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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu

Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le lundi 22 juin 1981 - Vol. 24 N° 47

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de témoins sur les modifications au décret relatif à l'industrie de la construction concernant les travaux du gazoduc


Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu est réunie ce matin et le mandat de cette commission est d'entendre les témoignages qui devront porter sur "les raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement à des modifications à apporter au décret relatif à l'industrie de la construction, décret 3938-80 du 12 décembre 1980 dans le cadre des conditions de travail des salariés affectés aux travaux de construction de réseaux primaires et secondaires de gazoducs". C'est l'avis qui avait été envoyé par le secrétaire des commissions à la demande qui lui avait été faite.

Les membres de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier) remplacée par M. Fortier (Outremont), M. Gratton (Gatineau) remplacé par M. Pagé (Portneuf), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) remplacé par M. Desbiens (Dubuc) et M. Vallières (Richmond) remplacé par M. Hains (Saint-Henri).

Les intervenants sont M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri) déjà nommé, M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).

Il me faudrait un rapporteur de cette commission. M. Lavigne, député de Beauharnois?

Une voix: Très bien.

Le Président (M. Jolivet): Les intervenants à entendre sont dans l'ordre l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, représentée par M. Claude Chagnon, qui est là, la FTQ-Construction, représentée par M. Jean Lavallée, président; la CSN, représentée par M. André Gravel, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction

(international) représenté par M. Maurice Pouliot. La CSD, qui avait été invitée, ne viendra pas, d'après les renseignements que je possède, à moins qu'il y en ait d'autres à l'effet du contraire. Le Syndicat de la Construction Côte-Nord de Sept-Îles Inc. a été difficile à rejoindre. Pour le moment, nous n'en avons aucune nouvelle à moins qu'il y ait quelqu'un dans la salle. Pour le moment, il n'y en a pas?

Nous allons donc commencer en donnant la parole à M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, quelques remarques d'ouverture. Je voudrais d'abord remercier infiniment les parlementaires membres de cette commission, de quelque allégeance politique qu'ils soient, d'avoir accepté de sabrer dans des vacances qui pourtant étaient quand même drôlement bien méritées, je pense par l'ensemble des membres de cette commission, pour participer ce matin à nos travaux. Ceux et celles qui, durant les quatre dernières années et demie ont eu l'occasion de travailler avec moi en commission parlementaire savent que cela a toujours été avec beaucoup de plaisir que j'ouvrais par quelques remarques d'introduction les travaux de nos commissions parlementaires. Je ne vous cacherai pas que ce n'est pas particulièrement le sentiment qui m'étrangle ce matin. Pour être très franc, je dirais même que c'est presque avec une certaine répugnance que j'ai demandé que l'on convoque la présente commission parlementaire afin de permettre d'exercer les pouvoirs qui sont accordés au ministre et au gouvernement par l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Je tiens à dire que c'est uniquement parce que nous considérons comme essentielle pour le bien-être des Québécois l'exécution des travaux du gazoduc que j'ai accepté que soit convoquée cette commission, l'intérêt public étant en jeu.

Bien avant la convocation de la commission parlementaire qui devait entendre les parties sur le décret en janvier, dans son rapport, le médiateur, M. Leboeuf, avait lui-même invité les parties à terminer leurs

négociations et à s'entendre. J'ai demandé moi-même, lors de la commission parlementaire, en janvier, aux mêmes parties de se voir, de s'entendre et, par la suite, de plus en plus, avec une grande insistance, en réponse a des questions qui m'ont été posées à l'Assemblée nationale, lors de rencontres privées, demande a été réitérée aux parties d'assumer pleinement leurs responsabilités, de négocier de bonne foi sur l'approche d'une base qui soit raisonnable et responsable et en tenant compte du bien-être du peuple québécois.

Nous n'avons rien négligé, au ministère du Travail, pour donner le meilleur coup de main possible aux parties: nous avons nommé un médiateur; à la suite d'un rapport d'étapes, nous avons élargi le mandat de ce médiateur; nous avons même demandé à M. Désilets, directeur des relations de travail au ministère du Travail, et à M. Sainte-Marie, chargé du service de conciliation, d'accompagner le médiateur dans ses travaux. Rien n'y fit, si ce n'est le début d'un consensus qui semblait ressortir entre, d'une part, les parties syndicales, les premières intéressées et la partie patronale. Mais l'écart demeurant très grand.

En réponse à des questions qui m'ont été posées à l'Assemblée nationale, j'ai toujours dit qu'il m'a semblé fondamental de rappeler que l'économie générale de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction veut que les parties fassent tout ce qui est humainement possible pour s'entendre. Mais, en réponse à des guestions de plus en plus pressantes, insistantes et fondées sur l'état de la situation, en particulier en réponse à une dernière guestion du député d'Outremont, j'avais à nouveau mentionné que j'espérais qu'il restait encore suffisamment de bonne foi de base et de sens des responsabilités des parties et que je croyais encore qu'il était possible d'en arriver à un règlement négocié entre les parties. C'est pourquoi je disais que - je rappelle les mots que j'ai mentionnés à ce moment-là - "jusqu'à nouvel ordre", il n'était pas question, dans mon esprit, de convoquer une commission parlementaire. Je ne l'ai donc jamais exclu, mais je croyais toujours que ce sens des responsabilités et que le sens de l'intérêt supérieur de la population allait prévaloir.

Le bien-être des Québécois ne me semble pas avoir pesé bien lourd dans la conscience des parties. Puisque les parties nous laissent l'odieux de terminer le travail, le gouvernement du Québec va donc devoir s'en occuper lui-même ultimement en tenant compte, au premier chef, de l'intérêt supérieur des Québécois. Je m'étonne que du côté de certaines parties syndicales, des soudeurs aient oublié, en cours de route, de tenir compte du fait que des fonds publics, des fonds provenant de la poche des contribuables, des citoyens, des citoyennes, aient permis de contribuer à leur formation, pour qu'il y ait des soudeurs guébécois sur le chantier du gazoduc plutôt que de laisser aller et de laisser faire, de telle sorte qu'on aurait pu se retrouver avec des travailleurs venant d'autres provinces qui auraient pu obtenir ces emplois, surtout dans une conjoncture économique, dans une conjoncture de chômage passablement élevée.

Mais la logique syndicale a prévalu. Du côté de la partie patronale, il faut distinguer les employeurs et la partie patronale qui est négociatrice. De part et d'autre, là aussi, on s'est enfermé chacun dans sa logique propre et, du côté du négociateur patronal, en craignant l'effet de dominos, de telle sorte que les parties sont restées campées ultimement dans des positions qui menaient à une absence d'entente sur le fond.

Je rappelle très rapidement que le projet du gazoduc présente des retombées économiques extrêmement importantes pour le Québec et pour le peuple québécois, des investissements directs qui peuvent représenter près de 1 500 000 000 $, qui mettent en cause l'ensemble de la politique énergétigue, les programmes de conversion au gaz, des citoyens et des citoyennes du Québec qui attendent cette conversion. Un projet qui implique aussi toute une dimension sociale, des centaines d'emplois et, Dieu sait que par les temps qui courent, on ne peut pas se permettre, comme peuple, de se balancer par-dessus l'épaule des centaines d'emplois.

Nous allons donc entendre les parties sur les raisons motivant l'impossibilité de parvenir à une entente relativement à des modifications apportées au décret relatif à l'industrie de la construction, dans le cadre des conditions de travail des salariés affectés aux travaux de construction de réseaux primaires et secondaires de gazoducs. Personnellement, j'écouterai attentivement les questions qui seront posées par tous mes collègues ici, autour de la table, les commentaires qu'ils pourront formuler, les réponses des parties. J'ai l'intention, dès demain matin, de soumettre mes recommandations au Conseil des ministres pour qu'une décision soit prise dès demain, en souhaitant et en espérant fortement que cela permette enfin aux travaux de démarrer. (10 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Très brièvement, je voudrais tout d'abord saluer les intervenants d'aujourd'hui, les représentants syndicaux, les représentants de l'Association des entrepreneurs en

construction du Québec, mes trois collègues de l'Opposition et aussi le ministre et ses collègues. On se retrouve aujourd'hui, le 22 juin, après l'ajournement de la Chambre, la fin de nos travaux qui s'est déroulée jeudi dernier, alors qu'on devait se revoir seulement en septembre ou en octobre, pour régler un problème ou, tout au moins, pour être conformes à l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction qui prévoit que lorsque les parties ne s'entendent pas, ou encore qu'un litige existe en vertu du décret dans l'industrie de la construction, le gouvernement du Québec peut, sur recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret sans le consentement d'associations d'employeurs ou d'associations de salariés, quand il est d'avis que dans l'intérêt public cette solution est la seule qui puisse remédier à une situation qui existe. Il ne peut, toutefois, modifier ainsi le décret sans que ces associations ne soient invitées à être entendues devant la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu.

C'est donc dire que pro forma, aujourd'hui, on se réunit pour que les parlementaires de la commission du travail et de la main-d'oeuvre puissent entendre les parties dans une ultime démarche tentant de concilier ces parties. Si les parties n'en viennent pas à un accord, la balle est dans le camp gouvernemental, le gouvernement, le ministre du Travail, en particulier, a à prendre sa responsabilité et à recommander au Conseil des ministres d'intervenir.

M. le Président, on se rappellera, c'est probablement ce qui explique une attitude un peu nouvelle du ministre du Travail... son intervention d'ouverture le place ou l'identifie certainement comme étant sur la défensive. Cela s'explique, parce que c'est un dossier qui, j'en conviens, n'a peut-être pas été facile à traiter, mais c'est un dossier qui a quand même traîné un bon bout de temps, il faut en convenir. Je conviens que le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est là depuis un an ou à peu près, peut-être un peu moins d'un an, si ma mémoire est fidèle. C'est peut-être un des premiers cas aussi épineux en termes d'application, ou d'applicabilité, ou de négociation du décret qu'il découvre. Mais le ministre aura probablement constaté, à la lumière des péripéties entourant cette négociation, cette conciliation, cette médiation et l'obligation qu'il a aujourd'hui de convoquer la commission, que, dans les relations du travail, l'essentiel n'est pas toujours prévisible. Je pense qu'aujourd'hui, la convocation de la commission en témoigne.

M. le Président, il s'agit essentiellement de toute la question du décret relativement aux travaux sur le gazoduc. On se rappellera que, lorsque le gouvernement du Québec a entériné le décret librement négocié par les parties, en décembre 1980, si le gouvernement prévoyait apporter des modifications unilatérales dans le décret, il se devait de convoquer la commission parlementaire. C'est ce qu'il a fait le lundi 26 janvier 1981, parce que le décret qui a paru dans la Gazette officielle prévoyait des modifications - on s'en rappellera - entre autres, sur l'intérêt sur les versements des travailleurs pour fins de vacances à l'OCQ, enfin un paquet de questions comme celle-là qu'on avait eu l'occasion de soulever.

M. le Président, si on se rapporte aux travaux de cette commission, qui a siégé le 26 janvier, on constatera que cette question a été mise sur la table, toute ce sujet des dispositions qui allaient s'appliquer pour les travailleurs. On se rappellera aussi des questions qui ont été formulées et des représentations qui avaient été faites à ce moment-là par M. Laurin, de la FTQ-Construction, si ma mémoire est fidèlde, qui avaient porté à l'attention des membres de la commission l'obligation qu'on avait quelque part de régler ce problème dans les meilleurs délais. Je m'en reporte au journal des Débats du 27 janvier où M. Laurin intervenait. Je vais citer M. Laurin au texte. "Tenant pour acquis qu'il n'y a pas eu de négociation sur la question du pipe-line - la question qui nous occupe aujourd'hui - que fait le ministère? Est-ce qu'il prend sur lui de mettre des clauses dans le décret de façon à assurer la protection des intérêts? Est-ce qu'il ne met absolument rien concernant les travaux de pipe-line, en disant: Vous ne l'avez pas négocié. Ou est-ce qu'il permet de poursuivre les négociations? On a, dans le texte, fourni deux choix. Il nous apparaît inadmissible qu'on maintienne les positions patronales uniquement. "On a évidemment en tête de suggérer d'appliquer des clauses qui s'appliquent à l'échelle canadienne, ce qui s'appelle le "Pipeline Agreement". On est par ailleurs conscient qu'il va être difficile de vendre au gouvernement du Québec, de mettre carrément dans le décret de la construction l'entente canadienne, et pour toutes sortes de raisons qu'on peut éviter de discuter".

M. le Président, cela a fait l'objet de plusieurs interventions, tant du ministre que de M. Chevrette, à ce moment-là, et d'autres députés. J'ai eu l'occasion d'intervenir à la fin de l'échange entre M. Chevrette, M. Marois et les représentants de la FTQ pour demander au ministre, essentiellement, ce qui allait se produire. Je suis trop humble pour me citer, mais le ministre se le rappellera; je lui avais demandé: "Que faites-vous maintenant et, à partir d'aujourd'hui, le 27 janvier, qu'est-ce que vous prévoyez?" Le ministre m'avait dit:

Écoutez, on va tenter de faire en sorte - et là, je résume l'opinion émise par le ministre - que les parties s'assoient et négocient et, si elles ne négocient pas, ne s'entendent pas, on interviendra. Je cite les paroles du ministre: "Je me donne un délai relativement raisonnable - c'est M. Marois qui parle - il me semblerait qu'on ne devrait pas excéder quelque chose qui tournerait autour de la fin de février, le début de mars, pour finir l'ensemble si cela paraît quelque chose de raisonnable, en d'autres termes les étapes qui sont prévues dans la loi."

M. le Président, évidemment, les élections ont été déclenchées, on s'est retrouvé, au lendemain du 13 avril, tous ensemble, on a commencé la session le 19 mai dernier. Cette question qui préoccupe, je pense, tous les parlementaires, il faut en convenir franchement, a été soulevée à plusieurs reprises par le député d'Outremont qui, comme on le sait, est responsable au sein de l'Opposition officielle et porte-parole des dossiers en matière d'énergie. Le député d'Outremont a, à juste titre, je pense, porté à l'attention du ministre du Travail l'obligation que le gouvernement avait, d'une part, d'informer la Chambre et, d'autre part, de suivre, d'accentuer et que le ministère du Travail collabore étroitement à accentuer les négociations entre les parties, pour gu'on en vienne à une entente dans les meilleurs délais. D'ailleurs, je me permettrai de citer le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui, à l'Assemblée nationale le 17 juin dernier, répondait au député d'Outremont, M. Fortier: "D'une part, l'économie même des relations du travail dans le secteur de la construction prévoit qu'il revient, dans un premier temps, aux parties de négocier une entente. C'est ce qui est souhaitable, c'est ce qui est prévu et je pense que, dans l'économie générale des relations de travail, c'est ce que doit rechercher le gouvernement et tous les parlementaires ici, mais il n'en va pas toujours ainsi et je pense qu'on doit en convenir ce matin. On ne va pas revenir à la bonne vieille époque précédant les lois actuelles, on ne va certainement pas revenir à l'époque des situations décrites par la commission Cliche. C'est pourquoi j'en appelle à nouveau instamment à la volonté des parties, etc." "Dans un deuxième temps, le député sait aussi sans doute que le ministre peut ultimement intervenir au-delà des moyens déjà extraordinaires que je viens d'évoquer qui sont les moyens de cette médiation d'un type tout à fait spécial. Il sait aussi que cela suppose, le cas échéant, la convocation d'une commission parlementaire, et une commission parlementaire, à toutes fins utiles, si les parties ne s'entendent pas, en viendrait à quelle conclusion? À constater un désaccord et, constatant un désaccord, à faire en sorte que le ministre rédige en quelque sorte sur le coin de la table une convention collective."

C'est ce qu'on s'apprête à faire aujourd'hui, sur le coin de la table. Une convention collective, siqnée gouvernement du Québec, cependant.

Si on pense qu'on va revenir à cette vieille époque où, au-delà des règles établies de relations, de négociations normales, si on remet constamment les problèmes entre les mains du ministre pour qu'il les règle, ce n'est pas conforme du tout à l'esprit nouveau qui est établi par la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. C'est pourquoi, à nouveau, j'invite instamment les parties. Je sais que c'est possible qu'elles puissent en arriver à une entente négociée.

On constate qu'il y a quand même loin de la coupe aux lèvres, dans le sens que M. le ministre nous indiquait jeudi....

M. Marois: Plus le bout "jusqu'à nouvel ordre".

M. Pagé: Jusqu'à nouvel ordre.

M. Marois: Jusqu'à nouvel ordre, je l'avais bien dit.

M. Pagé: L'ordre a été donné vendredi matin. Nous sommes ici ce matin pour entendre les parties. On semble être dans une situation de cul-de-sac. Il n'y a pas de règlement. La question est épineuse à plusieurs égards. Est-ce qu'il y a eu négociation au moment de la négociation sur le décret? Je pense que c'est là un élément bien important dans le débat.

Deuxièmement, s'il n'y a pas eu négociation, les parties ont négocié depuis janvier dernier. Il n'y a pas eu d'entente. Le gouvernement a maintenant une responsabilité. Il y a deux étapes. La première, c'est de vous entendre. Et la deuxième, ce sera ultimement, probablement, si les parties ne s'entendent pas ici ce matin, de régler sur le coin de la table, la convention collective.

M. le Président, nous sommes satisfaits que les parties aient accepté de venir se faire entendre, venir échanger des opinions avec les parlementaires aujourd'hui. J'aurai probablement quelques questions. Et mon collègue, le député d'Outremont, aura certainement des questions et probablement quelques commentaires à ajouter, avec le consentement du ministre, pendant quelques minutes, avant qu'on procède à l'audition des parties. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Merci, M. le Président. Comme l'a dit mon collègue, le député de Portneuf, il s'agit d'un conflit de travail assez complexe. J'aimerais mettre en évidence, pour ma part, le fait que ce conflit de travail s'insère au milieu d'une conjoncture énergétique très difficile. J'y ai fait allusion à plusieurs reprises. La politique du gouvernement, à laquelle nous souscrivons entièrement, de faire pénétrer le qaz naturel au Québec, est un objectif nécessaire pour le Québec et un objectif que nous devons atteindre.

On peut différer sur les objectifs à long terme qu'on s'est fixés, mais de toute façon, nous savons tous que compte tenu des pénuries de pétrole qui paraissent à l'horizon, nous devons faire en sorte que l'électricité, d'une part, avec le qaz naturel, d'autre part, puissent pénétrer au Québec.

Nous savons tous qu'il y a eu un délai d'un an dans la construction du qazoduc et que le conflit de travail auquel nous faisons allusion aujourd'hui pourrait retarder la construction du gazoduc pour une deuxième année. Plusieurs même ont fait allusion au fait que si la construction du gazoduc était retardée pour une seconde année, ce retard aurait des répercussions considérables. Je ne veux pas prendre position en ce qui concerne TransQuébec et Maritimes, je suis sûr qu'ils nous le feront savoir aujourd'hui même peut-être, mais il est certain que lors de la dernière commission parlementaire de l'énergie, les intervenants avaient fait état du fait qu'un retard dans la construction du gazoduc ne permettrait pas une pénétration souhaitée et que, de fait, la pénétration du gaz qui était tant souhaitée ne serait pas possible.

Bien sûr, des retards aussi considérables auraient lieu pour plusieurs compagnies, tant pour Gaz Métropolitain que pour Gaz Inter-Cité, en plus de TransQuébec et Maritimes. L'on sait déjà tous les programmes de transformation du pétrole vers le gaz qui ont été annoncés par Gaz Métropolitain et l'on sait également les investissements considérables qu'aura à faire Gaz Inter-Cité dans la région de Québec même et ailleurs dans la province. C'est la raison pour laquelle pour ma part, je suis extrêmement intéressé par le dossier.

Bien sûr, il s'agit d'un conflit de travail. Il s'agit d'un problème qui va affecter considérablement les données énergétiques du Québec et je dois déplorer aujourd'hui, alors qu'on décide d'un problème extrêmement important, l'absence du ministre de l'Énergie et des Ressources. Il m'aurait semblé qu'au moment même où nous discutons de l'avenir énergétique du Québec, le ministre aurait dû être présent justement pour discuter avec nous de ce genre de problèmes et pour nous donner certaines lumières dont nous aurions besoin pour connaître toute l'ampleur du problème.

J'oserais exprimer le voeu, en terminant, que s'il y a des représentants de TransQuébec et Maritimes ici dans la salle -et je crois qu'il doit y en avoir - l'on puisse les entendre pour qu'ils nous disent jusqu'à quel point le problème est critique, quelle est l'ampleur du problème et quel serait l'impact du retard de la construction s'il s'avérait qu'on ne puisse en arriver à une entente aujourd'hui et dans les jours qui viennent.

Là-dessus, M. le Président, j'ai terminé mes remarques et j'aimerais savoir du ministre s'il aurait objection, si les représentants de TransQuébec et Maritimes sont présents, à ce qu'ils nous expliquent les données du problème avant même que nous puissions commencer l'audition des différents intervenants.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Marois: M. le Président, c'est l'article 51 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction qui fixe le cadre très précis des délibérations des travaux d'une commission comme la nôtre. Cet article, - d'ailleurs, le député de Portneuf en citait de larges extraits tout à l'heure - je me permets de le rappeler: "Le gouvernement "peut aussi - et je cite - sur la recommandation du ministre, prolonger, abroger ou modifier le décret - puisqu'il s'aqit d'un conflit dans le domaine des relations du travail, dans ce secteur - sans le consentement de l'association d'employeurs - l'AECQ - ou des associations de salariés quand il est d'avis que dans l'intérêt public, cette solution est la seule qui puisse, etc., il ne peut toutefois modifier ainsi le décret, sans que ces associations ne soient invitées à être entendues devant la commission."

En d'autres termes, le cadre est quand même relativement précis. Je comprends qu'on pourrait ouvrir une discussion large qui pourrait sûrement être intéressante sur l'ensemble de la politique énerqétique, mais je pense que l'objectif premier des travaux de cette commission est d'entendre les parties les premières impliquées, directement intéressées, tel que précisé par la loi, sur les raisons, les motivations, les explications qui font que les parties n'ont pas pu s'entendre. À la lumière de ces témoiqnages, à la lumière des commentaires aussi, des questions posées par les parlementaires, nous aurons, normalement, un éclairage permettant par la suite au ministre du Travail de formuler des recommandations au Conseil des ministres.

(10 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, sur cette question, je conviens que, dans l'article 51 de la loi, la commission parlementaire est conviée à entendre de façon bien précise certains intervenants, dont l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, qui représente le monde patronal dans le domaine de la construction. Cependant, autant, par exemple, la FTQ-Construction serait habilitée à faire entendre un président de local ou un président de syndicat, autant l'AECQ est habilitée à faire entendre, si elle le veut bien, l'employeur membre de l'AECQ concerné par de tels travaux. Donc, je ne crois pas que la commission n'ait à déterminer si, oui ou non, elle peut légalement entendre une partie liée par la signature de l'AECQ au décret, mais, si l'AECQ veut, elle peut, selon moi, faire entendre un de ses membres, comme la FTQ-Construction ou le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) peut, lui aussi, faire entendre un de ses membres.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous autre chose à ajouter, M. le ministre?

M. Marois: Si je comprends le député de Portneuf, en d'autres termes - je ne veux pas mal l'interpréter - il nous dit qu'une des parties, au sens de l'article 51, peut faire entendre l'un ou l'autre de ses membres. Que je sache, TransQuébec et Maritimes n'est pas un des membres de l'AECQ.

M. Pagé: D'accord.

M. Marois: Ce n'est pas un employeur.

M. Pagé: Mais elle peut faire entendre...

M. Fortier: Question de règlement.

M. Marois: Elle pourrait faire entendre, si elle le jugeait pertinent, l'un ou l'autre des employeurs, mais TransQuébec et Maritimes n'est pas un employeur.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Question de règlement. J'aimerais, M. le Président, que vous nous éclairiez sur ce problème. Ma demande n'est pas pour provoquer un débat énergétique, mais pour comprendre d'une façon plus précise les données du problème sur le plan de la construction, à savoir s'il y a réellement urgence. J'aimerais savoir de votre part, M. le Président, si une commission parlementaire comme la nôtre peut, d'un commun accord, faire entendre une partie qui n'est pas désignée par la loi.

Le Président (M. Jolivet): Je ne veux pas entrer sur le fond du débat, parce que je pense que je n'ai pas à intervenir, comme président, sur le fond du débat, c'est aux députés membres de chaque côté de cette table de prendre la décision. La commission parlementaire doit, d'abord et avant tout, tenir pour acquis qu'elle est convoquée en vertu des règlements prévus et d'un ordre du leader de la Chambre à la suite d'une demande du ministre qui fut ensuite retransmise à tous les membres par le secrétaire des commissions. Cette commission parlementaire a les pouvoirs de déterminer, d'un commun accord - parce que vous demandez bien s'il y a un commun accord -si la commission pourrait, si elle le désirait... Mais, au départ, elle est obliqée de suivre l'ordre du jour qui lui a été donné, lequel a été établi par le secrétaire des commissions. S'il y avait consentement unanime de la part des membres de cette commission, il serait toujours possible d'entendre une autre partie, mais seulement s'il y a consentement.

D'abord et avant tout, je m'excuse auprès des gens qui sont dans cette salle, nous devions entendre cette commission au salon rouge, mais, à cause de travaux effectués au salon rouge et, en particulier, à la salle 91-A, des coupures de courant électrique ont empêché l'enregistrement des débats au salon rouge. C'est pourquoi nous siégeons plutôt dans cette salle.

M. Fortier: Est-ce que je peux demander au ministre s'il y a consentement?

M. Marois: M. le Président, si tous les parlementaires de cette commission jugent que c'est nécessaire et que ça peut apporter un éclairage, s'il y a consentement, je ne peux certainement pas m'opposer à cela. On n'est pas pour cela.

Le Président (M. Jolivet): La première association à être entendue, c'est l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Dans le cadre des discussions, nous devrions normalement terminer à 22 heures, ce soir, à moins de consentement pour dépasser 22 heures, si nécessaire. Les travaux, normalement, devront être suspendus vers 13 heures pour reprendre vers 15 heures.

De façon à avoir un cadre de travail, je suggérerais qu'on entende chacune des associations au moins selon le règlement, soit 20 minutes, car c'est un cas bien précis qui doit être discuté aujourd'hui, et qu'ensuite, chacun à la table ait à intervenir selon la formule habituelle: le ministre et ensuite les

membres de l'Opposition, et ensuite une alternance des membres de cette commission, en sachant qu'on a un cadre normal d'une heure pour chacune des associations. On verra, en cours de route, si on doit ajouter ou retrancher du temps.

Je demanderais à M. Chagnon de présenter les membres qui l'accompaqnent.

Représentations des parties

Association des entrepreneurs en construction du Québec

M. Chagnon (Claude): Bonjour, M. le Président. À ma gauche, Michel Dion; à droite, la partie syndicale - ils vont se présenter tout seuls - Jean-Pierre Langlois et Michel Thériault, premier vice-président.

J'écoute depuis environ une demi-heure les interventions des députés Pagé et Fortier et du ministre concernant la convention collective qui a été signée au mois de mai 1980. J'ai de la misère à comprendre, ce matin, qu'on dise qu'il n'y a pas eu entente entre la partie syndicale et la partie patronale. Je pense qu'on charrie un peu ce matin, il y a sûrement eu une négociation avec toutes les parties et il y a eu une convention collective signée en mai 1980. Depuis ce temps, il y avait une personne qui avait refusé de négocier durant les quatorze mois de négociation, c'est M. Roy qui a refusé de négocier tout le temps de la négociation.

Toutes les parties syndicales et toutes les parties patronales impliquées dans tous les secteurs ont siqné une convention collective avec des augmentations de salaire et des conditions pour tous les métiers. Si on regarde le cas plus particulier de ce matin, on parle toujours des soudeurs, mais on sait trop bien que ce ne sont pas seulement les soudeurs du pipe-line, ce sont tous les métiers du pipe-line. À la dernière convention collective, les soudeurs à haute pression - parce que cela a l'air d'être le plus gros problème dans la province de Québec; s'il y a problème, nous, on pense qu'il n'y a pas de problème au niveau des négociations, c'est plutôt au niveau de la formation - à la dernière négociation, ils ont eu des salaires de 14,07 $ l'heure au 1er mai 1980, plus 1 $ de rattrapage, soit 15 $ l'heure, pour 40 ou 45 heures et, après 45 heures, ces gens ont 29 $ l'heure à temps double.

La question qu'on se pose ce matin, c'est: Est-ce qu'on veut créer le bordel dans toute la construction? Si on regarde les plombiers, je pense que ces gars-là, aujourd'hui, avec les heures qu'ils vont faire, vont gagner environ 1000 $ par semaine. Je pense que le ministre l'a bien dit tout à l'heure, ces travaux sont urgents, il peut y avoir des retombées économiques au Québec.

Mais il y a une autre chose qu'il ne faut pas oublier, je pense qu'il y a d'autres secteurs qui marchent, par exemple la baie James, un gros projet que les Québécois ont bien à coeur, parce que cela appartient aux Québécois. Deuxièmement, on voudrait pouvoir régler les conventions collectives avec les Québécois, non pas avec les gens de l'Ouest, les qens de l'Ontario ou d'un peu partout. Je pense que la dernière négociation s'est bien faite, il y a eu un dialogue, cela a été long, les conventions collectives ont été bel et bien signées.

Si on regarde le "Pipeline Agreement", c'est guoi? Il y a à peu près trois mois, les gars voulaient avoir le "Pipeline Agreement". Si on avait réglé ça il y a trois mois, on serait encore en négociation aujourd'hui, parce qu'ils viennent de finir de négocier avec les tuyauteurs et ils sont en grève dans tout l'Ouest. Ils ne font pas de pipe-line, dans tout le Canada, au moment où se parle ce matin. Tout est bloqué.

On a entendu parler, on n'a réellement pas eu de négociation depuis la dernière au mois de mai, où tous les métiers avaient négocié. Ces gens-là nous ont toujours dit: On ira néqocier avec le gouvernement, on va avoir beaucoup plus qu'avec vous autres. Même si M. Roy a refusé de néqocier à la dernière négociation, ces gens ont eu des augmentations de salaire supérieures aux autres. Je pense que, si on reqardait, tout le monde ensemble, le vrai problème, celui des soudeurs à haute pression... C'est facile à comprendre, il y en a environ 60 au Québec, ce qu'on appelle des soudeurs de pipe-line. Mais il ne faudrait pas trop charrier, parce que les soudeurs à haute pression, dans le Québec, en dehors de la distribution, il y en a environ 2000. Ces gars-là ont la porte un peu fermée avec le règlement de placement dans la construction.

