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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu reprend ses travaux. Aujourd'hui, jeudi 17
septembre, nous entendrons, dans l'ordre, Hydro-Québec, l'Association
des consommateurs du Québec, la Coalition pour le droit des malades qui
présentera son mémoire au début de la séance de
l'après-midi, la Fédération des syndicats professionnels
d'infirmières et d'infirmiers du Québec, la
Fédération des infirmières et infirmiers unis, le Syndicat
des professionnels du gouvernement du Québec, le Syndicat de
fonctionnaires provinciaux du Québec.
Je rappelle, pour les personnes qui assistent à ces
délibérations pour la première fois, que le mandat de
cette commission est d'entendre les personnes et organismes relativement
à l'examen des moyens d'améliorer le régime de
négociation dans les secteurs public, parapublic et péripublic
et, de façon plus particulière, à l'étude des
moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels
lors des conflits de travail dans ces secteurs.
En rappelant brièvement que, selon les règles que nous
tentons de suivre et que nous nous sommes données à cette
commission, nous consacrons 20 minutes à l'audition du mémoire,
puis 20 minutes pour la partie ministérielle et 20 minutes
également pour l'Opposition à la période des questions,
j'inviterais maintenant le président du conseil d'administration
d'Hydro-Québec, M. Joseph Bourbeau, à présenter le
mémoire de cet organisme et je lui demande, de prime abord, s'il veut
bien nous présenter les personnes qui l'accompagnent.
Hydro-Québec
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, j'ai, à ma
droite immédiate, M. Jacques Durocher, vice-président des
ressources humaines; un peu plus loin, M. Guy-Paul Hardy, qui est le directeur
des relations du travail; à ma gauche immédiate, M. Gilles
Béliveau, qui est le directeur de la région Montmorency et, un
peu plus loin, M. Jacques Guévremont, qui est le directeur de Mouvements
d'énergie à Hydro-Québec.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission
permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du
revenu, des quatre sujets qu'Hydro-Québec a l'occasion de discuter ces
semaines-ci en commission parlementaire, celui sur lequel la présente
commission est appelée à se pencher revêt un
caractère tout à fait spécial. Non pas que les questions
de capital-actions et de dividendes, d'accès à l'information et,
bientôt, de tarifs soient secondaires pour nous. Mais la question des
services essentiels à assurer à la population et celle des
relations de travail dans les services publics touchent à deux des
valeurs mêmes qui fondent notre régime démocratique. D'une
part, le droit de la population de bénéficier des services dont
elle ne peut être privée sans danger et, d'autre part, le droit de
milliers de travailleurs de négocier leurs conditions de travail et de
se prononcer sur elles librement et en toute connaissance de cause.
M. le Président, mon propos, aujourd'hui, portera sur ces deux
droits fondamentaux que je traiterai brièvement en répondant aux
questions suivantes.
Le droit aux services essentiels et le droit de négociation des
conditions de travail dans les services publics, avec son corollaire, bien
entendu, le droit de grève, s'opposent-ils au point de s'exclure ou
faut-il plutôt tenter de fixer les conditions leur permettant de faire
une vie commune?
À cet égard, quelles mesures l'entreprise peut-elle
proposer à la lumière des principes auxquels elle croit et de
l'expérience qui est la sienne?
M. le Président, nous croyons que le droit de la population aux
services essentiels et celui des salariés des services publics à
la libre négociation et à la grève doivent demeurer. Il
peut paraître paradoxal de recommander l'affirmation de deux droits qui
semblent s'exclure mutuellement, mais nous sommes convaincus que la paix
sociale exige de les concilier. Enlever le droit de grève dans les
services publics serait tellement contraire aux voeux des salariés
concernés qu'il n'est pas du tout certain que la grève serait
évitée, avec tout ce qu'elle entraînerait d'odieux. Dans de
telles circonstances, qui nous garantit que les services essentiels seraient
assurés? Par ailleurs, ne pas garantir les services essentiels risque
d'amener la population à se retourner contre les différentes
parties en
cause, notamment contre les salariés, contre leurs revendications
et, ultimement, contre leur droit fondamental de négocier leurs
conditions de travail.
On le voit, M. le Président, la meilleure façon d'assurer
l'existence de l'un de ces droits est peut-être, au fond, d'assurer
l'existence de l'autre.
Cela dit, toute la difficulté consiste à déterminer
la ligne de démarcation entre ces deux droits. En somme, dans les cas
limites, comment déterminer leguel l'emporte sur l'autre? Cette limite,
elle se trouve quelque part entre ce que les spécialistes appellent
l'inconvénient et l'urgence, et je m'explique.
Accepter la possibilité de grève dans les services publics
revient à accepter la possibilité de subir des
inconvénients en cas de grève. Il va de soi que refuser de subir
tout inconvénient dans les services publics équivaut à
nier le droit de grève dans ce secteur. Ces inconvénients ne
doivent cependant jamais devenir graves au point de mettre en danger la
santé et la sécurité de la population. C'est donc lorsque
la privation d'un service public crée un état d'urgence que ce
service devient essentiel et que le droit de la population à ce service
vient limiter le droit de la grève.
Par ailleurs - et l'on voit encore une fois, M. le Président,
comment ces deux droits sont interreliés - seuls les salariés
affectés à la fourniture du service public devenu essentiel
verraient ainsi limité leur droit de faire la grève pour la seule
période où la santé et la sécurité publique
seraient compromises. Autrement dit, dans le cas de
l'électricité, la suspension du droit de grève ne durerait
que le temps de réparer la panne qui est la cause de l'état
d'urgence. Une fois l'électricité rétablie, le
salarié reprendrait son droit de grève.
Notre proposition est conforme à la tendance
générale du monde du travail à harmoniser ces deux droits
en ne considérant comme essentiels que les services qui le sont vraiment
et en n'apportant aux droits des parties que les limitations qui sont
réellement indispensables.
La question qui vient ensuite naturellement à l'esprit est la
suivante: Cet équilibre entre l'intérêt
général et les droits des parties au conflit, à qui
revient-il de le trouver? Aux parties en cause ou à l'État?
Jusqu'à maintenant, l'État québécois a cru
bon de laisser aux parties le soin de trouver cet équilibre, quitte
à intervenir par des injonctions ou des lois spéciales si la
santé et la sécurité publique devenaient en
péril.
M. le Président, ce n'est ni le lieu, ni le temps de faire le
procès des parties ou des gouvernements sur la façon dont ils ont
assuré ou non les services essentiels par le passé. Je me
bornerai, pour les fins de mon propos, à rappeler que, sur les cinq
séries de négociations qui ont eu lieu entre Hydro-Québec
et le Syndicat canadien de la fonction publique en 1967, 1969, 1972, 1976 et
1979, les parties ne se sont entendues qu'une fois sur les services essentiels,
et c'était en 1967. Encore, l'entente s'effritait à mesure que le
conflit se prolonqeait. Il n'y a jamais eu d'entente à ce sujet depuis.
Je signalerai cependant façon 1969, la grève ayant pu être
évitée, les parties n'ont pas eu à négocier
d'entente sur les services essentiels.
Je crois qu'il ne faut pas se surprendre outre mesure de cet état
de fait, étant donné que, par définition, les parties se
retrouvent le plus souvent dans un contexte de rapport de forces qui teinte
fatalement toutes leurs négociations, y compris hélas! celles qui
portent sur les services essentiels. Au fond, à l'occasion d'une
grève, peut-on raisonnablement demander aux parties en cause de limiter
leur propre pouvoir de négociation et d'évaluer avec justesse si
le manque d'électricité constitue ou non, et dans des centaines
de cas particuliers, une urgence plutôt qu'un inconvénient?
Tant de facteurs sont à considérer, la saison, le type
d'habitation et de services visés et, dans une certaine mesure, le seuil
de tolérance de la population. Autant de jugements qui touchent
l'intérêt public, et donc, relèvent de l'État. Les
parties n'ont ni la sérénité, ni le détachement
suffisant pour porter ces jugements d'intérêt
général.
Voilà pourquoi Hydro-Québec recommande que le
législateur déclare l'électricité service essentiel
lorsque son défaut menace sérieusement la santé et la
sécurité de la population. Voilà pourquoi également
elle recommande que soit créé un organisme habilité
à juqer, selon les circonstances et la catégorie d'abonnés
affectés, le moment et le lieu où l'électricité est
devenue un service essentiel.
M. le Président, avant de conclure, j'aimerais traiter
brièvement du droit des travailleurs à se prononcer sur leurs
conditions de travail en toute liberté et connaissance de cause.
Notre expérience en matière de négociation nous
enseigne qu'un des obstacles à la solution relativement rapide des
conflits de travail provient peut-être du fait qu'au cours des
négociations, les salariés n'ont pas suffisamment l'occasion de
se prononcer sur les offres de l'employeur. Il faut garder à l'esprit
qu'au cours des négociations de 1972, 1976 et 1979, la durée
moyenne des pourparlers s'est située entre 12 et 18 mois. Entre le
moment où le syndicat obtient un mandat de grève et celui
où la grève est déclenchée, il peut
s'écouler plusieurs mois. Or, dans l'intervalle, les négociations
progressent, les compromis interviennent et les offres sont modifiées.
Étant donné ces délais et les inconvénients
causés à la
population par une grève, ne serait-il pas raisonnable qu'au
moins, avant d'ordonner la grève, l'association de salariés d'un
service public fasse part des propositions les plus récentes de
l'employeur aux travailleurs qu'elle représente? Nous le croyons.
D'ailleurs, je rappelle que notre recommandation va dans le sens de la loi que
le gouvernement faisait sanctionner le 12 novembre 1979 et par laquelle il
obligeait notamment les associations de salariés des secteurs de
l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique à
soumettre, par voie de scrutin secret, aux salariés qu'elles
représentaient, les dernières propositions patronales les
concernant.
Quant aux modalités du scrutin, nous en proposons quelques-unes
dans notre mémoire. Ce qui importe, c'est que les salariés
puissent se prononcer et qu'ils puissent le faire librement et en toute
connaissance de cause.
En conclusion, M. le Président, Hydro-Québec connaît
parfaitement les difficultés qu'a éprouvées le
législateur jusqu'à maintenant pour concilier le droit de la
population aux services essentiels et celui des salariés à la
libre négociation de leurs conditions de travail et, s'ils le jugent
nécessaire, à la grève. Nous demeurons cependant
convaincus qu'avant de recourir à des solutions draconiennes, il nous
faut trouver, tous ensemble et le plus rapidement possible, des solutions du
type préventif, qui garantissent à la fois l'existence des droits
de la population et de ceux des salariés. Le mémoire que nous
présentons à la commission propose à cet égard
certains éléments de solution. À titre d'exemple, je
souligne le devancement de la période de révision de
l'accréditation, la fixation de la durée maximale des conventions
collectives à quatre ans et la création de mécanismes
permettant à la fois à la population d'être mieux
informée et de faire connaître son opinion.
Nous croyons que ces éléments et ceux qu'apportent les
autres intervenants devraient permettre au législateur de perfectionner
le régime de négociation collective dans le secteur public. En ce
qui nous concerne, les droits des salariés et ceux de la
collectivité ne s'excluent pas mutuellement, ils doivent coexister. Nous
invitons le législateur à se faire conciliateur et
médiateur entre ces deux droits en adoptant les mesures
appropriées. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. Je
cède la parole au ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier Hydro-Québec d'être venue nous présenter son
mémoire et, avec votre permission, je céderai
immédiatement la parole à mon adjoint parlementaire, le
député de Prévost, qui a fouillé
particulièrement cet aspect du dossier et qui aurait un certain nombre
de remarques d'ordre général à formuler et quelques
questions très précises.
Le Président (M. Rodrigue): M. Dean, député
de Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Depuis déjà
deux jours - c'est la troisième journée - on a beaucoup
discuté deux éléments techniques de toute cette
épineuse question de l'exercice du droit de grève dans le secteur
public et de l'obligation sociale de maintenir le droit des citoyens aux
services essentiels à leur santé et leur
sécurité.
Aussi, presque toutes les parties ont fait leurs recommandations quant
aux mécanismes, quant à la façon de définir les
services essentiels, mais il y a un autre thème qui se reflète
dans ces discussions, c'est le comportement des parties dans ces
négociations. On a dit que, quels que soient les mécanismes,
quels que soient les services essentiels ou quelle que soit la façon
dont on les définit, dont le législateur les définit -ou
les parties - il reste une grande marge qui dépend absolument du
comportement des deux parties à la négociation. (10 h 30)
Vous me permettrez de constater que, s'il y a des suggestions qui me
paraissent très valables, on va certainement étudier toutes les
suggestions avec beaucoup d'attention. Ce qui me frappe globalement, c'est une
approche très juridique à cette question, des mécanismes
et des services et on ne parle pas beaucoup du comportement, ce qui
m'amène à faire quelques commentaires et à poser un
certain nombre de questions.
La commission propose qu'un des éléments possibles de
solution au mécanisme de négociation, c'est d'ouvrir la
période communément appelée de maraudage. Au lieu de le
faire à la toute fin de la convention collective, de le faire six mois
à l'avance afin de permettre aux négociations de démarrer
plus tôt. Je pense que c'est une suggestion qui a beaucoup de
mérite et qui peut être étudiée avec beaucoup
d'attention.
On parle de la possibilité de prévoir des conventions
collectives d'une durée de quatre ans pour "assurer une plus grande
stabilité des relations de travail". Je vais juste mentionner en passant
que, dans l'industrie de l'automobile que je connais bien, quelque part au
début des années cinquante, les parties pensaient avoir
trouvé une solution pour la paix industrielle en négociant une
convention collective de cinq ans. L'expérience vécue, c'est
qu'à la fin de trois ans la vie était intenable dans les usines
et dans les secteurs pour les deux
parties, de sorte que même les entreprises ont accepté
d'ouvrir les conventions collectives et on n'a plus jamais entendu parler de
conventions collectives de cinq ans ou de quatre ans. Je dis cela en passant.
Ce n'est pas sûr que la durée de la convention est le cadre qui,
par le fait même, assure une plus grande stabilité des relations
de travail. Il y a peut-être autre chose.
L'obligation dans la législation pour le syndicat de
présenter aux membres les dernières propositions de l'employeur
et de tenir un scrutin secret, ce n'est pas le fait sur lequel je pose des
questions. Je pense que c'est la pratique générale des syndicats
de soumettre les offres à leurs membres et c'est la pratique
générale des syndicats de tenir des votes secrets. D'ailleurs, le
Code du travail prévoit déjà l'obligation de tenir un vote
secret, à moins que je ne me trompe, sur les questions de grève.
Mais, chaque fois qu'on met une stipulation comme celle-là dans le code,
je me pose la question et je vous la pose: Est-ce que ça n'ouvrirait pas
la porte, dans un système de négociation, à d'autres
possibilités de contestations juridiques de la légitimité
de chaque vote? En d'autres termes, chaque fois qu'on soumet des offres aux
membres et qu'on tient un vote, il y a possibilité pour un ou des
syndiqués ou quelqu'un d'arriver et dire: Écoutez, je
n'étais pas bien informé, je demande une injonction, je demande
la reprise du vote; donc, un problème.
L'autre problème particulier à Hydro-Québec, c'est
que les travailleurs d'Hydro-Québec sont éparpillés dans
tout le Québec, non seulement dans les grands centres, mais bien loin
dans les petits centres où la tenue même du vote sur les offres
patronales dure une période de temps assez longue; je ne sais pas, une
semaine, deux semaines. Est-ce que ça n'ouvrirait pas la porte à
la soumission d'une offre, un délai d'une semaine ou deux pour soumettre
ça? L'employeur ajoute quelques grenailles à son offre et exige
à nouveau que ce soit présenté aux membres; deux autres
semaines pour discuter de ça, c'est rejeté encore; une autre
grenaille, un autre vote. Chaque fois qu'on ajoute un point-virgule à
l'offre, il y a l'obligation de retenir l'offre dans l'atmosphère de
tension qui englobe toute négociation collective; lorsque ça
arrive à la date possible de grève, etc., il y a tout un climat;
l'effet d'une série de nouvelles offres, qui provoqueraient à
nouveau l'obligation de tenir un nouveau vote, il me semble que ce serait
risqué aussi comme mécanisme. Je vous pose la question, je
demanderais à Hydro-Québec de se prononcer là-dessus.
Vous demandez aussi que soit prévue au Code du travail une
disposition permettant la création de mécanismes pour que le
public puisse faire connaître son opinon. Encore là, l'information
des travailleurs et du public, on n'en a jamais assez. Mais ma question serait:
Est-ce que vous auriez des suggestions concrètes par lesguelles vous
pensez qu'on pourrait satisfaire à cette suggestion?
Est-ce qu'une telle obligation doit nécessairement être
prévue au Code du travail ou s'il ne s'agirait pas, dans la pratique,
que tout le monde ait la possibilité d'informer la population?
Il y a d'autres propositions qui sont plutôt d'ordre technique et,
comme je l'ai dit tantôt, toutes les suggestions ou propositions seront
étudiées attentivement par la commission.
Mais là, je me pose des questions parce qu'on parle de
mécanismes, on parle de services essentiels, on parle de principes. Tout
le monde est d'accord et je pense qu'il n'est pas nécessaire de
l'écrire dans une loi, c'est un consensus social qui s'est
dégagé solidement; d'abord, c'est carrément la position du
gouvernement et de l'Opposition, mais c'est aussi le consensus qui se
dégage de toutes les parties qui sont venues se présenter ici,
c'est-à-dire qu'il faut que le droit des travailleurs de négocier
et de faire la grève soit exercé de façon à
respecter aussi le droit des citoyens en général d'avoir
accès aux services nécessaires à leur santé et leur
sécurité. C'est tellement un consensus accepté par tout le
monde que c'est difficile d'écrire une loi qui exprimerait plus de
choses que le consensus lui-même.
Mais j'en viens à la question de comportement. À
Hydro-Québec, vous avez suggéré que le code soit
amendé pour permettre à la période de "maraudage syndical"
d'avoir lieu entre le sixième et le cinquième mois avant la fin
du contrat au lieu de l'avant-dernier mois, comme actuellement, de façon
à faciliter le départ des négociations. Mais, je vous pose
la question; n'est-il pas vrai que, lors des dernières
négociations, le syndicat d'Hydro-Québec a déposé
ses demandes syndicales au mois de juin 1978, donc six mois avant la fin de la
convention collective, mais que la première séance de
négociation a eu lieu le 12 janvier 1979, donc après l'expiration
de la convention collective? C'est une question qui touche une de vos
recommandations.
Quand je parle de comportement, je me pose de sérieuses
questions. Comme vous le savez peut-être, j'ai été
impliqué directement et personnellement dans les premières
négociations à Hydro-Québec en 1966, durant la
période de nationalisation. Je vois le bilan des négociations
à HydroQuébec depuis le début. En 1967, grève,
règlement négocié. En 1969, grève remise à
la dernière seconde, médiation spéciale,
réglée par médiation spéciale. En 1971,
grève illégale sur l'évaluation des emplois. Je souligne
qu'en 1969, tout le monde savait que l'évaluation des emplois
était une
question d'importance capitale pour les travailleurs
d'Hydro-Québec; cela a été remis, pour régler la
menace de grève en 1969, aux bons offices des parties et, en 1971, une
grève illégale sur cette question, ce qui veut dire que, deux ans
après, cela n'était pas réglé. En 1972,
grève, injonction pour mettre fin à la grève, commission
parlementaire, conflit réglé en commission parlementaire. En
1976, grève et, selon la centrale syndicale FTQ, qui représente
les employés d'Hydro-Québec - je touche là les services
essentiels - il a été dit qu'il y avait une demande d'injonction
contre le syndicat à cause du non-maintien des services essentiels et le
juge a été satisfait que les services essentiels ne soient pas
mis en jeu et a refusé l'injonction. Je reprends les paroles de M.
Laberge: Quand un juge refuse une injonction contre un groupe de travailleurs,
il faut qu'il y ait une preuve solide à 300% pour ne pas accorder
l'injonction; c'est un réflexe d'accorder des injonctions contre les
syndiqués.
Demande d'injonction, services essentiels. M. Jean Cournoyer, alors
ministre de la Fonction publique, intervient et accepte de faire une
enquête sur la situation; les travailleurs retournent au travail en
attendant l'enquête de M. Cournoyer. Cette enquête débouche
sur un rapport de M. Cournoyer, qui est accepté par le syndicat. Est-ce
que c'est deux mois après, ou presque deux mois après? En tout
cas, quelque temps après, Hydro-Québec n'a pas encore
accepté le rapport du médiateur, de M. Cournoyer et, selon mes
informations, ça prend une deuxième grève de dix jours
pour que le rapport de M. Cournoyer soit finalement accepté.
Finalement, en 1979, grève, loi spéciale, retour au
travail et, selon mes informations, l'évaluation des emplois, encore une
fois, deux ans après, est encore en litige devant les tribunaux
d'arbitrage.
Je vous demande, dans le domaine de ce comportement, de
réfléchir sur l'effet cumulatif de mécontentement, de
frustration qu'un tel historique peut provoquer chez des travailleurs. Et je
n'ai pas fini.
Pendant tout ce temps, n'est-il pas vrai aussi que les griefs qui se
retrouvent à l'arbitrage - d'après ce qu'on me dit, c'est presque
inconcevable - sont, en moyenne, de 1000 par année? Chaque grief
représente un problème non réglé, certainement des
griefs non fondés, mais certainement des griefs fondés quelque
part. Est-il vrai que, actuellement, il y a une accumulation de 2000 griefs,
à peu près, à l'arbitrage? Est-il vrai que, lors de
négociation, Hydro-Québec refuse de régler les griefs,
comme c'est chose courante dans les grandes entreprises? 5i on a une
accumulation de griefs, on essaie de les régler à la table de
négociation pour commencer une nouvelle convention collective en
nettoyant la table et en tentant de repartir à neuf.
Si je faisais un commentaire, en passant, d'après mon
expérience personnelle: avec tous les mignons défauts qu'on peut
attribuer à une entreprise privée comme General Motors, qui a 460
000 travailleurs syndiqués, je vous fais part qu'à General
Motors, aux États-Unis, il y a une cinquantaine de griefs à
l'arbitrage par année, parce qu'on négocie des griefs. Aussi,
quand on arrive à la négociation, on prend même 2000 ou
3000 griefs accumulés et, dans le contexte de la négociation de
la convention collective, on essaie au moins de réduire cette masse de
qriefs pour repartir à neuf. (10 h 45)
Cela m'amène à poser la question suivante: N'est-il pas
vrai que la question de comportement soulevée par toutes les parties est
un facteur aussi important, peut-être plus important, que la
définition juridique du principe des mécanismes de
négociation et des services essentiels? C'est bien beau d'avoir le
squelette, mais, si le coeur n'est pas là, si la tête n'est pas
là, il n'y a aucun mécanisme qui va faire fonctionner les droits
des travailleurs ou le droit de la population aux services essentiels.
Le Président (M. Rodrigue): Merci. M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): Je vais passer la parole à M.
Durocher, dans un premier temps, et à M. Hardy, dans un deuxième
temps.
M. Durocher (Jacques): M. le Président, dans le cadre du
mandat de votre commission, Hydro-Québec a proposé un certain
nombre de remèdes qui, nous l'espérons, vont améliorer
à la fois le climat des relations de travail et également les
moyens pour maintenir aux travailleurs leur droit de grève et à
la population les services essentiels lorsque la santé ou la
sécurité est en cause.
Évidemment, les recommandations que nous avons dans notre
mémoire ont des portées et des valeurs fort différentes.
Notre principe de base qui porte sur le maintien du droit de grève et
également sur le maintien de l'électricité lorsque la
santé et la sécurité du public est en cause nous
paraît une orientation fondamentale pour atteindre l'objectif que je
mentionnais précédemment, à savoir des relations plus
harmonieuses entre les parties.
Ce qui nous paraît le plus important dans notre mémoire,
c'est l'orientation qui porte sur les services essentiels. L'expérience
passée nous a démontré que, chaque fois qu'on demandait
à un organisme patronal et à une association de travailleurs
d'essayer de
définir ensemble des services essentiels, chaque fois ou presque,
les difficultés ont été considérables. La situation
se comprend puisque demander au travailleur de renoncer d'une certaine
façon à son pouvoir de pression et à l'employeur
également, lui enlever certains moyens à sa disposition, les
parties se retrouvent vite dans une impasse.
L'organisme que nous préconisons et sur lequel, encore une fois,
toutes les modalités sont loin d'être arrêtées,
pourrait, si le concept semble intéressant, être
étudié davantage. On pourrait certainement se demander si cet
organisme serait un organisme sectoriel. En d'autres termes: Est-ce qu'il y
aurait un organisme pour voir au maintien des services essentiels lorsqu'il
s'agit de l'électricité qui est en cause? Un autre secteur
verrait également aux services essentiels, dans le cas des
hôpitaux. Est-ce que ce serait centralisé ou
décentralisé? Et il y a d'autres points.
Sur les points soulevés par M. Dean, à savoir modifier la
période de maraudaqe pour permettre un début de
négociation plus rapidement, l'expérience qu'on a à
Hydro-Québec, c'est que nous avons de grandes unités de
négociation. Les dispositions actuelles du Code du travail permettent un
maraudage entre le 80e et le 60e jour; lorsqu'il y a une intervention d'un
syndicat tiers, à ce moment, cela a pour effet de retarder toute la
négociation. Notre proposition, nous le croyons, aurait certainement
l'avantage de nettoyer le problème de maraudage et de permettre aux
parties, environ cinq à six mois avant la fin de la convention
collective, de commencer les négociations sans avoir ce problème
d'un tiers syndicat qui peut intervenir. Actuellement, si les
négociations commencent très tôt, l'employeur et le
syndicat peuvent être placés dans la situation où un tiers
intervient et l'employeur ne sait plus avec qui exactement il
négocie.
Quant à la proposition que nous faisons sur le vote de
grève, un vote sur les dernières propositions, évidemment,
cette proposition nécessite un encadrement. La proposition n'est pas
faite dans le but de permettre à l'employeur ou aux autres employeurs du
secteur public de faire des propositions à la miette et de multiplier
les votes de grève ou de rendre la grève illégale à
cause de complications juridiques.
Ce que nous signifions par notre proposition, c'est ceci: À
Hydro-Québec, l'expérience, encore une fois, nous a
démontré qu'il s'écoule plusieurs mois entre le moment
où l'employeur et le syndicat commencent les négociations et le
moment où les employés donnent un vote de grève. Il
s'écoule également un certain nombre de mois entre le moment
où effectivement la grève a lieu et les pourparlers qui se
maintiennent.
Notre proposition de vote sur les dernières offres patronales,
qui rejoint une loi qui a été mise en vigueur en 1979, je crois,
qui portait justement sur une obligation pour les syndicats de présenter
à leurs membres du secteur parapublic les dernières propositions
du gouvernement, est inspirée des mêmes considérations. Il
nous apparaît important que le travailleur, avant d'utiliser un droit qui
lui appartient, ait pleine connaissance de tous les avantages, de toutes les
propositions faites par l'employeur. Lorsque le travailleur vote, comme
effectivement cela existe dans le Code du travail - effectivement, avant
d'aller en grève, le travailleur doit manifester son intention d'une
façon claire; la loi le prévoit - au début d'une
négociation et que le droit à la grève est exercé
six, huit ou dix mois plus tard, entre le début de la négociation
et le moment de la grève, il s'est passé beaucoup de choses. Les
propositions syndicales ont été modifiées et les
propositions patronales ont également été
modifiées. Dans ce sens-là...
M. Dean: M. Durocher...
M. Durocher: Si vous le permettez, je vais terminer, M. le
Président. Dans ce sens-là, nous croyons que notre proposition
aurait l'avantage de permettre aux travailleurs de se prononcer sur les
dernières propositions de l'employeur avant d'exercer leur droit de
grève.
M. Dean: Mais êtes-vous en train de dire que cela ne se
fait pas comme cela à Hydro-Québec? Je ne connais pas
énormément de syndicats, ni énormément de groupes
de travailleurs qui acceptent de ne pas connaître les dernières
offres patronales avant d'exercer effectivement leur droit de grève.
J'aimerais que vous commentiez aussi le danger que je vois pour la
démocratie quand, à une série d'offres rejetées, on
ajoute quelques petites bebelles, comme cela se fait souvent, on exige une
nouvelle offre, même un point-virgule pour prendre un cas extrême,
juste un petit point sur dix points en litige, on fait une petite addition, une
nouvelle obligation... Cela semble aussi être un processus
extrêmement lourd, surtout dans la situation où un syndicat est
éparpillé dans tout le Québec, comme le syndicat des
employés d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Rodrigue): Si vous voulez poursuivre, M.
Durocher.
M. Durocher: M. le Président, malheureusement, il est
arrivé des situations à Hydro-Québec - je pense que c'est
arrivé également ailleurs, mais je suis certain qu'à
Hydro-Québec cela s'est produit - où, par exemple, un rapport du
médiateur a été
présenté aux parties et, tant dans la recommandation du
médiateur que dans la position de l'employeur, on demandait que ce
rapport soit porté à la connaissance des employés et qu'on
donne aux employés l'occasion de s'exprimer sur ce rapport. La chose ne
s'est pas produite.
Plus récemment, en 1979, en commission parlementaire, les membres
de la commission parlementaire avaient proposé aux représentants
syndicaux de soumettre à leurs membres les dernières offres que
l'employeur avait présentées et cette proposition a
également été refusée.
Ce que nous prétendons, ce n'est pas que les travailleurs sont
dans l'ignorance continuelle et totale; c'est qu'à certains moments il
s'est produit ces circonstances déplorables. Notre proposition, qui,
encore une fois, je le répète, n'est pas accompagnée de
tout le raffinement et de tous les mécanismes dont elle devrait
être accompagnée, vise à éviter ces
choses-là. En fait, on dit: La grève dans les services publics,
c'est quelque chose de très sérieux. Avant que le travailleur
exerce ce droit, il doit avoir toute l'information pour le faire en pleine
connaissance de cause.
M. le Président, je demanderais à M. Guy-Paul Hardy, le
directeur des relations du travail, de répondre concernant les aspects
que je n'ai pas touchés dans l'intervention de M. Dean.
Le Président (M. Rodrigue): Je vais vous demander de
déplacer le micro pour être bien sûr qu'on capte ce que M.
Hardy va dire.
M. Hardy (Guy-Paul): Concernant la suggestion que nous faisons
dans notre mémoire de créer un organisme pour permettre au public
de se faire entendre, un organisme pour faire en sorte que le public soit bien
au courant de tous les éléments dans le dossier, vous vous
rappelez qu'en 1964, quand le droit de grève a été
accordé aux employés du secteur public ou dans les services
publics, le législateur du temps et les experts du temps croyaient
sincèrement que l'opinion publique aurait un effet modérateur sur
l'exercice du droit de grève et ferait en sorte que le droit de
grève devienne vraiment une arme ultime qu'on n'utilise que dans des
circonstances très exceptionnelles et peu fréquemment. L'usage
nous a démontré, depuis 1964, que cela n'a pas été
le cas. Les mécanismes de négociation du secteur privé
qu'on a appliqués au secteur public n'ont pas joué de la
même façon que dans le secteur privé. Effectivement, la
grève a eu lieu fréquemment.
Nous croyons qu'il serait important que le public connaisse l'ensemble
des enjeux de la négociation. Je ne parle pas uniquement de la
grève ou des services essentiels. Ce n'est pas surtout à cela que
je fais référence. C'est à la démarche des parties,
au contenu des conditions de travail offertes, à ce qui existe
déjà. On croit qu'un organisme neutre, un peu semblable à
celui qui existe dans le code pour les secteurs public et parapublic - secteurs
qui ne couvrent pas Hydro-Québec - qui aurait un mandat un peu plus
défini, pourrait sans doute éclairer l'opinion publique. On croit
aussi que cet organisme, par des mécanismes à définir
encore une fois - et on serait disponibles pour travailler avec des
représentants du ministère si l'idée est retenue -
pourrait canaliser en quelque sorte les positions du public et les faire
connaître aux parties. C'est un peu cela qu'on veut suggérer dans
notre mémoire.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je constate que dans le
mémoire vous illustrez, d'une certaine façon, la
difficulté du sujet qui nous confronte aujourd'hui. D'une part, vous
vous posez des questions très sérieuses en vous demandant qui, si
on enlevait le droit de grève dans les services publics et à
Hydro-Québec, verrait à ce que les services essentiels soient
assurés. C'est l'inconvénient majeur, en plus des autres, que
vous verriez. (11 heures)
Par ailleurs, avec le droit de grève, Hydro-Québec a un
bilan de relations de travail pas plus avantageux que celui du gouvernement
lui-même, dans la mesure où, en 1967 ou 1969, je pense, il n'y a
pas eu de conflits, de débrayages, mais en 1972, 1976 ou 19V, les
relations de travail à Hydro-Québec semblaient ne pas être
faciles également. Avec ce droit de grève, vous affirmez
également dans le mémoire que jamais les parties ne se sont
entendues sur les services essentiels. Alors, si on enlevait le droit de
grève, il y aurait un problème à savoir qui assurerait les
services essentiels et, avec le droit de grève, vous n'arrivez pas
à vous entendre pour assurer les services essentiels.
Mais, en réalité, dans les années difficiles
qu'Hydro-Québec a connues dans ses relations de travail avec les
employés, il y a eu des débrayages. Je pense que vous êtes
conscient également, lorsqu'il y a panne d'électricité ou
que les services de l'électricité ne sont pas fournis à
l'occasion des conflits de travail, que c'est un des points qui amènent
la population à songer à des solutions plus radicales; le domaine
de l'électricité touche directement le public. Quelle est votre
évaluation, M. le Président, ou l'un ou l'autre de vos
collaborateurs, sur la façon en général dont ont pu
être réparées les pannes, lors des conflits de
travail?
Je comprends qu'il n'y a pas eu d'entente sur les services essentiels,
mais il y a eu des actions de la partie syndicale et d'Hydro-Québec, je
suppose, pour assurer qu'effectivement les pannes soient
réparées. Le public, quant à la manière dont cela
s'est fait - je pense que vous en conviendrez avec moi - est convaincu que cela
a été beaucoup trop long, et non sans raison dans bien des cas.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M.
Réliveau.
M. Béliveau (Gilles): Je peux répondre à
votre question en vous faisant part un peu de l'expérience de 1979 qui
est la plus récente et où, effectivement, Hydro-Québec a
proposé une entente sur la définition des services essentiels et
les moyens de les assurer. Il y a eu un échange de correspondance,
télégrammes, rencontres, etc., pour, finalement, aboutir à
la situation où la partie syndicale nous a répondu qu'ils
étaient responsables et entendaient faire face à leurs
responsabilités dans le maintien des services essentiels, tout comme ils
l'avaient fait en 1976, selon ce qu'ils nous ont dit.
Là où il y a eu une entente tacite, ce fut quant à
établir des mécanismes de communication entre la partie patronale
et la partie syndicale pour communiquer à la partie syndicale les pannes
qui sont rapportées par la population. Alors, le jugement de
l'état d'urgence d'une panne, en 1979 comme en 1976 d'ailleurs, a
été la responsabilité de la partie syndicale.
C'est la raison pour laquelle, d'une façon
générale, la restauration du service a pris en moyenne - c'est ce
qu'on avait affirmé à la commission parlementaire du 17
décembre 1979 - à peu près trois fois le temps normal que
prend la restauration du service. Évidemment, cela s'explique par, d'une
part, le temps que peut prendre la partie syndicale à décider
s'il y a urgence ou pas et, d'autre part, cela s'explique aussi par la
difficulté de recruter des travailleurs en temps de grève,
surtout à une époque où la grève traîne
déjà, pour réparer les pannes en question.
À présent, je voudrais faire remarquer qu'il y a des
occasions où nous devons procéder à des réparations
sur le réseau électrique sans qu'il y ait nécessairement
panne affectant les services au public. Ce sont des occasions - et cela a
été le cas en 1979, c'est un des facteurs qui nous ont
amenés en commission parlementaire - où la stabilité et la
sécurité du grand réseau d'Hydro-Québec sont en
danger. Cela a été le cas en 1979 où nous avions, sur le
grand réseau de production et de transport d'Hydro-Québec,
plusieurs éléments importants qui étaient en panne et que
nous n'avions pas réussi à faire réparer par les
travailleurs. Alors, nous avions diagnostiqué que, si un autre
élément majeur devait flancher, nous étions en situation
précaire de perdre le grand réseau électrique et,
évidemment, on sait par expérience que ça allait affecter
toute la population du Québec et que ça allait nécessiter
passablement de temps, c'est-à-dire plusieurs heures; on disait
même que ça pouvait aller jusqu'à 24 heures pour
rétablir le réseau, avec les conséquences
économiques qui s'appliquent à ce moment.
M. Rivest: Évidemment, dans l'état actuel du droit
du travail qui s'applique à Hydro-Québec, il n'y a aucune
obligation juridique qui amène les parties à devoir s'entendre,
enfin, ce n'est pas encadré juridiquement, sur la manière
d'identifier le caractère essentiel d'un service en cas de conflit de
travail; il n'y a pas de choses analogues à ce qui existe, par exemple,
dans le secteur de la santé et de la sécurité, sauf, bien
sûr, les dispositions pour ce qui est du Code du travail, à
l'article 99, le recours à l'injonction, qui s'applique à
Hydro-Québec. Mais vous évoquez une possibilité, pour
Hydro-Québec, vous dites: Hydro-Québec est prête à
examiner les avenues qui sont déjà celles prévues pour les
organismes de santé et les services sociaux, c'est-à-dire la
création d'un conseil, etc.
À cet égard - c'est soit le président qui l'a
évoqué tantôt ou M. Durocher, je ne sais trop - en dehors
de l'organisme qui déterminerait les services essentiels et qui les
administrerait, si vous voulez, en cas de conflit, dans la loi actuelle, dans
la pratique actuelle, pour les services de santé et de
sécurité, il y a des dispositions qui sont prévues au
titre des ententes que les parties doivent faire là-dessus.
Deuxièmement, en cas de non-entente, comme on le sait, entre les deux,
pour définir la nature des services essentiels, la loi dit que c'est la
liste syndicale, c'est-à-dire que c'est le syndicat,
unilatéralement, qui décide ce qui est essentiel et ce qui ne
l'est pas dans les institutions de santé et de sécurité.
Est-ce l'idée que cela ne s'appliquerait pas complètement
à Hydro-Québec, étant donné la nature du service
que vous fournissez? Mais sur cette idée d'une
prépondérance de pouvoir, de responsabilité - parlons de
cela, puisque c'est ce dont il s'agit - confiés à la partie
syndicale, je comprends, de votre expérience, à tout le moins,
d'après ce que vous venez de dire, que vous seriez extrêmement
sceptiques sur la façon dont ce serait possible à
Hydro-Québec, dans la mesure où vous dites: Ce sont les
syndiqués qui ont fait que cela a pris deux ou trois fois plus de temps
qu'en temps normal pour réparer une panne. Peut-être n'est-ce
pas
l'endroit ici pour vous de jeter un blâme particulier au syndicat,
mais vous avez fait une affirmation de fait - prenons là la plus
objectivement possible - donc, est-ce que je conclus que vous ne verriez pas
d'un bon oeil, pour l'instant, qu'une responsabilité analogue à
celle qui est accordée aux employés des services de santé
et des services sociaux soit appliquée à HydroQuébec?
Est-ce que je vous comprends bien sur ce point?
M. Bourbeau (Joseph): M. Durocher.
M. Durocher: Effectivement, M. le Président, le conseil
des services essentiels qu'on retrouve dans le secteur des hôpitaux,
cette disposition de la loi ne s'applique pas a Hydro-Québec, puisque
notre entreprise est considérée comme faisant partie du secteur
péripublic. De fait, actuellement, il n'y a absolument rien dans la loi
qui oriente les parties, si on veut, sur la définition des services
essentiels. Tant le syndicat que l'employeur n'ont absolument aucun
baromètre, sinon l'équité et la bonne conscience, pour
convenir des ententes sur les services essentiels.
Vous nous demandez si le conseil des services essentiels qui existe dans
le secteur des hôpitaux pourrait avoir un certain effet à
Hydro-Québec. Nous avons des doutes sérieux. Notre proposition ne
va pas dans ce sens-là. La raison pour laquelle elle ne va pas dans ce
sens-là, c'est que la détermination des services essentiels prend
au coeur et aux tripes, tant de l'employeur que du syndicat. En période
de négociation, les objectifs que vise le syndicat, c'est
d'améliorer les conditions de travail des travailleurs. Les objectifs
que vise l'employeur portent également sur la détermination de la
convention collective.
La notion de services essentiels est une notion qu'on pourrait qualifier
de bien public. À cet égard, laisser à l'une ou à
l'autre des parties le soin de dire: C'est quoi le bien public? on pense qu'on
fait fausse route. Il appartient à l'État ou à un
organisme qui serait arrêté par l'État de se pencher et de
dire: Bien, c'est quoi exactement le bien public? Jusqu'à quel point le
public, à un moment donné, est dans un état d'urgence ou
jusqu'à quel point le public, à un moment donné, est dans
un état de danger?
C'est pour cette raison, M. le Président, que nous proposons un
organisme qui serait juge de la situation. Cet organisme, bien sûr, on
n'en a pas défini toutes les modalités. Mais cet organisme
pourrait être éclairé à la fois par la partie
patronale et par la partie syndicale sur l'état de la situation et
définir les modalités.
M. Rivest: J'ai moi-même eu l'occasion d'interroger
d'autres porte-parole depuis le début des travaux de cette commission
sur cet aspect qui m'apparaît assez fondamental. Dans la mesure où
on dit que ces services, que ce soit dans le domaine de la santé, des
services sociaux, à Hydro-Québec ou n'importe où, sont
essentiels - c'est là l'objectif; vous parlez de bien public -comment en
arriver à trouver un mécanisme de façon à les
assurer, à sortir cette détermination des services essentiels et
leur fourniture du contentieux de négociation et de façon
à la sortir? C'est-à-dire que cela ne devienne pas un objet de
négociation ou un moyen de pression de l'une ou l'autre des parties
contre son adversaire, en l'occurrence, mais que cela soit évalué
sur une base objective, uniquement en fonction du bien public. Sortir la
détermination des services essentiels du mécanisme de
négociation et de tout ce qui l'entoure, c'est-à-dire les moyens
de pression. La façon dont vous voyez cette possibilité, c'est
par la création - par un tiers, autrement dit -d'un organisme.
J'ai une dernière question. Dans la déclaration du
président, M. Bourbeau, ainsi que dans votre mémoire qui est plus
explicite, il y a une chose. Vous parlez, dans votre mémoire, d'un
organisme spécialisé, peu importe la structure. Par contre, M.
Bourbeau a dit, dans sa déclaration, en parlant de cet organisme - c'est
peut-être juste une façon de s'exprimer, mais la question
fondamentale est là - un organisme habilité à juger, selon
les circonstances, la catégorie, etc., si l'électricité
est devenue un service essentiel.
Quand, M. Bourbeau, vous employez le mot "juger", est-ce que cela
impligue dans votre esprit - c'est assez fondamental dans la mesure où
le ministre lui-même a interrogé des représentants
syndicaux, entre autres, la CSN - que cet organisme spécialisé,
qui verrait à la détermination des services essentiels à
Hydro-Québec pour ce qui concerne l'électricité, qui,
selon vous, serait habilité à juger, devrait être
doté de pouvoirs judiciaires et guasi judiciaires, c'est-à-dire
non seulement avoir des responsabilités normatives dans la
détermination des services essentiels et la façon effective de
les assurer, mais également un régime de sanctions et de
vérifications sur le comportement des parties et les efforts qui,
effectivement, sont faits pour assurer ou non les services essentiels?
Autrement dit, est-ce qu'à cet organisme, vous conféreriez
des pouvoirs judiciaires et quasi judiciaires?
M. Bourbeau (Joseph): Sur la proposition d'Hydro-Québec,
c'est certainement un organisme qui devrait rendre une décision sur ce
qu'est le service essentiel ou si quelque chose ne devient pas un service
essentiel. Je pense que, pour nous, c'est assez clair. C'est
un organisme décisionnel. (11 h 15)
Maintenant, pour être capable de mieux définir ce fameux
organisme, je pense que M. Guy-Paul Hardy peut vous donner plus
d'éclairage sur certaines modalités.
M. Hardy: En fait, ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est
que l'organisme est habilité à décider, à un moment
donné, dans un cas donné. C'est quelque chose d'évolutif,
de dynamique, ce mécanisme. Il ne prend pas de décision au
préalable, six mois à l'avance, à savoir que tout est
essentiel ou que bien des choses sont essentielles. Il peut en prendre
certaines d'avance quand c'est évident; à titre d'exemple, on ne
peut pas laisser longtemps un hôpital sans électricité. II
peut décréter à l'avance que la fourniture de
l'électricité à un hôpital devient un service
essentiel.
Ce n'est pas la même chose pour d'autres types d'abonnés.
Ce n'est pas la même chose en quelque saison de l'année que ce
soit. En été, une grève qui affecte le domiciliaire, ce
n'est pas nécessairement un service essentiel. En hiver, ça peut
changer. Une grève qui affecte une usine, ce n'est pas
nécessairement un service essentiel, ce n'est pas nécessairement
relié à la santé et à la sécurité de
la population. En conséquence, ce qu'on dit, c'est que l'organisme
devrait décider quand la santé et la sécurité de la
population sont affectées et il devrait aussi décider des moyens
à prendre pour remettre le service.
On ne donne pas de pouvoirs quasi judiciaires, de pouvoirs judiciaires
à cet organisme. Ce qu'on mentionne, c'est que l'exercice du droit de
grève devrait être subordonné au respect des
décisions de cet organisme. S'il y a des parties qui se croient
lésées, qui prétendent que la grève était
illéqale, des choses comme ça, il y a des
possibilités...
M. Rivest: Vous dites que cet organisme doit décider.
Mais, s'il décide, il rend jugement... C'est ça, le
caractère judiciaire, c'est ce que je veux dire quand je parle d'un
organisme judiciaire. Il ne suffit pas que l'organisme décide de guelque
chose, il doit avoir les moyens, également, de le mettre en oeuvre.
Donc, il faut qu'il y ait un régime de sanctions. La décision est
judiciaire, elle est exécutoire. Quand je dis judiciaire, je veux dire
qu'elle est exécutoire et qu'il n'y a pas d'autre avenue, à moins
que je ne fasse erreur et que cet organisme ne soit doté de pouvoirs...
C'est ça que j'entends, en tout cas, quand je dis que cet organisme,
selon ce que vous proposez... Je vous pose la question à savoir si c'est
ça. Vous me dites: Ce n'est pas un organisme qui va seulement donner des
conseils, il faut qu'en fin de compte, les gens aient de
l'électricité. S'il n'y a pas moyen de s'entendre entre le
syndicat et Hydro-Québec, c'est pour ça qu'on crée
l'organisme. C'est là-dessus que j'aimerais qu'Hydro-Québec
réfléchisse davantage, si sa réflexion n'a pas
été poussée jusque-là, ou précise,
éventuellement, son attitude.
La question, je la pose parce que, dans le domaine de la santé et
de la sécurité, on l'a. Le ministre a interrogé, entre
autres, M. Rodrigue, de la CSN, ainsi que les autres représentants
syndicaux et eux, évidemment, nous ont dit très clairement: Nous,
on s'oppose à ce que toute espèce d'organisme de ce type soit
doté de pouvoirs judiciaires et quasi judiciaires. À ce
moment-là, ils savent bien que ça va être un tiers qui va
décider et, dans le domaine de la santé et de la
sécurité, en vertu de la loi actuelle, le syndicat a un pouvoir
reconnu par la loi; s'il n'y a pas d'entente, c'est lui qui a la
prépondérance, c'est un droit qui lui a été
confié par une loi, il y a un an ou deux. Le gouvernement a
confié cette responsabilité aux syndicats, il a fait ce
choix.
Ce qu'Hydro-Québec propose ou, enfin, ce que je comprends de
votre témoignage, ce n'est pas du tout ça. Il n'est pas question
de donner l'autorité au syndicat, non plus, d'ailleurs, qu'à
Hydro-Québec; c'est un organisme indépendant qui le ferait.
À ce moment-là, il faut qu'il ait des pouvoirs, cet organisme. Ca
ne peut pas être seulement une espèce d'organisme consultatif
parce que ça ne donnerait pas d'électricité aux gens qui
vont en manquer.
M. Bourbeau (Joseph): M. Durocher.
M. Durocher: Bien sûr, vous touchez des points très
importants. On est ici en présence de la création, si on veut,
d'organismes qui ont, dans certains pays... On peut établir des
parallèles avec des organismes qui existent dans certains pays ou dans
certaines provinces pour celui qu'on propose. À ce moment-ci, on ne
prétend pas qu'on a fait le tour complet de cette formule. Nous la
voyons de la façon suivante. Nous créons un organisme qui va
pouvoir, au cours d'une grève, ou avant une grève, dans le
secteur de l'électricité, évaluer la situation qui, comme
le mentionnait M. Guy-Paul Hardy, est changeante. Il faut que cet organisme,
à la fois, ait des pouvoirs de décision. Le seul pouvoir de
décision qu'on voit à cet organisme, c'est de décider si,
à un moment donné, la santé ou la sécurité
publique est en cause ou de décider que tel type de services doivent
être maintenus, et également de décider quels moyens
l'entreprise et le syndicat doivent prendre pour maintenir les services.
M. Rivest: Une petite question. Pour
décider, est-ce que, dans votre esprit, vous allez accepter que
cet organisme entende les parties? Si Hydro-Québec vient dire: Oui,
c'est un problème très grave, est-ce que le syndicat aurait le
droit de dire: Non, ce n'est pas si grave que cela? Si vous embarquez
là-dedans, vous embarquez dans le processus judiciaire et quasi
judiciaire.
M. Durocher: L'hypothèse qu'on mettait de l'avant,
c'était que le responsable de cet organisme, appelons-le commissaire
pour les fins de l'échange, pourrait être accompaqné d'un
spécialiste du secteur où se produit la grève, où
la grève est appréhendée, et recevoir l'éclairage
de ce spécialiste.
M. Rivest: Un spécialiste d'Hydro-Québec?
M. Durocher: Qui pourrait être nommé par l'organisme
en question, venant des secteurs soit patronal ou syndical, qui connaisse le
secteur, bien sûr, mais on ne voit pas que l'organisme ait des pouvoirs
judiciaires; en d'autres termes, que l'organisme impose des sanctions, des
amendes. Il appartiendrait aux autres tribunaux qui existent déjà
de voir à ce que ces décisions de l'orqanisme soient
maintenues.
M. Rivest: Je m'informais. Ce que vous semblez évoquer,
c'est pratiquement un retour, sur une base peut-être plus
institutionnalisée, pour les fins d'Hydro-Québec, à ce qui
existait dans la loi 253 sur les commissaires, qui décidaient, dans le
domaine de la santé et de la sécurité, ce qui était
ou n'était pas des services essentiels dans l'établissement. Il y
avait tout un contexte politico... je ne sais trop comment le qualifier, autour
de la loi 253, mais en pratique tous les gens qui ont examiné la loi ont
trouvé que cette formule n'avait pas été un immense
succès. C'était le commissaire-enquêteur qui
décidait de ce qui était essentiel ou pas, mais finalement cette
chose n'a pas fonctionné du tout.
M. Durocher: En fait, on est conscient que notre formule... Il y
a une idée qui est lancée. On dit que, si l'idée est
intéressante, il faudra mettre en présence les parties
concernées et pousser davantage cette formule.
Le Président (M. Rodrigue): M. Perron, Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Mon collègue de
Prévost a soulevé plusieurs questions que j'avais l'intention de
soulever. Je voudrais en toucher une en particulier. Si ma mémoire est
bonne, la loi 59, par exemple, ne touche aucunement les services essentiels en
rapport avec Hydro-Québec et les travailleurs d'Hydro-Québec. La
question que je voudrais vous poser est celle-ci: N'est-il pas exact - je
prends une région en particulier - que, par exemple, dans la
région de la Manicouagan, il y a eu une très bonne entente avec
le Syndicat canadien de la fonction publique, spécialement le local
1500, afin que tous les services essentiels soient maintenus? Deuxième
question, très courte aussi. Je voudrais savoir ce que vous pensez d'un
comité composé d'usagqers et de travailleurs, puisque cela a
été soulevé dans d'autres mémoires. Ce
comité aurait pour mandat de suivre de près l'évolution
des services essentiels, que ce soit à Hydro-Québec ou dans
d'autres secteurs d'activité.
M. Bourbeau (Joseph): M. Hardy.
M. Hardy: Pour ce qui est de votre première question,
à savoir qu'il y a eu des ententes qui ont été très
bien respectées dans la région de la Manicouagan, il est possible
qu'il y ait eu des circonstances où les ententes ont été
bien respectées, où les services essentiels dans certains
endroits ont été bien rendus, mais il reste qu'à un moment
donné - les parties sont mauvais juge de cela, je pense que c'est la
population et les élus du peuple qui doivent en juger -le
législateur a dû intervenir dans le cours de l'histoire
d'Hydro-Québec pour ordonner des retours de travail afin de maintenir
les services essentiels. Cela a été le cas en 1972; cela a
été le cas en 1979. Donc, je ne suis pas en mesure de
répondre avec précision dans le cas que vous soulevez pour la
région de la Manicouagan, mais je sais qu'en général le
législateur a dû intervenir en certaines circonstances pour
assurer à la population les services essentiels.
Quant à votre deuxième question, qui porte sur un
comité composé de représentants des travailleurs et de
représentants des usagers, je ne suis pas très familier avec le
mandat que pourrait avoir ce comité. Quel serait l'objectif de ce
comité? Serait-ce d'assurer la qualité des services ou de
vérifier si les services essentiels sont maintenus?
M. Perron: Cela pourrait être, par exemple, de suivre
l'évolution des services essentiels et de faire des recommandations
à un organisme quelconque ou même de faire des recommandations aux
travailleurs et à Hydro dans votre cas pour que telle chose soit faite
pour donner des services essentiels à la population. Je donne un
exemple; cela pourrait aller plus loin que cela.
