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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu

Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mardi 22 septembre 1981 - Vol. 25 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et organismes intéressés à améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît;

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Les membres de la commission sont les députés suivants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), VI. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon) - M. Gratton est remplacé par M. Rivest (Jean-Talon) - Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron [Duplessis), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants à cette commission sont les députés suivants: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).

Au cours de cette journée, nous entendrons les mémoires des organismes suivants: l'Union des municipalités, le mémoire 30; l'Association des hôpitaux du Québec, le mémoire 5; la Fédération des centres locaux de services communautaires du Québec, le mémoire 6; la Fédération de l'âge d'or du Québec, le mémoire 21; l'Intersyndicale, le mémoire 37; la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, le nnémoire 35; le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique, le mémoire 43; la Clinique du peuple de Saint-Henri, le mémoire 31 et, finalement, l'Association des médecins du Québec pour le respect de la vie, le mémoire 49.

Je signale aux membres de la commission que nous avons également reçu les mémoires suivants pour dépôt seulement: mémoire de M. Pierre Beaulieu, mémoire 14; mémoire de la Fédération des unions de familles, no 19; Mmes Huguette Gaudreault et Carmen Coallier, mémoire 17; l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, mémoire 47, mémoire qui sera envoyé aux membres et intervenants de la commission lorsque le secrétariat l'aura reçu de l'organisme concerné.

Union des municipalités du Québec

J'invite donc maintenant les représentants de l'Union des municipalités à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Le représentant de cet organisme est M. Jean Pelletier, vice-président, et maire de Québec. M. Pelletier, je vous invite à nous présenter la personne qui vous accompagne.

M. Pelletier (Jean): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je voudrais vous présenter M. Gilbert de Gagné, qui est conseiller en relations de travail à l'Union des municipalités qui m'accompagne.

J'imagine, M. le Président, qu'il y a lieu de lire le mémoire et de répondre ensuite aux questions.

Le Président (M. Rodrigue): Je voudrais simplement vous préciser que, de façon générale, nous tentons de consacrer 20 minutes à la présentation du mémoire, 20 minutes aux questions du parti ministériel et 20 minutes à l'Opposition.

M. Pelletier: Je vous remercie beaucoup. Voici le mémoire de l'Union des municipalités, M. le Président, sur le problème des services essentiels.

Le milieu municipal, comme l'ensemble des secteurs public et parapublic, tend, depuis un certain nombre d'années, à assainir le climat des relations que les autorités entretiennent avec leurs employés. Les négociations sont, hélas, régulièrement ardues et complexes et la cristallisation des oppositions amène trop souvent à l'impasse, soit à la grève ou au lock-out. Il s'ensuit donc que certains services auxquels la population a droit et pour lesquels elle paie de justes deniers sont, du fait même de la grève et du lock-out, interrompus pour des périodes plus ou moins longues, ce qui cause évidemment des préjudices certains. C'est ce qui constitue le poids d'un arrêt de travail dans la dialectique de la négociation... Par

ailleurs, l'on sait que, parmi les services dispensés à la population, certains sont reconnus comme essentiels en soi par toutes les parties en cause et le législateur, en privant, par exemple, les policiers et les pompiers du droit de grève - l'article 105 du Code du travail - accrédite cette notion. Mais il est d'autres secteurs qui, de toute évidence, méritent aussi que l'on légifère spécifiquement et c'est à cette fin que l'Union des municipalités du Québec entend intervenir une fois de plus.

Par la promulgation en juin 1978 de la loi 59 modifiant le Code du travail et créant le Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux, le législateur reconnaissait encore en droit la notion de services essentiels tout en se référant à l'économie générale du Code du travail. Les municipalités embauchent près de 100 000 employés et consacrent plus de 1 000 000 000 $ de leurs budgets en salaires. Leurs représentants groupés au sein de l'Union des municipalités du Québec sont élus par plus de 80% de la population du Québec. Il nous semble, dès lors, tout à fait indiqué que les législateurs fassent écho à une préoccupation qui habite, à plusieurs titres, les porte-parole de cet organisme.

L'Union des municipalités du Québec n'en est d'ailleurs pas à son premier mémoire sur la question. Dès 1977, l'union présentait au nouveau gouvernement du Québec ses recommandations en matière de maintien des services essentiels. En décembre de la même année, l'union émettait ses commentaires à la Commission d'étude et de consultation sur la révision du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic: la commission Martin-Bouchard. Plus récemment, en novembre 1979, l'union remettait aux ministres du Travail et des Affaires municipales un mémoire portant sur la législation du travail en milieu municipal, traitant spécifiquement du problème des services essentiels à la population. Ces recommandations ont été rendues publiques en janvier 1980 par le président de l'Union des municipalités, M. le maire de Sherbrooke, M. Jacques O'Bready, lors d'un colloque portant sur ce sujet organisé par la Corporation des conseillers en relations industrielles du Québec.

Notion des services essentiels: Nous avons précédemment établi que nous considérons que certains services à la population ne peuvent être suspendus. Pour l'Union des municipalités du Québec, en effet, les services essentiels dispensés par une corporation municipale sont ceux dont l'interruption pourrait porter atteinte à la santé et à la sécurité du citoyen. Par santé, nous entendons l'intégrité physigue et mentale des individus. Sous le vocable sécurité, il faut comprendre la protection contre les agressions publiques, la protection de la propriété, celle contre les incendies ou tout autre sinistre et enfin le maintien de l'ordre et de la paix. Il est acquis, nous l'avons écrit déjà, que les services de police et de pompiers sont absents du débat actuel. Par ailleurs, nous ne croyons pas qu'il soit pertinent, pour un organisme comme le nôtre, de définir ce qui est ou n'est pas essentiel, à l'extérieur du cadre des opérations strictement municipales. Nous nous en tiendrons donc à ce cadre très précis des affaires municipales.

Il importe pour nous de démontrer que l'on doit considérer comme essentielles l'opération des usines de filtration et de pompage, les réparations de bris d'agueduc et d'égout. Nous considérons, en effet, que l'opération des usines de filtration et de pompage des eaux est absolument essentielle à la santé et à la sécurité publique. Ces services doivent être en opération 24 heures par jour, 7 jours par semaine et ils nécessitent la présence d'employés expérimentés en tout temps, pour assurer leur bon fonctionnement. On peut facilement imaginer les dangers que représentent, pour le bien-être des citoyens, une usine de pompage ou de filtration à l'arrêt: l'eau contaminée et les risques d'épidémie, l'impossibilité de faire fonctionner le système sanitaire et d'égout, l'impossibilité de combattre les incendies; l'impossibilité d'assurer les services essentiels dans les hôpitaux, etc.

Par ailleurs, il ne faudrait pas négliqer que l'arrêt des machines risque d'endommager gravement les installations. Or, par l'article 109. 3 du Code du travail, le législateur reconnaît qu'un employeur peut prendre "les moyens nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens meubles ou immmeubles. "

D'autre part, nous considérons que les réparations de bris d'égout ou d'acqueduc sont urgentes et ne peuvent être retardées au risque de graves dommages pour la population.

Enfin, l'Union des municipalité du Québec estime que, dans certaines circonstances, le service de la voirie peut s'avérer absolument indispensable. Que l'on songe seulement aux conséquences d'une tempête de neige qui pourrait empêcher la circulation des ambulances, des camions à incendie, des voitures de police, etc.

Outre le strict sens commun qui démontre hors de tout doute raisonnable la nécessité absolue de ces services, la jurisprudence émanant de la Loi sur les cités et villes, qui régit les municipalités, leur fait une obligation de maintenir ces services aux citoyens; ceux-ci sont donc en droit de les exiger.

Droit de grève. Alors que le Code du travail interdit la grève à certains corps de métier, dans le cas des employés oeuvrant

dans des usines de filtration ou de pompage, dans les services d'acqueduc, d'égout ou de voirie, la grève est permise, comme à tout autre salarié, moyennant un simple préavis de huit jours au ministre du Travail. Ce mécanisme ne garantit donc pas le maintien des opérations.

En contrepartie, l'Union des municipalités ne croit pas qu'il soit du ressort syndical de déterminer, par liste ou autrement, quels sont les employés qui doivent demeurer au travail en cas de conflit. L'administration d'une municipalité ne doit, sous aucune considération, se comparer à la gérance d'une entreprise. Il ne saurait être question ici de la notion de profit. Les conseils de ville ont à fournir des services qui sont d'ordre public, qui se situent exactement dans le cadre de ce que le Code du travail définit en son chapitre V. Les "administrateurs municipaux" sont élus par des citoyens qui leur confient le mandat de pourvoir au bien-être public. Ce mandat ne devrait en aucun moment cesser d'être exécutoire pour passer aux mains d'une association syndicale, fût-elle dûment accréditée. Par contre, l'Union des municipalités du Québec ne croit pas que l'abolition du droit de grève pour les syndicats regroupant, notamment, les employés requis pour les services d'eau constitue une solution réaliste pour arriver à assainir le climat trouble des relations de travail. La société québécoise a accumulé quinze années d'histoire, depuis que les employés des secteurs public et parapublic ont acquis ce droit de grève, et nous sommes d'avis qu'il est illusoire et rétrograde de rêver de renverser cette orientation. De même, le recours systématique à l'injonction, en vertu de l'article 111 du Code du travail, qui prévoit l'établissement d'une commission d'enquête dans les cas où une grève appréhendée ou en cours met la santé ou la sécurité publique en danger et, dès lors, permet l'injonction, n'est pas un moyen approprié de règlement de conflit, sans compter que des relations qui sont parfois orageuses sont envenimées ipso facto par ce recours à la Cour supérieure.