On s'est fait dire, pendant un an, gu'on avait fait un effort surhumain pour former ces qars-là; l'hiver passé, il y en a 19 gui ont été formés. Si on regarde l'année qui s'en vient, cet été et l'été prochain, avec le pipe-line, ca va prendre environ 150 soudeurs sur le tuyau principal, plus toute la distribution à Montréal. On a eu des pressions de part et d'autre. Je pense que c'est un marché fermé jusqu'à maintenant, où on devrait penser aux Québécois, ouvrir la porte et former des soudeurs. Former un soudeur dans la construction, cela prend environ trois semaines, si vous prenez un soudeur qui soude soit dans des usines nucléaires, des usines thermiques ou des usines hydrauliques. Je dis, ce matin, que si on ouvre la question pécuniaire concernant les soudeurs, parce qu'on parle toujours de soudeurs - c'est 50 gars à travers le Québec - et qu'on se fait toujours dire qu'on n'a pas négocié la convention collective, c'est complètement faux, cela a été négocié. Si,

ce matin, on ouvre la question de donner des augmentations supérieures soit à 15 $ ou à 16 $ en temps supplémentaire à 30 $, qu'est-ce qui va arriver des projets de la baie James, qu'est-ce qui va arriver des usines de pétrole à Montréal, des usines nucléaires s'il s'en est construit, etc.?

On a reçu des pressions dans les derniers mois - on a rencontré le ministre et on a expliqué notre position très clairement là-dessus - concernant les ingénieurs-conseils; ces gars nous envoient des lettres en disant: On devrait négocier le pipe-line. On a reçu SNC, Lavalin et d'autres firmes d'ingénieurs-conseils qui attendent d'aller travailler avec des gens à cette conduite. Certaines entreprises de connivence avec certains syndicats - ce serait le temps que cela arrête, parce qu'on va créer un bordel dans la construction - où les mêmes soudeurs sont rendus aujourd'hui dans des ateliers des compagnies concernées et ces qars travaillent. On a essayé après les fêtes de régler tous les problèmes. On a convoqué les compagnies, mais certaines compagnies ne se sont pas présentées. La partie syndicale, on ne l'a pas tellement vue dans nos bureaux. M. le ministre a nommé un médiateur, M. Leboeuf. On l'a rencontré, on a expliqué notre position très clairement. On a même dit: En cours de route, il y a des choses qu'on pourrait céder parce qu'il y avait eu -on n'appelera pas cela des erreurs - certains échanges quand tu signes une convention collective. On a dit: Nous ne sommes pas pris dans la glace entre 45 heures et 40 heures. Cela veut dire gue le temps supplémentaire va partir à 40 heures au lieu de 45 heures. Là-dessus, on est prêt à regarder.

La question des vacances dont on a entendu parler durant les deux semaines de la construction, pour autant que je suis concerné, c'est très clair, c'est dans le décret. On n'a pas d'objection du tout, c'est déjà dans le décret. Je dis: On est dans le Québec, on devrait être capable de construire le pipe-line dans le Québec, on devrait penser aux Québécois. On ne devrait pas aller copier ce qui se passe en Ontario, à Calgary, au Manitoba, à Halifax ou au Nouveau-Brunswick. C'est un peu la même chose, sans cela, on va rouvrir toutes les conventions collectives, parce gue les conventions collectives au Canada ne se négocient pas toutes à la même date, à la même heure. Je pense gue si ces gars n'avaient pas négocié à la dernière négociation, on aurait peut-être raison d'être ici. Le résultat de cela: Est-ce qu'on veut copier toutes les conventions collectives qu'il y a à travers le Canada? Est-ce cela qu'on veut faire ou si on veut régler des conventions collectives pour les Québécois et les Québécoises et faire le travail au Québec?

Je pensais que, depuis quelques années, on avait réellement pris nos affaires en main. Je m'aperçois qu'on est en train de les échapper encore une fois. Je pense que ces gars sont bien payés. Les négociations vont repartir au mois de janvier cette année pour une prochaine convention collective. Si à chaque fois qu'il y a un problème... je vous garantis gue si demain matin, on ouvre la convention collective, on va avoir d'autres problèmes dans d'autres domaines. On parle de retombées économiques. Si on augmente les salaires demain matin de 4 $ à tout le monde, il y a 100 000 travailleurs dans la construction, on va les augmenter de 400 000 000 $ par année. Quelle est la retombée économique?

Deuxièmement, il y a 15 000 entrepreneurs en construction, et il y a tous les secteurs. Si, réellement, on veut à chaque fois créer le bordel total dans la construction, on va revivre les années 1963 à 1975 dans la construction. À chaque fois gue quelgu'un va vouloir ouvrir la convention collective, on va convoquer une commission parlementaire, on va nommer un médiateur. Je pense qu'on doit former les soudeurs. Si demain matin, on formait environ 200 soudeurs, qu'on payait pour les former, pas former 15 soudeurs, cela ne donne absolument rien, parce que dans deux ou trois mois, on va avoir le même problème sur la table. Je demande au ministre de reqarder la chose de très près, parce qu'on représente tous les entrepreneurs et tous les secteurs. Ces gars ont eu des augmentations dans la dernière convention d'au-dessus de 700 000 000 $, pas seulement les soudeurs, mais tous les métiers. Les augmentations des soudeurs, depuis 1977, s'élèvent à 45%. Qu'est-ce qu'on veut leur donner? 15 $, ils ne veulent pas travailler? À 20 $, est-ce qu'ils vont vouloir travailler? fil heures)

L'année prochaine, quand on va négocier, si ces qars ont fait une grève cette année pour 15 $ et pour 30 $, vont-ils en faire une l'année prochaine? Le pine-line ne continuera pas l'année prochaine. Je demande à la partie syndicale, ce matin, et à tous les travailleurs qui sont ici de comprendre qu'on vit dans le Québec. Deuxièmement, si ces gars étaient mal payés, on serait d'accord pour rouvrir la négociation, si on avait fait une erreur, et réellement négocier. J'ai assisté à plus de 125 réunions lors de la négociation de la dernière convention collective. Je pense qu'il y a eu de la négociation de bonne foi de part et d'autre, de la partie syndicale comme de la partie patronale. Le gouvernement, du temps du ministre Johnson, nous avait demandé de régler une conventive non pas dans les toilettes, non pas dans les commissions parlementaires, non pas dans les corridors, mais face à face. La convention collective a

été réglée. Je me demande si on ne pense pas à donner du travail ce matin à ceux qui veulent en faire tout de suite, à certaines compagnies ou à certains syndicats. Je pense qu'il faut réellement l'admettre.

On avait cinq centrales syndicales dans la construction; aujourd'hui, avec la loi 109, cela a permis d'en avoir une sixième. Ce sont des gens avec qui je m'adonne très bien, mais il y a certaines chicanes à l'intérieur de certaines centrales syndicales à la suite de la loi 109. À la FTQ-Construction, au conseil provincial, il y a un peu de chicane ce matin. Mais on ne réglera pas ces problèmes en donnant, chaque fois, à quinze gars dans la construction, quand il y en a exactement 95 000, 3 $, parce que qu'est-ce qu'on pense des autres travailleurs? Comme centrale syndicale, je leur pose la question ce matin. Pourquoi un qars aurait le droit de gagner 1500 $ par semaine et l'autre, dans l'autre secteur, aurait le droit de gagner 300 $, 400 $ ou 500 $ par semaine? C'est sûr que, si les gars veulent prendre le taux de l'Ouest, gu'ils s'en retournent rester dans l'Ouest où les logements se louent 800 $ et 900 $ par mois. Au Québec, on n'en est pas encore rendus là. Peut-être gue dans les mois ou les années qui vont suivre, de la façon dont on va ce matin, on va en être rendus là.

M. le Président, je demande ce matin au ministre et à l'Opposition, M. Pagé et M. Fortier... Je vous écoutais tout à l'heure dire que les négociations n'avaient pas été faites ou qu'elles n'avaient pas été complétées. Je pense gue vous devriez vous renseigner, elles ont été complètement terminées et elles ont été toutes bel et bien siqnées, excepté pour un individu gui n'a pas signé, M. Roy, parce qu'il n'est jamais venu négocier. On ne peut pas dire qu'il n'est pas venu. Le lendemain qu'on a signé la convention collective, il a rebondi avec des demandes et il a dit: Je serais prêt à négocier. Tout le monde avait signé. N'oubliez pas gue les plombiers ont eu 1 $ de plus de l'heure gue tous les autres travailleurs dans la construction. Il serait important ce matin de respecter les conventions collectives, parce que, tout à l'heure, si tout le monde rouvre des conventions collectives, ce sera pareil dans la fonction publigue, ce sera pareil dans toutes les entreprises. Si les gars ne respectent pas leur signature, ne respectent pas les conventions collectives six mois avant qu'elles se terminent, où s'en va-t-on? Vous nous demandez de faire un job. On passe pour des malcommodes, on passe pour des gars gui sont contre les travailleurs. Je pense - cela a peut-être déjà été vrai -qu'aujourd'hui les travailleurs ont le droit à des augmentations de salaire, mais pas tous les six mois au détriment des autres travailleurs dans la société. C'est là-dessus que je termine et je voudrais, M. le Président, M. le ministre, M. Paqé et M. Fortier, que vous regardiez réellement ce cas de très près afin d'être capables de négocier la prochaine convention collective avec mes amis de la partie syndicale, d'avoir une bonne négociation.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais poser quelques questions à M. Chagnon. Je vais défiler ma liste de questions. M. Chagnon va sûrement en prendre note et me donner les réponses par la suite. D'une part, vous avez, au tout début de votre exposé, relevé le fait qu'il avait été souvent fait mention dans nos exposés des soudeurs, mais vous avez dit que cela n'impliquait pas que les soudeurs, qu'il y en avait d'autres. Est-ce que, par là, vous voulez dire, très précisément et très concrètement, pour qu'on voit bien ce que cela implique, du moins de votre point de vue, qu'en plus des soudeurs cela impliquerait des opérateurs et des manoeuvres? C'est ma première question.

Ma deuxième question, je voudrais la précéder d'une remarque. Vous avez insisté à quelques reprises dans votre exposé sur le fait que tout avait été négocié, que tout avait été conclu. Pourtant, n'est-il pas exact que, dans son rapport, le médiateur lui-même, M. Leboeuf, au moment où se terminaient les travaux sur la convention collective, disait et invitait les parties à poursuivre et à terminer la négociation sur toute cette question qui concerne le gazoduc? En d'autres termes si on se rappelle ces mots du rapport du médiateur, il fallait attendre qu'il restait à tout le moins un certain nombre de points qui étaient restés en plan. Est-ce que ce n'est pas exact?

Partant de là, j'ai une deuxième question. Vous avez vous-même dit: Nous avons poursuivi des échanges. Je comprends que, dans le jargon, il y a des consensus qui se signent en cours de route. N'est-il pas exact qu'un consensus a été siqné ultérieurement par les représentants des opérateurs, par les représentants des manoeuvres. Consensus qui n'a pas été siqné par le représentant des soudeurs, M. Roy. Et si cela est exact, n'est-il pas exact aussi, et est-ce que c'est bien ce que vous voulez dire, guand vous mentionnez le fait gue - je reprends votre expression - vous n'êtes pas pris dans la glace, dans les échanges autour de ce consensus et, par la suite, dans les échanges lors de l'opération extraordinaire de médiation gui s'est poursuivie, si ma mémoire est bonne, jusque dans le courant de la journée de jeudi dernier. N'est-il pas exact, partant de là, que vous seriez d'accord puisqu'il semble bien - vous me

corrigerez si je fais erreur - que vous souscriviez comme partie patronale à ces éléments contenus dans ces échanges? C'est-à-dire, très précisément, que vous seriez prêts à accepter, premièrement, que le paragraphe 7b de l'article 21.03 du décret soit modifié pour que la semaine normale de travail ne soit plus de 45 heures, neuf heures par jour, mais de 40 heures, du lundi au vendredi, avec une limite quotidienne de huit heures d'une part?

Deuxièmement, dans le même consensus vous seriez prêts à accepter que l'article 22.03, paragraphe la, soit modifié, pour que, passé ce laps de 40 heures, les parties soient payées temps double pour toutes les heures supplémentaires alors que le décret prévoit, présentement que, pour la première heure, les parties seraient payées temps et demi? Est-ce que, reprenant toujours votre expression que vous n'êtes pas pris dans la glace, cela voudrait dire aussi, vous l'avez évoqué dans votre exposé, que vous seriez d'accord pour accepter que l'article 20.01 paragraphe 2a, étant applicable pour les travaux sur la distribution seulement, les vacances puissent se prendre pendant les vacances régulières de la contruction, c'est-à-dire pendant ces fameux quinze jours?

L'autre question est la suivante: Vous avez dit, je ne me souviens pas des mots exacts que vous avez utilisés, qu'un des problèmes était le règlement de placement de la construction parce que le marché du travail et de l'emploi se trouvait fermé pour les gens de l'extérieur. D'autre part, vous avez aussi ajouté que cela prend environ trois semaines pour former un soudeur, à ce type de soudure plus spécialisée, ce que l'on appelle la première passe, la deuxième passe. Mais pourquoi, alors, irait-on chercher à l'extérieur du Québec des travailleurs, alors que vous mentionnez justement que cela prend une période de trois semaines pour former des soudeurs québécois, à ce type de soudure plus spécialisé, et que vous avez également évoqué le fait qu'il y a des soudeurs au Ouébec qui pourraient facilement, comme cela a déjà été fait dans un premier temps, participer à des programmes accélérés de formation, permettant de faire en sorte que ces emplois restent entre les mains de travailleurs québécois?

Une autre question que je voudrais vous poser. Vous avez fait mention de ce qu'on appelle le "National Agreement" sur le pipeline. On sait fort bien que le régime même de négociation dans le domaine des relations du travail dans le secteur de la construction en dehors du Québec est bien différent de celui gui prévaut au Québec. Cela ne se passe pas dans le cadre d'un décret, d'une part, où tous les corps de métiers sont regroupés, la partie patronale étant représentée tel que prévu par notre loi au

Québec et, bien sûr, des ententes particulières peuvent constamment intervenir notamment, c'est le cas du "National Agreement", à moins que je ne sois mal informé - des employeurs directement. Donc, si on transpose au Québec, des gens qui reçoivent des contrats, des entrepreneurs qui reçoivent des contrats par exemple de Trans Québec & Maritimes, si on retenait la philosophie du "National Agreement", si c'était directement transposé dans le reste du Canada, peuvent négocier directement avec les syndicats, ce qui n'est pas du tout l'économie générale de nos relations ici.

Mais, néanmoins, vous avez évoqué le fait qu'il y aurait présentement une entente convenue, à tout le moins sur les traitements - à moins que je ne m'abuse, peut-être sur d'autres éléments aussi - dans le cadre du renouvellement, en dehors du Québec, du "National Agreement".

Pourriez-vous nous expliguer en quoi, quand on compare les soudeurs québécois, ils y perdent ou n'y perdent pas, quand on compare les deux situations qui prévalent présentement? C'est ma dernière question pour l'instant.

Le Président (M. Jolivet): M. Chagnon.

M. Chagnon: M. le Président, pour répondre à votre première question, si on reqarde la rencontre qu'on a eue avec M. Désilets samedi dernier à Montréal, je pense qu'à un moment donné, on a eu des demandes officielles écrites, où cela regarde les opérateurs, cela regarde les journaliers, cela regarde tout le monde travaillant au pipe-line. La question du soudeur, déjà là, elle disparaît. On a parlé de soudeurs depuis le mois de mai 1980. Mais là, c'est fini. C'est tout le monde.

Le gars veut avoir 350 $ de pension par semaine...

M. Marois: M. Chagnon, je m'excuse de vous interrompre. Quand vous dites que cela comprend tout le monde, est-il exact que cela siqnifie, quand vous dites tout le monde, que cela comprend les soudeurs, les manoeuvres et les opérateurs?

M. Chagnon: Oui. Si on regarde un peu le pipe-line, je pense qu'il va falloir faire un autre tour d'horizon pendant deux minutes. Dans la question du pipe-line, j'ai dit, et je le répète, avec tous les métiers, à la dernière convention collective, il en a été question.

Deuxièmement, ces gars-là ont tous eu des augmentations de salaires et des conditions semblables à celles qui existent et, ailleurs, dans certains métiers, supérieures. Dans la question du pipe-line, ils n'ont pas été négligés parce qu'on construit un pipe-line au Québec.

Concernant la formation, je pense que la formation, d'après TransQuébec Pipiline, d'après Marine Industrie, d'après d'autres compagnies qui en ont formés, dont Universal Pipeline - j'ai rencontré ces gens là hier matin - les soudeurs à qui on ouvre la porte, les soudeurs à haute pression, mais avec certaines qualifications pour souder dans un pipe-line, cela prend de trois à quatre semaines.

Il est clair que, pour les premières semaines, ces gars-là ne feront peut-être pas 60 pieds de soudure par jour, mais ils vont peut-être en faire 30 ou 35 pieds. Mais je pense que, si on veut avoir 80 pieds de soudure la première journée, c'est clair qu'on va aller chercher des gars de l'Ouest pour venir ici.

Je pense que c'est un peu comme la crise du pétrole il y a deux ans. Il y a une crise du pétrole, toutes les stations ferment et, après que le prix a augmenté de 0,50 $, il n'y a plus de rareté.

C'est un peu pareil. Il y en a 2000 au Québec. Comment ont-ils pu construire des coques de bateaux? Comment avez-vous pu construire des usines nucléaires? Comment avez-vous pu construire des centrales à la baie James, où ce sont des soudeurs à haute pression?

J'avais rencontré, chez TransQuébec Pipeline, le président, M. Archambault, avec Réal Mireault, que tout le monde connaît, en disant: II n'existe pas de machines pour souder du tuyau. On m'a répondu: C'est malheureux, les gars, mais il en existe. Cela soude à la baie James. Je vous invite, venez voir. Cela se fait ailleurs. Deux semaines après, ils ont dit: Oui, cela pourrait peut-être aider, cela serait moins dur pour les travailleurs, etc. Ils ont dit; Peut-être que les travailleurs ne voudront pas de ces machines.

Tu essaies de régler le problème de tous bords et de tous côtés et tu ne peux pas régler le problème. Je pense que, tant et aussi longtemps qu'il y aura 60 soudeurs dans la province de Québec...On parle déjà de construire un pipeline de 1 500 000 000 $, on parle déjà d'investir dans la distribution 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $, on parle de retombées économiques, mais on ne veut pas former de soudeurs.

Je pense que, depuis six mois, depuis un an, on dit au ministère, on dit à tout le monde: Formez des soudeurs, vous allez avoir un problème tout à l'heure. On le savait, à la dernière négociation, qu'il y aurait un problème, M. le ministre. On a dit aux gars: Formez des soudeurs.

Vous me parliez d'une autre chose tout à l'heure. Est-il vrai qu'on devait, avec certaines feuilles qui avaient été signées, régler différentes choses? (11 h 15)

Le rapport de M. Leboeuf, le conciliateur, est arrivé environ le 1er mai et la convention collective s'est signée aux environs de la fin de mai. Il y avait pour les parties deux ou trois semaines pour venir signer les ententes, mais ces gars-là, c'était entre 45 et 40 heures. J'ai dit tout à l'heure que ce n'était pas pris dans la glace. C'est vrai. Ces gens auraient pu venir signer dans le temps. Ils ne sont jamais venus. Ils sont venus le lendemain de la signature de la convention collective.

Ces qens-là, dans la distribution à Montréal, ont 40 heures et, dans le Maine, ils ont 45 heures. Je pense qu'on ne serait pas ici si la partie syndicale et tout le monde... Ce n'est pas là-dessus gu'on aurait "bucké" tout le système. On a toujours dit, M. le ministre, à vous-même: Sur ces points-là, il n'y a pas de problèmes, mais ces gens-là ne sont jamais venus, sauf après qu'on a signé la convention collective. Mais après qu'on a signé la convention collective, ça s'en va au gouvernement pour un décret. On a dit: Si vous avez des changements à faire dans ce domaine, on n'est pas contre, on est pour. Pourquoi aujourd'hui on ramène toujours ce point-là, soit la partie syndicale, soit la partie gouvernementale? On est prêt à le donner, mais ces gens, entre le 1er et le 20 mai, ne sont jamais venus signer. Demandez à M. Roy qui est ici. Ils n'ont pas voulu négocier. Ils ne se sont jamais présentés. Ne nous reprochez pas cela aujourd'hui, la partie patronale, mais entre les 40 et les 45 heures, M. le ministre, je le dis de nouveau: On est prêt. On a toujours été prêt et on est encore prêt.

M. Marois: Est-ce que je comprends bien, M. Chagnon - vous avez pris un des points que je mentionnais - que cela vaut aussi, ce que vous venez de dire là, pour les deux autres éléments que j'ai évoqués, le temps double après 40 heures?

M. Chagnon: C'est automatique. En partant de 40 heures, on est prêt pour le temps double.

M. Marois: Troisièmement, les vacances réqulières de la construction pour les qens qui sont dans la distribution?

M. Chagnon: On s'est parlé vendredi soir passé. J'étais d'accord avec cela et c'est en vue de faire un règlement final et global.

M. Marois: La dernière question que je vous avais posée était la suivante: Quelles étaient, d'après vous, les conséquences? Quand on reqarde l'évolution du "National Agreement", de votre point de vue, sur le plan financier, en particulier sur deux points, sur le plan du gîte et de la pension et sur le plan des salaires, en quoi les soudeurs du

Québec y perdraient ou y gagneraient?

M. Chagnon: Dans le cas de la pension, si vous regardez la convention collective, cela va jusqu'à 160 % par semaine, si vous regardez les gars qui sont en dehors de 120 kilomètres de leur résidence. Je pense que cela s'applique dans tout le secteur de la construction. Dans la question du "Pipeline Agreement", je ne le sais pas, parce que, franchement, ce n'est pas négocié, cette convention collective, et la seule chose que j'ai entendue, ce sont des montants ou ce sont des taux. C'est un point. Si ces gars-là dans le "pipeline" mangent beaucoup plus gue les autres, il faudrait peut-être le regarder, mais la dernière convention collective a été négociée avec la partie syndicale. Tout le monde était d'accord avec ces montants. Ce n'est pas là qu'il y a eu la plus grosse chicane, mais si les gars de "pipeline" mangent beaucoup plus, là, je ne le sais pas.

M. Marois: Sur les taux de salaires?

M. Chagnon: Sur les taux de salaires, si on reqarde, M. le ministre, à partir du 1er mai 1981, ils ont 14,07 $ l'heure plus 1 $ l'heure. Cela fait 15,07 $. Si on réglait le problème, ce serait à partir de 40 heures, le temps supplémentaire. C'est donc dire que, passé 40 heures, ces gars-là auraient 28 $ l'heure. Combien ils gagnent dans l'Ouest? On sait que l'Ouest, ce n'est pas le Québec. Il n'y a pas toutes les industries, dans l'Ouest, qu'il y a au Québec. Il y a beaucoup moins de gens. On n'est pas dans le même contexte. Comme je le disais tout à l'heure sur les retombées, les gens doivent payer des loyers de 700 $ ou 800 $ par mois. Au Québec, on n'est pas rendu à ce point-là, à part que, si on changeait tous les décrets pour que la construction fasse ça demain matin, monte droit au plafond, on pourrait s'en venir avec des loyers de 800 $ ou 900 $ par mois dans les semaines qui vont venir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président. M. Chagnon, merci de votre exposé.

Il y a certains éléments qui m'apparaissent contradictoires dans votre intervention, M. Chagnon. J'aimerais que vous éclairiez les membres de la commission. Vous dites que nous errons dans les faits lorsqu'on soutient ce que je reprenais dans le journal des Débats du 27 janvier, les paroles de M. Laurin, de la FTQ-Construction, qu'il n'y avait pas eu négociation et vous dites: II y a eu effectivement négociation. Il y a eu entente signée et, dans un deuxième temps, vous dites: M. Roy n'a participé à aucune séance de négociation et vous soutenez qu'il est arrivé le lendemain de la signature pour venir négocier. Vous semblez indiquer, comme on dit dans le jargon: C'est "just too bad", la néqociation est terminée, nous avons siqné avec les représentants syndicaux, le décret doit s'appliguer tel quel.

Dans un deuxième temps, vous faites part qu'il y a eu des rencontres depuis janvier. S'il y a eu des rencontres, ce n'est probablement pas seulement pour regarder vos beaux yeux, c'est probablement pour négocier.

Une voix: C'est encore curieux!

M. Pagé: Ah! c'est possible! Vous évoquez aujourd'hui des points en litige sur lesguels vous semblez manifester une certaine ouverture: la semaine de travail de 45 à 40 heures, le temps double pour les heures supplémentaires, etc. Deux questions, très brièvement.

M. Chagnon: Je pense que...

M. Pagé: Est-ce qu'il y a eu des négociations, oui ou non?

M. Chagnon: M. Pagé, si vous regardez le dossier - vous l'avez sûrement reqardé - il y a eu une négociation, sauf qu'un individu n'est pas venu, mais ça ne veut pas dire que les plombiers n'ont pas négocié. Je pense qu'il y a eu une négociation dans tous les métiers de la construction. Regardez le tas de feuilles gue cela représente, le document, vous allez vous apercevoir qu'il y a eu une négociation. Il y a certainement eu une négociation. La seule chose que je veux dire - je me répète - c'est que dans le cas de certaines ententes qui auraient été initialées, on ne cache pas que M. Leboeuf avait dit: La négociation pourrait se terminer concernant le pipe-line, donc, de 45 heures à 40 heures et ce montant, on dit qu'on est prêt à le régler depuis trois mois. Pour le reste, il y a eu une négociation. Regardez l'ancien décret, le nouveau décret, la nouvelle convention collective, il y a eu une négociation. Il ne faudrait pas essayer de nous faire dire qu'il n'y a pas eu de négociation, vous poserez la question à la partie syndicale tout à l'heure.

M. Pagé: Oui, on va la poser au conseil provincial qui était habilité à négocier le décret à ce moment-là, soyez sans crainte.

M. Chagnon: Je pense qu'à un moment donné, il faudrait arrêter de dire qu'il n'y a pas eu de négociation. On veut faire une deuxième néqociation, ça, c'est différent. Cela fait au moins trois mois. À la commission parlementaire du mois de janvier, on n'est pas venus ici, on n'avait absolument

rien à demander parce qu'elle n'avait pas été convoquée concernant le pipe-line.

M. Pagé: C'était sur le décret. M. Chagnon: Sur le décret.

M. Pagé: Vous dites qu'il y a eu négociation, mais vous indiquez quand même qu'il y a eu une ouverture après la signature du décret. La plus belle preuve, c'est que vous convenez que la semaine passe de 45 à 40 heures. Est-ce que ca s'inscrit dans le cadre d'une générosité?

M. Chagnon: M. Pagé...

M. Pagé: C'est ce que je veux vous demander. On va mettre les cartes sur table et, après cela, on va s'entendre.

M. Chagnon: M. le ministre a dit tout à l'heure qu'un médiateur avait été nommé, M. Leboeuf. M. Leboeuf a fait son rapport dans lequel il disait que, concernant le pipeline, certains éléments pourraient continuer d'être négociés. Entre la signature de la convention et le rapport de M. Leboeuf, ces gens ne sont pas venus négocier.

M. Pagé: La position finale de l'AECQ à l'égard de chacun des points, c'est quoi? Oui, M. Dion.

M. Dion (Michel): Je vais essayer de faire le tour du dossier. La négociation pour le pipe-line impliquait trois locaux, trois corps de métiers. Il y avait des opérateurs, des manoeuvres et des gens qui font de la soudure, donc les tuyauteurs du local 144. Durant toute la période de négociation - je suppose que les parties syndicales pourront déposer les documents pertinents - il y a eu des négociations avec le local 144; elles se sont poursuivies à un rythme peut-être différent d'autres tables, mais il y a eu des négociations. J'étais effectivement à cette table avec M. Locas, qui était le représentant du local 144. On peut vous dire les dates auxquelles on a eu des rencontres avec la partie syndicale, et cela s'est déroulé jusqu'au mois de décembre, aux alentours des fêtes. À un moment donné, on a été avisé que M. Locas avait été retiré du dossier pour des raisons qu'on ne connaît pas. À partir de là, il y a eu systématiquement une absence à la table de négociations de la part des représentants du local 144, et spécialement de M. Roy. À un moment donné, on s'est même fait dire qu'il était parti en vacances et on n'avait pas fini de néqocier. Effectivement, je peux déposer des dates auxquelles des rencontres étaient prévues pour le local 144 et où les qens du local 144 ne se sont pas présentés.

Pour les deux autres corps affectés concernant le pipe-line, il y a eu des discussions avec eux. On s'est retrouvé, à un moment donné, avec une proposition globale, que nous avons soumise à la partie syndicale, sur laquelle les deux autres, les opérateurs et les manoeuvres, nous ont dit: Nous, on est satisfaits, sauf deux changements qu'on vous propose. C'était de baisser la semaine de travail de 45 à 40 heures et de donner le temps double toujours, au lieu de la banque d'une heure par jour à temps et demi. Les deux corps de métiers, par leurs représentants, MM. Paré et Tousiqnant, ont signé un document qu'on a entre les mains et que votre médiateur a entre les mains. Eux considéraient qu'avec ces deux points, la négociation du pipe-line était complétée à l'égard de leur métier.

Par contre, M. Roy, qui représentait supposément le local 144 à ce moment-là, n'a jamais voulu signer le document, soit parce qu'il n'était pas capable de se faire donner un mandat, soit parce qu'il trouvait que c'était insuffisant, je n'en sais absolument rien. Il n'a jamais signé ce mandat. Lors des rencontres avec le conciliateur, quand il a rédigé son projet, j'ai fait part à M. Leboeuf de ce point que le local 144 n'était pas sur la feuille qui terminait la négociation du pipe-line.

Or, je crois comprendre que M. Leboeuf, à ce moment-là, considérait que ce point était à terminer avec les gens du pipeline, effectivement avec les gens du local 144, en vue de conclure l'entente sur le pipe-line. Dans son rapport, si on retrouve une allusion au local 144 et au pipe-line, on peut présumer, de notre côté, et je pense qu'on le présumait de bonne foi, que c'était en vue de règler ces deux points et que ca complétait l'entente. Je dois vous dire que des négociations avec le local 144, il y en a tellement eu qu'on n'a pas en main un beau document préparé par M. Roy avec sa photo dedans, qui donne le rapport final des négociations pour le local 144. Il y a sûrement eu des négociations pour le local 144, parce qu'il a fait faire un beau rapport final disant: Les gars, vous avez qaqné ca, on a fait ci, on a fait ca, je ne sais pas comment on peut dire qu'il a fait ci, qu'il a fait ca, mais, en tout cas, il y a eu un beau rapport dans ce sens. Il a été envoyé à tous ces travailleurs. Ce document est sûrement entre les mains de la partie syndicale à l'heure actuelle, nous, on ne l'a pas, mais j'ai vu le document.

