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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu est réunie pour entendre les personnes
et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le
régime de négociation dans les secteurs public, parapublic et
péripublic et, de façon plus particulière, à
l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des
services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.
Les membres de la commission sont: M. Marois (Marie-Victorin), M. Dean
(Prévost); M. Chevrette (Joliette) en remplacement de M. Bisaillon
(Sainte-Marie); M. Lavigne (Reauharnois), M. Perron (Duplessis); M. Rivest
(Jean-Talon) en remplacement de M. Gratton (Gatineau); M. Polak (Sainte-Anne),
Mme Dougherty (Jacques-Cartier). M. Polak, est-ce que vous remplacez guelqu'un
à la commission ou si vous êtes intervenant?
M. Polak: Je suis intervenant.
Le Président (M. Rodrigue): Très bien. Je vous
inscrirai dans la liste des intervenants. Mme Dougherty, membre de la
commission; Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Vallières (Richmond).
Parmi les intervenants, M. Gauthier (Roberval), M. Paquette (Rosemont), M.
Polak (Sainte-Anne), M. Hains (Saint-Henri). Est-ce que vous remplacez
quelqu'un, M. Dauphin? Vous êtes membre de la commission. M. Dauphin est
membre de la commission.
Est-ce que vous avez une recommandation à faire quant au nom du
rapporteur?
M. Chevrette: Je proposerais M. le député de
Duplessis, région fortement syndiquée, M. Denis Perron.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça va? M.
Denis Perron agira comme rapporteur de la commission. Je voudrais vous faire un
bref résumé des procédures que nous allons suivre
aujourd'hui. En premier lieu, guant au temps alloué pour l'étude
d'un mémoire, nous consacrerons une heure environ par mémoire,
soit 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour
le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Je vous rappelle que les
journées des sessions sont, en plus d'aujourd'hui, les 16, 17, ainsi que
les 22 et 23 septembre 1981.
Au cours de la journée, nous entendrons les mémoires des
organismes suivants. Le Conseil du patronat du Québec, l'Association des
centres de services sociaux du Québec, la Confédération
des syndicats nationaux, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec, l'Association des directeurs généraux des
commissions scolaires, le Cartel des organismes professionnels de la
santé et la Chambre de commerce de la province de Québec.
Avant de procéder à l'audition des mémoires, je
vais d'abord céder la parole au ministre du Travail de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu puis aux représentants de
l'Opposition pour des remarques préliminaires. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Pierre
Marois
M. Marois: Oui, merci, M. le Président. On me permettra
certainement au tout début de souhaiter d'abord la bienvenue à
tous les parlementaires membres de cette commission. Je voudrais
également souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous les
citoyens, toutes les citoyennes et tous les groupes qui ont manifesté le
désir de se faire entendre devant cette commission. Je voudrais
également souhaiter, bien sûr, en quelque sorte, la bienvenue
à tous les Québécois et toutes les
Québécoises qui vont suivre nos débats qui portent
certainement sur un des sujets qui touchent chacun et chacune des
Québécois et des Québécoises, je pense bien, au
premier chef.
Je sais, pour l'avoir déjà vécu, qu'il arrive
parfois dans la vie des hommes et des femmes politiques des moments où
il est possible, avec une bonne volonté de base, d'examiner un certain
nombre de problèmes fondamentaux et, pour ce faire, d'être
capables de réussir à s'élever au-dessus d'une certaine
petite partisanerie. Je sais que c'est possible et, surtout, grâce
à l'ensemble des sujets sur lesguels les travaux de notre commission
porteront, je crois que c'est là une belle occasion de l'illustrer
ensemble de façon très nette et très claire. Je vous
assure que, pour ma part, je vais tenter de faire l'impossible pour
contribuer à créer ce climat, autant que faire se peut, a cette
commission qui, justement, doit regarder la question des négociations
dans les secteurs public, parapublic et, comme on dit dans le jargon,
péripublic. (10 h 15)
II me semble important peut-être de nous dire au point de
départ qu'il ne s'agit pas ici d'une table de négociations ni non
plus d'une table de prénégociations, mais il s'agit, en
période de paix sociale relative, de l'occasion idéale et du
forum par excellence où tous et chacun, toutes et chacune d'entre nous
auront l'occasion d'apporter une contribution pour améliorer le
fonctionnement d'un certain nombre de choses. Les dernières
négociations dans les secteurs public et parapublic ont certainement -
je pense qu'il ne faut pas se le cacher - ravivé un ressentiment des
citoyens et des citoyennes à l'égard des grèves. C'est un
sujet qui préoccupe, à juste titre, un grand nombre de
Québécois et de Québécoises. Si nous sommes
réunis ici aujourd'hui et dans les jours qui vont venir, c'est pour en
examiner toutes les facettes ensemble et tenter de trouver des solutions
concrètes pour améliorer la situation et répondre ainsi
aux attentes légitimes des Québécois et des
Québécoises.
Avant la dernière ronde de négociation, le gouvernement
avait mandaté - on s'en souviendra - la commission Martin-Bouchard pour
étudier les différents mécanismes de négociation et
le maintien des services essentiels, particulièrement dans le secteur
public. Son rapport, on le sait, a d'ailleurs inspiré une bonne partie
des modifications que le gouvernement a apportées à ce qu'on
appelle le cadre des négociations et des services à maintenir en
temps de conflit. Cette fois, je pense que le contexte est mûr pour une
discussion publique sur le sujet, soit l'analyse des conditions qui
permettraient de mieux garantir le maintien des services essentiels en temps de
conflit.
Cette commission s'ouvre aujourd'hui et je souhaite, encore une fois -
je sais que c'est possible et que ça pourra se dérouler de cette
façon - que ce soit dans un climat de très grande collaboration
et de très grande coopération. Quant à nous, notre
attitude en est une d'écoute attentive envers tous les groupes, tous les
citoyens et citoyennes qui ont des points de vue à soumettre, mais nous
tenons également à affirmer notre volonté ferme de pouvoir
arriver, dans la suite des travaux de cette commission, à dégager
des propositions susceptibles d'améliorer une situation qui est devenue
- il faut appeler les choses par leur nom - une source de préoccupations
pour les citoyens et les citoyennes. Bien sûr, tous et toutes
reconnaîtront que nous sommes en face d'un problème complexe et
qu'il n'existe pas de solution miracle.
Déjà, on s'en souviendra, dans son discours inaugural de
la session précédente, le premier ministre du Québec, M.
Lévesque, annonçait l'intention du gouvernement de convoquer une
commission parlementaire dont le mandat, justement, serait d'évaluer les
mécanismes de la négociation dans le secteur public et, en
particulier, l'exercice du droit de qrève. Puisque la grève est
conséquente de la négociation, le gouvernement n'a pas voulu
restreindre cette commission aux seuls problèmes engendrés par la
qrève, mais a voulu donner l'occasion à tous ceux et toutes
celles qui le désirent, de formuler des suqqestions afin
d'améliorer les mécanismes même de la
négociation.
Par ailleurs, je crois qu'il est important de dire, à ce
moment-ci, que le gouvernement n'a pas l'intention de retirer le droit de
qrève aux syndiqués du secteur public. Nous ne croyons pas, en
effet, que cette mesure amènerait un règlement, un
véritable règlement du problème, mais qu'au contraire,
elle ne ferait qu'envenimer, détériorer la situation actuelle. On
n'a qu'à penser à ce qui se passe là où les
travailleurs des services publics n'ont pas ce droit de qrève. Que ce
soit en Australie, que ce soit en Alberta ou, même encore plus proche de
chez nous, l'an dernier, en Ontario, encore récemment, tous les endroits
où le droit de grève n'est pas reconnu dans certains services
publics, la preuve a été faite et répétée
que l'interdiction du droit de grève n'empêche pas celle-ci de se
produire, et même, dans ces cas, les services essentiels, cette
espèce de minimum vital pour la santé et la vie même des
citoyens, ne sont même pas assurés. On aboutit
littéralement à un état de chaos sur le plan social.
Notre conviction est que l'abolition du droit de grève ne ferait
que détériorer les relations de travail et entraîner des
désordres sociaux dont la population ferait les frais. Bien sûr,
on me dira, je le sais, qu'un grand nombre de citoyens et de citoyennes du
Québec répondent spontanément - il faut être franc
entre nous - oui à la question: Êtes-vous en faveur d'abolir le
droit de grève dans le secteur public? En un certain sens, cela ne me
surprend pas outre mesure. Il est vrai qu'à première vue, cette
solution leur semble alléchante, mais lorsque, avec ces mêmes
personnes, on fouille davantage la question, on pousse la réflexion plus
loin, elles avouent souvent et rapidement que cela n'éviterait pas en
soi les qrèves et les conflits sociaux. Il faut plutôt, nous
semble-t-il, nous assurer que lorsqu'un conflit survient, cela se fait sans
désordre et d'une manière civilisée, ce qui ne pourrait
être garanti si le gouvernement enlevait le droit de grève puisque
aucun mécanisme ne serait prévu.
Notre objectif commun doit être de tout faire pour éviter
que chaque ronde de négociations soit nécessairement
accompagnée d'une grève. Parallèlement à cette
préoccupation, il nous faut prévoir et étudier avec les
parties en cause, avec les citoyens, les moyens d'assurer le maintien des
services essentiels, lorsqu'un arrêt de travail se produit. Il faut
éliminer, autant que faire se peut, l'anxiété
créée dans la population autant par les grèves
appréhendées que par les arrêts réels de travail.
Car si on peut chiffrer une partie des dégâts causés
-nombre de jours de grève, liste des établissements dont les
services sont perturbés, liste des services coupés, nombre de
personnes sur les listes d'attente, et le reste - on ne peut quantifier
l'anxiété ressentie dans la population par
l'éventualité d'une coupure de services, en particulier de
services de santé. Il nous faut tous ensemble - je dis bien tous
ensemble - travailler à rebâtir la confiance mutuelle du public et
des salariés de l'État.
La notion des services essentiels est fondamentale et c'est autour
d'elle que nous devons faire porter une bonne partie de notre
réflexion.
À cet égard, avant de remettre en question ce qu'on
appelle le Conseil sur le maintien des services essentiels, il nous faut
examiner sérieusement ce qui a bien et ce qui a mal fonctionné
dans cette structure, et pourquoi. Nous possédons maintenant des
rapports d'expertise, nous savons ce qui s'est passé en 1978 et en
1979.
Par exemple, le conseil a été mis sur pied trop tard pour
que les dispositions du Code du travail concernant le dépôt des
listes aient été respectées. Le rôle du conseil, et
de son avis même, n'était pas assez défini. Certains
pensent que nous devrions envisager de lui donner un caractère permanent
ou un caractère de permanence, ou encore d'accroître ses pouvoirs,
et même les deux à la fois. D'autres proposent de créer une
structure complètement nouvelle. Nous aurons certainement le loisir au
cours de cette commission d'entendre les diverses propositions sur ce sujet et
de les examiner très attentivement avec les divers intervenants. Quand
on parle de services essentiels, on parle surtout... je pense bien que les
citoyens et les citoyennes pensent surtout d'abord au secteur des affaires
sociales, et en particulier aux hôpitaux, aux centres d'accueil pour
personnes âgées, celui qui touche le plus émotivement.
La question des services essentiels s'applique aussi dans d'autres
secteurs couverts par les services publics. Qu'on pense, par exemple, à
l'électricité, notamment et particulièrement durant les
périodes d'hiver; qu'on pense à certains services qui sont
distribués dans le domaine de la protection de la jeunesse, à
certains services qui servent à l'enfance, qui sont donnés par
les centres de services sociaux, à certains services médicaux ou
services d'urgence donnés par ce qu'on appelle dans le jargon les CLSC,
les centres locaux de services communautaires, et le reste, qu'on pourrait
ajouter.
Si on fait un retour sur le passé, tous admettront qu'il s'est
produit dans le secteur de la santé des choses qui sont inadmissibles
dans une société qui se veut et qui se prétend
civilisée. Je ne dis pas que ce fut là une attitude
générale, loin de là, heureusement, Dieu merci. Ce furent
là des comportements exceptionnels. Que ce soient des comportements
exceptionnels, ce sont là des comportements, qu'ils viennent de la
partie syndicale, qu'ils viennent de la partie patronale, qui sont
inacceptables. De tels gestes doivent être dénoncés et nous
devons faire en sorte qu'ils ne se reproduisent plus jamais.
Quant à la négociation, en faire un bilan, ce n'est pas
une chose simple. Il y a cependant certains éléments plus
marquants qu'il faut souligner, nous semble-t-il. Il est important d'abord de
rappeler qu'il n'y a pas eu une, mais deux rondes de négociations la
dernière fois puisque, comme on le sait, les conventions collectives de
certains groupes, dont les infirmières, les infirmiers et les
fonctionnaires, venaient à échéance un an avant celle du
front commun. Il est évident, par exemple, que les nombreuses
grèves limitées, sporadiques ou seulement
appréhendées des syndicats ou corporations des organismes
professionnels de la santé et de Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers, au cours des
mois précédents, et les moyens de pression du front commun ont
largement eu pour effet de dramatiser, comme on dit, la situation dans
l'opinion publique et d'exacerber, en un certain sens, l'anxiété
du public. Ce problème a été réglé lors de
la dernière négociation, puisque tous ont maintenant le
même échéancier, c'est-à-dire que les conventions
qui autrefois venaient à échéance à des moments ou
des temps différents vont maintenant venir à
échéance au même moment.
De plus, je crois qu'il faut être franc et admettre qu'une entente
a été conclue dans un laps de temps record comparativement au
passé. Mais, comme je le disais au début, puisque la grève
est conséquente d'une négociation, je pense donc qu'il nous faut
nous tourner vers les moyens susceptibles d'améliorer les
mécanismes de négociation. Puisqu'il n'existe pas de solution
miracle - personne ne peut sortir l'espèce de lapin qu'on sort du
chapeau du magicien -mais que nous nous trouvons en face d'un problème
complexe, il nous faudra compter sur la bonne volonté marquée
d'en arriver à une négociation améliorée, sur les
suggestions, sur la collaboration de tous les
agents socio-économiques concernés et aussi sur le plus
grand sens possible des responsabilités de chacune des parties
impliquées. À ce moment-ci, la "concertation" apparaît
comme essentielle autour d'un ensemble d'éléments de solution. Je
dis ensemble d'éléments parce que, si nous voulons être
réalistes, nous devons admettre qu'il nous faut réfléchir
sur les différents mécanismes de la négociation. Tout
n'est pas parfait, loin de là, mais je pense que la dernière
négociation a quand même marqué un pas en avant sur de
nombreux aspects. Nous devons maintenant aller plus loin et faire en sorte que
la prochaine ronde marque un tournant décisif pour la décennie
à venir.
Les relations de travail dans le secteur public, en particulier dans le
secteur des affaires sociales et celui de l'éducation, constituent un
domaine spécifique; aussi, les mécanismes qui s'y rapportent
sont-ils spécifiques. Je m'attends que les différents
intervenants et les différentes intervenantes nous proposent des
modifications à la lumière de l'expérience vécue,
dans le cadre de cette commission parlementaire.
Pour ma part, je me contenterai pour l'instant de livrer simplement
quelques-unes des interrogations que je me pose. La négociation
publique, déjà difficile, se complexifie encore davantage du fait
de la présence de lusieurs syndicats et de plusieurs associpations
patronales. Dans ces conditions, il devient, par exemple, difficile de
s'entendre sur des clauses prioritaires. Pourtant, il me semble qu'il faudra
arriver à s'entendre pour ne pas rouvrir chaque fois les conventions
collectives au complet. Je laisse aux experts le soin d'examiner cette
question, mais il m'apparaît et il apparaît, me semble-t-il,
à plusieurs qu'il y aurait lieu de simplifier à ce niveau,
surtout dans le secteur de la fonction publique, où la plupart des
conditions de travail déjà obtenues, me semble-t-il, sont
passablement bonnes et de l'aveu même des intéressés dans
bon nombre de cas. J'ai été surpris, et je sais que je ne suis
pas le seul, de constater le nombre effarant de griefs qui s'accumulent dans la
durée d'une convention et qui non seulement nuisent au climat de travail
mais en plus enveniment le climat de la négociation. Sur ce point
également, je demeure certain qu'on peut trouver le moyen de diminuer le
nombre de griefs et d'accélérer les délais d'un
règlement.
De même faut-il s'ingénier à raccourcir les
délais de négociation qui se prolonqent parfois indûment.
Doit-on se considérer satisfait des délais prévus dans le
Code du travail pour le dépôt des offres lors de la
dernière ronde de négociation? Je serais porté à
répondre oui, mais je m'empresse d'ajouter qu'à partir de
maintenant il faudra d'abord voir à ce qu'ils soient respectés
ces fameux délais. Ensuite on devra se rendre compte que l'opinion
publique ne peut plus subir l'anxiété et l'incertitude que
provoquent la longueur interminable des négociations et les menaces
qu'elles font peser.
À ce sujet, le secteur de l'éducation connaît des
difficultés particulières du fait des deux paliers de
négociation. Lorsque la négociation provinciale est
terminée dans le domaine de l'éducation, on pense souvent que
tout est réglé, mais à ce moment,
précisément, débutent les négociations locales
à l'autre palier pour les usagers, comme on dit dans le jargon,
c'est-à-dire pour les enfants et les parents cela signifie une nouvelle
menace de grève. Je ne suis pas sûr que les commissions scolaires,
les enseignants et la population soient satisfaits de cette façon de
fonctionner et veulent continuer comme cela. (10 h 30)
II me semble que la présente commission devrait examiner ce
problème. Rien ne nous empêche non plus de prendre exemple sur ce
qui se fait dans le secteur privé et qui pourrait s'appliquer dans le
secteur public. Je pense, par exemple, à ce qu'on appelle les
expériences déjà menées de médiation
préventive qui ont été tentées, avec succès
déjà, dans de nombreux cas dans le secteur privé. Je sais
que certaines administrations hospitalières, que certains syndicats dans
ce secteur suivent cela de très près et cela pourrait être
une piste à inventorier. Je vous répète que le
Gouvernement est disposé à écouter toutes les suqqestions
sur le mécanisme des négociations durant cette commission, mais
la question fondamentale demeure les services essentiels à assurer
lorsque la grève est inévitable. À cet effet, il nous faut
ne ménager aucun effort ni refuser d'explorer aucune piste qui permette
de garantir véritablement davantage le droit des citoyens aux services
essentiels et qui permette d'assurer leur santé et leur
sécurité.
La volonté du gouvernement est de résoudre ce
problème. Sans penser que nous sortirons de cette commission avec toutes
les solutions en poche, je suis néanmoins confiant que, tous ensemble,
nous pourrons travailler dans le sens d'une amélioration des
mécanismes visant à garantir ces droits individuels
fondamentaux.
Encore une fois et en terminant, il n'y a pas de solution magique. Mais
il y a un certain nombre de moyens et d'ajustements possibles, j'en suis
certain. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Pour faire suite aux remarques
préliminaires, M. Rivest (Jean-Talon), qui est le représentant de
l'Opposition.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de
notre groupe parlementaire, m'associer au mot de bienvenue que le ministre a
adressé à tous ceux-là qui ont accepté d'apporter
leur concours aux travaux de cette commission parlementaire qui, je pense bien,
aux yeux de l'immense majorité des Québécois, revêt
une importance très grande.
En effet, si les Québécois ont de très nombreuses
raisons d'être fiers de ce qui s'est fait au Québec depuis les
quelque vingt dernières années, la façon dont ont
été menées chez nous les négociations dans le
secteur public et le secteur parapublic n'est certainement pas une chose dont
nous pouvons nous féliciter. Non pas que nous n'ayons pas à nous
satisfaire de la valorisation de la fonction publique qui a été
opérée et de l'amélioration tout à fait
considérable des conditions de travail des travailleurs du secteur
public et du secteur parapublic qui en a résulté, mais nous ne
pouvons certainement pas être fiers de la manière dont les choses
se sont passées, du climat pratiquement toujours malsain dans lequel les
négociations, malheureusement, ont été conduites, et
surtout pas des situations tout à fait inacceptables, certes, situations
non pas généralisées, mais situations tout de même
qui ont existé et qui demeurent - et je l'affirme - tout à fait
inacceptables, dans lesquelles nombre de nos concitoyens ont été
plongés, et en particulier dans le secteur de la santé.
Dans le domaine des relations de travail, dans les secteurs public et
parapublic, nous avons, comme société, un problème. Et ce
problème est extrêmement sérieux, à notre avis.
Après quinze ans d'une expérience aussi difficile que
pénible, nous n'avons pas le droit de ne pas chercher honnêtement
à nous sortir de cette incapacité chronique dans laquelle nous
vivons depuis 1964 et sans doute antérieurement, de cette
incapacité chronique d'arriver à trouver les moyens raisonnables
d'harmoniser d'une façon civilisée et juste l'exercice des droits
fondamentaux des travailleurs concernés et l'exercice des droits tout
aussi fondamentaux des bénéficiaires des services publics et en
particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux.
Il me semble - et je rejoins en cela l'exposé du ministre - que
l'enjeu essentiel des discussions que nous aurons ici se situe dans cette
perspective. Comment en arriver à concilier l'exercice des droits des
travailleurs et l'exercice des droits des bénéficiaires?
En effet, en dépit des efforts plus ou moins heureux qui ont
été faits au niveau de l'exercice ou de la réglementation
de l'exercice du droit de grève et du maintien des services essentiels,
comme à celui de l'amélioration du cadre juridique ou de
l'organisation même de la structure des négociations proprement
dites, la plupart des gens chez nous n'hésitent pas, et non sans raison,
à qualifier l'ensemble de la question des négociations des
secteurs public et parapublic comme un échec pour notre
société, dans la mesure, entre autres, où on n'a pas
vraiment encore réussi à sortir ce régime des
négociations des secteurs public et parapublic de la logique aussi
insensée qu'implacable d'un affrontement, d'ailleurs minutieusement
préparé, de part et d'autre, de ce qui est devenu deux
énormes machines bureaucratiques où les notions les plus
élémentaires d'intérêt public et de bien commun
n'arrivent pas ou arrivent très difficilement à s'imposer
d'elles-mêmes à des gens et à une société, le
Québec, qui, par ailleurs, réussit dans tellement d'autres
domaines à assurer la primauté des valeurs authentiquement
humaines.
Le présente commission parlementaire, à nos yeux, peut
être utile. Elle permettra -du moins nous l'espérons - d'avoir sur
cette question un débat public, de manière à exposer
à l'ensemble de nos concitoyens toutes et chacune des dimensions du
problème, à en illustrer l'importance, la gravité, mais
également, la complexité et à nous convaincre mutuellement
du caractère tout à fait illusoire que pourraient avoir certaines
solutions simplistes qui sont avancées à l'occasion et qui
conduiraient notre société non pas sur la voie du progrès
dans ce domaine, mais bien au contraire, sur la voie d'un chaos ou d'une
situation de désordre peut-être encore plus sérieuse que
celle que nous avons connue.
Nous ne nous faisons cependant pas la moindre illusion, dans la mesure
où ce débat public que nous amorçons aujourd'hui ne
servirait à rien s'il ne devait exister, au niveau du gouvernement, une
volonté politique réelle et déterminée de faire
réellement face au problème dans toutes et chacune de ses
dimensions.
Le ministre a évoqué, dans son allocution d'ouverture,
l'aire du débat que nous aurions au niveau de cette commission. Il n'a
pas, je pense, pour ne pas le mal interpréter, voulu strictement limiter
la question à l'exercice du droit de grève et à la
question connexe des services essentiels, mais il a également
évoquer les autres questions, les structures de négociation,
même le régime syndical et tout cela.
Je veux que cette chose soit bien claire au début de cette
commission, parce que c'est très important dans la mesure où les
gens qui ont préparé des mémoires ont traité
généralement de tous et chacun des aspects. D'ailleurs, le
ministre s'est lui-même référé antérieurement
à la déclaration du premier ministre à l'automne 1980. Le
premier ministre parlait d'une refonte de fond en comble du régime de
négociation.
Plusieurs intervenants se sont interrogés sur la signification -
on verra leur mémoire au cours des jours qui suivront - de cette
déclaration du premier ministre dans son message inaugural.
Par ailleurs, il est bien certain que, si telle est l'intention du
gouvernement, l'on doit certainement regretter - il y a eu des contextes, des
circonstances qui ont peut-être échappé à l'emprise
même du gouvernement - que si le gouvernement s'engage dans cette voie,
comme l'a indiqué le premier ministre d'une refonte de fond en comble du
système de négociation dans les secteurs public et parapublic, il
y a une question de délai, une question de "timing", dans la mesure
où la prochaine ronde de négociations est sur le point de
commencer... Je demande au ministre s'il croit réaliste que le
gouvernement puisse s'engager avec consistance et cohérence dans cette
voie.
De la même façon, cette commission parlementaire ne
pourrait avoir de signification véritable si ceux qui ont accepté
de comparaître se refusaient de reconnaître franchement la
réalité du problème sérieux que nous connaissons et
de chercher loyalement à identifier les causes profondes de ce malaise,
et si possible - et je le dis dans la mesure où notre groupe
parlementaire a lu de très nombreux mémoires - ne pas seulement
se limiter à trouver ces causes profondes ou à les attribuer du
fait des autres. J'aimerais bien que, de part et d'autre, autant des
intervenants du côté de la partie patronale que de la partie
syndicale, sans se livrer au niveau de cette commission à une
autocritique de leur action passée, l'on sente chez eux, une
préoccupation de dire: Nous avons, nous-mêmes, fait dans le
passé des choses qui n'ont certainement oas aidé à
améliorer la situation. J'aimerais que, dans le sens des travaux de
cette commission, dans cette recherche, que je pense commune, d'une solution
à ce problème, nos invités puissent, ainsi que
nous-mêmes également, comme parlementaires, et du
côté du gouvernement, en tant que gouvernement, reconnaître
certains torts que l'une et l'autre des parties ont pu avoir en cours de route.
Je pense que ce sera la seule façon d'arriver à dégager
des voies d'avenir pour améliorer le régime.
À cet égard, M. le ministre, force nous est de constater
qu'il nous semble qu'il y aura à cette commission un très grand
absent; des représentants du public, des syndicats, des administrateurs
des secteurs public et parapublic seront entendus, mais il reste que
l'État employeur... Il y a cette confusion qui existe en ce domaine
entre l'État léqislateur et l'État employeur, et, M. le
ministre, à cette commission vous représentez bien d'avantage
l'État législateur que l'État employeur. Nommément,
quand je parle de l'État employeur, il v a le Conseil du trésor,
celui qui décide des offres patronales, celui qui conduit les
négociations au nom du gouvernement. Eh bien, il ne nous sera pas
possible - à moins que le ministre ne nous informe du contraire - de
l'entendre. C'est, à notre avis, une situation tout à fait
inacceptable pour la commission, dans la mesure où les membres de la
commission parlementaire et le public seront ainsi privés de
connaître le point de vue du grand patron des négociations - ce
n'est pas le ministre du Travail qui est le grand patron des
négociations dans le secteur public - et d'obtenir, de cet acteur clef
des négociations, des informations qui sont à tous égards
absolument essentielles à la bonne compréhension du dossier et
à l'élaboration des solutions d'avenir.
Il me semble qu'il y a, au niveau du Conseil du trésor... Ou si
l'on hésite, étant donné que c'est une institution
gouvernementale, à le faire comparaître devant une commission
parlementaire étant donné le précédent, etc.,
j'aimerais bien que ceux-là qui ont été les chefs
négociateurs pour le gouvernement ou qui ont conduit les
négociations pour le gouvernement viennent ici apporter à la
commission une expertise qui nous est absolument essentielle. Je suis d'autant
plus à l'aise pour le dire, M. le ministre, que tout le monde, je pense,
aura vu qu'un des principaux négociateurs de la partie patronale, au
cours des dernières années, sous l'ancien gouvernement comme sous
le gouvernement actuel - et on me dit qu'il aura probablement des
responsabilités dans la prochaine ronde de négociations - M.
Lucien Bouchard, qui a participé à l'ensemble de ces
négociations et qui était membre de la commission
Martin-Bouchard, a fait des déclarations, sur lesquelles on peut
être d'accord ou pas - je ne voudrais pas ici le mal interpréter -
mais je pense que le fait qu'il se soit exprimé publiquement et que
cette commission parlementaire n'ait pas l'occasion - étant donné
que ni lui ni un autre ne sera ici, enfin les représentants de la partie
patronale... Il a fait des déclarations spécifiquement sur le
droit de grève dans le domaine hospitalier, sur les structures des
négociations, sur le maintien des services essentiels, sur la question
de la liste syndicale pour le maintien des services essentiels. M. Bouchard,
comme d'autres - je ne veux pas personnaliser mon intervention dans ce sens,
mais je le prends simplement pour l'illustrer... Je pense que ce serait
très important que nous puissions, nous, comme membres de la commission,
avoir le grand patron ou un représentant du grand patron dans ces
négociations, qui demeure l'État, quand on connaît le
caractère extrêmement centralisé des négociations
dans les secteurs public et parapublic.
Pour notre part, M. le Président, c'est
donc avec l'esprit le plus ouvert possible que nous entendons participer
aux travaux de cette commission. Pour nous, le problème est
sérieux. Il est également extrêmement complexe et il
appelle des solutions immédiates, des solutions responsables, les
solutions les plus nuancées possible, de façon qu'on
acquière ici la certitude que nous allons ensemble faire avancer les
choses. Nous croyons fondamentalement - et ces principes nous sont d'une valeur
première -que, d'abord, ce que l'on doit rechercher dans ce dossier des
négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est vraiment
d'arriver à donner des conditions justes et raisonnables de travail aux
employés de ce secteur. (10 h 45)
Nous pensons que nous devons maintenir le principe de la reconnaissance
des droits -non seulement le principe, mais son actualisation - pour les
travailleurs de ce secteur de négocier librement leurs conditions de
travail et de disposer à cet égard du droit d'exercer, comme tous
les travailleurs, sur la partie patronale les moyens de pression, par ailleurs,
reconnus aux travailleurs syndiqués de l'ensemble du Québec. Nous
demandons également que nous puissions convenir ensemble de
reconnaître, par contre, la primauté, en toute circonstance, des
impératifs du bien commun sur les intérêts particuliers,
fussent-ils légitimes, lorsque, par exemple, l'exercice du droit de
grève risque de mettre en danger la santé et la
sécurité du public. Cette primauté doit non seulement
être reconnue, mais il devrait également être admis que le
gouvernement a, à cet égard, à prendre ses
responsabilités. Le gouvernement doit avoir les moyens d'agir soit
directement, soit en collaboration ou par le biais d'un organisme
compétent établi sur une base permanente et mieux
structurée que ce que nous avons connu avec le Conseil sur le maintien
des services essentiels, un organisme compétent suffisamment
équipé pour donner son plein sens à cette notion
extrêmement complexe du maintien des services essentiels. Nous croyons
fermement que ces hypothèses qui sont évoquées dans
plusieurs mémoires méritent d'être examinées
très attentivement.
Enfin, M. le Président, il est certain que nous devrons, au
niveau de cette commission parlementaire, attacher une importance prioritaire
à la question de la santé et de la sécurité du
public en cas de conflit de travail. Je ne pense pas que dans ce domaine nous
puissions nous satisfaire de généralités, de solutions
passe-partout ou de juqements superficiels sur les situations malheureuses et
inacceptables qui ont existé dans le passé. Nous devrons faire
l'effort de distinguer l'ensemble des situations dans le réseau des
services de santé et des services sociaux. En particulier, il est
certain que le problème auquel nous avons à faire face à
cet égard ne se pose pas de la même manière dans les
hôpitaux de soins aiqus que dans les hôpitaux pour malades
chroniques. Il ne se pose pas de la même manière dans les
hôpitaux pour les soins prolongés ou dans les centres d'accueil
pour les personnes handicapées ou pour les personnes âgées.
La notion de services essentiels dans ce domaine hospitalier, dans ce domaine
des services de santé et des services sociaux, c'est une notion que l'on
devra cerner de très près pour éviter absolument que cette
efficacité que l'on recherche, d'une façon qu'on peut comprendre,
de l'exercice du droit de grève ne supplante et ne prime sur le droit
premier et fondamental des bénéficiaires de ces services. Sur le
plan des valeurs de notre société, il me semble que ce qu'il y a
de sous-jacent à cette constatation que tout le monde fait lorsque l'on
parle du retrait du droit de grève, quand on constate que, dans les
sondages ou les relevés d'opinion, 80%, 85% ou je ne sais trop de la
population sont, entre autres, dans le domaine de la santé, ou seraient
en faveur du retrait du droit de grève, ce n'est pas simplement le fait
pour les gens d'une espèce d'exaspération épidermique ou
superficielle. Ce qu'il y a derrière cela, c'est l'expression d'un
problème fondamental des valeurs que les gens ont au Québec. Les
gens ne veulent plus que l'on connaisse, même en nombre limité et
en nombre restreint, des situations qu'ont vécues les malades, non
seulement les situations concrètes, mais les situations
appréhendées. Les représentants des malades le souliqnent
avec combien de raison: ce qu'il faut également considérer - dans
ce sens-là, d'ailleurs, le Conseil sur le maintien des services
essentiels n'était certainement pas éguipé pour examiner
cette dimension -c'est l'anxiété et la crainte qu'une personne
qui se croit souffrante puisse penser qu'elle ne pourra pas recevoir les
services de santé. Il y a là un problème de
société et un problème de valeurs humaines que nous
devrons considérer avec toute sa gravité et être
conséquents avec les attitudes que nous prendrons.
Également, M. le Président - le ministre l'a
évoqué - c'est évident que nous ne pouvons isoler
uniquement l'exercice du droit de grève ou la question des services
essentiels. La commission Martin-Bouchard a examiné un certain nombre de
questions, certaines d'entre elles ont trouvé leur consécration
ou leur actualisation au niveau de lois qui ont été votées
par l'Assemblée nationale. Mais la question de la centralisation
très grande des négociations dans les secteurs public et
parapublic, nous aimerions bien de notre côté que nous puissions
examiner cette dimension pour savoir si c'est une chose absolument
inévitable, si nous ne pourrions pas penser à des formules
plus souples qui ne compromettraient pas nécessairement le pouvoir de
négociation ou d'affirmation des uns et des autres, mais qui rendraient
beaucoup plus logique et cohérent le déroulement du processus de
négociation.
De même, il y a des réclamations qui sont faites et qui,
à première vue, peuvent paraître raisonnables au niveau de
l'amélioration du régime syndical, des délais, etc., de
l'efficacité de l'organisation syndicale ou de la constitution des
unités de négociation. Il y a toute la question pour certains
syndicats, en particulier dans la fonction publique, de l'aire de
négociation, des mesures préventives. Depuis longtemps on parle
de ces fameuses mesures préventives, des centres de données
objectives avant le début des rondes de négociation. Il y a le
rôle de la conciliation, l'action des tiers qui interviennent de temps
à autre dans le processus de négociation. Également
l'amélioration considérable qu'il y a à apporter au niveau
des mécanismes d'information.
Le ministre a évoqué ces sujets-là, il s'est dit
prêt à entendre les suggestions et nous aussi, de notre
côté, sommes intéressés a écouter des
suggestions qui nous viendront de nos invités.
Par ailleurs, M. le ministre, il y a - et souventefois dans les
mémoires cette question est évoquée - la question du
régime de négociation que l'on relie, à mon avis,
peut-être un peu trop d'une façon nécessaire à
l'amélioration de la qualité des services qui sont offerts dans
les secteurs public et parapublic. Je n'ai aucun doute, personnellement, que
les travailleurs concernés et leurs représentants ont un
rôle extrêmement important en vue de la réalisation de cet
objectif de la qualité des services dans les secteurs public et
parapublic. Mais je ne voudrais pas que l'on crée un lien
nécessaire de cause à effet qui consisterait à affirmer
que les seuls auteurs de l'amélioration de la qualité des
services de santé seraient les organisations syndicales et qu'elles
seules seraient préoccupées de cette question.
Il y a, j'en ai la conviction profonde, chez les administrateurs dans
les secteurs public et parapublic également... Et si nous devons
peut-être nous donner nous-mêmes quelques vertus que l'on nous
conteste très souvent, je pense que nous-mêmes, les politiciens,
nous ne sommes pas nécessairement des êtres absolument abominables
et méchants qui sommes contre l'amélioration des services de
santé et des services publics.
L'action des gouvernements passés à cet égard aura
permis - on ne doit pas oublier ça non plus, quelles que soient les
difficultés que l'on connaisse dans le secteur - à la
société québécoise, dans le domaine des secteurs
public et parapublic, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de
la santé... Il y a des améliorations considérables
à apporter dans ces secteurs. C'est évident! Mais quand on
regarde la réalité du Québec dans ces secteurs-là
et qu'on la compare à ce qui existe ailleurs, il y a des
problèmes de gestion, il y a des erreurs de gestion qui sont faites en
cours de route, c'est évident - ce n'est pas mauvais d'ailleurs qu'on
les évoque, il faut d'ailleurs les évoquer à l'occasion -
mais néanmoins il ne faudrait quand même pas perdre de vue que les
Québécois disposent d'un ensemble de services publics dont la
qualité se compare à tout le moins avantageusement à celle
de toutes les autres sociétés qui nous entourent et qui ont
atteint un niveau de développement comparable.
Enfin, M. le ministre, plusieurs mémoires l'évoquent, on
parlera des questions de qualité, des questions de droit pour les
travailleurs dans le secteur; vous ne l'avez aucunement mentionné, mais
je pense que les mémoires en font état, ce n'est pas la question
essentielle que nous devons discuter, j'en conviens, au niveau de cette
commission parlementaire, mais il est bien certain que le contexte très
très particulier des coupures budgétaires va alimenter une
très grande partie de nos discussions.
Encore une fois je ne veux pas, et je pense que le ministre en
conviendra avec moi, que cela devienne la première préoccupation
de cette commission. Nous n'avons pas à discuter ici de cette question.
Quand il s'aqira d'évaluer la qualité, de dire aux travailleurs:
"Vous avez des droits" et que, par ailleurs, par des décisions
unilatérales qui ont été prises par le gouvernement au
niveau des coupures budgétaires, des travailleurs perdent leur emploi,
que des services sont diminués dans certaines usines et dans certains
services publics, le gouvernement devra au moins accepter, au niveau de cette
commission, de se le faire dire et d'apporter à ceux qui
soulèveront le problème les réponses pertinentes.
M. le Président, je m'excuse d'avoir pris un peu trop du temps de
la commission. Disons, d'une façon générale, que c'est
dans ces orientations que nous voulons participer aux travaux de la commission.
Sans plus tarder, quant à nous, nous apprécierions qrandement que
notre premier invité puisse se faire entendre. Merci, M. le
Président.
M. Marois: M. le Président, simplement à titre de
clarification, surtout pour l'absent concerné - je pense que le
représentant de l'Opposition officielle en conviendra avec moi - dans le
cas de M. Lucien Bouchard, celui-ci a effectivement été un
employé de l'État durant une certaine période de temps. Il
est
maintenant un citoyen libre, il n'est plus à l'emploi de
l'État, et M. Lucien Bouchard a choisi, comme tant d'autres citoyens et
citoyennes dans notre société qui ont des opinions et des
expertises derrière eux, de faire connaître son opinion de citoyen
libre par le moyen d'une entrevue dans une revue bien connue. Je pense que
c'est un choix démocratique, libre et qu'on doit respecter. M. Bouchard
aurait pu aussi choisir de venir témoigner librement devant la
commission parlementaire; personne n'est forcé, dans la
société dans laquelle on vit, de venir témoigner devant
cette commission parlementaire sur ce genre de sujet. Simplement à titre
de clarification, je pense que c'est le choix de M. Bouchard et il a droit
à ses opinions personnelles. C'est une entrevue qu'il a accordée
et je suis certain qu'un bon nombre de citoyens et de citoyennes, et
certainement beaucoup de parlementaires, ont pris connaissance très
attentivement de cette entrevue qu'il a accordée et de ses remarques.
C'est simplement à titre de clarification et je conviens avec le
représentant de l'Opposition que nous pourrions procéder
maintenant à l'audition des premiers intervenants.
M. Rivest: M. le Président, si vous me le permettez - peu
importe M. Bouchard, je l'ai pris simplement comme illustration -dois-je
comprendre de la remarque du ministre que cette commission parlementaire ne
pourra pas entendre un représentant du Conseil du trésor -
c'était là le sens de ma demande - ou, à tout le moins, un
porte-parole de ceux-là qui ont été dans le passé
ou seront prochainement les chefs négociateurs ou qui auront des
responsabilités?
Ce que je veux dire, c'est que les centrales syndicales, qui ont
vécu ces situations, viennent exprimer leur point de vue, leurs
expériences sur l'ensemble des mécanismes alors que la partie
patronale ne sera pas entendue. Bien sûr, les hôpitaux, les
commissions scolaires, etc., sont ici, mais le grand patron des
négociations, de lui, on ne saura rien. Le ministre du Travail n'est pas
en mesure de nous le dire, ce n'est pas sa responsabilité
ministérielle. La commission ne pourra pas interroger le porte-parole
principal de la partie patronale dans la négociation des secteurs public
et parapublic. Il me paraît, à ce moment-là, que la
commission n'a qu'une patte, elle n'a pas l'ensemble du point de vue. Personne
d'autre ici, à la commission, ne peut nous donner le point de vue de
l'État - j'entends de l'État patron - dans ces
négociations.
M. Marois: M. le Président, très rapidement sur
cette question, je serais d'accord, comme le faisait remarquer le
représentant de l'Opposition, pour répéter ce que j'ai dit
dans mon intervention d'ouverture, je pense que c'est là le forum par
excellence pour que les Québécois et les
Québécoises, les groupes qui veulent se faire entendre devant
nous puissent le faire le plus pleinement possible et qu'on leur laisse le
maximum de temps possible. Nous avons, nous, les parlementaires, beaucoup
d'autres lieux, d'autres moments et d'autres forums où il nous est
possible de débattre entre nous un certain nombre de questions;
cependant, puisque le représentant de l'Opposition pose une question
très précise, je vais lui répondre très
précisément.
Je crois qu'il nous faut éviter, dans nos discussions ici - je ne
veux pas amorcer un débat en ce sens entre les parlementaires autour de
cette table et je vais chercher, de mon côté, à y
contribuer le plus possible -de jeter une confusion additionnelle dans un
domaine qui est déjà d'une telle complexité. (11
heures)
Ce que je veux dire par là, c'est simplement ceci. Le grand
patron, pour reprendre l'expression du représentant de l'Opposition
officielle, de l'État employeur, ce n'est pas le président du
Conseil du trésor, je regrette, ce ne sont pas les porte-parole du
Conseil du trésor, le député en est d'ailleurs bien
informé, il a pu vivre lui-même des expériences
antérieurement de façon très collée à la
réalité, je pense bien qu'il l'admettra, le grand patron, dis-je,
c'est le Conseil des ministres. C'est lui qui trace les grands
paramètres de ce qu'on appelle les politiques, les approches ou les
propositions pécunières ou paraprécunières. Par la
suite, ces propositions sont transmises à des personnes qui
reçoivent les mandata d'exécuter et de négocier. Nous
sommes réunis ici - c'est là qu'il faut bien distinguer, c'est
complexe, je ne veux pas qu'on contribue à jeter plus de confusion dans
un débat qui est déjà suffisamment complexe - et, en un
certain sens, c'est l'État législateur qui est ici à cette
table et, à titre de ministre, mon rôle, c'est, par la suite,
après avoir écouté attentivement toutes et chacune des
suggestions, de les avoir débattues, discutées entre nous, de
faire valoir, d'essayer d'en dégager les éléments
clés qui seraient susceptibles d'améliorer de façon
substantielle, à la fois dans le respect des droits collectifs des uns,
qui est le fameux droit de grève, mais dans le respect équivalent
du droit fondamental individuel des hommes et des femmes en vie, qui ont droit
à ce que - Dieu merci, encore une fois, ce sont des choses
exceptionnelles -une ambulance ne soit pas bloquée sur une ligne de
piquetage ou qu'une ambulance ne soit pas bloquée par un employeur quand
il s'agit d'un cas d'urgence pour entrer dans un hôpital, d'entendre ces
choses, de voir ensemble comment on peut améliorer ces
mécanismes...
L'État législateur, par la suite, fera des propositions
qui seront examinées par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale apportera, le cas échéant, les
ajustements qu'elle considère pertinents puis l'État employeur
comme tel sera lui-même lié par les décisions de
l'État législateur. C'est là une distinction
extrêmement importante. Je la donne simplement à titre de
clarification. Là-dessus, je souhaiterais qu'on puisse, dans les plus
brefs délais, commencer à entendre les divers intervenants.
M. Rivest: Je comprends, M. le ministre, que vous souhaiteriez
ça, mais je voudrais...
M. Marois: Je pense que les intervenants le souhaiteraient
aussi...
M. Rivest: Oui.
M. Marois:... de même que la population.
M. Rivest: Cela ne sera pas long.
Le Président (M. Rodrigue): On va s'entendre, tout le
monde, pour écourter ces remarques. Une dernière, M. Rivest,
député de Jean-Talon.
M. Rivest: C'est parce que le ministre a donné une
interprétation à ma demande. Je ne veux pas qu'on se mette
à discuter de la politique salariale ici, avec le Conseil des ministres.
Ce n'est pas du tout ce que je veux. Mais vous savez très bien, vous
l'avez vous-même évoqué, que dans l'organisation du
côté de la partie patronale, par exemple, pour montrer comment
cela pourrait être utile d'avoir quelqu'un, non pas le ministre, je ne
veux pas avoir un ministre, je veux avoir quelqu'un qui ait une
responsabilité au niveau du gouvernement. Souvent, ce sont des
procureurs à qui l'on confie un mandat et qui ont acquis une expertise
qui ne nous sera malheureusement pas disponible si le ministre persiste dans
son attitude. Voici un exemple très simple: Vous savez qu'il y a
toujours eu des difficultés d'arrimage et d'agencement de la partie
patronale, les agencements de l'État avec ses partenaires de la partie
patronale. Il y a toujours eu des tensions qui ont existé, sans
créer aussi au niveau du résultat net des négociations des
secteurs public et parapublic des difficultés qu'on aurait
peut-être pu éviter.
Or, qui va venir ici? Sans doute que les partenaires de l'État
qui sont ici vont pouvoir nous donner leur point de vue, mais eux autres,
souvent, à l'intérieur même de la partie patronale, doivent
défendre leur point de vue et on n'aura pas le point de vue du
gouvernement pourquoi on a tel type d'organisation du côté de la
partie patronale.
Le ministre a parlé de la multiplicité des organisations
syndicales. C'est bien raisonnable et c'est bien gentil d'évoquer
cela...
M. Marois: Et patronales aussi dans le domaine de
l'éducation.
M. Rivest: Alors, permettez à la commission d'entendre une
personne autorisée qui puisse nous parler parce que les centrales
syndicales vont pouvoir répondre à la question que vous avez
adressée, tandis que la partie patronale, le grand patron, sera absent.
Vraiment, le ministre peut persister dans son attitude, mais moi je le reqrette
profondément; cette commission parlementaire, à ce moment-ci,
risque malheureusement, face à l'attitude du ministre, d'être
amputée de ce que je considère très simplement comme des
éléments absolument essentiels à une bonne
compréhension du dossier.
Le Président (M. Rodrigue): Avant de procéder
à l'audition des mémoires, j'aimerais d'abord informer les
personnes qui assistent aux délibérations de cette commission
parlementaire par le truchement des appareils de télévision qui
sont placés dans l'édifice qu'elles pourront maintenant le faire
de la salle 91-A où des appareils ont été
installés.
J'aimerais reprendre, pour les fins d'enreqistrement de nos
débats, la liste des membres de cette commission de même que des
intervenants, étant donné que des députés se sont
ajoutés à nous depuis le début. Sont membres de cette
commission: M. Chevrette (Joliette), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin
(Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M.
Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) et Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Sont intervenants à cette commission: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M.
Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak
(Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).
Je rappelle en terminant que nous consacrons une heure à
l'audition de chacun des mémoires, soit 20 minutes pour la
présentation du mémoire, 20 minutes au parti ministériel
et 20 minutes à l'Opposition pour la discussion et les remarques.
J'invite donc en premier lieu les représentants du Conseil du patronat
du Québec à nous présenter leur mémoire. Ce
mémoire sera présenté par M. Ghislain Dufour,
vice-président exécutif. Je vous invite, M. Dufour, à nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. À ma
gauche, M. Gaston Longval, qui est vice-président, non pas des relations
publiques, mais des ressources humaines à Gaz métropolitain Inc.,
et M. Jacques Tremblay, à ma droite, qui est directeur de la recherche
au Conseil du patronat,
M. le Président, notre mémoire fait une vingtaine de
pages. C'est bien sûr qu'on ne peut pas le lire en 20 minutes. Je
demanderais l'accord des deux partis pour qu'il soit déposé
intégralement en annexe au journal des Débats et nous allons tout
simplement en faire un résumé.
Le Président (M. Rodrigue): Là-dessus, j'aimerais
vous faire une remarque. Nous avons une procédure cette année
selon laquelle nous n'inscrivons pas au journal des Débats les
mémoires qui nous ont été présentés,
question d'économie. Cependant...
Une voix: Eh bien!
M. Rivest: Des coupures!
Le Président (M. Rodrigue): Ce ne sont pas des coupures.
Ce sont des compressions budgétaires. Cependant, je veux quand
même informer ceux qui présentent des mémoires que ceux-ci
sont déposés au secrétariat des commissions où ils
sont conservés en permanence et peuvent être consultés sur
place. Si vous voulez présenter votre mémoire.
M. Dufour: Compte tenu de la raison invoquée, M. le
Président, nous sommes d'accord.
Le Président (M. Rodrigue): Je m'en doutais un peu.
M. Rivest: Je vous l'avais dit qu'il était question de
coupures.
M. Dufour: M. le Président, malgré que l'examen des
moyens d'améliorer le régime de négociations dans le
secteur public dans lequel s'est engagée la présente commission
parlementaire soit un sujet très vaste et puisse conduire à une
révision en profondeur de l'ensemble des lois du travail, nous voulons
limiter quant à nous notre témoignage à un seul sujet.
Posant en principe qu'il faut laisser le plus de place possible à la
libre négociation des conditions de travail - dans ce sens, nous
rejoignons l'exposé liminaire du ministre - mais, par ailleurs, nous
situant dans le cadre général des lois du travail actuelles qu'il
faudra réviser un jour, nous voulons répondre à la
question suivante: Par quels moyens peut-on garantir la permanence des services
essentiels, même dans le cas où une négocation conduit
à une impasse?
En fait, toutes les parties intéressées déclarent
qu'elles sont soucieuses de maintenir en tout temps les services essentiels,
mais les difficultés commencent quand il s'agit de déterminer de
façon concrète quels sont les services essentiels. Les moyens
qu'il faut trouver doivent donc, premièrement, établir une
autorité qui définira les services essentiels et,
deuxièmement, imposer à tous le respect des décisions de
cette autorité. Exprimée en ces termes, la question
concrète devient alors: Oui aura autorité pour définir les
services essentiels?
Au Québec, nous avons déjà fait l'expérience
de plusieurs solutions sans grand succès. Notre mémoire, dont les
membres de cette commission ont déjà pris connaissance, rappelle
ces expériences et les leçons que nous en tirons. Pour faire
bref, donc, nous ne reviendrons pas là-dessus. Nous reprendrons
seulement, en la résumant, la solution que nous préconisons dans
les circonstances actuelles, sans préjuqer, d'ailleurs, des positions
que nous aurons à soutenir quand il s'agira de réviser l'ensemble
des lois du travail, ce que nous demandons depuis le sommet économique
de La Malbaie.
Voici donc, pour l'essentiel, la solution mitoyenne que nous proposons.
Face aux difficultés vécues et aux inquiétudes que ces
difficultés ont nourries dans l'ensemble de la population, la
proposition la plus simple, trop simple, mais peut-être aussi la plus
populaire, est d'interdire purement et simplement le recours à la
grève dans le secteur public. Selon le CPQ, cependant, l'interdiction
pure et simple de la grève dans le secteur public est une solution
insuffisante, et ce essentiellement pour deux raisons.
Premièrement, cette solution exigerait une contrepartie, du
genre, par exemple, de l'arbitrage exécutoire et le recours à
l'arbitrage exécutoire, obligatoire, à moins qu'il ne soit
exceptionnel et limité, rend pratiquement inutiles les autres
mécanismes de négociation. D'autre part - pour nous du secteur
privé, c'est important - il y a des services essentiels en dehors du
secteur public et certains services publics n'ont rien d'essentiel, de sorte
que le secteur public ne comporte pas que des services essentiels, ni ne couvre
tous les services essentiels.
Pour sa part, par la consultation de ses associations et de ses
entreprises membres, le CPQ, à travers les années - ça
fait plusieurs années qu'on parle de ce problème - a fini par
privilégier ce qu'on appelle une solution mitoyenne qui veut laisser le
plus de place possible à la négociation libre dans le cadre des
lois générales, mais, en même temps, garantir la permanence
des services essentiels. Ce n'est pas une solution qui pourrait faire
disparaître par miracle toutes
les difficultés et tous les conflits. En acceptant les principes
de la libre négociation entre employés et employeur, nous devons
accepter les risques de l'échec occasionnel et de l'affrontement direct.
Mais dans une société qui reconnaît la primauté de
la loi, les conflits particuliers doivent être circonscrits par la loi de
façon à ne jamais mettre en cause ce que cette même
société considère comme essentiel.
Cette solution est, dans un premier temps, la formation d'une
équipe permanente de spécialistes dont la compétence est
confirmée tant par leur formation que par leur expérience, et
dont la tâche sera d'analyser un à un les secteurs clés, de
décrire les services essentiels et de maintenir à jour cette
description. C'est ce que le Conseil du patronat appelle une régie
permanente des services essentiels. La deuxième partie de notre solution
consiste à prendre les moyens pour que les services décrits comme
essentiels par cette régie soient effectivement maintenus en tout temps.
Cela suppose donc que la loi donne aux décisions de la régie une
autorité équivalente à celle d'un ordre de la cour et
prévoie des sanctions assez graves pour décourager toute
volonté de passer outre à ses décisions.
Dans la mesure où les services essentiels décrits par la
régie seraient assurés, le droit de grève ou de lock-out
s'exercerait dans tous les secteurs, selon les règles établies
par les lois générales applicables au domaine des relations de
travail. Par contre, dans les cas limités et clairement définis
où la grève serait interdite, le recours à un conseil
provincial d'arbitrage, sur lequel je reviendrai, pourrait être un moyen
de sortir d'une impasse. Bien sûr, l'Assemblée nationale resterait
l'ultime recours et pourrait, le cas échéant, réviser les
décisions de la réqie ou d'un conseil d'arbitrage.
L'existence d'une réqie permanente appuyant ses décisions
sur des études spécifiques, puis, année après
année, sur ses expériences propres et une certaine jurisprudence
serait de nature à enlever graduellement au problème des services
essentiels son caractère, il faut le dire, dramatique. Les syndicats y
perdraient, évidemment, une partie de leur force d'action, mais ils
échapperaient en même temps à l'accusation de prendre des
citoyens en otages et gagneraient une plus grande crédibilité. De
toute façon, la diminution des pressions que les syndicats peuvent
actuellement exercer sur les décisions politiques est nécessaire,
puisque l'expérience de la dernière décennie montre que,
par les moyens actuels, les syndicats obtiennent des avantages indus. En effet,
les conventions collectives signées dans le secteur public sont sur
nombre de points manifestement trop avantageuses pour les syndiqués par
comparaison à ce que l'on observe dans les secteurs où
s'appliquent les lois du marché. (11 h 15)
Le recours à une régie permanente, sorte de commission
d'experts neutre et extérieure au mécanisme de la
négociation comme telle, s'impose parce qu'il n'y a pas moyen de donner
à l'expression "services essentiels" une définition
théorique suffisamment claire pour être applicable dans chaque cas
de façon automatique. Il ne s'agit pas de l'ensemble des services
publics ni, dans le cas d'un service en particulier, de toutes les
activités intégrées à ce service. Un jugement
particulier est nécessaire dans chaque cas. En dehors des secteurs
où la santé et la sécurité des citoyens sont
directement en cause, la définition des services essentiels exige une
analyse fine et sur mesure. Dans quel contexte géographique, par
exemple, un transport en commun est-il un service essentiel? Et quelle partie
du réseau du transport est alors spécifiquement en cause? Dans
quelle circonstance, l'entretien des routes ou des voies urbaines ou d'un autre
réseau de communications est-il essentiel au maintien d'une vie sociale
acceptable? Il n'y a pas de réponse globale à des questions de ce
genre, et c'est pourquoi nous croyons qu'un organisme spécialisé
doit faire les recherches et les consultations nécessaires pour trouver
des réponses sur mesure.
Il existe, par ailleurs, des cas où les services à
maintenir en tout temps sont plus faciles à identifier. Selon les
critères les plus répandus dans notre société, au
moins quatre genres de services - et c'est un peu les statistiques auxquelles
référaient M. Rivest tantôt - ont déjà
été identifiés par l'ensemble de la population comme
étant globalement des services essentiels: les services de santé,
hôpitaux, cliniques d'urqence, foyers d'accueil; la fourniture
d'électricité; la fourniture de gaz naturel qui est un service du
secteur privé; la distribution de l'eau potable. Dans ces quatre
secteurs, toute grève doit être interdite si elle affecte les
services aux usagers. Cela ne signifie pas, quant à nous, que nulle
grève ne peut affecter les entreprises ou institutions oeuvrant dans ces
secteurs. Une grève affectant la perception des comptes des compagnies
distributrices d'électricité ou de gaz naturel, par exemple,
n'est pas comprise dans notre définition. Il en est de même d'une
grève affectant les rapports administratifs que les hôpitaux
doivent faire parvenir à la Régie de l'assurance-maladie, etc.
Par contre, la distribution de l'eau potable aux usagers inclut manifestement
non seulement le bon fonctionnement du réseau mais aussi diverses
opérations techniques en amont comme le contrôle de la
qualité de l'eau. Ainsi même dans le cas des quatre
secteurs où la menace d'une grève crée des
inquiétudes exceptionnellement qraves dans la population, la
régie doit pouvoir décrire de façon plus précise
les activités spécifiques qui doivent en tout temps être
poursuivies.
Nous concluons donc que la création d'une régie permanente
des services essentiels - on parle de régie, on peut parler d'autres
choses - capable de donner une description précise des services à
maintenir en tout temps et dotée de pouvoirs suffisants pour faire
respecter ses décisions empêcherait que l'exercice du droit de
grève dans les services publics ne crée des situations
dramatiques et diminuerait le nombre des cas où les décrets du
pouvoir exécutif deviendraient nécessaires, tout en laissant,
bien sûr, un champ asez vaste à la vraie négociation pour
éviter que les contrats de travail du secteur public ne soient
décidés unilatéralement. C'est, en somme, donner une
nouvelle chance à la négociation dans le secteur public,
malgré les expériences douloureuses vécues en 1966, 1967,
1972, 1976, 1979.
M. le Président, avec votre permission, je vais simplement sur le
plan technique définir rapidement ce que pourrait être cette
régie et ce conseil provincial d'arbitrage dont on parle. L'idée
générale, quant à la forme de la régie, quant au
rôle du conseil provincial d'arbitrage, toutes les hypothèses,
quant à nous, sont possibles. Pour notre part, dans le cas de la
régie, nous suggérons à peu près les
paramètres suivants: Devrait être une régie dotée de
pouvoirs administratifs mais également judiciaires, devrait être
créée par l'Assemblée nationale et responsable de son
mandat à l'Assemblée nationale.
Son mandat comporterait deux parties: premièrement,
définir les services essentiels et approuver ou modifier les ententes
entre les parties à ce sujet, parce que, bien sûr, on continuerait
à favoriser les ententes au niveau local; deuxièmement, prendre
les moyens nécessaires pour assurer le maintien des services essentiels
en tout temps. Cette régie, au niveau de ses pouvoirs, devrait
émettre toute ordonnance prohibitive, ordre d'agir ou toute autre
décision afin de faire respecter les conditions de la loi, les ententes
conclues entre les parties et ses directives. Ses décisions seraient
exécutoires et ne pourraient être annulées ou
modifiées que par l'Assemblée nationale. Dans le cas où
une partie en appellerait d'une décision de la régie
auprès de l'Assemblée nationale, la décision de la
régie continuerait de s'appliquer tant et aussi longtemps que
l'Assemblée nationale n'en aurait pas décidé autrement.
Elle serait composée, dans notre suggestion - on est prêt à
la débattre - d'au moins trois juges qui auraient une connaissance
approfondie du milieu du travail et qui pourraient s'adjoindre au besoin des
spécialistes en provenance notamment des différents organismes
spécialisés de l'État. Cette régie serait
permanente. La permanence contribuerait à établir sa
crédibilité et son sérieux.
Cette régie devrait pouvoir agir au-delà du seul champ
qu'on appelle actuellement les secteurs public ou parapublic, et c'est
là l'essence de notre proposition. Les municipalités, les
compagnies privées d'enlèvement des ordures, le transport, la
nourriture, le camionnage, le déblaiement des rues l'hiver, les
réseaux de transport en commun et de communication, la fourniture
d'électricité et de gaz, les égouts, voilà
pêle-mêle quelques exemples des services qui sont manifestement en
cause lorsque l'on parle de services essentiels dans une
société.
Quant au conseil d'arbitrage, nous suggérons la création
d'un conseil provincial d'arbitrage à caractère volontaire, mais
dont les décisions seraient exécutoires. On a dit à
satiété dans le système actuel d'arbitrage qu'il n'y avait
satisfaction pour personne, ni du côté syndical, ni du
côté patronal. Nous n'y revenons pas, et il est évident
qu'il faut revoir, rebâtir un nouveau système d'arbitrage. Ce
serait surtout utile dans les cas suivants: lorsque les parties
décideraient de porter volontairement leur cas en arbitrage, mais
surtout lorsque les travailleurs n'ont pas le droit de grève, comme cela
existe déjà pour les policiers, les pompiers et certains agents
de sécurité.
De plus, lorsqu'une solution acceptée par les deux parties est
devenue impossible et que le gouvernement doit en imposer une
d'autorité, c'est arrivé une quinzaine de fois au cours des
quinze dernières années, il y aurait alors la possibilité,
s'il le juge à propos, de référer en tout ou en partie le
différend à l'arbitrage. Un tel régime d'arbitrage
volontaire serait axé sur la création d'un conseil provincial
d'arbitrage. Toute la valeur de ce nouveau conseil résiderait dans la
compétence, l'intégrité, l'impartialité des
personnes qui seraient appelées à y travailler. Ces personnes
devraient être nommées pour une période de temps
déterminée d'avance, ce qui leur assurerait l'indépendance
et la sécurité nécessaire à leurs fonctions. Le
lieutenant-gouverneur en conseil pourrait être amené à
statuer sur la conduite d'un membre du conseil, si telle conduite était
incompatible avec son statut.
Voilà, M. le Président. À partir de ce
problème que nous identifions comme le problème prioritaire,
celui des services essentiels, ce que le Conseil du patronat avait à
suggérer comme solutions possibles aux membres de cette commission
parlementaire.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.
Pour la période de discussion, M. le ministre.
M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier les porte-parole du Conseil du patronat de leur apport, de leur
contribution. Je me permettrai de faire une première remarque ou un
premier commentaire. Je voudrais poser un certain nombre de questions par la
suite. Je pourrais faire cela en une seule phase. Les porte-parole pourraient y
répondre ou les commenter par la suite. Vous êtes les premiers
à venir témoigner dans ce sens à cette commission sur
l'idée qui est la clé de fond, si je comprends bien - que ce soit
une régie, un conseil, enfin, on ne va pas s'enfarger dans les
expressions ce matin -d'une permanence d'une structure, mais d'une structure
qui a un caractère de permanence pour regarder de très
près toute cette question des services essentiels.
