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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mercredi 16 septembre 1981 - Vol. 25 N° 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et organismes intéressés à améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît: La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime des négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Les membres de cette commission sont dans l'ordre: M. Chevrette (Joliette), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants a cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne), M. Rochefort (Gouin).

La commission commence ses travaux de la journée par l'audition du mémoire de l'Association des centres d'accueil du Québec, qui est représentée par M. Yves Neveu. J'invite M. Neveu à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Ce n'est pas M. Neveu?

M. Doucet (Jean-Guy): Jean-Guy Doucet, président de l'association.

Le Président (M. Rodrigue): C'est vous qui présentez le mémoire?

M. Doucet: Oui.

Le Président (M. Rodrigue): Si vous vouliez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Auparavant, j'aimerais, pour les personnes qui nous regardent à la télévision, donner la liste des groupes qui vont présenter des mémoires aujourd'hui. En plus de l'Association des centres d'accueil du Québec, nous entendrons la Fédération des travailleurs du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, la Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé et, finalement, l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec. Nous avons également reçu un mémoire pour dépôt seulement de l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec, entre autres. (10 h 15)

Si vous voulez, M. Doucet, nous présenter maintenant les personnes qui vous accompagnent et faire la présentation de votre mémoire.

Association des centres d'accueil du Québec

M. Doucet: M. le Président, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de présenter les membres de l'équipe de travail qui a fait toutes les recherches et les consultations pour ce mémoire.

À mon extrême gauche, Me Huguette April-Morin, conseillère en relations de travail à l'Association des centres d'accueil; à ma gauche, M. Pierre Cloutier, directeur général à l'Association des centres d'accueil et, à ma droite, M. Yves Neveu, directeur du service-conseil en gestion du personnel à l'Association des centres d'accueil.

M. le Président, vous avez, depuis fort longtemps, eu tous les documents relatifs à notre présentation. Vous avez reçu ce matin un résumé de notre présentation.

L'Association des centres d'accueil du Québec est une association d'établissements du réseau des affaires sociales regroupant près de 400 centres d'accueil publics. Ces centres d'accueil occupent une place importante dans le réseau des services de santé et des services sociaux du Québec. Ils ont pour mission spécifique d'assurer des services d'hébergement et de réadaptation aux clientèles suivantes: personnes âgées, jeunes mésadaptés socio-affectifs, personnes handicapées mentales, personnes handicapées physiques, femmes nécessitant des services d'assistance-maternité et personnes alcooliques et toxicomanes.

C'est à ce titre d'administrateurs de services de santé et de services sociaux et plus particulièrement des centres d'accueil que nous avons voulu évaluer la situation,

dégager les prémisses sur lesquelles nous voulons nous appuyer et formuler des recommandations aptes à assurer la continuité des services à la population, en période de négociation.

La primauté des droits de la population. II semble que M. le premier ministre, René Lévesque, ait reconnu dans une déclaration publique le caractère particulièrement aigu des besoins des bénéficiaires en centres d'accueil. Si tel est le cas, nous sommes heureux de constater que la plus haute autorité de l'État québécois est à ce point consciente de la situation critique des bénéficiaires des centres d'accueil à l'occasion d'une grève ou devant son éventualité. Cette conscience n'est malheureusement pas toujours le fait de beaucoup d'intervenants et des médias d'information eux-mêmes. En effet, ceux-ci et ceux-là abordent souvent le problème relié à la négociation collective dans le secteur des affaires sociales sous l'angle plus spectaculaire et, en apparence, plus dramatique des centres hospitaliers. Nous croyons important de rappeler que les centres d'accueil constituent également des points de services du réseau des affaires sociales. Ce rappel est d'autant plus nécessaire que les clientèles particulières de nos établissements membres s'identifient généralement aux groupes les moins volubiles d'une majorité déjà trop silencieuse. Il apparaît utile dans le présent contexte de vous présenter ces différentes clientèles. De par leur vocation, les centres d'accueil d'hébergement reçoivent des bénéficiaires qui, en raison de leur âge avancé et de la diminution ou de la perte de leur autonomie physique ou psychique ou parfois les deux, sont jugés incapables de satisfaire à leurs besoins personnels sans assitance régulière et requièrent dès lors, en plus d'une résidence protégée, des soins constants et quotidiens.

À titre indicatif, notons qu'une étude faite en 1978 par le Conseil des affaires sociales et de la famille évaluait à 20 heures par semaine les soins de santé et d'assistance requis par plus de 58% des bénéficiaires des centres d'accueil. La politique du ministère des Affaires sociales de privilégier l'admission en centre d'accueil d'hébergement des personnes âgées en perte d'autonomie plus avancée a incontestablement eu pour effet depuis cette date et continuera pour l'avenir à court et à moyen terme d'accentuer cette proportion de ce que nous appelons des cas lourds, c'est-à-dire de personnes qui ont absolument besoin de notre aide pour réussir à assurer leur bien-être physique et mental. Par services de santé et d'assistance, il faut comprendre à la fois les soins infirmiers et médicaux et les soins d'hygiène corporelle. À ces services, il faut évidemment ajouter les exigences de l'alimentation, de l'activité physique et du climat psychologique. Vous reconnaîtrez que cette clientèle devient particulièrement insécure même à l'annonce d'une négociation.

Dans le secteur de la réadaptation, les besoins varient selon le type de bénéficiaires et leur pathologie. Au cours de l'année 1979, 20 687 bénéficiaires ont reçu des services à l'interne dans nos établissements. La clientèle la plus considérable se compose d'enfants mésadaptés socio-affectifs. Mais qu'il s'agisse de ce type de bénéficiaires ou de handicapés physiques ou mentaux, ou d'alcooliques ou toxicomanes, ou encore des femmes en difficulté à l'occasion d'une grossesse, nous retrouvons des besoins de même nature. Ces besoins sont très diversifiés et vont des besoins primaires, gîte, couvert, lit, aux besoins psychologiques en passant évidemment dans beaucoup de cas par des besoins reliés à la santé.

Ces besoins des différentes clientèles des centres d'accueil, le législateur en a reconnu la réalité en inscrivant dans des textes de loi les obligations qui en découlent pour la société québécoise en général et pour les centres d'accueil en particulier. La lecture des dispositions pertinentes des lois de même que l'analyse des besoins concrets et réels des bénéficiaires nous amènent à constater que les besoins de l'ensemble de cette clientèle sont fondamentaux, intrinsèquement reliés à la personne humaine, à sa santé physique et mentale, à son développement et à sa sécurité. L'on comprendra dès lors assez aisément que les établissements membres de l'Association des centres d'accueil du Quéec ne peuvent ignorer leur rôle et leur responsabilité de dispensateurs de services de santé et de services sociaux.

Dans l'exercice du rôle décrit ci-haut, les établissements administrent toutefois des ressources dont la fonction est de contribuer à la raison même des établissements. Le personnel à l'emploi des centres d'accueil constitue la principale ressource utilisée pour la production de services.

En tant qu'employeurs, les établissements membres favorisent le maintien de conditions de travail justes et équitables pour leurs salariés. Cette attitude n'est ni désintéressée, ni paternaliste, ni simplement altruiste, puisque de telles conditions leur permettent de s'adjoindre et de grader du personnel qualifié, motivé, ressource capitale pour la dispensation de services de qualité aux bénéficiaires. Dans cette perspective, les établissements reconnaissent aux salariés le droit de détenir des moyens d'exprimer leurs opinions et de défendre leurs intérêts et, par ce fait même, ils adhèrent au droit d'association et à la libre négociation.

Placés devant l'obligation de respecter à la fois le droit de la population à recevoir des services de santé et des services sociaux

adéquats et le droit de leurs employés à défendre leurs intérêts, les établissements membres sont conscients que les droits respectifs peuvent s'avérer incompatibles. Ils déplorent cependant l'attitude de certains qui, face à l'incompatibilité de deux droits, adoptent la position de mitiger les droits en présence, sans même prendre en considération les valeurs mises en cause.

L'incompatibilité des droits, il faut bien l'admettre, s'avère un phénomène courant dans notre société civilisée et c'est la hiérarchie des valeurs qui nous permet d'affirmer la primauté de l'un sur l'autre. Bien que la question soit complexe, les centres d'accueil considèrent pour leur part que la nature même de leur existence les justifie d'accorder la prépondérance à la dispensation et à la continuité des services de santé et des services sociaux, ceux-ci étant fondamentaux puisque intrinsèquement reliés à l'intégrité de la personne humaine.

Dans ce contexte, il appert que les moyens visant à garantir l'exercice du droit des employés, à défendre leurs intérêts ne devront pas remettre en cause l'accessibilité et la continuité des services.

Les responsabilités de l'État. L'État n'est pas un employeur comme les autres. Il n'est employeur que de façon accessoire. La négociation des salariés de l'État avec celui-ci met en présence deux acteurs chargés de défendre, protéger et faire valoir des intérêts d'ordre tout à fait différent. L'un a pour fonction première la défense de l'intérêt de ses membres, l'autre a la responsabilité du bien public. Il importe donc de dégager clairement les responsabilités de l'État gouvernement et celles de l'État employeur.

L'État gouvernement a comme premier rôle celui de déterminer le niveau de services, en termes de qualité et de quantité, auquel la population pourrait avoir accès. L'État gouvernement procédera également à la formulation de ses priorités à court, moyen et long terme, autant sous la forme de l'élaboration de politigues salariales et économiques que par la mise en place d'appareils appelés à concrétiser le choix des services à offrir et les priorités retenues. C'est à l'État gouvernement qu'il appartient également de prévoir les sommes requises pour appliquer ces politiques et mettre en place les mécanismes nécessaires a la dispensation et au maintien des services fournis par l'État. Il doit enfin s'assurer de contrôler l'application de ses politiques et la dispensation des services par les différents mécanismes créés à cette fin.

Remettre à l'État gouvernement les responsabilités qui sont siennes dans la détermination des politiques sociales, économiques, budgétaires et autres n'a nullement pour effet de diminuer les droits légitimes des multiples composantes de la société. Les syndicats en tant que corps intermédiaires n'ont aucun droit au statut privilégié auquel ils ont eu accès, par défaut, dans l'histoire récente des négociations dans le secteur public. Aucun autre corps intermédiaire ne détient une telle capacité d'action directe, à l'occasion par l'utilisation de la force, sur les responsabilités propres de l'État gouvernement. Dans le contexte actuel des négociations, ce n'est pas l'État qui devient un employeur comme les autres, c'est le syndicat et partant la négociation qui devient une institution politique.

La présence du statut de l'État gouvernement n'est pas sans avoir des conséguences directes sur les contraintes imposées à l'État employeur. Il faut en effet reconnaître que la responsabilité de l'allocation des ressources appartient à l'État gouvernement et que, dans une situation de conflit, le rapport de forces se déplace de l'ordre économique à l'ordre politique. En sus de ces considérations, il y a lieu de noter qu'en ce qui concerne les centres d'accueil, comme les autres établissements du réseau des Affaires sociales, l'État n'est pas l'employeur puisque les conseils d'administration de ces établissements sont chargés d'assumer la quasi-totalité des responsabilités traditionnellement rattachées au statut d'employeur. Ce n'est pas notre intention de nier à l'État gouvernement les responsabilités qui sont siennes, mais d'affirmer que les conseils d'administration des centres d'accueil doivent détenir les moyens, en termes d'autorité et de pouvoir, d'assumer les responsabilités pour lesquelles ils auront à rendre des comptes.

Recommandations. C'est en s'appuyant sur ces deux prémisses, à savoir la primauté du droit de la population à recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats et la responsabilité de l'État dans la dispensation de ces services, que les centres d'accueil situent leurs propositions relativement aux modifications à apporter au régime de négociations dans les secteurs public et parapublic ainsi qu'aux modalités garantissant le maintien des services essentiels. Là-dessus, nous avons voulu être assez concrets et nous vous avons formulé treize recommandations. Si vous êtes superstitieux, vous pourriez peut-être en soustraire une ou en ajouter une autre. (10 h 30)

Nous recommandons donc: - que la politique salariale de l'État soit déterminée par une loi votée à l'Assemblée nationale; - que l'ensemble des dossiers découlant de façon immédiate de cette politique salariale, à savoir la masse salariale, la définition du concept de rémunération globale et celle de marché comparable, soit exclu du champ des matières négociables et, de ce fait, exclu également des matières pouvant

donner ouverture à quelque technique que ce soit de règlements des conflits: conciliation, médiation, arbitrage ou grève; - que cette même législation prévoie l'existence d'un organisme chargé de quantifier la politique salariale de l'État, créant par le fait même une banque de données complète sur les matières salariales et possiblement sur les matières normatives; - qu'en conséquence directe de cette législation, le Conseil du trésor n'agisse plus comme un agent négociateur et que soit dissoute la table centrale, étant entendu que les responsabilités gouvernementales sur les finances publiques seraient protégées par une loi; - que soit maintenu le comité patronal de négociation des affaires sociales, tel que le prévoit la loi 55; - que ce comité soit mandaté pour négocier l'ensemble des autres conditions de travail, sous réserve des matières pouvant être réservées aux niveaux local ou régional; - que le processus de négociation soit complété, si nécessaire, par la conciliation volontaire et par la médiation obligatoire; - que le processus ultime de règlement des conflits prévoie le choix, par les syndiqués, entre la technique d'arbitrage obligatoire selon l'offre finale et l'exercice d'un droit de grève dans le respect des services essentiels; - que la notion de services essentiels soit redéfinie pour refléter les valeurs sociales que la population privilégie, à savoir, notamment, la primauté du droit de celle-ci à des services de santé et à des services sociaux adéquats; - que le gouvernement assume lui-même la responsabilité ultime de déterminer les services essentiels en définissant des paramètres précis et en transformant le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, tel que défini dans le Code du travail, en une commission permanente d'experts chargée d'aider les parties au niveau local à s'entendre sur les services à maintenir et, à défaut d'entente, de déterminer les services essentiels; que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires, sur le plan de l'information, pour affirmer ses responsabilités de gouvernement; - que le conseil d'information sur les négociations soit aboli et remplacé par des dispositions législatives prévoyant la publication des demandes et des offres initiales, des positions respectives des parties telles que présentées au conseil de médiation et des recommandations de celui-ci; - que le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, transformé en une commission permanente d'experts, soit mandaté pour diffuser largement et ponctuellement à la population les données et les paramètres servant à déterminer les services à maintenir, ainsi que les services mis à sa disposition en temps de grève.

Les services essentiels. Parmi ces recommandations, nous attachons une importance toute particulière à celles relatives aux services essentiels. La notion de services essentiels doit être redéfinie de façon à refléter l'évolution des valeurs de la société québécoise, au même titre que ces nouvelles valeurs ont inspiré, par exemple, la reconnaissance des droits des salariés en matière de santé et de sécurité au travail. Nous croyons qu'il y a lieu de respecter une certaine uniformité dans la détermination des critères permettant de décider si un service est nécessaire a la santé et à la sécurité. Une distorsion dans les facteurs à considérer pour déterminer une même réalité, à savoir si la sécurité ou la santé est compromise, nous amène à des situations aussi anachroniques et loufoques que de dire, d'une part, aux parents et à l'enfant que sa sécurité et son développement sont compromis au sens de l'article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse s'il n'est pas placé en centre d'accueil et d'affirmer, d'autre part, que ces mêmes services seront suspendus temporairement pour une période plus ou moins longue, car sa sécurité et son développement, n'étant pas compromis, ces services ne sont pas considérés comme essentiels.

Il faudra également qu'elle tienne compte du fait que les besoins des bénéficiaires existent dans leur ensemble et ne peuvent être dissociés. Ainsi, il appert en conscience que les soins infirmiers et d'assistance sont indispensables dans un centre d'accueil d'hébergement où l'on compte principalement des personnes dont l'état de santé est fort détérioré. Il faut comprendre que le maintien de ces soins sous-tend également le maintien de services auxiliaires, tels les services alimentaires, par exemple.

Enfin, puisqu'il appartient à l'État gouvernement de déterminer le niveau des services auxquels la population pourrait avoir accès, nous sommes d'avis que la responsabilité ultime de déterminer les services essentiels ne peut pas être laissée aux parties bien que celles-ci doivent être impliquées dans le processus de décision.

M. le Président, à ce point de la discussion, nous jugeons pertinent d'ajouter un certain nombre de précisions sur le vécu des services essentiels dans les centres d'accueil à l'occasion de la dernière ronde de négociations. Cette mise au point nous paraît d'autant plus nécessaire que notre expérience de la réalité et l'analyse que nous en faisons débouchent sur des conclusions substantiellement différentes de celles exprimées jusqu'ici devant cette commission. Dans le rapport synthèse que publiait en juin

1980 le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, on peut lire, et je cite: "Le conseil ne prétend pas que les conflits de travail de 1979 dans les établissements du réseau des affaires sociales n'ont pas causé d'inconvénients ou que les inquiétudes des bénéficiaires et du public n'étaient pas fondées. Personne ne pouvait prévoir ce qui se passerait, et le conseil, à la lumière des faits qu'il connaissait, n'avait aucune raison de réincarner Cassandre, ce qui aurait pu contribuer à semer la panique dans la population. Le bilan est positif, de l'avis du conseil, principalement parce que, contrairement au passé et en observant la réalité qu'il avait sous les yeux, les qrèves ont été ordinairement sporadiques, parfois tournantes et toutes de courte durée. "

En d'autres mots, il n'y a pas eu de problèmes avec les services essentiels parce qu'il n'y a pas eu de grève, la loi 62 étant venue suspendre le droit. Il ne s'agit assurément pas là d'un constat positif sur la valeur intrinsèque de la mécanique des services essentiels prévus à la loi 59. L'Association des centres d'accueil ne peut oublier le résultat d'une enquête s'appuyant sur des critères rigoureux qu'elle conduisait en novembre 1979 dans 88 centres d'accueil où se trouvait la presque totalité des 96 unités d'accréditation ayant déposé une liste syndicale des services essentiels. De ce nombre, 27 établissements, dont 11 du secteur réadaptation et 16 du secteur hébergement, prévoyaient se retrouver dans une situation critique si la grève appréhendée se prolongeait au-delà de 48 heures. Parmi les 11 établissements du secteur de réadaptation, certains assumaient la responsabilité de handicapés physiques ou de handicapés mentaux très dépendants, d'autres offraient des services d'hébergement sécuritaires à des enfants qui leur étaient confiés par les directeurs de la protection de la jeunesse.

Dans 16 centres d'accueil d'hébergement, la situation était tout aussi dramatique, les bénéficiaires étaient en majorité classifiés A-3, A-4, c'est-à-dire très dépendants des services qu'on leur offre; leur état de santé requérait des soins constants et les gestionnaires ne pouvaient envisager une diminution dans le taux d'occupation que dans des proportions très infimes. 34 autres établissements envisageaient la situation comme pénible pour leurs bénéficiaires. Donc, 70% des établissements ayant fait l'objet du dépôt d'une liste des salariés requis pour le maintien des services essentiels se trouvaient dans une situation inacceptable.

À titre d'exemple concret, au centre d'accueil Cité des Prairies, 75% des enfants délinquants-pensionnaires, en novembre 1979, présentaient des risques majeurs et étaient dans un état de "dangerosité" grave. Il faut en temps normal 175 personnes par jour pour s'occuper de 137 bénéficiaires. Avec la grève, 30 cadres et 10 personnes non syndiquées devaient être prêts à remplir cette tâche.

Au foyer Saint-Joseph de Sherbrooke, foyer d'hébergement de personnes âgées -une petite minute - 250 personnes âgées bénéficiaires, d'un âge moyen de 81 ans, auraient dû être confiées à 8 cadres et 3 personnes non syndiquées. Il faut signaler que 75% de ces pensionnaires sont dans un état de très grande dépendance.

Au Centre d'accueil de réadaptation Lucie-Bruneau, où on s'occupe de 140 handicapés physiques, c'est à peu près la même situation, si je veux passer rapidement. Autrement dit, on vous donne des exemples très concrets dans nos centres d'accueil où, avec le dépôt d'une liste des services essentiels, c'était impossible de passer à travers une grève qui aurait été le moindrement longue; la situation était critique à ce moment-là.

Nous rappelons que ces faits sont des faits concrets, tel qu'ont souhaité en obtenir les membres de cette commission, qu'ils ont été relevés dans les jours qui ont précédé immédiatement l'adoption de la loi 62, qu'à notre connaissance, ils ont été authentifiés par le ministère des Affaires sociales et qu'ils ont, semble-t-il confirmé la perception des membres de l'Assemblée nationale, puisque ceux-ci décidaient de suspendre le droit de grève.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.

M. Doucet: Une petite conclusion?

Le Président (M. Rodrigue): Oui, allez- y.

M. Doucet: En guise de conclusion, M. le Président, les recommandations que nous avons formulées constituent l'expression du point de vue des centres d'accueil sur les correctifs à apporter au régime de négociations auquel ils sont partenaires. Elles représentent également leur contribution à l'éclairage que le gouvernement doit recevoir des corps intermédiaires impliqués dans l'évolution de la société québécoise.

L'avenir en matière de relations de travail dans les secteurs public et parapublic ne peut être que le reflet des gestes que nous posons collectivement maintenant.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie de la présentation de votre mémoire. Je voudrais en même temps informer les intervenants qui vont nous présenter des mémoires par la suite, autant que possible, de s'en tenir aux vingt minutes qui ont été allouées, parce que nous pouvons

difficilement consacrer beaucoup plus qu'une heure à l'audition de chaque mémoire et aux périodes de questions. L'expérience vous a démontré hier que les membres de la commission ont beaucoup de questions à poser. Dans la mesure du possible, je demande à tous ceux qui doivent présenter des mémoires de le faire dans le temps alloué de vingt minutes. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier l'Association des centres d'accueil du Québec de son mémoire. Je me dois de dire que c'est un mémoire qui sera très attentivement regardé. Vous desservez, vous nous l'avez expliqué et rappelé justement, des groupes de citoyens, des bénéficiaires, des personnes âgées, notamment, de jeunes mésadaptés affectifs. Je pense bien que c'est là, comme quand on parle du cas des hôpitaux, par exemple, l'illustration dans le concret et dans le vécu où les droits des uns doivent être sérieusement calibrés par les droits des autres. Il y a des choses où il faut trouver les moyens comme société de réconcilier le droit des gens, des humains, à avoir accès à leurs services essentiels.

Il y a beaucoup de matière dans votre mémoire. Je voudrais m'arrêter à un certain nombre de points. Vous posez un certain nombre de questions sur quelques données de faits. Vous nous citiez tout à l'heure le rapport du conseil des services essentiels qui conclut plutôt à un bilan positif; bien sûr, quand on quantifie des choses qui sont des choses et des données de faits qu'on peut quantifier, il y a une partie des choses qui ne pourra jamais se quantifier, c'est du domaine de l'anxiété, de l'inquiétude, des appréhensions, de l'angoisse. Ce n'est jamais une partie facile ou agréable pour des humains et on ne peut pas faire comme si cela n'existait pas. On l'admet tous et toutes, c'est un élément très important.

Vous nous avez expliqué, mais j'y reviendrai, que dans certains cas, selon votre évaluation, des ententes intervenues sur les services essentiels ou des listes vous apparaissaient insuffisantes pour répondre aux besoins si jamais un conflit réel devait se déclencher, soit une grève. Effectivement, et Dieu merci, ce n'est pas nécessaire de toujours se souhaiter le pire. Dans bons nombres de cas et dans la grande majorité des cas des centres d'accueil, à ma connaissance, il n'y a pas eu comme tel de grève générale. Dieu merci, si on peut réussir ensemble comme société et comme groupe à se négocier des conditions de travail sans que cela dégénère nécessairement et automatiquement en grève, je pense que personne ne la souhaite, il faudrait être complètement "flyé", décroché, ou être un cas que je référerais à certains de mes collègues si quelqu'un voulait souhaiter une chose pareille, je pense que cela doit être clair quand cela ne se produit pas.

Néanmoins, cela dit, il ne faut pas repousser du revers de la main les niveaux d'anxiété, d'appréhension qui peuvent venir à la suite de la perception que des humains ont de certains problèmes qui pourraient se produire, parce que quand arrive ce genre de situation, il y a des appréhensions. Donc, on ne peut écarter cela du revers de la main. (10 h 45)

D'après les chiffres qu'on me communique, il y aurait eu dans les centres d'accueil 188 ententes entre les parties, patronale, syndicale, ententes convenues entre les parties portant sur les services essentiels. Il y aurait eu d'autre part, 172 listes, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu d'entente entre les parties à ce moment-là conformément à la loi, les syndicats déposaient une liste de services essentiels et dans 43 cas, il n'y aurait pas eu de dépôt. On me dit que ce niveau d'entente, dans 188 cas donc d'ententes, est nettement supérieur au niveau des ententes intervenues dans d'autres établissements du réseau - les hôpitaux, par exemple - et que, par rapport aux situations antérieures, cela représentait une perspective d'amélioration. Tout n'était pas parfait. Je pense qu'il faut tous et toutes admettre cela.

La question que je voudrais vous poser, c'est celle-ci: À votre connaissance, comme association, est-ce qu'en un certain sens que j'appellerais "la menace" de se voir imposer une liste, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'entente qui intervient et le syndicat a le droit de déposer une liste, est-ce que cette procédure, ce que j'appellerais "la menace", en un certain sens - ce n'est peut-être pas la meilleure formule, mais peu importe, pour me faire comprendre - est-ce qu'à votre avis, puisqu'on voit que le niveau d'entente intervenu est supérieur, cela a eu un effet d'entraînement sur les directions des centres d'accueil, allant dans le sens de pousser vers une négociation d'un plus grand nombre d'ententes? Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Ce serait ma première question. J'en ai d'autres, mais je pense que je vais profiter de l'occasion pour vous débouler ma liste et après laisser la chance à d'autres d'intervenir.

Est-ce que, dans certains cas, en période de conflit, il aurait été porté à votre connaissance qu'indépendamment des listes déposées, qu'indépendamment même des ententes intervenues, dans certains cas, à la suite de certaines demandes, peu importe d'où elles venaient, est-il exact, à votre connaissance, comme cela nous a été dit, que certains syndicats, certaines journées, sur demande, ont fait entrer 100% du personnel?

Ma troisième question est la suivante. On nous a dit qu'à l'occasion - et c'était en particulier dans le témoignage de la

Confédération des syndicats nationaux - il y avait une clause, si ma mémoire est bonne, qui permettait au syndicat, sur demande, de réévaluer, selon l'évolution des choses, des besoins et des problèmes vécus, de réévaluer ce qu'il fallait, ce dont on avait besoin comme ressources humaines, pour répondre véritablement aux besoins qui se présentaient? Est-ce qu'à votre connaissance, dans les faits, effectivement, vous avez eu connaissance de certaines réévaluations qui ont été faites, qui se sont produites?

J'aurais maintenant quelques autres questions dans un autre ordre d'idées, mais toujours autour de cette notion et de cette préoccupation fondamentale des services essentiels. Comme association, l'Association des centres d'accueil, je pense qu'il serait intéressant pour les membres de la commission que vous nous précisiez votre rôle auprès des établissements membres de votre association.

Est-ce que, par exemple, pas exclusivement, mais notamment - s'il y a autre chose, il serait intéressant que vous puissiez nous le dire - vous avez le pouvoir ou, à tout le moins, le pouvoir moral, dans la pratique des choses - je sais bien qu'il y a ce qui est écrit dans les lois, il y a le noir, l'écriture sur le papier, mais il y a la réalité aussi. C'est important la réalité. Est-ce que vous avez en quelque sorte le pouvoir d'intervenir lorsqu'un établissement - et est-ce que cela s'est produit - semble éprouver des difficultés réelles lors d'un conflit appréhendé, mais plus particulièrement lors d'une grève? Je vais vous dire très franchement pourquoi je vous pose la question. À ma connaissance, dans un cas en particulier, je ne veux pas citer le nom, cela paraît de façon très détaillée, dans les rapports d'expertise qu'on a en main, dans un centre d'accueil, en particulier, il y avait eu une liste, si ma mémoire est bonne, car il n'y avait pas eu d'entente intervenue sur les services essentiels. Une liste avait été déposée. La liste n'a pas été respectée dans la pratique, c'est-à-dire que les éducateurs -c'est ça la raison qui explique que la liste, selon le rapport d'expertise qu'on a dans le cas d'un centre d'accueil n'a pas été respectée - qui étaient syndiqués, qui se rapportaient pour assurer les services ont été renvoyés par l'employeur, de sorte que la scolarisation ou tout le travail d'adaptation en particulier a été interrompu.

Il y a eu plus que ça. La direction du centre d'accueil, qui avait déplacé, transféré un bon nombre d'enfants, 140 effectivement, graduellement, en d'autres lieux et en divers lieux, refusait de dire aux parents l'endroit où étaient rendus leurs enfants, ce qui, évidemment, contribuait à créer une anxiété - là je pense qu'on ne se fera pas de dessin; elle est tellement évidente - auprès des parents. On le sait parce que forcément on a été contacté au gouvernement par les parents aussi. Le conseil sur les services essentiels a envoyé un expert. On parlait hier des comportements et des attitudes; il faut trouver le moyen de contribuer a aider à les changer parce que cela n'a pas de sens. Je prends cet exemple. Dieu merci, c'est un cas d'exception. Encore une fois, un cas d'exception c'est un cas de trop.

Le conseil a envoyé son expert. Lorsque l'expert s'est présenté on a refusé de lui dire où se trouvaient les enfants. On acceptait qu'il aille vérifier si les services essentiels étaient maintenus aux endroits où se trouvaient les enfants à la condition qu'il soit escorté par un cadre - et là je cite le rapport d'expertise - et qu'il ait les yeux bandés.

C'est un cas d'exception, Dieu merci, parce que cela n'a aucun sens. Finalement, par des pressions qui sont venues, et là vraiment tout le monde a donné un coup de main tellement ce n'était pas acceptable, tout le monde a donné un coup de main et je tiens à le dire... Si ma mémoire est bonne, vous y avez été pour quelque chose et vous avez donné un coup de main sérieux dans ce cas-là. C'est pour cela que je vous poserais très franchement la question: Jusqu'où est-il possible d'aller, jusqu'où est-il possible de concerter nos efforts et qu'est-ce qui doit être retravaillé dans les textes pour faire en sorte que des choses comme celle-là ne se reproduisent pas? Finalement, bien sûr, l'expert a pu avoir accès aux camps de vacances où se trouvaient les enfants et on a été à même de constater, selon les rapports d'expertise, que les services essentiels avaient été maintenus au-delà de ce qu'on pouvait espérer.

C'est pour ça que je vous pose la série de questions sur votre rôle auprès des établissements, sur les pouvoirs que vous avez, pour savoir si, le cas échéant, d'après vous, il y a des ajustements qui s'imposent. Je m'excuse, M. le Président, de prendre autant de temps, mais je pense qu'on a là vraiment un cas de bénéficiaires, de citoyens, d'hommes et de femmes qui ont droit... Il ne faut pas que ce soient juste des choses écrites sur le papier, il faut que des abus cessent de tout bord, de tout côté, de la même façon que c'est inacceptable, complètement irresponsable qu'une ambulance... On nous a dit: C'est toujours la même ambulance, cherchons l'ambulance, hier. Si c'est ça, oui, il faudra trouver ce cas. D'après les rapports, il semble qu'il y ait eu d'autres cas d'abus qui se sont produits d'autres côtés, et c'est aussi inacceptable. Je pense que tout le monde en convient de bonne foi et il faut trouver les moyens pour que cela ne se reproduise plus.

Je voudrais vous poser une dernière question. En ce qui concerne le conseil sur le maintien des services essentiels, vous nous

proposez que la composition et le mandat soient modifiés. On regardera vos propositions quant au mandat. Vous nous proposez que la composition soit modifiée. Vous trouvez que la présence là des parties impliquées pose un problème et vous nous proposez que ce soient plutôt des experts. J'aimerais que vous nous précisiez peut-être de façon plus concrète ce à quoi vous pensez, à quel type de personnes vous pensez, qui pourrait les choisir. Maintiendrait-on la procédure actuelle de choix? Je pense que c'est un élément extrêmement important de votre mémoire et il serait intéressant qu'on puisse le fouiller un peu plus avec vous. Je m'excuse de la longueur de mes questions et de mes remarques, M. le Président, mais j'attache personnellement une grande importance à ce document.

Le Président (M. Rodrigue): M. Doucet.

M. Doucet: Votre première question, M. le ministre, concerne le nombre d'ententes et l'effet d'entraînement que pouvaient avoir aussi le dépôt de listes et la réglementation actuelle. Il est évident que nous avons constaté qu'il y avait un certain nombre d'ententes qui avaient été signées et acceptées par les deux parties, mais que certaines directions de centres d'accueil étaient vraiment prises à la gorge aussi. On vous a défini la clientèle tout à l'heure et entre pas d'entente ou une entente qui permette de maintenir un peu certains services à l'interne, je pense que cela a forcé un peu. Mais il faudrait surtout regarder non seulement le nombre d'ententes - vous avez donné des chiffres tout à l'heure - mais aussi la qualité de ces ententes, ce qu'il y avait à l'intérieur. On a quand même relevé dans la présentation de ce matin une enquête faite auprès de 88 établissements. Il y en avait 27 là-dedans qui étaient dans une situation critique. Il faut dire aussi, en fin de compte, que la grève n'a pas été longue, que cela a été réglé par une loi; on avait seulement commencé à sortir un peu. À ce moment-là, on appréhendait vraiment une situation assez tragique.

Je demanderais à Me Huguette April-Morin de répondre à votre deuxième question, à savoir si certains syndicats ont accepté de faire entrer 100% du personnel.

M. Cloutier (Pierre): Je ne m'appelle pas Mme Morin, bien sûr, mais on était en train de se consulter là-dessus. On n'a pas de noms qu'on pourrait vous citer et on n'a pas de listes, non plus. Toutefois, il est possible que cela ait pu arriver que 100% des gens soient rentrés dans un cas précis. Il serait possible de trouver la situation inverse où tout le monde est sorti. Or, j'ai l'impression que, finalement, cela devient un exercice qui risque d'être mathématique pour les fins de la discussion de ce matin, mais, un dans l'autre, j'ai l'impression que les choses s'équilibreraient d'un 100% qui est entré à un 100% qui est sorti. Il est probable que cela ait pu arriver dans le passé. Je pense qu'intellectuellement on n'est pas prêt à en refuser la possiblité.

Quant à la réévaluation de la liste dans le troisième cas, effectivement, je pense qu'on peut dire qu'il y a eu des listes réévaluées et qu'on a demandé à des gens de réévaluer la situation. C'est certain. Encore là, inversement, des listes qui avaient été convenues n'ont pas été respectées. Probablement que, pour une liste réévaluée, encore là, on a peut-être une, deux ou trois listes non respectées. Vous citiez un cas tantôt. Finalement, j'ai l'impression que, lorsqu'on discute de cette série d'exceptions - jusqu'à un certain point, je pense qu'on pourrait les considérer comme des exceptions - on risque un peu de déplacer le noeud ou le cadre du débat qu'on veut centrer sur la mécanique générale qu'on voudrait mettre en place.

(11 heures)

M. Doucet: Quant à la quatrième question sur le rôle de notre association auprès des établissements, de façon générale, on est là pour répondre aux besoins des établissements. On les conseille. On essaie de prévenir les situations-problèmes. On leur donne des moyens de comprendre les lois, de mieux les respecter et de faire face à des situations difficiles. Lorsqu'on s'aperçoit qu'à notre avis ou à l'évaluation d'un ensemble de membres un établissement - et c'est vraiment un cas particulier que M. le ministre a soulevé à ce moment-là, c'est un cas de grève illégale si on s'y réfère bien -vous n'avez pas nommé l'établissement mais, d'après les coordonnées que vous avez données, on était dans une situation de grève illégale. Effectivement, dans des cas semblables, et dans le cas précis que vous semblez identifier, on a donné un support technique à la direction de l'établissement pour essayer de rectifier son attitude. II ne faut pas oublier que la direction des établissements, lorsqu'elle est aux prises avec une clientèle aussi difficile que celle qu'on a mentionnée et qu'elle se retrouve devant une grève illégale, les gens deviennent nerveux un peu. Ils essaient de maintenir une certaine qualité de services à ces gens.

Ici, c'est le cas de handicapés assez graves. Souvent, il n'est pas possible de les retourner chez eux, il faut absolument trouver un moyen de les garder. Peut-être que dans la mécanique, dans l'application, il peut y avoir eu des abus qui ont rendu les parents ou les enfants insécures. Mais il faut se rappeler qu'on était dans une situation très particulière. À votre question: Est-ce que l'association, à ce moment-là, essaie de

rectifier le tir de certains établissements? Bien sûr, autant qu'on essaie, aussi, de prévenir des situations aussi problématiques que celle-là. Mais c'est un cas très particulier.

Il y a eu un support, on me dit qu'on y est allé à plusieurs reprises. On me dit même que l'expert-conseil y est peut-être allé les yeux bandés, on n'a pas vérifié cela, mais il est allé à plusieurs reprises pour vérification. Il y avait effectivement une qualité de services rendus. Peut-être que l'établissement ne pouvait pas le dire parce qu'on avait peur de faire déplacer, encore une fois, ces services. On n'avancera pas plus loin dans cet exemple, mais notre rôle, c'est d'aider les établissements et on essaie de rectifier le tir.

À votre question concernant le conseil sur le maintien des services, je demanderai au directeur général de répondre.

M. Cloutier: La composition et le mandat, les experts en question, je pense que dans le passé, autant sous la loi 253, autant sous la loi 59, ç'a été une des difficultés. On est porté à penser tout notre système en fonction d'experts en relations de travail. Je pense que, quand on a à évaluer la nécessité de services de santé ou de services sociaux, on devrait s'adresser à des gens qui connaissent ce genre de services. Hier, on parlait du gaz ou de l'électricité, je vous avoue qu'à l'Association des centres d'accueil on n'est pas des experts en électricité ni en gaz. Ne venez pas nous voir pour ce genre d'expertises. Mais pour d'autres genres d'expertises, comme les services sociaux et les services de santé, il y a moyen d'aller en chercher dans nos différents milieux - pas à l'association, on est biaisé, il n'y a pas de liste, d'ailleurs, qu'on dépose comme services essentiels - je pense qu'il y a des gens qui peuvent poser des diagnostics intelligents sur des situations.

Par exemple, dans le cas de maladies cardiaques, un cardiologue peut poser beaucoup mieux que n'importe qui d'autre un diaqnostic sur le besoin urgent de servir quelqu'un ou pas. Dans le cas de services de soins infirmiers, par exemple, la nécessité de changer certains pansements, ou des pratiques semblables, je vous avoue que des infirmières ou des gens de cet ordre de spécialité seraient les plus habilités à juger de telles situations. Dans le cas de traumatisme psychologique, je pense que des psychologues ou des gens en psychiatrie pourraient poser aussi des diagnostics fort plus intelligents que des spécialistes en relations de travail.

On vous cite aussi, dans notre mémoire - et je crois que ce n'est pas à dédaigner comme approche - la participation et la collaboration dans cet exercice des CRSSS. Ils sont les gens chargés de recevoir les plaintes, c'est donc dire qu'ils sont capables d'évaluer si l'intégrité des personnes a été mise en cause par la distribution des services en temps régulier. On pourrait aussi les faire contribuer; ce sont eux, aussi, qui sont chargés de la planification régionale des services. On pourrait les mettre à contribution dans un exercice de détermination des services minimaux à maintenir. En d'autres termes, aller chercher des gens qui connaissent les matières en question. Les CRSS sont quand même, à notre connaissance, une instance qui est la "main" gouvernementale, au niveau régional, pour garantir la qualité de services jusqu'à un certain point.

Rappelons-nous que, dans notre philosophie, les services essentiels, les services à maintenir, c'est l'État qui doit en déterminer le niveau et personne d'autre. C'est la responsabilité de l'État et, ça, c'est fondamental.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Paraît-il qu'hier on ne m'entendait pas; peut-être qu'aujourd'hui on va m'entendre. Est-ce que ça fonctionne? Est-ce que ça va? Merci.

Je voudrais d'abord, remercier d'une façon toute particulière l'Association des centres d'accueil de son mémoire. Cela me paraît un mémoire passablement fouillé, complet et cela me paraît un mémoire responsable. Je voudrais vous dire que, pour autant que ma formation politique est touchée, nous souscrivons pleinement à votre principe fondamental de la primauté des droits de la population à des services de santé et des services sociaux adéquats. Hors de tout doute dans notre esprit, ceci demeure fondamental.

J'aimerais peut-être que le gouvernement - je n'ai pas pu l'entendre dans ce sens depuis le début de la commission - exprime aussi son choix quand il arrive un conflit de droits entre les droits du public à des services de santé et les droits des travailleurs à exercer un droit de grève qui est aussi légitime mais qui, dans des situations de crise, à notre point de vue, doit être subordonné à celui du droit de la population à des services de santé adéquats.

Vous faites beaucoup de suggestions, plusieurs devraient être retenues comme le fait que revient au gouvernement ou à l'État la responsabilité au moins de fixer les grands paramètres ou les grandes balises quant aux services essentiels, ce qui n'a pas été fait dans le passé tant par la loi 253 que par la loi 59 ou ce qui découlait de la loi 59. On peut blâmer peut-être les deux gouvernements à cet égard de ne pas avoir réussi, mais je pense qu'au moins, le fait de l'avoir vécu nous indique immédiatement que

cela doit être une préoccupation constante et au premier plan parce que la prochaine ronde des négociations, comme on le disait hier, est relativement rapprochée.

Je voudrais revenir sur la question de la liste syndicale. Le ministre, depuis le début - si je l'interprète mal, je sais qu'il prend bien soin de corriger les mauvaises interprétations que je peux faire de ses propos - dit: Écoutez, il y a eu tant de listes syndicales de déposées, il y en a eu peut-être 288 - je peux me tromper dans les chiffres - dans les centres d'accueil, et ceci est beaucoup mieux que ce qui avait été fait dans le passé, alors qu'on avait procédé avec la loi 253.

Je ne prétends pas qu'on doive revenir à la loi 253, mais il y a une chose que vous affirmez dans votre mémoire et qui, à mon point de vue, est assez grave. En page 73, vous avez donné les résultats d'une enquête que vous aviez faite, à laquelle vous avez faite allusion tout à l'heure, peut-être en développant un peu plus le sujet, à ce que j'ai cru comprendre. On doit considérer en effet que les ententes dans bien des cas furent davantage des actes d'adhésion de la part des employeurs afin d'éviter l'odieux chantage fait par certains syndicats, à savoir qu'en l'absence de consentement de la partie patronale au pourcentage offert par le syndicat, celui-ci déposerait la liste des salariés devant assurer des services essentiels avec un pourcentage en deçà du pourcentage refusé. Vous ne retirez rien de ce qu'il y a là?

M. Doucet: Non. Cela a été dit hier, je pense, par d'autres groupes. Cela a été vécu dans plusieurs établissements.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, nous entendrons la FTQ qui, je pense, fera peut-être valoir un point de vue différent, je l'ignore...

M. Laberge (Louis): C'est possible.

Mme Lavoie-Roux: C'est possible. C'est peut-être là la difficulté pour le législateur de trancher entre deux points de vue qui s'opposent et qui peuvent être légitimes à certains égards pour l'un et pour l'autre. Pour vous autres, le dépôt d'une liste syndicale dans les cas où il ne peut pas y avoir entente, ou le dépôt d'une liste syndicale après une discussion faite dans certains cas avec une certaine forme de chantage ne vous paraît-il pas une formule adéquate pour satisfaire aux besoins essentiels des clientèles que vous servez dans les centres d'accueil?

M. Doucet: Effectivement, non. Nous aussi, on est juge et partie là-dedans. Les syndiqués sont partiellement juge et partie, et nous le sommes. C'est pour cela qu'on dit qu'il faut que ce soit une autre instance, une instance gouvernementale qui prenne ses responsabilités là-dedans. À ce titre, face à la dernière ronde de négociation, la loi 62 a répondu à la question. Cela ne devait pas aller sur des roulettes, puisque, à un moment donné, il a fallu intervenir par une loi.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, à la liste que vous avez citée tout à l'heure, on pourrait en ajouter d'autres, par exemple, un hôpital pour soins prolongés et centre d'accueil, qui combineraient les deux vocations. Le syndicat a déposé une liste. Il s'agissait d'un centre d'accueil où la moyenne de la population avait 84 ou 85 ans, les autres, étaient aux soins prolongés et la liste syndicale était zéro. Enfin, il y a aussi le cas de l'hôpital Rivière-des-Prairies et, n'eût été de la loi spéciale qui fut adoptée, l'hôpital Rivière-des-Prairies, où il y a je ne sais pas combien de jeunes qui sont là aurait été dans un état... D'ailleurs, j'avais les télégrammes que je ne retrouve pas, mais qui nous ont été envoyés, devant la gravité de la situation qui existait à ce moment-là.

M. Doucet: Mme Morin aurait peut-être des faits concrets.

Mme April-Morin (Huguette): Si vous me permettez, j'aimerais peut-être compléter. Au niveau de la liste syndicale qui pourrait être déposée, il y a une question de base qu'il faut se poser. Quand on parle de négociation et de conditions de travail, il est normal que les salariés impliqués aient quelque chose à dire, puisque ce sont leurs conditions de travail qui vont décider de quelle manière ils vont travailler. Mais la détermination des services essentiels, ce ne sont pas des conditions de travail, c'est de savoir si M. Untel ou Mme Unetelle a le droit de recevoir certains services. Ce ne sont pas des conditions de travail et, à ce titre, nous disons: Cela ne peut pas être négocié. Cela ne concerne pas les salariés directement, bien qu'au bout du compte cela réduise un peu leurs possibilités de faire la grève. Mais ce ne sont pas des conditions de travail, ce sont des droits de gens dont on discute. Alors, nous disons: Bien sûr qu'ils ont quelque chose à dire, mais on pense qu'ils sont parti pris autant que les employeurs et, dans ce sens, l'élaboration de paramètres permettrait aux gens d'avoir des références, comme le taux d'occupation et la possibilité d'échanger d'un établissement à un autre. Cela donne une protection à la population. On crée des lois comme la Loi de la protection du consommateur où on dit: II faut mettre quelque part des dispositions qui vont bien protéger le consommateur au cas où il y ait des gens qui exagèrent.

Or, à ce moment-ci, nous disons: On va

donner des paramètres pour donner une protection, parce que les bénéficiaires ont quelque chose à dire. C'est sûr que si on leur demande quels sont les services, ils vont nous dire: Tout est nécessaire. On dit, dans le fond: II ne s'agit pas de négocier les services essentiels, il s'agit d'essayer de se trouver des balises qui vont nous aider à déterminer aussi le mieux possible... mais ce n'est pas une négociation, ce ne sont pas des conditions de travail.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie de la précision. Il reste que vous n'écartez pas, une fois que ces grands paramètres ou ces balises sont étblis le mieux possible, que se fasse à l'intérieur de l'institution, - si on peut parler ainsi - une entente finale ou un arrangement final quant à l'application ou aux modalités de l'application de ces paramètres.

Mme April-Morin: II s'agirait pour les parties de déterminer s'ils entrent dans le cadre. Si on dit qu'il faut considérer le taux d'occupation et la possibilité de le réduire, compte tenu de la captivité des gens, les gens vont s'asseoir et ils vont dire: On les connaît nos bénéficiaires un peu, en tout cas, on a une idée. On va voir quel est notre taux d'occupation. Les instances qu'on préconise, au niveau de la commission ou de la régie, peu importe, dans le fond, c'est de la sémantique au niveau du nom, pourraient aider les gens au niveau local à déterminer ces services, parce que, quand on parle de caractère de permanence, il reste que les experts en dehors des négociations et en dehors de la période - il faut déterminer les services essentiels - auraient quand même une vue sur ce qui se passe en temps normal, sur les carences ou sur ce qu'il serait possible dans des circonstances particulières de réduire, puisqu'ils ont une vue globale de façon générale en situation régulière. (11 h 15)

Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question touche le droit de grève. À la page 80 - je n'avais pas lu hier votre mémoire, mais j'ai cité à peu près cet exemple en parlant d'un centre d'accueil pour les jeunes - vous dites: De façon plus spécifigue, ces balises devraient prendre en considération -c'est-à-dire les balises pour établir les services essentiels notamment l'état de dépendance physique ou mentale des bénéficiaires - la vocation de l'établissement, le type de service qu'ils dispensent, le taux d'occupation et la possibilité de le réduire, et avant ceci vous avez donné des exemples de centres d'accueil pour personnes âgées, d'enfants extrêmement handicapés. On pense particulièrement aux déficients mentaux profonds. Est-ce que vous entrevoyez qu'on arrive, possiblement, dans le cas de certains centres d'accueil, à ce que 100% des services soient requis et qu'à ce moment-là, dans les faits, ou dans le concret, le droit de grève pour cet établissement particulier n'existerait pas, mais les salariés profiteraient par extension des conditions de travail qui seraient négociées dans d'autres centres analogues des autres travailleurs des affaires sociales?

M. Cloutier: Effectivement, il est possible qu'on en arrive à conclure que, dans un établissement, ce serait 100% des gens qui sont requis pour donner des services à des handicapés mentaux très profonds, qrabataires, qu'il faut alimenter au complet, etc., avec tous les besoins que cela comporte. Mais c'est à l'État à déterminer les paramètres qui vont encadrer cette décision-là. Il est bien sûr que cela peut être de 0 à 100, mais quel est le mandat social que les Québécois ont confié à l'État? Il y a un jugement préalable que vous devez porter et qu'on va appliquer. Je pense que c'est d'abord cela la question qu'on vous livre, qu'on vous transmet à débattre et, par la suite, on pourra en arriver à 100%, selon les paramètres que vous déterminerez.

M. Doucet: Mais, en aucun cas, le droit de grève n'est enlevé aux travailleurs, sauf que, dans certaines circonstances très précises, les travailleurs vont voir qu'il n'y a pas de gain à l'utiliser et il y a un paguet d'autres mécanismes qui sont suggérés ici et qui permettent la résolution des conflits.

Mme Lavoie-Roux: À la page 104, dans les recommandations, au cinquième paragraphe, vous suggérez: le processus ultime de règlement prévoit le choix par les syndicats entre la technique d'arbitrage obligatoire selon l'offre finale et l'exercice d'un droit de grève dans le respect des services essentiels. À ce moment-là, est-ce que ce n'est pas une certaine ambilavence que vous avez vis-à-vis du droit de grève? J'interprète que, plutôt que d'exercer le droit de grève, les employés pourraient choisir la technique d'arbitrage obligatoire. J'aimerais que vous clarifiiez ce point-là.

M. Neveu (Yves): On est d'accord pour conclure que l'analyse des services essentiels dans l'ensemble des services de santé et des services sociaux pourrait aboutir à des résultats différents selon l'établissement ou selon le type d'établissement dans lequel on se trouve. Il se pourrait que, dans certains centres d'accueil, les services essentiels soient établis à 80% alors que, dans d'autres établissements ou dans d'autres types d'établissements, les services essentiels pourraient être établis à des niveaux différents et possiblement plus bas. Ce que l'on dit, c'est que les syndicats auraient à

évaluer l'ensemble de la situation, prenant en considération qu'à certains endroits, le droit de grève est limité par les services essentiels et qu'à d'autres, il est moins limité. En conséquence, ils pourraient choisir entre deux choses, à savoir en pondérant, selon leur perception du rapport de forces: Est-ce que les services essentiels nous empêchent d'exercer un droit de grève valable ou est-ce qu'il y a suffisamment d'employés qui ont encore le droit de grève pour pouvoir exercer ce droit de grève? C'est à la lumière de cette analyse qu'on suggère que le syndicat pourrait exercer son choix entre la technique de l'offre finale ou un droit de grève limité par une nouvelle notion de services essentiels.

Mme Lavoie-Roux: Et ceci serait au niveau de l'établissement?

M. Neveu: II pourrait se définir plusieurs formules. Comme la loi 55 le permet actuellement, la CSN pourrait accepter certaines clauses dans la convention collective et la FTQ accepter d'autres clauses et ainsi de suite. On peut avoir dans une convention collective des hôpitaux, des modalités différentes de celles dans une convention collective des centres d'accueil. Globalement, on croit que ce choix devrait s'exercer sur une échelle assez large, c'est-à-dire qu'on ne croit pas que cela doive se faire au niveau de l'établissement, mais plutôt au niveau d'une centrale syndicale ou soit par catégorie d'établissements.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, parce que je sais qu'il y en a d'autres qui veulent en poser. J'en aurais pour toute la journée.

Vous dites, dans vos recommandations, "que soit maintenu le Comité patronal de négociation des affaires sociales, tel que le prévoit la loi 55". Mais, dans les faits, le comité patronal de négociation, l'État employeur regroupait évidemment les fédérations. Je comprends que vous vouliez continuer de participer à ce comité patronal puisqu'il vous permet au moins d'influencer ou d'orienter la qualité des soins ou ce que vous croyez être les services requis à l'intérieur des établissements.

Mais est-ce que dans les faits, lors de la dernière négociation, vous avez eu l'impression - cela peut également toucher la négociation précédente, mais je ne voudrais pas qu'on tombe dans un débat partisan -que vous pouvez jouer pleinement le rôle qui normalement devrait être le vôtre, à l'intérieur d'un comité patronal, pour assurer une amélioration de la qualité des services ou de la vie à l'intérieur des établissements?

M. Neveu: La réponse est plutôt négative, si on s'appuie sur les structures actuelles. Mais je vous rappelle que cette recommandation est précédée d'une autre recommandation qui propose que les matières salariales, globalement, telles que définies dans le mémoire, soient arrêtées ou soient définies par voie législative. Conséquemment, on se dit: Si la partie qui affecte le budget de l'État, donc ses priorités sociales et économiques, est déterminée par voie législative, si cela est fait à ce niveau, il n'y a plus de raison pour la table centrale. Selon notre perception, la raison d'être de la table centrale, c'est de permettre au gouvernement d'avoir le contrôle complet sur les impacts que cela peut avoir sur ses politiques sociales et économiques.

On dit que dans l'hypothèse où cela serait arrêté par voie législative, le reste pourrait être négocié par le CPNAS, tel qu'il est constitué dans la loi 55. Je vous rappelle qu'il prévoit la présence des partenaires patronaux, associations patronales d'établissements, ainsi que la présence du ministère des Affaires sociales, que nous continuons à accepter au CPNAS, cela va de soi, puisque, au niveau de différentes autres modalités dans les conventions collectives, le ministère est fortement intéressé par ce qui peut être négocié aux tables de négociation.

Mme Lavoie-Roux: Un dernier point. Quand vous parlez, dans votre mémoire, des responsabilités qui vous échoient d'assurer la qualité de vie à l'intérieur des établissements, ce n'est peut-être pas textuellement dit comme cela, mais d'assumer votre rôle d'administrateurs à l'intérieur des établissements, je me souviens qu'il y a à peu près deux ans, vous aviez fait des représentations, à savoir que vos budqets soient augmentés, compte tenu des responsabilités supplémentaires qu'on vous demandait à l'endroit des A-3 et des A-4 -c'est un peu un jarqon incompréhensible, mais enfin, les personnes les moins autonomes, si l'on veut - et à ce moment-là il y avait eu une espèce de négociation officieuse avec le gouvernement. Je voudrais vous demander en terminant, aujourd'hui, devant l'impact des coupures budgétaires, si ces coupures budgétaires vous rendent la vie encore plus difficile à l'intérieur des établissements. Je pense que cela intéresse le personnel, également, et non seulement les administrateurs, compte tenu de cette responsabilité supplémentaire et du besoin que vous avez de pouvoir assurer la qualité de vie ou la qualité des services à l'intérieur de vos établissements.

M. Doucet: Actuellement, la situation est encore très difficile, particulièrement dans les centres d'accueil et d'hébergement, où on manque de personnel et où les listes d'attente sont très longues. Aussi, il est encore plus vrai que la clientèle en perte

d'autonomie est grande, parce que plus il y a une liste d'attente, plus ceux qu'on nous réfère finalement sont des gens qui n'ont à peu près pas d'autonomie physique ou psychique et qui doivent être lavés, nourris régulièrement, en plus des autres besoins qu'il faut assumer. Donc, il y a encore un manque très évident de personnel.

Par contre, à ce niveau, on attend. J'écoutais encore le ministre hier, dans une émission de télévision et semble-t-il qu'on va payer le coût exact des conventions collectives parce que, actuellement, il y a un manque à gagner très considérable dans nos centres d'accueil à ce niveau. Même le ministère des Affaires sociales dit effectivement qu'on va nous rembourser cela, que cela va être mis dans nos budgets en cours d'année. À ce moment-là, la compression budgétaire serait toujours un peu plus possible dans quelques établissements.

