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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mardi 15 septembre 1981 - Vol. 25 N° 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et organismes intéressés à améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu est réunie pour entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Les membres de la commission sont: M. Marois (Marie-Victorin), M. Dean (Prévost); M. Chevrette (Joliette) en remplacement de M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Lavigne (Reauharnois), M. Perron (Duplessis); M. Rivest (Jean-Talon) en remplacement de M. Gratton (Gatineau); M. Polak (Sainte-Anne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier). M. Polak, est-ce que vous remplacez guelqu'un à la commission ou si vous êtes intervenant?

M. Polak: Je suis intervenant.

Le Président (M. Rodrigue): Très bien. Je vous inscrirai dans la liste des intervenants. Mme Dougherty, membre de la commission; Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Vallières (Richmond). Parmi les intervenants, M. Gauthier (Roberval), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne), M. Hains (Saint-Henri). Est-ce que vous remplacez quelqu'un, M. Dauphin? Vous êtes membre de la commission. M. Dauphin est membre de la commission.

Est-ce que vous avez une recommandation à faire quant au nom du rapporteur?

M. Chevrette: Je proposerais M. le député de Duplessis, région fortement syndiquée, M. Denis Perron.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça va? M. Denis Perron agira comme rapporteur de la commission. Je voudrais vous faire un bref résumé des procédures que nous allons suivre aujourd'hui. En premier lieu, guant au temps alloué pour l'étude d'un mémoire, nous consacrerons une heure environ par mémoire, soit 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Je vous rappelle que les journées des sessions sont, en plus d'aujourd'hui, les 16, 17, ainsi que les 22 et 23 septembre 1981.

Au cours de la journée, nous entendrons les mémoires des organismes suivants. Le Conseil du patronat du Québec, l'Association des centres de services sociaux du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires, le Cartel des organismes professionnels de la santé et la Chambre de commerce de la province de Québec.

Avant de procéder à l'audition des mémoires, je vais d'abord céder la parole au ministre du Travail de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu puis aux représentants de l'Opposition pour des remarques préliminaires. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre Marois

M. Marois: Oui, merci, M. le Président. On me permettra certainement au tout début de souhaiter d'abord la bienvenue à tous les parlementaires membres de cette commission. Je voudrais également souhaiter la plus cordiale bienvenue à tous les citoyens, toutes les citoyennes et tous les groupes qui ont manifesté le désir de se faire entendre devant cette commission. Je voudrais également souhaiter, bien sûr, en quelque sorte, la bienvenue à tous les Québécois et toutes les Québécoises qui vont suivre nos débats qui portent certainement sur un des sujets qui touchent chacun et chacune des Québécois et des Québécoises, je pense bien, au premier chef.

Je sais, pour l'avoir déjà vécu, qu'il arrive parfois dans la vie des hommes et des femmes politiques des moments où il est possible, avec une bonne volonté de base, d'examiner un certain nombre de problèmes fondamentaux et, pour ce faire, d'être capables de réussir à s'élever au-dessus d'une certaine petite partisanerie. Je sais que c'est possible et, surtout, grâce à l'ensemble des sujets sur lesguels les travaux de notre commission porteront, je crois que c'est là une belle occasion de l'illustrer ensemble de façon très nette et très claire. Je vous

assure que, pour ma part, je vais tenter de faire l'impossible pour contribuer à créer ce climat, autant que faire se peut, a cette commission qui, justement, doit regarder la question des négociations dans les secteurs public, parapublic et, comme on dit dans le jargon, péripublic. (10 h 15)

II me semble important peut-être de nous dire au point de départ qu'il ne s'agit pas ici d'une table de négociations ni non plus d'une table de prénégociations, mais il s'agit, en période de paix sociale relative, de l'occasion idéale et du forum par excellence où tous et chacun, toutes et chacune d'entre nous auront l'occasion d'apporter une contribution pour améliorer le fonctionnement d'un certain nombre de choses. Les dernières négociations dans les secteurs public et parapublic ont certainement - je pense qu'il ne faut pas se le cacher - ravivé un ressentiment des citoyens et des citoyennes à l'égard des grèves. C'est un sujet qui préoccupe, à juste titre, un grand nombre de Québécois et de Québécoises. Si nous sommes réunis ici aujourd'hui et dans les jours qui vont venir, c'est pour en examiner toutes les facettes ensemble et tenter de trouver des solutions concrètes pour améliorer la situation et répondre ainsi aux attentes légitimes des Québécois et des Québécoises.

Avant la dernière ronde de négociation, le gouvernement avait mandaté - on s'en souviendra - la commission Martin-Bouchard pour étudier les différents mécanismes de négociation et le maintien des services essentiels, particulièrement dans le secteur public. Son rapport, on le sait, a d'ailleurs inspiré une bonne partie des modifications que le gouvernement a apportées à ce qu'on appelle le cadre des négociations et des services à maintenir en temps de conflit. Cette fois, je pense que le contexte est mûr pour une discussion publique sur le sujet, soit l'analyse des conditions qui permettraient de mieux garantir le maintien des services essentiels en temps de conflit.

Cette commission s'ouvre aujourd'hui et je souhaite, encore une fois - je sais que c'est possible et que ça pourra se dérouler de cette façon - que ce soit dans un climat de très grande collaboration et de très grande coopération. Quant à nous, notre attitude en est une d'écoute attentive envers tous les groupes, tous les citoyens et citoyennes qui ont des points de vue à soumettre, mais nous tenons également à affirmer notre volonté ferme de pouvoir arriver, dans la suite des travaux de cette commission, à dégager des propositions susceptibles d'améliorer une situation qui est devenue - il faut appeler les choses par leur nom - une source de préoccupations pour les citoyens et les citoyennes. Bien sûr, tous et toutes reconnaîtront que nous sommes en face d'un problème complexe et qu'il n'existe pas de solution miracle.

Déjà, on s'en souviendra, dans son discours inaugural de la session précédente, le premier ministre du Québec, M. Lévesque, annonçait l'intention du gouvernement de convoquer une commission parlementaire dont le mandat, justement, serait d'évaluer les mécanismes de la négociation dans le secteur public et, en particulier, l'exercice du droit de qrève. Puisque la grève est conséquente de la négociation, le gouvernement n'a pas voulu restreindre cette commission aux seuls problèmes engendrés par la qrève, mais a voulu donner l'occasion à tous ceux et toutes celles qui le désirent, de formuler des suqqestions afin d'améliorer les mécanismes même de la négociation.

Par ailleurs, je crois qu'il est important de dire, à ce moment-ci, que le gouvernement n'a pas l'intention de retirer le droit de qrève aux syndiqués du secteur public. Nous ne croyons pas, en effet, que cette mesure amènerait un règlement, un véritable règlement du problème, mais qu'au contraire, elle ne ferait qu'envenimer, détériorer la situation actuelle. On n'a qu'à penser à ce qui se passe là où les travailleurs des services publics n'ont pas ce droit de qrève. Que ce soit en Australie, que ce soit en Alberta ou, même encore plus proche de chez nous, l'an dernier, en Ontario, encore récemment, tous les endroits où le droit de grève n'est pas reconnu dans certains services publics, la preuve a été faite et répétée que l'interdiction du droit de grève n'empêche pas celle-ci de se produire, et même, dans ces cas, les services essentiels, cette espèce de minimum vital pour la santé et la vie même des citoyens, ne sont même pas assurés. On aboutit littéralement à un état de chaos sur le plan social.

Notre conviction est que l'abolition du droit de grève ne ferait que détériorer les relations de travail et entraîner des désordres sociaux dont la population ferait les frais. Bien sûr, on me dira, je le sais, qu'un grand nombre de citoyens et de citoyennes du Québec répondent spontanément - il faut être franc entre nous - oui à la question: Êtes-vous en faveur d'abolir le droit de grève dans le secteur public? En un certain sens, cela ne me surprend pas outre mesure. Il est vrai qu'à première vue, cette solution leur semble alléchante, mais lorsque, avec ces mêmes personnes, on fouille davantage la question, on pousse la réflexion plus loin, elles avouent souvent et rapidement que cela n'éviterait pas en soi les qrèves et les conflits sociaux. Il faut plutôt, nous semble-t-il, nous assurer que lorsqu'un conflit survient, cela se fait sans désordre et d'une manière civilisée, ce qui ne pourrait être garanti si le gouvernement enlevait le droit de grève puisque aucun mécanisme ne serait prévu.

Notre objectif commun doit être de tout faire pour éviter que chaque ronde de négociations soit nécessairement accompagnée d'une grève. Parallèlement à cette préoccupation, il nous faut prévoir et étudier avec les parties en cause, avec les citoyens, les moyens d'assurer le maintien des services essentiels, lorsqu'un arrêt de travail se produit. Il faut éliminer, autant que faire se peut, l'anxiété créée dans la population autant par les grèves appréhendées que par les arrêts réels de travail. Car si on peut chiffrer une partie des dégâts causés -nombre de jours de grève, liste des établissements dont les services sont perturbés, liste des services coupés, nombre de personnes sur les listes d'attente, et le reste - on ne peut quantifier l'anxiété ressentie dans la population par l'éventualité d'une coupure de services, en particulier de services de santé. Il nous faut tous ensemble - je dis bien tous ensemble - travailler à rebâtir la confiance mutuelle du public et des salariés de l'État.

La notion des services essentiels est fondamentale et c'est autour d'elle que nous devons faire porter une bonne partie de notre réflexion.

À cet égard, avant de remettre en question ce qu'on appelle le Conseil sur le maintien des services essentiels, il nous faut examiner sérieusement ce qui a bien et ce qui a mal fonctionné dans cette structure, et pourquoi. Nous possédons maintenant des rapports d'expertise, nous savons ce qui s'est passé en 1978 et en 1979.

Par exemple, le conseil a été mis sur pied trop tard pour que les dispositions du Code du travail concernant le dépôt des listes aient été respectées. Le rôle du conseil, et de son avis même, n'était pas assez défini. Certains pensent que nous devrions envisager de lui donner un caractère permanent ou un caractère de permanence, ou encore d'accroître ses pouvoirs, et même les deux à la fois. D'autres proposent de créer une structure complètement nouvelle. Nous aurons certainement le loisir au cours de cette commission d'entendre les diverses propositions sur ce sujet et de les examiner très attentivement avec les divers intervenants. Quand on parle de services essentiels, on parle surtout... je pense bien que les citoyens et les citoyennes pensent surtout d'abord au secteur des affaires sociales, et en particulier aux hôpitaux, aux centres d'accueil pour personnes âgées, celui qui touche le plus émotivement.

La question des services essentiels s'applique aussi dans d'autres secteurs couverts par les services publics. Qu'on pense, par exemple, à l'électricité, notamment et particulièrement durant les périodes d'hiver; qu'on pense à certains services qui sont distribués dans le domaine de la protection de la jeunesse, à certains services qui servent à l'enfance, qui sont donnés par les centres de services sociaux, à certains services médicaux ou services d'urgence donnés par ce qu'on appelle dans le jargon les CLSC, les centres locaux de services communautaires, et le reste, qu'on pourrait ajouter.

Si on fait un retour sur le passé, tous admettront qu'il s'est produit dans le secteur de la santé des choses qui sont inadmissibles dans une société qui se veut et qui se prétend civilisée. Je ne dis pas que ce fut là une attitude générale, loin de là, heureusement, Dieu merci. Ce furent là des comportements exceptionnels. Que ce soient des comportements exceptionnels, ce sont là des comportements, qu'ils viennent de la partie syndicale, qu'ils viennent de la partie patronale, qui sont inacceptables. De tels gestes doivent être dénoncés et nous devons faire en sorte qu'ils ne se reproduisent plus jamais.

Quant à la négociation, en faire un bilan, ce n'est pas une chose simple. Il y a cependant certains éléments plus marquants qu'il faut souligner, nous semble-t-il. Il est important d'abord de rappeler qu'il n'y a pas eu une, mais deux rondes de négociations la dernière fois puisque, comme on le sait, les conventions collectives de certains groupes, dont les infirmières, les infirmiers et les fonctionnaires, venaient à échéance un an avant celle du front commun. Il est évident, par exemple, que les nombreuses grèves limitées, sporadiques ou seulement appréhendées des syndicats ou corporations des organismes professionnels de la santé et de Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, au cours des mois précédents, et les moyens de pression du front commun ont largement eu pour effet de dramatiser, comme on dit, la situation dans l'opinion publique et d'exacerber, en un certain sens, l'anxiété du public. Ce problème a été réglé lors de la dernière négociation, puisque tous ont maintenant le même échéancier, c'est-à-dire que les conventions qui autrefois venaient à échéance à des moments ou des temps différents vont maintenant venir à échéance au même moment.

De plus, je crois qu'il faut être franc et admettre qu'une entente a été conclue dans un laps de temps record comparativement au passé. Mais, comme je le disais au début, puisque la grève est conséquente d'une négociation, je pense donc qu'il nous faut nous tourner vers les moyens susceptibles d'améliorer les mécanismes de négociation. Puisqu'il n'existe pas de solution miracle - personne ne peut sortir l'espèce de lapin qu'on sort du chapeau du magicien -mais que nous nous trouvons en face d'un problème complexe, il nous faudra compter sur la bonne volonté marquée d'en arriver à une négociation améliorée, sur les suggestions, sur la collaboration de tous les

agents socio-économiques concernés et aussi sur le plus grand sens possible des responsabilités de chacune des parties impliquées. À ce moment-ci, la "concertation" apparaît comme essentielle autour d'un ensemble d'éléments de solution. Je dis ensemble d'éléments parce que, si nous voulons être réalistes, nous devons admettre qu'il nous faut réfléchir sur les différents mécanismes de la négociation. Tout n'est pas parfait, loin de là, mais je pense que la dernière négociation a quand même marqué un pas en avant sur de nombreux aspects. Nous devons maintenant aller plus loin et faire en sorte que la prochaine ronde marque un tournant décisif pour la décennie à venir.

Les relations de travail dans le secteur public, en particulier dans le secteur des affaires sociales et celui de l'éducation, constituent un domaine spécifique; aussi, les mécanismes qui s'y rapportent sont-ils spécifiques. Je m'attends que les différents intervenants et les différentes intervenantes nous proposent des modifications à la lumière de l'expérience vécue, dans le cadre de cette commission parlementaire.

Pour ma part, je me contenterai pour l'instant de livrer simplement quelques-unes des interrogations que je me pose. La négociation publique, déjà difficile, se complexifie encore davantage du fait de la présence de lusieurs syndicats et de plusieurs associpations patronales. Dans ces conditions, il devient, par exemple, difficile de s'entendre sur des clauses prioritaires. Pourtant, il me semble qu'il faudra arriver à s'entendre pour ne pas rouvrir chaque fois les conventions collectives au complet. Je laisse aux experts le soin d'examiner cette question, mais il m'apparaît et il apparaît, me semble-t-il, à plusieurs qu'il y aurait lieu de simplifier à ce niveau, surtout dans le secteur de la fonction publique, où la plupart des conditions de travail déjà obtenues, me semble-t-il, sont passablement bonnes et de l'aveu même des intéressés dans bon nombre de cas. J'ai été surpris, et je sais que je ne suis pas le seul, de constater le nombre effarant de griefs qui s'accumulent dans la durée d'une convention et qui non seulement nuisent au climat de travail mais en plus enveniment le climat de la négociation. Sur ce point également, je demeure certain qu'on peut trouver le moyen de diminuer le nombre de griefs et d'accélérer les délais d'un règlement.

De même faut-il s'ingénier à raccourcir les délais de négociation qui se prolonqent parfois indûment. Doit-on se considérer satisfait des délais prévus dans le Code du travail pour le dépôt des offres lors de la dernière ronde de négociation? Je serais porté à répondre oui, mais je m'empresse d'ajouter qu'à partir de maintenant il faudra d'abord voir à ce qu'ils soient respectés ces fameux délais. Ensuite on devra se rendre compte que l'opinion publique ne peut plus subir l'anxiété et l'incertitude que provoquent la longueur interminable des négociations et les menaces qu'elles font peser.

À ce sujet, le secteur de l'éducation connaît des difficultés particulières du fait des deux paliers de négociation. Lorsque la négociation provinciale est terminée dans le domaine de l'éducation, on pense souvent que tout est réglé, mais à ce moment, précisément, débutent les négociations locales à l'autre palier pour les usagers, comme on dit dans le jargon, c'est-à-dire pour les enfants et les parents cela signifie une nouvelle menace de grève. Je ne suis pas sûr que les commissions scolaires, les enseignants et la population soient satisfaits de cette façon de fonctionner et veulent continuer comme cela. (10 h 30)

II me semble que la présente commission devrait examiner ce problème. Rien ne nous empêche non plus de prendre exemple sur ce qui se fait dans le secteur privé et qui pourrait s'appliquer dans le secteur public. Je pense, par exemple, à ce qu'on appelle les expériences déjà menées de médiation préventive qui ont été tentées, avec succès déjà, dans de nombreux cas dans le secteur privé. Je sais que certaines administrations hospitalières, que certains syndicats dans ce secteur suivent cela de très près et cela pourrait être une piste à inventorier. Je vous répète que le Gouvernement est disposé à écouter toutes les suqqestions sur le mécanisme des négociations durant cette commission, mais la question fondamentale demeure les services essentiels à assurer lorsque la grève est inévitable. À cet effet, il nous faut ne ménager aucun effort ni refuser d'explorer aucune piste qui permette de garantir véritablement davantage le droit des citoyens aux services essentiels et qui permette d'assurer leur santé et leur sécurité.

La volonté du gouvernement est de résoudre ce problème. Sans penser que nous sortirons de cette commission avec toutes les solutions en poche, je suis néanmoins confiant que, tous ensemble, nous pourrons travailler dans le sens d'une amélioration des mécanismes visant à garantir ces droits individuels fondamentaux.

Encore une fois et en terminant, il n'y a pas de solution magique. Mais il y a un certain nombre de moyens et d'ajustements possibles, j'en suis certain. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Pour faire suite aux remarques préliminaires, M. Rivest (Jean-Talon), qui est le représentant de l'Opposition.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de notre groupe parlementaire, m'associer au mot de bienvenue que le ministre a adressé à tous ceux-là qui ont accepté d'apporter leur concours aux travaux de cette commission parlementaire qui, je pense bien, aux yeux de l'immense majorité des Québécois, revêt une importance très grande.

En effet, si les Québécois ont de très nombreuses raisons d'être fiers de ce qui s'est fait au Québec depuis les quelque vingt dernières années, la façon dont ont été menées chez nous les négociations dans le secteur public et le secteur parapublic n'est certainement pas une chose dont nous pouvons nous féliciter. Non pas que nous n'ayons pas à nous satisfaire de la valorisation de la fonction publique qui a été opérée et de l'amélioration tout à fait considérable des conditions de travail des travailleurs du secteur public et du secteur parapublic qui en a résulté, mais nous ne pouvons certainement pas être fiers de la manière dont les choses se sont passées, du climat pratiquement toujours malsain dans lequel les négociations, malheureusement, ont été conduites, et surtout pas des situations tout à fait inacceptables, certes, situations non pas généralisées, mais situations tout de même qui ont existé et qui demeurent - et je l'affirme - tout à fait inacceptables, dans lesquelles nombre de nos concitoyens ont été plongés, et en particulier dans le secteur de la santé.

Dans le domaine des relations de travail, dans les secteurs public et parapublic, nous avons, comme société, un problème. Et ce problème est extrêmement sérieux, à notre avis. Après quinze ans d'une expérience aussi difficile que pénible, nous n'avons pas le droit de ne pas chercher honnêtement à nous sortir de cette incapacité chronique dans laquelle nous vivons depuis 1964 et sans doute antérieurement, de cette incapacité chronique d'arriver à trouver les moyens raisonnables d'harmoniser d'une façon civilisée et juste l'exercice des droits fondamentaux des travailleurs concernés et l'exercice des droits tout aussi fondamentaux des bénéficiaires des services publics et en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Il me semble - et je rejoins en cela l'exposé du ministre - que l'enjeu essentiel des discussions que nous aurons ici se situe dans cette perspective. Comment en arriver à concilier l'exercice des droits des travailleurs et l'exercice des droits des bénéficiaires?

En effet, en dépit des efforts plus ou moins heureux qui ont été faits au niveau de l'exercice ou de la réglementation de l'exercice du droit de grève et du maintien des services essentiels, comme à celui de l'amélioration du cadre juridique ou de l'organisation même de la structure des négociations proprement dites, la plupart des gens chez nous n'hésitent pas, et non sans raison, à qualifier l'ensemble de la question des négociations des secteurs public et parapublic comme un échec pour notre société, dans la mesure, entre autres, où on n'a pas vraiment encore réussi à sortir ce régime des négociations des secteurs public et parapublic de la logique aussi insensée qu'implacable d'un affrontement, d'ailleurs minutieusement préparé, de part et d'autre, de ce qui est devenu deux énormes machines bureaucratiques où les notions les plus élémentaires d'intérêt public et de bien commun n'arrivent pas ou arrivent très difficilement à s'imposer d'elles-mêmes à des gens et à une société, le Québec, qui, par ailleurs, réussit dans tellement d'autres domaines à assurer la primauté des valeurs authentiquement humaines.

Le présente commission parlementaire, à nos yeux, peut être utile. Elle permettra -du moins nous l'espérons - d'avoir sur cette question un débat public, de manière à exposer à l'ensemble de nos concitoyens toutes et chacune des dimensions du problème, à en illustrer l'importance, la gravité, mais également, la complexité et à nous convaincre mutuellement du caractère tout à fait illusoire que pourraient avoir certaines solutions simplistes qui sont avancées à l'occasion et qui conduiraient notre société non pas sur la voie du progrès dans ce domaine, mais bien au contraire, sur la voie d'un chaos ou d'une situation de désordre peut-être encore plus sérieuse que celle que nous avons connue.

Nous ne nous faisons cependant pas la moindre illusion, dans la mesure où ce débat public que nous amorçons aujourd'hui ne servirait à rien s'il ne devait exister, au niveau du gouvernement, une volonté politique réelle et déterminée de faire réellement face au problème dans toutes et chacune de ses dimensions.

Le ministre a évoqué, dans son allocution d'ouverture, l'aire du débat que nous aurions au niveau de cette commission. Il n'a pas, je pense, pour ne pas le mal interpréter, voulu strictement limiter la question à l'exercice du droit de grève et à la question connexe des services essentiels, mais il a également évoquer les autres questions, les structures de négociation, même le régime syndical et tout cela.

Je veux que cette chose soit bien claire au début de cette commission, parce que c'est très important dans la mesure où les gens qui ont préparé des mémoires ont traité généralement de tous et chacun des aspects. D'ailleurs, le ministre s'est lui-même référé antérieurement à la déclaration du premier ministre à l'automne 1980. Le premier ministre parlait d'une refonte de fond en comble du régime de négociation.

Plusieurs intervenants se sont interrogés sur la signification - on verra leur mémoire au cours des jours qui suivront - de cette déclaration du premier ministre dans son message inaugural.

Par ailleurs, il est bien certain que, si telle est l'intention du gouvernement, l'on doit certainement regretter - il y a eu des contextes, des circonstances qui ont peut-être échappé à l'emprise même du gouvernement - que si le gouvernement s'engage dans cette voie, comme l'a indiqué le premier ministre d'une refonte de fond en comble du système de négociation dans les secteurs public et parapublic, il y a une question de délai, une question de "timing", dans la mesure où la prochaine ronde de négociations est sur le point de commencer... Je demande au ministre s'il croit réaliste que le gouvernement puisse s'engager avec consistance et cohérence dans cette voie.

De la même façon, cette commission parlementaire ne pourrait avoir de signification véritable si ceux qui ont accepté de comparaître se refusaient de reconnaître franchement la réalité du problème sérieux que nous connaissons et de chercher loyalement à identifier les causes profondes de ce malaise, et si possible - et je le dis dans la mesure où notre groupe parlementaire a lu de très nombreux mémoires - ne pas seulement se limiter à trouver ces causes profondes ou à les attribuer du fait des autres. J'aimerais bien que, de part et d'autre, autant des intervenants du côté de la partie patronale que de la partie syndicale, sans se livrer au niveau de cette commission à une autocritique de leur action passée, l'on sente chez eux, une préoccupation de dire: Nous avons, nous-mêmes, fait dans le passé des choses qui n'ont certainement oas aidé à améliorer la situation. J'aimerais que, dans le sens des travaux de cette commission, dans cette recherche, que je pense commune, d'une solution à ce problème, nos invités puissent, ainsi que nous-mêmes également, comme parlementaires, et du côté du gouvernement, en tant que gouvernement, reconnaître certains torts que l'une et l'autre des parties ont pu avoir en cours de route. Je pense que ce sera la seule façon d'arriver à dégager des voies d'avenir pour améliorer le régime.

À cet égard, M. le ministre, force nous est de constater qu'il nous semble qu'il y aura à cette commission un très grand absent; des représentants du public, des syndicats, des administrateurs des secteurs public et parapublic seront entendus, mais il reste que l'État employeur... Il y a cette confusion qui existe en ce domaine entre l'État léqislateur et l'État employeur, et, M. le ministre, à cette commission vous représentez bien d'avantage l'État législateur que l'État employeur. Nommément, quand je parle de l'État employeur, il v a le Conseil du trésor, celui qui décide des offres patronales, celui qui conduit les négociations au nom du gouvernement. Eh bien, il ne nous sera pas possible - à moins que le ministre ne nous informe du contraire - de l'entendre. C'est, à notre avis, une situation tout à fait inacceptable pour la commission, dans la mesure où les membres de la commission parlementaire et le public seront ainsi privés de connaître le point de vue du grand patron des négociations - ce n'est pas le ministre du Travail qui est le grand patron des négociations dans le secteur public - et d'obtenir, de cet acteur clef des négociations, des informations qui sont à tous égards absolument essentielles à la bonne compréhension du dossier et à l'élaboration des solutions d'avenir.

Il me semble qu'il y a, au niveau du Conseil du trésor... Ou si l'on hésite, étant donné que c'est une institution gouvernementale, à le faire comparaître devant une commission parlementaire étant donné le précédent, etc., j'aimerais bien que ceux-là qui ont été les chefs négociateurs pour le gouvernement ou qui ont conduit les négociations pour le gouvernement viennent ici apporter à la commission une expertise qui nous est absolument essentielle. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire, M. le ministre, que tout le monde, je pense, aura vu qu'un des principaux négociateurs de la partie patronale, au cours des dernières années, sous l'ancien gouvernement comme sous le gouvernement actuel - et on me dit qu'il aura probablement des responsabilités dans la prochaine ronde de négociations - M. Lucien Bouchard, qui a participé à l'ensemble de ces négociations et qui était membre de la commission Martin-Bouchard, a fait des déclarations, sur lesquelles on peut être d'accord ou pas - je ne voudrais pas ici le mal interpréter - mais je pense que le fait qu'il se soit exprimé publiquement et que cette commission parlementaire n'ait pas l'occasion - étant donné que ni lui ni un autre ne sera ici, enfin les représentants de la partie patronale... Il a fait des déclarations spécifiquement sur le droit de grève dans le domaine hospitalier, sur les structures des négociations, sur le maintien des services essentiels, sur la question de la liste syndicale pour le maintien des services essentiels. M. Bouchard, comme d'autres - je ne veux pas personnaliser mon intervention dans ce sens, mais je le prends simplement pour l'illustrer... Je pense que ce serait très important que nous puissions, nous, comme membres de la commission, avoir le grand patron ou un représentant du grand patron dans ces négociations, qui demeure l'État, quand on connaît le caractère extrêmement centralisé des négociations dans les secteurs public et parapublic.

Pour notre part, M. le Président, c'est

donc avec l'esprit le plus ouvert possible que nous entendons participer aux travaux de cette commission. Pour nous, le problème est sérieux. Il est également extrêmement complexe et il appelle des solutions immédiates, des solutions responsables, les solutions les plus nuancées possible, de façon qu'on acquière ici la certitude que nous allons ensemble faire avancer les choses. Nous croyons fondamentalement - et ces principes nous sont d'une valeur première -que, d'abord, ce que l'on doit rechercher dans ce dossier des négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est vraiment d'arriver à donner des conditions justes et raisonnables de travail aux employés de ce secteur. (10 h 45)

Nous pensons que nous devons maintenir le principe de la reconnaissance des droits -non seulement le principe, mais son actualisation - pour les travailleurs de ce secteur de négocier librement leurs conditions de travail et de disposer à cet égard du droit d'exercer, comme tous les travailleurs, sur la partie patronale les moyens de pression, par ailleurs, reconnus aux travailleurs syndiqués de l'ensemble du Québec. Nous demandons également que nous puissions convenir ensemble de reconnaître, par contre, la primauté, en toute circonstance, des impératifs du bien commun sur les intérêts particuliers, fussent-ils légitimes, lorsque, par exemple, l'exercice du droit de grève risque de mettre en danger la santé et la sécurité du public. Cette primauté doit non seulement être reconnue, mais il devrait également être admis que le gouvernement a, à cet égard, à prendre ses responsabilités. Le gouvernement doit avoir les moyens d'agir soit directement, soit en collaboration ou par le biais d'un organisme compétent établi sur une base permanente et mieux structurée que ce que nous avons connu avec le Conseil sur le maintien des services essentiels, un organisme compétent suffisamment équipé pour donner son plein sens à cette notion extrêmement complexe du maintien des services essentiels. Nous croyons fermement que ces hypothèses qui sont évoquées dans plusieurs mémoires méritent d'être examinées très attentivement.

Enfin, M. le Président, il est certain que nous devrons, au niveau de cette commission parlementaire, attacher une importance prioritaire à la question de la santé et de la sécurité du public en cas de conflit de travail. Je ne pense pas que dans ce domaine nous puissions nous satisfaire de généralités, de solutions passe-partout ou de juqements superficiels sur les situations malheureuses et inacceptables qui ont existé dans le passé. Nous devrons faire l'effort de distinguer l'ensemble des situations dans le réseau des services de santé et des services sociaux. En particulier, il est certain que le problème auquel nous avons à faire face à cet égard ne se pose pas de la même manière dans les hôpitaux de soins aiqus que dans les hôpitaux pour malades chroniques. Il ne se pose pas de la même manière dans les hôpitaux pour les soins prolongés ou dans les centres d'accueil pour les personnes handicapées ou pour les personnes âgées. La notion de services essentiels dans ce domaine hospitalier, dans ce domaine des services de santé et des services sociaux, c'est une notion que l'on devra cerner de très près pour éviter absolument que cette efficacité que l'on recherche, d'une façon qu'on peut comprendre, de l'exercice du droit de grève ne supplante et ne prime sur le droit premier et fondamental des bénéficiaires de ces services. Sur le plan des valeurs de notre société, il me semble que ce qu'il y a de sous-jacent à cette constatation que tout le monde fait lorsque l'on parle du retrait du droit de grève, quand on constate que, dans les sondages ou les relevés d'opinion, 80%, 85% ou je ne sais trop de la population sont, entre autres, dans le domaine de la santé, ou seraient en faveur du retrait du droit de grève, ce n'est pas simplement le fait pour les gens d'une espèce d'exaspération épidermique ou superficielle. Ce qu'il y a derrière cela, c'est l'expression d'un problème fondamental des valeurs que les gens ont au Québec. Les gens ne veulent plus que l'on connaisse, même en nombre limité et en nombre restreint, des situations qu'ont vécues les malades, non seulement les situations concrètes, mais les situations appréhendées. Les représentants des malades le souliqnent avec combien de raison: ce qu'il faut également considérer - dans ce sens-là, d'ailleurs, le Conseil sur le maintien des services essentiels n'était certainement pas éguipé pour examiner cette dimension -c'est l'anxiété et la crainte qu'une personne qui se croit souffrante puisse penser qu'elle ne pourra pas recevoir les services de santé. Il y a là un problème de société et un problème de valeurs humaines que nous devrons considérer avec toute sa gravité et être conséquents avec les attitudes que nous prendrons.

Également, M. le Président - le ministre l'a évoqué - c'est évident que nous ne pouvons isoler uniquement l'exercice du droit de grève ou la question des services essentiels. La commission Martin-Bouchard a examiné un certain nombre de questions, certaines d'entre elles ont trouvé leur consécration ou leur actualisation au niveau de lois qui ont été votées par l'Assemblée nationale. Mais la question de la centralisation très grande des négociations dans les secteurs public et parapublic, nous aimerions bien de notre côté que nous puissions examiner cette dimension pour savoir si c'est une chose absolument

inévitable, si nous ne pourrions pas penser à des formules plus souples qui ne compromettraient pas nécessairement le pouvoir de négociation ou d'affirmation des uns et des autres, mais qui rendraient beaucoup plus logique et cohérent le déroulement du processus de négociation.

De même, il y a des réclamations qui sont faites et qui, à première vue, peuvent paraître raisonnables au niveau de l'amélioration du régime syndical, des délais, etc., de l'efficacité de l'organisation syndicale ou de la constitution des unités de négociation. Il y a toute la question pour certains syndicats, en particulier dans la fonction publique, de l'aire de négociation, des mesures préventives. Depuis longtemps on parle de ces fameuses mesures préventives, des centres de données objectives avant le début des rondes de négociation. Il y a le rôle de la conciliation, l'action des tiers qui interviennent de temps à autre dans le processus de négociation. Également l'amélioration considérable qu'il y a à apporter au niveau des mécanismes d'information.

Le ministre a évoqué ces sujets-là, il s'est dit prêt à entendre les suggestions et nous aussi, de notre côté, sommes intéressés a écouter des suggestions qui nous viendront de nos invités.

Par ailleurs, M. le ministre, il y a - et souventefois dans les mémoires cette question est évoquée - la question du régime de négociation que l'on relie, à mon avis, peut-être un peu trop d'une façon nécessaire à l'amélioration de la qualité des services qui sont offerts dans les secteurs public et parapublic. Je n'ai aucun doute, personnellement, que les travailleurs concernés et leurs représentants ont un rôle extrêmement important en vue de la réalisation de cet objectif de la qualité des services dans les secteurs public et parapublic. Mais je ne voudrais pas que l'on crée un lien nécessaire de cause à effet qui consisterait à affirmer que les seuls auteurs de l'amélioration de la qualité des services de santé seraient les organisations syndicales et qu'elles seules seraient préoccupées de cette question.

Il y a, j'en ai la conviction profonde, chez les administrateurs dans les secteurs public et parapublic également... Et si nous devons peut-être nous donner nous-mêmes quelques vertus que l'on nous conteste très souvent, je pense que nous-mêmes, les politiciens, nous ne sommes pas nécessairement des êtres absolument abominables et méchants qui sommes contre l'amélioration des services de santé et des services publics.

L'action des gouvernements passés à cet égard aura permis - on ne doit pas oublier ça non plus, quelles que soient les difficultés que l'on connaisse dans le secteur - à la société québécoise, dans le domaine des secteurs public et parapublic, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de la santé... Il y a des améliorations considérables à apporter dans ces secteurs. C'est évident! Mais quand on regarde la réalité du Québec dans ces secteurs-là et qu'on la compare à ce qui existe ailleurs, il y a des problèmes de gestion, il y a des erreurs de gestion qui sont faites en cours de route, c'est évident - ce n'est pas mauvais d'ailleurs qu'on les évoque, il faut d'ailleurs les évoquer à l'occasion - mais néanmoins il ne faudrait quand même pas perdre de vue que les Québécois disposent d'un ensemble de services publics dont la qualité se compare à tout le moins avantageusement à celle de toutes les autres sociétés qui nous entourent et qui ont atteint un niveau de développement comparable.

Enfin, M. le ministre, plusieurs mémoires l'évoquent, on parlera des questions de qualité, des questions de droit pour les travailleurs dans le secteur; vous ne l'avez aucunement mentionné, mais je pense que les mémoires en font état, ce n'est pas la question essentielle que nous devons discuter, j'en conviens, au niveau de cette commission parlementaire, mais il est bien certain que le contexte très très particulier des coupures budgétaires va alimenter une très grande partie de nos discussions.

Encore une fois je ne veux pas, et je pense que le ministre en conviendra avec moi, que cela devienne la première préoccupation de cette commission. Nous n'avons pas à discuter ici de cette question. Quand il s'aqira d'évaluer la qualité, de dire aux travailleurs: "Vous avez des droits" et que, par ailleurs, par des décisions unilatérales qui ont été prises par le gouvernement au niveau des coupures budgétaires, des travailleurs perdent leur emploi, que des services sont diminués dans certaines usines et dans certains services publics, le gouvernement devra au moins accepter, au niveau de cette commission, de se le faire dire et d'apporter à ceux qui soulèveront le problème les réponses pertinentes.

M. le Président, je m'excuse d'avoir pris un peu trop du temps de la commission. Disons, d'une façon générale, que c'est dans ces orientations que nous voulons participer aux travaux de la commission. Sans plus tarder, quant à nous, nous apprécierions qrandement que notre premier invité puisse se faire entendre. Merci, M. le Président.

M. Marois: M. le Président, simplement à titre de clarification, surtout pour l'absent concerné - je pense que le représentant de l'Opposition officielle en conviendra avec moi - dans le cas de M. Lucien Bouchard, celui-ci a effectivement été un employé de l'État durant une certaine période de temps. Il est

maintenant un citoyen libre, il n'est plus à l'emploi de l'État, et M. Lucien Bouchard a choisi, comme tant d'autres citoyens et citoyennes dans notre société qui ont des opinions et des expertises derrière eux, de faire connaître son opinion de citoyen libre par le moyen d'une entrevue dans une revue bien connue. Je pense que c'est un choix démocratique, libre et qu'on doit respecter. M. Bouchard aurait pu aussi choisir de venir témoigner librement devant la commission parlementaire; personne n'est forcé, dans la société dans laquelle on vit, de venir témoigner devant cette commission parlementaire sur ce genre de sujet. Simplement à titre de clarification, je pense que c'est le choix de M. Bouchard et il a droit à ses opinions personnelles. C'est une entrevue qu'il a accordée et je suis certain qu'un bon nombre de citoyens et de citoyennes, et certainement beaucoup de parlementaires, ont pris connaissance très attentivement de cette entrevue qu'il a accordée et de ses remarques. C'est simplement à titre de clarification et je conviens avec le représentant de l'Opposition que nous pourrions procéder maintenant à l'audition des premiers intervenants.

M. Rivest: M. le Président, si vous me le permettez - peu importe M. Bouchard, je l'ai pris simplement comme illustration -dois-je comprendre de la remarque du ministre que cette commission parlementaire ne pourra pas entendre un représentant du Conseil du trésor - c'était là le sens de ma demande - ou, à tout le moins, un porte-parole de ceux-là qui ont été dans le passé ou seront prochainement les chefs négociateurs ou qui auront des responsabilités?

Ce que je veux dire, c'est que les centrales syndicales, qui ont vécu ces situations, viennent exprimer leur point de vue, leurs expériences sur l'ensemble des mécanismes alors que la partie patronale ne sera pas entendue. Bien sûr, les hôpitaux, les commissions scolaires, etc., sont ici, mais le grand patron des négociations, de lui, on ne saura rien. Le ministre du Travail n'est pas en mesure de nous le dire, ce n'est pas sa responsabilité ministérielle. La commission ne pourra pas interroger le porte-parole principal de la partie patronale dans la négociation des secteurs public et parapublic. Il me paraît, à ce moment-là, que la commission n'a qu'une patte, elle n'a pas l'ensemble du point de vue. Personne d'autre ici, à la commission, ne peut nous donner le point de vue de l'État - j'entends de l'État patron - dans ces négociations.

M. Marois: M. le Président, très rapidement sur cette question, je serais d'accord, comme le faisait remarquer le représentant de l'Opposition, pour répéter ce que j'ai dit dans mon intervention d'ouverture, je pense que c'est là le forum par excellence pour que les Québécois et les Québécoises, les groupes qui veulent se faire entendre devant nous puissent le faire le plus pleinement possible et qu'on leur laisse le maximum de temps possible. Nous avons, nous, les parlementaires, beaucoup d'autres lieux, d'autres moments et d'autres forums où il nous est possible de débattre entre nous un certain nombre de questions; cependant, puisque le représentant de l'Opposition pose une question très précise, je vais lui répondre très précisément.

Je crois qu'il nous faut éviter, dans nos discussions ici - je ne veux pas amorcer un débat en ce sens entre les parlementaires autour de cette table et je vais chercher, de mon côté, à y contribuer le plus possible -de jeter une confusion additionnelle dans un domaine qui est déjà d'une telle complexité. (11 heures)

Ce que je veux dire par là, c'est simplement ceci. Le grand patron, pour reprendre l'expression du représentant de l'Opposition officielle, de l'État employeur, ce n'est pas le président du Conseil du trésor, je regrette, ce ne sont pas les porte-parole du Conseil du trésor, le député en est d'ailleurs bien informé, il a pu vivre lui-même des expériences antérieurement de façon très collée à la réalité, je pense bien qu'il l'admettra, le grand patron, dis-je, c'est le Conseil des ministres. C'est lui qui trace les grands paramètres de ce qu'on appelle les politiques, les approches ou les propositions pécunières ou paraprécunières. Par la suite, ces propositions sont transmises à des personnes qui reçoivent les mandata d'exécuter et de négocier. Nous sommes réunis ici - c'est là qu'il faut bien distinguer, c'est complexe, je ne veux pas qu'on contribue à jeter plus de confusion dans un débat qui est déjà suffisamment complexe - et, en un certain sens, c'est l'État législateur qui est ici à cette table et, à titre de ministre, mon rôle, c'est, par la suite, après avoir écouté attentivement toutes et chacune des suggestions, de les avoir débattues, discutées entre nous, de faire valoir, d'essayer d'en dégager les éléments clés qui seraient susceptibles d'améliorer de façon substantielle, à la fois dans le respect des droits collectifs des uns, qui est le fameux droit de grève, mais dans le respect équivalent du droit fondamental individuel des hommes et des femmes en vie, qui ont droit à ce que - Dieu merci, encore une fois, ce sont des choses exceptionnelles -une ambulance ne soit pas bloquée sur une ligne de piquetage ou qu'une ambulance ne soit pas bloquée par un employeur quand il s'agit d'un cas d'urgence pour entrer dans un hôpital, d'entendre ces choses, de voir ensemble comment on peut améliorer ces mécanismes...

L'État législateur, par la suite, fera des propositions qui seront examinées par l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale apportera, le cas échéant, les ajustements qu'elle considère pertinents puis l'État employeur comme tel sera lui-même lié par les décisions de l'État législateur. C'est là une distinction extrêmement importante. Je la donne simplement à titre de clarification. Là-dessus, je souhaiterais qu'on puisse, dans les plus brefs délais, commencer à entendre les divers intervenants.

M. Rivest: Je comprends, M. le ministre, que vous souhaiteriez ça, mais je voudrais...

M. Marois: Je pense que les intervenants le souhaiteraient aussi...

M. Rivest: Oui.

M. Marois:... de même que la population.

M. Rivest: Cela ne sera pas long.

Le Président (M. Rodrigue): On va s'entendre, tout le monde, pour écourter ces remarques. Une dernière, M. Rivest, député de Jean-Talon.

M. Rivest: C'est parce que le ministre a donné une interprétation à ma demande. Je ne veux pas qu'on se mette à discuter de la politique salariale ici, avec le Conseil des ministres. Ce n'est pas du tout ce que je veux. Mais vous savez très bien, vous l'avez vous-même évoqué, que dans l'organisation du côté de la partie patronale, par exemple, pour montrer comment cela pourrait être utile d'avoir quelqu'un, non pas le ministre, je ne veux pas avoir un ministre, je veux avoir quelqu'un qui ait une responsabilité au niveau du gouvernement. Souvent, ce sont des procureurs à qui l'on confie un mandat et qui ont acquis une expertise qui ne nous sera malheureusement pas disponible si le ministre persiste dans son attitude. Voici un exemple très simple: Vous savez qu'il y a toujours eu des difficultés d'arrimage et d'agencement de la partie patronale, les agencements de l'État avec ses partenaires de la partie patronale. Il y a toujours eu des tensions qui ont existé, sans créer aussi au niveau du résultat net des négociations des secteurs public et parapublic des difficultés qu'on aurait peut-être pu éviter.

Or, qui va venir ici? Sans doute que les partenaires de l'État qui sont ici vont pouvoir nous donner leur point de vue, mais eux autres, souvent, à l'intérieur même de la partie patronale, doivent défendre leur point de vue et on n'aura pas le point de vue du gouvernement pourquoi on a tel type d'organisation du côté de la partie patronale.

Le ministre a parlé de la multiplicité des organisations syndicales. C'est bien raisonnable et c'est bien gentil d'évoquer cela...

M. Marois: Et patronales aussi dans le domaine de l'éducation.

M. Rivest: Alors, permettez à la commission d'entendre une personne autorisée qui puisse nous parler parce que les centrales syndicales vont pouvoir répondre à la question que vous avez adressée, tandis que la partie patronale, le grand patron, sera absent. Vraiment, le ministre peut persister dans son attitude, mais moi je le reqrette profondément; cette commission parlementaire, à ce moment-ci, risque malheureusement, face à l'attitude du ministre, d'être amputée de ce que je considère très simplement comme des éléments absolument essentiels à une bonne compréhension du dossier.

Le Président (M. Rodrigue): Avant de procéder à l'audition des mémoires, j'aimerais d'abord informer les personnes qui assistent aux délibérations de cette commission parlementaire par le truchement des appareils de télévision qui sont placés dans l'édifice qu'elles pourront maintenant le faire de la salle 91-A où des appareils ont été installés.

J'aimerais reprendre, pour les fins d'enreqistrement de nos débats, la liste des membres de cette commission de même que des intervenants, étant donné que des députés se sont ajoutés à nous depuis le début. Sont membres de cette commission: M. Chevrette (Joliette), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) et Mme Lavoie-Roux (L'Acadie). Sont intervenants à cette commission: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).

Je rappelle en terminant que nous consacrons une heure à l'audition de chacun des mémoires, soit 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes au parti ministériel et 20 minutes à l'Opposition pour la discussion et les remarques. J'invite donc en premier lieu les représentants du Conseil du patronat du Québec à nous présenter leur mémoire. Ce mémoire sera présenté par M. Ghislain Dufour, vice-président exécutif. Je vous invite, M. Dufour, à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. À ma gauche, M. Gaston Longval, qui est vice-président, non pas des relations publiques, mais des ressources humaines à Gaz métropolitain Inc., et M. Jacques Tremblay, à ma droite, qui est directeur de la recherche au Conseil du patronat,

M. le Président, notre mémoire fait une vingtaine de pages. C'est bien sûr qu'on ne peut pas le lire en 20 minutes. Je demanderais l'accord des deux partis pour qu'il soit déposé intégralement en annexe au journal des Débats et nous allons tout simplement en faire un résumé.

Le Président (M. Rodrigue): Là-dessus, j'aimerais vous faire une remarque. Nous avons une procédure cette année selon laquelle nous n'inscrivons pas au journal des Débats les mémoires qui nous ont été présentés, question d'économie. Cependant...

Une voix: Eh bien!

M. Rivest: Des coupures!

Le Président (M. Rodrigue): Ce ne sont pas des coupures. Ce sont des compressions budgétaires. Cependant, je veux quand même informer ceux qui présentent des mémoires que ceux-ci sont déposés au secrétariat des commissions où ils sont conservés en permanence et peuvent être consultés sur place. Si vous voulez présenter votre mémoire.

M. Dufour: Compte tenu de la raison invoquée, M. le Président, nous sommes d'accord.

Le Président (M. Rodrigue): Je m'en doutais un peu.

M. Rivest: Je vous l'avais dit qu'il était question de coupures.

M. Dufour: M. le Président, malgré que l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans le secteur public dans lequel s'est engagée la présente commission parlementaire soit un sujet très vaste et puisse conduire à une révision en profondeur de l'ensemble des lois du travail, nous voulons limiter quant à nous notre témoignage à un seul sujet. Posant en principe qu'il faut laisser le plus de place possible à la libre négociation des conditions de travail - dans ce sens, nous rejoignons l'exposé liminaire du ministre - mais, par ailleurs, nous situant dans le cadre général des lois du travail actuelles qu'il faudra réviser un jour, nous voulons répondre à la question suivante: Par quels moyens peut-on garantir la permanence des services essentiels, même dans le cas où une négocation conduit à une impasse?

En fait, toutes les parties intéressées déclarent qu'elles sont soucieuses de maintenir en tout temps les services essentiels, mais les difficultés commencent quand il s'agit de déterminer de façon concrète quels sont les services essentiels. Les moyens qu'il faut trouver doivent donc, premièrement, établir une autorité qui définira les services essentiels et, deuxièmement, imposer à tous le respect des décisions de cette autorité. Exprimée en ces termes, la question concrète devient alors: Oui aura autorité pour définir les services essentiels?

Au Québec, nous avons déjà fait l'expérience de plusieurs solutions sans grand succès. Notre mémoire, dont les membres de cette commission ont déjà pris connaissance, rappelle ces expériences et les leçons que nous en tirons. Pour faire bref, donc, nous ne reviendrons pas là-dessus. Nous reprendrons seulement, en la résumant, la solution que nous préconisons dans les circonstances actuelles, sans préjuqer, d'ailleurs, des positions que nous aurons à soutenir quand il s'agira de réviser l'ensemble des lois du travail, ce que nous demandons depuis le sommet économique de La Malbaie.

Voici donc, pour l'essentiel, la solution mitoyenne que nous proposons. Face aux difficultés vécues et aux inquiétudes que ces difficultés ont nourries dans l'ensemble de la population, la proposition la plus simple, trop simple, mais peut-être aussi la plus populaire, est d'interdire purement et simplement le recours à la grève dans le secteur public. Selon le CPQ, cependant, l'interdiction pure et simple de la grève dans le secteur public est une solution insuffisante, et ce essentiellement pour deux raisons.

Premièrement, cette solution exigerait une contrepartie, du genre, par exemple, de l'arbitrage exécutoire et le recours à l'arbitrage exécutoire, obligatoire, à moins qu'il ne soit exceptionnel et limité, rend pratiquement inutiles les autres mécanismes de négociation. D'autre part - pour nous du secteur privé, c'est important - il y a des services essentiels en dehors du secteur public et certains services publics n'ont rien d'essentiel, de sorte que le secteur public ne comporte pas que des services essentiels, ni ne couvre tous les services essentiels.

Pour sa part, par la consultation de ses associations et de ses entreprises membres, le CPQ, à travers les années - ça fait plusieurs années qu'on parle de ce problème - a fini par privilégier ce qu'on appelle une solution mitoyenne qui veut laisser le plus de place possible à la négociation libre dans le cadre des lois générales, mais, en même temps, garantir la permanence des services essentiels. Ce n'est pas une solution qui pourrait faire disparaître par miracle toutes

les difficultés et tous les conflits. En acceptant les principes de la libre négociation entre employés et employeur, nous devons accepter les risques de l'échec occasionnel et de l'affrontement direct. Mais dans une société qui reconnaît la primauté de la loi, les conflits particuliers doivent être circonscrits par la loi de façon à ne jamais mettre en cause ce que cette même société considère comme essentiel.

Cette solution est, dans un premier temps, la formation d'une équipe permanente de spécialistes dont la compétence est confirmée tant par leur formation que par leur expérience, et dont la tâche sera d'analyser un à un les secteurs clés, de décrire les services essentiels et de maintenir à jour cette description. C'est ce que le Conseil du patronat appelle une régie permanente des services essentiels. La deuxième partie de notre solution consiste à prendre les moyens pour que les services décrits comme essentiels par cette régie soient effectivement maintenus en tout temps. Cela suppose donc que la loi donne aux décisions de la régie une autorité équivalente à celle d'un ordre de la cour et prévoie des sanctions assez graves pour décourager toute volonté de passer outre à ses décisions.

Dans la mesure où les services essentiels décrits par la régie seraient assurés, le droit de grève ou de lock-out s'exercerait dans tous les secteurs, selon les règles établies par les lois générales applicables au domaine des relations de travail. Par contre, dans les cas limités et clairement définis où la grève serait interdite, le recours à un conseil provincial d'arbitrage, sur lequel je reviendrai, pourrait être un moyen de sortir d'une impasse. Bien sûr, l'Assemblée nationale resterait l'ultime recours et pourrait, le cas échéant, réviser les décisions de la réqie ou d'un conseil d'arbitrage.

L'existence d'une réqie permanente appuyant ses décisions sur des études spécifiques, puis, année après année, sur ses expériences propres et une certaine jurisprudence serait de nature à enlever graduellement au problème des services essentiels son caractère, il faut le dire, dramatique. Les syndicats y perdraient, évidemment, une partie de leur force d'action, mais ils échapperaient en même temps à l'accusation de prendre des citoyens en otages et gagneraient une plus grande crédibilité. De toute façon, la diminution des pressions que les syndicats peuvent actuellement exercer sur les décisions politiques est nécessaire, puisque l'expérience de la dernière décennie montre que, par les moyens actuels, les syndicats obtiennent des avantages indus. En effet, les conventions collectives signées dans le secteur public sont sur nombre de points manifestement trop avantageuses pour les syndiqués par comparaison à ce que l'on observe dans les secteurs où s'appliquent les lois du marché. (11 h 15)

Le recours à une régie permanente, sorte de commission d'experts neutre et extérieure au mécanisme de la négociation comme telle, s'impose parce qu'il n'y a pas moyen de donner à l'expression "services essentiels" une définition théorique suffisamment claire pour être applicable dans chaque cas de façon automatique. Il ne s'agit pas de l'ensemble des services publics ni, dans le cas d'un service en particulier, de toutes les activités intégrées à ce service. Un jugement particulier est nécessaire dans chaque cas. En dehors des secteurs où la santé et la sécurité des citoyens sont directement en cause, la définition des services essentiels exige une analyse fine et sur mesure. Dans quel contexte géographique, par exemple, un transport en commun est-il un service essentiel? Et quelle partie du réseau du transport est alors spécifiquement en cause? Dans quelle circonstance, l'entretien des routes ou des voies urbaines ou d'un autre réseau de communications est-il essentiel au maintien d'une vie sociale acceptable? Il n'y a pas de réponse globale à des questions de ce genre, et c'est pourquoi nous croyons qu'un organisme spécialisé doit faire les recherches et les consultations nécessaires pour trouver des réponses sur mesure.

Il existe, par ailleurs, des cas où les services à maintenir en tout temps sont plus faciles à identifier. Selon les critères les plus répandus dans notre société, au moins quatre genres de services - et c'est un peu les statistiques auxquelles référaient M. Rivest tantôt - ont déjà été identifiés par l'ensemble de la population comme étant globalement des services essentiels: les services de santé, hôpitaux, cliniques d'urqence, foyers d'accueil; la fourniture d'électricité; la fourniture de gaz naturel qui est un service du secteur privé; la distribution de l'eau potable. Dans ces quatre secteurs, toute grève doit être interdite si elle affecte les services aux usagers. Cela ne signifie pas, quant à nous, que nulle grève ne peut affecter les entreprises ou institutions oeuvrant dans ces secteurs. Une grève affectant la perception des comptes des compagnies distributrices d'électricité ou de gaz naturel, par exemple, n'est pas comprise dans notre définition. Il en est de même d'une grève affectant les rapports administratifs que les hôpitaux doivent faire parvenir à la Régie de l'assurance-maladie, etc. Par contre, la distribution de l'eau potable aux usagers inclut manifestement non seulement le bon fonctionnement du réseau mais aussi diverses opérations techniques en amont comme le contrôle de la qualité de l'eau. Ainsi même dans le cas des quatre

secteurs où la menace d'une grève crée des inquiétudes exceptionnellement qraves dans la population, la régie doit pouvoir décrire de façon plus précise les activités spécifiques qui doivent en tout temps être poursuivies.

Nous concluons donc que la création d'une régie permanente des services essentiels - on parle de régie, on peut parler d'autres choses - capable de donner une description précise des services à maintenir en tout temps et dotée de pouvoirs suffisants pour faire respecter ses décisions empêcherait que l'exercice du droit de grève dans les services publics ne crée des situations dramatiques et diminuerait le nombre des cas où les décrets du pouvoir exécutif deviendraient nécessaires, tout en laissant, bien sûr, un champ asez vaste à la vraie négociation pour éviter que les contrats de travail du secteur public ne soient décidés unilatéralement. C'est, en somme, donner une nouvelle chance à la négociation dans le secteur public, malgré les expériences douloureuses vécues en 1966, 1967, 1972, 1976, 1979.

M. le Président, avec votre permission, je vais simplement sur le plan technique définir rapidement ce que pourrait être cette régie et ce conseil provincial d'arbitrage dont on parle. L'idée générale, quant à la forme de la régie, quant au rôle du conseil provincial d'arbitrage, toutes les hypothèses, quant à nous, sont possibles. Pour notre part, dans le cas de la régie, nous suggérons à peu près les paramètres suivants: Devrait être une régie dotée de pouvoirs administratifs mais également judiciaires, devrait être créée par l'Assemblée nationale et responsable de son mandat à l'Assemblée nationale.

Son mandat comporterait deux parties: premièrement, définir les services essentiels et approuver ou modifier les ententes entre les parties à ce sujet, parce que, bien sûr, on continuerait à favoriser les ententes au niveau local; deuxièmement, prendre les moyens nécessaires pour assurer le maintien des services essentiels en tout temps. Cette régie, au niveau de ses pouvoirs, devrait émettre toute ordonnance prohibitive, ordre d'agir ou toute autre décision afin de faire respecter les conditions de la loi, les ententes conclues entre les parties et ses directives. Ses décisions seraient exécutoires et ne pourraient être annulées ou modifiées que par l'Assemblée nationale. Dans le cas où une partie en appellerait d'une décision de la régie auprès de l'Assemblée nationale, la décision de la régie continuerait de s'appliquer tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale n'en aurait pas décidé autrement. Elle serait composée, dans notre suggestion - on est prêt à la débattre - d'au moins trois juges qui auraient une connaissance approfondie du milieu du travail et qui pourraient s'adjoindre au besoin des spécialistes en provenance notamment des différents organismes spécialisés de l'État. Cette régie serait permanente. La permanence contribuerait à établir sa crédibilité et son sérieux.

Cette régie devrait pouvoir agir au-delà du seul champ qu'on appelle actuellement les secteurs public ou parapublic, et c'est là l'essence de notre proposition. Les municipalités, les compagnies privées d'enlèvement des ordures, le transport, la nourriture, le camionnage, le déblaiement des rues l'hiver, les réseaux de transport en commun et de communication, la fourniture d'électricité et de gaz, les égouts, voilà pêle-mêle quelques exemples des services qui sont manifestement en cause lorsque l'on parle de services essentiels dans une société.

Quant au conseil d'arbitrage, nous suggérons la création d'un conseil provincial d'arbitrage à caractère volontaire, mais dont les décisions seraient exécutoires. On a dit à satiété dans le système actuel d'arbitrage qu'il n'y avait satisfaction pour personne, ni du côté syndical, ni du côté patronal. Nous n'y revenons pas, et il est évident qu'il faut revoir, rebâtir un nouveau système d'arbitrage. Ce serait surtout utile dans les cas suivants: lorsque les parties décideraient de porter volontairement leur cas en arbitrage, mais surtout lorsque les travailleurs n'ont pas le droit de grève, comme cela existe déjà pour les policiers, les pompiers et certains agents de sécurité.

De plus, lorsqu'une solution acceptée par les deux parties est devenue impossible et que le gouvernement doit en imposer une d'autorité, c'est arrivé une quinzaine de fois au cours des quinze dernières années, il y aurait alors la possibilité, s'il le juge à propos, de référer en tout ou en partie le différend à l'arbitrage. Un tel régime d'arbitrage volontaire serait axé sur la création d'un conseil provincial d'arbitrage. Toute la valeur de ce nouveau conseil résiderait dans la compétence, l'intégrité, l'impartialité des personnes qui seraient appelées à y travailler. Ces personnes devraient être nommées pour une période de temps déterminée d'avance, ce qui leur assurerait l'indépendance et la sécurité nécessaire à leurs fonctions. Le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait être amené à statuer sur la conduite d'un membre du conseil, si telle conduite était incompatible avec son statut.

Voilà, M. le Président. À partir de ce problème que nous identifions comme le problème prioritaire, celui des services essentiels, ce que le Conseil du patronat avait à suggérer comme solutions possibles aux membres de cette commission parlementaire.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.

Pour la période de discussion, M. le ministre.

M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier les porte-parole du Conseil du patronat de leur apport, de leur contribution. Je me permettrai de faire une première remarque ou un premier commentaire. Je voudrais poser un certain nombre de questions par la suite. Je pourrais faire cela en une seule phase. Les porte-parole pourraient y répondre ou les commenter par la suite. Vous êtes les premiers à venir témoigner dans ce sens à cette commission sur l'idée qui est la clé de fond, si je comprends bien - que ce soit une régie, un conseil, enfin, on ne va pas s'enfarger dans les expressions ce matin -d'une permanence d'une structure, mais d'une structure qui a un caractère de permanence pour regarder de très près toute cette question des services essentiels.

Évidemment, il faudra regarder aussi -parce que des questions se posent sur l'ampleur de cette permanence - les pouvoirs qu'on accroche à cette permanence à la portée aussi des divers pouvoirs. Vous y attachez, dans votre proposition, des pouvoirs de médiation, je dirais, en un certain sens. Vous y ajoutez en même temps des pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires, enfin peu importe. De toute manière, je voudrais tout de suite dire qu'il me semble que cette notion de permanence, sous réserve d'examiner chacun des morceaux et des éléments bien en détail, m'apparaît une hypothèse qu'il nous faut ensemble certainement scruter et examiner à la loupe. C'est certainement une hypothèse valable.