Pourtant, n'est-ce pas là la seule issue raisonnable lorsque survient brusquement un litiqe et que les services indispensables ne sont pas garantis de façon absolue, ceci dans le cadre de la législation actuelle?

Régie des services essentiels. Dès lors, plutôt que d'en arriver à l'interdiction du droit de grève aux syndicats de cols bleus, de cols blancs, etc., l'Union des municipalités du Québec suggère qu'un mécanisme obliqatoire de négociation et d'entente sur le maintien des services dits essentiels soit défini et qu'il s'inscrive au Code du travail.

Essentiellement, nous exiqeons du législateur un régime d'exception qui se justifie d'ailleurs absolument, compte tenu de l'urgente nécessité d'agir lorsque surgit un conflit de travail qui menace le bien-être public. L'union propose donc, en outre, lacréation d'une régie des services essentiels relevant de l'Assemblée nationale, à laquelle incomberait la responsabilité d'assurer à la population tous les services essentiels de santé et de sécurité par tout moyen administratif ou judiciaire: pouvoir de décret et moyens de le faire respecter.

Déjà, en 1977, la Commission d'étude et de consultation sur la révision du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic, la commission Martin-Bouchard, recommandait la formation d'un comité protecteur des bénéficiaires. Le législateur, croyons-nous, a réagi timidement en formant le comité Picard qui n'avait, par ailleurs, qu'un pouvoir consultatif. Nous maintenons qu'une régie permanente est une solution nettement supérieure.

En conclusion, M. le Président, l'Union des municipalités du Québec est d'avis que, malgré l'économie du droit prévalant en cette matière, soit que les parties doivent d'abord tendre à solutionner elles-mêmes tout conflit, esprit qui se cristallise dans les faits historiques des quinze dernières années, il est du devoir du législateur de même que des autorités politiques ou administratives qu'il investit de certains pouvoirs de veiller à la santé et à la sécurité des citoyens. Dès lors, lorsque survient une situation d'urgence, le législateur doit avoir établi des mécanismes qui le mettent à l'abri de toute pression, qu'elle soit syndicale ou politique.

L'Union des municipalités du Québec convient que la commission Picard a démontré que, lors des derniers conflits dans les secteurs public et parapublic, des ententes soit intervenues dans un grand nombre de cas. Mais il demeure, à notre avis, que là où la négociation achoppe le mécanisme de la liste syndicale ne constitue aucunement une garantie que les services essentiels seront maintenus.

Nous croyons donc que les services dits et reconnus comme essentiels doivent être négociés, mais qu'en l'absence de consensus une forme d'arbitrage universel doive être consentie à ce chapitre. L'union a suggéré et réitère qu'entre les sixième et troisième mois avant l'échéance d'une convention collective les parties pourraient s'entendre sur les effectifs nécessaires au maintien des services de base. Si elles ne s'entendent pas, une régie constituée de membres neutres et impartiaux pourrait, après expertise et consultation, entre le troisième mois et la fin de la convention, statuer ponctuellement et devenir le mécanisme incorruptible qui tranche un débat trop souvent chargé d'émotions ou d'intérêts divers.

L'Union des municipalités du Québec croit qu'une telle mesure, dépassant les enjeux politiques, permettrait enfin aux

parties de négocier dans un climat assaini et plus civilisé. Il ne s'agit nullement de renier aux syndicats municipaux leur droit à la grève. De toute façon, en déposant leurs listes d'employés affectés au maintien de certains services, les unités syndicales reconnaissent le bien-fondé du concept de services indispensables. La mise sur pied d'une régie ne fait qu'extraire une part des objets d'un arrêt de travail, soit ce qui ne saurait être interrompu. L'Union des municipalités du Québec réclame du gouvernement qu'il intervienne de façon catégorique afin de décharger l'atmosphère des relations de travail qui s'alourdit malheureusement au fur et à mesure que se raidissent les parties. Les autorités municipales croient, en effet, que les mesures ici proposées s'inscrivent dans une démarche morale et que c'est encore la règle de la civilité qui doit s'imposer.

Nous avons réitéré notre sentiment en ce qui a trait aux injonctions auxquelles les municipalités sont évidemment forcées d'avoir recours lorsque, dans le cadre des lois actuelles, les conditions l'imposent. Nous sommes foncièrement convaincus qu'un mécanisme neutre, telle une régie, saurait rasséréner les échanges parfois explosifs entre les employés et l'État et conférerait à la population le sentiment de la sécurité à laquelle elle aspire et à laquelle, à notre avis, elle a parfaitement droit.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Union des municipalités. J'invite maintenant M. le ministre du Travail, à entamer nos discussions sur cette question.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier l'Union des municipalités du Québec de son mémoire et remercier son porte-parole.

Avec votre permission, M. le Président, je céderais immédiatement la parole à mon collèque, le député de Prévost, adjoint parlementaire, qui a particulièrement examiné ce mémoire et qui aurait un certain nombre de remarques et de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. Dean (Prévost).

M. Dean: Merci, M. le Président. D'abord, il y a un petit manque de précision ou de compréhension de notre part. Vous mentionnez quelque part une procédure d'arbitrage. Ma première question serait pour que vous clarifiiez ce point: Cette procédure d'arbitrage à laquelle vous référez est-elle la décision du conseil des services essentiels que vous préconisez, ou de la régie, une décision qui serait arbitraire? Est-ce cette décision, à défaut d'une entente sur les services essentiels, qui serait l'arbitrage auquel vous référez dans le mémoire?

M. Pelletier: Nous croyons que la régie des services essentiels, qui serait un organisme relevant de l'Assemblée nationale pour la démarquer complètement du ministère du Travail qui, lui, doit continuer à jouer son rôle à l'intérieur des conflits et de la procédure de la négociation, de la conciliation et autres, à toutes fins utiles, servirait d'arbitre. Sa décision, qui serait sous forme d'un décret, serait somme toute une décision d'un arbitre. C'est la notion que nous voulons faire ressortir. Je ne veux pas faire de sémantique mais, quand on parle d'arbitrage, c'est le rôle que jouerait la régie en tant qu'arbitre entre les parties qui, finalement, décide.

M. Dean: Maintenant, à la page 6, en parlant de la régie, vous dites: "... à laquelle incomberait la responsabilité d'assurer à la population tous les services essentiels de santé et de sécurité par tout moyen administratif ou judiciaire". (10 h 30)

M. Pelletier: Ce que nous voulons souligner par là, c'est qu'il ne sert à rien de donner à une régie le pouvoir de décréter ce qui doit être, une fois qu'elle a consulté, qu'elle a reçu les avis pertinents et qu'elle s'est faite une opinion, si elle n'a pas non plus les pouvoirs de faire respecter sa décision. Il faudrait que la régie, si on la crée, ne soit pas investie seulement du pouvoir de dire, mais qu'elle ait aussi celui de faire respecter ce qu'elle a dit puisqu'elle est l'orqanisme ultime de décision. C'est ce qu'on veut dire quand on dit "par tout moyen administratif ou judiciaire". On laisse aux savants juristes qui conseillent le gouvernement le soin de déterminer les voies et moyens, mais ce que nous voulons dire, c'est qu'il faut qu'un décret puisse être respecté et que l'organisme qui l'a rendu puisse faire respecter sa propre décision.

M. Dean: En quoi un tel décret différerait-il, d'après votre organisme, de l'injonction qui, comme vous le dites, ne sert qu'à envenimer les relations patronales-syndicales dans votre mémoire?

M. Pelletier: Sans vouloir faire de remarques désagréables, je dirai qu'à mon sens, c'est une question de compétence. La régie des services essentiels, on y aurait nommé des gens particulièrement au courant des relations de travail, du problème des services essentiels, ce que ne sont pas toujours les savants juges des tribunaux qui ont des compétences bien diverses. On croit qu'une régie risquerait d'avoir à son service des réqisseurs plus spécialisés en la matière et capables de rendre peut-être une décision

plus éclairée et plus cohérente d'un cas à l'autre.

M. Dean: Maintenant, vous dites dans votre mémoire que cette régie aurait le pouvoir de statuer trois mois à l'avance. Plusieurs des parties qui sont venues devant la commission parlementaire ont expliqué la nature évolutive de la situation des services essentiels, comment, avec le passaqe du temps, de jour en jour, de semaine en semaine, selon la saison de l'année, selon un certain nombre de considérations, la situation des services essentiels peut évoluer. En d'autres termes, ce qui est peut-être essentiel cette semaine le serait moins la semaine suivante ou encore davantage une autre semaine après. De quelle façon une commission qui statue trois mois avant l'expiration d'une convention peut-elle être assurée que sa décision soit à propos au moment du déclenchement effectif et possible d'une grève trois mois plus tard?

M. Pelletier: M. le Président, ce qu'on a suggéré, c'est qu'à toutes fins utiles, six mois avant l'expiration de la convention, le Code du travail oblige les parties à négocier. Elles ont trois mois pour le faire. Si, au bout de ces trois mois et, à ce moment, il reste encore trois mois avant l'expiration de la convention, il n'y a pas eu d'entente négociée possible, à ce moment, c'est la régie qui entre en cours. La régie a trois mois. Dans les trois mois, elle doit rendre sa décision. La décision de la régie doit intervenir avant que la convention collective en cours se termine. Ce n'est pas nécessaire que ce soit absolument trois mois avant, cela peut aussi être deux semaines avant; à elle de juger le moment opportun de rendre sa décision. Ce que nous nous disons, c'est qu'à mon sens, évidemment, il y a dans votre question une sorte de présomption que les grèves puissent être longues puisqu'elles pourraient peut-être, si j'ai bien compris votre question, s'étendre sur plusieurs saisons; si c'est prévu que la grève puisse être longue, à ce moment, que la décision de la régie tienne compte de l'évolution du calendrier, si jamais le calendrier est pris à partie par une longue grève; à ce moment, qu'elle détermine au fur et à mesure ce qui est nécessaire ou non.

