, finalement, à une forme de ce que j'appellerais dissension à l'intérieur du syndicat, dans le sens où une personne, visée par le protocole de re-

tour au travail, qui sent qu'elle est lésée par ce protocole de retour au travail, pourrait, à ce moment, exiger la tenue du vote secret, pourrait imposer un mécanisme très lourd à l'ensemble parce que lui n'est pas satisfait de la condition. Or, il y a, par définition, à partir du moment où des salariés se syndiquent, la reconnaissance qu'on délègue, par l'unité accréditée, certaines choses. C'est une espèce... J'avoue que ce n'est pas l'argument le plus fort qu'on puisse apporter, mais, cependant...

M. Bellemare: Non, le contraire est également vrai.

M. Johnson: Oui. Le contraire pourrait également être vrai. Cela est pour la première question; quant aux sanctions décevantes que le député de Johnson évoquait, à mon avis... Encore une fois, il y a des exemples en Amérique du Nord et dans certaines provinces de l'Ouest canadien, ainsi que dans certains Etats américains. Il y a des exemples de vote secret imposé et non seulement imposé, mais avec surveillance de l'Etat, ce sur quoi je ne suis pas d'accord et j'aurai l'occasion de citer, un peu plus tard, quand on étudiera sous-article par sous-article, certaines analyses à ce sujet. La sanction devient quoi? Elle devient la sanction prévue au chapitre VIII du code. A mon avis, ce sont les règles du jeu, le code établit des règles du jeu, il établit, au chapitre VIII, des sanctions quant aux règles du jeu; on s'en remet à ces sanctions et c'est ne pas créer de régime d'exception à ce niveau.

Quant au vote sur la convention collective, on le conserve, évidemment, et, encore une fois, cela correspond largement à une tradition, à une exception près. Je pourrais parler de certains syndicats affiliés aux "teamsters", par exemple, qui prévoient que le mandat donné aux négociateurs est un mandat de conclure la convention collective et que, seul, un vote des deux tiers de l'assemblée peut renverser cette signature. En d'autres termes, ça prend un tiers des salariés qui sont d'accord avec l'entente de principe survenue pour que, effectivement, cette entente entre en vigueur, c'est-à-dire qu'on considère que la signature est valable. De façon générale, cependant, ce qu'on retrouve, c'est, de fait, une acceptation par l'assemblée générale. On impose le vote secret, quant à la signature, ce qui n'empêche évidemment pas que des textes soient paraphés. Cela ne change rien, à mes yeux, à la valeur de mandat qu'ont les négociateurs dans la signature, puisque, de fait, c'est ce qui se passe dans l'immense majorité des cas. Finalement, ce qu'on signe, ce n'est pas la convention collective, avec l'exception que j'ai mentionnée tout à l'heure, mais bien une entente de principe qu'on soumet aux membres et, à partir du moment... On pourrait donner l'exemple où le Code du travail ne s'applique pas, mais qui est de même nature. On se rappellera la dernière convention collective signée dans le secteur de la construction, qui a donné lieu à certaines diffi- cultés considérables, où une entente de principe avait été paraphée et où plusieurs documents, parfois même contradictoires, avaient, semble-t-il, été partiellement paraphés, mais, finalement, le document de base, après qu'il y a eu des réunions, après qu'il y a eu des acceptations, qui a été signé, a été la convention collective et, dans ce sens, je pense que ça respecte ce qui se passe dans la réalité.

Je passe maintenant à la question des 48 heures. J'essaie d'expliquer un peu le sens du texte, comme je le vois, et je considère que, de façon générale, c'est un très bon texte. Je répondrai précisément là-dessus au député de Joliette-Montcalm et au député de Sainte-Marie.

M. Bellemare: II a bien raison, c'est sûr.

M. Johnson: D'abord, j'ai fait cette correction d'avis par écrit au ministre; il y a différents 48 heures dont on parle.

Les premières 48 heures, c'est l'avis de 48 heures qui doit être donné aux salariés qu'il y aura un vote au scrutin secret. Il ne faut pas se conter du chinois, je l'ai vécu dans une grève il n'y a pas très longtemps dans mon comté, dans un syndicat qui avait une certaine importance. On a convoqué les gens à cinq heures de l'après-midi, après le travail, pour discuter de différentes affaires et, à minuit et demi, on a pris un vote au scrutin secret alors qu'il restait 125 personnes sur 850 membres. Je pense que c'est ce genre d'affaires — ne nous contons pas de blagues — c'est cela que cela vise. Soyons francs, c'est également cela qui se passe à l'occasion et c'est cela que cela vise à éviter.

M. Bellemare: C'est ce qui est voulu.

M. Johnson: C'est ce qui est voulu, c'est bien évident, c'est d'éviter ce genre de situations qui sont, je pense, de façon générale, exceptionnelles, mais qui existent quand même. Elles peuvent être fort enquiquinantes pour les salariés qui sont compris dans le syndicat qui représente cette unité et elles sont parfois enquiquinantes pour les tiers qui peuvent en subir les conséquences, particulièrement dans le secteur public et parapublic. Il y a une notion de démocratie et il y a une notion de légitimité d'un acte aussi important que celui d'aller en grève qui nécessitent cela, d'autant plus — et je voudrais renforcer ce principe — que les dispositions de 97a feront qu'un membre de l'unité — et on l'oublie parce qu'on pense que la structure syndicale créée par le Code du travail doit être valorisée — qu'il fasse partie du syndicat ou pas, pourra retourner au travail, s'il y a un vote de grève. C'est important dans la vie d'un homme d'avoir la chance de se prononcer sur une chose aussi importante que de savoir qu'il va être privé de travail le lendemain matin, pas par son choix, parce qu'il va avoir de la difficulté à franchir une ligne de piquetage, mais parce que la loi va lui interdire de le faire. Cela m'apparaît fondamental, en termes

d'accessibilité au vote. On pourrait tomber dans un truc un peu délirant qui essaie de circonscrire toutes les situations, qui impose, par exemple, à l'employeur de fournir des locaux pour que les votes se fassent, je vous ferai remarquer que j'ai vécu une expérience au début des années soixante, un conflit que j'avais suivi particulièrement, parce que j'y étais impliqué par l'appui d'un syndicat étudiant qui appuyait les travailleurs dans cette usine et où, effectivement, les gens voulaient prendre un vote de grève. Le patron a fait venir une demi-douzaine de taupins avec des tatouages sur le bras gauche pour dire: Venez donc voter sur les lieux du travail. Il y a des inconvénients aussi à imposer que cela se fasse sur les lieux de travail. Ce qu'on fait, au niveau des 48 heures, c'est qu'il y a une nature un peu indicative à cela, mais il y a une obligation qui est très claire, c'est qu'il faut aviser les syndiqués qu'ils vont voter sur une grève dans les 48 heures qui viennent. Cela n'empêche pas que ce vote de grève se prenne trois mois avant l'échéance de la convention collective, six mois avant le jour, dans la tête de l'exécutif syndical, avant la date prévue pour la grève. Cela ne s'inscrit pas dans le temps en fonction du déclenchement de la grève. On dit qu'il s'agit d'aviser ceux qui ont le droit de vote qu'ils auront à se prononcer sur un vote de grève. Cela ne fixe pas l'échéance de ce vote de grève, il appartient à l'assemblée de le décider. Il y a une autre période de 48 heures qui...

M. Chevrette: Pour les fins du journal des Débats, je voudrais vous signaler que vous ne répondiez pas au député de Joliette-Montcalm sur cette partie.

M. Johnson: Je m'excuse, au député de Sainte-Marie.

M. Bellemare: Je pense que c'était nécessaire pour expliciter...

M. Chevrette: D'accord. C'est seulement pour souligner que je n'ai pas parlé du tout de...

M. Johnson: Oui, je m'excuse.

M. Bellemare: ... le bien-fondé de l'article lui-même.

M. Johnson: La deuxième période de 48 heures, c'est à partir du moment où le syndicat a décidé, par un vote au scrutin secret, qu'il ferait grève. Il doit aviser le ministre par écrit qu'il fera grève. Pourquoi? Parce qu'on est en conciliation volontaire et que, maintenant, le délai de grève est automatique en fonction de l'avis. On étudiera tout cela dans les articles 40, 46, 21, 22 et 23. Il est donc possible qu'on ait affaire à une situation où il s'en vient une grève dans un endroit et qu'on n'ait aucune information. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où le syndicat a décidé qu'il ferait grève, qu'il ait donne à son exécutif syndical le mandat de déclencher la grève à la date qu'il juge à propos ou qu'il lui ait donné une date précise, peu importe, nous savons qu'il y a un mandat de faire grève, on peut donc faire entrer en ligne le conciliateur, parce qu'on n'est pas averti autrement qu'il y a un problème.

C'est possible que ça arrive dans certains cas, même si on a le tableau d'échéance. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux poser une question additionnelle au ministre? Selon ce que vous expliquez, il ne s'agit pas d'un préavis, mais véritablement d'un avis?

M. Johnson: C'est ça. C'est un avis indiquant qu'une assemblée syndicale a décidé, à telle date, de faire la grève ou a décidé de donner un mandat à son exécutif de déclencher une grève quand il le voudra bien.

M. Bellemare: A son choix.

M. Chevrette: M. le ministre, est-ce que vous me permettez une courte question?

M. Johnson: Oui.

M. Chevrette: Dans le cas où il n'y a pas de grève, mais un lock-out, est-ce que le travailleur est tenu d'entrer au travail? Parce que s'il y a un lock-out, votre conciliation volontaire joue autant que durant une grève. Est-ce que l'avis de grève serait alors indispensable après le lock-out, puisque le mécanisme de la conciliation volontaire a pu jouer autant durant le lock-out? Si c'était l'argument de fond, est-ce qu'il vaut dans le cas d'une suite au lock-out? Parce que le lock-out ne prévoit pas l'obligation pour un patron de négocier un protocole de retour au travail, que je sache. C'est là qu'est tout mon problème; c'est surtout sur cet aspect que j'aimerais avoir une réponse.

M. Johnson: D'accord. Dans le cas... Oui?

M. Bellemare: D'accord, vous alliez dire exactement ce que je pense. Je le crois, vous pouvez partir.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le député de Johnson. Dans le cas où on a affaire à une entreprise qui serait en lock-out, le patron décide qu'il est tanné du lock-out, il veut reprendre la production, on rappelle les employés au travail, on va me dire: A ce moment-là, le syndicat est obligé d'y retourner, l'avis de 48 heures, parce que les gars, dans le fond, dans le contexte actuel, décideraient: Non, nous on n'entre pas, parce qu'on tombe en grève.

M. Bellemare: C'est ça.

M. Johnson: A ce moment-là, il n'y a rien qui empêche, pendant la durée du lock-out... ou il n'y

a rien qui empêche qu'avant, je pense que c'est "aux structures syndicales" de le prévoir, de prévoir que, quand il y a un lock-out qui s'en vient, ou au moment où un lock-out est déclenché, il y ait une assemblée qui se tienne et il y ait un mandat de grève qui soit donné à l'exécutif. C'est tout ce que cela va changer dans la pratique, c'est juste une question pour le syndicat de décider, pendant le lock-out, de faire une assemblée de ses membres, conformément à la loi, c'est-à-dire d'envoyer un avis de 48 heures, qu'il va y avoir un scrutin secret là-dessus, de prendre son scrutin secret et de dire: Nous donnons mandat à l'exécutif, s'il le juge à propos, ou en vertu des formules usuelles, qu'au moment de la fin du lock-out, il puisse considérer que nous sommes en grève. Il envoie l'avis au ministre révélant qu'un vote au scrutin secret a été pris sur une grève. Dans le cas du lock-out — je m'excuse, de toute façon, pour continuer à éclairer le député de Joliette-Montcalm là-dessus — il y a un article, l'article 35 du projet, article 46a du code, qui prévoit qu'à partir du moment où l'employeur est en lock-out, il doit envoyer un avis au ministre, évidemment, indiquant qu'il est en lock-out.

Donc, le ministre est dans le portrait, parce qu'il a pu y envoyer un conciliateur, parce qu'il a été avisé qu'il y avait un lock-out. Je ne vois pas vraiment... je comprends qu'au niveau théorique, ça pose un problème; en pratique, je pense que ça n'en poserait pas.

M. Bisaillon: Cela ne pose plus de problème, M. le ministre, si on se comprend bien et si on parle véritablement d'un avis pour informer d'une situation et permettre une constitution, on parle d'un avis. C'est parfait.

M. Johnson: C'est ça. Ce n'est pas un avis qui est conditionné au déclenchement, absolument pas.

M. Bisaillon: Je comprends aussi que l'avis peut arriver au ministre au moment où la grève est en cours.

M. Johnson: Absolument. M. Bisaillon: C'est parfait.

M. Bellemare: C'est exactement comme le lock-out.

M. Johnson: Exactement comme le lock-out. D'autre part, on n'impose pas à l'employeur de nous avertir d'un 48 heures, ou dans sa tête, qu'il a pris la décision qu'il y aurait un lock-out de nous envoyer un avis, on ne peut pas. Comment peut-on vérifier que dans sa tête, il a décidé, peut-être au mois de février l'an prochain, qu'il ferait un lock-out? C'est impossible. Tandis que dans le cas d'une association qui regroupe des membres, il y a une décision claire qui est prise par des personnes; ce qui est vérifiable.

Je pense que ça répond aux questions que soulevait le député de Sainte-Marie. Donc, il ne s'agit pas d'un préavis, l'article 19b, les moyens nécessaires. J'avoue qu'en ce qui touche les moyens nécessaires, c'est, à souhait, vague.

M. Bellemare: Surtout compte tenu, c'est surtout ça qui, moi aussi...

M. Johnson: Compte tenu des circonstances.

M. Bellemare: Compte tenu des circonstances; je l'avais dans mon article ici.

M. Johnson: Compte tenu des circonstances, c'est l'exemple des camionneurs au Québec. Il y en a 10 000.

M. Bellemare: Des camionneurs.

M. Johnson: Des camionneurs. Et vous savez qu'il y en a beaucoup parmi ces gens-là qui ont des CB — Citizen band — des radios et il y a bien des choses qui se disent par radio. On peut donner un avis de 48 heures par radio.

S'ils sont 10 000 dispersés à travers le Québec... Dans certains cas, ils couchent dans des hôtels, parce que sur leur "run", si vous me passez l'expression, ils ne sont pas à leur domicile. Il y a le problème concret de rejoindre ces gens-là physiquement. Ce qu'on dit, c'est, compte tenu des circonstances, si jamais il y avait une contestation...

M. Bellemare: ... moyens nécessaires, vous n'avez pas besoin de l'autre.

M. Johnson: Ce sont les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances.

M. Bellemare: C'est un pléonasme. M. Johnson: ... de trop à éviter. M. Bellemare: Oui. Allez...

M. Johnson: Je comprends l'attitude du député de Johnson, mais je pense qu'il faut donner, dans le cas hypothétique d'une contestation de la procédure, par un salarié, devant un tribunal, ce qui, en aucune façon, n'invalide la légalité de la grève, soit dit en passant, et qui donne lieu strictement à l'application des dispositions pénales du chapitre VIII, je pense qu'il faut quand même donner à ceux qui ont...

M. Bellemare: ... de contester devant les tribunaux. Vous n'avez qu'un recours pénal.

M. Johnson: C'est cela. Mais le recours pénal, il va falloir qu'un juge décide si, oui ou non, on l'a respecté. Que va faire le juge? Il va regarder les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances. Il va donc pouvoir apprécier à la fois les moyens pris — je ne voudrais pas qu'on

entre dans l'interprétation juridique, je ne me sens pas habile à prendre la place d'un juge pour bien des raisons... Le juge va avoir apprécié une notion claire, soit des démarches faites par une personne, qui s'appellent les moyens nécessaires, et il aura apprécié, si je vous donne l'exemple des camionneurs, des circonstances, c'est-à-dire le fait qu'il y a des CB et qu'il y a 10000 personnes dispersées à travers un territoire aussi vaste que le Québec.

En ce sens-là, évidemment, ce n'est pas parfait, cela donne lieu à bien des possibilités d'interprétation, mais je pense que, justement, c'est pour faciliter le travail d'interprétation qu'on le met là.

M. Bellemare: Vous l'affaiblissez.

M. Johnson: Si vous le permettez, je suis assuré que, lorsqu'on en viendra à l'étude, article par article...

M. Bellemare: Vous l'affaiblissez énormément en mettant "selon les circonstances". C'est sûr. Devant un juge, je vous garantis qu'il y en a qui vont en trouver des circonstances pour ne pas répondre aux moyens nécessaires.

M. Johnson: J'aimerais terminer avant.

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Johnson: M. le député de Johnson, je m'excuse. Je voudrais simplement terminer là-dessus, à 19d, le procureur général. Ecoutez. D'abord, je pourrais peut-être dire pourquoi ce n'est pas l'employeur. Je pense que c'est clair. Même si une poursuite n'avait pas pour effet d'invalider la légalité de la grève, cela pourrait être un peu enquiquinant que des employeurs, de façon systématique, dans certains secteurs, se mettent à prendre des poursuites pour ennuyer l'association accréditée. C'est donc pour ne pas donner lieu à une guérilla.

Pourquoi pas le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre? Parce que je considère que, de la même façon que les commissaires-enquêteurs de l'ancien code, ce qu'on va modifier, avaient le pouvoir d'intenter certaines poursuites... Cela les mettait dans une drôle de situation. Dans le fond, il y a une espèce de rôle de neutralité face aux parties. Ils étaient obligés, dans certaines circonstances, de prendre des poursuites, et de façon systématique, ils ne les prenaient pas parce qu'ils faisaient toujours affaires avec ces mêmes parties.

Et quand on pense aux permanents syndicaux, aux représentants, aux mêmes avocats, aux mêmes CRI qui s'occupent de représenter les intérêts des associations accréditées ou des employeurs, finalement, c'était les mettre dans une drôle de position.

Je pense que le ministre du Travail, dans les mêmes circonstances, ne doit pas être sujet à ce type de décision qui, finalement, sur une chose donnée, peut être bien fondée, et, puisqu'il s'agit des mêmes personnes et des mêmes agents, peut donner lieu à des "brouillardises" sur d'autres choses qui sont plus fondamentales et dans lesquelles il faut conserver la plus grande neutralité possible, le commissaire-enquêteur comme le ministre.

Pourquoi le procureur général maintenant? Parce que, dans certaines circonstances exceptionnelles, je pense qu'il faut donner ce pouvoir au procureur général. Je ne veux pas revenir sur l'étude du projet de loi 69. C'est bien clair que ce sont des circonstances comme celles-là qui sont visées. Je vous dis que la garantie, s'il existe une telle chose, de non-abus, en dehors du fait qu'on vit dans un régime parlementaire démocratique, en dehors du fait qu'on vit dans un contexte de presse libre, etc., la meilleure des garanties, c'est que, avant de poursuivre une association de salariés, le procureur général est mieux d'y penser deux fois. Sauf que je trouverais cela injuste qu'on lui soustraie ce pouvoir d'intervenir dans des circonstances qui pourraient être exceptionnelles.

Je suis sûr que les membres de cette commission, qui ont une expérience des relations du travail et du milieu des relations du travail, savent qu'il existe dans certains secteurs des choses qui sont inadmissibles, des affaires comme de la collusion, par exemple, entre certains représentants syndicaux et des employeurs.

On sait que ce sont des choses qui existent dans certains secteurs et sur lesquelles il est difficile d'apporter des preuves, c'est carrément difficile. Il n'y a peut-être pas matière à faire un procès là-dessus, mais on le vit et le ministère le vit et, entre autres, il a mis sous tutelle... Je n'assimile pas la collusion employeur-employés à cela, mais il y a des problèmes qui se sont passés. On le sait, par exemple, dans le secteur du vêtement, où il y a eu des actes posés par un comité paritaire qui, finalement, permettait de distraire des fonds qui, normalement, auraient dû revenir au comité paritaire, et de les distraire en faveur de l'association de salariés, à un fonds de bienfaisance qui distribuait cela à des organismes à but non lucratif. Il y a des choses comme cela qui peuvent se passer.

Pourquoi priver le procureur général, à un moment donné, de pouvoir intervenir dans des choses comme cela, quand la préoccupation, c'est la protection des salariés, ceux, évidemment, qui sont membres de l'association, puisque c'est de ceux-là qu'on parle?

M. Bellemare: L'article 131, si le ministre me permet, n'a jamais été attaqué, en somme. A l'article 131 lui-même, c'était convenu que c'était pour les parties intéressées. Je pense que c'est une soupape pour faire peur.

M. Johnson: C'est cela...

M. Bellemare: Oui, c'est cela.

M. Johnson: ... mais il ne s'agit pas non plus de dire qu'on soustrait le pouvoir...

M. Bellemare: Depuis 1964, cela n'a jamais été contesté?

M. Johnson: Non.

M. Bellemare: II n'y a jamais rien eu?

M. Johnson: Non.

M. Bellemare: Le procureur général est rarement intervenu parce que ce sont les parties intéressées qui, elles-mêmes, à l'article 131, voient aux poursuites pénales.

M. Johnson: C'est cela.

M. Bellemare: Le procureur général qui arrive dans cela, je dois le dire au député de Sainte-Marie, c'est plutôt pour faire peur. C'est une soupape.

M. Johnson: Je ne suis pas sûr qu'on doive retrouver, de façon systématique, dans un projet de loi et dans les lois, des choses qui sont dis-suasives, bien que, de fait, on en retrouve beaucoup. C'est clair que la caractéristique de l'article 19d, c'est peut-être d'être dissuasif, d'une certaine façon, auprès de certains groupes extrêmement minoritaires dans notre société, mais qui donnent la liberté d'action.

M. Bellemare: Oui, je suis d'accord avec cela.

M. Johnson: Ceci dit, je voudrais qu'on se comprenne bien. Cela ne force en aucune façon le salarié à porter plainte au procureur général pour que celui-ci décide de poursuivre. Le salarié a droit à son recours en vertu des dispositions du code, mais le procureur général, proprio motu, pourrait intervenir dans des circonstances exceptionnelles.

Quant à l'article 19e, ce que le député de Sainte-Marie considère comme étant, finalement, un article qui pourrait être inutile, je ne suis pas sûr...

M. Bisaillon: Je pense que le ministre n'a pas tout à fait compris mes propos.

M. Johnson: Je m'excuse.

M. Bisaillon: J'ai dit que c'était un excellent effort et qu'il ne faudrait pas y avoir d'objection.

M. Johnson: C'est d'accord.

M. Chevrette: Par rapport à ce que vient de dire le député de Johnson, si j'ai bien compris l'article 19d, il ne donne plus la possibilité à l'employeur de poursuivre, contrairement à ce que l'article 131 permettait, par exemple. Il faudrait quand même bien le regarder.

J'aurais une deuxième question à poser au ministre, M. le Président. Je voudrais interpréter sa réponse pour qu'il me dise si j'ai bien compris, parce qu'à ce moment-là, je vais lui faire une profession de foi.

Si j'ai bien compris les informations que vous avez données concernant l'article 19b, je pourrais voter pour la grève, ce soir, entrer en grève, demain matin; ce qui est important, c'est que, dans les 48 heures qui suivent la votation, vous ayez reçu l'avis à vos bureaux.

M. Johnson: C'est cela, l'avis que vous avez décidé de faire la grève et, deuxièmement...

M. Bellemare: Le contraire est vrai aussi. Oui.

M. Johnson: Je m'excuse. ... dans les 48 heures qui suivent une grève, le syndicat doit aviser qu'il est en grève. Pourquoi? Parce qu'on est en conciliation volontaire.

M. Bellemare: Si les 48 heures sont données et que la grève a lieu dans 48 jours, cela ne change absolument rien.

M. Chevrette: Je comprenais cette partie; mais voici la partie sur laquelle j'hésitais, et je l'avais dit. Je pensais que l'article tel que rédigé — j'étais de bonne foi — forçait un groupe de salariés à entrer au travail. C'est là qu'était tout l'aspect d'immobilisation que je voulais souligner. A ce compte, M. le ministre, il y aurait peut-être une seule petite reformulation à l'article 19a, dans le sens exprimé par le député de Sainte-Marie. Pour le reste de l'article, pour ce qui me concerne, je vous appuierai.

Le Président (M. Clair): Messieurs, je pense que nous avons respecté passablement bien l'entente, à savoir, un droit de parole de 20 minutes au maximum, par individu, sur le principe.

M. Bellemare: Un peu plus.

Le Président (M. Clair): On a permis légèrement davantage.

M. Bellemare: Oui.

Le Président (M. Clair): C'est conforme à l'esprit. Cela va bien. D'après les discussions mêmes qui ont eu cours durant les dernières minutes, c'est visible qu'il serait temps d'entamer véritablement l'étude de l'article 8, sous-article par sous-article. S'il n'y a pas d'autres commentaires généraux, nous allons commencer immédiatement l'étude du paragraphe 19a de l'article 8.

M. Bellemare: Le premier paragraphe.

M. Forget: M. le Président... D'accord. Décisions par scrutin secret

Le Président (M. Clair): Nous commençons donc l'étude détaillée de l'article 8. Nous commençons donc par le paragraphe 19a de l'article 8. Si vous avez des propos sur cet article 19a.

M. Johnson: Oui. 19a adopté?

Le Président (M. Clair): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai déjà indiqué que cet article en particulier qui parle des élections à une fonction à l'intérieur de l'association accréditée, est, à mon avis, d'un intérêt douteux sur le plan des principes. Ayant écouté le ministre, de toute façon, je ne veux pas faire une guerre de religion sur cette question, s'il dit qu'il y a là un message, et c'est à titre de message au mouvement syndical... A supposer qu'on veuille bien s'engager dans cette voie, pour éviter un long débat de pur principe, à savoir si on doit s'occuper, sur le plan gouvernemental, de réglementer le fonctionnement interne d'une chose aussi interne et avec aussi peu de conséquences pour les tiers que la façon dont on élit les dirigeants, mettant cette grosse parenthèse de côté, il reste que le libellé, la façon même dont on envisage de donner suite à cette intention, où on exprime ce message à l'intention du mouvement syndical, donne lieu à un certain nombre d'ambiguïtés.

Je vais commencer pas l'ambiguïté qui me paraît la plus importante. Elle est d'ailleurs soulevée par un certain nombre de mémoires qui ont été soumis au ministre dans le cadre de sa consultation et qui font ressortir que l'expression "fonction" dans tout cela, est une expression fourre-tout, vague et mal définie. Elle peut impliquer, selon les syndicats, selon leurs habitudes internes, selon l'envergure qu'ils ont, parce qu'il y a de petits syndicats et de grands syndicats avec beaucoup de membres.

Il y en a qui en ont très peu. Il y en a qui se retrouvent dans plusieurs établissements d'un même employeur ou même chez plusieurs employeurs, dans le fond, d'une certaine manière. Tout ça fait qu'il est très difficile de donner un sens uniforme à la notion de fonction. C'est grave en soi, parce que, dans le fond, on crée une obligation et la loi ne précise pas à qui elle s'applique. Il faudra qu'une jurisprudence, j'imagine... Mais il n'y aura peut-être pas beaucoup de litiges là-dessus, de toute façon. Il faudra que, par l'habitude, on adopte une interprétation de ce qu'est une fonction élective à l'intérieur d'une association de salariés. On dit: Quand il y a une fonction pour laquelle le syndicat lui-même prévoit une élection, il doit y avoir une élection au scrutin secret.

M. Johnson: ... une élection.

M. Forget: Bon! Alors, dans le fond, on se rend tout de suite compte que c'est un petit peu ambigu, parce que, s'il y a des fonctions, s'il n'y a aucune fonction, à la limite, quant à ce paragraphe au moins, s'il n'y a aucune fonction pour laquelle on prévoit une élection, évidemment, la question du scrutin secret ne s'applique pas.

Dans le deuxième paragraphe, on espérait voir le remède à cette situation en disant: S'il n'y a pas de fonction pour laquelle il y a des élections, il doit au moins y avoir des élections pour un certain nombre minimal de postes qui seront électifs, mais ce n'est pas du tout ce qu'on dit non plus dans le deuxième paragraphe.

On dit: Dans les cas où il y a un scrutin secret prévu... A défaut de dispositions qui prévoient un scrutin secret, alors, celui-ci doit avoir lieu tous les ans. Là, il y a des difficultés additionnelles qui ont été soulignées par le député de Sainte-Marie. Ce que l'on veut, c'est s'assurer qu'il y ait un scrutin secret, à défaut, pour les règlements, d'en avoir. On ne veut pas nécessairement qu'un scrutin secret ait lieu tous les ans. Si les statuts disent: II y a une élection pour le poste de président du syndicat tous les deux ans, on veut s'assurer que cette élection se fasse au scrutin secret, pas nécessairement qu'elle se fasse au scrutin secret et, en plus de ça, tous les deux ans.

Il y aura, bien sûr, des modifications au deuxième alinéa. J'y fais une allusion dans le moment, simplement pour dire que le problème qu'on a au premier alinéa n'est pas résolu au deuxième alinéa.

Mettons ça de côté, revenons au premier alinéa et demandons-nous qu'est-ce qu'on peut bien vouloir dire par "fonction". Est-ce qu'on peut aller au-delà de ça? Il y a deux attitudes possibles. L'attitude apparente du ministre dans cette rédaction, c'est que le scrutin secret est une obligation tellement importante qu'on doit l'imposer à toutes les fonctions pour lesquelles il y a une élection et que c'est le scrutin secret qui est important, ce n'est pas l'élection, au sens que, s'il y avait des fonctions... Par hasard, si toutes les fonctions n'étaient pas électives, l'article tomberait. C'est un petit peu curieux déjà. Je n'y reviendrai pas parce que je pense que cela ne représente qu'un intérêt plutôt théorique, le fait de savoir qu'il n'y a aucune fonction élective. C'est un point plutôt rhétorique, si vous voulez, mais qui a au moins un début de pertinence. Cependant, en supposant que, dans tous les syndicats, il y ait des fonctions électives, on laisse planer un certain vague sur la question de savoir quelles sont ces fonctions. Il me semble qu'on aurait avantage à le préciser. Une des précisions possibles serait de dire: Soit le président, soit l'exécutif du syndicat — je préférerais l'exécutif du syndicat — doit être élu au scrutin secret.

Bien sûr, on pourra me dire: II y a des fonctions, ça peut être représentant syndical, ça peut être délégué de chantier, selon les catégories, ça peut être responsable des griefs, responsable de grève, etc., il peut y avoir de multiples varian-

tes et ce serait utile que ça se fasse au scrutin secret. Je veux bien croire que ce serait utile, mais comme, de toute manière, on n'est pas capable, dans une loi, de prévoir tout cela, est-ce qu'il ne serait pas plus clair de dire: Ce sont les membres de l'exécutif? D'autant plus que la fonction en question... C'est un exposé assez difficile, M. le Président, parce que les deux paragraphes ont des répercussions l'un sur l'autre.

Regardons à nouveau le deuxième paragraphe, à la lumière de cet éclairage; une précision qu'on devrait trouver plus ou moins grande dans le premier paragraphe. Quand on arrive au deuxième paragraphe, il faut bien se rendre compte qu'on fait allusion à la fonction, de façon implicite aussi. Je lis le deuxième paragraphe: "A défaut d'une disposition dans les statuts ou règlements de l'association prévoyant que l'élection... L'élection est l'élection à une fonction, ce qui veut dire que, selon l'acceptation qu'on donne à la fonction dans le premier paragraphe, on qualifie également le deuxième paragraphe; ce qui veut dire que, si on ne lui donne pas une acceptation limitée, l'élection à toute fonction devient soumise au deuxième paragraphe, elle doit se faire au scrutin secret, alors que, dans le fond, il n'y a rien contre l'ordre public à ce que certaines fonctions, même électives, ne se fassent pas au scrutin secret, pourvu qu'il y en ait un minimum qui se fassent au scrutin secret, disons le président, les membres de l'exécutif du syndicat, et on pourrait imaginer, sans bris à l'ordre public, que certaines autres élections, pour des postes moins significatifs, ne se fassent pas au scrutin secret. Mais, si on adopte une acceptation très large de la fonction dans le premier paragraphe, on devra avoir la même acceptation de la fonction — très large également — dans le deuxième paragrapbe.