Mme Lavoie-Roux: Dernière question. Quelle est votre liste d'attente dans les centres d'accueil?

M. Doucet: Elle est différente dans chacun des centres d'accueil. Je ne pourrais pas vous le dire actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Globalement, vous ne le savez pas non plus?

M. Doucet: Les CSS ont cet outil. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Doucet: Quelque 2400 à Montréal, mais c'est entre guillemets et sous réserve.

M. Cloutier: Région 04, 600.

Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).

M. Gauthier: M. le Président, je vais tâcher d'être bref, même si j'ai plusieurs questions et j'aimerais avoir des réponses précises et courtes, s'il vous plaît. Mon premier commentaire, concerne ce qui vient d'être dit au sujet de la situation dans les centres d'accueil au moment où il y a grève des employés. C'est bien sûr, et on le conçoit très bien, que la situation n'est probablement pas rose en temps de conflit et tout le monde l'admet; c'est parfaitement voulu évidemment, c'est un moyen de pression, c'est un rapport de forces qui s'établit. Maintenant, je voudrais savoir de l'Association des centres d'accueil, puisqu'il y a eu au cours des dernières années plusieurs mécanismes qui ont été mis en place par le gouvernement pour améliorer cette situation des services essentiels, et on en a fait état hier, si c'est sa perception également, qu'il y a eu effectivement amélioration, à travers l'histoire des conflits qu'on a vécus dans les dernières années au niveau des ententes avec la partie syndicale à ce propos.

La deuxième question porte sur la recommandation no 2 que fait votre organisme et qui soustrait à la négociation toute la question des masses salariales, toute la question de la rémunération et tout ce qui y touche d'une quelconque façon. Or, on a vu hier - et on a, j'oserais dire, presque établi un consensus là-dessus - que c'est très difficile de limiter le droit de grève qui appartient de droit à des travailleurs, surtout que, même si on écoutait cette recommandation, dans bien des endroits où le droit de grève n'était pas autorisé, il y a eu tout de même un désordre social, il y a eu quand même des employés qui sont sortis et il y a eu tout autant de problèmes, sinon plus, parce qu'il n'y avait pas, à ce moment, de négociation de services essentiels qui était faite.

Ma troisième question touchera la recommandation no 10. On y dit: "Que le gouvernement assume lui-même la responsabilité de déterminer les services essentiels" et, dans la recommandation 11, "que le gouvernement prenne les dispositions nécessaires... Sur 11, on y reviendra, mais à 10, c'est que le gouvernement détermine les services essentiels d'une certaine façon. Or, hier également, à la suite au mémoire de la CSN où on en a discuté très longuement, tout le monde a reconnu le caractère dynamique des services essentiels, soit qu'il était extrêmement difficile de prévoir dans des établissements hospitaliers ou autres les besoins de la population et que ça devait être négocié quotidiennement avec le syndicat et les employeurs. Je voudrais savoir quelle est votre perception de ce critère. En tout cas, cette recommandation m'inquiète, tout particulièrement.

Enfin, il y a une recommandation également, la recommandation 12 où on recommande de rendre publiques les négociations avec les employés de l'État. On a également fait état hier que la crainte dans la population d'un conflit ou la crainte qu'il n'y ait pas d'entente avec les syndiqués était un des éléments très perturbateurs sur le plan social. Je voudrais savoir si vous ne pensez pas que le fait de rendre publiques des demandes, de rendre publiques des offres au stade préliminaire des négociations serait de nature à effrayer indûment la population. Enfin, vous disposez allègrement de la table centrale dans une de vos recommandations. Je voudrais savoir ce qu'il adviendrait de la négociation de choses comme les congés de maternité, pour ne prendre que cet exemple. Si tout est négocié localement, à quoi pensez-vous que le gouvernement et la partie patronale devront faire face dans les différents centres d'accueil, dans les différents centres hospitaliers du Québec,

surtout qu'hier les directeurs généraux des commissions scolaires, qui représentent quand même une association patronale, nous recommandaient le contraire, soit d'éliminer les négociations locales et de tout centraliser à une table centrale? J'aimerais avoir des réponses, s'il vous plaît, à ces questions.

M. Doucet: À savoir si la situation s'est améliorée dans les dernières négociations, Me Huguette April-Morin a fait l'évaluation pas mal de cette situation. (11 h 30)

Mme April-Morin: La question portait plus précisément, je pense, sur l'évolution des services essentiels. Si je remonte à 253, on nous dit à ce moment-ci, et à plusieurs reprises on l'a mentionné, qu'il y avait plus d'ententes, maintenant, qu'il y avait eu de décisions des commissaires puisque, à ce moment-là, c'était cela. Il faut se replacer sous la loi 253-1. C'était la première loi qui obligeait les salariés à déterminer les services essentiels dans le secteur des affaires sociales au Québec. Donc, ils étaient réfractaires. C'était la première fois. Le temps que les gens s'habituent un peu. Deuxièmement, cette loi a été sanctionnée le 19 décembre 1975. Les conventions collectives ont été signées le 23 août 1976. On était en pleine période de conflit. On attendait cela pour faire la grève. Les commissaires-enquêteurs intervenaient d'office avant même que les parties aient pu se rencontrer. Ils avaient besoin de cela. On était en pleine période de négociations et le conflit était là. Donc, dans le fond, je pense que, si on compare le nombre d'ententes versus le nombre de listes ou de décisions imposées, il faut aussi regarder toutes les circonstances qui ont fait que ces ententes sont peut-être plus nombreuses maintenant, mais là aussi les gens se sont habitués à cette idée. Ils ont fait des recommandations de part et d'autre à la commission Martin-Bouchard, laquelle a également, à nouveau, articulé cette notion. Cela a quand même fait un bout de chemin. Je pense que les parties syndicales acceptent...

M. Gauthier: Si vous permettez, ma question est plutôt en termes qualitatifs. Cela fonctionnait-il mieux pour déterminer les listes des services essentiels? Je voudrais reprendre un exemple qui a été donné en disant qu'il n'y avait rien de mieux qu'un cardiologue pour déterminer si un patient atteint d'une maladie cardiaque avait besoin de soins. Je me pose la question suivante: N'y a-t-il rien de mieux que des personnes qui travaillent quotidiennement auprès de bénéficiaires pour savoir les soins dont ils ont besoin? Les syndiqués n'ont-ils pas à ce point de conscience sociale qu'ils laisseraient de côté la responsabilité la plus élémentaire?

Mme April-Morin: Je pense qu'ils peuvent voir les conséquences, mais ce qu'on dit, c'est que, comme c'est à l'État de déterminer de façon générale quels sont les services en temps normal à rendre à la population, c'est également à l'État de les réduire. Même si les employés peuvent avoir une conscience professionnelle, on ne laisse jamais des gens qui sont directement impliqués, autant la partie patronale que la partie syndicale, sans aucun paramètre pour déterminer ce que seront des droits qui ne les concernent pas directement, mais qui concernent un tiers qui n'a rien à dire là-dedans avec le processus et la façon dont il fonctionne à l'heure actuelle.

M. Cloutier: Les Québécois n'ont pas confié ce mandat à la CSN et à la FTQ. Les Québécois vous ont confié ce mandat. Nous vous demandons de nous donner les paramètres là-dedans. Je pense qu'il ne faut pas déplacer la notion de la politique et les pouvoirs des élus vers les parties à une négociation. Les syndicats, dans ce sens, sont comme nous des corps intermédiaires. Ils feront valoir leur point de vue et vous prendrez les décisions. C'est vous que les Québécois ont élus. Je pense que c'est fondamental dans les décisions qui doivent être prises dans l'ordre, la primauté des droits.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak...

M. Gauthier: Attendez un peu! Il reste des réponses à donner.

Le Président (M. Rodrigue): Oh! vous aviez une autre réponse?

M. Doucet: Oui.

Le Président (M. Rodrigue): Oui, allez-y, je vous en prie.

M. Doucet: II y avait plusieurs questions, si vous me permettez.

Le Président (M. Rodrigue): Brièvement, s'il vous plaît, cependant.

M. Doucet: II y a une question qui porte sur le retrait de la masse salariale. Nous affirmons ici que c'est encore une fois à l'État gouvernement de trancher dans la primauté des droits et à ce moment-là, quand on laisse négocier une masse salariale, je pense que là on déplace un pouvoir de négociation vers un pouvoir tout à fait politique. Je pense que le gouvernement actuel dans la dernière ronde de négociations s'était bien dit qu'on ne négociait pas cela, si je me rappelle bien la déclaration de M. Parizeau. Mais rendu dans le feu de l'action, à un moment donné, c'est devenu négociable.

À ce moment-là, le pouvoir de négociation des syndiqués touche le choix des priorités d'un État gouvernement et c'est pour cette raison qu'on dit qu'il faudrait peut-être le soustraire. À cela, vous dites qu'on va peut-être se ramasser avec des grèves. De toute façon, reste à savoir si on est capable d'adopter une loi et la faire respecter. On est obligé de le faire après coup pour protéger les droits. On l'a affirmé par la loi 62, la primauté des droits de la population à recevoir des services. Pourquoi ne pas l'affirmer clairement avant? À ce moment-là, cela va être clair pour tout le monde et même les syndiqués n'auront pas eu à perdre du temps pour cela.

M. Cloutier: 52% du budget québécois est versé en ce moment en salaires. C'est donc dire que 52%, dans l'ordre des choses actuelles, est négociable, 52% des taxes des gens. C'est le problème qu'on vous pose.

Le Président (M. Rodrigue); M. Polak (Sainte-Anne).

M. Gauthier: II y a encore des réponses qui n'ont pas été données.

Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse. Restait-il des réponses à venir, s'il vous plaît?

M. Gauthier: Oui, il reste des réponses qui n'ont pas été données.

M. Neveu: Sur la question de la détermination des services essentiels, en ce qui concerne les centres d'accueil, les situations évoluent beaucoup plus lentement que dans les hôpitaux. Notre clientèle est relativement stable et un taux d'occupation à 100% dans nos établissements, c'est quelque chose de presque constant pour nous, de sorte que la possibilité d'établir ces services essentiels durant la vie des conventions et entre les périodes de négociation nous apparaît beaucoup plus grande, en ce qui nous concerne.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça complète la réponse?

M. Gauthier: Non, il reste encore la question de rendre publique toute la négociation.

M. Neveu: Ce qu'on recommande, ce n'est pas de rendre public tout le jeu de la négociation. La commission Martin-Bouchard recommandait la publication de trois séries de documents distincts et on reprend cette recommandation. Il s'agit de publier les demandes initiales et les offres initiales, de publier la position des parties avant l'intervention de la médiation et de publier le rapport du conseil de médiation. Ce sont des points stratégiques de la négociation qui permettraient à l'opinion publique d'évaluer la situation et de se faire une idée de ce qui se passe.

M. Gauthier: Si je comprends bien, vous avez adhéré à cette position sans réfléchir sur le chaos social, l'inquiétude sociale que ça pourrait amener.

M. Neveu: On ne pense pas que l'information donnée au public, que le droit du public de se faire une opinion, débouche nécessairement sur le chaos social.

M. Gauthier: Enfin, quant à la disparition de la table centrale, la dernière question, M. le Président?

M. Doucet: En fait, la masse salariale est déjà fixée par l'État. C'est dans ce sens que notre recommandation dit que la table centrale n'est peut-être pas nécessaire à ce niveau.

M. Gauthier: Dans le cas précis que j'ai cité, par exemple, la négociation concernant les congés de maternité, qu'est-ce qui pourrait arriver? Avez-vous pensé à...

M. Neveu: Les partenaires aux tables de négociation disposeraient, en ce qui concerne les affaires sociales, par exemple, ou l'éducation, d'une masse prédéterminée à la suite de la politique salariale de l'État. Il est possible d'entrevoir l'aménagement de cette masse salariale à l'intérieur des négociations. Bien sûr, puisqu'elles seraient déterminées et fixes, les négociations consisteraient à déplacer des sommes d'argent vers un davantage ou vers d'autres.

M. Cloutier: Sauf que, inversement, notre mémoire précise bien qu'il ne faut pas que l'État employeur passe ses politiques sociales à travers ses conventions collectives parce que, encore là, on déplace le débat. On ne peut pas promouvoir à travers les conventions collectives, parce que l'État est un employeur exceptionnel, des politiques sociales. Entre autres, on peut être d'accord avec la question des congés de maternité, mais si on pense que c'est une bonne chose pour les travailleurs des affaires sociales, c'est une bonne chose pour tous les travailleurs, pour tout le réseau. Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Très brièvement, M. le Président. J'ai une question à poser à M. Doucet. À ce jour, de la façon dont je vois ça, il y a trois groupes de mémoires.

Quelques-uns disent qu'il faut abolir le droit de grève; un deuxième groupe dit: II faut le retenir et ne jouer avec ça d'aucune matière; il y a un troisième groupe qui dit: II faut retenir le droit de grève, mais les services essentiels, ça prime plus ou moins, il y a beaucoup de variations dans le troisième groupe. Je comprends que vous appartenez au troisième groupe.

M. Doucet: Vous avez bien compris.

M. Polak: Vous dites: On est en faveur d'une grève conditionnelle au maintien des services essentiels. Pour vous, l'idée des services essentiels prime dans votre mémoire. Je ne dis pas que je suis contre ça du tout, mais je me pose une question. Quand on commence à poser des conditions au droit de grève, est-ce que, par le fait même, on ne rend pas ce même droit de grève inapplicable? Hier, j'ai posé la question à M. Rodrigue: N'est-il pas vrai qu'une grève, pour être efficace, doit faire mal? Vous, le troisième groupe, êtes en train de chercher à ne pas faire mal, à être le plus doux possible. On ne veut peut-être pas toucher le droit en soi, mais on joue tout de même avec le droit de grève. Quelle est votre position là-dessus? Pour vous, les services essentiels, ça vient en premier lieu, et vous admettez, par le fait même, qu'on doit donc limiter le droit de grève.

M. Doucet: Effectivement, tout notre mémoire repose sur un choix de valeurs, une primauté à donner aux droits de la personne handicapée, aux droits de la personne en général qui doit recevoir des services qui sont clairement définis dans les lois. La personne a droit à des services de santé et des services sociaux de qualité et en continuité. On met ce droit par-dessus l'autre; à toutes fins utiles, il y a une primauté des droits de telle sorte que, bien sûr, ça peut limiter le droit de grève dans certains cas, mais il y a d'autres mécanismes qu'on suggère dans notre mémoire et qui permettent au syndicat, à ce moment-là, selon les circonstances et à chaque centrale, à chaque syndicat, de le déterminer de façon différente. Chacun doit évaluer et si, dans une situation particulière, il juge que le droit de grève n'est pas efficace pour eux, il y a l'arbitrage obligatoire selon la technique de l'offre finale. On a le choix entre les deux. Je pense que d'une façon ou de l'autre, le droit du travailleur risque d'être assez bien servi, surtout si on part du principe que la masse salariale appartient à l'État et que c'est à l'État à définir la masse salariale qui doit être attribuée aux services. En partant de cela, je pense que les droits devraient être relativement bien respectés.

M. Polak: Une toute dernière question, vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, mais il y en a qui ont dit que les inconvénients sont causés par le droit de grève, etc. On parle justement de cela. Tout le monde est d'accord pour dire que cela existe. L'effet des coupures budgétaires est beaucoup plus grave sur une base journalière ou va devenir beaucoup plus grave. Avez-vous déjà eu des échos de ce point de vue dans votre secteur?

M. Doucet: Actuellement, dans toutes les interventions qu'on a faites comme association, on accepte le principe des coupures budgétaires. On est en train d'étudier de quelle façon on peut les faire pour avoir le moins d'impacts sur les services. Il est très probable qu'il va y avoir des impacts sur les services. On va essayer de suqqérer à nos membres tout un ensemble de moyens pour que ces compressions aient le moins possible de coupures sur les services. Il est aussi à noter que lorsqu'on négocie une convention collective et lorsqu'on permet à un corps intermédiaire d'avoir une influence sur la masse salariale de l'État, on permet aussi de déplacer des priorités. C'est ce qu'on est en train d'évaluer actuellement, le coût de la dernière convention collective dans nos établissements. Est-ce qu'on est capable de rembourser totalement le coût de cette convention?

On parlait tout à l'heure des droits parentaux. On est tous d'accord avec les droits parentaux, mais dans un budget, si on nous accorde 8000 $, 10 000 $ ou 12 000 $ pour les droits parentaux et qu'il en coûte 50 000 $ ou 75 000 $ à l'établissement pour les donner, ou l'État nous rembourse la différence dans notre budget ou cela devient une coupure de services. Je prends cela tout simplement à titre d'exemple. Toutes les clauses normatives de la convention peuvent être évaluées de la sorte. C'est là qu'est le coût majeur. C'est peut-être là qu'il va falloir...

M. Polak: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association des centres d'accueil du Québec.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec nous sera présenté par le président de cet organisme, M. Louis Laberge. Je veux inviter M. Laberge à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Bisaillon, député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Avant que la FTQ ne présente son mémoire, est-ce que je pourrais vous demander de nous rappeler le mode de

fonctionnement ou les règles du jeu dont on a convenu entre nous et de quelle façon vous entendez répartir le temps des questions entre les députés de l'Opposition et les députés ministériels, si tant est qu'on désire encore que les députés ministériels participent à cette discussion?

Le Président (M. Rodrigue): Voici l'arrangement qui s'est fait au début de la commission entre les représentants du gouvernement et ceux de l'Opposition. Nous consacrons 20 minutes à l'audition du mémoire, puis, le parti ministériel et l'Opposition ont une période de 20 minutes pour poser leurs questions. À l'intérieur de cela, il revient au ministre et au représentant de l'Opposition, le député de Jean-Talon, de faire en sorte que les questions se répartissent entre les membres de cette commission de part et d'autre. Je peux vous signaler que, dans le cas du groupe précédent, effectivement, deux intervenants du côté du gouvernement et également deux intervenants du côté de l'Opposition ont pris sensiblement le même temps pour poser leurs questions.

Cependant, la période des questions a quand même été relativement longue dans le cas de ce mémoire: elle a duré une heure. Normalement, elle aurait dû durer 40 minutes. Je vous invite dans la formulation des questions et dans les réponses à faire en sorte que nous puissions entendre tous les mémoires que nous devons entendre aujourd'hui.

M. Laberge, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et présenter votre mémoire.

Fédération des travailleurs du Québec

M. Laberge (Louis): Nous trouvons cela drôle un peu que vous nous parliez d'une heure, alors que nous avons attendu pendant une heure et quarante minutes. Enfin!

Je vous présente, à ma droite, M. Roger Laramée, directeur au Québec du Syndicat canadien de la fonction publique; M. Normand Fraser, du même syndicat, qui est le responsable plus directement du secteur public et parapublic; le confrère Boisjoly, à mon extrême gauche, qui est le président du conseil provincial du Syndicat canadien de la fonction publique; à ma droite immédiate, Réal Lafontaine, qui est le responsable du local 298, employés de services, secteurs public et parapublic, et Pierre Laflamme du même syndicat. (11 h 45)

Nous ne vous lirons pas le mémoire, parce qu'il y a tellement de choses qui ont été dites, surtout tantôt, par l'Association des centres d'accueil, et qui sont tellement contradictoires qu'on ne peut absolument pas les laisser passer. Nous allons y revenir.

Commençons par le droit de grève. Évidemment, la déclaration faite au mois de mars dernier par le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que nous citons dans notre mémoire, ceux qui l'ont lu vont s'en rendre compte... Il nous a plu quand il déclarait: C'est fou de vouloir abolir le droit de grève; il s'agit d'un simplisme extrêmement dangereux. Si tu fais cela, c'est le désordre social. Encore hier, je pense que le gouvernement a annoncé ses couleurs là-dessus. Mais, d'un autre côté, il faut bien dire que le droit de grève reconnu par l'Association des centres d'accueil, celui qui dit que tout le monde est obligé de travailler, je veux dire que c'est du tripotage du droit de grève. Là-dessus, on doit vous dire qu'il y aurait un affrontement majeur entre la FTQ avec ses affiliés et le gouvernement, parce que le droit pour un travailleur de retirer son travail, c'est aussi un droit sacré. Même le pape Jean-Paul II l'a mentionné dans son encyclique, le travailleur a le droit lui aussi à cela; il a le droit de refuser de travailler. Enfin, on n'aura pas besoin de s'étendre plus longtemps là-dessus, puisque, apparemment, ce n'est pas cela. Mais là, il s'agit maintenant des services essentiels.

Les services essentiels, quand on regarde cela de près... J'écoutais avec beaucoup d'attention les déclarations avec une note de sincérité sur la primauté du droit des citoyens à des services de santé adéquats. Tout de suite, je me pose la question et je me dis: Est-ce que la primauté des droits des citoyens à des services de santé adéquats est plus en danger quand il y a possibilité d'un arrêt de travail, à tous les trois ans, qu'il ne l'est pour ceux qui ne sont pas capables d'entrer dans les centres hospitaliers et les centres d'accueil, parce qu'il n'y a pas de place et qu'ils attendent? C'est drôle que l'Association des centres d'accueil n'ait pas parlé de cela. Elle a pourtant dit: Les listes d'attente sont très lonques, mais où est la primauté des droits à des soins de santé adéquats? Est-ce qu'à l'enfant handicapé qui attend, parce qu'il n'y a pas de place, qui n'est nulle part des fois, qui reste dans des foyers séparés, etc., on lui reconnaît le droit d'être soigné? Dans les coupures, les compressions budgétaires, on est rendu qu'on coupe dans les... Ce n'est plus vrai qu'on coupe dans le gras. Là, on gruge jusqu'aux os.

Même l'Association des hôpitaux du Québec, qui n'est pas nécessairement un allié de la FTQ, ni de la CSN, à ce que je sache, le dit, elle lance des cris d'alarme. Il y a des listes d'attente partout. Il y a des services qui sont coupés. Où est la primauté du droit des citoyens à des services adéquats? Je pense que la population est en droit de savoir ces choses-là; la population est en droit de demander au gouvernement:

Est-ce que vous reconnaissez la primauté des droits des citoyens aux services de santé adéquats ou reconnaissez-vous la primauté des droits des citoyens à payer le moins de taxes possible? C'est l'un ou l'autre. Quand on parle de compression budgétaires, on pourrait peut-être aussi commencer à se poser certaines questions. Est-ce que l'argent est bien dépensé? Est-ce que, dans les cadres qui dirigent les associations hospitalières, d'accueil, etc., qui ne donnent pas beaucoup de soins aux personnes handicapées, aux personnes malades, il n'y aurait pas des économies qui pourraient être faites? On a des équipements extrêmement coûteux au Québec, dans les centres hospitaliers, dans les centres d'accueil aussi, des équipements qui servent quelques heures par jour à peine, alors que, dans des usines, on a imposé aux travailleurs deux et trois équipes, parce qu'on ne voulait acheter qu'une machine pour produire au lieu de deux et trois machines. Au Québec, c'est rendu qu'un hôpital ne fournit plus les examens aux rayons X, il n'y a rien là! Nous faisons venir un autre appareil de rayons X, qui coûte passablement cher. On a des gens, des gars et des filles qui travaillent sur deux et trois équipes dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil et partout, mais on n'a pas de médecin, il y en a toujours un ou deux de qarde - quand ils sont là - et les techniciens et autres... On pourrait économiser beaucoup d'argent en le mettant sur les services adéquats à la population. Il est bien certain que c'est le gouvernement qui doit décider de ce genre de priorités. Ne venons pas sonner le clairon sur la primauté des citoyens à des droits adéquats à la santé alors que d'un autre côté on réduit les services de santé aux citoyens.

Dans le régime de négociation il y a un tas de choses qui pourraient être faites; ce n'est pas tellement sorcier. Par exemple, nous avons connu, en 1971, la loi 46; en 1974, la loi 95; en 1978, les lois 55 et 59. La loi 59 a certainement amené des améliorations. D'ailleurs, je pense que tout le monde a reconnu qu'à la dernière ronde de négociation cela a été beaucoup plus rapide qu'aux rondes précédentes. Enfin, cela a été encore long mais beaucoup plus rapide. Une des raisons pour lesquelles c'est peut-être trop long, c'est que la loi prévoyait que les salariés, les associations syndicales devaient déposer leurs demandes, à une telle date et que, 60 jours après, la partie patronale devait déposer les siennes. Ce qui n'est pas arrivé, puisque sept mois après le dépôt des demandes syndicales, les demandes patronales n'étaient pas encore déposées. Pourtant, ils savaient qu'en faisant cela ils ne respectaient pas la primauté des citoyens à des droits de santé adéquats, parce qu'ils savaient qu'ils créeraient de l'anxiété. D'ailleurs, l'anxiété qui a existé dans les centres d'accueil et les centres hospitaliers est très souvent fabriquée de toutes pièces. On commence à vider des lits des mois et des mois avant que la date fatidique ne soit là. La dernière fois il n'y a même pas eu d'arrêt de travail général et pourtant il n'y a presque pas d'hôpitaux qui n'avaient vidé des lits. Cela crée un climat de panique.

La loi 59 donne à la partie patronale un avantage qui ne devrait pas exister. Pourquoi la partie patronale ne serait-elle pas forcée aussi de déposer ses demandes en même temps? S'il y a quelque chose qui prolonge les négociations, c'est bien cela. La partie syndicale dépose ses demandes, la partie patronale regarde les demandes, et sur les clauses qui font le plus mal, elle présente ses demandes dans l'autre extrême. Il y a alors des négociations des semaines et des mois durant sur des choses, pour finalement en arriver à peu près au statu quo. Si on déposait nos listes de demandes en même temps, il me semble que cela raccourcirait grandement les négociations.

Plus que cela, va-t-il arriver un jour où des conventions collectives qui sont déjà en existence depuis plusieurs années, on ne sera pas obligé de les amender d'un couvert à l'autre? Il me semble qu'un jour cela devrait arriver, et cela aussi pourrait hâter les négociations. Plus vite les négociations se règlent, je pense que tout le monde comprendra que c'est dans l'intérêt de la population. Cette période d'attente est toujours un peu inquiétante, mais si elle n'était pas grossie indûment par ceux qui cherchent le sensationnalisme, on s'en tirerait beaucoup mieux.

Nous avons été placés, lors de la dernière ronde de négociation, dans une situation vraiment aberrante. Alors que, du côté de la FTQ, nous n'avions même pas exercé le droit de grève et qu'à toutes fins utiles, il était quasiment assuré qu'on n'exercerait pas ce droit de grève, nous arrive la loi 62, une loi d'exception, qui nous a enlevé le droit de grève. C'est un peu fort en "ketchup" d'enlever le droit de grève à quelqu'un qui ne l'a pas encore exercé, censément pour protéger les droits des citoyens à la santé. Qu'une loi d'exception arrive à un moment donné devant une situation épouvantable, ce sera une loi d'exception, c'est toujours un peu odieux et je pense que tout le monde, toutes les parties, gouvernement, partie patronale et les autres, devraient faire des efforts surhumains pour essayer d'éviter qu'on se rende jusque là. Malheureusement, cela ne s'est pas passé comme cela encore la dernière fois. Cela a pris beaucoup de temps à certaines tables de négociation pour recevoir le "non" du représentant patronal. Je me souviens encore une fois, pour ceux qui claironnent la primauté des citoyens à recevoir des soins de santé adéquats - qu'alors qu'on était dans le sprint final de négociation, le vendredi après-

midi, la partie patronale a annoncé qu'elle n'était pas disponible, ni le samedi, ni le dimanche. Il y en a qui avaient des billets de hockey et d'autres avaient des billets d'affaires. La primauté du droit des citoyens à recevoir des soins de santé adéquats...

Il y a eu deux autres lois d'exception dans les secteurs public et parapublic dont une pour les cols bleus de la ville de Montréal. Une grève qui durait depuis un certain temps, alors que les services essentiels étaient respectés. Il y a eu une loi d'exception. Encore une fois, je le répète, une loi d'exception, il y a toujours quelque chose d'odieux là-dedans. Mais au moins celle-là a prévu un mécanisme pour régler les problèmes qui restaient. Ce n'est pas arrivé dans le cas des travailleurs d'Hydro-Québec qui, eux, ont été retournés au travail de façon cavalière, livrés pieds et mains liés à Hydro-Québec qui n'a rien fait par la suite pour régler les problèmes. Ils n'avaient pas besoin de négocier, ils n'avaient pas besoin de régler; le gouvernement venait de forcer les travailleurs à rentrer et tout était réglé. Mais les problèmes qui existaient. la dernière fois sont encore là.

Et quand on joue trop souvent avec le feu, cela arrive qu'on se brûle. Il peut arriver des situations où même une loi spéciale, avec tout le respect qu'on a pour l'Assemblée nationale, avec tout le respect qu'on a pour le gouvernement... C'est jouer avec le feu. Je pense qu'on doit passer plus de temps à essayer d'améliorer les mécanismes de négociation.

La question des services essentiels. J'ai entendu avec horreur mentionner à quelques reprises la loi 253 qui était une aberration. Il y a eu des soi-disant experts nommés à ce moment-là, des commissaires qui avaient le droit d'imposer des listes de salariés pour protéqer les services essentiels. Et on est arrivé dans des situations épouvantables, alors que le responsable en question avait recommandé plus de salariés dans un centre hospitalier qu'il n'y en avait en temps normal. Je veux dire que, comme folie furieuse, je n'ai pas encore vu mieux. Ce sont des aberrations comme celle-là qu'on a vues avec la loi 253.

Mais avec la loi 59, il y a eu des améliorations sensibles. Et ce qui me dépasse, c'est que ces améliorations sensibles, on dirait qu'elles n'existent pas. On dirait que tout le monde veut défaire ce qui a été fait.

Laissez-moi vous donner quelques chiffres, tout simplement. Les syndicats affiliés à la FTQ ont signé 97 ententes (40%) sur les services essentiels. Évidemment, le directeur de l'Association des centres d'accueil dit: Oui, on a signé ces ententes, mais on n'avait pas le choix. Nous autres, non plus; chaque fois qu'on signe une convention collective, c'est parce qu'on n'a pas le choix. On n'a jamais signé une convention collective qui nous satisfaisait pleinement. Je dis que, si on est pour faire des ententes et après cela dire: Ce sont des ententes, mais ne vous fiez pas là-dessus, c'est bon à rien... Ils sont payés pour prendre leurs responsabilités. C'est à peu près la seule autorité qu'ils ont de refuser de siqner. Ils pourraient au moins faire cela.

Alors, 40% de listes néqociées, 60% de listes déposées comparativement à 15% de listes négociées avec la loi 253. Je vous ferais remarquer qu'il a pris 43 minutes et demie. Si je calcule bien, de 15% qu'on soit passé, grâce à un nouveau mécanisme, à 40%, c'est une augmentation de 250%. Mais s'il fallait qu'on ait une autre augmentation de 250%, cette fois-ci, on est rendu à tout près du 100%, si je calcule bien encore.

Mais pourquoi chanqer une formule qui a fonctionné? D'ailleurs, le comité qui était chargé de surveiller cela l'a dit: C'est une expérience valable. On semble ne pas apprécier cela. Le seul point sur leguel nous sommes d'accord avec l'Association des centres d'accueil, c'est quand ils ont expliqué que les services essentiels, il faut que cela se détermine sur place. Il ne faut pas avoir de formule qui va déterminer les besoins de chacun des établissements. Ce n'est pas possible. Il faut que cela se fasse localement. Il faut que cela se fasse continuellement. Ce n'est pas vrai non plus que vous pouvez établir des services essentiels six mois à l'avance, selon le climat, selon le pourcentage d'occupation. C'est peut-être un peu différent dans les centres d'accueil que cela ne l'est dans les centres hospitaliers. Mais, lors de la dernière ronde de négociation, on a vu les centres hospitaliers à moitié vides. Dans les négociations précédentes, cela avait été pire. On avait prévu ces choses. Les services essentiels doivent être déterminés localement. Ils doivent être déterminés par les travailleurs qui sont en place et qui sont des travailleurs responsables. (12 heures)

D'ailleurs, à Hydro-Québec, ils avaient tellement bien respecté les services essentiels que Hydro-Québec avait tenté d'obtenir une injonction qui lui avait été refusée. Quand on connaît la propension de nos tribunaux à accorder des injonctions, je pense que vous allez reconnaître qu'ils accordent cela de façon trop facile, hein. Nous avons déjà vu Hydro-Québec, il y a quelques années auparavant, réveiller un juge en pleine nuit et lui demander une injonction et Hydro-Québec avait mentionné les travailleurs qu'elle voulait couverts par l'injonction pour les forcer à retourner au travail. Quand le juge a vu cela, il a dit: Non, non, je n'ai pas le temps de regarder cela. Cette fois, il a refusé parce que les services essentiels étaient vraiment

respectés.

Laissez-moi vous suqqérer qu'il n'y a pas un travailleur syndiqué - et j'en connais quelques-uns - qui a la conscience sociale plus élastique que les dirigeants des centres hospitaliers ou des centres d'accueil. Il y a une chose que les dirigeants des centres hospitaliers et des centres d'accueil n'ont pas, c'est que les travailleurs sont rejoignables et sont responsables. Ils peuvent être mis à l'amende. Ils peuvent être emprisonnés. Ils peuvent être poursuivis pour dommages tandis que je ne connais aucun directeur, ni de centres hospitaliers, ni de centres d'accueil à qui cela arrive.

Le ministre a mentionné tantôt une chose aberrante qu'avait faite un directeur de centre d'accueil. Je vais vous qager qu'il a encore sa "job". On va venir nous parler de responsabilité sociale. Je ne dirai pas qu'ils sont irresponsables, mais ils n'ont pas ces responsabilités. Les travailleurs les ont.

Si nous décidons de vous sugqérer une liste sur les services essentiels, à un endroit donné, et que vraiment c'est une liste qui n'est pas correcte, l'opinion publique nous taperait dessus et c'est nous qui en subirions les conséquences. C'est nous qui ouvririons peut-être la porte à l'Assemblée nationale pour nous adopter une autre loi d'exception. Mais c'est nous, de toute façon, qui en subirions les conséquences. Laissez-moi vous dire que, comme travailleurs syndiqués, nous avons tout aussi à coeur la santé et la vie des patients.

Laissez-moi vous rappeler un tout petit incident. À Louis-Hippolyte-Lafontaine, aux négociations de 1975, si ma mémoire est fidèle, il y avait des arrêts de travail sporadiques et des grèves tournantes. C'était leur soir de débrayer, alors ils ont débrayé et le feu a pris à Louis-Hippolyte-Lafontaine. Personne n'a eu à les appeler, tous les salariés se sont rendus à Louis-Hippolyte-Lafontaine pour aider à sortir les malades des salles de l'aile où le feu était pris et en prendre soin. Ils ont fait cela spontanément. Ils n'ont même pas été payés pour cela, parce qu'ils étaient sortis. C'était leur tour de sortie.

J'ai vu les salariés dans les centres d'accueil, dans les centres hospitaliers, ce sont des "jobs" que ni vous ni moi ferions, j'en suis convaincu. Cela prend des gens avec une conscience sociale pas mal développée pour accepter de travailler dans ces milieux. Vous le savez. Nous avons tous eu des vieux, à un moment donné, et on essaie de les refiler ailleurs. C'est plus facile. Mais eux travaillent avec ces gens constamment. Les handicapés, c'est la même chose. Les malades, c'est la même chose.

Je suis absolument convaincu que les travailleurs du secteur hospitalier, centres d'accueil, services de santé, électricité, sont prêts à prendre leurs responsabilités. Cela se peut que vous trouviez des exceptions et que vous puissiez nous pointer du doigt, à un moment donné. Il y a eu des exagérations. On va les corriger. Cela arrive de l'autre bord. Vous en avez mentionné une ce matin. C'est drôle que celle-là n'a pas fait les manchettes des journaux. Pourtant, il aurait pu être accusé d'enlèvement et de séquestration, il aurait pu au moins perdre sa "job". Qu'un travailleur salarié fasse le millième de ça et, lui, il en subirait les conséquences.

M. le Président, je vous remercie de votre patience. Vous me regardez avec un air sévère, alors, je m'arrête immédiatement.

Le Président (M. Rodrigue): M. Laberqe, il est difficile de vous regarder avec un air sévère, votre verve entraîne.

Je vous remercie d'abord d'avoir présenté votre mémoire dans le temps qui est alloué. Je vous signale qu'il n'y a personne qui a pris 40 minutes, le plus long mémoire a été de 25 minutes. C'est, semble-t-il, la période de questions qu'il est difficile de comprimer. J'invite le ministre immédiatement à y aller de ses questions.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier, bien sûr, la Fédération des travailleurs du Québec de son mémoire. Je vais essayer de commencer en donnant l'exemple de me comprimer moi-même.

M. Laberqe a rappelé un bout de mes déclarations, je ne veux certainement pas retirer mes déclarations, certainement pas, je les pense profondément, mais il faudrait aussi rappeler que j'ai constamment dit que les services essentiels, ça constitue une préoccupation principale, majeure - je pense que tout le monde admet ça - et légitime des citoyens et des citoyennes du Québec, parce que c'est le respect de leur droit fondamental et il me semble qu'il faut qu'on fasse porter des efforts importants, tous ensemble, parce que, ça, ça touche le monde en vie. Je pense que, là-dessus, on est tous d'accord.

Les choses se sont améliorées et je crois que, quand on regarde l'évolution de l'ensemble des choses, il faut le redire, parce qu'il ne faut pas verser dans le sensationnalisme, les choses ouvrent une perspective quand on les reqarde en prenant un peu de recul, il y a une perspective très nette, très concrète d'amélioration.

Seulement, il ne faut pas se cacher les problèmes réels non plus. J'ai donné un cas d'abus, tout à l'heure, et vous savez fort bien qu'il y a eu aussi des abus du côté syndical et on peut donner des cas très précis. Il est important de les regarder ensemble pour voir ce qu'on peut faire, parce qu'on admet tous que, quand il y a des abus, que ce soit d'un côté ou de l'autre -je sais bien que, Dieu merci, il y en a peut-

être moins qu'avant, mais il y en a encore trop - quand ça touche du monde en vie, un, deux, dix, c'est un, deux, dix de trop.

C'est ensemble qu'on peut tenter, avec une bonne volonté et un grand sens des responsabilités, en réconciliant les choses le mieux possible - et ce n'est pas facile avec le droit des uns et des autres - de faire en sorte que ça ne mène pas à la brimade des droits des uns.

Hier, je crois, la députée de L'Acadie mentionnait le cas, à partir des rapports d'expertise; encore une fois, Dieu merci, c'est un cas et il ne s'agit pas de les généraliser et je ne vais pas verser là-dedans, certainement pas contribuer à créer cette situation.

Il y a eu un cas en particulier, dans le domaine hospitalier, où un syndicat, membre de votre qroupe, la Fédération des travailleurs du Québec, a présenté une liste à zéro et où les rapports d'expertise nous indiquent que l'hôpital en question représentait un milieu à très haut risque, que les services disponibles étaient nettement insuffisants, les physiothérapeutes n'ont pas pu se présenter, le 25 octobre, pour une simple et unique raison, c'est qu'on les a empêché de traverser la ligne de piquetage. 75% du personnel non syndiqué qui pouvait normalement travailler, selon d'autres ententes, si je comprends bien, aurait pu se rendre au travail mais n'a pas pu, et d'autrs syndiqués qui, normalement, selon les ententes convenues avec d'autres syndicats -je présume, si je comprends bien le rapport -auraient pu normalement entrer et devaient normalement le faire, n'ont pas pu le faire parce qu'ils ont été bloqués sur la ligne de piquetage.

Dieu merci, d'accord, c'est un cas d'exception, mais c'est un cas de trop, ce n'est pas acceptable et, ces cas, il ne faut pas faire comme s'ils n'existaient pas. Je pense qu'ensemble on doit voir les moyens et j'aimerais bien que vous nous expliquiez, comme centrale et comme groupe, ce que vous avez fait dans ces cas, quand des situations comme celle-là se sont présentées et ce que vous nous proposez pour contribuer à améliorer les choses, car il y a les conflits réels, au moment où ils se présentent, les grèves, et il y a l'appréhension, on en a parlé longtemps et, ça, ça ne se quantifie à peu près pas.

Ceci étant dit - pour donner une chance à mes collègues, je vais y aller très rapidement, mais je tiens à le dire - vous évoquez - et vous n'êtes pas les seuls -notamment à la page 5 de votre mémoire, le non-respect de certains mécanismes et surtout de certains délais pour des dépôts; je parle du non-respect r la partie patronale et, nommément, le gouvernement. Vous avez raison de le signaler, ce n'est pas parce que c'est le gouvernement que le gouvernement ne doit pas respecter les lois qui sont faites et vous avez raison d'insister sur le fait que, quel que soit le bloc patronal, si c'est le gouvernement, lui aussi doit assumer ses responsbilités et il doit respecter ces mécanismes. Donc, il y a de l'amélioration à faire partout et on est prêt à prendre notre bout, je le dis très clairement.

À la page 7 où vous parlez de l'information, je voudrais savoir si on peut interpréter ce que vous dites là comme étant une espèce de recommandation, à toutes fins utiles, d'abolir le conseil d'information, d'ajouter au mandat du conseil des services essentiels cette dimension d'information. Enfin, quelle est votre opinion là-dessus?

Également - là il me semble que c'est une idée nouvelle; je pense que c'est la première fois qu'on la voit venir - à la page 11, vous parlez d'un comité permanent de bénéficiaires composé de véritables usagers. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu plus cette suggestion et comment, dans votre esprit, cela pourrait se réconcilier, si tant est que vous êtes d'accord, avec cette autre idée qui, me semble-t-il - je ne veux mésinterpréter ce qui est en train de se passer et ce que je crois comprendre -commence à faire son chemin aussi et qui m'apparaît intéressante à fouiller très sérieusement, l'idée d'une permanence, que ce soit conseil ou régie, peu importe - je ne vais pas m'enfarger dans les noms - du conseil des services essentiels, étant entendu que c'est une autre affaire que de savoir quels seraient les pouvoirs, quelle sorte de prolongation de pouvoirs on donne. Je sais qu'il y avait des réactions très négatives -elles méritent d'être examinées très attentivement parce que, à mon avis, comme on dit dans le jargon, il me semble qu'il y a quelque chose là - à l'idée de donner à ce conseil un pouvoir judiciaire. Je pense que c'est un pensez-y-bien avant de bouger dans une direction comme celle-là. Mais indépendamment de cela, comment réconcilieriez-vous ces notions de permanence en nous expliquant davantage l'idée que vous suggérez?

Le Président (M. Rodrigue): M. Laberge.

M. Laberge: Très brièvement. S'il y a eu un cas d'abus chez nous, il me semble que le moins que les responsables auraient pu faire aurait été de nous en aviser, de nous donner la chance d'intervenir et si on ne le règle pas, vous nous dénoncez. C'est à nous à prendre nos responsabilités. Mais encore là, est-ce que vous allez faire quelque chose pour punir et diminuer les droits de tous les autres qui, eux, ont respecté... parce qu'il y a eu un cas d'exception? Est-ce que vous allez adopter une loi spéciale pour défendre aux directeurs de centres d'accueil de sortir les enfants de l'établissement? Est-ce que

vous avez adopté une loi spéciale pour défendre aux policiers d'avoir des grands bâtons parce que l'escouade anti-émeute a été trouvée coupable par la Commission de police de s'être servie de leurs grands bâtons impunément? En fait, je pense même que vous n'avez rien fait du tout encore. Cela va probablement venir.

Quant au conseil d'information, on n'en a pas dit grand-chose parce que, malheureusement, il est arrivé pas mal tard. Enfin, cela n'a pas nui et cela n'a pas été tellement utile. Alors, c'est pour cela qu'on n'en a pas plus parlé que cela. De toute façon, il faut bien se rendre à l'évidence que tant la partie patronale que la partie syndicale vont toujours essayer de se servir des médias d'information pour faire connaître leur point de vue. Ce qu'on peut demander, c'est que les médias d'information fassent leur boulot le plus consciencieusement possible.

Maintenant, un conseil d'information, s'il avait plus de pouvoirs, peut-être que cela pourrait être utile. On avait déjà parlé de cela, par exemple, au sommet économique de La Malbaie. On avait déjà parlé de cela lors d'une rencontre de prénégociation en 1977, je crois. On avait dit alors qu'un conseil d'information, pour être vraiment efficace, devrait avoir un budget, devrait avoir son équipe et devrait pouvoir aller piger ses propres informations. Un conseil d'information, tel qu'il était constitué, recevait ses informations de la partie patronale et quand il voulait avoir le pendant, il demandait à la partie syndicale où cela en était rendu. Mais si ce conseil avait plus de pouvoirs, peut-être que cela pourrait être utile. (12 h 15)

Comment réconcilions-nous notre comité avec des usagers et des salariés? Vous allez reconnaître qu'il y a immédiatement une très grande différence. D'abord, nous ne parlons pas que de services essentiels; nous parlons de qualité de services. Cela veut dire qu'un comité en permanence pourrait voir, veiller au grain continuellement. Encore une fois, la responsabilité du gouvernement vis-à-vis de la santé de la population, ce n'est pas juste en temps de conflit patronal-syndical; cela devrait être en tout temps. La qualité des services, le gouvernement doit s'en préoccuper en tout temps. S'il y a des directives - et il y en a des directives - qui arrivent dans des centres hospitaliers, qui font qu'il y a des patients qui ne reçoivent pas la qualité des services auxquels ils ont droit... Par exemple, quand des médecins attendent de meilleurs équipements pour travailler et qu'ils disent qu'entre-temps ils ne verront pas les patients, quand les médecins trouvent que le gouvernement n'est pas assez généreux... S'il y avait un comité sur la qualité des services, la population pourrait savoir que, dans tel centre hospitalier, il y a dégradation de la qualité des services pour telle ou telle raison, peut-être bien pour des raisons budgétaires. Mais comme vous l'avez dit tantôt, quand le gouvernement est responsable, pourquoi cela ne serait-il pas dit et qu'il ne pourrait pas rajuster son tir? Si c'est le syndicat qui est responsable, la même chose.

Il y a, je pense, une très qrosse différence entre un comité où les usagers, les patients, pourraient siéqer avec les travailleurs salariés et une régie semi-judiciaire, comme M. Dufour le disait hier, et exécutoire. Après quelques minutes de débat - d'ailleurs, j'ai suivi la reprise à la télévision, c'est pour ça que j'ai l'air un peu fatigué; j'en ai entendu des bonnes et des moins bonnes - il reste qu'on insistait beaucoup plus sur l'exécutoire, à un moment donné.

Vous savez fort bien que, dans ce genre de choses, si on pouvait amener les parties à s'entendre avec leur gros bon sens, très certainement que les patients et la population en seraient les qrands bénéficiaires.

Il y a un vieux proverbe qui dit: On peut mener un cheval à l'abreuvoir de force, mais on peut difficilement le forcer à boire.

M. Marois: Simplement pour être certain que je vous ai bien compris, M. Laberge, est-ce que la ETQ serait d'accord pour regarder cette piste, cette notion d'une permanence du conseil des services essentiels? Je crois comprendre dans votre intervention que vous vous opposeriez à l'idée qu'en plus de cette notion de permanence, il y ait un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire. Je comprends ça très clairement...

M. Laberge: Si j'ai bien compris, c'étaient trois juges.

M. Marois: Mais, indépendamment de ça, je comprends que vous vous opposeriez à la dimension de pouvoir judiciaire, mais est-ce que c'est une piste qui vous paraît intéressante que celle de la notion de permanence du conseil des services essentiels?

M. Laberge: C'est la suggestion que nous faisons depuis cinq ans, M. le ministre. Nous avions fait cette suggestion-là - pas une régie, on n'avait pas parlé d'une régie, mais on avait parlé d'un comité - il y a cinq ans. Et tous les ministres, enfin tout le monde disait: Cela a bien de l'allure parce qu'un comité permanent sur la qualité des services viendrait à se bâtir une crédibilité. Evidemment, quand il donnerait son opinion sur une dégradation de qualité de services, en temps normal ou en temps de crise, cela

aurait pas mal de poids. Mais faire passer ça comme un acte exécutoire par un juge ou quelqu'un qui y ressemblerait...

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Laberqe, au début de vos remarques, vous avez parlé, et plusieurs personnes l'ont souligné, de l'existence de situations tout à fait inacceptables dans les hôpitaux, en dehors de tout contexte de conflit de travail, situations qui sont vécues quotidiennement par nombre de citoyens, en particulier, bien sûr, dans le présent contexte des coupures budgétaires et dans celles que certaines déclarations ministérielles nous laissent entrevoir pour un, deux ou trois ans à venir.

Certainement que, de notre côté, parce que c'est certainement une de nos responsabilités premières comme parti de l'Opposition, c'est-à-dire de vraiment nous y intéresser de très près, parce que cela touche à la gestion même du domaine des affaires sociales, et vous savez que ma collègue, la députée de L'Acadie, est à maintes reprises intervenue, je pense, dans le même sens, ou enfin a manifesté le même type de préoccupations à ce sujet-là; c'était absolument indiscutable. Mais vous avez insisté énormément là-dessus dans vos remarques préliminaires, parce que c'est un problème permanent. Mais cela n'enlève pas ou ne justifie en aucune façon des situations analogues ou aggravées lorsque existe un conflit de travail dans une institution hospitalière ou une institution de santé.

La-dessus, l'opinion publique et vous-mêmes, je pense, les travailleurs également, le gouvernement et tout le monde en est fortement préoccupé parce qu'on ne passerait pas notre temps à discuter du principe de la primauté des droits à la santé et de la sécurité des personnes. Je veux bien vous indiquer que de ce côté, sur le plan des coupures budgétaires, sur le plan du problème réel qui existe actuellement dans la gestion même des institutions de santé et de services sociaux au Québec, c'est un problème social, un problème de société extrêmement important. Je pense que tout le monde qui est le moindrement responsable doit s'en préoccuper. Mais, revenant spécifiquement au problème qui nous concerne, je vous souliqne aussi que vous avez signalé dans vos remarques certaines attitudes de la partie patronale. Bien sûr, je ne suis pas surpris que vous n'ayez pas mentionné des attitudes de comportement, dans le cours des négociations, de la partie syndicale qui auraient pu également être soulevées, mais...

M. Laberge: Je me fie sur vous pour...

M. Rivest: Non, je n'ai pas l'intention de le faire pour l'instant. Je veux vous signaler qu'à cette commission parlementaire, c'est une des premières fois, en tout cas en dehors d'une loi dite matraque, qu'on discute du problème du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Hier, à cette commission parlementaire qui est censée être un débat public, j'ai demandé qu'il y ait quelqu'un du gouvernement qui est responsable de cela, de la conduite des négociations, et qu'on puisse l'interroger, évidemment, on a les centres d'accueil, on a les syndicats, on a les administrateurs, on peut, comme parlementaires, leur poser des questions, soulever des problèmes que leur attitude a suscités pour les gens, mais quant au gouvernement, on ne peut pas. Il n'est pas ici. Il n'y a personne du gouvernement qui a conduit les négociations, qui est responsable directement des négociations à qui on peut dire: Pourquoi avez-vous retardé à ce point le dépôt les offres patronales, comme vous l'avez dit? Hier, on avait le Cartel des organismes professionnels de la santé qui, pour des raisons de délai dans les conventions collectives, a dû attendre. Il y a eu une responsabilité à ce moment du gouvernement et, en bout de ligne, je suis d'accord avec vous que ces gestes du gouvernement dans la conduite des négociations - on pourrait bien sûr évoquer des attitudes syndicales - ont pour conséquence de mener à ces espèces d'impasses assez graves dans lesquelles on vit au moment d'une grève.

Il me semble que c'est raisonnable. Il faut le dire parce que cela fait partie aussi du décor et on aurait aimé avoir l'ensemble du décor pour l'exprimer. Dans votre mémoire vous dites, et je comprends votre attitude qui est à peu près celle que tous les syndicats, que les patrons, les administrateurs, les politiciens, l'opinion publique, les médias ont tendance à dramatiser les situations de conflit. Même, qu'ils n'ont pas seulement cette tendance; vous affirmez que tous ces gens les ont dramatisées. On pourrait vous retourner l'affaire et vous dire: Est-ce que vous-mêmes, pour se parler directement et franchement, à certaines occasions - parce que si les politiciens, les administrateurs et enfin tous les autres exceptés les syndicats dramatisent - vous, les représentants des syndicats, n'avez pas tendance à dédramatiser les situations?

M. Laberge: C'est possible.

M. Rivest: Je vous remercie. Je veux simplement bien l'établir. Je pense que c'est un peu le sens de la démarche de l'ensemble de mes collègues en commission parlementaire d'essayer de voir la réalité des problèmes, pour une fois qu'on ne discute pas

avec des drames, qu'on essaie de les reqarder. Dans ce sens, voici ma première question. Vous faites état évidemment du commentaire du conseil sur le maintien des services essentiels qui affirme que, compte tenu des problèmes réels qui ont existé lors des dernières négociations, somme toute le bilan aurait été positif. Vous faites état dans votre mémoire de ce jugement. Mais quand on examine un problème social aussi important, ne croyez-vous pas que l'on doive non seulement regarder la conjoncture précise qu'on a vécue en 1979, mais regarder l'expérience, pour avoir une réflexion sérieuse, vécue depuis le début de l'octroi du droit de grève où là il y a vraiment eu une situation extrêmement cahotique, pour employer presque un euphémisme, et se rendre compte aussi, M. Laberge, qu'en 1982, dans la prochaine ronde de négociations, dans le contexte des coupures budgétaires dont je sais que les centrales syndicales et bien d'autres gens dans la société sont drôlement conscients, il y a des questions qui vont affecter directement les travailleurs? Bien sûr, comme centrale syndicale - il va y avoir des coupures de postes, etc., il y a des gens qui vont perdre - vous allez devoir mener une bataille peut-être bien plus dure que celle que vous avez dû mener en 1979.

Essayons de construire des institutions qui soient solides, éprouvées par l'expérience passée sur une assez longue période, mais également essayons de voir dans l'avenir ce qui va arriver. Croyez-vous qu'on doit vraiment faire un effort systématique? Le premier ministre parlait d'une révision de fond en comble du mécanisme des services essentiels. Pour bien l'interpréter, d'après ce qu'on nous a dit hier, quand le premier ministre dit "révision de fond en comble", cela veut dire pas mal de choses. En tout cas, cela veut certainement dire plus que ce que semblent nous indiquer les commentaires du ministre du Travail depuis le début de nos travaux. Comment envisagez-vous cela pour la prochaine ronde et l'autre après?

M. Laberge: Je vais essayer de prendre vos questions une à une. Dans votre première question, vous avez fait état qu'on insiste beaucoup sur la qualité des services en temps normal et peut-être un peu moins en temps de conflit. Je vous pose la question très directement et vous allez certainement me répondre avec la même franchise que moi tantôt. Qu'est-ce qui est le plus important, la possibilité une fois tous les trois ans que des patients pourraient souffrir de services réduits pendant une, deux, trois, peut-être quatre semaines ou l'assurance que continuellement des citoyens et des citoyennes manquent totalement de services pendant trois, quatre ou cinq mois, le temps qu'ils attendent pour entrer dans un hôpital? La question se pose, n'est-ce pas? C'est dans ce sens qu'on fait le raccordement.

L'autre question, c'était quoi? J'étais tellement intéressé à prendre des notes pour répondre à votre première que...

M. Rivest: Sur l'avenir, sur la solidité des institutions qu'on va mettre en place pour éviter que les gens...

M. Laberge: Pour les négociations à venir.

M. Rivest: Je pense que c'est une préoccupation qu'on peut partager: éviter que des gens très concrètement soient heurtés, des malades, en particulier, compte tenu de la séquence qu'on a vécue des dix ou quinze dernières années, de ce qui s'en vient et de ce qui va être la démarche également des travailleurs du secteur public, des centrales syndicales. Les conditions de travail se sont améliorées depuis 1966, au lendemain de l'octroi du droit de grève, alors que vous vous battiez et que cela a donné la mise en tutelle des hôpitaux en 1966, depuis que vous vous êtes battu en 1972, en 1976 et, même là, les conditions de travail des travailleurs -il faut quand même l'admettre - se sont considérablement améliorées. Vous avez presque un problème maintenant. Je ne veux pas dire qu'on a presque créé deux classes de travailleurs au Québec, les travailleurs du secteur public, globalement - en tout cas, la plupart des gens l'affirment - ont des conditions de travail plus avantageuses que dans le secteur privé. J'imagine que, comme centrale syndicale, c'est un problème qui vous préoccupe.