Effectivement, quand le conciliateur, au mois de mai, a donné son rapport disant qu'il fallait en finir avec le pipe-line, avec le local 144, on a eu des communications, c'est important que vous le sachiez, mais pas seulement avec les gars du pipe-line. On a rencontré M. Paré pour finir des choses sur les opérateurs, des ajustements qui étaient plus ou moins confus dans le rapport du

conciliateur. On a vu les électriciens, avec qui on a fini des choses durant cette période; on a vu les carreleurs, avec qui on a fini des choses et, durant cette période, je veux dire le mois de mai, jusqu'à la siqnature. On a vu le représentant des carreleurs, avec qui on a complété des choses; les menuisiers aussi. C'est à la suite du rapport du conciliateur et des ajustements qu'on a faits pour finir notre convention. Le seul gars qu'on n'a pas vu, qui n'est pas venu nous parler, c'est M. Roy. On a reçu une lettre, dont j'ai copie ici actuellement -l'original est dans notre chambre-forte au bureau - datée du 26 mai ou du 27 mai, donc le lendemain de la siqnature de notre convention avec la partie syndicale; on l'a reçue à l'AEC le 2 juin. M. Roy était alors prêt à négocier. Tout est siqné, il est prêt à négocier.

À partir dee là, dans la demande de M. Roy, vous pourrez regarder à loisir le document, il n'y a rien de demandé, pas de conditions de demandées pour le "main". Il y a des conditions pour certains dirigeants syndicaux, si ce n'est pas le congé de leurs fêtes ou quelque chose comme ça, mais il n'y a rien d'autre de demandé pour les gars du "main". Ce qu'il y a de demandé, ce sont des taux de salaire pour la distribution, à peu près 15 % l'heure, l'équivalent de ce qu'on a ou à peu près.

Il y a, en plus de ça, des choses qui sont demandées, qui sont déjà dans notre proposition globale, parce que, si vous reqardez la proposition globale - on peut vous déposer un document, M. le ministre l'a - on a donné énormément de choses dans le décret pour les gens du pipe-line et, toutes ces clauses, on les a résumées dans les documents que M. le ministre a entre les mains.

Donc, ces qens ont été traités, dans notre offre, avec des conditions presque équivalentes, sinon supérieures, à bien d'autres travailleurs de la construction, mais, le 2 juin, quand on reçoit un document, que tout est signé, les qens nous demandent de rouvrir, le dossier même pas en parlant du "main", mais en nous parlant de la distribution à ce moment. On se retrouve aujourd'hui devant votre commission pour essayer de négocier le "main".

M. Pagé: M. Dion, pourriez-vous nous faire parvenir le document?

M. Dion: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Dion: En passant, M. Paqé, ce sont de vrais documents, réellement siqnés par les parties, ce ne sont pas de faux documents.

M. Pagé: II y a eu parfois des problèmes d'identification des documents.

M. Dion: II y a eu de maudits problèmes avec ça.

M. Pagé: M. Fortier.

M. Fortier: M. Chagnon, pourriez-vous préciser l'étendue du problème? Bien sûr, on parle du gazoduc, du pipe-line, mais si je comprends bien, le problème s'étend également à la construction de lignes secondaires ou à l'extension de lignes que Gaz Métropolitain avait en vue pour cet été. Ce n'est Das seulement le pipe-line comme tel, ça s'applique à d'autres projets secondaires également.

M. Chagnon: II y a deux choses, il y a le "main" TransQuébec Pipeline et la distribution à Montréal, c'est-à-dire Gaz Métropolitain. Je pense que ces gens, depuis le 31 décembre 1980, ne sont pas rentrés au travail. C'est donc dire qu'il semblerait que la distribution à Montréal soit arrêtée et, deuxièmement, le "main" ne fonctionne pas, jusqu'à maintenant.

M. Fortier: Le problème est le même dans les deux cas?

M. Chagnon: Dans les deux cas.

M. Fortier: Pourriez-vous nous confirmer si le point de vue ou les compromis auxquels vous avez fait allusion, à cause du travail du conciliateur, représentent l'opinion de votre association? Est-ce que ça représente également le point de vue des entrepreneurs qui ont des contrats pour le gazoduc? (11 h 30)

M. Chagnon: Dans le cas des entrepreneurs, je ne vois pas. On représente tous les entrepreneurs au Québec, M. Fortier. Si on prend des entrepreneurs individuels, si on regarde les cas, il est clair que les entrepreneurs en question à Montréal, que vous ne nommez pas, mais vous pensez, que certains entrepreneurs donnaient plus cher que le décret qui allait jusqu'au 31 décembre. Ces qens sont venus nous le dire devant le conseil d'administration. Ils sont venus nous dire aussi: On fait cela pour faire rouvrir la convention pour mettre cela dedans. Je pense que nous ne sommes pas une station de pompiers. Si ces gars veulent payer 5 $ ou 3 $ ou payer trois heures par jour ou donner 1,50 $ l'heure... Ce n'est pas le problème de toute l'entreprise au Québec. Il y a 15 000 entrepreneurs. La partie syndicale ou la partie patronale, ces gens doivent se tenir, faire respecter les conventions collectives et respecter un peu ce qui est signé entre les parties. On s'en va

dans un bordel total dans ces conditions.

M. Fortier: En ce qui concerne la formation des soudeurs, j'aimerais que vous confirmiez qui a la responsabilité de la formation des soudeurs et quelle est l'importance du problème. Combien de soudeurs, cette année, seraient impliqués dans la construction du gazoduc ou pour les extensions de Gaz Métropolitain? De quel nombre parle-t-on? Combien y a-t-il de soudeurs qui pourraient être qualifiés au Québec, d'après vous?

M. Chaqnon: Je ne travaille pas pour TransQuébec Pipeline, mais, selon la rencontre qu'on a eue avec M. Archambault, le vice-président, ils disent la même chose. Cette année, c'est environ 50 soudeurs, Deux-Montagnes, Boisbriand, etc. C'est environ 40 kilomètres de pipe-line qui va se construire. Dans la distribution à Montréal, c'est peut-être 40 ou 50 soudeurs. Cela veut donc dire que, si demain matin, on sort d'ici avec des augmentations qui n'ont pas d'allure par rapport à celles d'autres travailleurs de la construction et qu'on a le même problème deux semaines après... La formation concernant les soudeurs, normalement, ça relève du ministère de l'Éducation et du ministère du Travail.

Deuxièmement, je dis et je répète ici devant la commission qu'il est très clair qu'on doit former des soudeurs, parce qu'on va se réveiller avec le même problème dans trois semaines ou un mois, ou deux mois. Ces soudeurs, il y en a environ 2000 qui travaillent au Québec, il y en a d'autres dans la construction qui ne sont peut-être pas qualifiés, dans le sens du mot, pour les pipe-lines. C'est curieux, depuis six mois, cela prend quasiment un docteur en soudure pour souder un pipe-line. Qu'est-ce qui arrivait en 1948 quand le pipe-line se faisait et qu'il s'en' venait à Montréal? On l'a fait nous autres mêmes. Les gars, quand il y a des soudeurs à haute pression, c'est important, c'est un métier très important, ce sont des gars qualifiés, des gars compétents. Vous avez des gars très compétents ici dans la salle. C'est clair que ces gars qui soudent dans le "main" depuis longtemps produisent beaucoup mieux, ce sont des soudeurs de haute classe. Il y a d'autres soudeurs de haute classe dans le Québec; si on pouvait leur faire suivre des cours, ils pourraient collaborer avec ces soudeurs. Il ne s'agit pas de faire perdre de jobs à des soudeurs, il s'agit d'en avoir au cas où d'autres gars tomberaient malades, au cas où il y aurait une expansion dans la distribution à Montréal ou dans d'autres villes, etc. Je pense que ce serait commode d'en avoir quelques-uns sur la tablette.

M. Fortier: N'est-il pas vrai que, depuis 1948, les exiqences quant à la qualité de la soudure, pour protéger le public, ont augmenté considérablement? J'imaqine que c'est un peu une des raisons pour lesquelles on est plus exiqeant sur la qualité des soudeurs.

M. Chagnon: M. Fortier, comme ingénieur, si, depuis 1948, le tuyau ne coule pas, on va faire un bon bout avec Gaz Métropolitain.

M. Dion: M. Fortier, en passant, peut-être qu'on peut ajouter ceci. Il n'est pas question de mettre en doute la compétence, la qualité des gens qu'on a actuellement au Québec. Notre problème, c'est de dire ceci: Si, actuellement, cela en prend 50 pour faire le pipe-line pour cet été, pour traverser le lac des Deux-Montaqnes et se rendre à Boisbriand, l'année prochaine, cela va en prendre 150 ou 200. Qu'on mette les taux de salaire qu'on voudra dans le décret, cela ne forme pas des soudeurs. L'impact qu'on va avoir la prochaine fois, c'est d'aller chercher 100 ou 125 bonshommes en dehors du Québec, alors qu'au Québec, on est bourré de chômeurs dans l'industrie de la construction. C'est absurde. On ne vous dit pas que c'est le remède à tous les maux du pipe-line au Québec, mais, depuis six mois, on demande qu'on forme des soudeurs, qu'on crée un bassin de soudeurs pour que les gars du Québec fassent le pipe-line du Québec. En partant de là, quand vous avez un volume normal de main-d'oeuvre, c'est évident qu'on peut néqocier les conditions de travail sur une base beaucoup plus intelligente. C'est sûr et certain gue, si je n'avais qu'un gars capable de faire un pont au Québec, je paierais des taux de salaire épouvantables. Si j'ai 5000 gars pour travailler sur les ponts, je vais peut-être me réveiller avec des taux de salaire normaux. Je pense que ces gens ont le droit à un salaire normal, mais on parle de chiffres comme 1000 $ par semaine. Je n'ai rien contre les gens qui gagnent 1000 $ par semaine, mais entre 1000 $ et 1500 $, si cela réglait le problème encore! Cela ne règle pas le problème, il va manquer encore 150 soudeurs l'année prochaine. On va négocier le décret de la construction et on va peut-être se retrouver en grève l'année prochaine et encore le pipe-line arrêté. La commission parlementaire aura réglé quoi au Québec? Cette année, on peut temporairement régler, qarder nos chômeurs en chômage - c'est le fédéral qui paie, c'est le "fun" - et continuer à faire le pipe-line avec les qars de l'Ontario, mais, l'année prochaine, on va renégocier ce décret et on va tomber à nouveau possiblement en grève. On a un paquet de risques de se retrouver en grève, encore avec un pipe-line arrêté et l'état d'urgence au Québec. Je ne sais pas comment on va régler le problème. On peut

en mettre des 20 % et 25 $ dans le décret, mais cela ne nous donne pas des soudeurs et cela ne nous donne pas la garantie que, l'année prochaine, le pipe-line va continuer.

M. Fortier: Mais qu'est-ce qui empêche les soudeurs de devenir qualifiés en plus de leur formation? Le rèqlement de placement est-il un inconvénient majeur?

M. Dion: Si le décret actuellement n'est pas un obstacle majeur à réqler le problème du pipe-line et si on est capable, aujourd'hui, avec une trentaine de bonshommes, de forcer tout le domaine des relations du travail à se retrouver dans la dèche, parce qu'on est en train de mettre le système sur le derrière en faisant une chose comme cela - excusez les mots - mais si on est capable de faire cela avec le décret, il n'y a rien qui empêchera de le faire avec le rèqlement de placement. Je n'apprendrai rien à la commission en disant que le rèqlement de placement vient de perdre une jolie belle cause, parce qu'il a été déclaré par un juge, en Cour supérieure, que tous les qars qui détiennent une carte de compétence antérieure au rèqlement de placement ne peuvent pas subir de limitation par un rèqlement de placement. Or, le rèqlement de placement ne va pas bien loin et ne tiendra pas plus que le décret signé à l'heure actuelle. Pour nous autres, le rèqlement de placement, ce n'est pas un problème, en tout cas, je pense que pour eux autres, cela n'en sera sûrement pas un.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je remercie les gens qui sont venus dire leur point de vue à la commission. Je leur demande à nouveau, compte tenu des autres à venir, de rester quand même disponibles au cas où la commission aurait besoin de les entendre à nouveau. Je fais appel à la FTQ-Construction, représentée par M. Jean Lavallée.

Pendant que les qens s'installent, je voudrais signaler, pour les besoins de la commission, la présence de M. Vallières, de Richmond, qui, compte tenu des décisions déjà prises, remplacerait M. Hains, de Saint-Henri, comme intervenant.

M. Lavallée, voulez-vous présenter les membres qui vous accompaqnent?

FTQ-Construction

M. Lavallée (Jean): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de cette commission, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent, en commençant, à mon extrême qauche, par M. Robert Roy, du local 144; M. Yves Paré, du local 791, des opérateurs de machineries lourdes; M. Norman Tousiqnant, du local 62; ainsi qu'à mon extrême droite, notre conseiller judirique, Me Robert Laurin, qui s'occupe du dossier.

C'est avec plaisir que nous nous présentons devant cette commission pour essayer d'expliquer ce qui s'est passé exactement en ce qui concerne les néqociations du pipe-line, mais non pas uniquement du pipe-line, qui reqroupent aussi les travailleurs autres que des soudeurs, soit les opérateurs et les manoeuvres. On parle de soudeurs, mais n'étant pas nécessairement des spécialistes du pipe-line, il y a aussi les "spacers". Ce ne sont pas uniquement les soudeurs, les opérateurs et les manoeuvres, il y a des personnes ici beaucoup plus compétentes que moi en matière de pipe-line qui pourront tout à l'heure vous donner des explications. Il y a aussi les "spacers" qui, dans le jarqon du métier, sont les tuyauteurs qui travaillent aussi à l'installation des pipelines.

La négociation qui s'est terminée au mois de mai, l'an passé, n'a pas porté fruit en ce qui a trait à toute la question du pipe-line. Quand j'écoutais tout à l'heure la partie patronale mentionner qu'il y avait eu de la néqociation au sujet du pipe-line, je peux vous dire qu'avant assisté à plusieurs reprises aux négociations non pas du pipeline, mais aux négociations des électriciens, et ayant participé aux autres tables comme spectateur, je peux vous dire que les négociations du pipe-line n'ont pas eu lieu. D'ailleurs, cela faisait partie intégrante du rapport du médiateur du temps, Me Raymond Leboeuf, qui avait mentionné que la néqociation du pipe-line devait se poursuivre.

Lors de la dernière commission parlementaire que nous avons eue en janvier dernier, on a fait état devant cette commission des problèmes qui pouvaient aussi survenir en matière du pipe-line. Si les problèmes avaient tous été réglés, on n'aurait pas fait état des problèmes qui étaient pour arriver. Des télégrammes furent envoyés à la partie patronale lui demandant une rencontre pour essayer de réqler les problèmes des "pipeliners". On n'a même pas reçu un accusé de réception.

Il y a eu, tout dernièrement, des rencontres de conciliation, de médiation, on s'est assis avec les "pipeliners", on a discuté avec eux et soyez assurés, en autant que nous sommes concernés, la FTQ-Construction, que nous appuyons entièrement leur position. Je pense que ce n'est Das sorcier; des qars qui travaillent partout à travers le Canada, lorsqu'ils arrivent au Québec, ce n'est pas normal qu'il aient des conditions inférieures à celles qu'ils avaient auparavant, lorsqu'ils travaillaient sur les mêmes genres de travaux dans les autres provinces du Canada. C'est une demande légitime. Je vois ici le député, M. Dean, qui a fait à peu près la même

bataille pour les travailleurs de l'automobile; je pense que personne ne sera offusqué de cela. Nous sommes des leaders syndicaux, des représentants syndicaux et, lorsqu'il arrive un groupe de travailleurs devant nous, qui font des travaux de pipe-line, qui ont une entente nationale, c'est légitime de les défendre.

La partie patronale a tenté tout à l'heure de ridiculiser un peu les conditions des "pipeliners". Je n'ai pas l'intention de les ridiculiser. Les demandes que les qars ont faites par le conciliateur - le conciliateur en a certainement fait part au ministre étaient très réalistes. Tout à i'heure, j'écoutais M. Chagnon qui disait: Les "pipeliners" manqent-ils plus que les autres, parce qu'ils demandaient 50 $ par jour pour gîte et couvert? Au moment où on se parle, dans le décret, il y a une clause qui mentionne que les grutiers ont 40 $ par jour et on n'a pas ridiculisé les travailleurs qui conduisent les camions et les qrues qui ont 40 $ par jour.

On disait tout à l'heure: Est-ce qu'on va changer l'économie de la loi et, à toutes les minutes, avoir à modifier les conditions? Vous n'avez jamais entendu parler, à la FTQ-Construction, de modifier les conditions de quelque travailleur que ce soit, excepté pour les "pipeliners" parce que la négociation ne s'est jamais terminée. Ce qu'ils ont eu comme conditions leur fut imposé dans une brique que la partie patronale a déposée, si je me rappelle bien, au mois de janvier. Quand on parle d'inégalité des salaires dans le décret actuel, ce n'est certainement Das nous qui l'avons créée. Il existe dans le décret, au moment où on se parle, plusieurs inégalités dans les salaires. Les "linemen", les monteurs de lignes, ont des conditions différentes, les opérateurs d'élévateurs ont des conditions différentes, certains groupes de métiers mécaniques ont des conditions différentes. Ce n'est donc pas nouveau que, dans le décret, il y ait des conditions différentes dépendamment de la nature du travail de certains travailleurs.

Soyez assurés qu'on est extrêmement ouverts à la discussion ici, aujourd'hui. On a des spécialistes ici dans la salle. Quand on essaie de nous faire accroire - je ne suis pas un soudeur, mais il y en a un ici, M. Drolet, qui est un spécialiste, qui pourra vous l'expliquer tout à l'heure - lorsqu'on vient dire que cela prend trois semaines pour former un soudeur sur les pipe-lines, je pense que les gars avaient envie de rire tout à l'heure pour s'en étouffer. Ce n'est pas vrai que c'est un travail aussi minime que cela, cela prend une extrême compétence.

Donc, pour toutes ces raisons, MM. les membres de la commission, nous sommes ici pour exprimer notre position, défendre ce dossier et soyez assurés que les demandes que ces gars ont faites sont réalistes. Ils ont laissé tomber plusieurs points qui ne font pas partie de l'entente, qui étaient dans l'entente nationale. Je pense aussi que ces travailleurs sont très conscients de ce qui se passe au Québec et nous aussi sommes conscients des retombées économiques et de tout ce que cela devrait aoporter. Mais je pense que, comprenant leur situation et ce qu'ils ont vécu depuis 20, 25 et 30 ans, en travaillant sur le pipe-line, ce n'est pas une raison, parce qu'ils arrivent au Québec, rie dire: Maintenant, étant donné que vous travaillez au Québec, toutes les conditions de travail que vous avez eues depuis 20, 25 ans, dans tout le Canada, on va laisser tomber cela et on va faire des conditions nettement inférieures aux conditions dans lesquelles vous êtes habitués de vivre et de travailler. (11 h 45)

Et je peux vous dire une chose. Je comprends les gars qui ne veulent pas y aller travailler, parce qu'ils ne veulent pas être accusés d'être des scabs. Et sur ce qu'on appelle en jargon déclare: "une unfair" je suis aussi d'accord. Des soudeurs du pipe-line s'en viendraient travailler à 14,07 $ l'heure plus une prime de 1 $ et non intégrée au salaire, comme semblait vouloir le dire la partie patronale, à 15,07 $ l'heure, soit 14,07 $ plus 1 $ de prime, quand ils gagnent 18,55 $ ailleurs, ils seraient accusés de scabs. Le pipe-line au Québec va se terminer et ces travailleurs vont avoir, à l'occasion, à retourner travailler dans d'autres provinces.

C'est donc pour toutes ces raisons que nous sommes ouverts à la discussion pour vous éclairer le plus possible. Nous avons ici des personnes compétentes qui sont au fait du dossier et nous sommes ouverts à toutes vos questions.

Mais, pour terminer, je demanderais à Me Robert Laurin de vous faire part des discussions que nous avons eues, étant donné que celui-ci faisait partie de la FTQ-Construction lors de la dernière commission parlementaire qui a eu lieu en janvier.

Le Président (M. Jolivet): M. Laurin.

M. Laurin (Robert): II y a une première remarque que je voudrais faire. J'écoutais les gens qui parlaient tantôt, et j'avais l'impression qu'on voulait forcer l'imposition au Québec de conditions qui existent à l'étranqer.

La première question de fait sur laquelle j'aimerais attirer votre attention, c'est qu'au mois de janvier, on appliquait et on payait à ces individus 13,64 $ et que, par suite des pressions faites, on a diminué leur salaire à 13,15 $.

Quand on veut vous donner l'impression qu'on tente d'importer sur le plan syndical des choses qui n'existent qu'ailleurs mais qui n'existent pas au Québec, je souligne tout de suite que ces conditions de travail qui sont réclamées étaient déjà, comme question de

fait, pour une bonne partie, appliquées au Québec et que c'est à la suite rie l'historique des négociations sur lesquelles je reviendrai qu'on a dit à ces qens-là: Vous ne faites plus le salaire que vous faisiez. Cela explique d'autant mieux la situation dans laquelle tout le monde est actuellement placé, c'est-à-dire comment expliquer que, tout à coup, on se retrouve placés dans une situation de conflit? La situation de conflit n'a pas été créée artificiellement, elle a débuté au moment où le salaire a été diminué. C'est une remarque préliminaire que je tenais à faire.

La seconde, c'est de rappeler qu'au moment où on s'est rencontré en commission parlementaire, il y avait trois choix. On avait regardé les choix suivants: ou on considère que c'est l'impasse et qu'il faut absolument intervenir au niveau du ministère dans le décret; ou on considère que ce n'est pas l'impasse et on invite les qens à néqocier.

Évidemment, plusieurs mois plus tard, on est réuni pour constater qu'il n'y a pas eu de négociation et qu'il n'y en a pas eu, non pas parce que la partie syndicale a refusé, en maintenant une position intransigeante, d'en arriver à un consensus ou à un compromis, mais parce que la partie Datronale, qui vous dit - et j'aurai aussi un commentaire là-dessus - qu'il y a eu négociation, a refusé de s'asseoir et rie tenter de réqler le problème, malgré les invitations du conciliateur, malqré les invitations du ministère, malgré les invitations de toutes les parties qui tournent autour du problème.

Or, quand vous aurez à vous faire une idée Dour savoir si, effectivement, dans le passé, il y a eu ou il n'y a pas eu négociation, je vous invite à examiner le dossier ou à regarder le dossier depuis qu'on s'est rencontré pour constater que la même partie patronale qui vous dit: II v a eu négociation, on a tenté de réqler le problème, cette même partie n'était pas à la commission parlementaire et elle a systématiquement refusé toute rencontre quelle que soit la partie du côté syndical.

Vous avez une impression à dégager; c'est-à-dire que l'une et l'autre des Darties vous disent... La partie syndicale vous dit: II n'y a pas eu de négociation. La partie patronale vous dit: II y a eu une négociation. Regardez un peu plus loin et reqardez la période de temps entre la commission parlementaire qui a précédé et reqardez où on en est actuellement. Quand, actuellement, on reproche à la partie syndicale: Vous êtes trop exigeants, vous avez une position qui est inconciliante, j'aimerais qu'on se rappelle que la partie syndicale, depuis le début du dossier, c'est-à-dire depuis le début de la négociation et cela s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui, a toujours été disponible et prête à s'asseoir avec les parties concernées et elle a même fait des efforts - et tout le monde en est conscient - pour tenter de régler le problème. La remarque que j'avais faite et qu'on a rappelée ce matin, c'est de dire: Normalement, on devrait appliquer intéqralement l'entente nationale, mais on est conscient, dans la situation, qu'on ne convaincra peut-être pas les qens de l'adopter. Déjà, on avait une position de compromis lorsqu'on s'est rencontré à la commission parlementaire. Or, il serait difficile dans le contexte de taxer la oartie syndicale d'avoir une attitude inconciliante et rie bloquer, finalement, au niveau d'un problème qui exige soit une entente, soit une intervention ministérielle. La dernière fois, nous avons dit: Malqré les efforts que nous sommes prêts à faire, à notre avis, la position patronale est inflexible et c'est l'impasse. Nous avions demandé une intervention dès ce moment. Les faits, depuis ce temps, permettent de conclure - et il n'y a pas d'autre conclusion possible - que c'est la seule alternative, non pas parce que la partie syndicale n'a pas fait un bout de chemin, on en a fait un, mais parce que la partie patronale a refusé de néqocier.

Un autre élément - parce que c'est important de savoir s'il y a eu négociation ou s'il n'y en a pas eu - c'est que l'objet rie la commission parlementaire et l'intervention du ministère n'est sûrement pas de négocier ou rie permettre une néqociation qui aurait été mal faite ou gui n'aurait pas été faite à la satisfaction d'une partie. Une des questions, et une des questions importantes, c'est de savoir s'il y a eu une négociation. Or, il n'y en a pas eu et un ries éléments objectifs, c'était la période qui a suivi la commission parlementaire.

Un autre élément objectif, et il est difficilement contestable, c'est le rapport riu conciliateur. Le conciliateur s'est plongé dans le dossier. Si on avait négocié ou si on avait mal néqocié ou si on tentait de compléter notre négociation, le conciliateur ne se serait pas gêné pour dire: Vous voulez compléter votre négociation, mais le conciliateur a dit: C'est une néqociation qui n'a pas eu lieu et qui doit se poursuivre. Or, c'est un élément qui est bien objectif au dossier. Quand on vous dit, du côté patronal, qu'il y a eu négociation, vous n'avez qu'à consulter le rapport riu négociateur.

Le troisième élément - et je n'en ferai pas un très long chapitre, mais je me permets d'insister là-dessus parce que c'est particulièrement important - c'est qu'on vous dit, du côté patronal: II y a eu négociation. Il y a eu une table de pipe-line qui a été formée et cela a même, je pense, été admis. Il n'y a jamais eu de rencontre au niveau de la table du pipe-line. Il n'y a jamais eu convocation. Il n'y a jamais eu rencontre des parties. Que la partie patronale, dans le cas de papiers auxquels on vous référait tantôt,

nous trouve une rencontre, une seule rencontre où il y a eu les trois parties à la table du pipe-line à laquelle tout le monde avait consenti! On s'est dit: Le pipe-line, on va former une table particulière impliquant les trois métiers. Qu'on nous trouve une rencontre, une seule. Qu'on nous trouve un avis de convocation. Qu'on nous trouve une lettre de la partie patronale disant: Nous voulons rencontrer, à la table du pipe-line, les parties impliquées. Vous n'avez rien de cela. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on a négocié avec le local 144, mais ce qu'on ne vous dit pas ou ce qu'on vous dit a demi-mots, c'est qu'on a rencontré le local 144, mais non pas sur la question du pipe-line, parce que, depuis le début de la négociation qui impliquait trois métiers dans le pipeline... La négociation dans le pipe-line ne pouvait pas se faire avec les métiers individuellement parce que cela impliquait des équipes de travail et cela impliquait, de fait, trois métiers. Or, on a décidé de mettre sur pied une table de pipe-line. Cela a été accepté par tout le monde et jamais il n'y a eu rencontre, malgré les efforts qui ont été répétés, malgré les demandes faites par M. Roy, malgré les lettres envoyées et malgré l'attitude syndicale maintenue jusqu'à aujourd'hui. Je pense que, sur cet aspect de la négociation, cela devrait nous fixer.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre. Vous n'avez pas terminé? Excusez-moi.

M. Laurin (Robert): L'intervention du ministère, on l'a dit, on l'a répété, ç'a même été débattu lors de la commission parlementaire précédente, le mécanisme dans lequel on se refuserait d'entrer - ça se comprend bien - c'est de dire: Par le biais de la commission parlementaire, on va permettre à une partie qui a mal négocié de compléter. C'est effectivement une situation tout à fait différente, dans le sens qu'il n'y a pas eu de négociation, et tout le monde l'aura compris. Quand vous trouvez, dans les clauses concernant le pipe-line, 40 heures par semaine, quand vous retrouvez le temps et demi, quand vous retrouvez plusieurs clauses de définition, aucune de ces clauses n'a fait l'objet ni de texte de négociation, ni d'une négociation.

C'est pourquoi on vous disait, la dernière fois, que le projet patronal que vous retrouvez dans le décret, c'est effectivement le projet patronal. Quand on fait référence à d'autres métiers qui auraient dit: On est d'accord pour le temps double et les 40 heures, on n'a jamais pu vous démontrer, et on ne le pourra jamais, que les définitions, les autres clauses du pipe-line viennent d'une façon ou d'une autre de la partie syndicale. Je défie encore une fois la partie patronale de retracer dans les textes ou dans les rencontres syndicales les définitions de pipeline, "main line" et distribution qui apparaissent dans le décret. C'est du tout cuit qui a été décidé par la partie patronale.

Évidemment, on vous parle de l'Ouest, on vous dit: Importez les conditions de travail de l'Ouest. C'est peut-être une question à laquelle on a à répondre: Est-ce que le Québec veut s'isoler à un point tel que, malgré une entente nationale qui couvre les employeurs du pipe-line, les syndicats du pipe-line, malgré un consensus, on mette de côté l'entente nationale et qu'on dise: Au Québec, on doit travailler non seulement pour moins que dans l'Ouest, mais pour un moindre salaire que dans n'importe quelle autre province du Canada, et ca inclut d'autres provinces qui ne sont peut-être pas plus riches que le Québec. L'entente nationale n'est pas faite uniquement pour les provinces riches, elle est faite à l'échelle de tout le Canada.

C'est un des problèmes de fond. Tous les syndicats et tous les employeurs sont d'accord, ils ont signé une entente et ont même récemment accepté un nouveau taux salarial. Au Québec, on veut s'isoler pour dire: Cela n'a pas d'application et ca constitue un effort pour tenter d'accaparer de conditions de travail qui n'existent qu'ailleurs. Mais l'expression "ailleurs", c'est tout le Canada, et ce n'est pas une bataille syndicale pour aller chercher les conditions de travail qu'on n'a pas, c'est une entente qui est conclue entre les parties. C'est ça le dossier, ce n'est pas uniquement une négociation, on ne vous dit pas: Nous, on veut néqocier mieux, mais on veut négocier. On vous dit: Appliquez pour le Québec ce qui existe déjà ailleurs. Comment expliquer que nos qens - il y en a beaucoup - qui vont travailler dans les autres provinces, aient droit aux conditions de travail qui sont celles de l'entente canadienne, mais que, lorsqu'ils reviennent au Québec, ce n'est plus vrai, et quand les gens de l'Ouest, lorsqu'on s'échange la politesse, viennent travailler au Québec, ce n'est plus vrai non plus? C'est ça, la situation de fond. Ce n'est pas seulement un débat académique ou théorique sur des conditions de travail potentielles.

