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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît: La commission élue permanente du travail, de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je
rappelle que le mandat de la commission est d'entendre les personnes et
organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le
régime des négociations dans les secteurs public, parapublic et
péripublic et, de façon plus particulière, à
l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des
services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.
Les membres de cette commission sont dans l'ordre: M. Chevrette
(Joliette), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean
(Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme
Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M.
Perron (Duplessis), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants a cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie),
M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M.
Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak
(Sainte-Anne), M. Rochefort (Gouin).
La commission commence ses travaux de la journée par l'audition
du mémoire de l'Association des centres d'accueil du Québec, qui
est représentée par M. Yves Neveu. J'invite M. Neveu à
nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Ce n'est pas M.
Neveu?
M. Doucet (Jean-Guy): Jean-Guy Doucet, président de
l'association.
Le Président (M. Rodrigue): C'est vous qui
présentez le mémoire?
M. Doucet: Oui.
Le Président (M. Rodrigue): Si vous vouliez nous
présenter les personnes qui vous accompagnent. Auparavant, j'aimerais,
pour les personnes qui nous regardent à la télévision,
donner la liste des groupes qui vont présenter des mémoires
aujourd'hui. En plus de l'Association des centres d'accueil du Québec,
nous entendrons la Fédération des travailleurs du Québec,
la Centrale de l'enseignement du Québec, la Syndicat des employés
d'hôpitaux de Montréal, la Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers, le Carrefour des
chrétiens du Québec pour la santé et, finalement,
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec. Nous
avons également reçu un mémoire pour dépôt
seulement de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil
privés du Québec, entre autres. (10 h 15)
Si vous voulez, M. Doucet, nous présenter maintenant les
personnes qui vous accompagnent et faire la présentation de votre
mémoire.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Doucet: M. le Président, mesdames et messieurs, il me
fait plaisir de présenter les membres de l'équipe de travail qui
a fait toutes les recherches et les consultations pour ce mémoire.
À mon extrême gauche, Me Huguette April-Morin,
conseillère en relations de travail à l'Association des centres
d'accueil; à ma gauche, M. Pierre Cloutier, directeur
général à l'Association des centres d'accueil et, à
ma droite, M. Yves Neveu, directeur du service-conseil en gestion du personnel
à l'Association des centres d'accueil.
M. le Président, vous avez, depuis fort longtemps, eu tous les
documents relatifs à notre présentation. Vous avez reçu ce
matin un résumé de notre présentation.
L'Association des centres d'accueil du Québec est une association
d'établissements du réseau des affaires sociales regroupant
près de 400 centres d'accueil publics. Ces centres d'accueil occupent
une place importante dans le réseau des services de santé et des
services sociaux du Québec. Ils ont pour mission spécifique
d'assurer des services d'hébergement et de réadaptation aux
clientèles suivantes: personnes âgées, jeunes
mésadaptés socio-affectifs, personnes handicapées
mentales, personnes handicapées physiques, femmes nécessitant des
services d'assistance-maternité et personnes alcooliques et
toxicomanes.
C'est à ce titre d'administrateurs de services de santé et
de services sociaux et plus particulièrement des centres d'accueil que
nous avons voulu évaluer la situation,
dégager les prémisses sur lesquelles nous voulons nous
appuyer et formuler des recommandations aptes à assurer la
continuité des services à la population, en période de
négociation.
La primauté des droits de la population. II semble que M. le
premier ministre, René Lévesque, ait reconnu dans une
déclaration publique le caractère particulièrement aigu
des besoins des bénéficiaires en centres d'accueil. Si tel est le
cas, nous sommes heureux de constater que la plus haute autorité de
l'État québécois est à ce point consciente de la
situation critique des bénéficiaires des centres d'accueil
à l'occasion d'une grève ou devant son éventualité.
Cette conscience n'est malheureusement pas toujours le fait de beaucoup
d'intervenants et des médias d'information eux-mêmes. En effet,
ceux-ci et ceux-là abordent souvent le problème relié
à la négociation collective dans le secteur des affaires sociales
sous l'angle plus spectaculaire et, en apparence, plus dramatique des centres
hospitaliers. Nous croyons important de rappeler que les centres d'accueil
constituent également des points de services du réseau des
affaires sociales. Ce rappel est d'autant plus nécessaire que les
clientèles particulières de nos établissements membres
s'identifient généralement aux groupes les moins volubiles d'une
majorité déjà trop silencieuse. Il apparaît utile
dans le présent contexte de vous présenter ces différentes
clientèles. De par leur vocation, les centres d'accueil
d'hébergement reçoivent des bénéficiaires qui, en
raison de leur âge avancé et de la diminution ou de la perte de
leur autonomie physique ou psychique ou parfois les deux, sont jugés
incapables de satisfaire à leurs besoins personnels sans assitance
régulière et requièrent dès lors, en plus d'une
résidence protégée, des soins constants et quotidiens.
À titre indicatif, notons qu'une étude faite en 1978 par
le Conseil des affaires sociales et de la famille évaluait à 20
heures par semaine les soins de santé et d'assistance requis par plus de
58% des bénéficiaires des centres d'accueil. La politique du
ministère des Affaires sociales de privilégier l'admission en
centre d'accueil d'hébergement des personnes âgées en perte
d'autonomie plus avancée a incontestablement eu pour effet depuis cette
date et continuera pour l'avenir à court et à moyen terme
d'accentuer cette proportion de ce que nous appelons des cas lourds,
c'est-à-dire de personnes qui ont absolument besoin de notre aide pour
réussir à assurer leur bien-être physique et mental. Par
services de santé et d'assistance, il faut comprendre à la fois
les soins infirmiers et médicaux et les soins d'hygiène
corporelle. À ces services, il faut évidemment ajouter les
exigences de l'alimentation, de l'activité physique et du climat
psychologique. Vous reconnaîtrez que cette clientèle devient
particulièrement insécure même à l'annonce d'une
négociation.
Dans le secteur de la réadaptation, les besoins varient selon le
type de bénéficiaires et leur pathologie. Au cours de
l'année 1979, 20 687 bénéficiaires ont reçu des
services à l'interne dans nos établissements. La clientèle
la plus considérable se compose d'enfants mésadaptés
socio-affectifs. Mais qu'il s'agisse de ce type de bénéficiaires
ou de handicapés physiques ou mentaux, ou d'alcooliques ou toxicomanes,
ou encore des femmes en difficulté à l'occasion d'une grossesse,
nous retrouvons des besoins de même nature. Ces besoins sont très
diversifiés et vont des besoins primaires, gîte, couvert, lit, aux
besoins psychologiques en passant évidemment dans beaucoup de cas par
des besoins reliés à la santé.
Ces besoins des différentes clientèles des centres
d'accueil, le législateur en a reconnu la réalité en
inscrivant dans des textes de loi les obligations qui en découlent pour
la société québécoise en général et
pour les centres d'accueil en particulier. La lecture des dispositions
pertinentes des lois de même que l'analyse des besoins concrets et
réels des bénéficiaires nous amènent à
constater que les besoins de l'ensemble de cette clientèle sont
fondamentaux, intrinsèquement reliés à la personne
humaine, à sa santé physique et mentale, à son
développement et à sa sécurité. L'on comprendra
dès lors assez aisément que les établissements membres de
l'Association des centres d'accueil du Quéec ne peuvent ignorer leur
rôle et leur responsabilité de dispensateurs de services de
santé et de services sociaux.
Dans l'exercice du rôle décrit ci-haut, les
établissements administrent toutefois des ressources dont la fonction
est de contribuer à la raison même des établissements. Le
personnel à l'emploi des centres d'accueil constitue la principale
ressource utilisée pour la production de services.
En tant qu'employeurs, les établissements membres favorisent le
maintien de conditions de travail justes et équitables pour leurs
salariés. Cette attitude n'est ni désintéressée, ni
paternaliste, ni simplement altruiste, puisque de telles conditions leur
permettent de s'adjoindre et de grader du personnel qualifié,
motivé, ressource capitale pour la dispensation de services de
qualité aux bénéficiaires. Dans cette perspective, les
établissements reconnaissent aux salariés le droit de
détenir des moyens d'exprimer leurs opinions et de défendre leurs
intérêts et, par ce fait même, ils adhèrent au droit
d'association et à la libre négociation.
Placés devant l'obligation de respecter à la fois le droit
de la population à recevoir des services de santé et des services
sociaux
adéquats et le droit de leurs employés à
défendre leurs intérêts, les établissements membres
sont conscients que les droits respectifs peuvent s'avérer
incompatibles. Ils déplorent cependant l'attitude de certains qui, face
à l'incompatibilité de deux droits, adoptent la position de
mitiger les droits en présence, sans même prendre en
considération les valeurs mises en cause.
L'incompatibilité des droits, il faut bien l'admettre,
s'avère un phénomène courant dans notre
société civilisée et c'est la hiérarchie des
valeurs qui nous permet d'affirmer la primauté de l'un sur l'autre. Bien
que la question soit complexe, les centres d'accueil considèrent pour
leur part que la nature même de leur existence les justifie d'accorder la
prépondérance à la dispensation et à la
continuité des services de santé et des services sociaux, ceux-ci
étant fondamentaux puisque intrinsèquement reliés à
l'intégrité de la personne humaine.
Dans ce contexte, il appert que les moyens visant à garantir
l'exercice du droit des employés, à défendre leurs
intérêts ne devront pas remettre en cause l'accessibilité
et la continuité des services.
Les responsabilités de l'État. L'État n'est pas un
employeur comme les autres. Il n'est employeur que de façon accessoire.
La négociation des salariés de l'État avec celui-ci met en
présence deux acteurs chargés de défendre, protéger
et faire valoir des intérêts d'ordre tout à fait
différent. L'un a pour fonction première la défense de
l'intérêt de ses membres, l'autre a la responsabilité du
bien public. Il importe donc de dégager clairement les
responsabilités de l'État gouvernement et celles de l'État
employeur.
L'État gouvernement a comme premier rôle celui de
déterminer le niveau de services, en termes de qualité et de
quantité, auquel la population pourrait avoir accès.
L'État gouvernement procédera également à la
formulation de ses priorités à court, moyen et long terme, autant
sous la forme de l'élaboration de politigues salariales et
économiques que par la mise en place d'appareils appelés à
concrétiser le choix des services à offrir et les
priorités retenues. C'est à l'État gouvernement qu'il
appartient également de prévoir les sommes requises pour
appliquer ces politiques et mettre en place les mécanismes
nécessaires a la dispensation et au maintien des services fournis par
l'État. Il doit enfin s'assurer de contrôler l'application de ses
politiques et la dispensation des services par les différents
mécanismes créés à cette fin.
Remettre à l'État gouvernement les responsabilités
qui sont siennes dans la détermination des politiques sociales,
économiques, budgétaires et autres n'a nullement pour effet de
diminuer les droits légitimes des multiples composantes de la
société. Les syndicats en tant que corps intermédiaires
n'ont aucun droit au statut privilégié auquel ils ont eu
accès, par défaut, dans l'histoire récente des
négociations dans le secteur public. Aucun autre corps
intermédiaire ne détient une telle capacité d'action
directe, à l'occasion par l'utilisation de la force, sur les
responsabilités propres de l'État gouvernement. Dans le contexte
actuel des négociations, ce n'est pas l'État qui devient un
employeur comme les autres, c'est le syndicat et partant la négociation
qui devient une institution politique.
La présence du statut de l'État gouvernement n'est pas
sans avoir des conséguences directes sur les contraintes imposées
à l'État employeur. Il faut en effet reconnaître que la
responsabilité de l'allocation des ressources appartient à
l'État gouvernement et que, dans une situation de conflit, le rapport de
forces se déplace de l'ordre économique à l'ordre
politique. En sus de ces considérations, il y a lieu de noter qu'en ce
qui concerne les centres d'accueil, comme les autres établissements du
réseau des Affaires sociales, l'État n'est pas l'employeur
puisque les conseils d'administration de ces établissements sont
chargés d'assumer la quasi-totalité des responsabilités
traditionnellement rattachées au statut d'employeur. Ce n'est pas notre
intention de nier à l'État gouvernement les
responsabilités qui sont siennes, mais d'affirmer que les conseils
d'administration des centres d'accueil doivent détenir les moyens, en
termes d'autorité et de pouvoir, d'assumer les responsabilités
pour lesquelles ils auront à rendre des comptes.
Recommandations. C'est en s'appuyant sur ces deux prémisses,
à savoir la primauté du droit de la population à recevoir
des services de santé et des services sociaux adéquats et la
responsabilité de l'État dans la dispensation de ces services,
que les centres d'accueil situent leurs propositions relativement aux
modifications à apporter au régime de négociations dans
les secteurs public et parapublic ainsi qu'aux modalités garantissant le
maintien des services essentiels. Là-dessus, nous avons voulu être
assez concrets et nous vous avons formulé treize recommandations. Si
vous êtes superstitieux, vous pourriez peut-être en soustraire une
ou en ajouter une autre. (10 h 30)
Nous recommandons donc: - que la politique salariale de l'État
soit déterminée par une loi votée à
l'Assemblée nationale; - que l'ensemble des dossiers découlant de
façon immédiate de cette politique salariale, à savoir la
masse salariale, la définition du concept de rémunération
globale et celle de marché comparable, soit exclu du champ des
matières négociables et, de ce fait, exclu également des
matières pouvant
donner ouverture à quelque technique que ce soit de
règlements des conflits: conciliation, médiation, arbitrage ou
grève; - que cette même législation prévoie
l'existence d'un organisme chargé de quantifier la politique salariale
de l'État, créant par le fait même une banque de
données complète sur les matières salariales et
possiblement sur les matières normatives; - qu'en conséquence
directe de cette législation, le Conseil du trésor n'agisse plus
comme un agent négociateur et que soit dissoute la table centrale,
étant entendu que les responsabilités gouvernementales sur les
finances publiques seraient protégées par une loi; - que soit
maintenu le comité patronal de négociation des affaires sociales,
tel que le prévoit la loi 55; - que ce comité soit mandaté
pour négocier l'ensemble des autres conditions de travail, sous
réserve des matières pouvant être réservées
aux niveaux local ou régional; - que le processus de négociation
soit complété, si nécessaire, par la conciliation
volontaire et par la médiation obligatoire; - que le processus ultime de
règlement des conflits prévoie le choix, par les
syndiqués, entre la technique d'arbitrage obligatoire selon l'offre
finale et l'exercice d'un droit de grève dans le respect des services
essentiels; - que la notion de services essentiels soit redéfinie pour
refléter les valeurs sociales que la population privilégie,
à savoir, notamment, la primauté du droit de celle-ci à
des services de santé et à des services sociaux adéquats;
- que le gouvernement assume lui-même la responsabilité ultime de
déterminer les services essentiels en définissant des
paramètres précis et en transformant le Conseil sur le maintien
des services de santé et des services sociaux, tel que défini
dans le Code du travail, en une commission permanente d'experts chargée
d'aider les parties au niveau local à s'entendre sur les services
à maintenir et, à défaut d'entente, de déterminer
les services essentiels; que le gouvernement prenne les dispositions
nécessaires, sur le plan de l'information, pour affirmer ses
responsabilités de gouvernement; - que le conseil d'information sur les
négociations soit aboli et remplacé par des dispositions
législatives prévoyant la publication des demandes et des offres
initiales, des positions respectives des parties telles que
présentées au conseil de médiation et des recommandations
de celui-ci; - que le Conseil sur le maintien des services de santé et
des services sociaux, transformé en une commission permanente d'experts,
soit mandaté pour diffuser largement et ponctuellement à la
population les données et les paramètres servant à
déterminer les services à maintenir, ainsi que les services mis
à sa disposition en temps de grève.
Les services essentiels. Parmi ces recommandations, nous attachons une
importance toute particulière à celles relatives aux services
essentiels. La notion de services essentiels doit être redéfinie
de façon à refléter l'évolution des valeurs de la
société québécoise, au même titre que ces
nouvelles valeurs ont inspiré, par exemple, la reconnaissance des droits
des salariés en matière de santé et de
sécurité au travail. Nous croyons qu'il y a lieu de respecter une
certaine uniformité dans la détermination des critères
permettant de décider si un service est nécessaire a la
santé et à la sécurité. Une distorsion dans les
facteurs à considérer pour déterminer une même
réalité, à savoir si la sécurité ou la
santé est compromise, nous amène à des situations aussi
anachroniques et loufoques que de dire, d'une part, aux parents et à
l'enfant que sa sécurité et son développement sont
compromis au sens de l'article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse
s'il n'est pas placé en centre d'accueil et d'affirmer, d'autre part,
que ces mêmes services seront suspendus temporairement pour une
période plus ou moins longue, car sa sécurité et son
développement, n'étant pas compromis, ces services ne sont pas
considérés comme essentiels.
Il faudra également qu'elle tienne compte du fait que les besoins
des bénéficiaires existent dans leur ensemble et ne peuvent
être dissociés. Ainsi, il appert en conscience que les soins
infirmiers et d'assistance sont indispensables dans un centre d'accueil
d'hébergement où l'on compte principalement des personnes dont
l'état de santé est fort détérioré. Il faut
comprendre que le maintien de ces soins sous-tend également le maintien
de services auxiliaires, tels les services alimentaires, par exemple.
Enfin, puisqu'il appartient à l'État gouvernement de
déterminer le niveau des services auxquels la population pourrait avoir
accès, nous sommes d'avis que la responsabilité ultime de
déterminer les services essentiels ne peut pas être laissée
aux parties bien que celles-ci doivent être impliquées dans le
processus de décision.
M. le Président, à ce point de la discussion, nous jugeons
pertinent d'ajouter un certain nombre de précisions sur le vécu
des services essentiels dans les centres d'accueil à l'occasion de la
dernière ronde de négociations. Cette mise au point nous
paraît d'autant plus nécessaire que notre expérience de la
réalité et l'analyse que nous en faisons débouchent sur
des conclusions substantiellement différentes de celles exprimées
jusqu'ici devant cette commission. Dans le rapport synthèse que publiait
en juin
1980 le Conseil sur le maintien des services de santé et des
services sociaux, on peut lire, et je cite: "Le conseil ne prétend pas
que les conflits de travail de 1979 dans les établissements du
réseau des affaires sociales n'ont pas causé
d'inconvénients ou que les inquiétudes des
bénéficiaires et du public n'étaient pas fondées.
Personne ne pouvait prévoir ce qui se passerait, et le conseil, à
la lumière des faits qu'il connaissait, n'avait aucune raison de
réincarner Cassandre, ce qui aurait pu contribuer à semer la
panique dans la population. Le bilan est positif, de l'avis du conseil,
principalement parce que, contrairement au passé et en observant la
réalité qu'il avait sous les yeux, les qrèves ont
été ordinairement sporadiques, parfois tournantes et toutes de
courte durée. "
En d'autres mots, il n'y a pas eu de problèmes avec les services
essentiels parce qu'il n'y a pas eu de grève, la loi 62 étant
venue suspendre le droit. Il ne s'agit assurément pas là d'un
constat positif sur la valeur intrinsèque de la mécanique des
services essentiels prévus à la loi 59. L'Association des centres
d'accueil ne peut oublier le résultat d'une enquête s'appuyant sur
des critères rigoureux qu'elle conduisait en novembre 1979 dans 88
centres d'accueil où se trouvait la presque totalité des 96
unités d'accréditation ayant déposé une liste
syndicale des services essentiels. De ce nombre, 27 établissements, dont
11 du secteur réadaptation et 16 du secteur hébergement,
prévoyaient se retrouver dans une situation critique si la grève
appréhendée se prolongeait au-delà de 48 heures. Parmi les
11 établissements du secteur de réadaptation, certains assumaient
la responsabilité de handicapés physiques ou de handicapés
mentaux très dépendants, d'autres offraient des services
d'hébergement sécuritaires à des enfants qui leur
étaient confiés par les directeurs de la protection de la
jeunesse.
Dans 16 centres d'accueil d'hébergement, la situation
était tout aussi dramatique, les bénéficiaires
étaient en majorité classifiés A-3, A-4,
c'est-à-dire très dépendants des services qu'on leur
offre; leur état de santé requérait des soins constants et
les gestionnaires ne pouvaient envisager une diminution dans le taux
d'occupation que dans des proportions très infimes. 34 autres
établissements envisageaient la situation comme pénible pour
leurs bénéficiaires. Donc, 70% des établissements ayant
fait l'objet du dépôt d'une liste des salariés requis pour
le maintien des services essentiels se trouvaient dans une situation
inacceptable.
À titre d'exemple concret, au centre d'accueil Cité des
Prairies, 75% des enfants délinquants-pensionnaires, en novembre 1979,
présentaient des risques majeurs et étaient dans un état
de "dangerosité" grave. Il faut en temps normal 175 personnes par jour
pour s'occuper de 137 bénéficiaires. Avec la grève, 30
cadres et 10 personnes non syndiquées devaient être prêts
à remplir cette tâche.
Au foyer Saint-Joseph de Sherbrooke, foyer d'hébergement de
personnes âgées -une petite minute - 250 personnes
âgées bénéficiaires, d'un âge moyen de 81 ans,
auraient dû être confiées à 8 cadres et 3 personnes
non syndiquées. Il faut signaler que 75% de ces pensionnaires sont dans
un état de très grande dépendance.
Au Centre d'accueil de réadaptation Lucie-Bruneau, où on
s'occupe de 140 handicapés physiques, c'est à peu près la
même situation, si je veux passer rapidement. Autrement dit, on vous
donne des exemples très concrets dans nos centres d'accueil où,
avec le dépôt d'une liste des services essentiels, c'était
impossible de passer à travers une grève qui aurait
été le moindrement longue; la situation était critique
à ce moment-là.
Nous rappelons que ces faits sont des faits concrets, tel qu'ont
souhaité en obtenir les membres de cette commission, qu'ils ont
été relevés dans les jours qui ont
précédé immédiatement l'adoption de la loi 62,
qu'à notre connaissance, ils ont été authentifiés
par le ministère des Affaires sociales et qu'ils ont, semble-t-il
confirmé la perception des membres de l'Assemblée nationale,
puisque ceux-ci décidaient de suspendre le droit de grève.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.
M. Doucet: Une petite conclusion?
Le Président (M. Rodrigue): Oui, allez- y.
M. Doucet: En guise de conclusion, M. le Président, les
recommandations que nous avons formulées constituent l'expression du
point de vue des centres d'accueil sur les correctifs à apporter au
régime de négociations auquel ils sont partenaires. Elles
représentent également leur contribution à
l'éclairage que le gouvernement doit recevoir des corps
intermédiaires impliqués dans l'évolution de la
société québécoise.
L'avenir en matière de relations de travail dans les secteurs
public et parapublic ne peut être que le reflet des gestes que nous
posons collectivement maintenant.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. Je voudrais en même temps
informer les intervenants qui vont nous présenter des mémoires
par la suite, autant que possible, de s'en tenir aux vingt minutes qui ont
été allouées, parce que nous pouvons
difficilement consacrer beaucoup plus qu'une heure à l'audition
de chaque mémoire et aux périodes de questions.
L'expérience vous a démontré hier que les membres de la
commission ont beaucoup de questions à poser. Dans la mesure du
possible, je demande à tous ceux qui doivent présenter des
mémoires de le faire dans le temps alloué de vingt minutes. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord
remercier l'Association des centres d'accueil du Québec de son
mémoire. Je me dois de dire que c'est un mémoire qui sera
très attentivement regardé. Vous desservez, vous nous l'avez
expliqué et rappelé justement, des groupes de citoyens, des
bénéficiaires, des personnes âgées, notamment, de
jeunes mésadaptés affectifs. Je pense bien que c'est là,
comme quand on parle du cas des hôpitaux, par exemple, l'illustration
dans le concret et dans le vécu où les droits des uns doivent
être sérieusement calibrés par les droits des autres. Il y
a des choses où il faut trouver les moyens comme société
de réconcilier le droit des gens, des humains, à avoir
accès à leurs services essentiels.
Il y a beaucoup de matière dans votre mémoire. Je voudrais
m'arrêter à un certain nombre de points. Vous posez un certain
nombre de questions sur quelques données de faits. Vous nous citiez tout
à l'heure le rapport du conseil des services essentiels qui conclut
plutôt à un bilan positif; bien sûr, quand on quantifie des
choses qui sont des choses et des données de faits qu'on peut
quantifier, il y a une partie des choses qui ne pourra jamais se quantifier,
c'est du domaine de l'anxiété, de l'inquiétude, des
appréhensions, de l'angoisse. Ce n'est jamais une partie facile ou
agréable pour des humains et on ne peut pas faire comme si cela
n'existait pas. On l'admet tous et toutes, c'est un élément
très important.
Vous nous avez expliqué, mais j'y reviendrai, que dans certains
cas, selon votre évaluation, des ententes intervenues sur les services
essentiels ou des listes vous apparaissaient insuffisantes pour répondre
aux besoins si jamais un conflit réel devait se déclencher, soit
une grève. Effectivement, et Dieu merci, ce n'est pas nécessaire
de toujours se souhaiter le pire. Dans bons nombres de cas et dans la grande
majorité des cas des centres d'accueil, à ma connaissance, il n'y
a pas eu comme tel de grève générale. Dieu merci, si on
peut réussir ensemble comme société et comme groupe
à se négocier des conditions de travail sans que cela
dégénère nécessairement et automatiquement en
grève, je pense que personne ne la souhaite, il faudrait être
complètement "flyé", décroché, ou être un cas
que je référerais à certains de mes collègues si
quelqu'un voulait souhaiter une chose pareille, je pense que cela doit
être clair quand cela ne se produit pas.
Néanmoins, cela dit, il ne faut pas repousser du revers de la
main les niveaux d'anxiété, d'appréhension qui peuvent
venir à la suite de la perception que des humains ont de certains
problèmes qui pourraient se produire, parce que quand arrive ce genre de
situation, il y a des appréhensions. Donc, on ne peut écarter
cela du revers de la main. (10 h 45)
D'après les chiffres qu'on me communique, il y aurait eu dans les
centres d'accueil 188 ententes entre les parties, patronale, syndicale,
ententes convenues entre les parties portant sur les services essentiels. Il y
aurait eu d'autre part, 172 listes, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu
d'entente entre les parties à ce moment-là conformément
à la loi, les syndicats déposaient une liste de services
essentiels et dans 43 cas, il n'y aurait pas eu de dépôt. On me
dit que ce niveau d'entente, dans 188 cas donc d'ententes, est nettement
supérieur au niveau des ententes intervenues dans d'autres
établissements du réseau - les hôpitaux, par exemple - et
que, par rapport aux situations antérieures, cela représentait
une perspective d'amélioration. Tout n'était pas parfait. Je
pense qu'il faut tous et toutes admettre cela.
La question que je voudrais vous poser, c'est celle-ci: À votre
connaissance, comme association, est-ce qu'en un certain sens que j'appellerais
"la menace" de se voir imposer une liste, c'est-à-dire qu'il n'y a pas
d'entente qui intervient et le syndicat a le droit de déposer une liste,
est-ce que cette procédure, ce que j'appellerais "la menace", en un
certain sens - ce n'est peut-être pas la meilleure formule, mais peu
importe, pour me faire comprendre - est-ce qu'à votre avis, puisqu'on
voit que le niveau d'entente intervenu est supérieur, cela a eu un effet
d'entraînement sur les directions des centres d'accueil, allant dans le
sens de pousser vers une négociation d'un plus grand nombre d'ententes?
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Ce serait ma première
question. J'en ai d'autres, mais je pense que je vais profiter de l'occasion
pour vous débouler ma liste et après laisser la chance à
d'autres d'intervenir.
Est-ce que, dans certains cas, en période de conflit, il aurait
été porté à votre connaissance
qu'indépendamment des listes déposées,
qu'indépendamment même des ententes intervenues, dans certains
cas, à la suite de certaines demandes, peu importe d'où elles
venaient, est-il exact, à votre connaissance, comme cela nous a
été dit, que certains syndicats, certaines journées, sur
demande, ont fait entrer 100% du personnel?
Ma troisième question est la suivante. On nous a dit qu'à
l'occasion - et c'était en particulier dans le témoignage de
la
Confédération des syndicats nationaux - il y avait une
clause, si ma mémoire est bonne, qui permettait au syndicat, sur
demande, de réévaluer, selon l'évolution des choses, des
besoins et des problèmes vécus, de réévaluer ce
qu'il fallait, ce dont on avait besoin comme ressources humaines, pour
répondre véritablement aux besoins qui se présentaient?
Est-ce qu'à votre connaissance, dans les faits, effectivement, vous avez
eu connaissance de certaines réévaluations qui ont
été faites, qui se sont produites?
J'aurais maintenant quelques autres questions dans un autre ordre
d'idées, mais toujours autour de cette notion et de cette
préoccupation fondamentale des services essentiels. Comme association,
l'Association des centres d'accueil, je pense qu'il serait intéressant
pour les membres de la commission que vous nous précisiez votre
rôle auprès des établissements membres de votre
association.
Est-ce que, par exemple, pas exclusivement, mais notamment - s'il y a
autre chose, il serait intéressant que vous puissiez nous le dire - vous
avez le pouvoir ou, à tout le moins, le pouvoir moral, dans la pratique
des choses - je sais bien qu'il y a ce qui est écrit dans les lois, il y
a le noir, l'écriture sur le papier, mais il y a la
réalité aussi. C'est important la réalité. Est-ce
que vous avez en quelque sorte le pouvoir d'intervenir lorsqu'un
établissement - et est-ce que cela s'est produit - semble
éprouver des difficultés réelles lors d'un conflit
appréhendé, mais plus particulièrement lors d'une
grève? Je vais vous dire très franchement pourquoi je vous pose
la question. À ma connaissance, dans un cas en particulier, je ne veux
pas citer le nom, cela paraît de façon très
détaillée, dans les rapports d'expertise qu'on a en main, dans un
centre d'accueil, en particulier, il y avait eu une liste, si ma mémoire
est bonne, car il n'y avait pas eu d'entente intervenue sur les services
essentiels. Une liste avait été déposée. La liste
n'a pas été respectée dans la pratique,
c'est-à-dire que les éducateurs -c'est ça la raison qui
explique que la liste, selon le rapport d'expertise qu'on a dans le cas d'un
centre d'accueil n'a pas été respectée - qui
étaient syndiqués, qui se rapportaient pour assurer les services
ont été renvoyés par l'employeur, de sorte que la
scolarisation ou tout le travail d'adaptation en particulier a
été interrompu.
Il y a eu plus que ça. La direction du centre d'accueil, qui
avait déplacé, transféré un bon nombre d'enfants,
140 effectivement, graduellement, en d'autres lieux et en divers lieux,
refusait de dire aux parents l'endroit où étaient rendus leurs
enfants, ce qui, évidemment, contribuait à créer une
anxiété - là je pense qu'on ne se fera pas de dessin; elle
est tellement évidente - auprès des parents. On le sait parce que
forcément on a été contacté au gouvernement par les
parents aussi. Le conseil sur les services essentiels a envoyé un
expert. On parlait hier des comportements et des attitudes; il faut trouver le
moyen de contribuer a aider à les changer parce que cela n'a pas de
sens. Je prends cet exemple. Dieu merci, c'est un cas d'exception. Encore une
fois, un cas d'exception c'est un cas de trop.
Le conseil a envoyé son expert. Lorsque l'expert s'est
présenté on a refusé de lui dire où se trouvaient
les enfants. On acceptait qu'il aille vérifier si les services
essentiels étaient maintenus aux endroits où se trouvaient les
enfants à la condition qu'il soit escorté par un cadre - et
là je cite le rapport d'expertise - et qu'il ait les yeux
bandés.
C'est un cas d'exception, Dieu merci, parce que cela n'a aucun sens.
Finalement, par des pressions qui sont venues, et là vraiment tout le
monde a donné un coup de main tellement ce n'était pas
acceptable, tout le monde a donné un coup de main et je tiens à
le dire... Si ma mémoire est bonne, vous y avez été pour
quelque chose et vous avez donné un coup de main sérieux dans ce
cas-là. C'est pour cela que je vous poserais très franchement la
question: Jusqu'où est-il possible d'aller, jusqu'où est-il
possible de concerter nos efforts et qu'est-ce qui doit être
retravaillé dans les textes pour faire en sorte que des choses comme
celle-là ne se reproduisent pas? Finalement, bien sûr, l'expert a
pu avoir accès aux camps de vacances où se trouvaient les enfants
et on a été à même de constater, selon les rapports
d'expertise, que les services essentiels avaient été maintenus
au-delà de ce qu'on pouvait espérer.
C'est pour ça que je vous pose la série de questions sur
votre rôle auprès des établissements, sur les pouvoirs que
vous avez, pour savoir si, le cas échéant, d'après vous,
il y a des ajustements qui s'imposent. Je m'excuse, M. le Président, de
prendre autant de temps, mais je pense qu'on a là vraiment un cas de
bénéficiaires, de citoyens, d'hommes et de femmes qui ont
droit... Il ne faut pas que ce soient juste des choses écrites sur le
papier, il faut que des abus cessent de tout bord, de tout côté,
de la même façon que c'est inacceptable, complètement
irresponsable qu'une ambulance... On nous a dit: C'est toujours la même
ambulance, cherchons l'ambulance, hier. Si c'est ça, oui, il faudra
trouver ce cas. D'après les rapports, il semble qu'il y ait eu d'autres
cas d'abus qui se sont produits d'autres côtés, et c'est aussi
inacceptable. Je pense que tout le monde en convient de bonne foi et il faut
trouver les moyens pour que cela ne se reproduise plus.
Je voudrais vous poser une dernière question. En ce qui concerne
le conseil sur le maintien des services essentiels, vous nous
proposez que la composition et le mandat soient modifiés. On
regardera vos propositions quant au mandat. Vous nous proposez que la
composition soit modifiée. Vous trouvez que la présence là
des parties impliquées pose un problème et vous nous proposez que
ce soient plutôt des experts. J'aimerais que vous nous précisiez
peut-être de façon plus concrète ce à quoi vous
pensez, à quel type de personnes vous pensez, qui pourrait les choisir.
Maintiendrait-on la procédure actuelle de choix? Je pense que c'est un
élément extrêmement important de votre mémoire et il
serait intéressant qu'on puisse le fouiller un peu plus avec vous. Je
m'excuse de la longueur de mes questions et de mes remarques, M. le
Président, mais j'attache personnellement une grande importance à
ce document.
Le Président (M. Rodrigue): M. Doucet.
M. Doucet: Votre première question, M. le ministre,
concerne le nombre d'ententes et l'effet d'entraînement que pouvaient
avoir aussi le dépôt de listes et la réglementation
actuelle. Il est évident que nous avons constaté qu'il y avait un
certain nombre d'ententes qui avaient été signées et
acceptées par les deux parties, mais que certaines directions de centres
d'accueil étaient vraiment prises à la gorge aussi. On vous a
défini la clientèle tout à l'heure et entre pas d'entente
ou une entente qui permette de maintenir un peu certains services à
l'interne, je pense que cela a forcé un peu. Mais il faudrait surtout
regarder non seulement le nombre d'ententes - vous avez donné des
chiffres tout à l'heure - mais aussi la qualité de ces ententes,
ce qu'il y avait à l'intérieur. On a quand même
relevé dans la présentation de ce matin une enquête faite
auprès de 88 établissements. Il y en avait 27 là-dedans
qui étaient dans une situation critique. Il faut dire aussi, en fin de
compte, que la grève n'a pas été longue, que cela a
été réglé par une loi; on avait seulement
commencé à sortir un peu. À ce moment-là, on
appréhendait vraiment une situation assez tragique.
Je demanderais à Me Huguette April-Morin de répondre
à votre deuxième question, à savoir si certains syndicats
ont accepté de faire entrer 100% du personnel.
M. Cloutier (Pierre): Je ne m'appelle pas Mme Morin, bien
sûr, mais on était en train de se consulter là-dessus. On
n'a pas de noms qu'on pourrait vous citer et on n'a pas de listes, non plus.
Toutefois, il est possible que cela ait pu arriver que 100% des gens soient
rentrés dans un cas précis. Il serait possible de trouver la
situation inverse où tout le monde est sorti. Or, j'ai l'impression que,
finalement, cela devient un exercice qui risque d'être
mathématique pour les fins de la discussion de ce matin, mais, un dans
l'autre, j'ai l'impression que les choses s'équilibreraient d'un 100%
qui est entré à un 100% qui est sorti. Il est probable que cela
ait pu arriver dans le passé. Je pense qu'intellectuellement on n'est
pas prêt à en refuser la possiblité.
Quant à la réévaluation de la liste dans le
troisième cas, effectivement, je pense qu'on peut dire qu'il y a eu des
listes réévaluées et qu'on a demandé à des
gens de réévaluer la situation. C'est certain. Encore là,
inversement, des listes qui avaient été convenues n'ont pas
été respectées. Probablement que, pour une liste
réévaluée, encore là, on a peut-être une,
deux ou trois listes non respectées. Vous citiez un cas tantôt.
Finalement, j'ai l'impression que, lorsqu'on discute de cette série
d'exceptions - jusqu'à un certain point, je pense qu'on pourrait les
considérer comme des exceptions - on risque un peu de déplacer le
noeud ou le cadre du débat qu'on veut centrer sur la mécanique
générale qu'on voudrait mettre en place.
(11 heures)
M. Doucet: Quant à la quatrième question sur le
rôle de notre association auprès des établissements, de
façon générale, on est là pour répondre aux
besoins des établissements. On les conseille. On essaie de
prévenir les situations-problèmes. On leur donne des moyens de
comprendre les lois, de mieux les respecter et de faire face à des
situations difficiles. Lorsqu'on s'aperçoit qu'à notre avis ou
à l'évaluation d'un ensemble de membres un établissement -
et c'est vraiment un cas particulier que M. le ministre a soulevé
à ce moment-là, c'est un cas de grève illégale si
on s'y réfère bien -vous n'avez pas nommé
l'établissement mais, d'après les coordonnées que vous
avez données, on était dans une situation de grève
illégale. Effectivement, dans des cas semblables, et dans le cas
précis que vous semblez identifier, on a donné un support
technique à la direction de l'établissement pour essayer de
rectifier son attitude. II ne faut pas oublier que la direction des
établissements, lorsqu'elle est aux prises avec une clientèle
aussi difficile que celle qu'on a mentionnée et qu'elle se retrouve
devant une grève illégale, les gens deviennent nerveux un peu.
Ils essaient de maintenir une certaine qualité de services à ces
gens.
Ici, c'est le cas de handicapés assez graves. Souvent, il n'est
pas possible de les retourner chez eux, il faut absolument trouver un moyen de
les garder. Peut-être que dans la mécanique, dans l'application,
il peut y avoir eu des abus qui ont rendu les parents ou les enfants
insécures. Mais il faut se rappeler qu'on était dans une
situation très particulière. À votre question: Est-ce que
l'association, à ce moment-là, essaie de
rectifier le tir de certains établissements? Bien sûr,
autant qu'on essaie, aussi, de prévenir des situations aussi
problématiques que celle-là. Mais c'est un cas très
particulier.
Il y a eu un support, on me dit qu'on y est allé à
plusieurs reprises. On me dit même que l'expert-conseil y est
peut-être allé les yeux bandés, on n'a pas
vérifié cela, mais il est allé à plusieurs reprises
pour vérification. Il y avait effectivement une qualité de
services rendus. Peut-être que l'établissement ne pouvait pas le
dire parce qu'on avait peur de faire déplacer, encore une fois, ces
services. On n'avancera pas plus loin dans cet exemple, mais notre rôle,
c'est d'aider les établissements et on essaie de rectifier le tir.
À votre question concernant le conseil sur le maintien des
services, je demanderai au directeur général de
répondre.
M. Cloutier: La composition et le mandat, les experts en
question, je pense que dans le passé, autant sous la loi 253, autant
sous la loi 59, ç'a été une des difficultés. On est
porté à penser tout notre système en fonction d'experts en
relations de travail. Je pense que, quand on a à évaluer la
nécessité de services de santé ou de services sociaux, on
devrait s'adresser à des gens qui connaissent ce genre de services.
Hier, on parlait du gaz ou de l'électricité, je vous avoue
qu'à l'Association des centres d'accueil on n'est pas des experts en
électricité ni en gaz. Ne venez pas nous voir pour ce genre
d'expertises. Mais pour d'autres genres d'expertises, comme les services
sociaux et les services de santé, il y a moyen d'aller en chercher dans
nos différents milieux - pas à l'association, on est
biaisé, il n'y a pas de liste, d'ailleurs, qu'on dépose comme
services essentiels - je pense qu'il y a des gens qui peuvent poser des
diagnostics intelligents sur des situations.
Par exemple, dans le cas de maladies cardiaques, un cardiologue peut
poser beaucoup mieux que n'importe qui d'autre un diaqnostic sur le besoin
urgent de servir quelqu'un ou pas. Dans le cas de services de soins infirmiers,
par exemple, la nécessité de changer certains pansements, ou des
pratiques semblables, je vous avoue que des infirmières ou des gens de
cet ordre de spécialité seraient les plus habilités
à juger de telles situations. Dans le cas de traumatisme psychologique,
je pense que des psychologues ou des gens en psychiatrie pourraient poser aussi
des diagnostics fort plus intelligents que des spécialistes en relations
de travail.
On vous cite aussi, dans notre mémoire - et je crois que ce n'est
pas à dédaigner comme approche - la participation et la
collaboration dans cet exercice des CRSSS. Ils sont les gens chargés de
recevoir les plaintes, c'est donc dire qu'ils sont capables d'évaluer si
l'intégrité des personnes a été mise en cause par
la distribution des services en temps régulier. On pourrait aussi les
faire contribuer; ce sont eux, aussi, qui sont chargés de la
planification régionale des services. On pourrait les mettre à
contribution dans un exercice de détermination des services minimaux
à maintenir. En d'autres termes, aller chercher des gens qui connaissent
les matières en question. Les CRSS sont quand même, à notre
connaissance, une instance qui est la "main" gouvernementale, au niveau
régional, pour garantir la qualité de services jusqu'à un
certain point.
Rappelons-nous que, dans notre philosophie, les services essentiels, les
services à maintenir, c'est l'État qui doit en déterminer
le niveau et personne d'autre. C'est la responsabilité de l'État
et, ça, c'est fondamental.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Paraît-il qu'hier on ne m'entendait pas;
peut-être qu'aujourd'hui on va m'entendre. Est-ce que ça
fonctionne? Est-ce que ça va? Merci.
Je voudrais d'abord, remercier d'une façon toute
particulière l'Association des centres d'accueil de son mémoire.
Cela me paraît un mémoire passablement fouillé, complet et
cela me paraît un mémoire responsable. Je voudrais vous dire que,
pour autant que ma formation politique est touchée, nous souscrivons
pleinement à votre principe fondamental de la primauté des droits
de la population à des services de santé et des services sociaux
adéquats. Hors de tout doute dans notre esprit, ceci demeure
fondamental.
J'aimerais peut-être que le gouvernement - je n'ai pas pu
l'entendre dans ce sens depuis le début de la commission - exprime aussi
son choix quand il arrive un conflit de droits entre les droits du public
à des services de santé et les droits des travailleurs à
exercer un droit de grève qui est aussi légitime mais qui, dans
des situations de crise, à notre point de vue, doit être
subordonné à celui du droit de la population à des
services de santé adéquats.
Vous faites beaucoup de suggestions, plusieurs devraient être
retenues comme le fait que revient au gouvernement ou à l'État la
responsabilité au moins de fixer les grands paramètres ou les
grandes balises quant aux services essentiels, ce qui n'a pas été
fait dans le passé tant par la loi 253 que par la loi 59 ou ce qui
découlait de la loi 59. On peut blâmer peut-être les deux
gouvernements à cet égard de ne pas avoir réussi, mais je
pense qu'au moins, le fait de l'avoir vécu nous indique
immédiatement que
cela doit être une préoccupation constante et au premier
plan parce que la prochaine ronde des négociations, comme on le disait
hier, est relativement rapprochée.
Je voudrais revenir sur la question de la liste syndicale. Le ministre,
depuis le début - si je l'interprète mal, je sais qu'il prend
bien soin de corriger les mauvaises interprétations que je peux faire de
ses propos - dit: Écoutez, il y a eu tant de listes syndicales de
déposées, il y en a eu peut-être 288 - je peux me tromper
dans les chiffres - dans les centres d'accueil, et ceci est beaucoup mieux que
ce qui avait été fait dans le passé, alors qu'on avait
procédé avec la loi 253.
Je ne prétends pas qu'on doive revenir à la loi 253, mais
il y a une chose que vous affirmez dans votre mémoire et qui, à
mon point de vue, est assez grave. En page 73, vous avez donné les
résultats d'une enquête que vous aviez faite, à laquelle
vous avez faite allusion tout à l'heure, peut-être en
développant un peu plus le sujet, à ce que j'ai cru comprendre.
On doit considérer en effet que les ententes dans bien des cas furent
davantage des actes d'adhésion de la part des employeurs afin
d'éviter l'odieux chantage fait par certains syndicats, à savoir
qu'en l'absence de consentement de la partie patronale au pourcentage offert
par le syndicat, celui-ci déposerait la liste des salariés devant
assurer des services essentiels avec un pourcentage en deçà du
pourcentage refusé. Vous ne retirez rien de ce qu'il y a là?
M. Doucet: Non. Cela a été dit hier, je pense, par
d'autres groupes. Cela a été vécu dans plusieurs
établissements.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, nous entendrons la FTQ
qui, je pense, fera peut-être valoir un point de vue différent, je
l'ignore...
M. Laberge (Louis): C'est possible.
Mme Lavoie-Roux: C'est possible. C'est peut-être là
la difficulté pour le législateur de trancher entre deux points
de vue qui s'opposent et qui peuvent être légitimes à
certains égards pour l'un et pour l'autre. Pour vous autres, le
dépôt d'une liste syndicale dans les cas où il ne peut pas
y avoir entente, ou le dépôt d'une liste syndicale après
une discussion faite dans certains cas avec une certaine forme de chantage ne
vous paraît-il pas une formule adéquate pour satisfaire aux
besoins essentiels des clientèles que vous servez dans les centres
d'accueil?
M. Doucet: Effectivement, non. Nous aussi, on est juge et partie
là-dedans. Les syndiqués sont partiellement juge et partie, et
nous le sommes. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut que ce soit une autre
instance, une instance gouvernementale qui prenne ses responsabilités
là-dedans. À ce titre, face à la dernière ronde de
négociation, la loi 62 a répondu à la question. Cela ne
devait pas aller sur des roulettes, puisque, à un moment donné,
il a fallu intervenir par une loi.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, à la liste que vous avez
citée tout à l'heure, on pourrait en ajouter d'autres, par
exemple, un hôpital pour soins prolongés et centre d'accueil, qui
combineraient les deux vocations. Le syndicat a déposé une liste.
Il s'agissait d'un centre d'accueil où la moyenne de la population avait
84 ou 85 ans, les autres, étaient aux soins prolongés et la liste
syndicale était zéro. Enfin, il y a aussi le cas de
l'hôpital Rivière-des-Prairies et, n'eût été
de la loi spéciale qui fut adoptée, l'hôpital
Rivière-des-Prairies, où il y a je ne sais pas combien de jeunes
qui sont là aurait été dans un état... D'ailleurs,
j'avais les télégrammes que je ne retrouve pas, mais qui nous ont
été envoyés, devant la gravité de la situation qui
existait à ce moment-là.
M. Doucet: Mme Morin aurait peut-être des faits
concrets.
Mme April-Morin (Huguette): Si vous me permettez, j'aimerais
peut-être compléter. Au niveau de la liste syndicale qui pourrait
être déposée, il y a une question de base qu'il faut se
poser. Quand on parle de négociation et de conditions de travail, il est
normal que les salariés impliqués aient quelque chose à
dire, puisque ce sont leurs conditions de travail qui vont décider de
quelle manière ils vont travailler. Mais la détermination des
services essentiels, ce ne sont pas des conditions de travail, c'est de savoir
si M. Untel ou Mme Unetelle a le droit de recevoir certains services. Ce ne
sont pas des conditions de travail et, à ce titre, nous disons: Cela ne
peut pas être négocié. Cela ne concerne pas les
salariés directement, bien qu'au bout du compte cela réduise un
peu leurs possibilités de faire la grève. Mais ce ne sont pas des
conditions de travail, ce sont des droits de gens dont on discute. Alors, nous
disons: Bien sûr qu'ils ont quelque chose à dire, mais on pense
qu'ils sont parti pris autant que les employeurs et, dans ce sens,
l'élaboration de paramètres permettrait aux gens d'avoir des
références, comme le taux d'occupation et la possibilité
d'échanger d'un établissement à un autre. Cela donne une
protection à la population. On crée des lois comme la Loi de la
protection du consommateur où on dit: II faut mettre quelque part des
dispositions qui vont bien protéger le consommateur au cas où il
y ait des gens qui exagèrent.
Or, à ce moment-ci, nous disons: On va
donner des paramètres pour donner une protection, parce que les
bénéficiaires ont quelque chose à dire. C'est sûr
que si on leur demande quels sont les services, ils vont nous dire: Tout est
nécessaire. On dit, dans le fond: II ne s'agit pas de négocier
les services essentiels, il s'agit d'essayer de se trouver des balises qui vont
nous aider à déterminer aussi le mieux possible... mais ce n'est
pas une négociation, ce ne sont pas des conditions de travail.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de la précision. Il
reste que vous n'écartez pas, une fois que ces grands paramètres
ou ces balises sont étblis le mieux possible, que se fasse à
l'intérieur de l'institution, - si on peut parler ainsi - une entente
finale ou un arrangement final quant à l'application ou aux
modalités de l'application de ces paramètres.
Mme April-Morin: II s'agirait pour les parties de
déterminer s'ils entrent dans le cadre. Si on dit qu'il faut
considérer le taux d'occupation et la possibilité de le
réduire, compte tenu de la captivité des gens, les gens vont
s'asseoir et ils vont dire: On les connaît nos
bénéficiaires un peu, en tout cas, on a une idée. On va
voir quel est notre taux d'occupation. Les instances qu'on préconise, au
niveau de la commission ou de la régie, peu importe, dans le fond, c'est
de la sémantique au niveau du nom, pourraient aider les gens au niveau
local à déterminer ces services, parce que, quand on parle de
caractère de permanence, il reste que les experts en dehors des
négociations et en dehors de la période - il faut
déterminer les services essentiels - auraient quand même une vue
sur ce qui se passe en temps normal, sur les carences ou sur ce qu'il serait
possible dans des circonstances particulières de réduire,
puisqu'ils ont une vue globale de façon générale en
situation régulière. (11 h 15)
Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question touche le droit de
grève. À la page 80 - je n'avais pas lu hier votre
mémoire, mais j'ai cité à peu près cet exemple en
parlant d'un centre d'accueil pour les jeunes - vous dites: De façon
plus spécifigue, ces balises devraient prendre en considération
-c'est-à-dire les balises pour établir les services essentiels
notamment l'état de dépendance physique ou mentale des
bénéficiaires - la vocation de l'établissement, le type de
service qu'ils dispensent, le taux d'occupation et la possibilité de le
réduire, et avant ceci vous avez donné des exemples de centres
d'accueil pour personnes âgées, d'enfants extrêmement
handicapés. On pense particulièrement aux déficients
mentaux profonds. Est-ce que vous entrevoyez qu'on arrive, possiblement, dans
le cas de certains centres d'accueil, à ce que 100% des services soient
requis et qu'à ce moment-là, dans les faits, ou dans le concret,
le droit de grève pour cet établissement particulier n'existerait
pas, mais les salariés profiteraient par extension des conditions de
travail qui seraient négociées dans d'autres centres analogues
des autres travailleurs des affaires sociales?
M. Cloutier: Effectivement, il est possible qu'on en arrive
à conclure que, dans un établissement, ce serait 100% des gens
qui sont requis pour donner des services à des handicapés mentaux
très profonds, qrabataires, qu'il faut alimenter au complet, etc., avec
tous les besoins que cela comporte. Mais c'est à l'État à
déterminer les paramètres qui vont encadrer cette
décision-là. Il est bien sûr que cela peut être de 0
à 100, mais quel est le mandat social que les Québécois
ont confié à l'État? Il y a un jugement préalable
que vous devez porter et qu'on va appliquer. Je pense que c'est d'abord cela la
question qu'on vous livre, qu'on vous transmet à débattre et, par
la suite, on pourra en arriver à 100%, selon les paramètres que
vous déterminerez.
M. Doucet: Mais, en aucun cas, le droit de grève n'est
enlevé aux travailleurs, sauf que, dans certaines circonstances
très précises, les travailleurs vont voir qu'il n'y a pas de gain
à l'utiliser et il y a un paguet d'autres mécanismes qui sont
suggérés ici et qui permettent la résolution des
conflits.
Mme Lavoie-Roux: À la page 104, dans les recommandations,
au cinquième paragraphe, vous suggérez: le processus ultime de
règlement prévoit le choix par les syndicats entre la technique
d'arbitrage obligatoire selon l'offre finale et l'exercice d'un droit de
grève dans le respect des services essentiels. À ce
moment-là, est-ce que ce n'est pas une certaine ambilavence que vous
avez vis-à-vis du droit de grève? J'interprète que,
plutôt que d'exercer le droit de grève, les employés
pourraient choisir la technique d'arbitrage obligatoire. J'aimerais que vous
clarifiiez ce point-là.
M. Neveu (Yves): On est d'accord pour conclure que l'analyse des
services essentiels dans l'ensemble des services de santé et des
services sociaux pourrait aboutir à des résultats
différents selon l'établissement ou selon le type
d'établissement dans lequel on se trouve. Il se pourrait que, dans
certains centres d'accueil, les services essentiels soient établis
à 80% alors que, dans d'autres établissements ou dans d'autres
types d'établissements, les services essentiels pourraient être
établis à des niveaux différents et possiblement plus bas.
Ce que l'on dit, c'est que les syndicats auraient à
évaluer l'ensemble de la situation, prenant en
considération qu'à certains endroits, le droit de grève
est limité par les services essentiels et qu'à d'autres, il est
moins limité. En conséquence, ils pourraient choisir entre deux
choses, à savoir en pondérant, selon leur perception du rapport
de forces: Est-ce que les services essentiels nous empêchent d'exercer un
droit de grève valable ou est-ce qu'il y a suffisamment
d'employés qui ont encore le droit de grève pour pouvoir exercer
ce droit de grève? C'est à la lumière de cette analyse
qu'on suggère que le syndicat pourrait exercer son choix entre la
technique de l'offre finale ou un droit de grève limité par une
nouvelle notion de services essentiels.
Mme Lavoie-Roux: Et ceci serait au niveau de
l'établissement?
M. Neveu: II pourrait se définir plusieurs formules. Comme
la loi 55 le permet actuellement, la CSN pourrait accepter certaines clauses
dans la convention collective et la FTQ accepter d'autres clauses et ainsi de
suite. On peut avoir dans une convention collective des hôpitaux, des
modalités différentes de celles dans une convention collective
des centres d'accueil. Globalement, on croit que ce choix devrait s'exercer sur
une échelle assez large, c'est-à-dire qu'on ne croit pas que cela
doive se faire au niveau de l'établissement, mais plutôt au niveau
d'une centrale syndicale ou soit par catégorie
d'établissements.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que je sais
qu'il y en a d'autres qui veulent en poser. J'en aurais pour toute la
journée.
Vous dites, dans vos recommandations, "que soit maintenu le
Comité patronal de négociation des affaires sociales, tel que le
prévoit la loi 55". Mais, dans les faits, le comité patronal de
négociation, l'État employeur regroupait évidemment les
fédérations. Je comprends que vous vouliez continuer de
participer à ce comité patronal puisqu'il vous permet au moins
d'influencer ou d'orienter la qualité des soins ou ce que vous croyez
être les services requis à l'intérieur des
établissements.
Mais est-ce que dans les faits, lors de la dernière
négociation, vous avez eu l'impression - cela peut également
toucher la négociation précédente, mais je ne voudrais pas
qu'on tombe dans un débat partisan -que vous pouvez jouer pleinement le
rôle qui normalement devrait être le vôtre, à
l'intérieur d'un comité patronal, pour assurer une
amélioration de la qualité des services ou de la vie à
l'intérieur des établissements?
M. Neveu: La réponse est plutôt négative, si
on s'appuie sur les structures actuelles. Mais je vous rappelle que cette
recommandation est précédée d'une autre recommandation qui
propose que les matières salariales, globalement, telles que
définies dans le mémoire, soient arrêtées ou soient
définies par voie législative. Conséquemment, on se dit:
Si la partie qui affecte le budget de l'État, donc ses priorités
sociales et économiques, est déterminée par voie
législative, si cela est fait à ce niveau, il n'y a plus de
raison pour la table centrale. Selon notre perception, la raison d'être
de la table centrale, c'est de permettre au gouvernement d'avoir le
contrôle complet sur les impacts que cela peut avoir sur ses politiques
sociales et économiques.
On dit que dans l'hypothèse où cela serait
arrêté par voie législative, le reste pourrait être
négocié par le CPNAS, tel qu'il est constitué dans la loi
55. Je vous rappelle qu'il prévoit la présence des partenaires
patronaux, associations patronales d'établissements, ainsi que la
présence du ministère des Affaires sociales, que nous continuons
à accepter au CPNAS, cela va de soi, puisque, au niveau de
différentes autres modalités dans les conventions collectives, le
ministère est fortement intéressé par ce qui peut
être négocié aux tables de négociation.
Mme Lavoie-Roux: Un dernier point. Quand vous parlez, dans votre
mémoire, des responsabilités qui vous échoient d'assurer
la qualité de vie à l'intérieur des établissements,
ce n'est peut-être pas textuellement dit comme cela, mais d'assumer votre
rôle d'administrateurs à l'intérieur des
établissements, je me souviens qu'il y a à peu près deux
ans, vous aviez fait des représentations, à savoir que vos
budqets soient augmentés, compte tenu des responsabilités
supplémentaires qu'on vous demandait à l'endroit des A-3 et des
A-4 -c'est un peu un jarqon incompréhensible, mais enfin, les personnes
les moins autonomes, si l'on veut - et à ce moment-là il y avait
eu une espèce de négociation officieuse avec le gouvernement. Je
voudrais vous demander en terminant, aujourd'hui, devant l'impact des coupures
budgétaires, si ces coupures budgétaires vous rendent la vie
encore plus difficile à l'intérieur des établissements. Je
pense que cela intéresse le personnel, également, et non
seulement les administrateurs, compte tenu de cette responsabilité
supplémentaire et du besoin que vous avez de pouvoir assurer la
qualité de vie ou la qualité des services à
l'intérieur de vos établissements.
M. Doucet: Actuellement, la situation est encore très
difficile, particulièrement dans les centres d'accueil et
d'hébergement, où on manque de personnel et où les listes
d'attente sont très longues. Aussi, il est encore plus vrai que la
clientèle en perte
d'autonomie est grande, parce que plus il y a une liste d'attente, plus
ceux qu'on nous réfère finalement sont des gens qui n'ont
à peu près pas d'autonomie physique ou psychique et qui doivent
être lavés, nourris régulièrement, en plus des
autres besoins qu'il faut assumer. Donc, il y a encore un manque très
évident de personnel.