M. Hardy: En fait, dans notre mémoire, on crée un
organisme qui devrait uniquement intervenir pour empêcher l'exercice du
droit de grève dans les cas d'urgence; pas d'une
façon systématique, pas des interventions
préventives au cas où, mais intervenir ad hoc dans des cas
d'urqence. On croit qu'il est important que cet organisme puisse agir vite,
parce qu'un cas d'urgence il faut le régler vite. Je pense que des
organismes consultatifs comme ceux-là auraient peut-être pour
effet de retarder la décision de cet organisme. Remarquez que c'est une
formule qu'on n'a pas explorée à fond à
Hydro-Québec; on ne s'est pas penchés là-dessus, mais
j'apporte immédiatement une certaine réserve sur l'urgence de la
réaction de l'organisme.
M. Bourbeau (Joseph): M. Béliveau a aussi des commentaires
sur la question.
M. Réliveau: En fait, j'ai quelque chose à ajouter
sur la question du député de Manicouagan.
M. Perron: Le député de Duplessis; le
député de Manicouagan, c'est au fédéral.
M. Béliveau: Excusez-moi, M. le Président, toutes
mes excuses. Si on se réfère à la période de
grève qu'on a connue en 1979, il faut mentionner qu'il y a de nombreuses
décisions à prendre tous les jours pendant une période de
grève en ce qui concerne les pannes. On calcule qu'il peut y avoir, au
mois de décembre, par exemple, environ 200 pannes
d'électricité par jour dans la province en tout, sur tout le
réseau, production, transport et distribution.
M. Perron: Mais cela touche surtout la distribution?
M. Béliveau: Surtout, oui, d'accord. C'est la raison pour
laquelle, tant du côté patronal que syndical, ou vice versa, on a
essayé, lors de chaque grève, de gérer la restauration du
service de la façon la plus décentralisée possible pendant
la grève, comme on le fait d'ailleurs en temps ordinaire, parce qu'on se
doit de décentraliser des décisions pour qu'elles soient plus
rapides. On se doit aussi, pour la rapidité des décisions,
d'être le plus près possible de l'endroit, du lieu où se
situent les pannes, de façon que nous puissions avoir l'information le
plus rapidement possible et, évidemment, la meilleure information
possible. Ceci revient à dire que, possiblement, dans la région
de Manicouaqan, les mécanismes étaient bien huilés entre
les deux parties et nous nous sommes bien entendus tout au long de la
grève quant aux décisions à prendre sur les
réparations à faire. Dans d'autres régions, cela a moins
bien fonctionné, cela a varié. Je ne sais pas si cela
répond à votre question, M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Pour le moment, oui, merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak. Oui, M.
Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): J'aurais peut-être une
réflexion pour le député de Duplessis sur le comité
usagers-travailleurs. Quoique je ne connaisse pas la façon dont ce
comité pourrait fonctionner, c'est peut-être un comité qui,
avec des usagers et des travailleurs, pourrait répondre à
certains problèmes lors d'une grève et définir des
services essentiels. Peut-être que d'autres problèmes pourraient
se présenter sur le grand réseau où on devrait regarder
avec une grande technicité quand le réseau peut devenir
vulnérable. À ce moment-là, peut-être que ce
comité, avec des usagers et des travailleurs, ne pourrait pas arriver
à définir exactement quand le réseau pourrait devenir
vulnérable. Or, il se peut que le comité puisse travailler dans
certains cas, mais, dans d'autres cas, peut-être que le comité ne
pourrait pas apporter une bonne solution. C'est une réflexion que
j'ai.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak, Sainte-Anne.
M. Polak: M. Bourbeau, jusqu'ici, on a parlé beaucoup de
services essentiels dans le secteur des hôpitaux et, heureusement, les
gens ne sont pas tous des usagers de ce service. Quand il s'agit
d'Hydro-Québec, c'est tout à fait différent; nous sommes
tous de bons clients. Je suis certainement un bon client, je paie mes comptes.
Cela devient de plus en plus cher, je le sais. On a tous ces services; on veut
qu'ils soient continués. (11 h 30)
Vous nous avez parlé tout à l'heure des services
essentiels - je reprends un peu les paroles de M. Perron - pour moi, le
consommateur, le client, c'est très important.
Je me rappelle, par exemple, il y a quelques années, qu'il y
avait une grève depuis à peu près une semaine et, dans
certains secteurs de l'ouest de Montréal, tout le monde louait des
qénérateurs. C'est bien beau. Pas de problème. J'ai vu
plus de machines en dehors des maisons que je n'en avais jamais vu de ma vie,
mais c'était chaud, c'était éclairé, c'était
parfait.
Mais quand on va un peu vers l'est, dans mon comté, par exemple,
ils ne sont même pas capables de payer l'électricité.
Imagnez-vous qu'un qénérateur, cela n'existe pas. Donc, quand il
fait froid, il fait très froid. À ce point de vue, il faut faire
des distinctions dans la situation. Il ne faut pas être trop
généralisateur là-dedans.
J'ai juste une question sur vos
suggestions 8 et 9, dans le mémoire, à la page 18. Au no
8, vous dites qu'il faut avoir un organisme d'information pour le public. Je
suis tout à fait d'accord sur cela. Je pense que c'est une bonne
suggestion. Cependant, n'est-il pas vrai que, dans un cas de grève, cela
existe déjà? On voit dans les journaux: Position
d'Hydro-Québec, signée par vous ou M. Boyd ou je ne sais qui.
Ensuite: Position du syndicat, siqnée par le grand "boss" du syndicat.
J'imagine qu'il paie ces annonces de ses propres poches.
Est-ce que vous avez l'intention que ceci soit maintenant
financé, toute cette publicité, par le public, par la bourse du
public? Il ne reste pas beaucoup d'argent dans la bourse du public avec les
coupures. Cela peut devenir très coûteux, si on veut donner un bon
service à la population. Comment voyez-vous cela, en guelgues mots,
cette méthode de publicité?
M. Bourbeau (Joseph): Vous savez que notre bourse, qui
était bien remplie, peut se vider elle aussi.
M. Rivest: M. Parizeau y voit.
M. Bourbeau (Joseph): M. Guy-Paul Hardy va répondre
à cette question.
M. Hardy: La suggestion que nous faisons dans le mémoire,
c'est la création d'un organisme neutre, un organisme qui, en fait, ne
devrait pas être biaisé, ne devrait pas être partie aux
négociations et pourrait informer le public le plus objectivement
possible. Il aurait probablement plus de crédibilité,
étant donné que cela viendrait d'un organisme neutre.
L'information qui sortirait de cet organisme pourrait être plus
crédible pour le public.
Un autre avantage que nous y voyons, c'est que cet organisme pourrait
aussi avoir comme mandat d'exprimer les positions du public ou l'opinion
publique. C'est un peu la contrepartie. D'abord, un public bien informé.
Ensuite, un public qui fait valoir sa position, qui la fait connaître
à l'ensemble de la population, et aux parties en particulier, de
façon à les inciter. C'est un moyen parmi d'autres qui,
ajouté à d'autres, va peut-être nous aider à avoir
un meilleur climat de relations et peut-être...
M. Polak: Mon dernier point, sur la recommandation no 9,
où vous parlez de la création de mécanismes pour que le
public puisse faire connaître son opinion. Je suis en faveur; surtout
dans votre secteur, nous, le public, on connaît pas mal l'affaire. On
sait que, lorsqu'il n'y a pas d'électricité, il fait froid, on le
voit tout de suite. On n'a pas besoin d'être experts pour cela.
Comment voyez-vous le rôle du public? Est-ce qu'il y a un
représentant du public qui va être présent aux
négociations, pour dire, à un moment donné:
Dépêchez-vous un peu parce que nous, le gros bon sens dit qu'on
peut résoudre le problème? Quel rôle ce représentant
va-t-il jouer?
Le Président (M. Rodrigue): M. Hardy.
M. Hardy: On pense que le public, s'il est bien informé,
va peut-être pouvoir exprimer son opinion par le biais de ce
mécanisme. Cela va avoir un impact, je ne parle pas uniquement en
période de grève, mais surtout en période de
négociation, sur la position des parties. Les parties vont
peut-être être portées à faire davantage de
compromis, à ne pas vouloir traîner des demandes qui vont
être difficilement justifiables, ou des positions qui vont être
difficilement justifiables aux yeux du public, sachant déjà
l'opinion du public sur le sujet, alors qu'un conflit est
appréhendé ou en cours.
M. Polak: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants d'Hydro-Québec. J'invite maintenant les
représentants de l'Association des consommateurs du Québec
à prendre place en vue de nous présenter leur mémoire.
Le mémoire de l'Association des consommateurs du Québec,
si je ne m'abuse, sera présenté par Mme Niquette Delage.
Mme Delage, pourriez-vous nous présenter la personne qui vous
accompaqne et ensuite présenter votre mémoire, s'il vous
plaît?
Association des consommateurs du Québec
Mme Delage (Niquette): Certainement. M. le Président,
mesdames et messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs, je
suis accompagnée de Mme Lucille Brisebois, qui est la présidente
de la section locale Montréal/Décarie qui est à l'origine
de ce mémoire. Nous allons nous partager la tâche. Cependant, il
me fait plaisir de vous dire que ce mémoire est endossé oar toute
l'Association des consommateurs du Québec.
Mme Brisebois.
Mme Brisebois (Lucille): M. le Président, la section
Montréal/Décarie est l'une des quinze sections locales de
l'Association des consommateurs du Québec. Les bénévoles
qui oeuvrent au sein de l'Association des consommateurs du Québec
consacrent toute leur énergie à défendre les
intérêts des citoyens, consommateurs de biens et de services, et
cela de mille et une façons. Elle se donne comme objectif
d'informer et d'éduquer les gens afin d'en faire des
consommateurs plus avertis, plus prudents.
Depuis sa fondation, au cours de l'été 1978, la section
Montréal/Décarie a constaté que les principales
préoccupations de ses membres se situaient au niveau de la hausse du
coût de la vie et au niveau, plus particulièrement, des
difficultés de toutes sortes engendrées par les interruptions
multiples dans les services public et parapublic.
À cet égard, l'automne de 1979 fut des plus
pénibles, alors que des grèves privaient les citoyens de soins
médicaux, de transport en commun au travail et à l'école,
d'électricité par temps froid. Et, que dire de la perturbation
dans les services gouvernementaux au niveau de la distribution des
chèques aux bénéficiaires qui en tirent leur seule source
de revenu, pour survivre?
Face à cette situation,
Montréal/Décarie lança donc, lors d'une
émission de ligne ouverte à la radio, l'opération
réaction, ce qui lui permit de canaliser vers un seul point toutes les
doléances des citoyens privés de services qu'ils paient, auxquels
ils ont droit, services que des arrêts de travail avaient interrompus
brutalement et même parfois sans avertissement.
Une centaine de témoignaqes écrits en provenance de tous
les coins du Québec confirmèrent l'état des
préoccupations de la population telles qu'exprimées par les
membres de Montréal/Décarie; en voici quelques-uns. Une personne
de Chicoutimi nous écrit: "Les organisations patronales et syndicales
sont nécessaires, mais l'expérience des dernières
années nous enseiqne qu'il faut les protéger contre
elles-mêmes. Il faut revoir les lois du travail. " Une dame de
Montréal s'exprime ainsi: "II faut se grouper pour agir, en tenant
compte des possibilités dont nous disposons, face aux aberrations, aux
injustices qui ont dépassé les limites. Est-ce possible que les
femmes qui ont ce noble privilège de connaître l'enfantement
laissent faire tant de dégradation? Dieu merci! je ne connais pas encore
de femmes chefs de syndicats. J'espère que, si cela arrive, elles
seraient plus humaines. "
D'un correspondant âgé de quinze ans: "Je suis un
étudiant "cassé" et je suis contre les qrèves dans les
secteurs public et parapublic. Je trouve que c'est inhumain. Pendant les
qrèves de transport, je devais marcher deux heures pour arriver à
mes cours et autant pour revenir à la maison. À mon avis, les
qrèves de ces deux secteurs ne devraient pas être permises. Ce
droit devrait être aboli et que ceux qui veulent "grèver" aillent
chercher un emploi dans d'autres secteurs. C'est une déchéance de
la civilisation, c'est honteux, en 1980. " Il a guinze ans, le bonhomme.
De Lacolle: "Je trouve très frustrantes ces grèves au
cours desquelles les services essentiels ne sont même pas maintenus.
Quant à moi, mon entrée est faite à l'hôpital pour
une opération depuis septembre et ce dont je souffre est très
incommodant. Mon mari aussi doit être opéré pour une
hernie. Nous avons 70 ans. " Elle m'écrit en décembre.
De Pointe-Claire, en janvier 1980: "Je suis d'avis que tous les services
publics sont essentiels, qu'ils ne doivent pas être interrompus. "
De Longueuil, le 1er octobre 1980: "Personnellement, la grève des
transports de l'automne dernier m'a empêché de continuer de
travailler. Mon emploi était à Laval, alors, pas d'autobus ou de
métro. J'aimais mon travail à la clinique médicale,
même si je qaqnais seulement le salaire minimum. "
De Sorel, une autre personne nous dit: "Je suis un vétéran
et je dois travailler pour 150 $ par semaine. J'ai connu les années
trente, la guerre, la crise, le chômage et la disette. Aujourd'hui, les
syndiqués refusent des augmentations de 48 $ par semaine, ils ont la
belle automobile de l'année et tout ce qu'il faut et nos charmants
représentants, aussi bien à Ottawa qu'à Québec avec
leur gros salaire, sont-ils élus pour protéqer les syndicats ou
le peuple?"
D'East-Anqus, un dernier témoiqnaqe qui nous dit: "Nous sommes
deux personnes âgées de 75 et 73 ans et nous vivons dans
l'anxiété du jour. Aurons-nous de l'électricité ce
soir ou demain et rien en main pour suppléer au courant manquant?"
Alors, Montréal/Décarie a poursuivi sa consultation et se
fit, le 22 janvier 1981, l'hôte d'une discussion publique au sujet de
l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Au
moins 150 personnes de tous les âges et de tous les milieux se rendirent
à la salle A-2885 du pavillon Hubert-Aquin de l'Université du
Québec, à Montréal. De tous les chefs syndicaux des
qrandes centrales qui avaient été invités à cette
réunion pour y commenter le contenu du mémoire
préliminaire de Montréal/Décarie au sujet de cette
épineuse question des qrèves, seulement M. Jean-Louis
Harguindequy se présenta. De nombreux groupes - dont la
nomenclature se trouve sur la dernière page du mémoire final de
Montréal/Décarie - ont appuyé l'initiative ainsi prise et,
s'il faut en croire les chiffres fournis par ces groupes, quant au nombre de
personnes qu'ils représentent, c'est 1 000 000 de
Québécois qui tiennent à discuter d'une manière ou
d'une autre de la question des grèves et à participer au
débat pour trouver des solutions, afin d'éviter que les
qrèves, dans les secteurs public et parapublic, ne se fassent pas au
prix des souffrances et des mangues de soins des malades, des vieillards, de
même qu'au prix
de l'anqoisse de nos enfants, au prix de leur éducation, au prix
des privations des plus démunis d'entre les citoyens du
Québec.
Quelles sont les recommandations de la section
Montréal/Décarie, telles qu'endossées par toute
l'Association des consommateurs du Québec? Je vais laisser Mme Delage
vous en faire part.
Mme Delage: La première de ces recommandations, M. le
Président, est la suivante: Que l'on pousse l'étude du rôle
que pourrait jouer un arbitre dans le contexte des relations de travail, alors
qu'il serait appelé à intervenir au moment des
négociations des conventions collectives dans les secteurs public et
parapublic; 2. Que l'on révise les textes législatifs pertinents
au monde du travail, qu'ils aient du mordant, si telle est bien l'intention du
législateur, que l'on en bouche les trous, que l'écriture en soit
plus soignée, plus précise, plus claire et ne prête pas
à de moult interprétations, que toutes les lois concernées
soient compatibles; 3. Que l'on scrute attentivement et de façon
complète les administrations dans les secteurs public et parapublic; 4.
Que toutes les parties en cause, patrons, syndiqués, consommateurs,
conviennent que l'hôpital est un service essentiel; l'hôpital est
un service essentiel non seulement pour les malades qui y sont
déjà, mais aussi pour ceux qui attendent d'y être admis et
dont l'état de santé court d'inutiles risques s'ils en sont tenus
éloiqnés; 5. Que par la volonté même des
syndiqués du secteur hospitalier, la grève, comme moyen de
pression, cesse d'exister; 6. Que soit revalorisé, au sein du mouvement
syndical, le rôle des syndiqués; 7. Que le vote qui
décidera du déclenchement d'une grève, la où son
exercice aura été maintenu en vertu d'un consensus populaire,
représente la prise de décision d'au moins 80% des membres du
syndicat concerné; que le vote de grève soit pris sur les lieux
de travail, pendant les heures de travail, avec l'assurance de la collaboration
de l'employeur; 8. Que le vote secret soit une pratique
généralisée pour toutes les questions à trancher
qui touchent de près ou de loin l'exercice du droit de grève,
là où il subsistera en vertu d'un consensus populaire; 9. Que le
décompte des votes soit toujours confié à des
représentants syndicaux qui soient cependant étrangers au
syndicat concerné; 10. Que l'on implique tous les syndiqués dans
la révision de la situation qui fait l'objet du débat public sur
l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic; 11.
Que se crée un rapprochement entre les citoyens syndiqués et les
citoyens usagers et que ce rapprochement soit, dans les faits, attesté
par le rejet pur et simple, par les syndigués, des grèves
illégales comme moyen supplémentaire de pression, là
encore où subsistera le droit de grève en vertu d'un consensus
populaire; (11 h 45) 12. Que les syndiqués s'engaqent solennellement
à ne recourir qu'à l'arbitrage en cas de difficultés
rencontrées au cours de la période d'application d'une convention
collective; 13. Que la population soit mieux informée de ce qui se passe
dans les secteurs public et parapublic; 14. Que l'on ouvre à la
population les négociations des secteurs public et parapublic par le
biais de la télévision; 15. Que l'on étudie le concept de
l'ombudsman dans le contexte des secteurs public et parapublic. Une personne
désignée comme représentant officiel du public qui aurait
la tâche de rapprocher les parties, de voir à ce que les
délais de dépôt, de demande et d'offre soient
respectés, de voir à ce que de véritables
négociations se déroulent, de s'assurer, en somme, que l'on
n'oublie pas, dans tout ce processus, le citoyen contribuable; 16. Que l'on
étudie la possibilité de donner à cet ombudsman les
pouvoirs d'un arbitre, ce qui amène l'examen très poussé
du rôle de l'arbitre, tel que suqqéré
précédemment, dans le contexte des négociations
elles-mêmes dans les secteurs public et parapublic; 17. Que le public
freine de lui-même ses exigences et qu'il soit alerte, responsable,
conscient des enjeux et de ses propres responsabilités face à ces
derniers, et qu'il soit réaliste. Qu'il rappelle à l'ordre ses
représentants qui ne jouent pas leur rôle; 18. Que les attitudes
changent en profondeur. Qu'une définition de la société
soit clairement établie, qu'elle amène un engagement personnel de
chacun de ses membres à part entière; 19. Qu'il existe une
véritable concertation au sujet de ces questions fondamentales où
sont en jeu les valeurs mêmes de la société.
Mme Brisebois.
Mme Brisebois: Merci. Ceci dit, M. le Président, c'est
donc la prise en charge de soi-même que Montréal/Décarie
propose en invitant tous ceux et celles qui le veulent à contribuer de
leur temps, de leur bonne volonté, de leur bonne foi, de leur
sincérité et de leurs énergies à la
réalisation d'un idéal commun que l'on décide de se donner
comme société. Voilà qui constitue l'amorce d'une solution
que les consommateurs de services, que sont aussi les bénévoles
de l'Association des consommateurs du Québec, jugent être le
premier pas indispensable au
développement d'une conscience sociale collective qui sera
à la mesure de la maturité humaine qu'ils estiment essentielle
à l'épanouissement de la société dans laquelle ils
vivent. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentantes de l'Association des consommateurs du Québec. M.
le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais simplement
remercier la section locale Montréal/Décarie de l'Association des
consommateurs du Québec. Comme mon collègue, le
député de Duplessis, a particulièrement scruté ce
mémoire, avec votre permission, M. le Président, je lui
céderai immédiatement la parole. Je sais qu'il a quelques
remarques à formuler et aussi un certain nombre de questions à
poser.
Le Président (M. Rodrigue): M. Perron, Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier, comme membre de cette commission, l'Association des consommateurs du
Québec Inc.
Je relève quatre points assez importants dans votre
mémoire.
Premièrement, vous dites que vous êtes contre le fait
d'enlever le droit de grève dans les secteurs public et parapublic parce
que, de cette abolition, découlerait sûrement de la
désobéissance civile, etc.
Quant au deuxième point, les mécanismes de
négociation, vous relevez qu'il faudrait étudier le rôle
que pourrait jouer un arbitre dans la négociation, réviser les
textes législatifs, par exemple, boucher les trous, écriture plus
soigneuse, etc. Vous mentionnez que le syndiqué s'engage solennellement
à ne recourir qu'à l'arbitrage lorsqu'une convention collective
est déjà signée afin de régler les
difficultés d'application. Vous mentionnez aussi que les
négociations se fassent à la télévision. Vous
mentionnez que le public soit mieux informé et, de plus, qu'on devrait
définir ce qu'est une société.
D'autre part, sur les services essentiels - j'aurai, là-dessus,
au moins une question à vous poser - toutes les parties en cause
conviennent que l'hôpital est un service essentiel, que, par la
volonté même des syndiqués du secteur hospitalier, la
grève cesse d'exister. Pour ce qui a trait à la grève, que
ce soit décidé par au moins 80% de tous les membres durant et sur
les heures de travail, au scrutin secret, en présence de
représentants syndicaux d'un autre secteur. Vous recommandez aussi que
le vote secret doit devenir une pratique généralisée sur
toute question relative au droit de grève et, bien entendu, vous parlez
aussi du rejet pur et simple pour les syndiqués du recours aux
grèves illégales.
En quatrième lieu, la perception du rôle de l'État.
Considérant que le gouvernement du Québec et, dans plusieurs cas,
dans la majorité des cas, les secteurs public et parapublic, sont, en
fait, juge et partie -c'est ce que vous dites textuellement dans votre
mémoire - vous demandez que ces interventions étatiques soient
plus rapides, parce que vous les considérez comme très lentes
actuellement. J'en conviens. Je pense qu'on peut être sur la même
longueur d'onde là-dessus.
Parmi les questions que j'ai à poser, la première se
rapporte aux 80%. Vous recommandez que le vote décidant du
déclenchement d'une grève représente la prise de
décision d'au moins 80% des membres du syndicat concerné. Est-ce
que vous croyez que ce mode de fonctionnement soit vraiment démocratique
dans le contexte où nous vivons actuellement, avec environ 35% de
syndiqués dans tout le Québec et avec le nombre de conventions
collectives existantes?
Mme Delage: Nous nous limitions évidemment à un
secteur particulier, celui des services public et parapublic. On a
mentionné dans le mémoire - et on a vécu cette
expérience - que beaucoup de gens qui nous ont écrit sont des
syndiqués. Beaucoup de gens qui ont assisté à nos
réunions sont des syndiqués. Beaucoup de gens qui sont venus
à cette réunion du mois de janvier 1981, en fait la
majorité des gens qui y assistaient étaient des syndiqués
que nous avions tenu à consulter. À la lumière de toutes
ces consultations, des conversations que nous avons eues avec ces gens, nous
avons convenu possiblement d'un moyen terme, et ça ne semblait pas, aux
yeux des syndiqués eux-mêmes - je ne parle pas, donc, des
dirigeants syndicaux - quelque chose d'irréaliste.
Ce qui ressortait clairement des consultations, des conversations de
même que des témoignages, M. le député, c'est que
les syndiqués avaient le sentiment très net de ne pas participer
aux décisions prises par les dirigeants syndicaux. Je ne suis pas
là pour juqer de la chose, je ne suis pas moi-même
syndiquée, je ne l'ai jamais été. Mais il faut bien, comme
consommateurs, qu'on prête l'oreille à ces commentaires.
Voilà pourquoi il y a cette dimension, dans notre mémoire, de
revaloriser la vie syndicale, parce que c'est vraiment une impression que nous
avons eue, au cours de toutes ces rencontres et de ces échanges, que les
syndiqués avaient le sentiment d'être un petit peu laissés
en dehors de la partie, que les décisions étaient prises
d'avance. Finalement, beaucoup d'entre eux disaient: Pourquoi irions-nous
à des réunions, alors que c'est du temps perdu? C'est vraiment un
sentiment de défaitisme
considérable que nous avons constaté chez ces gens.
Voilà pourquoi nous nous sommes permis, à la suite de ces
conversations, de suqqérer que peut-être il y aurait une
façon de les intégrer davantage à la vie syndicale, et ce
serait précisément de multiplier les obligations d'assister aux
réunions et de participer à des votes, les forcer, à
toutes fins utiles, à prendre position. C'était un souhait qu'ils
exprimaient eux-mêmes. Quant aux modalités, évidemment,
ça demeure quelque chose à régler à
l'intérieur du milieu syndical, mais je pense bien que nous nous
faisions les porte-parole des consommateurs que sont, d'ailleurs, ces
syndiqués, et des consommateurs qui ne le sont pas et qui souhaitent
qu'il y ait vraiment une amélioration dans ce domaine.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marquette. Je m'excuse, M. le député de Duplessis.
M. Perron: Excusez-moi, M. le Président, j'ai encore trois
autres questions à poser. Dans votre mémoire, à la page
10, vous dites, au bas de la page: "Plus de grèves de par la
volonté même des syndiqués. Plus de provocation non plus de
la part de la partie patronale. Des communications constantes, soutenues,
valables, des consultations véritables, bref, un changement d'attitude
complet. " Je sais parfaitement bien, pour avoir travaillé pendant une
vinqtaine d'années à Hydro-Québec et considérant
les relations syndicales-patronales qui laissent énormément
à désirer, que ce serait très difficile d'en arriver
là.
Cependant, j'aimerais que vous précisiez ce que vous avez
mentionné spécifiquement. D'autre part, je voudrais vous demander
comment vous articulez ce changement d'attitude au moment des frictions
éventuelles lors de rencontres de négociation. N'envisagez-vous
pas l'utilisation d'un palliatif quelconque de la part des parties pour
exprimer leur mécontentement lorsqu'il y a négociation?
Mme Delage: À cette réunion du mois de janvier
1981, je vous ai mentionné tout à l'heure qu'il y avait vraiment
une majorité de gens impliqués dans le milieu syndical. Ce sont
des syndiqués actifs au sein de leur milieu. Il y avait surtout une
majorité de gens qui venaient du secteur hospitalier. Tous nous ont dit,
les uns après les autres, qu'ils n'étaient pas
intéressés aux confrontations, qu'ils n'étaient pas
intéressés aux qrèves, qu'en fait ils étaient des
citoyens tout aussi responsables que les gens qui ne sont pas dans cette
situation précise et que, dans les circonstances, ils seraient bien plus
heureux s'il n'y avait pas, justement, de grèves.
Alors, on a poussé la discussion assez loin et on est allé
au bout de cette logique. On a dit: Si, effectivement, nous sommes sur la
même longueur d'onde, nous les consommateurs qui sommes de l'autre
côté de la clôture et vous qui dites n'avoir en tête
que le bien-être des gens, que vous ne souhaitez absolument pas ces
confrontations, que vous ne visez absolument pas le malaise dans la
société et que ce qui vous intéresse d'abord et avant
tout, ce sont les bons soins, alors pourquoi ne pourriez-vous pas aller
jusqu'au bout de cette prise de conscience de votre part, de cette
déclaration de principe et de bonnes intentions et dire: II y a des
choses qu'on va cesser de faire? Par exemple, des qrèves
illégales, il n'y en aura plus, de par notre propre volonté, nous
les syndiqués, et puis certaines autres choses que vous allez refuser de
faire parce que vous estimez que véritablement cela perturbe trop la
société et que cela donne des résultats qui ne sont pas
valables compte tenu du prix qu'il faut payer. Voilà pourquoi on dit
cela. De par la volonté même des syndiqués, étant
donné qu'ils nous ont soutenus considérablement pendant trois
heures, on pense, qu'ils avaient vraiment ce sentiment. Alors, qu'ils
abandonnent certains moyens de pression.
Maintenant, nous sommes également conscients que la partie
patronale a ses problèmes et tout cela et qu'à ce moment, bien
souvent, on l'accuse de provoquer les conflits ou les mésententes. Une
chose qui s'est également dégagée de cette rencontre
-c'est une impression qui n'a fait qu'être confirmée à la
fin de la réunion qui a duré trois heures - c'est que la
population se sent non informée. Alors, on se dit: II y a ce manque de
communication entre tous ces participants et la population. Il y a certainement
un manque de communication entre les deux parties concernées,
c'est-à-dire les patrons et les syndiqués. Je pense que cela
devient une lapalissade de dire cela. Dans les circonstances, il y aurait lieu
que cette dimension du problème soit améliorée
considérablement. Voilà pourquoi on poursuit en disant: Plus de
provocation de la part de la partie patronale, des communications constantes,
soutenues, valables, des consultations véritables, bref, un changement
d'attitude complet. Comme je vous le dis, à la lumière des
consultations que nous avons faites, nous sommes convaincus qu'il y a des tas
de problèmes qui pourraient se régler si les gens se parlaient
davantage. Cela peut sembler idéaliste de notre part, mais je pense que
c'est notre rôle, à nous, d'être objectifs, de ne pas nous
impliquer et d'essayer de faire en sorte que la situation s'améliore
pour le bien de tout le monde. On a tenté d'être très
objectifs et très réalistes dans ces propositions.
M. Perron: Madame, à la deuxième partie de ma
deuxième question, je vous parlais de l'utilisation d'un palliatif
quelconque de la part des parties pour exprimer leur mécontentement.
Est-ce que vous auriez une idée de la façon dont on pourrait
établir ce palliatif?
Mme Delage: II y avait deux propositions que nous avons faites.
Nous avons utilisé l'analoqie avec ce qui se passe dans le milieu de la
consommation et, pour aller plus loin, de la protection du consommateur. Dans
les litiqes qui opposent les consommateurs et les commerçants, de plus
en plus, on recourt à l'arbitrage, c'est-à-dire qu'il se
crée des comités où les consommateurs vont se
présenter pour expliquer le problème auquel ils ont à
faire face avec le commerçant et le commerçant est
également invité à venir exprimer son point de vue. Il est
entendu au point de départ - d'ailleurs, ce sont les règles du
jeu de l'arbitrage - que toute décision rendue par l'arbitre devra
être appliquée par les parties, c'est-à-dire qu'il n'y a
pas d'appel, il n'y a pas de discussions. C'est cela, ce n'est pas d'autre
chose. On a dit: Par voie d'analogie, pourquoi n'y aurait-il pas ce
mécanisme qui nous paraît valable? (12 heures)
Mais on a également précisé qu'il n'est pas
question d'arbitrage obligatoire, parce que c'est une tautologie en soi, un
arbitrage c'est obligatoire. Plus loin, on a dit: Pour représenter les
intérêts des consommateurs, pourquoi ne pas étudier le
concept du Protecteur du citoyen qui existe dans plusieurs pays, qu'on a ici
à différents niveaux et, s'il y a lieu - pour éviter une
multiplicité de personnes, d'intermédiaires, d'organismes, parce
que la quantité de gens qui sont mêlés à tous ces
processus commence à nous troubler profondément -pourquoi ne pas
faire de ce Protecteur du citoyen un arbitre? Réunir les deux
rôles en un seul, je ne le sais pas. Cela nous apparaît
peut-être un élément de solution. Ce que nous voudrions
c'est évidemment rétrécir les distances, couper les
délais et faire en sorte que les consommateurs y trouvent leur compte.
Finalement, ce sont eux qui paient pour ces services; ils doivent en attendre
quelque chose.
La contrepartie de cela, c'est bien entendu, comme nous l'avons dit, que
les consommateurs soient réalistes, qu'ils soient responsables et qu'ils
soient conscients que ce qu'ils attendent du gouvernement cela se paie; il y a
un prix à tout. À ce moment-là, s'ils ont à
attendre des interventions du gouvernement, il va falloir qu'ils y mettent du
leur, c'est-à-dire payer de leurs poches. Entre ces deux extrêmes,
n'y a-t-il pas une solution?
M. Perron: Je voudrais maintenant vous faire une remarque,
madame, c'est que vous avez apporté effectivement plusieurs
éléments nouveaux à l'intérieur de votre
mémoire et en particulier celui de la présence du Protecteur du
citoyen dans certains cas. Je pense qu'il faudrait regarder cela
attentivement.
J'aurais à vous poser une autre question. Dans votre
mémoire vous dites qu'il y aurait lieu, selon votre organisme, de penser
à la nomination d'une personne désiqnée comme
représentant officiel du public, voyant à la bonne marche des
négociations et aux intérêts des citoyens contribuables. Ce
que je voudrais savoir, c'est très court, c'est qui nommerait ce tiers,
parce qu'en fait, c'est une tierce personne.
Mme Brisebois: C'est au gouvernement de la nommer, parce qu'il
faut que ce soit quelqu'un qui soit officiel et qui représente le
public. Notre inquiétude, c'est que, dans tout le processus de
négociation, comme cela fonctionne maintenant, le gouvernement est
très bien organisé de son côté, les syndicats le
sont aussi et nous les consommateurs, les citoyens, car nous sommes des
citoyens bénévoles, nous avons toujours l'impression de ne pas
être représentés dans toute cette négociation. On en
paie le prix et on en paie aussi les privations. La suggestion du Protecteur du
citoyen, cela pourrait être une personne ou même deux ou trois
personnes, mais cela devrait être un Protecteur du citoyen qui
représenterait le public entre le gouvernement et le syndicat, afin que
nous sachions aussi ce qui se passe et qu'on soit informés. Comme vous
avez lu, on a sugqéré aussi que les négociations se
fassent à la télévision de façon que le public soit
informé. Aujourd'hui, ce sont des possibilités qui existent; on
peut se servir de ce média. Aussi bien les syndiqués que le
public ont besoin d'être informés, parce que souvent même le
syndiqué ne sait pas trop ce qui se passe pendant ces
négociations quand c'est fait privément. Ce serait une
façon de nous tenir au courant et d'être sûrs de voir qui
n'est pas de bonne foi ou comment les choses se passent de façon que nos
droits soient aussi respectés.
M. Perron: Merci, madame. Ma dernière question se rapporte
effectivement aux services essentiels. Comme vous le savez, il y a eu la loi
253 qui donnait l'obliqation des services essentiels dans la majorité
des secteurs. Il y a eu par la suite, sous notre gouvernement, la loi 59
où on s'implique au niveau des services esssentiels. Je n'ai pas
remarqué, à moins de me tromper, une allusion au fait que la loi
59 n'a pas réglé tous les problèmes, mais qu'elle a
nettement,
par exemple, amélioré la situation dans les secteurs
public et parapublic, surtout dans le secteur parapublic, se rapportant
à la liste que devaient fournir les deux parties à la suite d'une
négociation ou encore la liste syndicale. Pourriez-vous, de ce
côté-là, me dire, premièrement, si vous croyez, en
tant qu'organisme qui, en fait, est pour la protection des consommateurs, que
la loi 59 a amélioré les choses et, deuxièmement,
pourriez-vous ajouter, si possible, des recommandations pour améliorer
le système que nous avons établi en 1978, par la loi 59?
Mme Delage: Une première chose, M. Perron, c'est que nous
ne nous sommes pas attardés tout particulièrement à ce
secteur pour la bonne et simple raison que nous savions que d'autres organismes
allaient le faire. Nous, nous étudions la situation globale et tous les
secteurs, en réalité, celui de l'éducation, celui du
transport, celui de l'hôpital, celui de la téléphonie,
etc.
S'il est vrai que nous avons eu l'occasion de discuter de la loi 59,
cela n'a pas été une préoccupation majeure et on n'a pas
fait de recommandations précises à ce sujet. Ce que je puis vous
dire cependant, c'est qu'à l'occasion de nos consultations, personne
n'était satisfait de cela, pour différentes raisons. Chacun a sa
perception des événements. Chose certaine, c'est qu'en
matière d'information, il y avait de grosses lacunes, et le conseil qui
avait été formé, je crois que lui-même à
l'intérieur, les membres étaient extrêmement
frustrés parce que nous avons eu l'occasion de leur parler, parce que
leur mandat n'était pas très clair, et, deuxièmement, en
regard de ce que la population pouvait tirer de l'information qui lui
était ainsi communiquée, cela demeurait encore trop
compliqué. Pour les gens, il faut que les choses soient
vulgarisées pour qu'ils soient en mesure de les apprécier
vraiment pour ce qu'elles sont.
Ce qui donc nous a davantage motivés dans la rédaction de
notre mémoire, c'était de souligner ce mangue d'information par
rapport à la population, le souhait que nous formulions de voir cette
lacune corrigée.
Pour ce qui est plus précisément de la question que vous
m'avez posée, de la liste syndicale, je répète encore une
fois que cela a peut-être amélioré des choses par rapport
à ce qui existait auparavant, mais le sentiment que nous avons
tiré, non seulement de nos membres, mais de ceux qui sont venus se
joindre à nous à l'occasion de ces discussions, c'est que ce
n'était pas satisfaisant.
Et sans m'attaguer à une partie plus qu'à l'autre, je
crois que beaucoup de consommateurs s'inguiétaient de voir que
c'était une partie en particulier au conflit -c'est-à-dire les
syndigués - qui devait se prononcer dans ces circonstances. Cela les
tracassait énormément. Ce n'est pas un sentiment antisyndical qui
les animait quand ils ont dit cela, c'est tout simplement qu'étant
donné que ce sont eux qui ont vécu les privations, étant
donné les témoignages que nous avons eus par écrit, on
sait que les gens ne sont pas satisfaits de la situation.
Quelque mécanisme qui ait existé, qui ait peut-être
pu améliorer la situation, mais qui ne l'a pas amélioré
pour donner satisfaction aux consommateurs, ce n'est pas un mécanisme
valable, s'il ne donne pas des résultats qu'on pense atteindre quand on
l'utilise. Voyez-vous ce que je veux dire?
M. Perron: Oui, madame. Merci beaucoup, madame. Deux courts
commentaires. Lors de votre exposé, vous avez mentionné la
distribution des chèques aux assistés sociaux. Je peux vous
assurer que, lors de la grève des postes, le ministre m'a
confirmé, puisgue vous l'avez mentionné, qu'il n'y avait eu
aucune plainte reçue au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, en rapport avec l'émission
des chèques, et les chèques sont parvenus à temps aux
bénéficiaires. C'est un point.
Le deuxième commentaire que je voudrais faire, je pense qu'il y a
lieu de vous remercier de votre présentation, pare que vous nous avez
donné toute l'information - à moi et à tous les membres de
la commission - sur le bien-fondé de votre mémoire et, de plus,
vous avez répondu très concrètement, bien entendu,
à toutes les questions que j'ai posées. Merci, madame.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marguette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, au nom
de l'Opposition, je voudrais également vous remercier de votre excellent
mémoire. J'aimerais revenir, tenant pour acguis que le droit de
grève doit être maintenu dans le secteur hospitalier, au niveau du
secteur public, à la mécanique des services essentiels. On en a
un peu discuté tantôt. À l'heure actuelle, si les deux
parties ne s'entendent pas sur la détermination des services essentiels
au sein de l'hôpital, c'est le syndicat qui, au moyen de la liste
syndicale, présente la liste des services essentiels.
J'aimerais savoir votre opinion sur la création, la permanence
d'une régie qui déterminerait les services essentiels, au lieu de
la liste syndicale, et qui aurait effectivement ce pouvoir, j'aimerais juste
avoir votre opinion là-dessus, pour avoir un représentant des
usagers, on en a discuté aussi tantôt, un représentant de
la partie patronale et un représentant de la partie syndicale.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
Mme Brisebois: Comme vous voyez, dans notre mémoire, on
vous fait part que pour nous l'hôpital est essentiel, pas seulement pour
les malades qui sont là, mais pour ceux qui sont en dehors aussi, qui
sont malades, et qui ne peuvent pas accéder à
l'hôpital.
Pour ma part, c'est une expérience personnelle, mais c'est
valable parce que ces choses, c'est alors que vous en avez vous-même
l'expérience que vous pouvez en parler vraiment. J'ai eu connaissance
l'été dernier de ce qu'étaient les soins essentiels, parce
que j'ai une personne de ma famille qui est allée dans un hôpital
où il y avait une grève illéqale, parce qu'il y avait eu
une altercation entre un patient et une garde-malade. Alors j'ai vu en quoi
consistaient les soins essentiels organisés par les syndicats au moment
où tous les patients étaient gardés aux soins intensifs,
en bas, à l'urgence, au lieu d'utiliser tout l'hôpital. Je dois
vous dire que c'était très pénible pour tous les malades
et pour nous qui voyions nos parents dans ces conditions, couchés sur
des qrabats et non pas sur des lits, à peu près à cinq ou
six pouces de distance. Je dois écourter la chose, parce que je pourrais
vous en parler, j'ai été bien frappée de ce qui s'est
passé à ce moment. La personne est entrée le mercredi et
nous avons demandé qu'elle soit sortie de l'hôpital. Nous avons
réussi à la sortir de l'hôpital; heureusement, d'autres
hôpitaux n'étaient pas en grève. J'ai trouvé que
c'était pénible pour les malades et c'était aussi
pénible pour les infirmières -je ne comprends pas - qui
acceptaient de travailler dans ces conditions.
Quand on dit que ces services sont organisés ou
décidés par les syndicats, je trouve qu'on y perd, parce que
sûrement le personnel n'est pas en position de prendre toutes les
possibilités qu'il y aurait. C'était absolument inacceptable de
la façon que c'était organisé. J'ai vu des choses
là, vraiment que je ne peux pas vous raconter, mais enfin.
D'après nous, et d'après mon expérience personnelle, je
suis d'accord qu'on devrait avoir certainement un organisme qui
déciderait ce que devraient être les soins essentiels, avec toutes
les possibilités, que ce soit les meilleurs soins et non pas comme j'ai
décrit savoir des gens très malades installés dans un coin
d'une urgence, alors que l'hôpital était vide en haut.
Si vous me permettez deux lignes, quand je suis allée au
département coronarien, j'ai vu une note où on disait: Limitez
les visites, limitez le nombre de médecins. Cela m'a vraiment
renversée.
C'est tout. Nous sommes d'accord qu'un organisme devrait décider
ce que doivent être les soins essentiels. D'après nous,
l'hôpital, c'est essentiel; l'éducation c'est essentiel. Tous les
biens sont essentiels.
Mme Delage: C'est-à-dire qu'on s'est prononcé d'une
façon définitive sur l'hôpital qui nous paraît un
service essentiel. Il n'y avait qu'un pas que nous n'avons pas franchi, mais
que nous étions bien tentés de franchir, à
décréter que tous les autres services que nous avions
étudiés étaient essentiels aussi.
Tirez-en vos conclusions, mesdames et messieurs.
M. Dauphin: D'accord, merci.
J'aurais une deuxième petite question. Ma collègue ici en
a une ou deux, je crois.
À votre recommandation no 17, vous dites de fait "Que le public
freine, de lui-même, ses exigences, et qu'il soit alerte, responsable,
conscient des enjeux et de ses propres responsabilités face à ces
derniers, et qu'il soit réaliste. Qu'il rappelle à l'ordre ses
représentants qui ne jouent pas leur rôle. "
Naturellement, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je me
demande sur le plan pratique comment vous pourriez voir cela.
Mme Brisebois: Peut-être bien qu'on pourrait dire aussi que
cela prend du couraqe à un syndiqué de dire qu'il n'est pas
d'accord sur ce qui se dit et qu'il ait le courage de le faire.
On entend très souvent des syndiqués dire qu'ils ne sont
pas d'accord avec ce que leur syndicat fait. Pour nous, c'est assez difficile
de comprendre quand ils sont un grand nombre contre quelques dirigeants, que
ces gens aient le courage de leurs opinions. On les encourage à prendre
en main leur syndicat et aussi à montrer de la bonne volonté de
façon qu'ils n'aillent pas en grève illéqalement pour des
raisons insuffisantes. (12 h 15)
Mme Delage: M. Dauphin, si vous me permettez un commentaire. Il y
a des secteurs dans la vie qui ne sont couverts par aucune loi et dont personne
n'a jamais parlé parce que, tout à coup, c'est devenu quelque
chose qui s'est présenté et qui fait qu'on se trouve
dépourvu face à leur événement.
Ce que nous disons aux consommateurs qui nous écrivent pour se
plaindre d'un problème qui n'est pas réqi par une loi et au sujet
duquel il n'y a pas de point de repère, c'est qu'ils doivent se
plaindre, bien sûr, mais que la personne la plus apte à
représenter leur point de vue, c'est évidemment leur
député. Nous avons le sentiment qu'il doit y avoir des
communications entre les consommateurs et les gens qui les représentent
au Parlement et, dans cette perspective, vous admettrez avec nous que la raison
pour laquelle il y a eu des associations de consommateurs qui se sont
développées, qui sont devenues militantes dans certains cas,
très vociférantes et tout ce que vous voudrez,
c'est tout simplement parce que les gens ont dit, à un moment
donné: Mais que font donc nos élus? Ne sont-ils pas là
pour nous représenter? Est-ce que notre point de vue est débattu?
Est-ce qu'on prend la peine d'en parler ou est-ce qu'une fois qu'on est
installé au Parlement - les problèmes sont considérables,
c'est sûr - on ne perd pas le contact avec la réalité
quotidienne vécue par les gens?
Voilà pourquoi cette recommandation fait partie de notre
mémoire. Nous estimons que les gens doivent se rapprocher de leurs
députés, leur parler et leur dire ce qu'ils ont en tête,
leur demander d'intervenir en leur nom, d'attirer l'attention de leurs
collègues de l'Assemblée nationale, pour qu'une situation soit
corrigée et qu'à l'occasion, des lois qui existeraient
déjà puissent être amendées pour contenir des
dispositions qui fassent face à des problèmes très
réels qui existent et auxquels on n'avait pas pensé auparavant,
mais qui sont là, et auxquels il faut se confronter.
M. Dauphin: Je vous remercie beaucoup et je tiendrais à
vous dire, en terminant, que je souscris entièrement à votre
dernier commentaire; effectivement, c'est le rôle du député
de faire valoir tous ces points. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais poursuivre un peu cette question des
services essentiels, parce qu'il y a une ambiguïté dans votre
mémoire.
Vous avez admis qu'il y a peut-être une différence entre
les hôpitaux, l'éducation et l'électricité, mais,
quand même, à votre avis, si je comprends bien, ce sont tous des
services essentiels.
Croyez-vous que le gouvernement puisse faire une différence? Le
public accepterait-il une différence d'importance entre, par exemple,
les hôpitaux et l'éducation?
Mme Delage: D'après ce que nous en savons, Mme Dougherty,
le public ne fait pas la différence; pour lui, tout ce qui le touche de
très près devrait être considéré comme
essentiel. C'est vraiment le consensus qui s'est dégagé de ces
consultations que nous avons eues.
Je l'ai mentionné précédemment, nous avons
tenté d'être réalistes et d'être objectifs;
voilà pourquoi nous nous sommes attardés à certains
secteurs plus qu'à d'autres, parce que ça semblait être
nécessaire de le faire. Si vous me demandez de tenir un
référendum, demain, pour savoir si tout le monde veut que tout
soit services essentiels, je pense bien que la réponse sera un magistral
oui. Mais je pense qu'il appartient aussi au gouvernement de déterminer,
compte tenu de la situation et des facteurs qu'il connaît mieux que la
population, ce qui doit être décrété services
essentiels. Pour ce qui est de la population, tout est essentiel.
Mme Dougherty: Oui, mais comme critères, vous avez souvent
parlé dans votre mémoire de la santé et de la
sécurité du public. Pensez-vous que, par exemple, en
éducation, la sécurité des enfants est en danger?
Mme Delage: Je vais vous répondre de la façon
suivante: Quand on parle de la protection du consommateur, on reconnaît
facilement aux consommateurs qu'ils ont des droits. Alors, ils ont le droit
à la santé, ils ont le droit à la sécurité,
ils ont le droit à l'information, ils ont le droit au choix, ils ont le
droit d'être entendus s'ils ont des questions qui les
préoccupent.
Prenons le cas de l'éducation. Qu'est-ce que l'éducation
sinon de bâtir un être humain, d'en faire un être
responsable, de lui donner tous les outils dont il a besoin pour pouvoir faire
face à la vie?
En termes d'éducation à la consommation, nous ne pouvons
que reqretter tout ce qui peut mettre un frein ou tout ce qui peut
arrêter ce processus d'évolution de l'individu qui est
appelé à prendre en main ses responsabilités tôt ou
tard. Dans ce sens, on peut vous dire qu'effectivement l'enfant a le droit
d'être éduqué dans les meilleures conditions possible et
que c'est un service essentiel.
Mme Dougherty: Merci. Voici ma deuxième question. Vous
avez suggéré un ombudsman et votre première recommandation
se référait au rôle d'un arbitre beaucoup plus fort que ce
qui existe maintenant. Est-ce que vous voyez une certaine contradiction entre
le rôle d'un ombudsman qui représente le public,
l'intérêt du public, et le rôle d'un arbitre? L'arbitre
n'est pas là, selon moi, pour représenter l'intérêt
du public. Il est là pour arriver à une entente, une position, un
moyen juste pour les deux parties en négociation.
Mme Delage: La définition traditionnelle de l'ombudsman,
la réalité vécue - enfin, c'est ce que les gens ont
compris - c'est qu'il représentait nécessairement les
intérêts du public. Mais dans mon esprit, en tout cas, je le vois
comme quelqu'un qui est au-dessus des consommateurs, des syndiqués. Le
public, la notion du public en général à ce
moment-là, transcende tout le reste, c'est-à-dire que cette
personne est en mesure d'évaluer une situation pour ce qu'elle est. Il
ne représente pas nécessairement les intérêts de
l'un ou de l'autre et il est au-dessus de cela. Donc, il
peut se permettre en toute liberté, en toute connaissance de
cause, en ayant les coudées franches, de prendre position et, à
ce moment-là, de ramener les gens sur le plancher des vaches et de leur
dire: Voici.
Mme Dougherty: Mais n'y a-t-il pas la possibilité que son
rôle et l'information qui est diffusée par l'ombudsman au public
sur ce qui se passe dans les négociations pourraient être
contredits, dans un certain sens, ou compromis par les décisions de
l'arbitre?
Mme Delage: Écoutez! La solution à ce
problème est peut-être dans ce que nous avons proposé vers
la fin de notre mémoire. C'est que l'ombudsman, étant cet
être un peu idéal auquel on songe, soit également
l'arbitre. Nous avons établi cette possibilité parce que nous
concevons qu'effectivement il y a peut-être des problèmes
d'ajustement ou d'organisation. Dans notre esprit, parce que c'est une chose
que nous avons vécue dans le domaine de la protection du consommateur,
un arbitre est une personne qui est appelée à trancher. Pour
nous, c'est important qu'il y ait quelqu'un qui, à un moment
donné, tranche.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie l'Association des
consommateurs du Québec. J'invite les représentants de la
Fédération des infirmières et infirmiers unis à
prendre place et à nous présenter leur mémoire.
Pendant que les représentants de cet organisme prennent place,
pour les fins de l'enregistrement de nos débats, je veux souligner que
les membres de cette commission sont: M. Chevrette (Joliette), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme
Dougherty (Jacgues-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve),
M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis),
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants à cette commission sont: M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé
(Portneuf), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont),
M. Polak (Sainte-Anne), M. Rochefort (Gouin).
Fédération des infirmières et
infirmiers unis
Le mémoire de la Fédération des infirmières
et infirmiers unis sera présenté, si je ne m'abuse, par Mme
Debora Robinson ou Mme Wavroch.
Mme Wavroch (Hélène): Mme Wavroch.
Le Président (M. Rodrigue): Mme Wavroch, si vous voulez
nous présenter la personne qui vous accompagne et présenter votre
mémoire.
Mme Wavroch: D'accord. M. le Président, M. le ministre,
membres de la commission et messieurs et mesdames de l'auditoire, j'aimerais
avant tout présenter Mlle Debbie Robinson qui est conseillère
syndicale au sein de notre fédération. Comme on vous l'a dit, je
suis Hélène Wavroch - vaque de la roche pour les besoins de la
province - et je suis présidente de la Fédération des
infirmières et infirmiers unis.
J'aimerais avant tout vous signaler que, normalement, j'aurais dû
être en présence de deux infirmières syndiquées qui
ont participé à la rédaction de notre mémoire;
malheureusement, elles sont absentes parce qu'elles doivent couvrir les
services essentiels à l'urgence de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Je tenais à vous le signaler.
Au moment de la rédaction de notre mémoire, l'orientation
qu'on avait adoptée le faisait porter sur le droit à la
grève. Depuis ce temps, nous avons eu confirmation que le droit de
grève serait maintenu. Alors, il y a peut-être certains aspects de
notre mémoire qui seront une répétition pour cette
commission. Je me permets quand même d'en faire lecture et de faire des
commentaires au fur et à mesure.
La Fédération des infirmières et infirmiers unis,
fondée en 1967, représente 8000 membres travaillant dans des
centres hospitaliers, des centres d'accueil et des CLSC du Québec, mais
principalement localisés dans le grand Montréal et dans les
Cantons de l'Est. La FIIU a négocié, en 1975 et en 1978, à
l'intérieur du Cartel des organismes professionnels de la santé,
COPS, aqent négociateur regroupant 12 syndicats de professionnels de la
santé.