Si, évidemment, vous avez une grève en plein été, on ne parlera pas de l'enlèvement de la neiqe. Mais si la grève peut durer jusqu'au mois de décembre, à ce moment, il faudra que la décision de la régie tienne compte que, si jamais on est encore en grève au mois de décembre, à ce moment, il y a des services qui deviennent essentiels et qui ne le sont pas en plein été.

M. Dean: Ce n'était pas dans le sens de dire que les grèves peuvent être longues, mais que, de jour en jour ou de semaine en semaine, une situation de services essentiels à maintenir peut évoluer; ça peut être différent dans les municipalités. Plusieurs des intervenants des deux parties à la table de négociations ont insisté sur le fait que parfois les services évoluent. Évidemment, même si on est au mois de novembre, s'il n'y a pas de neige, on n'a pas besoin de déblayage, et une décision peut être rendue par un tribunal dans le sens qu'il n'y a pas de neige. Il arrive une grosse tempête, la situation peut évoluer, comme le lendemain d'un dégel complet où la neige disparaît, cela évoluerait dans l'autre sens. C'est dans ce sens qu'on parlait, parce que plusieurs autres intervenants ont insisté sur cet aspect changeant des services essentiels à maintenir à un moment donné.

M. Pelletier: M. le Président, à ce moment-là, il faudra que la loi prévoie certains mécanismes de souplesse propres à s'adapter à l'évolution de la situation. Je pense que c'est le devoir du législateur de prévoir ces choses.

M. Dean: J'ai trois autres questions. Je ne veux pas prendre trop de temps. Pensez-vous que toutes les municipalités, si une telle régie existait, auraient recours à ce conseil ou est-ce qu'il y en a quand même qui iraient en injonction? Et si la régie ne répondait pas selon leurs ententes, est-ce qu'elles continueraient à utiliser l'injonction?

M. Pelletier: M. le Président, on sent dans le monde municipal une certaine qêne à recourir à l'injonction mais, étant donné que c'est la seule arme à notre disposition, on est bien obligé de s'en servir. Mais personne n'est heureux de le faire dans le monde municipal, je pense que c'est acquis globalement. S'il y avait, à notre avis, une façon un peu plus civilisée de faire les choses - et c'est l'esprit de la proposition qu'on fait - on a l'impression qu'à toutes fins utiles le recours à l'injonction, si la loi continuait à le laisser possible, serait vraiment très exceptionnel.

M. Dean: Deux questions pour terminer. Un grand nombre d'intervenants ont insisté sur le fait que, quel que soit le cadre juridique des négociations dans les secteurs public et parapublic, le comportement des deux parties ou même les trois parties, si on veut ajouter le gouvernement, est aussi une chose importante. On a souvent entendu dire, parlant du secteur public, qu'il y a des administrations de ce secteur qui trouvent qu'une petite grève fait du bien, parce que cela permet d'économiser sur le budget, d'éponger des déficits en ménageant les salaires. Une telle idée fait-elle son chemin dans le monde municipal? La dernière

question est la suivante: Votre organisme est-il d'accord que, si une telle régie était instituée avec des pouvoirs coercitifs, cela exigerait un sens beaucoup plus grand des responsabilités de la part des négociateurs patronaux aussi pour qu'ils n'ambitionnent pas, comme on dit, sur la situation des syndiqués?

M. Pelletier: M. le Président, il y a dans la question - je m'excuse de le dire -un certain cynisme. Je pense que les administrateurs publics municipaux ne sont pas cyniques au point de vouloir créer des conflits de travail ou de faire durer des conflits de travail simplement pour soulaqer la facture du contribuable dans son compte de taxes. Je suis convaincu que le gouvernement raisonne de la même façon quand il y a des grèves dans le secteur hospitalier, par exemple, qui ont été régulières depuis dix ans, mais je pense que les grèves n'ont pas été dessinées pour soulager la facture du ministre des Finances. Là-dessus, je me dois de dire que j'ai suffisamment confiance dans le sens de responsabilités des élus municipaux pour croire et affirmer que, lorsqu'il y a une grève, ce n'est pas pour soulaqer un budget, c'est parce qu'il y a des enjeux qui, de l'avis raisonné des parties, mènent parfois à un arrêt de travail.

On nous demande si cette situation va amener un plus grand sens de responsabilités de la part des négociateurs patronaux. Je ne sais pas si M. le député infère dans sa question que parfois, on en a déjà manqué. Quant à moi, je ne connais pas de cas qui illustreraient cette pensée.

M. Dean: Si vous me permettez, il y a seulement deux petits points. Ce n'était nullement du cynisme qui motivait mes remarques, monsieur, mais seulement 28 ans d'expérience de négociations collectives, y compris avec les muncipalités, dans les années soixante, qui me font dire ces choses.

M. Pelletier: Je m'incline devant votre expérience. Je n'en ai que cinq.

M. Dean: Je répète aussi une conviction que j'ai que cela prend deux personnes pour faire une chicane comme cela en prend deux pour faire une entente. Tous les torts ne sont sûrement pas du côté des travailleurs.

Le Président (M. Rodrigue): M. Rivest (Jean-Talon).

M. Rivest: M. le Président, si vous n'y voyez pas d'objection, je vais demander à mon collèque de Sainte-Anne de prendre ce mémoire.

Le Président (M. Rodrigue): M. Polak

(Sainte-Anne).

M. Polak: M. Pelletier, je dois d'abord vous dire que c'est seulement depuis le mois d'avril que je viens régulièrement dans la ville de Québec et je trouve que c'est une ville fantastique. Je suis en amour avec votre ville. Je vous parle sans doute maintenant au niveau du maire de la ville de Québec, mais il doit s'agir d'une très belle et bonne administration, parce que j'ai trouvé jusqu'à maintenant que c'était fantastique. Je vous félicite de votre ville et de la manière dont vous vous en occupez. On peut le constater tout de suite.

M. Pelletier: Mon seul souhait, c'est que votre avis soit partagé par tous les membres de cette commission.

M. Polak: Vous et votre conseil.

Maintenant, M. Pelletier, je pense que votre association, l'Union des municipalités, était un peu modeste; j'apprécie bien cela, mais je pense que le grand public doit savoir qu'il s'agit ici, comme vous l'avez dit dans votre mémoire, de 100 000 employés. C'est tout de même un nombre très intéressant, très fort et il y a un budget de 1 000 000 000 $ de salaires. Donc, on ne parle pas ici d'un petit groupement. On parle vraiment ici d'un organisme qui doit avoir beaucoup d'influence par son opinion. J'espère que le ministre portera attention à ce qui se trouve dans le mémoire.

Maintenant, quand vous parlez des services essentiels, vous l'expliquez très bien dans votre mémoire, vous donnez des exemples des usines de filtration et de pompage, de réparations de bris d'aqueduc et d'égout. Par la suite, à la page 4, vous parlez même des services essentiels dans le domaine de la voirie, par exemple, une tempête de neige, et vous avez parfaitement raison. Par exemple, dans mon comté, j'ai l'île des Soeurs; il y a une petite route d'accès de la ville de Verdun à l'île des Soeurs, à une voie. Si jamais cette route était bloquée, on aurait un désastre au point de vue de la circulation des ambulances, des camions d'incendie, des voitures de police, etc. L'exemple existe même dans mon comté et je suis certain que cela existe ailleurs partout dans la province.

Donc, je suis d'accord avec vous que, même si, dans le domaine des malades, le problème est peut-être plus concret devant nous, dans le domaine des municipalités, c'est aussi qrave et aussi important. C'est un domaine différent, mais les services essentiels sont aussi importants.

Je voudrais savoir de vous - ma première question - si vous avez eu, vous ou d'autres municipalités, des problèmes pour maintenir ces services essentiels que j'ai décrits: usines de filtration, pompage, etc.,

auparavant, pendant les grèves. Est-ce qu'il y a des exemples où le système actuel n'a pas marché du tout?

M. Pelletier: Effectivement, je n'ai pas ici la liste des cas précis, M. le député, mais il y a eu des cas au Québec où, en cas d'arrêt de travail, on a été obligé, vu que les services essentiels normaux ne se sont pas mis en branle assez rapidement, devant l'urgence de la situation, de faire appel à des entreprises privées, ce qui ne nous semble pas désirable. Cela crée une effervescence désagréable. Tout le monde pense qu'on veut briser la grève, qu'on a recours à des mesures dilatoires pour passer à côté des obligations de la loi, alors qu'en définitive les administrateurs publics veulent simplement, dans ce cas, pallier à une situation d'urgence. C'est pour cela que nous voudrions bien clarifier la situation de façon que ces contextes désagréables et frustrants pour tout le monde ne puissent pas se revoir dans notre vie municipale.

M. Polak: Maintenant, est-ce que ces problèmes que vous mentionnez sont assez sérieux pour dire que vous n'acceptez plus le statu quo?

M. Pelletier: II y a déjà un certain temps, M. le député, que nous avons fait savoir, l'Union des municipalités, que la notion de services essentiels dans les municipalités devait être révisée et qu'elle devait dépasser les services de police et de pompiers pour englober, tel qu'on le répète ici, les services de stations ou d'usines de filtration et de pompage, les services d'aqueduc et d'égout et, occasionnellement, de voirie. On croit que la vie municipale fourmille d'exemples très concrets pour illustrer la nécessité d'une redéfinition très réaliste des services essentiels dans le monde municipal.