Par contre, à ce niveau, on attend. J'écoutais encore le
ministre hier, dans une émission de télévision et
semble-t-il qu'on va payer le coût exact des conventions collectives
parce que, actuellement, il y a un manque à gagner très
considérable dans nos centres d'accueil à ce niveau. Même
le ministère des Affaires sociales dit effectivement qu'on va nous
rembourser cela, que cela va être mis dans nos budgets en cours
d'année. À ce moment-là, la compression budgétaire
serait toujours un peu plus possible dans quelques établissements.
Mme Lavoie-Roux: Dernière question. Quelle est votre liste
d'attente dans les centres d'accueil?
M. Doucet: Elle est différente dans chacun des centres
d'accueil. Je ne pourrais pas vous le dire actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Globalement, vous ne le savez pas non plus?
M. Doucet: Les CSS ont cet outil. Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Doucet: Quelque 2400 à Montréal, mais c'est
entre guillemets et sous réserve.
M. Cloutier: Région 04, 600.
Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).
M. Gauthier: M. le Président, je vais tâcher
d'être bref, même si j'ai plusieurs questions et j'aimerais avoir
des réponses précises et courtes, s'il vous plaît. Mon
premier commentaire, concerne ce qui vient d'être dit au sujet de la
situation dans les centres d'accueil au moment où il y a grève
des employés. C'est bien sûr, et on le conçoit très
bien, que la situation n'est probablement pas rose en temps de conflit et tout
le monde l'admet; c'est parfaitement voulu évidemment, c'est un moyen de
pression, c'est un rapport de forces qui s'établit. Maintenant, je
voudrais savoir de l'Association des centres d'accueil, puisqu'il y a eu au
cours des dernières années plusieurs mécanismes qui ont
été mis en place par le gouvernement pour améliorer cette
situation des services essentiels, et on en a fait état hier, si c'est
sa perception également, qu'il y a eu effectivement amélioration,
à travers l'histoire des conflits qu'on a vécus dans les
dernières années au niveau des ententes avec la partie syndicale
à ce propos.
La deuxième question porte sur la recommandation no 2 que fait
votre organisme et qui soustrait à la négociation toute la
question des masses salariales, toute la question de la
rémunération et tout ce qui y touche d'une quelconque
façon. Or, on a vu hier - et on a, j'oserais dire, presque établi
un consensus là-dessus - que c'est très difficile de limiter le
droit de grève qui appartient de droit à des travailleurs,
surtout que, même si on écoutait cette recommandation, dans bien
des endroits où le droit de grève n'était pas
autorisé, il y a eu tout de même un désordre social, il y a
eu quand même des employés qui sont sortis et il y a eu tout
autant de problèmes, sinon plus, parce qu'il n'y avait pas, à ce
moment, de négociation de services essentiels qui était
faite.
Ma troisième question touchera la recommandation no 10. On y dit:
"Que le gouvernement assume lui-même la responsabilité de
déterminer les services essentiels" et, dans la recommandation 11, "que
le gouvernement prenne les dispositions nécessaires... Sur 11, on y
reviendra, mais à 10, c'est que le gouvernement détermine les
services essentiels d'une certaine façon. Or, hier également,
à la suite au mémoire de la CSN où on en a discuté
très longuement, tout le monde a reconnu le caractère dynamique
des services essentiels, soit qu'il était extrêmement difficile de
prévoir dans des établissements hospitaliers ou autres les
besoins de la population et que ça devait être
négocié quotidiennement avec le syndicat et les employeurs. Je
voudrais savoir quelle est votre perception de ce critère. En tout cas,
cette recommandation m'inquiète, tout particulièrement.
Enfin, il y a une recommandation également, la recommandation 12
où on recommande de rendre publiques les négociations avec les
employés de l'État. On a également fait état hier
que la crainte dans la population d'un conflit ou la crainte qu'il n'y ait pas
d'entente avec les syndiqués était un des éléments
très perturbateurs sur le plan social. Je voudrais savoir si vous ne
pensez pas que le fait de rendre publiques des demandes, de rendre publiques
des offres au stade préliminaire des négociations serait de
nature à effrayer indûment la population. Enfin, vous disposez
allègrement de la table centrale dans une de vos recommandations. Je
voudrais savoir ce qu'il adviendrait de la négociation de choses comme
les congés de maternité, pour ne prendre que cet exemple. Si tout
est négocié localement, à quoi pensez-vous que le
gouvernement et la partie patronale devront faire face dans les
différents centres d'accueil, dans les différents centres
hospitaliers du Québec,
surtout qu'hier les directeurs généraux des commissions
scolaires, qui représentent quand même une association patronale,
nous recommandaient le contraire, soit d'éliminer les
négociations locales et de tout centraliser à une table centrale?
J'aimerais avoir des réponses, s'il vous plaît, à ces
questions.
M. Doucet: À savoir si la situation s'est
améliorée dans les dernières négociations, Me
Huguette April-Morin a fait l'évaluation pas mal de cette situation. (11
h 30)
Mme April-Morin: La question portait plus
précisément, je pense, sur l'évolution des services
essentiels. Si je remonte à 253, on nous dit à ce moment-ci, et
à plusieurs reprises on l'a mentionné, qu'il y avait plus
d'ententes, maintenant, qu'il y avait eu de décisions des commissaires
puisque, à ce moment-là, c'était cela. Il faut se replacer
sous la loi 253-1. C'était la première loi qui obligeait les
salariés à déterminer les services essentiels dans le
secteur des affaires sociales au Québec. Donc, ils étaient
réfractaires. C'était la première fois. Le temps que les
gens s'habituent un peu. Deuxièmement, cette loi a été
sanctionnée le 19 décembre 1975. Les conventions collectives ont
été signées le 23 août 1976. On était en
pleine période de conflit. On attendait cela pour faire la grève.
Les commissaires-enquêteurs intervenaient d'office avant même que
les parties aient pu se rencontrer. Ils avaient besoin de cela. On était
en pleine période de négociations et le conflit était
là. Donc, dans le fond, je pense que, si on compare le nombre d'ententes
versus le nombre de listes ou de décisions imposées, il faut
aussi regarder toutes les circonstances qui ont fait que ces ententes sont
peut-être plus nombreuses maintenant, mais là aussi les gens se
sont habitués à cette idée. Ils ont fait des
recommandations de part et d'autre à la commission Martin-Bouchard,
laquelle a également, à nouveau, articulé cette notion.
Cela a quand même fait un bout de chemin. Je pense que les parties
syndicales acceptent...
M. Gauthier: Si vous permettez, ma question est plutôt en
termes qualitatifs. Cela fonctionnait-il mieux pour déterminer les
listes des services essentiels? Je voudrais reprendre un exemple qui a
été donné en disant qu'il n'y avait rien de mieux qu'un
cardiologue pour déterminer si un patient atteint d'une maladie
cardiaque avait besoin de soins. Je me pose la question suivante: N'y a-t-il
rien de mieux que des personnes qui travaillent quotidiennement auprès
de bénéficiaires pour savoir les soins dont ils ont besoin? Les
syndiqués n'ont-ils pas à ce point de conscience sociale qu'ils
laisseraient de côté la responsabilité la plus
élémentaire?
Mme April-Morin: Je pense qu'ils peuvent voir les
conséquences, mais ce qu'on dit, c'est que, comme c'est à
l'État de déterminer de façon générale quels
sont les services en temps normal à rendre à la population, c'est
également à l'État de les réduire. Même si
les employés peuvent avoir une conscience professionnelle, on ne laisse
jamais des gens qui sont directement impliqués, autant la partie
patronale que la partie syndicale, sans aucun paramètre pour
déterminer ce que seront des droits qui ne les concernent pas
directement, mais qui concernent un tiers qui n'a rien à dire
là-dedans avec le processus et la façon dont il fonctionne
à l'heure actuelle.
M. Cloutier: Les Québécois n'ont pas confié
ce mandat à la CSN et à la FTQ. Les Québécois vous
ont confié ce mandat. Nous vous demandons de nous donner les
paramètres là-dedans. Je pense qu'il ne faut pas déplacer
la notion de la politique et les pouvoirs des élus vers les parties
à une négociation. Les syndicats, dans ce sens, sont comme nous
des corps intermédiaires. Ils feront valoir leur point de vue et vous
prendrez les décisions. C'est vous que les Québécois ont
élus. Je pense que c'est fondamental dans les décisions qui
doivent être prises dans l'ordre, la primauté des droits.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak...
M. Gauthier: Attendez un peu! Il reste des réponses
à donner.
Le Président (M. Rodrigue): Oh! vous aviez une autre
réponse?
M. Doucet: Oui.
Le Président (M. Rodrigue): Oui, allez-y, je vous en
prie.
M. Doucet: II y avait plusieurs questions, si vous me
permettez.
Le Président (M. Rodrigue): Brièvement, s'il vous
plaît, cependant.
M. Doucet: II y a une question qui porte sur le retrait de la
masse salariale. Nous affirmons ici que c'est encore une fois à
l'État gouvernement de trancher dans la primauté des droits et
à ce moment-là, quand on laisse négocier une masse
salariale, je pense que là on déplace un pouvoir de
négociation vers un pouvoir tout à fait politique. Je pense que
le gouvernement actuel dans la dernière ronde de négociations
s'était bien dit qu'on ne négociait pas cela, si je me rappelle
bien la déclaration de M. Parizeau. Mais rendu dans le feu de l'action,
à un moment donné, c'est devenu négociable.
À ce moment-là, le pouvoir de négociation des
syndiqués touche le choix des priorités d'un État
gouvernement et c'est pour cette raison qu'on dit qu'il faudrait
peut-être le soustraire. À cela, vous dites qu'on va
peut-être se ramasser avec des grèves. De toute façon,
reste à savoir si on est capable d'adopter une loi et la faire
respecter. On est obligé de le faire après coup pour
protéger les droits. On l'a affirmé par la loi 62, la
primauté des droits de la population à recevoir des services.
Pourquoi ne pas l'affirmer clairement avant? À ce moment-là, cela
va être clair pour tout le monde et même les syndiqués
n'auront pas eu à perdre du temps pour cela.
M. Cloutier: 52% du budget québécois est
versé en ce moment en salaires. C'est donc dire que 52%, dans l'ordre
des choses actuelles, est négociable, 52% des taxes des gens. C'est le
problème qu'on vous pose.
Le Président (M. Rodrigue); M. Polak (Sainte-Anne).
M. Gauthier: II y a encore des réponses qui n'ont pas
été données.
Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse. Restait-il des
réponses à venir, s'il vous plaît?
M. Gauthier: Oui, il reste des réponses qui n'ont pas
été données.
M. Neveu: Sur la question de la détermination des services
essentiels, en ce qui concerne les centres d'accueil, les situations
évoluent beaucoup plus lentement que dans les hôpitaux. Notre
clientèle est relativement stable et un taux d'occupation à 100%
dans nos établissements, c'est quelque chose de presque constant pour
nous, de sorte que la possibilité d'établir ces services
essentiels durant la vie des conventions et entre les périodes de
négociation nous apparaît beaucoup plus grande, en ce qui nous
concerne.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça
complète la réponse?
M. Gauthier: Non, il reste encore la question de rendre publique
toute la négociation.
M. Neveu: Ce qu'on recommande, ce n'est pas de rendre public tout
le jeu de la négociation. La commission Martin-Bouchard recommandait la
publication de trois séries de documents distincts et on reprend cette
recommandation. Il s'agit de publier les demandes initiales et les offres
initiales, de publier la position des parties avant l'intervention de la
médiation et de publier le rapport du conseil de médiation. Ce
sont des points stratégiques de la négociation qui permettraient
à l'opinion publique d'évaluer la situation et de se faire une
idée de ce qui se passe.
M. Gauthier: Si je comprends bien, vous avez adhéré
à cette position sans réfléchir sur le chaos social,
l'inquiétude sociale que ça pourrait amener.
M. Neveu: On ne pense pas que l'information donnée au
public, que le droit du public de se faire une opinion, débouche
nécessairement sur le chaos social.
M. Gauthier: Enfin, quant à la disparition de la table
centrale, la dernière question, M. le Président?
M. Doucet: En fait, la masse salariale est déjà
fixée par l'État. C'est dans ce sens que notre recommandation dit
que la table centrale n'est peut-être pas nécessaire à ce
niveau.
M. Gauthier: Dans le cas précis que j'ai cité, par
exemple, la négociation concernant les congés de
maternité, qu'est-ce qui pourrait arriver? Avez-vous pensé
à...
M. Neveu: Les partenaires aux tables de négociation
disposeraient, en ce qui concerne les affaires sociales, par exemple, ou
l'éducation, d'une masse prédéterminée à la
suite de la politique salariale de l'État. Il est possible d'entrevoir
l'aménagement de cette masse salariale à l'intérieur des
négociations. Bien sûr, puisqu'elles seraient
déterminées et fixes, les négociations consisteraient
à déplacer des sommes d'argent vers un davantage ou vers
d'autres.
M. Cloutier: Sauf que, inversement, notre mémoire
précise bien qu'il ne faut pas que l'État employeur passe ses
politiques sociales à travers ses conventions collectives parce que,
encore là, on déplace le débat. On ne peut pas promouvoir
à travers les conventions collectives, parce que l'État est un
employeur exceptionnel, des politiques sociales. Entre autres, on peut
être d'accord avec la question des congés de maternité,
mais si on pense que c'est une bonne chose pour les travailleurs des affaires
sociales, c'est une bonne chose pour tous les travailleurs, pour tout le
réseau. Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Très brièvement, M. le Président.
J'ai une question à poser à M. Doucet. À ce jour, de la
façon dont je vois ça, il y a trois groupes de
mémoires.
Quelques-uns disent qu'il faut abolir le droit de grève; un
deuxième groupe dit: II faut le retenir et ne jouer avec ça
d'aucune matière; il y a un troisième groupe qui dit: II faut
retenir le droit de grève, mais les services essentiels, ça prime
plus ou moins, il y a beaucoup de variations dans le troisième groupe.
Je comprends que vous appartenez au troisième groupe.
M. Doucet: Vous avez bien compris.
M. Polak: Vous dites: On est en faveur d'une grève
conditionnelle au maintien des services essentiels. Pour vous, l'idée
des services essentiels prime dans votre mémoire. Je ne dis pas que je
suis contre ça du tout, mais je me pose une question. Quand on commence
à poser des conditions au droit de grève, est-ce que, par le fait
même, on ne rend pas ce même droit de grève inapplicable?
Hier, j'ai posé la question à M. Rodrigue: N'est-il pas vrai
qu'une grève, pour être efficace, doit faire mal? Vous, le
troisième groupe, êtes en train de chercher à ne pas faire
mal, à être le plus doux possible. On ne veut peut-être pas
toucher le droit en soi, mais on joue tout de même avec le droit de
grève. Quelle est votre position là-dessus? Pour vous, les
services essentiels, ça vient en premier lieu, et vous admettez, par le
fait même, qu'on doit donc limiter le droit de grève.
M. Doucet: Effectivement, tout notre mémoire repose sur un
choix de valeurs, une primauté à donner aux droits de la personne
handicapée, aux droits de la personne en général qui doit
recevoir des services qui sont clairement définis dans les lois. La
personne a droit à des services de santé et des services sociaux
de qualité et en continuité. On met ce droit par-dessus l'autre;
à toutes fins utiles, il y a une primauté des droits de telle
sorte que, bien sûr, ça peut limiter le droit de grève dans
certains cas, mais il y a d'autres mécanismes qu'on suggère dans
notre mémoire et qui permettent au syndicat, à ce
moment-là, selon les circonstances et à chaque centrale, à
chaque syndicat, de le déterminer de façon différente.
Chacun doit évaluer et si, dans une situation particulière, il
juge que le droit de grève n'est pas efficace pour eux, il y a
l'arbitrage obligatoire selon la technique de l'offre finale. On a le choix
entre les deux. Je pense que d'une façon ou de l'autre, le droit du
travailleur risque d'être assez bien servi, surtout si on part du
principe que la masse salariale appartient à l'État et que c'est
à l'État à définir la masse salariale qui doit
être attribuée aux services. En partant de cela, je pense que les
droits devraient être relativement bien respectés.
M. Polak: Une toute dernière question, vous n'en avez pas
parlé dans votre mémoire, mais il y en a qui ont dit que les
inconvénients sont causés par le droit de grève, etc. On
parle justement de cela. Tout le monde est d'accord pour dire que cela existe.
L'effet des coupures budgétaires est beaucoup plus grave sur une base
journalière ou va devenir beaucoup plus grave. Avez-vous
déjà eu des échos de ce point de vue dans votre
secteur?
M. Doucet: Actuellement, dans toutes les interventions qu'on a
faites comme association, on accepte le principe des coupures
budgétaires. On est en train d'étudier de quelle façon on
peut les faire pour avoir le moins d'impacts sur les services. Il est
très probable qu'il va y avoir des impacts sur les services. On va
essayer de suqqérer à nos membres tout un ensemble de moyens pour
que ces compressions aient le moins possible de coupures sur les services. Il
est aussi à noter que lorsqu'on négocie une convention collective
et lorsqu'on permet à un corps intermédiaire d'avoir une
influence sur la masse salariale de l'État, on permet aussi de
déplacer des priorités. C'est ce qu'on est en train
d'évaluer actuellement, le coût de la dernière convention
collective dans nos établissements. Est-ce qu'on est capable de
rembourser totalement le coût de cette convention?
On parlait tout à l'heure des droits parentaux. On est tous
d'accord avec les droits parentaux, mais dans un budget, si on nous accorde
8000 $, 10 000 $ ou 12 000 $ pour les droits parentaux et qu'il en coûte
50 000 $ ou 75 000 $ à l'établissement pour les donner, ou
l'État nous rembourse la différence dans notre budget ou cela
devient une coupure de services. Je prends cela tout simplement à titre
d'exemple. Toutes les clauses normatives de la convention peuvent être
évaluées de la sorte. C'est là qu'est le coût
majeur. C'est peut-être là qu'il va falloir...
M. Polak: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de l'Association des centres d'accueil du
Québec.
J'invite maintenant les représentants de la
Fédération des travailleurs du Québec à prendre
place et à nous présenter leur mémoire. Le mémoire
de la Fédération des travailleurs du Québec nous sera
présenté par le président de cet organisme, M. Louis
Laberge. Je veux inviter M. Laberge à nous présenter les
personnes qui l'accompagnent.
M. Bisaillon, député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Avant que la FTQ ne présente son
mémoire, est-ce que je pourrais vous demander de nous rappeler le mode
de
fonctionnement ou les règles du jeu dont on a convenu entre nous
et de quelle façon vous entendez répartir le temps des questions
entre les députés de l'Opposition et les députés
ministériels, si tant est qu'on désire encore que les
députés ministériels participent à cette
discussion?
Le Président (M. Rodrigue): Voici l'arrangement qui s'est
fait au début de la commission entre les représentants du
gouvernement et ceux de l'Opposition. Nous consacrons 20 minutes à
l'audition du mémoire, puis, le parti ministériel et l'Opposition
ont une période de 20 minutes pour poser leurs questions. À
l'intérieur de cela, il revient au ministre et au représentant de
l'Opposition, le député de Jean-Talon, de faire en sorte que les
questions se répartissent entre les membres de cette commission de part
et d'autre. Je peux vous signaler que, dans le cas du groupe
précédent, effectivement, deux intervenants du côté
du gouvernement et également deux intervenants du côté de
l'Opposition ont pris sensiblement le même temps pour poser leurs
questions.
Cependant, la période des questions a quand même
été relativement longue dans le cas de ce mémoire: elle a
duré une heure. Normalement, elle aurait dû durer 40 minutes. Je
vous invite dans la formulation des questions et dans les réponses
à faire en sorte que nous puissions entendre tous les mémoires
que nous devons entendre aujourd'hui.
M. Laberge, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent et présenter votre mémoire.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. Laberge (Louis): Nous trouvons cela drôle un peu que
vous nous parliez d'une heure, alors que nous avons attendu pendant une heure
et quarante minutes. Enfin!
Je vous présente, à ma droite, M. Roger Laramée,
directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction publique; M.
Normand Fraser, du même syndicat, qui est le responsable plus directement
du secteur public et parapublic; le confrère Boisjoly, à mon
extrême gauche, qui est le président du conseil provincial du
Syndicat canadien de la fonction publique; à ma droite immédiate,
Réal Lafontaine, qui est le responsable du local 298, employés de
services, secteurs public et parapublic, et Pierre Laflamme du même
syndicat. (11 h 45)
Nous ne vous lirons pas le mémoire, parce qu'il y a tellement de
choses qui ont été dites, surtout tantôt, par l'Association
des centres d'accueil, et qui sont tellement contradictoires qu'on ne peut
absolument pas les laisser passer. Nous allons y revenir.
Commençons par le droit de grève. Évidemment, la
déclaration faite au mois de mars dernier par le ministre du Travail, de
la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que nous citons dans
notre mémoire, ceux qui l'ont lu vont s'en rendre compte... Il nous a
plu quand il déclarait: C'est fou de vouloir abolir le droit de
grève; il s'agit d'un simplisme extrêmement dangereux. Si tu fais
cela, c'est le désordre social. Encore hier, je pense que le
gouvernement a annoncé ses couleurs là-dessus. Mais, d'un autre
côté, il faut bien dire que le droit de grève reconnu par
l'Association des centres d'accueil, celui qui dit que tout le monde est
obligé de travailler, je veux dire que c'est du tripotage du droit de
grève. Là-dessus, on doit vous dire qu'il y aurait un
affrontement majeur entre la FTQ avec ses affiliés et le gouvernement,
parce que le droit pour un travailleur de retirer son travail, c'est aussi un
droit sacré. Même le pape Jean-Paul II l'a mentionné dans
son encyclique, le travailleur a le droit lui aussi à cela; il a le
droit de refuser de travailler. Enfin, on n'aura pas besoin de s'étendre
plus longtemps là-dessus, puisque, apparemment, ce n'est pas cela. Mais
là, il s'agit maintenant des services essentiels.
Les services essentiels, quand on regarde cela de près...
J'écoutais avec beaucoup d'attention les déclarations avec une
note de sincérité sur la primauté du droit des citoyens
à des services de santé adéquats. Tout de suite, je me
pose la question et je me dis: Est-ce que la primauté des droits des
citoyens à des services de santé adéquats est plus en
danger quand il y a possibilité d'un arrêt de travail, à
tous les trois ans, qu'il ne l'est pour ceux qui ne sont pas capables d'entrer
dans les centres hospitaliers et les centres d'accueil, parce qu'il n'y a pas
de place et qu'ils attendent? C'est drôle que l'Association des centres
d'accueil n'ait pas parlé de cela. Elle a pourtant dit: Les listes
d'attente sont très lonques, mais où est la primauté des
droits à des soins de santé adéquats? Est-ce qu'à
l'enfant handicapé qui attend, parce qu'il n'y a pas de place, qui n'est
nulle part des fois, qui reste dans des foyers séparés, etc., on
lui reconnaît le droit d'être soigné? Dans les coupures, les
compressions budgétaires, on est rendu qu'on coupe dans les... Ce n'est
plus vrai qu'on coupe dans le gras. Là, on gruge jusqu'aux os.
Même l'Association des hôpitaux du Québec, qui n'est
pas nécessairement un allié de la FTQ, ni de la CSN, à ce
que je sache, le dit, elle lance des cris d'alarme. Il y a des listes d'attente
partout. Il y a des services qui sont coupés. Où est la
primauté du droit des citoyens à des services adéquats? Je
pense que la population est en droit de savoir ces choses-là; la
population est en droit de demander au gouvernement:
Est-ce que vous reconnaissez la primauté des droits des citoyens
aux services de santé adéquats ou reconnaissez-vous la
primauté des droits des citoyens à payer le moins de taxes
possible? C'est l'un ou l'autre. Quand on parle de compression
budgétaires, on pourrait peut-être aussi commencer à se
poser certaines questions. Est-ce que l'argent est bien dépensé?
Est-ce que, dans les cadres qui dirigent les associations hospitalières,
d'accueil, etc., qui ne donnent pas beaucoup de soins aux personnes
handicapées, aux personnes malades, il n'y aurait pas des
économies qui pourraient être faites? On a des équipements
extrêmement coûteux au Québec, dans les centres
hospitaliers, dans les centres d'accueil aussi, des équipements qui
servent quelques heures par jour à peine, alors que, dans des usines, on
a imposé aux travailleurs deux et trois équipes, parce qu'on ne
voulait acheter qu'une machine pour produire au lieu de deux et trois machines.
Au Québec, c'est rendu qu'un hôpital ne fournit plus les examens
aux rayons X, il n'y a rien là! Nous faisons venir un autre appareil de
rayons X, qui coûte passablement cher. On a des gens, des gars et des
filles qui travaillent sur deux et trois équipes dans les
hôpitaux, dans les centres d'accueil et partout, mais on n'a pas de
médecin, il y en a toujours un ou deux de qarde - quand ils sont
là - et les techniciens et autres... On pourrait économiser
beaucoup d'argent en le mettant sur les services adéquats à la
population. Il est bien certain que c'est le gouvernement qui doit
décider de ce genre de priorités. Ne venons pas sonner le clairon
sur la primauté des citoyens à des droits adéquats
à la santé alors que d'un autre côté on
réduit les services de santé aux citoyens.
Dans le régime de négociation il y a un tas de choses qui
pourraient être faites; ce n'est pas tellement sorcier. Par exemple, nous
avons connu, en 1971, la loi 46; en 1974, la loi 95; en 1978, les lois 55 et
59. La loi 59 a certainement amené des améliorations. D'ailleurs,
je pense que tout le monde a reconnu qu'à la dernière ronde de
négociation cela a été beaucoup plus rapide qu'aux rondes
précédentes. Enfin, cela a été encore long mais
beaucoup plus rapide. Une des raisons pour lesquelles c'est peut-être
trop long, c'est que la loi prévoyait que les salariés, les
associations syndicales devaient déposer leurs demandes, à une
telle date et que, 60 jours après, la partie patronale devait
déposer les siennes. Ce qui n'est pas arrivé, puisque sept mois
après le dépôt des demandes syndicales, les demandes
patronales n'étaient pas encore déposées. Pourtant, ils
savaient qu'en faisant cela ils ne respectaient pas la primauté des
citoyens à des droits de santé adéquats, parce qu'ils
savaient qu'ils créeraient de l'anxiété. D'ailleurs,
l'anxiété qui a existé dans les centres d'accueil et les
centres hospitaliers est très souvent fabriquée de toutes
pièces. On commence à vider des lits des mois et des mois avant
que la date fatidique ne soit là. La dernière fois il n'y a
même pas eu d'arrêt de travail général et pourtant il
n'y a presque pas d'hôpitaux qui n'avaient vidé des lits. Cela
crée un climat de panique.
La loi 59 donne à la partie patronale un avantage qui ne devrait
pas exister. Pourquoi la partie patronale ne serait-elle pas forcée
aussi de déposer ses demandes en même temps? S'il y a quelque
chose qui prolonge les négociations, c'est bien cela. La partie
syndicale dépose ses demandes, la partie patronale regarde les demandes,
et sur les clauses qui font le plus mal, elle présente ses demandes dans
l'autre extrême. Il y a alors des négociations des semaines et des
mois durant sur des choses, pour finalement en arriver à peu près
au statu quo. Si on déposait nos listes de demandes en même temps,
il me semble que cela raccourcirait grandement les négociations.
Plus que cela, va-t-il arriver un jour où des conventions
collectives qui sont déjà en existence depuis plusieurs
années, on ne sera pas obligé de les amender d'un couvert
à l'autre? Il me semble qu'un jour cela devrait arriver, et cela aussi
pourrait hâter les négociations. Plus vite les négociations
se règlent, je pense que tout le monde comprendra que c'est dans
l'intérêt de la population. Cette période d'attente est
toujours un peu inquiétante, mais si elle n'était pas grossie
indûment par ceux qui cherchent le sensationnalisme, on s'en tirerait
beaucoup mieux.
Nous avons été placés, lors de la dernière
ronde de négociation, dans une situation vraiment aberrante. Alors que,
du côté de la FTQ, nous n'avions même pas exercé le
droit de grève et qu'à toutes fins utiles, il était
quasiment assuré qu'on n'exercerait pas ce droit de grève, nous
arrive la loi 62, une loi d'exception, qui nous a enlevé le droit de
grève. C'est un peu fort en "ketchup" d'enlever le droit de grève
à quelqu'un qui ne l'a pas encore exercé, censément pour
protéger les droits des citoyens à la santé. Qu'une loi
d'exception arrive à un moment donné devant une situation
épouvantable, ce sera une loi d'exception, c'est toujours un peu odieux
et je pense que tout le monde, toutes les parties, gouvernement, partie
patronale et les autres, devraient faire des efforts surhumains pour essayer
d'éviter qu'on se rende jusque là. Malheureusement, cela ne s'est
pas passé comme cela encore la dernière fois. Cela a pris
beaucoup de temps à certaines tables de négociation pour recevoir
le "non" du représentant patronal. Je me souviens encore une fois, pour
ceux qui claironnent la primauté des citoyens à recevoir des
soins de santé adéquats - qu'alors qu'on était dans le
sprint final de négociation, le vendredi après-
midi, la partie patronale a annoncé qu'elle n'était pas
disponible, ni le samedi, ni le dimanche. Il y en a qui avaient des billets de
hockey et d'autres avaient des billets d'affaires. La primauté du droit
des citoyens à recevoir des soins de santé adéquats...
Il y a eu deux autres lois d'exception dans les secteurs public et
parapublic dont une pour les cols bleus de la ville de Montréal. Une
grève qui durait depuis un certain temps, alors que les services
essentiels étaient respectés. Il y a eu une loi d'exception.
Encore une fois, je le répète, une loi d'exception, il y a
toujours quelque chose d'odieux là-dedans. Mais au moins celle-là
a prévu un mécanisme pour régler les problèmes qui
restaient. Ce n'est pas arrivé dans le cas des travailleurs
d'Hydro-Québec qui, eux, ont été retournés au
travail de façon cavalière, livrés pieds et mains
liés à Hydro-Québec qui n'a rien fait par la suite pour
régler les problèmes. Ils n'avaient pas besoin de
négocier, ils n'avaient pas besoin de régler; le gouvernement
venait de forcer les travailleurs à rentrer et tout était
réglé. Mais les problèmes qui existaient. la
dernière fois sont encore là.
Et quand on joue trop souvent avec le feu, cela arrive qu'on se
brûle. Il peut arriver des situations où même une loi
spéciale, avec tout le respect qu'on a pour l'Assemblée
nationale, avec tout le respect qu'on a pour le gouvernement... C'est jouer
avec le feu. Je pense qu'on doit passer plus de temps à essayer
d'améliorer les mécanismes de négociation.
La question des services essentiels. J'ai entendu avec horreur
mentionner à quelques reprises la loi 253 qui était une
aberration. Il y a eu des soi-disant experts nommés à ce
moment-là, des commissaires qui avaient le droit d'imposer des listes de
salariés pour protéqer les services essentiels. Et on est
arrivé dans des situations épouvantables, alors que le
responsable en question avait recommandé plus de salariés dans un
centre hospitalier qu'il n'y en avait en temps normal. Je veux dire que, comme
folie furieuse, je n'ai pas encore vu mieux. Ce sont des aberrations comme
celle-là qu'on a vues avec la loi 253.
Mais avec la loi 59, il y a eu des améliorations sensibles. Et ce
qui me dépasse, c'est que ces améliorations sensibles, on dirait
qu'elles n'existent pas. On dirait que tout le monde veut défaire ce qui
a été fait.
Laissez-moi vous donner quelques chiffres, tout simplement. Les
syndicats affiliés à la FTQ ont signé 97 ententes (40%)
sur les services essentiels. Évidemment, le directeur de l'Association
des centres d'accueil dit: Oui, on a signé ces ententes, mais on n'avait
pas le choix. Nous autres, non plus; chaque fois qu'on signe une convention
collective, c'est parce qu'on n'a pas le choix. On n'a jamais signé une
convention collective qui nous satisfaisait pleinement. Je dis que, si on est
pour faire des ententes et après cela dire: Ce sont des ententes, mais
ne vous fiez pas là-dessus, c'est bon à rien... Ils sont
payés pour prendre leurs responsabilités. C'est à peu
près la seule autorité qu'ils ont de refuser de siqner. Ils
pourraient au moins faire cela.
Alors, 40% de listes néqociées, 60% de listes
déposées comparativement à 15% de listes
négociées avec la loi 253. Je vous ferais remarquer qu'il a pris
43 minutes et demie. Si je calcule bien, de 15% qu'on soit passé,
grâce à un nouveau mécanisme, à 40%, c'est une
augmentation de 250%. Mais s'il fallait qu'on ait une autre augmentation de
250%, cette fois-ci, on est rendu à tout près du 100%, si je
calcule bien encore.
Mais pourquoi chanqer une formule qui a fonctionné? D'ailleurs,
le comité qui était chargé de surveiller cela l'a dit:
C'est une expérience valable. On semble ne pas apprécier cela. Le
seul point sur leguel nous sommes d'accord avec l'Association des centres
d'accueil, c'est quand ils ont expliqué que les services essentiels, il
faut que cela se détermine sur place. Il ne faut pas avoir de formule
qui va déterminer les besoins de chacun des établissements. Ce
n'est pas possible. Il faut que cela se fasse localement. Il faut que cela se
fasse continuellement. Ce n'est pas vrai non plus que vous pouvez
établir des services essentiels six mois à l'avance, selon le
climat, selon le pourcentage d'occupation. C'est peut-être un peu
différent dans les centres d'accueil que cela ne l'est dans les centres
hospitaliers. Mais, lors de la dernière ronde de négociation, on
a vu les centres hospitaliers à moitié vides. Dans les
négociations précédentes, cela avait été
pire. On avait prévu ces choses. Les services essentiels doivent
être déterminés localement. Ils doivent être
déterminés par les travailleurs qui sont en place et qui sont des
travailleurs responsables. (12 heures)
D'ailleurs, à Hydro-Québec, ils avaient tellement bien
respecté les services essentiels que Hydro-Québec avait
tenté d'obtenir une injonction qui lui avait été
refusée. Quand on connaît la propension de nos tribunaux à
accorder des injonctions, je pense que vous allez reconnaître qu'ils
accordent cela de façon trop facile, hein. Nous avons déjà
vu Hydro-Québec, il y a quelques années auparavant,
réveiller un juge en pleine nuit et lui demander une injonction et
Hydro-Québec avait mentionné les travailleurs qu'elle voulait
couverts par l'injonction pour les forcer à retourner au travail. Quand
le juge a vu cela, il a dit: Non, non, je n'ai pas le temps de regarder cela.
Cette fois, il a refusé parce que les services essentiels étaient
vraiment
respectés.
Laissez-moi vous suqqérer qu'il n'y a pas un travailleur
syndiqué - et j'en connais quelques-uns - qui a la conscience sociale
plus élastique que les dirigeants des centres hospitaliers ou des
centres d'accueil. Il y a une chose que les dirigeants des centres hospitaliers
et des centres d'accueil n'ont pas, c'est que les travailleurs sont
rejoignables et sont responsables. Ils peuvent être mis à
l'amende. Ils peuvent être emprisonnés. Ils peuvent être
poursuivis pour dommages tandis que je ne connais aucun directeur, ni de
centres hospitaliers, ni de centres d'accueil à qui cela arrive.
Le ministre a mentionné tantôt une chose aberrante qu'avait
faite un directeur de centre d'accueil. Je vais vous qager qu'il a encore sa
"job". On va venir nous parler de responsabilité sociale. Je ne dirai
pas qu'ils sont irresponsables, mais ils n'ont pas ces responsabilités.
Les travailleurs les ont.
Si nous décidons de vous sugqérer une liste sur les
services essentiels, à un endroit donné, et que vraiment c'est
une liste qui n'est pas correcte, l'opinion publique nous taperait dessus et
c'est nous qui en subirions les conséquences. C'est nous qui ouvririons
peut-être la porte à l'Assemblée nationale pour nous
adopter une autre loi d'exception. Mais c'est nous, de toute façon, qui
en subirions les conséquences. Laissez-moi vous dire que, comme
travailleurs syndiqués, nous avons tout aussi à coeur la
santé et la vie des patients.
Laissez-moi vous rappeler un tout petit incident. À
Louis-Hippolyte-Lafontaine, aux négociations de 1975, si ma
mémoire est fidèle, il y avait des arrêts de travail
sporadiques et des grèves tournantes. C'était leur soir de
débrayer, alors ils ont débrayé et le feu a pris à
Louis-Hippolyte-Lafontaine. Personne n'a eu à les appeler, tous les
salariés se sont rendus à Louis-Hippolyte-Lafontaine pour aider
à sortir les malades des salles de l'aile où le feu était
pris et en prendre soin. Ils ont fait cela spontanément. Ils n'ont
même pas été payés pour cela, parce qu'ils
étaient sortis. C'était leur tour de sortie.
J'ai vu les salariés dans les centres d'accueil, dans les centres
hospitaliers, ce sont des "jobs" que ni vous ni moi ferions, j'en suis
convaincu. Cela prend des gens avec une conscience sociale pas mal
développée pour accepter de travailler dans ces milieux. Vous le
savez. Nous avons tous eu des vieux, à un moment donné, et on
essaie de les refiler ailleurs. C'est plus facile. Mais eux travaillent avec
ces gens constamment. Les handicapés, c'est la même chose. Les
malades, c'est la même chose.
Je suis absolument convaincu que les travailleurs du secteur
hospitalier, centres d'accueil, services de santé,
électricité, sont prêts à prendre leurs
responsabilités. Cela se peut que vous trouviez des exceptions et que
vous puissiez nous pointer du doigt, à un moment donné. Il y a eu
des exagérations. On va les corriger. Cela arrive de l'autre bord. Vous
en avez mentionné une ce matin. C'est drôle que celle-là
n'a pas fait les manchettes des journaux. Pourtant, il aurait pu être
accusé d'enlèvement et de séquestration, il aurait pu au
moins perdre sa "job". Qu'un travailleur salarié fasse le
millième de ça et, lui, il en subirait les
conséquences.
M. le Président, je vous remercie de votre patience. Vous me
regardez avec un air sévère, alors, je m'arrête
immédiatement.
Le Président (M. Rodrigue): M. Laberqe, il est difficile
de vous regarder avec un air sévère, votre verve
entraîne.
Je vous remercie d'abord d'avoir présenté votre
mémoire dans le temps qui est alloué. Je vous signale qu'il n'y a
personne qui a pris 40 minutes, le plus long mémoire a été
de 25 minutes. C'est, semble-t-il, la période de questions qu'il est
difficile de comprimer. J'invite le ministre immédiatement à y
aller de ses questions.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier, bien
sûr, la Fédération des travailleurs du Québec de son
mémoire. Je vais essayer de commencer en donnant l'exemple de me
comprimer moi-même.
M. Laberqe a rappelé un bout de mes déclarations, je ne
veux certainement pas retirer mes déclarations, certainement pas, je les
pense profondément, mais il faudrait aussi rappeler que j'ai constamment
dit que les services essentiels, ça constitue une préoccupation
principale, majeure - je pense que tout le monde admet ça - et
légitime des citoyens et des citoyennes du Québec, parce que
c'est le respect de leur droit fondamental et il me semble qu'il faut qu'on
fasse porter des efforts importants, tous ensemble, parce que, ça,
ça touche le monde en vie. Je pense que, là-dessus, on est tous
d'accord.
Les choses se sont améliorées et je crois que, quand on
regarde l'évolution de l'ensemble des choses, il faut le redire, parce
qu'il ne faut pas verser dans le sensationnalisme, les choses ouvrent une
perspective quand on les reqarde en prenant un peu de recul, il y a une
perspective très nette, très concrète
d'amélioration.
Seulement, il ne faut pas se cacher les problèmes réels
non plus. J'ai donné un cas d'abus, tout à l'heure, et vous savez
fort bien qu'il y a eu aussi des abus du côté syndical et on peut
donner des cas très précis. Il est important de les regarder
ensemble pour voir ce qu'on peut faire, parce qu'on admet tous que, quand il y
a des abus, que ce soit d'un côté ou de l'autre -je sais bien que,
Dieu merci, il y en a peut-
être moins qu'avant, mais il y en a encore trop - quand ça
touche du monde en vie, un, deux, dix, c'est un, deux, dix de trop.
C'est ensemble qu'on peut tenter, avec une bonne volonté et un
grand sens des responsabilités, en réconciliant les choses le
mieux possible - et ce n'est pas facile avec le droit des uns et des autres -
de faire en sorte que ça ne mène pas à la brimade des
droits des uns.
Hier, je crois, la députée de L'Acadie mentionnait le cas,
à partir des rapports d'expertise; encore une fois, Dieu merci, c'est un
cas et il ne s'agit pas de les généraliser et je ne vais pas
verser là-dedans, certainement pas contribuer à créer
cette situation.
Il y a eu un cas en particulier, dans le domaine hospitalier, où
un syndicat, membre de votre qroupe, la Fédération des
travailleurs du Québec, a présenté une liste à
zéro et où les rapports d'expertise nous indiquent que
l'hôpital en question représentait un milieu à très
haut risque, que les services disponibles étaient nettement
insuffisants, les physiothérapeutes n'ont pas pu se présenter, le
25 octobre, pour une simple et unique raison, c'est qu'on les a
empêché de traverser la ligne de piquetage. 75% du personnel non
syndiqué qui pouvait normalement travailler, selon d'autres ententes, si
je comprends bien, aurait pu se rendre au travail mais n'a pas pu, et d'autrs
syndiqués qui, normalement, selon les ententes convenues avec d'autres
syndicats -je présume, si je comprends bien le rapport -auraient pu
normalement entrer et devaient normalement le faire, n'ont pas pu le faire
parce qu'ils ont été bloqués sur la ligne de
piquetage.
Dieu merci, d'accord, c'est un cas d'exception, mais c'est un cas de
trop, ce n'est pas acceptable et, ces cas, il ne faut pas faire comme s'ils
n'existaient pas. Je pense qu'ensemble on doit voir les moyens et j'aimerais
bien que vous nous expliquiez, comme centrale et comme groupe, ce que vous avez
fait dans ces cas, quand des situations comme celle-là se sont
présentées et ce que vous nous proposez pour contribuer à
améliorer les choses, car il y a les conflits réels, au moment
où ils se présentent, les grèves, et il y a
l'appréhension, on en a parlé longtemps et, ça, ça
ne se quantifie à peu près pas.
Ceci étant dit - pour donner une chance à mes
collègues, je vais y aller très rapidement, mais je tiens
à le dire - vous évoquez - et vous n'êtes pas les seuls
-notamment à la page 5 de votre mémoire, le non-respect de
certains mécanismes et surtout de certains délais pour des
dépôts; je parle du non-respect r la partie patronale et,
nommément, le gouvernement. Vous avez raison de le signaler, ce n'est
pas parce que c'est le gouvernement que le gouvernement ne doit pas respecter
les lois qui sont faites et vous avez raison d'insister sur le fait que, quel
que soit le bloc patronal, si c'est le gouvernement, lui aussi doit assumer ses
responsbilités et il doit respecter ces mécanismes. Donc, il y a
de l'amélioration à faire partout et on est prêt à
prendre notre bout, je le dis très clairement.
À la page 7 où vous parlez de l'information, je voudrais
savoir si on peut interpréter ce que vous dites là comme
étant une espèce de recommandation, à toutes fins utiles,
d'abolir le conseil d'information, d'ajouter au mandat du conseil des services
essentiels cette dimension d'information. Enfin, quelle est votre opinion
là-dessus?
Également - là il me semble que c'est une idée
nouvelle; je pense que c'est la première fois qu'on la voit venir -
à la page 11, vous parlez d'un comité permanent de
bénéficiaires composé de véritables usagers.
J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus cette suggestion et comment,
dans votre esprit, cela pourrait se réconcilier, si tant est que vous
êtes d'accord, avec cette autre idée qui, me semble-t-il - je ne
veux mésinterpréter ce qui est en train de se passer et ce que je
crois comprendre -commence à faire son chemin aussi et qui
m'apparaît intéressante à fouiller très
sérieusement, l'idée d'une permanence, que ce soit conseil ou
régie, peu importe - je ne vais pas m'enfarger dans les noms - du
conseil des services essentiels, étant entendu que c'est une autre
affaire que de savoir quels seraient les pouvoirs, quelle sorte de prolongation
de pouvoirs on donne. Je sais qu'il y avait des réactions très
négatives -elles méritent d'être examinées
très attentivement parce que, à mon avis, comme on dit dans le
jargon, il me semble qu'il y a quelque chose là - à l'idée
de donner à ce conseil un pouvoir judiciaire. Je pense que c'est un
pensez-y-bien avant de bouger dans une direction comme celle-là. Mais
indépendamment de cela, comment réconcilieriez-vous ces notions
de permanence en nous expliquant davantage l'idée que vous
suggérez?
Le Président (M. Rodrigue): M. Laberge.
M. Laberge: Très brièvement. S'il y a eu un cas
d'abus chez nous, il me semble que le moins que les responsables auraient pu
faire aurait été de nous en aviser, de nous donner la chance
d'intervenir et si on ne le règle pas, vous nous dénoncez. C'est
à nous à prendre nos responsabilités. Mais encore
là, est-ce que vous allez faire quelque chose pour punir et diminuer les
droits de tous les autres qui, eux, ont respecté... parce qu'il y a eu
un cas d'exception? Est-ce que vous allez adopter une loi spéciale pour
défendre aux directeurs de centres d'accueil de sortir les enfants de
l'établissement? Est-ce que
vous avez adopté une loi spéciale pour défendre aux
policiers d'avoir des grands bâtons parce que l'escouade
anti-émeute a été trouvée coupable par la
Commission de police de s'être servie de leurs grands bâtons
impunément? En fait, je pense même que vous n'avez rien fait du
tout encore. Cela va probablement venir.
Quant au conseil d'information, on n'en a pas dit grand-chose parce que,
malheureusement, il est arrivé pas mal tard. Enfin, cela n'a pas nui et
cela n'a pas été tellement utile. Alors, c'est pour cela qu'on
n'en a pas plus parlé que cela. De toute façon, il faut bien se
rendre à l'évidence que tant la partie patronale que la partie
syndicale vont toujours essayer de se servir des médias d'information
pour faire connaître leur point de vue. Ce qu'on peut demander, c'est que
les médias d'information fassent leur boulot le plus consciencieusement
possible.
Maintenant, un conseil d'information, s'il avait plus de pouvoirs,
peut-être que cela pourrait être utile. On avait déjà
parlé de cela, par exemple, au sommet économique de La Malbaie.
On avait déjà parlé de cela lors d'une rencontre de
prénégociation en 1977, je crois. On avait dit alors qu'un
conseil d'information, pour être vraiment efficace, devrait avoir un
budget, devrait avoir son équipe et devrait pouvoir aller piger ses
propres informations. Un conseil d'information, tel qu'il était
constitué, recevait ses informations de la partie patronale et quand il
voulait avoir le pendant, il demandait à la partie syndicale où
cela en était rendu. Mais si ce conseil avait plus de pouvoirs,
peut-être que cela pourrait être utile. (12 h 15)
Comment réconcilions-nous notre comité avec des usagers et
des salariés? Vous allez reconnaître qu'il y a
immédiatement une très grande différence. D'abord, nous ne
parlons pas que de services essentiels; nous parlons de qualité de
services. Cela veut dire qu'un comité en permanence pourrait voir,
veiller au grain continuellement. Encore une fois, la responsabilité du
gouvernement vis-à-vis de la santé de la population, ce n'est pas
juste en temps de conflit patronal-syndical; cela devrait être en tout
temps. La qualité des services, le gouvernement doit s'en
préoccuper en tout temps. S'il y a des directives - et il y en a des
directives - qui arrivent dans des centres hospitaliers, qui font qu'il y a des
patients qui ne reçoivent pas la qualité des services auxquels
ils ont droit... Par exemple, quand des médecins attendent de meilleurs
équipements pour travailler et qu'ils disent qu'entre-temps ils ne
verront pas les patients, quand les médecins trouvent que le
gouvernement n'est pas assez généreux... S'il y avait un
comité sur la qualité des services, la population pourrait savoir
que, dans tel centre hospitalier, il y a dégradation de la
qualité des services pour telle ou telle raison, peut-être bien
pour des raisons budgétaires. Mais comme vous l'avez dit tantôt,
quand le gouvernement est responsable, pourquoi cela ne serait-il pas dit et
qu'il ne pourrait pas rajuster son tir? Si c'est le syndicat qui est
responsable, la même chose.
Il y a, je pense, une très qrosse différence entre un
comité où les usagers, les patients, pourraient siéqer
avec les travailleurs salariés et une régie semi-judiciaire,
comme M. Dufour le disait hier, et exécutoire. Après quelques
minutes de débat - d'ailleurs, j'ai suivi la reprise à la
télévision, c'est pour ça que j'ai l'air un peu
fatigué; j'en ai entendu des bonnes et des moins bonnes - il reste qu'on
insistait beaucoup plus sur l'exécutoire, à un moment
donné.
Vous savez fort bien que, dans ce genre de choses, si on pouvait amener
les parties à s'entendre avec leur gros bon sens, très
certainement que les patients et la population en seraient les qrands
bénéficiaires.
Il y a un vieux proverbe qui dit: On peut mener un cheval à
l'abreuvoir de force, mais on peut difficilement le forcer à boire.
M. Marois: Simplement pour être certain que je vous ai bien
compris, M. Laberge, est-ce que la ETQ serait d'accord pour regarder cette
piste, cette notion d'une permanence du conseil des services essentiels? Je
crois comprendre dans votre intervention que vous vous opposeriez à
l'idée qu'en plus de cette notion de permanence, il y ait un pouvoir
judiciaire ou quasi judiciaire. Je comprends ça très
clairement...
M. Laberge: Si j'ai bien compris, c'étaient trois
juges.
M. Marois: Mais, indépendamment de ça, je comprends
que vous vous opposeriez à la dimension de pouvoir judiciaire, mais
est-ce que c'est une piste qui vous paraît intéressante que celle
de la notion de permanence du conseil des services essentiels?
M. Laberge: C'est la suggestion que nous faisons depuis cinq ans,
M. le ministre. Nous avions fait cette suggestion-là - pas une
régie, on n'avait pas parlé d'une régie, mais on avait
parlé d'un comité - il y a cinq ans. Et tous les ministres, enfin
tout le monde disait: Cela a bien de l'allure parce qu'un comité
permanent sur la qualité des services viendrait à se bâtir
une crédibilité. Evidemment, quand il donnerait son opinion sur
une dégradation de qualité de services, en temps normal ou en
temps de crise, cela
aurait pas mal de poids. Mais faire passer ça comme un acte
exécutoire par un juge ou quelqu'un qui y ressemblerait...
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest,
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. Laberqe, au début de vos remarques, vous
avez parlé, et plusieurs personnes l'ont souligné, de l'existence
de situations tout à fait inacceptables dans les hôpitaux, en
dehors de tout contexte de conflit de travail, situations qui sont
vécues quotidiennement par nombre de citoyens, en particulier, bien
sûr, dans le présent contexte des coupures budgétaires et
dans celles que certaines déclarations ministérielles nous
laissent entrevoir pour un, deux ou trois ans à venir.
Certainement que, de notre côté, parce que c'est
certainement une de nos responsabilités premières comme parti de
l'Opposition, c'est-à-dire de vraiment nous y intéresser de
très près, parce que cela touche à la gestion même
du domaine des affaires sociales, et vous savez que ma collègue, la
députée de L'Acadie, est à maintes reprises intervenue, je
pense, dans le même sens, ou enfin a manifesté le même type
de préoccupations à ce sujet-là; c'était absolument
indiscutable. Mais vous avez insisté énormément
là-dessus dans vos remarques préliminaires, parce que c'est un
problème permanent. Mais cela n'enlève pas ou ne justifie en
aucune façon des situations analogues ou aggravées lorsque existe
un conflit de travail dans une institution hospitalière ou une
institution de santé.
La-dessus, l'opinion publique et vous-mêmes, je pense, les
travailleurs également, le gouvernement et tout le monde en est
fortement préoccupé parce qu'on ne passerait pas notre temps
à discuter du principe de la primauté des droits à la
santé et de la sécurité des personnes. Je veux bien vous
indiquer que de ce côté, sur le plan des coupures
budgétaires, sur le plan du problème réel qui existe
actuellement dans la gestion même des institutions de santé et de
services sociaux au Québec, c'est un problème social, un
problème de société extrêmement important. Je pense
que tout le monde qui est le moindrement responsable doit s'en
préoccuper. Mais, revenant spécifiquement au problème qui
nous concerne, je vous souliqne aussi que vous avez signalé dans vos
remarques certaines attitudes de la partie patronale. Bien sûr, je ne
suis pas surpris que vous n'ayez pas mentionné des attitudes de
comportement, dans le cours des négociations, de la partie syndicale qui
auraient pu également être soulevées, mais...
M. Laberge: Je me fie sur vous pour...
M. Rivest: Non, je n'ai pas l'intention de le faire pour
l'instant. Je veux vous signaler qu'à cette commission parlementaire,
c'est une des premières fois, en tout cas en dehors d'une loi dite
matraque, qu'on discute du problème du droit de grève dans les
secteurs public et parapublic. Hier, à cette commission parlementaire
qui est censée être un débat public, j'ai demandé
qu'il y ait quelqu'un du gouvernement qui est responsable de cela, de la
conduite des négociations, et qu'on puisse l'interroger,
évidemment, on a les centres d'accueil, on a les syndicats, on a les
administrateurs, on peut, comme parlementaires, leur poser des questions,
soulever des problèmes que leur attitude a suscités pour les
gens, mais quant au gouvernement, on ne peut pas. Il n'est pas ici. Il n'y a
personne du gouvernement qui a conduit les négociations, qui est
responsable directement des négociations à qui on peut dire:
Pourquoi avez-vous retardé à ce point le dépôt les
offres patronales, comme vous l'avez dit? Hier, on avait le Cartel des
organismes professionnels de la santé qui, pour des raisons de
délai dans les conventions collectives, a dû attendre. Il y a eu
une responsabilité à ce moment du gouvernement et, en bout de
ligne, je suis d'accord avec vous que ces gestes du gouvernement dans la
conduite des négociations - on pourrait bien sûr évoquer
des attitudes syndicales - ont pour conséquence de mener à ces
espèces d'impasses assez graves dans lesquelles on vit au moment d'une
grève.
Il me semble que c'est raisonnable. Il faut le dire parce que cela fait
partie aussi du décor et on aurait aimé avoir l'ensemble du
décor pour l'exprimer. Dans votre mémoire vous dites, et je
comprends votre attitude qui est à peu près celle que tous les
syndicats, que les patrons, les administrateurs, les politiciens, l'opinion
publique, les médias ont tendance à dramatiser les situations de
conflit. Même, qu'ils n'ont pas seulement cette tendance; vous affirmez
que tous ces gens les ont dramatisées. On pourrait vous retourner
l'affaire et vous dire: Est-ce que vous-mêmes, pour se parler directement
et franchement, à certaines occasions - parce que si les politiciens,
les administrateurs et enfin tous les autres exceptés les syndicats
dramatisent - vous, les représentants des syndicats, n'avez pas tendance
à dédramatiser les situations?
M. Laberge: C'est possible.
M. Rivest: Je vous remercie. Je veux simplement bien
l'établir. Je pense que c'est un peu le sens de la démarche de
l'ensemble de mes collègues en commission parlementaire d'essayer de
voir la réalité des problèmes, pour une fois qu'on ne
discute pas
avec des drames, qu'on essaie de les reqarder. Dans ce sens, voici ma
première question. Vous faites état évidemment du
commentaire du conseil sur le maintien des services essentiels qui affirme que,
compte tenu des problèmes réels qui ont existé lors des
dernières négociations, somme toute le bilan aurait
été positif. Vous faites état dans votre mémoire de
ce jugement. Mais quand on examine un problème social aussi important,
ne croyez-vous pas que l'on doive non seulement regarder la conjoncture
précise qu'on a vécue en 1979, mais regarder l'expérience,
pour avoir une réflexion sérieuse, vécue depuis le
début de l'octroi du droit de grève où là il y a
vraiment eu une situation extrêmement cahotique, pour employer presque un
euphémisme, et se rendre compte aussi, M. Laberge, qu'en 1982, dans la
prochaine ronde de négociations, dans le contexte des coupures
budgétaires dont je sais que les centrales syndicales et bien d'autres
gens dans la société sont drôlement conscients, il y a des
questions qui vont affecter directement les travailleurs? Bien sûr, comme
centrale syndicale - il va y avoir des coupures de postes, etc., il y a des
gens qui vont perdre - vous allez devoir mener une bataille peut-être
bien plus dure que celle que vous avez dû mener en 1979.
Essayons de construire des institutions qui soient solides,
éprouvées par l'expérience passée sur une assez
longue période, mais également essayons de voir dans l'avenir ce
qui va arriver. Croyez-vous qu'on doit vraiment faire un effort
systématique? Le premier ministre parlait d'une révision de fond
en comble du mécanisme des services essentiels. Pour bien
l'interpréter, d'après ce qu'on nous a dit hier, quand le premier
ministre dit "révision de fond en comble", cela veut dire pas mal de
choses. En tout cas, cela veut certainement dire plus que ce que semblent nous
indiquer les commentaires du ministre du Travail depuis le début de nos
travaux. Comment envisagez-vous cela pour la prochaine ronde et l'autre
après?
M. Laberge: Je vais essayer de prendre vos questions une à
une. Dans votre première question, vous avez fait état qu'on
insiste beaucoup sur la qualité des services en temps normal et
peut-être un peu moins en temps de conflit. Je vous pose la question
très directement et vous allez certainement me répondre avec la
même franchise que moi tantôt. Qu'est-ce qui est le plus important,
la possibilité une fois tous les trois ans que des patients pourraient
souffrir de services réduits pendant une, deux, trois, peut-être
quatre semaines ou l'assurance que continuellement des citoyens et des
citoyennes manquent totalement de services pendant trois, quatre ou cinq mois,
le temps qu'ils attendent pour entrer dans un hôpital? La question se
pose, n'est-ce pas? C'est dans ce sens qu'on fait le raccordement.
L'autre question, c'était quoi? J'étais tellement
intéressé à prendre des notes pour répondre
à votre première que...
M. Rivest: Sur l'avenir, sur la solidité des institutions
qu'on va mettre en place pour éviter que les gens...
M. Laberge: Pour les négociations à venir.
M. Rivest: Je pense que c'est une préoccupation qu'on peut
partager: éviter que des gens très concrètement soient
heurtés, des malades, en particulier, compte tenu de la séquence
qu'on a vécue des dix ou quinze dernières années, de ce
qui s'en vient et de ce qui va être la démarche également
des travailleurs du secteur public, des centrales syndicales. Les conditions de
travail se sont améliorées depuis 1966, au lendemain de l'octroi
du droit de grève, alors que vous vous battiez et que cela a
donné la mise en tutelle des hôpitaux en 1966, depuis que vous
vous êtes battu en 1972, en 1976 et, même là, les conditions
de travail des travailleurs -il faut quand même l'admettre - se sont
considérablement améliorées. Vous avez presque un
problème maintenant. Je ne veux pas dire qu'on a presque
créé deux classes de travailleurs au Québec, les
travailleurs du secteur public, globalement - en tout cas, la plupart des gens
l'affirment - ont des conditions de travail plus avantageuses que dans le
secteur privé. J'imagine que, comme centrale syndicale, c'est un
problème qui vous préoccupe.