Évidemment, il faudra regarder aussi -parce que des questions se
posent sur l'ampleur de cette permanence - les pouvoirs qu'on accroche à
cette permanence à la portée aussi des divers pouvoirs. Vous y
attachez, dans votre proposition, des pouvoirs de médiation, je dirais,
en un certain sens. Vous y ajoutez en même temps des pouvoirs judiciaires
ou quasi judiciaires, enfin peu importe. De toute manière, je voudrais
tout de suite dire qu'il me semble que cette notion de permanence, sous
réserve d'examiner chacun des morceaux et des éléments
bien en détail, m'apparaît une hypothèse qu'il nous faut
ensemble certainement scruter et examiner à la loupe. C'est certainement
une hypothèse valable.
Voici la première question que je voudrais vous poser, parce que
vous ne l'avez pas évoqué: Qu'est-ce qu'il advient du conseil
d'information?
Deuxièmement, vous proposez de créer une régie
permanente des services essentiels qui serait dotée de pouvoirs
administratifs et judiciaires. Vous avez peut-être examiné cette
question, peut-être pas. Si vous l'avez fait, je voudrais vous poser la
question suivante: Dans le contexte constitutionnel actuel, ne serait-il pas
possible, à votre avis, que les pouvoirs de cette réqie qui sont,
d'une part, administratifs, dans son rôle de médiation, selon
votre proposition, et, d'autre part, judiciaires, dans son rôle de
décision ou d'adjudication, comme on dit dans le jarqon juridique,
puissent être contestés devant la Cour supérieure et que le
fonctionnement devienne paralysé? Enfin, il me semble que c'est une
question qui mérite d'être regardée.
Troisièmement, vous affirmez dans votre mémoire que
l'existence de cette régie aurait pour effet de réduire le
recours à l'injonction devant la Cour supérieure. C'est à
la page 16 de votre mémoire, celui qu'on a reçu avant le
début de nos travaux en commission parlementaire. Puisque les parties
s'adresseraient à la régie, est-ce que, à votre avis -
vous y avez sûrement réfléchi -il existe un consensus au
Québec présentement en matière de relations de travail
pour adopter une telle attitude de façon générale?
Une dernière question, puis on me permettra une petite mise au
point qui, me semble-t-il, s'impose. Quant à votre proposition
concernant la création d'un conseil provincial d'arbitrage auquel les
parties pourraient recourir, si je comprends bien, de façon volontaire,
est-ce qu'elle n'aurait pas pour effet, est-ce qu'il n'y a pas là un
danger de créer une espèce d'imbroglio dans le sens suivant: Dans
l'application des conventions collectives, à la suite des
décisions qui seraient rendues par ce conseil, c'est-à-dire les
conditions de travail, des salaires qui pourraient être différents
d'un établissement à l'autre, peut-être faites-vous
référence, en formulant cette suggestion à des
expériences et, en particulier, à l'expérience
vécue en Colombie britannique... Dans les secteurs touchés par
les services essentiels, en Colombie britannique, le recours à
l'arbitrage existe seulement si la partie syndicale en fait la demande et elle
renonce de ce fait à recourir à la grève. J'aimerais bien
vous entendre là-dessus.
Je voudrais simplement faire la petite mise au point suivante. Le
porte-parole de l'Opposition officielle en conviendra avec moi, ce n'est
certainement pas de mauvaise foi, c'est purement une erreur. Le
député a, tantôt dans son intervention, fait
référence à une déclaration à
l'Assemblée nationale du premier ministre, M. Lévesque, reprenant
l'expression "revoir le système de fond en comble". On convient, ayant
les textes devant nous, qu'au moment où le premier ministre a
utilisé cette expression "revoir de fond en comble le système",
il parlait de façon bien spécifique de la question des services
essentiels et non pas de l'ensemble, ce qui répond en même temps
à la préoccupation légitime fondée non seulement
des parlementaires autour de cette table, mais de l'ensemble des citoyens et
des citoyennes compte tenu de délais qui sont maintenant devant nous,
puisqu'il va y avoir d'autres prochaines rondes de négociations qui
viendront relativement rapidement. Il ne s'agit donc pas de refaire de fond en
comble tout ce qui existe. Je pense qu'on a là une approche convergente.
Je m'excuse, c'est la petite mise au point que je voulais faire. (11 h 30)
Le Président (M. Rodrigue): M. Dufour.
M. Dufour: M. le ministre, si vous me le permettez, d'abord un
commentaire sur votre commentaire. Vous dites retenir de la suggestion globale
l'idée de permanence.
Nous, cela nous plaît au départ, mais sur la permanence
seule, nous, on n'ira pas tellement loin. Il y a deux idées
additionnelles auxquelles vous touchez: il y a la question de l'ampleur et la
question des pouvoirs. Si on fait quelque chose de permanent qui ne va pas un
peu partout dans le champ, l'électricité, le gaz, le transport,
on n'a rien fait. On continuera peut-être à créer un
certain nombre d'organismes permanents, mais on en aura trop. On cherche, en
termes d'ampleur, à couvrir avec cette régie ce qui s'appelle
"services essentiels" dans notre société. La question des
pouvoirs est importante aussi, parce qu'on peut avoir quelque chose de
permanent qui s'occupe de tout, mais si cela n'a pas de pouvoirs on n'ira pas
tellement loin. C'est une des raisons de l'échec du Conseil sur le
maintien des services essentiels que cette absence de pouvoir.
Sur vos questions précises, dans la première, vous me
demandez de réagir un peu: Qu'est-ce qui arrive du conseil
d'information? J'ai l'impression que c'est un lapsus, que vous voulez dire le
Conseil sur le maintien des services essentiels.
M. Marois: Non, ce qui existait a peut-être
été peu visible, mais il existait quand même un conseil qui
s'appelait le conseil d'information...
M. Dufour: Ron. Parce que pour nous il n'est pas mis en cause
dans notre proposition. Quand on a analysé la loi 59 dans le temps
où il y avait ces deux propositions de conseils, le Conseil sur le
maintien des services essentiels et le conseil d'information, nous avons
toujours été d'accord, nous, sur le conseil d'information et on
continue d'être d'accord. On regarde certains mémoires qui font
bon nombre de propositions pour en améliorer le fonctionnement; on est
d'accord parce que finalement la diffusion de l'information, les briques que
l'on voit à certain moment de la négocation... Il y a eu des
problèmes très concrets, mais sur la question du principe du
conseil d'information, on est d'accord et on le conserve dans notre structure.
Cela n'a rien à voir avec la détermination des services
essentiels; c'est l'information de la population en temps de
négociation.
La question des pouvoirs judiciaires que l'on donnerait à notre
régie, je ne pense pas que cela puisse créer de problèmes
différents de celui que vous auriez, possiblement, avec votre Tribunal
du travail. Vous l'avez créé et personne n'a contesté
encore. Cela a enlevé un certain nombre de pouvoir à la Cour
supérieure, alors si on donne à cette régie à peu
près ces mêmes pouvoirs que ceux que le tribunal a aujourd'hui, je
ne suis pas un juriste sur ce plan des problèmes constitutionnels, mais
je pense qu'on est placé ici devant le même problème que
celui que vous avez avec le Tribunal du travail, et je vois bons nombres de
mémoires qui suggèrent que le tribunal devienne, justement, cette
régie. C'est un problème qu'on va laisser aux
législateurs.
M. Marois: Merci, merci beaucoup.
M. Dufour: Sur la question de la réduction des
injonctions, je ne comprends pas exactement le sens de votre question,
j'aimerais que vous la précisiez.
M. Marois: Vous dites, c'est à la page 16, je crois, que
c'est plus détaillé -forcément, vous nous avez
présenté un résumé et on pourra qratter plus
à fond l'ensemble de votre mémoire par la suite - que l'existence
de cette régie que vous proposez, qui aurait un caractère
permanent, avec tous les pouvoirs administratifs et judiciaires que vous lui
donnez, cela aurait pour effet de réduire le recours à
l'injonction devant la Cour supérieure, parce que les parties
s'adresseraient à la régie, si je comprends bien. La question que
je pose... Évidemment, chacun peut faire ses évaluations, mais il
me semble que c'est une question pertinente parce qu'on fait des lois, des
règlements, c'est-à-dire des choses qui sont écrites sur
le papier, mais ce n'est pas parce que les choses s'écrivent sur le
papier qu'automatiquement elles correspondent à des changements de
comportement, d'attitude. Les humains ne chanqent pas nécessairement
comme cela, et il me semble pertinent de se demander si, sur la base de votre
proposition, il vous semble, de votre point de vue - c'est une
évaluation qui ne peut pas être quantifiée, je ne pense pas
- compte tenu de votre expérience dans le domaine des relations de
travail, qu'il existe présentement, au Québec, un consensus en
matière de relations de travail qui nous permettrait de faire en sorte
qu'une telle attitude puisse être adoptée d'une façon
générale.
M. Dufour: Je ne pense pas, comme vous, qu'il y a consensus au
Québec sur la question des injonctions. Mais on a l'impression qu'une
régie composée de personnes spécialisées dans le
domaine des relations de travail, qui aurait une expertise, qui pourrait
peut-être un jour être identifiée par les parties comme
étant un endroit valable où aller, empêcherait justement le
recours aux injonctions.
On dit - et je pense que c'est la seule réponse qu'on peut
vraiment donner - dans le texte "la compétence, la spécialisation
de ses membres donneront aux décisions de la régie une
qualité qu'on ne trouve pas toujours dans les jugements d'un magistrat
non spécialisé en relations de travail, appelé à se
prononcer
sur une demande d'injonction". Et cela rejoint toujours notre
thèse quand on discute des injonctions. On n'est pas d'accord avec ce
qui existe actuellement au niveau des injonctions, vous le savez. On est
prêt à aller devant un banc spécialisé, de qars qui
connaissent cela, des problèmes de relations de travail. On est
prêt à aller au Tribunal du travail. C'est dans cet esprit ici
qu'on dit: Si on peut, au maximum, sortir les problèmes de relations de
travail de la juridiction "ordinaire" de la Cour supérieure pour les
confier à des gens qui sont spécialisés, on
réduirait probablement certains des conflits actuels.
Quant à votre question sur le conseil provincial d'arbitrage,
cela a existé au fédéral. La proposition n'est pas
nouvelle. Vous vous rappelez que, dans les secteurs public et parapublic, cela
existait au niveau fédéral. Cela a été à peu
près abandonné. Il semble qu'on veuille y revenir. C'est une
suggestion qui réglerait au moins un problème. Actuellement, dans
le cas des policiers, des pompiers, vous avez des décisions qui se
prennent partout sur le territoire par des conseils d'arbitrage qui, souvent,
n'ont pas du tout la même jurisprudence, n'ont pas du tout les
mêmes données. Au moins, les gens qui doivent de toute
façon aller en arbitrage - ce serait obligatoire dans ce cas-là -
pourraient se présenter à un endroit où il y aurait
vraiment une recherche qui serait faite par l'ensemble de la province et qui
donnerait une cohérence dans les décisions qui sont prises
actuellement. Si vous avez lu le mémoire de l'Union des
municipalités, je pense qu'on appuie cette proposition.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que cela va, M. le
ministre?
M. Marois: Oui.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. Dufour, il y a un certain nombre de choses, au
niveau des principes, avec lesquelles on est d'accord. D'abord, je dois dire
que je comprends très bien le sens. Vous n'avez pas voulu aborder les
autres questions. Vous trouvez que le contexte particulier ne rend pas
réaliste une réforme qui serait un peu plus large de l'ensemble
des mécanismes; vous vous restreignez directement à la question
des services essentiels. Je note avec satisfaction que vous reconnaissez, ce
qui m'apparaît majeur dans cette question, le principe d'une
autorité quelconque qui doit décider et qui n'a
d'intérêt que l'intérêt public en ce qui concerne le
maintien des services essentiels.
J'aimerais avoir un premier commentaire de votre part - parce qu'il y a
des opinions variables là-dessus et je pense que c'est le rôle de
la commission de chercher à voir exactement ce qu'il en est, -au sujet
de la liste syndicale, votre évaluation. Peut-être l'avez-vous
mentionné dans votre mémoire, mais cela m'aura
échappé.
Deuxièmement, je note que votre préoccupation et le sens
de votre mémoire, c'est de reconnaître également le
principe de la primauté des droits du public à la santé et
à la sécurité lorsque cette santé et cette
sécurité sont réellement mises en cause par l'exercice du
droit de grève. Par contre, dans le domaine de la santé, à
toutes fins utiles - je sais qu'il y a certains services d'ordre administratif
pour lesquels vous toléreriez sans doute qu'il existe un droit de
grève - est-ce que j'interprète bien votre mémoire dans le
sens que vous retirez, à toutes fins pratiques, l'exercice du droit de
grève dans tous et chacun des types d'institutions de santé?
Est-ce que vous vous êtes demandé si les situations
pourraient être différentes selon qu'il s'agit d'hôpitaux
à soins aiqus ou d'hôpitaux pour malades chroniques ou de services
un peu plus spécialisés ou bien si vous croyez que c'est vraiment
une question de principe et que c'est à ce point important que vous
soulevez cela?
Une autre question que je voudrais vous poser c'est dans la nature
même de votre régie, vous introduisez, pour mettre fin à un
conflit de travail qui compromettrait la santé et la
sécurité, le principe de l'autorité judiciaire. À
ce compte, est-ce que vous croyez que ce serait pratique et que cela pourrait
être accepté dans votre évaluation par l'ensemble des
parties, une autorité de nature judiciaire par rapport à une
autorité gouvernementale ou une autorité d'ordre
législatif? Je suppose que, si vous choisissez une autorité
judiciaire, il y a un certain nombre de raisons d'indépendance, le
processus vous paraît plus équitable. Enfin, j'aimerais
peut-être avoir vos commentaires là-dessus.
Enfin, M. Dufour, si vous me permettez, dans le fonctionnement de votre
régie, étant donné que la nature même des services
essentiels, comme vous l'avez vous-même souligné, est
extrêmement difficile à cerner, quelle importance accordez-vous
à une normalisation générale des services essentiels, dans
la mesure où c'est possible de le faire, selon les secteurs et leur
actualisation très localisée? Dans le domaine des services
essentiels, un service peut théoriquement être
décrété essentiel de façon générale
mais par contre, localement, le problème peut ne pas se poser du tout de
la même manière. Quel est le jeu d'équilibre que vous voyez
là-dedans?
Je m'excuse, je vous en donne pas mal mais cela...
M. Dufour: Oui, il y en a quatre. Au départ, sur la
question de la liste syndicale, en relation avec la loi 59 actuelle, je vais
demander à Jacques Tremblay de réagir.
M. Tremblay (Jacques): Cela permettrait peut-être de
préciser une idée qui a déjà été
abordée. On disait tantôt qu'on était prêt à
ajouter l'idée de permanence au conseil du maintien qu'on a
déjà. Il faut peut-être revenir à cette idée
que le conseil, quand on en a parlé à propos de la loi 59, notre
analyse nous avait conduit à le décrire comme une boîte aux
lettres.
Et, dans le cas où nous parlons, nous, d'une régie, il ne
s'agit plus du tout de ce genre d'organisme. Il s'agit bien d'un organisme
permanent de recherches, d'études, de consultations, mais qui
décide. Il ne s'agit pas d'approuver, d'accepter une liste reçue
qui confirme une entente ou d'accepter une liste syndicale ou, dans un autre
choix, d'accepter une liste patronale; il s'agit bien de la part de la
régie de faire les recherches, de faire les analyses, de faire les
consultations aussi. Donc, il pourrait y avoir, à ce moment, des listes
de suqgérées par l'une ou par l'autre partie. La tâche de
la régie n'est pas de recevoir et d'approuver l'une ou l'autre de ces
listes, mais bien de trancher la question.
M. Rivest: À ce compte, je comprends très bien la
différence essentielle, non seulement sur la liste, mais vous êtes
également extrêmement sceptique sur la capacité d'ententes.
Dans la dernière ronde de négociations, les chiffres, qu'on peut
apprécier d'une façon différente, il semble bien que cela
a été un rapport de deux tiers à un tiers. Il y a eu
environ 500 listes syndicales, sauf erreur, alors qu'il y a eu des ententes
dans un très grand nombre d'établissements. Mais même
là où il y a entente entre la partie patronale et la partie
syndicale, vous ne croyez pas non plus que ce soit suffisant. Vous voulez qu'il
y ait une autorité qui...
M. Tremblay (Jacques): Une entente reste une liste
suggérée par les deux parties, mais la régie doit porter
là-dessus son propre jugement.
M. Rivest: Dans la majeure partie des cas, c'est au niveau local.
Ce sont vraiment les gens qui vivent dans l'institution qui peuvent
déterminer cela. Comment pensez-vous, au cas où il y aurait
entente entre les deux, qu'éventuellement la régie pourrait
être, quels que soient ses pouvoirs et ses moyens, un meilleur juge de la
réalité concrète vécue au niveau d'un
établissement, lorsque autant les administrateurs locaux que les
représentants syndicaux conviennent que c'est tel type de services
essentiels qui doivent être assurés. Vous ne trouvez pas que la
régie peut, dans certains cas, être très loin? (11 h
45)
M. Tremblay (Jacques): Oui, d'accord, on peut croire que,
là où il y a entente, cette liste sera probablement assez
facilement approuvée par une régie, mais on ne peut pas poser en
principe que tel sera le cas. Quand vous parlez d'une entente sur une liste,
vous parlez d'une liste négociée entre des parties qui ont des
intérêts en cause et cette négociation et cette entente ne
correspondent pas nécessairement au point de vue que la régie,
elle, doit défendre, c'est-à-dire les services essentiels
à la population. Le point de vue de la régie est différent
et, même si telle entente fait l'affaire des parties qui
négocient, il n'est pas sûr que le point de vue du public, par
exemple, soit à ce moment la règle qui est entrée en ligne
de compte, et la régie doit vérifier si, dans cette entente, les
règles fondamentales du service aux usagers ont été
respectées. Si oui, elle l'approuvera, sinon, elle aura le pouvoir de la
modifier. De sorte que les listes ne seront ni syndicales ni patronales;
quelles que soient les consultations faites vis-à-vis des parties,
quelles que soient les recherches, la liste sera la description des services
essentiels faite par la régie et cette description s'impose aux parties,
non seulement en période de négociation, mais en tout temps -
c'est-à-dire que ça enlève aussi le droit de lock-out, par
exemple.
M. Rivest: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): M.
Paquette... Je m'excuse, M. Dufour, je vous en prie.
M. Dufour: Vous évoquez le principe de la primauté
du grand public par rapport à certaines unités
d'accréditation, et vous demandez de faire une distinction entre le
malade dans un hôpital pour chroniques et celui qui est
hospitalisé d'urgence; nous, on n'en fait pas, ce n'est pas à
nous à juger si quelqu'un est malade, s'il y a déjà un
problème de santé, c'est déjà assez important pour
qu'on ne commence pas à entrer dans des distinctions; pour nous, ce qui
s'appelle un service aux usagers, au plan de la santé, ça doit
être global.
Vous parlez des difficultés que pourrait présenter le
caractère judiciaire de la régie que l'on propose. C'est tout
simplement pour éviter la création de deux organismes; vous
pouvez avoir un organisme qui serait purement de caractère
administratif, du genre du conseil actuel sur le maintien des services
essentiels, à qui vous donneriez un peu plus de pouvoirs, mais qui
resterait carrément sur le plan administratif. Mais, dans notre
société, quelles que soient les
parties, il faut qu'intervienne à un moment donné
quelqu'un qui fait respecter les droits de quelqu'un. Or, que ce soit dans le
domaine de l'injonction - c'est bien beau de demander de retirer l'injonction,
comme certaines centrales syndicales le font, mais, quand elles auront besoin
elles-mêmes de faire respecter leurs droits, où vont-elles aller -
il faut qu'un recours judiciaire existe dans la société. Quand on
donne un pouvoir judiciaire à cette régie, c'est pour mettre et
l'administratif et le judiciaire dans la même structure, de façon
à ne pas les multiplier à l'infini et de façon aussi que
l'expertise dont on parlait tantôt soit véritablement une
expertise de relations de travail, parce que, pour nous, ça, c'est
majeur. Là-dessus, on est généralement d'accord avec les
expressions syndicales voulant que les gens qui portent des jugements dans ce
domaine ne soient pas toujours des gens qui sont capables de le faire et, dans
ce sens, ça donne à cette régie une expertise qu'on
n'aurait pas autrement.
Finalement, quand vous parlez du fonctionnement de la régie, de
sa rationalité, des aspects comparatifs entre différents
secteurs, c'est l'essence même de notre proposition. Le transport
à Montréal et le transport à Québec, on l'a vu, ce
n'est pas du tout la même chose, par une grève de sept ou huit
mois, ici, à Québec...
M. Rivest: Attention, je suis un député de
Québec, moi:
M. Dufour: Dans les autobus, j'entends, si vous vous le rappelez
bien.
M. Rivest: C'est ça.
M. Dufour: Alors que ça dure sept ou huit mois ici,
à Montréal c'est impensable, une grève qui durerait sept
ou huit mois. Il y a des services de transport, dans certaines petites
municipalités, où ça ne crée pas de
problème; à Montréal, je me rappelle, lors de la
dernière grève, qu'on disait: Rétablissez simplement le
métro aux heures de pointe et, à ce moment-là, on vient de
régler peut-être ce qui pourrait s'appeler "services
essentiels".
Donc, vous n'avez pas de possibilité d'établir des
comparaisons, vous devez -c'est ce qu'on dit dans notre texte - juger les
services essentiels sur mesure, selon les problèmes.
M. Rivest: Une dernière question, M. le Président,
si vous me le permettez. Vous dites que, dans l'établissement de ces
normes en général, à un moment donné, la
régie va porter des jugements de valeur. Même si son processus est
judiciaire, il va y avoir des juqements de valeur qui vont être rendus.
Est-ce qu'elle va procéder par consultation ou si elle va prendre
secteur par secteur et exercer son jugement à elle sur ce qui constitue
des services essentiels où vont apparaître, finalement, un certain
nombre de normes que la régie rendra et auxquelles tout le monde, bon
gré mal gré, devra plus ou moins se soumettre? Ne trouvez-vous
pas qu'il y a un jugement de valeur qu'on confie... Est-ce que vous avez
examiné cet aspect? C'était inévitable...
M. Dufour: II y a des jugements de valeur partout. Dès
qu'on fait un choix, on vient de discriminer autre chose. On va prendre un cas
très concret: le gaz. On va sortir du public et on va aller dans un
service essentiel que nous connaissons davantage: le gaz. Comment cela
pourrait-il se passer? Je vais le demander à M. Longval. Il ne peut pas
y avoir des normes différentes. Il n'y en a qu'une possible dans le
gaz.
M. Lonqval (Gaston): Je pense que les experts qui sont là
pourraient tout au moins entendre d'autres experts qui se sont
déjà familiarisés avec le domaine de la distribution du
gaz. Ils pourraient, à la suite de ces revendications, même du
côté syndical, porter un jugement, mais un jugement
éclairé plutôt qu'un jugement d'experts en vase clos. Dans
le domaine du gaz, par exemple, si on pense à la recherche de fuites,
cela prend quand même une certaine expertise pour savoir ce qu'est une
fuite, qui peut occasionner un problème, oar rapport à la
perception des comptes de gaz ou à la lecture des compteurs. Alors,
c'est à la suite d'auditions qu'on pourrait se former une opinion
éclairée et peut-être rendre un jugement.
Le Président (M. Rodrigue): Merci. M. Paquette
(Rosemont).
M. Paquette: M. le Président, j'ai bien goûté
le rapport du Conseil du patronat. J'ai même été surpris
à certaines occasions. À la page 10, le rapport nous dit que
l'interdiction pure et simple de la grève dans le secteur public est une
solution insuffisante; je pensais que dans les pages suivantes, le conseil
allait nous dire qu'il fallait interdire les syndicats. Mais au contraire, ses
membres ont conclu qu'il faut - cela fait pas mal consensus dans la
société actuellement - civiliser l'exercice du droit de
grève. Les membres du conseil nous proposent deux mécanismes.
Ma question porte uniquement sur le premier mécanisme: la
création d'une régie des services essentiels. J'aimerais la
comparer et vous demander de la comparer avec les propositions du rapport du
Conseil sur le maintien des services essentiels, ce qu'on appelle
communément le rapport
Picard. Je vais citer un passage du rapport qui montre l'esprit et une
proposition alternative. Le rapport Picard a été quand même
le premier à proposer qu'on maintienne de façon permanente un
organisme, qu'on l'appelle conseil ou régie. Mais votre proposition vise
à aller plus loin, dans un certain sens, qu'un simple conseil,
c'est-à-dire qu'il s'agit d'un organisme quasi judiciaire et
exécutoire.
Le rapport Picard, tout en proposant la permanence d'un organisme dans
le domaine du maintien des services essentiels, fait une proposition visant
à établir un protocole-cadre, un code d'éthique
établi entre les organisations patronales et syndicales.
Je vais citer un passage du rapport Picard. Contrairement au
passé et en observant la réalité qu'il avait sous les
yeux, le conseil constate que les grèves ont été
d'ordinaire sporadiques, parfois tournantes, mais toutes de courte
durée. Donc, le conseil dénote quand même une
évolution dans l'attitude des parties qui semble nous démontrer
une amélioration dans le sens d'un exercice du droit de grève et
de lock-out qui soit davantage civilisé.
Ensuite, le conseil dit qu'il n'en constate pas moins, tout en ayant
à l'esprit les observations et les recommandations particulières
contenues dans le chapitre précédent, qu'un nouveau rouage
d'application de la loi, rouage qu'il qualifie d'essentiel, devrait être
ajouté en prévision de l'avenir. Il s'agit d'un protocole-cadre
ou code d'éthique que seules les organisations patronales et syndicales
peuvent mettre en place et faire fonctionner dans des conditions acceptables
sans nuire aux moyens de pression que des négociations infructueuses
peuvent en dernier ressort rendre inévitables. La grève ou le
lock-out sont des effets: il n'y a pas d'effet sans cause.
Il me semble qu'il y a là une différence d'approche assez
importante. Dans un cas, un organisme que vous proposez, une régie des
services essentiels qui est quasi judiciaire, exécutoire, qui, dans le
fond, vise à trancher au-delà et au-dessus des parties, et, du
côté du rapport Picard, une approche que je qualifierais de
beaucoup plus en continuité avec le principe de la négociation,
qui vise à changer les attitudes d'un commun accord, à
développer davantage une attitude de responsabilité par
l'établissement d'un code d'éthique.
À ce point de vue là on peut se demander si une
régie quasi judiciaire et exécutoire n'agirait pas un peu comme
un éléphant dans un magasin de porcelaine. On est dans un domaine
extrêmement délicat.
J'aimerais vous demander ce qui vous a amené à opter pour
une régie comme vous le proposez plutôt que pour une approche
comme celle que propose le rapport Picard.
M. Dufour: Oisons, au départ, que la suggestion du rapport
Picard est très limitée. Elle ne concerne que les soins de
santé alors que notre préoccupation à nous est l'ensemble
des services essentiels. Ce matin on n'a même pas encore parlé
d'enseignement. À un moment donné, l'enseignement devient
essentiel aussi.
Tous ces problèmes-là sont sur la table de votre
commission parlementaire, je pense. Lorsque vous vous rabattez exclusivement
sur le Conseil sur le maintien des services essentiels ou l'analyse critique
qu'en a fait le rapport Picard, on est peut-être prêt à
regarder le protocole d'entente qui pourrait intervenir entre les grandes
unités syndicales et les grandes unités patronales. D'ailleurs,
j'ai vu qu'un des mémoires analyse cette proposition-là. Mais,
pour nous, c'est beaucoup trop limitatif; même si on réglait le
problème des hôpitaux aujourd'hui par l'approche Picard, qu'est-ce
qu'on fait avec Hydro-Québec demain, qu'est-ce qu'on fait avec le gaz
naturel et qu'est-ce qu'on fait avec le transport? C'est une approche qui, pour
nous, est trop limitative.
On aborde le problème de façon beaucoup plus globale. Je
pense qu'on ne retrouve pas, même dans les propositions de M. Picard,
simplement sur le plan administratif, bon nombre des propositions -oublions le
judiciaire - que l'on a dans notre propre proposition.
Évidemment, on peut faire toutes sortes d'analyses du rapport
Picard. Vous pouvez faire la vôtre, on peut faire la nôtre. Il y a
des neutres, c'est possible, qui l'ont fait et qui sont loin d'être
certains que ce protocole, parce qu'ils ont cette possibilité de faire
cette entente-là aujourd'hui, ou ce protocole-là... Cela existe,
il n'y a rien qui le leur interdit. Il faut vivre des négociations de
convention collective pour savoir que les énoncés de principe et
le feu de l'action, c'est souvent très différent.
De toute façon, je pense M. Paquette, que le fond de ma
réponse serait de dire: On viendrait peut-être de régler un
problème, mais les autres...
M. Paquette: Une simple question additionnelle, M. le
Président. Je pense, pour aller un peu plus au fond de la question,
qu'il est bien sûr que le rapport Picard ne s'adresse qu'aux organismes
de santé, mais on peut imaginer, je pense, une approche identique qui
pourrait s'étendre aux autres secteurs. Vous avez raison de mentionner
que les services de santé ne sont pas les seuls où les services
essentiels doivent être protégés, où les droits du
public doivent être protégés. Vous avez parfaitement raison
là-dessus, mais je pense que c'est plutôt une différence
d'approche. Le rapport Picard mentionne, dans le domaine de la santé
uniquement, bien sûr, 19 aspects sur lesquels il serait
important d'établir un code d'éthique qui devrait, par la
suite, être respecté par les parties. Je pense qu'il y aurait
moyen de proposer un cadre dans lequel les parties conviendraient de s'engager,
qui serait public, qui exercerait une pression importante sur les parties, qui
viserait surtout à modifier les attitudes.
C'est plutôt sur le plan de cette approche-là que j'en ai,
parce que c'est quand même une approche très différente
d'un organisme qui doit trancher au-dessus des parties. Votre position est
assez en rupture, d'ailleurs, avec vos positions habituelles qui sont dans le
sens de favoriser au maximum la liberté d'intervention des partenaires,
le consensus, la discussion, la libre négociation.
En supposant qu'on se mette à faire une recherche dans le sens du
rapport Picard et qu'on l'étende à d'autres secteurs, est-ce
qu'une approche comme celle-là ne risquerait pas de donner plus de
résultats? Qu'est-ce qui vous fait dire que votre approche donnerait
plus de résultats? (12 heures)
M. Dufour: Non, il n'y a aucune contradiction entre nos principes
de liberté traditionnels et ce que vous pouvez voir à
l'intérieur de cette proposition. Je pense que Jacgues Tremblay
tantôt, en répondant à M. Rivest au niveau des listes, a
dit qu'on favorisait nettement l'entente locale et on va continuer à la
favoriser. C'est la base de toute relation de travail le moindrement valable.
Je pense, M. le député de Rosemont, qu'on est sur la même
longueur d'onde dans ce sens-là, sauf que les codes d'éthique,
c'est une chose et la réalité, c'est une autre chose.
Même dans votre cheminement à vous, à un moment
donné, s'il n'y a pas accord, où allez-vous aller pour
régler les problèmes? Vous allez être obligé de
faire intervenir quelqu'un. Quant à nous, l'ultime recours actuellement,
c'est l'Assemblée nationale et tout le monde dit que vous intervenez
trop souvent. Alors, vous êtes obligé, même dans votre
proposition, celle qui suit la proposition Picard, d'avoir une intervention
judiciaire, à un moment donné.
Nous l'intégrons, en somme, en favorisant les ententes locales.
Je pense qu'on va s'entendre là-dessus, d'ailleurs. Les commissions
scolaires, les municipalités ne voudront jamais laisser aller ce pouvoir
à une régie, les syndicats non plus. Tant mieux si cela peut
forcer les ententes au niveau local au lieu de les faire décider au
sommet.
Ce qui vous préoccupe le plus, je pense, c'est l'aspect
judiciaire de ce mécanisme. De toute façon, on n'a pas le choix.
Dans le contexte actuel, il y a une intervention judiciaire et il y a des
injonctions qui peuvent être prises. On a un peu un rejet de l'injonction
au Québec, actuellement; avec la loi 62 et la loi 88, il n'y en a pas
eu, mais, parce qu'il n'y en a pas eu, il y a eu des interventions de
l'Assemblée nationale. Ce sont des choix. Nous espérons que cela
se réglerait à la régie.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma question porte
sur la notion des services essentiels. D'ailleurs, je pense que l'essence de
votre mémoire porte sur cette notion de services essentiels et cela me
paraît tout à fait logique. La raison principale pour laquelle
nous sommes ici aujourd'hui et ce qui a motivé la convocation de cette
commission, c'est évidemment la souffrance, je dirais, du respect des
services essentiels ou, enfin, ce que certains pourront estimer comme tel.
Vous demandez la création d'une régie qui examinerait ces
services dans différents domaines. J'aimerais mieux m'en tenir à
ce moment-ci, parce que je suis plus familière avec ce domaine, aux
services essentiels dans le domaine de la santé et des services sociaux.
Cette régie permanente examinerait et réviserait au besoin cette
définition des services essentiels. D'une part, dans votre dossier, vous
établissez comme principe qu'il faut continuer et donner une nouvelle
chance à la négociation libre; en d'autres termes, maintenir les
mécanismes actuels qui existent dans les négociations des
conventions collectives.
Néanmoins, dans votre esprit, compte tenu du travail
d'évaluation ou de définition que mènerait cette
régie des services essentiels, ceci exclurait-il à la limite la
possibilité que dans certaines institutions tous les services soient
reconnus comme essentiels? Je vais vous donner un exemple concret. Prenons un
centre d'accueil pour déficients mentaux dont la grande majorité,
sinon la totalité, sont des déficients mentaux profonds; ce sont
des enfants ou des adolescents qui requièrent les soins les plus
élémentaires dans tous les domaines. Je pense que cela devient
une opération extrêmement périlleuse - à moins qu'on
n'ait du personnel en trop dans la vie quotidienne de ces institutions, c'est
une autre histoire de déterminer quels sont, dans ces services, ceux qui
sont vraiment des services primaires, pour le maintien du bien-être
physique de ces patients. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais
je pense que tout le monde sait ce dont je parle: il s'agit de les nourrir, de
les alimenter, etc.
Est-ce que ceci pourrait, à la limite, permettre que dans
certaines institutions la régie décide que tous les services sont
reconnus comme essentiels? C'est ma première question.
M. Tremblay (Jacques): On ne peut exclure aucune
possibilité. Si on pouvait donner une réponse précise
à une telle question, cela signifierait qu'on connaît ce que c'est
que des services essentiels. Dans notre thèse, c'est qu'il n'y a pas de
définitions dans l'absolu des services essentiels. C'est toujours
relatif à des valeurs dans une société donnée,
à des circonstances données. C'est toujours relatif à des
besoins particuliers. C'est la raison pour laquelle nous revenons toujours avec
cette idée que nous avons besoin d'un mécanisme d'analyse de
situations capable de porter un jugement sur mesure. Si le cas que vous
présentez conduit la régie à porter comme jugement que
dans tel hôpital vous avez un ensemble de services globalement
essentiels, ce sera la décision de la régie. Mais on ne peut pas
le dire d'avance. Si on pouvait le dire d'avance, on n'aurait pas besoin de la
régie au fond. On a besoin de la régie parce que chacune de ses
décisions doit être sur mesure, demande de la recherche, de la
consultation et, finalement, c'est une décision avec une marge
d'incertitude de toute façon.
Nous disons que la régie doit établir la liste des
services essentiels, la maintenir à jour, en tout temps, en dehors
même des périodes de négociations, la réviser
à mesure que la situation évolue ou qu'il y a des constatations
qui sont faites en conséquence et ainsi de suite. Nous n'avons pas de
définitions théoriques du service essentiel.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il semblerait que, selon les
conclusions auxquelles pourrait arriver la régie dans cet exercice de
définitions des besoins, possiblement, dans certaines institutions, on
pourrait considérer globalement les services comme étant
essentiels. M. le Président, pourquoi j'amène cette situation? On
a parlé, et je pense que vous en parlez dans votre mémoire, mon
collègue de Jean-Talon en a parlé, des valeurs d'une
société. Il faut bien se dire que si, dans un hôpital pour
soins aigus par exemple, un patient qui est peut-être indépendant
dans une certaine mesure, même qu'il est sous soins médicaux,
qu'il a subi une opération, etc. On retrouve quand même des
institutions où les bénéficiaires sont totalement
dépendants de leur environnement, c'est-à-dire des gens qui leur
prodiguent des soins. Je pense qu'il est peut-être extrêmement
important de faire cette différence entre les différentes
institutions. Dans les hôpitaux pour soins de courte durée, les
services essentiels sont rendus, par exemple, l'hémodialyse s'il s'agit
de patients dont la vie est en danger, s'ils ne l'ont pas
régulièrement, etc.
Cet autre groupe de patients qu'on peut retrouver aussi dans les
hôpitaux pour soins prolongés, je pense que cela m'apparaît
extrêmement important qu'on fasse une distinction et je suis heureuse de
voir que dans votre logique à vous autres cela n'exclurait pas,
éventuellement, cette possibilité. Ma deuxième question:
Vous faites une définition des pouvoirs et de toute la structure de
votre régie, de votre conseil des services essentiels. Vous lui donnez
beaucoup de pouvoirs, en disant même qu'elle aurait des pouvoirs
exécutoires, elle pourrait imposer des sanctions même très
sévères. J'ai l'impression, et j'aimerais que vous me corrigiez
là-dessus, que dans le fond vous enlevez au gouvernement, quel qu'il
soit, cette responsabilité de, par exemple, légiférer si
la situation est très aiguë ou d'imposer des sanctions en vous
disant: II ne faut pas que le gouvernement soit appelé à faire
cela trop souvent. J'espère que je ne déforme pas trop ce que
vous avez dit. C'est ce que j'ai retenu.
Par contre, vous dites: Pour que le gouvernement ne le fasse pas trop
souvent, on va donner à la régie, peut-être pas tous les
pouvoirs, mais une grande partie des pouvoirs de sanction. J'aimerais que vous
m'expliquiez pourquoi vous pensez d'abord en donner la responsabilité
à d'autres et sur quels fondements vous basez-vous pour penser que, dans
ces cas, il y aura moins de problèmes si cela vient d'une régie
que si cela vient du gouvernement légitimement élu?
M. Dufour: Le fondement ultime et simple, c'est que, pour nous,
le recours à l'Assemblée nationale doit vraiment être
l'ultime recours. On doit avoir dans le domaine des relations de travail
l'intervention de l'Assemblée nationale le moins souvent possible, parce
qu'on risque aussi qu'un jour, un ordre de l'Assemblée nationale ne soit
pas respecté. Un ordre de la régie qui n'est pas respecté,
c'est une chose, mais un ordre de l'Assemblée nationale qui ne serait
pas respecté, c'est une autre chose. On ne peut pas se permettre non
plus comme société que cela arrive trop souvent. On tente de
faire régler les problèmes par des mécanismes qui existent
dans d'autres domaines. On parle de services essentiels. On a bien d'autres
problèmes dans le domaine des relations de travail au niveau des
accréditations, au niveau du maraudaqe, au niveau de... Il y a une
instance qui est le Tribunal du travail, qui a été
constitué pour régler ces problèmes et il y a rarement des
interventions qui se rendent à l'Assemblée nationale.
Rappelons que, de toute façon - et on le dit très
clairement dans notre mémoire -quelles que soient les décisions
de la régie, l'Assemblée nationale conserve toujours dans notre
société son droit de recours pour toutes les questions, parce
que, dans notre temps, - et vous voyez que ce n'est pas
modifié - cette partie du Code du travail qui dit actuellement
que, lorsque la santé et la sécurité du public sont en
cause, le gouvernement peut intervenir, ce n'est pas changé. La
responsabilité vis-à-vis du peuple est toujours la même,
sauf que notre thèse, c'est que, quand on dit qu'il y a eu quinze
interventions - c'est peut-être seize - des différents
gouvernements depuis 1964, c'est beaucoup trop, parce que c'est vraiment
régler d'autorité des problèmes qui, quant à nous,
devraient se régler à une instance ailleurs.
En tout cas, à certains moments, on aurait drôlement peur,
nous, qu'une décision de l'Assemblée nationale ne soit pas
respectée.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean (Prévost).
M. Dean: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord poser
une question pour être certain que j'ai compris un aspect du sens des
propositions du Conseil du patronat. Si j'ai bien compris cet aspect, j'aurai
une question à poser sur le fonctionnement. Ai-je bien compris, M.
Dufour, que la régie pourrait se prononcer, par exemple, sur la question
de l'alimentation en eau potable, qui fait une partie de l'unité de
négociation des employés d'une municipalité? On pourrait
décider que l'alimentation en eau potable est un service essentiel
absolu et je serais porté à être d'accord avec cela, mais,
en même temps, d'autres salariés faisant partie de la même
unité de négociation et dont les services sont peut-être
moins essentiels ou non essentiels pourraient exercer pleinement leur droit de
grève. J'ai bien compris cet aspect?
Dans le fonctionnement du conseil d'arbitrage, si les salariés
préposés à l'alimentation en eau potable choisissaient
d'aller en arbitrage, devant le conseil, et si les autres salariés
exerçaient leur droit de grève, n'y aurait-il pas un risque assez
grave de se ramasser à la fin de ce processus avec deux conventions
collectives, une imposée par arbitrage pour les employés ou les
salariés de l'aqueduc et un autre qui serait le résultat de la
libre négociation entre les employés d'une même
unité de négociation?
M. Dufour: C'est possible comme raison, mais, dans la recherche
d'une solution aux services essentiels, est-ce mieux de régler le
problème des services essentiels et d'avoir un problème avec deux
conventions collectives ou d'avoir une seule convention collective pour
régler les problèmes des services essentiels? Finalement, c'est
un choix, dans le fond, mais vous avez raison.
Le Président (M. Rodrigue): Cela va, M. Dean?
M. Dean: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Mme Dougherty
(Jacques-Cartier).
Mme Douqherty: Merci. Vous avez parlé
d'"accomptabilité" - je crois que c'est la même chose en
français - d'une régie à l'Assemblée nationale.
Voudriez-vous élaborer un peu cette notion? Dans quelle mesure et
comment cette "accomptabilité" serait-elle exercée selon votre
proposition?
M. Dufour: Je ne comprends pas le mot. La...
Mme Dougherty: Accountability in English. C'est quoi, en
français?
M. Dufour: La responsabilité.
Mme Dougherty: La responsabilité à
l'Assemblée nationale.
M. Dufour: C'est parce qu'on ne peut pas faire dépendre
cette régie de l'État employeur. On ne peut pas la faire
dépendre non plus de l'État législateur comme tel. De
toute façon, le débat tantôt avec M. Rivest était
intéressant. C'est loin d'être aussi clair que cela, les
distinctions entre l'État employeur et l'État législateur.
C'est le genre d'organisme qui doit relever du pouvoir politique dans son
ensemble, parce que c'est toute la population, à ce moment-là,
qui est en cause, et le pouvoir politique, ce n'est pas le Conseil des
ministres, dans ce sens-là, c'est l'Assemblée nationale. C'est le
législatif et non pas l'exécutif dans ce cas-ci. C'est
carrément pour ça qu'on est ramené à
l'autorité suprême, qui est l'Assemblée nationale, et non
pas au conseil exécutif ou à un ministère; c'est
carrément au pouvoir législatif et non pas au pouvoir
exécutif. (12 h 15)
Mme Dougherty: Je me demande si l'Assemblée nationale doit
établir les valeurs de base, les grandes lignes, les principes sur
lesguels la régie peut agir et les préciser un peu. C'est
l'Assemblée nationale qui a le devoir de protéger les valeurs
primordiales du public. Il n'y a pas de place dans votre proposition pour
l'Assemblée nationale qui a vraiment le devoir d'établir ce que
vous avez décrit comme étant absolu. Je crois qu'il y a une
valeur absolue, des principes qui varient peut-être un peu partout selon
des cas spéciaux, mais quand on parle de la santé et de la
sécurité du public, c'est une valeur absolue.
M. Dufour: Quand vous allez créer cette régie - on
espère que ça se fera -vous le ferez par une loi de
l'Assemblée nationale. Alors, vous allez lui donner son
mandat et vous allez mettre ce que vous voudrez dans ses pouvoirs, dans
son mandat, les paramètres de son intervention, etc. C'est le
législateur qui va créer cet organisme. L'ayant
créé, il n'est que normal que ça lui revienne, et il va
être responsable à l'Assemblée nationale. Tout part, non
pas du Tribunal du travail ou du ministre du Travail qui va créer cette
régie, mais d'une loi de l'Assemblée nationale, comme le Conseil
sur le maintien des services essentiels.
M. Chevrette: Pouvez-vous me permettre une question additionnelle
même si, en commission parlementaire, ça n'existe pas?
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Je voudrais vous demander, dans ce cas, pourquoi
vous avez affirmé, lors de la présentation de votre rapport, que
même les sentences de la régie pouvaient, à toutes fins
utiles, être arbitrables devant l'Assemblée nationale. Si vous
répondez à Mme la députée que l'Assemblée
nationale fixe les grandes lignes, les grands cadres, les grands
paramètres, les grands principes, mais que, par la suite, la
régie appligue les principes, je me demande pourquoi vous avez introduit
la dimension d'arbitrabilité par la suite à l'Assemblée
nationale. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque que l'Assemblée
nationale devienne le tribunal d'arbitrage de la régie?
M. Dufour: Non. De toute façon, on n'a pas le choix, dans
une société, il faut une instance supérieure, c'est
l'Assemblée nationale. Mais vous allez essayer de déléquer
vos pouvoirs, comme vous le faites à longueur d'année quand vous
légiférez. Le mandat, vous allez le faire et vous allez retenir
ce que vous voulez bien garder. Sauf que - je l'ai dit tantôt, M. le
député de Joliette - le Code du travail n'est pas amendé
et l'article - je ne me souviens plus du numéro, avec la nouvelle
codification -qui dit que c'est la responsabilité des élus, donc
de l'Assemblée nationale, d'assurer en tout temps la santé et la
sécurité de la population, demeure une responsabilité de
l'Assemblée nationale. Si vous voulez intervenir dans chaque cas, vous
allez réduire les pouvoirs de la régie, tout simplement. Ce qu'on
essaie, nous, c'est de lui donner - ici, je rejoins un peu les
préoccupations du député de Rosemont - le maximum de
pouvoirs pour que le rôle de l'Assemblée nationale soit vraiment
un rôle de dernier recours.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Conseil du patronat de nous avoir tout d'abord
présenté leur mémoire et d'avoir bien voulu
répondre aux guestions de la commission.
J'invite maintenant les représentants de l'Association des
centres de services sociaux du Québec à prendre place. Pendant
que vous procédez à ce changement, j'aimerais ajouter, à
l'intention des personnes qui nous écoutent aujourd'hui, façon
plus de pouvoir consulter les mémoires présentés à
cette commission au secrétariat des commissions, les personnes ou
organismes qui le souhaitent peuvent également obtenir des copies de ces
mémoires au secrétariat des commissions.
Le mémoire de l'Association des centres de services sociaux du
Québec sera présenté par son directeur
général, M. Jean-Guy Beaulieu. Je vais demander à M.
Beaulieu de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Cependant, à l'intention des membres de la commission, j'aurais
une remarque à vous formuler. Si vous voulez bien, lorsque vous posez
une question, prendre la précaution d'approcher vos micros. On m'a fait
remarguer que, dans certains cas, on avait beaucoup de difficulté
à vous entendre, alors si un membre de la commission veut intervenir, je
l'invite à approcher son micro pour qu'on puisse saisir clairement son
intervention. M. Beaulieu, vous avez la parole.
Association des centres de services sociaux du
Québec
M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le Président, je vous
présente, à ma droite, M. Jean-Luc Gouveia, membre du conseil
d'administration de l'Association des centres de services sociaux, et, à
ma gauche, M. Jacgues Paradis, directeur du service des ressources humaines de
l'association.
Vous allez sûrement être d'accord avec moi, M. le
Président, que nous sommes beaucoup moins connus que le Conseil du
patronat qui nous a précédés et aussi probablement moins
que la CSN qui va nous suivre. Dans le but d'éviter d'être
identifiés à l'un ou l'autre de ces organismes, me
permettrez-vous de situer un peu les coordonnées de l'Association des
centres de services sociaux? L'ACSSQ est l'une des cinq associations
d'établissements du réseau des affaires sociales. Elle regroupe
les 14 établissements régionaux que sont les centres de services
sociaux du Québec, lesquels ont été créés
par le chapitre 48. Pour aller un peu plus précisément et
brièvement, les CSS sont ces établissements qui fournissent des
services d'action sociale aux individus et aux familles qui requièrent
des services spécialisés au niveau de la prévention, du
traitement psychosocial ou de la réadaptation, de l'adoption, du
placement d'enfants et de personnes âgées et de toutes
questions relevant de l'application de la loi 24 sur la protection de la
jeunesse.
Si nous avons opté pour la présentation d'un
mémoire à la présente commission, c'est évidemment
d'abord en raison de notre implication au niveau des négociations
provinciales, et ce depuis 1969, mais aussi parce que nous avons
déjà eu l'occasion de présenter un mémoire sur le
même sujet, au moment de la commission Martin Bouchard, en 1977, et que
nous voulions quand même assurer un suivi suite à
l'expérimentation des nouvelles dispositions législatives, que ce
soit par les lois 55 ou 59, qui en ont résulté. En 1977, nous
avions souligné qu'au-delà de toute modification d'ordre
législatif ou structurel, il était nécessaire que toutes
les parties en cause, gouvernements, syndicats, établissements et
population, exercent leur véritable rôle avec bonne foi et dans le
respect de leur juridiction et de leur spécificité respective
pour aboutir à une réforme valable de notre système de
négociations.
Après l'expérience des dernières
négociations, nous pouvons certainement émettre des doutes sur la
présence de cette préoccupation dans l'esprit de certaines
parties - je n'en exclus aucune - à divers moments du déroulement
des négociations. Nous ne pouvons que déplorer cette situation
qui a certainement joué négativement sur les résultats
escomptés au point de départ. En outre, dans notre bilan, il nous
faut également tenir compte du fait que les parties ont eu à
évoluer avec des mécanismes nouveaux qui auraient sûrement
avantage à être encore rodés lors d'une prochaine
négociation, afin de pouvoir en extraire toutes les possibilités
et en tirer de meilleures conclusions sur leur efficacité ou leur
carence. Quoi qu'il en soit, nous estimons quand même que le gouvernement
du Québec devrait procéder dès maintenant à
certaines modifications législatives, non en profondeur, mais dans le
but de limiter encore davantage la possibilité que surviennent des
situations pénibles que nous avons pu identifier à
l'expérience et qui pourraient être évitées tant
à la population qu'aux parties négociantes elles-mêmes.
Je vous donne d'abord notre point de vue sur le droit de grève.
On serait porté à concevoir difficilement qu'un service public
monopolistique soit perturbé par un qroupe de salariés
empêchant ainsi la population du Québec de recevoir les services
auxquels elle a droit et pour lesquels d'ailleurs elle paie chèrement.
Cette question est d'autant plus problématique que dans les centres de
services sociaux, comme c'est d'ailleurs le cas dans le secteur des affaires
sociales, ce sont surtout les éléments les plus
vulnérables de la population qui en sont les principales victimes, soit
les enfants et les personnes âgées, ainsi que les personnes
handicapées.
Vu sous cet angle, il serait aisé de conclure rapidement qu'il
faille retirer ce droit qu'ont les salariés des secteurs public et
parapublic et opter pour d'autres moyens dans le but d'en arriver à la
détermination des conditions de travail. Il nous faut comprendre,
cependant, l'importance de la question pour l'ensemble des groupements
syndicaux concernés dans le contexte où ce droit acquis existe
depuis près de 20 ans.
Aussi, nous ne recommanderons pas le retrait du droit de grève.
Son retrait ne ferait qu'occasionner des désordres tout aussi
néfastes pour la population du Québec et engendrerait sans doute
des conflits tant radicaux que stériles. C'est donc dire que nous ne
voyons aucune solution dans la remise en question du principe même du
droit de grève. Par ailleurs, nous croyons qu'il y a possibilité
de permettre aux salariés de faire pression éventuellement sur
leur employeur, tout en assurant également à la population,
durant ces périodes, l'accessibilité à un minimum
acceptable de services dans les cas urgents. C'est pourquoi nous
privilégions une solution satisfaisante au niveau de la
détermination des services essentiels plutôt que de remettre en
question le droit de grève. Il est bien évident dans notre
esprit, cependant, que ce faisant nous verrions l'exercice du droit de
grève davantage encadré et même suspendu peut-être
dans les cas de mauvaise foi évidente de la part d'éventuels
syndicats.
Quant aux services essentiels, il nous apparaît impensable qu'un
arrêt de travail dans les secteurs public et parapublic soit permis sans
le maintien des services essentiels. Nous pensons que c'est une question de
décence collective et nous affirmons que ce principe devrait valoir
autant pour les services sociaux que pour les services de santé. Nous
croyons nécessaire de rappeler ici que la dispensation des services
sociaux au Québec a subi de profondes modifications depuis huit ou dix
ans. En effet, depuis l'avènement du chapitre 48, de la loi 74 sur la
protection de la jeunesse, de la loi 9 sur les personnes handicapées, de
la loi 13 sur l'adoption et j'en passe, force nous est de constater que les
CSS, de par les responsabilités nouvelles qui leur ont été
confiées par ces lois, ont dû développer des services
adéquats et disponibles 24 heures par jour et 7 jours par semaine, et
ce, vis-à-vis des clientèles très vulnérables de
notre population, car il faut considérer que nous parlons ici des
quelque 90 000 enfants en besoin de protection sous l'égide de la loi 24
ou encore des 100 000 personnes âgées en mangue d'autonomie ou des
35 000 autres adultes en besoin de protection ou en perte d'autonomie comme les
handicapés.
Oui, nous pensons que les temps ont bien changé et la population
du Québec est en droit de s'attendre aujourd'hui à des
services sociaux tout aussi accessibles que les services de
santé. Parmi ces services, il y en a qui sont très essentiels et
qu'il faudrait maintenir même en temps de grève. Nous ne croyons
pas, cependant, qu'il soit possible de déterminer d'avance dans une loi
quels seront les services à maintenir dans tel ou tel CSS, pas plus,
d'ailleurs, que dans un autre établissement du secteur des affaires
sociales. Ce sont encore les parties locales qui nous apparaissent les mieux
habilitées à disposer de cette question. Nous croyons qu'une
négociation locale de bonne foi pourrait amener des conclusions
satisfaisantes, quoique imparfaites, pour les parties en cause.
Nous sommes, cependant, d'avis qu'il faille inciter fortement les
parties à s'entendre. En principe, ce sont les directions
d'établissements et les représentants des syndicats qui
connaissent les problèmes éventuels de la population à
desservir, le contexte géoqraphique, leurs responsabilités
respectives. Dans ce sens, nous nous devons de privilégier, dans une
première étape, la négociation locale entre les parties.
Toutefois, il ne faudrait pas faire de l'angélisme au point de croire
que les négociations aboutiront dans tous les cas à des
résultats satisfaisants. C'est pourquoi il faut prévoir une
alternative en cas de désaccord. Là-dessus, nous devons avouer
que l'expérience de la suprématie de la liste syndicale en cas de
mésentente, qui a été vécue lors des
dernières négociations, ne nous a pas convaincus, mais pas du
tout, que c'était une formule susceptible de donner à la
population du Québec des garanties suffisantes d'équité
dans la dispensation des services essentiels. Notre mémoire d'ailleurs
vous l'avez remarqué - fait état de quelques situations
aberrantes dont je vous ferai grâce ici.
Que la partie syndicale se rassure, cependant, car ce n'est pas un
rôle facile et nous n'avons pas l'intention de préconiser qu'il
soit joué par la partie patronale. Nous aboutirions probablement au
même résultat. Ce que nous recommandons, c'est que les services
essentiels soient négociés localement entre les parties avant que
le droit de grève soit acquis. Dans l'éventualité d'un
désaccord, un tiers, soit un commissaire nommé par le juge en
chef du Tribunal du travail, serait amené à décider du
litige à la suite des représentations des parties en cause. Tout
arrêt de travail ne respectant pas cette entente ou, le cas
échéant, cette décision serait illégqal et
amènerait des pénalités prévues par la loi. Nous
croyons que cette contrainte forcerait les parties à s'entendre mieux
qu'elles ne l'ont fait dans le passé et permettrait à chacune
d'assumer le minimum de responsabilités. (12 h 30)
De plus, nous croyons que le gouvernement devrait toujours être
vigilant et suspendre le droit de grève dans les cas même
extrêmes où la situation deviendrait intolérable et
catastrophique en raison de sa durée et de son intensité.
Nous croyons qu'il appartient au gouvernement de s'assurer que,
malgré le contexte particulier de la négociation, un certain
équilibre soit maintenu entre les droits d'un groupe d'individus par
rapport à ceux de la collectivité toute entière.
Finalement, nous ne croyons pas à la pertinence de reconduire
l'existence du Conseil sur le maintien des services de santé et des
services sociaux en cas de conflit de travail créé par la loi 59,
du moins telle qu'elle est mise en application.
Notre opinion va dans le sens que ce comité n'a malheureusement
été d'aucune utilité. Ne pouvant vraiment pas
apprécier les situations vécues dans chacun des
établissements, tout au plus pouvait-il affirmer que les listes
syndicales étaient respectées, ce qui ne décrivait pas
vraiment les situations réelles.
Voyons maintenant notre approche vis-à-vis du rôle de
l'État versus celui des établissements. Au cours des
dernières rondes de négociations et plus particulièrement
lors de celles de 1978-1979, nous avons pu assister à une centralisation
toujours croissante de l'opération négociation vers la table
centrale et autour du Conseil du trésor.
En effet, nous sommes partis de la nécessité d'un
rôle de coordination probablement fort légitime de la part du
Conseil du trésor, lequel rôle nous a amenés à
définir un rôle spécifique à la table centrale par
rapport à celui des tables sectorielles. Le critère tout à
fait irréprochable des prépondérances gouvernementales par
rapport aux prépondérances des établissements a
présidé à la définition des responsabilités
respectives de chaque niveau et le tout a été
concrétisé dans un protocole signé en bonne et due forme.
Nous étions donc théoriquement en face d'une situation claire, ce
qui était une amélioration considérable par rapport
à certaines situations antérieures.
Malheureusement, nous ne pouvons affirmer que la réalité
fut aussi rose que le modèle décrit sur papier. En effet,
à maintes reprises, la coordination a dû laisser sa place à
la direction. Les activités spécifiques de la table centrale se
sont vite transformées en activités générales et
les prépondérances des établissements ont dû
considérablement pâlir devant la trop forte coloration des
prépondérances gouvernementales.
Or, cette situation est extrêmement dangereuse puisqu'elle place
le gouvernement dans la situation d'aqir comme arbitre entre les syndicats et
les employeurs sur des questions dont il n'est pas toujours en
mesure d'apprécier les conséquences sur la gestion interne
des établissements. Ceci n'est pas un blâme au gouvernement, parce
que cette situation guette n'importe quel gouvernement qui s'immisce trop quant
à nous directement dans le processus de négociation. C'est
pourquoi nous voyons le gouvernement en dehors du processus de
négociation proprement dit, voire même au-dessus.
Notre prétention va dans le sens que le gouvernement a une
responsabilité trop grande vis-à-vis des énormes masses
salariales impliquées par les conventions collectives pour qu'il se
permette de les exposer à l'élasticité d'un processus de
négociation, du moins en tant que les masses globales sont
concernées. La solution est quant à nous d'ordre
législatif.
Aussi, nous recommandons que le gouvernement du Québec, par le
biais d'une loi, établisse les paramètres généraux
devant régir les conditions de travail des salariés des secteurs
public et parapublic.
Ensuite une commission relevant de l'Assemblée nationale se
verrait dans notre esprit confier la responsabilité d'enquêter, de
faire les analyses nécessaires pour finalement traduire en chiffres et
autres éléments concrets cette orientation dont les
éléments constitutifs en auraient été
définis dans la loi.
Il va de soi que ces paramètres généraux
définis par la loi devraient respecter la prépondérance
des établissements en matière de gestion de leur personnel et
d'administration dans leurs établissements.
Au cours de ce processus, toutes les parties en cause, tout comme
aujourd'hui, auraient la possibilité de se faire entendre. Compte tenu
des enjeux de cet ordre de décision pour la population du Québec,
nous croyons que c'est par ses représentants élus que le
débat doit se faire et non par une partie seulement de cette population
qui détient une force de pression privilégiée.
Par la suite, des comités sectoriels de négociation
seraient formés et auraient pour mandat de négocier les
conventions collectives à l'intérieur, cependant, des
paramètres qénéraux qui auraient été
préalablement établis.
Avec une coordination appropriée, ces comités seraient
formés, pour le secteur des affaires sociales, par exemple, des
associations d'établissements qui représenteraient les
établissements, et du ministère des Affaires sociales, qui
partage avec ces derniers la responsabilité de la dispensation des
services à la population.
Quant au déroulement proprement dit des négociations, nous
n'insistons pas particulièrement sur ce chapitre, compte tenu que nous
sommes d'avis que plusieurs dispositions de la loi 59 encadrant les
dernières négociations ont eu quant à nous des effets
relativement positifs, notamment au niveau de la durée des
négociations, qui a été moins grande que dans les
négocations antérieures. Cependant, pour l'améliorer, nous
préconisons une étape de médiation obligatoire avec
rapport public à la population, parce que nous pensons qu'il faut faire
en sorte que le recours éventuel à la grève soit vraiment
un recours ultime.
De plus, nous croyons que ce rapport de médiation aurait
l'avantaqe de remplacer adéquatement le rôle qu'a joué ou
qu'aurait peut-être pu jouer le conseil d'information sur les
négociations créé par la loi 59. En effet, ce sont les
véritables enjeux de la négociation qui intéressent la
population et ce n'est pas un comité du genre de celui qui a
été créé par la loi 59 qui peut vraiment
transmettre cette information. Tout au plus un tel comité peut-il
communiquer les propositions, les contre-propositions et les autres
détails techniques que s'échangent les parties et par là
une tonne de papier que personne ne peut apprécier.
Ce n'est qu'après que ce rapport aurait été rendu
public par le comité de médiation que le droit de grève
serait acquis aux salariés sous réserve du vote majoritaire de
l'ensemble des membres. Sans vouloir entrer ici dans les plates-bandes de nos
confrères, des syndicats, nous croyons en effet que la démocratie
syndicale et surtout la population du Québec auraient tout à
qagner si des mesures législatives appropriées étaient
mises en place pour encadrer le vote de grève.
En terminant, j'aimerais qualifier ce qui serait, quant à nous,
une intervention gouvernementale appropriée en cours de période
de négociation outre les rôles qu'on a prévus, et qu'on
recommande que le gouvernement ait au niveau des services essentiels.
Tout au long du processus de la négociation, le gouvernement
pourrait et devrait intervenir si la situation faisait en sorte que la
sécurité et la santé de la population soient en danger. Il
pourrait alors suspendre le droit de grève pour une durée
déterminée et ce dans un établissement ou même dans
un ensemble d'établissements, tout en permettant que les
négociations se continuent. Selon l'état du dossier, dont le
gouvernement serait informé, et dans l'éventualité
où aucune entente ne semblerait possible à l'intérieur des
paramètres généraux établis, la seule alternative
possible pourrait être alors l'adoption d'un décret gouvernemental
tenant lieu de convention collective. Rien que cette mesure ultime puisse
paraître draconienne, c'est la seule que nous puissions recommander
après que les mécanismes normaux de la libre négociation
ont joué et c'est le rôle devant lequel le gouvernement ne devrait
pas abdiquer.