En 1975, notre groupe a dû recourir à la grève
après six mois de vaines négociations. En 1978, face aux offres
non acceptables du gouvernement, la FHU essayait de modifier la
définition traditionnelle de la grève en utilisant un
système qui mettait une pression économique sur la partie
patronale sans léser la population dans son droit aux services de
santé. Ce système prévoyait que l'employeur devait engager
et rémunérer plus de personnel façon temps normal. C'est
en considérant le passé et en envisageant le futur que la FIIU
présente ce mémoire à la commission parlementaire sur le
droit de grève et les services essentiels.
Les objectifs finals d'un syndicat sont de promouvoir et de faire
respecter les intérêts socio-économiques de ses membres par
le biais de la négociation d'une convention collective et c'est en
rencontrant ces objectifs qu'il devient un agent de
changement social majeur pour le bénéfice, d'ailleurs, de
toute la population.
Tout en reconnaissant que le droit à la grève doit
être réglementé dans le secteur de la santé, la FIIU
ne peut que constater que le droit à l'exercice de la grève est
lié à l'existence même de la vie syndicale. Suggérer
que la libre négociation peut exister lorsqu'une des parties n'a aucun
pouvoir de faire valoir sa position est absurde, car enlever le droit de
grève équivaut à enlever le droit à la libre
négociation, le principe de l'équilibre des forces étant
la base même de notre système de relations de travail.
Ayant déjà vécu dans un état de
subordination, les membres de la FIIU, composée majoritairement de
femmes, refusent pour elles-mêmes et pour tous les
Québécois d'effectuer un retour en arrière et, ainsi, de
redevenir un groupe de travailleurs de seconde classe soumis aux
décisions gouvernementales sans aucun moyen de contestation et de
revendication. Comment, d'ailleurs, une société dite
démocratique peut-elle souscrire à une telle antinomie
sociale?
Dans le secteur privé, les conflits de travail se règlent
par les pressions économiques, la grève et le lock-out. Dans les
secteurs public et parapublic, le gouvernement ayant un double rôle,
employeur législateur, utilise largement ce dernier pouvoir pour
régler les litiges en prétextant la sauvegarde de la
sécurité publique. Par un savant dosage de l'information, il
réussit à créer un climat de panique dans la population,
adopte par la suite une loi spéciale et réussit à
être considéré comme le sauveur de ceux à qui il
demandera un jour de le réélire. (12 h 30)
II y a contradiction dans l'attitude gouvernementale face à
l'exercice du droit de grève: d'une part, il réglemente et
renforce l'efficacité d'un arrêt de travail dans le secteur
privé (loi "antiscab"), d'autre part, il retire aux secteurs public et
parapublic tout moyen de pression par l'adoption de lois spéciales. Les
services dits essentiels à la population ne sont pas tous des secteurs
public et parapublic. Nul ne peut affirmer que le secteur privé est
secondaire pour cette même population.
Je me permets d'arrêter, d'ailleurs c'est un des problèmes
auxquels on fait face souvent en négociation, la communication. Je ne
parle pas lorsque quelqu'un est en train d'intervenir. C'est pour cela que je
le dis, alors je reprends.
L'État, superpatron, se donne le contrôle de toute la
négociation par l'utilisation des lois spéciales, s'arroqe tous
les droits et ne se reconnaît aucun devoir: ce qui a progressivement
détérioré le climat des relations de travail dans les
secteurs public et parapublic au Québec.
La bonne foi est la base de toute entente, et aussi la communication,
entre deux parties. Or, le gouvernement n'en a pas fait preuve lors des
négociations antérieures. En 1975, pourquoi avoir attendu une
grève pour effectuer le dépôt des offres salariales? Ici,
j'aimerais vous citer l'expérience vécue en 1975. Nous avons
attendu six mois pour les offres salariales, offres dont le gouvernement nous
avait dit dans le temps qu'il était pour présenter. Nous avons,
en 1975, soumis un ultimatum au gouvernement pour le dépôt de ces
fameuses offres salariales. L'ultimatum était du 1er septembre au 17
septembre 1975. Le gouvernement n'a pas répondu à cet ultimatum,
et c'est à ce moment qu'en octobre, le 9 octobre, pour être plus
précis, nos membres ont recouru à la grève. Je tiens
à vous dire que nous avons obtenu au 16 octobre, soit quelques jours
après notre grève, les offres salariales qu'on nous avait
promises depuis six mois. C'est ce genre de problème qui fait en sorte
que les syndiqués qui attendent après le gouvernement deviennent
frustrés. Il y a juste une patience X qu'on peut avoir. Je pense
qu'après près de sept mois d'attente c'est quand même
louable.
En 1978, les amendements au Code du travail établissaient les
étapes précises des prochaines négociations. Pourquoi le
gouvernement a-t-il refusé d'établir volontairement un tel
échéancier pour négocier avec le COPS, dont nous
étions membres, pour qui les dernières dispositions du code ne
s'appliquaient pas encore? En 1979, le gouvernement ne respecte même pas
ses propres délais prévus par la loi spéciale 62,
concernant le dépôt final des offres patronales à
l'Assemblée nationale.
Seule la menace ou l'exercice même de la grève parvient
à faire bouger la partie patronale et à faire
accélérer le processus de négociation. Ce ne sont pas des
modifications aux règles de négociation fixées au niveau
du Code du travail qui amèneront les parties à s'entendre, mais
bien le respect par la partie patronale des règles et délais
déjà établis.
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
n'a pas attendu la loi sur les services essentiels pour les déterminer
et respecter et ceci dès 1975.
En 1976, après l'adoption de la loi 253, la
Fédération des infirmières et infirmiers unis signait des
ententes dans 90% de ses institutions. Dans l'ensemble du secteur des affaires
sociales, 500 ententes furent signées sans l'intervention des
commissaires. En 1979, les syndicats assumaient leur responsabilité face
aux services à maintenir, en déposant des listes raisonnables et
en les respectant.
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
considère que ses membres
sont les mieux placés pour déterminer les besoins des
services à maintenir en cas de conflit et qu'ils ont tout
intérêt à assurer un niveau acceptable de personnel face
à leurs responsabilités professionnelles.
Les syndicats sont accusés de mettre en danger la
sécurité des bénéficiaires en diminuant les
services de santé lors des conflits de travail. Le gouvernement, par
contre, réduit désormais les services de façon majeure et
définitive par des coupures radicales qui affecteront tout le secteur de
la santé dans ses moindres détails.
Les coupures budgétaires ne sont que les manifestations les plus
récentes de la volonté du gouvernement de restreindre les
services de santé. Le système PRN, l'élimination graduelle
de postes, la mobilité du personnel, voici des exemples de
décisions prises il y a près de dix ans, qui affectent et la
qualité et la guantité de soins dus à la population.
La Fédération des infirmières et infirmiers unis
revendigue le maintien du droit de grève, le maintien de la loi actuelle
qui permet au syndicat de déterminer les services à maintenir en
cas de conflit de travail et la cessation du recours aux lois
spéciales.
Nous considérons que le problème des négociations
dans les secteurs public et parapublic n'est pas relié à
l'exercice du droit de grève, ni à la loi actuelle. Mais c'est
bien le manque de bonne foi du gouvernement, la politisation de la
totalité du processus de négociation et l'utilisation des lois
spéciales qui nous obligent à défendre notre droit de
grève devant cette commission.
J'aimerais ajouter, faisant suite à certaines des discussions qui
ont eu cours ici déjà ce matin, façon 1975, lorsque notre
groupe a dû recourir à la grève, nous avons maintenu
nous-mêmes les services essentiels et sans incident. Si les employeurs,
à ce moment-là, pensaient avoir des problèmes, ils
n'avaient tout simplement qu'à régler ceci au niveau local avec
les infirmières sur place.
Je voulais partager avec vous la petite histoire du temps, qui n'a pas
fait un gros boum, mais qui, selon moi, représente justement l'attitude
de nos employeurs relativement aux services essentiels. Un hôpital - il
se retrouve d'ailleurs dans la région de M. Polak, à Sainte-Anne
- lors d'une grève, avait appelé le syndicat pour exiger
l'entrée au travail de ses 98 infirmières, prétendant que
ces infirmières faisaient partie des services essentiels. Je tiens
à vous dire, chers membres de la commission, qu'en temps normal, en tout
temps, en comptant toutes les infirmières, qu'elles soient permanentes
ou à temps partiel, il n'y en avait que 64. Je pense que cette histoire,
qui est vraie et verifiable -d'ailleurs, on en a fait état dans le
temps, parce que cela nous avait bouleversées -démontre
jusqu'à quel point les administrateurs des hôpitaux ne sont non
seulement pas au courant souvent de leurs effectifs, mais ne peuvent pas
être sensibles à ce qu'est un service essentiel. Pour nous, il est
important que les syndiqués, qui ont à faire le travail et qui
sont quand même des personnes responsables de leurs actes, puissent avoir
en tout temps l'occasion de faire part de ce qui les préoccupe
relativement aux services essentiels. C'est pour cela qu'on croit que la loi,
telle qu'elle est présentement, en est une relativement juste à
ce niveau. C'est tout.
Le Président (M. Perron): Merci, Mme la présidente.
Je donnerais maintenant la parole à M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, M. Marois.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier la Fédération des infirmières et infirmiers unis
de son mémoire, d'être venue nous rencontrer. Vous signalez dans
votre mémoire que le gouvernement lui-même n'a pas respecté
certains des délais prévus dans la loi, prévus par le
législateur. Je crois qu'il faut être franc. Ce n'est pas parce
qu'il s'agit du gouvernement - on a parlé beaucoup des comportements et
des attitudes - que c'est plus excusable pour autant. Vous avez parfaitement
raison de le signaler. C'est un des coins où, parmi tant d'autres, il y
a des comportements et des attitudes qui doivent être
corrigés.
Ceci étant dit, M. le Président, avec votre permission, je
céderais mon droit de parole à mon collègue, le
député de Lac-Saint-Jean, qui a particulièrement
examiné ce mémoire, qui ferait immédiatement un certain
nombre de remargues en notre nom et qui poserait aussi un certain nombre de
questions.
Le Président (M. Perron): Le député du
Lac-Saint-Jean, M. Brassard.
M. Brassard: Merci, M. le Président. Je constate d'abord
que, dans votre mémoire, vous avez une vision très simple des
choses, c'est-à-dire que le gouvernement non seulement semble
responsable de tous les problèmes ou de tous les conflits qui ont pu
surgir dans le secteur, mais, selon votre point de vue, détient le
monopole de la mauvaise foi. Votre mémoire a été,
semble-t-il, rédigé avec la crainte - du moins, c'est ce qu'on
constate à sa lecture - que le gouvernement manifestait ou pourrait
manifester l'intention d'abolir le droit de grève dans les secteurs
public et parapublic, crainte qui m'apparaît non fondée. Il
suffisait de prendre connaissance des
positions du gouvernement dans le passé, de prendre connaissance
aussi des positions du Parti québécois qui sont très
claires à ce sujet, sans équivoque possible. Il n'a jamais
été question, ni au gouvernement, ni au sein du parti comme tel,
d'abolir de quelque façon que ce soit le droit de grève dans les
secteurs public et parapublic. C'est pourquoi je trouve que la crainte qu'on
peut déceler, à la lecture de votre mémoire,
m'apparaît absolument non fondée.
Cela dit, j'en viendrais surtout à la question des services
essentiels. Cela a préoccupé presque tous les organismes qui ont
défilé devant nous depuis deux jours. Si on analyse votre point
de vue à ce sujet, on se rend compte que vous êtes satisfaits des
mécanismes prévus par la loi actuelle en matière de
détermination des services essentiels, à savoir que ces derniers
fassent d'abord l'objet d'une entente au niveau des établissements,
sinon c'est la liste syndicale qui prévaut.
Je constate en passant que vous êtes un des rares organismes
à avoir appliqué avec succès la loi 253. Cela ne semble
pas être le cas du tout des autres qui sont venus témoigner devant
la commission. La loi 253 a été un échec selon presque
tout le monde et je me rends compte que vous avez appliqué avec
succès cette loi.
Donc, en matière de services essentiels, vous affirmez que ce qui
existe présentement est suffisant. Depuis deux jours, au contraire, les
organismes qui témoignent font toute une série de propositions,
de suggestions, de recommandations, au chapitre des services essentiels, donc
indiquant par là qu'ils ne sont pas satisfaits de ce qui existe
présentement.
Ma question est très claire à ce sujet. Vous ne
sugqérez aucune amélioration à propos des
mécanismes actuels en matière de services essentiels. Dans votre
esprit, il n'y a absolument rien qui peut être amélioré.
Les mécanismes actuels sont adéquats. Vous estimez que s'il n'y a
pas entente, la liste syndicale sera sûrement suffisante pour assurer les
services essentiels dans les établissements? Vous êtes convaincus
que ce mécanisme va fonctionner adéquatement? C'est ma
première question. Je veux être bien sûr que, pour vous, le
fonctionnement actuel prévu par la loi est adéquat.
Ma deuxième question est à propos de ce qu'on peut appeler
la contre-grève, ce que vous avez appliqué en 1979.
Déjà là, on se rend compte que vous avez utilisé un
moyen assez original. Cela indique peut-être que vous êtes
soucieux, conscients, que les services essentiels risquent, en cas de conflit
ou de grève, de n'être pas toujours assurés dans tous les
établissements du réseau puisque vous avez utilisé un
moyen justement qui va à l'encontre de la grève traditionnelle,
ce que vous appelez la contre- grève. Est-ce que ce moyen que vous avez
utilisé avait pour objectif de ne pas nuire aux
bénéficiaires, donc que vous étiez conscientes que la
grève pouvait faire en sorte que les services essentiels ne soient pas
assurés dans certains cas et qu'à ce moment, vous avez
envisaqé ce moyen? Donc, est-ce que c'est par souci de ne pas nuire aux
bénéficiaires dans les établissements ou est-ce que ce qui
vous préoccupait surtout, c'était d'utiliser un moyen de pression
visant directement l'employeur? (12 h 45)
Je voudrais que vous me parliez un peu de cette expérience.
Comment cela s'est-il déroulé? Quels ont été les
résultats? Est-ce que vos membres sont satisfaits de cette
expérience assez originale de contre-grève que vous avez
utilisée récemment? C'est ma deuxième question.
Ma troisième question. On parle depuis deux jours et demi,
très souvent, des fameuses compressions budgétaires qui
n'assureraient pas toujours, selon certains témoignages, les services
essentiels dans les établissements du réseau. Mais, dans votre
cas particulier à vous, dans votre organisme, les abolitions de postes,
est-ce que cela vous touche beaucoup? Est-ce qu'il y a beaucoup de postes qui
ont été abolis parmi vos membres? Est-ce que les compressions
budgétaires ont vraiment cet effet d'abolir des postes directement
reliés aux bénéficiaires? Il me semble que c'est important
de le déterminer. Il ne s'agit pas simplement d'affirmer que les
compressions budgétaires ont des effets négatifs sur les services
rendus aux bénéficiaires. Il faudrait peut-être voir
où cela s'appligue. Et, dans votre cas, vous êtes des
infirmières et infirmiers, donc vous rendez des services directement aux
bénéficiaires, est-ce que vous avez eu beaucoup de postes abolis
dans votre cas bien spécifique?
Ce sont les trois questions que j'aimerais vous poser.
Mme Wavroch: Vos questions ne sont pas de simples visions de
notre mémoire, M. Brassard. J'aimerais avant tout indiquer que notre
mémoire, selon M. Brassard, présentait une certaine crainte,
comme si on craignait l'abolition du droit de grève. J'aimerais dire
qu'en ce qui me concerne, la confirmation officielle, je dis bien officielle, a
été faite par M. Marois seulement avant-hier qu'il n'en
était pas question; toutes les discussions qu'il y a eu depuis un bout
de temps laissaient planer la possibilité qu'on pouvait amender le Code
du travail pour faire en sorte que le droit de grève soit aboli. Sur
cela, je m'en tiens à mardi de cette semaine où M. Marois a
annoncé officiellement qu'il n'en était pas question du tout.
M. Brassard: Si vous me permettez, M. le Président et
madame, juste un petit commentaire à ce sujet. C'est que, pendant la
campagne électorale, un des engagements très précis
et...
M. Paquette (Rosemont): Et très peu populaire.
M. Brassard:... très peu populaire, comme le dit mon
collègue de Rosemont, c'était loin de coïncider avec
l'opinion publique, un des engagements très précis du Parti
québécois en période électorale, c'était
justement de ne pas toucher au droit de grève dans les secteurs public
et parapublic, mais, par contre, comme c'est justement l'objet de cette
commission, d'essayer de faire en sorte que les services essentiels soient le
plus adéquatement assurés; ça, c'était très
clair.
Mme Wavroch: Vous permettez toujours, M. le Président? Je
ne ferai pas un débat politique ici en disant: Je vous ai élus
pour faire ceci, mais tout est possible, il y a seulement les fous qui ne
changent pas d'idée. Des promesses électorales, dans les
années passées, on en a vu qui ne se sont pas
réalisées. Je n'en ferai donc pas un débat. C'est votre
travail, je sais déjà que ce n'est pas facile, ce n'est
certainement pas moi qui vais venir en ajouter.
Pour répondre à votre deuxième question, à
savoir si on est satisfaites du mécanisme qui existe présentement
relativement aux services essentiels, j'aimerais avant tout vous donner un
historique pour nous situer davantage relativement à la loi 59.
Premièrement, la loi 59, ce n'est pas la loi des services
essentiels, c'est la loi des services à maintenir en cas de conflit de
travail. C'est très important de faire la nuance. D'ailleurs, nulle part
dans votre loi retrouve-t-on le mot "essentiels". Nulle part.
Alors que d'après cette loi nous devrions négocier avec
nos employeurs, nos employeurs ont interprété cette loi comme
voulant dire les services à maintenir en cas de conflit de travail. Or,
je n'ai peut-être pas besoin de vous dire que, en ce qui concerne les
employeurs d'hôpitaux, tout l'hôpital, tout le centre d'accueil,
n'importe quoi voulait dire "services à maintenir en cas de conflit de
travail". Il n'était pas question des services essentiels.
Sur ce que M. Brassard appelle contre-grève, je tiens à
vous dire encore là - on prendra le dictionnaire Larousse - que nous, la
Fédération des infirmières et infirmiers unis, on n'a
jamais appelé ça contre-grève; on a appelé cela
antigrève. Contre veut dire contre; anti c'est une autre histoire, et
encore là on se référait au dictionnaire. Et là
encore, c'est important ce mot. Nous avons utilisé notre
antigrève comme tactique, comme stratéqie, si vous voulez -
là, je veux utiliser les mots auxquels je suis habituée, je
n'essayerai pas de me faire parlementaire -pour niaiser la loi 59, parce que
c'est une loi que, somme toute juste par le fait même qu'elle ne parlait
pas de services essentiels, nos employeurs avaient interprétée
comme portant sur les services à maintenir en cas de conflit de travail.
Or, ils voulaient que tous les services dont ils disposaient dans leur centre
hospitalier soient maintenus. On a dit: Si c'est comme ça, nous, on
estime que présentement les services qu'on donne à nos patients
ne sont pas adéquats; déjà ils ne sont pas
adéquats, les services à maintenir. C'est pour ça, vous
remarquerez, que toutes nos listes ont été déposées
avec des surplus d'infirmières dans chacun de nos centres hospitaliers.
Cela était fait pour vous démontrer que nous estimions qu'on
manquait d'infirmières. Cela rentrait en ligne de compte, M. Brassard,
avec les coupures budgétaires, parce que notre liste, croyez-le ou non,
reflétait le nombre d'infirmières qu'il y avait en 1972 et 1973.
Or les statistigues qu'on retrouvait sur cette liste, c'est-à-dire
l'augmentation, dans les gros centres hospitaliers, de 20%, 30%,
peut-être 40%, ce sont les effectifs infirmiers qu'il avait en 1972 et
1973.
Ma réponse est reliée à votre troisième
question, à savoir combien de postes on peut réclamer avoir
été abolis par les compressions budgétaires. Par
attrition, par le non-remplacement, on est capable de vous soumettre qu'il y a
eu, depuis 1972 jusqu'à 1979, 20% de postes perdus. Maintenant, avec le
redressement qu'on va devoir vivre cette année - de 1979 jusqu'à
présent, nos statistiques ne sont pas complétées - je suis
pas mal sûre que le pourcentage va être davantage auqmenté
et, cette fois-ci, on va voir effectivement des fermetures totales de postes.
Avant, l'abolition de postes, on peut dire, se limitait tout simplement
à l'attrition et au non-remplacement. D'accord?
Toujours relativement à l'antigrève, malheureusement - je
dis bien malheureusement - on n'a même pas eu la chance de pouvoir
évaluer la signification de notre antigrève parce qu'on n'a
jamais eu la chance de faire la grève lors de la dernière
négociation. Quand je dis la chance, c'est-à-dire que le
gouvernement a répondu à nos aspirations dans les douze heures
avant que nous ayons décidé d'entreprendre cette action et on ne
l'a pas reprise par la suite. Alors, je ne peux pas honnêtement vous dire
quel est le bilan positif ou négatif à la suite de la tactique
que nous avons utilisée dans le temps.
Quant aux membres, est-ce qu'ils sont pour ou contre? Les membres de la
Fédération des infirmières et infirmiers unis, ce sont eux
qui ont voté cette tactique
relative à la loi des services à maintenir en cas de
conflit de travail. Ils ont été majoritairement pour. Le bilan
qu'ils ont fait aujourd'hui, c'est le même que je fais. C'est qu'on n'a
jamais eu l'opportunité de voir si cette tactique pouvait fonctionner ou
pas. On l'a utilisée, d'une part, parce que votre loi, qui est une loi
de services à maintenir et non une loi de services dits essentiels, ne
répondait pas à la réalité du temps;
deuxièmement, parce qu'on estimait que, déjà, il manque
des effectifs infirmiers et c'était aussi une façon de faire
valoir ceci en négociation; en troisième instance, on voulait
utiliser ce mécanisme pour vous rendre, au niveau du gouvernement,
sensibles au fait que votre loi, de la façon dont elle est
rédigée, peut être interprétée. On aurait
aimé sérieusement poursuivre un débat juridique sur la
notion des services à maintenir en cas de conflit de travail versus les
services essentiels. Le temps ne nous l'a pas permis. Peut-être que vous
changerez votre loi. Peut-être qu'on aura l'opportunité d'utiliser
cette méthode. On le saura dans le temps et on saura, chacun de notre
côté, à quoi s'en tenir.
M. Brassard: M. le Président, si je comprends bien, votre
antigrève, comme vous dites, était une réaction à
la loi 59. Par conséquent, la loi 59 n'a pas donné lieu, dans
votre cas précis, à des ententes au niveau des
établissements. Est-ce que je comprends bien?
Mme Wavroch: C'est bien ça, nous avons
déposé des listes en surplus.
M. Brassard: C'est donc dire que la loi 253, vous l'avez
appliquée. Cela a donné lieu, dans 90% des cas, à des
ententes. Pour la loi 59, vous avez décidé d'une nouvelle
stratégie, d'une nouvelle tactique que vous appelez l'antigrève,
qui consistait à déposer des listes comportant plus de postes
qu'il y en avait dans l'établissement. Donc, si je comprends bien, vous
n'êtes pas satisfaite de la loi tel qu'elle existe présentement.
C'est ce que je voulais dire tantôt. On aurait aimé que vous
suggériez, dans votre mémoire, un certain nombre de
recommandations ou de modifications aux mécanismes actuels, ce que vous
ne faites pas. Je constate que vous n'êtes pas satisfaite des
mécanismes de la loi actuelle, entre autres parce qu'elle définit
mal ou pas du tout la notion de services essentiels. C'est ce que je voulais
dire tantôt. J'aurais aimé que, dans votre mémoire, on
trouve un certain nombre de recommandations positives pour améliorer les
mécanismes actuels.
Mme Wavroch: M. le député, vous avez une
façon de faire une synthèse de ce que j'ai dit, c'est très
intéressant, mais ça ne reflète pas du tout ce que j'ai
voulu exprimer. Si je vous ai donné l'historique de l'antigrève,
c'était pour essayer de vous situer dans le contexte parce que vous
essayiez, selon votre deuxième intervention, ni plus ni moins, de dire
que la Fédération des infirmières unies était
contre la grève. Elle n'était pas contre la grève. C'est
le premier point, très important.
Deuxièmement, je vous ai bien indigué que, si nous avions
utilisé l'antigrève, c'était une forme de tactique, si
vous voulez; nos employeurs, eux, interprétaient la loi, qui
était la loi des services à maintenir en cas de conflit de
travail; ce sont eux qui l'ont interprétée en disant que tous les
services devaient être maintenus. Mais eux ne parlaient pas de services
essentiels; nous, on parlait de services essentiels. Vu que l'attitude
adoptée à ce moment-là par l'ensemble de nos employeurs
était celle-ci, nous avons réagi à cette attitude.
C'est tout simplement pour vous dire que, en ce qui nous concerne, la
loi telle qu'elle est là nous convient. Mais si elle doit faire face
encore de la part de nos employeurs à une interprétation voulant
que les services à maintenir, ce sont tous des services, qu'il n'est pas
question de notion d'essentiel ou de notion de minimum. Je pense qu'il vous
revient d'interpréter et de régler ceci, pour qu'on puisse tous
avoir la même interprétation de la loi.
Mais je précise qu'on a dit dans notre mémoire, et on aura
d'ailleurs l'occasion d'y revenir, toujours devant cette commission, la semaine
prochaine, qu'en ce qui concerne la loi, nous en sommes satisfaits, telle
qu'elle est.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux, députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux
également remercier la Fédération des infirmières
et infirmiers unis Inc., de son mémoire.
Il me semble évident...
Le Président (M. Rodrigue): Avant que vous ne
procédiez à vos questions, j'aimerais signaler aux membres de la
commission qu'il est 13 heures et je demande le consentement pour qu'on
poursuive la séance - je pense que vous serez probablement la
dernière à poser des questions - jusqu'à ce qu'on ait
épuisé le sujet avec le groupe qui est présentement devant
nous. Il y a consentement. Veuillez continuer, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Je vais essayer de passer directement aux
questions sans plus de commentaires, compte tenu de l'heure. (13 heures)
Vous dites dans votre tout dernier
paragraphe: "Nous considérons que le problème de
négociations dans les secteurs public et parapublic n'est pas
relié à l'exercice du droit de grève... c'est le manque de
bonne foi du gouvernement, la politisation de la totalité du processus
de négociation... " Je voudrais m'en tenir juste à ce membre de
phrase "la politisation de la totalité du processus de
négociation". Je pense, sans me tromper, qu'à peu près
chaque organisme qui est venu devant nous, particulièrement
peut-être les représentants de groupes syndicaux, quand ils ont
fait une analyse du processus de négociations dans les secteurs public
et parapublic, ont toujours dit que, de toute façon, c'était un
processus hautement politisé. Même si, à ce moment-ci, vous
dites que c'est surtout le gouvernement, je pense qu'il peut y avoir aussi une
politisation des deux parties. D'ailleurs, les autres l'ont exposé dans
le sens d'un rapport de forces, d'une utilisation politique, de la part tant
des syndicats que de la partie patronale, de ce processus de
négociations dans le secteur public.
Le gouvernement dit: Nous n'abolirons pas le droit de grève, et
nous avons parlé dans le même sens, sauf que nous avons des
réserves à l'égard de certaines catégories
particulières de patients, en particulier ceux dans les centres de soins
prolongés, les centres d'accueil, etc., mais il reste que ceci est quand
même basé sur une confiance que le droit de grève va
être conservé - il ne sera pas utilisé - d'une façon
extrêmement symbolique. En tout cas, j'imagine que c'est ce que les gens
de cette commission souhaitent. Cela m'inquiète. Quand toujours les
organismes qui viennent devant nous mettent beaucoup l'accent dans leur analyse
sur cette politisation du processus qui semble inévitable, parce que
d'une part c'est l'employeur à la fois législateur qui
établit les règles du jeu, comme vous le signalez ailleurs au nom
de la sécurité publique, il a un devoir de le faire d'ailleurs,
je me dis que je ne suis pas sûre qu'on va s'acheminer vers un processus
plus facile que ce qu'on a connu dans le passé. On ne peut presque plus
parler de changement, de modification de comportement, parce que toujours les
gens le situent dans ce rapport politique utilisé par les uns et les
autres. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Mme Wavroch: Disons que, d'une part, ce que vous dites est vrai.
Mais lorsqu'on réfère surtout à la politisation, on entend
justement toutes les règles du jeu qui changent à chaque
négociation. À chaque négociation, nous avons des lois
quelconques qui changent les règles du jeu. C'est surtout à ce
niveau qu'on s'oppose. Qu'on établisse les règles une fois pour
toutes et qu'elles ne changent pas pour essayer de faire ce qu'on appelle du
"patchwork", ou boucher les trous, à la suite de l'expérience
vécue, sans avoir fait une analyse profonde.
Pour nous, lorsque je réfère à la politisation, au
dernier paragraphe, c'est surtout au niveau du fait que les lois changent soit
avant les négociations ou pendant les négociations. Que ce soit
une règle du jeu convenue dès le début et qu'on s'en
tienne à elle.
Mme Lavoie-Roux: II semble quand même que durant la
dernière ronde de négociations, les règles du jeu n'aient
pas changé durant la négociation. Évidemment, on est
intervenu avec des lois spéciales dans le but de protéger
l'intérêt public; mais il reste que la population a le droit
d'exiger de ses gouvernements, quels qu'ils soient - ils peuvent se tromper
dans leurs jugements, remarquez bien - si elle juge la sécurité
publique en jeu, qu'ils interviennent. Vous dites non, il ne faudrait pas
intervenir même si la situation se détériore et qu'on juge
la santé publique en danger.
Mme Wavroch: Corrigez-moi si j'ai tort, mais entre autres la loi
62, lorsque vous dites qu'il y a des lois spéciales pour les
protéger, vous les protégez avant qu'il y ait eu du mal, à
ma connaissance. C'est pourquoi on dit: Ce n'est pas correct. On avait quand
même certains droits, on n'a même pas eu la chance d'exercer ces
droits et le gouvernement se permet d'adopter une loi qui vient nuire au
processus dit normal de négociation.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que le cas de la loi 62, et
peut-être davantage à l'égard de l'éducation, avait
vraiment quelque chose pour le moins particulier. Il n'y avait même pas,
à ce moment-là, menace de grève en éducation. Ils
avaient à peine...
Une voix:...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais on a englobé tout le monde. Je
suis d'accord avec vous. D'ailleurs, nous l'avons nous-mêmes
déploré, mais, compte tenu des problèmes de la
santé, il ne faut pas oublier qu'il y avait quand même eu des
débrayages sporadiques dans des hôpitaux. Votre groupe n'en avait
peut-être pas fait, mais il y avait des membres à
l'intérieur du COPS qui avaient débrayé. Il y avait eu de
léqers débrayages, des débrayages d'autres associations ou
d'autres groupes. Je pense qu'à ce moment-là, dans le domaine de
la santé, il y avait quand même eu des problèmes.
En tout cas, c'est une réflexion que je me fais, parce que je me
dis: On semble trouver naturel que ce soit un processus politique qui doit
amener inévitablement presque une confrontation. On ne jauqe pas les
choses de la même façon. On ne jauge
pas que le danger est arrivé au même moment ou que la
nécessité de l'État d'intervenir est vue de la même
façon par les gens.
Vous accusez le gouvernement de toujours retarder et je pense
qu'à cet égard, vous avez raison. Encore une fois, je parle de
tous les gouvernements. Je pense qu'à cette ronde-ci, il y a quand
même eu un effort, avec la loi 59, d'établir un
échéancier. Vous avez dit: Nous, du COPS, on n'a pas voulu
s'assujettir à l'échéancier de la loi 59 et les offres
patronales ne sont pas venues assez rapidement. Il reste que les offres
patronales sont venues quand même, à un moment donné, et
que vous avez retardé la signature de la convention collective
jusqu'à ce que tout soit réglé, jusqu'au moment où
tout soit réglé dans les secteurs public et parapublic.
Là, je me demande si c'est vraiment le gouvernement, qui était
peut-être en retard au début, est-ce lui, à la fin, qui
était en retard ou n'était-ce pas vous qui causiez les
délais?
Mme Wavroch: Premièrement, je ne me placerai pas dans la
position de parler au nom de l'ensemble du COPS. Je représente seulement
un groupe du COPS, mais je tiens à vous rappeler que le COPS avait
commencé à négocier un an avant l'ensemble du secteur dans
le temps. D'accord? On n'a pas retardé le processus. Quand on a eu
toutes nos offres finales, les autres commençaient à
négocier. D'accord? Nous autres, cela faisait déjà un an.
C'était effectivement un problème. Je ne pense pas qu'on puisse
nous accuser d'avoir retardé le processus ou d'avoir voulu attendre les
autres. C'était quelque chose que votre gouvernement croyait et cela n'a
peut-être jamais été dit officiellement, mais, en ce qui
concernait le COPS dans le temps, il n'attendait personne pour conclure la
convention collective, mais le gouvernement, lui, voulait attendre pour voir
peut-être -encore là je ne devrais pas me permettre de parler en
votre nom - quelle serait la réaction des autres syndicats du secteur
public avant de continuer à notre table.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez l'impression que c'est le gouvernement
qui, là aussi, a attendu?
Mme Wavroch: Oui, seul vous détenez la réponse
à ceci.
Mme Lavoie-Roux: Pas nous, pas nous. À la page 5, vous
parlez, dans les coupures budgétaires, du problème de la
mobilité du personnel. Pourriez-vous développer un peu? Je pense
que dans les conventions collectives antérieures ou peut-être
même la dernière que vous avez signée, je ne suis pas au
courant, cette mobilité ou non-mobilité du personnel, devrais-je
dire, vous l'avez obtenue jusqu'à une certain point. J'aimerais quand
même que vous développiez un peu parce que vous pensez que
ça va revenir avec la question des coupures budgétaires.
Mme Wavroch: II y a déjà une stipulation à
l'intérieur des conventions collectives qui prévoit - j'appelle
ça mobilité, c'est réaffectation, d'accord ceci...
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Wavroch:... et le syndicat peut exercer un certain
contrôle, mais ce qui arrive dans la réalité ou la
pratique, c'est que nos employeurs, au lieu d'utiliser les ressources
disponibles en vertu des conventions collectives, que ce soit une liste de
disponibilité, une équipe volante ou quoi que ce soit, utilisent
des personnes que, pensant peut-être que c'est "slack", ils envoient
ailleurs. Vous allez me dire, qu'on a un recours. C'est sûr qu'on a un
recours; on a un recours de grief et si on n'est pas satisfaites, on a un
recours d'arbitrage qui prend un an et dans certains cas plus longtemps. Le
problème a eu le temps de se poser longuement avant qu'on puisse avoir
un contrôle. C'est cette notion... Je ne sais pas si vous voulez que je
vous dise pourquoi nous sommes contre la mobilité.
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais.
Mme Wavroch: Parce que c'est un sujet de négociation.
C'est depuis 1972 que je négocie et depuis ce temps on en parle. C'est
tout simplement parce que ça peut se présenter comme une
situation dangereuse pour les patients. Une infirmière, par exemple -
d'ailleurs j'ai eu vent d'un cas tout récemment qui s'est produit
à ce niveau - a été déplacée d'une salle
d'opération pour aller aider les infirmières à
l'unité coronarienne. Cela fait guinze ans que cette infirmière
est en salle "d'op", elle n'a jamais travaillé dans une unité
hautement spécialisée. Il y a eu beaucoup de
développements, vous savez, on a beaucoup de machines, beaucoup
d'ordinateurs qui remplacent le personnel. Alors, elle ne se sentait pas
à l'aise et elle s'est vue dans l'obligation de refuser, ne se sentant
pas capable de donner des soins adéquats en vertu de tout
l'équipement qui entourait les patients dont elle devait avoir soin.
C'est surtout des cas comme ça et il y en a beaucoup. Vous allez me dire
qu'une infirmière est une infirmière, c'est vrai, mais avec le
temps il y a des spécialités qui se développent et ce
n'est pas toutes les infirmières qui connaissent les
spécialités d'un endroit à l'autre. Alors, cela a
été une situation de contestation pour nous, tout
simplement à cause des dangers que cela peut
présenter.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Bon, écoutez, je trouve cela fort
intéressant, ce que vous venez de dire dans le cas des services
essentiels, parce qu'on sait fort bien que vous pouvez établir
correctement votre liste de services essentiels. Ce n'est pas cela que je veux
remettre en question. Vous pouvez même arriver à une entente avec
la partie patronale et avoir une entente signée. Alors, ce n'est pas
cela le problème. Mais, compte tenu de la façon dont se fait le
rappel des infirmières qui vont venir assumer des tâches pour
répondre aux besoins des services essentiels, est-ce que vous n'exposez
pas les patients au même problème que celui que vous venez de
décrire? Parce que je pense que le rappel se fait conjointement par la
partie patronale et la partie syndicale, quand vous rappelez les
infirmières pour revenir combler les postes qui sont requis pour
répondre à la liste des services essentiels. À ce
moment-là, vous pouvez fort bien avoir quelqu'un qui est dans une
unité de soins, qui tout à coup se retrouve aux services
intensifs et là, je pense que c'est d'une façon beaucoup plus
importante que le problème que vous venez de décrire peut se
présenter.
D'ailleurs, le même raisonnement vaudrait quand on nous dit: Bien,
écoutez, les cadres peuvent aussi travailler. Non, ce n'est pas vous qui
nous avez dit cela, mais on a entendu cela ici hier: Les cadres peuvent venir
et prendre la place. On sait fort bien qu'un cadre administratif
d'hôpital, qui travaille à l'administration - qui a
peut-être été une excellente infirmière dans son
temps, comme on dirait, au moment où elle pratiquait comme
infirmière, mais qui depuis, je ne sais pas, moi, sept, huit ou dix ans
prépare des horaires pour les infirmières ou, enfin, pour
l'ensemble du personnel - tout à coup sera peut-être
obligée d'assumer une fonction alors qu'elle est devenue rouillée
ou peut-être n'est même plus à point. Vous attachez beaucoup
d'importance à la non-mobilité du personnel ou à une
mobilité intelligente du personnel. Je suis d'accord avec vous, mais il
semble que cette règle là saute au moment où on est dans
des conflits hospitaliers ou dans un régime de services essentiels.
Mme Wavroch: Si vous le permettez, dans un régime de
services essentiels, il faut dire quand même que vous négociez les
services service par service; vous ne négociez pas l'hôpital x.
Alors, il y a, premièrement, cet aspect-là auquel on fait
attention. Par exemple, si je vais négocier les soins intensifs, je
négocie le personnel normalement qui est affecté aux soins
intensifs et je diminue selon ce qu'on devrait établir comme services
dits essentiels. D'accord?
Premièrement, l'expérience qu'on a vécue nous dans
le temps, c'est qu'on a fait ceci à la première étape. On
a aussi une liste d'infirmières spécialisées dans certains
endroits. Je prends par exemple dans l'hémodialyse, où la
majorité des infirmières ne savent pas vraiment travailler. Pour
ces endroits, on avait une liste de personnes disponibles, on avait
déterminé bien longtemps à l'avance le recours à
cette possibilité et on ne pouvait pas envoyer n'importe qui. Cela
demandait quelqu'un qui était habitué à cet endroit. Je
n'arrive pas à comprendre la portée de votre question, parce que
en néqociant les services essentiels vous néqociez les services
couverts par des personnes qui sont normalement habituées et
habilitées à travailler dans les endroits où elles
travaillent.
Mme Lavoie-Roux: Je reprends, mais je vais essayer de faire
brièvement et plus clairement. Comme le disait quelqu'un, quand nos
questions ne sont pas comprises c'est parce qu'elles sont mal exprimées.
Dans le cas des cadres, je pense que j'ai été très clair.
Ce n'est peut-être pas le cas dans le vôtre, mais si vous aviez
été ici hier ou avant-hier... On sait fort bien, d'ailleurs je
pense que tout le monde va être d'accord là-dessus dans la salle,
qu'on demande aux cadres d'assumer des responsabilités qui ne sont plus
leurs responsabilités quotidiennes et des responsabilités dont
ils ou elles ont été éloignés depuis un certain
temps. Cela c'est une catégorie.
La deuxième question que je vous ai posée est: Comment se
fait le rappel des infirmières sur la liste? Je me suis laissé
dire - et si vous pouvez infirmer cela, tant mieux - que le rappel des
infirmières pour venir remplir les tâches dans les hôpitaux
se faisait à partir d'une liste et il faut observer cette liste en
descendant ou en montant. À ce moment, une personne peut être
rappelée pour venir aux services intensifs qui, normalement, est en
salle d'opération. Il y a des infirmières qui sont responsables
et qui vont dire: Écoutez, cela fait trop longtemps que je ne suis pas
allée aux services intensifs; ce que vous venez de décrire, je
reqrette, mais je passe mon tour. Mais il y en a d'autres qui, peut-être,
hésitent moins ou peut-être même n'y pensent pas ou quoi que
ce soit. À ce moment, vous pouvez vous retrouver aux services intensifs
non pas avec un qroupe habitué, mais avec un groupe assez disparate
quant aux qualifications pour donner les services. (l3 h 15)
Mme Wavroch: Premièrement, je pense qu'il faut faire la
nuance entre le temps normal et le temps des services essentiels. En temps
normal, nous avons tous ces
mécanismes déjà tous prévus dans nos
conventions collectives. En temps de services essentiels, il est sûr que
parfois on est obligé de dévier, d'accord. Au moment de la
négociation des services essentiels, certains des grands centres
hospitaliers à Montréal ont déjà des listes de
personnes déterminées qui sont spécialisées,
c'est-à-dire des équipes volantes spécialisées pour
des endroits où la majorité des infirmières ne sont pas
habilitées ou habituées d'y aller. C'est à ces listes
qu'on réfère, que ce soit en temps normal ou en temps des
services essentiels, selon les mécanismes prévus.
Si vous essayez de me sensibiliser au fait que ce n'est pas une de nos
préoccupations en temps de grève, oui, c'est une de nos
préoccupations, c'est sûr, le fait que les personnes qui doivent
assumer les services doivent être habilitées pour pouvoir le
faire. D'ailleurs, c'est pour ça qu'en ce qui concerne la
Fédération des infirmières unies, on ne s'est jamais bien
préoccupé des cadres, parce qu'on estimait que, dans certains
cas, ils présentaient un cas dangereux plutôt que de pouvoir aider
la situation.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Rosemont.
Mme Lavoie-Roux: Écoutez, M. le Président...
Le Président (M. Rodrigue): Vous n'aviez pas
terminé, madame?
Mme Lavoie-Roux: Non, je voudrais quand même ajouter un
mot. Madame nous dit que, dans le cas de la Fédération des
infirmières unies, ce n'est pas le cas, et je prends sa parole, mais la
situation peut certainement se présenter, la situation que je viens de
décrire.
Mme Wavroch: Cela se pourrait, oui. Mme Lavoie-Roux: Bon,
merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je trouve - tout comme mon
collègue du Lac-Saint-Jean - assez originale cette notion
d'antigrève dont on a parlé tout à l'heure.
Si on essaie de résumer la situation, en 1975, sous la loi 253,
vous avez fait des ententes pour le maintien des services essentiels dans 90%
des cas, mais vous avez été forcés de faire la
grève à un moment donné et il y a eu risque, réel
ou non - ça resterait à déterminer - pour le maintien des
services essentiels.
En 1978, en vertu de la loi 59 - parce que là, en cas de
non-entente, la liste devait être établie par le syndicat,
c'était la liste syndicale qui prévalait - vous avez
présenté des listes qui comportaient plus de postes que ceux qui
étaient effectivement remplis avant la grève. C'est la
possibilité de dépôt de la liste syndicale qui permet
à un syndicat soit de choisir de mettre moins d'employés qu'il
n'y en a normalement sur la liste syndicale ou d'en mettre plus. Vous avez
opté pour en mettre plus et c'est pour ça que vous qualifiez ce
mécanisme d'antigrève.
Je trouve ça extrêmement intéressant, parce qu'il y
a deux différences importantes avec la grève, c'est-à-dire
le fait qu'il y ait plus d'employés qu'en temps normal. La pression sur
l'employeur est économique, à ce moment, plutôt que
politique, parce que l'employeur doit chaque jour débourser des sommes
supplémentaires à ce qu'il serait normalement obligé de
débourser, si la liste était acceptée. Evidemment,
ça n'a pas pu être mis en application, on l'a dit tout à
l'heure.
Quand il y a moins de postes sur la liste que ce qui est prévu
pour un exercice normal la pression est politique parce qu'il y a menace pour
les services essentiels et les pressions s'exercent sur le gouvernement pour
qu'il règle. Mais dans le cas où il y a plus de personnel, la
pression est économique, donc plus immédiate, parce que, chaque
jour, le patron doit débourser plus de fonds que ce qui est prévu
normalement pour maintenir les services.
Il y a une autre différence aussi importante. Au niveau de la
population, au niveau des patients, il y a non seulement le maintien des
services, mais il y a, en principe, augmentation des services puisqu'il y a
plus de postes que d'habitude, au lieu d'une menace sur les services
essentiels.
C'est drôle, j'ai l'impression que ce genre de mécanisme
est un moyen de pression beaucoup plus efficace en principe -on n'a pas eu la
chance de l'essayer - que la grève. Je trouve cela extrêmement
intéressant de fouiller cette hypothèse. Est-ce que, selon vous,
le fait que le gouvernement ait réglé en douze heures
-c'était après le dépôt des listes syndicales -est
l'effet de ce moyen de pression? Comment expliquez-vous que, tout à
coup, cela s'est réglé très rapidement?
Mme Wavroch: Sérieusement, je ne pourrais pas dire que
c'est à cause de cela. Publiquement, la méthode est connue.
Lorsqu'on a présenté cette méthode antigrève, il y
a des gens ici, autant devant que derrière moi, qui ont trouvé
que cette méthode était plutôt enfantine, niaise, stupide,
gaga, parce qu'on ne l'a pas comprise. Je suis contente de voir, M. Paquette,
que vous êtes un de ceux qui ont compris ce à quoi elle
rimait.
Une voix: II n'est pas le seul d'ailleurs.
Mme Wavroch: Mais à savoir si c'est une tactique, une
stratégie, un moyen qui peut être efficace ou non, si vous voulez,
donnez-moi la chance de le faire demain et je vous en reparlerai dans un mois.
Je ne sais réellement pas, parce qu'on n'a jamais pu peser l'ampleur de
cela. Est-ce que ce serait un moyen à penser au niveau de l'ensemble du
secteur? Il faudrait que vous en parliez aux autres syndicats, mais j'ai
l'impression que leur opinion n'est certainement pas la nôtre, à
savoir que cette possibilité existe.
Je dois aussi vous dire que, vous savez, la grève, les services
essentiels, ce ne sont pas des sujets nouveaux. Cela se discutait avant que je
naisse. Ma mère en parlait dans le temps. On a beaucoup de colloques
-d'ailleurs il y a beaucoup de gens qui s'enrichissent avec ces colloques -
pour parler de la grève, des services essentiels, et on n'arrive jamais
à trouver de solution, on n'arrive jamais à en proposer. On a
voulu en proposer une au risque public, parce que c'était un gros risque
non seulement au niveau de notre orqanisation, mais au niveau de toute personne
qui pourrait regarder ceci. On était prêt à offrir une
solution. Malheureusement, on n'a jamais eu la chance de l'exercer et de
pouvoir dire: Voyez-vous, voici une possibilité.
Le contexte est aussi différent aujourd'hui. Est-ce que ce serait
toujours applicable? Je n'en sais rien.
M. Paquette: M. le Président, je voulais soulever ce
point-là parce que notre préoccupation ici n'est pas celle de
l'État employeur, c'est celle de l'État législateur. Je
pense que notre préoccupation n'est pas de priver les syndiqués
de leurs moyens de pression, mais de faire en sorte que les moyens de pression
qu'ils se sentent obligés d'utiliser à certaines occasions ne
pénalisent pas les patients dans les services les plus essentiels
auxquels ils ont droit.
Dans ce sens-là, je suis certain que, si on découvrait que
ce genre de solution que vous avez envisagé était plus efficace
que l'autre, ce ne serait sûrement pas très intéressant
pour l'État patron, mais, pour l'État législateur, ce
serait certainement très intéressant.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vos gens étaient payés
à ce moment-là?
Mme Wavroch: S'ils avaient eu la chance de recourir à
ceci, oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Wavroch: Par les différentes lois qui
intervenaient.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération des infirmières et
infirmiers unis Inc.
Je vous informe que la commission élue permanente du travail, de
la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux
jusqu'à 15 h 15.
(Suspension de la séance à 13 h 24)
(Reprise de la séance à 15 h 21)
Coalition pour le droit des malades
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Comme premier
groupe cet après-midi, nous entendrons les représentants de la
Coalition pour le droit des malades, représentée par M. Claude
Brunet. M. Brunet, je vous invite à présenter les personnes qui
vous accompagnent. Vous n'entendez pas? Est-ce que les micros sont
défectueux ou si... Cela va? J'invite M. Brunet à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent et à bien vouloir
présenter le mémoire de son association.
M. Brunet (Claude): Je vous remercie, M. le Président.
À ma gauche ici, en fauteuil roulant, M. Jean-Marc Chabot,
secrétaire-général du comité de liaison des
handicapés physiques du Québec. Ensuite, Mlle Lucie Forget,
collaboratrice du comité provincial des malades. Ensuite, M.
l'abbé Gérard Dion, professeur en relations industrielles.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
députés, la Coalition pour le droit des malades croit que la
tenue de cette commission parlementaire et la formulation même de son
mandat sont des indices non équivoques de l'échec lamentable des
mécanismes mis en place pour assurer le respect d'un des droits les plus
fondamentaux des citoyens, celui de bénéficier des services de
santé que quinze ans de reconnaissance du droit de grève ont
fréquemment rendu illusoire, humiliant, déqradant même pour
des milliers de personnes. Vous savez, dans un contexte de grève, je
sais que pour des gens bien portants, des gens très actifs, c'est
difficile de se rappeler les choses, mais essayons de les imaginer un peu. Dans
un contexte de grève, il y a d'abord beaucoup de soins qui ne sont pas
donnés, ce qui est déjà une offense et une atteinte
à la dignité de la personne malade, mais les soins qui peuvent
encore être donnés le sont d'une façon telle ou dans une
ambiance telle, une ambiance de
tension, d'inquiétude, de frustration, qu'ils deviennent pour
beaucoup de malades des causes de chagrin, d'inquiétude, de frustration,
de découragement ou encore de révolte. C'est pourquoi on dit que
ces soins sont non seulement une atteinte à la personne, mais, dans
certains cas, sont même dégradants, car on amène des
malades à se sentir encombrants et de trop dans l'hôpital et dans
la société où ils se trouvent.
Pour nous, M. le ministre et pour quelque 83% des
Québécois, le droit de grève dans les services de
santé est incompatible avec le droit de toute personne malade à
être secourue et bien soignée. C'est un droit qui a
été reconnu par le grand Hippocrate et ses disciples qui ont
vécu 400 ans avant Jésus-Christ. Je vous lis quelques mots
seulement du serment d'Hippocrate: "Je dirigerai le régime des malades
à leur avantage, selon mes forces et mon jugement et je m'abstiendrai de
tout mal et de toute injustice. " En d'autres mots, pour ces gens,
c'était le malade avant tout. Notre gouvernement du Québec est
sans doute assez proche de ce mot d'ordre, si on peut dire, puisqu'il nous a
souvent dit et répété par une certaine publicité
que c'est "la personne avant toute chose. "
Pour ramener le malade à la santé ou, à tout le
moins, adoucir ses souffrances, tous les soins sont essentiels pour nous, y
compris ceux qui sont destinés à répondre à ses
besoins les plus élémentaires, comme lui donner la bassine
à temps pour lui épargner l'humiliation de salir ses draps et de
rester dans ses excréments pendant un laps de temps plus ou moins long,
le laver aussi et le baigner régulièrement pour qu'il ne sente
pas mauvais et qu'il soit confortable, le tourner dans son lit autant de fois
dans la journée que son état le reguiert pour empêcher la
formation de plaies de lit purulentes, lui servir des repas de façon
régulière et personnalisée dans une atmosphère de
calme aussi afin de stimuler son appétit et d'entretenir son goût
de vivre. Augmenter les souffrances des malades, des personnes
déjà affaiblies psychiquement et physiquement, frapper des gens
qui sont déjà à terre est pour nous proprement immoral.
C'est malheureusement ce qu'une grève dans les établissements de
santé tend à faire car, si la grève ne faisait pas mal aux
malades, elle serait inefficace. C'est bête, mais c'est comme cela et les
syndicats ont toujours refusé de limiter leur grève aux services
qui n'affectent pas les malades, par exemple, les services de
comptabilité.
Permettez-moi de vous rappeler un moment assez pénible. Au mois
de mai dernier, il y a eu grève illégale de 27 jours au centre
d'accueil Laprairie, près de Montréal. Là, il y a eu toute
la gamme des manquements, des violations, des comportements irresponsables et
irrationnels absolument incroyables, des choses qu'on a retrouvées fort
bien, malheureusement, au cours des grèves de 1966, 1972, 1975, 1976 et
1979.
Entre autres choses, à cette grève de 27 jours du mois de
mai dernier, il y a eu ceci: Au vu et au su de plusieurs
bénéficiaires et même de plusieurs employés non
syndigués et syndigués - je dis bien syndigués, parce
qu'il y en a qui ont refusé de faire la grève - des piqueteurs
ont tout fait, à plusieurs reprises, pour empêcher une ambulance
de venir chercher différents bénéficiaires qui devaient
être conduits dans un hôpital. La même chose a
été faite pour plusieurs camions d'approvisionnement, surtout
pour la nourriture. Selon les témoignages recueillis, en particulier des
bénéficiaires eux-mêmes, les piqueteurs avaient l'intention
avouée d'affamer les bénéficiaires et le personnel de
secours, qui s'efforçait tant bien que mal de donner le plus de soins
possible.