M. Laberge: Évidemment, mais, encore là, quant à la déclaration du premier ministre, je pense que lui aussi, à un moment donné, s'est laissé gagner par l'état-major qui claironnait. Quand on regarde cela froidement - et je pense que c'est ce que vous essayez de faire - il me semble que la commission parlementaire arrive en temps utile. On n'en est pas rendu tout près d'une situation de crise. Tout le monde l'appréhende, évidemment, dans le climat actuel, mais on n'est pas encore rendu là. Il me semble qu'on passe, encore là, beaucoup de temps à parler de l'éventualité d'un bris de négociations et des conséquences que cela pourrait avoir sur les services s'il y a une grève et qu'on ne passe pas beaucoup de temps pour essayer d'éviter qu'on ne se rende là, en d'autres mots, qu'on négocie. L'appareil patronal - et ce n'est pas moi qui l'ai dit, ce sont les représentants de l'Association des centres d'accueil - dit: II appartient au gouvernement de décider de la masse salariale. Il appartient au gouvernement de décider de la qualité... Tout appartient au gouvernement. Le gouvernement devrait-il avoir tout ce monde

en même temps pour négocier? C'est plus difficile, quand il y a un comité de négociation de 25, de choisir des dates où tout le monde est disponible que quand il y a un comité de négociation de cinq. (12 h 30)

Je pense que le régime de négociations est à repenser. Il me semble que c'est là-dessus qu'on devrait dépenser beaucoup d'énergie, beaucoup d'efforts pour éviter, justement, qu'on ne se rende à la situation où peut-être que, tous les trois ans, pourrait arriver la possibilité... Je pense qu'il faut rattacher ça un peu à ce qui s'est passé lors de la dernière ronde de négociations et des précédentes. M. Laramée voudrait ajouter quelques mots.

M. Laramée (Roger): C'est surtout plus directement en ce qui a trait aux services essentiels. Vous avez parlé du passé, et nous, à la FTQ, chaque fois que quelqu'un nous a soumis un problème dans une institution quelconque, on est intervenu pour tenter de régler la situation. Je sais qu'à chague fois qu'on est intervenu il y a eu un règlement entre les parties.

Deuxièmement, il y a un élément que je trouve important dans le passé et je vais prendre comme exemple, encore une fois, la loi 253. Chaque fois qu'on a tenté d'imposer guelque chose à des travailleurs et des travailleuses des services essentiels, toujours le poids de la décision gouvernementale retombait sur les dos des travailleurs. Je pense que des amendes étaient prévues dans la loi 253, mais jamais on n'a prévu quelque chose qui pouvait contraindre l'employeur à négocier. Il y a une partie qui est contrainte de négocier et d'essayer de trouver une entente et l'autre n'a qu'à s'asseoir et attendre que quelqu'un nommé par le gouvernement vienne faire sa "job"; je vous dis qu'il y en a beaucoup qui n'ont pas osé bouger, ils ont attendu cette personne du gouvernement qui allait imposer une liste de services essentiels.

De là l'expérience plus récente qui a permis une négociation parce qu'il n'y avait pas vraiment de pression uniquement sur un côté de la table; il y avait une pression sociale, morale sur les deux parties, et c'est pour ça qu'on a eu plus de règlements négociés et acceptés par les parties. Cette négociation faisait en sorte qu'on pouvait établir une liste beaucoup plus adéquatement parce qu'on avait quand même un minimum d'information de la partie patronale. L'information que nous possédons, de façon générale, du côté syndical, nous a permis de transmettre des listes qui se voulaient adéquates et, dans chacun des cas, chacun des groupes qui a soumis une liste s'était dit prêt à réviser ça au moment opportun. Établir une liste six mois avant un conflit appréhendé et maintenir de vrais services essentiels, ce sont deux choses bien différentes. On l'a mentionné ce matin, il faut, chaque jour, qu'on analyse une situation, voir quel est le taux d'occupation.

Je pense qu'on devrait commencer immédiatement à regarder, compte tenu du personnel dans les hôpitaux généraux et les centres d'accueil, les foyers, ce qui existe durant les fins de semaine. Le personnel qu'on fournissait durant les conflits qu'on a vécus, je vous dis que, dans bien des cas, il était supérieur dans le temps à ce qu'on vit actuellement dans les hôpitaux. À ce moment-ci, on a un taux d'occupation normal, qui est à peu près de 75% ou 80%, alors que, dans le temps, on avait des taux d'occupation qui allaient jusqu'à 20% et, dans certains cas, 25% ou 30% dans bien des maisons. On a fait un drame de ça.

Moi, vraiment, je ne comprends pas les déclarations de certains politiciens. Il y a des médias d'information qui ont fait un drame lors de la dernière ronde de négociations, alors que la situation s'était améliorée énormément, comme l'a mentionné le président de la FTQ. Quelle que soit la décision que vous prenez, si votre décision est de mettre la pression sur les travailleurs et de laisser le patron complètement libre, sans aucune contrainte, vous aurez un chaos social important. Je pense que les travailleurs ont pris le temps de bien analyser la situation, ont répondu à l'appel lancé par la population afin d'avoir de meilleurs services essentiels. Cela a été une première expérience, elle sera probablement de beaucoup meilleure la prochaine fois, mais, je le répète encore une fois, si des contraintes sont placées sur la tête des travailleurs, vous aurez une réponse qui sera peut-être négative.

M. Rivest: M. Laberge, une autre question que je voudrais cerner avec vous, c'est la question des listes syndicales. Le groupe qui vous a précédé a formulé des commentaires avec presque autant de conviction que vous sur la question de la liste syndicale, mais avec une conclusion tout à fait contraire. Je cherche à comprendre. Il y a une chose, d'abord; je vous le dis, vous ne serez peut-être pas d'accord. Vous écrivez, dans votre mémoire, à la page 11 -je pense que c'est la première version, mais sans doute que vous l'avez repris; de toute façon, vous l'avez affirmé: "Seules les personnes impliguées dans le milieu, c'est-à-dire les syndiqués, sont en mesure d'évaluer les besoins. " Je pense qu'hier, lorsque le Conseil du patronat est venu exprimer une suggestion qui méritait certainement d'être gardée, j'avais signalé qu'une régie ou enfin, un organisme central, je commençais à trouver que ça pouvait peut-être être très loin des conditions locales pour déterminer ça. J'avais demandé par ma question - c'est ce

que je pense - si, effectivement, les personnes qui vivent dans le milieu sont si épouvantables que cela. C'est ce que je voudrais vous faire nuancer. Vous dites seules les personnes impliquées dans le milieu, c'est-à-dire les syndiqués, Évidemment ça amène la liste syndicale. Mais, M. Laberqe, entre vous et moi, les administrateurs, il y en a qui sont bons, d'autres pas bons, mais les administrateurs, les cadres, les professionnels qui travaillent dans les hôpitaux, est-ce qu'ils sont si épouvantables que ça?

M. Laberge: Ils sont impliqués. On parle de négocier une liste, ce n'est que dans le cas où il n'y a pas une négociation de la liste que les travailleurs déposent leur liste. Ils en assument la pleine et entière responsabilité, mais, jusqu'à ce stade, c'est bien sûr que les directeurs et les autres sont impliqués, puisqu'il y a des négociations.

M. Rivest: M. Laberge, vous avez une longue expérience de la négociation, quand vous êtes en négociation d'une convention collective, et vous le répétez à satiété, c'est notre régime malheureusement, c'est un rapport de forces. Ce que la population redoute, j'ai moi-même là-dessus des doutes c'est de donner à l'une ou l'autre partie le soin de déterminer d'une façon définitive au cas où il n'y a pas entente entre les deux. Ce que les gens craignent - il s'agit des services essentiels, il s'agit de la primauté à la santé, tout ça, c'est fondamental - c'est que, ces négociations vont être entachées et vont être imbibées du climat de négociation des conditions de travail, alors que l'objet des ententes en question, ce ne sont pas les conditions de travail, ce sont les conditions de vie et de santé des gens.

C'est pour ça que - il y avait des choses dont je doutais dans l'affaire du Conseil du patronat - un tiers lui, n'a pas ces intérêts aussi vécus, aussi immédiats et aussi pressants et peut à ce moment-là regarder ça avec plus de détachement. La population aussi aurait, dans ce sens, de meilleures garanties que ça devienne l'objet d'une négociation. Est-ce que vous comprenez exactement ce que je veux dire? Je veux juste ajouter une chose. En cours de route, il est arrivé des situations, par exemple, dans les rapports d'expertise du conseil des médecins à l'hôpital de Gaspé, c'est le résultat qui compte, peu importent les responsabilités, l'administration a posé un geste dans le cadre de la grève. Le rapport dit: Le syndicat réagit aux gestes de l'administration et ordonne aussitôt à tous les employés chargés de maintenir les services essentiels de sortir à leur tour et de quitter le travail pour ainsi manifester leur désaccord et forcer la direction de l'hôpital à réagir contre la présence de six techniciens, parce qu'aucun employé à ce poste n'est prévu dans la liste.

Peut-être que ça s'est corrigé assez rapidement, mais on voit quand même ce qui arrive comme résultat net; il y a une liste syndicale, il y a un conflit de travail. Les gens réagissent, peut-être à tort ou à raison, je ne le sais pas, mais, résultat net, les gens dans l'hôpital se sont trouvés pendant un certain temps sans services essentiels. Il me semble qu'au fond des choses, la crainte de la population, sa très grande réticence, quand il s'agit du droit de grève, etc., c'est ce genre de situation.

M. Laberge: Si vous me permettez, très brièvement, vous citez un exemple, et moi, je pourrais vous citer des exemples où les directeurs de centres hospitaliers ont refusé l'entrée aux travailleurs qui allaient assumer les services essentiels. Ils ont dit: On n'a pas besoin de vous autres, on va s'arranger tout seuls, c'est-à-dire les cadres. Cela, c'est l'autre abus. Ce sont des situations particulières. Là, vous mentionnez un cas à Gaspé.

M. Rivest: À Gaspé.

M. Laberge: II y aurait peut-être lieu de regarder aussi les agissements du directeur. Si c'est vrai qu'il est entré six techniciens, alors qu'en temps normal il n'y en a pas, pourquoi a-t-il fait ça? Est-ce qu'il a pris un gallon d'essence, pour le "maudire" sur un tout petit feu d'allumettes?

M. Rivest: M. Laberge, ce que je veux vous dire...

M. Laberge: Cela se corrige, un abus, et ça doit être corrigé par un autre.

M. Rivest: Ce n'est pas seulement de l'abus que je veux vous parler, je veux vous dire que la détermination des listes qui sont censées assurer des services essentiels devient partie d'une négociation...

M. Laberge: J'en viens à ça.

M. Rivest:... qui est de nature fondamentale sur le niveau des conditions de travail. Il me semble que, quand on parle de services essentiels, ce n'est pas des conditions de travail, c'est la vie des gens.

M. Laberge: J'y arrive, j'y arrive. On a une tierce partie, c'est vous autres, c'est l'Assemblée nationale.

M. Rivest: Oui, mais vous n'aimez pas quand on...

M. Laberge: Si vous permettez. On est d'accord sur un point. D'ailleurs,

même l'Association des centres d'accueil semble d'accord là-dessus, une régie, un conseil, une commission, n'importe quoi siégeant à Québec, à Montréal ou ailleurs ne peut pas déterminer ce genre de choses. Là-dessus, on est d'accord. Cela doit se faire sur place. Évidemment, la partie patronale va dire - elle a le droit de le dire - la liste que m'a soumise le syndicat n'a pas d'allure. Elle n'a pas d'allure parce que nous avons telle sorte de patients. Ils ne nous donnent personne pour s'assurer, etc. L'Assemblée nationale a toujours cette suprématie, elle a le droit d'agir.

Il y a une pression morale aussi sur les travailleurs. Partons du bon pas. Disons que tout le monde est de bonne foi et que tout le monde a une conscience sociale développée, et que, de façon générale, cela va bien; on a le droit de penser cela. Cela va bien aller. S'il y a des cas d'abus, il me semble qu'on peut trouver des moyens de corriger cela sans faire pâtir tout le monde. Encore une fois, ce n'est pas parce qu'on fait attendre des patients trois, quatre ou cinq mois pour leur entrée à l'hôpital, il y en a qui sont très angoissés parce qu'ils ne peuvent pas entrer et ils savent que leur tumeur qu'ils doivent faire enlever, s'ils attendent trois, quatre ou cinq mois... J'ai vu des gars avec des cataractes et ils ont été obligés d'attendre. Ce sont des situations vraiment malheureuses, mais on n'a pas le droit de punir tout le monde parce qu'on doit essayer de corriger ces situations.

M. Rivest: On me bouscule un peu dans le temps. Je reste encore avec certains doutes sur l'espèce de confusion, ou l'atmosphère des conditions de travail risque de dénaturer la détermination des services essentiels avec les formules.

M. Laberge: Cela se fait six mois avant.

M. Rivest: D'accord. J'avance un peu plus loin. Dans le conseil du maintien des services essentiels, parce que la plupart des cas qu'on peut citer - j'en ai, il y en a qui sont assez pathétiques, il y a des journalistes ici, je ne voudrais pas qu'ils fassent une manchette et après cela que vous nous accusiez, les politiciens - je ne décrirai pas les situations qui ont été vécues à l'hôpital de Rivière-des-Prairies... Ce sont de vos syndiqués qui travaillent au niveau...

M. Laberge: C'est un des groupes, oui. il y a plusieurs groupes là-dedans.

M. Rivest: Ce sont des soins psychiatriques chez les enfants. Il y a des situations de fuites, de mutilations, etc., qui sont survenues. Remarquez que c'est peut- être arrivé en dehors, mais c'est arrivé pendant la grève. Le rapport de l'expert du conseil cite des cas pénibles. Il y en a une page complète.

Ce à quoi je veux en venir, c'est d'avoir votre réaction, quand vous dites que le conseil du maintien des services essentiels doit avoir une base permanente en dehors, cela enlève le caractère de négociations... Est-ce que ce conseil, dans la loi - j'ai essayé d'avoir le texte de la loi qui donne ces pouvoirs, mais malheureusement, je ne l'ai pas eu - a une avenue à explorer dans le domaine de la santé entre les hôpitaux de soins aigus, les hôpitaux de soins psychiatriques, les hôpitaux de soins prolongés? Est-ce que dans la loi, vous vous opposeriez, parce que vous dites que quand il y a un problème, il faut quelque chose pour le régler? On sait très bien qu'il y a la bonne foi, etc. Est-ce que le conseil pourrait, comme d'ailleurs le rapport Picard l'a suggéré dans le cas des protocoles-cadres, il donnait 16 ou 17 points... Je comprends que vous vous opposiez aux pouvoirs à caractère judiciaire de la régie; je reviens au Conseil du patronat, mais est-ce qu'un certain caractère normatif - je ne veux pas vous faire peur avec certaines affaires comme cela - qui...

M. Laberge: Non, vous pouvez y aller carrément.

M. Rivest:... incluait une distinction fondamentale entre les situations d'hôpitaux, pour malades aigus, malades chroniques, Saint-Charles-Borromée, par exemple. Vous allez voir qu'au comité des malades, on soulève des cas qui ne sont certainement pas inventés. Je vous donne le cas de Laprairie pour les enfants qui sont sous soins psychiatriques. Là-dessus, pour qu'il y ait des ententes, le législateur ne pourrait-il pas, au niveau d'un conseil quelconque, faire socialement les jugements de valeur avec lesquels vous pourriez vivre? (12 h 45)

M. Laberge: C'est pour cela qu'il faut absolument que ce soit déterminé au niveau local. Un hôpital psychiatrique, c'est bien différent, c'est très différent d'un centre d'accueil où il y a des personnes âgées qui ont besoin de soins, mais ce n'est pas la même chose que certains services dans les hôpitaux psychiatriques où les travailleurs y goûtent. J'ai eu des rapports de travailleurs qui ont perdu trois semaines, six semaines, trois mois, parce qu'ils ont été blessés par des patients. Vous savez qu'ils n'ont pas le droit de se défendre. Ce ne serait pas une bonne "job" pour moi, je vous le dis tout de suite. Ces situations arrivent. S'il y avait un comité permanent pour s'assurer de la qualité des services, si la préparation de la liste des services essentiels se faisait six

mois avant la fin de la convention collective, ce comité pourrait dire publiquement: La liste n'a pas d'allure ou bien les exigences du côté patronal n'ont pas d'allure. Parce que nous avons toujours pris comme base le nombre de salariés qu'il y a dans les centres hospitaliers, dans les centres d'accueil, etc., 52 fins de semaine par année et les jours fériés. Si cela n'est pas suffisant, c'est notre base; quand nous disons, nous autres, que nous sommes prêts à assumer les services essentiels comme base, c'est de là que nous partons. Si cela n'est pas suffisant dans une possibilité de conflit, d'arrêt de travail, la vie des patients est en danger 52 fins de semaine par année et tous les congés fériés où là, en plus, comme vous le savez fort bien, il n'y a pas beaucoup de médecins...

M. Rivest: Je comprends votre réponse. Vous ne refuseriez pas complètement que, dans le conseil des services essentiels, dans l'aide à la détermination des services essentiels par les parties, il y ait des critères auxquels toutes les ententes devraient satisfaire, compte tenu de la nature des institutions. Est-ce que cela vous apparaît possible?

M. Laberge: Comment établissez-vous des critères entre un établissement qui a une clientèle de tout jeunes et un autre établissement qui a une clientèle de jeunes mais de jeunes rendus à 180, 190 et 200 livres? Les besoins ne sont pas les mêmes.

M. Rivest: Regardez la liste...

M. Laberge: Si vous le permettez, M. Laforest...

M. Rivest: Juste avant que M. Laforest réponde, il y a quand même une série d'ententes qui ont été conlues...

M. Laberge: Voilà.

M. Rivest:... il y a des listes syndicales qui ont été déposées. Cela a marché ou pas, là où il y avait des ententes, on ne part pas de rien. Il y a déjà une espèce d'expertise qu'on a acquise, alors il y a des paramètres généraux qui vont se dégager de cela, et on va s'apercevoir, si on les examine attentivement, qu'il y a des lignes directrices voulant que tel type de services prend tel type de personnes. Déjà, à ce moment-là, il y aura des guides sur le nombre de personnes, sur leur durée. Est-ce que cet exercice-là vous paraîtrait complètement futile à faire?

M. Laberge: Un paramètre que je pourrais vous suggérer, c'est que les services essentiels devraient être assurés par au moins autant de salariés qu'il y en a en fin de semaine; ce serait un bon paramètre.

M. Rivest: Vous critiquez par ailleurs les fins de semaine; vous dites que la santé et la sécurité ne sont pas protégées, ce ne serait pas un bon paramètre.

M. Laberge: Alors c'est à vous autres de corriger la situation et pas à nous.

M. Rivest: Ce n'est pas nous autres, le gouvernement.

M. Laberge: Je pense que l'Opposition fait partie du gouvernement, non?

M. Rivest: Oui. C'est terminé quant à moi.

M. Lafontaine (Réal): Moi, cela m'inquiète un peu de mettre des paramètres à l'échelle nationale là-dessus, car il peut y avoir des situations qui sont bien différentes. Ce n'est pas pareil pour un hôpital à Schefferville ou à Gagnon, où tous les soins sont donnés au même endroit, et pour un hôpital du centre-ville de Montréal où en fin de semaine il y a un débrayaqe et que les autres sont ouverts autour. On ne peut pas prévoir toutes les situations. Simplement en regardant la catégorie de bénéficiaires, j'ai peur qu'on oublie ces situations que seuls les gens, au moment de la grève, peuvent regarder.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean (Prévost).

M. Dean: Merci, M. le Président. J'ai trois questions à poser et je vais faire assez vite. Premièrement, malgré l'amélioration de la situation en 1979 et que votre centrale n'ait pas nécessairement exercé son droit de grève en 1979, est-ce que, soit en 1979 ou avant, dans la détermination des listes de services essentiels, il y a des département, des services ou des types d'établissements où il vous est arrivé de prévoir la possibilité de personnels presque à 100%? Je parle d'urgence, de bloc opératoire, de certains établissements.

M. Laberge: Absolument.

M. Dean: Je vais poser mes trois questions...

M. Lafontaine:... machines fixes, par exemple.

M. Laberge: Bon, il va poser les deux, trois questions.

M. Dean: Je vais poser mes trois questions.

M. Lafontaine: II va poser deux ou trois questions.

M. Dean: Deuxième question, moitié commentaire. Vous dites, dans votre texte à la page 12, que vous vous êtes toujours basés sur les services de fin de semaine dans la détermination de services essentiels. Je trouve que c'est un point de départ assez intéressant qu'on devrait retenir. Est-ce que cela touche aussi des services assurés en période de vacances et en fin de semaine, et lors des fermetures d'été de certains lits ou de certains étages?

Troisième question, c'est plutôt sur les mécanismes de négociation. J'ai toujours cru que le but de la négociation était d'arriver à une convention collective. Et si on arrive à une convention collective, on n'a pas à s'inquiéter de la grève. On a parlé hier beaucoup du comportement des parties. Il y en a qui se sont chargés de parler du comportement des travailleurs et des travailleuses syndiqués.

Sur les mécanismes et surtout sur le comportement des parties, selon vos expériences, avez-vous quelque chose à nous dire sur le comportement de vos partenaires ou de vos adversaires à la table de négociations, que ce soit les représentants du gouvernement ou les partenaires du gouvernement ou des organismes comme Hydro-Québec? Je veux parler de leur comportement patronal à la table de négociations, à travers les années, qui peut avoir pour effet d'envenimer une situation qui pourrait normalement aboutir a une entente. Mais il faut être deux pour faire l'amour, deux pour se chicaner et deux également pour signer une convention collective.

M. Laberge: Sur la première question, je vais laisser Réal Lafontaine répondre. Est-ce qu'il y a eu des départements, des sections... ?

M. Lafontaine: Certainement. L'un des exemples les plus frappants, c'est le cas des mécaniciens de machines fixes où, généralement, il y avait du 100%. Il y a d'autres exemples. Il fallait regarder les situations. Il y a eu des listes et des ententes à 100%.

M. Laberge: Un point intéressant que tout le monde semble oublier: dans le secteur privé, il n'y a aucune législation, il n'y a rien qui parle de services essentiels. Même dans le secteur privé, il y a des services essentiels. Pourtant, les travailleurs ont toujours assumé les services essentiels. Il n'y a jamais une usine qui a sauté parce que les travailleurs avaient refusé de la chauffer, par exemple. Je vous le dis, on le fait. C'est tout naturel. J'espère que vous nous considérez, nous aussi, comme des humains, avec des coeurs et des consciences, comme les dirigeants et comme vous autres. Vous êtes quasiment du monde ordinaire.

L'autre question, quand on dit qu'on se base sur le nombre de salariés en fin de semaine et lors des vacances et des journées fériées, il faut bien s'entendre. En temps normal, un centre hospitalier a un taux de 80% d'occupation, il y a 200 salariés qui assurent les services en fin de semaine. Ils se préparent pour la négociation, bâtissent le climat - parce qu'ils le bâtissent toujours un peu; en tout cas, malheureusement c'est toujours ce qui est arrivé - et ils vident la moitié du centre hospitalier. Le taux d'occupation est de 40% au lieu de 80%. Il est bien évident que là notre liste des services essentiels ne serait plus basée sur les 200 qui sont là en temps normal, alors que le taux d'occupation est de 80%. Parce que là ce serait quasiment tout le monde.

M. Laramée: Si vous me permettez, il y a d'autres critères qui entrent en ligne de compte. Dans des hôpitaux où il y a à peu près 25% du personnel qui est syndiqué, donc visé dans le conflit, il faut tenir compte du personnel qui peut effectuer des travaux en dehors des gens qui sont en grève ou qui seront éventuellement en grève. Il y a plusieurs facteurs qu'il faut considérer et de là il y a peut-être une lacune à négocier des services essentiels six mois avant. Qu'on tente de négocier des services essentiels six mois avant, mais, au moment où le conflit pourrait effectivement prendre effet, il faudrait réviser tout cela. À aucun moment, je n'ai entendu un syndicat s'opposer à regarder tout cela. C'est impossible de vraiment donner les services essentiels adéquats ou de préparer cela six mois à l'avance.

M. Laberge: La dernière question posée par M. Dean concerne l'attitude des partenaires aux tables de négociations. Il est bien évident que le gouvernement peut jouer un rôle de leader pour s'assurer que les demandes tant syndicales que patronales soient déposées à temps. Il peut pousser pour qu'il y ait des rencontres. Lors de la dernière ronde de négociations, il est bien évident qu'il y avait des partenaires du gouvernement qui n'étaient pas là pour l'aider, pas une maudite miette. Cela a été évident. D'ailleurs, je vois que Robert Gaulin, de la CEQ, est ici, il va vous en parler. La Fédération des commissions scolaires n'a pas fait monts et merveilles pour hâter la négociation et en arriver à une entente rapide. Et puis il y en a d'autres.

Il y a Hydro-Québec. Enfin, vous connaissez son arrogance proverbiale.

M. Dean: La population ne la connaît

pas, ne le sait pas. Voulez-vous nous en parler.

M. Laberge: Hydro-Québec, c'est la même chose. Vous savez, on est venu devant une commission parlementaire, disons qu'on a peut-être mal expliqué le problème et je pense qu'à ce moment les députés et les ministres étaient peut-être tellement désireux de trouver une solution qu'ils ont peut-être mal écouté ce qu'on essayait d'expliquer.

Mais la loi spéciale, Hydro-Québec s'est dit: Pouah! les petits gars, arrangez-vous avec vos troubles. Ils n'ont absolument rien fait pour corriger des situations épouvantables. On a parlé, par exemple, des différences dans la caisse de retraite entre les anciens employés de la Shawinigan et d'autres qui ont été étatisés, nationalisés. Ils ont rien fait pour corriger cela. Je vais vous dire que si Hydro-Québec est sûre d'avoir une loi spéciale qui va lui permettre d'esquiver ses responsabilités, c'est sûrement ce qui va être fait.

Parlant d'électricité, j'aurais aimé être ici quand M. Ghislain Dufour a fait sa présentation. Lui, il parle évidemment des services électriques, du gaz, etc. C'est drôle, on a des gens qui sont dehors depuis un mois et demi à Hydro-Québec et il n'y a personne qui fait des pressions sur Hydro-Québec pour que ça se règle. Je suppose que ce n'est pas essentiel. On a des gens qui sont dehors depuis un mois et demi, personne ne dénonce Hydro-Québec.

M. Marois: M. Laberge, si vous le permettez, peut-être faudrait-il nuancer un peu l'affirmation quand vous dites qu'il n'y a personne qui fait des pressions.

M. Laberge: Si vous en connaissez un, nommez-le!

M. Marois: II n'est pas très loin de vous, aujourd'hui.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. M. Laberqe, il y a un nouvel élément qui a été apporté par la FTQ, à la page 11, et je voudrais revenir sur la question du comité permanent de bénéficiaires, composé de véritables usagers, de travailleurs et de travailleuses.

En ce qui me concerne, ça semble un élément qui serait très important, mais je voudrais savoir une chose en particulier. Puisque vous avez parlé du conseil, pourriez-vous me dire de quelle façon vous verriez le fonctionnement de ce comité permanent de bénéficiaires, d'une part, et, deuxièmement, s'il serait relié, dans ses positions, au conseil, si, éventuellement, on améliore le conseil lui-même, non pas en lui donnant des pouvoirs quasi judiciaires ou judiciaires, parce que, moi aussi, je m'oppose dans un certain sens, à tout ça?

M. Laberge: Évidemment, vous pourriez y établir les liens que vous voulez, mais le comité serait d'abord local...

M. Perron: Ce que je veux, M. Laberge, c'est avoir des suggestions de votre part pour la liaison qu'il pourrait y avoir, si vous prévoyez une liaison entre le conseil et ce comité.

M. Laberge: II pourrait y avoir un conseil, dit national, pour faire la coordination de tout ça; parce qu'il va se développer une expérience. Quand les travailleurs d'un établissement siégeraient avec les usagers de cet établissement, il s'établirait des liens; je veux dire que, quand on est face à face avec un patient qui, lui, a souffert déjà d'un manque de services, quelle qu'en soit la raison, je ne parle pas nécessairement d'un conflit syndical, je parle peut-être d'un manque de personnel, je parle peut-être d'un manque de soins professionnels, je parle d'un manque d'équipements, ces patients vont être là et vont faire connaître leur point de vue. Je pense que ce serait une expérience drôlement enrichissante. Encore une fois, tenons pour acquis que les travailleurs dans les centres hospitaliers et dans les centres d'accueil sont des êtres humains et je n'en connais pas un seul qui voudrait mettre en danger la santé et la vie de qui que ce soit.

M. Perron: Deux courtes questions. En rapport avec ce comité, je présume que vous prévoyez que le nombre de membres de ce comité serait en place selon l'établissement lui-même. (13 heures)

M. Laberge: Évidemment.

M. Perron: D'autre part, en ce qui a trait, par exemple, aux représentants des travailleurs et des travailleuses, vous prévoyez, comme c'est votre mécanisme habituel, que ces gens-là soient élus. S'il y en a deux ou trois dans le comité, qu'ils soient élus. Quant aux usagers eux-mêmes, est-ce que vous prévoyez des nominations ou des élections par les usagers?

M. Laberge: Évidemment, on n'est pas entré dans tous ces détails, parce que cela aurait été un peu fastidieux de discuter de tous ces détails. Est-ce que la suggestion sera retenue? Si elle était retenue, on pourrait s'asseoir et regarder tout cela en détail. Cela ne prend pas tellement de temps de trouver des mécanismes pour faire fonctionner cela.

M. Perron: Merci, M. Laberge.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Dougherty, Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. Laberge, vous avez parlé des délais dans le cheminement des négociations, vous avez parlé de chantage et de manque de bonne foi, dans votre mémoire. Il me semble que les règles du jeu dans le système adversaire que nous avons pour régler la négociation n'encouragent ni l'adversaire ni l'autre d'accélérer les négociations, parce que chacun pense que les résultats seront meilleurs si on prolonge afin d'obtenir davantage. C'est un problème inhérent au système lui-même. Est-ce que vous avez des suggestions? Vous avez parlé d'un calendrier rigide, mais je ne vois pas d'autres suggestions précises pour accélérer les négociations.

M. Laberge: Enfin, je pense, je ne crois pas me tromper en vous disant: Je crois que vous vous opposeriez à ce qu'il y ait un changement dans le régime de négociation qui permettrait à la partie syndicale de déposer ses demandes 60 jours après que la partie patronale aurait déposé les siennes. Je pense que vous vous opposeriez à ça.

Ce n'est pas plus juste qu'on permette à la partie patronale de déposer ses demandes 60 jours après.

Le deuxième point: Dans le secteur privé, quand nous négocions avec un patron ou son représentant, il est directement intéressé parce que, s'il n'y a pas un règlement, ça sort de ses goussets, c'est lui qui paie les pots cassés. Il faut quand même reconnaître que, dans les centres hospitaliers et les centres d'accueil, les dirigeants, enfin leur conscience sociale de citoyens, bien sûr, mais ce n'est pas...

Mme Dougherty: Dans le secteur privé, c'est le profit qui est en jeu. Il y a une certaine pression...

M. Laberge: Exactement, tandis que, dans le secteur public, les dirigeants, les commissaires de commissions scolaires, c'est le gouvernement qui essuie l'odieux s'il n'y a pas un règlement. S'il y a un règlement, c'est le gouvernement qui est obligé d'imposer des taxes pour payer. Bon!

Je pense que vous comprenez ce que je veux vous dire.

Mme Dougherty: Mais je cherche des solutions parce que ça nous en prendra une très grave...

M. Laberge: La solution serait peut-être un peu draconienne. On vous a dit encore ce matin - le président de l'Association des centres d'accueil - que c'est le gouvernement qui doit déterminer la masse salariale, que c'est le gouvernement qui doit déterminer la qualité des services. Si c'est le gouvernement qui doit tout déterminer, pourquoi ne pas négocier directement avec le gouvernement? Cela épargnerait peut-être beaucoup de temps.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi alors que nous reprendrons avec l'audition du mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 05)

(Reprise de la séance à 15 h 9)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La Commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Pour le bénéfice des personnes qui nous regardent pour la première fois, je me permettrai de répéter le mandat de cette commission, qui est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic, et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Centrale de l'enseignement du Québec

Pour commencer la séance de cet après-midi, nous entendrons le mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec, qui sera présenté par son président, M. Robert Gaulin. Alors, si vous voulez prendre place, M. Gaulin, et en même temps nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Gaulin: M. le Président, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, il me fait plaisir au nom de la CEQ de vous rencontrer cet après-midi pour discuter de questions de relations de travail et plus particulièrement, en ce qui regarde la CEQ, peut-être ce qui a été à l'origine de cette commission parlementaire, de la question du droit de grève dans le secteur public.

J'ai avec moi cet après-midi, comme membres de notre délégation, Mme Alice Tremblay, vice-présidente de la centrale, à ma droite également, Gilles Lavoie, qui vient d'être nommé coordonnateur de la CEQ pour la prochaine ronde de négociations du secteur

public, à ma gauche immédiate, Gilbert Plante, directeur général à la centrale, et Marc-André Lemay, conseiller en relations de travail.

Je ne ferai pas de lecture du mémoire; c'est un mémoire assez substantiel d'une cinguantaine de pages que nous avons préparé. J'aimerais cependant essayer de situer comment la CEQ s'est posé le problème de cette commission parlementaire, le problème du droit de grève dans le secteur public. Je crois qu'il importe au départ de situer le débat sur le droit de grève dans son contexte, ou dans les débats qui ont présidé à la mise sur pied, à l'acceptation de cette commission parlementaire. Pour nous, d'abord, je crois que c'est un débat éminemment politique, dans le sens correct du terme "politique", qui ne relève pas des partis politiques mais de la chose politique. C'est aussi un débat qui porte, d'une certaine manière, sur la place des groupes dans la société et la manière d'aqir, de déterminer ou d'influencer les grandes politigues dans notre société.

Bien sûr, en acceptant cette commission parlementaire, le gouvernement a répondu à diverses pressions. On se souvient, avant les dernières élections, des pressions de l'Union Nationale, qui n'a pas survécu aux élections, mais qui a fait beaucoup de bruit et qui a exigé fortement, de la part du gouvernement, une prise de position claire sur le droit de grève dans le secteur public. On se souvient aussi des positions de certains groupes qui prétendent, en remettant en cause - ça va jusque-la - le droit de grève, défendre la gualité des services publics.

Il faut se dire également que le droit de grève dans le secteur public n'a pas vingt ans (le Code du travail date de 1964); que, depuis ce temps, l'exercice libre, tel que prévu au Code du travail, a été rarement permis; que, surtout en ce qui regarde les grandes négociations, chague fois qu'il y a eu exercice de ce droit de grève, c'a été entouré de restrictions de tous ordres, de défenses, d'utilisation de lois spéciales, de suspension de la grève une fois qu'elle était en cours ou même de lois qui visaient à retarder le déclenchement d'une grève qui avait été votée fortement et démocratiquement par une grande majorité de syndiqués.

Il faut se dire que dans ces contextes -ce n'est pas un blâme, c'est peut-être un peu normal, ça dépend des degrés - il y a aussi l'utilisation politique qui est faite des conflits pour justifier certaines interventions extérieures dans le processus de négociation, pour justifier, par exemple, de l'action policière. Depuis 1972, on a noté, à l'occasion des rondes de négociations, une accentuation de la surveillance policière des organisations syndicales. En 1979, on a envoyé un télégramme au ministre de la

Justice pour lui demander d'enquêter sur certaines affirmations qui disaient que la police exerçait une surveillance, de l'écoute dans les activités syndicales. L'utilisation des conflits prête à ça; elle prête aussi à monter des "build-up", des dossiers justifiant ou préparant le terrain à des interventions législatives, des interventions judiciaires, des interventions policières dans les relations de travail, ce qui n'est certainement pas la meilleure manière d'améliorer le fonctionnement des choses. (15 h 15)

Je crois qu'il faudrait aussi établir une relation entre la position des groupes sur le droit de grève et leur position sur le développement des services sociaux. C'est ce qu'on a tenté de faire dans un chapitre de notre mémoire pour arriver à démontrer, c'est peut-être drôle, qu'il y a une corrélation presque parfaite entre ceux qui attaquent le droit de grève dans le secteur public et ceux qui attaquent le développement de programmes sociaux. C'est drôle que le Conseil du patronat s'interroge sur le droit de grève, exige des restrictions, des contrôles accrus sur les conditions d'exercice du droit de grève et que le Conseil du patronat, d'une manière systématique, dans à peu près toutes ses interventions, remette en cause l'investissement public dans des services, le développement de programmes de gratuité de services, et ainsi de suite, par exemple, l'existence d'une régie d'État d'assurance automobile. On pourrait prendre à peu près chacune des mesures progressistes jusqu'à la loi 17 où il y avait des restrictions de cet ordre. C'est la même chose du côté de certains éditorialistes. On dit que les syndicats sont puissants, qu'il faut restreindre les syndicats. C'est la même chose, on dit qu'il y a trop d'investissements dans le domaine des services. Vous avez vu comme moi certaines déclarations qui contestent le droit de grève, qui contestent les programmes sociaux, le développement des services publics. C'est la même chose également pour certains partis politigues à des degrés différents.

Il y a donc à remettre cette dimension dans le débat et se dire que, quand certains mettent en doute le droit de grève, ce n'est peut-être pas la grève, mais les conséguences d'une grève ou les résultats d'une négociation où il y a eu exercice du droit de grève. Pour eux et pour beaucoup, limiter le droit de grève, ce n'est certainement pas régler les problèmes importants, les problèmes de services essentiels, les problèmes de mécanigue autour d'un processus de négociations; c'est empêcher les négociations du secteur public d'aboutir à des résultats qui pourraient engendrer pour eux des retombées dans le secteur privé. Bien sûr, négocier des congés de maternité dans le

secteur public ou négocier une diminution des écarts entre les hauts salariés et les bas salariés ne peut faire autrement qu'avoir des effets d'entraînement sur d'autres groupes moins organisés ou sur les groupes non syndiqués dans notre société ou exercer des pressions en faveur des bas salariés. Je crois que c'est beaucoup plus cela qui est visé par certaines prises de position contre le droit de grève que les problèmes causés par l'exercice d'une grève.

Le sens de notre présence ici aujourd'hui. Nous ne venons pas négocier le droit de grève. Pour nous, c'est un droit inaliénable, inattaquable. Nous ne venons pas non plus comparaître au banc des accusés comme des gens qui auraient des choses à se reprocher à travers vingt ans de négociations ou, particulièrement, depuis 1967, depuis l'ère de la loi 25 qui, dans notre secteur, le secteur de l'éducation, a provincialisé les négociations.

Nous tenons à venir témoigner et affirmer que le syndicalisme est un facteur essentiel de progrès social et un outil de la démocratie, que le fondement de l'action syndicale, c'est la libre négociation et que la libre négociation sans véritable droit de grève, cela n'existe pas. C'est cela, à mon avis, l'essentiel de la question.

Bien sûr, la grève, cela dérange; cela dérange tout le monde; cela dérange les usagers; cela dérange les travailleurs qui la font; cela dérange les employeurs; cela dérange la société, dans un processus de dérangement à court terme, mais c'est aussi un moyen, le moyen et le seul moyen qu'ont trouvé les travailleurs, et les grands spécialistes de quelque université ou de quelque centre de recherche que ce soit n'y ont pas trouvé de remplacement adéquat. C'est un moyen qui, à travers les dérangements passagers, dérangements dont les organisations syndicales se préoccupent toutes, je crois, de minimiser, mais c'est un moyen aussi qui permet de corriger des situations qui autrement seraient déplorables, qui permet de restreindre la détérioration de certains services publics et qui permet aussi de débattre de questions essentielles et d'arriver à des solutions qui sont des améliorations pour l'ensemble de la société.

H faudrait peut-être parler un peu des causes des grèves. Il y a des grèves. Il y a eu des grèves dans le secteur public de plus ou moins grande importance. Des fois, on les considère avec plus d'importance que cela en a eu effectivement à l'occasion des négociations dans le secteur public, mais souvent les négociations dans le secteur public ou le début d'une ronde de négociations, c'est accompagné de gestes de toute nature, c'est accompagné de politiques aussi qui préparent le contexte des négociations. Dans la situation de crise économique que nous vivons, d'augmentation indue, absolument inadmissible de taux d'intérêt, d'inflation, de chômage, de restrictions dans les programmes publics, de coupures budgétaires.

Dans notre mémoire on donne une série d'exemples autour de cette question de coupures budgétaires; nous en avons parlé dans une rencontre publique avec le gouvernement au mois de juin. Bien sûr, c'est un contexte qui prépare les négociations, dans un contexte de non-respect des conventions collectives parce qu'il y a une adéquation aussi entre les restrictions budgétaires, coupures budgétaires et la capacité ou la volonté de respecter intégralement les conventions collectives.

Dans un contexte d'accumulation de griefs, dans un contexte ou des ministres... prenons seulement le président du Conseil du trésor, M. Bérubé, qui se promène actuellement et qui dit: Préparez-vous les enfants, préparez-vous le monde, vous n'avez encore rien vu. Il prépare le contexte des prochaines négociations. Dans un contexte de directives qui arrivent de toute nature et qui incitent les employeurs à appliquer ou ne pas appliquer de telle ou de telle manière les conventions collectives. Dans un contexte accru de contrôle. La CEQ a analysé les politiques mises de l'avant par le ministère de l'Éducation. On a parlé de contrôle exagéré, on a parlé de contre-réforme qui était fondée sur des contrôles.

Je pourrais vous donner une liste d'exemples. Je vais vous en donner un pour être bien concret et bien illustrer mon point de vue. Le gouvernement a adopté, le printemps passé, un règlement qui modifie le régime pédagogique dans les écoles. Ce règlement, par une de ses dispositions, dit que les enseignants doivent travailler 200 jours, dont 180 jours de classe à raison de cing jours dans une semaine à temps complet. Une disposition de cette nature. Il y avait une pratique pédagogique dans l'éducation qui permettait, à la rentrée scolaire, de recevoir progressivement les élèves pendant une semaine, par petits groupes. En première année, on appelait cela une rentrée progressive, un groupe de cinq une journée et cinq le lendemain puis on reçoit comme cela les 28 ou 30 élèves de première année ou des classes.

Cette année, à partir de l'interprétation et de cette directive du ministère de l'Éducation, on dit: Maintenant, 1er septembre, 30 enfants de première année dans la classe et organisez-vous pour que cela marche, il faut que cela débute, 180 jours de classes. Exagérations, contrôles, directives. Qu'est-ce que cela a avec la capacité d'un milieu d'organiser des services pédagogigues et d'expérimenter des formules qui permettraient de se préoccuper un peu plus du monde et des jeunes qui ont à fréquenter les institutions? Je pourrais

prendre ce règlement - régime pédagogique -pour vous aligner toute une série d'exemples ou d'illustrations d'éléments qui créent un contexte de tension dans le milieu et qui, un moment donné, vont amener du matériel qui, bien sûr, va déboucher sur les prochaines négociations. On s'offusquera ou on se posera des questions en se disant: Comment cela se fait-il qu'il y a des problèmes quand on arrive à négocier?

Je voudrais également qu'on se méfie d'une approche mécaniste en disant: Changeons telle disposition, mettons tant de jours pour déposer les offres patronales ou les demandes syndicales, faisons telle ou telle mécanique, telle tuyauterie et il n'y aura plus de problème. À mon avis, les problèmes liés aux négociations dans le secteur public ne sont pas des problèmes de mécanique, ne sont pas des problèmes de tuyauterie; il ne s'agit pas de savoir si les tuyaux sont soudés ou ne sont pas soudés; il s'agit de savoir si ce qui coule dans les tuyaux, c'est la bonne affaire. Dans le fond, c'est pas mal plus la qualité des offres patronales, des demandes syndicales et le fond des questions qui posent des problèmes que la date du dépôt. Ce n'est pas, la dernière fois, parce que la partie patronale a déposé ses offres deux mois ou tant de jours après la partie syndicale, ce n'est pas la cause de la loi 62 au mois de novembre; c'est parce que ces offres étaient d'une telle nature et attaquaient à ce point les conditions de travail existantes, les acquis des négociations précédentes, c'est ça qui a été la cause fondamentale du blocage des négociations. On pourra en parler un peu plus tout a l'heure. Donc, attention, à notre avis, aux débats de mécanique. Il en faut, il faut des règles, il faut surtout s'en tenir à ces règles quand on les a établies et les respecter tout au long du processus de négociation.

Il existe actuellement - je ne veux pas prendre trop de temps, cela a été développé aux pages 31 à 40 de notre mémoire - toute une série de contraintes à l'exercice du droit de grève. Depuis 1964, année de l'adoption du Code du travail, d'une fois à l'autre, on a augmenté le nombre de contraintes. Je vous invite à lire attentivement cette partie et vous allez constater, quand vous examinez le Code du travail également et les lois qui déterminent les négociations dans le secteur public, que les contraintes sont beaucoup plus sévères, beaucoup plus exigeantes pour les syndiqués, pour le fonctionnement des instances syndicales que pour les vis-à-vis patronaux. Tout le processus d'adoption des demandes syndicales dans les assemblées syndicales larges, le processus de détermination des votes, le vote secret, le processus d'avis et j'en passe comme ça, nous constatons qu'actuellement, dans la législation du travail, il y a un déséquilibre qui joue en faveur des parties patronales. C'est faux de prétendre et d'affirmer que les syndicats sont trop puissants et que les associations patronales et le gouvernement sont à la merci des toutes puissantes organisations syndicales. Regardez les règles du jeu, regardez un peu l'histoire des dernières négociations et vous me direz qui a été le plus défavorisé par ces règles-là.

La question des services essentiels, bien sûr, c'est une question importante. C'est une question, même, si on n'est pas dans le secteur de la santé, du côté de la CEQ, qui nous a toujours préoccupés. C'est une question pour laquelle nous avons toujours affirmé sans ambiguïté qu'il y avait des services essentiels à maintenir. Mais nous affirmons également, sans ambiguïté aussi, que les gens les mieux placés pour définir les services essentiels ce sont les gens eux-mêmes dans les établissements: les syndicats et les employeurs. C'est là que le débat sur les services essentiels, c'est là que la détermination des services essentiels doivent se faire.

Bien sûr, à cause de l'importance de la santé, on a beaucoup plus accentué les problèmes ou insisté sur les problèmes qui se posaient dans le domaine de la santé. Je dois dire que dans le secteur de l'éducation les situations sont moins urgentes, mais sans aucune règle écrite nulle part, il y a toujours eu - pas partout, là où les besoins s'en faisaient sentir - des ententes qui ont permis de régler certaines situations et de maintenir certains fonctionnements minimaux, pas en termes d'enseignement, mais en termes d'équipement ou en termes d'éléments comme ça.

Je crois qu'il ne faudrait pas faire en sorte d'inciter même les parties à transférer à d'autres leurs responsabilités, parce que ça ne marchera pas. C'est clair que ça ne marchera pas, et c'est un peu la conclusion qui est ressortie de l'application de cette loi 253 à un moment donné. Le gouvernement n'a pas non plus la capacité, en périodes de négociations dans le secteur public, où les négociations se font dans des grands groupes et où il y a un paquet d'institutions susceptibles d'être couvertes par une grève, par un conflit de travail, le gouvernement n'a pas, dis-je, la capacité d'aller réglementer et décider de chacune des situations.

Je crois beaucoup plus, et c'est l'expérience de la dernière ronde, à l'intervention des personnes responsables de chacun des organismes; à l'intervention, au besoin - j'ai vu ça la dernière fois - des présidents de la FTQ ou de la CSN pour aider à régler certains problèmes. Je crois beaucoup plus à ce genre de formules qui peuvent être améliorées dans la manière d'acheminer la véritable information et non pas les pseudo-scandales. Cela permettrait de régler certaines situations.

(15 h 30)

En conclusion à la CEQ, nous plaidons non seulement pour le maintien du droit de grève dans le secteur public; nous plaidons pour le respect du droit de grève des syndiqués dans le secteur public, chose qui n'a pas été faite jusqu'à maintenant d'une manière telle que les droits soient reconnus et nous plaidons également pour l'élargissement du droit de grève. Sur cette question, on pourra revenir ultérieurement, la semaine prochaine.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais d'abord remercier la Centrale de l'enseignement du Québec de son mémoire et de sa présentation. C'est un volumineux mémoire. On le lira très attentivement.

Je voudrais faire une remarque générale et j'aurais une question à poser. Je sais que bon nombre de mes collègues désirent poser des questions et je voudrais bien leur laisser le temps et le loisir de le faire. Je ne veux certainement pas être injuste à l'égard du mémoire qui nous est présenté. Chacun a droit à ses analyses et on est là pour en discuter le plus largement possible et de la façon la plus ouverte et la plus franche. On peut bien élarqir le débat comme vous le faites, aller même jusqu'à prêter des intentions, carrément, comme vous le faites dans votre mémoire, en particulier à la page 11. "Cependant, entre le discours - là, vous citez le premier ministre, vous citez mes déclarations et celles de mon prédécesseur et vous concluez - et la pratique, il y a eu les lois spéciales 62 et 113, ce qui ne nous laisse guère d'illusions sur les intentions réelles du présent gouvernement en ce qui regarde l'abolition effective du droit de grève. " Je vous laisse le soin d'assumer les conséquences de vos déclarations, mais on me permettra de dire à nouveau que, malgré tout ce que les sondages publics indiquent -et c'est connu de l'ensemble des citoyens et des citoyennes - sur le droit de grève, soit qu'un pourcentage important de Québécois et de Québécoises pensent qu'il faut abolir le droit de grève - je pense que c'est là une piste de solution qui a été largement entretenue pour toutes sortes de raisons et alimentée - nous pensons, en ce qui nous concerne, que le droit de grève doit être maintenu. J'ai clairement indiqué, depuis le début des travaux de cette commission, la position très nette et très claire du gouvernement à ce sujet.

Cela étant dit, il y a aussi les droits des autres, et cela existe. Il ne faut pas faire comme si. On sait que cela existe, les droits des autres. Les droits des autres, ce sont les droits des citoyens, qui sont souvent aussi des syndiqués, quand arrivent des périodes appréhendées ou des périodes de conflit réel, à des services essentiels. Il faut qu'ensemble on cherche, de la façon la plus positive possible, à faire en sorte que ces droits soient profondément respectés. Il me semble, sur ces principes fondamentaux, qu'on doit avoir entre nous un consensus. Bon nombre de gens pensent que ce serait comme une espèce de solution magique que d'enlever le droit de grève; je ne le pense pas, parce que ça nous mènerait carrément à une situation de chaos social. C'est pour ça que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de retirer le droit de grève. Seulement, on a ensemble des responsabilités à assumer et des preuves à faire. Quand je dis "ensemble", je ne nous exclus pas, le gouvernement.

J'ai eu l'occasion de dire, lors de la présentation de certains mémoires, encore ce matin: Vous mettez le doigt sur un certain nombre de choses. Ce n'est pas parce qu'il s'agit du gouvernement. Si on n'a pas respecté certaines choses dans la pratique, dans les mécanismes, pour contribuer à une négociation valable et fondée dans le plein respect des mécanismes établis par le législateur, il n'y a pas de raison que ce ne soit pas dit et qu'il n'y ait pas des réajustements en conséquence. Ce n'est pas parce que c'est le gouvernement qu'il ne faut pas le dire, bien au contraire. Si c'est fondé, je serai certainement le premier à souscrire à cela.

Qui dit négociation dit aussi, je pense, au bout de la ligne, à moins, vraiment... Je ne crois pas que ce soit l'état actuel des choses. Bien au contraire, je pense que, quand on regarde un peu ce qui s'est passé dans le temps, on va vers un phénomène d'amélioration des choses. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un d'assez maniaque pour, en partant, vouloir délibérément faire exprès pour s'en aller à la grève. Il arrive que, quand on dit négociation, ça peut aboutir effectivement à une grève. Il faut prévoir ces cas et voir comment les droits des uns et des autres peuvent aussi être respectés; ça me paraît fondamental.

Parlant précisément - c'est là-dessus que portera ma question - de ces mécanismes de négociation où il peut y avoir place à des améliorations, hier, a témoigné devant nous l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires. Je ne voudrais pas être injuste pour son mémoire, peut-être que je simplifie un peu. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de l'entendre, je présume que, peut-être que oui, peut-être que non, mais je ne voudrais pas être injuste à son égard, son mémoire est consigné au journal des Débats. D'après elle, bon nombre de parents et d'enfants ont l'impression que, quand ce qu'on appelle la ronde provinciale, nationale est réglée, qu'il y a une entente à ce niveau, les choses sont finies, mais ça recommence parce que ça se poursuit à

l'échelle locale. Elle nous a proposé de concentrer les efforts et l'ensemble de la négociation au niveau national et de ne garder, au niveau local, que - je pense que c'était l'expression qu'elle utilisait - les modalités propres au milieu, ce qu'on appelle les arrangements locaux, qui correspondent effectivement à des choses qui peuvent être différentes d'un coin à l'autre, selon les besoins et l'état réel de la situation. J'aimerais connaître votre opinion sur cette recommandation.

M. Gaulin: D'abord, quelques commentaires sur vos commentaires, si vous le permettez; je pense que cela entraîne certains commentaires de notre part. Tout d'abord, à la CEQ, nous aimons la franchise dans les échanges et on aime mieux le parler franc qui permet de faire avancer les choses et d'expliquer les questions. Bien sûr, dans notre mémoire, on prête peut-être des intentions au gouvernement, mais certains comportements du gouvernement nous préoccupent passablement. Quand on parle d'abolition effective du droit de grève, on ne parle pas d'abolition de la disposition du Code du travail qui permet théoriquement de recourir à la grève à un moment donné. Mais, quand arrive le moment de déclarer une grève, il arrive parfois toutes sortes d'interventions et de mécanismes, dont des interventions législatives qui, dans les faits, disent: La grève, non!

C'est ce qui est arrivé un peu avec la loi 62, je crois, et la loi 113, en ce qui regarde les négociations locales. On a donc voulu attirer l'attention sur cette pratique, qui n'est pas le propre du gouvernement du Parti québécois, qui est le propre de tous les gouvernements et du Parti libéral, qui vous a donné l'exemple longtemps à l'avance. Cette pratique vise, on le sait, à un moment donné, à intervenir avant et pendant les grèves, sous différentes formes, à l'occasion de grèves dans le secteur public, et crée pour la situation suivante ou pour la négociation suivante toutes sortes d'expectatives ou toutes sortes d'attentes.

Comment les syndiqués vont-ils se situer pour la prochaine ronde de négociations, par exemple, connaissant l'expérience de la précédente où il y a eu deux ou trois interventions législatives pour arrêter des grèves ou pour les empêcher? C'est cela qu'on voulait demander, c'est cela qu'on visait.

On parlait de grèves effectives qui se déclenchent. Bien sûr, nous sommes fortement préoccupés par la question d'équilibre entre les droits des travailleurs du secteur public et les droits des usagers et les droits d'autres groupes. C'est pourquoi je crois qu'à la CEQ, le déclenchement d'une grève a toujours été considéré comme un geste important, comme un geste de dernier recours.

Quand vous regardez le cheminement, le déroulement des négociations dans le secteur public, quand vous regardez la pratique des négociations locales, il n'y a personne qui ne peut trop nous accuser d'avoir déclenché des grèves pour la grève, d'avoir déclenché des grèves prématurées et de ne pas avoir permis, même en novembre, lors de la dernière ronde de négociations, au processus de négociation de jouer le plus sérieusement et le plus longtemps possible.

Je crois que les faits sont là pour nous donner raison là-dessus. Dans ce cadre, je crois que la grève demeure, toujours dans notre esprit, un dernier recours, un recours ultime et qu'il doit y avoir négociation sérieuse et on doit s'inquiéter des conditions qui peuvent permettre une négociation sérieuse. Là-dessus, je disais: Interrogeons-nous davantage sur le fond, sur le politique que sur le mécanisme parce que c'est beaucoup plus ce qu'on met à la table de la négociation qui influence le déroulement des négociations que la date à laquelle on l'y met.

Pour revenir à votre question qui porte sur le niveau des négociations, c'est une question que nous sommes en train d'examiner très sérieusement à la CEQ. Nous n'avons pas de position arrêtée à ce moment pour savoir si on doit privilégier le maintien ou non des négociations de type local. Nous avons, comme d'autres, déploré la longueur de ces négociations. Nous constatons que cela prend du temps, que cela s'échelonne sur une période de temps très longue. Nous avons aussi été de ceux qui croyaient, qui ont cru et qui, pour un certain nombre encore, croient que, pour le bien de l'éducation, pour s'assurer que les conventions collectives ne sont pas que des codes théoriques inapplicables, c'était important que les parties locales, syndicats et commissions scolaires, conviennent d'un certain nombre de dispositions qui affectent davantage l'organisation du travail et, dans le fond, la vie quotidienne et les relations entre les patrons et les syndicats. Cela a posé des problèmes et, là-dessus, nous sommes au stade de la réévaluation. Bien sûr, certaines positions du côté des directeurs généraux, certaines positions qu'on a vues des fois du côté de la Fédération des commissions scolaires, le fait de parler d'arrangements locaux plutôt que de parler de véritables négociations locales, c'est véritablement une analyse en termes de rapport de forces. Ils pensent qu'ils peuvent faire passer leur point de vue dans un contexte d'arrangements locaux, où la grève ne serait pas permise ou serait illégale, plutôt que dans un contexte de négociation locale sous l'empire du Code du travail où possiblement il peut y avoir exercice du droit de grève.