Je vous remercie, M. le Président, et
je suis disposé à répondre à vos questions
ou tenter d'y répondre.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les personnes qui
ont présenté des mémoires et qui jusqu'à
présent ont respecté scrupuleusement le temps qui leur
était alloué, c'est une performance digne de mention. M. le
ministre.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais bien
sûr remercier l'Association des centres de services sociaux du
Québec de son mémoire; c'est un mémoire volumineux, de
plus de trente pages, et soyez assurés qu'on va le regarder. Un de mes
collègues me le glissait à l'oreille qu'il y a du jus dans le
mémoire. On va scruter à la loupe chacun des
éléments qu'il contient. Je voudrais m'en tenir simplement
à quelques remarques. Vous posez un certain nombre de questions
très précises. Je note avec plaisir au bas de la page 2 et en
haut de la page 3 de votre mémoire que, dans votre évaluation,
vous dites qu'il y a eu des améliorations à la dernière
ronde des négociations par rapport à celle de 1976 et, je pense
bien, dans l'évaluation également de 1976 par rapport aux rondes
antérieures. Enfin, on est sur une piste d'amélioration et je
pense que c'est important de le rappeler, lorsqu'arrivent ces périodes
où il y a à la fois l'anxiété et les
problèmes réels qui sont posés et cette espèce de
dramatisation de quelques cas inacceptables dans une société
civilisée. Je pense que cela donne une image complètement
distorsionnée par rapport à la réalité. Il y a des
problèmes réels, néanmoins, et il faut ensemble trouver
les meilleures solutions possible pour améliorer davantage la situation
et faire en sorte, encore une fois, que les droits des uns, s'ils doivent
être respectés pleinement, cela signifie également que les
droits des autres le soient aussi.
Cela dit, toujours concernant cette question d'amélioration, vous
ajoutez cependant, à la page 3, "... que ces améliorations ne
sont certainement pas à la mesure des attentes... " J'aimerais que vous
précisiez, s'il y a lieu, quelles sont, d'après vous, ces
quelques améliorations, sur quels points se sont particulièrement
concrétisées ces améliorations. Je veux bien qu'on en
parle théoriquement, mais on doit tous essayer de s'attacher au concret
des choses. Parce que le monde en vie, qui nous regarde travailler aujourd'hui,
s'attend bien qu'on touche les problèmes réels, concrets. Sans
cela, on pourrait faire de la théorie générale sur
l'ensemble de tout cela. Il serait important que vous puissiez nous indiquer,
selon votre évaluation, quelles améliorations ont pu se
produire.
Également à la page 4, vous écrivez: "II nous faut
également tenir compte du fait que les parties ont eu à
évoluer avec des mécanismes nouveaux - c'est vrai - qui auraient
sûrement avantage à être encore rodés lors d'une
prochaine négociation... ". Quels sont ces mécanismes nouveaux,
concrètement, d'après vous, qui auraient à être
mieux rodés, et en quoi?
Également, vous formulez une proposition qui consiste à
fixer les paramètres généraux devant régir les
conditions de travail par une loi, si j'ai bien compris. Est-ce que vous ne
croyez pas que par une proposition comme celle-là, le droit à la
négociation - parce que vous avez aussi évoqué à
l'opposé le fait qu'il y a des choses fondamentales qui doivent se
dérouler à la base - serait remis en question avant même
que la négociation n'ait débuté? Cela me paraît une
question drôlement importante.
Traitant de la question absolument essentielle, fondamentale, des
services clés à assurer aux citoyens, les services essentiels,
comme on dit, vous avez clairement dit qu'il y a des choses qui doivent se
dérouler de ce côté-là, au niveau des
établissements, au niveau de la base. C'est moi qui le dis, j'aimerais
savoir si vous êtes en accord avec une affirmation comme
celle-là.
Je comprends donc que, comme association, l'Association des centres de
services sociaux du Québec, vous ne vous voyez pas comme telle dans la
position ou dans la possibilité de définir d'avance des services
essentiels ou de mener, à ce niveau, des ententes ou une
définition de services essentiels s'appliquant pour l'ensemble des
centres de services sociaux du Québec. J'aimerais entendre vos
commentaires sur ce point.
J'ai cru comprendre également que, dans les cas où il y
aurait mésentente sur les services essentiels, vous proposez
l'intervention d'un commissaire émanant du Tribunal du travail, qui
interviendrait directement pour faire le travail qui s'imposerait. Il y a 14
centres de services sociaux au Québec. Il y a 32 unités
d'accréditation dans ces 14 centres. Si cela va pour les centres de
services sociaux, j'imagine qu'on ne pourrait pas avoir 32 règles de
comportement. Il y a aussi des hôpitaux, il y a aussi des centres
d'accueil au Québec. Il y a 210 hôpitaux, il y a 347 centres
d'accueil. Comment, concrètement va-t-on pouvoir arriver et combien
va-t-il nous falloir de commissaires pour appliquer...
Après tout, il faut essayer ensemble. On est prêt à
évaluer au mieux chacune des suggestions, chacune des propositions, mais
comment peut-on arriver par un mécanisme comme celui-là à
aboutir dans des délais... quand l'anxiété est là,
il y a des choses qui ne peuvent pas traîner indéfiniment. (12 h
45)
C'est une question additionnelle que je voulais vous poser.
En terminant - je ne voudrais pas abuser du temps, je sais que certains
de mes collègues des deux côtés de cette table veulent
intervenir aussi - vous nous proposez un certain nombre et même plusieurs
avenues lors de comportement abusif de la part du syndicat. Vous nous dites,
entre autres: Enlevez le droit de grève.
Ce que je veux savoir c'est: Concrètement, quelles sont vos
suggestions? Comment le gouvernement pourrait-il intervenir lorsque c'est la
partie patronale qui agit d'une façon irresponsable? Parce que je vais
reprendre un tout petit bout de mon intervention d'entrée en
matière ce matin: "Dieu merci! "... encore une fois, il ne faut pas
faire exprès pour surdramatiser des choses qui sont déjà
suffisamment dramatisées quand cela arrive et qui sont des comportements
inacceptables. "Dieu merci! ce furent là des cas exceptionnels. " Encore
une fois, même s'ils sont exceptionnels, quand cela se produit, ce sont
des cas de trop. Il y a eu des comportements irresponsables et inacceptables de
la part de certains syndigués ou syndicats, mais il y a eu des
comportements aussi inacceptables et irresponsables de la part de certaines
parties patronales.
Les rapports d'expertise qui viennent de la commission des services
essentiels le démontrent de façon très nette et
très claire, pas avec l'ampleur qu'une certaine dramatisation
artificielle a donnée à ces cas, mais quand cela se
produit...
Moi, ce que je veux savoir c'est: Quelles sont vos suggestions
concrètes? Et comment le gouvernement pourrait-il intervenir? Vous
dites: Dans le cas du syndicat, enlevez le droit de grève, ou
suspendez-le pour une période de quelques années.
Dans le cas où il s'agit d'une partie patronale qui agit d'une
façon irresponsable, quelles sont vos suggestions? Je pense que c'est,
encore une fois, le forum par excellence. Il ne faut pas se cacher les choses.
Je pense qu'il va falloir ici qu'on se dise des vérités. Moi, je
souscris à un commentaire qui a été fait par le
député de Jean-Talon qui disait: II ne s'agit pas de commencer
à se demander et de commencer à se faire des autocritiques
à n'en plus finir publiquement. Il ne faudrait pas se cacher les faits
entre nous ici. La population ne nous le pardonnerait pas et elle aurait
raison. Il faut vraiment regarder tous les angles de cela.
C'était ma dernière question.
Le Président (M. Rodrigue): M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: Je pense, M. le ministre, que vous avez plusieurs
questions. Je vais tenter d'y répondre un peu dans l'ordre.
D'abord, vous avez mentionné qu'on avait souligné qu'il y
avait des améliorations par rapport aux négociations
antérieures. Je pense que ces améliorations, on en fait
état, notamment, en matière de dépôt des offres
claires des deux parties. Aussi, il y a des améliorations en ce qui
concerne la durée des négociations. Je pense que tout le monde
l'a reconnu.
Par contre, lorsqu'on mentionne - je rejoins votre deuxième
question - dans le mémoire qu'il y a des attentes qui n'ont pas
été satisfaites, quant à nous, sans vous les
énumérer toutes, ce qu'on peut dire, c'est que, finalement,
lorsque les lois 55 et 59 ont été adoptées, nous avions
misé énormément là-dessus comme tout le monde et
peut-être même trop. Il y a une partie des attentes que nous nous
étions créées qui n'étaient peut-être pas
réelles, c'est bien évident. Par contre, une autre attente qui
aurait pu être remplie c'est celle du style de négociations. Nous,
on a vécu avec le gouvernement - je pense que tout le monde le sait ici,
autour de la table - comme partenaire. À certains moments, le
gouvernement nous a poussés, nous en sommes conscients, mais je pense
que finalement on l'a admis et on a réussi à changer notre style
de négociations. Quand je parle d'une attente qui n'a pas
été comblée, c'est qu'on aurait aimé que ce soit
vrai également de l'autre côté et, à tort ou
à raison - évidemment, on a un point de vue toujours
déformé du côté patronal, vous le savez bien - on a
l'impression que les mêmes efforts n'ont pas été faits du
côté syndical pour en arriver à délester rapidement
les demandes. Vous vous souvenez qu'au cours des négociations,
après l'opération que M. Parizeau avait appelée
"délestage" ou "dégraissage" - je ne me souviens plus très
bien - il ne restait plus que treize points à la partie patronale et
pourtant, du côté syndical, il en restait encore 400. Ce qu'on
veut dire, lorsqu'on parle d'attentes, c'est un peu des genres de choses comme
ça qui relèvent peut-être des attitudes.
M. le ministre, vous semblez dire que, dans notre rapport, on remet tout
en cause. Je pense que ce n'est pas vrai. On dit que beaucoup de choses ont
bien été et qu'il suffit de conserver ce qu'on a là...
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, si j'ai
été... Je n'ai certainement pas voulu...
M. Beaulieu: Vous avez semblé dire, M. le ministre, que
peu de moyens concrets étaient suggérés pour ce que nous
soulevons comme problèmes.
M. Marois: Non, ce que je voulais savoir, c'est, sur les
améliorations et les mécanismes nouveaux qui vous semblent avoir
contribué à améliorer les choses, quels points
en particulier, quels sont ces mécanismes qui vous semblaient
intéressants, mais qui pourraient être améliorés et
de quelle façon concrète. J'ai peut-être été
mal compris ou je me suis probablement mal exprimé. Souvent, quand on
est mal compris, c'est qu'on s'exprime mal. Les hommes et les femmes politiques
se prétendent souvent mal cités par les journalistes; souvent,
c'est parce qu'on s'exprime mal ou parce que notre pensée n'est pas
claire. Donc, je ne veux pas laisser entendre, pas du tout, que je pense que
vous remettez tout en cause.
M. Beaulieu: D'accord. Quant à votre troisième
question en ce qui concerne la page 4 de notre mémoire, vous parliez du
rodaqe. Je ne sais pas, peut-être y a-t-il eu méprise. Vous nous
posez la question, si j'ai bien compris: Quels sont les mécanismes
nouveaux que nous aimerions voir roder lors d'une prochaine négociation?
Je pense que ce que nous avons voulu dire, c'était tout simplement que
nous aurions avantage à roder encore les mécanismes nouveaux mis
en place par les lois 55 et 59; c'est ce que nous voulions dire.
M. Marois: D'accord.
M. Beaulieu: Quant à l'autre proposition que les
paramètres généraux seraient établis par
législation, finalement par l'Assemblée nationale, vous nous
posez la question à savoir si le droit à la négociation
serait menacé par une telle situation. Moi, je pense qu'il n'y a
absolument pas de problème pour le droit à la négociation.
De toute façon, tout ce qu'on veut dire, c'est qu'il y a tellement des
masses importantes impliquées qu'on ne peut pas permettre que ces masses
partent, en début de négociation, à X et qu'elles
deviennent très élastiques en cours de négociation. On
pense que c'est un danger qui nous guette lorsqu'il n'y a pas de
paramètres généraux qui sont fixés, qu'il n'y a pas
de masse globale qui vienne en ligne de compte.
Quant au droit à la négociation, on pense que, finalement,
il y a quand même moyen de négocier, à l'intérieur
de masses, la distribution de ces masses. Les paramètres
qénéraux, le mot le dit bien, peuvent être très
généraux dans le sens que le gouvernement adopte
déjà par législation certaines politiques salariales qu'il
a mises de l'avant dans le passé comme la comparabilité avec le
marché privé et des choses comme celle-là.
Vous savez, là-dessus, notre réaction, c'est un peu de se
dire aussi: À quoi cela servirait-il de mettre en négociation -
je comprends qu'il y a peut-être un certain droit qui est brimé -
des masses budgétaires, comme on l'a fait depuis quelques années,
et d'être obligé d'arriver à une situation comme celle
d'aujourd'hui sur les coupures budgétaires? Je préfère que
le gouvernement prenne ses responsabilités avant que les
négociations arrivent, qu'il imprime aux masses budgétaires les
intentions qu'il a plutôt que d'être obligé de revenir
après une négociation pour tenter de les récupérer.
C'est un peu ma réaction vis-à-vis de ce point.
Vous avez parlé des services clés aux citoyens en ce qui
concerne la définition des services essentiels. Nous avons
affirmé dans notre rapport - et vous le soulignez - que nous
n'étions pas en mesure, à l'heure actuelle, de définir de
façon provinciale des services essentiels dans tous et chacun des
établissements. Nous n'écartons pas cependant, M. Marois, la
possibilité que soient établies certaines grandes
catégories de services essentiels à un niveau peut-être
provincial. Ce que nous avons voulu souligner, c'est que nous pensons que
l'effort devrait être mis sur la négociation locale des services
essentiels quant aux effectifs, etc., mais nous n'avons pas exclu
nécessairement le fait qu'il pourrait y avoir une certaine
définition provinciale, mais elle serait très
générale parce que c'est difficile d'application dans les
établissements.
Votre question no 6...
M. Marois: Je m'excuse, mais dans le concret d'un centre de
services sociaux à l'autre - dans le concret, je dis bien - est-ce qu'il
n'y a pas déjà là des variations quant à la nature,
quant à l'ampleur des services donnés dans tel coin du
Québec par rapport à tel autre coin'' Est-ce qu'il n'y a pas
là déjà des variations dans le concret dont il faut tenir
compte sur le niveau local quand on tente d'établir ce qu'on appelle les
services essentiels aux citoyens?
M. Beaulieu: Oui, je pense qu'effectivement il y a des
variations. Je dirais que, même s'il y a des paramètres
généraux, il y a quand même des variations d'une
région à l'autre. Les régions du Québec n'ont pas
toutes le même pourcentage de dépendance de telle catégorie
de clientèle cible, que ce soient les personnes âgées, les
personnes handicapées ou le comportement...
M. Marois: Les jeunes.
M. Beaulieu: Les jeunes. Les situations ne sont pas les
mêmes.
Au niveau du commissaire sur les services essentiels, vous soulignez que
s'il fallait que notre recommandation soit portée dans les CSS
mêmes et dans tous les établissements, avec le nombre de syndicats
qu'il y a, ça prendrait beaucoup de commissaires.
Ce que nous apportons comme argumentation, c'est que, finalement, on
modifie le régime d'établissement des services essentiels
et on pense que, dans le système qu'on préconise, très
très peu de cas pourraient aller devant le commissaire.
Ce qu'on a remarqué dans le passé, c'est que le fait qu'il
y ait prépondérance ou suprématie de la liste syndicale,
s'il n'y a pas d'entente, cela aboutissait en pratique à faire en sorte
qu'il y avait très peu d'entente. Dans le contexte où nous
faisons notre recommandation, ce ne serait plus !e syndicat, ni non plus
l'employeur qui pourrait déterminer s'il n'y aurait pas entente sur les
services essentiels. Ni le syndicat ni l'employeur ne pourrait le faire. Donc,
ils ne seraient pas incités à ne pas s'entendre. C'est dans ce
sens qu'on dit que, à ce moment-là, même à
l'échelle des établissements du Québec, très peu de
commissaires pourraient s'occuper du très peu de cas qui surviendraient
à la suite de ces modifications.
Votre dernière question avait trait au fait que,
évidemment, il pouvait y avoir des abus du côté patronal et
que nous, nous nous attachions, dans notre rapport, à corriger les abus
du côté syndical. Je pense qu'on le reconnaît dans notre
mémoire et on est tout à fait prêt à le
reconnaître ici, il peut exister des abus, tant du côté
syndical que patronal. II est bien évident que, dans un mémoire
comme celui-là, on peut s'attacher davantage à faire des
recommandations sur l'autre partie. On en est conscient, mais on pense,
même si on ne préconise aucun moyen...
M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, mais si je comprends
bien, vous n'auriez pas aujourd'hui un certain nombre de suggestions
concrètes à nous faire dans ce cas-là?
M. Beaulieu: Sans avoir une suggestion, on considère que
les faits sont déjà là et que le gouvernement
possède déjà toute la force de pression nécessaire
en dehors du système de négociation sur tous les
établissements, et c'est compréhensible, sans qu'il y ait besoin
de moyens concrets à ce chapitre.
M. Marois: Je ne vous cacherai pas que je me pose la
question.
M. Beaulieu: Ma réponse ne vous satisfait pas?
M. Marois: Ce n'est pas qu'elle ne me satisfasse pas, je vous dis
que je continue à me poser la question.
M. Beaulieu: On peut continuer à se la poser encore.
Le Président (M. Rodrigue): À moins que des membres
de la commission ne s'y opposent, étant donné qu'il est 13
heures, nous allons poursuivre les travaux pour terminer l'étude de ce
mémoire de façon qu'à 15 heures nous puissions recommencer
avec le groupe suivant.
Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
également remercier l'Association des centres de services sociaux du
Québec d'avoir eu le souci de venir devant la commission
présenter un mémoire. Vous me permettrez tout d'abord, une
remarque, qui n'a rien à voir avec le mémoire, M. le
Président. Je m'étonne, en voyant les représentants de
l'Association des centres de services sociaux du Québec, qu'il n'y ait
aucune femme. On se trouve devant un regroupement...
M. Beaulieu:... aucune femme dans les centres de services
sociaux.
Mme Lavoie-Roux:... d'agences ou d'organismes qui, jusqu'à
tout récemment, ont été traditionnellement
composés... enfin, dont l'oeuvre a été essentiellement
celle des femmes. Aujourd'hui, vous venez devant cette commission parlementaire
et on n'en retrouve aucune. J'espère qu'il ne faut pas voir là
l'une des raisons de la si grande bureaucratisation des services sociaux au
Québec.
Cela dit, j'ai quelques questions à poser au représentant
de cet organisme ou de cette fédération. Premièrement, je
m'étonne qu'aux pages 2 et 3 vous dites qu'il v a eu des
améliorations par rapport à la dernière ronde de
négociations; vous avez donné quelques exemples au ministre. D'un
autre côté, vous revenez dans vos recommandations sur au moins une
suggestion qui veut retourner, à toutes fins utiles, à
l'application de la loi 253, et une autre... Enfin, je vais m'en tenir à
celle-là, l'application de la loi 253. Vous recommandez aussi -
c'était là le deuxième point - l'abolition du conseil sur
le maintien des services essentiels qui était aussi un rejeton de la loi
59, si je ne m'abuse.
En tout cas, cela me semble contradictoire. J'aimerais que vous
m'expliquiez la raison de ce retour en arrière, non pas dit dans un sens
péjoratif, alors que vous estimez que cette ronde de négociations
a été beaucoup plus facile, quoique là-dessus je pourrais
contester certaines choses, mais je ne veux pas revenir sur ce point
particulier. Précisément, pourquoi faites-vous ces deux
recommandations? (fl3 heures)
M. Beaulieu: Avant d'en venir à vos questions, je ne peux
quasiment pas laisser passer votre remarque sans en faire une à
mon tour. Je ne vois pas pourquoi vous n'avez pas posé la
même question au Conseil du patronat ou à d'autres organismes qui
passeront ici, qui, obligatoirement, devront être accompagnés de
délégations. Ce que je peux répondre à cela, c'est
que les centres de services sociaux ont évidemment beaucoup de femmes
qui oeuvrent pour eux. On en a perdu d'ailleurs plusieurs qui sont
allées à l'Assemblée nationale. C'est tout à fait
une coïncidence qu'il n'y ait pas de femmes ici aujourd'hui.
Une voix: Une coïncidence qui n'est pas une incidence.
M. Beaulieu: J'en viens précisément à votre
question, Mme Lavoie-Roux. En ce qui concerne le retour à la loi 25~5,
je ne pense pas que notre recommandation soit un retour à cette loi. Je
demanderais à M. Paradis de vous expliquer pourquoi.
M. Paradis (Jacques): Effectivement, comme nous le disons dans
notre mémoire, on s'appuie sur nos expériences passées
pour faire quelques recommandations dans le présent mémoire. Dans
le passé, nous avons vécu, lors d'une avant-dernière
négociation, sous l'égide de la loi 253, et pour la
détermination des services essentiels un tiers intervenait dans
l'éventualité d'un désaccord. Ce n'était pas
parfait comme système. Nous avons essayé un autre système
à la dernière ronde de négociations, soit celui de la
suprématie de la liste syndicale. Finalement, après avoir
vécu les deux expériences, nous nous sommes dit que
peut-être certains éléments consécutifs à
l'application de quelque chose qui ressemblerait à la loi 253
étaient meilleurs, finalement. Entre deux maux, on choisit le moindre.
Peut-être qu'à ce moment une certaine forme de retour en
arrière, peut-être pas intégral, était
préférable au maintien d'une suprématie de listes
syndicales qui nous a conduits aux situations que nous avons
déplorées.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement ajouter que si le
gouvernement actuel a modifié la loi 253, je ne suis pas sûre que
la nouvelle formule ait été meilleure, je suis d'accord avec vous
pour ça. Mais il reste qu'à la loi 253 on a trouvé aussi
beaucoup de reproches à faire. Enfin, elle n'a pas été
respectée, même s'il y avait une liste de services essentiels
établie par un commissaire nommé par le tribunal. C'est pour cela
que moi aussi, dans ce sens, je rejoins peut-être le ministre, à
savoir: Est-ce qu'il n'y a pas une alternative? Vous autres, vous choisissez
entre deux maux. C'est ça, finalement, votre réponse.
M. Paradis (Jacques): C'est un peu ça effectivement,
à défaut de solution plus parfaite qui pourrait rallier la
plupart des individus. Lorsque nous avons connu l'expérience de la loi
253, nous en étions à une première expérience,
à une première étape. Devant tout système nouveau,
les gens se cherchent et ont de la difficulté, à un moment
donné, à se rencontrer adéquatement. Après avoir
connu la deuxième expérience, peut-être que dans une
troisième étape, les parties seraient mieux disposées
à fonctionner dans le cadre d'une législation qui pourrait en
quelque sorte ressembler un peu à l'esprit de la loi 253 où, en
bout de ligne, si les parties ne s'étaient pas entendues entre elles, il
n'y en avait pas une qui avait l'avantage sur l'autre. Comme on le disait dans
notre mémoire, souventefois on a eu des ententes; là-dessus les
statistiques ne sont peut-être pas suffisamment significatives. On a eu
un certain nombre d'ententes dans les établissements, mais
l'argumentation, si on veut la résumer de façon un peu
caricaturale, c'est qu'on nous disait: Si vous ne voulez pas signer l'entente
qu'on vous propose, on va vous déposer une liste qui va être
encore inférieure à ce qu'on vous propose dans l'entente.
Encore une fois, entre deux maux, certains établissements ont
dit: On va signer parce qu'on nous offre 10% et, si on ne signe pas, on va
avoir 5%. Ils ont pris 10%. Dans les statistiques, on démontre qu'on a
eu une entente à tel endroit. C'était une entente qui avait la
valeur que je viens de vous illustrer.
Mme Lavoie-Roux: Vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Beaulieu: Excusez. Je voulais ajouter, en ce qui concerne
notre recommandation d'abolition du conseil sur les services essentiels, que ce
qu'il faut retenir, je pense, c'est l'idée qu'un conseil sur les
services essentiels ne peut pas uniquement être là - c'est ce
qu'on veut dire - pour informer la population. Il faut qu'il se prenne des
décisions. Lorsqu'on recommande que des commissaires dans des cas
litigieux, qui soient un tiers, prennent la décision d'établir
dans un établissement donné des services essentiels, il n'est pas
exclu que ces commissaires pourraient relever d'un conseil sur les services
essentiels permanent. Dans ce qui est recommandé, on ne s'est pas
attaché exclusivement à la mécanique. La seule chose qu'on
dit, c'est que, pour les services essentiels, on devrait prendre une autre
orientation. On ne devrait plus laisser croire à la partie syndicale
qu'elle va établir sa propre liste à la fin en se privant
d'ententes possibles dans bien des cas. C'est un peu ce qu'on veut dire, mais
on n'exclut pas du tout le fait d'avoir un organisme quelconque qui soit
permanent et qui s'occupe des services essentiels, mais que des
commissaires puissent être détachés de cet organisme
pour trancher lorsque la situation est assez sérieuse pour les citoyens
et où il n'y a pas d'entente.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais que vous nous donniez des exemples un
peu plus concrets. Vous avez siqnalé, et à juste titre, quelles
étaient les personnes avec qui vous travaillez, les populations cibles
qui étaient l'objet de vos services, etc. Vous avez parlé de 100
000 personnes âgées et de 90 000 enfants qui peuvent être
couverts par la Loi sur la protection de la jeunesse. D'une façon
concrète, lors de la dernière ronde de négociations, de
quelle façon - et je vais m'en tenir aux personnes âgées -
ces personnes ont-elles été affectées? Cela a-t-il
créé, à votre point de vue, des situations tragigues ou si
elles ont eu un peu moins de services qu'elles en auraient eu autrement? On
peut avancer des généralités dans des mémoires
comme le vôtre ou d'autres, mais, pour nous, je pense que c'est important
de savoir concrètement ce que cela veut dire.
M. Beaulieu: II faut d'abord que je vous fasse remarquer que,
dans les centres de services sociaux, il n'y a eu, lors des dernières
négociations, que deux qrèves, une à Québec et une
au Nord-Ouest. L'ensemble des autres centres de services sociaux n'a pas
été affecté. Si je prends le cas de Québec, les
cadres ont assumé les services essentiels et beaucoup de salariés
aussi ont accepté d'assurer des services essentiels par
téléphone directement de leur domicile. On ne peut pas
évaluer l'impact que ces grèves ont pu avoir sur les personnes
âgées, sauf qu'on dit à ce moment-là: S'il n'y a
personne qui en a vraiment souffert, ce n'est pas nécessairement une
raison pour qu'on n'essaie pas de fermer la possibilité théorique
que des choses semblables arrivent. C'est à ce niveau qu'on se situe, au
niveau des personnes âgées.
Mme Lavoie-Roux: En fait...
M. Beaulieu: M. Paradis voudrait peut-être ajouter quelque
chose.
M. Paradis (Jacques): Seulement pour continuer dans la même
ligne de pensée, par exemple, à l'endroit où nous avons eu
une grève qui a été la plus longue, soit ici à
Québec - elle a duré 22 jours - au moment où nos
professionnels étaient en grève, les centres d'accueil qui
accueillaient les personnes âgées n'étaient pas en
grève, de telle sorte que le ressac qu'on aurait ressenti si la
grève avait été simultanée a été
amoindri par cette situation. On avait à s'occuper des gens qui
étaient encore à leur domicile, en perte d'autonomie ou des
choses semblables. Par contre, ceux qui étaient en centre d'accueil
n'ont pas été avacués à cause de la grève
ayant lieu dans les centres d'accueil, parce qu'elle n'existait pas à ce
moment-là. Vu que cela n'a pas coïncidé, cela a
été soulaqeant en quelque sorte. Mais dans
l'éventualité où les conflits de travail se situeraient
à la même époque - ce qui est fort probable, ce qui est
habituel - la situation serait plus dangereuse.
Mme Lavoie-Roux: À votre point de vue, peut-on
s'inquiéter du non-respect des services essentiels dans les centres de
services sociaux dans la même mesure que, je pense, la population en
général s'inquiète des services essentiels dans certains
centres d'accueil ou dans des centres hospitaliers ou même dans des
centres hospitaliers de courte durée? Y a-t-il les mêmes raisons
de parler de services essentiels qui vont vraiment mettre en danger la
santé et la sécurité des citoyens?
M. Beaulieu: Nous pensons qu'il y a lieu de considérer
qu'il y a des services essentiels dans les services sociaux qui sont tout aussi
essentiels que la santé, même si la population ne réagit
pas immédiatement. Cela fait moins mal, les services sociaux, du moins
dans l'immédiat, que les services de santé. C'est beaucoup moins
palpable, les conséquences directes de cela, mais si on considère
les nouvelles lois dont vous parliez tout à l'heure comme, par exemple,
la loi 24 où on a garanti aux enfants du Québec qu'ils avaient
des droits, lesquels sont spécifiés dans la loi, je pense que,
à ce moment-là, on se doit d'être cohérent et
s'assurer, par exemple, que les jeunes, même en temps de grève,
puissent être vus par le DPJ et n'aillent pas en prison. Les
conséquences ne sont peut-être pas les mêmes, mais,
finalement, si, dans un CSS donné - je pense à Montréal
métropolitain - les services sociaux d'urqence 24 heures par jour
étaient perturbés ou tellement diminués qu'on ne pourrait
pas répondre à tous ces cas - vous savez qu'il y a 1000
signalements par semaine au niveau de la protection de la jeunesse - il est
bien évident que les policiers commenceraient à jouer leur
rôle traditionnel et amèneraient les jeunes en prison.
Je pense qu'il faut que la population réalise - et c'est
peut-être à nous, d'abord, à le lui faire réaliser -
qu'il y a maintenant des services sociaux essentiels vis-à-vis des
clientèles cibles et vulnérables. Dans les chiffres que je vous
ai mentionnés tout à l'heure, il s'agit presque de 50% de la
clientèle des services sociaux qui s'établit à environ 400
000 aujourd'hui.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une dernière
question. En page 10, au deuxième paragraphe, vous optez pour une
solution
satisfaisante au niveau de la détermination des services
essentiels. Vous ajoutez: Dans notre esprit, cependant, nous verrions
l'exercice du droit de grève encadré et même suspendu dans
les cas de mauvaise foi évidente de la part d'éventuels
syndicats. D'une part, vous savez qu'il y a beaucoup de difficultés
à établir ce qui est de la bonne et de la mauvaise foi; cela, ce
n'est pas une chose facile. Cette mesure existe dans la loi actuelle, et
j'aimerais que vous essayiez de développer un peu comment vous
entrevoyez cette suspension du droit de grève. Est-ce que, dans le fond,
vous dites: Le gouvernement aurait dû l'exercer et ne l'a pas
exercé? Comment définissez-vous la bonne ou la mauvaise foi?
M. Beaulieu: M. Paradis.
M. Paradis (Jacques): Évidemment, la mauvaise foi, c'est
bien difficile à prouver; au contraire, c'est la bonne foi qui est
présumée en partant. Là-dessus, je pense qu'on vous suit
assez facilement. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, dans
l'éventualité où il y a une entente quelconque sur des
services essentiels à maintenir ou que, dans notre hypothèse, il
y a une décision d'un commissaire qui a dit que tel service était
essentiel et qu'il y aurait tel effectif en fonction lors d'un arrêt de
travail et que, effectivement, ce n'est pas respecté, à ce
moment-là, à notre avis, il faudrait que le droit de grève
soit suspendu et qu'on revienne à une situation normale jusqu'à
ce que les parties se soient entendues pour renégocier une nouvelle
entente possible, dans notre hypothèse, ou décident de respecter
la décision ou l'entente déjà intervenue. Dans ce sens, ce
sont des éléments concrets où la mauvaise foi pourrait
être plus facilement palpable. Évidemment, la mauvaise foi
abstraite étant difficilement identifiable, je ne sais pas comment on
pourrait la condamner, mais on parle de mauvaise foi évidente et
concrète, qui est palpable au sens de l'exemple que je viens de
donner.
Mme Lavoie-Roux: Dans la pratique, ça s'est
avéré assez difficile de déterminer si ce droit est
suspendu, dans le cas que vous citez, jusqu'au moment où la liste sera
respectée; on parle de liste de services essentiels. Ça peut
être un jeu qui va varier presque de 24 heures en 24 heures, sinon de 10
heures en 10 heures. Enfin, au plan pratique quant à l'application de
ces choses, je pense que, dans le fond, ce que vous exprimez, c'est votre
inquiétude vis-à-vis du fait qu'il y a des populations dont les
besoins ne sont pas satisfaits. Je ne suis pas sûre que vos
recommandations soient facilement applicables.
M. le Président, si vous me permettez, c'est une dernière
question au ministre. Le ministre, tout à l'heure, a fait allusion aux
rapports des comités d'experts qui ont été donnés
au conseil pour le maintien des services essentiels. Je me demandais si le
ministre accepterait de mettre ces rapports d'experts à la disposition
des membres de la commission. Je pense que...
M. Marois: Pour répondre tout de suite, M. le
Président, je dois dire - ce sont peut-être quelques trous de
communication chez les membres de l'Opposition; je le dis en blaguant, compte
tenu de l'heure, pour nous détendre un peu - que j'ai déjà
fait parvenir au député de Jean-Talon copie de l'ensemble.
Mme Lavoie-Roux: Ce sont les rapports d'experts
eux-mêmes.
M. Marois: Oui.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Parfait.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Duplessis. (13 h 15)
M. Perron: Merci. M. le Président, je voudrais relever une
partie de la page 18 de votre mémoire lorsque vous mentionnez dans le
dernier paragraphe: "Finalement, nous ne croyons pas à la pertinence de
reconduire l'existence du Conseil sur le maintien des services de santé
et des services sociaux en cas de conflit de travail, conseil que la loi 59
avait créé lors des dernières négociations. " Vous
continuez en disant: "Notre opinion est à l'effet que ce comité
n'a malheureusement été d'aucune utilité, ne pouvant
vraiment pas apprécier les situations vécues dans chacun des
établissements; tout au plus pouvait-il affirmer que les listes
syndicales étaient respectées, ce qui ne décrivait
vraiment pas les situations réelles. "
Je comprends très bien que vous faites cette mise à part,
à l'effet d'affirmer que les listes syndicales étaient
respectées et vous avez mentionné, si ma mémoire est
bonne, la tonne de papier qui sortait de ce conseil. Ma question s'ajoute un
peu à ce que mentionnait Mme la députée de L'Acadie et je
voudrais savoir ce en quoi le mandat du conseil sur le maintien des services
essentiels a été déficient d'après vous. Est-ce
à cause, par exemple, des délais qui étaient
imposés au conseil ou qui étaient imposés par le conseil?
Est-ce à cause des pouvoirs qui lui étaient dévolus ou
est-ce à cause d'autres éléments que vous pourriez encore
apporter pour le bénéfice de la commission?
M. Beaulieu: Je pense qu'en grande partie, cela a
été dû d'abord - remarquez que, quand on fait des remarques
comme cela, on ne peut pas toujours nuancer dans
un mémoire de 30 pages - à une question de "timing".
Qu'est-ce que vous voulez? Ils sont arrivés tard avec du gros boulot,
et, d'une part, on attribue à cela beaucoup d'éléments de
distorsion qui peuvent survenir. On n'était pas assez
préparé, mais on aurait peut-être été
prêt, à la fin, à des négociations. Dans ce sens,
les propositions qui semblent se dessiner d'un organisme permanent comme
celui-là, serait un palliatif à ce genre de situation.
Quant à l'autre lacune, nous pensons qu'il s'agit d'une question
de pouvoir. Nous disons qu'un conseil comme celui-là, tant qu'il n'aura
qu'un pouvoir d'information, ne pourra pas jouer un rôle valable parce
que ce rôle, nous, on le voit un peu plus coercitif et dans le sens de
dire que ce soit vraiment un organisme neutre qui soit là pour trancher
des questions, et non pas uniquement pour informer. Je ne sais pas si cela
répond à votre question.
M. Perron: Oui, ça répond à une bonne partie
de la question que j'avais posée. Maintenant j'en aurais une autre,
puisque vous dites à la page 23: "Compte tenu des enjeux de cet ordre de
décision pour la population du Québec, nous croyons que c'est
pour ces représentants élus que le débat doit se faire et
non par une partie seulement de cette population qui détient une force
de pressions privilégiée. "
Ici, je m'adresse directement à vous, puisque vous êtes
reliés aux CRSSS. Je pense que le but de cette commission, c'est
d'entendre le maximum de gens, le maximum d'associations, y incluant, bien
entendu, l'association dont vous faites partie. Je trouve un peu
déplorable de ne pas voir de mémoire de la part des responsables
des CRSSS à travers le Québec et j'en viens à une question
assez précise et qui se rapporte aux plaintes pour manque de service ou
de quelque autre nature que ce soit, des plaintes qui pourraient être
faites par les usagers eux-mêmes. Dans cette dernière question, je
voudrais que vous puissiez me dire si, d'après vous - puisque vous
côtoyez tous les jours, les bénéficiaires qui ont besoin de
vos services - ceux-ci sont informés, premièrement, de la
possibilité qu'ils ont de porter une plainte pour défaut de
service ou de quelque nature que ce soit aux conseils régionaux de
santé et des services sociaux et s'ils le font? Je vous demande
ça, bien entendu, parce que malheureusement, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, les représentants des CRSSS ne
sont pas présents à cette commission?
M. Beaulieu: J'aurais préféré, quant
à moi, que vous posiez la question aux CRSSS.
M. Perron: Je vous le demande justement parce que vous
côtoyez à l'intérieur de vos services, beaucoup d'usagers,
d'hommes et de femmes, et même, puisqu'on parle de la loi 24, de jeunes
qui sont aussi en rapport avec la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est
pour cette raison que je vous demande si vous recevez des plaintes et si les
plaintes sont dans le genre, par exemple, de services essentiels et si d'autres
plaintes peuvent arriver dans votre milieu.
M. Beaulieu: Au niveau des CRSSS je ne le sais pas, mais au
niveau des CSS, il a pu y avoir des plaintes de portées. C'est assez
difficile pour nous de parler de véritables effets sur les services
essentiels. Comme je vous disais tout à l'heure, les CSS n'ont pas
été les plus affectés par la grève à l'heure
actuelle. Il nous est assez difficile d'avoir un système de plaintes
dans leguel il y aurait des clients qui auraient été
affectés par des grèves. On n'a pas été dans cette
situation. Je regrette vraiment de ne pas pouvoir répondre à
votre question, mais je pense que les CRSSS auraient été plus en
mesure que moi d'y répondre.
Le Président (M. Rodrigue): Madame... Je m'excuse,
monsieur.
M. Perron: Si je comprends bien, vous n'avez pas reçu de
plainte de la part de la clientèle que vous desservez, en rapport avec
les services que vous donnez vous-mêmes.
M. Beaulieu: M. Gouveia.
M. Gouveia (Jean-Luc): II semble que, sans référer
à des plaintes explicites, on peut tout au moins véhiculer
l'impression générale et la psychologie générale du
client devant toute la question qui fait matière a discussion
aujourd'hui. Il est clair que dans les conversations avec les clients, de fait,
il ressort souvent une préoccupation que toutes les règles du jeu
concernant, par exemple, les négociations doivent se faire en
référence à une pensée et à des attitudes
très humaines. Il arrive souvent qu'on nous sollicite de rappeler
à nos esprits que la question qui est souvent sous-jacente à la
discussion sur une question strictement technique est une question qui
relève des valeurs humaines et qui devrait amener une transformation des
us et coutumes dans nos rapports d'interdépendance entre, d'une part,
des individus et, d'autre part, des groupes dans une même
société.
Il me semble quand même que c'est très latent dans les
échanges relatifs à une question comme celle qui fait l'objet de
nos échanges aujourd'hui. En bref, ce qui ressort le plus souvent, c'est
qu'en fait il s'agit d'une question de confrontation de droits. D'une part, il
y a le droit de ceux qui travaillent, mais de l'autre côté, le
droit de
ceux qui doivent recevoir les services. Dans cette confrontation de
droits, il est clair que c'est une question strictement de moralité
entre civilisés qui appelle une primauté parfois de la loi et qui
devrait se placer, comme on le sait, au-dessus des intérêts. C'est
ainsi que s'exprime la pensée des citoyens.
Le Président (M. Rodrigue): Mme Harel, de Maisonneuve.
Mme Harel: D'abord, vous allez accepter que je renchérisse
sur les propos de ma collèque de L'Acadie, Mme Lavoie-Roux, et
peut-être rappeler à M. Beaulieu que, dans ce domaine, où
il y a tant à faire, il y a toujours surenchère possible pour
rappeler que s'il y a sous-représentation chronique des femmes,
particulièrement à l'Assemblée nationale, c'est encore
plus dramatique quand c'est dans un secteur d'emploi comme les services sociaux
où, traditionnellement, on y a retrouvé des femmes.
Également, simplement une remarque préliminaire pour nous
rappeler qu'en fait, on cherche si on a les mécanismes adéquats
pour assurer et rassurer la population, à savoir si les services qui
sont mis à sa disposition en cas de négociations infructueuses
qui mènent à une grève le sont.
Dans ce sens, tout le monde va convenir que s'il y a un domaine - la
commission parlementaire depuis ce matin le manifeste bien - où il ne
doit pas y avoir de démagogie, c'est bien celui-là, puisqu'on
recherche des solutions qui vont adéquatement répondre à
la situation, tout en se rappelant ce vieil adage que l'enfer est pavé
de bonnes intentions.
Dans votre mémoire, M. Beaulieu, je note avec beaucoup de
satisfaction que les dirigeants actuels de l'Association des centres de
services sociaux considèrent essentielle la question de l'urgence
sociale. Je suis moi-même des services sociaux. J'ai été au
Centre des services sociaux du Montréal métropolitain. Je vous
rappellerai que cela tranche nettement avec l'attitude qui avait
été adoptée en 1971 de la part de la partie patronale qui
avait décrété un lockout de dix semaines et qui avait
privé la population du Québec, pendant dix semaines, pendant deux
mois et demi, de services sociaux. Je note donc avec satisfaction que, dans
l'esprit des dirigeants actuels, les services sociaux font partie de ce qu'on
considère essentiel dans notre société.
J'aurais une question à vous poser sur les recommandations que
vous faites. Mme Lavoie-Roux y a fait beaucoup référence et cela
ne m'a pas paru satisfaisant comme réponse. Vous préconisez que,
dorénavant, il y ait un certain retour à ce qu'on connaissait au
moment de la loi 253, c'est-à- dire qu'il y ait négociation,
avant l'obtention du droit de grève pour les services essentiels et, en
cas de désaccord entre les parties, qu'il y ait recours à un
commissaire-enquêteur au sens de ce qu'on a connu avec la loi 253.
Mes questions sont les suivantes: Comment peut-on penser que cela puisse
donner de meilleurs résultats que ceux qu'on a connus avec le conseil
sur le maintien des services essentiels et la loi 59 quand on sait, par
exemple, qu'avec la formule des commissaires-enquêteurs, il y a eu un
total de quarante ententes négociées et qu'il y en a eu
au-delà de 500 par le biais de ce qu'on a connu avec la loi 59? C'est
nettement une amélioration ce qu'on a connu par rapport au passé.
Pourquoi préconiser ce retour qui ne bénéficiait en rien
à la population du Québec, d'une part? D'autre part, l'imposition
d'une liste en cas de désaccord ne pourrait-elle pas amener en fait les
parties à attendre, de part et d'autre, compte tenu de la
présence d'un tiers qui va imposer une telle liste? N'apporte-t-elle pas
une incitation beaucoup moins grande - à preuve les chiffres que je vous
citais tantôt - à en arriver à une entente sur le plan
local? Le premier objectif qu'on a à poursuivre n'est-il pas cette
entente sur le plan local, puisque les personnes qui auront à appliquer
l'entente seront celles-là mêmes qui l'auront signée?
Est-ce que le fait de confier cela à un tiers, ne vient pas d'autant
compliquer la bonification des ententes ou de la liste déposée au
moment où, dans la réalité, il y a lieu de la modifier? Je
vous rappellerai qu'il y a eu des ententes et que des listes ont
été améliorées après le dépôt,
en vertu de ce qu'on a connu en 1979. Si cela avait été
imposé, pensez-vous qu'on en serait arrivé au même
résultat et pensez-vous que l'incitation serait la même?
M. Beaulieu: Au niveau de votre remarque préliminaire, en
ce qui concerne l'urgence sociale - je ne voudrais pas revenir au passé
- mais je voudrais simplement souligner que les services sociaux ont subi,
depuis sept ou huit ans, comme je le disais, une évolution
considérable et qu'en 1971 ce que les cadres des services sociaux
pouvaient assurer comme services à la clientèle était
peut-être suffisant pour les besoins et les appétits de la
population du moment, vu qu'il n'y avait pas d'autre léqislation. En
tout cas, je ne reviendrai pas là-dessus.
En ce qui concerne les services essentiels, je pense que, finalement, on
essaie de rejoindre exactement les mêmes objectifs que ceux que vous
poursuivez. Lorsque vous dites: II y a 500 ententes qui ont été
réalisées la dernière fois par rapport à environ 40
sur 253, on est pleinement d'accord et on ne veut pas revenir à la loi
253. La seule chose, c'est qu'on voudrait
qu'il y ait encore plus d'ententes qui soient siqnées. Je pense
que dans notre mémoire, en tout cas, on insiste beaucoup sur la
négociation locale et sur l'entente locale. Vous remarquerez - je ne
l'ai pas mentionné tout à l'heure dans le résumé -
qu'on préconise même qu'il puisse y avoir un changement de
l'entente par accord entre les parties au niveau local, sans que cela ne
revienne devant les commissaires. On ne préconise pas non plus, comme
d'autres, qu'un commissaire ou une autre personne responsable des services
essentiels puisse changer l'entente des parties. Vous remarquerez qu'on s'en
tient uniquement à ce niveau et que, dans notre recommandation,
l'entente entre les parties est primordiale et peut même être
changée par entente entre les parties. (13 h 30)
La raison pour laquelle nous pensons nous en aller vers une
amélioration plutôt que vers un retour à la loi 253, c'est
qu'on se dit que si, à la dernière ronde, il y a eu quand
même un bon nombre d'ententes qui ont été siqnées,
on se dit aussi qu'il y a des cas - sans donner d'exemple concret, sans
personnaliser, on en connaît, on identifie des endroits - où
peut-être il y aurait eu entente, s'il n'y avait pas eu cette
possibilité que la partie syndicale dise: La liste qu'on va
décréter sera meilleure que l'entente qu'on va signer. Je ne vous
dis pas que cela a été général, mais, encore
là, on peut peut-être apporter des problèmes
théoriques, qui n'en sont pas nécessairement, mais il faut voir
que les lois donnent aussi des ouvertures qui sont théoriques et il faut
voir à ce que ces possibilités soient fermées. M. Paradis
voudrait peut-être ajouter quelque chose?
M. Paradis (Jacques): C'est qu'il y a eu peu d'ententes selon la
loi 253, mais les décisions des commissaires étaient souventefois
meilleures que les listes syndicales qu'on a connues au cours de la
dernière négociation.
Mme Harel: Très rapidement, est-ce que la partie
patronale, pour ne pas avoir à se compromettre sur
l'établissement de services essentiels, ne serait pas plutôt
incitée à ne pas signer d'entente?
M. Paradis (Jacques): C'est qu'on présume une mauvaise foi
en partant, à ce moment-là, ce à quoi on ne souscrit pas,
nous. On présume de la bonne foi des parties pour autant que les
mécanismes favorisent cette bonne foi. On l'a souligné dans le
mémoire: on privilégie la négociation locale de cette
question-là parce que ce sont les parties les mieux habilitées
à pouvoir effectivement y trouver une solution. Qu'on trace par un
mécanisme quelconque des paramètres qu'on pourrait qualifier de
provinciaux, très généraux, et que chaque partie locale
leur trouve une application quelconque en tenant compte de son contexte
particulier, je pense que c'est peut-être même souhaitable. Mais on
est d'avis que c'est avant tout des parties locales qui peuvent trouver une
solution à ce genre de problème là et, dans
l'éventualité où l'expérimentation est
négative, qu'on se revoie et qu'on la négocie à nouveau,
de préférence à toute décision d'un tiers. Le pire
règlement hors cour, comme on dit souvent, est meilleur que n'importe
quelle décision d'un juge et, dans ce contexte-là, on marche dans
ce même système.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de l'Association des centres de services sociaux du
Québec.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à
quinze heures cet après-midi, alors que nous commencerons par l'audition
du mémoire de la Confédération des syndicats
nationaux.
(Suspension de la séance à 13 h 35)
(Reprise de la séance à 15 h 04)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre,
messieurs!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de
cette commission qui est d'entendre les personnes et organismes relativement
à l'examen des moyens d'améliorer le régime de
négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic
et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui
permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des
conflits de travail dans ces secteurs.
Cet après-midi, nous débutons par l'audition du
mémoire de la Confédération des syndicats nationaux qui
est représentée par son président, M. Norbert
Rodrigue.
M. Rodrigue, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent, s'il vous plaît.
Confédération des syndicats
nationaux
M. Rodrigue (Norbert): Merci, M. le Président. M. le
ministre, messieurs, mesdames, je voudrais d'abord vous présenter ceux
et celles qui m'accompagnent: Francine Lalonde, à ma droite,
présidente de la Fédération nationale des enseignants
québécois, Jean-Francois Munn, qui est le coordonnateur des
négociations dans le secteur public à la CSN. À ma gauche,
Simone Massé, qui est vice-présidente de la
Fédération des affaires sociales, Pierre
Lanouette, qui est secrétaire de la Fédération des
employés de services publics, et Louise Rochon, vice-présidente
de la Fédération des professionnels salariés et cadres du
Québec.
Je me contenterai, dans un premier temps, de lire le mémoire de
la CSN. J'espère respecter le délai qui m'est permis.
L'entrée en vigueur du Code du travail en 1964 marque la
reconnaissance du droit de grève dans les services publics. Cette
reconnaissance s'est imposée à cause de l'action menée par
les travailleuses et les travailleurs de ce secteur. Ainsi, en 1963, 10 000
employés de soutien des hôpitaux menacent de débrayer pour
appuyer la lutte des infirmières de l'hôpital Sainte-Justine. En
1964, la grève du Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal emporte la reconnaissance du droit de grève dans les
hôpitaux par le Parlement de Québec. Cette grève de six
heures a eu lieu au moment où siégeait la commission
parlementaire qui étudiait la refonte du Code du travail.
Depuis lors, il s'est trouvé peu de négociations qui
n'aient donné lieu, dans un secteur ou l'autre des services publics,
à la négociation plus ou moins avouée du droit de
grève et, conséquemment, du droit à la libre
négociation.
Sur la période de 1967 à 1980, plus de 15 lois
spéciales ont été adoptées par le gouvernement du
Québec, soit pour forcer le retour au travail, soit encore pour
réglementer l'exercice de la grève de telle manière que le
recours devienne inopérant, soit plus directement pour
décréter les conditions de travail des salariés du secteur
concerné, sans compter le nombre imposant d'ordonnances d'injonctions
émises pendant cette période dans le secteur des affaires
sociales notamment, plus de 50, lesquelles visaient à empêcher la
grève ou à y mettre fin.
Lorsque le patronat et les politiciens cherchent à réduire
les droits des travailleurs et travailleuses, c'est pour les empêcher de
préserver leurs acquis et d'améliorer leurs conditions
d'existence.
Dans le contexte de crise économique que nous traversons, il
n'est pas étonnant de constater la convergence des discours du patronat
et d'un grand nombre de politiciens sur les mesures susceptibles de briser la
résistance des travailleurs et travailleuses pour leur faire assumer les
frais de la crise économique.
Cette nouvelle attaque concertée, particulièrement durant
les récents mois, ne concerne pas seulement le droit à la libre
négociation. Ce qui est ultimement recherché, c'est la remise en
cause des acquis arrachés par nos luttes syndicales. On cherche, en
quelque sorte, à désarmer les travailleurs et les travailleuses
en vue d'une prochaine offensive patronale.
À travers les milliers de travailleurs et de travailleuses de
l'électricité, du gaz, du téléphone, des
municipalités, des chemins de fer et autres services de transport, et
plus encore à travers les salariés de l'État, travailleurs
et travailleuses de l'éducation, travailleurs et travailleuses des
affaires sociales ou des organismes gouvernementaux, ce sont les
conquêtes qui profitent à toute la population qui sont à
nouveau, quant à nous, remises en question.
C'est l'expérience vécue aux tables de négociation
depuis plus de quinze ans qui nous permet d'affirmer que les propositions
patronales recherchent la mobilité, la réduction des postes et
services, l'organisation du travail amenant une déshumanisation des
soins, bref, la diminution des services et de la qualité des
services.
Le dernier budget du gouvernement dramatise encore davantage cette
diminution des services et de la qualité des services.
Cela me tenterait de citer une chanson d'un chansonnier
québécois, à ce moment-ci, qui dit ceci: "À semer
du vent de cette force-là, tu te prépares une jolie
tempête, peut-être ben que tu t'en aperçois pas. "
Nous l'avons affirmé, quant à nous, à plusieurs
reprises dans le passé et nous le soutenons encore aujourd'hui: chaque
fois qu'un progrès est acquis dans les conditions de vie de la
population, c'est parce qu'il y a eu des luttes syndicales et populaires qui en
ont forcé l'accomplissement.
Tous les progrès sociaux, si minces et si fragiles soient-ils,
sont souvent présentés comme le résultat automatique du
développement économique, ou comme découlant des
décisions prises par les employeurs et les gouvernements pour assurer ce
développement. En effet, puisque l'industrialisation permet de produire
davantage en moins de temps, ne serait-il pas normal que le sort de tout le
monde en soit amélioré?
Mais, en réalité, les travailleurs et travailleuses ont
toujours été obligés de se battre pour tirer de cette
production accrue de quoi subvenir à leurs besoins les plus
fondamentaux. Et toujours ils se sont heurtés à un discours
dominant qui présentait leurs revendications soit comme excessives,
impossibles à satisfaire, et même dangereuses pour le
développement économique.
Aujourd'hui, par exemple, on n'imagine pas un homme politique s'opposer
à l'instruction publique obligatoire et défendre la thèse
que les enfants devraient entrer sur le marché du travail à
l'âge de douze ans, et on voit mal un journal soutenir une campagne pour
la semaine de 60 heures, on ne conçoit même pas qu'une association
patronale puisse le faire.
Alors, qui a fait en sorte que le niveau général des
salaires soit relevé pour qu'on puisse manger mieux, se loger mieux,
travailler moins longtemps, prendre le temps de se reposer et
protéger sa santé?
Ce ne sont certainement pas les patrons de 1843, qui réduisaient
les salaires du tiers au canal Lachine et appelaient l'armée. Ce n'est
pas non plus le Conseil du patronat du Québec qui, lui, s'oppose encore
à toute augmentation du salaire minimum en 1981.
Ce ne sont pas davantage quelques élites politiques et
intellectuelles qui, aujourd'hui comme hier, s'emploient à
répandre dans la population les thèses patronales justifiant les
bas salaires, les conditions de travail dangereuses, le chômage, les
fermetures, la pollution, au nom du développement économique.
Ceux qui ont entraîné l'amélioration des conditions
de vie de toute la population, ce sont les travailleurs et les travailleuses
qui se sont organisés en syndicats pour donner de la force à
leurs revendications, par la grève au besoin, malheureusement, parce
qu'ils sont les derniers à la désirer. Ce sont eux les
véritables moteurs du progrès social. Car, lorsqu'un groupe fait
un gain guelque part, cela sert de point d'appui pour l'avancement des autres
groupes qui se battent pour les mêmes raisons fondamentales. Tous les
gains ainsi obtenus relèvent le plancher des conditions minimales
consenties aux non-syndiqués.
Par exemple, la conquête des 100 $, en 1972, a eu pour effet
immédiat le relèvement général des bas salaires
dans tous les secteurs d'activité du Québec; le gouvernement a
dû relever le salaire minimum en conséquence et les mêmes
effets ont été obtenus dans les autres rondes de
négociation.
Quant au système de production dans lequel nous évoluons,
qu'il s'agisse de la production de biens tout autant que de la production de
services, les travailleurs ne contrôlent ou ne possèdent ni les
capitaux ni les outils de production; leur seule propriété, c'est
leur force de travail.
Par le rapport de forces qu'elle établit, la grève oblige
à la négociation, elle donne existence à la
négociation en vue de convenir des conditions meilleures. Elle tend
à restreindre la prise de décisions unilatérales et
à faire reculer les frontières de l'arbitraire.
Certains ont tendance à oublier parfois que ces notions de droit
de grève, liberté d'association, négociation de convention
collective sont le fruit des luttes de milliers de travailleurs et de
travailleuses. Chaque fois que, dans l'un ou l'autre des secteurs
d'activité, le droit de grève est remis en question, c'est en
même temps le droit à la libre négociation qui est
menacé, ainsi que le principe de la liberté d'association.
La négociation et la grève, parfois nécessaire,
tendent à la transformation de la réalité. À
l'origine, elles permettaient aux travailleurs de négocier la
transformation de leurs conditions immédiates de travail: la
réduction des heures; l'abolition du salaire à la pièce;
la promotion seulement de l'ancienneté et l'augmentation des
salaires.
Progressivement, et par le développement de la syndicalisation
s'élargissaient les champs de négociation pour s'appliquer aux
matières telles que: définition et classification des emplois,
mise en place de régimes collectifs d'assurance, mesures de protection
en cas de réduction ou cessation d'activités, liberté
d'action syndicale.
Nos efforts pour imposer la reconnaissance du droit au travail, à
l'égalité homme-femme dans le traitement, du droit à
l'environnement de travail qui assure la sécurité et la
santé des travailleurs et travailleuses, la reconnaissance du principe
du salaire décent pour tous, de la fonction sociale de la
maternité et de la paternité tendent à
l'amélioration de notre condition même de travailleurs.
La négociation tend ainsi à dépasser l'état
de droit existant, à arracher des changements qui soient conformes aux
aspirations des travailleurs et travailleuses.
Prenons-en pour exemple les revendications des travailleurs et
travailleuses d'hôpitaux, au début des années soixante
notamment, qui portaient avec elles la nécessité de modifier en
profondeur le système de gestion des hôpitaux et, accessoirement,
favorisaient la prise en charge de ces institutions par l'État.
Les employés d'hôpitaux, lors de la première
négociation provinciale en 1966, ne qualifiaient-ils pas alors leur
grève de lutte qui allait "changer la face des hôpitaux"? II est
significatif de rappeler que ce conflit a pris fin quand on annonça la
tutelle gouvernementale sur les hôpitaux.
Il en est de même, à un niveau moindre, lorsque les
travailleurs et travailleuses parviennent à imposer aux employeurs
certaines contraintes au plan de la gestion des effectifs, que ce soit en
matière d'abolition de postes ou en matière de remplacement de
personnel.
On ne saurait s'illusionner assez pour croire que, dans le régime
actuel, l'État reconnaîtrait ces nécessités, ce qui
donnerait alors au droit de grève un caractère superflu. Qu'on
songe seulement aux mobilisations que doivent déployer les travailleurs
et travailleuses à chaque renouvellement de convention collective, aux
seules fins de préserver les acquis des négociations
précédentes.
C'est une partie importante des besoins de changement qui s'exprime
à travers les revendications et ces besoins sont clamés avec
d'autant plus de force que le front de concertation qui les porte est
large.
À cet égard, le front commun, par
l'importance des conventions qu'il permet de négocier,
entraîne des améliorations significatives pour l'ensemble de la
société.
Les luttes syndicales permettent souvent aux aspirations populaires de
s'imposer dans le débat politique. (15 h 15)
La convergence des revendications syndicales révèle
l'existence de problèmes communs à toutes les classes populaires
comme l'insuffisance du salaire, l'insécurité de l'emploi, les
conditions dangereuses, l'insalubrité, les cadences, l'absence de toute
emprise sur l'organisation et les finalités du travail, la
négation de toute créativité, les discriminations de toute
nature, les diverses formes de mépris.
Les grèves qui ont eu lieu pour transformer ces situations
montrent l'incapacité de la société à satisfaire
une foule de besoins qui sont vivement ressentis. Et de ce fait, les
grèves projettent dans le débat politique les aspirations des
classes populaires au progrès social.
Ainsi, les luttes contre les maladies du travail montrent les limites de
la médecine traditionnelle face à ce problème social
d'envergure et rejoignent les préoccupations des premières
cliniques populaires qui ont imprimé aux CLSC une orientation vers une
médecine préventive un peu plus soucieuse de tenir compte des
facteurs collectifs dans les causes et le traitement des maladies.
De même, les luttes pour l'égalité d'emploi et de
salaire entre les hommes et les femmes ont contribué à une prise
de conscience populaire très large des problèmes suscités
par le sexisme dans la société et des revendications de nature
à améliorer les conditions pouvant rendre possible le travail
social des femmes. La lutte et la victoire des travailleurs et travailleuses du
Front commun du secteur public de 1979 pour l'obtention du congé
maternité payé et les autres droits parentaux permettent aux
travailleurs et travailleuses d'avancer sur ce plan et d'étendre
à l'ensemble ces revendications.
En permettant de poser les problèmes sociaux avec la force
nécessaire pour qu'ils soient débattus et résolus
démocratiquement, pour que les pouvoirs économiques et politiques
ne puissent les éviter, le droit de grève se trouve à
être garant des autres droits démocratiques.
Les luttes syndicales ont permis de conquérir progressivement le
droit à l'éducation et le droit à la santé.
Dans les affaires sociales, les syndicats ont résisté aux
coupures de postes et aux tentatives de dépersonnalisation du travail,
ce qui aurait eu pour effet de réduire les services à la
population.
Dans les cégeps, où les coupures budgétaires
menacent également la qualité de l'enseignement, les travailleurs
se sont préoccupés de la tâche de 1968 à 1976. En
utilisant des moyens de pression comme le gel des cours à certains
moments, ils combattaient la rigidité de la norme 1-15 qui
entraînait un manque de professeurs dans certains collèges
à cause du poids relatif de l'enseignement professionnel.
Ils ont finalement eu gain de cause et obtenu une augmentation d'environ
10% du nombre de professeurs dans l'ensemble des collèges.
Tout cela est vrai aussi pour le personnel de soutien de ces
institutions, que ce soit à la cafétéria, à
l'entretien ou dans la question des équipements, parce que cela est
déterminant pour la condition qui est faite aux enfants qui ont à
fréquenter nos institutions scolaires.
Les travailleurs et travailleuses concernés constituent la
première ligne de défense contre cette nouvelle attaque visant
à faire reculer les droits de la santé et de l'éducation.
Mais pour assurer cette défense, leur droit de grève est
nécessaire, comme il l'a été pour la conquête de ces
droits et comme il le sera pour les faire avancer encore.
Il va sans dire que les rapports de forces dans les services publics ne
se situent pas sur le même plan que dans l'entreprise privée,
à cause de la nature de l'employeur.
Une grève dans un établissement de santé ou dans
une école ne vise pas et n'a pas, non plus, pour effet de priver
l'entreprise de profits, contrairement à ce qui se passe
généralement dans l'entreprise.
La grève des salariés de l'État alerte l'opinion
publique qu'un problème réel est vécu et exige de
l'État employeur sa contribution a la formation d'une entente.
La substitution des rôles utilisée par l'État
employeur et l'État législateur n'est pas une contribution, quant
à nous, au dénouement des conflits. L'histoire des
négociations de 1972, 1976 et 1979 en témoigne. La tentation est
grande pour l'État employeur d'exploiter l'inquiétude
légitime de la population, fort en cela de l'appui ponctuel des
médecins, des médias et du patronat, en vue de préparer le
terrain pour l'imposition d'une loi spéciale ou d'une batterie
d'injonctions susceptibles de faire basculer en sa faveur le rapport de forces
et d'ainsi imposer ses vues.
L'histoire récente des quinze dernières années a
fait la preuve qu'en fait, en agissant ainsi, les gouvernements ont
contribué à aggraver les conflits. La rationalité des
choix du gouvernement n'est pas forcément fonction du mieux-être
des travailleurs ou du maintien du niveau de qualité dans les services
publics. Comme l'actuel ministre des Finances le reconnaissait dans un article
qu'il signait dans le journal Le Jour du 23 janvier 1976: " À
l'époque où il n'y avait pas de syndicat
dans les secteurs public et parapublic, l'Ftat du Québec a
écrasé les travailleurs, les a bafoués, les a
exploités sans vergogne".
