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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le samedi 17 décembre 1977 - Vol. 19 N° 294

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 45 — Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 45

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, madame et messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration est réunie pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 45, Loi modifiant le Code du travail et la Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Les membres de la commission sont M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond) remplacé par M. Goulet (Bellechasse); M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Couture (Saint-Henri), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Forget (Saint-Laurent), M. Gosselin (Sherbrooke) remplacé par M. Gagnon (Champlain), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marois (Laporte) remplacé par M. Godin (Mercier); M. Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud).

M. Chevrette: M. le Président, on avait dit hier qu'on nommerait des gens, est-ce que vous avez nommé M. Jean-Guy Mercier?

Le Président (M. Marcoux): M. Mercier va remplacer M. de Bellefeuille. M. Jean-Guy Mercier (Berthier) pour remplacer M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes). Est-ce qu'il y a d'autres changements?

La première convention collective

Le Président (M. Marcoux): Nous en étions à l'article 44; adopté?

M. Forget: Vous êtes trop vaillant, M. le Président. On voit que c'est le matin.

Le Président (M. Marcoux): Je posais une question. C'est parce que j'ai passé une bonne nuit. M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, l'article 44 vise l'intervention du ministère face à une première convention collective. Il comprend un processus que je vais décrire rapidement juste au cas où ce ne soit pas clair au niveau du texte. S'il y a une première convention collectives, si les parties, quelle que soit la phase de négociation, ne s'entendent pas, l'une d'elles peut faire appel au ministre, qui envoie, à ce moment, un personnage qui a d'abord et avant tout un rôle de médiation. Si, lors de cette médiation, il se rend compte qu'il est incapable d'obtenir une entente entre les parties, il peut décider qu'il se prononcera au fond de la convention.

A partir du moment où il fait rapport au ministre qu'il ne peut pas rapprocher les parties, mais devra se prononcer au fond de la convention ou, en pratique, rédiger la convention, le lock-out ou la grève doit prendre fin. L'arbitre rend sa sentence en étant lié par deux sortes d'éléments. Il faudra peut-être qu'on pense à ajuster le vocabulaire en cours de route quand on y sera, paragraphe par paragraphe. Le premier élément, c'est toute forme d'entente entre les parties, évidemment.

On sait qu'en pratique, quand un tribunal d'arbitrage a à se prononcer dans ces circonstances où il est obligatoire et, finalement, ça ressemble un peu à l'arbitrage obligatoire de la première convention collective si ça ne fonctionne pas. On sait que les parties ont tendance à s'entendre, signer des lettres d'entente, des protocoles, etc., l'arbitre doit être lié par toutes ces ententes, ce qui est normal. Deuxièmement, par une formule qui n'est peut-être pas la plus heureuse, mais au sujet de laquelle on aura à discuter en cours de route, on dit que l'arbitre doit tenir compte d'événements d'environnement. Il y a un problème d'interprétation au sujet de la notion de conditions similaires que nous aurons à soulever sans doute en cours de route. Mais il doit tenir compte d'un environnement. C'est un peu vague, mais on veut tenir compte d'une réalité, par exemple, qui peut être la réalité régionale, le type d'entreprise dans une région donnée, etc.

Mais, à partir du moment où l'arbitre a rendu sa sentence, elle est évidemment exécutoire pour une période maximale de deux ans. Finalement et effectivement, j'avais l'intention, plutôt que de l'apporter sous forme de texte amendé... je mentionnerai simplement qu'à l'article 81h, pour des raisons qu'il me fera plaisir d'expliquer quand on sera rendu là, on supprimerait "qu'elle ne peut ré-troagir au-delà de six mois à compter de cette date". On supprimerait simplement cette restriction quant à la rétroactivité de la convention collective.

Je m'excuse, M. le Président, rendu à l'article 81h, en fait, ce qu'il faudrait supprimer, c'est "à compter du moment de son dépôt "et" elle ne peut rétroagir au-delà de six mois à compter de cette date".

M. Forget: A compter du moment de son dépôt?

M. Johnson: C'est ça. L'article 81h dit: "La sentence arbitrale lie les parties pour une période d'au moins un an et d'au plus deux ans, à compter du moment de son dépôt. Elle ne peut rétroagir au-delà de six mois à compter de cette date.

L'article se lirait comme suit; La sentence arbitrale lie les parties pour une période d'au moins un an et d'au plus deux ans. Les parties peuvent cependant convenir d'en modifier le contenu en partie ou en tout.

Une Voix: C'est votre proposition?

M. Johnson: On supprimerait à la fois la notion de "à compter du dépôt" qui est là, en fait, pour permettre de faire référence à quelque chose quand on parle de rétroactivité.

Bon! M. le Président, je présume qu'on va l'aborder paragraphe par paragraphe.

M. Forget: Oui, mais, pour ce qui est de la procédure, je pense qu'on pourrait le faire paragraphe par paragraphe, avec une seule réserve, M. le Président, peut-être que vous pourrez nous donner une indication là-dessus. Il y a effectivement une modification que nous chercherions à y apporter; c'est ce qui se comprend mal ou ne s'explique presque pas, si on se borne à une modification au premier paragraphe. Je demanderais votre permission pour présenter, simultanément, un ensemble de trois motions qui modifient les trois premiers paragraphes, parce que je pense que c'est la seule façon de le faire, mais qu'on discutera de façon groupée, de manière à les rendre plus intelligibles; autrement, on va rendre la discussion presque impossible étant donné que, prise isolément, la modification au premier paragraphe n'aurait aucun sens si on laisse les autres paragraphes tels qu'ils sont.

Il n'y a pas de problème là-dessus, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous entendez tenir des propos généraux avant d'en venir à ces amendements?

M. Forget: Oui, avec votre permission, en effet. Est-ce que je commence tout de suite?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Forget: Nous sommes devant une disposition entièrement nouvelle de la loi 45, de nos lois du travail. C'est une disposition qui a beaucoup de choses qui peuvent susciter et vont susciter effectivement des commentaires, mais, dans mes remarques préliminaires sur l'ensemble de cette section I A, je vais me limiter aux considérations générales.

La première considération générale qui me vient à l'esprit, c'est que cette disposition arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, dans le sens que, contrairement à la plupart des autres modifications qui sont incorporées dans le projet de loi 45, c'est la dernière arrivée, ou à peu près; il y a une ou deux autres notions de ce genre qui sont arrivées au tout dernier moment. Ce n'est pas une mesure qui a fait l'objet du même genre de discussion, pendant aussi longtemps et de façon aussi ouverte, que les autres propositions, celles qu'on étudiera peut-être aujourd'hui relativement à l'arbitrage, celles qui sont intervenues au niveau du processus d'accréditation et qui étaient sur le tapis depuis longtemps et au sujet desquelles presque tout le monde qui avait quelque chose à dire s'est exprimé.

C'est quelque chose de beaucoup plus récent que cette notion de l'arbitrage obligatoire d'une première convention collective et, dans le fond, tout ce qui a été avancé par le ministre là-dessus l'a été à titre d'affirmation presque gratuite, dans le sens au moins où il ne s'est pas donné la peine de déposer quelque étude fouillée que ce soit, ni même quelque donnée que ce soit pour permettre d'évaluer l'importance du phénomène auquel on veut remédier. Il a affirmé que la première convention collective était un point d'accrochage particulièrement important, qu'il donnait lieu, plus que d'autres conventions collectives, à des conflits difficiles et interminables. Mais c'est une affirmation qui pourrait faire l'objet d'une étude objective; on pourrait nous donner des chiffres là-dessus, d'autant plus que, lorsque nous avons eu une mini-commission parlementaire pour entendre, de façon sommaire, les représentants syndicaux et les représentants patronaux, on a eu un démenti formel qui a été apporté à cette prétention du ministre, de la part de certains porte-parole syndicaux. On a dit que la première convention collective est un phénomène qui n'est pas essentiellement différent de celui d'une autre négociation.

On est en face, donc, pour celui qui n'a pas accès à tous les chiffres et à toutes les études du ministère, de deux affirmations contradictoires et d'aucun effort véritable pour éclaircir vraiment la situation et nous donner une image détaillée, articulée, des problèmes qui peuvent être soulevés ou qui peuvent ne pas être soulevés par une première convention collective, par opposition aux autres. C'est bien sûr qu'on va pouvoir nous citer un certain nombre de cas où la première convention collective a suscité des problèmes, mais ce n'est pas une démonstration qu'il faut des dispositions spéciales dans le Code du travail parce qu'on pourrait faire — cela fait longtemps qu'on le dit — des exemples; ce n'est pas une démonstration. Même si on peut citer des exemples, on n'a pas nécessairement à faire la preuve, en donnant des exemples, que le problème est vraiment spécial.

Le ministre citait la nuit dernière, l'évolution qu'a connue la législation du travail au Québec depuis l'ancienne loi qui a précédé la loi sur les relations ouvrières — je ne me souviens pas comment elle s'appelait — de 1944, où il y avait plusieurs procédés: il y avait la conciliation obligatoire, il y avait l'arbitrage, etc. C'était très structuré. Effectivement, il a mentionné que, parmi cet enchaînement de procédures, dès 1944 et cela, jusqu'à 1964, il y avait l'arbitrage obligatoire. Voici que, à l'occasion d'un problème qu'il prétend être spécial, mais au sujet duquel d'autres ont dit devant nous qu'il ne l'était pas, il réintroduit une mesure qui a été abandonnée et il y a treize ou quatorze ans, comme étant une mesure désuète, l'arbitrage obligatoire, arbitrage qui vient s'imposer aux parties sans qu'elles veuillent, d'un commun accord, que l'arbitrage facultatif soit dans le code.

Au fond, même s'il n'est pas dans le code, je pense bien que si les parties s'entendaient pour faire arbitrer une querelle, on n'a même pas besoin de disposition du code; mais c'est dans le

code. De toute manière, il n'y a évidemment pas d'objection à cela. Mais qu'une disposition intervienne dans le code pour que l'arbitrage se fasse même si une des parties ne le souhaite pas, cela semble à peine une mesure progressiste qui s'inscrit dans la ligne d'évolution de notre législation du travail, puisque comme le ministre l'indiquait hier soir, cela a déjà été là comme recours général et cela a été abandonné.

Donc, deux points généraux, à ce jour, l'absence des données, d'études et l'absence même d'une discussion vraiment structurée sur un nombre de mois et d'années suffisant pour nous permettre de prendre un certain recul relativement à ces dispositions, contrairement à d'autres dispositions du Code du travail qui ont été largement débattues. Il y a un aspect de nouveauté qui ne permet pas de compenser des études sérieuses, fouillées, qui permettraient de savoir si c'est le ministre ou si ce sont les gens qu'on a entendus en commission parlementaire qui a raison là-dessus.

D'autre part, l'introduction dans notre loi du travail, la réintroduction, devrais-je dire, d'un principe d'arbitrage qui est imposé à au moins une des parties et qui pose toutes sortes de problèmes, c'est de s'écarter de la philosophie que le ministre, avec notre appui le plus total d'ailleurs, prétend introduire, et qui est de laisser aux parties le plus possible le soin de déterminer leurs relations et les rapports qui les régissent dans le cadre le moins contraignant possible, le moins tatillon ou interventionniste possible. Je pense bien que le ministre a fait quelques accrocs à ce principe en cours de route, mais il reste qu'au moins, il a proclamé son attachement au principe et c'est déjà beaucoup, puisque cela nous permet au moins de le référer à ses propres principes, à l'occasion, avec le sentiment qu'on est sur un terrain commun, quelles que soient les dérogations qu'il se permet.

Mais dans ce cas-ci, il s'en permet une, très sérieusement. Je me demande si on ne peut pas voir là un signal de la part du gouvernement. Je déborde peut-être un peu du caractère presque rigoureusement technique des remarques que je faisais jusqu'à maintenant, mais je me demande si on ne peut pas voir dans l'évolution de la pensée du gouvernement, telle qu'elle s'applique au problème, s'il y a un problème particulier, au moment de la première convention collective, l'évolution de la pensée du gouvernement qui pourrait porter des fruits fort surprenants et fort controversés, j'en suis sûr, si on voulait l'appliquer dans d'autres domaines.

En effet, dès qu'on dit: II y a un problème particulier de la première convention collective, que ce soit vrai ou pas, qu'on puisse contester ça ou pas, admettons, pour les bénéfices de l'argument, qu'il y a un problème particulier. Quand il y a un problème particulier, il semble que le gouvernement actuel pense que l'arbitrage obligatoire peut être une solution à un problème particulier. Il y a d'autres problèmes particuliers dans le domaine du travail, M. le Président, j'ai à peine besoin de le signaler.

Il y a même une commission, ou un comité d'étude ou un groupe de travail — je ne sais pas comment le qualifier — le groupe de travail Martin, sur le problème très particulier, sans aucun doute, qui existe dans le secteur public et parapublic.

Serait-il imaginable de concevoir qu'on se dirige, de ce côté-là aussi, en face d'un problème particulier, vers une solution particulière, et est-ce que l'arbitrage obligatoire, qui semble la solution favorisée à un problème particulier par le gouvernement, pourrait être également une bonne solution pour cet autre problème particulier? Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une adhésion à une modalité de solution qui, en plus d'être un retour en arrière, peut sans aucun doute, être l'annonce de choses à venir dans le futur lorsque d'autres problèmes particuliers se posent.

Dans l'attitude que l'on a pu observer chez le patronat, mais peut-être plus particulièrement encore dans le mouvement syndical, je pense qu'il y a une certaine, pour ne pas dire plus, une certaine ambivalence. On est probablement heureux de disposer d'un instrument qu'on pourra utiliser contre des patrons de mauvaise foi, selon l'expression bien connue, mais on ne peut pas faire autrement, j'imagine, que de se poser la question, à quel moment cet instrument va être tourné contre un syndicat.

Si on laisse s'accréditer dans notre loi du travail, en 1977, presque en 1978, l'idée d'un arbitrage obligatoire, parce qu'il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait pareil aux autres situations, on met le pied dans la porte de l'arbitrage obligatoire et après ça, on pourra, du côté gouvernemental, argumenter sur un précédent créé pour dire: Voyez, on l'a fait dans les premières conventions collectives et qu'est-ce que vous aviez, vous du mouvement syndical; vous n'avez pas déchiré votre linge, vous ne vous êtes pas roulés par terre en public, après tout. Si c'était bon pour régler un problème qui vous intéresse, pourquoi est-ce qu'on ne l'utiliserait pas pour régler un problème qui intéresse d'autres, le public, les malades, etc.? C'est un raisonnement qu'on pourrait tenir.

M. Johnson: C'est vous qui avez adopté la loi 253, si je ne m'abuse. C'était cela votre administration?

M. Forget: La loi 253. Si le ministre veut qu'on parle de la loi 253, mais je ne voudrais pas anticiper sur une autre discussion, M. le Président, on pourrait parler de la loi 253 pendant au moins une heure, si vous le souhaitez. Il y a beaucoup de choses qu'on peut dire là-dessus, très certainement.

M. Jolivet: La commission Martin s'en charge.

M. Forget: Le Parlement étant souverain, on n'a pas besoin d'attendre la commission Martin pour parler de la loi 253. Mais, justement, il va falloir régler le problème des services essentiels, il va falloir régler le problème des hôpitaux et peut-être des écoles, quoique... Il n'y a pas 22 000 solutions.

Qu'on ne se fasse pas d'illusion, on ne réinventera pas la roue en janvier ou en février. On va retomber sur le terrain très familier des solutions déjà connues, déjà explorées, et on va pouvoir modifier des modalités de détail, mais il n'y a pas 22 000 solutions à ce problème. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. On va voir justement si on l'ouvre ou si on la ferme, mais il n'y a pas 22 000 situations.

J'ai évidemment une citation littéraire et particulièrement appropriée au moment où le député de Mercier se joint à nous, je le salue d'ailleurs, mais, pour être sérieux deux minutes, il reste que cette question...

Le Président (M. Marcoux): II vous reste environ quatre minutes pour introduire votre amendement en même temps.

M. Forget: Ah! M. le Président, si on ne vous avait pas, il faudrait vous inventer.

Le Président (M. Marcoux): J'allais dire que vous avez passé une nuit reposante.

M. Forget: Au contraire, mais on finit par être philosophe, M. le Président. Je vais effectivement en venir à la proposition d'amendement, parce qu'il y a — c'est là-dessus que je termine mes remarques générales — dans cette question d'arbitrage une chose absolument curieuse. C'est qu'on demande au ministre de s'impliquer de façon singulièrement profonde dans le processus de négociation, lorsqu'au moment d'une difficulté dans la négociation d'une première convention collective, on lui demande à lui d'intervenir, d'intervenir presque personnellement, sans lui donner aucune balise véritable dans l'évaluation de la situation et dans la décision de décréter un arbitrage obligatoire. C'est la raison pour laquelle il y a une approche différente qu'on aimerait soulever, qui fait l'objet des motions d'amendement que je vais lire à la suite.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il y en a trois qui visent les trois premiers alinéas ou est-ce que ce sont des paragraphes. Ce sont des paragraphes, je pense: paragraphes 81a, 81b, 81c. C'est essentiellement le principe d'un arbitrage obligatoire, le même, puisque le principe étant adopté en deuxième lecture, M. le Président, on ne peut pas s'en éloigner. Mais, la modalité d'enclenchement est différente puisqu'elle fait appel au tribunal du travail plutôt qu'au ministre. M. le Président. Avant de les présenter, je vais garder une minute et demie ou deux minutes et quart qui me restent pour donner une chance à nos collègues de l'Union Nationale de faire leurs remarques générales et je reviendrai une fois qu'ils auront terminé pour présenter les motions d'amendement.

Le Président (M. Marcoux): Je pense que cela va faciliter nos travaux. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, d'une façon très brève, on ne peut pas trop s'étendre. Je sais qu'on veut tâcher d'accomplir aujourd'hui beaucoup de besogne, le plus possible. Pour ce faire, je vais tâcher de coopérer au maximum pour cette réussite. Je vous en prie, parlez plus fort, peut-être. C'est le premier exposé du matin. On a la voix plus faible. M. le Président, je comprends que ce paragraphe est un paragraphe très délicat et très sensible. Je sais qu'au ministère du Travail on a un bagage d'expériences qu'on a certainement évoquées pour en arriver à des amendements, comme on le propose ce matin à la loi 45. Il y a aussi, il faudrait peut-être demander au ministre, il pourra répondre tout à l'heure, s'il s'est référé à la loi de la Colombie-Britannique.

Je sais qu'elle a été amendée il y a déjà quatre ans. Donc quatre ans d'expérience dans un article un peu semblable à celui-là, à savoir que les employeurs peuvent demander l'arbitrage aussi bien que les employés. Si le ministre pouvait nous dire où il a pris ses informations pour nous arriver avec un article comme celui-là auquel je ne suis pas complètement opposé même si j'ai des réserves sur certains points.

Quand il s'agit d'une première convention collective, souvent on arrive dans des situations assez délicates et assez difficiles. Je prends des cas bien particuliers dans l'entreprise privée où il y a des gens qui ont exploité des industries pendant des années sans syndicat et qui ont toujours conservé ce paternalisme. A un moment donné, on se réveille un matin et on passe à un syndicat. Il y a là une réticence qui est très marquée surtout avec les membres de nos syndicats d'aujourd'hui, avec la coutume de demander toujours deux fois plus pour accepter bien souvent 10% de ce qu'on demande. Cela crée une situation presque inacceptable, un climat très mauvais. J'accepte le principe de l'arbitrage, à la suite d'un examen très méticuleux de la situation. C'est pour cette raison que je me posais des questions à l'article 81c. On disait que le ministre peut — je présume et je n'ai pas de doute sur la bonne foi du ministre actuel — qu'il examinera en profondeur la situation avant de donner droit à cet arbitrage qui souvent est extrême, comme le disait le député de Saint-Laurent, arbitrage qui peut, encore là, brimer une partie, soit le syndicat ou le patron, d'un privilège de cette négociation qu'on veut quand même conserver.

Le ministre actuel ne sera pas toujours là. Il aura peut-être un successeur demain. Lui n'aura peut-être pas la même...

Une Voix: D'en mourir.

M. Johnson: Je ne voudrais pas mourir sur la job.

M. Russell: Demain, il y aura un successeur et, si on conserve cet article ou ce principe, cela pourra peut-être devenir dangereux de brimer des gens qui sont de bonne foi ou veulent négocier et qui se font imposer l'arbitrage. Par contre, je me demande si c'est là la meilleure façon de régler

ces problèmes. On a de l'expérience, au ministère, actuellement, dans les conditions de travail. La Colombie-Britannique a une clause un peu semblable à celle-là, sinon presque authentique; on pourrait peut-être, si on l'a examinée, nous dire l'histoire passée de cette loi, la façon dont elle a fonctionné. Je sais que ça n'a pas toujours bien fonctionné en Colombie-Britannique, mais il y a certainement des statistiques qui ont été établies pour savoir comment on l'a utilisée, cette clause, quels ont été les résultats de cette clause. Est-ce que cela a été fructueux? Est-ce que cela a été désastreux? Je pense qu'on a certainement là des réponses.

Par contre, disons qu'on l'enlève, on l'amende, on ne la met pas, cette clause. De quelle façon règle-t-on ces grèves qui durent des mois et des mois, qui sont économiquement un désastre pour le syndicat, aussi bien que l'employé, qui est entêté, qui va souvent se couler plutôt que de céder? Je pense qu'on doit penser à trouver un mécanisme pour les régler, et je me demande si on en a un meilleur. Actuellement, je ne suis pas prêt à condamner celui-là. J'ai des questions, j'ai des réserves. J'ai un peu de réticence mais, si on n'en a pas de meilleur à proposer, je serais prêt à accepter celui-là, je serais prêt à recommander celui-là.

Je parle peut-être en mon nom personnel plutôt qu'au nom du parti, par l'expérience vécue personnellement dans des cas bien particuliers de l'entreprise privée. Je connais aussi des cas dans l'entreprise publique où il aurait peut-être été mieux d'avoir l'arbitrage que de laisser un tiraillement se dérouler pendant des mois et des mois. Donc, le ministre, tout à l'heure, pourrait peut-être nous donner un peu des statistiques qu'il a recueillies, nous dire de quelle façon il s'est penché sur cette expérience passée et sur quoi il s'est basé pour nous apporter cet amendement à la présentation originale du projet de loi no 45. Si je suis satisfait de ses commentaires, de ses preuves qu'il nous fera, il finira peut-être par me convaincre de voter en faveur de cet article tel que présenté actuellement, peut-être avec quelques commentaires que je pourrai faire aux articles suivants, parce que je présume qu'actuellement on discute particulièrement des trois premiers, comme l'avait demandé le député de Saint-Laurent et que, tout à l'heure, on reviendra à la discussion article par article. Donc, je pourrai faire mes remarques aux articles bien particuliers.

M. le Président, je ne sais pas si mon collègue de Bellechasse a des remarques là-dessus. Sinon, je vais laisser le député de Saint-Laurent continuer à faire ses remarques et peut-être nous apporter des amendements heureux pour corriger certaines situations qui existent actuellement dans ce domaine.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Oui, on vous les distribue.

M. Johnson: D'accord. C'est parce que j'avais peut-être quelques commentaires généraux...

M. Forget: Bon, bien, écoutez! On va attendre.

M. Johnson: ... immédiatement. J'aimerais répondre en partie au moins aux affirmations, aux qualifications d'affirmations gratuites que j'ai reçues du député de Saint-Laurent.

D'abord, c'est vrai que cette partie du projet est inspirée de la loi de la Colombie-Britannique. Après une expérience de quatre ans, on se rend compte qu'il y a eu dix cas soumis en trois ans — je m'excuse; non pas quatre ans, mais trois ans, c'est la base de nos statistiques — que trois fois, l'accréditation d'une unité a été révoquée lors de la deuxième négociation de convention collective.

On se rend compte qu'il y a eu une dizaine de cas, en trois ans, en Colombie-Britannique, en vertu des dispositions relativement similaires à celles-ci et que, à trois reprises, malgré la conclusion de cette première convention collective par arbitrage, il y a eu, lors de la négociation de la deuxième convention collective, révocation de l'accrédiation du syndicat. Dans les autres cas, on peut donc présumer, si c'est un peu comme ce qui se passe au Québec et l'analyse qu'on peut en faire, qu'il s'agissait probablement de refus de la part de I employeur de négocier, à toutes fins pratiques, pour fins de non-reconnaissance du syndicat et que cela a permis la reconnaissance du syndicat aveo succès, puisque sept des dix, l'année suivante ou deux ans après, ont pu conclure une convention collective librement.

Deuxièmement, il y a... Le député de Saint-Laurent affirmait que, finalement, c'est un peu pendu par un crochet dans le ciel, mais il y a quand même, d'abord, une revendication qui vient du monde syndical et qu'on retrouve aux mémoires de la Fédération des travailleurs du Québec et de la CSN, lors de leur comparution en commission parlementaire. On y affirme, dans le cas de la Fédération des travailleurs du Québec, à la page 11 du mémoire: "il y a lieu, ici, de noter que plusieurs des conflits les plus longs et les plus durs surviennent au moment de la négociation d'une première convention collective. Cette première négociation est souvent considérée par l'employeur comme une occasion de briser le syndicat nouvellement formé. Dans les faits, plusieurs des conflits qui surviennent au moment de la négociation de la première convention collective sont des conflits pour la reconnaissance syndicale et dégénèrent en situations désespérées". Il y a ensuite quelques autres commentaires.

Dans le mémoire conjoint CSN/CEQ, pages 27 et suivantes, on introduit cette conviction qu'il y a évidemment beaucoup de leurs syndicats, en première convention collective, qui connaissent des problèmes: "Nous estimons que ce phénomène s'explique par la résistance à la reconnaissance syndicale qui se manifeste non seulement à l'occasion de l'accréditation, mais aussi lors de la négociation ". La CSN va même jusqu'à dire que ces

dispositions risquent fort de ne rien changer au mal si l'article ne prévoit pas que, dès la requête, la grève ou le lock-out cessera. Finalement, l'introduction de nos modifications à l'effet de mettre fin à la grève ou au lock-out, lorsque le conseil d'arbitrage décide de se prononcer, au fond, est un principe qui est admis par la partie syndicale entre autres.

D'autre part, lors de la publication du projet de loi, nous avons reçu plusieurs mémoires que j'ai évoqués, des documents que je n'ai pas, nécessairement, distribués, dans certains cas, des opinions personnelles de certains juristes, certains représentants de la Chambre de commerce, par exemple, il y a un des mémoires que je n'ai pas déposé, qui vont dans ce sens.

C'est la même chose avec le mémoire de l'Hydro-Québec, et il y a une partie du mémoire du Barreau,également, qui l'évoque.

M. Forget: L'arrêt de la grève ou du lock-out au moment où l'arbitrage...

M. Johnson: Où l'arbitrage intervient, d'accord. Egalement, sur d'autres modifications que nous avons apportées, à la suite de différents commentaires provenant à la fois des syndicats et de certains autres groupes comme les chambres de commerce et les techniciens du Barreau, ou ailleurs.

D'autre part, M. le Président, j'ai fait état d'une étude statistique, qui n'est pas substantielle, mais qui est complète malgré tout, du problème des conflits entre 1972 et 1976 inclusivement, et touchant une première convention collective. Il y a eu, de 1972 à 1976, respectivement, 26, 28, 26, 32 et 24 conflits qui étaient des premières conventions collectives. De façon générale, ces conflits ont mis... en moyenne, il y a eu 18 mois d'écoulés entre le moment de l'accréditation et la signature de la convention collective, ce qui est plus élevé que la moyenne générale qu'on observe dans le cas d'une deuxième convention collective ou des conventions subséquentes.

Donc, je pense qu'il y a quand même un fondement. Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent que c'est une entorse importante au principe de base qui est dans le Code du travail, qui est la libre négociation entre les parties, mais je pense que, compte tenu des...

M. Russell: Est-ce que je pourrais demander au ministre... Je sais qu'il n'y a pas de dépôt de documents en commission, mais, s'il le voulait, on pourrait peut-être obtenir des photocopies de ces documents.

M. Johnson: Oui, ce sera possible à la prochaine commission. Je me ferai un plaisir de les envoyer à tous les membres de la commission, s'ils le désirent, à titre personnel.

Donc, de façon générale, M. le Président, il s'agit de dispositions qui dérogent à l'esprit et à l'économie du Code du travail, c'est vrai. On a un exemple dont on peut s'inspirer, c'est celui de la

Colombie-Britannique. D'autre part, je pense que c'est une technique qui permettra, dans certains cas, d'anticiper; au départ, par sa valeur dissuasive et cela m'apparaît très important. L'employeur qui serait tenté de procéder à des mesures plus ou moins dilatoires dans le but de ne pas reconnaître l'association accréditée, sachant qu'il peut avoir un arbitrage en plein visage en cours de route, aura peut-être plutôt tendance à essayer de régler. De la même façon, l'association accréditée qui serait tentée de prolonger la période de négociations, sachant que la grève ou le lock-out devra prendre fin à partir du moment où on demande l'arbitrage, avant d'y avoir recours, aura peut-être tendance à mieux agir au niveau de la conciliation puisque, de fait, on impose l'étape de la conciliation dans cette mesure; on dit: si la conciliation était infructueuse.

D'autre part, le ministre a toujours le pouvoir qui est discrétionnaire de nommer le conseil d'arbitrage et ici, le mot "peut" n'est pas attributif de juridiction, comme on l'a vu dans un autre cas avant-hier.

Donc, pour l'ensemble de ces raisons, je pense que ces dispositions, qui sont à la fois une entorse à l'économie générale, évidemment, et du droit à peu près nouveau, qui est nouveau pour le Québec parce qu'on avait déjà supprimé l'arbitrage depuis un bout de temps, depuis 1964, mais qui n'est pas nouveau au niveau canadien, cela existe en Colombie-Britannique, je pense que ces dispositions sont justifiables et qu'elles sont assez valables dans leur ensemble.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Sainte-Marie, suite à ce que vient de dire le ministre. Sur le même point? Question du député de Bellechasse.

M. Goulet: Je vous remercie, M. le Président; c'est parce que le ministre a dit qu'il y avait une moyenne de 18 mois de négociations jusqu'à temps que la convention soit signée. De jours francs de grève, est-ce que vos statistiques le disent?

M. Johnson: C'est-à-dire ce que j'ai, au niveau de cette étude — il faudrait faire un extrait — la durée moyenne en jours ouvrables, mais pour l'ensemble des conflits à chaque année et non pas pour chacune de ces grèves. Il est possible de l'obtenir pour chacune puisqu'on a le nombre de jours ouvrables pour l'ensemble. Je ne l'ai pas ici devant moi, mais de façon générale, je présume que s'applique ici sans doute la même règle qu'on a vu dans le cas des briseurs de grève. Dans le cas des briseurs de grève, la durée moyenne... Dans le cas des conflits où il y a des briseurs de grève, la durée moyenne du conflit tel quel, c'est-à-dire de la grève ou du lock-out, est de six fois supérieure à la durée moyenne qu'on retrouve dans les autres situations.

Je présume que dans ce cas, on n'arriverait peut-être pas à un chiffre aussi élevé, si je regarde les moyennes ouvrables pour l'ensemble, mais...

M. Forget: Ne présumons pas des chiffres, à moins de les avoir.

M. Johnson: Mais on a une durée moyenne en jours ouvrables, par exemple, pour l'année 1976 où il y a eu 24 cas dont trois lock-out, de 137 930 jours-homme perdus, ce qui est considérable si on regarde le nombre de jours qui est impliqué dans les autres cas, pour un nombre analogue de salariés pourtant, où on se retrouve avec 44 000 jours-homme perdus, 31 000, 67 000 et 78 000, 137 000 dans le cas de 1976. Mais évidemment, cela dépend du nombre et cela dépend de l'importance de chacun des cas.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais faire cela brièvement, puisque le député de Saint-Laurent nous a déjà annoncé qu'on aurait l'occasion de discuter sur les détails par le biais de chacun de ses amendements. Mais les commentaires que je voudrais passer sur l'article 44 vont peut-être répondre à la question que posait le député de Brome-Missisquoi tantôt.

Il faut se replacer dans l'esprit de l'article 44 dont l'objectif premier est de tenter de trouver une solution aux nombreux conflits qu'on a appelés de représentation syndicale, d'accréditation, c'est-à-dire des conflits ou des négociations qui perdurent après qu'un groupe de salariés ait eu la reconnaissance syndicale. Dans ce sens, le député de Brome-Missisquoi se demandait pourquoi la dernière partie, par rapport au projet original de 81a, avait été enlevée.

Je pourrais prendre un exemple pour mieux expliquer de quelle façon on peut fonctionner dans une tentative de règlement de ce genre de conflit de représentation syndicale. Si on prenait le cas, par exemple, de la syndicalisation des vendeurs d'automobiles. Les vendeurs d'automobiles ont tenté à deux reprises de se syndiquer, entre 1972 et 1974. On a connu, on a obtenu 150 accréditations de groupes de vendeurs d'automobiles au Québec. Aucun de ces 150 groupes qui avaient obtenu légalement l'accréditation, n'a réussi à conclure une convention collective. Un groupe seulement sur les 150 a fait la grève qui a duré 10 mois; c'était dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il y a eu par la suite un effondrement de ces 150 syndicats qui n'avaient pas réussi à conclure de conventions collectives. Deux ans plus tard, en 1974, un autre mouvement est reparti pour tenter de syndicaliser encore une fois les vendeurs d'automobiles; c'était cette fois dans la région de Montréal. On a obtenu 50 accréditations et aucun de ces groupes n'a réussi, au moment où on se parle, à négocier une convention collective. On peut se demander pourquoi des groupes qui, légalement, ont obtenu une accréditation, ne sont pas arrivés à négocier une convention collective. Il faut qu'on souligne aussi que même avec les mesures "antiscabs" qui sont prévues dans le projet de loi actuel, même là, ils ne pourraient réussir à négocier uen première convention collective, s'il n'y avait pas des mesures spéciales pour les y aider, parce que ce sont souvent des groupes de deux ou trois pris isolément que l'employeur peut facilement remplacer lui-même.

Ce serait le même cas, par exemple, pour des employés de restaurant. On se rappelle les nombreuses tentatives qui ont été faites pour essayer de regrouper les employés de restaurant, mais cela a toujours été des échecs constants.

Ces petits groupes n'ont souvent pas la possibilité physique, technique, de faire la grève. L'employeur, devant une accréditation, n'a aucun intérêt à négocier véritablement une convention collective, puisqu'il n'y a pas de véritable rapport de forces qui existe dès le départ. Ces mesures, de la façon dont elles sont prévues à l'article 44, vont amener une première convention collective. Le vécu de la première convention collective va faire en sorte que l'employeur, avec le groupe des syndiqués, va apprendre à vivre ce que sont des relations de travail. Il est, la plupart du temps, reconnu que, lors de la deuxième négociation, on ne rencontre plus les problèmes qu'on pouvait rencontrer la première fois. L'employeur a appris à vivre avec une convention collective et a aussi appris que, souvent, ça régularise les rapports entre les individus, ça dépersonnalise les problèmes et, finalement, c'est un bienfait pour tout le monde.

Dans le cas de ce genre de conflit, il faut donc trouver un mécanisme qui permette, dans un premier temps, une solution spéciale pour régler une première convention collective; par la suite, les rapports deviennent normaux, se déroulent de la même façon que pour l'ensemble des autres syndicats.

C'est donc pour ça qu'il était important — là je m'adresse au député de Brome-Missisquoi — dans l'article qui était le pivot de tout l'article 44, c'est-à-dire 81a, de ne pas poser une double condition pour amener l'exercice de l'arbitrage d'une première convention collective.

Si on gardait en tête tout au long des discussions qu'on va avoir ces exemples, on comprendrait facilement le bien-fondé de chacun des articles qui vont suivre.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Franchement, M. le Président, j'étais pour dire probablement la même chose que le député de Sainte-Marie. Je sais que cet amendement, ce changement, à l'article 81a, est basé pas mal sur l'expérience en Colombie-Britannique. Je pense, en principe, que c'est une bonne chose, une amélioration; c'est une autre technique, il faut essayer, par tous les moyens possibles. Maintenant, je sais où je savais, mes chiffres ne sont pas exacts, qu'il y avait à peu près 20 ou 22 demandes en Colombie-Britannique pour l'application d'un tel article ou d'une telle initiative de la part du ministre. Seulement 7 ont été acceptées.

Les syndicats, en général, pas nécessairement les syndicats accrédités pour la première fois,

mais le mouvement syndical en Colombie-Britannique prétend maintenant que, si les syndicats sont tellement faibles qu'ils sont obligés de demander l'arbitrage parce qu'ils ne peuvent pas faire une grève, ils n'auraient peut-être pas dû être accrédités au début. C'est ce que pensent les syndicalistes en général.

Deuxièmement, ils trouvent, en Colombie-Britannique au moins, une tendance de l'employeur à demander l'arbitrage immédiatement, parce que les arbitres arrivent avec une convention accordant un salaire moindre que ce qu'on aurait obtenu par les négociations normales. Peut-être à cause de l'Inflation Board ou pour d'autres raisons, très souvent la décision du conseil d'arbitrage est moins acceptable que ce que vous trouvez dans les autres domaines où les syndicats ont cinq ou dix ans d'existence.

Pour cette raison, on n'a pas maintenant tendance à se servir de cet article en Colombie-Britannique. Le ministre pense déjà à faire des amendements. Il faut regarder les deux côtés de la médaille. L'employeur qui ne veut pas négocier de bonne foi, disant que c'est à cause de son manque d'expérience, il n'y a pas de manque d'expérience par les employeurs aujourd'hui. Ils ont toujours à leur disposition l'assistance, non pas seulement des avocats spécialisés, mais du CMO, du Board of Trade, BC Employers Association, etc. Ils ne sont pas faibles, mais ils ne font pas de négociations. Ils laissent les syndicats aller en grève et ils vont au gouvernement en disant: Terminez cette grève par l'arbitrage.

Souvent, comme je l'ai dit, la convention est moins acceptable qu'on ne le pense. Cela met le syndicat devant une certaine position. Les employés disent: Peut-être que nous n'avons pas choisi le meilleur des deux ou trois syndicats qui cherchaient notre accréditation ou notre cotisation, dès le départ. Maintenant ils n'aiment pas l'idée, généralement. L'employeur trouve que c'est un bon moyen. On a commencé par l'arbitrage, pourquoi pas dans une deuxième, troisième, quatrième ou cinquième convention. Il y a un mouvement en Colombie-Britannique qui demande, à cause de cette initiative de la première convention, de l'appliquer, règle générale, en Colombie-Britannique afin qu'il n'y ait plus de grèves, plus de lock-outs, mais pour tous les conflits qui ne sont pas réglés par le médiateur ou par la conciliation, il y aurait seulement l'arbitrage au bout.

On sait que c'est un pas en arrière, mais, quand même, cette tendance commence, parce que le public dit: La première convention a été réglée par l'arbitrage. C'est une maudite bonne idée. Pourquoi pas la deuxième? Pourquoi pas la troisième? Pourquoi pas la quatrième? Cela arrive. Cela arrive à un point tel que des groupes s'organisent à ce moment-ci en Colombie-Britannique, Bill Hamilton Chamber of Commerce, BC Fed, BC Employers Association, CMO, si vous voulez, la Chambre de commerce. Cela a bien été, vous voyez ce qui est arrivé, par l'arbitrage. L'arbitrage, cela fonctionne. On a demandé l'arbitrage. Le conflit est réglé. Pourquoi est-ce qu'on n'applique pas le même principe dans l'autre conflit qui dure depuis deux mois maintenant, entre le Teamstex et Macmillan-Bloedel. Cela dure déjà depuis trois mois. Pourquoi la loi ne dit-elle pas qu'il faut que ce soit réglé par l'arbitrage? Vous voyez le danger. Ce n'est pas un danger au point... mais c'est le public qui dit au gouvernement quoi faire. Normalement, c'est... Il y en a qui prétendent que le mouvement syndical est mauvais. Il faut trouver une solution. Every thing is essential. La solution, c'est l'arbitrage, même si on sait que l'arbitrage n'est pas la solution, parce que cela a toujours tendance à faire traîner la décision.

Avec les policiers, les pompiers de Montréal, quelques fois, on attend deux ans pour une décision de la cour pour la convention collective. C'est pour cela qu'ils agissent parfois illégalement et qu'ils vont en grève, avec le droit ou pas.

Ce sont mes observations. J'accepte le principe, mais il faut quand même souligner aux membres ici quelque chose qu'ils savent, qu'en Colombie-Britannique, les syndicats qui acceptaient sans réserve ce concept au départ, maintenant, entre eux, disent: On ne demande pas cette formule. C'est seulement le patron qui la demande maintenant, parce que chaque fois que c'est réglé par l'arbitrage, la tendance du public est de demander que ce soit la méthode de régler tous les conflits en Colombie-Britannique.

Deuxièmement, je pense que, si un conciliateur n'est pas capable de régler le premier conflit, si un syndicat en est rendu au point d'avoir à demander lui-même l'assistance du ministre pour mettre à sa disposition un conseil d'arbitrage, cela veut dire que le syndicat est faible.

S'il est faible, il va mourir. Si ce n'est pas aujourd'hui, c'est l'année prochaine ou l'année suivante. Peut-être que cela n'aurait pas dû être le syndicat à être accrédité au début, au départ. Je veux tout simplement dire qu'il y a des amendements à faire et je partage le sentiment du député de Sainte-Marie qu'il y...

M. Jolivet: Quand vous parliez, tout à l'heure, de la Colombie-Britannique, est-ce que vous avez des indications — parce que vous parlez d'un syndicat qui serait faible, s'il demandait l'arbitrage — est-ce que vous avez des indications sur le nombre de demandes qui ont été faites par les syndicats et les patrons dans une question d'arbitrage?

M. Mackasey: La dernière fois que je me suis informé — ce n'était pas officiel — il y avait 20 demandes, dont seulement 7 étaient acceptées de la part du ministre, du ministère et, dans 5 cas, c'était à la demande de l'employeur. Naturellement, tout le monde dit: Voilà la formule magique. Le député de Laviolette, qui a une grande connaissance des conventions, sait que, dans les services publics à Ottawa, on en a discuté formellement. Le meilleur principe au départ, avant qu'on commence les négociations, c'est que nous avons le choix, que cela se termine par l'arbitrage ou par les méthodes normales.

Le choix devrait être fait avant le début. On court sa chance et, dans plusieurs syndicats, cela se reflète dans la première, la deuxième, la troisième, la quatrième convention parce que la décision de l'arbitre en est une bonne, et cela impose à l'arbitre une autre chose, M. le ministre. Les gouvernements savent fort bien que si l'arbitre, "the arbitrator ", traîne la décision parce qu'il sait qu'on ne peut pas aller en grève, il traîne, il a beaucoup à faire... Si c'est Cari Goldenberg, il fait trois ou quatre arbitrages en même temps, cela traîne un peu. L'arbitre sait qu'à la prochaine négociation, le syndicat optera pour le droit d'aller en grève.

Mais, la raison pour laquelle je pense que cette méthode est préférable à celle-là, c'est que vous êtes obligé de décider d'avance le syndicat. Si vous voulez vraiment que les points principaux des négociations soient réglés par l'arbitrage ou par une grève, si vous voulez, il faut prendre la décision avant que cela commence. Il y a des syndicats dans les services publics — cela arrive souvent dans les services publics qui ont déjà négocié trois, je pense, même quatre conventions collectives et, dans tous les cas, ils ont choisi l'arbitrage.

Dans d'autres cas, après une ou deux expériences avec arbitre, ils ont décidé d'opter, comme lbs postiers l'année passée ou il y a deux ans, pour la grève. La grève a duré 40 jours. Ils ont perdu $8000, chaque membre. Ils n'ont rien gagné avec cela. S'ils étaient allés à l'arbitrage, au départ, probablement qu'ils auraient les mêmes conditions et ils n'auraient pas été en grève, ils n'auraient pas perdu un cent. Je pense que je préférerais cette option au lieu de l'autre. Encore, néanmoins, je partage les sentiments du député de Sainte-Marie. L'article 81a renferme les deux conditions, si l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse et si les parties ne parviennent pas à mettre fin à une grève ou à un lock-out.

Il faut donner au syndicat l'occasion de déclencher une grève légale. La raison pour cela, naturellement, c'est d'imposer des conditions à l'endroit de l'employeur et là, l'employeur, après deux jours, peut aller demander au ministre d'imposer le conseil d'arbitrage.

Avec le changement que le ministre apporte, quand le paragraphe b) est éliminé, il n y a pas grand changement entre l'article 8a et un article, je pense, qui s'applique aux conventions normales, l'article 29, je pense, du Code du travail. C'est 78, je crois. Alors, il n'y a pas de grande différence. Je termine mes remarques, M. le Président, je parlerai sur l'amendement plus tard.

M. Forget: Est-ce qu'il y a d'autres remarques générales?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm voulait parler brièvement.

M. Chevrette: Je m'excuse, M. le Président. Je voudrais répondre, d'une certaine façon, à un commentaire qui a été souligné par le député de Saint-Laurent. Il disait que c'était complètement du droit nouveau et que ça créait un précédent extrêmement dangereux qui pouvait aller dans le sens comme disait M. Mackasey... Excusez... de créer un précédent qui serait la règle générale pour régler l'ensemble des conflits.

Je pense que, dans le domaine des relations du travail, il y a des précédents en ce qui regarde la procédure. Ce ne sont pas des précédents tellement viables. Je me souviens de l'arbitrage obligatoire dans l'enseignement. Ce sont plutôt des mesures temporaires, bien sûr, qui sont amendées non pas dans un sens restrictif, mais toujours de plus en plus large.

On vit un problème depuis quelques années, la première convention collective, qui est une question de lutte pour la reconnaissance du syndicalisme comme tel. Je suis convaincu que si les mentalités évoluent pour arriver à faire en sorte que le syndicalisme soit quelque chose d'accepté comme mentalité, l'arbitrage d'une première convention collective deviendra pratiquement un mécanisme caduc par la suite et, contrairement à ce qui est avancé par le député de Saint-Laurent, ne deviendra pas une mesure qui va tenter de s'élargir pour devenir un mécanisme d'ordre courant pour l'ensemble des conflits. Je suis convaincu que le courant passé nous permet de prévoir ça assez facilement. On n'a qu'à penser à l'expérience du domaine de l'enseignement en particulier, qu'on a vécue depuis 1960, et je vais vous donner un autre exemple pour prouver ce que j'avance.

Les associations reconnues... Si le député de Johnson était ici, il nous dirait: C'est vrai. On sait qu'il a déjà existé un article du Code du travail qui disait, par exemple, que dès que tu t'assois avec un patron, tu es réputé être, à toutes fins pratiques, accrédité pour les fins du processus ou des mécanismes de négociation, et puis, cela s'est estompé. Cela n'a même pas favorisé le syndicalisme comme on pensait que ça le ferait à l'époque, parce que les gens préféraient avoir une structure légale, plutôt que d'aller s'asseoir... Cela devenait une passe que tu faisais au patron, à toutes fins pratiques. Tu t'assoyais devant lui et tu disais: Je voudrais discuter de convention collective, tu t'arrangeais pour avoir des témoins, et oup! il t'avait reçu, il avait discuté deux heures. Automatiquement, tu devenais fort, face au Code du travail. Tu avais droit et accès à tous les mécanismes, y compris le droit à l'arbitrage ou à la grève. C'était sensé, cela, à l'époque, si on lit le journal des Débats, créer un mouvement fantastique pour la syndicalisation. Absolument pas. Je pense que la norme de 35% qu'on introduit dans le Code du travail pour fins de dépôt de l'accréditation va faire en sorte que, petit à petit, la mentalité va changer, le syndicalisme va être accepté comme formule normale dans l'entreprise et, à ce moment-là, les premières conventions collectives se feront sur le contenu même des conventions collectives et non pas sur la reconnaissance du syndicalisme. A ce moment-là, les gars vont préférer de beaucoup se soumettre aux mécanismes normaux du Code du travail que de se prévaloir de

la procédure spéciale du cas d'une première convention collective.

C'est un remède qui va guérir un mal et probablement que, d'ici quelques années, on aura seulement à constater que ce mécanisme est devenu désuet, parce que les gens ne font plus cette lutte contre la reconnaissance même du mouvement syndical.

C'était cet aspect que je voulais développer en particulier, comme principe général. J'ai quelques remarques à faire et j'aurai aussi une question parce qu'il y a un petit point qui m'intrigue, mais ce n'est pas majeur. Sur le fond, je suis très heureux qu'on introduise cette nouvelle dimension, dans le Code du travail, qui va permettre, je pense, d'éviter les longs conflits qui ne sont pas du tout axés, présentement, sur la reconnaissance de conditions de travail, ce désir de conclure des conditions de travail, des ententes collectives entre les parties. On pense à Pierreville, par exemple; on pourrait penser à Trust Royal, Radiomutuel. Tous ces conflits n'ont jamais été axés sur la négociation de conditions de travail. Je suis convaincu que, dans ces entreprises, les salariés auraient demandé une augmentation plus grande que celle qu'ils négocient présentement. Et si l'employeur avait l'assurance que le syndicat aurait renoncé à son accréditation, probablement qu'il leur aurait donnée. Ce n'est pas pour rien qu'on introduit cette mesure; c'est pour éviter ce genre de situation, quand dans une société dite civilisée de 1977—c'est un peu inconcevable — on est obligé d'arriver avec une telle mesure pour éviter que les gens en soient limités ou rendus à discuter sur la reconnaissance même du syndicalisme pour quelque chose qui est reconnu de facto dans plusieurs pays, mais qui, ici, est encore vu comme des gros méchants; Les syndiqués sont encore vus comme de "gros méchants". Vous allez me dire, il y a des leaders syndicaux qui voient les patrons comme de "gros méchants", bien sûr; Mais ce n'est pas l'objet de mes propos. Mais il reste que, dans le cadre d'un arbitrage d'une première convention collective, je suis d'emblée pour. Et j'espère qu'on pourra corriger cette minorité de compagnies qui se spécialisent dans ça. Je pourrais vous nommer des compagnies qui ont quelques usines au Québec et, comme c'est une accréditation par usine, ce sont des luttes, chaque fois, pour la reconnaissance syndicale. Et c'est un an, un an et demi, deux ans de négociation, de grèves, de lock-out. C'est là qu'on voit que la bonne foi, dans le Code du travail, tel qu'écrit... M. le député de Saint-Laurent parlait des balises. La bonne foi, c'est quoi? On pourrait donner des exemples pour démontrer que la bonne foi consiste, à mon sens, à s'asseoir et à chercher les mesures les plus normales, les plus justes, dans les circonstances. Quand je dis "dans les circonstances", ça veut dire; tenir compte des capacités de payer des compagnies, mais aussi, pour un syndicat, d'espérer recevoir, pour ses salariés, des conditions tout à fait comparables à des industries du genre. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je vais immédiatement faire la lecture des motions d'amendements sur les trois premiers paragraphes et j'en donnerai, après, l'explication.

Première motion: Motion d'amendement à l'article 44. "Que le paragraphe 81a), de l'article 44, soit modifié en remplaçant, à la troisième ligne, les mots "une partie" par les mots "l'une des parties, qui allègue la mauvaise foi de l'autre "; en remplaçant, dans la quatrième ligne, les mots "ministre " par les mots "tribunal, une ordonnance ayant pour effet", et en remplaçant, dans les cinquième et sixième lignes, les mots "lorsque l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse" par l'alinéa suivant: "Une partie ne peut faire une telle demande, à moins qu'un conciliateur ne soit intervenu et que son intervention se soit avérée infructueuse ". Le paragraphe amendé se lirait comme suit: 81a): Dans le cas de la négociation, l'une des parties, qui allègue la mauvaise foi de l'autre, peut demander au tribunal une ordonnance ayant pour effet de soumettre le différend à un conseil d'arbitrage. Une partie ne peut faire une telle demande, à moins qu'un conciliateur ne soit intervenu et que son intervention se soit avérée infructueuse".

Deuxième motion d'amendement: "Que le paragraphe 81b) de l'article 44, soit modifié en remplaçant, dans la première ligne, les mots "au ministre" par les mots "faite au tribunal"; en remplaçant tous les mots dans les deuxième et troisième lignes par les suivants: "et contenir une description des motifs pour lesquels la partie requérante allègue la mauvaise foi de l'autre partie ", et en ajoutant l'alinéa suivant: "une copie de la demande doit être transmise, en même temps, à l'autre partie".

Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "La demande faite au tribunal doit être faite par écrit et contenir une description des motifs pour lesquels la partie requérante allègue la mauvaise foi de l'autre partie; une copie de la demande doit être transmise en même temps à l'autre partie".

Troisième motion: Que le paragraphe 81c de l'article 44 soit modifié en remplaçant, dans la première ligne, le mot "le" par les mots "si le tribunal en vient à la conclusion que la négociation en cours est entachée de mauvaise foi pour des raisons qui ne peuvent être imputées à la partie requérante, il ordonne l'arbitrage. Le ministre doit alors veiller à l'application de l'ordonnance. Toutefois, le..."; en retranchant, dans la première ligne, les mots "sur réception de la demande"; en remplaçant, dans les première et deuxième lignes, le mot "charge" par les mots "alors, s'il le juge à propos, désigner"; en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots "conseil d'arbitrage de faire enquête sur" par les mots "médiateur dans"; et en remplaçant, dans la troisième ligne, les mots "et de tenter de le régler" par les mots "une entente entre les parties, à tout moment avant la nomina-

tion d'un conseil d'arbitrage rend caduque l'ordonnance du tribunal; s'il n'y a pas d'entente dans le délai fixé par le ministre, le médiateur doit publier un rapport sur la position finale de chacune des parties".

Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "Si le tribunal en vient à la conclusion que la négociation en cours est entachée de mauvaise foi pour des raisons qui ne peuvent être imputées à la partie requérante, il ordonne l'arbitrage. Le ministre doit alors veiller à l'application de l'ordonnance. Toutefois, le ministre peut alors, s'il le juge à propos, désigner un médiateur dans le différend. Une entente entre les parties, à tout moment avant la nomination d'un conseil d'arbitrage, rend caduque l'ordonnance du tribunal; s'il n'y a pas d'entente dans le délai fixé par le ministre, le médiateur doit publier un rapport sur la position finale de chacune des parties".

Alors, M. le Président...

M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'on pourrait, pour les fins de la discussion ordonnée, considérer que nous allons envisager en fait — et j'adresse ma question surtout au représentant de l'Union Nationale, à ce moment-là—les articles 81a, b et c ensemble, et disposer dans un sens ou dans l'autre de l'ensemble? C'est un tout, de toute façon.

M. Forget: C'est un tout. M. Johnson: D'accord.

M. Forget: Si vous n'y voyez pas d'objection, M. le Président, j'aimerais malgré tout, dans l'explication qu'on peut donner des trois amendements, qui couvrent pas mal de points, qu'on soit un peu plus libéral dans l'interprétation des droits de parole. Je n'ai pas l'intention de parler une heure et demie mais cela peut être embêtant...

M. Johnson: D'accord.

M. Forget: ... s'il y a des questions et réponses, de s'en tenir à la limite de 20 minutes. Alors, il s'agit là d'un ensemble de propositions qui retiennent, comme il faut le retenir, l'idée d'un arbitrage obligatoire. On pourrait avoir envisagé d'autres procédures, on pourrait avoir envisagé, comme le soulignait le député de Notre-Dame-de-Grâce tout à l'heure, un processus où il y avait une fourchette, en quelque sorte, au début du processus et où le syndicat, enfin les deux parties devaient choisir une branche ou l'autre de la fourchette avant même que le processus de négociation ne débute. Mais ce serait sans doute là quelque chose qui découlerait d'un esprit différent. C'est la raison pour laquelle, même si c'est une solution qui se retrouve, par exemple, dans le Code du travail canadien, c'est une solution difficile à intégrer dans le cadre d'un amendement puisqu'on nous propose un principe radicalement différent, c'est l'arbitrage comme mesure ultime dans une négociation qui, par ailleurs, suit son cours normal.

Dans ce contexte, malgré tout, nous en venons à une série d'amendements dont le point principal, peut-être, est de faire de la raison d'être de l'arbitrage obligatoire, au moment d'une première convention collective, pas la façon habituelle et automatique d'intervenir mais une façon d'intervenir qui est basée essentiellement sur la constatation, par le tribunal, de la mauvaise foi. Autrement dit, ce n'est pas parce que des négociations sont longues ou officielles — que ce soit la première, la deuxième ou la troisième convention collective, peu importe — ce n'est parce qu'elles sont difficiles, pénibles, que les parties s'opposent avec vigueur et détermination, que cela en fait un phénomène particulier. A notre avis, cela ne peut être le cas que lorsqu'il y a une mauvaise foi caractérisée. A ce moment-là, cela devient une décision de type judiciaire et c'est une décision qui devrait, à notre avis, s'inscrire dans le contexte d'une élaboration de critère de bonne foi.