M. Polak: À la page 5 de votre mémoire, vous dites que cette liste - moi, j'appelle cela cette fameuse liste syndicale -il faut changer cela, à votre suggestion. D'ailleurs, on retrouve cela dans beaucoup d'autres mémoires qui critiguent cette liste syndicale. J'ai entendu dire très souvent que le problème avec cette liste syndicale, c'est qu'on laisse le syndicat, qui est en même temps partie, devenir juge; à un moment donné, il y a un conflit d'intérêts. On peut dire: Nous sommes responsables, nous sommes des professionnels, nous savons très bien ce que cela veut dire, services essentiels, mais, tout de même, à un moment donné, sur quelle chaise est-on assis? L'élément personnel de la grève du travailleur ne vient-il pas en conflit avec son devoir public d'assurer les services essentiels? Est-ce que c'était plus ou moins la raison pour votre organisme de présenter ce mémoire, comme d'ailleurs beaucoup d'autres mémoires n'émanant pas des syndicats? (10 h 45)

M. Pelletier: M. le député, j'abonde dans le sens de votre remarque. Autant il nous apparaîtrait qu'il ne faille pas laisser à la partie syndicale le soin de déterminer la liste, autant la contrepartie, qui aurait été de laisser à la partie patronale le soin d'établir la liste, ne nous apparaît pas non plus souhaitable. C'est justement pour que la décision soit prise par une entité qui ne soit pas une des parties en cause dans le conflit que nous avons demandé que ce soit, en définitive, si la négociation échoue entre les parties, un organisme neutre, donc la régie des services essentiels, qui prenne la décision.

M. Polak: On arrive donc à votre suggestion de créer une régie des services essentiels, une régie permanente. Comment voyez-vous cette régie? Je comprends très bien que, dans votre domaine, cette régie pourrait presque déterminer les règles du jeu qui s'appliquent à tout le monde, mais dans le secteur hospitalier ça peut varier énormément d'un endroit à l'autre; il y a des changements qui dépendent de la nature des services qu'on offre. Est-ce que vous voyez une régie qui s'occupe de tous les domaines, y compris le secteur de l'éducation, parce que même là il y a des services essentiels, ou est-ce que vous voyez des secteurs, comme un secteur pour les municipalités, un autre secteur pour le domaine hospitalier, etc., dans cette régie? Avez-vous pensé à ça?

M. Pelletier: M. le Président, nous avons bien dit dans notre mémoire que nous nous cantonnions uniquement au monde municipal; nous n'avons pas voulu déborder le cadre municipal, ce qui ne serait pas de notre compétence. Le législateur verra s'il veut confier plusieurs secteurs à cette régie, ça sera son choix. Nous, on pense que ce remède que nous proposons serait un meilleur cadre pour régler le problème dans le monde municipal, laissant aux autres intervenants d'autres milieux qui comparaîtront devant vous de faire les commentaires pertinents sur leur milieu à eux.

M. Polak: Quant à cette régie ou cet organisme, qu'est-ce que vous pensez de l'idée - je crois que c'est très important -d'avoir une représentation directement de l'usager, du public? Même dans le cas des municipalités, ce sont les contribuables qui en souffrent, par exemple, qui tombent dans une rue où il n'y a pas de sel et se cassent la jambe; ou encore, pour les usines de filtration, ce sont eux qui connaissent très bien les services requis. Donc, que pensez-vous de l'idée que le public soit représenté,

de quelque manière que ce soit, au sein de cette régie permanente?

M. Pelletier: M. le Président, je vous ferai remarquer que nous avons relié la régie proposée à un statut d'organisme relevant directement de l'Assemblée nationale. Je pense que c'est très indicateur de notre idée que les gens nommés à la régie doivent être absolument indépendants de tout pouvoir, même gouvernemental. Est-ce que la régie voudrait qu'il y ait un mécanisme de consultation du public qui interfère à un moment de l'examen d'une question par la régie? Peut-être. Nous ne sommes pas opposés à ça, mais nous croyons que la décision qui doit être rendue par des régisseurs doit l'être par des personnes qui sont dans leur "statut d'employé public", soit des gens comme le Vérificateur général, le Directeur général des élections ou d'autres employés émanant de l'Assemblée nationale. Il faut qu'ils soient parfaitement à l'abri de toute pression, complètement sécurisés quant à quelque partie que ce soit, incluant la partie gouvernementale. C'est un choix que nous avons fait. Nous aurions pu dire que cette régie aurait pu dépendre, par exemple, du ministre du Travail, mais du ministre du Travail dépendent aussi les services de conciliation, les services d'arbitrage, enfin tout le mécanisme qui encadre et assiste le mécanisme de la négociation et des relations de travail en général. Nous avons voulu faire de la régie un organisme bien à part, de façon que son indépendance ne puisse pas être mise en doute par qui que ce soit et qu'il y ait une garantie maximale de liberté pour ceux qui, membres de la régie, rendront les décisions.

M. Polak: Sans doute vous serez d'accord avec la suggestion que cet organisme doit avoir, disons, des dents. Il faut que ses décisions soient exécutoires tout de suite, qu'il n'y ait pas d'appel possible devant les tribunaux, qu'on ne laisse pas traîner cela de sorte qu'à un moment donné on est en grève et que le tribunal n'a pas encore décidé si c'est juste de qualifier tel et tel service d'essentiel. Est-ce que vous êtes d'accord avec la suggestion que cet organisme doit tout de même avoir une structure, disons, quasi judiciaire, être organisée de manière que ses décisions soient exécutoires, qu'elles lient et qu'il ait des dents?

M. Pelletier: Nous sommes parfaitement d'accord pour que la régie ait non seulement le devoir de rendre des décisions, mais qu'elle ait le pouvoir de les faire respecter, avec ce que cela implique au plan des dents que la loi devrait comporter.

M. Polak: Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): Mme Harel (Maisonneuve).

Mme Harel: M. Pelletier, vous allez me permettre de réitérer la question posée par mon collègue de Sainte-Anne, M. Polak. Évidemment, devant cette commission, vous avez vous-même noté que nous sommes au Québec, depuis guinze ans, dans un régime où le droit à l'exercice du droit de grève existe pour des dizaines de milliers d'employés des municipalités et vous recommandez ce que vous considérez être une solution supérieure pour régler un problème grave. Mais je pense qu'il nous serait avantageux de connaître l'importance de la maladie. Je réitère donc la question concernant des cas concrets et réels qui se sont présentés. Considérez-vous, d'une part, que ce problème du maintien des services essentiels s'est aggravé dans les municipalités où les employés ont eu recours à la grève et pouvez-vous nous citer des cas où on pourrait évaluer l'importance de la maladie avant d'examiner le recours que vous préconisez?

M. Pelletier: Je vais demander à M. de Gaqné, si vous voulez, de répondre à cette question.

M. de Gagné Gilbert: Les endroits où on a mieux connu ces difficultés, c'est dans la région de Montréal. Il est arrivé régulièrement, dans les dix dernières années en particulier, à l'occasion de grèves en hiver - on en a connu plusieurs; l'Assemblée a eu à se pencher sur la toute dernière grève des cols bleus en hiver - que le système d'eau ait eu des bris et il s'agissait, à ce moment-là, de faire des coupes dans la chaussée. À chacune des grèves, on a connu des dizaines de cas où le travail a dû se faire en tous lieux de la ville. C'est là que les difficultés et les risques d'en venir aux mains interviennent puisque ce n'est pas à l'intérieur d'un édifice, ce n'est pas une production protégée, c'est partout sur la chaussée, et les entrepreneurs privés qu'on est obligé de faire venir ne sont certainement pas les bienvenus. Alors, c'est là particulièrement que cela se vit, mais cela se vit également dans l'ensemble des municipalités du Québec.

Mme Harel: Dans l'ensemble! Plus précisément, il y a 1300 municipalités; vous êtes au fait des problèmes, est-ce que vous pouvez nous en identifier quelques-uns?

M. de Gagné: II faudrait d'abord préciser que l'Union des municipalités du Québec couvre les municipalités qui sont régies par la Loi sur les cités et villes. Donc, cela nous ramène à 250 municipalités. Dans les 250 municipalités, je crois que des

municipalités comme Black Lake ont eu des difficultés l'année passée à faire fonctionner leur usine de distribution d'eau. Je crois que la ville de Québec elle-même, même si M. le maire ne veut pas le signaler, a certainement eu à régler des problèmes semblables. Je crois que la ville de Saint-Jérôme dans une grève importante a eu des problèmes semblables. Ce sont les exemples qui me viennent immédiatement à l'esprit.

Mme Harel: Est-ce que cela vous semble être un problème général ou si vous notez plutôt des cas particuliers?

M. de Gagné: Le problème qui nous apparaît général, c'est le risque très grave. L'expertise qu'on a jusqu'à présent, advenant le bris du système d'eau ou du système d'aqueduc, c'est que nous avons de très grandes difficultés et que de nombreuses heures s'écoulent avant qu'on puisse mettre le système en marche. C'est contre ce risque de ne plus pouvoir distribuer d'eau qu'on recommande la définition d'un certain nombre d'employés.

Mme Harel: Est-ce que cela s'est déjà présenté dans une municipalité?

M. de Gagné: Je pense que vous vous souviendrez des difficultés qu'il y a eu autour de l'incendie qui s'est produit à la chapelle Sacré-Coeur, si ma mémoire est bonne, à Montréal, l'église Notre-Dame. C'était pendant une grève et le système d'eau était impliqué.