Aujourd'hui, lorsque le ministre des Finances propose de réduire
de plusieurs centaines de millions de dollars les budgets consacrés aux
dépenses de santé ou d'éducation des
Québécois, il menace, quant à nous, par ses
décisions, non seulement les standards de soins ou d'éducation,
mais également le niveau des conditions de travail des
salariés.
La négociation est un moment où, par le biais de nos
revendications, nous sommes amenés à discuter ces choix
politiques du gouvernement-employeur.
Comment est-il convenable que le gouvernement, qui, dans la
négociation avec ses salariés, est partie liée, puisse se
poser par ailleurs en arbitre qui, d'autorité, réglementerait
l'utilisation du recours à la grève?
Par sa fonction d'employeur, le gouvernement dément cette
prétendue neutralité qu'il invoque pour justifier l'imposition de
mesures spéciales qui modifient arbitrairement les règles du jeu
de la libre négociation.
Si nous admettons, au départ, que les grèves
dérangent et inquiètent des secteurs de la population - parce
qu'on l'admet, on le reconnaît, on est sensible à cette
question-là aussi - nous refusons d'endosser l'opinion que certains ont
intérêt à répandre de façon
démagogique selon laquelle les grèves seraient des
opérations de prises en otaqe en quelque sorte dirigées par des
hordes barbares.
Nous affirmons, au contraire, que les hommes et les femmes qui
travaillent quotidiennement dans les institutions de santé n'ont de
leçon d'humanité à recevoir de personne, fussent-ils
administrateurs, médecins, éditorialistes ou politiciens. Ce sont
eux qui, dans la réalité, en dehors des deux jours ou des
quelgues heures de grève, assument quotidiennement ce que les
bien-pensants déclarent dans les journaux.
Le scandale permanent constaté dans les salles d'urqence, par
exemple, et mis en évidence récemment dans une série
d'articles du journal La Presse n'autorise personne, à notre avis,
à porter des jugements à caractère moralisateur sur le
comportement des travailleurs et travailleuses qui, tout en assurant les
services essentiels, cessent de fournir leur travail habituel, surtout lorsque
ces débrayages cherchent justement à résoudre des
situations semblables.
Ce ne sont pas les éditorialistes qui donnent écho au fait
qu'en temps normal les interventions chirurgicales sont reportées
après qu'on a fait attendre le patient toute la journée à
jeun. Des services sont fermés, des dizaines d'établissements
pour malades chroniques fonctionnent à l'année longue avec le
personnel tout juste suffisant pour répondre aux besoins minimaux des
patients.
Ceux qui affirment le caractère absolu du droit du patient sont
contredits tous les jours dans les hôpitaux, les centres d'accueil, les
CLSC parce que l'accès du patient aux services de santé est
assujetti à des contraintes budgétaires qui portent atteinte
à son droit à la plénitude des soins.
Cette situation vécue quotidiennement est d'autant plus grave
à notre avis que celle d'une grève qui déchaîne les
hauts cris.
Au moment où s'élèvent ces clameurs
démagogigues, que se passe-t-il réellement dans les institutions?
Il se passe, et c'est l'expérience qui nous l'enseigne, que le syndicat
et l'hôpital discutent de la manière d'assurer la présence
d'employés (es) en salles d'accouchement, ou aux services des soins
intensifs, ou encore du nombre de personnes affectées à
l'entretien ménager ou à la buanderie, parce que des
impératifs de réalité s'imposent aux hommes et aux femmes
en grève sans qu'ils n'aient besoin de loi pour les leur rappeler.
Ayant à assumer quotidiennement les soins aux
bénéficiaires, les travailleurs et travailleuses sont à
nos yeux davantage capables d'être solidaires des usagers des services de
santé en période de grève que ne peuvent l'être les
administrateurs, les médecins, les politiciens et les experts.
Qu'ils soient du privé ou du public, les syndicats ont au sujet
des services essentiels une tradition qui les conduit à prendre les
mesures nécessaires pour éviter que leur outil ne se brise, que
leur machinerie ne soit détruite ou que des torts irréparables ne
soient causés à la santé d'autres travailleurs.
J'invite dans quelques semaines la commission parlementaire et tous les
parlementaires à lire l'histoire de la CSN, qu'on va publier. C'est 60
ans d'existence, malgré toutes les tentatives qu'on pourrait qualifier
de déstabilisation ou autres manoeuvres. On veut dire qu'elle elle
existe encore. On publie cette histoire et j'espère qu'elle va
démontrer justement ce souci de la classe ouvrière,
c'est-à-dire tenir compte de cette réalité au cours de ces
60 ans d'existence.
À QIT, les travailleurs donnent les tours de clés
indispensables pour que les hauts fournaux ne soient endommagés. Au Gaz
métropolitain, on fournit les services pour répondre aux appels
d'urgence, soit le feu, l'explosion, la fuite de gaz et les appels en ce qui
concerne les absences de chauffage. "Les services essentiels, nous dit le
président du syndicat, se sont entendus avant de tomber en
grève... C'est le syndicat qui décide qui il affecte sur le
service. On détermine le nombre de personnes avec des "jobs"
déterminés sur quarts de travail déterminés. "
Chez les travailleurs de la santé, la pratique est constante
depuis la première grève nationale de 1966. À cette
époque, les travailleurs avaient offert à plusieurs reprises de
négocier les services essentiels. Devant le refus des patrons d'en
discuter, les syndicats ont décidé de les établir et de
les maintenir.
Un bref rappel. En 1972, à l'occasion de la grève du front
commun qui devait durer dix jours, les travailleurs de la santé
cherchent à nouveau à établir des ententes avec les
employeurs sur le maintien des services essentiels.
Dans un certain nombre d'établissements, des ententes sont
conclues. Dans les autres, toute offre syndicale est fermement refusée.
L'établissement préfère se tourner vers le juge pour
obtenir une injonction.
Les ententes conclues à cette époque sont plus ou moins
sophistiquées. Alors que certaines prévoient un dispositif
plutôt simple, d'autres sont beaucoup plus élaborées. Lors
du front commun de 1975, les syndicats connaissent une autre forme d'entrave
majeure à l'exercice du droit de grève, par le biais d'une loi
dont l'objectif prétendu est d'assurer le maintien des services
essentiels.
Dans les faits, cette loi - la loi 253 -prévoit qu'à
défaut d'entente entre les parties locales, un commissaire est
chargé d'intervenir pour imposer par décision le niveau de
services qu'il juge essentiel. L'expérience de cette loi illustre bien
jusqu'à quel point il est possible de se servir de modalités
relatives à l'exercice du droit de grève, notamment en
matière de services essentiels, aux fins de rendre inopérant,
inapplicable même, le recours à la grève.
Malgré que les négociations étaient
commencées entre le syndicat et les patrons pour déterminer le
fonctionnement des services essentiels, le projet de loi est
déposé à l'Assemblée nationale. La partie patronale
se retire alors des travaux amorcés. La loi confie à un tiers le
soin de déterminer le niveau des services essentiels, advenant
l'échec des négociations locales.
On observe pour cette période les faits suivants: un nombre
important d'établissements refusent de reconduire en négociation
directe les ententes qui étaient intervenues en 1972; dans un grand
nombre d'établissements, l'employeur situe les services essentiels
à un niveau tellement élevé qu'il rend inutile le recours
à la grève, provoque le refus par le syndicat d'y consentir et
amène l'intervention du commissaire-arbitre; dans certains
hôpitaux, tels que Charles-Lemoyne, Sainte-Marie, de
Trois-Rivières, le commissaire décrète que le maintien des
services essentiels nécessite la présence de tout le personnel
habituellement en poste et, même plus; à l'hôpital du
Saint-Sacrement, de Québec, dans certains départements, le
commissaire accorde plus de monde qu'il n'y en a normalement ou que l'employeur
lui-même n'en avait demandé.
Plus aberrant encore est le cas d'hôpitaux qui, devant le
commissaire, invoquant la nécessité pour assurer les services
essentiels de maintenir à leur poste 75% des effectifs habituels,
décréteront, au bout de quelques heures de grève, un
lockout de treize semaines.
Il se trouvera malgré tout quelques hôpitaux pour accepter,
décision favorable en main, de reprendre les négociations avec le
syndicat pour une solution négociée.
Le bilan judiciaire - je fais simplement le rappeler - pour 1975:
poursuites contre 5777 salariés, 409 officiers de syndicat, 233
syndicats.
À l'occasion de ces arrêts de travail, les services
essentiels ont été assumés par les travailleurs et
travailleuses à partir de l'identification des besoins auxquels ils
avaient procédé eux-mêmes.
Voyons un peu 1979. Les travailleurs du réseau des Affaires
sociales s'apprêtent à nouveau à assumer en 1979 la prise
en charqe du maintien des services essentiels. Là où les parties
n'ont pu parvenir à une entente négociée, le syndicat
procède à établir la liste des services qui doivent
être maintenus en temps de grève ainsi que le nombre des
travailleurs et travailleuses nécessaires à son application.
Après avoir reconnu la fonction des syndicats en matière
de services essentiels, le gouvernement - fait sans précédent
-suspend l'exercice du droit de grève dans les services publics avant
même que le recours n'ait été exercé.
Non seulement le gouvernement suspend-il ainsi le droit de grève,
mais il s'ingère directement dans le fonctionnement démocratique
des syndicats en prescrivant l'obligation de soumettre ses offres dans des
délais précis.
En dépit des tentatives soutenues d'un paquet de monde,
appuyées par le sensasionnalisme de certains médias pour
discréditer l'action des syndicats, aucun problème impliquant des
patients et la manière dont les services leur étaient
dispensés n'a résisté à l'examen qu'en a fait le
conseil sur le maintien des services essentiels. Le rapport du conseil - je le
rappelle, il y en a qui ont parlé ce matin des propositions qu'il
contient - fait état d'un bilan positif lors de cette expérience
dernière à l'occasion des négociations sur la question des
services essentiels. Quant à nous, nous pensons qu'il y a là
quelque chose d'important.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, d'abord,
remercier la Confédération des
syndicats nationaux de son mémoire. Je me permettrai une
première remarque et, par la suite, une question. Si je comprends bien -
je ne voudrais pas mal interpréter le mémoire qui nous est
présenté - ce que vous nous recommandez, c'est de maintenir le
statu quo, l'état actuel des choses.
Ce matin, en introduction, j'ai bien expliqué, j'espère,
le plus clairement possible, pourquoi nous croyons, du côté
gouvernemental, que ce serait comme une espèce de solution magique, mais
qui nous mènerait littéralement au chaos social, que de penser
que retirer le droit de grève serait une piste valable pour tenter de
régler un certain nombre de problèmes vécus,
appréhendés, qui font partie du domaine de ce que j'appellerais
l'anxiété générale qui peut être
perçue par la population. Je pense à la distinction tout au long
de votre mémoire entre la réalité, les faits têtus,
la façon dont les choses se sont passées, et les perceptions
parfois alimentées, dans certains cas - il faut le dire - avec parfois
beaucoup de sensasionnalisme. (15 h 50)
Ceci étant dit, ça fait aussi partie des perceptions
qu'ont les citoyens et les citoyennes. Cependant, en même temps, ce
matin, j'indiquais bien clairement notre préoccupation fondamentale. Non
pas la seule, parce que nous pensons qu'il y a peut-être place pour des
améliorations du mécanisme même de négociation; on
est bien prêt à regarder toute recommandation qui pourrait nous
être faite dans ce sens pour faciliter les choses sur la base des
expériences vécues. Nous disions également, ce matin,
qu'à notre avis, le droit... Je pense que vous le reconnaissez
très clairement; ça doit être dit et redit, je crois qu'on
ne le redira jamais assez et je pense que vous le reconnaissez très
nettement dans votre mémoire. Vous dites que les faits même de vos
attitudes concrètes concourent, dans ce sens, à reconnaître
le droit fondamental des hommes et des femmes du Québec à avoir
accès aux services essentiels en période de perturbation. Sur
cette perspective de fond, je pense qu'il y a place pour un large consensus de
base.
C'était une remarque préliminaire, en même temps
qu'une certaine forme d'interprétation de votre mémoire.
J'espère que je n'ai pas biaisé ou mal interprété
des choses fondamentales. Vous nous proposez donc le statu quo. Pour être
très concret, encore une fois, les choses se passent souvent au niveau
des perceptions que les hommes et les femmes en ont bien plus que dans la
façon dont les choses se passent réellement; je pense que la
distinction est importante.
Dans le cas des affaires sociales, d'après les chiffres que j'ai
- il se peut qu'on se trompe sur un ou deux morceaux - comme ordre de grandeur,
à l'intérieur de la Fédération des affaires
sociales, il y avait, lors de la dernière ronde de négociations,
433 unités d'accréditation. Il y a eu 197 ententes qui sont
intervenues sur les services essentiels, c'est-à-dire que la partie
syndicale et la partie patronale se sont entendues dans 197 cas. Il y a eu,
dans 218 cas, ce qu'on appelle la liste syndicale qui a été
déposée. Comme le prévoit la loi, présentement,
lorsqu'il n'y a pas entente entre les parties, le syndicat dépose une
liste de services essentiels. Il y a donc eu 218 listes qui auraient
été déposées.
À l'intérieur de ce bloc de 218 listes, 41 listes - on
voit déjà que les proportions se réduisent - ont
été déposées qui étaient, comme on dit dans
le jargon, des listes à zéro. Pour qu'on se comprenne et que le
monde nous comprenne, ce sont, à toutes fins utiles, des listes
où on dit: II y a suffisamment de cadres à l'intérieur
pour assumer et donner les services essentiels, si tant est qu'il y a des
services essentiels à donner aux citoyens. Il n'est donc pas
nécessaire, du point de vue du syndicat qui dépose une liste
à zéro, qu'il y ait des syndiqués qui soient
présents.
Lorsqu'on examine les 41 cas de listes déposées à
zéro, dans 7 cas, il n'y a pas eu grève, donc pas de
problème dans les faits, dans la réalité. Je pense que
ça doit être dit. Dans 34 autres cas, toujours sur les 41, il y a
eu effectivement grève, mais je dois tout de suite dire, parce que je ne
veux pas qu'on se comprenne mal, que les services essentiels, d'après
les rapports et les expertises, ont bel et bien été
assurés oar les travailleurs et les travailleuses; je ne veux qu'il y
ait d'ambiguïté là-dessus. C'est le tableau; il se peut que
l'on se trompe, mais ce sont les chiffres qu'on m'a communiqués et qui
proviennent des rapports d'expertises. Mais je ne voudrais pas qu'on s'accroche
aux chiffres si tant est que dans un cas ou deux cas il puisse y avoir erreur.
Encore une fois - je tiens à le répéter parce que c'est
important et que ça permet aussi de nous ramener à la
réalité telle qu'elle est vécue - dans 34 cas où il
y a eu grève, les services essentiels, d'après les rapports - il
y a peut-être eu des accrochages en cours de route - ont
été effectivement donnés aux citoyens par les travailleurs
syndiqués.
Vous reconnaissez, et je pense bien que tout le monde l'admet, que,
quand arrive une période de grève, forcément ça
inquiète. Je vais prendre simplement l'expression que vous utilisez
vous-mêmes dans votre mémoire. On voit bien qu'il y a un
écart entre certains gestes posés, la réalité de la
pratique des choses et l'impression créée dans un climat
où forcément les gens deviennent plus inquiets, plus anxieux. Le
dépôt d'une liste à zéro, quand ça se sait,
est-ce que vous ne pensez pas que ça contribue largement à
alimenter non seulement le climat d'inquiétude, mais on parle de
sensationnalisme et vous l'évoquez, à l'alimenter joyeusement?
C'est la question que je me pose et que je vous poserais à ce sujet,
d'autant plus qu'on constate par la suite, malgré des listes
déposées à zéro, que dans certains cas il n'y a
même pas eu grève et que, dans d'autres cas où il y a eu
grève, les services essentiels ont été assumés.
Alors, on part de la liste à zéro qui est cette image qui
déjà ajoute au climat d'anxiété ou
d'inquiétude, peu importe, on peut en mettre un peu plus ou un peu
moins, je ne vais certainement pas m'embarquer dans le sensationnalisme. Est-ce
que vous ne pensez pas que ça contribue au climat d'inquiétude?
C'est la première question que je voudrais poser.
La deuxième question, si tant est qu'il y a un problème...
Je pense qu'il ne faut pas les escamoter et faire comme s'il n'y en avait pas.
Je ne dis pas qu'il y a des solutions miracles ou magiques; je m'évertue
depuis des mois à répéter que ce serait s'illusionner
comme société de penser qu'il y a une espèce de lapin
qu'on va sortir du chapeau comme le magicien pour venir régler les
problèmes. Ce n'est pas comme ça que les choses se passent.
Est-ce que vous avez, soit comme centrale, soit comme
fédération, des pouvoirs d'intervention réels qui vous
permettent d'intervenir dans des cas comme ceux-là? On sait que cela
existe ailleurs, y a-t-il des formes de code d'éthique sur ce genre de
choses? Avez-vous une espèce de contrôle qui nous serait inconnue?
Si oui, advenant qu'un syndicat, qu'une unité refuserait de prendre en
considération certaines interventions que vous faites - vous l'avez
évoqué, on sait que c'est vrai; cela doit être dit, parce
qu'on sait que c'est vrai - qu'est-ce qui arrive dans ces cas? Est-ce qu'il n'y
a pas là une clé? Je ne dis pas que c'est la seule, il ne faut
pas escamoter des problèmes réels. J'ai dit ce matin, en disant
constamment cependant - parce que je ne veux pas être mal
interprété - qu'il me semble que c'est inacceptable et
irresponsable, qu'il y a eu carrément quelques cas d'abus. Je ne dis pas
que c'est vous autres, je ne veux pas commencer à "personnaliser". On
l'a évoqué ce matin en parlant d'employeurs. Je l'ai dit dans mon
intervention. Que cela vienne de quelques syndiqués ou d'un employeur,
cela me paraît inacceptable de bloquer un ambulance, que ce soit sur une
ligne de piquetage ou que ce soit un employeur qui retourne carrément
l'ambulance. C'est arrivé. Dieu merci! ce sont des cas purement
exceptionnels.
Je reviens aux questions que je veux poser. Est-ce que vous pouvez nous
donner des indications là-dessus? Est-ce que d'après vous c'est
un faux problème, ou un problème réel? Est-ce qu'il n'y a
pas lieu de trouver des formules? Peut-être déjà les
avez-vous à l'intérieur de vos propres mécanismes. Je
pense qu'il serait intéressant que l'ensemble des membres de cette
commission, des citoyens et citoyennes le sache. Je m'excuse d'avoir pris
peut-être un peu trop de temps.
M. Rodrigue (Norbert): Si le président me le permet, je
voudrais d'abord réaffirmer devant la commission parlementaire que la
CSN, ses fédérations et ses syndicats ont toujours reconnu le
droit fondamental aux services essentiels dans les secteurs qui concernent la
santé, l'éducation, etc. Jamais on n'a remis ce droit en cause.
Deuxièmement, je voudrais dire à cette commission parlementaire
que c'est avec humilité que nous soumettons un point de vue basé
sur une expérience de quinze ou vingt ans. Je voudrais aussi souligner,
sans m'acharner aux chiffres, après l'intervention du ministre que dans
tous les cas, soit d'entente, soit de dépôt de listes ou soit des
listes à zéro, une disposition générale dans nos
ententes - c'est un mode d'éthique chez nous - où nos listes
étaient toujours incluses, à savoir que cette liste ou cette
entente pouvait être revue même quotidiennement par les parties.
C'est un premier point. Cela me paraît important de le souligner.
Je voudrais aussi dire qu'effectivement il ne faut pas tomber dans le
sensationnalisme, mais on sait bien que cela inquiète la population, on
est très conscients de cela. Je dois vous dire que les travailleurs et
travailleuses concernés sont bien inquiets avant de déclencher la
grève parce que, s'il y a des gens qui s'interroqent avant de
déclencher la grève, c'est bien ceux qui travaillent tous les
jours auprès des patients. Il faut avoir vécu cette
expérience pour savoir ce que veut dire travailler huit heures par jour,
240 jours par année, auprès des patients dans un hôpital ou
auprès des enfants dans une institution scolaire. Ils sont très
préoccupés par cela.
En conséquence, notre règle d'éthique -on n'a pas
de pouvoir coercitif vis-à-vis de nos affiliés, c'est clair -
c'est la persuasion, la conviction que, dans des situations concrètes
problématiques, il faut voir les problèmes réels. C'est
sur cette base que nous nous appuyons, M. le ministre, pour dire que
l'expérience vécue la dernière fois, nous semble-t-il, on
ne prétend pas qu'elle est parfaite; on ne prétend pas qu'on est
content de l'ensemble du mécanisme; on n'est pas content de l'ensemble
du mécanisme, mais qu'est-ce que cela va nous donner de commencer
à discuter ensemble ici des délais de six mois ou de trois mois
si, dans la réalité, on ne cherche pas à se convaincre, en
termes de volonté, d'en arriver à un règlement
éventuellement dans la prochaine ou d'autres futures?
Notre conviction intime, c'est que la dernière expérience
est la plus fructueuse, la plus positive et qu'il faudrait effectivement
poursuivre cette expérience. D'ailleurs, les chiffres eux-mêmes
parlent tout seuls: 40 ententes, en 1976; donc 197, la dernière fois;
plus 218 listes déposées, plus environ 30 listes
déposées à zéro, mais là où il y a eu
grève, les services essentiels ont été donnés ou
respectés par les syndicats.
On dit: II faut faire cet effort collectif des parties concernées
et du léqislateur aussi pour vivre davantage cette
expérience.
J'ajouterais, M. le ministre, avec votre permission et la permission du
président, qu'il nous semble évident qu'avec toutes les
tentatives faites au Québec avant 1979, il n'y a pas d'expert qui existe
à notre connaissance pour aller se substituer aux parties qui sont aux
prises avec la réalité pour imposer une solution; il n'y en a
pas. Quand les médecins seront en grève, qui va déterminer
les services essentiels, parce qu'ils prétendent être les mieux
placés pour le faire? Si ce sont trois juqes qui les déterminent,
où vont-ils vivre la réalité pour nous dire ce qu'il faut
corriqer et appliquer chaque jour? Nous nous déclarons prêts, s'il
y a des problèmes réels, à intervenir chaque fois dans la
perspective que j'ai mentionnée plus tôt.
Je voudrais terminer en disant qu'on va s'opposer avec acharnement, par
exemple, à la régie proposée par le Conseil du patronat
pour deux raisons fondamentales. La régie proposée par le Conseil
du patronat, c'est un moyen de "judiciariser" davantage les relations de
travail. En plus de se faire donner des cours par les Américains pour
savoir comment violer le Code du travail, là, on va se faire imposer une
régie qui sera coercitive et qui va nous enfermer dans la
"judiciarisation".
Deuxièmement, si vous me permettez, l'autre
élément, c'est que la régie proposée par le Conseil
du patronat, je peux dire, je peux déclarer ici que, pour nous, c'est
une loi qui, s'il elle devait être adoptée, ne serait pas
respectée, parce qu'encore une fois, c'est quelqu'un qui va se
substituer aux parties impliquées. Notre perspective, notre analyse et
notre expérience nous démontrent que les parties
concernées sont en mesure de trouver les réponses au
problème réel. (15 h 45)
M. Marois: Si vous me permettez, M. le Président, M.
Rodrigue, vous venez de toucher à la proposition du Conseil du patronat
sur la régie. Rejetez-vous l'idée de la permanence d'un conseil?
Le conseil existe, en tout cas, il a existé le conseil des services
essentiels. Vous nous proposez le statu quo, donc je présume que le
conseil des services essentiels, dans votre esprit, demeure. Est-ce que vous
vous opposez à l'idée d'une permanence du conseil? Je comprends
que, par votre intervention, vous vous opposez certainement à toute
forme de pouvoir judiciaire, qui pourrait être accordé -peu
importe l'expression - à une régie ou à un conseil qui
serait là en permanence dans le paysaqe. Je comprends que c'est surtout
à cet aspect-là et c'est là que vous évoquez la
judiciarisation. On admettra tous, ceux et celles qui ont vécu cela, les
uns collés dessus, les autres un peu plus loin, relativement moins loin
et d'autres beaucoup plus loin dans son fonctionnement, que le conseil des
services essentiels a eu l'occasion de jouer parfois un certain rôle de
médiation et, par voie de conséquence, une forme de conseil ou de
régie, peu importe les formules, qui aurait un caractère plus
permanent et ce pouvoir qu'il a déjà d'intervenir, d'aqir comme
médiateur, le cas échéant. Ce à quoi vous vous
opposez, si je comprends bien, c'est de lui donner un pouvoir judiciaire, c'est
là que vous dites que l'on tomberait dans le juridisme additionnel... Je
traduis dans mon propre jargon votre intervention. Je veux être sûr
que je vous ai bien compris là-dessus.
M. Rodrigue (Norbert): Sur la question du conseil, ce que nous
disons, c'est que l'approche du conseil, la dernière fois, a
été fondamentalement la plus réaliste de toutes celles
qu'on a connues, c'est-à-dire sans remettre, entre autres, aux parties
elles-mêmes, influencer et agir sur les parties elles-mêmes pour
qu'il y ait correctif quand la situation s'imposerait, dans ce sens-là,
une proposition qui viendrait sur la permanence du conseil comme on l'a connue,
on est prêt à discuter cette permanence-là.
Fondamentalement, nous pensons que l'essence même de la solution
doit venir des parties impliquées. Qu'il y ait un instrument qui
s'appelle le conseil des services essentiels, qui cherche à faire en
sorte que les parties solutionnent les problèmes rencontrés, on
est prêt à discuter cela. Ce à quoi nous allons nous
opposer, très fermement, c'est une imposition d'un tiers quelconque qui
viendrait se substituer à des gens qui vivent la réalité
quotidiennement.
M. Marois: Une dernière question, M. le Président.
Dans certains cas, tantôt j'ai cité des chiffres, qui ne sont pas
dans les 34 cas de listes à zéro où les services
essentiels, selon les rapports de toute évidence ont été
assumés et pleinement assurés, je pense qu'il faut dire les
choses telles qu'elles sont, on sait qu'il y a eu certains cas minimes, peu
nombreux c'est vrai, mais il y a eu certains cas d'abus. Il y a eu des
problèmes dans certains cas majeurs de non-respect qui ont
été réqlés effectivement en cours de route parfois
cahin-caha et, quand il y a des comportements irresponsables,
complètement irresponsables, d'une ou de l'autre partie, on
fait quoi? Dans le respect de ces deux principes fondamentaux,
c'est-à-dire le droit fondamental des hommes et des femmes qui
travaillent dans les secteurs public, parapublic, péripublic - peu
importe le jarqon - qui ont droit de s'organiser, qui ont droit à la
grève et à qui on reconnaît et on maintient ce droit de
grève dans le respect, en même temps, du droit des hommes et des
femmes en vie, qui ont droit aussi à leurs services essentiels, dans les
quelques cas rares d'exception, il suffit d'une société
civilisée qu'il y en ait quelques-uns et dans certains cas c'est
quelques-uns de trop, que cela vienne de la partie syndicale, de la partie
patronale, peu importe, on fait quoi dans ces cas-là?
C'est vrai, et je dois dire comme vous, que cela s'est grandement
amélioré depuis la dernière ronde. Comment fait-on pour
améliorer davantage et plus? Je sais bien que cela va tenir pour
beaucoup au sens de responsabilité de chacune des parties, cela vaut
pour la partie patronale, cela vaut pour le gouvernement comme cela vaut pour
les syndicats. On a tous à assumer nos responsabilités et prendre
chacun et chacune notre part. On fait quoi dans ces cas-là et on doit
admettre qu'il y en a eu quelques cas?
M. Rodrigue (Norbert): Si vous le permettez. Si un syndicat
refuse, je l'ai dit tantôt, on n'intervient pas avec des pouvoirs
coercitifs, mais nous savons, par expérience, notamment la
dernière fois, que la pression du qroupe obliqe à tenir compte du
bien-être et de la reconnaissance des services essentiels.
Mais c'est très théorique. Il n'y a aucun cas semblable,
du moins dans les cas dont vous me parlez... D'expérience, la
dernière fois, les cas qu'on nous a siqnalés ont
été réglés et parfois même dans l'heure qui a
suivi. J'ai personnellement participé à ces
règlements.
Je voudrais aussi souligner que pour ces cas problèmes, on le
dit, on est prêt à intervenir sur les cas réels,
problématiques, quand ils se posent, lorsqu'ils nous sont
signalés. Mais, M. le ministre, on pense, avec l'expérience que
nous avons, que c'est encore mieux qu'une loi qui va tout foutre en l'air ou
qui va imposer à l'un ou aux autres une coercition qui ne sera pas
acceptée par l'ensemble, par exemple. Et on est prêt à
discuter, je l'ai dit, du maintien du comité des services essentiels. On
est prêt à discuter autour de la proposition du rapport Picard
également, sur la question du protocole. Est-ce qu'il serait
régional? Est-ce qu'il serait national? Est-ce qu'il serait autre chose?
On est prêt à discuter dans ces termes. Mais jamais dans une
démarche de coercition parce que nous estimons qu'on est assez coercitif
au Québec dans les relations de travail. On a un Code du travail qui
doit être revu. On va avoir l'occasion d'en reparler devant cette
commission parlementaire. Vous l'admettez vous-mêmes, il doit être
revu dans certaines de ses dispositions. On pense que sa dépendance
juridique, par exemple, par rapport au Code civil crée des
problèmes. Il y a beaucoup de choses à reqarder.
Mais dans cette matière, pour la négociation dans le
secteur public, on estime que la coercition va tout simplement faire pourrir
les affaires.
Le Conseil du patronat me fait penser à l'exemple de la Pologne.
Quand il propose sa solution, il ne se satisfait pas et ne cherche pas à
régler le problème des hôpitaux ou des services sociaux. Il
cherche à élargir les restrictions au droit de grève dans
un ensemble de secteurs privés et publics. Notamment, en Pologne, cela a
commencé comme cela, les hôpitaux, etc. Maintenant, c'est rendu
à GM ou à d'autres grandes compagnies. Et il y a du monde qui
réagit. Les solutions coercitives, cela ne donne pas toujours les
meilleurs résultats.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: M. le Président, la discussion que vous avez, M.
le ministre, ne sera pas comptée sur mon temps?
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne) c'est
à vous.
M. Polak: M. le Président, en ce qui concerne M. Rodrigue,
je ne l'ai jamais rencontré, mais j'ai lu son mémoire, comme j'ai
lu tous les mémoires qui ont été présentés.
Je dois vous dire, en premier lieu, qu'en ce qui concerne notre équipe,
je pense que nous sommes très objectifs. Nous sommes prêts et nous
croyons beaucoup en un dialogue des deux côtés, parce que
très souvent on nous a vus un peu comme ceux qui comprennent juste un
côté de la médaille. Mais je pense que les temps changent
partout. Si vous êtes prêts à engager le dialogue, je pense
qu'on peut faire beaucoup de progrès.
J'ai d'abord une question de principe fondamentale. Je veux un peu
reprendre ce que le ministre vient de dire. Le ministre a été
assez doux avec vous. Ce matin, il disait: On ne va pas enlever le droit de
grève. C'est absolu, c'est acquis, cela reste. Tant mieux pour vous
autres. J'ai d'ailleurs vu que, dans tous les mémoires des syndicats,
tout le monde parlait de droit de grève, que vous aviez peur qu'on vous
enlève ce droit de grève.
Mais deux minutes plus tard, il a dit: Cependant, on va protéger
les droits des citoyens aux services essentiels. Or tout le
monde sait très bien qu'une grève doit faire mal pour
être efficace. Je cite ici un autre mémoire, le no M-20. C'est une
chose qui est très bien connue dans votre milieu.
Il y a une contradiction là-dedans. Il y a le droit de
grève absolu, je comprends très bien. Je comprends aussi
l'idée de protéger les usagers des services essentiels. Mais
n'est-il pas vrai que chaque fois qu'on commence à régler les
questions de services essentiels, on commence à faire une restriction au
droit de grève? Si vous êtes prêts à mettre de l'eau
dans votre vin, jusqu'à quel point, sur le plan pratique,
êtes-vous prêts à aller, comme syndicat?
M. Rodrigue (Norbert): Je réaffirme tout simplement, en
réponse à la question, que pour nous, la solution à ce
type de problème repose entre les mains des parties. À
l'hôpital Saint-Sacrement de Québec, c'est le syndicat des
employés et l'administration de l'hôpital qui sont placés
pour essayer de cerner le problème et s'entendre sur les correctifs.
Pour nous, c'est indéniable. Alors, dans la perspective
éventuelle d'un conseil tel qu'on l'a connu, qui serait permanent, ce
serait simplement des efforts supplémentaires pour conduire les parties
à cette entente et pour influencer les parties à cette entente.
Dans cette perspective, on ne fera pas d'angélisme ici. Vous êtes
devenus objectifs, moi aussi, d'abord.
M. Polak: Très bien.
M. Rodrigue (Norbert): Votre équipe est objective.
M. Polak: On se félicite mutuellement.
M. Rodrigue (Norbert): C'est cela. La nôtre est objective
aussi. Mais on se rappelle, on a une mémoire. Dans notre
objectivité, on a conservé la mémoire. Et la
mémoire des années 1966-1972 nous indique que toutes les mesures
coercitives ont conduit à des résultats négatifs. C'est
pour cela qu'on propose une solution comme celle que l'on avance.
M. Polak: Maintenant, M. le Président, j'ai oublié
de vous dire que j'avais cinq questions; c'est juste la première et la
cinquième a trois subdivisions. Donc, avec la permission que j'ai eue
volontairement de mon chef d'équipe, je vais continuer encore un peu
plus.
Vous parlez, M. Rodrigue, dans votre mémoire, des services
essentiels. À la dernière page, à la page 16, vous dites:
"Le rapport du conseil fait état d'un bilan positif du maintien des
services essentiels. "
Je me suis informé un peu auprès de la petite population
que je représente dans le comté de Sainte-Anne, à
Montréal - c'est une classe ouvrière, je suis très fier de
la représenter - et eux, ils disent: Cela ne va pas aussi bien que cela.
Nous pensons qu'il y a de graves problèmes et, apparemment, le
gouvernement pense de la même manière. En effet, si nous sommes
ici en commission parlementaire c'est justement parce que tout le monde croit
qu'il y a de graves problèmes. Si on le croit pas on n'a qu'à
lire les 40 autres mémoires et on trouve les vrais problèmes
parce que tout le monde cite des exemples partout, pas seulement M. Brunet ici
ce matin, mais toutes sortes d'organismes. Donc, je me demande, quand vous
dites que le rapport fait état d'un bilan positif, comment
conciliez-vous cela avec ce qu'on entend dans la population. Ce n'est pas
positif du tout. Il y en a beaucoup qui disent: Cela va très mal. Il
faut trouver d'autres solutions. Il faut peut-être restreindre d'une
certaine manière ce droit de grève, en améliorant les
services essentiels pour satisfaire à la demande de la population.
Avez-vous des commentaires sur cela?
M. Rodrigue (Norbert): C'est évident qu'une grève
dérange. Nous l'affirmons nous-mêmes. C'est évident que
cela peut inguiéter. Ce que je peux dire là-dessus, c'est que la
population, lorsqu'elle réagit sur l'utilisation de la grève ou
le droit de grève, si on la consultait pour lui demander si elle veut
payer des taxes tout simplement, peut-être qu'elle ne les paierait pas de
la même manière et qu'elle mettrait des conditions autres. Alors,
c'est facile d'invoquer l'opinion publique. C'est une réalité,
bien sûr, mais je voudrais signaler que, dans ce cas, notre position est
absolument simple. On dit: On a eu des problèmes; on parle de 1963,
1966, 1972, 1976; on arrive en 1979-1980 et on dit: C'est une
expérience, tout le monde la qualifie de plus positive, il faut la vivre
davantage. Il faut pousser dans ce sens pour essayer de trouver des
réponses aux problèmes que la population nous dit avoir avec
cela.
Dans cette perspective, je pense bien que ce serait vous conter des
menteries - et on n'a pas l'habitude d'être menteurs - de soutenir ici
qu'on renonce à toute utilisation de nos moyens de pression dans
l'avenir. On n'est pas capables de faire cela. La conjoncture nous dira en
temps et lieu comment on peut effectivement corriger les problèmes
rencontrés.
M. Polak: Êtes-vous prêt à admettre que le
problème est beaucoup plus sérieux que votre mémoire
semble le dire? À la fin, vous dites: II y a quand même un bilan
positif. Moi, je ne crois pas que c'est un bilan positif. Peut-être que
le conseil avait un bilan positif, mais je pense que la population a un bilan
assez négatif. Avez-
vous déjà entendu cette opinion?
M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. On est soumis à
s'expliquer continuellement, vous le savez, vous nous questionnez, la
population nous questionne aussi. Sauf que ce que je voudrais signaler, c'est
que le conseil, quant à nous, dans sa conclusion, conclut par rapport
à un ensemble de situations. Il ne conclut pas tout simplement, comme
cela, dans les airs. Il a vécu une réalité, il l'a
tâtée, il a essayé de la cerner et il conclut que c'est
positif. Notre conclusion est dans le même sens aussi: cela a
été plus positif. (16 heures)
Dans cette circonstance, toute grève dérangera. On ne
pourra pas faire des grèves en principe, déclarer la grève
et ne pas l'exercer ou, dans la réalité faire en sorte que cela
n'exerce pas de pressions sur l'employeur. Je serais porté à
rappeler une parole célèbre de Gérard Picard qui
présidait le comité - "Le substitut le plus efficace à une
grève, c'est une négociation efficace". Ce qu'on cherche, nous,
c'est de favoriser la négociation entre les parties et de mettre les
efforts de ce côté pour trouver des règlements; parce que,
faire la grève, on n'est pas intéressé plus que personne.
Des travailleurs se privent, font des sacrifices. Ce qu'il faut c'est de
trouver les conditions pour arriver à des règlements et sur les
conventions collectives et sur les services essentiels, si jamais il demeure un
cas problème au bout de la course.
M. Polak: Maintenant, dans un autre domaine, à la page 11
de votre mémoire, au tout dernier paragraphe, vous dites:
"L'accès du patient aux services de santé est assujetti à
des contraintes budgétaires - moi, j'appelle des coupures
budgétaires - qui portent atteinte à son droit à la
plénitude des soins". Vous semblez carrément dire là que
l'effet des coupures budgétaires est beaucoup plus grave que, par
exemple, le résultat d'une grève de courte durée.
Avez-vous des chiffres là-dessus? Cela m'intéresse beaucoup. J'ai
souvent entendu cette remarque et je crois moi-même qu'on en est à
un point où ces coupures affectent le service et les usagers et que
c'est une chose très dangereuse et très grave. Avez-vous des
chiffres statistiques là-dessus, chiffres que vous pourrez
peut-être faire parvenir à la commission dans les jours à
venir?
M. Rodrigue (Norbert): Nous reviendrons dans ce débat des
coupures budgétaires, parce que nous allons connaître dans les
prochaines semaines, dans certains secteurs, l'effet réel de ce que
ça signifie.
Mais, par votre question, vous me donnez l'occasion de dire ceci: Rendre
le niveau des services essentiels à un niveau objectif et permanent,
très bien, mais quel est ce niveau, est-ce le niveau des commissaires en
1975, est-ce le niveau après les coupures du ministre Forget, dans les
années 1975-1976, est-ce le niveau après les coupures du ministre
Lazure et l'annonce de M. Parizeau ou est-ce le niveau après les effets
des contraintes budgétaires de l'année prochaine? Je vous
soutiendrais même que les services sont plus affectés dans les
circonstances actuelles qu'ils ne l'ont été par la grève
de 1976. Donc, à quel niveau objectif se situe-t-on quand on veut
déterminer ça? C'est pour ça qu'on dit: Les parties sont
sur place, elles voient l'évolution de la situation et elles ne pourront
pas le faire un an d'avance, il faudra leur permettre de le faire en temps et
lieu cependant, mais il faudra que ce soit elles qui le fassent.
M. Polak: Pour revenir au problème des services
essentiels, disons ceci pour le bénéfice de ceux qui ne sont pas
des experts en la matière; d'ailleurs je dois admettre qu'avant de
siéger à cette commission, en étudiant tous les
mémoires, j'ai appris énormément sur la manière
dont ça se déroule. Il est donc important de savoir à
propos de cette fameuse question de la liste syndicale. Corrigez-moi si je fais
des erreurs, mais je cite la page 15 de votre mémoire.
Prenons par exemple un hôpital, disons que, vous, vous êtes
le syndicat et moi je représente l'hôpital; on va négocier
combien de travailleurs et travailleuses travailleront dans les services
essentiels et, ensuite, on établiera la définition de ce qui
constitue des services essentiels dans notre hôpital. Si on ne
réussit pas... Je vous dis, par exemple: Nous, on a besoin de 60
travailleurs. Vous répondez: Non, on est prêt à vous en
donner 50. Là on commence à négocier et, à un
moment donné, vous me dites: M. Polak, si mon affaire ne marche pas,
qu'on n'a pas d'entente, je vais vous en donner 30, alors vous êtes mieux
d'accepter mes 50. C'est comme ça que j'interprète cette liste
syndicale, je l'ai lu dans la loi et je l'ai lu dans votre mémoire.
D'ailleurs, je vois dans tous les mémoires qui critiquent ce
système - là je fais un peu le résumé des critiques
que vous faites au gouvernement - que vous êtes partie et que vous
êtes juge, parce que, à un moment donné, vous
décidez du contenu de la liste. Dans votre mémoire vous critiquez
le gouvernement et lui dites: Vous êtes négociateur - il n'est pas
ici le négociateur du Conseil du trésor, je suis bien d'accord
avec vous, il aurait dû être présent ce matin - et en
même temps législateur. Vous critiquez ça, vous dites:
C'est une position de contradiction. Je suis tout à fait d'accord avec
ça. Mais n'êtes-vous pas dans une même situation de
contradiction? Étant syndicat, vous négociez pour établir
la liste et, si ça ne marche pas, vous devenez juge
et vous dites: J'impose ma liste. Comment expliquer ça à
la population?
M. Rodrigue (Norbert): Avant de demander à la
vice-présidente de la Fédération des affaires sociales de
répondre à votre question, je voudrais souligner qu'on n'est pas
chanceux ni l'un ni l'autre, vous et moi, parce qu'aux autres commissions
parlementaires auxquelles j'ai participé dans les années
soixante-dix, c'est drôle, le négociateur n'était pas
là non plus.
M. Polak: Peut-être que, par notre pression
conjointe...
M. Rodrigue (Norbert): Je ne sais pas si, un jour, on va
l'avoir.
M. Polak:... on peut inviter ce monsieur à venir. On sera
encore ici la semaine prochaine.
M. Rodrigue (Norbert): Roch Bolduc n'était pas là
en 1972. Réjean Larouche et les autres n'étaient pas là en
1975 non plus aux commissions parlementaires. Simone Massé
répondra à la question.
M. Polak: Merci.
Mme Massé (Simone): On a toujours maintenu que ce sont les
gens qui travaillaient dans l'institution qui étaient bien placés
pour savoir quels services essentiels il devait y avoir. Je travaille dans une
institution de santé et la pratique, c'est que le syndicat fait
l'évaluation des gens qui ont travaillé, qui ne sont pas dans
notre unité de négociation, qui vont continuer à
travailler. On fait le calcul de ces gens-là, on regarde l'occupation.
L'employeur nous donne le taux d'occupation qu'il va y avoir pendant la
grève et il se fait plusieurs rencontres avec l'employeur pour en
arriver à une entente. En tout cas, nous soutenons que, partout, les
gens qui travaillent dans le milieu, qui travaillent auprès des
patients, avant de sortir en grève, prennent la responsabilité et
ont la responsabilité de voir à ce que les patients qui restent
à l'intérieur aient les soins nécessaires. Je n'ai pas eu
connaissance - une exception peut-être, comme le soulignait le ministre
tantôt, qui a été corriqée dans les heures qui ont
suivi -que les syndiqués n'aient pas eu ce respect des gens à qui
ils donnaient des soins. On voit à ce qu'il y ait le personnel requis
pour le nombre de patients qui restent à l'intérieur.
M. Polak: J'ai une autre question à soumettre
là-dessus à madame. Tout de même, vous n'avez pas
résolu le problème du conflit dans lequel vous vous trouvez.
C'est bien beau de dire: Nous sommes responsables, et vous l'êtes, je le
sais, en principe, surtout aujourd'hui. Mais là, nous tombons dans une
période de grève; cela va mal. On a eu une offre qui n'est pas
bonne. On commence à négocier. Le gouvernement refuse et tout va
mal. Donc, à un moment donné, c'est votre bon droit, le droit de
grève, vous commencez à parler de cela. Là, on va
négocier les services essentiels. Ne me dites pas qu'à ce
moment-là, vous êtes objectivement assis sur votre chaise en
disant: Voici, on va faire de notre mieux pour le patient, parce que vraiment
vous êtes assis, à ce moment-là, sur deux chaises: une
chaise, le professionnel, c'est vrai, et l'autre chaise, la chaise de celui qui
est en face, disons, dans votre conflit de travail. Vous voulez avoir le
meilleur arrangement pour vous autres. Si l'affaire ne marche pas, la
grève. Vraiment, je ne comprends pas cette affaire de la liste syndicale
où vous autres vous décidez. Peut-être que vous êtes
de bonne foi, mais j'ai beaucoup plus confiance dans un organisme qui agit
indépendamment de cela et qui va dire: Moi, je vais dire pour la
population quels sont nos services essentiels. Ce n'est pas qu'on n'a pas
confiance dans votre travail professionnel, mais peut-être que vous allez
être tellement impliqués dans l'affaire que vous allez perdre de
vue l'objectivité. Est-ce que vous voyez le danger qui existe?
M. Rodrigue (Norbert): Je voudrais répondre à cette
question. Premièrement, je voudrais vous rappeler, monsieur, que les
services essentiels sont donnés par les travailleurs qui décident
de les donner, qui connaissent plus, en tout cas, la réalité que
n'importe quel commissaire ou tiers qui interviendrait quelque part. Ils
reconnaissent la réalité et ils savent combien il y a de cadres,
ils savent combien il y a de bénévoles, ils savent combien il y a
d'étudiants. Ils ont les informations pertinentes à la situation.
Je voudrais vous rappeler qu'à l'occasion de la dernière
négociation, il y a eu même des listes syndicales de
déposées qui prévoyaient que les négociations
étaient rouvertes sur les services essentiels, s'il y avait une autre
unité que celle de la CSN qui entrait en grève à ce
moment-là. Ceci pour vous signaler que les travailleurs ne sont pas des
hordes de barbares et ne sont pas des imbéciles non plus. Par
conséquent, ils sont en mesure et ils essaient - je ne dis pas qu'ils
sont totalement objectifs quand ils sont directement concernés - de
mesurer l'implication de leurs qestes. C'est pourquoi il y a eu des listes de
cette nature de déposées, sinon les listes n'auraient même
pas compris ces dispositions. Alors, cela prouve qu'il y a un sérieux
là-dedans.
M. Polak: D'autres mémoires, pas le vôtre, mais
d'autres, parlent de ces listes-là;
ils parlent, par exemple, de résultats qui laissent 60% ou 75%
d'ententes faites, mais ils disent: Cela a été imposé de
force, le couteau sous la gorge. C'est ce qu'ils disent carrément.
M. Rodrigue (Norbert): Parlez-moi donc des...
M. Polak: Ce sont des gens responsables aussi comme vous.
M. Rodrigue (Norbert): Parlez-moi donc, monsieur, des employeurs
qui ont refusé de négocier des services essentiels, y compris
dans les dernières heures, la dernière fois, alors que j'ai
dû, avec le ministre des Affaires sociales, intervenir directement dans
les dossiers parce que l'employeur refusait l'entrée du syndicat
à l'institution. Parlez-m'en un peu, une fois.
M. Polak: Je reviens là-dessus; je suis parfaitement
d'accord avec vous. Il y a beaucoup d'erreurs du côté patronal,
c'est pourquoi je dis qu'il faudrait enlever ça aux deux parties et
avoir un organisme indépendant qui prendrait vraiment
l'intérêt de la population.
M. Rodrigue (Norbert): Pourquoi ne laissez-vous pas aux syndicats
le soin de fournir les services essentiels quand il veut les fournir,
même si l'employeur refuse? Laissez-lui l'occasion de les fournir.
M. Polak: Changeons de sujet. Je parle encore de ce que j'ai lu
dans d'autres mémoires. Il y en a qui parlent, par exemple, de
pourcentage de syndiqués qui doivent voter. Cela revient très
souvent. Je vais être très honnête avec vous, je ne connais
pas tellement le fonctionnement de votre syndicat. Je suis certain que vous
exigez que presque tout le monde doit être là, mais c'est une
critique qui semble exister. Plusieurs syndicats disent: Je ne pense pas que je
vais faire une grève. Je suis infirmière professionnelle, je n'ai
vraiment pas le goût. À un moment donné, le lendemain,
j'arrive à mon travail et il y a une grève parce qu'il y a
peut-être une mince portion des membres qui ont voté la
grève.
Des mémoires nous disent qu'il faut exiger 60%, 75%, il y en a
même qui vont jusqu'à 80% des syndiqués qui doivent
exprimer leur vote, un vote secret: Est-ce que la grève se
déclenche oui ou non? Avez-vous des commentaires là-dessus?
M. Rodrigue (Norbert): Ces mémoires et ces intentions
passent tous à travers le prisme ou la philosophie qui voudrait que les
travailleurs n'aient aucun droit, ni le droit de se syndiquer, ni le droit de
faire la grève. Quant à l'exercice de la démocratie -on
l'a déjà dit, on n'est pas sans défaut -avant que le
gouvernement ne s'ingère dans nos attitudes et notre fonctionnement
interne, on avait ces règles de vote secret, etc. Quand une
assemblée décide d'un vote de grève, à ma
connaissance, les travailleurs sont tous invités à
l'assemblée et doivent y participer. Il arrive que la participation ne
soit pas à 100%, mais ceux qui sont là connaissent la situation,
ils sont informés et ils décident.
On n'exige pas que la totalité de la population s'exprime, sinon
il n'y a pas de gouvernement. Vous êtes élus à la
majorité des voix qui s'expriment. C'est un peu le même
principe.
M. Polak: Une dernière question quant à moi, M. le
Président. M. Rodrigue, vous venez de dire au sujet des services
essentiels de laisser aux parties le soin de déterminer ça. Ne
croyez-vous pas que le temps de le faire, c'est en temps de paix, comme on vit
maintenant, parce que la prochaine ronde va commencer bientôt, j'imagine.
Ne croyez-vous pas que c'est justement le temps de définir si on suit
votre raisonnement, on va discuter entre nous autres, c'est-à-dire le
patronat et le syndicat... Est-ce que ce n'est pas le temps de le faire
immédiatement quand on vit dans la paix?
Deuxièmement, si ça ne marche pas dans un secteur
donné ou une institution donnée, pourriez-vous dire: On transmet
ce droit-là ou la définition des services essentiels à un
autre organisme, une tierce partie?
M. Rodrigue (Norbert): Simone.
Mme Massé: Je veux bien aller à l'hôpital,
aujourd'hui, pour négocier les services essentiels, mais je ne suis pas
certaine que, lorsqu'on sera rendu au temps de faire la grève, avec les
coupures qu'il va y avoir à l'hôpital, les personnes aux services
essentiels vont encore travailler.
M. Polak: Vous soulevez un très bon point. Il faut poser
cette question au ministre. Il ne veut pas en parler aujourd'hui, mais c'est
vrai que c'est un problème aussi.
M. le Président je vous remercie, j'ai terminé mes
questions.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député
de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions,
M. Rodrigue. Dans le secteur des affaires sociales - c'est important pour
l'information de la population -est-ce qu'il y a, d'après vous, dans vos
pratiques, des départements ou des services qui doivent être
maintenus à 100%
durant une grève et qui sont effectivement maintenus, même
si c'est un petit nombre de départements ou de services dans le
réseau? Voilà ma première question.
Deuxième question: Vous avez parlé tantôt de votre
code d'éthique. Seulement encore pour clarifier ou préciser,
est-ce que le code d'éthique est reflété dans les statuts
de la centrale, de ses fédérations, de ses syndicats, ou si c'est
plutôt la conscience professionnelle collective de vos membres sur
laquelle vous vous fiez pour déterminer les services essentiels? (16 h
15)
M. Rodrigue (Norbert): Je dois vous dire, M. Dean, sur la
dernière question, que j'ai toujours soutenu - je ne prétendrai
pas être objectif car je viens d'un secteur qui s'appelle le secteur
hospitalier - que les travailleurs hospitaliers avaient une conscience
professionnelle très élevée parce que j'ai vécu
avec eux dix ans. Par conséquent, on fait appel effectivement à
la conscience. On n'a pas de statuts qui régissent ces questions, on
fait appel à la conscience et on procède par conviction.
Deuxièmement, en ce qui concerne les pratiques ou la
reconnaissance de la nécessité de services essentiels à
100%, je dois dire que les institutions sont différentes. On peut parler
des CLSC, des hôpitaux généraux; pour des institutions de
tel type, c'est différent. Je dois dire qu'il est arrivé,
à ma connaissance et à la connaissance de ceux qui m'entourent,
que dans certains départements on ait reconnu effectivement une
nécessité à 100% de services. Je pense, par exemple, aux
unités de brûlés, je pense aux salles d'urgence. Il est
arrivé qu'on ait fourni des services essentiels à 100% dans
certains cas. Dans ces occasions, ce que nous faisons, c'est un peu ce que
Simone Massé décrivait: Nous prenons la situation telle qu'elle
est au moment où elle se présente et nous essayons de maintenir
un taux de services essentiels raisonnable.
Dans ce sens, le maintien des services a 100% d'une façon
générale, dans une institution, à ma connaissance, ce
n'est pas arrivé parce qu'on doit tenir compte, comme je le disais
précédemment, de la présence de cadres, de la
présence d'étudiants, de bénévoles, etc., mais dans
certains services, c'est arrivé fréquemment.
Je voudrais juste rappeler que dans le secteur privé, cela
arrive; alors, imaginez-vous dans le secteur des affaires sociales ou dans le
secteur de l'enseignement quand cela se négocie et quand les
réalités sont là! J'ai connu des départements, des
chauffeurs de bouilloire maintenus à 100% dans des usines pour chauffer
l'usine en hiver. Dans les hôpitaux, c'est encore plus vrai. C'est pour
cela que quand on me parle de la conscience ouvrière, cela me chatouille
toujours un peu parce que je sais que ce n'est pas facile, mais je sais aussi,
d'autre part, que les ouvriers sont conscients de ces problèmes. Ils ne
tiennent pas à briser leurs machines, à brûler leurs usines
ou à détruire leurs hôpitaux parce que c'est
fondamentalement leurs sources de revenus; leur vie se déroule là
tous les jours.
Il faut aussi parler de la durée des grèves. La
dernière grève a duré quatre jours. Quatre jours, c'est
important, c'est grave; on aurait bien aimé résoudre le
problème avant. Malheureusement, on a dû recourir à la
grève. Espérons qu'à l'avenir, quant aux services
essentiels, si on n'utilise pas de coercition, on pourra trouver la solution,
et aussi et surtout une réponse à la négociation
fructueuse entre les parties pour la signature d'une convention sans
grève.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).
M. Rivest: M. Rodrigue, je ne veux pas faire
nécessairement le procès de la suggestion avancée par le
Conseil du patronat, mais je pense qu'il est imporant de relever votre
déclaration que vous seriez extrêmement réticents et
même totalement contre toute idée de judiciarisation d'un
organisme quelconque dans la détermination des services essentiels.
Néanmoins, vous avez manifesté, en réponse à une
question du ministre, le désir d'offrir la collaboration de la CSN pour
étudier une amélioration du mécanisme permanent qu'on a
connu en vertu de la loi 59, le conseil sur le maintien des services
essentiels. J'ai compris, par votre réponse, que vous étiez
prêts à regarder cela.
Ma première question concerne une précision additionnelle,
si vous me le permettez. Pourriez-vous, à cet égard, accepter
d'examiner la possibilité, évoguée dans le rapport Picard,
d'un protocole-cadre, je pense, selon la formule qu'il a employée, sur
la question des services essentiels, qui énumérait, en fait, 19
critères qui pourraient éventuellement être inclus dans un
tel protocole-cadre? C'est essentiellement le sens de ma question.
Vous me permettrez d'ajouter un commentaire. La façon dont je
l'ai perçu, compte tenu des délais dans lesquels le conseil a
été créé et des difficultés qu'il a eu
à se constituer, c'est que j'ai l'impression que le rapport du conseil,
lorsqu'il porte un jugement de valeur sur l'expérience de la
dernière négociation, ce n'est pas un jugement de valeur, c'est
un jugement de valeur quantitatif. On fait état de chiffres.
Pour rejoindre la préoccupation également de mon
collègue de Sainte-Anne, c'est que pour la population, une personne, par
exemple, très concrètement qui a un malaise quelconque ou un
parent et qu'elle sait que c'est en situation de grève, toute
l'organisation qu'on bâtit ici juridiquement... Est-ce qu'il y a
moyen qu'un tel conseil puisse... Je comprends qu'il y a une dimension locale
première et qu'on doit respecter. Au fond, ce que le public demande dans
tout ce débat, c'est d'être assuré qu'on donnera les
services essentiels aux malades. Alors, le public ne l'a pas actuellement - je
pense qu'on peut en convenir - cette assurance. Enfin, il ne perçoit
certainement pas l'avoir quels que soient les systèmes. Est-ce que vous
accepteriez de revoir la structure du conseil sur le maintien des services
essentiels pour que le conseil ne puisse pas simplement aider à
l'établissement des ententes pour le maintien des services essentiels,
non plus seulement que constater qu'il existe une entente, mais puisse aller
au-delà de cela?
Est-ce qu'il n'y a pas un élément de vérification
et surtout un élément de communication avec les gens pour dire:
II y a une grève, mais, si vous avez un problème de santé
grave dans l'ensemble du réseau des affaires sociales parce que nous
parlons plutôt de ce secteur... Comment le public pourra-t-il au bout du
compte obtenir l'assurance que, sans enlever toute espèce
d'efficacité à l'exercice des droits des travailleurs et en
particulier la grève, effectivement il va pouvoir avoir son traitement?
Comment le public peut-il être convaincu qu'il ne devra pas par exemple,
sur l'île de Montréal ou ici dans la région de
Québec, faire du "shopping" dans les hôpitaux, être
transféré? Je sais que cela existe en pratique en dehors des
situations de grève, sauf que cela ne justifie pas que cela existe dans
les situations de grève. C'est évident. C'est la nature du
problème. Dans le raffinement du mécanisme qu'on pourrait
éventuellement avancer, est-ce que vous pourriez, à ce moment-ci,
au nom de votre centrale syndicale, nous dire jusqu'où vous pourriez
aller pour améliorer la structure que certains mémoires
évoquent et surtout pour donner à la population cette assurance
fondamentale qui est le coeur du débat politique dans le sens le plus
noble du terme, cette perception que les gens ont du problème social que
l'on vit avec l'exercice du droit de grève dans le domaine de la
santé et de la sécurité?
M. Rodrigue (Norbert): Le premier élément de ma
réponse, M. Rivest, ce serait de dire que, quand on arrêtera de
faire de la démagogie sur ces questions, le public commencera
peut-être à voir la vraie réalité.
M. Rivest: Écoutez...
M. Rodrigue (Norbert): Je veux répondre à votre
question.
M. Rivest: Vous me permettez?
M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui.
M. Rivest: Si vous me permettez un commentaire, je m'excuse, M.
Rodrigue. Qu'il y ait eu de la démagogie, peut-être qu'il y en a
eu, sans doute qu'il y en a eu de part et d'autre, d'ailleurs, sauf que, comme
le député de Sainte-Anne le disait, il ne faut quand même
pas, non plus, écarter ce jugement de l'opinion publique en disant que
c'est simplement le fait d'une démagogie. Les gens exercent leur
jugement également sur les démagogues. Ils savent à de
multiples occasions se former une opinion. Mon seul commentaire, c'est que je
ne voudrais pas que vous disposiez simplement de cette inquiétude en
l'attribuant aux actes démagogiques qui ont pu être faits au cours
des dix ou quinze dernières années.
M. Rodrigue (Norbert): Ce n'était pas de mon intention
d'entretenir la démagogie.
M. Rivest: Non, mais surtout de ne pas croire que le...
M. Rodrigue (Norbert): Je voulais tout simplement souligner que
c'est un aspect qui me semblait influencer relativement la
sécurité ou l'insécurité de la population. Je
voudrais signaler, sur votre question précisément, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, que cela n'existe même pas en
temps normal et lorsqu'il n'y a pas de grève, ce que vous dites
là, et il y a des problèmes en dehors des temps de grève.
Il y en a de sérieux. Salles d'urqence à Montréal, par
exemple. Comment cela se passe? Ce sont des journalistes qui sont
obligés de fouiller, de faire enquête et, finalement, d'essayer,
à partir de ce qu'ils constatent, de faire voir à la population
un certain nombre de problèmes. Des syndicats, dans certains cas dans le
passé, ont été jusqu'à faire des heures
d'arrêt de travail pour maintenir des services ou empêcher des
coupures.
Je voudrais plus précisément dire que, oui, la CSN est
prête à évaluer et à discuter de cette question du
conseil quant à son maintien, quant à sa permanence.
Éventuellement en conservant le principe élémentaire de la
référence aux parties, on est prêt à discuter de
l'éventualité d'un protocole. Je n'en fixerai pas les
modalités ici. Je dis qu'on est prêt à discuter même
dans la perspective d'un protocole entre les parties qui pourrait
s'établir sur le plan régional ou à un autre plan et dans
lequel les parties pourraient faire la démarche collectivement par la
suite au niveau local et au niveau provincial. Dans ce sens, je dis qu'on est
prêt à discuter d'une proposition semblable. On ne l'a pas sur la
table. On a des hypothèses. Je réaffirme que nous sommes
prêts à faire l'examen de cette proposition, mais je
réaffirme aussi qu'on va
combattre toute mesure coercitive - et vous le comprendrez, j'ai
essayé d'exprimer pourquoi - parce qu'on ne pense pas que cela
solutionne le problème.
M. Rivest: À l'intérieur de ce protocole que vous
situez au niveau des parties, les éléments évoqués
par le conseil sur le maintien, les 19 éléments, - je ne veux pas
vous faire endosser chacun des éléments -vous
paraissent-ils...
M. Rodrigue (Norbert): J'ai entendu dire que ça ne
néqociait pas ici.
M. Rivest: Vous ne voulez pas m'indiquer... Je ne vous demande
pas de néqocier. L'ensemble ou la nature des sujets que le conseil sur
le maintien des services essentiels a énumérés dans son
rapport vous paraissent raisonnables?
M. Rodrigue (Norbert): Faites une proposition au gouvernement. On
l'examinera quand il nous la fera.
M. Rivest: Nous, on n'a pas tellement confiance au
gouvernement.
Une voix: Nous non plus!
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants...
M. Marois: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Excusez-moi.
M. Marois: Je voudrais remercier moi aussi les
représentants de la Confédération des syndicats nationaux.
Si je comprends bien: Arrangez-vous avec vos troublesl
M. Rivest: Non, c'est la population qui va s'arranger avec ses
troubles si vous ne faites rien.
Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse, madame...
M. Marois: Non. Si on a une détermination, mais...
M. Rivest: Ah oui! mais vous ne l'aviez pas au début. Vous
avez semblé vanter le statu quo.
M. Marois:... il faut...
Le Président (M. Rodrigue): Messieurs, messieurs! Mme
Lavoie-Roux, de L'Acadie, m'indique qu'elle veut faire une intervention. Elle a
une question à poser. Mme Lavoie-Roux.
Mme Lavoie-Roux: Je vais tenter d'être brève. Vous
avez beaucoup insisté sur le fait que les listes sur les services
essentiels avaient été respectées. Là-dessus, sauf
accident, je ne mets pas votre parole en doute, mais il y a peut-être une
question fondamentale. Ces listes étaient-elles suffisantes pour
répondre vraiment aux besoins des patients? C'est une première
question.