Là-dessus, avant que les questions ne soient posées et pour devancer des questions, il faudrait tout de même ne pas exagérer certaines situations et regarder le portrait de ce qui s'est fait la dernière fois. Il y avait 74 tables de négociations locales - à ce moment-ci, il y a une convention locale qui n'est pas réglée - 41 tables sur les 74 où il y a eu règlement par négociation sans aucune intervention d'aucune nature, par seulement les parties en se parlant et en négociant sérieusement; il y a 28 tables où il y a eu règlement dans le cadre de la conciliation; 5 tables où il y a eu intervention par le biais de la médiation demandée par l'une ou l'autre ou acceptée par les parties; il y a eu deux tables où le règlement s'est fait par arbitrage de différends; il y a trois tables où cela s'est fait par l'intervention législative ou l'intervention gouvernementale: Vieilles-Forges, Carignan, la loi 113 et l'Alliance par le biais de la tutelle; il y a douze tables où il y eu l'exercice de moyens de pression: débrayage d'une journée ou débrayage de quelque nature que ce soit; il y a eu trois tables où il y a eu l'exercice de certains moyens de pression qu'on peut appeler d'ordre administratif ou sur l'administration. Le portrait n'est tout de même pas aussi catastrophique que certains peuvent le prétendre, mais cela ne nous empêche pas tout de même de nous interroger grandement sur cette question de négociation locale. (15 h 45)

Notre attitude face au mémoire, face à cette commission parlementaire, nous n'avons pas voulu entrer à ce moment-ci dans un débat de moyens, de mécanismes, de modifications au Code du travail ou aux lois du travail. Nous pensons qu'il appartient au gouvernement d'annoncer ses couleurs sur ces questions. Nous espérons qu'une fois que le gouvernement aura annoncé ses couleurs, s'il a l'intention de changer des choses, il pourra y avoir une nouvelle commission parlementaire qui permettra de porter sur les moyens, sur les débats d'appareillage, de modalités, de techniques ou de dispositions législatives. Dans ce cadre, nous serons disposés à revenir sur ces bases.

M. Marois: Croyez-vous, M. Gaulin, que la centrale aurait terminé vraisemblablement ses réflexions sur les deux paliers de négociation d'ici la fin d'octobre?

M. Gaulin: Nous avons justement demain et après-demain une instance qui se réunira et qui discutera de la question des négociations locales, mais, comme nous fonctionnons toujours sur des bases assez larges, il y aura un avis ou une recommandation qui va ressortir, soit demain ou dans les prochaines semaines, de cette instance et il devrait y avoir consultation aussi. de chacun de nos affiliés avant d'établir la position syndicale, ce qui devrait se faire cet automne. Mais je n'ai pas de date précise. Il m'apparaît qu'on a besoin d'un certain temps pour discuter avec les syndiqués qui prendront la décision finale là-dessus.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Gaulin, je vous remercie de votre présentation. Vous avez... Seulement une remarque préliminaire et une question; après cela, je passerai la parole à mes collègues.

Une chose qui m'agace, finalement, dans le type de présentation, c'est que vous avez dit tantôt, et sans doute que vous l'avez fait à maintes occasions dans le passé, que la CEQ pouvait parler franchement. On discute du régime de négociations ainsi que de l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, non pas dans un contexte de négociation et de conflit marqué comme dans les contextes où on a eu des lois spéciales, etc..

Votre mémoire - vous avez simplement résumé le mémoire - commence par dresser et attribuer à une foule de gens et de secteurs dans notre société des responsabilités précises sur le fait qu'il y a trop de grèves ou que la population est exaspérée. Alors, il y en a un peu pour tout le monde: le patronat est responsable, les médias, le gouvernement, l'Opposition officielle; vous avez même ressuscité, pour les fins de la discussion, l'Union Nationale, le frère Untel, Gérard Dion, le groupement des malades, enfin pas mal de monde. Admettons que ces gens-là acceptent de prendre leurs responsabilités et disent: Oui, on a eu des comportements et, dans certaines circonstances, je pense qu'on a eu l'occasion ici de reconnaître que des attitudes de la partie patronale... Si les gens qui vous écoutent et vous entendent... Si je posais la question bien directement: D'après vous, pas juste dans la dernière ronde... Compte tenu d'ailleurs des conditions objectives de travail dont bénéficient les enseiqnants, il y a encore beaucoup d'améliorations à apporter, mais, par rapport à beaucoup de travailleurs, c'est l'opinion publique qui perçoit cela également, dans le secteur privé, vous bénéficiez quand même de conditions de travail qui apparaissent à beaucoup de travailleurs comme étant raisonnables. Je sais que vous contesterez sans doute cette affirmation, mais, si les gens vous demandaient: Vous, à la CEQ, quel comportement, quelle attitude pensez-vous avoir eus dans le passé? Est-ce que vous avez eu une responsabilité quelconque dans le fait que les conventions collectives ont connu ces périodes extrêmement difficiles? Est-ce

que vous pourriez en identifier? Est-ce que, dans vos instances, au moment de la CEQ, vous vous livrez à l'occasion à des autocritiques?

Je vous pose la question et elle vous paraît peut-être un peu bête. J'aimerais que vous réagissiez à cette interrogation que peut-être beaucoup de gens se posent, en entendant ces charges et ces distributions de prix que tout le monde attribue alléqrement aux autres et personne ne regarde dans sa propre cour ce qui ne tourne pas rond.

M. Gaulin: Je peux vous rassurer. Vous devez savoir qu'à la CEQ...

M. Rivest: M. Laberge, ce matin, a fait une moue qui en disait vraiment long, mais on voyait qu'il en était conscient.

M. Gaulin: Vous devez savoir qu'à la CEQ, après chacune des rondes de négociations, on procède à ce qu'on appelle un bilan de la négociation. Il y a eu, dans tous nos groupes, des bilans de négociation qui ont été faits, qui sont terminés et qui ont donné lieu à la production de documents, qu'on ne publie pas nécessairement dans la Presse, mais qui sont des documents internes diffusés assez massivement auprès de nos organisations syndicales, qui permettent d'amorcer une réflexion sur les problèmes qui ont été vécus dans le cadre de !a négociation, sur des erreurs qu'on peut avoir faites, sur des problèmes de différente nature. On le fait, comme je le disais tout à l'heure, sur la négociation locale. C'est un débat qui est en cours. Bien sûr, là-dessus, on va regarder attentivement une critique qui nous est formulée ou une prétention qui est portée contre la CEQ, à savoir que la centrale se servait du processus de négociation locale pour tenter de reprendre ce qui avait été concédé en négociation nationale. Cela a été affirmé. On ne l'a pas mis dans le mémoire, mais peut-être qu'on va le trouver dans d'autres mémoires. Cela a été affirmé. Cela n'a jamais été prouvé.

Là-dessus, bien sûr, nous procédons à des interrogations. Nous recherchons des améliorations du processus de négociation dans le cadre des débats qui ont eu lieu par le passé, en commissions parlementaires ou autrement, sur des modifications qui étaient suggérées à des lois. Pas dans un débat général, mais dans un débat sur des dispositions du Code du travail, nous avons fait des interventions pour dire qu'il faudrait améliorer telle ou telle disposition. Nous sommes déjà intervenus, par exemple, pour dire qu'il ne fallait pas reconnaître dans la loi le droit de veto à des parties syndicales ou à des parties patronales, dans un processus de négociation, mais qu'il fallait laisser ces parties déterminer entre elles les règles de fonctionnement, ce qui a été accepté et qui a permis un meilleur fonctionnement.

Pour ce qui est des charges, ce que vous appelez des charges ou des affirmations, nous avons pris soin de faire des citations et d'essayer de citer au mieux possible les différents groupes. Ce qu'on a voulu mettre en évidence - je reprendrais ce que disait le ministre du Travail, M. Marois, tout à l'heure - c'est que ce n'est pas surprenant qu'il y ait des sondages d'opinion qui disent que le monde est contre la grève. L'opinion, cela se fabrique, cela se conditionne, cela se prépare et il y a du monde qui prêche depuis toujours que la grève, c'est mauvais. Donc, il y a du monde qui pense cela et il y a des sondages qui donnent des résultats comme cela. Il ne faut pas s'en inquiéter plus qu'il ne le faut. Je suis content de voir que cela n'a pas influencé indûment le gouvernement et qu'il n'est pas question, qu'il n'est plus question maintenant, d'une manière générale, de remettre en cause le droit de grève. J'espère que dans le débat actuel il n'est plus question de remettre en cause ou de contraindre à ce point l'exercice du droit de grève; que dans les faits ce n'est pas faisable.

M. Marois: Sauf qu'on a besoin de faire ensemble une solide preuve de responsabilité; sans cela, c'est la population qui va se charger de rappeler tout le monde à l'ordre.

M. Rivest: J'ai juste une dernière question. Est-ce que vous pensez vraiment que le jugement que porte l'opinion publique n'est ou ne serait que la conséquence des déclarations ou des manoeuvres que les autres font? Est-ce que vous ne pensez pas, en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, que derrière le jugement sévère que porte la population -j'en conviens il y a quand même, individuellement, dans le milieu de vie de chacune des personnes - et je pense qu'individuellement, on a tous des témoignages - des gens qui disent: Telle situation qu'a vécue une famille ou une autre, cela n'a pas de bon sens. Est-ce qu'il n'y a pas un jugement, plus qu'une espèce de conspiration, si cela existait, anti-exercice des droits par ailleurs reconnus aux travailleurs; droit d'association, droit de libre négociation et droit de grève? Est-ce qu'il n'y a pas un jugement de valeur profond qui reconnaîtrait finalement, dans le jugement sévère que porte la population, une primauté, surtout dans le domaine de la santé et des services sociaux - ce dont on a parlé souvent au niveau de la commission - des droits des personnes à la santé et à la sécurité sur d'autres droits qui sont par ailleurs reconnus? Non pas que les gens pensent que c'est systématique et que c'est la catastrophe chaque fois, mais quand ce sont des cas

humains, des cas fondamentaux qui touchent à la santé et à la sécurité, cela n'en prend pas beaucoup pour avoir chez les gens une réaction qui s'exprime dans les sondages.

M. Gaulin: Je l'ai dit tout à l'heure. C'est écrit dans notre mémoire aussi, à la page 24. Bien sûr, il y a des inconvénients à l'exercice des grèves et les grèves dérangent. Bien sûr, cela dérange. Cela dérange les usagers. C'est peut-être malheureux.

M. Rivest: Seulement des inconvénients?

M. Gaulin: Des désagréments, des inconvénients, des dérangements.

M. Rivest: Est-ce que ce n'est pas un euphémisme?

M. Gaulin: Bien sûr, quand tu te présentes à l'école ou que tu voudrais envoyer tes enfants à l'école au mois d'octobre et qu'il y a une grève, ça dérange plus que si la grève avait lieu durant le mois de juillet. On trouve normal, jusqu'à un certain point, qu'il y ait des réactions dans des assemblées, des syndiqués qui, à un moment donné, peuvent dire: La grève dans le transport ou la grève dans les avions ou la grève des autobus, ça dérange et ça peut entraîner des réactions de gens qui disent: Peut-être que ça serait mieux s'il n'y en avait pas. Mais ce qu'on oublie de mettre en parallèle parfois, c'est que, face aux dérangements passagers qu'il importe à tout le monde de tenter de minimiser, de civiliser, il y a aussi des avantages qui sont procurés à la population en termes d'amélioration des conditions ou des services qui sont donnés. Le ministre de l'Éducation reconnaissait - on ne lui a pas tordu les bras pour qu'il fasse une déclaration de cette nature - que les conventions collectives avaient permis d'améliorer jusqu'à un certain point la qualité du service public d'éducation. Bien sûr.

Il y a aussi ces éléments qui sont à mettre dans la balance et, quand on met les choses dans la balance, il ne faudrait pas surcharger indûment un côté de la balance. Nous avons l'impression que, face aux inconvénients créés, aux dérangements créés par l'exercice de la grève, on surcharge indûment un certain côté de la balance.

Vous avez parlé des conditions de travail. À la CEQ, nous n'avons jamais dit que les conditions de travail dans le secteur public, dans l'éducation, ne s'étaient pas améliorées. Au contraire, nous avons dit qu'il y a eu de nettes améliorations d'un certain nombre de conditions de travail, que ces revendications étaient le résultat de luttes, comme vous le disiez ce matin, de rapport de forces, d'actions. On ne s'en fait pas une gloire plus qu'il ne faut. On est heureux de reconnaître que d'autres gens, avec nous, reconnaissent que les négociations n'ont pas été inutiles et que cela a été plutôt une occasion d'améliorer les conditions de travail que de les détériorer.

Le Président (M. Rodrigue): M. Gauthier (Roberval).

M. Gauthier: Merci, M. le Président. M. Gaulin, s'il y a un domaine où c'est difficile peut-être de bien cerner la notion de services essentiels c'est l'éducation. Puisqu'on en a fait largement état dans les mémoires qui ont précédé, je voudrais savoir si la CEQ a une définition des services essentiels en éducation. C'est ma première question et j'aurai une sous-question.

M. Gaulin: J'ai l'impression qu'on veut essayer de me faire passer un examen.

M. Gauthier: Non, non.

M. Gaulin: J'ai déjà eu l'occasion d'enseiqner pendant quelques années au député de Roberval.

M. Gauthier: J'ai bien appris, n'est-ce pas?

M. Rivest: C'est de la vengeance. M. Gaulin: C'est ça.

M. Rivest: Vous aviez de mauvaises conditions de travail à l'époque.

M. Gaulin: On n'a pas de définition théorique, je n'en ai pas présente à l'esprit. Bien sûr, on a déjà réfléchi sur cette question des services essentiels. On a toujours dit que, dans le secteur de l'éducation, il n'y avait pas lieu de légiférer ou de déterminer d'une manière théorique les services essentiels. Quand une action arrive, on ne voit pas que telle catégorie d'étudiants devrait faire l'objet d'un service essentiel ou pas. Cependant, il y a des services liés à la protection des édifices publics, à la question du chauffage, à la question aussi du maintien d'équipement, du maintien d'expériences qui sont en cours depuis déjà quelques années dans des laboratoires alors qu'il y aurait un coût important à bloquer ce processus-là. Il peut y avoir quelques cas particuliers de certaines catégories d'étudiants. Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'à notre avis il n'y a jamais eu de problèmes qui ne se sont pas réglés très rapidement et à la satisfaction de tout le monde. Dans ce cadre-là, je crois qu'il n'y a pas lieu d'aller plus loin sur les services essentiels en éducation.

M. Gauthier: Ma question n'était pas une question piège. Hier, l'Association des

directeurs généraux nous a donné une espèce de définition des services essentiels et j'aimerais connaître votre réaction sur les quatre types de services essentiels qu'ils nous ont affirmé exister en éducation. (16 heures)

Les deux premiers types sont d'ordre plus général à mon point de vue - on a dit: Premièrement, maintenir un contexte d'enseignement respectueux de la clientèle. C'était le premier et j'ai essayé de le prendre le plus textuellement possible. Le deuxième, c'était de maintenir intacts les services aux élèves dans les périodes de négociations avant la grève ou après un retour de grève. Le troisième et le quatrième sont peut-être plus intéressants cependant. Le troisième disait: Préserver la santé et la sécurité des élèves. On faisait état de débrayages spontanés d'une équipe d'enseignants où cela pouvait, semble-t-il, présenter un certain problème, et, enfin, maintenir les services d'enseignement à un moment donné par rapport à la certification de certaines études, par exemple. Je voudrais savoir quelle est votre opinion là-dessus. Adhérez-vous à ces quatre sortes de services essentiels ou comment les évaluez-vous?

M. Gaulin: Vous devez comprendre qu'on est loin d'adhérer à ce genre de discours qui vise à encadrer davantage la grève avant même qu'on la déclare et après qu'elle a été déclarée. Je crois que c'est beaucoup plus, pour ces problèmes, par le processus de protocole de retour au travail qu'on essaie de discuter des problèmes réels qui auraient été occasionnés aux étudiants à l'occasion d'une grève et qu'on essaie de corriger certaines situations pour permettre de recréer les conditions qui favoriseraient la certification pour ne pas que des étudiants perdent une année scolaire.

Pour ce qui est des éléments reliés à la santé et à la sécurité des étudiants, je crois que là-dessus on pourrait sans doute me donner peut-être un exemple de situations anormales, mais je pourrais vous donner des tonnes d'exemples où les enseignants ont pris leurs responsabilités et où, quand il y a eu utilisation des moyens de pression de cette nature, le personnel a fait des distinctions entre les catégories d'étudiants d'une manière très générale dans les classes où il y avait des enfants handicapés, dans les classes spéciales, dans les classes de jeunes enfants au primaire. On est intervenu à quelques occasions pour éviter des situations qui causaient des inconvénients à des jeunes qui ne sont pas capables tout de même de s'en retourner chez eux ou d'assumer ces responsabilités.

Pour ce qui est des services aux étudiants dans un contexte d'enseignement, cela ouvre une porte à toutes sortes de demandes farfelues d'un bord et de l'autre.

Cela vise parfois à protéger tel ou tel ami ou telle ou telle catégorie de... Je crois que ce sont véritablement des façons de mettre en cause le droit de grève et l'exercice efficace de la grève. On voudrait, bien sûr, que les gens fassent la grève sans que cela fasse mal ou sans que cela dérange.

M. Gauthier: On a fait état également, M. Gaulin, dans les délibérations qu'on a eues jusqu'à présent d'une soi-disant convention de base qui pourrait n'être rouverte que partiellement pour des aménagements et cela, dans le but d'améliorer le système des négociations futures. Quelle est la position de la CEQ là-dessus ou quelle est votre position personnelle?

M. Gaulin: C'est un débat en cours chez nous également. Ce sont des expériences qui ont déjà été faites. On a eu des groupes qui, en négociation, délibérément, n'ont décidé de rouvrir la négociation que sur un certain nombre de chapitres donnés. Cela n'a pas empêché les parties patronales de vouloir rouvrir, elles, les chapitres ou les dispositions ou d'être en demande là où la partie syndicale ne l'était pas. On s'interroge sur ces questions à savoir si cela doit être un processus déterminé et encadré par des dispositions où un s'avertit qu'il ouvre ou qu'il n'ouvre pas. Je crois qu'il y a un élément qui vise l'ensemble de l'économie des relations de travail au Québec et dans les sociétés capitalistes qui veut que la convention collective est un contrat à durée limitée et, quand la convention collective est expirée, tout est expiré. Donc, on pourrait s'interroger là-dessus et dire: Une convention collective détermine les conditions de travail et les conditions de travail s'appliquent tant qu'elles ne sont pas remplacées par d'autres. Une telle attitude favoriserait peut-être davantage l'établissement progressif de ce qu'on appelle la dénonciation partielle. Dans le fond, on a toujours fait des dénonciations partielles, puisque, d'une négociation à l'autre, d'une demande syndicale à l'autre, il y avait des chapitres des conventions collectives qui étaient entièrement reconduits. On déposait la demande, mais c'était le même texte. Donc, cela se fait. Il s'agirait peut-être de changer cet esprit qui dit qu'on peut jouer là-dedans n'importe quand et que ce qui était bon pour trois ans n'est plus bon. C'est ce qu'on appelle, dans notre langaqe, remettre en cause les acquis, comme ça s'est fait lors de la dernière ronde de négociations.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous

remercier pour votre mémoire, M. Gaulin. J'aimerais dire tout d'abord que je partage quelques-unes des opinions que vous avez exprimées cet après-midi en ce qui concerne la tendance du gouvernement à intervenir d'une façon unilatérale, de centraliser les décisions et d'émettre des directives qui, souvent, répondent mal aux besoins locaux. J'aimerais vous dire franchement que, quand j'ai lu votre mémoire, je l'ai trouvé pas mal agressif et plein de rhétorique de confrontation. Il me semble que vous voyez votre lutte pour améliorer votre sort dans un contexte de lutte de classes. Vous parlez de classe dominante. Je me demande, aujourd'hui, qui fait partie de cette classe. J'ai l'impression, quelquefois, parce que vous attaquez presque tout le monde, que ce sont les syndicats qui sont la classe dominante aujourd'hui.

Vous parlez des patrons qui n'ont aucun autre intérêt que leur profit. Je crois qu'il y a une grande différence avec ce dont on discute aujourd'hui, parce qu'on parle du secteur public; il n'y a pas au secteur public de profits au même sens que dans le secteur privé. C'est tout à fait le contraire parce que, chaque fois qu'il y a une grève, surtout une grève générale, c'est le gouvernement qui fait beaucoup de profits dans un autre sens, parce qu'il diminue son déficit. Donc, l'incitation serait tout à fait au contraire et le parallèle que vous avez fait dans votre mémoire n'existe pas, à mon sens.

Vous avez parlé du progrès réalisé au cours des douze dernières années pour améliorer votre sort. Il me semble que vous n'avez pas beaucoup de sympathie pour notre tâche, ici, parce que, a la page 3, vous dites: "C'est donc vers un élargissement des droits syndicaux que les conclusions de la présente commission parlementaire devraient s'orienter. " J'aimerais vous demander si, dans le contexte actuel, qui a beaucoup évolué depuis les années soixante, le bien-être du public est mieux servi par une attitude plus conciliante.

M. Gaulin: Le premier élément que je voudrais souligner, c'est que, dans notre mémoire, nous ne parlons pas de lutte de classes. Cependant, nous disons qu'il existe des classes, qu'il existe des groupes d'intérêts divergents dans notre société. Je crois avoir lu des analyses de cette nature dans les documents du gouvernement, notamment dans le livre blanc sur la culture. On reconnaissait et je crois que tout le monde reconnaît l'existence de classes données. On peut laisser le soin aux facultés de sociologie de savoir les noms, les catégories et les divisions, mais je crois que, d'une manière assez générale, on reconnaît que, dans la société, il existe des classes divergentes et que c'est bon, à un moment donné, de se le dire, de se dire aussi que les vues du progrès de la société sont différentes. Ce n'est pas tout le monde qui pense de la même manière à ce qui est bon pour la population; autrement, on ne débattrait de rien dans notre société. Nous croyons aussi, jusqu'à un certain point, à la confrontation des idées, à la confrontation des points de vue. Nous croyons qu'il existe, dans la société, entre le capital et le travail - je ne veux pas faire de grandes analyses pour me faire traiter de toutes sortes de noms - des intérêts qui ne sont pas convergents, qui sont plutôt divergents. Quand on arrive à faire des négociations dans le secteur public ou ailleurs, ces problèmes se posent. Nous pensons que quand on négocie dans le secteur public alors que l'on revendique une diminution des écarts, des rémunérations entre les bas salariés et les hauts salariés, nous discutons d'une certaine manière, d'une certaine conception de la société et que telle et telle revendications nous amènent à interroger des priorités du gouvernement, des choix politiques ou des choix budgétaires du gouvernement d'investir dans tel secteur ou dans tel autre. On ne peut pas échapper à ces éléments qui sont présents dans une négociation.

Bien sûr, l'enjeu de la négociation dans le secteur public n'est peut-être pas le profit comme tel, mais il y a certainement des éléments qui tournent autour de la gérance. Par exemple, je crois que vous avez vécu ça, vous également, ça a été vraiment dans la négociation du secteur public un des points importants d'accrochage que cette question des droits de gérance qui appartenaient ou n'appartenaient pas, qui étaient divisibles ou qui n'étaient pas divisibles, ou qui étaient négociables ou qui n'étaient pas négociables; la place, le rôle des travailleurs dans l'organisation du travail, dans les prises de décision, la place et le rôle des organisations syndicales dans la consultation, la place et le rôle des personnels de l'éducation, des enseignants, dans certaines prises de décision, d'orientation d'éducation, ce sont là des questions qui sont importantes, ce sont des questions où les vues des groupes sont différentes, ce sont des questions qui, des fois, amènent la confrontation en cours de négociation.

Nous aurions tort si notre attitude nous poussait à dire: On dépose la demande syndicale et on se reverra après cinq jours de grève. Cela n'a jamais été l'attitude et le comportement de la CEQ. La centrale, d'une manière systématique, n'a jamais refusé quelque négociation que ce soit, que ça dure le temps que ça durera. Nous croyons, nous insistons pour que, dans un premier temps, on épuise toutes les possibilités de la négociation. On est même favorable à des recours à de tierces personnes, conciliation,

médiation, acceptées et consenties par les parties, avant de recourir à la grève générale. La CEQ a déjà voté dans des assemblées syndicales, afin de demander l'arbitrage sur un certain nombre de questions pour régler un problème plutôt que le recours à la grève. Nous ne sommes pas des tenants de la confrontation, nous ne sommes pas des gens qui ont une stratégie de confrontation à tout prix. Nous pensons qu'à un moment donné, il faut que les vraies questions se débattent et qu'on essaie de trouver ensemble les solutions les plus opportunes et les plus appropriées.

Nous essayons - je voudrais terminer là-dessus - dans la mesure du possible, de concilier les revendications des travailleurs, les demandes syndicales, les améliorations aux conditions de travail que nous recherchons avec le maintien d'un service de qualité. Nous essayons d'avoir une adéquation, le plus souvent possible, entre des demandes de conditions de travail et des moyens pour mieux faire le travail.

Mme Dougherty: Cela m'amène à ma deuxième question.

À la page 26, vous dites: "Un syndicalisme enseignant qui se bat pour que des inégalités sociales ne soient pas traduites en inégalités scolaires ne ruine pas la qualité de l'enseignement". (16 h 15)

II y a un bon nombre de parents qui ont l'impression qu'avec chaque convention collective, le climat des écoles se détériore. Les parents me demandent: Est-ce que c'est pour le bien des enfants qu'on a diminué la tâche de travail des enseignants? Les parents ont constaté qu'avec une diminution des tâches de travail, on a coupé des jours d'école pour les enfants au niveau primaire, par exemple, et, au niveau secondaire, on a perdu un sujet dans le programme. Les parents ont noté une détérioration de la discipline dans les écoles, un manque de moral chez les étudiants et les enseignants et un manque de supervision.

Ma question est la suivante: Comment pouvez-vous concilier votre perception des choses avec celle des parents?

M. Gaulin: Nous rencontrons également des parents. Nous sommes réceptifs à des discussions avec les associations de parents. Nos syndicats rencontrent des comités de parents dans les différents milieux. Je crois que, quand on discute avec les parents, ils sont loin de reporter sur le dos des conventions collectives et le dos du personnel de l'enseignement l'ensemble des problèmes qui se posent dans l'éducation. S'il y a eu réduction des heures d'enseignement - je ne parle pas des heures de travail des enseignants ou d'un enseignant donné - ou de la durée de l'enseignement, ce n'est pas le résultat d'une convention collective, ce sont des décisions administratives du ministère de l'Éducation ou des règlements ministériels qui ont dit: On passe de 1575 minutes à 1500 minutes; il n'y a pas de disposition, il n'y a jamais eu de disposition dans les conventions collectives qui ont régi le temps d'enseignement. Bien sûr, nous avons discuté de l'année de travail et du nombre de 200 jours de travail pour les enseignants et de 180 jours de classe, des éléments comme cela, d'ordre général. Je crois que cela fait partie de la négociation. S'il y a eu réduction cette année du temps d'enseignement d'une demi-heure pour les enseignants au primaire et si les commissions scolaires, plutôt que d'engager ou d'utiliser le personnel, ont décidé de réduire d'une demi-heure le temps d'enseignement des étudiants, cette décision de réduire d'une demi-heure le temps d'enseignement des étudiants, ce n'est pas le résultat de la convention collective, c'est le résultat de décisions, puisque le temps d'enseignement des étudiants n'est pas prévu à la convention collective.

Pour ce qui est de la discipline dans les écoles, d'une manière générale, je crois qu'il y a eu des améliorations au fil des années, à partir de l'expérience qui a été acquise dans les grands établissements, les cégeps, les commissions scolaires, les polyvalentes. On a amélioré passablement les choses, mais aussi, en période de coupures budgétaires, il y a des restrictions qui s'exercent, il y a du personnel, des surveillants qui étaient là et dont les postes n'ont pas été comblés, il y a du personnel d'encadrement professionnel qui pourrait aider les jeunes et dont les postes ont été supprimés. Il y a peut-être, dans certains cas, une mauvaise utilisation du personnel actuel qui pourrait être employé plus adéquatement à donner un enseignement de qualité à certains enfants qui présentent des difficultés et qui maintenant sont obligés d'aller dans les classes régulières. Il faut faire la part des choses avec les parents. Les conventions collectives sont volumineuses, on l'a dit, on l'a affirmé à plusieurs occasions, mais la réponse qui nous est donnée à cela, c'est qu'il faudrait laisser l'attitude la plus large possible à l'administration de faire à peu près ce qu'elle veut dans les établissements. Sur cela, nous ne sommes pas d'accord. Nous sommes prêts à discuter dans les négociations ou autrement de moyens d'améliorer, de préciser ou de déterminer les conditions de travail sans faire des catalogues très développés.

Mme Dougherty: M. Gaulin, pour terminer, pour le bien du public qui voit nos discussions, j'aimerais dire que le ministre est coupable de beaucoup de choses, mais il

ne faut pas le blâmer pour la diminution de la tâche de travail des enseignants.

M. Gaulin: Là-dessus, il faut aussi faire attention. Ce qu'on a recherché - on ne se gêne pas pour le dire - c'est d'essayer d'avoir une adéquation entre la tâche des enseignants au primaire et la tâche des enseiqnants au secondaire, en termes d'heures de travail. C'est une recherche. Progressivement, on a tenté, dans les dernières négociations, d'améliorer les choses. Je dois dire qu'en termes d'heures de travail, il n'y a eu à peu près pas de changements depuis quelques années dans le nombre d'heures de travail des enseiqnants du secondaire et qu'on s'est beaucoup plus préoccupés du nombre d'élèves dans les classes, ce qui ne diminue pas la tâche des enseignants, mais ce qui permet aux enseignants de faire une meilleure tâche avec les jeunes qu'ils ont dans leur classe. C'est sûr que, quand tu as 39 élèves dans une classe plutôt que 30, c'est plus difficile de s'occuper adéquatement des 39 élèves que des 30; peut-être que cela donne un peu moins de corrections avec 30 qu'avec 39, mais ce n'est pas là l'essentiel de la tâche des enseiqnants. C'est beaucoup plus dans la relation qui permet véritablement aux jeunes de progresser et d'avoir l'attention dont ils ont besoin dans les classes et d'avoir les chances de réussir. Cela a été un objet de préoccupation, au cours des dix dernières années, dans les revendications des enseignants, des personnels de la CEQ, et je crois qu'il y a encore des améliorations à envisager pour l'avenir en ce qui reqarde le nombre d'étudiants dans les classes.

Le Président (M. Rodrigue): M.

Paquette (Rosemont).

M. Paquette (Rosemont): M. le Président, j'ai trouvé une différence assez marquée entre la présentation du président de la centrale et le texte du mémoire que j'ai seulement eu le temps de parcourir en diagonale, mais qui me laisse vraiment très mal à l'aise. On retrouve dans ce document toute une série de procès d'intentions assez difficiles à prendre, parce que je ne pense pas que le ressentiment qu'on sent dans la population concernant l'exercice du droit de grève ait été fabriqué de toutes pièces. Cela fait trois campagnes électorales que je me bats là-dessus dans mon comté à expliquer à la population que le droit de grève est un droit sacré, un droit inaliénable, un droit qui a fait avancer l'égalité des chances dans la société, ce sur quoi je suis d'accord quand vous le dites dans votre mémoire, mais je ne vois pas comment vous pouvez prêter des intentions à ce sujet aux gens qui sont de ce côté-ci de la table. Cela n'a jamais été notre intention d'abolir le droit de grève. On a fait des campagnes électorales là-dessus. Tout en sachant que la presque totalité de la population est en désaccord avec le droit de grève dans les services publics, on a expliqué aux gens de quoi il s'agissait.

Il y a des bouts de votre mémoire vraiment... Écoutez, à la page 34, vous dites: "Non seulement l'État-patron veut savoir des années à l'avance à quel moment la grève sera possible, il veut savoir également le moment précis de son déclenchement en nous obligeant à lui expédier un préavis avant de débrayer. Les préavis imposés aux syndicats par la loi ne servent qu'à qêner l'exercice du droit de grève en empêchant les travailleurs de débrayer pour réagir immédiatement à une situation jugée intolérable. " C'est comme si c'était effrayant d'envoyer un préavis de grève. Je trouve cela nettement exagéré. Comment voulez-vous après cela qu'on aille expliquer aux gens la nécessité du droit de grève, quand on se retrouve avec des énoncés comme ceux-là où on dirait que vous êtes partisans des débrayages sauvages n'importe quand, n'importe comment, peu importe. En tout cas, je vais laisser de côté le mémoire et je vais vous poser des questions qui nous paraissent importantes.

Je pense que vous prônez, dans le domaine de l'éducation, une responsabilité, une autonomie de l'enseiqnant qui est celui qui donne les services, qui peut le mieux contribuer à l'apprentissage des enfants. La décentralisation est quand même un principe, je pense, qui a toujours été défendu en tout cas la décentralisation pédagogique - dans l'optique d'une autonomie locale, d'une autonomie de l'enseignant.

On se retrouve, après une quinzaine d'années de négociation, avec une convention collective très détaillée, une négociation très centralisée, qui se fait presque uniquement au palier national, même s'il y a encore certains objets qui demeurent au niveau local. Pensez-vous qu'on doive continuer dans cette direction, "à normer" en quelque sorte... Je reconnais que, du côté gouvernemental, il y a une bureaucratie excessive, des normes auxquelles la Centrale de l'enseignement a eu tendance à répondre en disant: On ne vous laissera pas établir les normes tout seul, on va discuter cela et on va mettre cela dans la convention collective. Il y a eu une espèce d'escalade en tout cas. C'est la façon dont je vois les choses. Il y a eu une escalade, de part et d'autre, de contraintes, de centralisation qui, finalement, font en sorte que l'autonomie, au niveau local, l'autonomie de l'enseiqnant, en particulier, est encadrée non seulement par des normes venant du ministère, par des régimes pédagogiques, mais également par une convention collective qui souvent nuit à la créativité, à l'expérimentation pédagogique. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il serait temps de réévaluer tout cela?

Est-ce qu'il y a des réflexions en cours dans votre centrale à ce niveau-là? Cela pose le problème des objets de négociation, cela pose le problème d'une alternative s'il y a moins d'objets de négociation. Il ne faudrait pas, non plus, soumettre les enseignants au droit de gérance local. Si on dit cela, cela nous amène vers une prise de responsabilités au niveau local. Quand on regarde le refus que votre centrale a exprimé quant à la participation au conseil d'orientation, on se demande si, finalement, quand on met tout cela ensemble, vous n'êtes pas pour une centralisation dans l'enseignement, dans le fond, des choses qui se discuteraient de centrale syndicale à ministère de l'Éducation et qui seraient mises dans une convention collective, ce qui créerait une assez grande uniformisation sur tout le territoire du Québec. J'aimerais connaître votre réflexion là-dessus.

M. Gaulin: Vous me permettez un petit mot sur le préavis? Qu'on se comprenne bien, ce qu'on a voulu souligner là-dedans, c'est qu'il n'y a pas tellement longtemps on a changé toute cette question du préavis, mécanisme qui fait que chacun des syndicats, s'il donne un préavis et que, quarante-huit heures après, il ne déclenche pas la grève, est obligé de reprendre tout le mécanisme du préavis. On envoie des piles de papier d'un bord et de l'autre et cela permet, à un moment donné, si jamais les travailleurs font la grève, de faire un débat sur la grève: était-elle légale ou n'était-elle pas légale? On n'est pas des tenants de la grève sauvage; au contraire, on pense, surtout dans le secteur public à l'occasion des grandes négociations, que les grèves sont annoncées longtemps d'avance. Quand on fait une déclaration publique pour dire que la grève sera déclarée dans dix jours ou dans huit jours à moins qu'il n'y ait une entente, on croit que c'est suffisant comme processus d'avertissement du public et d'avertissement de tout le monde et qu'on ne devrait pas embarquer dans des mécanismes pointilleux qui font que cela complique et que cela pose la question de la légalité de la grève avec tout ce que cela entraîne. C'est ce qu'on a voulu mentionner et on mentionne un certain nombre de dispositions qui mènent à cela. Je crois qu'il y a eu des problèmes réels et concrets par le passé à partir de situations telles que celle que j'exprime maintenant.

Pour l'essentiel, vous posez une très grande question. Si j'avais la réponse, je serais la personne la plus heureuse au monde et la CEQ aussi. Nous avons été à la centrale des tenants de la décentralisation de l'éducation. Nous avons toujours soutenu l'existence d'un gouvernement local, que ce soit commission scolaire, cégep ou université. Nous ne sommes pas des tenants de l'installation d'un réseau de fonctionnaires qui prennent des décisions partout alors que la population n'est d'aucune manière partie à la décision.

Force nous est d'admettre qu'on est dans la confusion la plus totale sur le partaqe des responsabilités entre l'État ou le ministère de l'Éducation et les administrations locales. Qu'est-ce qui est du ressort de l'État? Nous croyons que, face à l'éducation, il y a des responsabilités importantes de détermination des objectifs de l'éducation, des priorités de l'éducation, des budgets de l'éducation qui sont de responsabilité nationale et qui reqardent l'État. Donc, la détermination des conditions de travail des personnels, d'une manière large, cela ne peut pas se faire autrement, à notre avis, que dans le cadre d'une négociation nationale. Comme il y a des adéquations à faire entre les personnels de l'éducation et les autres catégories de personnel, je crois que les formules qu'on a mises au point, au fil de l'expérience, table centrale, rencontres autour d'une même table de tous les groupes, ont donné des résultats positifs. (16 h 30)

Pour ce qui est de l'autonomie de l'enseignant, on reconnaît que l'enseignant a peu d'autonomie, mais il y a peu de dispositions, tout de même, des conventions collectives qui viennent régler ou déterminer ce qu'on appelle l'acte professionnel de l'enseignant. Il y a un paquet de règlements, qui ne sont pas des objets de négociation jusqu'à maintenant, qui interfèrent là-dedans. Bien sûr, il y a des mécanismes de sécurité d'emploi ou d'affectation des personnels qui disent comment on répartit les personnels et cette question, pour nous, est une question de négociation locale jusqu'à maintenant. Cela fera partie de l'évaluation à faire de cela. Mais si jamais on pensait qu'il fallait tout déterminer dans les conventions nationales, toute la mécanique d'utilisation et d'affectation des personnels, nous croyons qu'on compliquerait davantage le système.

Nous sommes prêts à nous interroger sur la manière de définir les conventions collectives, de rédiger les clauses. Nous pensons que depuis quelques années nous sommes dans un régime d'exception; quand on écrit les textes de conventions collectives, on écrit la règle générale et après cela on écrit trois pages d'exceptions ou de situations particulières qui font que cela marche ou que cela ne marche pas.

C'est une approche qui a été amenée en partie par les deux groupes qui étaient en présence autour d'une table de négociation. Il y a peut-être de l'amélioration à faire pour tenter de simplifier l'expression d'une condition de travail. Mais nous pensons aussi qu'il existe des problèmes de droit de gérance, qu'il y a des droits de gérance encore importants dans l'éducation, qu'il y a

une approche autoritariste ou autoritaire d'un certain nombre de choses et cela aussi met en cause l'autonomie des enseignants. Dans le fond, l'enseignant et l'étudiant sont loin quelquefois, même s'ils devraient être les premiers et les plus près. Ils sont loin quand on regarde la pyramide à partir du ministre de l'Éducation et du sous-ministre et de tous ceux qui interviennent dans l'éducation. Dans ce cadre-là, on peut parler des organisations syndicales aussi et des centrales. Nous sommes des tenants de l'autonomie tout de même et de la prise en charge le plus possible par le milieu de décisions.

M. Paquette (Rosemont): Dans le même ordre d'idées, très brièvement, ce matin, le président de la FTQ nous disait que l'important, c'est de préparer la négociation et de faire en sorte qu'on puisse négocier le plus adéquatement possible, de façon que la grève n'ait jamais lieu et que la question des services essentiels ne se pose pas. Il nous proposait qu'il y ait dépôt simultané des demandes patronales et syndicales. Il disait: À un moment donné, il faudrait arrêter de remettre en question toutes les clauses de la convention collective d'un couvert à l'autre. J'ai cru comprendre que cela voulait dire de mettre sur la table un nombre quand même limité d'objets de négociation. Si on ne veut pas que les conventions collectives aient encore plus un effet centralisateur que maintenant, cela apparaît un moyen intéressant. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Lors de la dernière négociation, je pense qu'on avait 50 ou 70 clauses qui étaient remises en question. Est-ce que vous pensez que c'est une approche qui peut être très intéressante?

M. Gaulin: Je crois que c'est en partie une des approches qu'on avait la dernière fois. Il y a des chapitres complets de la convention collective qui n'ont pas été remis en cause, qui ont été déposés tels quels, avec quelques modifications mineures qui visaient à régler les problèmes qui étaient arrivés en cours de route.

Je crois qu'on est prêt à réfléchir là-dessus, c'est une approche qui dit que, lorsque tu commences à négocier, il n'y a plus rien qui existe. Tu recommences à négocier et la convention existante n'existe plus, de sorte que cela donne ouverture à des changements de conditions de travail, aux lock-out et à un certain nombre de choses comme cela. Il y a peut-être de ce côté-là des changements d'attitude ou des réflexions à avancer pour reconnaître que le processus de négociation, c'est un processus d'ajustement des conventions collectives à une réalité qui a changé. Si on avait cette approche des négociations, peut-être que ce serait moins compliqué.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Saint-Anne).

M. Polak: M. le Président, rapidement. M. Gaulin, je suis de cette vieille école où un enseignant, cela veut dire quelque chose. C'est quelqu'un qui enseigne à nos enfants. Cela demande un peu de respect. D'ailleurs j'ai vu un de vos produits ici, de l'autre côté de la table. Il est d'une autre génération mais il fait très bien, sauf qu'on a des opinions politiques différentes. Il est très sympathique sur le plan personnel.

J'ai lu votre mémoire, et je sais que notre mandat est le suivant: D'étudier les moyens d'améliorer le régime de négociation et aussi les moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels.

J'ai lu tout le mémoire et je l'ai lu parce que je n'ai rien trouvé sur le mandat. Je suis arrivé à la page 50 et j'ai trouvé que c'était un très bon exposé sur le syndicalisme, vos droits, vos droits, vos droits, mais je trouvais très peu, malheureusement, vos obligations.

Je pense que, comme enseignants, vous avez des obligations. Vous dites, à la la page 26, par exemple: Le mouvement de réflexion et d'animation n'est pas le fait de quelques individus, c'est au syndicalisme de l'enseignement qu'on le doit. Je ne crois pas cela, parce que j'ai été moi-même président d'un comité d'école et il y a des milliers de comités d'école qui ont aussi beaucoup contribué à la réflexion et à l'animation. Il y a même des commissaires d'écoles qui l'ont fait. Je l'ai fait aussi. Donc, s'il vous plaît, ne pensez pas que seulement le syndicalisme a contribué à cela. Je pense que c'est une déclaration fausse et la population n'est pas prête à accepter cela.

Maintenant, vu que vous n'avez pas parlé de notre mandat ou des problèmes, je voudrais soulever deux petits problèmes et avoir vos commentaires là-dessus. Quand on parle du secteur social, des hôpitaux, nous sommes tous au courant de la souffrance des usagers, des patients, etc. Mais, pour moi, dans le secteur de l'éducation, il y a d'autres souffrances. Par exemple, l'expression qui dit qu'on ne fait pas une grève sur le dos des enfants, c'est une souffrance différente, mais qui frappe beaucoup l'individu, l'enfant et les parents.

Je vais avoir seulement deux points: le harcèlement; il n'y a pas de grève, à un moment donné, il y a toutes sortes de petites tactiques, on refuse de prendre la liste de ceux qui ont de l'école, apparemment, ils sont tous inquiets de ce qu'on a à faire...

Deuxième problème qui est grave, surtout dans le district de Montréal, c'est qu'à un moment donné - je parle ici d'une école secondaire - les enfants disent, après

une semaine ou deux de harcèlement ou au commencement de la grève: Je m'en fous, bonjour, je m'en vais. On appelle cela le problème de "dropout". C'est très important, parce que, chaque fois qu'on a affaire à un enfant lors d'une grève, pour moi, c'est un service essentiel presque aussi grave qu'un patient d'hôpital.

Auriez-vous un petit commentaire sur ces deux problèmes?

M. Gaulin: À la page 26, ce qu'on expliquait, c'est la démarche de réflexion que la CEQ a faite sur l'école, en liant l'école au développement social. On ne dit pas que personne d'autre n'a réfléchi dans notre société. On expliquait la démarche et le point de vue un peu original que la CEQ a développé sur ces questions et qui a contribué à l'évolution des choses dans notre société.

M. Polak: Merci pour la correction.

M. Gaulin: J'espère qu'on se comprend sur ce point. Au contraire, on prétend, à la CEQ, vous m'avez peut-être déjà entendu quelquefois dire que les parents et que les différents groupes ont des actions et des rôles à jouer en éducation et qu'il n'appartient pas à la CEQ toute seule de mener la lutte contre les coupures budgétaires en éducation.

On va faire un colloque la semaine prochaine justement avec d'autres gens pour parler de cela.

M. Polak: Invitez-nous.

M. Gaulin: Comme parents.

Pour ce qui est des droits et obligations, je l'ai dit au début, je crois qu'on a voulu, dans ce mémoire, insister sur la question du droit de grève et sur le contexte politique ou le sens politique d'une négociation dans le secteur public. On n'a pas voulu faire porter le débat sur la mécanique. On est disposé à revenir si jamais il y a des modifications législatives qui sont envisagées pour débattre de dispositions mécaniques. La semaine prochaine, on interviendra avec d'autres sur un certain nombre d'ajustements ou de débats de cet ordre. On a voulu poser un problème d'orientation politique qui entoure la question du droit de grève et à ce qui a donné lieu, dans les préliminaires, à cette commission parlementaire.

Pour ce qui est du harcèlement, je crois que cela a fait partie aussi de certaines autocritiques qui ont été faites. Cela a peut-être été la réponse syndicale, à un moment donné, à des gens qui disaient: Faites-la, la grève ne nous dérange pas, vous allez perdre votre salaire et, après cela... Cela a été affirmé. Les gens ont dit... À un moment donné, on s'est dit: C'est du monde qui veut trop qu'on fasse la grève, peut-être qu'il est mieux de faire autre chose que de la faire. Mais, la dernière fois, à la dernière ronde de négociation, je crois qu'il n'y a à peu près pas eu de harcèlement et nous avions comme orientation de ne pas faire de harcèlement qui affectait les étudiants ou la relation enseignants-étudiants. Il pouvait y avoir certains moyens de pression sur les administrateurs pour les amener à réfléchir sur ce qui se passait en négociation et à changer certaines des propositions patronales en négociation. Je crois que cela s'est orienté beaucoup plus dans cet ordre et je crois que c'est un comportement responsable. Bien sûr, à la suite d'une grève, des préliminaires ou des débuts d'une grève, il peut y avoir ce phénomène de "dropout", mais je crois qu'il ne faut pas faire la relation entre la grève et le "dropout". Le phénomène de "dropout" est un phénomène qu'on vit à longueur d'année; il y a eu dix jours de grève en 1979 ou en 1980, depuis ce temps, il y a ce phénomère qui continue. Il y a des taux d'échecs aussi dans les écoles, échecs scolaires qui deviennent un problème d'actualité, malheureusement, un problème assez important. Il faudrait réfléchir sur ces questions. Je crois qu'il ne faut pas lier ça à la grève comme telle. Bien sûr, on prêche en faveur de l'école privée en disant qu'à l'école privée vous êtes garantis qu'il n'y aura pas de grève cette année, tandis que dans le secteur public, ce sont des choses possibles, mais, ça, c'est un autre débat qui débouche là-dessus.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, je voudrais faire une brève intervention. Je préviens mes interlocuteurs du danger de ne pas se comprendre, mais je vais quand même essayer d'être clair. Je ne m'en tiendrai pas uniquement au texte de votre mémoire, mais je vais essayer d'énoncer, en tant que membre du gouvernement présentement, quelques impressions sur le travail que les syndicats ont fait auprès de leurs membres depuis un certain nombre d'années, particulièrement dans les affaires sociales, dans la fonction publique et dans l'éducation.

Mon père a enseigné pendant "52 ans à la commission scolaire de Montréal, à l'époque où le syndicat n'existait pas encore. J'étais petit garçon, à la maison, et j'ai connu les premières batailles syndicales de mon père. Les plus vieilles de mes soeurs sont allées vers l'enseignement aussi. Je me souviens, à l'époque, de M. Guindon, qui a travaillé très fort pour structurer, monter un syndicat et faire en sorte que les enseignants, les maîtresses d'école du rang - comme on les appelait à l'époque - qui

qaqnaient 200 $, 300 $, 400 $ ou 544 $ par année et qui avaient vraiment un rattrapage à faire, avaient à se faire respecter, avaient des conditions de travail à améliorer. Toutes ces batailles on les a méritées.

Moi, j'ai été sur les lignes de piquetage aussi comme enseignant, après être passé par l'industrie, ce qui m'a permis d'évaluer un peu, en cours de route, les différences qu'il y avait entre un travailleur d'usine et un travailleur de l'enseignement des années modernes, des années d'aujourd'hui, par rapport à l'enseiqnement d'il y a 20, 25 ou 30 ans. Et chapeau, je pense que le syndicat a sa place, les enseignants se sont battus, ont gagné des batailles et se retrouvent, en 1981, à toutes fins utiles, comparativement à d'autres groupes de notre société, avec quand même des salaires passablement corrects; il y a toujours de la place pour de l'amélioration, j'en conviens. Je pense aussi qu'au niveau des conditions de travail, au niveau des avantages sociaux, on ne les a pas volés, on s'est battu et on les a eus. Il y a toujours de la place pour de l'amélioration, j'en conviens.

Maintenant que je ne suis plus enseignant. Si je reviens à l'enseignement, je verrai à me comporter comme un enseignant qui continue à réclamer des choses pour les enseignants. En attendant, je suis au gouvernement et je suis obligé de penser comme un gouvernement doit penser, donc en fonction de tous les travailleurs et les travailleuses du Québec et non pas seulement en fonction d'un groupe d'individus ou de travailleurs du Québec.

Actuellement, on travaille à modifier le Code du travail pour faciliter l'accès à la syndicalisation pour ceux qui ne le sont pas, afin que les classes ou les parties ou les groupes de travailleurs du Québec, qui ne sont pas syndiqués et qui sont finalement en perte de vitesse, par rapport à ceux qui le sont depuis un certain nombre d'années, puissent avoir un certain rattrapage.

Comme gouvernement, je veux favoriser ça d'abord. Non pas que je veuille freiner ceux qui sont déjà organisés pour que finalement, au bout du compte, il se retrouvent avec une perte de vitesse; s'ils maintiennent leur vitesse de croisière, ceux qui sont déjà organisés... mais, comme membre du gouvernement je voudrais favoriser les travailleurs, les femmes qui travaillent à la machine à coudre des guenilles dans mon comté, qui travaillent à la pièce, elles ont besoin de l'aide du gouvernement. Il y a des gens qui travaillent dans des PME, chez nous, qui ont besoin de l'aide du gouvernement. Il y a des agriculteurs qui, je pense sont bien aidés, mais il faut continuer à les aider. Il y a donc une masse monétaire que le gouvernement doit partager parmi l'ensemble de la population, selon ses priorités.

(16 h 45)

Je ne veux pas punir ceux qui sont syndiqués, je le maintiens et je veux être clair là-dessus. Seulement pour moi comme faisant partie d'un gouvernement, vous êtes assez grands, je pense, pour vous défendre. Vous avez besoin de moins d'aide du gouvernement que ceux qui ne sont pas orqanisés. Je favoriserais plutôt, comme membre du gouvernement, ceux qui le sont moins, ceux qui sont en perte de vitesse et ceux qui, à toutes fins utiles, sont un peu les enfants pauvres de notre société qui ont droit, eux aussi, à un salaire décent, à des conditions de travail décentes et à la possibilité de se syndiquer. Je pense que c'est dans ce sens-là que je vais.

Je vous invite à continuer vos luttes syndicales. Il y a encore des choses à gagner. Maintenant, vous ne faites plus pitié. Les enseignants ont déjà fait pitié il y a déjà un certain nombre d'années. Quand je pense à mon père, ce n'était pas drôle dans le temps; mais, aujourd'hui, franchement. II y a encore deux ou trois de mes soeurs qui enseignent, j'ai de bons collègues qui sont encore dans l'enseignement. Continuez vos luttes. Bravo! Mais, quand vient le temps de négocier, il faut comprendre que le gouvernement veut bien être attentif à vos demandes. Pour ce qui est des conditions de travail qui ne touchent pas la masse salariale, il y a moyen de faire des arrangements facilement. Mais quand il s'agit de venir chercher la masse salariale que le gouvernement a à sa disposition chaque année pour la distribuer le plus équitablement parmi les différentes couches sociales, je pense qu'on devient chatouilleux à ce moment-là. A ce niveau-là, je pense que c'est normal, comme gouvernement ou comme en faisant partie, que je serre la vis, que je sois tenté de serrer la vis auprès de ceux qui ont fait ce rattrapage, qui sont devenus grands et qui sont syndiqués et organisés. Je favoriserais plutôt ceux qui le sont moins.

C'était l'intervention que je voulais faire, M. Gaulin.

M. Gaulin: Juste un commentaire rapide. Je pense que cela va exactement dans le sens de notre mémoire: le syndicalisme, le droit de grève, facteur de progrès social. Bien sûr, la CEQ a appuyé de multiples interventions sur l'extension de la syndicalisation. Elle a demandé au gouvernement d'intervenir pour assurer un meilleur régime de sécurité d'emploi dans le secteur privé. Elle va intervenir pour mettre fin à cette abomination que sont un certain nombre de régimes de retraite dans des secteurs privés qui ne donnent à peu près aucun droit à la retraite. Nous allons continuer à intervenir.

Je suis convaincu que vous allez tenir

exactement le même débat quand vous allez discuter bientôt des augmentations de salaire des députés. C'est exactement le débat qu'on fait aussi. On fait une table de négociation et il s'agit de discuter du degré d'amélioration des conditions de travail du service public. Quand nous menons à ce moment-ci la lutte contre les coupures budgétaires en éducation, ce n'est pas pour l'amélioration des conditions de travail. On ne parle pas de négociation et de convention collective dans la lutte contre les coupures. On parle du respect des conventions collectives pour permettre de maintenir un nombre respectable d'étudiants dans les classes.

Ce qu'on dit, c'est qu'il est nécessaire dans la société, par les temps qui courent, même s'il y a des pauvres, même s'il y a des gens qui sont mal organisés, même s'il faut faire des efforts pour continuer à les organiser, de continuer à investir dans l'éducation, de continuer à investir dans les services publics, de continuer à investir dans les services sociaux, de manière que ces instruments à la disposition de l'ensemble de la société puissent être un moyen d'aider les gens qui en ont le plus besoin à se rattraper, à s'organiser et à exiger eux-mêmes d'être davantage respectés et d'obtenir une amélioration de leurs conditions de travail.

On n'est pas venu ici pour demander la pitié de la commission parlementaire. Au contraire. On ne se gêne pas pour dire qu'il y a eu amélioration des conditions de travail. On en prend bonne note. On est fier d'avoir contribué à ces améliorations, mais on croit qu'un processus de négociation normal avec un droit de grève qui s'exerce dans des règles définies, mais des règles qu'on respecte, permet aussi de débattre de ces questions, de clarifier les enjeux de ces négociations et d'améliorer les conditions de travail des travailleurs de l'éducation. Il y a aussi du personnel de soutien à la CEQ. Il y a des gens pour qui il y aura des revendications d'amélioration de certaines conditions de travail. Il y a de petits salariés. Nous nous préoccupons également de ces problèmes et de ces questions.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vous ai promis d'être très brève et je tiendrai ma promesse. M. Gaulin, tout à l'heure, parlait des décrocheurs et des échecs de fin d'études. Est-ce que vous auriez des statistiques sur les échecs de fin d'études secondaires? Probablement que vous ne les avez pas pour cette année, mais est-ce que vous les avez pour l'an dernier, puisque cela semble être une de vos inquiétudes? En fait, les étudiants qui ont terminé un secondaire V sans pouvoir obtenir un certificat de fin d'études secondaires.