Là, on va peut-être vraiment plus loin qu'il n'est strictement nécessaire. Peut-être que, dans le fond, dans le cas de certains délégués ou certains représentants, ce n'est pas tous les membres de l'association de salariés qui devraient voter, au scrutin secret, pour ces gens. Il y a des règles bien différentes et on se met dans une camisole de force, en quelque sorte, en faisant cela. Je pense que le sens de mes propos est clair; il me semble important de restreindre la question des élections à des cboses qui seront bien définies, claires, sans que ce soit trop confus et, à ce moment, il me semble qu'on peut atteindre ce but seulement par une précision au premier paragraphe, en remplaçant les mots, à la première ligne du premier alinéa, "à une fonction à l'intérieur" par les mots "des membres de l'exécutif."

L'alinéa amendé se lirait donc comme suit: 19a Lorsqu'il y a une élection des membres de l'exécutif d'une association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret conformément aux statuts et règlements de l'association.

Cela circonscrit l'obligation, cela permet au syndicat visé de savoir exactement à quoi s'applique son obligation en vertu de la loi et cela lui permet un maximum de libertés quant aux autres postes qui peuvent être électifs, qui peuvent ne pas l'être. Dans la mesure où ils sont électifs, il pourra choisir de les faire au scrutin secret, en vertu de l'article 19e. Il pourra choisir de les faire à un scrutin de tous les membres ou à un scrutin d'une partie seulement des membres, si ce sont des fonctions qui visent seulement une partie des membres, parce que cela aussi est possible.

Il y a vraiment seulement l'exécutif qui a une vocation universelle. Les autres, si c'est un "shop Stewart" ou un représentant syndical pour une composante de l'unité de négocation, c'est clair que ce n'est pas l'ensemble du syndicat qui va élire ce gars-là, cela va être les gens, les salariés qui sont directement touchés par le délégué syndical. Si on ne prévoit pas ce genre de chose, on s'enferre dans une logique interminable.

A mon avis, c'est le sens qu'il faudrait donner à ce paragraphe si on veut qu'il signifie la même chose pour tout le monde. Le moins de choses possible, dans le fond, s'en tenir à l'essentiel.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent, si vous voulez, en même temps pour vous que pour tous les autres membres, je vais considérer votre motion comme étant annoncée même si, en fait, aucune motion n'est annoncée en commission.

M. Forget: D'accord, je pense que cela a aidé aux débats d'autres lois de procéder moins formellement.

Le Président (M. Clair): Alors, on considère que cette motion est annoncée. M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Mes remarques vont dans le même sens que celles du député de Saint-Laurent. Dans l'ancien texte qui nous avait été soumis, il y avait une précaution qui avait été prise. On disait que l'élection des personnes occupant une fonction de direction... Là, on l'a fait sauter. Alors, est-ce que c'est une fonction élective ou une fonction administrative? Il y a des fonctions administratives qui n'ont pas besoin de vote secret, c'est sûr. Par exemple, le vote secret doit se faire pour les fonctions de direction qui sont des fonctions électives. C'est cela, un peu...

M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me permettrait, simplement pour... D'abord, je pense que nous devons ajourner nos travaux à 12 h 30, parce qu'il y a des caucus. Je serais prêt, cet après-midi par exemple, après la fin de l'exposé du député de Johnson, à reprendre l'ensemble des argumentations qui nous ont amenés à supprimer la notion de fonction de direction.

M. Bellemare: Oui. Mais là, vous me coupez mon affaire.

M. Johnson: Non, c'est parce qu'il reste trois minutes; est-ce que vous prévoyez cinq ou dix minutes? Je n'ai pas d'objection à ce qu'on ajourne immédiatement, si vous pensez ne pas avoir le temps de terminer...

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, effectivement, vous pourriez recommencer...

M. Johnson:... d'un morceau. Si vous désirez continuer trois minutes, bien à vous.

M. Bellemare: Comme priorité, comme sous-diacre.

Le Président (M. Clair): Préférez-vous revenir au début de nos travaux?

M. Bellemare: Oui, d'accord.

Le Président (M. Clair): La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 29)

Reprise de la séance à 15 h 34

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour continuer l'examen, article par article, du projet de loi no 45. Les membres de la commission sont: M. Bellemare (Johnson), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Ciaccia (Mont-Royal).

Il est remplacé par M. Blank (Saint-Louis)?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Clair): M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)...

M. Forget: II est remplacé par M. Picotte.

Le Président (M. Clair): II est remplacé par M. Picotte (Maskinongé); M. Marois (Laporte) est remplacé par M. Mercier (Berthier); M. Pagé (Portneuf) et M. Roy (Beauce-Sud).

Au moment où nous avons suspendu nos travaux... J'aurais une nouvelle correction à apporter concernant le remplacement des membres, ce sera non pas M. Blank qui remplacera M. Ciaccia, mais M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Au moment où nous avons suspendu nos travaux, nous étions à l'article 8 du projet de loi 45; nous avions entamé la discussion sur le sous-article ou le paragraphe 19a de l'article 8. Le député de Johnson avait commencé son intervention, mais nous serons généreux et nous considérerons qu'il n'avait pas encore pris la parole, de sorte que son temps est vierge.

M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je ne sais pas si, durant le dîner ou le souper, vous êtes appelé au téléphone et vous avez un entretien avec un de vos électeurs; ça dure quinze minutes et quand vous revenez, vous n'avez presque plus d'appétit, vous savez.

M. Forget: Cela dépend de ce qu'il vous dit.

M. Bellemare: Je pense que le problème est là aussi. On était dans une atmosphère très sereine. A ce sujet, je pense que le ministre et tous les membres de la commission, comme ceux de l'Opposition officielle, font un effort extraordinaire pour garder un calme et une discussion très sereine et qui, pour le mieux-être... Même si hier à la télévision, j'entendais certaines remarques fort désobligeantes de la part du patronat, je crois que ce qui se fait présentement est la quintessence même d'un droit législatif qui, par

l'expérience vécue par certaines personnes, fait que la législation peut être excellente.

Me fiant à ce que disait l'honorable Daniel Johnson dans le temps, pourquoi faire autant, vous, de l'Opposition, pour bonifier la loi que les gens du gouvernement nous présentent? Laissez-les donc faire et ils se feront battre avec cela.

Je tenais à rappeler ce souvenir, qui m'avait été bien cher, que j'avais remarqué. Je ne l'ai pas suivi toujours à la lettre, malgré la grande amitié que j'avais pour l'honorable M. Johnson, mais il se faisait fort de nous donner des directives qui étaient très salutaires.

Mais, dans la formulation, quel but poursuit le gouvernement en enlevant le mot "fonction"... Dans la première loi, c'était "fonction de direction". Il y avait au moins là un certain critère qui nous laissait entendre que c'étaient des positions électives et non pas des postes administratifs.

Si la loi doit s'appliquer, il faudrait peut-être que le mot "fonction" soit, comme le disait ce matin le député de Saint-Laurent, peut-être explicité d'une manière plus formelle, parce qu'il y a le mot "fonction". C'est quelle fonction? Fonction élective? Fonction administrative? Fonction représentative? Il y a plusieurs fonctions. Supposons que mon épouse est nommée membre d'un comité d'accueil de la CSN dans un certain endroit, est-ce qu'elle va être obligée de passer par l'élection au vote secret ou, si elle est simplement désignée? Il y a une chose qui est sûre. Il s'agit, M. le ministre, d'un vote majoritaire des membres de l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de négociation et qui exercent leurs droits de vote. Pourquoi ne pas le dire expressément?

Je pense aussi... j'ai regardé ce midi, pendant le peu de temps que nous avons pour aller au lunch, la constitution d'un groupe syndical et je pense qu'ils sont rares les groupes qui font les élections tous les ans. Il y a une précision qui va nous embêter ou embêter certaines personnes qui seront obligées, de par la loi, à désigner certaines personnes, par vote secret, à des fonctions électives, bien sûr, mais à tous les ans, par un scrutin secret.

Ce sont les trois points que j'avais à toucher. C'est une formulation sans explication du mot "fonction". Pourquoi n'y aurait-il pas un vote majoritaire? Pourquoi ne changeriez-vous pas le terme "tous les ans" par "selon les règles et coutumes établies par les statuts ou règlements"?

Je comprends que l'un contredit l'autre. Si vous lisez le premier alinéa, vous voyez que, lorsqu'il y a élection à une fonction — là, il s'agirait de déterminer le mot "fonction" — à l'intérieur d'une association accréditée — c'est bien, on comprend cela — elle doit se faire par scrutin secret, conformément aux statuts et aux règlements de l'association. Mais si les statuts et les règlements de l'association n'étaient pas de un an, étaient de deux ans, ou l'un dans l'autre...

Des fois, il y a des associations où il en sort trois et où il en entre trois. Le président vient à tous les deux ans. Cela dépend des statuts et des règlements. Le premier alinéa semble contredire le deuxième.

Si on se fie aux statuts et aux règlements de l'association, il ne faudrait peut-être pas spécifier tous les ans. Je n'ai pas l'intention de vous apporter beaucoup d'amendements, mais j'ai l'intention d'appuyer, par exemple, certaines argumentations qui sont faites et qui, à mon sens, à cause de ma carte de Brotherhood — je suis membre du syndicat — me font dire qu'il y a peut-être des avatars. Cela en est un qui mériterait sûrement d'être changé.

Le Président (M. Clair): Le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je veux faire une remarque très brève qui est de portée plus générale.

J'ai déjà informé le ministre du fait que cette remarque ne constitue en aucune façon une dissidence. Le ministre, hier, et le député de Saint-Laurent, ce matin, ont tous les deux fait allusion au fait que cette loi, en un certain sens, veut porter un message. Le ministre a indiqué que ce message, à certains égards, s'adressait au monde patronal. Le député de Saint-Laurent, je crois, a indiqué que ce message s'adressait au monde syndical. Ces deux observations me paraissent justes. La remarque que je voulais faire, c'était tout simplement pour indiquer qu'à mon avis, ce message a, en réalité, un auditoire beaucoup plus vaste qui englobe ces deux-là, mais qui englobe l'ensemble de la population. C'est un message à l'opinion publique.

A propos de ce qu'on appelle la démocratie syndicale qui est le sujet traité ici, nous avons tous reconnu que la démocratie syndicale, c'est généralement ce qui existe déjà. Ces dispositions de la loi sont importantes, non seulement pour s'assurer que la petite marge qui reste sera comblée, mais c'est plus important encore pour que, dans l'opinion publique, on sache que la loi exige ce comportement de la part des unions ouvrières. Parce qu'il existe malheureusement dans la société, à certains moments, des courants d'opinions antisyndicaux qui très souvent sont mal fondés, qui sont fondés sur l'ignorance des pratiques syndicales réelles et fondés sur l'ignorance des exigences des lois. Le fait que ce genre de disposition figure dans nos lois permettra à tous de répondre à ce genre de sentiment mal fondé et de faire voir clairement à toute l'opinion publique que non seulement la démocratie existe très généralement dans le monde syndical, mais que la loi l'exige formellement. A cet égard, ces dispositions de la loi me paraissent très importantes.

M. Bellemare: II y a des fois une grande différence entre la lettre qui tue et l'esprit qui vivifie.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais parler sur le mot "fonction" et également sur le paragraphe 2 de 19a. Tout d'abord, je préfère le mot "fonction" parce qu'il n'y a pas une appellation qui est uniforme d'une centrale à une autre ou d'un syndicat à un autre.

Le député de Saint-Laurent parlait de conseil exécutif, mais il y a des constitutions et règlements qui parlent de conseil d'administration, d'autres, de bureau national, d'autres, de bureau de direction. Si on se mettait à vouloir définir un terme juste ou précis, il faudrait faire une liste et on s'enfargerait fort probablement; on en oublierait. Donc, je pense que "fonction", dans les circonstances, ne crée pas de problème et est un terme générique.

Quant au deuxième paragraphe, je vais me permettre de faire une suggestion à ce stade-ci, pour ne pas faire d'amendement. Etant donné que le paragraphe 2 précise que c'est là où il n'y a pas de prévision de vote secret, mais qu'il peut y avoir une précision d'élection, cependant, à un rythme d'un an ou de deux ans; si, à l'avant-dernière ligne, on disait: Celles-ci doivent avoir lieu au rythme prévu dans les règlements ou les constitutions, mais à vote secret, à scrutin secret, excusez, par les membres de l'association, j'ai l'impression qu'on couvrirait la dimension que le député de Sainte-Marie voulait couvrir et qui a été reprise par le député de Saint-Laurent.

Je le soumets à titre de suggestion, pour le moment, et si le ministre, dans sa réponse, considère que c'est recevable, il pourra même l'incorporer. Moi, je n'ai pas d'objection, mais c'est à titre de suggestion pour essayer de trancher le dilemme qu'on a soulevé depuis le matin.

Le Président (M. Clair): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Evidemment, l'amendement n'est pas déposé, M. le Président, mais il y avait un amendement d'annoncé par le député de Saint-Laurent sur lequel je voudrais parler brièvement.

Le Président (M. Clair): Je préférerais, M. le député de Sainte-Marie, que vous attendiez le moment où on discutera effectivement de l'amendement proposé par...

M. Bisaillon: Non, c'est parce qu'on a procédé de cette façon-là hier, M. le Président, ce qui a permis, à deux reprises, au député de Saint-Laurent de retirer ses amendements.

M. Bellemare: On n'a pas encore entendu le ministre. Ce serait peut-être avantageux qu'on entende le ministre avant, et si, lui, consent à certaines rectifications, ça va tomber par le fait même.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: Bon! D'abord, M. le Président, je vais tenter de reprendre certains des arguments qui ont été évoqués par le député de Johnson et essayer d'apporter une explication au député de Joliette-Montcalm, quant à mon interprétation de l'article.

J'aimerais peut-être qu'on en fasse lecture ensemble, avec les intonations; ça simplifierait peut-être les choses. "Lorsqu'il y a une élection à une fonction, à l'intérieur d'une association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret, conformément aux statuts et règlements de l'association".

On ne parle pas de qualifier la fonction. On réfère simplement aux faits. Quand un syndicat prévoit que quelqu'un, quelque part, dans sa structure, doit être élu, cette élection doit se faire au scrutin secret. C'est tout ce que dit le paragraphe 1. Il ne dit pas: Les officiers doivent être élus et au scrutin secret. Il ne dit pas: Les représentants doivent être élus et au scrutin secret. Il dit: Quand les statuts prévoient que quelqu'un est élu dans la structure syndicale, ce scrutin doit se faire de façon secrète.

Le deuxième paragraphe: "A défaut de dispositions dans les statuts ou règlements de l'association prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu tous les ans au scrutin secret des membres de l'association." Ce que dit le paragraphe 2, c'est que, en admettant qu'il y ait dans les statuts ou règlements des dispositions qui prévoient l'élection mais ne prévoient pas qu'elle sera secrète, à ce moment-là, l'article 2 s'applique. Et je vais le mettre en concordance avec les dispositions transitoires maintenant.

Avant de faire cela, je vais juste préciser deux hypothèses. Ou les statuts du règlement prévoient qu'il n'y a personne d'élu dans ce syndicat... On dit: Les membres de l'association accréditée du syndicat XYZ, entre parenthèses trois lettres pour son affiliation syndicale, sont choisis présidents en fonction de la couleur de leurs yeux. Bon. Il n'y a pas de prévision d'élection là et d'ailleurs c'est absurde de penser en ces termes, je ne pense pas que cela existe.

Le problème, c'est qu'on ne peut pas connaître les statuts et règlements des milliers de syndicats qui existent, d'unités, finalement, qui ont une association accréditée. Comme il y en a une quantité énorme, on ne peut pas tout prévoir. Ce qu'on dit c'est: Juste au cas où le problème se poserait, on réfère à cela.

Donc, de deux choses l'une: les statuts prévoient ou ne prévoient pas une élection. Prenons l'hypothèse que tous prévoient une élection quelque part, qu'il y a un poste électif. Ce poste électif peut être, comme le disait le député de Joliette-Montcalm, membre d'un bureau de direction, représentant d'une partie de l'unité, membre de l'exécutif, membre du conseil d'adminis-

tration, cela peut être n'importe quoi. C'est ce qu'on dit dans les règlements et c'est ce qu'on a choisi de se donner comme association accréditée. En admettant qu'on n'ait pas prévu de tenir cette élection au scrutin secret, le paragraphe 2 de l'article 19a nous dit que cette élection sera secrète. Et elle devra se tenir tous les ans.

Par contre, on introduit des dispositions transitoires à la fin du projet qui permettront, par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil, de proclamer l'application des articles.

M. Bellemare: De proclamer...

M. Johnson: De proclamer l'application des articles. On est obligé de procéder ainsi, parce qu'il y a une infinité d'articles qui vont avoir besoin d'ajustement qui varient, parce qu'on parle de conciliation volontaire, entre autres. Il y a des conflits qui sont en cours, des négociations qui sont faites en vertu de l'actuel Code du travail, etc. Il y a les autres dispositions qui touchent, par exemple, le précompte syndical. Cela ne peut pas être en vigueur le lendemain matin de l'adoption. Il va falloir, entre autres, que l'informatique pour les chèques de paie le prévoie, etc. Il va falloir finalement qu'il y ait des délais qui varient selon les articles plutôt qu'adopter une disposition transitoire qui donnerait six mois pour tout cela. On va le faire par proclamation.

Dans ce cas-là, dans le cas de l'article 19a, particulièrement au deuxième paragraphe, ce qu'on pourrait faire, c'est dire que, par proclamation, l'article 19a, s'il était adopté tel quel en troisième lecture, serait en vigueur, disons, le 10 décembre 1978, ce qui donne donc un an au syndicat, qui aurait dans ses statuts une fonction élective, mais qui ne prévoit pas le scrutin secret pour le faire, de changer ses statuts pour prévoir que c'est au scrutin secret que cela se fait. Cela peut lui permettre de conserver le fait que l'élection se fait tous les 20 ans, tous les deux ans, tous les six mois et cela peut être pour les fonctions qu'il veut bien. Alors, je pense qu'on fait le tour de la difficulté de cette façon-là et c'est ainsi, d'ailleurs, que nous l'avons conçu.

M. Bellemare: C'est bien à point de nous donner ses sentiments et son interprétation, mais je prends un pauvre homme qui est membre d'un syndicat et qui le lit froidement, je ne sais pas s'il fait toutes les interventions qu'a faites le ministre pour mieux nous faire comprendre. Il va peut-être le lire à la ligne et à la syllabe.

M. Johnson: Si vous me le permettez, M. le Président, je pourrais peut-être référer le député de Johnson à cette époque où il était ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Il a présenté successivement, dans l'espace de trois mois, deux projets de loi modifiant le Code du travail.

M. Bellemare: C'est bien vrai et je sais pourquoi aussi. Vous pouvez le demander à M. Au-ciair, en arrière. Il est pas mal au clair, lui; au courant, plutôt qu'au clair.

Vous savez qu'il faut aussi faire des lois qui veulent véritablement dire ce qu'on veut, mais d'une forme que les gens vont comprendre. S'il y a des méticuleux qui disent, vous savez comment cela se passe dans les syndicats: Vous avez l'obligation de faire des élections tous les ans au scrutin secret et c'est marqué dans le code.

Ils vont se promener avec cela. Ils vont dire: C'est marqué, vous allez être obligés de faire des élections tous les ans. Ils n'auront peut-être pas lu la constitution qui décrète de tenir des élections tous les deux ans. Je trouve que les mots "tous les ans"... Quand vous essayez, M. le ministre, avec cette voix suave, qui peut endormir bien du monde, de nous dire, vous savez dans le mot fonction, c'est l'intonation qu'il faut mettre... la compréhension aussi. S'il y a une élection à une "fonction" à l'intérieur même des cadres, c'est quoi? Le mot fonction est bien vague, comme disait ce matin le député de Saint-Laurent. On le sait, nous, parce qu'on est conscient du problème et on sait comment ça se produit. Mais le gars qui va être méticuleux, qui va être chercheur de bibites, il va dire: La fonction de gardien en arrière de la porte, il faut qu'il soit élu au scrutin secret. Ce n'est pas ça du tout. Le mot fonction n'est pas assez défini.

Je comprends que vous allez me répéter pour la neuvième fois la même chose, je comprends ça. Moi, je ne vais pas me laisser emplir, mais convaincre parce que je suis convaincu que vous avez raison. Cela doit être, au point de vue terminologique, le vrai terme. Mais j'ai de la misère a me mettre à la place d'un homme ordinaire qui a le deuxième ABC, qui va être là, qui va dire qu'il est méticuleux, fonction, tous les ans...

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, étant donné que nous avons fait le tour des points de vue là-dessus et que j'ai annoncé une motion, contrairement à ce que j'ai fait pendant l'étude d'un autre projet de loi, à l'occasion, lorsque les raisonnements du parti ministériel m'ont persuadé de l'opportunité de ne pas présenter de motion, dans ce cas-ci, je crois que c'est essentiel de le faire.

J'ai très bien compris l'explication que le ministre a donnée, selon laquelle cet article 19a ne prévoit pas du tout l'obligation qu'il y ait des élections, mais prévoit que, s'il y a des élections à un poste, cette élection se fasse au scrutin secret. Comme c'est un aspect important qui aurait pu échapper à la discussion et qui, sans aucun doute, pourrait échapper à ceux qui prendraient connaissance du texte de la loi, je crois qu'il serait approprié de bien souligner justement le sens de cet article en présentant cette motion qui aura pour but d'aller un peu plus loin que le ministre n'a été pour préciser la nature de l'obligation que l'on fait à l'association de salariés, mais, tout en précisant la nature de l'obligation,

la restreindre à des catégories un peu mieux définies que le mot fonction ne le suggère.

Je lis immédiatement cette motion d'amendement: "Que le premier alinéa du paragraphe 19a de l'article 8 soit modifié en remplaçant, dans la première ligne, les mots "à une fonction à l'intérieur" par les mots "des membres de l'exécutif.""

L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Lorsqu'il y a élection des membres de l'exécutif d'une association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret, conformément aux statuts ou règlements de l'association".

Dans un tel cas, M. le Président, même les mots "lorsqu'il y a une élection", n'ont plus du tout le même sens. Dans l'article 19a, tel que le mot le ministre, lorsqu'il y a une élection signifie, chaque fois qu'il y a une élection.

A ce moment-là, certaines règles sur le scrutin secret s'appliquent. Lorsqu'on amende l'article pour lui faire dire: "Lorsqu'il y a élection des membres de l'exécutif", il faut lire tout cela d'un seul trait, en quelque sorte, et l'intonation, là aussi, est importante. Lorsqu'il y a élection d'un membre de l'exécutif d'une association accréditée, elle doit se faire au scrutin secret. Cela ne laisse aucun doute sur la nécessité de faire une élection, puisque c'est le mode de nomination qui, à ce moment-là, est inscrit dans la loi, pour les membres de l'exécutif.

Je traiterai brièvement de la difficulté d'interprétation qu'a soulevée le député de Joliette-Montcalm. Il a dit: Si on parle des membres de l'exécutif, il va falloir inclure une liste. Je ne crois pas du tout que notre droit, nos habitudes d'interprétation des lois, au Québec, contrairement aux pays de Common Law, rendent nécessaire l'énumération dans le cas où on veut couvrir plus d'une circonstance, plus d'un cas particulier. On sait que dans le droit statutaire, on a de ces paragraphes interminables où on dit: Toute personne qui fait telle chose, tente de le faire, s'associe avec d'autres pour le faire, etc..

Dans les traditions juridiques québécoises, il est suffisant, comme dans tous les pays de droit civil français, de donner une expression de caractère général. Les cours et les tribunaux, le cas échéant, interprètent cette signification pour dire, selon le cas, que le bureau national, ou le conseil d'administration, etc., doivent être compris comme étant couverts par l'expression "les membres de l'exécutif".

Je n'aurais pas d'objection, si un savant légiste nous en faisait la recommandation, à substituer aux "membres de l'exécutif" une expression équivalente, mais ayant le même effet, c'est-à-dire imposer strictement une obligation d'élection au scrutin secret pour ces postes, mais pas pour les autres, et ainsi de soulager, en quelque sorte, ceux qui devront interpréter la loi, de cette ambiguïté qui va, malgré tout, demeurer. Même s'il n'y a pas d'ambiguïté, il se peut fort bien qu'il y ait des postes électifs dans un très grand nombre de syndicats qui doivent continuer à être des postes électifs, mais pour lesquels l'opportunité d'en faire des postes électifs à un scrutin secret peut être mise en doute.

C'est un formalisme peut-être exagéré dans certains cas. C'est peut-être aller plus loin qu'il n'est strictement nécessaire. De toute façon, je crois que le sens de notre amendement est clair; les réponses que le ministre a faites, selon lesquelles on tenait pour acquis qu'il y avait des élections à tous les postes, on ne voulait que régler la modalité de l'élection, montrent très clairement le sens de l'article tel qu'il l'envisage, mais montrent également qu'il laisse subsister une ambiguïté quant à son champ d'application et laisse subsister la possibilité qui est, malgré tout, assez grave. Parce que, dans le fond, c'est aussi grave que l'absence de scrutin secret, la possibilité qu'il peut y avoir, dans des cas isolés, très rares, des postes qui ne sont pas électifs, qui sont comblés par un procédé qui n'est pas spécifié aux statuts et règlements et qui sont comblés par d'autres mécanismes, de cooptation, etc. Et dans les cas de l'exécutif, dans les cas des organismes du groupe central qui assume la responsabilité de diriger un syndicat, il semble que de tels procédés ne soient pas appropriés et devraient être effectivement éliminés.

Dans la mesure où il s'agit d'un message qu'on veut transmettre, je comprends bien l'expression du député de Deux-Montagnes; il y a sûrement, dans d'autres articles, des messages qui s'adressent au patronat, je pense, par exemple, à celui du précompte, etc. Je suis tout à fait d'accord avec lui là-dessus, mais, dans ce chapitre-ci, c'est vraiment un message au mouvement syndical. Il me semble que le message ne devrait pas porter uniquement sur les modalités du vote, qu'il devrait porter sur le principe même du vote. Si on veut faire un message, il me semble qu'il serait plus substantiel de le faire porter sur le principe d'un vote que sur la modalité d'un vote.

Le Président (M. Clair): M. le député de Sainte-Marie.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Johnson: ... sur l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, d'abord, je vais simplement reformuler ce que pourrait être l'article 19a. Dans le fond, c'est exactement ce qu'il dit, sauf que c'est peut-être dans un langage moins complexe. Je n'ai cependant pas l'intention d'apporter un amendement.

On pourrait le comprendre comme ceci: Chaque fois que les statuts et règlements d'une association accréditée prévoient qu'il y a une élection, cette élection devra se tenir au scrutin secret. C'est cela que cela dit, pas un mot de plus, pas un mot de moins. C'est exactement ce que dit l'article 19a.

Or, j'ai soulevé le problème, tout à l'heure, de la connaissance, finalement, de tous les règlements et statuts de toutes les associations accréditées au Québec et il y en a des milliers.

Cependant, on sait que les syndicats qui sont affiliés aux grandes centrales ont à peu près tous des copies conformes, ce qui, en aucune façon, n'empêche, dans le cas d'un syndicat donné, d'élire des personnes, à main levée ou par consensus ou autrement, à des fonctions qui ne sont pas prévues dans les statuts. Par exemple, dans le cas d'un syndicat de l'enseignement, une association accréditée (CEQ), l'association des professeurs de la régionale de Mortagne (CEQ) Québec peut très bien prévoir que le président de l'exécutif, que les membres du conseil confédéral, que les membres du bureau de direction, n'importe quelle appellation qu'on peut donner et qui n'est pas nécessairement l'exécutif, soient des gens qui sont élus.

M. Bellemare: Bienfaisance.

M. Johnson: Par hypothèse, on pourrait penser, quoique ce ne soit pas le cas du syndicat CEQ, que cette fonction ne prévoit pas une élection au scrutin secret, mais, de fait, elle le prévoit. C'est simplement pour illustrer... Cela n'empêche aucunement le syndicat en question de décider que le délégué de l'école — disons qu'il y a 25 écoles impliquées — dont le rôle n'est pas prévu dans les statuts, mais qui, de fait, est un personnage au niveau du groupement, sera élu. Il pourra être élu à main levée, comme on voudra. Ce n'est pas quelqu'un de prévu dans les statuts et règlements.

Je répète, en terminant, que l'article 19a doit se comprendre comme disant que, chaque fois que les statuts et règlements d'un syndicat prévoient qu'il y a une fonction élective, l'élection à cette fonction élective devra se faire au scrutin secret. En ce sens, je voterai évidemment contre l'amendement du député de Saint-Laurent, bien que je reconnaisse sa bonne volonté à ce niveau et sa volonté de clarification, en lui répondant qu'à mes yeux, sur le plan strictement juridique, il serait imprécis de mentionner les membres de l'exécutif puisque, advenant une contestation, le juge serait dans la position d'apprécier si un membre d'un bureau de direction dans un syndicat est un membre d'exécutif, tandis que nous lui donnons un texte dans lequel on dit: La fonction pour laquelle M. X a été élu est-elle une fonction pour laquelle les statuts prévoient une élection?

Or, oui, effectivement, c'est une fonction qui prévoit une élection, que ce soit au nom du bureau de direction, de l'exécutif, du conseil d'administration ou de n'importe quoi. Donc, sur le plan juridique, le texte est, à mes yeux, beaucoup plus clair en ce sens. Je pense, finalement, que l'amendement apporté par le député de Saint-Laurent est fondamentalement un amendement de forme auquel, évidemment, je m'oppose pour les raisons que je viens d'expliciter.

Quant au fond, je terminerai en évoquant simplement le Landrum Griffin Act, aux Etats-

Unis, qui prévoit, à l'article 401 — le Landrum Griffin Act, comme le savent sans doute nos collègues, c'est fondamentalement le Code du droit d'association aux Etats-Unis, si on veut, au niveau fédéral—"Every National or International Labour Organization, except the Federation of National or International Labour Organization, shall elect its officers not less than one every five years, etc..." On réfère bel et bien à notre "members of the executive committee" ou "members of the bureau of quelque chose". On dit "officers" au sens large. On pourra peut-être prétendre que "officers", dans la terminologie du droit américain, c'est vraiment celui qui est dans un conseil exécutif et qui a une jurisprudence spécifique sur la notion de ce qu'est un conseil exécutif. Je ne voudrais pas m'aventurer là-dedans, mais si jamais il y avait contestation à ce niveau je pense que le seul fait de dire "fonction" et non pas "fonction de direction"... D'ailleurs, plusieurs mémoires nous ont souligné de qualifier simplement les fonctions. Ce sont celles prévues dans les statuts pour lesquelles il y a une élection. Elle doit être tenue au scrutin secret.

M. Bellemare: M. le Président... D'accord.

Le Président (M. Clair): Le député de Sainte-Marie, M. le député de Johnson.