Dans le fond, les exemples qui ont été soulevés à l'appui d'une mesure comme celle-là, c'étaient des arguments qui étaient, effectivement, basés sur la mauvaise foi qu'on imputait, dans la majeure partie des cas, dans les exemples soulevés, à la partie patronale. On disait: On n'accepte pas, dans le fond, la syndicalisation, on ne veut pas se rendre compte qu'on fait face à un mouvement syndical légitime et on prend tous les moyens pour y faire échec.

Et, dans le fond, ce qu'on visait, c'est une situation où il y a mauvaise foi. A défaut de mauvaise foi, tout ce que l'on peut dire, c'est que la négociation est difficile, qu'elle est longue mais, il n'y a, en soi, rien de malin là-dedans ou rien de caractéristique là-dedans. Si on ne peut pas prouver la mauvaise foi, il n'y a rien qui distingue la première convention collective de la deuxième ou de la troisième.

Là où la première convention collective présente plus de problèmes, c'est que précisément, il peut y avoir des comportements, lors de la première convention collective, qui peuvent être qualifiés de mauvaise foi. Une fois que l'habitude et le pli sont pris, même le patron qui admettait avec une immense difficulté la légitimité d'une action de syndical isation, une fois qu'il a signé une première convention collective, il y a habitude prise, et il ne se réfugiera pas dans certaines tactiques ou certaines stratégies. Mais s'il n'y a pas de mauvaise foi, si, effectivement, il y a une difficulté d'en venir à une entente pour des raisons qui ne sont pas particulières à une attitude de refus du syndicalisme, il n'y a vraiment pas raison d'enclencher un mécanisme spécial.

Et si c'est une question de mauvaise foi ou de bonne foi, à mon avis, il est important que ce soit le Tribunal du travail qui établisse là-dessus une jurisprudence qui sera utile à d'autres fins, de toute façon, qui permettra justement, avec les années, de constituer un corpus de décision qui va nous donner des balises sur la définition de la bonne foi. Ce n'est surtout pas la place du ministre d'intervenir dans ce processus parce que c'est politiser l'interprétation, à ce moment-là, d'une in-

tervention. Si cela se fait dans le cadre d'un appel à la bonne foi, c'est prendre le risque sérieux que, chaque fois qu'on invoquera la mauvaise foi, on implique, on invite ou on ouvre la porte à une intervention de caractère politique, pas nécessairement dans son intention ou dans son contenu mais, au moins, par la qualité de la personne ou de l'autorité en vertu de laquelle elle est faite. Mais cela, c'est suffisant pour la politiser, très souvent.

Alors, les deux propositions sont corrélatives, c'est-à-dire d'une part, faire de la mauvaise foi la raison de l'enclenchement du mécanisme et, deuxièmement, faire du tribunal l'organisme approprié pour constater la mauvaise foi; les deux vont ensemble. On ne peut pas imaginer qu'on se prononce sur la mauvaise foi à moins que ce soit par un tribunal, et on ne peut pas justifier le tribunal à moins de lui donner, dans le fond, les critères sur lesquels il va exercer sa juridiction. Les deux vont ensemble. C'est remplacer l'enclenchement du mécanisme prévu dans le texte qui est devant nous à l'initiative du ministre, qui est, effectivement, le ministre, par le Tribunal du travail.

Les autres dispositions de la première motion d'amendement, c'est d'exiger que la partie qui allègue la mauvaise foi de l'autre n'en soit pas elle-même coupable. Il est bien évident que ce serait un processus assez futile qu'une partie qui, elle-même s'est dérobée à une négociation véritable, a utilisé des manoeuvres, etc., soit elle-même exempte de ce blâme pour pouvoir revendiquer la mauvaise foi de l'autre. Ce serait assez odieux qu'une partie de mauvaise foi puisse invoquer la mauvaise foi de son partenaire dans la négociation, de le faire impunément et d'obtenir une décision qui fait son affaire alors que, si les circonstances avaient été autres, l'accusation aurait pu lui être adressée. Donc, je pense que cela, c'est une règle de simple bon sens. Pour invoquer le non-respect d'une loi, il faut soi-même ne pas s'exposer aux blâmes que l'on reproche à l'adversaire. Cela, c'est relativement facile.

L'autre disposition, c'est d'exiger qu'une conciliation soit intervenue.

En effet, sauter tout de suite à pieds joints dans une procédure d'arbitrage obligatoire, est un peu odieux, c'est une procédure qui pourrait donner lieu à un abus et qui pourrait, dans le fond, ouvrir la porte, comme je l'ai indiqué, comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a indiqué, à la notion que si, c'est si facile, pourquoi ne pas l'utiliser à toutes les sauces?

Quand vous arriverez dans les conflits des services publics, si vous avez fait la démonstration, ne serait-ce que par deux, trois ou quatre exemples, que l'arbitrage obligatoire a réglé un conflit qui se serait éternisé autrement, etc., vous aurez de la part du public une pression très considérable pour utiliser le même instrument à d'autres sauces.

Il faut quand même insérer dans ce mécanisme certaines précautions. C'est pour ça qu'il y a la référence à la mauvaise foi qui est faite, pour que ce ne soit pas nécessairement un mécanisme automatique, qu'il y ait une preuve qui doit être faite qu'il y a quelque chose de spécial. Ce n'est pas simplement qu'il y a un conflit, il y a quelque chose de spécial dans ce conflit qui fait qu'il ne pourra pas se régler autrement effectivement et de façon saine. Il y a aussi la nécessité de demander aux parties: Ecoutez, essayez de vous entendre entre vous par le processus de la conciliation. Or, le texte que le ministre nous a soumis fait allusion à la conciliation, mais il y fait allusion de façon fort ambiguë. Il dit: "Une partie peut demander au ministre de soumettre le différend à un conseil d'arbitrage, lorsque l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse".

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il doit y avoir conciliation; c'est que, s'il y a conciliation, il faut que cela ait été infructueux pour demander l'arbitrage. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il doit y avoir conciliation. En d'autres termes, s'il y a une demande de conciliation en vertu des articles précédents, il faut attendre que la conciliation ait produit ses fruits, dans le sens que le conciliateur avoue qu'il ne réussit pas à rapprocher les parties et que les parties disent: Ecoutez, ça ne marche pas, la conciliation. Il ne faut pas, autrement dit, que l'autre partie, celle qui ne demande pas l'arbitrage, puisse dire: Ecoutez, c'est prématuré, on est encore en conciliation, ce n'est pas fini. C'est tout ce que veut dire le texte à l'heure actuelle.

Ce que nous proposons, c'est que le texte aille plus loin que ça, qu'il dise qu'il faut qu'il y ait eu conciliation.

Je vais reprendre mon argumentation, M. le ministre.

M. Johnson: C'est ce que dit, je pense, le texte.

M. Forget: Non, ce que je dis, c'est que, de la façon dont c'est formulé, on dit que s'il y a eu une conciliation, il faut qu'elle ait été infructueuse, c'est-à-dire qu'il faut qu'elle se soit déroulée, qu'elle se soit complétée. Il ne faut pas que la partie...

M. Johnson: II n'est pas nécessaire qu'il y ait eu consultation, mais s'il y en a eu une, elle a été infructueuse...

M. Forget: Qu'elle soit terminée. Une partie pourrait dire, autrement: Ecoutez, c'est prématuré, votre requête pour un arbitrage, on est encore en conciliation et on n'est pas sûr que ça ne donnera pas des fruits. C'est une objection qui pourrait être faite là-dessus et il pourrait se trouver des gens pour argumenter que, même s'il n'y a pas eu consultation, comme il n'y a pas eu demande de consultation par aucune des deux parties, comme il n'y a pas eu consultation, par définition, elle n'est pas infructueuse, alors, on a le droit tout de suite de demander l'arbitrage.

Cela se plaiderait, et même très facilement. Donc, à mon avis, il faut aller un peu plus loin que ça et dire, comme on le fait: Une partie ne peut faire une telle demande, à moins qu'un concilia-

teur ne soit intervenu — premièrement, il faut qu'il y en ait eu un de demandé, ils n'ont pas le choix, c'est nécessaire, que son intervention se soit avérée infructueuse, donc, la conciliation est terminée et ça n'a pas donné de fruit, évidemment, si cela avait donné des fruits, le problème ne se poserait plus — et qu'effectivement, le processus soit arrivé à son terme.

M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permet, à ce sujet?

M. Forget: Oui.

M. Johnson: J'en reparlerai avec les juristes. A un moment donné, j'ai eu tendance à être d'accord avec le député de Saint-Laurent, sauf que l'on dit quand même... "dans le cas des négociations d'une première convention collective pour le groupe de salariés visés par accréditation, une partie peut demander au ministre de soumettre le différend à un conseil d'arbitrage, lorsque l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse". Il faut donc nécessairement qu'il y ait eu conciliation, puisque le fait de demander l'arbitrage est relié au fait de l'échec de la conciliation, il faut donc qu'il y ait eu conciliation.

J'avoue qu'une lecture, une relecture rapide de ça peut faire penser que c'est seulement s'il y a eu une conciliation et si elle a été infructueuse et que, s'il n'y en a pas, on pourrait le demander quand même, sauf que, quand la partie demanderait un arbitrage, le ministre regarde le texte et dit: Vous demandez un arbitrage, vous pouvez le demander lorsque l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse, donc il n'y a pas eu de conciliation chez vous, je vous envoie un conciliateur.

Il me semble que le texte, logiquement, présuppose... On s'entend très bien sur l'objectif, il n'y a aucun doute là-dessus. Je pense que ça devient une question d'interprétation de la rédaction qui est là; c'est évident qu'il faut qu'il y ait eu une consultation avant de permettre l'ouverture à la notion d'arbitrage ou même d'un tribunal du travail, etc.

M. Forget: C'est évident pour vous, c'est évident, pour moi, M. le ministre, mais ce n'est pas évident quand on lit le texte. Rendons-le donc évident. Les interprétations que vous-même et vos successeurs ferez de l'article, cela ne démontre rien en droit. Ne courez pas de risque là-dessus, parce que cela pourra être plaidé.

De toute façon, je pense que le point est fait et qu'on pourra y revenir. Il reste qu'il me semble que c'est absolument essentiel d'avoir un texte clair, de ne pas courir de risque sur l'interprétation, un point de détail.

Finalement, dans la question de... pas finalement, parce qu'il y a autre chose... L'article 81b est modifié parce que l'on dit: "La demande doit être faite par écrit et copie doit en être transmise à l'autre partie." S'il est évident qu'on veut faire reposer la demande d'arbitrage obligatoire sur la mauvaise foi, il faut que la demande soit motivée.

Il faut qu'on dise en quoi. Il faut que la partie qui demande l'arbitrage dise en quoi l'autre partie a fait preuve de mauvaise foi, parce que c'est à partir de cette déclaration motivée que le tribunal va édifier son interprétation, au cours des années, de ce que constitue la bonne foi. Il faut donner des ouvertures. Il ne faut pas que la bonne foi, comme le ministre l'a dit, demeure un concept vague et artificiel. Si on veut que les balises, éventuellement, soient articulées dans la bonne foi, il va falloir donner au Tribunal du travail l'occasion de se prononcer et d'édifier une jurisprudence, à moins qu'on se pense capable de la définir, a priori, dans un texte de loi. J'en doute. Je pense qu'il va falloir donner au tribunal l'occasion de se prononcer. L'occasion de se prononcer viendrait, dans notre formulation, parce qu'il serait en face d'une demande motivée. Il va falloir qu'il décide de ces cas, à l'aide des motifs invoqués. Il va trouver que certains motifs sont valables, que d'autres ne sont pas valables. C'est comme cela qu'une jurisprudence va s'édifier sur la signification de négocier de bonne foi. Je pense que la motivation est essentielle; que copie soit transmise à l'autre partie, c'est déjà compris, bien sûr.

Quant à l'article 81c, cela pose, dans sa formulation actuelle, un problème fondamental. Nous y reviendrons probablement plus tard, mais il reste que vous avez à l'article 81c... J'en fais la lecture brièvement, dans sa formulation officielle: "Le ministre, sur réception de la demande, peut charger un conseil d'arbitrage de faire enquête sur le différend et tenter de le régler."

Vous avez une confusion des genres, vous avez un conseil d'arbitrage qui devient un enquêteur. Ce n'est pas son rôle de faire une enquête, parce que, quel est l'objet de l'enquête? L'objet de l'enquête, c'est-à-dire si oui ou non il y a objet à faire un arbitrage. En quelque sorte, l'enquêteur préjuge de son arbitrage par l'enquête qu'il fait. Oui, il préjuge un peu du fond. Il préjuge de l'opinion qui se forme sur les parties, du bien-fondé de la position respective et il en vient à dire: On recommande l'arbitrage.

L'arbitrage est déjà préjugé, dans une certaine mesure, par le fait que le même groupe de gens qui forme le conseil d'arbitrage a déjà été appelé à intervenir comme enquêteur. C'est comme si on demandait à un tribunal de faire le travail de la police et de dire, après cela, vous allez évaluer sur les preuves qui vous sont soumises par le procureur de la couronne. Ce sont deux choses différentes. Un tribunal d'arbitrage, un conseil d'arbitrage, est là pour arbitrer, une fois qu'il est saisi de la chose. Ce n'est pas à lui de se saisir lui-même d'une cause. On a une confusion des genres qui m'apparaît absolument inacceptable.

Dans notre version, c'est le tribunal qui décide s'il y a mauvaise foi et s'il y a lieu d'aller en arbitrage, une fois que cette évaluation est faite. Il y a quand même là une étape supplémentaire qui est prévue, c'est que le ministre désigne un médiateur. Il y a eu mauvaise foi. Le tribunal a jugé qu'il y avait mauvaise foi. Cependant, avant de forcer les gens à accepter une décision du tribunal, es-

sayons, par un médiateur, de rapprocher les parties et de définir une situation, une solution à ce problème, une solution que les parties auront encore le loisir d'accepter volontairement; ce n'est pas sans importance de pouvoir le faire volontairement.

Si évidemment il y a un médiateur qui intervient, le ministre n'est pas toujours obligé... Il peut alors, s'il le juge à propos, désigner un médiateur, s'il voit que les circonstances s'y prêtent, si la durée du conflit, etc. S'il y a un tas de choses qui s'y prêtent, il y a quand même la possibilité de s'informer, etc. Il peut désigner un médiateur et, à ce moment-là, les parties peuvent, par une entente entre elles, mettre fin à l'instance engagée pour déboucher sur un arbitrage.

S'ils s'entendent, tout va bien. Cela rend caduque l'ordonnance. Il faut prévoir que cela la rend caduque, autrement on a une ordonnance qui n'est jamais exécutée. Et s'il n'y a pas d'entente dans le délai que fixe le ministre, je pense que, pour ce qui est des délais, on peut donner un pouvoir discrétionnaire au ministre. Ce n'est quand même pas très malin. Ce n'est pas là discuter et décider de la bonne foi ou de la mauvaise foi des parties. Etant donné toutes les circonstances, cela ne peut pas durer des mois. Il faut que cela se fasse vite, ou plus ou moins vite. Il fixe un délai. S'il n'y a pas entente dans le délai fixé, le médiateur doit publier le rapport.

Là, c'est de faire intervenir la pression de l'opinion publique sur les parties. Après que le médiateur soit intervenu, on sait qu'il y a mauvaise foi. Regardons le contexte dans lequel un tel rapport serait publié. Le tribunal a déjà dit: La partie, celle qui n'a pas demandé l'arbitrage, a été jugée de mauvaise foi par le tribunal. C'est une drôle de pression de dire... Ce n'est pas le syndicat qui dit devant la télévision: L'employeur est de mauvaise foi. C'est le tribunal qui dit: L'employeur est de mauvaise foi. Là, le ministre, parce qu'il voit que peut-être la chose est mûre, nomme un médiateur et le médiateur dit: Je ne réussis pas à les faire entendre. Il publie son rapport.

A mon avis, on n'ira jamais plus loin que cela. Quand un médiateur qui publie son rapport, après qu'un tribunal a prononcé la mauvaise foi, il n'y a personne qui va s'entêter bien longtemps. Et si jamais il s'entête, il y a un arbitrage qui apparaît, à ce moment, comme le dernier recours, effectivement. Mais il est important que cela apparaisse comme le dernier recours pour toutes les raisons qu'on a citées précédemment. Dans les raisons que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a citées, il y a effectivement une possibilité dans cette question; c'est que ce qu'on envisage maintenant comme une solution à des problèmes de syndica-lisation, etc., va, dans quelques années, apparaître comme un instrument pour l'employeur.

L'évolution s'est faite en Colombie-Britannique dans ce sens, et c'est très net. Il y a en plus le danger qu'un recours à l'arbitrage, s'il règle le conflit, il le réglerait effectivement, quelles que soient les modalités, le conflit cesserait et les conditions de travail seraient déterminées. C'est obligatoire, donc, ce serait respecté. Que cela crée une pression très grande pour faire évoluer notre Code du travail de façon rétrograde, d'une façon qui n'est pas souhaitable. Parce qu'on ne peut pas envisager que les conflits, à la grandeur du Québec et dans toutes les industries, se règlent par des questions d'arbitrage. Ce n'est pas possible. Il ne faut pas créer encore dans cette question d'arbitrage une expectative. J'ai souligné, à plusieurs reprises dans la question des votes, la question qu'on a soulevée hier également, j'ai souvent soulevé ce danger que, lorsqu'on touche à une loi où il y a eu tellement de problèmes, tellement d'attentes qui font suite à une modification, on crée une expectative qui soit un peu explosive dans ce cas-là aussi.

Ce qu'on envisage comme une solution particulière, qui serait invoquée sept ou huit fois par année, c'est que cela devienne comme une espèce de: un peu comme un apprenti sorcier invente une nouvelle formule et finalement, cela devient très explosif. Je pense qu'il faut entourer cela de toutes les précautions. La procédure que nous soumettons dans ces trois amendements, soit le tribunal qui prononce la mauvaise foi, qui élabore une chose très utile qui va être des balises de la mauvaise foi et de la bonne foi, je pense que le ministre s'entend avec nous là-dessus pour dire que c'est utile. Il faut lui donner des ouvertures pour le faire. Il ne s'agit pas simplement de dire: II faudrait que cela se fasse.

Il faut permettre que cela se fasse quand cela compte. Cela peut compter là. Et tous les exemples que le ministre a donnés et que ses collègues ministériels ont donnés pour justifier l'arbitrage à une première convention collective, sont, dans le fond, basés sur la mauvaise foi du patron. Qu'on la prouve la mauvaise foi du patron et qu'on recule le plus possible le moment où l'arbitrage s'impose. Qu'on sorte le ministre de décisions politiques sur la bonne foi ou l'à-propos d'un arbitrage. Qu'on fasse se prononcer le Tribunal du travail là-dessus. Qu'on donne au ministre la possibilité de faire intervenir un médiateur. Qu'on ne donne pas à un conseil de conciliation le pouvoir de faire enquête et de juger, après que la juridiction qu'il s'est lui-même donnée, comment il va l'exercer.

Ce sont des situations qu'on crée qui sont complètement en dérogation, il me semble, avec la direction dans laquelle on devrait aller. Pouvoir discrétionnaire au ministre, politiser des décisions, mettre un conseil d'arbitrage dans une situation presque de conflit, pas des conflits d'intérêts, mais d'un conflit "drôle". Le conseil d'arbitrage est saisi à peu près comme un tribunal. Ce n'est pas un tribunal, mais on lui donne un peu ce rôle. Ce n'est pas à lui de faire ces enquêtes avant, pour justifier s'il devrait être saisi ou pas saisi. Cela le place dans une situation inusitée et certainement pas souhaitable.

Je comprends pourquoi le ministre, dans sa formulation, évidemment, en est venu à cette conclusion. C'est qu'il se dit: Cela n'a pas de bon sens de se précipiter, tête baissée, sur simple demande, dans un arbitrage obligatoire. Il faut quand même qu'il y ait des choses, et il n'a pas voulu multiplier les étapes, multiplier les procédu-

res. C'est très joli de ne pas vouloir multiplier les procédures, sauf que, quand on écrase tout un processus qui implique différentes tranches et qu'on confie tout ça au même organisme, l'espèce de pot-pourri qui en résulte, au niveau des juridictions et de compétences, ce n'est pas nécessairement une amélioration et, à mon avis, c'est, au contraire, faire courir un très sérieux risque que l'ensemble de cette histoire soit... Il faut bien le dire, parce que c'est sincèrement tel que ça nous apparaît. Cela apparaît comme un risque sérieux de déception.

Je veux terminer sur une note, M. le Président. Je l'ai indiqué en deuxième lecture; au mois d'août, on l'a indiqué et, en particulier, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce l'a indiqué, c'est une bonne idée d'avoir quelque chose pour régler des problèmes particuliers à la première convention collective. On est d'accord avec ça, mais attention à la façon dont on le fait. On est d'accord avec le principe. Le principe est bon. C'est vrai qu'il y a des problèmes. La démonstration n'a pas été faite de façon absolument claire, à savoir quels sont les problèmes, quelle est leur nature, etc., mais, de façon impressionniste, on a un peu une idée vague et générale qu'il y a là quelque chose qu'il faut régler et on est d'accord qu'il faut porter une attention spéciale à la première convention collective, mais pas n'importe comment. Pas en ouvrant la porte à des choses qu'on ne veut pas, dans le fond, pas en mélangeant les juridictions, pas en politisant les conflits autour d'une première convention collective, parce que le syndicat qui entre dans une boîte, qui entre dans une industrie, sous la rubrique de la politisation et d'une intervention trop évidente du ministre, à mon avis, ne se situe pas dans cette entreprise, ne met pas les pieds dans l'entreprise, n'acquiert pas pignon sur rue, en quelque sorte, de la bonne façon. Ce genre de paternité, si l'intervention ministérielle est trop visible, c'est quelque chose qui, avec les années, pourra être un sérieux boulet de canon.

Alors, essayons de le faire, de manière qu'on améliore la situation plutôt que de la détériorer, et je pense que, si nos amendements étaient acceptés, je serais prêt à en réviser la formulation, M. le Président, s'il y a quelque chose que le ministre n'aime pas dans tel ou tel mot. Je pense que ce n'est pas sur les mots qu'on en a, c'est sur la conception même du mécanisme, et on est bien ouvert pour modifier, dans la forme, nos propositions d'amendements. Mais essayons d'y repenser avant de plonger.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Johnson: Oui.

M. Goulet: Merci, M. le Président. A propos des amendements apportés par le député de Saint-Laurent, M. le Président, je me pose la question, à savoir si ça n'apportera pas plus de confusion que ce que le ministre a suggéré.

Le principe de l'article 81, c'était d'abord d'apporter des mesures sociales qui vont dans l'intérêt de tout le monde, les travailleurs et les patrons, et qu'on arrête ces conflits interminables.

Ce qu'on suggère là, je me demande si ce n'est pas une étape de plus. Lorsqu'on veut forcer une partie à démontrer la mauvaise foi de l'autre, c'est bien beau d'accuser quelqu'un de mauvaise foi, mais il va falloir qu'elle se débatte, il va falloir qu'elle prouve... Cela sera une étape. Cela sera de l'argumentation. Je me demande si cela n'aura pas pour effet d'envenimer davantage l'atmosphère, ce qui, au lieu de rapprocher les parties, va peut-être les éloigner. Cela va prendre bien du temps, démontrer la mauvaise foi de l'autre. Il y a une étape qui sera assez longue.

Ce n'est pas seulement limité à la mauvaise foi. Comme le disait le député de Joliette-Montcalm, il y a souvent de la mauvaise foi, très souvent, mais ce n'est pas seulement ça. Parfois, cela peut être seulement sur un article quelconque où, véritablement, il n'y a pas de mauvaise foi, mais on ne peut pas s'entendre. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas, on ne peut pas s'entendre. Il n'y a pas toujours de la mauvaise foi. Il y en a un bon pourcentage, mais ce n'est pas toujours la cause. Je pense que le principe, si on s'en tient au principe, qui était de ramener les deux parties à s'entendre et à gagner du temps... Je me demande si cela n'aura pas pour effet d'étirer le temps davantage, que cela en prenne peut-être plus que cela en prenait déjà, parce qu'on veut un règlement le plus tôt possible. C'est un peu ça, le principe de l'article 81a, pour qu'on voie pas de conflits interminables, comme on l'a dit tantôt... Pour en nommer, Radiomutuel, Thibault...

Le ministre peut nommer un conseil d'arbitrage pour régler la fin du conflit. Je me demande, lorsque l'on parle de mauvaise foi, si ce n'est pas l'ouverture à des cas de mauvaise foi. On ne fait pas penser, à un moment donné, aux gens en cause... S'il n'y a pas de mauvaise foi, on va évoquer la mauvaise foi pour que ça prenne le plus de temps possible et automatiquement on va créer de la mauvaise foi. Je me demande si ce n'est pas une porte qu'on ouvre à l'une ou l'autre des parties. S'il n'y a pas mauvaise foi, on leur ouvre une porte pour dire: II devrait y avoir mauvaise foi et battez-vous pour prouver qu'il y a de la mauvaise foi. C'est une question que je pose.

Sans modifier les articles, il y aurait...

M. Forget: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. Goulet: Oui.

M. Forget: II semble indiquer, par ses remarques, que, dans son idée, l'arbitrage d'une première convention collective devrait être automatique. Simplement si ça prend un peu trop de temps à négocier, qu'il y a une entente et que les gens ne parviennent pas à s'entendre, là il faut un arbitrage. Est-ce que cette argumentation, si c'est ça, ne s'applique pas, dans le fond, à tous les conflits où il y a une difficulté à s'entendre?

M. Goulet: M. le député de Saint-Laurent, le ministre peut, quand il le juge opportun... Mais si, à un moment donné, il n'y a pas de mauvaise foi, on ouvre une porte à ce qu'il y en ait de la mauvaise foi. Le temps que les gens...

M. Forget: Ce n'est pas là ma question. S'il n'y a pas de mauvaise foi... Vous ditez, même s'il n'y a pas de mauvaise foi, il devrait y avoir de l'arbitrage. Cela veut donc dire que, à votre avis, l'arbitrage est une bonne façon de régler les conflits, même en l'absence de mauvaise foi, quand tout simplement les parties ont des positions opposées et ne réussissent pas à s'entendre.

M. Goulet: II y aura arbitrage... Quand il y a une limite, mais il ne faudrait pas que ce soit interminable; là on ouvre une porte pour que ça devienne interminable, ça devienne aussi long que ce l'était. C'est ce que je voulais dire.

M. Forget: II peut y avoir arbitrage quand ça devient interminable?

M. Goulet: Absolument.

M. Forget: Ce n'est pas limité à la première convention collective.

M. Goulet: Non, je comprends, mais ce que vous dites et ce que l'article 81 dit, c'est que c'est limité à la première convention collective.

M. Forget: II faut limiter à la première convention collective, autrement, vous ouvrez la porte à ce qu'il y ait de l'arbitrage tout le temps. C'est ça le problème.

M. Goulet: Non.

M. Forget: Pourquoi pas?

M. Goulet: Ecoutez, il faut qu'il y ait de la bonne foi, en quelque endroit, à un moment donné. C'est que vous ouvrez... Dans ce que vous amenez là, M. le député de Saint-Laurent, c'est que, à la minute où on va prouver la mauvaise foi, vous ouvrez la porte à ce que ça devienne très long. Le ministre peut dire: Ecoutez, règlement pour règlement, si le ministre juge que ça prend un règlement le plus tôt possible, pour le bien de tout le monde! On l'a dit, parce que le principe de ça, c'est une mesure sociale qui va dans l'intérêt des travailleurs. L'intérêt des travailleurs et peut-être aussi l'intérêt des patrons, dans certains cas. A ce moment, le ministre peut juger quand c'est le temps.

Avant que le député de Saint-Laurent me pose une question, ce que je voulais dire au ministre c'est que, dans 81b, c'est-à-dire dans l'amendement proposé par le ministre: "la demande au ministre doit être faite par écrit " j'aimerais— et c'est peut-être dans le même sens que le député de Saint-Laurent — que ce soit motivé. Il est entendu que si c'est par écrit, ça va être motivé. C'est en- tendu que si ce n'est pas motivé, le ministre va demander une motivation, le pourquoi.

M. Johnson: Pas nécessairement, en ce sens qu'on dit "la demande doit être faite par écrit" parce qu'il faut, dans chacun de nos dossiers, un déroulement formel. C'est très important pour retracer les étapes.

M. Goulet: Ce que nous aimerions c est que...

M. Johnson: Ce n'est pas nécessairement motivé, il n'y a rien qui l'empêche.

M. Goulet: M. le Président, ce que je voulais dire au ministre c'est que nous aimerions, si ce n'est pas nécessairement motivé, que ce soit nécessairement motivé. Qu'il y ait de l'argumentation dans les écritures de façon qu on dise au ministre pourquoi; parce que la demande au ministre doit être faite par écrit, mais ça peut être juste une demande de trois lignes. Est-ce que le ministre va répondre immédiatement à la demande? Il va sûrement s'informer de la raison. Là, c'est bon qu'il y ait de l'argumentation dans les écritures.

Une dernière chose. Le médiateur... Il y a déjà... C'est une autre étape qui va apporter quoi de nouveau? Une fois que le tribunal a constaté, je me demande, M. le Président, si ce n'est pas — ce qu'on propose — un genre de chinoiserie politique ou juridique pour étirer le temps, intentionnellement; ça va amener beaucoup de confusion et je reviens au principe que j'ai évoqué au départ.

Si on veut que ce soit une mesure de paix sociale pour arrêter d'étirer cela et que cela devienne interminable, je me demande si on n'ouvre pas là une quantité de portes pour que cela devienne interminable et qu'il y ait un paquet de chinoiseries là-dedans. Tout simplement, on étire légalement du temps et c'est ce qu'on veut éviter, c'est le principe. Je pose la question au député de Saint-Laurent, je me demande si ce ne sont pas là les problèmes que cela va apporter. D'après moi, cela crée beaucoup plus de confusion que les amendements que le ministre avait apportés.

M. Johnson: M. le Président, mon droit de réplique.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que c'est très court?

M. Russell: C'est très court. M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: ... l'amendement qui nous est soumis par le député de Saint-Laurent, à mon avis, vise un principe bien particulier, c'est d'enlever cette épée de Damoclès des mains du ministre. Là-dessus, je suis d'accord. Par contre, je demeure un peu susceptible parce que quand j'examine cela, dans le contexte et le champ dans les-

quels je travaille beaucoup, je suis susceptible aux choinoiseries juridiques. J'ai peur de cela; cela me fait peur. J'ai tâché d'examiner d'une façon très rapide l'amendement qui a été proposé par le député de Saint-Laurent, lui qui connaît très bien ces procédures juridiques, il est excellent et fait un bon travail là-dedans; si j'avais la même formation que lui, je serais peut-être susceptible de mieux comprendre les raisons de toutes ces chinoiseries juridiques. Mais comme je ne les comprends pas, je deviens un peu...

M. Bisaillon: Vous seriez aussi chinois.

M. Russell: Peut-être plus. Quand j'ai écouté tout à l'heure le député de Sainte-Marie, il m'a convaincu d'être en faveur de l'amendement du député de Saint-Laurent sans que je ne l'aie entendu. Mais après avoir entendu le député de Saint-Laurent qui a bien expliqué, de façon très claire, son amendement, je pense l'avoir bien compris et le résumé c'est cela: Actuellement, c'est une responsabilité qui est énorme qu'on met entre les mains du ministre et c'est lui qui doit agir dans des cas très critiques. Je me rapporte au cas de la United Aircraft où personne n'a réussi à prouver la mauvaise foi et, à ce moment-là, si cela avait été la première convention collective, le ministre aurait été obligé d'agir et cela aurait été une responsabilité peu ordinaire. On connaît le climat qui existait dans ce cas bien particulier. Je dis que si c'était un cas comme celui-là, le député de Saint-Laurent aurait drôlement raison de remplacer le ministre par le tribunal. Moi, je vous avoue honnêtement, M. le Président, que le tribunal me fait peur. J'ai beaucoup de réserve là-dessus et je me demande si je ne me rallierais pas plutôt à ce qui est soumis actuellement par le ministre dans son article 81a, qu'il y aura un conciliateur — si j'interprète comme il le faut et c'est là que je voudrais poser la question au député de Saint-Laurent — et c'est un "must" qu'en aucun temps, en aucune circonstance, le ministre ne pourra charger le conseil d'arbitrage d'agir qu'après la conciliation. Je pense que l'article me semble clair. En aucun cas il ne pourra le faire s'il n'a pas eu un conciliateur. Donc, si c'est cela, je suis d'accord là-dessus; cela me satisfait et je préfère cela, tout en laissant la responsabilité au ministre. J'espère, même, que le ministre va agir avec la plus grande sagesse. Pour le ministre actuel, je sais qu'il n'y a aucun problème. J'espère que son successeur suivra les mêmes traces que le ministre actuel et qu'on pourra, dans ces cas, avoir non pas des jugements de Salomon mais quelque chose d'objectif.

Je termine là-dessus, M. le Président, en vous disant simplement ceci: Comme il s'agit simplement d'un premier essai, comme on devrait avoir, d'ici quelque temps, un nouveau code, je serais disposé à me rallier à la proposition du ministre et dire: On va faire un premier pas et si cela ne fonctionne pas, espérons qu'on va pouvoir le corriger. Si cela commence à créer des problèmes dans le climat qui existe actuellement, c'est assez grave qu'on ne peut pas avoir pire que ce que l'on a.

Je serais prêt, étant donné ma crainte de la chinoiserie juridique, à accepter ce qui est soumis par le ministre actuellement.

M. Johnson: M. le Président...

M. Chevrette: Excusez, est-ce qu'on vous dérange, M. le Président?

M. Johnson: M. le Président.

M. Chevrette: C'est ce qu'on a dit, la méditation prend forme...

Le Président (M. Marcoux): J'espère que je ne vous dérange pas. M. le ministre.

M. Johnson: Je m'excuse de déranger les concertations de la présidence et de l'Opposition. M. le Président, d'abord, seulement un détail formel sur l'interprétation...

Le Président (M. Marcoux): Avez-vous quelque chose contre la concertation?

M. Johnson: Absolument pas, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je pense que la philosophie de votre gouvernement...

M. Johnson: A l'article 81a, M. le Président, sur l'interprétation qu'en donnait le député de Saint-Laurent tout à l'heure au sujet de l'obligation de la non-imposition de la conciliation, je pense que le texte parle de lui-même. Cependant, à la rigueur, si c'est pour le rendre plus clair, on pourrait dire qu'indépendamment de l'amendement du député de Saint-Laurent, après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse, à ce moment-là, il n'y a plus aucun doute possible. Il y a, par définition, une conciliation qui est intervenue.

M. Forget: C'est la même formulation. M. Bisaillon: C'est clair.

M. Johnson: Etant donné qu'on dit que la nomination d'un conseil d'arbitrage est référée après que... si elle n'a pas eu lieu jusqu'à maintenant, étant donné que l'on met un futur, elle s'avérera infructueuse, on implique nécessairement qu'il faudra qu'il y en ait une. D'accord? Cela pourrait se lire comme suit, sans en faire une motion, pour les fins du secrétariat, on va en faire un amendement ou un sous-amendement, je pense.

M. Bisaillon: Afin de les colliger pour que, tout de suite après...

M. Johnson: C'est cela. Au moment où on rendra le texte final, on verra, au niveau de mon intention.

Une Voix: Une fois qu'on aura battu les amendements.

M. Johnson: M. le Président, il y a plusieurs éléments dans les trois amendements, en fait, du député de Saint-Laurent: II y a d'abord cette notion fondamentale à laquelle se réfère son texte, de bonne ou de mauvaise foi, de mauvaise foi, en fait, qui doit se lire en fonction de l'article 41, où on parle de la nécessité de l'obligation pour les parties de négocier de bonne foi, la mauvaise foi étant l'inverse, en principe. On ne fait pas appel, cependant, à la notion de diligence, et cela pourra poser un problème, j'y reviendrai.

Si je reprends le texte du député de Saint-Laurent et je résume brièvement, dans un scénario, ce que cela pourrait représenter, vous avez une première accréditation d'un syndicat, dans une entreprise, pour la première fois, où cela accroche en cours de route. Présupposons que l'employeur n'est pas de très bonne foi, ou encore que l'employeur a très peur de l'idée d'avoir un syndicat chez lui et que, bref, il se sent incapable de faire face à tout cela, cela traîne en longueur. Oui.

M. Forget: Vous dites: Soit que l'employeur est de mauvaise foi, soit qu'il a très peur, mais peu importe ses sentiments et ses états d'âme, qu'il ait peur ou qu'il n'ait pas peur, ce qui est important, c'est qu'il se comporte de manière que la négociation ait lieu, ou qu'il ne se comporte pas de manière qu'elle ait lieu.

M. Johnson: Excellent.

M. Forget: Dans le fond, c'est seulement au niveau des comportements analogues à un comportement non diligent et non de bonne foi qu'il y a cause à soulever un problème.

M. Johnson: Donc, je pense que le député de Saint-Laurent nous amène au coeur du problème. Tout en étant parfaitement — je vais essayer de me trouver une autre expression parce que, comme c'est la 35e motion d'amendement du député de Saint-Laurent et, au moins, la douzième au sujet de laquelle je commence par dire: Je comprends la bonne intention du député de Saint-Laurent, cependant... Alors, je vais me trouver une autre formule pour anticiper un peu de la recommandation que je ferai en commission au sujet de son amendement.

L'intérêt, finalement, de son amendement, c'est cette notion de donner une ouverture précise pour que le Tribunal du travail fasse de la jurisprudence sur la notion de mauvaise foi et je trouve que c'est extrêmement intéressant comme idée.

Dans ce contexte, cependant, cela m'apparaît extrêmement dangereux et je m'explique. Je pense que je ne suis pas sûr qu'on va le trouver dans le cadre du projet de loi 45. Eventuellement, il faudra à un moment donné, donner un jour au Tribunal du travail cette ouverture à créer spécifiquement et non pas de façon ancillaire la jurisprudence sur la notion de bonne ou de mauvaise foi. L'alternative étant d'essayer de la canter dans le code, de canter ces comportements qui seraient susceptibles d'être qualifiés de mauvaise foi, etc., mais ce n'est pas pour demain matin, c'est sûr, je pense que ça va prendre même beaucoup de temps avant qu'on y arrive, parce que c'est extrêmement complexe.

Donc, en attendant, le Tribunal du travail, ça lui arrive de parler de bonne ou de mauvaise foi dans sa jurisprudence, mais c'est de façon générale, de façon ancillaire. Par son amendement, le député de Saint-Laurent, finalement, fait de cette notion de mauvaise foi, le coeur de la décision que prendra le Tribunal du travail, donc, l'ordonnance d'arbitrage. En d'autres termes, si le tribunal était devant une situation où, quant à l'appréciation de ce qu'est la bonne ou la mauvaise foi, il est lui-même incertain, on n'aura pas d'ouverture à l'arbitrage, puisque c'est ça la base du recours. Cela, ça m'apparaît dangereux.

M. Forget: Le bénéfice du doute.

M. Johnson: C'est une notion de bénéfice du doute, sauf que ça ne règle pas le problème dans le champ et c'est en ce sens que ça devient dangereux. D'autre part, il y a toute la mécanique ouverte par le député de Saint-Laurent et si on la plaçait dans le contexte de délai, dans un contexte où la mauvaise foi est là mais peut-être pas patente, comme disent les anglophones, elle n'est peut-être pas évidente ou manifeste. Qu'est-ce qu'on a? On a d'abord la conciliation obligatoire, dans ce cas-là. Dans une deuxième étape, on a le tribunal qui intervient suite à une requête. Dans une troisième étape, on a le ministre qui apparaît comme une espèce de deus ex machina qui va pouvoir se permettre de suspendre l'ordonnance d'un Dieu sorti des machines qui, en vertu du texte du député de Saint-Laurent, doit alors veiller à l'application de l'ordonnance.

Cela m'apparaît, je dirais, probablement, comment dit-on ça, qu'est-ce que c'est l'expression?

M. Forget: Sub judice.

M. Johnson: Non, pas sub judice.

M. Bisaillon: Mutatis mutandis.

M. Johnson: Le député de Sainte-Marie voudrait peut-être dire, in vino veritas, aussi. Cela m'apparaît hors de juridiction, ultra vires des pouvoirs du ministre d'une certaine façon. C'est-à-dire c'est une confusion de l'exécutif et du judiciaire. Le tribunal rend une ordonnance et on donne le pouvoir au ministre de l'appliquer, mais ça veut dire quoi, l'appliquer? Cela veut dire la suspendre? Y fixer un délai? La modifier?

M. Forget: C'est comme quand le ministre de la Justice s'occupe de l'incarcération d'un condamné, c'est lui qui applique l'ordonnance.

M. Johnson: Oui. Donc, ça voudrait dire que le ministre doit nommer les membres du conseil d'arbitrage, si je comprends bien? L'ordonnance du tribunal se formulerait de la façon suivante...

M. Forget: Probablement.

M. Johnson: Donc, je défère le différend à un conseil d'arbitrage. Là, on dit: Le ministre est chargé de l'application; je suppose qu'il nomme le conseil d'arbitrage?

M. Forget: Oui.

M. Johnson: Etape no 4, on a vu la conciliation, l'intervention du tribunal; étape no 3, le médiateur, après que le ministre ait décidé de nommer ou de différer la nomination du conseil d'arbitrage puisqu'il a nommé un médiateur. Le médiateur, ça pose un problème en soi, soit dit en passant, c'est qu'on n'a pas de... c'est vrai que dans le code, on ne définit pas ce qu'est un conciliateur. Cependant, on définit ses fonctions à l'article... l'article où on définit la conciliation. Un des articles du code définit la conciliation, je pense que c'est autour de l'article 44, article 43. On ne définit pas cependant ce qu'est la médiation.

Au départ, ça pourrait poser un problème. Etait-ce un médiateur qu'on a nommé ou pas? Finalement, les médiateurs font un rapport public comme le demande le Conseil du patronat dans son mémoire. Enfin, ce n'est pas tout à fait la mécanique que suggère le député de Saint-Laurent, loin de ça.

M. Forget: Non.

M. Johnson: Mais la notion d'un médiateur qui rend public un rapport, c'est une notion, aux yeux du Conseil du patronat, qui est fondamentale en disant: l'opinion publique va jouer le rôle qu'elle peut jouer là-dedans, etc. On respecte la liberté des parties.

Finalement, on pourrait procéder cette fois à une nouvelle intervention du ministre qui choisit vraiment non pas de différer la nomination du conseil d'arbitrage, mais de nommer l'arbitre. Je pense qu'on est rendu un peu plus loin que trois ou quatre mois. Il y a un problème de temps très sérieux, je pense, qui va se poser là-dedans.

Deuxièmement, à l'intérieur de cette mécanique, il y a pour moi des incertitudes quant au pouvoir d'un ministre de différer l'application d'une ordonnance du tribunal.

Troisièmement, le problème de la définition de ce qu'est un médiateur. Si je mets tout cela ensemble, M. le Président, je me dis dans le fond qu'on ne se donne pas vraiment les moyens d'atteindre l'objectif que cela vise. L'objectif que cela vise, c'est, dans une situation de conflit qu'on qualifie souvent de reconnaissance syndicale, d'essayer de régler le problème pour le bien des parties le plus rapidement possible, pour le bien de l'ensemble.

Là, on s'enfarge non seulement dans une mécanique en quatre étapes qui risque d'être longue, mais également dans une mécanique où il y a, quant à moi, certaines imprécisions sur le plan juridique ou, en tout cas, des possibilités d'interprétation importante.

Finalement, je terminerai en évoquant cette partie de l'amendement qui traite de la bonne ou de la mauvaise foi. Encore une fois, bien que son objectif de créer une jurisprudence spécifique sur la question soit intéressant, cela m'apparaît extrêmement dangereux, sur le plan carrément de cet amendement.

On dit: Si le tribunal en vient à la conclusion que la négociation en cours est entachée de mauvaise foi pour des raisons qui ne peuvent être imputées à la partie requérante, il ordonne l'arbitrage.

Mais qu'est-ce qui arrive s'il y a un élément de mauvaise foi qui est imputable à la partie requérante et que le tribunal est obligé de constater que oui, l'employeur est de mauvaise foi, il y a des signes manifestes de cela et qu'on commence à établir une jurisprudence? Il dit: En cours de route, soit dit en passant, telle semaine le syndicat a fait telle chose. Probablement que le syndicat était de mauvaise foi là-dedans aussi. On est devant, finalement, un cul-de-sac.

M. Forget: M. le Président, ce n'est pas ce que cela veut dire, cela veut dire qu'il y a mauvaise foi. Le tribunal dit qu'il y a mauvaise foi, mais la mauvaise foi n'est pas imputable à la partie qui a demandé l'arbitrage. Autrement dit, une partie qui est coupable de mauvaise foi ne peut pas se prévaloir de l'arbitrage obligatoire pour imposer quelque chose à l'autre alors qu'elle est elle-même de mauvaise foi dans la négociation. C'est un peu pour répondre à l'objection qu'a soulevée mon collègue. On pourrait envisager une situation où on dirait: On va faire tout ce qu'on peut pour bloquer la négociation. Après cela, on va aller demander un arbitrage, quand on sentira que c'est mûr. Il faut éviter cela.

M. Johnson: D'accord. La situation inverse pourrait se produire aussi. J'ai à l'esprit un exemple en ce moment qu'on a devant nous qui n'est malheureusement pas une première convention collective, sans cela il serait réglé depuis un bout de temps, avec ce type d'amendement; enfin, il serait réglé dès le 31 décembre, peut-être.

Il s'agit d'un cas où, manifestement, selon les rapports de mes conciliateurs, il y a mauvaise foi de la part de négociateurs syndicaux qui, systématiquement, à la table de négociation, augmentent leurs demandes de fois en fois. Cela m'apparaît manifeste, je pense que cela tombe sur le sens commun. Dans ce cas, je pense que l'employeur pourrait se prévaloir de cette mauvaise foi, effectivement. Mais, dans la formulation du député de Saint-Laurent qu'on a à l'article 81c, on dit: Si le tribunal en vient à la conclusion que la négociation en cours est entachée de mauvaise foi pour des raisons qui ne peuvent être imputées à la partie requérante mais il peut arriver que la partie requérante, effectivement, soit également de mauvaise foi.

M. Forget: Vous ne pensez pas que, quand il y a deux parties en face l'une de l'autre qui sont toutes les deux de mauvaise foi, cela ne devient pas d'ordre public d'intervenir.

M. Johnson: Voilà. Le texte...

M. Forget: Non, cela ne devient pas d'ordre public à ce moment-là.

M. Johnson: Ah bon! Oui, mais cela dépend. Effectivement, c'est cela qu'on veut empêcher. Je pense qu'au niveau de la mécanique concrète de ce qui se passe et du rapport psychologique qui peut exister entre des parties dans un conflit qui s'envenime et qui dure trois, quatre, cinq, six, sept mois, à un moment donné, il y a des actes, dans le temps, ou, à un moment donné, il y a peut-être eu une provocation initiale de la part d'une des parties, mais il y a, l'expression anglaise "the buildup ", une espèce de montée finalement jusqu'à temps que vraiment plus personne ne se parle.

Or, si on constate, en cours de route, qu'il y a effectivement un peu de mauvaise foi d'un côté, beaucoup de l'autre côté, le tribunal est dans une situation d'impossibilité de déférer cela à l'arbitrage et ce n'est pas cela qu'on recherche. Ce qu'on recherche, c'est un règlement. L'avantage du texte que nous proposons, je pense, bien qu'il ne contient pas cet avantage manifeste de permettre au Tribunal du travail de commencer à développer une jurisprudence sur la bonne foi, c'est qu'il permet cette latitude à 81d, entre autres, au conseil d'arbitrage d'apprécier le comportement des parties au moment où il décide, effectivement, de se prononcer sur le fond et cette appréciation est en fonction de la bonne foi et de la mauvaise foi et également, de la diligence.

Si on tombe dans le cas que soulignait, tout à l'heure, le député de Bellechasse, il peut arriver qu'il n'y ait pas vraiment une mauvaise foi, mais qu'il y ait incapacité pour les gens de s'entendre. On peut présumer que le conciliateur aura été capable de faire quelque chose. D'ailleurs, l'essentiel du rôle de nos conciliateurs c'est de permettre à des gens de pouvoir se parler. Mais si cela ne fonctionne pas au-delà de cela, parce que le conciliateur a connu un échec pour des raisons qui peuvent relever de la situation et pas seulement de lui, on permet quand même au conseil d'arbitrage d'interpréter la situation, eu égard à 41, bonne foi et diligence.

Et là, s'il y a un peu de mauvaise foi des deux côtés, pas mal d'absence de diligence d'un autre, il peut décider qu'effectivement la façon de le régler, c'est de passer à l'arbitrage et de se prononcer, lui, sur le fond. Mais si ce conciliateur considère que c'est une négociation dite normale, qu'il n'y a pas lieu et que vraiment les parties pourront s'entendre, il peut décider de ne pas se prononcer sur le fond. Remarquez que cela m'étonnerait que ça se produise. Ce qui va arriver, c'est que le conseil d'arbitrage, avant de prendre sa décision, va se prononcer sur le fond, va mettre les parties dans une situation où il va les inciter à régler, s'il n'y a pas vraiment de mauvaise foi entre les parties, d'un côté comme de l'autre.

Tandis que s'il y a de la mauvaise foi manifeste de l'une des parties, c'est clair, il va se prononcer sur le fond. La décision de se prononcer sur le fond va se faire en fonction de cette dili- gence et de cette mauvaise foi. Pour ces raisons, M. le Président, et quelques autres qui seront probablement exprimées par certains de mes collègues...

M. Mackasey: Je veux aussi parler sur l'amendement.

M. Johnson: Pardon?

M. Mackasey: Je veux aussi parler sur l'amendement.

M. Johnson: Oui. Cela va être terminé. M. Mackasey: Ils sont en temps.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: Je m'excuse, M. le Président.

M. Chevrette: Respectueusement, vous n'avez pas respecté la demande de parole. Parce que M. le député de Notre-Dame-de-Grâce n'est pas ici depuis une heure et j'avais demandé la parole, il y a à peu près une demi-heure.

M. Mackasey: Je n'étais pas présent...

M. Chevrette: Je n'ai pas encore dit un mot.

Le Président (M. Marcoux): ... Pas sur l'amendement tantôt, vous en avez parlé?

M. Chevrette: D'accord, allez-y. Juste pour vous faire remarquer que la concertation semble évidente.

M. Mackasey: II est regrettable que je n'aie pas été ici pendant 20 minutes.

M. Chevrette: M. le Président, pour les fins du journal des Débats, vous avez compris que c'était une farce.

Le Président (M. Marcoux): Le Président a le sens de l'humour.

M. Forget: De toute façon je voudrais assurer le président et le député de Joliette-Montcalm que je n'ai rien fait pour le priver d'un droit de parole.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Mackasey: J'ai été absent, M. le Président, comme le député l'a souligné, 20 minutes, une demi-heure. Je ne sais pas si j'aurais appris quelque chose, or if it would have been worse for having listened to you during that period. I have no excuse to make for being away. What I do not want to do is to make another amendment. I cannot wait and I am still thinking very seriously of it because je partage le principe selon lequel le ministre désire arriver à une première convention

collective sans grève. Je partage le sentiment du député de Sainte-Marie que la clause originale, avant d'être amendée... Et je viens à l'amendement du député de Saint-Laurent; cela dans la plupart des cas, agirait contre les meilleurs intérêts du syndicat parce que le patron commencerait une grève ou un "lock-out" et laisserait faire pour un an, si nécessaire, ou six mois, afin de casser le syndicat. Durant cette période, il travaillerait en arrière pour créer un autre syndicat, un autre groupement d'accréditation.

Il vaut mieux laisser tomber la section b, parce que le but des changements, selon nous, c'est d'en arriver à une première convention collective sans grève. Cela, c'est le but au moins. Alors, la procédure du ministre — je dis ça très rapidement — c'est que lorsqu'un conciliateur lui-même n'est pas capable d'en arriver à une convention collective acceptable pour le patron et pour le syndicat, et qu'un des deux demande au ministre les services d'un conseil d'arbitrage, des arbitres, c'est par cette méthode qu'on en arrivait à une conclusion.

Je suggère au ministre ou je lui demande s'il y avait...

M. Johnson: Oui.

M. Mackasey: Je veux simplement parler au ministre et non pas à son élève. Je demande au ministre, en toute sincérité, qu'au lieu de l'intervention d'un conciliateur, on suggère l'intervention, dans la première convention seulement, d'un conseil de conciliation. Songer à cela pour une minute.

M. Johnson: ... d'arbitrage.

M. Mackasey: Non, je n'ai pas parlé d'arbitrage. J'ai parlé...

M. Johnson: Un conseil de conciliation?

M. Mackasey: Oui. Je vais vous dire pourquoi, s'il vous plaît.

M. Johnson: Je m'excuse. Qu'est-ce que vous appelez un conseil de conciliation?

M. Mackasey: Trois hommes au lieu d'un conciliateur: Un officier, nommé par le syndicat, un, suggéré par le patron et le troisième, par le ministère ou si, encore, les deux...

M. Johnson: Je m'excuse, mais ça, ça ne peut pas... Les conciliateurs, ce sont des fonctionnaires du ministère, et moi, je ne laisserai jamais un patron ou un syndicat nommer un conciliateur dans le ministère.

M. Mackasey: M. le ministre, je crois bien qu'il n'y a pas de conseil de conciliation dans votre Code du travail. On n'en emploie pas à Québec, mais ça ne veut pas dire que c'est impossible de le faire. Auparavant, il n'y avait pas cette clause non plus. On n'avait pas l'arbitrage pour terminer la première convention collective non plus. Je suggère seulement une formule qui, je pense, va aller mieux. Si vous voulez que je présente la formule dans un amendement, je peux le faire. Je préfère le faire dans l'esprit de conciliation, "it is a good word, O.K.?"

Au lieu que ce soit un officier qui, dans la même méthode que vous formulez...

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse de vous interrompre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, mais je ne suis pas convaincu que vous parlez sur l'amendement...

M. Mackasey: Vous n'êtes pas convaincu encore...

Le Président (M. Marcoux): ... disons sur l'ensemble des amendements proposés par le député de Saint-Laurent sur lesquels nous discutons...

M. Mackasey: Quand vous dites que vous n'êtes pas convaincu, vous n'en êtes pas arrivé à une décision encore. Alors, laissez-moi terminer...

Le Président (M. Marcoux): Oui. M. Mackasey: ... là, vous direz que... Une Voix: II n'est pas complexé...

Le Président (M. Marcoux): Vous avez besoin d'arriver vite à l'amendement...

M. Mackasey: Exactement.

Le Président (M. Marcoux): ... parce que je vais être convaincu rapidement.

M. Mackasey: La raison pour laquelle je n'y suis pas arrivé rapidement, c'est que le ministre, avec raison, a souligné le fait que jusqu'à maintenant, à Québec, les conseils de conciliation n'existent pas. O.K., I know that and you know that. I am saying that, in the first collective agreement, if we were to use a Conciliation Board — je m'excuse de le dire en anglais— but I want to make it short, because I do not want to look for words— rather that an officer, it would help in the following manner...

M. Johnson: Non, mais je n'aurais qu'une question. C'est vraiment sur le vocabulaire. When you talk about a Conciliation Board, there is one member named by the Union, one named by the "patron" and one by the Department.

M. Mackasey: Exactly.

M. Johnson: But these people, are they from the "service de conciliation" or are they people from outside?

M. Mackasey: They can be people from outside. Why do they have to be inside?

M. Johnson: Bon! A ce moment-là, ce ne sont pas des conciliateurs.

M. Mackasey: I would say that the Union should get whom they like, management can...

M. Johnson: Vous me parlez, en fait, d'une espèce de conseil de médiation.

M. Mackasey: Well, I am coming to that if you let me, O.K.? We can talk about the...

Le Président (M. Marcoux): Je vous arrête, parce que vous ne parlez pas...