M. le Président, je voudrais que vous compreniez la
difficulté pour des représentants de malades de ressentir de la
sympathie pour certains militants syndicaux qui, en plus d'être des
instigateurs de tels désordres et de telles injustices, ont le culot de
se plaindre de tout ce qu'ils n'ont pas et de se poser en martyre et de
revendiquer fortement des avantages et des privilèges au
détriment, sans doute, de beaucoup d'autres groupes de
Québécoises et de Québécois qui sont loin d'avoir
les conditions que le gouvernement accorde à ses employés dans
les hôpitaux.
En passant, je vais vous raconter quelque chose de cocasse qu'il ne
faudrait quand même pas prendre trop au sérieux. J'ai entendu, il
y a deux jours, notre ami Norbert Rodrigue faire un appel à tout le
monde parce qu'il voulait avoir le numéro de plaque de la fameuse
ambulance qui se promène, paraît-il, depuis cinq ans et jamais
personne n'a pu lui donner le numéro. J'ai un petit moyen personnel,
secret, pour communiquer avec M. Rodrigue; je me suis empressé de lui
parler. Je lui ai dit: Voici, M. Rodrigue, le numéro de plaque de
l'ambulance. M. Rodrigue était pas mal occupé et m'a dit
nerveusement: Pour éviter toute erreur et toute ambiguïté,
il va me falloir le numéro de série de l'ambulance. (15 h 30)
Blague à part. M. le Président, quand nous reconnaissons
le droit de grève, nous enlevons au malade tous ses droits: droit
à être bien soigné en tout temps et droit d'obtenir devant
les tribunaux un redressement pour les préjudices subis. On a souvent
tenté de justifier le droit de grève en disant: Si on
l'enlève, on l'exercera quand même. Nous pensons que cet argument
est fallacieux pour plusieurs raisons.
Premièrement, une loi ne serait jamais
sanctionnée et légitimée, ce qui est immoral,
même s'il peut y avoir transgression de la loi. Il y a des meurtres
malheureusement qui se commettent toutes les semaines et on sait bien que le
législateur n'a jamais l'intention de rendre de tels crimes
légaux; il y a des vols chaque jour, vols d'automobile, de bicyclette,
vols à main armée, mais, bien sûr, il n'est pas question de
légaliser de telles choses.
Deuxièmement, pour le malade, il y a une différence
très importante entre une grève légale et une grève
illégale. Lorsque la grève est légale, le malade peut
subir les torts les plus graves et n'a absolument aucun recours en justice,
mais, la grève est illégale, il peut poursuivre et recevoir
compensation. En plus, bien sûr, c'est que, lorsque la grève est
illégale, il y a beaucoup d'employés non syndigués et
syndigués mais appartenant à d'autres syndicats qui ont moins de
difficulté à traverser les lignes de piquetage.
Si la grève avait été légale en octobre 1978
et en novembre 1979, il y a des malades de l'hôpital
Saint-Charles-Borromée qui n'auraient jamais eu le droit de poursuivre
en recours collectif les syndicats coupables d'avoir causé des
préjudices aux patients de cet hôpital. Comme vous le savez, ce
droit de poursuite en cas de grève illégale a été
reconnu par toutes les instances judiciaires et confirmé par la Cour
suprême en janvier dernier. C'est alors, on le sait ça aussi, que
la CSN a proposé un règlement hors cour visant à
dédommager les malades pour le surcroît de souffrances qu'ils ont
eu à endurer à cause de ces grèves illégales.
Troisièmement, le fameux argument de désobéissance
civile - sauf tout le respect que nous devons à nos gouvernants - ne
fait à nos yeux que masquer le manque de courage et de fermeté de
nos gouvernants. Lorsqu'un gouvernement se fait élire, il reçoit
le mandat, il me semble, de gouverner, et gouverner, pour nous, c'est d'abord
faire respecer les lois. Un gouvernement qui a cette volonté politique
ne manque pas de moyens pour remplir ce mandat. Nous avons eu récemment
des exemples frappants dans d'autres juridictions, en Ontario, par exemple,
où l'État, se souciant de son rôle de gardien du bien
commun, a pris ses responsabilités vis-à-vis des groupes qui ont
voulu défier la loi. Ces groupes qui causaient de graves injustices
à des parties innocentes et qui risquaient de saper les fondements de la
démocratie.
Quatrièmement, en substituant à la grève un autre
mécanisme de règlement et en faisant preuve de fermeté
vis-à-vis de tout défi à la loi, il y a de fortes chances
que les grèves soient moins nombreuses et moins étendues et
peut-être même qu'elles n'aient pas lieu du tout.
Je viens de faire allusion à l'Ontario. On pourrait en parler
beaucoup de l'Ontario, on en a d'ailleurs souvent parlé. À chaque
fois, on nous dit: Regardez, en Ontario, il n'y a pas le droit de grève,
mais il y a pourtant des grèves quand même. J'ai eu la chance au
mois de février dernier d'assister à une réunion de quatre
heures à Ottawa. C'était la première fois de ma vie que
j'allais là, j'étais bien content. J'étais
intéressé à obtenir d'un bureau de statistiques
fédérales les chiffres suivants. Je les donne très
brièvement: En 1978, en Ontario, nombre de personnes-jours perdus,
zéro. Au Québec, en 1978, nombre de personnes-jours perdus, 73
720. En 1979, nombre de personnes-jours perdus, en Ontario, 10 950; au
Québec, 424 510. En 1980, nombre de personnes-jours perdus, 25 380 en
Ontario; au Québec, 51 540. On pourra reparler de l'Ontario si vous le
désirez.
On entend souvent dire, dans certains milieux, qu'on pourrait accorder
un droit de grève symbolique. En réalité, cette
idée nie la raison d'être de toute grève, qui est de faire
pression sur l'employeur. Cela, à notre avis, équivaut à
dire aux employés d'hôpitaux: On vous donne le droit de
grève, mais ne vous en servez pas. À juste titre, les
syndiqués pourront considérer qu'on se moque d'eux. Il est
beaucoup plus honnête, à note avis, de reconnaître que le
droit de grève ne peut pas exister dans le domaine de la santé et
de proposer un mécanisme de rechange en vertu duquel les employés
d'hôpitaux pourront faire valoir leur demande sur un pied
d'égalité avec l'employeur, à l'intérieur de normes
fixées par l'Assemblée nationale.
Nous croyons qu'un nouveau mode de règlement des impasses rendra
davantage justice aux employés d'hôpitaux qu'un droit de
grève symbolique. Nous avons, quant à nous, proposé
l'offre finale, une forme d'arbitrage, mais avec cette particularité
qu'elle ne permet pas à l'arbitre de faire un compromis entre les
positions de la partie syndicale et les positions de la partie patronale. En
vertu de cette méthode, lorsque les parties ne réussissent pas
à s'entendre, chacune doit soumettre ses propositions finales sur les
points litigieux à une tierce partie neutre. Celle-ci doit choisir l'une
ou l'autre des propositions qui lui paraît la plus raisonnable, mais sans
pouvoir la modifier d'aucune façon. C'est cet aspect qui incite les
parties à négocier de bonne foi et de la façon la plus
réaliste possible, car la partie qui refuse de faire des concessions
risque fort de voir ses propositions rejetées par l'arbitre et de se
faire imposer les propositions de l'autre partie. Cette méthode de
l'offre finale a été expérimentée dans six
États américains, soit Eugene, en Orégon, le Wisconsin, le
Michigan, le Massachusetts,
l'Iowa et San Bernardino, en Californie.
Sur la base des informations que nous avons obtenues,
l'expérience s'avère un succès. Les procédures
élaborées dans chacun de ces États ne constituent
nullement, je vous prie de le remarquer, une entrave à la libre
négociation; bien au contraire, dans un très grand nombre de cas,
les parties s'entendent sans avoir recours à l'intervention d'une tierce
partie et très peu doivent se rendre jusqu'à l'arbitrage.
Je crois qu'on vous a tous remis une chemise de presse en notre nom.
L'annexe 2 de notre mémoire présente un tableau comparatif des
procédures de choix d'offres finales. L'annexe en question est dans
notre mémoire qui vous a été remis
précédemment, ce n'est donc pas dans la chemise de presse.
Nous aimerions attirer votre attention d'une façon plus
particulière sur l'État d'Iowa où la loi s'applique
à tous les employés du secteur public. On sait que la population
de l'Iowa est d'un peu plus de 3 000 000. Il y a là 141 hôpitaux
publics, comprenant 216 000 lits. Nous avons tenté de dégager de
cette expérience les principales caractéristiques dans un tableau
synoptique. Vous avez cela dans votre chemise de presse. Ce tableau de
même que la correspondance que nous avons eue avec cet État sont
dans votre chemise de presse. La grève, dans cette législation,
est interdite et des pénalités très sévères
sont prévues en cas d'infraction, allant jusqu'au congédiement de
l'employé coupable et, pour l'organisme syndical, la perte
d'accréditation. Dans un article sur l'expérience de l'Iowa, M.
Loihl, membre de la commission des relations de travail de cet État,
conclut que le mécanisme prévu a été un substitut
très efficace à la grève, en permettant un
équilibre des forces entre les parties de nature à assurer la
négociation de bonne foi et la continuité des services de
l'État aux citoyens.
Dans la lettre qu'il nous adressait, il se dit convaincu que la
procédure de négociation de l'Iowa peut être
appliquée dans d'autres juridictions.
M. le Président, la Coalition pour le droit des malades croit que
cette méthode mérite d'être approfondie et est
disposée à apporter sa collaboration à toutes les parties
concernées. Nous invitons le gouvernement et les autres
intéressés à pousser leurs recherches dans cette voie qui
nous paraît mener à un régime de relations de travail plus
conforme à une société humaine et fraternelle. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie M. Brunet qui a
présenté le mémoire au nom de la Coalition pour le droit
des malades. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier la Coalition pour le droit des malades de son mémoire. Je
voudrais remercier en particulier M. Brunet d'avoir bien voulu venir
lui-même nous rencontrer en commission. Je pense bien, et vous vous en
doutez, que votre mémoire était attendu par tout le monde,
certainement par tous les citoyens et toutes les citoyennes et, bien sûr,
par tous les membres de cette commission, puisque vous êtes le premier
qroupe susceptible, par votre témoignage, de nous présenter un
point de vue qui est propre à ceux et celles qui vivent, d'un point de
vue différent d'autres personnes, les problèmes en
périodes conflictuelles et même dans certaines situations qui sont
des situations conflictuelles, mais pas nécessairement en
périodes de grève. En ce sens, je pense que c'est non seulement
un point de vue différent, mais un point de vue certainement
complémentaire et qui est plus qu'utile aux travaux d'une commission
comme la nôtre.
Je pense que nous sommes ici, en toute honnêteté, pour nous
parler très franchement. Vous avez relevé, dans votre
exposé, encore plus largement dans votre mémoire, qu'on a tous et
toutes lu attentivement, bon nombre de comportements, de gestes, d'attitudes.
Nous en avons nous-mêmes, les membres de cette commission, relevé
d'autres qui sont des comportements, des attitudes et des gestes non seulement
inacceptables dans une société qui se prétend responsable,
mais certainement en violation fondamentale avec les droits des hommes et des
femmes à des soins et à des services directs, essentiels pour des
citoyens et des citoyennes qui sont malades.
II y a eu des cas d'abus, de négligence. Ce n'est pas acceptable
et cela doit être corrigé. Je voudrais vous dire tout de suite,
pour qu'il n'y ait aucune espèce d'ambiguïté entre nous,
quels que soient les moyens pris, que c'est l'intention du gouvernement de
faire tout ce qui est humainement possible -il n'y a pas de solution miracle,
je ne crois pas, quelles que soient les formules - soit par des ajustements de
textes - c'est une chose, cela doit être fait et ce sera fait -mais
d'abord par ses propres comportements à lui, comme gouvernement, dans
les rondes de négociations, pour les mentalités évoluent
et qu'on retrouve partout ce sens de responsabilité fondamental qui,
s'il n'existe pas, contribue certes à bafouer les droits des autres. Je
voudrais que cela soit très clair entre nous.
Ceci étant dit, je voudrais formuler quelques commentaires
concernant le mémoire et poser un certain nombre de questions.
Peut-être que je peux me permettre de faire l'ensemble de mes
commentaires et de débouler ma série de questions. Je
présume que vous en prendrez
note et je vous laisserai par la suite la possibilité
d'intervenir.
C'est peut-être le côté de mon vieux métier
qui refait surface en vous écoutant, M. Brunet, mais cela m'a
frappé en lisant votre mémoire. Vous faites allusion au recours
civil et, en particulier, au recours collectif. Vous dites que ce recours
existe seulement dans le cas de grève illéqale. C'est mon
côté juriste - cela vaudrait la peine que vous en consultiez
d'autres, parce que, quand on ne pratique plus depuis un certain nombre
d'années, on se rouille - mais je crois qu'il faudrait nuancer votre
affirmation. Je crois que, même en période de grève
léqale, il y aurait ouverture à des recours civils, notamment
à une procédure qui est le recours collectif que je connais assez
bien, dans les cas, notamment, peut-être pas exclusivement, où il
y aurait non-respect des ententes ou des listes sur les services essentiels.
(15 h 45)
Par ailleurs, vous citez dans votre mémoire un certain nombre de
personnes, notamment Me Lucien Bouchard qui a fait connaître par le moyen
qu'il a juqé pertinent - c'est normal et légitime - sa
façon de voir les choses aujourd'hui et qui s'est prononcé pour
l'abolition du droit de grève dans les secteurs public et parapublic.
Vous évoquez aussi le chanoine Jacques Grand'Maison qui, lui, cependant
- je pense bien que vous le savez - d'ailleurs, dans le même ouvrage, si
ma mémoire est bonne que vous évoquez - à tout le moins,
je me souviens d'une entrevue, je crois que c'était à
l'émission Antenne 10, sur le réseau TVA ou le canal 10 en
septembre dernier - qui se prononçait contre l'abolition du droit de
grève, mais qui ajoutait, cependant, qu'il fallait encore tenter de
trouver d'autres voies à l'intérieur du système pour que
les droits fondamentaux que vous évoquez soient pleinement et
complètement garantis. Il le disait à sa façon. Mais
quelques cas d'abus de quelque partie que ce soit - on en a relevé ici
à cette commission parlementaire depuis le début de nos travaux
qui venaient des deux parties d'ailleurs, patronale et syndicale - ce sont des
cas de trop. Il faut trouver le moyen de faire en sorte qu'il n'y en ait
plus.
Il ajoutait aussi - je voudrais y revenir un peu plus loin sous forme
d'une question; je pense que c'est à peu près la formulation
qu'il utilisait - que la population locale doit retrouver son pouvoir. J'y
reviendrai; en fait, je vais y revenir tout de suite. Durant le cours de nos
travaux, c'est la Fédération des travailleurs du Québec,
si ma mémoire est bonne, qui nous a formulé une recommandation,
une suggestion, dans la perspective d'une commission permanente concernant le
maintien des services essentiels, peu importent l'ampleur et les pouvoirs d'une
telle commission. Je ne voudrais pas tronquer ou mal traduire leur
recommandation, mais, si je l'ai bien comprise, ils nous proposaient de trouver
des formules pour y impliquer et y faire participer des représentants
des bénéficiaires. J'aimerais avoir votre réaction
à cette suggestion. C'est pour cela que je l'accrochais à cette
notion de reprise du pouvoir par la population locale qu'évoquait et
qu'a évoquée à plusieurs reprises le chanoine
Grand'Maison.
D'autre part, dans un autre chapitre de votre mémoire - cela
m'apparaît important qu'on s'y arrête un peu; vous êtes
probablement les premiers à soulever cette question - vous parlez des
bénévoles à qui on empêche l'entrée des
hôpitaux ou des centres d'accueil, peu importe, en temps de grève.
D'après les rapports que j'ai pu voir - je n'ai certainement pas tout vu
et je n'ai surtout pas tout vécu; là, il y a une nuance de taille
- il semble que les bénévoles, règle
générale, ont eu le droit de pénétrer à
l'intérieur des hôpitaux en temps de grève. J'aimerais bien
vous entendre là-dessus: ce que vous avez vécu réellement,
ce qui s'est passé réellement. Qu'est-ce qu'un
bénévole? Qu'est-ce qu'un bénévole fait? Quelle
importance un bénévole a dans la vie d'un malade? Le rôle
d'un bénévole? Il me semble que cela serait important pour les
membres de cette commission de vous entendre là-dessus.
Vous faites état, à la page 4 de votre mémoire - je
pense que c'est à peu près l'expression que vous utilisez - de la
mort de personnes dont on a retardé les traitements, etc., à
cause de grèves successives, évidemment, vous conviendrez avec
moi que, quand on mentionne une chose comme celle-là, c'est
extrêmement délicat parce que ce n'est pas facile d'en faire la
preuve. J'aimerais bien, le cas échéant, que vous puissiez nous
dire sur quoi vous fondez cette affirmation qui est contenue dans votre
mémoire.
À la page 3, je vous pose cette question additionnelle parce
qu'il me semble que c'est important que vous puissiez nous expliquer,
vécues d'en dedans, comment les choses se passent, quels sont les
éléments de différence pour les
bénéficiaires, en particulier ceux qui sont des résidents,
entre ces périodes dites des conflits et ces périodes dites de
paix relative.
En page 3, vous parlez de la dureté de coeur. Pouvez-vous nous
expliquer comment se comportent, de la façon dont vous avez vécu
les problèmes, les salariés qui assurent les services essentiels,
envers les malades en particulier? Par exemple, chez vous, à
Saint-Charles-Borromée ou ailleurs, selon votre connaissance, est-ce la
même attitude qu'en temps normal? J'imaqine que, peut-être que je
me trompe, chez les résidents, il doit s'établir au fil des
jours, des mois, des années parfois, des formes de complicité,
des
formes de camaraderie avec le personnel. À la même page,
d'ailleurs, vous dites que, même en temps normal, il y a des situations
humaines qui sont touchées. Là, vous avez peut-être en
tête des exemples concrets.
Vous nous recommandez l'abolition du droit de grève. J'ai
déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais et ce que nous
pensions, par ailleurs, de ce droit fondamental des
bénéficiaires. Cependant, vous nous formulez une proposition qui
est celle de la formule américaine, de certains États
américains, de l'offre finale.
Ce n'est certainement pas moi qui vais dire que, de façon
générale, les choses qui se passent aux États-Unis ou des
expériences menées aux États-Unis, de façon
générale, dans quelque domaine que ce soit, bien sûr ne
sont pas automatiquement transposables, mais ce n'est certainement pas moi qui
vais dire que ce n'est pas transposable du tout. J'ai été un de
ceux qui, par exemple, avec des équipes, ont réussi a trouver les
façons de transposer dans la réalité
québécoise ce qu'on appelle le recours collectif, qui est d'abord
un concept américain, et c'était d'abord même un concept
qui origqinait d'Angleterre, le "class action" et cela a pris du temps pour
trouver les ajustements à la réalité
québécoise. Mais il s'agissait d'une procédure pour
permettre à des gens d'exercer des droits qui resteraient sur le papier
si une procédure comme celle-là n'existait pas. Je crois
même qu'il y aurait lieu maintenant, à la suite de
l'expérience, d'améliorer encore cette
procédure-là.
Cela étant dit, dans le cas de l'offre finale, ce que vous nous
proposez là, c'est évidemment une modification fondamentale du
régime même de la négociation, puisque c'est une forme
d'arbitrage - vous l'avez bien expligué, je crois - mais très
balisée. L'arbitre ne peut pas s'en aller dans n'importe quelle
direction, il a le choix entre telle chose ou telle chose et, s'il y a eu
enquête, comme troisième possibilité, le rapport de
l'enquêteur.
Seulement, premièrement, comme c'est une forme d'arbitrage, la
question que je me pose est la même que dans d'autres formes d'arbitrage.
Est-ce que ce n'est pas remettre entre les mains d'un tiers des
décisions qui portent sur les deniers publics, c'est-à-dire le
budget de l'État?
D'autre part, dans le domaine des relations de travail, il ne s'agit pas
là d'une pure et simple procédure comme le cas du recours
collectif ou du "class action", il s'agit d'un mode ou d'un régime de
négociations. Quand on procède à des changements
fondamentaux d'un régime de négociations dans le but - et je sais
fort bien que c'est le but que vous recherchez - de viser à
améliorer les choses, il faut être certain ou, en tout cas, avoir
des garanties, me semble-t-il, comme gouvernement, qu'on ne va pas se retrouver
en fin de compte, en chambardant fondamentalement des choses, dans une
situation qui risque d'être pire que celle qu'on vivait
antérieurement. En d'autres termes, ou on s'en va dans la piste de
l'amélioration des choses en mettant un accent clé sur des choses
essentielles, ou alors on l'aborde par le biais d'un chambardement fondamental,
qui est la piste que vous nous proposez.
Il faut quand même, vous en conviendrez avec moi, avoir, il me
semble -sans ça, je pense que, comme gouvernement, on ne serait pas
responsable - des garanties qu'on ne va pas se retrouver dans une situation
pire.
Or, dans le domaine des relations de travail, quand on procède
à des modifications fondamentales d'un régime, il me semble qu'il
y a une condition de base essentielle qui est celle d'un consensus vers ces
formules ou cette perspective de changements, parce que s'il n'y a pas de
consensus, on risque fort de se retrouver dans une situation pire que celle
qu'on veut corriger et qui est inacceptable.
Vous évoquiez le serment d'Hippocrate, il y a eu des conflits, je
ne prendrai pas mes exemples en Ontario, au Québec, qui ne datent pas de
si longtemps, par des gens qui avaient prêté le serment
d'Hippocrate, par des gens qui étaient des professionnels dans notre
société, qui n'avaient pas le droit de grève et qui l'ont
pourtant faite. Je pense que personne ne souhaiterait vivre des périodes
comme celle-là.
Voilà, M. le Président, je m'excuse d'avoir pris autant de
temps au point de départ, mais ce sont les premières remarques et
questions que je voulais formuler.
Le Président (M. Rodrigue): M. Brunet ou une personne qui
vous accompagne.
M. Brunet: Au sujet du conseil des bénéficiaires
que certains représentants syndicaux seraient disposés à
accepter dans le cadre d'une espèce de négociation de liste des
services à maintenir, nous croyons que pour la très grande
majorité des bénéficiaires, il est très difficile
de commencer à se mêler de négociation et d'avoir à
s'entendre ou à composer sur des choses aussi vitales que les services
requis par leur état. Déjà, dans beaucoup
d'établissements, certains militants syndicaux, tout naturellement, vont
dire aux personnes âgées ou à des malades moins
âgés, mais qui sont très dépendants pour un tas de
choses, se laver, manger, se peigner, se déplacer d'une chambre à
une autre: Qu'est-ce que vous avez à vous plaindre? Nous autres, on est
là pour vous aider. Soyez donc de notre bord. Malheur aux
bénéficiaires qui osent dire: Nous autres, on veut tous les
soins. On ne veut pas que vous fassiez la grève. On
veut que vous ayez de bonnes conditions de travail. C'est le silence,
c'est la complicité de la peur qui existe dans beaucoup d'endroits.
Je crois que c'est très difficile de demander à un conseil
de bénéficiaires d'être un peu un qroupe tampon entre les
négociateurs gouvernementaux et la partie syndicale pour dire:
Écoutez, là vous nous demandez d'accepter de renoncer à
70% de nos soins. Donnez-nous-en au moins... Ôtez-en la moitié au
moins.
Je pense que cela est inacceptable de la part d'un gouvernement qui sait
que des soins sont tellement importants pour des personnes démunies,
sans défense, seules, dans bien des cas; parce que, bien sûr, il y
a les hôpitaux de courte durée, mais il y a surtout l'immense
population des gens en hôpital psychiatrique, en centre de soins
prolonqés, en centre d'accueil qui vivent là à longueur
d'année. Je pense que ceux-là, il faut y penser beaucoup aussi.
Mais pour tous les centres, je crois que l'idée d'un conseil des
bénéficiaires qui aurait une participation semblable à
celle-là, on pourrait accepter de renoncer au tiers ou à la
moitié ou aux trois-quarts des services et soins qui sont tellement
nécessaires. Je ne crois pas qu'on puisse accepter cette idée
telle qu'elle nous est présentée.
Deuxièmement, est-ce que je peux passer une deuxième
réponse?
M. Dion (Gérard): Je pourrais ajouter quelque chose...
M. Brunet: Je vous en prie, M. l'abbé Dion.
M. Dion:... sur cette question. Je pense, avec raison, M. le
ministre, tout à l'heure, que vous avez dit que personne, non pas
personne, il y en a qui sont satisfaits de la situation actuelle, ils ne
veulent rien changer... mais le gouvernement a décidé et,
à plusieurs reprises, par la voix du premier ministre et
vous-même, comme vous l'avez dit au début de cette réunion,
qu'il faut trouver quelque chose d'autre qui existe aujourd'hui.
Avec raison aussi, vous avez dit tout à l'heure que lorsqu'on
apporte des modifications, sans en avoir absolument la certitude, mais au moins
il faut avoir la probabilité que cela va améliorer la situation.
Cela ne sert à rien de chanqer une loi pour se retrouver dans une
situation semblable ou même dans une situation pire. (16 heures)
Moi, je pense, en ce qui regarde cette suggestion qui a
été faite, d'une participation et des bénéficiaires
ou d'une participation locale comme M. Grand'Maison l'a dit, que c'est encore
se tourner vers une solution tout à fait illusoire, d'abord, en ce qui
regarde la participation des bénéficiaires, comme M. Brunet vient
de le dire. C'est vrai d'abord en ce qui regarde les institutions où les
bénéficiaires sont là en permanence et c'est encore
beaucoup plus vrai dans une institution ordinaire où les
bénéficiaires passent. Comment vont-ils être
orqanisés? Comment vont-ils s'organiser pour faire quoi que ce soit
d'efficace? De plus, en ce qui regarde la participation de la
communauté, je pense qu'il y aurait peut-être une
possibilité de tirer quelque chose là, lorsqu'il s'agit
d'hôpitaux ou d'institutions qui sont en dehors des villes, mais on sait
fort bien, par exemple, que la loi a été modifiée pour
amener une participation de la communauté aux conseils d'administration.
Vous savez fort bien, M. le ministre - et nous le savons tous dans la
population -jusqu'à quel point cela fonctionne, et cela ne fonctionne
pas beaucoup. Une suggestion semblable m'apparaît tout à fait
illusoire.
M. Marois: Je m'excuse, même pour les
bénévoles, dans votre esprit?
M. Dion: Non, là, c'est une autre question, les
bénévoles.
M. Marois: Non, mais toujours sur l'idée d'une forme
quelconque de participation à l'évaluation des choses, je disais:
Vous avez bien...
M. Dion: Oui, en ce qui reqarde les bénévoles, la
question que vous avez soulevée tout à l'heure, M. le ministre,
c'est une question qui est extrêmement intéressante. On sait
déjà - l'expérience nous l'a prouvé dans les quinze
ans que nous venons de passer - jusqu'à quel point, dans beaucoup de
cas, il y a eu des gestes cruels pour empêcher quelqu'un de passer la
ligne de piquetage, même lorsque les gens étaient malades. Si,
dans la loi, on fait quelque exception par rapport aux
bénéficiaires... Vous allez être repris avec votre
problème et votre loi antibriseurs. Comment allez-vous vous orqaniser
pour cela? D'après la loi 45, une personne ne peut pas en remplacer une
autre dans le travail. Qu'est-ce que c'est qu'un bénéficiaire?
Pouvez-vous permettre qu'il vienne, par exemple, une heure, deux heures, trois
heures, une journée ou d'une façon continuelle, etc. ? Vous vous
embarquez dans un dédale. Vous avez déjà des
difficultés pour faire appliquer votre loi. Cela va être encore
pire.
M. Brunet: Pour répondre à votre deuxième
question, la présence des bénévoles dans les
établissements, le bénévolat, notre gouvernement en a
beaucoup parlé. Il a favorisé le bénévolat.
Tranquillement, le bénévolat devient plus nombreux, plus
présent, plus utile, bien sûr, plus apprécié
dans les centres, même apprécié, parce qu'il y a des
îlots de résistance importants, même vis-à-vis des
bénévoles. Il y a des directeurs qui n'aiment pas cela. Il y a
des employés qui n'aiment pas cela, parce que cela fait plus de gens,
plus de vie et les patients sont mieux. On dirait que cela change les habitudes
et c'est vrai que le bénévolat n'est pas bien admis dans
plusieurs endroits. Tout de même, il y a des choses qui
s'améliorent et, quand on parle de bénévoles, ils ne
viennent pas donner les bains, changer les lits ou distribuer les plateaux. Ils
viennent, ils rencontrent quelques bénéficiaires qu'ils
connaissent pour les aider à lire leur journal, entendre une cassette,
aller au casse-croûte ou simplement pour leur tenir compagnie; des
petites choses bien simples comme en ferait un parent. Les
bénévoles constituent une présence humanitaire,
bienfaisante et stimulatrice extrêmement importante. Donc, en
période de grève, beaucoup de syndiqués, un peu... Il y a
un comportement dont je veux vous parler un peu; le comportement pendant une
grève d'un groupe de syndiqués est absolument
méconnaissable par rapport au comportement qu'ont les individus. En
période de grève, on craint comme l'enfer que des gens viennent
tranquillement, pas vite, dans les centres et se mettent à faire manger
un peu mieux les patients, à changer un peu mieux les lits et à
donner plus de soins que prévu et que, tout à coup, ça
contribuerait à faire durer la grève plus longtemps. C'est
sûr que les employés sont impatients et veulent que la
grève se règle au plus vite. Le seul moyen, pour eux, c'est de
garder la pression, la tension, la force de frappe, si vous voulez, aussi dure
que possible.
Nos bénévoles, en temps de grève, sont très
importants. Ce ne sont pas eux qui vont vraiment augmenter le nombre de soins,
mais comme présence, comme aide occasionnelle pour de toutes petites
choses - dont ils sont privés, d'ailleurs, parce qu'il n'y a personne
qui peut s'occuper de ça - c'est sûr que les
bénévoles sont très importants, même si elles et eux
ne remplissent pas la fonction de préposés aux soins comme tels.
Cela, c'est sûr.
Je peux passer à la troisième question? Dans notre
mémoire, nous avons des témoiqnages écrits de personnes
qui ont bien voulu aller jusqu'au bout pour dire: C'est ça qui est
arrivé, notre famille, mes amis, moi-même, on est prêts
à témoigner n'importe quand. Mais dans la très grande
majorité des cas - vous êtes au courant de ce qui arrive dans les
hôpitaux et les centres d'accueil -on dit: Moi, je vous le dis, et
regardez, lui, il a vu ça, mais n'en parlez à personne.
Dernièrement, un ministre qu'on considère beaucoup nous disait:
Cela n'a pas de sens, ce n'est pas acceptable, ça ne se peut pas que des
malades continuent à dire: On a peur, on ne veut pas en parler. Oui,
c'est ça, les êtres humains sont comme ça quand ils sont
bien portants, et c'est encore bien pire quand on est dans un lit ou une chaise
roulante et que le lendemain, pour s'asseoir un peu droit dans son lit, pour
être chanqé quand on est sale ou pour placer un bras à
gauche plutôt qu'à droite, il faut demander à telle
infirmière ou à tel infirmier. Si on ne veut pas qu'il fasse la
baboune, mais qu'il soit un peu de bonne humeur, on n'est pas pour dire les
choses qui se passent pendant la grève parce que ça va nous
retomber sur la tête. Alors, on aime mieux ne pas parler.
C'est triste, mais c'est la complicité du silence qui est un peu
inévitable. C'est un silence qui est d'autant plus pénible que,
dans beaucoup d'endroits, les directeurs et le personnel cadre, comme pour se
donner à eux-mêmes la satisfaction d'avoir accompli une
tâche peut-être au-dessus de leurs forces, se plaisent à
dire, dans beaucoup de cas: On a réussi, nos malades sont contents, on a
tout fait le travail. Cela n'est absolument pas conforme aux faits. Je sais
bien que ce personnel a travaillé de façon
démesurée, qu'il a travaillé énormément et
avec beaucoup de dévouement, mais les malades ont manqué de
beaucoup de soins. Quand on constate ça, on est déçu.
C'est tout ça, il y a plusieurs exemples de complicité, de
silence et de crainte vis-à-vis des comportements menaçants,
d'intimidation ou de représailles de certains militants syndicaux.
Une autre question. Vous me disiez: Qu'est-ce qui se passe,
concrètement, sur la ligne de piquetage? Qu'est-ce qui se passe pendant
la grève sur la ligne de piquetage? Il me semble que vous me
demandiez... J'ai noté: Qu'est-ce qui se passe, concrètement,
quand la grève est éclatée et que la ligne de piquetage
fait de l'obstruction?
M. Marois: Et comment ça se passe en dedans, le
comportement des salariés en temps, comme on dit entre guillemets,
"normal", par rapport au comportement pendant les périodes de conflit,
en dedans, parce qu'il y a des gens qui entrent pour donner certains
services.
M. Brunet: En temps normal...
M. Marois: Je le rattachais à ce que vous mentionnez en
page 3, je crois, de votre mémoire. Vous parlez - c'est l'expression que
vous utilisez - de la dureté de coeur, etc.
M. Brunet: En temps normal...
M. Marois: Je m'excuse infiniment, M. Brunet, mais vous parlez
même de situations inhumaines en temps normal.
M. Brunet: En temps normal, à ce point de vue, les
relations humaines sont peut-être meilleures en général
dans les hôpitaux de soins prolongés et les centres d'accueil que
dans les hôpitaux de courte durée. Dans les hôpitaux de
courte durée, il y a l'inconvénient que le personnel et les
bénéficiaires ne se voient pas longtemps; ça change
souvent. Ce sont, la plupart du temps, des grosses boîtes; les gens ne se
connaissent pas, c'est plus chacun pour soi, ça ne se parle pas. Dans
les petits centres ou les endroits où c'est de l'héberqement et
des soins prolongés pour de longues périodes, les relations
humaines, en général, sont meilleures.
Presque tous nos employés, infirmières,
préposés masculins et féminins, sont très
précieux pour les malades, ce sont nos meilleurs amis. Quand tu as
besoin de traitements compliqués pour la vessie, les intestins, manger,
nettoyer les oreilles, un bon lavage de tête, etc., c'est ta vie, tu as
besoin de ces gens-là et c'est très important. Donc, tu t'en fais
des amis et tu essaies de rendre un service quand tu peux. Moi-même, j'en
connais 50 à 100, des employés, et je les salue. Quand je peux,
je leur rends un service. Ils me connaissent comme ça. Il y en a qui ne
m'aiment pas trop, par exemple, mais ça ne fait rien, on se dit bonjour
pareil. Donc, ces employés sont très précieux. En temps
normal, surtout entre malades lucides, un peu actifs, et ces employés,
il y a des relations cordiales. C'est à notre avantage des deux
côtés.
Si on parle - là, on pourrait en dire long - des malades plus ou
moins lucides ou très dépendants, qui ne peuvent pas s'exprimer,
là vous avez des comportements même en temps normal... Cela peut
dépendre, dans plusieurs cas, en partie du moins, de la direction qui
manque de surveillance, d'incitation, de motivation, de formation de son
personnel. Dans plusieurs cas, vous avez certains individus qui ne sont pas du
tout à leur place. Parce qu'il faut qu'ils gagnent leur vie, sans s'en
rendre compte, ils font souffrir des malades. La convention est telle que c'est
quand même important que les employés, que ce soit des hommes ou
des femmes, professionnels ou non, ne puissent pas être
congédiés pour un rien. L'expérience nous démontre
qu'il y a des malades qui sont négligés, maltraités,
parfois frappés et puis ces employés sont toujours auprès
de nous autres. Il y en a qui sont ici et ils le savent. On disait que
c'était facile d'envoyer un syndiqué mais c'est très
difficile; c'est facile de faire sortir un directeur général.
Donc, en général, en temps normal, ça va bien avec nos
employés, on les aime et on a besoin d'eux.
Venons-en temps de grève. On a parlé de dureté de
coeur. Lorsque la grève se déclenche, il faut que ça
grouille. Les gars, enliqnez-vous si vous voulez qu'on gagne cette grève
et que ça finisse au plus sacrant. Arrêtez de dire: On n'est pas
pour laisser nos malades. Restez sur la ligne et faites ce qu'on vous dit. Il
faut que ça marche comme ça et il faut que ce soit raide.
Dès qu'on est en groupe, on ne reconnaît plus nos bonnes femmes et
nos bons amis parce que ça sacre, ça chante. Une telle qui vient
régulièrement pour aider se fait dire: Non, madame, vous ne
rentrez pas ici. Il y a un comportement tout à fait différent
selon que vous voyez ces personnes employées d'hôpitaux ou de
centres d'accueil sur un plan individuel ou que vous les voyez agir en qroupe
dans un contexte où les esprits sont chauffés à blanc pour
que le gouvernement et la direction plient au plus sacrant. J'espère que
j'ai répondu assez là-dessus. Voulez-vous d'autres
détails?
M. Marois: Je pense que vous nous avez bien expliqué en
période de conflit le comportement tel que vous le percevez quand les
gens sont à l'extérieur. Je pensais, en partie, au comportement
de ces mêmes personnes qui, durant ces mêmes périodes de
conflit, sont en dedans, ceux et celles qui sont en dedans pour donner les
services. Est-ce qu'il y a là des différences de comportement par
rapport aux périodes normales? Si oui, de quel ordre? J'ai cru
comprendre, à moins que j'aie mal interprété votre
mémoire, que vous faisiez aussi allusion à ça quand vous
parliez de dureté de coeur. (16 h 15)
M. Brunet: Ce qui se produit en temps normal avec certains
individus que la convention protège et que les syndicats
protègent aussi, c'est que des individus plus ou moins motivés,
qui font mal leur travail, il y en a partout. Quand il y en a auprès des
malades, je vous assure que ce n'est pas drôle. Quand ils viennent faire
leurs quatre ou huit heures de temps, parce que cela se divise parmi les
employés par ordre d'ancienneté, il y a tellement de travail
qu'il faut que le gars ou la fille courre tout le temps. Il y en a, et je vous
assure que ce n'est pas drôle. Celui qui fait déjà mal son
travail nuit plus qu'autre chose. En temps de grève, personne n'aime le
voir là. En temps de grève, pour des employés qui font
normalement bien leur travail, qui sont bien vus des
bénéficiaires, qui sont sympathiques déjà, on est
content qu'ils soient là, mais il y a tellement de travail que les
patients qui voient tout ce qu'il y a à faire se disent: Je ne lui
demanderai rien parce qu'il y a tant à faire pour les pauvres vieux ou
pour les autres qui ne peuvent bouger ni leurs bras, ni leur tête. Ils
les aident, mais il y a tellement de choses à faire que, quand on a du
coeur un peu, on n'ose pas leur demander quelque chose, on attend pour leur
demander
le plus pressant. Donc, c'est un peu cela qui se passe.
À ce sujet, M. l'abbé Dion dirait quelque chose, si vous
permettez.
M. Dion: M. le Président, me permettez-vous d'ajouter
quelque chose? J'aimerais, au départ - ici, on parle seulement des
institutions d'hospitalisation -rappeler une vérité que tout le
monde connaît, mais que souvent on oublie en cours de route, à
savoir qu'une institution d'hospitalisation, ce n'est pas une manufacture, ce
n'est pas une usine. C'est admis par tout le monde, pour les personnes malades,
handicapées, il ne s'agit pas seulement de soigner le petit bobo, mais
la personne totale qui comprend non seulement son corps, son esprit et sa
réaction... C'est pourquoi dans ces institutions il est absolument
indispensable, si on veut que les services soient rendus, qu'il y ait une
atmosphère de calme, une atmosphère de
sérénité. Je pense que tout le monde est d'accord sur une
chose semblable. Ceux qui ont de l'expérience comme vous, M. le
ministre, comme M. Dean aussi et quelques autres ici, dans le domaine des
relations de travail, savent que le recours à une grève
nécessite de la préparation, nécessite du
côté des travailleurs, comme c'est normal, un appel à la
solidarité parce qu'on est sûr que, s'il n'y a pas de
solidarité, il ne peut pas y avoir de grève
déclenchée, ni même de vote des travailleurs favorables
à la grève. Par conséquent, quand on parle d'une
grève dans ce genre d'institutions, ce n'est pas seulement au moment
où la grève est déclenchée, mais dans la
période préparatoire aussi qui a un effet sur ce climat de
sérénité, ce climat de calme indispensable dans le service
personnel. Dans une manufacture, que l'on fasse de l'embouteillage ou que l'on
fabrique de la chaussure, que les dispositions psychologiques des travailleurs
soient bonnes ou mauvaises, cela a peu d'effet. Cela peut avoir des efets, mais
c'est sur la production même, tandis que, dans ce genre d'institutions ce
sont constamment des rapports personnels. Par conséquent, cela ne peut
pas ne pas avoir un effet sur la psychologie des individus et les rapports
entre les personnes qui s'y trouvent.
De plus, comme le signalait M. Brunet, il y a une autre
considération dont il faut tenir compte, c'est qu'il faut distinguer
entre la psychologie individuelle et la psychologie collective, entre le
comportement individuel et le comportement collectif. Quand on lit l'histoire,
on se pose toujours des guestions. On se dit: Comment se fait-il qu'au cours de
la révolution française des gens qui pourtant étaient
humains, bons pères de famille, qui s'occupaient des moindres petites
choses des malades, en soient arrivés comme groupe à poser des
gestes aussi cruels? On s'est posé la même question sur
l'Allemaqne. On l'a vu dans les procès de Nuremberg, des individus bons
pères de famille qui revenaient calmes à la maison mais qui, dans
la journée, posaient des gestes complètement inhumains. Quand on
parle de grève dans ce genre d'institutions, il faut tenir compte de ces
données que je viens de fournir.
Par conséquent, on aurait tort, dans les calculs des effets de la
grève, quand il y a deux ou trois jours de grève, voyons donc,
d'oublier qu'il y a toute la période préparatoire et le moment
où la grève est déclenchée et où elle est
maintenue. Je crois qu'en envisageant cette question de grève dans les
hôpitaux, il faut tenir compte de ces données qui sont des
données réelles.
M. Brunet: Si vous me permettez de revenir à une question
du ministre ou à une objection, vous disiez: Peut-on accepter de
remettre à un tiers le soin de décider des deniers publics?
J'aimerais que M. l'abbé Dion parle de la masse salariale, mais je
dirais ceci en passant: C'est que, lorsqu'on accepte la négociation
avec, à l'arrière-plan ou tout le tour de nous autres, la
présence omnipuissante de la grève dans le secteur hospitalier,
effectivement, les responsables des deniers publics sont obligés parce
qu'il y a l'arme nucléaire de la grève dans les hôpitaux et
que c'est grave, il faut que cela se règle, de négocier des
masses salariales importantes avec des employés du secteur public, du
secteur des hôpitaux, qui forment à peine 3% de toute la
population du Québec. Si vous le permettez, sur la masse salariale, M.
l'abbé Dion ajouterait quelque chose.
M. Dion: Quand on parle d'arbitrage dans une question semblable,
c'est vrai en ce qui regarde les hôpitaux, tout le secteur gouvernemental
et paragouvernemental. Je suis d'accord - je l'ai exprimé plusieurs fois
pour dire et soutenir que la masse salariale, en y incluant tous les
coûts financiers, n'est pas une affaire négociable. C'est la
responsabilité de l'Assemblée nationale, c'est la
responsabilité de l'administration de prévoir son budget, c'est
la responsabilité de l'Assemblée nationale de l'adopter.
Par conséquent, un Parlement qui se respecte ne va pas
négocier - il peut sans doute en discuter - avec un groupe de citoyens
ou un autre groupe de citoyens de ses priorités budgétaires et,
en somme, de sa politique générale. On a des élections
pour régler ces problèmes. Des fois, cela ne règle pas
grand-chose, mais cela ne fait rien.
Par conséquent, il n'y a aucun doute que la masse salariale ne
peut pas être négociable. Il appartient au gouvernement, au
Parlement, à l'Assemblée nationale, de la fixer. Peut être
négociable cependant à
l'intérieur, d'une enveloppe l'attribution de telle chose
à tel endroit et de telle autre chose à tel autre endroit. C'est
possible.
Maintenant, est-ce qu'on peut s'en remettre aux tiers pour cela? Oui et
non. On va vous donner d'abord une exception à ce cas-là,
à l'intérieur d'une enveloppe. Dans le cas des expropriations,
par exemple, le gouvernement ne recourt-il pas aux tiers pour déterminer
le coût d'une expropriation? Je ne vous dis pas qu'on doit le faire
ailleurs, c'est une autre chose. Mais il ne faudrait pas en arriver à un
principe absolu. Dans beaucoup de pays - on a parlé tantôt de la
négociation collective, du droit de grève - entre nous autres, si
la négociation collective, le droit de grève, comme je le
considère, dans un pays démocratique, doit être un moyen
normal de déterminer les conditions de travail de même que les
salaires dans les rapports du travail, il faut bien se mettre dans la
tête que cela n'a pas toujours existé. Et même actuellement,
cela n'existe pas partout. D'ailleurs la négociation collective, dans
l'ensemble... Cherchez les pays en dehors de l'influence européenne.
Même dans les pays comme l'Europe, en France, on ne négocie pas la
masse salariale; en Allemagne non plus. Mieux que cela, on ne néqocie
même pas les salaires. Ils sont déterminés par le
gouvernement, par arrêtés en conseil, après
consultation.
La négociation collective, comme la grève, ce sont des
droits fondamentaux, mais ce ne sont pas des droits absolus. Par
conséquent, on doit, comme dans toute échelle de valeurs ou toute
échelle de droits, accorder une priorité à certains droits
sur d'autres. Et si on n'est pas capable d'en arriver à concilier non
seulement le droit de grève, mais même le droit de
négociation collective, avec un droit aussi fondamental que celui des
bénéficiaires dans nos institutions, à mon sens, le droit
des bénéficiaires doit passer avant. On n'a pas été
capable de trouver des méthodes, le droit des
bénéficiaires passe avant. Qu'on trouve un autre moyen pour
accorder justice aux travailleurs et faire en sorte que les
bénéficiaires puissent obtenir les services auxquels ils ont
droit. Il en est de même également pour l'ensemble de la
population.
M. Brunet: M. le ministre, est-ce que j'ai répondu
à pas mal de vos questions? Je peux répondre davantage si vous le
désirez.
M. Marois: J'avais quelques questions additionnelles qui
touchaient davantage l'hypothèse de l'offre finale - mais vous l'avez
déjà abordée en bonne partie - de l'expérience
américaine. Mes doutes quant à une transposition,
indépendamment de la partie arbitrage qui pose le problème
budgétaire auquel l'abbé Dion vient de répondre, mes
doutes quant à la transposition possible, dis-je, de ce modèle de
négociation dans un contexte social, économique, culturel qui est
quand même bien différent, c'est vrai qu'on peut faire des
transpositions dans certains cas, je donnais moi-même l'exemple du
recours collectif, c'en est un, mais j'ai mes doutes, et mes doutes les plus
profonds sont ceux que j'ai évoqués. Quand on fait ce genre de
changement profond, en particulier dans le domaine des relations de travail,
d'un régime de négociations, il faut, il me semble, avoir comme
gouvernement, une bonne garantie que les choses, en faisant ce genre de
changement, dans l'application concrète, ne vont pas donner un
résultat pire que ce qu'on a vécu et que ce qu'on veut corriger.
C'est cela ma préoccupation fondamentale. (16 h 30)
M. Brunet: Est-ce que vous permettez que M. Dion dise quelque
chose en réponse?
Le Président (M. Rodrigue): Allez-y, M. Dion.
M. Dion: Vous avez raison de dire que, si on fait une
modification, c'est pour que ce ne soit pas la même situation, mais que
ce soit mieux et certainement pas pire.
D'abord, si on regarde l'expérience que nous avons depuis quinze
ans, c'est loin d'être satisfaisant. C'est clair et net. Moi, je me dis
ceci: Tant en ce qui regarde la passé façon ce qui regarde les
nouvelles modalités, les nouvelles méthodes que l'on pourrait
apporter pour régler ces problèmes... Il y a peut-être une
autre question qu'on devrait se poser et qui est fondamentale en ce qui regarde
le passé, le présent et l'avenir. Ce qu'on craint, vous ne l'avez
pas exprimé ouvertement cet après-midi, mais vous l'avez
déjà dit en d'autres circonstances, c'est que, si l'on fait une
modification, cela ne changera rien, il va y avoir des grèves
illégales et on va être pris avec le même
problème.
D'ailleurs, j'ai été étonné de lire dans le
journal une déclaration qui a été faite ici avant-hier en
réponse à la suggestion qui a été faite par le
Conseil du patronat, avec une régie, etc. On a dit: Que la régie
fasse n'importe quels règlements, on ne les suivra pas. Écoutez,
dans une société civilisée, voici une chose qui n'est pas
admissible.
Il me paraît que, du moment qu'on a un régime juridique de
relations du travail -on a un régime général et on discute
cet après-midi du régime particulier à l'intérieur
du régime général, dans le cas particulièrement des
institutions d'hospitalisation - il faut se mettre dans la tête qu'il y a
des possibilités de violation. Mais, on sait fort bien - vos
études en droit, M. le ministre, vous l'ont appris - qu'une loi sans
sanction, ce n'est plus une loi, ce sont des recommandations, ce sont des
conseils et que l'on juge de la volonté et de
l'importance que le législateur apporte à une loi et de la
volonté du législateur de faire appliquer cette loi aux sanctions
qui y sont accrochées, en cas de violation.
Le problème des sanctions en relations du travail est un
problème extrêmement difficile. Je me souviens que, quand
j'étais membre du Conseil de la justice, nous avons étudié
ce problème. Je pense qu'au même moment, au Conseil
supérieur du travail, dans ce temps-là, on étudiait aussi
ce problème. Je sais, par exemple, qu'il n'est rien sorti de cela, mais
il y a une chose qui me paraît claire et nette: s'il n'y a pas de
sanction, c'est inutile d'adopter des lois.
Les sanctions doivent être appropriées, elles doivent
être justes et elles doivent être efficaces. Il ne suffit pas
qu'une sanction, dans le domaine des relations du travail, possède ces
qualités, il faut qu'il y ait une volonté chez les
représentants de l'autorité publique de la faire appliquer. On
connaît une expérience depuis quinze ans sur ce sujet. On sait
aussi que, dans le régime tel que nous l'avons actuellement, avec un
ministre de la Justice, un Procureur général, etc., dans
l'application des sanctions peuvent facilement se mêler des
considérations d'ordre politique et tout ce que vous voudrez. On sait
aussi que, si les sanctions juridiques sont poussées par l'employeur,
cela amène de graves inconvénients, parce que l'employeur, lui,
doit continuer à vivre avec les travailleurs.
Voilà pourquoi, non seulement il faut qu'il y ait des sanctions
du genre de celles que je viens d'exprimer, mais aussi que l'on trouve un moyen
de faire appliquer ces sanctions, d'une part, en les dépolitisant et,
d'autre part, en ne mettant pas sur l'employeur le fardeau d'exiger ces
sanctions.
Quand j'étais membre de la commission Woods en 1967 - nous avons
fait notre rapport en 1968 - nous avions préconisé, mis de
l'avant, à cette époque, un mécanisme qui n'a
été retenu ni par le gouvernement fédéral ni par
aucune des provinces, à savoir, en ce qui regarde les relations du
travail, la nomination par le Parlement d'un procureur général
spécial, nommé pour une période de cinq ans, dix ans, par
conséquent imperméable aux influences politiques, qui serait
chargé de l'application des sanctions dans le domaine des relations du
travail. Cela n'a pas été retenu. Par exemple, dans la
législation de l'Iowa dont on a parlé, il y a des sanctions qui
m'apparaissent assez efficaces. Là, n'importe quel citoyen a le droit,
de par la loi, de requérir d'un tribunal l'imposition d'une injonction
sans être obligé de prouver qu'il est personnellement
affecté dans cette affaire. C'est une précaution pour forcer le
procureur général à faire quelque chose. Maintenant, je
n'ai pas de suggestion à vous faire, mais je dis une chose, par exemple:
s'il n'y a pas de sanctions ou des sanctions telles que celles qu'on a eues
jusqu'à ce jour et qu'on ne les applique pas davantage, vous vous
réunissez pour rien, vous modifiez la loi pour rien. Ce qui est
arrivé dans le passé va continuer à arriver à
l'avenir.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier la Coalition pour le droit des malades et, d'une façon
plus spéciale, son porte-parole, M. Brunet, pour le mémoire qu'il
vient de présenter à cette commission. Ce sont, comme le
mentionnait le ministre tout à l'heure, les premiers usagers qui
viennent devant cette commission. J'imagine que si cette commission avait
été tenue plus tôt -je n'en fais pas reproche au
gouvernement; peut-être est-ce plus sage qu'elle ait été
tenue à ce moment-ci pour que les choses soient vues dans une
perspective plus objective - si elle avait été tenue l'an
dernier, comme le ministre Johnson en avait parlé à ce
moment-là, nous aurions sans doute eu beaucoup d'autres
témoignages d'usagers qui venaient de vivre de plus près les
problèmes d'une grève. Je dois dire, néanmoins - je me
suis abstenue de les lire ici à cause de la présence de la
télévision pour ne rien dramatiser - que j'ai eu quand même
plusieurs témoignages écrits ou même oraux de personnes qui
nous ont fait parvenir leurs remarques sur des situations qu'elles ont
vécues.
Je veux remercier d'une façon particulière la Coalition
pour le droit des malades pour la qualité de son mémoire et
reconnaître la somme de travail que cela représente pour un
organisme qui, je pense, fonctionne - non seulement je pense, mais j'en suis
certaine - d'une façon tout à fait bénévole.
M. Brunet n'a pas lu tout son mémoire parce qu'il est très
volumineux, mais je pense qu'il y a beaucoup de situations qui sont
rapportées dans ce mémoire qui auraient peut-être eu des
effets bénéfiques, mais qui auraient aussi provoqué
certains organismes qui auraient dit qu'on dramatisait les choses. J'ai
déjà vu que la presse avait commencé à rapporter
certaines des situations qui sont présentées ici et je pense que
cela vient compléter les cas isolés dont nous avons parlé
à cette commission parlementaire pour, justement, ne pas nous faire
accuser d'être trop alarmistes ou de dramatiser les choses.