Comme c'a été mentionné tantôt, il y a dans la salle plusieurs "pipeliners", c'est-à-dire des gens du métier. Il y a, en particulier, M. Drolet, qui est effectivement impliqué dans le dossier. Si, du côté des députés, il y avait des questions techniques sur cet aspect, on se fera plaisir de vous répondre, on a des gens ici qui vivent le pipe-line et gui pourront peut-être expliquer que pour former un "pipeliner" ou un soudeur en pipe-line, ca ne prend pas trois semaines.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais poser au porte-parole de la FTQ Construction un certain nombre de questions. Je vais défiler ma liste.

Premièrement, vous êtes revenu, M. Laurin, au temps de formation. De toute façon, on sait fort bien - je me permets de le rappeler, mais je le dis sous réserve de me tromper - qu'environ une cinquantaine de soudeurs québécois ont pu participer à des sessions de formation, en particulier avec l'apport de fonds provenant des contribuables et des citoyens pour faire en sorte qu'il y ait au Québec des travailleurs québécois qui soient équipés, qui puissent obtenir les emplois et que les emplois ne reviennent pas entre les mains de gens de l'extérieur du Québec. On ne peut pas coucher dans deux lits en même temps, je me permets de le rappeler. (17 heures)

Quelqu'un a parlé du rèqlement de placement, il fait partie de l'économie générale des relations du travail au Québec. Que je sache, les parties syndicales, chaque fois qu'il est question de soulever un petit angle, un petit coin du règlement de placement de la construction, nous disent: Pour l'amour du bon Dieu, ne faites pas ça! On ne peut pas coucher dans les deux lits en même temps. Ou alors il y a le règlement de placement dont l'économie générale est bien connue, les objectifs sont bien connus et qui sont là pour protéqer des jobs pour les travailleurs québécois de façon prioritaire, ou alors plaidons le "National Agreement" d'un océan à l'autre, "across the board", comme on voudra, mais balançons le reste. Il n'y a pas deux poids, deux mesures, il n'y a pas deux lits, ou on couche dans un ou on couche dans l'autre.

Si on veut créer des conditions propres au Québec, particulières au Québec, pour protéqer les travailleurs québécois, on ne peut pas, dans la même foulée, dans la même argumentation, soutenir l'inverse quand ça fait notre affaire sur un autre plan. Il me semble qu'il y a là des nuances à introduire, à tout le moins.

Ceci étant dit, il y a déjà une équipe d'une cinquantaine de soudeurs qui est formée, c'est certainement notre intention de retenir les suqqestions qui ont été faites, de faire en sorte que des soudeurs additionnels soient formés au Québec. Quel est, d'après vous, le temps exact de formation? C'est ma première question. Deuxièmement, d'après vous, est-ce qu'il y a, oui ou non, des qens de l'extérieur du Québec qui viennent présentement prendre les emplois des travailleurs québécois dans le domaine qui nous concerne?

Troisièmement, vous avez évoqué, M. Laurin, l'arqumentation que pendant une certaine période de temps, si je comprends bien ce que vous avez dit, durant cette période plus précise qui se situe entre la signature de la convention et la publication du décret, il semblerait maintenant largement démontré par plusieurs témoignaqes entendus ici, entendus à l'extérieur, que des employeurs payaient leurs travailleurs - je ne sais pas comment ca se passait, mais on imagine facilement - dans le qenre: Voilà ton chèque de décret et voilà le reste ailleurs. Est-ce que c'était une enveloppe par-dessus la table, en dessous de la table, est-ce que c'était un chèque additionnel? J'aimerais bien savoir précisément et concrètement comment cela se passait. Il est exact, d'après ce que j'en sais, qu'à partir du moment où le décret a été publié, forcément, des qestes comme ceux-là étaient carrément illégaux.

Est-ce qu'on nous demande - quand je dis on, ca peut être n'importe quelle partie, des employeurs ou des représentants des travailleurs - de légaliser - parce que le décret est là, il a force publique - des gestes qui sont carrément illégaux? Quelles que soient les conséquences de nos travaux et les décisions qui seront prises demain par le gouvernement, qu'il y ait un décret de modification ou pas, le décret est d'ordre public. Est-ce qu'on est en train de m'indiquer que, vraisemblablement, des pratiques comme celle-là pourraient se poursuivre? N'est-il pas exact que ca s'est passé à cette période-là et que ca se faisait de l'une ou l'autre des façons que je viens d'évoquer?

Enfin, il ressortait tout à l'heure du témoignage de la partie patronale - vous l'avez entendu - que sur les sept demandes syndicales qui ont été laissées sur la table de l'équipe de médiation extraordinaire, dans les derniers jours qui ont précédé les travaux de la commission d'aujourd'hui, la partie patronale acceptait les deux premières demandes concernant les 40 heures et concernant le temps double. Ce matin, nous expliquant qu'elle n'était pas prise dans la glace, elle nous disait que ça pourrait régler le problème que les vacances, en ce qui concerne la distribution, puissent être prises en même temps que dans les autres secteurs. Il y a donc trois points sur sept de réglés.

Il y a le reste. N'est-il pas exact qu'à un moment donné il y a eu un document siqné - je l'ai vu - par le représentant des opérateurs, par le représentant des manoeuvres, qui visait à réduire la semaine de 45 à 40 heures, d'une part, et à introduire le temps double immédiatement, dès qu'on abordait la 41e heure, au lieu du temps et demi? C'est exact. Si c'est exact, comment se fait-il que, par la suite, les mêmes représentants syndicaux demandent d'aller maintenant beaucoup plus loin que les deux points sur lesquels il y a un document qui est écrit et avec des signatures apposées dessus?

Troisièmement, sur ce même document de consensus, si je comprends la façon dont se déroulaient les négociations, alors qu'il y avait d'une part les deux signatures de représentants de manoeuvres et des opérateurs, je voudrais bien savoir pourquoi -je crois que M. Roy est à la table - pour quelle raison M. Roy qui, semble-t-il, sous réserve de me tromper, représentait plus particulièrement les soudeurs, n'a pas signé ce document.

Maintenant, en ce qui concerne les autres demandes, j'aimerais bien avoir un certain nombre d'explications bien précises. Vous demandez l'indemnité de pension pour le travail exécuté à plus de 40 kilomètres du domicile, 50 % par jour, sept jours par semaine, cela veut dire 350 $. Cela veut dire qu'on passerait de 150 $ ou 160 $ peut-être - peut-être pas, je donne les chiffres sous réserve - à 350 $ par semaine.

Vous demandez que les salaires soient majorés de 2 $ l'heure pour tous les salariés du pipe-line en surplus des taux actuellement en vigueur dans les disciplines concernées, c'est-à-dire que, présentement, les taux sont depuis le 1er mai de 14,07 $ l'heure, plus 1 $ de prime - évidemment, le temps supplémentaire ne comptabilise pas le 1 $ de prime; le 1 $ de prime se continue durant les heures travaillées, même en temps supplémentaire - plus 0,50 $ l'heure de prime pour ce qu'on appelle les soudeurs qui font les première et deuxième passes. Quand on fait l'addition de l'ensemble des demandes, n'est-il pas exact que, selon le décret, des gens qui travaillent sur ce qu'on appelle la "main line", selon le décret, toucheraient présentement à partir du moment où ils travaillent, 1085,23 $; ils toucheraient, selon le "National PipeLine Agreement", 1534,78 $, et, selon les sept demandes laissées sur la table des médiateurs, 1385,80 $? Cela représenterait d'une claque l'équivalent de 300 $ d'auqmentation par semaine. Est-ce que vous pensez vraiment qu'on peut se permettre une chose comme celle-là? Sinon, quelles seraient, d'après vous, les conditions - je reprends l'expression que j'utilisais au début - raisonnables et responsables pour faire en sorte de tenir compte du bien-être de la population du Québec, de ce qu'on appelle la notion d'intérêt public, qui est très concrète ici, pour en arriver au démarrage parce qu'il faut que cela démarre, et dans les plus brefs délais? Cela doit démarrer.

Voilà pour l'instant les questions que j'ai à poser.

Le Président (M. Jolivet): M. Lavallée.

M. Marois: Une dernière question, si on me permet, je m'excuse, Me Laurin, plus particulièrement, bien sûr, il n'y a pas présentement de lock-out, il n'y a pas présentement de grève, on ne travaille pas. Est-ce que, d'après vous, ce qui se passe présentement ne contreviendrait pas à l'article 57 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, qui prévoit que nulle association de salariés, nul dirigeant, délégué, aqent d'affaires, représentant d'une telle association et nul salarié ne doit ordonner, encourager ou appuyer une grève - ce n'est pas une grève -ou un ralentissement - c'est tellement ralenti que cela ne bouqe pas - de travail pendant la durée d'un décret ou y prendre part?

Le Président (M. Jolivet): M. Lavallée.

M. Lavallée: Concernant la première question du ministre, qui est le temps de formation, je ne suis pas un spécialiste, mais je suis convaincu que trois semaines pour apprendre à souder afin de travailler sur le pipe-line, c'est nettement insuffisant. Ce sont des soudeurs hautement spécialisés qui font ce qenre de travail depuis nombre d'années. Je suis convaincu que trois semaines de formation, c'est nettement insuffisant. D'ailleurs, on pourra le demander à ces gens qui sont ici, qui sont des spécialistes dans le domaine.

Lorsqu'on dit qu'on a à discuter de l'entente nationale, on ne peut pas coucher dans deux lits. Il va falloir laisser le règlement de placement. Je ne pense pas que le rèqlement de placement soit mis en cause dans cela. Les "pipeliners", ce sont des gars qui viennent du local 144, ce sont des travailleurs du Québec, ce sont des Québécois. Je suis convaincu qu'advenant le cas où ils auraient besoin de soudeurs additionnels, ils vont certainement donner la chance à leurs propres confrères de travail, qui font partie du même local, de pouvoir eux aussi prendre les tests sur le chantier pour faire en sorte que ce soient des travailleurs québécois qui feront ce travail. Je ne pense pas qu'on se réveillera avec un Daquet de soudeurs qui viendront au Québec des autres provinces pour travailler sur le pipe-line. Entres autres, avec ces conditions, il n'y en a pas un qui oserait venir ici, partir de 18,55 $ et tomber à 14,07 $ l'heure, plus la prime de 1 $. Je suis convaincu que la question du rèqlement de placement n'a rien à voir avec cela. Les travailleurs du pipe-line sont des membres du local 144. Lorsqu'ils auront besoin de soudeurs additionnels sur le pipe-line, ils vont sûrement le montrer à leurs confrères de travail qui sont aussi soudeurs, mais dans d'autres domaines. On ne peut pas avoir eu des tonnes de soudeurs de pipe-lines au Québec, il n'y a jamais eu de pipe-lines ou si peu. Je suis convaincu que, dans quatre, cinq ou dix ans d'ici, il va y avoir plusieurs travailleurs québécois qui seront devenus des spécialistes du pipe-line, mais ce seront leurs

confrères de travail qui leur auront montré. Je pense que le rèqlement de placement n'est aucunement mis en cause avec cela et il n'est pas question de coucher dans deux lits.

À savoir s'il y en a qui viennent de l'extérieur du Québec, je ne pense pas qu'il y en ait, ce serait nouveau. L'OCQ pourrait vous le dire mieux que nous autres, c'est lui qui a toutes les données à ce sujet. Je suis convaincu, à ce moment-ci, qu'il n'y a pas de travailleur de l'extérieur du Québec, sauf peut-être quelques exceptions qui travaillent présentement soit sur la distribution ou sur la "main line".

Quand vous nous parlez de la paie et le reste sous la table, je ne l'ai pas vécu. Soyez assuré que ce n'est pas la position qu'on défend. Si ces travailleurs avaient eu l'intention de dire: On en a une partie dans une enveloppe et une autre partie dans une autre enveloppe, ils n'auraient certainement pas fait des démarches auprès de nous et auprès des autres aussi pour qu'ils aient des conditions écrites très bien définies dans le décret. Je l'ai expliqué tout à l'heure, c'est une entente nationale. Me Laurin l'a expliqué aussi, cela s'applique autant dans les provinces riches que dans les provinces pauvres. Ces travailleurs, depuis de nombreuses années, ont des conditions très bien définies dans l'entente nationale. Vous mentionniez même tout à l'heure, avec les chiffres que vous avanciez, que ces qars seraient encore en-dessous de l'entente nationale.

M. Marois: M. Lavallée, je m'excuse, parce que j'ai fait une erreur. On m'a remis les chiffres. Selon le décret, 1085,23 $; selon le "National Pipeline Aqreement", 1534,78 $. J'ai dit, selon la demande syndicale, 1385,80 $; c'est 1555,80 $. En d'autres termes, c'est hors du "Pipeline Agreement". Ce serait une auqmentation de 470 $ par semaine.

M. Lavallée: M. le Président, en tout cas, ces chiffres peuvent être discutables. Si on regarde la...

M. Marois: C'est ce que je pensais.

M. Lavallée: II faudrait s'entendre sur la question du discutable. Vous savez que la moyenne d'heures travaillées au Québec est de 1020 heures. C'est bien beau d'arriver et de laisser savoir à la population que les qars gagnent 50 000 $ par année. Il y a des gars ici présents qui pourraient vous montrer leurs T-4. Ils n'ont pas fait 50 000 $ par année et ils ont travaillé quatre ou cinq mois. C'est ce que je veux dire, parce que ces chiffres sont discutables. On peut bien qarrocher dans la population que les corps de métiers gagnent 14 $ l'heure ou 15 $, mais ils travaillent six mois par année. Ce sont des chiffres officiels. Cela revient à 7 $ l'heure. Qu'on nous négocie une sécurité d'emploi parfaite, on va pouvoir parler différemment, mais, lorsqu'on nous garroche que les gars gagnent 1000 $ et 1500 $ par semaine, je pense que c'est charrier.

Me Laurin aurait un point à vous...

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin. (12 h 15)

M. Marois: Est-ce que vous êtes en train de me dire, M. Lavallée, qu'à partir du moment où les travaux démarrent - ce n'est plus non seulement au ralenti mais cela ne bouge pas - que les soudeurs, sur un projet comme celui-là qui va s'échelonner sur un certain nombre d'années, ne travailleraient que six mois par année?

M. Lavallée: Peut-être, M. le ministre.

M. Marois: Si c'est le cas, je crois que ce serait intéressant, pour l'éclairage des membres de cette commission, qu'on le sache.

M. Lavallée: Les mieux placés pour le dire, ce serait TransQuébec et Maritimes qui lui, doit avoir un échéancier très précis. On va sur différents chantiers, à un moment donné, on nous dit: Les gars vont faire un certain nombre d'heures de travail, mais par rapport au court laps de temps qu'ils ont pour en arriver à leur échéancier, ils vont faire des 60, 70, 80 et 90 heures par semaine. Mais maintenant, ce n'est pas moi qui ai en main toutes ces données là, la compagnie TransQuébec pourrait être mieux placée que moi pour donner ces informations.

M. Laurin: Si vous me permettez, on peut arriver à différents chiffres suivant la semaine qu'on calcule, tout le monde étant conscient que quand on rémunère...

M. Marois: Je peux bien vous dire que je le calculais sur une base d'une semaine de 50 heures et vous venez de me le confirmer, il faudrait le calculer plus haut, puisque vous évaluez qu'à partir du moment où cela démarre cela pourrait être 60, 70 heures et vous avez même dit 80, 85 heures.

M. Laurin: Cela dépend. Si vous calculez que parce que l'individu travaille plus d'heures on devrait diminuer son salaire, je pense que si on veut comparer des chiffres, pour être le plus objectif possible, comparons les mêmes chiffres, c'est-à-dire que si une personne travaille 90 heures par semaine et qu'elle faisait 2000 $ par semaine, et qu'elle en travaillait 120 et faisait 3000 $, à mon humble avis, c'est un mauvais barème de comparaison. Parce qu'il demeure, c'est ce que les gens devraient

comprendre, que lorsqu'on lance des chiffres importants en termes de rémunération dans le pipe-line ou dans la construction, c'est qu'on y greffe des heures. L'individu qui travaille 80 ou 90 heures en une semaine il est normal qu'il fasse une rémunération importante. C'est évident que l'individu qui fait 1500 $ ou qui fait au delà de 1000 $ gagne un revenu d'appoint qui est important mais cela implique aussi un nombre d'heures qui est travaillé. C'est la raison pour laquelle dans la construction, on calcule sur la base annuelle. La moyenne annuelle dans la construction est de 1046 heures. Ce sont des chiffres très objectifs.

Maintenant si, sur le pipe-line, les qens travaillent plus d'heures, heureusement pour eux, et qu'ils y mettent leur temps et leurs sueurs, il est normal que ces gens-là fassent de bons revenus; cela m'apparaît tout à fait normal. Le point de comparaison, c'est quoi? C'est la raison pour laquelle nous disons que le point de comparaison, c'est l'entente nationale. Parce que la personne qui fait le même travail, qui dépense les mêmes sueurs et qui fait la même soudure, ne fait pas 14,07 $ ni 15,07 $, elle fait dans toutes les provinces du Canada, 18,55 $ et, si elle a le bonheur de travailler 90 heures par semaine, elle fait de gros revenus, mais à mon humble avis, elle travaille pour. Le barème de comparaison, les chiffres comme tels, les chiffres absolus, à mon avis, ne sont pas révélateurs, parce que les chiffres absolus tiennent compte d'un nombre d'heures; alors il faut comparer selon un barème de comparaison.

Si on disait à la présente commission que nous pensons, à cause de l'effort, que ces gens-là devraient faire 23 $ et on nous disait: Sur quoi vous basez-vous? C'est un voeu pieux, c'est un souhait. Mais ce que l'on dit, c'est qu'il y a une entente; et à mon avis, c'est ce qui fait toute la différence du monde. Non pas une entente qui dit: En Ontario, province riche, on paie plus cher, et à Terre-Neuve, province moins riche, on paie moins cher. C'est une entente où les mêmes employeurs pour les mêmes travaux pour le même pays gagnent ce montant.

Maintenant, on a plié du genou à un moment donné et cela nous amènera aux différents points. Depuis le début, on est arrivé à la commission parlementaire, en disant: Pas l'entente nationale in extenso. On est conscient du problème, on est revenu avec une autre demande syndicale. La dernière fois, on était rendu à sept points et là on vous dit 2 $ l'heure. Cela ne fait pas 18,55 $. D'après notre comptabilité, cela ne représente pas un montant supérieur tout dépendant du nombre d'heures sur lequel on le calcule, notre comptabilité s'étant basée sur 60 heures. Mais tout cela pour dire que le nombre d'heures est un indice qui risque d'être trompeur. Même si on n'est pas prêt à dire: On accepte au Québec intégralement -pour des raisons que je ne veux pas discuter et on le comprendra - l'entente nationale, il reste quelques points, finalement, après toute la démarche syndicale de compromis et, dans ces quelques points, il y a évidemment la clause salariale où l'on dit: Même si vous ne nous donnez pas le montant de l'entente nationale, il y a quand même du temps double et cela balance. Mais on Deut évidemment ne pas aller plus bas que cela.

Pour répondre à une autre question du ministre...

M. Marois: Je m'excuse, Me Laurin, pendant qu'on est là-dessus, j'aurais une question additionnelle. Est-ce que, selon l'entente, le "National Agreement", le temps supplémentaire est payé à taux et demi ou taux double?

M. Laurin (Robert): Taux et demi pour les deux premières heures.

M. Marois: Selon la nouvelle entente? Taux et demi pour les deux premières heures et par la suite, temps double.

M. Laurin (Robert): C'est pour cela qu'on ne vous dit pas: C'est 18,55 $, ou il n'y a rien à faire. C'est pour cela qu'on est conscients et qu'on parle de 14,07 $ plus une prime, ce qui n'est pas un salaire, et cela représente certains inconvénients. Mais quand même, on est rendus à 15,07 $. Entre 15,07 $ et 18,55 $, tout le monde sera conscient qu'il y a une différence assez importante, sauf qu'on a parlé de 2 $ d'augmentation, compte tenu du fait que dans l'entente nationale - et c'est la démarche de compromis qu'on tente de faire - il y a effectivement une différence quant au montant de rémunération à temps double.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Outremont.

M. Fortier: M. le Président...

M. Pagé: M. le Président, il y a deux questions auxquelles nos intervenants n'ont pas répondu; d'abord, la question concernant l'article 57 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, à savoir la définition d'un ralentissement, qui a été posée par le ministre, gui était très intéressante, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, je crois qu'il y avait une question posée par M. le ministre à l'endroit de M. Roy, concernant le document qui a été signé par les deux autres intervenants, le groupe des opérateurs et celui des journaliers.

Le Président (M. Jolivet): On peut

commencer par Me Laurin. Première réponse.

M. Laurin (Robert): Je vais donner la première réponse et je vais céder la parole à M. Roy qui est directement concerné par la question.

Au niveau du ralentissement de travail, il est évident que la position qu'on a prise jusqu'à maintenant - et vous n'aurez jamais vu le contraire - c'est de dire: Nous, on n'encouraqe pas les gars à faire quelque qrève ou ralentissement que ce soit. Je vous disais tantôt - et j'ai pris la peine de le mentionner - que les gens ont cessé d'eux-mêmes de travailler lorsqu'on a décidé - et ce n'est pas nous qui l'avons décidé - de diminuer leur salaire.

Deuxièmement, au niveau du ralentissement, à mon humble avis, cela implique que les gens travaillent déjà pour ralentir. Actuellement, il y a des gens qui ne veulent pas travailler à ces salaires et ce n'est ni une grève, ni un ralentissement. Évidemment, c'est un refus de travailler à des conditions que je n'accepte pas. Moi, si je ne veux pas travailler comme plombier parce que cela ne me paie pas suffisamment, on ne pourra pas m'accuser, en vertu de l'article 57 ou d'un autre article - et cela aurait peut-être déjà été fait...

M. Marois: Me Laurin, je m'excuse infiniment de vous interrompre. N'est-il pas exact - vous avez raison, en stricte logique, dans la façon dont vous interprétez l'article 57 - qu'un certain jour - je n'ai pas la date en tête, peut-être il y a une quinzaine de jours - un matin, se sont présentés sur le chantier, si ma mémoire est bonne, huit soudeurs, vers 8 h 30 ou 9 heures et vers 11 h 45, 11 h 50, deux véhicules sont arrivés sur le chantier. Une douzaine de personnaqes sont descendus des voitures pour causer avec les qens qui étaient là et, par la suite, le chantier n'était plus au ralenti, mais fermé.

M. Laurin (Robert): Je n'ai pas assisté à la discussion. J'imagine, M. le ministre, qu'il y avait des arguments convaincants. Il demeure que la question que vous m'avez posée et à laguelle j'ai tenté de répondre, c'était de façon générale. J'ignore s'il y a eu des incidents gui pourraient être visés par l'article 57, mais mon humble avis est que, sur la situation générale qu'on vit actuellement, il n'y a pas d'infraction aux dispositions de l'article 57.

Quant aux incidents, je n'ai pas eu le...

M. Pagé: Me Laurin, si je comprends bien, un refus de la part des travailleurs, selon votre interprétation, ce n'est ni un ralentissement, ni une grève. C'est un refus de la part des travailleurs de travailler à ces conditions, dans un contexte où les employeurs sont cependant limités par, d'une part, le règlement de placement et, d'autre part, une main-d'oeuvre formée très limitée.

M. Laurin (Robert): La partie patronale, à mon humble avis, se limite elle-même dans la mesure où, effectivement, on tente de solutionner le problème. Il y a eu des efforts du côté syndical, plusieurs rencontres avec les gens du métier. On ne tente pas de convaincre ces gens-là de déserter les chantiers de construction. On tente, au contraire, de trouver une façon de régler le problème. Ce sont les qens eux-mêmes - si vous voulez que je réponde clairement à la question - qui décident ce qui se fait. Ce n'est absolument pas - et c'est clair, je pense - une incitation syndicale, que ce soit l'association représentative, quelle qu'elle soit. Ce sont les gens. Sinon, d'ailleurs, la situation n'aurait pas duré jusqu'à maintenant si les travailleurs eux-mêmes directement concernés n'avaient pas vécu le problème de la façon qu'ils l'ont vécu et il aurait fallu être convaincant pour les amener à ne pas travailler malgré le travail qui peut être fait et on a évidemment parlé d'un chantier qui peut durer un certain temps.

M. Pagé: Mais vous conviendrez, Me Laurin, que les employés se trouvent dans une position de force dans le sens que les employeurs n'ont pas le choix de se retourner de côté et de faire venir des travailleurs de l'Ontario, limités qu'ils sont en cela par le règlement de placement dans un premier temps et, deuxièmement, vous convenez vous-mêmes que les employés ayant la formation appropriée, la compétence appropriée parce que, pour reprendre les termes de M. Lavallée, il faut être très compétent pour exercer un tel ouvrage, se trouvent placés dans une position nettement avantageuse comme force de négociation par rapport aux employeurs et je comprends le caractère de corde raide de la réponse que vous aviez à donner. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. Roy, une réponse à donner?

M. Marois: M. le Président, je voudrais rappeler qu'il y avait la question que j'avais posée à M. Roy, et il y avait également l'autre question concernant le consensus intervenu en cours de route signé par le représentant des opérateurs, le représentant des manoeuvres, qui n'a jamais été siqné par M. Roy, qui va nous expliquer pourquoi, mais ma question concernait les deux signatures. Ces deux signatures ne portaient que sur les deux premiers points, les 40 heures et le temps double. Comment explique-t-on que, passé le cap de cette signature sur un premier consensus, on se soit retrouvé par la suite avec cinq - au moment où on se parle - demandes additionnelles?

M. Laurin: Pour procéder dans l'ordre, on pourrait peut-être demander à M. Roy d'expliquer sa position et, le cas échéant, on pourra demander aux autres métiers qui sont éqalement impliqués de formuler eux-mêmes leur réponse.

Le Président (M. Jolivet): M. Roy.

M. Roy (Robert): Merci, M. le Président. On me pose la question, on me demande pour quelle raison je n'ai pas signé le document. Quand tu signes un document, c'est que tu as négocié quelque chose. Or, on l'a dit tantôt et on le répète: II n'y a jamais eu de négociation sur le pipe-line. Je n'ai jamais été convoqué officiellement pour négocier à une table sur le pipe-line pour le local 144. Il n'y a jamais eu de négocation. J'ai fait une demande le 29 octobre 1979. Je n'ai jamais eu d'accusé de réception et ainsi de suite. Cela a toujours continué de cette façon. Donc, on s'est retrouvé, comme on l'a dit tantôt, avec des documents dans la Gazette officielle, pas négociés, pas signés, rien, et inférieurs à ce qu'on avait avant. Donc, si on me demande pour quelle raison je n'ai pas signé, c'est que tout simplement je n'ai pas vu le document. Cela a été déposé. Ce sont des demandes patronales et cela n'a pas été négocié. Je ne peux pas l'avoir signé. Je pense que c'est assez clair. S'il y avait eu entente, on se serait entendus entre les deux parties. C'est sûr qu'il y aurait eu une signature, si on s'était entendu, mais il n'y a pas eu entente.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions?

M. Tousignant (Normand): M. le Président, MM. les membres de la commission, il serait peut-être bon d'éclaircir ce fameux document, qui n'a pas été préparé par la partie patronale, mais gui a été préparé par moi. À la suite du dépôt de la brigue globale, de l'offre globale de la partie patronale, à la suite de la signature de cette brigue globale gui contenait, entre autres, un net recul concernant les travaux de pipe-line, 45 heures au lieu de 40 heures, du temps et demi, ce gu'on n'avait pas depuis 1963 sur le pipe-line, il y a eu effectivement discussion et non pas négociation, puisque tout était signé. Cela s'est passé plus précisément au mois de juin, avant la publication du décret officiel de fin de juillet, où il y a eu des rencontres entre moi et le représentant de la partie patronale, Me Dion, qui est ici et qui m'a souligné la possibilité au moins de maintenir le statu quo, parce gu'il faut garder à l'esprit gue la publication du décret, gue, comme telles, légalement, les signatures étaient faites sur tous les documents, sur la brigue globale. (12 h 30)

Pour maintenir au moins le statu guo des conditions existantes, les points majeurs qui nous touchaient étaient les 40 heures et le temps double. La partie patronale, à ce moment-là, a souligné que si les trois locaux concernés étaient d'accord pour dire que la négociation concernant le pipe-line serait close avec la modification pour les 40 heures et le temps double, il y avait une possibilité de siqner une entente pour aviser le ministre d'une telle modification.

Il n'y a jamais eu de rencontre entre la partie patronale et Yves Paré, du local 791, des opérateurs, à ce sujet. La rencontre, c'est moi gui l'ai eue avec Yves Paré qui a souligné la possibilité au moins de maintenir le statu quo sur ces deux points avant la publication du décret. Quand on est "sgueezé", à un moment donné, on tente de sauver le peu de meubles qu'on peut sauver. On n'était pas en position de force, la négociation, pour la partie patronale, était officiellement terminée.

M. Paré et moi-même avons effectivement signé le document gue, d'ailleurs, M. le ministre a entre les mains; il doit en avoir une copie. Il n'y a pas de problème, il n'y a pas de cachette, c'est vrai gu'on l'a signé, sauf gue M. Roy a refusé de signer, pour des raisons que vous comprendrez. Lorsque la partie patronale vient ici ce matin pour dire: Tout est réglé, on a eu une négociation pour les deux métiers impligués, pourguoi l'entente n'a-t-elle pas été respectée? D'accord, nos signatures y sont, mais est-ce que la partie patronale a signé l'autre document? Jamais. Est-ce qu'elle l'a appliqué, est-ce gu'elle a demandé au ministre de l'époque de modifier ces deux articles au décret? Jamais. Aujourd'hui, qu'elle ne vienne pas invoquer que, pour nous - quand je dis "pour nous", je parle du local 62 et du local 791 - c'est le règlement global qui s'applique aujourd'hui; c'était l'entente pour tenter au moins de corriqer une situation qu'on savait inacceptable et que nos membres n'auraient pas acceptée pour des travaux de pipe-line.

Si la partie patronale avait fait parvenir au ministre la modification et que cette dernière avait été appliquée dans la Gazette officielle, les membres, les manoeuvres, les opérateurs et moi-même ne serions pas ici ce matin. J'ai signé un document, je l'ai respecté, mais dès le moment où la partie patronale, au mois de juillet, a carrément refusé l'entente parce que la signature du représentant du local 144 n'était pas là, le document ne tenait plus.

Le Président (M. Jolivet): M. Paré.

M. Paré (Yves): J'aimerais ajouter ceci, je pense que ce serait bon de le rappeler. Quand Me Leboeuf a été nommé médiateur en 1980 pour les négociations, il était clair

que pour tout ce qui concernait les clauses communes qui impliquaient plus d'un métier, il n'était pas question que Me Leboeuf entre dans le débat, mais uniquement pour les discussions au niveau des clauses particulières. Le local 791 a effectivement négocié des clauses particulières qui touchaient tous les travailleurs, incluant aussi les "pipeliners". Chez nous, il y a eu des discussions entre le local 144 et le local 62 sur la possibilité de tenir une néaociation pour le pipe-line.