M. Bisaillon: Cela va être très bref. Je serai, évidemment, contre l'amendement, tel qu'il a été formulé par le député de Saint-Laurent, parce qu'effectivement il ne répond pas à l'objectif que se fixait le député de Saint-Laurent en voulant préciser la fonction, puisqu'on laisse échapper un certain nombre d'autres fonctions aussi importantes et électives elles aussi dans chacun des syndicats. Par ailleurs, je ne suis pas certain que le texte tel qu'il est soit aussi clair que l'explication que le ministre en donne. Comme je ne suis pas convaincu non plus que la transcription du journal des Débats accompagnera la loi, il me semble que ce ne serait pas très grave d'ajouter après "fonction", prévue aux statuts et règlements, et de continuer en disant "à l'intérieur d'une association accréditée".

M. Bellemare: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, je m'excuse. Tantôt, je n'ai pas eu le temps de vous mentionner que j'avais une liste de membres qui voulaient intervenir. Il y a le député de Joliette-Montcalm, le député de Bourassa et vous êtes le troisième. Ils avaient déjà manifesté le désir d'intervenir.

M. Bellemare: J'avais cédé mon droit de parole à M. le ministre. Je pensais qu'après sa mise au point je pourrais donner immédiatement mon interprétation de la motion.

Le Président (M. Clair): Effectivement. Vous avez raison, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je pense que c'est suivre un peu le processus normal. Le ministre tout à l'heure a dit: Oui, écoutez, vous allez voir. On va pouvoir faire la proclamation de cet article en décembre 1978. Est-il réaliste ou ne l'est-il pas?

S'il fait la proclamation de l'article en 1978, est-ce que les centrales syndicales ne peuvent pas, elles, pendant tout ce temps, jouer un mauvais tour au ministre et que toutes les fonctions électives par scrutin secret soient changées dans la constitution? Le ministre me comprend?

M. Johnson: Oui, je m'excuse.

M. Bellemare: Oui, j'espère bien, parce que...

M. Johnson: J'ai perdu la dernière phrase du député de Johnson. Je m'en excuse.

M. Bellemare: Je dis: C'est bien beau de dire que ce sera sur proclamation en septembre 1978. D'accord, je dis que cela peut être bon. Mais est-ce que, pendant tout ce temps-là, sans prêter de mauvaise intention à quiconque, on ne changera pas le statut même de certaines centrales pour enlever du scrutin secret certaines positions, certaines fonctions qui sont électives? Cela peut se faire. Qu'est-ce qui arriverait après? Votre proclamation arriverait et elles diraient: Monsieur, "bedoum", hein? Là, on est passé outre à la loi.

M. Johnson: Elles pourraient toujours le faire après aussi.

M. Bellemare: Pardon?

M. Johnson: Elles pourraient toujours le faire après aussi.

M. Bellemare: Oui, après, oui, mais là, parce que vous avez dit qu'il y aurait une proclamation peut-être en décembre 1978, je vois les centrales syndicales dire: Le ministre a dit: Proclamation en 1978. Ah bon! C'est bien. On va changer nos statuts. Les postes électifs... Ah non! C'est un exemple qui...

M. Bisaillon: Les centrales sont aussi ratou-reuses que vous d'habitude.

M. Bellemare: II ne faudrait pas avoir vécu avec elles pour connaître souvent leurs desseins qui pourraient peut-être... Je vais à l'extrême. Mais, parce qu'on n'aura pas défini le mot "fonction", on sera pris encore avec, peut-être... Quand on me parle des membres de l'exécutif, là, c'est sûr et certain qu'on ne touche pas à d'autres personnes et que c'est véritablement atteindre le but pour lequel le mot "fonction" a été mis. Les fonctions, d'après les statuts et règlements, sont celles qui prévoient les élections des membres de l'exécutif. C'est sûr. Je pense qu'en désignant formellement les membres de l'exécutif comme fonction... Même si vous aviez à repor- ter la proclamation dans un an, personne ne pourrait, parmi les centrales syndicales, changer les postes électifs pour les remettre dans le no man's land.

Alors, je serais favorable, pour ma part, au souhait du député de Saint-Laurent, pour que le ministre puisse définir, d'une manière plus concrète, le mot "fonction". Vous savez, il faut vivre avec les unions pour savoir comment elles sont ratoureuses aussi. Elles essaient tous les moyens imaginables pour se soustraire à certaines applications de la loi qui ne font pas leur affaire. Exemple: Dédé. C'est un exemple bien formel, qui fait qu'il a trouvé le tour de contourner, par la grand-rue, la loi et personne n'a pu rien y faire, sauf le ministre de la Justice, qui aurait peut-être pu intenter une action parce que c'était tronquer la loi et aller trop loin, par exemple, imposition de $25 au centre sportif.

Mais moi, je pense que le député de Saint-Laurent a raison en voulant définir le mot "fonction". Selon les statuts et règlements, c'est bien sûr que ce sont les membres de l'exécutif dont on veut parler. Il ne faudrait pas qu'il y ait une échappatoire. Il ne faudrait pas passer à côté. Une chose certaine, c'est que le ministre fait son lit et s'il a de la misère à s'y coucher, écoutez donc, il fera comme moi, il reviendra avec d'autres amendements.

Le Président (M. Laplante): Le député de Joliette.

M. Bellemare: Mais si vous me permettez: en terminant, il faut comprendre la flèche qu'il m'a lancée tout à l'heure au sujet des amendements que j'avais apportés à la suite de l'organisation du Tribunal du travail et des commissaires-enquêteurs, en disant que c'était du droit nouveau et que, dans le droit nouveau qu'on établissait, on a eu bien des suggestions et que c'était extrêmement difficile de pénétrer dans une zone où jamais personne n'avait osé aller. C'est vrai que j'ai apporté certains amendements parce que, quand la loi s'est appliquée, on s'est aperçu qu'il y avait quelques failles. Mais ce n'est pas par plaisir que je l'ai fait, c'est par devoir. Je dis au ministre qu'il fera comme moi. Si la flèche qu'il m'a lancée tout à l'heure lui revient, il dira...

M. Chevrette: Elle n'était pas empoisonnée.

M. Bellemare: Je sais qu'elle n'est pas empoisonnée...

M. Johnson: Je suis sûr que cela vous a à peine effleuré, M. le député.

M. Bellemare: Vous ne vous nourrissez pas de cela. Mais c'est un peu ma constatation. Il ne faut donner à personne la chance de déjouer la loi, mais il ne faut donner à personne la chance de ne pas comprendre la loi. On doit l'interpréter tel que le veut le législateur. Le législateur, c'est sûr et certain que, pour une fois, c'est nous.

Nous tous à cette table, qui voulons véritablement atteindre les membres de l'exécutif. Si la centrale syndicale disait: Ecoutez, pour une certaine partie des membres de l'exécutif, puisque la loi n'est pas proclamée avant un an, on va la changer. Qu'est-ce qui arrive? Le ministre est obligé de revenir et de dire: Ecoutez, on va prendre la suggestion du député de Saint-Laurent et on va la mettre dans la loi.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Merci. Tout d'abord, l'amendement de M. le député de Saint-Laurent, à mon sens, vient restreindre de beaucoup la portée de la proposition initiale ou l'article du projet de loi. Je donne un exemple pour essayer de me faire comprendre. Je suppose que le syndicat des employés de soutien de la CECM doit déléguer un représentant au conseil confédéral de la CSN, l'organisme qui a autorité entre les congrès. C'est un poste très important. Il peut y avoir un, deux ou trois représentants à élire, il peut y avoir cinq ou six candidats. Déjà, dans les règlements et les statuts, de la CSN, c'est un poste électif. A partir de là, si vous mettez "membre de l'exécutif", c'est exclu par l'amendement du député de Saint-Laurent. Je pense que la portée de la proposition initiale est beaucoup plus explicite et il faudrait peut-être s'en remettre à la façon dont sont amendés les règlements dans un syndicat...

M. Bellemare: Que le député lise l'article 19e.

M. Chevrette: D'accord, je vais le faire avec vous.

M. Bellemare: Non, mais je pense que son argumentation et surtout sa comparaison tiendront beaucoup moins.

M. Chevrette: Non. Ce que je veux dire, M. le député de Johnson, c'est qu'amender des règlements ou une constitution dans un syndicat, ce n'est pas aussi farfelu que cela en a l'air. Je peux vous dire que c'est extrêmement difficile pour un syndicat de modifier son règlement par des amendements. Cela prend des avis de motions, cela prend des convocations en bonne et due forme, il faut que l'avis de motion soit déposé à une assemblée antérieure, et je peux vous dire que ce sont les congrès qui décident cela et malgré qu'on puisse prêter des idées de ratoureurs à certains syndicats...

M. Bellemare: Je n'ai jamais dit cela.

M. Chevrette: Vous avez dit quelque chose de semblable. Ce n'est peut-être pas le terme.

M. Bellemare: C'est le député de Sainte-

Marie qui m'a dit que j'étais ratoureur, mais, à part cela...

M. Bisaillon: Je vois que cela vous a flatté!

M. Bellemare: Cela m'a flatté? Si c'est une qualité, oui, mais si c'est un défaut, non.

M. Chevrette: M. le député de Johnson, vous avez dit tantôt qu'il faut avoir travaillé avec les centrales pour savoir comment elles peuvent être habiles à changer certaines choses.

M. Bellemare: Oui.

M. Chevrette: Je peux vous dire que j'ai travaillé à l'intérieur d'une centrale et passablement longtemps, pendant 17 ans. Changer des règlements, ce n'est pas un cadeau. C'est de l'ouvrage, je peux vous le dire. C'est adopté par le ministère des Institutions financières, c'est vérifié par des légistes et cela ne se fait pas en criant bonjour. Il faut que les membres reçoivent les amendements à l'avance pour pouvoir se prononcer. C'est beaucoup plus démocratique que certaines structures qu'on peut connaître, pour ne pas les nommer. Personnellement, à cause de certains postes électifs...

M. Bellemare:... 144, dites-le donc.

M. Chevrette: Je ne voudrais pas que vous fassiez d'une exception, comme le 144 que vous venez de nommer, une règle générale.

M. Bellemare: Non.

M. Chevrette: II ne faudrait pas affirmer que tous les syndicats, que toutes les centrales syndicales procèdent d'une façon farfelue dans leurs changements de règlements, purement et simplement parce qu'il y a une couple de "grelots" à travers tout cela. Ce que je veux dire, c'est que la position du député de Saint-Laurent est restrictive. Il y a des postes très importants et électifs actuellement et je pense que la proposition qui est dans le projet de loi est de beaucoup supérieure. C'est tout, en ce qui regarde le premier paragraphe. Quant au deuxième, je vais attendre les réactions.

Le Président (M. Clair): Toujours concernant la motion d'amendement à l'article 8, le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Moi, j'abonderais un peu dans le sens de l'intervention du député de Sainte-Marie quand il a parlé de postes électifs à l'intérieur des statuts d'un syndicat. Pour reprendre l'argument du député de Johnson, quand il suppose ou qu'il pense que peut-être un syndicat pourrait changer ses postes électifs un peu comme cela, je pense que l'on peut changer les postes électifs dans les statuts d'un syndicat, mais à partir d'une assemblée générale où les membres déci-

dent. A partir du moment où les membres décideront de changer les postes électifs ou d'en ajouter ou de les restreindre, c'est démocratique, ce sera à eux de le faire. Mais je ne pense pas que du revers de la main ou facilement un syndicat pourrait arriver à changer ses postes électifs parce que cela pourrait faire l'affaire.

M. Bellemare: ... comme fonction désigne tout cela. Vous comprenez que dans l'article 19a la fonction peut résumer tout cela.

M. Lavigne: C'est pourquoi j'abondais dans le sens...

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, M. le député de Beauharnois. M. le député de Johnson, je fais appel à votre collaboration. Vous interrogez beaucoup les intervenants.

M. Bellemare: N'allez pas plus loin, je suis certainement... Je ne veux pas mettre de...

M. Lavigne: C'est pourquoi je trouve que la proposition du député de Saint-Laurent est restrictive parce qu'elle indique seulement une fonction élective, elle ne les indique pas toutes. Il peut y en avoir d'autres que celles qu'il indique qui seraient automatiquement mises de côté si on endossait la proposition du député de Saint-Laurent. Plutôt que de restreindre par cette proposition, on devrait plutôt élargir en tenant compte de la proposition du député de Sainte-Marie qui parle de tous les postes électifs contenus dans les statuts d'un syndicat. Si on le disait, si on ajoutai: les postes électifs contenus dans les statuts d'un syndicat, on donnerait la chance au coureur et on donnerait la chance au syndicat de fonctionner avec les outils qu'il s'est donné lors de l'assemblée générale sur les postes électifs décidés par les membres. Je pense que c'est bien démocratique. On n'embarrasserait pas les syndicats avec un article qu'on mettrait dans le projet de loi qui pourrait restreindre, dans certains cas. Parce que, dans tous les cas, les statuts des syndicats ont plus que le conseil d'administration comme postes électifs. Voilà mon point de vue.

M. Bellemare: M. le Président, si vous me permettez de mettre le mot électif, vous allez avoir des postes...

M. Chevrette:... M. le député de Johnson, on ne vous comprend pas du tout.

M. Bellemare: Excusez-moi.

M. Laplante: M. le Président, est-ce qu'on peut prendre la parole de même...

M. Bellemare: J'ai demandé la permission.

Le Président (M. Clair): Effectivement, je viens de donner la parole au député de Johnson; cependant, je lui ai demandé sa collaboration tantôt. Il a peut-être tendance à interrompre facilement les autres membres.

M. Laplante: On pourrait, nous aussi, parler à tout bout champ.

M. Bellemare: Vous demanderez la parole, vous ferez comme moi.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson.

M. Laplante: Vous la prenez, vous ne la demandez jamais.

M. Bellemare: Je la demande. Je l'ai demandée. Ne dites pas cela. Je vais soulever une question de privilège contre vous.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, n'entrons pas dans les questions de privilège. Vous avez la parole.

M. Bellemare: Ce sont des insultes gratuites. A moi surtout qui suis un vieux.

Le Président (M. Clair): M. le député de Johnson, vous avez la parole sur la motion d'amendement, à l'article 8, du député de Saint-Laurent.

M. Bellemare: Je n'ai pas l'intention de me mettre à genoux nulle part.

Quand le député de Beauharnois parle des postes électifs, je pense qu'il oublie que c'est au scrutin secret. Tous les autres postes qu'on veut "circoncire", comme disait hier le député, si vous dites électif, vous allez avoir une foule de gardiens de chantiers ou de présidents d'oeuvres bénévoles, de bienveillance qui sont électifs, comme une dame, présidente, dans une section particulière. Il va falloir que cela passe au vote secret.

Alors, en prenant le mot "électif", vous avez... Nous aussi, on a pensé au mot "électif", mais on a dit: Ecoutez, d'après les statuts et règlements, non, je ne pense pas que ça pourrait être mieux. En tout cas, je reste persuadé que le mot "fonction" est trop large. Il n'est pas adapté à la prudence qu'on a exercée jusqu'à aujourd'hui pour ne pas créer d'ambiguïté dans la loi.

Je dois vous dire, M. le Président, et assurer le député que j'ai fini.

Le Président (M. Clair): C'est ce que nous verrons. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais être assez bref parce que, depuis bientôt une heure et demie, on parle de l'article 19a, qui reprend une situation de fait, qui vient confirmer une situation de fait qui existe dans la très grande majorité des syndicats.

M. Johnson: Voulez-vous parler un peu plus fort?

M. Pagé: Plus fort. Ce n'est pas l'âge, dans ce cas-là.

Ce que je disais...

M. Johnson: Non, c'est la volonté d'entendre clairement.

M. Pagé: Oui. Ce que je disais, M. le Président, c'est que, depuis une heure et demie, on discute de l'article 19a. On a commencé à en parler à midi, M. le député de Johnson. C'est un article qui vient officialiser une situation de fait qui existe dans tous les syndicats. Quant à moi, avec l'expérience peut-être limitée que j'ai, je n'ai pas vu beaucoup de syndicats où les membres de l'exécutif, ou les gens occupant des fonctions importantes, sont élus et, par surcroît, au scrutin secret.

L'amendement qu'a déposé mon collègue de Saint-Laurent vise essentiellement à enlever cette ambiguïté qui existe par les termes employés. Ce qu'on a à se demander, c'est si on doit dire que c'est une fonction ou si c'est un membre de l'exécutif. Quant à nous, nous croyons que le fait d'employer et d'utiliser dans la loi le terme "fonction" va laisser place, va faire naître l'ambiguïté et les problèmes d'interprétation lorsque, comme en faisait état le député de Johnson, tout le monde aura à appliquer cette loi.

Le ministre du Travail, pour être avocat, doit savoir que, bien souvent, ceux qui ont à vivre dans le cadre d'une loi s'interrogent sur l'intention du législateur. Je pense que, si une commission parlementaire comme celle-là siège, si on discute de questions comme celles-là, c'est pour tenter de faire en sorte que la loi soit plus claire, qu'elle ait le plus de transparence possible et que tout le monde puisse s'y comprendre.

C'est dans ce sens que le député de Saint-Laurent a déposé son amendement qui, on l'espérait, aurait pu être repris par les membres de la majorité ministérielle. Parce qu'en utilisant le terme "membre de l'exécutif", ça ne veut pas dire pour autant, comme en faisait état le député de Joliette-Montcalm, que, pour les membres d'un syndicat qui sont délégués à un conseil confédéral ou autre, il n'y aura pas d'élection dans ces cas-là. Ce n'est pas restrictif à ce point parce qu'abstraction faite, même si la loi prévoit que ce sont les membres de l'exécutif qui doivent être élus au scrutin secret, les statuts et les règlements respectifs de chacun des syndicats vont continuer à s'appliquer. La majorité des syndicats en ont. Là où il n'y a pas d'élection, où il y a des nominations, c'est généralement pour des fonctions administratives ou de bureau, où les gens sont nommés par l'exécutif.

C'est dans ce sens que nous avons présenté notre amendement. Il est encore temps, pour les membres de la majorité ministérielle, de réviser leurs positions; on voit que c'est une fin de non- recevoir. Etant donné que ce n'est pas une approche de "filibuster" de notre part, qu'on ne veut pas se battre, qu'on ne veut pas faire perdre de temps, on vous a formulé nos commentaires; vous jugez opportun de ne pas les recevoir et de ne pas les accepter. M. le député de Johnson faisait état de flèches tout à l'heure, M. le ministre du Travail faisait état que, dans certains cas, des ministres du Travail ont été obligés de réviser des lois; il n'est pas impossible qu'éventuellement, vous soyez obligés de réviser votre loi, en raison de problèmes au niveau de l'interprétation.

Comme je le disais à mots à peine voilés au député de Joliette-Montcalm, les flèches que vous avez lancées au député de Johnson tantôt, ça peut devenir un boomerang. On a déjà vu ça de notre côté, on a déjà présenté des lois, convaincus que nous étions que l'interprétation qui leur serait donnée serait bonne et parfaite, qu'il n'y aurait aucun problème et, quelques mois après, on s'est aperçu qu'il y en avait.

On vous a formulé cette recommandation, nous en aurons évidemment beaucoup d'autres à vous présenter, d'autres amendements; tout ça, essentiellement, est fait dans le but de bonifier et d'améliorer le projet de loi.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière):... c'est pour dire que je partage le souci du député de Portneuf, mais je pense que, dans le cas du paragraphe 19a, l'intention du législateur est claire.

Chaque fois que la constitution d'un syndicat prévoit une élection pour un poste, cette élection, pour une fonction, doit se faire au scrutin secret. Je pense que ce n'est pas limitatif; c'est subordonné à la constitution du syndicat en question que, si un syndicat, pour tel poste, demande une élection, elle doit se faire au scrutin secret. Mais un autre syndicat, par contre, peut avoir une constitution qui est différente et à ce moment-là, comme on ne prévoit pas d'élection pour telle fonction en particulier, il n'y aurait pas de scrutin secret, puisqu'il n'y a pas d'élection.

Je pense que l'article 19a s'applique selon la constitution du syndicat en question. La différence entre la motion du député de Saint-Laurent et la motion principale, c'est qu'on voudrait restreindre l'élection au scrutin secret aux membres de l'exécutif, alors que l'article 19a est subordonné au contenu même de la constitution de chacun des syndicats.

Je pense que l'intention du législateur est claire, sauf qu'on ne s'entend peut-être pas sur l'ensemble des fonctions.

M. Pagé: Les législateurs du gouvernement et les législateurs de l'Opposition ne sont pas d'accord.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement à l'article 8 du...

M. Chevrette: II y a deux paragraphes; c'est un seul article. On vote sur le premier?

M. Pagé: On vote sur l'amendement au premier paragraphe.

M. Johnson: On vote sur l'amendement. Finalement, il va y avoir un vote sur l'article 19a, indépendamment des paragraphes. En cours de route, on va voter sur des amendements qu'on va accepter ou rejeter, selon les cas.

Le Président (M. Clair): II y a une motion d'amendement du député de Saint-Laurent à l'article 8 pour que le premier alinéa du paragraphe 19a de l'article 8 soit modifié, en remplaçant, dans la première ligne, les mots "à une fonction de l'intérieur", par les mots "les membres de l'exécutif". Cette motion d'amendement est-elle adoptée?

Des Voix: Rejetée sur division.

M. Johnson: Avant de continuer, je présume qu'on aura droit à d'autres motions d'amendement, par exemple, au niveau... Est-ce qu'on peut considérer, en fait, qu'on a passé, indépendamment de la procédure, le premier paragraphe de 19a et que nous sommes rendus au deuxième?

M. Bellemare: Pour moi, c'est correct.

M. Johnson: Quant au deuxième paragraphe, j'aimerais tout de suite moi-même proposer une modification.

M. Pagé: C'est au deuxième paragraphe de 19a qu'on a un amendement. Il faudrait bien se comprendre.

Le Président (M. Clair): Je ne voudrais pas...

M. Pagé: C'est sur le deuxième paragraphe de 19a.

M. Johnson: J'en ai un, moi-même, à apporter.

M. Pagé: Nous en avons un, nous autres aussi.

M. Johnson: Cela va peut-être être plus simple. Peut-être que je le ferai mien. Celui que j'ai l'intention d'apporter à 19a, paragraphe 2, simplement pour que ce soit plus clair — je pense que la suggestion est excellente, elle m'est venue de deux députés — on l'a fait voir par nos juristes et je pense qu'effectivement, cela clarifierait le deuxième.

En ce moment, l'article se lit comme suit: "A défaut de dispositions dans les statuts et règlements de l'association prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu tous les ans, au scrutin secret des membres de l'association".

On le lirait comme suit: "A défaut de dispositions dans les statuts et règlements de l'association prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu aux intervalles prévus dans les statuts ou règlements, ou à défaut, à tous les ans."

M. Bellemare: ... intervalles...

M. Johnson: Celle-ci doit avoir lieu au scrutin secret des membres de l'association aux intervalles prévus dans les statuts ou règlements, ou à défaut, tous les ans. (Je me demande ce qu'ils faisaient lorsqu'ils n'avaient pas d'appareils pour enregistrer).

Etant donné que c'est moi qui propose cet amendement, que je fais mien cet amendement, le texte sur lequel nous discutons, c'est celui que je viens de réciter. "A défaut de dispositions dans les statuts et règlements de l'association prévoyant que l'élection doit se faire au scrutin secret, celle-ci doit avoir lieu au scrutin secret des membres de l'association, aux intervalles prévus dans les statuts ou règlements, ou à défaut, à tous les ans".

Je pense que le texte, en fait, parle de lui-même. Je ne sais pas si on a besoin de beaucoup plus d'explications.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Clair): Vous désirez intervenir sur l'article 19a?

M. Pagé: Sur l'amendement, deuxième paragraphe.

Le Président (M. Clair): Cela va, allez-y.

M. Pagé: M. le Président, nous sommes bien satisfaits que l'échange de ce matin, à caractère général, au début des travaux de cette commission ait permis à certains membres qui n'étaient peut-être pas ici de faire le tour de chacun des problèmes que les députés ou que les membres de la commission pouvaient voir dans l'application des articles. Je suis heureux que cet échange permette au ministre d'arriver avec un amendement cet après-midi qui coïncide, à une virgule près ou à un mot près, avec l'amendement que l'Opposition officielle prévoyait déposer, car au lieu d'utiliser les mots "aux intervalles" nous avions prévu d'utiliser les mots "au moment". C'est là qu'on voit que les bons esprits se rejoignent quand même sur certains points.

M. Johnson: Etes-vous d'accord pour les termes "aux intervalles" plutôt que "au moment"?

M. Pagé: Nous sommes d'accord pour voter en faveur de votre amendement.

Le Président (M. Clair): L'article 19a est-il adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Clair): Le paragraphe 19a de l'article 8 est-il adopté?

M. Pagé: L'amendement serait adopté.

M. Johnson: Ce n'est pas un amendement puisque je le fais mien, puisque c'est moi qui propose ce texte.

Le Président (M. Clair): Adopté.

M. Johnson: M. le Président, nous avons à prendre, en principe, le vote sur l'article 8 du projet de loi 45. Quand on va finir, on va prendre un vote sur l'article 8 du projet de loi 45, puisque c'est le projet de loi et que ce n'est pas le Code du travail.

Le Président (M. Clair): Un instant, M. le ministre! Pour utiliser l'expression du député de Johnson "trop fort ne casse pas", si on l'adopte, sous-article par sous-article, et qu'on adopte l'article au complet à la fin, on sera certain qu'il sera adopté.

M. Bellemare: Sur les...

M. Johnson: II faut bien qu'on se comprenne. Ce sur quoi on va voter, avec ou sans division, ce sont strictement sur des propositions d'amendement qui, par définition, viennent de la commission, sauf quand le ministre, à son compte, décide d'intégrer un amendement. Cela fait partie de la proposition principale et cela ne nécessite même pas de vote, en principe. On peut décider qu'on passe au point suivant.

M. Bellemare: Cet ajout qu'on a fait au deuxième paragraphe de l'article 19, je pense qu'on doit dire un merci bien sincère au député de Sainte-Marie qui en a été un peu l'instigateur. Bien qu'il ait été un des premiers à pénétrer dans le champ, nous étions prêts nous aussi à faire la bataille. Je pense que c'est à lui que revient le mérite d'avoir clarifié cela. Ceci prouve que, lorsque des hommes, en commission parlementaire, mettent de côté l'esprit de parti pour travailler dans un terrain aussi difficile que ceiui-là, on peut atteindre le but qu'on recherche tous, celui du bien public.

Le Président (M. Clair): Je vous remercie, M. le député de Johnson. J'appelle immédiatement le paragraphe 19b de l'article 8.

Le ministre du Travail.

Le vote de grève

M. Johnson: M. le Président, peut-être que, contrairement à ce matin, je pourrais procéder de la façon suivante: Si, en abordant un paragraphe, j'essayais de donner les explications qui l'accompagnent normalement, cela éviterait peut-être des questions et des répliques qui peuvent être un peu longues.

L'article 19b porte sur le vote de grève. Il prévoit que la grève ne peut être déclarée qu'après avoir été autorisée au scrutin secret par un vote majoritaire des membres de l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote.

Un amendement crée aussi l'obligation, pour une association accréditée d'informer ses membres au moins 48 heures avant la tenue d'un scrutin de grève. Enfin, si un scrutin de grève est positif, l'association devra en aviser le ministre dans les 48 heures. Cet amendement vise à permettre au ministère de voir les conflits se dessiner à l'horizon évidemment et, le cas échéant, d'intervenir dans une conciliation déclenchée par le ministre comme le prévoit ce projet de loi, la conciliation étant, comme on le sait, maintenant volontaire. Voilà, essentiellement...

Je rappellerais simplement, pour les fins de la clarté du texte, pour les légistes, que nous avons fait l'insertion, ce matin, des mots "par écrit", après les mots "en aviser", au sous-paragraphe 2 de l'article 19b.

En somme, cet article dit: Quand il y a un vote de grève — on sait que la sanction c'est une sanction seulement pénale en vertu du chapitre VIII — une grève doit être autorisée par un vote majoritaire.

On change la notion de 50% ou enfin, on la simplifie, c'est un vote majoritaire. De qui? Des membres du syndicat et non pas des membres de toute l'unité, de tous les membres de toute l'unité de négociation. De qui également? Des membres du syndicat qui ont exercé leur droit de vote et non pas une sorte de quorum, et cela, en vertu d'un principe qui me paraît assez fondamental, parce qu'on vit en démocratie. A ce que je sache, on ne force pas les citoyens à voter. On en a eu des preuves éclatantes dans le cas, par exemple, des élections scolaires à Montréal où il y avait des taux de participation de l'ordre de 17%. Je pense que ce serait, au niveau des fondements du droit qu'on connaît dans notre société, anormal que d'introduire une notion de quorum au niveau du vote ou scrutin secret, évidemment, puisqu'on en a parlé, dans le cas d'une association de salariés pour les fins de déclenchement d'une grève.

En ce sens, on impose le vote secret, mais c'est le vote des membres de l'association accréditée qui se sont présentés pour voter. Deuxièmement — j'ai eu l'occasion d'en discuter un peu ce matin — l'avis qui est prévu est strictement un avis, non pas qui conditionne l'exercice du droit de grève, mais strictement un avis par écrit donné au ministre pour qu'il sache que quelque part dans le paysage, une association de salariés a donné un mandat de grève à un exécutif ou a décidé qu'elle ferait la grève ou qu'elle s'est prononcée sur l'idée d'une grève, de telle sorte que le ministre puisse en aviser le service de conciliation pour que le service de conciliation intervienne, s'il n'est pas intervenu, puisque les parties n'ont pas encore demandé la conciliation, ce qui est possible. Le ministre

pourra juger bon de ne pas envoyer de conciliateur aussi, mais il pourra le faire. Il sera avisé qu'il y a possiblement une grève qui se dessine dans un conflit, ce qui n'empêche aucunement une association de salariés, comme elle peut le faire en ce moment, de décider pour des fins purement stratégiques dans une négociation, de voter un mandat de grève, même si elle n'a aucune intention d'exercer ce droit de grève. Cela n'empêche pas non plus l'inverse. En ce sens, je pense que le sous-paragraphe 2 est clair.

Quant au sous-paragraphe 3, l'association doit prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer les membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin secret. Je l'ai évoqué ce matin. Cette notion d'un avis de 48 heures n'empêche évidemment pas que certaines situations, qu'on pourrait qualifier d'abusives, se reproduisent également. Cependant, je pense que c'est une indication claire, que les membres d'une association accréditée qui représentent l'unité de négociation doivent être avisés, au meilleur des circonstances par les représentants du syndicat, qu'ils auront à voter sur une grève. Cela, très concrètement, permettra, entre autres, à ces assemblées qui peuvent être convoquées pour discuter, par exemple de la modification des règlements de l'association... Bref, des choses qui n'attirent pas des foules donnent lieu à la décision d'un scrutin de grève à la dernière minute. On impose l'obligation d'en aviser, encore une fois, au meilleur, avec les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, l'ensemble des salariés.

Le Président (M. Clair): Le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, sur ce sujet, on a eu l'occasion ce matin de poser beaucoup de questions de part et d'autre sur l'interprétation que le ministre du Travail donnait à chacun des paragraphes contenus dans 19b. On se rappellera que, suite aux questions, que je considère bien fondées, du député de Sainte-Marie, entre autres, le ministre a eu l'occasion de préciser ce qu'il entendait par l'avis écrit qui était présenté, fourni dans les 48 heures.