M. Forget: M. le Président, sur un point de règlement.

Le Président (M. Marcoux): Sur une expression de règlement?

M. Forget: Sur une expression de règlement. Je crois que la discussion que nous avons est très large.

Le Président (M. Marcoux): Très large.

M. Forget: II est possible, si vous obligez mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce à présenter un amendement formel au texte qui est devant nous, à ce moment-là, qu'on s'engage dans un débat qui va être plus long que de laisser simplement accrocher ses remarques à la référence qui se trouve à l'article 81a sur un conciliateur.

Ce qu'il veut c'est simplement que la fonction de conciliation soit exercée par trois personnes plutôt que par une personne. C'est minime comme explication, mais cela a des implications...

M. Mackasey: If you will let me follow the procedure and if, at the end, you say no, it will be no and I will not bring in an amendment.

Le Président (M. Marcoux): Je voudrais m'as-surer qu'il y a quand même consentement pour qu'on discute de cette façon parce que je croyais que vos amendements formaient un tout dont on discutait, de façon cohérente, avant d'en arriver à une décision, concernant ces amendements et que, par la suite, le député de Notre-Dame-de-Grâce pourrait arriver avec une nouvelle hypothèse...

M. Mackasey: Non, non je...

Le Président (M. Marcoux): ... mais ça m'apparaissait comme une nouvelle façon de vouloir atteindre des modalités vraiment différentes, d'atteindre l'objectif de ces paragraphes. Mais, s'il y a consentement pour laisser le député de Notre-Dame-de-Grâce poursuivre la défense de sa proposition...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez. Je n'ai aucune objection à accorder le consentement à ce qu'on déborde le cadre de l'amende- ment puisqu'on essaie de brasser l'ensemble de la question de la première convention collective. Cependant, je ferai une réserve. Je demanderai au député de Notre-Dame-de-Grâce de me permettre une affirmation, c'est que, quand il me parle d'un conseil de conciliation qui est une institution inexistante ici, je peux lui dire que sans mettre les mots là, c'est exactement ce qu'on fait à l'article 81d, dans la mesure où le conseil d'arbitrage agit d'abord, a pour rôle d'abord d'essayer de parvenir à une entente. De plus, ce conseil d'arbitrage est formé d'une personne nommée par le syndicat, une personne nommée par l'employeur et une personne nommée par le ministre et elles sont choisies à même la liste fournie par le CCTMO.

M. Mackasey: OK, there is one difference however. Le conseil d'arbitrage selon l'article 81d, has the power to arbitrate, impose; its settlement is the settlement.

M. Johnson: Pas dans un premier temps. Eventually.

M. Mackasey: Yes, but eventually that is the offer. What I am trying to make, understanding exactly, and I appreciate what you are telling me because there are nuances in the two codes... I am saying that if you name a Conciliation Board, rather than an officer, in the first convention — and we will not get into the argument of where you pick them or where you select them from... The Union has its representative, management has its representative and the ministry has its chairman. What comes out of that negotiation, Mr Minister? Usually two reports. Souvent des clauses assez difficiles sont réglées. Sometimes the two reports show the same recommendations on most clauses and it brings down, it minimizes, the two reports minimize... Usually, the chairman... It is rare you get a unanimous report; if you do, you have the settlement, but you get a majority report and you get a minority report and the difference, sometimes, is limited to wages, working conditions, very few... The Minister can, then, turn that report over to a mediator whose role will be clearly defined as mediating the differences between the majority report and the minority report. If the mediator cannot, through mediation, settle the differences, then article 81d comes into play and the arbitrator "conseil d'arbitrage" will then finally have to make the decision and make a ruling of the differences which the mediator was unable to solve.

It seems to me very simple. Instead of a conciliation officer — just to summarize — you have a Conciliation Board. Experience indicates that there will be two reports, a majority report and a minority report, which may differ only in degree, rather than in substance, or perhaps only in such fundamental things as wages or working conditions, but quite often solve very touchy, difficult things through negotiation. Those reports are given to the Minister — the majority report and the minority report — he, in turn, names a mediator,

the mediator knows what is the outstanding disagreement and, if after a short period of time, the mediator cannot resolve those disagreements, then the Minister takes it back from the mediator and gives it to the "conseil d'arbitrage" et celui-ci finalement va devoir rendre une décision binding on both parties.

It is much closer to conventional bargaining and it makes sense. C'est ça.

M. Johnson: Je vais prendre deux minutes, en espérant que je réponds aux inquiétudes du député de Notre-Dame-de-Grâce, de telle sorte qu'on puisse continuer plus formellement sur l'amendement du député de Saint-Laurent.

Je pense finalement que l'objectif... Je comprends le déroulement qu'on nous décrit et c'est vrai que c'est légèrement différent de ce qu'on trouve là, mais je pense que cela inclut à peu près ce que recherche le député de Notre-Dame-de-Grâce, en ce sens que le conseil d'arbitrage, nommé à l'article 81d, est absolument l'équivalent, en termes de personnes et de représentation, du Conciliation Board dont il me parle. Ce sont des représentants du syndicat et de l'employeur et un représentant du ministre.

Or, l'article 81d nous dit bien, dans un premier temps, que le conseil peut ensuite décider de déterminer le contenu. D'accord? Avant, qu'est-ce qu'il a fait, le conseil? Il a fait l'équivalent d'une conciliation en disant "peut charger un conseil d'arbitrage de faire enquête sur le différend et de tenter de le régler". Donc, on arrive finalement à un processus de type conciliation. C'est évident que c'est ce qu'il va commencer à faire. S'il y a effectivement, dans ce conseil d'arbitrage, l'équivalent d'un rapport minoritaire — et on peut s'attendre à ce que ce soit cela — on sait finalement que c'est le président du conseil d'arbitrage, comme dans la plupart des conseils d'arbitrage, qui a un rôle prédominant à jouer parce que, souvent, les parties ne s'entendront pas.

On a franchi cette étape d'élagage des éléments. Il peut dire: Voilà, nous proposons cela. Il y a effectivement une entente entre les parties et, formellement, il s'en remet aux parties. Ce n'est plus le conseil qui décide, il s'en remet aux parties, donc au négociateur syndical, au négociateur patronal — et non pas à leurs arbitres — et dit: Voici la base d'une entente. Si elle se règle, il n'y a plus de problème. Si elle ne se règle pas, à l'article 81d, il peut décider à ce moment-là, eu égard au comportement des parties quant à l'article 41, c'est-à-dire diligence et bonne foi, qu'il va se prononcer au fond, avec les conséquences qu'on sait, sur la grève et le lock-out.

M. Mackasey: La seule différence, M. le ministre — je suis complètement d'accord avec vous — c'est qu'au lieu d'un officier qui est un fonctionnaire, qui est un expert quand même, qui doit agir d'une façon neutre, his report that comes back to you is very limited, he is not really negotiating a settlement, he is trying to solve the problems and sort out the problems through his report. What I am suggesting is new, but what it is doing for you is eliminating the conciliation officer and setting up a panel, in the same way as you have the arbitration, with very much the same powers, except not the power to impose the settlement. The benefit is that you have at your disposition two legitimate points of view after a negotiation in front of the Conciliation Board, to which all parties are represented, two reports saying, outlining, specifying, what has been agreed to and what is still outstanding, particularly by the person who writes the report, and somebody else makes a minority report, in which case you then still have the additional weapon of the mediator before you have to go to the conseil d'arbitrage.

The reason I want to do this is to try, as much as possible, for the first collective agreement to settle it in the normal traditional manner of bargaining, rather than imposing arbitration. Because the philosophy of this, is that you are going to end up with arbitration which is what the deputy from Sainte-Marie pointed out. You drop article 81b which deals with a strike and a lock-out. You are going to end up with arbitration. It is much better to arrive at a positive result through negotiation and I think the Conciliation Board would be a big step forward over a conciliation officer.

By the very nature of a tri-part make-up, the conciliation officer, M. le ministre, could be the chairman, the Union would have a member on the board, the employer would have a member on the board. The officer could be the chairman. What you would have, that you do not presently have, is two reports, if necessary, one by the Union representative stating what issues are still unresolved or what he is not happy with, management the same, but what is important is that they will have listed all the things that they both agree to and are binding in the sense that they were appointed by their members.

At the stage, the disagreements would be clearly defined, the mediator could perhaps solve them, and if he cannot then he gives them to the conseil d'arbitrage who will, to some degree, repeat what the Conciliation Board did, but will not have to because it will have the two reports at its disposal.

That is what I think would be a big step and you should think about it. I am only asking that you change the "officer" stage to a "Conciliation Board" stage. It is new, it is novel, it is different but it works in other jurisdictions, and it works very well.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que l'amendement du député de Saint-Laurent est adopté?

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Johnson: Je demanderais effectivement qu'on considère l'adoption ou le rejet de l'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Forget: II n'y a pas d'autres interventions?

M. Johnson: Non.

Le Président (M. Marcoux): Je voudrais d'abord savoir si vous considérez les amendements comme un amendement?

M. Johnson: Oui, globalement. Je pense que oui, on s'était entendu sur tout cela, au départ.

M. Forget: Oui, d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent est adopté?

M. Johnson: Rejeté. M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Marcoux): Rejeté sur division.

M. Johnson: II s'agit bien, pour les fins du procès-verbal, M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Les amendements concernant les paragraphes 81a, 81b et 81c.

M. Bisaillon: Rejeté.

M. Johnson: ... et d) rejeté.

M. Bisaillon: Rejeté.

Le Président (M. Marcoux): Un instant.

M. Forget: Sauf qu'il n'y avait pas d'amendement à l'article 81d).

M. Bisaillon: Non, mais comme ils sont reliés, c) et d) vont ensemble.

Le Président (M. Marcoux): Nous revenons à la proposition principale.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, juste avant que le ministre ne fasse l'amendement qu'il a annoncé à l'article 81a, à la suite de discussions avec le député de Saint-Laurent, j'aimerais quand même souligner une chose: Le ministre, tantôt, a retenu, une des hypothèses de travail du député de Saint-Laurent pour étude ultérieure.

J'aimerais lui souligner certaines réserves que j'ai à l'article 81, paragraphes c) et d), pas dans le but d'en faire des amendements mais dans le but, cependant, que cela soit, après usage, après pratique, probablement étudié ultérieurement dans les mêmes étapes qui vont venir. Si on regarde 81c et 81d, les mêmes personnes qui auront à tenter de rapprocher les parties, à jouer un rôle de médiation, seront celles qui, par la suite, pourront décider d'arbitrer le contenu de la convention collective.

Alors, il me semble qu'il y a un peu un rôle de juge et partie à la fois, et que si, en faisant leur travail de médiation, elles ont été amenées à suggérer des positions aux parties, elles auront de fortes tendances, pour ne pas dire de forts préjugés, à régler le différend de cette façon lorsqu'elles se prononceront, en tant que conseil d'arbitrage, sur le contenu. Il y aurait peut-être plus tard, après avoir expérimenté cette formule, deux hypothèses de travail: une première qui serait d'avoir deux types de personnes différents, c'est-à-dire un médiateur carrément à l'article 81c et un conseil d'arbitrage à l'article 81d, ou encore, seulement une étape.

Il me semble que le ministre devrait retenir ces deux hypothèses de travail pour qu'après l'expérimentation de la formule, telle qu'on l'a adoptée actuellement, on puisse étudier cela dans le futur. Je ne disais pas cela pour faire des amendements, c'était seulement pour souligner qu'on aurait avantage à essayer cette formule qui nous est suggérée, mais pour retenir aussi que, plus tard, il faudra travailler sur une approche différente.

M. Johnson: On le note, M. le député. M. le Président, je prends bonne note de la suggestion du député de Sainte-Marie. Alors, je veux donc suggérer moi-même, pour clarifier le texte, à la demande du député de Saint-Laurent, que l'article 81a se lise comme suit... Donc, ma motion est en ce sens d'amender l'article 81a, où il y a un sous-amendement, pour qu'à la cinquième ligne de l'article 81a, on remplace le mot "lorsque" par "après que", et qu'au sixième alinéa, donc, on remplace les mots "s'est avérée " par "se sera avérée". Enfin, qu'on remplace le mot "s'est" par "se sera".

Donc, l'article 81a se lirait comme suit: "Dans le cas de la négociation d'une première convention collective pour le groupe de salariés visé par l'accréditation, une partie peut demander au ministre de soumettre un différend à un conseil d'arbitrage après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse.

M. Chevrette: C'est "le différend " et non pas "un différend".

M. Johnson: Je m'excuse, le différend, oui. Adopté. M. le Président? Adopté. M. le Président, pour les fins de...

Le Président (M. Marcoux): Au cinquième paragraphe...

M. Johnson: C'est-à-dire qu'on revient à l'article 44 du projet de loi, globalement?

M. Jolivet: C'est la cinquième ligne après l'alinéa.

M. Forget: Oui, c'est la cinquième ligne. M. Johnson: Je reprends, dans le cas... M. Forget: Sixième ligne.

M. Johnson: ... de la négociation d'une première convention collective pour le groupe de sa-

lariés visés par l'accréditation, une partie peut demander au ministre de soumettre le différend à un conseil d'arbitrage, après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse."

M. Chevrette: Adopté.

M. Johnson: Adopté. M. le Président, est-ce qu'on considérera que l'article 44 du projet de loi est adopté?

M. Forget: Non, M. le Président.

M. Johnson: Non? Est-ce qu'on peut considérer cependant, pour les fins de la discussion, que nous n'avons plus à revenir sur l'article 81a, b), c), ni d)?

M. Forget: Non.

M. Johnson: Non, vous voulez revenir au paragraphe d), je suppose?

M. Forget: Je veux revenir au paragraphe c), parce qu'il y a là un problème qui n'est pas clarifié, de double emploi, et j'aimerais faire lecture d'un amendement. Je vais le faire circuler, mais je le regrette, c'est un défaut de concordance de notre part, il y a une correction qui devrait être faite à la main. Peut-être devrait-on le faire circuler pour qu'on puisse faire la correction, au moment où j'en ferai la lecture.

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on n'avait pas convenu que sur les paragraphes a), b), et c), il présentait l'ensemble de ses motions, qu'une fois qu'on avait disposé des motions d'amendement présentées, donc les trois qu'il nous avait annoncées, qu'on considérerait les paragraphes a), b) et c) comme réglés?

M. Forget: Non, ce que j'ai demandé...

Le Président (M. Marcoux): Nous avons convenu de les adopter ou de les rejeter en bloc, mais comme le député de Saint-Laurent a encore la parole, il peut proposer d'autres amendements, pourvu que ce ne soient pas des amendements déjà débattus.

M. Johnson: C'est ça, d'accord.

Le Président (M. Marcoux): La parole est au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais attendre qu'on le distribue, parce qu'il y a une correction à faire, pour être bien sûr qu'on se comprend. Je demanderais peut-être une suspension de quelques secondes, parce qu'on me signale qu'il y a une autre concordance à faire.

Le Président (M. Marcoux): La parole est au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vais attendre que chacun regagne son siège, parce qu'il y a plusieurs modifications.

Le Président (M. Marcoux): Nous attendons le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Pour le journal des Débats, admettez que vous aviez suspendu. Il faut que je prenne le temps de revenir à la table.

M. Forget: M. le Président, je vais lire lentement le texte et je m'en excuse. Mais, étant donné qu'on est samedi, on n'est pas en mesure de faire dactylographier de nouveau. Il s'agit d'un amendement à l'article 81c qui se lit comme suit: "Que le paragraphe 81c de l'article 44 soit modifié, en ajoutant dans la première ligne, après le mot "demande", les mots "demande au conciliateur un rapport conformément à l'article 45. Ce rapport doit permettre d'apprécier le comportement des parties dans la négociation. Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport ou il peut nommer un enquêteur à cette fin" et en retranchant, dans les deuxième et troisième lignes, les mots "faire enquête sur le différend et de tenter de le" et en ajoutant, dans la troisième ligne, après le mot "réglé"... Je vais répondre lentement, excusez-moi.

M. Johnson: Pourriez-vous y aller rapidement et ensuite le reprendre lentement?

M. Forget: D'accord. ... "Et en retranchant dans les deuxième et troisième lignes les mots "faire enquête sur le différend et de tenter de le" et en ajoutant dans la troisième ligne, après le mot "réglé", les mots "le différend".

M. Johnson: Pourriez-vous relire cette partie-là également lentement pour les fins de notre rédaction et ensuite lire lentement le texte tel qu'amendé? Comment se lirait-il?

M. Forget: ... et en retranchant dans les deuxième et troisième lignes, les mots "faire enquête sur le différend et de tenter de le" et en ajoutant dans la troisième ligne, après le mot "réglé", les mots "le différend".

Le paragraphe amendé se lirait comme suit: 81c. "Le ministre, sur réception de la demande, demande au conciliateur un rapport conformément à l'article 45. Ce rapport doit permettre d'apprécier le comportement des parties dans la négociation. Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport ou il peut nommer un enquêteur à cette fin". Là, il y a un problème.

M. Johnson: Vous avez supprimé "bonne foi", vous l'avez remplacé par "le comportement".

M. Forget: Oui, mais je regrette, notre concordance n'était pas complète. Je n'ai pas de début de phrase après.

M. Johnson: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce qu'on suspende encore pendant deux minutes, s'il le faut, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Marcoux): Nous allons suspendre encore pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 40)

Reprise de la séance à 12 h 48

Le Président (M. Marcoux): Fin de la suspension.

M. Forget: M. le Président, je reprends la lecture du texte tel qu'amendé, parce qu'autrement c'est très difficile de le faire sur le bout de la table.

Le Président (M. Marcoux): Oui, parfait.

M. Forget: Le texte tel qu'amendé se lirait comme suit: 81c) "Le ministre sur réception de la demande, demande au conciliateur un rapport conformément à l'article 45. Ce rapport doit permettre d'apprécier le comportement des parties dans la négociation. Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport ou il peut nommer un enquêteur à cette fin. Si le ministre, à partir des informations qui lui sont soumises, juge que la négociation ne pourra se terminer par une convention collective...

M. Johnson: Un instant.

M. Forget: ... ne pourra se terminer par une convention collective.

M. Johnson: Ne pourra se terminer par...

M. Forget: ... ne pourra se terminer par une convention collective...

M. Johnson: Et non pas par la conclusion d'une convention collective, mais par une convention collective.

M. Forget: Indifféremment. M. Johnson: D'accord.

M. Forget: ... il peut charger un conseil d'arbitrage...

Le Président (M. Marcoux): Alors, vous supprimez il... Il peut...

M. Forget: ... charger un conseil d'arbitrage de régler le différend ". Est-ce que cela va pour tout le monde?

M. Johnson: Je relis, M. le Président, si vous me permettez, pour les fins de la discussion. "Le ministre, sur réception de la demande, demande au conciliateur un rapport conformément à 45. Ce rapport doit permettre d'apprécier le comportement des parties dans la négociation. Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport ou il peut nommer un enquêteur à cette fin. Si le ministre, à partir des informations qui lui sont soumises, juge que la négociation ne pourra se terminer par une convention collective, il peut charger un conseil d'arbitrage de régler le différend". C'est cela?

M. Forget: M. le Président, sur cet amendement. Son but est de — tenant compte de la motion qui a été défaite précédemment et qui avait pour intérêt principal de substituer au jugement, à la discrétion du juge, l'ordonnance d'un tribunal quant au comportement des parties ou plutôt à la bonne foi — scinder la double tâche que l'article 81c attribue actuellement au conseil d'arbitrage. Le conseil d'arbitrage est appelé à jouer le rôle, d'abord d'enquêteur, ce qui est un rôle nouveau pour un conseil d'arbitrage, et il n'est pas précisé sur quoi son enquête doit porter. Cependant, on voit que son enquête implicitement doit porter sur plus que simplement les positions des parties, parce qu'éventuellement il aura à déterminer s'il est nécessaire d'aller à l'arbitrage ou de ne pas y aller.

Donc, c'est une situation où il doit à la fois faire une enquête sur la position respective des parties et aussi sur leur comportement, de manière à pouvoir juger si le comportement que les parties ont affiché durant la négociation est susceptible de les amener à une convention collective. D'ailleurs, quand on regarde 81d, on revient un peu en arrière en disant que, dans la décision que le conseil d'arbitrage va donner sur le litige, il va tenir compte du comportement des parties. Cela aussi, c'est un mélange; cela montre donc qu'il y a un double mélange. Je le reprends pour être bien sûr que je me fais comprendre.

D'abord, au niveau des fonctions, le conseil d'arbitrage joue le rôle d'un enquêteur et joue le rôle traditionnel d'un conseil d'arbitrage qui est de se prononcer sur le fond du litige.

Deuxièmement, ce qui fait l'objet de son attention— il y a une autre confusion là-dessus — il s'occupe du fond du litige, c'est-à-dire découvrir la position respective des parties; mais il est amené, par l'article 81d, à tenir compte du comportement des parties dans la décision qu'il rend sur le fond du litige, et par l'article 81c, il est amené également à tenir compte du comportement des parties sur la recommandation qu'il doit faire ou sur la conclusion à laquelle il doit arriver, c'est-à-dire de se rendre jusqu'à l'arbitrage lui-même ou de ne pas s'y rendre. Alors, il y a une

espèce de confusion totale de fonctions d'enquête et de fonctions d'adjudication arbitrale. Il y a une confusion totale, à l'article 81c et, plus tard, à l'article 81d, entre ce qui fait l'objet du litige, c'est-à-dire les positions respectives des parties et également leur comportement. Leur comportement est pertinent à deux égards: II est pertinent d'abord quant à conclure s'il va falloir arbitrer de façon obligatoire le différend ou ne pas le faire. Il est aussi pertinent, ce comportement, selon l'article 81d — on le verra tantôt — quant à la nature de la décision qui est prise sur le fond du litige, parce que l'article 81d dit que le fond du litige va être arbitré en tenant compte du comportement. Alors, il n'est plus question d'aller vers l'arbitrage ou de ne pas y aller. Il est simplement question à l'article 81d, de décider quelles seront les conditions de travail; dans la détermination des conditions de travail, on invite le conseil d'arbitrage à tenir compte du comportement sur lequel il aura lui-même enquêté en vertu de l'article 81c et dont il se sera servi pour décider s'il doit y avoir arbitrage ou pas. Inévitablement, il se servira de la même connaissance pour décider quel genre de conditions de travail doit être imposé.

C'est une situation indescriptible de confusion; enfin, peut-être que d'autres auraient plus de talent que moi pour décrire la confusion, mais je pense qu'elle est là. Elle est là au niveau des fonctions et elle est là au niveau des sujets qui font l'objet du travail du conseil d'arbitrage, une double confusion.

Ce que j'essaie de faire, ce que nous essayons de faire par l'article 81c, c'est de tirer ça au clair et de dire: Bon! Ecoutez! Il y a une question de comportement qu'il faut évaluer au moment de décider si oui ou non il faut aller en arbitrage. L'enquête dont on charge le conseil d'arbitrage ne devrait pas être faite par lui. On devrait demander au conciliateur, puisqu'il y en a un, et on sait, avec l'amendement qu'a accepté le ministre, qu'il va nécessairement y avoir un conciliateur. Alors, parmi les choses que le conciliateur — qui est obligatoire dans ce cas-ci, ce qu'il n'est plus ailleurs — une des choses sur lesquelles il devra faire un rapport, c'est non seulement le litige, les positions respectives des parties, mais aussi sur le comportement des parties dans la négociation.

C'est là-dessus que le ministre doit se baser, sur le comportement des parties, de même que sur un exposé de leur position respective, pour décider s'il doit charger un conseil d'arbitrage d'intervenir. Il me semble que c'est beaucoup plus clair. On dit: On a un rapport, le rapport du conciliateur — notre collègue avait suggéré un conseil de conciliation, ce n'est pas retenu par le ministre — mais de toute façon, on a un conciliateur, il fait un rapport, il est là et il est au courant de ce qui se passe, pourquoi ne pas lui demander de faire son enquête, plutôt que de demander au conseil d'arbitrage qui aura pratiquement un rôle de tribunal à jouer sur le fond. Ce n'est pas approprié. Demandons au conciliateur de compléter son rapport de conciliation en donnant, ce qu'il ne fait pas ordinairement, des commentaires, des constatations sur le comportement des parties. Informé de ça, le ministre va savoir tout ce qu'il a besoin de savoir pour prendre une décision éclairée. Il va connaître le comportement des parties dans le rapport de quelqu'un qui est intervenu, ainsi que la position respective des parties. Là il va dire qu'il faut que le conseil d'arbitrage intervienne, étant donné l'écart qui existe entre les parties, étant donné les observations qu'on a faites sur le comportement. Entre parenthèses, M. le Président, dans les modifications de dernière minute que j'ai introduites dans l'amendement que je présente, j'ai mis "comportement", alors que le texte original, tel que vous avez pu vous en rendre compte, mentionnait "la bonne foi". Mais je pense que ça rend inattaquable, sur le plan de la recevabilité, mon amendement. Pour échapper au juridisme, il faut bien se rendre compte que, quand on parle de comportement — et l'article 81d en parle — ce qui m'apparaît clair, c'est qu'on parle de comportement dans le sens où le comportement permet d'éclairer la bonne ou la mauvaise foi des parties. Ce n'est pas...

M. Johnson: Et la diligence.

M. Forget: Et la diligence, je pense que le ministre a raison car la diligence aussi pourrait être mentionnée. Donc, c'est peut-être plus correct de parler de comportement. Mais l'esprit est là, c'est un élément, ce comportement, pour décider si oui ou non il doit y avoir arbitrage. La façon dont le texte actuel l'introduit, c'est au niveau de l'adjudication sur le fond. Peut-être doit-on tenir compte du comportement dans l'adjudication sur le fond, mais si on en tient compte dans l'adjudication sur le fond dans 81d, à plus forte raison doit-on en tenir compte quand on décide si oui ou non il doit y avoir arbitrage. Il me semble que c'est nécessaire. Si on a besoin de cette information au moment de décider d'aller en arbitrage ou non, il me semble que c'est une connaissance antérieure à l'arbitrage, antérieure à la désignation d'un conseil d'arbitrage, d'où la nécessité de charger quelqu'un d'autre de faire ce travail.

D'ailleurs, le député de Sainte-Marie l'a soulevé tantôt dans une intervention; il me semble que c'est normal, on ne demande pas aux tribunaux de faire le travail de la police. Ce que je dis est caricatural mais c'est un peu cela. On ne dit pas aux tribunaux: allez voir s'il y a quelqu'un qui a commis un vol et si vous en trouvez un, évidemment, vous le jugerez. On a dépassé ce stade depuis bien longtemps. C'est placer des arbitres dans une situation très délicate que de leur imposer de faire l'enquête sur les faits...

M. Mackasey: ... le conseil d'arbitrage, pour moi, est juste un conseil de conciliation.

M. Forget: Mais le ministre ne veut pas de conseil de conciliation parce que cela ne va pas dans la vision cartésienne qu'il se fait de son système.

M. Mackasey: C'est dommage.

M. Forget: Alors, c'est pour le taquiner en passant, M. le Président, mais...

M. Mackasey: ...

M. Forget: ... il reste qu'il ne veut pas de conseil d'arbitrage, alors on n'en parle pas. On n'est pas pour s'entêter là-dessus. On pense toujours que ce serait une bonne idée mais on n'en parle plus. Au moins, il y a un conciliateur; pourquoi pas lui demander un rapport circonstancié, sur le fond, sur le comportement des parties, et le ministre sera protégé? Il aura un dossier complet, il ne prendra pas une décision sur demande, en demandant à quelqu'un d'autre de faire enquête après coup. Le ministre se trouve dans la position, si on ne fait aucune modification, où il dit: Ah! oui, on donne un arbitrage. Pourquoi? C'est parce qu'on me l'a demandé. Ce n'est pas beaucoup comme justification.

M. Johnson: Ce n'est pas ce que le texte dit. Le texte ne défère pas à l'arbitrage; le texte défère à une commission d'arbitrage qui va décider si oui ou non elle va se prononcer sur le fond.

M. Forget: C'est presque...

M. Johnson: C'est très différent.

M. Forget: ... un jeu de mots, à la limite.

M. Johnson: Non.

M. Forget: Parce que quand on a le pied dans l'étrier, par la nomination d'un conseil d'arbitrage...

M. Johnson: On peut monter ou descendre du cheval.

M. Forget: On peut monter ou descendre du cheval; mais il reste que si on descend du cheval en cours de route, on risque de se casser la gueule; alors il vaut mieux le faire arrêter avant.

M. Johnson: Je suis bon cavalier.

M. Mackasey: You get on a horse in the wrong direction, you are in trouble. Je pense que c'est ce qui arrive, le ministre looks that way and the horse is going that way.

M. Johnson: Le député de Saint-Laurent sait très bien que pour être un bon cavalier, il faut tomber du cheval au moins sept fois.

M. Forget: Je ne fais pas de cheval, M. le Président, mais je suis bien prêt à prendre la parole du ministre là-dessus. Il reste que, surtout quand on monte à cheval, il ne faut pas s'en aller dans toutes les directions à la fois. Cela aussi, c'est important. Encore une fois, il y a quelque chose qui ne va pas dans le mécanisme; je comprends qu'on veut le simplifier à outrance en fusionnant toutes les fonctions dans un même individu, mais c'est presque de la législation d'exception, dans le fond, parce qu'on dit que ce sera invoqué très rarement. La confusion des genres dans les législations d'exception, on en a assez entendu parler pour y être sensibles, je pense qu'on s'y livre. Le ministre intervient pour juger du comportement.

J'ai pratiquement jugé du fond, et ce n'est pas souhaitable. M. le Président, je remarque qu'il est 13 heures.

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Johnson: M. le Président, je demanderais la suspension de la séance jusqu'à 15 heures.

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous étions à discuter de l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, à l'article 81c. Le député de Saint-Laurent avait complété, je crois, son exposé.

M. Forget: Sans épuiser mon droit de parole, je l'avais complété.

Le Président (M. Marcoux): C'est ça. Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Goulet: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, je ne sais pas si lorsqu'il dit "au conciliateur", le mot conciliateur est le même qu'on retrouve à l'article 81a ou si c'est un autre conciliateur. Si c'est le même, à l'article 81a, à la fin, on disait: "le différend d'un conseil d'arbitrage après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse". Il y a eu une modification, un sous-amendement amené par le ministre, et le sous-amendement a été adopté. Si c'est le même conciliateur, je me demande ce qu'il vient faire à l'article 81c, parce qu'on dit bien: "après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse".

Je comprends que, probablement par cet amendement, le député de Saint-Laurent vise à calmer ou à répondre aux appréhensions du député de Sainte-Marie qui ne semble pas vouloir que le conseil d'arbitrage soit juge et partie. Alors, c'est pour ça qu'on voulait simplement que ce soit le conciliateur qui fasse enquête, et ensuite le conseil d'arbitrage pourrait tenter de régler le conflit.

Je ne vois pas, M. le Président, pourquoi cela vient dans cet article, parce qu'il est déjà à l'article 81a.

M. Forget: II n'y a pas de rapport à l'article 81a.

M. Goulet: II n'y a pas de rapport, on dit... c'est-à-dire qu'en vertu de l'article 45, qui dit ceci: "Le conciliateur fait rapport au ministre à la demande de ce dernier". On dit: "Après que l'intervention du conciliateur se sera avérée infructueuse". Je ne vois pas ce qu'il vient faire dans ça. C'est entendu que le conseil arbitral, pour décider, devra étudier et prendre connaissance du rapport du conciliateur. Il y aurait peut-être, ce que le député de Sainte-Marie semblait vouloir aussi cet avant-midi, que le conseil arbitral ne soit pas juge et partie; c'est pour faire une différence. Mais quant au conciliateur, si son intervention s'est avérée infructueuse, c'est qu'il a déjà fait un rapport au ministre.

M. Forget: Non. M. Goulet: Bien...

M. Forget: Non, le conciliateur n'est pas tenu de faire rapport.

M. Goulet: Non, mais après que le ministre le lui aura demandé. En vertu de l'article 45, le ministre va certainement le lui demander.

M. Forget: Pas nécessairement.

M. Goulet: Ecoutez.

M. Forget: II n'y a rien qui le dit.

M. Goulet: "Le conciliateur fait rapport au ministre à la demande de ce dernier ", si le ministre le demande. On le dit.

M. Forget: II faut qu'il le demande dans ce cas-là.

M. Goulet: Oui, mais j'imagine qu'il va le demander s'il veut l'avoir.

M. Forget: II n'y a rien qui le dit.

M. Chevrette: II faut prendre pour acquis qu'un ministre est intelligent.

M. Forget: C'est beaucoup supposer, M. le Président.

M. Johnson: De façon générale.

M. Goulet: Si vous me le permettez, M. le Président, d'après ce qu'on voit dans les autres articles, je ne vois pas pourquoi le ministre ne demanderait pas le rapport. Il va falloir qu'il le demande à un moment donné; il me semble que c'est assez clair. Le ministre va être obligé de demander ce rapport-là.

M. Forget: Si c'est clair, on peut le dire.

M. Goulet: C'est clair. Vous aimeriez que ce soit écrit: Le ministre va demander le rapport à tel moment. Il va le demander. Si l'intervention du conciliateur s'est avérée infructueuse, je ne vois pas... A l'article 81c, on dit: "Le ministre peut charger le conseil d'arbitrage de faire enquête sur le différend et de tenter de le régler". Si on veut être cohérent c'est après que le conciliateur a fait son travail. On ne peut pas lui demander de le faire de nouveau à moins qu'on ne confie cela à un autre conciliateur et qu'on lui dise: Fais le travail du premier. Il a déjà donné son rapport. Si cela s'avère infractueux le ministre va lui demander...

M. Forget: La plupart des conciliateurs ne donnent pas de rapport. C'est très fréquent. Surtout quand ils n'en viennent pas à une entente, il peut être souhaité par les parties qu'il n'y ait pas

de rapport de produit. Les parties, en demandant au ministre d'intervenir, peuvent faire état qu'il y a eu un conciliateur et que le conciliateur a échoué et se limiter à cela. Le ministre n'est pas tenu, non plus, de demander un rapport.

M. Goulet: Oui, mais M. le Président, compte tenu des autres articles, le ministre devra, à un moment donné, demander le rapport, parce que — excusez les mots — ce serait stupide de sa part si, à un moment donné, il ne le demandait pas, ce rapport. Il va falloir qu'il le demande à un moment donné.

M. Forget: II faut imaginer des circonstances où il se trouverait plus confortable de ne pas le demander.

M. Goulet: M. le Président, si c'est le même conciliateur qu'on retrouve à l'article 81a, je ne vois pas du tout le pourquoi de "cet article-là". C'est ce que j'avais à dire sans, comme le disait le député de Saint-Laurent...

Le Président (M. Marcoux): Le pourquoi de l'amendement, vous voulez dire?

M. Goulet: Pardon?

Le Président (M. Marcoux): Le pourquoi de l'amendement?

M. Goulet: De l'amendement, oui. Le Président (M. Marcoux): D'accord.

M. Johnson: M. le Président, sur l'amendement. Evidemment, je serai contre cet amendement pour une série de raisons. D'abord, je reprendrai à mon compte, peut-être pas tout à fait pour les mêmes raisons, la conclusion du député de Bellechasse. En vertu de l'article 45 qui est évoqué ici dans le texte de l'amendement, mais qui est là indépendamment du fait qu'on l'invoque ou pas, c'est comme cela que ça fonctionne au ministère du Travail. Quand le ministre veut être renseigné sur un conflit, il ne téléphone pas aux parties; il demande un rapport au conciliateur et cela quotidiennement. Le rapport n'est pas nécessairement écrit; dans certains cas, il l'est.

Parfois le ministre s'adresse au directeur général ou au directeur du service, parfois il communique directement avec un des conciliateurs pour des raisons d'efficacité dans le contexte, parce qu'il veut plus de précisions sur certaines choses. Il le fait en vertu de l'article 45. Deuxièmement, il le fait en vertu du pouvoir de discrétion ministérielle et du pouvoir d'administration du ministre qui est le pouvoir général d'un ministre à l'intérieur du ministère. Cela ne pose aucun problème, la notion de l'article 45, et je suis entièrement d'accord avec le député de Bellechasse à cet effet.

Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport. C'est ce qu'il fait. Un conciliateur, comme cela m'est déjà arrivé depuis six mois, à qui je demande ou je fais demander, au service de conciliation, des renseignements sur tel conflit..., et je me rends compte parce que la formulation de ma question n'était pas précise ou, pour une raison ou pour une autre, je considère que c'est incomplet ce qu'on me donne comme information, je rapplique ou je fais rappliquer quelqu'un de mon cabinet et, à un moment donné, le ministre a l'information. Il n'y a aucun problème là.

On n'est pas obligé de lui demander de compléter son rapport. Je lui demande de me faire rapport.

Deuxièmement, il peut nommer un enquêteur à cette fin, je ne vois pas pourquoi il irait nommer un enquêteur. Il y a un conciliateur pourquoi amener un nouveau personnage?

Troisièmement, si le ministre, à partir des informations qui lui sont soumises, juge que la négociation ne pourra se terminer par une convention collective, le ministre exerce un jugement. Sur la base de quoi? Oublions même que le député de Saint-Laurent, dans sa motion a évoqué l'article 45, ce qui va de soi, parce que l'article 45 est là et donne le pouvoir au ministre. Ce qui arrive, en pratique, il demande à son conciliateur d'évoquer effectivement le comportement des parties, l'analyse, son impression. Je pourrais éventuellement déposer des rapports de certains de mes conciliateurs, mais dans des conflits très précis où il y a des opinions, des évaluations du comportement des parties. C'est courant. Cela permet un peu d'apprécier la qualité de la négociation ou du contexte, et cela nous permet un peu de savoir où on s'en va et quelle sera la prochaine étape à aborder, pas nécessairement une étape au sens du code, une étape au niveau des interventions de façon générale du ministère et du contenu de ces interventions.

Pour ma part, je pense, l'évocation de l'article 45 est inutile et superfétatoire.

Deuxièmement, l'idée d'amener un troisième personnage là-dedans est à mon avis inutile.

Troisièmement, s'il juge que ceci ne se terminera pas par une convention collective, c'est évidemment l'objet de toutes les dispositions sur l'arbitrage de la première convention.

Donc, c'est également un peu superflu. Il peut charger un conseil d'arbitrage de régler le différend. On l'a, cela ici. "Le ministre, sur réception de la demande, peut charger un conseil d'arbitrage de faire enquête sur le différend et de tenter de le régler". Essentiellement, c'est encore là. En d'autres termes, pour moi, fondamentalement, c'est cela qui se passe. Aller le préciser dans le temps. On va me dire: II y a des choses qui vont mieux en les disant qu'en ne les disant pas. Je suis sûr que c'est l'argument que va me servir le député de Saint-Laurent.

Cependant, comme c'est un texte de loi, il ne s'agit pas de faire en sorte que ce soit non plus inutile et l'occasion, entre autres, de procédures, par exemple d'une procédure judiciaire où on contesterait la nomination du conseil d'arbitrage nommé par le ministre parce qu'on pourrait invo-

quer que le conciliateur a mal complété son rapport. C'est au ministre d'évaluer la qualité et c'est finalement très subjectif. Souvent, ces décisions se prennent parfois non pas rapidement, mais dans des situations où il faut agir rapidement.

Je trouve finalement que, de façon générale, c'est un peu inutile d'ajouter des choses qui y sont et qui font partie du seul mode de fonctionnement possible au ministère. C'est pour cette raison et quelques autres, M. le Président, que je rejetterai l'amendement du député de Saint-Laurent. Le dernier élément, je m'excuse, que j'allais oublier, c'est que de toute évidence, quand on fait appel à une espèce de formalisation du rapport du conciliateur su rie comportement des parties, même si on a supprimé la mauvaise foi, tout à l'heure, dans le fond, comportement cela s'interprète à l'égard de 41 bien plus qu'autre chose. C'est à peu près évident.

Là, on va faire porter sur les épaules du ministre l'"odieux" d'évaluer si oui ou non il y a bonne ou mauvaise foi ou diligence ou pas d'une certaine façon. Oui?

M. Forget: Au contraire.

M. Johnson: On le fait porter sur les épaules du conciliateur, mais le conciliateur, il n'est personne aux yeux de la loi. Il joue son rôle, sauf que ce n'est pas le conciliateur qui va prendre une décision. C'est le ministre qui doit prendre la décision sur la base des informations du conciliateur. Ce n'est pas le conciliateur qui a le pouvoir de dire: II y aura un conseil d'arbitrage. Si c'était le conciliateur, il n'y aurait pas de problème. Mais c'est le ministre. Donc, il faut que le ministre apprécie la qualité, le contenu; il faut qu'il fasse un acte de foi là-dessus. On dit: C'est le ministre qui va décider qu'il y a un conseil d'arbitrage qui va tenter de régler le différend. On dit: Qu'on fasse la demande, on nomme le conseil d'arbitrage qui s'en va dans le champ, qui évalue, effectivement, tout cela, qui décide si, oui ou non, il va se prononcer au fond. Ce sont vraiment ceux qui vont être dans le dossier. C'est cela qui compte. Deuxièmement, dégager le ministre de l'aspect un peu odieux d'essayer de juger de la bonne ou de la mauvaise foi des parties, alors qu'on est même hésitant à le confier au Tribunal du travail dans un premier temps. Imaginez-vous, au ministre, quel genre de jurisprudence cela fait!

Je pourrais peut-être aller un peu plus loin et dire que c'est une espèce d'hommage à la conception un peu "pompiériste" du rôle du ministre là-dedans puisqu'on lui confie de porter formellement un jugement sur le comportement des parties. Je pense que ce n'est pas le rôle du ministre.

M. Forget: Le ministre vient de donner la meilleure défense qu'on peut imaginer pour l'amendement. Le problème, c'est qu'il n'est pas conséquent avec sa logique. Il vient de donner toutes les raisons pour lesquelles il ne faut pas donner au ministre un pouvoir discrétionnaire sans l'assortir de certaines modalités, et, effectivement, ce qu'il se propose de faire dans cet article et les autres qui l'accompagnent, c'est de prendre des décisions extrêmement politiques et extrêmement personnelles sur la base d'une absence totale d'information, autre que celle qu'il aura par les journaux ou par ouï-dire. Parce que ne nous faisons pas d'illusions...

M. Johnson: Vous présumez que c'est un ministre farfelu.

M. Forget: M. le Président, j'ai la parole.

Ne nous faisons pas d'illusions. Ce devant quoi on est, c'est une confusion. Je croyais que le ministre s'était trompé, qu'il ne cherchait pas la confusion à plaisir, mais il est clair qu'avec l'article 81c, il cultive la confusion, parce qu'il est clair que lorsque le ministre, "sur réception de la demande, peut charger", etc., il prend une décision. Je pense que c'est très clair qu'il prend une décision. Or, il n'y a rien dans les articles antérieurs qui l'équipe pour prendre cette décision, sauf une demande, une demande qui est basée sur quoi? Une demande qui est basée sur l'intervention avortée d'un conciliateur, mais qui, étant donné qu'on se réfère aux clauses générales de la conciliation, le rapport lui-même du conciliateur ne traite pas spécifiquement de la question qui est le critère de décision dans ce cas-là, qu'est le comportement des parties...

C'est bien clair que les parties ne s'entendent pas. C'est clair que ce qui constitue la base habituelle d'un rapport de conciliateur, c'est qu'on ait rencontré les parties, que telle et telle partie a telle et telle prétention, que l'autre partie a telle et telle autre prétention et que, sur un certain nombre de sujets, il n'y a pas possibilité d'entente. Mais la mission d'un conciliateur, ce n'est pas la mission d'un enquêteur. Ce n'est pas de s'interroger sur les motivations, les comportements des parties, leur diligence et leur bonne foi, c'est simplement de constater, soit un accord sur certaines clauses, soit une impossibilité d'en arriver à un accord sur d'autres clauses. Quand on se réfère à l'article 45 sans modifications, sans prévoir la possibilité qu'il va y avoir un peu plus que le rapport formel d'un conciliateur, on va retomber devant un rapport qui est extrêmement laconique, qui peut, à l'occasion et de façon incidente, dire telle ou telle chose sur le comportement des parties, mais qui n'a pas pour but d'éclairer, de façon objective et complète, le comportement des parties. Ce ne peut être qu'incident. Ce ne peut être que, par exemple, le comportement durant la phase de conciliation, ce qui n'est pas nécessairement ce qu'il y a de plus pertinent. Ce n'est pas une tentative pour faire l'histoire du cas, en quelque sorte, pour employer un terme emprunté à une autre discipline; on ne fera pas l'histoire du cas de ce conflit-là. On pose tout simplement un diagnostic à un moment précis. On dit: II y a tel et tel symptôme de mésentente sur tel et tel point et, incidemment, on peut, évidemment, décrire le comportement des parties qui ont refusé ou accepté, avec plus ou moins de réticence, de collaborer avec le conciliateur, mais c'est loin d'être une investigation complète qui permettrait au mi-

nistre de porter son jugement, ce pouvoir auquel le ministre tient tant et qui semble lui donner une telle satisfaction de pouvoir décider de mettre en branle le mécanisme d'arbitrage.

Pour la protection même du ministre, pour que cette décision ne soit pas trop facilement attaquable, pour qu'il ne soit pas accusé de faire de la politique avec cela, ou du pompiérisme, selon son expression favorite, il faut qu'il puisse alléguer. J'ai devait moi les faits qui basent mon intervention. Or, le rapport du conciliateur, rapport qu'il n'est même pas tenu de produire, sauf par référence à d'autres articles, mais encore là, on ajoute des décisions à des décisions, on ajoute des pouvoirs discrétionnaires à des pouvoirs discrétionnaires; pour utiliser le pouvoir discrétionnaire de 81c, on dit qu'il peut utiliser le pouvoir discrétionnaire de 45. Pourquoi ne pas en faire une condition stricte, de manière qu'une partie ne puisse pas l'accuser d'avoir fait du zèle en allant chercher à droite et à gauche des rapports qui peuvent tarder, qui peuvent impliquer certains délais. Le conciliateur peut dire: Oui, M. le ministre, je vais vous donner mon rapport; mais j'aimerais mettre mes notes en forme avant de vous le donner. Et il peut s'écouler un certain nombre de jours, peut-être une semaine et demie ou deux semaines avant que le rapport du conciliateur soit remis—peut-être trois semaines, j'ai déjà vu plus long. — A ce moment, une des parties peut dire et même accuser publiquement le ministre de temporiser, de se prévaloir d'autres dispositions du Code du travail, alors qu'il n'est pas tenu de le faire dans les circonstances puisqu'on dit: "Sur demande", il prend des décisions. Sur demande, ça veut dire quelque chose. Là on va alléguer qu'il y a une autre disposition du code qui permet au ministre de demander des choses, alors que ce n'est pas prévu dans cette disposition. Des causes de mésentente, mais aussi des causes de contestation, pas judiciaire, d'une décision qu'il prend. Il s'expose plus qu'il ne le faut en utilisant son pouvoir discrétionnaire, alors qu'il ne se donne pas les moyens d'obtenir un exposé des faits. Il prend une décision et c'est seulement après qu'il demande de faire enquête. C'est comme l'attitude qu'on reprochait au Gl américain au Viêt-nam; ils tiraient d'abord et ils posaient les questions après. C'est un peu ce qu'on demande au ministre de faire. Il va décider qu'il y a lieu de créer un conseil d'arbitrage, et après cela, il va dire: Allez donc trouver si je n'avais pas des raisons de faire cela. Allez faire enquête. Peut-être allez-vous découvrir que le comportement des parties n'est pas approprié. Mais à ce moment, comme la décision d'amorcer l'arbitrage est déjà prise, vous en tiendrez compte dans la décision que vous rendrez sur le fond. La belle affaire! On a un beau processus; c'est très satisfaisant; c'est tout naturel de procéder comme cela. On a toujours fait ça. Cela viendrait spontanément à quiconque penserait, à l'arbitrage, de procéder de cette façon. Voyons donc! Tout ça, sous prétexte que c'est dans la loi. On peut utiliser un autre article, c'est à la discrétion du ministre. C'est la confusion qu'on cultive. On cultive la confusion sous prétexte qu'on a des pouvoirs dis- crétionnaires. C'est bien sûr qu'on a des pouvoirs discrétionnaires, mais qu'on apprenne à les utiliser de façon intelligente.

M. Johnson: Voyons donc! C'est que le député de Saint-Laurent donnait de l'argumentation en disant à peu près ceci, sauf erreur: si le conciliateur n'a pas eu le temps de fournir son rapport... Le ministre peut lui demander... ça peut prendre deux ou trois semaines, mais...

M. Forget: Cà, c'est le scénario du ministre.

M. Johnson: Non, mais c'est que, dans l'amendement que vous présentez, vous dites exactement ceci: "Si le rapport est incomplet ou insuffisant, le ministre peut demander au conciliateur de compléter son rapport." C'est le même conciliateur, le même rapport, mais ça peut quand même prendre trois semaines ou un mois.

M. Forget: Bien sûr, mais dans quel contexte ai-je dis cela, M. le député de Bellechasse? J'ai dit cela dans le contexte de l'utilisation, par le ministre, d'un pouvoir discrétionnaire. Or j'ai dit: Monsieur le ministre, vous avez besoin que l'utilisation que vous faites d'un pouvoir discrétionnaire soit circonscrit par la loi, de manière qu'on ne vous blâme pas d'utiliser d'autres dispositions de la loi pour retarder les choses, si c'est prévu qu'il doit le demander. D'abord, le conciliateur qui va être convoqué, dans le cas d'une première convention collective, va être averti d'avance qu'il va devoir présenter un rapport au ministre, pas seulement sur le fond du litige mais aussi sur le comportement des parties de manière que le ministre prenne une décision en connaissance de cause.

M. Goulet: C'est prévu à l'article 45, cela.

M. Forget: Non, ce n'est pas prévu à l'article 45. Tout ce qu'on dit, c'est que le ministre peut, s'il le veut, demander un rapport, qui va porter sur quoi, M. le député de Bellechasse? Il va porter sur cela...

M. Goulet: Si vous me le permettez, je ne voudrais pas que ce soit un débat.

M. Forget: ... et sur quoi portent les rapports de conciliateurs, d'habitude. Pas sur le comportement des parties, en vertu de l'article 41.

M. Goulet: Si le ministre demande un rapport, j'imagine que le rapport va porter exactement sur le litige.

M. Forget: Le litige mais pas le comportement des parties, en vertu de l'article 41. C'est différent, cela.

M. Goulet: On va écrire quoi dans ce rapport?

M. Forget: On ne recommencera pas le débat qu'on a eu hier là-dessus, mais je pense que vous pouvez admettre qu'il y a une distinction.

M. Goulet: Je comprends que je n'y étais pas hier...

M. Forget: Est-ce que vous me posez une question ou vous faites un débat?

M. Goulet: Non, je vous pose la question.

M. Forget: A ce moment-là, je peux réclamer mon droit de parole et vous ferez votre débat après.

M. Goulet: Je vous pose la question, M. le député. Si c'est le même conciliateur, le même type et que le ministre lui demande un rapport en vertu de l'article 45 — il a le droit de demander ce rapport — quelle différence y a-t-il entre le rapport qui est là et ce que vous amenez? Quelle sera la différence dans le rapport, entre ce que vous amenez et ce qui sera demandé par le ministre, par le biais de l'article 45? C'est le même rapport et le même conciliateur. Quelle différence y aura-t-il entre les deux rapports? C'est la question que je vous pose.

M. Forget: Vous avez terminé? M. Goulet: Oui.

M. Forget: Voulez-vous vraiment qu'on vous donne la réponse à votre question?

M. Goulet: Oui, certainement. Je trouve cela confus et j'aimerais le savoir.

M. Forget: II y a au moins deux différences.

Le Président (M. Clair): Brièvement, M. le député.

M. Forget: M faut bien que je réponde à la question, cela fait deux fois que je le fais et sans succès. Alors, je vais essayer une troisième fois.

M. Chevrette: ...

M. Forget: Je n'en suis pas sûr.

En vertu de l'article 41, admettez-vous qu'il y a une référence à la diligence et à la bonne foi dans la façon de mener une négociation? Admettez-vous cela?

M. Goulet: Oui.

M. Forget: Admettez-vous qu'il y a une distinction entre la façon dont on mène une négociation, le comportement qu'on a durant la négociation relativement à l'obligation de diligence et de bonne foi, d'une part, et, d'autre part, les points en litige, le fond du litige? Il y a une bonne distinction, je pense que c'est assez clair, entre le comportement des parties et ce sur quoi elles négocient.

Or, le rapport déposé par un conciliateur, quand il en dépose un, c'est normalement un rapport qui fait le bilan des points du litige, du fond du litige, sur lequel il y a accord ou pas. Cela peut incidemment, mais pas principalement, dire: On a eu des difficultés à convoquer les parties, elles n'ont pas voulu nous rencontrer, etc., mais ce sont essentiellement des constatations que le conciliateur fait sur la phase qui l'intéresse, sa phase de conciliation. Il n'a pas à juger, comme conciliateur, si, durant toutes les négociations, les parties se sont conformées à l'article 41, si elles ont négocié avec diligence et bonne foi.

Or, cette constatation, qui n'apparaît pas normalement dans le rapport d'un conciliateur, est cruciale pour mettre en branle les articles 81a, 81b, etc. C'est pour ça que je dis qu'il faut le mentionner dans ce chapitre, parce que c'est un rapport de conciliateur, à ce moment-là, qui serait différent, dans ces exigences, du rapport ordinaire d'un conciliateur.

C'est là la première raison pour l'y insérer. La deuxième raison, c'est qu'on peut évidemment dire que le ministre peut se rabattre sur des dispositions facultatives de l'article 45, mais, comme l'usage que va faire le ministre de cette décision, de décréter l'arbitrage obligatoire, est une décision lourde de conséquences et susceptible d'être controversée, il est préférable qu'il le fasse non pas en vertu d'un pouvoir discrétionnaire très général et très ouvert, mais qu'il puisse s'appuyer sur des dispositions de la loi qui l'obligent à certaines procédures régulières, de manière à pouvoir dire: Ecoutez, ce n'est pas pour retarder les choses que j'ai utilisé mon pouvoir de l'article 45, la loi exige que j'obtienne un rapport du conciliateur qui soit complet, non seulement sur le fond du litige, mais sur le comportement des parties.

C'est ça qui va l'aider à décider s'il doit créer un conseil d'arbitrage. C'est ça que je dis, il y a deux raisons, ce sont deux raisons qui, même prises isolément, suffiraient à inscrire cette disposition dans l'article 81. Bien sûr, on peut dire: On n'en a pas besoin les gens ont du bon sens, sont fins, tout le monde s'aime, tout le monde est gentil, il n'y aura pas de problème. Mais si tout le monde était fin et si tout le monde était gentil, on n'aurait pas d'arbitrage. Ce sont des circonstances qui sont très controversées. Ce n'est pas facile de décréter l'arbitrage. Il faut non pas seulement avoir de bonnes raisons, mais démontrer ouvertement que les raisons qu'on a sont bonnes. C'est ça que je dis au ministre. Munissez-vous d'instruments.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: M. le Président, à écouter le député de Saint-Laurent, on aurait l'impression qu'un conciliateur est un genre de personne qu'on envoie écouter parler deux groupes, qui regarde, revient et dit: Je ne suis pas capable de rien faire. C'est marqué dans la clause qu'il doit tenter de rapprocher les parties — parce qu'il s'ouvre la trappe à un moment donné — de faire des suggestions, de voir ce qui accroche dans telle clause, dans telle partie de la convention collective, tel type de conditions de travail, pour savoir exactement présenter la clause ou l'article précis qui raccrocherait ou rapprocherait même les parties.

C'est un rôle très important et ces gars sont en mesure de vérifier aussi sur place les chances éventuelles de voir ces parties conclure un contrat collectif de travail. Cela ne prend pas un psychologue et un psychiatre, je crois, ou un docteur spécialisé pour détecter la mauvaise foi des interlocuteurs pour dire au ministre du Travail: Ce conflit est pourri et je pense bien qu'il n'y a pas grand jus à sortir de là quand bien même je continuerais des mois et des mois à concilier.

Ils ne se parlent pas et sont rébarbatifs l'un à l'autre. Cela, je pense bien, exige un conciliateur qui a l'expérience de la conciliation. Ordinairement, ce sont des gens qui ont eu l'expérience de la négociation, l'expérience des relations du travail comme telles, d'anciens agents de griefs, des gars, en fait, qui ont vécu pratiquement ce que sont des relations de travail, qui ne se sont pas contentés de lire des grandes théories écrites sur ce que sont les relations du travail.