Voici la première question que je voudrais vous poser, parce que vous ne l'avez pas évoqué: Qu'est-ce qu'il advient du conseil d'information?

Deuxièmement, vous proposez de créer une régie permanente des services essentiels qui serait dotée de pouvoirs administratifs et judiciaires. Vous avez peut-être examiné cette question, peut-être pas. Si vous l'avez fait, je voudrais vous poser la question suivante: Dans le contexte constitutionnel actuel, ne serait-il pas possible, à votre avis, que les pouvoirs de cette réqie qui sont, d'une part, administratifs, dans son rôle de médiation, selon votre proposition, et, d'autre part, judiciaires, dans son rôle de décision ou d'adjudication, comme on dit dans le jarqon juridique, puissent être contestés devant la Cour supérieure et que le fonctionnement devienne paralysé? Enfin, il me semble que c'est une question qui mérite d'être regardée.

Troisièmement, vous affirmez dans votre mémoire que l'existence de cette régie aurait pour effet de réduire le recours à l'injonction devant la Cour supérieure. C'est à la page 16 de votre mémoire, celui qu'on a reçu avant le début de nos travaux en commission parlementaire. Puisque les parties s'adresseraient à la régie, est-ce que, à votre avis - vous y avez sûrement réfléchi -il existe un consensus au Québec présentement en matière de relations de travail pour adopter une telle attitude de façon générale?

Une dernière question, puis on me permettra une petite mise au point qui, me semble-t-il, s'impose. Quant à votre proposition concernant la création d'un conseil provincial d'arbitrage auquel les parties pourraient recourir, si je comprends bien, de façon volontaire, est-ce qu'elle n'aurait pas pour effet, est-ce qu'il n'y a pas là un danger de créer une espèce d'imbroglio dans le sens suivant: Dans l'application des conventions collectives, à la suite des décisions qui seraient rendues par ce conseil, c'est-à-dire les conditions de travail, des salaires qui pourraient être différents d'un établissement à l'autre, peut-être faites-vous référence, en formulant cette suggestion à des expériences et, en particulier, à l'expérience vécue en Colombie britannique... Dans les secteurs touchés par les services essentiels, en Colombie britannique, le recours à l'arbitrage existe seulement si la partie syndicale en fait la demande et elle renonce de ce fait à recourir à la grève. J'aimerais bien vous entendre là-dessus.

Je voudrais simplement faire la petite mise au point suivante. Le porte-parole de l'Opposition officielle en conviendra avec moi, ce n'est certainement pas de mauvaise foi, c'est purement une erreur. Le député a, tantôt dans son intervention, fait référence à une déclaration à l'Assemblée nationale du premier ministre, M. Lévesque, reprenant l'expression "revoir le système de fond en comble". On convient, ayant les textes devant nous, qu'au moment où le premier ministre a utilisé cette expression "revoir de fond en comble le système", il parlait de façon bien spécifique de la question des services essentiels et non pas de l'ensemble, ce qui répond en même temps à la préoccupation légitime fondée non seulement des parlementaires autour de cette table, mais de l'ensemble des citoyens et des citoyennes compte tenu de délais qui sont maintenant devant nous, puisqu'il va y avoir d'autres prochaines rondes de négociations qui viendront relativement rapidement. Il ne s'agit donc pas de refaire de fond en comble tout ce qui existe. Je pense qu'on a là une approche convergente. Je m'excuse, c'est la petite mise au point que je voulais faire. (11 h 30)

Le Président (M. Rodrigue): M. Dufour.

M. Dufour: M. le ministre, si vous me le permettez, d'abord un commentaire sur votre commentaire. Vous dites retenir de la suggestion globale l'idée de permanence.

Nous, cela nous plaît au départ, mais sur la permanence seule, nous, on n'ira pas tellement loin. Il y a deux idées additionnelles auxquelles vous touchez: il y a la question de l'ampleur et la question des pouvoirs. Si on fait quelque chose de permanent qui ne va pas un peu partout dans le champ, l'électricité, le gaz, le transport, on n'a rien fait. On continuera peut-être à créer un certain nombre d'organismes permanents, mais on en aura trop. On cherche, en termes d'ampleur, à couvrir avec cette régie ce qui s'appelle "services essentiels" dans notre société. La question des pouvoirs est importante aussi, parce qu'on peut avoir quelque chose de permanent qui s'occupe de tout, mais si cela n'a pas de pouvoirs on n'ira pas tellement loin. C'est une des raisons de l'échec du Conseil sur le maintien des services essentiels que cette absence de pouvoir.

Sur vos questions précises, dans la première, vous me demandez de réagir un peu: Qu'est-ce qui arrive du conseil d'information? J'ai l'impression que c'est un lapsus, que vous voulez dire le Conseil sur le maintien des services essentiels.

M. Marois: Non, ce qui existait a peut-être été peu visible, mais il existait quand même un conseil qui s'appelait le conseil d'information...

M. Dufour: Ron. Parce que pour nous il n'est pas mis en cause dans notre proposition. Quand on a analysé la loi 59 dans le temps où il y avait ces deux propositions de conseils, le Conseil sur le maintien des services essentiels et le conseil d'information, nous avons toujours été d'accord, nous, sur le conseil d'information et on continue d'être d'accord. On regarde certains mémoires qui font bon nombre de propositions pour en améliorer le fonctionnement; on est d'accord parce que finalement la diffusion de l'information, les briques que l'on voit à certain moment de la négocation... Il y a eu des problèmes très concrets, mais sur la question du principe du conseil d'information, on est d'accord et on le conserve dans notre structure. Cela n'a rien à voir avec la détermination des services essentiels; c'est l'information de la population en temps de négociation.

La question des pouvoirs judiciaires que l'on donnerait à notre régie, je ne pense pas que cela puisse créer de problèmes différents de celui que vous auriez, possiblement, avec votre Tribunal du travail. Vous l'avez créé et personne n'a contesté encore. Cela a enlevé un certain nombre de pouvoir à la Cour supérieure, alors si on donne à cette régie à peu près ces mêmes pouvoirs que ceux que le tribunal a aujourd'hui, je ne suis pas un juriste sur ce plan des problèmes constitutionnels, mais je pense qu'on est placé ici devant le même problème que celui que vous avez avec le Tribunal du travail, et je vois bons nombres de mémoires qui suggèrent que le tribunal devienne, justement, cette régie. C'est un problème qu'on va laisser aux législateurs.

M. Marois: Merci, merci beaucoup.

M. Dufour: Sur la question de la réduction des injonctions, je ne comprends pas exactement le sens de votre question, j'aimerais que vous la précisiez.

M. Marois: Vous dites, c'est à la page 16, je crois, que c'est plus détaillé -forcément, vous nous avez présenté un résumé et on pourra qratter plus à fond l'ensemble de votre mémoire par la suite - que l'existence de cette régie que vous proposez, qui aurait un caractère permanent, avec tous les pouvoirs administratifs et judiciaires que vous lui donnez, cela aurait pour effet de réduire le recours à l'injonction devant la Cour supérieure, parce que les parties s'adresseraient à la régie, si je comprends bien. La question que je pose... Évidemment, chacun peut faire ses évaluations, mais il me semble que c'est une question pertinente parce qu'on fait des lois, des règlements, c'est-à-dire des choses qui sont écrites sur le papier, mais ce n'est pas parce que les choses s'écrivent sur le papier qu'automatiquement elles correspondent à des changements de comportement, d'attitude. Les humains ne chanqent pas nécessairement comme cela, et il me semble pertinent de se demander si, sur la base de votre proposition, il vous semble, de votre point de vue - c'est une évaluation qui ne peut pas être quantifiée, je ne pense pas - compte tenu de votre expérience dans le domaine des relations de travail, qu'il existe présentement, au Québec, un consensus en matière de relations de travail qui nous permettrait de faire en sorte qu'une telle attitude puisse être adoptée d'une façon générale.

M. Dufour: Je ne pense pas, comme vous, qu'il y a consensus au Québec sur la question des injonctions. Mais on a l'impression qu'une régie composée de personnes spécialisées dans le domaine des relations de travail, qui aurait une expertise, qui pourrait peut-être un jour être identifiée par les parties comme étant un endroit valable où aller, empêcherait justement le recours aux injonctions.

On dit - et je pense que c'est la seule réponse qu'on peut vraiment donner - dans le texte "la compétence, la spécialisation de ses membres donneront aux décisions de la régie une qualité qu'on ne trouve pas toujours dans les jugements d'un magistrat non spécialisé en relations de travail, appelé à se prononcer

sur une demande d'injonction". Et cela rejoint toujours notre thèse quand on discute des injonctions. On n'est pas d'accord avec ce qui existe actuellement au niveau des injonctions, vous le savez. On est prêt à aller devant un banc spécialisé, de qars qui connaissent cela, des problèmes de relations de travail. On est prêt à aller au Tribunal du travail. C'est dans cet esprit ici qu'on dit: Si on peut, au maximum, sortir les problèmes de relations de travail de la juridiction "ordinaire" de la Cour supérieure pour les confier à des gens qui sont spécialisés, on réduirait probablement certains des conflits actuels.

Quant à votre question sur le conseil provincial d'arbitrage, cela a existé au fédéral. La proposition n'est pas nouvelle. Vous vous rappelez que, dans les secteurs public et parapublic, cela existait au niveau fédéral. Cela a été à peu près abandonné. Il semble qu'on veuille y revenir. C'est une suggestion qui réglerait au moins un problème. Actuellement, dans le cas des policiers, des pompiers, vous avez des décisions qui se prennent partout sur le territoire par des conseils d'arbitrage qui, souvent, n'ont pas du tout la même jurisprudence, n'ont pas du tout les mêmes données. Au moins, les gens qui doivent de toute façon aller en arbitrage - ce serait obligatoire dans ce cas-là - pourraient se présenter à un endroit où il y aurait vraiment une recherche qui serait faite par l'ensemble de la province et qui donnerait une cohérence dans les décisions qui sont prises actuellement. Si vous avez lu le mémoire de l'Union des municipalités, je pense qu'on appuie cette proposition.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que cela va, M. le ministre?

M. Marois: Oui.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Dufour, il y a un certain nombre de choses, au niveau des principes, avec lesquelles on est d'accord. D'abord, je dois dire que je comprends très bien le sens. Vous n'avez pas voulu aborder les autres questions. Vous trouvez que le contexte particulier ne rend pas réaliste une réforme qui serait un peu plus large de l'ensemble des mécanismes; vous vous restreignez directement à la question des services essentiels. Je note avec satisfaction que vous reconnaissez, ce qui m'apparaît majeur dans cette question, le principe d'une autorité quelconque qui doit décider et qui n'a d'intérêt que l'intérêt public en ce qui concerne le maintien des services essentiels.

J'aimerais avoir un premier commentaire de votre part - parce qu'il y a des opinions variables là-dessus et je pense que c'est le rôle de la commission de chercher à voir exactement ce qu'il en est, -au sujet de la liste syndicale, votre évaluation. Peut-être l'avez-vous mentionné dans votre mémoire, mais cela m'aura échappé.

Deuxièmement, je note que votre préoccupation et le sens de votre mémoire, c'est de reconnaître également le principe de la primauté des droits du public à la santé et à la sécurité lorsque cette santé et cette sécurité sont réellement mises en cause par l'exercice du droit de grève. Par contre, dans le domaine de la santé, à toutes fins utiles - je sais qu'il y a certains services d'ordre administratif pour lesquels vous toléreriez sans doute qu'il existe un droit de grève - est-ce que j'interprète bien votre mémoire dans le sens que vous retirez, à toutes fins pratiques, l'exercice du droit de grève dans tous et chacun des types d'institutions de santé?

Est-ce que vous vous êtes demandé si les situations pourraient être différentes selon qu'il s'agit d'hôpitaux à soins aiqus ou d'hôpitaux pour malades chroniques ou de services un peu plus spécialisés ou bien si vous croyez que c'est vraiment une question de principe et que c'est à ce point important que vous soulevez cela?

Une autre question que je voudrais vous poser c'est dans la nature même de votre régie, vous introduisez, pour mettre fin à un conflit de travail qui compromettrait la santé et la sécurité, le principe de l'autorité judiciaire. À ce compte, est-ce que vous croyez que ce serait pratique et que cela pourrait être accepté dans votre évaluation par l'ensemble des parties, une autorité de nature judiciaire par rapport à une autorité gouvernementale ou une autorité d'ordre législatif? Je suppose que, si vous choisissez une autorité judiciaire, il y a un certain nombre de raisons d'indépendance, le processus vous paraît plus équitable. Enfin, j'aimerais peut-être avoir vos commentaires là-dessus.

Enfin, M. Dufour, si vous me permettez, dans le fonctionnement de votre régie, étant donné que la nature même des services essentiels, comme vous l'avez vous-même souligné, est extrêmement difficile à cerner, quelle importance accordez-vous à une normalisation générale des services essentiels, dans la mesure où c'est possible de le faire, selon les secteurs et leur actualisation très localisée? Dans le domaine des services essentiels, un service peut théoriquement être décrété essentiel de façon générale mais par contre, localement, le problème peut ne pas se poser du tout de la même manière. Quel est le jeu d'équilibre que vous voyez là-dedans?

Je m'excuse, je vous en donne pas mal mais cela...

M. Dufour: Oui, il y en a quatre. Au départ, sur la question de la liste syndicale, en relation avec la loi 59 actuelle, je vais demander à Jacques Tremblay de réagir.

M. Tremblay (Jacques): Cela permettrait peut-être de préciser une idée qui a déjà été abordée. On disait tantôt qu'on était prêt à ajouter l'idée de permanence au conseil du maintien qu'on a déjà. Il faut peut-être revenir à cette idée que le conseil, quand on en a parlé à propos de la loi 59, notre analyse nous avait conduit à le décrire comme une boîte aux lettres.

Et, dans le cas où nous parlons, nous, d'une régie, il ne s'agit plus du tout de ce genre d'organisme. Il s'agit bien d'un organisme permanent de recherches, d'études, de consultations, mais qui décide. Il ne s'agit pas d'approuver, d'accepter une liste reçue qui confirme une entente ou d'accepter une liste syndicale ou, dans un autre choix, d'accepter une liste patronale; il s'agit bien de la part de la régie de faire les recherches, de faire les analyses, de faire les consultations aussi. Donc, il pourrait y avoir, à ce moment, des listes de suqgérées par l'une ou par l'autre partie. La tâche de la régie n'est pas de recevoir et d'approuver l'une ou l'autre de ces listes, mais bien de trancher la question.

M. Rivest: À ce compte, je comprends très bien la différence essentielle, non seulement sur la liste, mais vous êtes également extrêmement sceptique sur la capacité d'ententes. Dans la dernière ronde de négociations, les chiffres, qu'on peut apprécier d'une façon différente, il semble bien que cela a été un rapport de deux tiers à un tiers. Il y a eu environ 500 listes syndicales, sauf erreur, alors qu'il y a eu des ententes dans un très grand nombre d'établissements. Mais même là où il y a entente entre la partie patronale et la partie syndicale, vous ne croyez pas non plus que ce soit suffisant. Vous voulez qu'il y ait une autorité qui...

M. Tremblay (Jacques): Une entente reste une liste suggérée par les deux parties, mais la régie doit porter là-dessus son propre jugement.

M. Rivest: Dans la majeure partie des cas, c'est au niveau local. Ce sont vraiment les gens qui vivent dans l'institution qui peuvent déterminer cela. Comment pensez-vous, au cas où il y aurait entente entre les deux, qu'éventuellement la régie pourrait être, quels que soient ses pouvoirs et ses moyens, un meilleur juge de la réalité concrète vécue au niveau d'un établissement, lorsque autant les administrateurs locaux que les représentants syndicaux conviennent que c'est tel type de services essentiels qui doivent être assurés. Vous ne trouvez pas que la régie peut, dans certains cas, être très loin? (11 h 45)

M. Tremblay (Jacques): Oui, d'accord, on peut croire que, là où il y a entente, cette liste sera probablement assez facilement approuvée par une régie, mais on ne peut pas poser en principe que tel sera le cas. Quand vous parlez d'une entente sur une liste, vous parlez d'une liste négociée entre des parties qui ont des intérêts en cause et cette négociation et cette entente ne correspondent pas nécessairement au point de vue que la régie, elle, doit défendre, c'est-à-dire les services essentiels à la population. Le point de vue de la régie est différent et, même si telle entente fait l'affaire des parties qui négocient, il n'est pas sûr que le point de vue du public, par exemple, soit à ce moment la règle qui est entrée en ligne de compte, et la régie doit vérifier si, dans cette entente, les règles fondamentales du service aux usagers ont été respectées. Si oui, elle l'approuvera, sinon, elle aura le pouvoir de la modifier. De sorte que les listes ne seront ni syndicales ni patronales; quelles que soient les consultations faites vis-à-vis des parties, quelles que soient les recherches, la liste sera la description des services essentiels faite par la régie et cette description s'impose aux parties, non seulement en période de négociation, mais en tout temps - c'est-à-dire que ça enlève aussi le droit de lock-out, par exemple.

M. Rivest: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): M.

Paquette... Je m'excuse, M. Dufour, je vous en prie.

M. Dufour: Vous évoquez le principe de la primauté du grand public par rapport à certaines unités d'accréditation, et vous demandez de faire une distinction entre le malade dans un hôpital pour chroniques et celui qui est hospitalisé d'urgence; nous, on n'en fait pas, ce n'est pas à nous à juger si quelqu'un est malade, s'il y a déjà un problème de santé, c'est déjà assez important pour qu'on ne commence pas à entrer dans des distinctions; pour nous, ce qui s'appelle un service aux usagers, au plan de la santé, ça doit être global.

Vous parlez des difficultés que pourrait présenter le caractère judiciaire de la régie que l'on propose. C'est tout simplement pour éviter la création de deux organismes; vous pouvez avoir un organisme qui serait purement de caractère administratif, du genre du conseil actuel sur le maintien des services essentiels, à qui vous donneriez un peu plus de pouvoirs, mais qui resterait carrément sur le plan administratif. Mais, dans notre société, quelles que soient les

parties, il faut qu'intervienne à un moment donné quelqu'un qui fait respecter les droits de quelqu'un. Or, que ce soit dans le domaine de l'injonction - c'est bien beau de demander de retirer l'injonction, comme certaines centrales syndicales le font, mais, quand elles auront besoin elles-mêmes de faire respecter leurs droits, où vont-elles aller - il faut qu'un recours judiciaire existe dans la société. Quand on donne un pouvoir judiciaire à cette régie, c'est pour mettre et l'administratif et le judiciaire dans la même structure, de façon à ne pas les multiplier à l'infini et de façon aussi que l'expertise dont on parlait tantôt soit véritablement une expertise de relations de travail, parce que, pour nous, ça, c'est majeur. Là-dessus, on est généralement d'accord avec les expressions syndicales voulant que les gens qui portent des jugements dans ce domaine ne soient pas toujours des gens qui sont capables de le faire et, dans ce sens, ça donne à cette régie une expertise qu'on n'aurait pas autrement.

Finalement, quand vous parlez du fonctionnement de la régie, de sa rationalité, des aspects comparatifs entre différents secteurs, c'est l'essence même de notre proposition. Le transport à Montréal et le transport à Québec, on l'a vu, ce n'est pas du tout la même chose, par une grève de sept ou huit mois, ici, à Québec...

M. Rivest: Attention, je suis un député de Québec, moi:

M. Dufour: Dans les autobus, j'entends, si vous vous le rappelez bien.

M. Rivest: C'est ça.

M. Dufour: Alors que ça dure sept ou huit mois ici, à Montréal c'est impensable, une grève qui durerait sept ou huit mois. Il y a des services de transport, dans certaines petites municipalités, où ça ne crée pas de problème; à Montréal, je me rappelle, lors de la dernière grève, qu'on disait: Rétablissez simplement le métro aux heures de pointe et, à ce moment-là, on vient de régler peut-être ce qui pourrait s'appeler "services essentiels".

Donc, vous n'avez pas de possibilité d'établir des comparaisons, vous devez -c'est ce qu'on dit dans notre texte - juger les services essentiels sur mesure, selon les problèmes.

M. Rivest: Une dernière question, M. le Président, si vous me le permettez. Vous dites que, dans l'établissement de ces normes en général, à un moment donné, la régie va porter des jugements de valeur. Même si son processus est judiciaire, il va y avoir des juqements de valeur qui vont être rendus. Est-ce qu'elle va procéder par consultation ou si elle va prendre secteur par secteur et exercer son jugement à elle sur ce qui constitue des services essentiels où vont apparaître, finalement, un certain nombre de normes que la régie rendra et auxquelles tout le monde, bon gré mal gré, devra plus ou moins se soumettre? Ne trouvez-vous pas qu'il y a un jugement de valeur qu'on confie... Est-ce que vous avez examiné cet aspect? C'était inévitable...

M. Dufour: II y a des jugements de valeur partout. Dès qu'on fait un choix, on vient de discriminer autre chose. On va prendre un cas très concret: le gaz. On va sortir du public et on va aller dans un service essentiel que nous connaissons davantage: le gaz. Comment cela pourrait-il se passer? Je vais le demander à M. Longval. Il ne peut pas y avoir des normes différentes. Il n'y en a qu'une possible dans le gaz.

M. Lonqval (Gaston): Je pense que les experts qui sont là pourraient tout au moins entendre d'autres experts qui se sont déjà familiarisés avec le domaine de la distribution du gaz. Ils pourraient, à la suite de ces revendications, même du côté syndical, porter un jugement, mais un jugement éclairé plutôt qu'un jugement d'experts en vase clos. Dans le domaine du gaz, par exemple, si on pense à la recherche de fuites, cela prend quand même une certaine expertise pour savoir ce qu'est une fuite, qui peut occasionner un problème, oar rapport à la perception des comptes de gaz ou à la lecture des compteurs. Alors, c'est à la suite d'auditions qu'on pourrait se former une opinion éclairée et peut-être rendre un jugement.

Le Président (M. Rodrigue): Merci. M. Paquette (Rosemont).

M. Paquette: M. le Président, j'ai bien goûté le rapport du Conseil du patronat. J'ai même été surpris à certaines occasions. À la page 10, le rapport nous dit que l'interdiction pure et simple de la grève dans le secteur public est une solution insuffisante; je pensais que dans les pages suivantes, le conseil allait nous dire qu'il fallait interdire les syndicats. Mais au contraire, ses membres ont conclu qu'il faut - cela fait pas mal consensus dans la société actuellement - civiliser l'exercice du droit de grève. Les membres du conseil nous proposent deux mécanismes.

Ma question porte uniquement sur le premier mécanisme: la création d'une régie des services essentiels. J'aimerais la comparer et vous demander de la comparer avec les propositions du rapport du Conseil sur le maintien des services essentiels, ce qu'on appelle communément le rapport

Picard. Je vais citer un passage du rapport qui montre l'esprit et une proposition alternative. Le rapport Picard a été quand même le premier à proposer qu'on maintienne de façon permanente un organisme, qu'on l'appelle conseil ou régie. Mais votre proposition vise à aller plus loin, dans un certain sens, qu'un simple conseil, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un organisme quasi judiciaire et exécutoire.

Le rapport Picard, tout en proposant la permanence d'un organisme dans le domaine du maintien des services essentiels, fait une proposition visant à établir un protocole-cadre, un code d'éthique établi entre les organisations patronales et syndicales.

Je vais citer un passage du rapport Picard. Contrairement au passé et en observant la réalité qu'il avait sous les yeux, le conseil constate que les grèves ont été d'ordinaire sporadiques, parfois tournantes, mais toutes de courte durée. Donc, le conseil dénote quand même une évolution dans l'attitude des parties qui semble nous démontrer une amélioration dans le sens d'un exercice du droit de grève et de lock-out qui soit davantage civilisé.

Ensuite, le conseil dit qu'il n'en constate pas moins, tout en ayant à l'esprit les observations et les recommandations particulières contenues dans le chapitre précédent, qu'un nouveau rouage d'application de la loi, rouage qu'il qualifie d'essentiel, devrait être ajouté en prévision de l'avenir. Il s'agit d'un protocole-cadre ou code d'éthique que seules les organisations patronales et syndicales peuvent mettre en place et faire fonctionner dans des conditions acceptables sans nuire aux moyens de pression que des négociations infructueuses peuvent en dernier ressort rendre inévitables. La grève ou le lock-out sont des effets: il n'y a pas d'effet sans cause.

Il me semble qu'il y a là une différence d'approche assez importante. Dans un cas, un organisme que vous proposez, une régie des services essentiels qui est quasi judiciaire, exécutoire, qui, dans le fond, vise à trancher au-delà et au-dessus des parties, et, du côté du rapport Picard, une approche que je qualifierais de beaucoup plus en continuité avec le principe de la négociation, qui vise à changer les attitudes d'un commun accord, à développer davantage une attitude de responsabilité par l'établissement d'un code d'éthique.

À ce point de vue là on peut se demander si une régie quasi judiciaire et exécutoire n'agirait pas un peu comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. On est dans un domaine extrêmement délicat.

J'aimerais vous demander ce qui vous a amené à opter pour une régie comme vous le proposez plutôt que pour une approche comme celle que propose le rapport Picard.

M. Dufour: Oisons, au départ, que la suggestion du rapport Picard est très limitée. Elle ne concerne que les soins de santé alors que notre préoccupation à nous est l'ensemble des services essentiels. Ce matin on n'a même pas encore parlé d'enseignement. À un moment donné, l'enseignement devient essentiel aussi.

Tous ces problèmes-là sont sur la table de votre commission parlementaire, je pense. Lorsque vous vous rabattez exclusivement sur le Conseil sur le maintien des services essentiels ou l'analyse critique qu'en a fait le rapport Picard, on est peut-être prêt à regarder le protocole d'entente qui pourrait intervenir entre les grandes unités syndicales et les grandes unités patronales. D'ailleurs, j'ai vu qu'un des mémoires analyse cette proposition-là. Mais, pour nous, c'est beaucoup trop limitatif; même si on réglait le problème des hôpitaux aujourd'hui par l'approche Picard, qu'est-ce qu'on fait avec Hydro-Québec demain, qu'est-ce qu'on fait avec le gaz naturel et qu'est-ce qu'on fait avec le transport? C'est une approche qui, pour nous, est trop limitative.

On aborde le problème de façon beaucoup plus globale. Je pense qu'on ne retrouve pas, même dans les propositions de M. Picard, simplement sur le plan administratif, bon nombre des propositions -oublions le judiciaire - que l'on a dans notre propre proposition.

Évidemment, on peut faire toutes sortes d'analyses du rapport Picard. Vous pouvez faire la vôtre, on peut faire la nôtre. Il y a des neutres, c'est possible, qui l'ont fait et qui sont loin d'être certains que ce protocole, parce qu'ils ont cette possibilité de faire cette entente-là aujourd'hui, ou ce protocole-là... Cela existe, il n'y a rien qui le leur interdit. Il faut vivre des négociations de convention collective pour savoir que les énoncés de principe et le feu de l'action, c'est souvent très différent.

De toute façon, je pense M. Paquette, que le fond de ma réponse serait de dire: On viendrait peut-être de régler un problème, mais les autres...

M. Paquette: Une simple question additionnelle, M. le Président. Je pense, pour aller un peu plus au fond de la question, qu'il est bien sûr que le rapport Picard ne s'adresse qu'aux organismes de santé, mais on peut imaginer, je pense, une approche identique qui pourrait s'étendre aux autres secteurs. Vous avez raison de mentionner que les services de santé ne sont pas les seuls où les services essentiels doivent être protégés, où les droits du public doivent être protégés. Vous avez parfaitement raison là-dessus, mais je pense que c'est plutôt une différence d'approche. Le rapport Picard mentionne, dans le domaine de la santé uniquement, bien sûr, 19 aspects sur lesquels il serait

important d'établir un code d'éthique qui devrait, par la suite, être respecté par les parties. Je pense qu'il y aurait moyen de proposer un cadre dans lequel les parties conviendraient de s'engager, qui serait public, qui exercerait une pression importante sur les parties, qui viserait surtout à modifier les attitudes.

C'est plutôt sur le plan de cette approche-là que j'en ai, parce que c'est quand même une approche très différente d'un organisme qui doit trancher au-dessus des parties. Votre position est assez en rupture, d'ailleurs, avec vos positions habituelles qui sont dans le sens de favoriser au maximum la liberté d'intervention des partenaires, le consensus, la discussion, la libre négociation.

En supposant qu'on se mette à faire une recherche dans le sens du rapport Picard et qu'on l'étende à d'autres secteurs, est-ce qu'une approche comme celle-là ne risquerait pas de donner plus de résultats? Qu'est-ce qui vous fait dire que votre approche donnerait plus de résultats? (12 heures)

M. Dufour: Non, il n'y a aucune contradiction entre nos principes de liberté traditionnels et ce que vous pouvez voir à l'intérieur de cette proposition. Je pense que Jacgues Tremblay tantôt, en répondant à M. Rivest au niveau des listes, a dit qu'on favorisait nettement l'entente locale et on va continuer à la favoriser. C'est la base de toute relation de travail le moindrement valable. Je pense, M. le député de Rosemont, qu'on est sur la même longueur d'onde dans ce sens-là, sauf que les codes d'éthique, c'est une chose et la réalité, c'est une autre chose.

Même dans votre cheminement à vous, à un moment donné, s'il n'y a pas accord, où allez-vous aller pour régler les problèmes? Vous allez être obligé de faire intervenir quelqu'un. Quant à nous, l'ultime recours actuellement, c'est l'Assemblée nationale et tout le monde dit que vous intervenez trop souvent. Alors, vous êtes obligé, même dans votre proposition, celle qui suit la proposition Picard, d'avoir une intervention judiciaire, à un moment donné.

Nous l'intégrons, en somme, en favorisant les ententes locales. Je pense qu'on va s'entendre là-dessus, d'ailleurs. Les commissions scolaires, les municipalités ne voudront jamais laisser aller ce pouvoir à une régie, les syndicats non plus. Tant mieux si cela peut forcer les ententes au niveau local au lieu de les faire décider au sommet.

Ce qui vous préoccupe le plus, je pense, c'est l'aspect judiciaire de ce mécanisme. De toute façon, on n'a pas le choix. Dans le contexte actuel, il y a une intervention judiciaire et il y a des injonctions qui peuvent être prises. On a un peu un rejet de l'injonction au Québec, actuellement; avec la loi 62 et la loi 88, il n'y en a pas eu, mais, parce qu'il n'y en a pas eu, il y a eu des interventions de l'Assemblée nationale. Ce sont des choix. Nous espérons que cela se réglerait à la régie.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Ma question porte sur la notion des services essentiels. D'ailleurs, je pense que l'essence de votre mémoire porte sur cette notion de services essentiels et cela me paraît tout à fait logique. La raison principale pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui et ce qui a motivé la convocation de cette commission, c'est évidemment la souffrance, je dirais, du respect des services essentiels ou, enfin, ce que certains pourront estimer comme tel.

Vous demandez la création d'une régie qui examinerait ces services dans différents domaines. J'aimerais mieux m'en tenir à ce moment-ci, parce que je suis plus familière avec ce domaine, aux services essentiels dans le domaine de la santé et des services sociaux. Cette régie permanente examinerait et réviserait au besoin cette définition des services essentiels. D'une part, dans votre dossier, vous établissez comme principe qu'il faut continuer et donner une nouvelle chance à la négociation libre; en d'autres termes, maintenir les mécanismes actuels qui existent dans les négociations des conventions collectives.

Néanmoins, dans votre esprit, compte tenu du travail d'évaluation ou de définition que mènerait cette régie des services essentiels, ceci exclurait-il à la limite la possibilité que dans certaines institutions tous les services soient reconnus comme essentiels? Je vais vous donner un exemple concret. Prenons un centre d'accueil pour déficients mentaux dont la grande majorité, sinon la totalité, sont des déficients mentaux profonds; ce sont des enfants ou des adolescents qui requièrent les soins les plus élémentaires dans tous les domaines. Je pense que cela devient une opération extrêmement périlleuse - à moins qu'on n'ait du personnel en trop dans la vie quotidienne de ces institutions, c'est une autre histoire de déterminer quels sont, dans ces services, ceux qui sont vraiment des services primaires, pour le maintien du bien-être physique de ces patients. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je pense que tout le monde sait ce dont je parle: il s'agit de les nourrir, de les alimenter, etc.

Est-ce que ceci pourrait, à la limite, permettre que dans certaines institutions la régie décide que tous les services sont reconnus comme essentiels? C'est ma première question.

M. Tremblay (Jacques): On ne peut exclure aucune possibilité. Si on pouvait donner une réponse précise à une telle question, cela signifierait qu'on connaît ce que c'est que des services essentiels. Dans notre thèse, c'est qu'il n'y a pas de définitions dans l'absolu des services essentiels. C'est toujours relatif à des valeurs dans une société donnée, à des circonstances données. C'est toujours relatif à des besoins particuliers. C'est la raison pour laquelle nous revenons toujours avec cette idée que nous avons besoin d'un mécanisme d'analyse de situations capable de porter un jugement sur mesure. Si le cas que vous présentez conduit la régie à porter comme jugement que dans tel hôpital vous avez un ensemble de services globalement essentiels, ce sera la décision de la régie. Mais on ne peut pas le dire d'avance. Si on pouvait le dire d'avance, on n'aurait pas besoin de la régie au fond. On a besoin de la régie parce que chacune de ses décisions doit être sur mesure, demande de la recherche, de la consultation et, finalement, c'est une décision avec une marge d'incertitude de toute façon.

Nous disons que la régie doit établir la liste des services essentiels, la maintenir à jour, en tout temps, en dehors même des périodes de négociations, la réviser à mesure que la situation évolue ou qu'il y a des constatations qui sont faites en conséquence et ainsi de suite. Nous n'avons pas de définitions théoriques du service essentiel.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Il semblerait que, selon les conclusions auxquelles pourrait arriver la régie dans cet exercice de définitions des besoins, possiblement, dans certaines institutions, on pourrait considérer globalement les services comme étant essentiels. M. le Président, pourquoi j'amène cette situation? On a parlé, et je pense que vous en parlez dans votre mémoire, mon collègue de Jean-Talon en a parlé, des valeurs d'une société. Il faut bien se dire que si, dans un hôpital pour soins aigus par exemple, un patient qui est peut-être indépendant dans une certaine mesure, même qu'il est sous soins médicaux, qu'il a subi une opération, etc. On retrouve quand même des institutions où les bénéficiaires sont totalement dépendants de leur environnement, c'est-à-dire des gens qui leur prodiguent des soins. Je pense qu'il est peut-être extrêmement important de faire cette différence entre les différentes institutions. Dans les hôpitaux pour soins de courte durée, les services essentiels sont rendus, par exemple, l'hémodialyse s'il s'agit de patients dont la vie est en danger, s'ils ne l'ont pas régulièrement, etc.

Cet autre groupe de patients qu'on peut retrouver aussi dans les hôpitaux pour soins prolongés, je pense que cela m'apparaît extrêmement important qu'on fasse une distinction et je suis heureuse de voir que dans votre logique à vous autres cela n'exclurait pas, éventuellement, cette possibilité. Ma deuxième question: Vous faites une définition des pouvoirs et de toute la structure de votre régie, de votre conseil des services essentiels. Vous lui donnez beaucoup de pouvoirs, en disant même qu'elle aurait des pouvoirs exécutoires, elle pourrait imposer des sanctions même très sévères. J'ai l'impression, et j'aimerais que vous me corrigiez là-dessus, que dans le fond vous enlevez au gouvernement, quel qu'il soit, cette responsabilité de, par exemple, légiférer si la situation est très aiguë ou d'imposer des sanctions en vous disant: II ne faut pas que le gouvernement soit appelé à faire cela trop souvent. J'espère que je ne déforme pas trop ce que vous avez dit. C'est ce que j'ai retenu.

Par contre, vous dites: Pour que le gouvernement ne le fasse pas trop souvent, on va donner à la régie, peut-être pas tous les pouvoirs, mais une grande partie des pouvoirs de sanction. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi vous pensez d'abord en donner la responsabilité à d'autres et sur quels fondements vous basez-vous pour penser que, dans ces cas, il y aura moins de problèmes si cela vient d'une régie que si cela vient du gouvernement légitimement élu?

M. Dufour: Le fondement ultime et simple, c'est que, pour nous, le recours à l'Assemblée nationale doit vraiment être l'ultime recours. On doit avoir dans le domaine des relations de travail l'intervention de l'Assemblée nationale le moins souvent possible, parce qu'on risque aussi qu'un jour, un ordre de l'Assemblée nationale ne soit pas respecté. Un ordre de la régie qui n'est pas respecté, c'est une chose, mais un ordre de l'Assemblée nationale qui ne serait pas respecté, c'est une autre chose. On ne peut pas se permettre non plus comme société que cela arrive trop souvent. On tente de faire régler les problèmes par des mécanismes qui existent dans d'autres domaines. On parle de services essentiels. On a bien d'autres problèmes dans le domaine des relations de travail au niveau des accréditations, au niveau du maraudaqe, au niveau de... Il y a une instance qui est le Tribunal du travail, qui a été constitué pour régler ces problèmes et il y a rarement des interventions qui se rendent à l'Assemblée nationale.

Rappelons que, de toute façon - et on le dit très clairement dans notre mémoire -quelles que soient les décisions de la régie, l'Assemblée nationale conserve toujours dans notre société son droit de recours pour toutes les questions, parce que, dans notre temps, - et vous voyez que ce n'est pas

modifié - cette partie du Code du travail qui dit actuellement que, lorsque la santé et la sécurité du public sont en cause, le gouvernement peut intervenir, ce n'est pas changé. La responsabilité vis-à-vis du peuple est toujours la même, sauf que notre thèse, c'est que, quand on dit qu'il y a eu quinze interventions - c'est peut-être seize - des différents gouvernements depuis 1964, c'est beaucoup trop, parce que c'est vraiment régler d'autorité des problèmes qui, quant à nous, devraient se régler à une instance ailleurs.

En tout cas, à certains moments, on aurait drôlement peur, nous, qu'une décision de l'Assemblée nationale ne soit pas respectée.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean (Prévost).

M. Dean: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord poser une question pour être certain que j'ai compris un aspect du sens des propositions du Conseil du patronat. Si j'ai bien compris cet aspect, j'aurai une question à poser sur le fonctionnement. Ai-je bien compris, M. Dufour, que la régie pourrait se prononcer, par exemple, sur la question de l'alimentation en eau potable, qui fait une partie de l'unité de négociation des employés d'une municipalité? On pourrait décider que l'alimentation en eau potable est un service essentiel absolu et je serais porté à être d'accord avec cela, mais, en même temps, d'autres salariés faisant partie de la même unité de négociation et dont les services sont peut-être moins essentiels ou non essentiels pourraient exercer pleinement leur droit de grève. J'ai bien compris cet aspect?

Dans le fonctionnement du conseil d'arbitrage, si les salariés préposés à l'alimentation en eau potable choisissaient d'aller en arbitrage, devant le conseil, et si les autres salariés exerçaient leur droit de grève, n'y aurait-il pas un risque assez grave de se ramasser à la fin de ce processus avec deux conventions collectives, une imposée par arbitrage pour les employés ou les salariés de l'aqueduc et un autre qui serait le résultat de la libre négociation entre les employés d'une même unité de négociation?

M. Dufour: C'est possible comme raison, mais, dans la recherche d'une solution aux services essentiels, est-ce mieux de régler le problème des services essentiels et d'avoir un problème avec deux conventions collectives ou d'avoir une seule convention collective pour régler les problèmes des services essentiels? Finalement, c'est un choix, dans le fond, mais vous avez raison.

Le Président (M. Rodrigue): Cela va, M. Dean?

M. Dean: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Mme Dougherty (Jacques-Cartier).

Mme Douqherty: Merci. Vous avez parlé d'"accomptabilité" - je crois que c'est la même chose en français - d'une régie à l'Assemblée nationale. Voudriez-vous élaborer un peu cette notion? Dans quelle mesure et comment cette "accomptabilité" serait-elle exercée selon votre proposition?

M. Dufour: Je ne comprends pas le mot. La...

Mme Dougherty: Accountability in English. C'est quoi, en français?

M. Dufour: La responsabilité.

Mme Dougherty: La responsabilité à l'Assemblée nationale.

M. Dufour: C'est parce qu'on ne peut pas faire dépendre cette régie de l'État employeur. On ne peut pas la faire dépendre non plus de l'État législateur comme tel. De toute façon, le débat tantôt avec M. Rivest était intéressant. C'est loin d'être aussi clair que cela, les distinctions entre l'État employeur et l'État législateur. C'est le genre d'organisme qui doit relever du pouvoir politique dans son ensemble, parce que c'est toute la population, à ce moment-là, qui est en cause, et le pouvoir politique, ce n'est pas le Conseil des ministres, dans ce sens-là, c'est l'Assemblée nationale. C'est le législatif et non pas l'exécutif dans ce cas-ci. C'est carrément pour ça qu'on est ramené à l'autorité suprême, qui est l'Assemblée nationale, et non pas au conseil exécutif ou à un ministère; c'est carrément au pouvoir législatif et non pas au pouvoir exécutif. (12 h 15)

Mme Dougherty: Je me demande si l'Assemblée nationale doit établir les valeurs de base, les grandes lignes, les principes sur lesguels la régie peut agir et les préciser un peu. C'est l'Assemblée nationale qui a le devoir de protéger les valeurs primordiales du public. Il n'y a pas de place dans votre proposition pour l'Assemblée nationale qui a vraiment le devoir d'établir ce que vous avez décrit comme étant absolu. Je crois qu'il y a une valeur absolue, des principes qui varient peut-être un peu partout selon des cas spéciaux, mais quand on parle de la santé et de la sécurité du public, c'est une valeur absolue.

M. Dufour: Quand vous allez créer cette régie - on espère que ça se fera -vous le ferez par une loi de l'Assemblée nationale. Alors, vous allez lui donner son

mandat et vous allez mettre ce que vous voudrez dans ses pouvoirs, dans son mandat, les paramètres de son intervention, etc. C'est le législateur qui va créer cet organisme. L'ayant créé, il n'est que normal que ça lui revienne, et il va être responsable à l'Assemblée nationale. Tout part, non pas du Tribunal du travail ou du ministre du Travail qui va créer cette régie, mais d'une loi de l'Assemblée nationale, comme le Conseil sur le maintien des services essentiels.

M. Chevrette: Pouvez-vous me permettre une question additionnelle même si, en commission parlementaire, ça n'existe pas?

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je voudrais vous demander, dans ce cas, pourquoi vous avez affirmé, lors de la présentation de votre rapport, que même les sentences de la régie pouvaient, à toutes fins utiles, être arbitrables devant l'Assemblée nationale. Si vous répondez à Mme la députée que l'Assemblée nationale fixe les grandes lignes, les grands cadres, les grands paramètres, les grands principes, mais que, par la suite, la régie appligue les principes, je me demande pourquoi vous avez introduit la dimension d'arbitrabilité par la suite à l'Assemblée nationale. Vous ne pensez pas qu'il y a un risque que l'Assemblée nationale devienne le tribunal d'arbitrage de la régie?

M. Dufour: Non. De toute façon, on n'a pas le choix, dans une société, il faut une instance supérieure, c'est l'Assemblée nationale. Mais vous allez essayer de déléquer vos pouvoirs, comme vous le faites à longueur d'année quand vous légiférez. Le mandat, vous allez le faire et vous allez retenir ce que vous voulez bien garder. Sauf que - je l'ai dit tantôt, M. le député de Joliette - le Code du travail n'est pas amendé et l'article - je ne me souviens plus du numéro, avec la nouvelle codification -qui dit que c'est la responsabilité des élus, donc de l'Assemblée nationale, d'assurer en tout temps la santé et la sécurité de la population, demeure une responsabilité de l'Assemblée nationale. Si vous voulez intervenir dans chaque cas, vous allez réduire les pouvoirs de la régie, tout simplement. Ce qu'on essaie, nous, c'est de lui donner - ici, je rejoins un peu les préoccupations du député de Rosemont - le maximum de pouvoirs pour que le rôle de l'Assemblée nationale soit vraiment un rôle de dernier recours.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Conseil du patronat de nous avoir tout d'abord présenté leur mémoire et d'avoir bien voulu répondre aux guestions de la commission.

J'invite maintenant les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec à prendre place. Pendant que vous procédez à ce changement, j'aimerais ajouter, à l'intention des personnes qui nous écoutent aujourd'hui, façon plus de pouvoir consulter les mémoires présentés à cette commission au secrétariat des commissions, les personnes ou organismes qui le souhaitent peuvent également obtenir des copies de ces mémoires au secrétariat des commissions.

Le mémoire de l'Association des centres de services sociaux du Québec sera présenté par son directeur général, M. Jean-Guy Beaulieu. Je vais demander à M. Beaulieu de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Cependant, à l'intention des membres de la commission, j'aurais une remarque à vous formuler. Si vous voulez bien, lorsque vous posez une question, prendre la précaution d'approcher vos micros. On m'a fait remarguer que, dans certains cas, on avait beaucoup de difficulté à vous entendre, alors si un membre de la commission veut intervenir, je l'invite à approcher son micro pour qu'on puisse saisir clairement son intervention. M. Beaulieu, vous avez la parole.

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Beaulieu (Jean-Guy): M. le Président, je vous présente, à ma droite, M. Jean-Luc Gouveia, membre du conseil d'administration de l'Association des centres de services sociaux, et, à ma gauche, M. Jacgues Paradis, directeur du service des ressources humaines de l'association.

Vous allez sûrement être d'accord avec moi, M. le Président, que nous sommes beaucoup moins connus que le Conseil du patronat qui nous a précédés et aussi probablement moins que la CSN qui va nous suivre. Dans le but d'éviter d'être identifiés à l'un ou l'autre de ces organismes, me permettrez-vous de situer un peu les coordonnées de l'Association des centres de services sociaux? L'ACSSQ est l'une des cinq associations d'établissements du réseau des affaires sociales. Elle regroupe les 14 établissements régionaux que sont les centres de services sociaux du Québec, lesquels ont été créés par le chapitre 48. Pour aller un peu plus précisément et brièvement, les CSS sont ces établissements qui fournissent des services d'action sociale aux individus et aux familles qui requièrent des services spécialisés au niveau de la prévention, du traitement psychosocial ou de la réadaptation, de l'adoption, du placement d'enfants et de personnes âgées et de toutes

questions relevant de l'application de la loi 24 sur la protection de la jeunesse.

Si nous avons opté pour la présentation d'un mémoire à la présente commission, c'est évidemment d'abord en raison de notre implication au niveau des négociations provinciales, et ce depuis 1969, mais aussi parce que nous avons déjà eu l'occasion de présenter un mémoire sur le même sujet, au moment de la commission Martin Bouchard, en 1977, et que nous voulions quand même assurer un suivi suite à l'expérimentation des nouvelles dispositions législatives, que ce soit par les lois 55 ou 59, qui en ont résulté. En 1977, nous avions souligné qu'au-delà de toute modification d'ordre législatif ou structurel, il était nécessaire que toutes les parties en cause, gouvernements, syndicats, établissements et population, exercent leur véritable rôle avec bonne foi et dans le respect de leur juridiction et de leur spécificité respective pour aboutir à une réforme valable de notre système de négociations.

Après l'expérience des dernières négociations, nous pouvons certainement émettre des doutes sur la présence de cette préoccupation dans l'esprit de certaines parties - je n'en exclus aucune - à divers moments du déroulement des négociations. Nous ne pouvons que déplorer cette situation qui a certainement joué négativement sur les résultats escomptés au point de départ. En outre, dans notre bilan, il nous faut également tenir compte du fait que les parties ont eu à évoluer avec des mécanismes nouveaux qui auraient sûrement avantage à être encore rodés lors d'une prochaine négociation, afin de pouvoir en extraire toutes les possibilités et en tirer de meilleures conclusions sur leur efficacité ou leur carence. Quoi qu'il en soit, nous estimons quand même que le gouvernement du Québec devrait procéder dès maintenant à certaines modifications législatives, non en profondeur, mais dans le but de limiter encore davantage la possibilité que surviennent des situations pénibles que nous avons pu identifier à l'expérience et qui pourraient être évitées tant à la population qu'aux parties négociantes elles-mêmes.

Je vous donne d'abord notre point de vue sur le droit de grève. On serait porté à concevoir difficilement qu'un service public monopolistique soit perturbé par un qroupe de salariés empêchant ainsi la population du Québec de recevoir les services auxquels elle a droit et pour lesquels d'ailleurs elle paie chèrement. Cette question est d'autant plus problématique que dans les centres de services sociaux, comme c'est d'ailleurs le cas dans le secteur des affaires sociales, ce sont surtout les éléments les plus vulnérables de la population qui en sont les principales victimes, soit les enfants et les personnes âgées, ainsi que les personnes handicapées.

Vu sous cet angle, il serait aisé de conclure rapidement qu'il faille retirer ce droit qu'ont les salariés des secteurs public et parapublic et opter pour d'autres moyens dans le but d'en arriver à la détermination des conditions de travail. Il nous faut comprendre, cependant, l'importance de la question pour l'ensemble des groupements syndicaux concernés dans le contexte où ce droit acquis existe depuis près de 20 ans.

Aussi, nous ne recommanderons pas le retrait du droit de grève. Son retrait ne ferait qu'occasionner des désordres tout aussi néfastes pour la population du Québec et engendrerait sans doute des conflits tant radicaux que stériles. C'est donc dire que nous ne voyons aucune solution dans la remise en question du principe même du droit de grève. Par ailleurs, nous croyons qu'il y a possibilité de permettre aux salariés de faire pression éventuellement sur leur employeur, tout en assurant également à la population, durant ces périodes, l'accessibilité à un minimum acceptable de services dans les cas urgents. C'est pourquoi nous privilégions une solution satisfaisante au niveau de la détermination des services essentiels plutôt que de remettre en question le droit de grève. Il est bien évident dans notre esprit, cependant, que ce faisant nous verrions l'exercice du droit de grève davantage encadré et même suspendu peut-être dans les cas de mauvaise foi évidente de la part d'éventuels syndicats.

Quant aux services essentiels, il nous apparaît impensable qu'un arrêt de travail dans les secteurs public et parapublic soit permis sans le maintien des services essentiels. Nous pensons que c'est une question de décence collective et nous affirmons que ce principe devrait valoir autant pour les services sociaux que pour les services de santé. Nous croyons nécessaire de rappeler ici que la dispensation des services sociaux au Québec a subi de profondes modifications depuis huit ou dix ans. En effet, depuis l'avènement du chapitre 48, de la loi 74 sur la protection de la jeunesse, de la loi 9 sur les personnes handicapées, de la loi 13 sur l'adoption et j'en passe, force nous est de constater que les CSS, de par les responsabilités nouvelles qui leur ont été confiées par ces lois, ont dû développer des services adéquats et disponibles 24 heures par jour et 7 jours par semaine, et ce, vis-à-vis des clientèles très vulnérables de notre population, car il faut considérer que nous parlons ici des quelque 90 000 enfants en besoin de protection sous l'égide de la loi 24 ou encore des 100 000 personnes âgées en mangue d'autonomie ou des 35 000 autres adultes en besoin de protection ou en perte d'autonomie comme les handicapés.

Oui, nous pensons que les temps ont bien changé et la population du Québec est en droit de s'attendre aujourd'hui à des

services sociaux tout aussi accessibles que les services de santé. Parmi ces services, il y en a qui sont très essentiels et qu'il faudrait maintenir même en temps de grève. Nous ne croyons pas, cependant, qu'il soit possible de déterminer d'avance dans une loi quels seront les services à maintenir dans tel ou tel CSS, pas plus, d'ailleurs, que dans un autre établissement du secteur des affaires sociales. Ce sont encore les parties locales qui nous apparaissent les mieux habilitées à disposer de cette question. Nous croyons qu'une négociation locale de bonne foi pourrait amener des conclusions satisfaisantes, quoique imparfaites, pour les parties en cause.

Nous sommes, cependant, d'avis qu'il faille inciter fortement les parties à s'entendre. En principe, ce sont les directions d'établissements et les représentants des syndicats qui connaissent les problèmes éventuels de la population à desservir, le contexte géoqraphique, leurs responsabilités respectives. Dans ce sens, nous nous devons de privilégier, dans une première étape, la négociation locale entre les parties. Toutefois, il ne faudrait pas faire de l'angélisme au point de croire que les négociations aboutiront dans tous les cas à des résultats satisfaisants. C'est pourquoi il faut prévoir une alternative en cas de désaccord. Là-dessus, nous devons avouer que l'expérience de la suprématie de la liste syndicale en cas de mésentente, qui a été vécue lors des dernières négociations, ne nous a pas convaincus, mais pas du tout, que c'était une formule susceptible de donner à la population du Québec des garanties suffisantes d'équité dans la dispensation des services essentiels. Notre mémoire d'ailleurs vous l'avez remarqué - fait état de quelques situations aberrantes dont je vous ferai grâce ici.

Que la partie syndicale se rassure, cependant, car ce n'est pas un rôle facile et nous n'avons pas l'intention de préconiser qu'il soit joué par la partie patronale. Nous aboutirions probablement au même résultat. Ce que nous recommandons, c'est que les services essentiels soient négociés localement entre les parties avant que le droit de grève soit acquis. Dans l'éventualité d'un désaccord, un tiers, soit un commissaire nommé par le juge en chef du Tribunal du travail, serait amené à décider du litige à la suite des représentations des parties en cause. Tout arrêt de travail ne respectant pas cette entente ou, le cas échéant, cette décision serait illégqal et amènerait des pénalités prévues par la loi. Nous croyons que cette contrainte forcerait les parties à s'entendre mieux qu'elles ne l'ont fait dans le passé et permettrait à chacune d'assumer le minimum de responsabilités. (12 h 30)

De plus, nous croyons que le gouvernement devrait toujours être vigilant et suspendre le droit de grève dans les cas même extrêmes où la situation deviendrait intolérable et catastrophique en raison de sa durée et de son intensité.

Nous croyons qu'il appartient au gouvernement de s'assurer que, malgré le contexte particulier de la négociation, un certain équilibre soit maintenu entre les droits d'un groupe d'individus par rapport à ceux de la collectivité toute entière.

Finalement, nous ne croyons pas à la pertinence de reconduire l'existence du Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail créé par la loi 59, du moins telle qu'elle est mise en application.

Notre opinion va dans le sens que ce comité n'a malheureusement été d'aucune utilité. Ne pouvant vraiment pas apprécier les situations vécues dans chacun des établissements, tout au plus pouvait-il affirmer que les listes syndicales étaient respectées, ce qui ne décrivait pas vraiment les situations réelles.

Voyons maintenant notre approche vis-à-vis du rôle de l'État versus celui des établissements. Au cours des dernières rondes de négociations et plus particulièrement lors de celles de 1978-1979, nous avons pu assister à une centralisation toujours croissante de l'opération négociation vers la table centrale et autour du Conseil du trésor.

En effet, nous sommes partis de la nécessité d'un rôle de coordination probablement fort légitime de la part du Conseil du trésor, lequel rôle nous a amenés à définir un rôle spécifique à la table centrale par rapport à celui des tables sectorielles. Le critère tout à fait irréprochable des prépondérances gouvernementales par rapport aux prépondérances des établissements a présidé à la définition des responsabilités respectives de chaque niveau et le tout a été concrétisé dans un protocole signé en bonne et due forme. Nous étions donc théoriquement en face d'une situation claire, ce qui était une amélioration considérable par rapport à certaines situations antérieures.

Malheureusement, nous ne pouvons affirmer que la réalité fut aussi rose que le modèle décrit sur papier. En effet, à maintes reprises, la coordination a dû laisser sa place à la direction. Les activités spécifiques de la table centrale se sont vite transformées en activités générales et les prépondérances des établissements ont dû considérablement pâlir devant la trop forte coloration des prépondérances gouvernementales.

Or, cette situation est extrêmement dangereuse puisqu'elle place le gouvernement dans la situation d'aqir comme arbitre entre les syndicats et les employeurs sur des questions dont il n'est pas toujours en

mesure d'apprécier les conséquences sur la gestion interne des établissements. Ceci n'est pas un blâme au gouvernement, parce que cette situation guette n'importe quel gouvernement qui s'immisce trop quant à nous directement dans le processus de négociation. C'est pourquoi nous voyons le gouvernement en dehors du processus de négociation proprement dit, voire même au-dessus.

Notre prétention va dans le sens que le gouvernement a une responsabilité trop grande vis-à-vis des énormes masses salariales impliquées par les conventions collectives pour qu'il se permette de les exposer à l'élasticité d'un processus de négociation, du moins en tant que les masses globales sont concernées. La solution est quant à nous d'ordre législatif.

Aussi, nous recommandons que le gouvernement du Québec, par le biais d'une loi, établisse les paramètres généraux devant régir les conditions de travail des salariés des secteurs public et parapublic.

Ensuite une commission relevant de l'Assemblée nationale se verrait dans notre esprit confier la responsabilité d'enquêter, de faire les analyses nécessaires pour finalement traduire en chiffres et autres éléments concrets cette orientation dont les éléments constitutifs en auraient été définis dans la loi.

Il va de soi que ces paramètres généraux définis par la loi devraient respecter la prépondérance des établissements en matière de gestion de leur personnel et d'administration dans leurs établissements.

Au cours de ce processus, toutes les parties en cause, tout comme aujourd'hui, auraient la possibilité de se faire entendre. Compte tenu des enjeux de cet ordre de décision pour la population du Québec, nous croyons que c'est par ses représentants élus que le débat doit se faire et non par une partie seulement de cette population qui détient une force de pression privilégiée.

Par la suite, des comités sectoriels de négociation seraient formés et auraient pour mandat de négocier les conventions collectives à l'intérieur, cependant, des paramètres qénéraux qui auraient été préalablement établis.

Avec une coordination appropriée, ces comités seraient formés, pour le secteur des affaires sociales, par exemple, des associations d'établissements qui représenteraient les établissements, et du ministère des Affaires sociales, qui partage avec ces derniers la responsabilité de la dispensation des services à la population.

Quant au déroulement proprement dit des négociations, nous n'insistons pas particulièrement sur ce chapitre, compte tenu que nous sommes d'avis que plusieurs dispositions de la loi 59 encadrant les dernières négociations ont eu quant à nous des effets relativement positifs, notamment au niveau de la durée des négociations, qui a été moins grande que dans les négocations antérieures. Cependant, pour l'améliorer, nous préconisons une étape de médiation obligatoire avec rapport public à la population, parce que nous pensons qu'il faut faire en sorte que le recours éventuel à la grève soit vraiment un recours ultime.

De plus, nous croyons que ce rapport de médiation aurait l'avantaqe de remplacer adéquatement le rôle qu'a joué ou qu'aurait peut-être pu jouer le conseil d'information sur les négociations créé par la loi 59. En effet, ce sont les véritables enjeux de la négociation qui intéressent la population et ce n'est pas un comité du genre de celui qui a été créé par la loi 59 qui peut vraiment transmettre cette information. Tout au plus un tel comité peut-il communiquer les propositions, les contre-propositions et les autres détails techniques que s'échangent les parties et par là une tonne de papier que personne ne peut apprécier.

Ce n'est qu'après que ce rapport aurait été rendu public par le comité de médiation que le droit de grève serait acquis aux salariés sous réserve du vote majoritaire de l'ensemble des membres. Sans vouloir entrer ici dans les plates-bandes de nos confrères, des syndicats, nous croyons en effet que la démocratie syndicale et surtout la population du Québec auraient tout à qagner si des mesures législatives appropriées étaient mises en place pour encadrer le vote de grève.

En terminant, j'aimerais qualifier ce qui serait, quant à nous, une intervention gouvernementale appropriée en cours de période de négociation outre les rôles qu'on a prévus, et qu'on recommande que le gouvernement ait au niveau des services essentiels.

Tout au long du processus de la négociation, le gouvernement pourrait et devrait intervenir si la situation faisait en sorte que la sécurité et la santé de la population soient en danger. Il pourrait alors suspendre le droit de grève pour une durée déterminée et ce dans un établissement ou même dans un ensemble d'établissements, tout en permettant que les négociations se continuent. Selon l'état du dossier, dont le gouvernement serait informé, et dans l'éventualité où aucune entente ne semblerait possible à l'intérieur des paramètres généraux établis, la seule alternative possible pourrait être alors l'adoption d'un décret gouvernemental tenant lieu de convention collective. Rien que cette mesure ultime puisse paraître draconienne, c'est la seule que nous puissions recommander après que les mécanismes normaux de la libre négociation ont joué et c'est le rôle devant lequel le gouvernement ne devrait pas abdiquer.

Je vous remercie, M. le Président, et

je suis disposé à répondre à vos questions ou tenter d'y répondre.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les personnes qui ont présenté des mémoires et qui jusqu'à présent ont respecté scrupuleusement le temps qui leur était alloué, c'est une performance digne de mention. M. le ministre.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais bien sûr remercier l'Association des centres de services sociaux du Québec de son mémoire; c'est un mémoire volumineux, de plus de trente pages, et soyez assurés qu'on va le regarder. Un de mes collègues me le glissait à l'oreille qu'il y a du jus dans le mémoire. On va scruter à la loupe chacun des éléments qu'il contient. Je voudrais m'en tenir simplement à quelques remarques. Vous posez un certain nombre de questions très précises. Je note avec plaisir au bas de la page 2 et en haut de la page 3 de votre mémoire que, dans votre évaluation, vous dites qu'il y a eu des améliorations à la dernière ronde des négociations par rapport à celle de 1976 et, je pense bien, dans l'évaluation également de 1976 par rapport aux rondes antérieures. Enfin, on est sur une piste d'amélioration et je pense que c'est important de le rappeler, lorsqu'arrivent ces périodes où il y a à la fois l'anxiété et les problèmes réels qui sont posés et cette espèce de dramatisation de quelques cas inacceptables dans une société civilisée. Je pense que cela donne une image complètement distorsionnée par rapport à la réalité. Il y a des problèmes réels, néanmoins, et il faut ensemble trouver les meilleures solutions possible pour améliorer davantage la situation et faire en sorte, encore une fois, que les droits des uns, s'ils doivent être respectés pleinement, cela signifie également que les droits des autres le soient aussi.