M. le Président, si on regarde l'article 19b comme tel et qu'on l'analyse en fonction de la situation qui prévaut actuellement, on remarquera qu'au premier paragraphe, il est dit qu'une grève ne peut être déclarée qu'après avoir été autorisée au scrutin secret. On constatera qu'il n'y a pas beaucoup de grèves actuellement — je pense que le ministre l'a confirmé ce matin — qui n'ont pas été acceptées par les travailleurs autrement que par des scrutins secrets.

Dans son deuxième paragraphe, si l'association est autorisée à déclarer la grève, elle doit en aviser le ministre dans les 48 heures qui suivent le scrutin. Le ministre nous a donné toutes les explications qui y étaient relatives. Au troisième paragraphe, on constate que l'association doit prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances, pour informer ses membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin.

On constatera que la pratique veut que les membres, sauf de très rares exceptions, soient avisés pour assister à une réunion durant laquelle un vote doit se prendre. La mention "que l'association doit prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances", ouvre quand même la porte à beaucoup de possibilités. Ce qui nous a surpris dans la rédaction de l'article 19b, c'est que le gouvernement ne semble vouloir inclure aucune prévision dans le projet permettant aux travailleurs, une fois qu'ils sont en grève, après un certain temps... je pense que tous et chacun d'entre nous avons eu l'occasion de vivre un jour ou l'autre des cas où un conflit qui perdurait depuis quelques mois, un groupe de travailleurs désirait se prononcer à nouveau sur des offres qui étaient récemment formulées, ou encore, se prononcer à nouveau sur l'opportunité ou non de faire une grève.

Nous ne voyons aucune prévision, d'ailleurs, dans ce sens-là, dans les autres articles du projet de loi. Nous pensons que c'est important, quand on veut vraiment que le travailleur syndiqué puisse participer aux décisions, puisse participer à révolution des situations qui prévalent notamment dans le secteur de conflits.

C'est pourquoi, M. le Président, l'Opposition officielle présente une motion d'amendement à ce stade-ci, motion d'amendement qui met de côté l'article 19b et ce, pour les motifs dont j'ai fait état tout à l'heure, à savoir qu'au premier paragraphe, une grève qui est déclarée par un scrutin secret avec un vote majoritaire prévaut déjà et cela existe déjà... On me fait part, M. le Président, qu'il aurait peut-être été opportun que je laisse le soin à mes collègues de l'Union Nationale de faire part de leurs commentaires généraux à l'égard de l'article 19b — je ne voudrais pas manquer de délicatesse à leur égard — avant de présenter mon...

Le Président (M. Laplante): Non, mais vous pouvez simplement annoncer votre motion d'amendement...

M. Pagé: D'accord. Je vais vous donner un préavis, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Un préavis.

M. Pagé: ... qui se lirait comme suit. Il est assez long. On en a fait faire des copies qui pourraient être distribuées immédiatement, je pense. Est-ce que c'est distribué? Est-ce que vous en avez eu copie?

M. Johnson: De votre amendement? Moi, je ne l'ai pas ici.

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Laplante): On le déposera tout à l'heure...

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Laplante): ... lorsque vous annoncez...

M. Johnson: Vous pouvez en faire lecture quand même.

M. Pagé: Oui.

Alors, "à tout moment après le déclenchement d'une grève par une association de salariés, toute personne intéressée qui a des motifs raisonnables de croire que la poursuite de la grève n'est pas appuyée par une majorité des travailleurs membres de l'unité de négociation peut demander, par requête adressée au ministre, la tenue d'un référendum sur les lieux de travail, auprès de tous les salariés membres de l'unité de en grève. Une telle requête doit être accompagnée d'un exposé des motifs à l'appui de la requête et contenir des faits pertinents à la négociation, à la décision de l'association de salariés de recourir à la grève ou à la grève elle-même, qui permettent de croire qu'un référendum pourrait contribuer à mettre fin à la grève ou faire progresser la négociation. "S'il estime que les motifs allégués et les faits énoncés à l'appui de la requête sont suffisants, le ministre...

M. Bisaillon: C'est une dissertation.

M. Pagé: Pardon?

M. Bisaillon: C'est une dissertation.

M. Pagé: Oui, j'ai dit que c'était assez long.... peut décréter qu'un référendum aura lieu à la date qu'il détermine. Il désigne alors un commissaire du travail qui sera chargé d'organiser et de surveiller la tenue du référendum. "L'association de salariés et l'employeur doivent favoriser et faciliter la tenue du référendum et doivent collaborer avec le commissaire du travail à cette fin. Si les motifs allégués et l'énoncé des faits présentés à l'appui de la requête sont insuffisants, le ministre peut charger un commissaire du travail de faire enquête dans le délai qu'il détermine avant de statuer sur la requête, et lorsqu'au cours d'une grève pour la négociation d'une convention collective, un référendum a déjà eu lieu conformément au présent article, un référendum subséquent ne peut être décrété, à moins que la position de l'une des parties n'ait été modifiée de façon substantielle quant à au moins un des principaux points en litige ou qu'il se soit écoulé 21 jours".

C'est, M. le Président, l'amendement qu'on a l'intention de vous présenter, une fois que l'Union Nationale ou d'autres membres de cette commission seront intervenus et auront formulé leurs commentaires généraux sur l'article 19b, tel que présenté par le ministre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Johnson, sur l'article 19b.

M. Bellemare: Vous m'accordez la permission?

Le Président (M. Laplante): Oui, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Vous êtes donc d'une grande...

Le Président (M. Laplante): Qui oserait vous refuser cela!

M. Bellemare: Vous êtes donc d'une grande amabilité!

Quand on a entendu les mémoires qui nous ont été présentés par le Conseil du patronat et les syndicats, des objections ont été faites au problème suivant: S'agit-il d'un vote en vue de permettre aux syndicats de recourir à la grève sur le champ? Tous les patrons et les syndicats ont demandé d'éclaircir ce point. Je pense que le ministre a contourné cette difficulté d'une manière fort habile. Oui. Etablir ce processus me semble démocratique et normal. Seulement, il y a une chose qui me frappe plus que d'autres — il en a d'ailleurs été question à l'article 19a tout à l'heure — l'avis est donné mais on peut la déclarer en temps opportun.

Il reste que le ministre n'a pas répondu non plus à l'objection qu'on avait faite au début: Tous ceux qui font partie de l'unité de négociation, pas seulement ceux qui sont de l'association accréditée, pourraient, devraient avoir au moins le droit de vote — non, non, moi je dis cela. On avait dit cela en Chambre et on l'a répété ici — j'ai toujours préconisé que ceux qui n'en font pas partie, bien que ce soit l'infime partie qui ne soit pas membre d'une association accréditée, mais ce sont peut-être ceux qui sont les plus tapageurs... Je pense que le vote devrait s'étendre à toute l'unité de négociation. Cela ne changera pas grand-chose que de le réserver uniquement à l'association accréditée...

Je pense qu'au lieu de recourir... Non pas que les gens vont dire que c'est une façon draconienne d'exclure ceux qui ne sont pas membres. Je fais appel à la mémoire de ceux qui ont eu connaissance de certaines grèves dans le passé où il y avait des non-membres de l'association accréditée. Cela a causé énormément de troubles, mais c'était l'infime partie de l'unité de négociation.

Je demande au ministre d'analyser très sérieusement la possibilité d'accorder le droit de vote à ces gens-là. Pas parce que cela va changer le résultat. Non. Au point de vue du vote, non. Mais au point de vue du climat, oui. C'est peut-être une arme entre les mains du syndicat, de l'association accréditée qui ne voudra pas s'en départir en disant: On n'a qu'à faire partie de l'unité de l'association accréditée. En vertu du précompte aujourd'hui, on va être forcé de payer plus qu'ailleurs, c'est dans la loi. Ce ne sera

peut-être pas un grand nombre, mais j'aimerais bien qu'il nous dise pourquoi il n'a pas fait cette suggestion.

On retrouve à cet article l'expression "compte tenu des circonstances". J'ai eu l'occasion d'en dire un mot tout à l'heure, mais j'y reviens puisqu'on est à l'étude de cet article maintenant.

L'association doit prendre les moyens nécessaires — là on donne une échappatoire — on dit: Compte tenu des circonstances pour informer... Supposons qu'il y ait une grève des postes...

M. Johnson: C'est le cas du fédéral.

M. Bellemare: Oui, supposons que c'est une loi fédérale; on est encore dans la province de Québec, on est obligé de s'astreindre à poster nos lettres au bureau de poste fédéral.

M. Johnson: Ah oui! Excusez. Je pensais que vous parliez de l'avis de grève dans les postes.

M. Bellemare: Non, je sais que c'est fédéral. Ce n'est pas ce que je dis. Supposons qu'il y aurait, par hypothèse, une grève des postes et qu'on voudrait prendre tous les moyens nécessaires pour aviser, dans les 48 heures à l'avance, de la tenue d'un scrutin secret et qu'on ne soit pas capable de rejoindre les gens par messager spécial, qu'on se serve des postes, par des lettres recommandées et que la grève des postes soit là, qu'est-ce qui arrive? Là, le gars dit: Compte tenu des circonstances, je n'ai pas pu. J'ai pris tous les moyens nécessaires, mais je suis exonéré par la loi qui dit que, compte tenu des circonstances, je n'ai pas pu. Il y a des gens qui vont peut-être se forcer les méninges pour essayer de trouver quelque chose qui, contrairement à l'habitude normale, va venir entraver les moyens nécessaires. Compte tenu des circonstances, je ne sais pas qui vous a inspiré ce morceau de projet de loi, mais j'ai de la réticence à l'avaler parce que, quand une association doit prendre tous les moyens nécessaires — c'est clair — pour informer ses membres au moins 48 heures d'avance qu'il y aura un scrutin secret, qu'il y aura un appel pour une grève, cela devrait être assez couvert sans aller lui donner une échappatoire. Vous avez peut-être reçu un lobbying à ce sujet. Il faudrait peut-être écouter, comme vous le faites de temps en temps, certaines représentations qui viendraient de certaines personnes haut gradées dans le syndicalisme. Vous avez peut-être subi un certain lobbying. Je ne le sais pas. Je ne vous prête pas d'intentions parce que je n'en ai pas assez pour moi pour vous en prêter, mais je dis simplement qu'une chose reste sûre, c'est que...

M. Johnson: Est-ce que le député de Johnson me permet juste une seconde? Il veut savoir s'il y a eu des pressions de la part des syndicats ou des patrons...

M. Bellemare: Non, si vous me disiez...

M. Johnson: ... je le prierais seulement de consulter les journaux depuis à peu près deux mois et il va être conscient qu'il y en a eu beaucoup.

M. Bellemare: Oui, mais j'ai aussi vécu ce que vous vivez présentement et, sans le dire publiquement, il y avait bien des fois de bons fonctionnaires qui me soufflaient à l'oreille telle chose et telle autre et c'étaient souvent les haut-parleurs de certaines personnes fort intéressées et je le savais. Vous êtes peut-être sur la même tension vous aussi, mais je voudrais bien savoir d'où cela vient, "compte tenu des circonstances", parce que c'est une expression que j'ai rarement vue. Parce qu'en jurisprudence, surtout quand on voit les nombreux jugements qui ont été rendus par le Tribunal du travail et en particulier par le juge Melançon qui avait rendu un jugement un jour dans un cas à peu près similaire... Il avait dit, dans son jugement, compte tenu des circonstances, savez-vous que cela avait été en appel et que le monsieur avait gagné?

M. Johnson: Est-ce que vous vous rappelez du nom ou du numéro de la cause?

M. Bellemare: Non, je ne m'en souviens pas. Je me souviens bien du juge Melançon et de l'incidence que cela...

M. Vaillancourt (Jonquière): Cela ne devait pas être dans le dispositif du jugement, dans l'obiter dictum, probablement.

M. Bellemare: Oui, mais je me souviens qu'en appel, on avait surtout porté attention à vu "les circonstances", pas en certaines circonstances. Je dis que là: ce n'est pas grave, non, je le sais; mais je sais que je ne gagnerai pas mon point parce que le ministre va peut-être me dire: Ecoutez, vous êtes un vieux "radoteux"...

M. Johnson: Voyons donc!

M. Bellemare: Vous êtes un vieux qui avez peur de toutes sortes de choses.

M. Johnson: Je n'ai jamais dit cela. "Ratou-reux ", je n'ai jamais dit cela. Vous êtes un homme expérimenté, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Au contraire, je suis un gars qui veut essayer de se mettre au niveau de l'âge du ministre, pour essayer d'avoir les mêmes réflexes.

M. Chevrette: Cela a l'air douleureux, c'est effrayant.

M. Bellemare: Je peux vous dire une chose. J'ai mon recyclage à faire, moi aussi; je le fais

presque tous les matins, conscient que, pour bien accomplir mon devoir, il faut que je me mette à la moderne et que je laisse tomber une foule de préjugés.

Mais ce sont les deux choses que je voulais faire remarquer sur l'article 19b. Premièrement, si le ministre a examiné la possibilité qu'à l'unité de négociation, tout le monde aurait droit de vote pour établir l'état de grève. Deuxièmement, si les mots, "compte tenu des circonstances" ne sont pas dangereux, quand on a déjà la précaution de mettre tous les moyens nécessaires. Je pense que ces deux choses font que... c'est ma critique. Je la veux la moins longue possible, j'arrête.

M.Johnson: M. le Président, il y a dans l'avis de motion que nous a donné le député de Portneuf, et dans les commentaires du leader de l'Union nationale, quatre éléments.

M. Bellemare: Vous parlez de la motion ou... parce qu'on n'a pas la motion.

M. Johnson: Je parle globalement, finalement, des différents éléments qu'on retrouve dans cet article, des préoccupations...

M. Bellemare: Si on parle sur la motion, il va falloir qu'il la fasse.

M. Johnson: Non.

Le Président (M. Laplante): Non, je ne laisserai pas déborder sur la motion.

M. Forget: Seulement des remarques générales.

Le Président (M. Laplante): Sur les remarques que vous avez entendues, d'accord.

M. Johnson: Alors, remarques générales. M. Bellemare: ... qu'il pouvait donner...

M. Johnson: D'accord, alors je n'engloberai pas...

M. Bellemare: Je ne l'ai pas devant moi.

M. Johnson: Très bien. Pour être le plus général possible, comme le disait le député de Johnson ce matin, planer un peu, j'aimerais parler de la notion d'être membre d'un syndicat, par opposition à, être couvert par une unité représentée par ce syndicat, par cette association accréditée, pour prendre le vocabulaire du code. Cela m'apparaît fondamental que le droit d'association implique effectivement des droits, implique finalement, je dirais, non pas des privilèges, mais la possibilité pour celui qui choisit d'adhérer à une association, d'exercer des droits, de prendre des décisions et que son statut soit différent, dans les choses fondamentales qui touchent la vie syndicale, ce que le député de John- son va reconnaître avec moi comme étant fondamental dans notre société, qu'il y ait une différence entre lui et un membre qui est couvert par cette association accréditée, mais qui n'est que membre de l'unité de négociation. Je pense que cela respecte l'économie du code, non seulement l'économie du code, mais la réalité du syndicalisme au Québec et la réalité du syndicalisme nord-américain. C'est un peu loin des notions du syndicalisme européen où on retrouve, entre autres, la représentation multiple syndicale, le droit de grève permanent dans certains cas, etc. C'est toute une réalité, c'est tout — comme disent les anglais — un "package deal", le syndicalisme européen, qui est différent du nôtre.

En Amérique du Nord et au Québec, conséquemment, nous avons des lois du travail qui confèrent une notion de monopole de représentation des gens à partir du moment où ils ont fait le choix d'une association accréditée. Nous avons cependant — le Code du travail le spécifie — des dispositions qui prévoient une représentativité de cette association, puisqu'elle ne peut pas être accréditée, si elle n'obtient pas la majorité absolue des suffrages, lors du vote sur l'accréditation. A partir de là, entre en jeu une mécanique. Il y a des règles du jeu et je pense qu'avoir droit de décider d'une grève, cela appartient à celui qui fait le choix, que les conditions de travail qu'il aura à vivre ou à subir ou à accepter seront établies par l'association accréditée. Car il l'a choisie, il en fait partie et notre code reconnaît des droits inhérents à l'accréditation. Cela m'apparaît fondamental.

Sinon, est-ce que cela ne serait pas, dans le fond, dans notre société, une incitation à ne pas rendre vivant le syndicalisme? A partir du moment où on prévoirait que l'exercice de la grève est conditionné à un vote au scrutin secret de la majorité des gens de l'unité, et même avec une notion de quorum qui, je pense, tente beaucoup les membres de l'Opposition, ou même sans cette notion, est-ce que ce ne serait pas "désin-citer" les salariés à participer activement à la vie de leur syndicat?

M. Bellemare: ... changer la date.

M. Johnson: Moi, je considère que le syndicalisme a fait des progrès considérables au Québec depuis cinq ou six ans, depuis une dizaine d'années que je regarde cela. Je n'ai malheureusement pas l'expérience du député de Johnson à ce niveau. Mais j'ai l'impression... Comme lui, je constate qu'il y a eu des changements, une progression du syndicalisme au Québec; 37% de la population des salariés sont syndiqués. On voit l'extension du syndicalisme dans certains secteurs. Je pense que c'est un mécanisme, dans une société, dans la nôtre en tout cas, qui est valable, malgré ce qu'on voudrait véhiculer comme étant la perception populaire, que les syndicats occupent trop de place dans notre société. Et on peut bien faire dire ce

qu'on veut à une population, à partir de n'importe quel sondage.

Et comme le disait le député de Deux-Montagnes ce matin, il y a beaucoup de choses qui sont des préjugés au niveau de la population et qui sont issues d'une information mal véhiculée. Par exemple, combien de personnes au Québec savent que 95% des conventions collectives sont conclues au Québec, sans grève ni lock-out? Tout le monde s'imagine, évidemment, qu'au Québec, c'est plus dramatique qu'ailleurs. C'est vrai qu'on a le championnat des jours/hommes perdus. Mais tout cela — je trouve que cela ressemble plus à la deuxième lecture qu'autre chose — simplement pour dire que pour moi, c'est fondamental. La possibilité d'attacher à la syndicalisation, c'est-à-dire à l'association accréditée, l'exercice de droits, l'exercice de gestes qui sont ceux qu'on reconnaît à ce qui est une structure.

Quand je dis structure, je ne parle pas de la centrale syndicale X ou Y. Je parle de la structure d'une unité locale. En ce sens-là, cela s'inscrit dans le progrès de notre société. Je pense que cette "désincitation"... pourquoi? Qu'est-ce qui se produirait, en pratique? Je pense que c'est le genre de chose qui risquerait d'arriver. Tous les membres de l'unité, même ceux qui ne font pas partie du syndicat — parce que, par exemple, il y a le précompte syndical obligatoire qui, de toute façon, existe dans la majorité des cas déjà — ont le droit de vote au scrutin secret, on l'a vu, dans le cas d'une grève.

Il y a peut-être des salariés et des travailleurs qui vont décider de rester chez eux, la plupart du temps. De toute façon, je vais recevoir mon avis de 48 heures une fois tous les trois ans, quand on va négocier la convention collective, et je vais aller voter pour ou contre la grève.

Je pense que cela serait malsain que le législateur favorise ce qui est un sentiment bien humain, ce qui est en chacun de nous, une certaine paresse. Je pense que le législateur n'a pas à accentuer ce mouvement qui serait probablement spontané chez de nombreux salariés. Je pense qu'il faut que le syndicalisme au Québec soit vivant, participant, soit présent dans notre société, parce qu'il y a une présence dans la vie syndicale des salariés.

Ce qu'on reproche, au niveau de l'opinion publique, à certains syndicats ou à certaines centrales syndicales... Quand on dit que "l'establishment" est "déconnecté" ou dissocié de sa base, cette perception subjective, à tort ou à raison, c'est celle effectivement d'une distance entre les salariés et ceux qui les représentent, ou prétendent les représenter.

Je pense que cela serait une incitation que d'étendre le vote secret à tous les membres de l'unité, ce serait une incitation à continuer à alimenter ce préjugé, d'une part, et d'autre part, la réalité qui est sous-tendue par cette perception qui se traduit en préjugé. Cela m'apparaît fondamental.

Quant à l'argumentation de... La notion d'unité est comprise dans la notion que nous présentera l'Opposition, j'y reviendrai quand nous discuterons, parce que je présume qu'on déposera, à titre de motion... Je discuterai, du reste, des considérants.

Le Président (M. Laplante): Le député de Deux-Montagnes.

M. Bellemare: ... une chose que j'ai demandée et à laquelle on ne m'a pas donné de réponse.

Le Président (M. Laplante): Comme quoi, monsieur?

M. Bellemare: C'est "compte tenu des circonstances".

M. Johnson: J'en avais parlé un peu ce matin, je m'excuse. J'aimerais bien que le député de Johnson, s'il le pouvait, me fournisse la référence à ce jugement du juge Melançon et je suis sûr que nos juristes, dont certains le connaissent fort bien, se feront un plaisir de me sortir quelques documents là-dessus. La notion de "compte tenu des circonstances", c'est pour donner une aire d'appréciation assez large au juge pour qu'il puisse tenir compte, par exemple, du fait d'une grève des postes, qu'il puisse tenir compte, par exemple, du fait d'un empêchement majeur, d'un "act of God", d'un événement fortuit ou d'une force majeure, pour qu'il puisse tenir compte d'une impossibilité physique. Je pense que le "compte tenu des circonstances", c'est ce qu'il vise. Les moyens nécessaires, oui, mais des moyens nécessaires sont toujours conditionnés par des circonstances.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais faire une suggestion au ministre à propos du deuxième alinéa de 19b. Nous avons constaté, par le débat de ce matin et en particulier à partir des interventions de mes collègues de Joliette-Montcalm et de Sainte-Marie et de l'intervention du ministre lui-même, qu'au milieu de ce texte, le verbe "aviser" pouvait prêter à malentendu. Le ministre a donné toutes les assurances voulues comme quoi il ne fallait pas lire, derrière ce verbe, la notion d'un préavis. Cela, c'est bien clair. Mais, la suggestion que je veux faire au ministre, puisque le mot a paru pouvoir prêter à confusion, c'est de le remplacer par un autre mot qui, lui, ne prêterait pas à confusion et j'informe aussi le ministre que j'ai déjà obtenu l'avis de ses conseillers techniques sur cette question et qu'ils sont d'accord. Il s'agirait de remplacer le verbe "aviser" par le verbe "informer". Cela se lirait, par conséquent: "Si l'association est autorisée à déclarer la grève, elle doit en informer par écrit le ministre dans les-quarante-huit heures qui suivent le scrutin." Et,

pour la concordance, il serait peut-être souhaitable de faire le même changement à l'article 35, qui modifie l'article 46a, où il y a aussi le verbe "aviser" et où on le remplacerait par "informer par écrit". Mais là, il s'agirait purement de concordance, c'est-à-dire de l'uniformité du vocabulaire du code parce que, dans le deuxième cas, puisqu'il s'agit d'un avis après le fait, il est absolument évident qu'il ne peut pas s'agir d'un préavis. Mais, dans le premier cas, comme c'est avant le fait de la grève, pour dissiper l'équivoque, c'est la suggestion que je fais au ministre.

Le Président (M. Laplante): Si j'ai bien compris, ce n'est pas une motion d'amendement, c'est une suggestion.

M. Johnson: A moins que je le fasse mien. M. le Président, je voudrais simplement dire que, effectivement, j'accepterai cela si c'est pour dissiper des équivoques. A mon avis, il n'y a pas d'équivoque. Mais, enfin, si c'est pour satisfaire un peu plus les membres de la commission, je n'ai pas d'objection. "En informer par écrit" m'apparait un vocabulaire juridique adéquat. "En aviser", me dit-on, pourrait être confondu, au niveau de son acception, avec l'avis de huit jours dans le cas des services essentiels, cela pourrait poser des problèmes; donc, on dirait que cela rendrait l'exercice légal de la grève conditionnel à cet avis. Il s'agit bien d'en informer. Cependant, je tiens à aviser le député de Deux-Montagnes, que c'est fondamental, dans le mécanisme de la conciliation volontaire, que le ministre soit informé et que, en aucune façon, pour moi, l'utilisation du mot "informer" ne doit signifier que le ministre ne fera pas en sorte qu'il soit effectivement informé et qu'il prenne toutes les dispositions nécessaires, y compris les sanctions pénales — ce n'est pas écarté — pour qu'effectivement, il soit informé. C'est le bon fonctionnement du mécanisme lui-même de la conciliation volontaire qui est en jeu ici. Je pense qu'on peut s'attendre que les parties le fassent. Cependant, il pourrait arriver, effectivement, qu'un syndicat donné, une très petite unité de négociation, des gens fort peu expérimentés qui ont un peu de difficulté avec le code, effectivement, l'oublient. Je ferais mienne la suggestion du député.

Le Président (M. Laplante): Pour les bonnes fins de l'écriture, le deuxième paragraphe de l'article 19b, se lirait: "Si l'association est autorisée à déclarer la grève, elle doit être informée...

M. de Bellefeuille: Non, elle doit en informer par écrit.

Le Président (M. Laplante): ... elle doit en informer par écrit le ministre dans les 48 heures qui suivent le scrutin".

Une Voix: Parfait.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, seulement quelques mots pour dire que je suis en accord total avec l'article 19b et pour faire miennes les raisons invoquées par le ministre pour limiter le pouvoir de décision quant à l'utilisation ou non du droit de grève aux membres de l'association accréditée. Je ne voudrais pas répéter les propos du ministre, mais je voudrais faire miennes les raisons qu'il a invoquées.

D'autre part, je suis heureux de constater, puisque je n'étais pas ici ce matin, que le paragraphe 2 de l'article 19b a été éclairci par l'ensemble des membres de la commission et par le ministre. Je suis heureux de constater également qu'on a remplacé le mot "aviser" par "en informer par écrit", ce qui enlève toute équivoque à ce sujet.

D'autre part — c'est la fin de mon intervention — je me demande, pour la bonne compréhension du texte, s'il ne serait pas opportun que le deuxième alinéa de l'article 19b se retrouve au troisième alinéa, et inversement, que le troisième alinéa se retrouve au deuxième alinéa, compte tenu du fait que, dans le deuxième alinéa, on parle du vote de grève qui vient d'être décidé, alors que dans le deuxième cas, c'est la convocation des membres du syndicat. Je pense que cela permettrait à tous ceux qui liront la loi, d'avoir une meilleure compréhension du texte.

Une Voix: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Laplante): Ce serait le deuxième paragraphe de l'article 19b qui deviendrait le troisième paragraphe, et le troisième paragraphe deviendrait le deuxième paragraphe.

M. Vaillancourt (Jonquière): Cela ne change rien. C'est pour une meilleure compréhension du texte.

Le Président (M. Laplante): C'est clair? Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je vais attendre la motion d'amendement.

Une Voix: ... l'amendement du député de Portneuf également.

M. Chevrette: Je garde mon droit de parole sur l'amendement du député de Portneuf, parce que c'est là-dessus que je voudrais parler.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, vous prenez l'amendement à votre compte.

M. Forget: Oui, je prends l'amendement à mon compte.

M. Bellemare: Est-ce que je pourrais en avoir une copie?

Le Président (M. Laplante): Oui, on peut en distribuer une copie.

M. Forget: Ils sont en train d'en distribuer. Je peux peut-être commencer par le lire. C'est un amendement qui fait deux pages.

Le Président (M. Laplante): II a été lu. Est-ce qu'on accepte la lecture qui est déjà faite?

M. Forget: Ah! Il a été lu?

Le Président (M. Laplante): II a été lu, monsieur.

M. Forget: Bon.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'on peut accepter la première lecture qui a été faite par le député de Portneuf...

M. Forget: Approuvé en première lecture.

Le Président (M. Laplante): ... qui serait la motion d'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'avais indiqué, ce matin, quand nous avons abordé l'étude de l'article 8, de façon générale, que j'avais des objections de principe. Quand on a abordé l'article 19a, j'ai dit que je mettais ces objections de principe entre parenthèses, parce que là où elles sont le plus pertinentes, c'est à l'article 19b, ce n'est pas à l'article 19a.

Dans le contexte de ce que le ministre avait indiqué, à savoir qu'il lançait un message au mouvement syndical quant à sa démocratisation interne, quant aux modalités d'élection de ses officiers, oui, il y aurait un certain nombre de détails qu'on pourrait dire à ce niveau, mais ce n'est certainement pas là que le bât blesse, pour employer l'expression bien connue. C'est plutôt lorsqu'il est question du vote de grève. Je pense qu'il faut revenir un peu sur la nature de l'objection de principe pour vraiment comprendre le sens de cet amendement. En effet, il y a, entre le texte original de la loi 45 et l'amendement proposé par le ministre, désormais incorporé dans le projet de loi, une parenté de famille évidente, c'est-à-dire que dans l'un comme dans l'autre cas, le ministre souhaite imposer au fonctionnement du syndicat, lorsqu'il se prononce ou qu'il amène ses membres à se prononcer sur un vote de grève, un certain nombre de contraintes quant à la façon de faire ce vote. Pour cela, il doit énoncer des règles relatives au délai, etc., avec lequel tout ceci doit être fait. Il est évident que la discussion que nous avons eue, en partie anticipée, sur l'article 19b ce matin, nous amène, et amène le ministre à proposer et à spécifier un grand nombre de règles, d'avis, de délais, etc., et on doit envisager le cas où ces règles pourraient être violées.

A ce moment-là, posons-nous la question: Qu'est-ce qui va vraiment se produire si ces règles sont violées? Il est évident, comme l'article 8, un peu plus loin, l'indique, que c'est le chapitre 8 du Code du travail qui va s'appliquer, c'est-à- dire que le procureur général pourra intenter une poursuite pour violation de la loi et pourra engager le recouvrement d'amendes pour un montant de $500 à $1000 par jour à supposer qu'on sache que ça veut dire, dans le cas où un vote est pris. Est-ce que c'est chaque jour qui suit un vote pris irrégulièrement, etc., mais ce sont là des conditions et des questions de détail. Ce qui est important de se rendre compte, c'est qu'en voulant qualifier ou restreindre le fonctionnement interne du syndicat, au moment où il prend un vote de grève, le ministre propose d'en faire une infraction pénale et laisse l'affaire là.

Du côté syndical, on s'interroge évidemment sur une situation comme celle-là, puisque, au-delà de la menace d'une infraction pénale ou d'une pénalité en vertu de la loi qui est soulevée par une rédaction comme celle-là, se pose tout le problème de la juridiction de la Cour supérieure, que le ministre a avoué ne pas pouvoir modifier par une loi comme celle amendant le Code du travail.

Ce qui fait qu'une personne — ça pourrait être l'employeur; ça pourrait être à peu près n'importe qui — qui se rend compte que la loi n'est pas respectée à la lettre ou qui a des raisons de croire que la loi n'a pas été respectée à la lettre, pourrait soi-disant se présenter en Cour supérieure et obtenir une injonction, injonction, comme on disait anciennement, quo warrante si l'article 19a n'est pas respecté, injonction mandamus ou autre chose dans le cas de l'article 19b. On se retrouverait en plein coeur d'une approche judiciaire au règlement d'un conflit de travail.