On appelle cela des bonshommes concrets pragmatiques qui savent un peu toiser une personne et qui disent: Ce patron-là, il va falloir que je sois doux avec lui, si je veux l'amener à être plus "cool" dans ses relations.

M. Forget: M. le Président, le député de Joliette-Montcalm me permettrait de rectifier les faits. Je n'ai pas accusé les conciliateurs d'être des gens malhabiles ou mal informés.

M. Chevrette: Je n'ai pas dit que vous aviez porté des accusations.

M. Forget: Oui, par contraste.

M. Chevrette: J'ai dit que vous aviez une mauvaise perception, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Non, non, j'ai beaucoup d'admiration pour certains conciliateurs; je pense qu'ils sont des hommes de talent.

M. Chevrette: ... pas pour faire un excellent rapport au ministre...

M. Forget: Sûrement, sûrement.

M. Chevrette: ... sur le comportement des parties.

M. Forget: Pourvu qu'on le lui demande, il n'y a pas d'erreur.

M. Chevrette: Bien sûr, bon. M. Forget: Bien sûr.

M. Chevrette: Voici, je continue, si cela ne vous dérange pas trop. Un conciliateur est là pour amener les parties, comme je le disais tantôt, à se rapprocher. C'est le premier individu, la première personne sur le plan des serviteurs de l'Etat, dans la hiérarchie des serviteurs de l'Etat, qui est capable de dire au ministre, de façon directe : avec tous les efforts que j'ai faits, cela ne sert à rien. Vous pouvez bien immédiatement procéder à la nomination d'un tribunal d'arbitrage, parce que le conflit est très pronfond. Le patron... " N'oubliez pas que dans les caucus, en plus de cela, M. le député de Saint-Laurent, quand on sépare les parties pour faire de la conciliation, sur le plan concret, il s'en dit des choses dans une antichambre avec un seul groupe. On découvre même dans ces milieux-là, dans ces petites chambres-là, toute la haine qu'un porte-parole syndical peut avoir, par exemple, contre un patron; on peut détecter très facilement que tel patron, si ce n'était pas du porte-parole syndical, si c'en était un autre, serait même plus souple. C'est facile de constater cela en faisant de la conciliation.

M. Forget: Là, c'est le député de Joliette-Montcalm qui fait de la psychiatrie.

M. Chevrette: Absolument pas, je ne suis pas un psychiatre. Au contraire, je ne le voudrais pas non plus. Mais j'aimerais que vous me qualifiiez de psychologue naturel.

M. Johnson: Et modeste.

M. Chevrette: II est quatre heures moins vingt minutes. Je trouve que vous avez voulu minimiser, peut-être sans le vouloir, M. le député de Saint-Laurent, le rôle du conciliateur qui, à mon avis, est l'homme tout choisi pour faire un rapport permettant au ministre de porter un jugement. Et j'abonde dans ce sens-là avec le député de Bellechasse. L'essentiel de l'étude des comportements n'est pas de dire au ministre: Lui, il est de mauvaise foi à 40%, 50% ou 60%, ou à 80%. L'essentiel, c'est qu'il dise au ministre: Les comportements, en négociation, ne favorisent en rien un règlement sans l'intervention du mécanisme d'arbitrage obligatoire.

D'après ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu, il n'y a pas de possibilité d'espérer un règlement par voie de négociation au sens strict du mot, selon les mécanismes normaux. Je suis d'accord avec vous qu'il n'a pas à juger toute l'intention, la mauvaise foi qu'il peut y avoir d'un côté comme de l'autre, mais il est là pour être capable de juger si la situation exige l'intervention du ministère. C'est cela qu'on entend par l'étude des comportements que vous interprétez d'une toute autre manière.

A partir de ce sens pratique, nous pouvons rejeter immédiatement cet amendement et passer à l'adoption de l'article 88.

Le Président (M. Marcoux): Comme il n'y a pas d'autres intervenants sur l'amendement, l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent est-il adopté?

M. Johnson: Rejeté, M. le Président. M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Marcoux): Rejeté sur division.

Nous revenons au paragraphe 81d. Adopté?

M. Johnson: On n'adopte pas le paragraphe, on le considère.

Le Président (M. Marcoux): On ne veut pas adopter le paragraphe. En fait, on revient à l'article 44 comme tel. Y a-t-il d'autres...

M. Forget: Oui, M. le Président, il y en a d'autres.

Le Président (M. Marcoux): II y en a d'autres. M. Forget: Sur le paragraphe c). M. Johnson: Ah! sur c) encore.

M. Forget: On en a encore une. On y va par étape, puisqu'on ne veut pas mélanger personne. Il reste qu'en mettant de côté...

Une Voix: Oui...

M. Forget: Le caillou est un peu plus gros par exemple. En mettant de côté les questions d'utilisation, par le ministre, de son pouvoir discrétionnaire et des précautions qui, à notre sens, auraient dû l'entourer — cela vient d'être défait — il reste que, très étroitement, il m'apparaît qu'il faut éliminer le double rôle du conseil d'arbitrage.

Il n'est pas normal, il n'est pas usuel et il est même dangereux pour le sain fonctionnement d'un conseil d'arbitrage de demander à un conseil d'arbitrage de faire enquête pour savoir s'il devrait arbitrer et, après cela, d'arbitrer sur le même cas, sur le même litige.

Dans ce but, je veux donc présenter l'amendement suivant: Que le paragraphe 81c de l'article 44 soit modifié en remplaçant, dans la première ligne, le mot "peut" par le mot "doit", en remplaçant dans les deuxième et troisième lignes les mots "de faire enquête sur le différend'et "de" par le mot "pour" et en retranchant dans la troisième ligne le mot "le" et en ajoutant dans la troisième ligne après le mot "régler" les mots "le différend".

Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "Le ministre, sur réception de la demande, doit charger un conseil d'arbitrage pour tenter de régler le différend."

On en revient à l'expression de l'intervention spéciale, par arbitrage, pour régler une première convention collective, puisque le principe est posé que, quand il y a des difficultés, quand il y a un écart trop grand entre les parties — on nous dit que le conciliateur va nous donner tout cela sur un plateau, va permettre au ministre de poser son jugement, de façon impériale — il pourra juger, à ce moment-là, qu'il faut donner le feu vert au conseil d'arbitrage sans autres atermoiement, sans autres difficultés, sans autre embûche, et éviter surtout, parce que c'est là le but, de placer des gens qui sont membres d'un conseil d'arbitrage à qui on dit: Vous faites partie d'un conseil d'arbitrage. Toutes les dispositions sur l'arbitrage et les différends s'appliquent à vous, sauf que vous ne savez pas encore si vous allez arbitrer; vous êtes nommés pour arbitrer, peut-être, si vous jugez bon qu'il faut arbitrer; vous allez commencer votre travail en faisant enquête.

Qu'est-ce qu'on va trouver en faisant enquête? Dans quelle situation les membres du conseil d'arbitrage vont-ils se retrouver? Le conseil d'arbitrage, comme le nom l'indique, est composé de trois personnes: une désignée par l'employeur, une désignée par l'association de salariés, l'autre par le ministre. Ils vont aller faire enquête. On sait ce qui va se passer quand ils vont faire enquête. Il risque qu'il n'y ait pas seulement une vérité. Il va y avoir la vérité de l'arbitre patronal. Il va y avoir la vérité de l'arbitre syndical et il va y avoir la vérité du président. Parce que, question d'appréciation, de pondération, d'évaluation, enfin, ce n'est jamais noir sur blanc, ces histoires, pour une partie. Si c'était noir sur blanc, il n'y aurait pas de différend, on ne serait pas dans un état de crise. M y a donc des points de vue diamétralement opposés, et c'est le rôle accepté par la tradition que, à un conseil d'arbitrage, siège un arbitre pour représenter chacun des points de vue. Alors, on ne fait pas là de progrès.

C'est le président qui doit finalement trancher. Le président tranche présumément parce qu'autrement l'histoire s'arrêterait là et on n'aurait pas besoin d'explorer davantage. Il va trancher dans le sens qu'il doit agir finalement comme le conseil d'arbitrage sur le fond. Oui, mais ce n'est pas amusant, parce que l'arbitre, lui, préside. Celui qui est désigné par le ministre s'est déjà branché en faveur d'une des deux parties. Il a déjà adopté et épousé la perception d'une des deux parties. C'est gênant de présider un conseil d'arbitrage quand on a déjà donné des signes extérieurs, c'est le moins qu'on puisse dire, qu'on a des préjugés favorables dans un sens ou dans un autre.

C'est une situation inévitable, bien sûr, en bout de ligne. Quand on adjuge sur le fond, c'est bien sûr que le président doit éventuellement trancher. Mais tant qu'il y a l'incertitude, tant que les deux arbitres qui représentent les parties sur le fond, d'une certaine façon, sont dans l'incertitude quant à la façon dont leur président va finalement trancher entre elles ou entre eux, si on parle des arbitres, il y a toujours le désir de montrer un esprit de concession et de se rapprocher autant que possible d'un consensus qu'on espère malgré tout voir se dégager de l'arbitrage.

Comme on ne sait pas de quelle façon l'arbitre va pencher, on espère, par une expression de bonne volonté et d'ouverture d'esprit, cela, je me place au point de vue de chacun des arbitres, convaincre le président que finalement c'est peut-être de son côté à soi qu'est le bon sens, l'ouverture d'esprit, etc. Tout ce mécanisme interne, c'est un groupe de trois personnes. Ce n'est pas confiné à l'arbitrage, mais c'est plus officiel dans le cas de l'arbitrage. Il est bousillé, il est sérieusement menacé, quand, déjà, un des arbitres ou l'arbitre nommé, désigné par l'une des parties, s'est fait une bonne idée de la direction dans laquelle le président du tribunal va pencher.

Il se dit: Lui, on sait déjà qu'il ne nous a pas

aimés, ou bien il nous a aimés, et tellement qu'il a décidé que finalement il devait y avoir un arbitrage. Typiquement, ce serait probablement, initialement au moins, l'arbitre représentant le patron qui va dire: On nous impose l'arbitrage. Le président a déjà fait partie commune avec l'arbitre désigné par le syndicat. La possibilité d'arriver à une solution arbitrale saine, qui soit celle qui est voulue par le mécanisme d'arbitrage, est handicapée. A cela, il n'y a pas d'argument qu'on puisse me présenter. Je n'en ai pas entendu et je serais bien curieux d'en entendre un qui me démontrerait que cela n'a pas d'importance.

Il y a un rideau de fer qui tombe entre les deux étapes. Une fois qu'ils ont décidé qu'ils devraient arbitrer, ils ont pu se dire n'importe quoi, ils ont pu faire n'importe quoi, ils oublient tout cela. C'est du passé. Ce sont des gens qui, pour employer les mots du député de Joliette-Montcalm, sont compétents, réalistes et ils n'ont pas appris cela dans les livres...

M. Chevrette: Ils l'ont l'affaire.

M. Forget: Dans les livres, ils ont peut être aperçu, ils ont peut-être entendu parler qu'on avait des rancunes, Mais, dans le fond, dans la réalité, cela n'existe pas, la rancune et, toutes ces affaires, ce n'est pas vrai. On est au-dessus de cela parce qu'on est déjà en pratique à un conseil d'arbitrage, et on fait tomber le rideau et on recommence, comme si de rien n'était. Ecoutez, il faut s'amuser un petit peu, parce que si ce n'était pas drôle, ce serait tragique. Ce n'est pas vrai que cela va se passer comme cela. C'est une autre confusion des genres. Il y en a déjà quelques-unes, mais cela en est une. C'est peut-être la plus grave, parce que quand on fait ça, on insert dans un processus d'arbitrage qui, à l'heure actuelle... Cela ne fonctionne pas toujours, l'arbitrage, mais ça fonctionne d'autant mieux que cela a été toujours volontaire dans le passé. Enfin, depuis 1964, l'arbitrage est volontaire et cela aide à le faire accepter.

M. Johnson: Les policiers...

M. Forget: Oui, avec... D'accord.

M. Johnson: Les pompiers, y compris l'ancien ministre du Travail.

M. Forget: C'est un exemple qui parle pour lui-même, mais, à part ça, c'est un mécanisme volontaire qui a acquis sa crédibilité depuis quelques années quand on décide d'y recourir à cause de son caractère volontaire. Là, déjà, on lui impose un caractère obligatoire. C'est déjà une contrainte, c'est déjà une restriction. En plus de ça, on n'utilise pas l'arbitrage comme on l'a toujours utilisé, on l'utilise dans une nouvelle préparation, dans une nouvelle sauce où ce n'est plus seulement de l'arbitrage. C'est de l'arbitrage peut-être bien: Peut-être bien que oui, peut-être bien que non, selon la discrétion du conseil d'arbitrage, et dans cette première décision les gens mettent leurs cartes sur la table, le président met ses cartes sur la table et il ne peut plus fonctionner comme président du conseil d'arbitrage pour la deuxième et la plus importante étape, qui est d'arbitrer sur le fond, pas d'arbitrer sur l'arbitrage.

Alors, M. le Président, c'est bien simple. Il s'agit simplement, une fois que le ministre a utilisé son grand pouvoir discrétionnaire dont il nous parlait tantôt avec sa sagesse, avec toutes ses lumières, avec tout ce qu'il a comme outils qui n'est pas dit dans la loi et à quoi il peut avoir recours, y compris la lecture des journaux, l'influence du caucus, etc...

M. Johnson: C'est ça.

M. Forget: Ce n'est pas mentionné, ça, dans la loi, mais on sait que c'est là.

M. Johnson: Ce sont des choses qui font partie de la vie.

M. Forget: Cela fait partie de la vie, cela aussi. Ce n'est pas dans les livres.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: C'est peut-être dans quelques livres, peut-être pas dans les livres du député de Joliette-Montcalm, mais, de toute façon, en utilisant ce grand pouvoir discrétionnaire, il va être dans une situation où il se met le pied dans l'étrier; il la prend, la décision; c'est lui. Eh bien, qu'il la prenne donc jusqu'au bout! Qu'il ne demande donc pas au conseil d'arbitrage de partager avec lui l'odieux de la décision.

M. Johnson: C'est ça.

M. Forget: Qu'il la prenne, la décision, et qu'il demande à l'arbitrage d'arbitrer, point. C'est ça, le sens de l'amendement. C'est simple, ça. Je pense que tout le monde va comprendre ça alentour de cette table, et on ne devrait pas être obligé de l'expliquer longuement; que les arbitres arbitrent et que le ministre...

M. Johnson: "Ministre".

M. Forget: "Ministre", et ça va nous ramener sur le terrain des vaches.

M. Johnson: M. le Président, sur l'amendement du député de Saint-Laurent, j'aimerais d'abord savoir s'il est d'accord avec une modification strictement formelle de son amendement avant qu'on considère, non pas sa recevabilité, mais si on doit être en faveur ou pas. C'est, qu'en fait, il doit charger un conseil d'arbitrage de tenter de régler et non pas pour, n'est-ce pas?

M. Forget: Oui, je remercie le ministre. C'est un meilleur français.

M. Chevrette: C'est un autre livre qu'a lu le ministre.

M. Johnson: Bon! Alors, M. le Président, il y a deux éléments introduits à cet amendement... Pardon? Le "de", oui. Je pense que...

M. Forget: Oui, je le prends à mon compte...

Le Président (M. Marcoux): ... l'amendement...

M. Forget: ... de la façon dont le ministre prend à son compte les bons amendements, M. le Président.

M. Bisaillon: Le député de Saint-Laurent prend pour son compte.

Une Voix: Et non pas "à"...

M. Johnson: En fait, il y a deux éléments dans l'amendement du député de Saint-Laurent. D'abord, il y a l'introduction du mot "doit" et non pas "peut"; deuxièmement, il y a la suppression de "faire enquête'.

Il y a une drôle de différence entre le "doit" et le "peut". En pratique, si on adoptait l'amendement du député de Saint-Laurent. On a un conciliateur au dossier; en principe, la conciliation n'est pas tellement avancée, au stade où on en est; c'est peut-être une espèce de demi-échec. Une partie fait la demande au ministre, le ministre est obligé, d'après le texte, de confier la question à un conseil d'arbitrage.

Or, le conciliateur peut considérer, à ce stade, qu'il y a encore de la place pour un règlement. La partie qui a formulé la demande pour obtenir un tribunal d'arbitrage va invoquer le fait que la conciliation a échoué, et le ministre n'aura plus aucun choix. Tandis que, si on met "peut", le ministre peut dire: II y a un conciliateur et il nous donne son évaluation. Il dit: C'est comme cela que ça se passe à cause de la période de l'année, des problèmes qui sont impliqués. Je pense que, d'ici une semaine, ça va dégeler.

Vous empêchez, finalement, le règlement normal de ce que serait ce conflit. Le ministre peut décider que la conciliation n'a pas encore échoué, en vertu du texte que nous présentons. Vous faites en sorte que la partie...

Prenons l'exemple d'un patron ou d'un syndicat qui a décidé qu'il obtiendrait une sentence arbitrale; vous lui donnez toutes les armes d'obtenir carrément la sentence arbitrale presque automatiquement. Le ministre n'a aucun pouvoir de les mettre dans une situation telle qu'ils seront obligés de procéder par le mécanisme normal qui est celui de la conciliation et de la libre négociation. A ce titre, je ne peux évidemment pas accepter le mot "doit".

Deuxièmement: Quant à la suppression de faire enquête, je ne m'opposerais pas à ce que cette notion de faire enquête saute puisqu'elle est implicite. On dit: "de tenter de régler le diffié-rend". C'est probablement implicite qu'il y a un pouvoir d'enquête. Pour essayer de régler le problème, il faut bien que le conseil d'arbitrage sache ce qui se passe. Comme les articles 63 à 79 et 81 s'appliquent à ce conseil d'arbitrage — du code, j'entends — il est bien évident qu'il a un certain pouvoir d'enquête... Non seulement un certain, mais un pouvoir très précis qu'on va établir, y compris le duces tecum et le mandat, non pas d'amener, mais d'assignation. Alors, il n'y a probablement pas de problème à supprimer le pouvoir d'enquête.

Sur le plan juridique, ça m'apparaît le gros bon sens que, par définition, on ait le pouvoir d'enquête, à moins que mes légistes ne me disent que, à cause de certaines interprétations de la jurisprudence, ce serait essentiel de le conserver. Mais je pense qu'il va de soi que, par définition, il a un pouvoir d'enquête, évidemment s'il essaie de régler un problème.

A part du "doit" qui fait que c'est vraiment la partie qui s'est enlignée pour obtenir un arbitrage et qu'elle est dans une situation où elle peut l'obtenir automatiquement, ça change l'esprit de l'ensemble des articles 81a à 81d, dans la mesure où on veut que, premièrement, il y ait une conciliation; deuxièmement, que le ministre ait ce pouvoir discrétionnaire de dire: Vous allez continuer en conciliation, sinon on va nommer un conseil d'arbitrage. Mais au conseil d'arbitrage, ne l'oublions pas, il y a différentes étapes. D'abord, on va tenter de régler. En d'autres termes, il devient un peu — et je trouve regrettable que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'ait pu se joindre à nous cet après-midi parce que, dans le fond, son "Conciliation Board", c'est ça. Fondamentalement, c'est ça. C'est un représentant nommé par la partie syndicale, un représentant par la partie patronale et le représentant du ministre qui tentent de régler le différend. Il l'a son "Conciliation Board", sauf qu'on dit qu'à partir de là, il tente de régler, cela ne règle pas.

Deuxième étape, ils vont décider et, là, ils ont le temps de décider si oui ou non ils vont se prononcer sur le fond de la convention. Ils peuvent très bien décider de ne pas se prononcer sur le fond de la convention et dire: On a essayé de régler le différend, on considère, compte tenu de la situation ou de l'attitude des parties que nous nous retirons de tout cela et il faut que cela continue dans l'état où c'est parce que, dans le fond, on est un peu, ici, nous, comme des épouvantails, un peu comme le conciliateur dans le cas de la conciliation obligatoire qu'on amenait un peu formellement dans le dossier pour faire courir des délais. On pense qu'une des parties nous a amenés ici pour des raisons, dans le fond, qui n'ont rien à voir avec un règlement réel qui pourrait se faire et qui aurait pu se faire au moment où nous tentions de régler le différend.

D'autre part, il peut décider, au contraire, qu'il jugera, au fond. Cela, en soi, c'est une décision, de décider si oui ou non il va procéder à la rédaction de la convention collective. Une fois qu'il a pris cette décision, il procède, effectivement, à la rédaction de la convention collective. Tout cela a l'air d'être de longues étapes mais, en pratique, c'est très court, puisque ce sont les mêmes personnes; ce n'est pas comme nommer un nouveau médiateur, un nouvel enquêteur, une appréciation

du ministre, un Tribunal du travail et, finalement, un nouveau conseil d'arbitrage. Ce sont toutes les mêmes personnes mais qui agissent de façon différente a différentes étapes de l'évolution du dossier.

Pour ces raisons, évidemment, je demanderai de rejeter l'amendement du député de Saint-Laurent, à moins qu'il ne le reformule au sens où cela fait simplement supprimer l'expression "de faire enquête", et c'est cela.

M. Forget: Si le ministre me dit qu'il va voter pour l'amendement, si on remplace "peut" par "doit"...

M. Russell: "doit " par "peut".

M. Forget: C'est cela "doit" par "peut"!

M. Johnson: Le ministre, sur réception de la demande, peut charger un conseil d'arbitrage de tenter de régler le différend.

Le Président (M. Marcoux): Le nouvel article 81c se lirait comme suit: "Le ministre, sur réception de la demande, peut charger un conseil d'arbitrage de tenter de régler le différend."

M. Johnson: Peut-on passer en considération de l'article 81d, M. le Président?

M. Forget: Oui, à moins que l'Union Nationale ait des représentations à faire sur cela, M. le Président.

M. Goulet: Non, M. le Président, il y avait deux petits mots de quatre lettres qui étaient exactement la même chose mais étant donné qu'on les change... Quant à moi, entre "peut " et "doit", il y a une très grande différence mais si on met "peut" à la place de "doit", c'est parfait. J'en aurais eu long à dire sur la différence entre les deux mots, mais si on consent à ramener le mot "peut", bravo!

Le Président (M. Marcoux): Parfait. Article 81d.

M. Forget: Ici, M. le Président, on a, dans ce paragraphe 81d), une ambiguïté qui m'apparaît qu'il faudrait éclaircir. A l'article 81c, nous avions une espèce de chevauchement sur l'idée de faire enquête et de régler le différend. Là, il est clair que le mandat est de régler le différend, mais l'article 81d incorpore plusieurs notions d'une décision ultérieure sur le contenu de la convention collective, incorpore même l'idée que s'il le juge nécessaire, compte tenu du comportement des parties et eu égard à l'article 41; c'est donc là que le ministre veut faire entrer l'évaluation de la bonne foi et de la diligence. C'est une façon curieuse de tenir compte du comportement des parties, que de les pénaliser dans la façon dont les conditions de travail sont réglées.

C'est assez étrange que ce facteur, à savoir si les parties se sont comportées avec diligence et bonne foi, n'intervient pas au moment de prendre la décision de former le conseil d'arbitrage mais intervient dans la détermination des conditions de travail. Je ne m'explique vraiment pas cela, je ne vois vraiment pas pourquoi. C'est une espèce d'annexe à la section VIII de la loi où on dit: On décrète les pénalités en vertu de la loi. Pénalité, normalement, c'est le paiement d'une amende. Si une partie a contrevenu à une disposition de la loi, elle est normalement passible d'une amende de $500 par jour jusqu'à un maximum de $500 par jour de poursuites sommaires devant le Tribunal du travail.

Ici, on demande au conseil d'arbitrage de décider, de s'inspirer du comportement des parties, et on réfère spécifiquement à un article, 41, et on dit: Vous allez vous inspirer de ça pour déterminer les conditions de travail, le contenu de la convention collective. C'est comme si on disait, à l'article 41, il y a deux pénalités. Il y a une pénalité qui est la pénalité normale, une amende jusqu'à un maximum de $500 par jour, mais si c'est un acte répréhensible commis dans le contexte de la négociation d'une première convention collective, il y a une deuxième pénalité. C'est que le contenu de la convention collective va être infléchi dans un sens ou dans l'autre, en considération de la diligence et de la bonne foi de l'une des parties.

C'est ce qu'on appelle, en droit criminel — une notion qui est bien connue— le "double jeopardy", c'est-à-dire que pour un même acte ou une même offense — évidemment, c'est une notion de droit criminel, ce n'est pas une notion comme telle de droit pénal — pour un même acte ou une même offense, une personne ne peut pas être accusée deux fois. S'il y a, par exemple, un procès criminel qui est renvoyé pour vice de forme ou qu'on veut produire un acte d'accusation avec quelques légères modifications, il est interdit..., l'avocat de la défense peut obtenir le renvoi de la cause en disant que son client ne peut pas être accusé deux fois de la même offense, il ne peut pas être mis en risque d'être condamné deux fois pour la même chose.

Evidemment, je comprends que c'est une notion de droit criminel. Mais il y a quelque chose de fondamental aussi dans la notion qu'il y a une pénalité pour un comportement, il n'y en a pas deux. Ici, on dit: "Dans la détermination des conditions de travail, dans le contenu de la convention collective, on va porter un jugement sur le comportement et on va s'en inspirer." Je n'ai jamais vu ça et je ne comprends pas ça. A supposer que ce soit le syndicat qui se soit livré à des manoeuvres dilatoires, ou comme le ministre le disait tout à l'heure, à chaque rencontre de négociation, augmentait ses demandes, etc, ça voudrait dire qu'on va fixer le contenu de la convention collective à un niveau inférieur à ce qu'il aurait été si on n'avait pas proposé ce jugement.

Le ministre fait des signes de tête désespéré en me disant: ce n'est pas ça qu'il veut dire, mais c'est bien ça que l'article dit, par exemple. Ce n'est pas le ministre qui va décider, ça va être le conseil d'arbitrage. Je regrette beaucoup, mais même avec le ministre actuel, il peut avoir des surprises lui-même. Si je lis le français, à moins

que la longueur des heures que nous travaillons nous empêche de lire, "le conseil d'arbitrage peut ensuite décider de déterminer le contenu de la première convention collective, compte tenu du comportement des parties, eu égard à l'article 41." Cela n'a qu'une signification possible, il n'y en a pas dix, il n'y en a même pas deux. Cela veut dire qu'il observe si l'article 41 est observé ou pas, s'il juge qu'il n'a pas été observé, il s'en inspire. Ça ne peut pas être pour donner plus à la partie qui est coupable de mauvaise foi et de manque de diligence; cela va être pour lui donner moins.

Donc, c'est une pénalité. C'est une pénalité, pas par amende, mais en transformant les termes de la convention collective, enfin, c'est la décision arbitrale qui va lui tenir lieu de convention collective. Cela n'a pas de bon sens, cela n'a pas de bon sens, je pense qu'il faudrait que je le dise mille fois, parce que c'est assez clair, une fois qu'on l'a dit, je pense qu'il n'y a pas d'interprétation à faire. Qu'est-ce que pourra dire le ministre là-dessus, parce qu'il va certainement nous dire qu'il y a quelqu'un de bon sens qui va juger ça avec bon sens. Mais c'est écrit en français, ça, M. le Président. Il n'est pas question de bonne foi.

Si le conseil d'arbitrage va en contradiction avec ça, sa décision est attaquable par la Cour Supérieure.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse auparavant.

M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent, en fait, me permet une question? Je voudrais simplement qu'on se comprenne bien. Effectivement, peut-être qu'à cause de la rédaction, je l'ai toujours interprété dans un sens différent, donc c'est clair puisque l'interprétation du député de Saint-Laurent qui, je suis sûr, est de bonne foi, il a lu attentivement le texte puisqu'il a pris la peine de formuler un amendement, est totalement différente de celle que j'en fais. Donc, c'est clair que le texte n'est pas clair.

Il faudrait bien qu'on se comprenne sur l'objectif. Ce n'est pas de dire que le contenu de la convention collective va tenir compte de la bonne ou de la mauvaise foi des parties. Le syndicat a été de mauvaise foi; donc, on donne $0.03 d'augmentation au lieu de $0.50. Ce n'est pas cela. C'est la décision de procéder effectivement à la rédaction de la convention collective qui, elle, est en fonction de l'attitude des parties. Je ne sais pas si on se comprend?

M. Forget: On se comprend très bien. M. Johnson: Bon

M. Forget: Cela illustre mon point de vue, M. le Président. Cette intervention du ministre illustre mon point de vue que la question de la violation à l'article 41 arrive trop tard. La référence, à l'article 41, au comportement des parties dans le déroulement de cela, ça arrive trop tard. Il faudrait le mentionner avant, parce que ce n'est pas là que c'est pertinent. C'est pertinent à des étapes antérieures.

On s'est fait refuser toutes nos motions là-dessus et c'était cela, le but, de placer la question de la bonne ou de la mauvaise foi et de la diligence...

M. Johnson: Entre les mains du ministre.

M. Forget: ... entre les mains du ministre. C'est lui qui enclenche le processus. Qu'est-ce que vous voulez? Je regrette, mais vous avez choisi de vous coucher dans ce lit-là, d'enclencher un processus d'arbitrage et, là, vous voulez motiver la décision, une fois qu'elle est prise.

M. Johnson: On veut la faire porter...

M. Forget: Vous voulez la motiver une fois qu'elle est prise.

M. Johnson: .. le plus près possible des parties. Ce n'est pas le ministre qui est près des parties, il ne faut pas se compter des blagues; c'est le conciliateur ou c'est le tribunal d'arbitrage. Ce n'est pas le ministre.

M. Forget: Mais oui, ce serait justement si facile, dans le cas d'un conciliateur qui est appelé à intervenir dans la négociation d'une première convention collective, de faire porter son rapport aussi sur cet aspect-là, étant donné qu'on sait, contrairement à d'autres négociations, qu'il y a quelque chose qui va suivre l'intervention du conciliateur. Il faudrait faire cela plutôt que d'attendre que le conseil d'arbitrage soit nommé et de demander au conseil d'arbitrage de faire enquête sur le respect de l'article 41. Dans le fond, c'est cela, M. le ministre, qui est implicite dans votre affaire; avant l'amendement que vous avez accepté tantôt, c'était même explicite. Pour comprendre tout cela, il faut sauter d'un paragraphe à l'autre; à l'article 81c, vous nommez un conseil d'arbitrage qui fait enquête. On dit: Faire enquête sur quoi? Il faut sauter à l'autre paragraphe pour aller accrocher le respect de l'article 41, le comportement. Vous avez la nomination dans un paragraphe, la décision dans un autre et le critère de décision dans le troisième. Il y a un vice de rédaction.

M. Johnson: Je me souviens qu'on a fait de longs exposés en arrivant à l'article 81 du projet de loi. Je pensais qu'à ce moment-là j'avais fait le tour de cette question. Je ne voudrais pas reprendre toute la discussion sur les paragraphes a, b et c de l'article 81. Ce que je dis, c'est qu'à partir du moment où ce qu'il y a dans les paragraphes a, b et c de l'article 81 est acquis, l'article 81d est là comme un mécanisme qui permet, de la même façon que le "Conciliation Board" que voulait le député de Notre-Dame-de-Grâce ce matin, d'apprécier si, oui ou non, c'est un problème de contenu qui se pose. Je comprends que le conciliateur l'a apprécié dans un premier temps, mais il peut arriver qu'il se trompe. Il peut arriver qu'il y ait un problème d'évaluation. Il peut arriver que les parties aient évolué en cours de route aussi, parce que, là, elles voient venir l'arbitrage. Il y a un conseil d'arbitrage nommé. Le patron sait qu'il va peut-être y

avoir une sanction qui va être décidée par un tiers, un contenu de convention collective qui va peut-être être décidé par un tiers. Il a encore le temps de régler.

Qu'est-ce qu'on donne comme période tampon? La période tampon qu'on donne, c'est que le conseil d'arbitrage regarde ce qui se passe et essaie de régler le différend. Si cela ne se règle pas, il arrive à un stade où il dit: Bon, messieurs, on ne parle plus; je décide, compte tenu de votre comportement, à l'une et/ou à l'autre, que je procéderai à la rédaction de cette convention collective. C'est une épée de Damoclès sur la tête du patron ou du syndicat, dans ce cas-là. C'est une période tampon fondamentale et essentielle. Sans cela, cela aurait, encore une fois, presque un caractère automatique. Le but, ce n'est pas vraiment de dire qu'il y a quelqu'un de mauvaise foi dans tout cela. Le but, c'est d'en arriver à un règlement. Il ne s'agit pas, parce qu'on constate qu'il y a de la mauvaise foi quelque part, qu'on devienne paralysé, mais qu'on obtienne justement quelque chose d'efficace et qu'on obtienne le règlement au-delà du problème de la mauvaise foi.

Je suis d'accord, on pourrait reformuler l'article 81d pour le rendre plus clair, en ce sens que ce n'est pas en termes de contenu de la convention collective que la mauvaise foi ou la bonne foi d'une des parties compte. C'est parce qu'il y a mauvaise foi ou absence de diligence des parties, au jugement d'un conseil d'arbitrage regroupant trois personnes, dont l'une nommée par le ministre et l'autre désignée par les parties à même les listes du CCTMO, que le conseil décide: Très bien, je vais maintenant régler au niveau du fond. Cela m'apparaît une période importante.

Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent est convaincu de mon argumentation et s'il désire que... En fait, ce que je proposerais, ce serait de reformuler l'article 81d pour que ce soit très clair que la question du "compte tenu du comportement des parties eu égard à l'article 41 " se rattache à la décision de cesser de tenter de régler le différend et de procéder à la rédaction. Cela ne concerne pas le contenu de la rédaction, c'est bien évident.

M. Forget: Je pense qu'il va falloir, à ce moment-là, que le ministre rédige l'article 81d en deux alinéas. Il va falloir qu'il prenne un alinéa où il dira: "Compte tenu du comportement des parties eu égard à l'article 41, le conseil d'arbitrage décide...

M. Johnson: "Peut décider qu'il doit "

M. Forget: "... peut décider qu'il doit déterminer le contenu de la première convention collective." C'est cela. Alors, il informe les parties.

M. Johnson: Je soumettrais rapidement l'hypothèse suivante pour qu'on y réfléchisse, quitte à ce qu'on en suspende l'étude: "Le conseil d'arbitrage peut décider que, compte tenu du comportement des parties eu égard à l'article 41, il devra déterminer le contenu de la convention collective."

Je pense que cela devient beaucoup plus clair...

Une Voix: De la première.

M. Johnson: "de la première convention collective."

On peut procéder à une rédaction. Malheureusement elle est écrite à la main, mais on va essayer de vous en distribuer des copies. Pourrait-on suspendre l'étude de l'article 81d, M. le Président, c'est-à-dire les considérations de l'article 81d et prendre l'article 81e?

Le Président (M. Marcoux): Auparavant, je demanderais au député de Bellechasse s'il veut encore s'exprimer sur l'article 81d.

M. Goulet: Dans les changements qu'il y avait, c'était le conseil d'arbitrage qui décidait au lieu du ministre. C'était le changement fondamental qu'il y avait. On était d'accord là-dessus. Tel que formulé, il me semble que c'est évident, mais, selon les dernières paroles du ministre, je ne m'oppose pas non plus à changer la phraséologie de l'article 81d.

Le Président (M. Marcoux): L'article 81e? M. Chevrette: Adopté.

M. Bisaillon: C'est une demande des parties, toutes les parties ont demandé cela.

Le Président (M. Marcoux): L'article 81f? Sur l'article 81e, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Seulement une question que je voudrais poser au ministre. Le ministre se rappellera que, dans nos cours de droit, souvent on se référait au fameux législateur et on se demandait ce que le législateur avait voulu dire par là.

M. Johnson: Celui qui ne parle jamais pour ne rien dire, c'est cela?

M. Pagé: Pardon?

M. Johnson: Le législateur, c'est bien le même dont on dit qu'il ne parle jamais pour ne rien dire?

M. Pagé: C'est cela, jamais pour ne rien dire. On le voit. On voit cela régulièrement et souvent.

C'est toujours avec un peu d'inquiétude que je vois le terme "doit" dans des articles de loi. Je ne veux pas revenir à l'article 81c ou à l'article 81d, mais me limiter à l'article 81f. Lorsqu'il est dit que le conseil d'arbitrage doit tenir compte, entre autres, des conditions de travail qui prévalent dans des entreprises semblables ou dans des circonstances similaires, j'aimerais savoir du ministre quelle latitude cela peut laisser au conseil sur la

spécificité d'une entreprise ou d'une industrie. On pourrait se référer à plusieurs exemples.

Qu'on prenne le cas — je vais tenter d'être bref — du transport scolaire. La façon dont le travail est effectué oblige ces travailleurs, somme toute...

M. Johnson: Si le député de Portneuf me permet...

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: Effectivement ce sera le mot "peut". Ce débat qu'il est en train d'amorcer a été fait depuis deux semaines avec différents experts, etc.

M. Pagé: Ah! d'accord.

M. Johnson: Je n'ai pas eu l'occasion, au moment où on a considéré l'article 81 f, je n'ai pas eu le temps de vous le dire. C'est le conseil...

Le Président (M. Marcoux): On change le mot "doit" par le mot "peut"?

M. Johnson: C'est cela.

M. Pagé: Vous avez présumé mon amendement et vous l'adoptez. Je suis chanceux.

M. Johnson: Presque. M. Pagé: Je vais intervenir plus souvent. Le Président (M. Marcoux): L'article 81g? M. Pagé: Merci!

M. Johnson: Je remercie le député de Portneuf de sa suggestion. Elle correspond d'ailleurs à ma réflexion. Cela lui permettra d'éviter un débat là-dessus.

Le Président (M. Marcoux): L'article 81g? L'article 81g, adopté. L'article 81h? On avait supprimé...

M. Forget: M. le Président, mes amendements ne sont pas...

Le Président (M. Marcoux): En ordre. M. Forget: ... en ordre. J'avais...

Le Président (M. Marcoux): Voulez-vous qu'on suspende la séance trente secondes?

M. Forget: Non, je viens simplement de me rendre compte qu'ils étaient dans l'ordre inverse de l'ordre habituel. A l'article 81e, j'ai une observation. C'est relativement au premier paragraphe, avec votre permission.

Le Président (M. Marcoux): Comme il y a un excellent esprit de collaboration, je vais faire appel à la collaboration de tous les membres...

M. Forget: La dernière chance.

Le Président (M. Marcoux): ... pour permettre au député de Saint-Laurent de revenir à 81e. C'est ce qu'on appelle avancer en reculant.

M. Chevrette: En reculant. C'est le cheval de tout à l'heure.

M. Forget: C'est cela. C'est le même animal.

M. Chevrette: Mon grand-père appelait cela un piton.

Le Président (M. Marcoux): Allez-y, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, c'est relativement au premier paragraphe que je relis pour le bénéfice de tout le monde. "Si une grève ou un lockout est en cours à ce moment, il doit prendre fin à compter du moment où le conseil d'arbitrage informe les parties qu'il a jugé nécessaire de déterminer le contenu de la convention collective pour régler le différend". Ce que l'on ne dit pas ici, c'est ce qui se passe à la suite de cela. On présume que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais on ne dit pas ce qui se passe s'il n'y a pas fin de la grève ou du lock-out.

Une Voix: Ils rentrent au travail.

M. Forget: Oui, mais qu'est-ce qui arrive à l'arbitrage? A mon avis, il serait dangereux de permettre à une partie de laisser se dérouler l'arbitrage tout en maintenant ses moyens de pression. Il y a un choix qui est fait. Il y a un choix et il y a une décision. On dit: II faut que cette grève ou ce lock-out se termine et il faut l'intervention d'un tiers pour le régler. On se trouve dans la période où la grève est légale et il n'y a rien qui interdit, dans le cas du lock-out, à l'employeur de continuer un lock-out. Evidemment, il y aurait les sanctions pénales. On en a déjà discuté beaucoup, des sanctions pénales, et on n'a pas été convaincu par personne que c'étaient des solutions.

Peut-être qu'il y aurait lieu, à ce moment, de dire: Si la grève ou le lock-out n'est pas suspendu à partir du moment où le conseil d'arbitrage rend sa décision, à ce moment, le conseil d'arbitrage ne peut procéder, parce que, dans le fond, c'est comme jouer à pile ou face. C'est pile, tu gagnes et face, je perds, des choses dans ce genre. C'est une situation à laquelle, à mon avis, on ne peut pas remédier à moins de prévoir spécifiquement que, si l'indication contenue à l'article 81e n'est pas suivie, observée par les parties, pour le temps où ce n'est pas observé, le tribunal est figé dans le fond dans l'immobilité et ne peut pas procéder.

Si les parties, finalement, se conforment à la prescription de la loi, là on peut procéder à l'arbitrage. Je pense que c'était dans les mémoires de

certaines centrales et dans ceux du patronat. D'ailleurs, tout le monde s'entendait là-dessus; s'il y avait un arbitrage, il fallait que les moyens de pressions cessent. On ne pouvait pas utiliser les deux instruments pour poursuivre la même fin. Dans ce sens, je proposerais cet amendement-ci qui précisément vise à ajouter une toute petite phrase: Que le premier alinéa du paragraphe 81e de l'article 44 soit modifié en ajoutant dans la cinquième ligne après...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie voudrait vous poser une question.

M. Bisaillon: Est-ce que le député de Saint-Laurent pourrait juste nous le lire, sans le faire pour l'instant, comme il l'a déjà fait au cas où il y aurait des possibilités...

M. Forget: Vous voterez pour si c'est bon. On vous en a passé quelques-uns comme cela. C'est peut-être une occasion de nous rendre la politesse.

M. Bisaillon: Vous comprenez ce que je veux dire? Vous pourriez nous le lire avant de le faire de façon formelle.

M. Forget: Oui, je vais le lire, c'est cela. Je le ferai de façon formelle après. D'accord. Que le premier alinéa du paragraphe 81e de l'article 44 soit modifié en ajoutant dans la cinquième ligne, après le mot "différend", les mots "à défaut de mettre fin à la grève ou au lock-out, le conseil d'arbitrage ne peut procéder". L'alinéa amendé se lirait comme suit: 81e) — premier alinéa, bien sûr, seulement —"Si une grève ou un lock-out est en cours à ce moment, il doit prendre fin à compter du moment où le conseil d'arbitrage informe les parties qu'il a jugé nécessaire de déterminer le contenu de la convention collective pour régler le différend. A défaut de mettre fin à la grève ou au lock-out, le conseil d'arbitrage ne peut procéder." C'est cela. Je pense que le sens est clair. J'espère que le sens est clair. S'il n'est pas clair, je suis disponible pour donner des précisions supplémentaires, M. le Président. J'essaie d'anticiper des objections possibles et...

M. Chevrette: Je vais vous en faire.

M. Forget: Le député de Joliette-Montcalm est tout prêt à en faire. Je vous écoute, M. le député de Joliette-Montcalm.

Le Président (M. Marcoux): Monsieur le député de Bellechasse avant.

M. Goulet: M. le Président, j'espère que le député de Saint-Laurent ne m'en voudra pas de ne pas être d'accord pour une troisième fois, mais lorsque nous siégeons ici, ce n'est pas pour être en accord ou en désaccord, c'est pour défendre des principes.

Si on met un tel amendement, M. le Président, on ouvre encore une porte aux gens pour dire:

N'entrez pas au travail. Le retour au travail est obligatoire avant que le conseil d'arbitrage détermine. Le retour au travail est obligatoire. Si les gens ne retournent pas au travail, M. le Président, ce sera outrage au tribunal, tout simplement. Ce qui se passe actuellement, c'est qu'il y a des injonctions et les gens n'entrent pas plus au travail.

Souvent, le syndicat, à la dernière minute, pour fermer une convention collective, va négocier sur l'injonction, par exemple: un tel a été accusé de telle chose. Si vous enlevez votre accusation, on va signer... Cela retarde la convention. Là, c'est obligatoire. Cela n'empêche pas du tout le conseil d'arbitrage de commencer à travailler. Cela ne l'empêche pas du tout. Si les gens ne rentrent pas au travail, si la grève se continue, il y aura outrage au tribunal tout simplement.

Je pense qu'on leur ouvre une porte en disant: "Ecoutez! Si vous n'entrez pas..." Il faut qu'ils rentrent au travail où c'est la loi qui prévaut.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Pagé: M. le Président, seulement une question que me permettrait mon bon ami le député de Bellechasse. C'est qu'à ma connaissance, il ne me semble pas que, si une des parties ne veut pas obtempérer, ce soit un outrage au tribunal.

M. Goulet: Non, ce n'est pas un outrage au tribunal.

M. Pagé: Ce serait strictement et uniquement une amende, purement et simplement.

M. Goulet: Une amende, d'accord, selon le code. Mais ce qui arrive...

M. Pagé: ... une violation de la loi.

M. Goulet: ... c'est que souvent, à la fermeture d'une convention...

M. Pagé: ... ce n'est pas grave...

M. Goulet: Si vous permettez, M. le Président, la dernière limite en négociant, c'est que s'il y a amende, le syndicat va essayer de faire enlever les amendes, et c'est ça qui retarde souvent la signature d'une convention collective. Alors, là, s'il y a amende, cela n'empêche pas du tout le conseil d'arbitrage de commencer à rédiger sa convention collective. Sans ça, ça va retarder encore. Ce qu'on veut, c'est que ça se fasse plus vite que ça se faisait. Si on ouvre des portes, ça va continuer encore à prendre du temps et on ne sauvera rien là-dedans; on ne changera rien. Il y aura amende, M. le Président. Je ne vois pas pourquoi cela empêche le conseil d'arbitrage de commencer son travail et de commencer à écrire sa convention collective.

Mais ce qui se passe actuellement, c'est que s'il y a des amendes, souvent à la dernière minute, soit avant la signature de la convention collective, le syndicat va perdre ou va négocier avec le patron

pour essayer de faire enlever ces amendes. C'est du temps de perdu et qui n'aurait pas dû se perdre, parce que cette amende ne devrait pas être là. Alors, s'il y a amende, tout simplement, il y a amende et ça n'empêche pas le conseil d'arbitrage de commencer et de continuer son travail.

Je pense qu'on ouvre une porte assez dangereuse.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: L'objectif de M. le député de Saint-Laurent, par cet amendement, semble vouloir être une incitation aux syndicats ou au patronat, en disant Si vous ne faites pas ça, si vous ne vous conformez pas à l'ordonnance ou au fait que le conseil d'arbitrage a pris une décision, vous allez être pénalisés et on ne rendra pas de sentence tout de suite. Mais cela a un effet exactement contraire au but recherché, je pense, par le député de Saint-Laurent. Parce que quelqu'un qui ne le voudrait pas dirait: La sentence arbitrale, il n'y en aura pas. On va rester en grève. Et l'objectif de la loi, à cause de cette dimension, est précisément de mettre fin à des conflits qui s'éternisent.

A sa première lecture, j'ai compris immédiatement l'objectif du député de Saint-Laurent. Mais dans les faits, cela aura pour effet exactement le contraire de ce qu'il recherche, et j'abonde dans le sens du député de Bellechasse là-dessus.

Dans une loi, quand on veut qu'une loi soit respectée, je pense qu'il ne faut pas ouvrir une porte à la violation possible de la loi. Ils seront dans l'illégalité, ceux qui ne s'y conformeront pas, et il reste encore beaucoup de bons citoyens qui sont soucieux du respect des lois. Et à ce moment-là, ne leur dites pas que s'ils ne respectent pas la loi, la seule pénalité qu'ils ont, c'est que le tribunal ne procédera pas. Ce n'est pas fort face à une violation. Je vous assure que les embûches, face au viol, ne sont pas métalliques.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, il y a deux aspects que je voudrais souligner, c'est, dans le genre de sentences arbitrales qui peuvent être rendues, il y a possibilité, dans les circonstances, que le conseil d'arbitrage rende des sentences intérimaires pour régler les problèmes les plus urgents en se donnant le temps d'examiner plus à fond l'ensemble de la convention collective. Or, si par exemple le conseil d'arbitrage était nommé et que la grève ou le lock-out ne cessait pas, avec l'amendement du député de Saint-Laurent, on s'empêcherait de passer au moins une sentence intérimaire pour régler un problème majeur, quitte, après cela, à continuer les discussions. C'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que l'amendement couvre la grève et le lock-out. Pour ce qui est de la grève, il me semble que c'est couvert puisque le syndicat, qui sait qu'il doit respecter la loi et qui ne la respecte pas, a les pénalités prévues à la loi.

Cependant, pour ce qui est du lock-out, cela veut dire qu'un employeur qui aurait un petit groupe de salariés — cinq ou six — et qui se sentirait les reins assez forts pour maintenir quand même son lockout, serait dans l'illégalité et qu'entre temps, tout ce qu'il veut bloquer continuerait de l'être, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de convention collective, et c'est son objectif. Dans le cas de l'amendement, il me semble que le lock-out ne peut pas être placé sur le même pied que la grève.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que l'amendement sera adopté?

M. Chevrette: Rejeté. M. Johnson: Rejeté.

Le Président (M. Marcoux): Rejeté sur division.

Nous revenons à l'article 81h, dont les troisième et quatrième lignes avaient été biffées. Le nouvel article 81h se lit comme ceci: "La sentence arbitrale lie les parties pour une période d'au moins un an et d'au plus deux ans. Les parties peuvent cependant convenir d'en modifier le contenu en partie ou en tout." C'est la proposition, telle que présentée par le ministre. Est-ce que ça va pour l'article 81h?

Des Voix: Cela va.

M. Forget: M. le Président, si le ministre n'avait pas révisé son texte, on aurait présenté un amendement dans le même sens.

M. Johnson: Je regrette, si je l'avais su je vous aurais laissé présenter votre amendement. Vous auriez dû nous le dire!

Le Président (M. Marcoux): Maintenant, l'article 81i: "Les articles 63 à 79 et 81 s'appliquent au conseil d'arbitrage prévu à la présente section." Adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Etes-vous prêts à adopter l'article 44 au complet?

M. Johnson: Non, pas encore, il y a 81d, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui, la nouvelle rédaction.

M. Johnson: Si vous permettez, M. le Président, parce qu'on va entrer dans un tout nouveau chapitre, je demanderais une suspension de cinq minutes. Etant donné qu'on est en train de rédiger un texte de loi, je préférerais qu'on prenne le temps nécessaire pour que ce soit précis.

Le Président (M. Marcoux): Suspendu pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

Reprise de la séance à 16 h 48

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, à l'article 81d que nous reformulerions de la façon suivante... Je vais d'abord en faire une ou deux lectures rapides et ensuite procéder à une vitesse qui permet de prendre la sténo. L'article 81d se lirait comme suit: "En raison du comportement des parties, eu égard à l'article 41, le conseil d'arbitrage peut décider qu'il doit déterminer le contenu de la première convention collective. Il informe alors les parties et le ministre de sa décision".

Je recommence: "En raison du comportement des parties, eu égard è l'article 41, le conseil d'arbitrage peut décider qu'il doit déterminer le contenu de la première convention collective. Il informe alors les parties et le ministre de sa décision". Alors, je relis rapidement pour la dernière fois: "En raison du comportement des parties, eu égard à l'article 41, le conseil d'arbitrage peut décider qu'il doit déterminer le contenu de la première convention collective. Il informe alors les parties et le ministre de sa décision ".

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le député de Bourassa a un amendement à nous proposer?

M. Forget: Après le député de Bourassa.

Le Président (M. Marcoux): Après vos hésitations, nous revenons à l'article 81d, tel que proposé par le ministre.

M. Johnson: Adopté, M. le Président. Le Président (M. Marcoux): Adopté.

M. Johnson: Est-ce que cela vous satisfait comme rédaction?

M. Forget: La rédaction est plus claire. Je ne peux pas dire qu'on est satisfait du sens.

M. Johnson: Oui, évidemment.

M. Forget: Mais, au moins, il y a une des confusions possibles qui a été éliminée.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez encore quelques larmes à verser, mais...

M. Forget: Oui, bien sûr, des larmes, j'en ai à verser, M. le Président, mais je me retiens, parce que s'il fallait que je donne droit immédiatement à mes sentiments, je pourrais à peine continuer.

M. Johnson: L'article 44 est-il adopté, M. le Président?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): L'article 44...

M. Johnson: Tel que modifié.

Le Président (M. Marcoux): ... adopté tel qu'amendé à diverses reprises. Article 45. Adopté?

M. Jolivet: Adopté.

M. Forget: Un instant! On va savoir ce que c'est. Oui, adopté, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Article 46. A l'article 45, il y avait un amendement... 45a...

M. Johnson: Article 45a du projet de loi, M. le Président.

M. Laplante: L'article 45 est adopté, il reste l'article 45a.

Le Président (M. Marcoux): Un instant!

M. Forget: II y a un amendement qu'il faut adopter.

Le Président (M. Marcoux): II y a un amendement?

M. Forget: A l'article 45a.

M. Johnson: C'est ça, à l'article 45a.

M. Forget: Pour les fins du rapport, pas pour les fins de notre procédure interne.

M. Johnson: M. le Président, l'article 45 du projet est-il adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté.

M. Johnson: L'article 45a du projet est-il adopté?

M. Forget: Adopté. M. Johnson: Adopté. M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. Article 46.

M. Forget: Cela va être un peu plus loin, M. le Président.

M. Laplante: Là, je pense qu'on a sept ou huit amendements.

M. Forget: Je suis prêt à céder ma place au député de Bourassa, s'il a des amendements à proposer, M. le Président.

M. Laplante: Je viens...

M. Johnson: Pensez-vous qu'il aurait plus de chance?

M. Forget: Peut-être, peut-être.

Arbitrage des griefs

M. Johnson: Vous avez raison.

M. le Président, l'article 46, comme on le voit, porte sur toute la question de l'arbitrage des griefs. Je sais que le député de Saint-Laurent, lors du discours de deuxième lecture que j'ai relu avec attention, après qu'il l'a prononcé en Chambre, a fait une bonne partie de son exposé sur la question de l'arbitrage des griefs où il a introduit sa critique quant au fondement d'une certaine formalisation de l'arbitrage des griefs, j'en suis très conscient.

L'article 46, dorénavant, et l'article 47 du projet de loi, puisqu'on les a fusionnés, ont été largement modifiés par les amendements que j'ai apportés, que j'ai déposés récemment et que nous envisageons maintenant. Tout cela, dans un but d'abord de rendre un peu plus limpide un texte qui ne l'était peut-être pas. Deuxièmement, en tenant compte au niveau du fond, de nombreuses représentations à la fois de la conférence des arbitres de la Chambre de commerce, du Barreau canadien et des syndicats. Le Conseil du patronat avait également fait quelques remarques, si je ne m'abuse. Nous en avons tenu compte dans l'ensemble de ces mémoires et de ces revendications qui ont été déposés. Je devrais dire que la majorité des amendements que nous avons apportés, en fait, sont des amendements qui ont un but vraiment de nature technique, de faire de ce texte juridique d'abord un texte qui est plus clair, et deuxièmement, d'apporter carrément des aménagements à tout le processus de l'arbitrage des griefs qui le rendent à la fois le plus efficace possible. Ils confient quand même des pouvoirs clairs et plus certains à nos conseils d'arbitrage qui, jusqu'à maintenant, ont dû travailler dans un contexte parfois d'une certaine illégalité. Par exemple, en matière d'assignation des témoins, on sait que les conseils d'arbitrage assignent des témoins sur les documents d'assignation de la Cour supérieure en y mettant un intitulé étampé ou simplement à la machine à écrire "Le tribunal d'arbitrage". On signifie ces procédures aux parties qui habituellement les respectent.

C'est courant, d'ailleurs, celui qui vous parle en a reçu une récemment. Un membre de mon Cabinet a été assigné comme témoin dans un grief à l'occasion du fait qu'il avait été témoin d'un événement, semble-t-il, lors de la visite à la Baie James, qui a fait l'objet d'un grief par la suite. Il a reçu ce bref d'assignation au Cabinet et comme il s'agit d'un avocat, il se demandait pourquoi c'était la Cour supérieure qui le convoquait devant un tribunal d'arbitrage; il s'est rendu compte qu'effectivement le bref d'assignation émanait de la Cour supérieure. Mais ce n'était que le document. On sait que c'est une pratique presque courante, finalement, en matière d'arbitrage de griefs. Dans le fond, c'était totalement illégal.

On simplifie cela; il ne s'agit pas de dire qu'on efface ce genre de chose, mais on constate que, dans le fond, ils auraient peut-être dû toujours avoir ce pouvoir. Absolument frustrés devant l'incapacité du législateur depuis des années de leur confier clairement ces pouvoirs dans la loi, ils ont eu recours à des moyens un peu détournés pour atteindre leurs fins.