Je veux également signaler que nous apprécions beaucoup ce
souci de la Coalition pour le droit des malades d'avoir voulu - je sais que
cela part d'une conviction profonde quand même trouver et s'efforcer de
présenter une solution alternative à la grève. Je pense
que ces gens sont quand même
soucieux des droits des travailleurs et de la justice qui doit
être exercée à l'égard de ces droits et ils nous
présentent la formule de la sélection des offres finales avec les
différents modèles qui leur sont parvenus à la suite des
études qu'ils ont faites.
Je voudrais reprendre ici deux remarques que le ministre a faites
à plusieurs reprises. La première, non, vous ne l'avez pas faite
à plusieurs reprises, mais la deuxième, oui. D'abord, vous
référant au paragraphe du mémoire de la Coalition pour le
droit des malades où on parle des mortalités qui auraient pu
survenir parce que les gens n'ont pas été admis à
l'hôpital ou qu'ils n'ont pas subi leur traitement comme ils auraient
dû l'obtenir en période normale, vous dites qu'on ne peut pas
tirer de conclusion parce qu'on ne peut pas établir de cause à
effet ou qu'il est très difficile de faire la preuve que la
mortalité est le résultat d'une non-admission à
l'hôpital ou d'un manque de traitements.
J'ai déjà entendu l'ancien ministre des Affaires sociales,
le docteur Lazure, affirmer cette même chose en Chambre. Strictement
parlant, c'est vrai, parce qu'il n'y a que dans le cas de mort brutale, lors
d'un accident d'auto que je pense, on peut, à peu près hors de
tout doute, dire que l'un est l'effet de l'autre. Mais j'aimerais simplement
souligner qu'à partir de cela on prend des risques extrêmement
considérables si on s'appuie sur un raisonnement comme celui-là
pour dire: Écoutez, comme on ne peut pas établir cette
preuve-là, ceci nous limite dans les actions qu'on pourrait prendre. Je
pense que, personnellement, saurions-nous qu'un de nos proches, qu'un de nos
enfants ou notre voisin peut être exposé à un risque
important que peut-être un accident mortel surviendrait pour lui, nous ne
prendrions pas ce risque-là. Je pense qu'on ne le prendrait pas.
Pourtant, dans les cas qui nous sont signalés et dont le ministre est
bien conscient, c'est ce genre de risque qu'on prend, mais on se dit quand
même: Non, on n'est pas tout à fait sûr. Même si on
n'est pas tout à fait sûr qu'un accident n'arrivera pas, on
s'assure qu'on ne prend aucun risque. C'est ma première remarque.
La deuxième, et celle-là revient assez souvent... Je
comprends, quand même, la préoccupation du ministre quand il
répète -et il l'a répété plusieurs,
plusieurs fois, il l'a même déclaré publiquement - Si nous
enlevons le droit de grève - entendons-nous bien, on parle toujours du
secteur de la santé; pour les autres, je pense qu'il n'y a jamais eu de
discussion là-dessus - ou si on le limite trop dans le secteur de la
santé, on va faire face à un chaos social. Ceci a
été dit à d'autres occasions, je pense, par le ministre
Johnson; en tout cas, on l'a vu dans les mémoires. Je me demande si,
à force de répéter ceci, on ne met pas la population
devant, je dirais, en quelque sorte, deux faits accomplis. D'abord, que
nécessairement on s'en va vers cette alternative et qu'en
conséquence la population dit: Mais c'est vrai, il faut arrêter de
penser à l'abolition du droit de grève parce qu'on s'en va vers
le chaos social. Ceci a été dit et redit à plusieurs
reprises et je m'interroge sérieusement, à savoir si c'est
là une pédagogie très constructive.
La deuxième chose, je pense que c'est aussi une expression d'un
manque de confiance à peu près total à l'égard de
la responsabilité des syndiqués ou des syndicats; on pense que
nécessairement, s'il y a une loi dans ce sens, on va la transgresser. Je
trouve que c'est aussi une démarche qui dans le fond est un peu
dangereuse au plan de l'opinion publique. Je me demande si elle ne permet pas
d'écarter l'examen plus en profondeur des moyens qu'on va prendre pour
corriger les malaises - quand je parle de malaises, je pourrais parler
d'inconvénients graves ou de problèmes graves - auxquels la
société guébécoise a été
confrontée depuis quinze ans dans la négociation de ses
conventions collectives dans le domaine de la santé et des services
sociaux. (16 h 45)
Je voudrais mettre en opposition... Ce n'est peut-être pas bon de
le mettre en opposition. Je ne le fais pas, je pense, d'une manière
agressive. C'est ce que la coalitation rapporte à la page 14 en fonction
des témoignages que le côté ministériel nous a
apportés. En Australie, il n'y a pas beaucoup de grèves. Je ne le
mets pas en doute. Ils n'ont pas le droit de grève. En Ontario, on a
fait la grève et ils n'ont pas le droit de grève. Enfin, le
ministre se souviendra des exemples dont on a parlé durant les deux
derniers jours. Pourtant, en page 14, la coalition dit: Avant 1964, il y a eu
des débrayages illégaux, mais d'une durée très
courte. Depuis 1966, les grèves se sont multipliées tant
légales qu'illégales, de portée très grave,
etc.
Ma première question serait de demander à M. Brunet s'il
pense que cette crainte que le ministre a, si le droit de grève est
limité, au moins en regard de certains secteurs beaucoup plus
névralgiques, va se réaliser et qu'il va y avoir des
qrèves de toute façon. Si tel est le cas, qu'est-ce qui s'est
produit dans l'évolution des mentalités de la
société québécoise pour que nous en arrivions
à considérer des lois, qui sont extrêmement importantes
puisqu'elles conditionnent la vie même des citoyens, comme des lois qu'on
peut contourner comme certains prennent des risques aux feux de circulation au
coin d'une rue dans une ville? En relation avec ceci, est-ce que vous avez des
chiffres plus précis sur l'Ontario et sur les provinces canadiennes ou
les provinces où on n'a pas le droit de grève dans les
secteurs de la santé et des services sociaux? Cela est ma
première question.
Le Président (M. Perron): À vous la parole, M.
Brunet.
M. Brunet: Quant à la première question qui se
rapportait, si j'ai bien compris, à une crainte qu'on ressent - je ne
veux pas dire que c'est ça que le ministre pense ou ressent - en tout
cas, c'est une crainte que le ministre semble avoir face à un droit de
grève qui, s'il est limité ou aboli, va causer de qraves
injustices ou de graves désordres. C'est bien ça, Mme
Lavoie-Roux? C'est bien sûr que cela causerait un remous important. Il y
a une chose que nous avons constatée depuis plusieurs années et
qui nous semble de plus en plus évidente; ce matin encore,
j'étais dans un hôpital et des employés me disaient en
passant que la grève, cela ne les paie pas et cela ne les
intéresse pas parce que c'est loin d'être populaire, une
grève dans un hôpital. Nous pensons qu'un mécanisme
accompaqné d'un ensemble de pénalités qui pourraient
s'appliquer à une désobéissance civile amènerait un
soulagement chez un grand nombre d'employés syndiqués qui
diraient: Là, même si temporairement il y a une ligne de
piquetage, nous autres on rentre et c'est fini les folies de perdre notre
salaire. On rentre! D'ailleurs, nous croyons que deux des raisons pour
lesquelles des représentants syndicaux s'opposent tant à ce que
le droit de grève soit remplacé par quelque chose d'autre, c'est
que, justement, ils réalisent eux-mêmes, à notre avis, que
la majorité de la base ne les suivrait pas du tout, à supposer
qu'on dise: La grève, on la fait. C'est illégal, mais on ne
s'occupe pas de la loi et on la fait. Donc, une des raisons pour lesquelles ils
s'opposent tant à ce que la loi, par exemple, oblige un vote à
75% ou 80% de l'ensemble des syndiqués appartenant à un syndicat
avant qu'il y ait grève, c'est que, justement, ils ont peur. Ils
réalisent que la base n'est pas pour la grève, l'immense
majorité des employés. C'est pour la même raison qu'on
tient tant à une loi antibriseurs de plus en plus restrictive. On ne se
fie pas à la base, qui est de moins en moins avec les chefs. C'est parce
qu'on veut y obliqer par des lois.
Quant à la question de chiffres en Ontario, Mlle Lucie Forget va
en parler.
Mlle Forqet: Les chiffres que nous avons obtenus, nous les avions
demandés pour toutes les provinces. On s'était informé
pour savoir si, dans chaque province, ou avait ou pas le droit de grève.
Dans la plupart des provinces, on a le droit de grève, mais cela a
toujours été exercé avec une très grande
responsabilité. Seulement, au Québec, on a une mentalité
différente. On a peut-être oublié les valeurs de nos
ancêtres au temps de Jeanne Mance où la valeur était
d'aller aux plus souffrants. Au lieu de faire souffrir ceux qui ont besoin
d'être secourus et réconfortés, on a mis sur pied des
institutions justement pour alléger leurs souffrances. Aujourd'hui, je
ne comprends pas le phénomène qui s'est produit, comment il se
fait qu'on se soit éloigné de ces valeurs, mais on doit regarder
les statistiques des qrèves qu'il y a eu depuis seize ans et constater
qu'il y a sûrement eu un changement de mentalité.
Évidemment, pour la majorité des syndigués - on le croit,
M. Brunet vient de le dire - c'est probablement un phénomène de
contrainte qui est exercée sur eux. On parle toujours du secteur
hospitalier, parce que ce sont des vies humaines et aussi une question de
dignité humaine qui sont en jeu. On pense qu'il y a des méthodes
de harcèlement employées par une minorité qui force les
gens à la suivre, mais que, pour un très grand nombre d'entre
eux, si le gouvernement, par des mesures appropriées, voyait à
faire respecter les violations au Code criminel, les violations aussi de ses
propres lois réglementant les relations de travail, ce serait une grande
amélioration.
Donc, pour en venir aux autres provinces où il y a droit de
grève, les statistiques semblent indiquer que cela a été
exercé avec une très grande responsabilité, contrairement
au Québec. Dans le cas de l'Ontario, il n'y a pas de droit de
grève. Les statistiques qu'on nous a fournies sont dans le moment les
seules que nous ayons à notre disposition. Ce sont des statistiques de
source fédérale. Je crois que cela vient du ministère
fédéral du Travail.
En ce qui concerne la dernière grève en Ontario, on s'est
informé également. On a posé diverses questions, par
exemple dans quelle proportion des syndiqués ont traversé les
lignes de piguetage, ont refusé de faire une grève
illégale et quelles ont été les pénalités
imposées à la suite de ces grèves, etc. On a eu des
chiffres officieux, mais on attend toujours des renseignements officiels de la
part des organismes responsables qui ont fait la cueillette des
données.
Mme Lavoie-Roux: Je sais que mes collègues veulent poser
des questions. Je voudrais énumérer trois questions très
courtes. Elles sont d'importance inégale. Il y en a une qui est vraiment
seulement une question d'information. Durant les grèves, les visiteurs,
à votre connaissance, ont-ils un accès libre à leurs
parents qui sont hospitalisés, que ce soit dans un centre hospitalier de
soins prolongés ou de courte durée? La deuxième question a
trait au recours collectif. D'ailleurs, c'est le ministre qui est ici et qui a
piloté ce projet de loi qui, je pense, a certainement servi dans le cas
de la coalition des malades. Ma question
est la suivante: Est-ce très facile, d'abord, d'utiliser cette
loi, d'avoir recours à cette loi et, à votre avis, dans le cas
des malades qui sont à l'intérieur des centres de soins
prolongés ou des centres d'accueil, est-ce que c'est une démarche
qui peut être facilement à la disposition des patients? Dans le
sens de toute l'énergie que ça prend, les ressources humaines ou
techniques, etc., vous l'avez exercé, vous avez obtenu
réparation, mais est-ce que c'est une chose qui pourrait être
facilitée davantage pour les bénéficiaires dans d'autres
centres?
J'aimerais demander également - c'est peut-être
relié davantage à la question de l'offre finale - si vous pensez
que la sélection des offres finales... M. Dion a dit tout à
l'heure: Je comprends le ministre, on veut être sûr avant de faire
un changement considérable... ou c'est le ministre qui le disait. Est-ce
une formule, à votre point de vue, suffisamment valable pour qu'elle
puisse être utilisée au moins dans certains secteurs qu'on
circonscrirait, qui nous apparaissent des secteurs plus névralgiques?
À l'égard de l'Opposition, il n'y a aucun doute,
particulièrement dans tous les centres d'accueil, que ce soit pour
enfants, adultes et autres, et dans les hôpitaux de soins
prolongés. Est-ce que, sur le plan technigue -je ne suis pas
spécialiste des relations de travail - il est possible de concevoir que,
au moins, il y ait des expériences faites?
J'avais entendu parler de cette formule avant, je sais qu'elle a
été un succès avec des pompiers, je ne me souviens plus
où, aux États-Unis. Là, vous avez des données
beaucoup plus précises, c'est quand même relativement nouveau.
Est-ce que ce serait possible? Ce sont là mes trois questions.
M. Brunet: Quant à votre première question, pendant
les grèves, les visiteurs n'ont pas toujours un accès libre. Dans
plusieurs cas, par exemple, s'il y a deux ou trois personnes qui viennent nous
visiter, le premier obstacle, dans plusieurs situations, c'est qu'à la
ligne de piguetage, on fait un interrogatoire: Qui êtes-vous? Quel est
votre nom? Qui venez-vous voir? Pourquoi venez-vous? Dans plusieurs cas, on va
dire: Vous êtes trois, restez deux avec nous, que l'autre personne monte
pour le temps qu'elle le voudra et elle redescendra pour que les deux autres,
ou une à la fois, montent. On fait des restrictions semblables, dans
plusieurs cas.
Il est aussi vrai que, dans plusieurs institutions - quand on parle
d'une grève générale, ça veut dire à peu
près 100, 150 ou 200 établissements - surtout dans les petits
endroits, la ligne de piquetaqe n'est pas aussi restrictive ou
obstructionniste.
Quant à votre deuxième question du recours collectif,
j'aimerais dire quelque chose. Jean-Marc Chabot, ici, qui connaît bien le
domaine, en particulier, des soins à domicile, va répondre
concernant le recours collectif.
J'aimerais seulement dire ceci. Le ministre Marois a dit tout à
l'heure qu'il n'est pas sûr qu'il ne serait pas possible d'utiliser le
recours collectif même quand la grève est légale, parce
qu'on n'a qu'à se référer aux ententes et aux listes. Si
les ententes ou les listes n'ont pas été respectées, il y
aurait probablement moyen d'arranger ça. Ma réaction à
ça - c'est aussi une question de Mme la députée de
L'Acadie - c'est que c'est très difficle de passer par un recours
collectif. Il y a deux malades de Saint-Charles-Borromée qui viennent de
le faire; on était déterminé à aller jusqu'à
quatre ans, cinq ans, dix ans, pourvu que Dieu nous prête vie, mais c'est
très difficile. On pourrait écrire un livre là-dessus,
peut-être qu'un jour ce sera fait. (17 heures)
II y a eu, par exemple, six grèves illégales, depuis 1978,
qui sont venues à notre connaissance. Dans deux cas seulement, les
bénéficiaires ont accepté d'être requérants;
dans les autres cas, ils ne veulent rien savoir, ils ont peur. Ils savent que
c'est leur droit, mais ils ont peur. Quant à utiliser le recours
collectif même en période de grève légale, non
seulement c'est difficile de se mettre à être impligué,
d'embarquer dans des procédures affligeantes à plusieurs points
de vue, mais c'est déjà achalant pour des bien portants; imaginez
ce que ça peut être pour des grands malades.
L'idée de l'entente ou de la liste, ça se
réfère à quoi? Le rapport Picard n'a jamais
prétendu se prononcer sur la qualité et la quantité des
services objectivement requis par des malades. Le conseil Picard - on nous l'a
dit souvent au téléphone, à nous autres -vérifie si
les listes et les ententes ont été respectées. Ces listes
et ces ententes étaient faites en vertu d'une loi qui, elle-même,
ne voulait absolument pas qu'on fasse un jugement de valeur dans des cas
particuliers pour que les soins réels reguis par l'état des
malades soient assurés. Quand on se réfère au rapport
Picard, à des listes ou à des ententes, je vous assure que c'est
une référence, à notre avis, à quelque chose de
très imprudent et irréaliste, pour ne pas dire presque
malhonnête. Cela ne tient pas debout du tout; ce sont des listes, des
ententes qui ne tiennent pas du tout compte des vrais besoins des malades.
Quand le rapport Picard dit qu'il conclut avec un bilan positif, on se demande
comment on peut parler comme ça; il faut être joliment loin des
malades. En ce qui concerne le recours collectif, si vous permettez, M.
Jean-Marc Chabot prendra la parole.
M. Chabot (Jean-Marc): J'aimerais juste renchérir un peu
sur les difficultés que
mentionnait Claude par rapport à la possibilité d'utiliser
le recours collectif. C'est déjà très difficile à
utiliser, comme il le dit, pour des personnes qui sont bien portantes,
imaginez-vous comment ça peut être difficile à utiliser
pour des enfants qui sont dans un centre d'accueil et qui n'ont pas les
services dont ils ont besoin. Nous sommes actuellement à tenter
l'expérience d'essayer d'utiliser le recours collectif pour un certain
nombre d'enfants qui, dans un centre d'accueil, à Montréal, ont
eu des difficultés et ne reçoivent pas les services dont ils ont
besoin. Juste pour l'étude du dossier, voir si c'est possible de faire
un recours collectif pour aider ces enfants, ça va coûter au
comité de liaison dont je fais partie 1500 $ d'étude juridique.
Ce n'est même pas avec la certitude que le juge qui va entendre notre
demande de recours collectif va l'accepter. Ce n'est même pas avec la
certitude que le fonds du recours collectif va nous aider par la suite. C'est
un moyen, mais il est très limité et très difficile
à utiliser, quant à moi.
M. Brunet: Pour la troisième question de madame,
concernant l'offre finale, Mlle Lucie Forqet, s'il vous plaît.
Mme Forget: M. Dion va en parler.
M. Dion: Une petite précision; on parle de
sélection des offres finales, "final offers selection arbitration"; en
français, ce n'est pas comme ça que ça se dit, c'est le
choix des propositions finales; il y a une offre et une demande.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
M. Dion: II y a plusieurs formules de choix des propositions
finales. Il y en a qui ont fonctionné, d'autres n'ont pas
fonctionné. La formule que l'on trouve dans la loi de l'Iowa
m'apparaît intéressante pour la raison suivante. C'est sûr
que, lorsque l'arbitre est limité dans son choix entre la proposition
patronale et la proposition syndicale qu'il est obligé d'accepter d'une
façon globale, c'est embarrassant et je ne l'accepterais pas. Pour
régler les problèmes, je pense que ça pourrait être
injuste. La formule de l'Iowa est intéressante à cause des
modalités suivantes, c'est qu'avant de passer à l'arbitrage des
propositions finales, il y a d'abord ce qu'ils appellent à tort un "fact
finding board"; en somme, c'est de la conciliation publique qui fait seulement
une recommandation, ce n'est pas obligatoire de la suivre. Par
conséquent, il y a déjà là un filtrage; ensuite,
quand l'arbitre, sur le choix des propositions finales, intervient, il
n'intervient pas avec des propositions globales, c'est-à-dire une
enveloppe globale, un tout, mais proposition par proposition, sur chaque point
particulier. Par conséquent, sur un point, il peut prendre la demande
syndicale et, sur un autre point, l'offre patronale.
Cette formule me paraît moins injuste. D'après le dossier
que j'ai eu entre les mains, dans beaucoup de cas, parce que l'arbitre est dans
une situation assez embarrassante - c'est tout ou rien - il s'est
reporté à la recommandation qui avait été faite par
la commission de conciliation dans laquelle étaient
représentés l'employeur et le syndicat.
Maintenant, là comme ailleurs, il n'y a pas de garantie, comme
disait le ministre antérieurement, il n'y a pas de formule magique qui
donne la sécurité pour régler tous les problèmes.
C'est une formule. Sans doute, si on adoptait une formule semblable, il
faudrait, pour ceux qui ne s'y conformeraient pas par la suite, qu'il y ait des
sanctions appropriées, justes, etc., comme je l'ai dit tout à
l'heure. Si vous n'avez pas de sanctions, cela ne servirait à rien; ne
changez pas la loi, vous perdez votre temps.
Mme Forget: Ce qui m'a paru intéressant aussi dans la
formule de l'Iowa... On a parlé beaucoup de la loi 59 et surtout en ce
qui concerne les services essentiels. Il y avait un autre aspect dans la loi
59, c'était le régime des négociations. Je pense que, pour
la première fois, par exemple, la loi obligeait les parties à
commencer la négociation six mois avant l'expiration des conventions
collectives. D'ailleurs, c'est M. Laberge, hier, qui disait que, sans qu'aucun
syndicat n'ait proposé quoi que ce soit pour améliorer le
régime des négociations, ils se sont quand même plaints de
leur lenteur. Or, dans le cas de l'Iowa, dans la procédure de
règlement des conflits, on prévoit diverses étapes et un
échéancier très rigoureux. Cela ne veut pas dire qu'au
Québec on doive le transférer tel quel, mais on peut quand
même s'en inspirer. D'abord, le début des négociations doit
avoir lieu avant les prévisions budgétaires du 15 mars. C'est la
période de certification des budgets en Iowa, mais on peut, par exemple,
au Québec, dire qu'au lieu de six mois avant l'expiration, ce sera un
an. Rien ne nous empêche de modifier cet aspect. Ensuite, pour la
médiation, encore une fois, on prévoit un délai
très strict. On dit: Quand il y a impasse, la médiation doit
débuter 120 jours avant le 15 mars, soit autour du 15 novembre.
Maintenant, la durée de la médiation est seulement de dix jours.
Si la médiation échoue, immédiatement, vous avez la
nomination d'un enquêteur par le Public Employment Relations Board. Cet
enquêteur doit faire ses recommandations en dedans de quinze jours.
Ensuite, il les soumet aux parties qui ont dix jours pour prendre en
considération les recommandations de l'enquêteur. Si elles
n'y donnent pas suite, à ce moment, sur la demande d'une des parties,
c'est l'arbitrage obligatoire.
Maintenant, dans le cas de la remise de l'offre de chaque partie sur les
questions litigieuses, il est fort possible qu'on se soit entendu sur un
très grand nombre de questions. D'ailleurs, dans l'enquête qu'on a
faite auprès des États américains, plusieurs nous disent
que, quand il y a arbitrage, souvent le nombre des questions litiqieuses est
considérablement réduit à travers tout un processus de
négociations. À ce moment, les parties, sur les questions
litigieuses, doivent soumettre leur offre avant l'audience de l'arbitre. Elles
ne peuvent plus la modifier du tout. Chaque partie dit... Disons qu'il y a
trois questions litigieuses qui restent, réduction des heures de
travail, congé annuel et salaire. À ce moment, chaque partie fait
ses propositions sur chacune des trois questions. C'est soumis à
l'arbitre. L'arbitre n'a que quinze jours, et même, dans l'Iowa, ce court
laps de temps avait été contesté, et la cour a rendu une
décision. Il fallait que l'arbitre soumette sa décision dans les
quinze jours. Quand il soumet sa décision, c'est sur chacune des
questions, comme l'a signalé l'abbé Dion. Cela peut être,
sur une des questions, la proposition du syndicat; sur une autre question, la
proposition de l'employeur; tout dépend de ce qui paraît le plus
raisonnable comme proposition à l'arbitre.
Un autre point intéressant dans la procédure de l'Iowa,
comme le signalait l'abbé Dion, c'est que vous avez l'étape de
l'enquête. L'enquêteur fait une recommandation. Si l'arbitre trouve
que ni la proposition patronale sur une des questions litigieuses, ni la
proposition syndicale ne lui paraissent raisonnables, il a toujours la
troisième possibilité de choisir la recommandation de
l'enquêteur.
Les conséquences de cette procédure, une loi qui a
été adoptée en Iowa en 1974, c'est qu'évidemment il
n'y a pas eu de grève sous le régime de cette loi. Il faut dire
aussi qu'il y a des pénalités très sévères
prévues dans cette loi. Non seulement prévoit-on des
pénalités, mais on inscrit la suprématie de la loi dans la
loi elle-même. On dit que l'employeur lui-même, s'il viole la loi,
s'il ne se conforme pas à ce qui est prévu dans certaines
dispositions de la loi, devient passible soit d'une amende de 10 000 $ par
jour, soit d'une peine de prison de six mois ou les deux à la fois, de
sorte que l'employeur ne peut pas jouer; ne peut pas dire: On va passer
l'éponqe, on va négocier la suspension des
pénalités, etc. Il ne peut pas le faire. S'il le fait, il est
lui-même en non-conformité avec la loi et il est
pénalisé.
Parmi les résultats, il n'y a pas eu de grève sous le
régime de cette loi; ce mode de règlement n'a pas nui à la
libre négociation - je tiens bien à insister là-dessus -
parce que, dans environ 50% des cas, les parties se sont entendues sans avoir
recours à l'intervention d'une tierce partie. D'autres ont eu à
passer à travers l'étape de la médiation, mais il y a eu
seulement 5% des cas qui se sont rendus jusqu'à l'arbitraqe,
c'est-à-dire où les parties n'ont pas été capables
de s'entendre elles-mêmes.
Il y a aussi un autre fait intéressant. À cause de
l'échéancier très rigoureux des étapes de la
négociation, la nouvelle entente en Iowa est conclue environ cent jours
avant l'expiration de la convention collective en vigueur.
Parlons maintenant de la réaction des parties au sujet de cette
procédure. Les syndicats sont généralement satisfaits de
cette procédure. Il peut y avoir guelque réticence de la part de
l'employeur, mais la plupart des employeurs du secteur public reconnaissent que
cette procédure est efficace pour régler les impasses de la
négociation sans grève. Mme Lavoie-Roux, est-ce que cela vous
satisfait?
Mme Lavoie-Roux: Oui. Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest, Jean-Talon.
M. Rivest: Je serai bref, parce que la plupart des questions ont
passablement couvert le point de vue. Je veux simplement dire que, comme
à peu près tout le monde ici - on l'a déjà
évoqué dans les remarques préliminaires aux travaux de
cette commission - on ne peut pas s'empêcher de dire et de le dire le
plus simplement possible, d'une façon publique, que l'ensemble de nos
concitoyens doit bien se sentir, comme nous, un peu mal à l'aise. En ce
moment, au fond, ce que l'on fait comme exercice, dans l'ensemble de la
société québécoise, c'est peut-être de se
demander où on en est rendu quand, dans notre société, les
malades doivent maintenant dire publiquement et rappeler d'une façon
extrêmement sobre et extrêmement pertinente, comme l'a fait M.
Brunet, à travers tout le jeu des intérêts
économiques et des intérêts de travail des uns et des
autres, syndicats, administrateurs et gouvernement: Nous aussi, nous avons des
droits. Je pense qu'au-delà de toutes les technicités et de tout
le juridisme qui entourent cette question il y a une question de fond qui est
posée à notre société et à laquelle, comme
je l'indiquais, tout le monde doit certainement réfléchir et en
tirer les conséquences.
Pour ne pas allonger le débat, je voudrais, M. Brunet, si vous me
le permettez, adresser une question à l'abbé
Dion. Je sais que ma question est terriblement complexe et je ne veux
pas être injuste envers M. Dion qui connaît l'ensemble de la quest
dans les hôpitaux de soins aigus par rappion et qui devra
nécessairement y répondre brièvement, mais on a beaucoup
parlé du droit de grève. On a parlé de ce qui se passeort
aux situations qui sont vécues par M. Brunet, en particulier, dans le
domaine des hôpitaux de soins prolongés, pour personnes
handicapées, où les gens ont une identification beaucoup plus
personnelle de ces institutions que ceux qui sont aux soins aigus. (17 h
15)
Mais évaluons les 15 dernières années, M. Dion, si
vous le permettez, en particulier dans le domaine des affaires sociales et des
affaires de la santé. On a parlé des délais, d'autres
formules possibles de solution mais, quant au caractère
extrêmement centralisé du processus de négociation des
conventions collectives, est-ce que vous avez une conclusion? Je sais que vous
ne pourrez pas la nuancer dans le cadre de la discussion, mais quelle est votre
réaction? Je me rappelle, je pense que vous êtes certainement bien
au fait, qu'en 1965, M. Lesaqe, qui a accordé à l'époque
le droit de grève, m'a dit, et je pense qu'il l'avait d'ailleurs
déjà dit publiquement... Il ne faut pas oublier qu'au moment
où le droit de grève a été accordé, en 1965,
il n'y avait pas cette centralisation dans les institutions. Et M. Lesage
disait: S'il y a une grève à l'hôpital Saint-Sacrement, ici
à Québec, il va y avoir l'Hôtel-Dieu qui pourra prendre la
relève. Mais le régime de négociation a fait que, par la
suite, on a eu toute cette centralisation.
Quelle est votre réflexion, M. Dion, sommairement,
appliquée à la centralisation actuelle du régime de
négociation et appliquée spécifiquement au domaine de la
santé et des services sociaux?
M. Dion: Une première remarque. Je vais essayer
d'être bref. C'est très vrai ce que vous venez de dire. Quand le
droit de grève a été accordé, en 1965, il y a
beaucoup de conditions qui existaient à cette époque et qui
n'existent plus aujourd'hui, dont celle-ci. À cette époque, les
négociations se faisaient hôpital par hôpital. On
n'était donc pas pris avec un grand problème d'envergure
provinciale.
Est venue cette centralisation de la négociation. C'est venu
à la fois pour des besoins d'ordre financier du gouvernement, pour
savoir quelle était l'enveloppe globale, et c'est venu aussi à la
demande des syndicats. Est-ce qu'on peut retourner en arrière? Je crois
que, sur certaines questions, c'est extrêmement difficile de retourner en
arrière.
Déjà, il y a des matières qui sont de
négociation provinciale et d'autres, locale. Mais, entre nous, cela n'a
toujours pas de sens qu'aux trois ans on négocie un document comme cela
à l'échelle provinciale. Il devrait y avoir certains points
particuliers réservés à l'ensemble de la province et, pour
l'application, revenir à la décentralisation.
Comment y parvenir? C'est une question qu'on ne peut pas discuter ici
cet après-midi, mais c'est assez difficile. Je pense qu'avec de la bonne
volonté et de l'imagination on pourrait peut-être y parvenir.
Le Président (M. Rodrigue): M. Lavigne, Beauharnois.
M. Lavigne: Très brièvement, M. le
Président. Je voudrais savoir si Mme Forget est au courant du
régime qu'ils avaient en Iowa avant l'implantation de l'offre finale,
pour essayer de comprendre si de passer a l'offre finale a été un
changement majeur, radical. Êtes-vous en mesure aussi de nous parler de
la réaction des deux parties à partir de cette procédure?
Est-ce que les syndicats ont mal ou bien réaqi, ainsi que la partie
patronale? Est-ce qu'il y a eu des heurts? Quand on parle d'enlever le droit de
grève, le ministre prévoit - il n'est pas le seul à le
prévoir, à le penser - que cela pourrait être un chaos
social si on arrivait à chambarder, d'une façon trop radicale,
les moyens qu'on a ici présentement. Est-ce que le passage d'une
méthode à une autre a été un passage relativement
doux ou si cela a été un passage vraiment draconien?
Mme Forget: En ce qui concerne ce qui se passait avant dans
l'Iowa, on a commencé un échange de correspondance. On a eu de la
difficulté à faire parvenir nos lettres. On leur a écrit
au début de l'été et, comme vous le savez tous, je pense
que vous vous en souvenez, il y avait une grève des postes. On a pris
des moyens pour faire acheminer notre correspondance à partir des
États-Unis, mais il n'y avait aucun moyen pour que les Américains
nous fassent parvenir leurs réponses au Canada; on était en
grève, de sorte qu'on a eu des réponses à la fin du mois
d'août et au début de septembre et, encore la semaine
dernière, on en a eu. Il y a beaucoup de questions que je me posais
encore en rapport avec la documentation qu'on a reçue et qui devrait
être poursuivie, mais on se disait: Cela ne nous donne pas le temps
d'écrire à la commission parlementaire, cela va prendre neuf
jours avant qu'elle ait notre lettre et ensuite neuf jours avant qu'on
reçoive la correspondance désirée.
En ce qui concerne le régime de négociation qui
prévalait avant 1974, en Iowa, je n'ai pas d'informations
détaillées.
M. Dion: On n'avait pas le droit de grève et on n'avait
pas le droit de négociation dans à peu près tous les
États des États-Unis et la même chose ici au Canada, sauf
en Saskatchewan. On n'est pas passé d'un retrait de droit de
grève.
Par conséquent, c'était plus facile, lorsque tu n'as pas
de négociation et que tu n'as pas de droit de grève, de dire: On
établit un régime avec celui-là. Il n'y a aucun doute
là-dessus.
Maintenant, quant à la satisfaction des parties, il semble que
les parties actuellement sont satisfaites et que cela donne de bons
résultats.
Mme Forget: Est-ce que je pourrais ajouter une remarque sur ce
que vous disiez? Vous disiez que, si on essayait d'implanter un nouveau
mécanisme, il pourrait en résulter un chaos social pire que ce
que l'on connaît. Je me demande, quand il y a des rondes de
négociations qui sont suivies par des périodes de grève et
que vous voyez dans des hôpitaux, par exemple, comme l'hôpital
Notre-Dame, qu'on ne laisse que quinze infirmières en hémodialyse
et aucune aux soins intensifs, aucune au bloc opératoire, aucune dans
les unités de soins, comment la situation peut-elle être pire.
Deuxième remarque, j'ai l'impression que le gouvernement a un
rôle de leadership à exercer, en ce sens que, quand on parle...
D'ailleurs, je dois vous dire que j'ai eu beaucoup de contacts avec des
employés d'hôpitaux, des infirmières, qui m'ont tous dit
qu'eux souhaitent le remplacement de la grève par autre chose. Ils
voudraient bien qu'on l'enlève ce droit de grève, mais ils ne
sont absolument pas informés d'autres mécanismes qui existent. Il
y a donc un rôle d'animation et d'information. Je pense que le
gouvernement a un rôle à jouer là-dedans, il a un
rôle de leadership, soit que lui-même fasse des recherches et
qu'ensuite il prenne les moyens d'informer tous les agents qui oeuvrent, par
exemple, dans le secteur hospitalier, d'organiser des séances
d'animation et d'information. C'est une opinion. Je pense que cela vaudrait le
coût qu'on se penche là-dessus, parce que moi, j'ai l'impression
que, même au niveau gouvernemental, on n'est pas trop au courant de ce
qui se passe ailleurs, des expériences qu'on a faites ailleurs. J'ai
l'impression que, quand j'ai écrit à des États
américains, on était peut-être les premiers à les
pressentir pour avoir des renseignements sur leur expérience. Je ne sais
pas, peut-être que le ministre du Travail ou son ministère a fait
les mêmes recherches que nous et qu'il a reçu la même
documentation. Je n'en sais rien, mais j'ai plutôt l'impression qu'on
était les premiers à les pressentir.
Le ministre l'a mentionné dans le cas du recours collectif, il a
fait les recherches, il a éduqué la population et il a finalement
fait adopter sa loi. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose dans le cas
des lois du travail?
Le Président (M. Rodrigue): Cela va?
M. Dion: M. le Président, est-ce que je pourrais ajouter
une chose? Cela ne sera pas long, parce que je vois que l'heure avance
très rapidement.
La commission parlementaire a pour mandat d'étudier les
améliorations au régime des relations de travail dans son
ensemble. À mon sens, il me paraît clair et net qu'on doit cesser
d'avoir une loi uniforme et globale qui couvre tous les secteurs à
l'intérieur de l'appareil gouvernemental et paragouvernemental et avoir
des dispositions particulières qui tiennent compte des besoins de
chacune des sections à l'intérieur. Je pense que vous devriez
vous pencher sur cela et dire: Les hôpitaux, les institutions des
affaires sociales, c'est autre chose que les fonctionnaires, c'est autre chose
que les enseignants et c'est autre chose que le transport en commun dans une
ville, que ce soit la ville de Québec ou la ville de Montréal,
mais avoir des dispositions particulières, par conséquent, une
loi qui soit plus adaptée, plus juste et plus applicable.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak, Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président.
Comme toujours, une brève question avec une courte
introduction.
D'abord, M. Brunet, je dois vous dire que j'ai suivi un peu votre
carrière dans les journaux et je suis très impressionné,
du fait que nous sommes toujours en face de grands organismes: l'État et
les syndicats. Ils sont très puissants, et le simple individu n'est pas
puissant. Vous représentez les malades, mais je crois certainement que
l'opinion publique est derrière vous en ce qui concerne le
problème. Les gens le savent. Au moins, ils sont au courant du
problème.
On doit vous féliciter pour le travail que vous avez fait.
J'espère que vous allez continuer dans cette voie parce que parfois cela
prend un troisième organisme pour réveiller les deux autres.
Voici la question que je veux poser. On est en face d'un grand dilemme.
Je me mets un peu dans la peau du ministre, mais je ne suis pas encore rendu
à ce point-là. Je l'ai entendu depuis hier, savez-vous, et...
M. Marois: Voulez-vous essayer? M. Polak: Non, cela va
venir après. Des voix: Ah!
M. Polak: Le ministre a dit ce qui suit: II y a le grand principe
et je respecte les droits acquis, le droit de grève. Évidemment,
c'est une très bonne nouvelle pour les syndicats parce que tous les
syndicats ont soumis des mémoires de 42 pages dont 40 sur le droit de
grève. Donc, ils ont eu de bonnes nouvelles dès le début
de nos séances.
Ensuite, il dit, trente secondes après: Cependant, il y a un
principe aussi important et essentiel. C'est le principe de protéger les
usagers dans les services essentiels. Là, il y a un problème, il
y a un dilemme et c'est le suivant. On ne peut pas gager sur les Expos et
Saint-Louis en même temps et le même argent, parce qu'il faut
gagner quelque part. Il faut mettre un peu plus ici, un peu plus là. On
ne peut pas mettre le même argent parce que, dans ce cas, c'est le jeu
pour rien. Donc, si nous ne sommes pas venus ici pour ce qu'on appelle un
"window-dressing" et si nous sommes vraiment venus ici pour trouver une
solution, il faut choisir une priorité, aussi pénible que ce
soit. Le ministre doit choisir. C'est lui qui a 80 chaises et nous n'en avons
que 42.
Une voix: Pour la somme de...
M. Polak: Ce que je veux dire, c'est ce qui suit: Quand on doit
faire un choix pénible, vous autres, vous le faites. Vous avez dit:
Écoutez! Pour nous, tous les services sont essentiels; il n'y a pas de
différence. Vous le dites carrément et, ensuite, vous arrivez
à la conclusion: C'est malheureux, c'est regrettable, mais il faut
abolir le droit de grève dans le secteur hospitalier parce qu'une
grève d'un jour, c'est une grève symbolique. Une grève,
pour réussir, doit faire mal, comme cela a été dit hier
par plusieurs personnes.
C'est une attitude qu'on peut prendre. J'ai l'impression que le ministre
ne va pas prendre cette attitude. Il ne va pas la recommander à son
Conseil des ministres. Il y a peut-être des députés qui
vont l'appuyer un peu ici et là. Mais j'ai l'impression qu'il ne prendra
pas cette attitude de dire: On va l'abolir dans le secteur hospitalier ou dans
un secteur comme celui-là.
Donc, le choix devient le suivant: Qu'est-ce qu'on va faire avec...
M. Marois: M. le Président, je m'excuse d'interrompre. Je
suis certain que le député de Sainte-Anne n'est pas en train de
me prêter à l'avance des décisions que j'aurai à
prendre éventuellement.
M. Polak: Non. Je veux vous forcer à une bonne conclusion.
On est là pour vous aider à en arriver à une
conclusion.
M. Marois: Très bien. Continuez à
m'éclairer.
M. Polak: On va mettre les cartes sur la table. Le dilemme
devient encore plus aiqu pour vous.
La deuxième possibilité, ce qu'on appelle les services
essentiels. Il faut donc installer toutes sortes de systèmes. On a eu
toutes sortes de recommandations, par exemple, un organisme, une tierce partie
qui va dire: Ça, ce sont les services essentiels; on va donner cela aux
hôpitaux, etc., et au moins les malades seront moins
dérangés pendant une grève. Il n'y a pas de doute
là-dessus; cela n'a peut-être pas été dit
carrément, mais c'est une restriction du droit de grève. Il n'y a
pas de doute là-dessus et je n'ai pas encore entendu un syndicat dire:
Nous sommes prêts à accepter cette formule.
Mais il y a des mémoires qui ont parlé d'un autre sujet
que je trouve très intéressant. Il s'agit d'un nouveau contrat
social. C'est peut-être parce que je suis un Européen, je viens
des Pays-Bas, où on croit beaucoup en un nouveau contrat social.
Là-bas, les syndicats, le gouvernement et le côté patronal
se mettent ensemble et disent: À un moment donné, le bien commun
prime, et ils font de petits sacrifices.
Je vous pose maintenant la question, M. Brunet. Disons que, dans la vie,
on ne peut pas tout avoir. Si c'est impossible d'accepter votre formule
d'abolition, qui est une formule claire et nette, très bien... Mais
disons que, sur le plan pratique, cela ne marche pas. Seriez-vous content, avec
cette solution d'une tierce partie qui va régler les problèmes
dans ce secteur des services essentiels, mais d'une manière riqoureuse,
avec un appareil composé de personnes qui puissent discuter les
décisions un peu dans le sens de l'abbé Dion, où, à
un moment donné, on va les forcer à respecter ces
décisions? Là, vous aurez moins que ce que vous demandez.
Pensez-vous que cela sera acceptable? Si vous dites oui, je poserai la
même question plus tard aux syndicats et, ensuite, je vais demander au
ministre son opinion là-dessus.
M. Brunet: Au sujet de la possibilité qu'une espèce
de régie ou de conseil mieux organisé, mieux conçu, mieux
préparé, puisse déterminer les services qui sont
véritablement dus aux malades et faire en sorte que ces services soient
rigoureusement dispensés, nous avons de grandes réticences
à pouvoir penser qu'un tel organisme puisse être efficace et agir
avec la rapidité qu'il faut. (17 h 301
Dans la très grande majorité des cas, premièrement,
il est très difficile de cerner ce qui se passe auprès des
malades parce que, à part les malades dans un hôpital, il y a la
partie patronale qui, dans un sens, a quand même l'ultime
responsabilité de la
gestion du personnel et de la dispensation des soins, mais, pour
d'autres, c'est le patron, et il y a l'autre partie, la partie syndicale.
Que vous vous informiez à l'une ou l'autre de ces parties,
à moins d'aller uniquement au bénéficiaire, vous allez
voir des versions pas mal différentes et les services vont être
beaucoup demandés dans un cas et, dans l'autre, on va dire qu'il y en a
trop. Donc, la question d'un conseil ou d'une régie, on a beaucoup de
doutes, on n'y croit pas vraiment. Pour vous montrer la difficulté de
s'entendre sur les services essentiels, je vais vous donner un exemple. Je sais
que vous avez énormément de travail à faire aujourd'hui,
mais, s'il y avait, entre les malades et vous autres, les ministres et
députés, autant d'occasions d'échanger, de se parler et de
discuter que vous en avez, les députés et les ministres, avec des
représentants syndicaux, je vous garantis que le gouvernement n'aurait
pas la même attitude.
Fatalement, chaque jour, il y a des problèmes, des contacts
téléphoniques, des lettres, des rencontres. Il faut que les
représentants syndicaux vous parlent, vous questionnent, vous tirent
l'oreille, enfin, fais ceci, fais cela, de sorte que ces contacts-là ont
un impact psychologique important. Les revendications des représentants
syndicaux, vous en entendez parler de tout bord et de tout côté,
mais les problèmes, les questions, les dilemmes, les inquiétudes,
les aspirations des malades, quand est-ce que vous avez des contacts
fréquents pour être au courant de cela?
Prenez la question des services essentiels. On voyait M. Laberge, hier,
qui disait: Je vais vous donner un exemple pour vous montrer que nos femmes et
nos gars ont autant de conscience professionnelle ou de conscience sociale que
n'importe qui d'entre vous autres, les députés et les ministres.
Il a donné le cas d'un soir à Louis-H. Lafontaine où
c'était le tour des employés non professionnels de
débrayer et voilà que, malheureusement, un incendie se
déclare. Un exemple qu'on a vraiment une conscience sociale et
professionnelle, c'est que tout le monde est entré immédiatement
pour éteindre le feu et secourir les malades d'abord, évidemment.
Mais là, vous avez un cas où on prend pour héroïque,
pour très valable, un comportement qui est tout à fait normal.
Qui est-ce qui, voyant des gens en danger de mort, ne se fendrait pas en quatre
pour aider?
Les services essentiels, selon la mentalité syndicale, et c'est
la même qu'on voit dans le rapport Picard, ce n'est pas grave si des
malades souffrent un peu plus, s'ils connaissent plus d'angoisse et plus
d'inquiétude, pourvu qu'ils n'en meurent pas. Quand on est en danger de
mort comme dans un incendie, là, c'est normal, c'est bon, il faut le
faire.
Il y a un autre critère de services essentiels pour des gens qui
ne sont pas d'accord avec nous, évidemment. C'est qu'on dit - M. Laberge
et M. Rodrigue l'ont bien dit - Nos services essentiels, ce sont les services
et le personnel qu'on assure, qu'on a pendant les fins de semaine et aux jours
de fête.
Attendez un peu, s'il vous plaît! Il y a 210 hôpitaux de
soins de courte durée - c'est M. le ministre qui disait ça - et
là, il y a quelque chose de différent de ce qui se passe dans les
autres centres. Il y a à peu près 175 hôpitaux de soins
prolongés pour soins physiques et soins psychiatriques. Il y a à
peu près 350 centres d'accueil et d'hébergement où, en fin
de semaine et aux jours de fête, le personnel n'est pas réduit.
Dans les hôpitaux de courte durée, on nous dit: Cela fait des
années qu'on dit ça, mais, quand des malades assistent à
nos réunions et voient cela, les bras nous tombent. Mais pour qui
prend-on les gens? Est-ce qu'on est des valises pour venir nous dire cela? Dans
les hôpitaux de courte durée, le personnel, en fin de semaine et
les jours de fête, c'est un personnel un peu réduit. Tout le monde
est en congé. Il y a beaucoup de gens en congé. Mais c'est
beaucoup plus que celui qu'on accorde pendant les grèves. On veut
probablement dire: Nous on accorde... Si on prend tous les gens qui sont dans
les laboratoires, les surveillants et les cadres à la cuisine ou dans
les bureaux et si on les met dans les unités de soins, cela fait presque
autant de personnel en fin de semaine et les jours de congé, mais ce
n'est pas du tout acceptable pour les malades parce que vous n'avez pas du tout
le même service avec des gens qui sont habituellement dans des
laboratoires ou des bureaux ou qui font de la gestion de personnel ou des
réunions presque chaque jour pendant plusieurs heures.
Les malades ont besoin du personnel régulier qui connaît
les malades et que les malades connaissent. Un autre exemple de l'importance
que les malades s'expriment de plus en plus là-dessus. On a fait
référence à la récente encyclique de Jean-Paul II.
J'en ai lu plusieurs extraits hier et là aussi le pape Jean-Paul II dit
bien que la grève ne doit pas venir en contradiction avec les exigences
du bien commun. Je pense que pour les questions qu'on débat
actuellement, les exigences du bien commun sont joliment mises en cause quand
on laisse une grève se déclencher dans les hôpitaux et les
centres d'accueil.
M. Polak: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Dougherty (Jacgues-Cartier).
Mme Dougherty: J'aimerais aussi féliciter la coalition
pour son excellent mémoire. J'appuie dans ce sens les commentaires de
mes collègues, Mme Lavoie-Roux et M. Polak. J'ai simplement quelques
commentaires que j'ai voulu faire il y a une heure, mais naturellement ce
n'était pas possible. C'est quelques commentaires sur la réaction
du ministre, qui m'a inquiétée beaucoup parce que,
premièrement, le ministre a parlé, dans sa réaction
à chaque mémoire presque, de comportements inacceptables, d'abus,
de contraventions aux lois et du non-respect des listes de services essentiels
qu'on ne peut plus supporter. Je crois que tout le monde est d'accord. Cela va
sans dire. Nous avons entendu, d'autres groupes, plusieurs recommandations pour
améliorer la situation.
Deuxièmement, le ministre a insisté sur une meilleure
façon d'établir la liste des services qu'on doit garder en temps
de grève. La nécessité d'impliquer les usagers dans cet
exercice est une très bonne idée. Encore là, je crois que
nous sommes tous d'accord qu'un meilleur mécanisme, plus juste, doit
être trouvé pour établir la liste des services à
garder, parce que dans ce contexte on parle naturellement des situations quand
on accepte le fait de la grève.
Troisièmement, au sujet de la suggestion d'offre finale, le
ministre s'y est opposé parce que c'était une suggestion
radicale. Oui, c'est une suggestion radicale. D'abord, je crois que l'objection
qu'on joue avec la masse salariale est fausse pour toutes les raisons
données tout à l'heure par M. Dion et je ne veux pas discuter
cette situation, mais je crois qu'une solution radicale dans le meilleur sens
du mot est exactement ce qu'on cherche ici.
M. Marois: M. le Président, je m'excuse d'interrompre Mme
la députée. Je suis sûr qu'elle ne veut pas me prêter
indûment des propos que je n'ai pas tenus. Je ne me suis pas
opposé à la formule...
Mme Dougherty: Ce n'est peut-être pas un bon mot.
M. Marois: Si madame permet, M. le Président, que je
termine mon intervention. Je veux bien qu'on me prête toutes sortes de
propos, mais je ne m'y suis pas opposé parce que la formule est
radicale. Ce n'est pas moi qui vais m'opposer à des changements qui
peuvent être radicaux. Pour obtenir le plus d'éclaircissements,
afin de donner la chance à ce comité qui vient ici nous expliquer
pourquoi il pense que tel droit doit être aboli et qui a fait
d'énormes recherches sur une proposition alternative, il me semblait
légitime de poser un certain nombre de questions et de soulever un
certain nombre d'inquiétudes pour permettre à ce groupe de nous
expliquer davantage la formule. Je ne me suis jamais opposé parce que
c'est radical.
Le Président (M. Rodrigue): Si vous me le permettez, je
voudrais profiter de cette occasion pour signaler aux membres de la commission
qu'en commission parlementaire il n'y a pas une chose telle qu'une question de
privilège. Cependant, il est toujours loisible à un membre de la
commission d'intervenir à un moment donné pour rectifier des
faits qu'il juge non conformes ou des opinions qui ont été
émises et qu'il juge non conformes. Je vais demander à Mme
Dougherty de compléter son intervention et, par la suite, M. le
ministre, si vous voulez clore le débat sur cette question, je vous
céderai la parole. Mme Dougherty.
Mme Dougherty: Merci, M. le ministre, pour votre
clarification.
Je veux vous dire franchement que j'ai été un peu
scandalisée par votre réaction, parce que j'ai senti une certaine
réticence a discuter ce qui est pour moi la question fondamentale cet
après-midi: Va-t-on tolérer le droit de grève dans les
hôpitaux ou non? Doit-on interdire les qrèves dans le secteur
hospitalier inconditionnellement ou doit-on tolérer les grèves
conditionnelles? Y a-t-il des droits de santé fondamentaux qui priment
sur tout droit et privilège syndical et patronal? Il faut discuter et
reconnaître ce problème fondamental; autrement, on va fausser
notre travail. J'espère que, dans notre tâche, nous allons
continuer d'attaguer ces problèmes d'une manière ouverte et
honnête.
M. Marois: M. le Président, je ne prêterai pas
d'intention ni ne communiquerai aucunement les sentiments que j'éprouve
à entendre parfois certains membres de l'Opposition. Je crois qu'ils
sont libres de leurs interventions et j'essaie de respecter leurs interventions
le plus pleinement possible. Je ne les qualifie pas.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça termine
la période des questions? Je remercie la Coalition pour le droit
des...
Je m'excuse. M. Brunet, je vous en prie.
M. Brunet: M. le Président, j'aimerais souligner le fait
que la présente commission a fait preuve d'une patience extraordinaire
et qu'on l'apprécie beaucoup. Même si on a accordé une
heure trente-cinq minutes à la CSN et une heure guarante minutes
à la FTQ, ça fait deux heures et vingt minutes qu'on est avec
vous. On vous remercie beaucoup et on espère vous reparler
bientôt.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Coalition pour le droit des malades. Étant
donné qu'il est maintenant tout près de 17 h 50, nous allons
suspendre la séance de la commission jusqu'à 20 heures, alors que
nous procéderons à l'audition des mémoires suivants: Le
mémoire de la Fédération des syndicats professionnels des
infirmières et infirmiers du Québec, le mémoire du
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec et, finalement,
nous entendrons le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec.
La commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la
sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 17 h 47)
(Reprise de la séance à 20 h 051
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre s'il vous
plaît! La commission élue permanente du travail, de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses
travaux.
En début de séance, nous entendrons le mémoire de
la Fédération des syndicats professionnels d'infirmières
et infirmiers du Québec. J'invite les représentants de cette
fédération à prendre place à la barre. Si je ne
m'abuse, le mémoire sera présenté par Mme Elaine
Pelletier. Mme Pelletier, je vais vous demander de nous présenter les
personnes qui vous accompagnent et de présenter votre
mémoire.
Fédération des syndicats
professionnels d'infirmières
et infirmiers du Québec
Mme Pelletier (Élaine): M. le Président, mesdames,
messieurs, je vais présenter les gens qui sont avec moi ce soir.
À ma gauche, Mme Gennie Skene, infirmière à
l'hôpital de l'Enfant-Jésus et membre du conseil
fédéral, Mme Louise Turcotte, conseillère à la
fédération, ainsi que Mme Aline Michaud, qui est à ma
droite, conseillère à la Fédération des SPIIQ.