M. Laberge: Évidemment, mais, encore là, quant
à la déclaration du premier ministre, je pense que lui aussi,
à un moment donné, s'est laissé gagner par
l'état-major qui claironnait. Quand on regarde cela froidement - et je
pense que c'est ce que vous essayez de faire - il me semble que la commission
parlementaire arrive en temps utile. On n'en est pas rendu tout près
d'une situation de crise. Tout le monde l'appréhende, évidemment,
dans le climat actuel, mais on n'est pas encore rendu là. Il me semble
qu'on passe, encore là, beaucoup de temps à parler de
l'éventualité d'un bris de négociations et des
conséquences que cela pourrait avoir sur les services s'il y a une
grève et qu'on ne passe pas beaucoup de temps pour essayer
d'éviter qu'on ne se rende là, en d'autres mots, qu'on
négocie. L'appareil patronal - et ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont
les représentants de l'Association des centres d'accueil - dit: II
appartient au gouvernement de décider de la masse salariale. Il
appartient au gouvernement de décider de la qualité... Tout
appartient au gouvernement. Le gouvernement devrait-il avoir tout ce monde
en même temps pour négocier? C'est plus difficile, quand il
y a un comité de négociation de 25, de choisir des dates
où tout le monde est disponible que quand il y a un comité de
négociation de cinq. (12 h 30)
Je pense que le régime de négociations est à
repenser. Il me semble que c'est là-dessus qu'on devrait dépenser
beaucoup d'énergie, beaucoup d'efforts pour éviter, justement,
qu'on ne se rende à la situation où peut-être que, tous les
trois ans, pourrait arriver la possibilité... Je pense qu'il faut
rattacher ça un peu à ce qui s'est passé lors de la
dernière ronde de négociations et des précédentes.
M. Laramée voudrait ajouter quelques mots.
M. Laramée (Roger): C'est surtout plus directement en ce
qui a trait aux services essentiels. Vous avez parlé du passé, et
nous, à la FTQ, chaque fois que quelqu'un nous a soumis un
problème dans une institution quelconque, on est intervenu pour tenter
de régler la situation. Je sais qu'à chague fois qu'on est
intervenu il y a eu un règlement entre les parties.
Deuxièmement, il y a un élément que je trouve
important dans le passé et je vais prendre comme exemple, encore une
fois, la loi 253. Chaque fois qu'on a tenté d'imposer guelque chose
à des travailleurs et des travailleuses des services essentiels,
toujours le poids de la décision gouvernementale retombait sur les dos
des travailleurs. Je pense que des amendes étaient prévues dans
la loi 253, mais jamais on n'a prévu quelque chose qui pouvait
contraindre l'employeur à négocier. Il y a une partie qui est
contrainte de négocier et d'essayer de trouver une entente et l'autre
n'a qu'à s'asseoir et attendre que quelqu'un nommé par le
gouvernement vienne faire sa "job"; je vous dis qu'il y en a beaucoup qui n'ont
pas osé bouger, ils ont attendu cette personne du gouvernement qui
allait imposer une liste de services essentiels.
De là l'expérience plus récente qui a permis une
négociation parce qu'il n'y avait pas vraiment de pression uniquement
sur un côté de la table; il y avait une pression sociale, morale
sur les deux parties, et c'est pour ça qu'on a eu plus de
règlements négociés et acceptés par les parties.
Cette négociation faisait en sorte qu'on pouvait établir une
liste beaucoup plus adéquatement parce qu'on avait quand même un
minimum d'information de la partie patronale. L'information que nous
possédons, de façon générale, du côté
syndical, nous a permis de transmettre des listes qui se voulaient
adéquates et, dans chacun des cas, chacun des groupes qui a soumis une
liste s'était dit prêt à réviser ça au moment
opportun. Établir une liste six mois avant un conflit
appréhendé et maintenir de vrais services essentiels, ce sont
deux choses bien différentes. On l'a mentionné ce matin, il faut,
chaque jour, qu'on analyse une situation, voir quel est le taux
d'occupation.
Je pense qu'on devrait commencer immédiatement à regarder,
compte tenu du personnel dans les hôpitaux généraux et les
centres d'accueil, les foyers, ce qui existe durant les fins de semaine. Le
personnel qu'on fournissait durant les conflits qu'on a vécus, je vous
dis que, dans bien des cas, il était supérieur dans le temps
à ce qu'on vit actuellement dans les hôpitaux. À ce
moment-ci, on a un taux d'occupation normal, qui est à peu près
de 75% ou 80%, alors que, dans le temps, on avait des taux d'occupation qui
allaient jusqu'à 20% et, dans certains cas, 25% ou 30% dans bien des
maisons. On a fait un drame de ça.
Moi, vraiment, je ne comprends pas les déclarations de certains
politiciens. Il y a des médias d'information qui ont fait un drame lors
de la dernière ronde de négociations, alors que la situation
s'était améliorée énormément, comme l'a
mentionné le président de la FTQ. Quelle que soit la
décision que vous prenez, si votre décision est de mettre la
pression sur les travailleurs et de laisser le patron complètement
libre, sans aucune contrainte, vous aurez un chaos social important. Je pense
que les travailleurs ont pris le temps de bien analyser la situation, ont
répondu à l'appel lancé par la population afin d'avoir de
meilleurs services essentiels. Cela a été une première
expérience, elle sera probablement de beaucoup meilleure la prochaine
fois, mais, je le répète encore une fois, si des contraintes sont
placées sur la tête des travailleurs, vous aurez une
réponse qui sera peut-être négative.
M. Rivest: M. Laberge, une autre question que je voudrais cerner
avec vous, c'est la question des listes syndicales. Le groupe qui vous a
précédé a formulé des commentaires avec presque
autant de conviction que vous sur la question de la liste syndicale, mais avec
une conclusion tout à fait contraire. Je cherche à comprendre. Il
y a une chose, d'abord; je vous le dis, vous ne serez peut-être pas
d'accord. Vous écrivez, dans votre mémoire, à la page 11
-je pense que c'est la première version, mais sans doute que vous l'avez
repris; de toute façon, vous l'avez affirmé: "Seules les
personnes impliguées dans le milieu, c'est-à-dire les
syndiqués, sont en mesure d'évaluer les besoins. " Je pense
qu'hier, lorsque le Conseil du patronat est venu exprimer une suggestion qui
méritait certainement d'être gardée, j'avais signalé
qu'une régie ou enfin, un organisme central, je commençais
à trouver que ça pouvait peut-être être très
loin des conditions locales pour déterminer ça. J'avais
demandé par ma question - c'est ce
que je pense - si, effectivement, les personnes qui vivent dans le
milieu sont si épouvantables que cela. C'est ce que je voudrais vous
faire nuancer. Vous dites seules les personnes impliquées dans le
milieu, c'est-à-dire les syndiqués, Évidemment ça
amène la liste syndicale. Mais, M. Laberqe, entre vous et moi, les
administrateurs, il y en a qui sont bons, d'autres pas bons, mais les
administrateurs, les cadres, les professionnels qui travaillent dans les
hôpitaux, est-ce qu'ils sont si épouvantables que ça?
M. Laberge: Ils sont impliqués. On parle de
négocier une liste, ce n'est que dans le cas où il n'y a pas une
négociation de la liste que les travailleurs déposent leur liste.
Ils en assument la pleine et entière responsabilité, mais,
jusqu'à ce stade, c'est bien sûr que les directeurs et les autres
sont impliqués, puisqu'il y a des négociations.
M. Rivest: M. Laberge, vous avez une longue expérience de
la négociation, quand vous êtes en négociation d'une
convention collective, et vous le répétez à
satiété, c'est notre régime malheureusement, c'est un
rapport de forces. Ce que la population redoute, j'ai moi-même
là-dessus des doutes c'est de donner à l'une ou l'autre partie le
soin de déterminer d'une façon définitive au cas où
il n'y a pas entente entre les deux. Ce que les gens craignent - il s'agit des
services essentiels, il s'agit de la primauté à la santé,
tout ça, c'est fondamental - c'est que, ces négociations vont
être entachées et vont être imbibées du climat de
négociation des conditions de travail, alors que l'objet des ententes en
question, ce ne sont pas les conditions de travail, ce sont les conditions de
vie et de santé des gens.
C'est pour ça que - il y avait des choses dont je doutais dans
l'affaire du Conseil du patronat - un tiers lui, n'a pas ces
intérêts aussi vécus, aussi immédiats et aussi
pressants et peut à ce moment-là regarder ça avec plus de
détachement. La population aussi aurait, dans ce sens, de meilleures
garanties que ça devienne l'objet d'une négociation. Est-ce que
vous comprenez exactement ce que je veux dire? Je veux juste ajouter une chose.
En cours de route, il est arrivé des situations, par exemple, dans les
rapports d'expertise du conseil des médecins à l'hôpital de
Gaspé, c'est le résultat qui compte, peu importent les
responsabilités, l'administration a posé un geste dans le cadre
de la grève. Le rapport dit: Le syndicat réagit aux gestes de
l'administration et ordonne aussitôt à tous les employés
chargés de maintenir les services essentiels de sortir à leur
tour et de quitter le travail pour ainsi manifester leur désaccord et
forcer la direction de l'hôpital à réagir contre la
présence de six techniciens, parce qu'aucun employé à ce
poste n'est prévu dans la liste.
Peut-être que ça s'est corrigé assez rapidement,
mais on voit quand même ce qui arrive comme résultat net; il y a
une liste syndicale, il y a un conflit de travail. Les gens réagissent,
peut-être à tort ou à raison, je ne le sais pas, mais,
résultat net, les gens dans l'hôpital se sont trouvés
pendant un certain temps sans services essentiels. Il me semble qu'au fond des
choses, la crainte de la population, sa très grande réticence,
quand il s'agit du droit de grève, etc., c'est ce genre de
situation.
M. Laberge: Si vous me permettez, très brièvement,
vous citez un exemple, et moi, je pourrais vous citer des exemples où
les directeurs de centres hospitaliers ont refusé l'entrée aux
travailleurs qui allaient assumer les services essentiels. Ils ont dit: On n'a
pas besoin de vous autres, on va s'arranger tout seuls, c'est-à-dire les
cadres. Cela, c'est l'autre abus. Ce sont des situations particulières.
Là, vous mentionnez un cas à Gaspé.
M. Rivest: À Gaspé.
M. Laberge: II y aurait peut-être lieu de regarder aussi
les agissements du directeur. Si c'est vrai qu'il est entré six
techniciens, alors qu'en temps normal il n'y en a pas, pourquoi a-t-il fait
ça? Est-ce qu'il a pris un gallon d'essence, pour le "maudire" sur un
tout petit feu d'allumettes?
M. Rivest: M. Laberge, ce que je veux vous dire...
M. Laberge: Cela se corrige, un abus, et ça doit
être corrigé par un autre.
M. Rivest: Ce n'est pas seulement de l'abus que je veux vous
parler, je veux vous dire que la détermination des listes qui sont
censées assurer des services essentiels devient partie d'une
négociation...
M. Laberge: J'en viens à ça.
M. Rivest:... qui est de nature fondamentale sur le niveau des
conditions de travail. Il me semble que, quand on parle de services essentiels,
ce n'est pas des conditions de travail, c'est la vie des gens.
M. Laberge: J'y arrive, j'y arrive. On a une tierce partie, c'est
vous autres, c'est l'Assemblée nationale.
M. Rivest: Oui, mais vous n'aimez pas quand on...
M. Laberge: Si vous permettez. On est d'accord sur un point.
D'ailleurs,
même l'Association des centres d'accueil semble d'accord
là-dessus, une régie, un conseil, une commission, n'importe quoi
siégeant à Québec, à Montréal ou ailleurs ne
peut pas déterminer ce genre de choses. Là-dessus, on est
d'accord. Cela doit se faire sur place. Évidemment, la partie patronale
va dire - elle a le droit de le dire - la liste que m'a soumise le syndicat n'a
pas d'allure. Elle n'a pas d'allure parce que nous avons telle sorte de
patients. Ils ne nous donnent personne pour s'assurer, etc. L'Assemblée
nationale a toujours cette suprématie, elle a le droit d'agir.
Il y a une pression morale aussi sur les travailleurs. Partons du bon
pas. Disons que tout le monde est de bonne foi et que tout le monde a une
conscience sociale développée, et que, de façon
générale, cela va bien; on a le droit de penser cela. Cela va
bien aller. S'il y a des cas d'abus, il me semble qu'on peut trouver des moyens
de corriger cela sans faire pâtir tout le monde. Encore une fois, ce
n'est pas parce qu'on fait attendre des patients trois, quatre ou cinq mois
pour leur entrée à l'hôpital, il y en a qui sont
très angoissés parce qu'ils ne peuvent pas entrer et ils savent
que leur tumeur qu'ils doivent faire enlever, s'ils attendent trois, quatre ou
cinq mois... J'ai vu des gars avec des cataractes et ils ont été
obligés d'attendre. Ce sont des situations vraiment malheureuses, mais
on n'a pas le droit de punir tout le monde parce qu'on doit essayer de corriger
ces situations.
M. Rivest: On me bouscule un peu dans le temps. Je reste encore
avec certains doutes sur l'espèce de confusion, ou l'atmosphère
des conditions de travail risque de dénaturer la détermination
des services essentiels avec les formules.
M. Laberge: Cela se fait six mois avant.
M. Rivest: D'accord. J'avance un peu plus loin. Dans le conseil
du maintien des services essentiels, parce que la plupart des cas qu'on peut
citer - j'en ai, il y en a qui sont assez pathétiques, il y a des
journalistes ici, je ne voudrais pas qu'ils fassent une manchette et
après cela que vous nous accusiez, les politiciens - je ne
décrirai pas les situations qui ont été vécues
à l'hôpital de Rivière-des-Prairies... Ce sont de vos
syndiqués qui travaillent au niveau...
M. Laberge: C'est un des groupes, oui. il y a plusieurs groupes
là-dedans.
M. Rivest: Ce sont des soins psychiatriques chez les enfants. Il
y a des situations de fuites, de mutilations, etc., qui sont survenues.
Remarquez que c'est peut- être arrivé en dehors, mais c'est
arrivé pendant la grève. Le rapport de l'expert du conseil cite
des cas pénibles. Il y en a une page complète.
Ce à quoi je veux en venir, c'est d'avoir votre réaction,
quand vous dites que le conseil du maintien des services essentiels doit avoir
une base permanente en dehors, cela enlève le caractère de
négociations... Est-ce que ce conseil, dans la loi - j'ai essayé
d'avoir le texte de la loi qui donne ces pouvoirs, mais malheureusement, je ne
l'ai pas eu - a une avenue à explorer dans le domaine de la santé
entre les hôpitaux de soins aigus, les hôpitaux de soins
psychiatriques, les hôpitaux de soins prolongés? Est-ce que dans
la loi, vous vous opposeriez, parce que vous dites que quand il y a un
problème, il faut quelque chose pour le régler? On sait
très bien qu'il y a la bonne foi, etc. Est-ce que le conseil pourrait,
comme d'ailleurs le rapport Picard l'a suggéré dans le cas des
protocoles-cadres, il donnait 16 ou 17 points... Je comprends que vous vous
opposiez aux pouvoirs à caractère judiciaire de la régie;
je reviens au Conseil du patronat, mais est-ce qu'un certain caractère
normatif - je ne veux pas vous faire peur avec certaines affaires comme cela -
qui...
M. Laberge: Non, vous pouvez y aller carrément.
M. Rivest:... incluait une distinction fondamentale entre les
situations d'hôpitaux, pour malades aigus, malades chroniques,
Saint-Charles-Borromée, par exemple. Vous allez voir qu'au comité
des malades, on soulève des cas qui ne sont certainement pas
inventés. Je vous donne le cas de Laprairie pour les enfants qui sont
sous soins psychiatriques. Là-dessus, pour qu'il y ait des ententes, le
législateur ne pourrait-il pas, au niveau d'un conseil quelconque, faire
socialement les jugements de valeur avec lesquels vous pourriez vivre? (12 h
45)
M. Laberge: C'est pour cela qu'il faut absolument que ce soit
déterminé au niveau local. Un hôpital psychiatrique, c'est
bien différent, c'est très différent d'un centre d'accueil
où il y a des personnes âgées qui ont besoin de soins, mais
ce n'est pas la même chose que certains services dans les hôpitaux
psychiatriques où les travailleurs y goûtent. J'ai eu des rapports
de travailleurs qui ont perdu trois semaines, six semaines, trois mois, parce
qu'ils ont été blessés par des patients. Vous savez qu'ils
n'ont pas le droit de se défendre. Ce ne serait pas une bonne "job" pour
moi, je vous le dis tout de suite. Ces situations arrivent. S'il y avait un
comité permanent pour s'assurer de la qualité des services, si la
préparation de la liste des services essentiels se faisait six
mois avant la fin de la convention collective, ce comité pourrait
dire publiquement: La liste n'a pas d'allure ou bien les exigences du
côté patronal n'ont pas d'allure. Parce que nous avons toujours
pris comme base le nombre de salariés qu'il y a dans les centres
hospitaliers, dans les centres d'accueil, etc., 52 fins de semaine par
année et les jours fériés. Si cela n'est pas suffisant,
c'est notre base; quand nous disons, nous autres, que nous sommes prêts
à assumer les services essentiels comme base, c'est de là que
nous partons. Si cela n'est pas suffisant dans une possibilité de
conflit, d'arrêt de travail, la vie des patients est en danger 52 fins de
semaine par année et tous les congés fériés
où là, en plus, comme vous le savez fort bien, il n'y a pas
beaucoup de médecins...
M. Rivest: Je comprends votre réponse. Vous ne refuseriez
pas complètement que, dans le conseil des services essentiels, dans
l'aide à la détermination des services essentiels par les
parties, il y ait des critères auxquels toutes les ententes devraient
satisfaire, compte tenu de la nature des institutions. Est-ce que cela vous
apparaît possible?
M. Laberge: Comment établissez-vous des critères
entre un établissement qui a une clientèle de tout jeunes et un
autre établissement qui a une clientèle de jeunes mais de jeunes
rendus à 180, 190 et 200 livres? Les besoins ne sont pas les
mêmes.
M. Rivest: Regardez la liste...
M. Laberge: Si vous le permettez, M. Laforest...
M. Rivest: Juste avant que M. Laforest réponde, il y a
quand même une série d'ententes qui ont été
conlues...
M. Laberge: Voilà.
M. Rivest:... il y a des listes syndicales qui ont
été déposées. Cela a marché ou pas,
là où il y avait des ententes, on ne part pas de rien. Il y a
déjà une espèce d'expertise qu'on a acquise, alors il y a
des paramètres généraux qui vont se dégager de
cela, et on va s'apercevoir, si on les examine attentivement, qu'il y a des
lignes directrices voulant que tel type de services prend tel type de
personnes. Déjà, à ce moment-là, il y aura des
guides sur le nombre de personnes, sur leur durée. Est-ce que cet
exercice-là vous paraîtrait complètement futile à
faire?
M. Laberge: Un paramètre que je pourrais vous
suggérer, c'est que les services essentiels devraient être
assurés par au moins autant de salariés qu'il y en a en fin de
semaine; ce serait un bon paramètre.
M. Rivest: Vous critiquez par ailleurs les fins de semaine; vous
dites que la santé et la sécurité ne sont pas
protégées, ce ne serait pas un bon paramètre.
M. Laberge: Alors c'est à vous autres de corriger la
situation et pas à nous.
M. Rivest: Ce n'est pas nous autres, le gouvernement.
M. Laberge: Je pense que l'Opposition fait partie du
gouvernement, non?
M. Rivest: Oui. C'est terminé quant à moi.
M. Lafontaine (Réal): Moi, cela m'inquiète un peu
de mettre des paramètres à l'échelle nationale
là-dessus, car il peut y avoir des situations qui sont bien
différentes. Ce n'est pas pareil pour un hôpital à
Schefferville ou à Gagnon, où tous les soins sont donnés
au même endroit, et pour un hôpital du centre-ville de
Montréal où en fin de semaine il y a un débrayaqe et que
les autres sont ouverts autour. On ne peut pas prévoir toutes les
situations. Simplement en regardant la catégorie de
bénéficiaires, j'ai peur qu'on oublie ces situations que seuls
les gens, au moment de la grève, peuvent regarder.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean (Prévost).
M. Dean: Merci, M. le Président. J'ai trois questions
à poser et je vais faire assez vite. Premièrement, malgré
l'amélioration de la situation en 1979 et que votre centrale n'ait pas
nécessairement exercé son droit de grève en 1979, est-ce
que, soit en 1979 ou avant, dans la détermination des listes de services
essentiels, il y a des département, des services ou des types
d'établissements où il vous est arrivé de prévoir
la possibilité de personnels presque à 100%? Je parle d'urgence,
de bloc opératoire, de certains établissements.
M. Laberge: Absolument.
M. Dean: Je vais poser mes trois questions...
M. Lafontaine:... machines fixes, par exemple.
M. Laberge: Bon, il va poser les deux, trois questions.
M. Dean: Je vais poser mes trois questions.
M. Lafontaine: II va poser deux ou trois questions.
M. Dean: Deuxième question, moitié commentaire.
Vous dites, dans votre texte à la page 12, que vous vous êtes
toujours basés sur les services de fin de semaine dans la
détermination de services essentiels. Je trouve que c'est un point de
départ assez intéressant qu'on devrait retenir. Est-ce que cela
touche aussi des services assurés en période de vacances et en
fin de semaine, et lors des fermetures d'été de certains lits ou
de certains étages?
Troisième question, c'est plutôt sur les mécanismes
de négociation. J'ai toujours cru que le but de la négociation
était d'arriver à une convention collective. Et si on arrive
à une convention collective, on n'a pas à s'inquiéter de
la grève. On a parlé hier beaucoup du comportement des parties.
Il y en a qui se sont chargés de parler du comportement des travailleurs
et des travailleuses syndiqués.
Sur les mécanismes et surtout sur le comportement des parties,
selon vos expériences, avez-vous quelque chose à nous dire sur le
comportement de vos partenaires ou de vos adversaires à la table de
négociations, que ce soit les représentants du gouvernement ou
les partenaires du gouvernement ou des organismes comme Hydro-Québec? Je
veux parler de leur comportement patronal à la table de
négociations, à travers les années, qui peut avoir pour
effet d'envenimer une situation qui pourrait normalement aboutir a une entente.
Mais il faut être deux pour faire l'amour, deux pour se chicaner et deux
également pour signer une convention collective.
M. Laberge: Sur la première question, je vais laisser
Réal Lafontaine répondre. Est-ce qu'il y a eu des
départements, des sections... ?
M. Lafontaine: Certainement. L'un des exemples les plus
frappants, c'est le cas des mécaniciens de machines fixes où,
généralement, il y avait du 100%. Il y a d'autres exemples. Il
fallait regarder les situations. Il y a eu des listes et des ententes à
100%.
M. Laberge: Un point intéressant que tout le monde semble
oublier: dans le secteur privé, il n'y a aucune législation, il
n'y a rien qui parle de services essentiels. Même dans le secteur
privé, il y a des services essentiels. Pourtant, les travailleurs ont
toujours assumé les services essentiels. Il n'y a jamais une usine qui a
sauté parce que les travailleurs avaient refusé de la chauffer,
par exemple. Je vous le dis, on le fait. C'est tout naturel. J'espère
que vous nous considérez, nous aussi, comme des humains, avec des coeurs
et des consciences, comme les dirigeants et comme vous autres. Vous êtes
quasiment du monde ordinaire.
L'autre question, quand on dit qu'on se base sur le nombre de
salariés en fin de semaine et lors des vacances et des journées
fériées, il faut bien s'entendre. En temps normal, un centre
hospitalier a un taux de 80% d'occupation, il y a 200 salariés qui
assurent les services en fin de semaine. Ils se préparent pour la
négociation, bâtissent le climat - parce qu'ils le bâtissent
toujours un peu; en tout cas, malheureusement c'est toujours ce qui est
arrivé - et ils vident la moitié du centre hospitalier. Le taux
d'occupation est de 40% au lieu de 80%. Il est bien évident que
là notre liste des services essentiels ne serait plus basée sur
les 200 qui sont là en temps normal, alors que le taux d'occupation est
de 80%. Parce que là ce serait quasiment tout le monde.
M. Laramée: Si vous me permettez, il y a d'autres
critères qui entrent en ligne de compte. Dans des hôpitaux
où il y a à peu près 25% du personnel qui est
syndiqué, donc visé dans le conflit, il faut tenir compte du
personnel qui peut effectuer des travaux en dehors des gens qui sont en
grève ou qui seront éventuellement en grève. Il y a
plusieurs facteurs qu'il faut considérer et de là il y a
peut-être une lacune à négocier des services essentiels six
mois avant. Qu'on tente de négocier des services essentiels six mois
avant, mais, au moment où le conflit pourrait effectivement prendre
effet, il faudrait réviser tout cela. À aucun moment, je n'ai
entendu un syndicat s'opposer à regarder tout cela. C'est impossible de
vraiment donner les services essentiels adéquats ou de préparer
cela six mois à l'avance.
M. Laberge: La dernière question posée par M. Dean
concerne l'attitude des partenaires aux tables de négociations. Il est
bien évident que le gouvernement peut jouer un rôle de leader pour
s'assurer que les demandes tant syndicales que patronales soient
déposées à temps. Il peut pousser pour qu'il y ait des
rencontres. Lors de la dernière ronde de négociations, il est
bien évident qu'il y avait des partenaires du gouvernement qui
n'étaient pas là pour l'aider, pas une maudite miette. Cela a
été évident. D'ailleurs, je vois que Robert Gaulin, de la
CEQ, est ici, il va vous en parler. La Fédération des commissions
scolaires n'a pas fait monts et merveilles pour hâter la
négociation et en arriver à une entente rapide. Et puis il y en a
d'autres.
Il y a Hydro-Québec. Enfin, vous connaissez son arrogance
proverbiale.
M. Dean: La population ne la connaît
pas, ne le sait pas. Voulez-vous nous en parler.
M. Laberge: Hydro-Québec, c'est la même chose. Vous
savez, on est venu devant une commission parlementaire, disons qu'on a
peut-être mal expliqué le problème et je pense qu'à
ce moment les députés et les ministres étaient
peut-être tellement désireux de trouver une solution qu'ils ont
peut-être mal écouté ce qu'on essayait d'expliquer.
Mais la loi spéciale, Hydro-Québec s'est dit: Pouah! les
petits gars, arrangez-vous avec vos troubles. Ils n'ont absolument rien fait
pour corriger des situations épouvantables. On a parlé, par
exemple, des différences dans la caisse de retraite entre les anciens
employés de la Shawinigan et d'autres qui ont été
étatisés, nationalisés. Ils ont rien fait pour corriger
cela. Je vais vous dire que si Hydro-Québec est sûre d'avoir une
loi spéciale qui va lui permettre d'esquiver ses responsabilités,
c'est sûrement ce qui va être fait.
Parlant d'électricité, j'aurais aimé être ici
quand M. Ghislain Dufour a fait sa présentation. Lui, il parle
évidemment des services électriques, du gaz, etc. C'est
drôle, on a des gens qui sont dehors depuis un mois et demi à
Hydro-Québec et il n'y a personne qui fait des pressions sur
Hydro-Québec pour que ça se règle. Je suppose que ce n'est
pas essentiel. On a des gens qui sont dehors depuis un mois et demi, personne
ne dénonce Hydro-Québec.
M. Marois: M. Laberge, si vous le permettez, peut-être
faudrait-il nuancer un peu l'affirmation quand vous dites qu'il n'y a personne
qui fait des pressions.
M. Laberge: Si vous en connaissez un, nommez-le!
M. Marois: II n'est pas très loin de vous,
aujourd'hui.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. M. Laberqe, il y a un
nouvel élément qui a été apporté par la FTQ,
à la page 11, et je voudrais revenir sur la question du comité
permanent de bénéficiaires, composé de véritables
usagers, de travailleurs et de travailleuses.
En ce qui me concerne, ça semble un élément qui
serait très important, mais je voudrais savoir une chose en particulier.
Puisque vous avez parlé du conseil, pourriez-vous me dire de quelle
façon vous verriez le fonctionnement de ce comité permanent de
bénéficiaires, d'une part, et, deuxièmement, s'il serait
relié, dans ses positions, au conseil, si, éventuellement, on
améliore le conseil lui-même, non pas en lui donnant des pouvoirs
quasi judiciaires ou judiciaires, parce que, moi aussi, je m'oppose dans un
certain sens, à tout ça?
M. Laberge: Évidemment, vous pourriez y établir les
liens que vous voulez, mais le comité serait d'abord local...
M. Perron: Ce que je veux, M. Laberge, c'est avoir des
suggestions de votre part pour la liaison qu'il pourrait y avoir, si vous
prévoyez une liaison entre le conseil et ce comité.
M. Laberge: II pourrait y avoir un conseil, dit national, pour
faire la coordination de tout ça; parce qu'il va se développer
une expérience. Quand les travailleurs d'un établissement
siégeraient avec les usagers de cet établissement, il
s'établirait des liens; je veux dire que, quand on est face à
face avec un patient qui, lui, a souffert déjà d'un manque de
services, quelle qu'en soit la raison, je ne parle pas nécessairement
d'un conflit syndical, je parle peut-être d'un manque de personnel, je
parle peut-être d'un manque de soins professionnels, je parle d'un manque
d'équipements, ces patients vont être là et vont faire
connaître leur point de vue. Je pense que ce serait une expérience
drôlement enrichissante. Encore une fois, tenons pour acquis que les
travailleurs dans les centres hospitaliers et dans les centres d'accueil sont
des êtres humains et je n'en connais pas un seul qui voudrait mettre en
danger la santé et la vie de qui que ce soit.
M. Perron: Deux courtes questions. En rapport avec ce
comité, je présume que vous prévoyez que le nombre de
membres de ce comité serait en place selon l'établissement
lui-même. (13 heures)
M. Laberge: Évidemment.
M. Perron: D'autre part, en ce qui a trait, par exemple, aux
représentants des travailleurs et des travailleuses, vous
prévoyez, comme c'est votre mécanisme habituel, que ces
gens-là soient élus. S'il y en a deux ou trois dans le
comité, qu'ils soient élus. Quant aux usagers eux-mêmes,
est-ce que vous prévoyez des nominations ou des élections par les
usagers?
M. Laberge: Évidemment, on n'est pas entré dans
tous ces détails, parce que cela aurait été un peu
fastidieux de discuter de tous ces détails. Est-ce que la suggestion
sera retenue? Si elle était retenue, on pourrait s'asseoir et regarder
tout cela en détail. Cela ne prend pas tellement de temps de trouver des
mécanismes pour faire fonctionner cela.
M. Perron: Merci, M. Laberge.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Dougherty, Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: M. Laberge, vous avez parlé des
délais dans le cheminement des négociations, vous avez
parlé de chantage et de manque de bonne foi, dans votre mémoire.
Il me semble que les règles du jeu dans le système adversaire que
nous avons pour régler la négociation n'encouragent ni
l'adversaire ni l'autre d'accélérer les négociations,
parce que chacun pense que les résultats seront meilleurs si on prolonge
afin d'obtenir davantage. C'est un problème inhérent au
système lui-même. Est-ce que vous avez des suggestions? Vous avez
parlé d'un calendrier rigide, mais je ne vois pas d'autres suggestions
précises pour accélérer les négociations.
M. Laberge: Enfin, je pense, je ne crois pas me tromper en vous
disant: Je crois que vous vous opposeriez à ce qu'il y ait un changement
dans le régime de négociation qui permettrait à la partie
syndicale de déposer ses demandes 60 jours après que la partie
patronale aurait déposé les siennes. Je pense que vous vous
opposeriez à ça.
Ce n'est pas plus juste qu'on permette à la partie patronale de
déposer ses demandes 60 jours après.
Le deuxième point: Dans le secteur privé, quand nous
négocions avec un patron ou son représentant, il est directement
intéressé parce que, s'il n'y a pas un règlement,
ça sort de ses goussets, c'est lui qui paie les pots cassés. Il
faut quand même reconnaître que, dans les centres hospitaliers et
les centres d'accueil, les dirigeants, enfin leur conscience sociale de
citoyens, bien sûr, mais ce n'est pas...
Mme Dougherty: Dans le secteur privé, c'est le profit qui
est en jeu. Il y a une certaine pression...
M. Laberge: Exactement, tandis que, dans le secteur public, les
dirigeants, les commissaires de commissions scolaires, c'est le gouvernement
qui essuie l'odieux s'il n'y a pas un règlement. S'il y a un
règlement, c'est le gouvernement qui est obligé d'imposer des
taxes pour payer. Bon!
Je pense que vous comprenez ce que je veux vous dire.
Mme Dougherty: Mais je cherche des solutions parce que ça
nous en prendra une très grave...
M. Laberge: La solution serait peut-être un peu
draconienne. On vous a dit encore ce matin - le président de
l'Association des centres d'accueil - que c'est le gouvernement qui doit
déterminer la masse salariale, que c'est le gouvernement qui doit
déterminer la qualité des services. Si c'est le gouvernement qui
doit tout déterminer, pourquoi ne pas négocier directement avec
le gouvernement? Cela épargnerait peut-être beaucoup de temps.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération des travailleurs du
Québec.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 15
heures cet après-midi alors que nous reprendrons avec l'audition du
mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 05)
(Reprise de la séance à 15 h 9)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La Commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Pour le
bénéfice des personnes qui nous regardent pour la première
fois, je me permettrai de répéter le mandat de cette commission,
qui est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen
des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les
secteurs public, parapublic et péripublic, et, de façon plus
particulière, à l'étude des moyens qui permettraient
d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de
travail dans ces secteurs.
Centrale de l'enseignement du Québec
Pour commencer la séance de cet après-midi, nous
entendrons le mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec,
qui sera présenté par son président, M. Robert Gaulin.
Alors, si vous voulez prendre place, M. Gaulin, et en même temps nous
présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Gaulin: M. le Président, mesdames et messieurs de la
commission parlementaire, il me fait plaisir au nom de la CEQ de vous
rencontrer cet après-midi pour discuter de questions de relations de
travail et plus particulièrement, en ce qui regarde la CEQ,
peut-être ce qui a été à l'origine de cette
commission parlementaire, de la question du droit de grève dans le
secteur public.
J'ai avec moi cet après-midi, comme membres de notre
délégation, Mme Alice Tremblay, vice-présidente de la
centrale, à ma droite également, Gilles Lavoie, qui vient
d'être nommé coordonnateur de la CEQ pour la prochaine ronde de
négociations du secteur
public, à ma gauche immédiate, Gilbert Plante, directeur
général à la centrale, et Marc-André Lemay,
conseiller en relations de travail.
Je ne ferai pas de lecture du mémoire; c'est un mémoire
assez substantiel d'une cinguantaine de pages que nous avons
préparé. J'aimerais cependant essayer de situer comment la CEQ
s'est posé le problème de cette commission parlementaire, le
problème du droit de grève dans le secteur public. Je crois qu'il
importe au départ de situer le débat sur le droit de grève
dans son contexte, ou dans les débats qui ont présidé
à la mise sur pied, à l'acceptation de cette commission
parlementaire. Pour nous, d'abord, je crois que c'est un débat
éminemment politique, dans le sens correct du terme "politique", qui ne
relève pas des partis politiques mais de la chose politique. C'est aussi
un débat qui porte, d'une certaine manière, sur la place des
groupes dans la société et la manière d'aqir, de
déterminer ou d'influencer les grandes politigues dans notre
société.
Bien sûr, en acceptant cette commission parlementaire, le
gouvernement a répondu à diverses pressions. On se souvient,
avant les dernières élections, des pressions de l'Union
Nationale, qui n'a pas survécu aux élections, mais qui a fait
beaucoup de bruit et qui a exigé fortement, de la part du gouvernement,
une prise de position claire sur le droit de grève dans le secteur
public. On se souvient aussi des positions de certains groupes qui
prétendent, en remettant en cause - ça va jusque-la - le droit de
grève, défendre la gualité des services publics.
Il faut se dire également que le droit de grève dans le
secteur public n'a pas vingt ans (le Code du travail date de 1964); que, depuis
ce temps, l'exercice libre, tel que prévu au Code du travail, a
été rarement permis; que, surtout en ce qui regarde les grandes
négociations, chague fois qu'il y a eu exercice de ce droit de
grève, c'a été entouré de restrictions de tous
ordres, de défenses, d'utilisation de lois spéciales, de
suspension de la grève une fois qu'elle était en cours ou
même de lois qui visaient à retarder le déclenchement d'une
grève qui avait été votée fortement et
démocratiquement par une grande majorité de syndiqués.
Il faut se dire que dans ces contextes -ce n'est pas un blâme,
c'est peut-être un peu normal, ça dépend des degrés
- il y a aussi l'utilisation politique qui est faite des conflits pour
justifier certaines interventions extérieures dans le processus de
négociation, pour justifier, par exemple, de l'action policière.
Depuis 1972, on a noté, à l'occasion des rondes de
négociations, une accentuation de la surveillance policière des
organisations syndicales. En 1979, on a envoyé un
télégramme au ministre de la
Justice pour lui demander d'enquêter sur certaines affirmations
qui disaient que la police exerçait une surveillance, de l'écoute
dans les activités syndicales. L'utilisation des conflits prête
à ça; elle prête aussi à monter des "build-up", des
dossiers justifiant ou préparant le terrain à des interventions
législatives, des interventions judiciaires, des interventions
policières dans les relations de travail, ce qui n'est certainement pas
la meilleure manière d'améliorer le fonctionnement des choses.
(15 h 15)
Je crois qu'il faudrait aussi établir une relation entre la
position des groupes sur le droit de grève et leur position sur le
développement des services sociaux. C'est ce qu'on a tenté de
faire dans un chapitre de notre mémoire pour arriver à
démontrer, c'est peut-être drôle, qu'il y a une
corrélation presque parfaite entre ceux qui attaquent le droit de
grève dans le secteur public et ceux qui attaquent le
développement de programmes sociaux. C'est drôle que le Conseil du
patronat s'interroge sur le droit de grève, exige des restrictions, des
contrôles accrus sur les conditions d'exercice du droit de grève
et que le Conseil du patronat, d'une manière systématique, dans
à peu près toutes ses interventions, remette en cause
l'investissement public dans des services, le développement de
programmes de gratuité de services, et ainsi de suite, par exemple,
l'existence d'une régie d'État d'assurance automobile. On
pourrait prendre à peu près chacune des mesures progressistes
jusqu'à la loi 17 où il y avait des restrictions de cet ordre.
C'est la même chose du côté de certains
éditorialistes. On dit que les syndicats sont puissants, qu'il faut
restreindre les syndicats. C'est la même chose, on dit qu'il y a trop
d'investissements dans le domaine des services. Vous avez vu comme moi
certaines déclarations qui contestent le droit de grève, qui
contestent les programmes sociaux, le développement des services
publics. C'est la même chose également pour certains partis
politigues à des degrés différents.
Il y a donc à remettre cette dimension dans le débat et se
dire que, quand certains mettent en doute le droit de grève, ce n'est
peut-être pas la grève, mais les conséguences d'une
grève ou les résultats d'une négociation où il y a
eu exercice du droit de grève. Pour eux et pour beaucoup, limiter le
droit de grève, ce n'est certainement pas régler les
problèmes importants, les problèmes de services essentiels, les
problèmes de mécanigue autour d'un processus de
négociations; c'est empêcher les négociations du secteur
public d'aboutir à des résultats qui pourraient engendrer pour
eux des retombées dans le secteur privé. Bien sûr,
négocier des congés de maternité dans le
secteur public ou négocier une diminution des écarts entre
les hauts salariés et les bas salariés ne peut faire autrement
qu'avoir des effets d'entraînement sur d'autres groupes moins
organisés ou sur les groupes non syndiqués dans notre
société ou exercer des pressions en faveur des bas
salariés. Je crois que c'est beaucoup plus cela qui est visé par
certaines prises de position contre le droit de grève que les
problèmes causés par l'exercice d'une grève.
Le sens de notre présence ici aujourd'hui. Nous ne venons pas
négocier le droit de grève. Pour nous, c'est un droit
inaliénable, inattaquable. Nous ne venons pas non plus comparaître
au banc des accusés comme des gens qui auraient des choses à se
reprocher à travers vingt ans de négociations ou,
particulièrement, depuis 1967, depuis l'ère de la loi 25 qui,
dans notre secteur, le secteur de l'éducation, a provincialisé
les négociations.
Nous tenons à venir témoigner et affirmer que le
syndicalisme est un facteur essentiel de progrès social et un outil de
la démocratie, que le fondement de l'action syndicale, c'est la libre
négociation et que la libre négociation sans véritable
droit de grève, cela n'existe pas. C'est cela, à mon avis,
l'essentiel de la question.
Bien sûr, la grève, cela dérange; cela
dérange tout le monde; cela dérange les usagers; cela
dérange les travailleurs qui la font; cela dérange les
employeurs; cela dérange la société, dans un processus de
dérangement à court terme, mais c'est aussi un moyen, le moyen et
le seul moyen qu'ont trouvé les travailleurs, et les grands
spécialistes de quelque université ou de quelque centre de
recherche que ce soit n'y ont pas trouvé de remplacement adéquat.
C'est un moyen qui, à travers les dérangements passagers,
dérangements dont les organisations syndicales se préoccupent
toutes, je crois, de minimiser, mais c'est un moyen aussi qui permet de
corriger des situations qui autrement seraient déplorables, qui permet
de restreindre la détérioration de certains services publics et
qui permet aussi de débattre de questions essentielles et d'arriver
à des solutions qui sont des améliorations pour l'ensemble de la
société.
H faudrait peut-être parler un peu des causes des grèves.
Il y a des grèves. Il y a eu des grèves dans le secteur public de
plus ou moins grande importance. Des fois, on les considère avec plus
d'importance que cela en a eu effectivement à l'occasion des
négociations dans le secteur public, mais souvent les
négociations dans le secteur public ou le début d'une ronde de
négociations, c'est accompagné de gestes de toute nature, c'est
accompagné de politiques aussi qui préparent le contexte des
négociations. Dans la situation de crise économique que nous
vivons, d'augmentation indue, absolument inadmissible de taux
d'intérêt, d'inflation, de chômage, de restrictions dans les
programmes publics, de coupures budgétaires.
Dans notre mémoire on donne une série d'exemples autour de
cette question de coupures budgétaires; nous en avons parlé dans
une rencontre publique avec le gouvernement au mois de juin. Bien sûr,
c'est un contexte qui prépare les négociations, dans un contexte
de non-respect des conventions collectives parce qu'il y a une
adéquation aussi entre les restrictions budgétaires, coupures
budgétaires et la capacité ou la volonté de respecter
intégralement les conventions collectives.
Dans un contexte d'accumulation de griefs, dans un contexte ou des
ministres... prenons seulement le président du Conseil du trésor,
M. Bérubé, qui se promène actuellement et qui dit:
Préparez-vous les enfants, préparez-vous le monde, vous n'avez
encore rien vu. Il prépare le contexte des prochaines
négociations. Dans un contexte de directives qui arrivent de toute
nature et qui incitent les employeurs à appliquer ou ne pas appliquer de
telle ou de telle manière les conventions collectives. Dans un contexte
accru de contrôle. La CEQ a analysé les politiques mises de
l'avant par le ministère de l'Éducation. On a parlé de
contrôle exagéré, on a parlé de
contre-réforme qui était fondée sur des
contrôles.
Je pourrais vous donner une liste d'exemples. Je vais vous en donner un
pour être bien concret et bien illustrer mon point de vue. Le
gouvernement a adopté, le printemps passé, un règlement
qui modifie le régime pédagogique dans les écoles. Ce
règlement, par une de ses dispositions, dit que les enseignants doivent
travailler 200 jours, dont 180 jours de classe à raison de cing jours
dans une semaine à temps complet. Une disposition de cette nature. Il y
avait une pratique pédagogique dans l'éducation qui permettait,
à la rentrée scolaire, de recevoir progressivement les
élèves pendant une semaine, par petits groupes. En
première année, on appelait cela une rentrée progressive,
un groupe de cinq une journée et cinq le lendemain puis on reçoit
comme cela les 28 ou 30 élèves de première année ou
des classes.
Cette année, à partir de l'interprétation et de
cette directive du ministère de l'Éducation, on dit: Maintenant,
1er septembre, 30 enfants de première année dans la classe et
organisez-vous pour que cela marche, il faut que cela débute, 180 jours
de classes. Exagérations, contrôles, directives. Qu'est-ce que
cela a avec la capacité d'un milieu d'organiser des services
pédagogigues et d'expérimenter des formules qui permettraient de
se préoccuper un peu plus du monde et des jeunes qui ont à
fréquenter les institutions? Je pourrais
prendre ce règlement - régime pédagogique -pour
vous aligner toute une série d'exemples ou d'illustrations
d'éléments qui créent un contexte de tension dans le
milieu et qui, un moment donné, vont amener du matériel qui, bien
sûr, va déboucher sur les prochaines négociations. On
s'offusquera ou on se posera des questions en se disant: Comment cela se
fait-il qu'il y a des problèmes quand on arrive à
négocier?
Je voudrais également qu'on se méfie d'une approche
mécaniste en disant: Changeons telle disposition, mettons tant de jours
pour déposer les offres patronales ou les demandes syndicales, faisons
telle ou telle mécanique, telle tuyauterie et il n'y aura plus de
problème. À mon avis, les problèmes liés aux
négociations dans le secteur public ne sont pas des problèmes de
mécanique, ne sont pas des problèmes de tuyauterie; il ne s'agit
pas de savoir si les tuyaux sont soudés ou ne sont pas soudés; il
s'agit de savoir si ce qui coule dans les tuyaux, c'est la bonne affaire. Dans
le fond, c'est pas mal plus la qualité des offres patronales, des
demandes syndicales et le fond des questions qui posent des problèmes
que la date du dépôt. Ce n'est pas, la dernière fois, parce
que la partie patronale a déposé ses offres deux mois ou tant de
jours après la partie syndicale, ce n'est pas la cause de la loi 62 au
mois de novembre; c'est parce que ces offres étaient d'une telle nature
et attaquaient à ce point les conditions de travail existantes, les
acquis des négociations précédentes, c'est ça qui a
été la cause fondamentale du blocage des négociations. On
pourra en parler un peu plus tout a l'heure. Donc, attention, à notre
avis, aux débats de mécanique. Il en faut, il faut des
règles, il faut surtout s'en tenir à ces règles quand on
les a établies et les respecter tout au long du processus de
négociation.
Il existe actuellement - je ne veux pas prendre trop de temps, cela a
été développé aux pages 31 à 40 de notre
mémoire - toute une série de contraintes à l'exercice du
droit de grève. Depuis 1964, année de l'adoption du Code du
travail, d'une fois à l'autre, on a augmenté le nombre de
contraintes. Je vous invite à lire attentivement cette partie et vous
allez constater, quand vous examinez le Code du travail également et les
lois qui déterminent les négociations dans le secteur public, que
les contraintes sont beaucoup plus sévères, beaucoup plus
exigeantes pour les syndiqués, pour le fonctionnement des instances
syndicales que pour les vis-à-vis patronaux. Tout le processus
d'adoption des demandes syndicales dans les assemblées syndicales
larges, le processus de détermination des votes, le vote secret, le
processus d'avis et j'en passe comme ça, nous constatons
qu'actuellement, dans la législation du travail, il y a un
déséquilibre qui joue en faveur des parties patronales. C'est
faux de prétendre et d'affirmer que les syndicats sont trop puissants et
que les associations patronales et le gouvernement sont à la merci des
toutes puissantes organisations syndicales. Regardez les règles du jeu,
regardez un peu l'histoire des dernières négociations et vous me
direz qui a été le plus défavorisé par ces
règles-là.
La question des services essentiels, bien sûr, c'est une question
importante. C'est une question, même, si on n'est pas dans le secteur de
la santé, du côté de la CEQ, qui nous a toujours
préoccupés. C'est une question pour laquelle nous avons toujours
affirmé sans ambiguïté qu'il y avait des services essentiels
à maintenir. Mais nous affirmons également, sans
ambiguïté aussi, que les gens les mieux placés pour
définir les services essentiels ce sont les gens eux-mêmes dans
les établissements: les syndicats et les employeurs. C'est là que
le débat sur les services essentiels, c'est là que la
détermination des services essentiels doivent se faire.
Bien sûr, à cause de l'importance de la santé, on a
beaucoup plus accentué les problèmes ou insisté sur les
problèmes qui se posaient dans le domaine de la santé. Je dois
dire que dans le secteur de l'éducation les situations sont moins
urgentes, mais sans aucune règle écrite nulle part, il y a
toujours eu - pas partout, là où les besoins s'en faisaient
sentir - des ententes qui ont permis de régler certaines situations et
de maintenir certains fonctionnements minimaux, pas en termes d'enseignement,
mais en termes d'équipement ou en termes d'éléments comme
ça.
Je crois qu'il ne faudrait pas faire en sorte d'inciter même les
parties à transférer à d'autres leurs
responsabilités, parce que ça ne marchera pas. C'est clair que
ça ne marchera pas, et c'est un peu la conclusion qui est ressortie de
l'application de cette loi 253 à un moment donné. Le gouvernement
n'a pas non plus la capacité, en périodes de négociations
dans le secteur public, où les négociations se font dans des
grands groupes et où il y a un paquet d'institutions susceptibles
d'être couvertes par une grève, par un conflit de travail, le
gouvernement n'a pas, dis-je, la capacité d'aller réglementer et
décider de chacune des situations.
Je crois beaucoup plus, et c'est l'expérience de la
dernière ronde, à l'intervention des personnes responsables de
chacun des organismes; à l'intervention, au besoin - j'ai vu ça
la dernière fois - des présidents de la FTQ ou de la CSN pour
aider à régler certains problèmes. Je crois beaucoup plus
à ce genre de formules qui peuvent être améliorées
dans la manière d'acheminer la véritable information et non pas
les pseudo-scandales. Cela permettrait de régler certaines
situations.
(15 h 30)
En conclusion à la CEQ, nous plaidons non seulement pour le
maintien du droit de grève dans le secteur public; nous plaidons pour le
respect du droit de grève des syndiqués dans le secteur public,
chose qui n'a pas été faite jusqu'à maintenant d'une
manière telle que les droits soient reconnus et nous plaidons
également pour l'élargissement du droit de grève. Sur
cette question, on pourra revenir ultérieurement, la semaine
prochaine.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais d'abord
remercier la Centrale de l'enseignement du Québec de son mémoire
et de sa présentation. C'est un volumineux mémoire. On le lira
très attentivement.
Je voudrais faire une remarque générale et j'aurais une
question à poser. Je sais que bon nombre de mes collègues
désirent poser des questions et je voudrais bien leur laisser le temps
et le loisir de le faire. Je ne veux certainement pas être injuste
à l'égard du mémoire qui nous est présenté.
Chacun a droit à ses analyses et on est là pour en discuter le
plus largement possible et de la façon la plus ouverte et la plus
franche. On peut bien élarqir le débat comme vous le faites,
aller même jusqu'à prêter des intentions, carrément,
comme vous le faites dans votre mémoire, en particulier à la page
11. "Cependant, entre le discours - là, vous citez le premier ministre,
vous citez mes déclarations et celles de mon prédécesseur
et vous concluez - et la pratique, il y a eu les lois spéciales 62 et
113, ce qui ne nous laisse guère d'illusions sur les intentions
réelles du présent gouvernement en ce qui regarde l'abolition
effective du droit de grève. " Je vous laisse le soin d'assumer les
conséquences de vos déclarations, mais on me permettra de dire
à nouveau que, malgré tout ce que les sondages publics indiquent
-et c'est connu de l'ensemble des citoyens et des citoyennes - sur le droit de
grève, soit qu'un pourcentage important de Québécois et de
Québécoises pensent qu'il faut abolir le droit de grève -
je pense que c'est là une piste de solution qui a été
largement entretenue pour toutes sortes de raisons et alimentée - nous
pensons, en ce qui nous concerne, que le droit de grève doit être
maintenu. J'ai clairement indiqué, depuis le début des travaux de
cette commission, la position très nette et très claire du
gouvernement à ce sujet.
Cela étant dit, il y a aussi les droits des autres, et cela
existe. Il ne faut pas faire comme si. On sait que cela existe, les droits des
autres. Les droits des autres, ce sont les droits des citoyens, qui sont
souvent aussi des syndiqués, quand arrivent des périodes
appréhendées ou des périodes de conflit réel,
à des services essentiels. Il faut qu'ensemble on cherche, de la
façon la plus positive possible, à faire en sorte que ces droits
soient profondément respectés. Il me semble, sur ces principes
fondamentaux, qu'on doit avoir entre nous un consensus. Bon nombre de gens
pensent que ce serait comme une espèce de solution magique que d'enlever
le droit de grève; je ne le pense pas, parce que ça nous
mènerait carrément à une situation de chaos social. C'est
pour ça que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de retirer le
droit de grève. Seulement, on a ensemble des responsabilités
à assumer et des preuves à faire. Quand je dis "ensemble", je ne
nous exclus pas, le gouvernement.
J'ai eu l'occasion de dire, lors de la présentation de certains
mémoires, encore ce matin: Vous mettez le doigt sur un certain nombre de
choses. Ce n'est pas parce qu'il s'agit du gouvernement. Si on n'a pas
respecté certaines choses dans la pratique, dans les mécanismes,
pour contribuer à une négociation valable et fondée dans
le plein respect des mécanismes établis par le
législateur, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas dit et qu'il n'y
ait pas des réajustements en conséquence. Ce n'est pas parce que
c'est le gouvernement qu'il ne faut pas le dire, bien au contraire. Si c'est
fondé, je serai certainement le premier à souscrire à
cela.
Qui dit négociation dit aussi, je pense, au bout de la ligne,
à moins, vraiment... Je ne crois pas que ce soit l'état actuel
des choses. Bien au contraire, je pense que, quand on regarde un peu ce qui
s'est passé dans le temps, on va vers un phénomène
d'amélioration des choses. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un d'assez
maniaque pour, en partant, vouloir délibérément faire
exprès pour s'en aller à la grève. Il arrive que, quand on
dit négociation, ça peut aboutir effectivement à une
grève. Il faut prévoir ces cas et voir comment les droits des uns
et des autres peuvent aussi être respectés; ça me
paraît fondamental.
Parlant précisément - c'est là-dessus que portera
ma question - de ces mécanismes de négociation où il peut
y avoir place à des améliorations, hier, a témoigné
devant nous l'Association des directeurs généraux des commissions
scolaires. Je ne voudrais pas être injuste pour son mémoire,
peut-être que je simplifie un peu. Je ne sais pas si vous avez eu
l'occasion de l'entendre, je présume que, peut-être que oui,
peut-être que non, mais je ne voudrais pas être injuste à
son égard, son mémoire est consigné au journal des
Débats. D'après elle, bon nombre de parents et d'enfants ont
l'impression que, quand ce qu'on appelle la ronde provinciale, nationale est
réglée, qu'il y a une entente à ce niveau, les choses sont
finies, mais ça recommence parce que ça se poursuit à
l'échelle locale. Elle nous a proposé de concentrer les
efforts et l'ensemble de la négociation au niveau national et de ne
garder, au niveau local, que - je pense que c'était l'expression qu'elle
utilisait - les modalités propres au milieu, ce qu'on appelle les
arrangements locaux, qui correspondent effectivement à des choses qui
peuvent être différentes d'un coin à l'autre, selon les
besoins et l'état réel de la situation. J'aimerais
connaître votre opinion sur cette recommandation.
M. Gaulin: D'abord, quelques commentaires sur vos commentaires,
si vous le permettez; je pense que cela entraîne certains commentaires de
notre part. Tout d'abord, à la CEQ, nous aimons la franchise dans les
échanges et on aime mieux le parler franc qui permet de faire avancer
les choses et d'expliquer les questions. Bien sûr, dans notre
mémoire, on prête peut-être des intentions au gouvernement,
mais certains comportements du gouvernement nous préoccupent
passablement. Quand on parle d'abolition effective du droit de grève, on
ne parle pas d'abolition de la disposition du Code du travail qui permet
théoriquement de recourir à la grève à un moment
donné. Mais, quand arrive le moment de déclarer une grève,
il arrive parfois toutes sortes d'interventions et de mécanismes, dont
des interventions législatives qui, dans les faits, disent: La
grève, non!
C'est ce qui est arrivé un peu avec la loi 62, je crois, et la
loi 113, en ce qui regarde les négociations locales. On a donc voulu
attirer l'attention sur cette pratique, qui n'est pas le propre du gouvernement
du Parti québécois, qui est le propre de tous les gouvernements
et du Parti libéral, qui vous a donné l'exemple longtemps
à l'avance. Cette pratique vise, on le sait, à un moment
donné, à intervenir avant et pendant les grèves, sous
différentes formes, à l'occasion de grèves dans le secteur
public, et crée pour la situation suivante ou pour la négociation
suivante toutes sortes d'expectatives ou toutes sortes d'attentes.
Comment les syndiqués vont-ils se situer pour la prochaine ronde
de négociations, par exemple, connaissant l'expérience de la
précédente où il y a eu deux ou trois interventions
législatives pour arrêter des grèves ou pour les
empêcher? C'est cela qu'on voulait demander, c'est cela qu'on visait.
On parlait de grèves effectives qui se déclenchent. Bien
sûr, nous sommes fortement préoccupés par la question
d'équilibre entre les droits des travailleurs du secteur public et les
droits des usagers et les droits d'autres groupes. C'est pourquoi je crois
qu'à la CEQ, le déclenchement d'une grève a toujours
été considéré comme un geste important, comme un
geste de dernier recours.
Quand vous regardez le cheminement, le déroulement des
négociations dans le secteur public, quand vous regardez la pratique des
négociations locales, il n'y a personne qui ne peut trop nous accuser
d'avoir déclenché des grèves pour la grève, d'avoir
déclenché des grèves prématurées et de ne
pas avoir permis, même en novembre, lors de la dernière ronde de
négociations, au processus de négociation de jouer le plus
sérieusement et le plus longtemps possible.
Je crois que les faits sont là pour nous donner raison
là-dessus. Dans ce cadre, je crois que la grève demeure, toujours
dans notre esprit, un dernier recours, un recours ultime et qu'il doit y avoir
négociation sérieuse et on doit s'inquiéter des conditions
qui peuvent permettre une négociation sérieuse. Là-dessus,
je disais: Interrogeons-nous davantage sur le fond, sur le politique que sur le
mécanisme parce que c'est beaucoup plus ce qu'on met à la table
de la négociation qui influence le déroulement des
négociations que la date à laquelle on l'y met.
Pour revenir à votre question qui porte sur le niveau des
négociations, c'est une question que nous sommes en train d'examiner
très sérieusement à la CEQ. Nous n'avons pas de position
arrêtée à ce moment pour savoir si on doit
privilégier le maintien ou non des négociations de type local.
Nous avons, comme d'autres, déploré la longueur de ces
négociations. Nous constatons que cela prend du temps, que cela
s'échelonne sur une période de temps très longue. Nous
avons aussi été de ceux qui croyaient, qui ont cru et qui, pour
un certain nombre encore, croient que, pour le bien de l'éducation, pour
s'assurer que les conventions collectives ne sont pas que des codes
théoriques inapplicables, c'était important que les parties
locales, syndicats et commissions scolaires, conviennent d'un certain nombre de
dispositions qui affectent davantage l'organisation du travail et, dans le
fond, la vie quotidienne et les relations entre les patrons et les syndicats.