M. Gaulin: Nous n'avons pas ces statistiques, malheureusement. Je crois qu'il serait intéressant pour les gens qui se préoccupent de l'éducation de les avoir. Ce qui m'a préoccupé - de temps en temps je vais dans les écoles voir le monde - c'est d'entendre de plus en plus parler d'une expression qui était disparue de notre vocabulaire. Il fut un temps où on ne parlait plus de doubleurs; puis on recommence à parler des doubleurs dans l'enseignement, ce qui se réfère, à mon avis, à tout ce problème d'échecs scolaires et d'auqmentation du nombre de jeunes qui sont obligés de reprendre une année scolaire. Il y a des coûts importants qui sont liés à l'échec scolaire, pour la société, pour les jeunes, pour les budgets de l'éducation. Je crois qu'il faudra se préoccuper, peut-être pas dans cette commission parlementaire, mais certainement ailleurs et ultérieurement, de ces questions qui sont importantes.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec et j'invite les représentants du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Est-ce que les représentants du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal sont présents? S'il vous plaît:

Le mémoire de ce groupe sera présenté par M. Jean-Claude Paquette et je lui demande de présenter les personnes qui l'accompagnent.

Je rappelle aux intervenants que nous consacrons 20 minutes à l'audition du mémoire, environ, et par la suite, autant que possible, on essaie de consacrer 20 minutes à la période des questions de part et d'autre. On n'y réussit pas toujours, cependant, l'expérience des deux derniers jours nous l'a démontré, mais on va quand même s'y efforcer.

M. Paquette.

Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal

M. Paquette (Jean-Claude): Je vais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Louise Valiguette, du comité exécutif, Mario Bilodeau, du comité exécutif du syndicat et, à ma droite, Murielle Laliberté, du comité exécutif du syndicat, et Maurice Boulanger, secrétaire au comité exécutif.

Comme vous le voyez, les femmes sont très bien représentées au sein de notre organisme.

Vous comprendrez, messieurs et mesdames de la commission, que notre mémoire était quand même volumineux et vu

la restriction - nous avons 20 minutes pour l'exposer - nous avons dû en faire un condensé.

Le mouvement syndical du début des années soixante a connu les premières grèves illégales dans le secteur des affaires sociales, auxquelles le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal a participé, entre autres par le biais des infirmières de l'hôpital Sainte-Justine, alors membres du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, affilié à ce moment-là à la Fédération des affaires sociales. Cela a permis d'en arriver, en 1964, à la mise en vigueur d'un Code du travail redonnant aux travailleurs et aux travailleuses le droit de grève perdu en 1944.

Le début des années soixante-dix a vu l'utilisation massive du droit de grève reconquis, puis, pour le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, maintenant indépendant, le droit de grève reprend sa juste place: moyen de pression pouvant peut-être aider à équilibrer les forces des deux parties.

Nous sommes de ceux qui n'ont pas abusé du droit de grève, mais nous sommes aussi de ceux qui croient que le droit de grève est nécessaire à la libre négociation, à la vraie négociation et que le droit de grève, en permettant aux travailleurs et aux travailleuses d'obtenir de meilleures conditions de travail, leur permet aussi de participer activement à l'évolution de la province de Québec.

Le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, organisme indépendant regroupant environ 2500 travailleurs et travailleuses du domaine de la santé, est fier de présenter à la commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, sur l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, un mémoire sur une question qu'il juge fondamentale.

En effet, le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal considère qu'il est d'une importance vitale de maintenir le droit de recours à la grève dans les secteurs public et parapublic et, en particulier, dans le secteur des affaires sociales.

Dans le rapport de la commission Martin-Bouchard, on peut lire, en page 6: "C'est en se réclamant de la logique même d'un gouvernement affirmant sa volonté d'édifier une fonction publique compétente, stable, à l'abri de l'arbitraire du pouvoir, que les employés de l'État et de ses divers organismes ont pu faire admettre, assez aisément en fin de compte, leur droit à la syndicalisation. " C'est au nom de ces mêmes principes que le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal réclame aujourd'hui de conserver le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Nous vous démontrerons, dans les pages qui suivent, le bien-fondé de nos revendications.

La dualité État employeur, État législateur. Il existe une contradiction évidente dans les deux principaux rôles de l'État. L'État employeur est le bailleur de fonds et le négociateur. La contradiction s'exprime lorsque l'État devient législateur, puisque, alors, il doit protéger les biens de la collectivité, c'est-à-dire des payeurs de taxes.

Pour ce faire, l'État est habilité à légiférer dans tous les domaines, y compris celui des relations de travail où il impose les règles du jeu en matière de négociation collective. Entre autres, il a prohibé, par le biais du Code du travail, le droit à la grève pendant la durée d'une convention collective. Il s'est aussi donné le pouvoir de suspendre ce droit à la grève pendant un certain temps en demandant et en obtenant d'un juge une injonction. De plus, dans les secteurs public et parapublic, il a imposé la notion de services essentiels, limitant alors au minimum l'exercice du droit de grève.

On voit donc que, dans les secteurs public et parapublic, le jeu des négociations est faussé puisque dans le secteur privé les seuls intérêts en jeu sont d'ordre financier, tandis que l'État doit, en plus, veiller a ses intérêts politiques.

Abolir le droit de grève, évidemment, amènerait le désordre social. Les employés de l'État seraient défavorisés par rapport à ceux du secteur privé et on se retrouverait avec le recours aux grèves illégales. S'appuyant sur le principe que le gouvernement actuel n'a pas l'intention de retirer le droit de grève dans les secteurs public et parapublic, dans l'article ci-haut cité, le ministre Marois nous expligue ce que l'on doit attendre de la présente commission parlementaire: on ne lui demande pas de chercher à retirer le droit de grève dans les secteurs en question, mais plutôt de rechercher des solutions aux problèmes des négociations dans ces secteurs afin d'éviter le recours à ce moyen de pression.

Considérant le nouveau mandat de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal désire ajouter une seconde partie à son mémoire et ainsi traiter plus spécifiguement de la question du régime de négociation dans le secteur des affaires sociales. À l'instar de plusieurs autres organismes, nous nous limiterons à traiter du secteur spécifique, celui des affaires sociales, puisque notre intervention se trouve limitée à cette sphère d'activités. Nous traiterons plus particulièrement des moyens d'en arriver à un sain climat de négociation et à une saine gestion des établissements du réseau des affaires sociales. En effet, il nous apparaît essentiel de redonner la santé, à tous les niveaux, aux intervenants (organismes, établissements, travailleurs et

travailleuses) du domaine de la santé afin d'obtenir pour les travailleurs et les travailleuses du secteur un milieu de travail épanouissant et d'assurer ainsi à la population les soins de qualité auxquels elle a droit et ce, de façon continue.

Nous décrirons tout d'abord les malaises que nous vivons actuellement comme étant les corollaires du système de négociation tel que nous le connaissons. Puis, nous verrons quelles sont les positions à défendre afin d'en arriver à des négociations saines dans le secteur des affaires sociales. La dernière partie de ce document nous fera voir comment appliquer les solutions qui nous seront apparues.

Les malaises dus au régime actuel de négociation dans le secteur des affaires sociales. Comme nous l'avons mentionné précédemment, notre intervention ne visera que le secteur des affaires sociales, mais nos problèmes actuels sont aussi vécus par les parties en présence dans les secteurs public, parapublic et péripublic.

La dualité État employeur, État législateur. Comme la première partie de notre mémoire l'a abondamment décrit et comme ce n'est plus un secret pour personne, la dualité État employeur, État législateur est l'un des malaises que nous subissons. Il nous apparaît évident que dans un autre cadre de relations de travail, tel que nous le décrirons plus loin, ce problème trouvera sa solution. (17 heures)

L'éternel carré. Le secteur parapublic vit un problème aussi entier que les relations de travail elles-mêmes. Il nous faut chercher la solution à l'éternel carré. Posons tout d'abord le problème: L'employeur offre des dollars et demande du travail, et le syndicat, au nom des travailleurs et travailleuses, offre du travail et demande des dollars. Tous les manuels d'économie et de relations de travail nous l'enseignent, l'employeur et le syndicat sont des adversaires. Leurs intérêts sont opposés et irréconciliables. De fait, nous avons pu constater que cela s'est avéré juste, spécifiquement dans le secteur des affaires sociales où nous avons vu et où nous verrons encore de véritables affrontements pour arriver à faire triompher, en tout ou en partie, les intérêts de l'un ou l'autre des belligérants.

Aujourd'hui, lorsque l'employeur et le syndicat se réunissent pour conclure une convention collective de travail, ils s'assoient face à face et travaillent tous deux à satisfaire le maximum de leurs intérêts. De part et d'autre, on tire la couverte de son bord, et cela paraît inévitable. Dès lors, il est utopique de croire que l'on peut assainir le climat des relations de travail dans le secteur des affaires sociales puisque les enjeux de la négociation sont si fondamentalement divergents.

Le monopole de l'État dans les services. Les commissaires Martin et Bouchard l'ont déjà fait remarquer: L'État détient un monopole dans les services. Nul ne voudra nier une telle affirmation, et nous ne souhaitons pas qu'il en soit autrement. L'État est et doit demeurer dispensateur des services essentiels. Cependant, l'État doit s'engager à en assurer la saine gestion de sorte que les travailleuses et les travailleurs aient un fardeau fiscal le moins élevé possible et que chacun d'entre nous puisse les utiliser en tout temps. Bien qu'étant un monopole, il doit répondre d'un rapport qualité-prix valable.

C'est bien sûr dans cette optique que l'État devra mener les négociations. Pourtant, nous constatons qu'avec le régime actuel de négociation, avec le dédoublement des négociateurs patronaux, associations d'employeurs et gouvernement, avec la loi visant à assurer le maintien des services essentiels l'État n'est vraisemblablement pas en mesure d'offrir un prix raisonnable et des services de qualité. Un bon gouvernement ne peut se permettre d'utiliser sa situation monopolistique pour offrir des services de moindre qualité sous prétexte qu'on ne peut se procurer ces services ailleurs et qu'on doit maintenir ces services au plus bas coût possible. C'est aller à l'encontre des concepts mêmes qui ont mené le gouvernement au pouvoir.

On ne cherche plus à cacher que, pour se maintenir au pouvoir, l'État doit mener une négociation qui satisfera la population de même que les travailleurs et les travailleuses à son emploi car "le secteur public est la propriété de la population, y compris des travailleurs eux-mêmes". Dans le secteur qui nous intéresse, toutes les règles habituelles de la négociation sont modifiées et il en résulte que les parties en présence marchent sur des sables mouvants.

La population. Nous avons déjà émis l'idée que l'État est dispensateur de services essentiels. Idéalement, la population ne devrait donc pas être privée de ces services, de même qu'elle devrait recevoir des services de qualité. Par contre, le syndicat, mandaté en ce sens par les travailleurs et travailleuses, exige de conserver son droit de recours à la grève, et l'État doit maintenir au minimum ses dépenses de gestion des établissements du secteur des affaires sociales.

La problématique. Le problème global est donc posé: Comment concilier les intérêts du gouvernement, des gestionnaires des établissements du domaine de la santé, ceux des syndigués et des syndiquées et ceux de la population?

La solution s'impose alors d'elle-même. Le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal suggère au gouvernement de revoir ses politiques de gestion des établissements

dans le domaine des affaires sociales. Compte tenu qu'un milieu de travail sainement géré et épanouissant procure aux travailleuses et aux travailleurs une excellente source de motivation, il est évident que, dans un tel climat, nous pourrions connaître une continuité des services. Plutôt que de modifier en profondeur le régime actuel de négociation qui ne nous apparaît pas si mal, après tout, bien qu'étant sujet à certaines améliorations, nous désirons vous faire part des moyens qui sont, selon nous, envisageables afin d'éliminer les problèmes à la source, puisque telle est la politique actuelle du gouvernement. La solution proposée porte un nom: l'autogestion des établissements du réseau des affaires sociales.

L'autogestion. Afin de nous faire voir comment nous en sommes venus à la solution appelée autogestion, citons le ministre Pierre-Marc Johnson: "Prenons les risques d'inventer notre société, n'en faisons pas un pastiche avec des solutions qlanées littéralement à qauche et à droite. Il faut bâtir une société qui nous ressemble, fonder d'abord sur l'humain, concentrée sur le bien-être des personnes".

C'est dans cette optique que nous amenons l'autogestion comme étant le seul remède aux malaises actuels du régime de négociation et comme étant le moyen unique et privilégié de maintenir les services essentiels dans le secteur des affaires sociales. Le mandat de cette commission étant clairement connu de tous, il nous faut préciser ici que nous n'expliciterons pas le modèle d'autogestion adapté aux besoins spécifigues du domaine de la santé que nous avons mis sur pied. Nous nous restreindrons plutSt à ce que l'autogestion peut apporter dans ce secteur particulier.

Le secteur des affaires sociales est le lieu privilégié pour l'expérimentation de relations ouvrières satisfaisant à la fois l'État, la population, les travailleurs et travailleuses de ce secteur.

Ajoutons ici qu'une telle réforme devra s'insérer dans le cadre d'une politique globale où on privilégiera l'autonomie des groupes de travail et la coordination entre les intérêts des travailleuses et des travailleurs et ceux de l'ensemble de la société. De façon plus terre à terre, il faudra restructurer les tâches et redonner au travail sa caractéristigue fondamentale d'activité intelligente et créatrice. Pour ce faire, le premier pas sera l'information, le second pas en sera le corollaire: l'éducation des travailleurs et des travailleuses et celle de la population. Ainsi préparés, nous pourrons voir notre société avancer.

L'information. À la base du succès de toute organisation, il y a l'information. Elle est vitale à l'établissement autogéré. Dans le secteur des affaires sociales, il y a deux aspects à considérer; l'information des intervenants avant l'implantation de l'autogestion; l'information constante à tous les niveaux, une fois le processus mis en branle.

Il est important de bien préparer les travailleurs et les travailleuses à leur nouveau rôle.

Pour la réussite d'un projet d'autogestion, il est de plus essentiel que toutes les travailleuses et que tous les travailleurs aient accès à toute l'information pertinente. Il est aussi impérieux que cette information soit exacte et transmise dans un langage que tous pourront comprendre.

Une fois en possession de toutes les données utiles et, en particulier, de tout l'aspect financier et de toutes les dimensions humanistes auxquels est subordonnée la gestion efficiente de l'organisation, les travailleurs et les travailleuses, forts de leur expérimentation journalière de travail, pourront prendre en main la destinée de leur établissement et en faire une organisation épanouissante.

Ainsi, le libre accès a une information complète et fidèle devra demeurer l'une des priorités des nouveaux gestionnaires.

Évidemment, dans le cadre d'un réseau des affaires sociales où tous les établissements sont autogérés, les mécanismes de négociation sont tout à fait différents.

Il s'agira alors de rédiger une convention collective de travail qui contiendra les clauses nécessaires à la protection des travailleurs et des travailleuses qui voudront changer d'établissement. Ces clauses seront discutées et décidées en gardant à l'esprit un principe d'équité entre les travailleurs et les travailleuses des divers établissements.

Les syndicats seront alors mandatés comme agents négociateurs par leurs membres et devront en arriver à une entente avec le gouvernement et entre eux, dans le cadre d'une rencontre prévue à cet effet.

De plus, il faudra laisser le maximum de latitude aux établissements, afin qu'ils puissent, localement, décider de la meilleure façon de se gérer.

Périodes de négociation. Nous avons déjà mentionné, lorsque nous avons traité du rôle du gouvernement, que les comités de coordination doivent rencontrer le gouvernement trois mois avant la fin de l'exercice financier, afin de déposer leur demande de budget pour l'année.

Préalablement à cette rencontre, il doit y en avoir une autre entre les syndicats et le gouvernement, afin que ces deux parties s'entendent sur les clauses qui seront en vigueur à l'échelle provinciale.

Idéalement, cette rencontre aura lieu cinq mois avant la fin de l'exercice financier.

Mécanismes de négociation. La première étape est une rencontre de tous les syndicats du gouvernement pour conclure une entente relative aux points mentionnés plus haut, cinq mois avant la fin de l'exercice financier. Deuxième étape, les syndicats remettent au comité de coordination l'entente à laquelle les parties en sont venues. Troisième étape, les comités de coordination, trois mois avant la fin de l'exercice financier, rencontrent le gouvernement afin de présenter leur demande de budget pour l'année suivante. Quatrième étape, deux mois avant la fin de l'exercice financier, le gouvernement retourne au comité de coordination les demandes dûment approuvées.

En conclusion, nous retrouvons dans ce paragraphe une autre dimension importante de l'autogestion. Le travailleur et la travailleuse deviennent des agents efficaces de construction de la société et de promotion collective. Ils et elles s'impliquent afin de faire avancer la société québécoise. Ils et elles font en sorte que notre société ait les meilleurs soins de santé possible. Nous pouvons donc constater que le gouvernement, les travailleurs et les travailleuses ne sont plus les belligérants. Leurs intérêts sont les mêmes: faire de la société québécoise un ensemble dynamique où tous les êtres pourront s'épanouir.

L'autoqestion nous assure une continuité des services offerts par le réseau des affaires sociales, nous procure des soins de qualité et nous fait voir des travailleurs et des travailleuses conscients de leur valeur et de ce qu'ils et qu'elles peuvent apporter à la société.

De façon beaucoup plus terre à terre, l'autogestion diminue les coûts de négociation, de gestion des établissements du réseau des affaires sociales.

Bref, la solution, c'est l'autogestion. Avec l'autogestion, nous avons trouvé le moyen d'améliorer le régime des négociations dans le secteur des affaires sociales, et qui sait? Peut-être dans les autres secteurs. Nous avons aussi découvert le moyen idéal d'assurer le maintien des services essentiels. Qui refuserait pareille proposition?

Le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal soumet à la présente commission parlementaire les recommandations suivantes:

Que l'on respecte le principe: Le travail appartient aux travailleurs. Que soit maintenu le droit à la grève dans le secteur public et parapublic.

Que le droit de grève ne soit pas limité par un abus de législation sur les services essentiels.

Que le gouvernement permette que tous les établissements du réseau des affaires sociales deviennent autogérés et qu'ils mettent en place les mécanismes nécessaires à l'implantation de l'autogestion dans les établissements du domaine de la santé.

Que le gouvernement adopte le système de négociation décrit dans le présent document.

Cela termine le survol du mémoire du Syndicat des hôpitaux de Montréal.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie, M. Paguette. M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal de son mémoire. C'est un mémoire volumineux, avec de nombreuses pages, et en même temps, c'est un mémoire qui nous propose, ce qu'on pourrait à tout le moins appeler, une réforme en profondeur des choses. Je pense qu'on conviendra qu'il y a aussi des échéances à court terme. Cela a été évoqué hier. Au moins un autre groupe, si ma mémoire est bonne, nous a formulé des propositions de changements en profondeur en convenant bien que ce n'est pas le genre de changements quand il s'agit de propositions et de réformes en profondeur... II s'agit de les mûrir, de voir si ces changements correspondent à l'état d'évolution d'une société donné.

Le changement, cela s'anime, cela ne se bouscule jamais dans une société. Ce n'est pas une raison pour ne pas l'animer, par exemple. Il y a aussi les besoins à court terme.

Je voudrais simplement dire, dans ce contexte, qu'on va examiner très attentivement le mémoire. Je terminerais simplement en disant ceci, parce que je sais qu'un de mes collègues désire intervenir. Vous avez cité un de mes collègues, le ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson, comme un - ce n'est pas le seul, en toute honnêteté - des soutiens à votre suggestion, à votre proposition de réforme fondamentale. Vous conviendrez avec moi que vous avez peut-être donné à la déclaration de mon collègue un certain degré d'élasticité par rapport à son contenu.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne). (17 h 15)

M. Polak: M. Paquette, je dois vous féliciter du changement de ton, parce que j'avais étudié tout le mémoire, et jusqu'à il y a dix minutes, j'étais sur 23M. C'est votre mémoire. J'étais vraiment prêt à commencer une petite attaque, parce que je trouvais que vous parliez seulement du droit de grève et qu'il n'y avait aucune solution concrète au problème. Là, un autre est arrivé ici pour le même groupe et le numéro est maintenant 23MA. Je note que 23M porte la date du 5 mars 1981 et que 23MA porte la date de septembre 1981. Je ne sais pas quand vous

avez préparé le nouveau, parce que je viens de le recevoir par l'entremise d'un de nos recherchistes, mais j'aimerais savoir si ce changement a été fait dans les derniers jours.

M. Paquette (Jean-Claude): C'est-à-dire que nous avons été obligés de rédiger un second mémoire, étant donné que le mandat de la commission n'était pas le même. C'est la raison pour laquelle vous vous retrouvez avec deux mémoires devant vous.

M. Polak: Parfait.

M. Paquette (Jean-Claude): Le dernier a été rédigé dans les derniers jours.

M. Polak: C'est cela. C'est un peu malheureux, parce que la viande positive se trouve dans le deuxième, 23MA. Pendant que vous avez fait votre exposé, je l'ai lu rapidement. C'est le plus que j'étais capable de faire. Je vais tout de même poser quelques questions sur le deuxième, parce que je trouve le deuxième très positif. Je dois vous dire que, sur le premier, j'aurais des questions peut-être plus serrées à poser.

Dans le deuxième mémoire, vous parlez de l'élément autogestion; c'est l'élément principal dans le mémoire. À la page 29, vous dites: II faut laisser, au niveau provincial... Ensuite, vous donnez treize éléments qui doivent être négociés sur le plan provincial. Qu'est-ce qu'il reste, parce que l'autogestion, cela veut dire chez vous, cela veut dire dans votre hôpital particulier, le syndicat, l'unité syndicale et le patron vont discuter de l'entente locale, mais, quand on enlève les treize éléments du provincial, qu'est-ce qu'il reste d'important sur le plan local?

M. Paquette (Jean-Claude): Si vous le permettez, pour répondre à cette question, je passerais la parole à ma compagne, Louise Valiquette.

M. Polak: Parfait.

Mme Valiquette (Louise): Tout ce qu'il reste à négocier localement est décrit à la page 17, dans le rôle des travailleurs et des travailleuses, dans les pages suivantes aussi, le rôle des éguipes, le rôle des chefs d'équipe, enfin, c'est décrit à l'intérieur de toute la structure des établissements.

M. Polak: D'accord. Vu que je viens de vous expliquer que je viens de recevoir cela il y a dix minutes et qu'il y a sans doute des membres autour de la table qui n'ont même pas encore le mémoire 23MA devant eux, pourriez-vous dire en quelques mots ce qui est à négocier sur le plan local?

Mme Valiquette: Ce qui est à négocier sur le plan local, ce sont toutes les clauses de conventions collectives qu'on a actuellement, l'utilisation de listes de disponibilité, le contenu des dossiers des travailleurs et des travailleuses au bureau des ressources humaines, la durée de la période de probation, la liberté d'action syndicale, les besoins en repas, vestiaires, salles d'habillage, salles de repos, la possibilité de développement des ressources humaines, le transport des bénéficiaires, ensuite la répartition des tâches, les heures et semaines de travail, les modalités de temps supplémentaire, les systèmes de congés fériés, les besoins en uniformes, les conditions de congés sans solde, la possibilité de développement de ressources humaines, les modalités d'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail au niveau de l'établissement. C'est tout. Cela couvre à peu près la convention collective.

M. Polak: Merci. Vous dites dans les deux mémoires que le droit de grève ne doit pas être limité par un abus de législation sur les services essentiels. Jusqu'à quel point votre syndicat serait-il prêt à restreindre le droit de grève en donnant plus à l'élément services essentiels?

M. Paquette (Jean-Claude): Répondre à cette question nous est très difficile, étant donné qu'à la dernière ronde de négociation, sur six hôpitaux ou centres hospitaliers que nous représentons, nous avons négocié et déposé six listes de services essentiels. Or, en ce qui nous concerne, comme organisme syndical, on a toujours négocié nos services essentiels et les listes ont été déposées et respectées, même si on n'a pas utilisé le droit de grève à notre syndicat depuis 1972.

M. Polak: Maintenant, sur l'idée que vous mentionnez d'autogestion, est-ce que vous avez des exemples où cela existe dans d'autres secteurs et où cela fonctionne très bien? Parce que, personnellement, je trouve cela une formule intéressante, mais j'aimerais savoir si vous vous basez sur d'autres expériences vécues, soit dans d'autres domaines ou d'autres provinces.

M. Paquette (Jean-Claude): Cela n'existe peut-être pas comme tel au Québec actuellement, c'est quand même une innovation dans le secteur. Ce qui nous a amenés à cette conclusion, c'est le fait des dernières restrictions budgétaires qui nous arrivent dans les centres hospitaliers où on se rend compte, en tant qu'organisme syndical, que les coupures ne sont pas faites aux bons endroits et on s'oppose fortement à cela. Le comité de rédaction du mémoire s'est penché là-dessus et on en est arrivé à la conclusion que seule l'autogestion pourrait

éliminer tous ces problèmes.

M. Polak: Dans d'autres termes vous dites: Ce ne doit pas être le gouvernement qui doit imposer ou couper. Nous on veut avoir notre gestion, on va déterminer là où la priorité se trouve parce qu'on connaît la situation locale qui est la meilleure pour tout le monde.

M. Paquette (Jean-Claude): C'est à dire que ce qui se produit actuellement, c'est qu'on sait que la directive vient du ministère des Affaires sociales, mais quand même le droit de gérance demeure toujours au niveau des institutions, qui elles doivent couper au strict minimum, et on se rend compte que certaines administrations de certains centres hospitaliers ne coupent pas aux bons endroits. Qui paie la facture? C'est encore le petit travailleur en bas. On se retrouve, dans certains établissements, un établissement entre autres, dont je ne mentionnerai pas le nom, un hôpital général de 150 lits, avec près de 400 employés salariés syndiqués qui travaillent et 42 cadres. C'est quand même aberrant comme situation, et, avec les coupures budgétaires, on coupe des salariés syndiqués mais on ne coupe pas les cadres.

M. Perron: Je m'excuse, mais pourquoi ne pas mentionner le nom de l'établissement?

M. Paquette (Jean-Claude): C'est que je ne voudrais pas faire ici de la petite politique de coulisse, étant donné qu'à cet établissement-là nous sommes en négociation présentement et peut-être que cela nuirait au processus. Mais advenant le cas où il n'y aurait pas de développement, on entend intervenir personnellement devant le ministère des Affaires sociales.

M. Polak: Maintenant, M. Paquette, une dernière question quant à moi. D'autres groupes ont soulevé l'idée que la grève, surtout en ce qui concerne les services essentiels, cause énormément de problèmes, mais ce qui cause encore plus de problèmes actuellement ce sont ces fameuses coupures budgétaires. Avez-vous eu des échos dans votre secteur? Les coupures budgétaires, est-ce que c'est le vrai problème?

M. Paquette (Jean-Claude):

Actuellement, c'est le problème de l'heure. Je vous le concède, c'est le problème. Avec les restrictions budgétaires et les coupures qui nous sont imposées, on n'aura même pas besoin de négocier les services essentiels; on va se retrouver avec les services essentiels.

Le Président (M. Rodrigue): M. Perron (Duplessis).

M. Perron: Merci, M. le Président.

J'aimerais commenter, jusqu'à un certain point, la première partie qui nous avait été déposée, soit le document 23M, et, à la suite de l'exposé que nous a fait le représentant du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal, je voudrais soulever une certaine question qui a été mentionnée dans le deuxième, soit le 23MA.

Dans la première partie et aussi dans la deuxième, vous mentionnez le rôle de l'État employeur, qui est le bailleur de fonds et le négociateur. Vous mentionnez aussi, dans votre mémoire, que vous êtes définitivement pour le maintien du droit de grève. Je crois que le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a lui-même donné les informations là-dessus, hier, à savoir que le droit serait maintenu, en disant cependant qu'il y aurait possibilité d'amélioration quant aux services essentiels et d'autres modalités.

Quant aux mécanismes de négociation, dans le premier document, le 23M, vous ne mentionnez aucun mécanisme de négociation; cependant, dans le deuxième, vous mentionnez des améliorations que vous prétendez devoir être apportées aux mécanismes eux-mêmes.

Sur les services essentiels, quant à la notion de responsabilité, détermination et surveillance, vous mentionnez de ne pas limiter le droit de grève par un abus de législation sur les services essentiels, ce qu'a mentionné le député de Sainte-Anne. Vous mentionnez aussi d'éliminer les causes profondes qui engendrent les grèves et aussi de permettre l'exercice légal du droit de grève en tout temps.

Quant à votre perception du rôle de l'État, vous mentionnez, bien entendu, que l'Ftat est à la fois le bailleur de fonds et le négociateur. L'État, lors des négociations, doit "veiller à ses intérêts politiques".

Je voudrais faire certains commentaires sur ce que vous avez mentionné à l'intérieur de votre rapport. Quant au premier point, soit que l'État employeur est le bailleur de fonds et le négociateur, je pense que c'est parfaitement normal vu que l'État est actuellement responsable de plusieurs domaines, celui de l'éducation, par exemple, le domaine des affaires sociales et aussi d'autres domaines qui sont connexes à ces ministères et aussi d'autres ministères que je n'ai pas mentionnés.

Cependant, comme l'Ftat est responsable des fonds publics, si on regarde l'ensemble de la situation au Québec et l'ensemble de ce que paient les contribuables québécois, non seulement ceux et celles qui travaillent dans les différents ministères ou pour différentes institutions qui sont sous la responsabilité du gouvernement du Québec, mais aussi tous ces gens qui paient des taxes, des impôts, il me semble que c'est la raison pour laquelle le gouvernement du

Québec doit s'impliquer à l'intérieur des mécanismes de négociation et aussi établir une certaine norme visant à donner des augmentations salariales qui sont conformes à ce que les gens peuvent payer.

D'autre part, je pense que c'est normal aussi, dans la mesure où le gouvernement du Québec est responsable des ministères concernés, que les négociations soient entreprises. Je ne dis pas, par exemple, qu'il ne doit pas y avoir des modalités pour établir de nouvelles normes, de nouveaux paramètres. Là-dessus, je pense que je suis d'accord avec vous qu'il faut établir quelque chose d'assez concret pour en venir à améliorer la situation actuelle. Je pense que la commission parlementaire que nous avons actuellement porte définitivement sur le droit de grève et les services essentiels. Quant aux services essentiels, je constate que vous-mêmes, vous n'en avez pratiquement pas parlé dans 23MA. Cependant, dans 23M, vous dites qu'il a "imposé la notion de services essentiels, limitant alors au minimum l'exercice du droit de grève. "

Là-dessus, je vous donne ma position qui n'est pas nécessairement celle du gouvernement du Québec. Mais je pense qu'on se rejoint là-dessus. Le ministre lui-même me rejoint, mes collègues à cette table me rejoignent et même l'Opposition nous rejoint dans ce sens-là. On doit donner un minimum de services essentiels dans le domaine des affaires sociales, par exemple. Avant de changer complètement ou, comme vous le préconisez, si je regarde votre mémoire, de radier complètement les mécanismes qui sont déjà établis par la loi 59, par exemple, qui ont amélioré largement les mécanismes de 1976 et largement aussi les mécanismes de 1972 et antérieurement à 1972, je pense qu'il faudrait y penser deux fois. Il y aurait plutôt lieu, puisque vous ne l'avez pas mentionné dans le mémoire 23MA, de regarder avec nous la possiblité d'améliorer ce que nous avons actuellement, au lieu de dire que les services essentiels, c'est de la foutaise. C'est à peu près cela que j'ai compris que votre mémoire pouvait dire.

D'autre part, vous avez mentionné dans le premier mémoire que vous avez présenté: "Entre autres, il a prohibé, par le biais du Code du travail, le droit de grève pendant la durée d'une convention collective. " Je vous parle en tant qu'ancien syndicaliste et même en tant que législateur, si vous le permettez, en tout cas, comme faisant partie de ceux et celles qui préparent la législation et qui votent pour ou contre.

Il me semble que, lorsqu'on signe une convention collective, les parties sont impliquées dans la signature d'une convention collective. Et lorsque cette convention collective est signée, on se doit de respecter, dans la lettre et dans l'esprit, toute la convention collective qui fut signée entre les parties. Je pense que cela a été fait de bonne foi. Là-dessus, je vais avoir une question à vous poser éventuellement. (17 h 30)

Quant à la question des services essentiels, puisque je voudrais y revenir, je trouve énormément curieux que votre syndicat remette en cause ce que nous a dit la FTQ ou la CSN, par exemple, lors des mémoires que nous avons entendus; ils sont pour le maintien des services essentiels. Ils sont même prêts à aller de l'avant pour améliorer la situation. Je n'ai rien vu dans votre mémoire en rapport avec cela. Lorsque vous mentionnez que c'est politique, je pense que ce n'est pas seulement politique, c'est aussi une question sociale. Lors du maintien des services essentiels, on ne pense pas seulement à la politique, même si nous sommes des politiciens, on pense aussi aux petites gens qui sont en bas de la ligne, aux gens qui paient des impôts. On pense à tous ces gens qui voudraient recevoir au moins le minimum de services pendant une grève ou pendant une période où il y aura une récession.

Alors, je pense qu'il faudrait remettre en cause tout cela et au moins je voudrais avoir quelque chose de concret en rapport avec ce que vous avez mentionné vous-même.

Quant aux questions que je voudrais poser, elles se rapportent à vos recommandations. À la page 8, vous mentionnez que l'on tente d'éliminer à la source les causes profondes qui engendrent les grèves. Par quelle façon croyez-vous possible d'éliminer les causes des grèves? Encore faut-il connaître et circonscrire les causes en question. Je ne sais pas si vous prenez des notes, mais je vais poser mes questions en série.

La deuxième question, c'est que les travailleurs et les travailleuses puissent exercer librement leur droit de grève en tout temps. J'ai mentionné mes réserves là-dessus. J'aurais une question à deux volets. Quelles sont les causes qui vous portent à faire une telle recommandation? C'est le premier volet. Et le deuxième volet, quelles sont les raisons qui vous porteraient à exercer ce droit de grève que vous préconisez, même s'il n'existe pas dans le Code du travail actuellement, puisque le Code du travail mentionne que vous n'avez pas le droit de grève lorsqu'une convention collective est signée?

J'aurais aussi d'autres questions à vous poser. Lorsque vous mentionnez que le gouvernement permette que tous les établissements des réseaux des affaires sociales deviennent autogérés et qu'il mette en place les mécanismes nécessaires à l'implantation de l'autogestion dans les

établissements du domaine de la santé, est-ce que vous voulez dire qu'à ce moment tous les points qui devraient être négociés lors d'une convention collective seraient négociés par l'établissement lui-même ou par le gouvernement ou par les deux? Ce sont mes questions.

M. Paquette (Jean-Claude); Je vais céder la parole à ma compagne Louise Valiquette, qui va répondre à vos questions.

Mme Valiquette: La première question, vous nous avez demandé quelles étaient les causes des grèves et par quelles structures on entendait y remédier, si j'ai bien compris. C'est ce que la deuxième partie du mémoire propose, c'est-à-dire l'autogestion. Les causes des grèves ont été décrites comme étant l'État employeur et législateur en même temps, l'enjeu politique des négociations, le monopole qu'exerce l'État dans les services, c'est tout cela qui fait des deux parties en présence des opposants actuellement dans les négociations, ce qui ne serait plus le cas dans un système où il y aurait l'autogestion.

La deuxième question portait sur les travailleurs et les travailleuses qui pourraient exercer leur droit de grève en tout temps. C'est-à-dire que leur droit de grève est prohibé. Les autres centrales syndicales ont parlé aussi des arrangements locaux qui traînaient en longueur et qui ne se résolvaient jamais. Ce serait peut-être à ce moment utile d'utiliser le droit de grève. De toute façon, avec ce qu'on propose dans la deuxième partie du mémoire, je pense qu'il n'y aurait plus lieu d'utiliser le droit de grève. On n'en aurait plus besoin, il n'y aurait plus d'opposition.

Par la suite, vous avez parlé des établissements autogérés. Vous avez demandé si tous les points seraient négociés par établissement. C'est aussi clairement expliqué dans la deuxième partie du mémoire et j'ai parlé de ça aussi, tantôt. Il y a une partie des points qui sont à incidence surtout pécuniaire comme les salaires, les libellés d'emploi, les primes, l'assurance-vie, les clauses de vacances, qui seraient négociables au niveau gouvernemental, le reste des points se négocierait par l'établissement.

M. Perron: Est-ce que vous voulez dire que les clauses salariales seraient négociées nationalement et que les clauses normatives seraient locales?

Mme Valiquette: C'est ça. M. Perron: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le Cartel des employés d'hôpitaux de Montréal.

Il y a deux questions très précises au point de départ que je voudrais vous poser. Est-ce que vous êtes un syndicat indépendant?

M. Paquette (Jean-Claude): Oui, madame.

Mme Lavoie-Roux: Vous oeuvrez à l'intérieur de six hôpitaux; je sais que vous n'avez pas voulu nommer un hôpital en particulier, mais est-ce que vous auriez objection à nommer les six que vous représentez? Si vous ne voulez pas, c'est...

M. Paquette (Jean-Claude): Non, je n'ai pas d'objection; nous représentons l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc; l'hôpital de Lachine; l'hôpital J. -Henri-Charbonneau; l'hôpital Marie-Enfant et le centre d'accueil Marie-Rollet, qui est administré par l'hôpital Marie-Enfant; l'hôpital Mont-Sinaï, de Sainte-Agathe; l'hôpital Notre-Dame-de-l'Espérance, à Saint-Laurent et les employés de bureau de l'hôpital Saint-Charles-Borromée.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Quelles sont les catégories de travailleurs que vous représentez?

M. Paquette (Jean-Claude): Nous avons toutes les catégories de travailleurs, à partir du psychologue jusqu'au laveur de vaisselle, à l'exception des infirmières licenciées, que nous n'avons pas dans notre syndicat.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien. Je pense que vous avez fait un effort de réflexion qui mérite d'être souligné, même si je suis d'accord avec le ministre que, dans une prochaine ronde de négociations... Même si vous dites en première partie qu'il ne faut pas tout chambarder et qu'il faut donner l'autogestion, je pense que vous admettez, dans votre deuxième partie, que c'est vraiment une remise en question de tout le fonctionnement des établissements sociaux et, par voie de conséquence, du système de négociation à l'intérieur des établissements.

Vous avez parlé tout à l'heure des coupures budgétaires qui vous inquiètent beaucoup et vous avez mis en opposition le nombre de cadres par rapport au nombre de postes syndiqués. Je voulais vous demander si, au niveau du conseil d'administration des diverses institutions que vous représentez, vous avez voix au chapitre, eu égard à la façon dont les coupures budgétaires vont se faire?

M. Paquette (Jean-Claude): Pour répondre à votre question, dans certaines institutions où notre syndicat oeuvre, nous avons quand même eu une information assez

complète de la part de certains administrateurs; par contre, dans d'autres institutions, nous n'avons eu aucune collaboration, nous n'avions même pas accès aux documents émis par le ministère des Affaires sociales, ce qui nous place dans une position assez agressive.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous avez quand même normalement un représentant au conseil d'administration de l'institution?

M. Paquette (Jean-Claude): Oui, mais on sait ce que ça donne!

Mme Lavoie-Roux: Oui, ça, c'est un autre problème, mais je voulais au moins m'assurer que vous aviez une place à ce conseil.

Maintenant, vous avez fait état du coût pour l'État des négociations dans les secteurs public et parapublic. Avez-vous une estimation de ces coûts?

M. Paquette (Jean-Claude): Je n'ai pas d'estimation comme telle, mais on sait que c'est quand même assez volumineux, si on peut appeler ça une masse salariale qui sert aux négociations dans le secteur des affaires sociales, parce que ça dure et que c'est tellement long que ça amène des coûts exorbitants.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est ma collègue de Jacques-Cartier qui a parlé hier d'une somme de 20 000 000 $. Vous avez l'impression que si les négociations étaient moins longues, on pourrait peut-être économiser à ce chapitre et compenser là où les services doivent être vraiment rendus à la population. Est-ce que je me trompe ou si je vous fais dire quelque chose que vous n'avez pas dit?

M. Paquette (Jean-Claude): Non, vous avez raison. Ce serait à penser. Ce serait quand même une forme d'aller récupérer certains montants d'argent.

Mme Lavoie-Roux: II serait intéressant de savoir si le ministre a des idées là-dessus. Souvent, c'est une remarque que l'on entend de la part de la population, à savoir combien coûte simplement la ronde de négociations elle-même, sans parler évidemment des conséquences, de la signature de la convention; c'est un autre point.

Je voulais simplement, en réaction à mon collègue du comté de Duplessis, souligner que je comprends que vous avez peut-être attaché moins d'importance au maintien des services essentiels. Je pense qu'il ne faut pas comprendre que vous êtes contre le maintien des services essentiels s'il doit y avoir des grèves, mais que votre approche, c'est de trouver des moyens pour qu'il n'y ait pas de grève et qu'il n'y ait pas cette confrontation. Cela est d'autant plus vrai qu'il semble que vous ayez signé des ententes négociées quant aux services essentiels et non pas votre liste syndicale -c'est ce que je dois comprendre - et que vous n'avez pas exercé votre droit de grève au moins durant les trois dernières rondes de négociations. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Paquette (Jean-Claude): C'est exact. Toutes les listes de services essentiels ont été négociées et déposées, effectivement.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Paquette (Jean-Claude): Ce qui est aberrant - si je peux ajouter ce point -quand on parle du coût de la négociation ou des affrontements, ce qu'on peut déceler à travers tout cela, c'est qu'à chaque ronde de négociations, le syndicat dépose des demandes. C'est entendu que la partie patronale dépose des offres aussi. Mais c'est quand même toujours l'affrontement étant donné qu'à la base de la négociation, on ne part pas à partir de ce qui est existant dans la convention collective. La partie patronale essaie de récupérer des choses qu'elle a perdues. C'est à partir de là que, souvent, les affrontements arrivent.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez eu une remarque à l'endroit des coupures budgétaires en disant, d'abord, que vous n'y participiez pas ou très peu et que, finalement, ce sont les plus petits qui en font les frais. À l'heure actuelle, pour certaines institutions où l'opération est complétée ou au moins les propositions sont formulées quant à savoir là où les coupures vont s'exercer, est-ce que vous pouvez nous indiquer si c'est vraiment parmi les plus bas salariés qu'on semble couper des postes?

M. Paquette (Jean-Claude): En majorité, oui.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas de chiffres.

M. Paquette (Jean-Claude): Je n'ai pas de chiffres actuellement. Mais en majorité, c'est dans ces services-là que s'effectuent les coupures actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Quelle est la nature de ces services?

M. Paquette (Jean-Claude): Ces services, on les retrouve à l'entretien ménager, au nursing, parmi ce qu'on appelle les préposés aux bénéficiaires et dans certains postes de secrétaire.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière

question qui est plutôt un piège, si on veut. Vous parlez d'autogestion de vos établissements, ce qui veut dire un réaménagement majeur dans les règles de la négociation présente. Est-ce que vous croyez que vous pourriez amener tous les autres syndicats, parce qu'il y en a plusieurs et il y a plusieurs centrales syndicales qui sont touchées là-dedans, à aller dans le même sens?

M. Paquette (Jean-Claude): C'est un très bon piège. Je ne peux pas m'engager au nom des autres salariés ou des autres centrales...

Mme Lavoie-Roux: Non, vous tenteriez votre chance au moins.

M. Paquette (Jean-Claude): Je pourrais la tenter.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Syndicat des employés d'hôpitaux de Montréal. (17 h 45)

Fédération québécoise des infirmières et infirmiers

J'invite maintenant les représentants de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers è venir présenter leur mémoire, c'est le mémoire 41 M.

J'informe les membres de la commission qu'il y a accord entre les représentants des deux groupes pour procéder à l'audition complète du mémoire, même si on dépasse un peu 18 heures et, par la suite, on procédera à la période des questions à la reprise de la séance a 20 heures.

Nous allons d'abord entendre la présentation du mémoire, il y aura ajournement pour le souper et, à la reprise, nous procéderons à la période des questions avec ce groupe.

Le mémoire de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers sera présenté par Mme Ginette Gosselin, présidente. Mme Gosselin, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Gosselin (Ginette): II y a avec moi Mme Jeannette Léveillée, vice-présidente de la fédération, et René Beaupré, conseiller syndical.

Une question d'information, M. le Président. J'ai compris que nous parlions maintenant et que nous répondrions aux questions après l'ajournement pour...

Le Président (M. Rodrigue): En fait, étant donné que nous ne pouvons pas poursuivre les délibérations après 18 heures, il y a un groupe qui était avec nous cet après-midi, mais ces gens sont allés souper, alors, on ne pourra pas poursuivre les délibérations jusqu'à l'épuisement des mémoires qui sont devant nous, de sorte que nous allons suspendre la séance pour le souper et reprendre à 20 heures.

Étant donné qu'il est 17 h 45, nous allons vous allouer le temps nécessaire pour présenter votre mémoire et, à la reprise de la séance de la commission à 20 heures, nous poursuivrons par la période des questions sur votre mémoire.

Mme Gosselin: M. le Président, messieurs et mesdames de la commission, la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers, fondée en 1976, représente environ 8000 infirmières et infirmiers travaillant soit dans les centres hospitaliers, soit dans les centres d'accueil ou dans les centres locaux de services communautaires.

La fédération a vécu seule les deux dernières négociations du secteur public et ses syndicats affiliés ont dû, pour obtenir des conditions de travail satisfaisantes, recourir à la grève à chaque négociation.

La première négociation s'est soldée par un décret en 1976 et la FQII a signé une première convention collective lors des négociations de 1978-1979.

L'attaque faite au droit de grève nous amène à défendre le droit à de véritables négociations pour les syndiqués des secteurs public et parapublic car, pour nous, derrière toutes les questions soulevées et les réponses apportées par les différents intervenants à cette commission, c'est finalement le droit même de négocier qui est remis en cause.

Pour répondre aux questions soulevées devant la commission, nous avons choisi d'analyser, dans un premier temps, les caractéristiques constantes des négociations dans le secteur public pour ensuite faire ressortir plus particulièrement la réalité de la dernière négociation.

Les principales caractéristiques des négociations du secteur public, quant à nous, sont les suivantes. Elles sont centralisées et politisées. La partie patronale en cause est l'État et, en raison de la nature du secteur touché, la pression exercée sur l'employeur est ressentie par le public.

La centralisation des négociations et le rôle de l'État dans ces négociations. Depuis le début des années 1960, les faits et certaines dispositions législatives particulières, dont les projets de loi 25, 46, 95 et 55, ont sanctionné tour à tour, à cet égard, le caractère distinctif des négociations du secteur public par rapport aux négociations ayant cours dans le secteur privé. Ainsi, si la centralisation des négociations a pu au départ être perçue comme une manoeuvre du mouvement

syndical cherchant à répartir équitablement sa force, l'apparition de l'État, à titre d'employeur dans les secteurs de l'éducation et des affaires sociales et non plus seulement à titre de protecteur de l'intérêt public, a depuis confirmé le caractère centralisé de ces négociations. Peut-on le remettre en question?

Est-il réaliste de croire qu'il pourrait en être autrement?

Peut-on imaginer que l'État se retire des négociations, délègue ses responsabilités d'employeur à un tiers et remette ainsi à d'autres la gestion des fonds publics? Car au-delà des questions de conditions de travail, c'est de la gestion des fonds publics dont il s'agit, en définitive, lors des négociations dans ce secteur. Loin de le remettre en question, nous reconnaissons à l'État son rôle de responsable à l'égard de l'intérêt et du bien-être public et, en conséquence, il lui appartient de participer à toutes les étapes, dont les négociations avec ses salariés, devant mener à une dispensation équitable des services entre tous les citoyens où qu'ils habitent et quelle que soit leur condition sociale.

Ne remettant pas en cause le rôle déterminant de l'État, nous ne pouvons non plus remettre en question le caractère centralisé des négociations. Nous ne sommes pas intéressés à négocier avec des administrateurs sans pouvoir. Et il ne faut pas se leurrer, la population n'y trouverait pas davantage son compte. Seul le gouvernement pourrait en tirer profit. Il pourrait, en effet, loin des feux de la rampe, s'en laver les mains et attendre, pour intervenir au nom du publie, que la population lui désigne qui, des patrons ou des syndiqués, doit être puni. Manoeuvre peut-être électoralement rentable, mais qui ignore les véritables enjeux des négociations du secteur public. D'ailleurs, n'est-ce pas ce rôle qu'ont tenté sans succès d'assumer les divers gouvernements en laissant au début des gestionnaires consultants mener seuls les négociations, pour intervenir tardivement, espérant ainsi se ménager l'appui de l'opinion publique?

L'impact des moyens de pression. Compte tenu des secteurs touchés, l'utilisation par les syndiqués de moyens de pression pour appuyer leurs revendications affecte les citoyens. Ils sont privés de certains services ou l'accessibilité à d'autres services est réduite. Dans notre contexte, l'employeur, le gouvernement en l'occurrence, ne subit que le coût politique des inconvénients créés à la population. Mais cette caractéristique tient autant du facteur "service" que du facteur "public". En effet, tout moyen de pression exercé dans un secteur de services produit les mêmes effets, lors même que l'exploitation de ces services est le fait de l'entreprise privée.

Nous admettons cependant qu'il est des services plus urgents que d'autres. Certains services de santé sont de ceux-là. En conséquence, nous avons, avec ou sans intervention législative, veillé au maintien de services essentiels. Que ce soit en 1966 ou en 1972, alors qu'aucune législation spéciale ne prévoyait le mode de détermination des services essentiels, que ce soit en 1976 ou plus récemment en 1979, dans un encadrement législatif, populaire ou non, les syndicats ont assumé leurs responsabilités.

Nous avons ainsi accepté, pour maintenir le droit à la santé, de limiter notre droit de grève. Mais nous n'accepterons pas que l'État, exploitant l'inquiétude du public, renforce sa position d'employeur en légiférant en sa faveur sur la question des services essentiels.

Nous ne sommes pas dupes. Nous avons vu l'État employeur exiger toujours plus de services essentiels et l'État gestionnaire diminuer ses services permanents par des compressions budgétaires, coupures de postes et, enfin, par l'utilisation de systèmes comme le PRN. En ce sens, nous faisons nôtre la déclaration de René Laperrière lors d'un récent congrès de relations industrielles: "Ce qui est essentiel pour briser les grèves ne l'est plus lorsqu'il s'agit de financer les services. "

La présence de l'État, les sommes en jeu, les effets d'entraînement sur le secteur privé, les secteurs névralgiques touchés, la publicité monstre et souvent alarmiste, la mobilisation de l'opinion publique alertée par les enjeux de la négociation, les dérangements qu'elle subit en attendant du gouvernement qu'il agisse, tous ces éléments tendent à affirmer le caractère politique des négociations dans le secteur public. Mais, en définitive, toute négociation n'est-elle pas fondamentalement politique parce que manifestation de relations conflictuelles entre employeurs et salariés dont les intérêts opposés et, dans l'absolu, irréconciliables peuvent mener au conflit ouvert?

Telles sont, quant à nous, les caractéristiques des négociations dans le secteur public. Elles découlent, pour une bonne part, de la situation exceptionnelle de l'employeur. Mais elles ne doivent pas enchaîner les salariés dans des carcans tels qu'ils ne puissent exercer les droits reconnus aux autres travailleurs, devenant ainsi des citoyens de seconde zone, en marge de la société dans laquelle ils vivent et mis rapidement et facilement hors la loi pour avoir exercé des droits qui découlent du droit d'association.

Nous n'accepterons pas que, dans une société qui permet et valorise la concurrence, la libre entreprise, on nie à une proportion importante de citoyens le droit à la libre négociation. C'est l'effet qu'aurait toute mesure visant à retirer directement ou

indirectement, par le biais des services essentiels, par exemple, le droit de grève aux syndiqués du secteur public. Que vaudrait une négociation amputée de l'une de ses constituantes? Qu'advient-il du rapport de forces, principe de base de nos relations de travail dans notre système économique et politique? Il n'existe plus, la force ne se retrouvant alors que du seul côté de l'employeur, ce dernier ayant déjà en main ses pouvoirs de législateur pour appuyer sa stratégie.

On ne peut, non plus, passer sous silence le rôle d'agent de changement social exercé par les syndicats du secteur public. Par exemple, d'aumône qu'elle était pour une grande partie de la population au début des années soixante, la santé est devenue un droit pour tous et les revendications syndicales n'y sont pas étrangères. Ailleurs, des conditions de travail d'abord négociées par les organismes syndicaux du secteur public ont été accordées ensuite par voie législative à tous les travailleurs. Remettre en cause par des mesures restreignant davantage le droit de grève, le droit à une vraie négociation, c'est aussi remettre en question la légitimité du rôle d'agent de changement social des syndicats.

Première réalité de la dernière négociation c'est qu'il y en avait deux; l'une dont nous étions partie s'amorce au printemps 1978, et l'autre réunissant les syndicats du front commun débute tôt en 1979. Les deux négociations prennent fin au début de l'année 1980. Les négociations débutent donc avant qu'entrent en vigueur les modifications législatives issues du rapport de la commission Martin-Bouchard, si ce n'est certaines dispositions législatives transitoires du projet de loi 59 traitant du mode de détermination des services essentiels. Ainsi, nos listes ou ententes relatives au maintien des services essentiels devaient être transmises au Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, lequel ne fut formé qu'en janvier 1979, alors qu'on avait commencé à négocier depuis fin juin ou juillet 1978.

La réalité de cette négociation c'est aussi l'employeur qui, un an après le début des négociations, ne nous a pas encore fait connaître ses positions sur l'ensemble des matières négociables. Inutile d'élaborer sur le sérieux des propositions déjà soumises. Nous ne pouvions que voir là une démonstration évidente de la mauvaise foi de l'employeur, préférant le risque d'un conflit à une négociation véritable. La réalité de la dernière négociation, c'est aussi plus de 500 ententes sur le services essentiels, alors que les commissaires "arbitres" aux services essentiels de 1976 n'en avaient rapporté qu'environ 40. Cela représente pour nous à la fédération plus de 65% d'ententes.

L'autre réalité de cette dernière négociation, c'est que les arrêts de travail ont été sporadiques et de courte durée, malgré que certains journaux aient dramatisé la situation en titrant, par exemple: Première grève générale dans les hôpitaux. La réalité de cette négociation c'est finalement l'État qui, devant l'action syndicale et la pression de l'opinion publique, impose aux syndicats, par l'adoption du projet de loi 62, un sursis au recours à la grève et, en même temps, impose de négocier, reconnaissant par là qu'il avait failli à ses devoirs d'employeur. Encore une fois, l'État utilise ses pouvoirs de législateur et s'approprie le rapport de forces pour appuyer sa stratégie.

Enfin, la réalité de la dernière négociation c'est le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, présidé par M. Picard, composé de deux directeurs d'établissement, d'une directrice de soins infirmiers, d'une infirmière, d'un technicien de laboratoire et d'un préposé aux bénéficiaires qui affirme: "L'expérience vécue sous la loi 59 est valable, en dépit de certaines faiblesses, et le bilan de cette expérience est positif. " C'est également le ministre des Affaires sociales déclarant le 8 novembre 1979 que, sur la base de débrayage connue aux mois de mai et juin, il y a toutes les raisons de penser que les services essentiels seront assurés par les syndiqués.

En conclusion, l'analyse des caractéristiques constantes des négociations dans le secteur public ainsi que la réalité de la dernière négociation nous amènent à conclure que le droit de grève, en tout temps, et pour tous les travailleurs et travailleuses, est indissociable du droit d'association et la libre négociation. Dans ce sens, tout recours aux injonctions et aux lois spéciales devrait être retiré du champ des relations de travail.

Quant aux services essentiels, nous revendiquons le maintien du mécanisme actuel et nous nous opposons à la constitution d'une régie ou d'un conseil sur le maintien des services essentiels constitué de prétendus experts. Nous avons en ce domaine assumé notre responsabilité et continuerons à le faire. Nous rappelons cependant qu'il n'y a pas de paix sociale possible sans que les besoins essentiels des travailleurs et travailleuses soient assurés. En ce sens, nous croyons que les compressions budgétaires, comme les coupures de postes dans le domaine de l'éducation et de la santé, risquent de compromettre gravement et de façon permanente la qualité des services dispensés à la population.