Avant de commencer la lecture du mémoire, j'aimerais souligner
que, ce matin, il y a eu une intervention de M. Brassard, je crois, à
savoir que le gouvernement, semble-t-il, n'aurait jamais eu l'intention
d'enlever le droit de grève, ainsi que le Parti québécois.
Nous, de la Fédération des SPIIQ, avons quand même retenu
certains propos qui nous portaient à croire que l'exercice du droit de
grève pouvait être limité. C'est dans ce sens que nous
avons préparé notre mémoire, qui porte sur la
défense du libre exercice du droit de grève. La
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
d'infirmiers du Québec regroupe quelque 15 000 membres syndigués
répartis à travers la province. Si nous avons
décidé de nous faire entendre aujourd'hui par cette commission
parlementaire chargée de se pencher sur le droit de grève dans
les secteurs public et parapublic, c'est pour bien faire comprendre à
l'État québécois et à son gouvernement que jamais
les membres de la Fédération des SPIIQ ne toléreront
quelque limitation que ce soit à leur droit de grève. Ce n'est
pas sur le dos des travailleurs et des travailleuses que le gouvernement
devrait chercher à se faire du capital politique, mais plutôt en
cherchant à réduire toujours davantage les
inéquités sociales.
Le droit à la grève et à la libre
négociation. Il serait impérieux que l'État reconnaisse
aux travailleurs et aux travailleuses, notamment du secteur de la santé,
le droit permanent à la grève et à la libre
négociation, au lieu de chercher à voir s'il est possible de
limiter ce droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Ce
droit, nous l'avons déjà eu, perdu, puis regagné de haute
lutte. Avant 1939, en effet, année où fut votée la loi
relative à l'arbitrage des différends entre certaines
institutions de charité et leurs employés, loi qui touchait
essentiellement les hôpitaux, nous avions droit à la grève.
Non satisfait d'avoir retiré leur droit de grève à un
grand nombre de travailleurs et de travailleuses de la santé,
l'État décida, guelques années plus tard, en 1944, par sa
loi sur les différends entre les services publics et leurs
salariés, de retirer leur droit de grève au reste des
travailleurs et travailleuses de la santé en même temps
qu'à l'ensemble des autres travailleurs et travailleuses des secteurs
public et parapublic. Ce n'est qu'en 1964, après de multiples
débrayages, de nombreuses grèves illégales et de luttes
continues que nous avons recouvré notre droit.
En tant que travailleurs et travailleuses de la santé, nous
n'accepterons jamais que notre droit à la grève et à la
libre négociation soit remis en question. L'époque du "jamais la
reine ne néqociera avec ses sujets" est révolue au Québec.
La Fédération des SPIIQ et ses membres n'accepteront pas qu'un
quelconque gouvernement tente de le ressusciter sous guelque forme que ce
soit.
La population en otage. Nous ne pouvons non plus accepter qu'à
chaque ronde de négociations dans les secteurs public et parapublic,
particulièrement en ce qui concerne le secteur de la santé, le
gouvernement prenne la population en otage. Nous disons bien le gouvernement,
car c'est lui, par ses déclarations alarmistes, ses artifices
législatifs et ses arabesques judiciaires qui réussit à
faire croire à la population que sa santé et sa
sécurité sont mises en danger lorsque nous exerçons notre
droit de grève.
La santé et la sécurité de la population
sont mises en danger, certes, non pas par les travailleurs et les
travailleuses, mais bel et bien par le gouvernement lui-même qui, en
particulier, depuis quelques années, néqlige son rôle
fondamental de gérer la santé en prospective, dans un but de
mieux-être de l'ensemble de la population et de chacun de ses
individus.
Le poids de l'action gouvernementale quotidienne sur la santé et
la sécurité de la population est immensément plus lourd
que celui de l'exercice parcimonieux du droit de grève. Nous ne citerons
en exemple que les compressions budgétaires. Elles résultent en
des réductions de postes, l'émiettement des tâches, la
dégualification du travail, la mobilité du personnel, etc.
Les conséquences. Les infirmières sont
empêchées de consacrer le temps requis auprès des
bénéficiaires, et en plus, elles sont souvent obligées de
se disperser dans leur travail. L'aspect important des relations humaines s'en
trouve lourdement taxé d'une part, au niveau de l'accueil, et, d'autre
part, au niveau du suivi auprès des bénéficiaires. La
population, bénéficiaire potentiel, se sent insecure face
à l'impossibilité d'obtenir des services adéquats auxquels
elle a droit et se sent de plus en plus menacée dans son
intégrité physique et psychique; l'aspect curatif de la
santé, déjà compromis, prime sur l'aspect préventif
qui, à long terme, est l'élément le plus important de la
santé.
Aux effets déjà déshumanisants des
conséquences des compressions budgétaires vient s'ajouter le PRN,
c'est-à-dire le minutage du travail infirmier, dont l'effet
déshumanisant est au moins aussi grand. Ce système vient en
contradiction avec le concept "nursing" découlant de l'acte infirmier
lui-même en ce qu'il évacue le geste de l'objectif. L'instauration
massive du PRN fait en sorte que le bénéficiaire devient un
numéro sur une chaîne de montage.
Nous n'accepterons pas que le gouvernement fasse porter l'odieux de ses
décisions politiques en ce qui concerne la santé et la
sécurité du public par les travailleurs et les travailleuses de
la santé, lorsque ceux-ci exercent leur droit de grève.
Les services essentiels. La Fédération des SPIIQ
reconnaît d'emblée le droit du public au maintien des services
essentiels lors de conflits dans le secteur de la santé.
D'ailleurs, lors de la grève générale de 1966, ce
sont les syndicats qui ont pris l'initiative de négocier les services
essentiels et ce sont les employeurs qui ont refusé,
préférant recourir aux injonctions. De nouveau, en 1972, les
syndicats tentèrent de négocier les services essentiels avec
à peine plus de résultats. Et alors qu'en 1976, les commissaires
arbitres ne rapportaient qu'une quarantaine d'ententes, plus de 500
étaient négociées par les syndicats lors de la
dernière ronde de négociations. Dans son rapport de juin 1980, le
Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux
souligne en outre: "II y a eu des exceptions, mais nos services ont
rapporté que, dans l'ensemble, les services essentiels avaient
été assurés conformément aux ententes et aux listes
déposées. "
Compte tenu que les syndicats ont toujours été les
premiers conscients de l'importance de maintenir les services essentiels en cas
de conflit dans le secteur de la santé et du peu de cas que
l'État et ses partenaires patronaux semblent faire de la santé et
de la sécurité du public, il est donc vital que ce soient les
syndicats qui aient et continuent d'avoir la juridiction exclusive en cette
matière.
Pour ces raisons, nous ne pourrions tolérer qu'en exploitant
démagogiquement l'inquiétude par ailleurs léqitime du
public, l'État employeur renforce indûment sa position d'employeur
en légiférant en sa faveur sur la question des services
essentiels.
Lois spéciales et injonctions. Dans le milieu des années
soixante, les travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic
ont été sans cesse matragués par des lois spéciales
et des injonctions. Quatorze lois spéciales en seize ans, plus
précisément en six négociations, c'est beaucoup. (20 h
15)
Le droit de ces travailleurs et travailleuses à la libre
négociation et à la grève, pourtant reconnu par une loi
d'ordre public, a été sans cesse bafoué par le pouvoir
politique qui, pour arriver à ses fins, ne s'embarrasse pas de la
légitimité des revendications et des droits des salariés.
Ces lois spéciales sont, officiellement du moins, décidées
à la dernière minute et adoptées à la vapeur, mais
seulement après que le gouvernement ait réussi par tous les
moyens, déclarations ministérielles, campagnes de
publicité, à manipuler l'opinion publigue en exacerbant le climat
d'inquiétude propre à ce genre de conflit, au point de rendre
légitime l'adoption de lois qui seraient autrement jugées
iniques.
Le gouvernement fait ainsi d'une pierre deux coups. D'une part, il
renforce sa crédibilité au niveau politique en faisant croire
qu'il est un bon gouvernement et, d'autre part, il réussit comme
employeur à tout diriqer et contrôler en contournant de la sorte
les mécanismes de négociation prévus au Code du
travail.
De la même manière, les recours à l'injonction
créent des droits au bénéfice de l'employeur, en plus de
criminaliser les relations de travail.
En conséquence, nous revendiquons que le gouvernement et ses
partenaires patronaux négocient sérieusement avec les
travailleurs et les travailleuses des secteurs public et parapublic et que les
recours aux injonctions
et aux lois spéciales soient bannis du domaine des relations de
travail.
Code des professions. L'inqérence du gouvernement dans les
relations de travail se poursuit par le biais des corporations professionnelles
dont l'existence relève du Code des professions. Par le code de
déontoloqie (règlement adopté en vertu du Code des
professions), les infirmières et les infirmiers se voient souvent
pénalisés lorsqu'ils exercent un recours prévu au Code du
travail, notamment leur droit à la grève. À la suite de
plaintes formulées relativement à l'exercice de leur profession
sous prétexte de commission d'actes dérogatoires, ils se voient
imposer des mesures disciplinaires injustifiées qui n'ont en
réalité rien à voir avec l'exercice de la profession, mais
plutôt avec l'exercice de leurs droits comme travailleurs et
travailleuses, ce qui a comme conséquence de court-circuiter le
processus normal des relations de travail en maintenant une épée
de Damoclès au-dessus de leur tête.
L'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec n'a pas
à intervenir lorsque les infirmières et les infirmiers posent des
gestes prévus par le Code du travail. La loi doit donc être
modifiée de manière que nos travailleurs et travailleuses de la
santé puissent exercer leurs droits syndicaux sans ingérence
corporatiste.
En conclusion, parce que le droit à la grève est un droit
inaliénable, parce que le droit à la grève et l'exercice
de ce droit sont fondamentaux, parce que le droit à la grève est
indissociable du droit à la liberté d'association et du droit
à la libre négociation, parce que la décision quant
à l'opportunité de recourir à la grève appartient
aux seuls travailleurs et travailleuses, parce que le recours à
l'injonction et aux lois spéciales constitue une négation du
droit de grève et, conséquemment, du droit à la libre
négociation, parce que la décision quant à
l'opportunité de tempérer leurs recours appartient de même
source aux seuls travailleurs et travailleuses, nous revendiquons: la pleine
reconnaissance du droit à la grève en tout temps pour tous les
travailleurs et travailleuses, la reconnaissance du droit au libre exercice du
recours à la grève par les travailleurs et travailleuses en tout
temps, le retrait des injonctions du champ des relations de travail, l'abandon
du recours aux lois spéciales qui ont pour effet d'empêcher ou
d'entraver le libre recours à la grève et, conséquemment,
de nier le droit à la libre négociation, l'abolition du recours
au code de déontologie pour réduire le libre exercice du droit de
grève et la libre négociation des services essentiels par les
travailleurs et les travailleuses de la santé.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la
Fédération des syndicats professionnels d'infirmières et
d'infirmiers du Québec. Je vais, avec votre permission, M. le
Président, immédiatement céder mon droit de parole au
député de Rosemont qui, je le sais, a des remarques et des
questions à poser en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M.
Paquette (Rosemont).
M. Paquette: M. le Président, comme vous le savez, je suis
un farouche partisan du respect et du libre exercice du droit de grève.
Cependant, je dois vous dire que je suis assez soufflé par ce
mémoire qui m'apparaît faire de l'exercice du droit de
grève un absolu. Il y a quand même le droit à la vie et
à la santé des malades aussi qui est important. Vous dites
vous-mêmes dans votre mémoire, à un moment donné,
qu'il y a des inquiétudes légitimes dans la population. Est-ce
que c'est faire de la démaqoqie que de dire: Le droit de grève
n'est pas un droit illimité?
À la page 1 de votre mémoire vous dites: "On veut faire
comprendre à l'État québécois et à son
gouvernement que jamais les membres de la Fédération des SPIIQ ne
toléreront quelque limitation que ce soit à leur droit de
grève. " Est-ce que cela signifie que vous souhaitez l'abolition du Code
du travail, l'abolition de la loi 59, le fait qu'on n'ait plus à
établir des ententes pour les services essentiels? Est-ce que cela va
aussi loin?
Dans la conclusion de votre mémoire, également, je
retrouve "libre négociation" "exercice libre du droit de grève".
La liberté des uns s'arrête où celle des autres commence.
Il y a des libertés qui oppriment.
J'ai l'impression que vous réagissez -j'espère que c'est
ça - de façon viscérale à des critiques qui sont
très répandues dans la population, on en est tous conscients, qui
sont justifiées très souvent par des cas particuliers dont on
fait une règle générale. Quant à nous, de ce
côté-ci, je pense que vous devez être conscientes qu'on
n'embarque pas dans ce jeu-là. On n'embarque pas dans le jeu de
généraliser des cas particuliers et dire: Les syndiqués
sont des irresponsables, il faut leur enlever le droit de grève. Pas du
tout, on a des cas très précis, au contraire, où les
syndiqués - je dirais même que c'est la règle
générale - ont fait preuve de responsabilité. Mais il y a
des exceptions.
Je pense que notre rôle à tous, qu'on soit de l'autre
côté ou dans d'autres partis politiques ou dans des corps
intermédiaires, notre responsabilité c'est de trouver le moyen de
concilier le droit de grève avec le droit à la santé et
à la sécurité.
II ne s'agit pas de mettre des entraves à la libre
négociation, mais il s'agit aussi de s'assurer que les cas d'exception
qu'on a connus - parce qu'il y en a eu - ne se reproduiront plus à
l'avenir.
La première question que je vous pose est la suivante: Quand vous
dites aucune limitation au droit de grève, est-ce que ça veut
dire qu'on ne doit plus s'occuper des services essentiels? Qu'est-ce que vous
entendez exactement par ça?
Mme Pelletier: M. Paquette, à la page 5 du mémoire
on parle des services essentiels, on reconnaît d'emblée le droit
du public au maintien des services essentiels. On parle quand même de la
dernière ronde où la négociation des services essentiels a
été beaucoup plus fructueuse que par le passé. On parle du
plus grand nombre d'ententes.
Le mécanisme qui est prévu actuellement, que les services
essentiels ce sont les travailleurs et travailleuses qui peuvent les
négocier et où c'est impossible de déposer une liste, je
pense que, dans l'ensemble, cela a très bien fonctionné lors de
la dernière négociation. D'ailleurs, de ce côté,
nous avons eu de nombreuses ententes et, d'un autre côté, il y a
eu des listes qui ont été déposées. Il y a eu des
cas d'exception. Vous me dites: II faut prévoir ces cas d'exception.
À travers ces cas d'exception, c'est peut-être à partir de
cela qu'on va tenter de limiter, d'une certaine façon, l'exercice du
droit de grève peut-être en imposant des mécanismes
différents.
Dans ces cas d'exception, on a cité entre autre l'hôpital
Laval. Je voudrais qu'on prenne le temps de le regarder de très
près. On parlait d'une liste d'attente et c'était un cri d'alarme
de 50 patients à ce moment. Aujourd'hui, il y en a 150. On n'est pas en
temps de conflit et on n'entend rien. C'est là que je dis qu'il faut
mesurer et doser. Il y a peut-être d'autres cas d'exception qui ont
été rapportés, mais est-ce qu'on a vraiment analysé
ce qui se passait dans ces cas?
Il y a des intérêts quand il y a des conflits dans le
secteur de la santé aussi. Qui crie souvent qu'il y a des situations
d'alarme? Je pense qu'il y a des médecins qui ont des
intérêts financiers importants en jeu. Dans ce sens, je dis: Si on
veut légiférer ou restreindre au niveau des services essentiels,
il faut, à mon avis, être très prudent, parce que, pour ce
qui a été fait lors de la dernière négociation sur
le maintien des services essentiels, nous sommes d'accord et là-dessus,
notre mémoire le dit: II faut dans le secteur de la santé assurer
des services essentiels.
M. Paquette: Avant de revenir sur certains des cas d'exception
pour nous aider un peu à mieux comprendre la situation, je partage votre
opinion évidemment quand vous dites façon temps de grève
les gens sont plus sensibles à ce qui se passe et il peut arriver
façon dehors des périodes de grève, il y ait des
situations extrêmement difficiles et que personne n'y porte attention. Je
suis d'accord avec vous que c'est vrai que cela arrive.
Je voudrais simplement relever certaines remarques de votre
mémoire qui m'ont fait un petit peu sursauter. Vous dites à un
moment donné que le gouvernement cherche à se faire du capital
politique. Vous dites que c'est le gouvernement par "ses déclarations
alarmistes, ses artifices législatifs et ses arabesgues judiciaires qui
a réussi à faire croire à la population que sa
santé et sa sécurité sont mises en danger lorsque nous
exerçons notre droit de grève. "
Il y a plein de remarques comme ça dans le document. Je suis
certain que vous êtes incapable de me démontrer cela. Moi,
j'étais en Chambre. Presgue chague jour le critigue de l'Opposition
posait des guestions au ministre des Affaires sociales et, je pense qu'on a
tous été témoins de cela, pas une seule fois, le ministre
des Affaires sociales n'a fait des déclarations alarmistes. Au
contraire. Il était même accusé de faire des
déclarations trop rassurantes à certaines occasions. Cela s'est
passé en Chambre devant les caméras de la
télévision. Beaucoup de gens l'ont vu. Au contraire, le
gouvernement visait à faire en sorte que la population ne panigue pas,
qu'on puisse traiter les situations au mérite. S'il y avait abus dans
certains coins, qu'on intervienne, s'il y avait danger pour la population,
qu'on intervienne. Mais dire qu'on a, par des déclarations alarmistes,
fait croire à la population que sa santé et sa
sécurité étaient manacées, non. C'était un
sentiment profond dans la population qui vient de frustrations
accumulées et qui sont souvent exagérées, mais l'attitude
du gouvernement, pendant toute cette période, a été au
contraire d'apaiser ou d'éviter que la population ne panique.
Si on en vient aux cas particuliers, on a mentionné le cas du
centre hospitalier Laval. Sur 158 unités d'accréditation, vous
avez obtenu 118 ententes et il y a eu 37 listes syndicales. À votre
connaissance, y a-t-il eu des cas - ce n'est pas une honte que de le dire, on
est capable de comprendre que dans des situations de conflit, à
l'occasion, tout ne soit pas facile pour assurer les services essentiels,
même quand le syndicat veut, de bonne foi, les faire respecter -
où les listes syndicales, où l'entente n'a pas été
respectée en termes du nombre de travailleurs qui étaient
censés être sur les lieux, soit d'après la liste, soit
d'après l'entente? Y a-t-il eu des cas où il y avait moins de
travailleurs que prévu?
Mme Pelletier: Je suis d'accord avec
vous, M. Paquette, qu'il n'y a pas de honte si parfois cela arrive dans
un milieu qu'il ait pu y avoir à un moment donné une liste ou une
entente non respectée. Il y a un cas à l'hôpital du
Saint-Sacrement où l'enquêteur a été demandé
et, dans le rapport, on parle des difficultés rencontrées au
niveau de la gestion de l'entente au régime des parties
elles-mêmes qui ont, de part et d'autre, violé cette entente.
Par ailleurs, à ma connaissance, je peux affirmer aussi que le
nombre de salariés n'a jamais été modifié, sauf ce
qui a pu, d'une unité de soins à l'autre, être
changé, dans le sens qu'il faut avoir trois personnes de prévues
à un centre d'activités et qu'il y a eu des modifications. Dans
le rapport, on explique que, de part et d'autre, ces modifications ont
été difficiles.
Dans ce centre, il y avait des conflits, des situations qui existaient
depuis déjà quelques années qui ont fait en sorte que
lorsqu'une grève est arrivée, cela n'a pas réglé la
situation. Mais l'entente, quant au nombre de salariés, a
été respectée. Je dis qu'on a la preuve dans ce sens que
le tribunal d'arbitrage, lors de l'audition de griefs, a reconnu, lors de
l'objection préliminaire, que le syndicat avait respecté les
services essentiels. Dans ce sens, on peut dire, malgré ce qui a
été dit dans le rapport, que le nombre a été
respecté. (20 h 30)
M. Paquette: Quand le rapport dit - je pense que c'est bien
ça - "Le taux d'occupation prévu à l'entente n'a pas
été respecté", c'est un jugement, autrement dit, que vous
contestez. Vous dites que ce n'était pas le cas. On dit: "le taux
d'occupation". Je ne connais pas le sens exact des termes "taux
d'occupation".
Mme Pelletier: Le taux d'occupation, c'est que, lorsque les
services essentiels ont été négociés, autant
l'employeur que le syndicat s'étaient dit: II faut quand même que
le taux d'occupation diminue. Lorsqu'on négocie des services essentiels,
on les négocie en fonction d'un taux d'occupation moindre qu'en temps
normal.
M. Paquette: Le taux d'occupation des lits.
Mme Pelletier: Ici, l'hôpital dit: On n'a jamais pu baisser
le taux en bas de 51%. Dans le rapport, lorsqu'on dit qu'on n'était pas
capable d'assurer les services essentiels, c'est compte tenu que les taux
d'occupation sont demeurés trop élevés. Ce n'est pas la
liste ou l'entente qui n'a pas été respectée.
M. Paquette: Votre mémoire, vous l'avez dit
vous-même tout à l'heure, c'est un mémoire qui est
orienté en fonction d'une crainte que vous aviez concernant la
possibilité d'enlever le droit de grève. Cela m'étonne
beaucoup que presque tous les mémoires qui proviennent des groupes du
secteur de la santé soient uniquement axés sur cette question. Je
trouve normal que des syndiqués disent: On va défendre le droit
de grève, il y a énormément de bonnes raisons pour
ça. Je pense que le droit de grève est très certainement
un acquis de notre société qu'il faut préserver. Mais,
comme je le disais tantôt, il n'est pas le seul.
C'est assez étonnant parce que je n'ai pas entendu à une
seule reprise un membre quelconque du gouvernement dire qu'on abolirait le
droit de grève. En campagne électorale, et non seulement la, mais
dans notre conseil national élargi au parti, avant, on a voté des
résolutions. Il y a eu des engagements; des gens, en pleine campagne
électorale, ont dit: Non, on n'abolit pas le droit de grève. J'ai
eu des assemblées dans mon comté où on m'a posé la
question, et j'ai dit: Non, ce n'est pas une solution, abolir le droit de
grève, ce n'est pas un remède, ce n'est pas ça qui va
régler le problème. Après l'élection, il y a eu des
déclarations très claires. Il y a eu une déclaration
officielle du ministre il y a quelques jours, et on dirait qu'on a besoin
d'entretenir cette idée. J'aimerais qu'on essaie de se concentrer sur
les solutions.
Est-ce que vous pensez que, dans les mécanismes actuels de
négociation, il y a des modifications à faire? En ce qui concerne
la loi 59, est-ce que vous en recommandez le maintien? Est-ce que vous
recommandez des modifications? Je pense que vous avez dû
réfléchir à toutes ces questions.
Mme Pelletier: M. le député, vous savez
sûrement que, pour nous, la dernière négociation a
été très longue. Nous faisons partie du qroupe dont les
conventions sont devenues échues le 30 juin 1978. Je pense que, lorsque
nous avons fait la grève, on était rendu, quand même, en
mai; c'est après avoir attendu longtemps des offres à la table de
négociation, offres, finalement, qu'on a reçues de façon
globale en juin et qui ne nous ont pas satisfaits pour autant. Quand vous me
demandez si, dans la loi, il y a des mécanismes qui devraient être
modifiés, je pense que, quels que soient les mécanismes, il y a
une question de négociation qui doit être faite. Je pense que M.
le ministre a parlé d'attitude et de comportement. Si on arrive quand
même à déposer des offres qu'on pourrait peut-être
appeler satisfaisantes... Mais quand ce sont des offres où il y a des
reculs inqualifiables, ça ne peut que provoquer, je pense, les
syndiqués, les salariés.
Quand vous parliez des modifications concernant les services essentiels,
je dois vous dire qu'on n'a pas parlé de
modifications concernant la loi sur les services essentiels, les
mécanismes qui ont été, pour la première fois,
explorés et essayés lors de la dernière
négociation. On est prêt à s'enqaqer dans une autre
négociation mais à condition, évidemment, qu'on dise qu'il
y a une négociation de bonne foi. Quand on parle d'attitudes et de
comportements, c'est sûr que c'est de part et d'autre, on est d'accord,
mais reqardons la négociation de 1978. Je pense qu'on peut facilement
déterminer où était la responsabilité lorsque le
conflit est survenu en mai 1979.
Dans ce sens, je dis qu'avec la loi qui est là présente,
il y a possibilité quand même d'en arriver à avoir une
négociation. S'il y a un rapport de forces qui doit être
exercé, sur les services essentiels tels qu'ils sont prévus, nous
disons qu'il est possible d'assurer des services de qualité è la
population. La quantité doit être diminuée, c'est certain,
mais la qualité peut être là. Pendant les périodes
d'été, pendant deux ou trois mois, de nombreux lits sont vides
parce qu'on dit: C'est les vacances. Il y a des gens qui sont prêts
à travailler, mais on dit qu'il n'y a pas d'argent pour les payer. Quand
arrive une grève, c'est catastrophique. Dans une négociation, on
le sait, il y a des intérêts qui sont opposés. Les
travailleurs et travailleuses ne souhaitent pas la grève mais, un jour,
ils sont parfois obligés de l'utiliser. Dans ce sens, il ne faut pas non
plus penser qu'une négociation va nécessairement déboucher
sur une grève, mais c'est un droit qui doit être là et que
les travailleurs, s'il le faut, vont utiliser.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak, député
de Sainte-Anne.
M. Polak: Mme Pelletier, on a reçu plusieurs groupes avec
plaisir qui nous ont indiqué qu'il y avait des femmes dans leur
délégation; je note, aujourd'hui, que les infirmiers ne sont pas
bien représentés parmi vous. Peut-être que ça prend
justement des femmes pour trouver des solutions. On est venu ici pour trouver
des solutions, donc, on veut travailler.
J'ai lu d'abord votre mémoire très attentivement. Il porte
le titre Mémoire sur le droit de grève. Si je prends le texte du
mandat - la raison d'être de notre existence ici - il se lit comme suit:
Examiner les moyens d'améliorer le régime de négociations,
premièrement; deuxièmement, améliorer le maintien des
services essentiels. Ces mots disent clairement que si on ne devait pas les
améliorer il n'y aurait pas de problème. Donc, apparemment il y a
un problème, autrement on ne serait pas ici. D'ailleurs, le premier
ministre a pensé ça parce que c'est son texte qu'on retrouve ici,
le mandat de la commission, et, deuxièmement, on n'a rien à
cacher, on est ici depuis trois jours et il y a des problèmes
très graves. Plus on entend les mémoires, plus on s'informe, plus
on voit que ce n'est pas tellement une affaire en noir sur blanc. Je parle
à titre personnel, je suis un homme assez raisonnable, objectif, et si
je vous pose des questions qui sont peut-être un peu dures, s'il vous
plaît, n'interprétez pas ça comme une attaque contre vous
ou votre organisme. Je respecte énormément le travail des
syndicats. Trop souvent on a vu nous autres ici des gars qui ne comprenaient
rien mais nous, on comprend beaucoup et eux autres mêmes commencent
à comprendre.
J'aurais tout de même quelques questions sur cette fameuse liste
syndicale. Vous n'êtes pas le premier groupe qui fait face à ce
problème parce qu'il y a beaucoup de syndicats qui sont venus ici. Les
syndicats disent - et je suis d'accord avec ce raisonnement - que le
gouvernement est dans une position carrément contradictoire parce que,
d'un côté, il est partie en cause en négociant et, à
un moment donné, pendant le conflit, il devient juge, arbitre et adopte
une loi qui vous force à retourner au travail. Vous avez raison, c'est
contradictoire à 100%. Mais je crois qu'également que vous
êtes dans la même contradiction carrément. En effet, quand
on parle de la liste syndicale, le système est le suivant: vous
néqociez, comme partie, avec la partie patronale pour déterminer
quels sont les services, combien d'employés ici et là. Vous vous
assoyez autour de la table pour arriver à un résultat. Je sais
que très souvent cela fonctionne bien, vous arrivez à un
résultat. S'il n'y a pas de résultat, la loi dit: À ce
moment, la liste syndicale produite par vous prime. Vous n'êtes plus
partie en cause, vous devenez juge. Vous êtes exactement dans la
même position contradictoire que le gouvernement. Cela a tout de
même des conséquences graves. Je me place du point de vue de la
population, du simple monde, je ne suis pas un expert en infirmières;
j'aime bien vous rencontrer, mais pas dans un hôpital et certainement pas
en temps de grève où comme l'abbé Dion l'a dit, on peut
chanqer d'attitude. Comment expliquez-vous cela quand vous dites: On ne veut
aucune atteinte au droit de grève, rien? Vous dites: Aucune limitation
et restriction que ce soit. C'est à la page 1 de votre mémoire.
Pour moi, il y a une contradiction qui est très qrave et qui a de
néfastes conséquences.
Mme Pelletier: Dans votre question, vous dites qu'on est
placé dans la même position que le gouvernement quand on
négocie nos services essentiels, en ce sens qu'on est juge et
partie.
M. Polak: C'est cela.
Mme Pelletier: Vous dites que cela n'a
pas de bon sens.
M. Polak: Cela n'a pas de bon sens. Vous critiquez le
gouvernement et, à juste titre, vous dites: Vous autres, vous
néqociez et, à un moment donné, si l'affaire ne fonctionne
pas, vous devenez juge et vous décidez. Mais vous faites exactement la
même chose avec la fameuse liste syndicale. Il y a des mémoires
qui nous ont été présentés où les gens nous
ont dit carrément que c'était plus ou moins une sorte de
chantage, d'une façon décente. On n'aime pas se servir de ce mot.
En d'autres termes - je posais la même question hier à M. Rodrigue
- à un moment donné, vous dites: L'affaire ne fonctionne pas, on
impose notre liste. Vous avez un pouvoir énorme d'agir
unilatéralement comme juge; vous décidez qui va être
là, quels sont les services essentiels. Vous avez vu le résultat?
M. Brunet en a parlé.
Mme Pelletier: Concernant la négociation des services
essentiels et les endroits où il n'y a pas entente avec le patron, je
pense qu'on a affirmé, et je le réaffirme, que ce sont les
travailleurs et travailleuses qui ont à dispenser les soins qui sont les
mieux placés pour les évaluer. Ce sont elles et eux qui
journalièrement donnent ces soins. Vous faites référence
au témoignage de M. Brunet qui dit: En temps de conflit, c'est
invivable, c'est une situation intolérable. Je respecte les propos de M.
Brunet, tout en ne les partageant pas entièrement. M. Brunet exprime que
finalement, uniquement en temps de conflit, semble-t-il, cela va très
mal. M. Brunet ne parle jamais que, dû à des compressions
budgétaires, il y a un manque de services. On n'entend jamais dire que,
journalièrement, il y a des situations pénibles qui se vivent.
Pourquoi toujours centrer ces situations difficiles uniquement en temps de
conflit de travail? Cela n'existe pas 365 jours par année. Je pense
qu'il faudrait ramener cela aussi à une proportion un peu plus juste. Je
rappelle que, quand on a cité l'hôpital Laval avec ses 50 cas
d'urgence, c'était grave et qu'aujourd'hui il y en a 150 sur une liste
d'attente et ce n'est pas critique.
M. Polak: Nous sommes tous d'accord sur le fait - pas tous, parce
que, de l'autre côté, ils ne sont pas d'accord là-dessus
peut-être que quelques-uns commencent déjà à
l'être un peu - que les coupures budgétaires vont probablement
causer plus de tort qu'une grève. Mais nous ne sommes pas ici pour
discuter des coupures budgétaires, quoique j'aurais bien aimé
cela, mais pour parler d'améliorations et du maintien des services
essentiels. Je reviens au même problème. Si le gouvernement, dans
sa sagesse, décide à un moment donné de changer le
système des services essentiels, parce que cela n'a pas
fonctionné - il y a un problème, il faut améliorer cela;
donc, on va en venir avec un organisme, une tierce partie qui va
peut-être représenter directement le public, les usagers, un
organisme qui a beaucoup de dents, qui a une force de décision
judiciaire, etc., il y a toutes sortes de modalités possibles - est-ce
que vous considérez cela comme une atteinte grave à votre droit
de grève absolu?
Mme Pelletier: M. Polak, j'ai l'impression que vous voulez
revenir avec la loi 253. Je pense que l'expérience a été
faite de cette loi qui n'a pas été tellement bien
appréciée et qui n'a pas donné d'heureux résultats.
(20 h 45)
Revenons aux services essentiels. Je pense qu'on oublie que, lorsqu'on
négocie ces services essentiels, c'est en fonction d'un taux
d'occupation qui va être diminué. C'est sûr, vous allez me
dire: II y a des endroits où ce n'est pas possible. Quand on dit qu'un
taux d'occupation peut être diminué, c'est souvent dans les
centres pour soins de courte durée. Qu'on parle de centres d'accueil ou
de soins prolonqés, c'est une situation qui n'est peut-être pas
comparable aux soins de courte durée. Mais il y a quand même dans
ces centres du personnel-cadre. C'est sûr qu'en temps de conflit on ne
dit pas qu'il n'y aura rien qui va se passer de différent par rapport
à une situation normale, on l'admet. Il faut se rappeler aussi que le
milieu hospitalier, par lui-même, c'est un milieu
d'anxiété. Il ne faut pas se conter d'histoire, quand un patient,
un malade se présente dans un centre hospitalier, c'est
déjà inquiétant. Quand c'est en temps de conflit, je vous
dis que le patient hospitalisé reçoit des soins et des soins de
qualité, sauf qu'il y a des gens qui sont sur des listes d'attente qui
n'entreront pas tout de suite. On est d'accord là-dessus. Mais ce qu'on
exprime également c'est que, si, pendant qu'on n'est pas en situation de
conflit, tous les lits étaient occupés, si on donnait du
personnel pour que ces lits soient occupés, il y aurait peut-être
des listes d'attente moins longues.
M. Polak: Vous dites, Mme Pelletier: On vit dans un milieu
d'anxiété. Je suis bien d'accord avec cela. D'ailleurs, vous
êtes professionnelle et vous le savez très bien. Mais cela
n'est-il pas une raison de plus pour dire que ce milieu devrait être
traité d'une manière différente des autres milieux? Cela
veut dire en même temps que les droits que vous avez ne sont
peut-être pas des droits tout à fait absolus et qu'il faut
peut-être, dans ce secteur, accepter quelques limitations que vous
appelez une attaque à vos droits absolus - je le comprends bien -mais
peut-être que le grand public est prêt à
dire: II faut installer une sorte de système de contrôle,
de restrictions justement parce qu'il s'agit d'un milieu
d'anxiété. Seriez-vous prêt, comme syndicat - j'ai
posé la même question à M. Brunet cet après-midi -
à dire: On va mettre un peu d'eau dans notre vin? Cela n'est
peut-être plus une affaire purement syndicale. Nous sommes, comme vous
dites, dans un milieu d'anxiété; donc on va faire un pas de plus
que dans d'autres secteurs?
Mme Pelletier: M. Polak, on parle de maintenir des services
essentiels; c'est justement parce qu'on est dans le secteur de la santé
qu'on est conscientes qu'il faut qu'il y ait des services essentiels. Je ne
pense pas qu'aucune organisation syndicale n'ait remis en doute ce droit, la
nécessité du maintien des services essentiels. Déjà
là, je pense qu'on fait une différence avec d'autres milieux.
Dans ce sens, je dis: On est prêt, et on l'a démontré
d'ailleurs à la dernière grève.
M. Polak: II y a peut-être une différence d'opinion
sur cela entre vous et moi, parce que, personnellement, je crois que cela n'a
pas marché les services essentiels. Il y a eu énormément
de plaintes, de problèmes et d'anxiété. Je ne pense pas
seulement à M. Brunet, mais d'autres mémoires, d'autres
témoignages qui ont été envoyés disent que le monde
en général n'est pas content, non pas à cause de la
mauvaise publicité, rien de cela, mais le public en
général se sent très mal à l'aise. Je pense que
l'opinion générale est de dire: Cela n'a pas marché, il
faut faire quelque chose. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle nous sommes
ici. On peut dire: Le statu quo, on va continuer avec cela. Selon moi, ce n'est
pas la solution. Ou dites-vous: II n'y a pas de problème; il faut
continuer le statu quo, parce que cela a très bien marché?
Mme Pelletier: II y a eu quelques cas d'exception qui ont
été rapportés, mais je dis: Quand on a eu à
négocier, nous étions présents dans 135 unités
d'accréditation; doit-on remettre actuellement le système en
cause concernant la négociation des services essentiels et le maintien
des services essentiels pour les quatre ou cinq cas qui ont été
rapportés? Je dis: Prenons le temps de regarder - je parle pour nos
unités d'accréditation et on en a 135 - ces cas. Malgré
qu'il y a eu des rapports d'experts, que ce soit l'Hôtel-Dieu de
Québec, où il a été admis que des
infirmières en très grand nombre ont été
ajoutées à la liste, à l'hôpital Laval
également, où il y a eu des infirmières qui ont
été ajoutées, prenons le temps, avant de vouloir modifier
le système qui existe, de regarder si, véritablement, il y a eu
autant de problèmes qu'on semble vouloir le laisser paraître.
M. Polak: Mais sans doute avez-vous eu des échos de la
part des usagers, de la population? Avez-vous eu l'impression que le monde a
dit en général: II y a quelques exceptions où cela ne
marchait pas, mais, en général, on était très
content?
J'ai totalement l'impression du contraire, j'ai l'impression que cela a
mal marché, que le monde n'était pas heureux du tout.
Mme Pelletier: M. Polak, quelle que soit la grève, dans
n'importe quel secteur, que ce soit dans le secteur du transport, que ce soit
dans le secteur de l'éducation, que ce soit dans le secteur de la
santé, que ce soit au niveau des postes, je pense que cela nous
dérange comme citoyens, mais, à travers cela, on dit: II y a des
droits des travailleurs et des travailleuses qui sont en cause aussi. Ces
droits qui sont défendus à l'intérieur d'une
négociation dans le secteur public, il y en a d'autres qui en
bénéficient aussi. Dans ce sens, on dit: C'est sûr que cela
occasionne des difficultés, on ne le nie pas, mais, par ailleurs, on
dit: II ne faut pas nier non plus aux travailleurs et travailleuses le droit
qu'ils ont. Si on le leur enlève ou si on le leur restreint de telle
façon qu'il devient inopérant, cela n'a plus aucun sens.
M. Polak: Dernière question, M. le Président. On a
parlé du chaos social en disant que si on commence même à
limiter le droit de grève, le résultat en pourrait être un
chaos social. Sans doute que vous en avez parlé entre vous, mais quelle
sorte de réaction avez-vous vis-à-vis de ce problème?
Mme Pelletier: Si je m'en tiens à des propos de M.
Paquette ou de M. Marois, il semble qu'on ne veuille pas restreindre le droit
de grève et on n'aurait pas trop à craindre à ce moment de
chaos social. Moi, je ne veux pas parler de chaos social. Mais, il est certain
que si le droit de grève était limité, je veux dire que si
on le rendait tellement difficile qu'il devienne inopérant, j'en demeure
convaincue, les travailleurs et les travailleuses du secteur de la santé
et du secteur public et tous les travailleurs en général ne
l'accepteront pas.
On ne peut pas retourner des années en arrière. Ce droit,
ils l'ont acquis. Je pense qu'ils ont démontré qu'ils
étaient responsables, qu'ils étaient capables d'assumer en temps
et lieu leurs responsabilités. On peut me rapporter des cas d'exception,
il est vrai, mais je pense qu'il ne faut surtout pas généraliser
et faire en sorte de finalement créer des situations beaucoup plus
difficiles que ce qu'on a vécu.
Le Président (M. Rodrigue): M. Lavigne
(Beauharnois).
M. Lavigne: M. le Président, ma première
réaction en prenant connaissance du document - et vous me le
pardonnerez, j'espère - cela m'a rendu agressif. Chacun a ses
sensibilités, a sa façon de voir les choses. Je vais essayer
d'expliquer pourquoi il m'a agressé. C'est qu'en fait, dans tout ce
monde des négociations, il y a différentes parties. Il y a les
syndicats, il y a les travailleurs, il y a les malades, il y a le gouvernement,
il y a les conseils d'administration des centres hospitaliers. Quand on lit en
gros, en tout cas, le texte que vous nous présentez, c'est comme si tout
ce beau monde était tout croche, que tous les torts étaient du
même côté et qu'il y aurait seulement votre groupe qui
agirait de façon correcte et irrépréhensible.
Cela me rend agressif, parce que je suis membre d'un gouvernement et je
fais donc partie assez directement du monde des négociations des
secteurs public et parapublic. C'est dans ce sens que je vous dis que cela me
rend agressif. Vous parlez du droit de grève, à la page 1,
deuxième chapitre et dites: "Si nous avons décidé de nous
faire entendre aujourd'hui par cette commission parlementaire charqée de
se pencher sur le droit de grève dans les secteurs public et parapublic,
c'est pour bien faire comprendre à l'État québécois
et à son gouvernement que jamais les membres de la
fédération ne toléreront quelque limitation de ce droit de
grève. À partir du moment où vous acceptez - vous l'avez
dit dans les discussions et vous le dites aussi dans votre texte - de
considérer les services essentiels et d'en donner à la
population, ne trouvez-vous pas que, déjà, vous minimisez, vous
diminuez et vous mettez une limite à votre droit de grève
directement proportionnelle à la quantité et à la
qualité des services essentiels que vous allez fournir à la
population?
Donc, il y a une espèce de contradiction. Ce qui me faisait peur
quand j'ai lu le premier chapitre en question, c'est comme si vous vouliez
avoir un droit de grève absolu et à 100%. À partir de ce
moment-là, cela veut dire que vous fermez la porte de l'hôpital
quand vous êtes en conflit, quand il y a impasse, vous quittez et vous
revenez quand c'est terminé. Donc, j'aurais besoin d'être
rassuré là-dessus. C'est une première
réflexion.
Deuxièmement, la commission parlementaire que nous tenons ici
aujourd'hui démontre déjà la bonne foi du gouvernement
à essayer de trouver ensemble s'il n'y a pas moyen d'améliorer la
situation. De votre côté, comme du côté du
gouvernement, comme du côté des conseils d'administration des
hôpitaux, enfin, tous les gens concernés et l'Opposition,
comprennent que les mécanismes que nous avons, avec lesguels nous vivons
à chaque ronde de négociations, sont loin d'être parfaits.
J'accepte cela. C'est d'ailleurs à partir du moment qu'on comprend que
c'est imparfait qu'on se dote d'une commission parlementaire pour pouvoir venir
en discuter ensemble et voir s'il n'y a pas lieu d'améliorer les
mécanismes en question.
Cela me choque aussi, cela m'agresse quand vous écrivez au
troisième paragraphe de votre première page: "Ce n'est pas sur le
dos des travailleurs et des travailleuses que le gouvernement devrait chercher
à se faire du capital politique, mais plutôt en cherchant à
réduire toujours davantage les inéquités sociales. "
Si on n'était pas de bonne foi, si on n'avait pas accepté
de permettre cette commission parlementaire, peut-être que vous auriez eu
raison d'écrire cela. Mais le jour où on accepte d'en discuter
ensemble, c'est inacceptable de lire un passage comme celui-là. Je ne
pense pas qu'on travaille actuellement à se faire du capital politique
ni sur le dos de l'un, ni sur le dos de l'autre. Au contraire, on essaie de
donner le plus d'équité possible à tout le monde, autant
aux syndiqués, aux travailleurs qui sont dans les centres hospitaliers,
à la population qui a besoin de ces services et à
nous-mêmes, comme gouvernement, qui avons, lors d'une impasse, à
trancher. Plus les mécanismes vont être corrects et vont
correspondre aux désirs de tout le monde, moins le gouvernement aura
à subir des impasses et à trancher par des lois spéciales.
J'aimerais qu'on en arrive à trouver le mécanisme assez parfait
pour que jamais plus le gouvernement ait à trancher par une loi
spéciale, mais que ce mécanisme permette, à chaque ronde
de négociations, à toutes les parties, de pouvoir s'entendre et
de signer une convention qui convienne à tout le monde.
Mais ce n'est pas cela la réalité, qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise? Mais de profiter de difficultés que nous avons,
autant de votre côté que de notre côté, pour dire
qu'une de ces parties profite de situations d'impasse pour se faire du capital
politique sur le dos de l'un ou de l'autre, comme membre d'un gouvernement, je
ne le prends pas et cela m'agresse. C'est dans ce sens-là que je vous
disais tout à l'heure que votre document m'agresse.
Ce sont des remarques. Si vous voulez commentez là-dessus pour me
"désagresser", je serais bien content.
Il y a quand même deux points que je voudrais souligner. À
l'hôpital du Saint-Sacrement, lors de la dernière ronde de
négociations, il y avait eu une liste syndicale de
déposée. On me dit que deux infirmières devaient se rendre
à l'unité no 2 et que, quand elles sont arrivées à
l'unité no 2, elles
se sont rendu compte que cette unité de l'hôpital
était en réparation et que les malades étaient rendus
à l'unité no 3. Les deux infirmières auraient dit: On nous
a demandé de venir travailler à l'unité no 2; nous restons
ici. Et elles ne sont pas allées à l'unité no 3. Je ne
connais pas la véracité de ces faits. Si vous pouvez me donner
des explications là-dessus, cela me rassurerait.
Quand il s'agit de restrictions budgétaires - vous en avez
glissé un mot tout à l'heure - c'est bien sûr que cela ne
règle pas tous les problèmes, mais je pourrais vous rassurer en
ce qui a trait aux hôpitaux pour malades chroniques. Que je sache, les
restrictions budgétaires ou les compressions budgétaires -
appelez-les comme vous voudrez - ne permettent pas la diminution du personnel
durant les fins de semaine, les journées de congé, ou les
vacances dans les hôpitaux pour malades chronigues. Donc, si cela peut
vous rassurer... (21 heures)
Une voix:...
M. Lavigne: Non, écoutez, il ne faut pas dramatiser non
plus quand il n'y a pas de drame. Il y a assez là où ça
fait mal sans être obligé de dire que ça fait mal partout.
Cela ne règle pas les autres problèmes, mais celui-là au
moins.
Une dernière remarque, c'est quand on compare... Nous sommes
placés devant différents groupes qui viennent nous rencontrer,
différents mémoires. On en a encore pour deux autres jours la
semaine prochaine, on achève la troisième journée de cette
semaine et il y a des versions bien diversifiées et même
très disparates. Je crois que les gens qui sont venus ici, je
l'espère en tout cas, nous présentent leur mémoire avec le
plus d'honnêteté, le plus de sincérité possible.
Cet après-midi, juste avant le souper, le groupe Coalition pour
le droit des malades, qui est venu présenter le mémoire avant
vous, m'a quand même impressionné par l'honnêteté qui
transpirait à travers l'attitude des gens. Je vous assure que, quand on
s'arrête à leur document et qu'on le compare au vôtre...
Comme législateur et faisant partie d'un gouvernement, je me devrai,
à un moment donné, avec mes collègues, de trancher et je
serai tiraillé par toutes ces propositions parce qu'il y a 38
intervenants et vous ne dites pas tous la même chose.
Où le gouvernement tranchera-t-il? On va bien espérer
être éclairé le plus possible par le Saint-Esprit, faire le
moins de gaffe possible et arriver le plus justement possible à trancher
de la façon la plus éguitable, mais, de toute façon, vous
pouvez vous dire d'avance qu'on ne pourra jamais et aucun gouvernement à
mon avis ne pourra jamais trancher de façon à pouvoir satisfaire
tout le monde.
Dans la façon qu'on tranchera, peut-être que vous serez
frustrés, peut-être que ce sera la Coalition pour le droit des
malades qui sera frustrée ou peut-être un autre groupe, mais, de
toute façon, et j'ai vite appris cela dès mon premier mandat, un
gouvernement ou un député, quand vient le temps de trancher des
questions aussi compliquées que les négociations dans les
secteurs public et parapublic, ne pourra jamais contenter tout le monde.
C'est dans ce sens-là qu'on fait appel aux citoyens, à
tous les groupes concernés, qu'on fait appel à leur bonne foi et
à leur compréhension. Il ne faut pas, dans une situation comme
celle-là, que chacune des entités ou chacun des groupes passe son
temps à se regarder le nombril et n'accepte pas de composer avec les
composantes, avec les autres, avec les personnes avec lesquelles il aura
à faire affaires.
Donc, c'étaient les remarques... On me signale ici le fait...
C'est dans le rapport d'expertise, la question des deux infirmières,
c'est dans le rapport d'expertise.
C'étaient les quelques propos que je voulais tenir.
Mme Pelletier: M. Lavigne, quand vous me dites que vous avez
été "agressé" à la lecture du mémoire...
Quand vous prenez le deuxième paragraphe, où on dit que " jamais
les membres de la Fédération des SPIIQ ne toléreront
quelque limitation que ce soit à leur droit de grève,
probablement que le texte porte à interprétation puisque,
même si on disait plus loin qu'on était d'accord avec le maintien
des services essentiels, tout texte porte à interprétation.
Quand on dit: " ne toléreront quelque limitation ", je pense
qu'il faut faire référence aussi, comme la dernière fois,
à la loi 62. C'était une limitation du droit de grève. Je
pense que cela est un point important.
Qu'on arrive avec de nouvelles limitations, ce n'est pas dans le sens
que les services essentiels tels qu'ils sont... Ils sont admis et on le
reconnaît à l'intérieur de notre mémoire.
Quand vous signalez le cas de l'hôpital Saint-Sacrement, les deux
infirmières dont il est fait mention dans le rapport, ou une, au
deuxième des dames, au 2D, c'est un fait qu'il y a des
infirmières qui sont restées là. Lorsque les services
essentiels ont été négociés en décembre, ce
département devait être ouvert et, lorsqu'on a fait la
grève, il devait y avoir des patients à ce département.
L'employeur a choisi, pendant la période de grève, de faire la
rénovation de ce département et les infirmières n'ont pas
accepté d'être réaffectées à une autre
unité de soins. Ce qui est rapporté dans le
rapport est réel, mais la situation qui a prévalu,
l'entente qui avait été négociée de ce
côté a été respectée. Cela n'a pas
été dévier à l'entente qui avait été
négociée.
Le Président (M. Rodrigue): Madame... Allez-y, je vous en
prie.
Mme Pelletier: Juste pour préciser. C'est pourquoi
d'ailleurs quand on dit que des deux côtés il y a eu non-respect
total, même si on ne parle pas de violation réelle, c'est
qu'effectivement de son côté l'employeur n'a pas respecté
davantage l'entente en fermant un département et en le restructurant, ce
qui n'était pas compris dans l'entente.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais juste
revenir sur le dernier point que vous venez de faire valoir. Vous dites: C'est
vrai qu'à strictement parler, l'administration n'a pas respecté
l'entente puisqu'elle a décidé de faire des réparations,
je ne sais trop. Je pense que si tout le monde s'accroche de façon aussi
stricte à des données comme celle que vous venez
d'évoquer, on n'arrivera jamais, même avec quelque
mécanisme que ce soit, quelque législation ou règlement
qu'on puisse penser, ce que vous voudrez, à assurer les services
essentiels. D'autres groupes sont venus nous dire que, journée
après journée, période après période, on
réévaluait et qu'à ce moment il y avait des
réaffectations de personnel. Est-ce que ces deux personnes ont
été réaffectées immédiatement
après?
Mme Pelletier: Dans le cas précis de Saint-Sacrement, ces
deux personnes n'ont pas été réaffectées. J'ai
parlé au début de l'hôpital Saint-Sacrement, des situations
difficiles qui y avaient été vécues. Malgré qu'il y
avait un comité conjoint qui se rencontrait maintes et maintes fois, les
échanges - c'est dit à l'intérieur du rapport -
étaient froids. Il n'était pas possible de discuter entre les
parties. C'était dû à une situation de conflit depuis un an
ou deux. Il y a des situations qui se détériorent pendant des
années et dont on n'a pas les moyens léqaux de sortir. Quand on
revendique dans notre mémoire le droit permanent à la
grève, on dit: Qu'est-ce qu'on peut faire en dehors d'une période
de négociation de convention collective pour être capable,
à un moment donné, de régler les problèmes? Il n'y
a rien de prévu actuellement. Les membres qui pendant deux ans
traînent des problèmes n'ont pas d'autres moyens pour les
régler que le grief, or on sait à quelle situation cela
mène les griefs. De plus en plus les conventions ne sont pas
respectées, les griefs sont faits, ils sont gagnés, les
employeurs ne respectent pas les sentences, ce qui fait que les travailleurs et
les travailleuses, à un moment donné, dans une situation comme
cela, deviennent beaucoup moins tolérants.
Je pense que l'hôpital Saint-Sacrement est le cas type et il passe
à la tête pour les situations vécues où on dit: II y
avait un dialogue de sourds entre les deux parties. C'était autant du
côté syndical que du côté patronal qu'il n'y avait
pas possibilité d'échanqes: On dit que ces deux
infirmières n'ont pas été réaffectées, mais
le syndicat a donné d'autres infirmières pour l'unité des
soins intensifs, pour le département d'obstétrique, malgré
que l'employeur, parfois, retardait les comités conjoints de trois
heures avant de décider si une fille pouvait être ajoutée.
Ce sont des situations qui ont été vécues à
l'hôpital Saint-Sacrement. On ne peut pas les cacher et on n'a pas
à les iqnorer non plus.