Cela a posé des problèmes et, là-dessus, nous sommes au
stade de la réévaluation. Bien sûr, certaines positions du
côté des directeurs généraux, certaines positions
qu'on a vues des fois du côté de la Fédération des
commissions scolaires, le fait de parler d'arrangements locaux plutôt que
de parler de véritables négociations locales, c'est
véritablement une analyse en termes de rapport de forces. Ils pensent
qu'ils peuvent faire passer leur point de vue dans un contexte d'arrangements
locaux, où la grève ne serait pas permise ou serait
illégale, plutôt que dans un contexte de négociation locale
sous l'empire du Code du travail où possiblement il peut y avoir
exercice du droit de grève.
Là-dessus, avant que les questions ne soient posées et
pour devancer des questions, il faudrait tout de même ne pas
exagérer certaines situations et regarder le portrait de ce qui s'est
fait la dernière fois. Il y avait 74 tables de négociations
locales - à ce moment-ci, il y a une convention locale qui n'est pas
réglée - 41 tables sur les 74 où il y a eu
règlement par négociation sans aucune intervention d'aucune
nature, par seulement les parties en se parlant et en négociant
sérieusement; il y a 28 tables où il y a eu règlement dans
le cadre de la conciliation; 5 tables où il y a eu intervention par le
biais de la médiation demandée par l'une ou l'autre ou
acceptée par les parties; il y a eu deux tables où le
règlement s'est fait par arbitrage de différends; il y a trois
tables où cela s'est fait par l'intervention législative ou
l'intervention gouvernementale: Vieilles-Forges, Carignan, la loi 113 et
l'Alliance par le biais de la tutelle; il y a douze tables où il y eu
l'exercice de moyens de pression: débrayage d'une journée ou
débrayage de quelque nature que ce soit; il y a eu trois tables
où il y a eu l'exercice de certains moyens de pression qu'on peut
appeler d'ordre administratif ou sur l'administration. Le portrait n'est tout
de même pas aussi catastrophique que certains peuvent le
prétendre, mais cela ne nous empêche pas tout de même de
nous interroger grandement sur cette question de négociation locale. (15
h 45)
Notre attitude face au mémoire, face à cette commission
parlementaire, nous n'avons pas voulu entrer à ce moment-ci dans un
débat de moyens, de mécanismes, de modifications au Code du
travail ou aux lois du travail. Nous pensons qu'il appartient au gouvernement
d'annoncer ses couleurs sur ces questions. Nous espérons qu'une fois que
le gouvernement aura annoncé ses couleurs, s'il a l'intention de changer
des choses, il pourra y avoir une nouvelle commission parlementaire qui
permettra de porter sur les moyens, sur les débats d'appareillage, de
modalités, de techniques ou de dispositions législatives. Dans ce
cadre, nous serons disposés à revenir sur ces bases.
M. Marois: Croyez-vous, M. Gaulin, que la centrale aurait
terminé vraisemblablement ses réflexions sur les deux paliers de
négociation d'ici la fin d'octobre?
M. Gaulin: Nous avons justement demain et après-demain une
instance qui se réunira et qui discutera de la question des
négociations locales, mais, comme nous fonctionnons toujours sur des
bases assez larges, il y aura un avis ou une recommandation qui va ressortir,
soit demain ou dans les prochaines semaines, de cette instance et il devrait y
avoir consultation aussi. de chacun de nos affiliés avant
d'établir la position syndicale, ce qui devrait se faire cet automne.
Mais je n'ai pas de date précise. Il m'apparaît qu'on a besoin
d'un certain temps pour discuter avec les syndiqués qui prendront la
décision finale là-dessus.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, de Jean-Talon.
M. Rivest: M. Gaulin, je vous remercie de votre
présentation. Vous avez... Seulement une remarque préliminaire et
une question; après cela, je passerai la parole à mes
collègues.
Une chose qui m'agace, finalement, dans le type de présentation,
c'est que vous avez dit tantôt, et sans doute que vous l'avez fait
à maintes occasions dans le passé, que la CEQ pouvait parler
franchement. On discute du régime de négociations ainsi que de
l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, non
pas dans un contexte de négociation et de conflit marqué comme
dans les contextes où on a eu des lois spéciales, etc..
Votre mémoire - vous avez simplement résumé le
mémoire - commence par dresser et attribuer à une foule de gens
et de secteurs dans notre société des responsabilités
précises sur le fait qu'il y a trop de grèves ou que la
population est exaspérée. Alors, il y en a un peu pour tout le
monde: le patronat est responsable, les médias, le gouvernement,
l'Opposition officielle; vous avez même ressuscité, pour les fins
de la discussion, l'Union Nationale, le frère Untel, Gérard Dion,
le groupement des malades, enfin pas mal de monde. Admettons que ces
gens-là acceptent de prendre leurs responsabilités et disent:
Oui, on a eu des comportements et, dans certaines circonstances, je pense qu'on
a eu l'occasion ici de reconnaître que des attitudes de la partie
patronale... Si les gens qui vous écoutent et vous entendent... Si je
posais la question bien directement: D'après vous, pas juste dans la
dernière ronde... Compte tenu d'ailleurs des conditions objectives de
travail dont bénéficient les enseiqnants, il y a encore beaucoup
d'améliorations à apporter, mais, par rapport à beaucoup
de travailleurs, c'est l'opinion publique qui perçoit cela
également, dans le secteur privé, vous bénéficiez
quand même de conditions de travail qui apparaissent à beaucoup de
travailleurs comme étant raisonnables. Je sais que vous contesterez sans
doute cette affirmation, mais, si les gens vous demandaient: Vous, à la
CEQ, quel comportement, quelle attitude pensez-vous avoir eus dans le
passé? Est-ce que vous avez eu une responsabilité quelconque dans
le fait que les conventions collectives ont connu ces périodes
extrêmement difficiles? Est-ce
que vous pourriez en identifier? Est-ce que, dans vos instances, au
moment de la CEQ, vous vous livrez à l'occasion à des
autocritiques?
Je vous pose la question et elle vous paraît peut-être un
peu bête. J'aimerais que vous réagissiez à cette
interrogation que peut-être beaucoup de gens se posent, en entendant ces
charges et ces distributions de prix que tout le monde attribue
alléqrement aux autres et personne ne regarde dans sa propre cour ce qui
ne tourne pas rond.
M. Gaulin: Je peux vous rassurer. Vous devez savoir qu'à
la CEQ...
M. Rivest: M. Laberge, ce matin, a fait une moue qui en disait
vraiment long, mais on voyait qu'il en était conscient.
M. Gaulin: Vous devez savoir qu'à la CEQ, après
chacune des rondes de négociations, on procède à ce qu'on
appelle un bilan de la négociation. Il y a eu, dans tous nos groupes,
des bilans de négociation qui ont été faits, qui sont
terminés et qui ont donné lieu à la production de
documents, qu'on ne publie pas nécessairement dans la Presse, mais qui
sont des documents internes diffusés assez massivement auprès de
nos organisations syndicales, qui permettent d'amorcer une réflexion sur
les problèmes qui ont été vécus dans le cadre de !a
négociation, sur des erreurs qu'on peut avoir faites, sur des
problèmes de différente nature. On le fait, comme je le disais
tout à l'heure, sur la négociation locale. C'est un débat
qui est en cours. Bien sûr, là-dessus, on va regarder
attentivement une critique qui nous est formulée ou une
prétention qui est portée contre la CEQ, à savoir que la
centrale se servait du processus de négociation locale pour tenter de
reprendre ce qui avait été concédé en
négociation nationale. Cela a été affirmé. On ne
l'a pas mis dans le mémoire, mais peut-être qu'on va le trouver
dans d'autres mémoires. Cela a été affirmé. Cela
n'a jamais été prouvé.
Là-dessus, bien sûr, nous procédons à des
interrogations. Nous recherchons des améliorations du processus de
négociation dans le cadre des débats qui ont eu lieu par le
passé, en commissions parlementaires ou autrement, sur des modifications
qui étaient suggérées à des lois. Pas dans un
débat général, mais dans un débat sur des
dispositions du Code du travail, nous avons fait des interventions pour dire
qu'il faudrait améliorer telle ou telle disposition. Nous sommes
déjà intervenus, par exemple, pour dire qu'il ne fallait pas
reconnaître dans la loi le droit de veto à des parties syndicales
ou à des parties patronales, dans un processus de négociation,
mais qu'il fallait laisser ces parties déterminer entre elles les
règles de fonctionnement, ce qui a été accepté et
qui a permis un meilleur fonctionnement.
Pour ce qui est des charges, ce que vous appelez des charges ou des
affirmations, nous avons pris soin de faire des citations et d'essayer de citer
au mieux possible les différents groupes. Ce qu'on a voulu mettre en
évidence - je reprendrais ce que disait le ministre du Travail, M.
Marois, tout à l'heure - c'est que ce n'est pas surprenant qu'il y ait
des sondages d'opinion qui disent que le monde est contre la grève.
L'opinion, cela se fabrique, cela se conditionne, cela se prépare et il
y a du monde qui prêche depuis toujours que la grève, c'est
mauvais. Donc, il y a du monde qui pense cela et il y a des sondages qui
donnent des résultats comme cela. Il ne faut pas s'en inquiéter
plus qu'il ne le faut. Je suis content de voir que cela n'a pas
influencé indûment le gouvernement et qu'il n'est pas question,
qu'il n'est plus question maintenant, d'une manière
générale, de remettre en cause le droit de grève.
J'espère que dans le débat actuel il n'est plus question de
remettre en cause ou de contraindre à ce point l'exercice du droit de
grève; que dans les faits ce n'est pas faisable.
M. Marois: Sauf qu'on a besoin de faire ensemble une solide
preuve de responsabilité; sans cela, c'est la population qui va se
charger de rappeler tout le monde à l'ordre.
M. Rivest: J'ai juste une dernière question. Est-ce que
vous pensez vraiment que le jugement que porte l'opinion publique n'est ou ne
serait que la conséquence des déclarations ou des manoeuvres que
les autres font? Est-ce que vous ne pensez pas, en particulier dans le domaine
de la santé et des services sociaux, que derrière le jugement
sévère que porte la population -j'en conviens il y a quand
même, individuellement, dans le milieu de vie de chacune des personnes -
et je pense qu'individuellement, on a tous des témoignages - des gens
qui disent: Telle situation qu'a vécue une famille ou une autre, cela
n'a pas de bon sens. Est-ce qu'il n'y a pas un jugement, plus qu'une
espèce de conspiration, si cela existait, anti-exercice des droits par
ailleurs reconnus aux travailleurs; droit d'association, droit de libre
négociation et droit de grève? Est-ce qu'il n'y a pas un jugement
de valeur profond qui reconnaîtrait finalement, dans le jugement
sévère que porte la population, une primauté, surtout dans
le domaine de la santé et des services sociaux - ce dont on a
parlé souvent au niveau de la commission - des droits des personnes
à la santé et à la sécurité sur d'autres
droits qui sont par ailleurs reconnus? Non pas que les gens pensent que c'est
systématique et que c'est la catastrophe chaque fois, mais quand ce sont
des cas
humains, des cas fondamentaux qui touchent à la santé et
à la sécurité, cela n'en prend pas beaucoup pour avoir
chez les gens une réaction qui s'exprime dans les sondages.
M. Gaulin: Je l'ai dit tout à l'heure. C'est écrit
dans notre mémoire aussi, à la page 24. Bien sûr, il y a
des inconvénients à l'exercice des grèves et les
grèves dérangent. Bien sûr, cela dérange. Cela
dérange les usagers. C'est peut-être malheureux.
M. Rivest: Seulement des inconvénients?
M. Gaulin: Des désagréments, des
inconvénients, des dérangements.
M. Rivest: Est-ce que ce n'est pas un euphémisme?
M. Gaulin: Bien sûr, quand tu te présentes à
l'école ou que tu voudrais envoyer tes enfants à l'école
au mois d'octobre et qu'il y a une grève, ça dérange plus
que si la grève avait lieu durant le mois de juillet. On trouve normal,
jusqu'à un certain point, qu'il y ait des réactions dans des
assemblées, des syndiqués qui, à un moment donné,
peuvent dire: La grève dans le transport ou la grève dans les
avions ou la grève des autobus, ça dérange et ça
peut entraîner des réactions de gens qui disent: Peut-être
que ça serait mieux s'il n'y en avait pas. Mais ce qu'on oublie de
mettre en parallèle parfois, c'est que, face aux dérangements
passagers qu'il importe à tout le monde de tenter de minimiser, de
civiliser, il y a aussi des avantages qui sont procurés à la
population en termes d'amélioration des conditions ou des services qui
sont donnés. Le ministre de l'Éducation reconnaissait - on ne lui
a pas tordu les bras pour qu'il fasse une déclaration de cette nature -
que les conventions collectives avaient permis d'améliorer
jusqu'à un certain point la qualité du service public
d'éducation. Bien sûr.
Il y a aussi ces éléments qui sont à mettre dans la
balance et, quand on met les choses dans la balance, il ne faudrait pas
surcharger indûment un côté de la balance. Nous avons
l'impression que, face aux inconvénients créés, aux
dérangements créés par l'exercice de la grève, on
surcharge indûment un certain côté de la balance.
Vous avez parlé des conditions de travail. À la CEQ, nous
n'avons jamais dit que les conditions de travail dans le secteur public, dans
l'éducation, ne s'étaient pas améliorées. Au
contraire, nous avons dit qu'il y a eu de nettes améliorations d'un
certain nombre de conditions de travail, que ces revendications étaient
le résultat de luttes, comme vous le disiez ce matin, de rapport de
forces, d'actions. On ne s'en fait pas une gloire plus qu'il ne faut. On est
heureux de reconnaître que d'autres gens, avec nous, reconnaissent que
les négociations n'ont pas été inutiles et que cela a
été plutôt une occasion d'améliorer les conditions
de travail que de les détériorer.
Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).
M. Gauthier: Merci, M. le Président. M. Gaulin, s'il y a
un domaine où c'est difficile peut-être de bien cerner la notion
de services essentiels c'est l'éducation. Puisqu'on en a fait largement
état dans les mémoires qui ont précédé, je
voudrais savoir si la CEQ a une définition des services essentiels en
éducation. C'est ma première question et j'aurai une
sous-question.
M. Gaulin: J'ai l'impression qu'on veut essayer de me faire
passer un examen.
M. Gauthier: Non, non.
M. Gaulin: J'ai déjà eu l'occasion d'enseiqner
pendant quelques années au député de Roberval.
M. Gauthier: J'ai bien appris, n'est-ce pas?
M. Rivest: C'est de la vengeance. M. Gaulin: C'est
ça.
M. Rivest: Vous aviez de mauvaises conditions de travail à
l'époque.
M. Gaulin: On n'a pas de définition théorique, je
n'en ai pas présente à l'esprit. Bien sûr, on a
déjà réfléchi sur cette question des services
essentiels. On a toujours dit que, dans le secteur de l'éducation, il
n'y avait pas lieu de légiférer ou de déterminer d'une
manière théorique les services essentiels. Quand une action
arrive, on ne voit pas que telle catégorie d'étudiants devrait
faire l'objet d'un service essentiel ou pas. Cependant, il y a des services
liés à la protection des édifices publics, à la
question du chauffage, à la question aussi du maintien
d'équipement, du maintien d'expériences qui sont en cours depuis
déjà quelques années dans des laboratoires alors qu'il y
aurait un coût important à bloquer ce processus-là. Il peut
y avoir quelques cas particuliers de certaines catégories
d'étudiants. Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'à notre avis
il n'y a jamais eu de problèmes qui ne se sont pas réglés
très rapidement et à la satisfaction de tout le monde. Dans ce
cadre-là, je crois qu'il n'y a pas lieu d'aller plus loin sur les
services essentiels en éducation.
M. Gauthier: Ma question n'était pas une question
piège. Hier, l'Association des
directeurs généraux nous a donné une espèce
de définition des services essentiels et j'aimerais connaître
votre réaction sur les quatre types de services essentiels qu'ils nous
ont affirmé exister en éducation. (16 heures)
Les deux premiers types sont d'ordre plus général à
mon point de vue - on a dit: Premièrement, maintenir un contexte
d'enseignement respectueux de la clientèle. C'était le premier et
j'ai essayé de le prendre le plus textuellement possible. Le
deuxième, c'était de maintenir intacts les services aux
élèves dans les périodes de négociations avant la
grève ou après un retour de grève. Le troisième et
le quatrième sont peut-être plus intéressants cependant. Le
troisième disait: Préserver la santé et la
sécurité des élèves. On faisait état de
débrayages spontanés d'une équipe d'enseignants où
cela pouvait, semble-t-il, présenter un certain problème, et,
enfin, maintenir les services d'enseignement à un moment donné
par rapport à la certification de certaines études, par exemple.
Je voudrais savoir quelle est votre opinion là-dessus.
Adhérez-vous à ces quatre sortes de services essentiels ou
comment les évaluez-vous?
M. Gaulin: Vous devez comprendre qu'on est loin d'adhérer
à ce genre de discours qui vise à encadrer davantage la
grève avant même qu'on la déclare et après qu'elle a
été déclarée. Je crois que c'est beaucoup plus,
pour ces problèmes, par le processus de protocole de retour au travail
qu'on essaie de discuter des problèmes réels qui auraient
été occasionnés aux étudiants à l'occasion
d'une grève et qu'on essaie de corriger certaines situations pour
permettre de recréer les conditions qui favoriseraient la certification
pour ne pas que des étudiants perdent une année scolaire.
Pour ce qui est des éléments reliés à la
santé et à la sécurité des étudiants, je
crois que là-dessus on pourrait sans doute me donner peut-être un
exemple de situations anormales, mais je pourrais vous donner des tonnes
d'exemples où les enseignants ont pris leurs responsabilités et
où, quand il y a eu utilisation des moyens de pression de cette nature,
le personnel a fait des distinctions entre les catégories
d'étudiants d'une manière très générale dans
les classes où il y avait des enfants handicapés, dans les
classes spéciales, dans les classes de jeunes enfants au primaire. On
est intervenu à quelques occasions pour éviter des situations qui
causaient des inconvénients à des jeunes qui ne sont pas capables
tout de même de s'en retourner chez eux ou d'assumer ces
responsabilités.
Pour ce qui est des services aux étudiants dans un contexte
d'enseignement, cela ouvre une porte à toutes sortes de demandes
farfelues d'un bord et de l'autre.
Cela vise parfois à protéger tel ou tel ami ou telle ou
telle catégorie de... Je crois que ce sont véritablement des
façons de mettre en cause le droit de grève et l'exercice
efficace de la grève. On voudrait, bien sûr, que les gens fassent
la grève sans que cela fasse mal ou sans que cela dérange.
M. Gauthier: On a fait état également, M. Gaulin,
dans les délibérations qu'on a eues jusqu'à présent
d'une soi-disant convention de base qui pourrait n'être rouverte que
partiellement pour des aménagements et cela, dans le but
d'améliorer le système des négociations futures. Quelle
est la position de la CEQ là-dessus ou quelle est votre position
personnelle?
M. Gaulin: C'est un débat en cours chez nous
également. Ce sont des expériences qui ont déjà
été faites. On a eu des groupes qui, en négociation,
délibérément, n'ont décidé de rouvrir la
négociation que sur un certain nombre de chapitres donnés. Cela
n'a pas empêché les parties patronales de vouloir rouvrir, elles,
les chapitres ou les dispositions ou d'être en demande là
où la partie syndicale ne l'était pas. On s'interroge sur ces
questions à savoir si cela doit être un processus
déterminé et encadré par des dispositions où un
s'avertit qu'il ouvre ou qu'il n'ouvre pas. Je crois qu'il y a un
élément qui vise l'ensemble de l'économie des relations de
travail au Québec et dans les sociétés capitalistes qui
veut que la convention collective est un contrat à durée
limitée et, quand la convention collective est expirée, tout est
expiré. Donc, on pourrait s'interroger là-dessus et dire: Une
convention collective détermine les conditions de travail et les
conditions de travail s'appliquent tant qu'elles ne sont pas remplacées
par d'autres. Une telle attitude favoriserait peut-être davantage
l'établissement progressif de ce qu'on appelle la dénonciation
partielle. Dans le fond, on a toujours fait des dénonciations
partielles, puisque, d'une négociation à l'autre, d'une demande
syndicale à l'autre, il y avait des chapitres des conventions
collectives qui étaient entièrement reconduits. On
déposait la demande, mais c'était le même texte. Donc, cela
se fait. Il s'agirait peut-être de changer cet esprit qui dit qu'on peut
jouer là-dedans n'importe quand et que ce qui était bon pour
trois ans n'est plus bon. C'est ce qu'on appelle, dans notre langaqe, remettre
en cause les acquis, comme ça s'est fait lors de la dernière
ronde de négociations.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous
remercier pour votre mémoire, M. Gaulin. J'aimerais dire tout
d'abord que je partage quelques-unes des opinions que vous avez
exprimées cet après-midi en ce qui concerne la tendance du
gouvernement à intervenir d'une façon unilatérale, de
centraliser les décisions et d'émettre des directives qui,
souvent, répondent mal aux besoins locaux. J'aimerais vous dire
franchement que, quand j'ai lu votre mémoire, je l'ai trouvé pas
mal agressif et plein de rhétorique de confrontation. Il me semble que
vous voyez votre lutte pour améliorer votre sort dans un contexte de
lutte de classes. Vous parlez de classe dominante. Je me demande, aujourd'hui,
qui fait partie de cette classe. J'ai l'impression, quelquefois, parce que vous
attaquez presque tout le monde, que ce sont les syndicats qui sont la classe
dominante aujourd'hui.
Vous parlez des patrons qui n'ont aucun autre intérêt que
leur profit. Je crois qu'il y a une grande différence avec ce dont on
discute aujourd'hui, parce qu'on parle du secteur public; il n'y a pas au
secteur public de profits au même sens que dans le secteur privé.
C'est tout à fait le contraire parce que, chaque fois qu'il y a une
grève, surtout une grève générale, c'est le
gouvernement qui fait beaucoup de profits dans un autre sens, parce qu'il
diminue son déficit. Donc, l'incitation serait tout à fait au
contraire et le parallèle que vous avez fait dans votre mémoire
n'existe pas, à mon sens.
Vous avez parlé du progrès réalisé au cours
des douze dernières années pour améliorer votre sort. Il
me semble que vous n'avez pas beaucoup de sympathie pour notre tâche,
ici, parce que, a la page 3, vous dites: "C'est donc vers un
élargissement des droits syndicaux que les conclusions de la
présente commission parlementaire devraient s'orienter. " J'aimerais
vous demander si, dans le contexte actuel, qui a beaucoup évolué
depuis les années soixante, le bien-être du public est mieux servi
par une attitude plus conciliante.
M. Gaulin: Le premier élément que je voudrais
souligner, c'est que, dans notre mémoire, nous ne parlons pas de lutte
de classes. Cependant, nous disons qu'il existe des classes, qu'il existe des
groupes d'intérêts divergents dans notre société. Je
crois avoir lu des analyses de cette nature dans les documents du gouvernement,
notamment dans le livre blanc sur la culture. On reconnaissait et je crois que
tout le monde reconnaît l'existence de classes données. On peut
laisser le soin aux facultés de sociologie de savoir les noms, les
catégories et les divisions, mais je crois que, d'une manière
assez générale, on reconnaît que, dans la
société, il existe des classes divergentes et que c'est bon,
à un moment donné, de se le dire, de se dire aussi que les vues
du progrès de la société sont différentes. Ce n'est
pas tout le monde qui pense de la même manière à ce qui est
bon pour la population; autrement, on ne débattrait de rien dans notre
société. Nous croyons aussi, jusqu'à un certain point,
à la confrontation des idées, à la confrontation des
points de vue. Nous croyons qu'il existe, dans la société, entre
le capital et le travail - je ne veux pas faire de grandes analyses pour me
faire traiter de toutes sortes de noms - des intérêts qui ne sont
pas convergents, qui sont plutôt divergents. Quand on arrive à
faire des négociations dans le secteur public ou ailleurs, ces
problèmes se posent. Nous pensons que quand on négocie dans le
secteur public alors que l'on revendique une diminution des écarts, des
rémunérations entre les bas salariés et les hauts
salariés, nous discutons d'une certaine manière, d'une certaine
conception de la société et que telle et telle revendications
nous amènent à interroger des priorités du gouvernement,
des choix politiques ou des choix budgétaires du gouvernement d'investir
dans tel secteur ou dans tel autre. On ne peut pas échapper à ces
éléments qui sont présents dans une
négociation.
Bien sûr, l'enjeu de la négociation dans le secteur public
n'est peut-être pas le profit comme tel, mais il y a certainement des
éléments qui tournent autour de la gérance. Par exemple,
je crois que vous avez vécu ça, vous également, ça
a été vraiment dans la négociation du secteur public un
des points importants d'accrochage que cette question des droits de
gérance qui appartenaient ou n'appartenaient pas, qui étaient
divisibles ou qui n'étaient pas divisibles, ou qui étaient
négociables ou qui n'étaient pas négociables; la place, le
rôle des travailleurs dans l'organisation du travail, dans les prises de
décision, la place et le rôle des organisations syndicales dans la
consultation, la place et le rôle des personnels de l'éducation,
des enseignants, dans certaines prises de décision, d'orientation
d'éducation, ce sont là des questions qui sont importantes, ce
sont des questions où les vues des groupes sont différentes, ce
sont des questions qui, des fois, amènent la confrontation en cours de
négociation.
Nous aurions tort si notre attitude nous poussait à dire: On
dépose la demande syndicale et on se reverra après cinq jours de
grève. Cela n'a jamais été l'attitude et le comportement
de la CEQ. La centrale, d'une manière systématique, n'a jamais
refusé quelque négociation que ce soit, que ça dure le
temps que ça durera. Nous croyons, nous insistons pour que, dans un
premier temps, on épuise toutes les possibilités de la
négociation. On est même favorable à des recours à
de tierces personnes, conciliation,
médiation, acceptées et consenties par les parties, avant
de recourir à la grève générale. La CEQ a
déjà voté dans des assemblées syndicales, afin de
demander l'arbitrage sur un certain nombre de questions pour régler un
problème plutôt que le recours à la grève. Nous ne
sommes pas des tenants de la confrontation, nous ne sommes pas des gens qui ont
une stratégie de confrontation à tout prix. Nous pensons
qu'à un moment donné, il faut que les vraies questions se
débattent et qu'on essaie de trouver ensemble les solutions les plus
opportunes et les plus appropriées.
Nous essayons - je voudrais terminer là-dessus - dans la mesure
du possible, de concilier les revendications des travailleurs, les demandes
syndicales, les améliorations aux conditions de travail que nous
recherchons avec le maintien d'un service de qualité. Nous essayons
d'avoir une adéquation, le plus souvent possible, entre des demandes de
conditions de travail et des moyens pour mieux faire le travail.
Mme Dougherty: Cela m'amène à ma deuxième
question.
À la page 26, vous dites: "Un syndicalisme enseignant qui se bat
pour que des inégalités sociales ne soient pas traduites en
inégalités scolaires ne ruine pas la qualité de
l'enseignement". (16 h 15)
II y a un bon nombre de parents qui ont l'impression qu'avec chaque
convention collective, le climat des écoles se détériore.
Les parents me demandent: Est-ce que c'est pour le bien des enfants qu'on a
diminué la tâche de travail des enseignants? Les parents ont
constaté qu'avec une diminution des tâches de travail, on a
coupé des jours d'école pour les enfants au niveau primaire, par
exemple, et, au niveau secondaire, on a perdu un sujet dans le programme. Les
parents ont noté une détérioration de la discipline dans
les écoles, un manque de moral chez les étudiants et les
enseignants et un manque de supervision.
Ma question est la suivante: Comment pouvez-vous concilier votre
perception des choses avec celle des parents?
M. Gaulin: Nous rencontrons également des parents. Nous
sommes réceptifs à des discussions avec les associations de
parents. Nos syndicats rencontrent des comités de parents dans les
différents milieux. Je crois que, quand on discute avec les parents, ils
sont loin de reporter sur le dos des conventions collectives et le dos du
personnel de l'enseignement l'ensemble des problèmes qui se posent dans
l'éducation. S'il y a eu réduction des heures d'enseignement - je
ne parle pas des heures de travail des enseignants ou d'un enseignant
donné - ou de la durée de l'enseignement, ce n'est pas le
résultat d'une convention collective, ce sont des décisions
administratives du ministère de l'Éducation ou des
règlements ministériels qui ont dit: On passe de 1575 minutes
à 1500 minutes; il n'y a pas de disposition, il n'y a jamais eu de
disposition dans les conventions collectives qui ont régi le temps
d'enseignement. Bien sûr, nous avons discuté de l'année de
travail et du nombre de 200 jours de travail pour les enseignants et de 180
jours de classe, des éléments comme cela, d'ordre
général. Je crois que cela fait partie de la négociation.
S'il y a eu réduction cette année du temps d'enseignement d'une
demi-heure pour les enseignants au primaire et si les commissions scolaires,
plutôt que d'engager ou d'utiliser le personnel, ont décidé
de réduire d'une demi-heure le temps d'enseignement des
étudiants, cette décision de réduire d'une demi-heure le
temps d'enseignement des étudiants, ce n'est pas le résultat de
la convention collective, c'est le résultat de décisions, puisque
le temps d'enseignement des étudiants n'est pas prévu à la
convention collective.
Pour ce qui est de la discipline dans les écoles, d'une
manière générale, je crois qu'il y a eu des
améliorations au fil des années, à partir de
l'expérience qui a été acquise dans les grands
établissements, les cégeps, les commissions scolaires, les
polyvalentes. On a amélioré passablement les choses, mais aussi,
en période de coupures budgétaires, il y a des restrictions qui
s'exercent, il y a du personnel, des surveillants qui étaient là
et dont les postes n'ont pas été comblés, il y a du
personnel d'encadrement professionnel qui pourrait aider les jeunes et dont les
postes ont été supprimés. Il y a peut-être, dans
certains cas, une mauvaise utilisation du personnel actuel qui pourrait
être employé plus adéquatement à donner un
enseignement de qualité à certains enfants qui présentent
des difficultés et qui maintenant sont obligés d'aller dans les
classes régulières. Il faut faire la part des choses avec les
parents. Les conventions collectives sont volumineuses, on l'a dit, on l'a
affirmé à plusieurs occasions, mais la réponse qui nous
est donnée à cela, c'est qu'il faudrait laisser l'attitude la
plus large possible à l'administration de faire à peu près
ce qu'elle veut dans les établissements. Sur cela, nous ne sommes pas
d'accord. Nous sommes prêts à discuter dans les
négociations ou autrement de moyens d'améliorer, de
préciser ou de déterminer les conditions de travail sans faire
des catalogues très développés.
Mme Dougherty: M. Gaulin, pour terminer, pour le bien du public
qui voit nos discussions, j'aimerais dire que le ministre est coupable de
beaucoup de choses, mais il
ne faut pas le blâmer pour la diminution de la tâche de
travail des enseignants.
M. Gaulin: Là-dessus, il faut aussi faire attention. Ce
qu'on a recherché - on ne se gêne pas pour le dire - c'est
d'essayer d'avoir une adéquation entre la tâche des enseignants au
primaire et la tâche des enseiqnants au secondaire, en termes d'heures de
travail. C'est une recherche. Progressivement, on a tenté, dans les
dernières négociations, d'améliorer les choses. Je dois
dire qu'en termes d'heures de travail, il n'y a eu à peu près pas
de changements depuis quelques années dans le nombre d'heures de travail
des enseiqnants du secondaire et qu'on s'est beaucoup plus
préoccupés du nombre d'élèves dans les classes, ce
qui ne diminue pas la tâche des enseignants, mais ce qui permet aux
enseignants de faire une meilleure tâche avec les jeunes qu'ils ont dans
leur classe. C'est sûr que, quand tu as 39 élèves dans une
classe plutôt que 30, c'est plus difficile de s'occuper
adéquatement des 39 élèves que des 30; peut-être que
cela donne un peu moins de corrections avec 30 qu'avec 39, mais ce n'est pas
là l'essentiel de la tâche des enseiqnants. C'est beaucoup plus
dans la relation qui permet véritablement aux jeunes de progresser et
d'avoir l'attention dont ils ont besoin dans les classes et d'avoir les chances
de réussir. Cela a été un objet de préoccupation,
au cours des dix dernières années, dans les revendications des
enseignants, des personnels de la CEQ, et je crois qu'il y a encore des
améliorations à envisager pour l'avenir en ce qui reqarde le
nombre d'étudiants dans les classes.
Le Président (M. Rodrigue): M.
Paquette (Rosemont).
M. Paquette (Rosemont): M. le Président, j'ai
trouvé une différence assez marquée entre la
présentation du président de la centrale et le texte du
mémoire que j'ai seulement eu le temps de parcourir en diagonale, mais
qui me laisse vraiment très mal à l'aise. On retrouve dans ce
document toute une série de procès d'intentions assez difficiles
à prendre, parce que je ne pense pas que le ressentiment qu'on sent dans
la population concernant l'exercice du droit de grève ait
été fabriqué de toutes pièces. Cela fait trois
campagnes électorales que je me bats là-dessus dans mon
comté à expliquer à la population que le droit de
grève est un droit sacré, un droit inaliénable, un droit
qui a fait avancer l'égalité des chances dans la
société, ce sur quoi je suis d'accord quand vous le dites dans
votre mémoire, mais je ne vois pas comment vous pouvez prêter des
intentions à ce sujet aux gens qui sont de ce côté-ci de la
table. Cela n'a jamais été notre intention d'abolir le droit de
grève. On a fait des campagnes électorales là-dessus. Tout
en sachant que la presque totalité de la population est en
désaccord avec le droit de grève dans les services publics, on a
expliqué aux gens de quoi il s'agissait.
Il y a des bouts de votre mémoire vraiment... Écoutez,
à la page 34, vous dites: "Non seulement l'État-patron veut
savoir des années à l'avance à quel moment la grève
sera possible, il veut savoir également le moment précis de son
déclenchement en nous obligeant à lui expédier un
préavis avant de débrayer. Les préavis imposés aux
syndicats par la loi ne servent qu'à qêner l'exercice du droit de
grève en empêchant les travailleurs de débrayer pour
réagir immédiatement à une situation jugée
intolérable. " C'est comme si c'était effrayant d'envoyer un
préavis de grève. Je trouve cela nettement exagéré.
Comment voulez-vous après cela qu'on aille expliquer aux gens la
nécessité du droit de grève, quand on se retrouve avec des
énoncés comme ceux-là où on dirait que vous
êtes partisans des débrayages sauvages n'importe quand, n'importe
comment, peu importe. En tout cas, je vais laisser de côté le
mémoire et je vais vous poser des questions qui nous paraissent
importantes.
Je pense que vous prônez, dans le domaine de l'éducation,
une responsabilité, une autonomie de l'enseiqnant qui est celui qui
donne les services, qui peut le mieux contribuer à l'apprentissage des
enfants. La décentralisation est quand même un principe, je pense,
qui a toujours été défendu en tout cas la
décentralisation pédagogique - dans l'optique d'une autonomie
locale, d'une autonomie de l'enseignant.
On se retrouve, après une quinzaine d'années de
négociation, avec une convention collective très
détaillée, une négociation très centralisée,
qui se fait presque uniquement au palier national, même s'il y a encore
certains objets qui demeurent au niveau local. Pensez-vous qu'on doive
continuer dans cette direction, "à normer" en quelque sorte... Je
reconnais que, du côté gouvernemental, il y a une bureaucratie
excessive, des normes auxquelles la Centrale de l'enseignement a eu tendance
à répondre en disant: On ne vous laissera pas établir les
normes tout seul, on va discuter cela et on va mettre cela dans la convention
collective. Il y a eu une espèce d'escalade en tout cas. C'est la
façon dont je vois les choses. Il y a eu une escalade, de part et
d'autre, de contraintes, de centralisation qui, finalement, font en sorte que
l'autonomie, au niveau local, l'autonomie de l'enseiqnant, en particulier, est
encadrée non seulement par des normes venant du ministère, par
des régimes pédagogiques, mais également par une
convention collective qui souvent nuit à la créativité,
à l'expérimentation pédagogique. Est-ce que vous ne pensez
pas qu'il serait temps de réévaluer tout cela?
Est-ce qu'il y a des réflexions en cours dans votre centrale
à ce niveau-là? Cela pose le problème des objets de
négociation, cela pose le problème d'une alternative s'il y a
moins d'objets de négociation. Il ne faudrait pas, non plus, soumettre
les enseignants au droit de gérance local. Si on dit cela, cela nous
amène vers une prise de responsabilités au niveau local. Quand on
regarde le refus que votre centrale a exprimé quant à la
participation au conseil d'orientation, on se demande si, finalement, quand on
met tout cela ensemble, vous n'êtes pas pour une centralisation dans
l'enseignement, dans le fond, des choses qui se discuteraient de centrale
syndicale à ministère de l'Éducation et qui seraient mises
dans une convention collective, ce qui créerait une assez grande
uniformisation sur tout le territoire du Québec. J'aimerais
connaître votre réflexion là-dessus.
M. Gaulin: Vous me permettez un petit mot sur le préavis?
Qu'on se comprenne bien, ce qu'on a voulu souligner là-dedans, c'est
qu'il n'y a pas tellement longtemps on a changé toute cette question du
préavis, mécanisme qui fait que chacun des syndicats, s'il donne
un préavis et que, quarante-huit heures après, il ne
déclenche pas la grève, est obligé de reprendre tout le
mécanisme du préavis. On envoie des piles de papier d'un bord et
de l'autre et cela permet, à un moment donné, si jamais les
travailleurs font la grève, de faire un débat sur la
grève: était-elle légale ou n'était-elle pas
légale? On n'est pas des tenants de la grève sauvage; au
contraire, on pense, surtout dans le secteur public à l'occasion des
grandes négociations, que les grèves sont annoncées
longtemps d'avance. Quand on fait une déclaration publique pour dire que
la grève sera déclarée dans dix jours ou dans huit jours
à moins qu'il n'y ait une entente, on croit que c'est suffisant comme
processus d'avertissement du public et d'avertissement de tout le monde et
qu'on ne devrait pas embarquer dans des mécanismes pointilleux qui font
que cela complique et que cela pose la question de la légalité de
la grève avec tout ce que cela entraîne. C'est ce qu'on a voulu
mentionner et on mentionne un certain nombre de dispositions qui mènent
à cela. Je crois qu'il y a eu des problèmes réels et
concrets par le passé à partir de situations telles que celle que
j'exprime maintenant.
Pour l'essentiel, vous posez une très grande question. Si j'avais
la réponse, je serais la personne la plus heureuse au monde et la CEQ
aussi. Nous avons été à la centrale des tenants de la
décentralisation de l'éducation. Nous avons toujours soutenu
l'existence d'un gouvernement local, que ce soit commission scolaire,
cégep ou université. Nous ne sommes pas des tenants de
l'installation d'un réseau de fonctionnaires qui prennent des
décisions partout alors que la population n'est d'aucune manière
partie à la décision.
Force nous est d'admettre qu'on est dans la confusion la plus totale sur
le partaqe des responsabilités entre l'État ou le
ministère de l'Éducation et les administrations locales.
Qu'est-ce qui est du ressort de l'État? Nous croyons que, face à
l'éducation, il y a des responsabilités importantes de
détermination des objectifs de l'éducation, des priorités
de l'éducation, des budgets de l'éducation qui sont de
responsabilité nationale et qui reqardent l'État. Donc, la
détermination des conditions de travail des personnels, d'une
manière large, cela ne peut pas se faire autrement, à notre avis,
que dans le cadre d'une négociation nationale. Comme il y a des
adéquations à faire entre les personnels de l'éducation et
les autres catégories de personnel, je crois que les formules qu'on a
mises au point, au fil de l'expérience, table centrale, rencontres
autour d'une même table de tous les groupes, ont donné des
résultats positifs. (16 h 30)
Pour ce qui est de l'autonomie de l'enseignant, on reconnaît que
l'enseignant a peu d'autonomie, mais il y a peu de dispositions, tout de
même, des conventions collectives qui viennent régler ou
déterminer ce qu'on appelle l'acte professionnel de l'enseignant. Il y a
un paquet de règlements, qui ne sont pas des objets de
négociation jusqu'à maintenant, qui interfèrent
là-dedans. Bien sûr, il y a des mécanismes de
sécurité d'emploi ou d'affectation des personnels qui disent
comment on répartit les personnels et cette question, pour nous, est une
question de négociation locale jusqu'à maintenant. Cela fera
partie de l'évaluation à faire de cela. Mais si jamais on pensait
qu'il fallait tout déterminer dans les conventions nationales, toute la
mécanique d'utilisation et d'affectation des personnels, nous croyons
qu'on compliquerait davantage le système.
Nous sommes prêts à nous interroger sur la manière
de définir les conventions collectives, de rédiger les clauses.
Nous pensons que depuis quelques années nous sommes dans un
régime d'exception; quand on écrit les textes de conventions
collectives, on écrit la règle générale et
après cela on écrit trois pages d'exceptions ou de situations
particulières qui font que cela marche ou que cela ne marche pas.
C'est une approche qui a été amenée en partie par
les deux groupes qui étaient en présence autour d'une table de
négociation. Il y a peut-être de l'amélioration à
faire pour tenter de simplifier l'expression d'une condition de travail. Mais
nous pensons aussi qu'il existe des problèmes de droit de
gérance, qu'il y a des droits de gérance encore importants dans
l'éducation, qu'il y a
une approche autoritariste ou autoritaire d'un certain nombre de choses
et cela aussi met en cause l'autonomie des enseignants. Dans le fond,
l'enseignant et l'étudiant sont loin quelquefois, même s'ils
devraient être les premiers et les plus près. Ils sont loin quand
on regarde la pyramide à partir du ministre de l'Éducation et du
sous-ministre et de tous ceux qui interviennent dans l'éducation. Dans
ce cadre-là, on peut parler des organisations syndicales aussi et des
centrales. Nous sommes des tenants de l'autonomie tout de même et de la
prise en charge le plus possible par le milieu de décisions.
M. Paquette (Rosemont): Dans le même ordre d'idées,
très brièvement, ce matin, le président de la FTQ nous
disait que l'important, c'est de préparer la négociation et de
faire en sorte qu'on puisse négocier le plus adéquatement
possible, de façon que la grève n'ait jamais lieu et que la
question des services essentiels ne se pose pas. Il nous proposait qu'il y ait
dépôt simultané des demandes patronales et syndicales. Il
disait: À un moment donné, il faudrait arrêter de remettre
en question toutes les clauses de la convention collective d'un couvert
à l'autre. J'ai cru comprendre que cela voulait dire de mettre sur la
table un nombre quand même limité d'objets de négociation.
Si on ne veut pas que les conventions collectives aient encore plus un effet
centralisateur que maintenant, cela apparaît un moyen intéressant.
Je ne sais pas ce que vous en pensez. Lors de la dernière
négociation, je pense qu'on avait 50 ou 70 clauses qui étaient
remises en question. Est-ce que vous pensez que c'est une approche qui peut
être très intéressante?
M. Gaulin: Je crois que c'est en partie une des approches qu'on
avait la dernière fois. Il y a des chapitres complets de la convention
collective qui n'ont pas été remis en cause, qui ont
été déposés tels quels, avec quelques modifications
mineures qui visaient à régler les problèmes qui
étaient arrivés en cours de route.
Je crois qu'on est prêt à réfléchir
là-dessus, c'est une approche qui dit que, lorsque tu commences à
négocier, il n'y a plus rien qui existe. Tu recommences à
négocier et la convention existante n'existe plus, de sorte que cela
donne ouverture à des changements de conditions de travail, aux lock-out
et à un certain nombre de choses comme cela. Il y a peut-être de
ce côté-là des changements d'attitude ou des
réflexions à avancer pour reconnaître que le processus de
négociation, c'est un processus d'ajustement des conventions collectives
à une réalité qui a changé. Si on avait cette
approche des négociations, peut-être que ce serait moins
compliqué.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Saint-Anne).
M. Polak: M. le Président, rapidement. M. Gaulin, je suis
de cette vieille école où un enseignant, cela veut dire quelque
chose. C'est quelqu'un qui enseigne à nos enfants. Cela demande un peu
de respect. D'ailleurs j'ai vu un de vos produits ici, de l'autre
côté de la table. Il est d'une autre génération mais
il fait très bien, sauf qu'on a des opinions politiques
différentes. Il est très sympathique sur le plan personnel.
J'ai lu votre mémoire, et je sais que notre mandat est le
suivant: D'étudier les moyens d'améliorer le régime de
négociation et aussi les moyens qui permettraient d'améliorer le
maintien des services essentiels.
J'ai lu tout le mémoire et je l'ai lu parce que je n'ai rien
trouvé sur le mandat. Je suis arrivé à la page 50 et j'ai
trouvé que c'était un très bon exposé sur le
syndicalisme, vos droits, vos droits, vos droits, mais je trouvais très
peu, malheureusement, vos obligations.
Je pense que, comme enseignants, vous avez des obligations. Vous dites,
à la la page 26, par exemple: Le mouvement de réflexion et
d'animation n'est pas le fait de quelques individus, c'est au syndicalisme de
l'enseignement qu'on le doit. Je ne crois pas cela, parce que j'ai
été moi-même président d'un comité
d'école et il y a des milliers de comités d'école qui ont
aussi beaucoup contribué à la réflexion et à
l'animation. Il y a même des commissaires d'écoles qui l'ont fait.
Je l'ai fait aussi. Donc, s'il vous plaît, ne pensez pas que seulement le
syndicalisme a contribué à cela. Je pense que c'est une
déclaration fausse et la population n'est pas prête à
accepter cela.
Maintenant, vu que vous n'avez pas parlé de notre mandat ou des
problèmes, je voudrais soulever deux petits problèmes et avoir
vos commentaires là-dessus. Quand on parle du secteur social, des
hôpitaux, nous sommes tous au courant de la souffrance des usagers, des
patients, etc. Mais, pour moi, dans le secteur de l'éducation, il y a
d'autres souffrances. Par exemple, l'expression qui dit qu'on ne fait pas une
grève sur le dos des enfants, c'est une souffrance différente,
mais qui frappe beaucoup l'individu, l'enfant et les parents.
Je vais avoir seulement deux points: le harcèlement; il n'y a pas
de grève, à un moment donné, il y a toutes sortes de
petites tactiques, on refuse de prendre la liste de ceux qui ont de
l'école, apparemment, ils sont tous inquiets de ce qu'on a à
faire...
Deuxième problème qui est grave, surtout dans le district
de Montréal, c'est qu'à un moment donné - je parle ici
d'une école secondaire - les enfants disent, après
une semaine ou deux de harcèlement ou au commencement de la
grève: Je m'en fous, bonjour, je m'en vais. On appelle cela le
problème de "dropout". C'est très important, parce que, chaque
fois qu'on a affaire à un enfant lors d'une grève, pour moi,
c'est un service essentiel presque aussi grave qu'un patient
d'hôpital.
Auriez-vous un petit commentaire sur ces deux problèmes?
M. Gaulin: À la page 26, ce qu'on expliquait, c'est la
démarche de réflexion que la CEQ a faite sur l'école, en
liant l'école au développement social. On ne dit pas que personne
d'autre n'a réfléchi dans notre société. On
expliquait la démarche et le point de vue un peu original que la CEQ a
développé sur ces questions et qui a contribué à
l'évolution des choses dans notre société.
M. Polak: Merci pour la correction.
M. Gaulin: J'espère qu'on se comprend sur ce point. Au
contraire, on prétend, à la CEQ, vous m'avez peut-être
déjà entendu quelquefois dire que les parents et que les
différents groupes ont des actions et des rôles à jouer en
éducation et qu'il n'appartient pas à la CEQ toute seule de mener
la lutte contre les coupures budgétaires en éducation.
On va faire un colloque la semaine prochaine justement avec d'autres
gens pour parler de cela.
M. Polak: Invitez-nous.
M. Gaulin: Comme parents.
Pour ce qui est des droits et obligations, je l'ai dit au début,
je crois qu'on a voulu, dans ce mémoire, insister sur la question du
droit de grève et sur le contexte politique ou le sens politique d'une
négociation dans le secteur public. On n'a pas voulu faire porter le
débat sur la mécanique. On est disposé à revenir si
jamais il y a des modifications législatives qui sont envisagées
pour débattre de dispositions mécaniques. La semaine prochaine,
on interviendra avec d'autres sur un certain nombre d'ajustements ou de
débats de cet ordre. On a voulu poser un problème d'orientation
politique qui entoure la question du droit de grève et à ce qui a
donné lieu, dans les préliminaires, à cette commission
parlementaire.
Pour ce qui est du harcèlement, je crois que cela a fait partie
aussi de certaines autocritiques qui ont été faites. Cela a
peut-être été la réponse syndicale, à un
moment donné, à des gens qui disaient: Faites-la, la grève
ne nous dérange pas, vous allez perdre votre salaire et, après
cela... Cela a été affirmé. Les gens ont dit... À
un moment donné, on s'est dit: C'est du monde qui veut trop qu'on fasse
la grève, peut-être qu'il est mieux de faire autre chose que de la
faire. Mais, la dernière fois, à la dernière ronde de
négociation, je crois qu'il n'y a à peu près pas eu de
harcèlement et nous avions comme orientation de ne pas faire de
harcèlement qui affectait les étudiants ou la relation
enseignants-étudiants. Il pouvait y avoir certains moyens de pression
sur les administrateurs pour les amener à réfléchir sur ce
qui se passait en négociation et à changer certaines des
propositions patronales en négociation. Je crois que cela s'est
orienté beaucoup plus dans cet ordre et je crois que c'est un
comportement responsable. Bien sûr, à la suite d'une grève,
des préliminaires ou des débuts d'une grève, il peut y
avoir ce phénomène de "dropout", mais je crois qu'il ne faut pas
faire la relation entre la grève et le "dropout". Le
phénomène de "dropout" est un phénomène qu'on vit
à longueur d'année; il y a eu dix jours de grève en 1979
ou en 1980, depuis ce temps, il y a ce phénomère qui continue. Il
y a des taux d'échecs aussi dans les écoles, échecs
scolaires qui deviennent un problème d'actualité,
malheureusement, un problème assez important. Il faudrait
réfléchir sur ces questions. Je crois qu'il ne faut pas lier
ça à la grève comme telle. Bien sûr, on prêche
en faveur de l'école privée en disant qu'à l'école
privée vous êtes garantis qu'il n'y aura pas de grève cette
année, tandis que dans le secteur public, ce sont des choses possibles,
mais, ça, c'est un autre débat qui débouche
là-dessus.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, je voudrais faire une
brève intervention. Je préviens mes interlocuteurs du danger de
ne pas se comprendre, mais je vais quand même essayer d'être clair.
Je ne m'en tiendrai pas uniquement au texte de votre mémoire, mais je
vais essayer d'énoncer, en tant que membre du gouvernement
présentement, quelques impressions sur le travail que les syndicats ont
fait auprès de leurs membres depuis un certain nombre d'années,
particulièrement dans les affaires sociales, dans la fonction publique
et dans l'éducation.
Mon père a enseigné pendant "52 ans à la commission
scolaire de Montréal, à l'époque où le syndicat
n'existait pas encore. J'étais petit garçon, à la maison,
et j'ai connu les premières batailles syndicales de mon père. Les
plus vieilles de mes soeurs sont allées vers l'enseignement aussi. Je me
souviens, à l'époque, de M. Guindon, qui a travaillé
très fort pour structurer, monter un syndicat et faire en sorte que les
enseignants, les maîtresses d'école du rang - comme on les
appelait à l'époque - qui
qaqnaient 200 $, 300 $, 400 $ ou 544 $ par année et qui avaient
vraiment un rattrapage à faire, avaient à se faire respecter,
avaient des conditions de travail à améliorer. Toutes ces
batailles on les a méritées.
Moi, j'ai été sur les lignes de piquetage aussi comme
enseignant, après être passé par l'industrie, ce qui m'a
permis d'évaluer un peu, en cours de route, les différences qu'il
y avait entre un travailleur d'usine et un travailleur de l'enseignement des
années modernes, des années d'aujourd'hui, par rapport à
l'enseiqnement d'il y a 20, 25 ou 30 ans. Et chapeau, je pense que le syndicat
a sa place, les enseignants se sont battus, ont gagné des batailles et
se retrouvent, en 1981, à toutes fins utiles, comparativement à
d'autres groupes de notre société, avec quand même des
salaires passablement corrects; il y a toujours de la place pour de
l'amélioration, j'en conviens. Je pense aussi qu'au niveau des
conditions de travail, au niveau des avantages sociaux, on ne les a pas
volés, on s'est battu et on les a eus. Il y a toujours de la place pour
de l'amélioration, j'en conviens.
Maintenant que je ne suis plus enseignant. Si je reviens à
l'enseignement, je verrai à me comporter comme un enseignant qui
continue à réclamer des choses pour les enseignants. En
attendant, je suis au gouvernement et je suis obligé de penser comme un
gouvernement doit penser, donc en fonction de tous les travailleurs et les
travailleuses du Québec et non pas seulement en fonction d'un groupe
d'individus ou de travailleurs du Québec.
Actuellement, on travaille à modifier le Code du travail pour
faciliter l'accès à la syndicalisation pour ceux qui ne le sont
pas, afin que les classes ou les parties ou les groupes de travailleurs du
Québec, qui ne sont pas syndiqués et qui sont finalement en perte
de vitesse, par rapport à ceux qui le sont depuis un certain nombre
d'années, puissent avoir un certain rattrapage.
Comme gouvernement, je veux favoriser ça d'abord. Non pas que je
veuille freiner ceux qui sont déjà organisés pour que
finalement, au bout du compte, il se retrouvent avec une perte de vitesse;
s'ils maintiennent leur vitesse de croisière, ceux qui sont
déjà organisés... mais, comme membre du gouvernement je
voudrais favoriser les travailleurs, les femmes qui travaillent à la
machine à coudre des guenilles dans mon comté, qui travaillent
à la pièce, elles ont besoin de l'aide du gouvernement. Il y a
des gens qui travaillent dans des PME, chez nous, qui ont besoin de l'aide du
gouvernement. Il y a des agriculteurs qui, je pense sont bien aidés,
mais il faut continuer à les aider. Il y a donc une masse
monétaire que le gouvernement doit partager parmi l'ensemble de la
population, selon ses priorités.
(16 h 45)
Je ne veux pas punir ceux qui sont syndiqués, je le maintiens et
je veux être clair là-dessus. Seulement pour moi comme faisant
partie d'un gouvernement, vous êtes assez grands, je pense, pour vous
défendre. Vous avez besoin de moins d'aide du gouvernement que ceux qui
ne sont pas orqanisés. Je favoriserais plutôt, comme membre du
gouvernement, ceux qui le sont moins, ceux qui sont en perte de vitesse et ceux
qui, à toutes fins utiles, sont un peu les enfants pauvres de notre
société qui ont droit, eux aussi, à un salaire
décent, à des conditions de travail décentes et à
la possibilité de se syndiquer. Je pense que c'est dans ce
sens-là que je vais.
Je vous invite à continuer vos luttes syndicales. Il y a encore
des choses à gagner. Maintenant, vous ne faites plus pitié. Les
enseignants ont déjà fait pitié il y a déjà
un certain nombre d'années. Quand je pense à mon père, ce
n'était pas drôle dans le temps; mais, aujourd'hui, franchement.
II y a encore deux ou trois de mes soeurs qui enseignent, j'ai de bons
collègues qui sont encore dans l'enseignement. Continuez vos luttes.
Bravo! Mais, quand vient le temps de négocier, il faut comprendre que le
gouvernement veut bien être attentif à vos demandes. Pour ce qui
est des conditions de travail qui ne touchent pas la masse salariale, il y a
moyen de faire des arrangements facilement. Mais quand il s'agit de venir
chercher la masse salariale que le gouvernement a à sa disposition
chaque année pour la distribuer le plus équitablement parmi les
différentes couches sociales, je pense qu'on devient chatouilleux
à ce moment-là. A ce niveau-là, je pense que c'est normal,
comme gouvernement ou comme en faisant partie, que je serre la vis, que je sois
tenté de serrer la vis auprès de ceux qui ont fait ce rattrapage,
qui sont devenus grands et qui sont syndiqués et organisés. Je
favoriserais plutôt ceux qui le sont moins.
C'était l'intervention que je voulais faire, M. Gaulin.
M. Gaulin: Juste un commentaire rapide. Je pense que cela va
exactement dans le sens de notre mémoire: le syndicalisme, le droit de
grève, facteur de progrès social. Bien sûr, la CEQ a
appuyé de multiples interventions sur l'extension de la syndicalisation.
Elle a demandé au gouvernement d'intervenir pour assurer un meilleur
régime de sécurité d'emploi dans le secteur privé.
Elle va intervenir pour mettre fin à cette abomination que sont un
certain nombre de régimes de retraite dans des secteurs privés
qui ne donnent à peu près aucun droit à la retraite. Nous
allons continuer à intervenir.
Je suis convaincu que vous allez tenir
exactement le même débat quand vous allez discuter
bientôt des augmentations de salaire des députés. C'est
exactement le débat qu'on fait aussi. On fait une table de
négociation et il s'agit de discuter du degré
d'amélioration des conditions de travail du service public. Quand nous
menons à ce moment-ci la lutte contre les coupures budgétaires en
éducation, ce n'est pas pour l'amélioration des conditions de
travail. On ne parle pas de négociation et de convention collective dans
la lutte contre les coupures. On parle du respect des conventions collectives
pour permettre de maintenir un nombre respectable d'étudiants dans les
classes.
Ce qu'on dit, c'est qu'il est nécessaire dans la
société, par les temps qui courent, même s'il y a des
pauvres, même s'il y a des gens qui sont mal organisés, même
s'il faut faire des efforts pour continuer à les organiser, de continuer
à investir dans l'éducation, de continuer à investir dans
les services publics, de continuer à investir dans les services sociaux,
de manière que ces instruments à la disposition de l'ensemble de
la société puissent être un moyen d'aider les gens qui en
ont le plus besoin à se rattraper, à s'organiser et à
exiger eux-mêmes d'être davantage respectés et d'obtenir une
amélioration de leurs conditions de travail.
On n'est pas venu ici pour demander la pitié de la commission
parlementaire. Au contraire. On ne se gêne pas pour dire qu'il y a eu
amélioration des conditions de travail. On en prend bonne note. On est
fier d'avoir contribué à ces améliorations, mais on croit
qu'un processus de négociation normal avec un droit de grève qui
s'exerce dans des règles définies, mais des règles qu'on
respecte, permet aussi de débattre de ces questions, de clarifier les
enjeux de ces négociations et d'améliorer les conditions de
travail des travailleurs de l'éducation. Il y a aussi du personnel de
soutien à la CEQ. Il y a des gens pour qui il y aura des revendications
d'amélioration de certaines conditions de travail. Il y a de petits
salariés. Nous nous préoccupons également de ces
problèmes et de ces questions.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vous ai promis
d'être très brève et je tiendrai ma promesse. M. Gaulin,
tout à l'heure, parlait des décrocheurs et des échecs de
fin d'études. Est-ce que vous auriez des statistiques sur les
échecs de fin d'études secondaires? Probablement que vous ne les
avez pas pour cette année, mais est-ce que vous les avez pour l'an
dernier, puisque cela semble être une de vos inquiétudes? En fait,
les étudiants qui ont terminé un secondaire V sans pouvoir
obtenir un certificat de fin d'études secondaires.