Cela dit, toujours concernant cette question d'amélioration, vous ajoutez cependant, à la page 3, "... que ces améliorations ne sont certainement pas à la mesure des attentes... " J'aimerais que vous précisiez, s'il y a lieu, quelles sont, d'après vous, ces quelques améliorations, sur quels points se sont particulièrement concrétisées ces améliorations. Je veux bien qu'on en parle théoriquement, mais on doit tous essayer de s'attacher au concret des choses. Parce que le monde en vie, qui nous regarde travailler aujourd'hui, s'attend bien qu'on touche les problèmes réels, concrets. Sans cela, on pourrait faire de la théorie générale sur l'ensemble de tout cela. Il serait important que vous puissiez nous indiquer, selon votre évaluation, quelles améliorations ont pu se produire.

Également à la page 4, vous écrivez: "II nous faut également tenir compte du fait que les parties ont eu à évoluer avec des mécanismes nouveaux - c'est vrai - qui auraient sûrement avantage à être encore rodés lors d'une prochaine négociation... ". Quels sont ces mécanismes nouveaux, concrètement, d'après vous, qui auraient à être mieux rodés, et en quoi?

Également, vous formulez une proposition qui consiste à fixer les paramètres généraux devant régir les conditions de travail par une loi, si j'ai bien compris. Est-ce que vous ne croyez pas que par une proposition comme celle-là, le droit à la négociation - parce que vous avez aussi évoqué à l'opposé le fait qu'il y a des choses fondamentales qui doivent se dérouler à la base - serait remis en question avant même que la négociation n'ait débuté? Cela me paraît une question drôlement importante.

Traitant de la question absolument essentielle, fondamentale, des services clés à assurer aux citoyens, les services essentiels, comme on dit, vous avez clairement dit qu'il y a des choses qui doivent se dérouler de ce côté-là, au niveau des établissements, au niveau de la base. C'est moi qui le dis, j'aimerais savoir si vous êtes en accord avec une affirmation comme celle-là.

Je comprends donc que, comme association, l'Association des centres de services sociaux du Québec, vous ne vous voyez pas comme telle dans la position ou dans la possibilité de définir d'avance des services essentiels ou de mener, à ce niveau, des ententes ou une définition de services essentiels s'appliquant pour l'ensemble des centres de services sociaux du Québec. J'aimerais entendre vos commentaires sur ce point.

J'ai cru comprendre également que, dans les cas où il y aurait mésentente sur les services essentiels, vous proposez l'intervention d'un commissaire émanant du Tribunal du travail, qui interviendrait directement pour faire le travail qui s'imposerait. Il y a 14 centres de services sociaux au Québec. Il y a 32 unités d'accréditation dans ces 14 centres. Si cela va pour les centres de services sociaux, j'imagine qu'on ne pourrait pas avoir 32 règles de comportement. Il y a aussi des hôpitaux, il y a aussi des centres d'accueil au Québec. Il y a 210 hôpitaux, il y a 347 centres d'accueil. Comment, concrètement va-t-on pouvoir arriver et combien va-t-il nous falloir de commissaires pour appliquer...

Après tout, il faut essayer ensemble. On est prêt à évaluer au mieux chacune des suggestions, chacune des propositions, mais comment peut-on arriver par un mécanisme comme celui-là à aboutir dans des délais... quand l'anxiété est là, il y a des choses qui ne peuvent pas traîner indéfiniment. (12 h 45)

C'est une question additionnelle que je voulais vous poser.

En terminant - je ne voudrais pas abuser du temps, je sais que certains de mes collègues des deux côtés de cette table veulent intervenir aussi - vous nous proposez un certain nombre et même plusieurs avenues lors de comportement abusif de la part du syndicat. Vous nous dites, entre autres: Enlevez le droit de grève.

Ce que je veux savoir c'est: Concrètement, quelles sont vos suggestions? Comment le gouvernement pourrait-il intervenir lorsque c'est la partie patronale qui agit d'une façon irresponsable? Parce que je vais reprendre un tout petit bout de mon intervention d'entrée en matière ce matin: "Dieu merci! "... encore une fois, il ne faut pas faire exprès pour surdramatiser des choses qui sont déjà suffisamment dramatisées quand cela arrive et qui sont des comportements inacceptables. "Dieu merci! ce furent là des cas exceptionnels. " Encore une fois, même s'ils sont exceptionnels, quand cela se produit, ce sont des cas de trop. Il y a eu des comportements irresponsables et inacceptables de la part de certains syndigués ou syndicats, mais il y a eu des comportements aussi inacceptables et irresponsables de la part de certaines parties patronales.

Les rapports d'expertise qui viennent de la commission des services essentiels le démontrent de façon très nette et très claire, pas avec l'ampleur qu'une certaine dramatisation artificielle a donnée à ces cas, mais quand cela se produit...

Moi, ce que je veux savoir c'est: Quelles sont vos suggestions concrètes? Et comment le gouvernement pourrait-il intervenir? Vous dites: Dans le cas du syndicat, enlevez le droit de grève, ou suspendez-le pour une période de quelques années.

Dans le cas où il s'agit d'une partie patronale qui agit d'une façon irresponsable, quelles sont vos suggestions? Je pense que c'est, encore une fois, le forum par excellence. Il ne faut pas se cacher les choses. Je pense qu'il va falloir ici qu'on se dise des vérités. Moi, je souscris à un commentaire qui a été fait par le député de Jean-Talon qui disait: II ne s'agit pas de commencer à se demander et de commencer à se faire des autocritiques à n'en plus finir publiquement. Il ne faudrait pas se cacher les faits entre nous ici. La population ne nous le pardonnerait pas et elle aurait raison. Il faut vraiment regarder tous les angles de cela.

C'était ma dernière question.

Le Président (M. Rodrigue): M.

Beaulieu.

M. Beaulieu: Je pense, M. le ministre, que vous avez plusieurs questions. Je vais tenter d'y répondre un peu dans l'ordre.

D'abord, vous avez mentionné qu'on avait souligné qu'il y avait des améliorations par rapport aux négociations antérieures. Je pense que ces améliorations, on en fait état, notamment, en matière de dépôt des offres claires des deux parties. Aussi, il y a des améliorations en ce qui concerne la durée des négociations. Je pense que tout le monde l'a reconnu.

Par contre, lorsqu'on mentionne - je rejoins votre deuxième question - dans le mémoire qu'il y a des attentes qui n'ont pas été satisfaites, quant à nous, sans vous les énumérer toutes, ce qu'on peut dire, c'est que, finalement, lorsque les lois 55 et 59 ont été adoptées, nous avions misé énormément là-dessus comme tout le monde et peut-être même trop. Il y a une partie des attentes que nous nous étions créées qui n'étaient peut-être pas réelles, c'est bien évident. Par contre, une autre attente qui aurait pu être remplie c'est celle du style de négociations. Nous, on a vécu avec le gouvernement - je pense que tout le monde le sait ici, autour de la table - comme partenaire. À certains moments, le gouvernement nous a poussés, nous en sommes conscients, mais je pense que finalement on l'a admis et on a réussi à changer notre style de négociations. Quand je parle d'une attente qui n'a pas été comblée, c'est qu'on aurait aimé que ce soit vrai également de l'autre côté et, à tort ou à raison - évidemment, on a un point de vue toujours déformé du côté patronal, vous le savez bien - on a l'impression que les mêmes efforts n'ont pas été faits du côté syndical pour en arriver à délester rapidement les demandes. Vous vous souvenez qu'au cours des négociations, après l'opération que M. Parizeau avait appelée "délestage" ou "dégraissage" - je ne me souviens plus très bien - il ne restait plus que treize points à la partie patronale et pourtant, du côté syndical, il en restait encore 400. Ce qu'on veut dire, lorsqu'on parle d'attentes, c'est un peu des genres de choses comme ça qui relèvent peut-être des attitudes.

M. le ministre, vous semblez dire que, dans notre rapport, on remet tout en cause. Je pense que ce n'est pas vrai. On dit que beaucoup de choses ont bien été et qu'il suffit de conserver ce qu'on a là...

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, si j'ai été... Je n'ai certainement pas voulu...

M. Beaulieu: Vous avez semblé dire, M. le ministre, que peu de moyens concrets étaient suggérés pour ce que nous soulevons comme problèmes.

M. Marois: Non, ce que je voulais savoir, c'est, sur les améliorations et les mécanismes nouveaux qui vous semblent avoir contribué à améliorer les choses, quels points

en particulier, quels sont ces mécanismes qui vous semblaient intéressants, mais qui pourraient être améliorés et de quelle façon concrète. J'ai peut-être été mal compris ou je me suis probablement mal exprimé. Souvent, quand on est mal compris, c'est qu'on s'exprime mal. Les hommes et les femmes politiques se prétendent souvent mal cités par les journalistes; souvent, c'est parce qu'on s'exprime mal ou parce que notre pensée n'est pas claire. Donc, je ne veux pas laisser entendre, pas du tout, que je pense que vous remettez tout en cause.

M. Beaulieu: D'accord. Quant à votre troisième question en ce qui concerne la page 4 de notre mémoire, vous parliez du rodaqe. Je ne sais pas, peut-être y a-t-il eu méprise. Vous nous posez la question, si j'ai bien compris: Quels sont les mécanismes nouveaux que nous aimerions voir roder lors d'une prochaine négociation? Je pense que ce que nous avons voulu dire, c'était tout simplement que nous aurions avantage à roder encore les mécanismes nouveaux mis en place par les lois 55 et 59; c'est ce que nous voulions dire.

M. Marois: D'accord.

M. Beaulieu: Quant à l'autre proposition que les paramètres généraux seraient établis par législation, finalement par l'Assemblée nationale, vous nous posez la question à savoir si le droit à la négociation serait menacé par une telle situation. Moi, je pense qu'il n'y a absolument pas de problème pour le droit à la négociation. De toute façon, tout ce qu'on veut dire, c'est qu'il y a tellement des masses importantes impliquées qu'on ne peut pas permettre que ces masses partent, en début de négociation, à X et qu'elles deviennent très élastiques en cours de négociation. On pense que c'est un danger qui nous guette lorsqu'il n'y a pas de paramètres généraux qui sont fixés, qu'il n'y a pas de masse globale qui vienne en ligne de compte.

Quant au droit à la négociation, on pense que, finalement, il y a quand même moyen de négocier, à l'intérieur de masses, la distribution de ces masses. Les paramètres qénéraux, le mot le dit bien, peuvent être très généraux dans le sens que le gouvernement adopte déjà par législation certaines politiques salariales qu'il a mises de l'avant dans le passé comme la comparabilité avec le marché privé et des choses comme celle-là.

Vous savez, là-dessus, notre réaction, c'est un peu de se dire aussi: À quoi cela servirait-il de mettre en négociation - je comprends qu'il y a peut-être un certain droit qui est brimé - des masses budgétaires, comme on l'a fait depuis quelques années, et d'être obligé d'arriver à une situation comme celle d'aujourd'hui sur les coupures budgétaires? Je préfère que le gouvernement prenne ses responsabilités avant que les négociations arrivent, qu'il imprime aux masses budgétaires les intentions qu'il a plutôt que d'être obligé de revenir après une négociation pour tenter de les récupérer. C'est un peu ma réaction vis-à-vis de ce point.

Vous avez parlé des services clés aux citoyens en ce qui concerne la définition des services essentiels. Nous avons affirmé dans notre rapport - et vous le soulignez - que nous n'étions pas en mesure, à l'heure actuelle, de définir de façon provinciale des services essentiels dans tous et chacun des établissements. Nous n'écartons pas cependant, M. Marois, la possibilité que soient établies certaines grandes catégories de services essentiels à un niveau peut-être provincial. Ce que nous avons voulu souligner, c'est que nous pensons que l'effort devrait être mis sur la négociation locale des services essentiels quant aux effectifs, etc., mais nous n'avons pas exclu nécessairement le fait qu'il pourrait y avoir une certaine définition provinciale, mais elle serait très générale parce que c'est difficile d'application dans les établissements.

Votre question no 6...

M. Marois: Je m'excuse, mais dans le concret d'un centre de services sociaux à l'autre - dans le concret, je dis bien - est-ce qu'il n'y a pas déjà là des variations quant à la nature, quant à l'ampleur des services donnés dans tel coin du Québec par rapport à tel autre coin'' Est-ce qu'il n'y a pas là déjà des variations dans le concret dont il faut tenir compte sur le niveau local quand on tente d'établir ce qu'on appelle les services essentiels aux citoyens?

M. Beaulieu: Oui, je pense qu'effectivement il y a des variations. Je dirais que, même s'il y a des paramètres généraux, il y a quand même des variations d'une région à l'autre. Les régions du Québec n'ont pas toutes le même pourcentage de dépendance de telle catégorie de clientèle cible, que ce soient les personnes âgées, les personnes handicapées ou le comportement...

M. Marois: Les jeunes.

M. Beaulieu: Les jeunes. Les situations ne sont pas les mêmes.

Au niveau du commissaire sur les services essentiels, vous soulignez que s'il fallait que notre recommandation soit portée dans les CSS mêmes et dans tous les établissements, avec le nombre de syndicats qu'il y a, ça prendrait beaucoup de commissaires.

Ce que nous apportons comme argumentation, c'est que, finalement, on

modifie le régime d'établissement des services essentiels et on pense que, dans le système qu'on préconise, très très peu de cas pourraient aller devant le commissaire.

Ce qu'on a remarqué dans le passé, c'est que le fait qu'il y ait prépondérance ou suprématie de la liste syndicale, s'il n'y a pas d'entente, cela aboutissait en pratique à faire en sorte qu'il y avait très peu d'entente. Dans le contexte où nous faisons notre recommandation, ce ne serait plus !e syndicat, ni non plus l'employeur qui pourrait déterminer s'il n'y aurait pas entente sur les services essentiels. Ni le syndicat ni l'employeur ne pourrait le faire. Donc, ils ne seraient pas incités à ne pas s'entendre. C'est dans ce sens qu'on dit que, à ce moment-là, même à l'échelle des établissements du Québec, très peu de commissaires pourraient s'occuper du très peu de cas qui surviendraient à la suite de ces modifications.

Votre dernière question avait trait au fait que, évidemment, il pouvait y avoir des abus du côté patronal et que nous, nous nous attachions, dans notre rapport, à corriger les abus du côté syndical. Je pense qu'on le reconnaît dans notre mémoire et on est tout à fait prêt à le reconnaître ici, il peut exister des abus, tant du côté syndical que patronal. II est bien évident que, dans un mémoire comme celui-là, on peut s'attacher davantage à faire des recommandations sur l'autre partie. On en est conscient, mais on pense, même si on ne préconise aucun moyen...

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre, mais si je comprends bien, vous n'auriez pas aujourd'hui un certain nombre de suggestions concrètes à nous faire dans ce cas-là?

M. Beaulieu: Sans avoir une suggestion, on considère que les faits sont déjà là et que le gouvernement possède déjà toute la force de pression nécessaire en dehors du système de négociation sur tous les établissements, et c'est compréhensible, sans qu'il y ait besoin de moyens concrets à ce chapitre.

M. Marois: Je ne vous cacherai pas que je me pose la question.

M. Beaulieu: Ma réponse ne vous satisfait pas?

M. Marois: Ce n'est pas qu'elle ne me satisfasse pas, je vous dis que je continue à me poser la question.

M. Beaulieu: On peut continuer à se la poser encore.

Le Président (M. Rodrigue): À moins que des membres de la commission ne s'y opposent, étant donné qu'il est 13 heures, nous allons poursuivre les travaux pour terminer l'étude de ce mémoire de façon qu'à 15 heures nous puissions recommencer avec le groupe suivant.

Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux également remercier l'Association des centres de services sociaux du Québec d'avoir eu le souci de venir devant la commission présenter un mémoire. Vous me permettrez tout d'abord, une remarque, qui n'a rien à voir avec le mémoire, M. le Président. Je m'étonne, en voyant les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec, qu'il n'y ait aucune femme. On se trouve devant un regroupement...

M. Beaulieu:... aucune femme dans les centres de services sociaux.

Mme Lavoie-Roux:... d'agences ou d'organismes qui, jusqu'à tout récemment, ont été traditionnellement composés... enfin, dont l'oeuvre a été essentiellement celle des femmes. Aujourd'hui, vous venez devant cette commission parlementaire et on n'en retrouve aucune. J'espère qu'il ne faut pas voir là l'une des raisons de la si grande bureaucratisation des services sociaux au Québec.

Cela dit, j'ai quelques questions à poser au représentant de cet organisme ou de cette fédération. Premièrement, je m'étonne qu'aux pages 2 et 3 vous dites qu'il v a eu des améliorations par rapport à la dernière ronde de négociations; vous avez donné quelques exemples au ministre. D'un autre côté, vous revenez dans vos recommandations sur au moins une suggestion qui veut retourner, à toutes fins utiles, à l'application de la loi 253, et une autre... Enfin, je vais m'en tenir à celle-là, l'application de la loi 253. Vous recommandez aussi - c'était là le deuxième point - l'abolition du conseil sur le maintien des services essentiels qui était aussi un rejeton de la loi 59, si je ne m'abuse.

En tout cas, cela me semble contradictoire. J'aimerais que vous m'expliquiez la raison de ce retour en arrière, non pas dit dans un sens péjoratif, alors que vous estimez que cette ronde de négociations a été beaucoup plus facile, quoique là-dessus je pourrais contester certaines choses, mais je ne veux pas revenir sur ce point particulier. Précisément, pourquoi faites-vous ces deux recommandations? (fl3 heures)

M. Beaulieu: Avant d'en venir à vos questions, je ne peux quasiment pas laisser passer votre remarque sans en faire une à

mon tour. Je ne vois pas pourquoi vous n'avez pas posé la même question au Conseil du patronat ou à d'autres organismes qui passeront ici, qui, obligatoirement, devront être accompagnés de délégations. Ce que je peux répondre à cela, c'est que les centres de services sociaux ont évidemment beaucoup de femmes qui oeuvrent pour eux. On en a perdu d'ailleurs plusieurs qui sont allées à l'Assemblée nationale. C'est tout à fait une coïncidence qu'il n'y ait pas de femmes ici aujourd'hui.

Une voix: Une coïncidence qui n'est pas une incidence.

M. Beaulieu: J'en viens précisément à votre question, Mme Lavoie-Roux. En ce qui concerne le retour à la loi 25~5, je ne pense pas que notre recommandation soit un retour à cette loi. Je demanderais à M. Paradis de vous expliquer pourquoi.

M. Paradis (Jacques): Effectivement, comme nous le disons dans notre mémoire, on s'appuie sur nos expériences passées pour faire quelques recommandations dans le présent mémoire. Dans le passé, nous avons vécu, lors d'une avant-dernière négociation, sous l'égide de la loi 253, et pour la détermination des services essentiels un tiers intervenait dans l'éventualité d'un désaccord. Ce n'était pas parfait comme système. Nous avons essayé un autre système à la dernière ronde de négociations, soit celui de la suprématie de la liste syndicale. Finalement, après avoir vécu les deux expériences, nous nous sommes dit que peut-être certains éléments consécutifs à l'application de quelque chose qui ressemblerait à la loi 253 étaient meilleurs, finalement. Entre deux maux, on choisit le moindre. Peut-être qu'à ce moment une certaine forme de retour en arrière, peut-être pas intégral, était préférable au maintien d'une suprématie de listes syndicales qui nous a conduits aux situations que nous avons déplorées.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement ajouter que si le gouvernement actuel a modifié la loi 253, je ne suis pas sûre que la nouvelle formule ait été meilleure, je suis d'accord avec vous pour ça. Mais il reste qu'à la loi 253 on a trouvé aussi beaucoup de reproches à faire. Enfin, elle n'a pas été respectée, même s'il y avait une liste de services essentiels établie par un commissaire nommé par le tribunal. C'est pour cela que moi aussi, dans ce sens, je rejoins peut-être le ministre, à savoir: Est-ce qu'il n'y a pas une alternative? Vous autres, vous choisissez entre deux maux. C'est ça, finalement, votre réponse.

M. Paradis (Jacques): C'est un peu ça effectivement, à défaut de solution plus parfaite qui pourrait rallier la plupart des individus. Lorsque nous avons connu l'expérience de la loi 253, nous en étions à une première expérience, à une première étape. Devant tout système nouveau, les gens se cherchent et ont de la difficulté, à un moment donné, à se rencontrer adéquatement. Après avoir connu la deuxième expérience, peut-être que dans une troisième étape, les parties seraient mieux disposées à fonctionner dans le cadre d'une législation qui pourrait en quelque sorte ressembler un peu à l'esprit de la loi 253 où, en bout de ligne, si les parties ne s'étaient pas entendues entre elles, il n'y en avait pas une qui avait l'avantage sur l'autre. Comme on le disait dans notre mémoire, souventefois on a eu des ententes; là-dessus les statistiques ne sont peut-être pas suffisamment significatives. On a eu un certain nombre d'ententes dans les établissements, mais l'argumentation, si on veut la résumer de façon un peu caricaturale, c'est qu'on nous disait: Si vous ne voulez pas signer l'entente qu'on vous propose, on va vous déposer une liste qui va être encore inférieure à ce qu'on vous propose dans l'entente.

Encore une fois, entre deux maux, certains établissements ont dit: On va signer parce qu'on nous offre 10% et, si on ne signe pas, on va avoir 5%. Ils ont pris 10%. Dans les statistiques, on démontre qu'on a eu une entente à tel endroit. C'était une entente qui avait la valeur que je viens de vous illustrer.

Mme Lavoie-Roux: Vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Beaulieu: Excusez. Je voulais ajouter, en ce qui concerne notre recommandation d'abolition du conseil sur les services essentiels, que ce qu'il faut retenir, je pense, c'est l'idée qu'un conseil sur les services essentiels ne peut pas uniquement être là - c'est ce qu'on veut dire - pour informer la population. Il faut qu'il se prenne des décisions. Lorsqu'on recommande que des commissaires dans des cas litigieux, qui soient un tiers, prennent la décision d'établir dans un établissement donné des services essentiels, il n'est pas exclu que ces commissaires pourraient relever d'un conseil sur les services essentiels permanent. Dans ce qui est recommandé, on ne s'est pas attaché exclusivement à la mécanique. La seule chose qu'on dit, c'est que, pour les services essentiels, on devrait prendre une autre orientation. On ne devrait plus laisser croire à la partie syndicale qu'elle va établir sa propre liste à la fin en se privant d'ententes possibles dans bien des cas. C'est un peu ce qu'on veut dire, mais on n'exclut pas du tout le fait d'avoir un organisme quelconque qui soit permanent et qui s'occupe des services essentiels, mais que des

commissaires puissent être détachés de cet organisme pour trancher lorsque la situation est assez sérieuse pour les citoyens et où il n'y a pas d'entente.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais que vous nous donniez des exemples un peu plus concrets. Vous avez siqnalé, et à juste titre, quelles étaient les personnes avec qui vous travaillez, les populations cibles qui étaient l'objet de vos services, etc. Vous avez parlé de 100 000 personnes âgées et de 90 000 enfants qui peuvent être couverts par la Loi sur la protection de la jeunesse. D'une façon concrète, lors de la dernière ronde de négociations, de quelle façon - et je vais m'en tenir aux personnes âgées - ces personnes ont-elles été affectées? Cela a-t-il créé, à votre point de vue, des situations tragigues ou si elles ont eu un peu moins de services qu'elles en auraient eu autrement? On peut avancer des généralités dans des mémoires comme le vôtre ou d'autres, mais, pour nous, je pense que c'est important de savoir concrètement ce que cela veut dire.

M. Beaulieu: II faut d'abord que je vous fasse remarquer que, dans les centres de services sociaux, il n'y a eu, lors des dernières négociations, que deux qrèves, une à Québec et une au Nord-Ouest. L'ensemble des autres centres de services sociaux n'a pas été affecté. Si je prends le cas de Québec, les cadres ont assumé les services essentiels et beaucoup de salariés aussi ont accepté d'assurer des services essentiels par téléphone directement de leur domicile. On ne peut pas évaluer l'impact que ces grèves ont pu avoir sur les personnes âgées, sauf qu'on dit à ce moment-là: S'il n'y a personne qui en a vraiment souffert, ce n'est pas nécessairement une raison pour qu'on n'essaie pas de fermer la possibilité théorique que des choses semblables arrivent. C'est à ce niveau qu'on se situe, au niveau des personnes âgées.

Mme Lavoie-Roux: En fait...

M. Beaulieu: M. Paradis voudrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Paradis (Jacques): Seulement pour continuer dans la même ligne de pensée, par exemple, à l'endroit où nous avons eu une grève qui a été la plus longue, soit ici à Québec - elle a duré 22 jours - au moment où nos professionnels étaient en grève, les centres d'accueil qui accueillaient les personnes âgées n'étaient pas en grève, de telle sorte que le ressac qu'on aurait ressenti si la grève avait été simultanée a été amoindri par cette situation. On avait à s'occuper des gens qui étaient encore à leur domicile, en perte d'autonomie ou des choses semblables. Par contre, ceux qui étaient en centre d'accueil n'ont pas été avacués à cause de la grève ayant lieu dans les centres d'accueil, parce qu'elle n'existait pas à ce moment-là. Vu que cela n'a pas coïncidé, cela a été soulaqeant en quelque sorte. Mais dans l'éventualité où les conflits de travail se situeraient à la même époque - ce qui est fort probable, ce qui est habituel - la situation serait plus dangereuse.

Mme Lavoie-Roux: À votre point de vue, peut-on s'inquiéter du non-respect des services essentiels dans les centres de services sociaux dans la même mesure que, je pense, la population en général s'inquiète des services essentiels dans certains centres d'accueil ou dans des centres hospitaliers ou même dans des centres hospitaliers de courte durée? Y a-t-il les mêmes raisons de parler de services essentiels qui vont vraiment mettre en danger la santé et la sécurité des citoyens?

M. Beaulieu: Nous pensons qu'il y a lieu de considérer qu'il y a des services essentiels dans les services sociaux qui sont tout aussi essentiels que la santé, même si la population ne réagit pas immédiatement. Cela fait moins mal, les services sociaux, du moins dans l'immédiat, que les services de santé. C'est beaucoup moins palpable, les conséquences directes de cela, mais si on considère les nouvelles lois dont vous parliez tout à l'heure comme, par exemple, la loi 24 où on a garanti aux enfants du Québec qu'ils avaient des droits, lesquels sont spécifiés dans la loi, je pense que, à ce moment-là, on se doit d'être cohérent et s'assurer, par exemple, que les jeunes, même en temps de grève, puissent être vus par le DPJ et n'aillent pas en prison. Les conséquences ne sont peut-être pas les mêmes, mais, finalement, si, dans un CSS donné - je pense à Montréal métropolitain - les services sociaux d'urqence 24 heures par jour étaient perturbés ou tellement diminués qu'on ne pourrait pas répondre à tous ces cas - vous savez qu'il y a 1000 signalements par semaine au niveau de la protection de la jeunesse - il est bien évident que les policiers commenceraient à jouer leur rôle traditionnel et amèneraient les jeunes en prison.

Je pense qu'il faut que la population réalise - et c'est peut-être à nous, d'abord, à le lui faire réaliser - qu'il y a maintenant des services sociaux essentiels vis-à-vis des clientèles cibles et vulnérables. Dans les chiffres que je vous ai mentionnés tout à l'heure, il s'agit presque de 50% de la clientèle des services sociaux qui s'établit à environ 400 000 aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une dernière question. En page 10, au deuxième paragraphe, vous optez pour une solution

satisfaisante au niveau de la détermination des services essentiels. Vous ajoutez: Dans notre esprit, cependant, nous verrions l'exercice du droit de grève encadré et même suspendu dans les cas de mauvaise foi évidente de la part d'éventuels syndicats. D'une part, vous savez qu'il y a beaucoup de difficultés à établir ce qui est de la bonne et de la mauvaise foi; cela, ce n'est pas une chose facile. Cette mesure existe dans la loi actuelle, et j'aimerais que vous essayiez de développer un peu comment vous entrevoyez cette suspension du droit de grève. Est-ce que, dans le fond, vous dites: Le gouvernement aurait dû l'exercer et ne l'a pas exercé? Comment définissez-vous la bonne ou la mauvaise foi?

M. Beaulieu: M. Paradis.

M. Paradis (Jacques): Évidemment, la mauvaise foi, c'est bien difficile à prouver; au contraire, c'est la bonne foi qui est présumée en partant. Là-dessus, je pense qu'on vous suit assez facilement. Ce qu'on veut dire par là, c'est que, dans l'éventualité où il y a une entente quelconque sur des services essentiels à maintenir ou que, dans notre hypothèse, il y a une décision d'un commissaire qui a dit que tel service était essentiel et qu'il y aurait tel effectif en fonction lors d'un arrêt de travail et que, effectivement, ce n'est pas respecté, à ce moment-là, à notre avis, il faudrait que le droit de grève soit suspendu et qu'on revienne à une situation normale jusqu'à ce que les parties se soient entendues pour renégocier une nouvelle entente possible, dans notre hypothèse, ou décident de respecter la décision ou l'entente déjà intervenue. Dans ce sens, ce sont des éléments concrets où la mauvaise foi pourrait être plus facilement palpable. Évidemment, la mauvaise foi abstraite étant difficilement identifiable, je ne sais pas comment on pourrait la condamner, mais on parle de mauvaise foi évidente et concrète, qui est palpable au sens de l'exemple que je viens de donner.

Mme Lavoie-Roux: Dans la pratique, ça s'est avéré assez difficile de déterminer si ce droit est suspendu, dans le cas que vous citez, jusqu'au moment où la liste sera respectée; on parle de liste de services essentiels. Ça peut être un jeu qui va varier presque de 24 heures en 24 heures, sinon de 10 heures en 10 heures. Enfin, au plan pratique quant à l'application de ces choses, je pense que, dans le fond, ce que vous exprimez, c'est votre inquiétude vis-à-vis du fait qu'il y a des populations dont les besoins ne sont pas satisfaits. Je ne suis pas sûre que vos recommandations soient facilement applicables.

M. le Président, si vous me permettez, c'est une dernière question au ministre. Le ministre, tout à l'heure, a fait allusion aux rapports des comités d'experts qui ont été donnés au conseil pour le maintien des services essentiels. Je me demandais si le ministre accepterait de mettre ces rapports d'experts à la disposition des membres de la commission. Je pense que...

M. Marois: Pour répondre tout de suite, M. le Président, je dois dire - ce sont peut-être quelques trous de communication chez les membres de l'Opposition; je le dis en blaguant, compte tenu de l'heure, pour nous détendre un peu - que j'ai déjà fait parvenir au député de Jean-Talon copie de l'ensemble.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont les rapports d'experts eux-mêmes.

M. Marois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Parfait.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis. (13 h 15)

M. Perron: Merci. M. le Président, je voudrais relever une partie de la page 18 de votre mémoire lorsque vous mentionnez dans le dernier paragraphe: "Finalement, nous ne croyons pas à la pertinence de reconduire l'existence du Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail, conseil que la loi 59 avait créé lors des dernières négociations. " Vous continuez en disant: "Notre opinion est à l'effet que ce comité n'a malheureusement été d'aucune utilité, ne pouvant vraiment pas apprécier les situations vécues dans chacun des établissements; tout au plus pouvait-il affirmer que les listes syndicales étaient respectées, ce qui ne décrivait vraiment pas les situations réelles. "

Je comprends très bien que vous faites cette mise à part, à l'effet d'affirmer que les listes syndicales étaient respectées et vous avez mentionné, si ma mémoire est bonne, la tonne de papier qui sortait de ce conseil. Ma question s'ajoute un peu à ce que mentionnait Mme la députée de L'Acadie et je voudrais savoir ce en quoi le mandat du conseil sur le maintien des services essentiels a été déficient d'après vous. Est-ce à cause, par exemple, des délais qui étaient imposés au conseil ou qui étaient imposés par le conseil? Est-ce à cause des pouvoirs qui lui étaient dévolus ou est-ce à cause d'autres éléments que vous pourriez encore apporter pour le bénéfice de la commission?

M. Beaulieu: Je pense qu'en grande partie, cela a été dû d'abord - remarquez que, quand on fait des remarques comme cela, on ne peut pas toujours nuancer dans

un mémoire de 30 pages - à une question de "timing". Qu'est-ce que vous voulez? Ils sont arrivés tard avec du gros boulot, et, d'une part, on attribue à cela beaucoup d'éléments de distorsion qui peuvent survenir. On n'était pas assez préparé, mais on aurait peut-être été prêt, à la fin, à des négociations. Dans ce sens, les propositions qui semblent se dessiner d'un organisme permanent comme celui-là, serait un palliatif à ce genre de situation.

Quant à l'autre lacune, nous pensons qu'il s'agit d'une question de pouvoir. Nous disons qu'un conseil comme celui-là, tant qu'il n'aura qu'un pouvoir d'information, ne pourra pas jouer un rôle valable parce que ce rôle, nous, on le voit un peu plus coercitif et dans le sens de dire que ce soit vraiment un organisme neutre qui soit là pour trancher des questions, et non pas uniquement pour informer. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Perron: Oui, ça répond à une bonne partie de la question que j'avais posée. Maintenant j'en aurais une autre, puisque vous dites à la page 23: "Compte tenu des enjeux de cet ordre de décision pour la population du Québec, nous croyons que c'est pour ces représentants élus que le débat doit se faire et non par une partie seulement de cette population qui détient une force de pressions privilégiée. "

Ici, je m'adresse directement à vous, puisque vous êtes reliés aux CRSSS. Je pense que le but de cette commission, c'est d'entendre le maximum de gens, le maximum d'associations, y incluant, bien entendu, l'association dont vous faites partie. Je trouve un peu déplorable de ne pas voir de mémoire de la part des responsables des CRSSS à travers le Québec et j'en viens à une question assez précise et qui se rapporte aux plaintes pour manque de service ou de quelque autre nature que ce soit, des plaintes qui pourraient être faites par les usagers eux-mêmes. Dans cette dernière question, je voudrais que vous puissiez me dire si, d'après vous - puisque vous côtoyez tous les jours, les bénéficiaires qui ont besoin de vos services - ceux-ci sont informés, premièrement, de la possibilité qu'ils ont de porter une plainte pour défaut de service ou de quelque nature que ce soit aux conseils régionaux de santé et des services sociaux et s'ils le font? Je vous demande ça, bien entendu, parce que malheureusement, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les représentants des CRSSS ne sont pas présents à cette commission?

M. Beaulieu: J'aurais préféré, quant à moi, que vous posiez la question aux CRSSS.

M. Perron: Je vous le demande justement parce que vous côtoyez à l'intérieur de vos services, beaucoup d'usagers, d'hommes et de femmes, et même, puisqu'on parle de la loi 24, de jeunes qui sont aussi en rapport avec la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est pour cette raison que je vous demande si vous recevez des plaintes et si les plaintes sont dans le genre, par exemple, de services essentiels et si d'autres plaintes peuvent arriver dans votre milieu.

M. Beaulieu: Au niveau des CRSSS je ne le sais pas, mais au niveau des CSS, il a pu y avoir des plaintes de portées. C'est assez difficile pour nous de parler de véritables effets sur les services essentiels. Comme je vous disais tout à l'heure, les CSS n'ont pas été les plus affectés par la grève à l'heure actuelle. Il nous est assez difficile d'avoir un système de plaintes dans leguel il y aurait des clients qui auraient été affectés par des grèves. On n'a pas été dans cette situation. Je regrette vraiment de ne pas pouvoir répondre à votre question, mais je pense que les CRSSS auraient été plus en mesure que moi d'y répondre.

Le Président (M. Rodrigue): Madame... Je m'excuse, monsieur.

M. Perron: Si je comprends bien, vous n'avez pas reçu de plainte de la part de la clientèle que vous desservez, en rapport avec les services que vous donnez vous-mêmes.

M. Beaulieu: M. Gouveia.

M. Gouveia (Jean-Luc): II semble que, sans référer à des plaintes explicites, on peut tout au moins véhiculer l'impression générale et la psychologie générale du client devant toute la question qui fait matière a discussion aujourd'hui. Il est clair que dans les conversations avec les clients, de fait, il ressort souvent une préoccupation que toutes les règles du jeu concernant, par exemple, les négociations doivent se faire en référence à une pensée et à des attitudes très humaines. Il arrive souvent qu'on nous sollicite de rappeler à nos esprits que la question qui est souvent sous-jacente à la discussion sur une question strictement technique est une question qui relève des valeurs humaines et qui devrait amener une transformation des us et coutumes dans nos rapports d'interdépendance entre, d'une part, des individus et, d'autre part, des groupes dans une même société.

Il me semble quand même que c'est très latent dans les échanges relatifs à une question comme celle qui fait l'objet de nos échanges aujourd'hui. En bref, ce qui ressort le plus souvent, c'est qu'en fait il s'agit d'une question de confrontation de droits. D'une part, il y a le droit de ceux qui travaillent, mais de l'autre côté, le droit de

ceux qui doivent recevoir les services. Dans cette confrontation de droits, il est clair que c'est une question strictement de moralité entre civilisés qui appelle une primauté parfois de la loi et qui devrait se placer, comme on le sait, au-dessus des intérêts. C'est ainsi que s'exprime la pensée des citoyens.

Le Président (M. Rodrigue): Mme Harel, de Maisonneuve.

Mme Harel: D'abord, vous allez accepter que je renchérisse sur les propos de ma collèque de L'Acadie, Mme Lavoie-Roux, et peut-être rappeler à M. Beaulieu que, dans ce domaine, où il y a tant à faire, il y a toujours surenchère possible pour rappeler que s'il y a sous-représentation chronique des femmes, particulièrement à l'Assemblée nationale, c'est encore plus dramatique quand c'est dans un secteur d'emploi comme les services sociaux où, traditionnellement, on y a retrouvé des femmes.

Également, simplement une remarque préliminaire pour nous rappeler qu'en fait, on cherche si on a les mécanismes adéquats pour assurer et rassurer la population, à savoir si les services qui sont mis à sa disposition en cas de négociations infructueuses qui mènent à une grève le sont.

Dans ce sens, tout le monde va convenir que s'il y a un domaine - la commission parlementaire depuis ce matin le manifeste bien - où il ne doit pas y avoir de démagogie, c'est bien celui-là, puisqu'on recherche des solutions qui vont adéquatement répondre à la situation, tout en se rappelant ce vieil adage que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Dans votre mémoire, M. Beaulieu, je note avec beaucoup de satisfaction que les dirigeants actuels de l'Association des centres de services sociaux considèrent essentielle la question de l'urgence sociale. Je suis moi-même des services sociaux. J'ai été au Centre des services sociaux du Montréal métropolitain. Je vous rappellerai que cela tranche nettement avec l'attitude qui avait été adoptée en 1971 de la part de la partie patronale qui avait décrété un lockout de dix semaines et qui avait privé la population du Québec, pendant dix semaines, pendant deux mois et demi, de services sociaux. Je note donc avec satisfaction que, dans l'esprit des dirigeants actuels, les services sociaux font partie de ce qu'on considère essentiel dans notre société.

J'aurais une question à vous poser sur les recommandations que vous faites. Mme Lavoie-Roux y a fait beaucoup référence et cela ne m'a pas paru satisfaisant comme réponse. Vous préconisez que, dorénavant, il y ait un certain retour à ce qu'on connaissait au moment de la loi 253, c'est-à- dire qu'il y ait négociation, avant l'obtention du droit de grève pour les services essentiels et, en cas de désaccord entre les parties, qu'il y ait recours à un commissaire-enquêteur au sens de ce qu'on a connu avec la loi 253.

Mes questions sont les suivantes: Comment peut-on penser que cela puisse donner de meilleurs résultats que ceux qu'on a connus avec le conseil sur le maintien des services essentiels et la loi 59 quand on sait, par exemple, qu'avec la formule des commissaires-enquêteurs, il y a eu un total de quarante ententes négociées et qu'il y en a eu au-delà de 500 par le biais de ce qu'on a connu avec la loi 59? C'est nettement une amélioration ce qu'on a connu par rapport au passé. Pourquoi préconiser ce retour qui ne bénéficiait en rien à la population du Québec, d'une part? D'autre part, l'imposition d'une liste en cas de désaccord ne pourrait-elle pas amener en fait les parties à attendre, de part et d'autre, compte tenu de la présence d'un tiers qui va imposer une telle liste? N'apporte-t-elle pas une incitation beaucoup moins grande - à preuve les chiffres que je vous citais tantôt - à en arriver à une entente sur le plan local? Le premier objectif qu'on a à poursuivre n'est-il pas cette entente sur le plan local, puisque les personnes qui auront à appliquer l'entente seront celles-là mêmes qui l'auront signée? Est-ce que le fait de confier cela à un tiers, ne vient pas d'autant compliquer la bonification des ententes ou de la liste déposée au moment où, dans la réalité, il y a lieu de la modifier? Je vous rappellerai qu'il y a eu des ententes et que des listes ont été améliorées après le dépôt, en vertu de ce qu'on a connu en 1979. Si cela avait été imposé, pensez-vous qu'on en serait arrivé au même résultat et pensez-vous que l'incitation serait la même?

M. Beaulieu: Au niveau de votre remarque préliminaire, en ce qui concerne l'urgence sociale - je ne voudrais pas revenir au passé - mais je voudrais simplement souligner que les services sociaux ont subi, depuis sept ou huit ans, comme je le disais, une évolution considérable et qu'en 1971 ce que les cadres des services sociaux pouvaient assurer comme services à la clientèle était peut-être suffisant pour les besoins et les appétits de la population du moment, vu qu'il n'y avait pas d'autre léqislation. En tout cas, je ne reviendrai pas là-dessus.

En ce qui concerne les services essentiels, je pense que, finalement, on essaie de rejoindre exactement les mêmes objectifs que ceux que vous poursuivez. Lorsque vous dites: II y a 500 ententes qui ont été réalisées la dernière fois par rapport à environ 40 sur 253, on est pleinement d'accord et on ne veut pas revenir à la loi 253. La seule chose, c'est qu'on voudrait

qu'il y ait encore plus d'ententes qui soient siqnées. Je pense que dans notre mémoire, en tout cas, on insiste beaucoup sur la négociation locale et sur l'entente locale. Vous remarquerez - je ne l'ai pas mentionné tout à l'heure dans le résumé - qu'on préconise même qu'il puisse y avoir un changement de l'entente par accord entre les parties au niveau local, sans que cela ne revienne devant les commissaires. On ne préconise pas non plus, comme d'autres, qu'un commissaire ou une autre personne responsable des services essentiels puisse changer l'entente des parties. Vous remarquerez qu'on s'en tient uniquement à ce niveau et que, dans notre recommandation, l'entente entre les parties est primordiale et peut même être changée par entente entre les parties. (13 h 30)

La raison pour laquelle nous pensons nous en aller vers une amélioration plutôt que vers un retour à la loi 253, c'est qu'on se dit que si, à la dernière ronde, il y a eu quand même un bon nombre d'ententes qui ont été siqnées, on se dit aussi qu'il y a des cas - sans donner d'exemple concret, sans personnaliser, on en connaît, on identifie des endroits - où peut-être il y aurait eu entente, s'il n'y avait pas eu cette possibilité que la partie syndicale dise: La liste qu'on va décréter sera meilleure que l'entente qu'on va signer. Je ne vous dis pas que cela a été général, mais, encore là, on peut peut-être apporter des problèmes théoriques, qui n'en sont pas nécessairement, mais il faut voir que les lois donnent aussi des ouvertures qui sont théoriques et il faut voir à ce que ces possibilités soient fermées. M. Paradis voudrait peut-être ajouter quelque chose?

M. Paradis (Jacques): C'est qu'il y a eu peu d'ententes selon la loi 253, mais les décisions des commissaires étaient souventefois meilleures que les listes syndicales qu'on a connues au cours de la dernière négociation.

Mme Harel: Très rapidement, est-ce que la partie patronale, pour ne pas avoir à se compromettre sur l'établissement de services essentiels, ne serait pas plutôt incitée à ne pas signer d'entente?

M. Paradis (Jacques): C'est qu'on présume une mauvaise foi en partant, à ce moment-là, ce à quoi on ne souscrit pas, nous. On présume de la bonne foi des parties pour autant que les mécanismes favorisent cette bonne foi. On l'a souligné dans le mémoire: on privilégie la négociation locale de cette question-là parce que ce sont les parties les mieux habilitées à pouvoir effectivement y trouver une solution. Qu'on trace par un mécanisme quelconque des paramètres qu'on pourrait qualifier de provinciaux, très généraux, et que chaque partie locale leur trouve une application quelconque en tenant compte de son contexte particulier, je pense que c'est peut-être même souhaitable. Mais on est d'avis que c'est avant tout des parties locales qui peuvent trouver une solution à ce genre de problème là et, dans l'éventualité où l'expérimentation est négative, qu'on se revoie et qu'on la négocie à nouveau, de préférence à toute décision d'un tiers. Le pire règlement hors cour, comme on dit souvent, est meilleur que n'importe quelle décision d'un juge et, dans ce contexte-là, on marche dans ce même système.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à quinze heures cet après-midi, alors que nous commencerons par l'audition du mémoire de la Confédération des syndicats nationaux.

(Suspension de la séance à 13 h 35)

(Reprise de la séance à 15 h 04)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Cet après-midi, nous débutons par l'audition du mémoire de la Confédération des syndicats nationaux qui est représentée par son président, M. Norbert Rodrigue.

M. Rodrigue, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Confédération des syndicats nationaux

M. Rodrigue (Norbert): Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs, mesdames, je voudrais d'abord vous présenter ceux et celles qui m'accompagnent: Francine Lalonde, à ma droite, présidente de la Fédération nationale des enseignants québécois, Jean-Francois Munn, qui est le coordonnateur des négociations dans le secteur public à la CSN. À ma gauche, Simone Massé, qui est vice-présidente de la Fédération des affaires sociales, Pierre

Lanouette, qui est secrétaire de la Fédération des employés de services publics, et Louise Rochon, vice-présidente de la Fédération des professionnels salariés et cadres du Québec.

Je me contenterai, dans un premier temps, de lire le mémoire de la CSN. J'espère respecter le délai qui m'est permis.

L'entrée en vigueur du Code du travail en 1964 marque la reconnaissance du droit de grève dans les services publics. Cette reconnaissance s'est imposée à cause de l'action menée par les travailleuses et les travailleurs de ce secteur. Ainsi, en 1963, 10 000 employés de soutien des hôpitaux menacent de débrayer pour appuyer la lutte des infirmières de l'hôpital Sainte-Justine. En 1964, la grève du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal emporte la reconnaissance du droit de grève dans les hôpitaux par le Parlement de Québec. Cette grève de six heures a eu lieu au moment où siégeait la commission parlementaire qui étudiait la refonte du Code du travail.

Depuis lors, il s'est trouvé peu de négociations qui n'aient donné lieu, dans un secteur ou l'autre des services publics, à la négociation plus ou moins avouée du droit de grève et, conséquemment, du droit à la libre négociation.

Sur la période de 1967 à 1980, plus de 15 lois spéciales ont été adoptées par le gouvernement du Québec, soit pour forcer le retour au travail, soit encore pour réglementer l'exercice de la grève de telle manière que le recours devienne inopérant, soit plus directement pour décréter les conditions de travail des salariés du secteur concerné, sans compter le nombre imposant d'ordonnances d'injonctions émises pendant cette période dans le secteur des affaires sociales notamment, plus de 50, lesquelles visaient à empêcher la grève ou à y mettre fin.

Lorsque le patronat et les politiciens cherchent à réduire les droits des travailleurs et travailleuses, c'est pour les empêcher de préserver leurs acquis et d'améliorer leurs conditions d'existence.

Dans le contexte de crise économique que nous traversons, il n'est pas étonnant de constater la convergence des discours du patronat et d'un grand nombre de politiciens sur les mesures susceptibles de briser la résistance des travailleurs et travailleuses pour leur faire assumer les frais de la crise économique.

Cette nouvelle attaque concertée, particulièrement durant les récents mois, ne concerne pas seulement le droit à la libre négociation. Ce qui est ultimement recherché, c'est la remise en cause des acquis arrachés par nos luttes syndicales. On cherche, en quelque sorte, à désarmer les travailleurs et les travailleuses en vue d'une prochaine offensive patronale.

À travers les milliers de travailleurs et de travailleuses de l'électricité, du gaz, du téléphone, des municipalités, des chemins de fer et autres services de transport, et plus encore à travers les salariés de l'État, travailleurs et travailleuses de l'éducation, travailleurs et travailleuses des affaires sociales ou des organismes gouvernementaux, ce sont les conquêtes qui profitent à toute la population qui sont à nouveau, quant à nous, remises en question.

C'est l'expérience vécue aux tables de négociation depuis plus de quinze ans qui nous permet d'affirmer que les propositions patronales recherchent la mobilité, la réduction des postes et services, l'organisation du travail amenant une déshumanisation des soins, bref, la diminution des services et de la qualité des services.

Le dernier budget du gouvernement dramatise encore davantage cette diminution des services et de la qualité des services.

Cela me tenterait de citer une chanson d'un chansonnier québécois, à ce moment-ci, qui dit ceci: "À semer du vent de cette force-là, tu te prépares une jolie tempête, peut-être ben que tu t'en aperçois pas. "

Nous l'avons affirmé, quant à nous, à plusieurs reprises dans le passé et nous le soutenons encore aujourd'hui: chaque fois qu'un progrès est acquis dans les conditions de vie de la population, c'est parce qu'il y a eu des luttes syndicales et populaires qui en ont forcé l'accomplissement.

Tous les progrès sociaux, si minces et si fragiles soient-ils, sont souvent présentés comme le résultat automatique du développement économique, ou comme découlant des décisions prises par les employeurs et les gouvernements pour assurer ce développement. En effet, puisque l'industrialisation permet de produire davantage en moins de temps, ne serait-il pas normal que le sort de tout le monde en soit amélioré?

Mais, en réalité, les travailleurs et travailleuses ont toujours été obligés de se battre pour tirer de cette production accrue de quoi subvenir à leurs besoins les plus fondamentaux. Et toujours ils se sont heurtés à un discours dominant qui présentait leurs revendications soit comme excessives, impossibles à satisfaire, et même dangereuses pour le développement économique.

Aujourd'hui, par exemple, on n'imagine pas un homme politique s'opposer à l'instruction publique obligatoire et défendre la thèse que les enfants devraient entrer sur le marché du travail à l'âge de douze ans, et on voit mal un journal soutenir une campagne pour la semaine de 60 heures, on ne conçoit même pas qu'une association patronale puisse le faire.

Alors, qui a fait en sorte que le niveau général des salaires soit relevé pour qu'on puisse manger mieux, se loger mieux,

travailler moins longtemps, prendre le temps de se reposer et protéger sa santé?

Ce ne sont certainement pas les patrons de 1843, qui réduisaient les salaires du tiers au canal Lachine et appelaient l'armée. Ce n'est pas non plus le Conseil du patronat du Québec qui, lui, s'oppose encore à toute augmentation du salaire minimum en 1981.

Ce ne sont pas davantage quelques élites politiques et intellectuelles qui, aujourd'hui comme hier, s'emploient à répandre dans la population les thèses patronales justifiant les bas salaires, les conditions de travail dangereuses, le chômage, les fermetures, la pollution, au nom du développement économique.

Ceux qui ont entraîné l'amélioration des conditions de vie de toute la population, ce sont les travailleurs et les travailleuses qui se sont organisés en syndicats pour donner de la force à leurs revendications, par la grève au besoin, malheureusement, parce qu'ils sont les derniers à la désirer. Ce sont eux les véritables moteurs du progrès social. Car, lorsqu'un groupe fait un gain guelque part, cela sert de point d'appui pour l'avancement des autres groupes qui se battent pour les mêmes raisons fondamentales. Tous les gains ainsi obtenus relèvent le plancher des conditions minimales consenties aux non-syndiqués.

Par exemple, la conquête des 100 $, en 1972, a eu pour effet immédiat le relèvement général des bas salaires dans tous les secteurs d'activité du Québec; le gouvernement a dû relever le salaire minimum en conséquence et les mêmes effets ont été obtenus dans les autres rondes de négociation.

Quant au système de production dans lequel nous évoluons, qu'il s'agisse de la production de biens tout autant que de la production de services, les travailleurs ne contrôlent ou ne possèdent ni les capitaux ni les outils de production; leur seule propriété, c'est leur force de travail.

Par le rapport de forces qu'elle établit, la grève oblige à la négociation, elle donne existence à la négociation en vue de convenir des conditions meilleures. Elle tend à restreindre la prise de décisions unilatérales et à faire reculer les frontières de l'arbitraire.

Certains ont tendance à oublier parfois que ces notions de droit de grève, liberté d'association, négociation de convention collective sont le fruit des luttes de milliers de travailleurs et de travailleuses. Chaque fois que, dans l'un ou l'autre des secteurs d'activité, le droit de grève est remis en question, c'est en même temps le droit à la libre négociation qui est menacé, ainsi que le principe de la liberté d'association.

La négociation et la grève, parfois nécessaire, tendent à la transformation de la réalité. À l'origine, elles permettaient aux travailleurs de négocier la transformation de leurs conditions immédiates de travail: la réduction des heures; l'abolition du salaire à la pièce; la promotion seulement de l'ancienneté et l'augmentation des salaires.

Progressivement, et par le développement de la syndicalisation s'élargissaient les champs de négociation pour s'appliquer aux matières telles que: définition et classification des emplois, mise en place de régimes collectifs d'assurance, mesures de protection en cas de réduction ou cessation d'activités, liberté d'action syndicale.

Nos efforts pour imposer la reconnaissance du droit au travail, à l'égalité homme-femme dans le traitement, du droit à l'environnement de travail qui assure la sécurité et la santé des travailleurs et travailleuses, la reconnaissance du principe du salaire décent pour tous, de la fonction sociale de la maternité et de la paternité tendent à l'amélioration de notre condition même de travailleurs.

La négociation tend ainsi à dépasser l'état de droit existant, à arracher des changements qui soient conformes aux aspirations des travailleurs et travailleuses.

Prenons-en pour exemple les revendications des travailleurs et travailleuses d'hôpitaux, au début des années soixante notamment, qui portaient avec elles la nécessité de modifier en profondeur le système de gestion des hôpitaux et, accessoirement, favorisaient la prise en charge de ces institutions par l'État.

Les employés d'hôpitaux, lors de la première négociation provinciale en 1966, ne qualifiaient-ils pas alors leur grève de lutte qui allait "changer la face des hôpitaux"? II est significatif de rappeler que ce conflit a pris fin quand on annonça la tutelle gouvernementale sur les hôpitaux.

Il en est de même, à un niveau moindre, lorsque les travailleurs et travailleuses parviennent à imposer aux employeurs certaines contraintes au plan de la gestion des effectifs, que ce soit en matière d'abolition de postes ou en matière de remplacement de personnel.

On ne saurait s'illusionner assez pour croire que, dans le régime actuel, l'État reconnaîtrait ces nécessités, ce qui donnerait alors au droit de grève un caractère superflu. Qu'on songe seulement aux mobilisations que doivent déployer les travailleurs et travailleuses à chaque renouvellement de convention collective, aux seules fins de préserver les acquis des négociations précédentes.

C'est une partie importante des besoins de changement qui s'exprime à travers les revendications et ces besoins sont clamés avec d'autant plus de force que le front de concertation qui les porte est large.

À cet égard, le front commun, par

l'importance des conventions qu'il permet de négocier, entraîne des améliorations significatives pour l'ensemble de la société.

Les luttes syndicales permettent souvent aux aspirations populaires de s'imposer dans le débat politique. (15 h 15)

La convergence des revendications syndicales révèle l'existence de problèmes communs à toutes les classes populaires comme l'insuffisance du salaire, l'insécurité de l'emploi, les conditions dangereuses, l'insalubrité, les cadences, l'absence de toute emprise sur l'organisation et les finalités du travail, la négation de toute créativité, les discriminations de toute nature, les diverses formes de mépris.

Les grèves qui ont eu lieu pour transformer ces situations montrent l'incapacité de la société à satisfaire une foule de besoins qui sont vivement ressentis. Et de ce fait, les grèves projettent dans le débat politique les aspirations des classes populaires au progrès social.

Ainsi, les luttes contre les maladies du travail montrent les limites de la médecine traditionnelle face à ce problème social d'envergure et rejoignent les préoccupations des premières cliniques populaires qui ont imprimé aux CLSC une orientation vers une médecine préventive un peu plus soucieuse de tenir compte des facteurs collectifs dans les causes et le traitement des maladies.

De même, les luttes pour l'égalité d'emploi et de salaire entre les hommes et les femmes ont contribué à une prise de conscience populaire très large des problèmes suscités par le sexisme dans la société et des revendications de nature à améliorer les conditions pouvant rendre possible le travail social des femmes. La lutte et la victoire des travailleurs et travailleuses du Front commun du secteur public de 1979 pour l'obtention du congé maternité payé et les autres droits parentaux permettent aux travailleurs et travailleuses d'avancer sur ce plan et d'étendre à l'ensemble ces revendications.

En permettant de poser les problèmes sociaux avec la force nécessaire pour qu'ils soient débattus et résolus démocratiquement, pour que les pouvoirs économiques et politiques ne puissent les éviter, le droit de grève se trouve à être garant des autres droits démocratiques.

Les luttes syndicales ont permis de conquérir progressivement le droit à l'éducation et le droit à la santé.

Dans les affaires sociales, les syndicats ont résisté aux coupures de postes et aux tentatives de dépersonnalisation du travail, ce qui aurait eu pour effet de réduire les services à la population.

Dans les cégeps, où les coupures budgétaires menacent également la qualité de l'enseignement, les travailleurs se sont préoccupés de la tâche de 1968 à 1976. En utilisant des moyens de pression comme le gel des cours à certains moments, ils combattaient la rigidité de la norme 1-15 qui entraînait un manque de professeurs dans certains collèges à cause du poids relatif de l'enseignement professionnel.

Ils ont finalement eu gain de cause et obtenu une augmentation d'environ 10% du nombre de professeurs dans l'ensemble des collèges.

Tout cela est vrai aussi pour le personnel de soutien de ces institutions, que ce soit à la cafétéria, à l'entretien ou dans la question des équipements, parce que cela est déterminant pour la condition qui est faite aux enfants qui ont à fréquenter nos institutions scolaires.

Les travailleurs et travailleuses concernés constituent la première ligne de défense contre cette nouvelle attaque visant à faire reculer les droits de la santé et de l'éducation. Mais pour assurer cette défense, leur droit de grève est nécessaire, comme il l'a été pour la conquête de ces droits et comme il le sera pour les faire avancer encore.

Il va sans dire que les rapports de forces dans les services publics ne se situent pas sur le même plan que dans l'entreprise privée, à cause de la nature de l'employeur.

Une grève dans un établissement de santé ou dans une école ne vise pas et n'a pas, non plus, pour effet de priver l'entreprise de profits, contrairement à ce qui se passe généralement dans l'entreprise.

La grève des salariés de l'État alerte l'opinion publique qu'un problème réel est vécu et exige de l'État employeur sa contribution a la formation d'une entente.

La substitution des rôles utilisée par l'État employeur et l'État législateur n'est pas une contribution, quant à nous, au dénouement des conflits. L'histoire des négociations de 1972, 1976 et 1979 en témoigne. La tentation est grande pour l'État employeur d'exploiter l'inquiétude légitime de la population, fort en cela de l'appui ponctuel des médecins, des médias et du patronat, en vue de préparer le terrain pour l'imposition d'une loi spéciale ou d'une batterie d'injonctions susceptibles de faire basculer en sa faveur le rapport de forces et d'ainsi imposer ses vues.

L'histoire récente des quinze dernières années a fait la preuve qu'en fait, en agissant ainsi, les gouvernements ont contribué à aggraver les conflits. La rationalité des choix du gouvernement n'est pas forcément fonction du mieux-être des travailleurs ou du maintien du niveau de qualité dans les services publics. Comme l'actuel ministre des Finances le reconnaissait dans un article qu'il signait dans le journal Le Jour du 23 janvier 1976: " À l'époque où il n'y avait pas de syndicat

dans les secteurs public et parapublic, l'Ftat du Québec a écrasé les travailleurs, les a bafoués, les a exploités sans vergogne".

Aujourd'hui, lorsque le ministre des Finances propose de réduire de plusieurs centaines de millions de dollars les budgets consacrés aux dépenses de santé ou d'éducation des Québécois, il menace, quant à nous, par ses décisions, non seulement les standards de soins ou d'éducation, mais également le niveau des conditions de travail des salariés.

La négociation est un moment où, par le biais de nos revendications, nous sommes amenés à discuter ces choix politiques du gouvernement-employeur.