Mme Lavoie-Roux: J'avais l'intention de revenir sur le cas de
Laval parce que vous l'avez soulevé. Vous avez fait valoir qu'il y avait
50 personnes sur la liste d'attente, et -vous n'avez peut-être pas,
indiqué de chiffres - que de toute façon en période
ordinaire peut-être qu'aujourd'hui il y a 150 personnes sur la liste
d'attente. Quand on regarde le rapport de l'expert, il disait qu'il y avait 50
cas sur la liste d'attente. Il aurait pu y en avoir davantage si on avait
continué de les noter. Mais ce qui inquiétait, c'était des
cas très précis ou - j'imagine que ce sont des gens qui
connaissaient leur affaire - vu la condition cardiaque particulière de
ces gens, une attente qui dépassait un mois ou quatre semaines,
même les malades souffrant d'anqine sévère et
nécessitant un triple pontage sont des candidats à un infractus
aigu du myorcarde qui peut être fatal ou comprendre la chirurgie. Ils ne
demandaient pas l'admission pour les 50, mais ils la demandaient pour les
quatorze. Si vous voulez commenter après, vous commenterez. Voici les
questions précises que j'ai; un peu plus loin dans votre mémoire,
vous faites allusion à l'intervention de la corporation de l'Ordre des
infirmières qui, selon vous, n'a pas à intervenir pour imposer
des mesures disciplinaires injustifiées. J'aimerais savoir de quel ordre
- vous avez certainement des exemples en tête - ont été ces
mesures disciplinaires et pourquoi elles ont été imposées.
Vous avez dit, d'une part, que vous n'êtes pas du tout sûre que le
gouvernement doive même intervenir par législation. Je ne reviens
pas sur la question de la restriction du droit de grève que vous ne
voulez pas plus grande, mais non plus vous ne voulez pas que l'ordre
intervienne s'il y a une faute grave de déontologie. Cela peut arriver
en temps de grève comme cela peut arriver en
temps ordinaire. Je ne vois pas pourquoi, si une telle chose se produit
en temps de grève - je ne sais pas si la sanction ou le reproche est
arrivé durant la grève ou après - on ne serait pas
obligé de respecter les devoirs créés par la
déontologie en temps de grève comme en autre temps.
Mme Pelletier: Puisque vous avez rappelé le cas de
l'hôpital Laval, quand on a lancé le cri d'alarme, c'était
le 22 mai. Nous avions commencé les débrayages. Il y avait eu une
journée en mars. Il y avait eu le 1er mai. Ensuite, cela a
été au 19 mai et, le 22 mai, il y avait déjà une
situation d'alarme. Il faut, je pense, se rappeler qu'à l'hôpital
Laval les salles d'opération au niveau de la cardiologie - je ne
pourrais pas vous dire le nombre de jours précis, mais il me semble que
c'est environ deux semaines -ont dû être fermées pour un cas
d'infection. Il y avait eu du staphylocoque et les salles d'opération
pour le coeur ont dû être fermées de façon
temporaire. Cela aussi précédait la grève des
infirmières. Je pense que cette situation, quand cela s'est produit, n'a
pas fait les manchettes des journaux non plus. Je voudrais aussi signaler
qu'à l'hôpital Laval, par la suite, il y a eu une nouvelle entente
qui a été négociée entre l'employeur et le syndicat
grâce à laquelle des infirmières ont été
ajoutées.
Le Code des professions. On dit que l'ordre ne doit pas intervenir lors
d'un conflit de travail; le code de déontologie, on le précise,
on le relit strictement lors de conflits de travail, lors de l'exercice du
droit de grève, lorsque l'employeur utilise cette arme. Souvent il
l'utilise par chantage, mais il l'utilise aussi dans les faits pour porter
plainte à l'ordre qui, par la suite, évidemment, à cause
des pouvoirs que lui donne le Code des professions, fait enquête et peut
soit retirer pour une période de temps le permis de pratique ou imposer
d'autres sanctions. Ce sont des cas qui se produisent et qui se sont produits
lors de la dernière grève, que ce soit parce que les
infirmières, pour une raison qui selon nous peut être très
justifiable, considèrent que lorsqu'elles ont terminé leur quart
elles peuvent quitter leur travail, alors que l'employeur dit qu'elles doivent
rester là. Ce sont des points que l'employeur utilise et qui
pèsent continuellement sur la tête des infirmières. Je
pense que l'anxiété qu'on crée du côté des
gens qui sont membres des corporations lorsqu'ils exercent leur droit de
grève n'aide pas non plus à régler les situations. Ce sont
ces cas qui se produisent et nous disons qu'en temps de conflit, on ne devrait
tout de même pas utiliser le code de déontoloqie. Quand les
travailleurs et travailleuses ont négocié les services essentiels
et qu'ils se sont engagés à les assurer, on ne voit pas qu'on
arrive avec une autre arme que ce qui est déjà prévu au
Code du travail pour, finalement, presque donner une double sanction. (21 h
15)
Mme Lavoie-Roux: Vous ne rejetteriez pas la possibilité
que, pour un cas, par exemple, de mauvaise pratique, le code de
déontologie s'applique? C'était plutôt dans l'autre
sens?
Ma dernière question. Vous avez entendu à plusieurs
reprises la suggestion de la création d'une régie permanente de
services essentiels, du moins, telle qu'elle a été
suggérée, avec des pouvoirs importants, une régie qui
pourrait intervenir lorsqu'elle juqerait que les services essentiels qui ont
été négociés ne sont pas respectés. En
dépit de ce qu'il y a dans votre mémoire - je ne veux pas y
revenir, je pense que les députés du côté
ministériel y ont mis le paquet -est-ce que vous rejetez cette
hypothèse?
À ce moment-là, il faut bien vous dire que ce ne serait
plus le gouvernement, qu'on accuse d'être toujours en conflit
d'intérêts, qui interviendrait, mais un tiers qui, lui, n'a pas
à dire: II faut que j'économise des sous, que je gagne des votes
ou quoi que ce soit, toutes les mauvaises intentions qu'on peut, parfois
à raison, parfois à tort, attribuer à un gouvernement.
Est-ce que, même cette possibilité, vous la rejetez
complètement?
Mme Pelletier: II a été question, lors de cette
commission parlementaire, de comité permanent ou de régie. On ne
sait pas exactement quel en serait le rôle. En temps de conflit de
travail, je vois actuellement qu'il y a un comité permanent. Quel serait
son mandat en dehors de telles périodes? Je ne pense pas que cela ait
été tellement élaboré. On est prêt à
regarder cette possibilité, mais il ne faudrait certainement pas s'en
aller avec un rôle qui serait fait quand même des pouvoirs
judiciaires ou quasi judiciaires. Il faut être prudent.
On est prêt à regarder des possibilités, sauf que,
dans ce qui a été soulevé, je n'ai peut-être pas
entendu tous les mémoires, mais je ne pense pas qu'on ait suffisamment
précisé pour nous permettre de voir jusqu'où iraient les
pouvoirs de cette régie. Dans ce sens, la réserve que je laisse,
c'est qu'il ne faudrait certainement pas que ça débouche sur du
judiciaire.
Mme Lavoie-Roux: Merci bien, Mme Pelletier.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Juste une petite question, si vous permettez. Le
conseil sur le maintien des services essentiels, les ententes, la liste
syndicale, au bout du compte, quand tout le
monde a fait son rapport, il y a peu de cas, il y a beaucoup de cas, de
toute façon, il y a toujours trop de cas, sans doute, où les
services essentiels n'auront pas été assurés, et c'est un
peu le jugement de la population.
M. Brunet, cet après-midi évoquait certains faits
d'ailleurs, j'ai lu également des articles dans la Presse, ce
n'étaient pas des articles à sensation, mais des articles
d'analyse, au fond, tout tourne sur des rapports et, finalement, chacun peut
s'échanger des rapports des experts. Très concrètement,
vous qui vivez dans le milieu hospitalier, quand un malade subit des
inconvénients, comme, généralement, les syndicats
qualifient la chose - les malades parlent davantage d'anxiété,
d'angoisse, peu importent les termes - ce malade, qui a subi un
inconvénient - pour prendre la formule usuelle - voit arriver un expert,
celui que la loi ou que notre jargon qualifie d'expert, mais qui ne l'est
peut-être pas, qui va l'interroger. Dans plusieurs rapports, on a vu que
certains experts, peut-être pas tous, mais un grand nombre interrogent
les bénéficiaires pour savoir quels ont été les
inconvénients qu'ils ont subis durant la grève. Ne croyez-vous
pas possible qu'un malade, je pense surtout aux malades chroniques
évidemment, je ne parle pas des hôpitaux psychiatriques ou des
handicapés, mais parlons des malades chroniques - ait une certaine
réticence, qui se comprend sur le plan humain, à raconter
à une personne qu'il ne connaît pas, qui est un fonctionnaire qui
arrive de quelque part, les problèmes qu'il a vécus?
Je vous pose cette question parce que bien en dehors des rapports
d'experts et ce qui est arrivé sur la liste, ce qui a été
retenu ou pas, une des choses qui alimentent l'opinion publique, je pense que
c'est un groupe antérieur...
Vous savez, quant aux rapports d'experts, je suis convaincu que
l'Association des consommateurs de Montréal, la dame qui accompagnait
Mme Delage a lu des lettres -elle en a lu trois ou quatre - à titre
d'illustration. Je n'ai pas fait une étude détaillée des
fameux rapports d'experts pour affirmer qu'il y a quatre ou cinq cas dans votre
syndicat qui ne sont peut-être pas consignés dans le rapport des
experts. On doit faire une évaluation des conséquences qu'une
situation de grève a sur le malade.
Est-ce que vous ne croyez pas qu'en dehors des positions syndicales qui
sont affirmées et très bien étayées et finalement,
l'argumentation est toujours - vous venez d'en faire la démonstration -
très étanche à toute brèche que nous pourrions
essayer de faire, ce qui est très bien, on comprend ça, c'est
tout à fait légitime, est-ce que vous ne croyez pas, dis-je,
qu'il peut y avoir plus que ce que les papiers très officiels et ce que
les organisations et les systèmes qui sont incarnés par des
experts et des fonctionnaires peuvent nous permettre d'évaluer?
Autrement dit, est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a plus que ce beau
système et ces belles déclarations qu'on voit et qui sont sans
doute tout à fait légitimes -je ne conteste pas leur
légitimité - mais sur le plan strictement humain, s'il n'y avait
pas la caméra de télévision, si je n'étais pas un
député et je vous rencontrais comme ça et si vous
n'étiez pas une représentante syndicale et qu'on en causait
simplement ensemble... est-ce que vous ne feriez pas un peu plus de chemin que
vous en faites au moment de votre témoignage?
Mme Pelletier: Vous me posez la question à savoir si ce
n'est pas pire finalement au point de vue humain...
M. Rivest: Je ne veux pas que vous me disiez que c'est
épouvantable et je ne veux pas le dire non plus.
Mme Pelletier: Au niveau humain, je pense que je l'ai dit
tantôt, d'une certaine façon, l'hôpital est un lieu, au
départ, d'anxiété. Vous demandez si, en temps de
grève, c'est encore pire. En temps de conflit, on ne l'a pas nié,
c'est possible. Vous mentionnez les hôpitaux à long terme, ces
gens-là subissent un peu plus d'anxiété. Si je vous disais
que quand le système PRN arrive dans les hôpitaux où on
laisse cinq minutes par huit heures pour la conversation avec les patients que
ça règle le problème, non. Ce qu'on a affirmé et ce
qu'on continue d'affirmer, je ne travaille pas dans des soins à long
terme mais je travaillais dans des soins à court terme, c'est qu'il est
possible, en temps de conflit, d'assurer des services essentiels de
qualité. On n'a jamais nié qu'il y avait des
inconvénients, sauf que la question que vous me posez a savoir s'il n'y
en a pas plus...
M. Rivest: Ma question est spécifique. Est-ce que la
nature du milieu, est-ce que ça peut exister ce qu'on a qualifié
de conspiration du silence, c'est-à-dire que certains patients peuvent
être extrêmement réticents à raconter les
expériences qu'ils ont vécues parce que des informations sur les
situations qui sont arrivées, il nous en arrive... Par exemple, la
représentante, Mme Delage et sa compaqne, nous en ont cité trois
cas spécifiques. Ces gens qui ont écrit à l'Association
des consommateurs, disons qu'ils sont de bonne foi, qu'ils n'ont pas
raconté des histoires. Je n'ai pas vérifié, mais il est
bien possible qu'on ne les retrouve pas dans les fameux rapports d'experts,
mais la réalité humaine a quand même été
vécue dans l'établissement hospitalier.
Mme Pelletier; Qu'il existe une conspiration du silence, c'est
possible, mais elle n'existe pas plus en temps de grève qu'en temps de
situation normale. Je peux vous affirmer aussi qu'à venir jusqu'à
maintenant, les infirmières et les infirmiers n'ont peut-être pas
tellement dénoncé les situations qui existent dans les
hôpitaux, mais je pense que cette période est terminée. Le
temps qu'on prenne notre place, qu'on affirme et qu'on dise ce qui se passe
dans le milieu, est arrivé. Je pense que ces choses, comme des
conspirations du silence, il y en a et je pense qu'elles sont plus nombreuses
en temps normal qu'en temps de conflit.
M. Rivest: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'elles ne
sont pas plus acceptables en temps normal qu'en temps de conflit?
Mme Pelletier: Je n'arrive pas à interpréter votre
question.
M. Rivest: Je veux simplement dire qu'étant donné
que notre perspective ne justifie pas les conditions humaines... le fait que
les mêmes situations existent en tant que conflit, en temps normal,
c'est-à-dire en dehors des conflits, par suite des coupures, etc., cela
ne justifie pas l'existence et les conditions qui sont faites en période
de grève.
Mme Pelletier: Non, je ne dis pas que cela ne les justifie pas,
mais je vous dis que je ne pense pas que ce soit pire en temps de conflit qu'en
temps normal.
M. Rivest: En fait, je pense qu'on va s'entendre pour dire que le
problème qu'on essaie de voir, c'est-à-dire améliorer
finalement la qualité des soins, on doit non seulement s'en
préoccuper lors d'un conflit de travail, mais également sur une
base permanente. Là-dessus, le Québec... Peut-être que ce
n'était pas dans le mandat de la commission, mais pour ma part, et mes
collègues des deux côtés ont été... C'est un
point fort qui est sorti de la commission. Actuellement, au Québec,
quels que soient les efforts qu'on a faits pour se donner des services de
santé, on vit depuis quelques années sous les coupures et
peut-être que, par suite de l'inertie du système qu'on a
créé ou de la bureaucratisation du système qu'on a
créé, on a au Québec, à tous égards, en
période de conflit comme en période normale, un très
sérieux problème de qualité de soins. Vous allez
être d'accord là-dessus.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération des syndicats
professionnels des infirmiers et des infirmières du Québec.
Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec
J'invite maintenant les représentants du Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec à prendre place et
à nous présenter leur mémoire.
Le mémoire du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec sera présenté par M. Roger Lecourt,
président.
M. Lecourt (Roger): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous invite à
présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Lecourt: M. le Président, madame et messieurs les
députés, je voudrais d'abord vous présenter quelques uns
de vos employés qui sont par ailleurs représentants du SPGQ.
À ma gauche, Céline Dominque, de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail; Johanne Ouellette, du
ministère de la Justice; Marcel Théberge, du ministère des
Affaires sociales; Louis-André Cadieux, de la Régie de
l'assurance-automobile du Québec, et Robert Hardy, du Conseil du statut
de la femme. Je suis moi-même du ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
En nous présentant ici, nous nous sommes interrogés, et
d'ailleurs nous nous interrogeons encore, sur le statut précis des
personnes à qui nous nous adressons, parce que vous êtes à
la fois nos patrons ou nos aspirants patrons et en même temps le
législateur. Lors de la précédente intervention, celle de
la Fédération des SPIIQ, j'ai été heureux
d'entendre un des membres de la commission nous indiquer que le gouvernement se
préoccupait de l'équité du régime de
négociations. Dans le cas qui nous concerne, nous avons répondu
à l'invitation, tout particulièrement parce qu'il était
question des moyens d'améliorer le régime de négociations
des employés du secteur public, ceux qu'on appelle habituellement les
fonctionnaires. (21 h 30)
Le problème que nous voulons soulever ce soir, que nous reprenons
dans notre mémoire, est le suivant: Les fonctionnaires du gouvernement
du Québec, au cours de la prochaine ronde de négociations,
seront-ils ou non régis par le même Code du travail que l'ensemble
des travailleurs et travailleuses québécois puisque,
actuellement, nous sommes régis par deux codes du travail? Il ne s'agit
pas du code fédéral, il s'agit de la Loi sur la fonction publique
qui, à son chapitre concernant le régime syndical, constitue,
pour sa plus grande part, le code du travail qui s'applique aux fonctionnaires
et qui,
quant à nous, est inéquitable non pas au niveau des
conditions de travail - je veux bien faire la distinction - mais au niveau du
régime des négociations.
La meilleure façon, je pense, d'illustrer cette situation et de
vous permettre de juger du bien-fondé des recommandations contenues au
mémoire, c'est de vous faire un bref résumé de la
situation qui a été vécue par notre syndicat au cours des
dernières négociations. Vous parlez à la fois de l'aspect
institutionnel - j'espère le faire aussi un peu - et du coeur de cette
négociation en termes de la sensibilité qui l'a entourée.
Cela a été mentionné ce matin, je crois, par M. Dean,
c'est un aspect fort important des relations de travail.
Notre dernière négociation a duré 19 mois, 19 mois
entre le moment du dépôt des demandes syndicales et la signature
d'une convention collective. Ce n'est pas trop long pour nous, parce que c'est
l'habitude. Cela varie entre 18 et 24 mois, depuis 1966.
Quand on a commencé à négocier, quelle était
la situation du point de vue du droit du travail? Du point de vue du droit
d'association, 20% des professionnels du gouvernement du Québec n'ont
pas le droit d'association. C'est un cas un peu spécial; parce qu'ils
travaillent dans certains organismes, ils n'ont pas droit à
l'association. Ce sont pourtant des salariés qui sont syndiqués
dans le parapublic ou dans le privé. 20% de gens aussi - c'est la
plupart d'entre eux - sont réputés "confidentiels", une notion
qui n'existe pas, du moins en termes législatifs, ailleurs. En partant,
cela enlève quelques membres et cela diminue un peu le rapport de
force.
Parmi les syndiqués, un certain nombre - vous allez dire une
petite minorité, mais c'est quand même quelque chose d'un peu
surprenant, peut-être inconnu ici - de professionnels n'ont pas le droit
de grève: les gens de la protection civile et, assez curieusement, les
gens qui font la carte électorale. Remarquez que c'est un service
essentiel, mais il n'y a pas tout le temps des élections. Des lois
particulières enlèvent à ces deux groupes
d'employés le droit de grève. Dans le cas de la protection
civile, il n'y a pas un cataclysme tous les jours.
D'autre part, il y a un régime particulier de services essentiels
pour les autres qui dit ceci: II est interdit de faire la grève, tant
que vous ne vous êtes pas entendus sur les services essentiels, à
défaut de quoi, pour avoir le droit de faire la grève si vous ne
vous êtes pas entendus, allez au Tribunal du travail qui va trancher le
litiqe. Il y a donc arbitrage - on en parle un peu ces jours-ci - sur les
services essentiels.
Je ne parlerai pas plus longtemps sur la question, mais je serai heureux
de répondre à des questions sur notre évaluation de cette
expérience. On n'a pas encore commencé à négocier,
mais on est près de la négociation, sauf qu'un certain nombre de
conditions de travail sont non négociables. C'est notre code du travail
spécial qui le dit. Pour n'en mentionner qu'une, la classification des
emplois. Je n'entrerai pas ici dans de grandes technicités si ce n'est
pour vous souligner que cela a une certaine importance, parce que cela touche
les descriptions de tâches, la rémunération, le statut des
employés dans les services. Cela a donc un effet sur le genre de travail
que les gens font et sur ce qu'on appelle la carrière ou le
système d'avancement. Ceci est non négociable. Ce n'est pas une
loi qui date du Moyen Âge, c'est une loi qui date de juin 1978, alors
qu'on avait fait deux jours et demi, trois jours de grève
illégale; on a quand même adopté la loi. La
négociation commence. Premier incident, un bon matin, le comité
de négociation syndicale - puisque notre syndicat a une
particularité peut-être, il n'a pas d'employés permanents,
du moins au niveau des conseillers syndicaux, ce sont des fonctionnaires... Un
bon matin, après sept ou huit mois de discussions inutiles et arides sur
le régime de libération qui allait prévaloir pour le
comité de négociation, refus de l'employeur de libérer les
membres du comité de négociation. Cela n'aide pas tellement la
communication.
Le fond du litige est assez simple, le syndicat demandait le même
régime que celui qui prévaut depuis des années dans le
parapublic pour les libérations syndicales, entre autres, chez des
professionnels qui, à peu de choses près, font le même
travail.
L'employeur par le biais d'un ex-sous-ministre - qui, je peux simplement
le souligner en passant, va bientôt faire l'objet par vous, les membres
de l'Assemblée nationale, d'une étude pour déterminer s'il
est devenu suffisamment neutre pour être nommé membre de la
Commission de la fonction publique à titre d'arbitre - nous indique que
la raison pour laquelle on refuse de nous accorder un régime de
libération qui, par ailleurs, prévaut chez des employés du
même gouvernement, c'est qu'on ne veut pas que la fonction publique
devienne un "open bar" comme l'éducation et les affaires sociales.
Toujours est-il qu'à la suite d'une menace de grève on a
signé - pour avoir le droit de faire la grève et le droit de
négocier - une entente sur les services essentiels; disons que de 1976
à 1979 le nombre d'employés déclarés services
essentiels s'est accru de 55%. Nous avions besoin du droit de grève pour
au moins pouvoir négocier dans un cadre qu'on peut qualifier
généralement de décent. Finalement, sous la menace d'une
grève il y a eu entente.
Les négociations tournent essentiellement autour de deux axes
principaux. La classification des emplois. L'employeur, qui s'est
prémuni par une loi la rendant non négociable, a
décidé qu'il changeait le régime de classification qu'on
connaissait depuis 1966. Il l'a changé radicalement. C'était
assez difficile d'en discuter à la table des négociations puisque
l'employeur nous disait que c'était non négociable. Pourtant on a
fini par le négocier, on a fini par obtenir des engagements, des lettres
d'intention disant: On va changer la loi dans tel sens, on va changer les
règlements dans tel sens. On a négocié le
non-négociable, finalement.
L'autre aspect, la sécurité d'emploi. Ce qu'on demandait
c'était fort simple, c'était d'avoir le même régime
que celui qui avait été négocié dans le secteur de
l'éducation et dans le secteur des affaires sociales, notamment la
sécurité d'emploi régionale. On l'a finalement obtenue,
mais on verra par la suite ce qui est arrivé.
Donc, il y a une entente, le 15 mai 1980 - je n'ai pas besoin de vous
situer cette date, elle était à cinq jours près d'un
événement qu'on va se rappeler longtemps, je pense.
C'était quelque temps après que la majorité des groupes
eut réglé. Il y a eu au passage guelques incidents, neuf jours et
demi de grève. Je voudrais ici souligner un aspect qui est traité
dans notre mémoire sous forme de revendication, mais je voudrais
expliquer pourquoi elle est là, lorsqu'on parle d'une intervention
policière. Je vais simplement expliquer ce que nous avons vécu et
vous laisser y songer.
À compter de décembre 1979, particulièrement
à Québec, mais aussi un peu partout en région, à
l'exception de la ville de Montréal où la police de
Montréal est fort jalouse de ses prérogatives, nous avons vu
intervenir à compter de six heures le matin ce que, dans notre jargon,
nous appelions les petits hommes verts. Ne me demandez pas pourquoi on les
appelait les petits; genre de personnes qui partaient de Québec, de
Charlevoix, de la Beauce à minuit le soir en temps supplémentaire
et qui travaillaient sous la haute autorité du ministre de la Justice.
Ces personnes étaient là, j'imagine, pour informer nos
syndiqués de certaines de leurs conditions de travail, je ne sais trop;
toujours est-il qu'elles étaient là où il y avait des
lignes de piquetage. Cela s'est soldé par plusieurs arrestations, par
des condamnations pour avoir exercé, quant à nous, le droit au
piquetaqe.
Ce que je voudrais souligner ici, c'est que les petits hommes verts - je
ne veux pas être paranoïaque - ce n'était pas une agence de
sécurité privée. Je pense que vous me comprenez.
Finalement, on négocie. Il y a aussi un petit
élément cocasse, en passant. Il y a des poursuites actuellement -
je n'en parlerai donc pas très longtemps - pendantes pour usage de
briseurs de grève, c'est-à-dire forcer des employés
à exécuter des tâches un jour de grève. Cependant,
si on gagnait la cause, il y a un problème: c'est que l'amende est
payable au Trésor public. Enfin! C'est pour cela que je pense que
peut-être en tout cas, à tout le moins dans notre cas, mais aussi
dans d'autres cas apparentés, ce ne serait pas une mauvaise idée
que ce soit versé à l'association accréditée ou
même à toute autre oeuvre de bienfaisance quelconque. Mais le
Trésor public, enfin!
Je continue. Donc, il y a un règlement. Les suites de la
négociation. Cela fait un an que la convention collective est
signée. Les fameux engagements - vous en avez sûrement
discuté il n'y a pas très longtemps avant les vacances - ont
quelque peu tardé à se traduire en lois et en règlements,
etc. Toujours est-il que le sujet sur lequel nous avons réglé
pour le maintien du statu quo et une légère amélioration
sur la classification des emplois, ce régime est bloqué depuis
deux ans, de sorte que vous avez actuellement 3000 de vos employés sur
les 8000 professionnels qui, dans certains cas, attendent depuis deux ans leurs
examens d'avancement. C'est un drôle de climat de négociation tout
cela. Je vous ferai remarquer en passant qu'étant donné qu'on a
négocié le non-négociable, c'est un peu difficile d'aller
devant un arbitre pour réclamer l'application de la convention puisque
celui-ci aurait déclaré: Peut-être, mais les parties se
sont comportées dans l'illégalité la plus totale en
négociant le non-négociable, puisgue, autre particularité
du régime de la fonction publique, les arbitres sont des juges de la
Cour provinciale et, évidemment, ils se comportent en juristes. Ils
utilisent donc, les textes à la lettre.
Finalement, nous avions - je vous l'ai indiqué et je termine
là-dessus le tour d'horizon de la négociation -
négocié le régime de sécurité d'emploi
régional. Nous avions confié à certaines des parties le
soin, comme cela se fait dans les autres conventions collectives, d'appliguer
le régime. Un amendement tout à fait inattendu à la Loi
sur la fonction publique survient au printemps de cette année et fait en
sorte, en transférant la juridiction de la sécurité
d'emploi par une subtilité léqale que je n'expliquerai pas ici,
que notre convention sur la sécurité d'emploi n'est plus valide,
et ce n'est pas l'opinion des procureurs du syndicat uniquement, mais celle des
procureurs du ministère de la Justice. Toujours est-il qu'une loi a
été votée et que, pour l'instant, elle n'est pas
promulguée, puisqu'elle violerait carrément notre convention
collective. Alors, il y a quelques questions à se poser. Ce qui est
à souligner ici, c'est que, pour obtenir que lesdits articles de la loi
ne soient pas promulgués, ceux qui mettaient la hache ou qui
pouvaient
le faire dans notre régime de sécurité d'emploi, ne
les ont pas promulgués à la suite d'une journée de
grève illégale de notre syndicat. Pour compléter le
tableau des neuf jours et demi, cela en a fait dix. C'est la raison pour
laquelle, entre autres, nous pensons qu'un employeur qui a les moyens de fixer
par la loi - nous ne voulons pas les lui enlever - les droits de gérance
- c'est assez inusité, c'est un avantage très net - devrait au
moins laisser une contrepartie - c'est quand il change les règles du jeu
parce qu'il a le pouvoir de le faire - et ne pas déclarer
illégaux les gestes que ses employés posent, parce que,
évidemment, nous sommes passibles de poursuite, etc. Vous connaissez
toute la situation en cas de grève illégale. Je voudrais que ce
soit clair ici. Lorsgue nous demandons le droit de grève permanent -
cela existe dans plusieurs pays - il n'est pas question, guant à nous,
de ne pas assurer les services essentiels. Ce n'est pas cela la question.
Je termine là-dessus. Il y a donc deux choses qui nous
préoccupent. J'ai parlé de la question du droit de grève
permanent. La seconde, c'est la question à laquelle nous souhaiterions
avoir une réponse ce soir: Est-ce que la commission permanente du
travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, et le
ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu qui est chargé de voir à la
présentation et à l'application de lois du travail entendent
faire en sorte qu'au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, des
changements soient apportés pour que le régime syndical
particulier des fonctionnaires soit aboli et que nous soyons assujettis au
même Code du travail que tout le monde, en termes de droit d'association,
de services essentiels, de droit de grève, de droit de négocier
toutes les conditions de travail?
Merci. (21 h 45)
Le Président (M. Lavigne): Merci, M. Lecourt.
M. le ministre.
M. Marais: M. le Président, je voudrais remercier le
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec de son
mémoire, de sa présentation. Avec votre permission, je
céderai immédiatement mon droit de parole à l'adjoint
parlementaire, le député de Prévost, qui a examiné
ce dossier, qui aurait un certain nombre de remarques à faire et de
questions à poser.
Le Président (M. Lavigne): M. le député de
Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Après trois jours
d'audition de mémoires présentés par les groupes, on a ce
soir une autre facette du problème qui nous permet d'orienter la
discussion vers un autre domaine de problèmes de relations de travail,
d'une autre définition des services essentiels, d'autres
considérations, de négociation de la convention collective et de
l'exercice du droit de grève.
Vous avez bien souligné que le régime qui vous
régit est pour le moins différent des autres qui touchent tous
les groupes de syndiqués qui sont venus donner leur point de vue sur les
questions devant la commission.
On est un peu mal pris de ne pas pouvoir répondre, surtout
à une question qui est primordiale pour vous, par le fait que la
ministre responsable de la Loi de la fonction publigue est en train de mettre
en branle une étude approfondie de cette loi. Elle demande aux
différents groupes impliqués de faire connaître leurs
points de vue et leurs revendications en ce qui regarde cette loi.
Quant à moi, je ne suis pas en mesure de vous dire, ce soir, que
cela va amener une solution à votre problème, mais vos
suggestions sur cette question seront étudiées attentivement par
la commission ici présente et des consultations seront tenues avec la
ministre qui administre cette loi pour le moment.
Deuxièmement, pour ce qui est des lenteurs des mécanismes
de négociations, j'ai déjà eu l'occasion de dire à
d'autres groupes, depuis mardi matin que les lenteurs et les complexités
des mécanismes de négociations étaient les principales
raisons de la frustration des travailleurs et que si on veut que la
négociation collective, qui doit normalement tôt ou tard amener la
signature d'une convention collective... tout le monde souhaite que ça
amène la signature de conventions collectives sans grève et si
ça se faisait on aurait moins de problèmes avec des grèves
dans les services essentiels... Ce qui s'applique à d'autres organismes
patronaux qui sont passé devant nous, guant à nous, cela
s'applique aussi au gouvernement comme tel comme négociateur. Si les
mécanismes de négociations sont défectueux, et
d'après tous les rapports il est certainement question de longs retards,
il est sûr et certain qu'il va falloir qu'on étudie attentivement
la question du côté du gouvernement et de ses partenaires en vue
d'accélérer le processus de négociation et de le rendre
efficace et significatif pour les différents groupes.
Vous avez aussi parlé - j'espère que j'ai bien compris
parce que j'essayais de revérifier le texte - de 20% d'exclus de votre
unité de négociation. J'aurais une question d'information
plutôt qu'autre chose. Est-ce que ces exclus le sont par l'exercice ou
par l'application de la loi 50 ou pour d'autres raisons?
Finalement, sur les services essentiels on aimerait peut-être vous
demander, même si les services essentiels sont très
différents
des autres services essentiels qu'on discute depuis trois jours, comment
fonctionne le système de détermination des services essentiels,
et surtout on aimerait que vous nous parliez de vos expériences devant
le Tribunal du travail, qui a pour fonction de trancher les mésententes
ou les défauts d'entente, parce qu'il y en a qui pensent que pour les
autres secteurs des employés publics, un tribunal ou un qroupe
extérieur pourrait avoir les pouvoirs de trancher et de décider
des services essentiels. Il y a même eu des suggestions que la loi
devrait définir les services essentiels. On a déjà
exprimé nos réserves et plusieurs groupes devant nous ont
déjà exprimé leurs réserves là-dessus. On
aimerait donc connaître quelques exemples de vos expériences
devant le Tribunal du travail en cette matière.
M. Lecourt: Cela va?
Le Président (M. Laviqne): M. Lecourt.
M. Lecourt: Oui. M. Dean. MM. les membres de la commission, une
première remarque sur l'intervention de base de M. Dean.
On a vu cela dans les journaux, la ministre de la Fonction publique nous
a annoncé la création, notamment, d'un groupe de
députés pour revoir la Loi sur la fonction publique. En temps
opportun, nous ferons connaître notre point de vue là-dessus. Il y
a deux aspects, je pense, qu'il faut distinguer dans cette loi, les aspects
administratifs, les aspects de la structure de l'organisation de la fonction
publique, de la répartition des pouvoirs et ce n'est pas à la
commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre qu'il faut en
discuter, mais cela s'adonne que cette loi contient un chapitre qui s'appelle
le régime syndical. On peut très bien, par une loi, des
amendements au Code du travail, par exemple, ou une loi particulière,
qu'importe, c'est une technicité, s'attaquer immédiatement
à un problème, je ne dirais pas vieux comme le monde, mais vieux
comme la syndicalisation dans la fonction publique - cela date de 1964 à
1966 - et sortir de cette loi un régime syndical qui n'a pas d'affaire
là. Je pense que ce n'est pas en traitant avec le ministère de la
Fonction publique, notre employeur, qu'on va régler cette question. Je
pense que c'est une question qui touche la législation du travail.
Autant on a pu, en 1978, en adoptant la Loi sur la fonction publique, modifier
par le fait même le Code du travail - parce que cette loi modifie le Code
du travail, l'a modifié en 1978 pour le régime de reconnaissance
syndicale - autant on peut faire l'inverse. Je ne voudrais pas qu'on fasse
comme c'est souvent le cas dans le secteur public, une promenade bureaucratique
d'une institution à l'autre pour finalement ne rien faire, parce que ce
problème date d'il y a longtemps.
D'autre part, sur les exclusions, les exclus le sont en vertu du Code du
travail, lequel a été amendé par la fameuse loi, et le
régime particulier est le suivant: Sont privés du droit
d'association et n'ont pas le statut de salariés les employés qui
travaillent pour certains organismes qui sont clairement des organismes de
gestion de personnel qui, par une décision d'un commissaire du travail,
le seraient de toute façon. D'autres organismes. Une boîte du
conseil exécutif, par exemple; il n'y a pas de raison que les gens
n'aient pas le droit d'association. C'est le cas du personnel du cabinet du
sous-ministre, par exemple. Pourquoi ces gens n'auraient-ils pas le droit
d'association? Ils sont quand même des salariés, quant à
nous. Ce ne sont pas leurs fonctions qui leur font avoir ou pas le droit
d'être syndiqués.
S'il y a des litiges, le Code du travail y pourvoit, il y a tout un
réseau de commissaires du travail, allant jusqu'au Tribunal du travail,
pour décider des exclusions et des inclusions. Pourquoi avoir un
régime spécial, qui exclut nommément des gens par
l'appartenance à un organisme, ou encore qui introduit un concept qui
existe dans d'autres lois, mais qui n'existe pas au Québec, celui de
confidentialité?
Vous savez que les fonctionnaires sont, en grande partie, appelés
à prêter un serment de discrétion qui dit qu'ils vont
être punis de la peine de mort, du congédiement s'ils
révèlent quoi que ce soit qu'ils ont connu dans l'exercice de
leurs fonctions. Cela nous semble suffisant pour ne pas y ajouter l'exclusion
du droit d'être syndiqué, comme si avoir le droit de se syndiquer,
c'était en opposition avec le fait qu'on puisse faire un travail qu'on
appelle confidentiel. Confidentiel au sens des relations de travail, ça
va, mais là, cela s'étend au sens beaucoup plus large.
C'est ainsi, par exemple, pour vous citer un cas, que des gens ont
été exclus du droit de se syndiquer parce qu'ils travaillaient
dans des services informatiques à la Régie de l'assurance
maladie; ils préparent la paie des médecins. Ils ont
été exclus pendant la période de négociation avec
les médecins. Il n'y a absolument aucun rapport entre notre syndicat et
les fédérations de médecins. Entre vous et moi,
voulez-vous me dire ce que ça faisait? Pendant les périodes de
négociation, on sait que les médecins sont payés comme ils
le sont en dehors des périodes de négociation. Dans ces cas,
qu'est-ce qu'il faut faire? Il faut aller au Tribunal du travail.
Nous avons actuellement un certain nombre de causes pendantes sur ces
exclusions en raison de l'aspect confidentiel du travail et vous savez ce que
ça coûte. Ce qu'on dit chez nous, c'est qu'on va chercher les
membres un par un. Ce n'est peut-être
pas la meilleure façon. C'était un petit commentaire pour
vous préciser un peu la question des exclusions.
Enfin, la question des services essentiels. Ce que nous demandons,
finalement, c'est d'être assujettis au régime de services
essentiels qui prévaut actuellement dans le Code du travail, à la
suite de l'adoption, en 1978 ou 1977, de la loi 59. Notre régime est
simple: Nous demandons de rencontrer l'employeur, nous tentons de
négocier, l'employeur commence, dans un premier temps, par nous fournir
une liste, il y a discussion, etc. Il y a toujours eu des ententes, on n'est
jamais allés au Tribunal du travail. J'y reviendrai tantôt et
dirai pourquoi, et, finalement, le droit de grève est acquis. Dans
l'expérience des dernières négociations, et c'est
important de nous situer dans notre propre contexte, il n'y a pas ce
caractère dramatique des services essentiels qu'on retrouve ailleurs. Il
y avait chez nous en 1979 2, 5% des gens qui étaient
déclarés de par entente services essentiels, dont un certain
nombre sur appel.
Comme je l'ai souliqné, de 1976 à 1979, le nombre en est
passé de 127 à 198, donc à 200, grosso modo. Une
augmentation de 55%, alors que les effectifs des professionnels
syndiqués, avaient augmenté pendant cette période d'un peu
moins de 30%. Quelle est l'explication à ça?
Celle que nous y avons trouvée est la suivante. Le 1er juillet
1979, le lendemain de l'échéance de notre convention collective,
nous avions le droit de grève en vertu du Code du travail. Ce n'est que
le 20 août que l'employeur nous a transmis ces demandes de services
essentiels pour la moitié des ministères où on les
requérait. Finalement, fin septembre, nous avons eu l'ensemble du
portrait, donc trois mois après l'obtention du droit de grève. Il
y a eu discussion en octobre et l'incident que je rapportais tantôt en
termes de libération syndicale, qui est un élément
important pour nous, est survenu. La seule façon de régler ce
problème, guant à nous, c'était une menace de
grève, pas une grève générale. Il fallait avoir le
droit de l'exercer parce que, contrairement à ce que certains
prétendent, les syndiqués et leurs syndicats ne sont pas tous des
fous. J'ai entendu des choses aujourd'hui au passage un peu curieuses, de la
part de certains intervenants qui étaient installés ici. Toujours
est-il que nous avons réglé vite et c'est la seule explication
que nous y trouvons.
La raison pour laquelle on n'est jamais allé au Tribunal du
travail, c'est une raison un peu apparentée aux problèmes qu'on
vit actuellement, si vous savez que les délais sont parfois un peu
longs. Le Tribunal du travail entend autre chose, il n'y a pas un juge du
tribunal qui nous attend pour juger les services essentiels. D'autre part, la
fonction publique, c'est assez complexe, 30 ministères, des gens qui
font toutes sortes de choses, où il y a 30 corps d'emploi
différents; on n'a jamais voulu se lancer -compte tenu de l'importance
relative du nombre de services essentiels - dans un débat de sept ou
huit mois devant le Tribunal du travail, alors qu'on était en
période de règlement d'une convention collective. Voilà en
gros la situation. Ce qu'on a vécu jusqu'à présent, la
dernière négociation l'illustre, c'est une inflation de la part
de l'employeur de demander des services essentiels. (22 heures)
Je vais vous citer quelques cas, y compris des cas que nous avons
acceptés. Les services essentiels, d'après le Code du travail,
c'est la protection de la santé et de la sécurité du
public. Cela ne se passe pas au Basutoland ou dans l'État de l'Iowa,
ça se passe au Québec. On a demandé, à
l'Assemblée nationale, 25 professionnels pour les services essentiels.
La demande était justifiée par le motif suivant: "Assurer le
fonctionnement de la Chambre, particulièrement assurer aux membres de
l'Assemblée nationale, la cueillette de l'information dont ils ont
besoin pour exercer leur tâche. " Après analyse, on s'est
aperçu que sur les 25 services essentiels, il y avait 8 personnes qui
étaient en train de reconstituer de vieux dossiers d'archive. On n'a pas
vu de file de membres de l'Assemblée nationale attendant que la
reconstitution se termine. Résultat net, six ont été
accordés.
Quelques autres cas de santé et de sécurité du
public au ministère de l'Agriculture. Je ne vous lirai pas le tout parce
que c'est un peu compliqué: Assurer la continuité de recherches
scientifiques qui ne peuvent être différées. Il s'agit
d'études bioécoloqiques sur les insectes et sur
l'épidémiologie des maladies. Cela porte sur le caractère
cyclique de ces différents phénomènes sur les plantes,
etc.
Services essentiels permanents au ministère de l'Agriculture
toujours: "Les laboratoires d'expertise et d'analyse alimentaire doivent
être en mesure de faire face à des situations imprévues,
à caractère toxicologigue, susceptibles d'avoir des
conséguences néfastes sur la santé des consommateurs. " Il
y a des situations imprévues, alors pourquoi permanents, pourquoi pas
sur appel.
Un autre cas au ministère de l'Aqriculture parle de soins
à assurer aux chevaux. Je vous en cite guelgues autres, on les
achève, il y en a qui sont vraiment des services essentiels, alors je
les ai passés.
Au ministère du Revenu, ministère essentiel s'il en est
un: "Apporter les correctifs au logiciel de base. " Cherchez ce que ça
veut dire, c'est probablement pour la perception des impôts. Ce n'est pas
certain
que la santé du public ait été en cause dans ce
cas-là.
Un autre cas, la régie de prêts agricoles, j'oublie le nom
de l'organisme, Régie de l'assurance-récolte, assurer les
services auprès des agriculteurs. C'est un service essentiellement
bureaucratique, il n'y a pas de catastrophe; c'est le service régulier,
la santé et la sécurité du public ne sont pas en cause
dans ce cas.
Dans le cas des agents de probation, ce sont les personnes qui
s'assurent du suivi des individus en libération conditionnelle ou en
probation. En 1975, l'ensemble des personnes ont été requises
comme services essentiels permanents, en vertu d'un article de la loi qui dit:
"Une personne doit se rapporter, à certains intervalles, à son
agent de probation. " En pratique, ce qui se fait depuis toujours, c'est que la
personne vient signer un registre une fois par semaine ou une fois par mois,
selon les cas. On avait requis tout le monde pour faire ça. La
dernière fois ça a été légèrement
modifié, c'était sur appel; j'imagine que c'était quand la
personne ne trouvait pas la feuille pour signer.
C'étaient quelques cas. Il y en aurait d'autres, mais ça
montre le régime tel qu'on l'a connu. La raison pour laquelle je vous
donne cette liste, parfois un peu cocasse, qu'on a dû consentir c'est
qu'elle illustre qu'elle n'a pas grand-chose à voir avec la santé
et la sécurité du public. On l'a consentie - après avoir
réduit d'au moins le tiers les demandes patronales - parce qu'il fallait
qu'on exerce notre droit de grève -c'était notre perception - un
droit qui normalement devait pouvoir s'exercer à compter du mois de
juillet, donc quatre ou cinq mois avant qu'on veuille l'exercer. C'est la
raison pour laquelle on pense que le régime qu'on a est
inapproprié. Si on veut appliquer un régime de ce type ailleurs,
je suis loin d'être certain que ça règle les
problèmes. Je ne veux pas me prononcer sur les situations d'ailleurs en
détail; notre expérience n'est pas extraordinaire, mais on a
cité abondamment l'expérience de la loi 253 aussi.
M. Dean: Je dois ajouter qu'au ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, on fera
connaître à la ministre de la Fonction publique notre point de vue
sur vos revendications après les avoir étudiées. C'est
tout ce que j'ai.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).
M. Rivest: Je pense que votre témoignage est un peu
particulier. En tout cas dans l'économie générale de la
démarche qu'on a suivie depuis le début des travaux. À
plusieurs occasions il a été question des affaires sociales. Il
ne s'agissait pas de faire le débat sur l'ensemble des affaires
sociales, mais j'avais une suggestion, au début de la commission, au
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu au sujet du mécanisme de l'organisation de la négociation
dans le secteur public. J'avais demandé qu'il y ait peut-être un
porte-parole du Conseil du trésor, au niveau ministériel ou enfin
au niveau de la fonction publique, pour discuter avec nous, parce que plusieurs
points ont été soulevés par les parties syndicales.
Au niveau des affaires sociales, on a vu qu'il était à
maintes reprises question finalement de questions qui n'étaient pas
directement reliées à l'exercice du droit de grève dans le
secteur, mais qui mettaient en cause drôlement le ministre des Affaires
sociales. Ce soir, vous-mêmes et le Syndicat des fonctionnaires, qui va
vous suivre, votre interlocuteur, celle qui devrait vous entendre... Bien
sûr, on lui communiquera tout cela et elle lira sans doute le journal des
Débats, mais il me semble qu'il aurait été - je n'en fais
un reproche ou un drame au ministre actuel - drôlement utile que la
ministre de la Fonction publique, qui peut-être n'aurait pas
été prête à prendre des engagements au niveau de la
commission, pas plus que le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu n'en a pris au niveau des intervenants
concernant les lois dont il est responsable, soit ici ou qu'il y ait au moins
quelqu'un du ministère de la Fonction publique pour entendre les
représentations du Syndicat des professionnels et du Syndicat des
fonctionnaires. Elle n'est pas là. L'adjoint parlementaire du ministre
du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu dit
qu'il va les lui transmettre, très bien.
J'arrive, comme député de l'Opposition, dans l'ensemble de
ce dossier. Cela fait à peu près un mois que c'est ma
responsabilité pour ce qui est de notre groupe. Ce que je peux vous dire
- je le dis d'ailleurs non seulement comme député, mais aussi
comme personne qui a eu l'occasion un peu de loin de vivre, au moment où
j'étais au bureau du premier ministre, de 1970 à 1976, les
problèmes avec les professionnels et également avec les
fonctionnaires - ma conclusion personnelle là-dessus, c'est la
recommandation que j'ai l'intention de faire au niveau de notre groupe
parlementaire. On n'est pas au gouvernement et on ne se prendra pas pour
d'autres. J'ai lu, bien sûr, votre mémoire, et les recommandations
du rapport Bouchard. J'ai déjà rencontré le Syndicat des
professionnels, entre autres, quand vous avez rencontré les
députés, je pense, de la région de Québec pour
exprimer certains aléas de ce que vous avez...
Ma conclusion, c'est que la Loi de la fonction publique et le Code du
travail, enfin certainement tout ce qui est la partie
concernant les relations de travail des professionnels et des
fonctionnaires, doit être revue de fond en comble. Je pense qu'il n'y a
pas d'élément... Mon attitude, malheureusement... Je cherchais le
mandat qui a été donné par la ministre de la Fonction
publique au qroupe de députés. Il y a toutes les questions de la
fonction publique en tant que telle, mais parlons uniquement relations de
travail. Vous avez cité les aléas de vos déclarations,
mais il y a vraiment des choses à ce point exorbitantes au niveau de la
fonction publique, dans le régime de négociation en particulier,
qui ont peut-être leur raison d'être, étant donné que
c'est l'État, qu'il va falloir regarder, bien sûr, parce que
l'État, c'est l'État employeur. Il y a certainement des choses.
Demander d'avoir un régime qui s'orienterait complètement sur le
secteur privé... On essaie d'ailleurs, dans le domaine de la
santé, de trouver peut-être, à l'intérieur
même des secteurs public ou parapublic - c'est notre préoccupation
- un régime qui collerait plus au milieu, mais une chose certaine, c'est
que les exclusions de la fonction publique, compte tenu de l'expérience
qui arrive... Tout le domaine de la classification, la promotion, etc., est
exclu par la Loi de la fonction publique, et on se rend très bien compte
qu'une convention collective étant signée, il y a des choses qui
sont encadrées qui deviennent négociables et des choses qui ne
sont pas encadrées qui ne le sont plus. Il y a toute une série de
problèmes. La loi était là. Le gouvernement l'a
amendée en 1978, mais encore - je sais que les professionnels et les
fonctionnaires le vivent - il y a des choses très importantes. Il faudra
vraiment se poser des questions de fond, je pense. Je vous le dis simplement
à titre de commentaire. Pour chacun des éléments exclus,
il va falloir le mettre sur la table. J'espère que le gouvernement est
prêt à faire cela.
Nous, comme parti d'Opposition, je ne dis pas, et je ne vous dirai pas
certainement pas pour l'instant et je ne suis pas en mesure de vous le dire -
que je suis parfaitement d'accord avec toutes les prétentions du
syndicat. Bien au contraire, car j'ai aussi certains atavismes de mon passage
au gouvernement et je sais qu'il y a d'autres raisons. Mais je veux vous dire
ce soir que nous croyons, enfin ce que je crois, comme porte-parole de
l'Opposition dans le domaine, qu'on doit mettre l'ensemble de ces questions sur
la table, pour les regarder froidement et examiner toutes les
hypothèses. Il ne doit pas y avoir de prérequis ou de choses
retenues à l'avance. Je pense qu'on devrait pouvoir le faire. Il y a un
contexte de négociation qui arrive - ou qui continue, dans votre cas,
bien sûr, c'est cela - mais, sur le plan parlementaire, il me semble
qu'on devrait être capable de s'entendre sur cette question, compte tenu
de l'expérience absolument chaotique et irrégulière qui a
été vécue par les fonctionnaires et les professionnels, et
aussi par l'administration publique à cause des aléas du
ministère de la Fonction publique, entre autres. On a structuré,
restructuré, c'est un ministère où les ministres passent
à un rythme absolument fantastique, sous tous les gouvernements. Je veux
vous dire cela comme première prise de position.
La deuxième, si vous me le permettez, comporte un examen un peu
plus particulier. Vous avez parlé du droit d'association qui n'est pas
reconnu à certains, vous avez parlé de 20% et ensuite de 20% dont
le travail est de nature confidentielle, au niveau des professionnels. Est-ce
que cela s'ajoute? Est-ce que cela veut dire que c'est 40%, ou si c'est inclus
dans les 20%? Est-ce que vous pouvez répondre à cela?
M. Lecourt: Grosso modo, il y a 10 000 professionnels, dont 8000
syndiqués et 2000 exclus. La majorité des exclusions, c'est
à cause du travail confidentiel ou motifs apparentés.
M. Rivest: Ma deuxième question - et je ne veux pas
étirer inutilement le débat -concerne le rapport Martin-Bouchard.
Sur chacun des aspects, autant au niveau du régime syndical qu'au niveau
de ce qui est matière négociable, chose sur laquelle vous tenez
beaucoup à discuter, qu'au niveau des services essentiels, il fait des
recommandations que j'ai vues et qui, à première vue,
m'apparaissent - je ne veux pas discuter du mérite du rapport
Bouchard... Il faudra faire plus que le rapport Bouchard, parce que ce que le
rapport Bouchard a recommandé, en gros, ressemblait pas mal au statu
quo. Est-ce que c'est votre sentiment? Quelle a été la
réaction de votre syndicat aux recommandations du rapport Bouchard?
M. Lecourt: Essentiellement - et je voudrais revenir un peu, tout
à l'heure, sur ce que vous avez souligné au début - la
position que nous vous transmettons aujourd'hui, à peu de choses
près, on la véhicule depuis un bon bout de temps et on la
véhiculait sur le fond, le droit d'association, le droit des
matières négociables, un même code pour nous, autrement
dit. Le rapport Bouchard faisait des progrès sur certaines questions,
mais maintenait, pour une raison dite d'intérêt public - cela
s'expliquait plus ou moins - le statu quo sur d'autres questions et, au niveau
des concepts aussi - on dirait que c'est tellement compliqué à la
Fonction publique que c'est difficile de s'y comprendre -mêlait des
choses en termes de matières néqociables, notamment.
Ce que je veux souligner, c'est que globalement ce n'était pas
satisfaisant pour
nous. Mais ce qui est encore plus insatisfaisant, c'est que rien n'a
été apporté comme suite au rapport Bouchard. On a
assisté - je ne reprendrai pas cela - à une véritable
mascarade en juin 1978, à un projet de loi 53 rebaptisé loi 50.
Prenez le texte et virez-le à l'envers. C'est exactement la même
chose. On n'a même pas retenu le peu d'ouverture qu'il y avait dans le
rapport Bouchard.
Maintenant, un commentaire d'ordre général. C'est bien
beau. Il s'adresse peut-être plus à ceux et celles qui peuvent
changer des choses, qui se situent plutôt de l'autre côté,
actuellement du moins, en termes de projets de loi, etc. On peut dire qu'on va
transmettre à la ministre de la Fonction publique des recommandations et
tout cela. Mais il nous apparaît assez clairement - c'est pour cela que
j'ai dit au début, dans le préambule, qu'on se sentait un peu
dans une position pas très claire en nous présentant ici.
À qui a-t-on affaire vraiment? Cela ne sera jamais tranché au
couteau, parce qu'on a déjà vu que c'était
interrelié. Il me semble que le régime syndical n'appartient pas
à une personne qui négocie avec nous directement, en termes de
recommandations. Peut-être que la personne qui est chargée de la
gestion de la fonction publique, ça lui appartient de faire une loi en
fonction de ça ou d'en proposer une. (22 h 15)
Dans ce sens, il me semble que la commission aurait des recommandations
à faire, si elle se préoccupe, pas uniquement des travailleurs du
privé, du parapublic et du péripublic, mais aussi ceux de la
fonction publique. Je comprends qu'on vous surprend avec notre mémoire
mais, pour nous, on parle de choses qui existent depuis pas mal de temps.