Le deuxième point que je voudrais aborder - j'essaie de le faire
brièvement, parce que je veux mettre tout cela ensemble - c'est qu'on a
beaucoup parlé de donner les services essentiels aux personnes qui sont
hospitalisées. Vous êtes-vous penché vous-même dans
votre réflexion sur les problèmes qui sont posés aux
personnes qui auraient besoin d'hospitalisation? Évidemment, je suis
sûre que vous allez me répondre que déjà il y a de
longues listes d'attente et je pourrais même vous donner des chiffres. Il
y a des hôpitaux qui sont fermés trois mois durant
l'été du 12 juin au 14 septembre, comme ce grand hôpital
spécialisé de Montréal; on est en droit de se demander
quel effet cela a sur les listes d'attente, et ceci à cause des coupures
budgétaires. Je ne voudrais pas qu'on fasse dévier la discussion
sur ce problème des coupures budgétaires. On aura probablement
d'autres occasions d'y revenir. Le problème est analogue à ce
moment-là, mais vous êtes-vous penché là-dessus? Je
voudrais simplement vous citer des rapports d'experts que j'avais eus en 1979
ou 1980. Ce matin, le ministre m'a dit qu'il me remettrait les autres rapports
d'experts qui avaient paru depuis ce temps. Je pense que vous allez les
remettre dans leur totalité. Je voudrais simplement vous citer ceci. Il
s'agit de l'hôpital Laval, je pense. Dans les conclusions, l'expert
parlait de gens qui étaient sur une liste d'attente en cardiologie et
d'autres en pneumologie. Il dit: "25 jours plus tard, soit le 15 juin, on
constate que la situation a peu évolué et qu'il reste encore 14
malades cardiaques graves et une dizaine de patients pulmonaires graves qui
n'ont pas reçu les soins auxquels ils avaient droit. Il ne fait pas de
doute que ces délais sont beaucoup trop longs et qu'ils risquent
d'être préjudiciables aux malades. Certains d'entre eux pourraient
décéder faute de soins tandis que d'autres pourraient voir leur
état se détériorer de façon grave et permanente. "
(16 h 30)
Au sujet de l'hôpital de l'Université Laval, le CHUL, on
parle de la fermeture de lits de l'unité néo-natale. "Pour une
courte période d'une ou deux semaines, réduire le nombre de lits
de l'unité néo-natale de 13 à 12 aurait ou être
acceptable, mais cette réduction qui perdure depuis plus de deux mois et
demi ne peut certes plus être tolérée. " Dans le cas de
l'Hôtel-Dieu, dans les conclusions que tire l'expert, on parle des
efforts qui ont été faits à l'Hôtel-Dieu,
même s'il y a eu des problèmes dans la discussion de l'entente et
des rajustements à faire en cours de route.
D'autre part, si la liste s'ajuste en prévision de grève
en maintenant un taux d'occupation minimale, elle doit interdire l'admission
à des patients qui auraient besoin d'être hospitalisés.
C'est ce chemin qu'a suivi l'Hôtel-Dieu de Québec. C'est pourquoi
le principal problème n'est pas surtout du côté des
patients hospitalisés, mais plutôt du côté de ceux
qui attendent pour l'être. Dans la mesure où cet hôpital est
maintenant très spécialisé, principalement dans les cas de
cancer, je pense, et dans les cas de maladies rénales et peut-être
d'autres, la situation est particulièrement délicate.
Je sais bien que cette réflexion ne doit pas être
uniquement la vôtre, elle est aussi une responsabilité, et
peut-être avant tout, du gouvernement, la loi prévoyant qu'on
donne à la population, en tout temps, des services continus et
adéquats. Je pense que c'est un problème qui devrait être
le souci des deux. Je ne sais pas si toujours affirmer que les services
essentiels ou les listes syndicales sont respectés, dans votre opinion,
c'est suffisant pour assurer à la population ces services continus et
adéquats, je comprends, avec certaines restrictions qui peuvent
être normales, particulièrement dans les hôpitaux de courte
durée. C'est ma deuxième question.
La troisième. J'aimerais entendre vos réflexions dans le
cas des hôpitaux pour soins prolongés, où on trouve un
grand nombre de patients chroniques - j'en ai fait brièvement une
description ce matin - qui sont dans un état de grande dépendance
et où, finalement, même si les soins qu'on leur prodigue ne sont
pas des soins nécessairement spécialisés en tout temps,
ils sont des soins qui veulent respecter la dignité, somme toute, de la
personne humaine et du malade. J'aimerais connaître vos réflexions
sur ces trois points.
M. Rodrigue (Norbert): Avant de demander à la
vice-présidente de la fédération de vous répondre
sur deux ou trois points spécifiques, je voudrais vous dire que je
trouve que vous ne nous félicitez pas fort de la présence de nos
camarades féminines, alors que vous reprochez à tout le monde de
ne pas avoir de femmes dans leurs délégations.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je l'avais
remarqué et peut-être que j'aurais dû le faire, mais c'est
naturel chez la CSN, apparemment.
M. Rodrigue (Norbert): Oui, toujours.
Deuxièmement, sur la question des besoins de ceux qui sont
hospitalisés, vous avez dit: Ce n'est pas tellement là-dessus
qu'on s'interroge, mais sur ceux qui ont besoin d'hospitalisation. Je voudrais
vous dire que pour ceux qui ont besoin d'hospitalisation, ce n'est pas pendant
la grève que le problème se pose, c'est un mois, deux mois, trois
mois et quatre mois avant la grève, alors que la stratégie des
associations patronales est de faire en sorte que le taux d'occupation soit
diminué parce qu'on se prépare à telle
éventualité, on diminue l'occupation. Il est là, le
problème réel, il n'est pas pendant les deux jours de
grève.
Troisièmement, avant que Simone réponde, je voudrais
souligner que, pendant la grève, nous, ce qu'on reproche à
plusieurs, c'est de créer toutes les conditions pour empêcher que
ceux qui ont besoin d'être hospitalisés puissent s'adresser au
syndicat qui fait la grève pour que le syndicat, effectivement, puisse
se comporter, étant informé, de façon que celui qui a
besoin d'être hospitalisé puisse l'être. Notre objectif n'a
jamais été d'empêcher les hospitalisations, au contraire
sauf que, quand il se présente une ambulance, j'aimerais avoir le
numéro de licence de l'ambulance qui se promène depuis cinq ans
avec le malade qu'on a refusé partout. Cela fait longtemps que j'entends
parler de l'ambulance, je commence à être tanné. En temps
normal, j'en ai vu du monde... Rappelez-vous les hôpitaux qui ont
été poursuivis parce qu'ils ont refusé des patients.
Rappelez-vous d'autres cas majeurs où les malades se promènent
dans trois ou quatre hôpitaux, à Montréal - en temps normal
- j'aimerais qu'on en parle. Indépendamment de ça, pendant la
grève, ce que je voudrais souligner à cette commission
parlementaire, c'est qu'un de nos plus grands désirs est que celui qui a
besoin d'hospitalisation vienne nous parler, non pas nous envoyer la police,
les motards, avant que l'ambulance arrive, alors qu'on ne l'a pas vu encore.
Les travailleurs sont assez qrands, ils sont assez conscients et sérieux
pour permettre l'entrée; parce que ce n'est pas notre objectif de
bloquer l'entrée à ceux qui ont besoin d'être
hospitalisés. Jamais on ne vient s'adresser à nous; on nous
envoie la police ou on nous envoie les agents de sécurité de
l'hôpital. Qu'ils viennent nous parler et vous verrez que ça va
entrer et ce ne sera pas long.
Mme Massé: Sur la suffisance des listes
déposées, il y a toujours une réouverture, un dialogue qui
peut se faire avec l'employeur selon le changement qui peut avoir à
l'intérieur de l'hôpital. Plusieurs syndicats, au cours de la
dernière grève, ont ajouté, à certaines
journées, du personnel sur leur liste de services essentiels selon les
besoins que l'hôpital avait, selon la catégorie de patients qui
étaient entrés dans l'heure qui avait
précédé.
Pour ce qui est de refuser l'accès à des gens qui auraient
besoin d'être hospitalisés, sur les lignes de piquetage, on ne
fait pas la sélection des gens qui ont besoin d'être
hospitalisés. On laisse passer les gens qui se présentent dans
les salles d'urgence, dans les cliniques externes et ce sont les
médecins à l'intérieur qui font la sélection. Ce
n'est pas nous autres. On s'imagine qu'ils gardent ceux qui ont besoin
d'être hospitalisés; ensuite, on ajuste nos services essentiels
à ceux qu'ils auront gardés.
Pour les exemples que vous avez relevés à l'hôpital
Laval, si je me souviens bien, c'est arrivé pendant la grève des
infirmières de la Fédération des SPIIQ, alors je sais que
le problème s'est réglé. Les intéressés vous
l'expliqueront eux-mêmes quand ils témoigneront ici; je pense que
les infirmiers viennent témoigner cette semaine. Pour ce qui est du
CHUL, on va rester à la FTQ, je ne peux pas vous répondre pour le
CHUL, c'est un syndicat FTQ.
Mme Lavoie-Roux: Non. Je m'excuse, madame, en fait, c'est vrai,
et peut-être que l'autre, s'il y a un autre syndicat, ce ne sera pas la
CSN. Mais des situations analogues pourraient se produire quant aux
possibilités pour des citoyens d'être admis, soit pour des cas
sérieux et, s'ils sont exposés à des délais
d'admission, ils peuvent subir des préjudices, alors je pose
plutôt le problème dans l'ensemble. Je voulais quand même
vous montrer que je ne prenais pas ça dans mon imagination, que
c'était quand même des faits qui avaient été
relevés par les experts.
Mme Massé: Quant au problème de Laval, il a
été résolu, comme nous avons trouvé aussi la
solution dans ces cas. On ajoute le personnel nécessaire pour les
personnes qui ont besoin des soins. La pratique démontre que le taux de
services essentiels dans les centres d'accueil pour personnes
âgées et dans les hôpitaux pour malades chroniques est
très élevé. On a des endroits où il y a eu 75% du
personnel qui était en services essentiels dans ces centres. Sur
ça, entre les gens qui travaillent à l'intérieur, pour la
dernière fois, si ma mémoire est bonne, il y a eu beaucoup
d'entente sur les services essentiels dans ces institutions. Des listes aussi
étaient assez élevées. À cet égard, on ne
peut pas toucher à la responsabilité des travailleurs qui sont
là, ils ont respecté à de très hauts taux les
services essentiels.
Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez...
Mme Massé: II faut dire aussi qu'en temps normal, dans ces
institutions, c'est le minimum de gens qui y travaillent.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous m'aviez
enlevé la dernière question que je voulais vous poser. J'avais
cru lire que je ne pouvais pas la trouver exactement dans votre mémoire,
où vous dites que c'est un personnel minimum qui travaille pour tenter
d'assurer des services auprès de cette clientèle
particulière. Au même moment, vous me dites - prenons le cas
maximum où vous avez laissé 75% du personnel - qu'on peut
réduire de 25% le personnel et même davantage et que les patients
n'auront pas d'inconvénient et, particulièrement, à
l'égard d'une clientèle très vulnérable.
Mme Massé: On ne dit pas que les patients n'ont pas un
inconvénient. Déjà, avec le "chiffre" régulier, les
patients ont des inconvénients, mais les travailleurs qui sont là
ont aussi un droit de grève. C'est notre dernier recours, notre
dernière pression pour la négociation de la convention. Est-ce
que cela veut dire en principe que ces gens n'ont pas droit de grève
parce que les employeurs tiennent un taux de personnel minimal?
Le Président (M. Rodrigue): M.
Rodrigue, je vais vous céder la parole pour conclure
là-dessus. Nous avons effectivement dépassé de beaucoup le
temps qui nous était alloué. Si vous voulez terminer
rapidement.
M. Rodrigue (Norbert): C'est très bref. C'est un
élément de réponse à Mme Lavoie-Roux. Dans
l'exemple qu'elle nous donne, j'affirme ici devant la commission parlementaire
que les services essentiels qui ont été donnés pendant la
grève étaient supérieurs au personnel pendant les
week-ends. Qu'on me parle de l'année courante, et après cela on
va voir comment on peut faire des contre-poids.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Confédération des syndicats nationaux
de nous avoir présenté leur mémoire.
J'invite les représentants de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec à prendre place et à nous
présenter leur mémoire.
Le mémoire de la Corporation professionnelle des médecins
du Québec sera présenté par M. Augustin Roy. J'invite M.
Roy à présenter les personnes qui l'accompagnent aux membres de
la commission.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, membres
de la commission parlementaire, je vais vous présenter les
représentants de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, le Dr
Jacques Brière, suivi du Dr André Lapierre, et, à ma
droite, Me Gaston Pouliot, Me Yves Ouellet et moi-même, Augustin Roy,
président de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec.
En raison de la mission de services publics dont elle est investie par
la loi et de l'expertise de ses membres en matière de services de
santé, la Corporation professionnelle des médecins du
Québec a le devoir d'intervenir à nouveau dans le débat
qui se déroule depuis au moins 1965 sur le régime de travail dans
les secteurs public et parapublic. Elle remercie cette commission parlementaire
de lui donner l'occasion de faire entendre son point de vue et espère
contribuer à éclairer quelque peu un débat où les
technicités et la défense des intérêts de groupe
risquent de laisser dans l'ombre la question fondamentale, en l'espèce,
à savoir la conception de l'État et de son rôle dans
l'aménagement rationnel et pacifique d'un régime de relations de
travail dans les secteurs public et parapublic, et, en particulier, dans le
secteur des affaires sociales.
Depuis l'adoption de la Loi de la fonction publique, en 1965, il semble
bien que les gouvernements successifs et leurs partenaires sociaux aient tenu
pour acquis, sans jamais envisager attentivement de solution alternative,
qu'à moins qu'un régime de relations de travail des agents des
services publics et parapublics - cela veut dire le personnel dans les secteurs
public et parapublic - ne soit substantiellement le même que celui des
salariés du secteur privé, il sera nécessairement injuste.
Ainsi, la considération de la nature matérielle du travail
accompli et le libéralisme nord-américain ont conduit politiciens
et syndicalistes à considérer que l'État est un employeur
comme les autres, et aussi à assimiler les agents des services publics
et parapublics aux salariés privés, alors que la
réalité est tout à fait différente. Le personnel du
secteur de l'éducation publique et des affaires sociales est donc
demeuré assujetti aux dispositions du Code du travail, tout comme ceux
des sociétés à vocation capitaliste. Tout se passe comme
si on avait tenu pour avéré que le seul mode de
détermination des conditions de travail dans le secteur parapublic
était également le marchandage d'un contrat où la
volonté du plus fort tenait lieu de facto d'une véritable loi
régissant non seulement les parties contractantes, mais l'ensemble de la
population québécoise.
Dans une société civilisée, nous maintenons que
cette loi du plus fort doit être remplacée par la voix de la
raison et du bon sens. Nous croyons que les syndicats ont joué un
rôle très positif en ce qui concerne l'amélioration
considérable des conditions de travail de leurs membres. Loin de nous
l'idée de nier cette réalité et de nier leur existence,
mais nous croyons qu'il est bon de faire une juste part des choses. (16 h
45)
La corporation soumet que cette conception miniaturisée de
l'État, de sa souveraineté et de sa responsabilité, qui
l'amène à se comporter dans ses relations de travail comme un
entrepreneur indépendant et à remplacer la loi par le contrat,
doit faire l'objet d'une réflexion profonde et d'une remise en question,
car elle est au coeur même des malaises sociaux et des frustrations
auxquels cette commission parlementaire veut trouver une solution. Dans notre
esprit, nous croyons que cette commission parlementaire doit revoir la question
des relations de travail dans les secteurs public et parapublic de fond en
comble. En écoutant le premier ministre, M. Lévesque, au cours de
l'hiver dernier, j'avais la profonde conviction qu'il était en
désaccord avec ce qui se passait dans le monde du travail des secteurs
public et parapublic et que toute cette question des grèves et des bris
en ce qui concerne les services essentiels lui répugnait
profondément. Nous partageons complètement sa conviction et sa
position sur ce sujet. Nous croyons qu'il faut une révision en
profondeur et non pas seulement des cataplasmes et des remèdes ponctuels
à très court terme. Cette position de l'État s'est
matérialisée par un régime de relations de travail qui a
échoué, marqué par des rondes de négociations
longues et laborieuses, la multiplication des conflits sociaux, la
désobéissance civile et un sentiment de profonde
insécurité dans la population en général et chez
les bénéficiaires des établissements du réseau des
affaires sociales en particulier. Il convient d'analyser les causes de cet
échec et de rechercher un modèle alternatif qui permettrait une
organisation pacifique et rationnelle des relations de travail dans les
secteurs public et parapublic, dans un climat serein, dénué de
démagogie et de sensationnalisme. Nous sommes conscients encore une fois
de ce que les syndicats ont fait pour leurs membres. Ce que nous
suggérons, par ailleurs, c'est de remettre à l'État les
responsabilités qu'il doit avoir dans la société.
Je vais demander à Me Yves Ouellet de résumer les deux
parties principales de notre mémoire.
M. Ouellet (Yves): M. le Président, comme le temps passe,
j'épargnerai à cette commission la lecture du mémoire; je
m'en tiendrai à en dresser les grands traits.
La corporation n'est, évidemment, pas
une partie patronale; ce n'est pas, non plus, une partie syndicale; son
rôle est de protéger le public. Cela lui confère un certain
détachement et elle veut profiter de ce détachement pour aborder
globalement le problème des relations de travail dans le secteur public
et non pas se limiter à la question des services essentiels, parce
qu'elle considère que ce sont deux questions qui sont intimement
liées. Il paraît donc souhaitable d'amorcer une réflexion
la plus poussée possible sur la philosophie même du régime
des relations de travail, même si cela peut déboucher sur des
suggestions qui, forcément, pourraient se matérialiser simplement
à long terme et qui peuvent supposer un changement de mentalités
et un problème d'éducation. Mais on veut aborder le
problème globalement et réfléchir sur la philosophie
même, le fondement, la rationalisation de l'actuel régime des
relations de travail dans le secteur public, afin de faire certaines
propositions concrètes. La position de la corporation, c'est que le
régime actuel repose essentiellement sur les principes suivants. On
tient pour acquis que l'État est un employeur comme les autres, que les
agents des services publics et parapublics sont des employés, des
salariés comme les autres. On considère les services publics
comme des entreprises privées non différentes des autres et, en
conséquence, on applique servilement la philosophie du Code du travail
dans le secteur public. On applique dans le secteur public une philosophie
reposant essentiellement sur le rapport de forces.
La position de la corporation, c'est que cette conception des relations
de travail dans le secteur public s'est soldée par un échec assez
retentissant. On a évoqué tantôt la quinzaine de lois
spéciales qu'il a fallu adopter au cours d'une quinzaine d'années
pour remettre un peu de paix sociale. Il n'y a pas lieu de ruisseler de
satisfaction comme Québécois dans un régime comme cela. On
a parlé de pluie d'injonctions, de pluie de poursuites pénales.
Incontestablement, si tout n'est pas négatif dans le régime
actuel, qu'il suffise de rappeler que le rapport Martin-Bouchard a tenu des
propos extrêmement sévères sur le régime actuel et
nous soumettons que le régime actuel a été socialement et
économiquement désastreux. Quels sont les principaux
reproches?
Très rapidement, un reproche important, c'est d'abord
l'ambiguïté du statut des agents des services publics, qui
légalement sont des salariés des établissements, mais de
facto tout le monde sait bien que le patron véritable c'est
l'État. Donc on a même adopté les textes pour permettre la
négociation provinciale, cela crée une structure de
négociations extrêmement compliquée à divers
paliers, national, régional, local, l'obligation pour les parties de se
créer des structures de négociations coûteuses et
compliquées. Tout cela ne facilite pas la solution des problèmes
et on estime qu'il faudrait avoir le courage de reconnaître que le
véritable patron c'est l'État. Donc, il faudrait peut-être
avoir un statut des agents, notamment des agents des services de santé,
qui, tout en reconnaissant l'autonomie d'embauche des administrations locales,
imposerait des règles minimales. Je ne vois pas pourquoi il faudrait
à tous les trois ans négocier des centaines de clauses semblables
alors qu'il y en a un certain nombre d'acquises qui pourraient être
matérialisées dans des textes qu'il serait inutile de
renégocier à tous les trois ans.
Le deuxième reproche c'est qu'on ne tient pas compte dans le
régime actuel du fait que les véritables enjeux sont finalement
politiques. Plusieurs personnes l'ont admis, le rapport Martin-Bouchard le
souligne, des commentateurs et la plupart des syndicalistes le reconnaissent,
la preuve c'est qu'on crée des fronts communs. La moitié du
budget de l'État est en cause, 300 000 personnes sont en cause et
également la qualité et le bien-être, la santé des
Québécois; tout cela est finalement politique. Malgré
tout, on s'entête à se comporter comme si l'État
était un entrepreneur indépendant, on négocie des
conventions comme si on était dans le secteur privé et ce qui est
grave c'est que tout cela se fait in camera en l'absence de tout débat
public. Ce matin j'entendais le ministre du Travail dire que finalement les
grands paramètres se décidaient au Conseil des ministres, mais
des questions aussi importantes, M. le Président, je me demande si elles
ne devraient pas faire l'objet d'un débat devant l'Assemblée
nationale afin, qu'il y ait un débat public; c'est sans doute une forme
de transparance qui en démocratie soit souhaitable. Il ne s'agit pas,
bien entendu, d'entrer dans toutes les technicités d'une convention mais
les grands paramètres, comme on l'a dit ce matin, les grands principes
directeurs de la politique des relations de travail devraient faire l'objet
d'un débat à l'Assemblée nationale, devraient être
décidés par l'autorité législative.
Le troisième point qu'on veut soulever, le troisième
reproche au régime actuel c'est l'utilisation du rapport de forces comme
moyen de solution des relations de travail; une société
développée n'accepte pas que les individus se fassent justice,
qu'on utilise la force entre individus pour régler ses conflits. Comment
peut-on concevoir qu'en 1981 on est encore dans un régime où on
sacralise la force comme moyen de solution des conflits? C'est même
gênant d'en être là en 1981 et bien d'autres avant nous
l'ont souligné. Dans le mémoire on souligne un texte
émanant de l'Office des professions qui remet en cause cette conception
de l'État et cette façon d'aborder les relations de travail dans
le
secteur public.
Finalement, puisqu'il faut aller rapidement, la fameuse question des
services essentiels, un des grands reproches qu'on fait au régime actuel
c'est précisément ce qu'on appelle l'impuissance de l'État
à assurer la continuité des services de santé. Faut-il
rappeler que la Loi sur les services de santé et les services sociaux
reconnaît à l'article à le droit à des services de
santé, non seulement adéquats, dit la loi, mais même
continus. Alors, d'un côté, le législateur garantit ou
reconnaît aux Québécois le droit à des services
continus et, d'un autre côté, il s'avère impuissant
à instaurer un régime qui garantit dans le quotidien la
continuité de ses services.
La position de la corporation des médecins sur la question des
services essentiels, c'est qu'il ne faut pas encourager les tentatives
d'établir des classifications entre les services essentiels et les
services qui ne le sont pas. Et voici pourquoi.
D'abord, les services de santé, c'est ce qu'on appelle - vous me
permettrez d'employer une expression de droit administratif - des services
publics personnalisés. Cela veut dire, comme son nom l'indique, ils sont
adaptés à chaque individu. Il est absolument impossible de
prévoir à l'avance, de façon rigide et absolue, que, telle
journée, il sera nécessaire d'avoir un nombre de personnel X
parce qu'il se présentera tel cas de crise cardiaque, un certain nombre
de décollements de la rétine. Les services de santé
étant personnalisés, la position de la corporation, c'est qu'il
n'est pas souhaitable, il est même impossible de les prévoir
à l'avance.
J'ajoute que la notion de services essentiels, c'est un test
extrêmement vague et imprécis. L'expérience a d'ailleurs
démontré que son utilisation s'est soldée par un
échec. De toutes les façons, soulignons ceci: ce recours à
la notion de services essentiels vise quoi en réalité? Cela vise
à supprimer le droit de grève de façon un peu
colorée et un peu déguisée. On n'ose pas retirer
expressément le droit de grève, mais on utilise cette notion de
services essentiels dans le but de retirer partiellement le droit de
grève. Que les services essentiels soient déterminés par
une régie ou par quelque autre organisme, finalement, l'objectif, c'est
de retirer à un certain nombre de salariés le droit de
grève.
La position de la corporation, c'est que, dans un contexte de rapport de
forces, il est illusoire de vouloir retirer le droit de grève, soit par
la notion de services essentiels ou par toute autre technique. Que voulez-vous,
les règles du jeu sont les suivantes.
D'une part, on dit au syndicat et on dit au salarié: Voici les
règles du jeu. On est dans un contexte de rapport de forces.
L'important, ce n'est pas d'avoir raison.
L'important, c'est d'être le plus fort. Dans un premier temps, on
leur dit cela. Et, dans un deuxième temps, on leur enlève toute
force, on leur enlève tout moyen efficace et on dit: Négociez
dans des conditions comme cela.
Faut-il s'étonner, dans un pareil contexte, que, dans le
passé, ces tests se soient soldés par des échecs et - le
président Rodrigue l'a dit tantôt - toute détermination des
services essentiels par un tiers ne sera pas acceptable par la partie
syndicale? Je n'ai pas à approuver ou à désapprouver cette
position. Mais, en tout cas, elle est logigue. Elle est d'une logique
impeccable. Dans la mesure où on est dans un contexte de rapport de
forces, il est illusoire de tenter de restreindre le droit de grève, que
ce soit par la technique des services essentiels ou autrement.
Notre prétention, c'est qu'il ne faut pas encourager
l'utilisation de cette notion, de ce test de services essentiels. Vous allez
dire: Ils fonctionnent relativement bien selon la Loi de la fonction publique.
Effectivement, sous la nouvelle Loi de la fonction publique, on a cette notion
et cela ne fonctionne pas trop mal. Mais, en réalité, tout le
monde sait que les services ne sont pas essentiels dans les ministères.
Les statistiques nous ont dit qu'il n'y avait pas 3% de services qui
étaient essentiels dans les ministères. Si bien que le test
fonctionne dans des cas où il est inutile, les humoristes diraient
peut-être qu'il en est des services essentiels comme du
fédéralisme, cela fonctionne précisément dans les
États où cela n'est pas nécessaire, comme en Australie,
dit-on.
De toute façon, la position de la corporation, c'est de ne pas
retenir cette notion de services essentiels. Elle prétend cependant que
tous les services qui sont médicalement requis - voilà un test un
peu plus précis - devraient être garantis et que c'est la
responsabilité de l'État de voir à assurer que ces
services soient fournis.
Finalement, en ce qui concerne la liste syndicale, on a utilisé
toutes sortes de formules. On fait des expériences depuis cinq ou six
ans et, finalement, ces expériences se soldent par des échecs.
Qu'en est-il de cette liste syndicale? La position de la corporation, c'est que
les profanes n'ont pas la compétence pour déterminer cette liste,
ces services essentiels, parce qu'il s'agit de services publics
personnalisés et que cela suppose une expertise, cela suppose une
évaluation, cela suppose un examen et que c'est extrêmement
difficile, en supposant la meilleure bonne foi, de dresser cette liste. (17
heures)
II faut dire, avouons-le, M. le Président, qu'on peut se demander
si les syndicats ont l'intérêt requis pour établir cette
liste. C'est quand même exiger
beaucoup à la nature humaine de demander à des gens qui
sont dans un contexte de rapport de forces de limiter eux-mêmes leur
influence et le pouvoir de négociation. La nature humaine étant
ce qu'elle est, le régime de la liste de personnes
désignées établi par la partie syndicale n'offre pas de
garantie suffisante, de crédibilité et d'impartialité pour
être acceptable aux yeux de la corporation.
Remarquez qu'il est intéressant de souligner qu'en France - il
est quelquefois bon d'avoir la modestie de regarder ailleurs -c'est le
directeur de l'hôpital qui établit la liste. Je ne suis pas
sûr que cela offre plus de garantie et de crédibilité non
plus. En France, c'est le directeur de l'hôpital qui a le pouvoir
d'établir la liste, mais il y a un contrôle qui est exercé
par les tribunaux. Ce n'est pas du tout sûr que cette solution soit
exportable au Québec.
Donc, quelle est la solution qui est proposée par la corporation
des médecins? La corporation vous dit: II faut écarter le rapport
de forces. Et la façon d'écarter le rapport de forces, c'est
d'abord une action de l'Assemblée nationale qui dresserait les grandes
lignes, les grands paramètres, les grands principes directeurs de ce
modèle de relations de travail; un de ces principes pouvant être
qu'il est important que ces gens soient traités avec justice.
Ce texte pourrait dire que l'Assemblée nationale désire
que les conditions de travail, les conditions de traitement des employés
des hôpitaux soient sensiblement les mêmes que celles du secteur
privé ou que celles de la fonction publique. C'est un choix politique,
ce n'est pas à nous d'en décider; mais au moins, on aurait un
texte, on aurait une norme d'ordre public qui pourrait inspirer les
parties.
Premier élément, une loi de l'Assemblée nationale
qui dresserait les principes directeurs; parce qu'on estime que ces questions
sont politiques et que, en démocratie, le forum pour discuter,
débattre et décider des questions politiques, c'est
l'Assemblée nationale.
Deuxième élément, la réglementation
concertée. Il ne faut pas s'inquiéter de cette expression qui est
sans doute nouvelle, inconnue de pas mal de gens. Qu'est-ce que le
règlement concerté? C'est une technique utilisée largement
en France. Vous savez qu'en France il n'y a pas de convention collective dans
le cas des hôpitaux. La situation est légale et
réglementaire. Il y a des syndicats militants, qui se tiennent debout et
on fonctionne quand même. Mais on a développé cette
technique qui s'appelle la réglementation concertée, qui permet
aux syndicats de concourir avec l'État en vue d'élaborer un
texte, qu'on appelle réglementation, qui pourrait continuer à
s'appeler une négociation ou convention collective, parce que, vraiment,
il n'y a pas de différence, sauf dans la mesure où le texte est
normatif. Finalement, c'est un texte qui est négocié et c'est
très différent d'un décret où l'État
consulte et dicte ensuite ce qu'il veut.
En l'espèce, la négociation se matérialiserait par
un texte qui prendrait la forme d'un règlement. Ce serait une forme de
négociation permanente ou périodique. Mais le texte étant
normatif, il me paraît juste de l'appeler un règlement.
Finalement, la terminologie est peu importante.
Bien entendu, lorsque, après une période X à
déterminer par la loi, cela peut être six mois ou peu importe la
période, les parties finissent par s'entendre sur un certain nombre de
clauses. Ces clauses se matérialisent sous forme de règlement. On
peut vraisemblablement prévoir qu'il y aura des désaccords, mais
en cas de désaccord, comme la philosophie de la corporation est
d'écarter le rapport de forces et d'exclure la confrontation, il y
aurait cette régie dont les membres seraient nommés par
l'Assemblée nationale qui garantit l'indépendance et qui
trancherait le débat avec possibilité pour les corps
intermédiaires, les représentants des
bénéficiaires, des malades chroniques, d'intervenir, un peu comme
cela se fait devant des agences de régulation comme la Régie des
services publics.
Je termine, M. le Président. Lorsque dans un État
où le pouvoir législatif est systématiquement
défaillant et où le pouvoir exécutif est souvent
hésitant, il ne faut pas s'étonner que les intérêts
de groupes finissent par l'emporter sur l'intérêt
général.
Ce que la corporation demande, c'est que l'Assemblée nationale
exerce sa souveraineté pleinement, elle l'exerce en matière
culturelle, elle l'a exercée en matière économique, en
matière de protection du consommateur, elle commence à l'exercer
timidement avec la loi sur les normes minimales. Ce qu'on veut, c'est restaurer
la souveraineté et l'autorité de l'Assemblée nationale,
exclure les rapports de forces et instaurer un système qui permet une
solution juste et rationnelle, sans obliger les salariés à
demeurer silencieux et soumis. Voilà la position de la corporation.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais remercier la
Corporation professionnelle des médecins du Québec de son
mémoire et d'être venue nous rencontrer.
On me permettra, dans un premier temps, de faire une toute petite mise
au point. J'aurais, par la suite, trois questions à poser.
Dr Roy, dans votre présentation, vous avez fait état d'une
déclaration qu'aurait
faite le premier ministre, et je dois vous citer à peu
près textuellement. Vous lui avez mis dans la bouche les paroles
suivantes, que le premier ministre, M. Lévesque, aurait dites à
l'Assemblée nationale à savoir "qu'il fallait revoir de fond en
comble le système de négociation. "
Or, ce n'est pas ce que le premier ministre, M. Lévesque, a dit
à l'Assemblée nationale. Comme ça fait deux fois que
ça revient durant la journée, je voudrais tout simplement me
référer au journal des Débats du mercredi 5 novembre 1980,
page 11 - et je cite, j'ouvre les guillemets - c'est le premier ministre qui
parle: "Quand aux services qu'on appelle les services essentiels, nous n'avons
pas encore trouvé collectivement le moyen, ni de les définir
correctement, ni d'en garantir vraiment le maintien. Il faut profiter de la
période qui nous sépare de la prochaine ronde de
négociations pour revoir de fond en comble le système qui
prévaut chez nous depuis une quinzaine d'années. " Donc, à
ce moment-là il parle des services essentiels.
Ceci étant dit ou redit, ma première question serait la
suivante... Vous nous proposez - je voudrais être certain que je
comprends bien - à la page 19 de votre mémoire, que l'État
établisse le partage entre les matières qui devraient trouver une
solution nationale et celles devant en trouver une à l'échelon
local. Est-ce que, ce faisant, vous ne vous trouvez pas à recréer
les paliers de négociations qui sont actuellement en existence? On pense
au secteur de l'éducation, par exemple. Or, vous dites justement
à la page 7 de votre mémoire que "l'ambiguïté du
statut de ces agents et l'existence de plusieurs paliers de négociations
entraînent... ", etc. C'est ma première question.
Ma deuxième question est la suivante... Je ne voudrais pas
simplifier à l'extrême parce qu'il y a beaucoup
d'éléments dans votre mémoire et, comme pour tous les
mémoires, ça mérite d'être scruté à la
loupe; donc je ne voudrais pas être injuste et mal rendre la
pensée, les recommandations et les suggestions que vous nous formulez,
mais si je prenais une formule un peu plus lapidaire, vous nous proposez,
à toutes fins utiles, un régime de négociations qui exclut
de fait la grève. La Fédération des résidents et
des internes - les résidents et les internes, je présume et je
comprends que, dans les faits, ça fait partie de l'ensemble de ces
citoyens et citoyennes qui sont membres de votre corporation - n'avaient pas le
droit de grève lors de la dernière ronde de négociations.
On se souviendra que ces gens ont fait la grève durant une
période qui a duré un mois. Il faut être juste, pas un mois
complet, de façon sporadique, mais le total de ça c'est un mois.
Du côté de la CSN, le total de la grève est de quatre
jours. Vos membres, résidents et internes, n'avaient pas le droit de
grève, cela a duré un mois; ce sont les faits, les faits
têtus. Est-ce qu'il n'y a pas là un constat dans les faits que
même si vos membres, résidents et internes, n'avaient pas le
droit, ils l'ont faite quand même? Quand des gens sortent dans de telles
conditions, pas besoin d'insister sur le fait que ça déroute,
à tout le moins, beaucoup de monde. Alors, comment pouvez-vous, partant
de ce constat des faits, soutenir en même temps, à l'autre bout -
et je ne me souviens pas, je ne voudrais pas dire des choses qui seraient
inexactes, mais je ne me souviens pas que votre corporation soit intervenue
à ce moment-là publiquement; peut-être que oui. Si tel est
le cas, vous nous le rappellerez volontiers, j'en suis certain. Mais je ne me
souviens pas d'un plat. C'est ma deuxième question.
Ma troisième question, c'est la suivante. Votre corporation, qui
est une corporation professionnelle, est chargée, selon la loi qui
régit de telles corporations, de se préoccuper et de
défendre l'intérêt du public, l'intérêt des
citoyens dans un champ bien précis. Par exemple, vous avez
apporté des jugements en vertu de codes d'éthique, de
règles sur le comportement, les attitudes et la gualité
professionnelle de gestes posés par des membres, en particulier lorsque
des citoyens et des citoyennes portent plainte.
Nous sommes en période de paix relative et je crois comprendre
que de plus en plus il s'exprime, depuis le début de cette
journée, je crois, une volonté manifeste. Il peut y avoir des
divergences de vues profondes et importantes, mais il me semble se
dégager - c'est un signe, quand même, encourageant, en tout cas,
me semble-t-il, un signe de maturité - quelque chose dans le genre: les
temps sont mûrs pour que, ensemble, chacun et chacune d'entre nous, que
ce soit l'État, que ce soient les formations politiques, que ce soient
les employeurs, peu importe, les syndicats, les travailleurs, reconnaissent que
nous avons tous et toutes, chacun et chacune d'entre nous, des
responsabilités à assumer pour faire en sorte que les choses
s'améliorent et s'améliorent grandement. En plus, vous êtes
une corporation professionnelle qui a cette responsabilité.
Compte tenu de ces responsabilités que vous avez comme
corporation, de cette position qui, à toutes fins utiles, conduit au
retrait du droit de grève que vous nous proposez, comment conciliez-vous
cela et qu'est-ce que vous entendez faire face à la déclaration
du Dr Boileau, en fin de semaine, qui a avancé que la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
s'était dotée pour la première fois d'un fonds de secours
de 500 000 $ pour soutenir la lutte de ses membres pour la prochaine
négociation? Quel que soit le moyen de lutte - Dieu merci, il
n'y a pas de grève pour l'instant - quand on commence à
annoncer des choses comme celle-là et à en faire des
déclarations publiques, vous conviendrez avec moi qu'il y a au minimum
une contribution à créer un effet d'inquiétude qui
pourrait vite devenir de l'angoisse, surtout chez les malades en
particulier.
M. Rivest: M. le Président, je m'excuse auprès du
ministre, mais je me demande vraiment si le ministre ne va pas trop loin et ne
déborde pas le mandat de la commission. Il ne s'agit pas de faire le
procès de la Corporation professionnelle des médecins, non plus
que de faire état des déclarations qu'un syndicat en particulier
a faites ou d'une mesure qu'un syndicat a prise, en particulier le Dr Boileau
qui le représente. Je me demande si, à ce moment-là, la
commission ne risque pas de s'éloigner de son mandat. Je ne veux pas en
faire un débat profond, mais j'apprécierais grandement que le
ministre oriente bien davantage ses questions sur la nature des propositions
qui sont formulées ici par la Corporation professionnelle des
médecins au lieu d'essayer à l'avance, au-delà d'ailleurs
de ses responsabilités ministérielles particulières, de
s'immiscer dans le déroulement d'une négociation sur laquelle la
commission n'a strictement aucun pouvoir.
Le Président (M. Rodrigue): Sur la question de
règlement qui est soulevée, j'ai entendu les propos qu'a tenus le
ministre et il m'apparaît que cela se situe dans le cadre des
débats que nous avons ici, sauf qu'il semble que c'est un
préambule peut-être un peu long, cependant, pour en venir à
une question.
M. Rivest: Vous êtes généreux, M. le
Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je vais quand même
demander au ministre d'en venir à la question le plus rapidement
possible et je rejette la question de règlement qui a été
soulevée. (17 h 15)
M. Marois: M. le Président, en conclusion, les faits
mentionnés me semblent terriblement pertinents. On est là
précisément pour voir de quelle façon il y a moyen
d'améliorer, en mettant à contribution l'ensemble des ressources
d'une société... Ce n'est pas juste par des textes de loi, ce
n'est pas juste par des mots écrits sur du papier, c'est aussi par des
ensembles de comportements qu'on va contribuer à améliorer les
choses et à mieux répondre aux besoins des citoyens.
J'aimerais bien entendre l'opinion de la corporation. Les gens qui
témoignent ici devant nous sont pleinement libres de leur
réponse, sont libres de répondre ou pas aux questions qui sont
posées. C'est ma question. Je demande à la corporation ce qu'elle
en pense et ce qu'elle peut faire dans ce genre de situation-là.
Le Président (M. Rodrigue): II ne faudrait pas faire le
débat sur une question de règlement que j'ai déjà
rejetée de toute façon.
M. Roy.
M. Roy: M. le Président, nous avons hâte de
répondre aux questions du ministre, si seulement il veut bien nous
laisser la parole et délaisser son ton accusateur.
Nous voulons que cette commission se déroule sans
démagogie, en toute sérénité et nous sommes ici
justement pour discuter de ces guestions. C'est la raison de notre
présence, nous n'avons pas peur de répondre aux questions, mais
il est important que le public fasse la distinction quant à la
Corporation des médecins qui groupe tous les médecins, d'une
façon obligatoire, qui contrôle leur compétence, leur
éthique professionnelle, leur discipline, de par des lois votées
par le Parlement. Nous vous assurons que nous faisons bien notre devoir.
Nous n'avons, par ailleurs, aucun mot à dire sur des organismes
syndicaux comme la Fédération des omnipraticiens du Québec
qui qroupe tous les omnipraticiens, la Fédération des
médecins spécialistes du Québec qui groupe tous les
spécialistes, la Fédération des médecins
résidents et internes qui groupe également tous les internes et
résidents du Québec, organismes qui ont été
formés également par des lois de la Législature qui leur a
octroyé les pouvoirs qu'ils exercent.
C'est justement parce que nous voulons que les négociations dans
les secteurs public et parapublic, et ça inclut les négociations
dans le secteur de la médecine, se déroulent en dehors d'un
rapport de forces que nous sommes prêts à suggérer des
modifications au régime des négociations de travail qui a lieu
actuellement.
Nous croyons qu'actuellement se prépare une négociation
très dure entre le gouvernement et les fédérations
médicales. J'ai presgue un peu peur des résultats de ces
négociations et de ce qui pourrait arriver. Je fais appel aux deux
parties pour qu'elles discutent de façon sereine, correcte et adulte
pour assurer aux Québécois les services médicaux auxquels
ils ont droit.
Nous croyons qu'un statut nouveau pourrait s'appliquer à tout le
monde, mais il ne faut pas blâmer la Corporation des médecins en
ce qui concerne les relations de travail parce que nous n'avons aucun pouvoir,
aucun mot à dire dans l'établissement des régimes et
négociations des conventions collectives. C'est l'Assemblée
nationale, le Parlement, qui est l'autorité suprême et nous
sommes ici pour vous faire des suggestions. C'est à vous de les
retenir ou de ne pas les retenir mais, si ça ne va pas, c'est à
vous également de porter l'odieux des décisions à prendre
pour amener l'ordre dans la société, et non pas aux corps
intermédiaires.
Nous avons fait des représentations, dans les années
passées, la dernière fois en 1978 quand le Code du travail a
été amendé par le biais de la loi 59. J'ai encore devant
moi le mémoire qu'on vous présentait à ce moment-là
et où on disait que nos propos ne voulaient pas être alarmistes,
mais qu'on pensait que le gouvernement faisait preuve d'un manque de
réalisme, il jouait avec le feu, il courait au désastre en
amendant le Code du travail comme il l'a fait. Effectivement, dans la
dernière grève dans la négociation de 1979, grève
qui a duré quatre jours... On parle de quatre jours de grève, ce
n'est pas les quatre jours de grève qu'il faut déplorer, ce sont
tous les jours qui précèdent la grève, toute la
période de harcèlement qui dure des semaines et des mois,
où les malades, les personnes âgées souffrent de la
pénurie des services parce qu'ils ont peur de manquer de services, ils
vivent dans l'anxiété et dans l'angoisse. Cela fait partie des
règles du jeu à cause de la détermination des services
essentiels, à cause des avis de grève à donner, à
cause de tout le mécanisme qui entoure actuellement les
négociations collectives. Ces négociations utilisent le droit de
grève comme moyen d'en arriver à une meilleure solution du
conflit et on utilise la grève comme un moyen technique, comme une
espèce de tactique, de stratégie sur le dos des malades ou des
écoliers ou des citoyens, dans le cas du transport en commun, tout
simplement parce que ça va nous rapporter si on fait mal aux gens.
Quand je relie ça à la deuxième question du
ministre sur la question de la grève des internes et des
résidents, je dois dire qu'encore là ce sont des gens qui ont le
droit de faire la grève, et je ne connais aucune loi de
l'Assemblée nationale qui leur ait interdit le droit de faire la
grève. Nous avons demandé à ces gens d'arrêter leur
grève qui ne les menait nulle part. Si la grève des internes et
des résidents a duré trois semaines ou quatre semaines, elle
aurait pu durer six semaines ou huit semaines sans leur donner pour autant des
conditions de travail avantageuses, c'était simplement parce que leur
grève ne faisait pas assez mal ou parce que leur grève ne faisait
pas mal du tout et que les hôpitaux pouvaient très bien s'en
passer. Ils l'ont compris à un moment donné parce qu'ils sont
retournés au travail penauds, de peine et de misère; ils ont
failli perdre une partie de leur année et ils ont eu
énormément de difficultés. Ils n'avaient pas la population
avec eux, elle ne leur était pas sympathique, parce que ça ne
faisait pas assez mal.
C'est là le problème de notre société: pour
qu'une grève donne des résultats, il faut qu'elle fasse mal, il
faut qu'elle soit dure et c'est ce qui est inacceptable. C'est un
procédé barbare et inhumain, qu'on ne peut plus tolérer
dans une société qui se dit civilisée, en 1981.
Actuellement, l'Assemblée nationale a un rôle extrêmement
important en période de relative paix sociale. Il y a de dures
négociations qui s'en viennent, cet automne, avec les médecins;
l'année prochaine, ce sera avec le cartel des secteurs public et
parapublic. Dans cette période de paix sociale, il est important de
revoir les règles du jeu non pas d'une façon superficielle, en
cataplasme, mais de les revoir de fond en comble. C'est à peu
près dans ce sens que le premier ministre parlait au mois de novembre;
du moins, c'est comme cela que je l'ai interprété quand je l'ai
entendu moi-même.
Nous croyons que si le gouvernement ne fait pas son devoir, ne profite
pas de cette période de paix sociale, il va encore avoir à le
regretter. C'est curieux comme avec deux ans de recul on n'a pas le même
langage, on oublie des choses. La mémoire est une faculté qui
oublie, heureusement. D'un autre côté, il ne faut pas être
naïf, il faut quand même se souvenir de ce qui s'est passé en
1979 et en 1978, la grève d'Hydro-Québec, la loi spéciale
que vous avez votée à 3 h 30 le matin, j'étais
présent. Je vois ici un des membres de l'Assemblée qui n'a pas
voté - il y en avait deux ce matin - parce que ça leur
répugnait de voter cette loi. Il y a aussi la loi qui a ramené
les employés des services publics, les employés des
hôpitaux au travail; il y a d'autres membres qui n'ont pas voulu voter ou
qui ont même voté contre.
Pourquoi attendre les périodes de crise aiguë pour
légiférer, pour réaliser que la société a
droit à plus de considération à notre époque et que
ça ne doit pas être la loi du plus fort qui doit primer? À
l'heure actuelle, je n'ai rien à dire contre le syndicat, il joue son
jeu pleinement et entièrement. Je ne fais pas de partisanerie d'aucune
façon, mais c'est le gouvernement actuel et le gouvernement
antérieur qui ont manqué à leur devoir en cédant
trop facilement devant le chantage des syndicats. C'est leur jeu de faire du
chantage parce que c'est en faisant du chantage qu'ils réussissent
à avoir de meilleures conditions de travail. Tous les syndicats,
même le syndicat des médecins de 1970, ont toujours réussi
à extorquer au gouvernement de très bonnes conditions de travail
en faisant la grève. La grève est devenue rentable et les
syndicats le savent très bien. C'est ce qu'il faut empêcher de
continuer. Il faut en arriver à une solution raisonnable, rationnelle,
civilisée, qui ne se fasse pas sur le dos de la population, sur le dos
du public. C'est votre devoir de légiférer en ce sens.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).
M. Rivest: Dr Roy, ce que la Corporation des médecins
propose finalement - je ne veux pas employer un vocable qu'il est
peut-être difficle de coller à une corporation professionnelle,
celle des médecins en particulier - c'est extrêmement
révolutionnaire. Vous prenez toute la législation actuelle du
droit du travail dans les secteurs public et parapublic ainsi que la pratique
d'un certain nombre d'années non seulement au Québec, mais au
niveau fédéral, dans l'ensemble du Canada, et vous changez cela
comme cela, d'un trait de plume.
Vous dites, grosso modo, qu'il n'y a rien. Je signale
l'expérience au niveau du Canada et d'autres provinces. On va convenir,
je pense bien - tout le monde de la commission, la plupart des groupes - qu'il
y a quelque chose de fondamental qui ne tourne pas rond dans le système
actuel. D'un autre côté, un régime de droit, surtout dans
le domaine des relations de travail, il me semble qu'on doit, quand on cherche
à le modifier ou à le faire évoluer, surtout quand on le
met complètement de côté, avoir des raisons
extrêmement sérieuses et extrêmement graves de le faire. Il
y a sans doute des cas, on en a signalé au Québec, mais pourquoi
devrait-on s'écarter de ce même régime et de
l'économie de ce régime qui est appliqué au niveau
fédéral et qui est appliqué, à ma connaissance,
dans l'ensemble des provinces canadiennes? Je voudrais bien comprendre la
raison fondamentale qui vous amène à faire ça. En
corollaire, je m'interroge sérieusement. Un gouvernement ou même
une Assemblée nationale, comme vous demandez, qui le ferait, quand on
propose un changement aussi radical, on doit avoir au moins une idée de
ce que cela donnerait une fois appliqué, les chances de succès
d'une telle formule que vous proposez sous le vocable de la
réglementation concertée.
Là-dessus, c'est bien beau de nous dire façon France,
c'est ce qui existe. Vous savez comme moi, d'ailleurs vous l'avez
signalé dans votre mémoire, que l'économie et la culture
juridique française n'est pas nécessairement la nôtre dans
ce domaine particulier des relations de travail. Je me demande comment le
Québec pourrait, d'une façon aussi globale et aussi
systématique, se démarquer de ce qui existe dans le domaine des
relations de travail dans l'ensemble du pays, dans l'ensemble du Canada.
Ma deuxième question sera peut-être un peu plus
précise. Lorsque vous évoquez que l'Assemblée nationale,
par une loi directrice, devrait définir elle-même les principes
directeurs, vous dites que ce pourrait être le niveau de comparaison
entre des salaires des secteurs privé et public, est-ce que ce sera le
seul critère, et quels autres critères pourriez-vous avancer ici
d'une façon concrète?
Finalement, j'aimerais que vous précisiez peut-être, car je
n'ai pas très bien compris. Votre collègue, Me Ouellet, de
l'Université de Montréal, nous explique la différence
très concrète qui existe entre la formule d'un décret
qu'on connaît dans notre droit du travail, malheureusement, et les
problèmes d'application qu'on a connus d'ailleurs lorsqu'on a
vécu ces expériences, et ce qu'on appelle un texte normatif. Je
comprends sans doute qu'il y a des distinctions juridiques qui peuvent
m'échapper à l'instant, mais je voudrais savoir, en termes de
contenu, comment cela va être perçu par les gens. Ma grande
crainte de votre mémoire, c'est la démarche que vous proposez; je
crains que ce soit un système finalement assez - je m'excuse du vocable
-académique et qu'il risque d'apparaître à plusieurs
artificiel. Je ne veux pas en discuter le mérite, parce que c'est
extrêmement complexe. Ma crainte c'est celle-là, parce que vous
changez complètement tout.
M. Roy: Notre position est aussi réaliste que possible. Il
n'y a rien de sorcier dans ce que l'on dit dans ce mémoire. Ce que l'on
cherche à éviter, ce sont les conflits de travail dans les
secteurs public et parapublic, conflits de travail qui pénalisent des
gens qui sont pris entre la position patronale et la position syndicale et qui
sont des victimes de ces conflits: les malades, les élèves, le
public en général.
On suqgère d'imiter d'une certaine façon, en partie, un
système qui existe déjà en France et de l'aménager
à la nord-américaine. On copie facilement bien des choses qui
sont faites en France quand cela fait son affaire et on semble en rire ou s'en
offusquer quand cela semble plus difficile d'application. Il faut quand
même faire un certain effort d'imagination pour résoudre ce long
débat qui dure depuis 1966. Le droit de grève a été
accordé en 1964. La première grève a eu lieu en 1966.
À chaque conflit de travail, on reprend le même exercice de
discussion en disant que cette fois-là on ne se fera pas reprendre, que
l'on va chanqer les règles du jeu, que l'on va établir de
nouveaux mécanismes. Finalement, le temps passe. Un an, deux ans, trois
ans, et on se retrouve encore en plein conflit de travail.
C'est justement cet exercice que l'on fait, publiquement, avec vous, que
d'autres groupes font également, savoir essayer de répondre
à des questions. On a fait, nous, la constatation que le système
actuel ne fonctionnait pas ou fonctionnait mal.
Le public qui écoute, le public qui, lui, ne connaît pas
l'établissement des listes
syndicales et des listes patronales et qui, évidemment, peut
avoir des mots à dire sur la question des services essentiels, le public
est quand même capable, lui, de savoir que lorsqu'il y a des conflits de
travail dans le secteur de la santé et le secteur des hôpitaux, il
n'a pas accès aux hôpitaux, qu'il a de la difficulté
à pénétrer dans les hôpitaux, à moins
d'être à moitié mort, à moins d'être en
danger, à moins de saigner, à moins d'avoir une fracture,
à moins d'être à la veille d'accoucher. Le public sait fort
bien qu'il est pénalisé durant cette période, que les gens
qui souffrent du cancer ne peuvent pas voir leurs examens continuer, ne peuvent
pas avoir accès à la continuité de leurs traitements
également. Ils savent bien que ceux qui sont dans les hôpitaux,
hospitalisés, qui ont eu la chance d'être admis sont bien
traités et souffrent relativement peu, à part les malades
chroniques et les vieillards, mais ceux qui sont dans les hôpitaux pour
soins aigus et qui ont la chance d'être admis sont relativement bien
traités. (17 h 30)
Le gros problème concerne ceux qui ne peuvent pas entrer à
l'hôpital, ceux pour qui c'est bloqué, parce qu'on a un
hôpital qui fonctionne à 40% ou 50% avec 30% ou 35% du personnel.
Ils savent bien que cela n'a pas de sens et nous, on dit que les services
essentiels, ce sont tous les services qui sont nécessaires, qui sont
indispensables. Qu'on dise au public qu'en temps de grève, en temps de
négociation, il n'a pas droit à ces services de santé ou
il a droit à seulement la moitié des services de santé.
Qu'on le lui dise clairement. Qu'on l'habitue à cela, mais j'ai
l'impression que les gens n'acceptent pas cela. Les gens veulent continuer
à avoir accès aux services essentiels qu'ils paient largement par
le biais des taxes, par le biais des impôts et auxquels ils ont droit.
Nous pensons qu'ils peuvent continuer à exercer ce privilège de
l'accessibilité aux soins médicaux qu'on leur a garanti par les
lois. Nous pensons qu'il est important, par cet exercice de la commission
parlementaire, de trouver un mécanisme nouveau pour améliorer les
relations de travail. Nous pensons que ce qui est suggéré, ce
mécanisme qui n'abolit pas la négociation, mais qui fait que la
négociation devienne plus ouverte, plus visible et plus transparente,
selon un mot qu'on utilise à toutes sortes de sauces, nous croyons que
personne ne devrait avoir d'objection à ce que le public, par le biais
de l'Assemblée nationale et du gouvernement, soit informé des
négociations avec 300 000 employés des secteurs public et
parapublic et qui coûtent énormément cher à
l'État, 50% ou 52% du budget de l'État.
Actuellement, toutes ces négociations se font en secret, en
catimini. C'est tellement vrai que même le Conseil d'information des
services essentiels ne sait pas ce qui se passe, lui dont la mission est
justement d'informer les gens. Ce conseil a essayé de bien remplir sa
mission. Je ne lui en veux en aucune façon, mais il n'a pas
été capable de remplir son rôle adéquatement -il l'a
déploré lui-même - parce qu'on refuse de l'informer et on
refusera toujours de l'informer, parce que le jeu de la négociation est
un jeu de cache-cache où, à un moment donné, c'est la loi
du plus fort qui triomphe et où, quand quelqu'un est rendu à
l'épuisement total pour toutes sortes de raisons, raisons
financières ou raisons économiques, ou raisons politiques ou
raisons sociales, à un moment donné, on se décide de
régler à trois ou quatre heures du matin autour d'un verre de
soda. À ce moment-là, on ne pense pas que c'est rendre service au
public que de continuer ce système de négociations en cachette,
en privé, en catimini, alors qu'on se targue, on se vante d'avoir une
administration ouverte, transparente et visible. C'est ce qu'on voudrait
améliorer. Je demanderais à Me Ouellet de donner plus de
détails en ce qui concerne les relations de travail et l'aspect
juridique.
M. Ouellet: Pour répondre à M. Rivest, il est
certain que le modèle alternatif qui est exposé, c'est bien
certain qu'on ne s'attend pas que cela puisse être appliqué demain
matin. Il faut être réaliste. Le parti politique qui
déciderait de tenter d'instaurer un modèle semblable prendrait
une position qui est peut-être politiquement suicidaire. On le sait bien.
On n'est pas naïf à ce point, mais je pense que l'objectif est de
renouveler le débat. Je pense que le rôle d'une commission
parlementaire n'est pas simplement de trouver des recettes à court terme
ou marquées au coin de l'opportunisme. Je pense que le rôle d'une
commission parlementaire est d'élaborer les politiques à long
terme. J'imaqine que le gouvernement n'a pas que des politiques à court
terme. Notre objectif est de vous souligner qu'il y a d'autres façons de
concevoir le problème, même si on est bien conscient que cela
suppose une préparation de l'opinion publique et que, dans
l'immédiat, même la partie patronale n'est peut-être pas
prête à considérer un modèle semblable.
Quant à la réglementation concertée, l'expression
est nouvelle et je comprends qu'elle étonne et qu'elle choque, mais,
encore là, il n'est pas défendu d'aborder des thèmes ou
des institutions nouvelles, j'espère, dans une commission parlementaire
au Québec. La réglementation concertée n'est pas autre
chose que la bonne vieille convention collective. Le régime qui est
utilisé dans certaines entreprises nationalisées en France vise
essentiellement - et il date des événements de 1968 et des
accords de
Genève - à écarter l'autoritarisme. Ce qu'on veut,
précisément, c'est trouver un système qui
écarterait le rapport de forces tout en maintenant la
négociation, donc, tout en faisant droit aux intérêts
collectifs. La réglementation concertée, ce n'est pas
différent de la bonne vieille convention collective, sauf qu'au lieu de
l'appeler contrat pour une durée de trois ans, ça s'appelle
règlement, et ça peut être remis en question en tout temps,
ce n'est pas compliqué. Cela crée une atmosphère où
on ne se situe pas dans un rapport de forces. Ce n'est pas un mystère,
ce n'est pas découvir la roue, ce n'est pas aussi spectaculaire que
ça, mais, dans l'immédiat, ça étonne, on en est
bien conscient, et on veut volontairement être provocant.
M. Rivest: Juste une dernière précision. Vous venez
de dire que la réglementation concertée, c'est une bonne vieille
convention collective. Quand les gens vont se réunir pour la faire,
comment pouvez-vous dire qu'il n'y aura pas de rapport de forces qui va
s'installer?
M. Ouellet (Yves): Parce que vous allez avoir votre loi
générale qui aura établi les paramètres, qui aura
établi les normes. Toute réglementation concertée devra
être conciliable avec les principes généraux qui auraient
été adoptés par l'Assemblée nationale. Dans
l'hypothèse concrète où on fait un grand débat pour
savoir si on doit donner trois ou quatre semaines de vacances aux travailleurs
des hôpitaux, supposons que l'Assemblée nationale dise: Nous,
c'est notre responsabilité d'établir la norme de justice; on
estime que la norme de justice, c'est de traiter les employés
d'hôpitaux de la même façon que les employés de la
fonction publique. Si, dans la fonction publique, les employés qui
exercent des fonctions équivalentes ont trois semaines ou quatre
semaines de vacances, à la table, on va essayer de faire la comparaison
des emplois et on va dire: Voici la norme. On va appliquer la norme
dégagée par l'Assemblée nationale. Ce n'est pas si
compliqué que ça, finalement, ça suppose un effort
d'éducation.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: D'abord, une première remarque, M. le
Président, que je voudrais adresser au Dr Augustin Roy et, par la suite,
je voudrais lui poser une question. Ma remarque concerne le fait que, dans sa
dernière intervention, le Dr Augustin Roy faisait état des
situations un peu, et je dirais même beaucoup lamentables qu'on pourrait
retrouver dans les hôpitaux pendant les périodes de grève.
Je voudrais lui souligner façon tant que bon député dans
mon comté, je vais aussi visiter mon hôpital pendant les fins de
semaine. Pourtant, les fins de semaine, il n'y a pas de grève, que je
sache, de ce temps-ci, et je pense que pendant certaines fins de semaine on
retrouve aussi des situations un peu lamentables. C'était donc cette
remarque que je voulais faire au Dr Augustin Roy.
Pour enchaîner, je voudrais lui poser une question par rapport
à son document, particulièrement aux pages 23 et 24. Je voudrais
lui demander comment il concilie la suprématie de l'État avec la
possibilité, pour une agence de régulation dont les membres ne
sont pas directement responsables à l'égard du peuple, d'adopter
un texte réglementaire fixant les conditions de travail,
particulièrement dans une situation où la concertation ferait
défaut, soit en temps de grève.
M. Roy: Je vais juste dire un mot à la suite de votre
commentaire et, par la suite, Me Ouellet va répondre à votre
question. C'est rare qu'un député accuse son propre gouvernement
de son inertie dans certains domaines. Je ne voudrais d'aucune façon
faire de politique, mais je dois dire que le fonctionnement des hôpitaux
ne relève pas de la Corporation des médecins du tout, mais
plutôt du ministère des Affaires sociales. Je trouve, moi aussi,
que ça va mal dans les hôpitaux et ailleurs. Je le constate, j'en
suis peiné et j'en suis même inquiet; non seulement moi, mais la
majorité de mes confrères médecins. Nous espérons
que la situation va s'améliorer avant que le désastre
n'éclate.
À l'heure actuelle, on vit sur le bord d'un gouffre. Il y a toute
la question des compressions budgétaires, il y a toute la question du
fonctionnement de nos institutions publiques, il y a toute la question de notre
système d'instruction publique, d'éducation, il y a notre
système de santé qui devraient être revus en profondeur.
Tant qu'on ne révisera pas nos systèmes actuels et les lois qui
les ont créés, on est en train de jouer avec le feu, et j'ai bien
peur qu'on en arrive à des jours bien plus difficiles et bien plus durs
que les jours que l'on vit à l'heure actuelle. J'espère que
l'Assemblée nationale et le gouvernement prendront les moyens pour
éviter qu'on en arrive à ce point, ce qui serait
extrêmement mauvais pour notre société.
M. Ouellet (Yves): M. le Président, puis-je
répondre à la question posée sur l'aqence de
régulation?
Le Président (M. Rodrigue): Un instant. Je pense que le
ministre a une question additionnelle suite à l'intervention. Est-ce que
c'est suite à la question de M. Lavigne?
M. Marois: Oui. Je ne voudrais pas interrompre.
M. Rivest: II a une réponse additionnelle à
apporter.
Le Président (M. Rodrigue): Un instant, s'il vous
plaît. M. Ouellet, est-ce que c'est en réponse à la
question de M. Lavigne?
M. Ouellet (Yves): Oui, je voulais répondre à la
question sur l'agence de régulation.