Comment est-il convenable que le gouvernement, qui, dans la négociation avec ses salariés, est partie liée, puisse se poser par ailleurs en arbitre qui, d'autorité, réglementerait l'utilisation du recours à la grève?

Par sa fonction d'employeur, le gouvernement dément cette prétendue neutralité qu'il invoque pour justifier l'imposition de mesures spéciales qui modifient arbitrairement les règles du jeu de la libre négociation.

Si nous admettons, au départ, que les grèves dérangent et inquiètent des secteurs de la population - parce qu'on l'admet, on le reconnaît, on est sensible à cette question-là aussi - nous refusons d'endosser l'opinion que certains ont intérêt à répandre de façon démagogique selon laquelle les grèves seraient des opérations de prises en otaqe en quelque sorte dirigées par des hordes barbares.

Nous affirmons, au contraire, que les hommes et les femmes qui travaillent quotidiennement dans les institutions de santé n'ont de leçon d'humanité à recevoir de personne, fussent-ils administrateurs, médecins, éditorialistes ou politiciens. Ce sont eux qui, dans la réalité, en dehors des deux jours ou des quelgues heures de grève, assument quotidiennement ce que les bien-pensants déclarent dans les journaux.

Le scandale permanent constaté dans les salles d'urqence, par exemple, et mis en évidence récemment dans une série d'articles du journal La Presse n'autorise personne, à notre avis, à porter des jugements à caractère moralisateur sur le comportement des travailleurs et travailleuses qui, tout en assurant les services essentiels, cessent de fournir leur travail habituel, surtout lorsque ces débrayages cherchent justement à résoudre des situations semblables.

Ce ne sont pas les éditorialistes qui donnent écho au fait qu'en temps normal les interventions chirurgicales sont reportées après qu'on a fait attendre le patient toute la journée à jeun. Des services sont fermés, des dizaines d'établissements pour malades chroniques fonctionnent à l'année longue avec le personnel tout juste suffisant pour répondre aux besoins minimaux des patients.

Ceux qui affirment le caractère absolu du droit du patient sont contredits tous les jours dans les hôpitaux, les centres d'accueil, les CLSC parce que l'accès du patient aux services de santé est assujetti à des contraintes budgétaires qui portent atteinte à son droit à la plénitude des soins.

Cette situation vécue quotidiennement est d'autant plus grave à notre avis que celle d'une grève qui déchaîne les hauts cris.

Au moment où s'élèvent ces clameurs démagogigues, que se passe-t-il réellement dans les institutions? Il se passe, et c'est l'expérience qui nous l'enseigne, que le syndicat et l'hôpital discutent de la manière d'assurer la présence d'employés (es) en salles d'accouchement, ou aux services des soins intensifs, ou encore du nombre de personnes affectées à l'entretien ménager ou à la buanderie, parce que des impératifs de réalité s'imposent aux hommes et aux femmes en grève sans qu'ils n'aient besoin de loi pour les leur rappeler.

Ayant à assumer quotidiennement les soins aux bénéficiaires, les travailleurs et travailleuses sont à nos yeux davantage capables d'être solidaires des usagers des services de santé en période de grève que ne peuvent l'être les administrateurs, les médecins, les politiciens et les experts.

Qu'ils soient du privé ou du public, les syndicats ont au sujet des services essentiels une tradition qui les conduit à prendre les mesures nécessaires pour éviter que leur outil ne se brise, que leur machinerie ne soit détruite ou que des torts irréparables ne soient causés à la santé d'autres travailleurs.

J'invite dans quelques semaines la commission parlementaire et tous les parlementaires à lire l'histoire de la CSN, qu'on va publier. C'est 60 ans d'existence, malgré toutes les tentatives qu'on pourrait qualifier de déstabilisation ou autres manoeuvres. On veut dire qu'elle elle existe encore. On publie cette histoire et j'espère qu'elle va démontrer justement ce souci de la classe ouvrière, c'est-à-dire tenir compte de cette réalité au cours de ces 60 ans d'existence.

À QIT, les travailleurs donnent les tours de clés indispensables pour que les hauts fournaux ne soient endommagés. Au Gaz métropolitain, on fournit les services pour répondre aux appels d'urgence, soit le feu, l'explosion, la fuite de gaz et les appels en ce qui concerne les absences de chauffage. "Les services essentiels, nous dit le président du syndicat, se sont entendus avant de tomber en grève... C'est le syndicat qui décide qui il affecte sur le service. On détermine le nombre de personnes avec des "jobs" déterminés sur quarts de travail déterminés. "

Chez les travailleurs de la santé, la pratique est constante depuis la première grève nationale de 1966. À cette époque, les travailleurs avaient offert à plusieurs reprises de négocier les services essentiels. Devant le refus des patrons d'en discuter, les syndicats ont décidé de les établir et de les maintenir.

Un bref rappel. En 1972, à l'occasion de la grève du front commun qui devait durer dix jours, les travailleurs de la santé cherchent à nouveau à établir des ententes avec les employeurs sur le maintien des services essentiels.

Dans un certain nombre d'établissements, des ententes sont conclues. Dans les autres, toute offre syndicale est fermement refusée. L'établissement préfère se tourner vers le juge pour obtenir une injonction.

Les ententes conclues à cette époque sont plus ou moins sophistiquées. Alors que certaines prévoient un dispositif plutôt simple, d'autres sont beaucoup plus élaborées. Lors du front commun de 1975, les syndicats connaissent une autre forme d'entrave majeure à l'exercice du droit de grève, par le biais d'une loi dont l'objectif prétendu est d'assurer le maintien des services essentiels.

Dans les faits, cette loi - la loi 253 -prévoit qu'à défaut d'entente entre les parties locales, un commissaire est chargé d'intervenir pour imposer par décision le niveau de services qu'il juge essentiel. L'expérience de cette loi illustre bien jusqu'à quel point il est possible de se servir de modalités relatives à l'exercice du droit de grève, notamment en matière de services essentiels, aux fins de rendre inopérant, inapplicable même, le recours à la grève.

Malgré que les négociations étaient commencées entre le syndicat et les patrons pour déterminer le fonctionnement des services essentiels, le projet de loi est déposé à l'Assemblée nationale. La partie patronale se retire alors des travaux amorcés. La loi confie à un tiers le soin de déterminer le niveau des services essentiels, advenant l'échec des négociations locales.

On observe pour cette période les faits suivants: un nombre important d'établissements refusent de reconduire en négociation directe les ententes qui étaient intervenues en 1972; dans un grand nombre d'établissements, l'employeur situe les services essentiels à un niveau tellement élevé qu'il rend inutile le recours à la grève, provoque le refus par le syndicat d'y consentir et amène l'intervention du commissaire-arbitre; dans certains hôpitaux, tels que Charles-Lemoyne, Sainte-Marie, de Trois-Rivières, le commissaire décrète que le maintien des services essentiels nécessite la présence de tout le personnel habituellement en poste et, même plus; à l'hôpital du Saint-Sacrement, de Québec, dans certains départements, le commissaire accorde plus de monde qu'il n'y en a normalement ou que l'employeur lui-même n'en avait demandé.

Plus aberrant encore est le cas d'hôpitaux qui, devant le commissaire, invoquant la nécessité pour assurer les services essentiels de maintenir à leur poste 75% des effectifs habituels, décréteront, au bout de quelques heures de grève, un lockout de treize semaines.

Il se trouvera malgré tout quelques hôpitaux pour accepter, décision favorable en main, de reprendre les négociations avec le syndicat pour une solution négociée.

Le bilan judiciaire - je fais simplement le rappeler - pour 1975: poursuites contre 5777 salariés, 409 officiers de syndicat, 233 syndicats.

À l'occasion de ces arrêts de travail, les services essentiels ont été assumés par les travailleurs et travailleuses à partir de l'identification des besoins auxquels ils avaient procédé eux-mêmes.

Voyons un peu 1979. Les travailleurs du réseau des Affaires sociales s'apprêtent à nouveau à assumer en 1979 la prise en charqe du maintien des services essentiels. Là où les parties n'ont pu parvenir à une entente négociée, le syndicat procède à établir la liste des services qui doivent être maintenus en temps de grève ainsi que le nombre des travailleurs et travailleuses nécessaires à son application.

Après avoir reconnu la fonction des syndicats en matière de services essentiels, le gouvernement - fait sans précédent -suspend l'exercice du droit de grève dans les services publics avant même que le recours n'ait été exercé.

Non seulement le gouvernement suspend-il ainsi le droit de grève, mais il s'ingère directement dans le fonctionnement démocratique des syndicats en prescrivant l'obligation de soumettre ses offres dans des délais précis.

En dépit des tentatives soutenues d'un paquet de monde, appuyées par le sensasionnalisme de certains médias pour discréditer l'action des syndicats, aucun problème impliquant des patients et la manière dont les services leur étaient dispensés n'a résisté à l'examen qu'en a fait le conseil sur le maintien des services essentiels. Le rapport du conseil - je le rappelle, il y en a qui ont parlé ce matin des propositions qu'il contient - fait état d'un bilan positif lors de cette expérience dernière à l'occasion des négociations sur la question des services essentiels. Quant à nous, nous pensons qu'il y a là quelque chose d'important.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, d'abord, remercier la Confédération des

syndicats nationaux de son mémoire. Je me permettrai une première remarque et, par la suite, une question. Si je comprends bien - je ne voudrais pas mal interpréter le mémoire qui nous est présenté - ce que vous nous recommandez, c'est de maintenir le statu quo, l'état actuel des choses.

Ce matin, en introduction, j'ai bien expliqué, j'espère, le plus clairement possible, pourquoi nous croyons, du côté gouvernemental, que ce serait comme une espèce de solution magique, mais qui nous mènerait littéralement au chaos social, que de penser que retirer le droit de grève serait une piste valable pour tenter de régler un certain nombre de problèmes vécus, appréhendés, qui font partie du domaine de ce que j'appellerais l'anxiété générale qui peut être perçue par la population. Je pense à la distinction tout au long de votre mémoire entre la réalité, les faits têtus, la façon dont les choses se sont passées, et les perceptions parfois alimentées, dans certains cas - il faut le dire - avec parfois beaucoup de sensasionnalisme. (15 h 50)

Ceci étant dit, ça fait aussi partie des perceptions qu'ont les citoyens et les citoyennes. Cependant, en même temps, ce matin, j'indiquais bien clairement notre préoccupation fondamentale. Non pas la seule, parce que nous pensons qu'il y a peut-être place pour des améliorations du mécanisme même de négociation; on est bien prêt à regarder toute recommandation qui pourrait nous être faite dans ce sens pour faciliter les choses sur la base des expériences vécues. Nous disions également, ce matin, qu'à notre avis, le droit... Je pense que vous le reconnaissez très clairement; ça doit être dit et redit, je crois qu'on ne le redira jamais assez et je pense que vous le reconnaissez très nettement dans votre mémoire. Vous dites que les faits même de vos attitudes concrètes concourent, dans ce sens, à reconnaître le droit fondamental des hommes et des femmes du Québec à avoir accès aux services essentiels en période de perturbation. Sur cette perspective de fond, je pense qu'il y a place pour un large consensus de base.

C'était une remarque préliminaire, en même temps qu'une certaine forme d'interprétation de votre mémoire. J'espère que je n'ai pas biaisé ou mal interprété des choses fondamentales. Vous nous proposez donc le statu quo. Pour être très concret, encore une fois, les choses se passent souvent au niveau des perceptions que les hommes et les femmes en ont bien plus que dans la façon dont les choses se passent réellement; je pense que la distinction est importante.

Dans le cas des affaires sociales, d'après les chiffres que j'ai - il se peut qu'on se trompe sur un ou deux morceaux - comme ordre de grandeur, à l'intérieur de la Fédération des affaires sociales, il y avait, lors de la dernière ronde de négociations, 433 unités d'accréditation. Il y a eu 197 ententes qui sont intervenues sur les services essentiels, c'est-à-dire que la partie syndicale et la partie patronale se sont entendues dans 197 cas. Il y a eu, dans 218 cas, ce qu'on appelle la liste syndicale qui a été déposée. Comme le prévoit la loi, présentement, lorsqu'il n'y a pas entente entre les parties, le syndicat dépose une liste de services essentiels. Il y a donc eu 218 listes qui auraient été déposées.

À l'intérieur de ce bloc de 218 listes, 41 listes - on voit déjà que les proportions se réduisent - ont été déposées qui étaient, comme on dit dans le jargon, des listes à zéro. Pour qu'on se comprenne et que le monde nous comprenne, ce sont, à toutes fins utiles, des listes où on dit: II y a suffisamment de cadres à l'intérieur pour assumer et donner les services essentiels, si tant est qu'il y a des services essentiels à donner aux citoyens. Il n'est donc pas nécessaire, du point de vue du syndicat qui dépose une liste à zéro, qu'il y ait des syndiqués qui soient présents.

Lorsqu'on examine les 41 cas de listes déposées à zéro, dans 7 cas, il n'y a pas eu grève, donc pas de problème dans les faits, dans la réalité. Je pense que ça doit être dit. Dans 34 autres cas, toujours sur les 41, il y a eu effectivement grève, mais je dois tout de suite dire, parce que je ne veux pas qu'on se comprenne mal, que les services essentiels, d'après les rapports et les expertises, ont bel et bien été assurés oar les travailleurs et les travailleuses; je ne veux qu'il y ait d'ambiguïté là-dessus. C'est le tableau; il se peut que l'on se trompe, mais ce sont les chiffres qu'on m'a communiqués et qui proviennent des rapports d'expertises. Mais je ne voudrais pas qu'on s'accroche aux chiffres si tant est que dans un cas ou deux cas il puisse y avoir erreur. Encore une fois - je tiens à le répéter parce que c'est important et que ça permet aussi de nous ramener à la réalité telle qu'elle est vécue - dans 34 cas où il y a eu grève, les services essentiels, d'après les rapports - il y a peut-être eu des accrochages en cours de route - ont été effectivement donnés aux citoyens par les travailleurs syndiqués.

Vous reconnaissez, et je pense bien que tout le monde l'admet, que, quand arrive une période de grève, forcément ça inquiète. Je vais prendre simplement l'expression que vous utilisez vous-mêmes dans votre mémoire. On voit bien qu'il y a un écart entre certains gestes posés, la réalité de la pratique des choses et l'impression créée dans un climat où forcément les gens deviennent plus inquiets, plus anxieux. Le dépôt d'une liste à zéro, quand ça se sait, est-ce que vous ne pensez pas que ça contribue largement à

alimenter non seulement le climat d'inquiétude, mais on parle de sensationnalisme et vous l'évoquez, à l'alimenter joyeusement? C'est la question que je me pose et que je vous poserais à ce sujet, d'autant plus qu'on constate par la suite, malgré des listes déposées à zéro, que dans certains cas il n'y a même pas eu grève et que, dans d'autres cas où il y a eu grève, les services essentiels ont été assumés. Alors, on part de la liste à zéro qui est cette image qui déjà ajoute au climat d'anxiété ou d'inquiétude, peu importe, on peut en mettre un peu plus ou un peu moins, je ne vais certainement pas m'embarquer dans le sensationnalisme. Est-ce que vous ne pensez pas que ça contribue au climat d'inquiétude? C'est la première question que je voudrais poser.

La deuxième question, si tant est qu'il y a un problème... Je pense qu'il ne faut pas les escamoter et faire comme s'il n'y en avait pas. Je ne dis pas qu'il y a des solutions miracles ou magiques; je m'évertue depuis des mois à répéter que ce serait s'illusionner comme société de penser qu'il y a une espèce de lapin qu'on va sortir du chapeau comme le magicien pour venir régler les problèmes. Ce n'est pas comme ça que les choses se passent.

Est-ce que vous avez, soit comme centrale, soit comme fédération, des pouvoirs d'intervention réels qui vous permettent d'intervenir dans des cas comme ceux-là? On sait que cela existe ailleurs, y a-t-il des formes de code d'éthique sur ce genre de choses? Avez-vous une espèce de contrôle qui nous serait inconnue? Si oui, advenant qu'un syndicat, qu'une unité refuserait de prendre en considération certaines interventions que vous faites - vous l'avez évoqué, on sait que c'est vrai; cela doit être dit, parce qu'on sait que c'est vrai - qu'est-ce qui arrive dans ces cas? Est-ce qu'il n'y a pas là une clé? Je ne dis pas que c'est la seule, il ne faut pas escamoter des problèmes réels. J'ai dit ce matin, en disant constamment cependant - parce que je ne veux pas être mal interprété - qu'il me semble que c'est inacceptable et irresponsable, qu'il y a eu carrément quelques cas d'abus. Je ne dis pas que c'est vous autres, je ne veux pas commencer à "personnaliser". On l'a évoqué ce matin en parlant d'employeurs. Je l'ai dit dans mon intervention. Que cela vienne de quelques syndiqués ou d'un employeur, cela me paraît inacceptable de bloquer un ambulance, que ce soit sur une ligne de piquetage ou que ce soit un employeur qui retourne carrément l'ambulance. C'est arrivé. Dieu merci! ce sont des cas purement exceptionnels.

Je reviens aux questions que je veux poser. Est-ce que vous pouvez nous donner des indications là-dessus? Est-ce que d'après vous c'est un faux problème, ou un problème réel? Est-ce qu'il n'y a pas lieu de trouver des formules? Peut-être déjà les avez-vous à l'intérieur de vos propres mécanismes. Je pense qu'il serait intéressant que l'ensemble des membres de cette commission, des citoyens et citoyennes le sache. Je m'excuse d'avoir pris peut-être un peu trop de temps.

M. Rodrigue (Norbert): Si le président me le permet, je voudrais d'abord réaffirmer devant la commission parlementaire que la CSN, ses fédérations et ses syndicats ont toujours reconnu le droit fondamental aux services essentiels dans les secteurs qui concernent la santé, l'éducation, etc. Jamais on n'a remis ce droit en cause. Deuxièmement, je voudrais dire à cette commission parlementaire que c'est avec humilité que nous soumettons un point de vue basé sur une expérience de quinze ou vingt ans. Je voudrais aussi souligner, sans m'acharner aux chiffres, après l'intervention du ministre que dans tous les cas, soit d'entente, soit de dépôt de listes ou soit des listes à zéro, une disposition générale dans nos ententes - c'est un mode d'éthique chez nous - où nos listes étaient toujours incluses, à savoir que cette liste ou cette entente pouvait être revue même quotidiennement par les parties. C'est un premier point. Cela me paraît important de le souligner.

Je voudrais aussi dire qu'effectivement il ne faut pas tomber dans le sensationnalisme, mais on sait bien que cela inquiète la population, on est très conscients de cela. Je dois vous dire que les travailleurs et travailleuses concernés sont bien inquiets avant de déclencher la grève parce que, s'il y a des gens qui s'interroqent avant de déclencher la grève, c'est bien ceux qui travaillent tous les jours auprès des patients. Il faut avoir vécu cette expérience pour savoir ce que veut dire travailler huit heures par jour, 240 jours par année, auprès des patients dans un hôpital ou auprès des enfants dans une institution scolaire. Ils sont très préoccupés par cela.

En conséquence, notre règle d'éthique -on n'a pas de pouvoir coercitif vis-à-vis de nos affiliés, c'est clair - c'est la persuasion, la conviction que, dans des situations concrètes problématiques, il faut voir les problèmes réels. C'est sur cette base que nous nous appuyons, M. le ministre, pour dire que l'expérience vécue la dernière fois, nous semble-t-il, on ne prétend pas qu'elle est parfaite; on ne prétend pas qu'on est content de l'ensemble du mécanisme; on n'est pas content de l'ensemble du mécanisme, mais qu'est-ce que cela va nous donner de commencer à discuter ensemble ici des délais de six mois ou de trois mois si, dans la réalité, on ne cherche pas à se convaincre, en termes de volonté, d'en arriver à un règlement éventuellement dans la prochaine ou d'autres futures?

Notre conviction intime, c'est que la dernière expérience est la plus fructueuse, la plus positive et qu'il faudrait effectivement poursuivre cette expérience. D'ailleurs, les chiffres eux-mêmes parlent tout seuls: 40 ententes, en 1976; donc 197, la dernière fois; plus 218 listes déposées, plus environ 30 listes déposées à zéro, mais là où il y a eu grève, les services essentiels ont été donnés ou respectés par les syndicats.

On dit: II faut faire cet effort collectif des parties concernées et du léqislateur aussi pour vivre davantage cette expérience.

J'ajouterais, M. le ministre, avec votre permission et la permission du président, qu'il nous semble évident qu'avec toutes les tentatives faites au Québec avant 1979, il n'y a pas d'expert qui existe à notre connaissance pour aller se substituer aux parties qui sont aux prises avec la réalité pour imposer une solution; il n'y en a pas. Quand les médecins seront en grève, qui va déterminer les services essentiels, parce qu'ils prétendent être les mieux placés pour le faire? Si ce sont trois juqes qui les déterminent, où vont-ils vivre la réalité pour nous dire ce qu'il faut corriqer et appliquer chaque jour? Nous nous déclarons prêts, s'il y a des problèmes réels, à intervenir chaque fois dans la perspective que j'ai mentionnée plus tôt.

Je voudrais terminer en disant qu'on va s'opposer avec acharnement, par exemple, à la régie proposée par le Conseil du patronat pour deux raisons fondamentales. La régie proposée par le Conseil du patronat, c'est un moyen de "judiciariser" davantage les relations de travail. En plus de se faire donner des cours par les Américains pour savoir comment violer le Code du travail, là, on va se faire imposer une régie qui sera coercitive et qui va nous enfermer dans la "judiciarisation".

Deuxièmement, si vous me permettez, l'autre élément, c'est que la régie proposée par le Conseil du patronat, je peux dire, je peux déclarer ici que, pour nous, c'est une loi qui, s'il elle devait être adoptée, ne serait pas respectée, parce qu'encore une fois, c'est quelqu'un qui va se substituer aux parties impliquées. Notre perspective, notre analyse et notre expérience nous démontrent que les parties concernées sont en mesure de trouver les réponses au problème réel. (15 h 45)

M. Marois: Si vous me permettez, M. le Président, M. Rodrigue, vous venez de toucher à la proposition du Conseil du patronat sur la régie. Rejetez-vous l'idée de la permanence d'un conseil? Le conseil existe, en tout cas, il a existé le conseil des services essentiels. Vous nous proposez le statu quo, donc je présume que le conseil des services essentiels, dans votre esprit, demeure. Est-ce que vous vous opposez à l'idée d'une permanence du conseil? Je comprends que, par votre intervention, vous vous opposez certainement à toute forme de pouvoir judiciaire, qui pourrait être accordé -peu importe l'expression - à une régie ou à un conseil qui serait là en permanence dans le paysaqe. Je comprends que c'est surtout à cet aspect-là et c'est là que vous évoquez la judiciarisation. On admettra tous, ceux et celles qui ont vécu cela, les uns collés dessus, les autres un peu plus loin, relativement moins loin et d'autres beaucoup plus loin dans son fonctionnement, que le conseil des services essentiels a eu l'occasion de jouer parfois un certain rôle de médiation et, par voie de conséquence, une forme de conseil ou de régie, peu importe les formules, qui aurait un caractère plus permanent et ce pouvoir qu'il a déjà d'intervenir, d'aqir comme médiateur, le cas échéant. Ce à quoi vous vous opposez, si je comprends bien, c'est de lui donner un pouvoir judiciaire, c'est là que vous dites que l'on tomberait dans le juridisme additionnel... Je traduis dans mon propre jargon votre intervention. Je veux être sûr que je vous ai bien compris là-dessus.

M. Rodrigue (Norbert): Sur la question du conseil, ce que nous disons, c'est que l'approche du conseil, la dernière fois, a été fondamentalement la plus réaliste de toutes celles qu'on a connues, c'est-à-dire sans remettre, entre autres, aux parties elles-mêmes, influencer et agir sur les parties elles-mêmes pour qu'il y ait correctif quand la situation s'imposerait, dans ce sens-là, une proposition qui viendrait sur la permanence du conseil comme on l'a connue, on est prêt à discuter cette permanence-là.

Fondamentalement, nous pensons que l'essence même de la solution doit venir des parties impliquées. Qu'il y ait un instrument qui s'appelle le conseil des services essentiels, qui cherche à faire en sorte que les parties solutionnent les problèmes rencontrés, on est prêt à discuter cela. Ce à quoi nous allons nous opposer, très fermement, c'est une imposition d'un tiers quelconque qui viendrait se substituer à des gens qui vivent la réalité quotidiennement.

M. Marois: Une dernière question, M. le Président. Dans certains cas, tantôt j'ai cité des chiffres, qui ne sont pas dans les 34 cas de listes à zéro où les services essentiels, selon les rapports de toute évidence ont été assumés et pleinement assurés, je pense qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont, on sait qu'il y a eu certains cas minimes, peu nombreux c'est vrai, mais il y a eu certains cas d'abus. Il y a eu des problèmes dans certains cas majeurs de non-respect qui ont été réqlés effectivement en cours de route parfois cahin-caha et, quand il y a des comportements irresponsables, complètement irresponsables, d'une ou de l'autre partie, on

fait quoi? Dans le respect de ces deux principes fondamentaux, c'est-à-dire le droit fondamental des hommes et des femmes qui travaillent dans les secteurs public, parapublic, péripublic - peu importe le jarqon - qui ont droit de s'organiser, qui ont droit à la grève et à qui on reconnaît et on maintient ce droit de grève dans le respect, en même temps, du droit des hommes et des femmes en vie, qui ont droit aussi à leurs services essentiels, dans les quelques cas rares d'exception, il suffit d'une société civilisée qu'il y en ait quelques-uns et dans certains cas c'est quelques-uns de trop, que cela vienne de la partie syndicale, de la partie patronale, peu importe, on fait quoi dans ces cas-là?

C'est vrai, et je dois dire comme vous, que cela s'est grandement amélioré depuis la dernière ronde. Comment fait-on pour améliorer davantage et plus? Je sais bien que cela va tenir pour beaucoup au sens de responsabilité de chacune des parties, cela vaut pour la partie patronale, cela vaut pour le gouvernement comme cela vaut pour les syndicats. On a tous à assumer nos responsabilités et prendre chacun et chacune notre part. On fait quoi dans ces cas-là et on doit admettre qu'il y en a eu quelques cas?

M. Rodrigue (Norbert): Si vous le permettez. Si un syndicat refuse, je l'ai dit tantôt, on n'intervient pas avec des pouvoirs coercitifs, mais nous savons, par expérience, notamment la dernière fois, que la pression du qroupe obliqe à tenir compte du bien-être et de la reconnaissance des services essentiels.

Mais c'est très théorique. Il n'y a aucun cas semblable, du moins dans les cas dont vous me parlez... D'expérience, la dernière fois, les cas qu'on nous a siqnalés ont été réglés et parfois même dans l'heure qui a suivi. J'ai personnellement participé à ces règlements.

Je voudrais aussi souligner que pour ces cas problèmes, on le dit, on est prêt à intervenir sur les cas réels, problématiques, quand ils se posent, lorsqu'ils nous sont signalés. Mais, M. le ministre, on pense, avec l'expérience que nous avons, que c'est encore mieux qu'une loi qui va tout foutre en l'air ou qui va imposer à l'un ou aux autres une coercition qui ne sera pas acceptée par l'ensemble, par exemple. Et on est prêt à discuter, je l'ai dit, du maintien du comité des services essentiels. On est prêt à discuter autour de la proposition du rapport Picard également, sur la question du protocole. Est-ce qu'il serait régional? Est-ce qu'il serait national? Est-ce qu'il serait autre chose? On est prêt à discuter dans ces termes. Mais jamais dans une démarche de coercition parce que nous estimons qu'on est assez coercitif au Québec dans les relations de travail. On a un Code du travail qui doit être revu. On va avoir l'occasion d'en reparler devant cette commission parlementaire. Vous l'admettez vous-mêmes, il doit être revu dans certaines de ses dispositions. On pense que sa dépendance juridique, par exemple, par rapport au Code civil crée des problèmes. Il y a beaucoup de choses à reqarder.

Mais dans cette matière, pour la négociation dans le secteur public, on estime que la coercition va tout simplement faire pourrir les affaires.

Le Conseil du patronat me fait penser à l'exemple de la Pologne. Quand il propose sa solution, il ne se satisfait pas et ne cherche pas à régler le problème des hôpitaux ou des services sociaux. Il cherche à élargir les restrictions au droit de grève dans un ensemble de secteurs privés et publics. Notamment, en Pologne, cela a commencé comme cela, les hôpitaux, etc. Maintenant, c'est rendu à GM ou à d'autres grandes compagnies. Et il y a du monde qui réagit. Les solutions coercitives, cela ne donne pas toujours les meilleurs résultats.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).

M. Polak: M. le Président, la discussion que vous avez, M. le ministre, ne sera pas comptée sur mon temps?

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne) c'est à vous.

M. Polak: M. le Président, en ce qui concerne M. Rodrigue, je ne l'ai jamais rencontré, mais j'ai lu son mémoire, comme j'ai lu tous les mémoires qui ont été présentés. Je dois vous dire, en premier lieu, qu'en ce qui concerne notre équipe, je pense que nous sommes très objectifs. Nous sommes prêts et nous croyons beaucoup en un dialogue des deux côtés, parce que très souvent on nous a vus un peu comme ceux qui comprennent juste un côté de la médaille. Mais je pense que les temps changent partout. Si vous êtes prêts à engager le dialogue, je pense qu'on peut faire beaucoup de progrès.

J'ai d'abord une question de principe fondamentale. Je veux un peu reprendre ce que le ministre vient de dire. Le ministre a été assez doux avec vous. Ce matin, il disait: On ne va pas enlever le droit de grève. C'est absolu, c'est acquis, cela reste. Tant mieux pour vous autres. J'ai d'ailleurs vu que, dans tous les mémoires des syndicats, tout le monde parlait de droit de grève, que vous aviez peur qu'on vous enlève ce droit de grève.

Mais deux minutes plus tard, il a dit: Cependant, on va protéger les droits des citoyens aux services essentiels. Or tout le

monde sait très bien qu'une grève doit faire mal pour être efficace. Je cite ici un autre mémoire, le no M-20. C'est une chose qui est très bien connue dans votre milieu.

Il y a une contradiction là-dedans. Il y a le droit de grève absolu, je comprends très bien. Je comprends aussi l'idée de protéger les usagers des services essentiels. Mais n'est-il pas vrai que chaque fois qu'on commence à régler les questions de services essentiels, on commence à faire une restriction au droit de grève? Si vous êtes prêts à mettre de l'eau dans votre vin, jusqu'à quel point, sur le plan pratique, êtes-vous prêts à aller, comme syndicat?

M. Rodrigue (Norbert): Je réaffirme tout simplement, en réponse à la question, que pour nous, la solution à ce type de problème repose entre les mains des parties. À l'hôpital Saint-Sacrement de Québec, c'est le syndicat des employés et l'administration de l'hôpital qui sont placés pour essayer de cerner le problème et s'entendre sur les correctifs. Pour nous, c'est indéniable. Alors, dans la perspective éventuelle d'un conseil tel qu'on l'a connu, qui serait permanent, ce serait simplement des efforts supplémentaires pour conduire les parties à cette entente et pour influencer les parties à cette entente. Dans cette perspective, on ne fera pas d'angélisme ici. Vous êtes devenus objectifs, moi aussi, d'abord.

M. Polak: Très bien.

M. Rodrigue (Norbert): Votre équipe est objective.

M. Polak: On se félicite mutuellement.

M. Rodrigue (Norbert): C'est cela. La nôtre est objective aussi. Mais on se rappelle, on a une mémoire. Dans notre objectivité, on a conservé la mémoire. Et la mémoire des années 1966-1972 nous indique que toutes les mesures coercitives ont conduit à des résultats négatifs. C'est pour cela qu'on propose une solution comme celle que l'on avance.

M. Polak: Maintenant, M. le Président, j'ai oublié de vous dire que j'avais cinq questions; c'est juste la première et la cinquième a trois subdivisions. Donc, avec la permission que j'ai eue volontairement de mon chef d'équipe, je vais continuer encore un peu plus.

Vous parlez, M. Rodrigue, dans votre mémoire, des services essentiels. À la dernière page, à la page 16, vous dites: "Le rapport du conseil fait état d'un bilan positif du maintien des services essentiels. "

Je me suis informé un peu auprès de la petite population que je représente dans le comté de Sainte-Anne, à Montréal - c'est une classe ouvrière, je suis très fier de la représenter - et eux, ils disent: Cela ne va pas aussi bien que cela. Nous pensons qu'il y a de graves problèmes et, apparemment, le gouvernement pense de la même manière. En effet, si nous sommes ici en commission parlementaire c'est justement parce que tout le monde croit qu'il y a de graves problèmes. Si on le croit pas on n'a qu'à lire les 40 autres mémoires et on trouve les vrais problèmes parce que tout le monde cite des exemples partout, pas seulement M. Brunet ici ce matin, mais toutes sortes d'organismes. Donc, je me demande, quand vous dites que le rapport fait état d'un bilan positif, comment conciliez-vous cela avec ce qu'on entend dans la population. Ce n'est pas positif du tout. Il y en a beaucoup qui disent: Cela va très mal. Il faut trouver d'autres solutions. Il faut peut-être restreindre d'une certaine manière ce droit de grève, en améliorant les services essentiels pour satisfaire à la demande de la population. Avez-vous des commentaires sur cela?

M. Rodrigue (Norbert): C'est évident qu'une grève dérange. Nous l'affirmons nous-mêmes. C'est évident que cela peut inguiéter. Ce que je peux dire là-dessus, c'est que la population, lorsqu'elle réagit sur l'utilisation de la grève ou le droit de grève, si on la consultait pour lui demander si elle veut payer des taxes tout simplement, peut-être qu'elle ne les paierait pas de la même manière et qu'elle mettrait des conditions autres. Alors, c'est facile d'invoquer l'opinion publique. C'est une réalité, bien sûr, mais je voudrais signaler que, dans ce cas, notre position est absolument simple. On dit: On a eu des problèmes; on parle de 1963, 1966, 1972, 1976; on arrive en 1979-1980 et on dit: C'est une expérience, tout le monde la qualifie de plus positive, il faut la vivre davantage. Il faut pousser dans ce sens pour essayer de trouver des réponses aux problèmes que la population nous dit avoir avec cela.

Dans cette perspective, je pense bien que ce serait vous conter des menteries - et on n'a pas l'habitude d'être menteurs - de soutenir ici qu'on renonce à toute utilisation de nos moyens de pression dans l'avenir. On n'est pas capables de faire cela. La conjoncture nous dira en temps et lieu comment on peut effectivement corriger les problèmes rencontrés.

M. Polak: Êtes-vous prêt à admettre que le problème est beaucoup plus sérieux que votre mémoire semble le dire? À la fin, vous dites: II y a quand même un bilan positif. Moi, je ne crois pas que c'est un bilan positif. Peut-être que le conseil avait un bilan positif, mais je pense que la population a un bilan assez négatif. Avez-

vous déjà entendu cette opinion?

M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. On est soumis à s'expliquer continuellement, vous le savez, vous nous questionnez, la population nous questionne aussi. Sauf que ce que je voudrais signaler, c'est que le conseil, quant à nous, dans sa conclusion, conclut par rapport à un ensemble de situations. Il ne conclut pas tout simplement, comme cela, dans les airs. Il a vécu une réalité, il l'a tâtée, il a essayé de la cerner et il conclut que c'est positif. Notre conclusion est dans le même sens aussi: cela a été plus positif. (16 heures)

Dans cette circonstance, toute grève dérangera. On ne pourra pas faire des grèves en principe, déclarer la grève et ne pas l'exercer ou, dans la réalité faire en sorte que cela n'exerce pas de pressions sur l'employeur. Je serais porté à rappeler une parole célèbre de Gérard Picard qui présidait le comité - "Le substitut le plus efficace à une grève, c'est une négociation efficace". Ce qu'on cherche, nous, c'est de favoriser la négociation entre les parties et de mettre les efforts de ce côté pour trouver des règlements; parce que, faire la grève, on n'est pas intéressé plus que personne. Des travailleurs se privent, font des sacrifices. Ce qu'il faut c'est de trouver les conditions pour arriver à des règlements et sur les conventions collectives et sur les services essentiels, si jamais il demeure un cas problème au bout de la course.

M. Polak: Maintenant, dans un autre domaine, à la page 11 de votre mémoire, au tout dernier paragraphe, vous dites: "L'accès du patient aux services de santé est assujetti à des contraintes budgétaires - moi, j'appelle des coupures budgétaires - qui portent atteinte à son droit à la plénitude des soins". Vous semblez carrément dire là que l'effet des coupures budgétaires est beaucoup plus grave que, par exemple, le résultat d'une grève de courte durée. Avez-vous des chiffres là-dessus? Cela m'intéresse beaucoup. J'ai souvent entendu cette remarque et je crois moi-même qu'on en est à un point où ces coupures affectent le service et les usagers et que c'est une chose très dangereuse et très grave. Avez-vous des chiffres statistiques là-dessus, chiffres que vous pourrez peut-être faire parvenir à la commission dans les jours à venir?

M. Rodrigue (Norbert): Nous reviendrons dans ce débat des coupures budgétaires, parce que nous allons connaître dans les prochaines semaines, dans certains secteurs, l'effet réel de ce que ça signifie.

Mais, par votre question, vous me donnez l'occasion de dire ceci: Rendre le niveau des services essentiels à un niveau objectif et permanent, très bien, mais quel est ce niveau, est-ce le niveau des commissaires en 1975, est-ce le niveau après les coupures du ministre Forget, dans les années 1975-1976, est-ce le niveau après les coupures du ministre Lazure et l'annonce de M. Parizeau ou est-ce le niveau après les effets des contraintes budgétaires de l'année prochaine? Je vous soutiendrais même que les services sont plus affectés dans les circonstances actuelles qu'ils ne l'ont été par la grève de 1976. Donc, à quel niveau objectif se situe-t-on quand on veut déterminer ça? C'est pour ça qu'on dit: Les parties sont sur place, elles voient l'évolution de la situation et elles ne pourront pas le faire un an d'avance, il faudra leur permettre de le faire en temps et lieu cependant, mais il faudra que ce soit elles qui le fassent.

M. Polak: Pour revenir au problème des services essentiels, disons ceci pour le bénéfice de ceux qui ne sont pas des experts en la matière; d'ailleurs je dois admettre qu'avant de siéger à cette commission, en étudiant tous les mémoires, j'ai appris énormément sur la manière dont ça se déroule. Il est donc important de savoir à propos de cette fameuse question de la liste syndicale. Corrigez-moi si je fais des erreurs, mais je cite la page 15 de votre mémoire.

Prenons par exemple un hôpital, disons que, vous, vous êtes le syndicat et moi je représente l'hôpital; on va négocier combien de travailleurs et travailleuses travailleront dans les services essentiels et, ensuite, on établiera la définition de ce qui constitue des services essentiels dans notre hôpital. Si on ne réussit pas... Je vous dis, par exemple: Nous, on a besoin de 60 travailleurs. Vous répondez: Non, on est prêt à vous en donner 50. Là on commence à négocier et, à un moment donné, vous me dites: M. Polak, si mon affaire ne marche pas, qu'on n'a pas d'entente, je vais vous en donner 30, alors vous êtes mieux d'accepter mes 50. C'est comme ça que j'interprète cette liste syndicale, je l'ai lu dans la loi et je l'ai lu dans votre mémoire. D'ailleurs, je vois dans tous les mémoires qui critiquent ce système - là je fais un peu le résumé des critiques que vous faites au gouvernement - que vous êtes partie et que vous êtes juge, parce que, à un moment donné, vous décidez du contenu de la liste. Dans votre mémoire vous critiquez le gouvernement et lui dites: Vous êtes négociateur - il n'est pas ici le négociateur du Conseil du trésor, je suis bien d'accord avec vous, il aurait dû être présent ce matin - et en même temps législateur. Vous critiquez ça, vous dites: C'est une position de contradiction. Je suis tout à fait d'accord avec ça. Mais n'êtes-vous pas dans une même situation de contradiction? Étant syndicat, vous négociez pour établir la liste et, si ça ne marche pas, vous devenez juge

et vous dites: J'impose ma liste. Comment expliquer ça à la population?

M. Rodrigue (Norbert): Avant de demander à la vice-présidente de la Fédération des affaires sociales de répondre à votre question, je voudrais souligner qu'on n'est pas chanceux ni l'un ni l'autre, vous et moi, parce qu'aux autres commissions parlementaires auxquelles j'ai participé dans les années soixante-dix, c'est drôle, le négociateur n'était pas là non plus.

M. Polak: Peut-être que, par notre pression conjointe...

M. Rodrigue (Norbert): Je ne sais pas si, un jour, on va l'avoir.

M. Polak:... on peut inviter ce monsieur à venir. On sera encore ici la semaine prochaine.

M. Rodrigue (Norbert): Roch Bolduc n'était pas là en 1972. Réjean Larouche et les autres n'étaient pas là en 1975 non plus aux commissions parlementaires. Simone Massé répondra à la question.

M. Polak: Merci.

Mme Massé (Simone): On a toujours maintenu que ce sont les gens qui travaillaient dans l'institution qui étaient bien placés pour savoir quels services essentiels il devait y avoir. Je travaille dans une institution de santé et la pratique, c'est que le syndicat fait l'évaluation des gens qui ont travaillé, qui ne sont pas dans notre unité de négociation, qui vont continuer à travailler. On fait le calcul de ces gens-là, on regarde l'occupation. L'employeur nous donne le taux d'occupation qu'il va y avoir pendant la grève et il se fait plusieurs rencontres avec l'employeur pour en arriver à une entente. En tout cas, nous soutenons que, partout, les gens qui travaillent dans le milieu, qui travaillent auprès des patients, avant de sortir en grève, prennent la responsabilité et ont la responsabilité de voir à ce que les patients qui restent à l'intérieur aient les soins nécessaires. Je n'ai pas eu connaissance - une exception peut-être, comme le soulignait le ministre tantôt, qui a été corriqée dans les heures qui ont suivi -que les syndiqués n'aient pas eu ce respect des gens à qui ils donnaient des soins. On voit à ce qu'il y ait le personnel requis pour le nombre de patients qui restent à l'intérieur.

M. Polak: J'ai une autre question à soumettre là-dessus à madame. Tout de même, vous n'avez pas résolu le problème du conflit dans lequel vous vous trouvez. C'est bien beau de dire: Nous sommes responsables, et vous l'êtes, je le sais, en principe, surtout aujourd'hui. Mais là, nous tombons dans une période de grève; cela va mal. On a eu une offre qui n'est pas bonne. On commence à négocier. Le gouvernement refuse et tout va mal. Donc, à un moment donné, c'est votre bon droit, le droit de grève, vous commencez à parler de cela. Là, on va négocier les services essentiels. Ne me dites pas qu'à ce moment-là, vous êtes objectivement assis sur votre chaise en disant: Voici, on va faire de notre mieux pour le patient, parce que vraiment vous êtes assis, à ce moment-là, sur deux chaises: une chaise, le professionnel, c'est vrai, et l'autre chaise, la chaise de celui qui est en face, disons, dans votre conflit de travail. Vous voulez avoir le meilleur arrangement pour vous autres. Si l'affaire ne marche pas, la grève. Vraiment, je ne comprends pas cette affaire de la liste syndicale où vous autres vous décidez. Peut-être que vous êtes de bonne foi, mais j'ai beaucoup plus confiance dans un organisme qui agit indépendamment de cela et qui va dire: Moi, je vais dire pour la population quels sont nos services essentiels. Ce n'est pas qu'on n'a pas confiance dans votre travail professionnel, mais peut-être que vous allez être tellement impliqués dans l'affaire que vous allez perdre de vue l'objectivité. Est-ce que vous voyez le danger qui existe?

M. Rodrigue (Norbert): Je voudrais répondre à cette question. Premièrement, je voudrais vous rappeler, monsieur, que les services essentiels sont donnés par les travailleurs qui décident de les donner, qui connaissent plus, en tout cas, la réalité que n'importe quel commissaire ou tiers qui interviendrait quelque part. Ils reconnaissent la réalité et ils savent combien il y a de cadres, ils savent combien il y a de bénévoles, ils savent combien il y a d'étudiants. Ils ont les informations pertinentes à la situation. Je voudrais vous rappeler qu'à l'occasion de la dernière négociation, il y a eu même des listes syndicales de déposées qui prévoyaient que les négociations étaient rouvertes sur les services essentiels, s'il y avait une autre unité que celle de la CSN qui entrait en grève à ce moment-là. Ceci pour vous signaler que les travailleurs ne sont pas des hordes de barbares et ne sont pas des imbéciles non plus. Par conséquent, ils sont en mesure et ils essaient - je ne dis pas qu'ils sont totalement objectifs quand ils sont directement concernés - de mesurer l'implication de leurs qestes. C'est pourquoi il y a eu des listes de cette nature de déposées, sinon les listes n'auraient même pas compris ces dispositions. Alors, cela prouve qu'il y a un sérieux là-dedans.

M. Polak: D'autres mémoires, pas le vôtre, mais d'autres, parlent de ces listes-là;

ils parlent, par exemple, de résultats qui laissent 60% ou 75% d'ententes faites, mais ils disent: Cela a été imposé de force, le couteau sous la gorge. C'est ce qu'ils disent carrément.

M. Rodrigue (Norbert): Parlez-moi donc des...

M. Polak: Ce sont des gens responsables aussi comme vous.

M. Rodrigue (Norbert): Parlez-moi donc, monsieur, des employeurs qui ont refusé de négocier des services essentiels, y compris dans les dernières heures, la dernière fois, alors que j'ai dû, avec le ministre des Affaires sociales, intervenir directement dans les dossiers parce que l'employeur refusait l'entrée du syndicat à l'institution. Parlez-m'en un peu, une fois.

M. Polak: Je reviens là-dessus; je suis parfaitement d'accord avec vous. Il y a beaucoup d'erreurs du côté patronal, c'est pourquoi je dis qu'il faudrait enlever ça aux deux parties et avoir un organisme indépendant qui prendrait vraiment l'intérêt de la population.

M. Rodrigue (Norbert): Pourquoi ne laissez-vous pas aux syndicats le soin de fournir les services essentiels quand il veut les fournir, même si l'employeur refuse? Laissez-lui l'occasion de les fournir.

M. Polak: Changeons de sujet. Je parle encore de ce que j'ai lu dans d'autres mémoires. Il y en a qui parlent, par exemple, de pourcentage de syndiqués qui doivent voter. Cela revient très souvent. Je vais être très honnête avec vous, je ne connais pas tellement le fonctionnement de votre syndicat. Je suis certain que vous exigez que presque tout le monde doit être là, mais c'est une critique qui semble exister. Plusieurs syndicats disent: Je ne pense pas que je vais faire une grève. Je suis infirmière professionnelle, je n'ai vraiment pas le goût. À un moment donné, le lendemain, j'arrive à mon travail et il y a une grève parce qu'il y a peut-être une mince portion des membres qui ont voté la grève.

Des mémoires nous disent qu'il faut exiger 60%, 75%, il y en a même qui vont jusqu'à 80% des syndiqués qui doivent exprimer leur vote, un vote secret: Est-ce que la grève se déclenche oui ou non? Avez-vous des commentaires là-dessus?

M. Rodrigue (Norbert): Ces mémoires et ces intentions passent tous à travers le prisme ou la philosophie qui voudrait que les travailleurs n'aient aucun droit, ni le droit de se syndiquer, ni le droit de faire la grève. Quant à l'exercice de la démocratie -on l'a déjà dit, on n'est pas sans défaut -avant que le gouvernement ne s'ingère dans nos attitudes et notre fonctionnement interne, on avait ces règles de vote secret, etc. Quand une assemblée décide d'un vote de grève, à ma connaissance, les travailleurs sont tous invités à l'assemblée et doivent y participer. Il arrive que la participation ne soit pas à 100%, mais ceux qui sont là connaissent la situation, ils sont informés et ils décident.

On n'exige pas que la totalité de la population s'exprime, sinon il n'y a pas de gouvernement. Vous êtes élus à la majorité des voix qui s'expriment. C'est un peu le même principe.

M. Polak: Une dernière question quant à moi, M. le Président. M. Rodrigue, vous venez de dire au sujet des services essentiels de laisser aux parties le soin de déterminer ça. Ne croyez-vous pas que le temps de le faire, c'est en temps de paix, comme on vit maintenant, parce que la prochaine ronde va commencer bientôt, j'imagine. Ne croyez-vous pas que c'est justement le temps de définir si on suit votre raisonnement, on va discuter entre nous autres, c'est-à-dire le patronat et le syndicat... Est-ce que ce n'est pas le temps de le faire immédiatement quand on vit dans la paix?

Deuxièmement, si ça ne marche pas dans un secteur donné ou une institution donnée, pourriez-vous dire: On transmet ce droit-là ou la définition des services essentiels à un autre organisme, une tierce partie?

M. Rodrigue (Norbert): Simone.

Mme Massé: Je veux bien aller à l'hôpital, aujourd'hui, pour négocier les services essentiels, mais je ne suis pas certaine que, lorsqu'on sera rendu au temps de faire la grève, avec les coupures qu'il va y avoir à l'hôpital, les personnes aux services essentiels vont encore travailler.

M. Polak: Vous soulevez un très bon point. Il faut poser cette question au ministre. Il ne veut pas en parler aujourd'hui, mais c'est vrai que c'est un problème aussi.

M. le Président je vous remercie, j'ai terminé mes questions.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions, M. Rodrigue. Dans le secteur des affaires sociales - c'est important pour l'information de la population -est-ce qu'il y a, d'après vous, dans vos pratiques, des départements ou des services qui doivent être maintenus à 100%

durant une grève et qui sont effectivement maintenus, même si c'est un petit nombre de départements ou de services dans le réseau? Voilà ma première question.

Deuxième question: Vous avez parlé tantôt de votre code d'éthique. Seulement encore pour clarifier ou préciser, est-ce que le code d'éthique est reflété dans les statuts de la centrale, de ses fédérations, de ses syndicats, ou si c'est plutôt la conscience professionnelle collective de vos membres sur laquelle vous vous fiez pour déterminer les services essentiels? (16 h 15)

M. Rodrigue (Norbert): Je dois vous dire, M. Dean, sur la dernière question, que j'ai toujours soutenu - je ne prétendrai pas être objectif car je viens d'un secteur qui s'appelle le secteur hospitalier - que les travailleurs hospitaliers avaient une conscience professionnelle très élevée parce que j'ai vécu avec eux dix ans. Par conséquent, on fait appel effectivement à la conscience. On n'a pas de statuts qui régissent ces questions, on fait appel à la conscience et on procède par conviction.

Deuxièmement, en ce qui concerne les pratiques ou la reconnaissance de la nécessité de services essentiels à 100%, je dois dire que les institutions sont différentes. On peut parler des CLSC, des hôpitaux généraux; pour des institutions de tel type, c'est différent. Je dois dire qu'il est arrivé, à ma connaissance et à la connaissance de ceux qui m'entourent, que dans certains départements on ait reconnu effectivement une nécessité à 100% de services. Je pense, par exemple, aux unités de brûlés, je pense aux salles d'urgence. Il est arrivé qu'on ait fourni des services essentiels à 100% dans certains cas. Dans ces occasions, ce que nous faisons, c'est un peu ce que Simone Massé décrivait: Nous prenons la situation telle qu'elle est au moment où elle se présente et nous essayons de maintenir un taux de services essentiels raisonnable.

Dans ce sens, le maintien des services a 100% d'une façon générale, dans une institution, à ma connaissance, ce n'est pas arrivé parce qu'on doit tenir compte, comme je le disais précédemment, de la présence de cadres, de la présence d'étudiants, de bénévoles, etc., mais dans certains services, c'est arrivé fréquemment.

Je voudrais juste rappeler que dans le secteur privé, cela arrive; alors, imaginez-vous dans le secteur des affaires sociales ou dans le secteur de l'enseignement quand cela se négocie et quand les réalités sont là! J'ai connu des départements, des chauffeurs de bouilloire maintenus à 100% dans des usines pour chauffer l'usine en hiver. Dans les hôpitaux, c'est encore plus vrai. C'est pour cela que quand on me parle de la conscience ouvrière, cela me chatouille toujours un peu parce que je sais que ce n'est pas facile, mais je sais aussi, d'autre part, que les ouvriers sont conscients de ces problèmes. Ils ne tiennent pas à briser leurs machines, à brûler leurs usines ou à détruire leurs hôpitaux parce que c'est fondamentalement leurs sources de revenus; leur vie se déroule là tous les jours.

Il faut aussi parler de la durée des grèves. La dernière grève a duré quatre jours. Quatre jours, c'est important, c'est grave; on aurait bien aimé résoudre le problème avant. Malheureusement, on a dû recourir à la grève. Espérons qu'à l'avenir, quant aux services essentiels, si on n'utilise pas de coercition, on pourra trouver la solution, et aussi et surtout une réponse à la négociation fructueuse entre les parties pour la signature d'une convention sans grève.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).

M. Rivest: M. Rodrigue, je ne veux pas faire nécessairement le procès de la suggestion avancée par le Conseil du patronat, mais je pense qu'il est imporant de relever votre déclaration que vous seriez extrêmement réticents et même totalement contre toute idée de judiciarisation d'un organisme quelconque dans la détermination des services essentiels. Néanmoins, vous avez manifesté, en réponse à une question du ministre, le désir d'offrir la collaboration de la CSN pour étudier une amélioration du mécanisme permanent qu'on a connu en vertu de la loi 59, le conseil sur le maintien des services essentiels. J'ai compris, par votre réponse, que vous étiez prêts à regarder cela.

Ma première question concerne une précision additionnelle, si vous me le permettez. Pourriez-vous, à cet égard, accepter d'examiner la possibilité, évoguée dans le rapport Picard, d'un protocole-cadre, je pense, selon la formule qu'il a employée, sur la question des services essentiels, qui énumérait, en fait, 19 critères qui pourraient éventuellement être inclus dans un tel protocole-cadre? C'est essentiellement le sens de ma question.

Vous me permettrez d'ajouter un commentaire. La façon dont je l'ai perçu, compte tenu des délais dans lesquels le conseil a été créé et des difficultés qu'il a eu à se constituer, c'est que j'ai l'impression que le rapport du conseil, lorsqu'il porte un jugement de valeur sur l'expérience de la dernière négociation, ce n'est pas un jugement de valeur, c'est un jugement de valeur quantitatif. On fait état de chiffres.

Pour rejoindre la préoccupation également de mon collègue de Sainte-Anne, c'est que pour la population, une personne, par exemple, très concrètement qui a un malaise quelconque ou un parent et qu'elle sait que c'est en situation de grève, toute

l'organisation qu'on bâtit ici juridiquement... Est-ce qu'il y a moyen qu'un tel conseil puisse... Je comprends qu'il y a une dimension locale première et qu'on doit respecter. Au fond, ce que le public demande dans tout ce débat, c'est d'être assuré qu'on donnera les services essentiels aux malades. Alors, le public ne l'a pas actuellement - je pense qu'on peut en convenir - cette assurance. Enfin, il ne perçoit certainement pas l'avoir quels que soient les systèmes. Est-ce que vous accepteriez de revoir la structure du conseil sur le maintien des services essentiels pour que le conseil ne puisse pas simplement aider à l'établissement des ententes pour le maintien des services essentiels, non plus seulement que constater qu'il existe une entente, mais puisse aller au-delà de cela?

Est-ce qu'il n'y a pas un élément de vérification et surtout un élément de communication avec les gens pour dire: II y a une grève, mais, si vous avez un problème de santé grave dans l'ensemble du réseau des affaires sociales parce que nous parlons plutôt de ce secteur... Comment le public pourra-t-il au bout du compte obtenir l'assurance que, sans enlever toute espèce d'efficacité à l'exercice des droits des travailleurs et en particulier la grève, effectivement il va pouvoir avoir son traitement? Comment le public peut-il être convaincu qu'il ne devra pas par exemple, sur l'île de Montréal ou ici dans la région de Québec, faire du "shopping" dans les hôpitaux, être transféré? Je sais que cela existe en pratique en dehors des situations de grève, sauf que cela ne justifie pas que cela existe dans les situations de grève. C'est évident. C'est la nature du problème. Dans le raffinement du mécanisme qu'on pourrait éventuellement avancer, est-ce que vous pourriez, à ce moment-ci, au nom de votre centrale syndicale, nous dire jusqu'où vous pourriez aller pour améliorer la structure que certains mémoires évoquent et surtout pour donner à la population cette assurance fondamentale qui est le coeur du débat politique dans le sens le plus noble du terme, cette perception que les gens ont du problème social que l'on vit avec l'exercice du droit de grève dans le domaine de la santé et de la sécurité?

M. Rodrigue (Norbert): Le premier élément de ma réponse, M. Rivest, ce serait de dire que, quand on arrêtera de faire de la démagogie sur ces questions, le public commencera peut-être à voir la vraie réalité.

M. Rivest: Écoutez...

M. Rodrigue (Norbert): Je veux répondre à votre question.

M. Rivest: Vous me permettez?

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui.

M. Rivest: Si vous me permettez un commentaire, je m'excuse, M. Rodrigue. Qu'il y ait eu de la démagogie, peut-être qu'il y en a eu, sans doute qu'il y en a eu de part et d'autre, d'ailleurs, sauf que, comme le député de Sainte-Anne le disait, il ne faut quand même pas, non plus, écarter ce jugement de l'opinion publique en disant que c'est simplement le fait d'une démagogie. Les gens exercent leur jugement également sur les démagogues. Ils savent à de multiples occasions se former une opinion. Mon seul commentaire, c'est que je ne voudrais pas que vous disposiez simplement de cette inquiétude en l'attribuant aux actes démagogiques qui ont pu être faits au cours des dix ou quinze dernières années.

M. Rodrigue (Norbert): Ce n'était pas de mon intention d'entretenir la démagogie.

M. Rivest: Non, mais surtout de ne pas croire que le...

M. Rodrigue (Norbert): Je voulais tout simplement souligner que c'est un aspect qui me semblait influencer relativement la sécurité ou l'insécurité de la population. Je voudrais signaler, sur votre question précisément, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, que cela n'existe même pas en temps normal et lorsqu'il n'y a pas de grève, ce que vous dites là, et il y a des problèmes en dehors des temps de grève. Il y en a de sérieux. Salles d'urqence à Montréal, par exemple. Comment cela se passe? Ce sont des journalistes qui sont obligés de fouiller, de faire enquête et, finalement, d'essayer, à partir de ce qu'ils constatent, de faire voir à la population un certain nombre de problèmes. Des syndicats, dans certains cas dans le passé, ont été jusqu'à faire des heures d'arrêt de travail pour maintenir des services ou empêcher des coupures.

Je voudrais plus précisément dire que, oui, la CSN est prête à évaluer et à discuter de cette question du conseil quant à son maintien, quant à sa permanence. Éventuellement en conservant le principe élémentaire de la référence aux parties, on est prêt à discuter de l'éventualité d'un protocole. Je n'en fixerai pas les modalités ici. Je dis qu'on est prêt à discuter même dans la perspective d'un protocole entre les parties qui pourrait s'établir sur le plan régional ou à un autre plan et dans lequel les parties pourraient faire la démarche collectivement par la suite au niveau local et au niveau provincial. Dans ce sens, je dis qu'on est prêt à discuter d'une proposition semblable. On ne l'a pas sur la table. On a des hypothèses. Je réaffirme que nous sommes prêts à faire l'examen de cette proposition, mais je réaffirme aussi qu'on va

combattre toute mesure coercitive - et vous le comprendrez, j'ai essayé d'exprimer pourquoi - parce qu'on ne pense pas que cela solutionne le problème.

M. Rivest: À l'intérieur de ce protocole que vous situez au niveau des parties, les éléments évoqués par le conseil sur le maintien, les 19 éléments, - je ne veux pas vous faire endosser chacun des éléments -vous paraissent-ils...

M. Rodrigue (Norbert): J'ai entendu dire que ça ne néqociait pas ici.

M. Rivest: Vous ne voulez pas m'indiquer... Je ne vous demande pas de néqocier. L'ensemble ou la nature des sujets que le conseil sur le maintien des services essentiels a énumérés dans son rapport vous paraissent raisonnables?

M. Rodrigue (Norbert): Faites une proposition au gouvernement. On l'examinera quand il nous la fera.

M. Rivest: Nous, on n'a pas tellement confiance au gouvernement.

Une voix: Nous non plus!

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants...

M. Marois: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Excusez-moi.

M. Marois: Je voudrais remercier moi aussi les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Si je comprends bien: Arrangez-vous avec vos troublesl

M. Rivest: Non, c'est la population qui va s'arranger avec ses troubles si vous ne faites rien.

Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse, madame...

M. Marois: Non. Si on a une détermination, mais...

M. Rivest: Ah oui! mais vous ne l'aviez pas au début. Vous avez semblé vanter le statu quo.

M. Marois:... il faut...

Le Président (M. Rodrigue): Messieurs, messieurs! Mme Lavoie-Roux, de L'Acadie, m'indique qu'elle veut faire une intervention. Elle a une question à poser. Mme Lavoie-Roux.

Mme Lavoie-Roux: Je vais tenter d'être brève. Vous avez beaucoup insisté sur le fait que les listes sur les services essentiels avaient été respectées. Là-dessus, sauf accident, je ne mets pas votre parole en doute, mais il y a peut-être une question fondamentale. Ces listes étaient-elles suffisantes pour répondre vraiment aux besoins des patients? C'est une première question.