Ce qui avait été entendu - le rapport du médiateur le spécifie bien clairement -c'est qu'il devait y avoir poursuite des négociations concernant le pipe-line. Lors de la publication du décret ou de la siqnature de la convention, au mois de mai, il apparaissait un recul sur les heures de travail et le temps supplémentaire, ce qui était important. Après une discussion avec le local 62, il a été décidé de ramener les heures de travail et le temps supplémentaire au statu quo. On a signé ce document. La partie patronale devait, avec le conseil provincial, apporter les modifications au décret, ce qui n'a pas été fait, et les négociations ont été poursuivies un an après. Ce que le médiateur recommandait au mois de mai 1980 arrive aujourd'hui, et la négociation a été appelée.

Je pense que les métiers concernés ont le droit et même le devoir de s'asseoir et de discuter pour avoir des conditions de pipeline. La semaine dernière, samedi, je pense, on a eu une rencontre au ministère du Travail avec le conciliateur, où on a discuté des points. On parle de sept points, je pense que le local 791 n'est pas impliqué dans les sept points; on parle de distribution où les opérateurs sont à peu près inexistants, où il y en a très peu qui travaillent à la distribution. Vous remarquerez, dans les sept points, les heures de travail, le surtemps revient, l'autre point qui touche les opérateurs concerne le salaire. Je pense que, quand on parle de modifications, ce n'est pas un problème; la préparation d'une équipe pour la distribution, les opérateurs ne sont à peu près pas touchés, parce qu'à la distribution, il y a un opérateur avec six ou sept soudeurs. Les opérateurs ne sont pas impliqués. Sauf que, dans la construction du "main", les opérateurs sont impliqués en plus grand nombre. Là, je pense que notre devoir est de se rasseoir à la table et de faire ce que le conciliateur recommandait au mois de mai 1980: une néqociation en ce qui concerne le pipe-line.

C'est ce qui fait qu'on reparaît dans le dossier; la négociation du pipe-line, selon la recommandation du conciliateur, n'a jamais été faite.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai été fort impressionné par le premier énoncé de principe ou l'argumentation de Me Laurin, au tout début, lorsgu'il disait qu'il était extrêmement difficile de demander à des ouvriers extrêmement compétents, des "pipeliners", qui devaient, à certains moments, aller travailler en dehors du Québec, avec des conditions plus avantageuses, et qui revenaient ici, de leur demander de travailler à des conditions peut-être moins avantageuses; dans le fond, c'est peut-être le fond du problème.

Lorsqu'il a dit ça, je me suis demandé si c'était une profession de foi dans le marché commun canadien qui permet aux ouvriers d'aller d'une province à l'autre et qui devrait permettre d'abolir toutes les barrières provinciales artificielles. Je me demandais s'il serait d'accord avec moi pour dire que le problème fondamental auquel on fait face aujourd'hui, sur lequel la commission doit se pencher, c'est qu'il semblerait qu'il soit extrêmement difficile de vivre un problème qui dérive d'un séparatisme économique et que, si on permet à des ouvriers du Québec d'aller travailler à l'extérieur, on devrait permettre aux autres de le faire également. Dans ce sens, je suis complètement d'accord avec lui que, si on accepte les principes à partir desquels il a fait son argumentation, on devrait accepter de fournir des conditions très semblables à celles qui sont définies dans le "Pipeline Agreement" canadien.

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin.

M. Laurin (Robert): II est évident, et c'est peut-être malheureux, que la négociation au niveau canadien ne se fasse pas ici au Québec. On n'est pas en train de négocier le "National Agreement", on est en train de tenter de régler le problème du Québec. Il y a évidemment une mobilité qui est inévitable dans le secteur du pipe-line, dont on doit tenir compte et ça rend évidemment le dossier un peu particulier, indépendamment des autres consonnances ou des autre qualificatifs quant au problème.

Il est évident qu'on tente de se situer dans le contexte d'un règlement au niveau du Québec, c'est bien sûr, et il est évident éqalement qu'on doit tenir compte d'une mobilité des employés qui, du Québec, vont vers l'extérieur, mais éqalement des qens qui peuvent, de l'extérieur, venir ici. Il est évident que la construction de lignes de pipe-line se fait au Québec, mais elle se fait évidemment ailleurs, ce qui inclut les autres provinces du Canada.

M. Fortier: Oui, mais, si vous êtes d'accord avec moi, il ne s'agit pas uniquement du pipe-line, il s'agit de la pétrochimie, il peut s'agir du nickel. Quand

on parle de soudeurs spécialisés ou même d'autres domaines dans lesquels les ouvriers peuvent avoir une certaine mobilité, il s'agit, bien sûr, pour eux de prendre avantage des grands projets énergétiques, pétrochimiques, ou dans quelque domaine que ce soit. C'est pour ça que je me demandais si c'était une profession de foi dans le marché commun, parce que cela me semblait être en désaccord avec les données ou les politiques de votre président, M. Laberge, et je me demandais si c'était un changement de politique de la FTQ dans ce secteur de la construction.

M. Laurin (Robert): II est évident, M. le député, que la démarche syndicale, dans n'importe quel type de dossier, est de comparer des conditions de travail et il est évident que, dans d'autres secteurs d'économie, la démarche syndicale est toujours de comparer des conditions de travail. Souventefois, les comparaisons sont faites avec l'Ontario. Dans le cas particulier du pipe-line, nous nous référons non seulement à des conditions de travail qui peuvent exister et être plus avantageuses, que ce soit aux États-Unis, en Ontario ou en Australie, mais c'est de dire qu'il y a une entente qui lie évidemment des employeurs qui sont les mêmes. C'est dans cette perspective qu'on fait la comparaison.

C'est pour cela que je disais, d'ailleurs, au début: Elle est particulière, la situation, parce qu'on ne tente pas de convaincre les membres de la commission qu'on devait avoir les meilleures conditions qui puissent exister dans l'industrie en faisant des comparaisons avec les États-Unis ou ailleurs. Ce qu'on fait, c'est qu'on se réfère à une entente à laquelle les mêmes employeurs ont participé, entente qu'ils ont acceptée et qu'ils ont de fait commencé à mettre en application au Québec.

M. Fortier: Si on accepte ces prémisses que vous venez de définir, je dois dire, pour ma part, que ce qu'a dit le ministre au début est très pertinent, à savoir: Est-ce que la FTQ prône maintenant cette politique d'avoir des ententes plutôt pancanadiennes ou si la FTQ est encore promotrice du règlement de placement qui, en fait, limite de beaucoup les déplacements interprovinciaux?

Le Président (M. Jolivet): M. Lavallée.

M. Lavallée: Je vais répondre à cette question, étant donné que c'est moi qui suis le président de la FTQ-Construction. Je pense qu'on ramène le débat à la mauvaise place. Le règlement de placement - on l'a toujours dit - on continue de le maintenir, on est d'accord. Il ne faudrait pas charrier non plus. Le règlement de placement n'empêche pas les travailleurs des autres provinces de venir travailler au Québec, comme les autres provinces, dans certains cas, empêchent les travailleurs québécois d'aller travailler dans les autres provinces. J'en suis un, je représente 10 000 électriciens qui n'ont pas le droit de travailler dans les autres provinces parce qu'ils ne font pas partie du IBEW, tandis qu'au Québec, ils ont le droit de venir travailler. Lorsqu'on va travailler dans d'autres provinces, c'est parce qu'il n'y a plus de personnes disponibles dans ces locaux, dans ces emplois. J'ai déjà fait partie de l'Union internationale. À ce moment, on requiert les services d'un travailleur qui vient du Québec ou de d'autres provinces.

Au Québec, avant de faire venir des travailleurs de d'autres provinces, il va falloir donner la priorité aux travailleurs québécois. C'est l'essentiel du rèqlement de placement. J'expliquais au tout début que le rèqlement de placement n'empêche pas de faire venir des travailleurs d'une autre province quand on n'est plus capables d'en fournir. Dans une spécialité bien donnée, si on en manque, on peut en faire venir d'une autre province. J'expliquais aussi que je suis convaincu que les travailleurs du pipe-line qui sont membres du local 144 vont certainement donner la chance à leurs propres confrères de travail qui sont déjà des soudeurs, qui ont besoin de faire un stage avec eux pour pouvoir apprendre exactement comment faire. Ils vont donner cette priorité à leurs propres confrères de travail au Québec avant de la donner à d'autres travailleurs qui viennent de d'autres provinces.

Soyez assurés que notre position vis-à-vis du règlement de placement n'a pas chanqé. On y croit. C'est probablement à cause du rèqlement de placement si, malgré la conjoncture économique et le chômage qu'on vit depuis quatre ans dans l'industrie de la construction, on a réussi quand même à améliorer le niveau de vie des travailleurs de la construction.

M. Fortier: On est tous d'accord pour favoriser les ouvriers québécois mais, comme l'a noté le député de Portneuf tout à l'heure, le fait qu'il y ait un règlement de placement donne une force de frappe plus grande au syndicat dans le conflit auquel on doit faire face.

M. Brassard: Une position de partie.

M. Lavallée: Je pense que ce n'est pas nécessairement le cas. Ce n'est pas à cause du règlement de placement qu'on a un problème avec le pipe-line. On l'a dit tout à l'heure. Si la construction du pipe-line avait commencé il y a huit ou dix mois, au moment de la négociation, c'est à force de

frappe que cela fait des différences... Regardez les conditions des "line-men", lors des dernières néqociations. Il y a plus de travail de ligne au Québec. À ce moment, on est partis d'en arrière et on a réussi à obtenir 0,75 $ l'heure de plus que les autres. La même chose s'est passée dans le cas des travailleurs d'ascenseurs. Donc, la partie patronale, elle, au moment de la négociation du pipe-line, se souciait peu de ce qui était pour arriver et n'a pas voulu négocier de conditions pour le pipe-line. Si on avait été sérieux, on aurait su qu'il y avait un pipeline qui s'en venait. On savait qu'un jour ou l'autre, on aurait à faire face à cela. C'est la raison pour laquelle le local 144 voulait négocier les conditions du pipe-line; c'est la raison pour laquelle on voulait que les trois groupes en question soient impliqués à une même table, ce qui n'a jamais été fait. La partie patronale a "garroché" une brique sur la table et a dit: Voici vos conditions du pipe-line. C'était facile. Les gars des autres métiers avaient accepté ses conditions. C'était pratiquement réglé partout. Il restait le pipe-line. On a dit: on va passer le rouleau à vapeur dessus. Mais s'il y avait eu à ce moment-là un pipe-line en construction, je suis convaincu que l'association patronale ou le qroupe d'employeurs aurait fait comme les "line- men" ont fait, s'asseoir avec l'AECQ pour dire: Vous allez néqocier des conditions pour ces gars-là. Cela n'a pas été le cas. Cela n'a rien à voir avec le règlement de placement, c'est tout simplement dû au fait qu'il n'y a pas eu de négociation sur le pipe-line.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, je pense qu'une chose est claire, l'Opposition est contre le rèqlement de placement dans la construction. J'espère que c'est bien noté par toutes les centrales syndicales. (12 h 451

Une voix: C'est clair et net.

M. Dean: Deuxièmement, j'ai un commentaire...

M. Pagé: Oui, mais votre règlement de placement est illégal...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf!

M. Pagé: ...jusqu'à ce que le jugement soit cassé.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf!

M. Pagé: II y a des choses gu'il faut rétablir. Le jugement est illégal. Le rèqlement est illégal jusgu'à ce que le jugement soit cassé. Vous le savez.

Le Président (M. Jolivet): M. le député! M. le député!

M. Dean: Mais l'Opposition est heureuse de cette décision de la cour. On peut dire cela.

M. Pagé: Vous allez avoir un recours collectif de plusieurs millions à part cela. Vous le savez.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Pagé: Préparez-vous.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député de Portneuf!

M. Pagé: Attelez-vous dans le coin et allez voir Parizeau.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je pense gue le député de Portneuf sait fort bien gue ce n'est pas tout à fait ce que dit le jugement. Le jugement ne rend pas illégal et nul le règlement de placement.

M. Pagé: Pour les travailleurs qui possédaient un certificat de qualification avant le 1er juillet 1978...

M. Marois: Déjà le député de Portneuf convient qu'il y a un certain nombre de nuances. Je l'apprécie, c'est noté.

M. Pagé: ... ce qui touche des milliers et des milliers de travailleurs.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît: M. le député de Prévost.

M. Pagé: Appuyez-vous dans le coin, les gars.

M. Brassard: ... ne condamne pas la préférence pour les travailleurs québécois.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Prévost.

M. Dean: J'aurais un commentaire. Je ne parle pas souvent, mais, quand je parle, cela provoque des affaires. On va parler plus souvent. J'ai un commentaire peut-être et deux questions. Le commentaire, c'est que l'exemple de l'automobile n'était peut-être pas l'exemple le plus heureux que mes amis de la FTQ-Construction auraient pu utiliser, parce que je dois souligner en toute

honnêteté que la parité salariale entre tous les travailleurs de l'automobile a pris 25 ans à se faire. Pendant 25 ans, les travailleurs canadiens, malgré toutes les grèves qu'ils ont bien voulu faire, n'ont pas réussi à atteindre la parité salariale avec les Américains dans les mêmes entreprises. Quand GM a construit une usine à Sainte-Thérèse, au Québec, en 1965, les travailleurs québécois gagnaient moins que les travailleurs de l'Ontario, au début. Cela a pris une qrève en 1966 pour obtenir la parité entre le Québec et l'Ontario. Cette parité a été obtenue pendant les trois années d'une convention collective. Cela n'a pas été obtenu d'un coup, cela a été obtenu graduellement.

Finalement, quand tous les travailleurs canadiens et les 450 000 travailleurs américains ont fait la grève en 1967 pour la parité, cela a aussi été obtenu graduellement pendant la vie d'une convention collective de trois ans.

Ceci dit, j'aurais deux guestions. Je suis peut-être très lent à comprendre, mais je voudrais savoir encore une fois, parce que je ne l'ai pas bien compris encore, quand on parle de "pipeliners" et de ceux qui sont actuellement impliqués dans le problème auquel on essaie de trouver une solution. Est-ce que les soudeurs qui ne soudent pas actuellement sont des gens du Québec, mais gui ont déjà travaillé ou qui travaillent ailleurs sur le pipe-line et qui voudraient, pendant cette période, travailler au Québec, pendant que le pipe-line est au Québec, ou est-ce que ce sont exclusivement des soudeurs qui ont été formés par les cours de formation, qui sont des Québécois formés pour le pipe-line, ici au Québec, qui n'ont pas travaillé à l'extérieur du Québec sur le pipe-line? Je voudrais savoir qui sont les travailleurs impliqués dans ce problème-là.

Une autre chose où je suis plus que mêlé: Est-ce que, oui ou non, il y a une convention collective en vigueur actuellement dans la construction qui régit tout ce monde-là? Parce gue les travailleurs d'automobiles ont fait leur grève pour la parité au moment de faire la négociation et, selon les conventions collectives, ils n'ont pas fait des choses au milieu de la convention. Mais, en écoutant les témoignages, les questions et les réponses, tantôt je pense qu'il y a une convention en vigueur et tantôt je pense qu'il n'y en a pas; tantôt je pense qu'il y a une moitié de convention qui est en vigueur et une moitié qui ne l'est pas, et c'est difficile de résoudre le problème quand tu ne sais même pas quelles sont les données de base. Je pense que, sans entrer dans les principes ou les points de litige, il serait bon que quelques membres de la commission comprennent au moins qui sont les "pipeliners" en jeu et, deuxièmement, est-ce que, oui ou non, il y a des conventions collectives en vigueur?

M. le Président (M. Jolivet): M. Roy ou

M. Laurin.

M. Laurin (Robert): Je vais répondre à la deuxième question et M. Roy répondra sur l'identité des gens. Sur la deuxième, pour qu'on se comprenne bien, il y a une convention collective rie travail, sauf que la loi de la construction, à l'article 51 et aux dispositions précédentes également, prévoit un mécanisme. En guelques mots, c'est qu'il s'agit d'une négociation qui est prévue à l'échelle de la province de Québec pour tous les métiers; de façon à éviter que certains groupes fassent l'objet d'une espèce de discrimination ou pour le moins d'une injustice, on permet au ministre d'intervenir, ce qu'on ne permet pas dans le secteur industriel. Une fois que la négociation est terminée, le ministre ne peut pas prendre l'initiative de changer la convention collective, sauf qu'en favorisant une négociation qui a une portée aussi étendue, on a assortit cette négociation à des pouvoirs spéciaux, au profit du ministre, lui permettant d'intervenir, de façon à éviter que ne soient créées des injustices. Tout le monde aura compris, par exemple, que, si je représente un petit métier, j'ai un très faible pouvoir de négociation et que, si la partie patronale règle l'ensemble des conditions de travail de tous les métiers, j'aurai beau tenter, en fin de négociation ou après négociation, de revendiquer des droits pour mes gens...

J'ai vécu l'expérience personnellement au niveau des tireurs de joints il y a guelgues années, peut-être gue quelques-uns s'en souviennent, mais, à ce moment-là, il y a un mécanisme qui permet de redresser la situation, étant donné qu'il y a, techniquement, uniquement deux agents négociateurs pour l'ensemble des métiers et l'ensemble du Québec, d'où le mécanisme est celui prévu dans la loi à l'article 51 où on dit: Lorsqu'il n'y a pas d'autres solutions -et je le fais d'une façon libérale - il est possible pour le ministre d'intervenir. C'est pour cela que je disais au début: Ce n'est pas un mécanisme qui vise à faire en sorte qu'on négocie continuellement jusqu'au prochain décret, mais c'est un mécanisme qui fait que, dans une situation d'impasse et une situation particulière, telle que celle que nous vivons, c'est-à-dire où il n'y a pas eu de négociations avec le problème qu'on connaît maintenant, le ministre a, et c'est humblement mon interprétation, les pouvoirs d'intervenir. Donc, si on compare à l'industriel - et je termine là-dessus - c'est un mécanisme qui est fort différent où le ministre a le pouvoir de modifier, avec le consentement des parties, ou sans le consentement des parties, le contenu d'un décret. Et c'est là que nous en sommes.

Le Président (M. Jolivet): M. Roy.

M. Roy: Merci, M. le Président. M. Dean m'a posé la question. Les travailleurs qui sont impliqués, c'est certain que ce sont des travailleurs québécois. Mais ces travailleurs sont appelés à travailler à d'autres chantiers à travers le Québec, un peu partout. Ces mêmes travailleurs travaillent à l'extérieur, comme ils le disaient tantôt, ils avaient une mobilité. Les gars travaillaient peut-être un peu aux États-Unis, dans l'Ouest, sauf que ces travailleurs sont des spécialistes du pipe-line, ce sont des gars qui y travaillent depuis des années.

Il serait bon de spécifier aussi qu'au niveau du pipe-line, vous avez la distribution, vous avez la "main line", qui vient de Sarnia à Montréal, et vous avez la distribution pour distribuer dans la ville, dans les maisons, dans le secteur résidentiel.

Ces travailleurs, depuis qu'il n'y a pas eu de "main line" - cela fait dix ou quinze ans - ont travaillé dans la distribution. Ils ont fait du "main line", peut-être pas des grosses lignes comme Sarnia-Montréal, mais ils ont travaillé sur du "main line" ici, puis dans la distribution.

Donc, ces types sont spécialistes dans la soudure. Il y a même des tuyauteurs qui sont là-dessus, parce que ce sont des équipes. C'est la raison pour laquelle tantôt, quand j'entendais que cela prenait trois semaines pour former un "pipeliner", ce n'est pas le cas. Il va peut-être avoir son test de soudure, mais de là à arriver sur le chantier et savoir quoi faire et aller de l'avant et fonctionner et savoir exactement ce que c'est du pipe-line, je pense que c'est dans le champ que cela se fait. C'est dans le champ que le gars apprend.

On est conscient qu'au niveau de la formation de nouveaux soudeurs, de nouveaux "pipeliners", c'est sûr que cela urge et qu'il va falloir en former d'autres éventuellement. Il faut conclure quand même que ces travailleurs, c'est une catégorie de travailleurs qui sont importants pour le Québec.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, j'aurais une dernière question à poser à M. Lavallée. Il semble, jusqu'à maintenant, au moment où on en est dans nos travaux, à la suite des témoignages de la partie patronale, et de ceux qu'on vient d'entendre, sur les sept demandes laissées en suspens à la table de médiation extraordinaire, se dégager ce que j'ai appelé un commencement ou un début de consensus entre les parties, sur deux points: De 45 heures à 40 heures, le temps double au lieu du temps et demi.

Par ailleurs, à des questions très précises, vous avez tous entendu la partie patronale nous dire tout à l'heure qu'elle n'était pas - je reprends son expression -figée dans la glace. Elle nous a illustré concrètement sa pensée en disant qu'en ce qui concerne les vacances pour la distribution seulement, elle souhaitait que les vacances puissent se prendre pendant les vacances régulières de la construction. Si cela pouvait régler le problème, tant mieux!

Donc, il y a là trois éléments extrêmement importants puisque j'aurai à formuler des recommandations très précises dès demain matin au Conseil des ministres. Ma question est la suivante: À la lumière de cela, reprenant l'expression de la partie patronale, indépendamment des trois points que je viens d'évoquer, quant au reste, est-ce que oui ou non vous êtes figés dans la glace et si non, quels sont les morceaux de la glace qui sont plus flottants que les autres?

Le Président (M. Jolivet): M. Lavallée.

M. Lavallée: M. le Président, connaissant la partie patronale...

M. Marois: Je pense bien que les parties conviendront - je l'ai souvent rappelé - que l'économie générale de la loi, c'est que les parties fassent tout ce qui est humainement possible pour en arriver à une entente raisonnable et responsable. Au point où on en est, cela n'a pas été possible. Donc, on doit exercer les pouvoirs prévus par la loi et, en conséquence, au moment où on se trouve dans nos travaux, il va de soi que les parties doivent apporter leur collaboration maximale pour nous aider à en arriver à un règlement. Il faut, pour reprendre l'expression de M. Roy, puisque ce qu'on apprend dans le champ, malgré les semaines de formation, que le champ s'ouvre, cela urge. En conséquence, je pense que tout élément susceptible d'éclairer la recommandation que j'aurai à faire au Conseil des ministres demain matin est -vous le comprenez bien - plus que bienvenu à ce moment-ci.

M. Lavallée: M. le Président, connaissant la partie patronale depuis de nombreuses années, lorsqu'on nous dit qu'elle n'est pas figée dans la glace, cela équivaut à dire qu'elle est figée dans le béton. J'ai déjà eu, à plusieurs occasions, à discuter avec l'AECQ. C'était toujours la même chose: On n'est pas figé dans la glace. Nous sommes présentement en négociation dans un champ différent, que vous connaissez très bien, qui est l'association sectorielle de la construction. Ils ne sont pas figés dans la glace, ils sont figés dans le béton. L'AECQ est inflexible. L'AECQ est une superstructure qui fait face à cinq parties syndicales qui ne

sont pas nécessairement toutes des amies réciproques. Donc, pour autant que je suis concerné, je ne crois pas à la flexibilité de l'AECQ. Concernant les trois points sur lesquels l'AECQ s'est dite prête à bouger, je suis convaincu qu'il n'y a pas de règlement, sauf pour les points qu'on a soulevés au médiateur. Depuis le début, on dit que c'est en dessous des conditions existantes. Ils sont ici, ils peuvent vous le dire. Sur ces conditions, ces gars ont dit au médiateur: Écoutez, pour qu'on puisse avoir un règlement, voici les conditions qu'on veut obtenir. La réponse est donc, que c'est un tout, ce n'est pas par morceaux. Concernant les points sur lesquels l'AECQ dit qu'elle n'est pas gelée dans le ciment, depuis le début, je le dis, depuis six mois, et je l'ai déjà dit auparavant, l'AECQ, quand elle a fini de négocier, est inflexible et elle aime jouer les groupes les uns contre les autres.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Paré: Peut-être, pour conclure sur la question du ministre, je pense que les points qui ont été mentionnés au conciliateur, ce sont, à 90%, des clauses qui existaient déjà au décret. On parle d'heures de travail, on parle de vacances, on parle de formation d'équipes, on parle de lieux, de points de rencontre, ce sont des points que les "pipeliners" avaient dans l'ancien décret. Donc, il n'y a pas grand-chose, en fait, que les "pipeliners" demandent. Il y a deux points: la question de la pension et celle du salaire; le reste existait déjà dans le décret et il a été perdu à la suite du dépôt de la brique du 22 janvier 1980 par l'AECQ, qui a dit: Cela, ce seront les conditions des travailleurs au Québec, ce qui n'a pas été accepté par quatre corps de métiers affiliés au conseil provincial à ce moment-là, et il y a eu des grèves. Quand le médiateur a été nommé, ces points communs n'ont jamais été discutés. Je pense que les "pipeliners" n'exigent pas des conditions supérieures à ce qui existe ailleurs; ils demandent, à 90%, des clauses qu'ils avaient, plus un rajustement salarial qui existe ailleurs qu'au Québec. (13 heures)

M. Lavallée: Pour terminer, M. le Président, je pense que...

Le Président (M. Jolivet): Excusez, M. Lavallée.

M. Marois: M. Lavallée, est-ce que je comprends de la dernière intervention que vous dites que la demande, notamment, pour l'indemnité de pension à plus 40 kilomètres du domicile, 50 $ par jour, sept jours par semaine, 350 $, c'était là?

M. Paré: J'ai dit qu'il y a deux points, en fait, qui sont modifiés, soit la pension et les salaires. Le reste, les heures de travail, le temps supplémentaire, les vacances d'été... On parle aussi de formation d'équipes, cela a été ajouté au décret, ça n'existait pas avant. Les travailleurs sur le pipe-line, à la distribution, avaient ce qu'on appelait avant un "pre-job conference." Avant que "la job" débute, les parties se rencontraient, discutaient de la formation des équipes et ce n'est pas l'employeur qui décidait. On demande, unilatéralement, maintenant, à l'employeur de décider tout seul. Cela n'existait pas dans le décret. Ce que les "pipeliners" veulent, c'est que ça revienne à ce que c'était auparavant.

Les deux seuls points qui sont modifiés ou touchés, c'est la pension, le salaire, le reste existait.

Le Président (M. Jolivet): Me Laurin.

M. Laurin (Robert): II se dégage une impression qui est la suivante: la partie patronale vient devant vous et dit: On n'est pas gelé dans la glace, on est prêt à consentir à trois points. Il y a deux éléments qu'il faut considérer: le premier, c'est que les trois points qu'on vous met sur la table, ce sont des reculs qui avaient été encaissés; il faut se rappeler que la semaine de 40 heures existait déjà et que c'est seulement à la dernière négociation, dans le texte patronal, qu'est apparue la notion de 45 heures. On l'avait déjà, la semaine de 40 heures.

Quand on fait un geste magnanime et qu'on donne l'impression que l'AECQ est prête à débloquer, elle ne débloque pas, parce que, de fait, cela existait. Le temps double, maintenant, tout le monde l'a. Ce n'est absolument pas un compromis qu'on nous fait ou qu'on fait aux "pipeliners", tout le monde a le temps double et les 40 heures, on les avait.

Maintenant, quand on nous dit: Vous êtes gelé dans la glace, il y a un détail sur lequel j'aimerais attirer votre attention; c'est qu'à la suite de la recommandation ou des recommandations qui ont été faites, on a tenté de mettre de l'eau dans notre vin continuellement et l'on l'a fait; ce qui fait qu'au début, on partait de l'entente nationale, on a fait un projet, on l'a présenté à la commission parlementaire, on en a fait un second, un troisième et, quand il reste sept points, c'est le quatrième projet qu'on élabore. C'est toujours à notre initiative pour tenter de régler le problème et, pendant ce temps-là, du côté patronal, ça ne bouge pas.

Si on avait voulu négocier, comme cela se fait en négociation, on dirait: C'est l'entente nationale et notre position ne bouge pas. Il ne faudrait pas maintenant, parce qu'on a tenté, contrairement à d'autres parties, de faire des pas en avant et des

compromis, des efforts, nous pénaliser en disant: II y en a sept, on va vous en donner trois ou quatre. Parce que faire ça, à mon humble avis, c'est faire exactement le jeu de l'association patronale qui n'a jamais bougé depuis le début et qui met sur la table actuellement deux éléments qui n'en sont pas, pour les raisons que j'ai indiquées.

C'est un élément qui m'apparaît important, parce qu'on peut avoir l'impression qu'il y a maintenant sept points; on ne donnera pas tout à la partie syndicale, on va réduire à quatre ou à cinq. Je vous souligne qu'il y a un danger là-dessus, parce que faire ça, c'est nous pénaliser pour avoir suivi les recommandations et avoir tenté d'en arriver à un règlement.

Quand on est arrivé, la dernière fois, en disant: C'est ça le strict minimum, c'était parce que la partie patronale était convoquée et qu'on voulait tenter de débloquer la négociation. On avait encore réduit nos demandes. On tentait de débloquer quelque chose. C'est un point sur lequel on insiste parce qu'il est extrêmement important pour nous. Ce serait que de nous pénaliser. On aurait dû maintenir la position intransigeante du départ. Aujourd'hui, il y aurait peut-être 35 points. On vous dirait: Choisissez-en 15 là-dedans. On en gagnerait huit par rapport aux demandes qui sont actuellement devant vous. Je pense que c'est une des clés du présent dossier.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie. Oui, en terminant, brièvement.

M. Lavallée: En terminant, on aurait préféré réussir à conclure une entente entre les parties, mais j'aimerais assurer cette commission que l'effet de dominos appréhendé peut-être par le ministre ou la partie patronale, je puis vous assurer qu'en tant que FTQ-Construction, il n'a jamais été dans notre intention, et il ne l'est pas non plus, d'ouvrir la négociation sur quelque point que ce soit, excepté en ce qui a trait au pipe-line. Je voulais que ce soit clair. J'ai pris connaissance de certaines déclarations à l'Assemblée nationale. Il n'est pas question pour FTQ-Construction d'ouvrir le décret. La raison pour laquelle on demande que ces conditions soient données aux "pipeliners" est simple, c'est qu'il n'y a pas eu de négociations pour les "pipeliners". Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures. Nous reviendrons avec la CSN.

(Suspension de la séance à 13 h 061

(Reprise de la séance à quinze heures quatorze)

Le Président (M. Jolivet): La commission du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux où elle les avait laissés ce matin.

Les gens qui ont à être présents sont d'abord la CSN et ensuite le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction. C'est ce qui va occuper notre travail pendant les heures qui viennent.

J'aimerais que M. Gravel, si c'est bien M. Gravel qui les représente, nous mentionne les noms des personnes qui l'accompagnent.