Mme Harel: Voulez-vous laisser entendre que le système d'eau ne l'aurait pas été s'il n'y avait pas eu recours à la grève à ce moment-là?

M. de Gagné: Non. Je pense que cette question a été réglée par ailleurs. Je crois qu'elle a même été devant les tribunaux et elle a été réglée.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Union des municipalités de s'être présentés devant nous.

J'invite maintenant les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Je veux signaler aux membres de cette commission que le groupe qui devait présenter un mémoire en huitième position aujourd'hui, soit la Clinique du peuple Saint-Henri, nous a informés qu'il ne se présenterait pas devant la commission aujourd'hui, de sorte qu'à la place nous entendrons le mémoire de la Centrale des syndicats démocratiques. Le mémoire porte le no 50.

Association des hôpitaux du Québec

Le mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec nous sera présenté par M. Jacques Nadeau. Est-ce exact?

M. Leclerc (Marc): Inexact.

M. Nadeau (Jacques): Le mémoire sera présenté par M. Marc Leclerc, président de l'Association des hôpitaux du Québec.

Le Président (M. Rodrigue): Par M. Marc Leclerc, président de l'Association des hôpitaux du Québec. Merci.

M. Leclerc, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous présenter votre mémoire.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je veux d'abord m'excuser si nous dépasserons légèrement le temps alloué à la présentation du mémoire. J'espère cependant que nous aurons amplement le temps de répondre à toutes les questions que vous voudrez bien poser.

J'ai ici, m'accompagnant, M. Claude Desjardins, vice-président de l'association, M. Jacques Nadeau, directeur général, M. Claude Boutin, directeur des ressources humaines, et M. Michel Cléroux, responsable des communications à l'AHQ.

M. le Président, madame, MM. les membres de la commission, au nom de l'Association des hôpitaux du Québec, je tiens à vous dire que nous apprécions cette occasion de venir vous livrer la teneur des recommandations contenues dans notre mémoire portant sur le régime de négociations dans les secteurs public et parapublic et le maintien des services essentiels lors de conflits de travail dans les centres hospitaliers.

Pour des raisons évidentes, l'organisme que je représente est éminemment concerné par le présent débat, puisque depuis au-delà d'une vingtaine d'années nous intervenons à titre de porte-parole des centres hospitaliers à l'occasion des négociations pour le renouvellement des conventions collectives avec différents groupements de salariés oeuvrant dans nos établissements.

De par ses actions et prises de position, l'AHQ a donc contribué à orienter le régime de relations du travail dans les centres hospitaliers publics et, en particulier, à l'occasion des travaux de la commission Martin-Bouchard.

Maintenant que les lois de 1978 ont marqué une autre étape dans l'évolution du rapport de forces entre les centrales syndicales et le gouvernement auguel nous sommes associés, nous pouvons dire que sur plusieurs points les nouvelles règles du jeu se sont avérées positives.

Toutefois, ces améliorations sont plutôt d'ordre accessoire par rapport à la problématique plus fondamentale dont il doit être ici question, et, par conséquent, nous sommes loin de partager l'opinion de certains intervenants, qui, depuis le début des travaux de cette commission, laissent entendre qu'il suffirait d'ajustements mineurs pour que les conflits de travail auxquels donnent lieu les négociations pour le renouvellement des conventions collectives se règlent d'une manière plus civilisée et prennent davantage en considération l'intérêt public.

S'il est un sujet où les intérêts sont divergents, c'est bien celui-ci et, évidemment, nous sommes ici pour faire valoir ceux des conseils d'administration d'hôpitaux à qui est confiée la mise en oeuvre des services de santé à être dispensés à ceux qui en ont besoin.

Les centres hospitaliers sont aussi des employeurs, et, dans les circonstances, nous ne pouvons ignorer que nos propos risquent d'être davantage perçus comme émanant d'une organisation patronale ayant surtout comme objectif de s'en prendre à ceux qui ont comme seule préoccupation la promotion de la classe ouvrière et de la chose syndicale.

Notre longue expérience des relations de travail au niveau national, de même que notre connaissance du vécu quotidien des relations syndicales-patronales en milieu hospitalier nous permettent d'affirmer qu'en général la situation n'a cessé de se détériorer et nous avons trouvé pour le moins surprenantes certaines déclarations à savoir que, finalement, depuis 1978, les choses avaient été moins graves qu'avant et que ceux qui prétendaient le contraire devaient être qualifiés d'alarmistes. (11 heures)

En ce qui nous concerne, nous croyons utile de mentionner que notre réflexion fut inspirée entre autres par les indications contenues dans l'un des discours du premier ministre du Québec qui, à l'occasion de l'inauguration de la session législative en novembre dernier, déclarait ce qui suit et je cite: "Le gouvernement a aussi l'intention de donner suite prochainement à l'ordre adopté par cette Assemblée lors de la dernière session, et de faire siéger la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre pour examiner l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Il s'agit là d'une question à la fois délicate et cruciale que nous avons le devoir, comme société, de discuter à fond. Il y a peu de Québécois, s'il en est, qui soient satisfaits de la tournure qu'a prise la dernière ronde de négociations dans le secteur public. Même si les perturbations et les dégâts n'ont pas atteint l'ampleur des rondes précédentes, le traumatisme de grèves répétées et, apparemment, inévitables dans des services aussi vitaux que les hôpitaux et les écoles, a vraiment pris l'allure d'un mal incurable. "Par ailleurs, la négociation elle-même est devenue une affaire hautement bureaucratique où les citoyens, et même les travailleurs, ont énormément de difficultés à faire la part des choses. Quant aux services essentiels, nous n'avons pas encore trouvé le moyen ni de les définir correctement ni d'en garantir vraiment le maintien. Il faut profiter de la période qui nous sépare de la prochaine ronde de négociations pour revoir de fond en comble le système qui prévaut chez nous depuis une quinzaine d'années. Cela doit être une entreprise conjointe de tous les intéressés et le gouvernement, pour sa part, s'y préparera avec une conscience aiguë de ses responsabilités. "

Les membres de la commission voudront donc considérer que nos propos visent les éléments essentiels des rapports du travail dans les secteurs public et parapublic et que, dans les circonstances, nous avons volontairement omis de traiter de certains aspects plus secondaires ou qui, de toute évidence, n'entraient pas dans le cadre des travaux de la commission, telle une remise en cause pure et simple du droit de grève.

Cette question du droit de grève ne fait donc pas comme telle l'objet d'une prise de position même si, en principe, nous avons dû en étudier les fondements de même que ses implications en relation avec le droit au maintien et à l'accessibilité des services de santé.

Soulignons enfin que les orientations proposées ont fait l'objet d'une large consultation auprès de nos membres et que c'est dans la recherche de moyens pour permettre aux travailleurs de la santé de maintenir des conditions de travail justes et équitables tout en assurant d'abord la protection des droits de la population au maintien et à l'accessibilité des services de santé que s'inscrivent les recommandations mises de l'avant par l'Association des hôpitaux du Québec. "

Tout d'abord, vous me permettrez de vous souligner quelques aspects de l'évolution des relations de travail au Québec. Ces dernières années, nous avons été témoins de la transformation du syndicalisme d'affaires en un syndicalisme plus idéologique et, ce qui est plus important, à une remise en cause des perspectives de collaboration patronale-ouvrière au profit d'interventions à caractère plus politique visant l'ordre social dans son ensemble.

Alors qu'au début des années soixante, le droit de la population au maintien des services de santé de même que les droits de gérance paraissaient choses admises, nous en sommes arrivés à une situation où les luttes de pouvoir, tant au plan local que provincial, donnent lieu à des affrontements dont les

motifs dépassent largement les seuls droits des salariés à des conditions de travail justes et équitables. À plusieurs égards, l'arbitraire patronal, même positif, a fait place à une réglementation rigoureuse des droits de gérance et, plus globalement, à un régime de contestation ouverte de la légitimité des droits de direction en matière de politiques de gestion des ressources humaines et de réglementation.

En plus de l'acquisition du droit de grève, l'adhésion et le précompte syndical obligatoires, de même que la libéralisation de l'action syndicale sous différentes formes et dans les différents domaines de la vie sociale, économique et politique, ont contribué à conférer aux centrales syndicales une force telle qu'elle peut permettre de défier le gouvernement et même d'y assujettir la population tout entière à l'occasion des grèves dans les services publics.

Les exemples sont nombreux et le président de la CSN déclarait devant vous, encore la semaine dernière, que ne serait pas respecté un régime d'imposition des services essentiels. Il faut être conscient que l'exercice du droit de grève s'est progressivement libéralisé jusque dans l'illégalité. Nous en sommes arrivés à composer avec cette tendance à la désobéissance civile. Dans un autre ordre d'idées, il devient de plus en plus évident dans la conjoncture économique actuelle que le coût des conventions collectives met en cause la possibilité pour le gouvernement d'accroître et même de maintenir l'ensemble des programmes de services à la collectivité.

Aux dispositions des conventions collectives s'est ajouté un ensemble de mesures législatives souvent difficiles à concilier et qui globalement assurent aux travailleurs à travers une multitude de droits et de recours, une protection qui apparaît maintenant disproportionnée par rapport aux mesures visant à assurer la santé et la sécurité publique lors des conflits de travail. Il est depuis longtemps admis que les travailleurs des secteurs public et parapublic disposent globalement de conditions et d'avantages nettement supérieurs à ceux de l'ensemble des autres travailleurs au Québec. Par ailleurs, il est devenu particulièrement difficile et complexe dans ces mêmes secteurs d'administrer à la fois correctement et de façon compatible avec la multitude de dispositions législatives et conventionnelles visant les droits des travailleurs et des prérogatives syndicales.