Le deuxième point que je voudrais aborder - j'essaie de le faire brièvement, parce que je veux mettre tout cela ensemble - c'est qu'on a beaucoup parlé de donner les services essentiels aux personnes qui sont hospitalisées. Vous êtes-vous penché vous-même dans votre réflexion sur les problèmes qui sont posés aux personnes qui auraient besoin d'hospitalisation? Évidemment, je suis sûre que vous allez me répondre que déjà il y a de longues listes d'attente et je pourrais même vous donner des chiffres. Il y a des hôpitaux qui sont fermés trois mois durant l'été du 12 juin au 14 septembre, comme ce grand hôpital spécialisé de Montréal; on est en droit de se demander quel effet cela a sur les listes d'attente, et ceci à cause des coupures budgétaires. Je ne voudrais pas qu'on fasse dévier la discussion sur ce problème des coupures budgétaires. On aura probablement d'autres occasions d'y revenir. Le problème est analogue à ce moment-là, mais vous êtes-vous penché là-dessus? Je voudrais simplement vous citer des rapports d'experts que j'avais eus en 1979 ou 1980. Ce matin, le ministre m'a dit qu'il me remettrait les autres rapports d'experts qui avaient paru depuis ce temps. Je pense que vous allez les remettre dans leur totalité. Je voudrais simplement vous citer ceci. Il s'agit de l'hôpital Laval, je pense. Dans les conclusions, l'expert parlait de gens qui étaient sur une liste d'attente en cardiologie et d'autres en pneumologie. Il dit: "25 jours plus tard, soit le 15 juin, on constate que la situation a peu évolué et qu'il reste encore 14 malades cardiaques graves et une dizaine de patients pulmonaires graves qui n'ont pas reçu les soins auxquels ils avaient droit. Il ne fait pas de doute que ces délais sont beaucoup trop longs et qu'ils risquent d'être préjudiciables aux malades. Certains d'entre eux pourraient décéder faute de soins tandis que d'autres pourraient voir leur état se détériorer de façon grave et permanente. " (16 h 30)

Au sujet de l'hôpital de l'Université Laval, le CHUL, on parle de la fermeture de lits de l'unité néo-natale. "Pour une courte période d'une ou deux semaines, réduire le nombre de lits de l'unité néo-natale de 13 à 12 aurait ou être acceptable, mais cette réduction qui perdure depuis plus de deux mois et demi ne peut certes plus être tolérée. " Dans le cas de l'Hôtel-Dieu, dans les conclusions que tire l'expert, on parle des

efforts qui ont été faits à l'Hôtel-Dieu, même s'il y a eu des problèmes dans la discussion de l'entente et des rajustements à faire en cours de route.

D'autre part, si la liste s'ajuste en prévision de grève en maintenant un taux d'occupation minimale, elle doit interdire l'admission à des patients qui auraient besoin d'être hospitalisés. C'est ce chemin qu'a suivi l'Hôtel-Dieu de Québec. C'est pourquoi le principal problème n'est pas surtout du côté des patients hospitalisés, mais plutôt du côté de ceux qui attendent pour l'être. Dans la mesure où cet hôpital est maintenant très spécialisé, principalement dans les cas de cancer, je pense, et dans les cas de maladies rénales et peut-être d'autres, la situation est particulièrement délicate.

Je sais bien que cette réflexion ne doit pas être uniquement la vôtre, elle est aussi une responsabilité, et peut-être avant tout, du gouvernement, la loi prévoyant qu'on donne à la population, en tout temps, des services continus et adéquats. Je pense que c'est un problème qui devrait être le souci des deux. Je ne sais pas si toujours affirmer que les services essentiels ou les listes syndicales sont respectés, dans votre opinion, c'est suffisant pour assurer à la population ces services continus et adéquats, je comprends, avec certaines restrictions qui peuvent être normales, particulièrement dans les hôpitaux de courte durée. C'est ma deuxième question.

La troisième. J'aimerais entendre vos réflexions dans le cas des hôpitaux pour soins prolongés, où on trouve un grand nombre de patients chroniques - j'en ai fait brièvement une description ce matin - qui sont dans un état de grande dépendance et où, finalement, même si les soins qu'on leur prodigue ne sont pas des soins nécessairement spécialisés en tout temps, ils sont des soins qui veulent respecter la dignité, somme toute, de la personne humaine et du malade. J'aimerais connaître vos réflexions sur ces trois points.

M. Rodrigue (Norbert): Avant de demander à la vice-présidente de la fédération de vous répondre sur deux ou trois points spécifiques, je voudrais vous dire que je trouve que vous ne nous félicitez pas fort de la présence de nos camarades féminines, alors que vous reprochez à tout le monde de ne pas avoir de femmes dans leurs délégations.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je l'avais remarqué et peut-être que j'aurais dû le faire, mais c'est naturel chez la CSN, apparemment.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, toujours.

Deuxièmement, sur la question des besoins de ceux qui sont hospitalisés, vous avez dit: Ce n'est pas tellement là-dessus qu'on s'interroge, mais sur ceux qui ont besoin d'hospitalisation. Je voudrais vous dire que pour ceux qui ont besoin d'hospitalisation, ce n'est pas pendant la grève que le problème se pose, c'est un mois, deux mois, trois mois et quatre mois avant la grève, alors que la stratégie des associations patronales est de faire en sorte que le taux d'occupation soit diminué parce qu'on se prépare à telle éventualité, on diminue l'occupation. Il est là, le problème réel, il n'est pas pendant les deux jours de grève.

Troisièmement, avant que Simone réponde, je voudrais souligner que, pendant la grève, nous, ce qu'on reproche à plusieurs, c'est de créer toutes les conditions pour empêcher que ceux qui ont besoin d'être hospitalisés puissent s'adresser au syndicat qui fait la grève pour que le syndicat, effectivement, puisse se comporter, étant informé, de façon que celui qui a besoin d'être hospitalisé puisse l'être. Notre objectif n'a jamais été d'empêcher les hospitalisations, au contraire sauf que, quand il se présente une ambulance, j'aimerais avoir le numéro de licence de l'ambulance qui se promène depuis cinq ans avec le malade qu'on a refusé partout. Cela fait longtemps que j'entends parler de l'ambulance, je commence à être tanné. En temps normal, j'en ai vu du monde... Rappelez-vous les hôpitaux qui ont été poursuivis parce qu'ils ont refusé des patients. Rappelez-vous d'autres cas majeurs où les malades se promènent dans trois ou quatre hôpitaux, à Montréal - en temps normal - j'aimerais qu'on en parle. Indépendamment de ça, pendant la grève, ce que je voudrais souligner à cette commission parlementaire, c'est qu'un de nos plus grands désirs est que celui qui a besoin d'hospitalisation vienne nous parler, non pas nous envoyer la police, les motards, avant que l'ambulance arrive, alors qu'on ne l'a pas vu encore. Les travailleurs sont assez qrands, ils sont assez conscients et sérieux pour permettre l'entrée; parce que ce n'est pas notre objectif de bloquer l'entrée à ceux qui ont besoin d'être hospitalisés. Jamais on ne vient s'adresser à nous; on nous envoie la police ou on nous envoie les agents de sécurité de l'hôpital. Qu'ils viennent nous parler et vous verrez que ça va entrer et ce ne sera pas long.

Mme Massé: Sur la suffisance des listes déposées, il y a toujours une réouverture, un dialogue qui peut se faire avec l'employeur selon le changement qui peut avoir à l'intérieur de l'hôpital. Plusieurs syndicats, au cours de la dernière grève, ont ajouté, à certaines journées, du personnel sur leur liste de services essentiels selon les besoins que l'hôpital avait, selon la catégorie de patients qui étaient entrés dans l'heure qui avait

précédé.

Pour ce qui est de refuser l'accès à des gens qui auraient besoin d'être hospitalisés, sur les lignes de piquetage, on ne fait pas la sélection des gens qui ont besoin d'être hospitalisés. On laisse passer les gens qui se présentent dans les salles d'urgence, dans les cliniques externes et ce sont les médecins à l'intérieur qui font la sélection. Ce n'est pas nous autres. On s'imagine qu'ils gardent ceux qui ont besoin d'être hospitalisés; ensuite, on ajuste nos services essentiels à ceux qu'ils auront gardés.

Pour les exemples que vous avez relevés à l'hôpital Laval, si je me souviens bien, c'est arrivé pendant la grève des infirmières de la Fédération des SPIIQ, alors je sais que le problème s'est réglé. Les intéressés vous l'expliqueront eux-mêmes quand ils témoigneront ici; je pense que les infirmiers viennent témoigner cette semaine. Pour ce qui est du CHUL, on va rester à la FTQ, je ne peux pas vous répondre pour le CHUL, c'est un syndicat FTQ.

Mme Lavoie-Roux: Non. Je m'excuse, madame, en fait, c'est vrai, et peut-être que l'autre, s'il y a un autre syndicat, ce ne sera pas la CSN. Mais des situations analogues pourraient se produire quant aux possibilités pour des citoyens d'être admis, soit pour des cas sérieux et, s'ils sont exposés à des délais d'admission, ils peuvent subir des préjudices, alors je pose plutôt le problème dans l'ensemble. Je voulais quand même vous montrer que je ne prenais pas ça dans mon imagination, que c'était quand même des faits qui avaient été relevés par les experts.

Mme Massé: Quant au problème de Laval, il a été résolu, comme nous avons trouvé aussi la solution dans ces cas. On ajoute le personnel nécessaire pour les personnes qui ont besoin des soins. La pratique démontre que le taux de services essentiels dans les centres d'accueil pour personnes âgées et dans les hôpitaux pour malades chroniques est très élevé. On a des endroits où il y a eu 75% du personnel qui était en services essentiels dans ces centres. Sur ça, entre les gens qui travaillent à l'intérieur, pour la dernière fois, si ma mémoire est bonne, il y a eu beaucoup d'entente sur les services essentiels dans ces institutions. Des listes aussi étaient assez élevées. À cet égard, on ne peut pas toucher à la responsabilité des travailleurs qui sont là, ils ont respecté à de très hauts taux les services essentiels.

Mme Lavoie-Roux: Si vous me permettez...

Mme Massé: II faut dire aussi qu'en temps normal, dans ces institutions, c'est le minimum de gens qui y travaillent.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous m'aviez enlevé la dernière question que je voulais vous poser. J'avais cru lire que je ne pouvais pas la trouver exactement dans votre mémoire, où vous dites que c'est un personnel minimum qui travaille pour tenter d'assurer des services auprès de cette clientèle particulière. Au même moment, vous me dites - prenons le cas maximum où vous avez laissé 75% du personnel - qu'on peut réduire de 25% le personnel et même davantage et que les patients n'auront pas d'inconvénient et, particulièrement, à l'égard d'une clientèle très vulnérable.

Mme Massé: On ne dit pas que les patients n'ont pas un inconvénient. Déjà, avec le "chiffre" régulier, les patients ont des inconvénients, mais les travailleurs qui sont là ont aussi un droit de grève. C'est notre dernier recours, notre dernière pression pour la négociation de la convention. Est-ce que cela veut dire en principe que ces gens n'ont pas droit de grève parce que les employeurs tiennent un taux de personnel minimal?

Le Président (M. Rodrigue): M.

Rodrigue, je vais vous céder la parole pour conclure là-dessus. Nous avons effectivement dépassé de beaucoup le temps qui nous était alloué. Si vous voulez terminer rapidement.

M. Rodrigue (Norbert): C'est très bref. C'est un élément de réponse à Mme Lavoie-Roux. Dans l'exemple qu'elle nous donne, j'affirme ici devant la commission parlementaire que les services essentiels qui ont été donnés pendant la grève étaient supérieurs au personnel pendant les week-ends. Qu'on me parle de l'année courante, et après cela on va voir comment on peut faire des contre-poids.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Confédération des syndicats nationaux de nous avoir présenté leur mémoire.

J'invite les représentants de la Corporation professionnelle des médecins du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Le mémoire de la Corporation professionnelle des médecins du Québec sera présenté par M. Augustin Roy. J'invite M. Roy à présenter les personnes qui l'accompagnent aux membres de la commission.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres

de la commission parlementaire, je vais vous présenter les représentants de la Corporation professionnelle des médecins du Québec qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, le Dr Jacques Brière, suivi du Dr André Lapierre, et, à ma droite, Me Gaston Pouliot, Me Yves Ouellet et moi-même, Augustin Roy, président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

En raison de la mission de services publics dont elle est investie par la loi et de l'expertise de ses membres en matière de services de santé, la Corporation professionnelle des médecins du Québec a le devoir d'intervenir à nouveau dans le débat qui se déroule depuis au moins 1965 sur le régime de travail dans les secteurs public et parapublic. Elle remercie cette commission parlementaire de lui donner l'occasion de faire entendre son point de vue et espère contribuer à éclairer quelque peu un débat où les technicités et la défense des intérêts de groupe risquent de laisser dans l'ombre la question fondamentale, en l'espèce, à savoir la conception de l'État et de son rôle dans l'aménagement rationnel et pacifique d'un régime de relations de travail dans les secteurs public et parapublic, et, en particulier, dans le secteur des affaires sociales.

Depuis l'adoption de la Loi de la fonction publique, en 1965, il semble bien que les gouvernements successifs et leurs partenaires sociaux aient tenu pour acquis, sans jamais envisager attentivement de solution alternative, qu'à moins qu'un régime de relations de travail des agents des services publics et parapublics - cela veut dire le personnel dans les secteurs public et parapublic - ne soit substantiellement le même que celui des salariés du secteur privé, il sera nécessairement injuste. Ainsi, la considération de la nature matérielle du travail accompli et le libéralisme nord-américain ont conduit politiciens et syndicalistes à considérer que l'État est un employeur comme les autres, et aussi à assimiler les agents des services publics et parapublics aux salariés privés, alors que la réalité est tout à fait différente. Le personnel du secteur de l'éducation publique et des affaires sociales est donc demeuré assujetti aux dispositions du Code du travail, tout comme ceux des sociétés à vocation capitaliste. Tout se passe comme si on avait tenu pour avéré que le seul mode de détermination des conditions de travail dans le secteur parapublic était également le marchandage d'un contrat où la volonté du plus fort tenait lieu de facto d'une véritable loi régissant non seulement les parties contractantes, mais l'ensemble de la population québécoise.

Dans une société civilisée, nous maintenons que cette loi du plus fort doit être remplacée par la voix de la raison et du bon sens. Nous croyons que les syndicats ont joué un rôle très positif en ce qui concerne l'amélioration considérable des conditions de travail de leurs membres. Loin de nous l'idée de nier cette réalité et de nier leur existence, mais nous croyons qu'il est bon de faire une juste part des choses. (16 h 45)

La corporation soumet que cette conception miniaturisée de l'État, de sa souveraineté et de sa responsabilité, qui l'amène à se comporter dans ses relations de travail comme un entrepreneur indépendant et à remplacer la loi par le contrat, doit faire l'objet d'une réflexion profonde et d'une remise en question, car elle est au coeur même des malaises sociaux et des frustrations auxquels cette commission parlementaire veut trouver une solution. Dans notre esprit, nous croyons que cette commission parlementaire doit revoir la question des relations de travail dans les secteurs public et parapublic de fond en comble. En écoutant le premier ministre, M. Lévesque, au cours de l'hiver dernier, j'avais la profonde conviction qu'il était en désaccord avec ce qui se passait dans le monde du travail des secteurs public et parapublic et que toute cette question des grèves et des bris en ce qui concerne les services essentiels lui répugnait profondément. Nous partageons complètement sa conviction et sa position sur ce sujet. Nous croyons qu'il faut une révision en profondeur et non pas seulement des cataplasmes et des remèdes ponctuels à très court terme. Cette position de l'État s'est matérialisée par un régime de relations de travail qui a échoué, marqué par des rondes de négociations longues et laborieuses, la multiplication des conflits sociaux, la désobéissance civile et un sentiment de profonde insécurité dans la population en général et chez les bénéficiaires des établissements du réseau des affaires sociales en particulier. Il convient d'analyser les causes de cet échec et de rechercher un modèle alternatif qui permettrait une organisation pacifique et rationnelle des relations de travail dans les secteurs public et parapublic, dans un climat serein, dénué de démagogie et de sensationnalisme. Nous sommes conscients encore une fois de ce que les syndicats ont fait pour leurs membres. Ce que nous suggérons, par ailleurs, c'est de remettre à l'État les responsabilités qu'il doit avoir dans la société.

Je vais demander à Me Yves Ouellet de résumer les deux parties principales de notre mémoire.

M. Ouellet (Yves): M. le Président, comme le temps passe, j'épargnerai à cette commission la lecture du mémoire; je m'en tiendrai à en dresser les grands traits.

La corporation n'est, évidemment, pas

une partie patronale; ce n'est pas, non plus, une partie syndicale; son rôle est de protéger le public. Cela lui confère un certain détachement et elle veut profiter de ce détachement pour aborder globalement le problème des relations de travail dans le secteur public et non pas se limiter à la question des services essentiels, parce qu'elle considère que ce sont deux questions qui sont intimement liées. Il paraît donc souhaitable d'amorcer une réflexion la plus poussée possible sur la philosophie même du régime des relations de travail, même si cela peut déboucher sur des suggestions qui, forcément, pourraient se matérialiser simplement à long terme et qui peuvent supposer un changement de mentalités et un problème d'éducation. Mais on veut aborder le problème globalement et réfléchir sur la philosophie même, le fondement, la rationalisation de l'actuel régime des relations de travail dans le secteur public, afin de faire certaines propositions concrètes. La position de la corporation, c'est que le régime actuel repose essentiellement sur les principes suivants. On tient pour acquis que l'État est un employeur comme les autres, que les agents des services publics et parapublics sont des employés, des salariés comme les autres. On considère les services publics comme des entreprises privées non différentes des autres et, en conséquence, on applique servilement la philosophie du Code du travail dans le secteur public. On applique dans le secteur public une philosophie reposant essentiellement sur le rapport de forces.

La position de la corporation, c'est que cette conception des relations de travail dans le secteur public s'est soldée par un échec assez retentissant. On a évoqué tantôt la quinzaine de lois spéciales qu'il a fallu adopter au cours d'une quinzaine d'années pour remettre un peu de paix sociale. Il n'y a pas lieu de ruisseler de satisfaction comme Québécois dans un régime comme cela. On a parlé de pluie d'injonctions, de pluie de poursuites pénales. Incontestablement, si tout n'est pas négatif dans le régime actuel, qu'il suffise de rappeler que le rapport Martin-Bouchard a tenu des propos extrêmement sévères sur le régime actuel et nous soumettons que le régime actuel a été socialement et économiquement désastreux. Quels sont les principaux reproches?

Très rapidement, un reproche important, c'est d'abord l'ambiguïté du statut des agents des services publics, qui légalement sont des salariés des établissements, mais de facto tout le monde sait bien que le patron véritable c'est l'État. Donc on a même adopté les textes pour permettre la négociation provinciale, cela crée une structure de négociations extrêmement compliquée à divers paliers, national, régional, local, l'obligation pour les parties de se créer des structures de négociations coûteuses et compliquées. Tout cela ne facilite pas la solution des problèmes et on estime qu'il faudrait avoir le courage de reconnaître que le véritable patron c'est l'État. Donc, il faudrait peut-être avoir un statut des agents, notamment des agents des services de santé, qui, tout en reconnaissant l'autonomie d'embauche des administrations locales, imposerait des règles minimales. Je ne vois pas pourquoi il faudrait à tous les trois ans négocier des centaines de clauses semblables alors qu'il y en a un certain nombre d'acquises qui pourraient être matérialisées dans des textes qu'il serait inutile de renégocier à tous les trois ans.

Le deuxième reproche c'est qu'on ne tient pas compte dans le régime actuel du fait que les véritables enjeux sont finalement politiques. Plusieurs personnes l'ont admis, le rapport Martin-Bouchard le souligne, des commentateurs et la plupart des syndicalistes le reconnaissent, la preuve c'est qu'on crée des fronts communs. La moitié du budget de l'État est en cause, 300 000 personnes sont en cause et également la qualité et le bien-être, la santé des Québécois; tout cela est finalement politique. Malgré tout, on s'entête à se comporter comme si l'État était un entrepreneur indépendant, on négocie des conventions comme si on était dans le secteur privé et ce qui est grave c'est que tout cela se fait in camera en l'absence de tout débat public. Ce matin j'entendais le ministre du Travail dire que finalement les grands paramètres se décidaient au Conseil des ministres, mais des questions aussi importantes, M. le Président, je me demande si elles ne devraient pas faire l'objet d'un débat devant l'Assemblée nationale afin, qu'il y ait un débat public; c'est sans doute une forme de transparance qui en démocratie soit souhaitable. Il ne s'agit pas, bien entendu, d'entrer dans toutes les technicités d'une convention mais les grands paramètres, comme on l'a dit ce matin, les grands principes directeurs de la politique des relations de travail devraient faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale, devraient être décidés par l'autorité législative.

Le troisième point qu'on veut soulever, le troisième reproche au régime actuel c'est l'utilisation du rapport de forces comme moyen de solution des relations de travail; une société développée n'accepte pas que les individus se fassent justice, qu'on utilise la force entre individus pour régler ses conflits. Comment peut-on concevoir qu'en 1981 on est encore dans un régime où on sacralise la force comme moyen de solution des conflits? C'est même gênant d'en être là en 1981 et bien d'autres avant nous l'ont souligné. Dans le mémoire on souligne un texte émanant de l'Office des professions qui remet en cause cette conception de l'État et cette façon d'aborder les relations de travail dans le

secteur public.

Finalement, puisqu'il faut aller rapidement, la fameuse question des services essentiels, un des grands reproches qu'on fait au régime actuel c'est précisément ce qu'on appelle l'impuissance de l'État à assurer la continuité des services de santé. Faut-il rappeler que la Loi sur les services de santé et les services sociaux reconnaît à l'article à le droit à des services de santé, non seulement adéquats, dit la loi, mais même continus. Alors, d'un côté, le législateur garantit ou reconnaît aux Québécois le droit à des services continus et, d'un autre côté, il s'avère impuissant à instaurer un régime qui garantit dans le quotidien la continuité de ses services.

La position de la corporation des médecins sur la question des services essentiels, c'est qu'il ne faut pas encourager les tentatives d'établir des classifications entre les services essentiels et les services qui ne le sont pas. Et voici pourquoi.

D'abord, les services de santé, c'est ce qu'on appelle - vous me permettrez d'employer une expression de droit administratif - des services publics personnalisés. Cela veut dire, comme son nom l'indique, ils sont adaptés à chaque individu. Il est absolument impossible de prévoir à l'avance, de façon rigide et absolue, que, telle journée, il sera nécessaire d'avoir un nombre de personnel X parce qu'il se présentera tel cas de crise cardiaque, un certain nombre de décollements de la rétine. Les services de santé étant personnalisés, la position de la corporation, c'est qu'il n'est pas souhaitable, il est même impossible de les prévoir à l'avance.

J'ajoute que la notion de services essentiels, c'est un test extrêmement vague et imprécis. L'expérience a d'ailleurs démontré que son utilisation s'est soldée par un échec. De toutes les façons, soulignons ceci: ce recours à la notion de services essentiels vise quoi en réalité? Cela vise à supprimer le droit de grève de façon un peu colorée et un peu déguisée. On n'ose pas retirer expressément le droit de grève, mais on utilise cette notion de services essentiels dans le but de retirer partiellement le droit de grève. Que les services essentiels soient déterminés par une régie ou par quelque autre organisme, finalement, l'objectif, c'est de retirer à un certain nombre de salariés le droit de grève.

La position de la corporation, c'est que, dans un contexte de rapport de forces, il est illusoire de vouloir retirer le droit de grève, soit par la notion de services essentiels ou par toute autre technique. Que voulez-vous, les règles du jeu sont les suivantes.

D'une part, on dit au syndicat et on dit au salarié: Voici les règles du jeu. On est dans un contexte de rapport de forces. L'important, ce n'est pas d'avoir raison.

L'important, c'est d'être le plus fort. Dans un premier temps, on leur dit cela. Et, dans un deuxième temps, on leur enlève toute force, on leur enlève tout moyen efficace et on dit: Négociez dans des conditions comme cela.

Faut-il s'étonner, dans un pareil contexte, que, dans le passé, ces tests se soient soldés par des échecs et - le président Rodrigue l'a dit tantôt - toute détermination des services essentiels par un tiers ne sera pas acceptable par la partie syndicale? Je n'ai pas à approuver ou à désapprouver cette position. Mais, en tout cas, elle est logigue. Elle est d'une logique impeccable. Dans la mesure où on est dans un contexte de rapport de forces, il est illusoire de tenter de restreindre le droit de grève, que ce soit par la technique des services essentiels ou autrement.

Notre prétention, c'est qu'il ne faut pas encourager l'utilisation de cette notion, de ce test de services essentiels. Vous allez dire: Ils fonctionnent relativement bien selon la Loi de la fonction publique. Effectivement, sous la nouvelle Loi de la fonction publique, on a cette notion et cela ne fonctionne pas trop mal. Mais, en réalité, tout le monde sait que les services ne sont pas essentiels dans les ministères. Les statistiques nous ont dit qu'il n'y avait pas 3% de services qui étaient essentiels dans les ministères. Si bien que le test fonctionne dans des cas où il est inutile, les humoristes diraient peut-être qu'il en est des services essentiels comme du fédéralisme, cela fonctionne précisément dans les États où cela n'est pas nécessaire, comme en Australie, dit-on.

De toute façon, la position de la corporation, c'est de ne pas retenir cette notion de services essentiels. Elle prétend cependant que tous les services qui sont médicalement requis - voilà un test un peu plus précis - devraient être garantis et que c'est la responsabilité de l'État de voir à assurer que ces services soient fournis.

Finalement, en ce qui concerne la liste syndicale, on a utilisé toutes sortes de formules. On fait des expériences depuis cinq ou six ans et, finalement, ces expériences se soldent par des échecs. Qu'en est-il de cette liste syndicale? La position de la corporation, c'est que les profanes n'ont pas la compétence pour déterminer cette liste, ces services essentiels, parce qu'il s'agit de services publics personnalisés et que cela suppose une expertise, cela suppose une évaluation, cela suppose un examen et que c'est extrêmement difficile, en supposant la meilleure bonne foi, de dresser cette liste. (17 heures)

II faut dire, avouons-le, M. le Président, qu'on peut se demander si les syndicats ont l'intérêt requis pour établir cette liste. C'est quand même exiger

beaucoup à la nature humaine de demander à des gens qui sont dans un contexte de rapport de forces de limiter eux-mêmes leur influence et le pouvoir de négociation. La nature humaine étant ce qu'elle est, le régime de la liste de personnes désignées établi par la partie syndicale n'offre pas de garantie suffisante, de crédibilité et d'impartialité pour être acceptable aux yeux de la corporation.

Remarquez qu'il est intéressant de souligner qu'en France - il est quelquefois bon d'avoir la modestie de regarder ailleurs -c'est le directeur de l'hôpital qui établit la liste. Je ne suis pas sûr que cela offre plus de garantie et de crédibilité non plus. En France, c'est le directeur de l'hôpital qui a le pouvoir d'établir la liste, mais il y a un contrôle qui est exercé par les tribunaux. Ce n'est pas du tout sûr que cette solution soit exportable au Québec.

Donc, quelle est la solution qui est proposée par la corporation des médecins? La corporation vous dit: II faut écarter le rapport de forces. Et la façon d'écarter le rapport de forces, c'est d'abord une action de l'Assemblée nationale qui dresserait les grandes lignes, les grands paramètres, les grands principes directeurs de ce modèle de relations de travail; un de ces principes pouvant être qu'il est important que ces gens soient traités avec justice.

Ce texte pourrait dire que l'Assemblée nationale désire que les conditions de travail, les conditions de traitement des employés des hôpitaux soient sensiblement les mêmes que celles du secteur privé ou que celles de la fonction publique. C'est un choix politique, ce n'est pas à nous d'en décider; mais au moins, on aurait un texte, on aurait une norme d'ordre public qui pourrait inspirer les parties.

Premier élément, une loi de l'Assemblée nationale qui dresserait les principes directeurs; parce qu'on estime que ces questions sont politiques et que, en démocratie, le forum pour discuter, débattre et décider des questions politiques, c'est l'Assemblée nationale.

Deuxième élément, la réglementation concertée. Il ne faut pas s'inquiéter de cette expression qui est sans doute nouvelle, inconnue de pas mal de gens. Qu'est-ce que le règlement concerté? C'est une technique utilisée largement en France. Vous savez qu'en France il n'y a pas de convention collective dans le cas des hôpitaux. La situation est légale et réglementaire. Il y a des syndicats militants, qui se tiennent debout et on fonctionne quand même. Mais on a développé cette technique qui s'appelle la réglementation concertée, qui permet aux syndicats de concourir avec l'État en vue d'élaborer un texte, qu'on appelle réglementation, qui pourrait continuer à s'appeler une négociation ou convention collective, parce que, vraiment, il n'y a pas de différence, sauf dans la mesure où le texte est normatif. Finalement, c'est un texte qui est négocié et c'est très différent d'un décret où l'État consulte et dicte ensuite ce qu'il veut.

En l'espèce, la négociation se matérialiserait par un texte qui prendrait la forme d'un règlement. Ce serait une forme de négociation permanente ou périodique. Mais le texte étant normatif, il me paraît juste de l'appeler un règlement. Finalement, la terminologie est peu importante.

Bien entendu, lorsque, après une période X à déterminer par la loi, cela peut être six mois ou peu importe la période, les parties finissent par s'entendre sur un certain nombre de clauses. Ces clauses se matérialisent sous forme de règlement. On peut vraisemblablement prévoir qu'il y aura des désaccords, mais en cas de désaccord, comme la philosophie de la corporation est d'écarter le rapport de forces et d'exclure la confrontation, il y aurait cette régie dont les membres seraient nommés par l'Assemblée nationale qui garantit l'indépendance et qui trancherait le débat avec possibilité pour les corps intermédiaires, les représentants des bénéficiaires, des malades chroniques, d'intervenir, un peu comme cela se fait devant des agences de régulation comme la Régie des services publics.

Je termine, M. le Président. Lorsque dans un État où le pouvoir législatif est systématiquement défaillant et où le pouvoir exécutif est souvent hésitant, il ne faut pas s'étonner que les intérêts de groupes finissent par l'emporter sur l'intérêt général.

Ce que la corporation demande, c'est que l'Assemblée nationale exerce sa souveraineté pleinement, elle l'exerce en matière culturelle, elle l'a exercée en matière économique, en matière de protection du consommateur, elle commence à l'exercer timidement avec la loi sur les normes minimales. Ce qu'on veut, c'est restaurer la souveraineté et l'autorité de l'Assemblée nationale, exclure les rapports de forces et instaurer un système qui permet une solution juste et rationnelle, sans obliger les salariés à demeurer silencieux et soumis. Voilà la position de la corporation.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais remercier la Corporation professionnelle des médecins du Québec de son mémoire et d'être venue nous rencontrer.

On me permettra, dans un premier temps, de faire une toute petite mise au point. J'aurais, par la suite, trois questions à poser.

Dr Roy, dans votre présentation, vous avez fait état d'une déclaration qu'aurait

faite le premier ministre, et je dois vous citer à peu près textuellement. Vous lui avez mis dans la bouche les paroles suivantes, que le premier ministre, M. Lévesque, aurait dites à l'Assemblée nationale à savoir "qu'il fallait revoir de fond en comble le système de négociation. "

Or, ce n'est pas ce que le premier ministre, M. Lévesque, a dit à l'Assemblée nationale. Comme ça fait deux fois que ça revient durant la journée, je voudrais tout simplement me référer au journal des Débats du mercredi 5 novembre 1980, page 11 - et je cite, j'ouvre les guillemets - c'est le premier ministre qui parle: "Quand aux services qu'on appelle les services essentiels, nous n'avons pas encore trouvé collectivement le moyen, ni de les définir correctement, ni d'en garantir vraiment le maintien. Il faut profiter de la période qui nous sépare de la prochaine ronde de négociations pour revoir de fond en comble le système qui prévaut chez nous depuis une quinzaine d'années. " Donc, à ce moment-là il parle des services essentiels.

Ceci étant dit ou redit, ma première question serait la suivante... Vous nous proposez - je voudrais être certain que je comprends bien - à la page 19 de votre mémoire, que l'État établisse le partage entre les matières qui devraient trouver une solution nationale et celles devant en trouver une à l'échelon local. Est-ce que, ce faisant, vous ne vous trouvez pas à recréer les paliers de négociations qui sont actuellement en existence? On pense au secteur de l'éducation, par exemple. Or, vous dites justement à la page 7 de votre mémoire que "l'ambiguïté du statut de ces agents et l'existence de plusieurs paliers de négociations entraînent... ", etc. C'est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante... Je ne voudrais pas simplifier à l'extrême parce qu'il y a beaucoup d'éléments dans votre mémoire et, comme pour tous les mémoires, ça mérite d'être scruté à la loupe; donc je ne voudrais pas être injuste et mal rendre la pensée, les recommandations et les suggestions que vous nous formulez, mais si je prenais une formule un peu plus lapidaire, vous nous proposez, à toutes fins utiles, un régime de négociations qui exclut de fait la grève. La Fédération des résidents et des internes - les résidents et les internes, je présume et je comprends que, dans les faits, ça fait partie de l'ensemble de ces citoyens et citoyennes qui sont membres de votre corporation - n'avaient pas le droit de grève lors de la dernière ronde de négociations. On se souviendra que ces gens ont fait la grève durant une période qui a duré un mois. Il faut être juste, pas un mois complet, de façon sporadique, mais le total de ça c'est un mois. Du côté de la CSN, le total de la grève est de quatre jours. Vos membres, résidents et internes, n'avaient pas le droit de grève, cela a duré un mois; ce sont les faits, les faits têtus. Est-ce qu'il n'y a pas là un constat dans les faits que même si vos membres, résidents et internes, n'avaient pas le droit, ils l'ont faite quand même? Quand des gens sortent dans de telles conditions, pas besoin d'insister sur le fait que ça déroute, à tout le moins, beaucoup de monde. Alors, comment pouvez-vous, partant de ce constat des faits, soutenir en même temps, à l'autre bout - et je ne me souviens pas, je ne voudrais pas dire des choses qui seraient inexactes, mais je ne me souviens pas que votre corporation soit intervenue à ce moment-là publiquement; peut-être que oui. Si tel est le cas, vous nous le rappellerez volontiers, j'en suis certain. Mais je ne me souviens pas d'un plat. C'est ma deuxième question.

Ma troisième question, c'est la suivante. Votre corporation, qui est une corporation professionnelle, est chargée, selon la loi qui régit de telles corporations, de se préoccuper et de défendre l'intérêt du public, l'intérêt des citoyens dans un champ bien précis. Par exemple, vous avez apporté des jugements en vertu de codes d'éthique, de règles sur le comportement, les attitudes et la gualité professionnelle de gestes posés par des membres, en particulier lorsque des citoyens et des citoyennes portent plainte.

Nous sommes en période de paix relative et je crois comprendre que de plus en plus il s'exprime, depuis le début de cette journée, je crois, une volonté manifeste. Il peut y avoir des divergences de vues profondes et importantes, mais il me semble se dégager - c'est un signe, quand même, encourageant, en tout cas, me semble-t-il, un signe de maturité - quelque chose dans le genre: les temps sont mûrs pour que, ensemble, chacun et chacune d'entre nous, que ce soit l'État, que ce soient les formations politiques, que ce soient les employeurs, peu importe, les syndicats, les travailleurs, reconnaissent que nous avons tous et toutes, chacun et chacune d'entre nous, des responsabilités à assumer pour faire en sorte que les choses s'améliorent et s'améliorent grandement. En plus, vous êtes une corporation professionnelle qui a cette responsabilité.

Compte tenu de ces responsabilités que vous avez comme corporation, de cette position qui, à toutes fins utiles, conduit au retrait du droit de grève que vous nous proposez, comment conciliez-vous cela et qu'est-ce que vous entendez faire face à la déclaration du Dr Boileau, en fin de semaine, qui a avancé que la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec s'était dotée pour la première fois d'un fonds de secours de 500 000 $ pour soutenir la lutte de ses membres pour la prochaine négociation? Quel que soit le moyen de lutte - Dieu merci, il

n'y a pas de grève pour l'instant - quand on commence à annoncer des choses comme celle-là et à en faire des déclarations publiques, vous conviendrez avec moi qu'il y a au minimum une contribution à créer un effet d'inquiétude qui pourrait vite devenir de l'angoisse, surtout chez les malades en particulier.

M. Rivest: M. le Président, je m'excuse auprès du ministre, mais je me demande vraiment si le ministre ne va pas trop loin et ne déborde pas le mandat de la commission. Il ne s'agit pas de faire le procès de la Corporation professionnelle des médecins, non plus que de faire état des déclarations qu'un syndicat en particulier a faites ou d'une mesure qu'un syndicat a prise, en particulier le Dr Boileau qui le représente. Je me demande si, à ce moment-là, la commission ne risque pas de s'éloigner de son mandat. Je ne veux pas en faire un débat profond, mais j'apprécierais grandement que le ministre oriente bien davantage ses questions sur la nature des propositions qui sont formulées ici par la Corporation professionnelle des médecins au lieu d'essayer à l'avance, au-delà d'ailleurs de ses responsabilités ministérielles particulières, de s'immiscer dans le déroulement d'une négociation sur laquelle la commission n'a strictement aucun pouvoir.

Le Président (M. Rodrigue): Sur la question de règlement qui est soulevée, j'ai entendu les propos qu'a tenus le ministre et il m'apparaît que cela se situe dans le cadre des débats que nous avons ici, sauf qu'il semble que c'est un préambule peut-être un peu long, cependant, pour en venir à une question.

M. Rivest: Vous êtes généreux, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Je vais quand même demander au ministre d'en venir à la question le plus rapidement possible et je rejette la question de règlement qui a été soulevée. (17 h 15)

M. Marois: M. le Président, en conclusion, les faits mentionnés me semblent terriblement pertinents. On est là précisément pour voir de quelle façon il y a moyen d'améliorer, en mettant à contribution l'ensemble des ressources d'une société... Ce n'est pas juste par des textes de loi, ce n'est pas juste par des mots écrits sur du papier, c'est aussi par des ensembles de comportements qu'on va contribuer à améliorer les choses et à mieux répondre aux besoins des citoyens.

J'aimerais bien entendre l'opinion de la corporation. Les gens qui témoignent ici devant nous sont pleinement libres de leur réponse, sont libres de répondre ou pas aux questions qui sont posées. C'est ma question. Je demande à la corporation ce qu'elle en pense et ce qu'elle peut faire dans ce genre de situation-là.

Le Président (M. Rodrigue): II ne faudrait pas faire le débat sur une question de règlement que j'ai déjà rejetée de toute façon.

M. Roy.

M. Roy: M. le Président, nous avons hâte de répondre aux questions du ministre, si seulement il veut bien nous laisser la parole et délaisser son ton accusateur.

Nous voulons que cette commission se déroule sans démagogie, en toute sérénité et nous sommes ici justement pour discuter de ces guestions. C'est la raison de notre présence, nous n'avons pas peur de répondre aux questions, mais il est important que le public fasse la distinction quant à la Corporation des médecins qui groupe tous les médecins, d'une façon obligatoire, qui contrôle leur compétence, leur éthique professionnelle, leur discipline, de par des lois votées par le Parlement. Nous vous assurons que nous faisons bien notre devoir.

Nous n'avons, par ailleurs, aucun mot à dire sur des organismes syndicaux comme la Fédération des omnipraticiens du Québec qui qroupe tous les omnipraticiens, la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui groupe tous les spécialistes, la Fédération des médecins résidents et internes qui groupe également tous les internes et résidents du Québec, organismes qui ont été formés également par des lois de la Législature qui leur a octroyé les pouvoirs qu'ils exercent.

C'est justement parce que nous voulons que les négociations dans les secteurs public et parapublic, et ça inclut les négociations dans le secteur de la médecine, se déroulent en dehors d'un rapport de forces que nous sommes prêts à suggérer des modifications au régime des négociations de travail qui a lieu actuellement.

Nous croyons qu'actuellement se prépare une négociation très dure entre le gouvernement et les fédérations médicales. J'ai presgue un peu peur des résultats de ces négociations et de ce qui pourrait arriver. Je fais appel aux deux parties pour qu'elles discutent de façon sereine, correcte et adulte pour assurer aux Québécois les services médicaux auxquels ils ont droit.

Nous croyons qu'un statut nouveau pourrait s'appliquer à tout le monde, mais il ne faut pas blâmer la Corporation des médecins en ce qui concerne les relations de travail parce que nous n'avons aucun pouvoir, aucun mot à dire dans l'établissement des régimes et négociations des conventions collectives. C'est l'Assemblée nationale, le Parlement, qui est l'autorité suprême et nous

sommes ici pour vous faire des suggestions. C'est à vous de les retenir ou de ne pas les retenir mais, si ça ne va pas, c'est à vous également de porter l'odieux des décisions à prendre pour amener l'ordre dans la société, et non pas aux corps intermédiaires.

Nous avons fait des représentations, dans les années passées, la dernière fois en 1978 quand le Code du travail a été amendé par le biais de la loi 59. J'ai encore devant moi le mémoire qu'on vous présentait à ce moment-là et où on disait que nos propos ne voulaient pas être alarmistes, mais qu'on pensait que le gouvernement faisait preuve d'un manque de réalisme, il jouait avec le feu, il courait au désastre en amendant le Code du travail comme il l'a fait. Effectivement, dans la dernière grève dans la négociation de 1979, grève qui a duré quatre jours... On parle de quatre jours de grève, ce n'est pas les quatre jours de grève qu'il faut déplorer, ce sont tous les jours qui précèdent la grève, toute la période de harcèlement qui dure des semaines et des mois, où les malades, les personnes âgées souffrent de la pénurie des services parce qu'ils ont peur de manquer de services, ils vivent dans l'anxiété et dans l'angoisse. Cela fait partie des règles du jeu à cause de la détermination des services essentiels, à cause des avis de grève à donner, à cause de tout le mécanisme qui entoure actuellement les négociations collectives. Ces négociations utilisent le droit de grève comme moyen d'en arriver à une meilleure solution du conflit et on utilise la grève comme un moyen technique, comme une espèce de tactique, de stratégie sur le dos des malades ou des écoliers ou des citoyens, dans le cas du transport en commun, tout simplement parce que ça va nous rapporter si on fait mal aux gens.

Quand je relie ça à la deuxième question du ministre sur la question de la grève des internes et des résidents, je dois dire qu'encore là ce sont des gens qui ont le droit de faire la grève, et je ne connais aucune loi de l'Assemblée nationale qui leur ait interdit le droit de faire la grève. Nous avons demandé à ces gens d'arrêter leur grève qui ne les menait nulle part. Si la grève des internes et des résidents a duré trois semaines ou quatre semaines, elle aurait pu durer six semaines ou huit semaines sans leur donner pour autant des conditions de travail avantageuses, c'était simplement parce que leur grève ne faisait pas assez mal ou parce que leur grève ne faisait pas mal du tout et que les hôpitaux pouvaient très bien s'en passer. Ils l'ont compris à un moment donné parce qu'ils sont retournés au travail penauds, de peine et de misère; ils ont failli perdre une partie de leur année et ils ont eu énormément de difficultés. Ils n'avaient pas la population avec eux, elle ne leur était pas sympathique, parce que ça ne faisait pas assez mal.

C'est là le problème de notre société: pour qu'une grève donne des résultats, il faut qu'elle fasse mal, il faut qu'elle soit dure et c'est ce qui est inacceptable. C'est un procédé barbare et inhumain, qu'on ne peut plus tolérer dans une société qui se dit civilisée, en 1981. Actuellement, l'Assemblée nationale a un rôle extrêmement important en période de relative paix sociale. Il y a de dures négociations qui s'en viennent, cet automne, avec les médecins; l'année prochaine, ce sera avec le cartel des secteurs public et parapublic. Dans cette période de paix sociale, il est important de revoir les règles du jeu non pas d'une façon superficielle, en cataplasme, mais de les revoir de fond en comble. C'est à peu près dans ce sens que le premier ministre parlait au mois de novembre; du moins, c'est comme cela que je l'ai interprété quand je l'ai entendu moi-même.

Nous croyons que si le gouvernement ne fait pas son devoir, ne profite pas de cette période de paix sociale, il va encore avoir à le regretter. C'est curieux comme avec deux ans de recul on n'a pas le même langage, on oublie des choses. La mémoire est une faculté qui oublie, heureusement. D'un autre côté, il ne faut pas être naïf, il faut quand même se souvenir de ce qui s'est passé en 1979 et en 1978, la grève d'Hydro-Québec, la loi spéciale que vous avez votée à 3 h 30 le matin, j'étais présent. Je vois ici un des membres de l'Assemblée qui n'a pas voté - il y en avait deux ce matin - parce que ça leur répugnait de voter cette loi. Il y a aussi la loi qui a ramené les employés des services publics, les employés des hôpitaux au travail; il y a d'autres membres qui n'ont pas voulu voter ou qui ont même voté contre.

Pourquoi attendre les périodes de crise aiguë pour légiférer, pour réaliser que la société a droit à plus de considération à notre époque et que ça ne doit pas être la loi du plus fort qui doit primer? À l'heure actuelle, je n'ai rien à dire contre le syndicat, il joue son jeu pleinement et entièrement. Je ne fais pas de partisanerie d'aucune façon, mais c'est le gouvernement actuel et le gouvernement antérieur qui ont manqué à leur devoir en cédant trop facilement devant le chantage des syndicats. C'est leur jeu de faire du chantage parce que c'est en faisant du chantage qu'ils réussissent à avoir de meilleures conditions de travail. Tous les syndicats, même le syndicat des médecins de 1970, ont toujours réussi à extorquer au gouvernement de très bonnes conditions de travail en faisant la grève. La grève est devenue rentable et les syndicats le savent très bien. C'est ce qu'il faut empêcher de continuer. Il faut en arriver à une solution raisonnable, rationnelle, civilisée, qui ne se fasse pas sur le dos de la population, sur le dos du public. C'est votre devoir de légiférer en ce sens.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).

M. Rivest: Dr Roy, ce que la Corporation des médecins propose finalement - je ne veux pas employer un vocable qu'il est peut-être difficle de coller à une corporation professionnelle, celle des médecins en particulier - c'est extrêmement révolutionnaire. Vous prenez toute la législation actuelle du droit du travail dans les secteurs public et parapublic ainsi que la pratique d'un certain nombre d'années non seulement au Québec, mais au niveau fédéral, dans l'ensemble du Canada, et vous changez cela comme cela, d'un trait de plume.

Vous dites, grosso modo, qu'il n'y a rien. Je signale l'expérience au niveau du Canada et d'autres provinces. On va convenir, je pense bien - tout le monde de la commission, la plupart des groupes - qu'il y a quelque chose de fondamental qui ne tourne pas rond dans le système actuel. D'un autre côté, un régime de droit, surtout dans le domaine des relations de travail, il me semble qu'on doit, quand on cherche à le modifier ou à le faire évoluer, surtout quand on le met complètement de côté, avoir des raisons extrêmement sérieuses et extrêmement graves de le faire. Il y a sans doute des cas, on en a signalé au Québec, mais pourquoi devrait-on s'écarter de ce même régime et de l'économie de ce régime qui est appliqué au niveau fédéral et qui est appliqué, à ma connaissance, dans l'ensemble des provinces canadiennes? Je voudrais bien comprendre la raison fondamentale qui vous amène à faire ça. En corollaire, je m'interroge sérieusement. Un gouvernement ou même une Assemblée nationale, comme vous demandez, qui le ferait, quand on propose un changement aussi radical, on doit avoir au moins une idée de ce que cela donnerait une fois appliqué, les chances de succès d'une telle formule que vous proposez sous le vocable de la réglementation concertée.

Là-dessus, c'est bien beau de nous dire façon France, c'est ce qui existe. Vous savez comme moi, d'ailleurs vous l'avez signalé dans votre mémoire, que l'économie et la culture juridique française n'est pas nécessairement la nôtre dans ce domaine particulier des relations de travail. Je me demande comment le Québec pourrait, d'une façon aussi globale et aussi systématique, se démarquer de ce qui existe dans le domaine des relations de travail dans l'ensemble du pays, dans l'ensemble du Canada.

Ma deuxième question sera peut-être un peu plus précise. Lorsque vous évoquez que l'Assemblée nationale, par une loi directrice, devrait définir elle-même les principes directeurs, vous dites que ce pourrait être le niveau de comparaison entre des salaires des secteurs privé et public, est-ce que ce sera le seul critère, et quels autres critères pourriez-vous avancer ici d'une façon concrète?

Finalement, j'aimerais que vous précisiez peut-être, car je n'ai pas très bien compris. Votre collègue, Me Ouellet, de l'Université de Montréal, nous explique la différence très concrète qui existe entre la formule d'un décret qu'on connaît dans notre droit du travail, malheureusement, et les problèmes d'application qu'on a connus d'ailleurs lorsqu'on a vécu ces expériences, et ce qu'on appelle un texte normatif. Je comprends sans doute qu'il y a des distinctions juridiques qui peuvent m'échapper à l'instant, mais je voudrais savoir, en termes de contenu, comment cela va être perçu par les gens. Ma grande crainte de votre mémoire, c'est la démarche que vous proposez; je crains que ce soit un système finalement assez - je m'excuse du vocable -académique et qu'il risque d'apparaître à plusieurs artificiel. Je ne veux pas en discuter le mérite, parce que c'est extrêmement complexe. Ma crainte c'est celle-là, parce que vous changez complètement tout.

M. Roy: Notre position est aussi réaliste que possible. Il n'y a rien de sorcier dans ce que l'on dit dans ce mémoire. Ce que l'on cherche à éviter, ce sont les conflits de travail dans les secteurs public et parapublic, conflits de travail qui pénalisent des gens qui sont pris entre la position patronale et la position syndicale et qui sont des victimes de ces conflits: les malades, les élèves, le public en général.

On suqgère d'imiter d'une certaine façon, en partie, un système qui existe déjà en France et de l'aménager à la nord-américaine. On copie facilement bien des choses qui sont faites en France quand cela fait son affaire et on semble en rire ou s'en offusquer quand cela semble plus difficile d'application. Il faut quand même faire un certain effort d'imagination pour résoudre ce long débat qui dure depuis 1966. Le droit de grève a été accordé en 1964. La première grève a eu lieu en 1966. À chaque conflit de travail, on reprend le même exercice de discussion en disant que cette fois-là on ne se fera pas reprendre, que l'on va chanqer les règles du jeu, que l'on va établir de nouveaux mécanismes. Finalement, le temps passe. Un an, deux ans, trois ans, et on se retrouve encore en plein conflit de travail.

C'est justement cet exercice que l'on fait, publiquement, avec vous, que d'autres groupes font également, savoir essayer de répondre à des questions. On a fait, nous, la constatation que le système actuel ne fonctionnait pas ou fonctionnait mal.

Le public qui écoute, le public qui, lui, ne connaît pas l'établissement des listes

syndicales et des listes patronales et qui, évidemment, peut avoir des mots à dire sur la question des services essentiels, le public est quand même capable, lui, de savoir que lorsqu'il y a des conflits de travail dans le secteur de la santé et le secteur des hôpitaux, il n'a pas accès aux hôpitaux, qu'il a de la difficulté à pénétrer dans les hôpitaux, à moins d'être à moitié mort, à moins d'être en danger, à moins de saigner, à moins d'avoir une fracture, à moins d'être à la veille d'accoucher. Le public sait fort bien qu'il est pénalisé durant cette période, que les gens qui souffrent du cancer ne peuvent pas voir leurs examens continuer, ne peuvent pas avoir accès à la continuité de leurs traitements également. Ils savent bien que ceux qui sont dans les hôpitaux, hospitalisés, qui ont eu la chance d'être admis sont bien traités et souffrent relativement peu, à part les malades chroniques et les vieillards, mais ceux qui sont dans les hôpitaux pour soins aigus et qui ont la chance d'être admis sont relativement bien traités. (17 h 30)

Le gros problème concerne ceux qui ne peuvent pas entrer à l'hôpital, ceux pour qui c'est bloqué, parce qu'on a un hôpital qui fonctionne à 40% ou 50% avec 30% ou 35% du personnel. Ils savent bien que cela n'a pas de sens et nous, on dit que les services essentiels, ce sont tous les services qui sont nécessaires, qui sont indispensables. Qu'on dise au public qu'en temps de grève, en temps de négociation, il n'a pas droit à ces services de santé ou il a droit à seulement la moitié des services de santé. Qu'on le lui dise clairement. Qu'on l'habitue à cela, mais j'ai l'impression que les gens n'acceptent pas cela. Les gens veulent continuer à avoir accès aux services essentiels qu'ils paient largement par le biais des taxes, par le biais des impôts et auxquels ils ont droit. Nous pensons qu'ils peuvent continuer à exercer ce privilège de l'accessibilité aux soins médicaux qu'on leur a garanti par les lois. Nous pensons qu'il est important, par cet exercice de la commission parlementaire, de trouver un mécanisme nouveau pour améliorer les relations de travail. Nous pensons que ce qui est suggéré, ce mécanisme qui n'abolit pas la négociation, mais qui fait que la négociation devienne plus ouverte, plus visible et plus transparente, selon un mot qu'on utilise à toutes sortes de sauces, nous croyons que personne ne devrait avoir d'objection à ce que le public, par le biais de l'Assemblée nationale et du gouvernement, soit informé des négociations avec 300 000 employés des secteurs public et parapublic et qui coûtent énormément cher à l'État, 50% ou 52% du budget de l'État.

Actuellement, toutes ces négociations se font en secret, en catimini. C'est tellement vrai que même le Conseil d'information des services essentiels ne sait pas ce qui se passe, lui dont la mission est justement d'informer les gens. Ce conseil a essayé de bien remplir sa mission. Je ne lui en veux en aucune façon, mais il n'a pas été capable de remplir son rôle adéquatement -il l'a déploré lui-même - parce qu'on refuse de l'informer et on refusera toujours de l'informer, parce que le jeu de la négociation est un jeu de cache-cache où, à un moment donné, c'est la loi du plus fort qui triomphe et où, quand quelqu'un est rendu à l'épuisement total pour toutes sortes de raisons, raisons financières ou raisons économiques, ou raisons politiques ou raisons sociales, à un moment donné, on se décide de régler à trois ou quatre heures du matin autour d'un verre de soda. À ce moment-là, on ne pense pas que c'est rendre service au public que de continuer ce système de négociations en cachette, en privé, en catimini, alors qu'on se targue, on se vante d'avoir une administration ouverte, transparente et visible. C'est ce qu'on voudrait améliorer. Je demanderais à Me Ouellet de donner plus de détails en ce qui concerne les relations de travail et l'aspect juridique.

M. Ouellet: Pour répondre à M. Rivest, il est certain que le modèle alternatif qui est exposé, c'est bien certain qu'on ne s'attend pas que cela puisse être appliqué demain matin. Il faut être réaliste. Le parti politique qui déciderait de tenter d'instaurer un modèle semblable prendrait une position qui est peut-être politiquement suicidaire. On le sait bien. On n'est pas naïf à ce point, mais je pense que l'objectif est de renouveler le débat. Je pense que le rôle d'une commission parlementaire n'est pas simplement de trouver des recettes à court terme ou marquées au coin de l'opportunisme. Je pense que le rôle d'une commission parlementaire est d'élaborer les politiques à long terme. J'imaqine que le gouvernement n'a pas que des politiques à court terme. Notre objectif est de vous souligner qu'il y a d'autres façons de concevoir le problème, même si on est bien conscient que cela suppose une préparation de l'opinion publique et que, dans l'immédiat, même la partie patronale n'est peut-être pas prête à considérer un modèle semblable.

Quant à la réglementation concertée, l'expression est nouvelle et je comprends qu'elle étonne et qu'elle choque, mais, encore là, il n'est pas défendu d'aborder des thèmes ou des institutions nouvelles, j'espère, dans une commission parlementaire au Québec. La réglementation concertée n'est pas autre chose que la bonne vieille convention collective. Le régime qui est utilisé dans certaines entreprises nationalisées en France vise essentiellement - et il date des événements de 1968 et des accords de

Genève - à écarter l'autoritarisme. Ce qu'on veut, précisément, c'est trouver un système qui écarterait le rapport de forces tout en maintenant la négociation, donc, tout en faisant droit aux intérêts collectifs. La réglementation concertée, ce n'est pas différent de la bonne vieille convention collective, sauf qu'au lieu de l'appeler contrat pour une durée de trois ans, ça s'appelle règlement, et ça peut être remis en question en tout temps, ce n'est pas compliqué. Cela crée une atmosphère où on ne se situe pas dans un rapport de forces. Ce n'est pas un mystère, ce n'est pas découvir la roue, ce n'est pas aussi spectaculaire que ça, mais, dans l'immédiat, ça étonne, on en est bien conscient, et on veut volontairement être provocant.

M. Rivest: Juste une dernière précision. Vous venez de dire que la réglementation concertée, c'est une bonne vieille convention collective. Quand les gens vont se réunir pour la faire, comment pouvez-vous dire qu'il n'y aura pas de rapport de forces qui va s'installer?

M. Ouellet (Yves): Parce que vous allez avoir votre loi générale qui aura établi les paramètres, qui aura établi les normes. Toute réglementation concertée devra être conciliable avec les principes généraux qui auraient été adoptés par l'Assemblée nationale. Dans l'hypothèse concrète où on fait un grand débat pour savoir si on doit donner trois ou quatre semaines de vacances aux travailleurs des hôpitaux, supposons que l'Assemblée nationale dise: Nous, c'est notre responsabilité d'établir la norme de justice; on estime que la norme de justice, c'est de traiter les employés d'hôpitaux de la même façon que les employés de la fonction publique. Si, dans la fonction publique, les employés qui exercent des fonctions équivalentes ont trois semaines ou quatre semaines de vacances, à la table, on va essayer de faire la comparaison des emplois et on va dire: Voici la norme. On va appliquer la norme dégagée par l'Assemblée nationale. Ce n'est pas si compliqué que ça, finalement, ça suppose un effort d'éducation.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: D'abord, une première remarque, M. le Président, que je voudrais adresser au Dr Augustin Roy et, par la suite, je voudrais lui poser une question. Ma remarque concerne le fait que, dans sa dernière intervention, le Dr Augustin Roy faisait état des situations un peu, et je dirais même beaucoup lamentables qu'on pourrait retrouver dans les hôpitaux pendant les périodes de grève. Je voudrais lui souligner façon tant que bon député dans mon comté, je vais aussi visiter mon hôpital pendant les fins de semaine. Pourtant, les fins de semaine, il n'y a pas de grève, que je sache, de ce temps-ci, et je pense que pendant certaines fins de semaine on retrouve aussi des situations un peu lamentables. C'était donc cette remarque que je voulais faire au Dr Augustin Roy.

Pour enchaîner, je voudrais lui poser une question par rapport à son document, particulièrement aux pages 23 et 24. Je voudrais lui demander comment il concilie la suprématie de l'État avec la possibilité, pour une agence de régulation dont les membres ne sont pas directement responsables à l'égard du peuple, d'adopter un texte réglementaire fixant les conditions de travail, particulièrement dans une situation où la concertation ferait défaut, soit en temps de grève.

M. Roy: Je vais juste dire un mot à la suite de votre commentaire et, par la suite, Me Ouellet va répondre à votre question. C'est rare qu'un député accuse son propre gouvernement de son inertie dans certains domaines. Je ne voudrais d'aucune façon faire de politique, mais je dois dire que le fonctionnement des hôpitaux ne relève pas de la Corporation des médecins du tout, mais plutôt du ministère des Affaires sociales. Je trouve, moi aussi, que ça va mal dans les hôpitaux et ailleurs. Je le constate, j'en suis peiné et j'en suis même inquiet; non seulement moi, mais la majorité de mes confrères médecins. Nous espérons que la situation va s'améliorer avant que le désastre n'éclate.

À l'heure actuelle, on vit sur le bord d'un gouffre. Il y a toute la question des compressions budgétaires, il y a toute la question du fonctionnement de nos institutions publiques, il y a toute la question de notre système d'instruction publique, d'éducation, il y a notre système de santé qui devraient être revus en profondeur. Tant qu'on ne révisera pas nos systèmes actuels et les lois qui les ont créés, on est en train de jouer avec le feu, et j'ai bien peur qu'on en arrive à des jours bien plus difficiles et bien plus durs que les jours que l'on vit à l'heure actuelle. J'espère que l'Assemblée nationale et le gouvernement prendront les moyens pour éviter qu'on en arrive à ce point, ce qui serait extrêmement mauvais pour notre société.

M. Ouellet (Yves): M. le Président, puis-je répondre à la question posée sur l'aqence de régulation?

Le Président (M. Rodrigue): Un instant. Je pense que le ministre a une question additionnelle suite à l'intervention. Est-ce que c'est suite à la question de M. Lavigne?

M. Marois: Oui. Je ne voudrais pas interrompre.

M. Rivest: II a une réponse additionnelle à apporter.

Le Président (M. Rodrigue): Un instant, s'il vous plaît. M. Ouellet, est-ce que c'est en réponse à la question de M. Lavigne?

M. Ouellet (Yves): Oui, je voulais répondre à la question sur l'agence de régulation.

Le Président (M. Rodrigue): Nous allons d'abord entendre M. Ouellet et, par la suite, M. le ministre, vous pourrez interroger.