En somme, c'est ce que j'ai à dire sur la toile de fond de l'ensemble de ces articles. Brièvement, je pourrais peut-être résumer, par quelques notes explicatives, quel est le contenu en gros, de ces articles. On écrit, par exemple, l'article au complet au lieu de faire des corrections considérables. Les changements sont les mêmes qu'à l'origine, sauf ce qui suit: On ne parle plus de la correction dans le texte anglais. On biffe le premier alinéa qui était proposé par le paragraphe c) pour la bonne raison qu'on ne parle plus de la commission d'arbitrage des griefs, mais qu'on a décidé de parler au tribunal d'arbitrage dans tous les cas. On conserve, cependant, l'alinéa qui prévoit que le code prévaut sur la convention collective aux cas d'incompatibilité. Le dernier alinéa du projet de loi 45 est rédigé un peu différemment pour en arriver finalement à peu près à la même chose. Ensuite, on retombera à d'autres dispositions qu'on retrouve, en fait, sous l'ancienne rubrique de 47. Les paragraphes a), b), c), et d) de l'article 88 sont supprimés. Les articles traitaient de la révocation. Beaucoup de gens nous ont fait valoir que l'on écrivait beaucoup de textes pour régler des cas bien rares et qu'au surplus, ces cas étaient réglés de façon satisfaisante actuellement en vertu du Code de procédure civile. On a fait valoir également que l'introduction du Tribunal du travail amènerait une juridiction de plus dans le système et que cela ne faisait pas pour autant, par définition, sauter la Cour supérieure.

L'article 88a correspond à l'article 88e du projet de loi. Il y a, en fait, essentiellement une différence de style. L'article 88b correspond à l'article 88f à l'origine dans le projet de loi. Cependant, la dernière phrase de f) du projet de loi est devenue la première phrase de e) dans le présent amendement.

M. le Président, si vous me le permettez, je pense que cette énumération que je fais et qui n'a pas l'air très stimulante pour qui que ce soit est peut-être utile pour les fins de consultation éventuellement au journal des Débats.

A l'article 88c, il y a un nouvel article qui est suggéré où il s'agit des décisions pro forma pour permettre à un arbitre de se dessaisir des cas qui sont réglés, souvent sans audition, dans lesquels il y a eu un désistement.

A l'article 88d, c'est un nouvel article qui ressemble à l'article 70 du code qui concerne le conseil d'arbitrage. Il a été suggéré pour des raisons pratiques.

A l'article 88e, la première phrase apparaissait au paragraphe b), comme on l'a dit précédemment. Le deuxième alinéa est ajouté pour prévoir un délai avant de convoquer une partie. C'est une procédure analogue à celle qu'on retrouve à l'article 19 du code, dans le cas du congédiement pour activités syndicales.

L'article 88f correspond à l'article 88g du projet de loi à l'origine qu'il reproduit à peu près inté-

gralement où on prévoit cependant un délai de cinq jours francs lorsqu'une partie demande l'assignation d'un témoin.

L'article 88g est un article copié du Code de procédure civile pour permettre aux arbitres qui seraient un peu ennuyés de poser des questions, de pouvoir le faire clairement.

L'article 88h reproduit l'article 309 du Code de procédure civile suggéré par plusieurs intéressés, les techniciens.

L'article 88i reproduit l'article 88h. On précise que l'arbitre peut visiter tout biens-meubles ou immeubles qui se rapportent aux griefs. On permet à l'arbitre d'interroger les personnes qu'il rencontre sans avoir à obtenir la permission des parties présentes.

L'article 88j est le nouvel article qui prévoit qu'une mésentente, qui survient entre le moment de l'accréditation d'un syndicat et la conclusion de sa première convention collective ou encore entre l'expiration d'une convention collective et la conclusion de celle qui suit, peut être déférée à l'arbitrage, comme s'il s'agissait d'un grief. Cela répond à une préoccupation d'ailleurs qui avait été soulevée, je pense, par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il y a actuellement un trou qui faisait l'objet de discussion devant les arbitres et c'est cela qu'on règle enfin.

L'article 88k, c'est la reproduction de l'article 88i, sauf que l'on ne fait plus la mention que le tribunal doit décider suivant la règle de droit, mais bel et bien, qu'on retourne aux notions jurispru-dentielles, ce qui implique qu'il y a possibilité d'équité pour les bonnes consciences, dans la mesure où la convention y pourvoit.

L'article 88I, c'est le nouvel article pour régler le problème concret d'arbitrage, comme, par exemple: Un arbitre peut avoir à interpréter la Loi électorale, si un employeur sévit contre un salarié qui s'absente pour aller voter ou encore s'il refuse de travailler en vertu d'une loi de sécurité, etc.

L'article 88m reproduit l'article 88j. Cependant, la rédaction a été modifiée pour permettre à l'arbitre de se prononcer sur l'opportunité d'une sanction. C'est là une disposition que l'on trouve dans les lois de toutes les provinces et du férédal.

L'article 88n est là pour le cas, peu fréquent, il est vrai, où un arbitre devrait ordonner à un salarié de rembourser une somme importante à son employeur.

L'article 88o est le nouvel article pour donner une compétence à l'arbitre d'ordonner le paiement de l'intérêt. Il pouvait ordonner un montant, mais non pas le paiement de l'intérêt.

L'article 88p, c'est une précision suggérée par plusieurs personnes quant à la possibilité de réouverture de l'enquête par le conseil d'arbitrage.

Je pense qu'on a fait le tour de l'ensemble des articles couverts par celui-ci, l'article 46.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse. Adopté?

M. Goulet: Non, je voulais dire, si...

M. Forget: Je n'ai pas d'objection à donner la parole...

M. Goulet: Seulement quelques commentaires, M. le Président. Je ne voulais pas enlever la parole au député de Saint-Laurent. Je veux bien suivre le cours normal.

Ces amendements tiennent compte de la conférence des arbitres, également de ce que nous a dit le Barreau canadien. En grande partie, je pense, que cela clarifie et que cela apporte des précisions opportunes. Cela tient compte des observations des personnes qui travaillent dans le milieu.

Nous de l'Union Nationale, nous avons quelques questions sur les articles 88e et 88j, mais, en bloc, je peux vous dire que nous sommes satisfaits de ces amendements. C'est une grande amélioration au projet initial, le projet 45. En tout cas, somme toute, nous sommes satisfaits de ces amendements. Il y aura quelques questions, comme je l'ai dit, sur des articles bien particuliers.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: On touche un article entièrement nouveau et, comme l'indiquait le député de Bellechasse, il s'agit d'une amélioration. C'est indubitable. Il y a un très grand nombre de règles qui existaient dans le paysage au niveau de la jurisprudence ou des habitudes que l'on codifie. Les remarques que le ministre a faites relativement aux pratiques utilisées par le tribunal d'arbitrage pour convoquer les témoins, quand on les jumelle aux remarques qu'il a faites relativement à l'article 39, constituent presque un cours de sociologie juridique. Dans un cas, un article de la loi prévoyait une obligation qui n'a jamais été respectée pendant 25 ou 30 ans.

Constatant cela, les législateurs s'empressent de supprimer l'article en question plutôt que de le faire respecter. Je ne blâme pas le ministre, je ne fais qu'observer. Dans un autre cas, les conseils d'arbitrage n'avaient pas le pouvoir de convoquer des témoins en vertu de la loi, mais le faisaient quand même et donnaient à cela l'apparence d'un pouvoir légal. Ici aussi, le législateur s'empresse de leur donner le pouvoir qu'ils exerçaient finalement depuis des années. Il y a une leçon dans tout cela, je pense. Il serait dommage de ne pas la souligner au passage parce qu'on a des témoignages intéressants. C'est que dans un domaine comme le droit du travail, il n'y a pas tellement de choses qu'on peut faire en dehors de ce que, dans le fond, le public auquel on s'adresse est prêt à accepter et ce dont il a besoin.

La grande difficulté, c'est de le découvrir. C'est peut-être pour cela que, dans l'élaboration d'une loi comme le Code du travail, dans le fond, le travail de consultation et d'élaboration avec les milieux intéressés est extrêmement important parce qu'il ne faut pas se faire d'illusions... Le passé est garant de l'avenir dans ce domaine comme dans d'autres. Si on a trouvé qu'indépendamment des lois, il y avait des choses qui devaient être faites ou pas faites dans le passé, cela risque fort de se produire aussi dans l'avenir. Donc, de consacrer comme lettre morte les dispo-

sitions dont les gens ne veulent pas ou alors de faire comme si elles existaient quand les gens en ont vraiment besoin, même si le législateur a jugé que ce n'était pas opportun de le mettre dans la loi, il y a des limites à cela.

Ces limites sont surtout sur les modalités, les encadrements, la façon de faire les choses plutôt qu'essentiellement sur des choses plus substantielles. Je crois que c'est bon que le législateur, que nous sommes collectivement, se fasse rappeler, de temps à autres, qu'il y a une réalité en dehors du Parlement qu'on ne peut pas mettre de côté. Il y a aussi une autre chose que j'aimerais souligner de façon générale que l'on retrouve dans ces dispositions sur lesquelles, comme le ministre l'a dit, j'ai fait des commentaires, au niveau de la deuxième lecture, et qui trouve, dans les dispositions sur l'arbitrage, un point d'ancrage particulièrement remarquable! c'est la judiciarisa-tion des relations du travail. C'est-à-dire, la tentation qu'on a de transformer cela de plus en plus en un processus très formalisé qui a des règles très strictes. Je dirais à cela que si cela allait complètement à l'encontre de nos traditions, on ne s'y affairerait présumément pas à cause des remarques que je disais tantôt sur la sociologie juridique. Ce serait désuet. Ce serait caduc. Cela n'aurait pas d'effet.

Il doit donc exister, dans la façon dont on envisage les relations au Québec, quelque chose de particulier. Il est peut-être bon de le souligner au moment où on aborde ce chapitre parce que, dans le fond, il y a une tendance plus grande au Québec, dans nos lois du travail, à préciser les points et virgules et les modalités, les procédures de façon beaucoup plus complète qu'on ne le fait, par exemple, dans le droit américain. On l'a soulevé au cours de longues discussions. C'en est peut-être un des éléments de la réalité sociologique, ce désir des gens de trouver un cadre au Québec beaucoup plus circonstancié et ramifié que d'autres pays ne désirent avoir. C'est peut-être important de reconnaître cela tout en mesurant clairement aussi toutes les implications de cette tendance.

Je pense que le chapitre qu'on vient de laisser sur l'intervention lors de la première convention collective qui n'est probablement pas la version définitive... Si on regarde, dans cinq ans d'ici ce qui va se produire, on peut anticiper qu'il va y avoir des modifications, certainement, dans la façon d'envisager ces mesures avec l'expérience et peut-être même dans le libellé des articles en question. Mais cela aussi c'est une façon de préciser des choses.

Il va falloir savoir où s'arrêter et, là-dessus, je crois que le ministre a été bien avisé de retrancher, dans sa révision un excès de juridisme ou de judiciarisation, quand il a enlevé toutes les dispositions relatives à la récusation des arbitres. Ça, c'était vraiment un processus judiciaire. Même s'il y a une tendance, et qu'on peut la constater, c'est une question de mesure. Je pense qu'il a bien mesuré la distance qui lui permettait d'aller dans cette direction en enlevant les dispositions en question.

La question qu'on peut se poser, c'est s'il ne reste pas, dans ce texte-là, un certain nombre de choses qui sont un petit peu trop judiciaires, malgré tout, d'inspiration. Il y en a une que je soulèverai plus tard de façon spécifique, mais dont je peux parler ici de façon générale, c'est la question de l'immunité.

L'immunité, la plupart des gens, quand on propose ça dans un texte de loi, disent: Bien oui, l'immunité, c'est vrai, dans le fond. Nul ne peut être poursuivi pour ce qu'il fait officiellement et de bonne foi. D'ailleurs, c'est tellement normal; ça va tellement de soi. Mais attention, ce n'est pas un pouvoir, ce n'est pas une protection dont tout le monde peut bénéficier. On pourrait dire du chauffeur d'autobus qu'il ne peut être poursuivi pour les actes qu'il pose officiellement et de bonne foi. Pourquoi pas? Après tout, on pourrait dire ça de n'importe qui: Nul ne peut être poursuivi pour les actes qu'il pose de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions.

Comment se fait-il que ce ne soit pas dans le Code civil? Attention! C'est une notion bien différente de celle qui dit qu'on ne doit pas abuser des poursuites judiciaires contre des gens de bonne foi. Cela, c'est l'explication de sens commun de ces dispositions, mais ce n'est pas leur signification véritable. Elles ont une signification beaucoup plus stricte et beaucoup plus exigeante que cela dans le contexte des lois.

Si bien que, jusqu'à il y a quelques années, seulement les juges disposaient d'une immunité, les vrais juges, les vrais tribunaux, et personne d'autre. Les députés, mais dans un cadre aussi très limitatif. Ce n'est pas: Tout député ne peut être poursuivi pour ce qu'il fait de bonne foi comme député. On a une immunité limitée à ce qu'on dit à l'Assemblée nationale, etc. D'ailleurs, on amende actuellement la loi de la Législature pour prévoir l'immunité pour ceux qui rapporteront par la télévision, la radio, etc., dans le cadre de la transmission électronique des débats.

C'est donc un concept qui ne peut être galvaudé, utilisé à n'importe quelle sauce, simplement pour faire bien ou pour avoir l'air d'être aimable vis-à-vis de certaines personnes. C'est un concept qui est un prolongement de la fonction judiciaire ou de fonctions officielles très particulières. Je ne veux pas anticiper sur le débat; je voulais simplement citer cela comme une illustration de la règle générale.

Pour ce qui est de la possibilité, pour le tribunal d'arbitrage, de rendre une sentence à partir de la preuve recueillie plutôt que par des exigences légales, je félicite le ministre d'avoir modifié la rédaction là-dessus. Même si nous conservons certaines remarques à ce sujet, il demeure que, je pense, tous les groupes qui se sont fait entendre devant nous ont souhaité voir la formulation originale restaurée dans la mesure du possible.

Le plus important principe qui est soulevé par ça, c'est au point qui, lui aussi, a été mentionné lors de l'étude en deuxième lecture et qui a été repris par des commentateurs indépendants. C'est la restriction de l'accès aux griefs, d'une part pour les patrons — c'est déjà dans les lois — et, d'autre

part, pour l'association accréditée, c'est-à-dire la fermeture de l'accès aux griefs aux membres individuels d'une association de salariés. Jusqu'à maintenant, il a été possible, pour un individu qui se sentait lésé, qui avait raison de croire que la convention collective lui accordait certains droits que le patron lui refusait, de mettre en marche un mécanisme de redressement du tort qu'il prétendait lui avoir été causé sans demander la permission à qui que ce soit. Une nouvelle rédaction restreint ce droit aux parties. Comme l'individu n'est pas une partie à une convention collective — il n'en est que le bénéficiaire; la partie c'est essentiellement l'association accréditée, d'une part, et le patron, d'autre part — c'est une restriction qui, à mon avis, s'accorde mal avec, d'abord, la défense de la liberté d'association. La liberté d'association peut vouloir dire, bien sûr, qu'on peut éventuellement — puisque c'est une liberté d'association; ce n'est pas une obligation d'association — vouloir exercer, à titre individuel, un recours en vertu de son contrat de travail, parce que c'est un contrat de travail qui a une valeur pour l'individu, pas seulement pour le groupe, ce qu'il ne sera plus possible de faire.

Le ministre nous dira: Ecoutez, il y a une correspondance à cela dans l'article sur le "duty of fair representation", à l'article 38 ou quelque chose comme cela. Dans une certaine mesure, il a raison, mais, pour des raisons très limitées, c'est-à-dire le cas de perte d'emploi à la suite d'une expulsion du syndicat, etc. Dans d'autres secteurs, il n'a que les recours civils. Pour toute autre cause de plainte, en vertu même de la convention collective, il ne semble pas pouvoir exercer autre chose contre le syndicat qu'un recours en vertu des tribunaux de droit commun. D'un autre côté, il n'a pas le recours de dire: Si vous ne voulez pas me défendre, si vous ne voulez pas revendiquer mes droits pour moi, je vais le faire moi-même. Il ne peut pas le faire lui-même et, si son syndicat ne le fait pas, il peut le poursuivre en Cour supérieure, à moins, bien sûr, qu'il ne soit l'objet de sanctions ou d'expulsion par son syndicat et que ça ne mène à une perte d'emploi, donc dans des cas exceptionnels. Mais il y a bien d'autres griefs que ceux-là, surtout de petits griefs qui doivent pouvoir être soulevés sans remuer mer et monde.

C'est un point fondamental que nous allons certainement soulever, parce que c'est un droit qui existe, un droit acquis pour tous les salariés du Québec. C'est un droit dont la loi les prive sans contrepartie. Il n'y a pas de justification à ça; on n'en a pas suggéré, sauf celle que je viens d'indiquer qui est loin de recouvrir le même champ d'application. Donc, c'est une justification partielle, au mieux.

On fait bien des choses là-dedans qui sont bonnes dans l'ensemble. Ce sont relativement des questions de détail. Nous les parcourons une à une. Un dernier point, c'est qu'il y a, tout à fait à la fin, une possibilité pour le tribunal de rouvrir l'enquête de son propre chef, proprio motu. On ne prend pas la précaution de dire que cela doit être fait pour cause, alors que dans un autre article an- térieur on a, au niveau des décisions du commissaire du travail, un article nouveau qu'on a introduit pour justement supprimer la notion de "pour cause " qui était vague, et y insérer des motifs explicites. Il me semble que c'est probablement les mêmes motifs qui donneraient ouverture à la réouverture de l'enquête — si on m'excuse le pléonasme — et il serait facile, étant donné que c'est maintenant dans le Code du travail, de dire que les mêmes raisons qui donnent occasion à rouvrir, à réexaminer une décision par le commissaire du travail peuvent aussi donner ouverture à un tribunal d'arbitrage de rouvrir son enquête. Je ne veux pas commencer par la fin, je voulais le mentionner parce que cela m'apparaît être les trois ou quatre points d'ensemble que l'on peut trouver à ce sujet. Maintenant, sur chacun d'entre eux, nous aurons des propositions ou des questions plus spécifiques à faire. Là-dessus, je vais terminer mes remarques générales.

Le Président (M. Marcoux): D'abord, nous allons commencer...

M. Goulet: M. le Président, si vous me permettez, il y aurait juste un point... A l'article 88, j'aurais aimé le mentionner tantôt, on dit: "Si l'association accréditée et l'employeur y donnent suite pendant le grief, sinon, celui-ci y sera déféré à un arbitre ". Cela veut dire qu'un salarié seul ne peut pas lever un grief, ne peut pas demander un grief. M. le Président, j'ai amené ici un argument l'autre jour, une fois où je siégeais, alors que j'ai vécu cette chose. Je ne trouve pas acceptable qu'on mette cela dans un projet de loi parce que souvent — enfin, dans le cas qui était arrivé — sur une centaine de syndiqués, ce qu'on appelle l'exécutif, ce dernier va régler un conflit à sa convenance et parfois, trois ou quatre personnes sont oubliées et pour qui cela ne fait pas l'affaire, et ils ne peuvent pas lever de griefs. Souvent ce grief serait contre la décision prise par le syndicat, c'est-à-dire contre la négociation faite par le syndicat. J'ai vécu cela, je l'ai dit l'autre jour, soit la fameuse affaire du SPEQ — les professeurs de l'enseignement spécialisé — lorsque nous nous sommes intégrés à la commission scolaire et les autres au CEGEP. Je ne veux pas lancer d'accusation même si nous avons l'immunité, mais en bon canadien, les gars se sont organisés entre eux, quatre ou cinq professeurs; dans le cas dont je vous parle précisément, nous étions treize. Ils ont dit: Les petits gars, il n'y a pas d'ouvrage pour vous autres; on vous oublie, point final. On a pu lever un grief à ce moment-là; mais là, on ne pourrait plus le faire personnellement, si le syndicat ne l'accepte pas. L'association accréditée c'est l'exécutif. Si le syndicat ne l'accepte pas, cela veut dire que... Le grief comme tel est que souvent l'exécutif du syndicat...

M. Chevrette: Vous ne pouvez pas comparer, M. le député de Bellechasse, parce que dans l'exemple que vous donnez, ce serait l'interprétation même de l'article 36 du Code du travail quant au processus d'intégration. A ce moment-là, ce n'est pas une question qui est reliée à l'interpréta-

tion ou l'application d'une convention collective. C'est l'interprétation et l'application d'un article de la loi comme tel.

M. Goulet: A mon bureau, depuis que je suis député, cela est arrivé au moins à deux reprises où le syndicat a pris une décision, a accepté quelque chose mais où le syndiqué n'est pas content de la décision du syndicat; il ne peut pas lever de grief. Alors, qu'a-t-il pour se débattre? Absolument rien.

Je ne vois pas pourquoi un syndiqué, comme individu, ne peut pas lever un grief, si lui-même décide personnellement, sans qu'il puisse faire décider le syndicat à sa place.

Mais si lui, personnellement, il le décide, pourquoi ne pourrait-il pas lever un grief à un moment donné? Parce qu'il peut y avoir des conflits de personnalité entre le syndiqué et l'exécutif du syndicat et le gars ne pourra pas faire passer son grief. Il peut avoir raison de lever un grief. Mais ce sont souvent des conflits de personnalité entre le syndiqué et l'exécutif; cela arrive souvent. En tout cas, dans les trois cas que j'ai connus, soit le mien avec douze autres professeurs et aussi deux autres cas que j'ai connus, un pour le ministère des Transports, où le gars ne pouvait pas se faire entendre parce que le syndicat lui disait: Tais-toi. L'exécutif disait: Tais-toi, le patron a raison; et le gars disait: Non, ils n'ont pas raison. Souvent, c'est un conflit de personnalité.

Je ne vois pas pourquoi il ne peut pas se faire entendre. Je n'ai pas de formation légale, mais M. le ministre l'a dit l'autre jour, lorsqu'on parle de droit, il y a un article, quel que soit le droit dont nous parlons, il y a un article qui dit qu'on peut toujours se faire entendre à un moment donné, si on n'est pas content.

Je ne vois pas pourquoi on met un article comme ça, parce qu'on ferme les portes hermétiquement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est juste pour souligner au député de Bellechasse qu'il ne faut pas confondre la possibilité de faire un grief pour un syndiqué avec l'organisme qui doit mener ce grief. Dans l'exemple que vous donnez, effectivement, n'importe quel syndiqué peut faire un grief, c'est-à-dire acheminer un grief à l'organisation syndicale et c'est l'organisation syndicale, par la suite, qui mène la procédure. Ce dont vous parlez, ce que vous craignez, c'est réglé par l'article 28 du projet de loi qui a amendé l'article 38 du code et on y dit que "une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans son unité d'accréditation."

Si tel est le cas, il y a une procédure que le salarié peut utiliser contre son syndicat au niveau du ministère du Travail. Ce que vous voulez viser est prévu à l'article 28 qu'on a réglé.

M. Johnson: S'il s'agit d'une mesure disciplinaire ou d'un renvoi.

M. Chevrette: Ou d'un renvoi.

M. Johnson: Dans les autres cas, c'est le recours devant les tribunaux.

M. Goulet: Je ne veux pas entreprendre de discussion, mais c'est parce qu'on dit toujours que c'est basé sur la bonne foi. On ne peut pas parler de mauvaise foi, je suis bien d'accord. A ce moment-là, on revient aux discussions du député de Saint-Laurent avant l'heure du dîner. Il y a toujours la mauvaise foi et la bonne foi. Qui va décider s'il y a bonne foi ou mauvaise foi? Si l'association dit: De bonne foi, nous disons non, on ne s'en occupe pas. Si le syndiqué dit: Je veux que vous vous en occupiez; qui décide s'il y a de la bonne foi ou non?

Une Voix: La Cour supérieure.

M. Goulet: La Cour supérieure, ah bon! D'accord.

M. Bisaillon: Sauf à l'article 28. M. Johnson: Sauf à l'article 28.

M. Bisaillon: Sauf à l'article 28 ou si c'est une sanction disciplinaire...

M. Goulet: Je ne veux pas apporter d'amendement, M. le Président. Le but est d'améliorer le projet de loi, mais je n'ai pas préparé d'amendement et je n'en apporterai pas, mais à un moment donné, c'est bon de se référer à certains faits vécus. Je pense que c'est le but.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, si le député de Bellechasse permet. Je pense que le député de Sainte-Marie voulait parler aussi. L'article 28 du projet de loi, juste résumer ça un peu. Quand je disais, à une question où le député de Saint-Laurent argumentait sur la recevabilité, "duty of fair representation". Je pense qu'il devient évident, en vertu de l'article 46, qu'effectivement, le "duty of fair representation" se situe carrément dans le contexte de la loi, puisqu'on donne la propriété collective du grief aux articles 88 et suivants du code, en vertu de notre article 46. C'est là que vient se greffer et c'est venu tout à fait spontanément, et de la part du député de Saint-Laurent et de la part du député de Bellechasse de parler de cette question qu'on retrouve à l'article 28.

Ce qu'il dit en gros, l'article 28, c'est pour le député de Bellechasse que je le répète, l'article 28 établit le principe général de la non-discrimination, l'attitude qu'il ne doit pas être arbitraire ni de mauvaise foi. Le paragraphe suivant prévoit que si cette attitude est décrétée, mais dans les cas spécifiquement de renvoi ou d'une

sanction disciplinaire, il y a un mécanisme de recours, d'arbitrage pour l'individu. Dans les autres cas, c'est le recours de droit commun qui existe, c'est-à-dire l'évocation en Cour Supérieure ou quelque chose de ce type.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'on peut discuter paragraphe par paragraphe maintenant?

M. Forget: M. le Président, au-delà du "duty fair representation", avec la couverture relativement étroite qu'elle a dans le chapitre à l'article 38, j'aimerais savoir comment le ministre peut justifier faire du grief la propriété du syndicat? Parce que justement il y a beaucoup de cas qui ne sont pas couverts ou qui sont couverts de façon fort imparfaite, parce que la possibilité d'avoir un recours aux tribunaux du droit commun n'est quand même pas un recours très accessible pour la plupart des salariés. Alors, comment justifier enlever un boeuf en échange d'un oeuf? Vous savez, ce n'est pas tout à fait la même grosseur, ce n'est pas le même champ d'application.

M. Johnson: Les propos du député de Saint-Laurent me font penser un peu à une chanson de Charlebois: Un oeuf... La notion de la propriété collective...

M. Pagé: C'est quoi la chanson de Charlebois?

M. Johnson: Un oeuf... La notion de propriété collective du grief correspond, et j'ai eu l'occasion, au moment du dépôt de l'ensemble des amendements et des considérations générales au début de l'étude article par article, de le dire et provient du fait que l'économie du code est à l'effet qu'on crée, non pas une personnalité juridique en l'existence d'une association accréditée, mais qu'on confère une sorte d'existence très particulière au niveau du Code du travail à cette association, d'où découlent des responsabilités. On sait que, par définition, cette association n'est pas quelque chose d'artificiel, étant donné qu'elle ne peut exister que dans la mesure où elle a un caractère représentatif qui est vérifié par le commissaire-enquêteur et qui est conditionnel à l'obtention du certificat d'accréditation.

On prévoit que cette association peut agir et doit agir, dans le cas de 28, au premier paragraphe, de façon équitable, si on veut, envers tout le monde. Ceci dit, c'est un geste, et je n'ai pas de difficulté à l'admettre, qui découle d'une conviction qu'on peut avoir confiance dans ce qui s'appelle l'institution qui est une association accréditée aux fins du code. Alors la règle, c'est la confiance possible, la responsabilité de cet organe, pour ne pas dire organisme, que devient l'association accréditée.

Or, la démocratie syndicale, entre parenthèses, qui existe de façon générale et qui est, je pense, la règle au Québec— même si certains accrocs évidents ont fait l'objet de manchettes et de discussions, mais c'est la règle —fait que, à un moment donné, il y a des choix qui, collective- ment, se prennent par les salariés pour la défense de leur intérêt collectif. Et j'en ai donné un exemple, c'est le syndicat qui, après une grève qui a été longue et dure, à qui il reste en caisse quelques centaines de dollars, et qui est devant la possibilité de loger 25 à 30 griefs, et qui sait qu'il n'aura pas les moyens de loger tous ces griefs. Donc, il faut que la règle tranche quelque part. On présume que c'est l'association accréditée qui en décidera—ses balises sont d'abord des balises de faits et de réalité, puisque c'est une association représentative vu qu'elle a été accréditée, et on présume que ses décisions sont représentatives. Deuxièmement, on a introduit à l'article, au sujet de la non-discrimination de l'attitude non arbitraire qui soit de mauvaise foi, une espèce d'obligation générale d'attitude à ce niveau qui connaît une sanction précise au deuxième paragraphe dans le cas spécifique de choses qui relèvent, encore une fois, du droit au travail. C'est une chose qui revient encore dans ce contexte, de la même façon que dans le cas du "closed shop".

Pour ces raisons, je pense que, malgré les difficultés que cela peut poser à certains membres de la commission, la propriété collective du droit de grief temporisé par les éléments qu'on a vus est justifiable. Il y a quelque chose qui, de fait, colle à la réalité et au sens commun de ce qui se passe dans la vie des associations accréditées.

M. Forget: Sur ce point-là, M. le Président, il est clair que le ministre base son raisonnement sur une notion de confiance. Ce n'est pas tellement une notion de confiance qui doit nous inspirer là-dessus. C'est un peu comme si on disait, dans le domaine de la protection du consommateur: En général, les consommateurs ne se font pas frauder systématiquement tout le temps, on n'a donc pas besoin d'une Loi de la protection du consommateur, il faut faire confiance après tout. C'est vrai que le commerce est basé sur la confiance, sinon cela ne marcherait pas. On en serait encore à l'économie de l'âge de pierre: on se fabriquerait nos propres chaussures de peur de se faire frauder en achetant celles fabriqués par les autres, etc. Il y a donc un élément de confiance.

Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir des lois de protection des consommateurs. Dans le fond, ce n'est pas tellement la confiance qu'invoque le ministre, c'est le laisser-faire. Admettant qu'il peut y avoir des abus et admettant que les abus ne sont pas couverts adéquatement par les dispositions de la loi, il dit: Faisons confiance malgré tout.

La propriété collective du grief, c'est bien joli, cela fait une jolie phrase, quand on s'adresse aux militants syndicaux, surtout aux représentants des centrales, sauf que la propriété collective des griefs, c'est équivalant, dans le contexte des amendements apportés au Code du travail, à l'expropriation de la propriété individuelle du grief. L'un ne va pas sans l'autre. Qu'on ne nous dise pas: II faut faire confiance.

Il est bien clair que cela va faire une belle jambe aux syndiqués qui, justement, dans un syndicat, après une grève, se retrouvent avec quel-

ques centaines de dollars—pour employer l'exemple du ministre — en banque. Qui doit décider, dans tous les griefs, ceux qu'il va pousser plus loin et ceux qu'il ne poussera pas plus loin? Cela va lui faire une belle jambe de se faire dire cela, que c'est maintenant une propriété collective.

M. Bisaillon: Suggérez-vous que l'Etat paie, que l'Etat défraie l'ensemble des arbitrages?

M. Forget: Non.

M. Bisaillon: Que suggérez-vous, s'il lui reste $300 en caisse et qu'il a cinq arbitrages à mener? Est-ce que ce n'est pas le droit de l'assemblée générale de choisir lequel elle va mener?

M. Forget: C'est son droit.

M. Bisaillon: Quelle autre mesure suggére-riez-vous?

M. Forget: Ne nous excitons pas, M. le député de Sainte-Marie. Il reste que...

M. Bisaillon: M. le Président, je trouve que le député de Saint-Laurent perd un peu de temps actuellement et qu'il nous étire un peu le temps, parce qu'il continue à faire une discussion générale alors qu'on devrait commencer à discuter article par article.

M. Forget: Soyons calme, M. le Président, on a tout le temps.

M. Bisaillon: Je suis très calme.

M. Forget: On a tout le temps qu'il nous faut. D'ailleurs, on travaille dans une atmosphère de calme.

M. Bisaillon: Bien sûr!

M. Forget: Je trouve que la fin de semaine, comme cela, c'est très propice au travail parlementaire.

M. Bisaillon: Bien sûr, on peut même siéger demain si vous êtes d'accord.

M. Forget: Oui, si c'était en mon pouvoir, sûrement, je n'aurais aucune hésitation à siéger jusqu'à minuit demain soir. Après tout, c'est tout à fait normal, on n'a pas d'appels téléphoniques, pas de courrier, aucune distraction. Je trouve que cela favorise la concentration à un degré extraordinaire.

Une Voix: A l'ordre!

M. Forget: Ce n'est pas moi qui ai soulevé le sujet du temps, etc.

M. Bisaillon: Je vous ai demandé si vous sug- gériez quelque chose. Je voudrais avoir votre réponse. C'est une question que je vous pose.

M. Forget: Oui, je suggère quelque chose, bien sûr. Je suggère, premièrement, de ne pas faire cette modification et de permettre, par ce moyen et par d'autres moyens très faciles qu'on peut suggérer, au salarié individuel de prendre lui-même des mesures pour que ses droits, en vertu de son contrat de travail, soient respectés. Si son syndicat ne peut pas le faire pour lui et qu'il est trop pauvre, le pauvre syndicat, pour l'aider, il pourrait au moins avoir d'autres possibilités de le faire. Ce n'est pas malin d'en inventer. On vous fournira des exemples le moment venu, mais il reste qu'il y a un principe —dans quelques minutes, si vous voulez ou plus tard, si ce n'est pas convenable; il faut quand même que ce soit sérieux, M. le Président — qu'il y a des options. Ce n'est pas nous qui suggérons un changement, c'est le ministre qui en suggère un. Les raisons qu'il donne ne sont pas valables, c'est une expropriation d'un droit acquis des travailleurs, sans contrepartie.

Toutes les autres justifications qu'on donne sont des justifications de laisser-faire.

M. Bisaillon: Ce n'est pas vrai, c'est faux ce que vous dites.

M. Johnson: C'est dans la majorité des conventions collectives que le grief appartient au syndicat.

M. Forget: Comme les clauses d'atelier fermé que le ministre veut interdire pour l'intérêt public.

M. Johnson: Voilà, elles ne touchent pas toutes au droit au travail.

M. Chevrette: II y a une différence énorme, M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Ah oui! bien sûr!

M. Chevrette: ... entre le fait pour un salarié de lever un grief et de décider de le conduire à l'arbitrage.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm?

M. Chevrette: Je pense que vous ne faites pas cette différence. Le salarié peut toujours lever un grief, mais prendre la décision de le conduire en arbitrage, c'est très différent. Il y va même de l'intérêt collectif dans une association syndicale.

Exemple: Prenez le grief d'un individu qui se sentirait lésé parce qu'il prétend qu'il aurait droit à quelque chose, $23 sur l'assurance-groupe. Le fait de faire prendre cette décision pourrait créer un précédent pour l'ensemble qui gonflerait la masse salariale de l'employeur et qui pourrait nuire à la collectivité. Par exemple, dans le cas des partiels, je suis persuadé que dans, le fait de lever un qrief,

il n'y a pas de préjudice. Tu le lèves, tu l'étudiés. Mais j'ai la conviction que c'est aux groupes de salariés à définir si conduire ce grief à l'arbitrage n'a pas une incidence négative pour l'ensemble de la collectivité qui s'est regroupée dans un syndicat.

Deuxièmement, moi, en tout cas, je ne connais pas de convention collective où c'est le salarié qui décide d'aller en arbitrage. Je n'en connais pas.

M. Forget: Les conventions collectives sont négociées par les syndicats, pas par les salariés.

M. Bisaillon: Alors vous voulez quoi? Qu'on retourne aux contrats individuels?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Bisaillon: On se fait dire des énormités, M. le Président, il faudrait quand même qu'on réagisse un peu.

Le Président (M. Marcoux): Vous réagirez...

M. Bisaillon: C'est incroyable d'entendre un homme aussi sérieux que le député de Saint-Laurent nous abrutir de déclarations toutes fausses, toutes croches.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! La parole est au député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Que dit-il?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Tâchez de reconnaître la deuxième partie de mon comté.

M. le Président, l'interprétation et l'application d'une convention collective, cela ne peut pas être confié à un individu, à un salarié. Sinon, c'est la négation même de ce que c'est que l'association, le droit d'association. Je demande au député de Saint-Laurent, qui est fort, en tout cas, il m'a impressionné avec sa grande logique de théoricien, mais, depuis 20 minutes, il a abandonné complètement cette logique pour, je pense, essayer de faire ce qu'on appelle faire un "filibuste" déguisé. Je pense qu'il faut être complètement réaliste. Je le répète, M. le député de Saint-Laurent, le ministre n'enlève pas le droit au grief. Ce qu'il soustrait d'une façon très explicite, c'est le droit d'en décider pour la collectivité, il précise ce qui se fait dans les faits. D'ailleurs, le ministre du Travail, depuis le début, a toujours dit que le bill 45 en était un où on transposait des situations de fait à l'intérieur d'un projet de loi à court terme et qu'il y aurait une réforme plus globale.

A court terme, on n'a fait que préciser que l'individu a le droit au grief, mais pour l'interprétation et l'application et le sort du groupe; revenons aux vieilles traditions, revenons aux contrats individuels; laissons l'individu créer les précédents qu'il voudra bien créer. Cela, je pense, serait contre la logique que l'ex-ministre, le député de Saint-Laurent...

M. Pagé: Plus vite qu'on pense.

M. Chevrette: ... tente de vouloir exploiter. Je comprends que cela fatigue. La grande fatigue peut contribuer à faire faire des écarts à la grande logique théorique qu'il a exposée depuis le début...

M. Forget: M. le Président, une question de règlement. Le député de Joliette-Montcalm n'a pas à faire de particularités. Je ne suis certainement pas plus fatigué qu'il l'est, apparemment, d'après les propos qu'il tient.

M. Chevrette: On est plusieurs de notre côté pour se relayer, M. le député de Saint-Laurent. Vous avez assumé toute la tâche. Il faut comprendre.

M. Forget: II est vrai que je n'ai pas dormi durant la séance, M. le Président.

M. Chevrette: Et moi non plus.

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre!

M. Chevrette: Vous étiez dans les carottes, comme on dit communément chez nous.

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter un élément...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ... à l'avantage du député de Saint-Laurent. Car, malgré tous ses appels au calme — je vois que c'est la première cigarette qu'il allume depuis qu'on siège — ce doit être une façon d'attirer chez lui aussi un calme qui commence à le laisser.

Est-ce que le député de Saint-Laurent pourrait comprendre qu'il y a d'autres moyens aussi pour une organisation syndicale de régler ses griefs que l'arbitrage? C'est théorique, ça, de penser que quand on met en marche un grief, automatiquement, ça s'en va en arbitrage. C'est très théorique, ça. C'est loin du vécu, et c'est loin aussi de l'organisation collective.

Voulez-vous que je vous donne des exemples de ce qu'un groupe peut faire pour essayer de régler son grief? Prenons le milieu enseignant. Le grief est formulé par l'enseignant. Il touche, par ricochet, l'ensemble des autres syndiqués. Il est défendu par le représentant syndical auprès des autorités et on n'a pas gain de cause. Avant d'aller en arbitrage, M. le député de Saint-Laurent, ne pensez-vous pas que le groupe pourrait décider, par exemple, de se présenter à une assemblée publique de la commission scolaire et de présenter son problème aux commissaires d'écoles pour essayer de le régler directement avec eux? Ne

pensez-vous pas que le groupe pourrait, par exemple, réunir les parents dans chacune de leurs écoles et leur expliquer le problème et que la commission scolaire ne veut rien entendre à son grief, et, par la voie de la pression publique, tenter de régler son grief? Est-ce que vous comprenez qu'il pourrait y avoir d'autres façons de régler les griefs que l'arbitrage, et que, dans votre façon d'envisager ça, vous amenez les syndiqués dans un goulot d'étranglement où, forcément, chaque fois, dans votre tête, qu'ils initient un grief, il faut qu'ils dépensent de l'argent à un arbitrage? C'est à l'encontre de tout ce qui se vit quotidiennement dans le milieu, tant du côté patronal que du côté syndical. Même les employeurs qui vous écoutent ne vous prendraient pas au sérieux.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, on va tenter d'être le plus calme, le plus serein possible.

M. Godin: M. le Président, il n'y a pas un seul modèle d'intervention ici. S'il faut tous se modeler sur le rythme, d'une lenteur extrême, genre "steamboat" du Mississipi, qui est le propre du député de Saint-Laurent, il faudrait qu'on laisse une partie de ce qu'on est au vestiaire. Moi, ça ne m'intéresse pas. Reconnaissons, M. le Président, que chacun a son style et c'est tout. Chaque fois qu'on intervient un peu à haute voix, avec un ton un peu plus élevé que d'autres, on se fait traiter d'être énervé ou de ne pas être calme. Moi, je n'accepte pas ces...

Le Président (M. Marcoux): Le Président ne reçoit pas le mandat de juger les styles en vertu de notre règlement.

M. Godin: Les membres non plus. Merci beaucoup.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, l'affirmation du député de Mercier vient confirmer, vient refléter une attitude qu'on remarque chez le gouvernement surtout depuis quelque temps, depuis le conseil national, depuis la convocation du conseil et tout ça, qui, pour nous...

M. Bisaillon: Cela, c'est un exemple de la lenteur de l'Opposition.

M. Pagé: Non...

M. Godin: Le ronron de l'Opposition.

M. Bisaillon: ... pas dans le journal des Débats, M. le Président, vous parlez lentement, il étire le temps encore.

M. Godin: Le ronron de l'Opposition, M. le Président. Ce sont des moteurs à deux temps, M. le Président.

M. Pagé: On ne pourra être taxé de faire des procédures qui viseraient uniquement à utiliser le temps ou quoi que ce soit, parce que j'aurais pu intervenir sur tous les amendements qui ont été présentés par I Opposition officielle cet après-midi...

M. Godin: Pas trop vite!

M. Pagé: ... et, à ce moment-là, vous m'auriez taxé de faire ce qu'on appelle du "filibuster".

M. Godin: Pas trop vite! Vous allez trop vite! M. Chevrette: II va trop vite, là.

M. Pagé: M. le Président, j'aurais une question au ministre, après que j'aurai eu l'occasion, si on me la laisse, de faire un commentaire sur l'article qui est présenté pour adoption.

Je pense, M. le Président, que tout le monde veut probablement atteindre les mêmes objectifs par les commentaires qu'on formule depuis tout à l'heure, sauf qu'on a des perceptions bien différentes.

J'aurai le commentaire suivant, M. le Président, et j'adresserai des questions au ministre. L'article 88 nous définit toute la procédure d'arbitrage des griefs. Il y a eu des amendements qui ont été déposés par le gouvernement et qui visent essentiellement à bonifier ce qui avait été présenté antérieurement, mais, M. le Président, je remarque et je constate que la question qui est soulevée par le député de Saint-Laurent, à savoir le droit qui pourrait éventuellement appartenir à l'individu, par rapport à ce que le ministre a affirmé, qu'un grief se devait d'être une propriété collective de l'association...

M. Johnson: Non, même pas le droit de grief, le droit de porter un grief à l'arbitrage.

M. Pagé: C'est ça.

M. Johnson: C'est très différent.

J'ai peut-être fait un lapsus, dans l'exposé préliminaire, mais cela a toujours été clair dans mon esprit.

M. Pagé: Non, on se comprend, on est sur la même longueur d'ondes et M. le Président, vous me permettrez de dire au ministre que je veux être bref, et je vais tenter, si j'ai à citer ses paroles, de le citer le plus exactement possible, pour que ça ne crée pas d'ambiguïté.

L'article 88 prévoit tous les mécanismes d'arbitrage des griefs. Pas de problème. Vous avez présenté des amendements qui améliorent le projet tel que déposé, qui visent somme toute à peut-être alléger la procédure le plus possible d'une part, et faire en sorte, d'autre part, que les

droits auxquels une partie peut prétendre, en vertu de la convention, puissent vraiment être exercés, qu'on puisse avoir ce qu'on est en droit de s'attendre de la convention; c'est parfait, c'est bien. D'ailleurs c'est pour ça, l'arbitrage des griefs.

Mais, M. le Président, je me devrai de porter à l'attention du ministre... On a parlé, tout à l'heure, d'exemples, on en a donné et on a surtout fait référence à des associations accréditées qui ont bien des membres et qui, par le fait même, ont peut-être plus de moyens financiers. Mais, M. le Président, il faut quand même constater que ce ne sont pas toutes les associations accréditées au Québec qui ont bien des membres et qui ont, par le fait même, beaucoup de moyens financiers à leur disposition. Ce qu'on soulève... Je serais curieux de savoir du ministre combien il y a d'associations accréditées, au Québec, qui, actuellement, ont moins de 50 membres?

M. Johnson: A l'oeil, je dirais sans doute plus du quart, peut-être même près de la moitié.

M. Pagé: Cela peut aller jusqu'à 35% ou 40%. Je me dis, M. le Président, comme avocat, comme législateur, que c'est très bien, il n'y a pas de problème, c'est parfait. Mais il faut toujours regarder une loi qu'on adopte dans la perspective d'une application éventuelle et ce qu'on constate—le député de Joliette-Montcalm pourra me le confirmer éventuellement — c'est que, la procédure, telle qu'on la connaît... Le député de Sainte-Marie nous disait, tout à l'heure, qu'il y a beaucoup d'éventuels griefs qui ne sont pas plaidés à cause de la procédure inhérente qui est prévue dans le code.

C'est là le problème qu'on soulève. On voit souvent — je n'ai peut-être pas l'expérience de négociation ou d'avoir participé dans le milieu, dans des associations accréditées où il y a beaucoup de membres, mais mon expérience, je l'ai eue avec des associations accréditées de 25, 30, 40 membres, et je dois vous dire que la procédure de grief qui est là, c'est beau, c'est bien, mais avant de s'en servir, M. le Président, ça fait réfléchir. Il y a des droits qui se perdent parce que la procédure est trop lourde ou, éventuellement, trop coûteuse, si elle va jusqu'au bout. Le député de Joliette-Montcalm nous donnait, tout à l'heure, l'exemple d'un syndicat qui se relève d'une grève qui a été assez longue, assez onéreuse, et qui se doit de choisir les points sur lesquels il tablera ou il revendiquera éventuellement.

Cela remet en cause le principe qu'on aura échangé et qu'on aura probablement à débattre suite à des amendements qu'on formulera tantôt. Mais une chose est certaine, c'est que moi j'ai vu, et souvent, des associations accréditées ne pas amorcer une procédure d'arbitrage parce qu'elle n'avait tout simplement pas les moyens, d'une part. Là, je ne ramène pas le débat à l'intérieur du syndicat à savoir quelles sont les priorités qu'on donne dans les choses à alléguer. On n'en a pas et on n'a pas les moyens pendant un an. Cela, on l'a déjà vu. Ou encore, M. le Président, il y a l'autre aspect. Vous savez, un projet de loi comme celui- là doit viser essentiellement, et c'est cela le rôle du législateur, à faire en sorte que la loi soit telle qu'il y ait le moins de problèmes possible. Mais, comme je le disais tantôt, il faut toujours l'envisager dans la perspective de son application. Qu'on regarde l'effet pour l'employeur dans certains cas. J'ai déjà vu une convention collective, c'était une association de 25 employés et, pendant les négociations, les intentions et l'interprétation des articles se définissaient.

Somme toute, c'est un peu comme l'intention du législateur qui se définit à un moment donné et on aura à vivre avec une loi par la suite. Là, bien souvent, c'est différent. On se demande ce qu'on a voulu dire avec tout cela. J'ai déjà vu des cas où les employeurs ont dit oui à des choses qu'ils avaient refusées dans le cadre de la négociation et s'ils ont dit oui par la suite, c'est strictement qu'ils savaient qu'une procédure de grief s'en venait éventuellement. On voit cela souvent. Autant on peut voir souvent une association qui va dire: On n'a pas les moyens d'amorcer cette procédure sans trop connaître son échéance, autant on peut voir des employeurs qui diront ou qui se feront dire: Ecoutez, si vous ne nous le donnez pas, on va amorcer la procédure d'arbitrage, on va éventuellement gagner, on a suffisamment de motifs pour gagner. Si on gagne, cela va vous coûter X milliers de dollars. Bien souvent, l'employeur va dire: Bien écoutez, j'aime autant les donner plutôt que d'avoir à me soumettre à une procédure qui sera longue, qui sera coûteuse et où j'aurais à me faire représenter.

M. Jolivet: Est-ce que je pourrais poser une question? C'est parce que je vous suis mal.

M. Pagé: Oui. Comment cela?

M. Jolivet: Vous parlez de grief, et tout à coup, vous parlez de mésentente. Ce n'est pas pareil. Au sens d'une convention collective, un grief c'est individuel, et une mésentente, c'est une mésentente sur le contenu de la convention collective. C'est ce que vous dites. Ce n'est pas pareil.

M. Pagé: Ce que je veux dire... On ne s'enfar-gera pas dans les termes.

M. Jolivet: Ah non, non, c'est important. Moi je vous parle...

M. Pagé: Ce que je veux essentiellement... Ecoutez, voulez-vous qu'on prenne les dix dernières minutes pour se donner supposément des cours de part et d'autre. On sait ce qu'on pense.

M. Godin: II perd son ronron. M. le Président, il perd son ronron.

M. Jolivet: Non. Je suis une personne qui vient d'un milieu où on a eu à négocier, à discuter des griefs et à faire des arbitrages.

M. Pagé: Ce que je veux dire, essentiellement, c'est ceci: quand une association d'enseignants

amorce une procédure, elle a sûrement plus de moyens à sa disposition qu'une association accréditée de 15 ou 20 travailleurs. Le problème est là. Je pense que la procédure qui est prévue à l'article 88, elle est bien, vous avez des amendements qui visent à bonifier tout ça; je ne veux pas reprendre tout le débat. On se comprend bien.

Ce que je voudrais demander au ministre... Je vais vous dire bien humblement, des solutions je n'en ai pas plus que d'autres. Croyez-vous qu'éventuellement, le législateur sera en mesure d'assurer, par des amendements qu'il pourra apporter au projet de loi 45 ou dans d'autres lois éventuellement, d'éviter des situations comme celles-là où, par exemple, une association, parce qu'elle n'a pas de moyens financiers, n'ira pas plus loin ou encore, un employeur, parce qu'il y a la possibilité que ça lui coûtera $2000 ou $3000 de procédure et tout ça, préfère ne pas plaider son droit; il préfère plutôt dire oui tout de suite.

C'est ça ma remarque, mon commentaire.

M. Johnson: M. le Président, le député de Portneuf, en fait, me posait une question.

M. Pagé: Oui.

M. Johnson: D'abord, je pense que l'intervention du député de Laviolette a bien criconscrit le sens du débat, et les interventions qui ont précédé aussi, quant à la notion de grief par rapport au droit de porter le grief en arbitrage. Deuxièmement, écoutez, ça fait partie de la vie.

M. Pagé: C'est pour ça qu'on demande de le modifier.

M. Johnson: Non, vous savez qu'il y a des associations plus fortes que d'autres. Dans le fond, ce que semble suggérer le député de Portneuf, c'est qu'il faudrait que l'Etat finance, pense à une formule qui permettrait à une petite association accréditée de pouvoir, disons, porter un grief en arbitrage. Disons qu'il y a huit gars dans une unité accréditée, c'est un syndicat qui n'est affilié à aucune centrale; donc, il n'a pas de sources de revenus qui peuvent lui venir en aide, parce que ça se fait couramment, soit dit en passant, que la centrale finance, en partie, l'unité locale.

M. Pagé: Cela ne se fait pas tout le temps.

M. Johnson: Cela ne se fait pas tout le temps. Pourquoi est-ce qu'on obligerait ces unités? Cela fait partie de la vie. Je veux dire, dans la société, il y a des gens mieux équipés que d'autres. Ce que la loi doit faire, ce n'est pas...

M. Pagé: Ce que vous dites, c'est qu'il y a des gros et des petits.

M. Johnson: Ce que la loi doit faire...

M. Pagé: C'est ça que vous dites, bien oui, c est ça que vous dites.

M. Johnson: II ne faudrait pas charrier, là.

M. Pagé: Je ne veux pas charrier, c'est ce que vous dites.

M. Johnson: Ce que la loi doit faire...

M. Pagé: Le problème que j'ai voulu faire ressortir...

M. Johnson: ... ce n'est pas d'instaurer l'égalité de fait de tous, mais elle doit permettre, au maximum, les possibilités d'égalité. Maintenant, écoutez, je pourrais poser le problème de la même façon; les gens qui vont acheter un télécouleur ou même un téléviseur en noir et blanc à $125, comme ça se vend maintenant, qui ont de la difficulté avec cet appareil et qui veulent réclamer en vertu des nouveaux amendements au Code civil, etc., les lois concernant la protection du consommateur. Le recours est plus difficile pour un gars qui fait $125 net par semaine que pour un gars qui en fait $600 par semaine; c'est évident.

Finalement, ce à quoi réfère le député de Portneuf, M. le Président, si vous me le permettez, c'est toute une conception, non seulement une conception de la société, mais une analyse de ce qui se passe dans cette société.

Sur ces mots, M. le Président, je vais demander la suspension de nos travaux jusqu'à vingt heures.

M. Goulet: M. le Président, sur la suspension des débats. Il est déjà arrivé ici — ce n'est pas une coutume — mais au lieu de reprendre les débats de 20 heures à minuit, que nous siégions, par exemple, que nous continuions à siéger jusqu'à 20 heures ou 20 h 30. Je fais tout simplement la suggestion, c'est... M. le Président...

M. Johnson: Je comprends.

M. Goulet:... je veux dire au ministre que c'est le même temps...

Une Voix: C'est ministériel.

M. Goulet: Mais au lieu de suspendre pour deux heures...

M. Johnson: En fait, techniquement, on continuerait jusqu'à, on pourrait continuer jusqu'à 22 heures, ce soir...

M. Goulet:... c'est de faire notre temps, mais...

M. Johnson: ... sans arrêter que vous voulez dire?

M. Goulet: Ou encore peut-être prendre une demi-heure. Je ne faisais que la suggestion. Ou encore prendre une demi-heure et terminer à...

M. Johnson: Reprendre immédiatement.

Le Président (M. Marcoux): La suggestion du député de Bellechasse à l'effet que nous continuions nos travaux...

M. Goulet: Ce n'est peut-être pas conforme, M. le Président, aux règlements et aux motions...

Le Président (M. Marcoux): Non, non, c'est normal. C'est le moment pour le faire. Je sais que vous n'avez pas fait de motion; vous avez parlé de suggestion...

M. Goulet: C'est parce que cela n'aide pas.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que la suggestion est retenue?

M. Johnson: Est-ce que le député de Saint-Laurent recevrait cette suggestion?

M. Forget: Je ne suis pas très favorable à la suggestion.

M. Johnson: Alors, M. le Président, je vais demander la suspension de nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Marcoux): Alors, la séance est suspendue jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

Reprise de la séance à 20 h 13

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs

La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de l'immigration reprend ses travaux sur le projet de loi 45. Nous en étions à l'article 46.

M. Pagé: M. le Président, le ministre était à répondre à une question que je lui avais posée. Il était à nous donner son cours sur la distinction entre le gros et le petit.

M. Johnson: M. le Président, je pense que j'avais à peu près terminé mes considérations qui sont finalement des généralités. J'en reviens au fait que, finalement, les préoccupations du député de Portneuf découlent du fait qu'il constate, comme s'il venait de le découvrir, que dans la société, de façon générale, il y a des inégalités. Je pense qu'on en est tous très conscients et que c'est vrai pour les groupes, les uns face aux autres. C'est vrai pour une PME face à une multinationale; c'est vrai pour un syndicat de huit membres, par rapport à un syndicat qui en a 3000. Cela fait partie de la réalité quotidienne. Il faut évidemment encourager la syndicalisation et le minimum de...

M. Pagé: Pour les fins du journal des Débats, je crois que le ministre a le sourire.

M. Johnson: ... tracasseries pour les petites unités.

Le Président (M. Marcoux): Et de un.