On voit, quand on développe la logique implicite d'une approche comme celle-là, d'abord, qu'on intervient dans les affaires internes du syndicat. On le fait, essentiellement, de façon générale, dans tous les cas. On donne ouverture à ça à chaque vote de grève, dans chaque syndicat, au moment de chaque conflit de travail. On le fait par la voie pénale, qui ne semble pas appropriée, parce que la voie pénale... Faire dire par un tribunal, deux ans et demi ou trois après qu'un vote de grève irrégulier ait été pris ou qu'une grève ait été déclenchée illégalement, puisque ça devient un autre motif d'illégalité des grèves, que la grève était illégale et que le syndicat doit donc payer $5000 d'amende parce qu'il y a eu dix jours ou je ne sais quoi, enfin, peu importe, deux ans et demi après la fin du conflit, ça ne règlera en rien le conflit lui-même. Cela ne permettra en rien de favoriser une évolution pacifique. Enfin, ça ouvre la porte à l'intervention de la Cour supérieure qui, constatant une brèche dans l'application de la loi, pourra, sans aucun doute, être saisie d'une requête en injonction.

Alors, tout ceci nous montre que, quel que soit l'objectif qu'on poursuit, le principe adopté au départ est un principe qui est faux. Ce principe est faux non seulement parce qu'on doit respecter l'autonomie interne d'organismes vo-iontaires qui fonctionnent sous l'impulsion de leurs membres mais parce qu'on doit aussi, dans le fond, se limiter à voir l'effet que les actes de

l'organisme en question peuvent avoir sur les tiers.

C'est aussi une approche fausse parce que, finalement, elle ne peut pas produire le résultat escompté, elle ne peut pas conduire à une pacification des relations du travail, elle ne peut pas régler une impasse qui se révélerait dans une grève, disons, qui serait manifestement décidée sans l'appui de la base.

Il reste que le seul recours, c'est un recours du procureur général. Et même avec un "preferred indictment", il y a la possibilité de toutes sortes de mesures dilatoires au niveau des procureurs du syndicat. Il y a la possibilité... On l'a vu, M. le Président. On a vu l'inefficacité absolue de l'approche judiciaire dans les conflits de travail et, de la façon qui est envisagée, on s'engage encore plus avant, dans un nouveau domaine, vers une approche judiciaire.

Contrairement à cela, il m'apparaît qu'il y a, bien sûr, des moments où la légitimité d'une action syndicale peut être mise en doute. En somme, mettons de côté tous ces arguments de caractère juridique ou d'opportunité ou d'efficacité. Le ministre a fait — et quand il le disait, cela paraissait même à celui qui vous parle en ce moment, un raisonnement qui, au moins à première vue, est séduisant: Le syndicat est une institution légitime. Le syndicat a une accréditation, cela veut dire quelque chose, une accréditation, dans nos moeurs de relations du travail. Il a le monopole de la représentation. Il ne faut pas démobiliser la base et la décourager de participer. Il y a une action qui est prise par ce syndicat légitime et il faut fonctionner dans ce cadre et ne pas chercher à avoir un recours auprès de l'ensemble des salariés, même non syndiqués, etc. Toute la question n'est-elle pas véritablement là? La légitimité du syndicat, même si on la reconnaît, est-elle un concept si absolu que tous les actes posés par un syndicat sont par définition légitimes et au-delà de tout doute, au-delà de tout test, justement, de la légitimité.

Tout le monde sait bien que la légitimité d'un syndicat, la légitimité sur laquelle se fonde l'accréditation, est basée sur un roseau pas tellement fort, c'est-à-dire l'adhésion de 50% plus 1 des membres de l'unité de négociation. Dans un contexte comme celui-là, dans une accréditation obtenue des années auparavant, à une majorité qu'on ne connaît plus parce qu'une fois la période initiale passée on fonctionne sur l'ancien, on fonctionne sur l'acquis, un geste qui a pu être posé dans un cas particulier, avec un taux de participation faible, alors que les propositions qui étaient placées devant les membres n'étaient pas clairement délimitées, etc.

On peut avoir toutes sortes de doutes sur la légitimité d'un acte particulier, mais cela ne veut pas dire qu'on met en doute la légitimité de l'institution qu'est le syndicat pour autant. Cela ne veut pas dire par contre, que, parce que cela a été historiquement, à un moment donné, il y a quinze ans peut-être, un syndicat légitimement représentatif de tous ses membres, au moment où il a obtenu son certificat, cela ne veut pas dire que, vingt ans plus tard, avec toute l'eau qui a coulé sous les ponts pendant ce temps-là, quand il pose un geste particulier, on va dire: Ah, là! Ecoutez, c'est légitime, c'est dans notre loi, c'est comme cela, et on ne peut pas poser de questions.

Bien sûr, si on posait des questions chaque fois qu'il y a une grève, si on posait la question: Est-ce que tous les membres sont d'accord? je pense qu'on nierait carrément le principe de la légitimité du syndicat et du caractère normal de l'exercice de cette légitimité par un vote majoritaire des membres qui participent au scrutin à l'intérieur de l'unité.

Il est clair que le syndicat, normalement et dans la plupart des cas, a le droit de parler pour l'ensemble des employés, même non syndiqués. C'est la loi qui lui reconnaît ce droit. Mais, à moins de faire du corporatif — et je n'accuse pas le ministre d'en faire — mais c'est un penchant dans lequel il faut éviter de tomber, à moins de vouloir dire: II y a des corps constitués dans la société qui ont une légitimité au-delà de tout doute, il y a les églises, il y a les corporations professionnelles, il y a les syndicats. Il y a même des gens — et cela s'est fait au Québec — qui sérieusement ont dit: On devrait avoir un sénat constitué de tout ce beau monde, une espèce de conseil économique et social. Je pense qu'il y a des groupes politiques qui ont dit cela et on peut imaginer un peu ce que cela donnerait. C'est une vue corporatiste et, à la limite, sans vouloir faire de charriage, mais, historiquement, on sait bien que cela s'est apparenté au fascisme. C'était la conception de la société comme un rassemblement non pas d'hommes libres, mais de groupes, de corps constitués, de corps intermédiaires et c'est toute cette espèce de féodalité qui faisait l'Etat.

Je pense que ce n'est carrément pas dans la conception démocrate que nous nous faisons de l'Etat et du fonctionnement des lois. C'est pourquoi, même si on reconnaît une légitimité a des organismes comme les syndicats, comme n'importe qui, que ce soient les corporations professionnelles, les églises — nommez qui vous voulez — il reste que c'est toujours une légitimité conditionnelle. Quand on est en face d'un acte précis et qu'on a des raisons de croire que cet acte, vraiment, par des hasards de circonstances, de lieux, de moments, de personnes, ne représente vraiment rien, il est vraiment quelque chose qui peut être mis en doute.

Il me semble que c'est du devoir de l'Etat de se donner les instruments, non pas d'intenter des poursuites et, éventuellement, de mettre des pénalités, mais comme il s'agit d'un processus social important, qui peut affecter le grand public — il peut s'agir d'une grève dans le transport en commun comme dans les magasins d'alimentation ou Dieu sait quoi ou dans les hôpitaux — le ministre doit avoir le pouvoir de tester la légitimité de ses actes.

La seule façon de les tester, ce n'est pas de demander à ceux qui ont pris ces décisions: Etes-vous toujours d'accord avec vous-mêmes? C'est vraiment d'aller voir ceux au nom de qui

cet organisme parle, c'est-à-dire l'ensemble des salariés membres de l'unité de négociation et dire: Ecoutez, messieurs, il y a des années, on vous avait demandé de faire partie du syndicat, vous aviez dit non, parce que... parce que... parce que... peu importe ces raisons et même ceux qui ont dit oui à l'époque, vous êtes en face d'un geste précis, êtes-vous toujours d'accord? Est-ce que c'est toujours cela que vous pensez? Est-ce que ceux qui parlent en votre nom, parlent vraiment en votre nom?

A ce moment-là c'est un geste exceptionnel, c'est un geste d'exception et qui est un remède immédiat et concret à un problème de relations de travail qui ne doit pas attendre des pénalités et des amendes pour être réglé, mais qui attend un geste précis, un test démocratique du caractère légitime d'une action syndicale.

Au moment où cela est requis, tout de suite on passe aux actes, pas de façon hypothétique en fonction d'un geste futur, mais quand on est en plein coeur d'un conflit de travail, on se dit toujours: II y a quelque chose qui ne va pas. Ce n'est pas légitime, cela ne représente pas vraiment ce que ces gens-là veulent. Il y a quelqu'un qui a usurpé d'une certaine façon leur pouvoir collectif pour une fin particulière à laquelle la majorité ne souscrit pas; faisons un test et, si le test est concluant, il y a des gestes qui en découlent immédiatement.

Pas des pénalités, pas des injonctions, pas des histoires de ce genre, mais des choses concrètes, sur le moment, au moment où elles sont requises. L'esprit de cet amendement, c'est de sortir le gouvernement d'un contrôle de tous les syndicats tout le temps et dire: Ecoutez, l'hypothèse de base est légitime, cela va très bien tout le temps, dans toutes les circonstances, de façon générale. Il peut y avoir des moments où quelqu'un va avoir un motif. On dit d'ailleurs un motif raisonnable de croire que la poursuite de la grève n'est pas appuyée par une majorité des membres, des travailleurs, pas seulement ceux dont la décision, de façon directe ou indirecte, est à l'origine de cela, mais de tous ceux dont l'existence fonde justement la légitimité d'une association représentative, dont l'ambition n'est pas seulement de se représenter elle-même, mais de représenter tous les travailleurs dans une unité d'accréditation.

C'est le but d'aller au-delà des membres, c'est le but de faire le test le plus démocratique possible et, dans le fond, de reposer la question de la légitimité Si c'est une décision qui est négative, il va tout de suite y avoir des conséquences, pas des conséquences dans deux ans, pas des conséquences assujetties à des objections et à des avocasseries devant des cours, pas des injonctions en Cour supérieure pour dire: Le processus Y et le délai X n'ont pas été suivis, mais des choses immédiates, qui sont pertinentes au problème, pertinentes au conflit.

C'est bien sûr que ce serait exceptionnel, c'est bien sûr que cela se ferait une fois sur cent, parce que je plains celui qui pose une plainte ou le ministre qui accepte un exposé de motifs de façon frivole.

Ce que nous verrons à ce moment-là, ce sera l'affirmation par le syndicat d'une volonté claire de non-ingérence et d'un rejet assez clair et même probablement unanime, à ce moment-là, de cette tentative de mettre en doute la légitimité d'une institution dont on sait, quand on en est membre, qu'elle est légitime.

D'un autre côté, c'est la porte ouverte à une possibilité de contestation si, vraiment, la question se pose et si les membres pensent qu'elle se pose.

M. le Président, je pense que j'ai dit tout ce que je pouvais dire là-dessus. Je pense que c'est assez clair, l'esprit dans lequel on présente cela. Je pense que c'est très important d'agir comme cela plutôt que d'agir de la façon dont le ministre se prépare à le faire. C'est un monde de différence entre les deux. C'est une solution à des problèmes extrêmes et de façon très exceptionnelle. L'autre, c'est une règle générale qui va s'appliquer partout et tout le temps et qui va ouvrir la porte à une détérioration de nos relations de travail.

C'est encore une porte ouverte aux avocasseries, aux poursuites, aux injonctions et pas dans des cas exceptionnels, mais tout le temps. Chaque fois qu'il va y avoir un vote de grève, les gens vont se demander: Est-ce que c'est attaquable? Est-ce qu'on pourrait avoir une injonction là-dessus? L'avis a-t-il été vraiment de 48 heures? Il y a des problèmes d'évaluation des circonstances appropriées, etc. Est-ce que ce sont les bonnes circonstances? Combien va-t-il falloir de procès pour savoir ce que cela veut dire, les circonstances appropriées.

Je suis tout à fait d'accord avec l'explication qu'en a donnée le ministre, une explication de bonne foi, mais parfois les gens ne sont pas de bonne foi et vont vouloir l'exploiter. Alors, on ouvre la porte à un tas de complications et on ne réglera strictement rien avec cela. A mon avis, il y a d'autres façons de le faire et c'est même essentiel qu'on le fasse d'une autre façon. Il faut que le ministre ait ces instruments. C'est vrai qu'à l'occasion, parfois, on doute de la légitimité d'une organisation syndicale et le ministre n'a pas le moyen, au moment où cela serait utile actuellement, de poser la question, je crois qu'il doit avoir ce moyen.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le ministre, j'ai dû me faire remplacer pendant quelque temps, dois-je comprendre qu'on discute maintenant de la motion d'amendement du député de Saint-Laurent?

M. Johnson: Oui, c'est ça.

Le Président (M. Clair): Le ministre, sur la motion d'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Johnson: M. le Président, je remercie le député de Saint-Laurent de son exposé, je pense, très convaincu. Je suis sensible à l'argumentation qu'il développe, bien que je diffère diamétralement de conception à ce niveau. Je comprends que ce qui l'anime, ce sont ces problèmes parfois qui posent, dans les circonstances d'un conflit de travail, la notion même de la légitimité du geste posé. Cependant, je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent là-dessus, ce n'est pas la majorité des cas. Mais je ne pense pas non plus que la solution soit celle qu'il nous propose.

Je pense que la solution réside d'abord et avant tout dans le monde syndical et chez les salariés. Parce que, paradoxalement, ce qu'il nous propose, c'est une ingérence beaucoup plus grave de l'Etat dans la vie interne des syndicats, même si, de fait, puisque son amendement biffe entièrement l'article 19b — je ne soulèverai pas la question de la recevabilité, je préfère qu'on discute du fond — même si les cas étaient plus exceptionnels, le type d'intervention prévu dans l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, à mon avis, va carrément à l'encontre de l'économie du Code du travail, de la conception que le ministre actuel du Travail et de la Main-d'Oeuvre se fait de ce que sont les relations patronales-syndicales et de ce qu'est le syndicalisme.

J'aimerais simplement souligner de façon un peu formelle que la représentativité d'une association est toujours vérifiable et les amendements que nous apportons sur l'accréditation permettent, si 35% des salariés, dans une association de salariés, considèrent que l'association accréditée n'est plus représentative, que le commissaire-enquêteur vienne constater si, effectivement, cette association, qui est présente avant la nouvelle dont je viens de parler avec le chiffre de 35%, est encore représentative. Donc, la légitimité fondamentale est toujours vérifiable au sens du code.

Deuxièmement, je m'étonne un peu que le député de Saint-Laurent et l'Opposition officielle s'opposent à la notion du vote secret, puisque en biffant l'article 19b et en le remplaçant par ce qu'il nous propose, c'est l'abolition de ce que nous prévoyons actuellement à l'article 19b, à savoir l'obligation du vote secret en cas de grève. Cela m'apparaît fondamental.

Troisièmement, dans le premier paragraphe de la motion d'amendement, on retrouve cette notion de toute personne intéressée, y compris l'employeur, y compris n'importe qui, étant donné que la loi des moyennes s'applique, à l'intérieur de l'unité de négociation, puisqu'on parle aussi de l'unité de négociation et non pas des membres du syndicat... Je ne reviendrai pas sur l'argumentation que j'ai faite tout à l'heure, suite à l'intervention du député de Jonhson. N'importe qui pourrait déclencher un mécanisme qui, finalement, remette entre les mains du ministre la responsabilité de l'appréciation purement subjective de ce qui se passe.

D'autre part, on retrouve également la notion de vote surveillé.

Quatrièmement, on retrouve des notions comme "si les faits énoncés à l'appui de la requête sont suffisants".

Finalement, on met entre les mains du ministre un instrument d'hyperpolitisation devant un conflit qui est difficile, qui est important ou qui, aux yeux de toute personne intéressée, est important. Je prends l'exemple de l'entreprise qui n'aurait pas accepté la réalité du syndicalisme, qui se livrerait, après la conclusion d'une première convention collective, encore à une lutte de la nature de la reconnaissance syndicale et qui, au bout de deux jours, pourrait formuler cette requête auprès du ministre en invoquant différents faits qui, même si on prévoyait un mécanisme d'enquête, seraient extrêmement difficiles à vérifier dans certains cas.

Pour l'ensemble de ces raisons, M. le Président, bien que je comprenne que, dans certaines circonstances, il soit normal que les citoyens et le ministre du Travail se posent des questions sur la légitimité d'un acte aussi important que celui de la grève... Mais cela fait partie de la réalité qui a été créée le jour où on a décidé d'adopter un Code du travail. La grève, à mes yeux, doit être considérée comme le moyen ultime auquel recourent la partie syndicale, les salariés, pour donner droit, pour donner suite à leurs revendications.

Mais la grève, à partir du moment où elle est décidée... Je pense que le Québec a peut-être encore un bon bout de chemin à faire à ce sujet et une partie du syndicalisme québécois a peut-être aussi un bon bout de chemin à faire, un bout de chemin de réflexion; il ne faudrait pas considérer la grève comme un objectif en soi, mais bel et bien un moyen et un recours ultime.

Mais, néanmoins, une grève, décidée majoritairement au scrutin secret des membres de l'association accréditée, cela fait partie des droits conférés par le Code du travail. Et même une grève difficile, et même une grève longue, cela fait partie de la réalité et on doit l'accepter, de la même façon que l'employeur pourrait faire un lock-out. Et je remarque qu'à ce niveau-là, non seulement on donnerait droit à l'employeur d'intervenir au meilleur de sa connaissance, en présupposant également sa bonne foi, dans une tentative de solution d'un conflit qui l'affecte économiquement et, évidemment, à partir du moment où on a 97a, dans le cas de ceux qui auraient encore recours à des briseurs de grève, l'employeur pourrait intervenir, mais, pourtant, il n'y a rien qui, dans nos lois, actuellement, pourrait forcer un employeur à mettre fin à un lockout. Et je vois d'ailleurs mal comment on pourrait le faire.

Et je pense qu'au niveau de l'économie du code, au niveau de cette espèce de zone grise... Parce que je suis bien prêt à reconnaître que l'introduction d'une motion comme le vote secret obligatoire crée une zone grise. Mais il y a du gris pâle et du gris foncé. Cela crée une zone

grise entre la non-intervention — qui est le principe reconnu, de façon générale, bien qu'il soit balisé, déjà, dans le Code du travail de 1964, à différents chapitres, y compris, par exemple, la reconnaissance de l'accréditation d'une association de salariés dont le vote est surveillé par un commissaire-enquêteur; cela a toujours été là depuis 1964 — et, d'autre part, l'intervention au niveau du contenu. A mon avis, c'est à cela que cela mène, l'amendement proposé par l'Opposition. C'est vraiment une intervention du ministre presque dans le contenu. On l'oblige à apprécier des faits à l'appui d'une requête, on lui permettrait d'envoyer un enquêteur, mais on le soumettrait possiblement, en certains cas et à certaines époques, parce que c'est cyclique...

Si on pense à l'année prochaine, par exemple, il y aura beaucoup plus de conventions collectives qui seront à échéance, étant donné que les contrôles imposés par le gouvernement fédéral prendront fin, et on assistera à l'échéance d'une série de conventions collectives qui ont été signées pour de très courtes périodes depuis l'établissement des contrôles. Cela exposerait le ministre, personnage politique, à une appréciation extrêmement subjective de ce qui se passe dans un conflit. Et, à ce titre là, à mon avis, c'est une conception que je ne peux évidemment pas partager. Je pense que pour toutes ces raisons, M. le Président, et peut-être quelques autres sur lesquelles mes collègues reviendront, je présume, je dois m'opposer à la motion d'amendement formulée par le député de Saint-Laurent au nom de l'Opposition officielle, tout en tenant compte de cette préoccupation qu'il a, comme n'importe quel citoyen, que la réalité syndicale nous rend parfois témoins de situations sur lesquelles on peut tout au moins s'interroger. Mais comme bien d'autres choses dans notre société, cela fait partie des réalités de la vie et c'est comme cela que je le prends. En faisant la balance des inconvénients, je pense que le texte de loi que nous proposons à 19b est plus satisfaisant et plus conforme à l'esprit du code ainsi que plus conforme à l'orientation que le gouvernement entend donner aux relations de travail au Québec.

Le Président (M. Clair): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, après avoir entendu le député de Saint-Laurent et le ministre, je suis de plus en plus convaincu qu'on aurait pu se servir de la procédure, mais je ne le ferai pas moi non plus, parce que je me rends compte qu'elle est diamétralement opposée et complètement irrecevable. Mais je pense qu'étant donné qu'on a commencé la discussion sur le fond, on doit la continuer.

Personnellement, je suis surpris de voir qu'on attache autant d'importance à l'amendement présenté par le député de Saint-Laurent sur la vérification ultérieure de la légitimité d'une grève et qu'on ne se soucie pas, en faisant sauter tout l'article 19b proposé, du cadre légal dans lequel doit s'exercer le premier geste en fonction de la légitimité d'un conflit. Si on ne fixe pas au départ des cadres permettant à la démocratie de s'exercer, je me demande pourquoi, par la suite, on introduit un mécanisme qui interviendrait ultérieurement pour contrôler toujours si la légitimité existe ou non. Je pense que dans la majorité des règlements et constitutions de syndicats, il existe des quanta pour fixer la convocation d'une assemblée spéciale ayant pour objectif de convoquer à nouveau une réunion. Par exemple, il y a des syndicats qui disent qu'une pétition de 10% des membres permet de convoquer une assemblée générale spéciale et cela se manifeste déjà à l'intérieur de certains syndicats. C'est le mécanisme normal de la démocratie syndicale qui s'exerce par elle-même.

Je vous avoue bien franchement que je ne peux comprendre du tout l'objectif du remplacement du cadre juridique dans lequel on voudrait que la démocratie s'exerce par cette proposition qui vise à introduire le contrôle étatique dans le processus démocratique des syndicats.

Vote contrôlé, le ministre a le pouvoir de nommer des enquêteurs. De toute façon, en se basant sur le Code du travail, le ministre pourrait toujours répondre à des plaintes formelles.

Actuellement, dans le Code du travail, le ministre pourrait toujours envoyer un commissaire-enquêteur pour vérifier certains actes, certains gestes posés par un syndicat ou une union ouvrière. Deuxièmement, il y a un aspect qui me frappe, c'est que vous parlez de l'ensemble des travailleurs touchés par le conflit de travail. Personnellement, je ne peux adhérer à une telle position pour les motifs suivants: Beaucoup de salariés subjugués par des patrons ou encore par des contremaîtres, pas nécessairement par les grands patrons, mais par les contremaîtres ou un cadre intermédiaire, se font forts de démissionner de leur syndicat, font de la propagande antisyndicale dans l'usine et bénéficient, cependant, des retombées ou des fruits d'une convention collective.

Bien sûr, on apporte, relativement au projet de loi qui vous est présenté, un amendement qui oblige le salarié à payer un précompte syndical. D'autre part, il faut bien faire remarquer à cette commission que nous avons aussi introduit un amendement qui fait sauter, à toutes fins pratiques, l'atelier fermé ou le "closed shop", permettant à cet individu de demeurer à l'emploi de l'employeur.

Même si on voulait ne pas reconnaître l'effort du présent gouvernement pour démontrer qu'on ne veut nullement entraver le droit au travail, il faut bien se reporter dans l'histoire pour dire que c'est l'employeur lui-même qui, auparavant, avait concédé en négociation collective ce droit au travail, subordonné à l'appartenance au syndicat. Donc, on ne touche pas au droit au travail, nullement, on ne fait que faire payer par le précompte syndical les retombées positives que rapporte aux salariés une convention collective. On ne la lie pas du tout à sa condition d'emploi.

Personnellement, je trouve que l'amende-

ment va complètement à rencontre des principes d'une démocratie syndicale. C'est de l'ingérence étatique quant au vote contrôlé. C'est donner la chance à ceux qui ne veulent pas transformer leur syndicat par l'intérieur en restant membres d'un syndicat, de venir mettre leur grain de sel dans une association qu'ils ont abandonnée. Je dirai également que cela donne la chance à n'importe qui de loger des plaintes, n'importe quand. N'importe qui, n'importe quand, peut loger une plainte, il n'a qu'à alléguer quelques motifs. Cela déclenche des enquêtes à tout moment.

Personnellement, je pense que l'amendement tel que rédigé et tel qu'expliqué, en particulier, par le ministre du Travail, les clarifications qu'il y a apportées depuis le matin, fixe beaucoup plus les cadres assurant une démocratie. C'est pour cette raison que j'appuierai l'article 19b tel quel.

Le Président (M. Clair): Le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Simplement un bref commentaire sur la motion présentée par le député de Saint-Laurent. Le député de Saint-Laurent indique, dans sa motion, et je cite la première partie: "A tout moment, après le déclenchement d'une grève par une association de salariés, toute personne intéressée qui a des motifs raisonnables de croire que la poursuite de la grève n'est pas appuyée par une majorité des travailleurs membres de l'unité de négociation, peut demander, par requête adressée au ministre, la tenue d'un référendum sur les lieux de travail auprès de tous les salariés membres de l'unité de négociation en grève.

Je reviens simplement sur l'élément de "toute personne intéressée", ce qui reviendrait à dire que dans la motion présentée par le député de Saint-Laurent, le patron ou quelque employé que ce soit, pour quelque motif que ce soit, pourrait, à toutes fins pratiques, faire cette requête, en bonne et due forme. Cette chose m'apparaît comme une porte ouverte sur beaucoup "d'en-farges" et pourrait même amener une certaine forme de paralysie dans toute cette démarche à l'occasion d'une grève.

Je pense que, de cette façon, la motion présentée par le député de Saint-Laurent n'atteindrait pas l'objectif, je pense, de faire vraiment progresser les négociations. Les effets qui pourraient être provoqués, à ce moment-là, par l'adoption d'une telle motion, dans le cadre du présent projet de loi, pourraient être tout autres. Il m'apparaît — là-dessus, je rejoins les propos de mon collègue qui vient de parler avant moi — davantage comme une ingérence de l'Etat entre les deux parties, à un moment crucial d'une situation donnée. Je pense que ça ne ferait qu'ajouter une lourdeur tout à fait dangereuse et un risque que l'Etat, justement, se pose de cette façon, entre les deux parties qui sont déjà, au moment d'une grève, fortement en opposition et où la situation est tout à fait délicate.

Je pense que ça donnerait lieu, tout simplement, peut-être à quelques avocasseries supplémentaires et, à cause de ça, pour ces raisons d'ordre général, je ne crois pas qu'on doive adopter cette motion, et je ne pense pas non plus que c'était le but visé par le député de Saint-Laurent. Pour ces raisons, M. le Président, en ce qui me concerne, j'espère que la commission rejettera tout simplement cette motion qui ne ferait qu'alourdir tout le processus déjà fort délicat et qui ne ferait pas, en quelque sorte, avancer ce qu'on souhaiterait dans le cas présent, une négociation en cours dans une convention collective.

Le Président (M. Clair): Est-ce que le député de Saint-Laurent avait donné lecture détaillée de sa motion pour les fins du journal des Débats?

M. de Bellefeuille: ...

M. Lavigne: C'est le député de Portneuf qui l'avait lue.

Le Président (M. Clair): Le député de Portneuf l'avait lue. Alors, vous me dispensez de la relire, parce qu'elle apparaît déjà au journal des Débats?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Clair): La motion du député de Portneuf...

M. Pagé: De Saint-Laurent.

Le Président (M. Clair): ... de Saint-Laurent est-elle adoptée?

Des Voix: Rejeté.

Le Président (M. Clair): Rejeté.

M. Forget: ... sur division.

Le Président (M. Clair):... sur division. Le paragraphe 19b de l'article 8 du projet de loi no 45, qui se lirait comme suit...

M. Johnson: Comme il est là, sauf pour le mot "informer" qui remplace "aviser" dans le paragraphe 2, mais qui devient le paragraphe 3...

Le Président (M. Clair): N'ajoute-t-on pas également au paragraphe 2, qui devient le paragraphe 3, après le mot "informé", les mots "par écrit"?

M. Johnson: C'est cela.

Le Président (M. Clair): Ce paragraphe 19b de l'article 8 est-il adopté?

M. Forget: Etant donné qu'on se rabat sur le principe de l'intervention continue dans les affaires internes du syndicat, je vais me prévaloir du

même principe pour suggérer à ce moment que, dans le cadre de cette législation sur l'ensemble des votes de grève, l'on tienne cependant compte d'une dimension qui en est omise. Je sais que, incidemment, un certain nombre de membres de la commission y ont fait allusion pendant la discussion précédente, mais, ceci était, dans le fond, incident à une discussion plus générale, et il m'apparaît que le principe qui est inscrit à 19b de consulter seulement les membres lors de ces votes de grève, indépendamment du mécanisme choisi, n'est pas compatible avec d'autres amendements qui sont faits par le ministre dans la loi et qui visent précisément à reconnaître la légitimité de la dissidence face à une association de salariés.

En effet, je crois que c'est le député de Joliette-Montcalm ou le ministre lui-même qui soulignait que, désormais, par l'abolition de l'atelier fermé parfait, il est possible à des non-membres de conserver leur emploi, lorsqu'ils quittent le syndicat dont ils faisaient partie au moment de leur embauche, présumément parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le syndicat, présumément parce qu'ils ont abandonné tout espoir de se retrouver parmi la majorité effective au sein de ce syndicat. Un syndicat, comme n'importe quel autre organisme démocratique, évidemment, suppose qu'il y a toujours une minorité qui, par définition, est insatisfaite. Si la même personne ou le même groupe de personnes se retrouvent continuellement en minorité, cela pose un problème sérieux.

Si un groupe de travailleurs, au cours de plusieurs mois, au cours de plusieurs années perdent toutes leurs élections à la direction du syndicat et se voient constamment dans la minorité sur tous les votes qui sont pris relativement à peu près à toutes les affaires syndicales, même si tout se passe dans les règles, même si tout se passe très démocratiquement, il se peut qu'à un moment donné des gens, qui sont tout à fait de bonne foi, sans pour cela qu'on doive supposer qu'ils sont sous l'emprise d'une influence patronale indue, peuvent tout à fait de bonne foi dire: J'en ai marre de cette manipulation. On donnera toutes sortes de noms au fait qu'on est minoritaire, mais il reste qu'il se peut très bien qu'on le devienne et qu'on le reste pendant longtemps et qu'on décide de se mettre en dissidence, de s'exclure soi-même. Si l'atelier syndical parfait est aboli, comme le propose le ministre, c'est donc que le législateur reconnaît la légitimité d'une telle attitude. C'est parfaitement correct, d'autant plus qu'ils devront payer la cotisation syndicale. Finalement, le principe de justice vis-à-vis des bénéfices qu'ils retirent, malgré tout, de la convention collective, est respecté.

Ceci dit, il reste que, de temps à autre, des votes de grèves seront pris, votes de grève qui les affectent et qui les affectent, je dirais même doublement, parce que, désormais, ils seront astreints, quoiqu'ils disent et quoiqu'ils fassent, à payer la cotisation syndicale. Par contre, la loi est muette quant à leurs possibilités de bénéficier du fonds de grève. Normalement, ils n'en bénéficieront pas. La réponse qu'on fait à cela, du côté ministériel, c'est que, si on veut bénéficier du fonds de grève, on n'a qu'à redevenir membre. Enfin, on ne recommencera pas ce raisonnement-là.

Il reste qu'on est devant des situations de fait. Un salarié dissident est astreint à payer la cotisation, à aller en grève, s'il y a une grève qui est décidée. Il ne participera pas au scrutin de grève et, s'il y a une grève, de toute façon, n'aura pas accès au fonds de grève.

C'est une situation qui ne me semble pas normale, qui semble manquer de symétrie et de justice et, pour cette raison, il me semble que si le législateur dit: Ecoutez la grève c'est sérieux, c'est important, il faut s'assurer que cela se fasse en consultant tous ceux qui sont impliqués et, pour cela, on ne se fiera pas aux règlements internes des syndicats et à la pratique bien établie. Il ne s'agit pas d'une chose qu'on veut réglementer seulement dans des cas exceptionnels... On a eu, par le rejet de notre amendement, une démonstration très claire que ce n'est pas une règle occasionnelle et exceptionnelle qu'on veut instaurer, mais c'est vraiment une règle de base du fonctionnement des syndicats tout le temps. Il semble normal, si on veut que cela fonctionne tout le temps, selon des règles normales de justice, que tous ceux qui sont affectés, et affectés doublement dans ces cas-là, soient appelés à se prononcer.