M. Gaulin: Nous n'avons pas ces statistiques, malheureusement. Je
crois qu'il serait intéressant pour les gens qui se préoccupent
de l'éducation de les avoir. Ce qui m'a préoccupé - de
temps en temps je vais dans les écoles voir le monde - c'est d'entendre
de plus en plus parler d'une expression qui était disparue de notre
vocabulaire. Il fut un temps où on ne parlait plus de doubleurs; puis on
recommence à parler des doubleurs dans l'enseignement, ce qui se
réfère, à mon avis, à tout ce problème
d'échecs scolaires et d'auqmentation du nombre de jeunes qui sont
obligés de reprendre une année scolaire. Il y a des coûts
importants qui sont liés à l'échec scolaire, pour la
société, pour les jeunes, pour les budgets de l'éducation.
Je crois qu'il faudra se préoccuper, peut-être pas dans cette
commission parlementaire, mais certainement ailleurs et ultérieurement,
de ces questions qui sont importantes.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec et
j'invite les représentants du Syndicat des employés
d'hôpitaux de Montréal à prendre place et à nous
présenter leur mémoire.
Est-ce que les représentants du Syndicat des employés
d'hôpitaux de Montréal sont présents? S'il vous
plaît:
Le mémoire de ce groupe sera présenté par M.
Jean-Claude Paquette et je lui demande de présenter les personnes qui
l'accompagnent.
Je rappelle aux intervenants que nous consacrons 20 minutes à
l'audition du mémoire, environ, et par la suite, autant que possible, on
essaie de consacrer 20 minutes à la période des questions de part
et d'autre. On n'y réussit pas toujours, cependant, l'expérience
des deux derniers jours nous l'a démontré, mais on va quand
même s'y efforcer.
M. Paquette.
Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal
M. Paquette (Jean-Claude): Je vais vous présenter les
personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Louise Valiguette, du
comité exécutif, Mario Bilodeau, du comité exécutif
du syndicat et, à ma droite, Murielle Laliberté, du comité
exécutif du syndicat, et Maurice Boulanger, secrétaire au
comité exécutif.
Comme vous le voyez, les femmes sont très bien
représentées au sein de notre organisme.
Vous comprendrez, messieurs et mesdames de la commission, que notre
mémoire était quand même volumineux et vu
la restriction - nous avons 20 minutes pour l'exposer - nous avons
dû en faire un condensé.
Le mouvement syndical du début des années soixante a connu
les premières grèves illégales dans le secteur des
affaires sociales, auxquelles le Syndicat des employés d'hôpitaux
de Montréal a participé, entre autres par le biais des
infirmières de l'hôpital Sainte-Justine, alors membres du Syndicat
des employés d'hôpitaux de Montréal, affilié
à ce moment-là à la Fédération des affaires
sociales. Cela a permis d'en arriver, en 1964, à la mise en vigueur d'un
Code du travail redonnant aux travailleurs et aux travailleuses le droit de
grève perdu en 1944.
Le début des années soixante-dix a vu l'utilisation
massive du droit de grève reconquis, puis, pour le Syndicat des
employés d'hôpitaux de Montréal, maintenant
indépendant, le droit de grève reprend sa juste place: moyen de
pression pouvant peut-être aider à équilibrer les forces
des deux parties.
Nous sommes de ceux qui n'ont pas abusé du droit de grève,
mais nous sommes aussi de ceux qui croient que le droit de grève est
nécessaire à la libre négociation, à la vraie
négociation et que le droit de grève, en permettant aux
travailleurs et aux travailleuses d'obtenir de meilleures conditions de
travail, leur permet aussi de participer activement à l'évolution
de la province de Québec.
Le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal,
organisme indépendant regroupant environ 2500 travailleurs et
travailleuses du domaine de la santé, est fier de présenter
à la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu, sur l'exercice du droit de grève dans
les secteurs public et parapublic, un mémoire sur une question qu'il
juge fondamentale.
En effet, le Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal considère qu'il est d'une importance vitale de maintenir
le droit de recours à la grève dans les secteurs public et
parapublic et, en particulier, dans le secteur des affaires sociales.
Dans le rapport de la commission Martin-Bouchard, on peut lire, en page
6: "C'est en se réclamant de la logique même d'un gouvernement
affirmant sa volonté d'édifier une fonction publique
compétente, stable, à l'abri de l'arbitraire du pouvoir, que les
employés de l'État et de ses divers organismes ont pu faire
admettre, assez aisément en fin de compte, leur droit à la
syndicalisation. " C'est au nom de ces mêmes principes que le Syndicat
des employés d'hôpitaux de Montréal réclame
aujourd'hui de conserver le droit de grève dans les secteurs public et
parapublic. Nous vous démontrerons, dans les pages qui suivent, le
bien-fondé de nos revendications.
La dualité État employeur, État législateur.
Il existe une contradiction évidente dans les deux principaux
rôles de l'État. L'État employeur est le bailleur de fonds
et le négociateur. La contradiction s'exprime lorsque l'État
devient législateur, puisque, alors, il doit protéger les biens
de la collectivité, c'est-à-dire des payeurs de taxes.
Pour ce faire, l'État est habilité à
légiférer dans tous les domaines, y compris celui des relations
de travail où il impose les règles du jeu en matière de
négociation collective. Entre autres, il a prohibé, par le biais
du Code du travail, le droit à la grève pendant la durée
d'une convention collective. Il s'est aussi donné le pouvoir de
suspendre ce droit à la grève pendant un certain temps en
demandant et en obtenant d'un juge une injonction. De plus, dans les secteurs
public et parapublic, il a imposé la notion de services essentiels,
limitant alors au minimum l'exercice du droit de grève.
On voit donc que, dans les secteurs public et parapublic, le jeu des
négociations est faussé puisque dans le secteur privé les
seuls intérêts en jeu sont d'ordre financier, tandis que
l'État doit, en plus, veiller a ses intérêts
politiques.
Abolir le droit de grève, évidemment, amènerait le
désordre social. Les employés de l'État seraient
défavorisés par rapport à ceux du secteur privé et
on se retrouverait avec le recours aux grèves illégales.
S'appuyant sur le principe que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de
retirer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, dans
l'article ci-haut cité, le ministre Marois nous expligue ce que l'on
doit attendre de la présente commission parlementaire: on ne lui demande
pas de chercher à retirer le droit de grève dans les secteurs en
question, mais plutôt de rechercher des solutions aux problèmes
des négociations dans ces secteurs afin d'éviter le recours
à ce moyen de pression.
Considérant le nouveau mandat de la commission élue
permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de la sécurité du
revenu, le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal
désire ajouter une seconde partie à son mémoire et ainsi
traiter plus spécifiguement de la question du régime de
négociation dans le secteur des affaires sociales. À l'instar de
plusieurs autres organismes, nous nous limiterons à traiter du secteur
spécifique, celui des affaires sociales, puisque notre intervention se
trouve limitée à cette sphère d'activités. Nous
traiterons plus particulièrement des moyens d'en arriver à un
sain climat de négociation et à une saine gestion des
établissements du réseau des affaires sociales. En effet, il nous
apparaît essentiel de redonner la santé, à tous les
niveaux, aux intervenants (organismes, établissements, travailleurs
et
travailleuses) du domaine de la santé afin d'obtenir pour les
travailleurs et les travailleuses du secteur un milieu de travail
épanouissant et d'assurer ainsi à la population les soins de
qualité auxquels elle a droit et ce, de façon continue.
Nous décrirons tout d'abord les malaises que nous vivons
actuellement comme étant les corollaires du système de
négociation tel que nous le connaissons. Puis, nous verrons quelles sont
les positions à défendre afin d'en arriver à des
négociations saines dans le secteur des affaires sociales. La
dernière partie de ce document nous fera voir comment appliquer les
solutions qui nous seront apparues.
Les malaises dus au régime actuel de négociation dans le
secteur des affaires sociales. Comme nous l'avons mentionné
précédemment, notre intervention ne visera que le secteur des
affaires sociales, mais nos problèmes actuels sont aussi vécus
par les parties en présence dans les secteurs public, parapublic et
péripublic.
La dualité État employeur, État législateur.
Comme la première partie de notre mémoire l'a abondamment
décrit et comme ce n'est plus un secret pour personne, la dualité
État employeur, État législateur est l'un des malaises que
nous subissons. Il nous apparaît évident que dans un autre cadre
de relations de travail, tel que nous le décrirons plus loin, ce
problème trouvera sa solution. (17 heures)
L'éternel carré. Le secteur parapublic vit un
problème aussi entier que les relations de travail elles-mêmes. Il
nous faut chercher la solution à l'éternel carré. Posons
tout d'abord le problème: L'employeur offre des dollars et demande du
travail, et le syndicat, au nom des travailleurs et travailleuses, offre du
travail et demande des dollars. Tous les manuels d'économie et de
relations de travail nous l'enseignent, l'employeur et le syndicat sont des
adversaires. Leurs intérêts sont opposés et
irréconciliables. De fait, nous avons pu constater que cela s'est
avéré juste, spécifiquement dans le secteur des affaires
sociales où nous avons vu et où nous verrons encore de
véritables affrontements pour arriver à faire triompher, en tout
ou en partie, les intérêts de l'un ou l'autre des
belligérants.
Aujourd'hui, lorsque l'employeur et le syndicat se réunissent
pour conclure une convention collective de travail, ils s'assoient face
à face et travaillent tous deux à satisfaire le maximum de leurs
intérêts. De part et d'autre, on tire la couverte de son bord, et
cela paraît inévitable. Dès lors, il est utopique de croire
que l'on peut assainir le climat des relations de travail dans le secteur des
affaires sociales puisque les enjeux de la négociation sont si
fondamentalement divergents.
Le monopole de l'État dans les services. Les commissaires Martin
et Bouchard l'ont déjà fait remarquer: L'État
détient un monopole dans les services. Nul ne voudra nier une telle
affirmation, et nous ne souhaitons pas qu'il en soit autrement. L'État
est et doit demeurer dispensateur des services essentiels. Cependant,
l'État doit s'engager à en assurer la saine gestion de sorte que
les travailleuses et les travailleurs aient un fardeau fiscal le moins
élevé possible et que chacun d'entre nous puisse les utiliser en
tout temps. Bien qu'étant un monopole, il doit répondre d'un
rapport qualité-prix valable.
C'est bien sûr dans cette optique que l'État devra mener
les négociations. Pourtant, nous constatons qu'avec le régime
actuel de négociation, avec le dédoublement des
négociateurs patronaux, associations d'employeurs et gouvernement, avec
la loi visant à assurer le maintien des services essentiels
l'État n'est vraisemblablement pas en mesure d'offrir un prix
raisonnable et des services de qualité. Un bon gouvernement ne peut se
permettre d'utiliser sa situation monopolistique pour offrir des services de
moindre qualité sous prétexte qu'on ne peut se procurer ces
services ailleurs et qu'on doit maintenir ces services au plus bas coût
possible. C'est aller à l'encontre des concepts mêmes qui ont
mené le gouvernement au pouvoir.
On ne cherche plus à cacher que, pour se maintenir au pouvoir,
l'État doit mener une négociation qui satisfera la population de
même que les travailleurs et les travailleuses à son emploi car
"le secteur public est la propriété de la population, y compris
des travailleurs eux-mêmes". Dans le secteur qui nous intéresse,
toutes les règles habituelles de la négociation sont
modifiées et il en résulte que les parties en présence
marchent sur des sables mouvants.
La population. Nous avons déjà émis l'idée
que l'État est dispensateur de services essentiels. Idéalement,
la population ne devrait donc pas être privée de ces services, de
même qu'elle devrait recevoir des services de qualité. Par contre,
le syndicat, mandaté en ce sens par les travailleurs et travailleuses,
exige de conserver son droit de recours à la grève, et
l'État doit maintenir au minimum ses dépenses de gestion des
établissements du secteur des affaires sociales.
La problématique. Le problème global est donc posé:
Comment concilier les intérêts du gouvernement, des gestionnaires
des établissements du domaine de la santé, ceux des
syndigués et des syndiquées et ceux de la population?
La solution s'impose alors d'elle-même. Le Syndicat des
employés d'hôpitaux de Montréal suggère au
gouvernement de revoir ses politiques de gestion des établissements
dans le domaine des affaires sociales. Compte tenu qu'un milieu de
travail sainement géré et épanouissant procure aux
travailleuses et aux travailleurs une excellente source de motivation, il est
évident que, dans un tel climat, nous pourrions connaître une
continuité des services. Plutôt que de modifier en profondeur le
régime actuel de négociation qui ne nous apparaît pas si
mal, après tout, bien qu'étant sujet à certaines
améliorations, nous désirons vous faire part des moyens qui sont,
selon nous, envisageables afin d'éliminer les problèmes à
la source, puisque telle est la politique actuelle du gouvernement. La solution
proposée porte un nom: l'autogestion des établissements du
réseau des affaires sociales.
L'autogestion. Afin de nous faire voir comment nous en sommes venus
à la solution appelée autogestion, citons le ministre Pierre-Marc
Johnson: "Prenons les risques d'inventer notre société, n'en
faisons pas un pastiche avec des solutions qlanées littéralement
à qauche et à droite. Il faut bâtir une
société qui nous ressemble, fonder d'abord sur l'humain,
concentrée sur le bien-être des personnes".
C'est dans cette optique que nous amenons l'autogestion comme
étant le seul remède aux malaises actuels du régime de
négociation et comme étant le moyen unique et
privilégié de maintenir les services essentiels dans le secteur
des affaires sociales. Le mandat de cette commission étant clairement
connu de tous, il nous faut préciser ici que nous n'expliciterons pas le
modèle d'autogestion adapté aux besoins spécifigues du
domaine de la santé que nous avons mis sur pied. Nous nous restreindrons
plutSt à ce que l'autogestion peut apporter dans ce secteur
particulier.
Le secteur des affaires sociales est le lieu privilégié
pour l'expérimentation de relations ouvrières satisfaisant
à la fois l'État, la population, les travailleurs et
travailleuses de ce secteur.
Ajoutons ici qu'une telle réforme devra s'insérer dans le
cadre d'une politique globale où on privilégiera l'autonomie des
groupes de travail et la coordination entre les intérêts des
travailleuses et des travailleurs et ceux de l'ensemble de la
société. De façon plus terre à terre, il faudra
restructurer les tâches et redonner au travail sa caractéristigue
fondamentale d'activité intelligente et créatrice. Pour ce faire,
le premier pas sera l'information, le second pas en sera le corollaire:
l'éducation des travailleurs et des travailleuses et celle de la
population. Ainsi préparés, nous pourrons voir notre
société avancer.
L'information. À la base du succès de toute organisation,
il y a l'information. Elle est vitale à l'établissement
autogéré. Dans le secteur des affaires sociales, il y a deux
aspects à considérer; l'information des intervenants avant
l'implantation de l'autogestion; l'information constante à tous les
niveaux, une fois le processus mis en branle.
Il est important de bien préparer les travailleurs et les
travailleuses à leur nouveau rôle.
Pour la réussite d'un projet d'autogestion, il est de plus
essentiel que toutes les travailleuses et que tous les travailleurs aient
accès à toute l'information pertinente. Il est aussi
impérieux que cette information soit exacte et transmise dans un langage
que tous pourront comprendre.
Une fois en possession de toutes les données utiles et, en
particulier, de tout l'aspect financier et de toutes les dimensions humanistes
auxquels est subordonnée la gestion efficiente de l'organisation, les
travailleurs et les travailleuses, forts de leur expérimentation
journalière de travail, pourront prendre en main la destinée de
leur établissement et en faire une organisation
épanouissante.
Ainsi, le libre accès a une information complète et
fidèle devra demeurer l'une des priorités des nouveaux
gestionnaires.
Évidemment, dans le cadre d'un réseau des affaires
sociales où tous les établissements sont autogérés,
les mécanismes de négociation sont tout à fait
différents.
Il s'agira alors de rédiger une convention collective de travail
qui contiendra les clauses nécessaires à la protection des
travailleurs et des travailleuses qui voudront changer d'établissement.
Ces clauses seront discutées et décidées en gardant
à l'esprit un principe d'équité entre les travailleurs et
les travailleuses des divers établissements.
Les syndicats seront alors mandatés comme agents
négociateurs par leurs membres et devront en arriver à une
entente avec le gouvernement et entre eux, dans le cadre d'une rencontre
prévue à cet effet.
De plus, il faudra laisser le maximum de latitude aux
établissements, afin qu'ils puissent, localement, décider de la
meilleure façon de se gérer.
Périodes de négociation. Nous avons déjà
mentionné, lorsque nous avons traité du rôle du
gouvernement, que les comités de coordination doivent rencontrer le
gouvernement trois mois avant la fin de l'exercice financier, afin de
déposer leur demande de budget pour l'année.
Préalablement à cette rencontre, il doit y en avoir une
autre entre les syndicats et le gouvernement, afin que ces deux parties
s'entendent sur les clauses qui seront en vigueur à l'échelle
provinciale.
Idéalement, cette rencontre aura lieu cinq mois avant la fin de
l'exercice financier.
Mécanismes de négociation. La première étape
est une rencontre de tous les syndicats du gouvernement pour conclure une
entente relative aux points mentionnés plus haut, cinq mois avant la fin
de l'exercice financier. Deuxième étape, les syndicats remettent
au comité de coordination l'entente à laquelle les parties en
sont venues. Troisième étape, les comités de coordination,
trois mois avant la fin de l'exercice financier, rencontrent le gouvernement
afin de présenter leur demande de budget pour l'année suivante.
Quatrième étape, deux mois avant la fin de l'exercice financier,
le gouvernement retourne au comité de coordination les demandes
dûment approuvées.
En conclusion, nous retrouvons dans ce paragraphe une autre dimension
importante de l'autogestion. Le travailleur et la travailleuse deviennent des
agents efficaces de construction de la société et de promotion
collective. Ils et elles s'impliquent afin de faire avancer la
société québécoise. Ils et elles font en sorte que
notre société ait les meilleurs soins de santé possible.
Nous pouvons donc constater que le gouvernement, les travailleurs et les
travailleuses ne sont plus les belligérants. Leurs intérêts
sont les mêmes: faire de la société
québécoise un ensemble dynamique où tous les êtres
pourront s'épanouir.
L'autoqestion nous assure une continuité des services offerts par
le réseau des affaires sociales, nous procure des soins de
qualité et nous fait voir des travailleurs et des travailleuses
conscients de leur valeur et de ce qu'ils et qu'elles peuvent apporter à
la société.
De façon beaucoup plus terre à terre, l'autogestion
diminue les coûts de négociation, de gestion des
établissements du réseau des affaires sociales.
Bref, la solution, c'est l'autogestion. Avec l'autogestion, nous avons
trouvé le moyen d'améliorer le régime des
négociations dans le secteur des affaires sociales, et qui sait?
Peut-être dans les autres secteurs. Nous avons aussi découvert le
moyen idéal d'assurer le maintien des services essentiels. Qui
refuserait pareille proposition?
Le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal
soumet à la présente commission parlementaire les recommandations
suivantes:
Que l'on respecte le principe: Le travail appartient aux travailleurs.
Que soit maintenu le droit à la grève dans le secteur public et
parapublic.
Que le droit de grève ne soit pas limité par un abus de
législation sur les services essentiels.
Que le gouvernement permette que tous les établissements du
réseau des affaires sociales deviennent autogérés et
qu'ils mettent en place les mécanismes nécessaires à
l'implantation de l'autogestion dans les établissements du domaine de la
santé.
Que le gouvernement adopte le système de négociation
décrit dans le présent document.
Cela termine le survol du mémoire du Syndicat des hôpitaux
de Montréal.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie, M. Paguette.
M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le
Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal de son
mémoire. C'est un mémoire volumineux, avec de nombreuses pages,
et en même temps, c'est un mémoire qui nous propose, ce qu'on
pourrait à tout le moins appeler, une réforme en profondeur des
choses. Je pense qu'on conviendra qu'il y a aussi des échéances
à court terme. Cela a été évoqué hier. Au
moins un autre groupe, si ma mémoire est bonne, nous a formulé
des propositions de changements en profondeur en convenant bien que ce n'est
pas le genre de changements quand il s'agit de propositions et de
réformes en profondeur... II s'agit de les mûrir, de voir si ces
changements correspondent à l'état d'évolution d'une
société donné.
Le changement, cela s'anime, cela ne se bouscule jamais dans une
société. Ce n'est pas une raison pour ne pas l'animer, par
exemple. Il y a aussi les besoins à court terme.
Je voudrais simplement dire, dans ce contexte, qu'on va examiner
très attentivement le mémoire. Je terminerais simplement en
disant ceci, parce que je sais qu'un de mes collègues désire
intervenir. Vous avez cité un de mes collègues, le ministre des
Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, comme un - ce n'est pas le seul, en
toute honnêteté - des soutiens à votre suggestion, à
votre proposition de réforme fondamentale. Vous conviendrez avec moi que
vous avez peut-être donné à la déclaration de mon
collègue un certain degré d'élasticité par rapport
à son contenu.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne). (17 h
15)
M. Polak: M. Paquette, je dois vous féliciter du
changement de ton, parce que j'avais étudié tout le
mémoire, et jusqu'à il y a dix minutes, j'étais sur 23M.
C'est votre mémoire. J'étais vraiment prêt à
commencer une petite attaque, parce que je trouvais que vous parliez seulement
du droit de grève et qu'il n'y avait aucune solution concrète au
problème. Là, un autre est arrivé ici pour le même
groupe et le numéro est maintenant 23MA. Je note que 23M porte la date
du 5 mars 1981 et que 23MA porte la date de septembre 1981. Je ne sais pas
quand vous
avez préparé le nouveau, parce que je viens de le recevoir
par l'entremise d'un de nos recherchistes, mais j'aimerais savoir si ce
changement a été fait dans les derniers jours.
M. Paquette (Jean-Claude): C'est-à-dire que nous avons
été obligés de rédiger un second mémoire,
étant donné que le mandat de la commission n'était pas le
même. C'est la raison pour laquelle vous vous retrouvez avec deux
mémoires devant vous.
M. Polak: Parfait.
M. Paquette (Jean-Claude): Le dernier a été
rédigé dans les derniers jours.
M. Polak: C'est cela. C'est un peu malheureux, parce que la
viande positive se trouve dans le deuxième, 23MA. Pendant que vous avez
fait votre exposé, je l'ai lu rapidement. C'est le plus que
j'étais capable de faire. Je vais tout de même poser quelques
questions sur le deuxième, parce que je trouve le deuxième
très positif. Je dois vous dire que, sur le premier, j'aurais des
questions peut-être plus serrées à poser.
Dans le deuxième mémoire, vous parlez de
l'élément autogestion; c'est l'élément principal
dans le mémoire. À la page 29, vous dites: II faut laisser, au
niveau provincial... Ensuite, vous donnez treize éléments qui
doivent être négociés sur le plan provincial. Qu'est-ce
qu'il reste, parce que l'autogestion, cela veut dire chez vous, cela veut dire
dans votre hôpital particulier, le syndicat, l'unité syndicale et
le patron vont discuter de l'entente locale, mais, quand on enlève les
treize éléments du provincial, qu'est-ce qu'il reste d'important
sur le plan local?
M. Paquette (Jean-Claude): Si vous le permettez, pour
répondre à cette question, je passerais la parole à ma
compagne, Louise Valiquette.
M. Polak: Parfait.
Mme Valiquette (Louise): Tout ce qu'il reste à
négocier localement est décrit à la page 17, dans le
rôle des travailleurs et des travailleuses, dans les pages suivantes
aussi, le rôle des éguipes, le rôle des chefs
d'équipe, enfin, c'est décrit à l'intérieur de
toute la structure des établissements.
M. Polak: D'accord. Vu que je viens de vous expliquer que je
viens de recevoir cela il y a dix minutes et qu'il y a sans doute des membres
autour de la table qui n'ont même pas encore le mémoire 23MA
devant eux, pourriez-vous dire en quelques mots ce qui est à
négocier sur le plan local?
Mme Valiquette: Ce qui est à négocier sur le plan
local, ce sont toutes les clauses de conventions collectives qu'on a
actuellement, l'utilisation de listes de disponibilité, le contenu des
dossiers des travailleurs et des travailleuses au bureau des ressources
humaines, la durée de la période de probation, la liberté
d'action syndicale, les besoins en repas, vestiaires, salles d'habillage,
salles de repos, la possibilité de développement des ressources
humaines, le transport des bénéficiaires, ensuite la
répartition des tâches, les heures et semaines de travail, les
modalités de temps supplémentaire, les systèmes de
congés fériés, les besoins en uniformes, les conditions de
congés sans solde, la possibilité de développement de
ressources humaines, les modalités d'application de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail au niveau de
l'établissement. C'est tout. Cela couvre à peu près la
convention collective.
M. Polak: Merci. Vous dites dans les deux mémoires que le
droit de grève ne doit pas être limité par un abus de
législation sur les services essentiels. Jusqu'à quel point votre
syndicat serait-il prêt à restreindre le droit de grève en
donnant plus à l'élément services essentiels?
M. Paquette (Jean-Claude): Répondre à cette
question nous est très difficile, étant donné qu'à
la dernière ronde de négociation, sur six hôpitaux ou
centres hospitaliers que nous représentons, nous avons
négocié et déposé six listes de services
essentiels. Or, en ce qui nous concerne, comme organisme syndical, on a
toujours négocié nos services essentiels et les listes ont
été déposées et respectées, même si on
n'a pas utilisé le droit de grève à notre syndicat depuis
1972.
M. Polak: Maintenant, sur l'idée que vous mentionnez
d'autogestion, est-ce que vous avez des exemples où cela existe dans
d'autres secteurs et où cela fonctionne très bien? Parce que,
personnellement, je trouve cela une formule intéressante, mais
j'aimerais savoir si vous vous basez sur d'autres expériences
vécues, soit dans d'autres domaines ou d'autres provinces.
M. Paquette (Jean-Claude): Cela n'existe peut-être pas
comme tel au Québec actuellement, c'est quand même une innovation
dans le secteur. Ce qui nous a amenés à cette conclusion, c'est
le fait des dernières restrictions budgétaires qui nous arrivent
dans les centres hospitaliers où on se rend compte, en tant qu'organisme
syndical, que les coupures ne sont pas faites aux bons endroits et on s'oppose
fortement à cela. Le comité de rédaction du mémoire
s'est penché là-dessus et on en est arrivé à la
conclusion que seule l'autogestion pourrait
éliminer tous ces problèmes.
M. Polak: Dans d'autres termes vous dites: Ce ne doit pas
être le gouvernement qui doit imposer ou couper. Nous on veut avoir notre
gestion, on va déterminer là où la priorité se
trouve parce qu'on connaît la situation locale qui est la meilleure pour
tout le monde.
M. Paquette (Jean-Claude): C'est à dire que ce qui se
produit actuellement, c'est qu'on sait que la directive vient du
ministère des Affaires sociales, mais quand même le droit de
gérance demeure toujours au niveau des institutions, qui elles doivent
couper au strict minimum, et on se rend compte que certaines administrations de
certains centres hospitaliers ne coupent pas aux bons endroits. Qui paie la
facture? C'est encore le petit travailleur en bas. On se retrouve, dans
certains établissements, un établissement entre autres, dont je
ne mentionnerai pas le nom, un hôpital général de 150 lits,
avec près de 400 employés salariés syndiqués qui
travaillent et 42 cadres. C'est quand même aberrant comme situation, et,
avec les coupures budgétaires, on coupe des salariés
syndiqués mais on ne coupe pas les cadres.
M. Perron: Je m'excuse, mais pourquoi ne pas mentionner le nom de
l'établissement?
M. Paquette (Jean-Claude): C'est que je ne voudrais pas faire ici
de la petite politique de coulisse, étant donné qu'à cet
établissement-là nous sommes en négociation
présentement et peut-être que cela nuirait au processus. Mais
advenant le cas où il n'y aurait pas de développement, on entend
intervenir personnellement devant le ministère des Affaires
sociales.
M. Polak: Maintenant, M. Paquette, une dernière question
quant à moi. D'autres groupes ont soulevé l'idée que la
grève, surtout en ce qui concerne les services essentiels, cause
énormément de problèmes, mais ce qui cause encore plus de
problèmes actuellement ce sont ces fameuses coupures budgétaires.
Avez-vous eu des échos dans votre secteur? Les coupures
budgétaires, est-ce que c'est le vrai problème?
M. Paquette (Jean-Claude):
Actuellement, c'est le problème de l'heure. Je vous le
concède, c'est le problème. Avec les restrictions
budgétaires et les coupures qui nous sont imposées, on n'aura
même pas besoin de négocier les services essentiels; on va se
retrouver avec les services essentiels.
Le Président (M. Rodrigue): M. Perron (Duplessis).
M. Perron: Merci, M. le Président.
J'aimerais commenter, jusqu'à un certain point, la
première partie qui nous avait été déposée,
soit le document 23M, et, à la suite de l'exposé que nous a fait
le représentant du Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal, je voudrais soulever une certaine question qui a
été mentionnée dans le deuxième, soit le 23MA.
Dans la première partie et aussi dans la deuxième, vous
mentionnez le rôle de l'État employeur, qui est le bailleur de
fonds et le négociateur. Vous mentionnez aussi, dans votre
mémoire, que vous êtes définitivement pour le maintien du
droit de grève. Je crois que le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu a lui-même donné les
informations là-dessus, hier, à savoir que le droit serait
maintenu, en disant cependant qu'il y aurait possibilité
d'amélioration quant aux services essentiels et d'autres
modalités.
Quant aux mécanismes de négociation, dans le premier
document, le 23M, vous ne mentionnez aucun mécanisme de
négociation; cependant, dans le deuxième, vous mentionnez des
améliorations que vous prétendez devoir être
apportées aux mécanismes eux-mêmes.
Sur les services essentiels, quant à la notion de
responsabilité, détermination et surveillance, vous mentionnez de
ne pas limiter le droit de grève par un abus de législation sur
les services essentiels, ce qu'a mentionné le député de
Sainte-Anne. Vous mentionnez aussi d'éliminer les causes profondes qui
engendrent les grèves et aussi de permettre l'exercice légal du
droit de grève en tout temps.
Quant à votre perception du rôle de l'État, vous
mentionnez, bien entendu, que l'Ftat est à la fois le bailleur de fonds
et le négociateur. L'État, lors des négociations, doit
"veiller à ses intérêts politiques".
Je voudrais faire certains commentaires sur ce que vous avez
mentionné à l'intérieur de votre rapport. Quant au premier
point, soit que l'État employeur est le bailleur de fonds et le
négociateur, je pense que c'est parfaitement normal vu que l'État
est actuellement responsable de plusieurs domaines, celui de
l'éducation, par exemple, le domaine des affaires sociales et aussi
d'autres domaines qui sont connexes à ces ministères et aussi
d'autres ministères que je n'ai pas mentionnés.
Cependant, comme l'Ftat est responsable des fonds publics, si on regarde
l'ensemble de la situation au Québec et l'ensemble de ce que paient les
contribuables québécois, non seulement ceux et celles qui
travaillent dans les différents ministères ou pour
différentes institutions qui sont sous la responsabilité du
gouvernement du Québec, mais aussi tous ces gens qui paient des taxes,
des impôts, il me semble que c'est la raison pour laquelle le
gouvernement du
Québec doit s'impliquer à l'intérieur des
mécanismes de négociation et aussi établir une certaine
norme visant à donner des augmentations salariales qui sont conformes
à ce que les gens peuvent payer.
D'autre part, je pense que c'est normal aussi, dans la mesure où
le gouvernement du Québec est responsable des ministères
concernés, que les négociations soient entreprises. Je ne dis
pas, par exemple, qu'il ne doit pas y avoir des modalités pour
établir de nouvelles normes, de nouveaux paramètres.
Là-dessus, je pense que je suis d'accord avec vous qu'il faut
établir quelque chose d'assez concret pour en venir à
améliorer la situation actuelle. Je pense que la commission
parlementaire que nous avons actuellement porte définitivement sur le
droit de grève et les services essentiels. Quant aux services
essentiels, je constate que vous-mêmes, vous n'en avez pratiquement pas
parlé dans 23MA. Cependant, dans 23M, vous dites qu'il a "imposé
la notion de services essentiels, limitant alors au minimum l'exercice du droit
de grève. "
Là-dessus, je vous donne ma position qui n'est pas
nécessairement celle du gouvernement du Québec. Mais je pense
qu'on se rejoint là-dessus. Le ministre lui-même me rejoint, mes
collègues à cette table me rejoignent et même l'Opposition
nous rejoint dans ce sens-là. On doit donner un minimum de services
essentiels dans le domaine des affaires sociales, par exemple. Avant de changer
complètement ou, comme vous le préconisez, si je regarde votre
mémoire, de radier complètement les mécanismes qui sont
déjà établis par la loi 59, par exemple, qui ont
amélioré largement les mécanismes de 1976 et largement
aussi les mécanismes de 1972 et antérieurement à 1972, je
pense qu'il faudrait y penser deux fois. Il y aurait plutôt lieu, puisque
vous ne l'avez pas mentionné dans le mémoire 23MA, de regarder
avec nous la possiblité d'améliorer ce que nous avons
actuellement, au lieu de dire que les services essentiels, c'est de la
foutaise. C'est à peu près cela que j'ai compris que votre
mémoire pouvait dire.
D'autre part, vous avez mentionné dans le premier mémoire
que vous avez présenté: "Entre autres, il a prohibé, par
le biais du Code du travail, le droit de grève pendant la durée
d'une convention collective. " Je vous parle en tant qu'ancien syndicaliste et
même en tant que législateur, si vous le permettez, en tout cas,
comme faisant partie de ceux et celles qui préparent la
législation et qui votent pour ou contre.
Il me semble que, lorsqu'on signe une convention collective, les parties
sont impliquées dans la signature d'une convention collective. Et
lorsque cette convention collective est signée, on se doit de respecter,
dans la lettre et dans l'esprit, toute la convention collective qui fut
signée entre les parties. Je pense que cela a été fait de
bonne foi. Là-dessus, je vais avoir une question à vous poser
éventuellement. (17 h 30)
Quant à la question des services essentiels, puisque je voudrais
y revenir, je trouve énormément curieux que votre syndicat
remette en cause ce que nous a dit la FTQ ou la CSN, par exemple, lors des
mémoires que nous avons entendus; ils sont pour le maintien des services
essentiels. Ils sont même prêts à aller de l'avant pour
améliorer la situation. Je n'ai rien vu dans votre mémoire en
rapport avec cela. Lorsque vous mentionnez que c'est politique, je pense que ce
n'est pas seulement politique, c'est aussi une question sociale. Lors du
maintien des services essentiels, on ne pense pas seulement à la
politique, même si nous sommes des politiciens, on pense aussi aux
petites gens qui sont en bas de la ligne, aux gens qui paient des impôts.
On pense à tous ces gens qui voudraient recevoir au moins le minimum de
services pendant une grève ou pendant une période où il y
aura une récession.
Alors, je pense qu'il faudrait remettre en cause tout cela et au moins
je voudrais avoir quelque chose de concret en rapport avec ce que vous avez
mentionné vous-même.
Quant aux questions que je voudrais poser, elles se rapportent à
vos recommandations. À la page 8, vous mentionnez que l'on tente
d'éliminer à la source les causes profondes qui engendrent les
grèves. Par quelle façon croyez-vous possible d'éliminer
les causes des grèves? Encore faut-il connaître et circonscrire
les causes en question. Je ne sais pas si vous prenez des notes, mais je vais
poser mes questions en série.
La deuxième question, c'est que les travailleurs et les
travailleuses puissent exercer librement leur droit de grève en tout
temps. J'ai mentionné mes réserves là-dessus. J'aurais une
question à deux volets. Quelles sont les causes qui vous portent
à faire une telle recommandation? C'est le premier volet. Et le
deuxième volet, quelles sont les raisons qui vous porteraient à
exercer ce droit de grève que vous préconisez, même s'il
n'existe pas dans le Code du travail actuellement, puisque le Code du travail
mentionne que vous n'avez pas le droit de grève lorsqu'une convention
collective est signée?
J'aurais aussi d'autres questions à vous poser. Lorsque vous
mentionnez que le gouvernement permette que tous les établissements des
réseaux des affaires sociales deviennent autogérés et
qu'il mette en place les mécanismes nécessaires à
l'implantation de l'autogestion dans les
établissements du domaine de la santé, est-ce que vous
voulez dire qu'à ce moment tous les points qui devraient être
négociés lors d'une convention collective seraient
négociés par l'établissement lui-même ou par le
gouvernement ou par les deux? Ce sont mes questions.
M. Paquette (Jean-Claude); Je vais céder la parole
à ma compagne Louise Valiquette, qui va répondre à vos
questions.
Mme Valiquette: La première question, vous nous avez
demandé quelles étaient les causes des grèves et par
quelles structures on entendait y remédier, si j'ai bien compris. C'est
ce que la deuxième partie du mémoire propose, c'est-à-dire
l'autogestion. Les causes des grèves ont été
décrites comme étant l'État employeur et
législateur en même temps, l'enjeu politique des
négociations, le monopole qu'exerce l'État dans les services,
c'est tout cela qui fait des deux parties en présence des opposants
actuellement dans les négociations, ce qui ne serait plus le cas dans un
système où il y aurait l'autogestion.
La deuxième question portait sur les travailleurs et les
travailleuses qui pourraient exercer leur droit de grève en tout temps.
C'est-à-dire que leur droit de grève est prohibé. Les
autres centrales syndicales ont parlé aussi des arrangements locaux qui
traînaient en longueur et qui ne se résolvaient jamais. Ce serait
peut-être à ce moment utile d'utiliser le droit de grève.
De toute façon, avec ce qu'on propose dans la deuxième partie du
mémoire, je pense qu'il n'y aurait plus lieu d'utiliser le droit de
grève. On n'en aurait plus besoin, il n'y aurait plus d'opposition.
Par la suite, vous avez parlé des établissements
autogérés. Vous avez demandé si tous les points seraient
négociés par établissement. C'est aussi clairement
expliqué dans la deuxième partie du mémoire et j'ai
parlé de ça aussi, tantôt. Il y a une partie des points qui
sont à incidence surtout pécuniaire comme les salaires, les
libellés d'emploi, les primes, l'assurance-vie, les clauses de vacances,
qui seraient négociables au niveau gouvernemental, le reste des points
se négocierait par l'établissement.
M. Perron: Est-ce que vous voulez dire que les clauses salariales
seraient négociées nationalement et que les clauses normatives
seraient locales?
Mme Valiquette: C'est ça. M. Perron: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
le Cartel des employés d'hôpitaux de Montréal.
Il y a deux questions très précises au point de
départ que je voudrais vous poser. Est-ce que vous êtes un
syndicat indépendant?
M. Paquette (Jean-Claude): Oui, madame.
Mme Lavoie-Roux: Vous oeuvrez à l'intérieur de six
hôpitaux; je sais que vous n'avez pas voulu nommer un hôpital en
particulier, mais est-ce que vous auriez objection à nommer les six que
vous représentez? Si vous ne voulez pas, c'est...
M. Paquette (Jean-Claude): Non, je n'ai pas d'objection; nous
représentons l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc; l'hôpital de
Lachine; l'hôpital J. -Henri-Charbonneau; l'hôpital Marie-Enfant et
le centre d'accueil Marie-Rollet, qui est administré par l'hôpital
Marie-Enfant; l'hôpital Mont-Sinaï, de Sainte-Agathe;
l'hôpital Notre-Dame-de-l'Espérance, à Saint-Laurent et les
employés de bureau de l'hôpital Saint-Charles-Borromée.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Quelles sont les catégories de
travailleurs que vous représentez?
M. Paquette (Jean-Claude): Nous avons toutes les
catégories de travailleurs, à partir du psychologue jusqu'au
laveur de vaisselle, à l'exception des infirmières
licenciées, que nous n'avons pas dans notre syndicat.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien. Je pense que vous avez fait un
effort de réflexion qui mérite d'être souligné,
même si je suis d'accord avec le ministre que, dans une prochaine ronde
de négociations... Même si vous dites en première partie
qu'il ne faut pas tout chambarder et qu'il faut donner l'autogestion, je pense
que vous admettez, dans votre deuxième partie, que c'est vraiment une
remise en question de tout le fonctionnement des établissements sociaux
et, par voie de conséquence, du système de négociation
à l'intérieur des établissements.
Vous avez parlé tout à l'heure des coupures
budgétaires qui vous inquiètent beaucoup et vous avez mis en
opposition le nombre de cadres par rapport au nombre de postes
syndiqués. Je voulais vous demander si, au niveau du conseil
d'administration des diverses institutions que vous représentez, vous
avez voix au chapitre, eu égard à la façon dont les
coupures budgétaires vont se faire?
M. Paquette (Jean-Claude): Pour répondre à votre
question, dans certaines institutions où notre syndicat oeuvre, nous
avons quand même eu une information assez
complète de la part de certains administrateurs; par contre, dans
d'autres institutions, nous n'avons eu aucune collaboration, nous n'avions
même pas accès aux documents émis par le ministère
des Affaires sociales, ce qui nous place dans une position assez agressive.
Mme Lavoie-Roux: Mais vous avez quand même normalement un
représentant au conseil d'administration de l'institution?
M. Paquette (Jean-Claude): Oui, mais on sait ce que ça
donne!
Mme Lavoie-Roux: Oui, ça, c'est un autre problème,
mais je voulais au moins m'assurer que vous aviez une place à ce
conseil.
Maintenant, vous avez fait état du coût pour l'État
des négociations dans les secteurs public et parapublic. Avez-vous une
estimation de ces coûts?
M. Paquette (Jean-Claude): Je n'ai pas d'estimation comme telle,
mais on sait que c'est quand même assez volumineux, si on peut appeler
ça une masse salariale qui sert aux négociations dans le secteur
des affaires sociales, parce que ça dure et que c'est tellement long que
ça amène des coûts exorbitants.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est ma collègue de
Jacques-Cartier qui a parlé hier d'une somme de 20 000 000 $. Vous avez
l'impression que si les négociations étaient moins longues, on
pourrait peut-être économiser à ce chapitre et compenser
là où les services doivent être vraiment rendus à la
population. Est-ce que je me trompe ou si je vous fais dire quelque chose que
vous n'avez pas dit?
M. Paquette (Jean-Claude): Non, vous avez raison. Ce serait
à penser. Ce serait quand même une forme d'aller
récupérer certains montants d'argent.
Mme Lavoie-Roux: II serait intéressant de savoir si le
ministre a des idées là-dessus. Souvent, c'est une remarque que
l'on entend de la part de la population, à savoir combien coûte
simplement la ronde de négociations elle-même, sans parler
évidemment des conséquences, de la signature de la convention;
c'est un autre point.
Je voulais simplement, en réaction à mon collègue
du comté de Duplessis, souligner que je comprends que vous avez
peut-être attaché moins d'importance au maintien des services
essentiels. Je pense qu'il ne faut pas comprendre que vous êtes contre le
maintien des services essentiels s'il doit y avoir des grèves, mais que
votre approche, c'est de trouver des moyens pour qu'il n'y ait pas de
grève et qu'il n'y ait pas cette confrontation. Cela est d'autant plus
vrai qu'il semble que vous ayez signé des ententes
négociées quant aux services essentiels et non pas votre liste
syndicale -c'est ce que je dois comprendre - et que vous n'avez pas
exercé votre droit de grève au moins durant les trois
dernières rondes de négociations. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Paquette (Jean-Claude): C'est exact. Toutes les listes de
services essentiels ont été négociées et
déposées, effectivement.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Paquette (Jean-Claude): Ce qui est aberrant - si je peux
ajouter ce point -quand on parle du coût de la négociation ou des
affrontements, ce qu'on peut déceler à travers tout cela, c'est
qu'à chaque ronde de négociations, le syndicat dépose des
demandes. C'est entendu que la partie patronale dépose des offres aussi.
Mais c'est quand même toujours l'affrontement étant donné
qu'à la base de la négociation, on ne part pas à partir de
ce qui est existant dans la convention collective. La partie patronale essaie
de récupérer des choses qu'elle a perdues. C'est à partir
de là que, souvent, les affrontements arrivent.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez eu une remarque
à l'endroit des coupures budgétaires en disant, d'abord, que vous
n'y participiez pas ou très peu et que, finalement, ce sont les plus
petits qui en font les frais. À l'heure actuelle, pour certaines
institutions où l'opération est complétée ou au
moins les propositions sont formulées quant à savoir là
où les coupures vont s'exercer, est-ce que vous pouvez nous indiquer si
c'est vraiment parmi les plus bas salariés qu'on semble couper des
postes?
M. Paquette (Jean-Claude): En majorité, oui.
Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas de chiffres.
M. Paquette (Jean-Claude): Je n'ai pas de chiffres actuellement.
Mais en majorité, c'est dans ces services-là que s'effectuent les
coupures actuellement.
Mme Lavoie-Roux: Quelle est la nature de ces services?
M. Paquette (Jean-Claude): Ces services, on les retrouve à
l'entretien ménager, au nursing, parmi ce qu'on appelle les
préposés aux bénéficiaires et dans certains postes
de secrétaire.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière
question qui est plutôt un piège, si on veut. Vous parlez
d'autogestion de vos établissements, ce qui veut dire un
réaménagement majeur dans les règles de la
négociation présente. Est-ce que vous croyez que vous pourriez
amener tous les autres syndicats, parce qu'il y en a plusieurs et il y a
plusieurs centrales syndicales qui sont touchées là-dedans,
à aller dans le même sens?
M. Paquette (Jean-Claude): C'est un très bon piège.
Je ne peux pas m'engager au nom des autres salariés ou des autres
centrales...
Mme Lavoie-Roux: Non, vous tenteriez votre chance au moins.
M. Paquette (Jean-Claude): Je pourrais la tenter.
Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Syndicat des employés d'hôpitaux de
Montréal. (17 h 45)
Fédération québécoise des
infirmières et infirmiers
J'invite maintenant les représentants de la
Fédération québécoise des infirmières et
infirmiers è venir présenter leur mémoire, c'est le
mémoire 41 M.
J'informe les membres de la commission qu'il y a accord entre les
représentants des deux groupes pour procéder à l'audition
complète du mémoire, même si on dépasse un peu 18
heures et, par la suite, on procédera à la période des
questions à la reprise de la séance a 20 heures.
Nous allons d'abord entendre la présentation du mémoire,
il y aura ajournement pour le souper et, à la reprise, nous
procéderons à la période des questions avec ce groupe.
Le mémoire de la Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers sera
présenté par Mme Ginette Gosselin, présidente. Mme
Gosselin, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous
accompagnent.
Mme Gosselin (Ginette): II y a avec moi Mme Jeannette
Léveillée, vice-présidente de la fédération,
et René Beaupré, conseiller syndical.
Une question d'information, M. le Président. J'ai compris que
nous parlions maintenant et que nous répondrions aux questions
après l'ajournement pour...
Le Président (M. Rodrigue): En fait, étant
donné que nous ne pouvons pas poursuivre les délibérations
après 18 heures, il y a un groupe qui était avec nous cet
après-midi, mais ces gens sont allés souper, alors, on ne pourra
pas poursuivre les délibérations jusqu'à
l'épuisement des mémoires qui sont devant nous, de sorte que nous
allons suspendre la séance pour le souper et reprendre à 20
heures.
Étant donné qu'il est 17 h 45, nous allons vous allouer le
temps nécessaire pour présenter votre mémoire et, à
la reprise de la séance de la commission à 20 heures, nous
poursuivrons par la période des questions sur votre mémoire.
Mme Gosselin: M. le Président, messieurs et mesdames de la
commission, la Fédération québécoise des
infirmières et infirmiers, fondée en 1976, représente
environ 8000 infirmières et infirmiers travaillant soit dans les centres
hospitaliers, soit dans les centres d'accueil ou dans les centres locaux de
services communautaires.
La fédération a vécu seule les deux
dernières négociations du secteur public et ses syndicats
affiliés ont dû, pour obtenir des conditions de travail
satisfaisantes, recourir à la grève à chaque
négociation.
La première négociation s'est soldée par un
décret en 1976 et la FQII a signé une première convention
collective lors des négociations de 1978-1979.
L'attaque faite au droit de grève nous amène à
défendre le droit à de véritables négociations pour
les syndiqués des secteurs public et parapublic car, pour nous,
derrière toutes les questions soulevées et les réponses
apportées par les différents intervenants à cette
commission, c'est finalement le droit même de négocier qui est
remis en cause.
Pour répondre aux questions soulevées devant la
commission, nous avons choisi d'analyser, dans un premier temps, les
caractéristiques constantes des négociations dans le secteur
public pour ensuite faire ressortir plus particulièrement la
réalité de la dernière négociation.
Les principales caractéristiques des négociations du
secteur public, quant à nous, sont les suivantes. Elles sont
centralisées et politisées. La partie patronale en cause est
l'État et, en raison de la nature du secteur touché, la pression
exercée sur l'employeur est ressentie par le public.
La centralisation des négociations et le rôle de
l'État dans ces négociations. Depuis le début des
années 1960, les faits et certaines dispositions législatives
particulières, dont les projets de loi 25, 46, 95 et 55, ont
sanctionné tour à tour, à cet égard, le
caractère distinctif des négociations du secteur public par
rapport aux négociations ayant cours dans le secteur privé.
Ainsi, si la centralisation des négociations a pu au départ
être perçue comme une manoeuvre du mouvement
syndical cherchant à répartir équitablement sa
force, l'apparition de l'État, à titre d'employeur dans les
secteurs de l'éducation et des affaires sociales et non plus seulement
à titre de protecteur de l'intérêt public, a depuis
confirmé le caractère centralisé de ces
négociations. Peut-on le remettre en question?
Est-il réaliste de croire qu'il pourrait en être
autrement?
Peut-on imaginer que l'État se retire des négociations,
délègue ses responsabilités d'employeur à un tiers
et remette ainsi à d'autres la gestion des fonds publics? Car
au-delà des questions de conditions de travail, c'est de la gestion des
fonds publics dont il s'agit, en définitive, lors des
négociations dans ce secteur. Loin de le remettre en question, nous
reconnaissons à l'État son rôle de responsable à
l'égard de l'intérêt et du bien-être public et, en
conséquence, il lui appartient de participer à toutes les
étapes, dont les négociations avec ses salariés, devant
mener à une dispensation équitable des services entre tous les
citoyens où qu'ils habitent et quelle que soit leur condition
sociale.
Ne remettant pas en cause le rôle déterminant de
l'État, nous ne pouvons non plus remettre en question le
caractère centralisé des négociations. Nous ne sommes pas
intéressés à négocier avec des administrateurs sans
pouvoir. Et il ne faut pas se leurrer, la population n'y trouverait pas
davantage son compte. Seul le gouvernement pourrait en tirer profit. Il
pourrait, en effet, loin des feux de la rampe, s'en laver les mains et
attendre, pour intervenir au nom du publie, que la population lui
désigne qui, des patrons ou des syndiqués, doit être puni.
Manoeuvre peut-être électoralement rentable, mais qui ignore les
véritables enjeux des négociations du secteur public. D'ailleurs,
n'est-ce pas ce rôle qu'ont tenté sans succès d'assumer les
divers gouvernements en laissant au début des gestionnaires consultants
mener seuls les négociations, pour intervenir tardivement,
espérant ainsi se ménager l'appui de l'opinion publique?
L'impact des moyens de pression. Compte tenu des secteurs
touchés, l'utilisation par les syndiqués de moyens de pression
pour appuyer leurs revendications affecte les citoyens. Ils sont privés
de certains services ou l'accessibilité à d'autres services est
réduite. Dans notre contexte, l'employeur, le gouvernement en
l'occurrence, ne subit que le coût politique des inconvénients
créés à la population. Mais cette caractéristique
tient autant du facteur "service" que du facteur "public". En effet, tout moyen
de pression exercé dans un secteur de services produit les mêmes
effets, lors même que l'exploitation de ces services est le fait de
l'entreprise privée.
Nous admettons cependant qu'il est des services plus urgents que
d'autres. Certains services de santé sont de ceux-là. En
conséquence, nous avons, avec ou sans intervention législative,
veillé au maintien de services essentiels. Que ce soit en 1966 ou en
1972, alors qu'aucune législation spéciale ne prévoyait le
mode de détermination des services essentiels, que ce soit en 1976 ou
plus récemment en 1979, dans un encadrement législatif, populaire
ou non, les syndicats ont assumé leurs responsabilités.
Nous avons ainsi accepté, pour maintenir le droit à la
santé, de limiter notre droit de grève. Mais nous n'accepterons
pas que l'État, exploitant l'inquiétude du public, renforce sa
position d'employeur en légiférant en sa faveur sur la question
des services essentiels.
Nous ne sommes pas dupes. Nous avons vu l'État employeur exiger
toujours plus de services essentiels et l'État gestionnaire diminuer ses
services permanents par des compressions budgétaires, coupures de postes
et, enfin, par l'utilisation de systèmes comme le PRN. En ce sens, nous
faisons nôtre la déclaration de René Laperrière lors
d'un récent congrès de relations industrielles: "Ce qui est
essentiel pour briser les grèves ne l'est plus lorsqu'il s'agit de
financer les services. "
La présence de l'État, les sommes en jeu, les effets
d'entraînement sur le secteur privé, les secteurs
névralgiques touchés, la publicité monstre et souvent
alarmiste, la mobilisation de l'opinion publique alertée par les enjeux
de la négociation, les dérangements qu'elle subit en attendant du
gouvernement qu'il agisse, tous ces éléments tendent à
affirmer le caractère politique des négociations dans le secteur
public. Mais, en définitive, toute négociation n'est-elle pas
fondamentalement politique parce que manifestation de relations conflictuelles
entre employeurs et salariés dont les intérêts
opposés et, dans l'absolu, irréconciliables peuvent mener au
conflit ouvert?
Telles sont, quant à nous, les caractéristiques des
négociations dans le secteur public. Elles découlent, pour une
bonne part, de la situation exceptionnelle de l'employeur. Mais elles ne
doivent pas enchaîner les salariés dans des carcans tels qu'ils ne
puissent exercer les droits reconnus aux autres travailleurs, devenant ainsi
des citoyens de seconde zone, en marge de la société dans
laquelle ils vivent et mis rapidement et facilement hors la loi pour avoir
exercé des droits qui découlent du droit d'association.
Nous n'accepterons pas que, dans une société qui permet et
valorise la concurrence, la libre entreprise, on nie à une proportion
importante de citoyens le droit à la libre négociation. C'est
l'effet qu'aurait toute mesure visant à retirer directement ou
indirectement, par le biais des services essentiels, par exemple, le
droit de grève aux syndiqués du secteur public. Que vaudrait une
négociation amputée de l'une de ses constituantes? Qu'advient-il
du rapport de forces, principe de base de nos relations de travail dans notre
système économique et politique? Il n'existe plus, la force ne se
retrouvant alors que du seul côté de l'employeur, ce dernier ayant
déjà en main ses pouvoirs de législateur pour appuyer sa
stratégie.
On ne peut, non plus, passer sous silence le rôle d'agent de
changement social exercé par les syndicats du secteur public. Par
exemple, d'aumône qu'elle était pour une grande partie de la
population au début des années soixante, la santé est
devenue un droit pour tous et les revendications syndicales n'y sont pas
étrangères. Ailleurs, des conditions de travail d'abord
négociées par les organismes syndicaux du secteur public ont
été accordées ensuite par voie législative à
tous les travailleurs. Remettre en cause par des mesures restreignant davantage
le droit de grève, le droit à une vraie négociation, c'est
aussi remettre en question la légitimité du rôle d'agent de
changement social des syndicats.
Première réalité de la dernière
négociation c'est qu'il y en avait deux; l'une dont nous étions
partie s'amorce au printemps 1978, et l'autre réunissant les syndicats
du front commun débute tôt en 1979. Les deux négociations
prennent fin au début de l'année 1980. Les négociations
débutent donc avant qu'entrent en vigueur les modifications
législatives issues du rapport de la commission Martin-Bouchard, si ce
n'est certaines dispositions législatives transitoires du projet de loi
59 traitant du mode de détermination des services essentiels. Ainsi, nos
listes ou ententes relatives au maintien des services essentiels devaient
être transmises au Conseil sur le maintien des services de santé
et des services sociaux, lequel ne fut formé qu'en janvier 1979, alors
qu'on avait commencé à négocier depuis fin juin ou juillet
1978.
La réalité de cette négociation c'est aussi
l'employeur qui, un an après le début des négociations, ne
nous a pas encore fait connaître ses positions sur l'ensemble des
matières négociables. Inutile d'élaborer sur le
sérieux des propositions déjà soumises. Nous ne pouvions
que voir là une démonstration évidente de la mauvaise foi
de l'employeur, préférant le risque d'un conflit à une
négociation véritable. La réalité de la
dernière négociation, c'est aussi plus de 500 ententes sur le
services essentiels, alors que les commissaires "arbitres" aux services
essentiels de 1976 n'en avaient rapporté qu'environ 40. Cela
représente pour nous à la fédération plus de 65%
d'ententes.
L'autre réalité de cette dernière
négociation, c'est que les arrêts de travail ont été
sporadiques et de courte durée, malgré que certains journaux
aient dramatisé la situation en titrant, par exemple: Première
grève générale dans les hôpitaux. La
réalité de cette négociation c'est finalement
l'État qui, devant l'action syndicale et la pression de l'opinion
publique, impose aux syndicats, par l'adoption du projet de loi 62, un sursis
au recours à la grève et, en même temps, impose de
négocier, reconnaissant par là qu'il avait failli à ses
devoirs d'employeur. Encore une fois, l'État utilise ses pouvoirs de
législateur et s'approprie le rapport de forces pour appuyer sa
stratégie.
Enfin, la réalité de la dernière négociation
c'est le Conseil sur le maintien des services de santé et des services
sociaux, présidé par M. Picard, composé de deux directeurs
d'établissement, d'une directrice de soins infirmiers, d'une
infirmière, d'un technicien de laboratoire et d'un préposé
aux bénéficiaires qui affirme: "L'expérience vécue
sous la loi 59 est valable, en dépit de certaines faiblesses, et le
bilan de cette expérience est positif. " C'est également le
ministre des Affaires sociales déclarant le 8 novembre 1979 que, sur la
base de débrayage connue aux mois de mai et juin, il y a toutes les
raisons de penser que les services essentiels seront assurés par les
syndiqués.
En conclusion, l'analyse des caractéristiques constantes des
négociations dans le secteur public ainsi que la réalité
de la dernière négociation nous amènent à conclure
que le droit de grève, en tout temps, et pour tous les travailleurs et
travailleuses, est indissociable du droit d'association et la libre
négociation. Dans ce sens, tout recours aux injonctions et aux lois
spéciales devrait être retiré du champ des relations de
travail.
Quant aux services essentiels, nous revendiquons le maintien du
mécanisme actuel et nous nous opposons à la constitution d'une
régie ou d'un conseil sur le maintien des services essentiels
constitué de prétendus experts. Nous avons en ce domaine
assumé notre responsabilité et continuerons à le faire.
Nous rappelons cependant qu'il n'y a pas de paix sociale possible sans que les
besoins essentiels des travailleurs et travailleuses soient assurés. En
ce sens, nous croyons que les compressions budgétaires, comme les
coupures de postes dans le domaine de l'éducation et de la santé,
risquent de compromettre gravement et de façon permanente la
qualité des services dispensés à la population.