Nous terminons, en citant l'ex-ministre du Travail, actuellement des Affaires sociales, M. Johnson, qui déclarait en novembre 1979, que le retrait du droit de grève dans les secteurs public et parapublic constituerait une atteinte aux libertés

individuelles, un geste susceptible de semer l'anarchie dans les relations de travail et d'entraîner la société québécoise dans des courants d'extrême-droite ou de totalitarisme. Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers de nous avoir présenté leur mémoire et d'avoir patienté toute la journée pour finalement être en mesure de le présenter.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous reprendrons avec la période de questions sur le mémoire de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux.

Nous avons entendu en fin de séance, cet après-midi, la présentation du mémoire de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers et nous procéderons maintenant à la période des questions et échanges entre les membres de la commission et les représentants de la fédération. Je vais céder immédiatement la parole au ministre.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord saluer et remercier la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers de son mémoire. C'est là un document extrêmement intéressant qui contient beaucoup d'éléments qui méritent certainement d'être regardés de très près. Entre autres, on nous rappelle une certaine évolution des choses, certains gestes qui, effectivement, ont été posés par les salariés représentés par leurs porte-parole ici, notamment les choses qui sont évoquées en page 8 quant au nombre d'ententes sur les services essentiels, qui montrent une évolution des choses par rapport à 1976.

Par ailleurs, je voudrais, sans plus de préambule, poser quelques questions très précises. Je ne reviendrai pas sur l'approche de fond que j'ai eu l'occasion d'évoquer et sur laquelle j'ai eu l'occasion de revenir à plusieurs reprises depuis le début de nos travaux.

Vous évoquez, en page 8 de votre mémoire - si vous permettez, je vais débouler ma série de questions et cela vous permettra d'y aller par la suite, de répondre à l'ensemble - "Les arrêts de travail ont été sporadiques et de courte durée. " Une affirmation comme celle-là n'est certainement pas fausse, elle est vraie. Cependant, c'est peut-être faire état d'une partie de la réalité. Ce que je veux dire par là, c'est précisément ceci. Effectivement, si ma mémoire est bonne, il n'y a pas eu dans votre cas, je veux dire dans la foulée d'une journée, une période de grève qui se serait échelonnée sans arrêt, sur une période d'une semaine, dix jours, quinze jours, à ma connaissance, mais effectivement des arrêts qui ont été sporadiques et de courte durée, mais dont l'accumulation cependant peut représenter un total qui appporte une nuance à cette réalité. Sur la période de mai à juillet, si ma mémoire est bonne, cela représentait 24 jours. Effectivement, sur une base sporadique et de courte durée, cela pouvait être des demi-journées, une journée, et la situation pouvait varier d'ailleurs d'un établissement à l'autre.

Ne pensez-vous pas que, dans ces situations - évidemment, cela contribue à alimenter, encore une fois, c'est là le genre de phénomène qui n'est pas quantifiable, ce n'est pas du domaine des faits qui peuvent être chiffrés - cela contribue, a votre avis, à augmenter l'anxiété et les inquiétudes, l'appréhension? D'après vous, comment les choses se passent-elles dans ce genre de situation que vous avez quand même vécu au premier chef, puisque vous étiez là, vous étiez impliqués?

Deuxièmement, vers la fin de votre mémoire, à la page 9, vous citez à nouveau un élément de conclusion du rapport Picard: que l'expérience vécue sous la loi 59 est valable en dépit de certaines faiblesses, etc. Donc, je comprends que vous partagez cette conclusion, puisque vous la reprenez en quelque sorte à votre compte dans le mémoire. Je voudrais m'arrêter sur un petit membre de phrase: En dépit de certaines faiblesses - puisqu'on est quand même là pour essayer de voir de quelle façon il y aurait moyen concrètement d'améliorer les choses - d'après vous, lesquelles? D'après vous, qu'est-ce qu'il serait possible concrètement de faire pour améliorer ou corriger ces faiblesses?

Troisièmement, je comprends, d'après votre conclusion sur la constitution d'une régie ou d'un conseil constitué de prétendus experts, que vous n'y croyez pas. Vous ne nous recommandez pas d'aller dans cette piste. Cependant, la question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-ce que vous seriez favorable à l'idée - indépendamment de la question des pouvoirs judiciaires qui pourraient être donnés, parce qu'il me semble que cela, c'est une chose qui doit être regardée de très près avant d'aller dans un sens comme celui-là - de notion de permanence du conseil des services

essentiels, quitte à regarder par la suite quelles seraient l'ampleur et la portée de ces pouvoirs? Il y a des pouvoirs qui sont d'ordre... D'ailleurs, le conseil avait déjà ces pouvoirs, c'est-à-dire des pouvoirs administratifs qui lui permettaient d'agir et, effectivement, il a agi en quelque sorte, à certaines occasions, comme médiateur. D'après les renseignements que j'ai, cela a donné un coup de main, effectivement. Je ne sais pas si vous partagez cette opinion. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de permanence?

Je ne voudrais pas abuser du temps, M. le Président, j'aurais deux autres questions à poser. Dans la situation actuelle, de la façon dont les choses se déroulent et se déroulaient, lors de la dernière ronde de négociations, lorsqu'il n'y a pas entente sur les services essentiels, c'est la liste syndicale qui est déposée. Vous savez comme moi qu'il est arrivé des cas de listes qui ont été déposées à zéro et où on disait: Voici notre liste, on pense que zéro, ça voulait dire qu'il n'y avait pas besoin de salariés syndiqués en dedans, à notre avis. Ce qui ne signifie pas pour autant que lorsque se présentait le conflit, effectivement, ça se présentait en situation zéro. Il est arrivé que même après des dépôts de listes zéro, effectivement, que ce soit par le mécanisme de réévaluation, dont on a parlé occasionnellement ou autrement, peu importe, des syndiqués ont assumé ou assuré des services essentiels. Mais comment expliquez-vous un comportement comme celui-là? C'est quoi, d'après vous, une technique de négociation? On fait de la tactique de négociation? Comment expliquer un tel comportement? Parce que le dépôt d'une liste à zéro, ça nous avance à quoi? Cela avance qui à quoi? Comment ça s'explique, ça?

Ma dernière question serait la suivante. Peut-être est-ce que je me trompe mais, Mme Gosselin, il me semble que, lors d'un colloque, l'an passé, vous auriez déclaré que certains services, certains départements devaient être assurés à 100% du personnel en temps grève et, si ma mémoire est bonne, vous aviez donné des exemples, vous aviez illustré votre pensée. Il se peut que je me trompe et vous me corrigerez si c'est le cas; mais si tant est que c'est exact, je pense qu'il serait intéressant pour nous, membres de cette commission, que vous nous précisiez à nouveau ou illustriez à nouveau votre pensée concrètement. Voilà, M. le Président, les quelques commentaires et questions que je voulais formuler.

Mme Gosselin: M. le Président, là où le ministre s'est trompé, c'est lorsqu'il parle, dans notre cas, de 24 jours de grève étalés sur deux à trois mois. Nous avons fait onze jours de grève, sur une période de cinq ou six mois.

M. Marois: D'accord.

Mme Gosselin: Je voulais rétablir les faits.

M. Marois: C'est pour cela que je disais que je donne les chiffres sous réserve.

Mme Gosselin: Voilà pour la question. Quant à l'effet des grèves sporadiques, des arrêts de travail sporadiques versus la grève générale, nous avions convenu, retenu, lors de la dernière négociation, que moyen de pression pour moyen de pression - il faut appeler les choses par leur nom: la grève, c'est un moyen de pression pour faire avancer le dossier des négociations, qu'on la fasse de manière générale étalée sur une suite de jours ou qu'on la fasse de façon sporadique - les arrêts de travail décidés de façon sporadique, au jour le jour, au besoin, selon les négociations, nous semblaient finalement un moyen suffisant pour atteindre, dans le contexte de la dernière négociation, nos objectifs. (20 h 15)

Bien sûr, les effets auprès des usagers peuvent se faire sentir de la même façon que lors d'une grève générale, sauf que c'est une journée de temps en temps et que ce n'est pas sur une longue période, comme nous en avions connu une précédemment.

Vous citez, pour une autre question, une partie de notre mémoire qui reprend les propos du conseil sur le maintien des services essentiels et vous nous demandez ce qu'on peut faire pour améliorer certaines faiblesses. Le fait que le conseil sur le maintien des services essentiels ait été, lors de la dernière négociation, formé après même que les négociations eurent commencé, cela lui donnait du retard. Le conseil a joué, dans certains cas, un rôle de médiateur, comme vous l'avez dit, sauf que là où c'était déjà fait c'était déjà fait. Là où les listes avaient été déposées, les ententes conclues, c'était plus difficile de revenir dans ces cas-là. C'était probablement la faiblesse du conseil sur le maintien des services essentiels lors de la dernière négociation.

Quant à la permanence d'un éventuel conseil sur le maintien des services essentiels, je tiens à réitérer que le conseil actuellement prévu dans la loi est paritaire. Ce n'est pas un conseil formé d'experts. J'élabore un peu sur "experts". J'entendais ce matin une association patronale dire, par exemple, que ce serait normal que, si un cas de cardio se présente, un cardiologue puisse disposer du cas. Il n'est pas besoin d'un conseil sur les services essentiels pour ça. Les médecins sont à l'urgence, les patients arrivent à l'urgence et les médecins décident sur le champ si les gens ont besoin ou non d'être hospitalisés.

Quand on parle de services essentiels, on parle de notion d'horaire de travail, de combien de personnes de chaque catégorie il faut pour faire fonctionner un service. Est-ce que, pour 30 patients hospitalisés, il faut trois infirmières, deux infirmières auxiliaires, deux préposées? Ce ne sont pas les médecins qui connaissent ces choses-là. Ils ne le savent pas, eux. Eux prescrivent. Ce sont les gens en place qui savent ce qu'il faut pour que les soins soient donnés de façon convenable.

M. Marois: Mme Gosselin, je m'excuse de vous interrompre, je comprends très bien cela, je pense que votre mémoire est très clair là-dessus. Peut-être que je me suis mal exprimé. Ma question ne portait pas tellement sur "expert" ou "pas expert". Je comprends très bien votre position, votre mémoire est très clair sur ce point-là. Mais dans la foulée de ce que vous nous disiez tout à l'heure, je vous demandais quelles étaient, à votre point de vue, les faiblesses, puisque vous reprenez à votre compte les conclusions du rapport Picard. Vous nous avez dit, notamment, le retard, la mise en place du conseil, etc., et vous avez ajouté qu'effectivement, à votre connaissance, le conseil avait pu jouer un certain rôle de médiation dans certains cas, ce qui avait pu aider, évidemment, ce qui était strictement impossible dans les cas où les ententes étaient déjà intervenues ou les listes déposées, d'où ma question sur cette idée d'une permanence d'existence d'un tel conseil et de la pertinence de cette permanence.

Mme Gosselin: Je voudrais quand même clarifier ma pensée quant à la composition du conseil, quant à la permanence. On est prêt à envisager un conseil qui aurait pour mandat d'évaluer la qualité des services offerts, mais, pour nous, il reste évident qu'il y a une notion de services essentiels lors de situations d'exception qui, forcément - on parle de situations d'exception - ne peut pas être exactement le même mandat que lors de situations normales. Est-ce que je me fais bien comprendre? Évaluer la qualité des services en tout temps, c'est une chose. Évaluer les services essentiels en cas de situations d'exception, c'est autre chose. Que le mandat soit accompli par les mêmes personnes, on peut en parler.

M. Marois: Je m'excuse et je vais m'arrêter là pour laisser la chance à mes collègues autour de la table de vous poser d'autres questions. Si on s'en tient à cette notion de situation d'exception, en ce qui concerne les services essentiels par opposition à une notion plus globale et plus générale d'une évaluation permanente de qualité en général, il y a des situations d'exception qui ne se présentent pas uniquement en période de conflit et de grève. Vous le savez comme moi. Même dans des périodes dites de paix relative, on sait fort bien qu'il arrive Dieu merci! occasionnellement dans un établissement donné ou un autre en cours d'application de convention collective des situations d'exception où il y a des problèmes qui se posent et où, dès qu'on parle de situation d'exception, je suis d'accord avec vous, à plus forte raison dans ces cas-là, refait automatiquement surface la notion des services essentiels à donner aux gens.

Mme Gosselin: Si vous parlez de conseil permanent en cas de droit de grève permanent, bien sûr...

M. Marois: Ce n'est pas ce à quoi je faisais allusion.

Mme Gosselin: Quant aux positions qui avaient déjà été avancées lors de la tenue d'un colloque sur les services essentiels, c'était en janvier 1980...

Mme Lavoie-Roux: En 1980.

Mme Gosselin:... j'avais parlé d'unités qui devaient demeurer ouvertes avec le personnel qu'il fallait. C'était d'ailleurs la position qu'on avait tenue dans la négociation des services essentiels avec nos employeurs. J'avais aussi dit qu'on ne pouvait, par exemple, déterminer provincialement ce que pouvaient être, pour chacun des établissements, les services essentiels requis en cas de conflit dans les établissements, parce qu'il y a la dimension nationale, régionale ou locale du conflit dont il faut tenir compte. Il y a la notion de catégorie de personnel qui est employé ou non par un établissement, il y a également la notion du personnel non syndiqué dont il faut tenir compte. Il faut aussi tenir compte du fait du nombre de salariés en grève. Effectivement, il y a des unités pour lesquelles on avait recommandé à nos membres de donner 100% du personnel et c'est effectivement ce qui a été fait dans certains cas.

M. Marois: Mme Gosselin, je m'excuse de revenir à la charge. Je comprends bien ça, mais vous aviez donné, à ce moment-là, si ma mémoire est bonne, des exemples très concrets et c'est là ma question, évoquant des services ou des départements où, d'après vous, lors de cet exposé que vous aviez fait, il fallait assurer à 100% ou à tout le moins presque 100% du personnel. Vous aviez donné des exemples très concrets d'unités ou de services; j'aimerais, pour le bénéfice des membres de la commission, que vous nous les donniez à nouveau, concrètement, ces exemples d'unités ou de services.

Mme Gosselin: Toujours assortis des considérations que je viens de mentionner?

M. Marois: Bien sûr.

Mme Gosselin: J'avais parlé de services d'urgence, de soins intensifs, d'obstétrique. Enfin, par obstétrique, je veux dire les salles d'accouchement. Je me souviens d'avoir au moins parlé de ces unités, mais toujours assorties, bien sûr... Je veux dire que, si l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc, par exemple, à Montréal, débraie une journée, si l'Hôtel-Dieu, à côté, est ouvert... Cela peut varier.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Lavoie-Roux de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux également remercier la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers pour son mémoire. Je pense qu'il est assez bref, mais l'analyse est intéressante ou elle est très claire quant à l'explication du rapport de forces qui s'établit et les caractéristiques particulières de la négociation dans les secteurs public et parapublic avec l'État employeur et législateur. Je pense que c'est bien cerné et cela m'apparaît très clair.

Évidemment, si je m'en reporte à vos conclusions, vous faites un peu la même synthèse que celle de la totalité des mémoires que les représentants syndicaux ont présentés à cette commission depuis le début je ne sais pas s'il y aurait des modifications par la suite - c'est-à-dire que, selon votre analyse, finalement, les services essentiels sont satisfaits, enfin il n'y a pas de problème du côté des services essentiels. Vous ne suggérez aucun moyen d'améliorer les choses. Quand je vois cela, je me dis: II reste que, quand même, on est ici à cette commission pour un objectif qui n'est pas un objectif qui est né de toutes pièces, on est ici parce que la population a quand même fait valoir, depuis qu'il y a des négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est-à-dire des négociations centralisées, que, depuis que le droit de grève a été accordé dans le secteur public, il y a une inquiétude qui est allée en grandissant d'un conflit à l'autre.

Évidemment, on peut faire une grande discussion, à savoir si cela a été mieux en 1976, ou moins mal en 1979, ou pire en 1970, ou en 1967, peu importe, mais je pense qu'il faut aussi comprendre... De toute façon, si on voulait s'en reporter à cela, je regardais les chiffres de jours de grève ou de jours-hommes perdus dans les secteurs public et parapublic dans la ronde de 1976 par rapport à la ronde de 1979 et, dans le domaine des affaires sociales et des services sociaux, on arrive dans un cas à plus de 403 000 jours perdus et c'est peut-être 2000 ou 3000 de différence entre 1976 et... (20 h 30)

C'est pour cela que je ne veux pas m'attarder à cela mais plutôt indiquer qu'il y a quand même une préoccupation très grande dans la population. D'autres l'ont évogué, c'est à savoir si on va se rendre à l'hôpital, parce qu'on sait que peut-être on va rencontrer des piquets de grève. Est-ce que si on va à l'hôpital on va être assuré de services raisonnables? Et même si dans des cas peut-être les inquiétudes ne sont pas fondées, dans la réalité il faut quand même tenir compte du fait que tous les individus n'ont pas nécessairement la même initiative, ne se trouvent pas tous dans des conditions analogues pour faire face, même dans l'hypothèse où ils sont bien reçus à l'hôpital, pour être capables de poser ces gestes et faire ces démarches.

Également, à l'intérieur des établissements, il faut quand même reconnaître que si, dans certains cas, les choses se sont bien passées, dans d'autres cas, il y a eu des situations pénibles qui ont été démontrées dans les rapports des experts. Je ne voudrais pas aujourd'hui vous en citer d'autres. Des fois, on a l'impression qu'on parle toujours du même cas, mais il y en a eu plusieurs. Je ne voudrais pas non plus créer l'impression que toujours, quand il y a eu un rapport d'expert, cela a été un rapport négatif à l'endroit du déroulement de la grève.

Je pourrais peut-être les sortir, vu que je ne les ai jamais mentionnés. Parmi quelques-uns que j'examinais, que le ministre nous a remis, je pense que c'est à l'hôpital Saint-Joseph-de-Rivière-du-Loup et dans la Beauce où on dit que de toute façon les services essentiels ont été bien assurés et que les gens se sont acquittés des responsabilités qu'ils avaient acceptées d'assumer. Mais, néanmoins, il reste qu'il y a plusieurs cas où... J'en ai un ici. Je sais que cela ne vous touche pas, vous n'étiez pas dans cet hôpital, mais je pense qu'on parle d'une façon générale. Est-ce qu'il peut y avoir préjudice pour les bénéficiaires dans le cas de Saint-Sacrement, à Québec, où il y avait eu apparemment grève continue depuis quatre ou cinq jours et où l'expert a dit que s'il n'y avait pas de modification rapide dans les 48 heures, il faudrait recommander la suspension du droit de grève? Enfin, il y en a plusieurs qui sont dans cet esprit.

Je comprends que pour vous, pour les syndicats, et je le disais hier soir, c'est de bonne guerre de ne voir restreindre d'aucune façon l'exercice d'un droit de grève qui est déjà restreint uniquement par la notion de services essentiels. Il y a déjà une certaine restriction du droit de grève. Mais il reste que si cela n'est pas satisfaisant, objectivement... Ce ne sont pas mes rapports à moi, ce ne sont pas les rapports du

gouvernement, ce sont des rapports d'experts neutres et objectifs. Évidemment, on peut toujours les mettre en question, mais à ce moment qui est-ce qui fera une évaluation d'une situation si on ne peut jamais reconnaître que quelqu'un peut être appelé comme expert dans une situation qui requiert un examen soigné.

Vous nous dites: Nous, on est satisfait, on a rempli nos responsabilités, nous allons continuer de les assumer dans l'avenir, mais ce n'est pas exactement comme cela dans la réalité. Alors moi, la question précise que je vous pose c'est si, d'après vous, il y a des moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour corriger et améliorer cette situation que tout le monde déplore. Quand je parle d'améliorer, je le dis dans un sens très ferme; ce n'est pas juste une petite amélioration, mais vraiment que la population se sente en sécurité quand la grève surgit dans des établissements de santé.

Deuxième question. J'aimerais savoir si vous avez des membres qui travaillent dans des centres d'accueil, enfin des centres d'hébergement où les pensionnaires ou les bénéficiaires se trouvent à temps complet. Finalement c'est devenu leur maison, leur foyer. Est-ce que vous avez des bénéficiaires qui travaillent là? Et dans le cas où vous en avez, est-ce que vous croyez que dans ces milieux les services essentiels pour ces personnes devraient être reconnus comme nécessaires dans leur totalité.

Mme Gosselin: Sur votre première question: Qu'est-ce qui pourrait être mis en oeuvre pour améliorer la situation, je pense que notre position a été très claire. Nous affirmons, dans le mémoire, que les dispositions actuelles, appliquées pour une deuxième fois, permettront une situation très satisfaisante quant au maintien des services essentiels. Je pourrais aussi vous dire que, encore une fois, la négociation est encore le meilleur moyen pour éviter la grève et éviter le recours aux services essentiels. C'est toujours ce qu'on espère lorsque commence une négociation. Mais, vraiment, nous croyons que l'application des mesures actuelles, après les avoir pratiquées une première fois avec passablement de succès, si je peux m'exprimer ainsi, vont permettre véritablement d'améliorer des situations qui n'ont peut-être pas été au mieux, sans que cela ait été dangereux, catastrophique ou quoi que ce soit, lors de la dernière négociation.

Sincèrement, je pense aussi qu'on ne pourra jamais empêcher les gens de s'inquiéter lors de situations de conflit dans le secteur des affaires sociales. Il est normal, sans faire preuve de sadisme ou de quoi que ce soit, que les gens s'inquiètent voyant un conflit possible dans le secteur des affaires sociales, dans le secteur névralgique de la santé, etc., sauf que nous, on affirme que les services essentiels ont été maintenus dans les institutions où on a des membres et qu'il n'y pas eu de problèmes véritables causés lors de situations de grève.

Quant à la question des centres d'accueil...

Mme Lavoie-Roux: Des soins prolongés, si vous le voulez, aussi.

Mme Gosselin: Ou les soins prolongés. Écoutez, il n'y a pas que des syndiqués qui travaillent dans les centres d'accueil et il peut très bien arriver qu'en période de conflit les syndiqués décident que ce seront les cadres qui vont, pour une période de temps, donner les services aux patients. Les services administratifs et autres, qui sont moins lourds, ne sont pas considérés véritablement comme services essentiels et les cadres sont dégagés et peuvent vaquer aux soins des patients lors de périodes de grève. Les services peuvent être assurés de cette façon, mais ça ne veut pas nécessairement dire que ce sont les salariés syndiqués qui vont les assurer.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Les cadres peuvent assurer une partie des services que nous n'assumons pas. Vous disiez, tout à l'heure, qu'un organisme patronal était venu ce matin et que vous n'étiez pas tout à fait d'accord avec l'affirmation faite dans le cas d'un patient cardiaque, pas que ce soit un médecin qui le reçoive, mais qui puisse être le seul... Excusez-moi, je me trompe. C'est vous qui pouvez déterminer comme infirmières le nombre de personnes qui doit être requis pour les soins à donner dans une unité de traitement.

Il y a aussi dans les hôpitaux des infirmières-cadres. D'ailleurs, vous venez d'y faire vous-même allusion. Souvent, ces infirmières-cadres qui ont, j'imagine, des qualifications analogues - enfin, elles pratiquent la même profession que vous - se plaignent aussi qu'elles sont obligées d'assumer des tâches pendant des heures beaucoup trop longues, douze heures de temps, et dans des situations où on admet, finalement, les urgences et souvent des cas très lourds. Également, elles trouvent que la liste qui est prévue par leur syndicat pour répondre aux services essentiels n'est pas suffisante. Je pense que ce n'est pas uniquement une question d'évaluation de médecins, mais c'est également, très souvent, une évaluation d'infirmières, mais qui sont des infirmières-cadres et qui assument ces tâches, lesquelles, après un certain nombre de jours... Cela ne s'est pas présenté apparemment dans le cas de la fédération lors de la dernière ronde de négociations, mais cela s'est déjà présenté dans le passé

et cela s'est présenté pour d'autres groupes d'infirmières.

Cela m'inquiète un peu de vous entendre dire: Nous, il n'y a pas eu de problème; on a assumé nos tâches; dans une autre ronde de négociations, avec le même système, cela devrait très bien aller. Je me rappellerai - le ministre également - que, quand ils ont présenté la loi no 59, c'était avec l'espoir que tous les problèmes seraient réglés. Enfin, je suis sûre que de bonne foi tout le monde espérait, tant le gouvernement que l'Opposition officielle, qu'avec la loi no 59 ce serait une amélioration par rapport à la loi no 253. Les problèmes se sont présentés. Ils se sont peut-être présentés d'une façon différente. Il y a eu le recours à une loi spéciale très très rapidement. Mais on aurait très bien pu se trouver dans certaines situations. On s'est trouvé vis-à-vis de cas très pénibles, mais ceci aurait pu se multiplier si la loi spéciale n'était pas intervenue. Je m'explique mal quand vous dites... Je trouve que c'est un peu étonnant de vous entendre dire: Écoutez!... Vous n'avez pas dit que cela allait très bien. Vous avez dit: C'est déjà beaucoup mieux et, avec une autre ronde de négociations, il n'y aura plus de problème. Je ne suis pas prête à accepter cela, comme vous le dites. Évidemment, je le souhaite. Mais l'expérience passée, même avec des améliorations dans les lois, n'a pas donné ces résultats-là, et c'est justement pour cela qu'on est ici, parce que cela n'a pas été satisfaisant. Je veux bien prendre votre parole et dire: La prochaine fois, ce sera très bien, parce que ce sera la troisième fois qu'on fera l'exercice. Mais je pense qu'on ne peut pas prendre ce risque à l'égard de la population.

Mme Gosselin: Écoutez! Pour répondre a la première partie de votre intervention qui suggérait que des infirmières-cadres puissent participer à l'élaboration d'ententes ou de listes sur les services essentiels, ce n'est pas du nouveau. Elles sont là par la voix de leur représentante lors de la négociation des services essentiels. Elles sont présentes.

Pour le reste, je ne peux que répéter que, vraiment, nous sommes convaincus que les mécanismes actuels bien appliqués permettent le maintien des services essentiels en cas de conflit avec, si besoin est, intervention du conseil sur le maintien des services essentiels et actions à prendre si, à certains endroits, un problème se pose. (20 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Rosemont.

M. Raquette (Rosemont): Oui, M. le Président. Justement, sur cette question du maintien des services essentiels lors de la dernière négociation, je pense qu'on a le devoir de mettre en évidence s'il y a des failles dans la législation ou s'il s'agit simplement de mécanismes auxquels, comme vous le dites dans votre mémoire et chez plusieurs autres organismes syndicaux, simplement on a à s'habituer à un nouveau régime, à de nouvelles lois. Moi non plus, je ne suis pas tout à fait convaincu de cela. La dernière fois, on a quand même eu une bonne amélioration par rapport au régime de la loi 253, je pense que tout le monde le reconnaît, les négociations se sont déroulées plus vite, il y a eu plus d'ententes négociées sur les services essentiels.

Au moment de la loi 62, la première loi spéciale votée par notre gouvernement et sur laquelle je m'étais abstenu d'ailleurs, la question qui se posait était celle-ci, et on avait un mécanisme dans la loi que le gouvernement disait ne pas pouvoir appliquer. Le mécanisme était le suivant: En cas de non-respect d'une entente sur les services essentiels, le droit de grève peut être suspendu. Le gouvernement disait: On ne peut pas appliquer ce mécanisme-là et on n'a pas le choix, il faut voter une loi spéciale.

Selon vous, est-ce qu'il y a des cas à votre connaissance où effectivement ce mécanisme-là était inopérant, le mécanisme où, dans le cas où les services essentiels ne sont pas respectés, le droit de grève peut être suspendu et les employés forcés de retourner au travail? C'est un mécanisme d'exception, mais il n'a pas encore été utilisé et on ne sait pas ce que ça pourrait donner. Est-ce que ce mécanisme-là vous apparaît pouvoir être efficace? Est-ce que c'est un manque de moyens qu'on avait à ce moment-là où est-ce le mécanisme lui-même qui devrait être remis en question?

Mme Gosselin: Là-dessus, sur les justifications, les raisons qui ont amené le gouvernement à voter la loi 62, est-ce que la question de l'application des textes de loi quant à la possibilité d'agir auprès d'un établissement directement a joué? Je dois vous dire que, quant à nous, on ne l'a pas pris du tout de cette façon-là.

Il nous semble que les mécanismes actuellement prévus au code sont déjà amplement suffisants.

M. Paquette (Rosemont): Est-ce qu'il y a eu, à votre connaissance, dans vos unités syndicales, des cas où les ententes concernant les services essentiels n'étaient pas respectées?

Mme Gosselin: Après vérification, pour ce qui est des ententes, il semble qu'à l'exception de l'hôpital Charles-Lemoyne, où, cette fois, c'était la partie patronale qui était en cause, les ententes ont été

respectées.

M. Paquette (Rosemont): En supposant qu'elles ne l'aient pas été, que ce soit la partie patronale ou la partie syndicale... Vous dites dans la conclusion de votre mémoire. "Dans ce sens, tout recours aux injonctions et aux lois spéciales devrait être retiré du champ des relations de travail. " Je suis assez d'accord avec vous sur le principe, mais vous devez admettre que dans les cas où des ententes sur les services essentiels ne sont pas respectées, quelle que soit la partie qui ne les respecte pas, il faut un mécanisme qui permette au gouvernement d'intervenir en tant que gardien du droit public et responsable de la vie, de la santé et de la sécurité des malades. Il faut qu'il y ait un mécanisme d'intervention. Il peut arriver -les êtres humains sont des êtres humains -au plus fort d'un conflit que l'une ou l'autre partie ait une réaction instinctive et décide de ne pas respecter les services essentiels. Ne pensez-vous pas que cela prend un mécanisme, quel qu'il soit, qui permette de protéger le public?

Mme Gosselin: Là-dessus, il faut dire qu'actuellement, les injonctions, là où on va les chercher quand on en veut, on considère que ce n'est pas la place, aller en cour se chercher une injonction auprès d'un juge, auprès d'un tribunal ordinaire, dans le cadre de relations de travail, je ne pense pas qu'il y ait là quoi que ce soit pour améliorer la situation et les relations patronales-syndicales en général. Lorsqu'on parle d'injonction, ce sont des injonctions comme on les connaît actuellement avec, quant à nous, en tout cas, plusieurs vices de forme dans la mesure où elles sont distribuées. Il y a des améliorations au Code du travail qui seraient recevables sur ce sujet précisément, entre autres.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).

M. Polak: Oui, j'ai seulement une question. À la page 10, vous dites: "Quant aux services essentiels, nous revendiquons le maintien du mécanisme actuel et nous nous opposons formellement à la constitution d'une régie ou d'un conseil sur le maintien des services essentiels... "

On en est au point où il faut vraiment faire des choix. Il y en a qui disent: On ferait peut-être mieux d'abolir la grève et être très honnête au lieu d'avoir ce qu'on appelle une grève douce, parce que, comme je l'ai dit à beaucoup d'autres personnes qui sont venues ici, une grève, pour être efficace, doit faire mal. Donc, le ministre -c'est peut-être un peu malheureux - a commencé hier matin par dire: Nous - il a dit "moi", mais j'imagine qu'il parle au nom du gouvernement - n'avons pas l'intention d'abolir le droit de grève. On ne va pas toucher à cela. Ce doit être très bon pour le syndicat. Il a fait cette déclaration. Je suis venu ici en pensant qu'on parlerait de tout, peut-être même l'idée d'abolir le droit de grève. En même temps, il a dit: Mais il est important pour nous aussi et c'est primordial aussi de garantir les services essentiels pour les usagers. D'après moi, il y a là une contradiction qui n'est pas du tout résolue. Il y en a qui disent: II faut avoir les services essentiels, un mécanisme d'une tierce partie, toutes sortes de possibilités, mais vous dites, par exemple, ici: Nous - votre association -nous opposons à un conseil sur le maintien des services essentiels. Le gouvernement, à un moment donné, disait: On va dans cette direction. On pense que cela ne marche pas bien et le droit de grève va continuer d'exister, mais on va établir un organisme, une tierce partie, une commission, une régie, n'importe quoi. Prévoyez-vous le désordre social qu'il a toujours mentionné comme argument contre l'abolition du droit de grève? Honnêtement, si vous devez choisir entre l'abolition du droit de grève et une grève douce, cela veut dire vraiment restreindre le droit de grève par cette commission indépendante et d'autres moyens, que préférez-vous?

Mme Gosselin: Je pense qu'on le dit dans notre mémoire.

M. Polak: Vous avez dit: On ne veut rien savoir. On s'y oppose, mais disons que vous n'avez pas le choix, que le gouvernement va dire: On ne va pas accepter leur point de vue, on va faire quelque chose. On va restreindre le droit de grève, parce qu'on veut protéger les services essentiels. Qu'allez-vous faire?

Mme Gosselin: Le droit de grève dans les hôpitaux est déjà restreint par la notion de services essentiels. C'est ce qu'on dit dans notre mémoire; pour maintenir le droit à la santé, on a limité notre droit de grève. C'est déjà là.

M. Polak: Pour vous, c'est déjà restreint, mais, pour la population, je pense, au moins dans mon comté, qu'on est tanné des grèves, à ce qu'ils disent. On ne parle pas seulement des infirmières ou des infirmiers, ce sont toutes sortes de secteurs, cela peut être la grève des postes, toutes sortes de choses. Les gens ont cette impression. D'ailleurs, il y a les sondages qui nous disent carrément: On trouve que c'est allé trop loin. Je ne dis pas que vous êtes les coupables, pas du tout; peut-être que vous êtes très responsables sur certains aspects, mais, tout de même disons que c'est l'idée de la population et que le

gouvernement va agir en conséquence. Il va dire: On va faire des démarches pour restreindre ça encore plus. Est-ce que vous l'accepterez sans invoquer cet élément de désordre social qu'on nous invoque souvent et qui, pour moi, est un peu un moyen de chantage du public? J'aimerais avoir votre commentaire là-dessus.

Mme Gosselin: On n'invoquera pas d'arguments de chaos social; nous, ce qu'on invoque, ce sont des éléments de justice sociale. On considère que les salariés des secteurs public et parapublic ont des droits comme n'importe quel citoyen et qu'on ne peut pas, pour assurer un droit, faire fi complètement d'un autre droit. Ce sont les éléments qu'on invoque; ce ne sont pas des éléments de chaos social, ce sont des éléments de justice naturelle.

M. Polak: D'accord, merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. J'ai trois questions. Premièrement, on n'a pas parlé beaucoup d'une phrase dans votre mémoire qui m'inquiète un peu; c'est une phrase où on parle de compressions budgétaires, de coupures de postes et enfin de l'utilisation du système PRN. Je considère que ce PRN doit être quelque chose de terrible car c'est dans la même phrase que les compressions budgétaires et les coupures de postes. Est-ce qu'on pourrait, brièvement, nous dire ce qu'est le système PRN et d'où ça vient? Est-ce que ça vient des administrations hospitalières ou du gouvernement? C'est ma première question.

Pour ma deuxième question, je reviens à la question de services essentiels et je ne peux pas m'empêcher, en regard de vos dernières remarques, de poser la question de droit. Il est vrai que tous les travailleurs ont des droits, mais il me semble aussi que tous les êtres humains, dont la majorité est aussi des travailleurs, ont quand même le droit à la santé, à la vie et aux services qui sont nécessaires pour les maintenir en vie à un moment critique. Alors, les droits des uns ne peuvent pas empiéter sur les droits des autres.

Ceci dit, je retourne à une autre chose et je note, dans votre mémoire, la remarque que vous avez répétée. Nous avons ainsi accepté, pour maintenir le droit à la santé, de limiter le droit de grève. En parlant de 1976, vous dites qu'on a eu 500 ententes, par rapport à 40 ententes en 1976, ce qui représente, si je comprends bien, que, dans 65% des situations dans lesquelles votre syndicat était impliqué, il y avait entente. Pour les 35% qui manquent, à défaut d'entente, est-ce qu'il y avait quand même maintien de services essentiels? Et s'il n'y en avait pas, même dans quelque rares cas, temporairement, s'il y avait un non-maintien de services essentiels, qu'est-ce que votre syndicat a fait ou ferait dans cette situation, quand vous apprenez que des services essentiels ne sont pas maintenus, pour solutionner le problème? C'est tout, c'étaient mes deux questions, je ne sais pas compter. (21 heures)

Mme Gosselin: Sur le PRN, très brièvement, c'est une méthode que les employeurs, les administrateurs ont utilisée à venir jusqu'à maintenant pour justifier les diminutions de postes, les coupures de postes.

M. Dean: PRN veut dire quoi?

Mme Gosselin: Dans les hôpitaux, PRN, cela veut dire "au besoin", mais là PRN veut dire "projet de recherche en nursing".

M. Dean: Mais c'est quoi au juste, cela s'exprime comment?

Mme Gosselin: C'est une méthode de calcul quantitative...

M. Dean: De minutage?

Mme Gosselin: Oui.... de besoins en personnel versus une addition de soins nécessités par des patients.

M. Dean: Cela veut dire, si je peux comparer au monde du travail que je connais, que c'est une espèce de "time-study" appliqué au nursing?

Mme Gosselin: C'est à partir de...

M. Dean: Cela veut dire tant de minutes pour donner une piqûre, tant de seconde pour faire ceci.

Mme Gosselin:... cela.

M. Dean: Est-ce qu'on minute le temps pour parler à vos patients pour les encourager un peu? Est-ce qu'on vous laisse du temps dans ce système? Si c'est cela, il me paraît absurde et inhumain.

Mme Gosselin: Bien sûr. Apparemment, tout a été prévu, y compris ces minutes, sauf que nous persistons à dire que ces choses-là ne sont pas quantifiables et à nous opposer à de telles méthodes pour quantifier les besoins en personnel, au jour le jour, dans le secteur hospitalier.

M. Dean: Incroyable!

Mme Gosselin: 35%... On pourrait en parler pendant quinze jours. Sur les 35% restant, il y avait des listes. Les listes, très

souvent, généralement, étaient des listes très suffisantes. Comme exemple, dans un CHSP, un centre hospitalier de soins prolongés, l'infirmière de jour et l'infirmière de soir étaient là et l'infirmière de nuit, c'était l'infirmière-cadre, c'était une infirmière-cadre. Il y avait une infirmière, comme il y en avait d'habitude, mais on n'était pas arrivé à s'entendre là-dessus avec le patron et cela avait donné une liste. La liste, par exemple, de la dernière négociation à l'Hôtel-Dieu de Montréal était une des rares ententes de 1976, parce que les mésententes au niveau local, sur le contenu des listes, ne portaient pas nécessairement sur la guantité de personnel à fournir, mais elles portaient souvent sur des choses qu'on pourrait peut-être gualifier d'accessoires, par exemple, la possibilité pour les représentantes syndicales d'entrer dans l'établissement, lorsqu'il y avait grève, pour vérifier la situation. Lorsque ce droit nous est refusé, par exemple, par un employeur lors de la négociation au niveau local des mécanismes visant à assurer les services essentiels, cela implique qu'il n'y aura pas d'entente.

M. Dean: Mais dans les 35% de cas, liste ou non, entente ou non, est-ce que les services essentiels étaient fournis?

Mme Gosselin: Selon les listes ou ententes, oui, mais il n'y a pas eu grève partout également.

M. Dean: Ce que je veux savoir...

Mme Gosselin: Mais les listes ont été respectées.

M. Dean: Mais où il n'y avait pas de liste, y a-t-il des cas où les services essentiels n'ont pas été respectés en ce qui regarde votre syndicat? On a posé les mêmes questions aux autres syndicats, vous n'êtes pas le seul.

Mme Gosselin: Les listes et ententes ont été respectées telles que déposées.

M. Dean: Y a-t-il eu des cas où il n'y avait ni liste, ni entente?

Mme Gosselin: Non.

M. Dean: Cela veut dire que pour les autres 35%, les services essentiels étaient fournis?

Mme Gossselin: Oui.

M. Dean: Parfait. Pour revenir, juste une seconde, sur le PRN, est-ce que j'ai bien compris que cela vient des administrations des hôpitaux ou est-ce que cela vient du ministère des Affaires sociales?

Mme Gosselin: Ce sont les administrateurs d'hôpitaux qui ont été à l'origine de la recherche et de l'application du système. L'équipe de recherche a fait, il y a un an à peu près, une demande de subvention au ministère des Affaires sociales, demande qui, dans un premier temps, a été refusée. Il semble que la position aurait pu varier dernièrement, mais je ne saurais l'affirmer.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).

M. Rivest: Madame Gosselin, vous dites dans votre mémoire: "Nous rappelons cependant au gouvernement qu'il n'y a pas de paix sociale possible sans que les besoins essentiels des travailleurs et des travailleuses du Québec soient assurés. " Même si tous les gens parlent de la paix sociale relative dans laquelle se situe le cadre de cette discussion, il reste que c'est bien sûr, dans mon esprit qu'il est bien difficile, même en dehors d'un contexte de négociation de convention collective, que des relations de travail normales au niveau des établissements puissent se dérouler alors même que vous sentez, non seulement par l'exercice de cette commission parlementaire - en fait, c'est ce qu'on a cru percevoir de façon très claire de la part des porte-parole syndicaux dont vous en particulier par votre mémoire - que l'exercice de votre droit de grève est très fortement remis en cause par la population, alors que vous considérez l'exercice du droit de grève comme étant un élément essentiel de la libre négociation de vos conditions de travail.

Dans ce sens, j'imagine que comme syndicat cela doit être assez fatigant à supporter. Mais la pression de l'opinion publique qui fait que les uns et les autres, à gauche et à droite, on remet en cause publiquement dans des colloques ou que des groupes viennent ici remettre en cause publiguement l'exercice du droit de grève, est-ce que cette question n'illustre pas en elle-même qu'effectivement il y a des problèmes? Je parle dans le domaine de la santé et de la sécurité. Comme je l'ai dit ce matin, je pense, à M. Laberge, vous pouvez dire que certains dramatisent les situations qui ont été vécues, mais il y a aussi des phénomènes de dédramatisation des situations également. Il y a eu une foule d'institutions où cela a très bien marché - je pense qu'on peut faire cette affirmation - les ententes ou même la liste; j'en conviens volontiers, du moins d'après les informations que le Conseil sur le maintien des services essentiels nous a données. Mais vous-même, vous avez dit, je pense - je ne veux pas vous interpréter mal - tantôt que, pour ce qui est de votre syndicat, il n'y aurait pas tellement eu de problèmes au niveau du maintien des services

essentiels dans la dernière ronde de négociations. Ce n'est pas pour la ronde de 1976, mais parlons de la dernière. Il y a un rapport, en tout cas, pour une institution en particulier où vous êtes, qui a fait une affirmation où on dit que, par exemple, "pour le quart de nuit, sur les unités de soins, les membres de la FQII, bien qu'ayant assuré les services privés, n'ont pas fourni le personnel pour assurer les services essentiels". Le personnel-cadre a dû prendre la relève. Voici ce qui me préoccupe beaucoup dans la question de la liste syndicale et de tout cela. Vous me corrigerez si ce n'est pas exact - mais, selon le rapport de l'expert du Conseil sur le maintien des services essentiels que j'ai, la raison est la suivante - c'est ce que je disais ce matin - la position syndicale expliquant pourquoi cela n'a pas été assuré pendant les services de nuit ou qu'il y a eu refus d'assurer les services essentiels, c'est que c'était moins qrave que dans les services de jour parce que les bénéficiaires ont moins de besoins durant la nuit. Mais on dit: "La position syndicale était que les infirmiers et les infirmières devaient exercer un moyen de pression sur l'employeur et que ce moyen de pression a été le refus de fournir les services essentiels pendant le quart de nuit.

Voici ce que j'essaie d'exprimer comme inquiétude, et ça me semble assez légitime. Vous essayez de faire des ententes, mettons de bonne foi, au niveau de la détermination des services essentiels et, quand il n'y a pas d'entente, vous fournissez des listes syndicales. Là-dessus je veux bien prendre votre parole et je suis convaincu que c'est exact dans l'immense majorité des cas. Les travailleurs du domaine de la santé, même des syndiqués, lorsqu'ils fournissent une liste syndicale, ce ne sont pas des tortionnaires, ils fournissent une liste syndicale qui répond, d'après eux, à leurs besoins. Mais sur l'entente ou la liste, ce que je ne puis accepter et ce qui me fait craindre dans la poursuite - et je voudrais avoir des réponses - du système que l'on connaît à l'heure actuelle, c'est que je trouve qu'on dénature le sens d'une entente sur des services essentiels et de la liste qui est uniquement faite en fonction de la santé et de la sécurité des personnes.

Je peux vous donner le nom d'un établissement, je pense qu'il n'y a pas de préjudice majeur, à Cartierville, à l'hôpital Sacré-Coeur, on dit que c'était devenu un moyen de pression. Moi, je trouve que vous avez... Enfin, je ne dis pas vous personnellement, peut-être est-ce un cas très isolé, remarquez bien que je n'en ai pas d'autres, je ne veux pas faire une dramatisation non plus. Mais, tout de même, je n'accepte pas et on devra réfléchir à trouver le moyen d'éviter - parce que je trouve ça parfaitement inacceptable - que les ententes ou les listes syndicales - si on doit continuer dans cette voie - pour garantir les services essentiels deviennent des moyens de pression. La grève est le moyen de pression. Une fois qu'on s'est entendu pour dire: Les services essentiels, ça doit exister, ça ne doit pas servir comme moyen de pression. Quand je vois ça, ça me fait sursauter, parce que je ne trouve pas ça acceptable. Seriez-vous d'accord pour dire, au niveau de votre syndicat... En tout cas, donnez-moi un jugement de valeur; je ne vous demande pas de nous dire les mesures que vous allez prendre à l'intérieur de votre syndicat, c'est peut-être vos affaires, mais au moins, pour la population, de l'assurer que, quand il y a eu entente sur les services essentiels ou quand il y a une liste syndicale, il n'est nullement question que ça devienne... Comme le dit ici l'expert qui est une personne complètement en dehors du conflit, sur la raison pour laquelle on a retiré les services essentiels pendant le quart de nuit: Les infirmières et infirmiers devaient exercer un moyen de pression sur l'employeur. Je ne trouve pas ça correct; je vous le dis bien directement, je ne trouve vraiment pas ça correct. Je voudrais que vous commentiez cette situation que vous connaissez peut-être mieux que moi, parce que je ne la connais que par la lecture d'un paragraphe. Vous pourrez nuancer et, si je fais erreur, je veux bien vous croire, mais mon point essentiel, c'est ça. Est-ce qu'à votre avis l'entente sur les services essentiels et la liste sur les services essentiels peuvent devenir un moyen de pression pour des fins de négociation collective? Je ne trouve pas ça correct; la liste et l'entente c'est pour le bien et la santé du public et pas autre chose.

Mme Gosselin: Dans ce cas précis, puisque vous en parlez, l'enquêteur concluait aussi qu'il n'y avait pas de problème à Cartierville et que les services essentiels étaient assurés.

M. Rivest: Sauf pour le quart de nuit, il a dit qu'ils n'étaient pas assurés.

Mme Gosselin: Je redis ce que j'ai déjà dit - entre autres au colloque dont M. Marois parlait tout à l'heure - que services essentiels ça ne veut pas dire salariés essentiels. Je préciserai que, sur le quart de nuit, à l'hôpital Sacré-Coeur de Cartierville, entre autres à l'urgence, aux soins intensifs, a l'unité coronarienne, à celles d'accouchement, d'hémodyalise, les syndiqués étaient là en nombre habituel, mais que, sur les autres départements... Vous avez quelque chose comme une centaine d'infirmières-cadres à Sacré-Coeur qui sont infirmières chefs et qui sont capables d'assurer les services essentiels...

M. Rivest: Me permettez-vous de vous interrompre, juste pour compléter votre réponse? J'ai en mémoire, mais je ne l'ai malheureusement pas devant moi, ça ne concerne pas votre syndicat - un autre rapport qui, cette fois, concerne un hôpital de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Là, c'est totalement le contraire de Cartierville. On dit: Les bénéficiaires - je résume, mais l'idée générale c'était... Je l'ai vu ce matin... Les services essentiels n'ont pas été satisfaits. La raison en était que les cadres n'ont pas pu. Entre autres, on parlait - cette fois-là, peut-être qu'il n'y avait pas d'infirmières - de l'impossibilité dans laquelle on s'était trouvé de donner une intraveineuse, ce qui est maintenant un acte professionnel réservé à une infirmière, et les cadres qui se trouvaient là ne pouvaient pas la donner. (21 h 15)

Parfois, les cadres ne suffisent pas. Quand les syndicats et les travailleurs disent - je pense, encore une fois, que c'est de bonne foi - "On veut assurer les services essentiels, soit par entente, soit par liste, " ce que je n'accepte pas, c'est que vous nous disiez: De toute façon, quand on décide, pour exercer des pressions sur l'employeur - enfin, ce que dit le rapport - les cadres ont suppléé. Je ne veux pas que ce soit un objet de négociation ou un objet de pression, une entente et une liste syndicale. C'est cela le sens de ma question. Acceptez-vous qu'une entente et qu'une liste syndicale pour le maintien des services essentiels deviennent en cours de route un moyen additionnel de pression sur l'employeur? Je ne peux pas comprendre cela. C'est cela le sens de ma question.

Mme Gosselin: Écoutez! Là-dessus, le moyen de pression utilisé, la grève, on ne peut le sortir du contexte de la négociation. Que les services essentiels, la négociation -je ne parle pas des services essentiels - que la négociation des services essentiels se fasse, le mot le dit, par négociation implique qu'il y a proposition et offre de part et d'autre. Mais, de là à dire, comme vous le soulevez, que les services essentiels sont un moyen de pression...

M. Rivest: Je l'ai bien restreint à ce que je lis. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est le rapport du conseil qui dit, en parlant de la position syndicale pour expliquer cette situation-là, et je cite à nouveau: "La position syndicale était à l'effet que les infirmières et les infirmiers devaient exercer un moyen de pression sur l'employeur. Comme, le jour et le soir, la liste syndicale rencontrait les demandes patronales, les membres de la fédération considéraient qu'ils devaient opter pour un moyen de pression efficace, mais que ce serait moins dommageable pour les bénéficiaires de prendre le quart de nuit. " Mais cela reste l'utilisation, pour le quart de nuit, de l'entente et de la liste comme étant un moyen de pression syndical. Autrement dit, cela en dénature le sens. Quand ce sont des services essentiels - vous en êtes convaincue comme moi - vous faites les listes et les ententes parce que vous estimez que ces services sont essentiels à la population. Vous vous engagez et vous voulez, je pense, respecter ces ententes. Je n'accepte pas qu'à un moment donné, pour des raisons de négociation, vous les laissiez tomber en cours de route parce que vous pouvez exercer une pression sur l'employeur à ce moment-là. Mais ce n'est pas cela qui est important et je me fous de la pression additionnelle que vous obtenez sur l'employeur en abandonnant la liste. Ce qui compte pour moi, c'est qu'à ce moment-là, quand vous abandonnez l'entente ou une liste, ce qui est dramatique - enfin, pas dramatique, mais quand c'est localisé, je ne veux pas encore dire que c'est généralisé - dans chaque cas où cela se passe, c'est le monde, ce sont les patients qui en souffrent. C'est cela le sens de ma question. Les ententes et la liste ne doivent pas être un objet de négociation des conditions de travail. Ce devrait être un objet fait uniguement et exclusivement pour la santé et la sécurité des gens. Pas autre chose.

Mme Gosselin: Écoutez! On considère que c'est normal et acceptable et on considère que ce sont des services essentiels, même lorsque assurés par des cadres. Ce n'est pas la notion des services essentiels qui est remise en cause, ce sont les personnes qui vont les assumer et, on considère que des infirmières-cadres sont en mesure d'assumer des services essentiels.

M. Rivest: Je vous ai mentionné tantôt un cas d'un hôpital de Lac-Saint-Jean. Il n'y avait pas d'infirmière-cadre comme question de fait, mais les gens sont restés aux prises avec le problème. C'est cela qu'on essaie d'éviter. Tous les efforts qu'on fait actuellement, c'est pour éviter ces problèmes-là, et je sais que vous voulez les éviter comme nous autres.

Mme Gosselin: C'est une des raisons pour lesquelles on maintient que les services essentiels doivent continuer d'être négociés au niveau local parce que ce sont les gens du milieu qui connaissent la situation et qui savent ce que les uns et les autres sont en mesure de faire ou de ne pas faire.

M. Rivest: Une fois négociée, même quand vous ne réussissez pas à arriver à une entente, une fois qu'il y a une liste, il faut la respecter intégralement. Cela ne doit pas

faire partie du jeu des moyens de pression qu'une partie exerce sur l'autre. C'est ce que je veux dire. Il me semble que...

Mme Gosselin: C'est ce qui a été fait.

M. Rivest: Ce n'est pas ce que le rapport dit.

Mme Gosselin: Mais oui.

M. Rivest: Dans ce cas-là le rapport dit - selon la version de la partie syndicale -: On a abandonné les services essentiels pendant le quart de nuit parce que - le ministre a le texte, mais c'est ça, je vous l'ai lu deux ou trois fois - la partie syndicale a estimé qu'il fallait faire un moyen de pression sur l'employeur. C'est textuel, dans le rapport. Si vous voulez, M. le ministre, je vais prendre mon texte pour le relire pour ne pas dénaturer... L'expert du conseil des maintiens dit: " D'une part, la position syndicale était à l'effet que les infirmières et infirmiers devaient - pourquoi avaient-ils abandonné les services essentiels pendant le quart de nuit? - exercer un moyen de pression sur l'employeur. " Comme le jour et le soir, c'était plus dommageable aux bénéficiaires - c'est un bon point pour vous - vous avez choisi de prendre le quart de nuit qui est le moins dommageable pour les bénéficiaires. C'est ce que le rapport dit, je n'étais pas là, mais il y a une personne en dehors de tout le conflit qui a écrit ça. Il reste que pendant le quart de nuit les patients ont eu à subir... Je pense qu'il y a eu risque, peut-être qu'il n'est rien arrivé, probablement, je n'ai pas vu toute l'affaire, mais je ne trouve pas ça correct. C'est ça mon point.

Je ne sais pas si vous le comprenez, mais vous semblez passer un peu à côté de ma question. Est-ce que ça doit vous aider à avoir de meilleures conditions de travail de faire des ententes ou des listes, oui ou non? Ou bien si ces ententes ou ces listes-là n'ont qu'une fin, soit la santé et la sécurité des patients? C'est l'un ou l'autre. C'est ça que je voudrais que vous me disiez clairement. Excusez-moi si je vous bouscule un peu, mais je veux être clair parce que c'est ça le sens du débat.

Mme Gosselin: Écoutez! Dans l'exemple que vous citez, les syndiqués n'ont pas abandonné les services essentiels de nuit.

M. Rivest: Mme Gosselin, pour...

Mme Lavoie-Roux: Ils n'ont pas respecté la liste.

Mme Gosselin: Non, ils ont donné la liste de cette façon-là.

Le Président (M. Rodrigue): S'il vous plaît!

M. Rivest: Mme Gosselin, je ne veux pas vous faire un procès... Excusez-moi.

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais permettre à Mme Gosselin de répondre et ensuite vous reviendrez.

Mme Gosselin.

Mme Gosselin: Écoutez! La liste avait été donnée comme ça et c'est même la proposition que le syndicat là-bas avait faite à l'employeur pour une entente. La liste a été respectée.

M. Rivest: Mme Gosselin, je reprends ce qui est avant... Je ne veux pas faire un débat inutile parce que vous ne voulez pas... En tout cas, peu importe, mais pour rétablir les faits, je voudrais que vous répondiez à ma question par oui ou non. "Pour le quart de nuit sur les unités de soins, les membres de la FQII bien qu'ayant assuré les services privés, n'ont pas fourni le personnel pour assurer les services essentiels. " C'est écrit en noir sur blanc. Je ne sais pas, mais répondez à ma question. Peu importe, oublions le cas parce qu'on ne s'entendra jamais, est-ce que vous croyez que l'entente et la liste peuvent... Est-ce que vous acceptez, est-ce dans votre idée... Est-ce que vous refusez - on va passer négativement - est-ce que vous refuseriez à votre syndicat d'utiliser une entente et une liste pour les services essentiels comme étant un moyen de pression pour les fins de vos négociations de conditions de travail? Est-ce que vous vous refuseriez à ça?

Dites-moi oui.

Mme Gosselin: Pardon?

M. Rivest: Dites-moi oui et je vais trouver ça très bien. Si vous ne dites pas oui je vais avoir des doutes.

M. Beaupré (René): Je pense qu'il est important, M. Rivest, de vous expliquer dans quel contexte cela est fait et comment cela est exprimé. La réponse à donner c'est oui, mais...