C'est le sens de notre amendement. On dit: Ecoutez, donnez une chance aux salariés membres de l'unité de négociation et pas seulement membres de l'association de salariés de s'exprimer là-dedans et le vote majoritaire devrait se compter en prenant comme base l'ensemble des salariés plutôt que seulement les membres du syndicat.

Une autre considération s'ajoute à celle-là, dans l'amendement précédent, je vous promets M. le Président, je n'y reviens pas, mais c'est parce que c'est un point que je n'ai même pas développé, à ce moment-là, le vote de grève se prend au moment...

Ecoutez, M. le Président, je pense qu'il est 18 heures, je n'ai pas d'objection à m'interrompre. Non, j'en ai pour quelques minutes encore. Je ferai peut-être aussi bien de reprendre à 20 heures.

Le Président (M. Clair): Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Fin de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 13

Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour continuer l'étude, article par article, du projet de loi no 45. Au moment où nous avons suspendu nos travaux, nous en étions à l'article 8, au paragraphe 19b.

M. Forget: C'est moi qui avais la parole, M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais essayer de renouer le fil, non pas le fil d'Ariane...

M. Johnson: Ce n'est pas le fil d'araignée, j'espère.

M. Forget: ... ni d'araignée, non. Mes intentions sont pures, M. le Président.

M. de Bellefeuille: Le fil d'archal.

M. Forget: Le fil d'archal.

M. de Bellefeuille: C'est pour les équilibrer.

M. Forget: Je vois. Je n'ai aucun talent pour l'équilibre en ce sens.

M. Johnson: Alors, messieurs, l'article 8 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

M. Forget: Retrouvons donc le fil d'Ariane. J'ai exposé ce qui constitue les motifs de la première partie d'un amendement que j'aimerais présenter à l'article 19b. Il me reste à... Je suis inquiet pour le député de Joliette-Montcalm. Je croyais même que ma voix réverbérait.

M. Bisaillon: Ce n'est pas parce qu'il ne vous entend pas, c'est parce qu'il ne vous comprend pas!

M. Forget: II n'y a rien que je puisse faire pour cela.

Il me reste à expliquer les motifs pour la deuxième partie de cet amendement. Si l'on souhaite, malgré tout, rendre assez officiel le vote de grève en l'entourant de toutes sortes de dispositions légales, on voudra probablement, également, s'assurer que ce vote, à cause de son caractère officiel qui en renforcera l'effet... Je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'un vote qui est pris conformément aux dispositions envisagées par les articles 19b, 19c, 19d, revêtira probablement un aspect beaucoup plus officiel que ce n'est le cas dans la situation actuelle où les votes de grève sont véritablement des gestes privés, d'un groupe privé, etc. qui fait cela largement dans le silence de la loi.

Il me semble que l'observation qui a été faite dans d'autres juridictions, dans d'autres provinces, où on a rendu plus formelles les procédures de vote, cela a été de conférer au vote de grève un caractère solennel, donc une plus grande force, une valeur plus signifiante ou plus significative que ce n'est le cas autrement. A ce moment-là, on voudrait probablement éviter de conférer ou de permettre que ce vote ne soit entouré d'une trop grande ambiguïté. On reconnaît, actuellement, dans le fond, deux espèces de vote de grève; cela, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont à peu près tous les gens qui ont écrit sur le domaine. Il y a le vote de grève de semonce, en quelque sorte, qui est un peu comme le coup de canon qu'on tire en travers de la proue de certains navires pour les arraisonner. C'est un vote où on dit au patron: Attention, nous sommes sérieux. Nous avons l'intention de poursuivre la négociation de façon vigoureuse. Nous tenons fermement à nos objectifs et si jamais nous n'avions pas gain de cause lors de la négociation, nous sommes disposés à aller très loin pour gagner. C'est un vote stratégique ou plutôt tactique, qui se prend souvent très loin avant une grève, qui n'a pas une signification immédiate pour personne et qui, pour celui qui y participe, n'est pas assorti d'une considération aussi soigneuse pour les avantages et les inconvénients qui sont présents au moment où on prend la décision d'aller effectivement en grève. Je pense que tous les coûts que cela implique, toutes les difficultés que la notion même d'aller en grève implique, sont présents plutôt à l'état hypothétique comme une éventualité future qui peut-être ne se réalisera jamais.

Si on veut donc donner au vote de grève une valeur beaucoup plus grande en l'insérant dans un processus plus officiel, il me semble qu'on doit prendre une précaution pour éviter cette ambiguïté et s'assurer que ce vote officiel soit pris suffisamment près d'une échéance réelle de grève pour qu'il ne souffre pas de cette ambiguïté-là. Autrement, on pourrait s'enferrer dans une logique un peu impitoyable pour les membres mêmes du syndicat en les commettant longtemps d'avance à une action qui prend toutes les allures d'un geste officiel et sanctionné par la loi alors que psychologiquement ils ne sont pas dans ce "frame of mind", dans ce contexte psychologique approprié à une décision d'une telle importance pour eux.

C'est la raison de la dernière partie de cet amendement que je vais lire maintenant. Je l'ai suffisamment décrit, à la fois avant notre suspension de 18 heures et maintenant, pour me limiter à sa lecture et laisser les autres membres de la commission le débattre.

L'amendement se lirait comme suit: Que le premier alinéa du paragraphe 19b de l'article 8 soit modifié en remplaçant dans les troisième et quatrième lignes, les mots: "membres de l'association accréditée qui sont compris dans", par les mots: "salariés membres de", et, en ajoutant à la fin de l'alinéa la phrase suivante: "le scrutin doit avoir lieu au plus dix jours avant le déclenchement de la grève."

L'alinéa amendé se lirait comme suit, le paragraphe 19b: "Une grève ne peut être déclarée qu'après avoir été autorisée au scrutin secret par un vote majoritaire des salariés membres de l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote. Le scrutin doit avoir lieu au plus dix jours avant le déclenchement de la grève."

On a dû probablement distribuer des copies de l'amendement. Voilà.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, d'abord il y a deux éléments dans cet amendement. Le premier vise à étendre le droit de grève à tous les membres de l'unité par opposition aux membres seulement de l'association accréditée. Je pense avoir exposé...

M. Forget: Pas le droit de grève comme tel, le droit de se prononcer sur la grève.

M. Johnson: Oui, le droit de se prononcer, je m'excuse. Le droit de se prononcer, évidemment, au scrutin sur la grève. J'ai évoqué cet après-midi, même peut-être très longuement, mon opposition, suite à la position prise par le député de Johnson, à cette notion. Donc, je n'y reviendrai pas. Dans le deuxième élément, on introduit, à mes yeux, d'abord une plus grande spécificité du texte, pourtant il me semble y avoir un peu une contradiction entre les propos du député de Saint-Laurent face à l'idée même de légiférer dans cette zone grise entre le non-interventionnisme total et l'intervention systématique de l'Etat. On pousse encore plus loin l'intervention de l'Etat, dans l'avis du syndicat.

Deuxièmement, il est bien évident que, pour des raisons qui relèvent, je pense, d'une constatation de ce qui est une négociation et du type de rapport, parfois de bluff, bien évidemment, qui peut exister dans une négociation, il est bien évident qu'avec un article comme ça, on peut priver l'association accréditée d'une arme stratégique normale, et, je pense, d'une façon, souhaitable. De la même façon que l'employeur, lui, peut, du jour au lendemain, décréter le lock-out, à partir du moment où le syndicat ou l'association accréditée a acquis, en vertu du projet de loi no 45 et des amendements, le droit à la grève, de la même façon, l'employeur, lui, a acquis le droit au lock-out, et il peut, du jour au lendemain, dans toute cette période qui suit la date d'acquisition du droit de grève, procéder à un lock-out, sans autre formalité.

Je pense que le fait d'introduire ceci comme amendement forcerait évidemment le syndicat, d'une part, à ne pas bénéficier du même avantage psychologique que l'employeur et, deuxièmement, à forcer certaines situations où le syndicat considérerait que, compte tenu de l'état des négociations à la table de négociation, il n'a pas besoin d'aller demander un vote de grève, pour une raison ou pour une autre, mais joue sur l'ambivalence de son comportement à la table de négociation, l'employeur sachant toujours que, dans les 48 heures qui suivent la fin d'une séance de négociation, il pourrait y avoir une assemblée avec un vote de grève, tandis que là, on mettrait littéralement l'association accréditée dans une position où, dix jours avant la date qui serait plus ou moins prévisible pour elle pour déclencher une grève et qui serait un moment stratégique idéal à ses yeux, elle serait obligée, finalement, de mettre fin peut-être à une négociation qui fonctionne fort bien.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je m'opposerai à cet amendement, encore une fois, tout en reconnaissant les efforts considérables que fait le député de Saint-Laurent pour établir une vision cohérente, sa vision cohérente, je pense, et, en ce sens-là, il est assez logique avec sa vision de ce que représente le Code du travail et avec sa conception de ce que représente le syndicalisme, d'une certaine façon.

Le Président (M. Clair): Le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président, le député de Saint-Laurent nous présente maintenant une motion qui a deux volets. Le député de Johnson, qui m'a précédé à cette table dans les discussions, a d'ailleurs indiqué, en ce qui concerne la première partie de cette motion, la position de l'Union Nationale.

D'ailleurs, à l'occasion de la deuxième lecture aussi, j'avais indiqué quel était notre point de vue à ce sujet, et je pense que je ne peux qu'accepter la première partie de la motion du député de Saint-Laurent. C'est d'ailleurs pour être logique avec nous-mêmes. Cependant, pour ce qui concerne la deuxième partie de la motion, cela me pose réellement un problème. Pourquoi les dix jours? Cela m'apparaîtrait plutôt comme portant atteinte ou entrave à la liberté d'action des syndicats. J'ai beaucoup de réserves pour ce qui concerne cette deuxième partie.

A ce stade-ci, je demanderais au député de Saint-Laurent s'il serait disposé à scinder sa motion ou à en faire deux motions distinctes, de sorte qu'on puisse se prononcer sur les deux sujets séparément. Je ne peux accepter la motion dans son ensemble, puisque même si le principe contenu dans la première partie de la motion du député de Saint-Laurent m'apparaît souhaitable, la deuxième partie, je ne peux absolument pas l'accepter.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas d'objection à scinder ma motion. Tout ce que je peux faire pour aider nos camarades de l'Union Nationale, je vais le faire avec grand plaisir.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président (M. Clair): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Tout d'abord, relativement à la première partie de la proposition du député de

Saint-Laurent, avoir voulu être procédurier, vous auriez pu la déclarer irrecevable, parce que c'est une deuxième tentative d'affilée, dans une deuxième proposition pour étendre ce champ bien précis du vote aux salariés de l'unité et non pas à la cellule accréditée. Cela a donc été rejeté dans un premier temps, avant le dîner. C'est une nouvelle tentative pour la faire passer, ce qui me fait dire qu'avoir voulu, je vous aurais demandé, sur le plan de la procédure, de rejeter le premier volet de la proposition.

Voici le deuxième aspect que je voudrais aborder. Le député de Saint-Laurent disait que c'était pour éviter, carrément, que les gens se servent de cela comme stratégie pour créer un moyen de pression. Je sais que le député de Saint-Laurent aime se rendre aux arguments de la raison. Vous savez pertinemment qu'actuellement certains employeurs se servent de la menace de fermeture d'usine pour se bâtir un rapport de force dans la négociation. Il me semble que si on mettait cette arme de dix jours, on empêcherait même que le vote de grève signifie quelque chose dans le rapport de force, parce que l'employeur pourrait jouer au fou à tous les dix jours. Exemple: Je niaise huit jours, je débloque un peu le neuvième jour, je place le syndicat dans une situation aberrante de déclencher la grève le dixième jour.

Si j'accepte de continuer, je n'ai pas d'autre alternative pour me couvrir de nouveau pour entrer en grève et faire bloc, il faut que je revienne en assemblée générale. Le ministre du Travail disait: Cela peut avoir comme conséquence de faire déclencher des grèves au moment où cela ne va pas si mal en négociation et le syndicat en porterait tout l'odieux. Je dis que cela pourrait aussi créer le processus de la multiplication des votes uniquement par stratégie patronale. C'est vraiment mettre toutes les chances du côté du patron au moment où on se dit, tout le monde ici: Recherchons un équilibre de forces. Je pense que ce sont là quelques arguments qui vont sans doute inciter le député de Saint-Laurent d'abord à retirer son premier point, sachant qu'il a été battu, et, deuxièmement, reconnaissant la sagesse de notre réglementation sur le deuxième point, cela va éviter un vote en le retirant.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas l'intention de le retirer, parce que cette objection qui semble procéder d'un bon naturel de la part du député de Joliette-Montcalm en disant: Cela va forcer le syndicat, cela va mettre le syndicat dans la position à le forcer à faire la grève alors que, peut-être, il y a un déblocage, c'est une façon bien à lui de voir les choses, mais je pourrais attirer son attention sur une autre conséquence qui, à mon avis, est éminemment compatible avec la démocratie syndicale. C'est que si, effectivement, il y a tellement de mouvement et de stratégie de part et d'autre sur une période de dix jours, cela forcerait peut-être à un autre vote, c'est-à-dire de consulter de nouveau la base, consulter de nouveau les membres de l'unité de négociation pour leur dire: Voici ce qui se passe et, sur la base de ce qui se passe, de ces manoeuvres, est-ce que vous nous donnez un autre vote de manière à faire la grève?

Ce ne serait peut-être pas mauvais que, tous les dix jours, dans une négociation où les gens se menacent de grève et de lock-out, les membres soient consultés et soient informés de l'état du dossier. Comment interpréter, d'ailleurs, des votes de grève qui sont pris trois ou quatre mois avant la grève et qui fonctionnent un peu en blanc comme cela et qui débouchent éventuellement sur une grève alors que les membres ne sont pas convoqués une autre fois pour prendre état de l'évolution du dossier et se dire: Etant donné qu'on a fait tout ce chemin, est-ce qu'il vaut encore mieux aller en grève ou s'il vaut mieux donner un mandat de négociation légèrement modifié ou simplement dire: Poursuivez encore les efforts?

Je pense que tout ce qui force, dans la loi, la base à être consultée un peu plus souvent ne peut certainement pas être mauvais. Ce qui, par ailleurs, dans toute cette histoire-là, nous place, comme le ministre le dit, dans la situation de faire intervenir davantage le ministre ou de faire intervenir davantage la loi plutôt, dans l'opération de tout ce déroulement des négociations, c'est la conséquence directe de la décision du ministre d'intervenir tout le temps, par la loi, dans le déroulement de tous les votes de grève, partout et toujours.

C'est la raison pour laquelle on va à la limite, justement. On illustre un peu par l'absurde ce à quoi nous conduit la décision de réglementer le vote de grève.

On va lui donner, à ce moment-là, un caractère très officiel et, pour limiter les dégâts, très simplement pour limiter les dégâts, il faut assortir ça d'un certain nombre de garanties. Autrement, on n'aura fait que créer des occasions nouvelles de difficultés, sans les circonscrire, et on n'aura rien fait de vraiment utile. C'est clair que j'aimais beaucoup mieux mon amendement original qui nous dispensait d'intervenir partout et toujours, dans tous les votes de grève, et nous permettait de le faire seulement dans des cas extrêmes.

Qu'on me dise que ça faisait intervenir le ministre et que ça lui faisait appliquer un jugement, mon Dieu! Dans un autre article, c'est ce qu'il essaie de faire, puisque, maintenant, il va pouvoir nommer un conciliateur, si bon lui semble, dans l'évolution du dossier. Donc, ce n'est pas un principe qu'il rejette à un endroit, pourquoi ce même principe, à un autre endroit, serait-il absolument une incartade impossible à considérer? Je ne le comprends vraiment pas. Je crois que l'orientation qu'on prend ici, c'est un pouvoir discrétionnaire beaucoup pius grand pour le ministre que c'était le cas dans le passé.

Si c'est la voie qu'on prend, il faut être logique avec ça. Je ne veux pas revenir sur le passé, mais il reste qu'on prend l'attitude, non pas d'intervenir à titre exceptionnel, mais d'intervenir toujours et tout le temps pour réglementer tous les votes de grève. A ce moment-là, si vous ne

circonscrivez pas la façon dont ça se fait, vous allez rendre les affrontements encore plus durs, parce que ces votes de grève sont pris, quelques semaines ou quelques mois avant la grève, comme mesure tactique, vont devenir des gestes officiels sur lesquels il va être très difficile de revenir.

Il y a eu, dans d'autres provinces, au moment de l'enquête qui a précédé le rapport Wood, des gens qui ont dit: Ecoutez, ces votes de grève officiels, contrôlés par le gouvernement, soumis à des règles précises, finalement, c'est pire que s'il n'y en avait pas. C'est une situation qui rend les parties encore moins souples, moins capables d'ajustement. C'est ce qui inspire cette modification.

Pour ce qui est du dernier argument selon lequel on ne fait pas ça dans le cas des lock-out, mon Dieu! quand on viendra au chapitre approprié, on pourra proposer aussi des choses sur le lock-out. Il y a bien des choses qui peuvent se faire dans le cas du lock-out; si on croit que c'est un droit dont le patron abuse, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure par je ne sais trop qui, il y a des façons de circonscrire l'utilisation du droit au lock-out.

Ce n'est pas inimaginable de le faire, si on pense qu'il y a un manque d'équilibre de ce côté-là. C'est même plus facile de réglementer le lock-out que de réglementer la grève ou réglementer les votes de grève. J'ai au moins deux ou trois possibilités à l'esprit pour le faire, qui sont plus pratiques que ce qui est suggéré dans ce chapitre-ci.

Je pense que ce n'est pas une objection, sauf à ce moment-ci, parce qu'on n'est pas arrivé encore au chapitre sur le lock-out, mais attendons d'y venir pour faire ce genre d'objection.

M. Chevrette: Vote.

Le Président (M. Clair): Le député de Richmond avait suggéré de diviser la motion d'amendement du député de Saint-Laurent. Je dis bien qu'il avait suggéré. Désire-t-il en faire une motion formelle, auquel cas j'aurai à prendre une décision?

M. Brochu: Je pense que dans l'ordre de la discussion, le député de Joliette-Montcalm avait enchaîné là-dessus, mais après que le député de Saint-Laurent eût accepté de séparer la motion en deux questions distinctes, pour être capable de passer au vote. S'il y a consentement unanime là-dessus, je pense que... Sur le vote... oui.

M. Johnson: Simplement sur la question du vote, et non pas sur le débat. Oui, sûrement.

Le Président (M. Clair): A ce moment-là, c'est le député de Saint-Laurent qui fait deux motions différentes et non pas le député de Richmond...

M. Brochu: Non, c'est le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Clair):... qui fait une motion pour diviser la question. C'est le député de Saint-Laurent qui accepte de faire deux motions différentes, sa première motion d'amendement indiquant que le premier alinéa du paragraphe 19b de l'article 8 soit modifié, en remplaçant, dans les troisième et quatrième lignes, les mots "membres de l'association accréditée qui sont compris dans" par les mots "salariés membres de". Cette motion d'amendement est-elle adoptée?

Des Voix: Rejeté.

Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.

La deuxième motion du député de Saint-Laurent veut que le premier alinéa du paragraphe 19b de l'article 19 soit modifié, en ajoutant, à la fin de l'alinéa, la phrase suivante: "Le scrutin doit avoir lieu au plus, dix jours avant le déclenchement de la grève". Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Rejeté.

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Clair): Rejeté sur division.

M. Forget: J'ai l'impression, M. le Président, que la division de ma motion n'a rien fait pour favoriser son adoption.

M. Vaillancourt (Jonquière): Cela a permis à l'Union Nationale de régler son problème.

M. Johnson: L'article 8 est-il adopté, M. le Président?

M. Forget: Non, M. le Président; j'aurais une autre motion d'amendement.

Le Président (M. Clair): A l'article 8?

M. Forget: Oui. J'ai une motion d'amendement qui, je l'espère, cette fois-ci...

M. Chevrette: 19b, je parle.

M. Forget: 19b, oui. Toujours sur 19b.

Le Président (M. Clair): Sur 19b, le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Cette motion est inspirée de si près par des représentations auxquelles se sont joints des membres de la formation ministérielle majoritaire, qu'il me serait permis d'espérer, au moins cette fois-ci, M. le Président, d'avoir au moins une lueur d'espoir qu'elle sera adoptée.

NI. Chevrette: Proposez, on verra.

M. Forget: C'est plein de cet espoir, gonflé d'espoir, que je présente cette motion qui se lit

comme suit: "Que le deuxième alinéa du paragraphe 19b de l'article 8, étant donné l'inversion qui a été faite tout à l'heure, soit modifié, en retranchant, dans les première et deuxième lignes, les mots "prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances pour" et en ajoutant, dans la quatrième ligne, après le mot "scrutin", les mots "sauf dans les cas où le scrutin se fait par correspondance".

L'alinéa amendé se lirait comme suit: "L'association doit informer ses membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin sauf dans les cas où le scrutin se fait par correspondance".

M. le Président, l'élément principal a pour but de simplifier et de rendre le texte plus compréhensible, également de prévoir le casqui n'est pas effectivement prévu et qui pourrait impliquer des complications dans l'application de la loi, lorsqu'il est prévu que le scrutin se fait par correspondance. Lorsqu'il doit se faire par correspondance étant donné, par exemple, l'état de dispersion géographique des membres d'un syndicat à travers tout le Québec, etc. On a parlé de plusieurs cas de camionneurs, etc. Je ne veux pas entrer dans les détails. Il semblait qu'il était opportun de prévoir cette possibilité puisque, autrement, on pourrait techniquement placer un syndicat dans l'impossibilité de se conformer à la loi, ce qui serait fort fâcheux et ce à quoi on ne pourrait pas remédier par une interprétation.

Quand on dit qu'on doit tenir un vote au scrutin secret, bien, on doit tenir un vote au scrutin secret. Dans un certain sens, il n'y a rien de moins secret qu'un vote par correspondance, puisqu'il doit être envoyé à l'adresse de chacun et, évidemment, on n'est pas tenu d'identifier la provenance. Si on veut éviter des fraudes, je crois qu'il est nécessaire d'identifier la provenance des bulletins qui sont retournés au moins par un système de numérotation, ce qui ouvre donc la porte à l'identification des votants. Mais même au-delà de ça, il est clair qu'un des objectifs d'un vote au scrutin secret n'est pas tellement d'assurer l'anonymat que d'assurer qu'il n'y ait pas, au moment du vote, d'occasions d'exercer d'intimidation. Or, quand cela se fait par correspondance, étant donné que les gens ne sont pas présents physiquement dans une même salle, il y a toujours des possibilités d'intimidation, mais elles sont beaucoup moindres que dans le cas d'un vote tenu séance tenante. Il est peut-être moins nécessaire alors de prendre des précautions ou les mêmes précautions.

De toute façon, il m'apparaît — c'est peut-être un point que le ministre pourra préciser — que l'exigence du scrutin secret visait plutôt justement l'élimination des possibilités d'intimidation que le caractère d'anonymat comme tel. Si ce n'était pas cela, si c'était le caractère d'anonymat qui était visé par le scrutin secret, comme question de principe, cela pose tout le problème, à savoir si les votes par correspondance devraient être interdits. Parce qu'à mon avis, c'est clair qu'on ne peut pas respecter l'anonymat dans un scrutin par correspondance, à moins d'établir toute une série d'autres articles qui font que les officiers responsables du scrutin sont tenus au caractère confidentiel etc. Je suis sûr, d'après l'allure du ministre qui m'écoute, que ce n'est pas ce qu'il a l'intention de faire. C'est la raison pour laquelle j'étais un peu plus confiant que ce genre d'amendement pourrait être reçu puisqu'il semble qu'on doive fonctionner sur l'hypothèse que ce n'est pas le caractère confidentiel ou secret du vote qui est essentiel, mais c'est l'élimination des possibilités d'intimidation ou d'influence indues si le mot "intimidation" apparaît trop fort, ce que le vote par correspondance permet de réaliser tout aussi bien. C'est là le but de cet amendement.

Quant au premier élément, là-dessus, je dois dire que je suis peut-être moins sûr du premier élément. Ce qui nous l'a inspiré au départ, c'était la possibilité que l'expression "par tous les moyens nécessaires" soit, dans le fond, une espèce de clause omnibus qui permette de faire n'importe quoi, pourvu qu'il y ait un semblant de justification. Si le ministre nous assure, comme il l'a fait, qu'il y a véritablement une jurisprudence ferme là-dessus qui démontre que c'est vraiment interpréter de façon prudentielle et avec circonspection et que ce n'est vraiment pas une façon d'éviter la loi, d'éviter l'application de la loi, peut-être que c'est une chose sur laquelle je garde l'esprit ouvert. Je ne voudrais pas traiter les deux parties de l'amendement exactement de la même façon. A un esprit non informé des technicités d'application des lois du travail, cela me paraissait dangeureusement comme une espèce de clause fourre-tout. On dit: En général, cela doit être comme cela, mais si cela ne tente vraiment pas quelqu'un, il trouvera bien le moyen d'expliquer que les circonstances ne le permettaient pas. Cela transformerait le sens du paragraphe en une espèce de plaisanterie de mauvais goût. Encore une fois, je vais prendre l'avis du ministre là-dessus et sur la façon de l'interpréter aux yeux du ministère du Travail; là-dessus, encore une fois, nous gardons l'esprit ouvert.

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, évidemment, comme le dit le député de Saint-Laurent, il y a deux éléments dans cette motion d'amendement. Le premier est de supprimer l'expression "prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances pour". Ce n'est pas moi qui ai affirmé cet après-midi qu'il y avait une jurisprudence du Tribunal du travail quant à l'interprétation de l'expression "moyens nécessaires". C'est le député de Johnson qui a évoqué un jugement du juge Melançon, que mes légistes ont tenté de retrouver entre ces deux sessions, et qu'ils ne sont pas parvenus à retrouver, étant donné que l'indication était assez mince. Je suis assuré que le député de Richmond se fera un plaisir de nous remettre la référence précise de la citation du député de Johnson. Donc, je ne peux pas assurer qu'il existe, effectivement, de

jurisprudence sur la notion même de "moyens nécessaires", et encore moins sur la notion de "compte tenu des circonstances". Néanmoins, je persiste à croire que ces expressions sont importantes et qu'elles permettent au tribunal, advenant une contestation —je parle, évidemment, du tribunal pour les fins d'application pénale... Cela me permet d'ouvrir une parenthèse, comme le député de Saint-Laurent l'a fait tout à l'heure à l'amendement précédent. A mes yeux et aux yeux des légistes du gouvernement, nous avons rendu cet article le plus imperméable possible, quant à une juridiction possible de la Cour supérieure, en le rendant restrictif et en attribuant comme sanction strictement une référence au chapitre VIII.

En ce sens-là, les légistes sont d'avis qu'au meilleur de leur jugement, parce que c'est là où le droit vient plus de l'âge que de la science, à leurs yeux, cela éviterait normalement que la Cour supérieure considère qu'elle puisse se saisir de tels événements.

Pour revenir à "prendre les moyens nécessaires, compte tenu des circonstances", c'est donc pour laisser au tribunal compétent l'appréciation des faits ayant entouré la non-observation apparente du délai de 48 heures. J'ai donné cet après-midi l'exemple des camionneurs qui, au Québec, dans bien des cas, possèdent des "citizens' bands", des radios émettrices-transmettrices. Un avis pourrait se donner techniquement à travers une telle formule: l'avis dans les journaux, l'avis à la télévision locale, sur le poste du câble, par exemple, dans une région donnée, l'avis dans un bulletin paroissial, dans un village donné. Il y a bien des façons de donner cet avis. Or, admettons qu'un vote de grève est pris le mardi matin à 8 heures, que le bulletin paroissial a connu quelques problèmes d'impression et que M. le curé n'a pas réussi à le distribuer dans la soirée de samedi parce que, maintenant, il y a des messes le samedi soir. On arrive à quoi? à 37 heures. Compte tenu des "moyens nécessaires, compte tenu des circonstances", je pense, permettrait à un juge de considérer que le fait que M. le curé a été obligé de distribuer le feuillet paroissial le dimanche matin parce qu'il n'était pas prêt à la messe de samedi soir, c'est un avis suffisant, qui ne mérite pas l'application des sanctions pénales du chapitre VIII.

M. Brochu: Votre curé aurait pu l'annoncer en chaire le samedi soir, par exemple.

M. Johnson: Voilà! Cela aurait été encore mieux. Mais peut-être que M. le curé n'aime pas tellement le chef du syndicat. Voilà! Il veut bien vendre de l'espace dans son bulletin paroissial, mais il ne fait pas un prône en chaire en faveur du syndicat. On sait que ça existe dans certains endroits.

Bon! Trêve de plaisanteries, M. le Président. Donc, quant au premier aspect, je pense que, sur le plan juridique, c'est une formulation correcte. Quant au deuxième aspect, je comprends ce que vise le député de Saint-Laurent et je suis tenté de dire que j'accepterais son amendement, sauf que...

M. Jolivet: Comme dirait le ministre de l'Industrie et du Commerce, "je suis dans un secteur mou."

M. Johnson: Oui, mais vous pensiez pouvoir voir poindre la lumière au bout du tunnel, ce que vous avez, c'est une lumière vacillante pour le moment, étant donné que je préférerais que nos légistes regardent un peu cette notion. On peut le faire a priori, et je m'en voudrais de faire mien un amendement sans y réfléchir mûrement, parce que celui qui vous parle a réfléchi assez longuement aux amendements qu'il propose au projet de loi no 45.

Il est bien évident... Prenons un scénario. Cela s'applique, entre autres, je pense, à certains groupes des métallos. Cela s'applique beaucoup dans certains syndicats fédéraux pan-canadiens comme, par exemple, les postiers, comme, par exemple, les opérateurs de trains... Peut-être que M. le député de Johnson pourrait nous en parler longuement, d'ailleurs, puisqu'il fait partie du "Brotherhood". Il y a des votes par correspondance qui se prennent souvent et même, dans certains cas, ces votes par correspondance sont précédés par l'expédition simultanée, avec le bulletin de vote, du projet complet de convention collective, ce qui, à mon avis, est une règle qu'a bien voulu s'imposer ce syndicat, mais qu'il m'apparaîtrait aberrant d'imposer dans un texte de loi, surtout quand on regarde la dimension de certaines conventions collectives.

Techniquement, à la lecture de l'article 19b tel qu'il est formulé actuellement, on pourrait dire que, dans le cas d'un vote par correspondance, le syndicat doit aviser les membres qu'ils seront appelés à voter par correspondance 48 heures après. Je suis d'accord avec vous qu'une interprétation un peu stricte de l'article tel que rédigé impliquerait que, dans le cas d'un vote par correspondance, il doit y avoir deux lettres. Une première qui annonce qu'il doit y avoir un vote par correspondance dans les 48 prochaines heures et une deuxième lettre qui contient le bulletin de vote pour que les gens puissent s'exprimer et ensuite le renvoyer.