Nous terminons, en citant l'ex-ministre du Travail, actuellement des
Affaires sociales, M. Johnson, qui déclarait en novembre 1979, que le
retrait du droit de grève dans les secteurs public et parapublic
constituerait une atteinte aux libertés
individuelles, un geste susceptible de semer l'anarchie dans les
relations de travail et d'entraîner la société
québécoise dans des courants d'extrême-droite ou de
totalitarisme. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération québécoise
des infirmières et infirmiers de nous avoir présenté leur
mémoire et d'avoir patienté toute la journée pour
finalement être en mesure de le présenter.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20
heures, alors que nous reprendrons avec la période de questions sur le
mémoire de la Fédération québécoise des
infirmières et infirmiers.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux.
Nous avons entendu en fin de séance, cet après-midi, la
présentation du mémoire de la Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers et nous
procéderons maintenant à la période des questions et
échanges entre les membres de la commission et les représentants
de la fédération. Je vais céder immédiatement la
parole au ministre.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord saluer et remercier la Fédération
québécoise des infirmières et infirmiers de son
mémoire. C'est là un document extrêmement
intéressant qui contient beaucoup d'éléments qui
méritent certainement d'être regardés de très
près. Entre autres, on nous rappelle une certaine évolution des
choses, certains gestes qui, effectivement, ont été posés
par les salariés représentés par leurs porte-parole ici,
notamment les choses qui sont évoquées en page 8 quant au nombre
d'ententes sur les services essentiels, qui montrent une évolution des
choses par rapport à 1976.
Par ailleurs, je voudrais, sans plus de préambule, poser quelques
questions très précises. Je ne reviendrai pas sur l'approche de
fond que j'ai eu l'occasion d'évoquer et sur laquelle j'ai eu l'occasion
de revenir à plusieurs reprises depuis le début de nos
travaux.
Vous évoquez, en page 8 de votre mémoire - si vous
permettez, je vais débouler ma série de questions et cela vous
permettra d'y aller par la suite, de répondre à l'ensemble - "Les
arrêts de travail ont été sporadiques et de courte
durée. " Une affirmation comme celle-là n'est certainement pas
fausse, elle est vraie. Cependant, c'est peut-être faire état
d'une partie de la réalité. Ce que je veux dire par là,
c'est précisément ceci. Effectivement, si ma mémoire est
bonne, il n'y a pas eu dans votre cas, je veux dire dans la foulée d'une
journée, une période de grève qui se serait
échelonnée sans arrêt, sur une période d'une
semaine, dix jours, quinze jours, à ma connaissance, mais effectivement
des arrêts qui ont été sporadiques et de courte
durée, mais dont l'accumulation cependant peut représenter un
total qui appporte une nuance à cette réalité. Sur la
période de mai à juillet, si ma mémoire est bonne, cela
représentait 24 jours. Effectivement, sur une base sporadique et de
courte durée, cela pouvait être des demi-journées, une
journée, et la situation pouvait varier d'ailleurs d'un
établissement à l'autre.
Ne pensez-vous pas que, dans ces situations - évidemment, cela
contribue à alimenter, encore une fois, c'est là le genre de
phénomène qui n'est pas quantifiable, ce n'est pas du domaine des
faits qui peuvent être chiffrés - cela contribue, a votre avis,
à augmenter l'anxiété et les inquiétudes,
l'appréhension? D'après vous, comment les choses se passent-elles
dans ce genre de situation que vous avez quand même vécu au
premier chef, puisque vous étiez là, vous étiez
impliqués?
Deuxièmement, vers la fin de votre mémoire, à la
page 9, vous citez à nouveau un élément de conclusion du
rapport Picard: que l'expérience vécue sous la loi 59 est valable
en dépit de certaines faiblesses, etc. Donc, je comprends que vous
partagez cette conclusion, puisque vous la reprenez en quelque sorte à
votre compte dans le mémoire. Je voudrais m'arrêter sur un petit
membre de phrase: En dépit de certaines faiblesses - puisqu'on est quand
même là pour essayer de voir de quelle façon il y aurait
moyen concrètement d'améliorer les choses - d'après vous,
lesquelles? D'après vous, qu'est-ce qu'il serait possible
concrètement de faire pour améliorer ou corriger ces
faiblesses?
Troisièmement, je comprends, d'après votre conclusion sur
la constitution d'une régie ou d'un conseil constitué de
prétendus experts, que vous n'y croyez pas. Vous ne nous recommandez pas
d'aller dans cette piste. Cependant, la question que je voudrais vous poser est
la suivante: Est-ce que vous seriez favorable à l'idée -
indépendamment de la question des pouvoirs judiciaires qui pourraient
être donnés, parce qu'il me semble que cela, c'est une chose qui
doit être regardée de très près avant d'aller dans
un sens comme celui-là - de notion de permanence du conseil des
services
essentiels, quitte à regarder par la suite quelles seraient
l'ampleur et la portée de ces pouvoirs? Il y a des pouvoirs qui sont
d'ordre... D'ailleurs, le conseil avait déjà ces pouvoirs,
c'est-à-dire des pouvoirs administratifs qui lui permettaient d'agir et,
effectivement, il a agi en quelque sorte, à certaines occasions, comme
médiateur. D'après les renseignements que j'ai, cela a
donné un coup de main, effectivement. Je ne sais pas si vous partagez
cette opinion. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de permanence?
Je ne voudrais pas abuser du temps, M. le Président, j'aurais
deux autres questions à poser. Dans la situation actuelle, de la
façon dont les choses se déroulent et se déroulaient, lors
de la dernière ronde de négociations, lorsqu'il n'y a pas entente
sur les services essentiels, c'est la liste syndicale qui est
déposée. Vous savez comme moi qu'il est arrivé des cas de
listes qui ont été déposées à zéro et
où on disait: Voici notre liste, on pense que zéro, ça
voulait dire qu'il n'y avait pas besoin de salariés syndiqués en
dedans, à notre avis. Ce qui ne signifie pas pour autant que lorsque se
présentait le conflit, effectivement, ça se présentait en
situation zéro. Il est arrivé que même après des
dépôts de listes zéro, effectivement, que ce soit par le
mécanisme de réévaluation, dont on a parlé
occasionnellement ou autrement, peu importe, des syndiqués ont
assumé ou assuré des services essentiels. Mais comment
expliquez-vous un comportement comme celui-là? C'est quoi,
d'après vous, une technique de négociation? On fait de la
tactique de négociation? Comment expliquer un tel comportement? Parce
que le dépôt d'une liste à zéro, ça nous
avance à quoi? Cela avance qui à quoi? Comment ça
s'explique, ça?
Ma dernière question serait la suivante. Peut-être est-ce
que je me trompe mais, Mme Gosselin, il me semble que, lors d'un colloque, l'an
passé, vous auriez déclaré que certains services, certains
départements devaient être assurés à 100% du
personnel en temps grève et, si ma mémoire est bonne, vous aviez
donné des exemples, vous aviez illustré votre pensée. Il
se peut que je me trompe et vous me corrigerez si c'est le cas; mais si tant
est que c'est exact, je pense qu'il serait intéressant pour nous,
membres de cette commission, que vous nous précisiez à nouveau ou
illustriez à nouveau votre pensée concrètement.
Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et questions
que je voulais formuler.
Mme Gosselin: M. le Président, là où le
ministre s'est trompé, c'est lorsqu'il parle, dans notre cas, de 24
jours de grève étalés sur deux à trois mois. Nous
avons fait onze jours de grève, sur une période de cinq ou six
mois.
M. Marois: D'accord.
Mme Gosselin: Je voulais rétablir les faits.
M. Marois: C'est pour cela que je disais que je donne les
chiffres sous réserve.
Mme Gosselin: Voilà pour la question. Quant à
l'effet des grèves sporadiques, des arrêts de travail sporadiques
versus la grève générale, nous avions convenu, retenu,
lors de la dernière négociation, que moyen de pression pour moyen
de pression - il faut appeler les choses par leur nom: la grève, c'est
un moyen de pression pour faire avancer le dossier des négociations,
qu'on la fasse de manière générale étalée
sur une suite de jours ou qu'on la fasse de façon sporadique - les
arrêts de travail décidés de façon sporadique, au
jour le jour, au besoin, selon les négociations, nous semblaient
finalement un moyen suffisant pour atteindre, dans le contexte de la
dernière négociation, nos objectifs. (20 h 15)
Bien sûr, les effets auprès des usagers peuvent se faire
sentir de la même façon que lors d'une grève
générale, sauf que c'est une journée de temps en temps et
que ce n'est pas sur une longue période, comme nous en avions connu une
précédemment.
Vous citez, pour une autre question, une partie de notre mémoire
qui reprend les propos du conseil sur le maintien des services essentiels et
vous nous demandez ce qu'on peut faire pour améliorer certaines
faiblesses. Le fait que le conseil sur le maintien des services essentiels ait
été, lors de la dernière négociation, formé
après même que les négociations eurent commencé,
cela lui donnait du retard. Le conseil a joué, dans certains cas, un
rôle de médiateur, comme vous l'avez dit, sauf que là
où c'était déjà fait c'était
déjà fait. Là où les listes avaient
été déposées, les ententes conclues, c'était
plus difficile de revenir dans ces cas-là. C'était probablement
la faiblesse du conseil sur le maintien des services essentiels lors de la
dernière négociation.
Quant à la permanence d'un éventuel conseil sur le
maintien des services essentiels, je tiens à réitérer que
le conseil actuellement prévu dans la loi est paritaire. Ce n'est pas un
conseil formé d'experts. J'élabore un peu sur "experts".
J'entendais ce matin une association patronale dire, par exemple, que ce serait
normal que, si un cas de cardio se présente, un cardiologue puisse
disposer du cas. Il n'est pas besoin d'un conseil sur les services essentiels
pour ça. Les médecins sont à l'urgence, les patients
arrivent à l'urgence et les médecins décident sur le champ
si les gens ont besoin ou non d'être hospitalisés.
Quand on parle de services essentiels, on parle de notion d'horaire de
travail, de combien de personnes de chaque catégorie il faut pour faire
fonctionner un service. Est-ce que, pour 30 patients hospitalisés, il
faut trois infirmières, deux infirmières auxiliaires, deux
préposées? Ce ne sont pas les médecins qui connaissent ces
choses-là. Ils ne le savent pas, eux. Eux prescrivent. Ce sont les gens
en place qui savent ce qu'il faut pour que les soins soient donnés de
façon convenable.
M. Marois: Mme Gosselin, je m'excuse de vous interrompre, je
comprends très bien cela, je pense que votre mémoire est
très clair là-dessus. Peut-être que je me suis mal
exprimé. Ma question ne portait pas tellement sur "expert" ou "pas
expert". Je comprends très bien votre position, votre mémoire est
très clair sur ce point-là. Mais dans la foulée de ce que
vous nous disiez tout à l'heure, je vous demandais quelles
étaient, à votre point de vue, les faiblesses, puisque vous
reprenez à votre compte les conclusions du rapport Picard. Vous nous
avez dit, notamment, le retard, la mise en place du conseil, etc., et vous avez
ajouté qu'effectivement, à votre connaissance, le conseil avait
pu jouer un certain rôle de médiation dans certains cas, ce qui
avait pu aider, évidemment, ce qui était strictement impossible
dans les cas où les ententes étaient déjà
intervenues ou les listes déposées, d'où ma question sur
cette idée d'une permanence d'existence d'un tel conseil et de la
pertinence de cette permanence.
Mme Gosselin: Je voudrais quand même clarifier ma
pensée quant à la composition du conseil, quant à la
permanence. On est prêt à envisager un conseil qui aurait pour
mandat d'évaluer la qualité des services offerts, mais, pour
nous, il reste évident qu'il y a une notion de services essentiels lors
de situations d'exception qui, forcément - on parle de situations
d'exception - ne peut pas être exactement le même mandat que lors
de situations normales. Est-ce que je me fais bien comprendre? Évaluer
la qualité des services en tout temps, c'est une chose. Évaluer
les services essentiels en cas de situations d'exception, c'est autre chose.
Que le mandat soit accompli par les mêmes personnes, on peut en
parler.
M. Marois: Je m'excuse et je vais m'arrêter là pour
laisser la chance à mes collègues autour de la table de vous
poser d'autres questions. Si on s'en tient à cette notion de situation
d'exception, en ce qui concerne les services essentiels par opposition à
une notion plus globale et plus générale d'une évaluation
permanente de qualité en général, il y a des situations
d'exception qui ne se présentent pas uniquement en période de
conflit et de grève. Vous le savez comme moi. Même dans des
périodes dites de paix relative, on sait fort bien qu'il arrive Dieu
merci! occasionnellement dans un établissement donné ou un autre
en cours d'application de convention collective des situations d'exception
où il y a des problèmes qui se posent et où, dès
qu'on parle de situation d'exception, je suis d'accord avec vous, à plus
forte raison dans ces cas-là, refait automatiquement surface la notion
des services essentiels à donner aux gens.
Mme Gosselin: Si vous parlez de conseil permanent en cas de droit
de grève permanent, bien sûr...
M. Marois: Ce n'est pas ce à quoi je faisais allusion.
Mme Gosselin: Quant aux positions qui avaient déjà
été avancées lors de la tenue d'un colloque sur les
services essentiels, c'était en janvier 1980...
Mme Lavoie-Roux: En 1980.
Mme Gosselin:... j'avais parlé d'unités qui
devaient demeurer ouvertes avec le personnel qu'il fallait. C'était
d'ailleurs la position qu'on avait tenue dans la négociation des
services essentiels avec nos employeurs. J'avais aussi dit qu'on ne pouvait,
par exemple, déterminer provincialement ce que pouvaient être,
pour chacun des établissements, les services essentiels requis en cas de
conflit dans les établissements, parce qu'il y a la dimension nationale,
régionale ou locale du conflit dont il faut tenir compte. Il y a la
notion de catégorie de personnel qui est employé ou non par un
établissement, il y a également la notion du personnel non
syndiqué dont il faut tenir compte. Il faut aussi tenir compte du fait
du nombre de salariés en grève. Effectivement, il y a des
unités pour lesquelles on avait recommandé à nos membres
de donner 100% du personnel et c'est effectivement ce qui a été
fait dans certains cas.
M. Marois: Mme Gosselin, je m'excuse de revenir à la
charge. Je comprends bien ça, mais vous aviez donné, à ce
moment-là, si ma mémoire est bonne, des exemples très
concrets et c'est là ma question, évoquant des services ou des
départements où, d'après vous, lors de cet exposé
que vous aviez fait, il fallait assurer à 100% ou à tout le moins
presque 100% du personnel. Vous aviez donné des exemples très
concrets d'unités ou de services; j'aimerais, pour le
bénéfice des membres de la commission, que vous nous les donniez
à nouveau, concrètement, ces exemples d'unités ou de
services.
Mme Gosselin: Toujours assortis des considérations que je
viens de mentionner?
M. Marois: Bien sûr.
Mme Gosselin: J'avais parlé de services d'urgence, de
soins intensifs, d'obstétrique. Enfin, par obstétrique, je veux
dire les salles d'accouchement. Je me souviens d'avoir au moins parlé de
ces unités, mais toujours assorties, bien sûr... Je veux dire que,
si l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, par exemple, à Montréal,
débraie une journée, si l'Hôtel-Dieu, à
côté, est ouvert... Cela peut varier.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
également remercier la Fédération québécoise
des infirmières et infirmiers pour son mémoire. Je pense qu'il
est assez bref, mais l'analyse est intéressante ou elle est très
claire quant à l'explication du rapport de forces qui s'établit
et les caractéristiques particulières de la négociation
dans les secteurs public et parapublic avec l'État employeur et
législateur. Je pense que c'est bien cerné et cela
m'apparaît très clair.
Évidemment, si je m'en reporte à vos conclusions, vous
faites un peu la même synthèse que celle de la totalité des
mémoires que les représentants syndicaux ont
présentés à cette commission depuis le début je ne
sais pas s'il y aurait des modifications par la suite - c'est-à-dire
que, selon votre analyse, finalement, les services essentiels sont satisfaits,
enfin il n'y a pas de problème du côté des services
essentiels. Vous ne suggérez aucun moyen d'améliorer les choses.
Quand je vois cela, je me dis: II reste que, quand même, on est ici
à cette commission pour un objectif qui n'est pas un objectif qui est
né de toutes pièces, on est ici parce que la population a quand
même fait valoir, depuis qu'il y a des négociations dans les
secteurs public et parapublic, c'est-à-dire des négociations
centralisées, que, depuis que le droit de grève a
été accordé dans le secteur public, il y a une
inquiétude qui est allée en grandissant d'un conflit à
l'autre.
Évidemment, on peut faire une grande discussion, à savoir
si cela a été mieux en 1976, ou moins mal en 1979, ou pire en
1970, ou en 1967, peu importe, mais je pense qu'il faut aussi comprendre... De
toute façon, si on voulait s'en reporter à cela, je regardais les
chiffres de jours de grève ou de jours-hommes perdus dans les secteurs
public et parapublic dans la ronde de 1976 par rapport à la ronde de
1979 et, dans le domaine des affaires sociales et des services sociaux, on
arrive dans un cas à plus de 403 000 jours perdus et c'est
peut-être 2000 ou 3000 de différence entre 1976 et... (20 h
30)
C'est pour cela que je ne veux pas m'attarder à cela mais
plutôt indiquer qu'il y a quand même une préoccupation
très grande dans la population. D'autres l'ont évogué,
c'est à savoir si on va se rendre à l'hôpital, parce qu'on
sait que peut-être on va rencontrer des piquets de grève. Est-ce
que si on va à l'hôpital on va être assuré de
services raisonnables? Et même si dans des cas peut-être les
inquiétudes ne sont pas fondées, dans la réalité il
faut quand même tenir compte du fait que tous les individus n'ont pas
nécessairement la même initiative, ne se trouvent pas tous dans
des conditions analogues pour faire face, même dans l'hypothèse
où ils sont bien reçus à l'hôpital, pour être
capables de poser ces gestes et faire ces démarches.
Également, à l'intérieur des établissements,
il faut quand même reconnaître que si, dans certains cas, les
choses se sont bien passées, dans d'autres cas, il y a eu des situations
pénibles qui ont été démontrées dans les
rapports des experts. Je ne voudrais pas aujourd'hui vous en citer d'autres.
Des fois, on a l'impression qu'on parle toujours du même cas, mais il y
en a eu plusieurs. Je ne voudrais pas non plus créer l'impression que
toujours, quand il y a eu un rapport d'expert, cela a été un
rapport négatif à l'endroit du déroulement de la
grève.
Je pourrais peut-être les sortir, vu que je ne les ai jamais
mentionnés. Parmi quelques-uns que j'examinais, que le ministre nous a
remis, je pense que c'est à l'hôpital
Saint-Joseph-de-Rivière-du-Loup et dans la Beauce où on dit que
de toute façon les services essentiels ont été bien
assurés et que les gens se sont acquittés des
responsabilités qu'ils avaient acceptées d'assumer. Mais,
néanmoins, il reste qu'il y a plusieurs cas où... J'en ai un ici.
Je sais que cela ne vous touche pas, vous n'étiez pas dans cet
hôpital, mais je pense qu'on parle d'une façon
générale. Est-ce qu'il peut y avoir préjudice pour les
bénéficiaires dans le cas de Saint-Sacrement, à
Québec, où il y avait eu apparemment grève continue depuis
quatre ou cinq jours et où l'expert a dit que s'il n'y avait pas de
modification rapide dans les 48 heures, il faudrait recommander la suspension
du droit de grève? Enfin, il y en a plusieurs qui sont dans cet
esprit.
Je comprends que pour vous, pour les syndicats, et je le disais hier
soir, c'est de bonne guerre de ne voir restreindre d'aucune façon
l'exercice d'un droit de grève qui est déjà restreint
uniquement par la notion de services essentiels. Il y a déjà une
certaine restriction du droit de grève. Mais il reste que si cela n'est
pas satisfaisant, objectivement... Ce ne sont pas mes rapports à moi, ce
ne sont pas les rapports du
gouvernement, ce sont des rapports d'experts neutres et objectifs.
Évidemment, on peut toujours les mettre en question, mais à ce
moment qui est-ce qui fera une évaluation d'une situation si on ne peut
jamais reconnaître que quelqu'un peut être appelé comme
expert dans une situation qui requiert un examen soigné.
Vous nous dites: Nous, on est satisfait, on a rempli nos
responsabilités, nous allons continuer de les assumer dans l'avenir,
mais ce n'est pas exactement comme cela dans la réalité. Alors
moi, la question précise que je vous pose c'est si, d'après vous,
il y a des moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour corriger et
améliorer cette situation que tout le monde déplore. Quand je
parle d'améliorer, je le dis dans un sens très ferme; ce n'est
pas juste une petite amélioration, mais vraiment que la population se
sente en sécurité quand la grève surgit dans des
établissements de santé.
Deuxième question. J'aimerais savoir si vous avez des membres qui
travaillent dans des centres d'accueil, enfin des centres d'hébergement
où les pensionnaires ou les bénéficiaires se trouvent
à temps complet. Finalement c'est devenu leur maison, leur foyer. Est-ce
que vous avez des bénéficiaires qui travaillent là? Et
dans le cas où vous en avez, est-ce que vous croyez que dans ces milieux
les services essentiels pour ces personnes devraient être reconnus comme
nécessaires dans leur totalité.
Mme Gosselin: Sur votre première question: Qu'est-ce qui
pourrait être mis en oeuvre pour améliorer la situation, je pense
que notre position a été très claire. Nous affirmons, dans
le mémoire, que les dispositions actuelles, appliquées pour une
deuxième fois, permettront une situation très satisfaisante quant
au maintien des services essentiels. Je pourrais aussi vous dire que, encore
une fois, la négociation est encore le meilleur moyen pour éviter
la grève et éviter le recours aux services essentiels. C'est
toujours ce qu'on espère lorsque commence une négociation. Mais,
vraiment, nous croyons que l'application des mesures actuelles, après
les avoir pratiquées une première fois avec passablement de
succès, si je peux m'exprimer ainsi, vont permettre véritablement
d'améliorer des situations qui n'ont peut-être pas
été au mieux, sans que cela ait été dangereux,
catastrophique ou quoi que ce soit, lors de la dernière
négociation.
Sincèrement, je pense aussi qu'on ne pourra jamais empêcher
les gens de s'inquiéter lors de situations de conflit dans le secteur
des affaires sociales. Il est normal, sans faire preuve de sadisme ou de quoi
que ce soit, que les gens s'inquiètent voyant un conflit possible dans
le secteur des affaires sociales, dans le secteur névralgique de la
santé, etc., sauf que nous, on affirme que les services essentiels ont
été maintenus dans les institutions où on a des membres et
qu'il n'y pas eu de problèmes véritables causés lors de
situations de grève.
Quant à la question des centres d'accueil...
Mme Lavoie-Roux: Des soins prolongés, si vous le voulez,
aussi.
Mme Gosselin: Ou les soins prolongés. Écoutez, il
n'y a pas que des syndiqués qui travaillent dans les centres d'accueil
et il peut très bien arriver qu'en période de conflit les
syndiqués décident que ce seront les cadres qui vont, pour une
période de temps, donner les services aux patients. Les services
administratifs et autres, qui sont moins lourds, ne sont pas
considérés véritablement comme services essentiels et les
cadres sont dégagés et peuvent vaquer aux soins des patients lors
de périodes de grève. Les services peuvent être
assurés de cette façon, mais ça ne veut pas
nécessairement dire que ce sont les salariés syndiqués qui
vont les assurer.
Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Les cadres peuvent assurer une
partie des services que nous n'assumons pas. Vous disiez, tout à
l'heure, qu'un organisme patronal était venu ce matin et que vous
n'étiez pas tout à fait d'accord avec l'affirmation faite dans le
cas d'un patient cardiaque, pas que ce soit un médecin qui le
reçoive, mais qui puisse être le seul... Excusez-moi, je me
trompe. C'est vous qui pouvez déterminer comme infirmières le
nombre de personnes qui doit être requis pour les soins à donner
dans une unité de traitement.
Il y a aussi dans les hôpitaux des infirmières-cadres.
D'ailleurs, vous venez d'y faire vous-même allusion. Souvent, ces
infirmières-cadres qui ont, j'imagine, des qualifications analogues -
enfin, elles pratiquent la même profession que vous - se plaignent aussi
qu'elles sont obligées d'assumer des tâches pendant des heures
beaucoup trop longues, douze heures de temps, et dans des situations où
on admet, finalement, les urgences et souvent des cas très lourds.
Également, elles trouvent que la liste qui est prévue par leur
syndicat pour répondre aux services essentiels n'est pas suffisante. Je
pense que ce n'est pas uniquement une question d'évaluation de
médecins, mais c'est également, très souvent, une
évaluation d'infirmières, mais qui sont des
infirmières-cadres et qui assument ces tâches, lesquelles,
après un certain nombre de jours... Cela ne s'est pas
présenté apparemment dans le cas de la fédération
lors de la dernière ronde de négociations, mais cela s'est
déjà présenté dans le passé
et cela s'est présenté pour d'autres groupes
d'infirmières.
Cela m'inquiète un peu de vous entendre dire: Nous, il n'y a pas
eu de problème; on a assumé nos tâches; dans une autre
ronde de négociations, avec le même système, cela devrait
très bien aller. Je me rappellerai - le ministre également - que,
quand ils ont présenté la loi no 59, c'était avec l'espoir
que tous les problèmes seraient réglés. Enfin, je suis
sûre que de bonne foi tout le monde espérait, tant le gouvernement
que l'Opposition officielle, qu'avec la loi no 59 ce serait une
amélioration par rapport à la loi no 253. Les problèmes se
sont présentés. Ils se sont peut-être
présentés d'une façon différente. Il y a eu le
recours à une loi spéciale très très rapidement.
Mais on aurait très bien pu se trouver dans certaines situations. On
s'est trouvé vis-à-vis de cas très pénibles, mais
ceci aurait pu se multiplier si la loi spéciale n'était pas
intervenue. Je m'explique mal quand vous dites... Je trouve que c'est un peu
étonnant de vous entendre dire: Écoutez!... Vous n'avez pas dit
que cela allait très bien. Vous avez dit: C'est déjà
beaucoup mieux et, avec une autre ronde de négociations, il n'y aura
plus de problème. Je ne suis pas prête à accepter cela,
comme vous le dites. Évidemment, je le souhaite. Mais
l'expérience passée, même avec des améliorations
dans les lois, n'a pas donné ces résultats-là, et c'est
justement pour cela qu'on est ici, parce que cela n'a pas été
satisfaisant. Je veux bien prendre votre parole et dire: La prochaine fois, ce
sera très bien, parce que ce sera la troisième fois qu'on fera
l'exercice. Mais je pense qu'on ne peut pas prendre ce risque à
l'égard de la population.
Mme Gosselin: Écoutez! Pour répondre a la
première partie de votre intervention qui suggérait que des
infirmières-cadres puissent participer à l'élaboration
d'ententes ou de listes sur les services essentiels, ce n'est pas du nouveau.
Elles sont là par la voix de leur représentante lors de la
négociation des services essentiels. Elles sont présentes.
Pour le reste, je ne peux que répéter que, vraiment, nous
sommes convaincus que les mécanismes actuels bien appliqués
permettent le maintien des services essentiels en cas de conflit avec, si
besoin est, intervention du conseil sur le maintien des services essentiels et
actions à prendre si, à certains endroits, un problème se
pose. (20 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Rosemont.
M. Raquette (Rosemont): Oui, M. le Président. Justement,
sur cette question du maintien des services essentiels lors de la
dernière négociation, je pense qu'on a le devoir de mettre en
évidence s'il y a des failles dans la législation ou s'il s'agit
simplement de mécanismes auxquels, comme vous le dites dans votre
mémoire et chez plusieurs autres organismes syndicaux, simplement on a
à s'habituer à un nouveau régime, à de nouvelles
lois. Moi non plus, je ne suis pas tout à fait convaincu de cela. La
dernière fois, on a quand même eu une bonne amélioration
par rapport au régime de la loi 253, je pense que tout le monde le
reconnaît, les négociations se sont déroulées plus
vite, il y a eu plus d'ententes négociées sur les services
essentiels.
Au moment de la loi 62, la première loi spéciale
votée par notre gouvernement et sur laquelle je m'étais abstenu
d'ailleurs, la question qui se posait était celle-ci, et on avait un
mécanisme dans la loi que le gouvernement disait ne pas pouvoir
appliquer. Le mécanisme était le suivant: En cas de non-respect
d'une entente sur les services essentiels, le droit de grève peut
être suspendu. Le gouvernement disait: On ne peut pas appliquer ce
mécanisme-là et on n'a pas le choix, il faut voter une loi
spéciale.
Selon vous, est-ce qu'il y a des cas à votre connaissance
où effectivement ce mécanisme-là était
inopérant, le mécanisme où, dans le cas où les
services essentiels ne sont pas respectés, le droit de grève peut
être suspendu et les employés forcés de retourner au
travail? C'est un mécanisme d'exception, mais il n'a pas encore
été utilisé et on ne sait pas ce que ça pourrait
donner. Est-ce que ce mécanisme-là vous apparaît pouvoir
être efficace? Est-ce que c'est un manque de moyens qu'on avait à
ce moment-là où est-ce le mécanisme lui-même qui
devrait être remis en question?
Mme Gosselin: Là-dessus, sur les justifications, les
raisons qui ont amené le gouvernement à voter la loi 62, est-ce
que la question de l'application des textes de loi quant à la
possibilité d'agir auprès d'un établissement directement a
joué? Je dois vous dire que, quant à nous, on ne l'a pas pris du
tout de cette façon-là.
Il nous semble que les mécanismes actuellement prévus au
code sont déjà amplement suffisants.
M. Paquette (Rosemont): Est-ce qu'il y a eu, à votre
connaissance, dans vos unités syndicales, des cas où les ententes
concernant les services essentiels n'étaient pas respectées?
Mme Gosselin: Après vérification, pour ce qui est
des ententes, il semble qu'à l'exception de l'hôpital
Charles-Lemoyne, où, cette fois, c'était la partie patronale qui
était en cause, les ententes ont été
respectées.
M. Paquette (Rosemont): En supposant qu'elles ne l'aient pas
été, que ce soit la partie patronale ou la partie syndicale...
Vous dites dans la conclusion de votre mémoire. "Dans ce sens, tout
recours aux injonctions et aux lois spéciales devrait être
retiré du champ des relations de travail. " Je suis assez d'accord avec
vous sur le principe, mais vous devez admettre que dans les cas où des
ententes sur les services essentiels ne sont pas respectées, quelle que
soit la partie qui ne les respecte pas, il faut un mécanisme qui
permette au gouvernement d'intervenir en tant que gardien du droit public et
responsable de la vie, de la santé et de la sécurité des
malades. Il faut qu'il y ait un mécanisme d'intervention. Il peut
arriver -les êtres humains sont des êtres humains -au plus fort
d'un conflit que l'une ou l'autre partie ait une réaction instinctive et
décide de ne pas respecter les services essentiels. Ne pensez-vous pas
que cela prend un mécanisme, quel qu'il soit, qui permette de
protéger le public?
Mme Gosselin: Là-dessus, il faut dire qu'actuellement, les
injonctions, là où on va les chercher quand on en veut, on
considère que ce n'est pas la place, aller en cour se chercher une
injonction auprès d'un juge, auprès d'un tribunal ordinaire, dans
le cadre de relations de travail, je ne pense pas qu'il y ait là quoi
que ce soit pour améliorer la situation et les relations
patronales-syndicales en général. Lorsqu'on parle d'injonction,
ce sont des injonctions comme on les connaît actuellement avec, quant
à nous, en tout cas, plusieurs vices de forme dans la mesure où
elles sont distribuées. Il y a des améliorations au Code du
travail qui seraient recevables sur ce sujet précisément, entre
autres.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: Oui, j'ai seulement une question. À la page 10,
vous dites: "Quant aux services essentiels, nous revendiquons le maintien du
mécanisme actuel et nous nous opposons formellement à la
constitution d'une régie ou d'un conseil sur le maintien des services
essentiels... "
On en est au point où il faut vraiment faire des choix. Il y en a
qui disent: On ferait peut-être mieux d'abolir la grève et
être très honnête au lieu d'avoir ce qu'on appelle une
grève douce, parce que, comme je l'ai dit à beaucoup d'autres
personnes qui sont venues ici, une grève, pour être efficace, doit
faire mal. Donc, le ministre -c'est peut-être un peu malheureux - a
commencé hier matin par dire: Nous - il a dit "moi", mais j'imagine
qu'il parle au nom du gouvernement - n'avons pas l'intention d'abolir le droit
de grève. On ne va pas toucher à cela. Ce doit être
très bon pour le syndicat. Il a fait cette déclaration. Je suis
venu ici en pensant qu'on parlerait de tout, peut-être même
l'idée d'abolir le droit de grève. En même temps, il a dit:
Mais il est important pour nous aussi et c'est primordial aussi de garantir les
services essentiels pour les usagers. D'après moi, il y a là une
contradiction qui n'est pas du tout résolue. Il y en a qui disent: II
faut avoir les services essentiels, un mécanisme d'une tierce partie,
toutes sortes de possibilités, mais vous dites, par exemple, ici: Nous -
votre association -nous opposons à un conseil sur le maintien des
services essentiels. Le gouvernement, à un moment donné, disait:
On va dans cette direction. On pense que cela ne marche pas bien et le droit de
grève va continuer d'exister, mais on va établir un organisme,
une tierce partie, une commission, une régie, n'importe quoi.
Prévoyez-vous le désordre social qu'il a toujours
mentionné comme argument contre l'abolition du droit de grève?
Honnêtement, si vous devez choisir entre l'abolition du droit de
grève et une grève douce, cela veut dire vraiment restreindre le
droit de grève par cette commission indépendante et d'autres
moyens, que préférez-vous?
Mme Gosselin: Je pense qu'on le dit dans notre
mémoire.
M. Polak: Vous avez dit: On ne veut rien savoir. On s'y oppose,
mais disons que vous n'avez pas le choix, que le gouvernement va dire: On ne va
pas accepter leur point de vue, on va faire quelque chose. On va restreindre le
droit de grève, parce qu'on veut protéger les services
essentiels. Qu'allez-vous faire?
Mme Gosselin: Le droit de grève dans les hôpitaux
est déjà restreint par la notion de services essentiels. C'est ce
qu'on dit dans notre mémoire; pour maintenir le droit à la
santé, on a limité notre droit de grève. C'est
déjà là.
M. Polak: Pour vous, c'est déjà restreint, mais,
pour la population, je pense, au moins dans mon comté, qu'on est
tanné des grèves, à ce qu'ils disent. On ne parle pas
seulement des infirmières ou des infirmiers, ce sont toutes sortes de
secteurs, cela peut être la grève des postes, toutes sortes de
choses. Les gens ont cette impression. D'ailleurs, il y a les sondages qui nous
disent carrément: On trouve que c'est allé trop loin. Je ne dis
pas que vous êtes les coupables, pas du tout; peut-être que vous
êtes très responsables sur certains aspects, mais, tout de
même disons que c'est l'idée de la population et que le
gouvernement va agir en conséquence. Il va dire: On va faire des
démarches pour restreindre ça encore plus. Est-ce que vous
l'accepterez sans invoquer cet élément de désordre social
qu'on nous invoque souvent et qui, pour moi, est un peu un moyen de chantage du
public? J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus.
Mme Gosselin: On n'invoquera pas d'arguments de chaos social;
nous, ce qu'on invoque, ce sont des éléments de justice sociale.
On considère que les salariés des secteurs public et parapublic
ont des droits comme n'importe quel citoyen et qu'on ne peut pas, pour assurer
un droit, faire fi complètement d'un autre droit. Ce sont les
éléments qu'on invoque; ce ne sont pas des éléments
de chaos social, ce sont des éléments de justice naturelle.
M. Polak: D'accord, merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député
de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. J'ai trois questions.
Premièrement, on n'a pas parlé beaucoup d'une phrase dans votre
mémoire qui m'inquiète un peu; c'est une phrase où on
parle de compressions budgétaires, de coupures de postes et enfin de
l'utilisation du système PRN. Je considère que ce PRN doit
être quelque chose de terrible car c'est dans la même phrase que
les compressions budgétaires et les coupures de postes. Est-ce qu'on
pourrait, brièvement, nous dire ce qu'est le système PRN et
d'où ça vient? Est-ce que ça vient des administrations
hospitalières ou du gouvernement? C'est ma première question.
Pour ma deuxième question, je reviens à la question de
services essentiels et je ne peux pas m'empêcher, en regard de vos
dernières remarques, de poser la question de droit. Il est vrai que tous
les travailleurs ont des droits, mais il me semble aussi que tous les
êtres humains, dont la majorité est aussi des travailleurs, ont
quand même le droit à la santé, à la vie et aux
services qui sont nécessaires pour les maintenir en vie à un
moment critique. Alors, les droits des uns ne peuvent pas empiéter sur
les droits des autres.
Ceci dit, je retourne à une autre chose et je note, dans votre
mémoire, la remarque que vous avez répétée. Nous
avons ainsi accepté, pour maintenir le droit à la santé,
de limiter le droit de grève. En parlant de 1976, vous dites qu'on a eu
500 ententes, par rapport à 40 ententes en 1976, ce qui
représente, si je comprends bien, que, dans 65% des situations dans
lesquelles votre syndicat était impliqué, il y avait entente.
Pour les 35% qui manquent, à défaut d'entente, est-ce qu'il y
avait quand même maintien de services essentiels? Et s'il n'y en avait
pas, même dans quelque rares cas, temporairement, s'il y avait un
non-maintien de services essentiels, qu'est-ce que votre syndicat a fait ou
ferait dans cette situation, quand vous apprenez que des services essentiels ne
sont pas maintenus, pour solutionner le problème? C'est tout,
c'étaient mes deux questions, je ne sais pas compter. (21 heures)
Mme Gosselin: Sur le PRN, très brièvement, c'est
une méthode que les employeurs, les administrateurs ont utilisée
à venir jusqu'à maintenant pour justifier les diminutions de
postes, les coupures de postes.
M. Dean: PRN veut dire quoi?
Mme Gosselin: Dans les hôpitaux, PRN, cela veut dire "au
besoin", mais là PRN veut dire "projet de recherche en nursing".
M. Dean: Mais c'est quoi au juste, cela s'exprime comment?
Mme Gosselin: C'est une méthode de calcul
quantitative...
M. Dean: De minutage?
Mme Gosselin: Oui.... de besoins en personnel versus une addition
de soins nécessités par des patients.
M. Dean: Cela veut dire, si je peux comparer au monde du travail
que je connais, que c'est une espèce de "time-study" appliqué au
nursing?
Mme Gosselin: C'est à partir de...
M. Dean: Cela veut dire tant de minutes pour donner une
piqûre, tant de seconde pour faire ceci.
Mme Gosselin:... cela.
M. Dean: Est-ce qu'on minute le temps pour parler à vos
patients pour les encourager un peu? Est-ce qu'on vous laisse du temps dans ce
système? Si c'est cela, il me paraît absurde et inhumain.
Mme Gosselin: Bien sûr. Apparemment, tout a
été prévu, y compris ces minutes, sauf que nous persistons
à dire que ces choses-là ne sont pas quantifiables et à
nous opposer à de telles méthodes pour quantifier les besoins en
personnel, au jour le jour, dans le secteur hospitalier.
M. Dean: Incroyable!
Mme Gosselin: 35%... On pourrait en parler pendant quinze jours.
Sur les 35% restant, il y avait des listes. Les listes, très
souvent, généralement, étaient des listes
très suffisantes. Comme exemple, dans un CHSP, un centre hospitalier de
soins prolongés, l'infirmière de jour et l'infirmière de
soir étaient là et l'infirmière de nuit, c'était
l'infirmière-cadre, c'était une infirmière-cadre. Il y
avait une infirmière, comme il y en avait d'habitude, mais on
n'était pas arrivé à s'entendre là-dessus avec le
patron et cela avait donné une liste. La liste, par exemple, de la
dernière négociation à l'Hôtel-Dieu de
Montréal était une des rares ententes de 1976, parce que les
mésententes au niveau local, sur le contenu des listes, ne portaient pas
nécessairement sur la guantité de personnel à fournir,
mais elles portaient souvent sur des choses qu'on pourrait peut-être
gualifier d'accessoires, par exemple, la possibilité pour les
représentantes syndicales d'entrer dans l'établissement,
lorsqu'il y avait grève, pour vérifier la situation. Lorsque ce
droit nous est refusé, par exemple, par un employeur lors de la
négociation au niveau local des mécanismes visant à
assurer les services essentiels, cela implique qu'il n'y aura pas
d'entente.
M. Dean: Mais dans les 35% de cas, liste ou non, entente ou non,
est-ce que les services essentiels étaient fournis?
Mme Gosselin: Selon les listes ou ententes, oui, mais il n'y a
pas eu grève partout également.
M. Dean: Ce que je veux savoir...
Mme Gosselin: Mais les listes ont été
respectées.
M. Dean: Mais où il n'y avait pas de liste, y a-t-il des
cas où les services essentiels n'ont pas été
respectés en ce qui regarde votre syndicat? On a posé les
mêmes questions aux autres syndicats, vous n'êtes pas le seul.
Mme Gosselin: Les listes et ententes ont été
respectées telles que déposées.
M. Dean: Y a-t-il eu des cas où il n'y avait ni liste, ni
entente?
Mme Gosselin: Non.
M. Dean: Cela veut dire que pour les autres 35%, les services
essentiels étaient fournis?
Mme Gossselin: Oui.
M. Dean: Parfait. Pour revenir, juste une seconde, sur le PRN,
est-ce que j'ai bien compris que cela vient des administrations des
hôpitaux ou est-ce que cela vient du ministère des Affaires
sociales?
Mme Gosselin: Ce sont les administrateurs d'hôpitaux qui
ont été à l'origine de la recherche et de l'application du
système. L'équipe de recherche a fait, il y a un an à peu
près, une demande de subvention au ministère des Affaires
sociales, demande qui, dans un premier temps, a été
refusée. Il semble que la position aurait pu varier dernièrement,
mais je ne saurais l'affirmer.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).
M. Rivest: Madame Gosselin, vous dites dans votre mémoire:
"Nous rappelons cependant au gouvernement qu'il n'y a pas de paix sociale
possible sans que les besoins essentiels des travailleurs et des travailleuses
du Québec soient assurés. " Même si tous les gens parlent
de la paix sociale relative dans laquelle se situe le cadre de cette
discussion, il reste que c'est bien sûr, dans mon esprit qu'il est bien
difficile, même en dehors d'un contexte de négociation de
convention collective, que des relations de travail normales au niveau des
établissements puissent se dérouler alors même que vous
sentez, non seulement par l'exercice de cette commission parlementaire - en
fait, c'est ce qu'on a cru percevoir de façon très claire de la
part des porte-parole syndicaux dont vous en particulier par votre
mémoire - que l'exercice de votre droit de grève est très
fortement remis en cause par la population, alors que vous considérez
l'exercice du droit de grève comme étant un élément
essentiel de la libre négociation de vos conditions de travail.
Dans ce sens, j'imagine que comme syndicat cela doit être assez
fatigant à supporter. Mais la pression de l'opinion publique qui fait
que les uns et les autres, à gauche et à droite, on remet en
cause publiquement dans des colloques ou que des groupes viennent ici remettre
en cause publiguement l'exercice du droit de grève, est-ce que cette
question n'illustre pas en elle-même qu'effectivement il y a des
problèmes? Je parle dans le domaine de la santé et de la
sécurité. Comme je l'ai dit ce matin, je pense, à M.
Laberge, vous pouvez dire que certains dramatisent les situations qui ont
été vécues, mais il y a aussi des phénomènes
de dédramatisation des situations également. Il y a eu une foule
d'institutions où cela a très bien marché - je pense qu'on
peut faire cette affirmation - les ententes ou même la liste; j'en
conviens volontiers, du moins d'après les informations que le Conseil
sur le maintien des services essentiels nous a données. Mais
vous-même, vous avez dit, je pense - je ne veux pas vous
interpréter mal - tantôt que, pour ce qui est de votre syndicat,
il n'y aurait pas tellement eu de problèmes au niveau du maintien des
services
essentiels dans la dernière ronde de négociations. Ce
n'est pas pour la ronde de 1976, mais parlons de la dernière. Il y a un
rapport, en tout cas, pour une institution en particulier où vous
êtes, qui a fait une affirmation où on dit que, par exemple, "pour
le quart de nuit, sur les unités de soins, les membres de la FQII, bien
qu'ayant assuré les services privés, n'ont pas fourni le
personnel pour assurer les services essentiels". Le personnel-cadre a dû
prendre la relève. Voici ce qui me préoccupe beaucoup dans la
question de la liste syndicale et de tout cela. Vous me corrigerez si ce n'est
pas exact - mais, selon le rapport de l'expert du Conseil sur le maintien des
services essentiels que j'ai, la raison est la suivante - c'est ce que je
disais ce matin - la position syndicale expliquant pourquoi cela n'a pas
été assuré pendant les services de nuit ou qu'il y a eu
refus d'assurer les services essentiels, c'est que c'était moins qrave
que dans les services de jour parce que les bénéficiaires ont
moins de besoins durant la nuit. Mais on dit: "La position syndicale
était que les infirmiers et les infirmières devaient exercer un
moyen de pression sur l'employeur et que ce moyen de pression a
été le refus de fournir les services essentiels pendant le quart
de nuit.
Voici ce que j'essaie d'exprimer comme inquiétude, et ça
me semble assez légitime. Vous essayez de faire des ententes, mettons de
bonne foi, au niveau de la détermination des services essentiels et,
quand il n'y a pas d'entente, vous fournissez des listes syndicales.
Là-dessus je veux bien prendre votre parole et je suis convaincu que
c'est exact dans l'immense majorité des cas. Les travailleurs du domaine
de la santé, même des syndiqués, lorsqu'ils fournissent une
liste syndicale, ce ne sont pas des tortionnaires, ils fournissent une liste
syndicale qui répond, d'après eux, à leurs besoins. Mais
sur l'entente ou la liste, ce que je ne puis accepter et ce qui me fait
craindre dans la poursuite - et je voudrais avoir des réponses - du
système que l'on connaît à l'heure actuelle, c'est que je
trouve qu'on dénature le sens d'une entente sur des services essentiels
et de la liste qui est uniquement faite en fonction de la santé et de la
sécurité des personnes.
Je peux vous donner le nom d'un établissement, je pense qu'il n'y
a pas de préjudice majeur, à Cartierville, à
l'hôpital Sacré-Coeur, on dit que c'était devenu un moyen
de pression. Moi, je trouve que vous avez... Enfin, je ne dis pas vous
personnellement, peut-être est-ce un cas très isolé,
remarquez bien que je n'en ai pas d'autres, je ne veux pas faire une
dramatisation non plus. Mais, tout de même, je n'accepte pas et on devra
réfléchir à trouver le moyen d'éviter - parce que
je trouve ça parfaitement inacceptable - que les ententes ou les listes
syndicales - si on doit continuer dans cette voie - pour garantir les services
essentiels deviennent des moyens de pression. La grève est le moyen de
pression. Une fois qu'on s'est entendu pour dire: Les services essentiels,
ça doit exister, ça ne doit pas servir comme moyen de pression.
Quand je vois ça, ça me fait sursauter, parce que je ne trouve
pas ça acceptable. Seriez-vous d'accord pour dire, au niveau de votre
syndicat... En tout cas, donnez-moi un jugement de valeur; je ne vous demande
pas de nous dire les mesures que vous allez prendre à l'intérieur
de votre syndicat, c'est peut-être vos affaires, mais au moins, pour la
population, de l'assurer que, quand il y a eu entente sur les services
essentiels ou quand il y a une liste syndicale, il n'est nullement question que
ça devienne... Comme le dit ici l'expert qui est une personne
complètement en dehors du conflit, sur la raison pour laquelle on a
retiré les services essentiels pendant le quart de nuit: Les
infirmières et infirmiers devaient exercer un moyen de pression sur
l'employeur. Je ne trouve pas ça correct; je vous le dis bien
directement, je ne trouve vraiment pas ça correct. Je voudrais que vous
commentiez cette situation que vous connaissez peut-être mieux que moi,
parce que je ne la connais que par la lecture d'un paragraphe. Vous pourrez
nuancer et, si je fais erreur, je veux bien vous croire, mais mon point
essentiel, c'est ça. Est-ce qu'à votre avis l'entente sur les
services essentiels et la liste sur les services essentiels peuvent devenir un
moyen de pression pour des fins de négociation collective? Je ne trouve
pas ça correct; la liste et l'entente c'est pour le bien et la
santé du public et pas autre chose.
Mme Gosselin: Dans ce cas précis, puisque vous en parlez,
l'enquêteur concluait aussi qu'il n'y avait pas de problème
à Cartierville et que les services essentiels étaient
assurés.
M. Rivest: Sauf pour le quart de nuit, il a dit qu'ils
n'étaient pas assurés.
Mme Gosselin: Je redis ce que j'ai déjà dit - entre
autres au colloque dont M. Marois parlait tout à l'heure - que services
essentiels ça ne veut pas dire salariés essentiels. Je
préciserai que, sur le quart de nuit, à l'hôpital
Sacré-Coeur de Cartierville, entre autres à l'urgence, aux soins
intensifs, a l'unité coronarienne, à celles d'accouchement,
d'hémodyalise, les syndiqués étaient là en nombre
habituel, mais que, sur les autres départements... Vous avez quelque
chose comme une centaine d'infirmières-cadres à
Sacré-Coeur qui sont infirmières chefs et qui sont capables
d'assurer les services essentiels...
M. Rivest: Me permettez-vous de vous interrompre, juste pour
compléter votre réponse? J'ai en mémoire, mais je ne l'ai
malheureusement pas devant moi, ça ne concerne pas votre syndicat - un
autre rapport qui, cette fois, concerne un hôpital de la région du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Là, c'est totalement le contraire de
Cartierville. On dit: Les bénéficiaires - je résume, mais
l'idée générale c'était... Je l'ai vu ce matin...
Les services essentiels n'ont pas été satisfaits. La raison en
était que les cadres n'ont pas pu. Entre autres, on parlait - cette
fois-là, peut-être qu'il n'y avait pas d'infirmières - de
l'impossibilité dans laquelle on s'était trouvé de donner
une intraveineuse, ce qui est maintenant un acte professionnel
réservé à une infirmière, et les cadres qui se
trouvaient là ne pouvaient pas la donner. (21 h 15)
Parfois, les cadres ne suffisent pas. Quand les syndicats et les
travailleurs disent - je pense, encore une fois, que c'est de bonne foi - "On
veut assurer les services essentiels, soit par entente, soit par liste, " ce
que je n'accepte pas, c'est que vous nous disiez: De toute façon, quand
on décide, pour exercer des pressions sur l'employeur - enfin, ce que
dit le rapport - les cadres ont suppléé. Je ne veux pas que ce
soit un objet de négociation ou un objet de pression, une entente et une
liste syndicale. C'est cela le sens de ma question. Acceptez-vous qu'une
entente et qu'une liste syndicale pour le maintien des services essentiels
deviennent en cours de route un moyen additionnel de pression sur l'employeur?
Je ne peux pas comprendre cela. C'est cela le sens de ma question.
Mme Gosselin: Écoutez! Là-dessus, le moyen de
pression utilisé, la grève, on ne peut le sortir du contexte de
la négociation. Que les services essentiels, la négociation -je
ne parle pas des services essentiels - que la négociation des services
essentiels se fasse, le mot le dit, par négociation implique qu'il y a
proposition et offre de part et d'autre. Mais, de là à dire,
comme vous le soulevez, que les services essentiels sont un moyen de
pression...
M. Rivest: Je l'ai bien restreint à ce que je lis. Ce
n'est pas moi qui le dis. C'est le rapport du conseil qui dit, en parlant de la
position syndicale pour expliquer cette situation-là, et je cite
à nouveau: "La position syndicale était à l'effet que les
infirmières et les infirmiers devaient exercer un moyen de pression sur
l'employeur. Comme, le jour et le soir, la liste syndicale rencontrait les
demandes patronales, les membres de la fédération
considéraient qu'ils devaient opter pour un moyen de pression efficace,
mais que ce serait moins dommageable pour les bénéficiaires de
prendre le quart de nuit. " Mais cela reste l'utilisation, pour le quart de
nuit, de l'entente et de la liste comme étant un moyen de pression
syndical. Autrement dit, cela en dénature le sens. Quand ce sont des
services essentiels - vous en êtes convaincue comme moi - vous faites les
listes et les ententes parce que vous estimez que ces services sont essentiels
à la population. Vous vous engagez et vous voulez, je pense, respecter
ces ententes. Je n'accepte pas qu'à un moment donné, pour des
raisons de négociation, vous les laissiez tomber en cours de route parce
que vous pouvez exercer une pression sur l'employeur à ce
moment-là. Mais ce n'est pas cela qui est important et je me fous de la
pression additionnelle que vous obtenez sur l'employeur en abandonnant la
liste. Ce qui compte pour moi, c'est qu'à ce moment-là, quand
vous abandonnez l'entente ou une liste, ce qui est dramatique - enfin, pas
dramatique, mais quand c'est localisé, je ne veux pas encore dire que
c'est généralisé - dans chaque cas où cela se
passe, c'est le monde, ce sont les patients qui en souffrent. C'est cela le
sens de ma question. Les ententes et la liste ne doivent pas être un
objet de négociation des conditions de travail. Ce devrait être un
objet fait uniguement et exclusivement pour la santé et la
sécurité des gens. Pas autre chose.
Mme Gosselin: Écoutez! On considère que c'est
normal et acceptable et on considère que ce sont des services
essentiels, même lorsque assurés par des cadres. Ce n'est pas la
notion des services essentiels qui est remise en cause, ce sont les personnes
qui vont les assumer et, on considère que des infirmières-cadres
sont en mesure d'assumer des services essentiels.
M. Rivest: Je vous ai mentionné tantôt un cas d'un
hôpital de Lac-Saint-Jean. Il n'y avait pas d'infirmière-cadre
comme question de fait, mais les gens sont restés aux prises avec le
problème. C'est cela qu'on essaie d'éviter. Tous les efforts
qu'on fait actuellement, c'est pour éviter ces
problèmes-là, et je sais que vous voulez les éviter comme
nous autres.
Mme Gosselin: C'est une des raisons pour lesquelles on maintient
que les services essentiels doivent continuer d'être
négociés au niveau local parce que ce sont les gens du milieu qui
connaissent la situation et qui savent ce que les uns et les autres sont en
mesure de faire ou de ne pas faire.
M. Rivest: Une fois négociée, même quand vous
ne réussissez pas à arriver à une entente, une fois qu'il
y a une liste, il faut la respecter intégralement. Cela ne doit pas
faire partie du jeu des moyens de pression qu'une partie exerce sur
l'autre. C'est ce que je veux dire. Il me semble que...
Mme Gosselin: C'est ce qui a été fait.
M. Rivest: Ce n'est pas ce que le rapport dit.
Mme Gosselin: Mais oui.
M. Rivest: Dans ce cas-là le rapport dit - selon la
version de la partie syndicale -: On a abandonné les services essentiels
pendant le quart de nuit parce que - le ministre a le texte, mais c'est
ça, je vous l'ai lu deux ou trois fois - la partie syndicale a
estimé qu'il fallait faire un moyen de pression sur l'employeur. C'est
textuel, dans le rapport. Si vous voulez, M. le ministre, je vais prendre mon
texte pour le relire pour ne pas dénaturer... L'expert du conseil des
maintiens dit: " D'une part, la position syndicale était à
l'effet que les infirmières et infirmiers devaient - pourquoi
avaient-ils abandonné les services essentiels pendant le quart de nuit?
- exercer un moyen de pression sur l'employeur. " Comme le jour et le soir,
c'était plus dommageable aux bénéficiaires - c'est un bon
point pour vous - vous avez choisi de prendre le quart de nuit qui est le moins
dommageable pour les bénéficiaires. C'est ce que le rapport dit,
je n'étais pas là, mais il y a une personne en dehors de tout le
conflit qui a écrit ça. Il reste que pendant le quart de nuit les
patients ont eu à subir... Je pense qu'il y a eu risque, peut-être
qu'il n'est rien arrivé, probablement, je n'ai pas vu toute l'affaire,
mais je ne trouve pas ça correct. C'est ça mon point.
Je ne sais pas si vous le comprenez, mais vous semblez passer un peu
à côté de ma question. Est-ce que ça doit vous aider
à avoir de meilleures conditions de travail de faire des ententes ou des
listes, oui ou non? Ou bien si ces ententes ou ces listes-là n'ont
qu'une fin, soit la santé et la sécurité des patients?
C'est l'un ou l'autre. C'est ça que je voudrais que vous me disiez
clairement. Excusez-moi si je vous bouscule un peu, mais je veux être
clair parce que c'est ça le sens du débat.
Mme Gosselin: Écoutez! Dans l'exemple que vous citez, les
syndiqués n'ont pas abandonné les services essentiels de
nuit.
M. Rivest: Mme Gosselin, pour...
Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont pas respecté la liste.
Mme Gosselin: Non, ils ont donné la liste de cette
façon-là.
Le Président (M. Rodrigue): S'il vous plaît!
M. Rivest: Mme Gosselin, je ne veux pas vous faire un
procès... Excusez-moi.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vais permettre à Mme Gosselin de répondre et
ensuite vous reviendrez.
Mme Gosselin.
Mme Gosselin: Écoutez! La liste avait été
donnée comme ça et c'est même la proposition que le
syndicat là-bas avait faite à l'employeur pour une entente. La
liste a été respectée.
M. Rivest: Mme Gosselin, je reprends ce qui est avant... Je ne
veux pas faire un débat inutile parce que vous ne voulez pas... En tout
cas, peu importe, mais pour rétablir les faits, je voudrais que vous
répondiez à ma question par oui ou non. "Pour le quart de nuit
sur les unités de soins, les membres de la FQII bien qu'ayant
assuré les services privés, n'ont pas fourni le personnel pour
assurer les services essentiels. " C'est écrit en noir sur blanc. Je ne
sais pas, mais répondez à ma question. Peu importe, oublions le
cas parce qu'on ne s'entendra jamais, est-ce que vous croyez que l'entente et
la liste peuvent... Est-ce que vous acceptez, est-ce dans votre idée...
Est-ce que vous refusez - on va passer négativement - est-ce que vous
refuseriez à votre syndicat d'utiliser une entente et une liste pour les
services essentiels comme étant un moyen de pression pour les fins de
vos négociations de conditions de travail? Est-ce que vous vous
refuseriez à ça?
Dites-moi oui.
Mme Gosselin: Pardon?
M. Rivest: Dites-moi oui et je vais trouver ça très
bien. Si vous ne dites pas oui je vais avoir des doutes.
M. Beaupré (René): Je pense qu'il est important, M.
Rivest, de vous expliquer dans quel contexte cela est fait et comment cela est
exprimé. La réponse à donner c'est oui, mais...