M. Ouellet (Yves): Encore là, l'expression agence de régulation est peut-être nouvelle; en fait, c'est tout simplement une régie qui exerce un certain pouvoir discrétionnaire. Ces agences ne créent pas la loi. Quant la Régie des services publics accorde les permis, elle ne crée pas la loi; elle applique les normes qui ont été votées par le législateur. Quand le CRTC décide d'autoriser une augmentation du tarif de Bell Canada, il applique à une situation concrète, à savoir une requête de Bell Canada, la norme qui est dans la loi, à savoir que Bell Canada ou les utilités publiques ont droit à un rendement raisonnable sur leurs investissements. Voilà une norme et l'agence de régulation l'applique. On dit à la page 23: Ces agences de régulation "sont créées par une loi qui énonce les politiques générales", qui va énoncer les paramètres dont on a parlé tantôt. Les grandes lignes vont être déterminées par l'Assemblée nationale et cette agence ne ferait qu'appliquer la volonté de l'Assemblée nationale à des situations concrètes, exemple, faut-il donner trois semaines ou quatre semaines de vacances?

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, à la suite de la question posée par le député de Beauharnois, le docteur Roy a fait un certain nombre de remarques concernant les fins de semaine et les taux d'occupation dans les hôpitaux durant les fins de semaine. J'ai dit, d'ailleurs, au tout début des travaux de cette commission parlementaire, que pour toute remarque appuyée sur le concret qui serait pertinente et qui, dans certains cas, pourrait correspondre à des ajustements ou même à des blâmes directement adressés au gouvernement, je pense qu'il faut qu'on regarde chacun de ces morceaux. Je suis bien prêt à regarder les morceaux qui sont de notre responsabilité. Je nous invite, cependant, chacun et chacune d'entre nous, à en faire autant. En ce qui concerne les fins de semaine et les vacances, je veux bien qu'on regarde les effets des compressions budgétaires si ça peut avoir des conséquences qui ne seraient pas acceptables dans certains cas. Ces taux d'occupation durant les fins de semaine et les périodes de vacances dans les établissements - je parle de l'hôpital concret - on admettra, je pense bien - je veux bien prendre notre bout - que c'est déterminé par ce qu'on appelle la direction de l'hôpital en concertation avec le conseil des médecins et dentistes de l'hôpital. Je veux prendre notre bout, mais chacun doit regarder le sien aussi. C'est simplement ce que je voulais signaler et aussi pour que la population sache comment les choses se passent dans le concret. On a tous des cas en tête très précis et concrets. Simplement la nuance que je voulais faire - je pense que le docteur Roy en conviendra avec moi - c'est que c'est un peu plus complexe que le petit bout, mais je suis prêt à regarder le bout qu'il mentionnait.

M. Roy: Oui, en fait, M. le ministre, nous sommes extrêmement conscients des problèmes qui se passent à l'heure actuelle dans les hôpitaux et les établissements de santé, mais il faudrait quand même adresser le blâme à la bonne place. Vous avez très bien dit que les administrations d'hôpitaux étaient chargées de l'administration générale des hôpitaux et nous en convenons; ils sont réqis par une loi, mais il y a une distinction très grande entre les administrations hospitalières et des établissements de santé et la Corporation des médecins qui n'a aucun mot à dire dans l'administration des établissements de santé, qui n'a aucun droit de parole, qui n'a aucun pouvoir en aucune façon. Même les médecins, qui sont de nos membres, n'ont rien à dire dans l'administration des centres de santé. C'est ce que nous déplorons énormément. C'est ce que nous voudrions voir changer, parce que nous croyons essentiel que les médecins reprennent leur rôle d'antan dans l'administration et le fonctionnement des établissements de santé parce que, tant que les médecins continueront à démissionner, à être démotivés comme ils le sont à l'heure actuelle, le système va continuer à aller mal et va continuer à empirer. Nous voulons l'amélioration du système, mais nous disons: Nous n'avons aucun pouvoir. C'est l'Assemblée nationale, le gouvernement qui, par le biais de ses ministères, de ses mécanismes, de la léqislation, peut améliorer les choses. Nous ne disons pas que nous sommes contre les compressions budgétaires. Nous trouvons que le système actuel d'administration de la santé et d'administration scolaire coûte énormément cher. Il vous appartient, par ailleurs, d'administrer l'argent du public d'une façon raisonnable et rationnelle. Nous pensons qu'il

y a énormément d'amélioration à apporter dans le système, mais que, pour apporter ces améliorations, il va falloir changer le système ou du moins le modifier. (17 h 45)

Le Président (M. Rodrigue): Si vous permettez, j'aimerais vous interrompre. Vous ramenez des arguments que vous nous avez servis tout à l'heure. Ce n'est pas un débat oratoire ici, ce n'est pas un débat public. Il s'agit d'informer une commission. Il me semble que, lorsque vous avez déjà servi un argument à deux reprises, il n'y a pas lieu de le ramener une troisième fois. Cela ne fait pas avancer les débats de la commission. Si vous me permettez... Oui?

M. Marois: Je voudrais qu'on soit très clair. C'est évident pour tout le monde. Ce n'est certainement pas votre corporation qui détermine les taux d'occupation durant les fins de semaine et les vacances, mais c'est exact de dire que ce sont les directions générales d'hôpitaux, l'administration des hôpitaux, en concertation étroite avec les conseils de médecins et dentistes. Cela fait partie de la réalité.

Le Président (M. Rodrigue): Je cède la parole à Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, juste une remarque au point de départ. J'ai été quelque peu étonnée de voir le ministre mettre la Corporation des médecins au banc des accusés, alors qu'on a devant nous un organisme qui quand même suggère un remède; je suis d'accord qu'il n'est pas à court terme, mais il pourrait être envisagé à moyen et certainement à long terme. Est-ce une bonne suggestion au plan technique? Je ne suis pas qualifiée pour le dire, mais je trouve étonnant qu'alors que pour une première fois quelqu'un apporte une suggestion on la traite aussi cavalièrement et que, finalement, on en profite pour peut-être faire un peu de politique partisane, je ne dirai pas "partisane", mais est un peu démagogique en faisant appel à certains préjugés, ce contre quoi le ministre nous mettait en garde, et avec raison, au début de cette commission. C'est la seule remarque que je voulais faire. Je me demande quelle est vraiment la volonté politique du gouvernement de modifier ou de changer les règles du jeu, toujours dans ce qui me paraît le plus important, le domaine de la santé. Je ne voudrais pas qu'on soit ici - je ne pensais pas que j'aurais à le dire - pour participer à une séance de maquillage pour donner à tout le monde bonne conscience parce qu'on étudie les problèmes des services essentiels ou le problème du droit de grève, pour finalement rejeter du revers de la main ce qui ne nous convient pas sur le champ. Je ne suis pas en mesure de juger la valeur de la suggestion technique que vous faites quant à un nouveau mode de négociation dans ce domaine, mais je pense qu'au moins on est ici pour recevoir et entendre toutes les suqgestions qui sont faites, particulièrement celles qui se veulent constructives.

Vous êtes quand même au premier chef responsables de la santé des citoyens. Vous partagez cette responsabilité avec un grand nombre d'autres agents, dont les infirmières, les auxiliaires infirmières et les différents professionnels de la santé. Tout à l'heure, nous avons entendu la CSN nous dire que, finalement, il n'y avait pas de problème majeur en temps de conflit et que tout était relativement sous contrôle. Je ne voudrais pas vous poser une question qui vous mette dans une position de vous opposer à la CSN ou d'être d'accord avec la CSN, ce que je vous demande, à titre justement de responsables au premier chef de la santé et des services de santé dans les hôpitaux, c'est d'abord de me dire en temps de grève comment est déterminée l'urgence de l'admission d'un patient. Tout à l'heure, la CSN nous a dit: On l'entre à l'hôpital et ce sont les médecins qui décident si c'est urgent ou pas. Je voudrais, d'une façon concrète, que vous me disiez, pour la personne qui est chez elle, qui tout à coup ressent un malaise, que ce soit dans la région pulmonaire ou où vous voudrez et qui dit: Je veux aller à l'hôpital, ce qui se produit concrètement quand on est dans un état de grève, quand il y a une situation de grève dans les hôpitaux.

M. Roy: Techniquement, même en temps de grève, les gens continuent à avoir accès aux centres hospitaliers et aux services de santé, évidemment, le climat à ce moment-là est souvent détérioré et, souvent, des gens vont hésiter à se présenter d'eux-mêmes dans certains hôpitaux, mais, lorsque les gens se présentent - ils doivent le faire lorsqu'ils en ont besoin - c'est l'obligation des syndiqués de laisser passer les patients. Il y a eu autrefois certains problèmes lors de grèves antérieures. Il y en a eu en 1975.

Lors de la dernière grève, les syndicats avaient donné des instructions particulières à leurs membres d'être bien prudents dans l'accessibilité des salles d'urgence pour les patients. Disons que les patients ont généralement été reçus avec plus ou moins d'attente, mais on pourrait dire également que, même en temps normal, il y a également des attentes et que, de ce côté, il y a énormément d'amélioration à apporter au fonctionnement de nos salles d'urgence.

Mais ce qui demeure essentiel pour nous, ce qui était nié par la loi 59, mais qui a finalement été modifié quand le ministre du Travail du temps a présenté la loi en troisième lecture, c'est qu'on a réussi à convaincre à ce moment-là le gouvernement

de dire que tout patient avait droit à un examen par un médecin et que c'était notre position qu'on ne pouvait pas dire que quelqu'un avait besoin de soins de santé essentiels ou non sans qu'il ait droit à un examen médical. Je pense que c'est la priorité et c'est la règle fondamentale qui doit être déterminée pour établir qu'une personne doit être admise ou non dans un hôpital. Il faut qu'elle soit examinée et la seule personne qui puisse examiner des malades, nous maintenons que c'est le médecin et que cela ne doit pas être des syndiqués ou des patrons. C'est pour cela évidemment que des problèmes peuvent se poser à cause de la liste des services essentiels qui ont été décidés. C'est cela la confusion qui règne à l'heure actuelle. Ce sont les listes établies pour décider du nombre de personnes qui vont rendre les services essentiels alors qu'on ne sait même pas combien de personnes vont présenter des cas essentiels. Nous maintenons que c'est du cas par cas. On ne peut pas prévoir combien de personnes vont se fracturer une jambe en fin de semaine; on ne peut pas dire parce qu'il y en a eu dix la semaine dernière qu'il y en aura encore dix cette semaine. C'est du cas par cas. C'est pourquoi cela devient complexe, un peu illogique, illusoire de déterminer à l'avance des services essentiels. Nous maintenons que tout, dans un hôpital, est essentiel lorsqu'on y est admis et qu'on doit avoir le personnel pour le faire fonctionner. Si ce n'est pas vrai, qu'on diminue le nombre de personnel dans les hôpitaux, qu'on coupe le nombre de lits. Tout est essentiel en ce qui nous concerne quand on est malade. Point. Il n'y a pas de discussion possible, il n'y a pas seulement les services médicaux qui sont essentiels: les services des infirmières, les services du personnel ambulancier, les services de buanderie et les services de cuisine. C'est essentiel lorsqu'on est malade d'avoir tous ces services à l'hôpital.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que M. Roy peut nous dire, compte tenu de ce dernier point qui avait été discuté avec le gouvernement, si tous les gens qui se présentaient dans les hôpitaux pouvaient être assurés, lors de la dernière ronde de négociations, d'avoir au moins un examen médical? Il nous a parlé de certains abus en 1975, oublions-les. Parlons de la dernière ronde. C'est ce qui préoccupe les gens. S'ils sont malades, est-ce qu'ils vont pouvoir se rendre à l'hôpital? Est-ce qu'ils vont pouvoir être reçus et examinés d'une façon convenable? C'est quand même la question fondamentale de la part des gens qui sont en attente. Il y a aussi la question de la liste d'attente, comment allez-vous déterminer ceux qui requièrent l'admission immédiate ou ceux qui peuvent attendre? II y a un facteur de risque, de probalité... Je voudrais savoir, exactement, si chaque patient qui veut aller à l'hôpital et avoir un examen peut en avoir un en cas de grève?

M. Roy: Techniquement, oui. Il faut aussi éviter de généraliser, parce que ce n'est pas simple, il y a un grand facteur discrétionnaire. Un patient qui pourrait être admis facilement dans un hôpital ne le sera pas dans un autre, selon les gens qui seront à l'admission et selon leurs critères pour juger de l'urgence du cas. C'est ce qu'il faut déplorer. Quant à un patient qui a besoin d'une chirurgie cardiaque, par exemple, qui est sur la liste d'attente, un endroit peut l'admettre et l'autre dira: II peut attendre encore. Le patient peut mourir ou ne pas mourir. C'est trop facile de faire de la démagogie et dire que c'est à cause de la grève qu'il est mort, c'est trop simple; grève ou non, il y aura toujours des gens qui vont finalement mourir. C'est difficile de relier des préjudices causés aux gens, à leur santé ou à leur vie, à la grève. Il est clair que l'état de grève n'est pas de nature à améliorer l'état de santé des gens. C'est plus ou moins difficile, selon les endroits et selon les individus, et c'est ce qu'on trouve inacceptable. Des gens entreront directement parce qu'ils connaissent le système, ils ont des contacts et ils sont plus fonceurs que d'autres. Il y en a qui ont peur. Ceux-là peuvent être pénalisés et peuvent attendre longtemps. C'est difficilement quantifiable, le degré de préjudice que l'on cause aux gens en période de grève. Et je ne dis pas que le système est parfait en dehors des grèves.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je me limiterai à une seule autre question. C'est une question que je poserai d'ailleurs aux associations d'infirmières qui vont se présenter devant nous.

Quand on détermine la liste syndicale, on détermine par exemple que, dans tel service, il y aura un nombre X d'infirmières; dans tel autre, il y aura un nombre X d'infirmières ou d'auxiliaires infirmières. Et comme vous le signaliez vous-même, on ne peut pas toujours savoir d'avance si c'est tel service qui va admettre le plus de patients ou le moins de patients. Cela ne dépend pas d'une liste, cela dépend de la population elle-même.

Évidemment, vous ne fonctionnez pas à l'intérieur d'hôpitaux comme médecins réquliers, peut-être le Dr Lapierre. Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a une flexibilité dans cette liste, une flexibilité rapide, une mobilité rapide qui se fait quand, finalement, c'est tel département qui va se trouver à court de personnel parce que c'est là qu'il y a eu le plus grand nombre de patients admis, alors qu'un autre département va se trouver dans une situation beaucoup

plus allégée pour des facteurs qui sont indépendants de chacun d'entre nous?

M. Roy: Je ne crois pas qu'il y ait plus de flexibilité en temps de grève qu'il n'y en a en temps normal. Et je voudrais bien que, s'il y a des gens qui vivent des problèmes dans des hôpitaux, ils puissent amener des cas concrets. Même en temps normal, c'est un des problèmes que vivent les administrations hospitalières avec la convention actuelle. C'est le fait que la mobilité est pratiquement nulle et inexistante, sans la volonté des parties. C'est figé dans la convention et ce sont probablement des choses qu'il faudrait améliorer. La question de la mobilité du personnel et de la description des tâches sont des problèmes majeurs qui sont définis dans les clauses normatives et qui sont une entrave au bon fonctionnement des hôpitaux en temps normal, et qui sont probablement aussi une entrave encore plus grande en cas de grève.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci.

M. Roy: Et en parlant de grève, M. le Président, un mot. On semble avoir l'impression, d'après les questions qui nous sont posées, que nous nous prononçons contre le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, alors que ce n'est pas le cas. Nous disons que, dans le système actuel, le droit de grève est normal, que la convention collective et la grève sont des procédés indiscutables, indissociables et complémentaires et qu'en fait, on ne peut pas reprocher aux syndiqués de faire la grève et de jouer le jeu. C'est leur rôle. Et nous, c'est justement parce qu'on dit que la grève fait mal, que c'est mauvais et que, pour être efficace, il faut qu'elle fasse mal, qu'on devrait trouver les mécanismes qui éviteraient la grève. On ne préconise pas l'abolition pure et simple du droit de grève. On voudrait en arriver à un processus qui rendrait l'exercice du droit de grève purement symbolique. Le droit de grève existe en France, où il n'est pas exercé plus que quelques heures par les syndiqués, parce que l'opinion publique les crucifierait. L'opinion publique n'accepterait pas. Le public québécois a été trop tolérant dans le passé. On veut que la grève soit symbolique pour qu'elle signifie à l'État, au gouvernement et au public qu'il y a des problèmes mais qu'on ne pénalise pas indûment les tierces parties. Que ce soient des enfants, des adultes, des malades, des vieillards, on ne peut pas pénaliser les tierces parties pour se faire justice.

On ne dit pas: Abolissez le droit de grève, ce serait trop simple. Pour l'abolir, il faudrait une solution de compromis, une solution de rechange. Il en existe quelques- unes, mais elles n'ont pas été expérimentées au Québec, sauf l'arbitrage obligatoire. Actuellement, on parle de l'offre finale; nous, on suggère un autre mécanisme qui évite le rapport de forces, normalement, si on a affaire à des parties de bonne foi, à des gens qui sont de bonne foi. Cela, c'est la raison fondamentale du succès d'une négociation collective; on pense que si on aqit dans un système où on évite le rapport de forces et qu'on fait appel à la maturité des parties, on va pouvoir éviter de pénaliser la population. Je pense que la population en a assez de souffrir dans les cas de négociation des secteurs public et parapublic. (18 heures)

J'espère que la prochaine ronde de négociations nous fera mentir et verra des règlements très rapides, absolument pas opportunistes, dans l'intérêt de la population et où le gouvernement, quel qu'il soit, n'achètera pas nécessairement les travailleurs à même les deniers publics.

Le Président (M. Rodrigue): Une dernière question, Mme Dougherty de Jacques-Cartier. Je demande le consentement pour qu'on puisse étirer la séance de quelques minutes, étant donné que c'est la dernière et qu'après cela on pourra remercier ceux qui nous ont présenté le mémoire.

Mme Dougherty, s'il n'y a pas d'objection.

Très bien, merci.

Mme Dougherty: J'ai été très heureuse de lire le mémoire de la corporation, parce que je crois que ce mémoire examine le noeud du problème. C'est le seul mémoire que nous avons eu, aujourd'hui, qui touche ce qui est, à mon sens, le noeud du problème.

J'ai vécu plusieurs années dans le monde scolaire et j'ai constaté que le système adversaire de la négociation que nous avons adopté du secteur privé est, à mon sens, complètement inapproprié pour le secteur public.

Les "checks and balances" normaux qu'on trouve dans le secteur privé n'existent pas dans le secteur public. Dans le secteur public, on ne joue pas avec le profit de l'entreprise; on joue avec la qualité des services. Dans le secteur public, il ne s'agit pas uniquement des conditions de travail; il s'agit de la qualité des services, de la qualité de l'éducation, de la qualité des services sociaux. Au cours des dernières décennies, à chaque contrat, malgré les buts exprimés par les syndiqués et les organismes patronaux, on a vécu une détérioration globale des services.

Je crois que c'est tout à fait irréaliste d'avoir un système d'adversaires comme nous avons à l'heure actuelle dans le secteur public. Même si tous les problèmes ne sont pas résolus, je trouve les propositions de la

corporation beaucoup plus réalistes que le système actuel, parce que, si on pense qu'on peut régler ou créer une situation où on a une guerre limitée - c'est ce qu'on essaye de faire ici aujourd'hui, parce que les négociations d'adversaires, c'est la guerre, il faut accepter ça - une petite guerre au lieu d'une grande guerre, on se fait des illusions. Je crois que les principes énoncés dans le mémoire des médecins de la corporation doivent être sérieusement examinés, parce que, si nous avions adopté un système tel que proposé par la corporation il y a quelques années, nous n'aurions pas aujourd'hui des engagements financiers excessifs dans le secteur public et des conditions de travail qui sont totalement irréalistes dans le secteur public, que nous avons ici au Québec par rapport aux autres provinces et aux États-Unis.

J'ai deux questions qui sont reliées. Selon vos propositions, voudriez-vous préciser un peu les grands paramètres que vous avez donnés à l'Assemblée nationale, à l'État? Est-ce que vous envisagez des paramètres qui portent uniquement sur l'argent ou des paramètres qui portent sur les autres conditions de travail? Deuxièmement, pour éviter le conflit au niveau local, vous n'avez pas parlé de cela, mais je me demande si on ne négocie pas trop de choses; est-ce qu'il y a des choses qu'on ne doit pas négocier, qui ne doivent pas jouer, dans les négociations, avec la santé des gens, avec la qualité de l'éducation? Cela va beaucoup plus loin que les conditions de travail. Vous avez peut-être quelques commentaires sur cette question.

M. Ouellet (Yves): Écoutez! La tentation est évidemment forte de faire la comparaison avec la Loi sur la fonction publique, qu'elle soit fédérale ou provinciale. Il y a des paramètres là-dedans, certains paramètres. Il y a des choses qui ne sont pas négociables. Mais pour répondre précisément, si c'était la volonté de l'Assemblée nationale de ne pas limiter les paramètres aux questions purement financières, cela serait certainement possible. Personnellement, il est souhaitable de ne pas se limiter aux questions purement financières, il pourrait y avoir des clauses normatives précisément pour éviter de négocier 100 fois les mêmes clauses. Il y a des acguis importants. Il y a des normes minimales qu'on pourrait dégager des conventions actuelles et les consacrer législativement. Cela serait même avantageux pour les agents des services publics d'avoir ces droits consacrés par la loi. Mais je pense que, dans l'esprit de la proposition, cela ne serait pas limité aux questions purement financières. Maintenant, on peut envisager que, précisément, les acquis soient consacrés par la loi. Donc, il serait inutile de négocier un certain nombre de choses. Précisément, on a évoqué tantôt le problème des structures des négociations. Le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a dit: N'y a-t-il pas contradiction? II est certain que s'il y avait une loi qui pourrait être le pendant pour les employés d'hôpitaux, disons de la Loi de la fonction publique, et qui consacrerait léqislativement les nombreux acquis, ça diminuerait d'autant les questions qui devraient trouver une solution nationale.

Actuellement, la loi 78 prévoit trois niveaux de négociation, national, régional et local, et c'est extrêmement compliqué. Si on pouvait en avoir seulement deux, ce serait déjà souhaitable, ce serait une amélioration.

Si, dans le cas des questions d'intérêt national, on pouvait en retrouver un certain nombre sur lesquels il y ait un consensus, si on pouvait les retrouver dans la loi, ce serait autant pour la simplification du régime. Je pense qu'on pourrait certainement enrichir la loi d'un certain nombre de normes qui nous dispenseraient tous les trois ans de négocier des choses qui, finalement, ne sont pas continuées.

M. Roy: En fait, notre système veut restaurer la primauté de l'Assemblée nationale. Nous croyons que c'est l'Assemblée nationale qui a l'autorité en matière d'administration de la province, que l'Assemblée nationale et le gouvernement doivent prendre leurs responsabilités dans l'intérêt de la population et je pense que vous auriez mauvaise grâce de nous reprocher de vouloir vous redonner des pouvoirs et des responsabilités que des gouvernements ont abdiquées dans le passé.

Le Président (M. Rodrigue): Pour conclure, M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, en remerciant la corporation de son mémoire, et à la suite de l'intervention d'un des députés, dire très clairement, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je sais qu'on a interprété mes propos tout à l'heure - la députée de L'Acadie a interprété mes propos, et je ne veux pas qu'il y ait quelque ambiguïté que ce soit entre nous, que nous partageons profondément cet idéal qui est inscrit comme ligne de fond du mémoire de la corporation qui témoigne présentement devant nous, cet idéal qui veut que tout doit être fait, autant que faire se peut, pour qu'il n'y ait pas dans les faits, de grève. Nous partageons cette préoccupation et cet idéal.

Nous sommes cependant convaincus que, même si on ne donnait pas le droit de grève, il serait exercé. C'est pour ça que je prenais l'exemple entre autres des résidents et des internes qui n'ont pas, à ma connaissance, d'accréditation syndicale, comme on dit. Lorsque la corporation nous propose la mise en place de tout un nouveau mécanisme,

d'une nouvelle structure, ce que la députée de L'Acadie a appelé une révolution des pratiques actuelles des relations de travail dans le secteur public, la mise en place d'une régie qui pourrait aller jusqu'à, possiblement dans l'idéal, trancher un litiqe, je ne suis pas convaincu, bien au contraire, que ça puisse empêcher qu'il y ait grève, en soi, comme mécanisme, parce que ça demeure des mécanismes, des structures et le reste.

Remarquez que ça vaut dans n'importe quelle société. Aujourd'hui avec les moyens de communication modernes, on peut le constater tous les jours dans n'importe quel type de société, que ce soit de type capitaliste ou socialiste, on a toujours un schéma de relations de travail qui oppose des gens qui dirigent, des gens qui accomplissent ou qui exécutent des choses. Ce qui crée inévitablement des situations qui sont par définition conflictuelles. C'est pourquoi il faut que, ensemble - quand je dis ensemble, je nous englobe vraiment tous, l'ensemble des gens impliqués dans la société directement concernée, qui peuvent agir dans ce sens, pour faire tout ce qui est humainement possible, compte tenu du fait qu'il peut y avoir des grèves - l'on fasse en sorte que ces droits fondamentaux individuels des hommes et des femmes en vie, axés aux services essentiels, leur soient garantis.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

La commission élue permanente du travail de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous entendrons les mémoires de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires, du Cartel des organismes professionnels de la santé et de la Chambre de commerce de la province de Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 12)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle le mandat de la commission qui est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors de conflits de travail dans ces secteurs.

Le premier groupe que nous entendrons ce soir est l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires. Le mémoire sera présenté par M. Michel Paquette et je vous invite, M. Paquette, à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des directeurs généraux des commissions scolaires

M. Paquette (Michel): M. le Président, madame, messieurs. Effectivement, m'accompagnent ce soir, M. André Perron qui est notre trésorier et qui est à ma droite et M. Normand Lapointe qui est secrétaire de notre association et qui est à ma qauche.

Vous me permettrez sans doute de faire deux remarques en préalable à la présentation de notre texte. Tout d'abord, je voudrais vous signaler qu'après avoir entendu pendant toute la journée des propos fort intéressants, c'est évident, sur des sujets particulièrement concentrés sur la question des services dans le domaine de la santé, je nous inviterais sans prétention, il est évident, à diriger notre pensée maintenant vers l'aire aussi stimulante de nos écoles où il y a, je pense, une jeunesse de tout âge qui espère notre réflexion pour le mieux-être de notre système d'éducation, car je pense sincèrement que celui-ci est aussi très sérieusement concerné par les effets à court et à moyen terme de nos mécanismes de négociation.

Ceci étant dit, quant à la présentation de notre texte, M. le Président, je m'en tiendrai à une formule de lecture intégrale, compte tenu que la quantité des pages nous permet de respecter notre horaire, et je me permettrai à quelques endroits des commentaires d'accompagnement.

L'Association des directeurs généraux des commissions scolaires est un organisme qui regroupe sur le plan professionnel les directeurs généraux et les directeurs généraux adjoints des commissions scolaires du Québec.

Étant donné l'importance que revêt le débat sur le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, l'ADIGECS a consulté ses membres sur le régime de négociation dans le domaine de l'éducation et particulièrement au niveau de l'enseignement primaire et secondaire.

Nous soumettons donc à la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre un ensemble de considérations et de propositions qui, croyons-nous, sont de nature à améliorer le régime des relations de travail dans notre domaine et, partant, à faire en sorte que les organismes d'enseignement remplissent encore mieux le rôle qui leur est confié.

Étant donné qu'on ne peut parler du droit de grève sans faire référence au contexte de négociations des conventions

collectives dans lequel il se situe, nous aborderons au cours de ce mémoire les différents thèmes suivants: en premier lieu, là problématique, touchant là les deux paliers de négociation, les coûts des négociations locales et la perturbation des activités pédagogiques; deuxièmement, les solutions, où nous allons traiter le palier de négociation, le maintien du droit de grève au palier provincial et la possibilité d'arrangements locaux. Nous souhaitons que nos réflexions contribuent à clarifier le débat sur le droit de grève et à améliorer le climat qui doit exister au niveau des commissions scolaires locales et régionales.

La problématique, les deux paliers de négociation, dans un premier temps. Les commissions scolaires ont déjà vécu quelques négociations de conventions collectives, particulièrement avec les enseignants. Elles sont maintenant en mesure d'identifier les principaux problèmes reliés à l'existence du double palier de négociations, provincial et local. Les problèmes identifiés par les membres de notre association sont les suivants: dans le domaine de l'éducation, comme dans plusieurs autres domaines d'activités sociales et économigues, l'État intervient de plus en plus à mesure que les priorités nationales sont identifiées. Or, la poursuite d'objectifs nationaux impose généralement des limites aux possibilités de variations locales; lorsque les parties nationale, patronale et syndicale ne peuvent en venir à une entente satisfaisante, elles décident souvent de confier l'objet en litige au palier local de négociations de façon à observer le déroulement et l'issue des négociations pour ensuite s'ajuster au niveau provincial lors d'une prochaine négociation; à cause de la multitude des commissions scolaires et de la diversité des milieux, une entente locale qui trouve son sens dans les particularités du milieu où elle s'inscrit peut, lors d'une négociation provinciale ultérieure, devenir une demande nationale; - les demandes locales sont en réalité des demandes nationales, car la Centrale des enseignants du Québec prépare les textes pour ses syndicats locaux, et les commissions scolaires sont isolées face à une stratégie établie par celle-ci en concertation avec ses syndicats; - même si l'on parle de respecter les couleurs locales, il y a peu de possibilités de manoeuvre au palier local. Les cadres fixés au palier provincial ne doivent pas être dépassés et on ne doit pas créer de précédents; - en ce qui concerne les objets de négociations locales, il est difficile de concevoir qu'ils peuvent avoir une incidence directe sur les services aux étudiants et sur la qualité de l'enseignement; - en ce qui concerne les chapitres importants de la distribution des tâches et de l'affectation-mutation, les règles budgétaires stipulées par le gouvernement du Québec ainsi que les dispositions de la convention collective provinciale réduisent de façon très significative les marges de manoeuvre des commissions scolaires; - enfin, l'autonomie d'une commission ne peut être identifiée à son pouvoir de réglementer les affichages, les avis syndicaux et la documentation à fournir aux syndicats. Les groupes d'employés qui n'ont pas de négociation locale ne remettent pas en question pour autant le rôle d'employeur de la commission.

La situation et les problèmes que nous venons de décrire apportent les conséquences suivantes: - les négociations locales obligent la négociation sur le libellé de l'objet de négociation, ce dernier n'étant pas limitatif et laissant place à l'interprétation; - les négociations locales permettemt la surenchère d'une table locale à l'autre; elles permettent aux syndicats d'avoir une double possibilité de revendication: c'est un moyen pour les enseignants de récupérer localement ce qu'ils n'ont pu obtenir au palier provincial; - les points consentis localement, qui ont un sens dans un milieu donné et dans un cadre bien local de négociation, deviennent la plupart du temps des points à être négociés provincialement lors des négociations suivantes; - enfin, l'expérience des négociations locales antérieures a démontré que le gouvernement s'ingère dans le processus de négociations locales, soit en imposant des protocoles de retour au travail (qui remboursent des journées de grève ou de lock-out), soit par des règlements imposés, comme à la CECM; l'autonomie des commissions, dans ce contexte, est plutôt un prétexte qu'une réalité.

Les coûts des négociations locales. La plupart des commissions manguent de ressources pour mener à bien leur négociation locale. Le gel des règles budgétaires des dernières années, additionné aux rapports et contrôles nombreux exigés par le ministère n'ont pas permis aux commissions de se doter des personnels requis, soit pour libérer suffisamment le directeur du service du personnel de ses tâches quotidiennes, soit pour engager des négociateurs, notamment dans les commissions scolaires de taille moyenne. Dans plusieurs commissions, en ce qui concerne plus précisément le directeur général qui cumule parfois plusieurs postes, par exemple, celui de directeur du service du personnel, ceci impose un autre fardeau à une seule personne.

De plus, la négociation locale monopolise le peu de ressources disponibles dans les commissions: le personnel de direction est détourné de ses tâches normales de direction pour accomplir des tâches de négociation et, souvent, à cause d'une incapacité financière de recourir à des spécialistes, les commissions ne peuvent apprécier à leur juste mesure les implications des demandes qui leur sont faites. On constate aussi que les commissions éloignées des grands centres comme Québec et Montréal manquent de support technique pour mener à bien leurs négociations. Enfin, nous considérons que les investissements en temps et en argent, de même que les perturbations inhérentes à des négociations locales ne sont nullement proportionnés aux objets de négociation et aux bénéfices possibles que les milieux locaux peuvent en retirer.

La perturbation des activités pédagogiques. Les difficultés de négociation au niveau local créent des perturbations inutiles au niveau des services éducatifs que les commissions doivent assumer. Les négociations locales, offre en effet, aux syndicats une deuxième possibilité de créer un climat d'insatisfaction dans le milieu avec moyens de pression, harcèlement, deuxième grève, certaines commissions n'ayant aucun temps de repos à cause du double conflit qu'elles vivent à des moments différents.

Cette continuité de pressions que subissent les commissions est effectivement l'élément négatif majeur qui crée des tensions, croyons-nous, autant chez la direction et les enseignants que chez les parents et les étudiants. Nous considérons que le rapport de forces créé par les négociations locales, et qui s'exprime par des grèves et des lock-out, constitue un outil démesuré par rapport aux enjeux des négociations locales.

Les solutions proposées. Un seul palier de négociation. Pour toutes les raisons invoquées plus haut, les directeurs généraux des commissions scolaires considèrent que les négociations locales comportent beaucoup trop d'inconvénients par rapport aux avantages mineurs qu'elles procurent et concluent qu'il ne doit plus y avoir de négociations locales décentralisées aux commissions: les négociations dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire doivent se situer au palier provincial seulement.

Nous considérons que la négociation située au seul palier provincial n'améliorera pas nécessairement la qualité des relations de travail ou le contenu des conventions, mais remettra aux mains des véritables responsables la totalité de la négociation, pour qu'ils en supportent les coûts et les conséquences.

Nous sommes cependant favorables à la possibilité d'arrangements locaux tels que déjà prévus dans les différents autres syndicats d'employés, comme nous le préciserons plus loin. (20 h 15)

Deuxième élément, le maintien du droit de grève au palier provincial. Les membres de l'association considèrent qu'il est important de maintenir le droit de grève comme moyen de pression lors de la négociation d'une convention collective de travail. Il s'agit là de l'un des droits fondamentaux qui caractérisent notre démocratie. Nous sommes conscients que la notion de grève, dans les secteurs public et parapublic, diffère de celle qui prévaut dans le secteur privé. Dans nos secteurs, les parties impliquées savent que la négociation comporte une dimension politique et que la grève aura une durée limitée puisque l'Assemblée nationale et le gouvernement ont la possibilité de légiférer pour mettre un terme à la grève lorsqu'ils considèrent que les services habituellement donnés risquent d'être trop gravement perturbés.

Nous sommes aussi d'avis que, dans les secteurs public et parapublic, le droit de grève doit être encadré dans des règles du jeu acceptées par les parties impliquées pour assurer à la population la possibilité d'une entente éventuelle, dans un laps de temps qui garantit aux clientèles desservies les services de qualité auxquels elles ont droit.

Ces règles du jeu devraient au moins comporter les éléments suivants: le droit de grève devrait être le seul moyen de pression utilisé pour favoriser la négociation au plan provincial; les moyens de harcèlement qui ont une influence négative sur le climat qui doit caractériser l'école et qui font que les services pédagogiques ne sont pas rendus adéquatement doivent être éliminés complètement; les services essentiels doivent être définis par les deux parties en cause, et non pas seulement par la partie syndicale; et les syndiqués qui utilisent leur droit de grève doivent en supporter les conséquences, y compris les coupures de salaire inhérentes à une absence fonctionnelle de leur milieu de travail.

Un commentaire accompaqnant la question des services essentiels. Je voudrais ajouter le point suivant: Tout en affirmant l'éducation comme un service essentiel en soi, nous reconnaissons une différence entre ce genre de service et celui de la santé lorsque viennent les conflits découlant des relations de travail. Il n'en demeure pas moins que certains aspects des services éducatifs dispensés par le réseau revêtant un caractère de précaution très précis, par exemple, nous considérons essentiel que le conflit se déroule dans un contexte respectueux du client en présence. Les adultes en place doivent considérer que la nature même des services éducatifs dispensés après le conflit ou pendant le conflit risque

d'être entachée des comportements exprimés par les parties devant leurs clients.

En deuxième lieu, nous considérons essentiel aussi d'assurer en toute occasion la santé et la sécurité des élèves, d'où notre opposition aux formes de harcèlement signalées précédemment et qui surgissent de façon surprenante, délaissant parfois des centaines d'élèves de niveau élémentaire, parfois le plus grand nombre au niveau secondaire, quand ce ne sont pas des élèves qui ont besoin de services particuliers. Sonqeons par exemple aux services offerts aux handicapés ou aux groupes mésadaptés sans que l'encadrement ne soit adéquat dans la circonstance où l'événement se produit.

Enfin, nous considérons essentiels certains services offerts à des plans précis et qui peuvent avoir des effets négatifs majeurs sur la carrière scolaire de l'étudiant. Sonqeons par exemple à des périodes touchant la certification nécessaire au passage de la commission comme telle vers le niveau collégial. D'ailleurs, ces aspects ont été relevés dernièrement par la charte des élèves nouvellement publiée.

Enfin, au niveau des attitudes, nous croyons que les intervenants (directeurs généraux, présidents des commissions scolaires, fédération) doivent démontrer une certaine fermeté dans l'application des conventions.

De la même façon, ces intervenants doivent recevoir un appui politique clair du gouvernement lorsqu'ils doivent mettre un terme à l'utilisation des moyens de harcèlement incompatibles avec la qualité des services à offrir à leur clientèle.

Telles sont quelques-unes des règles qui doivent régir l'exercice du droit de grève qui accompagne la négociation de conventions collectives au palier provincial.

Enfin la possibilité d'arrangements locaux. Les commissions demandent que les arrangements locaux soient possibles à l'intérieur d'un cadre prévu dans la convention collective provinciale. Il s'agirait de modalités particulières à un milieu à l'intérieur d'un cadre général clairement défini par l'entente provinciale. La formule d'une négociation provinciale avec des possibilités d'arrangements locaux existe actuellement pour les collèges et d'autres syndicats d'employés des commissions; exemple: professionnels et personnels de soutien.

Cette formule d'arrangements locaux ne présente pas de problèmes pour autant qu'elle n'aboutit pas dans les faits à des négociations locales. À cette fin, les libellés de la convention élaborée au palier provincial doivent être clairs et ne comporter aucune ambiguïté.

Les arrangements locaux devraient avoir lieu au cours d'une période fixe après la signature de l'entente provinciale; celle-ci devrait aussi contenir des dispositions qui s'appliqueraient lorsqu'il n'y aurait pas de possibilité d'entente au niveau local dans le délai fixé.

Étant donné qu'il ne s'agit pas de négociation de convention collective dans le présent cas, nous considérons que les discussions devant conduire à des arrangements locaux ne devraient pas être appuyées par le droit de grève ou par un droit de recours à divers moyens de harcèlement.

En conclusion, je résume en répétant que par rapport aux domaines d'activité qui les concernent, les directeurs généraux demandent donc, pour le plan local et touchant strictement la dimension de la négociation locale, le retrait du droit de grève; ils croient que les négociations avec les enseignants doivent se situer au palier provincial et que le droit de grève, à ce moment, est le seul moyen de pression qui puisse être utilisé pour supporter ce processus.

Enfin, les directeurs généraux considèrent que l'entente provinciale doit contenir le cadre précis permettant certains arrangements locaux. L'ADIGECS considère que ces recommandations sont de nature à améliorer le climat qui doit caractériser tout milieu éducatif.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires de son mémoire. C'est la première fois depuis le début de nos travaux qu'on aborde la question de l'éducation et, en particulier, le déroulement des négociations en ce qui concerne le secteur des commissions scolaires. Soyez assurés, comme d'ailleurs ce sera le cas pour chacun des mémoires, qu'on examinera très attentivement chacune des recommandations que vous formulez.

Comme je sais que certains collègues désirent vous poser un certain nombre de questions, je vais m'en tenir à une seule remarque-question, si vous voulez.

À la page 8 - cela revient, parce que vous en reprenez une partie plus loin dans votre mémoire - vous évoquez antérieurement d'ailleurs dans votre mémoire, avant d'arriver à cette proposition, le problème que pose le double niveau ou les deux étapes, parce que c'est à la fois deux niveaux, mais, dans le temps, en même temps deux étapes de négociation dans le secteur scolaire. J'évoquais moi-même, ce matin, le fait qu'en particulier dans le secteur de l'éducation, quand on pense aux commissions scolaires, on pense toujours aux citoyens, à la population, c'est-à-dire dans ce cas-là bien précisément, aux parents, aux

enfants, au moment où c'est réglé, il y a une entente à l'échelle provinciale, à l'échelle du Québec, les gens ont souvent l'impression que c'est fini. Ils comprennent mal. Tout d'un coup, ils ont l'impression que cela recommence. Mais effectivement, ce n'est pas fini. Vous avez parfaitement raison, me semble-t-il, de soulever cette question.

Je voudrais en venir plus précisément à votre recommandation. Vous nous proposez un seul palier de négociation, c'est le titre de cette partie de votre mémoire. Il y aurait donc une seule étape de négociation.

Toutefois, vous dites: "Nous sommes cependant favorables à la possibilité d'arrangements locaux... ". Plus loin, vous expliquez un peu plus. Vous dites que, par arrangements locaux, vous songez à des modalités particulières à un milieu.

Je pense qu'il serait intéressant pour les membres de notre commission que vous puissiez nous illustrer, si c'est possible, ce à quoi vous faites concrètement allusion quand vous parlez de modalités particulières à un milieu. Je vous dirai très franchement pourquoi je vous pose cette question. Il me semble que l'hypothèse que vous mettez sur la table mérite d'être très attentivement étudiée et regardée. Cependant, je voudrais voir ce que vous incluez concrètement dans les modalités, parce que, selon l'ampleur ou la porté de ces "modalités", il me semble qu'il pourrait devenir délicat... Si l'ampleur et la portée sont relativement larges, il deviendrait délicat et je ne vois pas sur quel principe, parce qu'on aurait deux poids, deux mesures... On pourrait, d'une part, dire, quand il s'agit de paliers de négociation à l'échelle du Québec, nationale, qu'il y a là les droits collectifs des uns, c'est-à-dire le droit de grève, mais en même temps cela doit s'accompagner du respect fondamental des citoyens aux services essentiels. Mais, quand on arrive à ces arrangements de modalités dans le milieu, aux droits des uns et aux droits des autres, dans ce cas-là... Je crois que ce serait intéressant pour nous de voir ce que vous incluez concrètement dans cette notion de modalités particulières à un milieu qui feraient partie du domaine de ce que vous appelez les arrangements locaux possibles.

M. Paquette (Michel): Je pourrais répondre à la question en donnant des exemples précis. Ce serait cependant injuste dans le contexte de la justification de notre choix, parce qu'on a finalement, à bout de course, privilégié les arrangements locaux basés sur ce que je qualifie d'histoire de notre association et de notre approche du dossier là-dessus. Alors, si vous me donnez quelques minutes, je vais préciser cela.

Nous avons déjà pris antérieurement, dans d'autres dossiers, je me remémore le dossier sur la décentralisation dans le réseau des commissions scolaires des années 1975 et, à la commission Bouchard, la question de la gestion des négociations, nous avions, nous avons encore, comme position de base, favorisé l'approche la plus large possible d'une décentralisation au niveau des commissions scolaires. Si on applique froidement ce principe, nous ne pourrions aboutir à un arrangement local par rapport à nos convictions parce que nous préférerions la négociation locale. Cependant, le contexte actuel de la gestion du réseau semble se porter davantage, à cause des circonstances de choix budgétaire, de liaison du phénomène de la sécurité d'emploi, de toutes sortes de bonnes raisons qu'on peut attribuer aux circonstances, à placer le gouvernement dans une difficulté d'élargir son champ de manoeuvre et, à ce moment-là, de nous donner ce qu'on voudrait avoir de plus étendu comme choix de négociations.

Comme cela ne semble pas être quelque chose de réalisable pour l'instant, on reste quand même pris avec le problème suivant, qui est de permettre à des commissions qui ont, sur certains dossiers, des notions d'approche qui diffèrent les unes des autres - sans toucher à ce problème budgétaire de gestion de ressources et tout le tralala - des choix de gestion qui sont particuliers. L'exemple que j'arriverais à vous donner à ce moment-là, c'est le phénomène de la gestion partagés avec nos employés, la consultation. Parlons, par exemple, de la procédure qui réglemente toute l'affectation au niveau de nos personnels dans l'application comme telle de particularités de champs d'enseignement, de classes, de degrés ou d'écoles.

Ce sont des sujets sérieux, mais le problème qui nous préoccupe, c'est celui que vous avez soulevé, finalement. C'est: Est-ce qu'on peut se permettre, par le choix du respect total de la discussion avec nos gens, de ramener à la population et à nos élèves, en l'occurence à deux reprises dans le même temps, deux niveaux de pression et de négociation qui créent une situation absolument incompréhensible pour les gens à qui on a affaire dans notre administration? J'avoue que c'est difficile à expliquer quand les gens nous interrogent là-dessus: Comment? Tu nous dis que sur le plan national, on vient de régler et tu recommences?

Comment rallier les deux? C'est un choix que l'on fait. Il est discutable, mais c'est le seul choix qu'on a trouvé qui était acceptable, soit de dire: II y a peut-être un compromis là qui serait le suivant. Il y a un débat dans lequel on accepte les règles du jeu de la négociation avec le droit de grève et tout ce que cela implique, on est d'accord sur cela. Cela ne changera pas le problème de permettre à des milieux précis, à des

temps donnés, de régler certaines particularités de gestion parce qu'il y a des différences. Les deux exemples dont je vous parlais sont suffisamment importants pour permettre ces différences, et, à ce moment-là, garantir dans un texte qui serait national, si jamais il n'y a pas de règlement satisfaisant, un encadrement qui répond à la question que vous soulevez: aux employés et à la commission, une possibilité de participation à la consultation pour la gestion de la commission, pour les enseignants, ou un règlement qui est un pis-aller quant au processus d'affectation. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Si on peut le déborder et aller plus loin - parce qu'on sait qu'il y a des commissions qui vont plus loin - dans certains arrangements locaux que le canevas national le permettrait, mais qui n'ont pas d'incidence sur le plan national, vraiment, on va le favoriser, mais dans une limite. Dans le fond, on veut limiter le temps et le moyen pour empêcher que la population ne vive deux fois le phénomène.

Cela a été un choix que je qualifie de stratégique, à cause de notre préoccupation plus centrée sur la réaction des gens qui vivent le phénomène de double pression, mais en étant aussi respectueux du phénomène de la négociation nationale avec ses implications. Cela a été notre conclusion. Je ne sais pas si cela répond clairement à votre question.

M. Marois: Oui, merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. Hains (Saint-Henri).

M. Hains: Ma question s'adresse à M. Paquette. À la suite de la lecture de votre mémoire, M. Paquette, je retiens comme résumé de votre intervention que vous demandez surtout a négociation à un seul palier, c'est-à-dire le palier national. Pour vous dégager de cette lourde responsabilité, vous invoquez plusieurs arquments. Entre autres, l'ingérence du gouvernement dans les négociations et vous citez, en page 6, la mise en tutelle de la CECM pour la durée d'une signature par un tuteur nommé à cet effet. De plus, vous évoquez la paix dans les écoles et le bien-être des élèves. Ceci est très noble et, dans les circonstances, fort apprécié. (20 h 30)

Mais voici ma question. En renonçant à votre rôle de négociateur local, ne craignez-vous pas de diminuer votre importance comme corps public et d'amoindrir votre rôle d'intermédiaire? À l'heure où l'on parle de la disparition des commissions scolaires, n'avez-vous pas peur de donner ainsi au ministère de l'Éducation un argument frappant pour décider de votre disparition? Si vous voulez la paix, préparez la guerre. J'ai peur façon préparant votre paix vous ne donniez un coup mortel à vos commissions scolaires. On écrase facilement les petits, mais on respecte les forts. J'espère qu'en préparant cette paix vous serez en état de vous aguerrir pour mieux assurer votre survie. C'est là-dessus que je vous pose la question.

M. Paquette (Michel): Comment concilier les deux réactions, les deux tendances?

M. Hains: C'est cela.

M. Paquette (Michel): Là-dessus, je vous dirai que, dans le fond, quand j'écoute vos propos, je les partage intégralement. Mais la problématique qu'on soulève, dans notre esprit, malgré le risque qu'on sait qu'on assume, nous paraît faire un effort d'intégration en nous de la réalité qui est celle qui s'impose devant nos yeux. On ne veut pas, non plus, être dupe de situations qu'on a à gérer et courir après un espoir qui semble toujours inatteignable pour finalement ne pas régler une situation qui est là et que les gens qui sont dans nos milieux nous soulèvent constamment.

Sur le fond de la question, en toute franchise, on sait fort bien le risque qu'on court de soulever un point dans leguel à première vue, fort probablement, et dans un secteur important, on semble dire qu'on est prêt à se détacher d'un pouvoir qui est essentiel, et on le partage ce pouvoir comme essentiel.

Ce qu'on exprime, c'est que, tout en se maintenant dans d'autres dossiers - d'ailleurs, on aura l'occasion probablement, dans des projets qui semblent s'annoncer, de revenir sur la question des pouvoirs locaux - on est convaincu qu'il faut, à ce niveau, maintenir des assises pour permettre à une collectivité de se parler et de faire face à des réalités qui sont très "circonvenues".

Sur la question des négociations, depuis toutes les années qu'on en parle, qu'on travaille là-dessus, il semble que les circonstances empêchent, ne favorisent pas, ne permettent pas qu'on traite le dossier dans cette approche. Je me dis, à un moment donné: Dans un dossier de décentralisation, est-il réaliste de penser qu'on peut récupérer tous les dossiers ou s'il y a des dossiers que, par le fait qu'au Québec on doit se partaqer certaines contraintes, on ne doit pas rallier? On a fait le choix de dire, à un moment donné: Puisqu'on ne semble pas pouvoir les récupérer et comme on doit se les partaqer au point de vue de l'ensemble du Québec, à ce moment, on est aussi bien de le faire d'une façon réaliste et rationnelle, mais ne pas créer ce niveau que moi, je qualifie de factice par les propos qu'on vous tient parce que les enjeux qui sont dans la négociation

locale ne nous semblent pas concordants avec l'impact que cela crée dans la population. On dit, à ce moment: Au lieu de maintenir cette pression chez les clients, on est aussi bien de le dire franchement et de le qérer autrement. Cela semble être un recul et cela peut être aussi un recul de circonstance étant donné la spécificité du dossier, mais je ne voudrais pas que personne nous ayons l'image ou que nous projetions l'image que c'est pour nous une prise de position établissant que nous ne sommes pas en accord avec la notion de gouvernement local. Pas du tout. C'est vraiment quelque chose de séparé et que nous cherchons à établir d'une façon très spécifique.

Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).

M. Gauthier: Mon intervention portera sur le même paragraphe de la page 6 de votre mémoire où on énumère un certain nombre d'interventions gouvernementales dans des négociations passées et où on dit pour conclure: L'autonomie des commissions scolaires, dans un contexte de négociation semblable, est plutôt un prétexte qu'une réalité.

Provenant du monde scolaire, je conçois et je comprends fort bien les difficultés des négociations locales et j'achète dans une certaine mesure la recommandation qui est faite là-dedans. Mais j'aimerais avoir plus de précisions parce que je m'étonne de voir que l'autonomie, en tout cas, que la perception que vous avez de l'autonomie des commissions scolaires dans cette négociation est aussi réduite qu'on semble vouloir le laisser croire là-dedans.

On sait fort bien que toute négociation se fait dans un cadre donné, avec des règles du jeu et avec certaines limites à ne pas dépasser, que ce soit le gouvernement qui négocie ou que ce soit ses partenaires. Je voudrais avoir de plus amples explications là-dessus et que vous m'expliquiez cette affirmation que vous mettez à la page 6 de votre mémoire.

M. Paquette (Michel): Je pense que vous soulevez particulièrement le texte où je dis: L'autonomie des commissions, dans un contexte pareil, est plutôt un prétexte qu'une réalité.

M. Gauthier: C'est exactement cela.

M. Paquette (Michel): Effectivement, ce qu'on ressent - et c'est de l'ordre de la réalité parce qu'on est capable, je pense, de soulever les situations qui ont pu se présenter - dans une relation de discussion d'affaires, si on veut utiliser un terme qui est expressif, avec les gens qui travaillent dans nos milieux et qui font des fonctions d'enseignant, de personnel de soutien ou de professionnels, dans un contexte où les parents et les contribuables nous reqardent travailler, il est difficile... Et faites attention aux propos là-dessus, parce que pour nous ce n'est pas une question du fardeau, c'est une question de sa conséquence; le fardeau de la tâche, je pense qu'on est tous capables individuellement de faire nos efforts, mais c'est la conséquence de la lecture qui m'importe davantage. Dans un contexte où une personne travaille avec moi dans une relation d'élaboration d'un texte local, le client qui nous regarde travailler, s'il n'est pas sûr que les règles du jeu, comme patron, la commission les possède intégralement et n'est pas soumise à une loi qui peut les contrer, il sait fort bien qu'il peut utiliser en même temps différents leviers de pression, ce qui crée au niveau de la commission d'autres niveaux de pression que ceux qui devraient s'exercer et ça entache aussi la crédibilité des interlocuteurs. Au même titre, chez moi, par exemple, si dans le réseau scolaire je passais constamment mon temps à intervenir dans une école pour contrer une intervention d'un directeur d'école, une décision de gestion, je briserais sa crédibilité.

Au même titre, la commission scolaire, si elle est dans une période de négociations et est constamment, parce que la situation l'exige - je vais aller jusqu'à émettre ça comme possibilité - dans l'état de ne pouvoir toujours assumer sa pleine autonomie de décision face à ses interlocuteurs, nécessairement je pense que le jeu des négociations n'est pas vraiment un jeu à deux parties, c'est un jeu avec trois ou quatre parties qu'on identifie mal et on ne sait pas quand elles vont se présenter. C'est dans ce sens qu'on dit: Une autonomie dans un contexte de négociation où les règles ne sont pas claires deux à deux, avec un phénomène de pression présent dans le contexte du milieu simplement, c'est un prétexte, on ne l'exerce pas et on se dit: On est peut-être aussi bien de ne pas l'entacher et de garder cette autonomie pour les champs de manoeuvre qui nous sont utiles et nécessaires. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Gauthier: Est-ce que je peux poser une sous-question? Si je comprends bien le sens de votre réponse, c'est que le concept que vous vous faites de l'autonomie ce serait finalement un mandat beaucoup plus large qu'actuellement, un mandat qui aurait pour limite ce que la commission scolaire déciderait de lui donner. Ce à quoi vous faites référence - je pense qu'on se comprend sur un certain nombre de choses -quand vous dites que les commissions scolaires ne possèdent pas toute la marge de manoeuvre dont elles auraient besoin, vous

faites sûrement référence au respect que vous devez avoir de l'entente provinciale négociée, la limite à ne pas dépasser. Mais ma divergence venait justement du fait qu'à mon point de vue vous avez, à l'intérieur de cette limite à ne pas dépasser - entre autres vous avez cité tout à l'heure tout le processus d'affectation des enseignants - une marge de manoeuvre qui est relativement bonne.

M. Paquette (Michel): D'accord, là-dessus, je pense que c'est important d'apporter la précision, parce qu'on ne s'est pas totalement compris. La quantité et l'ampleur des points relégués à la négociation locale sont fort limitées par rapport à l'importance de la communication des interlocuteurs - patron-employés, pour utiliser un terme reconnu - dans le sens que, par exemple, quand je traite chez moi la répartition des effectifs, si cette répartition est totalement encadrée par des règles qui sont fermées, mon jeu d'intervention dans le choix des moyens à y mettre est fort limité; ça, c'est un point.

Le deuxième point c'est que, même dans la petite partie qui nous reste, on vit dans un contexte de pensée, au Québec, qui crée beaucoup d'inquiétude, dû au fait que, par exemple, il y a une négociation nationale qui est terminée depuis six mois, mais qu'il y a de petites guerres ici et là qui durent encore un an ou deux. On veut ramasser ça pour mettre de l'ordre une fois pour toutes, mais on se dit: En plus de ne pas avoir une très grande avenue de négociation, on n'est pas sûr de pouvoir gérer totalement le conflit chez nous, ce qui crée, dans la circonstance, ce que j'appelais tantôt un phénomène de brisure des crédibilités; c'est qu'à ce moment on n'est pas sûr que l'autonomie qui s'exerce soit vraiment la propriété du milieu et il y a toujours là une absence de pouvoir. Donc, si le pouvoir n'existe pas, on est aussi bien de l'encadrer dans un contexte où il va permettre après la gérance des personnels, plutôt que cette situation qui est toujours mi-chair, mi-poisson.

M. Gauthier: D'accord.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Dougherty, députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais poursuivre un peu la ligne de pensée de mon collègue de Saint-Henri, parce que je crois que sa question était très pertinente et j'ai l'impression que votre proposition d'abolir les négociations locales est en effet d'abandonner un peu vos responsabilités pour acheter un peu de paix à court terme. Je suis un peu étonnée que vous n'ayez pas traité d'autres aspects des négociations qui ont un impact grave, à mon sens, sur vos responsabilités et sur la possibilité de gérer les commissions scolaires comme vous voudriez le faire.

D'abord, les coûts des négociations. Vous savez, je crois, que les négociations dans le secteur public coûtent 20 000 000 $ pour chaque ronde. Je crois qu'éliminer les négociations au niveau local, c'est une partie du problème, mais cela ne règle pas le problème facilement.

Sur les coûts également, je crois que vous n'avez pas parlé de l'impact des contrats, du résultat des contrats, des ententes sur les budqets des commissions scolaires. J'avais une question pour le ministre, mais il est sorti. Oh! Il est ici. M. le ministre, j'ai une question pour vous sur les coûts des budgets scolaires des commissions scolaires qui résultent des ententes. Est-il vrai que, la dernière fois, à la dernière ronde des négociations, c'était le but du gouvernement de rendre les salaires dans le domaine de l'éducation équivalents au secteur privé? C'était, je crois, un des grands buts dans le domaine de l'éducation. J'aimerais vous demander si vous avez réussi à atteindre ce but.

M. Marois: M. le Président, je pourrais peut-être donner l'élément de réponse que j'ai en main pour l'instant à la question qui est posée. Tout cela était basé sur des éléments de comparaison avec le secteur privé. L'équation automatique à faire apparaissait relativement difficile.

Effectivement, il faudrait véritablement que j'aille fouiller davantage dans les dossiers pour être à même de vous donner une réponse complète et précise au moment où on se parle. Mais je pourrais le faire. On peut prendre les renseignements et vous les communiquer cependant.

Mme Dougherty: Mais je crois que c'est une question assez importante pour l'avenir parce que c'est un but avec lequel je suis d'accord et je crois que tout le monde dans le monde scolaire est d'accord et on n'aurait peut-être pas aujourd'hui de coupures aussi sévères si on avait réussi à atteindre notre but.

Pour revenir à votre mémoire, vous n'avez pas traité tout le problème du résultat des ententes, des conventions collectives, sur la qualité de l'éducation, sur la flexibilité de qérer pour le bien des enfants. Est-ce que vous avez quelques suggestions ou quelques propositions à faire pour améliorer la qualité de l'éducation même avec des négociations locales? Est-ce que vous êtes d'accord avec le champ des négociations? J'ai l'impression que, dans le domaine de l'éducation, on négocie peut-être trop de choses. On règle tout ce qui se passe dans les écoles, même dans les

curriculum, dans les négociations. (20 h 45)

Si votre proposition est bonne, peut-être que le résultat sera plus satisfaisant si on examine un peu le champ de négociation, et ce champ doit être un peu plus restreint.

J'ai d'autres questions. Vous avez dit que les moyens de harcèlement doivent être complètement éliminés. Comment? C'est plus facile de le dire que de le faire.

Pour les services essentiels, est-ce que la définition des services essentiels en éducation est un problème pour vous? Je ne sais pas. Est-ce que la méthode actuelle est satisfaisante?

Pour le rôle de l'État dans cette affaire, vous avez suggéré une grève limitée, un terme de grève. Pensez-vous que c'est une suggestion réaliste? Ou on a une grève ou on n'a pas de grève, mais une grève d'une semaine, de deux semaines, est-ce vraiment une suggestion réaliste?

M. Paquette (Michel): Je comprends que vous avez... en tout cas, j'en ai noté sept. Je vais essayer de les regrouper, parce que ça touche certains thèmes. Je vais essayer de les séparer, si vous me permettez.

Vous avez soulevé la question de vérifier notre niveau d'abdication par rapport à notre champ de responsabilité. Vous avez aussi soulevé la question de l'impact des coûts de négociation avec le résultat - la troisième était celle-ci - des ententes sur la qualité offerte en éducation en conséquence des ententes.

Vous avez soulevé la négociation locale en termes d'interrogation comme effet possible d'amélioration des services éducatifs localement.

Vous avez soulevé la question du harcèlement, comment le contrer. La question des services essentiels, si c'est un problème pour nous, et la grève limitée.