Le Président (M. Rodrigue): Nous allons d'abord entendre
M. Ouellet et, par la suite, M. le ministre, vous pourrez interroger.
M. Ouellet (Yves): Encore là, l'expression agence de
régulation est peut-être nouvelle; en fait, c'est tout simplement
une régie qui exerce un certain pouvoir discrétionnaire. Ces
agences ne créent pas la loi. Quant la Régie des services publics
accorde les permis, elle ne crée pas la loi; elle applique les normes
qui ont été votées par le législateur. Quand le
CRTC décide d'autoriser une augmentation du tarif de Bell Canada, il
applique à une situation concrète, à savoir une
requête de Bell Canada, la norme qui est dans la loi, à savoir que
Bell Canada ou les utilités publiques ont droit à un rendement
raisonnable sur leurs investissements. Voilà une norme et l'agence de
régulation l'applique. On dit à la page 23: Ces agences de
régulation "sont créées par une loi qui énonce les
politiques générales", qui va énoncer les
paramètres dont on a parlé tantôt. Les grandes lignes vont
être déterminées par l'Assemblée nationale et cette
agence ne ferait qu'appliquer la volonté de l'Assemblée nationale
à des situations concrètes, exemple, faut-il donner trois
semaines ou quatre semaines de vacances?
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, à la suite de la
question posée par le député de Beauharnois, le docteur
Roy a fait un certain nombre de remarques concernant les fins de semaine et les
taux d'occupation dans les hôpitaux durant les fins de semaine. J'ai dit,
d'ailleurs, au tout début des travaux de cette commission parlementaire,
que pour toute remarque appuyée sur le concret qui serait pertinente et
qui, dans certains cas, pourrait correspondre à des ajustements ou
même à des blâmes directement adressés au
gouvernement, je pense qu'il faut qu'on regarde chacun de ces morceaux. Je suis
bien prêt à regarder les morceaux qui sont de notre
responsabilité. Je nous invite, cependant, chacun et chacune d'entre
nous, à en faire autant. En ce qui concerne les fins de semaine et les
vacances, je veux bien qu'on regarde les effets des compressions
budgétaires si ça peut avoir des conséquences qui ne
seraient pas acceptables dans certains cas. Ces taux d'occupation durant les
fins de semaine et les périodes de vacances dans les
établissements - je parle de l'hôpital concret - on admettra, je
pense bien - je veux bien prendre notre bout - que c'est
déterminé par ce qu'on appelle la direction de l'hôpital en
concertation avec le conseil des médecins et dentistes de
l'hôpital. Je veux prendre notre bout, mais chacun doit regarder le sien
aussi. C'est simplement ce que je voulais signaler et aussi pour que la
population sache comment les choses se passent dans le concret. On a tous des
cas en tête très précis et concrets. Simplement la nuance
que je voulais faire - je pense que le docteur Roy en conviendra avec moi -
c'est que c'est un peu plus complexe que le petit bout, mais je suis prêt
à regarder le bout qu'il mentionnait.
M. Roy: Oui, en fait, M. le ministre, nous sommes
extrêmement conscients des problèmes qui se passent à
l'heure actuelle dans les hôpitaux et les établissements de
santé, mais il faudrait quand même adresser le blâme
à la bonne place. Vous avez très bien dit que les administrations
d'hôpitaux étaient chargées de l'administration
générale des hôpitaux et nous en convenons; ils sont
réqis par une loi, mais il y a une distinction très grande entre
les administrations hospitalières et des établissements de
santé et la Corporation des médecins qui n'a aucun mot à
dire dans l'administration des établissements de santé, qui n'a
aucun droit de parole, qui n'a aucun pouvoir en aucune façon. Même
les médecins, qui sont de nos membres, n'ont rien à dire dans
l'administration des centres de santé. C'est ce que nous
déplorons énormément. C'est ce que nous voudrions voir
changer, parce que nous croyons essentiel que les médecins reprennent
leur rôle d'antan dans l'administration et le fonctionnement des
établissements de santé parce que, tant que les médecins
continueront à démissionner, à être
démotivés comme ils le sont à l'heure actuelle, le
système va continuer à aller mal et va continuer à
empirer. Nous voulons l'amélioration du système, mais nous
disons: Nous n'avons aucun pouvoir. C'est l'Assemblée nationale, le
gouvernement qui, par le biais de ses ministères, de ses
mécanismes, de la léqislation, peut améliorer les choses.
Nous ne disons pas que nous sommes contre les compressions budgétaires.
Nous trouvons que le système actuel d'administration de la santé
et d'administration scolaire coûte énormément cher. Il vous
appartient, par ailleurs, d'administrer l'argent du public d'une façon
raisonnable et rationnelle. Nous pensons qu'il
y a énormément d'amélioration à apporter
dans le système, mais que, pour apporter ces améliorations, il va
falloir changer le système ou du moins le modifier. (17 h 45)
Le Président (M. Rodrigue): Si vous permettez, j'aimerais
vous interrompre. Vous ramenez des arguments que vous nous avez servis tout
à l'heure. Ce n'est pas un débat oratoire ici, ce n'est pas un
débat public. Il s'agit d'informer une commission. Il me semble que,
lorsque vous avez déjà servi un argument à deux reprises,
il n'y a pas lieu de le ramener une troisième fois. Cela ne fait pas
avancer les débats de la commission. Si vous me permettez... Oui?
M. Marois: Je voudrais qu'on soit très clair. C'est
évident pour tout le monde. Ce n'est certainement pas votre corporation
qui détermine les taux d'occupation durant les fins de semaine et les
vacances, mais c'est exact de dire que ce sont les directions
générales d'hôpitaux, l'administration des hôpitaux,
en concertation étroite avec les conseils de médecins et
dentistes. Cela fait partie de la réalité.
Le Président (M. Rodrigue): Je cède la parole
à Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, juste une remarque au
point de départ. J'ai été quelque peu
étonnée de voir le ministre mettre la Corporation des
médecins au banc des accusés, alors qu'on a devant nous un
organisme qui quand même suggère un remède; je suis
d'accord qu'il n'est pas à court terme, mais il pourrait être
envisagé à moyen et certainement à long terme. Est-ce une
bonne suggestion au plan technique? Je ne suis pas qualifiée pour le
dire, mais je trouve étonnant qu'alors que pour une première fois
quelqu'un apporte une suggestion on la traite aussi cavalièrement et
que, finalement, on en profite pour peut-être faire un peu de politique
partisane, je ne dirai pas "partisane", mais est un peu démagogique en
faisant appel à certains préjugés, ce contre quoi le
ministre nous mettait en garde, et avec raison, au début de cette
commission. C'est la seule remarque que je voulais faire. Je me demande quelle
est vraiment la volonté politique du gouvernement de modifier ou de
changer les règles du jeu, toujours dans ce qui me paraît le plus
important, le domaine de la santé. Je ne voudrais pas qu'on soit ici -
je ne pensais pas que j'aurais à le dire - pour participer à une
séance de maquillage pour donner à tout le monde bonne conscience
parce qu'on étudie les problèmes des services essentiels ou le
problème du droit de grève, pour finalement rejeter du revers de
la main ce qui ne nous convient pas sur le champ. Je ne suis pas en mesure de
juger la valeur de la suggestion technique que vous faites quant à un
nouveau mode de négociation dans ce domaine, mais je pense qu'au moins
on est ici pour recevoir et entendre toutes les suqgestions qui sont faites,
particulièrement celles qui se veulent constructives.
Vous êtes quand même au premier chef responsables de la
santé des citoyens. Vous partagez cette responsabilité avec un
grand nombre d'autres agents, dont les infirmières, les auxiliaires
infirmières et les différents professionnels de la santé.
Tout à l'heure, nous avons entendu la CSN nous dire que, finalement, il
n'y avait pas de problème majeur en temps de conflit et que tout
était relativement sous contrôle. Je ne voudrais pas vous poser
une question qui vous mette dans une position de vous opposer à la CSN
ou d'être d'accord avec la CSN, ce que je vous demande, à titre
justement de responsables au premier chef de la santé et des services de
santé dans les hôpitaux, c'est d'abord de me dire en temps de
grève comment est déterminée l'urgence de l'admission d'un
patient. Tout à l'heure, la CSN nous a dit: On l'entre à
l'hôpital et ce sont les médecins qui décident si c'est
urgent ou pas. Je voudrais, d'une façon concrète, que vous me
disiez, pour la personne qui est chez elle, qui tout à coup ressent un
malaise, que ce soit dans la région pulmonaire ou où vous voudrez
et qui dit: Je veux aller à l'hôpital, ce qui se produit
concrètement quand on est dans un état de grève, quand il
y a une situation de grève dans les hôpitaux.
M. Roy: Techniquement, même en temps de grève, les
gens continuent à avoir accès aux centres hospitaliers et aux
services de santé, évidemment, le climat à ce
moment-là est souvent détérioré et, souvent, des
gens vont hésiter à se présenter d'eux-mêmes dans
certains hôpitaux, mais, lorsque les gens se présentent - ils
doivent le faire lorsqu'ils en ont besoin - c'est l'obligation des
syndiqués de laisser passer les patients. Il y a eu autrefois certains
problèmes lors de grèves antérieures. Il y en a eu en
1975.
Lors de la dernière grève, les syndicats avaient
donné des instructions particulières à leurs membres
d'être bien prudents dans l'accessibilité des salles d'urgence
pour les patients. Disons que les patients ont généralement
été reçus avec plus ou moins d'attente, mais on pourrait
dire également que, même en temps normal, il y a également
des attentes et que, de ce côté, il y a énormément
d'amélioration à apporter au fonctionnement de nos salles
d'urgence.
Mais ce qui demeure essentiel pour nous, ce qui était nié
par la loi 59, mais qui a finalement été modifié quand le
ministre du Travail du temps a présenté la loi en
troisième lecture, c'est qu'on a réussi à convaincre
à ce moment-là le gouvernement
de dire que tout patient avait droit à un examen par un
médecin et que c'était notre position qu'on ne pouvait pas dire
que quelqu'un avait besoin de soins de santé essentiels ou non sans
qu'il ait droit à un examen médical. Je pense que c'est la
priorité et c'est la règle fondamentale qui doit être
déterminée pour établir qu'une personne doit être
admise ou non dans un hôpital. Il faut qu'elle soit examinée et la
seule personne qui puisse examiner des malades, nous maintenons que c'est le
médecin et que cela ne doit pas être des syndiqués ou des
patrons. C'est pour cela évidemment que des problèmes peuvent se
poser à cause de la liste des services essentiels qui ont
été décidés. C'est cela la confusion qui
règne à l'heure actuelle. Ce sont les listes établies pour
décider du nombre de personnes qui vont rendre les services essentiels
alors qu'on ne sait même pas combien de personnes vont présenter
des cas essentiels. Nous maintenons que c'est du cas par cas. On ne peut pas
prévoir combien de personnes vont se fracturer une jambe en fin de
semaine; on ne peut pas dire parce qu'il y en a eu dix la semaine
dernière qu'il y en aura encore dix cette semaine. C'est du cas par cas.
C'est pourquoi cela devient complexe, un peu illogique, illusoire de
déterminer à l'avance des services essentiels. Nous maintenons
que tout, dans un hôpital, est essentiel lorsqu'on y est admis et qu'on
doit avoir le personnel pour le faire fonctionner. Si ce n'est pas vrai, qu'on
diminue le nombre de personnel dans les hôpitaux, qu'on coupe le nombre
de lits. Tout est essentiel en ce qui nous concerne quand on est malade. Point.
Il n'y a pas de discussion possible, il n'y a pas seulement les services
médicaux qui sont essentiels: les services des infirmières, les
services du personnel ambulancier, les services de buanderie et les services de
cuisine. C'est essentiel lorsqu'on est malade d'avoir tous ces services
à l'hôpital.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que M. Roy peut
nous dire, compte tenu de ce dernier point qui avait été
discuté avec le gouvernement, si tous les gens qui se
présentaient dans les hôpitaux pouvaient être
assurés, lors de la dernière ronde de négociations,
d'avoir au moins un examen médical? Il nous a parlé de certains
abus en 1975, oublions-les. Parlons de la dernière ronde. C'est ce qui
préoccupe les gens. S'ils sont malades, est-ce qu'ils vont pouvoir se
rendre à l'hôpital? Est-ce qu'ils vont pouvoir être
reçus et examinés d'une façon convenable? C'est quand
même la question fondamentale de la part des gens qui sont en attente. Il
y a aussi la question de la liste d'attente, comment allez-vous
déterminer ceux qui requièrent l'admission immédiate ou
ceux qui peuvent attendre? II y a un facteur de risque, de probalité...
Je voudrais savoir, exactement, si chaque patient qui veut aller à
l'hôpital et avoir un examen peut en avoir un en cas de grève?
M. Roy: Techniquement, oui. Il faut aussi éviter de
généraliser, parce que ce n'est pas simple, il y a un grand
facteur discrétionnaire. Un patient qui pourrait être admis
facilement dans un hôpital ne le sera pas dans un autre, selon les gens
qui seront à l'admission et selon leurs critères pour juger de
l'urgence du cas. C'est ce qu'il faut déplorer. Quant à un
patient qui a besoin d'une chirurgie cardiaque, par exemple, qui est sur la
liste d'attente, un endroit peut l'admettre et l'autre dira: II peut attendre
encore. Le patient peut mourir ou ne pas mourir. C'est trop facile de faire de
la démagogie et dire que c'est à cause de la grève qu'il
est mort, c'est trop simple; grève ou non, il y aura toujours des gens
qui vont finalement mourir. C'est difficile de relier des préjudices
causés aux gens, à leur santé ou à leur vie,
à la grève. Il est clair que l'état de grève n'est
pas de nature à améliorer l'état de santé des gens.
C'est plus ou moins difficile, selon les endroits et selon les individus, et
c'est ce qu'on trouve inacceptable. Des gens entreront directement parce qu'ils
connaissent le système, ils ont des contacts et ils sont plus fonceurs
que d'autres. Il y en a qui ont peur. Ceux-là peuvent être
pénalisés et peuvent attendre longtemps. C'est difficilement
quantifiable, le degré de préjudice que l'on cause aux gens en
période de grève. Et je ne dis pas que le système est
parfait en dehors des grèves.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je me limiterai à
une seule autre question. C'est une question que je poserai d'ailleurs aux
associations d'infirmières qui vont se présenter devant nous.
Quand on détermine la liste syndicale, on détermine par
exemple que, dans tel service, il y aura un nombre X d'infirmières; dans
tel autre, il y aura un nombre X d'infirmières ou d'auxiliaires
infirmières. Et comme vous le signaliez vous-même, on ne peut pas
toujours savoir d'avance si c'est tel service qui va admettre le plus de
patients ou le moins de patients. Cela ne dépend pas d'une liste, cela
dépend de la population elle-même.
Évidemment, vous ne fonctionnez pas à l'intérieur
d'hôpitaux comme médecins réquliers, peut-être le Dr
Lapierre. Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a une flexibilité dans
cette liste, une flexibilité rapide, une mobilité rapide qui se
fait quand, finalement, c'est tel département qui va se trouver à
court de personnel parce que c'est là qu'il y a eu le plus grand nombre
de patients admis, alors qu'un autre département va se trouver dans une
situation beaucoup
plus allégée pour des facteurs qui sont
indépendants de chacun d'entre nous?
M. Roy: Je ne crois pas qu'il y ait plus de flexibilité en
temps de grève qu'il n'y en a en temps normal. Et je voudrais bien que,
s'il y a des gens qui vivent des problèmes dans des hôpitaux, ils
puissent amener des cas concrets. Même en temps normal, c'est un des
problèmes que vivent les administrations hospitalières avec la
convention actuelle. C'est le fait que la mobilité est pratiquement
nulle et inexistante, sans la volonté des parties. C'est figé
dans la convention et ce sont probablement des choses qu'il faudrait
améliorer. La question de la mobilité du personnel et de la
description des tâches sont des problèmes majeurs qui sont
définis dans les clauses normatives et qui sont une entrave au bon
fonctionnement des hôpitaux en temps normal, et qui sont probablement
aussi une entrave encore plus grande en cas de grève.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.
M. Roy: Et en parlant de grève, M. le Président, un
mot. On semble avoir l'impression, d'après les questions qui nous sont
posées, que nous nous prononçons contre le droit de grève
dans les secteurs public et parapublic, alors que ce n'est pas le cas. Nous
disons que, dans le système actuel, le droit de grève est normal,
que la convention collective et la grève sont des procédés
indiscutables, indissociables et complémentaires et qu'en fait, on ne
peut pas reprocher aux syndiqués de faire la grève et de jouer le
jeu. C'est leur rôle. Et nous, c'est justement parce qu'on dit que la
grève fait mal, que c'est mauvais et que, pour être efficace, il
faut qu'elle fasse mal, qu'on devrait trouver les mécanismes qui
éviteraient la grève. On ne préconise pas l'abolition pure
et simple du droit de grève. On voudrait en arriver à un
processus qui rendrait l'exercice du droit de grève purement symbolique.
Le droit de grève existe en France, où il n'est pas exercé
plus que quelques heures par les syndiqués, parce que l'opinion publique
les crucifierait. L'opinion publique n'accepterait pas. Le public
québécois a été trop tolérant dans le
passé. On veut que la grève soit symbolique pour qu'elle signifie
à l'État, au gouvernement et au public qu'il y a des
problèmes mais qu'on ne pénalise pas indûment les tierces
parties. Que ce soient des enfants, des adultes, des malades, des vieillards,
on ne peut pas pénaliser les tierces parties pour se faire justice.
On ne dit pas: Abolissez le droit de grève, ce serait trop
simple. Pour l'abolir, il faudrait une solution de compromis, une solution de
rechange. Il en existe quelques- unes, mais elles n'ont pas été
expérimentées au Québec, sauf l'arbitrage obligatoire.
Actuellement, on parle de l'offre finale; nous, on suggère un autre
mécanisme qui évite le rapport de forces, normalement, si on a
affaire à des parties de bonne foi, à des gens qui sont de bonne
foi. Cela, c'est la raison fondamentale du succès d'une
négociation collective; on pense que si on aqit dans un système
où on évite le rapport de forces et qu'on fait appel à la
maturité des parties, on va pouvoir éviter de pénaliser la
population. Je pense que la population en a assez de souffrir dans les cas de
négociation des secteurs public et parapublic. (18 heures)
J'espère que la prochaine ronde de négociations nous fera
mentir et verra des règlements très rapides, absolument pas
opportunistes, dans l'intérêt de la population et où le
gouvernement, quel qu'il soit, n'achètera pas nécessairement les
travailleurs à même les deniers publics.
Le Président (M. Rodrigue): Une dernière question,
Mme Dougherty de Jacques-Cartier. Je demande le consentement pour qu'on puisse
étirer la séance de quelques minutes, étant donné
que c'est la dernière et qu'après cela on pourra remercier ceux
qui nous ont présenté le mémoire.
Mme Dougherty, s'il n'y a pas d'objection.
Très bien, merci.
Mme Dougherty: J'ai été très heureuse de
lire le mémoire de la corporation, parce que je crois que ce
mémoire examine le noeud du problème. C'est le seul
mémoire que nous avons eu, aujourd'hui, qui touche ce qui est, à
mon sens, le noeud du problème.
J'ai vécu plusieurs années dans le monde scolaire et j'ai
constaté que le système adversaire de la négociation que
nous avons adopté du secteur privé est, à mon sens,
complètement inapproprié pour le secteur public.
Les "checks and balances" normaux qu'on trouve dans le secteur
privé n'existent pas dans le secteur public. Dans le secteur public, on
ne joue pas avec le profit de l'entreprise; on joue avec la qualité des
services. Dans le secteur public, il ne s'agit pas uniquement des conditions de
travail; il s'agit de la qualité des services, de la qualité de
l'éducation, de la qualité des services sociaux. Au cours des
dernières décennies, à chaque contrat, malgré les
buts exprimés par les syndiqués et les organismes patronaux, on a
vécu une détérioration globale des services.
Je crois que c'est tout à fait irréaliste d'avoir un
système d'adversaires comme nous avons à l'heure actuelle dans le
secteur public. Même si tous les problèmes ne sont pas
résolus, je trouve les propositions de la
corporation beaucoup plus réalistes que le système actuel,
parce que, si on pense qu'on peut régler ou créer une situation
où on a une guerre limitée - c'est ce qu'on essaye de faire ici
aujourd'hui, parce que les négociations d'adversaires, c'est la guerre,
il faut accepter ça - une petite guerre au lieu d'une grande guerre, on
se fait des illusions. Je crois que les principes énoncés dans le
mémoire des médecins de la corporation doivent être
sérieusement examinés, parce que, si nous avions adopté un
système tel que proposé par la corporation il y a quelques
années, nous n'aurions pas aujourd'hui des engagements financiers
excessifs dans le secteur public et des conditions de travail qui sont
totalement irréalistes dans le secteur public, que nous avons ici au
Québec par rapport aux autres provinces et aux États-Unis.
J'ai deux questions qui sont reliées. Selon vos propositions,
voudriez-vous préciser un peu les grands paramètres que vous avez
donnés à l'Assemblée nationale, à l'État?
Est-ce que vous envisagez des paramètres qui portent uniquement sur
l'argent ou des paramètres qui portent sur les autres conditions de
travail? Deuxièmement, pour éviter le conflit au niveau local,
vous n'avez pas parlé de cela, mais je me demande si on ne
négocie pas trop de choses; est-ce qu'il y a des choses qu'on ne doit
pas négocier, qui ne doivent pas jouer, dans les négociations,
avec la santé des gens, avec la qualité de l'éducation?
Cela va beaucoup plus loin que les conditions de travail. Vous avez
peut-être quelques commentaires sur cette question.
M. Ouellet (Yves): Écoutez! La tentation est
évidemment forte de faire la comparaison avec la Loi sur la fonction
publique, qu'elle soit fédérale ou provinciale. Il y a des
paramètres là-dedans, certains paramètres. Il y a des
choses qui ne sont pas négociables. Mais pour répondre
précisément, si c'était la volonté de
l'Assemblée nationale de ne pas limiter les paramètres aux
questions purement financières, cela serait certainement possible.
Personnellement, il est souhaitable de ne pas se limiter aux questions purement
financières, il pourrait y avoir des clauses normatives
précisément pour éviter de négocier 100 fois les
mêmes clauses. Il y a des acguis importants. Il y a des normes minimales
qu'on pourrait dégager des conventions actuelles et les consacrer
législativement. Cela serait même avantageux pour les agents des
services publics d'avoir ces droits consacrés par la loi. Mais je pense
que, dans l'esprit de la proposition, cela ne serait pas limité aux
questions purement financières. Maintenant, on peut envisager que,
précisément, les acquis soient consacrés par la loi. Donc,
il serait inutile de négocier un certain nombre de choses.
Précisément, on a évoqué tantôt le
problème des structures des négociations. Le ministre du Travail,
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a dit: N'y a-t-il
pas contradiction? II est certain que s'il y avait une loi qui pourrait
être le pendant pour les employés d'hôpitaux, disons de la
Loi de la fonction publique, et qui consacrerait léqislativement les
nombreux acquis, ça diminuerait d'autant les questions qui devraient
trouver une solution nationale.
Actuellement, la loi 78 prévoit trois niveaux de
négociation, national, régional et local, et c'est
extrêmement compliqué. Si on pouvait en avoir seulement deux, ce
serait déjà souhaitable, ce serait une amélioration.
Si, dans le cas des questions d'intérêt national, on
pouvait en retrouver un certain nombre sur lesquels il y ait un consensus, si
on pouvait les retrouver dans la loi, ce serait autant pour la simplification
du régime. Je pense qu'on pourrait certainement enrichir la loi d'un
certain nombre de normes qui nous dispenseraient tous les trois ans de
négocier des choses qui, finalement, ne sont pas continuées.
M. Roy: En fait, notre système veut restaurer la
primauté de l'Assemblée nationale. Nous croyons que c'est
l'Assemblée nationale qui a l'autorité en matière
d'administration de la province, que l'Assemblée nationale et le
gouvernement doivent prendre leurs responsabilités dans
l'intérêt de la population et je pense que vous auriez mauvaise
grâce de nous reprocher de vouloir vous redonner des pouvoirs et des
responsabilités que des gouvernements ont abdiquées dans le
passé.
Le Président (M. Rodrigue): Pour conclure, M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, en remerciant la
corporation de son mémoire, et à la suite de l'intervention d'un
des députés, dire très clairement, pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté, je sais qu'on a interprété mes propos
tout à l'heure - la députée de L'Acadie a
interprété mes propos, et je ne veux pas qu'il y ait quelque
ambiguïté que ce soit entre nous, que nous partageons
profondément cet idéal qui est inscrit comme ligne de fond du
mémoire de la corporation qui témoigne présentement devant
nous, cet idéal qui veut que tout doit être fait, autant que faire
se peut, pour qu'il n'y ait pas dans les faits, de grève. Nous
partageons cette préoccupation et cet idéal.
Nous sommes cependant convaincus que, même si on ne donnait pas le
droit de grève, il serait exercé. C'est pour ça que je
prenais l'exemple entre autres des résidents et des internes qui n'ont
pas, à ma connaissance, d'accréditation syndicale, comme on dit.
Lorsque la corporation nous propose la mise en place de tout un nouveau
mécanisme,
d'une nouvelle structure, ce que la députée de L'Acadie a
appelé une révolution des pratiques actuelles des relations de
travail dans le secteur public, la mise en place d'une régie qui
pourrait aller jusqu'à, possiblement dans l'idéal, trancher un
litiqe, je ne suis pas convaincu, bien au contraire, que ça puisse
empêcher qu'il y ait grève, en soi, comme mécanisme, parce
que ça demeure des mécanismes, des structures et le reste.
Remarquez que ça vaut dans n'importe quelle
société. Aujourd'hui avec les moyens de communication modernes,
on peut le constater tous les jours dans n'importe quel type de
société, que ce soit de type capitaliste ou socialiste, on a
toujours un schéma de relations de travail qui oppose des gens qui
dirigent, des gens qui accomplissent ou qui exécutent des choses. Ce qui
crée inévitablement des situations qui sont par définition
conflictuelles. C'est pourquoi il faut que, ensemble - quand je dis ensemble,
je nous englobe vraiment tous, l'ensemble des gens impliqués dans la
société directement concernée, qui peuvent agir dans ce
sens, pour faire tout ce qui est humainement possible, compte tenu du fait
qu'il peut y avoir des grèves - l'on fasse en sorte que ces droits
fondamentaux individuels des hommes et des femmes en vie, axés aux
services essentiels, leur soient garantis.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Corporation professionnelle des médecins du
Québec.
La commission élue permanente du travail de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20
heures, alors que nous entendrons les mémoires de l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires, du Cartel des
organismes professionnels de la santé et de la Chambre de commerce de la
province de Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle le
mandat de la commission qui est d'entendre les personnes et organismes
relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime
de négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic
et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui
permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors de
conflits de travail dans ces secteurs.
Le premier groupe que nous entendrons ce soir est l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires. Le mémoire
sera présenté par M. Michel Paquette et je vous invite, M.
Paquette, à nous présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Association des directeurs généraux des
commissions scolaires
M. Paquette (Michel): M. le Président, madame, messieurs.
Effectivement, m'accompagnent ce soir, M. André Perron qui est notre
trésorier et qui est à ma droite et M. Normand Lapointe qui est
secrétaire de notre association et qui est à ma qauche.
Vous me permettrez sans doute de faire deux remarques en
préalable à la présentation de notre texte. Tout d'abord,
je voudrais vous signaler qu'après avoir entendu pendant toute la
journée des propos fort intéressants, c'est évident, sur
des sujets particulièrement concentrés sur la question des
services dans le domaine de la santé, je nous inviterais sans
prétention, il est évident, à diriger notre pensée
maintenant vers l'aire aussi stimulante de nos écoles où il y a,
je pense, une jeunesse de tout âge qui espère notre
réflexion pour le mieux-être de notre système
d'éducation, car je pense sincèrement que celui-ci est aussi
très sérieusement concerné par les effets à court
et à moyen terme de nos mécanismes de négociation.
Ceci étant dit, quant à la présentation de notre
texte, M. le Président, je m'en tiendrai à une formule de lecture
intégrale, compte tenu que la quantité des pages nous permet de
respecter notre horaire, et je me permettrai à quelques endroits des
commentaires d'accompagnement.
L'Association des directeurs généraux des commissions
scolaires est un organisme qui regroupe sur le plan professionnel les
directeurs généraux et les directeurs généraux
adjoints des commissions scolaires du Québec.
Étant donné l'importance que revêt le débat
sur le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, l'ADIGECS
a consulté ses membres sur le régime de négociation dans
le domaine de l'éducation et particulièrement au niveau de
l'enseignement primaire et secondaire.
Nous soumettons donc à la commission permanente du travail et de
la main-d'oeuvre un ensemble de considérations et de propositions qui,
croyons-nous, sont de nature à améliorer le régime des
relations de travail dans notre domaine et, partant, à faire en sorte
que les organismes d'enseignement remplissent encore mieux le rôle qui
leur est confié.
Étant donné qu'on ne peut parler du droit de grève
sans faire référence au contexte de négociations des
conventions
collectives dans lequel il se situe, nous aborderons au cours de ce
mémoire les différents thèmes suivants: en premier lieu,
là problématique, touchant là les deux paliers de
négociation, les coûts des négociations locales et la
perturbation des activités pédagogiques; deuxièmement, les
solutions, où nous allons traiter le palier de négociation, le
maintien du droit de grève au palier provincial et la possibilité
d'arrangements locaux. Nous souhaitons que nos réflexions contribuent
à clarifier le débat sur le droit de grève et à
améliorer le climat qui doit exister au niveau des commissions scolaires
locales et régionales.
La problématique, les deux paliers de négociation, dans un
premier temps. Les commissions scolaires ont déjà vécu
quelques négociations de conventions collectives,
particulièrement avec les enseignants. Elles sont maintenant en mesure
d'identifier les principaux problèmes reliés à l'existence
du double palier de négociations, provincial et local. Les
problèmes identifiés par les membres de notre association sont
les suivants: dans le domaine de l'éducation, comme dans plusieurs
autres domaines d'activités sociales et économigues,
l'État intervient de plus en plus à mesure que les
priorités nationales sont identifiées. Or, la poursuite
d'objectifs nationaux impose généralement des limites aux
possibilités de variations locales; lorsque les parties nationale,
patronale et syndicale ne peuvent en venir à une entente satisfaisante,
elles décident souvent de confier l'objet en litige au palier local de
négociations de façon à observer le déroulement et
l'issue des négociations pour ensuite s'ajuster au niveau provincial
lors d'une prochaine négociation; à cause de la multitude des
commissions scolaires et de la diversité des milieux, une entente locale
qui trouve son sens dans les particularités du milieu où elle
s'inscrit peut, lors d'une négociation provinciale ultérieure,
devenir une demande nationale; - les demandes locales sont en
réalité des demandes nationales, car la Centrale des enseignants
du Québec prépare les textes pour ses syndicats locaux, et les
commissions scolaires sont isolées face à une stratégie
établie par celle-ci en concertation avec ses syndicats; - même si
l'on parle de respecter les couleurs locales, il y a peu de possibilités
de manoeuvre au palier local. Les cadres fixés au palier provincial ne
doivent pas être dépassés et on ne doit pas créer de
précédents; - en ce qui concerne les objets de
négociations locales, il est difficile de concevoir qu'ils peuvent avoir
une incidence directe sur les services aux étudiants et sur la
qualité de l'enseignement; - en ce qui concerne les chapitres importants
de la distribution des tâches et de l'affectation-mutation, les
règles budgétaires stipulées par le gouvernement du
Québec ainsi que les dispositions de la convention collective
provinciale réduisent de façon très significative les
marges de manoeuvre des commissions scolaires; - enfin, l'autonomie d'une
commission ne peut être identifiée à son pouvoir de
réglementer les affichages, les avis syndicaux et la documentation
à fournir aux syndicats. Les groupes d'employés qui n'ont pas de
négociation locale ne remettent pas en question pour autant le
rôle d'employeur de la commission.
La situation et les problèmes que nous venons de décrire
apportent les conséquences suivantes: - les négociations locales
obligent la négociation sur le libellé de l'objet de
négociation, ce dernier n'étant pas limitatif et laissant place
à l'interprétation; - les négociations locales permettemt
la surenchère d'une table locale à l'autre; elles permettent aux
syndicats d'avoir une double possibilité de revendication: c'est un
moyen pour les enseignants de récupérer localement ce qu'ils
n'ont pu obtenir au palier provincial; - les points consentis localement, qui
ont un sens dans un milieu donné et dans un cadre bien local de
négociation, deviennent la plupart du temps des points à
être négociés provincialement lors des négociations
suivantes; - enfin, l'expérience des négociations locales
antérieures a démontré que le gouvernement s'ingère
dans le processus de négociations locales, soit en imposant des
protocoles de retour au travail (qui remboursent des journées de
grève ou de lock-out), soit par des règlements imposés,
comme à la CECM; l'autonomie des commissions, dans ce contexte, est
plutôt un prétexte qu'une réalité.
Les coûts des négociations locales. La plupart des
commissions manguent de ressources pour mener à bien leur
négociation locale. Le gel des règles budgétaires des
dernières années, additionné aux rapports et
contrôles nombreux exigés par le ministère n'ont pas permis
aux commissions de se doter des personnels requis, soit pour libérer
suffisamment le directeur du service du personnel de ses tâches
quotidiennes, soit pour engager des négociateurs, notamment dans les
commissions scolaires de taille moyenne. Dans plusieurs commissions, en ce qui
concerne plus précisément le directeur général qui
cumule parfois plusieurs postes, par exemple, celui de directeur du service du
personnel, ceci impose un autre fardeau à une seule personne.
De plus, la négociation locale monopolise le peu de ressources
disponibles dans les commissions: le personnel de direction est
détourné de ses tâches normales de direction pour accomplir
des tâches de négociation et, souvent, à cause d'une
incapacité financière de recourir à des
spécialistes, les commissions ne peuvent apprécier à leur
juste mesure les implications des demandes qui leur sont faites. On constate
aussi que les commissions éloignées des grands centres comme
Québec et Montréal manquent de support technique pour mener
à bien leurs négociations. Enfin, nous considérons que les
investissements en temps et en argent, de même que les perturbations
inhérentes à des négociations locales ne sont nullement
proportionnés aux objets de négociation et aux
bénéfices possibles que les milieux locaux peuvent en
retirer.
La perturbation des activités pédagogiques. Les
difficultés de négociation au niveau local créent des
perturbations inutiles au niveau des services éducatifs que les
commissions doivent assumer. Les négociations locales, offre en effet,
aux syndicats une deuxième possibilité de créer un climat
d'insatisfaction dans le milieu avec moyens de pression, harcèlement,
deuxième grève, certaines commissions n'ayant aucun temps de
repos à cause du double conflit qu'elles vivent à des moments
différents.
Cette continuité de pressions que subissent les commissions est
effectivement l'élément négatif majeur qui crée des
tensions, croyons-nous, autant chez la direction et les enseignants que chez
les parents et les étudiants. Nous considérons que le rapport de
forces créé par les négociations locales, et qui s'exprime
par des grèves et des lock-out, constitue un outil
démesuré par rapport aux enjeux des négociations
locales.
Les solutions proposées. Un seul palier de négociation.
Pour toutes les raisons invoquées plus haut, les directeurs
généraux des commissions scolaires considèrent que les
négociations locales comportent beaucoup trop d'inconvénients par
rapport aux avantages mineurs qu'elles procurent et concluent qu'il ne doit
plus y avoir de négociations locales décentralisées aux
commissions: les négociations dans le domaine de l'enseignement primaire
et secondaire doivent se situer au palier provincial seulement.
Nous considérons que la négociation située au seul
palier provincial n'améliorera pas nécessairement la
qualité des relations de travail ou le contenu des conventions, mais
remettra aux mains des véritables responsables la totalité de la
négociation, pour qu'ils en supportent les coûts et les
conséquences.
Nous sommes cependant favorables à la possibilité
d'arrangements locaux tels que déjà prévus dans les
différents autres syndicats d'employés, comme nous le
préciserons plus loin. (20 h 15)
Deuxième élément, le maintien du droit de
grève au palier provincial. Les membres de l'association
considèrent qu'il est important de maintenir le droit de grève
comme moyen de pression lors de la négociation d'une convention
collective de travail. Il s'agit là de l'un des droits fondamentaux qui
caractérisent notre démocratie. Nous sommes conscients que la
notion de grève, dans les secteurs public et parapublic, diffère
de celle qui prévaut dans le secteur privé. Dans nos secteurs,
les parties impliquées savent que la négociation comporte une
dimension politique et que la grève aura une durée limitée
puisque l'Assemblée nationale et le gouvernement ont la
possibilité de légiférer pour mettre un terme à la
grève lorsqu'ils considèrent que les services habituellement
donnés risquent d'être trop gravement perturbés.
Nous sommes aussi d'avis que, dans les secteurs public et parapublic, le
droit de grève doit être encadré dans des règles du
jeu acceptées par les parties impliquées pour assurer à la
population la possibilité d'une entente éventuelle, dans un laps
de temps qui garantit aux clientèles desservies les services de
qualité auxquels elles ont droit.
Ces règles du jeu devraient au moins comporter les
éléments suivants: le droit de grève devrait être le
seul moyen de pression utilisé pour favoriser la négociation au
plan provincial; les moyens de harcèlement qui ont une influence
négative sur le climat qui doit caractériser l'école et
qui font que les services pédagogiques ne sont pas rendus
adéquatement doivent être éliminés
complètement; les services essentiels doivent être définis
par les deux parties en cause, et non pas seulement par la partie syndicale; et
les syndiqués qui utilisent leur droit de grève doivent en
supporter les conséquences, y compris les coupures de salaire
inhérentes à une absence fonctionnelle de leur milieu de
travail.
Un commentaire accompaqnant la question des services essentiels. Je
voudrais ajouter le point suivant: Tout en affirmant l'éducation comme
un service essentiel en soi, nous reconnaissons une différence entre ce
genre de service et celui de la santé lorsque viennent les conflits
découlant des relations de travail. Il n'en demeure pas moins que
certains aspects des services éducatifs dispensés par le
réseau revêtant un caractère de précaution
très précis, par exemple, nous considérons essentiel que
le conflit se déroule dans un contexte respectueux du client en
présence. Les adultes en place doivent considérer que la nature
même des services éducatifs dispensés après le
conflit ou pendant le conflit risque
d'être entachée des comportements exprimés par les
parties devant leurs clients.
En deuxième lieu, nous considérons essentiel aussi
d'assurer en toute occasion la santé et la sécurité des
élèves, d'où notre opposition aux formes de
harcèlement signalées précédemment et qui
surgissent de façon surprenante, délaissant parfois des centaines
d'élèves de niveau élémentaire, parfois le plus
grand nombre au niveau secondaire, quand ce ne sont pas des
élèves qui ont besoin de services particuliers. Sonqeons par
exemple aux services offerts aux handicapés ou aux groupes
mésadaptés sans que l'encadrement ne soit adéquat dans la
circonstance où l'événement se produit.
Enfin, nous considérons essentiels certains services offerts
à des plans précis et qui peuvent avoir des effets
négatifs majeurs sur la carrière scolaire de l'étudiant.
Sonqeons par exemple à des périodes touchant la certification
nécessaire au passage de la commission comme telle vers le niveau
collégial. D'ailleurs, ces aspects ont été relevés
dernièrement par la charte des élèves nouvellement
publiée.
Enfin, au niveau des attitudes, nous croyons que les intervenants
(directeurs généraux, présidents des commissions
scolaires, fédération) doivent démontrer une certaine
fermeté dans l'application des conventions.
De la même façon, ces intervenants doivent recevoir un
appui politique clair du gouvernement lorsqu'ils doivent mettre un terme
à l'utilisation des moyens de harcèlement incompatibles avec la
qualité des services à offrir à leur clientèle.
Telles sont quelques-unes des règles qui doivent régir
l'exercice du droit de grève qui accompagne la négociation de
conventions collectives au palier provincial.
Enfin la possibilité d'arrangements locaux. Les commissions
demandent que les arrangements locaux soient possibles à
l'intérieur d'un cadre prévu dans la convention collective
provinciale. Il s'agirait de modalités particulières à un
milieu à l'intérieur d'un cadre général clairement
défini par l'entente provinciale. La formule d'une négociation
provinciale avec des possibilités d'arrangements locaux existe
actuellement pour les collèges et d'autres syndicats d'employés
des commissions; exemple: professionnels et personnels de soutien.
Cette formule d'arrangements locaux ne présente pas de
problèmes pour autant qu'elle n'aboutit pas dans les faits à des
négociations locales. À cette fin, les libellés de la
convention élaborée au palier provincial doivent être
clairs et ne comporter aucune ambiguïté.
Les arrangements locaux devraient avoir lieu au cours d'une
période fixe après la signature de l'entente provinciale;
celle-ci devrait aussi contenir des dispositions qui s'appliqueraient lorsqu'il
n'y aurait pas de possibilité d'entente au niveau local dans le
délai fixé.
Étant donné qu'il ne s'agit pas de négociation de
convention collective dans le présent cas, nous considérons que
les discussions devant conduire à des arrangements locaux ne devraient
pas être appuyées par le droit de grève ou par un droit de
recours à divers moyens de harcèlement.
En conclusion, je résume en répétant que par
rapport aux domaines d'activité qui les concernent, les directeurs
généraux demandent donc, pour le plan local et touchant
strictement la dimension de la négociation locale, le retrait du droit
de grève; ils croient que les négociations avec les enseignants
doivent se situer au palier provincial et que le droit de grève,
à ce moment, est le seul moyen de pression qui puisse être
utilisé pour supporter ce processus.
Enfin, les directeurs généraux considèrent que
l'entente provinciale doit contenir le cadre précis permettant certains
arrangements locaux. L'ADIGECS considère que ces recommandations sont de
nature à améliorer le climat qui doit caractériser tout
milieu éducatif.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'Association des directeurs généraux des commissions
scolaires de son mémoire. C'est la première fois depuis le
début de nos travaux qu'on aborde la question de l'éducation et,
en particulier, le déroulement des négociations en ce qui
concerne le secteur des commissions scolaires. Soyez assurés, comme
d'ailleurs ce sera le cas pour chacun des mémoires, qu'on examinera
très attentivement chacune des recommandations que vous formulez.
Comme je sais que certains collègues désirent vous poser
un certain nombre de questions, je vais m'en tenir à une seule
remarque-question, si vous voulez.
À la page 8 - cela revient, parce que vous en reprenez une partie
plus loin dans votre mémoire - vous évoquez antérieurement
d'ailleurs dans votre mémoire, avant d'arriver à cette
proposition, le problème que pose le double niveau ou les deux
étapes, parce que c'est à la fois deux niveaux, mais, dans le
temps, en même temps deux étapes de négociation dans le
secteur scolaire. J'évoquais moi-même, ce matin, le fait qu'en
particulier dans le secteur de l'éducation, quand on pense aux
commissions scolaires, on pense toujours aux citoyens, à la population,
c'est-à-dire dans ce cas-là bien précisément, aux
parents, aux
enfants, au moment où c'est réglé, il y a une
entente à l'échelle provinciale, à l'échelle du
Québec, les gens ont souvent l'impression que c'est fini. Ils
comprennent mal. Tout d'un coup, ils ont l'impression que cela recommence. Mais
effectivement, ce n'est pas fini. Vous avez parfaitement raison, me
semble-t-il, de soulever cette question.
Je voudrais en venir plus précisément à votre
recommandation. Vous nous proposez un seul palier de négociation, c'est
le titre de cette partie de votre mémoire. Il y aurait donc une seule
étape de négociation.
Toutefois, vous dites: "Nous sommes cependant favorables à la
possibilité d'arrangements locaux... ". Plus loin, vous expliquez un peu
plus. Vous dites que, par arrangements locaux, vous songez à des
modalités particulières à un milieu.
Je pense qu'il serait intéressant pour les membres de notre
commission que vous puissiez nous illustrer, si c'est possible, ce à
quoi vous faites concrètement allusion quand vous parlez de
modalités particulières à un milieu. Je vous dirai
très franchement pourquoi je vous pose cette question. Il me semble que
l'hypothèse que vous mettez sur la table mérite d'être
très attentivement étudiée et regardée. Cependant,
je voudrais voir ce que vous incluez concrètement dans les
modalités, parce que, selon l'ampleur ou la porté de ces
"modalités", il me semble qu'il pourrait devenir délicat... Si
l'ampleur et la portée sont relativement larges, il deviendrait
délicat et je ne vois pas sur quel principe, parce qu'on aurait deux
poids, deux mesures... On pourrait, d'une part, dire, quand il s'agit de
paliers de négociation à l'échelle du Québec,
nationale, qu'il y a là les droits collectifs des uns,
c'est-à-dire le droit de grève, mais en même temps cela
doit s'accompagner du respect fondamental des citoyens aux services essentiels.
Mais, quand on arrive à ces arrangements de modalités dans le
milieu, aux droits des uns et aux droits des autres, dans ce cas-là...
Je crois que ce serait intéressant pour nous de voir ce que vous incluez
concrètement dans cette notion de modalités particulières
à un milieu qui feraient partie du domaine de ce que vous appelez les
arrangements locaux possibles.
M. Paquette (Michel): Je pourrais répondre à la
question en donnant des exemples précis. Ce serait cependant injuste
dans le contexte de la justification de notre choix, parce qu'on a finalement,
à bout de course, privilégié les arrangements locaux
basés sur ce que je qualifie d'histoire de notre association et de notre
approche du dossier là-dessus. Alors, si vous me donnez quelques
minutes, je vais préciser cela.
Nous avons déjà pris antérieurement, dans d'autres
dossiers, je me remémore le dossier sur la décentralisation dans
le réseau des commissions scolaires des années 1975 et, à
la commission Bouchard, la question de la gestion des négociations, nous
avions, nous avons encore, comme position de base, favorisé l'approche
la plus large possible d'une décentralisation au niveau des commissions
scolaires. Si on applique froidement ce principe, nous ne pourrions aboutir
à un arrangement local par rapport à nos convictions parce que
nous préférerions la négociation locale. Cependant, le
contexte actuel de la gestion du réseau semble se porter davantage,
à cause des circonstances de choix budgétaire, de liaison du
phénomène de la sécurité d'emploi, de toutes sortes
de bonnes raisons qu'on peut attribuer aux circonstances, à placer le
gouvernement dans une difficulté d'élargir son champ de manoeuvre
et, à ce moment-là, de nous donner ce qu'on voudrait avoir de
plus étendu comme choix de négociations.
Comme cela ne semble pas être quelque chose de réalisable
pour l'instant, on reste quand même pris avec le problème suivant,
qui est de permettre à des commissions qui ont, sur certains dossiers,
des notions d'approche qui diffèrent les unes des autres - sans toucher
à ce problème budgétaire de gestion de ressources et tout
le tralala - des choix de gestion qui sont particuliers. L'exemple que
j'arriverais à vous donner à ce moment-là, c'est le
phénomène de la gestion partagés avec nos employés,
la consultation. Parlons, par exemple, de la procédure qui
réglemente toute l'affectation au niveau de nos personnels dans
l'application comme telle de particularités de champs d'enseignement, de
classes, de degrés ou d'écoles.
Ce sont des sujets sérieux, mais le problème qui nous
préoccupe, c'est celui que vous avez soulevé, finalement. C'est:
Est-ce qu'on peut se permettre, par le choix du respect total de la discussion
avec nos gens, de ramener à la population et à nos
élèves, en l'occurence à deux reprises dans le même
temps, deux niveaux de pression et de négociation qui créent une
situation absolument incompréhensible pour les gens à qui on a
affaire dans notre administration? J'avoue que c'est difficile à
expliquer quand les gens nous interrogent là-dessus: Comment? Tu nous
dis que sur le plan national, on vient de régler et tu recommences?
Comment rallier les deux? C'est un choix que l'on fait. Il est
discutable, mais c'est le seul choix qu'on a trouvé qui était
acceptable, soit de dire: II y a peut-être un compromis là qui
serait le suivant. Il y a un débat dans lequel on accepte les
règles du jeu de la négociation avec le droit de grève et
tout ce que cela implique, on est d'accord sur cela. Cela ne changera pas le
problème de permettre à des milieux précis, à
des
temps donnés, de régler certaines particularités de
gestion parce qu'il y a des différences. Les deux exemples dont je vous
parlais sont suffisamment importants pour permettre ces différences, et,
à ce moment-là, garantir dans un texte qui serait national, si
jamais il n'y a pas de règlement satisfaisant, un encadrement qui
répond à la question que vous soulevez: aux employés et
à la commission, une possibilité de participation à la
consultation pour la gestion de la commission, pour les enseignants, ou un
règlement qui est un pis-aller quant au processus d'affectation. C'est
dans ce sens-là qu'on dit: Si on peut le déborder et aller plus
loin - parce qu'on sait qu'il y a des commissions qui vont plus loin - dans
certains arrangements locaux que le canevas national le permettrait, mais qui
n'ont pas d'incidence sur le plan national, vraiment, on va le favoriser, mais
dans une limite. Dans le fond, on veut limiter le temps et le moyen pour
empêcher que la population ne vive deux fois le
phénomène.
Cela a été un choix que je qualifie de stratégique,
à cause de notre préoccupation plus centrée sur la
réaction des gens qui vivent le phénomène de double
pression, mais en étant aussi respectueux du phénomène de
la négociation nationale avec ses implications. Cela a été
notre conclusion. Je ne sais pas si cela répond clairement à
votre question.
M. Marois: Oui, merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Hains (Saint-Henri).
M. Hains: Ma question s'adresse à M. Paquette. À la
suite de la lecture de votre mémoire, M. Paquette, je retiens comme
résumé de votre intervention que vous demandez surtout a
négociation à un seul palier, c'est-à-dire le palier
national. Pour vous dégager de cette lourde responsabilité, vous
invoquez plusieurs arquments. Entre autres, l'ingérence du gouvernement
dans les négociations et vous citez, en page 6, la mise en tutelle de la
CECM pour la durée d'une signature par un tuteur nommé à
cet effet. De plus, vous évoquez la paix dans les écoles et le
bien-être des élèves. Ceci est très noble et, dans
les circonstances, fort apprécié. (20 h 30)
Mais voici ma question. En renonçant à votre rôle de
négociateur local, ne craignez-vous pas de diminuer votre importance
comme corps public et d'amoindrir votre rôle d'intermédiaire?
À l'heure où l'on parle de la disparition des commissions
scolaires, n'avez-vous pas peur de donner ainsi au ministère de
l'Éducation un argument frappant pour décider de votre
disparition? Si vous voulez la paix, préparez la guerre. J'ai peur
façon préparant votre paix vous ne donniez un coup mortel
à vos commissions scolaires. On écrase facilement les petits,
mais on respecte les forts. J'espère qu'en préparant cette paix
vous serez en état de vous aguerrir pour mieux assurer votre survie.
C'est là-dessus que je vous pose la question.
M. Paquette (Michel): Comment concilier les deux
réactions, les deux tendances?
M. Hains: C'est cela.
M. Paquette (Michel): Là-dessus, je vous dirai que, dans
le fond, quand j'écoute vos propos, je les partage intégralement.
Mais la problématique qu'on soulève, dans notre esprit,
malgré le risque qu'on sait qu'on assume, nous paraît faire un
effort d'intégration en nous de la réalité qui est celle
qui s'impose devant nos yeux. On ne veut pas, non plus, être dupe de
situations qu'on a à gérer et courir après un espoir qui
semble toujours inatteignable pour finalement ne pas régler une
situation qui est là et que les gens qui sont dans nos milieux nous
soulèvent constamment.
Sur le fond de la question, en toute franchise, on sait fort bien le
risque qu'on court de soulever un point dans leguel à première
vue, fort probablement, et dans un secteur important, on semble dire qu'on est
prêt à se détacher d'un pouvoir qui est essentiel, et on le
partage ce pouvoir comme essentiel.
Ce qu'on exprime, c'est que, tout en se maintenant dans d'autres
dossiers - d'ailleurs, on aura l'occasion probablement, dans des projets qui
semblent s'annoncer, de revenir sur la question des pouvoirs locaux - on est
convaincu qu'il faut, à ce niveau, maintenir des assises pour permettre
à une collectivité de se parler et de faire face à des
réalités qui sont très "circonvenues".
Sur la question des négociations, depuis toutes les années
qu'on en parle, qu'on travaille là-dessus, il semble que les
circonstances empêchent, ne favorisent pas, ne permettent pas qu'on
traite le dossier dans cette approche. Je me dis, à un moment
donné: Dans un dossier de décentralisation, est-il
réaliste de penser qu'on peut récupérer tous les dossiers
ou s'il y a des dossiers que, par le fait qu'au Québec on doit se
partaqer certaines contraintes, on ne doit pas rallier? On a fait le choix de
dire, à un moment donné: Puisqu'on ne semble pas pouvoir les
récupérer et comme on doit se les partaqer au point de vue de
l'ensemble du Québec, à ce moment, on est aussi bien de le faire
d'une façon réaliste et rationnelle, mais ne pas créer ce
niveau que moi, je qualifie de factice par les propos qu'on vous tient parce
que les enjeux qui sont dans la négociation
locale ne nous semblent pas concordants avec l'impact que cela
crée dans la population. On dit, à ce moment: Au lieu de
maintenir cette pression chez les clients, on est aussi bien de le dire
franchement et de le qérer autrement. Cela semble être un recul et
cela peut être aussi un recul de circonstance étant donné
la spécificité du dossier, mais je ne voudrais pas que personne
nous ayons l'image ou que nous projetions l'image que c'est pour nous une prise
de position établissant que nous ne sommes pas en accord avec la notion
de gouvernement local. Pas du tout. C'est vraiment quelque chose de
séparé et que nous cherchons à établir d'une
façon très spécifique.
Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).
M. Gauthier: Mon intervention portera sur le même
paragraphe de la page 6 de votre mémoire où on
énumère un certain nombre d'interventions gouvernementales dans
des négociations passées et où on dit pour conclure:
L'autonomie des commissions scolaires, dans un contexte de négociation
semblable, est plutôt un prétexte qu'une
réalité.
Provenant du monde scolaire, je conçois et je comprends fort bien
les difficultés des négociations locales et j'achète dans
une certaine mesure la recommandation qui est faite là-dedans. Mais
j'aimerais avoir plus de précisions parce que je m'étonne de voir
que l'autonomie, en tout cas, que la perception que vous avez de l'autonomie
des commissions scolaires dans cette négociation est aussi
réduite qu'on semble vouloir le laisser croire là-dedans.
On sait fort bien que toute négociation se fait dans un cadre
donné, avec des règles du jeu et avec certaines limites à
ne pas dépasser, que ce soit le gouvernement qui négocie ou que
ce soit ses partenaires. Je voudrais avoir de plus amples explications
là-dessus et que vous m'expliquiez cette affirmation que vous mettez
à la page 6 de votre mémoire.
M. Paquette (Michel): Je pense que vous soulevez
particulièrement le texte où je dis: L'autonomie des commissions,
dans un contexte pareil, est plutôt un prétexte qu'une
réalité.
M. Gauthier: C'est exactement cela.
M. Paquette (Michel): Effectivement, ce qu'on ressent - et c'est
de l'ordre de la réalité parce qu'on est capable, je pense, de
soulever les situations qui ont pu se présenter - dans une relation de
discussion d'affaires, si on veut utiliser un terme qui est expressif, avec les
gens qui travaillent dans nos milieux et qui font des fonctions d'enseignant,
de personnel de soutien ou de professionnels, dans un contexte où les
parents et les contribuables nous reqardent travailler, il est difficile... Et
faites attention aux propos là-dessus, parce que pour nous ce n'est pas
une question du fardeau, c'est une question de sa conséquence; le
fardeau de la tâche, je pense qu'on est tous capables individuellement de
faire nos efforts, mais c'est la conséquence de la lecture qui m'importe
davantage. Dans un contexte où une personne travaille avec moi dans une
relation d'élaboration d'un texte local, le client qui nous regarde
travailler, s'il n'est pas sûr que les règles du jeu, comme
patron, la commission les possède intégralement et n'est pas
soumise à une loi qui peut les contrer, il sait fort bien qu'il peut
utiliser en même temps différents leviers de pression, ce qui
crée au niveau de la commission d'autres niveaux de pression que ceux
qui devraient s'exercer et ça entache aussi la crédibilité
des interlocuteurs. Au même titre, chez moi, par exemple, si dans le
réseau scolaire je passais constamment mon temps à intervenir
dans une école pour contrer une intervention d'un directeur
d'école, une décision de gestion, je briserais sa
crédibilité.
Au même titre, la commission scolaire, si elle est dans une
période de négociations et est constamment, parce que la
situation l'exige - je vais aller jusqu'à émettre ça comme
possibilité - dans l'état de ne pouvoir toujours assumer sa
pleine autonomie de décision face à ses interlocuteurs,
nécessairement je pense que le jeu des négociations n'est pas
vraiment un jeu à deux parties, c'est un jeu avec trois ou quatre
parties qu'on identifie mal et on ne sait pas quand elles vont se
présenter. C'est dans ce sens qu'on dit: Une autonomie dans un contexte
de négociation où les règles ne sont pas claires deux
à deux, avec un phénomène de pression présent dans
le contexte du milieu simplement, c'est un prétexte, on ne l'exerce pas
et on se dit: On est peut-être aussi bien de ne pas l'entacher et de
garder cette autonomie pour les champs de manoeuvre qui nous sont utiles et
nécessaires. Je ne sais pas si ça répond à votre
question?
M. Gauthier: Est-ce que je peux poser une sous-question? Si je
comprends bien le sens de votre réponse, c'est que le concept que vous
vous faites de l'autonomie ce serait finalement un mandat beaucoup plus large
qu'actuellement, un mandat qui aurait pour limite ce que la commission scolaire
déciderait de lui donner. Ce à quoi vous faites
référence - je pense qu'on se comprend sur un certain nombre de
choses -quand vous dites que les commissions scolaires ne possèdent pas
toute la marge de manoeuvre dont elles auraient besoin, vous
faites sûrement référence au respect que vous devez
avoir de l'entente provinciale négociée, la limite à ne
pas dépasser. Mais ma divergence venait justement du fait qu'à
mon point de vue vous avez, à l'intérieur de cette limite
à ne pas dépasser - entre autres vous avez cité tout
à l'heure tout le processus d'affectation des enseignants - une marge de
manoeuvre qui est relativement bonne.
M. Paquette (Michel): D'accord, là-dessus, je pense que
c'est important d'apporter la précision, parce qu'on ne s'est pas
totalement compris. La quantité et l'ampleur des points
relégués à la négociation locale sont fort
limitées par rapport à l'importance de la communication des
interlocuteurs - patron-employés, pour utiliser un terme reconnu - dans
le sens que, par exemple, quand je traite chez moi la répartition des
effectifs, si cette répartition est totalement encadrée par des
règles qui sont fermées, mon jeu d'intervention dans le choix des
moyens à y mettre est fort limité; ça, c'est un point.
Le deuxième point c'est que, même dans la petite partie qui
nous reste, on vit dans un contexte de pensée, au Québec, qui
crée beaucoup d'inquiétude, dû au fait que, par exemple, il
y a une négociation nationale qui est terminée depuis six mois,
mais qu'il y a de petites guerres ici et là qui durent encore un an ou
deux. On veut ramasser ça pour mettre de l'ordre une fois pour toutes,
mais on se dit: En plus de ne pas avoir une très grande avenue de
négociation, on n'est pas sûr de pouvoir gérer totalement
le conflit chez nous, ce qui crée, dans la circonstance, ce que
j'appelais tantôt un phénomène de brisure des
crédibilités; c'est qu'à ce moment on n'est pas sûr
que l'autonomie qui s'exerce soit vraiment la propriété du milieu
et il y a toujours là une absence de pouvoir. Donc, si le pouvoir
n'existe pas, on est aussi bien de l'encadrer dans un contexte où il va
permettre après la gérance des personnels, plutôt que cette
situation qui est toujours mi-chair, mi-poisson.
M. Gauthier: D'accord.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Dougherty, députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
poursuivre un peu la ligne de pensée de mon collègue de
Saint-Henri, parce que je crois que sa question était très
pertinente et j'ai l'impression que votre proposition d'abolir les
négociations locales est en effet d'abandonner un peu vos
responsabilités pour acheter un peu de paix à court terme. Je
suis un peu étonnée que vous n'ayez pas traité d'autres
aspects des négociations qui ont un impact grave, à mon sens, sur
vos responsabilités et sur la possibilité de gérer les
commissions scolaires comme vous voudriez le faire.
D'abord, les coûts des négociations. Vous savez, je crois,
que les négociations dans le secteur public coûtent 20 000 000 $
pour chaque ronde. Je crois qu'éliminer les négociations au
niveau local, c'est une partie du problème, mais cela ne règle
pas le problème facilement.
Sur les coûts également, je crois que vous n'avez pas
parlé de l'impact des contrats, du résultat des contrats, des
ententes sur les budqets des commissions scolaires. J'avais une question pour
le ministre, mais il est sorti. Oh! Il est ici. M. le ministre, j'ai une
question pour vous sur les coûts des budgets scolaires des commissions
scolaires qui résultent des ententes. Est-il vrai que, la
dernière fois, à la dernière ronde des
négociations, c'était le but du gouvernement de rendre les
salaires dans le domaine de l'éducation équivalents au secteur
privé? C'était, je crois, un des grands buts dans le domaine de
l'éducation. J'aimerais vous demander si vous avez réussi
à atteindre ce but.
M. Marois: M. le Président, je pourrais peut-être
donner l'élément de réponse que j'ai en main pour
l'instant à la question qui est posée. Tout cela était
basé sur des éléments de comparaison avec le secteur
privé. L'équation automatique à faire apparaissait
relativement difficile.
Effectivement, il faudrait véritablement que j'aille fouiller
davantage dans les dossiers pour être à même de vous donner
une réponse complète et précise au moment où on se
parle. Mais je pourrais le faire. On peut prendre les renseignements et vous
les communiquer cependant.
Mme Dougherty: Mais je crois que c'est une question assez
importante pour l'avenir parce que c'est un but avec lequel je suis d'accord et
je crois que tout le monde dans le monde scolaire est d'accord et on n'aurait
peut-être pas aujourd'hui de coupures aussi sévères si on
avait réussi à atteindre notre but.
Pour revenir à votre mémoire, vous n'avez pas
traité tout le problème du résultat des ententes, des
conventions collectives, sur la qualité de l'éducation, sur la
flexibilité de qérer pour le bien des enfants. Est-ce que vous
avez quelques suggestions ou quelques propositions à faire pour
améliorer la qualité de l'éducation même avec des
négociations locales? Est-ce que vous êtes d'accord avec le champ
des négociations? J'ai l'impression que, dans le domaine de
l'éducation, on négocie peut-être trop de choses. On
règle tout ce qui se passe dans les écoles, même dans
les
curriculum, dans les négociations. (20 h 45)
Si votre proposition est bonne, peut-être que le résultat
sera plus satisfaisant si on examine un peu le champ de négociation, et
ce champ doit être un peu plus restreint.
J'ai d'autres questions. Vous avez dit que les moyens de
harcèlement doivent être complètement
éliminés. Comment? C'est plus facile de le dire que de le
faire.
Pour les services essentiels, est-ce que la définition des
services essentiels en éducation est un problème pour vous? Je ne
sais pas. Est-ce que la méthode actuelle est satisfaisante?
Pour le rôle de l'État dans cette affaire, vous avez
suggéré une grève limitée, un terme de
grève. Pensez-vous que c'est une suggestion réaliste? Ou on a une
grève ou on n'a pas de grève, mais une grève d'une
semaine, de deux semaines, est-ce vraiment une suggestion réaliste?
M. Paquette (Michel): Je comprends que vous avez... en tout cas,
j'en ai noté sept. Je vais essayer de les regrouper, parce que ça
touche certains thèmes. Je vais essayer de les séparer, si vous
me permettez.
Vous avez soulevé la question de vérifier notre niveau
d'abdication par rapport à notre champ de responsabilité. Vous
avez aussi soulevé la question de l'impact des coûts de
négociation avec le résultat - la troisième était
celle-ci - des ententes sur la qualité offerte en éducation en
conséquence des ententes.
Vous avez soulevé la négociation locale en termes
d'interrogation comme effet possible d'amélioration des services
éducatifs localement.
Vous avez soulevé la question du harcèlement, comment le
contrer. La question des services essentiels, si c'est un problème pour
nous, et la grève limitée.