CSN-Construction

M. Gravel (André): La délégation de la CSN-Construction est constituée de M. Robert Breton, vice-président de la fédération; M. Marcellin Girard, vice-président aussi; M. Lucien Poulin, est conseiller à la fédération et qui a été responsable du dossier des négociations; aujourd'hui, il sera notre porte-parole; M. Marc Boivin, coordonnateur à la Fédération du bâtiment de la CSN-Construction. Moi-même, je suis conseiller, mais c'est M. Lucien Poulin qui sera notre porte-parole sur les questions qu'on a devant nous cet après-midi.

Le Président (M. Jolivet): Allez, M. Poulin.

M. Poulin (Lucien): M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, cela nous décourage un peu que, deux ans après la fin de l'expiration du décret de la construction, les travailleurs de cette industrie ne connaissent pas encore les conditions finales qui régiront leurs conditions de travail et ce, à un an de l'expiration du décret présentement en cours.

Malgré la tenue d'une commission parlementaire au cours du mois de janvier 1981, le ministre n'a pas encore publié les corrections au décret. Pourtant, il avait signalé aux parties pas moins d'une trentaine d'articles qu'il considérait comme illégaux. Je suis resté un peu surpris ce matin d'entendre les propos du ministre, voulant insinuer que certains travailleurs pouvaient être dans l'illégalité. Lors de cette commission parlementaire, les représentants des travailleurs des pipe-lines avaient mentionné qu'il existait un problème pour ce genre de travaux et le médiateur qui était au dossier à ce moment-là, M. Raymond Leboeuf, avait recommandé aux parties d'inclure, dans le règlement de la convention qui devait servir de décret, les conditions qui existaient dans l'entente nationale sur le pipe-line.

Je pense que la CSN, à cette époque, avait fait connaître sa position au ministre qui était la suivante: Nous n'avions pas d'objection à ce que le ministre publie dans

le décret les conditions de travail prévues dans l'entente nationale sur le pipe-line, mais nous nous opposions cependant a ce que le ministre publie les clauses qui étaient discriminatoires, en particulier, celles qui accordaient le placement exclusif au local 144. Le ministre et les membres de cette commission peuvent donc invoquer que la loi prévoit qu'il ne peut y avoir qu'un décret de la construction et qu'il doit régir tous les métiers de l'industrie de la construction. Si la loi prévoit des mécanismes de négociation qui ne permettent pas à certaines catégories de travailleurs d'être représentés et de se faire entendre, devons-nous conclure pour autant que ces travailleurs sont dans l'illégalité en voulant revendiquer des conditions de travail qui existaient pour eux depuis un certain nombre d'années? Pour tout dire, je pense, aussi loin que ma mémoire est bonne, que les travailleurs qui étaient sur le pipe-line bénéficiaient des conditions prévues dans la convention nationale du pipeline.

La loi, à ses débuts, la loi 290, prévoyait qu'il pouvait y avoir des négociations pour des contrats de 5 000 000 $ et plus; elle prévoyait qu'il pouvait y avoir des conditions particulières, mais cette loi a été amendée de telle sorte qu'elle centralise les négociations dans un sens où les travailleurs eux-mêmes n'ont plus un mot à dire dans leurs négociations.

Je pense à la question s'il y a eu négociation ou s'il n'y a pas eu négociation. Sur les travaux de pipe-line, je pense qu'on peut répondre purement et simplement qu'il n'y a pas eu de négocation pour le décret de la construction au sens de la loi. Tout le monde a violé cette loi, y compris les représentants du ministre. Des négociations se sont faites dans les corridors, des séances de conciliation ont été convoquées sans que la CSN soit invitée à participer à cette négociation; pourtant, la loi prévoit que notre association a le droit d'être présente à toutes les séances de négociation, pour y présenter des demandes.

Ce matin, on a entendu dire que des séances de négociation et que des rencontres de conciliation avaient eu lieu, mais jamais on n'a été convoqué à ces séances, jamais on n'a été consulté et encore une fois, je le répète, je pense qu'on est une centrale qui représente tous les travailleurs de la construction dans tous les métiers, dans toutes les régions de la province.

Si l'industrie de la construction continue à fonctionner dans la même anarchie que celle dans laquelle elle fonctionnait au cours des années précédentes et qu'on évoque qu'elle ne doit pas retomber dans cette anarchie, je pense qu'avant, s'il y avait une anarchie - plusieurs évoquent l'anarchie syndicale parce que c'est toujours l'anarchie syndicale qu'on évoque aujourd'hui, il existe d'autres sortes d'anarchie où tout le monde se fout de la loi et où les travailleurs en subissent les conséquences.

Pour les travailleurs du pipe-line, je pense qu'on est d'accord avec leurs revendications, je pense que la loi, les rèqlements, les négociations, cela ne doit pas avoir pour but d'enlever des droits acquis à des travailleurs de la construction ou de toute autre industrie.

Je pense que ce n'est pas un précédent pour le ministre de modifier le décret. Cela s'est fait à d'autres occasions, sous d'autres gouvernements au moins. Cela s'est fait, le ministre a modifié le décret pour le rendre acceptable pour les travailleurs. Je pense en particulier quand on a voulu sauver les Jeux olympiques. Le ministre, unilatéralement, a décrété une indexation de salaire qui s'est appliquée à tout le monde dans l'industrie de la construction.

Si on regarde les négociations, les augmentations de salaires qui ont été accordées aux travailleurs de la construction, on constate qu'ils vont perdre entre 0,75 $ et 1,50 $ sur leur pouvoir d'achat réel. Je ne pense pas qu'on doive se dire: On va pénaliser encore d'autres travailleurs en leur faisant perdre des droits acquis. Si le ministre voulait poser un geste magnanime, il verrait à ce que les travailleurs de la construction, au moins, bénéficient de l'augmentation du coût de la vie. Quand on parle des salaires de 1000 $ et 1500 $ par semaine dans l'industrie de la construction, il faudrait avoir les statistiques de l'année 1979-1980. En 1979, la moyenne des salaires dans l'industrie de la construction a été de 12 500 $ et probablement moins de 13 000 $ en 1980. Je pense qu'on est loin des salaires fabuleux de 1000 $ et 1500 $ par semaine.

C'est trop facile de lancer des chiffres semblables quand on connaît l'insécurité d'emploi qui existe dans cette industrie. Les travailleurs des pipe-lines sont sur le même pied que les autres travailleurs. Ils ne savent pas combien ils vont travailler d'heures dans la semaine. Ils ne savent pas combien ils vont travailler de mois dans l'année. Même s'il y a des travaux de pipe-line en cours, cela ne veut pas dire que le travailleur qui va être embauché sur un chantier où il y a des travaux de pipe-line va travailler douze mois par année, même si le chantier durait douze mois dans l'année. Tout le monde a dit: II y a du chômage dans la construction, et c'est vrai qu'il y a du chômage dans la construction, tellement qu'il y a encore tout près de 110 000 travailleurs de la construction qui détiennent des certificats de classification en vertu du règlement de placement, alors qu'il y a 60 000 jobs. Qu'on ne vienne pas me dire que c'est à cause du règlement de placement qu'il y a des

problèmes dans l'industrie de la construction. C'est là notre position, M. le ministre. En terminant, on peut vous dire que pour la prochaine négociation, on va certainement, à la CSN, se préparer mieux pour la négociation. On va certainement nous aussi essayer d'avoir un front aussi uni que les employeurs ont. En attendant, si on veut enlever des conditions de travail qui existaient pour certains groupes de travailleurs, on va avoir la même réaction que celle qu'ils ont eue quand on a voulu toucher au règlement de placement. On ne permettra pas continuellement à d'autres organismes que les associations syndicales de décider pour et au nom des travailleurs de la construction. M. le Président, notre intervention est terminée.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): J'aimerais rappeler aux gens qui sont à l'arrière que nulle autre intervention que celles des gens d'en avant n'est permise.

M. Marois: M. le Président, j'ai bien écouté l'intervention du porte-parole de la CSN et je me permettrai de revenir très rapidement - je ne voudrais pas qu'il y ait quelque ambiguïté que ce soit - sur trois points; par la suite, j'aurai deux questions bien précises à poser. Lorsque j'ai évoqué -et je me demande même si j'ai utilisé l'expression "illégalité", il se peut que oui, il se peut gue non, on le relèvera au journal des Débats - cela, il était très clair dans mon esprit gue je ne faisais nullement, de quelgue façon gue ce soit, allusion aux travailleurs de la construction au sens large. Vous vous souviendrez que je l'ai fait en parlant d'une situation bien particulière gui s'est produite - bon nombre de gens sont au courant de cela - une journée très précise il y a environ, si ma mémoire est bonne, une guinzaine de jours, un matin où les soudeurs se sont présentés sur le chantier pour travailler et il s'est produit ce gue j'ai évogué. C'est à ce moment-là que j'ai posé une question très précise à l'avocat qui accompagnait la FTQ-Construction sur son interprétation de l'application ou pas de l'article 57 de la loi face à une situation comme celle-là.

Deuxièmement, je ne me souviens pas et je ne crois pas que le médiateur, M. Leboeuf, au moment où il a remis son rapport, le premier rapport auguel on fait allusion concernant la négociation de la convention ait dit qu'il recommandait que les travailleurs bénéficient de toutes les conditions du "National Agreement". Ce gue M. Leboeuf disait dans son rapport, c'était qu'il incitait les parties à terminer le travail et à poursuivre les négociations.

Troisièmement, en ce gui concerne ce gui a été évogué - c'est un fait, là-dessus, vous avez parfaitement raison - à l'occasion de certaines rencontres de conciliation ou de médiation, peu importe, il est vrai que, dans un premier temps, pour tenter de voir s'il y avait possibilité d'ouvrir une perspective d'entente négociée entre les parties, il est vrai que, dans un premier temps, les parties syndicales, les premières intéressées, au premier chef, ont été consultées. Dans ce sens-là, vous avez raison de le relever, c'est un fait.

Ceci étant dit, ma première question est la suivante: Est-ce qu'il y a, directement concernés, présentement, dans ce qu'on appelle les travaux du gazoduc, des travailleurs de la CSN, d'une part? D'autre part, vous nous avez expligué très clairement votre position face - si on peut appeler ça comme ca - au différend actuel. Vous nous avez dit très clairement que vous étiez d'accord avec les demandes formulées par les travailleurs du pipe-line et vous avez ajouté, je crois gue je vous cite textuellement: On ne doit pas enlever aux travailleurs les droits acguis. (15 h 30)

Pourriez-vous être un peu plus précis sur ce point, quand vous parlez d'enlever aux travailleurs des drois acquis? Pourriez-vous nous dire quels sont très précisément ces droits acquis et à quoi vous faites référence sur chacun des points que vous voudrez bien nous mentionner? Est-ce que, sur tel ou tel point très précis de demande, quand vous parlez de droits acquis, vous faites allusion ou référence à l'ancien décret? En d'autres termes, est-ce qu'à votre point de vue, il y aurait présentement des choses, des conditions de travail qu'avaient les travailleurs du gazoduc dans l'ancien décret et qu'ils n'auraient plus présentement, d'une part, ou est-ce gue vous faites allusion à d'autre chose et si oui, quoi?

Je pense gue ce serait susceptible de nous éclairer de façon importante.

Le Président (M. Jolivet): M. Gravel ou M. Poulin?

M. Poulin: Votre première guestion est à savoir s'il y a des travailleurs de la CSN impliqués. Je peux vous dire, et plusieurs doivent être au courant, que Universal Pipe Line Enterprises n'a jamais employé de travailleurs de la CSN. D'ailleurs, il y a eu des plaintes déposées au ministère de la Justice et au ministère du Travail, il y a même eu une cause de gagnée par la CSN. On sait que cette entreprise a toujours et continuellement violé la loi et qu'elle n'a jamais embauché de travailleurs de la CSN, sauf qu'elle en a embauché et qu'elle a fait

appel à nos bureaux de placement pour placer des travailleurs pendant qu'il y en avait d'autres qui refusaient de travailler aux conditions qui existaient avant dans cette industrie. Je peux vous dire qu'il y avait un gars de la CSN d'impliqué. Ce n'est peut-être pas beaucoup, mais il y en avait un.

M. Marois: Pourriez-vous nous dire à peu près à quel moment?

M. Poulin: Qu'il y en avait un? Au moment de l'arrêt de travail.

M. Marois: D'accord.

M. Poulin: Je peux vous dire qu'on a retiré nos travailleurs qui étaient là. Nous ne sommes pas des "scabs". Pour ce qui est de votre deuxième question, c'est-à-dire d'être plus précis, je pense que, même si cela se faisait, si je vous avais appelé ou si les parties en avaient appelé en dessous de la couverte, on sait très bien que les travailleurs du domaine du pipe-line bénéficiaient de la convention nationale, qu'importe ce qui était écrit dans le décret.

Vous avez posé une question ce matin pour savoir de quelle façon cela se faisait en dessous de la couverte. Je ne sais pas de quelle façon cela se faisait en dessous de la couverte ou si cela se faisait ouvertement. Je sais très bien qu'ils bénéficiaient des avantaqes de la convention nationale. On a quand même des renseignements sur ces travailleurs parce qu'on a des groupes de syndiqués qui travaillent très près d'eux. On sait de quelles conditions ces gars-là bénéficiaient. Je ne parle pas de ce qui existait dans l'ancien décret; même si le décret actuel est inférieur à l'ancien, les travailleurs des pipe-lines bénéficiaient, dans l'ancien décret, de plus que ce qui existait dans le décret.

Je peux vous dire que cela ne fait pas tellement d'années que le décret est considéré comme un minimum et un maximum. Avant, le décret de la construction avait toujours été regardé comme un minimum. À la suite d'une décision de l'Office de la construction, ils ont décidé que le décret était un maximum. C'est de là que le problème est survenu. Ce n'est même pas de là d'ailleurs! Le problème est survenu parce qu'on a décidé, à un moment donné, que le décret de la construction, c'était un maximum et que personne ne pouvait payer plus. Pendant un petit bout de temps, on a peut-être forcé des gens à agir dans l'illégalité.

M. Marois: Merci, M. Poulin. Une question additionnelle. Vous avez dit que l'ancien décret, sur certains points, contenait plus que le décret actuel. Je pense que je vous cite à peu près textuellement. Pourriez- vous, si cela vous vient spontanément, nous dire en particulier si, par exemple, la semaine de 40 heures, qui est présentement de 45 heures, était dans l'ancien décret ou non?

M. Poulin: Assurément, la semaine de 40 heures était dans l'ancien décret.

M. Marois: C'était dans l'ancien décret. M. Poulin: C'était dans l'ancien décret.

M. Marois: Les vacances, en même temps que celles des autres travailleurs de la construction, étaient-elles dans l'ancien décret?

M. Poulin: Je vous dirais que c'était assez ambigu, parce qu'on ne savait pas si c'étaient des travaux d'excavation ou non. Je pense qu'on ne faisait pas de distinction pour les travaux de pipe-line directement. Ces travailleurs bénéficiaient des mêmes avantages pour les vacances que les autres, sauf qu'il y avait une exception oour l'excavation qui n'a jamais été éclaircie, mais on ne faisait pas de distinction pour les vacances en ce qui concerne les travaux de pipe-line.

M. Marois: Cela fait deux points. Y a-t-il d'autres points qui vous viennent à l'esprit?

M. Poulin: De ce qui était écrit dans le décret, ce sont les deux points majeurs qu'on a modifiés. Ce qui était écrit dans les décrets, ce sont les heures de travail et les vacances.

M. Marois: Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Pour ajouter à l'éclairage du problème, vous avez répondu au ministre en ce qui concerne la présence des ouvriers de la CSN dans le domaine du pipe-line. C'est peut-être à cause de mon ignorance, mais est-ce que dans d'autres domaines périphériques semblables - je pense en termes des domaines chimique, pétrochimique et nucléaire - la CSN est présente du moins quant aux types de soudeurs qui vont travailler au pipe-line?

M. Poulin: On représente quand même plusieurs soudeurs qui détiennent des certificats de soudeur à haute pression. Ce n'est pas exactement le même genre de travaux que ceux du pipe-line. On représente plusieurs soudeurs qui sont des soudeurs à haute pression. Quant aux soudeurs qu'on parlait de former, il y a certainement des

qars qui pourraient être formés parmi quelques-uns qui en ont déjà fait aussi.

M. Fortier: Quelle est votre opinion sur le plan de la formation des soudeurs? Croyez-vous, d'après votre expérience, que cela demanderait une école spéciale, qu'ils seraient formés sur le tas? Croyez-vous que c'est possible de faire en sorte que la totalité des emplois soit satisfaite par les qens du Québec?

M. Poulin: On a de la main-d'oeuvre au Québec capable d'exécuter ces travaux. La meilleure école qu'on peut avoir, c'est sans aucun doute sur le chantier de construction. Quand on parlait de trois semaines, ce matin, les gars auraient besoin peut-être de trois semaines de staqe de formation en école pour être capables d'entreprendre les travaux. C'est sûr que, quand ils vont arriver au travail, effectivement, après trois semaines, cela n'en fera pas des soudeurs compétents tout de suite, mais assurément, dans quelques semaines additionnelles, on pourrait former des soudeurs au Québec pour exécuter ces travaux, si on manque de main-d'oeuvre. On a des soudeurs disponibles.

M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il des questions d'autres députés? S'il n'y en a pas d'autres, je vais vous remercier.

Je vais inviter le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction à se présenter.

M. Marois: M. le Président, j'aimerais...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Marois: ... tout de suite dire, parce que vous avez demandé ce matin à l'AECQ de demeurer à la disponibilité de la commission, que, compte tenu des réponses très précises en particulier sur un certain nombre de points, que les représentants de la CSN viennent de nous communiquer, je voudrais tout de suite indiquer aux membres de la commission que, après le prochain intervenant, j'apprécierais que l'AECQ se présente de nouveau à la table, parce que j'aurais deux, trois questions additionnelles très précises à poser.

Le Président (M. Jolivet): Ce sera fait, M. le ministre, en termes d'invitation. Donc, le conseil provincial, avec M. Maurice Pouliot, à qui je vais demander de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Conseil provincial du Québec

des métiers de la construction

(international)

M. Pouliot (Maurice): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, d'abord, je vais vous présenter la délégation du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international). À ma qauche, le confrère Denis Belhumeur, qui est un tuyauteur, un "pipeliner" de métier; M. Pierre Labelle, qui est représentant syndical de l'Union internationale des opérateurs, local 905; le confrère Roger Drolet, qui est membre en règle du local 144 et le porte-parole des 60 soudeurs du local 144 affilié au Conseil provincial international, de même que le confrère Laurent Pigeon, qui est membre en règle du local 144 et aussi un soudeur en tuyauterie.

Pour commencer, M. le Président, j'aimerais faire une mise au point en ce qui concerne M. Robert Roy, qui a parlé sous l'éqide de la FTQ. Je voudrais mentionner très clairement que M. Robert Roy ne parle pas au nom des soudeurs de l'Union internationale du local 144. Les soudeurs sont ici et ils peuvent sûrement s'exprimer assez clairement. Je donnerai la parole un peu plus tard à M. Drolet qui a suivi tout le dossier de la négociation.

M. le ministre, je dois mentionner que le Conseil provincial international est éqalement désappointé de voir que le ministre du Travail et ses adjoints ont convoqué les parties. On se pose de sérieuses questions à savoir si, dans l'opinion du ministre du Travail, il existe deux parties, soit la Fédération des travailleurs du Québec et l'Association des entrepreneurs en construction du Québec. Jamais le conseil provincial n'a entendu parler officiellement de la nomination du médiateur, qui est Me Raymond Leboeuf, de même que des rencontres qui sont faites dans les corridors et certains échanges de documents. Je pense qu'il doit aussi être clairement indiqué que les représentants des travailleurs de l'industrie de la construction, les soudeurs et les tuyauteurs ne sont aucunement d'accord avec les sept points qu'on a mentionnés ce matin sur lesquels il semblerait qu'il y ait eu un consensus ou une entente.

Il est sûrement bon de rappeler que c'est le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui a signé la convention collective avec l'AECQ le 27 mai 1980. Je ferai un bref historique de la négociation dans l'industrie de la construction au cours des années 1979, 1980 et 1981. Espérons que cela se terminera en 1981 pour que nous puissions commencer la négociation en 1982.

Conformément à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, le décret qui régit la construction devait expirer le 30 avril 1979. Cependant, par l'adoption de la loi 110, le gouvernement prolongeait le décret pour une période de

trois mois et ceci, sans commission parlementaire et sans augmentation de salaires.

En avril 1979, le conseil provincial convoquait l'AECQ afin d'entamer les pourparlers concernant les structures de la négociation, ainsi que la possibilité qu'une augmentation de salaires soit accordée. Le 17 mai 1979, le conseil provincial et l'AECQ siqnaient finalement un protocole d'entente qui comprenait un certain nombre de clauses communes, soit la définition, la discrimination, le grief - ce sont des clauses qui s'appliquaient à l'ensemble des travailleurs de l'industrie de la construction -et laissait aux différents métiers, spécialités ou occupations l'obligation de négocier leurs clauses particulières. Le conseil provincial, ayant un degré de représentativité de 68%, était le seul habilité, avec l'AECQ, à négocier la convention collective; ce dernier donc déléguait ses pouvoirs aux métiers, spécialités et occupations pour la négociation des clauses particulières.

Lors de la première rencontre tenue le 21 juin 1979, plusieurs métiers ou occupations affiliés au conseil provincial, de même que la CSN-Construction, déposaient leurs demandes syndicales. Le local 144, qui était mandaté pour négocier la section du pipe-line pour les soudeurs et tuyauteurs, déposait ses demandes seulement en août, mais n'incluait pas à ces dernières les demandes relatives au pipe-line. (15 h 45)

II est important de souligner que le décret expirait dans quelques jours et que le comité de coordination, formé de trois représentants de l'AECQ et trois représentants du conseil provincial, organisait officiellement pas moins de dix rencontres pour les représentants du local 144. Nous pouvons vous affirmer que ces représentants n'ont pas réellement négocié en 1979. Alors que plusieurs métiers, spécialités ou occupations avaient terminé leurs négociations en octobre 1979, certains métiers avaient à peine quelques clauses de paraphées et ceci, pour différentes raisons.

Il y a même plus. Le confrère Robert Roy m'a demandé une rencontre au mois de février 1979 avec le directeur général de l'AECQ, Me Michel Dion. Je lui obtenu cette rencontre qui avait été prévue pour la fin de février. Pour différentes raisons, le confrère Robert Roy ne s'est pas présenté à la rencontre avec le directeur général de l'AECQ.

Pour continuer, au mois d'avril 1980, le ministre du Travail nommait deux conciliateurs, M. Raynald Brassard et Me Raymond Leboeuf. À la suite des rencontres entre M. Leboeuf et le conseil, le 1er mai 1980, les conciliateurs remettaient au ministre du Travail et aux parties leur rapport final qui mentionnait que les tuyauteurs devaient être en mesure de terminer la négociation sur le pipe-line. Conformément à ses statuts et règlements, le 9 mai 1980, le conseil provincial convoquait une assemblée spéciale du bureau des agents d'affaires afin que ce dernier se prononce pour l'acceptation ou le refus du projet de convention collective. L'assemblée adoptait à l'unanimité le projet de convention collective et, par la même occasion, mandatait le secrétaire général et le président du conseil provincial pour signer l'entente avec l'AECQ. Nous précisons que le confrère Robert Roy, gérant d'affaires du local 144, était présent lors de cette assemblée et a accepté le projet de convention collective. C'est une unanimité et, pour certaines déclarations qui peuvent avoir été faites, je voudrais mentionner très clairement aux membres de la commission parlementaire qu'il n'y a pas eu de passe, comme il a été mentionné dans les journaux, entre le conseil provincial et l'AECQ. S'il y a eu des passes, le conseil provincial ne les a pas vues passer, M. le Président.

Des voix: Ah! Ah!

M. Poulïot: Donc, le 9 mai 1980, le conseil et l'AECQ signaient un protocole d'entente qui était, par la suite, soumis aux employeurs et accepté lors de leur assemblée, conformément à la loi, le 26 mai 1980. Le 27 mai 1980, le conseil provincial et l'AECQ signaient la convention collective. Le 28 mai 1980, alors que tout était terminé, les représentants du local 144 déposaient leurs demandes relatives au pipeline. On peut se demander ici ce que le local 144 a fait entre le 1er mai, date à laquelle le conciliateur a remis son rapport, et le 27 mai. Il était clairement indiqué que les négociations au sujet du pipe-line devaient se continuer ou que les parties devaient être en mesure de terminer les négociations. Le conseil provincial n'a jamais été avisé de ce qui se passait dans cette affaire. Nous désirons vous souligner que le conseil était d'accord pour amender le décret, mais qu'aucune demande à cet effet n'a été déposée au conseil provincial qui, encore une fois, M. le Président, est l'association qui représente les membres du local 144, n'en plaise à certains ou n'en déplaise à d'autres. Au mois de novembre, vous savez qu'il va y avoir un autre vote et les membres décideront où ils veulent aller.

Einalement, le 26 mai 1981, le ministre du Travail mandatait Me Raymond Leboeuf à titre de médiateur pour tenter de solutionner ce problème. Nous tenons à vous souligner que le local 144 est toujours affilié au conseil provincial. Dans le passé, les entrepreneurs au Québec ont toujours respecté les conditions du Pipeline Agreement of Canada. Ce contrat est

présentement en négociation et, contrairement à ce que le représentant de l'association patronale a mentionné, il n'y a pas de grève sur le pipe-line actuellement. Le pipe-line continue partout à travers le Canada. J'ai eu un appel hier soir, à 22 heures, des soudeurs du Québec qui travaillent en Alberta et il n'y a pas de problèmes de ce côté. Nous savons aussi que, conformément à l'article 46 de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, toute entente doit être conclue entre l'association des employeurs ou les associations de salariés qui possèdent un deqré de représentativité de plus de 50%.

Cependant, par l'adoption de la loi 109, cadeau du Parti québécois à la FTQ, les problèmes sont loin d'avoir été réglés, ils n'en ont été qu'amplifiés. On se demande actuellement qui peut, du côté syndical, modifier le décret. L'adoption de la loi a eu lieu le 4 décembre - c'est le ministre actuel qui a parrainé cette loi - et, depuis le 22 mars 1981, aucune association ne représente la majorité des salariés de l'industrie de la construction, même pas la FTQ qu'on qualifie peut-être d'association majoritaire.

Notre association, comme je vous l'ai mentionné, n'a pas été invitée à participer aux discussions poursuivies relativement au problème du gazoduc. Nous apprenions officieusement que plusieurs rencontres étaient convoquées, mais jamais le conseil provincial, qui représente ces travailleurs, n'était invité à discuter. Il est d'autant plus difficile de comprendre qu'une des principales revendications des représentants de la tutelle gouvernementale du local 144 soit l'obtention du contrat du "Canadian Pipeline Agreement" et que ces mêmes représentants refusent les structures des unions internationales, contrairement à ce que les membres du local 144 ont décidé dans un très fort pourcentage à la suite de l'adoption de la loi 109. Nous croyons fermement que, si le local 144 avait obtenu des élections démocratiques, nous n'aurions pas à nous retrouver devant cette commission aujourd'hui. Les élus auraient sûrement pris les décisions qui s'imposaient. Il nous apparaît inacceptable que ce local, qui est notre local, en somme, soit mis en tutelle et gardé en otage par un tuteur gouvernemental et un qouvernement depuis plus de six ans.

Notre association n'a aucunement l'intention de se dégager des responsabilités que lui confie la loi. Nous sommes prêts à reprendre les négociations afin de tenter de régler le problème. On sait, de source officielle, que les entrepreneurs qui font du pipe-line actuellement, qu'on parle de questions de distribution ou de "main-line", sembleraient vouloir minimiser le problème de la distribution. Actuellement, la ville de Montréal est remplie de "plates" où on n'attend que les soudeurs et les tuyauteurs pour effectuer les travaux et installer de la tuyauterie. Je pense que, si on veut régler le problème, on doit solutionner le problème de la distribution, qui est tout de même un contrat de l'ordre d'envrion 30 000 000 $, ce qui est aussi élevé que le premier contrat que TransQuébec et Maritimes peut obtenir actuellement. Il y a sûrement un danqer imminent. Il ne faut pas attendre une explosion ou un accident mortel pour déplorer une situation où des victimes pourraient être des travailleurs de l'industrie de la construction.

J'écoutais l'association patronale qui a fait référence à l'Ouest, soit l'Alberta, la Saskatchewan et ainsi de suite. En ce qui concerne le Conseil provincial international, si on croit à l'égalité, les travailleurs de l'industrie de la construction du pipe-line ont droit à l'égalité des conditions qui existent depuis de nombreuses années. Ce n'est pas un précédent qu'on est en train de créer; on enlève aux salariés de l'industrie de la construction des droits qui avaient durement été acquis au cours des années. Ce n'est pas ce que le camarade de la CSN a mentionné. La décision qui rend le décret de caractère minimum ou maximum a été rendue par les membres de l'Office de la construction le 7 septembre 1978. Il y avait donc un décret. Encore là, les salariés, les tuyauteurs et les soudeurs en tuyauterie sur le pipe-line recevaient plus cher que ce qui était inscrit dans le décret de l'industrie de la construction. C'est le "Canadian Pipeline Agreement" qui s'appliquait et qui devrait, à notre humble avis, continuer de s'appliquer.

Donc, si on veut, il y a eu des discussions à plusieurs reprises sur la formation et la qualification professionnelle. Je voudrais vous mentionner, MM. les membres de la commission, que le Conseil provincial international s'est prononcé et se prononce encore pour l'abolition du fameux règlement de placement. Ce n'est pas la cause majeure de la mésentente qui existe actuellement, mais c'est un problème qui existe. Pour nous, il ne doit pas exister de frontières et on doit avoir une véritable mobilité de la main-d'oeuvre. J'en sais quelque chose étant le signataire des cartes de voyage des membres du local 144. Toutes les semaines, il y a 25 ou 30 travailleurs du Québec qui s'en vont chercher un revenu additionnel dans une autre province.

Il est sûr que, parmi les autres associations représentatives, il se qualifie des associations nationalistes ou fédéralistes ou qui sont américanisées, mais il y a une association internationale, qui est le conseil provincial, et le nom est très clair, international.