Je voudrais simplement dire à la députée que dans l'espèce de regroupement que je ferai, je vais essayer de repréciser certaines choses peut-être sur lesquelles nous avons manqué de clarté et qui vont vous permettre d'aller plus loin dans la compréhension de notre texte. J'ai l'impression que sur certains points vous avez une lecture qui ne correspond pas à l'esprit qu'on avait en le rédigeant. Je vais donc préciser.

J'aimerais, si vous me permettez, séparer deux questions pour lesquelles nous n'avons vraiment pas eu de choix d'intervention. Nous avons décidé de ne pas nous préoccuper de la question de l'impact des coûts de négociation et de la question des résultats des ententes en termes d'effets sur la qualité de l'éducation.

Quand nous avons fait notre lecture du mandat de la commission, nous avons privilégié davantage une approche qui touchait la mécanique. Nous n'avons eu d'aucune façon l'intention de faire des propos sur la question des coûts et des qualités de services, sachant fort bien que vous soulevez des points fort sérieux qui, d'ailleurs, se rapprochent de nos préoccupations, mais que nous faisons ailleurs, en temps et lieu, que ce soit sur des dossiers à caractère de gestion de ressources ou sur des dossiers à caractère de préparation par rapport à l'évaluation des effets de la négociation. On a eu des contributions là-dessus, mais on l'a séparé et je n'ai pas de mandat ici pour en parler comme tel. Je les tiens donc à l'écart.

Une intervention de principe ou de clarification sur une notion de principe, je pense que c'est votre première intervention sur notre abdication de responsabilité. C'est fort évident, et quelle que soit la personne qui nous pose la question, si la lecture qu'elle fait de la situation, c'est que l'obtention du droit des commissions scolaires est une chose à obtenir comme cible ultime et exclusive par rapport à la gestion du réseau, nécessairement elle lit notre texte comme une démission... Là-dessus, si on est très sévère, je répète les propos que je tenais tantôt, c'est possible que ce soit vu comme ça, si nous ne replaçons pas ça dans le contexte de la gestion du réseau tel qu'il est actuellement. Nous avons la prétention, discutable ou pas, nous avons la prétention que la question de la gestion du réseau et de son partage des responsabilités fait affaires à un contentieux qui est fort difficile, qui est fort compliqué aussi et qui ne se traite pas depuis hier, qui se traite depuis plusieurs années entre le gouvernement présent et passé, la fédération des différentes commissions scolaires et aussi les associations protestantes; c'est un contentieux qui est en place au Québec depuis fort longtemps. C'est un contentieux qui semble devoir reprendre du poil de la bête quand on entend les choses se répéter dans les journaux et qu'on semble en parler plus sévèrement actuellement, mais, pendant que ce contentieux n'est pas réglé, ça ne change rien au fait que le problème est entier et qu'on se retrouve dans un contexte où je pense en toute sincérité, au nom de nos collègues, comme on l'a exprimé, qu'on gère mal un phénomène de conflit qui n'a aucun sens, quand ce conflit se place dans un contexte où on ne pense pas que le jeu en vaille la chandelle de se battre sur le terrain deux fois et de créer l'état d'esprit qu'on connaît dans nos écoles; c'est le seul choix qu'on fait.

Et je reviens à votre intervention. Pour nous, ce n'est pas une abdication de responsabilité, c'est une conclusion circonstanciée à un temps donné, ce qui ne nous empêchera nullement, dans d'autres dossiers, de revenir à la charge sur ça, mais dans un contexte où le partage des

responsabilités va être clair. Si on veut nous attribuer, dans les commissions, des responsabilités qui sont sans sens, qui n'ont pas d'effet, ça ne sert à rien de les mettre là, ça va provoquer tout simplement une situation où les gens seront mal gérés; c'est la seule conclusion que l'on fait là-dessus. Alors, j'avoue que votre jugement, je le trouvais précis mais sévère par rapport à l'approche qu'on a.

Je reviens à la question plus particulièrement détaillée que vous souleviez sur l'aspect du harcèlement. Sur la question du harcèlement, je pense que là-dessus, en tout cas dans l'esprit du texte, nous avions deux approches. La première approche traitait autant de nous, au niveau des commissions scolaires, que du gouvernement. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a eu une expérience qui s'est créée avec le temps, qui ne pouvait être présente à une époque où on n'avait pas ce phénomène subit des moyens de pression qui s'exerçait rapidement sur le champ; c'était un moyen pour activer le débat. Et je pense qu'on essayait de créer dans cette nouveauté-là notre propre tradition de fonctionnement, pour se rendre compte finalement que la règle du jeu qui nous semble la plus véritable à appliquer, c'est celle d'appliquer très sévèrement et rigoureusement les précisions. Je donne un exemple: si les moyens de harcèlement créent, par exemple, un état d'esprit selon lequel on sait jamais si, en après-midi, le matin ou en cours de journée, il y aura présence ou non du personnel pour dispenser des services aux enfants, je pense que la commission, à ce moment-là, doit aller plus loin que l'attentisme auquel on était habitué et provoquer une situation qui fera en sorte qu'on devra alors appliquer une mesure qui sera ferme et qui sera concurrentielle avec l'autre, pour éviter justement ce phénomène d'insécurité où on ne sait jamais, par exemple, l'encadrement qui sera dispensé aux élèves. C'est là une responsabilité qui nous incombe, mais qu'on soulève là-dedans, qui n'est pas adressée au gouvernement, qui n'est pas adressée à la commission non plus; on dit qu'elle devra faire l'objet d'animation dans notre propre milieu.

L'autre partie, cependant, comme moyen de recommandation, c'est aussi le fait que, quand ces harcèlements sont assumés et gérés par un gouvernement local, en termes de moyen d'application là-dessus, on ne veut pas non plus que nous soit sapé le pouvoir de le faire. Sans ça, cela créé encore ce qu'on appelait tantôt l'instabilité du pouvoir à qui il appartient et ça élimine cette possibilité de brisure sur une situation dans un lieu donné, et la recommandation s'adresse, dans le fond, à ce moment-là, aux interventions à caractère plus politique qui viennent contrer la gérance locale.

Alors, ce sont les deux moyens particuliers qu'on a soulevés, sachant fort bien que le reste, c'est une question d'application précise dans des temps donnés. Cela peut difficilement faire l'objet de réglementation très articulée, mais ce sont des choses qui se passent et qu'on doit gérer. Cela doit se gérer dans un état d'esprit et les points qu'on a soulevés font appel à l'état d'esprit.

Quant à la question des services essentiels, je pense que tantôt, quand j'ai fait un ajout verbal au texte que nous avons déposé... Effectivement, pour nous, la notion de services essentiels se rattache principalement à ces lieux-là, de temps, où les enfants se retrouvent dans une situation d'encadrement affaiblie. Je pense, par exemple, au harcèlement qui peut se produire à 10 heures le matin, quand un principal d'école de niveau élémentaire se retrouve avec 350 élèves sur les bras, sans que l'encadrement soit satisfaisant et que ça soit dangereux pour la sécurité. Ce sont ces notions de services essentiels qui nous préoccupent davantage, tout comme on peut soulever, par exemple, le problème des handicapés moteurs ou le problème des mésadaptés sociaux, notion qu'on devrait travailler à définir probablement plus sévèrement. Je pense qu'antérieurement on n'a pas eu beaucoup de tradition là-dessus; c'est quelque chose qu'on a ouvert comme étant un point de réflexion éventuel. Et il y a aussi l'aspect qui nous préoccupe actuellement, mais qui nous reste à la réflexion, qui est celui de la certification et de tout le transfert des bassins d'élèves entre le niveau secondaire et le niveau collégial, par exemple, où il y a des temps dans l'année où l'effet sur la carrière de l'étudiant est beaucoup plus dramatique ou directement dangereux que le temps dans l'année ou le temps précédent où c'est moins près de ces moments de certification. Dans les services essentiels, tantôt dans l'intervention verbale que j'ajoutais, cela a été les points que nous avons soulevés. Quant à la question de la grève limitée, Mme Dougherty, franchement, je n'ai pas eu l'impression que nous avions dit cela. Si dans notre texte cela a transpiré, je vais le corriger. Je n'ai jamais eu l'impression que nous avions dit que nous étions pour une grève limitée. Je ne sais pas si le texte est dans cet esprit ou vu comme ça, mais je reviendrais sur le texte si c'est ça.

Le Président (M. Rodrigue): M.

Paquette (Rosemont).

M. Paquette (Gilbert): M. le Président, à la suite des précisions que vient d'apporter M. Paquette, j'avais également compris leur intervention de la même façon. En fait, dans le domaine de l'éducation, on a un régime de

négociations qui est déjà à toutes fins utiles centralisé au niveau national. Cela ne veut pas dire nécessairement une abdication des responsabilités de la part des commissions scolaires, pas plus que des syndicats locaux du côté de la partie syndicale. Cela veut simplement dire que les discussions se font en groupe et qu'il y a une table patronale a laquelle les commissions scolaires partagent des responsabilités avec le gouvernement à titre d'employeur. Du même coup, de l'autre côté, les syndicats locaux ont également ce même partage des responsabilités à faire au sein de leurs centrales syndicales et de leurs associations d'enseignants.

Mais cela soulève quand même, ce degré de centralisation des négociations, tout le problème de la centralisation des structures scolaires. On a beau faire des tentatives de décentralisation dans le système de l'éducation, si le nombre d'objets de la convention collective est tel et si en plus il est négocié sur le plan national, la décentralisation devient, à toutes fins utiles, largement illusoire. Je pense que le problème n'est pas tellement la question de la responsabilité au nom des commissions scolaires, mais l'espèce d'escalade vécue de chaque côté sur le plan, je dirais, bureaucratique, entre les structures patronales et les structures syndicales, de sorte qu'on se retrouve avec des conventions collectives qui ont deux pouces d'épais et qui entrent dans tous les détails de la vie pédagogique à l'école, ce qui paraît excessif à beaucoup de gens.

Simplement pour préciser le niveau de centralisation, je pense qu'à la dernière négociation, il y avait treize objets de négociation au niveau local... C'était dix-huit... La plupart étaient des points, je pense, relativement mineurs. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a eu une divergence énorme d'une commission scolaire une fois les négociations locales terminées?

M. Paquette (Michel): Moi j'avais lu que c'était fort possible, mais sur la quantité des choses en cause par rapport à leur importance en regard de la gestion des services éducatifs, la question qu'on se pose et la réponse qu'on a eue au bout de la course, c'est non. Est-ce que cela valait le jeu de créer une insistance de double emploi de la négociation dans un contexte où ce sont les enfants et les clients en général qui le vivent, avec ceux qui le partagent aussi, parce qu'autant pour les enseignants que pour nous, que pour les enfants, cela fait une situation à deux plateaux.

M. Paquette (Gilbert): J'aime bien votre proposition d'éliminer la négociation au niveau local et de remplacer cela par des arrangements locaux. J'aimerais qu'on essaie de préciser un peu cette notion. D'abord, vous avez parlé tantôt de gestion participative. C'est un terme qu'on entend depuis quelques années, mais qui n'a pas été beaucoup vécu dans le concret. Cette gestion participative, dites vous, devrait avoir lieu à périodes fixes. Est-ce que vous voyez cela comme une consultation? En cas de désaccord entre la partie syndicale et la commission scolaire, qui est-ce qui tranche? Est-ce que les objets de ces arrangements locaux seraient déterminés au niveau de la négociation nationale? Sinon, comment seraient-ils définis? Est-ce que cela regrouperait à peu près les 18 points qu'on avait à la dernière négociation ou si cela pourrait être plus vaste ou moins vaste? Est-ce que vous pourriez préciser cela un peu?

M. Paquette (Michel): En fait, là-dessus, ce qu'on fait comme rapport de similitude, c'est qu'on se rapproche, par exemple, de ce qui a été vécu dans le secteur de la discussion d'arrangement local avec les personnels de soutien ou les personnels professionnels. Il y avait dans le canevas national une série de mesures qui pouvaient, en cas de non-règlement local, s'appliquer comme moyens intermédiaires. Parlons de la consultation, que vous souleviez. Cela peut appeler, par exemple, en entendement national, qu'il y ait accord de principe sur le fait que les gens seront en processus de consultation avec certaines règles qui sont plus ou moins impliguantes, mais qui sont déjà, par certaines traditions qu'on connaît, acguises dans les milieux. C'est un canevas qui peut être le moindre. Si, dans les milieux, il y a des endroits qui vont à un rythme plus avancé là-dessus ou medium, selon les circonstances, cela peut permettre cet arrangement local d'accommodations qui dépassent le canevas national et cela se fait dans un temps précis de travail. (21 heures)

S'il n'y a pas "entendement", à ce moment-là, le moyen qui s'applique, c'est la garantie nationale qui est particulièrement limitée. On avait déjà eu cette prospective antérieurement, au moment des négociations 1972-1973; cette première approche de négociations locales avait été le premier niveau d'essai que nous avions eu là-dessus. Cela a continué sur les autres secteurs d'employés et cela s'est élargi sur le secteur des enseignants. On considère, après expérience de deux temps, 1975-1976 et 1979-1980, que, finalement, la formule 1972-1973 ne créait pas en deux temps ce niveau de discussions. Cela avait quand même agrémenté certains lieux de discussions très particulières qui pouvaient compléter la règle du jeu à ce moment-là et cela se fait encore dans les autres groupes d'employés. À une date précise, ferme, si à telle heure ce n'est pas terminé, les dispositions prévues

dans l'encadrement national à caractère minimal s'appliquent. C'était à peu près la formule qui était appliquée et qui semblait se faire à ce moment-là.

M. Paquette (Gilbert): Prenons, à titre d'exemple, l'un des objets de négociation locale à la dernière négociation, qui était la répartition de la tâche. Est-ce que vous verriez que là-dessus il y ait des arrangements locaux et est-ce que le type d'arrangement local s'apparenterait à une certaine forme de cogestion, dans le fond, de la répartition de la tâche? Jusqu'où cela irait-il en cas de mésentente? Vous dites que la grève serait interdite au niveau local. Je trouve cette idée fort intéressante qu'on n'ait pas deux paliers de négociation. Il faudrait voir dans le concret comment cela peut se faire. La répartition de la tâche, par exemple, qu'est-ce que cela donnerait?

M. Paquette (Michel): En toute franchise, quand vous me posez une question aussi précise et détaillée que celle-là, je serais malvenu de vous répondre au nom d'une association, alors qu'on n'a pas pris le temps de décortiquer chacun des points. La seule réflexion globale que nous avions, c'était la lecture de la mécanique en se disant que, quand ce temps viendra de réfléchir sur les points qui seront à mettre en arrangement local, par un processus de discussion avec les différentes associations et fédérations, on pourra discriminer ce qui paraît devoir être fait localement. Mais je serais bien malvenu de vous répondre et injuste, je pense, pour...

M. Paquette (Gilbert): Mais vous êtes bien conscient que si on dit: En cas de mésentente, c'est la partie patronale qui va trancher quant à la répartition de la tâche, la partie syndicale va avoir tendance à dire: C'est une extension du droit de gérance...

M. Paquette (Michel): Non, ce n'est pas cela.

M. Paquette (Gilbert):... qu'on trouve inacceptable et on va négocier cela au niveau provincial et on va peut-être avoir plus de centralisation à ce moment-là.

M. Paquette (Michel): Le risque couvre les parties autant l'une que l'autre, parce que je pense qu'il y a peut-être avantage aussi pour les employés à ne pas vivre ces deux temps qui sont quand même épuisants. Même au niveau de leur enseignement, eux autres aussi le vivent comme étant quelque chose de difficile à supporter au jour le jour quand tu travailles auprès des élèves. C'est un risque à courir de dire que si finalement il n'y a pas possibilité de créer quelque chose de neuf et d'original dans un contexte précis, il y aura au moins des dispositions nationales entendues et reconnues par ceux qui nous représentent respectivement et qui pourront s'appliquer et cela sera au moins un cadre qui sera garantissant d'un certain respect des règles du jeu.

Le Président (M. Rodrigue): Je vais permettre une dernière intervention étant donné que le temps file et que nous avons quand même deux autres mémoires à recevoir. M. Polak (Sainte-Anne).

M. Polak: M. le Président, je vais être très bref. M. Paquette, j'ai étudié votre mémoire. Je pense que vous êtes beaucoup plus expert que moi, quoique j'étais commissaire scolaire et même un membre de l'exécutif du Conseil scolaire de l'île de Montréal, jusqu'au mois d'avril.

Il y a deux points que j'aimerais soulever. Ce matin et cet après-midi, on a parlé du tort causé aux usagers des services sociaux et aux patients des hôpitaux. Croyez-vous que le même tort est causé aux enfants? Disons l'expression qu'on entend souvent: On fait la grève sur le dos des enfants. Vous n'en avez pas beaucoup parlé dans votre mémoire. Vous, comme Association des directeurs généraux - tout de même, vous êtes des canons, disons, dans le métier - quelle est votre opinion là-dessus en quelques mots?

M. Paquette (Michel): Quand vous soulevez le qualificatif "faire a grève sur le dos des enfants", je voudrais reprendre cela en des termes un peu différents, en jouant au spécialiste, simplement pour vous dire que si, dans notre propos, nous acceptons le phénomène de la grève comme étant une façon de créer le niveau de négociations avec son temps de pression, nous reconnaissons que cela peut produire un temps où il y a absence de services par rapport a la clientèle qui est desservie. Avec les arguments selon lesquels on pense finalement qu'enlever le droit de grève créerait peut-être un chaos qui, de toute façon, produirait ce fait aussi, on se dit qu'on est aussi bien de le réglementer.

On se dit: On est d'accord pour une privation de services dans un temps donné. Où je suis d'accord avec votre qualificatif, c'est quand la situation se produit dans un contexte répétitif, incoordonné, morcelé, dans des circonstances non identifiées qui font que l'enfant vit dans un contexte d'instabilité.

Dans un temps où on sait que les règles du jeu s'appliquent, dans la mesure où on peut y arriver en tant qu'humains, selon un certain aménagement, on est d'accord pour l'appliquer, et on se dit que ça se fait sur le dos des élèves, mais dans un contexte de contribution sociale aussi. Tous, à un moment donné, on se prive de certaines

choses parce qu'on a des affaires à régler entre nous. Je n'étends pas ce moyen aussi sévèrement, je l'étends à la situation ambiguë qu'on a plus connue antérieurement que ce qu'on voudrait connaître par la suite.

M. Polak: Ma deuxième et dernière question concerne les arrangements locaux. Je réfère à la page 11 de votre mémoire où vous dites - je l'explique en termes très simples - que, d'abord, il y a une entente provinciale entre les parties sur le plan provincial. Ensuite, on revient à l'arrangement local, ça veut dire commissions scolaires et unités syndicales locales, et vous dites: S'il n'y a pas de possibilité d'entente au niveau local dans un délai fixé - disons un délai, l'entente provinciale signée, de trente ou soixante jours - là, on va revenir à l'entente provinciale qui contiendra des dispositions à cet effet. Si tel est le cas et si le provincial donne le minimum, à quoi servirait à une commission scolaire locale de négocier localement? Elle va dire: On ne négocie pas, on va se servir de l'entente provinciale. Est-ce que ça ne va pas exclure même l'efficacité de négocier sur un plan local?

M. Paquette (Michel): Je suis d'accord avec vous. Cependant, c'est présumer que toutes les commissions ont une telle attitude et nous, nous présumons que, dans plusieurs cas, plusieurs essaient, en toute franchise et honnêteté, avec les parties qu'elles rencontrent, de chercher un lieu de création qui est original pour leur milieu. On prend souvent l'exemple de la consultation, c'est quelque chose qui est fondamental au niveau des commissions parce que l'approche de gestion politique et administrative diffère dans divers milieux. C'est un effort, au moins, qui est consenti, qui est fait honnêtement pendant un temps donné. S'il n'y a pas règlement, il y aura un encadrement. Quand vous dites que, à ce moment-là, l'effort des gens sera nul parce qu'on s'accrochera, je me dis que l'expérience du passé n'a pas été dans ce sens. On voit souventefois, en discutant entre nous ou en faisant des comparaisons de textes entre les commissions, que plusieurs ont essayé, sur des thèmes donnés, de créer certaines originalités qui correspondent à leur modus vivendi.

M. Polak: C'est tout, quant à moi, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires.

J'invite le Cartel des organismes professionnels de la santé à prendre place et à nous présenter son mémoire. Ce groupe est représenté par M. John White. M. White, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Cartel des organismes professionnels de la santé

M. Isabelle (Marc-André): Une première précision, M. le Président, mon nom est Marc-André Isabelle. Je vais identifier les personnes qui sont avec moi: À ma gauche, Mme Goyette, qui est présidente du COPS, et M. Jean-Marie Baril, un des vice-présidents du COPS.

Le Président (M. Rodrigue): M. Isabelle, quelle est votre fonction? Vous êtes procureur pour le...

M. Isabelle: En effet, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Merci. Si vous voulez procéder.

M. Isabelle: M. le Président, tout au cours de la présente journée, nous avons eu l'occasion d'entendre plusieurs intervenants, particulièrement du secteur des affaires sociales, qui ont fait largement le tour des questions qui préoccupent la présente commission. Les parlementaires ont eu aussi largement l'occasion de soulever des questions sur des points spécifiques ayant trait plus particulièrement aux services essentiels. Aussi nous semble-t-il opportun, M. le Président, avec votre permission, d'abréger le plus possible notre présentation, et la teneur de nos propos sera pour vous rendre le message le plus court possible et vous donner un témoignage de ce que nous avons vécu dans le cadre de la dernière négociation.

Dans cette optique, pourquoi ne pas commencer immédiatement par la conclusion? M. le Président, le mandat que vous avez énoncé comme étant celui de la présente commission, c'est-à-dire la recherche et l'examen des moyens d'améliorer le régime de la négociation dans les secteurs public et parapublic et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels. Il nous apparaît quant à nous qu'il est important de se poser la question de savoir si, effectivement, c'est là la principale question qu'il nous faut poser à ce stade. Est-ce que la question que la commission pose et à laquelle elle souhaiterait avoir une réponse ne serait pas davantage de la nature suivante: Y a-t-il un moyen que les intervenants puissent suggérer pour délimiter, encadrer, réglementer les attitudes, les comportements, la bonne foi?

Fondamentalement, je pense qu'il faut bien admettre tous ensemble ici, on l'a entendu pour une bonne partie de la journée,

cet aspect du comportement et des attitudes des parties face au régime de la négociation dans le secteur public. C'est probablement là, M. le Président, le fondement même de toute la question, de savoir si le régime de la négociation en soi a toute la valeur qu'on veut lui donner. Pour y trouver une réponse, il faudra toujours retourner, ce sera toujours vrai, à l'attitude qu'auront les parties, que voudront prendre les parties et à la façon dont elles voudront bien voir chacune de leur côté, les deux ensemble, tout le système du régime de la négociation dans les secteurs public et parapublic.

Pour certains d'entre vous, les parlementaires qui êtes ici, il y en avait cet après-midi qui ont déjà eu l'occasion de participer non pas tellement à des négociations dans le cadre de celles de 1971, 1975 ou 1978, mais surtout à des échanges qui ont eu lieu après les négociations de chacune de ces rondes de négociations ou avant qu'on en entreprenne une nouvelle, de se poser un certain nombre de questions sur les failles qui avaient pu être identifiées, sur le plan des mécanismes, dans le cadre de ce qui avait été vécu lors de la négociation antérieure. Je sais qu'il y en a plusieurs d'entre vous pour qui c'est familier, pour avoir participé, à ma souvenance, à des commissions parlementaires. Vous en avez déjà tenu sur ce sujet, vous avez eu des comités d'étude. On a rapporté souvent aujourd'hui les propos qui ont été tenus par la commission Bouchard. Il y a aussi des conqrès de relations industrielles, des colloques, des séminaires. Souvenons-nous que, depuis dix ans, c'est le sujet qui nous anime tous, celui de savoir comment on peut améliorer les mécanismes juridiques qui encadrent le régime de la négociation dans le secteur public.

C'est bien certainement un sujet qui a énormément d'intérêt au niveau du public, à tout le moins, dans un premier temps, puisque la grande partie du public se sent concernée d'une façon ou d'une autre, à une étape ou une autre de la négociation. Dans un premier temps, dira-t-on d'une certaine partie de la population qu'elle est intéressée à savoir de quelle façon ces taxes vont être remises à contribution et à l'oeuvre; pour une autre partie de la population, se posera la question de l'accessibilité aux services de santé ou aux services sociaux. Je pense que cette inquiétude de la population qui a été si souvent aujourd'hui énoncée procède d'abord et avant tout, M. le Président, du caractère des négociations telles qu'elles ont été à maintes fois reprises aujourd'hui. On a donné les caractéristiques de ces négociations à de multiples occasions. Elle sont non seulement centralisées, unifiées mais elles ont surtout deux aspects particuliers, un d'être éminemment politisées et cette politisation s'exerce dans le cadre de structures qui sont éminemment complexes. La politisation du système de la négociation dans les secteurs public et parapublic relève d'une question d'attitude, d'un mode ou d'une méthode de fonctionnement qu'on entend prendre dans le cadre de la négociation à entreprendre avec la partie adverse.

C'est une question d'attitude qu'on a pu vivre, M. le Président, si on veut se reporter à des faits passés au cours de la dernière négociation, lorsque le ministre qui assume le portefeuille et la responsabilité de la négociation dans le secteur public, le président du Conseil du trésor, commence à en parler sept mois avant les négociations. En septembre 1977 - vous vous souviendrez que, dans notre cas, c'est au 30 juin 1978 que nous étions appelés à commencer les négociations - le ministre commença sept mois avant le temps à négocier, à donner les grands paramètres de ce que seraient ses positions tantôt. Il n'a pas, semble-t-il, la prétention de s'adresser au syndicat avec qui il devra négocier tantôt, sauf que déjà ça crée un niveau de politisation des débats. Il est certain que les syndiqués, les syndicats ont une tendance à répondre avant même d'entrer en négociation véritablement. (21 h 15)

C'est donc une question d'attitude, aussi une question de comportement lorsque, dans l'amorce même des négociations, dans le cadre de l'application du mécanisme que le gouvernement a lui-même instauré de par la loi - on a parlé aujourd'hui de 59 et de 55 abondamment - pour les groupes qui se sont retrouvés en négociation un an avant la généralité des syndicats qui, eux, ont commencé leur négociation le 1er juillet 1979, nous avons, guant à COPS, proposer au gouvernement, en mai 1978, d'utiliser, généralement parlant, les mécanismes déjà prévus dans la loi, mais qui ne s'appliquaient pas juridiquement à nous, c'est-à-dire le système de délai.

Je dis que c'est une question de comportement, dans la mesure où le législateur - continuons la distinction généralement connue - l'employeur, qui est vis-à-vis des syndicats, se refuse systématiquement à utiliser la loi qu'il veut voir mettre en vigueur, en application, dans le cadre de la négociation devant débuter quelques mois plus tard.

Pour avoir commencé les négociations sept mois avant la véritable date, cela devient éminemment étonnant de n'avoir point de réponse un an après le début effectif des négociations. C'est facile, me direz-vous, de relever un certain nombre d'éléments de cette nature et de les mettre plus particulièrement sur le dos de la partie patronale. Il est certain que certains autres éléments pourraient être relevés, et à l'inverse, nous être imputés. Je me souviens fort bien que M. Parizeau nous avait imputé

le fait de maintenir 43 points en négociation alors qu'il avait imposé à ses partenaires patronaux de n'en négocier que 13 dorénavant. Cela aussi est une question de comportement. Les comportements et des uns et des autres sont intimement liés les uns aux autres. Tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas réglé la question des attitudes, que nous n'aurons pas décidé, les deux parties, individuellement, ou ensemble par voie de concertation, non pas de surutiliser les mécanismes qui sont là pour régir le régime de négociation, mais de les utiliser à notre seule fin de traiter du mérite même des questions en jeu, c'est-à-dire le renouvellement de conditions de travail, tant et aussi longtemps, dis-je, qu'on fera des structures, des questions de stratéqie, il est certain qu'on aura une autre commission parlementaire lors de la prochaine ronde de négociations.

Là-dessus, il y a aussi une question d'attitude et de comportement lorsqu'on traite des services essentiels. Il n'est pas d'expert ou d'expertise qui ait pu permettre à qui que ce soit de donner une définition des plus précises de ce que devraient être les services essentiels. On pourrait faire et continuer ce qu'on a entendu aujourd'hui, et ce à quoi M. le ministre Marois nous a pratiquement invités à la fin de l'après-midi, soit de reprendre une étude de la qualité et de la quantité des services de santé qui sont donnés en temps de grève et hors des temps de grève, en temps de paix; autrement dit, de faire le tour des effets que pourraient avoir les coupures budgétaires, d'essayer d'étudier quelle est la qualité et la quantité des services qui sont donnés dans le secteur hospitalier, dans les hôpitaux, dans le courant des fins de semaine et des périodes de vacances.

C'est, bien sûr, autant d'éléments qui nous permettent de tenter d'évaluer des niveaux de services, des niveaux de quantité, des niveaux de qualité, mais cela ne règle pas fondamentalement notre question de savoir si les services essentiels comme tels, non seulement doivent être assurés, mais quels sont les véritables moyens qui doivent être utilisés pour y parvenir. Encore ici, notre proposition et notre pensée à cet égard nous ramènent à une question d'attitude. Peut-être sommes-nous bien placés au niveau des professionnels de la santé pour afficher une attitude de responsabilité à l'égard de ce concept de services essentiels lorsque les négociations obligent à l'utilisation de moyens de pression qui fassent que soit mise en cause éventuellement, non seulement la qualité et la quantité des services, mais peut-être même dans des cas fort isolés, l'accessibilité même aux services de santé.

Il y a quand même un constat que nous avons tous fait ensemble aujourd'hui, les parlementaires que vous êtes, ceux qui étaient présents à la table ici et ceux qui étaient des spectateurs. C'est que le système tel qu'il existe à l'heure actuelle sur le plan des services essentiels, avec le conseil sur le maintien des services, a donné des résultats qui, dans l'ensemble, sont éminemment satisfaisants par rapport à d'autres situations que nous avions connues dans des périodes de négociation antérieures et plus particulièrement, il faut bien le dire, en 1976.

Ce qu'il faut retenir particulièrement dans le cadre des services essentiels, c'est qu'il ne s'agit pas là d'une notion statique et un des éléments qui ressortaient aujourd'hui dans les questions soulevées par les parlementaires sur la question des services essentiels, c'est: Comment pouvez-vous arriver, en tant que syndicat, puisque vous allez finalement utiliser la liste syndicale, s'il n'y a pas d'entente avec l'employeur, à déterminer le véritable niveau de quantité et de qualité des services que vous allez désirer voir maintenir? C'est une question qui peut être soulevée dans la mesure où on tient pour acquis, dès le départ, que c'est là une notion statique, qui ne bouqe pas dans le temps et qui est prédéterminée pour une période qui a été déterminée, celle où pourra durer le moyen de pression, soit la grève ou tout autre moyen de pression. Mais la réalité qu'on a vécue, la réalité que vous connaissez, tout le monde, c'est que cette notion des services essentiels n'a absolument rien de statique. C'est ce qui a fait dire à bien des gens aujourd'hui et ce que nous répétons quant à nous, qu'étant donné que cette notion a un caractère dynamique, l'on voit très mal l'intervention d'un tiers, quel qu'il soit, que ce soit par la voie d'une régie, que ce soit par la voie d'un commissaire aux services essentiels, que ce soit par la voie d'un tribunal, d'un juge ou de quelque tiers que ce soit, on ne saurait être d'accord avec l'intervention d'un tiers qui viendrait se substituer aux deux parties qui connaissent très bien la situation dans l'hôpital où elles ont à négocier ces services essentiels, parce que, justement, même si le tiers - on l'a vécu sous la loi 253 et on en connaît les résultats - rendait une décision qui, dans certains cas - on les a qualifiés ajourd'hui - dépassait largement ce que souhaitait avoir la partie patronale oriqinellement, cette décision est statique, si bien que les parties devaient se retrouver, de toute façon, dans les jours qui suivaient, pour faire un réaménagement, en tenant compte non seulement des unités de négociation présentes à l'intérieur ou en grève, mais par rapport à l'accessibilité qui avait été donnée à des patients qui avaient été hospitalisés finalement. Non seulement avaient-ils été admis à l'urgence, mais ils avaient été hospitalisés. C'est une notion fondamentalement dynamique qui doit rester

essentiellement entre les mains des parties qui connaissent fort bien la situation qui est la leur dans l'hôpital où elles ont à négocier ce service.

Je suis presque tenté, M. le ministre, de répondre d'avance à cette question d'éthique que vous avez si souvent soulevée aujourd'hui. Je n'ai pas d'autres réponses, puisque je m'y prends d'avance, que ce que vous avez déjà entendu aujourd'hui, au risque de vous décevoir là-dessus. Les normes d'éthique comme telles, sur le plan syndical, nous en faisons effectivement une question de conscience professionnelle.

Il y a un autre élément qui joue chez nous. Comme la plupart des membres de nos syndicats sont effectivement aussi des membres des corporations professionnelles, est-il besoin de vous dire qu'il existe un code de déontologie au niveau des corporations professionnelles. Cela a d'ailleurs fait l'objet de longues études au niveau de l'Office des professions, ce lien ou cette absence de lien entre la déontologie applicable sur le plan professionnel par des professionnels qui sont à la fois aussi des syndiqués, qui doivent exercer des moyens de pression pour arriver à la conclusion d'une convention collective. Je dis là-dessus que, si de l'éthique doit exister, elle existe déjà naturellement au niveau de chacune des personnes humaines qui a à assumer non seulement la décision de prendre des moyens de pression, mais que cette décision a aussi des conséquences fort humaines et qui peuvent éventuellement se traduire chez des patients, l'autre partie, la déontologie professionnelle, venant se surajouter à l'ensemble de règles d'éthique fort naturelles qui s'imposent à nous-mêmes.

Je ne toucherai pas, M. le Président, le thème de la grève comme telle, M. le ministre Marois s'étant employé ce matin, très tôt, à désamorcer cette question de la grève, du droit à la grève, du droit à la libre négociation. Il nous apparaît que ce qui en a été dit aujourd'hui est amplement suffisant pour régler, nous semble-t-il, cette question de l'exercice du droit de grève comme tel.

La conclusion générale, M. le Président, est la suivante: Cessons de rechercher au début de chacune des périodes de négociation des mécanismes juridiques nouveaux pour réglementer la négociation dans les secteurs public et parapublic. On l'a fait pendant des années. Effectivement, il y a eu des améliorations qui en sont découlées, il y a eu des remises en cause complètes du régime global de la négociation. Cela a été le cas à la Commission Martin-Bouchard, tout le monde a comparu, il y a eu des amendements à la loi; c'étaient là des améliorations qu'on a tenté, tout le monde ensemble, de vivre au mieux possible. Tout le monde se souvient que même dans le cadre de la Commission Martin-Bouchard se soulevait à quelques occasions la question du rapport de forces entre les parties, de ce fondement même de la négociation dans le secteur, qui est établi sur l'adversité. Il n'y a jamais eu un expert qui est venu à bout de décider ou de trouver des solutions qui soient telles que cela puisse se faire dorénavant sur d'autres bases que celles que nous connaissons, c'est-à-dire le rapport de forces.

Ce que vous ne réussirez jamais à régir, MM. les parlementaires. Ce dont il faut se convaincre, tout le monde qui sommes parties à la négociation, c'est que tout est relié, fondé sur une question d'attitude, sur une question de comportement à développer à l'égard des mécanismes, à l'égard de l'utilisation de ces mécanismes, et que fondamentalement l'accord qu'on doit rechercher est un accord sur des principes qui doivent amener un consensus social de base, à tout le moins. Si le reste ne devenait que la négociation de sujets relatifs strictement à des relations de travail, à des questions de conditions de travail, si on a acquis l'optique au départ que nous n'étions pas là ni l'une ni l'autre des parties ni les deux ensemble pour n'utiliser que de la stratégie et oublier le mérite même des questions que nous avons à traiter, le renouvellement des conventions collectives, peut-être qu'on n'aurait pas à revenir en commission parlementaire pour tenter de trouver des moyens d'améliorer le régime. Commençons par l'expérimenter pour ce qu'il est. La première expérience qui en a été vécue, en 1979, se solde par un résultat qui est généralement fort acceptable, malgré qu'il y ait eu certaines difficultés que le ministre Marois a soulevées ce matin dans certains points particuliers.

Il est certain que, généralement parlant, les preuves de ce régime ont été faites. Au risque de vous décevoir, Mme la députée de L'Acadie, je ne saurais trouver de solution meilleure, d'augmentation en termes de volonté de chacune des parties d'arriver à un résultat qui soit différent de ceux qu'on a connus jusqu'à ce jour. Il n'y a pas moyen d'amélioration des mécanismes comme tels; on les identifiera en cours de route au fur et à mesure qu'on les vivra, et ce seront des ajustements mécaniques très mineurs. Je n'ai pas de solution nouvelle à proposer. Nous n'avons rien de nouveau, sauf qu'il faut admettre entre nous, une fois pour toutes, qu'il est bon de commencer à utiliser les mécanismes qu'on a pour ce qu'ils sont, avec l'objectif unique et essentiel d'en arriver à un consensus sur le renouvellement d'une convention collective. Dans ce cadre-là, c'est fondamentalement et essentiellement une question de comportement.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous

remercie. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Cartel des organismes professionnels de la santé de sa présentation, de son mémoire. Il est exact que vous avez vécu des problèmes particuliers lors de la dernière ronde de négociation, bien sûr, qui tenaient, comme vous l'avez évoqué, au fait que les dates d'échéance de vos conventions ne correspondaient pas aux dates d'échéance d'autres conventions. Je comprends et je pense que tout le monde peut se féliciter que ce problème-là, maintenant, ne se pose plus pour l'avenir. (21 h 30)

Je dois aussi en toute honnêteté vous rendre le témoignage du fait qu'alors que vous n'y étiez pas tenus, vous avez accepté - puisque vos rondes de négociations étaient déjà engagées avant que les nouveaux mécanismes qui ont été mis en place par des amendements législatifs soient adoptés alors que vous n'étiez pas tenu légalement à ces nouveaux mécanismes, je dois reconnaître et vous rendre le témoignage que vous avez accepté volontiers de plonger dans ces nouveaux mécanismes. Compte tenu de cette attitude et de ce comportement, compte tenu des problèmes particuliers que, par la suite, vous avez vécus à cause de cette espèce de période de flottement de deux blocs de négociation, je comprends que, par voie de conséquence, vous mettiez un accent extrêmement important dans votre exposé d'aujourd'hui sur ce que vous évoquez à la page 6 de votre mémoire, soit à quel point il est important, à votre point de vue, de s'assurer du respect des règles qui régissent l'amorce, le déroulement des négociations. Vous y revenez à la page 9: avant de songer à modifier les mécanismes, il faut faire en sorte que la mentalité en soit une de respect des mécanismes déjà existants. Je pense que vous y revenez à plusieurs reprises.

Là-dessus, j'espère que j'ai été assez clair, au moins quant aux interrogations que je formulais ce matin. Je ne vous cacherai pas que, sur ce point, je partage volontiers votre témoignage. Et cela vaut pour toutes les parties, qu'elles soient patronales ou syndicales.

D'autre part, je comprends aussi que, par voie de conséquence, vous mettiez un accent extrêmement important sur ce que vous appelez des changements d'attitude et de comportements. C'est toujours la partie la plus difficile. On peut changer le papier, on peut changer les mots sur le papier; c'est toujours plus difficile de changer des attitudes et des comportements, parce que là, c'est l'humain.

Dans ce genre de situation, vous avez cependant raison, tout de même, d'insister sur ce point, parce que ce qui est fondamental, c'est, bien sûr, le respect des mécanismes qu'on s'est donnés, qu'on accepte, des règles du jeu qui sont acceptées et, par voie de conséquence, que les comportements se conforment non seulement à la mécanique même, mais à l'esprit qu'il y a derrière ces mécanismes qui sont mis en place. En bout de ligne, dans la réalité des choses, au jour le jour, quand les problèmes concrets arrivent, c'est là-dessus, fondamentalement, que les citoyens et les citoyennes, que les Québécois et les Québécoises jugent, les comportements et les attitudes, mais aussi peut-être certains mécanismes. Je le maintiens; toutefois, à la lumière des expériences vécues, compte tenu des problèmes particuliers que vous avez vécus et qui concernent plus directement votre groupe, je crois qu'il y a, là encore, place à de bonnes améliorations.

Et tout cela étant dit, et je souscris en bonne partie à ce que vous venez de dire, il n'en reste pas moins qu'en bout de ligne on peut déboucher sur des conflits. Tout doit être fait et si le respect des mécanismes, les comportements et les attitudes, par un grand sens des responsabilités pouvait - si tant est que cela pourrait venir un jour -nous amener à des règlements négociés sans qu'il soit nécessaire de recourir à un droit collectif qui est reconnu et qui est le droit de grève, ce serait l'idéal.

Cependant, le législateur, le gouvernement, les divers groupes, les divers agents socio-économiques, comme on le dit maintenant dans notre jargon, se doivent aussi de prévoir ce qui peut se passer. Ce qui peut se passer, c'est que parfois il arrive des conflits et parfois il y a des grèves. Durant ces périodes de conflits et de qrèves, il faut s'assurer que fondamentalement les droits aussi des hommes et des femmes, les droits des individus à avoir leurs services essentiels, ce n'est pas, là non plus, uniquement un droit de papier, que ce n'est pas là uniquement des mots sur le papier.

Ceci étant dit, je voudrais vous poser deux questions. Je comprends que vous avez dit, vers la fin de votre témoignage, que vous n'étiez pas portés, que vous ne croyiez pas à l'intervention d'un tiers. Je traduis peut-être injustement votre pensée. Si tel était le cas, vous me rappellerez à l'ordre, bien sûr. Je comprends que, si je tente de traduire dans le concret votre pensée, vous ne seriez pas d'accord, je présume, avec la recommandation que nous formulait le Conseil du patronat. Ce n'est pas tellement une régie ou un conseil, peu importe, ne nous enfargeons pas dans les formules, mais un organisme qui aurait à la limite plus que le pouvoir administratif de médiation qu'a déjà le conseil des services essentiels. Mais vous ne seriez pas d'accord par voie de conséquence - ce serait dans la logique de votre position - qu'un tel organisme, conseil

ou régie ait ultimement un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire. C'est ma première question.

Mais dans les situations où des services essentiels seraient jugés insuffisants et que les parties ne s'entendent pas pour négocier des accords, quel mode de règlement suggérez-vous? Dans la foulée de cette question, est-ce qu'il y a, d'après vous - la question a été posée aujourd'hui à d'autres groupes, et je pense qu'il serait intéressant d'entendre votre point de vue là-dessus - des services, des unités où vous devez maintenir et où vous auriez par le passé maintenu effectivement 100% des services, même en temps de grève? Si tel était le cas, pourriez-vous nous illustrer cela de façon concrète pour qu'on puisse voir comme membres de cette commission de quoi il s'agit exactement?

M. Isabelle: M. le ministre, à l'égard de la première question que vous soulevez, c'est-à-dire l'intervention d'un tiers qui aurait comme mandat de déterminer ultimement et de façon décisionnelle les services essentiels à être maintenus, nous répétons là-dessus, dans la mesure où cette notion des services essentiels est fondamentalement dynamique, qu'il nous paraît difficile de concevoir qu'un tiers puisse à un moment précis intervenir, prendre la place des parties et rendre une décision, quitter les lieux et laisser les parties avec une décision qui, peut-être au moment où il a entendu les parties, pouvait avoir une consonnance avec la réalité vécue dans ce centre hospitalier ou dans cet établissement de santé, mais qui n'en a plus quelques heures plus tard.

Il va sans dire, M. le ministre, pour répondre clairement à votre question que nous ne serions être d'accord avec les propositions faites ce matin par le Conseil du patronat pour donner à une régie, quels que soient les termes utilisés, des pouvoirs quasi judiciaires servant en bout de ligne à déterminer ce que seraient et ce que doivent être les services essentiels dans un établissement de santé ou, dans une région, dans des établissements de santé situés dans cette région.

Il faut bien voir aussi que le conseil sur le maintien des services essentiels a quand même fait un travail d'information, de persuasion, de conviction, pour le temps où il a eu la chance et les moyens de le faire. Il a quand même apporté aux parties qui ont bien voulu se servir de ses données des éléments qui leur permettaient d'apprécier peut-être différemment les situations qu'au moment même et que dans les moments d'émotivité qui précèdent le conflit. Même du coeur du conflit, il faut prendre une décision dite objective pour tenir compte des services essentiels à être maintenus dans un centre hospitalier.

On peut espérer et imaqiner facilement, et c'est d'ailleurs une grande partie du rapport de cette régie, finalement, de ce conseil... Lui-même affirme que généralement parlant il n'y a pas eu de problème tel qu'on doive à tout prix rechercher des moyens de coercition pour imposer à l'une ou l'autre des parties le niveau de quantité et de qualité des services à donner dans une situation donnée. Dans la mesure où on peut imaqiner que la prochaine fois il partira à temps, il pourra fonctionner avec des moyens déjà connus et probablement d'autres moyens qu'il peut se donner pour mieux fonctionner et rendre service aux parties. Ce tiers non décisionnel qui n'a pas entre les mains de pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire joue déjà un rôle qui est sans aucun doute déterminant dans le maintien des services essentiels dans un établissement de santé.

Quant au deuxième aspect, qui est intimement lié à cette première question que vous aviez soulevée, s'il n'y a pas de règlement, que font les parties, et à qui s'adresse-t-on? Je dis là-dessus, M. le ministre, que les expériences passées - c'est là-dessus qu'il faut se fonder, c'est sur les faits, ce que nous avons vécu tout le monde, c'est de là qu'on peut tirer notre enseignement - n'ont pas permis, à tout le moins dans notre cas, à notre connaissance, de nous amener dans des situations où effectivement un tiers aurait été absolument nécessaire. Je parle de la dernière ronde de négociations, celle de 1979; mais ce que je vous dis du même souffle, c'est que, quand on avait le 253 dans les jambes, on en a eu du monde, il y en a eu des commissaires qui sont venus dans les hôpitaux pour déterminer quelque chose. Forcément, on sait très bien qu'il y aura éventuellement l'intervention d'un tiers et que l'une ou l'autre des parties, pour quelque motif que ce soit, stratégique ou autre, aura peut-être tendance, dans des cas difficiles, où l'objectivité est moins facile, à s'en remettre entre les mains d'un tiers; ce qui n'a pas existé au cours de la dernière ronde de négociations où il n'y avait pas d'intervention d'un tiers avec des pouvoirs décisionnels judiciaires ou quasi judiciaires. Dans un tel cadre, il n'est pas besoin de rechercher de solution absolument nouvelle ou un mode de règlement qui soit totalement étranger à ce que nous avons connu dans le passé comme expérience.

Pour votre information, M. le ministre, il y a effectivement des unités où des services ont été maintenus à 100%, je pense plus particulièrement à des foyers d'accueil pour des personnes âgées. Je saurais difficilement vous donner des chiffres précis, mais je me souviens, de mémoire à tout le moins, qu'il y avait au-dessus de 22 cas -dans le domaine des centres d'accueil pour personnes âgées ou pour des enfants qui

étaient en difficulté - où les services ont été maintenus à 100%. Vous allez me dire: Dans ton cas, ça ne crée pas de problèmes effrayants, si tu as quatre infirmières et deux physios, ça fait une unité qu'il est peut-être plus facile de garder à 100%; c'est évident, sauf que, même dans ce cadre, il faut quand même tenir compte des unités qui sont en dedans, qui sont en grève ou qui sont susceptibles de l'être, parce que, justement, il faut bien prendre pour acquis, dans certains cas précis - là, je ne généralise pas à l'égard de l'ensemble des centres d'accueil pour personnes âgées pour dire que ça doit être toujours à 100% - que c'est ça la réalité qu'on a vécue, c'est celle qu'on a constatée ensemble, ici, en commission parlementaire. Point n'est besoin de reprendre les multiples exemples qui ont été donnés quand, dans le cas de certains établissements, cela apparaît évident aux gens qui travaillent quotidiennement avec les gens qui nécessitent des services.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier également le Cartel des organismes professionnels de la santé d'être venu nous rencontrer.

Avant de faire certains commentaires,

Il y a deux petites questions précises. Je voudrais que vous me rafraîchissiez la mémoire et je pense que ça pourra peut-être aussi aider certaines autres personnes de cette commission ou du public. Vous regroupez environ 4000 infirmières, vous avez environ 13 000 membres, les autres étant différents professionnels de la santé; est-ce que je trompe?

M. Isabelle: Je répondrais de la façon suivante, Mme la députée de L'Acadie: Au cours de la dernière négociation, il y avait effectivement 23 000 salariés, des professionnels de la santé, groupant des infirmières, des technologistes médicaux, des physiothérapeutes...

Mme Lavoie-Roux: C'était 13 000 et 12 000.

M. Isabelle:... des diététistes, des travailleurs sociaux, des infirmières auxiliaires, des techniciens en diététique, enfin ce qu'on convient généralement d'appeler les paramédicaux. Je vous signalerai cependant, Mme Lavoie-Roux, que, dans le cadre de la présentation de mémoires devant la commission parlementaire d'aujourdhui, les fédérations d'infirmières ont jugé opportun et utile d'apporter à votre considération leur propre mémoire et leur propre témoignage à l'égard des points qui font l'objet du mandat de la commission.

Mme Lavoie-Roux: Alors, si je comprends bien, il y avait environ 12 000 infirmières qui faisaient partie du cartel lors de la dernière négociation, dans le cas de COPS.

M. Isabelle: Exactement.

Mme Lavoie-Roux: Ces infirmières travaillaient en majorité ou dans une large part dans les hôpitaux de Québec.

M. Isabelle: Du Québec généralement, dans l'ensemble de la province.

Mme Lavoie-Roux: Mais aussi passablement dans la ville de Québec...

M. Isabelle: Oui.

Mme Lavoie-Roux:... alors que l'on retrouve davantage la FIIQ et le SPHQ dans la région montréalaise et d'autres régions également. Est-ce que je me trompe?

M. Isabelle: C'est-à-dire que le SPIIQ est plutôt dans la région de Québec et la FIIQ dans la région de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Concernant la convention que vous avez signée, est-ce qu'il y a eu un délai pour que maintenant vous rejoigniez les autres groupes? C'est-à-dire que votre convention vient à échéance en même temps que les autres groupes et vous ne vous retrouverez pas dans la même situation qu'en 1978-1979?

M. Isabelle: J'ai bien goûté tantôt l'expression sibylline du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui disait: On sait que vous avez connu quelques légères difficultés au cours de la dernière négociation parce que vous n'étiez pas en même temps que les autres. C'est un problème qui est maintenant corrigé, puisque le renouvellement de la convention collective tombera en même temps, aux mêmes échéances et mêmes époques pour tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais poser une autre question. Est-ce que c'étaient les infirmières du COPS qui étaient à l'hôpital Laval?

M. Isabelle: En effet.

Mme Lavoie-Roux: Je ne peux pas cacher mon étonnement à entendre votre porte-parole officiel venir nous dire que, finalement, tout a été pour le mieux à peu près, dans le meilleur des mondes lors de la dernière convention. On sait fort bien que les hôpitaux - je vais me limiter à la ville de Québec parce que les faits me sont plus

familiers - ont connu des perturbations, qu'elles aient été appréhendées, comme on en parlait aujourd'hui, ou réelles, environ, grosso modo, du mois de mars, du moment où vous avez dit: On fera la grève si..., jusqu'au moment où il y a eu, en fait, des débrayages dans les hôpitaux, les hôpitaux ont connu des difficultés jusque vers la fin de juin, au moment où l'Assemblée nationale a cessé de siéger.

Je voudrais aussi pouvoir concourir, c'est-à-dire partager le même sentiment que vous, à savoir que, finalement, le mécanisme qui avait été prévu pour le maintien des services essentiels a très bien fonctionné. Vous me permettrez de citer qu'un exemple parce qu'il est déjà tard. Quand on lit dans un des rapports des experts... Je ne veux pas à ce moment-ci faire une charge contre COPS parce que c'était la première fois dans les faits que COPS faisait une grève au moment des négociations provinciales. C'était la première fois, si je ne m'abuse. Quand, par exemple, le porte-parole nous dit: Écoutez! Là où cela n'a pas fonctionné, on s'est remis à table, ce qu'on ne pourrait pas faire dans le cas d'un tiers parce qu'il faut toujours retourner à la table pour faire de nouveaux arrangements selon les besoins, selon les exigences ou les conseils qui nous étaient donnés par le conseil sur le maintien des services essentiels et, que dans le rapport des experts sur l'hôpital Laval, à un moment donné, on présente à la directrice du "nursing" un plan de redressement. Ceci avait apparemment été présenté par l'expert, compte tenu du fait qu'on connaissait des difficultés, qu'il y avait un manque d'infirmières. Je ne veux pas lire toute cette partie-là du dossier, mais on demandait que des infirmières soient ajoutées, que, dans la salle d'opération, il fallait assurer le support aux unités de soins intensifs. Ceci aurait nécessité une infirmière de plus à chacune des deux unités pendant 24 heures. Il en aurait fallu plus qu'à la salle d'opération, puisque les derniers malades opérés auraient dû normalement séjourner deux ou trois jours aux soins intensifs.

Et on présente un projet de redressement pour vraiment répondre aux besoins et aux services essentiels.

Malheureusement, les infirmières m'ont fait savoir, par la secrétaire de leur syndicat que je ne nommerai pas ici, qu'elles refusaient complètement cette proposition et qu'elles refusaient de concéder toute autre infirmière supplémentaire pour le moment.

Il ne s'agit pas de retourner deux ans en arrière ni de faire le procès de qui que ce soit, mais ce que je veux signaler, c'est que, lorsque... Et on a assisté à ceci une bonne partie de la journée. Je comprends que c'est de bonne guerre pour les syndicats de dire: Écoutez, en fait, c'est beaucoup mieux que cela a été, je pense qu'on a en place les mécanismes qu'il faut, et dans votre cas - et je le partage dans une large mesure - s'il y a des modifications dans les attitudes, dans les comportements, tout devrait être pour le meilleur des mondes dans la prochaine ronde des négociations.

Je suis quand même heureuse d'entendre le ministre dire: II faut quand même prévoir, au cas où il y aurait des difficultés dans les comportements et dans l'évolution des mentalités, pour ne pas être pris de court s'il survenait une urgence ou s'il survenait quelque chose d'inattendu.

Nous sommes quand même ici nous autres pour faire valoir le point de vue du public et le public, pour une raison ou pour une autre, même si je suis prête à vous concéder que les gens ont dramatisé, que les politiciens ont dramatisé, que les journalistes ont dramatisé, vous ne pouvez quand même pas créer un drame de toutes pièces.

Je pense qu'il a fallu que, dans les faits, en tout cas à certains égards que je ne veux pas mesurer... Est-ce que cela a été aussi dramatique ou moins dramatique? Je ne veux pas le quantifier, mais je m'étonne de voir qu'on puisse, tel que votre porte-parole vient de le faire, être aussi satisfait de la façon que les choses se sont déroulées, au point où, finalement, si on ajuste les mentalités, et j'espère qu'on va travailler dans cette direction-là, tout sera à peu près sous contrôle.

Je sens que c'est mon devoir, même si c'est difficile à faire parce que vous êtes un syndicat et que les syndicats n'aiment pas parfois qu'on ait l'air de leur en vouloir, mais je pense que, vis-à-vis de la population, je me sens le devoir de vous demander: Comment pouvez-vous affirmer d'une façon aussi catégorique que vous venez de le faire que, finalement, tout est à peu près sous contrôle, alors que - je ne vous ai cité qu'un cas, je pourrais en citer nombre d'autres - la réalité ne semble pas avoir concordé d'une façon aussi harmonieuse avec les faits que vous nous rapportez?

Je me demande si, au-delà de l'évolution des mentalités, etc., vous vous êtes penchés ou avez accordé une réflexion supplémentaire, à savoir de quelle façon on pourrait assurer un meilleur maintien des services essentiels, assurer une meilleure définition des services essentiels et, deuxièmement, est-ce que, selon votre point de vue, on devrait continuer de s'en tenir à la définition des services essentiels uniquement à partir d'une liste syndicale dans les cas où il ne pourrait pas y avoir entente entre la partie patronale et la partie syndicale au moment de cette définition des services essentiels?

M. Isabelle: Je ferais, Mme la députée de L'Acadie, une première remarque. Il ne m'appartient pas ici de prendre lieu et place

des infirmières qui elles-mêmes témoigneront devant vous. Je n'en ai pas le mandat et elles savent très bien se défendre elles-mêmes. Je dirai, cependant, sur les exemples que vous donnez - ils me sont très familiers pour y avoir été mêlé de très près - que dans le cas de Laval, à Québec, de Sainte-Marie, à Trois-Rivières, de Saint-Joseph, à Trois-Rivières, entre autres, dans la mesure où ces problèmes ont été portés à l'attention de la fédération des infirmières et, deuxièmement, de la table des négociations, ils ont trouvé leur solution dans les deux heures qui ont suivi. Quand je dis: Ont trouvé leur solution, je tiens à vous le dire, à en témoigner, ce n'est pas nécessairement dans le sens - pour reprendre l'exemple de l'hôpital Laval - d'ajouter une infirmière à l'urgence et deux à la salle d'opération. Ce qu'on savait très bien, c'est qu'il y avait une liste de 37 patients qui attendaient en cardiologie.

Sans faire le tour de toute cette question - je conviens avec vous que ce n'est peut-être pas le lieu le plus approprié pour ce faire - qu'est-il survenu pour que des médecins, tout à coup, aient décidé que c'était trois jours cédulés, avec des cédules plus importantes et plus imposantes que ce qui avait prévalu, généralement parlant, en temps de paix, pour prendre une expression qui nous est connue, que nous avons utilisée aujourd'hui? C'est un des éléments. C'est quand même, sur le plan de la solution à apporter... Dans ce sens, je répondais à M. Marois tantôt que les parties sont effectivement les mieux placées pour venir à bout de s'entendre et ce n'est pas nécessairement - il faut bien s'en méfier -une question, quand on parle des services essentiels, de mésentente systématique entre employeur et salariés dans un établissement donné.

Il y a tellement de facteurs qui interviennent qui ne nous sont pas étrangers. Des exemples en ont été donnés aux représentants de la Corporation des médecins cet après-midi, encore que ce ne soit pas leur rôle d'intervenir dans ce type de débat, celui des services essentiels au niveau d'un établissement hospitalier, si ce n'est que c'est un des éléments qui entrent en ligne de compte et que ce n'est qu'en abordant la discussion et en ayant une volonté de régler les problèmes qu'effectivement les solutions se trouvent. Je répète là-dessus que, tant et aussi longtemps que les parties qui connaissent bien la situation seront laissées à la détermination d'un niveau de quantité et de qualité de services, de deux choses l'une: l'extrême, ce sera effectivement la liste syndicale, pour répondre à une des interrogations qui s'est soulevée, et cette liste syndicale se fait généralement et s'est faite généralement... Encore que le mécanisme du conseil ait commencé beaucoup plus tard que nous n'ayons, nous, commencé nos négociations, il a, en soi, favorisé largement les ententes entre les parties. Ce que le conseil a toujours admis par ses représentants, c'est qu'il leur est difficile, au moment même où il s'agit de déterminer les services essentiels, de dire ce qu'ils doivent être. Cela va bien après coup pour tenter d'en faire une évaluation, mais notre problème ne se situe pas là. Il se situe au moment de la détermination des services comme tels, pas de leur appréciation après coup. Ils étaient les premiers à admettre qu'ils n'étaient pas nécessairement les gens les mieux placés pour tenter d'en arriver à définir la quantité et la qualité des services a être rendus au cas où il y aurait des moyens de pression ou une grève.

Il y a un autre élément que je voudrais ajouter à cela, mais qui tient des comportements. Je reviens à ce que M. Marois soulevait tantôt ou reprenait à son compte, en ce qui a trait aux comportements. Il nous est souvenance, quant à nous à COPS, que nous ayons été entretenus par quelques ministres, et particulièrement par M. Johnson qui était le prédécesseur de M. Marois, de cette notion de grève symbolique. C'est un élément qu'on a utilisé effectivement. Quand vous parlez du mois de mars, le 28 mars, c'est ce qui a été utilisé. On l'a annoncé longtemps avant et on a dit que c'était symbolique. Les gens le savent on a des problèmes. On espère que cela va se tasser. Je ne tire pas de conclusions sur l'expérience, sauf que vous savez très bien que cela a duré jusqu'en juin, mais cela n'a pas été symbolique jusqu'en juin. C'est aussi une question de mentalités, de comportements. Je veux bien être invité par des ministériels à utiliser des méthodes dites civilisées, sauf que, dans la mesure où ces gens doivent assumer des responsabilités dans le cadre de ce qu'ils ont à faire comme représentants élus et comme partie décisionnelle dans le cadre de la négociation du secteur public, il m'apparaît qu'il y a une discordance, à tout le moins, entre ce qui est souhaité et suqqéré et ce qui est véritablement fait dans la réalité.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je suis d'accord avec l'exemple que M. Isabelle vient de donner. Il y avait eu un avertissement, en fait, qu'on aurait pu appeler symbolique, à ce moment-là, pour que vous mettiez en marche certains mécanismes. Mais, finalement, quelles que soient les contraintes de la partie patronale, il semble toujours - du moins, jusqu'à maintenant - qu'on doive arriver à un véritable combat et à un affrontement. C'est là que les choses se gâtent. À ce moment-là, c'est difficile de faire la part des choses. Est-ce que la partie patronale vous trouvait vraiment trop exigeants, ou vice versa?