Je voudrais simplement dire à la députée que dans
l'espèce de regroupement que je ferai, je vais essayer de
repréciser certaines choses peut-être sur lesquelles nous avons
manqué de clarté et qui vont vous permettre d'aller plus loin
dans la compréhension de notre texte. J'ai l'impression que sur certains
points vous avez une lecture qui ne correspond pas à l'esprit qu'on
avait en le rédigeant. Je vais donc préciser.
J'aimerais, si vous me permettez, séparer deux questions pour
lesquelles nous n'avons vraiment pas eu de choix d'intervention. Nous avons
décidé de ne pas nous préoccuper de la question de
l'impact des coûts de négociation et de la question des
résultats des ententes en termes d'effets sur la qualité de
l'éducation.
Quand nous avons fait notre lecture du mandat de la commission, nous
avons privilégié davantage une approche qui touchait la
mécanique. Nous n'avons eu d'aucune façon l'intention de faire
des propos sur la question des coûts et des qualités de services,
sachant fort bien que vous soulevez des points fort sérieux qui,
d'ailleurs, se rapprochent de nos préoccupations, mais que nous faisons
ailleurs, en temps et lieu, que ce soit sur des dossiers à
caractère de gestion de ressources ou sur des dossiers à
caractère de préparation par rapport à l'évaluation
des effets de la négociation. On a eu des contributions
là-dessus, mais on l'a séparé et je n'ai pas de mandat ici
pour en parler comme tel. Je les tiens donc à l'écart.
Une intervention de principe ou de clarification sur une notion de
principe, je pense que c'est votre première intervention sur notre
abdication de responsabilité. C'est fort évident, et quelle que
soit la personne qui nous pose la question, si la lecture qu'elle fait de la
situation, c'est que l'obtention du droit des commissions scolaires est une
chose à obtenir comme cible ultime et exclusive par rapport à la
gestion du réseau, nécessairement elle lit notre texte comme une
démission... Là-dessus, si on est très
sévère, je répète les propos que je tenais
tantôt, c'est possible que ce soit vu comme ça, si nous ne
replaçons pas ça dans le contexte de la gestion du réseau
tel qu'il est actuellement. Nous avons la prétention, discutable ou pas,
nous avons la prétention que la question de la gestion du réseau
et de son partage des responsabilités fait affaires à un
contentieux qui est fort difficile, qui est fort compliqué aussi et qui
ne se traite pas depuis hier, qui se traite depuis plusieurs années
entre le gouvernement présent et passé, la
fédération des différentes commissions scolaires et aussi
les associations protestantes; c'est un contentieux qui est en place au
Québec depuis fort longtemps. C'est un contentieux qui semble devoir
reprendre du poil de la bête quand on entend les choses se
répéter dans les journaux et qu'on semble en parler plus
sévèrement actuellement, mais, pendant que ce contentieux n'est
pas réglé, ça ne change rien au fait que le
problème est entier et qu'on se retrouve dans un contexte où je
pense en toute sincérité, au nom de nos collègues, comme
on l'a exprimé, qu'on gère mal un phénomène de
conflit qui n'a aucun sens, quand ce conflit se place dans un contexte
où on ne pense pas que le jeu en vaille la chandelle de se battre sur le
terrain deux fois et de créer l'état d'esprit qu'on connaît
dans nos écoles; c'est le seul choix qu'on fait.
Et je reviens à votre intervention. Pour nous, ce n'est pas une
abdication de responsabilité, c'est une conclusion circonstanciée
à un temps donné, ce qui ne nous empêchera nullement, dans
d'autres dossiers, de revenir à la charge sur ça, mais dans un
contexte où le partage des
responsabilités va être clair. Si on veut nous attribuer,
dans les commissions, des responsabilités qui sont sans sens, qui n'ont
pas d'effet, ça ne sert à rien de les mettre là, ça
va provoquer tout simplement une situation où les gens seront mal
gérés; c'est la seule conclusion que l'on fait là-dessus.
Alors, j'avoue que votre jugement, je le trouvais précis mais
sévère par rapport à l'approche qu'on a.
Je reviens à la question plus particulièrement
détaillée que vous souleviez sur l'aspect du harcèlement.
Sur la question du harcèlement, je pense que là-dessus, en tout
cas dans l'esprit du texte, nous avions deux approches. La première
approche traitait autant de nous, au niveau des commissions scolaires, que du
gouvernement. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a eu une
expérience qui s'est créée avec le temps, qui ne pouvait
être présente à une époque où on n'avait pas
ce phénomène subit des moyens de pression qui s'exerçait
rapidement sur le champ; c'était un moyen pour activer le débat.
Et je pense qu'on essayait de créer dans cette
nouveauté-là notre propre tradition de fonctionnement, pour se
rendre compte finalement que la règle du jeu qui nous semble la plus
véritable à appliquer, c'est celle d'appliquer très
sévèrement et rigoureusement les précisions. Je donne un
exemple: si les moyens de harcèlement créent, par exemple, un
état d'esprit selon lequel on sait jamais si, en après-midi, le
matin ou en cours de journée, il y aura présence ou non du
personnel pour dispenser des services aux enfants, je pense que la commission,
à ce moment-là, doit aller plus loin que l'attentisme auquel on
était habitué et provoquer une situation qui fera en sorte qu'on
devra alors appliquer une mesure qui sera ferme et qui sera concurrentielle
avec l'autre, pour éviter justement ce phénomène
d'insécurité où on ne sait jamais, par exemple,
l'encadrement qui sera dispensé aux élèves. C'est
là une responsabilité qui nous incombe, mais qu'on soulève
là-dedans, qui n'est pas adressée au gouvernement, qui n'est pas
adressée à la commission non plus; on dit qu'elle devra faire
l'objet d'animation dans notre propre milieu.
L'autre partie, cependant, comme moyen de recommandation, c'est aussi le
fait que, quand ces harcèlements sont assumés et
gérés par un gouvernement local, en termes de moyen d'application
là-dessus, on ne veut pas non plus que nous soit sapé le pouvoir
de le faire. Sans ça, cela créé encore ce qu'on appelait
tantôt l'instabilité du pouvoir à qui il appartient et
ça élimine cette possibilité de brisure sur une situation
dans un lieu donné, et la recommandation s'adresse, dans le fond,
à ce moment-là, aux interventions à caractère plus
politique qui viennent contrer la gérance locale.
Alors, ce sont les deux moyens particuliers qu'on a soulevés,
sachant fort bien que le reste, c'est une question d'application précise
dans des temps donnés. Cela peut difficilement faire l'objet de
réglementation très articulée, mais ce sont des choses qui
se passent et qu'on doit gérer. Cela doit se gérer dans un
état d'esprit et les points qu'on a soulevés font appel à
l'état d'esprit.
Quant à la question des services essentiels, je pense que
tantôt, quand j'ai fait un ajout verbal au texte que nous avons
déposé... Effectivement, pour nous, la notion de services
essentiels se rattache principalement à ces lieux-là, de temps,
où les enfants se retrouvent dans une situation d'encadrement affaiblie.
Je pense, par exemple, au harcèlement qui peut se produire à 10
heures le matin, quand un principal d'école de niveau
élémentaire se retrouve avec 350 élèves sur les
bras, sans que l'encadrement soit satisfaisant et que ça soit dangereux
pour la sécurité. Ce sont ces notions de services essentiels qui
nous préoccupent davantage, tout comme on peut soulever, par exemple, le
problème des handicapés moteurs ou le problème des
mésadaptés sociaux, notion qu'on devrait travailler à
définir probablement plus sévèrement. Je pense
qu'antérieurement on n'a pas eu beaucoup de tradition là-dessus;
c'est quelque chose qu'on a ouvert comme étant un point de
réflexion éventuel. Et il y a aussi l'aspect qui nous
préoccupe actuellement, mais qui nous reste à la
réflexion, qui est celui de la certification et de tout le transfert des
bassins d'élèves entre le niveau secondaire et le niveau
collégial, par exemple, où il y a des temps dans l'année
où l'effet sur la carrière de l'étudiant est beaucoup plus
dramatique ou directement dangereux que le temps dans l'année ou le
temps précédent où c'est moins près de ces moments
de certification. Dans les services essentiels, tantôt dans
l'intervention verbale que j'ajoutais, cela a été les points que
nous avons soulevés. Quant à la question de la grève
limitée, Mme Dougherty, franchement, je n'ai pas eu l'impression que
nous avions dit cela. Si dans notre texte cela a transpiré, je vais le
corriger. Je n'ai jamais eu l'impression que nous avions dit que nous
étions pour une grève limitée. Je ne sais pas si le texte
est dans cet esprit ou vu comme ça, mais je reviendrais sur le texte si
c'est ça.
Le Président (M. Rodrigue): M.
Paquette (Rosemont).
M. Paquette (Gilbert): M. le Président, à la suite
des précisions que vient d'apporter M. Paquette, j'avais
également compris leur intervention de la même façon. En
fait, dans le domaine de l'éducation, on a un régime de
négociations qui est déjà à toutes fins
utiles centralisé au niveau national. Cela ne veut pas dire
nécessairement une abdication des responsabilités de la part des
commissions scolaires, pas plus que des syndicats locaux du côté
de la partie syndicale. Cela veut simplement dire que les discussions se font
en groupe et qu'il y a une table patronale a laquelle les commissions scolaires
partagent des responsabilités avec le gouvernement à titre
d'employeur. Du même coup, de l'autre côté, les syndicats
locaux ont également ce même partage des responsabilités
à faire au sein de leurs centrales syndicales et de leurs associations
d'enseignants.
Mais cela soulève quand même, ce degré de
centralisation des négociations, tout le problème de la
centralisation des structures scolaires. On a beau faire des tentatives de
décentralisation dans le système de l'éducation, si le
nombre d'objets de la convention collective est tel et si en plus il est
négocié sur le plan national, la décentralisation devient,
à toutes fins utiles, largement illusoire. Je pense que le
problème n'est pas tellement la question de la responsabilité au
nom des commissions scolaires, mais l'espèce d'escalade vécue de
chaque côté sur le plan, je dirais, bureaucratique, entre les
structures patronales et les structures syndicales, de sorte qu'on se retrouve
avec des conventions collectives qui ont deux pouces d'épais et qui
entrent dans tous les détails de la vie pédagogique à
l'école, ce qui paraît excessif à beaucoup de gens.
Simplement pour préciser le niveau de centralisation, je pense
qu'à la dernière négociation, il y avait treize objets de
négociation au niveau local... C'était dix-huit... La plupart
étaient des points, je pense, relativement mineurs. Est-ce qu'on peut
dire qu'il y a eu une divergence énorme d'une commission scolaire une
fois les négociations locales terminées?
M. Paquette (Michel): Moi j'avais lu que c'était fort
possible, mais sur la quantité des choses en cause par rapport à
leur importance en regard de la gestion des services éducatifs, la
question qu'on se pose et la réponse qu'on a eue au bout de la course,
c'est non. Est-ce que cela valait le jeu de créer une insistance de
double emploi de la négociation dans un contexte où ce sont les
enfants et les clients en général qui le vivent, avec ceux qui le
partagent aussi, parce qu'autant pour les enseignants que pour nous, que pour
les enfants, cela fait une situation à deux plateaux.
M. Paquette (Gilbert): J'aime bien votre proposition
d'éliminer la négociation au niveau local et de remplacer cela
par des arrangements locaux. J'aimerais qu'on essaie de préciser un peu
cette notion. D'abord, vous avez parlé tantôt de gestion
participative. C'est un terme qu'on entend depuis quelques années, mais
qui n'a pas été beaucoup vécu dans le concret. Cette
gestion participative, dites vous, devrait avoir lieu à périodes
fixes. Est-ce que vous voyez cela comme une consultation? En cas de
désaccord entre la partie syndicale et la commission scolaire, qui
est-ce qui tranche? Est-ce que les objets de ces arrangements locaux seraient
déterminés au niveau de la négociation nationale? Sinon,
comment seraient-ils définis? Est-ce que cela regrouperait à peu
près les 18 points qu'on avait à la dernière
négociation ou si cela pourrait être plus vaste ou moins vaste?
Est-ce que vous pourriez préciser cela un peu?
M. Paquette (Michel): En fait, là-dessus, ce qu'on fait
comme rapport de similitude, c'est qu'on se rapproche, par exemple, de ce qui a
été vécu dans le secteur de la discussion d'arrangement
local avec les personnels de soutien ou les personnels professionnels. Il y
avait dans le canevas national une série de mesures qui pouvaient, en
cas de non-règlement local, s'appliquer comme moyens
intermédiaires. Parlons de la consultation, que vous souleviez. Cela
peut appeler, par exemple, en entendement national, qu'il y ait accord de
principe sur le fait que les gens seront en processus de consultation avec
certaines règles qui sont plus ou moins impliguantes, mais qui sont
déjà, par certaines traditions qu'on connaît, acguises dans
les milieux. C'est un canevas qui peut être le moindre. Si, dans les
milieux, il y a des endroits qui vont à un rythme plus avancé
là-dessus ou medium, selon les circonstances, cela peut permettre cet
arrangement local d'accommodations qui dépassent le canevas national et
cela se fait dans un temps précis de travail. (21 heures)
S'il n'y a pas "entendement", à ce moment-là, le moyen qui
s'applique, c'est la garantie nationale qui est particulièrement
limitée. On avait déjà eu cette prospective
antérieurement, au moment des négociations 1972-1973; cette
première approche de négociations locales avait été
le premier niveau d'essai que nous avions eu là-dessus. Cela a
continué sur les autres secteurs d'employés et cela s'est
élargi sur le secteur des enseignants. On considère, après
expérience de deux temps, 1975-1976 et 1979-1980, que, finalement, la
formule 1972-1973 ne créait pas en deux temps ce niveau de discussions.
Cela avait quand même agrémenté certains lieux de
discussions très particulières qui pouvaient compléter la
règle du jeu à ce moment-là et cela se fait encore dans
les autres groupes d'employés. À une date précise, ferme,
si à telle heure ce n'est pas terminé, les dispositions
prévues
dans l'encadrement national à caractère minimal
s'appliquent. C'était à peu près la formule qui
était appliquée et qui semblait se faire à ce
moment-là.
M. Paquette (Gilbert): Prenons, à titre d'exemple, l'un
des objets de négociation locale à la dernière
négociation, qui était la répartition de la tâche.
Est-ce que vous verriez que là-dessus il y ait des arrangements locaux
et est-ce que le type d'arrangement local s'apparenterait à une certaine
forme de cogestion, dans le fond, de la répartition de la tâche?
Jusqu'où cela irait-il en cas de mésentente? Vous dites que la
grève serait interdite au niveau local. Je trouve cette idée fort
intéressante qu'on n'ait pas deux paliers de négociation. Il
faudrait voir dans le concret comment cela peut se faire. La répartition
de la tâche, par exemple, qu'est-ce que cela donnerait?
M. Paquette (Michel): En toute franchise, quand vous me posez une
question aussi précise et détaillée que celle-là,
je serais malvenu de vous répondre au nom d'une association, alors qu'on
n'a pas pris le temps de décortiquer chacun des points. La seule
réflexion globale que nous avions, c'était la lecture de la
mécanique en se disant que, quand ce temps viendra de
réfléchir sur les points qui seront à mettre en
arrangement local, par un processus de discussion avec les différentes
associations et fédérations, on pourra discriminer ce qui
paraît devoir être fait localement. Mais je serais bien malvenu de
vous répondre et injuste, je pense, pour...
M. Paquette (Gilbert): Mais vous êtes bien conscient que si
on dit: En cas de mésentente, c'est la partie patronale qui va trancher
quant à la répartition de la tâche, la partie syndicale va
avoir tendance à dire: C'est une extension du droit de
gérance...
M. Paquette (Michel): Non, ce n'est pas cela.
M. Paquette (Gilbert):... qu'on trouve inacceptable et on va
négocier cela au niveau provincial et on va peut-être avoir plus
de centralisation à ce moment-là.
M. Paquette (Michel): Le risque couvre les parties autant l'une
que l'autre, parce que je pense qu'il y a peut-être avantage aussi pour
les employés à ne pas vivre ces deux temps qui sont quand
même épuisants. Même au niveau de leur enseignement, eux
autres aussi le vivent comme étant quelque chose de difficile à
supporter au jour le jour quand tu travailles auprès des
élèves. C'est un risque à courir de dire que si finalement
il n'y a pas possibilité de créer quelque chose de neuf et
d'original dans un contexte précis, il y aura au moins des dispositions
nationales entendues et reconnues par ceux qui nous représentent
respectivement et qui pourront s'appliquer et cela sera au moins un cadre qui
sera garantissant d'un certain respect des règles du jeu.
Le Président (M. Rodrigue): Je vais permettre une
dernière intervention étant donné que le temps file et que
nous avons quand même deux autres mémoires à recevoir. M.
Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: M. le Président, je vais être très
bref. M. Paquette, j'ai étudié votre mémoire. Je pense que
vous êtes beaucoup plus expert que moi, quoique j'étais
commissaire scolaire et même un membre de l'exécutif du Conseil
scolaire de l'île de Montréal, jusqu'au mois d'avril.
Il y a deux points que j'aimerais soulever. Ce matin et cet
après-midi, on a parlé du tort causé aux usagers des
services sociaux et aux patients des hôpitaux. Croyez-vous que le
même tort est causé aux enfants? Disons l'expression qu'on entend
souvent: On fait la grève sur le dos des enfants. Vous n'en avez pas
beaucoup parlé dans votre mémoire. Vous, comme Association des
directeurs généraux - tout de même, vous êtes des
canons, disons, dans le métier - quelle est votre opinion
là-dessus en quelques mots?
M. Paquette (Michel): Quand vous soulevez le qualificatif "faire
a grève sur le dos des enfants", je voudrais reprendre cela en des
termes un peu différents, en jouant au spécialiste, simplement
pour vous dire que si, dans notre propos, nous acceptons le
phénomène de la grève comme étant une façon
de créer le niveau de négociations avec son temps de pression,
nous reconnaissons que cela peut produire un temps où il y a absence de
services par rapport a la clientèle qui est desservie. Avec les
arguments selon lesquels on pense finalement qu'enlever le droit de
grève créerait peut-être un chaos qui, de toute
façon, produirait ce fait aussi, on se dit qu'on est aussi bien de le
réglementer.
On se dit: On est d'accord pour une privation de services dans un temps
donné. Où je suis d'accord avec votre qualificatif, c'est quand
la situation se produit dans un contexte répétitif,
incoordonné, morcelé, dans des circonstances non
identifiées qui font que l'enfant vit dans un contexte
d'instabilité.
Dans un temps où on sait que les règles du jeu
s'appliquent, dans la mesure où on peut y arriver en tant qu'humains,
selon un certain aménagement, on est d'accord pour l'appliquer, et on se
dit que ça se fait sur le dos des élèves, mais dans un
contexte de contribution sociale aussi. Tous, à un moment donné,
on se prive de certaines
choses parce qu'on a des affaires à régler entre nous. Je
n'étends pas ce moyen aussi sévèrement, je l'étends
à la situation ambiguë qu'on a plus connue antérieurement
que ce qu'on voudrait connaître par la suite.
M. Polak: Ma deuxième et dernière question concerne
les arrangements locaux. Je réfère à la page 11 de votre
mémoire où vous dites - je l'explique en termes très
simples - que, d'abord, il y a une entente provinciale entre les parties sur le
plan provincial. Ensuite, on revient à l'arrangement local, ça
veut dire commissions scolaires et unités syndicales locales, et vous
dites: S'il n'y a pas de possibilité d'entente au niveau local dans un
délai fixé - disons un délai, l'entente provinciale
signée, de trente ou soixante jours - là, on va revenir à
l'entente provinciale qui contiendra des dispositions à cet effet. Si
tel est le cas et si le provincial donne le minimum, à quoi servirait
à une commission scolaire locale de négocier localement? Elle va
dire: On ne négocie pas, on va se servir de l'entente provinciale.
Est-ce que ça ne va pas exclure même l'efficacité de
négocier sur un plan local?
M. Paquette (Michel): Je suis d'accord avec vous. Cependant,
c'est présumer que toutes les commissions ont une telle attitude et
nous, nous présumons que, dans plusieurs cas, plusieurs essaient, en
toute franchise et honnêteté, avec les parties qu'elles
rencontrent, de chercher un lieu de création qui est original pour leur
milieu. On prend souvent l'exemple de la consultation, c'est quelque chose qui
est fondamental au niveau des commissions parce que l'approche de gestion
politique et administrative diffère dans divers milieux. C'est un
effort, au moins, qui est consenti, qui est fait honnêtement pendant un
temps donné. S'il n'y a pas règlement, il y aura un encadrement.
Quand vous dites que, à ce moment-là, l'effort des gens sera nul
parce qu'on s'accrochera, je me dis que l'expérience du passé n'a
pas été dans ce sens. On voit souventefois, en discutant entre
nous ou en faisant des comparaisons de textes entre les commissions, que
plusieurs ont essayé, sur des thèmes donnés, de
créer certaines originalités qui correspondent à leur
modus vivendi.
M. Polak: C'est tout, quant à moi, M. le
Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de l'Association des directeurs généraux des
commissions scolaires.
J'invite le Cartel des organismes professionnels de la santé
à prendre place et à nous présenter son mémoire. Ce
groupe est représenté par M. John White. M. White, je vous invite
à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Cartel des organismes professionnels de la
santé
M. Isabelle (Marc-André): Une première
précision, M. le Président, mon nom est Marc-André
Isabelle. Je vais identifier les personnes qui sont avec moi: À ma
gauche, Mme Goyette, qui est présidente du COPS, et M. Jean-Marie Baril,
un des vice-présidents du COPS.
Le Président (M. Rodrigue): M. Isabelle, quelle est votre
fonction? Vous êtes procureur pour le...
M. Isabelle: En effet, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Merci. Si vous voulez
procéder.
M. Isabelle: M. le Président, tout au cours de la
présente journée, nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs
intervenants, particulièrement du secteur des affaires sociales, qui ont
fait largement le tour des questions qui préoccupent la présente
commission. Les parlementaires ont eu aussi largement l'occasion de soulever
des questions sur des points spécifiques ayant trait plus
particulièrement aux services essentiels. Aussi nous semble-t-il
opportun, M. le Président, avec votre permission, d'abréger le
plus possible notre présentation, et la teneur de nos propos sera pour
vous rendre le message le plus court possible et vous donner un
témoignage de ce que nous avons vécu dans le cadre de la
dernière négociation.
Dans cette optique, pourquoi ne pas commencer immédiatement par
la conclusion? M. le Président, le mandat que vous avez
énoncé comme étant celui de la présente commission,
c'est-à-dire la recherche et l'examen des moyens d'améliorer le
régime de la négociation dans les secteurs public et parapublic
et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui
permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels. Il nous
apparaît quant à nous qu'il est important de se poser la question
de savoir si, effectivement, c'est là la principale question qu'il nous
faut poser à ce stade. Est-ce que la question que la commission pose et
à laquelle elle souhaiterait avoir une réponse ne serait pas
davantage de la nature suivante: Y a-t-il un moyen que les intervenants
puissent suggérer pour délimiter, encadrer, réglementer
les attitudes, les comportements, la bonne foi?
Fondamentalement, je pense qu'il faut bien admettre tous ensemble ici,
on l'a entendu pour une bonne partie de la journée,
cet aspect du comportement et des attitudes des parties face au
régime de la négociation dans le secteur public. C'est
probablement là, M. le Président, le fondement même de
toute la question, de savoir si le régime de la négociation en
soi a toute la valeur qu'on veut lui donner. Pour y trouver une réponse,
il faudra toujours retourner, ce sera toujours vrai, à l'attitude
qu'auront les parties, que voudront prendre les parties et à la
façon dont elles voudront bien voir chacune de leur côté,
les deux ensemble, tout le système du régime de la
négociation dans les secteurs public et parapublic.
Pour certains d'entre vous, les parlementaires qui êtes ici, il y
en avait cet après-midi qui ont déjà eu l'occasion de
participer non pas tellement à des négociations dans le cadre de
celles de 1971, 1975 ou 1978, mais surtout à des échanges qui ont
eu lieu après les négociations de chacune de ces rondes de
négociations ou avant qu'on en entreprenne une nouvelle, de se poser un
certain nombre de questions sur les failles qui avaient pu être
identifiées, sur le plan des mécanismes, dans le cadre de ce qui
avait été vécu lors de la négociation
antérieure. Je sais qu'il y en a plusieurs d'entre vous pour qui c'est
familier, pour avoir participé, à ma souvenance, à des
commissions parlementaires. Vous en avez déjà tenu sur ce sujet,
vous avez eu des comités d'étude. On a rapporté souvent
aujourd'hui les propos qui ont été tenus par la commission
Bouchard. Il y a aussi des conqrès de relations industrielles, des
colloques, des séminaires. Souvenons-nous que, depuis dix ans, c'est le
sujet qui nous anime tous, celui de savoir comment on peut améliorer les
mécanismes juridiques qui encadrent le régime de la
négociation dans le secteur public.
C'est bien certainement un sujet qui a énormément
d'intérêt au niveau du public, à tout le moins, dans un
premier temps, puisque la grande partie du public se sent concernée
d'une façon ou d'une autre, à une étape ou une autre de la
négociation. Dans un premier temps, dira-t-on d'une certaine partie de
la population qu'elle est intéressée à savoir de quelle
façon ces taxes vont être remises à contribution et
à l'oeuvre; pour une autre partie de la population, se posera la
question de l'accessibilité aux services de santé ou aux services
sociaux. Je pense que cette inquiétude de la population qui a
été si souvent aujourd'hui énoncée procède
d'abord et avant tout, M. le Président, du caractère des
négociations telles qu'elles ont été à maintes fois
reprises aujourd'hui. On a donné les caractéristiques de ces
négociations à de multiples occasions. Elle sont non seulement
centralisées, unifiées mais elles ont surtout deux aspects
particuliers, un d'être éminemment politisées et cette
politisation s'exerce dans le cadre de structures qui sont éminemment
complexes. La politisation du système de la négociation dans les
secteurs public et parapublic relève d'une question d'attitude, d'un
mode ou d'une méthode de fonctionnement qu'on entend prendre dans le
cadre de la négociation à entreprendre avec la partie
adverse.
C'est une question d'attitude qu'on a pu vivre, M. le Président,
si on veut se reporter à des faits passés au cours de la
dernière négociation, lorsque le ministre qui assume le
portefeuille et la responsabilité de la négociation dans le
secteur public, le président du Conseil du trésor, commence
à en parler sept mois avant les négociations. En septembre 1977 -
vous vous souviendrez que, dans notre cas, c'est au 30 juin 1978 que nous
étions appelés à commencer les négociations - le
ministre commença sept mois avant le temps à négocier,
à donner les grands paramètres de ce que seraient ses positions
tantôt. Il n'a pas, semble-t-il, la prétention de s'adresser au
syndicat avec qui il devra négocier tantôt, sauf que
déjà ça crée un niveau de politisation des
débats. Il est certain que les syndiqués, les syndicats ont une
tendance à répondre avant même d'entrer en
négociation véritablement. (21 h 15)
C'est donc une question d'attitude, aussi une question de comportement
lorsque, dans l'amorce même des négociations, dans le cadre de
l'application du mécanisme que le gouvernement a lui-même
instauré de par la loi - on a parlé aujourd'hui de 59 et de 55
abondamment - pour les groupes qui se sont retrouvés en
négociation un an avant la généralité des syndicats
qui, eux, ont commencé leur négociation le 1er juillet 1979, nous
avons, guant à COPS, proposer au gouvernement, en mai 1978, d'utiliser,
généralement parlant, les mécanismes déjà
prévus dans la loi, mais qui ne s'appliquaient pas juridiquement
à nous, c'est-à-dire le système de délai.
Je dis que c'est une question de comportement, dans la mesure où
le législateur - continuons la distinction généralement
connue - l'employeur, qui est vis-à-vis des syndicats, se refuse
systématiquement à utiliser la loi qu'il veut voir mettre en
vigueur, en application, dans le cadre de la négociation devant
débuter quelques mois plus tard.
Pour avoir commencé les négociations sept mois avant la
véritable date, cela devient éminemment étonnant de
n'avoir point de réponse un an après le début effectif des
négociations. C'est facile, me direz-vous, de relever un certain nombre
d'éléments de cette nature et de les mettre plus
particulièrement sur le dos de la partie patronale. Il est certain que
certains autres éléments pourraient être relevés, et
à l'inverse, nous être imputés. Je me souviens fort bien
que M. Parizeau nous avait imputé
le fait de maintenir 43 points en négociation alors qu'il avait
imposé à ses partenaires patronaux de n'en négocier que 13
dorénavant. Cela aussi est une question de comportement. Les
comportements et des uns et des autres sont intimement liés les uns aux
autres. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas réglé la
question des attitudes, que nous n'aurons pas décidé, les deux
parties, individuellement, ou ensemble par voie de concertation, non pas de
surutiliser les mécanismes qui sont là pour régir le
régime de négociation, mais de les utiliser à notre seule
fin de traiter du mérite même des questions en jeu,
c'est-à-dire le renouvellement de conditions de travail, tant et aussi
longtemps, dis-je, qu'on fera des structures, des questions de
stratéqie, il est certain qu'on aura une autre commission parlementaire
lors de la prochaine ronde de négociations.
Là-dessus, il y a aussi une question d'attitude et de
comportement lorsqu'on traite des services essentiels. Il n'est pas d'expert ou
d'expertise qui ait pu permettre à qui que ce soit de donner une
définition des plus précises de ce que devraient être les
services essentiels. On pourrait faire et continuer ce qu'on a entendu
aujourd'hui, et ce à quoi M. le ministre Marois nous a pratiquement
invités à la fin de l'après-midi, soit de reprendre une
étude de la qualité et de la quantité des services de
santé qui sont donnés en temps de grève et hors des temps
de grève, en temps de paix; autrement dit, de faire le tour des effets
que pourraient avoir les coupures budgétaires, d'essayer
d'étudier quelle est la qualité et la quantité des
services qui sont donnés dans le secteur hospitalier, dans les
hôpitaux, dans le courant des fins de semaine et des périodes de
vacances.
C'est, bien sûr, autant d'éléments qui nous
permettent de tenter d'évaluer des niveaux de services, des niveaux de
quantité, des niveaux de qualité, mais cela ne règle pas
fondamentalement notre question de savoir si les services essentiels comme
tels, non seulement doivent être assurés, mais quels sont les
véritables moyens qui doivent être utilisés pour y
parvenir. Encore ici, notre proposition et notre pensée à cet
égard nous ramènent à une question d'attitude.
Peut-être sommes-nous bien placés au niveau des professionnels de
la santé pour afficher une attitude de responsabilité à
l'égard de ce concept de services essentiels lorsque les
négociations obligent à l'utilisation de moyens de pression qui
fassent que soit mise en cause éventuellement, non seulement la
qualité et la quantité des services, mais peut-être
même dans des cas fort isolés, l'accessibilité même
aux services de santé.
Il y a quand même un constat que nous avons tous fait ensemble
aujourd'hui, les parlementaires que vous êtes, ceux qui étaient
présents à la table ici et ceux qui étaient des
spectateurs. C'est que le système tel qu'il existe à l'heure
actuelle sur le plan des services essentiels, avec le conseil sur le maintien
des services, a donné des résultats qui, dans l'ensemble, sont
éminemment satisfaisants par rapport à d'autres situations que
nous avions connues dans des périodes de négociation
antérieures et plus particulièrement, il faut bien le dire, en
1976.
Ce qu'il faut retenir particulièrement dans le cadre des services
essentiels, c'est qu'il ne s'agit pas là d'une notion statique et un des
éléments qui ressortaient aujourd'hui dans les questions
soulevées par les parlementaires sur la question des services
essentiels, c'est: Comment pouvez-vous arriver, en tant que syndicat, puisque
vous allez finalement utiliser la liste syndicale, s'il n'y a pas d'entente
avec l'employeur, à déterminer le véritable niveau de
quantité et de qualité des services que vous allez désirer
voir maintenir? C'est une question qui peut être soulevée dans la
mesure où on tient pour acquis, dès le départ, que c'est
là une notion statique, qui ne bouqe pas dans le temps et qui est
prédéterminée pour une période qui a
été déterminée, celle où pourra durer le
moyen de pression, soit la grève ou tout autre moyen de pression. Mais
la réalité qu'on a vécue, la réalité que
vous connaissez, tout le monde, c'est que cette notion des services essentiels
n'a absolument rien de statique. C'est ce qui a fait dire à bien des
gens aujourd'hui et ce que nous répétons quant à nous,
qu'étant donné que cette notion a un caractère dynamique,
l'on voit très mal l'intervention d'un tiers, quel qu'il soit, que ce
soit par la voie d'une régie, que ce soit par la voie d'un commissaire
aux services essentiels, que ce soit par la voie d'un tribunal, d'un juge ou de
quelque tiers que ce soit, on ne saurait être d'accord avec
l'intervention d'un tiers qui viendrait se substituer aux deux parties qui
connaissent très bien la situation dans l'hôpital où elles
ont à négocier ces services essentiels, parce que, justement,
même si le tiers - on l'a vécu sous la loi 253 et on en
connaît les résultats - rendait une décision qui, dans
certains cas - on les a qualifiés ajourd'hui - dépassait
largement ce que souhaitait avoir la partie patronale oriqinellement, cette
décision est statique, si bien que les parties devaient se retrouver, de
toute façon, dans les jours qui suivaient, pour faire un
réaménagement, en tenant compte non seulement des unités
de négociation présentes à l'intérieur ou en
grève, mais par rapport à l'accessibilité qui avait
été donnée à des patients qui avaient
été hospitalisés finalement. Non seulement avaient-ils
été admis à l'urgence, mais ils avaient été
hospitalisés. C'est une notion fondamentalement dynamique qui doit
rester
essentiellement entre les mains des parties qui connaissent fort bien la
situation qui est la leur dans l'hôpital où elles ont à
négocier ce service.
Je suis presque tenté, M. le ministre, de répondre
d'avance à cette question d'éthique que vous avez si souvent
soulevée aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres réponses, puisque je
m'y prends d'avance, que ce que vous avez déjà entendu
aujourd'hui, au risque de vous décevoir là-dessus. Les normes
d'éthique comme telles, sur le plan syndical, nous en faisons
effectivement une question de conscience professionnelle.
Il y a un autre élément qui joue chez nous. Comme la
plupart des membres de nos syndicats sont effectivement aussi des membres des
corporations professionnelles, est-il besoin de vous dire qu'il existe un code
de déontologie au niveau des corporations professionnelles. Cela a
d'ailleurs fait l'objet de longues études au niveau de l'Office des
professions, ce lien ou cette absence de lien entre la déontologie
applicable sur le plan professionnel par des professionnels qui sont à
la fois aussi des syndiqués, qui doivent exercer des moyens de pression
pour arriver à la conclusion d'une convention collective. Je dis
là-dessus que, si de l'éthique doit exister, elle existe
déjà naturellement au niveau de chacune des personnes humaines
qui a à assumer non seulement la décision de prendre des moyens
de pression, mais que cette décision a aussi des conséquences
fort humaines et qui peuvent éventuellement se traduire chez des
patients, l'autre partie, la déontologie professionnelle, venant se
surajouter à l'ensemble de règles d'éthique fort
naturelles qui s'imposent à nous-mêmes.
Je ne toucherai pas, M. le Président, le thème de la
grève comme telle, M. le ministre Marois s'étant employé
ce matin, très tôt, à désamorcer cette question de
la grève, du droit à la grève, du droit à la libre
négociation. Il nous apparaît que ce qui en a été
dit aujourd'hui est amplement suffisant pour régler, nous semble-t-il,
cette question de l'exercice du droit de grève comme tel.
La conclusion générale, M. le Président, est la
suivante: Cessons de rechercher au début de chacune des périodes
de négociation des mécanismes juridiques nouveaux pour
réglementer la négociation dans les secteurs public et
parapublic. On l'a fait pendant des années. Effectivement, il y a eu des
améliorations qui en sont découlées, il y a eu des remises
en cause complètes du régime global de la négociation.
Cela a été le cas à la Commission Martin-Bouchard, tout le
monde a comparu, il y a eu des amendements à la loi; c'étaient
là des améliorations qu'on a tenté, tout le monde
ensemble, de vivre au mieux possible. Tout le monde se souvient que même
dans le cadre de la Commission Martin-Bouchard se soulevait à quelques
occasions la question du rapport de forces entre les parties, de ce fondement
même de la négociation dans le secteur, qui est établi sur
l'adversité. Il n'y a jamais eu un expert qui est venu à bout de
décider ou de trouver des solutions qui soient telles que cela puisse se
faire dorénavant sur d'autres bases que celles que nous connaissons,
c'est-à-dire le rapport de forces.
Ce que vous ne réussirez jamais à régir, MM. les
parlementaires. Ce dont il faut se convaincre, tout le monde qui sommes parties
à la négociation, c'est que tout est relié, fondé
sur une question d'attitude, sur une question de comportement à
développer à l'égard des mécanismes, à
l'égard de l'utilisation de ces mécanismes, et que
fondamentalement l'accord qu'on doit rechercher est un accord sur des principes
qui doivent amener un consensus social de base, à tout le moins. Si le
reste ne devenait que la négociation de sujets relatifs strictement
à des relations de travail, à des questions de conditions de
travail, si on a acquis l'optique au départ que nous n'étions pas
là ni l'une ni l'autre des parties ni les deux ensemble pour n'utiliser
que de la stratégie et oublier le mérite même des questions
que nous avons à traiter, le renouvellement des conventions collectives,
peut-être qu'on n'aurait pas à revenir en commission parlementaire
pour tenter de trouver des moyens d'améliorer le régime.
Commençons par l'expérimenter pour ce qu'il est. La
première expérience qui en a été vécue, en
1979, se solde par un résultat qui est généralement fort
acceptable, malgré qu'il y ait eu certaines difficultés que le
ministre Marois a soulevées ce matin dans certains points
particuliers.
Il est certain que, généralement parlant, les preuves de
ce régime ont été faites. Au risque de vous
décevoir, Mme la députée de L'Acadie, je ne saurais
trouver de solution meilleure, d'augmentation en termes de volonté de
chacune des parties d'arriver à un résultat qui soit
différent de ceux qu'on a connus jusqu'à ce jour. Il n'y a pas
moyen d'amélioration des mécanismes comme tels; on les
identifiera en cours de route au fur et à mesure qu'on les vivra, et ce
seront des ajustements mécaniques très mineurs. Je n'ai pas de
solution nouvelle à proposer. Nous n'avons rien de nouveau, sauf qu'il
faut admettre entre nous, une fois pour toutes, qu'il est bon de commencer
à utiliser les mécanismes qu'on a pour ce qu'ils sont, avec
l'objectif unique et essentiel d'en arriver à un consensus sur le
renouvellement d'une convention collective. Dans ce cadre-là, c'est
fondamentalement et essentiellement une question de comportement.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous
remercie. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le
Cartel des organismes professionnels de la santé de sa
présentation, de son mémoire. Il est exact que vous avez
vécu des problèmes particuliers lors de la dernière ronde
de négociation, bien sûr, qui tenaient, comme vous l'avez
évoqué, au fait que les dates d'échéance de vos
conventions ne correspondaient pas aux dates d'échéance d'autres
conventions. Je comprends et je pense que tout le monde peut se
féliciter que ce problème-là, maintenant, ne se pose plus
pour l'avenir. (21 h 30)
Je dois aussi en toute honnêteté vous rendre le
témoignage du fait qu'alors que vous n'y étiez pas tenus, vous
avez accepté - puisque vos rondes de négociations étaient
déjà engagées avant que les nouveaux mécanismes qui
ont été mis en place par des amendements législatifs
soient adoptés alors que vous n'étiez pas tenu légalement
à ces nouveaux mécanismes, je dois reconnaître et vous
rendre le témoignage que vous avez accepté volontiers de plonger
dans ces nouveaux mécanismes. Compte tenu de cette attitude et de ce
comportement, compte tenu des problèmes particuliers que, par la suite,
vous avez vécus à cause de cette espèce de période
de flottement de deux blocs de négociation, je comprends que, par voie
de conséquence, vous mettiez un accent extrêmement important dans
votre exposé d'aujourd'hui sur ce que vous évoquez à la
page 6 de votre mémoire, soit à quel point il est important,
à votre point de vue, de s'assurer du respect des règles qui
régissent l'amorce, le déroulement des négociations. Vous
y revenez à la page 9: avant de songer à modifier les
mécanismes, il faut faire en sorte que la mentalité en soit une
de respect des mécanismes déjà existants. Je pense que
vous y revenez à plusieurs reprises.
Là-dessus, j'espère que j'ai été assez
clair, au moins quant aux interrogations que je formulais ce matin. Je ne vous
cacherai pas que, sur ce point, je partage volontiers votre témoignage.
Et cela vaut pour toutes les parties, qu'elles soient patronales ou
syndicales.
D'autre part, je comprends aussi que, par voie de conséquence,
vous mettiez un accent extrêmement important sur ce que vous appelez des
changements d'attitude et de comportements. C'est toujours la partie la plus
difficile. On peut changer le papier, on peut changer les mots sur le papier;
c'est toujours plus difficile de changer des attitudes et des comportements,
parce que là, c'est l'humain.
Dans ce genre de situation, vous avez cependant raison, tout de
même, d'insister sur ce point, parce que ce qui est fondamental, c'est,
bien sûr, le respect des mécanismes qu'on s'est donnés,
qu'on accepte, des règles du jeu qui sont acceptées et, par voie
de conséquence, que les comportements se conforment non seulement
à la mécanique même, mais à l'esprit qu'il y a
derrière ces mécanismes qui sont mis en place. En bout de ligne,
dans la réalité des choses, au jour le jour, quand les
problèmes concrets arrivent, c'est là-dessus, fondamentalement,
que les citoyens et les citoyennes, que les Québécois et les
Québécoises jugent, les comportements et les attitudes, mais
aussi peut-être certains mécanismes. Je le maintiens; toutefois,
à la lumière des expériences vécues, compte tenu
des problèmes particuliers que vous avez vécus et qui concernent
plus directement votre groupe, je crois qu'il y a, là encore, place
à de bonnes améliorations.
Et tout cela étant dit, et je souscris en bonne partie à
ce que vous venez de dire, il n'en reste pas moins qu'en bout de ligne on peut
déboucher sur des conflits. Tout doit être fait et si le respect
des mécanismes, les comportements et les attitudes, par un grand sens
des responsabilités pouvait - si tant est que cela pourrait venir un
jour -nous amener à des règlements négociés sans
qu'il soit nécessaire de recourir à un droit collectif qui est
reconnu et qui est le droit de grève, ce serait l'idéal.
Cependant, le législateur, le gouvernement, les divers groupes,
les divers agents socio-économiques, comme on le dit maintenant dans
notre jargon, se doivent aussi de prévoir ce qui peut se passer. Ce qui
peut se passer, c'est que parfois il arrive des conflits et parfois il y a des
grèves. Durant ces périodes de conflits et de qrèves, il
faut s'assurer que fondamentalement les droits aussi des hommes et des femmes,
les droits des individus à avoir leurs services essentiels, ce n'est
pas, là non plus, uniquement un droit de papier, que ce n'est pas
là uniquement des mots sur le papier.
Ceci étant dit, je voudrais vous poser deux questions. Je
comprends que vous avez dit, vers la fin de votre témoignage, que vous
n'étiez pas portés, que vous ne croyiez pas à
l'intervention d'un tiers. Je traduis peut-être injustement votre
pensée. Si tel était le cas, vous me rappellerez à
l'ordre, bien sûr. Je comprends que, si je tente de traduire dans le
concret votre pensée, vous ne seriez pas d'accord, je présume,
avec la recommandation que nous formulait le Conseil du patronat. Ce n'est pas
tellement une régie ou un conseil, peu importe, ne nous enfargeons pas
dans les formules, mais un organisme qui aurait à la limite plus que le
pouvoir administratif de médiation qu'a déjà le conseil
des services essentiels. Mais vous ne seriez pas d'accord par voie de
conséquence - ce serait dans la logique de votre position - qu'un tel
organisme, conseil
ou régie ait ultimement un pouvoir judiciaire ou quasi
judiciaire. C'est ma première question.
Mais dans les situations où des services essentiels seraient
jugés insuffisants et que les parties ne s'entendent pas pour
négocier des accords, quel mode de règlement
suggérez-vous? Dans la foulée de cette question, est-ce qu'il y
a, d'après vous - la question a été posée
aujourd'hui à d'autres groupes, et je pense qu'il serait
intéressant d'entendre votre point de vue là-dessus - des
services, des unités où vous devez maintenir et où vous
auriez par le passé maintenu effectivement 100% des services, même
en temps de grève? Si tel était le cas, pourriez-vous nous
illustrer cela de façon concrète pour qu'on puisse voir comme
membres de cette commission de quoi il s'agit exactement?
M. Isabelle: M. le ministre, à l'égard de la
première question que vous soulevez, c'est-à-dire l'intervention
d'un tiers qui aurait comme mandat de déterminer ultimement et de
façon décisionnelle les services essentiels à être
maintenus, nous répétons là-dessus, dans la mesure
où cette notion des services essentiels est fondamentalement dynamique,
qu'il nous paraît difficile de concevoir qu'un tiers puisse à un
moment précis intervenir, prendre la place des parties et rendre une
décision, quitter les lieux et laisser les parties avec une
décision qui, peut-être au moment où il a entendu les
parties, pouvait avoir une consonnance avec la réalité
vécue dans ce centre hospitalier ou dans cet établissement de
santé, mais qui n'en a plus quelques heures plus tard.
Il va sans dire, M. le ministre, pour répondre clairement
à votre question que nous ne serions être d'accord avec les
propositions faites ce matin par le Conseil du patronat pour donner à
une régie, quels que soient les termes utilisés, des pouvoirs
quasi judiciaires servant en bout de ligne à déterminer ce que
seraient et ce que doivent être les services essentiels dans un
établissement de santé ou, dans une région, dans des
établissements de santé situés dans cette
région.
Il faut bien voir aussi que le conseil sur le maintien des services
essentiels a quand même fait un travail d'information, de persuasion, de
conviction, pour le temps où il a eu la chance et les moyens de le
faire. Il a quand même apporté aux parties qui ont bien voulu se
servir de ses données des éléments qui leur permettaient
d'apprécier peut-être différemment les situations qu'au
moment même et que dans les moments d'émotivité qui
précèdent le conflit. Même du coeur du conflit, il faut
prendre une décision dite objective pour tenir compte des services
essentiels à être maintenus dans un centre hospitalier.
On peut espérer et imaqiner facilement, et c'est d'ailleurs une
grande partie du rapport de cette régie, finalement, de ce conseil...
Lui-même affirme que généralement parlant il n'y a pas eu
de problème tel qu'on doive à tout prix rechercher des moyens de
coercition pour imposer à l'une ou l'autre des parties le niveau de
quantité et de qualité des services à donner dans une
situation donnée. Dans la mesure où on peut imaqiner que la
prochaine fois il partira à temps, il pourra fonctionner avec des moyens
déjà connus et probablement d'autres moyens qu'il peut se donner
pour mieux fonctionner et rendre service aux parties. Ce tiers non
décisionnel qui n'a pas entre les mains de pouvoir judiciaire ou quasi
judiciaire joue déjà un rôle qui est sans aucun doute
déterminant dans le maintien des services essentiels dans un
établissement de santé.
Quant au deuxième aspect, qui est intimement lié à
cette première question que vous aviez soulevée, s'il n'y a pas
de règlement, que font les parties, et à qui s'adresse-t-on? Je
dis là-dessus, M. le ministre, que les expériences passées
- c'est là-dessus qu'il faut se fonder, c'est sur les faits, ce que nous
avons vécu tout le monde, c'est de là qu'on peut tirer notre
enseignement - n'ont pas permis, à tout le moins dans notre cas,
à notre connaissance, de nous amener dans des situations où
effectivement un tiers aurait été absolument nécessaire.
Je parle de la dernière ronde de négociations, celle de 1979;
mais ce que je vous dis du même souffle, c'est que, quand on avait le 253
dans les jambes, on en a eu du monde, il y en a eu des commissaires qui sont
venus dans les hôpitaux pour déterminer quelque chose.
Forcément, on sait très bien qu'il y aura éventuellement
l'intervention d'un tiers et que l'une ou l'autre des parties, pour quelque
motif que ce soit, stratégique ou autre, aura peut-être tendance,
dans des cas difficiles, où l'objectivité est moins facile,
à s'en remettre entre les mains d'un tiers; ce qui n'a pas existé
au cours de la dernière ronde de négociations où il n'y
avait pas d'intervention d'un tiers avec des pouvoirs décisionnels
judiciaires ou quasi judiciaires. Dans un tel cadre, il n'est pas besoin de
rechercher de solution absolument nouvelle ou un mode de règlement qui
soit totalement étranger à ce que nous avons connu dans le
passé comme expérience.
Pour votre information, M. le ministre, il y a effectivement des
unités où des services ont été maintenus à
100%, je pense plus particulièrement à des foyers d'accueil pour
des personnes âgées. Je saurais difficilement vous donner des
chiffres précis, mais je me souviens, de mémoire à tout le
moins, qu'il y avait au-dessus de 22 cas -dans le domaine des centres d'accueil
pour personnes âgées ou pour des enfants qui
étaient en difficulté - où les services ont
été maintenus à 100%. Vous allez me dire: Dans ton cas,
ça ne crée pas de problèmes effrayants, si tu as quatre
infirmières et deux physios, ça fait une unité qu'il est
peut-être plus facile de garder à 100%; c'est évident, sauf
que, même dans ce cadre, il faut quand même tenir compte des
unités qui sont en dedans, qui sont en grève ou qui sont
susceptibles de l'être, parce que, justement, il faut bien prendre pour
acquis, dans certains cas précis - là, je ne
généralise pas à l'égard de l'ensemble des centres
d'accueil pour personnes âgées pour dire que ça doit
être toujours à 100% - que c'est ça la
réalité qu'on a vécue, c'est celle qu'on a
constatée ensemble, ici, en commission parlementaire. Point n'est besoin
de reprendre les multiples exemples qui ont été donnés
quand, dans le cas de certains établissements, cela apparaît
évident aux gens qui travaillent quotidiennement avec les gens qui
nécessitent des services.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
également le Cartel des organismes professionnels de la santé
d'être venu nous rencontrer.
Avant de faire certains commentaires,
Il y a deux petites questions précises. Je voudrais que vous me
rafraîchissiez la mémoire et je pense que ça pourra
peut-être aussi aider certaines autres personnes de cette commission ou
du public. Vous regroupez environ 4000 infirmières, vous avez environ 13
000 membres, les autres étant différents professionnels de la
santé; est-ce que je trompe?
M. Isabelle: Je répondrais de la façon suivante,
Mme la députée de L'Acadie: Au cours de la dernière
négociation, il y avait effectivement 23 000 salariés, des
professionnels de la santé, groupant des infirmières, des
technologistes médicaux, des physiothérapeutes...
Mme Lavoie-Roux: C'était 13 000 et 12 000.
M. Isabelle:... des diététistes, des travailleurs
sociaux, des infirmières auxiliaires, des techniciens en
diététique, enfin ce qu'on convient généralement
d'appeler les paramédicaux. Je vous signalerai cependant, Mme
Lavoie-Roux, que, dans le cadre de la présentation de mémoires
devant la commission parlementaire d'aujourdhui, les fédérations
d'infirmières ont jugé opportun et utile d'apporter à
votre considération leur propre mémoire et leur propre
témoignage à l'égard des points qui font l'objet du mandat
de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Alors, si je comprends bien, il y avait environ
12 000 infirmières qui faisaient partie du cartel lors de la
dernière négociation, dans le cas de COPS.
M. Isabelle: Exactement.
Mme Lavoie-Roux: Ces infirmières travaillaient en
majorité ou dans une large part dans les hôpitaux de
Québec.
M. Isabelle: Du Québec généralement, dans
l'ensemble de la province.
Mme Lavoie-Roux: Mais aussi passablement dans la ville de
Québec...
M. Isabelle: Oui.
Mme Lavoie-Roux:... alors que l'on retrouve davantage la FIIQ et
le SPHQ dans la région montréalaise et d'autres régions
également. Est-ce que je me trompe?
M. Isabelle: C'est-à-dire que le SPIIQ est plutôt
dans la région de Québec et la FIIQ dans la région de
Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Concernant la convention que vous avez
signée, est-ce qu'il y a eu un délai pour que maintenant vous
rejoigniez les autres groupes? C'est-à-dire que votre convention vient
à échéance en même temps que les autres groupes et
vous ne vous retrouverez pas dans la même situation qu'en 1978-1979?
M. Isabelle: J'ai bien goûté tantôt
l'expression sibylline du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui disait: On sait que vous avez connu
quelques légères difficultés au cours de la
dernière négociation parce que vous n'étiez pas en
même temps que les autres. C'est un problème qui est maintenant
corrigé, puisque le renouvellement de la convention collective tombera
en même temps, aux mêmes échéances et mêmes
époques pour tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poser une autre question. Est-ce que
c'étaient les infirmières du COPS qui étaient à
l'hôpital Laval?
M. Isabelle: En effet.
Mme Lavoie-Roux: Je ne peux pas cacher mon étonnement
à entendre votre porte-parole officiel venir nous dire que, finalement,
tout a été pour le mieux à peu près, dans le
meilleur des mondes lors de la dernière convention. On sait fort bien
que les hôpitaux - je vais me limiter à la ville de Québec
parce que les faits me sont plus
familiers - ont connu des perturbations, qu'elles aient
été appréhendées, comme on en parlait aujourd'hui,
ou réelles, environ, grosso modo, du mois de mars, du moment où
vous avez dit: On fera la grève si..., jusqu'au moment où il y a
eu, en fait, des débrayages dans les hôpitaux, les hôpitaux
ont connu des difficultés jusque vers la fin de juin, au moment
où l'Assemblée nationale a cessé de siéger.
Je voudrais aussi pouvoir concourir, c'est-à-dire partager le
même sentiment que vous, à savoir que, finalement, le
mécanisme qui avait été prévu pour le maintien des
services essentiels a très bien fonctionné. Vous me permettrez de
citer qu'un exemple parce qu'il est déjà tard. Quand on lit dans
un des rapports des experts... Je ne veux pas à ce moment-ci faire une
charge contre COPS parce que c'était la première fois dans les
faits que COPS faisait une grève au moment des négociations
provinciales. C'était la première fois, si je ne m'abuse. Quand,
par exemple, le porte-parole nous dit: Écoutez! Là où cela
n'a pas fonctionné, on s'est remis à table, ce qu'on ne pourrait
pas faire dans le cas d'un tiers parce qu'il faut toujours retourner à
la table pour faire de nouveaux arrangements selon les besoins, selon les
exigences ou les conseils qui nous étaient donnés par le conseil
sur le maintien des services essentiels et, que dans le rapport des experts sur
l'hôpital Laval, à un moment donné, on présente
à la directrice du "nursing" un plan de redressement. Ceci avait
apparemment été présenté par l'expert, compte tenu
du fait qu'on connaissait des difficultés, qu'il y avait un manque
d'infirmières. Je ne veux pas lire toute cette partie-là du
dossier, mais on demandait que des infirmières soient ajoutées,
que, dans la salle d'opération, il fallait assurer le support aux
unités de soins intensifs. Ceci aurait nécessité une
infirmière de plus à chacune des deux unités pendant 24
heures. Il en aurait fallu plus qu'à la salle d'opération,
puisque les derniers malades opérés auraient dû normalement
séjourner deux ou trois jours aux soins intensifs.
Et on présente un projet de redressement pour vraiment
répondre aux besoins et aux services essentiels.
Malheureusement, les infirmières m'ont fait savoir, par la
secrétaire de leur syndicat que je ne nommerai pas ici, qu'elles
refusaient complètement cette proposition et qu'elles refusaient de
concéder toute autre infirmière supplémentaire pour le
moment.
Il ne s'agit pas de retourner deux ans en arrière ni de faire le
procès de qui que ce soit, mais ce que je veux signaler, c'est que,
lorsque... Et on a assisté à ceci une bonne partie de la
journée. Je comprends que c'est de bonne guerre pour les syndicats de
dire: Écoutez, en fait, c'est beaucoup mieux que cela a
été, je pense qu'on a en place les mécanismes qu'il faut,
et dans votre cas - et je le partage dans une large mesure - s'il y a des
modifications dans les attitudes, dans les comportements, tout devrait
être pour le meilleur des mondes dans la prochaine ronde des
négociations.
Je suis quand même heureuse d'entendre le ministre dire: II faut
quand même prévoir, au cas où il y aurait des
difficultés dans les comportements et dans l'évolution des
mentalités, pour ne pas être pris de court s'il survenait une
urgence ou s'il survenait quelque chose d'inattendu.
Nous sommes quand même ici nous autres pour faire valoir le point
de vue du public et le public, pour une raison ou pour une autre, même si
je suis prête à vous concéder que les gens ont
dramatisé, que les politiciens ont dramatisé, que les
journalistes ont dramatisé, vous ne pouvez quand même pas
créer un drame de toutes pièces.
Je pense qu'il a fallu que, dans les faits, en tout cas à
certains égards que je ne veux pas mesurer... Est-ce que cela a
été aussi dramatique ou moins dramatique? Je ne veux pas le
quantifier, mais je m'étonne de voir qu'on puisse, tel que votre
porte-parole vient de le faire, être aussi satisfait de la façon
que les choses se sont déroulées, au point où, finalement,
si on ajuste les mentalités, et j'espère qu'on va travailler dans
cette direction-là, tout sera à peu près sous
contrôle.
Je sens que c'est mon devoir, même si c'est difficile à
faire parce que vous êtes un syndicat et que les syndicats n'aiment pas
parfois qu'on ait l'air de leur en vouloir, mais je pense que, vis-à-vis
de la population, je me sens le devoir de vous demander: Comment pouvez-vous
affirmer d'une façon aussi catégorique que vous venez de le faire
que, finalement, tout est à peu près sous contrôle, alors
que - je ne vous ai cité qu'un cas, je pourrais en citer nombre d'autres
- la réalité ne semble pas avoir concordé d'une
façon aussi harmonieuse avec les faits que vous nous rapportez?
Je me demande si, au-delà de l'évolution des
mentalités, etc., vous vous êtes penchés ou avez
accordé une réflexion supplémentaire, à savoir de
quelle façon on pourrait assurer un meilleur maintien des services
essentiels, assurer une meilleure définition des services essentiels et,
deuxièmement, est-ce que, selon votre point de vue, on devrait continuer
de s'en tenir à la définition des services essentiels uniquement
à partir d'une liste syndicale dans les cas où il ne pourrait pas
y avoir entente entre la partie patronale et la partie syndicale au moment de
cette définition des services essentiels?
M. Isabelle: Je ferais, Mme la députée de L'Acadie,
une première remarque. Il ne m'appartient pas ici de prendre lieu et
place
des infirmières qui elles-mêmes témoigneront devant
vous. Je n'en ai pas le mandat et elles savent très bien se
défendre elles-mêmes. Je dirai, cependant, sur les exemples que
vous donnez - ils me sont très familiers pour y avoir été
mêlé de très près - que dans le cas de Laval,
à Québec, de Sainte-Marie, à Trois-Rivières, de
Saint-Joseph, à Trois-Rivières, entre autres, dans la mesure
où ces problèmes ont été portés à
l'attention de la fédération des infirmières et,
deuxièmement, de la table des négociations, ils ont trouvé
leur solution dans les deux heures qui ont suivi. Quand je dis: Ont
trouvé leur solution, je tiens à vous le dire, à en
témoigner, ce n'est pas nécessairement dans le sens - pour
reprendre l'exemple de l'hôpital Laval - d'ajouter une infirmière
à l'urgence et deux à la salle d'opération. Ce qu'on
savait très bien, c'est qu'il y avait une liste de 37 patients qui
attendaient en cardiologie.
Sans faire le tour de toute cette question - je conviens avec vous que
ce n'est peut-être pas le lieu le plus approprié pour ce faire -
qu'est-il survenu pour que des médecins, tout à coup, aient
décidé que c'était trois jours cédulés, avec
des cédules plus importantes et plus imposantes que ce qui avait
prévalu, généralement parlant, en temps de paix, pour
prendre une expression qui nous est connue, que nous avons utilisée
aujourd'hui? C'est un des éléments. C'est quand même, sur
le plan de la solution à apporter... Dans ce sens, je répondais
à M. Marois tantôt que les parties sont effectivement les mieux
placées pour venir à bout de s'entendre et ce n'est pas
nécessairement - il faut bien s'en méfier -une question, quand on
parle des services essentiels, de mésentente systématique entre
employeur et salariés dans un établissement donné.
Il y a tellement de facteurs qui interviennent qui ne nous sont pas
étrangers. Des exemples en ont été donnés aux
représentants de la Corporation des médecins cet
après-midi, encore que ce ne soit pas leur rôle d'intervenir dans
ce type de débat, celui des services essentiels au niveau d'un
établissement hospitalier, si ce n'est que c'est un des
éléments qui entrent en ligne de compte et que ce n'est qu'en
abordant la discussion et en ayant une volonté de régler les
problèmes qu'effectivement les solutions se trouvent. Je
répète là-dessus que, tant et aussi longtemps que les
parties qui connaissent bien la situation seront laissées à la
détermination d'un niveau de quantité et de qualité de
services, de deux choses l'une: l'extrême, ce sera effectivement la liste
syndicale, pour répondre à une des interrogations qui s'est
soulevée, et cette liste syndicale se fait généralement et
s'est faite généralement... Encore que le mécanisme du
conseil ait commencé beaucoup plus tard que nous n'ayons, nous,
commencé nos négociations, il a, en soi, favorisé
largement les ententes entre les parties. Ce que le conseil a toujours admis
par ses représentants, c'est qu'il leur est difficile, au moment
même où il s'agit de déterminer les services essentiels, de
dire ce qu'ils doivent être. Cela va bien après coup pour tenter
d'en faire une évaluation, mais notre problème ne se situe pas
là. Il se situe au moment de la détermination des services comme
tels, pas de leur appréciation après coup. Ils étaient les
premiers à admettre qu'ils n'étaient pas nécessairement
les gens les mieux placés pour tenter d'en arriver à
définir la quantité et la qualité des services a
être rendus au cas où il y aurait des moyens de pression ou une
grève.
Il y a un autre élément que je voudrais ajouter à
cela, mais qui tient des comportements. Je reviens à ce que M. Marois
soulevait tantôt ou reprenait à son compte, en ce qui a trait aux
comportements. Il nous est souvenance, quant à nous à COPS, que
nous ayons été entretenus par quelques ministres, et
particulièrement par M. Johnson qui était le
prédécesseur de M. Marois, de cette notion de grève
symbolique. C'est un élément qu'on a utilisé
effectivement. Quand vous parlez du mois de mars, le 28 mars, c'est ce qui a
été utilisé. On l'a annoncé longtemps avant et on a
dit que c'était symbolique. Les gens le savent on a des
problèmes. On espère que cela va se tasser. Je ne tire pas de
conclusions sur l'expérience, sauf que vous savez très bien que
cela a duré jusqu'en juin, mais cela n'a pas été
symbolique jusqu'en juin. C'est aussi une question de mentalités, de
comportements. Je veux bien être invité par des
ministériels à utiliser des méthodes dites
civilisées, sauf que, dans la mesure où ces gens doivent assumer
des responsabilités dans le cadre de ce qu'ils ont à faire comme
représentants élus et comme partie décisionnelle dans le
cadre de la négociation du secteur public, il m'apparaît qu'il y a
une discordance, à tout le moins, entre ce qui est souhaité et
suqqéré et ce qui est véritablement fait dans la
réalité.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord avec
l'exemple que M. Isabelle vient de donner. Il y avait eu un avertissement, en
fait, qu'on aurait pu appeler symbolique, à ce moment-là, pour
que vous mettiez en marche certains mécanismes. Mais, finalement,
quelles que soient les contraintes de la partie patronale, il semble toujours -
du moins, jusqu'à maintenant - qu'on doive arriver à un
véritable combat et à un affrontement. C'est là que les
choses se gâtent. À ce moment-là, c'est difficile de faire
la part des choses. Est-ce que la partie patronale vous trouvait vraiment trop
exigeants, ou vice versa?