M. Forget: Oui, et de un, M. le Président, en effet.

Le premier amendement, comme il se doit, est un amendement qui vise à restaurer un mot dans le texte du premier alinéa du paragraphe 88 de l'article 46. La motion d'amendement se lit donc ainsi: Que le premier alinéa du paragraphe 88 de l'article 46 soit modifié, en remplaçant dans la troisième ligne, les mots "l'association accréditée et l'employeur" par les mots "les parties ".

L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Tout grief doit être soumis à l'arbitrage " en la matière "en la manière — oui il y a une faute ici — prévue dans la convention collective si les parties y donnent suite. Sinon il est déféré à un arbitre choisi par l'association accréditée et l'employeur ou, à défaut d'accord, nommé par le ministre."

M. le Président...

M. Johnson: M. le Président, sur la recevabilité, si vous permettez, rapidement — je pense que ce sera la seule intervention que nous ferons probablement sur la recevabilité — par son amendement, le député de Saint-Laurent introduit une notion que nous avons longuement débattue lors des considérations générales sur l'ensemble de l'article 46. Mais en fait, l'introduction de son amendement restaure exactement le texte original du Code du travail.

Or, l'objet du projet de loi 45 à l'article 46, c'est de remplacer effectivement "les parties" par "l'association accréditée". Cela va carrément à l'en- contre de l'objet du projet de loi 45, à ce niveau-là. Ce qui n'empêche pas qu'au niveau du fond, je pense que nous pourrions le débattre, mais étant donné que nous l'avions débattu, je me permets de soulever la recevabilité.

M. Forget: M. le Président, — excusez-moi, je pensais que vous disiez quelque chose — sur la recevabilité, il reste que lorsque je regarde l'article 88 actuel, je vois que l'amendement que le ministre apporte ne comporte pas simplement le remplacement des mots en question. Il comporte l'addition de trois alinéas qui sont les trois alinéas qui prévoient que l'arbitre nommé par le ministre est choisi sur la liste prévue; que l'expression tribunal d'arbitrage comprend un arbitre unique; et que les dispositions de la présente section prévalent en cas d'incompatibilité sur les dispositions de toute convention collective.

Donc, il n'est pas clair que le but de l'article 46 soit de simplement changer des mots. Il est beaucoup plus vaste que cela. Et, relativement aux autres objets, le remplacement de ces mots est décidément secondaire, puisqu'il s'agit d'une variation dans l'expression qu'on utilise beaucoup plus que d'une modification du processus lui-même de grief et de l'arbitrage. C'est quelque chose qui est essentiellement secondaire et d'autre part, l'amendement que nous présentons ne modifie pas seulement de cette manière puisqu'il y a d'autres dispositions de l'alinéa de l'article qui sont modifiées par l'amendement.

Pour ces raisons, je ne vois pas pourquoi on devrait se tenir sur un légalisme trop strict. Il est vrai que de façon générale, nous avons déjà fait allusion à cette question. Mais nous n'en avons pas débattu de façon spécifique puisqu'on s'est étendu sur des considérations philosophiques y compris la distinction entre les gros et les petits.

Mais il s'agit de revenir strictement à une question de texte plutôt qu'à des questions philosophiques, et il me semble qu'on devrait dans l'esprit permettre la discussion la plus large possible de ce projet de loi, accepter que cet amendement soit recevable, et le ministre sera toujours libre, bien sûr, d'en disposer comme bon lui semblera, et la commission également, mais je ne vois pas que nous nous placions ici devant vraiment le problème de rendre l'effet du projet de loi inopérant quant à une disposition essentielle.

Le Président (M. Marcoux): Sur la recevabilité.

M. Chevrette: M. le Président, l'objet même de l'article 88, si nous n'avions pas le premier paragraphe, les autres ne pourraient plus exister, puisque ce sont tout simplement des modalités. L'amendement apporté par le projet de loi no 45 vise à remplacer le mot "partie ", si vous lisez l'article 88, et je vais vous le lire pour votre bénéfice: "Tout grief doit être soumis à l'arbitrage en la manière prévue dans la convention collective, si elle y pourvoit, et si les parties y donnent suite; sinon, elle est déférée à un arbitre choisi par la partie, ou, à défaut d'accord, nommé par le ministre ".

Vous remarquerez, dans l'article 46 du projet de loi 45: "Tout grief doit être soumis à l'arbitrage en la manière prévue à la convention collective, si elle y pourvoit, et si l'occasion accréditée et l'employeur y donnent suite".

C'est là qu'est l'objet même: "et si l'association accréditée et l'employeur y donnent suite", au lieu des parties, pour bien démontrer que cela exclut le salarié. C'est l'objectif fondamental, c'est l'objet même de la proposition d'amendement, pour ainsi dire, par le projet de loi 45, au Code lui-même; en revenant, on détruit automatiquement l'essence même.

M. Forget: II faudrait que le député de Bellechasse écoute le député de Joliette-Montcalm, parce que je crois que ce dernier est en train de répondre à une interrogation que se posait le député de Bellechasse.

Je m'excuse, mais c'est de façon lapidaire la réponse à une question que je sais que le député de Bellechasse se posait. Je m'excuse de cette intervention, mais je sais que...

M. Bisaillon: C'est de la conciliation volontaire?

M. Goulet: Je remercie le député de Saint-Laurent. Je lui avais posé une question, parce que le mot "partie " ne veut pas dire la même chose pour tout le monde, et je voulais savoir comment il le voyait et j'aurais posé la question au ministre, pour savoir comment il le voyait.

M. Johnson: Ce n'est pas tellement la question de savoir comment on le voit, ni comment cela a été interprété finalement. L'interprétation, par la jurisprudence, c'est que les parties... cela permet aux salariés effectivement... Alors l'objet, pour être conséquent avec 19, qu'on a adopté, où on a référé à la notion de propriété collective du grief, il est bien évident que l'amendement que nous apportons au Code du travail, par le projet de loi 45 — on peut ne pas être d'accord, je comprends ça — c'est de dire que, à toutes fins pratiques, le salarié est exclu, c'est l'association accréditée.

D'autre part il y a eu une exception de prévue à 19b, comme on l'a vu dans le cadre du "duty of fair representation". Or, le projet de sous-amendement du député de Saint-Laurent est à l'effet de restaurer la formule originale du Code du travail, qui prévoit que "les parties ", ça inclut donc le salarié, en vertu de la jurisprudence, et c'est, à mes yeux, M. le Président, un amendement qui est irrecevable pour ces raisons.

M. Goulet: Je ne sais pas si c'est dans l'ordre, M. le Président, vous m'excuserez d'aller plus loin, mais c'est pour le bien de la question.

A l'article 88e, on dit qu'on donne aux par-

ties... "Le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues." J'imagine que c'est si le conseil arbitral a jugé ou que l'association a décidé que le grief serait dé-battable. Vous me suivez? Si le grief est rendu là-bas, mais s'il n'est pas rendu, c'est sur cela que nous nous battons, ça veut dire que, au niveau de 88, le grief a été arrêté, il ne s'est pas rendu; les minorités dont vous parliez tantôt, vous disiez: On sait qu'elles existent. S'il peut se faire entendre à 88e, il a été jugé recevable et par l'association et...

M. Johnson: Oui, mais — si le député de Bellechasse me le permet — les parties qu'on vise à 88e, ce sont toutes les parties qui peuvent être impliquées dans le litige; or, en pratique — et c'est de là qu'est venue la précision dans les modifications qu'on a apportées au projet de loi 45, après de longues discussions que j'ai eues avec les représentants de la conférence des arbitres, ce que les arbitres font, c'est que, quand un grief touche une personne en particulier, maintenant qu'on donne le droit de propriété collectif au recours à l'arbitrage pour le grief, de toute façon, les arbitres vont faire venir la personne ou les personnes qu'ils jugent utiles. Dans la pratique, ils ont commencé à le faire et, deuxièmement, étant donné la série de modifications qu'on apporte à 88, on leur donne vraiment un pouvoir spécifique de le faire. Cela n'empêche donc pas qu'un recours ne peut pas être logé par l'individu, il ne peut être logé que par l'association accréditée, c'est l'objet de notre amendement. Or, ce que veut faire le député de Saint-Laurent, par son amendement, c'est de restaurer l'ancienne formule, avec la notion des parties.

La jurisprudence n'a pas été unanime là-dessus, il y a de la confusion dans la jurisprudence du Travail, quant à la signification du mot "partie", et on a permis à des salariés de porter directement leur grief en arbitrage dans une certaine jurisprudence. Ce qu'on veut faire, nous, c'est écarter cela; donc, restaurer l'ancien principe, c'est carrément aller à l'encontre de l'objet de l'article du projet de loi 45. Donc, à mes yeux, M. le Président, c'est irrecevable.

M. Chevrette: Je voudrais ajouter quelque chose, M. le Président, parce que, depuis le début, il y a une chose qui m'intrigue et qui m'agace à la fois, je veux dire que cela m'agace, non dans le sens que cela me fatigue... Je remarque que toute la thèse qui est sous-tendue par les amendements du Parti libéral, de l'Opposition officielle, est toujours une thèse axée sur la défense du droit individuel; jamais de rapports collectifs, ou à peu près pas. Je m'excuse, cela a de l'importance...

Le Président (M. Marcoux): Sur la recevabilité.

M. Chevrette: Sur la recevabilité. Le Code du travail... Et le député de Portneuf, qui est un homme de droit, va m'appuyer là-dessus...

Une Voix: Droit.

M. Chevrette: ... de droit. J'ai dit de droit. Le reste, ce n'est pas à moi à en juger. C'est personnel.

M. Pagé: Cela dépend du sens.

M. Chevrette: Ce que je veux ajouter est ceci. Le droit au travail, comme tel, doit faire partie du cadre des lois de travail, mais les rapports, les normes sont des normes qui régissent les rapports collectifs tout en assurant un droit au travail, mais ce droit ne doit pas primer les normes ou les droits qu'on accorde à la collectivité; sinon, aussi bien ne pas avoir de Code du travail, s'il relègue cela au contrat individuel. L'amendement est très clair là-dessus. Je pense qu'on l'a expliqué avant le souper et je le répète, brièvement en tout cas; je pense que l'individu a un droit strict de déposer un grief, mais c'est subordonné à la décision de la collectivité en ce qui regarde l'arbitrage, à cause de l'importance face à la retombée positive ou négative du règlement d'un grief.

M. Johnson: M. le Président, vous considérez-vous suffisamment informé?

M. Forget: M. le Président, comme le député de Joliette-Montcalm a fait un aparté philosophique, je pense que je devrais avoir la permission de faire...

M. Laplante: ... une analyse de votre congrès d'orientation.

M. Forget: Oui, oui; ce n'est pas une analyse qui est entièrement fausses; au contraire, elle a beaucoup de fondement. Mais, essentiellement, il faut faire attention de ne pas caricaturer des positions en présentant une position qui est beaucoup plus formelle et théorique, entre les droits individuels et les droits collectifs, que c'est le cas dans la réalité des choses.

M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez, je pense que le député de Saint-Laurent est sur le fond, en ce moment, il n'est pas sur la recevabilité.

M. Chevrette: Comme je l'étais.

M. Johnson: Comme le député de Joliette-Montcalm, je pense.

M. Forget: Comme j'ai dit que je ne m étais pas opposé, on nous passerait probablement la même tolérance qu'au député de Joliette-Montcalm.

M. Jonhson: Pour trente secondes?

M. Forget: Oui, pour une minute et demie ou deux, comme le député de Joliette-Montcalm l'avait fait.

M. le Président, très brièvement, cette question de défense des droits individuels ne peut pas être complètement évincée du Code du travail.

Parce que dans le fond, quand on veut défendre les travailleurs, on ne veut pas défendre seulement la notion de travailleurs ou une espèce d'abstraction qu'est la condition ouvrière, on veut défendre les travailleurs concrets en chair et en os; ce sont des individus. Il se peut qu'ils partagent certains attributs en commun tels que d'être des salariés. Il est très important de pouvoir les défendre comme individus. Finalement, c'est la raison d'être du syndicat: de se regrouper pour défendre des individus qui ont des attributs communs.

Quand il se pose un problème entre un individu et un groupe, par opposition à entre un individu et un employeur qui peut lui aussi être un groupe, dans le fond, parce que souvent, l'employeur est une personne morale. Il se pose les mêmes problèmes d'équité, dans le fond, dans l'un et dans l'autre cas. Le Code du travail ne peut pas ignorer les problèmes qui se posent entre l'individu-travailleur et la collectivité des travailleurs, pas plus qu'il peut ignorer le problème de relations entre l'individu-travailleur et la collectivité qui est souvent aussi, dans le fond, l'employeur, puisque ça peut être un organisme public, une société a but lucratif, mais où les actionnaires sont plus nombreux que les employés.

Donc, il y a des rapports collectifs, mais derrière cela, il y a des droits individuels du travailleur, et quand on parle d'arbitrage, on parle d'arbitrage d'un grief entre un travailleur et son employeur. Mais qui va attribuer les relations entre un travailleur et le groupe qui est censé le représenter, mais qui ne le représente pas toujours? On ne demande pas que le syndicat soit toujours forcé de prendre fait et cause pour chacun de ses membres. Ce qu'on dit, c'est qu'on ne devrait pas créer une structure au nom des intérêts collectifs qui éliminent les possibilités de recours individuels par d'autres moyens peut-être, mais certainement pas d'éliminer le droit de recours individuel qui demeure, malgré tout, la propriété inaliénable de l'individu.

Peut-être que parfois, il ne pourra pas se faire défendre par son groupe, mais au moins pourrait-il se défendre seul. Le Code du travail va plus loin que son objectif réel lorsqu'il prive l'individu de tout moyen de défense, même s'il veut lui se défendre tout seul, à défaut d'autres moyens. Là-dessus, M. le Président, je me tais.

Le Président (M. Marcoux): Compte tenu...

M. Forget: Cela commençait à vous ébranler, n'est-ce pas?

M. Godin: Ne désespérez pas surtout.

M. Forget: Ah non!

M. Godin: Cela peut être long.

Le Président (M. Marcoux): II m'apparaît que l'amendement proposé, plutôt que d'être une proposition qui vise à préciser ou à limiter, ou à délimiter les agents en cause veut élargir la définition de "parties" ou des gens en présence. En ce sens- là, il apparaît davantage, par rapport à l'objet de l'article lui-même, comme une contre-proposition plutôt qu'une proposition visant à exclure ou à préciser un groupe qui serait défini de façon générale. En ce sens-là, je pense que votre amendement est plutôt une contre-proposition qu'une proposition d'amendement.

M. Johnson: Donc, il est irrecevable.

Le Président (M. Marcoux): Dans le sens que je juge, l'amendement irrecevable.

M. Johnson: M. le Président, on est à l'article 88?

Des Voix: C'est cela.

M. Johnson: Est-ce qu'on passe à l'article 88a?

M. Forget: Non, M. le Président. Nous sommes toujours à l'article 88 et j'aimerais présenter un amendement au premier alinéa du paragraphe 88...

M. Laplante: Vous n'aviez pas tout dit?

M. Forget: ... Non, je n'avais pas tout dit. J'aborde un sujet entièrement nouveau et je le fais, M. le Président, à la suite de mémoires, de représentations qui ont été faites et dont le ministre ne semble pas avoir tenu compte. Je vais lire tout de suite l'amendement. J'irai plus tard aux raisons: "Que le premier alinéa du paragraphe 88 de l'article 46 soit modifié en ajoutant dans la première ligne, après le mot "grief", les mots "relatif à l'interprétation, l'application ou la violation d'une convention collective". L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Tout grief relatif à l'interprétation, l'application ou la violation d'une convention collective doit être soumis à l'arbitrage en la manière prévue par la convention si elle y pourvoit et si l'association accréditée et l'employeur y donnent suite, sinon il est déféré à un arbitre choisi par l'association accréditée, l'employeur ou à défaut d'accord, nommé par le ministre ".

La raison de ceci, M. le Président, se retrouve dans le mémoire de la conférence des arbitres où on fait allusion à cette difficulté qui a été soulignée dans la jurisprudence. Je me permets de lire un extrait de ce mémoire...

M. Bisaillon: Question de règlement. Je voudrais avant de faire ma question de règlement, poser une question au député de Saint-Laurent pour savoir si j'ai bien compris ce qu'il changeait. Est-ce que je trompe en disant que ce que vous ajoutez, ce sont les mots "relatif à l'interprétation, l'application ou la violation d'une convention collective"? Est-ce uniquement cela?

M. Forget: Uniquement cela.

M. Bisaillon: Sur la question de règlement, je prétends que cela va à l'encontre de la définition

même de "grief". "Grief" est défini, dans le Code du travail, actuellement, à l'article 1g, au tout début. Je ne vois pas ce que cela ajoute. Violation, c'est autre chose.

M. Forget: Je pense que sur la recevabilité... Une Voix: Ce n'est pas sur la recevabilité. M. Forget: C'est seulement une question.

M. Johnson: C'est seulement une question, d'après ce que j'ai compris... Je n'ai pas contesté la recevabilité, j'ai seulement dit que, d'après moi, ce qui était là était inutile, puisque "grief" était déjà défini dans le Code du travail.

M. Forget: Ah bon! Il semble qu'il y ait des difficultés d'interprétation de cela ou des difficultés d'application que la jurisprudence et que la Conférence des arbitres a soulignées dans son mémoire. C'est de cela que je m'inspire, M. le Président, pour poser la question au ministre, de façon formelle, à savoir si...

M. Johnson: Pour quelle raison?

M. Forget: Pour quelle raison, effectivement, mais si vous me permettez, je vais lire, en premier lieu, pour l'information des membres de la commission, parce que je pense que c'est peut-être un peu mystérieux, le paragraphe très court dans le mémoire de la Conférence des arbitres. On parle, à la page 18, de l'aire juridictionnelle. On dit: "A ce sujet, la conférence estime nécessaire de mettre en relief cinq problèmes; Le premier, c'est le grief en tant que mésentente relative à la violation de la convention collective. L'arbitre des griefs au Québec n'a compétence que sur les mésententes relatives à l'interprétation et à l'application des conventions collectives. En raison de cette définition du grief, l'arbitre québécois n'aurait pas compétence selon une tendance jurispru-dentielle. Sur les cas de prétendues violations de la convention collective, comme par exemple les cas de réclamation en dommages-intérêts à la suite d'une grève illégale. C'est du moins la position jurisprudentielle qui s'est inscrite dans le courant de l'affaire Bédard-Girard. Par contre une autre tendance juridprudentielle, s'autorisant de l'affaire Polymer, a fait droit à de telles réclamations lorsque les conventions collectives définissaient les griefs en y comprenant les violations de la convention collective. Pourtant l'affaire Polymer ne relevait pas du droit québécois. "Bien sûr, comme on le sait, cela relevait du droit fédéral. "En tout état de cause la jurisprudence québécoise est de plus en plus ambiguë sur le sujet. Aux fins de clarifier la situation, la Conférence des arbitres croit qu'il serait approprié que le législateur québécois élargisse la définition du grief pour la mouler sur celle du législateur canadien, etc. Recommandation no 12: Que l'article 1g — ce n'est plus cela à cause des modifications— soit modifié et qu'on y ajoute la mésentente en violation de la convention collective".

M. Johnson: Oui, d'accord.

M. Forget: Je pense que cela résume assez bien ce qui m'amène à présenter cette motion.

M. Johnson: J'ai effectivement une réponse à cela. En fait, le député de Saint-Laurent aurait raison de vouloir donner suite aux demandes de la Conférence des arbitres qu'on retrouve également dans le mémoire de Me Barré que je lui ai fait parvenir, et c'est vrai que la jurisprudence au Québec est confuse quant à savoir si la violation de la convention collective fait partie ou non du grief. Or, le juge Pigeon, au nom d'un banc de neuf juges de la Cour suprême, dans le cas de General Motors of Canada contre Pierre Brunet et autres, daté du 2 novembre 1976, mais publié en 1977, tout récemment, dit ce qui suit — donc c'est la Cour suprême qui se prononce de façon finale sur la question — : Va-t-on prétendre que sous le Code fédéral, il faut exclure la portée de cette disposition, etc.

A mon avis, on ne saurait établir une distinction entre un différend relatif à l'application d'une convention collective et un différend relatif à sa violation parce qu'il s'agit simplement de deux façons d'envisager le même problème. Il ne peut pas être question de violation de la convention collective si elle est sans application. En d'autres termes, c'est pour une raison fondamentalement technique sur le plan juridique, la Cour suprême s'est prononcée pour dire que dorénavant la notion de violation est comprise dans la notion d application de la convention collective. Donc, cela ne pose plus de problème.

J'admets avec le député de Saint-Laurent qu avant ce jugement il aurait probablement fallu effectivement amender le Code du travail. Maintenant, ce n'est plus nécessaire. C'est très clair, le jugement est final. Ce n'est même pas un obiter dictum. C'est dans le jugement.

M. Forget: Pour être bien sûr que je comprends la citation que vient de faire le ministre... le juge Pigeon dit: Si une convention collective est sans application, il ne saurait être question qu'il y ait une violation.

M. Johnson: Non, c'est-à-dire, ce n est pas tout à fait ce qu'il dit. Il ne saurait pas être question de violation de la convention collective si elle est sans application.

M. Forget: D'accord. C'est ce que je voulais citer.

M. Johnson: C'est dans le sens contraire.

M. Forget: A ce moment-là, la question qui se pose est que, si elle n'est pas sans application, donc, si elle a une application — et là il faudrait que j'aie lu tout le dossier pour vraiment pouvoir

répondre à la question; peut-être le ministre l'a-t-il fait?— mais s'il y a une convention collective qui trouve son application dans une affaire en litige, parce que c'est toujours relatif à une affaire en litige qu'un jugement est porté, est-ce qu'à ce moment l'inverse du jugement est vrai? Parce que c'est très facile de dire: La convention collective ne s'applique pas à ce litige. Elle ne dit rien. Elle est silencieuse. Il ne saurait être question de violation d'une convention collective qui n'a pas d'application au cas en litige. Mais cela n'a pas d'infé-rence nécessaire dans le cas contraire.

M. Johnson: Un peu plus loin dans le jugement du juge Pigeon, on trouve que "le litige découlait d'une sentence arbitrale tenant lieu de convention collective. On ne s'entendait pas sur l'interprétation de cette sentence et sur son application rétroactive. Je ne vois pas comment on a pu statuer qu'il ne s'agissait pas d'une mésentente relative à l'interprétation ou à l'application d'une convention collective quand je lis les motifs", etc. Donc, pour lui, ce n'est pas un problème. C'est que, si on invoque violation, c'est nécessairement sur la base du problème d'une mésentente quant à l'application. Et la base de ceci constitue le grief. Je pense que dorénavant, étant donné que le jugement de la Cour suprême est publié depuis, je pense que cela fait trois mois à quatre mois au maximum, donc, avant, sans doute, que les...

M. Forget: C'est une très bonne explication et je pense que c'est utile d'avoir cette mise au point au journal des Débats. Donc, je retiens mon amendement, M. le Président. Quoique c'est beaucoup plus long de faire cela ainsi, de toute façon, ni plus court d'ailleurs.

Une Voix: Deux zéros, recherchistes.

M. Forget: Donc, à défaut de cet amendement, M. le Président, j'en ai un autre, cependant. Ils ont d'ailleurs pu en trouver un autre.

M. Johnson: Vous allez en trouver un autre?

M. Forget: Peut-être y a-t-il ici aussi une explication miracle.

M. Johnson: Pour les fins de la commission, l'amendement du député de Saint-Laurent a été retiré tout simplement.

M. Godin: Est-ce que le suivant est semblable? Est-ce que le suivant est destiné uniquement au journal des Débats ou à modifier vraiment...

M. Forget: Non, le suivant est destiné...

M. Godin: Parce que cela peut nous mener loin, cela peut nous mener très loin.

M. Forget: Oui, c'est vrai.

M. Godin: Ce n'est pas une encyclopédie que nous faisons ici.

M. Forget: Je ne sais pas. Il y a un professeur de droit qui m'a dit récemment qu'il y a une tradition qui se développe dans les mémoires préparés souvent d'ailleurs par les professeurs de droit pour la Cour d'appel ou la Cour suprême, qui est de faire référence maintenant au journal des Débats, et surtout aux délibérations de la commission parlementaire qui étudie un projet de loi article par article.

Et quand je suis passé à la faculté de droit, cela ne se faisait pas, et maintenant c'est une pratique qui tend à être acceptée. Je pense que quand il y a des points de droit dont on a connaissance et qui se soulèvent, il est fort opportun d'avoir une déclaration du ministre pour savoir qu'elle est la signification qu'il attache au projet de loi.

M. Godin: Vous violez le règlement, mais, enfin...

M. Forget: L'autre amendement est toujours relatif au paragraphe 88 de l'article 46, et j'aimerais le lire maintenant: "Que le paragraphe 88 de l'article 46 soit modifié, en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: Un grief ne peut pas être déclaré irrecevable pour le seul motif du défaut de dépôt de la convention collective. Toutefois, la décision arbitrale sur un tel grief ne peut produire ces effets qu'à compter du jour auquel le dépôt de la convention collective est effectué."

Ceci est également inspiré d'une recommandation de la conférence des arbitres, à la page 21, et elle est destinée, aux yeux de ce groupe, à empêcher qu'un grief ne soit jugé prématuré.

Vous me permettrez de faire lecture également brièvement de cette considération: "Le grief prématuré. Il est de jurisprudence bien établie que lorsqu'un arbitre est saisi d'un grief logé avant le dépôt de la convention collective, un tel grief doit être jugé prématuré et partant, irrecevable. Cette solution s'impose en raison de l'article 60 du Code du travail. La conférence s'étonne qu'un salarié ne puisse obtenir justice à cause du défaut de dépôt de la convention collective, dépôt qu'il ne contrôle pas. Certains pourront prétendre que le grief peut être repris. La solution est loin d'être certaine, surtout lorsque des délais de prescriptions sont en cause. D'autres rappelleront que le salarié n'a qu'à poursuivre en responsabilités civiles son syndicat. Il ne s'agit certes pas là d'une solution idéale. On ne leur fait pas dire, aux arbitres. "Aussi, la conférence estime que le législateur se doit de corriger une situation qui, à la limite, ne pénalise que le salarié. "Aux fins de concilier l'économie de l'article 60 du Code du travail et le droit du salarié, la conférence suggère l'adoption d'un texte conforme à l'idée énoncée à la recommandation qui suit: "Recommandation no 15. Qu'il soit prévu dans la loi qu'un grief ne peut pas être déclaré irrecevable pour le seul motif du défaut de dépôt de la convention collective, mais que la décision arbitrale sur un tel grief ne produit ses effets que sous condition du dépôt de la convention".

C est ce que j'ai repris presque mot à mot dans ce projet d'amendement.

M. Johnson: M. le Président, en fait, je référerais à l'article 40 du projet de loi. Nous l'avons amendé afin de prévoir qu'une convention collective... Je n'ai pas le texte devant moi...

M. Bisaillon: ... à compter du dépôt.

M. Johnson: Voilà, ce dépôt a un effet rétroactif à la date prévue dans la convention collective, pour son entrée en vigueur, ou, à défaut, à la date de la signature de la convention collective. Justement, c'était pour nous une façon de répondre à la demande, à la préoccupation de la Conférence des arbitres à ce sujet, puisque, en rendant ce dépôt rétroactif à la date de la convention collective, on permet, effectivement, la reconduction, la base, la substance à partir de laquelle on peut effectivement formuler le grief. Je pense qu'on a atteint exactement le même objectif, sauf qu'on l'a fait par voie d'amendement à l'article 40.

M. Forget: M. le Président, cette objection est valable seulement dans certains cas. Si l'instance est commencée, le grief est logé avant le dépôt. A ce moment, le conseil d'arbitrage, le tribunal d'arbitrage ne peut décider qu'en fonction du dépôt ou du non-dépôt. Même si on invoque, devant lui, qu'une convention collective qui n'a pas été déposée existe et qu'elle pourra un jour être déposée et avoir un effet rétroactif, il reste qu'il sera débouté de son grief, indépendamment de cette possibilité parce que le conseil d'arbitrage ne veut pas se prononcer sur une chose hypothétique; il faut que le dépôt soit effectué.

M. Johnson: Cependant, la réponse à ça, M. le Président, ce serait 88j que nous introduisons, qui prévoit qu'une mésentente relative au maintien des conditions de travail prévue à 47 ou à 81e doit être déférée à l'arbitrage par l'association de salariés intéressée comme s'il s'agissait d'un grief.

M. Forget: Oui, mais ça, c'est pour l'ancienne convention collective, ce n'est pas pour la nouvelle.

M. Johnson: On ne peut pas faire un grief sur un contrat qui n'est pas signé, on peut le faire seulement en vertu de l'ancien.

M. Forget: Oui, mais le contrat peut être signé sans être déposé.

M. Chevrette: Oui, mais à 40, deuxième paragraphe...

M. Forget: Non, s'il n'est pas déposé au moment où le grief est logé, le grief sera rejeté parce qu'il n'a pas déposé; le tribunal d'arbitrage ne pourra pas dire: C'est vrai, ça peut être déposé un jour. Il est déposé ou il n'est pas déposé. S'il n'est pas déposé, il n'a pas d'effet. Si un jour il a un effet rétroactif... Mais ce jour n'est pas encore venu. On est coincé.

M. Johnson: Si vous permettez, M. le Président, en pratique, si on peut éviter de le faire sous forme d'amendement et si mes explications satisfont le député de Saint-Laurent... C'est que, à ce moment-là, si on est capable d'aller en arbitrage, c'est l'association accréditée qui va en arbitrage sur les griefs, par définition, étant donné ce qu'on a adopté comme principe et ce qu'on va adopter formellement... Elle peut également déposer la convention collective, et comme l'effet est rétroactif, en vertu de l'article 40, il n'y a plus de problème. Evidemment, là où techniquement ça pourrait peut-être poser un problème, c'est si l'association accréditée a signé une convention collective, ne l'a pas encore déposée, s'en va en arbitrage sur un grief et oublie de la déposer. Mais on peut présumer que, si elle est capable d'aller en arbitrage, elle est capable de déposer le texte et si elle dépose le texte, comme il a un effet rétroactif, l'arbitrage va devoir en tenir compte.

Alors, finalement, sur le plan pratique, je pense qu'on a pallié cela.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, est-ce que je pourrais d'abord poser une question au député de Saint-Laurent?

Est-ce que sur 88, le député de Saint-Laurent a d'autres amendements?

M. Forget: Oui.

M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais me permettre, M. le Président, de faire une suggestion pratique...

Une Voix: ...

M. Bisaillon: Non, je m'attendais à cette réponse là.

Est-ce que je pourrais me permettre de faire une suggestion pratique?

Une Voix: ...

M. Bisaillon: Non, je m'attendais à cette réponse. J'ai l'impression, quant à moi, que la formulation qui nous est présentée ajoute effectivement quelque chose quant à la clarté du texte, même si on prend 40 et 88. Est-ce qu'on ne pourrait pas suspendre, pour l'instant, l'amendement présenté par le député de Saint-Laurent et demander aux spécialistes de regarder pour voir si cela ne peut pas être aménagé, sinon on reviendra par la suite?

M. Forget: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, parce que la thèse que j'ai défendue depuis l'article 1, c'est que le Code du travail, dans la mesure du possible, devait être facile à lire. On a vu,

par le genre de réponses que m'a données le ministre, réponses qui sont valables sur le plan juridique, qu'on se promène d'un bord à l'autre pour répondre à une question en vertu de l'article 88. Si on pouvait le dire à l'article 88, j'applaudirais et, si cela peut permettre de le faire, je n'ai pas d'objection à suspendre les discussions là-dessus.

M. Godin: ... redondant, par ailleurs.

Le Président (M. Marcoux): On suspend le débat sur ce projet d'amendement.

M. Godin: Le principe mis de l'avant par le député de Saint-Laurent impliquerait peut-être qu'à chaque article, il faudrait répéter le code au complet.

M. Forget: Non, M. le député de Mercier, c'est que je pense qu'on a remarqué, au cours de tous nos travaux, que le Code du travail a été quand même un peu alambiqué, assez souvent. Sa rédaction n'est pas aussi bonne qu'elle pourrait l'être pour en permettre une compréhension facile et il n'est pas difficile d'imaginer une meilleure rédaction. C'est le problème.

M. Godin: Mais il ne faut pas tomber dans la redondance non plus.

M. Forget: Non, ce n'est pas de la redondance. C'est l'accessibilité des textes aux gens qui ne sont pas diplômés en droit.

M. Godin: Cela part d'un bon naturel, mais, quand même, j'émets des réserves.

M. Bisaillon: Chassez le naturel et il revient au galop.

M. Forget: Comme cet amendement est suspendu et comme je n'ai pas d'autre amendement à l'article 88, j'imagine qu'on va suspendre l'article 88 et qu'on y reviendra.

M. Johnson: Oui. M. le Président, si vous me permettez, quant à moi, le moment de la suspension est peut-être terminé sur la question de l'article 88. Je viens de parler à nos juristes et cela n'a pas pris tellement de temps, c'est que...

M. Forget: C'est mauvais signe, cela.

Une Voix: Quant à ce qui peut arriver à votre amendement, oui.

M. Johnson: La réponse... Les juristes m'affirment que c'est cela, la réponse, et que l'inconvénient de la formulation, finalement... Evidemment, si on n'avait pas amendé l'article 40 et si on n'avait pas introduit l'article 88j, d'accord, ce serait une bonne façon de le régler. Cependant, comme on a amendé l'article 40 et qu'on a introduit l'article 88j, on pense que le problème est réglé. La seule chose qu'il faut faire, c'est qu'il faut que l'association accréditée, à un moment donné, avant que le juge du tribunal d'arbitrage rende sa sentence, s'arrange pour déposer la convention; faire autrement, même si c'est pour des fins de clarté du texte, pourrait produire une situation où, finalement, on permet aux gens, carrément, de procéder à l'arbitrage sans jamais déposer la convention collective. Là, cela pourrait amener des difficultés un peu plus considérables. Je pense qu'on fait le tour de la question et qu'on répond, finalement, à la préoccupation. Les juristes m'assurent que, de façon très informelle, on a consulté certains des arbitres qui considèrent qu'effectivement, la réponse à leur préoccupation, on l'obtient par les articles 40 et 88j.

M. Bisaillon: Est-ce que je dois comprendre qu'à ce moment-ci, on pourrait admettre que l'amendement est rejeté sur division? Ou retiré?

M. Forget: Rejeté sur division.

Le Président (M. Marcoux): Rejeté sur division.

M. Johnson: Rejeté sur division. M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Rejeté sur division. Je vais le lire, un instant, pour que cela soit très clair. L'amendement suivant était proposé: "Un grief ne peut être déclaré irrecevable pour le seul motif du défaut de dépôt de la convention collective. Toutefois, la décision arbitrale sur un tel grief ne peut produire ses effets qu'à compter du jour auquel le dépôt de la convention est effectué". Cet amendement, proposé au paragraphe 88 de l'article 46, est rejeté sur division. La parole est au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Alors, 88a.

M. Johnson: On considère que la discussion sur l'article 88 est terminée?

M. Forget: Oui, quant à moi, M. le Président, elle est terminée.

Le Président (M. Marcoux): Article 88a.

M. Forget: L'article 88a est cette disposition qui stipule qu'aucun membre du tribunal d'arbitrage ne peut être poursuivi en justice en raison d'actes accomplis de bonne fois dans l'exercice de ses fonctions. J'ai un amendement là-dessus qui est inspiré par le paragraphe suivant, que je vais lire dans le mémoire de la conférence des arbitres. Cela s'intitule, à la page 16, L'immunité. "L'arbitre des griefs ne dispose pas, à l'instar du juge des tribunaux de droit commun, d'une véritable immunité judiciaire et garantie par la loi. "Il ne jouit pas non plus de l'immunité personnelle conférée par la Loi des commissions d'enquête. Il est cependant généralement admis qu'à titre d'organisme judiciaire, l'arbitre dispose d'une immunité relative, même s'il n'y a eu,

jusqu'à maintenant, aucune situation malheureuse, il apparaît nécessaire, selon la conférence, que cette immunité soit formellement consacrée".

Il apparaît clairement, M. le Président, que nous sommes en présence d'un mémoire préparé par la conférence des arbitres qui se dit: on aimerait bien, comme arbitres, avoir une immunité. Leur témoignage sur ce point et je le dis en tout respect, est quand même un témoignage qui n'a pas le même degré de détachement que le témoignage qu'ils donnent quant à d'autres dispositions du projet de loi. Malgré cela, ils affirment clairement qu'il n'y a eu jusqu'à maintenant, aucune situation malheureuse, c'est-à-dire que jamais un arbitre n'a été poursuivi pour une décision qu'il a rendue; donc le problème ne s'est jamais posé. C'est important de s'en souvenir.

C'est effectivement ce qu'on constaterait dans la plupart des cas où des gens ont des responsabilités d'adjuger sur tel ou tel problème, entre des parties. Le problème ne se pose pas seulement pour les arbitres, il y a des dizaines et des dizaines de fonctions analogues qui sont prévues dans plusieurs lois du Québec et pour lesquelles il n'y a pas d'immunité.

L'immunité est une caractéristique de la fonction judiciaire; or, des arbitres ne sont pas des juges, quelles que soient les prétentions de certains à le dire.

M. Johnson: Quasi judiciaires, puisque les commissaires-enquêteurs...

M. Forget: Ils ne sont pas des juges, M. le Président.

M. Johnson: Oui, mais les commissaires-enquêteurs ont une immunité et ils ne sont pas non plus des juges.

M. Forget: Ils ont une immunité, mais c'est une immunité conférée par une loi spéciale et ce n'est pas une pratique générale que des gens qui ont des décisions à prendre, même en vertu des lois, jouissent d'une immunité. Seulement les juges, membres des tribunaux judiciaires, jouissent d'une immunité, dans le sens de l'article 88a, et il n'est donc pas, à mon avis, acceptable que l'on inscrive dans nos lois un principe comme celui-là, qui n'est absolument pas nécessaire, il n'y a jamais eu de problème dans le passé. Les arbitres eux-mêmes l'avouent. Il y a, encore une fois, des tas de fonctions analogues pour lesquelles il n'y a pas d'immunité.

C'est vouloir donner à ces gens qui ne souhaitent pas, par ailleurs, assumer un certain nombre de caractéristiques de la fonction judiciaire, y compris la permanence, l'exclusivité et autres obligations inhérentes à la fonction, un statut et une protection à mon avis, auxquels ils n'ont pas droit et dont ils n'ont pas besoin.

C'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut amender l'article 46, de manière que le paragraphe 88a de l'article 46 soit retranché du projet de loi no 45.

M. Johnson: A l'effet de...

M. Laplante: J'aurais une question à poser au député de Saint-Laurent.

M. Forget: De retrancher le paragraphe.

M. Laplante: Si, dans l'exercice de leurs fonctions, il n'y a pas d'immunité et s'ils sont trouvés coupables d'une action involontaire qu'ils auraient posée suite à leurs fonctions, qui paierait l'amende de ces gens, s'il y avait amende, je ne parle pas de cas de prison?

M. Forget: Premièrement, il n'y a pas d'amende à payer, puisqu'il ne s'agirait pas d une infraction. L'immunité qui est recherchée ici est une immunité face à des poursuites en responsabilité civile pour dommages-intérêts.

Il faudrait que la personne prouve dommage, qu'ils sont responsables du dommage et, plus que ça, il faudrait prouver qu'ils ont utilisé leur pouvoir de façon évidemment arbitraire et de mauvaise foi.

M. Laplante: Est-ce qu'un conseiller municipal a une immunité?

M. Forget: Je ne pourrais pas répondre à cette question, mais je ne crois pas qu'un tel conseiller ait une immunité.

M. Laplante: Je sais que les commissaires ne l'ont pas non plus.

M. Forget: Ni les commissaires d'école. Il y a très peu de gens, à part des juges, qui ont une immunité, très peu de gens, et admettons même qu'il y ait une action en dommages-intérêts qui soit intentée, à ce moment-là, le ministre qui, en somme, cautionne, par sa liste des arbitres, la qualification des arbitres, aurait toujours le choix de dire: Voici une poursuite contre un arbitre; à notre avis, même si, techniquement, il s'est rendu coupable d'une négligence portant préjudice et qu'il a été trouvé finalement responsable, pas coupable, parce que c'est sur un plan civil, nous allons assumer sa défense et nous allons assumer le paiement des dommages-intérêts, puisque c'est un arbitre choisi dans notre liste.

Alors, cette solution est toujours disponible pour le gouvernement et c'est une assurance que j'ai donnée moi-même, quand j'occupais des fonctions ministérielles, à des gens qui se trouvaient exactement dans la même position, c'est-à-dire que c'étaient des personnes qui agissaient aux comités de révision du régime d'assurance-maladie et qui étaient chargées de réviser les cas de pratique abusive. Lors de la révision de cas de pratique abusive par certains médecins, ils en venaient à des conclusions telles que tel ou tel médecin s'était livré à des actes de façon inconsidérée et devait rembourser des montants allant jusqu'à $80 000 ou $100 000.

M. Laplante: Croyez-vous, par exemple, qu'il y

a un danger. Je vais vous donner un cas concret; je ne voudrais pas que vous le voyiez comme une tentative de faire de la basse politique ou des choses comme cela. Les événements sont passés. Lors de l'adoption de la loi 19, vous avez créé à ce moment-là des pénalités pour les commissaires...

M. Forget: Ce n'est pas 19.

M. Laplante: La loi du retour au travail. Vous avez institué à ce moment-là, des pénalités pour les commissaires qui se prononcent de n'importe quelle façon en assemblée publique dans l'exercice de leurs pouvoirs des amendes plus fortes qu'un syndicat n'en pouvait avoir. Si on avait eu une immunité, à ce moment-là, on aurait pu, nous autres, sans que ce soient des contestations, présenter toujours face aux syndiqués une contestation libre face à cette loi. Cela a empêché des groupes d'administrateurs de se prononcer sur une loi, en somme, sur laquelle ils n'avaient jamais été consultés. Tout de suite, on nous imposait des amendes; on n'avait qu'à parler à un syndiqué et lui dire; Ecoute, la loi, je n'en suis pas certain, fais ce que tu veux, mais, si j'étais à ta place, je n'entrerais pas. Tout de suite, j'étais passible de $5000 d'amende automatiquement. Je n'étais qu'un commissaire.

M. Forget: C'est un...

M. Laplante: Ce sont ces abus-là qui font, je crois, qu'ils demandent une immunité au cas où des choses comme cela pourraient arriver.

M. Forget: Je ne pourrais pas prétendre vous donner une réponse quant à l'immunité vis-à-vis des sanction pénales. Je pense que le sens de ces immunités n'est pas de garantir l'immunité contre des sanctions pénales, mais contre des poursuites civiles seulement. L'exemple que je vous donnais, celui des médecins, c'était que ces médecins eux-mêmes qui siégeaient à ces comités, qui recommandaient qu'un tel doive rembourser $80 000 ou $100 000, se sont évidemment posé la question d'immunité. Ils ont été effectivement poursuivis dans un cas par un de leurs collègues qu'ils avaient condamné à rembourser une somme de quelque $100 000. Ils m'ont demandé l'immunité au moment de l'ouverture de la Loi sur l'assurance-maladie et j'ai refusé. Mais j'ai dit, cependant: Nous allons prendre fait et cause, c'est-à-dire nous allons vous défendre, si vous êtes condamnés à rembourser. En quelque sorte, ce serait inimaginable de toute façon, qu'un tribunal dise à quelqu'un qui est nommé pour faire rembourser quelqu'un qui est coupable d'une dérogation, dans le fond, aux normes professionnelles; Vous allez rembourser, parce que vous avez jugé qu'il était coupable, on paiera l'indemnité de toute manière.

C'est toujours ouvert pour le ministère et, à mon avis, c'est une meilleure garantie. Cela permet au ministre de décider, dans le fond, s il y a lieu, pour des raisons d'ordre public, selon les circonstances, de donner un appui financier ou ne pas le donner plutôt que de dire à des gens qui ne sont pas véritablement des juges, qui n'ont pas fait serment à un mandat, fait un serment d'office, qui n'ont ni la permanence ni les obligations d'exclusivité: Ce que vous faites, c'est bien. Je pense que c'est un mauvais principe.

Je m'excuse, je pense que le député de Sainte-Marie a une question.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je n'ai pas de question, M. le Président, mais peut-être seulement un témoignage à faire pour confirmer quelque chose que le député de Saint-Laurent a mentionné. Effectivement, à ma connaissance non plus, il n'y a pas de cas où des arbitres — parce que là on parle d'un membre de tribunal, donc, c'est collectif aussi, cela se fait à trois — je n'ai pas connu de cas où des membres de tribunal avaient été poursuivis en justice à cause de leur travail. Ce qui est arrivé, et un exemple en est la cause de Louis Tremblay contre la Régionale Chambly, le ministère du Travail, etc., c'est que l'arbitre est mis en cause, mais, être mis en cause, ce n'est pas être poursuivi. On conteste sa sentence, son jugement, et, par le fait qu'une partie conteste la sentence, l'arbitre est mis en cause. Mais, à ce moment-là, celui pour qui il travaille doit prendre effectivement fait et cause pour lui. Quant à moi, je ne verrais pas de quelle façon on ajouterait quelque chose. Souvent une loi arrive, pour concrétiser — on l'a exprimé pour le précompte syndical, on l'a exprimé pour le vote secret — ou une certaine partie d'une loi arrive pour consacrer ce qui est généralement reconnu.

De façon générale, on n'a jamais eu cet article et cela n'a pas créé de problème. Il me semble que je serais sensible, en tout cas...

M. Forget: Favorable.

M. Bisaillon: ... si le ministre était accueillant, à ce qu'on accepte l'amendement du...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: C'est simplement une question au sujet de l'amendement qu'apporte le député de Saint-Laurent. Sa proposition va à l'encontre de ce que la Conférence des arbitres demande, complètement à l'encontre de cela.

M. Forget: C'est ce que j'ai dit d'ailleurs.

M. Goulet: Ce que la Conférence des arbitres demande, c'est ce que le projet 45 offre et c'est aussi ce que le projet 24 que ceux qui l'ont présenté ont bien connu, offrait... Il n'a pas été amené, mais en tout cas. Lorsque vous dites que ce n'est pas un tribunal, encore là, cela va à l'en-contre de la conférence des arbitres de la conférence des arbitres qui dit: "II s'agit d'un tribunal authentique. Ce caractère est d'ailleurs unanimement reconnu à l'arbitre des griefs par les tribunaux de droit commun qui l'ont qualifié de tribunal statutairement constitué". Quand vous dites

que ce n'est pas un tribunal, je ne sais pas quels sont vos commentaires là-dessus.

M. Forget: Ce n'est pas un tribunal judiciaire, c'est un tribunal administratif, comme il y en a beaucoup. Mais on utilise assez largement la notion de tribunal administratif par opposition à une commission qui donne des règlements ou des choses comme cela; mais ce n'est pas un tribunal judiciaire. Il est très clair, quand on connaît l'identité des arbitres, que ce ne sont pas des juges dans le sens professionnel du mot, ce sont des professionnels qui ont pignon sur rue et qui, moyennant une rétribution per diem, acceptent de jouer ce rôle de temps à autre. Mais effectivement, ils n'acceptent aucune des restrictions et des exigences du statut de juge. A mon avis, tant et aussi longtemps que cette affaire n'est pas clarifiée, ils ne devraient pas bénéficier des avantages qui vont avec le statut de juge, quant à l'exercice des pouvoirs que la loi leur donne.

De toute façon, ils n'en ont jamais eu vraiment besoin. Ils l'avouent eux-mêmes. C'est clair que cela leur fait un petit velours d avoir un des attributs du juge, sans en avoir les obligations. Je le dis en toute sympathie et sans critique. C'est un trait assez humain. Le groupe intéressé dit: On aimerait bien l'avoir même si on n'en a jamais eu besoin. Il reste qu'ils n'en ont l'admettent eux-mêmes.

Quant à ce qui est de la loi 24, je peux vous dire une chose. C'est peut-être un secret du cabinet, mais il reste qu'il y avait un projet de loi qui devait être adoptée et finalement déposée et qui modifiait le Code du travail. A titre de président du comité des ressources humaines... la question d'immunité des arbitres en est une qui faisait l'objet d'une objection formelle de la part du comité des ressources humaines qui empêchait et retardait l'adoption du projet de loi par le cabinet.

M. Goulet: M. le Président, l'expression "tribunal est en effet généralement réservée aux organismes qui exercent des fonctions judiciaires, aux organismes exclusivement juridictionnels. Les tribunaux de droit commun semblent reconnaître ce mot "tribunal", et c'est également la même chose dans mon esprit. C'est pour cela que je posais la question.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je vais dire comme je l'ai déjà dit pour la deuxième fois, j'ai un tiraillement qui est le suivant: C'est la nomination des arbitres qui me fatigue un peu ici. Par expérience, je sais comment ils sont nommés. Il y a des échanges à la bonne franquette; le patronat en présente dix, le syndicat en présente dix et dit: Si tu fermes ta "boîte", bien... Cette nomination, la connaissant, me porte à être passablement tiraillé intérieurement, parce que, fort d'une immunité consacrée dans la loi, il s'agit d'un seul "crackpot" — excusez l'expression — qui "fly", comme on dit aussi dans la même expression, pour qu'on se ramasse...

M. Goulet: Pour les gars du milieu.

M. Pagé: Cela va bien avec la loi 101: un "crackpot qui fly".

M. Chevrette: C'est la nomination des arbitres liée avec une certaine tradition qui veut que quelqu'un qui ne l'a pas soit plus prudent que quelqu'un qui a la sécurité. Je compare cela un peu à une sécurité d'emploi. Le gars qui a une sécurité d'emploi absolue est un peu moins prudent que celui qui est en période d acquisition de sa permanence. Lui est prudent. C'est ce qui explique mes tiraillements.

M. Forget: M. le Président, quand on joint l'argument que vient d'avancer le député de Joliette-Montcalm, argument auquel je n'avais pas pensé, le processus de nomination et la notion de prendre fait et cause comme l'a mentionné le député de Sainte-Marie, on se rend compte que c'est aussi un frein sur l'initiative qu'ont les parties à désigner des gens envers lesquels ils devraient prendre fait et cause, si jamais ils font des folies. C'est peut-être, dans le système actuel, un assez bon frein qu'il faudrait garder à cause de la façon de nommer ces gens.

M. Johnson: M. le Président, je suis tiraillé... M. Forget: Tiraille du siècle.

M. Pagé: Tout le monde est tiraillé dans le fond, c'est monsieur Garneau et ce sont ses députés.

M. Johnson: En fait, si on essaie de regarder rapidement les avantages et les inconvénients c'est extrêmement difficile, je pense, de prendre cette décision. Et il va falloir qu'on en prenne une ou qu'on suspende l'article — ce que je trouverais regrettable, parce que cela aurait comme effet de nous faire suspendre tout l'article en fin de soirée, si on y parvient, vers minuit — L'avantage d'immunité est que cela permet un recrutement évidemment plus facile. L'individu qui sait que, comme arbitre, il peut rendre une décision dans laquelle il condamne un employeur à $50 000 de paiement envers quelqu'un..., et je n'ai aucune immunité, moi. Je veux bien croire que je vais être de bonne foi et qu'il va falloir qu'on prouve que je n'étais pas de bonne foi, etc., ou qu'on applique les critères de la jurisprudence de Hlookoff et al. versus City of Vancouver, 1968, 1967, Dominion Law Reports, page 119 et 132: The authorities make it clear that a person exercising a judicial or quasi judicial power — et la jurisprudence dans le passé a défini le rôle des arbitres comme étant un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire — is not in the absence of fraud, collusion or malice, liable to any civil action at the suit of a person agreed by this decision.

C'est un principe. Dans le cas de la Dominion Rubber Ports, je ne sais pas de quel tribunal il s'agit; je présume qu'il s'agit de la Cour suprême puisque c'est DLR. Ce n'est peut-être pas nécessairement cela. C'est le principe général. Cependant, encore une fois, pour l'individu qui serait apte de bonne foi, mais qui, dans une décision très difficile, serait susceptible de se faire accuser de négligence, on va avoir de la difficulté, à un moment donné, à le recruter. Deuxièmement, les arbitres — c'est vrai qu'ils ne sont pas des juges au sens de la Loi des tribunaux judiciaires, que tous ne sont pas nécessairement des gens qui ont une formation juridique — cependant, ont été nommés avec, en passant dans une allée de deux soldats, d'un côté, le patronat, de l'autre côté, les syndicats ou CCTMO. Il faut qu'ils passent à travers cette ligne avant d'être nommés.

Troisièmement, la conférence des arbitres — évidemment on pouvait s'y attendre à ce qu'elle le demande — demande le conseil consultatif de façon unanime; les deux parties sont d'accord avec cela. Quatrièmement, il y a le fait que c'est quand même un peu aléatoire que de soumettre cela à l'intervention de l'Etat qui dirait: On va prendre fait et cause pour vous — cela a effectivement été le cas dans la cause de Tremblay. — Mais on me dit que le ministère de la Justice, depuis quelque temps, a décidé qu'il n'interviendrait pas dans ce type de procédure, dorénavant.

Sur cela, en fait, on n'a aucune garantie. On pourrait décider, à un moment donné, sous un gouvernement que c'est oui, que le ministère de la Justice va intervenir. Mais à un moment donné, il peut décider de ne plus intervenir. Cela peut tomber entre deux chaises, parce que ce n'est pas toujours au coeur des préoccupations du ministre de la Justice que le problème des arbitres de griefs. Donc, ces inconvénients de ne pas donner l'immunité m'apparaissent réels. Par contre, l'inconvénient de donner l'immunité, c'est l'ouverture possible à un certain abus de pouvoir. Comme on a affaire à des gens qui sont nommés, c'est vrai par les deux parties, mais qui, dans la majorité des cas, reflètent une des tendances des parties, ils pourraient être tentés, puisqu'ils ont l'immunité, dans certains cas, de donner droit plutôt à un penchant naturel que de rendre une décision qui soit la plus authentiquement objective possible. Je trouve que c'est carrément un dilemme à ce niveau.

Le deuxième désavantage également de conférer l'immunité, c'est que c'est exceptionnel que de conférer l'immunité. Je suis d'accord avec le député de Saint-Laurent. L'esprit de nos lois, de façon générale, dans le cas des gens élus, par exemple, dans le cas des juges, dans le cas des gens nommés en vertu de la loi des commissaires-enquêteurs, ou dans le cas de toutes les lois qui donnent des pouvoirs à une personne en référant à la Loi des commissaires-enquêteurs, c'est spécifique. Ce serait créer une autre catégorie de personnes.

Devant ces arguments, si je fais la somme, la "balance" des inconvénients, comme on dit par- fois, comme j'ai quatre arguments en faveur de l'immunité, et trois contre, je comprends que ce n'est pas nécessairement un jugement de fond, mais cela me paraît extrêmement dificile à évaluer. Je suis prêt à continuer le débat là-dessus.

M. Goulet: Est-ce que je peux poser une question au ministre?

Le Président (M. Marcoux): Un instant, le député de Bellechasse.

M. Goulet: Dans le passé, pour ce cas précis de l'argumentation, pour aider le ministre à être moins tiraillé, et un peu tout le monde, a-t-on eu des difficultés dans le passé, pour cette argumentation? A-t-on eu de la difficulté à trouver des arbitres?

M. Johnson: Dans le passé.

M. Goulet: Vous dites: C'est possible que, si on ne donne l'immunité, cela devienne difficile de recruter des arbitres. Y a-t-il quelqu'un autour de la table qui peut nous dire: Oui, on a des chiffres.

M. Pagé: Oui, aucune difficulté à en recruter.

M. Goulet: II n'y a pas eu de difficulté à en recruter.

M. Johnson: On me dit qu'il n'y a pas de difficulté de recrutement proprement dit.

M. Goulet: Pourquoi y en aurait-il?

M. Johnson: A un moment donné, dans un cas précis... Pardon?

M. Pagé: Trois à trois!

M. Jolivet: C'est vrai, je ne pense pas qu'il y ait eu vraiment de véritables difficultés de recrutement. Remarquez que la règle des 90 jours pour rendre la sentence sous peine de perdre les honoraires, ne simplifiera pas non plus le recrutement des arbitres. Je pense que c'est très clair. Il y a des avantages en ce moment à être arbitre, avec les modifications qu'on propose au Code du travail, parce que cela leur donne un statut plus précis, des pouvoirs plus fermes, etc., et on clarifie finalement leur rôle. Cependant, ils demandent l'immunité; les parties la demandent depuis un bout de temps. On ne leur accorderait pas, alors que d'autre part, au niveau du recrutement, on les "désincite" un peu, parce qu'il y en a qui sont habitués à étirer cela un peu plus que trois mois. Je me dis, d'une certaine façon, tant mieux si ceux qui acceptent sont des gens qui sont prêts à prendre la possibilité de rendre les sentences en moins de 90 jours, sous peine de perdre leurs honoraires.