M. Rivest: Ah bon!

M. Beaupré:... je veux quand même expliquer que lorsque vous faites référence à l'hôpital Sacré-Coeur - je vous encourage à lire tout le rapport de l'expert - ce que dit l'expert, c'est que les syndiqués de l'hôpital Sacré-Coeur ont fourni une liste à l'employeur dans laquelle ils fournissaient 100% du personnel le jour et le soir et que, de nuit, le personnel salarié disait aux

cadres: Vous fournirez le personnel, vous fournirez les soins aux malades, la nuit, dans les départements de médecine ordinaire et de chirurgie ordinaire.

Ce n'est pas du tout dans le même sens que vous l'employez; en ce sens que, justement, en ayant comme préoccupation d'assurer les services essentiels aux malades, les salariés ont dit: Nous allons fournir les services essentiels à 100% le jour et le soir pour que les cadres - afin, effectivement, d'avoir un moyen de pression parce que dans une grève il faut qu'il y ait un moyen de pression - travaillent la nuit et ne travaillent pas le jour. Ils travailleront la nuit à la place du jour. Ce n'est pas mettre la santé des malades en péril. Au contraire. C'est assumer une plus grande responsabilité en disant: On va assurer totalement les services de jour et de soir pour que le personnel-cadre puisse les assurer de nuit. Je vous encourage à lire le rapport, parce que justement, dans ce rapport, l'expert mentionne que les malades ne se sont même pas rendu compte que les...

M. Rivest: On va disposer... Ce qui m'intéresse beaucoup, c'est votre oui. J'ai bien aimé cela. Ce que je conclus, c'est que votre syndicat - et je suppose que c'est la même chose pour les autres - refuse de considérer une entente et une liste comme étant un objet de négociation.

M. Beaupré: Ce n'est pas ce que j'ai dit:

M. Rivest: Non?

M. Beaupré: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rivest: En tout cas, je vous dis... Je vais terminer là-dessus, à moins que Mme Gosselin n'ait des remarques à ajouter.

Mme Gosselin: Le moyen de pression, c'est l'arrêt de travail.

M. Rivest: Mais pas l'entente et la liste. Dites non, Mme Gosselin, là:

Mme Gosselin: Vous voulez que je sois pour la vertu et contre le vice. C'est facile.

M. Rivest: Non, je ne veux pas que vous le soyez. Dites-moi que vous voulez l'être, simplement. Très bien.

Le Président (M. Rodrigue): Je pense qu'on a terminé la période des questions. Oui?

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président. Hier, je vous ai dit que j'avais une question à poser aux infirmières. Elle est courte, M. le Président. Quand vous établissez la liste pour les services essentiels, je pense que vous le faites par département. Vous dites: Dans telle unité de soins, il y aura un nombre X d'infirmières durant telle période; dans telle autre unité, un nombre X d'infirmières, etc. Quand les besoins fluctuent - parce que ce n'est pas toujours prévisible combien de malades vous aurez, par exemple, en cardiologie ou combien de malades vous aurez dans une autre unité de soins - à ce moment-là, y a-t-il possibilité, pour respecter la liste et pour répondre aux besoins essentiels, que votre personnel ou que le personnel que vous avez assuré passe d'une unité à l'autre durant une journée donnée ou une période donnée?

Mme Gosselin: Là-dessus, quand on négocie les ententes sur les services essentiels, on essaie toujours d'ajouter une clause qui dit qu'il y a un comité paritaire formé de représentants de l'employeur et de représentants du syndicat qui se réunit à chaque jour et même à chaque heure de travail pour évaluer la situation. Il y a eu des cas où des syndiqués ont été ajoutés à l'entente ou à la liste.

Pour ce qui est des déplacements, je vais essayer d'être brève. Une chose qu'on tient à contrôler le plus possible, en cas d'utilisation de grève, c'est l'affectation des syndiqués et c'est important pour nous de maintenir ce point. Sinon, si c'est l'employeur qui désigne unilatéralement où les gens iront et tout. Le passé nous a démontré que c'était une source de problèmes, parce que l'employeur peut décider de mettre davantage de personnel dans un département et d'en mettre moins dans l'autre, ce qui fait qu'un département est surchargé et que les gens qui ont travaillé cette journée-là pour assurer les services essentiels, malgré toute leur bonne volonté, n'auront plus du tout envie de revenir trois jours ou une semaine plus tard pour assurer les services essentiels. On tient à avoir un certain contrôle là-dessus. C'est très important pour nous, mais j'ajoute, pour terminer, qu'on tient à avoir une clause qui permet une rencontre entre les parties pour évaluer la situation au jour le jour. (21 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Cela voudrait dire qu'il se pourrait qu'une journée donnée, un département soit surchargé. Les prévisions ne sont pas exactes, c'est inévitable, et, à ce moment-là, cette unité manque de personnel alors que dans une autre unité il se peut qu'il se trouve du personnel plus inactif ou moins occupé parce que la demande aura été moins grande, et, durant cette journée, il n'y

aura pas possibilité de mobilité d'un département à l'autre parce que vous tenez justement à faire cette affectation vous-mêmes et que ceci est révisée à la fin d'une période ou à chaque journée. Est-ce que j'ai bien compris?

Mme Gosselin: On en ajoutera si besoin est.

Mme Lavoie-Roux: Durant la journée?

Mme Gosselin: II faut comprendre que ce à quoi on s'oppose en temps normal, une attitude de l'employeur à laquelle on s'oppose en période habituelle...

Mme Lavoie-Roux: La mobilité.

Mme Gosselin:... on ne se l'appliquera pas nous-mêmes en période de grève. Précisément parce que si à 8 h ou 8 h 30 c'est relativement calme - entendons-nous, relativement calme - il peut très bien arriver qu'à 9 h 30, une heure plus tard, ce soit l'inverse. On en ajoutera plutôt dans l'unité où il y aurait surcroît de travail plutôt que de dégarnir une unité pour en regarnir une autre.

Mme Lavoie-Roux: II se pourrait que durant la journée, avant que cet ajustement se fasse, certaines unités soient surchargées, et même en temps ordinaire, je suppose.

Mme Gosselin: Pas plus qu'à l'habitude.

Mme Lavoie-Roux: Pas plus que d'habitude.

M. Marois: M. le Président, en même temps pour remercier la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers de son témoignage, je voudrais quand même qu'ensemble on soit complètement équitable et juste. Je pense que tantôt et en un certain sens de façon légitime, vous avez été brassé pas mal par les questions insistantes et persistantes du député de Jean-Talon sur un cas. Je pense que ça illustre très bien -je tiens à vous rendre ce témoignage parce qu'il est exact et ça doit être dit - un cas où, sur une équipe de nuit, effectivement, le rapport d'expertise est très clair, pour une raison ou pour une autre... à toutes fins utiles, l'entente évolue, et je pense que vous venez de très bien expliquer ça. C'est extrêmement important. C'est peut-être la première fois que quelqu'un explique en témoignage ici comment cela évolue et s'ajuste de jour en jour, même à l'intérieur d'une situation conflictuelle; ce n'est pas facile, la relation entre le groupe de salariés qui sont syndiqués, qui exercent un droit et l'employeur en dedans et la concertation - il faut l'appeler par son nom - entre les deux parties pour assurer en cours de route les services essentiels qui forcément évoluent d'une journée à l'autre.

Je dois dire, parce que je le sais - j'ai lu les rapports, les documents, ça fait des mois et des mois qu'on fouille tout ce dossier - que vous êtes, de tous les syndicats, le syndicat qui a assumé le taux le plus élevé de services essentiels. Je pense que comme témoignage, ça doit vous être rendu parce que c'est vrai. Voilà un bel exemple où dans un cas, effectivement, il s'est posé un problème. Dieu merci! le rapport conclut qu'il n'y a pas eu de problème, c'était la nuit et aucun bénéficiaire n'a été affecté. Il faut vraiment compléter le dossier pour que ce soit complet mais, néanmoins, je pense que c'est vrai qu'à partir du moment où une entente est convenue, une entente qui est forcément dynamique parce que ça évolue - vous aviez raison de le siqnaler - de jour en jour et d'un coin à l'autre, selon l'évolution des situations concrètes... Il s'est posé un problème réel où, pour une raison ou pour une autre, un syndicat a posé un geste qui en lui-même n'est pas acceptable à partir du moment où on convient d'une entente pour garantir aux citoyens, aux citoyennes, aux bénéficiaires qu'ils vont obtenir cette espèce de soins essentiels de base. Mais justement et évidemment ces cas, quand ça sort, qui sont souvent des cas isolés - mais encore une fois, un cas isolé c'est souvent un cas de trop - ça risque, surtout quand ça sort avec une telle dramatisation - évidemment, il y a, en plus, le sensationnalisme autour qui s'ajoute - de démolir dans l'opinion publique, dans l'opinion des citoyens tout le travail extraordinairement difficile, complexe qui est fait de bonne foi de votre part pour assumer des responsabilités et garantir aux citoyens les services auxquels ils ont droit.

Je voudrais rappeler, entre autres - si ma mémoire est bonne, c'est votre groupe qui l'a fait; c'était toujours, d'ailleurs, au même hôpital, à Montréal - qu'il s'est produit ce qu'on appelle un accident d'automobiles en chaîne, si ma mémoire est bonne. Vous me corrigerez si ce n'est pas exact, si je me trompe, mais il me semble que c'est bien cela. La police est entrée en contact avec les syndiqués de chez vous qui étaient sur la ligne de piquetage, parce que l'accident a été tel qu'il y a eu entre quatre ou six ambulances qui sont arrivées presque en ligne à l'hôpital. Des syndiqués, qui étaient sur la ligne de piquetage, ont décidé d'entrer à l'hôpital à cause justement de l'ajustement qu'il fallait faire, parce qu'il arrivait des cas additionnels par rapport à ce que prévoyait le papier, je présume, cette journée-là. Alors, des syndiqués sont entrés pour aller faire le travail et donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit. Je sais que des choses comme celle-là, il s'en est fait

aussi beaucoup. Il faut le dire, parce qu'il faut quand même que les choses soient ramenées... Je partage l'opinion du député de Jean-Talon: il ne faut pas surdramatiser; il ne faut pas, non plus, balancer du revers de la main certains faits, mais il va falloir qu'ensemble on démontre partout un très grand sens des responsabilités pour rebâtir. Souvent, ce sont des cas isolés, mais qui démolissent complètement dans l'opinion publique une crédibilité. Je tenais à faire cette intervention pour, premièrement, vous rendre le témoignage qui vous revient et, deuxièmement, signaler des cas qui se présentent à l'opposé aussi, parce que cela aussi doit être dit.

M. Rivest: Pour conclure, j'endosse les remarques exprimées par le ministre pour nuancer la discussion qu'on a eue. J'en conviens volontiers. Mais je poserais une question au ministre, s'il me le permet. Le gouvernement est-il prêt à étudier les moyens qu'il sera éventuellement possible de prendre au niveau du Conseil sur le maintien des services essentiels si c'est la voie que retient le gouvernement? On parle d'assurer la permanence, mais le gouvernement est-il prêt à examiner toute avenue qui pourrait garantir à la population que, d'une façon générale, les ententes, si on maintient ce système, ou même la liste syndicale, si le gouvernement choisit de maintenir ce système, ne devront pas servir d'objets de négociation au niveau des établissements, mais qu'elles n'existeront façon fonction des impératifs de santé et de sécurité, c'est-à-dire le maintien des services essentiels?

M. Marois: Par définition, le sens même d'ententes sur des services essentiels, c'est une notion, encore une fois, qui, forcément, évolue selon les établissements, selon les jours; ce n'est pas figé dans le papier. Par définition, les ententes, lorsqu'elles sont là, me semble-t-il, doivent être respectées. Si on maintient le droit de grève et qu'on veut, en contrepartie - cela aussi est fondamental garantir qu'avec le maximum d'effort normal une société, qui se prétend encore, j'espère, civilisée, va fournir les services essentiels auxquels les hommes et les femmes ont droit, je pense qu'il faut réfléchir très sérieusement à toute suqgestion positive dans ce sens. Je suis bien prêt à regarder les suggestions. D'ailleurs, c'est pour cela qu'on est ici en commission parlementaire, qu'on entend les groupes et qu'on pose des questions.

M. Rivest: Dans ce sens, M. le ministre, je suis parfaitement d'accord avec votre dernier énoncé.

M. Marois: Des solutions miracles.

M. Rivest: Non, il n'y en a pas, mais j'espère que vous mesurez bien le sens quand vous dites que les ententes et les listes devront être respectées. On peut émettre le voeu, mais quand vous faites une loi...

Le gouvernement, le ministre en particulier, aura à s'interroger; comment s'assure-t-on dans une loi qu'un principe auquel on tient sera respecté? Cela évoque toute une série d'avenues, cela évogue entre autres un régime de sanctions et peut-être même, avant le régime de sanctions, cela rejoint peut-être ce qui était la préoccupation du mémoire du Conseil du patronat: Qui devra voir à ce que les ententes et les listes éventuelles soient respectées.

Je sais que le ministre comprend le sens de ce que je viens de dire et c'est peut-être aller beaucoup plus loin que de se contenter, après l'expérience qu'on a vécue, d'un conseil permanent sur le maintien des services essentiels. Je ne lui demande pas de réponse ce soir, parce qu'il n'est probablement pas en mesure de nous la donner, mais c'est la réflexion qu'on va devoir faire ensemble.

M. Marois: Cela me paraît bien évident. Vous l'avez déjà rappelé, la présente commission parlementaire, dans une période de paix relative, c'est une première du genre. On est ici pour essayer de réfléchir ensemble, essayer d'apporter la contribution la plus positive qu'on puisse apporter chacun et chacune d'entre nous, chacun des groupes. Par la suite, comme gouvernement, on aura à prendre nos responsabilités et à formuler des propositions qui soient, me semble-t-il, des choses qui puissent s'appliquer. Je suis prêt à regarder toute avenue possible, toute solution possible. Je me méfie toujours des choses qui peuvent paraître séduisantes théoriguement, mais qui, souvent, quand on les met sur le papier, ne correspondent pas nécessairement à la réalité. On l'a souvent dit, il y a une marge, parfois, entre le papier et la réalité, surtout quand il s'agit de comportement et d'attitude. Enfin, on va poursuivre ensemble la réflexion avec les divers groupes qui vont se présenter devant nous.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération québécoise des infirmières et infirmiers.

Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé

J'invite maintenant les représentants du Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé à venir présenter leur mémoire.

Selon mes indications, le mémoire de ce groupe sera présenté par M. Jean-Claude Tremblay.

M. Tremblay.

M. Lambert (Pierre-A. ): C'est M. Pierre-A. Lambert qui présente le mémoire, moi-même.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous demanderais, M. Lambert, de bien vouloir nous présenter les personnes qui vous accompagnent et de présenter votre mémoire.

M. Lambert (Pierre-A. ): À ma droite, Mme Gisèle Fortier, qui est consultante à l'Institut québécois de la déficience mentale et aussi au centre d'accueil pour déficients mentaux, le Relais, de Laval. À ma droite également, M. Jean-Claude Tremblay, secrétaire général de Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé. À ma gauche, M. Henry J. Hannon, directeur général du St. Brigid's Home, et notre conseiller moral, M. Robert Plourde, aumônier au centre hospitalier Saint-Vincent-de-Paul, de

Sherbrooke. Moi-même, Pierre-A. Lambert, trésorier du Carrefour des chrétiens et directeur général du centre psychiatrique de Roberval.

Je vais vous donner un résumé du mémoire, étant donné que vous l'avez déjà tous en main. Je vais plutôt souligner les points importants.

Le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé est un organisme à but non lucratif et incorporé au Québec en octobre 1979, en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Le CCQS est un point de rencontre pour tous ceux et celles qui désirent promouvoir les valeurs humaines et chrétiennes dans le sens le plus oecuménique du mot dans les services de santé et placer les malades au centre de leurs préoccupations. (21 h 45)

Le volume énorme et toujours croissant de la demande des services, leur coût et la sophistication de la technoloqie ont chambardé les bases sur lesquelles reposait le système de santé au Québec, ce qui, entre autres, rend sa continuité indispensable.

Notre mouvement est d'avis qu'il faut penser à des remèdes à long terme, puisés dans la recherche des valeurs que notre monde occidental doit priviléqier.

Depuis 1966, la négociation collective a évolué, d'après nos observations, vers une remise en cause du contrat social. Devant cette évolution, il nous paraît important de préciser la perspective dans laquelle se place le CCQS.

Notre préjugé est le malade. En effet, la seule raison de l'immense réseau administratif et professionnel est le bénéficiaire, la personne souffrante ou en perte d'autonomie.

Il nous semble opportun de répéter que l'hôpital n'existe pas pour ses médecins, ni pour ses cadres, ni pour ses employés; l'hôpital, comme tous les autres établissements du réseau de santé, n'existe qu'en fonction des services à l'usager.

Nous entendons situer notre intervention au-delà de la mécanique des relations de travail, pour l'appuyer sur les éléments les plus nobles de l'être humain qui, dans la maladie, est lésé dans son bien le plus précieux.

De même, nous nous situons au-delà des intérêts des parties, qu'elles soient de nature patronale, syndicale, corporative ou associative.

De plus, notre présentation portera sur des principes et nous laisserons aux spécialistes le soin d'en préciser les modalités d'application.

La santé émane d'un état d'équilibre physique, psychologigue, socio-économique et, ajoutons, spirituel, qui peut être rompu brutalement, rapidement ou chroniquement par la maladie ou un désordre fonctionnel. Les quatre composantes de l'équilibre que comporte la santé sont aussi importantes l'une que l'autre et touchent à l'intégrité de la personne humaine. À ce titre, elles sont inséparables et essentielles.

La maladie est, en soi, un événement traumatisant pour l'individu. Elle est habituellement accompagnée d'une forte dose d'anxiété, d'insécurité et de dépendance. Toute discontinuité dans le système de soins augmente cette tension psychologique et affecte l'individu et ses proches qui doivent la supporter.

Le principe est inscrit en toutes lettres dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, dont l'article 4 a été cité précédemment. Cet article consacre le droit à tout citoyen de recevoir des services de santé adéquats, à la fois sur les plans scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée. Le législateur a ainsi confirmé l'essentialité de la continuité dans le traitement des malades. Partant des difficultés associées au diagnostic et au pronostic, il s'ensuit que la définition, dans des circonstances souvent aléatoires, de l'urgence, de la semi-urgence et de l'électivité d'un cas, est souvent un critère de présomption qui comporte une marge significative d'erreur possible.

La notion même de services essentiels impligue une priorité de soins pour des malades dont la vie immédiate est en danger sans de tels soins. Les critères d'admission dans un hôpital ont beaucoup évolué. Seuls sont admis les malades qui ne peuvent être soignés à domicile. Le temps des check-ups est révolu et les durées de séjour sont de plus en plus courtes; les malades sont finalement hospitalisés pour recevoir des services essentiels à leur état.

D'autre part, les relations entre les

membres de l'équipe des soignants sont interdépendantes. Si un maillon manque à la chaîne dans une situation d'urgence, il ne peut pas être remplacé au pied levé par un cadre ou un travailleur moins expérimenté, sans causer un préjudice au malade.

La notion de services essentiels implique un minimum de services. Or, même en temps normal, on connaît des problèmes majeurs, dont les urgences, par exemple. Gomment la santé publique peut-elle être totalement protégée en temps de crise, quand elle est déjà mise en cause en temps normal? Comment évaluer cette protection, quand on sait que beaucoup de malades ne se présentent pas à l'hôpital en temps de conflit?

Dans une autre perspective, le concept fait abstraction de tous les facteurs affectifs et psycholoqiques qui entourent le malade. La notion de services essentiels est donc incomplète. Elle a un autre défaut, le personnel est essentiel, il ne le devient pas. Le fait de ne pas voir son nom sur une liste de personnel essentiel implique une dévalorisation des tâches qui risque d'être ressentie bien après le règlement d'un conflit.

Les services essentiels peuvent, dans la mesure où ils sont disponibles, prévenir une mort immédiate ou l'aggravation d'une pathologie; mais l'absence de diagnostic ou de traitement de cas en apparence moins aigus peut devenir responsable d'une mort plus lointaine qui aurait pu être retardée ou même prévenue. Exemple: maladie coronarienne, cancer du poumon ou du sein, et combien d'autres.

La relation que l'on établit entre les statistiques de décès et la couverture des services essentiels est un abus mathématique qui analyse par l'extrême une situation fausse. Il en est de même de cette tendance, maintes fois répétée, à minimiser les effets d'une grève en prétextant que les personnes décédées seraient probablement décédées même s'il n'y avait pas eu de discontinuité de soins. Ces opinions donnent bonne conscience, mais vont à l'encontre du bon sens et de la logique.

Le malade chronique, le vieillard et le malade mental, entre autres, sont beaucoup plus dépendants du personnel soignant pour survivre à leur chronicité. Toute discontinuité de services est subie par eux d'une façon pénible, sans qu'ils puissent réagir. Comme l'état de ces bénéficiaires est souvent très fragile, on peut citer de nombreux cas qui, à cause de l'angoisse et de l'anxiété associées à l'absence d'une présence familière, ont aggravé leur état de façon importante. Il faut rappeler la présence de 10% à 30% de cas chroniques dans les hôpitaux généraux actuellement, ce qui rend la discontinuité de services encore plus inquiétante.

Les valeurs d'une société se reflètent dans les institutions qu'elle crée et dans la façon par laquelle elle les fait fonctionner. Une société est composée d'individus. C'est donc ultimement la qualité des individus qui détermine la bonne marche des institutions qui deviennent un reflet fidèle des valeurs de cette société. On juge une société par le traitement qu'elle accorde aux faibles, aux démunis et aux malades. Sur la base de ces critères, pouvons-nous prétendre être une société civilisée et chrétienne?

Notre propos, aujourd'hui, n'est pas de suggérer un nouveau système de valeurs ni même de s'entendre sur une hiérarchie entre elles. Nous voulons interpeller, au nom des valeurs qui constituent le fondement de la société québécoise, le législateur à manifester son humanisme. Il existe au Québec un fort attachement traditionnel aux valeurs humaines et chrétiennes. Même dans un système orienté vers l'efficacité, l'altruisme et la compassion ont leur place. En présence de la souffrance, les principes élémentaires d'humanisme doivent pouvoir s'extérioriser en tout temps et en toute circonstance.

Les malades, à tous les stades de leur symptomatologie, éprouvent des sentiments d'angoisse et d'espoir. Ils comptent sur la compassion de l'équipe soignante pour comprendre leur anxiété et les aider dans ces heures pénibles. Notre société peut-elle leur refuser, même temporairement, ces gestes d'espoir et d'amour? Pour nous, le droit à la vie et à l'intégrité de la personne sont des droits inaliénables. Nous soumettons respectueusement que les droits collectifs des malades doivent avoir préséance sur les droits individuels des travailleurs quand leur exercice parallèle devient divergent. Sur cette question, nous nous inspirons du christianisme et des pratiques ancestrales de la société guébécoise elle-même.

Justement, dans la dernière encyclique "Laborem exercens", le pape Jean-Paul II, dans le chapitre consacré aux relations de travail, rappelle qu'"ils doivent être examinés dans le vaste contexte de l'ensemble des droits de l'homme dont beaucoup ont été proclamés par diverses instances internationales. Les syndicats doivent être les porte-parole de la lutte pour la justice sociale, mais les justes efforts pour défendre les droits des travailleurs doivent tenir compte des limitations imposées par la situation économique générale du pays. De plus, ils doivent agir avec le souci du bien commun. Ils ne devraient plus être soumis aux décisions des partis politiques. De même, le droit de grève dont doivent être assurés les travailleurs, ne doit pas servir a faire le jeu de la politique. On ne doit pas abuser non plus de ce droit lorsqu'il devient contraire aux exigences du bien commun de la société qui correspond également à la nature bien comprise du travail lui-même. "

Les malades sont des otages privés de droits. Ils ne peuvent donc exprimer leur point de vue et participer au rapport de forces que lorsqu'ils sont sortis de leur maladie. Il y a des exceptions à cette règle et nous profitons de cette occasion pour dire toute l'admiration que nous avons pour le Comité provincial des malades et son président, M. Claude Brunet, qui, de la civière sur laquelle il vit depuis des années, nous sert journellement des leçons de couraqe, de sincérité et de dévouement.

La seule façon de maintenir un équilibre acceptable entre droits et obligations est d'inciter chacun à se prendre en charge. Nous sommes tous, à divers titres, responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons; c'est pourquoi nous invitons les individus et les organismes concernés à réfléchir et faire des suggestions positives au pouvoir politique.

L'objectif des interventions devrait être d'améliorer le sort des malades tout en valorisant les fonctions des travailleurs de la santé.

Compte tenu de la courte analyse qui précède, nous recommandons, au nom des valeurs humaines et chrétiennes, ce qui suit:

Que le droit de grève soit aboli pour tous les travailleurs du système de santé: médecins, résidents, internes, professionnels, cadres supérieurs, intermédiaires et employés;

Que le législateur trouve un autre mécanisme permettant aux travailleurs de la santé de bénéficier de moyens susceptibles d'assurer la protection et la reconnaissance de leurs droits légitimes;

Que des démarches immédiates soient amorcées visant à réviser, dans le secteur des services de santé, le processus de négociation du contrat social québécois.

Avec votre permission, j'aimerais apporter brièvement certains éclaircissements au sujet de notre recommandation visant à assurer la continuité des soins en toute circonstance.

Les membres du CCQS que nous avons pu consulter le 8 mai dernier nous ont exprimé clairement leur désir de continuer à chercher une option qui, tout en protégeant les droits des travailleurs de la santé, permettrait une protection complète des droits dont la population était bénéficiaire.

Nous avons réfléchi de nouveau à tout ce contentieux. Nous avons en particulier réexaminé la notion de services essentiels sous toutes ses facettes pour en arriver de nouveau à la conclusion que le rapport de forces inhérent à toute négociation ne saurait être acceptable que s'il assure la primauté du droit à la santé.

Au moment où l'accessibilité aux services de santé est mise en cause, l'intérêt général réclame de l'État des actions immédiates et énergiques pour assurer la protection du bien commun.

Or, dans notre système de relations de travail, une grève doit faire mal pour obtenir les résultats escomptés. Ce postulat entraîne une conséquence importante. Une grève civilisée qui ne constitue pas une menace directe aux usagers des services est moins efficace dans l'esprit de bien des gens. S'il est vrai que ce n'est pas le droit de grève lui-même qui est en cause, mais plutôt la façon dont il est exercé, il n'en est pas moins vrai qu'une grève plus gentille n'a pas le même effet et nous doutons très sérieusement du réalisme de l'option qui conserve le droit de grève tout en assortissant son exercice de toutes sortes de conditions.

Le débat auquel nous avons l'honneur de participer aujourd'hui est celui qui met en cause le plus directement les fondements de la société québécoise actuelle. Il met en cause le processus de maturation d'une société qui a dû s'ajuster déjà à des changements très profonds depuis 20 ans, avec ce qu'entraîne la présence d'extrêmes qui veulent chacun imposer leur vision respective du monde.

Après une certaine période de débats, l'État doit intervenir pour faire prévaloir l'intérêt général et proposer une solution qui, sans être toujours celle du plus grand consensus, assure la continuité du contrat social.

M. le Président, dans le domaine de la santé, le moment nous semble choisi pour instaurer un nouveau code de conduite qui établira hors de tout doute l'intention de l'État québécois d'assurer l'accès continu aux services de santé tout en garantissant aux travailleurs du secteur un mécanisme leur permettant de faire valoir leurs droits légitimes.

Je vous remercie, M. le Président et messieurs les membres de la commission, de l'occasion que vous nous avez donnée d'exprimer notre point de vue sur cette question.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.

M. Lambert: Je m'excuse au nom du Dr David qui devait venir présenter le mémoire; comme il est à l'extérieur du pays, je l'ai remplacé.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie et en même temps je signale la célérité avec laquelle vous l'avez fait.

M. le ministre. (22 heures)

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé de la présentation de son mémoire. Je l'ai lu. Vous nous rappelez -et parfois, ce n'est pas mauvais de retourner à ces auteurs - un extrait de Montesquieu, à

la page 9 de votre mémoire, extrait de l'Esprit des lois, où Montesquieu - je le cite, parce que cela vaut le coup, je pense que c'est encore terriblement d'actualité - dit qu'on ne fait pas faire par les lois ce qu'on ne peut faire par les moeurs. C'est vrai que c'est terriblement d'actualité. Il y a souvent des écarts profonds entre des comportements, des écrits, des attitudes, des valeurs, donc, et ce qu'on peut mettre sur papier. Les sociétés évoluent, les attitudes, les comportements et les valeurs changent, pas nécessairement et toujours au rythme de notre impatience. On peut bien vouloir bousculer le changement. Je ne pense pas que cela mène tellement loin. On peut certainement parfois animer le changement et je ne vois pas pourquoi on se gênerait pour le faire, mais il y a une nuance qui est de taille. Justement, nous rappelant cet extrait de Montesquieu, en le relisant tout à l'heure, je me rappelais et je vérifiais avec mon collègue de Jean-Talon qui a vécu de plus près cette période - du moins en dedans de l'appareil gouvernemental, alors que d'autres comme moi l'avons vécu de l'extérieur - je repensais, dis-je, à cette période des années soixante-dix où des gens qui ne sont pas des Australiens, qui ne sont pas des Albertains, qui ne sont pas des Ontariens, qui sont pourtant des professionnels qui ont prêté, je présume, le serment d'Hippocrate, en l'occurrence les radioloqistes, qui, en 1970, n'étaient pas accrédités, qui n'étaient pas syndiqués, qui n'avaient pas le droit de grève en vertu des lois, pourtant, ont fait la grève. Je pense que ceux et celles qui ont vécu cette période ne sont pas prêts de l'oublier.

J'en arriverai immédiatement, partant de là, à vos recommandations. D'abord pour apporter une nuance quant à votre première recommandation sur l'abolition du droit de grève pour tous les travailleurs du système de la santé. Vous dites les médecins, les résidents et les internes. Soit dit en passant, les résidents et les internes n'ont pas d'accréditation, ne sont pas syndiqués, n'ont pas le droit de grève. Cela vaut d'ailleurs pour les médecins aussi, ce que je viens de dire, à l'exception, bien sûr, des médecins salariés qui pourraient être accrédités dans des centres locaux de services communautaires. Donc, déjà, ces gens n'ont pas le droit de grève. Encore là, pensant toujours à Montesquieu, pensant toujours aussi à votre recommandation et sans aller chercher encore une fois en Alberta ou ailleurs, aux États-Unis ou dans d'autres pays, justement, pour les résidents et les internes, votre recommandation est déjà en vigueur puisqu'ils n'ont pas le droit de grève. Pourtant, lors de la dernière ronde de négociations, ils ont débrayé. C'est pour cette raison que, très honnêtement, quand cela se produit dans un contexte où il n'y a rien de prévu - il n'y a pas de cadre juridigue, il n'y a aucune balise - cela mène à des situations que j'ai qualifiées de chaos social où, là, ma crainte la plus profonde c'est justement que, sur cette valeur de respect du droit profond des hommes et des femmes d'avoir accès à des services de santé, des choses qui sont du domaine de l'essentiel dans ces cas-là, il n'y a plus rien qui tient.

Cette piste de l'abolition, je ne vous cacherai pas qu'on y a réfléchi de notre côté, comme beaucoup d'autres je présume, très longuement, des mois et des mois. D'ailleurs, la commission parlementaire a été retardée. Si ma mémoire est bonne, une fois c'est à cause de la période référendaire; l'autre fois, c'est la période électorale; une plus récente fois, à la suite de la période électorale, à la demande de nombreux groupes parce qu'il était prévu que la commission parlementaire allait se tenir au mois de juin.

M. Rivest: Ce n'est pas vrai.

M. Marois: Je regrette, j'entends le député de Jean-Talon dire: "Ce n'est pas vrai. " On sortira les télégrammes qui nous ont été envoyés par divers groupes, nous demandant de reporter à l'automne la tenue de la commission parlementaire. On voulait que ce soit un exercice sérieux et, d'ailleurs, le député de Jean-Talon contribue lui-même largement à faire en sorte que ce soit un exercice sérieux, valable, très positif.

M. Rivest: II veut m'empêcher de faire ma question de règlement en me lançant des fleurs.

M. Marois: Cependant, vous nous dites dans votre deuxième recommandation, après nous avoir recommandé d'abolir le droit de grève, que le législateur trouve un autre mécanisme. Je veux bien, mais on est ici ensemble dans un moment privilégié, qui ne se présente pas tous les jours. Un forum comme celui-là - c'est justement le député de Jean-Talon qui le rappelait - ça ne s'est pas tenu souvent; à vrai dire, ça ne s'est jamais tenu, sauf à l'occasion d'un débat sur des projets de loi précis. Je serais porté à vous demander: Quel autre mécanisme? Le mécanisme de l'arbitrage obligatoire? C'est un mécanisme qui a déjà été mis à l'épreuve et le mécanisme de l'arbitrage obligatoire n'est pas sans poser d'énormes problèmes parce que ça reviendrait notamment, mais pas exclusivement, à remettre la responsabilité budgétaire, la responsabilité des fonds publics à un tiers, parce que des décisions d'arbitrage impliquent forcément qu'on touche des conditions de travail, donc des conditions de salaires, des bénéfices marginaux qui impliquent aussi du budget, qui

sont payés par les citoyens et les citoyennes du Québec. Cela revient à remettre entre les mains d'un tiers la responsabilité budgétaire en partie, d'une part. Quoi d'autre, la négociation permanente? La négociation permanente ouvre immédiatement la porte au concept correspondant de grèves permanentes et ça nous mène où? Quoi d'autre, une prolongation de la durée des conventions collectives? À la dernière ronde de négociations, comme vous le savez, le gouvernement et les parties impliquées ont porté à trois ans et demi la durée de la convention collective qui était de trois ans. Est-ce qu'il faut regarder la possibilité de prolonger? Quel autre mécanisme, d'après vous, serait-il possible d'envisager, sinon la piste, qui me paraît être une piste responsable dans le respect profond des valeurs de cette société qui sont accrochées à des droits?

Vous citiez la plus récente encyclique du pape; je n'ai pas eu le loisir de la lire. Vous en citiez des extraits où justement il est bien fait mention des droits des uns, des droits collectifs des travailleurs à des conditions et, forcément, à un certain nombre de mécanismes, dont le droit à la grève pour, le cas échéant, faire valoir leurs droits. On parle aussi du droit fondamental des citoyens et des citoyennes à avoir accès à leurs services de base, de fond, à ce que les conditions soient là pour que la vie même des gens ne soit pas mise en péril. Vous en citiez justement un extrait où il serait fait mention justement dans cette encyclique, que la limite du droit des uns, c'est justement le concept d'abus.

Or, il est ressorti jusqu'à présent, dans les travaux de notre commission, une amélioration de la situation. Quand on la regarde dans une perspective un peu historique, quand on remonte aux années soixante-dix même avant, à partir du moment où le droit de grève a été reconnu et puis, plus récemment, en 1972, 1976, 1979, on voit une piste d'amélioration. Est-ce qu'on va courir le risque, comme société, de balancer cette piste ou est-ce que, comme société, on va tenter de mettre ensemble l'imaqination au pouvoir? Je sais bien qu'il n'y a pas de solution magique, je l'ai répété moi-même à plusieurs reprises, mais chacun devrait vraiment assumer au maximum ses responsabilités en tenant compte que, dans une société - je terminerai là-dessus - on n'est pas des robots, des machines, on est des humains. Celui qui vous parle n'est pas exclu de cela; il y a souvent en chacun de nous le meilleur et le pire et, hélas, il y a des moments où c'est le pire qui ressort, mais, Dieu merci, il y a souvent aussi des moments où c'est le meilleur qui ressort.

Ceci étant dit, si vous maintenez cette piste de balancer cette perspective d'amélioration d'un régime qui n'est pas parfait, loin de là... II faut l'admettre, il y a eu des cas d'abus; on en a signalé; on a mis le doigt sur un certain nombre et même sur un certain nombre de causes aussi, me semble-t-il, plus nos travaux avancent. Vous dites: Que le législateur trouve un autre mécanisme. Justement, pouvez-vous donner un coup de main au législateur? Quel autre mécanisme?

Je m'excuse, M. le Président, j'ai peut-être pris un peu trop de temps.

Le Président (M. Rodrigue): M. Lambert.

M. Lambert: Notre organisme ne s'est pas arrêté à étudier en détail les mécanismes qui pourraient être mis en vigueur pour assurer la continuité des services de santé tout en respectant, bien sûr, le droit des travailleurs de faire valoir véritablement leurs revendications et d'utiliser les moyens de pression dont ils ont aussi besoin. Ce que nous recherchons évidemment, ce sont ces deux objectifs.

Dans les recommandations que vous avez devant vous, peut-être que l'une des trois peut vous satisfaire et réussir à atteindre les objectifs que nous visons. Nous ne recommandons pas l'abolition du droit de grève simplement pour dire qu'on abolit le droit de grève; c'est un moyen qui, actuellement, sert à des salariés à faire des revendications, mais cela pourrait être aussi un moyen de mettre fin à la grève, même si l'abolition du droit de grève ne garantit pas qu'il n'y aura pas de grève. Comme vous avez mentionné tout à l'heure, on ne fait pas faire par les lois ce qu'on ne peut pas faire par les moeurs.

L'esprit dans lequel on a rédigé notre deuxième recommandation, c'est en se disant que, si on abolit le droit de grève, il faut le remplacer par un autre moyen qui permettra aux salariés de faire valoir leurs droits. C'est ce qu'on voulait dire par la deuxième recommandation.

Quant à notre troisième recommandation, nous savons qu'actuellement il existe un système de négociation dans le secteur public, qu'il y a déjà des mécanismes en place, qui pourraient évidemment être révisés pour atteindre les objectifs que l'on poursuit, assurer une continuité, dans les services de santé et permettre tout de même aux travailleurs de faire valoir leurs droits.

Il y a trois avenues possibles dans nos recommandations. J'ai d'ailleurs mentionné dans ce que j'ai ajouté après, ce que l'on vise, c'est d'assurer une continuité de services, donner aux travailleurs tous leurs droits, leur permettre de faire valoir les droits qu'ils ont. C'est pour cela qu'on n'a pas voulu s'aventurer dans notre mémoire à faire des recommandations précises sur des mécanismes qui pourraient être mis en place,

mais...

M. Marois: Mais... Ah! je m'excuse.

M. Lambert:... notre organisme, évidemment, serait sans doute heureux de participer, selon ses moyens et sa compétence, à tenter de trouver des mécanismes qui pourraient permettre d'atteindre ces objectifs ou encore d'améliorer ceux déjà existants.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).

M. Polak: M. Lambert, je dois d'abord dire que j'admire énormément le travail bénévole d'un organisme comme le vôtre, parce que je pense qu'on est en face d'un organisme qui n'a vraiment pas d'intérêt particulier et que vous pensez vraiment à l'intérêt public. (22 h 15)

Je veux reprendre un peu les paroles du ministre, parce que, quand il vous a posé la question, je le trouvais doux, je le trouvais beau, je le trouvais fin, mais, à la fin, il vous a dit: M. Lambert, aidez-moi à trouver une solution. C'est remarquable qu'il n'ait pas demandé la même chose aux chefs des syndicats: S'il vous plaît, aidez-moi à trouver une solution. Il vous a posé cette question à vous.

Pour moi, le dilemme dans lequel le ministre se trouve est le suivant et je pense que vous avez compris ce dilemme, et c'est ce que j'ai compris de votre mémoire. Vous dites: Si on retient le droit de grève, ce que le ministre veut, ce qu'il a annoncé déjà et, en même temps, si on veut protéger les usagers en ce qui concerne les services essentiels, on commence à mitiger le droit de grève, et une grève douce - et là vous reprenez mes paroles - une grève douce ne marche pas bien; une grève doit faire mal pour obtenir des résultats. C'est un peu comme une femme qui dit: Je pense que je suis un peu enceinte. Je suis enceinte ou je ne suis pas enceinte. On ne peut pas être un peu enceinte. J'ai lu votre mémoire comme cela.

Ce que j'aimerais savoir de vous, vous recommandez l'abolition du droit de grève dans le secteur de la santé, croyez-vous, par vos constatations, dans votre organisme, que les problèmes et les abus sont tellement graves que le gouvernement devrait sérieusement considérer d'abolir ce droit de grève? Parce qu'il y a tout de même un choix à faire qui est assez délicat.

M. Lambert: J'ai entendu juste avant nous la discussion qui a eu lieu avec la Fédération des infirmiers et infirmières et on a discuté assez longtemps de la notion de services essentiels et du maintien des services essentiels. Évidemment, les expériences vécues dans le passé concernant les services essentiels ne sont pas étrangères aux trois recommandations que nous vous faisons. Mais nous avons quand même constaté qu'il existe tout de même, du moins dans l'esprit de la commission et même du ministre, une intention ferme de faire en sorte que les services essentiels soient maintenus lorsqu'ils sont négociés mais que cela ne devienne pas un deuxième moyen de pression qui s'ajoute à la grève et à d'autres moyens de pression qui existent déjà.

C'est déjà un pas de fait dans le sens de notre recommandation au paragraphe c), qui dit qu'on va essayer de changer des choses, de les améliorer, qui peut être dans le sens de l'amélioration de ce qui existe actuellement.

Ce que je pense personnellement des services essentiels, c'est qu'actuellement on n'a pas encore défini ce que sont les services essentiels. Il me paraîtrait essentiel de définir d'abord les services essentiels, de se donner une notion des services essentiels. Je pense qu'après cela, ce sera facile pour les parties de les établir. Ces services essentiels ne peuvent pas s'établir par la loi. Il appartient, je pense, aux parties en cause de les négocier, mais il faut d'abord en avoir des notions.

M. Polak: J'ai une deuxième question, qui est ma dernière. Vous parlez dans votre mémoire à la page 8 et à la page 9 du bénévolat. C'est la première fois qu'on entend parler de cela depuis hier et, personnellement, je ne suis pas très au courant des restrictions qui s'appliquent, mais pourriez-vous expliquer ça, est-ce que c'est vrai que le bénévole est empêché d'exercer sa tâche durant une grève? Quelle est la situation actuelle?

M. Lambert: Là-dessus, je vais demander au secrétaire général de vous répondre, étant donné que le bénévolat, c'est surtout dans les régions de Québec et de Montréal qu'il y en a. Moi, dans ma région, je n'en ai pas, je ne peux pas vous donner de cas précis, mais M. Tremblay pourrait peut-être répondre.

M. Polak: D'accord.

M. Tremblay (Jean-Claude): À ma connaissance, si vous me permettez, je pourrais revenir un peu en arrière et en même temps je vais répondre à votre question.

Le ministre parlait tantôt de remèdes ou de solutions; j'ai eu le privilège de participer, à titre de directeur général de l'Association des hôpitaux du Québec, à la commission parlementaire qui a précédé l'adoption de la loi 59. À l'époque, M. le

ministre se souviendra qu'il y a eu toute une série de propositions qui ont été présentées à la fois par mon organisme et beaucoup d'autres et qui auraient pu constituer des remèdes mécaniques, peut-être même des solutions à ce que vous cherchez. Il n'y a pas de doute dans mon esprit que vous avez dû évaluer ces recommandations et, si la question se pose encore aujourd'hui, c'est que vous n'avez pas vous non plus sans doute trouvé la solution magique. Nous, on croit qu'avec le cheminement qu'on a fait pour aboutir à ce mémoire, cheminement qui a impliqué des témoignages de la part de médecins, des recherches, parce que l'approche est assez médicale, reposant d'abord sur une approche de valeurs, mais l'approche des services essentiels est plutôt médicale, par opposition à la dichotomie ou au rapport de forces syndical-patronal. Dans ce sens, on est arrivé aussi, un peu malgré nous, à la conclusion qu'il n'y avait pas de remède magique. C'est ce qui nous a amenés à venir vous faire une présentation sur des principes de fond, en se situant et en souhaitant rester au-delà du mécanisme des relations de travail.

Le fond qu'on vous soumet suggère, lui, qu'il n'y a pas de solution intermédiaire. Voici la conclusion à laquelle on a abouti, malheureusement, il faut abolir le droit de grève.

Je reviens maintenant à la question précédente que vous posiez. Pour celle que vous venez de poser, il n'y a pas de loi qui empêche le travail des bénévoles, c'est plutôt l'inspiration ou l'esprit de la loi 59, lorsqu'elle dit que nul ne peut contrevenir à la liste ou au personnel sur lequel on s'est entendu, ainsi qu'au phénomène de piquetage, qu'on rencontre assez fréquemment lors de grèves dans des hôpitaux, qui empêchent non seulement la libre circulation des bénévoles à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôpital, mais aussi le service qu'ils pourraient contribuer à rendre aux malades, dans des cas où un tel service peut s'apparenter à une tâche habituellement exécutée par un employé; auquel cas ces gens deviennent, à toutes fins utiles, des "scabs". C'est ce qui empêche, de façon massive, la participation des bénévoles. Il y a des cas qui sont venus à notre connaissance et qui ont empêché que l'on pallie les effets très négatifs d'une grève -c'est toujours négatif de toute façon - par une utilisation un peu plus large des bénévoles qui étaient disposés à le faire.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. Hains, député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Lambert, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, et je dirai même avec beaucoup d'édification, votre mémoire sur les valeurs humaines et chrétiennes dans les services de santé et la place privilégiée que vous accordez aux malades dans vos préoccupations et dans votre carrefour.

Logiquement, à la suite de vos remarques, vous concluez que le droit de grève doit être aboli. Est-ce la vraie solution? Depuis deux jours, nous entendons les positions de différents organismes sur ce sujet. La plupart arrivent à un consensus pour le maintien du droit de grève, afin, dit-on, de ne pas plonger à nouveau la société dans un chaos et de faire marche arrière. Mais tous s'accordent pourtant pour perfectionner et assurer les services essentiels, jugeant cette condition vraiment sine qua non.

Vous dites, à la page 10 de votre mémoire: "II existe au Québec un fort attachement traditionnel à des valeurs humaines et chrétiennes. Même dans un système orienté vers l'efficacité, l'altruisme et la compassion ont toujours leur place. Alors, je vous pose cette question: Ne croyez-vous pas qu'il est possible de faire un compromis entre les droits des malades et les droits des travailleurs? Ou encore faire un pacte entre la charité et la justice? Charité envers les malades et justice aussi envers les travailleurs. Il est vrai qu'il est difficile de concevoir une grève gentille, comme le dit votre président, le Dr Paul David. Mais croyez-vous qu'il est impossible et irréalisable d'avoir une grève plus humaine, qui respecterait nos malades, leur assurant des services essentiels et même bienveillants auxquels ils ont droit et que semblait nous promettre tout à l'heure M. le ministre.

M. Lambert: Dans notre esprit, je pense qu'il y a, dans tout ce phénomène de processus de négociation, une question d'attitude. Nous avons mentionné, dans notre mémoire, que nous étions un peu tous responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons et, comme citoyens, nous avons aussi à prendre nos responsabilités. Je crois qu'il est possible, dans le contexte actuel, de faire appel encore à la bonne volonté des gens et à leur bonne foi. Je dis que, si on met le malade au centre de notre préoccupation, notre façon d'aborder la négociation va être différente parce que, finalement, c'est tout de même pour assurer des services à des malades que les établissements existent. C'est même la raison d'être. S'il n'y avait pas de malades, il n'y aurait pas d'établissements.

J'ai encore confiance, en 1981. Je dis qu'il y a encore des hommes de bonne volonté qui sont capables d'adopter une attitude - des hommes et des femmes aussi -qui est dirigée vers les valeurs humaines et plus spécifiquement, disons, dans le domaine de la santé, dans les hôpitaux, où ce sont

des humains qui travaillent avec ries humains sur des êtres humains. Le facteur humain est extrêmement important dans le domaine de la santé. On ne fabrique pas des automobiles ou des biscuits au chocolat. Notre raison d'être, c'est le bénéficiaire. Alors, c'est en fonction du bénéficiaire qu'on doit travailler et tout ce qui se fait, tous nos qestes doivent être dirigés en fonction de ce bénéficiaire, dans le but de lui donner les services de santé auxquels il a droit.

L'article 4 de la loi garantit aux citoyens du Québec des services de santé. Même en période de crise, la loi ne permet pas que ces services de santé puissent être réduits. C'est donc dire que toute la notion de services essentiels dont on parle doit être basée sur ce centre d'intérêt que doit être le malade et aussi sur les droits qui lui sont consentis dans la loi. Je ne pense pas que les services essentiels soient des services de qualité réduite. Les services essentiels, à mon avis, doivent être des services normaux, mais qui sont dispensés à une population réduite en période de grève. Ce n'est pas la notion, disons, d'urgence. Ce n'est pas défini, les services essentiels. Parfois, il y a confusion avec l'urgence. Mais les services essentiels devraient être définis en fonction des services à donner aux bénéficiaires. J'ai énormément foi dans la bonne volonté et dans le changement d'attitude, je pense, que les gens devraient apporter pour aborder leur future négociation. Il m'apparaît important qu'au point de départ, les grandes orientations se fassent en fonction de cela.

Il y a un ministre du Travail qui, à un moment donné, disait que la plupart des conflits qui arrivent dans le milieu du travail ou ailleurs ont souvent comme cause le fait que les parties en cause ne connaissent pas leurs problèmes mutuels. Au début d'une négociation, il m'apparaîtrait important, si on veut vraiment aborder une négociation dans le sens que j'ai mentionné tout à l'heure, que les problèmes que l'on vit, les problèmes que l'on veut corriger, on les mette sur la table au début afin de fixer un objectif à la négociation. Je pense que, de cette façon, on réussirait à s'entendre, parce qu'il y a toujours moyen de s'entendre et, possiblement, de négocier une convention collective de travail sans grève. Même si le droit est là, il deviendrait à peu près inopérant. Je pense qu'il y a encore possibilité, même aujourd'hui, de négocier des conventions collectives sans qu'il soit nécessaire d'utiliser la force. Je pense que la négociation d'une convention collective devrait être une occasion pour les parties de se rapprocher et non pas de lutter ou de se battre les unes contres les autres.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Dougherty (Jacgues-Cartier).

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier de votre mémoire. Je n'ai pas vraiment une question, mais j'ai un commentaire. Je crois que l'orientation de votre mémoire rejoint les notions de base que nous avons entendues hier soir de la part de la Corporation des médecins. (22 h 30)

À la page 7, quand vous parlez des services essentiels, vous dites que " la notion de services essentiels dans sa conception même tend à favoriser un minimum de services. " Et à la fin du paragraphe vous dites: " Le fait de ne pas voir son nom sur une liste de personnel essentiel implique une dévalorisation des tâches du personnel. Ce phénomène de dévalorisation demeure même après le conflit dans les rangs des travailleurs. "

Je crois que vous avez exprimé ici quelque chose qui est très important. Vous avez souligné ce qui est, pour moi, une certaine hypocrisie dans notre recherche, dans notre tâche, parce que, comme je l'ai dit hier, un système adversaire de négociation, c'est la guerre. Dans un certain sens on peut dire que notre tâche c'est d'établir des règles de jeu pour avoir une petite guerre et non pas une qrosse guerre. Ce n'est pas réaliste et au fur et à mesure que j'écoute les mémoires dans cette commission parlementaire je suis persuadée que dans le secteur de la santé dont vous avez parlé peut-être les droits des malades sont indivisibles.

Je ne sais pas si vous avez des commentaires, mais j'aimerais exprimer mes sentiments à l'heure actuelle.

M. Tremblay: Avec la permission du président...

Le Président (M. Rodrigue): Je vous en prie.

M. Tremblay: Je crois qu'il est effectivement précisé dans le mémoire, j'essaie de trouver où... Quand on parle des composantes de la santé, Mme la députée, on insiste à ce moment-là pour parler de la complémentarité - à la page 5 à ce qu'on me dit - ainsi que de l'inséparabilité de chacune des composantes.

Je vous reporte au paragraphe 5. 1 où nous disons que " les quatre composantes de l'équilibre que comporte la santé sont aussi importantes l'une que l'autre et touchent à l'intégrité de la personne humaine. À ce titre elles sont inséparables et essentielles. "

Il ne nous est pas arrivé fréquemment d'avoir à analyser les effets d'une mise en déséquilibre ou d'une instabilité sur un plan psychologigue plutôt que physique, et ces éléments-là, de même que les éléments socio-économiques et spirituels, touchent autant l'un que l'autre à l'équilibre général

d'un être humain.

Dans le sens de votre commentaire, nous sommes parfaitement d'accord que ces éléments-là demeurent inséparables et essentiels.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Je crois dénoter, à la suite de certaines de vos remarques, M. Lambert, qu'il y a peut-être plus de consensus qui se déqaqe entre vos remarques et les discussions depuis deux jours que ce qui peut paraître à première vue.

Vous avez bien insisté sur la question des attitudes, du comportement, de la bonne foi, de l'approche d'être humains des deux côtés de la table de négociation dans un domaine, entre autres, où l'objet du travail était les êtres humains. Je pense que beaucoup des intervenants depuis deux jours ont insisté ou ont convenu que c'était un élément très important dans une solution aux problèmes.

Il arrive des fois qu'une partie trouve plus à suggérer dans le comportement de l'autre que dans le sien, mais, quand même, cela est peut-être humain. Je pense que tout le monde est d'accord que les attitudes, le comportement, la bonne foi, au fond, c'est l'approche de base qui va permettre une solution aux problèmes.

Deuxièmement, un de vos porte-parole a parlé de la possibilité de négocier sans que la grève soit inévitablement le résultat. Effectivement, une centrale majeure, pour la première fois, en 1979, n'a pas fait la grève. Il y a eu une solution de dernière minute par la peau des dents, mais, quand même, il n'y a pas eu de grève de ce qroupe qui représente un grand nombre de travailleurs et de travailleuses du secteur de la santé. C'est la centrale FTQ. Aussi, d'autres groupes syndiqués ont constaté que les qrèves, s'il y en avait en 1979, étaient de courte durée. Donc, il y a eu une amélioration en 1979 avec certains mécanismes introduits dans la loi entre 1976 et 1979.

Vous avez aussi soulevé un point quand vous avez dit, si j'ai bien compris: La notion de services essentiels ne veut pas dire des services de qualité réduite, mais des services de qualité égale qui pourraient être appliqués ou administrés à moins de gens au moment d'une grève. Effectivement, d'après tous les témoignaqes, on constate qu'en prévision d'une grève, si malheureusement le mécanisme de négociation n'amène pas une solution, il y a effectivement une réduction de la population. Il y a cet élément où en principe et même en pratique, à un degré peut-être pas parfait encore, il semble y avoir une union des esprits et peut-être un lien entre les principes et la pratique qui s'amorce.

Vous avez bien dit aussi que c'est difficile de définir les services essentiels et beaucoup d'intervenants étaient d'accord avec cela, en insistant justement sur le fait que le concept de services essentiels peut varier énormément d'un établissement à un autre, d'une région à une autre. Y a-t-il 25 hôpitaux à deux coins de rue ou y a-t-il seulement un hôpital dans une ville isolée? Cela peut faire une énorme différence dans la définition. Là-dessus aussi, il y a consensus. Un autre point, c'est que c'est aux parties de les définir. Les syndiqués surtout ont beaucoup insisté sur le fait que ceux qui vivent sur le plan établissement par établissement, avec la réalité de tous les jours, sont mieux placés que tout autre qroupe pour s'entendre éventuellement sur des services essentiels.

Quelqu'un a évoqué la question des bénévoles. Je ne sais pas si j'ai rêvé, mais il me semble que j'ai entendu ou lu dans les volumineux mémoires ou dans les déclarations de quelqu'un qu'effectivement au moins certains syndicats ne rejettent pas l'idée qu'advenant une réduction temporaire du volume de services des parents et des amis puissent donner un coup de main, au moins dans les soins, dans le fait d'accompagner les malades pendant les périodes où il n'y a pas urgence. Il se peut que dans certaines situations on ait rejeté le concept des bénévoles, mais je sais qu'il y en a d'autres qui, effectivement, ont accepté l'idée des bénévoles et accepteraient encore qu'un certain nombre de bénévoles donnent un coup de main, surtout les parents ou les proches des personnes en difficulté.

J'ai dit tantôt qu'un bon nombre d'intervenants ont prétendu que le système s'était quand même amélioré de beaucoup en 1979 par rapport à 1976. Peut-être un début de question à la fin de mes remarques serait: Êtes-vous d'accord, selon votre expérience, selon vos lumières, qu'en 1979, la dernière fois, c'était au moins mieux, même si ce n'était pas parfait? Y avait-il une amélioration par rapport aux années précédentes?

II y a une autre chose qui a été évoquée et sur laquelle j'aimerais avoir les lumières de votre groupe, selon vos expériences. Il y a des syndiqués ou une centrale, je pense, qui a dit: Nous, quand on cherche à déterminer les services essentiels, on prend comme base les services fournis durant les fins de semaine à longueur d'année.