Même à ce moment-là, ç'aurait pu être un avertissement, en somme, symbolique que vous donniez, quinze jours ou un mois à l'avance - je me souviens vaguement des dates - c'est exact.

À la page 4 de votre mémoire, vous dites, à la fin de la page: "Dans la poursuite de cet objectif, il importait pour la partie syndicale de négocier avec ses véritables employeurs, soit les établissements de services de santé et de services sociaux. " J'aimerais que vous expliquiez cela. Est-ce que vous exprimez un désir d'avoir davantage à négocier avec vos employeurs véritables? Enfin, on ne sait plus qui sont les employeurs véritables dans toute cette chose. Pourriez-vous expliquer un peu cette partie?

M. Isabelle: Ce qui est exprimé dans le mémoire est le souhait que nous avions exprimé avant même que ne débute la dernière ronde de négociation en 1979. Nous n'avons pas, évidemment, du côté syndical, d'emprise sur la structure de négociation patronale et sur les mandats qui sont accordés aux différents partenaires en négociation. On sait fort bien, cependant -ç'a été affirmé à maintes reprises aujourd'hui - que le Conseil du trésor, comme tel, assume la plus grande partie de la responsabilité dans le cadre de la négociation des secteurs public et parapublic. Il y a quand même un certain nombre d'éléments qui relèvent de la gestion des ressources humaines, qui, bien sûr, impliquent des coûts, mais qui sont vécus quotidiennement, administrés quotidiennement par les administrateurs des établissements de santé. (22 heures)

Dans la mesure où on se donne la peine, législativement, d'établir, de nommer et de désigner les parties qui négocient, et particulièrement de déterminer comme partenaires du gouvernement, dans le cadre de la négociation, les associations d'employeurs dans le secteur hospitalier, on peut imaginer facilement, si on a fait toute cette démarche, que les associations d'employeurs dans le secteur ont un mot à dire et à tout le moins sur des sujets qu'ils ont à administrer quotidiennement.

Nous l'avons repris ici dans le mémoire au motif que c'est un peu la référence à laquelle nous revenions tantôt avec M. le ministre Marois en disant: Vous avez éprouvé quelques difficultés parce que vos négociations n'étaient pas en même temps que les autres. Cela nous paraît si vilain comme expression, si ce n'est qu'on a passé un an effectivement à tenter d'obtenir des partenaires du Conseil du trésor des réponses valables, des réponses intelligentes sur un ensemble de propositions que nous faisions dans le cadre de ce qui est carrément et strictement normatif, donc de ce qui est généralement administré par les centres de santé eux-mêmes.

C'est là qu'intervenait notre souhait et, effectivement peut-être y a-t-il des sujets qui, en termes de décentralisation, devraient revenir à certains partenaires du gouvernement, encore que l'on doive bien regarder la réalité pour ce qu'elle est. Le Conseil du trésor et M. Marois nous informaient ce matin que, ultimement, le Conseil des ministres était l'instance suprême dans le cadre des négociations du côté patronal.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).

M. Polak: Merci, M. le Président, très rapidement. Une question très brève, avec votre permission et à laquelle vous répondrez brièvement. J'en ai pour deux minutes.

Cet après-midi, je demandais à M. Rodrigue, de la CSN, de parler de la liste syndicale. Il m'a répondu qu'il faut avoir confiance au système, parce que "nous sommes des professionnels dans notre travail. Pour nous, les services essentiels c'est une affaire de base très importante et on sait quoi faire. Laissez-nous cela. "

Quand je lis votre mémoire, à la page 6, vous dites, au milieu de la page: "Le maintien des services essentiels en cas de conflit de travail devrait être et doit être une question subsidiaire et secondaire. " Je commence à avoir un peu peur quand je lis cela, parce que si vous considérez les services essentiels de nature subsidiaire et secondaire, je ne pense pas que qui que ce soit autour de la table va croire cela. Même le ministre a dit ce matin qu'on va garder le droit de grève mais que, presque sur un pied d'égalité, il y a le problème des services essentiels. D'ailleurs, notre mandat est là pour améliorer les services essentiels, donc, apparemment, il y a quelque chose qui ne marche pas; autrement, pourquoi les améliorer?

Pourriez-vous dire s'il s'agit d'une erreur de texte? Faudrait-il lire: "pas être une question?" Ou, est-ce que vous êtes sérieux en disant que c'est subsidiaire et secondaire? À mon avis, ce sont des expressions graves et d'importance.

M. Isabelle: Notre recherche première, c'est celle de savoir quels sont les véritables enjeux du système. Autrement dit, arrêtons de nous poser la question avant de commencer: Que ferons-nous si cela va mal? Pourrait-on, une fois de temps en temps - je pense que c'est ce qu'on souhaite - se dire avant de partir: Que ferons-nous pour que cela aille bien? Parce que là, à chaque commission parlementaire, la question qu'on se pose est: Si jamais cela va mal, qu'est-ce qu'on va faire?

Dans ce sens, le texte de la page 6 nous dit que la question fondamentale et la question primordiale, c'est le renouvellement des conventions collectives, c'est le mérite même des questions que nous avons à débattre. C'est cela qui intervient en vertu de la loi. Le reste devrait être secondaire dans la mesure où l'attitude et le comportement de chacune des parties sont clairement orientés sur cette seule considération. Le reste...

M. Polak: Je ne prolongerai pas ma question, parce que j'ai donné ma parole au président.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie le Cartel des organismes professionnels de la santé de nous avoir présenté son mémoire.

J'invite maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec à prendre place et à nous présenter son mémoire. Le présentateur est M. Jean-Paul Létourneau; je vais lui demander de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, le chef de notre délégation est notre vice-président, M. Jean-Paul Lambert.

Le Président (M. Rodrigue): M. Jean-Paul Lambert? Merci.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Lambert (Jean-Paul): J'aimerais vous présenter aussi notre vice-président exécutif de la chambre, M. Jean-Paul Létourneau, qui est à ma droite, ainsi que notre directeur général aux affaires publiques, M. Pierre Morin, à ma gauche, de même que Me John Mooney, directeur de notre service de la législation. Aussi font partie de notre délégation, M. Jean-Pierre Voyer, président de la Chambre de commerce régionale Montmorency, vice-président de Beaupré Automobiles Ltée; M. Michel Moreau, CA, président sortant de la Chambre de commerce de Charlesbourg, vice-président de la Chambre de commerce de Montmorency, associé de Laliberté, Lanctôt, Morin et Associés; M. Benoît Lachance, à ma gauche, vice-président de la Chambre de commerce de Sainte-Foy, courtier d'assurances, copropriétaire de Brochu, Lachance et Associés.

M. le Président, la déclaration du ministre, avant la suspension du dîner, nous inquiète au plus haut point. Si nous l'avons bien compris, le ministre affirme qu'il est incapable d'abolir le droit de grève, car une telle loi ne serait pas respectée. C'est impensable. Si c'est le cas, le ministre viendrait d'admettre l'impuissance du législateur québécois à déterminer l'intérêt public. C'est la déclaration la plus inquiétante qu'il nous ait été donné d'entendre; c'est l'abdication totale.

Vous vous doutez bien que, comme toute la population en général, les quelque 38 000 membres de nos 200 chambres de commerce locales se sentent souvent durement touchés par les grèves publiques et parapubliques.

Nos membres ont ainsi été amenés à prendre position sur le privilège de grève des employés des secteurs public et parapublic. Le législateur québécois a accordé le privilège de faire la grève aux employés des secteurs public et parapublic en 1965.

Depuis ce moment et au cours des quelque quinze années qui ont suivi, la Chambre de commerce de Québec a favorisé le maintien de ce privilège, pourvu qu'il soit réglementé dans l'intérêt général. Une résolution de notre congrès de 1970 affirmait même qu'il n'est pas question de retirer ce droit de grève "à moins d'abus répétés et graves"

Afin d'éviter ce genre d'abus, la chambre proposait à l'époque - je cite ici la résolution de notre congrès de 1970 - "la création par le gouvernement d'une régie ayant juridiction exclusive sur les conflits de travail dans les services publics".

Déjà, en 1975, les Québécois avaient subi trois grèves importantes dans les secteurs public et parapublic; la première fois en 1966, la deuxième fois en 1967 et la troisième fois en 1972. Depuis, les Québécois ont connu un grand conflit en 1976 et, plus récemment, en 1979-1980.

Le rapport Martin-Bouchard a bien souligné le fait que, durant la grève de 1976, des services médicaux essentiels n'avaient pas été maintenus. Le fameux Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, créé par la loi no 59, en 1978, n'a pas mieux réussi à garantir les services essentiels, lors du conflit de 1979-1980.

Là-dessus, le rapport Picard a indirectement confirmé les critiques de la coalition pour le droit des malades et du comité provisoire des malades. Selon le rapport Picard, les listes de services essentiels, négociées ou imposées par les syndicats, ont maintenu des taux d'occupation des hôpitaux aussi bas que 30% à l'occupation normale.

En plus des cinq grands conflits, les Québécois ont connu de multiples escarmouches dans les services publics et parapublics depuis 1966. En fait, tous les mécanismes de règlement des conflits que nous avons inventés au cours de ces années ont tellement mal fonctionné que le gouvernement du Québec a dû recourir à pas moins de douze lois d'exception en quinze ans pour mettre fin à quelques-unes de ces grèves.

La note inframarginale 2 en page 5 de notre mémoire donne la liste de ces lois d'exception qui parle d'elle-même.

Comme la population en général, nos membres se sont retrouvés à bout de patience devant tant d'abus. Nous avons réalisé qu'il fallait changer les institutions en cause pour régler le problème. C'est ainsi qu'après plus de dix ans d'une position modérée, les membres des chambres de commerce, lors de notre congrès de novembre 1980, ont constaté que - je cite le texte de la résolution - "Lors des grèves survenues dans les services publics, il a été souvent convenu par les parties de maintenir certains services considérés comme essentiels. Les résultats escomptés n'ont pas souvent été atteints. "

La résolution adoptée à l'unanimité par notre congrès fut donc de recommander d'éliminer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic pour lesquels il n'y a aucune source adéquate d'approvisionnement de services similaires et d'y substituer plutôt un mécanisme équitable d'arbitrage.

Il faut cesser de jouer avec la sécurité du public. Il ne faut plus permettre à de petits groupes de fonctionnaires privilégiés de prendre en otage toute la population, y compris les plus défavorisés.

Il y a lieu ici de souligner les incohérences dont est parsemée l'approche actuelle de l'État québécois dans ce domaine. Si l'État monopolise les services de santé, c'est évidemment parce qu'ils sont considérés comme essentiels, mais alors il appartient à l'État d'en assurer le maintien même en cas de conflits de travail. Autrement dit, ou bien un service dont l'État s'occupe, les hôpitaux, par exemple, est essentiel par définition et il doit alors être assuré coûte que coûte, ou bien ces services ne sont pas essentiels et alors expliquez-nous donc pourquoi l'État les a pratiquement étatisés.

Le deuxième aspect de l'incohérence des politiques gouvernementales dans ce domaine concerne le postulat qui a servi de fondement à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le postulat que l'on a utilisé est qu'à toutes fins pratiques, des compromis avec la santé ne peuvent jamais se justifier par la désirabilité d'autres objectifs comme le niveau de vie, la productivité, la commodité, etc. Il faut, nous a-t-on répété souvent, dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, atteindre un risque zéro. Or, quand un conflit de travail impose aux malades des risques accrus pour leur santé, pourquoi deviendrait-il soudainement acceptable de peser les risques des malades contre les avantages égoïstes des syndiqués? On nage ici en pleine incohérence.

On a beaucoup parlé aujourd'hui de la possibilité de créer une régie qui assurerait le maintien des services essentiels. Le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a d'ailleurs indiqué son appui à cette idée. Or, l'analyse de notre mémoire démontre qu'il s'agit là d'une fausse solution. L'idée d'une régie des services essentiels est une vieille idée que nous défendions nous-mêmes il y a dix ans, mais qui a fait son temps. C'est une solution dépassée.

Premièrement, nous avons essayé, depuis une dizaine d'années, plusieurs mécanismes de contrôle étatique visant à assurer le maintien des services essentiels en cas de conflits de travail. Il y a eu la loi no 259 en 1975 et la loi no 59 en 1978. Or, aucun de ces mécanismes n'a fonctionné. Nous ne croyons pas qu'une nouvelle structure étatique et autoritaire réussira davantage. En fait, nous avons déjà au Québec deux douzaines de régies, d'offices et de conseils de toutes sortes et on ne nous fera pas croire qu'une nouvelle régie serait une solution plus géniale que toutes les autres.

Notre deuxième argument contre une régie des services essentiels est que l'on ne voit pas très bien comment serait définie la notion de services essentiels. Le législateur s'y est déjà cassé la pipe et le rapport Martin-Bouchard avouait l'impossibilité de définir ce qu'est un service essentiel. (22 h 15)

Troisièmement, nous ne croyons pas que la solution d'une régie des services essentiels soit plus praticable que l'abolition du droit de grève dans certains services publics et parapublics.

On dit que le retrait du privilège de grève ne serait pas respecté, mais il est bien clair que cela dépend de la volonté du gouvernement de faire respecter la loi. Si le gouvernement ne faisait pas davantage respecter les jugements d'une éventuelle régie des services essentiels, cette dernière solution n'est pas plus réaliste.

Ne venez pas nous dire qu'aux États-Unis la prohibition de la grève dans les services publics ne fera pas hésiter beaucoup de syndicats au cours des prochaines années.

De plus, n'oublions pas qu'une grève qui serait déclenchée illégalement et à laquelle le gouvernement n'oserait pas s'opposer aurait au moins un grand avantage sur une grève légalisée. En cas de grève illégale, il reste au moins aux simples citoyens qui sont lésés la possibilité d'intenter des poursuites civiles contre les syndicats en infraction. Bien sûr, l'establishment syndical n'aime pas que les simples citoyens aient de tels pouvoirs, mais c'est là un aspect important de ce qui nous reste de liberté.

En résumé, nous croyons que l'abolition du droit de grève dans les services publics et parapublics qui n'offrent pas d'autres sources d'approvisionnement est une solution plus réaliste et plus efficace qu'une régie des

services essentiels.

Nous sommes persuadés que les journaux de ce matin auront mal rapporté les propos du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu auquel ils faisaient dire qu'il n'était pas question d'abolir des privilèges de grève.

Si nous sommes en commission parlementaire, c'est sûrement que le ministre n'a pas déjà décidé de la voie à suivre. Il est vrai qu'il faudrait éventuellement se poser des questions sur les causes profondes des abus que l'on a fait du privilège de grève dans les services publics et parapublics. Nous découvrirons sans doute alors que les monopoles étatiques et syndicaux créés par le législateur sont des institutions qui, conjugées au droit de grève, ne peuvent faire autre chose que de mener au genre d'abus que la population subit depuis plusieurs années.

Les syndicats ont toutes sortes de monopoles, c'est-à-dire de privilèges coercitifs accordés par l'État. Un syndicat jouit d'une exclusivité de représentation de son unité d'accréditation. Il a le droit de forcer tous les employés à y cotiser, et, enfin, il a le droit de forcer tous ses cotisants, volontaires ou pas, à faire la grève dès lors qu'une pluralité de ses membres en décide ainsi. Quand, de plus, ces privilèges syndicaux s'exercent dans des domaines où l'État s'est accaparé un monopole, il tombe sous le sens que les syndicats disposent d'un pouvoir coercitif qui ne peut que mener à des abus.

Il faudra éventuellement reconnaître la liberté pour un travailleur d'adhérer ou de ne pas adhérer et de cotiser ou non à un syndicat. Ce serait la meilleure façon de respecter la véritable liberté de travail, la véritable liberté syndicale.

Il arriverait sans doute alors que les syndicats n'auraient plus les pouvoirs qui leur permettent maintenant de paralyser tous les services publics et de priver ainsi les contribuables de services financés par leurs impôts. Mais, pour le moment, nos institutions étant ce qu'elles sont, il nous apparaît n'y avoir qu'une solution réaliste et praticable aux abus que les Québécois ont subis au cours des dernières années, et c'est l'abolition du droit de grève dans les services publics et parapublics chaque fois que les citoyens n'ont aucune autre source d'approvisionnement, et le remplacement du privilège de grève dans ces domaines par un mécanisme équitable d'arbitrage.

Il est illusoire et dangereux de donner toujours davantage de pouvoirs aux syndicats et d'être ensuite obligé d'y faire contre-poids en établissant de nouvelles régies et bureaucraties étatiques.

M. le Président, mesdames et messieurs les commissaires, je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la chambre de commerce d'être venue nous rencontrer. La chambre de commerce avait beaucoup de choses à nous dire ce soir. Il y a des choses dans son mémoire. Je tiens à le dire au point de départ, pour qu'il n'y ait aucune espèce d'ambiguïté entre nous, son mémoire sera regardé, considéré au même titre que tous les autres mémoires.

J'ai bien entendu et je pense que tous les collègues autour de la table, tous ceux et celles qui nous écoutent ont bien entendu les nombreux témoignages d'appréciation rendus par la chambre de commerce au présent ministre du Travail. On m'a fait dire beaucoup de choses dans ce témoignage et on comprendra que je tienne à faire un certain nombre de petites mises au point. Oui, c'est vrai, il arrive parfois que des propos et des déclarations publiques faites par des ministres, et je suis un de ceux qui en font parfois, inquiètent certains groupes, pour toutes sortes de raisons. J'espère qu'en général ceux et celles qui les font pèsent leurs déclarations et sont prêts à assumer les conséquences de leurs paroles et de leurs déclarations. Si ça vous inquiète ce que j'ai dit, je n'y peux rien, je le maintiens parce que je le pense profondément. C'est la première des choses.

La deuxième des choses, vous m'avez rappelé en cours de route, comme une parenthèse, la santé et la sécurité. Je voudrais vous rappeler que la santé et la sécurité dans les entreprises, cela coûte la vie d'humains, d'hommes et de femmes au travail. Il nous semblait qu'il était venu le temps qu'un gouvernement responsable prenne les mesures pour faire en sorte qu'on s'attaque aux causes mêmes d'accidents et de maladies qui font que des hommes et des femmes non seulement y laissent une partie de leur intégrité physigue, mais dans certains cas y laissent leur vie. Une société civilisée ne peut pas tolérer une chose comme celle-là. On a bougé, on va continuer. On a un mandat du peuple guébécois pour le faire et on a l'intention d'assumer nos responsabilités conformément aux engagements électoraux qu'on a pris durant la dernière campagne électorale, comme on l'a fait par le passé.

Je n'ai pas dit, je n'ai pas affirmé que le gouvernement ou que le ministre qui vous parle était incapable d'abolir le droit de grève. Il peut le faire. Il peut déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale, il peut abolir le droit de grève. Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit qu'à mon avis - je le pense et je le maintiens - ça nous mènerait à une situation de chaos et de désordre social. C'est sur la base d'expériences concrètes. Ce n'est pas de la théorie. Est-ce que je dois

rappeler des exemples concrets? L'Australie, ce n'est pas de la théorie; l'Alberta, ce n'est pas, non plus, de la théorie; l'Ontario, à côté de chez nous, il n'y a pas si longtemps, ce n'est pas de la théorie; les résidents et les internes au Québec, ce n'est pas de la théorie. Ils n'avaient pas le droit de grève; ils l'ont pris, le droit de grève et l'ont exercé. Les conséquences, c'est que, dans les cas où ça se produit, il n'y a même pas le commencement du bout de la queue d'un minimum de services essentiels qui est assuré et, pendant ce temps, il y a des hommes et des femmes au Québec qui paient pour. Et ce n'est pas acceptable. Je tenais à faire cette mise au point. Il n'y a pas de phénomène d'impuissance; il y a un phénomène d'analyse et de responsabilité.

Quand vous dites que vous espérez que, en ce qui me concerne, je ne suis pas figé dans le béton puisqu'on est en commission parlementaire et que j'ai dit que j'abordais cette commission avec beaucoup d'ouverture d'esprit, c'est vrai. Je suis prêt à écouter les recommandations, les suggestions, les commentaires, les faits qui peuvent être mis sur la table qui nous éclaireront tous ensemble pour améliorer la situation et faire en sorte que certains abus qui se sont produits ne se reproduisent plus jamais. Cependant, ma déclaration d'ouverture, ce matin, portait à la fois sur la reconnaissance de ce droit collectif, du droit à la grève, équilibré par le droit aussi fondamental des hommes et des femmes d'avoir accès aux services essentiels. Nous avons un mandat électoral. Durant la campagne électorale, nous avons rendu publique la position du Parti québécois qui était très claire. Si vous voulez que je vous redistribue le texte, il est bien simple et bien court, c'est deux pages. C'était déjà là et je ne vais pas retirer ça aujourd'hui. C'est un engagement, c'est sur la base notamment de cet engagement et d'autres que le parti, qui a été, selon le choix, démocratique des citoyens jusqu'à nouvel ordre, reporté au pouvoir, assume ses responsabilités.

Vous avez dit que la régie proposée par le Conseil du patronat ne serait pas plus applicable en bout de ligne que le droit de grève l'est, alors quoi? Si la régie en bout de ligne n'est pas plus applicable que le droit de grève, alors quoi?

Vous prônez comme mode de résolution des conflits - j'ouvre les guillemets - "un mécanisme équitable d'arbitrage". Il serait intéressant, à tout le moins, que vous nous expliquiez un peu ce que ce serait ce mécanisme "équitable" dont vous parlez. Vous nous dites que tout ce qu'il resterait aux citoyens, ce seraient des poursuites civiles et que les citoyens pourraient recourir aux poursuites civiles. Je me permets de vous rappeler tout de même que ce droit à des poursuites civiles existe présentement. Je me permets au surplus de rappeler à la Chambre de commerce du Québec que c'est le gouvernement et celui qui vous parle qui ont introduit la loi qui a permis aux Québécois et aux Québécoises d'avoir recours à la procédure du recours collectif. Je me permets de vous rappeler que des hommes et des femmes du Québec ont exercé ce recours, précisément, à la suite de conflits dans les secteurs public et parapublic. Et pourtant, que je sache, vous n'étiez pas particulièrement d'accord lors des témoignages en commission parlementaire pour l'introduction de ce mécanisme. À tout le moins nous proposiez-vous une telle quantité de balises qu'à notre point de vue le recours aurait été inefficace. J'avais même consenti à un amendement qui est maintenant dans la loi - et si cela était à refaire aujourd'hui, jamais je ne consentirais - qui était d'introduire le mécanisme d'appel lorsque des citoyens vont en Cour supérieure pour présenter une requête en recours collectif. Des gens du monde patronal sont venus me dire: Tu n'as pas le droit de faire cela, il faut absolument qu'il y ait un appel du jugement qui autorise le recours collectif. J'avais dit: Très bien, je prends votre parole, de bonne foi. Mes craintes sont qu'on va s'en servir comme d'un moyen dilatoire pour faire traîner les choses en longueur. C'est exactement ce qui est en train de se produire. Je n'aurais jamais dû céder là-dessus. Je n'aurais jamais dû écouter le monde patronal. Je pense qu'il faudra amender la loi pour faire en sorte que ce recours soit encore plus efficace sur le plan civil qu'il ne l'est aujourd'hui.

Je veux bien prendre les responsabilités qui nous reviennent, mais je pense que tous les faits doivent être mis sur la table.

En conclusion, je reviens à ma question. J'aimerais bien que vous nous explicitiez un peu ce que serait ce mécanisme "équitable". Et si la régie recommandée par le Conseil du patronat n'est pas plus applicable que le droit de grève, alors quoi?

Le Président (M. Rodrigue): M.

Lambert.

M. Lambert: Oui, je vous remercie.

M. le Président, je demanderais à M. Jean-Paul Létourneau de nous parler du mécanisme équitable d'arbitrage.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, si vous me permettez, juste quelques mots avant de passer à cette question.

La proposition de M. le ministre disant que le droit à la grève soit équilibré par le droit aux services essentiels nous semble indiquer que le ministre considère que l'un est aussi important que l'autre. Je ne sais pas si on comprend bien sa proposition, mais c'est ma perception de la proposition. C'est

justement ce qui nous inquiète, parce que nous estimons, pour notre part, que de droit du public aux services essentiels est plus important que le droit de grève. Cela domine, à notre avis.

Concernant les mécanismes équitables, il y a un très vaste choix à partir de la solution classique, de la nomination d'un arbitre par chacune des parties et d'un troisième arbitre par les deux premiers arbitres choisis ou la nomination d'un arbitre qui est accepté par les deux parties. (22 h 30)

II y a aussi, dans la considération des propositions, des mécanismes, certains mécanismes qui ont été expérimentés, comme, par exemple, la dernière offre, le choix de l'arbitre sur la dernière offre qu'il trouve la plus raisonnable. Il y en a encore, nous pourrions en citer des dizaines; nous ne voulons pas, a ce moment-ci, en préconiser une plutôt que l'autre, il s'agit tout simplement d'établir des mécanismes d'arbitrage où les arbitres seront acceptables aux parties.

M. le ministre, par ailleurs, nous a dit que, même là où la grève dans les services essentiels est jugée illégale, il y a des grèves. En effet, il y en a, nous le reconnaissons, mais ce que nous avons observé - il nous a parlé du cas de l'Ontario, entre autres - c'est que, où la grève est illégale dans les services publics, il y a moins de grèves. À ce moment-là, les syndicats ne sont pas protégés par une législation ou par le législateur de ceux qui ont subi préjudice. M. le Président, c'était ma réponse à cette question.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Lambert, est-ce que vous avez d'autres commentaires?

M. Lambert: Non, ça va, allez-y.

M. Rivest: D'abord, je voudrais remercier la chambre de commerce de son mémoire. Ce que j'ai compris finalement, essentiellement, de votre mémoire, c'est que la chambre de commerce a adopté dans le passé, au sujet de l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic pendant de très nombreuses années - vous évoquez vous-même dix années - une position que vous dites modérée et que d'autres peuvent continuer encore - pour un temps certainement - d'adopter. Vous avez donc finalement, de votre côté, décidé, à votre congrès de 1980, d'y aller carrément et de proposer d'éliminer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic.

À mon premier élément de question, je retiens que le Conseil du patronat, en particulier - je pense que c'est le Conseil du patronat et il y a aussi un autre groupe, j'ai essayé de le retrouver assez rapidement - a donné un tableau de l'évolution. Vous vous référez énormément dans votre mémoire à 1966, 1972, 1976, 1979. Est-ce que, selon votre diagnostic de l'évolution de la gravité de conflits, vécus en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, cette évolution des conflits a été en s'aggravant ou en s'atténuant, dans le sens de la perspective des efforts qui ont été faits, autant par les administrateurs que par les travailleurs, dans les institutions, pour essayer de civiliser - si on peut employer cette expression - l'exercice d'un droit de grève et d'éviter que des gens soient heurtés? Je vous dis tout de suite qu'en 1966 et même en 1968, je crois, alors qu'il y avait eu un conflit très précis dans le domaine des hôpitaux - j'ai vécu moi-même, au moment où j'étais au gouvernement, la période 1972 et 1976, en tout cas, et ne parlant que de celle-là, j'ai souvenance, malgré que 1976 ait été extrêmement pénible, que 1972 avait un caractère nettement plus rude, brutal et cruel, par rapport à la situation de 1976. Est-ce que votre diagnostic de l'évolution est donc à ce point grave ou à ce point aggravé d'une ronde à une autre que vous deviez en arriver nécessairement à la conclusion de proposer l'abolition du droit de grève?

M. Lambert: M. Rivest, à votre question, je vais demander à M. Létourneau de nous donner ses commentaires, s'il vous plaît.

M. Létoumeau: M. le Président, nous avons constaté que, à chaque fois, il y avait eu des services essentiels qui n'avaient pas été fournis à la population. Que cela ait été plus ou moins grave, cette évolution, c'est assez difficile à évaluer. Mais ce que nous avons réalisé avec le temps, c'est que de timides efforts, faits par le législateur pour essayer de cerner la notion de services essentiels, n'aboutissaient nulle part; particulièrement lorsqu'on a lu, à la suite du dernier conflit, le rapport du conseil chargé de la surveillance des services essentiels, on s'est aperçu que ces gens-là ont avoué leur impuissance à pouvoir déterminer ce qu'étaient des services essentiels. On s'est rendu compte que la solution que nous proposions d'arriver avec un arbitre qui déterminerait quand il y a services essentiels ou perte des services essentiels, parce que nous reconnaissons que c'est une notion qui est dynamique et qui est difficile à cerner, on s'est rendu compte, dis-je, que plus on allait, plus on tentait des expériences dans ce sens-là, plus on aboutissait nulle part et on continuait la perte des services essentiels.

Alors, c'est ce qui nous amène à

conclure que cette solution n'est pas la bonne et qu'il faudrait tout simplement en arriver à l'autre formule qui vise à l'arbitraqe. Les expériences d'arbitrage vécues jusqu'ici ne sont pas nécessairement tellement défavorables ou plus défavorables aux parties que les règlements que l'on a connus.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, une courte intervention de M. Morin, s'il vous plaît!

M. Morin (Pierre): M. le Président, l'intervention de M. Rivest et celle du ministre préalablement, sa mise au point, posent la véritable question. On en est actuellement, par exemple, à parler de dégradation ou non, ou d'impression de dégradation. Là où certainement nos membres ont perçu une dégradation, c'est dans la prépondérance des droits. C'est là où il y a, en fait, une question à laquelle nous fournissons une réponse. Mais essentiellement, on dit simplement que les services ayant été déterminés par des lois publiques, par une intervention gouvernementale, comme étant de nature essentielle sinon l'État n'avait pas tellement affaires là... Par rapport à cela, le droit de grève, quel rang a-t-il? Où se situe-t-il dans la prépondérance de ces droits? En fait, c'est la question principale que la commission doit se poser. C'est cela qu'on amène. On souligne peut-être ce qui nous apparaît être des incohérences, non pas qu'on soit contre la Loi sur la santé et la sécurité du travail, au contraire. M. le ministre pourra dire que nous avons été parmi ceux qui avaient eu des attitudes positives vis-à-vis de la loi, et de façon consistante. Mais là, on pose un principe que la santé et la sécurité sont fondamentales et primordiales et, d'un autre côté, quelqu'un qui, justement, est blessé ou subit une perte d'intégrité pourrait se trouver face à une situation dans un centre hospitalier où il ne peut pas être soigné parce que quelqu'un d'autre exerce son droit. C'est là où on se retrouve, vis-à-vis des incohérences auxquelles il faut absolument, au préalable, trouver des réponses.

M. Rivest: Vous avez estimé là qu'il y avait un seuil de tolérance qui était devenu intolérable, si je peux m'exprimer ainsi.

Une voix: C'est intolérable.

M. Morin (Pierre): Si vous me le permettez, c'est pour cela qu'on qualifie bien notre proposition en disant: Là où il n'y a pas d'autre service disponible.

M. Rivest: Je veux justement en venir à cela. Je cherche également à comprendre le sens de votre résolution, qui est quand même assez courte, sur l'élimination du droit de grève. Par exemple, sur les services essentiels, on a parlé des institutions de santé et de services sociaux.

Une voix: Oui.

M. Rivest: Mais est-ce que ce seuil de tolérance vous paraît franchi à ce point? Par exemple, dans le domaine de la fonction publique, dans le domaine des ministères du gouvernement, croyez-vous que l'expérience de 1966, 1972, 1976 et 1979 est de même nature que celle que vous décrivez dans le domaine hospitalier?

Parce que le texte de votre résolution, de la façon dont vous nous l'avez présenté -peut-être que dans les discussions il y a d'autres documents connexes - inclut également le domaine de la fonction publique. Il n'y a pas de demande, sauf le texte de votre résolution, qui soit venu de ce côté-là, que je sache. Il y avait vraiment des choses qu'on a par ailleurs soulignées dans le domaine de la santé.

M. Létourneau: M. le Président, la réponse que nous sommes clairement mandatés de vous donner à ce sujet est celle que nous avons perçue lors de notre dernière assemblée générale annuelle alors que nous avons clairement exposé aux délégués et longuement débattu notre position antécédente qui était celle que nous avons expliquée, c'est-à-dire d'un organisme qui déterminerait les services essentiels et d'un arbitrage de cet organisme. L'autre proposition était l'élimination du droit de grève, avec un arbitrage, et, après de longs débats, considérations et exemples de tout genre amenés sur le plancher des délibérations, je dirais peut-être que près de 200 délégués étant présents de tous les coins du Québec, lorsque le vote a été pris, il a été unanime dans le sens de la recommandation que nous faisons.

C'est donc dire qu'il y a là l'expression... Et c'était vraiment très impressionnant, j'étais en avant de la salle et, lorsque ce vote s'est pris, cela a été comme un coup de poing, si on peut dire, unanime de l'assemblée.

M. Rivest: Le sens de ma question est celui-ci: Est-ce que le gens avaient cette même unanimité, spontanéité et conviction intérieure pour une grève qui existe au niveau du ministère des Richesses naturelles ou au niveau du ministère des Affaires culturelles et dans le domaine des hôpitaux? Est-ce que c'était le même ordre de valeur que les gens véhiculaient? Votre résolution a emporté tous les morceaux dans l'unanimité. Il me semble qu'il y a des différences, en tout cas.

M. Lambert: II y a des nuances et on s'explique là-dessus.

M. Létourneau: Évidemment qu'on ne peut pas présumer que l'impatience où les gens qui en ont ras le bol, comme on dit, ont exactement la même perception d'une grève au ministère des Richesses naturelles...

M. Lambert: Ou au ministère du Revenu, par exemple.

M. Rivest: Les gens seraient favorables, la chambre de commerce serait favorable à ça, le ministère du Revenu.

M. Létourneau: Ou dans les hôpitaux. Mais remarquez que ce phénomène n'est pas exclusif aux organismes qui sont de responsabilité provinciale. On a aussi ceux de responsabilité fédérale. Finalement, toutes ces grèves s'additionnent les unes aux autres auprès du citoyen et, à un moment donné, celui-ci manifeste son impatience, son dégoût de cette situation par un vote massif comme celui que nous avons connu.

M. Rivest: D'accord. Une dernière question, si on me permet, toujours en cherchant à savoir un peu la genèse de votre résolution qui a l'air à avoir bien du muscle et bien de l'élan. C'est une phrase un peu sibylline, comme on disait tantôt: Là où il n'y a aucune source adéquate d'approvisionnement de services similaires. Par ailleurs, j'ai compris de l'économie de votre mémoire que vous vous en prenez au monopole de l'État dans les services publics. Des services analogues similaires, s'il y a un monopole, il n'y en a pas. Pourquoi est-ce dans le corps de votre résolution?

M. Lambert: M. Morin, on va...

M. Morin (Pierre): Peut-être, M. le Président, qu'on pourrait souligner au député Rivest des études socio-économiques faites par les professionnels, ce qu'on appelle le Syndicat des professionnels de la fonction publique; il peut aussi y avoir d'autres sources d'approvisionnement de ces études socio-économiques. À l'opposé, il n'y a peut-être personne d'autre que les fonctionnaires préposés au ministère des Affaires sociales pour émettre les chèques à la fois aux assistés et à d'autres groupes.

Dans un cas, vous pouvez vous approvisionner ailleurs pour des besoins comme des études socio-économiques, mais pour faire sortir les chèques des assistés sociaux ou les retours d'impôt, si ça bloque, il n'y a pas d'autres sources.

M. Rivest: Je comprends le sens de votre réponse, mais ce n'est peut-être pas le meilleur exemple, parce qu'il y a eu des systèmes qui ont été mis effectivement, dans le cas d'émission des chèques...

M. Morin (Pierre): D'accord, mais en fait...

M. Rivest: Par exemple, dans le domaine de la santé, pour les infirmières, à un moment donné, il n'y a pas d'infirmière... La formule Reagan n'est pas très pratique. L'armée ne peut pas venir soigner à la place des infirmières. Là-dessus, c'est ça que vous voulez dire. Bon, très bien.

M. Mooney (John): J'aurais simplement une question, M. le Président. Actuellement, il y a des groupes qui n'ont pas le droit de grève en fonction de choix posé par le législateur quant à l'intérêt public. Je pense entre autres aux policiers, aux pompiers. Il y a certainement d'autres groupes. Est-ce que le législateur entend modifier cette situation-là?

M. Rivest: Pour les policiers?

M. Mooney: Oui.

(22 h 45)

M. Rivest: Le législateur est là.

M. Mooney: II y avait l'exécutif et le législateur est tout autour de la table, j'espère.

M. Rivest: Pour la grève des policiers?

M. Mooney: En fait, ils n'ont pas actuellement le droit de grève.

M. Marois: Est-ce que je comprends qu'il n'y a plus d'opposition?

M. Rivest: II y a les onze.

M. Paquette (Gilbert): M. le Président...

Le Président (M. Rodrigue): Justement, M. Paguette a demandé la parole. M. Paguette (Rosemont), vous avez la parole.

M. Paquette (Gilbert): Merci, M. le Président. À la page 9 de votre rapport -cela m'a frappé parce que c'est évidemment un mémoire que je qualifierais de très idéologique - vous mentionnez des supposées incohérences qui auraient parsemé l'approche de l'État québécois dans le domaine des négociations dans le secteur public. Vous nous dites, à un moment donné, qu'un des aspects de l'incohérence des politiques gouvernementales c'est que les compromis avec la santé peuvent être justifiés, qu'on peut faire des compromis avec la santé, comme si c'était l'approche de l'État. Je tiens à vous rappeler que la loi actuelle inscrit la primauté des services essentiels sur le droit de grève dans le sens suivant: c'est

qu'une fois les services essentiels déterminés - je comprends que ce n'est pas toujours facile de déterminer quels sont les services essentiels - la loi prévoit qu'en cas de non respect des services essentiels, le droit de grève peut être suspendu. Sur le plan des principes, je pense qu'il est faux de faire le procès au gouvernement ou à l'État, d'accuser, en quelque sorte, le gouvernement de ne pas vouloir assurer le respect en tout temps des services essentiels. Au contraire.

Une autre incohérence que vous trouvez dans l'attitude de l'État c'est de dire: Ou bien un service dont l'État s'occupe est essentiel et il doit être assuré coûte que coûte; ou bien ces services ne sont pas essentiels et l'État n'aurait pas dû s'en mêler. Il n'y a pas d'incohérence là-dedans. C'est tout simplement une différence de perception du rôle de l'État; c'est que nous, on pense que l'État n'a pas qu'à assurer des services essentiels, il doit assurer d'autres choses aussi. Il doit assurer toute une série de services connexes, notamment dans les hôpitaux, qui ne sont pas nécessairement des services essentiels mais qui sont utiles, qui sont nécessaires à certains moments pour assurer le bien-être des personnes. C'est une question d'appréciation et de degré; il n'y a pas d'incohérence là.

Par contre, je vois une certaine incohérence dans la progression de votre opinion par rapport à la progression de la situation réelle qui s'est passée au cours des différentes négociations. On dirait que votre durcissement est inversement proportionnel à l'amélioration des négociations parce que vous êtes passé assez vite sur un bout de votre rapport qui est à la page 4, que vous n'avez pas lu mais où vous donnez des chiffres. À la page 5, vous dites qu'en 1976, bien qu'ils ne débrayèrent pas tous simultanément, quelque 300 000 salariés des secteurs public et parapublic firent la grève et, trois ans plus tard, 158 564.

M. Lambert: C'est relativement précis.

M. Paquette (Gilbert): Cela veut dire quand même qu'il y a eu amélioration. On est tous conscients que ce n'est pas le paradis. Quand on regarde le délai que ça a pris en 1976, je pense que les négociations, règle générale, ont duré à peu près un an; en 1979, ça a pris six mois. Ce n'est pas encore le paradis, mais il y a quand même amélioration là aussi, vous allez l'admettre. Dans les hôpitaux, si je me rappelle bien, il y a eu, en 1976, grève durant environ 20 jours; en 1979, c'étaient 4 jours de grève. Là aussi, il y a eu amélioration. On voit que la situation s'améliore. Ensuite, on pourrait regarder le respect des services essentiels à chacune de ces occasions. Je pense qu'on peut facilement évaluer qu'il y a peut-être eu des exceptions mais, règle générale, les services essentiels ont été respectés. Ce qu'il nous faut trouver, c'est un mécanisme pour faire en sorte qu'ils le soient toujours. Il y a eu quand même amélioration. Comment expliquez-vous que votre attitude se durcisse au moment où la situation - même si ce n'est pas encore le paradis - s'améliore? Je ne comprends pas.

M. Lambert: M. le Président, on aimerait ajouter aux paroles de M. Paquette là-dessus.

Concernant les services essentiels, c'est la perception que nos membres ont eue et c'est quelque chose, à un moment donné, qui est viscéral et qu'ils ressentent. Lorsqu'ils ne voient pas - si je peux appeler cela ainsi -la lumière au bout du tunnel, c'est qu'il y a de l'exaspération. C'est un peu ce qui s'est passé lors du vote qu'on a pris en 1980.

Une chose qu'il faut mentionner et que M. Létourneau a mentionnée aussi, c'était pris à l'unanimité. Tout le monde avait le droit de lever la main et de dire qu'il n'était pas d'accord. Cela semblait être et c'était un sentiment général.

Maintenant, M. Morin voulait ajouter quelque chose là-dessus.

M. Morin (Pierre): II y a un phénomène aussi qui explique cela, M. le Président, qui est assez simple. C'est qu'on parle des services publics. Il n'y a pas que le Québec, c'est-à-dire le gouvernement du Québec qui offre des services publics qui ont été interrompus par des grèves. Vous avez, au niveau du transport, des commissions de transport un peu partout au Québec, particulièrement à Montréal, à Québec aussi, et pendant très longtemps; vous avez les services publics fédéraux, à partir des postes jusqu'aux aiguilleurs de l'air. C'est concurrent, toutes ces choses, mais ce sont toujours les services publics. C'est toujours ce qui devrait fonctionner et qui ne fonctionne pas. Il ne faut pas se surprendre qu'à un moment donné il y ait une réaction qui dise assez.

M. Létourneau: Les sondages Gallup le prouvent, d'ailleurs.

M. Paquette (Gilbert): Je ne pense pas qu'on doive gouverner uniquement par sondages.

Des voix: Ah, ah, ah!

M. Paquette (Gilbert): Je pourrais vous en donner plusieurs exemples.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous les apporter, vos sondages, demain matin.

M. Paquette (Gilbert): Au moment où vous vous basiez sur les sondages pour

essayer de bloquer l'assurance automobile et qu'on savait qu'il n'y avait que 30% de la population qui l'appuyaient, on a quand même voté la loi. Après un an ou un an et demi, on a vu des porte-parole de l'Opposition dire que c'était une excellente loi et que si jamais ils étaient au pouvoir ils la maintiendraient. Alors, il y a plusieurs exemples qu'on peut amener comme cela. C'est facile de dire qu'on gouverne par sondages.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai quand même.

M. Paquette (Gilbert): Je ne pense pas qu'on doive gouverner par sondages.

Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas, mais c'est cela que vous faites.

M. Paquette (Gilbert): On va revenir au débat. Si vous le permettez, M. le Président, une dernière remarque ou question.

Je comprends qu'il peut y avoir des réactions viscérales. On vit dans le monde réel et on rencontre des électeurs dans nos comtés. On le sait, on connaît les sondages et tout cela. Mais les faits que j'ai mentionnés sont quand même réels. Vous avez dit vous-mêmes qu'il y avait une certaine réaction viscérale. Vous avez fait une analogie avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Qu'est-ce que vous diriez si, par une réaction viscérale, nous au gouvernement on disait: II y a dans certaines compagnies un minimum décent de sécurité qui n'est même pas assuré et, quand ce n'est pas assuré dans une compagnie, au lieu de faire appliquer la Loi sur la santé et la sécurité, on va rentrer dans la compagnie, on va prendre les livres, on va prendre le contrôle de la compagnie et on va assurer la santé? Par analogie, est-ce que vous trouveriez que c'est une attitude qui va nous donner des bons résultats pour la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs?

M. Lambert: M. le Président, à cette question ou à ce commentaire de M. Rivest, c'est que le droit à la santé...

M. Rivest: Je ne suis pas dans les onze.

M. Lambert: M. Paquette, excusez-moi, c'est un lapsus.

Concernant cela, le droit à la santé, c'est un droit essentiel. Là-dessus, on a élaboré assez longuement. Le droit à la santé au niveau du travail ou le droit à la santé au niveau de la maladie, cela reste le droit à la santé. C'est notre position là-dessus.

Le Président (M. Rodrigue): Mme Harel (Maisonneuve)

Mme Harel: Bien rapidement, évidemment on est tous ici pour améliorer la situation et non pas pour l'empirer. Peut-être serait-il intéressant que vous fassiez l'éducation de vos membres. Vous parlez beaucoup des réactions qu'ils ont eues et qui vous amènent ici ce soir à préconiser un certain nombre de solutions. Il faudrait peut-être essayer de voir si c'est la bonne solution. Il faut parfois se méfier, à première vue, de ce qui peut paraître alléchant comme solution et qui peut donner exactement le résultat contraire de ce qu'on recherche.

M. Létourneau a parlé, tantôt, de la nécessité de l'abolition du droit de grève dans le secteur public et a fait écho au régime de négociation de l'Ontario qui l'interdit. Il a constaté qu'il y avait moins de qrèves du fait de cette illégalité, malgré évidemment qu'il y avait toujours et qu'il y a eu, encore dernièrement, l'utilisation et l'exercice du droit de grève illégal.

M. Létourneau, ce que j'aimerais vous demander, c'est: Comment penser qu'on puisse ici au Québec, dans un régime de négociation où l'exercice du droit de grève est acquis depuis quinze ans, du jour au lendemain appliquer la solution que vous préconisez sans penser que ça puisse apporter plus de perturbation que ce qu'on recherche comme solution? La logique de votre recommandation et l'invitation que vous faisiez au ministre du Travail étaient de se montrer ferme et, une fois l'abolition du droit de grève sanctionnée, de l'appliquer sévèrement. Vous avez fait allusion à la situation qui prévalait aux États-Unis; je reviens un peu avec la remarque qu'a faite M. Rivest; est-ce que vous allez préconiser qu'il y ait congédiement des travailleurs qui feraient l'exercice de ce droit, qui ne le serait plus à ce moment, et par qui les remplacerait-on? Est-ce que ça ne perturberait pas beaucoup plus les centres d'accueil, les services sociaux, les soins aux personnes âgées, les soins aux malades que la situation qui prévaut présentement? Et, finalement, est-ce que votre solution n'est pas une aggravation de la situation bien plus qu'une solution?

M. Lambert: M. le Président, je vais laisser répondre M. Létourneau, s'il vous plaît.

M. Létourneau: C'est seulement l'expérience qui pourrait nous dire s'il y aurait les perturbations que vous présumez. C'est sûr que ce serait un virage peut-être inespéré, compte tenu des positions déjà prises par le ministre. Cependant, nous pensons qu'il y a là-dedans - comme cela a

déjà été dit par un témoin précédent -beaucoup dans l'attitude et la façon de faire. Être ferme ne veut pas dire nécessairement le congédiement des travailleurs qui vont en grève illégale; il y a beaucoup d'autres pénalités, avant celle-là, qui peuvent être utilisées et qui pourraient sans doute être efficaces, si on décidait vraiment de les utiliser et de les appliquer. Il est arrivé trop souvent, à notre avis, dans le passé, que le législateur ait passé l'éponge sur des violations à la loi. Évidemment, d'une fois à l'autre, ça entraîne une attitude de plus en plus audacieuse de la part de la partie syndicale, à un point tel que nous en sommes maintenant à entendre des personnes, qui vont en grève ou qui suggèrent à leurs troupes d'aller en grève, avec l'idée que, quand on va en grève, on ne perd pas de salaire, il n'y a pas de pénalité. On a même vu des cas où il y a eu des grèves illégales avec, à toutes fins utiles, aucune pénalité, comme ça été le cas chez les policiers de Montréal, à l'occasion d'une grève, il y a quelques années.

Alors, quand le climat se détériore de cette façon et que le législateur ne semble pas très ferme à appliquer même les lois qu'il a déjà, et qui sont un peu moins sévères que celles que nous préconisons, nous ne voyons pas d'autre issue que d'en préconiser d'un peu plus sévères, de telle sorte qu'au moins ce qui sera respecté sera un minimum de protection pour la population.

Mme Harel: Alors, quand le climat se détériore, faut-il aggraver la détérioration? Parce qu'il ne faut quand même pas oublier que dans le secteur public, essentiellement dans le cas des hôpitaux et des services sociaux, ce sont des personnes qui travaillent avec des personnes. Peut-on recourir à des mesures qui viendraient perturber le climat des relations de travail et le climat des services qui sont donnés dans le milieu de travail?

M. Létourneau: Encore une fois, nous ne sommes pas convaincus du tout que cette méthode pourrait créer le chaos dont on parle, parce que l'expérience montre que cette fameuse situation d'arbitrage, finalement, ce n'est pas si mal. Les arbitrages rendus - dans des cas de services essentiels, dans le passé, au Québec, il y a eu des situations d'arbitrage - donnaient des conditions relativement équitables aux parties, lorsque les conditions d'arbitrage étaient connues. Donc, cela n'amènerait probablement pas le chaos dont on parle, parce que, d'une part, ça éviterait aux syndiqués les pertes qu'occasionnent les grèves et, d'autre part, ça pourrait leur assurer des conditions de travail qui, au bout du compte, ne seraient pas si mal que cela. (23 heures)

Mme Harel: Là-dessus, sur la question de l'arbitrage, est-ce que l'État peut laisser sa marge de manoeuvre, sa masse salariale à l'initiative d'arbitres?

M. Morin (Pierre): M. le Président, la question de Mme la députée est particulièrement pertinente. Pendant longtemps, des gouvernements précédents ont dit non. M. Lesage, entre autres, ne voulait même pas négocier. La reine ne négociait pas avec ses sujets, si on peut remonter à ce moment-là. Cela a évolué considérablement et, dans un sens, la dernière ronde des négociations a été particulièrement instructive à cet égard, parce que le ministre des Finances et président du Conseil du trésor, plusieurs mois avant même que ne commence la négociation, a annoncé publiquement quels étaient les paramètres qu'il était prêt à céder. Alors, à l'intérieur d'un cadre comme celui-là, lorsque le gouvernement, appuyé par le législateur, s'il le veut, fixe les paramètres, le cadre de ce qui peut être accordé dans la convention ou dans un renouvellement de convention, ce n'est plus l'arbitre qui, essentiellement, décide de l'enveloppe budgétaire; elle a déjà été décidée. L'arbitre statue, à ce moment-là, sur des aménagements et des réaménagements. À bien des égards, on n'est pas loin actuellement, dans le contexte, de l'arbitrage que nous proposons.

Mme Harel: À quelques centaines de 100 000 000 $ près, je pense.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dauphin (Marquette).

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'ai deux questions très brèves, étant donné qu'il se fait déjà assez tard. Elles concernent l'approche qu'aurait la Chambre de commerce face à des services essentiels, mais relevant du secteur privé. Exemple, la distribution du gaz, etc. Je me demande si la Chambre de commerce ne serait pas d'avis, à ce moment-là, que le Parlement utilise sa souveraineté pour légiférer même dans ce domaine pour interdire toute grève.

Deuxièmement, un des intervenants a-t-il eu connaissance d'une expérience d'arbitrage chez les pompiers dans les années soixante-dix à Montréal?

M. Lambert: Pour répondre à cette question, M. le Président, M. Létourneau.

M. Létourneau: Nous n'avons pas abordé la question des services dans le secteur privé. Il n'y a pas eu de situation qui nous a motivés à aller de ce côté-là récemment. Je ne sais pas quelle attitude nos membres prendraient vis-à-vis de ce volet des services

essentiels. Nous n'en avons pas débattu et nous n'avons pas de mandat sur ce plan. Cela me serait difficile et je ne pourrais que vous exprimer, à ce moment-ci, une opinion personnelle à ce sujet.

Vous avez parlé, M. le Président, de l'arbitrage des pompiers. Je m'excuse, je n'ai pas très bien compris la question.

M. Dauphin: II y a eu une expérience d'arbitrage chez les pompiers dans les années soixante-dix à la ville de Montréal. Je voulais savoir si vous êtes un peu au courant. Quelle est votre évaluation là-dessus?

M. Rivest: Cette expérience avait été vécue et, à ma connaissance - je pense que c'est ce que mon collègue veut soulever - la sentence arbitrale n'avait pas été suivie, sauf erreur, et, par la suite, on avait, à la ville de Montréal ou ailleurs, négocié. Les pompiers, à qui, évidemment, était interdit le droit de grève, n'avaient pas respecté la sentence arbitrale. Donc, tout le monde se retrouvait dans l'illégalité, y compris, à ce moment-là, les pouvoirs publics qui ont ajouté, sauf erreur, des sommes additionnelles. La formule d'arbitrage comporte aussi ses inconvénients et je pense que le sens de la question de mon collègue de Marquette, c'est de vous amener peut-être à dire si vous avez réfléchi aux conséquences et au caractère pratique d'une solution d'arbitrage obligatoire.

M. Létourneau: II est sûr qu'il n'y a pas de solution parfaite. On peut arriver, même avec la formule d'arbitrage, si la partie syndicale ne veut pas respecter la décision arbitrale, ou la partie patronale -cela peut être dans les deux sens - on peut arriver à des conflits avec cette formule comme avec n'importe quelle autre.

Nous croyons qu'à un moment donné il n'y a plus qu'une seule voie, c'est le respect de la loi, par le législateur qui dit: C'est dommage mais c'est ça la loi et nous allons prendre les mesures pour qu'elle soit respectée. Cela peut être difficile et très impopulaire, mais il nous apparaît qu'à un moment donné il n'y a plus d'autre issue pour le législateur que de faire respecter les lois qu'il a adoptées ou de les amender.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député de Prévost.

M. Dean: M. le Président, je suis fort étonné de voir la prestigieuse chambre de commerce, qui, selon son mémoire, représente 38 000 membres dans 211 chambres de commerce locales et 2600 entreprises membres, nous arriver à la fin de cette longue journée avec une espèce de charge de cavalerie qui nous mène tout droit au XVllle siècle.

Après une journée quand même assez sereine et positive, où différents groupes de la société québécoise, dont le Conseil du patronat qui représente lui aussi un grand nombre de petites, moyennes et grandes entreprises, qui arrive ici avec une attitude positive, calme, raisonnée, qui nous propose des choses concrètes pour régler le problème épineux que représente la conciliation du droit de grève avec le droit des citoyens aux services essentiels...

En plus de ce consensus qui semble se dégager de tous les témoignages entendus aujourd'hui, il y a au moins un fait à constater, c'est qu'en 1979 ça allait déjà beaucoup mieux qu'en 1976. Il nous reste quand même l'espoir et la possibilité qu'avec quelques modifications législatives possibles, on fait en sorte que ça ira encore beaucoup mieux en 1982.

La position très émotive et viscérale de la chambre de commerce me fait penser un peu à l'Américain qui dit: Do not confuse me with facts, my mind is made up. Ne me mêlez pas avec les faits, mon idée est faite.

J'aimerais poser quelques petites questions. Quant à la remarque selon laquelle il appartient au législateur de forcer le respect de la loi - je reviens à celle de M. Rivest, député de Jean-Talon, il y a quelques minutes - advenant qu'un groupe d'infirmières fasse la grève envers et contre toute loi, on les remplace avec quoi? Des soldats, des robots, des martiens? Avec quoi? C'est facile de dire: Respectez la loi. Tout le monde est d'accord qu'on doit respecter la loi, mais des fois ce n'est pas aussi facile.

Voici les questions que je veux poser. La chambre de commerce sait-elle qu'avant 1964, si ma mémoire m'est fidèle, pendant 20 ou 30 ans avant 1964, tous les services publics au Québec étaient soumis à un régime d'arbitrage obligatoire. Le résultat de ça, quand le législateur... Et ce n'était pas le Parti québécois, en 1964, qui a changé le régime, qui a accordé le droit de grève dans les services publics, c'était M. Lesage, un gouvernement libéral, qui constatait à cette époque-là l'échec total de l'arbitrage comme moyen d'assurer la justice pour les travailleurs du secteur public et des services publics qui, à ce moment-là, malgré 20 ou 30 ans d'arbitrage, dits équitables, parce que je suis sûr qu'à cette époque on considérait que l'arbitrage était équitable, mais ces travailleurs du secteur public avaient des salaires, des conditions de travail absolument scandaleuses par rapport au secteur privé...

Deuxième question: Est-ce que la chambre de commerce sait qu'en Australie, non seulement les services publics, mais les services privés et le secteur privé n'ont pas le droit de grève? Personne en Australie n'a le droit de grève. Il n'en demeure pas moins que le taux de grève en Australie est plus

élevé que celui du Québec, du Canada et des États-Unis tous ensemble.

Ce n'est donc pas l'interdiction du droit de grève qui empêche les grèves de se produire.

Finalement, ma dernière question. Je ne veux pas être méchant, mais je lis dans le mémoire que c'est à l'unanimité que cette position de la chambre de commerce a été adoptée par les membres lors de leur dernier congrès. On vient d'apprendre que c'était, si j'ai bien compris, à main levée. Je lis dans le mémoire une position de la chambre, une autre résolution qui dit que toute grève ne peut être déclarée légale qu'à la suite d'un vote secret de tous les cotisants aux syndicats appartenant à l'unité de négociation. Ma dernière question serait: Est-ce que ce mémoire et ces résolutions de la chambre de commerce ont été votés à vote secret, en assemblée, par les 38 000 membres de la chambre de commerce, regroupés en 211 chambres de commerce locales? Merci.

M. Lambert: M. le Président, on va répondre à M. Dean. Il y a des questions qui nous semblent très pertinentes, d'autres qui sont pour égayer un peu la fin de soirée qui semble un peu pesante. M. Létourneau, s'il vous plaît.

M. Létourneau: M. le Président, je suis étonné de certaines statistiques que nous mentionne M. Dean, concernant les taux de grève en Australie; nous allons faire notre éducation et nos recherches, mais ça nous surprend de voir que ces taux de grève sont plus élevés que ceux combinés du Québec, des États-Unis et du Canada. Cela nous surprend un peu parce qu'on avait observé, ces derniers temps, qu'il y avait l'Italie qui avait le championnat et il y avait le Québec, mais on ne savait pas que l'Australie était à un taux beaucoup plus élevé que les trois circonscriptions ou pays et provinces mentionnés par M. Dean.

Pour ce qui est de la formule de vote au sein de la chambre de commerce, nous n'avons pas jugé nécessaire jusqu'ici d'instaurer le vote secret, les délibérations se faisant très ouvertement. D'autre part, la chambre de commerce n'a pas sur ses membres des pouvoirs confiés par le législateur aussi importants que ceux que possèdent les centrales syndicales ou les syndicats. Il n'y va pas du même type d'engagement des membres lorsqu'il y a un vote dans notre organisation et nous n'avons pas le pouvoir, subséquemment, d'imposer à nos membres les décisions qui ont été prises en assemblée générale. C'est une association volontaire et ceux qui ne sont pas satisfaits des résultats d'un vote, à un moment donné, sont absolument libres de quitter nos rangs, de cesser leur adhésion et de s'en aller, ce qui n'est pas évidemment le type d'association et le type d'engagement qui existent du côté syndical.

M. Morin (Pierre): M. le Président, un complément d'information. Peut-être que le député Dean se souviendra qu'en 1964, lorsque le droit de grève a été accordé effectivement par le législateur, devant une commission parlementaire comme celle-ci, c'était contre la promesse formelle des leaders syndicaux qu'il ne serait pas utilisé. Il y a peut-être eu, là aussi, un écart entre les promesses formelles et la situation vécue.

M. Rivest: II n'y avait pas non plus le degré de centralisation actuel.

M. Létourneau: M. le Président, concernant les mécanismes que nous proposons maintenant, nous devons observer que l'arbitrage serait une chose complètement différente de ce qu'il était avant 1964, compte tenu du fait qu'il y a beaucoup plus d'information qui circule et qui est disponible sur la question des conditions de travail, un peu partout dans la société. Sur ce point, nous devons rendre hommage au ministère du Travail du Québec qui est en train de s'équiper, qui a une équipe qui fait des recherches et qui commence à publier des informations fort utiles et fort pertinentes sur la situation des conditions de travail et des conventions collectives qui existent au Québec, ce qui donne un outil très utile et qui peut être certainement utilisé avec beaucoup d'à-propos par des arbitres qui auraient à déterminer quelles devraient être les conditions de travail des travailleurs du secteur public. (23 h 15)

Le Président (M. Rodrigue): La commission a terminé l'audition des mémoires pour aujourd'hui. Je remercie les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec.

Demain, le mercredi 16 septembre, nous entendrons dans l'ordre: l'Association des centres d'accueil du Québec, mémoire 4M; la Fédération des travailleurs du Québec, mémoire 45M; la Centrale de l'enseignement du Québec, mémoire 36M, l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec, mémoire 22M, pour dépôt seulement. Donc, nous n'entendrons pas cette association là. Le mémoire a été transmis et est disponible au secrétariat des commissions. Nous entendrons, par ailleurs, le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, mémoire 23M; la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, mémoire 41M; le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé, mémoire 1M; l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, mémoire 42M.

La commission élue permanente du travail de la main-d'oeuvre et de la sécurité

du revenu ajourne ses travaux à demain, mercredi 16 septembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 17)

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