Ce sont évidemment des solutions qui, pensons-nous, pourraient régler les problèmes. Souvent, on a parlé du taux des salaires. Des salaires de 1000 $ par semaine, il y en a qui

trouvent ça énorme. Je voudrais simplement mentionner qu'on charrie un peu quelquefois du côté du pipe-line. Il y a des soudeurs qui soudent le "stringer beat" et le "out pass", c'est la première et la deuxième passe, mais il y a aussi un volume très élevé de soudeurs hautements qualifiés et de même que des tuyauteurs, lorsqu'on parle des "tie-in", du "spacer", du "stabber", on parle du métier qui est totalement un autre métier, qui est celui de plombier dans le bunqalow ou dans les raffineries de pétrole. Mais les différences de salaires ne sont pas si élevées. Si on prend un soudeur en tuyauterie, travaillant à une raffinerie de pétrole à deux pas de chez lui, les deux pieds au sec, et qui ferait 50 heures, il recevrait une paie de 915 $ par semaine. Parce que, 14,07 $ l'heure, c'est 50 heures payées pour 60 heures, plus une heure de "travel time" qu'on doit ajouter ça aussi. Le même soudeur qui travaillerait au pipe-line, qui ne demeurerait pas loin, recevrait 979 $.

Il y a donc une différence énorme qui découle de la situation et on qualifie tous les soudeurs comme étant des soudeurs sur le "out pass", ce sont tous des délégués, qui ont la pension, ainsi de suite. Je présume qu'il pourrait arriver que certains soudeurs demeurent pas très loin du chantier et qu'on ne serait pas obligé de leur payer la pension. Si on veut jouer avec les chiffres, on pourrait jouer indéfiniment avec les chiffres, mais je pense que ce n'est pas la raison de la tenue de la commission parlementaire.

M. le Président, en guise de conclusion, je pense que, du fait de la promulgation du décret, le 17 décembre 1980, les soudeurs en tuyauterie et les tuyauteurs ont été pénalisés, ont perdu des droits acquis, qu'ils avaient depuis toujours. C'est de là que vient le problème majeur qui existe actuellement concernant la distribution et le "main line". (16 heures)

Si on veut résoudre le problème, quant à nous, concernant la distribution, il y a eu une demande déposée à l'AECQ au mois de mars et ce serait le contrat de distribution qui devrait s'appliquer. De même, pour ce qui est du pipe-line, on est persuadé que le "Pipeline Agreement" peut résoudre les problèmes.

Les membres de la commission doivent se poser la question: Comment se fait-il qu'auparavant il n'y a jamais eu de problème sur le pipe-line et qu'on a été appelé à venir devant une commission parlementaire et ainsi de suite? Le "Pipeline Agreement" était respecté au complet. Aujourd'hui, on a une décision des entrepreneurs en construction du Québec qui a le monopole patronal, qui contrôle et qui menace les entrepreneurs de les soumettre au code de déontologie et de les mettre à l'amende. Cela va même aussi loin que de dire qu'ils n'auront plus le droit de travailler comme entrepreneurs dans l'industrie de la construction. Le problème découle exactement de là. Les entrepreneurs, qu'on parle des compagnies comme Antagon, Taragon et Universal Pipeline, qui sont spécialistes dans le domaine du pipe-line ou de la distribution sont prêts, selon ce qu'on m'a mentionné, à continuer de respecter, non pas un droit à 1000 $ ou 1500 $, mais de respecter un droit acquis que ces travailleurs avaient avant la promulgation du décret. Comme je vous l'ai mentionné, même si on a signé la convention collective le 27 mai, pour différentes raisons, le ministre du Travail a publié le décret simplement au mois de décembre.

Donc, on peut difficilement, en conclusion, résoudre le problème sans inclure les ententes internationales qui sont le "Pipeline Agreement" pour le "main line" et les demandes syndicales qui ont été déposées à l'AECQ au mois de mars. Je ne pense pas que ce soient des demandes exagérées. Ce sont simplement des droits acquis. À une question qu'un des membres de la commission posait, à savoir combien cela peut prendre de temps pour entraîner un soudeur, vous avez justement un soudeur qui est membre de la commission, qui est M. Lavigne. Il pourrait peut-être vous dire combien cela prend de temps avant d'être soudeur. C'est un soudeur qui a travaillé sur les "plates" et ces choses. Lorsqu'on parle d'un soudeur à haute pression, cela devient une autre spécialité. Lorsqu'on parle d'un soudeur de pipe-line qui doit travailler sur le "down end", sur le descendant, et souder des centaines de joints par jour, à 100% rayons X, il faut comprendre exactement le problème du pipe-line. C'est très nifférent de quelqu'un qui va travailler dans une usine à papier ou dans une raffinerie de pétrole. C'est totalement différent.

Le conseil provincial est d'accord qu'il y ait une véritable priorité et que les travailleurs québécois aient une priorité de travailler dans la province de Québec; on approuve cet état de choses et on est entièrement d'accord. On doit aussi ouvrir une parenthèse. Si le ministère du Travail et le ministère de l'Éducation s'étaient entendus pour remettre entre les mains des parties la qualification et la formation professionnelle dans l'industrie de la construction et pour nous redonner les centres de formation professionnelle qui appartiennent aux parties dans l'industrie de la construction, probablement qu'on aurait aujourd'hui des soudeurs qualifiés qui pourraient faire le gazoduc et qui pourraient faire la distribution. Malheureusement, face à la discussion et peut-être face a la mésentente qui existe entre les deux ministères, on se retrouve sans qualification et sans formation professionnelle.

C'est un résumé de ce que j'avais à dire. Je vais céder la parole aux travailleurs

du pipe-line qui sont drôlement les plus impliqués. Le porte-parole du qroupe est M. Drolet.

Le Président (M. Jolivet): M. Drolet, s'il vous plaît.

M. Drolet (Roger): II a pas mal dit ce que j'avais à dire. Dans la partie de la distribution, c'est qu'on avait des droits acquis. Je reorésente les types qui sont là depuis environ dix ans. On avait des droits acquis et, avec toutes sortes de manigances et de chiffres savants et tout ce qu'on peut dire, on s'ouvre les yeux et on n'a plus rien, aucun droit et on ne peut même pas se défendre. J'ai envoyé des lettres, j'ai envoyé des télégrammes pour essayer de s'expliquer et de se faire comprendre; je n'ai jamais reçu un mot, rien. Quand on dit qu'un soudeur de pipe-line se forme en deux semaines, je pense que celui qui a dit cela aurait dû mettre deux ans, parce qu'en bas de cela on ne peut pas former un homme qui est bon, sur qui on peut se fier.

S'il y en a d'autres autour qui veulent l'aider, on peut faire un homme avec lui, bien sûr, et on est bien prêt à le faire aussi. Mais de là à dire qu'en deux semaines on forme des hommes et on remplace tous ceux qui sont là, ceux qui ont dit cela ne connaissent absolument rien là-dedans. J'ai une feuille ici sur laquelle on a nos droits acquis. Je pense que plusieurs ont une une copie de cela. C'est toujours la même chose qui recommence. On ne demande absolument rien de plus que ce qu'on avait. On ne demande rien de plus, on veut simplement garder nos droits. Ce qu'on a, on a été obligé de se battre pour l'avoir, parce que les entrepreneurs ont abusé de nous. On a été obligé de négocier et de se battre pendant dix ans pour avoir un job qui nous permettre de vivre, sans toujours être menés à la botte. On en train de manigancer cela depuis deux ans. L'an passé, on s'est fait dire à longueur de journée au travail: C'est votre dernière année les gars, parce qu'après cela vous allez passer à la botte. Nous autres, nous sommes pris devant un commission et, justement, si les gars ne se rendent pas travailler, c'est parce gu'ils ne veulent pas être menés à la botte. C'est à peu près tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Pouliot: Non, je voudrais donner la parole, avant de terminer, M. le Président, à M. Denis Belhumeur.

Le Président (M. Jolivet): M.

Belhumeur.

M. Belhumeur (Denis): Merci, M. le Président. J'aimerais répondre au député, qui est assis à la droite de M. le ministre. Ce matin, il disait - je ne pourrais pas répéter ses paroles exactes - II ne faudrait pas se baser sur le cas des travailleurs de l'industrie automobile; il leur a fallu vingt ans pour uniformiser les salaires. Je pourrais lui répondre que cela fait vingt ans qu'on a ces conditions; on les avait en décembre 1980; on est arrivé en janvier 1981 et on ne les avait plus. Cela faisait vingt ans qu'on les avait. Il n'est pas question de vouloir uniformiser quelque chose.

Il y aurait une autre petite affaire que j'aimerais ajouter. Je suis un travailleur de pipe-line, un "spacer" comme on l'appelle, je fais cela depuis 1967. On nous dit qu'on a négocié ceci, gu'on a négocié cela, gu'on a rencontré celui-ci, qu'on a rencontré celui-là, on est garroché d'un bord et de l'autre, mais les représentants de la partie patronale ou qui que ce soit ne nous ont jamais demandé de voter pour ou contre ces conditions. On n'a jamais été approché, on ne nous a jamais rien demandé. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais poser un certain nombre de questions très précises. Les porte-parole du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international) viennent de nous faire part de leur point de vue face au différend. Vous avez mentionné, vous autres aussi, que, de votre point de vue, dans l'état actuel des choses, il y avait des droits acquis qui étaient enlevés. Je vais vous poser la même question que j'ai posée aux porte-parole de la CSN tout à l'heure. Quels droits acquis précisément et par rapport à quoi? Si c'est par rapport à l'ancien décret, j'aimerais que vous nous disiez exactement et concrètement quoi et, si c'est par rapport à autre chose, quoi exactement et par rapport à quoi.

M. Pouliot: M. le Président, il est clairement mentionné que, lorsqu'on parle de droits acquis, ce sont les droits acquis qu'on retrouve dans le contrat du "Pipeline Agreement". Ce ne sont pas des droits acquis qui existaient dans le décret de la construction, celui qui a expiré autant que les autres auparavant. C'est simplement que la pratique était établie dans le sens que les droits acquis étaient toujours respectés. Les entrepreneurs respectaient les conditions du "Pipeline Agreement", ce gui ne s'applique plus, depuis le mois de décembre 1980, lorsque le décret a été promulgué. Ce que le conseil provincial demande, c'est qu'on insère à l'intérieur du décret une annexe qui serait le "Pipeline Agreement" pour régler le

problème du "main line" et, pour la distribution, les demandes, que le conciliateur a en sa possession, ainsi que vous-même. Il est sûr qu'on parle de droits acquis découlant des ententes internationales. Il y a souvent des rencontres prévues dans la province de Québec, mais c'est un contrat national qui s'applique partout dans le Canada, autant à Terre-Neuve, où le soudeur reçoit 17,55 $, qu'en Alberta, une province qui est supposée être riche. Ce sont les mêmes conditions de travail, le même travail qui se fait, c'est le "Pipeline Agreement".

M. Marois: Je vais être plus précis dans ma question. Vous nous dites que les droits acquis, de votre point de vue, ce sont les droits acquis du "National Agreement". Bien! Est-ce que cela veut dire qu'à votre point de vue, indépendamment des taux de salaires, indépendamment des conditions de travail, ce qui était payé dans la pratique aux travailleurs concernés au Québec, indépendamment de tout cela, du décret, des conditions fixées, c'étaient les salaires du "National Agreement", sous l'ancien décret, pendant que l'ancien décret s'appliquait?.

M. Pouliot: Exactement, M. le ministre, c'était payé sous l'ancien décret et même sous le décret actuel, au début de janvier.

M. Marois: Bon, sous l'ancien décret, c'était cela. Indépendamment du décret, depuis la signature de la convention, si je vous comprends bien, c'était cela aussi. Depuis la publication du décret, indépendamment du décret, indépendamment des taux convenus, indépendamment des conditions convenues, c'était le "National Agreement", c'est ce que vous me dites. Pourriez-vous nous expliquer, aux membres de cette commission, si c'était la pratique? Le décret est quand même public. Pouvez-vous nous expliquer comment cela se passait en pratique? Est-ce que les travailleurs recevaient, d'une part, le chèque représentant le montant du décret et, d'autre part, la différence entre les taux du décret et le "National Agreement"? Si oui, cette deuxième partie, comment était-elle payée? Par chèque avec les retenues à la source pour fins d'impôts, ou toutes les autres fins, ou en argent? Comment cela se passait-il en pratique?

M. Pouliot: M. le ministre, les travailleurs du pipe-line pourraient le dire s'ils le veulent, mais selon mes informations c'était un chèque payé au taux de salaire du "Pipeline Agreement" avec les déductions à la source et tout ce qui s'ensuit; s'il y avait 50 ou 60 heures, c'était fait dans la léqalité.

M. Marois: Aussi bien sous l'ancien décret qu'à partir du moment où il y a eu la nouvelle convention collective, à partir du moment où il y a eu le nouveau décret.

M. Pouliot: Là, il faudrait peut-être faire une différence entre l'ancien décret, la signature de la convention collective le 27 mai 1980 et la promulgation du décret. Au début de janvier, je crois qu'il y a eu deux chèques qui ont été émis, je ne peux pas vous l'assurer, mais c'est une question d'une couple de jours. C'est à ce moment que l'association des entrepreneurs est intervenue et a défendue aux entrepreneurs de payer plus que ce que le décret mentionnait; donc, on les a empêché de le faire, contrairement à ce que les entrepreneurs qui font du pipeline sont d'accord à payer, selon ce que plusieurs entrepreneurs m'ont dit personnellement.

M. Marois: Donc, M. Pouliot, si je vous comprends bien, d'une part, c'était, dites-vous, au meilleur de votre connaissance, sous forme d'un chèque, dans un premier temps. Il se peut, dites-vous, que cela ait pris la forme, en cours de route, pour quelques jours, avez-vous dit, de deux chèques. À partir du moment où la partie patronale, reconnue par la loi comme telle, je présume, a dû dire quelque chose: II y a un décret, le décret doit être respecté, je ne sais quoi, toujours est-il que cela a cessé un jour. C'est cela?

Le Président (M. Jolivet): M. Drolet.

M. Drolet: Ce qui arrive, pour être un peu plus clair... Je comprends que lui n'a pas été payé comme nous, puisque qu'on était payés toutes les semaines. Il y a des compagnies qui, cette année, étaient prêtes à nous donner 20 $ l'heure sur deux chèques. Si vous me demandez de vous apporter des preuves, je ne peux pas, mais il y a plusieurs personnes, en plus de moi qui ont eu cette même offre. Il y a des moments où on a eu deux chèques. Quand on s'est opposé à cela, ils ont remis deux heures de plus pour compenser le chèque. Cela a fini qu'ils ont payé un chèque au montant complet. (16 h 15)

M. Marois: Tout a été intégré dans un seul chèque. Avec un nombre d'heures ajusté au chèque.

M. Drolet: C'est cela.

M. Marois: Très bien. C'est comme cela que cela se pratiquait sous l'ancien décret, depuis la signature de la convention collective et depuis même la publication du nouveau décret, le respect du décret. C'est bien cela que je comprends?

M. Drolet: C'est bien cela.

M. Marois: D'accord. Je comprends bien la position que défend ici le conseil.

Ceci étant dit, j'aurais deux questions additionnelles à poser à M. Pouliot. Une première: Est-ce que, dans l'ancien décret, c'était la semaine de 45 heures ou la semaine de 40 heures?

M. Pouliot: 40 heures.

M. Marois: Est-ce que, dans l'ancien décret et même, comme certains le disent, selon l'interprétation du décret actuel où il semblerait qu'il y a une clause plus ou moins ambiguë, les vacances, dans la pratique, c'étaient les vacances - je ne parle pas du "main line", je parle de la distribution -prévues, règle générale, pour la construction?

M. Pouliot: M. le Président, comme l'a mentionné la CSN, il y a une interprétation à donner à la clause des vacances, à savoir si ce sont des travaux d'excavation qui, comme on le sait, sont exclus des vacances de l'industrie de la construction et prennent leurs vacances dans une autre période. Mais je ne pense pas que ce soit un des problèmes fondamentaux, les vacances dans l'industrie de la construction. C'est sûrement un problème, que le travailleur veuille prendre ses vacances. Mais il est difficile de vous dire intégralement que c'est cela que cela voulait dire, parce que les travaux d'excavation étaient exclus des vacances.

M. Marois: D'accord. Ma dernière question est la suivante. Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Il y a une question qu'on peut se poser aussi ultimement et ce sera aux travailleurs de la trancher, comme vous l'avez dit. La question qu'on peut se poser, c'est de savoir qui parle au nom du local 144 des soudeurs. Indépendamment de cela, si le conseil provincial était d'accord pour rouvrir les discussions, donc forcément s'il y a entente, le décret, par voie de conséquence, sur le pipe-line - et je me souviens très bien de vous avoir posé la question à vous personnellement, M. Pouliot, à la commission parlementaire de janvier - est-ce que, oui ou non, dans la foulée de la recommandation du médiateur, M. Leboeuf, qui invitait les parties à poursuivre la négociation et à en venir à une entente, vous m'aviez dit à ce moment-là que vous étiez d'accord pour faire une démarche dans ce sens-là?

Mais si c'était votre position - et si je comprends bien, cela l'est toujours - qu'on était d'accord pour discuter, en venir à des ententes le cas échéant, peu importe la manière, rouvrir le décret sur le pipe-line, comment se fait-il que le même conseil provincial a signé cette convention qui est devenue un décret, sachant que des conditions telles que les heures de travail n'étaient plus les mêmes que celles qui étaient dans l'ancien décret? Et aujourd'hui, vous allez beaucoup plus loin que cela en disant que la pratique... Peu importe comment cela se passait; vous nous avez donné des détails concrets. Comment se fait-il que cela ait été signé par le conseil provincial, alors qu'aujourd'hui on nous dit: Non, c'est tout le reste? J'avoue que je ne comprends pas.

M. Pouliot: M. le ministre, je pensais que j'avais été assez clair lors de mon exposé. Mais tout de même, lors de la négociation, je vous ai parlé du protocole d'entente, de la structure de la négociation, et le conseil provincial a délégué ses pouvoirs aux différents métiers, spécialités ou occupations.

Et en ce qui a trait au local 144, de toute façon, les représentants nommés par la tutelle gouvernementale avaient pleins pouvoirs pour négocier les clauses particulières, y incluant le pipe-line et tout ce qu'ils voulaient avoir. S'ils voulaient avoir des bottines, des chapeaux, n'importe quoi, ils avaient le droit de le négocier. Le conseil provincial n'a pas fait d'ingérence. Je vous ai mentionné qu'on avait prévu pas moins de dix rencontres officielles, que moi, comme porte-parole du comité de coordination avec l'AECQ, je représentais le 144. Ce qu'ils ont discuté dans ces négociations, je dois vous dire que je n'étais pas présent. C'était une négociation par métier. S'il y avait des électriciens, des opérateurs ou d'autres métiers, je n'assistais pas aux négociations métier par métier. M. Roy avait décidé que c'était lui qui menait le bateau et qui néqociait. Ce que le conseil provincial a fait, c'est quand on nous a demandé des tables, on a donné des tables de négociation et je vous ai mentionné qu'on a même été plus loin. M. Roy m'a demandé une rencontre spéciale avec le directeur général de l'AECQ et je lui ai obtenu cette rencontre. M. Roy a décidé de ne pas se présenter pour différentes raisons que j'ignore.

Lors de l'assemblée du 9 mai 1980 - et je pense qu'il est drôlement important qu'on se rappelle les dates, le conciliateur remet son rapport le 1er mai aux parties et au ministre du Travail - il est dit: Les négociations sur le pipe-line et la distribution doivent se continuer; les parties devraient être en mesure de terminer leurs négociations. Je pense que les négociations au sujet du pipe-line n'ont jamais commencé pour les tuyauteurs et les soudeurs en tuyauterie. Tout de même, le conseil provincial convoque une assemblée le 9 mai 1980 et, à l'unanimité, y incluant les représentants du local 144, on oblige le conseil provincial, par le truchement de son président et de son secrétaire général, à signer la convention collective avec l'AECQ,

ce qui a été fait dans un protocole d'entente le 9 mai. A aussi été signée la convention collective officiellement le 27 mai. Conformément à la loi, comme vous devez sûrement le savoir, cela devait être entériné, accepté ou refusé par les employeurs, ce qui s'est fait le 26 et le 27. J'ai officiellement signé la convention collective. S'il y en a qui étaient gelés entre le 1er mai 1980 et le 27 mai, ce n'est sûrement pas le conseil provincial. C'est sûr qu'il avait le pouvoir légal de négocier. Chaque fois qu'on vient pour se mêler de nos affaires, qui sont les affaires du 144, le tuteur gouvernemental nous dit: Ne vous mêlez pas de cela. Le 144, cela va bien. Cela va bien, après six ans de tutelle.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: À la toute fin - je comprends bien le déroulement des tables, les mandats qui ont été donnés et le reste -du processus, avant la signature, le 27, revient chacun des morceaux, les ententes négociées concernant chacun des corps de métier, et là, tout cela se retrouve intégré dans un document qui est le projet de convention collective que les parties acceptent ou n'acceptent pas de signer, peu importe, et le 27, c'est signé. Dans ce paquet, il y a, entre autres, - vous dites: à la suite d'une assemblée qénérale des membres du 144 - une approbation de signer.

M. Pouliot: Assurément, M. le ministre.

M. Marois: À ce moment-là, personne n'a vu passer - ce qu'on nous dit aujourd'hui - la perte de droits acquis, de choses qui étaient complètement à côté du "National Agreement" et le reste. Personne n'a soulevé cela en cours de route.

M. Pouliot: Personne n'a soulevé cela. Quand il y a eu de la discussion, c'est quand on n'a pas voulu faire d'ingérence, le conseil provincial comme tel. C'est une négociation. C'est aux membres. Je voudrais aussi mentionner que jamais les membres du local 144 n'ont voté pour accepter ou refuser la convention collective, non pas simplement celle du "Pipeline Agreement", mais la convention au complet. Il semblerait que Me Beaudry a tous les pouvoirs et il a délégué cela à M. Roy gui, lui, signe la convention collective et augmente les cotisations syndicales. Cela frôle l'illégalité mais, pour lui, c'est légal. C'est ce qui s'est passé et le conseil, même le local 144, à ce moment-là, s'y serait opposé. La majorité des représentants syndicaux était favorable à ce que le conseil provincial signe la convention collective. Vous devez sûrement avoir en votre possession les minutes de l'assemblée du 9 mai 1980 que le conseil provincial a tenue.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Si je comprends bien ce que vous nous dites, M. Pouliot, le conseil provincial doit signer ou devrait signer tout document, même s'il n'est pas satisfait lui-même que le document rencontre les objectifs des travailleurs qui sont représentés par le conseil provincial du Québec indirectement.

M. Pouliot: C'est la majorité des aqents d'affaires qui, conformément à nos statuts, décide si le conseil provincial doit signer la convention collective ou ne doit pas la signer. Et le 9 mai, les agents d'affaires présents ont décidé que le conseil provincial devait signer le projet de convention collective, et c'est ce qu'on a fait.

M. Fortier: Compte tenu de cette situation, il semblerait maintenant que certains travailleurs refusent de travailler à cause des conditions qui sont faites. Je crois qu'au début de votre intervention vous avez dit: Le ministre ne devrait pas intervenir. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Pouliot: Non. M. Fortier: Non?

M. Pouliot: Je n'ai pas dit que le ministre ne devrait pas intervenir.

M. Marois: Ce n'est pas ce que je comprends depuis ce matin, mais: Arrangez-vous avec!

M. Fortier: Vous avez dit: Le problème va être réglé à l'automne, il va y avoir un processus démocratique au local 144 et, à ce moment-là, finalement, le problème qui a été créé par le gouvernement va être réglé, parce qu'il va y avoir une élection et on va savoir par qui les travailleurs veulent être représentés vraiment. Vous avez impliqué que l'intervention du gouvernement a fait en sorte que certaines personnes, que je ne nommerai pas, semblent avoir joué un double jeu et qu'on se retrouve aujourd'hui dans un situation assez pénible, c'est le moins qu'on puisse dire.

À ce moment-là, ma question est celle-ci: Quelle est la recommandation que vous faites, à la commission parlementaire compte tenu du fait qu'une situation existait en pratique et qu'il y a un décret officiel et légal?

M. Pouliot: M. le Président, je pense que vous avez mentionné qu'il y aura des

élections au local 144. J'espère qu'il va y en avoir et peut-être que, s'il y en avait eu hier, on ne serait pas ici. C'est ça que j'ai mentionné. Il relève maintenant de la loi 29 et de la loi 69 que le tuteur a tous les pouvoirs. Il peut décider ce qu'il veut, il peut même vendre le local 144, s'il le décide, demain matin. Je pense qu'on voit bien clairement qu'il y a un représentant qui est avec la FTQ et qui ne représente personne. Par contre, les travailleurs ont voté pour le conseil provincial international qui supporte le conseil provincial.

Tout de même, les recommandations que je fais, c'est qu'on maintienne aux travailleurs les droits acquis et qu'ils avaient avant la promulgation du décret. Cela ne m'apparaît pas une demande aberrante; c'est une demande réaliste. On ne parle pas des augmentations de 500 $ ou 600 $ par semaine; on demande de garder ce que les travailleurs avaient. Je pense que ca continue à tourner, mais on ne disait pas qu'il y en avait qui gagnaient 1500 $ par semaine.

C'est la même chose dans le cas du "main line". Qu'on applique le contrat du pipe-line. Qu'on légalise, si on veut - cela va peut-être faire plaisir au ministre - ce qui était illégal. D'une certaine façon, on va amender le décret, soit par le conseil provincial, la CSN et la CSD, ou le conseil et la FTQ, on peut avoir une majorité et on peut modifier le décret. Mais je ne pense pas qu'il y ait des ententes possibles à ce stade-ci, pour qu'on puisse amender le décret selon nos revendications et pour donner justice aux travailleurs de la construction. Concernant la situation, je pense que c'est une intervention qui s'impose et on devrait, pour l'instant, imposer le "Canadian Pipeline Agreement". C'est ainsi que les problèmes de distribution qui constituent les demandes essentielles, seront réglés. Sinon, je dois dire aux membres de la commission que je pense qu'on aura tous perdu notre temps, que le problème du pipe-line ne sera pas résolu, que le soudeur en tuyauterie et que le tuyauteur n'ira pas travailler dans la boue et dans l'eau pour à peu près le même salaire qu'il peut obtenir dans une raffinerie de pétrole ou une usine à papier, comme je l'ai mentionné.

M. Fortier: Sur un point bien précis, en ce qui concerne le temps supplémentaire, quels sont les termes du "Pipeline Agreement" dans le moment? Est-ce que c'est le temps et demi jusqu'à 50 heures et temps double après cela seulement? Est-ce au-delà de ce nombre d'heures? On nous a dit tout à l'heure qu'il y avait autre chose que les ouvriers voudraient avoir. Est-ce que les conditions que vous désirez, ce sont les conditions du "Pipeline Agreement" en ce qui concerne le temps supplémentaire?

M. Pouliot: Ce qu'on demande, c'est le "Pipeline Agreement" pour la "main line" intégrale. Il est clair gue, dans le "Pipeline Aqreement", il y a du temps et demi gui peut s'appliquer le samedi et qui s'applique le soir. Ce sont des conditions inférieures à ce qui existe dans les raffineries de pétrole, mais les travailleurs sont prêts à accepter les conditions qui existent depuis à peu près 50 ans. Il y a peut-être une différence que je dois expliquer. Il y en a qui me demandent quelle est la différence entre un "stringer beat" et un "out pass" soudeur. Le "stringer beat", c'est celui qui fait la première passe, et le "out pass", c'est celui qui fait la deuxième passe. Celui qui fait le "cap", c'est la troisième passe. J'ai peur qu'on se fasse faire la grande passe, la loi 13 nous a fait une passe.

M. Pagé: La grande passe, ce sont eux autres! (16 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, d'autres questions? Il n'y a pas d'autres questions? M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je voudrais vous poser la question suivante: Quand vous parlez de droits acquis et que vous avez reculé avec le dernier décret, est-ce que vous considérez que, parce que vous avez toujours appliqué, dans les faits, le "Pipeline Agreement", c'est devenu des droits acquis? Cela n'a jamais été signé, contresigné ou accepté officiellement. Cela a été pratiqué, mais cela n'a jamais été dans un document écrit prouvant que, légalement, vous pouviez le Dratiquer. Est-ce que j'ai raison de me poser cette question? Parce que ca se pratiquait comme ça, est-ce qu'on peut prétendre que ce sont des droits acquis? Si c'est oui ou non, selon la réponse, à ce moment-là, je comprendrais que le dernier décret vous fait reculer et que vous perdez des droits acquis.

M. Pouliot: M. le député, cela a toujours été des droits acquis qui ont été négociés et signés par des représentants patronaux dans la province de Québec, de même que des représentants de l'Union internationale du local 144; non pas ceux qui nous représentent actuellement, mais ceux qui nous représentaient avant. C'est une entente qui n'est pas inventée, qui est signée, à travers le Canada, incluant le Québec. Il est sûr qu'on peut vous dire que, depuis 1968, depuis l'adoption de la loi 290, les ententes signées à l'extérieur du Québec étaient déclarées sans valeur. Tout de même, les ententes ont toujours été respectées et il y a des entrepreneurs du pipe-line du Québec qui y ont participé. C'est avant la création de l'AECQ qui, comme vous le savez, est créée depuis un certain nombre d'années. Ces

ententes existent depuis bien plus longtemps que ça.

Donc, c'est un droit acquis dans les faits, dans la négociation, ces travailleurs ont déjà eu ces conditions. Je ne sais pas si, demain matin, vous pourriez aller souder sur le pipe-line, 100 % rayon X; vous n'avez probablement jamais soudé sur le pipe-line, c'est de là que vient toute la spécialité à l'intérieur du métier de soudeur de pipe-line, de même que le "spacer", le "binding fitter", ainsi de suite. Cela prend la main. Le problème qu'on a peut-être éliminé, c'est que, malheureusement, du pipe-line, dans la province de Québec, il y a peut-être sept ans ou huit ans qu'il n'y en a pas eu. Là, il y a un petit boom de pipe-line et, ensuite, ca va descendre. Ces gars-là, ce sont des "travel men", ce sont des gars qui voyagent et s'en vont partout. Cela prend toujours de la pratique, sur la "main line". C'est sûr que, pour la distribution, on parle toujours d'une autre affaire.