M. Rivest: M. Lecourt, juste...
M. Lecourt: Je termine pour souligner une chose qu'on trouve
curieuse dans tout ça, à savoir si vraiment c'est clair qu'on
s'adresse à une commission parlementaire qui se préoccupe du
travail et qui essaie un peu de se tenir loi de son rôle de patron. Ce
matin, un organisme d'État se présentait ici et faisait valoir
son point de vue, Hydro-Québec. Cela a été le cas de
l'Association des hôpitaux du Québec, et ça va être
le cas de l'Association des centres de services sociaux. Comment se fait-il que
le ministère de la Fonction publique ne se soit pas inscrit pour donner
son point de vue? On me dira peut-être que c'est complètement
farfelu, c'est vraiment l'intérieur du gouvernement. Il n'y a pas
très longtemps j'étais ici en commission parlementaire sur
l'accès à l'information gouvernementale, et des
ministères, des organismes directement gouvernementaux ont
témoigné. Là-dessus, je me surprends de ne pas voir le
ministère de la Fonction publique donner son point de vue, s'expliquer.
Remarquez que c'est une politique que l'on connaît depuis fort
longtemps.
M. Rivest: Sur ce point particulier, je l'ai demandé au
début des travaux de la présente commission. Deuxièmement,
vous savez, il y a bien des groupes qui sont venus, mais je pense qu'il faut
être juste. Sur la question que vous avez posée au niveau du
rôle de cette commission parlementaire, il faudrait que nos commissions
parlementaires aient été réformées; le
député Vaugeois et le gouvernement ont des projets qui ont
déjà été communiqués à l'Opposition.
Je ne veux pas parler au nom de mon collègue de Prévost qui a
déclaré qu'il dirait ce qui s'est dit ici à la ministre de
la Fonction publique, mais une fois qu'on aura entendu tous les
mémoires, cette commission parlementaire ne se réunira pas - pas
que je sache, selon notre pratique habituelle, à huis clos ou en public
- pour formuler des recommandations.
On est dans cette situation également; c'est qu'une fois que les
travaux de cette commission auront été terminés, lorsque
le dernier mémoire aura été entendu - à moins que
la pratique ait changé à ce point que je ne l'aie pas noté
- on rentre chez nous tout simplement et on ne va pas plus loin. On peut comme
groupe parlementaire - on a peut-être l'intention de le faire -
dégager nos conclusions à nous, qui sommes de l'Opposition. Les
conclusions de la commission parlementaire de tout ce qu'on aura entendu, ce
sera la responsabilité du ministre du Travail, avec ses collègues
députés ministériels, qui consignera ça - je ne
veux pas parler pour lui - dans un mémoire au Conseil des ministres qui,
lui, décidera. Vous ne pourrez jamais avoir un document qui dira: La
commission parlementaire pense qu'il faudra faire telle ou telle chose pour
améliorer le régime syndical et il faudra faire telle ou telle
chose pour améliorer la question des services essentiels. À moins
que le ministre ait des choses à ajouter, je ne pense pas que ce soit le
sens de la commission; c'est pour ça qu'on ne peut pas aller plus
loin.
M. Marois: M. le Président, je pense que l'intervention du
député de Jean-Talon est complète, si je dois ajouter
par-dessus ce que le député de Prévost, qui est mon
adjoint parlementaire, a dit. J'ai écouté attentivement votre
présentation, vos arguments et on fera nos devoirs de notre
côté aussi. Je ne peux pas régler tous les problèmes
et faire tous les changements en même temps. Vous avez soulevé, en
réponse à une question qui vous a été posée
ou en réaction à une remarque formulée, qu'on
peut bien - comme ça s'est déjà fait par la Loi sur
la fonction publique - amender le Code du travail. On peut parfois faire
l'inverse aussi. Je dis que cela mérite considération, une
remarque comme celle-là. Ce que je peux vous dire, c'est que, partant de
là, on va examiner attentivement le document que vous nous avez remis,
vos commentaires aussi, et je vais avoir l'occasion d'en parler avec ma
collèque, la ministre responsable de la Fonction publique pour voir, le
cas échéant, comment les choses pourraient être faites.
M. Lecourt: Permettez-moi un dernier petit commentaire; je serai
très bref. Je voudrais simplement souligner que la prochaine ronde de
négociations prévoit, je pense, que le 1er août 1982, on
doit déposer nos demandes. Le régime syndical à
l'intérieur duquel on va fonctionner conditionne quelque peu les
demandes. Je comprends que vous ne pouvez pas tout faire en même temps,
mais c'est un vieux problème qu'on traîne et les
négociations s'en viennent assez vite.
M. Marois: Je crois que vous comprenez que je comprends.
M. Lecourt: Oui. Je voudrais dire seulement deux choses en
terminant. C'est une remarque purement d'ordre général, cette
fois-ci. J'ai été personnellement fort surpris d'entendre des
propos aujourd'hui. Je ne veux pas critiquer les gens qui les ont tenus, mais
je voudrais dire deux choses, au nom de notre syndicat, et je peux parler au
nom d'autres syndicats, je pense. Lorsqu'on se fait fort de souligner que les
syndiqués, c'est une chose, et que les syndicats, c'est une autre chose,
je pense qu'on tient là un langage que je qualifierais de
démaqoqique, mais je ne veux pas ajouter à des choses
démagogiques que j'ai entendues aujourd'hui. Je pense qu'il y a des gens
autant de ce côté-ci que des gens de votre côté qui
connaissent assez bien le milieu syndical pour savoir que, dans l'immense
majorité des syndicats, c'est démocratique, que les cas d'abus,
on les connait, et qu'on ne peut pas en trouver des centaines sur la place
publique. Quand on essaie de toujours dissocier les syndiqués des
syndicats, je trouve que c'est pousser un peu loin.
La deuxième remarque que je vais faire, c'est que, quand on lance
la balle aux syndicats, on oublie souvent que le mouvement syndical a
mené - je n'ai pas besoin de rappeler les dates - de longues luttes, en
termes de revendications qui font qu'aujourd'hui, je pense, les malades, entre
autres, ou les gens qui ont recours aux services de santé ont de
meilleurs services qu'ils n'en avaient il y a 25 ans. Ils ont des services, je
pense, meilleurs et ils ont des services, alors qu'il y a 25 ans, beaucoup de
gens - on n'entendait pas de drame sur la place publique - crevaient, parce
qu'ils n'avaient pas de services. C'est en bonne partie, je pense, à
cause de revendications du mouvement syndical. C'est tout simplement une
opinion personnelle pour rétablir certains faits. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec et j'invite maintenant les représentants du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec à s'avancer et à nous
présenter leur mémoire.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
Le mémoire du Syndicat des fonctionnaires provincaux du
Québec nous sera présenté par M. Jean-Louis Harquindeguy,
son président.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): C'est bien cela.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous invite, M.
Harquindeguy, à nous présenter les personnes qui vous
accompaqnent.
M. Harguindeguy: En commençant par ma droite, c'est
Danielle-Maude Gosselin, vice-présidente, pour les fonctionnaires;
Normand Duguay, secrétaire général; à ma gauche,
Roland Saint-Jean, vice-président, pour les ouvriers; Denise Dion,
vice-présidente, pour les fonctionnaires; Georges Nadeau,
vice-président, pour les fonctionnaires, et Denis Gaudreau,
vice-président, pour les ouvriers.
M. le Président, mesdames, messieurs les députés,
il nous fait plaisir, malgré l'heure tardive, de venir vous entretenir
de notre situation. J'ose espérer que vous allez nous apporter
l'attention qu'on mérite, puisque, si les gouvernements
réussissent parfois à assurer des services à la
population, c'est bien grâce à leurs fonctionnaires.
Je commence donc. Le premier ministre a annoncé, dans son
allocution prononcée lors de l'ouverture de la dernière session,
que le gouvernement avait l'intention de donner suite prochainement à
l'ordre adopté par l'Assemblée nationale, lors de la
dernière session, de faire siéger la commission parlementaire du
travail et de la main-d'oeuvre, pour examiner l'exercice du droit de
grève dans les secteurs public et parapublic.
Le premier ministre déclarait qu'il s'agissait là d'une
question délicate et cruciale, mais dont les membres de
l'Assemblée nationale avaient le devoir,
comme ils s'y étaient engagés, de discuter à fond
comme société.
Le premier ministre déclarait entre autres: "II n'y a pas
beaucoup de Québécois, s'il en est, qui soient satisfaits de la
tournure qu'a encore prise la dernière ronde de négociations dans
le secteur public. "Même si les perturbations et dégâts
n'ont pas atteint l'ampleur des rondes précédentes, ces
grèves répétées et apparemment inévitables
dans les services aussi vitaux que les hôpitaux, les maisons
d'héberqement ou les centres d'accueil et les écoles, ont
vraiment pris l'allure chez nous d'un mal incurable. "Par ailleurs, la
négociation elle-même est devenue une affaire hautement
bureaucratique où le citoyen, et même souvent les
syndiqués, ont énormément de difficulté à
faire la part des choses. "Quant aux services qu'on appelle services
essentiels, nous n'avons pas encore trouvé collectivement un moyen, ni
de les définir correctement, ni d'en qarantir vraiment le maintien. "Il
faut profiter de la période qui nous sépare de la prochaine ronde
de négociations pour revoir de fond en comble le système qui
prévaut chez nous depuis une quinzaine d'années. Il faut que ce
soit une entreprise conjointe de tous les intéressés et, pour sa
part, le gouvernement s'y préparera avec une conscience aiguë de
ses responsabilités. "
Ce n'est donc pas d'aujourd'hui que les négociations dans les
secteurs public et parapublic font l'objet de discussions.
Dans l'histoire syndicale, ce n'est pas la première fois que le
gouvernement répond par la répression, car à chaque fois
que les travailleurs ont voulu faire un pas en avant pour obtenir des
conditions de travail plus favorables ou améliorer leur sort dans la
société, le gouvernement a répliqué par l'adoption
de lois qui ont fait partie, avec d'autres interventions, de mesures
répressives et ce, dans le cadre d'une stratégie visant à
briser l'action syndicale qui, à certaines occasions, a paru innover et
forcer la main du gouvernement.
On n'a qu'à songer aux lois suivantes pour constater
l'éventail des lois répressives adoptées dans ce domaine.
Je ne les énumérerai pas, mais tous les gouvernements sont
inscrits au tableau d'honneur.
Le droit de grève, dans les secteurs public et parapublic fut
reconnu en 1965, mais l'obtention de ce droit ne s'est pas fait sans
difficulté, puisque même à cette époque le premier
ministre du temps, l'honorable Jean Lesage, avait déclaré que "la
reine ne néqocie pas avec ses sujets".
Le gouvernement actuel pourrait également être
tenté, tout comme en 1973, de déposer un projet de loi visant
à assurer le bien-être de la population en cas de conflit de
travail, qui pourrait à toutes fins utiles, supprimer le droit de
grève dans les services publics, en laissant soit au gouvernement ou
à certains tribunaux, l'arbitraire entier de permettre ou de refuser un
droit qui a pourtant été consacré et qui est reconnu comme
naturel et inaliénable pour la plupart des pays industrialisés,
ainsi que par des organismes respectables et universellement reconnus comme
l'Organisation internationale du travail.
Le gouvernement pourrait également être tenté de
réglementer l'exercice d'un droit par ailleurs reconnu comme
nécessaire, selon les fondements mêmes de notre régime
économique et notre système de relations de travail, mais on
pourrait également le supprimer comme droit et en faire un
privilège, selon le bon plaisir du prince, c'est-à-dire le
gouvernement, qui est par ailleurs lui-même employeur, tout au moins dans
notre cas.
Une telle intention, qui pourrait être confirmée par un
projet de loi, vicierait à sa base même le concept et le processus
normal de la négociation collective.
La négociation libre repose sur le principe de
l'éqalité des parties en présence. Or, advenant
l'abolition ou la réglementation du droit de grève dans la
fonction publique, les représentants syndicaux auraient beau s'asseoir
à une table de négociation et discuter aussi longtemps qu'ils
voudront, la partie patronale n'aura aucun intérêt à
modifier ses positions, puisqu'elle pourra s'assurer, à toutes les
étapes de la procédure, que ses positions ne sont pas en danger,
les mécanismes jouant en sa faveur.
Le gouvernement pourra donc dire au syndicat: Je vous consulte sur mes
propositions, j'entends vos représentations et, si vous êtes
d'accord, nous signons la convention collective, sinon je
décréterai vos conditions de travail.
Une telle loi nierait donc le droit fondamental des travailleurs de
participer à la définition de leurs conditions de travail, ce qui
implique nécessairement la liberté de travailler ou de cesser de
travailler.
À ce sujet, il est peut-être important de retenir les
positions adoptées, tant par le Parti québécois que
l'Union Nationale, suite au dépôt, par le gouvernement du temps -
le Parti libéral - du projet de loi no 89, Loi assurant le
bien-être de la population en cas de conflit de travail, pour constater
le changement d'attitude à ce propos.
Nous croyons également nécessaire de vous soumettre - vous
les avez en annexe -les mécanismes de négociation que nous avions
suggérés à l'époque, lesquels pourraient encore
fort bien trouver leur application actuellement.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec ayant
à coeur l'amélioration du système de négociation
dans la fonction publique, afin de créer de
meilleures relations de travail, a d'ailleurs soumis un mémoire
à la commission Martin-Bouchard, ainsi qu'un mémoire au ministre
de la Fonction publique quant à la réforme à apporter
à celle-ci.
On ne peut sûrement se vanter, à l'heure actuelle, que nos
recommandations aient été sérieusement prises en
considération.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec estime donc
que la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre devrait
beaucoup plus examiner le comportement du gouvernement lors des
dernières négociations qui a d'ailleurs été
identique au comportement des gouvernements précédents, que
d'examiner l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et
parapublic. (22 h 30)
Le gouvernement n'a-t-il pas voulu sciemment traumatiser la population
pour que celle-ci réclame maintenant l'abolition du droit de
grève dans les services publics, faire croire que la population en a
assez des grèves et que les difficultés rencontrées lors
des négociations précédentes découlent uniquement
du comportement de la partie syndicale? Le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec estime que discuter de l'abolition du droit de
grève dans les secteurs public et parapublic est un faux
problème. Nous serions tentés de faire un parallèle avec
une situation que nous venons de vivre. Il faut quand même se rappeler
que le mémoire a été déposé au cours du mois
de mars, et que nous n'avons pas juqé à propos de le modifier
depuis ce temps puisque le fond du problème demeure entier.
En effet, lors des 444 jours de captivité des ex-otages
américains, le seul sujet qui a défrayé diverses
discussions dans la population a porté sur la libération de ces
mêmes otages; jamais nous n'avons entendu parler du problème de
fond qui a amené une telle prise d'otaqes. Nous ne pouvons
assurément être d'accord sur le qeste posé par les
Iraniens, qui est contraire au mode de vie d'un peuple démocratique.
Cependant, c'est un peu la même situation qui prévaut actuellement
au Québec lorsqu'on parle des négociations dans les secteurs
public et parapublic. On parle beaucoup plus de la fin que des moyens. Nous ne
croyons pas non plus que l'abolition pure et simple du droit de grève ou
l'encadrement plus sévère d'un tel exercice, en prétextant
que la population, de façon générale, désire
l'abolition du droit de grève, solutionnera les problèmes
rencontrés puisque le fait que des travailleurs n'aient pas droit de
grève ne garantit d'aucune façon que ces mêmes travailleurs
ne l'exerceront pas un jour. On n'a qu'à constater la situation qui
prévaut en Poloqne depuis déjà quelques mois, où
les travailleurs n'hésitent pas à faire des qrèves,
même illégales, pour obtenir des droits essentiels. Loin de nous
l'idée de vouloir comparer notre système politique à celui
qui prévaut en Iran ou en Pologne.
Tout récemment, encore, l'absence du droit de grève n'a
pas empêché que des infirmières de l'Ontario entreprennent
une grève pour revendiquer des droits qu'elles considéraient
comme essentiels. La situation pourrait être identique au Québec
advenant le cas où le gouvernement déciderait d'abolir un tel
droit.
Nos commentaires se limiteront à notre situation
particulière. Même si nous n'acceptons aucunement le principe que
le droit de grève puisse être retiré dans un des secteurs
visés, puisque nous ne nous n'estimons pas les mieux qualifiés
pour justifier les commentaires touchant les autres secteurs, nous croyons
également qu'à tout le moins le gouvernement devrait faire la
distinction de l'exercice du droit de grève entre les secteurs public et
parapublic. Une distinction qui nous caractérise par rapport aux autres
secteurs est le champ du négociable. Selon les dispositions de la Loi
sur la fonction publique, certaines matières qui sont actuellement
négociables dans les secteurs hospitalier et scolaire ne le sont pas
pour les fonctionnaires du gouvernement du Québec. Il en est ainsi
notamment de la classification et de la réglementation concernant les
normes d'éthigue et de discipline, ainsi que d'une série de
pouvoirs et de réglementations accordés tant au ministre de la
Fonction publique, à l'Office du recrutement et de la sélection
qu'au Conseil du trésor. Une question se pose: Est-ce que le
gouvernement et les partis politigues qui composent le Parlement sont
conscients de l'impact social que va être un affaiblissement des
syndicats dans les secteurs public et parapublic, ces secteurs ayant un effet
d'entraînement sur les conditions de travail des employés du
secteur privé et des citoyens les moins bien nantis de notre
société?
Comportement du gouvernement. Nous avons dit précédemment
que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec estimait que la
commission parlementaire devrait beaucoup plus se questionner sur le
comportement du gouvernement. Afin de permettre aux honorables membres de cette
commission d'examiner l'ensemble du problème, nous estimons
approprié de faire une certaine rétrospective des
événements que nous avons vécus au cours des deux
dernières années. Dans un premier temps, il est important de
noter que le processus et les mécanismes de négociation qui nous
réqissaient, lors des dernières négociations
n'étaient pas fondés sur les modalités adoptées par
les projets de loi 55 et 59, notre convention collective venant à
échéance le 30 juin 1978. Malgré le fait que le
Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec n'était pas
assujetti à ces dispositions, ceci ne nous a pas empêchés
d'effectuer le dépôt global de nos demandes syndicales le 8
février 1978, soit près de 5 mois avant la date
d'échéance de la convention collective. Même si, à
cette époque, le gouvernement avait adopté comme principe que les
parties en négociation devaient faire preuve de diligence, ceci n'a pas
empêché ce même gouvernement de retarder indûment le
dépôt de ses propositions, puisque ce n'est que trois jours avant
l'acquisition du droit de grève, soit le 20 octobre 1978, qu'il a
déposé ses premières offres monétaires.
Par ses premières offres, le gouvernement n'a-t-il pas voulu
sciemment créer une situation de conflit en proposant, pour la
quasi-totalité de nos membres, une augmentation de 0%, le 1er juillet
1980, tout en prévoyant l'abolition pure et simple de la clause
d'indexation pour tenir compte de l'augmentation du coût de la vie qui
était déjà prévue dans nos conventions collectives
depuis 1968 et dont le syndicat voulait maintenir le principe? Malgré
certaines contre-propositions de la partie syndicale et de nouvelles
propositions comportant des changements mineurs au cours des mois de mars et
avril 1979 et à la suite de l'exercice de moyens de pression depuis le
mois de juin 1979, ce n'est qu'au cours du mois de novembre 1979, soit
près de 21 mois après le dépôt des demandes
syndicales et plus de 15 mois après l'échéance de la
convention collective, que le gouvernement a daigné nous soumettre une
proposition d'ordre salarial acceptable.
Quels objectifs le gouvernement poursuivait- il également en
proposant, au cours de la négociation, des modifications à la Loi
sur la fonction publigue? Qui ne se souvient pas des débats qu'a
amenés le dépôt du projet de loi no 53 et également
des moyens de pression et journées de grève qui ont suivi le
dépôt par le gouvernement du projet de loi no 50, qui a
été adopté à la vapeur, sans consultation des
syndicats concernés? Certains de nos commentaires ont d'ailleurs
été repris par le Conseil du statut de la femme, notamment sur la
discrimination qui prévalait et qui prévaut toujours dans la
fonction publique quant à l'élément féminin. Au
cours des dernières négociations, le gouvernement n'a même
pas respecté ses propres lois ou, à tout le moins, les principes
établis par celle-ci.
Nous venons de décrire précédemment la lenteur des
négociations que nous avons eu à subir et ce, même si les
lois 55 et 59 déterminaient des échéanciers de
négociation et des obligations à remplir de part et d'autre,
ainsi qu'une meilleure identification des intervenants et leur
responsabilité face à l'opinion publique. Même le
comité d'information sur le déroulement des négociations
dans les secteurs public et parapublic s'est également plaint du manque
de collaboration de la partie patronale pour informer adéquatement la
population sur le conflit en cours. Dans notre cas, le gouvernement n'a
même pas respecté les dispositions du Code du travail, puisqu'il
n'a pas daiqné donner suite à la demande de conciliation que nous
avions formulée conformément aux dispositions du Code du
travail.
Le gouvernement n'a pas hésité non plus à utiliser
des procédures qui sont pourtant reprochées aux autres employeurs
du Québec, en utilisant à outrance la force policière tant
municipale que celle de la Sûreté du Québec sur les
diverses lignes de piquetage sans compter celle de sa propre police, soit les
agents de sécurité du ministère des Travaux publics. Le
gouvernement avait également amendé le Code du travail, afin de
prévoir l'impossibilité pour un employeur de faire usage de
briseurs de grève. Or, le gouvernement a été l'un des
premiers à transgresser cette même loi, comme l'indique le rapport
de Me Gravel.
Sur l'information, le syndicat estime que le gouvernement a fait preuve
d'ingérence dans les affaires syndicales en sanctionnant la loi 62, nous
forçant à reprendre le travail au cours du mois de novembre 1979,
le gouvernement ayant alors tenté de justifier sa position en
prétextant que les votes avaient été pris à la
vapeur sur des questions biaisées lors d'assemblées auxquelles
les membres n'assistaient pas, sans compter l'utilisation de reportages
télévisés où des syndiqués affirmaient
qu'ils suivraient la consigne syndicale, mais qu'ils espéraient avoir la
version gouvernementale des choses pour pouvoir porter un jugement.
Le gouvernement n'a pas hésité non plus à
s'ingérer dans le domaine de l'information aux membres du syndicat en
transmettant certaines informations par l'entremise des enveloppes de paie et
également en retenant la cotisation syndicale qu'il devait, selon les
dispositions de la convention collective, verser au syndicat et ce,
possiblement afin de limiter nos moyens financiers.
Quant au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, nous
avons tout mis en oeuvre afin que les membres soient adéquatement
informés des développements survenant dans la négociation.
À cet effet, une structure particulière de responsables à
l'information a été créée au sein de laquelle plus
de 8500 personnes recevaient des bulletins d'information qui étaient
publiés hebdomadairement ou dès que des séances de
négociation étaient tenues. Plus de 50 bulletins ont ainsi
été transmis à ces 8500 responsables. Au cours de cette
même période, nous avons également publié dix
documents particuliers traitant de la négociation. Certains
comportaient plus de 200 pages et chacun des textes déposés par
la partie patronale à la table de négociation était ainsi
porté à la connaissance des membres du syndicat. Il en a
été de même pour chacune des propositions salariales.
On peut cependant avoir des doutes sur les objectifs poursuivis par le
gouvernement lors de certaines émissions
télévisées, notamment celle dans laquelle le premier
ministre du Québec, M. René Lévesgue, prétendait
que le gouvernement ne pouvait continuer à prévoir dans les
dispositions de la convention collective une clause d'indexation au coût
de la vie et à accorder une augmentation pour tenir compte de la
productivité nationale. Pourtant, près de deux jours après
cette émission, une telle déclaration n'a pas
empêché ce même gouvernement de déposer une offre qui
a finalement été acceptée par les membres et qui
comportait une indexation au coût de la vie ainsi qu'une augmentation
pour tenir compte de la productivité nationale.
Sur la participation aux assemblées, nous estimons que le
gouvernement pourrait également être tenté de songer
à exiger des taux de participation minimale lorsque les travailleurs
seront appelés à prendre une décision majeure. Pourtant,
une telle exigence n'est actuellement pas reguise pour l'élection de nos
représentants à l'Assemblée nationale et ce, malgré
que les décisions qui y sont prises soient sûrement aussi
importantes que l'acceptation ou le rejet d'une convention collective.
Quant à nous, des dispositions particulières dans nos
statuts prévoient l'obligation que plus de 60% des membres qui ont
participé au vote acceptent ou rejettent une convention collective pour
que le syndicat puisse agir en conséguence. Le syndicat s'est ainsi
imposé des critères supérieurs à ceux exigés
par l'actuel Code du travail.
Le syndicat, conformément à ses règlements, a
également adopté un mode de consultation, qui a été
porté à la connaissance de nos membres, tant sur l'acceptation
des demandes syndicales que sur celle des propositions du gouvernement.
D'ailleurs, la participation de nos membres aux diverses assemblées
tenues tant sur le rejet des propositions du gouvernement au cours du mois de
mai 1979 que sur l'acceptation des offres du gouvernement au cours du mois de
novembre 1979 a été de l'ordre de 50%.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec tient
à mettre également en garde le gouvernement sur le
prétexte du non-respect des services essentiels pour
éventuellement justifier son attitude. Pourtant, il n'a sûrement
pas à se citer en exemple, puisque lors des lock-out qu'il a
décrétés, notamment au ministère des Transports,
ainsi qu'à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, à l'époque la Commission des
accidents du travail, il ne s'est pas privé pour mettre également
en lock-out les employés qui pourtant avaient été
considérés comme services essentiels, selon les accords
intervenus avec le syndicat.
D'ailleurs, dans notre cas particulier, nous avons, au cours de chacune
des négociations précédentes, convenu des services
essentiels à maintenir et ce, sans l'intervention de tiers.
L'accord intervenu prévoyait également une
possibilité de révision advenant une grève
prolongée, et aussi la possibilité de faire appel au Tribunal du
travail en cas de désaccord sur une demande additionnelle.
Un tel accord n'a cependant pas empêché le gouvernement de
ne pas respecter ces mêmes services essentiels et également de
déposer une injonction, plutôt que de demander au syndicat de
convenir de services essentiels additionnels dans le cas des mécaniciens
du ministère des Transports.
Même si le gouvernement a déjà tenté de se
justifier, guant à la sanction du non-respect des services essentiels,
une fois qu'ils ont été déterminés, en
évoguant la suspension de l'accréditation, ainsi que
l'émission d'injonctions ou d'amendes sévères, allant
même jusqu'à l'emprisonnement, guant à nous, il serait
nécessaire que le gouvernement, ainsi que ses mandataires, soient
également assujettis aux mêmes dispositions.
En conclusion, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec estime qu'il est nécessaire d'amorcer la réflexion
dans le sens de l'application des structures et des processus de
négociation elle-même, ainsi que l'échéancier d'une
telle négociation. Plutôt que de parler d'abolition du droit de
grève dans les secteurs public et parapublic, à notre sens il
faudrait reprendre tout le débat autour des mandats de
négociation accordés aux représentants patronaux.
Quant à nous, la solution au problème de la
négociation n'est sûrement pas uniguement l'arbitrage obligatoire,
ni la suspension du droit de grève. Nous estimons que le gouvernement
devra lui-même faire le débat sur l'assouplissement de ses
appareils de négociation, afin que ceux-ci collent plus à la
réalité vécue localement et, par l'utilisation des
ressources internes compétentes guant à la matière
à négocier, minimiser la lourdeur et les coûts de la
négociation.
Le gouvernement devra donc nécessairement simplifier sa prise de
décision afin que la recherche du mandat des divers porte-parole
gouvernementaux soit plus rapide et permette éventuellement que la
négociation se rende à terme dans un délai
raisonnable.
Cette même lourdeur administrative n'est-elle pas responsable
également des difficultés d'application de cette même
convention, qui a fait en sorte que, depuis près de quinze ans, plus de
51 000 griefs ont été déposés par les membres du
syndicat et ce, sans compter les quelque 8000 appels de classement qui ont
été déposés par les membres suite à
l'intégration de 1972 et 1973?
Qu'arriverait-il si le syndicat ne possédait aucun recours
valable lui permettant, lors des négociations, de trouver des solutions
à ces mêmes problèmes?
Le gouvernement devra également accepter de devenir plus sensible
aux moyens de pression en leur donnant un sens et en refusant que les premiers
mouvements soient des coups d'envoi plutôt que des signaux d'alarme. Il
est à souhaiter, comme le proclamait le premier ministre le 5 novembre
dernier, que le gouvernement se préparera aux prochaines
négociations avec une conscience aiguë de ses
responsabilités et qu'une fois pour toutes il acceptera de se
considérer au même titre que tout autre employeur du
Québec.
En définitive, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec estime que l'abolition du droit de grève serait une
attaque directe à la démocratie et aux droits des travailleurs
pour ce même secteur de travail, car de ce fait, le rapport de forces des
parties serait inégal et annulerait toute négociation possible
entre les parties. Ainsi, nous pourrions vivre des situations anarchiques qui
verraient les travailleurs devoir entreprendre une grève illégale
pour obtenir satisfaction dans leurs justes revendications.
De plus, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
estime que, si l'on veut améliorer les négociations dans le
secteur public, il est essentiel d'amender la Loi sur la fonction publique,
afin de rendre négociable l'ensemble de nos conditions de travail.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec. M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'être venu nous
rencontrer et nous présenter son mémoire. Avec votre permission,
je céderai mon droit de parole au député de
Lac-Saint-Jean, qui a scruté le mémoire et qui aurait un certain
nombre de remarques et de questions en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. Brassard
(Lac-Saint-Jean).
M. Brassard: Merci, M. le Président. Encore une fois, on
se retrouve devant un mémoire qui part de l'hypothèse que le
droit de grève dans les secteurs public et parapublic est menacé
et on y retrouve à ce moment-là toute l'arqumentation qu'on a
déjà entendue maintes et maintes fois depuis trois jours
maintenant, visant à défendre le droit de grève. (22 h
45)
Encore une fois, tous ces arguments portent à faux, en quelque
sorte, puisque, répétons-le, on ne peut pas, dans ces divers
mémoires, s'appuyer sur des positions gouvernementales ou du Parti
québécois dont est issu le gouvernement pour justifier le
moindrement cette hypothèse, à savoir que le droit de
grève est menacé. Quand je lis le titre de votre mémoire
Opération survie, Droit de grève, une caricature où un
personnage est menacé de noyade, et c'est le droit de grève qui
est la bouée de sauvetage, je dis que ce n'est pas du tout
justifié, ni fondé une pareille argumentation.
Je ne sais pas pourquoi on retrouve cela dans presque tous les
mémoires des organismes syndicaux sans qu'on retrouve cependant à
l'intérieur des éléments de preuve qui démontrent
le moindrement que le gouvernement manifeste la plus petite intention de
toucher au droit de grève dans les secteurs public et parapublic.
C'est le contraire qui est vrai. On n'a qu'à regarder les
engagements électoraux du Parti québécois, les
déclarations ministérielles, les articles du programme même
du Parti québécois pour se convaincre du contraire. Le droit de
grève dans les secteurs public et parapublic est loin d'être
menacé avec le gouvernement en place.
Je ne sais pas pourquoi on procède de cette façon.
Peut-être que c'est une hypothèse aussi, une opinion.
Peut-être que c'est parce que l'arsenal des arquments en faveur du droit
de grève est très efficace, est très
élaboré, que cela porte et qu'à ce moment, c'est utile de
poser l'hypothèse que le droit de grève est menacé pour
pouvoir énoncer et exposer toute la série des arquments solides
et très efficaces pour la défense du droit de grève.
C'est une remarque préliminaire. On retrouve cela partout dans
votre mémoire, cette possibilité que le droit de grève
soit menacé de disparaître, que le gouvernement aurait des
intentions de l'abolir. Ce n'est absolument pas fondé. Je pense qu'il
faut de nouveau répéter ce propos.
Cela étant dit, j'aurais deux questions à poser. L'une est
à propos des services essentiels. C'est évident que, dans votre
cas, la question des services essentiels - on l'a souligné tantôt
- est loin d'être aussi dramatique que dans le réseau des affaires
sociales c'est bien clair. Vous êtes régis, en matière de
services essentiels, par des
dispositions de la Loi de la fonction publique, comme c'était le
cas du Syndicat de professionnels. On voit en annexe de votre mémoire
que vous reproduisez un mémoire que vous aviez soumis à la
commission Martin-Bouchard en 1977.
En matière de maintien des services essentiels, à la page
23 de votre mémoire, vous dites: "Les modalités prévues au
paragraphe 2 de l'article 75 de la Loi de la fonction publique continueraient
à s'appliquer aux salariés de la fonction publique puisque
l'application passée de cet article est garante de l'avenir. " En
preuve, on peut retrouver un peu plus loin dans votre mémoire copie de
l'entente intervenue entre le gouvernement et le syndicat de la fonction
publique en matière de services essentiels.
On sait que la loi prévoit aussi que s'il n'y a pas entente entre
les parties, c'est le Tribunal du travail qui doit trancher en cette
matière. Donc, c'est à une tierce partie, avec des pouvoirs
judiciaires, qu'appartient dans votre cas le pouvoir de déterminer les
services essentiels. Dans votre mémoire, à la commission
Martin-Bouchard, vous vous montrez - semble-t-il, du moins, c'est ce qu'on peut
conclure - satisfaits de ce régime, de ce mécanisme en vue de
déterminer les services essentiels.
Or, on constate de votre part une sorte de revirement à ce
chapitre et j'aimerais que vous m'en parliez - c'est là-dessus que porte
ma question - puisque vous faites partie du regroupement des centrales
syndicales et que vous avez endossé le mémoire commun qu'on
étudiera la semaine prochaine, dans lequel une des recommandations est
que les associations visées à la Loi de la fonction publique
soient soumises au mécanisme actuel prévu pour les autres
syndicats, c'est-à-dire entente, négociation entre les parties,
et, s'il n'y a pas entente, dépôt d'une liste syndicale.
Il y a là une sorte de revirement de votre part, malgré le
fait que vous ayez réussi, selon le régime en vigueur actuel,
à vous entendre avec le gouvernement au chapitre des services
essentiels. Vous semblez faire un virage à ce sujet, puisque vous voulez
désormais être soumis aux mêmes règles que les autres
syndicats des secteurs public et parapublic. Je voudrais savoir ce qui explique
ce revirement, ce changement important de votre position en matière de
services essentiels. Est-ce que votre expérience vous incite à
réclamer, à revendiquer un changement en cette matière?
Voulez-vous justifier votre position?
Ma deuxième question, je vous la pose tout de suite, vous
répondrez en même temps. On a vu tantôt que le Syndicat de
professionnels du gouvernement a réclamé qu'en matière
syndicale, il soit soumis au Code du travail, comme tous les autres syndicats,
donc qu'il n'y ait pas un régime syndical spécial en quelque
sorte pour lui. Est-ce là également votre position?
M. Harguindeguy: M. le Président, je voudrais faire
référence à l'appréhension du député
du Lac-Saint-Jean concernant le droit de grève. Ce qu'il est important
de retenir, c'est qu'il ne faudrait pas que ce droit de grève soit
apparent. Si on se fie à notre expérience en tant que groupe,
selon la dernière négociation, en 1978-1979, qui s'est
terminée en 1980 finalement, nous avions droit à la grève.
Nous avions convenu des services essentiels que nous avons maintenus dans tous
les secteurs où des moyens de pression ont été
exercés. On se pose de drôles de guestions, à savoir ce qui
a justifié l'adoption par le gouvernement du projet de loi 62 qui nous a
forcés à retourner au travail, et finalement à accepter -
on n'avait pas le choix - les propositions formulées par le gouvernement
en date du 21 novembre 1979.
Or, on avait un droit de grève qu'on n'a pu finalement utiliser.
C'est ce qu'on veut porter à l'attention des membres de la commission.
C'est peut-être bien beau de dire: On vous laisse le droit de
grève, il n'est pas question de vous l'enlever, sauf que si on adopte
des mécanismes qui font en sorte qu'on restreint la possibilité
d'utiliser ce droit de grève, cela revient, à toutes fins utiles,
à l'abolir. On est aussi bien de dire carrément: Vous n'aurez
plus le droit à la grève, que d'imposer toutes sortes de
restrictions et que, dès le moment où on utilise les recours qui
nous sont permis, les droits que nous reconnaissent autant le Code du travail
que la Loi sur la fonction publique, il y a toujours des interventions d'ordre
léqislatif qui nous forcent à retourner au travail.
Les deux seules fois où nous avons fait la grève, il y a
eu, à chaque occasion, une loi qui nous a forcés à rentrer
au travail, en 1972 et en 1979. Le droit de grève veut dire quoi?
À toutes fins utiles, il ne veut absolument rien dire. Je comprendrai
que si nous, les fonctionnaires, n'avions pas respecté les services
essentiels qui étaient convenus, le gouvernement se soit senti dans
l'obligation de légiférer, mais cela n'a pas été le
cas en 1979, même en 1972. C'est pour cela que quand on dit qu'on veut se
battre pour conserver le droit de grève, on veut avoir un vrai droit de
grève et on fait référence à toutes les
restrictions qui nous ont été imposées et les mesures
répressives.
Pour répondre à votre première question concernant
les services essentiels, quant à nous, il n'y a pas de revirement comme
tel, puisque notre expérience personnelle a démontré que
nous n'avons jamais eu à faire appel à une tierce partie, donc
nécessairement de ne pas avoir à
établir nous-mêmes une liste syndicale de services
essentiels, ce qui fait qu'étant partie d'un groupe, on s'est
rallié à la majorité qui fait face à des
problèmes d'une nature assez importante - cela a été
exposé - concernant la détermination des services essentiels.
Pour nous, si on applique le principe qui est demandé par la
partie syndicale, c'est qu'il y ait négociation, ou entente et, à
défaut, qu'il y ait une liste. Dans le cas pratique qu'on a vécu
des cinq négociations, à chaque fois, il y a eu
négociation et entente. Nous n'avons pas eu à procéder
plus loin. Donc, pour nous, accepter ou épouser la recommandation
formulée par l'intersyndical ne présente aucune difficulté
et ne remet pas en question l'opinion qu'on a soumise à la commission
Martin-Bouchard.
Quant à l'autre question, ce qu'on désire, à toutes
fins utiles - on vous le demande aussi - c'est d'être assujettis, au
niveau des régimes des négociations et au niveau de la
détermination des conditions de travail, aux dispositions du Code du
travail. Comme les professionnels vous le demandent, comme on l'a
déjà demandé - cela a été peine perdue - on
veut être en mesure, en tant qu'employés de l'État, de
négocier tout ce qui touche nos conditions de travail. Malheureusement,
ce n'est pas possible. Ce qu'on souhaite, si on vient à cette
commission, c'est peut-être un peu sensibiliser l'ensemble des
députés sur nos revendications, parce qu'on ne peut quand
même pas dire qu'avec ce qu'on a déjà fait lorsque la Loi
sur la fonction publique a été adoptée, et encore tout
dernièrement au mois de juin quand vous avez adopté le projet de
loi no 12, les revendications qu'on a formulées ont été
étudiées à leur juste valeur. Je pense bien qu'on n'a
même pas été consultés. Malgré les tentatives
de représentations qu'on a formulées, il n'y pratiquement pas eu
de commentaires. Cela a été adopté tel quel. Quand
même, cela restreignait des droits que nous avions antérieurement.
C'est comme cela qu'on le vit. On semble être des laissés pour
compte, les fonctionnaires de l'État, quand arrive la négociation
ou la détermination des conditions de travail.
Un dernier exemple avec le projet de loi 12. Je pense que vous avez
légiférer peut-être à la course. Il y avait
peut-être des besoins urgents, on ne sait pas lesquels parce qu'on attend
encore les règlements qui doivent nécessairement suivre la loi.
Vous avez décidé d'intégrer certains inspecteurs de
l'Office de la construction du Québec. Je ne pense pas que vous ayez
regardé trop loin l'impact de la décision que vous avez prise,
parce que ces gens avaient une convention collective, avec des conditions de
travail qui sont tombées à l'eau du jour au lendemain. Ils se
sont retrouvés seulement avec la convention collective des
fonctionnaires. Donc, le gouvernement a fait fi même de l'esprit de la
loi ou du Code du travail, qui prévoit que quand il y a un nouvel
employeur, il s'engage à respecter les conventions collectives
déjà existantes. Le gouvernement ne le fait même pas pour
ses propres employés. C'est cette situation qu'on veut dénoncer.
On souhaite - c'est quand même depuis 1965 que des revendications sont
formulées - qu'une fois pour toutes, on puisse quand même convenir
de nos conditions de travail, ce qui n'est malheureusement pas le cas à
l'heure actuelle.
M. Brassard: En matière de régime syndical, est-ce
que vous avez la même opinion que le Syndicat de professionnels?
M. Harguindeguy: Nous n'avons pas les mêmes
difficultés que le Syndicat de professionnels. Même la Loi de la
fonction publique permet, à certaines périodes reconnues comme
des périodes de maraudage, qu'il y ait aussi un changement
d'accréditation syndicale qui se fasse. Notre regroupement de famille
est peut-être différent de celui des professionnels.
Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).
M. Rivest: Très brièvement, si vous permettez M.
Harguindeguy, j'ai donné un peu la perspective dans laquelle nous nous
situons comme groupe parlementaire. Je pense que vous étiez là,
M. Harguindeguy, quand j'ai dit - c'est une évaluation personnelle -
que, malgré les recommandations et l'étude qui avait
été faite de l'ensemble de la Loi de la fonction publique et des
dispositions du Code du travail, enfin, pour tout ce qui concerne les
employés de la fonction publique, ainsi que les professionnels, en
particulier sur le régime syndical et sur le contenu, enfin ce qui fait
l'aire des négociations et les réserves qui sont faites à
l'intérieur de la Loi de la fonction publique, je souhaitais que le
gouvernement n'hésite pas - je sais qu'il y a peut-être le
contexte des négociations - à faire une réforme de la Loi
de la fonction publique en profondeur sur ce plan. Il y a eu une
expérience vécue qu'on ne peut pas ignorer.
J'ai vu, bien sûr, votre mémoire. J'aurais peut-être
une question, si vous permettez, et mon collègue de Sainte-Anne en a
d'autres. Vous avez dit - je pense que c'est exact - que les ententes... Je ne
veux pas que vous portiez de jugement de valeur sur les attitudes des autres,
mais dans certaines autres unités de négociations - il n'y a pas
juste des unités d'autres syndicats - il est difficile d'en arriver
à une entente
pour maintenir les services essentiels. Au niveau du Syndicat des
fonctionnaires, c'est facile. Est-ce que cela tient plus, d'après vous,
à une différence de nature des services? Par exemple, dans les
hôpitaux, on sait que c'est terriblement difficile d'arriver à une
entente. À ce moment, est-ce que cette idée d'uniformiser
complètement le régime de la fourniture des services essentiels
dans la fonction publique et dans les hôpitaux... Est-ce qu'il n'y a pas
une différence de nature dans les services aussi essentiels les uns que
les autres, mais dans les services offerts à la population? (23
heures)
M. Harquindeguy: C'est sûrement selon la nature des
services offerts. Les services que nous considérons essentiels vont
quand même plus loin - on les accepte - que les dispositions mêmes
du Code du travail. On ne se limite pas seulement à la santé et
à la sécurité du public, parce que les services
donnés par le gouvernement sont quand même d'un ordre
différent, ils sont en tout cas plus globaux que ceux que donnent les
hôpitaux et les commissions scolaires. C'est peut-être
différent.
Je ne veux pas dire non plus qu'on s'entend facilement, il y a quand
même des demandes aussi qui nous apparaissent exagérées de
la part de certains ministères. Si on écoute certains
ministères, tout le monde est essentiel; c'est sûr que, si on est
là, c'est pour quelque chose, mais quand on veut respecter l'esprit de
la loi, c'est autre chose. Je peux difficilement répondre pourquoi. Il y
a une question de comportement peut-être aussi des individus qui
néqocient. Cela dépend ce qu'on recherche. Comme le gouvernement
a une possibilité additionnelle que n'ont pas les hôpitaux et les
commissions scolaires, parce qu'il y a des mesures législatives qui
peuvent intervenir, même des mesures administratives aussi, c'est
peut-être pour cela que c'est plus facile; le gouvernement est
peut-être prêt à concéder de ne pas considérer
certains groupes comme essentiels, parce qu'il a d'autres moyens pour arriver
à ses fins. Il y a les employés "confidentiels" dont les
représentants des professionnels ont parlé; il y a aussi des
employés contractuels qui sont parfois embauchés avant; il y a
aussi les lock-out. On peut se poser des questions sur la nature des services.
Quand on convient, comme à la CAT, de 36 personnes essentielles sur un
total de 1200 et que, parce qu'on a des moyens de pression qui modifient
quelque peu la nature des services ou la méthode utilisée pour
donner des services, comme les chèques aux accidentés, on se fait
menacer de lock-out et qu'effectivement, parce qu'on ne plie pas devant la
menace, on est mis en lock-out, même les services essentiels, on peut se
poser des questions à savoir si réellement ces 36 personnes sont
essentielles. C'est ce qu'on vit dans la pratique courante.
M. Rivest: Une petite question sur le régime de
négociation, enfin le droit de grève, les services essentiels.
Est-ce que vous voyez d'une façon générale à peu
près pas d'inconvénient que le régime soit le même
dans l'ensemble du public, parapublic et même péripublic?
M. Harguindeguy: Non. Nous demandons d'ailleurs que le droit de
grève soit maintenu et on néqocie les mêmes... De toute
façon, à toutes fins utiles, est-ce qu'on peut parler
qu'effectivement chacun des groupes est autonome au point de vue de la
négociation? Je pense bien qu'avec les mécanismes actuels
où c'est quand même le Conseil du trésor qui décide
et le Conseil des ministres en arrière, comme les décisions sont
applicables partout selon les dispositions de la loi, comme le gouvernement a
toujours la possibilité de légiférer, ce qui arrive dans
toutes les négociations, on a une certaine limite à nos
négociations. On peut difficilement prétendre que, même
avec ce qu'on revendique, on négocie totalement comme l'entreprise
privée peut le faire. On est dans une situation déjà
particulière sauf qu'en plus nous, les fonctionnaires, on a encore un
régime d'exception qui prime sur les dispositions du Code du travail.
Dans certaines matières, on peut difficilement parler de réelle
négociation.
Le Président (M. Rodrigue): M. Polak (Sainte-Anne).
M. Polak: Merci, M. le Président. Seulement deux courtes
questions. Excusez-moi si peut-être je ne suis pas très familier
en la matière, mais on est ici aussi pour apprendre. M. Harguindeguy,
avez-vous les mêmes problèmes, comme cités dans le
mémoire précédent, des contractuels?
M. Harguindeguy: Oui.
M. Polak: Vous n'avez pas parlé de cela dans votre
mémoire. Je n'ai pas eu la chance de poser la question lors de
l'étude du mémoire précédent. Je voudrais savoir si
vous avez des statistiques sur ces contractuels. Est-ce que cela existe?
M. Harquindeguy: Cela existe. Il y a particulièrement un
organisme qui les utilise à outrance actuellement, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, où on contourne
les dispositions autant de notre convention collective que de la Loi sur la
fonction publique en embauchant des contractuels. Normalement, l'esprit de la
Loi sur la fonction publique faisait en sorte que tous les fonctionnaires,
fonctionnaires au sens
légal du terme, devaient être assujettis à la
convention collective, à moins qu'ils ne soient considérés
comme "confidentiels" ou qu'ils soient exclus par une décision du
ministre.
Cependant, la CSST, semble-t-il, ayant un statut particulier au sein du
gouvernement, utilise fréquemment maintenant des contractuels qui ne
sont pas assujettis à la convention collective, même si
l'organisme assume ou assure pratiquement les mêmes conditions, sauf
qu'il n'y a pas de recours possible, ni de représentation par le
syndicat. Il y a d'autres ministères également. Ce qui arrive
fréquemment - de toute façon, vous allez sûrement en
entendre parler au cours de l'automne qui vient -c'est le transfert de
responsabilités à des contractuels sur la base de sous-contrats.
Certains travaux qui auparavant étaient effectués par les
fonctionnaires sont maintenant donnés à des entreprises
privées. On revient à l'ancienne méthode pour l'entretien
des routes, dans tous les domaines, la réparation de
l'équipement. C'est cette forme de contractuels que nous avons assez
fréquemment.
M. Polak: Est-ce qu'il y a aussi des contractuels qui travaillent
à côté des permanents?
M. Harguindeguy: Oui, il y en a.
M. Polak: Est-ce que cela influence l'atmosphère, le
climat de travail? Est-ce que cela crée une certaine friction qui a
comme résultat qu'on a moins de productivité de part et d'autre?
Est-ce que ce problème existe?
M. Harguindeguy: II y a sûrement certaines frictions; les
contractuels ont moins de latitude, parce qu'ils ont les mains moins libres
vis-à-vis de leur employeur.
M. Polak: Ma dernière question. Dans le mémoire
précédent, on a mentionné l'exclusion de certaines
catégories de personnel qui ne peuvent pas adhérer au syndicat.
Est-ce que vous acceptez les restrictions qui existent? Je pense à nos
propres secrétaires. Je ne savais pas qu'elles n'avaient pas le droit
d'être membres du syndicat. Il y a toutes sortes d'autres
catégories également. Vous ne revendiquez rien sur ce plan.
Est-ce que cela veut dire que vous êtes contents de la situation?
M. Harguindeguy: Non. On revendique de pouvoir être
assujettis aux dispositions du Code du travail, donc de négocier toutes
les conditions, ce qui présuppose que cela se fait dans l'entreprise
privée également. Dans l'entreprise privée, le syndicat et
l'employeur conviennent parfois que certains employés ne sont pas
couverts par la convention collective, ce qui pourrait se faire aussi au
gouvernement, sauf qu'au gouvernement c'est une décision administrative.
Si nous ne sommes pas satisfaits, nous allons au Tribunal du travail, ce que
nous faisons assez régulièrement, puisgue dans notre syndicat
nous avons près de 3000 personnes qui sont considérées
comme confidentielles. Parfois, on se demande si cela vaut la peine d'aller au
Tribunal du travail pour avoir gain de cause. Dernièrement, il y a
près d'un an et demi, nous avons eu gain de cause pour certaines
catégories d'employés qui travaillaient aux bureaux de personnel.
Le Tribunal du travail a statué qu'ils devaient être syndicables,
parce que la nature du travail n'était pas confidentielle. Mais le
gouvernement a modifié la loi pour rendre ces catégories de
personnes confidentielles, dans la loi. Donc, on a été au
Tribunal du travail pour rien.
M. Polak: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie).
Mme Lavoie-Roux: Cela va être très court. J'imagine
qu'on peut poser des questions sur tout le mémoire.
M. Harguindeguy: Nous sommes à votre disposition,
madame.
Mme Lavoie-Roux: Dans les pages 32 et suivantes, on a des
tableaux sur les offres gouvernementales et les augmentations que cela
représentait en pourcentage. Si je prends la page 32 en ce qui touche
les agents de bureau, il y a une augmentation de tant de pourcentage en
1978-1979 et, en 1980, c'est zéro tout le long.
Si on va un peu plus loin - et cela c'est dans les salaires horaires -
dans l'entretien domestique, les conducteurs d'ascenseurs, les aides à
la buanderie et les couturiers, c'est toujours zéro d'augmentation pour
la troisième année.
Dans les faits, pouvez-vous m'expliquer pourquoi à peu
près les seules catégories qui ne recevaient pas d'augmentation
la troisième année étaient les gens qui avaient les plus
bas salaires? Est-ce que, au bout de la ligne, cela a été
corrigé? D'abord, pourquoi ne leur offrait-on rien en troisième
année, alors qu'on en offrait à tout le monde? Et est-ce que cela
a été corrigé?
M. Harguindeguy: Heureusement, cela a été
corrigé quelque peu, dans le sens des pourcentages d'augmentation, parce
qu'ils ne sont pas demeurés à zéro. Mais c'est
plutôt une indication. La proposition nous avait été
formulée trois jours avant que nous ayons acquis le droit à la
grève. Les agents de
bureau représentent 10 000 fonctionnaires au gouvernement. C'est
donc presque le tiers des fonctionnaires que nous représentions.
C'est sûr que c'était la politique salariale adoptée
à l'époque par le gouvernement, ce qui faisait en sorte
qu'estimant que nous étions trop payés nous devions nous serrer
la ceinture en 1980. Par contre, l'augmentation qui a été obtenue
représente, simplement pour l'aqent de bureau, au maximum, par rapport
à la proposition originale, celle qui finalement a été
payée, 2200 $ de plus, parce que le salaire maximal est rendu, en 1980,
à 15 816 $. Mais ce qui est demeuré au niveau de la
rémunération, ce sont certaines catégories
d'employés des corps d'emplois où les employés
féminins sont en majorité; elles sont demeurées, avec une
différence de salaire par rapport à d'autres corps d'emploi de
conditions similaires. Et ce, encore aujourd'hui, au moment où on se
parle.
Mme Lavoie-Roux: Là-dessus, je dois vous dire que
l'ancienne ministre d'État à la Condition féminine,
à qui j'avais demandé s'il y avait des clauses discriminatoires
dans la convention qui avait été signée avec la fonction
publique, m'avait dit - et c'est dans le journal des Débats, à
l'étude des crédits du Conseil du statut de la femme, au
ministère de la Condition féminine - qu'elle s'était
informée à ses collègues ministres pour savoir s'il y
avait des clauses discriminatoires et que ses collègues ministres
l'avaient assurée qu'il n'y en avait pas. Dans les faits, il en reste.
Merci.
M. Harguindeguy: Vous allez en entendre parler, de toute
façon, dans un prochain mémoire, au mois d'octobre. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu a terminé ses travaux pour
aujourd'hui. Elle les ajourne au mardi 22 septembre, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 11)