Cependant, quand il y a vote par correspondance, il y a par définition un délai qui est accordé, compte tenu des circonstances nécessaires, n'est-ce pas? Compte tenu des circonstances, des moyens nécessaires? Si un syndiqué reçoit un bulletin de vote par correspondance — je suis d'accord que cela ne règle pas le problème de l'anonymat — on peut dire que, par définition, il y a un temps qui se passe entre le moment où il reçoit le bulletin de vote et le moment où il le renvoie, et évidemment, le moment où il est reçu. Cela dépend des saisons et cela dépend de l'année. Au Canada, cela peut varier entre une journée ou deux mois, selon qu'il y a une grève ou qu'il n'y en a pas. Je pense que la notion des moyens nécessaires, compte

tenu des circonstances, permettrait de considérer qu'un vote par correspondance, par définition, correspond à un avis de 48 heures.

Si on se rappelle la théorie de l'expédition et de la réception en droit civil, dans le cas des contrats, la mise à la poste du bulletin par le syndicat constituerait le moment où est donné l'avis et on peut difficilement concevoir qu'il se passe moins de 48 heures entre le moment où le bulletin est envoyé à la poste par le syndicat et le moment où il est reçu, puis coché pour ou contre, et reçu par le syndicat.

Je pense que tout en étant fort sympathique à l'idée soulevée par le député de Saint-Laurent... Etant donné que le législateur, c'est bien connu, ne s'exprime jamais pour ne rien dire, il devrait venir faire un tour ici pour s'en apercevoir, il y a peut-être — j'y repense —

M. Forget: M. le ministre, M. le Président...

M. Johnson: Je pense que je n'accepterai pas l'amendement.

M. Forget: Avant...

M. Johnson: Je ne le ferai pas mien en tout cas. On aura peut-être à voter dessus, mais...

M. Forget: Avant que le ministre ne tranche définitivement, il y a un autre aspect que celui soulevé par la question des votes par correspondance dont il n'a pas traité et dont je n'ai pas traité moi-même. En écoutant son scénario, cela m'est venu à l'esprit. On peut imaginer — et là je vais revenir au scrutin secret, au vote ordinaire — on peut imaginer qu'un délai de 48 heures, c'est pour avertir tous ceux qui aimeraient participer au vote, qu'il y a un vote qui va avoir lieu, donc de se rendre à la réunion syndicale.

Quand on prend la voie d'un vote par correspondance, le problème qui pourrait se présenter c'est que, après l'expédition de la lettre aux membres, on expédie la lettre et on attend les retours pour décider du résultat du vote. Selon que le délai donné pour retourner les réponses est long ou court, on peut obtenir des résultats analogues à des réunions "paquetées", dans le sens où on avertit seulement ceux qu'on saurait, dans une réunion syndicale, pour la grève, et on ne s'arrange pas trop pour laisser savoir aux autres qu'il y a peut-être une réunion et qu'on va peut-être voter sur la grève. Dans le sens suivant, on prendrait la première série de réponses qui arriverait, comme par hasard pour un point de vue ou pour un autre, et on arrêterait de compter les retours qui arriveraient à chaque livraison du courrier trop tôt après le moment de l'expédition de l'avis de vote par correspondance. On se retrouve donc dans une situation où ce n'est pas l'avis avant qui est important, c'est pratiquement le délai après l'expédition qui est important. Parce que si on compte trop vite, on peut obtenir un résultat très différent que si on compte deux jours après, alors que les gens ont eu le temps de se réveiller, de lire leur cour- rier, et de renvoyer leur histoire plutôt que d'aller la porter en personne. Je donne un exemple, parce qu'on pourrait organiser...

Il y a un groupe de 20% qui va porter sa réponse le lendemain, de main à main, et les autres se disent: On va la mettre dans le courrier et on sait qu'avec les postes canadiennes, depuis un certain temps, cela risque de ne pas arriver le lendemain.

M. Chevrette: Un autre secteur qui va mal.

M. Forget: Un autre secteur qui ne va pas aussi bien qu'il devrait aller. Alors, c'est peut-être de ce côté-là et je ne suis pas sûr que mon amendement réponde parfaitement à ce genre de difficulté, en toute franchise, mais il y a exactement l'image, le miroir, dans le cas du vote par correspondance, de ce que nous avons quant au délai pour la convocation d'une réunion.

M. Johnson: M. le Président, j'ai écouté attentivement le député de Saint-Laurent et cela me renforce dans ma position de ne pas faire mien l'amendement qu'il suggère. D'abord parce que, dans l'hypothèse de l'attitude vicieuse et méchante qui consisterait à ne compiler que les bulletins arrivés rapidement à des gens qu'on aurait avertis d'avance qu'il faut qu'ils fassent le X vite et qu'ils reviennent porter le bulletin, je ne suis pas sûr qu'on aurait affaire à un vote des membres, mais on aurait affaire à un vote d'une partie des membres et, en ce sens, je pense que celui qui aurait, hypothétiquement, à apprécier la chose, c'est-à-dire le juge, probablement poussé par un souci d'appréciation en équité des faits, se permettrait une interprétation extrêmement restrictive du mot "des" qui précède "membres". Deuxièmement, je pense qu'il est très clair que ces dispositions de la loi sur le vote secret ne visent pas à réglementer — et c'est là que je fais la différence entre l'intervention de l'Etat et la législation — le dépouillement du scrutin. Cette disposition impose l'obligation du scrutin secret et elle se refuse, entre autres, è envoyer un fonctionnaire du ministère qui surveillerait, croyant que, de façon générale, les journalistes sont beaucoup plus disponibles et coûtent beaucoup moins cher à l'Etat, quant à cela, en tout cas, comme on l'a vu récemment. Donc, je maintiens ma position tout en comprenant l'attitude du député de Saint-Laurent. Je pense que l'intention du gouvernement, du ministre, serait mal servie par un tel amendement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Cela m'a fait plaisir d'assister à l'exercice de réflexion du ministre. Je me suis aperçu en même temps qu'à mesure que le député de Saint-Laurent faisait son plaidoyer, la décision du ministre se cristallisait.

M. Johnson: Si vous me permettez, M. le

Président, si le député de Richmond me le permet, je pourrais peut-être souligner que le député de Saint-Laurent m'a déjà donné des cours à la faculté de droit de l'Université de Montréal.

M. Brochu: Merci de cette précision. M. le Président...

M. Chevrette: C'est l'élève qui dépasse le maître. Cela arrive souvent, M. le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le député de Richmond.

M. Brochu: Cela arrive souvent. Merci, M. le Président. La motion d'amendement telle que présentée par le député de Saint-Laurent, en ce qui me concerne, m'a frappé de façon particulière pour les motifs qu'il a lui-même indiqués, mais en même temps pour une autre raison. J'avais également l'intention de proposer un certain amendement à cette partie de l'article 19b en ce qui concerne, justement, le compte tenu des circonstances. Je pense que le député de Johnson avait émis certains commentaires à ce sujet. Dans la motion telle que présentée par le député de Saint-Laurent, évidemment, il enlève cette partie qui nous apparaît "un secteur mou dans l'article", compte tenu des circonstances. Parce que, si on laisse la partie de l'article telle qu'elle est maintenant, il nous apparaît qu'il semble y avoir une échappatoire. Evidemment, c'est contenu dans le sens même de l'article que l'association doit prendre les moyens pour informer ses membres, mais, lorsqu'on prend la peine d'ajouter, tel que c'est fait actuellement dans le libellé de l'article du projet de loi, "compte tenu des circonstances", il nous apparaît que l'on donne beaucoup trop d'insistance à cette zone grise, en laissant ainsi certaines échappatoires possibles.

En quelque sorte, en laissant là ces mots, "compte tenu des circonstances", on enlève beaucoup de force, je pense, ou on enlève de la force à l'article lui-même qui implique un certain devoir et une certaine responsabilité, où l'association doit informer ses membres, si je le prends dans le sens de la motion d'amendement du député de Saint-Laurent.

Tel que proposé par le député de Saint-Laurent, cela rejoint notre préoccupation, savoir, ne pas laisser cette zone grise dans l'article tel que libellé dans le projet de loi. Il est déjà contenu substantiellement, on n'a pas besoin de le laisser là, en indiquant qu'on laisse la porte entrouverte.

Alors, je demande au ministre de reconsidérer un peu sa réflexion et de faire l'autre bout de chemin qu'il a commencé tout à l'heure.

D'ailleurs, j'avais une question aussi à ce sujet. Si on garde l'article tel qu'il était au début, avant la motion d'amendement du député de Saint-Laurent, est-ce que ça oblige nécessairement à un avis de 48 heures, dans le cas où il y a scrutin par correspondance?

M. Johnson: Si vous permettez, M. le Président. En fait, je pense avoir tenté de démontrer tout à l'heure que, par définition, c'est un vote par correspondance, compte tenu du temps qui s'écoule entre le moment où l'avis est mis à la poste par l'association et le moment où elle reçoit la réponse; il peut difficilement s'écouler moins de 48 heures. Je ne conçois pas qu'il puisse s'écouler moins de 48 heures entre le moment où il est mis à la poste et le moment où il le reçoit par la poste.

D'autre part, j'aimerais simplement souligner au député de Richmond que selon l'expérience concrète au Québec, me dit-on 98%, mais au-delà de 90%, sûrement, des associations accréditées ne procèdent pas par correspondance, c'est surtout au niveau des organismes panca-nadiens que l'on a recours à ce type de vote pour des raisons bien évidentes, puisqu'ils ont des membres étalés sur un territoire de 3000 milles.

D'autre part, au Québec, à ma connaissance, quand il existe un vote par correspondance, il est habituellement précédé d'une assemblée et, habituellement, ça se fait probablement dans le contexte de la négociation. Une assemblée générale prévoit comment sera pris le vote sur telle négociation, et cela se fait habituellement quelques semaines ou quelques mois avant, même. Donc, le problème ne se pose pas vraiment, à mes yeux, d'abord, en pratique. On va me répondre qu'il ne pose pas de façon générale en pratique, quant au vote secret, mais quand même juste au cas.

Dans le cas du vote par correspondance, cela ne fait aucun doute à mes yeux qu'il y a 48 heures qui doivent s'écouler.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Très brièvement, M. le Président. J'ai l'impression que sur cette question d'avis de 48 heures, dans les votes par correspondance, une possibilité au moins d'interprétation pourrait fort bien être celle qu'un tribunal adopterait, mais sous toute réserve et avec respect pour les membres des tribunaux... Par analogie, on interprétait ce délai dans le cas d'un vote par correspondance comme devant s'appliquer de la façon suivante: il devrait s'écouler 48 heures entre le moment de l'expédition de l'avis et le moment où le membre retourne, expédie lui-même son bulletin de vote, de manière que le membre, individuellement, dispose de 48 heures pour réagir. Tout dépendrait des délais d'expédition après pour déterminer si, de fait, c'est l'avis des membres, selon l'expression du ministre, qui a été reçu ou l'avis de certains membres seulement. Donc, la légalité du scrutin.

J'ai l'impression que c'est là que l'avis correspond à l'esprit du texte gouvernemental; le membre doit disposer de 48 heures pour se retourner et participer à l'expression d'un vote, de la part des membres.

Le Président (M. Laplante): L'alinéa amendé se lirait comme suit: "L'association doit informer ses membres au moins 48 heures à l'avance de la tenue du scrutin, sauf dans les cas où le scrutin se fait par correspondance". Voilà l'amendement du député de Saint-Laurent. Adopté?

M. Johnson: Rejeté.

Le Président (M. Laplante): Rejeté sur division.

M. Johnson: Est-ce que l'article 8 est adopté, M. le Président?

M. Forget: J'ai un ultime amendement sur cet article, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Non, ce n'est peut-être pas le dernier, mais cela approche.

M. de Bellefeuille: C'est un pénultième.

M. Forget: C'est un pénultième, exactement.

M. le Président, je m'inspire encore une fois des propos qui ont été tenus devant cette commission ce matin, lorsqu'on a soulevé le problème de cet avis de 48 heures avant un vote de grève, alors que les membres du syndicat sont déjà en lock-out.

J'ai écouté attentivement les explications que le ministre en a données. Essentiellement, ses explications reposaient sur l'hypothèse selon laquelle le syndicat, anticipant la fin du lockout, avait tout le loisir pour donner son avis de 48 heures avant la fin de ce lock-out et, par conséquent, satisfaire à la loi, sans être obligé de retourner au travail pendant une période de 48 heures, ce qui, en soit, comme l'avait souligné le député de Joliette-Montcalm, je pense, serait une source de difficulté et de violence, etc., dans le contexte.

Mais je crois que c'était une difficulté qui était soulevée fort valablement et fort à propos par le député de Joliette-Montcalm. Il n'est pas facile d'envisager une solution à cela. Je crois qu'il faut s'engager sur un terrain un peu nouveau si on veut répondre à cette objection. Je crois que ce n'est pas impossible d'y répondre, cependant, en prévoyant que, de façon exceptionnelle, l'exécutif syndical pourrait peut-être, par dérogation aux règles générales, en vertu desquelles une grève, pour être légale, va devoir être précédée d'avis, de votes, etc., donner une certaine discrétion à l'exécutif syndical dans ces circonstances, et seulement dans ces circonstances, quitte à ce qu'il fasse ratifier son mot d'ordre de non-retour au travail dans des délais évidemment très courts.

C'est en m'inspirant de ces considérations qu'il nous a semblé possible de formuler une disposition qui permet d'éviter la difficulté et qui permet de la résoudre de façon explicite. Je comprends bien que le ministre a dit: On peut la résoudre implicitement, on peut la résoudre en prévoyant, de la part du syndicat, ce qui va se passer, et en anticipant les événements. Mais sait-on jamais? Est-il vraiment réaliste de penser que le syndicat peut anticiper correctement le moment de la fin d'un lock-out? On pourrait imaginer des situations où le lock-out s'interrompt très brusquement, presque par surprise, et peut-être accompagné d'une offre patronale qui semble alléchante, etc., et que le syndicat se trouve véritablement pris en déséquilibre en quelque sorte et soit mal placé pour réagir sur le champ.

Il y a donc une nécessité, je pense bien, que tout ce qu'a dit le ministre, tout ce qui a été dit à cette table, à l'effet de laisser le syndicat fonctionner, malgré qu'on veuille un peu l'insérer dans les règles et le laisser fonctionner comme une institution légitime et démocratique, qu'on lui donne un peu de marge de manoeuvre dans ces cas-là.

C'est ce qui nous amène à la rédaction de l'amendement suivant qui se lit comme suit: Que le paragraphe 19b de l'article 8 soit modifié, en ajoutant après le deuxième alinéa l'alinéa suivant: "Toutefois, s'il existe un lock-out au moment où il est décidé de soumettre aux membres la décision de déclencher une grève, le présent alinéa n'a pas pour effet de rendre illégale une grève déclenchée sur la recommandation de l'exécutif de l'association de salariés, pourvu qu'un vote au scrutin secret soit pris dans les cinq jours, selon les modalités prévues à l'alinéa précédent."

Cela permet en quelque sorte, dans ce cas-là, et seulement dans ce cas-là, un vote de grève au scrutin secret, etc., mais rétroactif, pour une période maximale de cinq jours, de manière à éviter des incidents fâcheux et de manière à éviter que le syndicat soit encarcané, ait le choix entre l'illégalité, en quelque sorte, et l'inefficacité.

M. Chevrette: Sur la recevabilité.

Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité, d'accord.

M. Chevrette: C'est seulement pour poser une question, je ne veux pas entreprendre de débat. Mais, étant donné que c'est moi qui ai soulevé le point ce matin, j'ai demandé au ministre du Travail d'interpréter l'article 8...

Le Président (M. Laplante): Je demanderais au député de Joliette-Montcalm de parler sur la recevabilité.

M. Chevrette: Bien oui, j'y arrive. Il faut bien que j'explique pourquoi je juge qu'elle est irrecevable.

Le Président (M. Laplante): Allez-y!

M. Chevrette: Je suis obligé d'aller à l'arti-

de 19b, au deuxième paragraphe qui est devenu le troisième. Quand j'ai demandé au ministre du Travail, ce matin, si une association pouvait entrer en grève et envoyer son avis dans les 48 heures qui suivent le début de la grève, l'important, c'était d'informer le ministre, et lui-même l'a précisé à plusieurs reprises, il l'a refait avant le souper, il l'a refait après le souper, confirmant que l'interprétation du troisième paragraphe maintenant — le deuxième avant — c'était bel et bien un avis d'information. Donc, un avis d'information n'enlève plus aucun pouvoir de faire les grèves. Mon appréhension de ce matin tombait de facto et, automatiquement, si le ministre a toutes les raisons de l'interpréter comme cela... Je ne l'avais pas saisi de même, mais je vois, à sa lecture, ce que cela veut dire. A ce moment-là, je me demande vraiment si la proposition tient.

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas le même délai de 48 heures. Il y a deux délais de 48 heures. Je suis tout à fait d'accord avec le député de Joliette-Montcalm que, quant au délai d'avis subséquent au vote, la réponse du ministre était parfaitement satisfaisante, mais le premier délai, avant le vote, continue d'être un problème. Là-dessus, la seule réponse que le ministre pouvait faire, étant donné la rédaction, c'est que le syndicat n'a qu'à prévoir la fin du lock-out et à prévoir ce qu'il va faire si le lock-out se termine par surprise. C'est vrai qu'il doit faire cela s'il n'a pas d'autres moyens. Mais s'il n'est pas capable de le prévoir — parce que les prévisions ont parfois ceci de particulier, c'est qu'on ne les fait pas au bon moment — s'il ne réussit pas à prévoir l'avenir avec suffisamment de certitude et d'exactitude, il peut se placer dans une situation embêtante, et le législateur est malvenu de dire: tant pis, parce que. dans le fond, on crée une obligation nouvelle de faire la grève dans un cadre donné, et c'est quand même assez plausible comme situation. Cela peut se passer et les conséquences d'un tel geste ne sont pas seulement l'illégalité, c'est aussi l'état de tension que cela peut créer si le retour au travail est décidé malgré tout. Si on se conforme à la loi, c'est pire que si on ne s'y conforme pas; c'est un dilemme assez odieux dans lequel on place les syndicats. Je pense qu'on a un petit peu une responsabilité de leur ouvrir une porte à cet endroit-là, dans toute la mesure du possible.

M. Johnson: D'ailleurs, M. le Président, si vous me permettez, une des choses qu'on a reprochées au projet de loi 45, de façon générale, c'était d'ouvrir beaucoup de portes aux syndicats.

M. le Président, je ne serai pas d'accord, pour la cinquième fois ce soir, je m'en excuse auprès du député de Saint-Laurent.

Une Voix: C'est systématique.

M. Johnson: Ce n'est pas systématique, c'est fréquent. Je ne serai pas d'accord sur l'amen- dement proposé par le député de Saint-Laurent pour les raisons suivantes.

Le Président (M. Laplante):... parler sur... M. Johnson: Sur l'amendement.

Le Président (M. Laplante): C'est que je suis forcé, actuellement, par le règlement, de le rendre irrecevable.

M. Johnson: Bien non. Pourquoi donc? Je m'excuse.

Le Président (M. Laplante): Par l'article 154, la commission peut amender un projet de loi, pourvu que l'amendement ne soit pas étranger à l'objet du projet et qu'il ne s'oppose pas au principe affirmé en deuxième lecture.

M. Forget: M. le Président, écoutez, ce n'est pas étranger au principe. On parle de la façon qu'une grève peut être légale avec le vote des membres et des circonstances dans lesquelles cela doit être fait. Je ne vois vraiment pas comment on peut parler du projet de loi, sauf de dire: oui, oui, oui tout le temps, à moins d'avoir des variantes qui s'en éloignent un tant soit peu, mais...

Le Président (M. Laplante): C'est une continuité à l'article 19b, premier paragraphe, que vous voulez faire là.

M. Forget: Oui, cela s'insère et on prévoit...

Le Président (M. Laplante): II ne s'insère pas après le troisième paragraphe, comme la motion est venue tout à l'heure pour le troisième paragraphe.

M. Forget: C'est après le deuxième.

Le Président (M. Laplante): C'est après le deuxième.

M. Forget: Oui, il y a une correction qui doit être faite effectivement.

Le Président (M. Laplante): C'est parce qu'on se trouve à faire un retour aussi sur 19b, premier paragraphe.

M. Johnson: Non, non, on est toujours dans le... M. le Président, si vous me permettez, c'est parce que...

Le Président (M. Laplante): Je vais l'accepter pour ne pas faire de... C'est sur l'article 19b faisant suite au premier paragraphe.

M. Johnson: D'accord. M. le Président, je peux intervenir? Donc, l'amendement est jugé recevable, M. le Président.

Le Président (Ni. Laplante): Recevable. Oui.

M. Johnson: Oui. Je vais donc m'opposer à l'amendement, malgré tout, parce qu'il y a d'abord une notion dans cette motion d'amendement qui est absolument étrangère à l'objet des dispositions des articles 19a et suivants, touchant le vote secret. C'est la notion de rendre une grève illégale. Il n'est question nulle part dans l'obligation imposée aux syndicats de procéder au vote secret avec les mécanismes qu'on y prévoit: l'avis de 48 heures donné aux membres, l'information donnée au ministre dans les 48 heures du déclenchement réel de la grève. Il n'est aucunement question où que ce soit de la légalité de la grève. En d'autres termes, la légalité de la grève n'est jamais conditionnée au respect des dispositions des articles 19a et suivants. Je pense qu'on en a fait la démonstration ce matin. Les sanctions prévues sont des sanctions pénales. Donc, à ce titre, la motion, à mon avis, comprend une notion parfaitement étrangère à ce qui est visé par cet article et ce qui serait même souhaitable, puisqu'en introduisant la notion de grève illégale qui serait déclenchée sans avis de 48 heures donné aux membres qu'il y aura un scrutin secret, le député de Saint-Laurent ajoute finalement un élément étranger à l'article 46. Or, c'est l'article 46 qui décide de la légalité de la grève, c'est-à-dire le respect des délais quant à l'avis de négociation ou quant à l'expiration de la convention collective, selon le cas, dans le contexte de la conciliation volontaire.

Deuxièmement, je pense que le problème du lock-out ne se pose pas. Je pense que c'est un article qui serait, d'une certaine façon, inutile. Je suis sûr que les associations de salariés au Québec, une fois qu'elles auront pris connaissance de ce texte, verront bien, comme il est normal que cela se fasse dans le contexte de la négociation libre chez nous, les associations de salariés, dis-je, verront effectivement à prendre les dispositions nécessaires en cas de lock-out. D'abord, je soulignerais au député de Saint-Laurent que mon expérience, en tout cas depuis le mois de juillet, quant aux grèves qui sont d'ailleurs en très petit nombre au Québec, comme elles l'ont rarement été depuis quelques mois, c'est qu'il y a à peine 10% des conflits qui sont des lock-out, 2 sur 20, 3 sur 25, c'est à peu près ce qu'on a quand on regarde le livre des grèves quotidiennement au ministère. Donc, c'est 10% des cas. Qu'est-ce qui se passe dans ces 10% de cas? A l'intérieur de cela, hypothétiquement, on pourrait avoir affaire à un employeur qui est en lock-out, qui met fin au lock-out, donc rappelle les salariés au travail. Les salariés, au moment où on se parle, avec l'application du Code du travail, ont l'intention d'être en grève. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de ne pas entrer. Ils sont en grève et c'est légal.

Or, comme les dispositions des articles 19a et suivants ne visent en rien à entacher d'illégalité la grève, si les dispositions ne sont pas respectées, la seule infraction que commettraient le syndicat ou les salariés, s'ils restaient en grève et n'entraient pas, ce serait l'infraction prévue au chapitre VIII, c'est-à-dire les sanctions pénales qui, rappelons-le, ne sont ouvertes qu'au procureur général et aux salariés eux-mêmes impliqués dans le conflit.

On va me dire: Oui, mais n'est-ce pas faire exprès pour, non pas mettre dans l'illégalité, puisqu'il n'en est pas question, mais rendre passibles de sanctions en vertu de l'article 8 les syndicats, alors que, ce qu'ils font, c'est de répondre à une manoeuvre stratégique du patron où eux-mêmes essaient d'élaborer une stratégie. Je réponds à cela que, dans ces quelques cas qui nous resteront au bout de la ligne, dans le fond du baril, je pense que, chez l'association de salariés, dès qu'un lock-out est déclenché, à ma connaissance, habituellement, cela provoque une réunion. Je conçois assez mal une entreprise, lors d'une négociation, qui avise ses membres... Ce sont des salariés reconnus en vertu du Code du travail, parce qu'il y a une association accréditée, par définition. S'il y a un lock-out, on peut donc présumer qu'il y a un exécutif syndical, qu'il y a sûrement une partie du "membership" qui est active et qui fait quelque chose, au moins ceux qui ont demandé l'accréditation. Donc, les gens se réunissent automatiquement et n'ont qu'à procéder à l'avis qu'il y aura un scrutin de grève dans les X jours à cet effet, et réunir les membres et prendre un mandat de grève qu'ils donnent à l'exécutif.

Je pense que ça règle le problème et, à partir du moment où l'employeur décide de mettre fin au lock-out, l'exécutif exerce le mandat de grève qui lui a été confié durant le lock-out par ses membres.

L'article 8 est-il adopté, M. le... Non, je m'excuse, la motion du député...

Le Président (M. Clair): D'abord, la motion du député de Saint-Laurent est-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté

M. Pagé: M. le Président, j'avais demandé le droit de parole là-dessus.

M. Johnson: Ah pardon!

Le Président (M. Clair): Ah! C'était sur la motion?

M. Pagé: Oui, c'est sur la motion. M. Johnson: Cela va.

Le Président (M. Clair): Je m'excuse, M. le député de Portneuf.

M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je ne voudrais pas que vous interprétiez mon intervention comme étant une approche...

M. Johnson: Je m'excuse...

M. Pagé: ... d'opposition systématique ou de

"filibuster" de la part de l'Opposition, mais les commentaires que vient de formuler le ministre m'amènent à poser des questions.

Le ministre a révélé qu'il n'était pas d'accord avec la motion d'amendement présentée par mon collègue de Saint-Laurent en se référant à la notion de la légalité ou de l'illégalité de la grève.

Les commentaires qu'il a formulés m'amènent quand même à poser des questions, parce que j'ai cru comprendre — celui-ci pourra me corriger — que, pour lui, une grève illégale était une grève qui survenait, par exemple, en période d'application de la convention collective hors délai ou autre, mais dès que la grève intervenait au moment de la négociation dans les délais prescrits, même si cette grève était l'aboutissement d'une décision rendue par les travailleurs en ne respectant pas les modalités prévues aux alinéas a) et b), la grève n'était pas illégale pour autant.

M. Johnson: C'est exact.

M. Pagé: C'est exact, c'est pour ce motif que vous considérez qu'il n'est pas opportun d'adopter l'amendement.

M. Johnson: Entre autres.

M. Pagé: Et les cas où les modalités ne sont pas respectées, les avis de 48 heures, scrutin secret, etc., le seul recours est une poursuite pénale.

M. Johnson: Prévue au chapitre 8.

M. Pagé: M. le Président, ça me surprend beaucoup, de la part du ministre, l'interprétation qu'il en fait, mais je comprends très bien ce sur quoi il se base pour en arriver aux commentaires qu'il formule. Quant à moi, pour les nombreux motifs invoqués par le député de Saint-Laurent, je suis évidemment solidaire de mon collègue, j'hésite à croire que la majorité ministérielle ne puisse accepter un tel amendement, surtout quand on a entendu les commentaires que vous avez faits ce matin, les questions que vous avez formulées et les précisions qu'on a eues...

M. Laplante: On n'entend plus rien. Fatiqué, probablement? Je ne sais pas.

M. Pagé: Oui, fatigué parce qu'on a eu le projet de loi no 53, cette semaine. Il y a eu tellement de commissions. On a tellement de problèmes avec ce gouvernement. Le projet de loi no 53, les Terres et Forêts, les projets de lois nos 19, 21...

M. Jolivet: Fatigant...

M. Laplante: Vous êtes travaillant, c'est beau.

M. Jolivet: Fatigant, en plus.

M. Pagé: Le fait de me taquiner, ça va me mettre en forme, par exemple.

M. Jolivet: D'accord, on va attendre.

M. Pagé: M. le Président, c'était là mes commentaires et mes interrogations sur la position systématique du gouvernement de refuser tout amendement...

M. Johnson: Mais non, mais non.

M. Pagé: ... même quand ils ont comme but de bonifier le projet; c'est vraiment décevant. Quand même, cela n'apportera pas de brèche à notre détermination d'offrir des modifications qui viseront essentiellement à améliorer votre projet.

M. Johnson: J'en suis convaincu. M. le Président, si vous permettez, avant que vous ne demandiez de passer aux voix sur la motion d'amendement, simplement pour qu'on se situe bien dans le climat, le député de Portneuf n'a pas assisté à toutes les séances de cette commission. Il siégeait à une autre commission. Il avait une excuse professionnelle.

M. Pagé: Malheureusement, oui, M. le ministre, vous me permettrez, vous savez, de vous faire part que j'étais à la commission qui étudie des projets de lois nos 53, 19, 21, pâtes et papiers et tout ça.

M. Johnson: C'est ça. Quelle rue? 53, de la rue...

M. Pagé: Le projet de loi no 53...

M. Johnson: Ah bon, pardon! Je m'excuse.

M. Pagé: Vous avez tellement de problèmes avec le projet de loi no 53 que tout le cabinet devrait en être saisi, d'autant plus qu'on me dit qu'il y a des dissensions au sein du cabinet là-dessus.

Le Président (M. Clair): Messieurs, revenez-en à la motion d'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Johnson: Bon! M. le Président, avant qu'on passe aux voix, je voudrais simplement souligner au député de Portneuf que la raison pour laquelle je m'oppose — je vais le répéter — à l'amendement apporté par le député de Saint-Laurent, ce n'est pas la mauvaise foi, je vous assure, nous sommes ici pour essayer d'avoir le meilleur Code du travail possible, même si je connais certaines objections de principe, y compris de première lecture, de l'Opposition. Cependant, je pense que d'introduire la notion...

M. Pagé: Voyons! Il me lance des flèches, je dois répondre!

M. Johnson: ... d'illégalité d'une grève à cause du non-respect des dispositions touchant le vote secret, d'abord c'est hors de notre intention et ensuite je pense — et je suis sûr que le député de Saint-Laurent sera d'accord avec moi là-dessus, malgré ce qu'a dit le député de Portneuf — que ce serait vraiment la source d'enquiquinement majeur. Ce serait vraiment restituer toute cette question au niveau de la guérilla judiciaire possible. Et le gouvernement se refuse à faire cela parce qu'il part de la nécessité de l'affirmation de l'obligation d'un devoir imposé à la partie syndicale. Cependant, fondamentalement, il ne veut pas d'interventionnisme. Il affirme — et la seule intervention se situe au niveau de l'imposition d'une obligation — il ne veut pas que des mécanismes déclenchés amènent la présence systématique d'officiers du ministère ou de gens des tribunaux. Et surtout pas des avocats.

Le Président (M. Clair): La motion d'amendement du député de Saint-Laurent est-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté. M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Clair): Rejeté sur division. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président... M. Johnson: L'article 8 est-il adopté? M. Forget: Non, M. le Président. M. Johnson: Combien donc!

M. Forget: C'est le dernier, M. le Président, à moins que, évidemment, notre réflexion nous amène à en suggérer d'autres, mais je dois dire qu'on a couvert tous les angles...

Le Président (M. Clair): Je crois qu'on peut dire que vous avez fait des efforts.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. Je vois que, même si mes efforts ne sont pas appréciés par le ministre, ils le sont par le président. Cela me réconforte.