Une des suqqestions que certains syndiqués ont faites c'est qu'un mécanisme devrait exister à longueur d'année pour surveiller la qualité et la quantité de soins fournis, de façon à être mieux équipés pour définir les besoins, établissement par

établissement, lorsqu'il arrive une période de négociation. Je voudrais savoir votre idée sur le concept, comme point de départ, de services fournis toute l'année en fin de semaine ou dans les périodes de vacances quand on ferme les étages, les lits. Ce n'est pas en temps de grève.

Est-ce qu'on doit présumer que des services continus et accessibles de qualité sont fournis les fins de semaine? Il y a moins de services, espérons que la qualité y est. Il y a une chose qui me porte à donner raison, au moins en partie, à ceux qui disent qu'il faut partir peut-être d'un barème comme ça, les services qu'on donne toute l'année. Ce n'est pas juste en temps de négociation qu'on peut se poser des questions.

Je peux vous citer deux exemples très récents. Il y a deux semaines - c'est venu à ma connaissance - dans mon comté, une femme s'est fait opérer un vendredi matin pour un cancer du sein. Quand elle s'est fait endormir, elle ne savait pas qu'elle avait le cancer, elle pensait que c'étaient des kystes. Mais elle se réveille avec une opération majeure pratiquée pendant qu'elle dormait parce que c'était effectivement un cancer assez avancé. En plus du choc pyschologique, elle s'est trouvée, trois heures après avoir été transportée dans la salle de réveil, en automobile, en route pour chez elle parce qu'on ferme l'hôpital en fin de semaine ou on ferme une étage en fin de semaine. Je trouve ça aberrant et ça, ce n'est pas une situation de temps de grève, c'est une situation durant la paix et où on présume qu'on a des services de qualité, accessibles et tout ça.

Je peux vous citer un autre exemple que j'ai vécu personnellement, un vendredi matin en temps de paix, en temps de non-négociation, des opérations en série pour des amygdales, environ 50 enfants. Vers midi, on informe les parents qu'il faut que tous les enfants quittent l'hôpital au cours de l'après-midi parce que l'aile se ferme pour la fin de semaine. On a jusqu'à 15 h 30 ou 15 h 45. Alors, on expédie les enfants un après l'autre vers les taxis, vers les automobiles. Il y a un enfant du qroupe qui a l'air très pâle avec les lèvres bleues que les parents refusent de déplacer tout de suite. Finalement, ce sont les derniers qui restent, on pousse l'enfant en civière, les autres enfants étant assez bien pour qu'ils soient portés dans les bras de leurs parents ou en chaise roulante vers les taxis ou les automobiles. Mais on pousse cet enfant en civière vers la sortie de l'hôpital. Les parents, finalement, font une crise comme on dit, exigent la présence d'un médecin et on constate que l'enfant est en état d'hémorragie. Cela a nécessité quatre jours de soins intensifs et des transfusions de sang. Deux cas peut-être parmi tant d'autres. On invoque les cas qu'on connaît mais combien d'autres se produisent à longueur d'année. Cela nous permet certainement de nous poser des questions sérieuses. Doit-on considérer les services essentiels toute l'année pour mieux définir les services essentiels au moment des négociations? Sur la question de l'amélioration en 1979... (22 h 4\5)

Je m'excuse de cette longue intervention parce que je trouve qu'il y a un certain arrimage qui se fait entre certains principes, les aspirations et objectifs évoqués par votre groupe et ce qui s'est déjà dit. Peut-être, avec ce mariage de principes et de réalités vécues, il y aura moyen d'améliorer de façon que l'humanité du système soit maintenue en tout temps. J'aimerais quand même vous rappeler que j'ai deux petites questions à poser sur tout cela. Est-ce que, d'après vos lumières, la situation était un peu ou beaucoup mieux en 1979 que les années précédentes? Que pensez-vous de la possibilité d'utiliser la réalité des fins de semaine à longueur d'année comme genre de barème, admettant que cette situation soit adaptable, pour la définition des services essentiels au moment des négociations?

Le Président (M. Rodrigue): M. Lambert.

M. Lambert: Concernant l'amélioration qui a pu être constatée entre la grève de 1979 et celle de 1976, je pense que je ne vous annoncerai rien de nouveau, cela a été dit dans le temps, dans les jours qui ont suivi la grève, qu'il y avait eu amélioration. Effectivement, lors de la dernière grève en 1979, il n'y a pas eu les arrêts sporadiques qu'on avait connus en 1976, en 1972 et en 1968; on n'a pas vécu cela en 1979. C'était déjà une amélioration, parce qu'on n'avait pas à faire face à des situations imprévues, à un débrayage sporadigue, instantané; on n'a pas vécu cela. Est-ce que c'est dû à la loi nouvelle qui existait à ce moment-là ou à autre chose? De toute façon, on n'en a pas eu, cela constitue une amélioration.

Pour autant que la région d'où je viens est concernée, nous avions constaté aussi une amélioration en ce sens que c'était peut-être moins sauvage, comme on dit, que cela a été plus civilisé que cela l'a peut-être été dans le passé. On a constaté cela. Je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé dans les autres régions de la province. Dans l'ensemble de la province, je ne peux pas vous dire ce qu'il en était, mais j'imagine que c'était la même chose un peu partout.

Concernant les effectifs en fin de semaine, pendant les périodes de vacances, la période de fêtes, etc., lorsque nous fermons des services pour permettre au personnel de prendre des vacances, nous devons nous assurer que, pendant ces périodes, les services sont assurés de façon normale à

ceux qui sont hospitalisés ou à ceux qui auront des besoins pendant ces périodes. Ce serait peut-être idéal, si on en avait les moyens, de faire fonctionner nos hôpitaux sept jours plutôt que cinq jours. Actuellement, ce n'est peut-être pas pensable, mais cela améliorerait peut-être la situation de sorte que, au niveau de la planification de nos ressources humaines, ce serait beaucoup plus facile d'organiser des horaires de travail, parce que cela deviendrait régulier alors que, là, on a beaucoup plus de personnel du lundi au vendredi qu'en fin de semaine, quand il y a moins d'hospitalisation. Les congés se donnent le vendredi. Vous avez une population réduite dans l'établissement en fin de semaine. On réduit le personnel en conséquence et, le lundi, il faut reprendre. Cela fait des hauts et des bas. Ce n'est pas aussi intéressant, c'est plus difficile à contrôler que si vous avez un fonctionnement uniforme.

Par contre, il faut aussi tenir compte des habitudes de la population. Si vous appelez une personne pour l'hospitaliser le vendredi après-midi, elle n'est pas tellement contente et elle va dire: Je vais attendre à lundi; en fin de semaine je ferai un voyage ou autre chose. Les gens ne sont pas intéressés à entrer à l'hôpital en fin de semaine, ni pendant les vacances d'été, ni pendant la période des fêtes. Le fait de fermer des services pendant ces périodes, cela ne prive pas, à notre avis, la population des soins, parce que ce sont des périodes où, généralement, la demande pour des services est réduite à la volonté de la population elle-même. Si ce n'est pas un cas urgent, on aime mieux attendre à l'automne pour subir une intervention ou des opérations quelconques.

Évidemment, le cas que vous me citiez, la civière, votre petit cas d'amygdales, enfin le cas d'amygdales en hémorragie, ce sont des choses qui peuvent arriver; ce n'est peut-être pas un indice, c'est peut-être un cas occasionnel, un cas fortuit qu'il ne faut pas généraliser, mais ce sont des choses qui peuvent arriver. Des erreurs de jugement ou des erreurs humaines peuvent arriver. Heureusement, dans le cas que vous avez cité, on a pu se rendre compte à temps de la situation, mais je suis d'accord avec vous pour dire que nous devons constamment être à l'affût de la qualité des services que nous donnons, vérifier régulièrement si notre effectif et si les équipements que nous avons aussi sont suffisants. Il existe dans des établissements, concernant l'équipement, des comités qu'on appelle le Conseil consultatif du personnel clinique qui peut assumer cette responsabilité de voir à ce que les équipements scientifiques et techniques soient dans un état acceptable pour répondre aux besoins de nos malades.

M. Dean: Seulement deux petites questions supplémentaires. Vous avez utilisé l'expression "quand nous fermons les lits ou les ailes en fin de semaine" c'est qui, nous?

M. Lambert: Au cours des fins de semaine, les établissements donnent des congés au personnel, c'est-à-dire le samedi et le dimanche.

M. Dean: Non, mais vous dites "nous fermons", êtes-vous impliqué par votre travail?

M. Lambert: Oui, je suis dans un établissement. Je suis directeur général d'un centre hospitalier.

M. Dean: D'accord, je n'avais pas saisi cela tantôt.

M. Lambert: Je dis nous, c'est parce que...

M. Dean: Maintenant, quand on parle de la qualité des soins, pour revenir à cette femme qui a été sortie de l'hôpital après une opération grave, je présume qu'un médecin a pris la décision de lui donner son congé, ce ne sont pas les travailleurs syndiqués qui sont responsables de cela? Si cela arrive une fois, cela peut arriver beaucoup plus souvent, j'imagine.

M. Lambert: II existe vraiment des mécanismes qui permettent de vérifier. Si cela se produit, il y a le Conseil des médecins et dentistes qui a la responsabilité de contrôler et de surveiller la qualité des soins médicaux dans l'établissement. Dans des cas semblables, il a un rôle à jouer et il doit le jouer. C'est sa responsabilité.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Lavoie-Roux (L'Acadie).

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier Carrefour des chrétiens d'être venu aujourd'hui. C'est la première fois qu'à cette commission nous entendons un groupe qui ne soit ni patronal, ni syndical, au sens strict du mot. Quelqu'un hoche la tête, en arrière. En tout cas, c'est l'impression que j'ai. Ce sont, soit des représentants des organismes syndicaux ou des organismes patronaux qui sont venus. Je trouve cela intéressant, parce que vous pouvez aborder la situation avec plus d'objectivité. Je ne veux pas accuser les autres de subjectivité, mais on est quand même juge et partie quand on représente un organisme dont les intérêts sont en jeu dans la discussion qui a cours ici, à notre commission parlementaire.

Je voudrais d'abord, avant de vous poser des questions précises, faire deux

petits commentaires sur l'intervention du député de Prévost. Le député de Prévost vous posait une question: Est-ce qu'on ne pourrait pas partir de la base connue des fermetures de lits en fin de semaine et durant les vacances pour établir les services essentiels, comme certains syndicats, ou au moins un, l'auraient suggéré?

Dans un deuxième temps, il nous a fait part de situations qui étaient vraiment intolérables, à l'entendre. Ce qu'il ne faut pas oublier ici, c'est qu'il faudrait - il l'a peut-être déjà fait auprès du gouvernement dont il est membre, il est un député ministériel - que la fermeture des hôpitaux en période d'été, qui va en s'allongeant et en s'allongeant, je donne le cas d'un hôpital important qui ferme ses portes et qui a fermé ses portes cette année du 12 juin au 14 septembre... excusez, j'ai fait la même erreur, non pas qui a fermé ses portes, mais qui a réduit le nombre de ses lits d'une façon très importante au point où on nous dit que la liste d'attente qui, normalement, aurait dû être de cinq mois est de huit mois, mais que ces trois mois on ne les compte pas dans la liste d'attente, parce qu'à toutes fins utiles...

Cela est quand même le résultat de coupures budgétaires qui sont allées en augmentant et qui continuent d'aller en augmentant. Je n'aurais pas abordé, j'ai évité de le faire jusqu'à maintenant, cette question de coupures budgétaires, mais puisque à partir du modèle des coupures budgétaires du gouvernement, on veut établir la notion de services essentiels, il faut être extrêmement prudent, parce que, je pense que M. Lambert l'a souligné, il l'a fait dans des termes très doux, on n'est pas dans une situation tout à fait propice à ouvrir plus de lits ou les laisser ouvrir pour de plus longues périodes.

Il se peut également qu'il y ait des manques de jugement des administrations hospitalières quant aux priorités qu'elles établissent dans leurs coupures. Mais je pense que le même reproche, et en premier lieu et en haut lieu, doit être fait au gouvernement qui a fait des coupures budgétaires qui occasionnent ces fermetures de lits pour des périodes trop longues, à cause, je pense, d'un mauvais choix de priorités. Je pourrais peut-être même citer le premier ministre, "à cause aussi d'un budget adopté en catastrophe"; ça, c'est cité au texte. Alors, je pense que c'est peut-être une mauvaise base à établir. Je suis prête à admettre qu'il y a certainement des erreurs de jugement dans les établissements, mais je pense qu'il ne faut pas oublier non plus que, depuis cinq ans, les institutions hospitalières sont soumises à un plan de redressement très sévère et elles le sont encore davantage cette année. Elles espéraient que, ayant rattrapé ou à peu près les déficits... Jusqu'à ce moment-ci, le gouvernement n'a pas respecté l'engagement que le ministre des Finances m'a donné à répétition. Je pense qu'il vous le confirmera lui-même. Je suis revenue plusieurs fois à la charge à l'Assemblée nationale pour lui demander: Allez-vous respecter toutes les obligations qui découlent du respect des conventions collectives que le gouvernement a signées? Il me répondait toujours - et je prends encore sa parole comme une parole de bonne foi -Fcoûtez, ce qu'on a signé comme conventions collectives, il est élémentaire que nous le respections. Mais, jusqu'à aujourd'hui, le coût total des conventions collectives n'a pas été assumé par le gouvernement; il le sera peut-être, je peux encore ne pas mettre en cause la bonne foi du ministre des Finances, parce que l'année n'est pas encore finie, mais, entre-temps, ce sont les établissements qui supportent également ce déficit.

Je ne veux pas en parler plus longtemps, mais, avant d'établir des espèces de parallèles entre des listes de services essentiels qu'on pourrait établir à partir d'une situation qui n'est pas déjà normale dans les hôpitaux, à cause des coupures budgétaires, je pense qu'il faudrait être extrêmement prudent. Par contre, je pense que, dans les autres cas que le député de Prévost mentionnait, les deux cas très vivants, très humains, il semble que là, il y ait des erreurs de jugement de l'établissement lui-même; ça, j'en conviens.

On a assisté à un drôle de phénomène à cette commission parlementaire. Nous avons, d'une part, des syndicats - c'est de bonne guerre, je le répète - qui viennent ici nous dire: Cela a été beaucoup mieux en 1979 qu'en 1976. Mais, quand on regarde -j'ai eu l'occasion de le dire cet après-midi -le nombre de jours de grève dans le domaine de la santé et des services sociaux, si on compare les deux rondes de négociations, ils ont été de 405 000 jours-hommes perdus en 1976 et de 403 000 jours-hommes perdus en 1979 - il y a des centaines que j'échappe, parce que je ne les ai pas en mémoire - et que vous-mêmes, dans votre mémoire, à la page 7, parlez de la roulette russe en disant: Écoutez, les services essentiels, il ne faut pas les considérer uniquement en fonction -en admettant qu'il soient respectés et que les listes soient adéquates - des gens qui sont dans les institutions ou dans les établissements, mais également en fonction des gens qui ne peuvent pas y être admis, qui subissent des délais qui peuvent être très considérables, qui ont été notés dans différents rapports que nous avons pu lire et sur lesquels je ne reviendrai certainement pas, je pense que, si on considère les services essentiels non seulement en fonction des gens dans les établissements, mais également de ceux qui devraient y entrer, de l'angoisse que ça leur crée, de l'inquiétude, les 405 000 ou les 403 000 jours-hommes

perdus, je pense qu'on est dans des spéculations assez hasardeuses, à savoir est-ce que c'est mieux ou est-ce que c'est pire? Souhaitons que cela ait été mieux et qu'individuellement, il y ait eu moins de dommages de causés ça, je suis prête à l'admettre - et que peut-être il y ait plus de listes de signées, etc., mais je pense qu'on est sur un terrain extrêmement qlissant en essayant de créer l'impression que finalement le problème va s'estomper. C'est d'ailleurs ce que le dernier groupe, qui est venu avant vous, nous a dit: Écoutez, cela a bien été; avec une autre petite ronde de négociations, ça devrait être tout à fait bien, ne nous inquiétons pas. D'ailleurs, je dois dire que même les membres du côté ministériel se sont un peu inquiétés eux aussi ou en tout cas se posent des questions, à savoir si ça va être aussi rose que cela. Pour les syndicats, c'est de bonne guerre. Je pense qu'il est important que ces choses-là soient rétablies parce qu'on assiste à une espèce de commission parlementaire où, finalement... Je me demande si, dans trois jours, on ne partira pas en disant: Écoutez! Tout cela a été monté de toutes pièces, cela va bien et c'était beaucoup mieux en 1979 qu'en 1976. Je voudrais bien que quelqu'un me prouve cela noir sur blanc quand on regarde au moins le nombre de jours-hommes perdus, qui a des conséquences sur les services qui sont rendus. (23 heures)

M. Lambert, vous disiez: Oui, cela a été mieux parce que, chez nous, on n'a pas assisté, comme en 1976, à des débrayages sporadiques comme on en avait connu. Le groupe qui était là avant vous nous a dit: Ecoutez! Nous, on n'a pas fait de grève générale; on a fait des débrayages sporadiques parce qu'on pensait que c'était moins dommageable.

Les grèves qui ont eu lieu en 1979 dans la région de Québec ont toutes été des grèves sporadiques pendant quatre mois, du mois de mars à la fin du mois de juin. D'ailleurs, c'est M. Isabelle qui l'a lui-même dit durant l'audition. Je veux remettre les choses dans leur perspective. J'arrive à ma question et je m'excuse de cette longue parenthèse.

J'ai l'impression - et je suis sûre de ne pas me tromper - que vous avez réfléchi probablement davantage que nous ne l'avons fait - peut-être devrions-nous nous en blâmer sur tout ce problème de droits, de primauté de droits, de valeurs, etc. Vous dites pourtant, je pense que c'est dans votre conclusion: "Notre propos, aujourd'hui, n'est pas de proposer un nouveau système de valeurs ni même de s'entendre sur une hiérarchie entre elles. " Il reste que depuis le début de cette commission, de part et d'autre de la table, nous avons parfois échangé des propos avec nos invités, à savoir s'il devrait y avoir une primauté du droit de la population aux services de la santé ou si le droit à la santé devrait être prioritaire sur le droit de grève des travailleurs. De notre côté, à tort ou à raison, on prétend que oui. Je me demande si ce point particulier, vous l'avez examiné.

Je voudrais ici qu'on regarde deux secondes la Charte des droits et libertés de la personne. Vous avez cité la loi no 48 qui dit qu'en tout temps le citoyen a droit à des services continus et adéquats de santé. Quand vous regardez la Charte des droits et libertés de la personne - on me corrigera si j'en fais une mauvaise interprétation parce que tout le monde sait que je ne suis pas juriste; mais, en tout cas, je peux au moins lire avec mon bon sens...

Une voix: On va vous aider.

Mme Lavoïe-Roux: Je ne manque pas d'avocats autour de la table.

M. Rivest: C'est vrai que vous n'êtes pas juriste.

M. Dean: Restez entre vous, avocats. C'est plus facile de régler les problèmes.

Mme Lavoie-Roux: Mais il reste que dans la Charte des droits et libertés de la personne, je trouve trois articles qui m'apparaissent importants. La Charte des droits et libertés de la personne, on le dit, a priorité sur toute autre chose, etc. L'article 1: "Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité physique et à la liberté de sa personne. Il possède également la personnalité... " Enfin, cela n'est pas approprié. L'article 39 de cette même Charte des droits et libertés de la personne, surtout à un moment où on parle tant des droits et libertés de la personne - on ne tombera pas dans le débat constitutionnel; ne vous inquiétez pas - dit...

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée, si vous me le permettez.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Rodrigue): Le mandat de la commission, c'est d'entendre des mémoires et de poser des questions à ceux qui nous présentent les mémoires.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que je leur en pose une, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Bien sûr, une question nécessite un préambule, cela va de soi. Malheureusement, nous avons un autre mémoire à entendre. Je voudrais vous inviter à en venir rapidement à la question et permettre à M. Lambert d'y répondre, de

façon que nous puissions entendre le mémoire de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, qui nous attend quand même depuis dix heures ce matin, et il est 23 heures. Alors, j'apprécierais que vous accélériez et que vous résumiez pour permettre à M. Lambert de répondre rapidement à la question.

Mme Lavoie-Roux: Je leur ai demandé s'ils avaient réfléchi à ce problème de la primauté pour la population du droit à des services de santé continus et adéquats.

Le Président (M. Rodrigue): Vous seriez d'accord pour qu'on leur demande de répondre à la question?

Mme Lavoie-Roux: Si vous me le permettez, M. le Président, je pense qu'il y en a d'autres autour de la table qui ont utilisé leur droit de parole et je pense qu'on est ici pour ça.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée, je ne veux pas vous priver de votre droit de parole. Cependant, je pense...

Mme Lavoie-Roux: Laissez-moi une demi-seconde et ça va être beaucoup moins long, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous demande, quand même, de me laisser terminer ma mise au point. Je pense que vous êtes consciente qu'il y a un qroupe qui nous attend et qu'il est 23 heures. Si vous pouviez résumer rapidement, je demanderais à M. Lambert de répondre et, par la suite, on passerait au qroupe suivant.

Mme Lavoie-Roux: L'article 39 de la charte dit: " Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent compte. " L'article 48 dit: Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation et toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité.

Compte tenu, quand même, de ces droits qui sont exprimés dans la Charte des droits et libertés de la personne, ma question précise est: Vous êtes-vous penchés sur cette question de droits prioritaires et est-ce que cela peut s'appliquer au problème qu'on discute ici aujourd'hui?

M. Lambert: Oui, si vous reférez à la page 10 de notre mémoire, au paragraphe 6. 3, nous disons: Nous soumettons respectueusement "que les droits collectifs des malades doivent avoir préséance sur les droits individuels des travailleurs quand leur exercice parallèle devient divergent. " Je pense que ça répond.

Mme Lavoie-Roux: La réponse est là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Carrefour des chrétiens du Québec pour la santé. Je les remercie également de leur patience parce qu'ils sont là, eux aussi, depuis 10 heures ce matin.

Association des commissions scolaires protestantes du Québec

J'invite les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec à venir nous présenter leur mémoire. Je crois que le mémoire doit être présenté par M. William Smith. M. Smith, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, puis procéder à la présentation de votre mémoire.

M. Smith (William): Merci, M. le Président. À ma droite, Mme Grace Hone, vice-présidente de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec et, à ma gauche, M. Michael George, directeur des relations de travail de la Commission des écoles protestantes du grand Montréal.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, il nous fait plaisir d'avoir cette occasion de vous soumettre nos remarques et nos commentaires sur un sujet qui nous préoccupe énormément, à savoir le système de négociation dans le secteur public.

Je suis très conscient que vous avez entendu non seulement de nombreux mémoires aujourd'hui, mais de nombreuses questions et j'essaierai d'être très bref dans les circonstances.

Quand je dis que nous sommes préoccupés par les négociations, c'est vrai, surtout dans leur conjonction avec d'autres questions comme la hausse des coûts de l'éducation et la question dont nous avons beaucoup parlé aujourd'hui, le maintien des services essentiels.

En guise d'introduction, je dois vous dire que notre mémoire et notre présentation sont axés davantage non sur la question des services essentiels, mais sur le régime même de négociation du secteur parapublic. Ce n'est pas parce que la question des services essentiels ne semble pas importante, mais, d'une part, la grande majorité des mémoires l'ont traitée longuement et, franchement, je dois vous dire que nous pensons qu'une trop grande attention a été donnée à la question du retrait du droit de grève.

Nous sommes d'accord avec l'assertion du ministre Marois qui a dit que c'est trop facile de simplement retirer le droit de

grève en cherchant une solution à nos problèmes dans le secteur public. Nous sommes d'accord. Il y a des problèmes -c'est certain - mais nous ne pensons pas qu'une solution facile et simpliste comme cela est la réponse que nous cherchons. Le mémoire que nous vous avons présenté représente une mûre réflexion d'une ronde de négociations qui a suivi une réforme des lois régissant le système de négociations dans les secteurs public et parapublic. Une refonte de la loi, comme vous le savez tous, a suivi une étude très profonde et sérieuse, l'étude de la commission Martin-Bouchard. Le mémoire que le QAPSB avait présenté à cette commission a mis l'accent sur les structures de négociation et le cadre législatif les régissant. Nos conclusions après l'expérience vécue dans cette dernière ronde de négociations est que les chanqements les plus importants ne sont plus des changements de structures législatives, mais plutôt des changements d'attitude des parties impliquées dans le processus de négociation et cela, tant de la part du groupement patronal que de la part des centrales syndicales.

Néanmoins, avant d'aborder cette question d'attitude, j'aimerais attirer votre attention sur certains commentaires que nous avons inclus dans notre mémoire sur la question des services essentiels et les autres dispositions législatives. Nous avons examiné, surtout pour le secteur de l'éducation, la question des services essentiels et s'il y avait un autre moyen plus approprié de régler les différends. Je dois vous rappeler que la question d'avoir un droit de grève, oui ou non, n'est pas une question d'avoir trouvé la lune et le ciel, c'est quel moyen est le plus approprié dans les circonstances pour régler les différends advenant qu'une négociation collective aboutisse à un conflit non solutionné. Notre expérience nous démontre, surtout pour le secteur scolaire -je ne parlerai pas du secteur hospitalier ni des autres centres, le réseau des affaires sociales - que le plus grand problème que nous avons vécu à travers plusieurs rondes de négociations n'était pas à cause des grèves en tant que telles. Il était dû aux autres moyens de harcèlement que nous avons vécus. Je pourrai revenir plus tard avec des exemples très précis.

Quand nous avons examiné la question, nous avons décidé qu'à sa face même il y a trois choix à considérer. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne sommes pas ici pour parler de théorie, mais pour considérer l'éventail des possibilités, quelle est la meilleure solution, pas la meilleure, mais la meilleure parmi les possibles. Pour nous, il y en a trois et toute autre solution ou toute autre modalité de règlement n'est qu'une variable de l'une de ces trois solutions. La première, évidemment, est de maintenir le droit de grève et de lock-out. La deuxième est une forme d'arbitrage obligatoire et la troisième est un mécanisme quelconque de décision unilatérale de la part du gouvernement.

D'abord, la question de l'arbitrage obligatoire. Nous sommes également d'accord avec les remarques des représentants ministériels, à savoir que nous ne devrions pas permettre à un tiers de décider des résultats de la négociation. Comme nous le savons, les négociations dans le secteur public représentent au-delà de 50% du budget de l'État. Pour nous, c'est inconcevable qu'un tiers puisse décider quel est le montant de ce règlement et, en effet, il prend la place du législateur. Le second choix, à savoir une décision unilatérale du gouvernement, pourrait être souhaitable sur bien des plans. Pour la population, cela évite des problèmes. Pour les organismes patronaux comme celui que je représente, cela pourrait être très bon, mais peut-être pas très réaliste. J'espère que dans le mémoire vous avez vu qu'on a toujours essayé d'être le réaliste. (23 h 15)

Cela nous amène à la troisième option, le maintien d'un droit de grève et de lock-out. À ce moment-là, nous croyons que la seule façon de procéder à l'examen du problème, ce n'est pas de demander, si on le retient ou non, mais dans quel cas nous devons l'inscrire. Quelles seront les meilleures règles pour assurer le meilleur rapport possible entre les forces de rapport de la négociation, les "droits" qui existent pour les parties en négociation et les droits de la population "at large" pour les services tant éducatifs que de santé. Sans aller dans les détails ce soir, ils sont contenus dans le mémoire, ils sont même bien mieux explicités dans d'autres mémoires comme celui du Conseil du patronat du Québec. Ne serait-ce que pour dire que pour nous, il y a quatre éléments importants à retenir.

D'abord que l'exercice du droit de grève et de lock-out soit assujetti à des règles très précises qui sont justes et équitables pour les deux côtés, patronal et syndical.

Deuxièmement, nous croyons nécessaire que des pénalités peut-être sévères, mais réalistes soient prévues pour quiconque va à l'encontre de ces règles du jeu. J'irai aussi loin que de dire que des syndicats qui ne respectent aucunement les règles du jeu établies doivent perdre leur accréditation et le droit de représenter les gens dans un cas comme les négociations dans le secteur public.

Troisièmement, nous croyons qu'il devrait y avoir un genre d'encadrement législatif pour décrire les niveaux des services essentiels à assurer à la population. Je ne suis pas en mesure, M. le Président, de vous donner des précisions sur un tel cadre, surtout parce qu'il serait applicable au

secteur des affaires sociales que nous connaissons beaucoup moins que notre secteur. Il me semble qu'un tel cadre législatif peut permettre l'instauration d'un conseil, d'une régie appelez-les comme vous le voulez, comme conseil public, qui, à défaut d'une entente entre les établissements concernés, pourrait décréter les services essentiels à maintenir et les mobiliser ainsi en les régissant.

Pour ce qui a trait aux autres aspects de la législation, nous croyons que peut-être que c'est là que nous devrons voir davantage le problème de la négociation. Encore une fois, sans insister sur les détails législatifs qui peut-être ne sont pas pertinents à cette heure tardive de la journée, nous croyons qu'il y a des choses vécues dans les dernières rondes de négociations que nous devons examiner ensemble afin de trouver des moyens d'améliorer les attitudes des parties. Nous vous citons quelques exemples. Dans la loi; il n'est pas question d'une table centrale de négociation mais il y en a toujours une. Donc, ce n'est pas dans la loi qu'il y a un problème, comme nous le croyons, résultant de la création et du fonctionnement d'une telle table de négociation. Pour nous, la création d'une telle table de négociation entraîne une séparation artificielle entre différents aspects des négociations. Quiconque a participé aux négociations autres que celles du statut public ne serait même pas capable de croire à une table de négociation. Vous négociez l'argent que quelqu'un recevra pour son travail. À une autre table vous négociez ce qu'il fera pour son travail, 35 heures par semaine, 20 heures d'enseignement ou peu importe. C'est inconcevable pour nous de séparer ces éléments et, pour nous, ça crée des distorsions au processus, ça crée aussi un genre d'autocuiseur dans lequel les mets ne sont pas les négociateurs mais les biens du public. Nous croyons aussi que l'instauration d'un tel niveau de négociation accentue la tendance à politiser les négociations, pousse les centrales syndicales à négocier ce qu'elles veulent avoir comme politique gouvernementale par le biais de la négociation. Nous respectons fortement le droit des centrales syndicales de vouloir telle ou telle politique dans la société québécoise, mais nous ne croyons pas que la table de négociation soit nécessairement le lieu approprié pour le faire. C'est la même chose si le gouvernement veut adapter ou promouvoir des politiques sociales ou autres. Nous ne croyons pas que ce soit approprié de le faire à la table de négociation dans le secteur public, mais plutôt de le faire par une législation qui s'applique à tous les Québécois.

Nous avons vu aussi des expériences curieuses et même bizarres dans les négociations publiques, les négociations de style marathon. Dans le secteur privé, quand on parle d'un "blitz" en négociation, on parle d'une fin de semaine ou d'une semaine. Il n'y a rien là pour nous. Là, on parle de trois ou quatre mois. C'est un peu bizarre quand vous pensez que 50% du budget de l'État sont décidés dans un hôtel à trois heures du matin, après trois mois d'épuisement des ressources humaines de part et d'autre. On trouve cela curieux, pour dire le moins.

Dans les négociations, nous avons vu les problèmes à l'intérieur du mouvement patronal. Certains ont été mentionnés par la partie syndicale ce matin et cet après-midi. Il est exact de dire qu'il y a des problèmes à l'intérieur du mouvement patronal parfois causés par des intérêts différents de la partie patronale et de la partie gouvernementale. Parfois ces problèmes ont des conséquences graves et sérieuses. Je vous réfère à celui dont on a parlé en détail dans notre mémoire, la question du financement des ententes. Nous avons expérimenté en négociation des choses à certains endroits, certains moments, surtout après une grande fatigue ou des pressions politiques considérables. Les conciliations entraînent des coûts énormes. Parfois c'est le gouvernement qui en supporte les coûts et parfois ce sont les instances locales et ce sont les commissions scolaires qui doivent les supporter.

En 1975-1976, lorsque le gouvernement a proposé l'introduction du régime de sécurité d'emploi, plus généreux que tout autre dans la province ou ailleurs, notre association s'y est opposée, parce qu'un tel régime serait inévitablement trop coûteux pour nous et son fonctionnement serait encombrant. Au cours de la dernière négociation, le gouvernement a décidé d'améliorer les avantages du régime de sécurité d'emploi, surtout en limitant la mobilité dans la province à un rayon de cinquante kilomètres. Les coûts de ce régime ont considérablement augmenté et, selon les nouvelles règles budgétaires, le MEQ ne subventionne plus 100% de ce régime.

Pour le réseau primaire scolaire, en 1981-1982, le coût du régime de sécurité d'emploi sera au-delà de 100 000 000 $. On cherche tous de l'argent pour bien des projets; on devra se demander si l'argent est bien placé.

Il y a d'autres exemples plus cachés des coûts des négociations de conventions collectives. J'ai entendu ce matin un commentaire vis-à-vis de la partie syndicale relativement à la prochaine ronde de négociations: M. le Syndicat, vous pouvez vous attendre d'avoir beaucoup moins dans l'assiette financière; faites vos demandes dans l'assiette normative, ce qui est évidemment pour les représentants des commissions scolaires une grande inquiétude. Ce sont parfois les choses qui nous

préoccupent le plus qui ont des coûts cachés, qui, en plusieurs années, nous ont coûté très cher.

Pour compléter le portrait de la négociation, il faut glisser un mot de la négociation au niveau local. Je pense que la problématique de cette négociation a été très bien exprimée dans le mémoire de l'association des directeurs généraux. Souvent, le palier local des négociations ne représente pas ce que cela devrait représenter afin d'ajuster le règlement national aux conditions locales, mais cela représente plutôt une occasion pour le syndicat local de défaire le règlement déjà accepté au niveau national. Cette image des négociations n'est pas la plus positive possible, cela va de soi, mais nous croyons que c'est possible de faire mieux si les parties décident qu'il faut faire mieux et si chacune assume ses responsabilités.

Nous croyons qu'il y a quatre grands thèmes pour l'amélioration du système. Le premier, c'est l'adoption de changements législatifs concernant les structures dont les détails apparaissent dans notre mémoire, mais qui représentent pour nous le raffinement du système actuel. Nous ne croyons pas qu'une refonte profonde soit reguise à ce moment-ci.

Deuxièmement, nous pensons que, dans le contexte actuel, le maintien du droit de grève doit être acquis avec un assujettissement aux règles précises, aux qualités réalistes et au moyen d'un tribunal indépendant pour trancher les cas litigieux.

Troisièmement, nous pensons que le gouvernement et ses partenaires doivent s'associer pour assurer le réalignement de la rémunération et des conditions de travail des salariés du secteur public pour les mettre en éguilibre avec celles prévalant dans le secteur privé. Nous ne croyons pas que ce soit juste que l'ensemble de la population doive payer aussi cher pour une minorité dans la population.

Quatrièmement et finalement, nous sommes fortement pour que le régime de négociation ne devienne pas et ne soit pas le lieu de détermination des conditions d'apprentissage des élèves ou au niveau de l'établissement des soins dans les hôpitaux. Nous croyons que la table des négociations est un lieu privilégié pour la détermination des conditions de travail des employés, et non pas pour remplacer le gouvernement et les autres instances élues comme les commissions scolaires qui sont élues par la population pour remplir une mission éducative ou autre.

En conclusion, M. le Président, je pense que le gouvernement a la responsabilité d'examiner ce cadre législatif et ses politiques générales et d'examiner par la suite, avec ses partenaires du réseau scolaire et des affaires sociales, l'ensemble des propositions appropriées pour mener à bonne fin cet exercice profond et important.

Nous croyons également que les centrales syndicales ont la responsabilité de voir, comme une personne l'a dit ce matin, de la façon la plus réaliste, dans les années quatre-vingt, à procéder à la négociation collective dans le secteur public au Québec.

Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): C'est nous qui vous remercions, M. Smith.

Je pense que M. le ministre veut enchaîner là-dessus.

M. Marois: Oui, M. le Président, je voudrais remercier l'Association des commissions scolaires protestantes de son mémoire. Je voudrais me permettre un commentaire général et poser deux questions au préalable. Connaissant le sens d'équité et de bonne foi de la députée de L'Acadie, elle me permettra certainement une rapide petite mise au point pour que l'ensemble des faits soit sur la table. Je pense que c'est important. Ce n'est pas dans mon intention du tout de la blâmer.

Mme Lavoie-Roux: Je suis tout à fait d'accord. J'avais d'ailleurs dit au ministre que, demain matin, je ferais la rectification.

M. Marois: Oui, mais comme on est dans la foulée...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Marois:... de ces données, pour que cela ne se perde pas...

Effectivement, dans le réseau des affaires sociales, alors qu'en 1976, il y a eu 405 900 jours-personnes perdus à cause des conflits, il y en a eu effectivement 412 000 en 1979. Cependant, il faut ajouter deux autres chiffres pour avoir le tableau réel et complet. Alors qu'il y avait, en 1976, 481 établissements, il y en avait 647 en 1979 et alors qu'il y avait 110 000 syndiqués en 1976, il y en avait 138 000 en 1979, ce qui vient donc relativiser, quand on tient compte de l'ensemble des facteurs, la situation et indiquer une perspective très nette d'amélioration dans les faits. Je voulais simplement ajouter ces chiffres.

Il y a toujours place à l'amélioration et c'est justement pourquoi on est réuni pour entendre les groupes et chercher et trouver les formules pour améliorer les choses.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me permettez, seulement une minute...

M. Marois: Ceci étant dit... (23 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Ceci éguivaut à peu près à 25% d'augmentation de personnel, si

je ne m'abuse. Je pense que le député de Prévost a calculé l'augmentation. Donc, si on fait un calcul rapide, ce serait un rapport de 300 000 à 400 000 - pour laisser tomber les milliers - de jours-personnes perdus en 1976 par rapport à 1979; c'est un progrès d'à peu près 25%, de 24% à 25%. Je remercie le ministre. Je tiens à le dire, c'est que j'avais les chiffres du ministère du Travail, mais ces données n'étaient pas là et je pense que la dernière donnée du nombre d'employés à la ronde de 1980 doit être assez récente. C'est peut-être pour ça que je ne l'avais pas. Je vous remercie.

M. Marois: M. le Président, les données étant toutes là, sur la table, je voudrais revenir au mémoire qui est devant nous. C'est un peu regrettable - mais c'est comme ça - que ça vienne à cette heure-ci, parce que, d'abord, c'est un mémoire volumineux, c'est un mémoire qui est fouillé, qui contient énormément de choses. Je voudrais vous dire tout de suite que j'ai parfaitement bien compris votre approche qui s'inscrit nettement dans la ligne d'une recherche des moyens et des mécanismes susceptibles d'améliorer, mais à partir d'une approche réaliste, d'une approche responsable. Mon collèque, le député de Prévost, adjoint parlementaire, dirait sûrement, pour reprendre son expression, qu'il est fondé aussi sur une approche de grande moralité sociale. Je crois que c'est vrai. Vous êtes probablement le groupe qui aura le plus mis devant nous l'accent sur l'importance de s'arrêter sur les améliorations possibles, réelles, et vous nous formulez toute une série de suggestions, qui seront très attentivement étudiées par nous, sur l'ensemble des structures et des mécanismes de négociation. Cela m'apparaît extrêmement important. Je ne veux pas les relever ce soir, mais je voulais vous assurer qu'on en tiendra certainement compte dans l'ensemble des études, au moment où on aura à faire le bilan de l'ensemble des interventions, des suqgestions et des recommandations qui nous auront été communiquées, ici, à cette commission parlementaire.

Je voudrais vous poser deux questions. La première, vous l'avez évoquée dans votre présentation orale. Vous recommandez, dans le cadre du maintien du droit de grève, que des amendes et des pénalités réalistes, avez-vous dit, mais quand même des amendes et des pénalités soient bien clairement établies et prévues dans le cas des contrevenants. Vous avez illustré votre pensée en disant, par exemple, dans le cas de contrevenants syndicaux, d'envisager la possibilité d'aller jusqu'au retrait ou à la révocation de l'accréditation. Ma question serait la suivante... Peut-être la réponse se trouve-t-elle déjà dans le mémoire, auquel cas vous n'aurez qu'à me donner l'indication et on y jettera un coup d'oeil plus attentivement. Il a été évoqué devant nous des abus des deux côtés. Vous nous faites une proposition du côté syndical. Dans le cas d'attitudes d'abus ou de contrevenants patronaux, qu'est-ce que vous recommandez qui serait du domaine des sanctions réalistes? Ce serait ma première question.

Ma deuxième question est la suivante. Vous avez abordé la question des paliers de négociation. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre pensée, je veux être certain de bien vous comprendre. La question s'est posée déjà à quelques reprises. Au moment où on a rencontré l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires, on a examiné cette question des deux paliers de négociation dans le secteur de l'éducation. On a évoqué le fait que, une fois que la ronde dite provinciale ou nationale de négociations est terminée, chez bon nombre de parents et d'enfants, c'est comme un effet de surprise de constater que, alors qu'on pensait que c'était terminé, ce n'est pas terminé et cela recommence. Les gens ne comprennent pas très bien. 11 me semble que la question se pose, comme certains nous l'ont suggéré, recommandé. J'ai moi-même soulevé la question sous forme d'interrogation lors de mon mot d'introduction à l'ouverture de nos travaux. Quel est votre point de vue, concrètement, de façon réaliste? On nous a recommandé de maintenir le palier provincial de négociation, à toutes fins utiles, d'éliminer la négociation au niveau local, c'est-à-dire de n'y maintenir que ce qu'on appelle les modalités ou les arrangements propres au milieu qui, évidemment, sont vraiment des éléments qui ne prêtent pas flanc à une négociation qui donne ouverture à un droit de grève.

Mais ceci supposerait qu'on ne joue pas sur les mots. Si c'est le palier provincial, c'est vraiment le palier provincial, ce qui veut dire qu'on déplacerait, de façon substantielle, des morceaux qui, présentement, se négocient au niveau local et qu'on ne conserverait là que vraiment et strictement ce qui est du domaine des modalités propres à un milieu donné. J'aimerais avoir votre opinion et vos suggestions sur cette question. Je pense que c'est un élément extrêmement important dans l'examen de l'ensemble des mécanismes de négociation, en particulier dans le secteur scolaire.

M. Smith: Pour répondre, M. le ministre, à votre première question, les sanctions dont nous avons parlé dans le cas d'infractions à la loi, pour nous, c'est clair que c'est tant pour le côté de l'employeur que pour le côté syndical. Il n'y a pas de distinction à faire. Or, s'il y a des avis à donner et que l'employeur n'en donne pas, il

doit subir les mêmes pénalités que les syndicats. Il est évident que la notion d'une pénalité comme la révocation de l'accréditation n'est pas très appropriée pour un employeur. Mais on peut imaginer d'autres moyens que vous connaissez très bien en tant que gouvernement, comme la mise en tutelle, si jamais un employeur a vraiment exagéré dans l'exercice de son droit de gérance.

Nous n'avons pas beaucoup insisté sur la question de l'employeur pas parce que nous pensons que les employeurs sont sans blâme, mais en nous rappelant que nous parlons du secteur scolaire où la question des services essentiels n'est pas tellement en jeu; ce sont plutôt les actes de harcèlement, les gestes de mini-grèves, etc., qui sont en cause. Des exemples, on en trouve en quantité, tandis que des gestes pareils ne sont pas posés par les employeurs parce que ce n'est pas dans leur jeu, si vous voulez.

Pour ce qui a trait à votre deuxième question, je suis d'accord que la notion des paliers de négociation est très importante. C'est pourquoi, tout à l'heure, j'ai fait allusion à la question, à savoir si la table centrale de négociation est appropriée ou non. Pour nous, on peut bien croire qu'une négociation véritable au niveau local est peut-être la meilleure solution; c'est le cas, par exemple, en Ontario, en Alberta et dans d'autres provinces canadiennes où, dans le secteur de l'éducation, chaque commission scolaire néqocie l'ensemble des conditions de travail avec ses employés. Encore une fois, étant réalistes, nous ne pensons pas qu'une telle négociation de l'ensemble des conditions de travail est faisable à cette époque au Québec. Peut-être souhaitable - je n'en suis pas sûr, franchement - mais pas faisable. Or, dès que nous avons admis ou accepté que les négociations doivent se faire à un niveau autre que local, nous sommes à la recherche du moyen le plus approprié et le plus réaliste pour le faire. C'est pourquoi nous pensons que nous ne devrions pas séparer artificiellement les différents éléments de la négociation. C'est artificiel, par exemple, de dire palier provincial ou national quand nous négocions les dispositions relatives à la sécurité d'emploi et que d'autres aspects de la sécurité ou la mobilité, les discussions de mutations, d'affectation, cela se fait au niveau local. Il y a souvent une difficulté de jumelage des textes. Pour nous, cela n'a pas tellement de sens.

La deuxième raison qui motive la majorité de nos commissions à dire que les négociations locales ne sont pas très pratigues, c'est parce que les conditions de travail majeures, comme l'affectation, la répartition des tâches, etc., ne sont pas telles qu'il faut qu'elles soient négociées à chaque commission scolaire individuellement, surtout quand le "packaqe", le gros paquet se négocie ailleurs.

C'est d'abord un gaspillage considérable des ressources et, surtout dans un réseau de petite taille comme le nôtre, ça représente des problèmes considérables sur le plan pratique. Mais nous disons en même temps, pour être logiques et consistants, que nous croyons, par exemple, que les salaires des enseignants, quitte à avoir le contrôle gouvernemental sur l'argent, doivent se négocier à une table sectorielle et non à une table centrale, de sorte que, comme n'importe quelle négociation normale, vous vous assoyez et dites: Je vous offre un tel salaire pour une telle prestation de travail.

À un moment donné il y a peut-être un ajustement ou au niveau des salaires ou au niveau de la prestation de travail ou aux deux, mais il ne faut pas négocier les salaires, d'une part, la tâche des enseignants, d'une autre part, et les conditions qui peuvent changer toute la question de la tâche à un autre palier. Pour nous c'est tout à fait illogique. Nous disons: Faites un seul palier sectoriel et prévoyez pour les cas pratiques les arrangements locaux.

Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, il ne faut pas faire le chantage du vocabulaire. Les arrangements locaux, ce sont des modalités, ce sont des arrangements technigues d'application et ce ne sont pas de gros morceaux.

Nous avons certaines commissions scolaires qui croient à la négociation locale parce qu'elles croient être plus susceptibles d'avoir un meilleur règlement chez elles plutôt que d'avoir tout à un niveau provincial. Je suis très conscient de leur désir dans ce domaine, mais nous ne croyons pas que nous devrons faire éloigner le processus de négociation des employeurs et des employés sur place. Je dis cependant que, dans la conjoncture où nous sommes, séparer certains éléments à une table, d'autres à une autre n'est pas tout à fait pratique non plus.

M. Marois: Je m'excuse. Pour être bien certain que je vous comprends complètement, quand vous utilisez l'expression "niveau sectoriel" est-ce que vous voulez bien dire une table centrale de l'éducation de tel niveau?

M. Smith: Dans notre lanqage, une table sectorielle voudrait dire, par exemple, les enseignants du secteur protestant au niveau provincial, comme cela pourrait être le personnel de soutien, les cégeps au niveau provincial.

Dans notre langage, une table intersectorielle, c'est un autre nom pour la table centrale qui couvre les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Dougherty, députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier pour votre analyse réaliste et d'avoir mis au point la réalité des négociations dans le secteur de l'éducation. Vous avez si bien expliqué la situation que j'avais quatre questions et maintenant je n'en ai que deux pour le bien de tout le monde.

Dans votre mémoire, à la page 4, vous avez cité un autre mémoire qui a été présenté à une autre commission en 1977, au no 2. Vous avez recommandé que les conventions collectives ne deviennent pas le lieu de l'élaboration du projet scolaire et que la responsabilité des commissions scolaires envers la population pour l'administration de ses écoles ne soit pas compromise par les conventions collectives.

Depuis ce temps, depuis 1977, quand vous avez fait cette recommandation, nous avons vécu les résultats d'une autre convention collective qui a eu et qui a encore un impact substantiel et pas mal négatif quelquefois, dans une certaine mesure, sur le projet scolaire. Avez-vous des recommandations précises pour éviter une situation qui compromet les responsabilités des commissions scolaires? (23 h 45)

M. Smith: Je pense que le point soulevé est un point extrêmement important. Lors de l'avant-dernière ronde de négociations dans le système scolaire, il y avait en place pour les élèves un horaire au primaire de 1500 minutes et, au secondaire, de 1575 minutes avec ce qu'on appelle, dans le vocabulaire scolaire, sept blocs, ce qui veut dire que les élèves avaient sept matières ou l'équivalent de sept matières entières dans leur horaire. C'était le cas pour plusieurs et, dans bien des cas, cela représentait le régime pédagogique essentiel pour les élèves pour atteindre les objectifs pédagogiques fixés par le gouvernement.

Malheureusement, dans cette ronde de négociations, le résultat a été tel qu'il n'était plus possible de maintenir un tel régime pédagogique et c'est à la suite de cette ronde de négociations que le régime pédagogique au primaire est descendu de 1500 à 1380 minutes et, au secondaire, de 1595 à 1500 avec la perte pour les élèves d'une option, d'une matière. Pendant la dernière ronde de négociations, il y avait aussi...

Mme Dougherty: J'aurais des questions ici. Quand vous parlez de la dernière ronde, vous parlez de la convention de quelle année?

Mme Lavoie-Roux: 1975.

M. Smith: La dernière ronde, c'est la ronde de 1979 et l'avant-dernière ronde où j'ai parlé de ces changements majeurs dans le régime pédagogique était la ronde de 1975.

Dans la dernière ronde, en 1979, il y a eu aussi des changements aux conditions de travail des enseignants qui ont requis à la fin l'ajout de plusieurs enseignants dans le réseau scolaire. Il est évident que le nombre d'enseignants dont vous avez besoin pour faire fonctionner le système scolaire est une équation mathématique basée sur le nombre de périodes qu'enseigne chaque enseignant, le nombre de classes, le nombre d'élèves par classe, etc., ce qui, au total, vous donne un besoin de X 100 professeurs pour une commission scolaire donnée. Le ministre de l'Éducation à l'époque avait déclaré son intention de procéder au réaménagement de l'horaire au primaire et de rapatrier les 150 minutes perdues lors de la ronde de 1975, en effet, de faire grimper l'horaire au niveau de 1500 minutes. Une des conséquences de cette ronde de négociations de 1979 a été qu'il n'était plus possible de le faire, parce que l'argent qui était là pour augmenter l'horaire des élèves a été donné en négociations. Or, si vous me demandez quels sont les moyens à prendre pour que cette situation n'arrive pas, pour moi, la seule solution, c'est d'établir, comme gouvernement, comme commission scolaire, peu importe le niveau des responsabilités, ce que nous voulons avoir comme système scolaire, quel est le niveau d'apprentissage que nous voulons avoir et de négocier à l'intérieur d'un tel cadre et de ne pas permettre les données en négociation de s'emparer d'un tel niveau de service.

M. Marois: M. le Président, je pense aussi que dans l'ensemble des données, on faisait le compte des mauvais coups que les uns et les autres peuvent accomplir sous divers gouvernements, pour que le compte soit complet, il ne faudrait pas oublier à travers tout ça, parce que ça entre en ligne de compte comme facteur, il y a eu aussi entre les deux, le fameux trou, le fameux 500 000 000 $. C'était l'élément clef; parce que vous avez bien expliqué comment, mathématiquement, par une formule, à partir du moment où on connaît le nombre d'élèves, le nombre de blocs, le nombre de classes, etc., un certain nombre de facteurs combinés donnent tant d'enseignement et le reste. C'est presque une formule mathématique, à condition que le nombre d'élèves soit exactement rapporté. À partir du moment où il y a des distorsions dans les faits...

Mme Lavoie-Roux: II y a toutes sortes de facteurs qui interviennent, M. le Président...

M. Marois: Cela ajoute, mais enfin...

Mme Lavoie-Roux:... ce qui fait que c'est difficile à calculer exactement.

Mme Dougherty: M. Smith...

M. Smith: M. le ministre, il est évident que j'ai simplifié beaucoup la notion du nombre de professeurs requis. Il y a toutes sortes de facteurs qui entrent en ligne de compte; mais si les élèves ne sont pas bien comptés d'une façon ou d'une autre pour une raison ou pour une autre, la situation n'est pas égale. Je pense qu'en faisant des comparaisons, il faut assumer un comptage exact ou presque exact, mais équivalent dans les deux situations et ainsi, je pense que mon raisonnement est encore bon.

M. Marois: Je n'en disconviens pas.

Mme Dougherty: Une dernière question. Vous avez parlé de l'arbitrage et des différents choix des mécanismes pour mettre fin à la négociation, mais il me semble qu'à chaque ronde, nous avons toujours un prolongement de la période de négociation. J'ai l'impression que les règles du jeu dans ce système de guerre de négociation n'encourangent pas, ne favorisent pas une accélération des négociations, bien au contraire, chaque adversaire croit qu'il profitera de longs délais. Est-ce que vous avez des suggestions là-dessus?

M. Smith: II est évident que la durée des négociations dans le secteur public est extrêmement grande par rapport à celle que nous connaissons dans le secteur privé et même ailleurs, dans d'autres secteurs publics. Avant la ronde de 1979, il y a eu des amendements apportés au cadre législatif pour accélérer le processus, notamment une date désignée pour le dépôt des demandes syndicales et une période durant laquelle l'employeur devait répondre. Également ces dates étaient, pour la première fois, dans l'esprit et dans la loi, antérieures à la fin de la convention collective existante. Par ce moyen, le gouvernement a tenté de faire accélérer le débat. Je pense que c'était une étape importante, un bon "move", mais, ceci étant fait, c'est difficile de faire accélérer le processus par ce moyen. Le seul moyen de le faire, c'est d'avoir une fin prévue dans la loi, à savoir de dire: Mesdames, messieurs, vous allez négocier jusqu'à une telle date. Si vous dites cela, vous allez nécessairement vers un système qui prévoit une étape d'arbitrage à la fin: Si vous ne vous êtes pas entendus le 12 décembre, c'est l'arbitrage qui entre et cela vient de finir. J'ai dit que je ne crois pas que l'arbitrage soit une solution valable. Je ne pense pas qu'on puisse prévoir dans les lois d'autres étapes ou d'autres échéances pour faire accélérer le processus et je pense que la seule véritable façon d'accélérer le processus, c'est par un changement d'attitude.

Il est exact de dire que plusieurs intervenants dans le processus de négociation se croient avantagés par les délais ou un prolongement des négociations. Parfois, le syndicat pense: Plus je demande, plus j'aurai. Si on regarde l'expérience vécue, c'est une très bonne thèse. Il dit: Tant que je ne sens pas, comme syndicat, qu'il n'y a plus rien dans le baril, je continue de demander, je continue d'attendre. L'expérience lui donne encore raison. Le seul moyen de contrer une telle attitude, c'est de lui démontrer, par des gestes concrets et fermes de la part de l'employeur, qu'il n'y a plus rien dans le baril. M. Parizeau avait parlé de transparence, à un moment donné, concernant le fait de vivre dans une maison de verre. Voilà, il n'y a plus rien là-dedans. Si le syndicat est convaincu que c'est vrai, peut-être que cela va accélérer le processus, mais, tant qu'il croira qu'il y a encore quelque chose à l'intérieur, on ne sera pas capable d'accélérer le processus.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une question, c'est seulement une petite information que je voudrais donner au ministre, si vous me le permettez.

Le Président (M. Rodrigue): Vous avez deux minutes.

Mme Lavoie-Roux: Une demi-seconde. On a parlé à plusieurs reprises d'arranqements locaux. Je voulais simplement dire au ministre que cela existe dans le cas des enseignants anglo-catholiques et qu'à ma connaissance, cela n'a jamais créé de problème sur le plan local.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec.

Ceci termine l'ordre du jour de la commission pour aujourd'hui.

Demain, le jeudi 17 septembre 1981, nous entendrons les représentants d'Hydro-Québec, de l'Association des consommateurs du Québec - pour Hydro-Québec, c'est le mémoire 34M; pour l'Association des consommateurs du Québec, le mémoire 15M -de la Coalition pour le droit des malades, mémoire 20M; de la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et infirmiers du Québec, mémoire 27M; de la Fédération des infirmières et infirmiers unis, mémoire 39M; du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, mémoire 26M, et finalement du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, mémoire 24M.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu ajourne ses travaux à demain, le jeudi 17 septembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 57)

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