M. Rivest: Ah bon!
M. Beaupré:... je veux quand même expliquer que
lorsque vous faites référence à l'hôpital
Sacré-Coeur - je vous encourage à lire tout le rapport de
l'expert - ce que dit l'expert, c'est que les syndiqués de
l'hôpital Sacré-Coeur ont fourni une liste à l'employeur
dans laquelle ils fournissaient 100% du personnel le jour et le soir et que, de
nuit, le personnel salarié disait aux
cadres: Vous fournirez le personnel, vous fournirez les soins aux
malades, la nuit, dans les départements de médecine ordinaire et
de chirurgie ordinaire.
Ce n'est pas du tout dans le même sens que vous l'employez; en ce
sens que, justement, en ayant comme préoccupation d'assurer les services
essentiels aux malades, les salariés ont dit: Nous allons fournir les
services essentiels à 100% le jour et le soir pour que les cadres -
afin, effectivement, d'avoir un moyen de pression parce que dans une
grève il faut qu'il y ait un moyen de pression - travaillent la nuit et
ne travaillent pas le jour. Ils travailleront la nuit à la place du
jour. Ce n'est pas mettre la santé des malades en péril. Au
contraire. C'est assumer une plus grande responsabilité en disant: On va
assurer totalement les services de jour et de soir pour que le personnel-cadre
puisse les assurer de nuit. Je vous encourage à lire le rapport, parce
que justement, dans ce rapport, l'expert mentionne que les malades ne se sont
même pas rendu compte que les...
M. Rivest: On va disposer... Ce qui m'intéresse beaucoup,
c'est votre oui. J'ai bien aimé cela. Ce que je conclus, c'est que votre
syndicat - et je suppose que c'est la même chose pour les autres - refuse
de considérer une entente et une liste comme étant un objet de
négociation.
M. Beaupré: Ce n'est pas ce que j'ai dit:
M. Rivest: Non?
M. Beaupré: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: En tout cas, je vous dis... Je vais terminer
là-dessus, à moins que Mme Gosselin n'ait des remarques à
ajouter.
Mme Gosselin: Le moyen de pression, c'est l'arrêt de
travail.
M. Rivest: Mais pas l'entente et la liste. Dites non, Mme
Gosselin, là:
Mme Gosselin: Vous voulez que je sois pour la vertu et contre le
vice. C'est facile.
M. Rivest: Non, je ne veux pas que vous le soyez. Dites-moi que
vous voulez l'être, simplement. Très bien.
Le Président (M. Rodrigue): Je pense qu'on a
terminé la période des questions. Oui?
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président. Hier, je
vous ai dit que j'avais une question à poser aux infirmières.
Elle est courte, M. le Président. Quand vous établissez la liste
pour les services essentiels, je pense que vous le faites par
département. Vous dites: Dans telle unité de soins, il y aura un
nombre X d'infirmières durant telle période; dans telle autre
unité, un nombre X d'infirmières, etc. Quand les besoins
fluctuent - parce que ce n'est pas toujours prévisible combien de
malades vous aurez, par exemple, en cardiologie ou combien de malades vous
aurez dans une autre unité de soins - à ce moment-là, y
a-t-il possibilité, pour respecter la liste et pour répondre aux
besoins essentiels, que votre personnel ou que le personnel que vous avez
assuré passe d'une unité à l'autre durant une
journée donnée ou une période donnée?
Mme Gosselin: Là-dessus, quand on négocie les
ententes sur les services essentiels, on essaie toujours d'ajouter une clause
qui dit qu'il y a un comité paritaire formé de
représentants de l'employeur et de représentants du syndicat qui
se réunit à chaque jour et même à chaque heure de
travail pour évaluer la situation. Il y a eu des cas où des
syndiqués ont été ajoutés à l'entente ou
à la liste.
Pour ce qui est des déplacements, je vais essayer d'être
brève. Une chose qu'on tient à contrôler le plus possible,
en cas d'utilisation de grève, c'est l'affectation des syndiqués
et c'est important pour nous de maintenir ce point. Sinon, si c'est l'employeur
qui désigne unilatéralement où les gens iront et tout. Le
passé nous a démontré que c'était une source de
problèmes, parce que l'employeur peut décider de mettre davantage
de personnel dans un département et d'en mettre moins dans l'autre, ce
qui fait qu'un département est surchargé et que les gens qui ont
travaillé cette journée-là pour assurer les services
essentiels, malgré toute leur bonne volonté, n'auront plus du
tout envie de revenir trois jours ou une semaine plus tard pour assurer les
services essentiels. On tient à avoir un certain contrôle
là-dessus. C'est très important pour nous, mais j'ajoute, pour
terminer, qu'on tient à avoir une clause qui permet une rencontre entre
les parties pour évaluer la situation au jour le jour. (21 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Cela voudrait dire qu'il se pourrait qu'une
journée donnée, un département soit surchargé. Les
prévisions ne sont pas exactes, c'est inévitable, et, à ce
moment-là, cette unité manque de personnel alors que dans une
autre unité il se peut qu'il se trouve du personnel plus inactif ou
moins occupé parce que la demande aura été moins grande,
et, durant cette journée, il n'y
aura pas possibilité de mobilité d'un département
à l'autre parce que vous tenez justement à faire cette
affectation vous-mêmes et que ceci est révisée à la
fin d'une période ou à chaque journée. Est-ce que j'ai
bien compris?
Mme Gosselin: On en ajoutera si besoin est.
Mme Lavoie-Roux: Durant la journée?
Mme Gosselin: II faut comprendre que ce à quoi on s'oppose
en temps normal, une attitude de l'employeur à laquelle on s'oppose en
période habituelle...
Mme Lavoie-Roux: La mobilité.
Mme Gosselin:... on ne se l'appliquera pas nous-mêmes en
période de grève. Précisément parce que si à
8 h ou 8 h 30 c'est relativement calme - entendons-nous, relativement calme -
il peut très bien arriver qu'à 9 h 30, une heure plus tard, ce
soit l'inverse. On en ajoutera plutôt dans l'unité où il y
aurait surcroît de travail plutôt que de dégarnir une
unité pour en regarnir une autre.
Mme Lavoie-Roux: II se pourrait que durant la journée,
avant que cet ajustement se fasse, certaines unités soient
surchargées, et même en temps ordinaire, je suppose.
Mme Gosselin: Pas plus qu'à l'habitude.
Mme Lavoie-Roux: Pas plus que d'habitude.
M. Marois: M. le Président, en même temps pour
remercier la Fédération québécoise des
infirmières et infirmiers de son témoignage, je voudrais quand
même qu'ensemble on soit complètement équitable et juste.
Je pense que tantôt et en un certain sens de façon
légitime, vous avez été brassé pas mal par les
questions insistantes et persistantes du député de Jean-Talon sur
un cas. Je pense que ça illustre très bien -je tiens à
vous rendre ce témoignage parce qu'il est exact et ça doit
être dit - un cas où, sur une équipe de nuit,
effectivement, le rapport d'expertise est très clair, pour une raison ou
pour une autre... à toutes fins utiles, l'entente évolue, et je
pense que vous venez de très bien expliquer ça. C'est
extrêmement important. C'est peut-être la première fois que
quelqu'un explique en témoignage ici comment cela évolue et
s'ajuste de jour en jour, même à l'intérieur d'une
situation conflictuelle; ce n'est pas facile, la relation entre le groupe de
salariés qui sont syndiqués, qui exercent un droit et l'employeur
en dedans et la concertation - il faut l'appeler par son nom - entre les deux
parties pour assurer en cours de route les services essentiels qui
forcément évoluent d'une journée à l'autre.
Je dois dire, parce que je le sais - j'ai lu les rapports, les
documents, ça fait des mois et des mois qu'on fouille tout ce dossier -
que vous êtes, de tous les syndicats, le syndicat qui a assumé le
taux le plus élevé de services essentiels. Je pense que comme
témoignage, ça doit vous être rendu parce que c'est vrai.
Voilà un bel exemple où dans un cas, effectivement, il s'est
posé un problème. Dieu merci! le rapport conclut qu'il n'y a pas
eu de problème, c'était la nuit et aucun
bénéficiaire n'a été affecté. Il faut
vraiment compléter le dossier pour que ce soit complet mais,
néanmoins, je pense que c'est vrai qu'à partir du moment
où une entente est convenue, une entente qui est forcément
dynamique parce que ça évolue - vous aviez raison de le siqnaler
- de jour en jour et d'un coin à l'autre, selon l'évolution des
situations concrètes... Il s'est posé un problème
réel où, pour une raison ou pour une autre, un syndicat a
posé un geste qui en lui-même n'est pas acceptable à partir
du moment où on convient d'une entente pour garantir aux citoyens, aux
citoyennes, aux bénéficiaires qu'ils vont obtenir cette
espèce de soins essentiels de base. Mais justement et évidemment
ces cas, quand ça sort, qui sont souvent des cas isolés - mais
encore une fois, un cas isolé c'est souvent un cas de trop - ça
risque, surtout quand ça sort avec une telle dramatisation -
évidemment, il y a, en plus, le sensationnalisme autour qui s'ajoute -
de démolir dans l'opinion publique, dans l'opinion des citoyens tout le
travail extraordinairement difficile, complexe qui est fait de bonne foi de
votre part pour assumer des responsabilités et garantir aux citoyens les
services auxquels ils ont droit.
Je voudrais rappeler, entre autres - si ma mémoire est bonne,
c'est votre groupe qui l'a fait; c'était toujours, d'ailleurs, au
même hôpital, à Montréal - qu'il s'est produit ce
qu'on appelle un accident d'automobiles en chaîne, si ma mémoire
est bonne. Vous me corrigerez si ce n'est pas exact, si je me trompe, mais il
me semble que c'est bien cela. La police est entrée en contact avec les
syndiqués de chez vous qui étaient sur la ligne de piquetage,
parce que l'accident a été tel qu'il y a eu entre quatre ou six
ambulances qui sont arrivées presque en ligne à l'hôpital.
Des syndiqués, qui étaient sur la ligne de piquetage, ont
décidé d'entrer à l'hôpital à cause justement
de l'ajustement qu'il fallait faire, parce qu'il arrivait des cas additionnels
par rapport à ce que prévoyait le papier, je présume,
cette journée-là. Alors, des syndiqués sont entrés
pour aller faire le travail et donner aux citoyens ce à quoi ils ont
droit. Je sais que des choses comme celle-là, il s'en est fait
aussi beaucoup. Il faut le dire, parce qu'il faut quand même que
les choses soient ramenées... Je partage l'opinion du
député de Jean-Talon: il ne faut pas surdramatiser; il ne faut
pas, non plus, balancer du revers de la main certains faits, mais il va falloir
qu'ensemble on démontre partout un très grand sens des
responsabilités pour rebâtir. Souvent, ce sont des cas
isolés, mais qui démolissent complètement dans l'opinion
publique une crédibilité. Je tenais à faire cette
intervention pour, premièrement, vous rendre le témoignage qui
vous revient et, deuxièmement, signaler des cas qui se présentent
à l'opposé aussi, parce que cela aussi doit être dit.
M. Rivest: Pour conclure, j'endosse les remarques
exprimées par le ministre pour nuancer la discussion qu'on a eue. J'en
conviens volontiers. Mais je poserais une question au ministre, s'il me le
permet. Le gouvernement est-il prêt à étudier les moyens
qu'il sera éventuellement possible de prendre au niveau du Conseil sur
le maintien des services essentiels si c'est la voie que retient le
gouvernement? On parle d'assurer la permanence, mais le gouvernement est-il
prêt à examiner toute avenue qui pourrait garantir à la
population que, d'une façon générale, les ententes, si on
maintient ce système, ou même la liste syndicale, si le
gouvernement choisit de maintenir ce système, ne devront pas servir
d'objets de négociation au niveau des établissements, mais
qu'elles n'existeront façon fonction des impératifs de
santé et de sécurité, c'est-à-dire le maintien des
services essentiels?
M. Marois: Par définition, le sens même d'ententes
sur des services essentiels, c'est une notion, encore une fois, qui,
forcément, évolue selon les établissements, selon les
jours; ce n'est pas figé dans le papier. Par définition, les
ententes, lorsqu'elles sont là, me semble-t-il, doivent être
respectées. Si on maintient le droit de grève et qu'on veut, en
contrepartie - cela aussi est fondamental garantir qu'avec le maximum d'effort
normal une société, qui se prétend encore,
j'espère, civilisée, va fournir les services essentiels auxquels
les hommes et les femmes ont droit, je pense qu'il faut réfléchir
très sérieusement à toute suqgestion positive dans ce
sens. Je suis bien prêt à regarder les suggestions. D'ailleurs,
c'est pour cela qu'on est ici en commission parlementaire, qu'on entend les
groupes et qu'on pose des questions.
M. Rivest: Dans ce sens, M. le ministre, je suis parfaitement
d'accord avec votre dernier énoncé.
M. Marois: Des solutions miracles.
M. Rivest: Non, il n'y en a pas, mais j'espère que vous
mesurez bien le sens quand vous dites que les ententes et les listes devront
être respectées. On peut émettre le voeu, mais quand vous
faites une loi...
Le gouvernement, le ministre en particulier, aura à s'interroger;
comment s'assure-t-on dans une loi qu'un principe auquel on tient sera
respecté? Cela évoque toute une série d'avenues, cela
évogue entre autres un régime de sanctions et peut-être
même, avant le régime de sanctions, cela rejoint peut-être
ce qui était la préoccupation du mémoire du Conseil du
patronat: Qui devra voir à ce que les ententes et les listes
éventuelles soient respectées.
Je sais que le ministre comprend le sens de ce que je viens de dire et
c'est peut-être aller beaucoup plus loin que de se contenter,
après l'expérience qu'on a vécue, d'un conseil permanent
sur le maintien des services essentiels. Je ne lui demande pas de
réponse ce soir, parce qu'il n'est probablement pas en mesure de nous la
donner, mais c'est la réflexion qu'on va devoir faire ensemble.
M. Marois: Cela me paraît bien évident. Vous l'avez
déjà rappelé, la présente commission parlementaire,
dans une période de paix relative, c'est une première du genre.
On est ici pour essayer de réfléchir ensemble, essayer d'apporter
la contribution la plus positive qu'on puisse apporter chacun et chacune
d'entre nous, chacun des groupes. Par la suite, comme gouvernement, on aura
à prendre nos responsabilités et à formuler des
propositions qui soient, me semble-t-il, des choses qui puissent s'appliquer.
Je suis prêt à regarder toute avenue possible, toute solution
possible. Je me méfie toujours des choses qui peuvent paraître
séduisantes théoriguement, mais qui, souvent, quand on les met
sur le papier, ne correspondent pas nécessairement à la
réalité. On l'a souvent dit, il y a une marge, parfois, entre le
papier et la réalité, surtout quand il s'agit de comportement et
d'attitude. Enfin, on va poursuivre ensemble la réflexion avec les
divers groupes qui vont se présenter devant nous.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération québécoise
des infirmières et infirmiers.
Carrefour des chrétiens du Québec pour
la santé
J'invite maintenant les représentants du Carrefour des
chrétiens du Québec pour la santé à venir
présenter leur mémoire.
Selon mes indications, le mémoire de ce groupe sera
présenté par M. Jean-Claude Tremblay.
M. Tremblay.
M. Lambert (Pierre-A. ): C'est M. Pierre-A. Lambert qui
présente le mémoire, moi-même.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous demanderais, M.
Lambert, de bien vouloir nous présenter les personnes qui vous
accompagnent et de présenter votre mémoire.
M. Lambert (Pierre-A. ): À ma droite, Mme Gisèle
Fortier, qui est consultante à l'Institut québécois de la
déficience mentale et aussi au centre d'accueil pour déficients
mentaux, le Relais, de Laval. À ma droite également, M.
Jean-Claude Tremblay, secrétaire général de Carrefour des
chrétiens du Québec pour la santé. À ma gauche, M.
Henry J. Hannon, directeur général du St. Brigid's Home, et notre
conseiller moral, M. Robert Plourde, aumônier au centre hospitalier
Saint-Vincent-de-Paul, de
Sherbrooke. Moi-même, Pierre-A. Lambert, trésorier du
Carrefour des chrétiens et directeur général du centre
psychiatrique de Roberval.
Je vais vous donner un résumé du mémoire,
étant donné que vous l'avez déjà tous en main. Je
vais plutôt souligner les points importants.
Le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé
est un organisme à but non lucratif et incorporé au Québec
en octobre 1979, en vertu de la troisième partie de la Loi sur les
compagnies. Le CCQS est un point de rencontre pour tous ceux et celles qui
désirent promouvoir les valeurs humaines et chrétiennes dans le
sens le plus oecuménique du mot dans les services de santé et
placer les malades au centre de leurs préoccupations. (21 h 45)
Le volume énorme et toujours croissant de la demande des
services, leur coût et la sophistication de la technoloqie ont
chambardé les bases sur lesquelles reposait le système de
santé au Québec, ce qui, entre autres, rend sa continuité
indispensable.
Notre mouvement est d'avis qu'il faut penser à des remèdes
à long terme, puisés dans la recherche des valeurs que notre
monde occidental doit priviléqier.
Depuis 1966, la négociation collective a évolué,
d'après nos observations, vers une remise en cause du contrat social.
Devant cette évolution, il nous paraît important de
préciser la perspective dans laquelle se place le CCQS.
Notre préjugé est le malade. En effet, la seule raison de
l'immense réseau administratif et professionnel est le
bénéficiaire, la personne souffrante ou en perte d'autonomie.
Il nous semble opportun de répéter que l'hôpital
n'existe pas pour ses médecins, ni pour ses cadres, ni pour ses
employés; l'hôpital, comme tous les autres établissements
du réseau de santé, n'existe qu'en fonction des services à
l'usager.
Nous entendons situer notre intervention au-delà de la
mécanique des relations de travail, pour l'appuyer sur les
éléments les plus nobles de l'être humain qui, dans la
maladie, est lésé dans son bien le plus précieux.
De même, nous nous situons au-delà des
intérêts des parties, qu'elles soient de nature patronale,
syndicale, corporative ou associative.
De plus, notre présentation portera sur des principes et nous
laisserons aux spécialistes le soin d'en préciser les
modalités d'application.
La santé émane d'un état d'équilibre
physique, psychologigue, socio-économique et, ajoutons, spirituel, qui
peut être rompu brutalement, rapidement ou chroniquement par la maladie
ou un désordre fonctionnel. Les quatre composantes de l'équilibre
que comporte la santé sont aussi importantes l'une que l'autre et
touchent à l'intégrité de la personne humaine. À ce
titre, elles sont inséparables et essentielles.
La maladie est, en soi, un événement traumatisant pour
l'individu. Elle est habituellement accompagnée d'une forte dose
d'anxiété, d'insécurité et de dépendance.
Toute discontinuité dans le système de soins augmente cette
tension psychologique et affecte l'individu et ses proches qui doivent la
supporter.
Le principe est inscrit en toutes lettres dans la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, dont l'article 4 a été
cité précédemment. Cet article consacre le droit à
tout citoyen de recevoir des services de santé adéquats, à
la fois sur les plans scientifique, humain et social, avec continuité et
de façon personnalisée. Le législateur a ainsi
confirmé l'essentialité de la continuité dans le
traitement des malades. Partant des difficultés associées au
diagnostic et au pronostic, il s'ensuit que la définition, dans des
circonstances souvent aléatoires, de l'urgence, de la semi-urgence et de
l'électivité d'un cas, est souvent un critère de
présomption qui comporte une marge significative d'erreur possible.
La notion même de services essentiels impligue une priorité
de soins pour des malades dont la vie immédiate est en danger sans de
tels soins. Les critères d'admission dans un hôpital ont beaucoup
évolué. Seuls sont admis les malades qui ne peuvent être
soignés à domicile. Le temps des check-ups est révolu et
les durées de séjour sont de plus en plus courtes; les malades
sont finalement hospitalisés pour recevoir des services essentiels
à leur état.
D'autre part, les relations entre les
membres de l'équipe des soignants sont interdépendantes.
Si un maillon manque à la chaîne dans une situation d'urgence, il
ne peut pas être remplacé au pied levé par un cadre ou un
travailleur moins expérimenté, sans causer un préjudice au
malade.
La notion de services essentiels implique un minimum de services. Or,
même en temps normal, on connaît des problèmes majeurs, dont
les urgences, par exemple. Gomment la santé publique peut-elle
être totalement protégée en temps de crise, quand elle est
déjà mise en cause en temps normal? Comment évaluer cette
protection, quand on sait que beaucoup de malades ne se présentent pas
à l'hôpital en temps de conflit?
Dans une autre perspective, le concept fait abstraction de tous les
facteurs affectifs et psycholoqiques qui entourent le malade. La notion de
services essentiels est donc incomplète. Elle a un autre défaut,
le personnel est essentiel, il ne le devient pas. Le fait de ne pas voir son
nom sur une liste de personnel essentiel implique une dévalorisation des
tâches qui risque d'être ressentie bien après le
règlement d'un conflit.
Les services essentiels peuvent, dans la mesure où ils sont
disponibles, prévenir une mort immédiate ou l'aggravation d'une
pathologie; mais l'absence de diagnostic ou de traitement de cas en apparence
moins aigus peut devenir responsable d'une mort plus lointaine qui aurait pu
être retardée ou même prévenue. Exemple: maladie
coronarienne, cancer du poumon ou du sein, et combien d'autres.
La relation que l'on établit entre les statistiques de
décès et la couverture des services essentiels est un abus
mathématique qui analyse par l'extrême une situation fausse. Il en
est de même de cette tendance, maintes fois répétée,
à minimiser les effets d'une grève en prétextant que les
personnes décédées seraient probablement
décédées même s'il n'y avait pas eu de
discontinuité de soins. Ces opinions donnent bonne conscience, mais vont
à l'encontre du bon sens et de la logique.
Le malade chronique, le vieillard et le malade mental, entre autres,
sont beaucoup plus dépendants du personnel soignant pour survivre
à leur chronicité. Toute discontinuité de services est
subie par eux d'une façon pénible, sans qu'ils puissent
réagir. Comme l'état de ces bénéficiaires est
souvent très fragile, on peut citer de nombreux cas qui, à cause
de l'angoisse et de l'anxiété associées à l'absence
d'une présence familière, ont aggravé leur état de
façon importante. Il faut rappeler la présence de 10% à
30% de cas chroniques dans les hôpitaux généraux
actuellement, ce qui rend la discontinuité de services encore plus
inquiétante.
Les valeurs d'une société se reflètent dans les
institutions qu'elle crée et dans la façon par laquelle elle les
fait fonctionner. Une société est composée d'individus.
C'est donc ultimement la qualité des individus qui détermine la
bonne marche des institutions qui deviennent un reflet fidèle des
valeurs de cette société. On juge une société par
le traitement qu'elle accorde aux faibles, aux démunis et aux malades.
Sur la base de ces critères, pouvons-nous prétendre être
une société civilisée et chrétienne?
Notre propos, aujourd'hui, n'est pas de suggérer un nouveau
système de valeurs ni même de s'entendre sur une hiérarchie
entre elles. Nous voulons interpeller, au nom des valeurs qui constituent le
fondement de la société québécoise, le
législateur à manifester son humanisme. Il existe au
Québec un fort attachement traditionnel aux valeurs humaines et
chrétiennes. Même dans un système orienté vers
l'efficacité, l'altruisme et la compassion ont leur place. En
présence de la souffrance, les principes élémentaires
d'humanisme doivent pouvoir s'extérioriser en tout temps et en toute
circonstance.
Les malades, à tous les stades de leur symptomatologie,
éprouvent des sentiments d'angoisse et d'espoir. Ils comptent sur la
compassion de l'équipe soignante pour comprendre leur
anxiété et les aider dans ces heures pénibles. Notre
société peut-elle leur refuser, même temporairement, ces
gestes d'espoir et d'amour? Pour nous, le droit à la vie et à
l'intégrité de la personne sont des droits inaliénables.
Nous soumettons respectueusement que les droits collectifs des malades doivent
avoir préséance sur les droits individuels des travailleurs quand
leur exercice parallèle devient divergent. Sur cette question, nous nous
inspirons du christianisme et des pratiques ancestrales de la
société guébécoise elle-même.
Justement, dans la dernière encyclique "Laborem exercens", le
pape Jean-Paul II, dans le chapitre consacré aux relations de travail,
rappelle qu'"ils doivent être examinés dans le vaste contexte de
l'ensemble des droits de l'homme dont beaucoup ont été
proclamés par diverses instances internationales. Les syndicats doivent
être les porte-parole de la lutte pour la justice sociale, mais les
justes efforts pour défendre les droits des travailleurs doivent tenir
compte des limitations imposées par la situation économique
générale du pays. De plus, ils doivent agir avec le souci du bien
commun. Ils ne devraient plus être soumis aux décisions des partis
politiques. De même, le droit de grève dont doivent être
assurés les travailleurs, ne doit pas servir a faire le jeu de la
politique. On ne doit pas abuser non plus de ce droit lorsqu'il devient
contraire aux exigences du bien commun de la société qui
correspond également à la nature bien comprise du travail
lui-même. "
Les malades sont des otages privés de droits. Ils ne peuvent donc
exprimer leur point de vue et participer au rapport de forces que lorsqu'ils
sont sortis de leur maladie. Il y a des exceptions à cette règle
et nous profitons de cette occasion pour dire toute l'admiration que nous avons
pour le Comité provincial des malades et son président, M. Claude
Brunet, qui, de la civière sur laquelle il vit depuis des années,
nous sert journellement des leçons de couraqe, de
sincérité et de dévouement.
La seule façon de maintenir un équilibre acceptable entre
droits et obligations est d'inciter chacun à se prendre en charge. Nous
sommes tous, à divers titres, responsables de la situation dans laquelle
nous nous trouvons; c'est pourquoi nous invitons les individus et les
organismes concernés à réfléchir et faire des
suggestions positives au pouvoir politique.
L'objectif des interventions devrait être d'améliorer le
sort des malades tout en valorisant les fonctions des travailleurs de la
santé.
Compte tenu de la courte analyse qui précède, nous
recommandons, au nom des valeurs humaines et chrétiennes, ce qui
suit:
Que le droit de grève soit aboli pour tous les travailleurs du
système de santé: médecins, résidents, internes,
professionnels, cadres supérieurs, intermédiaires et
employés;
Que le législateur trouve un autre mécanisme permettant
aux travailleurs de la santé de bénéficier de moyens
susceptibles d'assurer la protection et la reconnaissance de leurs droits
légitimes;
Que des démarches immédiates soient amorcées visant
à réviser, dans le secteur des services de santé, le
processus de négociation du contrat social québécois.
Avec votre permission, j'aimerais apporter brièvement certains
éclaircissements au sujet de notre recommandation visant à
assurer la continuité des soins en toute circonstance.
Les membres du CCQS que nous avons pu consulter le 8 mai dernier nous
ont exprimé clairement leur désir de continuer à chercher
une option qui, tout en protégeant les droits des travailleurs de la
santé, permettrait une protection complète des droits dont la
population était bénéficiaire.
Nous avons réfléchi de nouveau à tout ce
contentieux. Nous avons en particulier réexaminé la notion de
services essentiels sous toutes ses facettes pour en arriver de nouveau
à la conclusion que le rapport de forces inhérent à toute
négociation ne saurait être acceptable que s'il assure la
primauté du droit à la santé.
Au moment où l'accessibilité aux services de santé
est mise en cause, l'intérêt général réclame
de l'État des actions immédiates et énergiques pour
assurer la protection du bien commun.
Or, dans notre système de relations de travail, une grève
doit faire mal pour obtenir les résultats escomptés. Ce postulat
entraîne une conséquence importante. Une grève
civilisée qui ne constitue pas une menace directe aux usagers des
services est moins efficace dans l'esprit de bien des gens. S'il est vrai que
ce n'est pas le droit de grève lui-même qui est en cause, mais
plutôt la façon dont il est exercé, il n'en est pas moins
vrai qu'une grève plus gentille n'a pas le même effet et nous
doutons très sérieusement du réalisme de l'option qui
conserve le droit de grève tout en assortissant son exercice de toutes
sortes de conditions.
Le débat auquel nous avons l'honneur de participer aujourd'hui
est celui qui met en cause le plus directement les fondements de la
société québécoise actuelle. Il met en cause le
processus de maturation d'une société qui a dû s'ajuster
déjà à des changements très profonds depuis 20 ans,
avec ce qu'entraîne la présence d'extrêmes qui veulent
chacun imposer leur vision respective du monde.
Après une certaine période de débats, l'État
doit intervenir pour faire prévaloir l'intérêt
général et proposer une solution qui, sans être toujours
celle du plus grand consensus, assure la continuité du contrat
social.
M. le Président, dans le domaine de la santé, le moment
nous semble choisi pour instaurer un nouveau code de conduite qui
établira hors de tout doute l'intention de l'État
québécois d'assurer l'accès continu aux services de
santé tout en garantissant aux travailleurs du secteur un
mécanisme leur permettant de faire valoir leurs droits
légitimes.
Je vous remercie, M. le Président et messieurs les membres de la
commission, de l'occasion que vous nous avez donnée d'exprimer notre
point de vue sur cette question.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.
M. Lambert: Je m'excuse au nom du Dr David qui devait venir
présenter le mémoire; comme il est à l'extérieur du
pays, je l'ai remplacé.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie et en
même temps je signale la célérité avec laquelle vous
l'avez fait.
M. le ministre. (22 heures)
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le
Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé de la
présentation de son mémoire. Je l'ai lu. Vous nous rappelez -et
parfois, ce n'est pas mauvais de retourner à ces auteurs - un extrait de
Montesquieu, à
la page 9 de votre mémoire, extrait de l'Esprit des lois,
où Montesquieu - je le cite, parce que cela vaut le coup, je pense que
c'est encore terriblement d'actualité - dit qu'on ne fait pas faire par
les lois ce qu'on ne peut faire par les moeurs. C'est vrai que c'est
terriblement d'actualité. Il y a souvent des écarts profonds
entre des comportements, des écrits, des attitudes, des valeurs, donc,
et ce qu'on peut mettre sur papier. Les sociétés évoluent,
les attitudes, les comportements et les valeurs changent, pas
nécessairement et toujours au rythme de notre impatience. On peut bien
vouloir bousculer le changement. Je ne pense pas que cela mène tellement
loin. On peut certainement parfois animer le changement et je ne vois pas
pourquoi on se gênerait pour le faire, mais il y a une nuance qui est de
taille. Justement, nous rappelant cet extrait de Montesquieu, en le relisant
tout à l'heure, je me rappelais et je vérifiais avec mon
collègue de Jean-Talon qui a vécu de plus près cette
période - du moins en dedans de l'appareil gouvernemental, alors que
d'autres comme moi l'avons vécu de l'extérieur - je repensais,
dis-je, à cette période des années soixante-dix où
des gens qui ne sont pas des Australiens, qui ne sont pas des Albertains, qui
ne sont pas des Ontariens, qui sont pourtant des professionnels qui ont
prêté, je présume, le serment d'Hippocrate, en l'occurrence
les radioloqistes, qui, en 1970, n'étaient pas accrédités,
qui n'étaient pas syndiqués, qui n'avaient pas le droit de
grève en vertu des lois, pourtant, ont fait la grève. Je pense
que ceux et celles qui ont vécu cette période ne sont pas
prêts de l'oublier.
J'en arriverai immédiatement, partant de là, à vos
recommandations. D'abord pour apporter une nuance quant à votre
première recommandation sur l'abolition du droit de grève pour
tous les travailleurs du système de la santé. Vous dites les
médecins, les résidents et les internes. Soit dit en passant, les
résidents et les internes n'ont pas d'accréditation, ne sont pas
syndiqués, n'ont pas le droit de grève. Cela vaut d'ailleurs pour
les médecins aussi, ce que je viens de dire, à l'exception, bien
sûr, des médecins salariés qui pourraient être
accrédités dans des centres locaux de services communautaires.
Donc, déjà, ces gens n'ont pas le droit de grève. Encore
là, pensant toujours à Montesquieu, pensant toujours aussi
à votre recommandation et sans aller chercher encore une fois en Alberta
ou ailleurs, aux États-Unis ou dans d'autres pays, justement, pour les
résidents et les internes, votre recommandation est déjà
en vigueur puisqu'ils n'ont pas le droit de grève. Pourtant, lors de la
dernière ronde de négociations, ils ont débrayé.
C'est pour cette raison que, très honnêtement, quand cela se
produit dans un contexte où il n'y a rien de prévu - il n'y a pas
de cadre juridigue, il n'y a aucune balise - cela mène à des
situations que j'ai qualifiées de chaos social où, là, ma
crainte la plus profonde c'est justement que, sur cette valeur de respect du
droit profond des hommes et des femmes d'avoir accès à des
services de santé, des choses qui sont du domaine de l'essentiel dans
ces cas-là, il n'y a plus rien qui tient.
Cette piste de l'abolition, je ne vous cacherai pas qu'on y a
réfléchi de notre côté, comme beaucoup d'autres je
présume, très longuement, des mois et des mois. D'ailleurs, la
commission parlementaire a été retardée. Si ma
mémoire est bonne, une fois c'est à cause de la période
référendaire; l'autre fois, c'est la période
électorale; une plus récente fois, à la suite de la
période électorale, à la demande de nombreux groupes parce
qu'il était prévu que la commission parlementaire allait se tenir
au mois de juin.
M. Rivest: Ce n'est pas vrai.
M. Marois: Je regrette, j'entends le député de
Jean-Talon dire: "Ce n'est pas vrai. " On sortira les télégrammes
qui nous ont été envoyés par divers groupes, nous
demandant de reporter à l'automne la tenue de la commission
parlementaire. On voulait que ce soit un exercice sérieux et,
d'ailleurs, le député de Jean-Talon contribue lui-même
largement à faire en sorte que ce soit un exercice sérieux,
valable, très positif.
M. Rivest: II veut m'empêcher de faire ma question de
règlement en me lançant des fleurs.
M. Marois: Cependant, vous nous dites dans votre deuxième
recommandation, après nous avoir recommandé d'abolir le droit de
grève, que le législateur trouve un autre mécanisme. Je
veux bien, mais on est ici ensemble dans un moment privilégié,
qui ne se présente pas tous les jours. Un forum comme celui-là -
c'est justement le député de Jean-Talon qui le rappelait -
ça ne s'est pas tenu souvent; à vrai dire, ça ne s'est
jamais tenu, sauf à l'occasion d'un débat sur des projets de loi
précis. Je serais porté à vous demander: Quel autre
mécanisme? Le mécanisme de l'arbitrage obligatoire? C'est un
mécanisme qui a déjà été mis à
l'épreuve et le mécanisme de l'arbitrage obligatoire n'est pas
sans poser d'énormes problèmes parce que ça reviendrait
notamment, mais pas exclusivement, à remettre la responsabilité
budgétaire, la responsabilité des fonds publics à un
tiers, parce que des décisions d'arbitrage impliquent forcément
qu'on touche des conditions de travail, donc des conditions de salaires, des
bénéfices marginaux qui impliquent aussi du budget, qui
sont payés par les citoyens et les citoyennes du Québec.
Cela revient à remettre entre les mains d'un tiers la
responsabilité budgétaire en partie, d'une part. Quoi d'autre, la
négociation permanente? La négociation permanente ouvre
immédiatement la porte au concept correspondant de grèves
permanentes et ça nous mène où? Quoi d'autre, une
prolongation de la durée des conventions collectives? À la
dernière ronde de négociations, comme vous le savez, le
gouvernement et les parties impliquées ont porté à trois
ans et demi la durée de la convention collective qui était de
trois ans. Est-ce qu'il faut regarder la possibilité de prolonger? Quel
autre mécanisme, d'après vous, serait-il possible d'envisager,
sinon la piste, qui me paraît être une piste responsable dans le
respect profond des valeurs de cette société qui sont
accrochées à des droits?
Vous citiez la plus récente encyclique du pape; je n'ai pas eu le
loisir de la lire. Vous en citiez des extraits où justement il est bien
fait mention des droits des uns, des droits collectifs des travailleurs
à des conditions et, forcément, à un certain nombre de
mécanismes, dont le droit à la grève pour, le cas
échéant, faire valoir leurs droits. On parle aussi du droit
fondamental des citoyens et des citoyennes à avoir accès à
leurs services de base, de fond, à ce que les conditions soient
là pour que la vie même des gens ne soit pas mise en péril.
Vous en citiez justement un extrait où il serait fait mention justement
dans cette encyclique, que la limite du droit des uns, c'est justement le
concept d'abus.
Or, il est ressorti jusqu'à présent, dans les travaux de
notre commission, une amélioration de la situation. Quand on la regarde
dans une perspective un peu historique, quand on remonte aux années
soixante-dix même avant, à partir du moment où le droit de
grève a été reconnu et puis, plus récemment, en
1972, 1976, 1979, on voit une piste d'amélioration. Est-ce qu'on va
courir le risque, comme société, de balancer cette piste ou
est-ce que, comme société, on va tenter de mettre ensemble
l'imaqination au pouvoir? Je sais bien qu'il n'y a pas de solution magique, je
l'ai répété moi-même à plusieurs reprises,
mais chacun devrait vraiment assumer au maximum ses responsabilités en
tenant compte que, dans une société - je terminerai
là-dessus - on n'est pas des robots, des machines, on est des humains.
Celui qui vous parle n'est pas exclu de cela; il y a souvent en chacun de nous
le meilleur et le pire et, hélas, il y a des moments où c'est le
pire qui ressort, mais, Dieu merci, il y a souvent aussi des moments où
c'est le meilleur qui ressort.
Ceci étant dit, si vous maintenez cette piste de balancer cette
perspective d'amélioration d'un régime qui n'est pas parfait,
loin de là... II faut l'admettre, il y a eu des cas d'abus; on en a
signalé; on a mis le doigt sur un certain nombre et même sur un
certain nombre de causes aussi, me semble-t-il, plus nos travaux avancent. Vous
dites: Que le législateur trouve un autre mécanisme. Justement,
pouvez-vous donner un coup de main au législateur? Quel autre
mécanisme?
Je m'excuse, M. le Président, j'ai peut-être pris un peu
trop de temps.
Le Président (M. Rodrigue): M. Lambert.
M. Lambert: Notre organisme ne s'est pas arrêté
à étudier en détail les mécanismes qui pourraient
être mis en vigueur pour assurer la continuité des services de
santé tout en respectant, bien sûr, le droit des travailleurs de
faire valoir véritablement leurs revendications et d'utiliser les moyens
de pression dont ils ont aussi besoin. Ce que nous recherchons
évidemment, ce sont ces deux objectifs.
Dans les recommandations que vous avez devant vous, peut-être que
l'une des trois peut vous satisfaire et réussir à atteindre les
objectifs que nous visons. Nous ne recommandons pas l'abolition du droit de
grève simplement pour dire qu'on abolit le droit de grève; c'est
un moyen qui, actuellement, sert à des salariés à faire
des revendications, mais cela pourrait être aussi un moyen de mettre fin
à la grève, même si l'abolition du droit de grève ne
garantit pas qu'il n'y aura pas de grève. Comme vous avez
mentionné tout à l'heure, on ne fait pas faire par les lois ce
qu'on ne peut pas faire par les moeurs.
L'esprit dans lequel on a rédigé notre deuxième
recommandation, c'est en se disant que, si on abolit le droit de grève,
il faut le remplacer par un autre moyen qui permettra aux salariés de
faire valoir leurs droits. C'est ce qu'on voulait dire par la deuxième
recommandation.
Quant à notre troisième recommandation, nous savons
qu'actuellement il existe un système de négociation dans le
secteur public, qu'il y a déjà des mécanismes en place,
qui pourraient évidemment être révisés pour
atteindre les objectifs que l'on poursuit, assurer une continuité, dans
les services de santé et permettre tout de même aux travailleurs
de faire valoir leurs droits.
Il y a trois avenues possibles dans nos recommandations. J'ai d'ailleurs
mentionné dans ce que j'ai ajouté après, ce que l'on vise,
c'est d'assurer une continuité de services, donner aux travailleurs tous
leurs droits, leur permettre de faire valoir les droits qu'ils ont. C'est pour
cela qu'on n'a pas voulu s'aventurer dans notre mémoire à faire
des recommandations précises sur des mécanismes qui pourraient
être mis en place,
mais...
M. Marois: Mais... Ah! je m'excuse.
M. Lambert:... notre organisme, évidemment, serait sans
doute heureux de participer, selon ses moyens et sa compétence, à
tenter de trouver des mécanismes qui pourraient permettre d'atteindre
ces objectifs ou encore d'améliorer ceux déjà
existants.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: M. Lambert, je dois d'abord dire que j'admire
énormément le travail bénévole d'un organisme comme
le vôtre, parce que je pense qu'on est en face d'un organisme qui n'a
vraiment pas d'intérêt particulier et que vous pensez vraiment
à l'intérêt public. (22 h 15)
Je veux reprendre un peu les paroles du ministre, parce que, quand il
vous a posé la question, je le trouvais doux, je le trouvais beau, je le
trouvais fin, mais, à la fin, il vous a dit: M. Lambert, aidez-moi
à trouver une solution. C'est remarquable qu'il n'ait pas demandé
la même chose aux chefs des syndicats: S'il vous plaît, aidez-moi
à trouver une solution. Il vous a posé cette question à
vous.
Pour moi, le dilemme dans lequel le ministre se trouve est le suivant et
je pense que vous avez compris ce dilemme, et c'est ce que j'ai compris de
votre mémoire. Vous dites: Si on retient le droit de grève, ce
que le ministre veut, ce qu'il a annoncé déjà et, en
même temps, si on veut protéger les usagers en ce qui concerne les
services essentiels, on commence à mitiger le droit de grève, et
une grève douce - et là vous reprenez mes paroles - une
grève douce ne marche pas bien; une grève doit faire mal pour
obtenir des résultats. C'est un peu comme une femme qui dit: Je pense
que je suis un peu enceinte. Je suis enceinte ou je ne suis pas enceinte. On ne
peut pas être un peu enceinte. J'ai lu votre mémoire comme
cela.
Ce que j'aimerais savoir de vous, vous recommandez l'abolition du droit
de grève dans le secteur de la santé, croyez-vous, par vos
constatations, dans votre organisme, que les problèmes et les abus sont
tellement graves que le gouvernement devrait sérieusement
considérer d'abolir ce droit de grève? Parce qu'il y a tout de
même un choix à faire qui est assez délicat.
M. Lambert: J'ai entendu juste avant nous la discussion qui a eu
lieu avec la Fédération des infirmiers et infirmières et
on a discuté assez longtemps de la notion de services essentiels et du
maintien des services essentiels. Évidemment, les expériences
vécues dans le passé concernant les services essentiels ne sont
pas étrangères aux trois recommandations que nous vous faisons.
Mais nous avons quand même constaté qu'il existe tout de
même, du moins dans l'esprit de la commission et même du ministre,
une intention ferme de faire en sorte que les services essentiels soient
maintenus lorsqu'ils sont négociés mais que cela ne devienne pas
un deuxième moyen de pression qui s'ajoute à la grève et
à d'autres moyens de pression qui existent déjà.
C'est déjà un pas de fait dans le sens de notre
recommandation au paragraphe c), qui dit qu'on va essayer de changer des
choses, de les améliorer, qui peut être dans le sens de
l'amélioration de ce qui existe actuellement.
Ce que je pense personnellement des services essentiels, c'est
qu'actuellement on n'a pas encore défini ce que sont les services
essentiels. Il me paraîtrait essentiel de définir d'abord les
services essentiels, de se donner une notion des services essentiels. Je pense
qu'après cela, ce sera facile pour les parties de les établir.
Ces services essentiels ne peuvent pas s'établir par la loi. Il
appartient, je pense, aux parties en cause de les négocier, mais il faut
d'abord en avoir des notions.
M. Polak: J'ai une deuxième question, qui est ma
dernière. Vous parlez dans votre mémoire à la page 8 et
à la page 9 du bénévolat. C'est la première fois
qu'on entend parler de cela depuis hier et, personnellement, je ne suis pas
très au courant des restrictions qui s'appliquent, mais pourriez-vous
expliquer ça, est-ce que c'est vrai que le bénévole est
empêché d'exercer sa tâche durant une grève? Quelle
est la situation actuelle?
M. Lambert: Là-dessus, je vais demander au
secrétaire général de vous répondre, étant
donné que le bénévolat, c'est surtout dans les
régions de Québec et de Montréal qu'il y en a. Moi, dans
ma région, je n'en ai pas, je ne peux pas vous donner de cas
précis, mais M. Tremblay pourrait peut-être répondre.
M. Polak: D'accord.
M. Tremblay (Jean-Claude): À ma connaissance, si vous me
permettez, je pourrais revenir un peu en arrière et en même temps
je vais répondre à votre question.
Le ministre parlait tantôt de remèdes ou de solutions; j'ai
eu le privilège de participer, à titre de directeur
général de l'Association des hôpitaux du Québec,
à la commission parlementaire qui a précédé
l'adoption de la loi 59. À l'époque, M. le
ministre se souviendra qu'il y a eu toute une série de
propositions qui ont été présentées à la
fois par mon organisme et beaucoup d'autres et qui auraient pu constituer des
remèdes mécaniques, peut-être même des solutions
à ce que vous cherchez. Il n'y a pas de doute dans mon esprit que vous
avez dû évaluer ces recommandations et, si la question se pose
encore aujourd'hui, c'est que vous n'avez pas vous non plus sans doute
trouvé la solution magique. Nous, on croit qu'avec le cheminement qu'on
a fait pour aboutir à ce mémoire, cheminement qui a
impliqué des témoignages de la part de médecins, des
recherches, parce que l'approche est assez médicale, reposant d'abord
sur une approche de valeurs, mais l'approche des services essentiels est
plutôt médicale, par opposition à la dichotomie ou au
rapport de forces syndical-patronal. Dans ce sens, on est arrivé aussi,
un peu malgré nous, à la conclusion qu'il n'y avait pas de
remède magique. C'est ce qui nous a amenés à venir vous
faire une présentation sur des principes de fond, en se situant et en
souhaitant rester au-delà du mécanisme des relations de
travail.
Le fond qu'on vous soumet suggère, lui, qu'il n'y a pas de
solution intermédiaire. Voici la conclusion à laquelle on a
abouti, malheureusement, il faut abolir le droit de grève.
Je reviens maintenant à la question précédente que
vous posiez. Pour celle que vous venez de poser, il n'y a pas de loi qui
empêche le travail des bénévoles, c'est plutôt
l'inspiration ou l'esprit de la loi 59, lorsqu'elle dit que nul ne peut
contrevenir à la liste ou au personnel sur lequel on s'est entendu,
ainsi qu'au phénomène de piquetage, qu'on rencontre assez
fréquemment lors de grèves dans des hôpitaux, qui
empêchent non seulement la libre circulation des bénévoles
à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôpital,
mais aussi le service qu'ils pourraient contribuer à rendre aux malades,
dans des cas où un tel service peut s'apparenter à une
tâche habituellement exécutée par un employé; auquel
cas ces gens deviennent, à toutes fins utiles, des "scabs". C'est ce qui
empêche, de façon massive, la participation des
bénévoles. Il y a des cas qui sont venus à notre
connaissance et qui ont empêché que l'on pallie les effets
très négatifs d'une grève -c'est toujours négatif
de toute façon - par une utilisation un peu plus large des
bénévoles qui étaient disposés à le
faire.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Hains, député
de Saint-Henri.
M. Hains: M. Lambert, j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt, et je dirai même avec beaucoup
d'édification, votre mémoire sur les valeurs humaines et
chrétiennes dans les services de santé et la place
privilégiée que vous accordez aux malades dans vos
préoccupations et dans votre carrefour.
Logiquement, à la suite de vos remarques, vous concluez que le
droit de grève doit être aboli. Est-ce la vraie solution? Depuis
deux jours, nous entendons les positions de différents organismes sur ce
sujet. La plupart arrivent à un consensus pour le maintien du droit de
grève, afin, dit-on, de ne pas plonger à nouveau la
société dans un chaos et de faire marche arrière. Mais
tous s'accordent pourtant pour perfectionner et assurer les services
essentiels, jugeant cette condition vraiment sine qua non.
Vous dites, à la page 10 de votre mémoire: "II existe au
Québec un fort attachement traditionnel à des valeurs humaines et
chrétiennes. Même dans un système orienté vers
l'efficacité, l'altruisme et la compassion ont toujours leur place.
Alors, je vous pose cette question: Ne croyez-vous pas qu'il est possible de
faire un compromis entre les droits des malades et les droits des travailleurs?
Ou encore faire un pacte entre la charité et la justice? Charité
envers les malades et justice aussi envers les travailleurs. Il est vrai qu'il
est difficile de concevoir une grève gentille, comme le dit votre
président, le Dr Paul David. Mais croyez-vous qu'il est impossible et
irréalisable d'avoir une grève plus humaine, qui respecterait nos
malades, leur assurant des services essentiels et même bienveillants
auxquels ils ont droit et que semblait nous promettre tout à l'heure M.
le ministre.
M. Lambert: Dans notre esprit, je pense qu'il y a, dans tout ce
phénomène de processus de négociation, une question
d'attitude. Nous avons mentionné, dans notre mémoire, que nous
étions un peu tous responsables de la situation dans laquelle nous nous
trouvons et, comme citoyens, nous avons aussi à prendre nos
responsabilités. Je crois qu'il est possible, dans le contexte actuel,
de faire appel encore à la bonne volonté des gens et à
leur bonne foi. Je dis que, si on met le malade au centre de notre
préoccupation, notre façon d'aborder la négociation va
être différente parce que, finalement, c'est tout de même
pour assurer des services à des malades que les établissements
existent. C'est même la raison d'être. S'il n'y avait pas de
malades, il n'y aurait pas d'établissements.
J'ai encore confiance, en 1981. Je dis qu'il y a encore des hommes de
bonne volonté qui sont capables d'adopter une attitude - des hommes et
des femmes aussi -qui est dirigée vers les valeurs humaines et plus
spécifiquement, disons, dans le domaine de la santé, dans les
hôpitaux, où ce sont
des humains qui travaillent avec ries humains sur des êtres
humains. Le facteur humain est extrêmement important dans le domaine de
la santé. On ne fabrique pas des automobiles ou des biscuits au
chocolat. Notre raison d'être, c'est le bénéficiaire.
Alors, c'est en fonction du bénéficiaire qu'on doit travailler et
tout ce qui se fait, tous nos qestes doivent être dirigés en
fonction de ce bénéficiaire, dans le but de lui donner les
services de santé auxquels il a droit.
L'article 4 de la loi garantit aux citoyens du Québec des
services de santé. Même en période de crise, la loi ne
permet pas que ces services de santé puissent être réduits.
C'est donc dire que toute la notion de services essentiels dont on parle doit
être basée sur ce centre d'intérêt que doit
être le malade et aussi sur les droits qui lui sont consentis dans la
loi. Je ne pense pas que les services essentiels soient des services de
qualité réduite. Les services essentiels, à mon avis,
doivent être des services normaux, mais qui sont dispensés
à une population réduite en période de grève. Ce
n'est pas la notion, disons, d'urgence. Ce n'est pas défini, les
services essentiels. Parfois, il y a confusion avec l'urgence. Mais les
services essentiels devraient être définis en fonction des
services à donner aux bénéficiaires. J'ai
énormément foi dans la bonne volonté et dans le changement
d'attitude, je pense, que les gens devraient apporter pour aborder leur future
négociation. Il m'apparaît important qu'au point de départ,
les grandes orientations se fassent en fonction de cela.
Il y a un ministre du Travail qui, à un moment donné,
disait que la plupart des conflits qui arrivent dans le milieu du travail ou
ailleurs ont souvent comme cause le fait que les parties en cause ne
connaissent pas leurs problèmes mutuels. Au début d'une
négociation, il m'apparaîtrait important, si on veut vraiment
aborder une négociation dans le sens que j'ai mentionné tout
à l'heure, que les problèmes que l'on vit, les problèmes
que l'on veut corriger, on les mette sur la table au début afin de fixer
un objectif à la négociation. Je pense que, de cette
façon, on réussirait à s'entendre, parce qu'il y a
toujours moyen de s'entendre et, possiblement, de négocier une
convention collective de travail sans grève. Même si le droit est
là, il deviendrait à peu près inopérant. Je pense
qu'il y a encore possibilité, même aujourd'hui, de négocier
des conventions collectives sans qu'il soit nécessaire d'utiliser la
force. Je pense que la négociation d'une convention collective devrait
être une occasion pour les parties de se rapprocher et non pas de lutter
ou de se battre les unes contres les autres.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Dougherty (Jacgues-Cartier).
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre mémoire.
Je n'ai pas vraiment une question, mais j'ai un commentaire. Je crois que
l'orientation de votre mémoire rejoint les notions de base que nous
avons entendues hier soir de la part de la Corporation des médecins. (22
h 30)
À la page 7, quand vous parlez des services essentiels, vous
dites que " la notion de services essentiels dans sa conception même tend
à favoriser un minimum de services. " Et à la fin du paragraphe
vous dites: " Le fait de ne pas voir son nom sur une liste de personnel
essentiel implique une dévalorisation des tâches du personnel. Ce
phénomène de dévalorisation demeure même
après le conflit dans les rangs des travailleurs. "
Je crois que vous avez exprimé ici quelque chose qui est
très important. Vous avez souligné ce qui est, pour moi, une
certaine hypocrisie dans notre recherche, dans notre tâche, parce que,
comme je l'ai dit hier, un système adversaire de négociation,
c'est la guerre. Dans un certain sens on peut dire que notre tâche c'est
d'établir des règles de jeu pour avoir une petite guerre et non
pas une qrosse guerre. Ce n'est pas réaliste et au fur et à
mesure que j'écoute les mémoires dans cette commission
parlementaire je suis persuadée que dans le secteur de la santé
dont vous avez parlé peut-être les droits des malades sont
indivisibles.
Je ne sais pas si vous avez des commentaires, mais j'aimerais exprimer
mes sentiments à l'heure actuelle.
M. Tremblay: Avec la permission du président...
Le Président (M. Rodrigue): Je vous en prie.
M. Tremblay: Je crois qu'il est effectivement
précisé dans le mémoire, j'essaie de trouver où...
Quand on parle des composantes de la santé, Mme la
députée, on insiste à ce moment-là pour parler de
la complémentarité - à la page 5 à ce qu'on me dit
- ainsi que de l'inséparabilité de chacune des composantes.
Je vous reporte au paragraphe 5. 1 où nous disons que " les
quatre composantes de l'équilibre que comporte la santé sont
aussi importantes l'une que l'autre et touchent à
l'intégrité de la personne humaine. À ce titre elles sont
inséparables et essentielles. "
Il ne nous est pas arrivé fréquemment d'avoir à
analyser les effets d'une mise en déséquilibre ou d'une
instabilité sur un plan psychologigue plutôt que physique, et ces
éléments-là, de même que les éléments
socio-économiques et spirituels, touchent autant l'un que l'autre
à l'équilibre général
d'un être humain.
Dans le sens de votre commentaire, nous sommes parfaitement d'accord que
ces éléments-là demeurent inséparables et
essentiels.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député
de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Je crois dénoter,
à la suite de certaines de vos remarques, M. Lambert, qu'il y a
peut-être plus de consensus qui se déqaqe entre vos remarques et
les discussions depuis deux jours que ce qui peut paraître à
première vue.
Vous avez bien insisté sur la question des attitudes, du
comportement, de la bonne foi, de l'approche d'être humains des deux
côtés de la table de négociation dans un domaine, entre
autres, où l'objet du travail était les êtres humains. Je
pense que beaucoup des intervenants depuis deux jours ont insisté ou ont
convenu que c'était un élément très important dans
une solution aux problèmes.
Il arrive des fois qu'une partie trouve plus à suggérer
dans le comportement de l'autre que dans le sien, mais, quand même, cela
est peut-être humain. Je pense que tout le monde est d'accord que les
attitudes, le comportement, la bonne foi, au fond, c'est l'approche de base qui
va permettre une solution aux problèmes.
Deuxièmement, un de vos porte-parole a parlé de la
possibilité de négocier sans que la grève soit
inévitablement le résultat. Effectivement, une centrale majeure,
pour la première fois, en 1979, n'a pas fait la grève. Il y a eu
une solution de dernière minute par la peau des dents, mais, quand
même, il n'y a pas eu de grève de ce qroupe qui représente
un grand nombre de travailleurs et de travailleuses du secteur de la
santé. C'est la centrale FTQ. Aussi, d'autres groupes syndiqués
ont constaté que les qrèves, s'il y en avait en 1979,
étaient de courte durée. Donc, il y a eu une amélioration
en 1979 avec certains mécanismes introduits dans la loi entre 1976 et
1979.
Vous avez aussi soulevé un point quand vous avez dit, si j'ai
bien compris: La notion de services essentiels ne veut pas dire des services de
qualité réduite, mais des services de qualité égale
qui pourraient être appliqués ou administrés à moins
de gens au moment d'une grève. Effectivement, d'après tous les
témoignaqes, on constate qu'en prévision d'une grève, si
malheureusement le mécanisme de négociation n'amène pas
une solution, il y a effectivement une réduction de la population. Il y
a cet élément où en principe et même en pratique,
à un degré peut-être pas parfait encore, il semble y avoir
une union des esprits et peut-être un lien entre les principes et la
pratique qui s'amorce.
Vous avez bien dit aussi que c'est difficile de définir les
services essentiels et beaucoup d'intervenants étaient d'accord avec
cela, en insistant justement sur le fait que le concept de services essentiels
peut varier énormément d'un établissement à un
autre, d'une région à une autre. Y a-t-il 25 hôpitaux
à deux coins de rue ou y a-t-il seulement un hôpital dans une
ville isolée? Cela peut faire une énorme différence dans
la définition. Là-dessus aussi, il y a consensus. Un autre point,
c'est que c'est aux parties de les définir. Les syndiqués surtout
ont beaucoup insisté sur le fait que ceux qui vivent sur le plan
établissement par établissement, avec la réalité de
tous les jours, sont mieux placés que tout autre qroupe pour s'entendre
éventuellement sur des services essentiels.
Quelqu'un a évoqué la question des
bénévoles. Je ne sais pas si j'ai rêvé, mais il me
semble que j'ai entendu ou lu dans les volumineux mémoires ou dans les
déclarations de quelqu'un qu'effectivement au moins certains syndicats
ne rejettent pas l'idée qu'advenant une réduction temporaire du
volume de services des parents et des amis puissent donner un coup de main, au
moins dans les soins, dans le fait d'accompagner les malades pendant les
périodes où il n'y a pas urgence. Il se peut que dans certaines
situations on ait rejeté le concept des bénévoles, mais je
sais qu'il y en a d'autres qui, effectivement, ont accepté l'idée
des bénévoles et accepteraient encore qu'un certain nombre de
bénévoles donnent un coup de main, surtout les parents ou les
proches des personnes en difficulté.
J'ai dit tantôt qu'un bon nombre d'intervenants ont
prétendu que le système s'était quand même
amélioré de beaucoup en 1979 par rapport à 1976.
Peut-être un début de question à la fin de mes remarques
serait: Êtes-vous d'accord, selon votre expérience, selon vos
lumières, qu'en 1979, la dernière fois, c'était au moins
mieux, même si ce n'était pas parfait? Y avait-il une
amélioration par rapport aux années
précédentes?
II y a une autre chose qui a été évoquée et
sur laquelle j'aimerais avoir les lumières de votre groupe, selon vos
expériences. Il y a des syndiqués ou une centrale, je pense, qui
a dit: Nous, quand on cherche à déterminer les services
essentiels, on prend comme base les services fournis durant les fins de semaine
à longueur d'année.