Le dernier point, et il est cohérent avec ce que j'ai dit auparavant... Les autres motions que nous avons présentées étaient pour permettre l'ouverture maximale à une participation de tous ceux auxquels s'adresse le scrutin, en rendant le plus accessible possible l'organisation physique de ce scrutin. Il est bien sûr qu'on peut inviter les gens à se rendre dans un lieu, une salle, un lieu de réunion quelconque, le soir, présumément assez tard dans certains cas, pour participer à un scrutin. Mais il serait également certainement plus facile, plus accessible pour les travailleurs, qu'au moment même où ils arrivent ou qu'ils quittent le lieu de travail, au moment où ils vont "puncher" selon l'expression consacrée, que le syndicat dispose d'un kiosque, d'un bureau ou d'un local sur le lieu de travail. Sous le contrôle du syndicat, sous le contrôle exclusif du syndicat, dans le contexte proposé par les amendements du ministre, le scrutin se ferait donc sur les lieux de travail parce qu'on est sûr que tous les travailleurs vont y aller. On va au devant des gens plutôt que de leur demander de se déplacer. Que le scrutin se fasse dans ces conditions, sauf dans les cas où il se fait par correspondance — puisque depuis le début on laisse cette possibilité ouverte — et que dans ce cas, la loi fasse obligation, sous les mêmes pénalités, — puisque c'est la voie choisie pour assurer l'observance de tout le monde — sous les mêmes pénalités que l'employeur soit tenu de prêter tout le concours nécessaire en posant des gestes et en s'abstenant d'en poser d'autres, pour favoriser la tenue de ce scrutin de la façon la plus normale et la plus démocratique possible. Je pense que c'est dans l'esprit, c'est, sans l'ombre d'un doute, admissible, recevable, comme amendement. Le scrutin est organisé par le syndicat mais on souhaite une participation. Comment mieux assurer la participation qu'en allant au devant des gens plutôt que de leur demander de se déplacer, et de le faire, pas sous la surveillance du patron, pas sous la surveillance du gouvernement, sous la surveillance syndicale, et en obligeant l'employeur à fournir un local, à fournir l'espace et à s'abstenir de tout geste ou de tout acte qui pourrait gêner le déroulement normal du scrutin.

On nous dira qu'il y a des possibilités d'intimidation de la part du patron, etc. Je pense que s'il y en a, on peut prendre les mesures appropriées. Il y a tous les moyens, puisque ce droit serait protégé par la loi, d'exclure ou d'interdire des actes dérogatoires de la part du patron. Je pense que malgré tout, il ne faut pas monter des hommes de paille de ce côté-là et faire des spectres d'intimidation systématique.

Il n'y en a pas plus de façon généralisée de ce côté-là qu'il peut y en avoir de l'autre côté. C'est un lieu normal, c'est un lieu qui est familier, puisque les gens y vont, et s'il y a trois équipes, par exemple, dans les entreprises où il y a un fonctionnement continu, il reste que ce n'est pas également accessible à tout le monde d'aller à une réunion syndicale en soirée. Il y en a qui peuvent, à ce moment-là être au travail, il y en a qui peuvent être à leur habituel repos pendant le temps de la réunion, alors que si, pendant une période de 24 heures, on est à leur disposition pour leur permettre d'exercer leur droit démocratique à participer au scrutin, il me semble que c'est une façon plus normale de généraliser l'accès au scrutin de grève. C'est quelque chose qui se fait d'ailleurs et qui s'est déjà fait. A plus forte raison, s'il y avait des garanties légales, des garanties dans la loi que tout ceci doit se faire dans un cadre précis et que le patron a des obligations de respecter cela, que c'est une chose officielle, prévue par la loi, que cela doit se faire et qu'il ne peut pas y avoir ingérence de sa part,

qu'il est tenu à des obligations pour que tout se déroule normalement et que s'il ne le fait pas, on n'aura pas seulement à s'en plaindre et à donner une conférence de presse, mais qu'il y a des pénalités prévues dans la loi qu'on peut invoquer à ce moment et il ne manquera pas de témoins, j'imagine, cela ne devrait pas être difficile de faire la preuve.

De ce côté-là, il me semblerait donc plus normal que le paragraphe 19b soit complété en ajoutant à la fin un dernier alinéa qui dit: "Que le scrutin secret doit se tenir sur les lieux du travail, sauf dans les cas où le scrutin se fait par correspondance; l'employeur doit favoriser la tenue dudit scrutin." Si on pense que cette dernière phrase: "L'employeur doit favoriser" n'est pas assez contraignante, qu'on souhaite y voir des choses plus explicites, j'ai l'esprit tout à fait ouvert, M. le Président, à des suggestions de qui que ce soit à la commission pour vraiment donner un contenu plus explicite à ce que cela veut dire.

Je pense toutefois que l'interprétation de favoriser la tenue du scrutin, c'est certainement de ne rien faire qui puisse le gêner. C'est au moins cela et c'est même positivement faciliter l'utilisation de locaux, d'un lieu, d'un endroit qui soient physiquement appropriés à ce genre d'opération.

M. le Président, j'espère qu'au moins celui-là, qui ne se veut pas du tout contentieux, qui ne se veut pas du tout une contestation pour savoir: Si ce sont les membres du syndicat ou tout le monde, que ce soit n'importe qui, ceux qui doivent y participer, mais qu'on leur facilite la tâche en allant au-devant d'eux et en astreignant le patron à respecter ce processus, je pense qu'il n'y a rien là-dedans et que ce n'est pas sorcier, cette histoire.

M. Bisaillon: Est-ce que je peux poser une question au député? Qu'est-ce qui arrive, dans le cadre de votre amendement, dans un syndicat d'enseignants, par exemple, dont les membres sont répartis dans 125 écoles? Dans quelle école?

M. Forget: Là, il y a un choix à faire dans le vote par correspondance; s'il y a 125 écoles, il va y avoir une certaine difficulté à les réunir dans une salle et les faire voter, à moins que les 125 écoles soient sur la même rue, dans la même ville, ce qui serait douteux. A ce moment-là, ce que vous me dites, c'est qu'il est impossible de tenir un vote au scrutin secret ou alors, si c'est vraiment cela, on va faire voter par correspondance. Cet amendement prévoit explicitement que si on fait voter les membres par correspondance, on n'a pas besoin de le faire de cette façon. On va au devant des gens par un vote par correspondance, c'est un exemple assez bon. On dit: Les gens ne peuvent se rendre, mais on va leur écrire. Si on leur écrit, pour aller au devant d'eux, on devrait être capable de se déplacer et aller sur les lieux de travail pour leur dire: Qu'est-ce que vous en pensez? C'est dans le même esprit. Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible dans les 125 écoles, s'il y a suffisamment d'enseignants pour le justifier, et que les écoles sont dispersées sur un très grand territoire, je ne sais pas, toute la ville de Montréal, encore que, là, il y a des moyens de transport. Mais qu'on prenne d'autres exemples, si on veut, qu'il y ait dans chaque école un endroit réservé à cela et comme nous ne sommes pas 24 heures par jour encore, dans les écoles, on n'aura pas besoin de faire fonctionner ces bureaux pendant 24 heures non plus pour y avoir tous les enseignants. Il s'agit de le faire le matin ou le soir ou quelque chose de ce genre pour avoir tout le monde. Tout dépend des circonstances aussi, pour citer la phrase utilisée dans l'autre paragraphe, cela s'apprécie selon les circonstances, mais la notion d'aller au devant des gens, on l'a déjà ailleurs dans le vote par correspondance, me semble-t-il ce n'est rien d'autre que cela. On va au devant des gens.

Le Président (M. Clair): Je pense que le député de Richmond avait une question à poser.

M. Brochu: Une question si le ministre me permet, au député de Saint-Laurent, justement. Si M. le député de Saint-Laurent me permet une question, sur sa motion, sans me prononcer sur le fond de sa motion, à ce stade-ci. Je vois que par l'essence même, il crée une obligation, en quelque sorte, à l'employeur. Lorsque je regarde la section II où se retrouve l'article 19b en question, le grand chapeau de toute cette série d'articles concerne certaines obligations de la part des associations accréditées. Et la question que je me pose à ce stade-ci, je la pose au député de Saint-Laurent, indépendamment de la nature même de son amendement: Est-ce le bon endroit pour proposer un tel amendement qui créerait une obligation aux employeurs, alors que dans le chapitre visé, on s'attarde surtout aux responsabilités et aux devoirs des associations accréditées?

M. Forget: Ecoutez, sur ce point de style de rédaction, je dirais que c'est une question d'opinion. Mais, dans un autre article amendé, j'ai fait la remarque et on a dit: C'est fait pour le monde ordinaire, le Code du travail. Quand on parle des procédures d'accréditation, on met les procédures de mise en application judiciaires dans le même chapitre, alors que dans toutes les lois, c'est dans le dernier chapitre. Mais, c'est parce que ça facilite apparemment la lecture. Ecoutez, si c'était vrai dans ce chapitre, cela doit être vrai ici; mais il m'est complètement égal, en soi, dans quel chapitre on le met. Sauf que j'ai bien l'impression que si je le propose comme amendement à un autre article, on me dira que c'est irrecevable; là, je mets le style de côté et je me dis que c'est peut-être l'endroit pour en parler.

Le Président (M. Clair): Le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, je n'irai pas par

quatre chemins. Je comprends la préoccupation du député de Saint-Laurent. Cependant...

M. Forget: Cela commence mal.

M. Johnson: Je comprends la préoccupation du député de Saint-Laurent, cependant, je voudrais soulever deux choses au sujet de sa motion d'amendement. La première, c'est qu'il rend obligatoire la tenue du scrutin sur les lieux de travail et non pas facultative. Or, sans soulever des épouvantails et des hommes à tatouages qui intimident les travailleurs, il peut y avoir des circonstances où il est préférable que ça ne se fasse pas, aux yeux du syndicat, sur les lieux de travail.

Donc, à cause du mot "doit", je dois m'y opposer.

Deuxièmement, voici un argument qui m'ap-paraît beaucoup plus fondamental. Je vais vous donner un exemple très simple. Les cols bleus, à Montréal, répartis sur tout le territoire de la ville de Montréal, l'endroit de travail de M. Untel, c'est peut-être le parc Angrignon où il a une responsabilité quant à la nourriture des animaux dans le zoo, tandis que M. Untel c'est dans un des garages de la ville de Montréal parce qu'il répare les véhicules de la ville, etc. On voit tout de suite la multiplication des endroits de scrutin. Je comprends la préoccupation qu'il y a derrière ça. Moi aussi, idéalement, j'aimerais qu'on vive idéalement dans une société où, après une assemblée où il y a un taux de participation de 98% des membres, le soir, après le travail, où on s'est informé que le lendemain, tranquillement, on décide, en entrant au travail, au moment de passer à côté du cadran, on dépose également son vote... Sauf qu'en réalité, c'est difficile de concevoir que ça se passe ainsi, même si cela était souhaitable dans une société idéale.

De plus, il y a, dans une assemblée syndicale, des éléments qui sont extrêmement valables au-delà des harangues et du soulèvement des passions qui font partie de la réalité, comme parfois du folklore de ces événements syndicaux, de l'information qui se véhicule. Il y a des débats qui se font, il y a une décision qui se prend dans un contexte animé. Le but du vote secret, c'est de faire en sorte que ce soit pris le plus consciencieusement possible et le plus sérieusement possible.

Donc, à cause des difficultés techniques que représente l'obligation de tenir, sur les lieux de travail, un vote, donc de la multiplication possiblement des points de chute des bulletins, en outre, à cause du fait que, finalement, par cette formulation plus particulièrement, on mette le syndicat dans l'impossibilité de réunir ses membres pour procéder à une séance d'information, qui, parfois, se termine par une séance de harangues, mais c'est normal.

Et, à mon avis, cela rend l'amendement, bien que bien intentionné à mes yeux, inacceptable dans les circonstances.

M. Brochu: M. le Président, si le ministre me le permet, seulement une question pour voir si j'ai bien saisi le sens et la portée de son argumentation. Est-ce que cela voudrait dire que, si le député de Saint-Laurent avait libellé, ou libellait sa motion de façon différente, c'est-à-dire s'il indiquait que le scrutin secret peut se tenir sur les lieux de travail, est-ce qu'on devrait comprendre, à ce moment-là, que s'il la présentait de cette façon, le ministre accepterait l'amendement? Vous avez laissé la porte ouverte.

M. Johnson: C'est cela. Je pourrais donner des exemples au député de Richmond, entre autres, dans une entreprise de pâtes et papiers, récemment — d'autre part, on sait que, dans certains hôpitaux, cela se fait également comme cela — où il existe un climat de relations de travail sain, qui est dépourvu d'affrontements sur des vétilles et des choses mineures et où, spontanément, ces choses-là se font, et dans un contexte très civilisé. Mais c'est vraiment sur une base volontaire et sur une base d'entente et, finalement, cela reflète souvent la qualité du climat des relations de travail dans l'établissement en question.

Mais je pense que, même avec le mot "peut" se tenir, à mon avis, cela le rend à peu près inutile et, deuxièmement, c'est cela, c'est possible au moment où on se parle. Et, d'autre part, cela ne changerait rien à la complexité que cela pourrait soulever quant à "l'employeur doit favoriser la tenue dudit scrutin". C'est finalement un voeu pieux. Il y a des employeurs qui le font, heureusement. Il y en a qui, probablement, refuseront de le faire jusqu'à la fin de leurs jours. Et il y en a d'autres qui vont peut-être apprendre à le faire le jour où l'ensemble des employeurs au Québec aura compris, comme beaucoup d'entre eux ont compris, à mon avis, que, finalement, c'est une chose saine, à la fois pour les salariés et l'entreprise, que ces choses-là se déroulent dans un climat serein.

M. Chevrette: Le vote!

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Clair): Oui, effectivement, il y en avait d'autres. La motion du député de Saint-Laurent n'est pas prête à être mise aux voix. Il y a déjà le député de Portneuf et le député de Joliette-Montcalm qui avaient demandé la parole. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais tenter d'être assez bref. Ce qui, somme toute, est recherché dans ce projet d'amendement, il y a plusieurs choses, le ministre en a cité tantôt; l'idéal, ce serait de... Trop souvent, on constate que des employeurs ne favorisent pas la tenue de scrutin sur les lieux. Et on constate de plus que, pour certains motifs, il serait utile que, dans certains cas, le scrutin se tienne sur les lieux de travail.

Le député de Saint-Laurent a fait état tout à l'heure, a donné en exemple les cas de travailleurs en usine, qui travaillent selon trois "shifts".

Si le scrutin se tenait sur leur lieu de travail, ils pourraient bénéficier... On pourrait prendre comme exemple une période de scrutin, le nombre d'heures suffisant pour couvrir les trois "shifts" et permettre ainsi à tous les travailleurs de s'exprimer, sans être obligés de perdre du temps, une soirée, etc.

Il y a aussi des éléments qui ont été soulevés par le ministre, ce matin, sur l'étude d'un autre article, lorsque celui-ci parlait des "bras" engagés par l'employeur, etc. Cela peut être une hantise, cela peut être un motif invoqué par l'employeur, etc. Cela peut être une hantise, cela peut être un motif invoqué par la partie syndicale pour...

M. Johnson: Cela peut exister aussi.

M. Pagé: Cela peut exister.... refuser de tenir le scrutin sur les lieux du travail. Il y a aussi un autre élément qu'il faut regarder et qui a été soulevé par le député de Sainte-Marie; dans certains cas, physiquement, qu'est-ce qu'on fait dans les cas où les travailleurs sont dispersés dans plusieurs écoles, dans plusieurs centres? Il y a aussi des cas où physiquement cela ne peut pas se faire. On a bien des exemples; particulièrement dans les petites unités syndicales, on constatera que, physiquement, cela ne peut pas se faire. Je vais donner un exemple que j'ai eu à vivre tout récemment dans une négociation. Qu'on prenne des chauffeurs de camions, par exemple, leur lieu de travail; ils vont chercher leur camion au garage le matin et je ne pense pas que le garage soit un endroit privilégié pour tenir un vote et pour faire une réunion syndicale. Il y a tous ces éléments-là que les membres de la commission devraient cerner. On devrait quand même inclure une prévision selon laquelle il n'est pas exclu que le scrutin "doive" ou "peut" — là on pourra s'entendre sur un amendement éventuel — sur les lieux du travail, et insister, je pense... Il faut assurément mettre dans l'article l'obligation pour l'employeur de favoriser la tenue de ce scrutin. Je pense, d'ailleurs, que le député de Saint-Laurent se proposait de formuler à nouveau l'amendement qu'il avait proposé.

M. Chevrette: Me permettriez-vous juste une petite remarque, M. le député de Portneuf?

M. Pagé: Oui.

M. Chevrette: Même dans les lieux où c'est physiquement possible de tenir un vote de grève, une usine, prenez le cas bien précis où un employeur fait un lock-out; où vont-ils prendre le vote de grève?

Une Voix: II ne peut pas le favoriser.

M. Chevrette: II ne peut pas le favoriser. Plus j'y pense...

M. Forget: Je pourrais suggérer le même amendement qu'on a fait tantôt avec le même effet, oui. Est-ce que le député de Joliette-Montcalm m'invite...

M. Pagé: Est-ce que vous appuieriez le député de Saint-Laurent à ce moment-là?

Une Voix: Ah non!

M. Chevrette: Là, vous posez une question sur les possibilités dans les endroits...

M. Pagé: Je vous dirai que c'est une très bonne question.

M. Chevrette: Elle était bonne.

M. Forget: M. le Président, je crois qu'il y a des objections qui ont été formulées qui portent un peu sur la forme. Comme je l'ai indiqué, il est question de circonstances. Mais si on voulait de toute façon écarter les objections basées sur la forme, il serait possible, en modifiant cette motion d'amendement, de tenir compte du fait qu'on devrait tenir compte des circonstances — c'est une expression consacrée désormais — et que, d'autre part, parmi toutes ces circonstances, on pourrait être un peu plus explicite, on pourrait tenir compte du fait que cette obligation ne devrait s'appliquer que dans les cas où notamment, parmi toutes les circonstances dont on tiendrait compte, la plupart des membres ont leur lieu de travail dans un même établissement. Il me semble qu'à ce moment-là, il est possible, sans difficulté, d'envisager un vote.

Vous savez, cela me fait un peu sourire, les explications qu'on vient d'entendre selon lesquelles c'est normal et il faut que cela se fasse avec une réunion à laquelle on a pu parler aux membres et les préparer psychologiquement à voter. C'est vraiment un peu puéril comme explication de ne pas voter sur les lieux de travail. C'est puéril dans le sens suivant, qu'on fasse la transposition et on se rendra compte qu'il faudra tout de suite amender notre loi électorale pour voter lors des assemblées électorales parce que c'est à ce moment-là que les gens sont saisis des problèmes et sont motivés pour aller voter dans un sens plutôt que dans l'autre.

C'est vrai, c'est tout à fait vrai. Pourquoi ne vote-t-on pas justement à ce moment? Pourquoi la loi électorale prévoit-elle que la journée qui précède le scrutin est une journée de "cooling off"? C'est justement qu'on sait très bien qu'il y aurait peut-être avantage à ce que les gens réfléchissent pendant une journée et ne soient pas l'objet d'un bombardement de propagande la journée qui précède le scrutin. On respecte, dans le fond, le libre arbitre des gens, en disant: Ecoutez, je comprends que les mouvements de foule et tout cela, c'est très intéressant, mais ce n'est pas cela la démocratie. Ce n'est pas le charriage. La démocratie, c'est donner aux gens le temps de penser à la décision qu'ils doivent prendre. Vraiment, dire qu'il faut que cela se

fasse dans la réunion syndicale, parce qu'autrement, ce n'est pas sérieux, je trouve que...

M. Johnson: M. le Président, j'ai une question de règlement à soulever. J'aimerais savoir si le député de Saint-Laurent, en ce moment, est en train d'exercer son droit de réplique sur sa motion d'amendement?

M. Forget: Si vous voulez, oui, d'accord, ce que je n'ai d'ailleurs jamais exprimé ce soir, ni même de toute la journée, on me le reconnaîtra. On n'a pas argumenté sur la procédure. Malgré tout, je ne peux faire autrement que de réagir à des propos qui ne sont tenus que dans un contexte extrêmement limité et qui ont un semblant de crédibilité seulement parce qu'on parle des votes syndicaux. On les appliquerait dans d'autres domaines et tout le monde poufferait de rire immédiatement. C'est un peu ce qui vicie notre discussion dans toutes ces histoires. On se place dans un cadre psychologique un peu faux. Evidemment, on en déduit toutes sortes de conséquences qui apparaissent comme des vérités premières et qui n'en sont pas du tout. Il est un fait qu'on reconnaît dans d'autres domaines, que les gens qui sont sous pression ne portent pas un jugement fiable. Pourtant, on insiste énormément pour créer des conditions, dans le cas des votes de grève où, précisément, la pression est au maximum. Je regrette, mais, indépendamment des objections plus ou moins techniques qu'on peut faire, que ce n'est pas toujours possible et que les pièces ne sont pas toujours de la grandeur requise pour tenir les votes, qu'on me permette de sourire et plus que de sourire. Ce n'est pas vraiment cela qu'on a à l'esprit. On a à l'esprit, au contraire, un certain contexte psychologique que l'on veut préserver à tout prix. C'est cela, dans le fond, qui nous pousse à rejeter des amendements qui n'ont pour but que de permettre aux gens de s'exprimer démocratiquement dans le calme, avec un certain recul, après peut-être en avoir parlé à leurs femmes, on sait que les épouses et les familles, dans tout cela, sont un peu affectées par les décisions de grève. Ce serait peut-être...

M. Johnson: II y a le conseil de famille aussi du Code civil.

M. Forget: Les conseils de famille. Enfin, n'exagérons rien, n'essayons pas de caricaturer. Il reste qu'on a vu des épouses dans des votes de grève, le lendemain, faire un contre-mouvement ou un mouvement d'opposition. Le député, ici, à côté de moi, l'a vu dans son comté où les épouses ont exigé un vote secret sur les propositions patronales. Quand même, est-ce qu'on va former des syndicats d'épouses pour contester les décisions des syndicats de leurs maris? Cela prouve une chose, tout cela. Cela prouve qu'il y a un contexte psychologique qui n'est pas toujours sain et que le désir, à tout crin, de prendre des décisions dans ce contexte psychologique, parce que le contexte existe et parce qu'on veut le préserver, n'est pas dans la lignée d'une vision démocratique dégagée et équilibrée de la réalité. C'est très conforme à un mouvement qu'on veut engendrer et entretenir, bien sûr, mais si on part de cette prémisse, cela va nous entraîner dans bien d'autres domaines dans la loi, mais que l'on ne prétende pas le faire pour des raisons techniques. C'est clair que cet amendement n'est pas rejeté pour des raisons techniques; si c'étaient seulement des raisons techniques, je suis sûr que l'ingéniosité des conseillers du ministre et du ministre lui-même permettrait de les surmonter sans grande difficulté.

Le Président (M. Clair): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je sais bien que nous sommes en commission, que les règles sont beaucoup plus larges et que, d'autre part, on ne peut pas invoquer de question de privilège. Cependant, je voudrais qu'on fasse une distinction entre ce qui est l'intention législative du gouvernement et ce qui est l'intention personnelle du ministre. J'ai vu dans le long propos du député de Saint-Laurent, un procès d'intention que je me dois de rejeter et de qualifier. Je n'ai, en aucune façon, laissé entendre, je n'ai, en aucune façon, à accepter qu'on me fasse un procès d'intention quand on dit que ce que je veux défendre, c'est un système qui permet un conditionnement psychologique des gens pour les amener à un vote de grève. Ce que j'ai soulevé, ce sont des raisons techniques, des raisons de bon sens et des raisons qui tiennent compte de la simple réalité de ce qui se passe quand des salariés décident de se réunir et de choisir d'aller en grève. C'est simplement ce que j'ai évoqué et j'espère que le député de Saint-Laurent comprendra que je ne peux pas accepter le type de procès d'intention qu'il a fait.

M. le Président, je demanderai le vote sur la motion du député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Clair): La motion du député de Saint-Laurent sera-t-elle adoptée?

M. Johnson: Rejeté.

Le Président (M. Clair): Rejeté.

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Clair): Sur division.

M. Johnson: Est-ce que l'article 8 est adopté, M. le Président?

M. Forget: Je vais, en ce — je ne sais pas quelle date on est — mais oui, je vais faire ce geste, de dire que l'article 8 est adopté, pour ce qui est du paragraphe 19b cependant.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, ce que nous adoptons, ce sont les articles du

projet de loi no 45. Ce que je demande donc au député de Saint-Laurent, c'est s'il a d'autres amendements à apporter sur l'ensemble de ce qui est compris à l'article 8 du projet de loi no 45, soient 19b, 19c, 19d et 19e?

M. Forget: Ah bon!

Le Président (M. Clair): Messieurs...

M. Forget: Oui, j'ai effectivement un autre amendement.

Le Président (M. Clair): ... distinguons bien deux choses. Il est bien certain qu'on ne peut adopter que les articles prévus au projet de loi no 45 sur lesquels la Chambre s'est prononcée en deuxième lecture. On ne peut adopter les articles de la loi du Code du travail, en fait. Cependant, pour les fins de la discussion, on a convenu d'adopter les sous-articles par sous-article...

M. Johnson: Pas d'adopter, mais d'envisager, disons.

M. Pagé: Avec un vote général à la fin, comme vous l'avez exposé ce matin.

Le Président (M. Clair):... avec un vote général à la fin. Nous en sommes maintenant rendus, dans nos discussions, à l'article 19c et je ne permettrai pas qu'on revienne à l'article 19a, non plus qu'à l'article 19b. L'article 19c.

Signature d'une convention collective

M. Forget: M. le Président, cet article 19c, qui est relatif à la signature d'une convention collective et à l'autorisation, par un scrutin secret et par un vote majoritaire des membres, des propositions, des offres finales qui sont agréées par les deux parties et qui autorise donc l'exécutif à signer la convention collective, laisse de côté un aspect important de l'acceptation de la convention collective qui est les dispositions relatives au retour au travail. Cette question a déjà fait l'objet d'un exposé de presque tout le monde autour de la table, ce matin, et nous en avons cependant traité dans un contexte assez général. Le contexte était de savoir s'il était opportun qu'un vote distinct soit pris au scrutin secret sur le retour au travail. On nous a expliqué que ce n'était pas opportun, de façon générale. Dans ce contexte large dans lequel nous en avons discuté, je peux être d'accord avec l'opinion exprimée par le ministre qu'il n'est pas souhaitable que, de façon systématique, toujours, le retour au travail fasse l'objet d'un vote. Il suit, il découle normalement de l'acceptation des offres et de la signature de la convention collective, de l'acceptation de principes et, au moment de solliciter auprès des membres l'acceptation de principes, on peut présumer que, dans la plupart des cas, on a pressenti les membres sur l'acceptation des conditions suivant lesquelles se fera le retour au travail. C'est du moins une présomp- tion qui est souvent vérifiée et c'est une chose qui, dans la mesure où elle est vraie, rend tout à fait superflu un vote séparé.

Cependant, nous avons connu des difficultés considérables à certaines occasions où la négociation du protocole de retour au travail a presque pris l'allure d'une négociation sur un deuxième volet de la convention collective, les conditions de retour au travail étant complexes, nombreuses et donnant lieu à de nombreuses rencontres entre les négociateurs.

Si bien, que le non-retour au travail, pendant cette période, prend toutes les allures d'une grève, quoique le litige soit réglé, quoique le différend soit réglé, cela prend toutes les allures d'une grève. De la même façon que l'on fait voter les gens sur la grève, comme telle, en vertu de 19a et 19b, il m'apparaît que si au moment de l'acceptation des offres finales il reste suffisamment de points en litige, relativement aux conditions du retour au travail, points en litige d'une importance telle qu'il apparaît à l'exécutif qu'il lui faudra recommander de suspendre le retour au travail jusqu'à ce que le protocole soit signé et non pas de considérer que cela découle automatiquement, qu'à ce moment-là un délai, au-delà de ce qui serait normalement le cas — des fois, il faut convoquer les gens et il y a une procédure qui est prévue qui peut prendre quelques jours, même s'il n'y a aucun différend sur le protocole — mais que tout délai qui est at-tribuable comme tel aux difficultés de négocier les conditions du protocole de retour au travail, soit soumis à un vote de la même façon que le vote de grève. Parce qu'il s'agit d'une continuation, en quelque sorte, de la grève pour d'autres motifs, pour d'autres fins, sous une autre forme. Mais il s'agit essentiellement du maintien de la grève malgré le règlement du différend. Cela s'est expérimenté, cela s'est vécu dans plusieurs secteurs, en particulier, dans le secteur parapublic.

Ce qui est particulièrement intéressant aussi c'est de se pencher sur les motifs qui souvent sont à la source de telles difficultés dans le retour au travail. Il peut s'agir du règlement de cas particuliers auxquels les membres en général ne peuvent accorder l'importance qu'ils accordent peut-être à un comité de négociation qui s'est senti personnellement presque impliqué dans l'affaire et où des intérêts particuliers peuvent peut-être prévaloir ou avoir un poids disproportionné par rapport à l'intérêt qu'il présente pour l'ensemble des membres. Il peut y avoir également — je vais terminer dans deux secondes, M. le Président — des clauses qui porteraient offense au sens de respect de l'homme public qui est largement partagé par la base, mais auquel certains individus peuvent tenir, encore une fois, parce que, à la fin d'un conflit parfois, il faut gagner non seulement réellement, mais aussi il faut gagner quelques symboles parfois et cela devient une querelle un peu personnelle.

On peut demander aux membres de ne pas retourner au travail tant que des plaintes ou des choses comme ça ne sont pas retirées, pour des actes que réprouve l'immense majorité des membres et auxquels ils ne sont pas eux-mêmes

partie. A ce moment-là, on fait subir à l'ensemble du groupe un fardeau qui se perpétue, parfois après une grève très longue, pour des motifs qui seraient franchement désavoués par tous les membres, si on prenait la peine de leur poser la question.

Il me semble que si l'exécutif veut prolonger le non-retour au travail, veut différer le retour au travail, même si, dans le fond, la convention collective, en principe, est acceptée, a été acceptée par un vote, c'est une tactique ou une stratégie suffisamment importante pour en faire l'objet d'un vote séparé. Le but de mon amendement, la formulation de mon amendement, que je lis immédiatement, M. le Président, de manière qu'on sache qu'on a franchi cette étape quand on reviendra dans quatre ou cinq jours, serait le suivant: "Que le paragraphe 19c de l'article 8 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: "Tout délai dans le retour au travail, à la suite de la conclusion d'une entente de principe, pour la rédaction d'une convention collective, doit être décidé au scrutin secret par un vote majoritaire — et là, je prends ce qui a été réaffirmé de nombreuses fois par la majorité ministé- rielle — des membres de l'association accréditée qui sont compris dans l'unité de négociation et qui exercent leur droit de vote. "Ledit délai doit être proposé par une recommandation spécifique de l'exécutif de l'association accréditée."

Le but de la dernière phrase, c'est d'éviter que n'importe qui, au moment où on a conclu une entente, n'importe quel membre dissident propose que le retour au travail se fasse sous réserve de la condition x, y, z, que n'endosse pas nécessairement l'exécutif.

Je pense que là, l'exécutif a des responsabilités à assumer, il ne faut pas qu'il se fasse doubler par n'importe quel dissident, mais s'il veut vraiment recommander un retard dans le retour au travail, qu'il dise pourquoi et qu'il fasse voter les membres en conséquence.

Le Président (M. Clair): Messieurs, il est 22 heures, la commission du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 3)

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