Je maintiendrais quand même ma position, en ce sens. Si je regarde cela, c'est entre un argument d'efficacité d'une part, et de ce que j'appellerais une perception de ce qui doit être réaliste, et

finalement, un penchant naturel à être plutôt porté vers le respect des droits civils, des règles générales qui s'appliquent à tous les citoyens.

Dans ce cas-ci, je choisirais plutôt la première partie.

M. Forget: M. le Président, il me semble que le ministre rate une belle occasion de...

Le Président (M. Marcoux): La parole est au député de Portneuf, sur le même sujet.

M. Pagé: M. le Président, seulement quelques commentaires pour demander au ministre de réviser sa position. Je ne reprendrai pas ici tous les arguments à saveur juridique, voulant qu'un arbitre ne soit pas régi par la Loi des tribunaux judiciaires et qu'il exerce une fonction quasi judiciaire seulement ou autre; ce n'est pas cela.

Je reprendrai les arguments du ministre, lorsqu'il disait: On aura peut-être éventuellement un problème au niveau du recrutement. Vous n'en avez pas actuellement et les arbitres n'ont pas l'immunité, d'une part; ce ne sont pas des juges, ils n'ont jamais eu de poursuite. Il faut quand même admettre que s'il y a des poursuites, il peut peut-être y en avoir éventuellement, même s'il n'y en a jamais eu jusqu'à maintenant. Il y a eu des poursuites? Pour engager la responsabilité, éventuellement, d'un arbitre, il faudra prouver: mauvaise foi, collusion tout au moins, il faudra prouver sa responsabilité à un niveau quelconque. Le ministre nous dit: II n'est pas implicite que le gouvernement du Québec prendra fait et cause pour et au nom de la personne poursuivie, en l'occurrence l'arbitre, dans les procédures judiciaires qui sont entreprises à son égard. Par surcroît, encore là, c'est bien hypothétique.

Je ne vois pas en quoi le ministère du Travail et — par surcroit, si c'est lui qui a procédé au choix de l'arbitre — le gouvernement ne prendrait pas fait et cause pour la personne qui, somme toute, a reçu un mandat du gouvernement pour exercer ces fonctions.

Il y a un élément qui est aussi assez important, c'est ce que le député de Joliette-Montcalm a énoncé, que ça incite définitivement à la prudence. Vous savez, quand on parle de fonction quelconque, ça implique des responsabilités, ça implique des obligations. On entend souvent les gens dire: Vous, les députés, vous avez l'immunité. On a peut-être l'immunité, mais on ne peut pas dire n'importe quoi parce que, si demain matin, sous le couvert de mon immunité, je dis quoi que ce soit à l'égard d'un de mes collègues, celui-ci va soulever une procédure et ma responsabilité va être engagée; ça peut faire en sorte que, éventuellement, je sois expulsé de l'Assemblée nationale. C'est une immunité...

M. Bisaillon: C'est pour quand?

M. Pagé: Non, ça messieurs, vous allez voir, je vais avoir le temps d'en voir partir plusieurs; du moins je l'espère... Tout au moins c'est ce que mes électeurs espèrent, mais tout cela pour dire que souvent... Je voudrais ouvrir une parenthèse sur l'immunité des parlementaires. Souvent on dit: Vous autres les députés, vous pouvez dire n'importe quoi. Ce n'est pas vrai, M. le Président, l'immunité que nous avons...

M. Godin: Donnez-nous un cas.

M. Pagé: Les références à de telles maximes ne nous ont pas...

M. le Président, je pense qu'il y a suffisamment de motifs, quatre ou cinq motifs, à l'appui de garder la situation qui prévaut, le statu quo, sur cette question. Il y a des hommes d'expérience, comme le député de Sainte-Marie, le député de Joliette-Montcalm qui devraient représenter peut-être plus d'autorité dans l'argumentation sur laquelle se base le ministre pour prendre sa décision.

M. le Président, pour le bénéfice du journal des Débats, même si le député de Joliette-Montcalm me dit que mon argumentation est vicieuse, elle n'est pas vicieuse parce que, somme toute, une commission parlementaire doit être un forum d'idées, d'échanges à la lumière de l'expérience respective de chacun.

M. Chevrette: Ce n'est pas dans ce sens et vous le savez bien.

M. Pagé: M. le Président, quant à moi, qu'on retranche l'alinéa, on n'aura pas de problème au niveau du recrutement; le gouvernement, par une décision qu'il pourrait éventuellement prendre, si le cas se présentait, pourra prendre fait et cause pour et au nom de la personne poursuivie, ce ne sont pas les juges, il n'y a jamais eu de poursuites et ça incite à la prudence parce que ça impliquera que l'arbitre devra exercer ses fonctions avec un sens de responsabilité bien précis.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, ce ne sera pas très long. D'ailleurs, cette question, compte tenu de l'analyse que le ministre a faite tantôt, on se rend compte que ça ne mérite pas un si long débat parce que l'une ou l'autre des positions, je pense, se défend aussi bien.

Je voudrais seulement me permettre de souligner au ministre qui a fait appel, tantôt, à la règle des 90 jours pour rendre la sentence, que l'ensemble des conventions collectives, actuellement, fixe des délais aux arbitres qui sont nommés dans les conventions collectives ou qui sont à nommer par les parties au moment des arbitrages pour rendre des sentences.

Or, mes douze années d'expérience m'ont amené à me rendre compte que, dans 85% des cas, les arbitres ne respectent pas les délais qui sont dans la convention collective et les parties reconnaissent, en autant qu'il n'y a pas d'exagération, que c'est souvent physiquement impossible,

ces délais qu'on met dans les conventions collectives.

M. Johnson: Oui, cependant, ce qui est très différent dans le projet de loi 45, c'est que c'est la loi qui impose le délai et, deuxièmement, elle impose une sanction extrêmement sévère: la perte des honoraires. La perte des honoraires, c'est important, car on sait que pour certains l'arbitrage, c'est la moitié de leur profession, la moitié de leur gagne-pain; ils passent la moitié de leur temps à faire de l'arbitrage. C'est sévère et, dans ce contexte, je pense que ça va poser évidemment un certain problème de recrutement. Cependant, je pense que l'article au sujet des 90 jours, étant donné la sanction qu'il prête, va faire que la qualité de ceux qui se porteront volontaires, dans les circonstances, risque d'être améliorée.

Je maintiendrais, M. le Président, tout en disant à la commission que ça m'apparaît très important, les nuances et distinctions à y faire, surtout et compte tenu d'un dernier argument, que ce n'est pas toujours nécessairement des avocats et que, de parfaite bonne foi, ils peuvent faire des erreurs qui sont des excès de juridiction. Quand on parle d'excès de juridiction en matière de tribunal d'arbitrage, ça commence à être du droit un peu compliqué et c'est vraiment les mettre dans une situation qui les pénaliserait.

Je comprends que le député de Portneuf, qui est membre du Barreau, se sent tout à fait dégagé face à cette question, puisque le problème ne se pose pas pour lui, il est membre du Barreau. Il saurait ce que c'est un excès de juridiction de façon spontanée. Il aurait sans doute retenu cela de ses livres de droit.

Mais ce n'est pas nécessairement le cas de tous nos arbitres, à qui il faut donner une chance, s'ils peuvent fonctionner aussi.

M. le Président, compte tenu de tout cela, je maintiendrai quand même... D'autre part, je ferai remarquer que je n'ai pas soulevé la recevabilité de l'amendement. Il était, de toute évidence, totalement irrecevable, étant donné que l'article était à l'effet de donner l'immunité, et l'amendement du député étant à l'effet de ne pas donner d'immunité. Mais je ne soulèverai pas la question de recevabilité.

Le Président (M. Marcoux): Sous forme de...

M. Johnson: Non, je ne la soulève pas.

Le Président (M. Marcoux): Clarifions-la...

M. Johnson: Vous êtes lié par les parties, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): ... en votant paragraphe par paragraphe. C'est sûr que l'autre solution, c'est de voter contre, de le battre. Un amendement qui propose de battre un paragraphe...

M. Forget: Un dernier point, M. le Président. Je regrette la décision que vient de nous annoncer le ministre, mais il me semble qu'il y a une tradition qui, paraît-il, semble en train de se créer. Il semble qu'il y a une autre loi devant l'Assemblée nationale qui a été adoptée à cette session-ci, dans le domaine municipal, qui cherche a éviter que les gens se cachent dans le fond, derrière des structures, des charges officielles, pour échapper à leurs responsabilités. Il me semble que c'était dans le même esprit et que cela aurait été un des arguments à ajouter d'un côté de sa liste. Celui-là aurait été très lourd. Il aurait dû la faire pencher de ce côté-là.

Mais je n'ai pas l'intention de prolonger ce débat. Je pense, malgré tout, que c'est un débat de principe qu'il était important d'avoir. Je demanderais, M. le Président, le vote enregistré.

Le Président (M. Marcoux): Nous allons voter sur l'amendement visant à biffer le paragraphe 98a de l'article 46.

M. Goulet: Avant le vote, M. le Président, est-ce que je peux poser une question au ministre?

Le Président (M. Marcoux): Si vous insistez.

Quels sont ceux qui sont pour l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent, visant à biffer le paragraphe 88a?

M. Russell (Brome-Missisquoi)? M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse)?

M. Goulet: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Est-ce que j'ai le droit de m'abs-tenir, ou s'il faut voter?

Le Président (M. Marcoux): Tu as toujours le droit de t'abstenir.

M. Chevrette: Abstention, parce que je veux calculer quelque chose, stratégiquement.

Le Président (M. Marcoux): M. Couture (Saint-Henri)? M. Mercier (Berthier)? M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Gagnon (Champlain)?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Johnson (Anjou)? Abstention?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lacoste (Sainte-Anne)?

M. Pagé: II serait pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Mackasey

(Notre-Dame-de-Grâce)?

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Godin (Mercier)? Contre quoi? Contre l'amendement?

M. Godin: Contre l'amendement présenté par le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Marcoux): M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Roy (Beauce-Sud)?

Pour: 4 — Contre: 6 — Abstention: 1 L'amendement est rejeté. Article 88b?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Adopté. 88c.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): 88d?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): 88e?

M. Forget: M. le Président, j'aimerais...

M. Johnson: Je m'excuse, M. le Président, à 88c...

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Johnson: Je m'excuse, j'aimerais apporter simplement une correction. On dit, à 88c: "Si le président du tribunal d'arbitrage est informé par écrit...". En fait, il faudrait dire: "Si le tribunal d'arbitrage est informé par écrit...". Ce n'est pas nécessairement seulement le président. Il y aura une autre affaire de ce type un peu plus loin.

On passe au paragraphe 89e; c est ça, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 88e. M. Johnson: Paragraphe 88e.

M. Forget: Paragraphe 88e, oui.

M. le Président, nous sommes devant le paragraphe qui détermine la manière dont on obéit à la règle audi alteram partem, c'est-à-dire la façon dont le tribunal s'y prend pour entendre les témoignages et les parties intéressées. Effectivement, le premier alinéa se lit ainsi: "Le Tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues ". A ce sujet, M. le Président, il est clair que les mots doivent se lire de la manière qu'ils sont définis par la jurisprudence et par la tradition. Il est clair, par l'interprétation qu'en a donné le ministre tout à l'heure, et par le fait même il a modifié les premiers alinéas de l'article 88, que les parties intéressées, ce sont, d'une part l'employeur et d'autre part l'association de salariés.

Donc, parmi les parties intéressées ne figure pas le salarié qui est l'occasion d'un grief. Non seulement le salarié n'a-t-il pas le droit d'aller lui-même en arbitrage, mais il n'a même pas le droit d'être entendu à l'occasion de l'audition de sa cause par le tribunal d'arbitrage. On n'entend que les parties, mais on n entend pas celui qui n'est pas une partie...

M. Goulet: Je m'excuse d'interrompre le député. Est-ce que je peux lui poser une question, parce que j'ai justement posé cette question au ministre et on m'a dit tantôt que pour le mot "parties", la jurisprudence disait que c'étaient les salariés également.

M. Forget: Non, ce qu'on vous a dit, c'était le contraire. On vous a dit que les parties...

M. Goulet: Non, M. le ministre, je ne sais pas, là...

M. Forget: ... étant donné qu'on a changé le début de I article 88e...

M. Goulet: Oui.

M. Forget: ... pour remplacer les parties par l'association de salariés, on a dit: en enlevant le mot partie, on exclut le salarié.

M. Goulet: Oui, mais moi j'ai demandé...

M. Johnson: Si on met partie, donc on inclut le salarié.

M. Forget: Oui, mais ça n'a plus le même sens. Les parties, maintenant, sont définies par

l'article, et les parties, devant le tribunal, ce ne sont pas les parties de l'ancienne interprétation ju-risprudentielle. Ce sont les parties que le tribunal reconnaît maintenant comme étant les seules parties, c'est-à-dire l'association de salariés et l'employeur. Donc, on a changé la jurisprudence en changeant la loi. On a changé son sens, on ne peut plus recourir à l'ancienne jurisprudence pour interpréter les mots "les parties" dans le contexte actuel. Ce qui fait qu'en définissant "les parties " et j'ai commencé mon exposé sur cet article en disant: Maintenant qu'on a changé le premier alinéa de l'article 88, les parties sont celles de l'article 88.

M. Johnson: Celles de l'article 88.

M. Forget: Ce ne sont plus les parties qu'on avait avant avec l'ancien Code du Travail.

M. Johnson: Justement pour éclairer notre discussion, on dit bien qu'il s'agit des parties intéressées et non pas les parties tout court. "Le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues. " Je dois dire que c'est carrément notre intention que la notion de "parties intéressées" recouvre évidemment le salarié qui est personnellement affecté.

M. Forget: Je me réjouis que ce soit l'intention du ministre, parce que je pense que si c'est son intention, étant donné...

M. Johnson: Etant donné...

M. Forget: ... la jurisprudence confuse et le fait qu'on change la signification des parties dans un amendement à la loi, il y a de fort risques que ce soit mal interprété. C'est ce qui nous amène à formuler l'amendement suivant qui se lit: "Que le premier alinéa du paragraphe 88e de l'article 46 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne après le mot "entendues", les mots, "ainsi qu'aux salariés qui possèdent un droit d'intervention."

L'alinéa amendé se lirait comme suit: 88e: "le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues, ainsi qu'aux salariés qui possèdent un droit d'intervention".

Bien sûr, là, on va plus loin. On dit non seulement ils doivent entendre le salarié, et non seulement les parties qui sont désormais définies dans la loi comme étant, d'une part, l'association et d'autre part l'employeur... Ils doivent entendre le salarié. Mais le salarié proprio motu, de sa propre initiative, a le droit de se présenter devant le tribunal d'arbitrage au moment où sa cause est entendue et de se faire entendre a ce moment-là.

Alors, c'est plus que ce qu'on pourrait obtenir par le texte simplement en disant: Les parties, toutes les parties intéressées ont le droit d'être entendues par le tribunal, mais c'est que proprio motu la partie intéressée a le droit de dire: Moi, c'est moi dont on parle, c'est moi la partie offensée là-dedans. Je comprends qu'on a des gens pour me représenter, mais moi, j'aimerais aussi mettre mon grain de sel dans cette affaire; et il a le droit de le faire, évidemment, en respectant les règles de décorum que fixe le tribunal, etc. Il n'a pas le droit de monopoliser l'attention, mais il a au moins le droit d'être entendu de ce côté-là et il est nécessaire, indépendamment de la signification qu'on donne au mot "partie ", de lui donner un droit d'intervention proprio motu c'est-à-dire le droit d'intervention, pas seulement le droit qu'on l'entende; c'est-à-dire l'obligation du tribunal de l'entendre, mais il a le droit d'intervenir de son propre chef.

M. le Président, je pense que c'est un amendement qui va de soi, lui aussi, et je pense qu'il rencontre l'intention implicite du ministre. Donc, il devrait y avoir de ce côté-là, une acceptation également, je pense du moins, de l'amendement. Je l'espère.

M. Goulet: M. le Président, juste pour éclairer peut-être la commission. Ce que la conférence des arbitres disait concernant le respect de la règle audi alteram parlem...

M. Forget: Partem.

M. Goulet: Partem, je m'excuse. Selon la conférence, il s'agit d'un principe bien connu qui ne nécessite pas son inscription dans un texte de loi. On dit qu'on n'a même pas besoin de mettre cela dans le texte de loi; c'est un principe qui est reconnu. Quoi qu'il en soit, la conférence estime que le texte, tel qu'il est rédigé, au contraire, est contraire aux règles fondamentales de la justice. En effet, ce texte accorde le droit d'être entendu aux seules parties, c'est-à-dire l'employeur et le syndicat. Tel que libellé, les parties pourraient s'autoriser du texte pour prétendre que le salarié qui a droit à l'intervention ne peut être entendu. Pour éviter toute controverse, la conférence suggère... Ce que le député.

M. Forget: ... commencé, M. le Président.

M. Goulet: Non, non, mais...

C'est un principe, par exemple, que toute personne qui est accusée peut se faire entendre. On n'aurait même pas besoin de le mettre dans le...

M. Pagé: ... pas personne d'accusé.

M. Goulet: ... des avocats comme vous, M. le député de Portneuf.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je pense qu'effectivement dans l'argumentation, le député de Saint-Laurent a raison d'analyser le mot "partie " de la façon dont il le fait actuellement. Il a aussi raison quand il dit que les objectifs visés par le texte actuel, les intentions du texte actuel étaient aussi de permettre aux syndiqués de pouvoir se faire entendre. Par ailleurs, je ne pense pas que

son amendement soit conforme à ce qu'il souhaite. Quand on prend la dernière partie de son amendement "ainsi qu'aux salariés qui possèdent un droit d'intervention ", c'est assez ambigu dans le sens que, qui va déterminer que le syndiqué possède un droit d'intervention? Il y a là une matière à interpréter qui prête à confusion. Il me semble qu'on aurait peut-être avantage à essayer de trouver d'autres formules que cette formule-là, parce que cela n'est pas un automatisme. Il va falloir que quelqu'un le reconnaisse ce droit-là. Alors, qui va faire cela?

M. Forget: L'article est attributif de droits, c'est-à-dire que le salarié possède un droit d'intervention en vertu de cet article-là.

M. Pagé: Mais qui va déterminer qu'effectivement c'est celui-là plutôt qu'un autre qui possède un droit d'intervention?

M. Forget: C'est qu'il va être... c'est dans la mesure où le salarié est l'objet du grief.

M. Pagé: Je vais vous poser une question, M. le député de Saint-Laurent, peut-être qu'elle pourrait servir à me répondre. Si c'est un cas de congédiement, c'est clair celui qui possède un droit d'intervention, et votre formule s'applique. Mais si c'est un grief sur la tâche ou un grief sur l'interprétation d'une clause de la convention collective, cette interprétation-là dans un sens ou dans I autre, peut toucher au bout de la ligne 100, 125 syndiqués. Le grief sur la tâche par ricochet peut toucher 500 syndiqués. Lequel ou lesquels possèdent automatiquement un droit d'intervention? C'est là qu'il est difficile; autrement dit, ce que je veux dire c'est que votre formule fait en sorte qu'il est difficile, selon le sujet qui est en grief, de déterminer dès le départ, qui possède un droit d'intervention. C'est pour cela que cette formule-là me semble ambiguë.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Moi, je pense, M. le député de Saint-Laurent, que la formule que vous proposez crée un droit à un tiers et dans le cadre, par exemple, de l'interprétation et de l'application d'une convention collective, c'est identifier que c'est l'employeur ou le syndicat.

Je prends la convention collective des enseignants au niveau provincial. On a donné des droits aux tiers. Exemple: La Fédération des commissions scolaires peut intervenir au cours d'un procès lorsqu'il s'agit d'une commission scolaire contre un syndicat. C'est en vertu de la convention provinciale que les gens ont dûment donné un pouvoir d'intervention aux tiers, à cause de la répercussion face à une interprétation éventuelle.

En donnant le pouvoir d'intervention face à tous les griefs d'interprétation, vous donnez, théoriquement, à chaque salarié, un pouvoir d'intervention sur les clauses d'interprétation, comme M. le député de Sainte-Marie le dit. C'est théoriquement possible, en tout cas. Votre objectif, si j'ai bien compris, c'est de pallier le fait, par exemple, qu'on fasse des griefs de mesures disciplinaires ou de renvoi ou encore un préjudice causé à un individu et que le gars ne soit même pas là...

M. Forget: C'est cela.

M. Chevrette: ... ne soit même pas au courant du type de défense qui se fait à son propre sujet. Je pense que l'objectif que vous poursuivez, je l'appuie. C'est pour cela que j'étais d accord quand le député de Sainte-Marie disait: "Vous avez raison", jusqu'au moment où vous donnez un pouvoir d'intervention qui peut aller à l'encontre des deux parties reconnues qui ont à lutter face à une interprétation possible.

M. Forget: Là-dessus, si vous permettez, M. le Président, brièvement, pour répondre à la question du député de Sainte-Marie, à savoir qui va déterminer qu'il y a un droit, dans la pratique, il n'est pas nécessaire de déterminer cela, a priori. Le tribunal devant qui Jean-Baptiste Beauséjour va se présenter, va dire: Quel est votre nom, etc. Si son nom n'apparaît nulle part dans la déclaration ni dans la plainte comme étant un individu intéressé directement dans le grief, le tribunal disposera rapidement de son cas. Si son nom est là, M. Untel a été congédié, a été telle et telle chose, le tribunal en décidera ainsi. A mon avis, le problème ne se pose pas. Il ne s'agit pas de faire des définitions abstraites. Le tribunal aura entre les mains les renseignements nécessaires pour dire: En effet, vous avez été visé par le grief. Vous avez le droit de faire une intervention. Non seulement on doit vous questionner et vous permettre de vous faire entendre, mais vous avez le droit, de votre propre chef, de venir exposer votre point de vue.

Si jamais il y avait des difficultés d'interprétation, si on y voyait une difficulté d'interprétation, il ne serait pas difficile de mettre, après le mot "salarié ", les mots "le salarié visé nommément dans le grief". Cela éliminerait... Je pense que cela n'est même pas nécessaire, parce qu'effectivement, le tribunal dira: On ne peut pas entendre tout le monde. C'est un grief de nature générale d'interprétation. Il n'a pas à se faire entendre plus qu'un autre, mais, si son nom est là, parce qu'il a été congédié illégalement, etc., il pourra se faire entendre; c'est aussi simple que cela, à mon avis.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, je ne suis pas sûr d'être convaincu par l'argument du député de Saint-Laurent au sujet de la notion de savoir qui possède un droit d'intervention. Le droit d'intervention, c'est une chose qu'on crée ici par cet article.

Cependant, encore une fois — c'est pour cela qu'on essaie de trouver une formule — il est très clair que ce que cela vise, c'est de permettre à l'association et à l'employeur d'être entendus audi alteram partem. Les parties, en fait, sont les nouvelles parties définies à l'article 88, mais égale-

ment... Prenons des exemples concrets. Vous avez un salarié qui est renvoyé dans un cas de mise à pied en fonction de l'ancienneté. Le salarié renvoyé fait un grief que l'association porte en arbitrage. On voudrait que celui qui risque d'être mis à pied puisse être entendu à la place de celui qui fait le grief. C'est très évident. Donc, si on garde le texte tel que je le propose en ce moment, on dit bel et bien: "Le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues... "

Je comprends que ce n'est pas un argument de droit, mais c'est la pratique courante des tribunaux d'arbitrage d'entendre la personne intéressée et c'est une directive que la conférence des arbitres a donnée à ses arbitres de l'entendre. Je pense que puisqu'on qualifie, par le mot "intéressées" les parties, on va nécessairment au-delà des seules parties qui ont été définies à l'article 88. Sans cela, on dirait: "Le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties l'occasion d'être entendues". Si on dit "aux parties intéressées", c'est qu'on va au-delà. Si on disait "aux parties" simplement... Cela, c'est un premier argument mais cela peut être démoli.

M. Forget: M. le Président, si vous permettez, sur un plan logique, on ne peut pas, par une épi-thète, extensionner un substantif. On ne peut pas dire: Parmi toutes les parties définies dans la loi, il y a des parties intéressées et des parties non intéressées. Cela irait. Mais il n'y a certainement pas des parties qui ne sont pas définies dans la loi qui sont des parties intéressées; autrement, il faudrait le définir ailleurs. Un adjectif qualifie le substantif; il ne change pas la nature du substantif.

M. Johnson: D'accord.

M. Forget: II ne dit pas: II y a d'autres personnes en plus, il y a des gens qui sont couverts par le substantif.

M. Johnson: Je comprends qu'on est dans les stratosphères de l'interprétation juridique, en ce moment, mais si on se réfère à l'article 88, on ne rencontre pas du tout le mot "parties". On ne dit pas: Les parties au grief sont l'association accréditée, etc.; on dit simplement: Tout grief doit être soumis à l'arbitrage en la manière prévue dans la convention collective, si elle y pourvoit et si l'association accréditée et l'employeur y donnent suite, sinon, déféré à un arbitre, etc.

Comme on ne qualifie pas ces personnes de "parties", je prétendais que le fait de donner une épithète, qui est le mot "intéressées", au substantif, qui est le mot "parties", étant donné que le mot "parties" n'est pas défini à l'article 88, effectivement, cela a l'effet d'étendre la notion qu'on retrouve à l'article 88, d'une part.

Deuxièmement, au niveau de la logique interne du texte lui-même, au niveau du fait que le législateur est présumé ne jamais parler pour rien dire — mais il n'est pas passé par ici, c'est certain—je suis d'accord que cela peut sembler po- ser des problèmes. Je persiste à croire, avec nos juristes, que, dans le fond, cela dit ce que cela a à dire.

Nous allons essayer de trouver une autre formule. Je veux bien. Nous allons chercher une autre formule. Mais je rejette la formule avec la notion de droit d'intervention, puisque, à mon avis, au niveau de ses conséquences, elles sont difficiles à apprécier, etc.

M. Goulet: Est-ce que le ministre me permet une question, M. le Président?

M. Johnson: M. le Président, j'ai une suggestion... Oui.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Bellechasse a une question.

M. Goulet: Par "parties" la conférence des arbitres entend seulemen — et je cite ici: "Parties, c'est-à-dire l'employeur et le syndicat".

M. Johnson: En fait, ils sont dans le cadre. Ils ne font pas — si vous me passez l'expression — de "the lateral thinking". Ils sont encore dans le cadre des postulats de l'ancien code, quand ils disent cela, dans le fond, alors qu'on change la formulation elle-même de l'article 88.

Cependant, pour être plus précis, il y aurait une possibilité. Ce serait de dire: Le tribunal d'arbitrage doit donner à l'employeur, à l'association accréditée et au salarié — au singulier — intéressé, l'occasion d'être entendus.

M. Forget: Et un droit d'intervention?

M. Johnson: Non. On reviendrait à la formule 88e; le tribunal d'arbitrage doit donner aux parties intéressées l'occasion d'être entendues; ce serait: Le tribunal d'arbitrage doit donner à l'association accréditée, à l'employeur et au salarié intéressé l'occasion d'être entendus.

A ce moment-là, on ne crée pas de droit d'intervention, mais on établit clairement que c'est la responsabilité du tribunal. Ainsi, il rentre dans la définition de "parties", qu'on retrouve au dernier alinéa de l'article 88e qui nous dit: "Si une partie, dûment convoquée par un avis écrit d'au moins cinq jours fait avant la date, l'heure, etc., où elle pourra se faire entendre, ne se présente pas ou refuse de se faire entendre, le tribunal d'arbitrage peut procéder à l'audition de l'affaire, et aucun recours judiciaire ne peut être fondé sur le fait qu'il a ainsi procédé en l'absence de cette partie.

M. Forget: M. le Président, je ne trouve pas cela entièrement satisfaisant, parce qu'il y a la notion d'intervention qui est malgré tout suggérée par la conférence des arbitres et qui me paraît une notion importante, dans le cas où pour un individu — je comprends qu'on peut rattacher à cela toutes sortes de principes et de précédents et d'implications pour d'autres — c'est son sort qui se décide devant un tribunal d'arbitrage, et il n'a

pas le droit d'intervenir. Il faut qu'il attende une convocation, un subpoena.

Il me semble que c'est une situation inique. Qu'on en prévoie la possibilité. Il n'y avait pas d'abus de ce côté. Quand quelqu'un est congédié, en contravention de la convention collective, son syndicat prend fait et cause pour lui, mais décide que, de toute façon, ils vont traiter cela au niveau des principes; et on ne le convoquera pas. On va convoquer tout le monde, parce qu'on n'est pas sûr, vu que le bonhomme est un peu imprévisible, etc. De toute façon, c'est plus simple, et on veut aller rapidement. Il n'a pas le droit d'intervenir devant un tribunal d'arbitrage où son sort est décidé. Je trouve cela inimaginable.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, étant donné que l'article 88e crée l'obligation pour le tribunal d'entendre les parties — au lieu des parties, on dirait: L'association accréditée, l'employeur et le salarié intéressé — s'il ne donne pas l'occasion au salarié d'être entendu, il va y avoir un bref d'évocation et il n'aura pas respecté la règle audi alteram partem.

D'autre part, on fait le tour de la notion de création d'un droit d'intervention qui peut être susceptible, dans certains cas où on vise des griefs de nature collective qui touchent une catégorie d'employés, mais avec le même problème qui risque d'amener effectivement des brefs d'évocation. Le tribunal a une responsabilité de donner l'occasion d'être entendu. Ce n'est pas un droit proprié motu de l'extérieur. Le tribunal est responsable, s'il n'en donne pas l'occasion, et il peut effectivement se ramasser avec un bref d'évocation. Tandis que donner un droit d'intervention dans le cas d'un grief de nature collective et dans le contexte d'un maraudage, puisqu'on a fait en sorte que, même en période de maraudage, le droit de grief subsiste, on s'imagine le genre de choses que cela pourrait produire dans certains cas. Les interventions multiples, mais, dans le fond, dont la raison n'est pas vraiment la protection du droit de l'individu, peuvent aussi être une arme, on présume de la pire hypothèse. Je pense qu'en mentionnant le salarié intéressé, on couvre la notion que recherchait fondamentalement le député de Saint-Laurent.

D'autre part, finalement, si vous me permettez une dernière remarque au sujet de la conférence des arbitres qui nous a soumis un très intéressant mémoire, avec qui j'ai eu une longue discussion, ainsi que celui de nos fonctionnaires — ils se sont cependant un peu excusés de la façon un peu rapide avec laquelle ils avaient été obligés de fournir le mémoire, puisqu'ils ont fait une couple de conférences éclair de réunions de l'exécutif, etc., — ils nous ont soumis essentiellement des avis sur des idées, des choses générales, quelques problèmes spécifiques qui traînaient depuis la loi no 24. Mais je ne suis pas sûr, à la lumière de l'argumentation que nous avons ici, qu'ils ne reprendraient pas leur texte quant au mémoire à ce sujet. Le contexte dans lequel j'ai entendu leurs revendications...

M. Forget: Le texte est là.

M. Johnson: Oui, mais, cependant, ceux qui l'ont rédigé me l'ont présenté lors d'une réunion au ministère, et, effectivement, nous avons discuté de cela, et ce dont il a toujours été question dans la discussion, c'était effectivement l'obligation qu'il faut imposer aux arbitres d'entendre ceux qui sont touchés par le grief. J'ai toujours compris que c'était l'objectif. Cependant, le texte est là, j'en conviens. Ce n'est pas un texte de loi, le texte de la conférence des arbitres, c'est un mémoire.

M. Forget: C'est un texte de personnes qui connaissent certainement l'arbitrage et ce que cela veut dire.

M. Pagé: Sûrement les questions d'arbitrage.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Portneuf.

M. Pagé: Tout le monde a les mêmes objectifs en tête, c'est-à-dire que l'association soit entendue, que l'employeur soit entendu et que le salarié visé soit entendu lui aussi et que ce ne soit pas dans le cas d'un grief sur la définition de la tâche, par exemple, que ce soit 150 salariés qui viennent se faire entendre pour un motif ou pour l'autre. Il s'agit maintenant de le formuler.

Dans la formulation qui est proposée par le ministre de salarié intéressé, qui déterminera que le salarié est intéressé ou non? C'est le tribunal. D'accord? Par surcroît, l'arbitre a l'immunité, en plus — depuis tantôt, depuis l'amendement que vous avez rejeté — pourquoi ne pas le dire clairement. En fait, c'est ce qu'il s'agit de rechercher par une discussion en commission parlementaire?

C'est ma question: Si le tribunal dit, ou statue que Jos Bleau — qui prétend qu'il est intéressé par le grief qui est débattu — ou déclare qu'il n'est pas intéressé, qu'arrive-t-il?

M. Johnson: L'individu va peut-être aller en Cour supérieure avec un bref d'évocation.

M. Pagé: Oui, des procédures.

M. Johnson: Sauf que ce sera fait une fois, ce sera réglé.

M. Pagé: Oui, mais ce sont des problèmes. M. Johnson: Non, mais c'est un cas patent.

M. Pagé: Je suis d'accord. C'est cela qui est le problème.

M. Forget: Cela prend huit mots pour le préciser dans la loi.

M. Bisaillon: II faut s'entendre sur le mot 'intéressé". Cela veut dire, dans les circonstances, qu il faut y être impliqué.

M. Pagé: Qui démontre un intérêt.

M. Bisaillon: Vous écoutez, cela m'intéresse, mais cela n'implique pas...

M. Pagé: C'est intéressant à part cela. Je n'en cloute pas. On est d'accord en principe. C'est la même chose qu'on recherche. Il s'agit de le définir.

M. Bisaillon: C'est la nature même du grief.

M. Pagé: Je suis d'accord pour que le type aille présenter un recours en Cours supérieure. Il n'y a pas de problème. Mais ce sont quand même des démarches, des procédures et c'est onéreux. Pourquoi ne pas profiter de l'amendement et le dire clairement; cela va prendre quelques mots, et cela va être réglé. On est ici pour faire des bonnes lois.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: C'était seulement pour dire au ministre...

M. Pagé: Soyez donc un bon gouvernement! M. Jolivet: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Le député... J'attends que le ministre...

M. Goulet: Mais c'est parce que le ministre parlait du texte du mémoire de la Conférence des arbitres.

M. Jolivet: Je sais qu'il veut parler au ministre, mais pendant ce temps-là, je pourrais peut-être poser une question? C'est qu'on pose...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Beauharnois...

M. Lavigne: Cela va peut-être revenir un peu à ta question. Ce que je recherche dans cette argumentation, c'est de pouvoir donner au travailleur, à l'individu qui se sentirait lésé, le droit de pouvoir intervenir. Que je regarde dans notre formule ou dans la vôtre, c'est toujours le tribunal d'arbitrage qui a le pouvoir, autant dans votre amendement que dans votre...

M. Pagé: Dans un cas, il est invité, dans l'autre il a le droit de venir. C'est cela la différence.

M. Jolivet: C'est sur ce point que je veux intervenir pour la raison suivante, parce que cela regarde ce qui a été dit. On dit: "Dans le cas où on le présente comme un amendement nouveau, le tribunal d'arbitrage doit donner au syndicat, à l'employeur et aux salariés intéressés"... La question que vous posiez tout à l'heure était pour savoir qui va déterminer qui est intéressé. Or, dans le texte présenté par votre amendement: "Le salarié qui possède un droit d'intervention", qui va dé- terminer qu'un salarié a un droit d'intervention? Qui?

NI. Pagé: C'est le tribunal qui va le décider. M. Jolivet: Donc...

M. Pagé: Le type aura le droit — si vous voulez me laisser terminer — de se faire entendre. Sur la foi de cela, le tribunal pourra dire: Monsieur, on considère que vous n'avez pas de droit d'intervention!

M. Jolivet: Oui, mais dans l'un comme dans l'autre...

M. Pagé: On a les mêmes objectifs et on veut atteindre la même chose dans des termes différents. Dans l'un, le tribunal doit donner aux parties intéressées, aux salariés intéressés, l'occasion de venir et d'être entendus. Dans l'autre, le salarié a le droit d'y aller.

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, est-ce que je pourrais demander qu'on suspende la discussion autour de cet article. On va fouiller, parce que c'est plein de conséquences, un mot, à ce niveau-là,... les répercussions que ça a sur les douze articles qui suivent. Quand on parle du consentement des parties pour qu'il y ait une extension du délai de l'arbitrage, cela pose des problèmes. Je pense donc qu'il faudrait qu'on le regarde.

M. Goulet: Avant de suspendre la discussion, je voulais dire au ministre que dans le mémoire présenté par la Conférence des arbitres, le mot "parties", pour eux, signifie "parties signataires", tandis que nous parlons de "parties intéressées". C'est peut-être là que... A "parties signataires", ils donnent la définition, "sous-entendu signataires", c'est-à-dire l'employeur et le syndicat. C'est peut-être de là que cela part. Je ne sais pas si vous... Parce que, dans le projet de loi 24... Excusez-moi, M. le ministre. Tantôt vous parliez du texte présenté par la Conférence des arbitres. Lorsque ces gens parlent de "partie", quand ils donnent la définition de "parties", ils disent "employeur et syndicat". Mais au début de leur texte, si on se rapporte au projet de loi 24, le qualificatif qui suivait le mot "parties", était "signataires", tandis que nous disons "parties intéressées". Leur définition de signataire, pour "parties (signataires)", c'est la chose, tandis que "intéressées" cela peut vouloir dire "et le salarié"...

M. Johnson: Je suis prêt à avouer que, même dans sa formulation actuelle, indépendamment de l'amendement du député de Saint-Laurent, cela pose des difficultés à cause de la définition de qui sont les intervenants à l'article 88, pour ne pas parler de parties et qu'on s'enferre encore là-dedans. J'aimerais qu'on suspende là-dessus et qu'on continue et on essaiera d'y revenir.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres amendements à l'article 88e?

M. Forget: A l'article 88e, non, M. le Président. Le Président (M. Marcoux): A l'article 88f?

M. Johnson: J'aurais simplement une correction à apporter à l'article 88f, qui est un peu concordante avec l'autre. Au lieu de se lire: "A la demande d'une partie, le tribunal d'arbitrage peut assigner', c'est: "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner'.

M. Chevrette: C'est normal.

M. Johnson: Alors, à 88f: "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner un témoin pour... etc.". Cela va?

M. Forget: Cela va.

M. Johnson: Pour 88f, M. le Président, y a-t-il des discussions?

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Forget: Oui, il y a des discussions. On n'invente rien, M. le Président, on est là ce soir et on essaie de tirer ce qui paraît avoir été omis.

Je vais lire tout de suite l'amendement; son sens est, là aussi, évident.

M. Lavigne: Oui, lire l'amendement d'abord, c'est une bonne habitude à prendre.

M. Forget: Oui, c'est parce que parfois il est plus facile à comprendre quand on l'a d'abord expliqué, mais ce n'est pas le cas ici, je pense que c'est assez évident. "Que le paragraphe 88f, de l'article 46, soit modifié en remplaçant, dans la quatrième ligne, le mot "le" par les mots "le tribunal peut émettre un bref d'assignation, s'il est d'avis que le témoin est nécessaire ou le document pertinent au litige. Le paragraphe amendé se lirait comme suit: 88f "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner un témoin pour déclarer ce qu'il connaît, pour produire un document ou pour les deux objets à la fois. Le tribunal peut émettre un bref d'assignation s'il est d'avis que le témoin est nécessaire ou le document pertinent au litige. Le bref d'assignation doit être signifié par le tribunal d'arbitrage au moins cinq jours francs avant la convocation ".

L'idée, M. le Président, ici — et cela vient également d'un mémoire qui a été présenté — c'est qu'on est en face d'un tribunal d'arbitrage qui n'est pas, malgré l'habitude prise sur la papeterie de la Cour supérieure, un tribunal judiciaire dans le plein sens du mot. On donne à une partie le pouvoir de provoquer une assignation de témoin. De la façon que c'est formulé, il est loin d'être évident que le tribunal d'arbitrage ait une discrétion, parce qu'on se souviendra de l'explication donnée par le ministre qui alléguait une opinion de l'honorable juge Louis-Philippe Pigeon selon laquelle, dans les cas de tribunaux administratifs et quasi judiciaires, le mot "peut " est attributif et est l'équivalent de "doit". On a d'ailleurs rejeté l'une de nos motions d'amendement sur cette base. Alors, pour comprendre cela, il faut relire le texte en disant: "Le président du tribunal d'arbitrage doit assigner un témoin à la demande de l'une des parties." On se rend compte tout de suite que le tribunal n'a pas le pouvoir d'apprécier si c'est une demande farfelue, parce qu'une des parties peut assigner la ville de Montréal et la ville de Québec pour un tribunal, et le tribunal peut dire: II les a demandées, il faut bien les assigner... Ou alors des tonnes de documents, tous les talons de chèques de tous les salaires versés depuis dix ans, ou je ne sais quoi... Des demandes absolument incroyables et il appartiendrait au tribunal d'arbitrage de juger si ces témoins sont vraiment nécessaires et si les documents sont vraiment pertinents au litige. Encore une fois, ça a été demandé et étant donné que ce n'est pas un tribunal qui a toutes les règles de pratique et de procédure ordinaire, je pense que ce serait une chose qu'il faudrait prévoir, pour éviter les abus.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: Voulez-vous suspendre une minute?

M. Forget: On va suspendre ça aussi.

M. Johnson: On peut suspendre au complet, vous savez.

M. Jolivet: Non, ça va bien là! Continuons.

Une Voix: Ne donnez pas de mauvaises habitudes à notre président.

Le Président (M. Marcoux): C'est suspendu pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 4)

Reprise de la séance à 22 h 30

Le Président (M. Marcoux): 88f?

M. Johnson: Je commencerais au premier article que nous avions suspendu, c'est-à-dire 88e, qu'on pourrait lire comme suit. Je pense qu'évidemment, cela ne rend pas exactement ce que voulait le député de Saint-Laurent. Cependant, je pense que c'est quelque part à mi-chemin. J'espère qu'il en sera au moins partiellement satisfait. Cela ne crée pas de droit d'intervention proprio motu.

Cela se lirait comme suit: "Le tribunal d'arbitrage doit donner, à l'association accréditée, à

l'employeur et au salarié intéressé, l'occasion d'être entendus. "Si un intéressé ci-dessus, dûment convoqué par écrit, etc."

Et, au dernier alinéa: "être fondé sur le fait qu'il a ainsi procédé en l'absence de cet intéressé ".

Est-ce que cela va ou si je dois répéter?

Le Président (M. Marcoux): Vous devriez répéter.

M. Johnson: On va répéter brièvement. "Le tribunal d'arbitrage doit donner, à l'association accréditée, à l'employeur et au salarié intéressé, l'occasion d'être entendus. "Si un intéressé ci-dessus, dûment convoqué par un avis écrit d'au moins cinq jours francs de la date, de l'heure et du lieu où il pourra se faire entendre ne se présente pas, ou refuse de se faire entendre, le tribunal d'arbitrage peut procéder à l'audition de l'affaire et aucun recours judiciaire ne peut être fondé sur le fait qu'il a ainsi procédé en l'absence de cet intéressé.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le député de Saint-Laurent consent à retirer son projet d'amendement pour que nous discutions à partir de la base des modifications proposées par le ministre?

M. Forget: Non, M. le Président, je vais demander même un vote enregistré sur mon amendement, après quoi on pourra procéder à l'amendement du ministre.

Le Président (M. Marcoux): On peut procéder au vote sur l'amendement immédiatement?

M. Forget: Quant à moi, oui.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Saint-Laurent proposait de modifier le premier alinéa de l'article 88e, de la façon suivante:

Que le premier alinéa du paragraphe 88e de l'article 46 soit modifié en ajoutant, dans la deuxième ligne, après le mot "entendus", les mots "ainsi qu'aux salariés qui possèdent un droit d'intervention.

Quels sont ceux qui sont pour l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent.

M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Russell (Brome-Missisquoi)? M. Bisaillon (Sainte-Marie)?

M. Bisaillon: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse)?

M. Goulet: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Ciaccia (Mont-Royal)? M. Chevrette (Joliette-Montcalm)?

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Couture (Saint-Henri)? M. Mercier (Berthier)? M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Gagnon (Champlain)?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Johnson (Anjou)?

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lacoste (Sainte-Anne)?

M. Lacoste: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lavigne (Beauharnois)?

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce)? M. Godin (Mercier)?

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Roy (Beauce-Sud)?

La motion d'amendement est rejetée par neuf voix contre trois.

Nous revenons au nouveau texte proposé par le ministre qui comprend, en fait, quatre amendements: remplacer les mots "aux parties intéressées" par "à l'association accréditée, à l'employeur et au salarié intéressé"; changer les mots "une partie", dans le deuxième alinéa, par "si un intéressé ci-dessus dûment convoqué"; ensuite, remplacer "elle pourra " par "il pourra", et, à la fin, "en l'absence de cet intéressé" à la place de "cette partie ".

M. Bisaillon: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que le paragraphe 88e est adopté?

M. Bisaillon: Adopté.

M. Forget: On n'a pas besoin de l'adopter, mais la délibération est terminée sur le paragraphe.

Le Président (M. Msrcoux): La délibération est terminée.

Le paragraphe 88f.

M. Johnson: On a ici le texte de l'amendement du député de Saint-Laurent qui changerait l'article pour qu'il se lise comme suit: "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner un témoin pour déclarer ce qu il connaît, pour produire un document ou pour les deux objets à la fois. Le président du tribunal peut émettre un bref d'assignation s'il est d'avis que le témoin est nécessaire ou le document pertinent au litige. Le bref d'assignation doit être signifié, par le président du tribunal d'arbitrage, au moins cinq jours francs avant la convocation".

Ce qu'on introduit ici, finalement, c'est un pouvoir discrétionnaire au président du tribunal d'arbitrage pour décider si, oui ou non, il va assigner un témoin. En d'autres termes, puisque, comme on en fait lecture l'autre jour, le juge Pigeon dit que, dans le cas d'un organisme judiciaire ou quasi judiciaire— or les tribunaux d'arbitrage sont considérés comme quasi judiciaires — le mot "peut" signifie "doit" et il est attributif de juridiction, en pratique, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire que, si l'une des parties au litige — l'association accréditée ou l'employeur — dit: Je vais assigner — prenons un exemple extrême —150 personnes, en cours de négociation, pour créer un moyen de pression indirecte, et si la partie syndicale, à l'occasion d'un grief d'arbitrage, en arbitrage, décide d'assigner les 150 professeurs d une même école, le même jour, devant le tribunal, techniquement, en vertu de notre version du texte, avant l'amendement du député de Saint-Laurent, le président du tribunal n'a aucun choix, il est obligé d assigner tout ce monde. Si je comprends bien, c'est un peu ce que veut éviter le député de Saint-Laurent. D'autre part, la conséquence de l'adoption de l'amendement du député de Saint-Laurent amènerait la chose suivante: On pourrait avoir affaire à ce qui risquerait d'être interprété, à tort ou à raison, comme un déni de justice, dans le cas d un président qui déciderait de ne pas assigner un témoin qu'une partie demande qu'on assigne.

Si on constate ce qui se fait en Cour supérieure, c'est que le moyen de pression qui consiste à vider un même endroit de tous les salariés en vertu d'un bref d'assignation... Il existe, de toute façon, devant la Cour supérieure, au moment où on se parle. On peut très bien, dans une cause, en Cour supérieure, faire assigner 300 témoins. L assignation se fait simplement à partir du document, sur papier de la Cour supérieure, rempli par l'avocat, le sceau donné à huissier et les gens sont automatiquement assignés. En pratique, ce que le juge de la Cour supérieure fera, c'est que, après avoir entendu les quatre premières personnes qui ont toutes dit la même chose, il peut très bien décider qu'il n en entend plus; il dira: De toute façon, je sais que les 150 qui viendront ici me diront exactement la même chose.

C'est un peu le cas pour le président du tribunal d'arbitrage; il pourrait très bien faire la même chose et dire, dans le contexte où on permet cette assignation massive, parce qu'on l'oblige à assigner dès qu'une partie le demande, on pourrait quand même lui permettre également de faire comme le juge de la Cour supérieure fait, et dire. J ai entendu les parties. Point. Je suis suffisamment informé.

Encore là, c'est un cas assez important. Ce n'est pas tellement une question de ce qu est le droit collectif versus le droit individuel. C est carrément la notion de ce qu'est l'assignation devant nos tribunaux. Et donner ce pouvoir discrétionnaire au tribunal d'arbitrage pourrait amener un arbitre mal luné — mais il y a des juges en Cour supérieure aussi qui peuvent l'être — de refuser carrément d'assigner une personne. Un juge de la Cour supérieure n'a même pas ce pouvoir de refuser l'assignation d'une personne. C'est lavocat qui décide d'assigner un témoin qui l'assigne. Je pense que je ne me trompe pas. Le député de Portneuf est d'accord avec cela? Ici, on donnerait en fait au tribunal d'arbitrage un pouvoir supérieur au pouvoir d'un juge de la Cour supérieure. En disant: A la demande des parties... Le juge a une demande devant lui, le président du tribunal d'arbitrage a une demande devant lui pour assigner 150 personnes. Il décide: Non, vous allez en assigner douze. Même un juge de la Cour supérieure ne peut pas faire cela.

En ce sens-là, l'amendement apporté par le député de Saint-Laurent a quelque chose d un peu dangereux. Cependant, il pourrait répondre à cela — et il n'aurait pas complètement tort — que si le président du tribunal d'arbitrage décide de ne pas assigner un témoin — mais ce n est peut-être pas nécessairement dans un contexte aussi caricatural que celui que je soulignais de 150 professeurs ou 150 personnes dans un milieu de travail — il s'exposerait à une évocation en Cour supérieure pour déni de justice. Parce que I'avocat, le protagoniste, le représentant de l'association accréditée pourrait dire: Le président du tribunal d'arbitrage m'a empêché de faire ma preuve. M'ayant empêché de faire ma preuve, c'est un déni de justice qui est une des causes d'évocation en Cour supérieure ou cela peut-être un manquement à la règle audi alteram partem.

On aurait donc cette garantie, malgré I amendement du député de Saint-Laurent, que si jamais un président de tribunal d'arbitrage s avisait injustement de ne pas assigner quelqu'un, il y aurait toujours le recours en Cour supérieure.

Et je reviens sur cette même notion que j avais, j aimerais juste entendre le député de Saint-Laurent me parler un peu de cela. C est que finalement on confie au président du Tribunal d'arbitrage un pouvoir supérieur à celui d'un juge de la Cour supérieure. Je trouve que c'est considérable.

M. Goulet: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Marcoux): C'est parce que le ministre a posé une question au député de Saint-Laurent.

M. Goulet: Excusez-moi, je pensais qu'il avait terminé...

M. Forget: Brièvement, je vais vous donner la parole, M. le député de Bellechasse. C'est vrai, dans un certain sens, que l'analogie qu'on peut faire avec un tribunal de la Cour supérieure nous amène à ces constatations. Cependant, la question qu'il faut se poser, c'est peut-être que si l'analogie est juste, il n'est pas strictement vrai qu'on donnerait plus de pouvoir au tribunal du travail. On donnerait, dans le fond, moins de pouvoir au mécanisme d'arbitrage, de mettre en jeu des témoins. Ce serait évidemment par le biais d'un pouvoir discrétionnaire donné au président du tribunal, mais il me semble que l'effet total serait que le mécanisme d'arbitrage ne pourrait pas être utilisé aussi pleinement et aussi loin que le mécanisme judiciaire.

Je pense que c'est approprié à la nature d'un tribunal d'arbitrage qui n'est pas la Cour supérieure qui doit quand même demeurer à l'intérieur de certaines limites, être raisonnable, être accessible, être raisonnablement souple dans ses procédures. Et souple dans ses procédures peut aussi vouloir dire que toutes les ressources de la procédure ne seront pas ouvertes à l'une et l'autre des parties, que l'une et l'autre des parties ne peut pas exploiter la procédure au même degré devant un tribunal d'arbitrage qu'elle peut le faire devant un tribunal de droit commun, étant donné l'objectif qu'on vise qui est de rendre la justice dans un cadre relativement informel, souple, dénué de tous les moyens ou les façons de s'accrocher, justement, à tous les droits qu'on a devant un tribunal de droit commun pour protéger le dernier de ses privilèges et le dernier de ses droits, parce que ce sont des derniers recours, dans le fond, les tribunaux de droit commun.

D'ailleurs, l'idée que ce sont des derniers recours est bien illustrée par ce qu'a dit le ministre sur le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Cette restriction qu'on imposerait au tribunal du travail serait, dans le fond, assez compatible avec le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Il y a une bonne relation là. On dit: C'est vrai, il y a un pouvoir de surveillance. Pourquoi? Parce que peut-être que la procédure ne permet pas tous les raffinements devant le tribunal du travail, qui sont possibles en Cour supérieure. Pourquoi ne permet-elle pas tous les raffinements? Parce que tous les raffinements sont coûteux, ils sont sources possibles d'entraves, etc., pour l'une ou l'autre des parties. Par exemple, on ne prévoit pas la sténographie de ce qui se passe devant le tribunal. C'est certainement aussi une restriction, dans un certain sens, puisqu'on aura plus de difficulté à faire la preuve même du caractère ultra vires d'une décision de l'arbitre, etc., mais on le fait parce qu'on veut que ce soit plus informel, moins ouvert à de la procédurite, si on veut.

Dans ce contexte, je pense que ce n'est pas tellement une expansion du pouvoir du tribunal, et cela s'inscrit dans le tribunal du travail qui a moins de pouvoir de convoquer des gens et de lancer des subpoenas. De fait, il n'a pas le pouvoir de lancer des subpoenas. Mais, même au niveau des brefs d'assignation, il aurait moins de pouvoir qu'un tribunal de droit commun, que la Cour supérieure. Il me semble que c'est approprié à la nature de...

Le Président (M. Marcoux): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, j'aime bien l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent; par contre, à la première partie, à la suite de l'argumentation du ministre, cela me satisfait, quant à la première partie de l'amendement. Quant à la deuxième partie, et c'est là que je trouve le bien-fondé de cet amendement, c'est sur la production de documents, les coûts exorbitants pour produire des documents dont on n'aurait pas besoin. Cela peut être un moyen de pression, à un moment donné, et c'est là que c'est dangereux.

Cet amendement répond très bien à une demande du Barreau qui, dans son mémoire, disait: "II y aurait lieu de préciser qu'il s'agit de témoins nécessaires ou d'un document pertinent au litige, afin de laisser une certaine discrétion à l'arbitre, sinon, l'assignation d'un témoin ou la demande de production de documents pourrait avoir des fins autres que celles du grief soumis à l'arbitrage ".

Or, les fins autres, si le Barreau y a pensé et si le député de Saint-Laurent y a pensé, je vois le bien-fondé de cet argument, surtout pour la production de documents, parce que, si une partie décide de demander — l'exemple qu'a donné le député de Saint-Laurent — des chèques, s'il faut reculer dix ans en arrière, ou des copies de contrats ou quoi que ce soit qui deviendrait très onéreux pour la partie qui fournit ces documents et qu'on juge qu'on n'en a pas besoin, cela devient très dispendieux. Cela peut être un moyen de pression dont une partie peut se servir, et c'est pour cela que je trouve l'amendement du député de Saint-Laurent bien, surtout pour la deuxième partie, quant au coût exorbitant, et surtout que cela répond à une demande du Barreau.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: M. le Président, à la lumière de cette situation de dilemme, pour ne pas dire tiraillement, je pense que ce n'est pas une question aussi fondamentale que l'affaire de l'immunité où c'est extrêmement difficile de trancher sur l'affaire de l'immunité, je pense que, dans le cas présent, c'est plus au niveau du déroulement, même s'il y a la notion que j'ai évoquée du déni de justice possible et du bref d'évocation. Que dirait le député de Saint-Laurent d'une formule un peu comme celle-ci? Ce qu'on veut faire, c'est finalement évi-

ter les abus. C'est un peu cela qu'on recherche. Si on disait: "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner un témoin pour déclarer ce qu'il connaît, pour produire un document, ou pour les deux objets à la fois, sauf s'il est d'avis que l'assignation demandée est futile à sa face même", je pense qu'on couvrirait là le cas d'abus évidents, mais, d'autre part, on ne donnerait pas au président du tribunal d'arbitrage un pouvoir tellement discrétionnaire qui risquerait, dans un cas précis d'être un déni de justice pour une personne.