Selon nous, le régime de négociations et l'exercice abusif du droit de grève ne sont certainement pas étrangers au fait que non seulement avons-nous dépassé le point de comparaison avec l'ensemble des travailleurs au Québec, mais que dans une large mesure ces avantages supérieurs furent obtenus au détriment de la collectivité tout entière et en particulier lorsque furent compromis le maintien et l'accessibilité des services de santé.

C'est donc en regard de cette problématique bien spécifique que nous traiterons ce que nous croyons être le mandat de la commission.

Le droit aux services de santé et le droit de recours à la grève. Nous convenons tous en principe qu'il y a lieu de distinguer entre, d'une part, le droit fondamental et normalement inaliénable que constitue le droit à l'intégrité physique et à la santé et, d'autre part, la possibilité pour un groupe particulier de recourir à la grève comme moyen de pression pour obtenir le droit des conditions de travail toujours supérieures, compte tenu de celles déjà décrétées par le législateur, que ce soit à titre de normes minimales de travail, de la protection de la santé et de la sécurité au travail, de non-discrimination dans l'emploi et ce, pour l'ensemble des travailleurs du Québec.

Il est en effet incontestable que le droit à la santé constitue un droit inaliénable que notre société a depuis longtemps situé au premier plan des valeurs humaines. De ce droit découle le devoir et l'obligation pour l'État de s'assurer du maintien et de l'accessibilité des services de santé adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social avec continuité et de façon personnalisée.

Cela dit, notre société s'est aussi donné les moyens de favoriser entre autres l'aménagement ordonné des rapports du travail. La négociation collective constitue à l'intérieur de la législation actuelle la voie normale de la détermination des conditions de travail et le recours à la grève fait généralement partie du processus de négociation. Lorsque, en 1964, le léqislateur accordait le droit de grève dans les services de santé et des services sociaux, l'on avait estimé que cette hiérarchisation des droits serait respectée, et c'est parce qu'elle était menacée que le gouvernement a légiféré en 1975 et en 1978 pour réglementer ledit exercice du droit de grève. Nous savons tous que tout le dilemme provient de l'incompatibilité des droits respectifs des bénéficiaires et des travailleurs lorsqu'il s'agit de réglementer l'exercice du recours à la grève pour assurer le maintien et l'accessibilité des services tout en conservant son caractère à la libre négociation.

Comme on le sait, le rapport de forces est au coeur même de la négociation collective et le Code du travail établit des règles permettant entre autres aux parties le recours à des moyens de pression pour forcer un règlement dans un sens ou dans l'autre sur la base du compromis. C'est ainsi qu'au droit de grève correspond le droit au lock-out. Contrairement au secteur privé où les

effets d'une grève sont presque exclusivement économiques, le fait est que dans les services publics le rapport de forces s'exerce surtout sinon exclusivement, en fonction des coûts politiques qu'engendrent les inconvénients créés à la population à l'occasion d'un arrêt de travail réel ou appréhendé. C'est donc l'opinion publique qui doit normalement servir de mécanisme régulateur susceptible de maintenir l'équilibre du rapport de forces entre les parties à défaut, pour les établissements de santé, d'avoir recours au lock-out. Nous réalisons toutefois que ce mécanisme régulateur qu'est l'opinion publique ne joue que lorsque la situation devient intenable, étant compris qu'il est toujours possible d'influencer le seuil de tolérance de la population.

Dans le secteur des affaires sociales, le cadre juridique actuel confère aux syndicats une force qui peut facilement devenir exorbitante puisqu'ils ont ultimement le pouvoir de déterminer en pratique tant la nature que la quantité des services qui seront maintenus en temps de grève, sans compter que cette possibilité comporte pour l'employeur l'obligation de réduire proportionnellement les services, et ce même en situation de grève appréhendée en raison du court préavis de deux jours auquel les syndicats sont astreints. Puisque, normalement, il appartient aux professionnels de la santé et plus particulièrement aux médecins de juger de l'état et de la nécessité pour un malade de recevoir des soins ou d'être hospitalisé, comment, à l'occasion d'un conflit, peut-on laisser à d'autres le soin de décider que l'admission d'un patient peut être différée ou que les services diagnostiques ne seront qu'exceptionnellement disponibles, sans risquer, du même coup, de compromettre la vie et la santé de personnes qui, le plus souvent dans l'anonymat, ont eu à souffrir des effets des grèves à différents degrés"? C'est ce que le premier ministre appelait, après l'expérience de 1978, se mettre, comme société, la corde au cou.

Si l'on considère, de plus, qu'une décision de faire la grève peut être prise par une minorité de salariés et qu'en l'occurrence une telle décision se transforme en une interdiction de travailler pour l'ensemble des membres d'un syndicat, l'on constate que, finalement, nous sommes en présence de presque tous les éléments pour rendre quasi illégaux, si on le voulait de notre part, le maintien et l'accessibilité des services de santé, en particulier lorsqu'une liste syndicale est nettement insuffisante. Pour des raisons évidentes, aucune alternative au droit de recourir à la grève ne représente un pouvoir de négociation aussi efficace et à moins que l'on ne prenne des dispositions pour arriver à un consensus sur la nécessité de s'assurer avant tout de la protection du public, il y a risque que les services de santé continuent d'être occasionnellement compromis et que le gouvernement soit tenté d'adapter la législation au comportement syndical sous prétexte que les lois risquent d'être défiées comme elles le furent dans le passé.

L'AHQ considère que dans la mesure où les travailleurs auront des garanties raisonnables quant au respect de leur droit à des conditions de travail justes et équitables, le recours à la grève comme corollaire à la libre négociation deviendra un moyen excessif dans les services de santé, à moins que l'exercice n'en soit autrement réglementé et que, pour des considérations humanitaires, les syndicats n'assument leur part de responsabilités sociales en se soumettant à une telle réglementation.

Tout en étant conscient que cette question du droit de grève s'intègre dans une problématigue plus globale et que les centrales syndicales doivent être en mesure d'influencer les orientations gouvernementales en matière de législation ouvrière, en particulier, nous croyons que cette influence ne peut être déterminante au point d'éclipser l'opinion des autres groupements sociaux et politigues qui composent la société québécoise. Au cours des dernières années, les modifications apportées à la législation ouvrière et en particulier aux conventions collectives dans les secteurs public et parapublic ont contribué à mettre en évidence cette influence grandissante des syndicats et auront permis que leurs exigences fassent maintenant l'objet de fort nombreuses concessions. À la lumière de l'expérience, il s'agit, selon nous, d'évaluer à ce moment-ci les résultats et de proposer des formules par lesquelles droits et responsabilités pourraient davantage s'équilibrer. (11 h 15)

Cette remise en cause de la réglementation sur le droit de grève nous incite donc à préconiser que l'utilisation en soit réservée au seul recours ultime pour lequel il avait, à l'origine, été envisagé. C'est dans cette optique que nous soumettons aux membres de la commission les considérations qui suivent.

Jusqu'à maintenant, toutes les formules visant à réglementer l'exercice du droit de grève dans les services de santé et les services sociaux se sont avérées des échecs, en ce sens qu'elles n'ont généralement permis que de concilier, d'une manière fort artificielle, le droit de recours à la grève et le droit au maintien et à l'accessibilité des services de santé.

Puisque ce sont les instances locales, tant patronales que syndicales, qui héritent de cette lourde responsabilité de concilier les droits des salariés avec les droits des bénéficiaires, nous estimons qu'avec un

minimum d'encadrement et de bonne foi, il y a encore possibilité que, dans la majorité des établissements, de telles ententes interviennent sur la base de la négociation et aussi qu'elles puissent être compatibles d'une unité syndicale à l'autre, ce qui, dans le passé, a causé de sérieuses difficultés.

Toutefois, il est bien connu que la façon de disposer des mésententes influence les attitudes et les positions des parties à l'occasion de telles négociations. Pour cette raison, la possibilité qu'un tiers intervienne s'avère indiquée dans ce processus particulièrement conflictuel.

L'AHQ estime donc nécessaire que soit mis sur pied un organisme spécialement chargé de déterminer ultimement et en cas de mésentente au niveau local la nature des services à maintenir en cas de conflit.

Le Président (M. Rodrigue): M. Leclerc, je me dois de vous signaler que les 20 minutes qui vous sont allouées sont déjà écoulées. Cependant, s'il y a consentement des membres de la commission, je pense qu'on pourrait vous allouer encore 5 minutes pour conclure. Si vous pouviez, s'il vous plaît, résumer la suite et conclure.

M. Leclerc: Ayant d'abord comme responsabilité d'édicter des lignes directrices devant servir lors des négociations locales, cet organisme devrait établir des normes qui tiendraient compte, entre autres, de la situation géographique de certains établissements et des ressources alternatives, du degré de captivité ou de dépendance de certaines catégories de bénéficiaires, dont ceux requérant des soins prolongés ou des soins psychiatriques, du nombre de cas électifs et ceux admis par l'urgence au cours d'une période de référence en relation avec leur pathologie respective.

Je passe maintenant à la création d'un centre de données. Dans le but de démystifier les enjeux de négociations qui sont à la base des conflits dont la population devra inévitablement faire les frais, l'AHQ recommande que soit mis sur pied un centre de données destiné à recueillir dans des conditions d'impartialité et d'exactitude scientifique tous les renseignements d'ordre statistique jugés pertinents dans le cadre des négociations touchant les secteurs parapublic et public. Nous avions déjà fait cette recommandation à la commission Bouchard.

Pour réaliser son mandat, le centre de données devrait tirer profit des ressources qui oeuvrent déjà dans le domaine des études des conditions de travail.