Mais les chiffres qu'on a mentionnés, les salaires de 50 000 $ ou de 60 000 $, il y a des soudeurs de pipe-line et des tuyauteurs qui ont des T-4 de 27 000 $ et de 28 000 $; c'est pas mal loin des 60 000 $.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement. La situation, le portrait global semble être le suivant et M. Pouliot pourra me corriger. Nous avions un décret qui s'est appliqué jusqu'à échéance, qui prévoyait certaines conditions salariales, certaines conditions de vacances, certains avantages et pour lesquels les travailleurs qui travaillaient dans les pipe-lines recevaient, malgré une entente et un contrat, malgré le décret, les avantages du "Pipeline Agreement". Est venu le renouvellement du décret, la négociation. Le local 144 étant sous tutelle, certaines personnes qui avaient des pouvoirs bien précis qui leur ont été conférés par le tuteur ou par la tutelle ont ou n'ont pas participé à des séances de négociation et peuvent aujourd'hui invoquer le fait que l'obligation revenait au Conseil provincial du Québec des métiers de la construction de négocier la convention collective, de négocier le décret. Le conseil provincial dit aujourd'hui: Nous avions à négocier sur une base générale l'ensemble des conditions, on avait à parapher une entente et, en ce qui concerne le pipe-line, certains corps de métiers spécifiques, c'était aux locaux à négocier. Donc, ce n'était pas de notre ressort de nous assurer que les droits acquis en vertu du "Pipeline Agreement" devaient être énoncés ou évoqués dans le décret. Par surcroît, cela a été accepté par une assemblée générale où les membres du local 144 ont eu à se prononcer. La FTQ-Construction est venue nous dire: Écoutez, il faut absolument que les dispositions prévues dans le "Pipeline Agreement" soient incluses d'office par le ministre dans le décret, parce gu'on n'était pas là pour les négocier. Cela aurait dû être négocié par le conseil provincial, cela n'a pas été négocié. J'ai l'impression gue tout le monde a vu passer le train et ils se sont dit: Peu importe ce qu'il y aura dans le décret, ce n'est pas grave, on va le signer, et, au lendemain du décret, on continuera à avoir les avantages du "Pipeline Agreement" dans les faits.

Il est arrivé un hic, c'est que probablement l'AECQ, parce qu'elle a des comptes à rendre à plusieurs employeurs au Québec - d'ailleurs, elle en a fait part ce matin - lorsqu'elle a constaté gue certains employeurs versaient des primes, des salaires ou permettaient des suppléments, des conditions de travail à leurs employés gui allaient en dehors du décret, a dit: C'est fini. Ce que vous faites, quand vous débordez, vous, les travailleurs du pipe-line, cela risque de constituer un tremplin ou un précédent pour d'autres métiers et nous autres, on va être pris avec nos employeurs après cela. C'est cela la situation qui prévaut actuellement. Est-ce que je me trompe en disant que tout ce beau monde que vous êtes, qui avez jusqu'à certains égards des précédents qui ne s'appuient pas trop sur la légalité, s'est dit: Somme toute, on va laisser courir, on va le signer, on va le parapher, cela va paraître dans la Gazette officielle, ce n'est pas plus grave que cela; au lendemain du décret, on continuera à avoir les avantages du "Pipeline Agreement"? Si c'est cela, je dois vous dire que, d'une part, c'est inquiétant; d'autre part, cela place le ministre dans une position... En tout cas, bonne chance demain. Troisièmement, probablement que vous allez avoir de la visite. Il y a M. Fréchette qui est ministre du Revenu. Je vous dis que le gouvernement du Québec a beaucoup d'appétit de ce temps-ci! Bonne chance, vous aussi!

Une voix: Ils travaillent à l'extérieur du Québec.

M. Pagé: Oui, ils travaillent à l'extérieur du Québec. J'aimerais que vous commentiez l'opinion que j'ai à la fin de nos travaux. Deuxièmement, vous êtes intervenus aussi sur la mobilité de la main-d'oeuvre et sur le règlement de placement. Si le règlement de placement était modifié, aboli ou déclaré illégal pour une bonne partie, on dit toujours qu'il y a le grand risque que les travailleurs d'autres provinces viennent travailler ici. Vous vous rappelez les efforts déployés en termes de publicité par le gouvernement du Québec lorsgu'il disait, il y

a quelques mois: II ne faut pas se faire avoir. Je me rappelle un commentaire qui disait: Les travailleurs de l'extérieur vont avoir nos "jobs" à la Baie-James.

Pourriez-vous nous indiquer quel est le portrait? Vous êtes le conseil provincial international. Vous êtes susceptibles de donner des cartes de voyage à des travailleurs du Québec qui vont travailler à l'extérieur, qui vont chercher des "jobs" un peu partout au Canada et aux États-Unis. Quelle est la situation qui prévaut? Les travailleurs du Québec qui vont travailler à l'extérieur par rapport à ceux de l'extérieur qui sont susceptibles de venir travailler ici, le ratio quel est-il?

Je termine ma question là-dessus. On sait que, lorsque le gouvernement du Québec a déposé son rèqlement de placement, cela n'a pas pris de temps qu'il y a d'autres provinces qui ont réagi en disant, strictement par principe: Si on n'a pas le droit d'aller travailler au Québec, vous n'aurez pas plus le droit de venir travailler ici. On sait qu'il y a eu du brasse-camarades dans certaines provinces. Quelle serait la situation? Est-ce qu'on serait perdants ou est-ce qu'on serait gagnants de véritablement limiter la possibilité pour les travailleurs du Québec d'aller à l'extérieur par rapport à ceux de l'extérieur qui viennent au Québec? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Pouliot: M. le député, pour commencer, il y a deux questions que vous m'avez posées. Premièrement, dans le protocole d'entente que le conseil provincial a signé le 17 mai 1979, il était clairement indiqué que la négociation se faisait métier par métier. Donc, c'était aux métiers de négocier leurs conditions particulières de A à Z, et les clauses communes étaient négociées à une autre table par différents locaux. Quand on dit qu'on a laissé aller tout cela, et peut-être qu'on attendait pour continuer dans l'illégalité, ce n'est pas du tout ce qui s'est produit. D'ailleurs, je pense que le rapport du conciliateur, Me Raymond Leboeuf, est très clair là-dessus. Les négociations pour le pipe-line, il y a des gens qui s'occupaient de cela. On voulait que cela se règle et qu'on légalise le "Pipeline Agreement".

Pour ce qui est du rèqlement de placement, vous savez fort bien que, contrairement à ce que certains démaqogues ont mentionné publiquement, à savoir que les travailleurs de l'Alberta vont venir voler nos "jobs" à la Baie-James, je n'ai jamais vu une stupidité semblable qui vient d'un homme peut-être respectable. Quand est-ce qu'un gars de l'Alberta qui gagne plus cher va venir voler notre "job" à la Baie-James? Avec le chômage chronique qui sévit depuis de nombreuses années dans l'industrie de la construction au Québec, il est impensable que les gars de l'Ontario et des autres provinces viennent travailler au Québec, surtout que les conditions sont plus avantageuses pour les travailleurs syndiqués. Ils ont aussi le problème des cartes de compétence. La majorité de ces gars n'ont pas les cartes de compétence d'électriciens, de "boiler-makers", d'"iron-workers" ou peu importe le métier. Il y a aussi le problème de la langue qui entre en liqne de compte. Les gens du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta ou de la Colombie britannigue ont un problème avec le français.

Pour le ratio, je dois vous dire que c'est le Québec qui est le gros perdant. Effectivement, encore aujourd'hui, pour ma part, je signe des cartes de voyage. Les gars essaient de se trouver du travail dans les autres provinces et on les retourne chez eux, dans la belle province de Québec. Cela se fait encore, cela s'est fait encore la semaine dernière, justement par rapport au règlement de placement, parce qu'on mentionne que, si les gars de l'Ontario ou de l'Alberta ne peuvent pas travailler au Québec, pourquoi les gars du Québec iraient-ils travailler en Alberta? Est-ce que c'est une entente réciproque ou est-ce simplement "a one-track mind", cette chose-là? On a toujours été les grands gagnants de la mobilité de la main-d'oeuvre et je dois aussi vous dire que c'est ce qui fait la force des unions internationales dans la province de Québec. On n'est pas encore morts et je ne pense pas qu'on va mourir dans les prochains jours. Les unions internationales sont là et la mobilité. On envoie énormément de travailleurs à l'extérieur du Québec, mais on doit vous dire que le règlement de placement vient drôlement compliquer la mobilité de la main-d'oeuvre.

M. Pagé: Merci, M. Pouliot.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Marois: Je n'ajouterai rien là-dessus. J'aurais quelques questions à poser l'AECQ.

Association des entrepreneurs de construction du Québec

Le Président (M. Jolivet): Merci. Nous vous remercions de votre témoignage. Comme convenu, les représentants de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec sont demandés à nouveau.

M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, à la suite des divers témoignages qu'on a entendus, je pense qu'il s'imposait et on comprendra facilement que je désire poser quelques questions courtes, claires, bien précises à

l'AECQ avant de terminer nos travaux. Lors de votre témoignage, M. Chagnon et les porte-parole de l'AECQ, vous nous avez fait part du fait que, tout au long des discussions, des négociations ou non, peu importe comment cela s'est passé, vous n'étiez pas - je vais prendre votre expression - figés dans la glace et que, par voie de conséquence, vous étiez prêts à un certain nombre de concessions, de compromis ou d'ajustements. Quand on parle, forcément -peu importe l'expression - de concessions, de compromis ou d'ajustements, et qu'il s'agit d'une convention collective ou d'un décret, c'est par rapport à une situation antérieure et c'est qu'on vise une perspective d'amélioration des choses. Je pense qu'on se comprend bien là-dessus. D'accord? Vous avez donc évoqué le fait qu'en particulier sur deux points, d'une part, parmi ces ajustements, ces compromis, peu importe, pour en arriver à un règlement, mais un règlement qui n'a pu intervenir - on commence à comprendre beaucoup mieux pourquoi - vous étiez prêts à accepter un ajustement du décret pour permettre que l'on passe de la semaine de 45 heures à celle de 40 heures. Ma question, sur ce point précis, est la suivante: Est-ce que, oui ou non, l'ancien décret ne prévoyait pas justement la semaine de 40 heures? (16 h 45)

M. Chagnon: Je pense qu'il faudrait donner une explication un peu générale. Il y a une chose qui est claire. La convention collective qui a été signée dans la distribution, à Montréal c'est 40 heures. Quant au "main", il n'y a avait pas de "main" qui se construisait, hormis il y a quelques semaines. Lorsque les gars disent qu'ils ont perdu depuis l'ancien décret, je ne vois absolument pas ce qu'ils ont perdu.

M. Marois: Je comprends qu'il y a des particularités propres à une situation; de fait, il y a la construction d'un gazoduc maintenant. Mais, dans l'ancienne convention, est-ce qu'il y avait ce genre de distinction, concernant précisément les travailleurs dont on parle, notamment les soudeurs, de 40 ou 45 heures ou pas?

M. Chagnon: Dans le cas de la distribution, à Montréal c'était 40 heures, et c'est demeuré à 40 heures. Ils n'ont rien perdu.

M. Marois: Mais dans le cas des autres?

M. Chagnon: II n'y avait pas de "main" qui se construisait. Vous posez deux questions, vous dites: Dans le cas...

M. Marois: Je vais poser ma question autrement. Est-ce que l'ancien décret distinguait des soudeurs de pipe-line par rapport à des soudeurs faisant autre chose ou pas?

M. Dion: M. le ministre... M. Marois: Non? Exact?

M. Dion: ... ne reposez pas la guestion, je vais vous donner la réponse exacte. Il existait dans l'ancien décret un article 21.03.7 qui prévoyait que le pipe-line se faisait à 40 heures.

M. Marois: Voilà. C'est ce que je voulais vous entendre dire.

M. Dion: L'explication que donne M. Chaqnon aurait dû être précédée de cela. Je ne sais pas, je ne veux pas dire à M. Chagnon ce qu'il aurait dû faire, sauf que, dans l'ancien décret, et pour peut-être les 5, 6 et 7 ans passés, comme il ne se faisait pas de "main", les heures de travail ne nous péoccupaient pas sur le "main", donc les qens ne peuvent pas prétendre avoir acquis un droit sur le "main" à 40 heures malgré qu'honnêtement et véritablement l'article 21.03 de l'ancien décret prévoyait 40 heures sur le "main".

M. Marois: Voilà. Et cela est exact. Donc, on ne peut pas vraiment dire qu'il s'aqit là - je vais prendre les trois expressions - d'une concession, d'un compromis ou d'un ajustement au sens large. Ma deuxième question est la suivante, si vous me le permettez; après, vous pourrez y aller de commentaires généraux. Je veux juste essayer de me faire une idée finale.

Deuxièmement, en ce qui concerne les vacances, dans l'ancien décret, concernant les soudeurs, et dans le domaine de la distribution, ils avaient droit ou pas de prendre leurs vacances en même temps que la période prévue généralement pour les vacances de la construction? Oui ou non?

M. Dion: Dans l'ancien décret, les qens de la distribution avaient droit à leurs vacances d'été. Je ne sais pas si, effectivement, ils les ont prises.

M. Marois: Mais ils y avaient droit?

M. Dion: Ils y avaient droit et, si on lit attentivement le décret, ils y ont encore droit, il n'y a aucun changement.

M. Marois: Enfin, il peut y avoir une ambiguïté, je pense que tout le monde va l'admettre, et la clause, peut-être, a besoin d'être éclaircie.

M. Dion: M. le ministre, il n'y a aucune ambiguïté et jamais on ne vous a affirmé ni à vous ni à votre conciliateur-

médiateur, qu'on faisait une concession en faisant cela, parce qu'on a prétendu que la demande était fausse et futile, que les gars ne savaient pas lire le texte. Dans l'article qui prévoit l'exclusion aux vacances obligatoires d'été, on se réfère à l'installation du pipe-line. L'installation du pipe-line est définie comme étant le "main". Donc, on ne touche pas à la distribution, si on lit le texte intégralement, tel qu'il est écrit, il y a des vacances obligatoires dans la distribution. On ne fait pas de concession en donnant cela, mais, comme cela peut faire plaisir de dire que, sur les sept, il y en a trois, on dit qu'il y en a trois.

M. Marois: Donc, on se comprend bien, sur les 40 heures, sur les vacances, à toutes fins pratiques, c'était là?

M. Dion: Dans la distribution, vous avez raison.

M. Marois: D'accord. Troisièmement, dans l'ancien décret, comment le temps supplémentaire était-il payé?

M. Dion: II était payé suivant la norme générale, c'est-à-dire qu'il y avait le droit à ce qu'on appelle nous autres communément une banque d'heures à temps et demi, c'est-à-dire deux heures à temps et demi par jour. Quand on a fait la négociation que certains n'appellent pas une négociation, on a donné une heure à temps et demi et le reste à temps double. Donc, il y a dans le décret actuel une concession qui a été faite d'une heure de moins par jour à temps et demi, c'est-à-dire qu'on soit une heure à temps et demi au lieu de deux.

M. Marois: Le véritable ajustement concret, n'est ni sur le premier point ni sur le deuxième, mais sur ce point-là?

M. Dion: M. Marois, si vous me permettez, je ne voudrais pas être impoli, mais je veux revenir sur le premier. Quand vous faites une négociation - si les gens ne veulent pas appeler cela une négociation, ils appelleront cela comme ils voudront - vous faites des échanges. Dans le décret, on vous a remis à vous et à votre conciliateur un certain nombre de clauses qu'on a données, par exemple les affaires de présentation au travail où on a accordé les cinq heures de présentation, et si le gars a plus que quatre heures, on a ajouté les trois heures. Il y a une série de clauses dans lesquelles on a donné des choses.

Évidemment, on a tenté, d'un autre côté, d'aller chercher certaines choses. Il est évident que le décret actuel, comme l'a dit honnêtement M. Pouliot, a été accepté par une assemblée d'agents d'affaires où étaient présents tous les gens du conseil provincial, y compris certaines gens qui ce matin refusent le document qu'ils ont déjà signé et qui veulent rouvrir la négociation. Ces gens-là avaient accepté d'avoir 45 heures sur le "main". Si aujourd'hui, par ce petit document spécial, qui a été signé par MM. Paré et Tousignant, on est prêt à revenir sur ce qu'on avait gagné de 45 à 40 heures, j'aimerais quand même qu'on puisse croire, nous, si vous, vous ne voulez pas le croire, gu'on fait une concession.

M. Marois: Bien. Cela rend les choses, guand même, plus claires sur un certain nombre de points. Il me reste une dernière question. Vous avez entendu les témoignages concernant cette situation de fait qui, semble-t-il, prévalait depuis un bon moment, depuis effectivement plusieurs années. On nous dit que, sous l'ancien décret, indépendamment des conditions de salaire convenues au décret, la pratique était que les gens étaient payés selon le "National Agreement". On nous dit que cette même pratique prévalait aussi après l'échéance du dernier décret et même après la signature de la convention collective. On nous dit que cette situation prévalait aussi pendant une certaine période, plus ou moins longue ou plus ou moins courte, peu importe, avec des formes différentes de paiement - on a parlé de deux chèques et, après cela, le tout intégré en ajustant le nombre d'heures au montant qui apparaissait sur le chèque -depuis même la publication du dernier décret, de là la demande des travailleurs disant de leur redonner ce qu'ils appellent, entre guillemets, "nos droits acquis". Cela se passait ainsi. Mon collègue de Portneuf, résumant la situation, a dit: Je présume - je crois que je le cite à peu près textuellement - qu'il est arrivé un moment où l'AECQ a dû dire aux employeurs: Ces pratiques doivent cesser. Il y a un décret qui doit être respecté. Quelle est votre position face à cette situation - je m'en tiendrai, pour l'instant, bien que je sois porté à commenter autrement, à retenir simplement l'expression du député de Porteneuf - à tout le moins inquiétante?

M. Chagnon: M. le ministre, le décret a été publié l'automne dernier. Deuxièmement, j'ai eu la présidence le 12 novembre 1980. J'étais dans l'ancien conseil. Donc, les syndicats savaient que cela se passait, au niveau de certaines compagnies parce qu'on représente 15 000 compagnies au Québec. Si ces gens qui avaient à négocier une convention collective pour les soudeurs en pipe-line le savaient ils auraient dû dénoncer ça. Troisièmement, ils auraient dû négocier des conventions collectives s'ils voulaient avoir plus d'argent dans le temps. Si on regarde cela, même après avoir négocié la convention collective qu'ils disent ne pas

avoir négociée, à partir de la CSN, le conseil provincial et la FTQ, indirectement, qui n'était pas là, ces gars-là ont tout négocié dans tous les postes de la convention collective. M. Roy qui représentait le 144 pour les soudeurs à haute pression envoyait, le 27 mai - on les a reçues les premiers jours de juin, après l'entente signée avec le conseil provincial, donc, la convention collective - des demandes salariales. Le 1er mai 1981, on voudrait avoir 14,09 $. C'est pour les spécialistes en branchement. Les soudeurs en pipe-line, le 1er mai 1981, on veut avoir 14,84 $. Le coordonnateur des travaux, 15,34 $; les apprentis soudeurs de distribution, 10,38 $. C'est M. Roy du local 144 qui demandait ça après qu'on eut signé la convention collective. Si ces qars savaient ce qu'on faisait chez certains entrepreneurs, pourguoi ne demandaient-ils pas plus, s'ils voulaient négocier de bonne foi? Ces gars-là voulaient briser le système.

C'est pour cela gu'on a fait bien attention lorsgu'on a négocié la dernière convention collective pour avoir tous les métiers de la construction, non seulement le pipe-line, non seulement les soudeurs directement liés au pipe-line, mais la distribution, la Baie-James et tous les projets, parce qu'on est en train de créer, en autant que je suis concerné, le bordel total. Si on règle le problème du pipe-line...

M. Marois: M. Chagnon, je m'excuse, je ne veux pas rouvrir toute la discussion, je pense qu'on a pu entendre toutes les parties. Ma guestion était très précise, je me permets de vous la reposer. Comme le mentionnait le député de Portneuf en disant "je présume", est-ce que vous confirmez cette présomption gue ces pratiques qui ont été évoquées ont cessé à partir d'une intervention de l'AECQ auprès de certains employeurs?

M. Chagnon: M. le Président, M. le ministre, je l'ai su au cours du mois de novembre. On a alors rencontré les entrepreneurs et c'est vrai que ces entrepreneurs ont été, dernièrement... Même qu'à l'assemblée générale de vendredi passé, ils sont venus nous dire... Il y a des entrepreneurs qui sont fautifs, on l'a dit ce matin et on le répète. Ces gars-là faisaient des choses gui n'étaient pas normales et on ne veut absolument pas, en tant que représentants des entrepreneurs en construction du Québec, que cette politique continue au Québec. Ca, c'est clair. Ces entrepreneurs ont fait des choses pas correctes. Certains syndicats lors de la dernière négociation le savaient et ils ne les ont pas dénoncées. Cela veut donc dire gu'ils semblaient être arrangés ensemble. Ils viennent négocier une convention collective, ils sortent et font autre chose.

M. Marois: Vous avez dit gue c'avait été porté à votre connaissance en novembre 1980. Je comprends que, à ce moment-là, l'AECQ est intervenue auprès de certains employeurs.

M. Chagnon: On est intervenu auprès de certains employeurs, on les a rencontrés, on les a convogués devant l'exécutif, à l'AECQ, et on leur a dit que ce n'étaient pas des choses normales.

M. Marois: Est-ce qu'il est à la connaissance de l'AECQ que ces pratiques prévalaient antérieurement à cette date? On nous a dit: Même sous l'ancien décret et même après la signature de la convention collective, avant la promulgation du nouveau décret. Est-ce gue c'était effectivement à la connaissance de l'AECQ que de telles pratiques existaient antérieurement, sous l'ancien décret?

M. Chagnon: En ce qui me concerne, je n'étais pas au courant.

M. Marois: Est-ce que quelgu'un de l'AECQ, ici à cette table, était au courant gue ces pratigues existaient?

M. Dion: Vous avez de ces guestions très précises, M. le ministre.

M. Marois: Oui.

M. Dion: L'AECQ est une organisation très jeune et, effectivement, elle se doit -je pense gu'elle l'a fait jusgu'à maintenant -d'avoir une allure légaliste, comme certains nous disent. Je dois vous dire gue l'AECQ tient à ce que le décret de la construction soit respecté par les employeurs et elle tente, par tous les moyens, d'amener tous les employeurs à respecter ces choses-là.

M. Marois: Mais personne ne peut répondre à ma question.

M. Dion: Oui, je vais vous répondre, M. le ministre. Il existe à l'AECQ un code de déontologie, c'est-à-dire un comité de discipline, un comité auquel certains employeurs ont déjà... Je ne sais pas pourquoi ca fait rire le député de SNC, mais effectivement ca existe, ce code de déontologie et il y a déjà des employeurs qui y sont passés. Les compagnies en guestion sont actuellement convoquées devant un comité de discipline, elles vont devant le comité de discipline. Est-ce qu'on pourrait penser que ca pourrait régler le problème? Il y a au moins une chose gu'on peut dire, c'est gue, jusgu'à maintenant, cela a eu comme conséguence de faire peur aux entreprises parce gu'on sent que les pratiques ont cessé, à un moment donné. Même si ça

peut faire rire certaines personnes, cela a au moins fait cesser les pratiques.

Ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve dans une situation semblable. Le maximum qu'on peut dire, à l'heure actuelle, c'est que ces gens sont convoqués devant le comité de discipline et devront être entendus par ce comité. Par contre, je pourrais poser la même question à l'endroit de l'industrie; ce sont des choses qui se faisaient dans l'industrie de la construction et que faisait l'Office de la construction. Comment l'Office de la construction surveillait-il le décret? Ce n'est certainement pas arrivé du jour au lendemain. Ce sont des choses qui existaient.

On se pose la question, à savoir si c'est vrai que tout était payé sur le même chèque; à ce moment-là, on camouflait des heures pour essayer de rattraper le taux de salaire. Si c'étaient simplement des manoeuvres pour essayer de passer à côté du décret, si c'était par l'inspection de choses sensées qu'on pourrait avoir au niveau de l'office, on se demande pourquoi l'office n'a pas vu ces choses. Actuellement, on n'a pas tellement de coopération de part et d'autre pour avoir les informations afin d'aller devant le comité de discipline.

M. Marois: Très bien. (17 heures)

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais simplement préciser: loin de moi de vouloir sourire à l'idée que votre association veuille imposer un code de déontologie. Cependant, les faits relatés aujourd'hui me semblent assez cocasses. Je m'excuse si j'ai donné l'impression que j'étais contre l'application d'un code de déontologie. Merci.

M. Dion: C'est peut-être parce que je suis soupe au lait, mais c'est sûr et certain que, sur les 15 000 membres de la FTQ, ce ne sont pas tous des anges. Je peux vous dire que ceux qui sont ici sont tous des anges, mais, effectivement, il y en a peut-être qui passent à côté, c'est sûr et certain. Dans l'industrie, de la façon dont on est amanchés à l'heure actuelle, il faut des pouvoirs coercitifs pour arriver à faire respecter des choses. Est-ce que demain, si on demandait à cette commission si le gouvernement était prêt à donner à l'AECQ le pouvoir de faire enlever un permis à un entrepreneur qui ne suivrait pas le règlement, le gouvernement serait prêt à nous le donner? Je peux vous dire qu'on pourrait garantir, en tant qu'association d'entrepreneurs, que, du jour au lendemain on va aligner les entrepreneurs.

Au niveau de la Corporation des électriciens, je pense qu'il y a ce genre de pouvoir possible; au niveau de l'AECQ, on a difficilement un pouvoir coercitif auprès des entreprises.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Dion: Si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Dion: ...une correction, je pense que c'est important de vous le souligner. On a mentionné ce matin que le temps supplémentaire concernant le pipe-line c'était du temps double. Je regrette infiniment; selon les informations qu'on a, c'est du temps et demi, sauf le dimanche et les jours fériés. Le texte qu'on a à l'heure actuelle, c'est ce qu'il nous dit.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Portneuf, en conclusion.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, je voudrais demander au ministre qu'il réponde au commentaire fait par M. Dion concernant le contrôle par l'Office de la construction du Québec des heures effectivement travaillées sur les chantiers de construction. Deuxièmement, on vient de confirmer ici que, dans certains cas, certains entrepreneurs, afin de justifier le supplément de revenu au-delà du décret, ajoutaient des heures; on se retrouve donc dans une situation où, au Québec, des heures ont été créditées à certains employés alors qu'elles n'avaient pas été travaillées. Si on tient compte du fait que la moyenne au Québec est de 1026 heures, tel que cela a été énoncé ce matin, si on tient compte également du fait qu'en 1979, pour se voir renouveler son permis de travail, son certificat de classification de l'OCQ, il fallait avoir plus de 1000 heures, dans certains cas, il y a probablement des travailleurs au Québec qui ont vu renouveler leur fameux certificat de classification émis en vertu du règlement de placement de façon illégale.

M. Marois: On va...

M. Dion: Si vous voulez continuer, M. Pagé, on a reçu un cent et demi l'heure pour ces heures qui n'ont pas été travaillées, comme association patronale.

M. Pagé: En plus, en plus, en plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Pagé: C'est fort, le règlement de placement!

Conclusion

M. Marois: M. le Président, en ce qui me concerne, je vais tirer, si je peux appeler ça ainsi, une brève conclusion rapide. On en a entendu des vraies aujourd'hui! On va vérifier les heures à l'OCQ, mais on va vérifier autre chose aussi. Je pense que c'est tout ce que je vais dire là-dessus, pour le moment.

Ceci étant dit, il ressort des témoiqnages qu'on a entendus un certain nombre de pratiques, de situations, de faits, de comportements, dans certains cas, de part et d'autre - je reprendrais, encore une fois, l'expression du député de Portneuf - à tout le moins inquiétants. J'avais dit, et je l'ai rappelé au début de nos travaux, que tant et aussi longtemps qu'il semblait possible pour les parties d'en arriver à une entente négociée de bonne foi, sur une base raisonnable et responsable, en tenant compte de l'intérêt fondamental des Québécois et des Québécoises, il n'était pas question de convoquer une commission parlementaire. À partir du moment où j'ai eu en main le rapport du médiateur dans la soirée de jeudi, j'avais bien dit, en réponse à une récente question du député d'Outremont, quelques jours avant, que tant et aussi longtemps qu'il y avait cet espoir, jusqu'à nouvel ordre, il n'était pas question de convoquer la commission parlementaire.

À partir du moment où est apparu évident - et je pense que ça ressort de façon on ne peut plus éclatante des témoignages qui ont été entendus ici aujourd'hui -l'écart important qui sépare les parties, les interprétations divergentes quant à cette notion de droits acquis, par rapport à l'ancien décret, par rapport au "National Aqreement", par rapport à des pratiques... Quand on constate à quel point, dans certains cas, chacune des parties se cantonne bien dans sa loqique propre - il y a des logiques qui peuvent même varier d'un groupe syndical à l'autre, la partie patronale tenant aussi sa propre logique - on comprend que les parties aient à nouveau, comme cela arrive trop souvent dans le secteur de la construction, demandé à un tiers d'intervenir pour tenter de trancher le différend.

Je ne vous cacherai pas que, dans la recommandation que je vais faire demain matin au Conseil des ministres, ma préoccupation première sera de m'assurer d'abord que passe au premier chef l'intérêt supérieur des Québécois, le bien-être des Québécois. Dans ce sens, les travaux de ce gazoduc qui répondent à des besoins économiques, qui répondent à des besoins sociaux, quand on regarde les emplois qui sont impliqués, qui impliquent aussi toute la politique énerqétique qui est attendue par les Québécois et les Québécoises, je pense que là, à tout cela s'accroche la notion d'intérêt public.

Bien sûr, quand on en est rendu à demander ultimement, parce que le train entre en gare, c'est l'étape finale, à un tiers, à un arbitre, le ministre en l'occurrence, et le gouvernement, de trancher le différend, je pense qu'il ne faut pas s'attendre à obtenir toutes les demandes. Cela ne peut pas être la Loto-Québec. Je me permets de rappeler, de plus, que le décret prend fin en avril prochain et que les négociations normalement, conformément à la loi, doivent reprendre 90 jours avant la fin du décret. On voit gu'il reste guelgues mois à passer. Je formulerai donc demain matin les recommandations gui me sembleront pertinentes, justes, raisonnables, responsables, en tenant compte, encore une fois, du bien-être de la population du Québec.

Je compte bien, une fois cette dernière étape franchie, que les parties, syndicale et patronale, se rallieront à cette décision et gu'il sera possible que le travail reprenne et que les parties acceptent cette décision. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais tout simplement dire que la commission parlementaire a été extrêmement utile, c'est le moins qu'on puisse dire. On a appris des faits qui, jusqu'à maintenant, n'étaient pas connus de plusieurs d'entre nous. C'est la raison pour laquelle, à plusieurs reprises, nous avions demandé la semaine dernière d'une façon très spécifique que le ministre appelle la commission parlementaire. Il semblerait que la démocratie a joué à plein. Ceux qui avaient des choses à dire les ont dites. On peut déplorer, comme certains y ont fait allusion, que certaines parties qui, d'après la loi, auraient dû être impliquées dans la négociation ou qui auraient pu apporter un certain éclairage semblent avoir été négligées jusqu'à maintenant, mais, somme toute, je crois qu'on doit conclure que l'information qui a été mise de l'avant permettra au ministre de réqler ce différend dans le meilleur intérêt du Québec et compte tenu de la situation sociale et énergétique. Là-dessus, nous sommes d'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. J'ajourne sine die les travaux de cette commission.

(Fin de la séance à 17 h 09)

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