Une des suqqestions que certains syndiqués ont faites c'est qu'un
mécanisme devrait exister à longueur d'année pour
surveiller la qualité et la quantité de soins fournis, de
façon à être mieux équipés pour
définir les besoins, établissement par
établissement, lorsqu'il arrive une période de
négociation. Je voudrais savoir votre idée sur le concept, comme
point de départ, de services fournis toute l'année en fin de
semaine ou dans les périodes de vacances quand on ferme les
étages, les lits. Ce n'est pas en temps de grève.
Est-ce qu'on doit présumer que des services continus et
accessibles de qualité sont fournis les fins de semaine? Il y a moins de
services, espérons que la qualité y est. Il y a une chose qui me
porte à donner raison, au moins en partie, à ceux qui disent
qu'il faut partir peut-être d'un barème comme ça, les
services qu'on donne toute l'année. Ce n'est pas juste en temps de
négociation qu'on peut se poser des questions.
Je peux vous citer deux exemples très récents. Il y a deux
semaines - c'est venu à ma connaissance - dans mon comté, une
femme s'est fait opérer un vendredi matin pour un cancer du sein. Quand
elle s'est fait endormir, elle ne savait pas qu'elle avait le cancer, elle
pensait que c'étaient des kystes. Mais elle se réveille avec une
opération majeure pratiquée pendant qu'elle dormait parce que
c'était effectivement un cancer assez avancé. En plus du choc
pyschologique, elle s'est trouvée, trois heures après avoir
été transportée dans la salle de réveil, en
automobile, en route pour chez elle parce qu'on ferme l'hôpital en fin de
semaine ou on ferme une étage en fin de semaine. Je trouve ça
aberrant et ça, ce n'est pas une situation de temps de grève,
c'est une situation durant la paix et où on présume qu'on a des
services de qualité, accessibles et tout ça.
Je peux vous citer un autre exemple que j'ai vécu
personnellement, un vendredi matin en temps de paix, en temps de
non-négociation, des opérations en série pour des
amygdales, environ 50 enfants. Vers midi, on informe les parents qu'il faut que
tous les enfants quittent l'hôpital au cours de l'après-midi parce
que l'aile se ferme pour la fin de semaine. On a jusqu'à 15 h 30 ou 15 h
45. Alors, on expédie les enfants un après l'autre vers les
taxis, vers les automobiles. Il y a un enfant du qroupe qui a l'air très
pâle avec les lèvres bleues que les parents refusent de
déplacer tout de suite. Finalement, ce sont les derniers qui restent, on
pousse l'enfant en civière, les autres enfants étant assez bien
pour qu'ils soient portés dans les bras de leurs parents ou en chaise
roulante vers les taxis ou les automobiles. Mais on pousse cet enfant en
civière vers la sortie de l'hôpital. Les parents, finalement, font
une crise comme on dit, exigent la présence d'un médecin et on
constate que l'enfant est en état d'hémorragie. Cela a
nécessité quatre jours de soins intensifs et des transfusions de
sang. Deux cas peut-être parmi tant d'autres. On invoque les cas qu'on
connaît mais combien d'autres se produisent à longueur
d'année. Cela nous permet certainement de nous poser des questions
sérieuses. Doit-on considérer les services essentiels toute
l'année pour mieux définir les services essentiels au moment des
négociations? Sur la question de l'amélioration en 1979... (22 h
4\5)
Je m'excuse de cette longue intervention parce que je trouve qu'il y a
un certain arrimage qui se fait entre certains principes, les aspirations et
objectifs évoqués par votre groupe et ce qui s'est
déjà dit. Peut-être, avec ce mariage de principes et de
réalités vécues, il y aura moyen d'améliorer de
façon que l'humanité du système soit maintenue en tout
temps. J'aimerais quand même vous rappeler que j'ai deux petites
questions à poser sur tout cela. Est-ce que, d'après vos
lumières, la situation était un peu ou beaucoup mieux en 1979 que
les années précédentes? Que pensez-vous de la
possibilité d'utiliser la réalité des fins de semaine
à longueur d'année comme genre de barème, admettant que
cette situation soit adaptable, pour la définition des services
essentiels au moment des négociations?
Le Président (M. Rodrigue): M. Lambert.
M. Lambert: Concernant l'amélioration qui a pu être
constatée entre la grève de 1979 et celle de 1976, je pense que
je ne vous annoncerai rien de nouveau, cela a été dit dans le
temps, dans les jours qui ont suivi la grève, qu'il y avait eu
amélioration. Effectivement, lors de la dernière grève en
1979, il n'y a pas eu les arrêts sporadiques qu'on avait connus en 1976,
en 1972 et en 1968; on n'a pas vécu cela en 1979. C'était
déjà une amélioration, parce qu'on n'avait pas à
faire face à des situations imprévues, à un
débrayage sporadigue, instantané; on n'a pas vécu cela.
Est-ce que c'est dû à la loi nouvelle qui existait à ce
moment-là ou à autre chose? De toute façon, on n'en a pas
eu, cela constitue une amélioration.
Pour autant que la région d'où je viens est
concernée, nous avions constaté aussi une amélioration en
ce sens que c'était peut-être moins sauvage, comme on dit, que
cela a été plus civilisé que cela l'a peut-être
été dans le passé. On a constaté cela. Je ne peux
pas vous dire ce qui s'est passé dans les autres régions de la
province. Dans l'ensemble de la province, je ne peux pas vous dire ce qu'il en
était, mais j'imagine que c'était la même chose un peu
partout.
Concernant les effectifs en fin de semaine, pendant les périodes
de vacances, la période de fêtes, etc., lorsque nous fermons des
services pour permettre au personnel de prendre des vacances, nous devons nous
assurer que, pendant ces périodes, les services sont assurés de
façon normale à
ceux qui sont hospitalisés ou à ceux qui auront des
besoins pendant ces périodes. Ce serait peut-être idéal, si
on en avait les moyens, de faire fonctionner nos hôpitaux sept jours
plutôt que cinq jours. Actuellement, ce n'est peut-être pas
pensable, mais cela améliorerait peut-être la situation de sorte
que, au niveau de la planification de nos ressources humaines, ce serait
beaucoup plus facile d'organiser des horaires de travail, parce que cela
deviendrait régulier alors que, là, on a beaucoup plus de
personnel du lundi au vendredi qu'en fin de semaine, quand il y a moins
d'hospitalisation. Les congés se donnent le vendredi. Vous avez une
population réduite dans l'établissement en fin de semaine. On
réduit le personnel en conséquence et, le lundi, il faut
reprendre. Cela fait des hauts et des bas. Ce n'est pas aussi
intéressant, c'est plus difficile à contrôler que si vous
avez un fonctionnement uniforme.
Par contre, il faut aussi tenir compte des habitudes de la population.
Si vous appelez une personne pour l'hospitaliser le vendredi après-midi,
elle n'est pas tellement contente et elle va dire: Je vais attendre à
lundi; en fin de semaine je ferai un voyage ou autre chose. Les gens ne sont
pas intéressés à entrer à l'hôpital en fin de
semaine, ni pendant les vacances d'été, ni pendant la
période des fêtes. Le fait de fermer des services pendant ces
périodes, cela ne prive pas, à notre avis, la population des
soins, parce que ce sont des périodes où,
généralement, la demande pour des services est réduite
à la volonté de la population elle-même. Si ce n'est pas un
cas urgent, on aime mieux attendre à l'automne pour subir une
intervention ou des opérations quelconques.
Évidemment, le cas que vous me citiez, la civière, votre
petit cas d'amygdales, enfin le cas d'amygdales en hémorragie, ce sont
des choses qui peuvent arriver; ce n'est peut-être pas un indice, c'est
peut-être un cas occasionnel, un cas fortuit qu'il ne faut pas
généraliser, mais ce sont des choses qui peuvent arriver. Des
erreurs de jugement ou des erreurs humaines peuvent arriver. Heureusement, dans
le cas que vous avez cité, on a pu se rendre compte à temps de la
situation, mais je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons
constamment être à l'affût de la qualité des services
que nous donnons, vérifier régulièrement si notre effectif
et si les équipements que nous avons aussi sont suffisants. Il existe
dans des établissements, concernant l'équipement, des
comités qu'on appelle le Conseil consultatif du personnel clinique qui
peut assumer cette responsabilité de voir à ce que les
équipements scientifiques et techniques soient dans un état
acceptable pour répondre aux besoins de nos malades.
M. Dean: Seulement deux petites questions supplémentaires.
Vous avez utilisé l'expression "quand nous fermons les lits ou les ailes
en fin de semaine" c'est qui, nous?
M. Lambert: Au cours des fins de semaine, les
établissements donnent des congés au personnel,
c'est-à-dire le samedi et le dimanche.
M. Dean: Non, mais vous dites "nous fermons", êtes-vous
impliqué par votre travail?
M. Lambert: Oui, je suis dans un établissement. Je suis
directeur général d'un centre hospitalier.
M. Dean: D'accord, je n'avais pas saisi cela tantôt.
M. Lambert: Je dis nous, c'est parce que...
M. Dean: Maintenant, quand on parle de la qualité des
soins, pour revenir à cette femme qui a été sortie de
l'hôpital après une opération grave, je présume
qu'un médecin a pris la décision de lui donner son congé,
ce ne sont pas les travailleurs syndiqués qui sont responsables de cela?
Si cela arrive une fois, cela peut arriver beaucoup plus souvent,
j'imagine.
M. Lambert: II existe vraiment des mécanismes qui
permettent de vérifier. Si cela se produit, il y a le Conseil des
médecins et dentistes qui a la responsabilité de contrôler
et de surveiller la qualité des soins médicaux dans
l'établissement. Dans des cas semblables, il a un rôle à
jouer et il doit le jouer. C'est sa responsabilité.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier
Carrefour des chrétiens d'être venu aujourd'hui. C'est la
première fois qu'à cette commission nous entendons un groupe qui
ne soit ni patronal, ni syndical, au sens strict du mot. Quelqu'un hoche la
tête, en arrière. En tout cas, c'est l'impression que j'ai. Ce
sont, soit des représentants des organismes syndicaux ou des organismes
patronaux qui sont venus. Je trouve cela intéressant, parce que vous
pouvez aborder la situation avec plus d'objectivité. Je ne veux pas
accuser les autres de subjectivité, mais on est quand même juge et
partie quand on représente un organisme dont les intérêts
sont en jeu dans la discussion qui a cours ici, à notre commission
parlementaire.
Je voudrais d'abord, avant de vous poser des questions précises,
faire deux
petits commentaires sur l'intervention du député de
Prévost. Le député de Prévost vous posait une
question: Est-ce qu'on ne pourrait pas partir de la base connue des fermetures
de lits en fin de semaine et durant les vacances pour établir les
services essentiels, comme certains syndicats, ou au moins un, l'auraient
suggéré?
Dans un deuxième temps, il nous a fait part de situations qui
étaient vraiment intolérables, à l'entendre. Ce qu'il ne
faut pas oublier ici, c'est qu'il faudrait - il l'a peut-être
déjà fait auprès du gouvernement dont il est membre, il
est un député ministériel - que la fermeture des
hôpitaux en période d'été, qui va en s'allongeant et
en s'allongeant, je donne le cas d'un hôpital important qui ferme ses
portes et qui a fermé ses portes cette année du 12 juin au 14
septembre... excusez, j'ai fait la même erreur, non pas qui a
fermé ses portes, mais qui a réduit le nombre de ses lits d'une
façon très importante au point où on nous dit que la liste
d'attente qui, normalement, aurait dû être de cinq mois est de huit
mois, mais que ces trois mois on ne les compte pas dans la liste d'attente,
parce qu'à toutes fins utiles...
Cela est quand même le résultat de coupures
budgétaires qui sont allées en augmentant et qui continuent
d'aller en augmentant. Je n'aurais pas abordé, j'ai évité
de le faire jusqu'à maintenant, cette question de coupures
budgétaires, mais puisque à partir du modèle des coupures
budgétaires du gouvernement, on veut établir la notion de
services essentiels, il faut être extrêmement prudent, parce que,
je pense que M. Lambert l'a souligné, il l'a fait dans des termes
très doux, on n'est pas dans une situation tout à fait propice
à ouvrir plus de lits ou les laisser ouvrir pour de plus longues
périodes.
Il se peut également qu'il y ait des manques de jugement des
administrations hospitalières quant aux priorités qu'elles
établissent dans leurs coupures. Mais je pense que le même
reproche, et en premier lieu et en haut lieu, doit être fait au
gouvernement qui a fait des coupures budgétaires qui occasionnent ces
fermetures de lits pour des périodes trop longues, à cause, je
pense, d'un mauvais choix de priorités. Je pourrais peut-être
même citer le premier ministre, "à cause aussi d'un budget
adopté en catastrophe"; ça, c'est cité au texte. Alors, je
pense que c'est peut-être une mauvaise base à établir. Je
suis prête à admettre qu'il y a certainement des erreurs de
jugement dans les établissements, mais je pense qu'il ne faut pas
oublier non plus que, depuis cinq ans, les institutions hospitalières
sont soumises à un plan de redressement très sévère
et elles le sont encore davantage cette année. Elles espéraient
que, ayant rattrapé ou à peu près les déficits...
Jusqu'à ce moment-ci, le gouvernement n'a pas respecté
l'engagement que le ministre des Finances m'a donné à
répétition. Je pense qu'il vous le confirmera lui-même. Je
suis revenue plusieurs fois à la charge à l'Assemblée
nationale pour lui demander: Allez-vous respecter toutes les obligations qui
découlent du respect des conventions collectives que le gouvernement a
signées? Il me répondait toujours - et je prends encore sa parole
comme une parole de bonne foi -Fcoûtez, ce qu'on a signé comme
conventions collectives, il est élémentaire que nous le
respections. Mais, jusqu'à aujourd'hui, le coût total des
conventions collectives n'a pas été assumé par le
gouvernement; il le sera peut-être, je peux encore ne pas mettre en cause
la bonne foi du ministre des Finances, parce que l'année n'est pas
encore finie, mais, entre-temps, ce sont les établissements qui
supportent également ce déficit.
Je ne veux pas en parler plus longtemps, mais, avant d'établir
des espèces de parallèles entre des listes de services essentiels
qu'on pourrait établir à partir d'une situation qui n'est pas
déjà normale dans les hôpitaux, à cause des coupures
budgétaires, je pense qu'il faudrait être extrêmement
prudent. Par contre, je pense que, dans les autres cas que le
député de Prévost mentionnait, les deux cas très
vivants, très humains, il semble que là, il y ait des erreurs de
jugement de l'établissement lui-même; ça, j'en
conviens.
On a assisté à un drôle de phénomène
à cette commission parlementaire. Nous avons, d'une part, des syndicats
- c'est de bonne guerre, je le répète - qui viennent ici nous
dire: Cela a été beaucoup mieux en 1979 qu'en 1976. Mais, quand
on regarde -j'ai eu l'occasion de le dire cet après-midi -le nombre de
jours de grève dans le domaine de la santé et des services
sociaux, si on compare les deux rondes de négociations, ils ont
été de 405 000 jours-hommes perdus en 1976 et de 403 000
jours-hommes perdus en 1979 - il y a des centaines que j'échappe, parce
que je ne les ai pas en mémoire - et que vous-mêmes, dans votre
mémoire, à la page 7, parlez de la roulette russe en disant:
Écoutez, les services essentiels, il ne faut pas les considérer
uniquement en fonction -en admettant qu'il soient respectés et que les
listes soient adéquates - des gens qui sont dans les institutions ou
dans les établissements, mais également en fonction des gens qui
ne peuvent pas y être admis, qui subissent des délais qui peuvent
être très considérables, qui ont été
notés dans différents rapports que nous avons pu lire et sur
lesquels je ne reviendrai certainement pas, je pense que, si on
considère les services essentiels non seulement en fonction des gens
dans les établissements, mais également de ceux qui devraient y
entrer, de l'angoisse que ça leur crée, de l'inquiétude,
les 405 000 ou les 403 000 jours-hommes
perdus, je pense qu'on est dans des spéculations assez
hasardeuses, à savoir est-ce que c'est mieux ou est-ce que c'est pire?
Souhaitons que cela ait été mieux et qu'individuellement, il y
ait eu moins de dommages de causés ça, je suis prête
à l'admettre - et que peut-être il y ait plus de listes de
signées, etc., mais je pense qu'on est sur un terrain extrêmement
qlissant en essayant de créer l'impression que finalement le
problème va s'estomper. C'est d'ailleurs ce que le dernier groupe, qui
est venu avant vous, nous a dit: Écoutez, cela a bien été;
avec une autre petite ronde de négociations, ça devrait
être tout à fait bien, ne nous inquiétons pas. D'ailleurs,
je dois dire que même les membres du côté ministériel
se sont un peu inquiétés eux aussi ou en tout cas se posent des
questions, à savoir si ça va être aussi rose que cela. Pour
les syndicats, c'est de bonne guerre. Je pense qu'il est important que ces
choses-là soient rétablies parce qu'on assiste à une
espèce de commission parlementaire où, finalement... Je me
demande si, dans trois jours, on ne partira pas en disant: Écoutez! Tout
cela a été monté de toutes pièces, cela va bien et
c'était beaucoup mieux en 1979 qu'en 1976. Je voudrais bien que
quelqu'un me prouve cela noir sur blanc quand on regarde au moins le nombre de
jours-hommes perdus, qui a des conséquences sur les services qui sont
rendus. (23 heures)
M. Lambert, vous disiez: Oui, cela a été mieux parce que,
chez nous, on n'a pas assisté, comme en 1976, à des
débrayages sporadiques comme on en avait connu. Le groupe qui
était là avant vous nous a dit: Ecoutez! Nous, on n'a pas fait de
grève générale; on a fait des débrayages
sporadiques parce qu'on pensait que c'était moins dommageable.
Les grèves qui ont eu lieu en 1979 dans la région de
Québec ont toutes été des grèves sporadiques
pendant quatre mois, du mois de mars à la fin du mois de juin.
D'ailleurs, c'est M. Isabelle qui l'a lui-même dit durant l'audition. Je
veux remettre les choses dans leur perspective. J'arrive à ma question
et je m'excuse de cette longue parenthèse.
J'ai l'impression - et je suis sûre de ne pas me tromper - que
vous avez réfléchi probablement davantage que nous ne l'avons
fait - peut-être devrions-nous nous en blâmer sur tout ce
problème de droits, de primauté de droits, de valeurs, etc. Vous
dites pourtant, je pense que c'est dans votre conclusion: "Notre propos,
aujourd'hui, n'est pas de proposer un nouveau système de valeurs ni
même de s'entendre sur une hiérarchie entre elles. " Il reste que
depuis le début de cette commission, de part et d'autre de la table,
nous avons parfois échangé des propos avec nos invités,
à savoir s'il devrait y avoir une primauté du droit de la
population aux services de la santé ou si le droit à la
santé devrait être prioritaire sur le droit de grève des
travailleurs. De notre côté, à tort ou à raison, on
prétend que oui. Je me demande si ce point particulier, vous l'avez
examiné.
Je voudrais ici qu'on regarde deux secondes la Charte des droits et
libertés de la personne. Vous avez cité la loi no 48 qui dit
qu'en tout temps le citoyen a droit à des services continus et
adéquats de santé. Quand vous regardez la Charte des droits et
libertés de la personne - on me corrigera si j'en fais une mauvaise
interprétation parce que tout le monde sait que je ne suis pas juriste;
mais, en tout cas, je peux au moins lire avec mon bon sens...
Une voix: On va vous aider.
Mme Lavoïe-Roux: Je ne manque pas d'avocats autour de la
table.
M. Rivest: C'est vrai que vous n'êtes pas juriste.
M. Dean: Restez entre vous, avocats. C'est plus facile de
régler les problèmes.
Mme Lavoie-Roux: Mais il reste que dans la Charte des droits et
libertés de la personne, je trouve trois articles qui m'apparaissent
importants. La Charte des droits et libertés de la personne, on le dit,
a priorité sur toute autre chose, etc. L'article 1: "Tout être
humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté,
à l'intégrité physique et à la liberté de sa
personne. Il possède également la personnalité... " Enfin,
cela n'est pas approprié. L'article 39 de cette même Charte des
droits et libertés de la personne, surtout à un moment où
on parle tant des droits et libertés de la personne - on ne tombera pas
dans le débat constitutionnel; ne vous inquiétez pas - dit...
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée,
si vous me le permettez.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Le Président (M. Rodrigue): Le mandat de la commission,
c'est d'entendre des mémoires et de poser des questions à ceux
qui nous présentent les mémoires.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que je leur en pose une, M. le
Président.
Le Président (M. Rodrigue): Bien sûr, une question
nécessite un préambule, cela va de soi. Malheureusement, nous
avons un autre mémoire à entendre. Je voudrais vous inviter
à en venir rapidement à la question et permettre à M.
Lambert d'y répondre, de
façon que nous puissions entendre le mémoire de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, qui nous
attend quand même depuis dix heures ce matin, et il est 23 heures. Alors,
j'apprécierais que vous accélériez et que vous
résumiez pour permettre à M. Lambert de répondre
rapidement à la question.
Mme Lavoie-Roux: Je leur ai demandé s'ils avaient
réfléchi à ce problème de la primauté pour
la population du droit à des services de santé continus et
adéquats.
Le Président (M. Rodrigue): Vous seriez d'accord pour
qu'on leur demande de répondre à la question?
Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président,
je pense qu'il y en a d'autres autour de la table qui ont utilisé leur
droit de parole et je pense qu'on est ici pour ça.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée,
je ne veux pas vous priver de votre droit de parole. Cependant, je pense...
Mme Lavoie-Roux: Laissez-moi une demi-seconde et ça va
être beaucoup moins long, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous demande, quand
même, de me laisser terminer ma mise au point. Je pense que vous
êtes consciente qu'il y a un qroupe qui nous attend et qu'il est 23
heures. Si vous pouviez résumer rapidement, je demanderais à M.
Lambert de répondre et, par la suite, on passerait au qroupe
suivant.
Mme Lavoie-Roux: L'article 39 de la charte dit: " Tout enfant a
droit à la protection, à la sécurité et à
l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en
tiennent compte. " L'article 48 dit: Toute personne âgée ou toute
personne handicapée a droit d'être protégée contre
toute forme d'exploitation et toute personne a aussi droit à la
protection et à la sécurité.
Compte tenu, quand même, de ces droits qui sont exprimés
dans la Charte des droits et libertés de la personne, ma question
précise est: Vous êtes-vous penchés sur cette question de
droits prioritaires et est-ce que cela peut s'appliquer au problème
qu'on discute ici aujourd'hui?
M. Lambert: Oui, si vous reférez à la page 10 de
notre mémoire, au paragraphe 6. 3, nous disons: Nous soumettons
respectueusement "que les droits collectifs des malades doivent avoir
préséance sur les droits individuels des travailleurs quand leur
exercice parallèle devient divergent. " Je pense que ça
répond.
Mme Lavoie-Roux: La réponse est là. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Carrefour des chrétiens du Québec pour la
santé. Je les remercie également de leur patience parce qu'ils
sont là, eux aussi, depuis 10 heures ce matin.
Association des commissions scolaires protestantes du
Québec
J'invite les représentants de l'Association des commissions
scolaires protestantes du Québec à venir nous présenter
leur mémoire. Je crois que le mémoire doit être
présenté par M. William Smith. M. Smith, si vous voulez nous
présenter les personnes qui vous accompagnent, puis procéder
à la présentation de votre mémoire.
M. Smith (William): Merci, M. le Président. À ma
droite, Mme Grace Hone, vice-présidente de l'Association des commissions
scolaires protestantes du Québec et, à ma gauche, M. Michael
George, directeur des relations de travail de la Commission des écoles
protestantes du grand Montréal.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la
commission, il nous fait plaisir d'avoir cette occasion de vous soumettre nos
remarques et nos commentaires sur un sujet qui nous préoccupe
énormément, à savoir le système de
négociation dans le secteur public.
Je suis très conscient que vous avez entendu non seulement de
nombreux mémoires aujourd'hui, mais de nombreuses questions et
j'essaierai d'être très bref dans les circonstances.
Quand je dis que nous sommes préoccupés par les
négociations, c'est vrai, surtout dans leur conjonction avec d'autres
questions comme la hausse des coûts de l'éducation et la question
dont nous avons beaucoup parlé aujourd'hui, le maintien des services
essentiels.
En guise d'introduction, je dois vous dire que notre mémoire et
notre présentation sont axés davantage non sur la question des
services essentiels, mais sur le régime même de négociation
du secteur parapublic. Ce n'est pas parce que la question des services
essentiels ne semble pas importante, mais, d'une part, la grande
majorité des mémoires l'ont traitée longuement et,
franchement, je dois vous dire que nous pensons qu'une trop grande attention a
été donnée à la question du retrait du droit de
grève.
Nous sommes d'accord avec l'assertion du ministre Marois qui a dit que
c'est trop facile de simplement retirer le droit de
grève en cherchant une solution à nos problèmes
dans le secteur public. Nous sommes d'accord. Il y a des problèmes
-c'est certain - mais nous ne pensons pas qu'une solution facile et simpliste
comme cela est la réponse que nous cherchons. Le mémoire que nous
vous avons présenté représente une mûre
réflexion d'une ronde de négociations qui a suivi une
réforme des lois régissant le système de
négociations dans les secteurs public et parapublic. Une refonte de la
loi, comme vous le savez tous, a suivi une étude très profonde et
sérieuse, l'étude de la commission Martin-Bouchard. Le
mémoire que le QAPSB avait présenté à cette
commission a mis l'accent sur les structures de négociation et le cadre
législatif les régissant. Nos conclusions après
l'expérience vécue dans cette dernière ronde de
négociations est que les chanqements les plus importants ne sont plus
des changements de structures législatives, mais plutôt des
changements d'attitude des parties impliquées dans le processus de
négociation et cela, tant de la part du groupement patronal que de la
part des centrales syndicales.
Néanmoins, avant d'aborder cette question d'attitude, j'aimerais
attirer votre attention sur certains commentaires que nous avons inclus dans
notre mémoire sur la question des services essentiels et les autres
dispositions législatives. Nous avons examiné, surtout pour le
secteur de l'éducation, la question des services essentiels et s'il y
avait un autre moyen plus approprié de régler les
différends. Je dois vous rappeler que la question d'avoir un droit de
grève, oui ou non, n'est pas une question d'avoir trouvé la lune
et le ciel, c'est quel moyen est le plus approprié dans les
circonstances pour régler les différends advenant qu'une
négociation collective aboutisse à un conflit non
solutionné. Notre expérience nous démontre, surtout pour
le secteur scolaire -je ne parlerai pas du secteur hospitalier ni des autres
centres, le réseau des affaires sociales - que le plus grand
problème que nous avons vécu à travers plusieurs rondes de
négociations n'était pas à cause des grèves en tant
que telles. Il était dû aux autres moyens de harcèlement
que nous avons vécus. Je pourrai revenir plus tard avec des exemples
très précis.
Quand nous avons examiné la question, nous avons
décidé qu'à sa face même il y a trois choix à
considérer. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne sommes pas
ici pour parler de théorie, mais pour considérer
l'éventail des possibilités, quelle est la meilleure solution,
pas la meilleure, mais la meilleure parmi les possibles. Pour nous, il y en a
trois et toute autre solution ou toute autre modalité de
règlement n'est qu'une variable de l'une de ces trois solutions. La
première, évidemment, est de maintenir le droit de grève
et de lock-out. La deuxième est une forme d'arbitrage obligatoire et la
troisième est un mécanisme quelconque de décision
unilatérale de la part du gouvernement.
D'abord, la question de l'arbitrage obligatoire. Nous sommes
également d'accord avec les remarques des représentants
ministériels, à savoir que nous ne devrions pas permettre
à un tiers de décider des résultats de la
négociation. Comme nous le savons, les négociations dans le
secteur public représentent au-delà de 50% du budget de
l'État. Pour nous, c'est inconcevable qu'un tiers puisse décider
quel est le montant de ce règlement et, en effet, il prend la place du
législateur. Le second choix, à savoir une décision
unilatérale du gouvernement, pourrait être souhaitable sur bien
des plans. Pour la population, cela évite des problèmes. Pour les
organismes patronaux comme celui que je représente, cela pourrait
être très bon, mais peut-être pas très
réaliste. J'espère que dans le mémoire vous avez vu qu'on
a toujours essayé d'être le réaliste. (23 h 15)
Cela nous amène à la troisième option, le maintien
d'un droit de grève et de lock-out. À ce moment-là, nous
croyons que la seule façon de procéder à l'examen du
problème, ce n'est pas de demander, si on le retient ou non, mais dans
quel cas nous devons l'inscrire. Quelles seront les meilleures règles
pour assurer le meilleur rapport possible entre les forces de rapport de la
négociation, les "droits" qui existent pour les parties en
négociation et les droits de la population "at large" pour les services
tant éducatifs que de santé. Sans aller dans les détails
ce soir, ils sont contenus dans le mémoire, ils sont même bien
mieux explicités dans d'autres mémoires comme celui du Conseil du
patronat du Québec. Ne serait-ce que pour dire que pour nous, il y a
quatre éléments importants à retenir.
D'abord que l'exercice du droit de grève et de lock-out soit
assujetti à des règles très précises qui sont
justes et équitables pour les deux côtés, patronal et
syndical.
Deuxièmement, nous croyons nécessaire que des
pénalités peut-être sévères, mais
réalistes soient prévues pour quiconque va à l'encontre de
ces règles du jeu. J'irai aussi loin que de dire que des syndicats qui
ne respectent aucunement les règles du jeu établies doivent
perdre leur accréditation et le droit de représenter les gens
dans un cas comme les négociations dans le secteur public.
Troisièmement, nous croyons qu'il devrait y avoir un genre
d'encadrement législatif pour décrire les niveaux des services
essentiels à assurer à la population. Je ne suis pas en mesure,
M. le Président, de vous donner des précisions sur un tel cadre,
surtout parce qu'il serait applicable au
secteur des affaires sociales que nous connaissons beaucoup moins que
notre secteur. Il me semble qu'un tel cadre législatif peut permettre
l'instauration d'un conseil, d'une régie appelez-les comme vous le
voulez, comme conseil public, qui, à défaut d'une entente entre
les établissements concernés, pourrait décréter les
services essentiels à maintenir et les mobiliser ainsi en les
régissant.
Pour ce qui a trait aux autres aspects de la législation, nous
croyons que peut-être que c'est là que nous devrons voir davantage
le problème de la négociation. Encore une fois, sans insister sur
les détails législatifs qui peut-être ne sont pas
pertinents à cette heure tardive de la journée, nous croyons
qu'il y a des choses vécues dans les dernières rondes de
négociations que nous devons examiner ensemble afin de trouver des
moyens d'améliorer les attitudes des parties. Nous vous citons quelques
exemples. Dans la loi; il n'est pas question d'une table centrale de
négociation mais il y en a toujours une. Donc, ce n'est pas dans la loi
qu'il y a un problème, comme nous le croyons, résultant de la
création et du fonctionnement d'une telle table de négociation.
Pour nous, la création d'une telle table de négociation
entraîne une séparation artificielle entre différents
aspects des négociations. Quiconque a participé aux
négociations autres que celles du statut public ne serait même pas
capable de croire à une table de négociation. Vous
négociez l'argent que quelqu'un recevra pour son travail. À une
autre table vous négociez ce qu'il fera pour son travail, 35 heures par
semaine, 20 heures d'enseignement ou peu importe. C'est inconcevable pour nous
de séparer ces éléments et, pour nous, ça
crée des distorsions au processus, ça crée aussi un genre
d'autocuiseur dans lequel les mets ne sont pas les négociateurs mais les
biens du public. Nous croyons aussi que l'instauration d'un tel niveau de
négociation accentue la tendance à politiser les
négociations, pousse les centrales syndicales à négocier
ce qu'elles veulent avoir comme politique gouvernementale par le biais de la
négociation. Nous respectons fortement le droit des centrales syndicales
de vouloir telle ou telle politique dans la société
québécoise, mais nous ne croyons pas que la table de
négociation soit nécessairement le lieu approprié pour le
faire. C'est la même chose si le gouvernement veut adapter ou promouvoir
des politiques sociales ou autres. Nous ne croyons pas que ce soit
approprié de le faire à la table de négociation dans le
secteur public, mais plutôt de le faire par une législation qui
s'applique à tous les Québécois.
Nous avons vu aussi des expériences curieuses et même
bizarres dans les négociations publiques, les négociations de
style marathon. Dans le secteur privé, quand on parle d'un "blitz" en
négociation, on parle d'une fin de semaine ou d'une semaine. Il n'y a
rien là pour nous. Là, on parle de trois ou quatre mois. C'est un
peu bizarre quand vous pensez que 50% du budget de l'État sont
décidés dans un hôtel à trois heures du matin,
après trois mois d'épuisement des ressources humaines de part et
d'autre. On trouve cela curieux, pour dire le moins.
Dans les négociations, nous avons vu les problèmes
à l'intérieur du mouvement patronal. Certains ont
été mentionnés par la partie syndicale ce matin et cet
après-midi. Il est exact de dire qu'il y a des problèmes à
l'intérieur du mouvement patronal parfois causés par des
intérêts différents de la partie patronale et de la partie
gouvernementale. Parfois ces problèmes ont des conséquences
graves et sérieuses. Je vous réfère à celui dont on
a parlé en détail dans notre mémoire, la question du
financement des ententes. Nous avons expérimenté en
négociation des choses à certains endroits, certains moments,
surtout après une grande fatigue ou des pressions politiques
considérables. Les conciliations entraînent des coûts
énormes. Parfois c'est le gouvernement qui en supporte les coûts
et parfois ce sont les instances locales et ce sont les commissions scolaires
qui doivent les supporter.
En 1975-1976, lorsque le gouvernement a proposé l'introduction du
régime de sécurité d'emploi, plus généreux
que tout autre dans la province ou ailleurs, notre association s'y est
opposée, parce qu'un tel régime serait inévitablement trop
coûteux pour nous et son fonctionnement serait encombrant. Au cours de la
dernière négociation, le gouvernement a décidé
d'améliorer les avantages du régime de sécurité
d'emploi, surtout en limitant la mobilité dans la province à un
rayon de cinquante kilomètres. Les coûts de ce régime ont
considérablement augmenté et, selon les nouvelles règles
budgétaires, le MEQ ne subventionne plus 100% de ce régime.
Pour le réseau primaire scolaire, en 1981-1982, le coût du
régime de sécurité d'emploi sera au-delà de 100 000
000 $. On cherche tous de l'argent pour bien des projets; on devra se demander
si l'argent est bien placé.
Il y a d'autres exemples plus cachés des coûts des
négociations de conventions collectives. J'ai entendu ce matin un
commentaire vis-à-vis de la partie syndicale relativement à la
prochaine ronde de négociations: M. le Syndicat, vous pouvez vous
attendre d'avoir beaucoup moins dans l'assiette financière; faites vos
demandes dans l'assiette normative, ce qui est évidemment pour les
représentants des commissions scolaires une grande inquiétude. Ce
sont parfois les choses qui nous
préoccupent le plus qui ont des coûts cachés, qui,
en plusieurs années, nous ont coûté très cher.
Pour compléter le portrait de la négociation, il faut
glisser un mot de la négociation au niveau local. Je pense que la
problématique de cette négociation a été
très bien exprimée dans le mémoire de l'association des
directeurs généraux. Souvent, le palier local des
négociations ne représente pas ce que cela devrait
représenter afin d'ajuster le règlement national aux conditions
locales, mais cela représente plutôt une occasion pour le syndicat
local de défaire le règlement déjà accepté
au niveau national. Cette image des négociations n'est pas la plus
positive possible, cela va de soi, mais nous croyons que c'est possible de
faire mieux si les parties décident qu'il faut faire mieux et si chacune
assume ses responsabilités.
Nous croyons qu'il y a quatre grands thèmes pour
l'amélioration du système. Le premier, c'est l'adoption de
changements législatifs concernant les structures dont les
détails apparaissent dans notre mémoire, mais qui
représentent pour nous le raffinement du système actuel. Nous ne
croyons pas qu'une refonte profonde soit reguise à ce moment-ci.
Deuxièmement, nous pensons que, dans le contexte actuel, le
maintien du droit de grève doit être acquis avec un
assujettissement aux règles précises, aux qualités
réalistes et au moyen d'un tribunal indépendant pour trancher les
cas litigieux.
Troisièmement, nous pensons que le gouvernement et ses
partenaires doivent s'associer pour assurer le réalignement de la
rémunération et des conditions de travail des salariés du
secteur public pour les mettre en éguilibre avec celles prévalant
dans le secteur privé. Nous ne croyons pas que ce soit juste que
l'ensemble de la population doive payer aussi cher pour une minorité
dans la population.
Quatrièmement et finalement, nous sommes fortement pour que le
régime de négociation ne devienne pas et ne soit pas le lieu de
détermination des conditions d'apprentissage des élèves ou
au niveau de l'établissement des soins dans les hôpitaux. Nous
croyons que la table des négociations est un lieu
privilégié pour la détermination des conditions de travail
des employés, et non pas pour remplacer le gouvernement et les autres
instances élues comme les commissions scolaires qui sont élues
par la population pour remplir une mission éducative ou autre.
En conclusion, M. le Président, je pense que le gouvernement a la
responsabilité d'examiner ce cadre législatif et ses politiques
générales et d'examiner par la suite, avec ses partenaires du
réseau scolaire et des affaires sociales, l'ensemble des propositions
appropriées pour mener à bonne fin cet exercice profond et
important.
Nous croyons également que les centrales syndicales ont la
responsabilité de voir, comme une personne l'a dit ce matin, de la
façon la plus réaliste, dans les années quatre-vingt,
à procéder à la négociation collective dans le
secteur public au Québec.
Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): C'est nous qui vous
remercions, M. Smith.
Je pense que M. le ministre veut enchaîner là-dessus.
M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais remercier
l'Association des commissions scolaires protestantes de son mémoire. Je
voudrais me permettre un commentaire général et poser deux
questions au préalable. Connaissant le sens d'équité et de
bonne foi de la députée de L'Acadie, elle me permettra
certainement une rapide petite mise au point pour que l'ensemble des faits soit
sur la table. Je pense que c'est important. Ce n'est pas dans mon intention du
tout de la blâmer.
Mme Lavoie-Roux: Je suis tout à fait d'accord. J'avais
d'ailleurs dit au ministre que, demain matin, je ferais la rectification.
M. Marois: Oui, mais comme on est dans la foulée...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Marois:... de ces données, pour que cela ne se perde
pas...
Effectivement, dans le réseau des affaires sociales, alors qu'en
1976, il y a eu 405 900 jours-personnes perdus à cause des conflits, il
y en a eu effectivement 412 000 en 1979. Cependant, il faut ajouter deux autres
chiffres pour avoir le tableau réel et complet. Alors qu'il y avait, en
1976, 481 établissements, il y en avait 647 en 1979 et alors qu'il y
avait 110 000 syndiqués en 1976, il y en avait 138 000 en 1979, ce qui
vient donc relativiser, quand on tient compte de l'ensemble des facteurs, la
situation et indiquer une perspective très nette d'amélioration
dans les faits. Je voulais simplement ajouter ces chiffres.
Il y a toujours place à l'amélioration et c'est justement
pourquoi on est réuni pour entendre les groupes et chercher et trouver
les formules pour améliorer les choses.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me permettez,
seulement une minute...
M. Marois: Ceci étant dit... (23 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Ceci éguivaut à peu près
à 25% d'augmentation de personnel, si
je ne m'abuse. Je pense que le député de Prévost a
calculé l'augmentation. Donc, si on fait un calcul rapide, ce serait un
rapport de 300 000 à 400 000 - pour laisser tomber les milliers - de
jours-personnes perdus en 1976 par rapport à 1979; c'est un
progrès d'à peu près 25%, de 24% à 25%. Je remercie
le ministre. Je tiens à le dire, c'est que j'avais les chiffres du
ministère du Travail, mais ces données n'étaient pas
là et je pense que la dernière donnée du nombre
d'employés à la ronde de 1980 doit être assez
récente. C'est peut-être pour ça que je ne l'avais pas. Je
vous remercie.
M. Marois: M. le Président, les données
étant toutes là, sur la table, je voudrais revenir au
mémoire qui est devant nous. C'est un peu regrettable - mais c'est comme
ça - que ça vienne à cette heure-ci, parce que, d'abord,
c'est un mémoire volumineux, c'est un mémoire qui est
fouillé, qui contient énormément de choses. Je voudrais
vous dire tout de suite que j'ai parfaitement bien compris votre approche qui
s'inscrit nettement dans la ligne d'une recherche des moyens et des
mécanismes susceptibles d'améliorer, mais à partir d'une
approche réaliste, d'une approche responsable. Mon collèque, le
député de Prévost, adjoint parlementaire, dirait
sûrement, pour reprendre son expression, qu'il est fondé aussi sur
une approche de grande moralité sociale. Je crois que c'est vrai. Vous
êtes probablement le groupe qui aura le plus mis devant nous l'accent sur
l'importance de s'arrêter sur les améliorations possibles,
réelles, et vous nous formulez toute une série de suggestions,
qui seront très attentivement étudiées par nous, sur
l'ensemble des structures et des mécanismes de négociation. Cela
m'apparaît extrêmement important. Je ne veux pas les relever ce
soir, mais je voulais vous assurer qu'on en tiendra certainement compte dans
l'ensemble des études, au moment où on aura à faire le
bilan de l'ensemble des interventions, des suqgestions et des recommandations
qui nous auront été communiquées, ici, à cette
commission parlementaire.
Je voudrais vous poser deux questions. La première, vous l'avez
évoquée dans votre présentation orale. Vous recommandez,
dans le cadre du maintien du droit de grève, que des amendes et des
pénalités réalistes, avez-vous dit, mais quand même
des amendes et des pénalités soient bien clairement
établies et prévues dans le cas des contrevenants. Vous avez
illustré votre pensée en disant, par exemple, dans le cas de
contrevenants syndicaux, d'envisager la possibilité d'aller jusqu'au
retrait ou à la révocation de l'accréditation. Ma question
serait la suivante... Peut-être la réponse se trouve-t-elle
déjà dans le mémoire, auquel cas vous n'aurez qu'à
me donner l'indication et on y jettera un coup d'oeil plus attentivement. Il a
été évoqué devant nous des abus des deux
côtés. Vous nous faites une proposition du côté
syndical. Dans le cas d'attitudes d'abus ou de contrevenants patronaux,
qu'est-ce que vous recommandez qui serait du domaine des sanctions
réalistes? Ce serait ma première question.
Ma deuxième question est la suivante. Vous avez abordé la
question des paliers de négociation. Je ne suis pas certain d'avoir bien
saisi votre pensée, je veux être certain de bien vous comprendre.
La question s'est posée déjà à quelques reprises.
Au moment où on a rencontré l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires, on a examiné cette
question des deux paliers de négociation dans le secteur de
l'éducation. On a évoqué le fait que, une fois que la
ronde dite provinciale ou nationale de négociations est terminée,
chez bon nombre de parents et d'enfants, c'est comme un effet de surprise de
constater que, alors qu'on pensait que c'était terminé, ce n'est
pas terminé et cela recommence. Les gens ne comprennent pas très
bien. 11 me semble que la question se pose, comme certains nous l'ont
suggéré, recommandé. J'ai moi-même soulevé la
question sous forme d'interrogation lors de mon mot d'introduction à
l'ouverture de nos travaux. Quel est votre point de vue, concrètement,
de façon réaliste? On nous a recommandé de maintenir le
palier provincial de négociation, à toutes fins utiles,
d'éliminer la négociation au niveau local, c'est-à-dire de
n'y maintenir que ce qu'on appelle les modalités ou les arrangements
propres au milieu qui, évidemment, sont vraiment des
éléments qui ne prêtent pas flanc à une
négociation qui donne ouverture à un droit de grève.
Mais ceci supposerait qu'on ne joue pas sur les mots. Si c'est le palier
provincial, c'est vraiment le palier provincial, ce qui veut dire qu'on
déplacerait, de façon substantielle, des morceaux qui,
présentement, se négocient au niveau local et qu'on ne
conserverait là que vraiment et strictement ce qui est du domaine des
modalités propres à un milieu donné. J'aimerais avoir
votre opinion et vos suggestions sur cette question. Je pense que c'est un
élément extrêmement important dans l'examen de l'ensemble
des mécanismes de négociation, en particulier dans le secteur
scolaire.
M. Smith: Pour répondre, M. le ministre, à votre
première question, les sanctions dont nous avons parlé dans le
cas d'infractions à la loi, pour nous, c'est clair que c'est tant pour
le côté de l'employeur que pour le côté syndical. Il
n'y a pas de distinction à faire. Or, s'il y a des avis à donner
et que l'employeur n'en donne pas, il
doit subir les mêmes pénalités que les syndicats. Il
est évident que la notion d'une pénalité comme la
révocation de l'accréditation n'est pas très
appropriée pour un employeur. Mais on peut imaginer d'autres moyens que
vous connaissez très bien en tant que gouvernement, comme la mise en
tutelle, si jamais un employeur a vraiment exagéré dans
l'exercice de son droit de gérance.
Nous n'avons pas beaucoup insisté sur la question de l'employeur
pas parce que nous pensons que les employeurs sont sans blâme, mais en
nous rappelant que nous parlons du secteur scolaire où la question des
services essentiels n'est pas tellement en jeu; ce sont plutôt les actes
de harcèlement, les gestes de mini-grèves, etc., qui sont en
cause. Des exemples, on en trouve en quantité, tandis que des gestes
pareils ne sont pas posés par les employeurs parce que ce n'est pas dans
leur jeu, si vous voulez.
Pour ce qui a trait à votre deuxième question, je suis
d'accord que la notion des paliers de négociation est très
importante. C'est pourquoi, tout à l'heure, j'ai fait allusion à
la question, à savoir si la table centrale de négociation est
appropriée ou non. Pour nous, on peut bien croire qu'une
négociation véritable au niveau local est peut-être la
meilleure solution; c'est le cas, par exemple, en Ontario, en Alberta et dans
d'autres provinces canadiennes où, dans le secteur de
l'éducation, chaque commission scolaire néqocie l'ensemble des
conditions de travail avec ses employés. Encore une fois, étant
réalistes, nous ne pensons pas qu'une telle négociation de
l'ensemble des conditions de travail est faisable à cette époque
au Québec. Peut-être souhaitable - je n'en suis pas sûr,
franchement - mais pas faisable. Or, dès que nous avons admis ou
accepté que les négociations doivent se faire à un niveau
autre que local, nous sommes à la recherche du moyen le plus
approprié et le plus réaliste pour le faire. C'est pourquoi nous
pensons que nous ne devrions pas séparer artificiellement les
différents éléments de la négociation. C'est
artificiel, par exemple, de dire palier provincial ou national quand nous
négocions les dispositions relatives à la sécurité
d'emploi et que d'autres aspects de la sécurité ou la
mobilité, les discussions de mutations, d'affectation, cela se fait au
niveau local. Il y a souvent une difficulté de jumelage des textes. Pour
nous, cela n'a pas tellement de sens.
La deuxième raison qui motive la majorité de nos
commissions à dire que les négociations locales ne sont pas
très pratigues, c'est parce que les conditions de travail majeures,
comme l'affectation, la répartition des tâches, etc., ne sont pas
telles qu'il faut qu'elles soient négociées à chaque
commission scolaire individuellement, surtout quand le "packaqe", le gros
paquet se négocie ailleurs.
C'est d'abord un gaspillage considérable des ressources et,
surtout dans un réseau de petite taille comme le nôtre, ça
représente des problèmes considérables sur le plan
pratique. Mais nous disons en même temps, pour être logiques et
consistants, que nous croyons, par exemple, que les salaires des enseignants,
quitte à avoir le contrôle gouvernemental sur l'argent, doivent se
négocier à une table sectorielle et non à une table
centrale, de sorte que, comme n'importe quelle négociation normale, vous
vous assoyez et dites: Je vous offre un tel salaire pour une telle prestation
de travail.
À un moment donné il y a peut-être un ajustement ou
au niveau des salaires ou au niveau de la prestation de travail ou aux deux,
mais il ne faut pas négocier les salaires, d'une part, la tâche
des enseignants, d'une autre part, et les conditions qui peuvent changer toute
la question de la tâche à un autre palier. Pour nous c'est tout
à fait illogique. Nous disons: Faites un seul palier sectoriel et
prévoyez pour les cas pratiques les arrangements locaux.
Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, il ne faut pas faire le
chantage du vocabulaire. Les arrangements locaux, ce sont des modalités,
ce sont des arrangements technigues d'application et ce ne sont pas de gros
morceaux.
Nous avons certaines commissions scolaires qui croient à la
négociation locale parce qu'elles croient être plus susceptibles
d'avoir un meilleur règlement chez elles plutôt que d'avoir tout
à un niveau provincial. Je suis très conscient de leur
désir dans ce domaine, mais nous ne croyons pas que nous devrons faire
éloigner le processus de négociation des employeurs et des
employés sur place. Je dis cependant que, dans la conjoncture où
nous sommes, séparer certains éléments à une table,
d'autres à une autre n'est pas tout à fait pratique non plus.
M. Marois: Je m'excuse. Pour être bien certain que je vous
comprends complètement, quand vous utilisez l'expression "niveau
sectoriel" est-ce que vous voulez bien dire une table centrale de
l'éducation de tel niveau?
M. Smith: Dans notre lanqage, une table sectorielle voudrait
dire, par exemple, les enseignants du secteur protestant au niveau provincial,
comme cela pourrait être le personnel de soutien, les cégeps au
niveau provincial.
Dans notre langage, une table intersectorielle, c'est un autre nom pour
la table centrale qui couvre les secteurs de l'éducation, des affaires
sociales et de la fonction publique.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Dougherty, députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier pour votre analyse
réaliste et d'avoir mis au point la réalité des
négociations dans le secteur de l'éducation. Vous avez si bien
expliqué la situation que j'avais quatre questions et maintenant je n'en
ai que deux pour le bien de tout le monde.
Dans votre mémoire, à la page 4, vous avez cité un
autre mémoire qui a été présenté à
une autre commission en 1977, au no 2. Vous avez recommandé que les
conventions collectives ne deviennent pas le lieu de l'élaboration du
projet scolaire et que la responsabilité des commissions scolaires
envers la population pour l'administration de ses écoles ne soit pas
compromise par les conventions collectives.
Depuis ce temps, depuis 1977, quand vous avez fait cette recommandation,
nous avons vécu les résultats d'une autre convention collective
qui a eu et qui a encore un impact substantiel et pas mal négatif
quelquefois, dans une certaine mesure, sur le projet scolaire. Avez-vous des
recommandations précises pour éviter une situation qui compromet
les responsabilités des commissions scolaires? (23 h 45)
M. Smith: Je pense que le point soulevé est un point
extrêmement important. Lors de l'avant-dernière ronde de
négociations dans le système scolaire, il y avait en place pour
les élèves un horaire au primaire de 1500 minutes et, au
secondaire, de 1575 minutes avec ce qu'on appelle, dans le vocabulaire
scolaire, sept blocs, ce qui veut dire que les élèves avaient
sept matières ou l'équivalent de sept matières
entières dans leur horaire. C'était le cas pour plusieurs et,
dans bien des cas, cela représentait le régime pédagogique
essentiel pour les élèves pour atteindre les objectifs
pédagogiques fixés par le gouvernement.
Malheureusement, dans cette ronde de négociations, le
résultat a été tel qu'il n'était plus possible de
maintenir un tel régime pédagogique et c'est à la suite de
cette ronde de négociations que le régime pédagogique au
primaire est descendu de 1500 à 1380 minutes et, au secondaire, de 1595
à 1500 avec la perte pour les élèves d'une option, d'une
matière. Pendant la dernière ronde de négociations, il y
avait aussi...
Mme Dougherty: J'aurais des questions ici. Quand vous parlez de
la dernière ronde, vous parlez de la convention de quelle
année?
Mme Lavoie-Roux: 1975.
M. Smith: La dernière ronde, c'est la ronde de 1979 et
l'avant-dernière ronde où j'ai parlé de ces changements
majeurs dans le régime pédagogique était la ronde de
1975.
Dans la dernière ronde, en 1979, il y a eu aussi des changements
aux conditions de travail des enseignants qui ont requis à la fin
l'ajout de plusieurs enseignants dans le réseau scolaire. Il est
évident que le nombre d'enseignants dont vous avez besoin pour faire
fonctionner le système scolaire est une équation
mathématique basée sur le nombre de périodes qu'enseigne
chaque enseignant, le nombre de classes, le nombre d'élèves par
classe, etc., ce qui, au total, vous donne un besoin de X 100 professeurs pour
une commission scolaire donnée. Le ministre de l'Éducation
à l'époque avait déclaré son intention de
procéder au réaménagement de l'horaire au primaire et de
rapatrier les 150 minutes perdues lors de la ronde de 1975, en effet, de faire
grimper l'horaire au niveau de 1500 minutes. Une des conséquences de
cette ronde de négociations de 1979 a été qu'il
n'était plus possible de le faire, parce que l'argent qui était
là pour augmenter l'horaire des élèves a été
donné en négociations. Or, si vous me demandez quels sont les
moyens à prendre pour que cette situation n'arrive pas, pour moi, la
seule solution, c'est d'établir, comme gouvernement, comme commission
scolaire, peu importe le niveau des responsabilités, ce que nous voulons
avoir comme système scolaire, quel est le niveau d'apprentissage que
nous voulons avoir et de négocier à l'intérieur d'un tel
cadre et de ne pas permettre les données en négociation de
s'emparer d'un tel niveau de service.
M. Marois: M. le Président, je pense aussi que dans
l'ensemble des données, on faisait le compte des mauvais coups que les
uns et les autres peuvent accomplir sous divers gouvernements, pour que le
compte soit complet, il ne faudrait pas oublier à travers tout
ça, parce que ça entre en ligne de compte comme facteur, il y a
eu aussi entre les deux, le fameux trou, le fameux 500 000 000 $.
C'était l'élément clef; parce que vous avez bien
expliqué comment, mathématiquement, par une formule, à
partir du moment où on connaît le nombre d'élèves,
le nombre de blocs, le nombre de classes, etc., un certain nombre de facteurs
combinés donnent tant d'enseignement et le reste. C'est presque une
formule mathématique, à condition que le nombre
d'élèves soit exactement rapporté. À partir du
moment où il y a des distorsions dans les faits...
Mme Lavoie-Roux: II y a toutes sortes de facteurs qui
interviennent, M. le Président...
M. Marois: Cela ajoute, mais enfin...
Mme Lavoie-Roux:... ce qui fait que c'est difficile à
calculer exactement.
Mme Dougherty: M. Smith...
M. Smith: M. le ministre, il est évident que j'ai
simplifié beaucoup la notion du nombre de professeurs requis. Il y a
toutes sortes de facteurs qui entrent en ligne de compte; mais si les
élèves ne sont pas bien comptés d'une façon ou
d'une autre pour une raison ou pour une autre, la situation n'est pas
égale. Je pense qu'en faisant des comparaisons, il faut assumer un
comptage exact ou presque exact, mais équivalent dans les deux
situations et ainsi, je pense que mon raisonnement est encore bon.
M. Marois: Je n'en disconviens pas.
Mme Dougherty: Une dernière question. Vous avez
parlé de l'arbitrage et des différents choix des
mécanismes pour mettre fin à la négociation, mais il me
semble qu'à chaque ronde, nous avons toujours un prolongement de la
période de négociation. J'ai l'impression que les règles
du jeu dans ce système de guerre de négociation n'encourangent
pas, ne favorisent pas une accélération des négociations,
bien au contraire, chaque adversaire croit qu'il profitera de longs
délais. Est-ce que vous avez des suggestions là-dessus?
M. Smith: II est évident que la durée des
négociations dans le secteur public est extrêmement grande par
rapport à celle que nous connaissons dans le secteur privé et
même ailleurs, dans d'autres secteurs publics. Avant la ronde de 1979, il
y a eu des amendements apportés au cadre législatif pour
accélérer le processus, notamment une date désignée
pour le dépôt des demandes syndicales et une période durant
laquelle l'employeur devait répondre. Également ces dates
étaient, pour la première fois, dans l'esprit et dans la loi,
antérieures à la fin de la convention collective existante. Par
ce moyen, le gouvernement a tenté de faire accélérer le
débat. Je pense que c'était une étape importante, un bon
"move", mais, ceci étant fait, c'est difficile de faire
accélérer le processus par ce moyen. Le seul moyen de le faire,
c'est d'avoir une fin prévue dans la loi, à savoir de dire:
Mesdames, messieurs, vous allez négocier jusqu'à une telle date.
Si vous dites cela, vous allez nécessairement vers un système qui
prévoit une étape d'arbitrage à la fin: Si vous ne vous
êtes pas entendus le 12 décembre, c'est l'arbitrage qui entre et
cela vient de finir. J'ai dit que je ne crois pas que l'arbitrage soit une
solution valable. Je ne pense pas qu'on puisse prévoir dans les lois
d'autres étapes ou d'autres échéances pour faire
accélérer le processus et je pense que la seule véritable
façon d'accélérer le processus, c'est par un changement
d'attitude.
Il est exact de dire que plusieurs intervenants dans le processus de
négociation se croient avantagés par les délais ou un
prolongement des négociations. Parfois, le syndicat pense: Plus je
demande, plus j'aurai. Si on regarde l'expérience vécue, c'est
une très bonne thèse. Il dit: Tant que je ne sens pas, comme
syndicat, qu'il n'y a plus rien dans le baril, je continue de demander, je
continue d'attendre. L'expérience lui donne encore raison. Le seul moyen
de contrer une telle attitude, c'est de lui démontrer, par des gestes
concrets et fermes de la part de l'employeur, qu'il n'y a plus rien dans le
baril. M. Parizeau avait parlé de transparence, à un moment
donné, concernant le fait de vivre dans une maison de verre.
Voilà, il n'y a plus rien là-dedans. Si le syndicat est convaincu
que c'est vrai, peut-être que cela va accélérer le
processus, mais, tant qu'il croira qu'il y a encore quelque chose à
l'intérieur, on ne sera pas capable d'accélérer le
processus.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question, c'est seulement une
petite information que je voudrais donner au ministre, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Rodrigue): Vous avez deux minutes.
Mme Lavoie-Roux: Une demi-seconde. On a parlé à
plusieurs reprises d'arranqements locaux. Je voulais simplement dire au
ministre que cela existe dans le cas des enseignants anglo-catholiques et
qu'à ma connaissance, cela n'a jamais créé de
problème sur le plan local.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du
Québec.
Ceci termine l'ordre du jour de la commission pour aujourd'hui.
Demain, le jeudi 17 septembre 1981, nous entendrons les
représentants d'Hydro-Québec, de l'Association des consommateurs
du Québec - pour Hydro-Québec, c'est le mémoire 34M; pour
l'Association des consommateurs du Québec, le mémoire 15M -de la
Coalition pour le droit des malades, mémoire 20M; de la
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
infirmiers du Québec, mémoire 27M; de la Fédération
des infirmières et infirmiers unis, mémoire 39M; du Syndicat des
professionnels du gouvernement du Québec, mémoire 26M, et
finalement du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec,
mémoire 24M.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu ajourne ses travaux à demain, le
jeudi 17 septembre, à 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 57)