Nous voulons aussi que le partage des responsabilités entre l'État et les partenaires patronaux soit respecté. Bien qu'il revienne au gouvernement de définir les grands paramètres d'une politique salariale et de conditions de travail dans les secteurs public et parapublic, des considérations d'un ordre supérieur nous indiquent que l'État ne devrait pas être impliqué directement dans les négociations, ne serait-ce que pour mieux intervenir au besoin en tant que législateur et gardien public.

Pour que soit sauvegardée la souveraineté de l'Ftat en matière de pouvoirs législatif et exécutif, le gouvernement doit éviter, autant que possible, de se placer en situation de conflit d'intérêts que représente, sur le plan politique, une négociation avec les quelque 300 000 travailleurs des secteurs public et parapublic et les organismes gouvernementaux.

Devraient être également prévus, dans le processus de négociation, la publication éventuelle des offres et des demandes, le moment où interviendrait un conseil de médiation, les étapes de son intervention et l'acquisition du droit de grève comme recours ultime. Ces derniers éléments sont l'objet de recommandations spécifiques que nous traiterons plus loin.

Puisque c'est dans le respect des droits et des obligations des parties que devraient s'élaborer les mandats de négociation, il serait certainement utile que la politique gouvernementale délimite le champ des matières négociables et surtout que l'on évite cette remise en cause périodique de l'ensemble des dispositions des conventions collectives.

J'en arrive au conseil de médiation. En plus de constater l'état des négociations et de tenter de rapprocher les parties, le conseil de médiation devrait, au moment de son retrait éventuel, rendre public un exposé des positions respectives des parties sur chacune des matières litigieuses et formuler des recommandations.

Nous croyons qu'il est suffisamment démontré qu'il y a lieu de faire du droit de grève un recours ultime et vraiment exceptionnel, de manière que soit exclue toute possibilité d'utilisation à des fins stratégiques plus précisément.

L'AHQ estime que, dans les services de santé, un vote de grève devrait être représentatif d'une décision majoritaire de l'ensemble des membres du syndicat.

Enfin, nous préconisons que l'exercice du droit de grève soit précédé d'un préavis de rigueur d'au moins sept jours et que l'on envisage obtenir obligatoirement des indications, tant sur la portée que sur la durée du travail.

Nous tenons à attirer, ici, votre attention sur le fait qu'à l'occasion des derniers conflits les situations de grève appréhendée, qui ont duré plusieurs mois, ont forcé les établissements à réduire considérablement leur taux d'occupation durant de longues périodes au cours desquelles le réseau fonctionnait à environ 50% de sa capacité, alors qu'il aurait fallu

organiser des loisirs pour occuper pleinement notre personnel.

Toutes ces recommandations n'ont d'autre but que de civiliser le rapport de forces à l'occasion des négociations dans les secteurs public et parapublic et nous sommes conscients qu'elles peuvent s'interpréter comme une remise en cause de la libre négociation.

Cependant, ces solutions avancées peuvent paraître comme des changements radicaux. Nous soumettons respectueusement aux membres de la commission que ces changements nous semblent être à la mesure des difficultés démontrées, espérant qu'ils seraient de nature à influencer les attitudes et les comportements dans le sens d'une prise de conscience sur la nécessité de s'orienter résolument vers des rapports plus civilisés.

Comme d'autres, les administrateurs d'hôpitaux ont à contribuer à l'assainissement de la situation. Nous invitons ceux qui prétendent que le mauvais climat de relations de travail nous est imputable à faire leur propre examen de conscience.

M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, voici résumé l'essentiel de la pensée des centres hospitaliers publics en ce qui concerne les problèmes reliés au renouvellement des conventions collectives dans leur milieu. Nous sommes maintenant à votre entière disposition pour discuter avec vous des principes et des dispositifs que contient notre mémoire. Je vous remercie de votre bonne attention, en m'excusant du prolongement.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie de l'effort que vous avez fait pour résumer, M. Leclerc. J'invite maintenant le ministre du Travail à vous adresser la première question.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Association des hôpitaux du Québec de son mémoire. C'est un volumineux mémoire, il contient plus d'une vinqtaine de recommandations. Je voudrais vous assurer qu'on va prendre attentivement connaissance des recommandations, comme ce sera d'ailleurs le cas des recommandations contenues dans tous et chacun des mémoires qui nous sont soumis.

Vous aviez raison d'évoquer, en conclusion, la nécessité d'une prise de conscience. On a eu l'occasion de dire que la présente commission parlementaire était un des forums par excellence, duquel forum j'espère voir ressortir suffisamment de choses concrètes, réalisables, susceptibles de favoriser une prise de conscience; il est plus que temps que tous et chacun, tous et chacun je dis bien, on prenne conscience de nos responsabilités en ce qui concerne l'ensemble des problèmes humains qui sont derrière ce dont on parle. Par voie de conséquence, il faut être prêt aussi à assumer nos responsabilités, car je ne crois pas, encore une fois, que la population du Québec décidera un jour, à défaut d'une prise de conscience des responsabilités de tous et de chacun, que chaque partie prendra elle-même les décisions.

Ceci étant dit, je voudrais surtout m'attacher à poser un certain nombre de questions sur des éléments de fait ou sur les évaluations d'éléments de fait que vous pourriez avoir vécus et qui vous amènent à conclure, je présume, dans le sens que vous le faites. Vous nous faites toute une série de recommandations qui visent à modifier en profondeur non seulement le régime de négociations, les mécanismes de négociations, mais également toute la question des services essentiels.

Les membres de votre association ont eu à vivre, durant la dernière ronde de négociations, le nouveau régime qui veut que les parties s'entendent sur des services essentiels et qu'à défaut d'ententes, il y ait la liste syndicale qui soit déposée. Si tant est que vous avez procédé à une évaluation et que vous avez consulté vos membres, j'aimerais connaître l'évaluation que vos membres font de ce mécanisme, de son fonctionnement tel qu'il a été expérimenté, du taux de satisfaction de vos membres non pas tellement à leur propre égard, mais plutôt à l'égard des citoyens, des malades, des bénéficiaires, comme on dit dans le jargon. Je voudrais savoir si, selon l'évaluation de vos membres, ce mécanisme mérite une amélioration. Mais si, selon l'évaluation de vos membres, il est satisfaisant, est-ce que c'est plutôt l'évaluation de vos membres que, comme certains l'ont laissé entendre, certaines administrations qui préféreraient négocier des ententes à rabais? Donc, laisser entendre que certaines administrations avaient, en bonne partie, abandonné une part de leurs responsabilités par crainte, nous disait-on, de se voir imposer une liste syndicale qui aurait donné, selon certaines appréhensions, des taux de services essentiels moins suffisants... Ou alors, quel est votre autre élément d'évaluation? D'autres nous ont dit que l'inverse avait même pu se produire, à savoir que l'administration, sachant qu'une liste allait être déposée, ne voulait pas porter l'odieux d'une entente qui aurait pu être perçue insatisfaisante par certains.

Dans les faits, quelle est l'évaluation que vous faites et que vos membres font de cela? C'est ma première question. J'en ai un certain nombre, M. le Président. Je peux peut-être tout de suite en poser une deuxième, si vous me le permettez, qui serait reliée, en un certain sens, à celle-là.

Cette question a déjà été évoquée ici devant la commission et je tiens à vous la

poser. On l'a posée à certains représentants syndicaux, en particulier des porte-parole de groupes d'infirmiers et d'infirmières. Est-ce qu'on peut, selon vous, selon votre expérience, faire l'affirmation suivante - ce n'est pas moi qui la fais - à savoir qu'un infirmier, une infirmière-cadre dans un centre hospitalier est en mesure, de façon générale, de dispenser des soins, des services, des traitements directs aux malades, aux bénéficiaires, de même qualité qu'une infirmière ou un infirmier diplômé qui est en situation de conflit, donc en grève, et qui n'est pas là? Ce sont mes deux premières questions.

Le Président (M. Rodrigue): M. Leclerc.

M. Leclerc: Je vais répondre à la première question qui est assez vaste. Nous avons fait un état de la situation d'octobre 1979. D'abord, quand j'ai parlé, dans le mémoire, de compatibilité syndicale, c'est parce qu'il ne faudrait pas oublier que dans les hôpitaux il n'y a pas un, deux ou trois syndicats, cela va parfois jusqu'à quinze. Alors, les ententes peuvent parfois être conclues avec un et ne pas être compatibles avec un autre.

Alors, il y a eu 261 ententes, 387 listes. Donc, au total, 648 cas relevés par la CSN, le SPIIQ, le COPS; enfin, toute la liste, il y en a ici douze. Cela représente donc en nombre 40% des ententes, 60% des listes. Concernant les listes, 48 ont été déclarées satisfaisantes, ce qui fait 261 ententes plus 48 listes satisfaisantes, ce qui établit à 48% par rapport à 339 listes insatisfaisantes, 52%. Alors, ce ne sont pas les 65% qu'on a entendus. Quand on parle de 52%, de 48% ou de 35%, il faut se rappeler que dans le monde des hôpitaux, cela prend pas mal de patients.

Vous me permettrez de citer des cas concrets puisque cela illustre... Vous avez parlé de la difficulté; ce ne sont pas seulement des nombres. Centre hospitalier du Christ-Roi, 208 lits dont 28 chroniques, 40 cadres: on a fourni 5% de l'effectif; c'est pas mal.

Une voix: 17 sur 350. (11 h 30)

M. Leclerc: On a fourni 5% de l'effectif, c'est pas mal. 17 sur 350.

Le centre hospitalier Saint-François d'Assise, 602 lits, 60 chroniques, 91 cadres, 689 employés qui en ont fourni 14. Donc, 2% du personnel.