M. Forget: M. le Président, je ne vois aucune objection, mais je m'interroge sur la nuance que le ministre voit entre l'amendement que nous avons présenté et sa formulation. Autrement dit, j'aimerais qu'il nous fournisse un exemple...

M. Johnson: Un exemple, oui.

M. Forget: ... d'un document qui n'est pas nécessaire et d'un document qui n'est pas pertinent, mais dont la demande n'est pas futile, à sa face même.

M. Johnson: Non, c'est-à-dire...

NI. BiSHillon: Est-ce que je pourrais me permettre de donner deux exemples?

M. Johnson: Tous les procès-verbaux du syndicat depuis les cinq dernières années...

M. Forget: C'est futile à sa face même... M. Johnson: C'est futile à sa face même. M. Forget: ... mais c'est non pertinent.

M. Chevrette: Celui du 15 février 1976, par exemple, pourrait être pertinent; mais demander tous les procès-verbaux depuis cinq ans, c'est prima facie...

M. Forget: Le jugement se porte surtout sur la demande telle que formulée.

M. Johnson: Prenons le cas du témoin plutôt, que les cas du document je pense que c'est plus simple. On dit, dans l'amendement du député de Saint-Laurent: "Le président du tribunal peut émettre un bref d'assignation s'il est d'avis que le témoin est nécessaire. " On ne lui permettra pas, dans la formulation que je suggère, de décider que tel témoin est nécessaire ou pas. Prenons l'exemple qui est la pratique courante; les parties assignent trois ou quatre témoins et le président décide: Non, ce témoin, je ne veux pas l'entendre. Je considère qu'il pourrait, en vertu de l'amendement apporté par le député de Saint-Laurent... Tandis qu'on dit: "Sauf s'il est d'avis que l'assignation demandée est futile à sa face même". Le fait de demander 150 assignations, c'est futile à sa face même. Le fait de dire: Je veux qu'un tel sur un total de quatre personnes, ce n'est pas futile à sa face même. Tandis qu'avec l'amendement du député de Saint-Laurent, le président pourrait décider, dans sa sagesse, que ce n'est pas pertinent d'entendre M. Untel. Il pourrait justifier plus facilement son attitude s'il disait: "C'est futile à sa face même d'assigner 150 personnes. " Je pense que cela restreint finalement l'univers de référence pour l'exercice de cette discrétion qu'on lui donne.

M. Forget: Je suis fortement tenté d'être d'accord avec le ministre; je suis tiraillé aussi, mais je me demande si son amendement...

M. Johnson: Join the club...

M. Forget: Je me demande si son amendement n'est pas plus restrictif que celui que nous avons présenté dans le sens suivant; c'est que si on dit au président du tribunal: Vous pouvez refuser de délivrer un bref d'assignation, et pour en décider, vous vous limiterez à examiner la face même de la demande. Dans l'autre cas, il va regarder la face même de la demande. Cela va être, sans aucun doute, un facteur qui va l'amener à porter un jugement, mais aussi il va pouvoir interroger les parties intéressées. Il va pouvoir dire: Ecoutez, vous me demandez 150 personnes, vous me demandez tel document. A sa face même, je juge cela futile ou non nécessaire, mais peut-être avez-vous des raisons valables. J'aimerais vous entendre. Avec notre amendement, il peut poser cette question. Avec l'amendement du ministre, il va dire: Ecoutez, je n'ai pas à me prononcer et à vous questionner à savoir si c'est utile, ou si cela peut être nécessaire. Tel que formulé, c'est futile.

M. Johnson: II appartiendra, à ce moment, à la partie, si cela a des chances d'être utile ou pertinent, de ne pas le formuler de façon futile, à sa face même.

M. Forget: Oui, mais c'est peut-être impossible dans les circonstances. Cela peut forcer la crédibilité...

M. Johnson: Est-ce que quelque chose de pertinent ou d'utile peut...

M. Forget: ...

M. Johnson: ... ne pas être futile à sa face même? Je pense que oui, par définition. Je pense que, par définition, quelque chose qui est utile. Je m'excuse, je me reprends, j'ai fait un lapsus et un non-sens. Je recommence. Est-ce que quelque chose qui est utile et pertinent, ne peut pas être à sa face même futile, par définition? Si on juge que c'est utile et pertinent, à sa face même, cela ne peut pas se présenter comme étant futile.

M. Forget: Généralement, je suis d'accord. Je soulève le problème qu'il peut y avoir un doute à l'occasion, parce que ce n'est peut-être pas tou-

jours toute l'armée canadienne qu'on va convoquer, mais un nombre plus limité.

M. Godin: Une porte s'est ouverte et fermée.

M. Forget: A ce moment, le doute peut exister. Ce que je dis, c'est que selon la formulation du ministre, même quand le président du tribunal pourrait avoir un doute et qu'il aimerait se faire éclairer sur son doute, strictement parlant, il pourrait dire: Ecoutez, je dois décider d'après les apparences, et non pas d'après l'argumentation que vous allez me présenter. C'est tout.

M. Johnson: Ce serait... Mais ce n'est qu'un doute dans mon esprit et il me semble que c'est plus restrictif.

M. Johnson: Je préciserais encore que ce ne serait pas que l'assignation demandée, c'est que la demande d'assignation — et là je pense qu'on le circonscrit encore plus— sauf s'il est d'avis que la demande d'assignation est futile à sa face même. La demande d'assignation, c'est assigner 150 personnes. Par contre, si on disait: L'assignation demandée c'est d'assigner M. Untel, ce n'est pas nécessairement... Donc, on lirait le texte 88f comme suit, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): Auparavant, je voudrais savoir si le député de Saint-Laurent retire son amendement pour que le ministre introduise le sien?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): L'amendement est donc retiré et nous revenons au texte de 88f.

M. Johnson: Qui se lirait comme suit, M. le Président: "A la demande d'une partie, le président du tribunal d'arbitrage peut assigner un témoin pour déclarer ce qu'il connaît, pour produire un document ou pour les deux objets à la fois, sauf s'il est d'avis que la demande d'assignation est futile à sa face même. Le bref d'assignation doit être signifié au moins cinq jours francs avant la convocation — vous vous rendez compte que je supprime "par le président du tribunal d'arbitrage", puisque ce n'est pas le président du tribunal d'arbitrage qui va signifier, c'est un huissier alors, ce qu'on dit, c'est: "Le bref d'assignation doit être signifié au moins cinq jours francs avant la convocation". Est-ce que cela va?

Le Président (M. Marcoux): Ceci remplace le premier alinéa de 88f.

M. Johnson: Exactement, M. le Président. Le Président (M. Marcoux): Adopté?

M. Johnson: Est-ce qu'on peut continuer? C'est cela?

M. Forget: On peut continuer.

Le Président (M. Marcoux): Le reste est adopté. D'accord? Pour la procédure...

M. Johnson: Y a-t-il d'autres discussions sur 88f?

M. Forget: Non.

Le Président (M. Marcoux): Bon, 88g.

M. Johnson: II y a, à 88g, M. le Président, qui doit se lire comme suit, une correction mineure aux premiers mots. Il ne s'agit pas de dire: "Le président du tribunal peut poser à un témoin les questions qu'il croit utiles". C'est bel et bien: "Les membres du tribunal peuvent poser à un témoin les questions qu'ils croient utiles". Je répète 88g, premier alinéa: "Les membres du tribunal peuvent poser à un témoin les questions qu'ils croient utiles ". Est-ce que cela va?

Pour le secrétariat des commissions, cela va? A 88g, cela va?

M. Forget: Oui, cela va.

M. Johnson: Donc, 88h se lirait comme suit. Je vais retrancher simplement quelques mots à la fin. J en fais lecture quand même au complet: "Un témoin ne peut refuser de répondre pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l'incriminer ou à l'exposer à une poursuite de quelque nature qu'elle puisse être; mais s'il fait une objection en ce sens, sa réponse ne pourra servir contre lui dans une poursuite pénale intentée en vertu d'une loi du Québec ". On retranche le reste, c'est-à-dire "ou à l'occasion d'une poursuite criminelle, ultérieure, sauf pour parjure ", puisqu en fait ceci est prévu à l'article 5 de la Loi de la preuve. Je pense qu'il est inopportun, dans une loi provinciale finalement, de répéter, puisqu'on parle de l'application du Code criminel, qui est de juridiction fédérale. Ceci n'empêche aucunement le tribunal d'avertir la personne qu'elle peut se prévaloir des dispositions de l'article 5. Est-ce que c'est réglé, M. le Président? Pour 88h?

Le Président (M. Marcoux): 88h, cela va? 88i, cela va? 88j, cela va? Article 88k?

M. Forget: Non...

M. Bisaillon: ... selon l'article 67 du code?

M. Forget: Qu'est-ce qu'il y a à l'article 67?

M. Johnson: Selon l'équité et la bonne conscience.

M. Forget: M. le Président, le député de Sainte-Marie a une capacité de télépathie. Effectivement, nous avons un amendement à cet article.

M. Godin: Excusez-moi, mais est-ce qu'il existe dans les us et coutumes du parlementarisme une telle chose que le seul "filibuster"...

Le Président (M. Marcoux): II existe de la télépathie.

M. Forget: M. le Président, une motion d'amendement à l'article 46: "Que le paragraphe 88k de l'article 46 soit modifié en retranchant dans la deuxième ligne le mot "seul " et en ajoutant dans la troisième ligne après le mot "enquête " les mots "et de tout fait pertinent au grief dont il a connaissance d'office selon l'équité et la bonne conscience". Le paragraphe amendé se lirait comme suit: "Le tribunal d'arbitrage doit rendre sa sentence à partir de la preuve recueillie à l'enquête et de tout fait pertinent au grief dont il a connaissance d'office selon l'équité et la bonne conscience." Il s'agit, et je devrais le dire en commençant, de noter avec satisfaction, ce que j'ai d'ailleurs fait dans mes remarques préliminaires sur cet article, l'élimination qu'a effectuée le ministre de la référence à la règle de droit qui était de nature, bien sûr, à enfermer le tribunal d arbitrage dans un juridisme excessif. Cependant, on veut donner au tribunal d'arbitrage, je pense, une fonction qui, ici encore, est peut-être trop calquée sur la pratique judiciaire. Devant les tribunaux de droit commun, il est normal que l'on s'attende à ce qu'il dise le droit et qu'il se base, pour dire le droit, sur les faits qui ont été prouvés devant eux. C'est évidemment, une garantie qu'aucun élément extérieur n'interviendra dans l'adjudication d'un tribunal de droit commun; mais c'est aussi un prix très considérable qu'il faut payer pour cela, parce que cela oblige les parties devant un tribunal de droit commun à littéralement faire preuve de tout ce qu'elles avancent, soit par une preuve documentaire, soit par la production de témoins. Cela va aussi bien que d'exiger que l'on fasse la preuve de lois étrangères et même de lois et de règlements des autres provinces du Canada, lorsque c'est essentiel pour un litige civil. Il faut aller prouver, alors qu'on parle à un juge qui a accès à la bibliothèque du Barreau, qui a accès à toutes les sources de renseignements juridiques, que telle loi de l'Ontario est en vigueur et qu'elle n'a pas été abrogée. Il faut littéralement tout prouver devant un juge, de façon rigoureuse. Il faut prouver tous les faits. Il faut produire des témoins, etc. Il reste que l'arbitrage se fait et devrait se faire, il me semble, dans un cadre un petit peu plus souple, pour éviter justement que le problème que soulevait plus tôt, durant la journée, le député de Portneuf, que le coût qu entraîne un recours à l'arbitrage fasse finalement perdre des droits. C'est cela, dans le fond, le sens de la modification que nous cherchons. C'est d'éviter toutes les choses que le tribunal peut connaître d'office, parce qu'il vit dans le même monde que n'importe qui, qu'il peut s'informer sur un grand nombre de choses; il a, évidemment, une obligation de le faire avec impartialité, de façon aussi complète que possible, mais, qu'il puisse avoir accès à des choses qui sont de notoriété publique, sans être obligé de faire la preuve devant lui qu'il y a eu une grève à telle date, et des choses dans ce genre, d'amener des témoins ou des choses comme cela.

Je pense que ce n'est pas malin et cela ne vise pas, comme certains mémoires l'ont dit, et je regrette qu'on prenne une attitude aussi juridique, aussi légaliste que c'est vouloir leur faire jouer à la Providence, aux arbitres, leur permettre d introduire dans le règlement des conflits toutes sortes d'éléments étrangers selon leur bon plaisir. Je pense qu'on a quand même affaire à des gens qui sont responsables, qui fonctionnent à l'intérieur d'un cadre prévu par le Code du travail. Ils ont un sentiment de leurs obligations et de leurs responsabilités sociales. Il ne s'agit pas de les mettre au-dessus de tout. On a dit qu on voulait en faire des superadministrateurs. Je pense que c est dans le mémoire de l'Hydro-Québec, quelque chose dans ce genre. On voulait en faire des êtres un peu au-dessus de tout.

Ce n'est pas du tout cela. Il ne faudrait pas que ce soit compris comme cela. Mais il reste que, quand on dit, à 88k: "Le tribunal d'arbitrage doit rendre une sentence à partir de la seule preuve recueillie à l'enquête ", on en fait des minitribunaux. On rend presque inévitable — presque est un mot de trop — on rend inévitable le fait qu'il va falloir se présenter là avec des procureurs qui savent comment on fait une preuve à la satisfaction d'un tribunal.

Reconvoquer des gens dans le fond, si on avait des règles de preuve un peu plus souples, qui seraient non pertinentes et non nécessaires, comme on vient de l'établir, mais qui deviendront pertinentes et nécessaires, parce qu'il faut tout prouver de a à z, il nous semble que c'est excessif. Ce n'est pas l'esprit d'un arbitrage, c'est sûr que c'est la loi des parties, c'est la convention collective, mais il y a quand même quelque chose d'un peu plus large que cela qui est impliqué.

L'autre clause qui est là, l'équité et la bonne conscience, cela n'est pas pour dire: La convention collective, au diable, on ne s'en occupe pas, mais c'est pour éviter que les parties ne s'enferrent, au moment même de la négociation, dans l'idée que si un jour cela va en arbitrage, on va décortiquer le sens des mots, on va trouver des virgules, et on va dire: La virgule est-elle placée à la bonne place et, si elle était trois mots plus tôt, peut-être qu'on pourrait gagner notre grief, etc.

C'est en train de transformer la négociation des conventions collectives en une espèce de cauchemar où on a des conventions collectives grosses comme des annuaires de téléphone, pour prévoir que la virgule est placée à la bonne place. Là, on engage des procureurs pour se battre sur les mots, etc.

Dans le fond, souvent, il n'y a pas de contestation sur le fond. Le patron et le syndicat se disent: On s'entend, mais il y a des rencontres formelles. J'y ai participé à une autre époque et je sais un peu de quoi je parle dans ce cas. Ce sont des choses très concrètes et vécues. On se rencontre entre les parties, les vraies parties, sans les procureurs, et on se dit: C'est cela que je veux et l'autre dit: Si c'est cela, moi, je veux telle autre chose dans telle affaire.

C est à peu près cela et on se quitte. On a conclu notre convention collective. C est le soir à 11 h 30, après quelques jours de négociation in-

tense. On revient le lendemain matin, le lendemain après-midi, là les négociateurs se sont rencontrés, les procureurs se sont rencontrés, et tout est à refaire. Il n'y a plus d'entente. Ils ont deux textes. Chacun a son texte et ils ont chacun couché cela par écrit, mais là, c'est une vraie beauté, parce que qu'il n'y a plus un mot qui se retrouve en commun dans les deux textes.

Ils ont dit: On a perdu un arbitrage il y a quatre ans, parce que tel mot voulait dire telle chose. Ce n'est pas évident que cela veut dire telle chose, sauf qu'évidemment, on s'est engagé dans un processus intenable.

Si on ne met pas l'équité et la bonne conscience — ce sont des mots que j'ai trouvés, parce que ces mots traînent un peu partout — il paraît que cela veut dire qu'on ne regarde pas... oui, ils traînent dans le décor, je crains des objections qu'on me fera en disant: Cela ouvre la porte à toutes sortes d'affaires. Si ce ne sont pas les bons mots, je suis prêt à les changer.

Mais, de grâce, qu'on essaie de sortir de l'ornière, c'est ce que je voudrais faire, sortir de l'ornière du juridisme. S'il y a d'autres mots qui font mieux que cela et que cela ne pose pas problème, je vais les accepter en deux secondes. Mais il faut absolument sortir nos négociateurs de l'ornière du juridisme et, à mon avis, c'est là l'occasion.

Quand on parle de la façon dont le tribunal du travail va opérer, il faut, premièrement, ne pas obliger à faire la preuve de tout, de a à z, quand c'est affaire de notoriété publique, et, deuxièmement, ne pas d'enfarger dans les fleurs du tapis, quand on a fait des conventions collectives. Cela ne veut pas du tout dire "play God", cela ne veut pas du tout dire que les arbitres décident du bien commun en fonction de leur opinion et de leur philosophie sociale. Cela veut dire tout simplement qu'ils font leur travail honnêtement, comme des gens de bonne foi, en pensant que les gens qui ont signé des conventions collectives s'entendaient à peu près sur le sens des mots et qu'on ne cherche pas les chiures de mouches. C'est essentiellement cela qu'on voudrait voir dans cet article, M. le Président.

M. Godin: Ce n'est pas très parlementaire.

M. Forget: A cette heure-ci, il ne faut pas trop nous en demander.

M. Godin: Non, mais c'est parce que... M. Johnson: M. le Président.

Une Voix: Cela ressemble à des poèmes que j'ai déjà lus!

M. Godin: Une directive, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mercier.

M. Godin: Ces textes ne furent jamais prononcés dans un lieu aussi sacré que celui-ci.

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Johnson: Je comprends et je partage cette volonté. Cela serait peut-être à mon tour de dire au député de Saint-Laurent que c'est inspiré d'une volonté de traduire un message et que finalement, la bonne foi et tout cela, on est tous pour cela, la tarte aux pommes et la maternité aussi, et que tout le reste, c'est un peu des chiures de mouches.

Mais sérieusement, la notion d'équité et de bonne conscience est souvent comprise dans un texte de convention collective qui prévoit que l'arbitre... En vertu de la convention collective, on prévoit que l'arbitre... C'est le cas, par exemple, de l'enseignement. Il y a sûrement beaucoup d'autres conventions collectives qui le prévoient. L'arbitre jugera selon l'équité et la bonne conscience. Cependant, il y a d'autres clauses qui restreignent cela. L'équité et la bonne conscience, mais sans jamais aller à l'encontre de la convention collective, etc.

Il y a d'autres conventions collectives qui ne contiennent nécessairement pas ces dispositions. Cela peut être par oubli, par manque d'intérêt ou cela peut être dans un échange entre les parties, où ils ont décidé que cela ne se ferait pas comme cela, l'arbitrage, pour une raison ou pour une autre. Parce qu'une situation particulière a déjà prévalu à cet endroit et à un moment donné, on a retiré la notion d'équité et de bonne conscience qui, un jour, a peut-être coûté très cher à l'entreprise, dans certaines circonstances, parce que tout en étant en équité et bonne conscience, le fond de l'objet de l'arbitrage était quelque chose d'extrêmement onéreux pour l'employeur, et il a réussi, en échange, dans la convention collective suivante, à faire supprimer cette notion d'équité et bonne conscience.

Donc, la notion d'équité et bonne conscience aurait comme effet, dans le cas des conventions collectives qui ne prévoient pas des dispositions à cet effet — et si elles en prévoient, il n'y a pas de problème — de permettre carrément à l'arbitre d'être un interprète, non seulement un interprète de la convention collective, mais de faire la convention collective et d'aller carrément à l'encon- tre de dispositions de la convention collective.

Dans notre régime de droit, cela pose des problèmes assez sérieux. L'économie du code est encore une fois, fondamentalement ce qui est librement négocié entre les parties. Cela poserait ce problème.

D'autre part, la notion de règle de droit qui avait été suggérée dans un premier temps a été supprimée, suite à des remarques qui, à mon avis, étaient très pertinentes. Donc, ce vers quoi on retourne, c'est vers l'état actuel: la possibilité, pour les parties, d'inclure ces dispositions au sujet de l'équité et bonne conscience, mais de ne pas laisser la porte ouverte totale à un arbitre finalement de carrément modifier le contenu de quelque chose qui a été négocié librement.

C'est pour cette raison, M. le Président, que je demanderai au député de Saint-Laurent s'il veut retirer son amendement, ou je demanderai son rejet.

M. Forget: Non. Il y a d autres interventions peut-être. J'aurais des suggestions ou des arguments à faire valoir encore.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, c'était une demande que j'avais à adresser au député de Saint-Laurent, compte tenu du fait que la majeure partie des conventions collectives contiennent déjà, dans leur propre procédure d arbitrage, la mention selon l'équité et la bonne conscience; compte tenu du fait aussi que la majorité des conventions collectives contiennent aussi des clauses interdisant aux arbitres de modifier, en tout ou en partie, le contenu de la convention collective; compte tenu du fait que les explications, des deux côtés, ont été suffisamment claires, je pense qu'on sait où chacun se situe; est-ce que le député de Saint-Laurent accepterait immédiatement qu'on prenne un vote enregistré sur cette question?

M. Forget: Non, j'aimerais, malgré tout, faire une suggestion au ministre là-dessus. Je suis sensible à certains de ses arguments. D'un autre côté, j'aimerais revenir avec une question à laquelle, à mon avis, il n'a pas répondu. Je vais lui laisser le temps de consulter. Ce n'est pas urgent, mais si vous voulez consulter.

Je suis sensible à une partie des arguments que vous avez invoqués, c est-à-dire la norme générale, à l'effet qu'il faut respecter la volonté des parties. Vous-même et le député de Sainte-Marie avez souligné qu'il y a plusieurs conventions qui prévoient déjà la clause d équité et de bonne conscience. C est vrai.

Même en admettant cela, cependant, le problème n est pas entièrement réglé à mon avis. Sur le plan des principes, d'abord, on pourrait dire: Etant donné l'état et la tendance que prennent nos négociations dans bien des secteurs d un grand juridisme, il y a peut-être une question d intérêt qui dépasse ce que les parties peuvent en juger, un peu comme l'atelier fermé, etc.

A mon avis, c'est une caractéristique en croissance et très inquiétante. Si j'y suis revenu souvent, d'ailleurs, c'est parce que j'en ai acquis la conviction personnelle. Il me semble que, même si en règle générale, il faut respecter la volonté des parties, on devrait pouvoir aménager une règle qui, parce qu'elle est d'ordre public, pourrait prendre la forme suivante; peut-être pas la forme absolue que notre amendement lui donne, mais la forme suivante, un peu comme la Charte des droits et libertés de la personne, que la règle d'interprétation normale, c'est l'équité et la bonne conscience et les conventions collectives qui veulent échapper à cette règle doivent contenir une disposition expresse à cet effet. C'est-à-dire que les parties, si elles veulent effectivement négocier et donner à leur négociation un sens très strict et très rigoureux, disent: Nonobstant la règle générale, nous voulons que notre convention collective soit interprétée restrictivement et en s'en tenant à la lettre — quelque chose à cet effet.

Il y aurait, malgré tout, dans tous les cas où on oublie de le mentionner ou de le négocier, où les parties, n'ayant pas eu d'expérience malheureuse encore, n'y rattachent pas l'importance suffisante, ou alors, à cause de l'inexpérience de négociateurs, ou à cause d'une opposition dans le fond peut-être un peu superficielle, parce que, malgré tout, dans une négociation, on peut se laisser prendre par les mots qu'on négocie et les positions auxquelles on attache un peu d'amour propre et qu'on dise: C'est cela et on n'est pas pour permettre à d'autres d'y déroger.

Il me semble qu'on devrait attirer l'attention de tous les négociateurs en disant: La règle générale d'interprétation va être l'équité et la bonne conscience et ceux qui veulent y déroger seront libres de le faire. Cela sera, à ce moment-là, une dérogation à une règle d'interprétation que, par ailleurs, le législateur considère d'ordre public, pour mettre en échec une tendance qui est large, qui est répandue et qui est peut-être croissante.

Je pense qu'on trouve dans cette tendance la raison d'être de l'allongement progressif, d abord du phénomène de la négociation, et deuxièmement, de la convention collective elle-même. Parce que comme cela prend du temps à les négocier, les gens se disent: Au moins, on va se donner des répits de temps à autres en ayant des conventions plus longues.

En soi, je ne suis pas sûr qu'il soit bon qu'on aie des conventions trop longues, parce que les ajustements, les griefs, etc., prennent plus de temps à se résorber puisque les moments où on peut les ajuster sont de plus en plus rares, plus les conventions collectives sont longues.

Pour ces raisons, il me semble qu'on pourrait faire cette suggestion. C'est le premier volet.

Le deuxième volet, c'est le fait que je n'ai pas entendu la réponse du ministre sur le premier aspect, c'est-à-dire la question de la preuve, la seule preuve, et la possibilité pour les arbitres de considérer les faits de notoriété publique qui sont connus sans qu'on aie besoin de les prouver, contrairement au cas d'un tribunal où il faut même prouver l'existence des lois de l'Ontario et des règlements. Il me semble que c est une exigence trop grande pour un tribunal d'arbitrage.

M. Johnson: On peut peut-être envisager la possibilité quant à la notion de connaissance d'office; je pourrais dire: C'est quoi, la connaissance d'office, finalement? Supprimer le mot "seul", cependant, peut-être conviendrait. J'hésiterais à ajouter des notions de connaissance d'office, parce que je pense qu'on aurait besoin de regarder cela un peu plus longuement. Supprimer le mot "seul", cependant, je pense que cela élargit, que c'est moins restrictif, en tout cas, c'est bien évident, par définition.

D'autre part, quant à la deuxième hypothèse, la règle chez nous, on dit que la règle devrait être l'équité et la bonne conscience, sauf si les parties le prévoient autrement. Ce n'est pas comme cela que cela se passe dans la réalité. La réalité c'est que la règle est la preuve, ou encore, la règle de droit et c'est exceptionnel que de prévoir l'équité et la bonne conscience. En ce sens, ce serait aller à l'encontre...

M. Forget: Oui, c'est vrai, mais la question que je pose, ce n'est pas de savoir si c'est la règle actuellement, c'est de savoir s'il ne serait pas souhaitable d'en avoir une autre.

M. Johnson: Non, ce n'est pas seulement la règle au sens du Code du travail. On vit dans une société où la règle, c'est la règle de droit, où la règle, devant l'ensemble des tribunaux, c'est la règle de la preuve. La société et nos lois sont bâties en fonction de cela. Il y aurait peut-être avantage, dans une révision non pas seulement de l'ensemble du droit du travail, mais de l'ensemble du droit dans notre société, il y aurait peut-être lieu d'introduire la notion d'équité et de bonne conscience à tous les niveaux, mais celle-là, je ne pense pas que je puisse la promettre pour le printemps prochain, cette réforme. En ce sens...

M. Forget: Cela existe dans la tradition juridique britannique où on a les cours...

M. Johnson: Equity Court.

M. Forget: C'est cela, les "Equity Courts ".

M. Johnson: Voilà. Ce qui distingue, entre autres, la société dans laquelle nous vivons... Finalement, je pense qu'on est en train de tomber dans un débat sur les schémas culturels, mais, dans le fond, l'"Equity Court " n'existe pas depuis 300 ans que le Québec est le Québec. Il existe depuis que le monde britannique existe. Finalement, je ne suis pas sûr que c'est l'occasion, en modifiant les articles touchant l'arbitrage, de toucher à une notion aussi fondamentale dans notre société. Le fait est que c'est la règle de droit qui domine et la règle de preuve, tandis que l'équité, c'est issu d'un univers culturel très différent du nôtre. Il y aurait peut-être lieu de se demander si, dans notre société, cela ne devrait pas être cela.

M. Forget: ... les tribunaux judiciaires. C'est un tribunal d'arbitrage.

M. Johnson: D'accord, c'est un tribunal d'arbitrage. Est-ce que la supression du mot "seul " serait acceptée par le député de Saint-Laurent?

M. Forget: En ce sens qu'on ne s'opposera pas à la suppression du mot "seul", mais je peux difficilement accepter cela comme une réponse adéquate aux propositions que je formule.

M. Johnson: Oui. Pour ces raisons, je deman- derai d'être un petit peu plus expéditif, compte tenu du fait qu'on a quand même fait un peu le tour de la question. Il est clair que...

M. Forget: Je suis prêt à voter là-dessus.

M. Johnson: Oui. M. le Président... Je m'excuse.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Bellechasse m'avait demandé la parole.

M. Goulet: M. le Président, j'étais pour l'amendement. Vous voyez, M. le député, on est rendu trois à trois. J'étais pour l'amendement du député de Saint-Laurent, parce que cela permettrait peut-être des décisions plus humaines et moins juridiques, cela permettait d'enlever les oeillères, et surtout que la FTQ, dans son mémoire, le demandait. La FTQ disait ceci, si vous permettez: "Le mouvement syndical a toujours tenu à ce que les relations du travail soient guidées par l'équité et la bonne conscience et échappent à la rigidité procédurière de la vie judiciaire. C'est pourquoi nous nous opposons à ce que la règle de droit s'applique au règlement des griefs et nous tenons à ce que, dans tous les cas, les décisions soient rendues en vertu de la seule preuve recueillie et selon l'équité et la bonne conscience". La FTQ le demande. Il me semble que cela permettrait au tribunal de rendre des décisions beaucoup plus humaines, en tout cas d'enlever ces oeillères juridiques qu'on trouve souvent.

M. Chevrette: M. le Président, me permettez-vous de faire une petite remarque très brève.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: L'équité et la bonne conscience, cela n'enlève pas l'aspect juridique du contenu d'une sentence. L'équité et la bonne conscience, c'est tout simplement en termes de contenu, ce qui peut permettre de donner un peu plus de contenu ou un petit peu moins... Il a une preuve devant lui. Il dit: Oui, je suis très sensible ou je suis peu sensible, ou je suis sensible, mais me dire que cela enlève le juridique... Si vous avez quelqu'un de très émotif, je vous dis que c'est...

M. Forget: Ce n'est pas votre plus fort.

M. Chevrette: Non, je sais que ce n'est pas mon plus fort, mais je peux vous dire une chose; je peux vous dire que c'est une nuance et tu le vois à siéger à un tribunal. A l'expérience, on a eu un paquet d'arbitrages où c'est écrit équité et bonne conscience, et il y a des bonshommes qui se retranchent strictement derrière les mots prononcés par les témoins et la preuve faite par l'avocat. Il y en a d'autres qui ont l'esprit un peu plus élastique.

M. Forget: Est-ce qu'on prend un vote enregistré, M. le Président?

M. Bisaillon: Non, ce n'est pas nécessaire. Je pense qu'on pourrait rejeter...

M. Forget: Non, j'aime bien les votes enregistrés.

Le Président (M. Marcoux): C'est un vote enregistré sur l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent visant à modifier le paragraphe 48k dans le sens qu'il se lirait comme suit: "Le tribunal d'arbitrage doit rendre sa sentence à partir de la preuve recueillie à l'enquête et de tout fait pertinent au grief dont il a connaissance d'office selon l'équité et la bonne conscience." Quels sont ceux qui sont favorables à l'amendement du député de Saint-Laurent?

M. Russell (Brome-Missisquoi), M. Bisaillon (Sainte-Marie).

M. Bisaillon: Selon l'équité et la bonne conscience, contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Brochu (Richmond), M. Goulet (Bellechasse).

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Chevrette (Joliette-Montcalm).

M. Chevrette: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Couture (Saint-Henri), M. Mercier (Berthier), M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Gagnon (Champlain).

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Johnson (Anjou).

M. Johnson: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Jolivet (Laviolette).

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lacoste (Sainte-Anne).

M. Lacoste: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa).

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lavigne (Beauharnois).

M. Lavigne: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Mackasey ( Notre-Dame-de-Grâce).

Une Voix: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. Godin (Mercier).

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Pagé (Portneuf).

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Roy (Beauce-Sud).

Le Président (M. Marcoux): L'amendement est rejeté, neuf voix contre 3.

Nous revenons à la proposition principale...

M. Johnson: Paragraphe 88k.

Le Président (M. Marcoux): ... telle que... M. le ministre propose de biffer le mot...

M. Johnson: Le paragraphe 88k se lirait comme suit: "Le tribunal d'arbitrage doit rendre une sentence à partir de la preuve recueillie à I enquête. "

Des Voix: Adopté.

M. Forget: Débat terminé.

M. Johnson: Débat terminé, M. le Président? Paragraphe 88 I? Cela va?

M. Forget: Cela va.

M. Johnson: Paragraphe 88m.

M. Forget: Ici, nous avons un amendement. Nous n'avons pas de numéro. Ici, il y a un amendement que je vais lire immédiatement: "Que le paragraphe 88m de l'article 46 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: En cas de contestation sur une somme due à la suite d'une décision arbitrale, l'une des parties peut saisir l'arbitre dans les vingt jours de la réception de la décision aux fins de fixer le montant qui doit être fixé."

M. Bisaillon: M. le député de Saint-Laurent, pourriez-vous le relire?

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, peut-être que le député de Saint-Laurent... 89d, en fait, prévoit exactement ce contenu, sauf en termes de délai. Fondamentalement, l'idée qui nous est amenée par le député de Saint-Laurent est prévue à 89d.

M. Forget: Si je peux le retrouver, M. le Président...

M. Johnson: Je vais en faire lecture. 89d, qu'on retrouve à l'article 49 du projet de loi, nous dit: "Le tribunal d'arbitrage qui a rendu une sentence arbitrale peut, à la demande d'une partie, fixer le montant dû en vertu de cette sentence." Ça va?

M. Forget: II n'y a pas de délai?

M. Johnson: II n'y a pas de délai. Cependant, il y a un autre article qui traite des délais.

M. Chevrette: La majorité des sentences, c'est ordinairement de 30 jours. Le juge rend sa sentence en disant: Si dans 30 jours vous n'avez pas payé ou si vous ne vous êtes pas entendu sur le quantum, je...

M. Johnson: Comme les commissaires-enquêteurs.

M. Chevrette: C'est courant.

M. Forget: D'accord. Si c'est prévu, je retire mon amendement.

Le Président (M. Marcoux): Retiré, 88o. M. Johnson: Ça va?

M. Forget: Non, j'ai un amendement. Je vais vérifier si tout va bien. Ici nous avons un amendement. Je vais le lire brièvement. Il est d'ailleurs très bref. "Que le paragraphe 88o de l'article 46 soit modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: Le tribunal peut adjuger envers l'une ou lautre des parties ou envers les deux dans la proportion qu'il détermine les frais de l'arbitrage. C'est donner un pouvoir dont le tribunal d'arbitrage ne dispose pas dans le moment, qui est suggéré par la conférence des arbitres, entre autres".

M. Johnson: Le tribunal peut adjuger envers l'une ou l'autre des parties ou envers les deux dans la proportion qu'il détermine les frais de l'arbitrage...

(Suspension à 23 h 31)

Reprise de la séance à 23 h 40

M. Johnson: M. le Président, pour une raison, je ne sais pas si elle apparaîtra justifiable au député de Saint-Laurent... il va admettre avec moi qu'à la question de l'arbitrage, il y a une dimension assez technique à tout cela et c'est finalement à des gens très très spécialisés... Cela n'a jamais fait l'objet, sauf de la part des arbitres, dans leur mémoire, effectivement, d'une demande par- ticulière au niveau du conseil consultatif, ni de la partie syndicale, ni de la partie patronale. La pratique est la suivante. Evidemment, la convention collective qui prévoit le partage des faits: l'arbitre syndical payé par la partie syndicale, l'arbitre patronal par la partie patronale et le président, 50/50. Il y a des conventions collectives qui prévoient cela. Il y en a d'autres qui prévoient que c'est 100% par l'employeur tout le temps. J'ai un exemple en tête, en ce moment. Il y en a d'autres qui ne prévoient rien. Dans celles qui ne prévoient rien, il y a de fait une adjudication de frais qui est à 50/50.

Le fait d'introduire ce pouvoir entre les mains de l'arbitre et entre autres pour les fins que voudrait atteindre le député de Saint-Laurent, qu'il a évoquées, comme par exemple l'employeur qui récidive sur le même type de comportement qui donne lieu à un grief constamment et qui serait condamné à 100%. Cela pose un problème qui n'est pas évalué par les parties puisqu'il n'a jamais vraiment été soulevé, sinon par les arbitres jusqu'à maintenant. Comme la pratique est qu'une adjudication à 50/50, sauf dans les cas où il y a des dispositions dans la convention collective, en pratique, ne cause pas trop de problèmes. Cependant, dans les cas où il y a une adjudication prévue dans la convention collective, on ne peut quand même pas donner à l'arbitre un pouvoir contraire à ce qui est prévu dans la convention collective, toujours en vertu du même principe. On n'est quand même pas dans une affaire d'intérêt public, etc., qu'on n'a pas à modifier ce que les parties ont librement négocié et consenti. Pour cette raison, il ne m'apparaît pas, d'une certaine façon, opportun, si je peux me permettre de considérer l'amendement du député de Saint-Laurent.

M. Forget: Vous avez en partie raison quant aux stipulations qui apparaissent dans les conventions collectives. Il serait facile de dire: A moins que le contraire ne soit prévu, à moins de dispositions spécifiques à l'effet contraire dans une convention collective. Mais je pense qu'au-delà de cette objection technique, il y a un intérêt certain à l'idée d'un frein modérateur, en quelque sorte, envers la partie qui abuse, soit d'une situation ou même du recours lui-même. On peut trouver soit l'employeur qui décide, de façon butée de ne pas obtempérer aux indications de la convention collective et aux indications du tribunal d'arbitrage et qui récidive de manière à épuiser un syndicat par des dépenses et par les démarches que rendent nécessaires les arbitrages. On peut aussi, en face d'une petite entreprise qui doit faire face à une centrale puissante qui est prête à financer de tels recours, dans le but de créer un pattern, de créer un précédent, etc. et qui va se voir dans la situation d'un moyen de pression. Cela devient l'arbitrage qui devient le moyen de pression, et le petit employeur, dans ce cas-là, va se dire: Quant à assumer un coût de $3000, $4000 pour me défendre en arbitrage, je vais tout simplement faire des concessions que je ne ferais pas autrement, mais que je ne peux pas me permettre de ne pas faire.

Alors, c'est utiliser l'arbitrage dans un sens pour lequel il n'a pas été créé, et il y a une idée très intéressante dans l'idée de dire: Que ce soit une partie ou l'autre il y a un frein modérateur dans l'utilisation de cette histoire-là pour celle qui, manifestement, aux yeux du tribunal lui-même en abuse. Il me semble que cela devrait être retenu tout en prenant la précaution que je suis bien prêt à inscrire: A moins que le contraire ne soit prévu. A ce moment-là si les parties conviennent du contraire, ils courent leurs risques. On les laisse courir leurs risques.

M. Johnson: Je ne suis pas sûr que: "A moins que le contraire ne soit prévu dans la convention collective" c'est exact, parce que le contraire... Qu'est-ce que c'est le contraire?

M. Bisaillon: Sauf s'il existait des dispositions à cet effet dans la convention collective. Ce n'est pas contraire, parce que là, on parle d'un partage, alors que des partages pourraient être prévus de façon spécifique.

M. Forget: Sauf des dispositions spécifiques incompatibles.

M. Bisaillon: Je ne peux pas dire incompatibles, M. le député de Saint-Laurent, parce que là, vous parlez de laisser le choix à l'arbitre. Il n'y a rien d'incompatible avec cela. Sauf des dispositions sur le partage, dans des conventions collectives.

M. Pagé: Sauf dispositions sur le sujet dans les conventions collectives.

M. Johnson: Sauf dispositions sur le sujet dans la convention collective, je pense.

M. Forget: D'accord.

M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'on pourrait passer... M. le Président, est-ce que vous permettez qu'on passe à un point suivant et on va revenir dans deux ou trois minutes là-dessus?

M. Forget: Oui, bien sûr. M. Johnson: 88p. Ça irait?

M. Forget: Non. Je m'excuse, M. le Président, j'avais donné visiblement une indication que je n'avais pas d'autre amendement, mais j'avais oublié celui-ci. On ne les fabrique pas, comme vous voyez; je pense qu'on soulève des problèmes qui sont légitimes. C'est la première fois, je pense, que l'arbitrage, comme procédure, est discuté à l'Assemblée nationale. Ce n'est peut-être pas de trop.

Que le paragraphe 88p de l'article 46 soit modifié en ajoutant, dans la deuxième ligne, après le mot "enquête ", les mots "dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article 39a". C'est le point que j'ai mentionné au début de la soirée.

L'article amendé se lirait comme suit: "88p. Le tribunal peut ordonner, de son propre chef, la réouverture d'une enquête dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article 39a .

C'est, dans le fond, une concordance avec les motifs de réouverture de l'enquête par le Commissaire du travail.

M. Johnson: Oui.

M. Forget: Cela amenait un élément de certitude que les révisions à des décisions du tribunal ne se feront pas pour des raisons futiles ou arbitraires. On énumère les causes. Et ce sont des causes que la jurisprudence a reconnues comme des occasions valables pour rouvrir une enquête.

M. Johnson: Oui. Mais je ne suis pas sûr. Je veux revoir l'article 39a, parce que je veux être sûr, parce que cela devient très limitatif. Je comprends que cela empêche l'arbitre de rouvrir pour des raisons absolument arbitraires. Par contre, c'est peut-être trop limitatif, restrictif aussi, c'est pour cela qu'il faudrait revoir... puisqu'on parlait tout à l'heure d'équité, etc.

M. Forget: On pourrait peut-être faire la lecture tout haut pour les membres de la commission. "Un commissaire du travail peut réviser ou révoquer toute décision ou tout ordre rendu pourvu que, dans les cas où il peut y avoir appel, il n'ait pas été interjeté appel au tribunal de la décision ou de l'ordre et que le tribunal n'ait pas encore disposé de l'appel.

Une partie peut demander cette révision ou cette révocation dans les cas suivants: 1. Lorsqu'il a été prononcé au-delà des conclusions ou qu'il a été omis de statuer sur un des chefs de la demande; 2.Lorsque la décision ou l'ordre a été rendu sur des pièces dont la fausseté n'a été découverte que depuis; 3. Lorsque, depuis la décision ou l'ordre, il a été découvert des pièces décisives dont la production avait été empêchée par une circonstance de force majeure ou le fait de la partie adverse; 4. Lorsque, depuis la décision ou l'ordre, il a été découvert une preuve et qu'il appert: a)que si elle avait été apportée à temps, la décision ou l'ordre eût probablement été différent; b)qu'elle n'était connue ni de la partie, ni de son procureur ou agent; c)qu'elle ne pouvait pas, avec toute la diligence raisonnable, être découverte en temps utile.

Toutefois, un commissaire du travail peut corriger, d'office, toute décision ou ordre entaché d'erreur d'écriture ou de calcul, ou de quelque autre erreur matérielle".

M. Bisaillon: Est-ce que je peux vous poser une question, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui.

M. Bisaillon: Dans le cas, par exemple, où c'est un arbitrage de griefs, le tribunal entend la preuve et commence son délibéré. En cours de délibéré, à l'analyse de la preuve, les trois membres du tribunal se rendent compte qu'il y a un aspect de la preuve qui n'a pas été assez fouillé et qu'il y aurait intérêt à fouiller cette question. C'est dans les circonstances une réouverture d'enquête. Dans votre optique, ce serait interdit?

M. Forget: Non, je ne pense pas, parce que tant...

M. Johnson: Effectivement, je pense que le député de Sainte-Marie a raison...

M. Forget: Non, c'est le paragraphe 4. M. Johnson: De l'article 39a?

M. Forget: Non, lorsque depuis la décision ou l'ordre...

M. Johnson: C'est cela. En fait, il faudrait appeler cela une réouverture d'enquête, effectivement, parce qu'à partir du moment, où le tribunal prend en délibéré, il met fin à l'enquête. L'audition étant terminée, c'est donc une réouverture d'enquête. Or, si on réfère à 39a, cela devient trop restrictif. Cela ne permettrait pas, par exemple, la réouverture d'enquête dans un cas comme celui-là.

M. Forget: Oui, vous avez raison. Ce n'est pas un article qui vise à réviser la décision du tribunal. C'est simplement un article qui permet de réouvrir l'enquête. Est-ce que cela veut dire... Dans ce contexte, je pense que notre amendement n'est pas approprié, mais est-ce que cela veut dire—je m'excuse — que le tribunal du travail ne peut pas, non pas rouvrir l'enquête, mais réviser sa décision de la même façon que le commissaire du travail peut le faire?

M. Johnson: Est-ce que cela veut dire que? Je m'excuse.

M. Forget: Est-ce que cela veut dire que, comme cet article, 88c, traite seulement de la réouverture d'enquête et est silencieux sur la révision d'une décision, qu'il ne peut pas réviser sa décision, même dans les cas prévus à 39a?

M. Bisaillon: On est en arbitrage. La décision du tribunal d'arbitrage, cela va être une sentence. La sentence est sans appel, à moins...

M. Forget: Oui.

M. Bisaillon: ... qu'un autre tribunal ait cédé sa juridiction...

M. Forget: Oui, je suis bien d'accord qu'elle est sans appel, mais d'où l'intérêt de pouvoir la réviser si les faits peuvent être renversés. Si tout à coup, on se rend compte qu'une preuve a été dissimulée par une des parties...

M. Bisaillon: Non. Cela peut s'expliquer par le cheminement des tribunaux d'arbitrage. C'est justement pour cela que dans le Code du travail, déjà, les sentences arbitrales sont sans appel. Si on n'avait pas, et cela répond d'ailleurs aux voeux que vous formulez depuis le début de la soirée, c'est-à-dire que le tribunal d'arbitrage, par définition, soit moins rigoureux, moins encadré par le juridisme, mais plutôt par les relations entre employeur et employés.

Et si on permettait l'appel sur une sentence arbitrale, on aurait exactement le même fonctionnement qu'au niveau des cours civiles, avec les mêmes retards, les mêmes délais, les mêmes contestations. Les seules contestations sur une sentence arbitrale, c'est si le tribunal excède sa juridiction. Sur le fond, les parties acceptent — et je pense que c'est la coutume qui est établie maintenant — qu'évidemment, il peut y avoir une erreur "de jugement ' dans un tribunal. Un tribunal peut rendre une mauvaise décision aux yeux d'une partie ou d'une autre, mais les parties en cause ont préféré accepter que les sentences arbitrales soient sans appel pour, au moins, fonctionner dans un système qui soit plus expéditif et qui, à long terme, rende plus justice aux objectifs qu'on vise actuellement.

M. Forget: L'argumentation du député de Sainte-Marie porte un peu à faux — je m'excuse de le dire — parce qu'il est tout à fait exact qu'on a voulu que ce soit sans appel et le fait de pouvoir faire réviser par le Tribunal du travail sa décision est loin d'être équivalant à un appel. Vous allez effectivement trouver que les règles à 39a n'ont pas été inventées pour les fins de la cause. Ce sont des règles qui s'appliquent dans les cas de tribunal pour lesquels, justement, il n'y a pas d'appel ou d'instances administratives ou quasi judiciaires pour lesquelles il n'y a pas d'appel. On a dit, étant donné qu'il n'y a pas d'appel, quand on constate une erreur grossière, comme, par exemple, un document qui était essentiel a été dissimulé, est disparu et on se rend compte tout à coup qu'il a été dissimulé du fait d'une partie et on en prend connaissance, à ce moment-là, le fait qu'il n'y a pas d'appel, parce que ce serait une cause d'appel... L'appel porte aussi sur le fond et l'appréciation des faits, mais là, c'est quelque chose où une partie peut profiter de sa fraude ou d'une intention dolosive et malicieuse et on se dit que cela va trop loin de ne pas donner l'appel dans ces cas. Ces règles de 39a sont des règles qui ont été élaborées dans le cas des tribunaux pour lesquels il n'y a pas d'appel, les tribunaux administratifs et quasi judiciaires. Parce que le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure est, avec raison — le député de Sainte-Marie le disait — basé seulement sur l'excès de juridiction, l'infraction à la règle audi alteram partem, c'est-à-dire de ne pas entendre les parties, et de ne pas se prononcer de façon grossièrement injuste sur les faits et sur la cause. Mais, à part cela, il n'y a pas d'appel.

Sauf qu'on s'est rendu compte, à l'expérience, que l'absence de possibilité d'appel était très sévère étant donné les faits énumérés à 39a. C'est vrai. Tantôt, on disait: C'est très restrictif. C'est vrai que c'est restrictif. Cela ne permettrait donc pas n'importe quel genre d'appel. Mais la dissimulation d'un élément de preuve par une des parties, la découverte d'un fait nouveau qui change complètement le contexte et rend la décision injuste, il faut quand même la redresser et c'est le but de l'exercice. Et ce n'est pas possible si on ne permet pas la révision.

M. Bisaillon: Ce n'est pas comme devant les tribunaux civils. On est en relation de travail. La procédure de grief peut se recommencer. Autrement dit, si j'ai un mauvais jugement et que je pense pouvoir l'améliorer parce que j'ai des faits nouveaux, rien ne m'empêche de reformuler un autre grief et de recommencer la procédure. Mais toujours au niveau d'un même tribunal ou d'un même type de tribunal.

M. Forget: Peut-être, mais je pense que cela demeure malgré tout une question sur laquelle j'aimerais avoir des précisions.

Le Président (M. Marcoux): Si je comprends bien...

M. Forget: L'amendement est retiré, mais la question est posée quant au pouvoir de révision. L'amendement retiré est relativement au...

Le Président (M. Marcoux): L'amendement proposé par le député de Saint-Laurent à 88p est retiré. Il restera 880 en suspens.

M. Johnson: Est-ce qu'on pourrait le régler, dans la mesure où c'est réglable, évidemment? Encore une fois, je reviens au sujet de 880 quant...

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux jusqu'à...

M. Johnson: On n'a pas suspendu les travaux, il n'est pas minuit.

Une Voix: II est minuit moins dix.

Le Président (M. Marcoux): Continuez.

M. Forget: Pour l'instant, il est minuit moins dix.

M. Johnson: Cela pourrait, à la rigueur, faire l'objet d'un deuxième paragraphe, ou d'un autre article, parce que 880 traite du taux d'intérêt. On pourrait arriver avec une formulation du type suivant: "A moins que la convention collective ne prévoie des dispositions relatives aux frais d'arbitrage, le tribunal peut adjuger envers l'une ou l'autre des parties ou envers les deux dans la proportion qu'il détermine les frais d'arbitrage".

Je pense que c'est plus clair de le mettre avant qu'après. Ce serait: "A moins que la convention collective ne prévoie des dispositions relatives aux frais d'arbitrage — et là on tombe avec le texte du député de Saint-Laurent — le tribunal peut adjuger envers l'une ou l'autre..." Ce serait une possibilité. Cependant, elle pose le problème, et je pose la question au député de Saint-Laurent sur l'opportunité, pour qu'il m'éclaire d'ici minuit, comme il nous reste huit minutes...

M. Forget: Je suis un chronomètre vivant, M. le Président.

M. Johnson: Dans le fond, je comprends que la conférence des arbitres l'a demandé, mais, pour tous les autres, c'est une affaire qui va tomber du ciel, et ce dont je suis convaincu, c'est qu'il n'y a pas d'expectative au niveau ni de la partie patronale ni de la partie syndicale que ce genre de disposition soit inclus dans le code pour le moment. Les seuls qui en ont fait la demande, les seuls qui l'on invoqué, ce sont les arbitres eux-mêmes. Dans le contexte ou, évidemment, dans les mémoires qu'ils nous ont soumis, ils ont tendance à augmenter leur juridiction, leur domaine et leurs attributions etc., je dis que c'est la formulation que j'y verrais, si le député de Saint-Laurent tenait absolument à son amendement. Personnellement, j'hésite carrément sur l'opportunité d'inclure un article comme celui-là alors qu'aucune partie n'en a fait la demande.

M. Forget: M. le Président, je pense, sur la question...

M. Bisaillon: Elles seraient mieux de négocier ces choses entre elles.

M. Forget: Si elles aiment mieux le faire, de toute façon l'amendement leur laisse la porte très largement ouverte. Quoique je croie qu'il faut, en général, faire les choses en consultation avec tout le monde, il demeure que le Parlement n'est pas dans un tel état de dépendance intellectuelle que l'on doive nécessairement ne rien faire à moins que d'autres nous aient tenu la main. Il me semble que si on y voit des raisons d'ordre public dans les cas de silence des parties pour prévoir une possibilité qui pourrait être utile et qui ne sera utilisée, j'imagine, par des arbitres de bonne foi que lorsqu'elle pourra être utile, il me semble qu'on a le devoir de l'inscrire.

M. Johnson: Cependant, je répondrais au député de Saint-Laurent que, d'abord, je ne vois pas de raison d'ordre public et, deuxièmement, étant donné qu'il n'y a pas cette demande, je n'en vois toujours pas l'opportunité en ce sens-là. Je ne vois pas de raison d'ordre public de l'inclure. Comme il n'y a pas de demande et comme cela s'inscrit dans un contexte autour duquel il y a eu beaucoup de discussions au sujet de l'arbitrage avec l'ensemble des parties, depuis 1974 au CCTMO, il y a eu des positions divergentes évidemment sur un tas de choses, mais cela n'a jamais fait l'objet d'une de-

mande des premiers intéressés et ils demeurent finalement ceux qui veulent travailler librement dans la négociation. Personnellement, je préférerais que 880 demeure ce qu'il est et qu'on n'ajoute pas même le texte que je proposais comme possible au député de Saint-Laurent. C'est seulement pour dire que j'avais compris son intention, mais cela m'apparaît inopportun, et je ne pense pas que ce soit pour autant émasculer le pouvoir et les attributions du Parlement, c'est tout simplement que cela m'apparaît inopportun. C'est "uncalled for", comme disent les Français.

M. Forget: Pour relever les paroles du ministre selon lesquelles personne n'en fait la demande, je pourrais dire au ministre que j'en fais la demande et...

M. Johnson: Est-ce que je peux demander si l'amendement du député de Saint-Laurent peut être mis aux voix, à l'adoption ou au rejet?

M. Forget: On peut le passer aux voix en incorporant les modifications suggérées par le ministre.

Le Président (M. Marcoux): Tel que reformulé par le ministre.

M. Johnson: Cest-à-dire, un vote enregistré ou non?

M. Forget: Un vote enregistré, mais je serais prêt à ce qu'on prenne le dernier vote et qu'on le reproduise de la même façon, si tout le monde agrée cela.

M. Johnson: D'accord! Je suis contre. M. Bisaillon: On vote exactement...

M. Johnson: On voterait sur un nouveau paragraphe. L'amendement est à l'effet d'inclure un nouveau paragraphe à 880.

M. Bisaillon: D'accord!

Le Président (M. Marcoux): II s'agit d'ajouter un nouveau paragraphe qui se lirait comme suit:

A moins que la convention collective ne prévoie des dispositions relatives aux frais d'arbitrage, le tribunal peut adjuger envers l'une ou l'autre des parties ou envers les deux dans la proportion qu'il détermine les frais de l'arbitrage. ' Rejeté sur division.

M.Johnson: D'accord!

M. Forget: J'avais fait allusion à un vote nominal. On peut prendre le même vote que le dernier que vous avez pris.

M. Johnson: Oh, pardon!

Le Président (M. Marcoux): Contre, M. Goulet (Bellechasse), M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Pour, c'est-à-dire.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse. Pour. Ceux qui sont pour l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent: M. Goulet (Bellechasse), M. Forget (Saint-Laurent), M. Pagé (Portneuf).

Sont contre l'amendement: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Gagnon (Champlain), M. Johnson (Anjou), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Laplante (Bourassa), M. Lavigne (Beauharnois) et M. Godin (Mercier).

M. Johnson: M. le Président, est-ce que l'article 46 du projet de loi est adopté?

M. Forget: II est adopté, M. le Président.

M. Johnson: Est-ce que l'article 47 est adopté, c'est-à-dire l'abrogation de l'article 47 qui est strictement de concordance?

M. Forget: M. le Président , il est minuit et je pense bien qu'étant donné le contenu de ces articles, cela ne fera pas de grandes difficultés à notre prochaine séance.

M. Johnson: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): La commission du travail et de la main-d'oeuvre et de l'immigration ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 7)

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