Même à ce moment-là, ç'aurait pu être
un avertissement, en somme, symbolique que vous donniez, quinze jours ou un
mois à l'avance - je me souviens vaguement des dates - c'est exact.
À la page 4 de votre mémoire, vous dites, à la fin
de la page: "Dans la poursuite de cet objectif, il importait pour la partie
syndicale de négocier avec ses véritables employeurs, soit les
établissements de services de santé et de services sociaux. "
J'aimerais que vous expliquiez cela. Est-ce que vous exprimez un désir
d'avoir davantage à négocier avec vos employeurs
véritables? Enfin, on ne sait plus qui sont les employeurs
véritables dans toute cette chose. Pourriez-vous expliquer un peu cette
partie?
M. Isabelle: Ce qui est exprimé dans le mémoire est
le souhait que nous avions exprimé avant même que ne débute
la dernière ronde de négociation en 1979. Nous n'avons pas,
évidemment, du côté syndical, d'emprise sur la structure de
négociation patronale et sur les mandats qui sont accordés aux
différents partenaires en négociation. On sait fort bien,
cependant -ç'a été affirmé à maintes
reprises aujourd'hui - que le Conseil du trésor, comme tel, assume la
plus grande partie de la responsabilité dans le cadre de la
négociation des secteurs public et parapublic. Il y a quand même
un certain nombre d'éléments qui relèvent de la gestion
des ressources humaines, qui, bien sûr, impliquent des coûts, mais
qui sont vécus quotidiennement, administrés quotidiennement par
les administrateurs des établissements de santé. (22 heures)
Dans la mesure où on se donne la peine, législativement,
d'établir, de nommer et de désigner les parties qui
négocient, et particulièrement de déterminer comme
partenaires du gouvernement, dans le cadre de la négociation, les
associations d'employeurs dans le secteur hospitalier, on peut imaginer
facilement, si on a fait toute cette démarche, que les associations
d'employeurs dans le secteur ont un mot à dire et à tout le moins
sur des sujets qu'ils ont à administrer quotidiennement.
Nous l'avons repris ici dans le mémoire au motif que c'est un peu
la référence à laquelle nous revenions tantôt avec
M. le ministre Marois en disant: Vous avez éprouvé quelques
difficultés parce que vos négociations n'étaient pas en
même temps que les autres. Cela nous paraît si vilain comme
expression, si ce n'est qu'on a passé un an effectivement à
tenter d'obtenir des partenaires du Conseil du trésor des
réponses valables, des réponses intelligentes sur un ensemble de
propositions que nous faisions dans le cadre de ce qui est carrément et
strictement normatif, donc de ce qui est généralement
administré par les centres de santé eux-mêmes.
C'est là qu'intervenait notre souhait et, effectivement
peut-être y a-t-il des sujets qui, en termes de décentralisation,
devraient revenir à certains partenaires du gouvernement, encore que
l'on doive bien regarder la réalité pour ce qu'elle est. Le
Conseil du trésor et M. Marois nous informaient ce matin que,
ultimement, le Conseil des ministres était l'instance suprême dans
le cadre des négociations du côté patronal.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: Merci, M. le Président, très rapidement.
Une question très brève, avec votre permission et à
laquelle vous répondrez brièvement. J'en ai pour deux
minutes.
Cet après-midi, je demandais à M. Rodrigue, de la CSN, de
parler de la liste syndicale. Il m'a répondu qu'il faut avoir confiance
au système, parce que "nous sommes des professionnels dans notre
travail. Pour nous, les services essentiels c'est une affaire de base
très importante et on sait quoi faire. Laissez-nous cela. "
Quand je lis votre mémoire, à la page 6, vous dites, au
milieu de la page: "Le maintien des services essentiels en cas de conflit de
travail devrait être et doit être une question subsidiaire et
secondaire. " Je commence à avoir un peu peur quand je lis cela, parce
que si vous considérez les services essentiels de nature subsidiaire et
secondaire, je ne pense pas que qui que ce soit autour de la table va croire
cela. Même le ministre a dit ce matin qu'on va garder le droit de
grève mais que, presque sur un pied d'égalité, il y a le
problème des services essentiels. D'ailleurs, notre mandat est là
pour améliorer les services essentiels, donc, apparemment, il y a
quelque chose qui ne marche pas; autrement, pourquoi les améliorer?
Pourriez-vous dire s'il s'agit d'une erreur de texte? Faudrait-il lire:
"pas être une question?" Ou, est-ce que vous êtes sérieux en
disant que c'est subsidiaire et secondaire? À mon avis, ce sont des
expressions graves et d'importance.
M. Isabelle: Notre recherche première, c'est celle de
savoir quels sont les véritables enjeux du système. Autrement
dit, arrêtons de nous poser la question avant de commencer: Que
ferons-nous si cela va mal? Pourrait-on, une fois de temps en temps - je pense
que c'est ce qu'on souhaite - se dire avant de partir: Que ferons-nous pour que
cela aille bien? Parce que là, à chaque commission parlementaire,
la question qu'on se pose est: Si jamais cela va mal, qu'est-ce qu'on va
faire?
Dans ce sens, le texte de la page 6 nous dit que la question
fondamentale et la question primordiale, c'est le renouvellement des
conventions collectives, c'est le mérite même des questions que
nous avons à débattre. C'est cela qui intervient en vertu de la
loi. Le reste devrait être secondaire dans la mesure où l'attitude
et le comportement de chacune des parties sont clairement orientés sur
cette seule considération. Le reste...
M. Polak: Je ne prolongerai pas ma question, parce que j'ai
donné ma parole au président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie le Cartel des
organismes professionnels de la santé de nous avoir
présenté son mémoire.
J'invite maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec à prendre place et à nous présenter son
mémoire. Le présentateur est M. Jean-Paul Létourneau; je
vais lui demander de nous présenter les personnes qui
l'accompagnent.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, le chef
de notre délégation est notre vice-président, M. Jean-Paul
Lambert.
Le Président (M. Rodrigue): M. Jean-Paul Lambert?
Merci.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Lambert (Jean-Paul): J'aimerais vous présenter aussi
notre vice-président exécutif de la chambre, M. Jean-Paul
Létourneau, qui est à ma droite, ainsi que notre directeur
général aux affaires publiques, M. Pierre Morin, à ma
gauche, de même que Me John Mooney, directeur de notre service de la
législation. Aussi font partie de notre délégation, M.
Jean-Pierre Voyer, président de la Chambre de commerce régionale
Montmorency, vice-président de Beaupré Automobiles Ltée;
M. Michel Moreau, CA, président sortant de la Chambre de commerce de
Charlesbourg, vice-président de la Chambre de commerce de Montmorency,
associé de Laliberté, Lanctôt, Morin et Associés; M.
Benoît Lachance, à ma gauche, vice-président de la Chambre
de commerce de Sainte-Foy, courtier d'assurances, copropriétaire de
Brochu, Lachance et Associés.
M. le Président, la déclaration du ministre, avant la
suspension du dîner, nous inquiète au plus haut point. Si nous
l'avons bien compris, le ministre affirme qu'il est incapable d'abolir le droit
de grève, car une telle loi ne serait pas respectée. C'est
impensable. Si c'est le cas, le ministre viendrait d'admettre l'impuissance du
législateur québécois à déterminer
l'intérêt public. C'est la déclaration la plus
inquiétante qu'il nous ait été donné d'entendre;
c'est l'abdication totale.
Vous vous doutez bien que, comme toute la population en
général, les quelque 38 000 membres de nos 200 chambres de
commerce locales se sentent souvent durement touchés par les
grèves publiques et parapubliques.
Nos membres ont ainsi été amenés à prendre
position sur le privilège de grève des employés des
secteurs public et parapublic. Le législateur québécois a
accordé le privilège de faire la grève aux employés
des secteurs public et parapublic en 1965.
Depuis ce moment et au cours des quelque quinze années qui ont
suivi, la Chambre de commerce de Québec a favorisé le maintien de
ce privilège, pourvu qu'il soit réglementé dans
l'intérêt général. Une résolution de notre
congrès de 1970 affirmait même qu'il n'est pas question de retirer
ce droit de grève "à moins d'abus répétés et
graves"
Afin d'éviter ce genre d'abus, la chambre proposait à
l'époque - je cite ici la résolution de notre congrès de
1970 - "la création par le gouvernement d'une régie ayant
juridiction exclusive sur les conflits de travail dans les services
publics".
Déjà, en 1975, les Québécois avaient subi
trois grèves importantes dans les secteurs public et parapublic; la
première fois en 1966, la deuxième fois en 1967 et la
troisième fois en 1972. Depuis, les Québécois ont connu un
grand conflit en 1976 et, plus récemment, en 1979-1980.
Le rapport Martin-Bouchard a bien souligné le fait que, durant la
grève de 1976, des services médicaux essentiels n'avaient pas
été maintenus. Le fameux Conseil sur le maintien des services de
santé et des services sociaux, créé par la loi no 59, en
1978, n'a pas mieux réussi à garantir les services essentiels,
lors du conflit de 1979-1980.
Là-dessus, le rapport Picard a indirectement confirmé les
critiques de la coalition pour le droit des malades et du comité
provisoire des malades. Selon le rapport Picard, les listes de services
essentiels, négociées ou imposées par les syndicats, ont
maintenu des taux d'occupation des hôpitaux aussi bas que 30% à
l'occupation normale.
En plus des cinq grands conflits, les Québécois ont connu
de multiples escarmouches dans les services publics et parapublics depuis 1966.
En fait, tous les mécanismes de règlement des conflits que nous
avons inventés au cours de ces années ont tellement mal
fonctionné que le gouvernement du Québec a dû recourir
à pas moins de douze lois d'exception en quinze ans pour mettre fin
à quelques-unes de ces grèves.
La note inframarginale 2 en page 5 de notre mémoire donne la
liste de ces lois d'exception qui parle d'elle-même.
Comme la population en général, nos membres se sont
retrouvés à bout de patience devant tant d'abus. Nous avons
réalisé qu'il fallait changer les institutions en cause pour
régler le problème. C'est ainsi qu'après plus de dix ans
d'une position modérée, les membres des chambres de commerce,
lors de notre congrès de novembre 1980, ont constaté que - je
cite le texte de la résolution - "Lors des grèves survenues dans
les services publics, il a été souvent convenu par les parties de
maintenir certains services considérés comme essentiels. Les
résultats escomptés n'ont pas souvent été atteints.
"
La résolution adoptée à l'unanimité par
notre congrès fut donc de recommander d'éliminer le droit de
grève dans les secteurs public et parapublic pour lesquels il n'y a
aucune source adéquate d'approvisionnement de services similaires et d'y
substituer plutôt un mécanisme équitable d'arbitrage.
Il faut cesser de jouer avec la sécurité du public. Il ne
faut plus permettre à de petits groupes de fonctionnaires
privilégiés de prendre en otage toute la population, y compris
les plus défavorisés.
Il y a lieu ici de souligner les incohérences dont est
parsemée l'approche actuelle de l'État québécois
dans ce domaine. Si l'État monopolise les services de santé,
c'est évidemment parce qu'ils sont considérés comme
essentiels, mais alors il appartient à l'État d'en assurer le
maintien même en cas de conflits de travail. Autrement dit, ou bien un
service dont l'État s'occupe, les hôpitaux, par exemple, est
essentiel par définition et il doit alors être assuré
coûte que coûte, ou bien ces services ne sont pas essentiels et
alors expliquez-nous donc pourquoi l'État les a pratiquement
étatisés.
Le deuxième aspect de l'incohérence des politiques
gouvernementales dans ce domaine concerne le postulat qui a servi de fondement
à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le
postulat que l'on a utilisé est qu'à toutes fins pratiques, des
compromis avec la santé ne peuvent jamais se justifier par la
désirabilité d'autres objectifs comme le niveau de vie, la
productivité, la commodité, etc. Il faut, nous a-t-on
répété souvent, dans le domaine de la santé et de
la sécurité au travail, atteindre un risque zéro. Or,
quand un conflit de travail impose aux malades des risques accrus pour leur
santé, pourquoi deviendrait-il soudainement acceptable de peser les
risques des malades contre les avantages égoïstes des
syndiqués? On nage ici en pleine incohérence.
On a beaucoup parlé aujourd'hui de la possibilité de
créer une régie qui assurerait le maintien des services
essentiels. Le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu a d'ailleurs indiqué son appui à
cette idée. Or, l'analyse de notre mémoire démontre qu'il
s'agit là d'une fausse solution. L'idée d'une régie des
services essentiels est une vieille idée que nous défendions
nous-mêmes il y a dix ans, mais qui a fait son temps. C'est une solution
dépassée.
Premièrement, nous avons essayé, depuis une dizaine
d'années, plusieurs mécanismes de contrôle étatique
visant à assurer le maintien des services essentiels en cas de conflits
de travail. Il y a eu la loi no 259 en 1975 et la loi no 59 en 1978. Or, aucun
de ces mécanismes n'a fonctionné. Nous ne croyons pas qu'une
nouvelle structure étatique et autoritaire réussira davantage. En
fait, nous avons déjà au Québec deux douzaines de
régies, d'offices et de conseils de toutes sortes et on ne nous fera pas
croire qu'une nouvelle régie serait une solution plus géniale que
toutes les autres.
Notre deuxième argument contre une régie des services
essentiels est que l'on ne voit pas très bien comment serait
définie la notion de services essentiels. Le législateur s'y est
déjà cassé la pipe et le rapport Martin-Bouchard avouait
l'impossibilité de définir ce qu'est un service essentiel. (22 h
15)
Troisièmement, nous ne croyons pas que la solution d'une
régie des services essentiels soit plus praticable que l'abolition du
droit de grève dans certains services publics et parapublics.
On dit que le retrait du privilège de grève ne serait pas
respecté, mais il est bien clair que cela dépend de la
volonté du gouvernement de faire respecter la loi. Si le gouvernement ne
faisait pas davantage respecter les jugements d'une éventuelle
régie des services essentiels, cette dernière solution n'est pas
plus réaliste.
Ne venez pas nous dire qu'aux États-Unis la prohibition de la
grève dans les services publics ne fera pas hésiter beaucoup de
syndicats au cours des prochaines années.
De plus, n'oublions pas qu'une grève qui serait
déclenchée illégalement et à laquelle le
gouvernement n'oserait pas s'opposer aurait au moins un grand avantage sur une
grève légalisée. En cas de grève illégale,
il reste au moins aux simples citoyens qui sont lésés la
possibilité d'intenter des poursuites civiles contre les syndicats en
infraction. Bien sûr, l'establishment syndical n'aime pas que les simples
citoyens aient de tels pouvoirs, mais c'est là un aspect important de ce
qui nous reste de liberté.
En résumé, nous croyons que l'abolition du droit de
grève dans les services publics et parapublics qui n'offrent pas
d'autres sources d'approvisionnement est une solution plus réaliste et
plus efficace qu'une régie des
services essentiels.
Nous sommes persuadés que les journaux de ce matin auront mal
rapporté les propos du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu auquel ils faisaient dire qu'il n'était
pas question d'abolir des privilèges de grève.
Si nous sommes en commission parlementaire, c'est sûrement que le
ministre n'a pas déjà décidé de la voie à
suivre. Il est vrai qu'il faudrait éventuellement se poser des questions
sur les causes profondes des abus que l'on a fait du privilège de
grève dans les services publics et parapublics. Nous découvrirons
sans doute alors que les monopoles étatiques et syndicaux
créés par le législateur sont des institutions qui,
conjugées au droit de grève, ne peuvent faire autre chose que de
mener au genre d'abus que la population subit depuis plusieurs
années.
Les syndicats ont toutes sortes de monopoles, c'est-à-dire de
privilèges coercitifs accordés par l'État. Un syndicat
jouit d'une exclusivité de représentation de son unité
d'accréditation. Il a le droit de forcer tous les employés
à y cotiser, et, enfin, il a le droit de forcer tous ses cotisants,
volontaires ou pas, à faire la grève dès lors qu'une
pluralité de ses membres en décide ainsi. Quand, de plus, ces
privilèges syndicaux s'exercent dans des domaines où
l'État s'est accaparé un monopole, il tombe sous le sens que les
syndicats disposent d'un pouvoir coercitif qui ne peut que mener à des
abus.
Il faudra éventuellement reconnaître la liberté pour
un travailleur d'adhérer ou de ne pas adhérer et de cotiser ou
non à un syndicat. Ce serait la meilleure façon de respecter la
véritable liberté de travail, la véritable liberté
syndicale.
Il arriverait sans doute alors que les syndicats n'auraient plus les
pouvoirs qui leur permettent maintenant de paralyser tous les services publics
et de priver ainsi les contribuables de services financés par leurs
impôts. Mais, pour le moment, nos institutions étant ce qu'elles
sont, il nous apparaît n'y avoir qu'une solution réaliste et
praticable aux abus que les Québécois ont subis au cours des
dernières années, et c'est l'abolition du droit de grève
dans les services publics et parapublics chaque fois que les citoyens n'ont
aucune autre source d'approvisionnement, et le remplacement du privilège
de grève dans ces domaines par un mécanisme équitable
d'arbitrage.
Il est illusoire et dangereux de donner toujours davantage de pouvoirs
aux syndicats et d'être ensuite obligé d'y faire contre-poids en
établissant de nouvelles régies et bureaucraties
étatiques.
M. le Président, mesdames et messieurs les commissaires, je vous
remercie.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
chambre de commerce d'être venue nous rencontrer. La chambre de commerce
avait beaucoup de choses à nous dire ce soir. Il y a des choses dans son
mémoire. Je tiens à le dire au point de départ, pour qu'il
n'y ait aucune espèce d'ambiguïté entre nous, son
mémoire sera regardé, considéré au même titre
que tous les autres mémoires.
J'ai bien entendu et je pense que tous les collègues autour de la
table, tous ceux et celles qui nous écoutent ont bien entendu les
nombreux témoignages d'appréciation rendus par la chambre de
commerce au présent ministre du Travail. On m'a fait dire beaucoup de
choses dans ce témoignage et on comprendra que je tienne à faire
un certain nombre de petites mises au point. Oui, c'est vrai, il arrive parfois
que des propos et des déclarations publiques faites par des ministres,
et je suis un de ceux qui en font parfois, inquiètent certains groupes,
pour toutes sortes de raisons. J'espère qu'en général ceux
et celles qui les font pèsent leurs déclarations et sont
prêts à assumer les conséquences de leurs paroles et de
leurs déclarations. Si ça vous inquiète ce que j'ai dit,
je n'y peux rien, je le maintiens parce que je le pense profondément.
C'est la première des choses.
La deuxième des choses, vous m'avez rappelé en cours de
route, comme une parenthèse, la santé et la
sécurité. Je voudrais vous rappeler que la santé et la
sécurité dans les entreprises, cela coûte la vie d'humains,
d'hommes et de femmes au travail. Il nous semblait qu'il était venu le
temps qu'un gouvernement responsable prenne les mesures pour faire en sorte
qu'on s'attaque aux causes mêmes d'accidents et de maladies qui font que
des hommes et des femmes non seulement y laissent une partie de leur
intégrité physigue, mais dans certains cas y laissent leur vie.
Une société civilisée ne peut pas tolérer une chose
comme celle-là. On a bougé, on va continuer. On a un mandat du
peuple guébécois pour le faire et on a l'intention d'assumer nos
responsabilités conformément aux engagements électoraux
qu'on a pris durant la dernière campagne électorale, comme on l'a
fait par le passé.
Je n'ai pas dit, je n'ai pas affirmé que le gouvernement ou que
le ministre qui vous parle était incapable d'abolir le droit de
grève. Il peut le faire. Il peut déposer un projet de loi
à l'Assemblée nationale, il peut abolir le droit de grève.
Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit qu'à mon avis - je le pense et je
le maintiens - ça nous mènerait à une situation de chaos
et de désordre social. C'est sur la base d'expériences
concrètes. Ce n'est pas de la théorie. Est-ce que je dois
rappeler des exemples concrets? L'Australie, ce n'est pas de la
théorie; l'Alberta, ce n'est pas, non plus, de la théorie;
l'Ontario, à côté de chez nous, il n'y a pas si longtemps,
ce n'est pas de la théorie; les résidents et les internes au
Québec, ce n'est pas de la théorie. Ils n'avaient pas le droit de
grève; ils l'ont pris, le droit de grève et l'ont exercé.
Les conséquences, c'est que, dans les cas où ça se
produit, il n'y a même pas le commencement du bout de la queue d'un
minimum de services essentiels qui est assuré et, pendant ce temps, il y
a des hommes et des femmes au Québec qui paient pour. Et ce n'est pas
acceptable. Je tenais à faire cette mise au point. Il n'y a pas de
phénomène d'impuissance; il y a un phénomène
d'analyse et de responsabilité.
Quand vous dites que vous espérez que, en ce qui me concerne, je
ne suis pas figé dans le béton puisqu'on est en commission
parlementaire et que j'ai dit que j'abordais cette commission avec beaucoup
d'ouverture d'esprit, c'est vrai. Je suis prêt à écouter
les recommandations, les suggestions, les commentaires, les faits qui peuvent
être mis sur la table qui nous éclaireront tous ensemble pour
améliorer la situation et faire en sorte que certains abus qui se sont
produits ne se reproduisent plus jamais. Cependant, ma déclaration
d'ouverture, ce matin, portait à la fois sur la reconnaissance de ce
droit collectif, du droit à la grève, équilibré par
le droit aussi fondamental des hommes et des femmes d'avoir accès aux
services essentiels. Nous avons un mandat électoral. Durant la campagne
électorale, nous avons rendu publique la position du Parti
québécois qui était très claire. Si vous voulez que
je vous redistribue le texte, il est bien simple et bien court, c'est deux
pages. C'était déjà là et je ne vais pas retirer
ça aujourd'hui. C'est un engagement, c'est sur la base notamment de cet
engagement et d'autres que le parti, qui a été, selon le choix,
démocratique des citoyens jusqu'à nouvel ordre, reporté au
pouvoir, assume ses responsabilités.
Vous avez dit que la régie proposée par le Conseil du
patronat ne serait pas plus applicable en bout de ligne que le droit de
grève l'est, alors quoi? Si la régie en bout de ligne n'est pas
plus applicable que le droit de grève, alors quoi?
Vous prônez comme mode de résolution des conflits - j'ouvre
les guillemets - "un mécanisme équitable d'arbitrage". Il serait
intéressant, à tout le moins, que vous nous expliquiez un peu ce
que ce serait ce mécanisme "équitable" dont vous parlez. Vous
nous dites que tout ce qu'il resterait aux citoyens, ce seraient des poursuites
civiles et que les citoyens pourraient recourir aux poursuites civiles. Je me
permets de vous rappeler tout de même que ce droit à des
poursuites civiles existe présentement. Je me permets au surplus de
rappeler à la Chambre de commerce du Québec que c'est le
gouvernement et celui qui vous parle qui ont introduit la loi qui a permis aux
Québécois et aux Québécoises d'avoir recours
à la procédure du recours collectif. Je me permets de vous
rappeler que des hommes et des femmes du Québec ont exercé ce
recours, précisément, à la suite de conflits dans les
secteurs public et parapublic. Et pourtant, que je sache, vous n'étiez
pas particulièrement d'accord lors des témoignages en commission
parlementaire pour l'introduction de ce mécanisme. À tout le
moins nous proposiez-vous une telle quantité de balises qu'à
notre point de vue le recours aurait été inefficace. J'avais
même consenti à un amendement qui est maintenant dans la loi - et
si cela était à refaire aujourd'hui, jamais je ne consentirais -
qui était d'introduire le mécanisme d'appel lorsque des citoyens
vont en Cour supérieure pour présenter une requête en
recours collectif. Des gens du monde patronal sont venus me dire: Tu n'as pas
le droit de faire cela, il faut absolument qu'il y ait un appel du jugement qui
autorise le recours collectif. J'avais dit: Très bien, je prends votre
parole, de bonne foi. Mes craintes sont qu'on va s'en servir comme d'un moyen
dilatoire pour faire traîner les choses en longueur. C'est exactement ce
qui est en train de se produire. Je n'aurais jamais dû céder
là-dessus. Je n'aurais jamais dû écouter le monde patronal.
Je pense qu'il faudra amender la loi pour faire en sorte que ce recours soit
encore plus efficace sur le plan civil qu'il ne l'est aujourd'hui.
Je veux bien prendre les responsabilités qui nous reviennent,
mais je pense que tous les faits doivent être mis sur la table.
En conclusion, je reviens à ma question. J'aimerais bien que vous
nous explicitiez un peu ce que serait ce mécanisme "équitable".
Et si la régie recommandée par le Conseil du patronat n'est pas
plus applicable que le droit de grève, alors quoi?
Le Président (M. Rodrigue): M.
Lambert.
M. Lambert: Oui, je vous remercie.
M. le Président, je demanderais à M. Jean-Paul
Létourneau de nous parler du mécanisme équitable
d'arbitrage.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, si vous
me permettez, juste quelques mots avant de passer à cette question.
La proposition de M. le ministre disant que le droit à la
grève soit équilibré par le droit aux services essentiels
nous semble indiquer que le ministre considère que l'un est aussi
important que l'autre. Je ne sais pas si on comprend bien sa proposition, mais
c'est ma perception de la proposition. C'est
justement ce qui nous inquiète, parce que nous estimons, pour
notre part, que de droit du public aux services essentiels est plus important
que le droit de grève. Cela domine, à notre avis.
Concernant les mécanismes équitables, il y a un
très vaste choix à partir de la solution classique, de la
nomination d'un arbitre par chacune des parties et d'un troisième
arbitre par les deux premiers arbitres choisis ou la nomination d'un arbitre
qui est accepté par les deux parties. (22 h 30)
II y a aussi, dans la considération des propositions, des
mécanismes, certains mécanismes qui ont été
expérimentés, comme, par exemple, la dernière offre, le
choix de l'arbitre sur la dernière offre qu'il trouve la plus
raisonnable. Il y en a encore, nous pourrions en citer des dizaines; nous ne
voulons pas, a ce moment-ci, en préconiser une plutôt que l'autre,
il s'agit tout simplement d'établir des mécanismes d'arbitrage
où les arbitres seront acceptables aux parties.
M. le ministre, par ailleurs, nous a dit que, même là
où la grève dans les services essentiels est jugée
illégale, il y a des grèves. En effet, il y en a, nous le
reconnaissons, mais ce que nous avons observé - il nous a parlé
du cas de l'Ontario, entre autres - c'est que, où la grève est
illégale dans les services publics, il y a moins de grèves.
À ce moment-là, les syndicats ne sont pas protégés
par une législation ou par le législateur de ceux qui ont subi
préjudice. M. le Président, c'était ma réponse
à cette question.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. Lambert, est-ce que vous avez d'autres
commentaires?
M. Lambert: Non, ça va, allez-y.
M. Rivest: D'abord, je voudrais remercier la chambre de commerce
de son mémoire. Ce que j'ai compris finalement, essentiellement, de
votre mémoire, c'est que la chambre de commerce a adopté dans le
passé, au sujet de l'exercice du droit de grève dans les secteurs
public et parapublic pendant de très nombreuses années - vous
évoquez vous-même dix années - une position que vous dites
modérée et que d'autres peuvent continuer encore - pour un temps
certainement - d'adopter. Vous avez donc finalement, de votre
côté, décidé, à votre congrès de 1980,
d'y aller carrément et de proposer d'éliminer le droit de
grève dans les secteurs public et parapublic.
À mon premier élément de question, je retiens que
le Conseil du patronat, en particulier - je pense que c'est le Conseil du
patronat et il y a aussi un autre groupe, j'ai essayé de le retrouver
assez rapidement - a donné un tableau de l'évolution. Vous vous
référez énormément dans votre mémoire
à 1966, 1972, 1976, 1979. Est-ce que, selon votre diagnostic de
l'évolution de la gravité de conflits, vécus en
particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, cette
évolution des conflits a été en s'aggravant ou en
s'atténuant, dans le sens de la perspective des efforts qui ont
été faits, autant par les administrateurs que par les
travailleurs, dans les institutions, pour essayer de civiliser - si on peut
employer cette expression - l'exercice d'un droit de grève et
d'éviter que des gens soient heurtés? Je vous dis tout de suite
qu'en 1966 et même en 1968, je crois, alors qu'il y avait eu un conflit
très précis dans le domaine des hôpitaux - j'ai vécu
moi-même, au moment où j'étais au gouvernement, la
période 1972 et 1976, en tout cas, et ne parlant que de celle-là,
j'ai souvenance, malgré que 1976 ait été extrêmement
pénible, que 1972 avait un caractère nettement plus rude, brutal
et cruel, par rapport à la situation de 1976. Est-ce que votre
diagnostic de l'évolution est donc à ce point grave ou à
ce point aggravé d'une ronde à une autre que vous deviez en
arriver nécessairement à la conclusion de proposer l'abolition du
droit de grève?
M. Lambert: M. Rivest, à votre question, je vais demander
à M. Létourneau de nous donner ses commentaires, s'il vous
plaît.
M. Létoumeau: M. le Président, nous avons
constaté que, à chaque fois, il y avait eu des services
essentiels qui n'avaient pas été fournis à la population.
Que cela ait été plus ou moins grave, cette évolution,
c'est assez difficile à évaluer. Mais ce que nous avons
réalisé avec le temps, c'est que de timides efforts, faits par le
législateur pour essayer de cerner la notion de services essentiels,
n'aboutissaient nulle part; particulièrement lorsqu'on a lu, à la
suite du dernier conflit, le rapport du conseil chargé de la
surveillance des services essentiels, on s'est aperçu que ces
gens-là ont avoué leur impuissance à pouvoir
déterminer ce qu'étaient des services essentiels. On s'est rendu
compte que la solution que nous proposions d'arriver avec un arbitre qui
déterminerait quand il y a services essentiels ou perte des services
essentiels, parce que nous reconnaissons que c'est une notion qui est dynamique
et qui est difficile à cerner, on s'est rendu compte, dis-je, que plus
on allait, plus on tentait des expériences dans ce sens-là, plus
on aboutissait nulle part et on continuait la perte des services
essentiels.
Alors, c'est ce qui nous amène à
conclure que cette solution n'est pas la bonne et qu'il faudrait tout
simplement en arriver à l'autre formule qui vise à l'arbitraqe.
Les expériences d'arbitrage vécues jusqu'ici ne sont pas
nécessairement tellement défavorables ou plus défavorables
aux parties que les règlements que l'on a connus.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, une courte
intervention de M. Morin, s'il vous plaît!
M. Morin (Pierre): M. le Président, l'intervention de M.
Rivest et celle du ministre préalablement, sa mise au point, posent la
véritable question. On en est actuellement, par exemple, à parler
de dégradation ou non, ou d'impression de dégradation. Là
où certainement nos membres ont perçu une dégradation,
c'est dans la prépondérance des droits. C'est là où
il y a, en fait, une question à laquelle nous fournissons une
réponse. Mais essentiellement, on dit simplement que les services ayant
été déterminés par des lois publiques, par une
intervention gouvernementale, comme étant de nature essentielle sinon
l'État n'avait pas tellement affaires là... Par rapport à
cela, le droit de grève, quel rang a-t-il? Où se situe-t-il dans
la prépondérance de ces droits? En fait, c'est la question
principale que la commission doit se poser. C'est cela qu'on amène. On
souligne peut-être ce qui nous apparaît être des
incohérences, non pas qu'on soit contre la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, au contraire. M. le ministre pourra dire que
nous avons été parmi ceux qui avaient eu des attitudes positives
vis-à-vis de la loi, et de façon consistante. Mais là, on
pose un principe que la santé et la sécurité sont
fondamentales et primordiales et, d'un autre côté, quelqu'un qui,
justement, est blessé ou subit une perte d'intégrité
pourrait se trouver face à une situation dans un centre hospitalier
où il ne peut pas être soigné parce que quelqu'un d'autre
exerce son droit. C'est là où on se retrouve, vis-à-vis
des incohérences auxquelles il faut absolument, au préalable,
trouver des réponses.
M. Rivest: Vous avez estimé là qu'il y avait un
seuil de tolérance qui était devenu intolérable, si je
peux m'exprimer ainsi.
Une voix: C'est intolérable.
M. Morin (Pierre): Si vous me le permettez, c'est pour cela qu'on
qualifie bien notre proposition en disant: Là où il n'y a pas
d'autre service disponible.
M. Rivest: Je veux justement en venir à cela. Je cherche
également à comprendre le sens de votre résolution, qui
est quand même assez courte, sur l'élimination du droit de
grève. Par exemple, sur les services essentiels, on a parlé des
institutions de santé et de services sociaux.
Une voix: Oui.
M. Rivest: Mais est-ce que ce seuil de tolérance vous
paraît franchi à ce point? Par exemple, dans le domaine de la
fonction publique, dans le domaine des ministères du gouvernement,
croyez-vous que l'expérience de 1966, 1972, 1976 et 1979 est de
même nature que celle que vous décrivez dans le domaine
hospitalier?
Parce que le texte de votre résolution, de la façon dont
vous nous l'avez présenté -peut-être que dans les
discussions il y a d'autres documents connexes - inclut également le
domaine de la fonction publique. Il n'y a pas de demande, sauf le texte de
votre résolution, qui soit venu de ce côté-là, que
je sache. Il y avait vraiment des choses qu'on a par ailleurs soulignées
dans le domaine de la santé.
M. Létourneau: M. le Président, la réponse
que nous sommes clairement mandatés de vous donner à ce sujet est
celle que nous avons perçue lors de notre dernière
assemblée générale annuelle alors que nous avons
clairement exposé aux délégués et longuement
débattu notre position antécédente qui était celle
que nous avons expliquée, c'est-à-dire d'un organisme qui
déterminerait les services essentiels et d'un arbitrage de cet
organisme. L'autre proposition était l'élimination du droit de
grève, avec un arbitrage, et, après de longs débats,
considérations et exemples de tout genre amenés sur le plancher
des délibérations, je dirais peut-être que près de
200 délégués étant présents de tous les
coins du Québec, lorsque le vote a été pris, il a
été unanime dans le sens de la recommandation que nous
faisons.
C'est donc dire qu'il y a là l'expression... Et c'était
vraiment très impressionnant, j'étais en avant de la salle et,
lorsque ce vote s'est pris, cela a été comme un coup de poing, si
on peut dire, unanime de l'assemblée.
M. Rivest: Le sens de ma question est celui-ci: Est-ce que le
gens avaient cette même unanimité, spontanéité et
conviction intérieure pour une grève qui existe au niveau du
ministère des Richesses naturelles ou au niveau du ministère des
Affaires culturelles et dans le domaine des hôpitaux? Est-ce que
c'était le même ordre de valeur que les gens véhiculaient?
Votre résolution a emporté tous les morceaux dans
l'unanimité. Il me semble qu'il y a des différences, en tout
cas.
M. Lambert: II y a des nuances et on s'explique
là-dessus.
M. Létourneau: Évidemment qu'on ne peut pas
présumer que l'impatience où les gens qui en ont ras le bol,
comme on dit, ont exactement la même perception d'une grève au
ministère des Richesses naturelles...
M. Lambert: Ou au ministère du Revenu, par exemple.
M. Rivest: Les gens seraient favorables, la chambre de commerce
serait favorable à ça, le ministère du Revenu.
M. Létourneau: Ou dans les hôpitaux. Mais remarquez
que ce phénomène n'est pas exclusif aux organismes qui sont de
responsabilité provinciale. On a aussi ceux de responsabilité
fédérale. Finalement, toutes ces grèves s'additionnent les
unes aux autres auprès du citoyen et, à un moment donné,
celui-ci manifeste son impatience, son dégoût de cette situation
par un vote massif comme celui que nous avons connu.
M. Rivest: D'accord. Une dernière question, si on me
permet, toujours en cherchant à savoir un peu la genèse de votre
résolution qui a l'air à avoir bien du muscle et bien de
l'élan. C'est une phrase un peu sibylline, comme on disait tantôt:
Là où il n'y a aucune source adéquate d'approvisionnement
de services similaires. Par ailleurs, j'ai compris de l'économie de
votre mémoire que vous vous en prenez au monopole de l'État dans
les services publics. Des services analogues similaires, s'il y a un monopole,
il n'y en a pas. Pourquoi est-ce dans le corps de votre résolution?
M. Lambert: M. Morin, on va...
M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, qu'on
pourrait souligner au député Rivest des études
socio-économiques faites par les professionnels, ce qu'on appelle le
Syndicat des professionnels de la fonction publique; il peut aussi y avoir
d'autres sources d'approvisionnement de ces études
socio-économiques. À l'opposé, il n'y a peut-être
personne d'autre que les fonctionnaires préposés au
ministère des Affaires sociales pour émettre les chèques
à la fois aux assistés et à d'autres groupes.
Dans un cas, vous pouvez vous approvisionner ailleurs pour des besoins
comme des études socio-économiques, mais pour faire sortir les
chèques des assistés sociaux ou les retours d'impôt, si
ça bloque, il n'y a pas d'autres sources.
M. Rivest: Je comprends le sens de votre réponse, mais ce
n'est peut-être pas le meilleur exemple, parce qu'il y a eu des
systèmes qui ont été mis effectivement, dans le cas
d'émission des chèques...
M. Morin (Pierre): D'accord, mais en fait...
M. Rivest: Par exemple, dans le domaine de la santé, pour
les infirmières, à un moment donné, il n'y a pas
d'infirmière... La formule Reagan n'est pas très pratique.
L'armée ne peut pas venir soigner à la place des
infirmières. Là-dessus, c'est ça que vous voulez dire.
Bon, très bien.
M. Mooney (John): J'aurais simplement une question, M. le
Président. Actuellement, il y a des groupes qui n'ont pas le droit de
grève en fonction de choix posé par le législateur quant
à l'intérêt public. Je pense entre autres aux policiers,
aux pompiers. Il y a certainement d'autres groupes. Est-ce que le
législateur entend modifier cette situation-là?
M. Rivest: Pour les policiers?
M. Mooney: Oui.
(22 h 45)
M. Rivest: Le législateur est là.
M. Mooney: II y avait l'exécutif et le législateur
est tout autour de la table, j'espère.
M. Rivest: Pour la grève des policiers?
M. Mooney: En fait, ils n'ont pas actuellement le droit de
grève.
M. Marois: Est-ce que je comprends qu'il n'y a plus
d'opposition?
M. Rivest: II y a les onze.
M. Paquette (Gilbert): M. le Président...
Le Président (M. Rodrigue): Justement, M. Paguette a
demandé la parole. M. Paguette (Rosemont), vous avez la parole.
M. Paquette (Gilbert): Merci, M. le Président. À la
page 9 de votre rapport -cela m'a frappé parce que c'est
évidemment un mémoire que je qualifierais de très
idéologique - vous mentionnez des supposées incohérences
qui auraient parsemé l'approche de l'État québécois
dans le domaine des négociations dans le secteur public. Vous nous
dites, à un moment donné, qu'un des aspects de
l'incohérence des politiques gouvernementales c'est que les compromis
avec la santé peuvent être justifiés, qu'on peut faire des
compromis avec la santé, comme si c'était l'approche de
l'État. Je tiens à vous rappeler que la loi actuelle inscrit la
primauté des services essentiels sur le droit de grève dans le
sens suivant: c'est
qu'une fois les services essentiels déterminés - je
comprends que ce n'est pas toujours facile de déterminer quels sont les
services essentiels - la loi prévoit qu'en cas de non respect des
services essentiels, le droit de grève peut être suspendu. Sur le
plan des principes, je pense qu'il est faux de faire le procès au
gouvernement ou à l'État, d'accuser, en quelque sorte, le
gouvernement de ne pas vouloir assurer le respect en tout temps des services
essentiels. Au contraire.
Une autre incohérence que vous trouvez dans l'attitude de
l'État c'est de dire: Ou bien un service dont l'État s'occupe est
essentiel et il doit être assuré coûte que coûte; ou
bien ces services ne sont pas essentiels et l'État n'aurait pas dû
s'en mêler. Il n'y a pas d'incohérence là-dedans. C'est
tout simplement une différence de perception du rôle de
l'État; c'est que nous, on pense que l'État n'a pas qu'à
assurer des services essentiels, il doit assurer d'autres choses aussi. Il doit
assurer toute une série de services connexes, notamment dans les
hôpitaux, qui ne sont pas nécessairement des services essentiels
mais qui sont utiles, qui sont nécessaires à certains moments
pour assurer le bien-être des personnes. C'est une question
d'appréciation et de degré; il n'y a pas d'incohérence
là.
Par contre, je vois une certaine incohérence dans la progression
de votre opinion par rapport à la progression de la situation
réelle qui s'est passée au cours des différentes
négociations. On dirait que votre durcissement est inversement
proportionnel à l'amélioration des négociations parce que
vous êtes passé assez vite sur un bout de votre rapport qui est
à la page 4, que vous n'avez pas lu mais où vous donnez des
chiffres. À la page 5, vous dites qu'en 1976, bien qu'ils ne
débrayèrent pas tous simultanément, quelque 300 000
salariés des secteurs public et parapublic firent la grève et,
trois ans plus tard, 158 564.
M. Lambert: C'est relativement précis.
M. Paquette (Gilbert): Cela veut dire quand même qu'il y a
eu amélioration. On est tous conscients que ce n'est pas le paradis.
Quand on regarde le délai que ça a pris en 1976, je pense que les
négociations, règle générale, ont duré
à peu près un an; en 1979, ça a pris six mois. Ce n'est
pas encore le paradis, mais il y a quand même amélioration
là aussi, vous allez l'admettre. Dans les hôpitaux, si je me
rappelle bien, il y a eu, en 1976, grève durant environ 20 jours; en
1979, c'étaient 4 jours de grève. Là aussi, il y a eu
amélioration. On voit que la situation s'améliore. Ensuite, on
pourrait regarder le respect des services essentiels à chacune de ces
occasions. Je pense qu'on peut facilement évaluer qu'il y a
peut-être eu des exceptions mais, règle générale,
les services essentiels ont été respectés. Ce qu'il nous
faut trouver, c'est un mécanisme pour faire en sorte qu'ils le soient
toujours. Il y a eu quand même amélioration. Comment
expliquez-vous que votre attitude se durcisse au moment où la situation
- même si ce n'est pas encore le paradis - s'améliore? Je ne
comprends pas.
M. Lambert: M. le Président, on aimerait ajouter aux
paroles de M. Paquette là-dessus.
Concernant les services essentiels, c'est la perception que nos membres
ont eue et c'est quelque chose, à un moment donné, qui est
viscéral et qu'ils ressentent. Lorsqu'ils ne voient pas - si je peux
appeler cela ainsi -la lumière au bout du tunnel, c'est qu'il y a de
l'exaspération. C'est un peu ce qui s'est passé lors du vote
qu'on a pris en 1980.
Une chose qu'il faut mentionner et que M. Létourneau a
mentionnée aussi, c'était pris à l'unanimité. Tout
le monde avait le droit de lever la main et de dire qu'il n'était pas
d'accord. Cela semblait être et c'était un sentiment
général.
Maintenant, M. Morin voulait ajouter quelque chose là-dessus.
M. Morin (Pierre): II y a un phénomène aussi qui
explique cela, M. le Président, qui est assez simple. C'est qu'on parle
des services publics. Il n'y a pas que le Québec, c'est-à-dire le
gouvernement du Québec qui offre des services publics qui ont
été interrompus par des grèves. Vous avez, au niveau du
transport, des commissions de transport un peu partout au Québec,
particulièrement à Montréal, à Québec aussi,
et pendant très longtemps; vous avez les services publics
fédéraux, à partir des postes jusqu'aux aiguilleurs de
l'air. C'est concurrent, toutes ces choses, mais ce sont toujours les services
publics. C'est toujours ce qui devrait fonctionner et qui ne fonctionne pas. Il
ne faut pas se surprendre qu'à un moment donné il y ait une
réaction qui dise assez.
M. Létourneau: Les sondages Gallup le prouvent,
d'ailleurs.
M. Paquette (Gilbert): Je ne pense pas qu'on doive gouverner
uniquement par sondages.
Des voix: Ah, ah, ah!
M. Paquette (Gilbert): Je pourrais vous en donner plusieurs
exemples.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous les apporter, vos sondages, demain
matin.
M. Paquette (Gilbert): Au moment où vous vous basiez sur
les sondages pour
essayer de bloquer l'assurance automobile et qu'on savait qu'il n'y
avait que 30% de la population qui l'appuyaient, on a quand même
voté la loi. Après un an ou un an et demi, on a vu des
porte-parole de l'Opposition dire que c'était une excellente loi et que
si jamais ils étaient au pouvoir ils la maintiendraient. Alors, il y a
plusieurs exemples qu'on peut amener comme cela. C'est facile de dire qu'on
gouverne par sondages.
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai quand même.
M. Paquette (Gilbert): Je ne pense pas qu'on doive gouverner par
sondages.
Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas, mais c'est cela que vous
faites.
M. Paquette (Gilbert): On va revenir au débat. Si vous le
permettez, M. le Président, une dernière remarque ou
question.
Je comprends qu'il peut y avoir des réactions viscérales.
On vit dans le monde réel et on rencontre des électeurs dans nos
comtés. On le sait, on connaît les sondages et tout cela. Mais les
faits que j'ai mentionnés sont quand même réels. Vous avez
dit vous-mêmes qu'il y avait une certaine réaction
viscérale. Vous avez fait une analogie avec la Loi sur la santé
et la sécurité du travail. Qu'est-ce que vous diriez si, par une
réaction viscérale, nous au gouvernement on disait: II y a dans
certaines compagnies un minimum décent de sécurité qui
n'est même pas assuré et, quand ce n'est pas assuré dans
une compagnie, au lieu de faire appliquer la Loi sur la santé et la
sécurité, on va rentrer dans la compagnie, on va prendre les
livres, on va prendre le contrôle de la compagnie et on va assurer la
santé? Par analogie, est-ce que vous trouveriez que c'est une attitude
qui va nous donner des bons résultats pour la protection de la
santé et de la sécurité des travailleurs?
M. Lambert: M. le Président, à cette question ou
à ce commentaire de M. Rivest, c'est que le droit à la
santé...
M. Rivest: Je ne suis pas dans les onze.
M. Lambert: M. Paquette, excusez-moi, c'est un lapsus.
Concernant cela, le droit à la santé, c'est un droit
essentiel. Là-dessus, on a élaboré assez longuement. Le
droit à la santé au niveau du travail ou le droit à la
santé au niveau de la maladie, cela reste le droit à la
santé. C'est notre position là-dessus.
Le Président (M. Rodrigue): Mme Harel (Maisonneuve)
Mme Harel: Bien rapidement, évidemment on est tous ici
pour améliorer la situation et non pas pour l'empirer. Peut-être
serait-il intéressant que vous fassiez l'éducation de vos
membres. Vous parlez beaucoup des réactions qu'ils ont eues et qui vous
amènent ici ce soir à préconiser un certain nombre de
solutions. Il faudrait peut-être essayer de voir si c'est la bonne
solution. Il faut parfois se méfier, à première vue, de ce
qui peut paraître alléchant comme solution et qui peut donner
exactement le résultat contraire de ce qu'on recherche.
M. Létourneau a parlé, tantôt, de la
nécessité de l'abolition du droit de grève dans le secteur
public et a fait écho au régime de négociation de
l'Ontario qui l'interdit. Il a constaté qu'il y avait moins de
qrèves du fait de cette illégalité, malgré
évidemment qu'il y avait toujours et qu'il y a eu, encore
dernièrement, l'utilisation et l'exercice du droit de grève
illégal.
M. Létourneau, ce que j'aimerais vous demander, c'est: Comment
penser qu'on puisse ici au Québec, dans un régime de
négociation où l'exercice du droit de grève est acquis
depuis quinze ans, du jour au lendemain appliquer la solution que vous
préconisez sans penser que ça puisse apporter plus de
perturbation que ce qu'on recherche comme solution? La logique de votre
recommandation et l'invitation que vous faisiez au ministre du Travail
étaient de se montrer ferme et, une fois l'abolition du droit de
grève sanctionnée, de l'appliquer sévèrement. Vous
avez fait allusion à la situation qui prévalait aux
États-Unis; je reviens un peu avec la remarque qu'a faite M. Rivest;
est-ce que vous allez préconiser qu'il y ait congédiement des
travailleurs qui feraient l'exercice de ce droit, qui ne le serait plus
à ce moment, et par qui les remplacerait-on? Est-ce que ça ne
perturberait pas beaucoup plus les centres d'accueil, les services sociaux, les
soins aux personnes âgées, les soins aux malades que la situation
qui prévaut présentement? Et, finalement, est-ce que votre
solution n'est pas une aggravation de la situation bien plus qu'une
solution?
M. Lambert: M. le Président, je vais laisser
répondre M. Létourneau, s'il vous plaît.
M. Létourneau: C'est seulement l'expérience qui
pourrait nous dire s'il y aurait les perturbations que vous présumez.
C'est sûr que ce serait un virage peut-être inespéré,
compte tenu des positions déjà prises par le ministre. Cependant,
nous pensons qu'il y a là-dedans - comme cela a
déjà été dit par un témoin
précédent -beaucoup dans l'attitude et la façon de faire.
Être ferme ne veut pas dire nécessairement le congédiement
des travailleurs qui vont en grève illégale; il y a beaucoup
d'autres pénalités, avant celle-là, qui peuvent être
utilisées et qui pourraient sans doute être efficaces, si on
décidait vraiment de les utiliser et de les appliquer. Il est
arrivé trop souvent, à notre avis, dans le passé, que le
législateur ait passé l'éponge sur des violations à
la loi. Évidemment, d'une fois à l'autre, ça
entraîne une attitude de plus en plus audacieuse de la part de la partie
syndicale, à un point tel que nous en sommes maintenant à
entendre des personnes, qui vont en grève ou qui suggèrent
à leurs troupes d'aller en grève, avec l'idée que, quand
on va en grève, on ne perd pas de salaire, il n'y a pas de
pénalité. On a même vu des cas où il y a eu des
grèves illégales avec, à toutes fins utiles, aucune
pénalité, comme ça été le cas chez les
policiers de Montréal, à l'occasion d'une grève, il y a
quelques années.
Alors, quand le climat se détériore de cette façon
et que le législateur ne semble pas très ferme à appliquer
même les lois qu'il a déjà, et qui sont un peu moins
sévères que celles que nous préconisons, nous ne voyons
pas d'autre issue que d'en préconiser d'un peu plus
sévères, de telle sorte qu'au moins ce qui sera respecté
sera un minimum de protection pour la population.
Mme Harel: Alors, quand le climat se détériore,
faut-il aggraver la détérioration? Parce qu'il ne faut quand
même pas oublier que dans le secteur public, essentiellement dans le cas
des hôpitaux et des services sociaux, ce sont des personnes qui
travaillent avec des personnes. Peut-on recourir à des mesures qui
viendraient perturber le climat des relations de travail et le climat des
services qui sont donnés dans le milieu de travail?
M. Létourneau: Encore une fois, nous ne sommes pas
convaincus du tout que cette méthode pourrait créer le chaos dont
on parle, parce que l'expérience montre que cette fameuse situation
d'arbitrage, finalement, ce n'est pas si mal. Les arbitrages rendus - dans des
cas de services essentiels, dans le passé, au Québec, il y a eu
des situations d'arbitrage - donnaient des conditions relativement
équitables aux parties, lorsque les conditions d'arbitrage
étaient connues. Donc, cela n'amènerait probablement pas le chaos
dont on parle, parce que, d'une part, ça éviterait aux
syndiqués les pertes qu'occasionnent les grèves et, d'autre part,
ça pourrait leur assurer des conditions de travail qui, au bout du
compte, ne seraient pas si mal que cela. (23 heures)
Mme Harel: Là-dessus, sur la question de l'arbitrage,
est-ce que l'État peut laisser sa marge de manoeuvre, sa masse salariale
à l'initiative d'arbitres?
M. Morin (Pierre): M. le Président, la question de Mme la
députée est particulièrement pertinente. Pendant
longtemps, des gouvernements précédents ont dit non. M. Lesage,
entre autres, ne voulait même pas négocier. La reine ne
négociait pas avec ses sujets, si on peut remonter à ce
moment-là. Cela a évolué considérablement et, dans
un sens, la dernière ronde des négociations a été
particulièrement instructive à cet égard, parce que le
ministre des Finances et président du Conseil du trésor,
plusieurs mois avant même que ne commence la négociation, a
annoncé publiquement quels étaient les paramètres qu'il
était prêt à céder. Alors, à
l'intérieur d'un cadre comme celui-là, lorsque le gouvernement,
appuyé par le législateur, s'il le veut, fixe les
paramètres, le cadre de ce qui peut être accordé dans la
convention ou dans un renouvellement de convention, ce n'est plus l'arbitre
qui, essentiellement, décide de l'enveloppe budgétaire; elle a
déjà été décidée. L'arbitre statue,
à ce moment-là, sur des aménagements et des
réaménagements. À bien des égards, on n'est pas
loin actuellement, dans le contexte, de l'arbitrage que nous proposons.
Mme Harel: À quelques centaines de 100 000 000 $
près, je pense.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dauphin (Marquette).
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'ai deux questions
très brèves, étant donné qu'il se fait
déjà assez tard. Elles concernent l'approche qu'aurait la Chambre
de commerce face à des services essentiels, mais relevant du secteur
privé. Exemple, la distribution du gaz, etc. Je me demande si la Chambre
de commerce ne serait pas d'avis, à ce moment-là, que le
Parlement utilise sa souveraineté pour légiférer
même dans ce domaine pour interdire toute grève.
Deuxièmement, un des intervenants a-t-il eu connaissance d'une
expérience d'arbitrage chez les pompiers dans les années
soixante-dix à Montréal?
M. Lambert: Pour répondre à cette question, M. le
Président, M. Létourneau.
M. Létourneau: Nous n'avons pas abordé la question
des services dans le secteur privé. Il n'y a pas eu de situation qui
nous a motivés à aller de ce côté-là
récemment. Je ne sais pas quelle attitude nos membres prendraient
vis-à-vis de ce volet des services
essentiels. Nous n'en avons pas débattu et nous n'avons pas de
mandat sur ce plan. Cela me serait difficile et je ne pourrais que vous
exprimer, à ce moment-ci, une opinion personnelle à ce sujet.
Vous avez parlé, M. le Président, de l'arbitrage des
pompiers. Je m'excuse, je n'ai pas très bien compris la question.
M. Dauphin: II y a eu une expérience d'arbitrage chez les
pompiers dans les années soixante-dix à la ville de
Montréal. Je voulais savoir si vous êtes un peu au courant. Quelle
est votre évaluation là-dessus?
M. Rivest: Cette expérience avait été
vécue et, à ma connaissance - je pense que c'est ce que mon
collègue veut soulever - la sentence arbitrale n'avait pas
été suivie, sauf erreur, et, par la suite, on avait, à la
ville de Montréal ou ailleurs, négocié. Les pompiers,
à qui, évidemment, était interdit le droit de
grève, n'avaient pas respecté la sentence arbitrale. Donc, tout
le monde se retrouvait dans l'illégalité, y compris, à ce
moment-là, les pouvoirs publics qui ont ajouté, sauf erreur, des
sommes additionnelles. La formule d'arbitrage comporte aussi ses
inconvénients et je pense que le sens de la question de mon
collègue de Marquette, c'est de vous amener peut-être à
dire si vous avez réfléchi aux conséquences et au
caractère pratique d'une solution d'arbitrage obligatoire.
M. Létourneau: II est sûr qu'il n'y a pas de
solution parfaite. On peut arriver, même avec la formule d'arbitrage, si
la partie syndicale ne veut pas respecter la décision arbitrale, ou la
partie patronale -cela peut être dans les deux sens - on peut arriver
à des conflits avec cette formule comme avec n'importe quelle autre.
Nous croyons qu'à un moment donné il n'y a plus qu'une
seule voie, c'est le respect de la loi, par le législateur qui dit:
C'est dommage mais c'est ça la loi et nous allons prendre les mesures
pour qu'elle soit respectée. Cela peut être difficile et
très impopulaire, mais il nous apparaît qu'à un moment
donné il n'y a plus d'autre issue pour le législateur que de
faire respecter les lois qu'il a adoptées ou de les amender.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député
de Prévost.
M. Dean: M. le Président, je suis fort
étonné de voir la prestigieuse chambre de commerce, qui, selon
son mémoire, représente 38 000 membres dans 211 chambres de
commerce locales et 2600 entreprises membres, nous arriver à la fin de
cette longue journée avec une espèce de charge de cavalerie qui
nous mène tout droit au XVllle siècle.
Après une journée quand même assez sereine et
positive, où différents groupes de la société
québécoise, dont le Conseil du patronat qui représente lui
aussi un grand nombre de petites, moyennes et grandes entreprises, qui arrive
ici avec une attitude positive, calme, raisonnée, qui nous propose des
choses concrètes pour régler le problème épineux
que représente la conciliation du droit de grève avec le droit
des citoyens aux services essentiels...
En plus de ce consensus qui semble se dégager de tous les
témoignages entendus aujourd'hui, il y a au moins un fait à
constater, c'est qu'en 1979 ça allait déjà beaucoup mieux
qu'en 1976. Il nous reste quand même l'espoir et la possibilité
qu'avec quelques modifications législatives possibles, on fait en sorte
que ça ira encore beaucoup mieux en 1982.
La position très émotive et viscérale de la chambre
de commerce me fait penser un peu à l'Américain qui dit: Do not
confuse me with facts, my mind is made up. Ne me mêlez pas avec les
faits, mon idée est faite.
J'aimerais poser quelques petites questions. Quant à la remarque
selon laquelle il appartient au législateur de forcer le respect de la
loi - je reviens à celle de M. Rivest, député de
Jean-Talon, il y a quelques minutes - advenant qu'un groupe
d'infirmières fasse la grève envers et contre toute loi, on les
remplace avec quoi? Des soldats, des robots, des martiens? Avec quoi? C'est
facile de dire: Respectez la loi. Tout le monde est d'accord qu'on doit
respecter la loi, mais des fois ce n'est pas aussi facile.
Voici les questions que je veux poser. La chambre de commerce sait-elle
qu'avant 1964, si ma mémoire m'est fidèle, pendant 20 ou 30 ans
avant 1964, tous les services publics au Québec étaient soumis
à un régime d'arbitrage obligatoire. Le résultat de
ça, quand le législateur... Et ce n'était pas le Parti
québécois, en 1964, qui a changé le régime, qui a
accordé le droit de grève dans les services publics,
c'était M. Lesage, un gouvernement libéral, qui constatait
à cette époque-là l'échec total de l'arbitrage
comme moyen d'assurer la justice pour les travailleurs du secteur public et des
services publics qui, à ce moment-là, malgré 20 ou 30 ans
d'arbitrage, dits équitables, parce que je suis sûr qu'à
cette époque on considérait que l'arbitrage était
équitable, mais ces travailleurs du secteur public avaient des salaires,
des conditions de travail absolument scandaleuses par rapport au secteur
privé...
Deuxième question: Est-ce que la chambre de commerce sait qu'en
Australie, non seulement les services publics, mais les services privés
et le secteur privé n'ont pas le droit de grève? Personne en
Australie n'a le droit de grève. Il n'en demeure pas moins que le taux
de grève en Australie est plus
élevé que celui du Québec, du Canada et des
États-Unis tous ensemble.
Ce n'est donc pas l'interdiction du droit de grève qui
empêche les grèves de se produire.
Finalement, ma dernière question. Je ne veux pas être
méchant, mais je lis dans le mémoire que c'est à
l'unanimité que cette position de la chambre de commerce a
été adoptée par les membres lors de leur dernier
congrès. On vient d'apprendre que c'était, si j'ai bien compris,
à main levée. Je lis dans le mémoire une position de la
chambre, une autre résolution qui dit que toute grève ne peut
être déclarée légale qu'à la suite d'un vote
secret de tous les cotisants aux syndicats appartenant à l'unité
de négociation. Ma dernière question serait: Est-ce que ce
mémoire et ces résolutions de la chambre de commerce ont
été votés à vote secret, en assemblée, par
les 38 000 membres de la chambre de commerce, regroupés en 211 chambres
de commerce locales? Merci.
M. Lambert: M. le Président, on va répondre
à M. Dean. Il y a des questions qui nous semblent très
pertinentes, d'autres qui sont pour égayer un peu la fin de
soirée qui semble un peu pesante. M. Létourneau, s'il vous
plaît.
M. Létourneau: M. le Président, je suis
étonné de certaines statistiques que nous mentionne M. Dean,
concernant les taux de grève en Australie; nous allons faire notre
éducation et nos recherches, mais ça nous surprend de voir que
ces taux de grève sont plus élevés que ceux
combinés du Québec, des États-Unis et du Canada. Cela nous
surprend un peu parce qu'on avait observé, ces derniers temps, qu'il y
avait l'Italie qui avait le championnat et il y avait le Québec, mais on
ne savait pas que l'Australie était à un taux beaucoup plus
élevé que les trois circonscriptions ou pays et provinces
mentionnés par M. Dean.
Pour ce qui est de la formule de vote au sein de la chambre de commerce,
nous n'avons pas jugé nécessaire jusqu'ici d'instaurer le vote
secret, les délibérations se faisant très ouvertement.
D'autre part, la chambre de commerce n'a pas sur ses membres des pouvoirs
confiés par le législateur aussi importants que ceux que
possèdent les centrales syndicales ou les syndicats. Il n'y va pas du
même type d'engagement des membres lorsqu'il y a un vote dans notre
organisation et nous n'avons pas le pouvoir, subséquemment, d'imposer
à nos membres les décisions qui ont été prises en
assemblée générale. C'est une association volontaire et
ceux qui ne sont pas satisfaits des résultats d'un vote, à un
moment donné, sont absolument libres de quitter nos rangs, de cesser
leur adhésion et de s'en aller, ce qui n'est pas évidemment le
type d'association et le type d'engagement qui existent du côté
syndical.
M. Morin (Pierre): M. le Président, un complément
d'information. Peut-être que le député Dean se souviendra
qu'en 1964, lorsque le droit de grève a été accordé
effectivement par le législateur, devant une commission parlementaire
comme celle-ci, c'était contre la promesse formelle des leaders
syndicaux qu'il ne serait pas utilisé. Il y a peut-être eu,
là aussi, un écart entre les promesses formelles et la situation
vécue.
M. Rivest: II n'y avait pas non plus le degré de
centralisation actuel.
M. Létourneau: M. le Président, concernant les
mécanismes que nous proposons maintenant, nous devons observer que
l'arbitrage serait une chose complètement différente de ce qu'il
était avant 1964, compte tenu du fait qu'il y a beaucoup plus
d'information qui circule et qui est disponible sur la question des conditions
de travail, un peu partout dans la société. Sur ce point, nous
devons rendre hommage au ministère du Travail du Québec qui est
en train de s'équiper, qui a une équipe qui fait des recherches
et qui commence à publier des informations fort utiles et fort
pertinentes sur la situation des conditions de travail et des conventions
collectives qui existent au Québec, ce qui donne un outil très
utile et qui peut être certainement utilisé avec beaucoup
d'à-propos par des arbitres qui auraient à déterminer
quelles devraient être les conditions de travail des travailleurs du
secteur public. (23 h 15)
Le Président (M. Rodrigue): La commission a terminé
l'audition des mémoires pour aujourd'hui. Je remercie les
représentants de la Chambre de commerce de la province de
Québec.
Demain, le mercredi 16 septembre, nous entendrons dans l'ordre:
l'Association des centres d'accueil du Québec, mémoire 4M; la
Fédération des travailleurs du Québec, mémoire 45M;
la Centrale de l'enseignement du Québec, mémoire 36M,
l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés
du Québec, mémoire 22M, pour dépôt seulement. Donc,
nous n'entendrons pas cette association là. Le mémoire a
été transmis et est disponible au secrétariat des
commissions. Nous entendrons, par ailleurs, le Syndicat des employés
d'hôpitaux de Montréal, mémoire 23M; la
Fédération québécoise des infirmières et
infirmiers, mémoire 41M; le Carrefour des chrétiens du
Québec pour la santé, mémoire 1M; l'Association des
commissions scolaires protestantes du Québec, mémoire 42M.
La commission élue permanente du travail de la main-d'oeuvre et
de la sécurité
du revenu ajourne ses travaux à demain, mercredi 16 septembre,
à 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 17)