Le centre hospitalier Notre-Dame qui a 1048 lits, 225 cadres; 30 employés sur 3000, 1%.

Philippe-Pinel, 300 patients psychiatriques, 70 cadres, pas un seul employé.

M. Marois: Je m'excuse de vous interrompre. Les chiffres que vous nous donnez là, est-ce que ce sont des chiffres qui ressortent des papiers? Est-ce que ce sont des chiffres qui ressortent des ententes écrites ou de listes écrites, déposées? C'est bien ça?

M. Nadeau: De listes déposées. M. Leclerc: De listes déposées.

M. Marois: Très bien. On connaît passablement ces chiffres-là. Déjà, on les a dans les rapports... Enfin, on peut prendre les détails des listes. On a déjà l'essentiel du tableau de l'écrit. Ce qui me préoccupe, et c'est là le sens de ma question, je ne veux pas vous empêcher de répondre sur l'écrit, le nombre de documents déposés, combien cela comportait... Ce qui me préoccupe, au-delà du papier, c'est la réalité.

Quand vous dites "qui nous paraissaient satisfaisantes" ou "qui nous paraissaient insatisfaisantes", ce que je veux savoir, parce qu'on nous a dit que les situations pouvaient évoluer dans les faits, même par rapport à des ententes écrites ou par rapport à des listes déposées... Il y a eu des listes déposées de zéro dans certains endroits et, effectivement, dans certains endroits, les services ont été assurés. Dans certains cas, on nous dit "de façon satisfaisante" et, dans certains cas, on nous dit "de façon tellement insatisfaisante" que c'était cruel comme traitement pour les malades.

Le papier, je veux bien, c'est important, et si les membres de la commission sentent le besoin de disposer de cette information-là, ce n'est certainement pas moi qui vais empêcher qu'on la mette sur la table, mais ma préoccupation porte plus, à ce moment-ci de nos travaux, sur les faits, l'évaluation que vous faites des faits, la façon dont les choses se sont passées. Quand vous dites "satisfaisantes", "insatisfaisantes"...

M. Leclerc: II me vient à l'idée un souvenir. À un endroit, la liste comprenait deux ou trois membres, cinq membres qui allaient à la mécanique de réfrigération. Je n'ai pas l'impression que cela aidait beaucoup les cadres à assurer les services aux malades.

Il y a quantité d'exemples, je pourrais demander à M. Nadeau... Enfin, je tiens à vous siqnaler qu'étant un bénévole, mais au courant depuis treize ans du milieu des hôpitaux, j'en connais passablement dans le vécu quotidien. Je pense que je peux demander à M. Nadeau, qui est du milieu, de vous citer des exemples.

M. Nadeau: M. le Président, la liste à laquelle se référait le président tout à

l'heure, c'est la liste des hôpitaux qui étaient en situation difficile au moment où le gouvernement se préparait à retirer, de façon sélective, le droit de grève.

Vous vous rappelez le 19 octobre, c'était la liste qui avait été faite le 18 octobre.

Ce sont donc des cas concrets vécus dans les établissements en date du 18 octobre, des situations difficiles.

M. Marois: Si je comprends, c'est la liste que vous aviez préparée...

M. Nadeau: Oui, c'est la liste qui avait...

M. Marois:... à ce moment-là, c'est l'évaluation que vous faisiez à cette date-là.

M. Nadeau:... été préparée par l'Association des hôpitaux du Québec, soumise au ministre des Affaires sociales pour fins d'intervention au niveau du Conseil des ministres dans le cadre d'un retrait sélectif du droit de grève. Et là, il y a eu la loi qu'on connaît.

M. Marois: D'accord. Si je comprends bien, pour qu'il n'y ait d'ambiguïté, c'est l'évaluation que vous faisiez, à une date donnée, indépendamment des ententes écrites ou des listes déposées.

M. Nadeau: C'est exact.

M. Marois: De la mécanique... C'est l'évaluation que vous faisiez et c'est à partir de l'évaluation que vous avez faite que vous avez préparé une liste, comme association, liste qui a été communiquée au ministre responsable. C'est cela?

M. Nadeau: Oui. Maintenant, M. le ministre, en ce qui concerne la deuxième partie de votre question: Est-ce que les infirmières-cadres peuvent généralement assurer des services de qualité au niveau des soins infirmiers je dois vous dire que, généralement, oui. Cependant, il faut tenir compte du facteur suivant: Au fur et à mesure que la grève progresse, vous savez, les patients entrent par l'urgence et ça demande de plus en plus de soins spécialisés. Les infirmières-cadres ne sont Das toutes formées à donner des soins spécialisés aux patients.

Généralement oui, mais ce n'est pas si facile que cela. Cela dépend beaucoup de la nature de la maladie des patients que nous avons au moment où la grève est en cours.

M. Marois: Merci. Je reviens maintenant à votre liste du 18 octobre qui était l'évaluation de la situation que vous faisiez, à un moment donné...

M. Nadeau: Oui.

M. Marois:... encore une fois, indépendamment des ententes intervenues entre les parties patronales et syndicales, indépendamment des listes syndicales déposées, à partir de l'évaluation de la réalité, de votre point de vue.

Comment, dans les jours qui ont suivi -les 19, 20. et 21 - la situation a-t-elle changé? Est-ce que la situation est restée la même, a-t-elle évolué un peu, beaucoup, passionnément? Si oui, dans quel sens?

M. Nadeau: Si on se rappelle bien, M. le ministre, on pense que cela a très peu évolué dans les jours qui ont suivi, les jours immédiats. Il v a eu des difficultés durant un certain nombre de jours.

M. Marois: De façon qénérale?

M. Nadeau: En particulier dans ces centres dont on parle.

M. Marois: Bien. Est-il exact que votre association a compilé des données durant les conflits et que vous auriez fait une étude sur le taux des services essentiels assurés dans les faits durant la dernière ronde de négociations? Si tant est que c'est exact, quelles sont les qrandes conclusions de cette étude de données? Quelles sortes de comparaisons faites-vous par rapport à des situations antérieures et par rapport, selon votre point de vue, aux besoins du monde en vie, aux besoins des malades, des bénéficiaires? Si tant est qu'une telle étude a été faite, serait-il possible d'en obtenir une copie?

M. Nadeau: C'est exact, une étude a été faite au niveau des listes déposées, au niveau des ententes. Nous n'avons pas cette liste avec nous ce matin mais, M. le ministre, il nous fera plaisir de la mettre à la disposition des membres de la commission.

Essentiellement, si on compare les résultantes de la négociation des services essentiels de la dernière ronde de négociations par rapport à l'autre, c'est sûr qu'il y a eu un nombre d'ententes, dans l'ensemble, un peu supérieur à celui de la ronde précédente. Cependant, il faut dire dans quelles circonstances...

M. Marois: Excusez-moi, vous parlez du nombre d'ententes ou de la...

M. Nadeau: Non, globalement, indépendamment de la qualité de ces ententes; en parlant du nombre, de la quantité, il y en a peut-être eu un peu plus. Cependant, il faut dire dans quel sens, dans quel contexte ces ententes ont été réalisées. Vous y avez fait allusion tout à l'heure et je

pense que c'est important. Les établissements qui négociaient des ententes avec la partie syndicale avaient comme spectre, en arrière, la liste syndicale. Je peux vous assurer que dans un certain nombre de cas, ils ont fait des compromis pour en arriver à des ententes qui, probablement, étaient plus qénéreuses que ne l'auraient été les listes syndicales déposées. Vous y avez fait allusion tout à l'heure, c'est vrai.

Le fait qu'il n'y ait pas de personne qui, ultimement, en cas de mésentente, puisse déterminer les services essentiels, cela a un peu chanqé la façon de négocier ces services essentiels. Globalement, dans l'ensemble, on a vécu dans les établissements, avec cette formule, le même genre de problèmes que ceux qu'on avait vécus avant.

M. Marois: Excusez-moi, si ma mémoire est bonne, c'était dans le rapport Picard, je crois, sous réserve de me tromper.

M. Nadeau: Oui.

M. Marois: Qu'est-ce que vous pensez de cette proposition ou de cette hypothèse que soient négociés un ou des - peu importe, selon les secteurs, peut-être - protocoles-cadres concernant les services essentiels, si je comprends bien, une hypothèse étant que des associations patronales, avec les centrales, néqocient des protocoles-cadres avant qu'on tombe dans le détail de l'entente?

M. Nadeau: Nous y faisons un peu allusion dans notre mémoire quand on parle d'un organisme qui serait chargé d'établir un certain nombre de normes et de règles du jeu. Cela pourrait être un peu dans le même sens que ce que vous dites, M. le ministre, et cela me paraîtrait important. On croit encore que dans un certain cadre, avec des orientations un peu plus précises, il serait très souhaitable, et sûrement réalisable, que les parties puissent s'entendre. Ce sont sûrement des choses qui pourraient faire progresser la négociation d'ententes.

M. Leclerc: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire, M. le ministre? Lors de la dernière ronde, je me rappelle avoir rencontré le précédent ministre. On avait dit qu'il y avait 25% des services qui étaient assurés et que c'était bien. Il faut bien se méfier de n'importe quel chiffre parce que cela ne veut pas dire la même chose suivant les qenres d'institutions que l'on a. C'est pour cela qu'on mentionne dans notre rapport qu'il est important que des normes correspondant au genre de soins que l'on donne d'une institution à l'autre, à la situation géographique, soient établies à l'avance pour que les règles du jeu soient connues de tous ceux qui ont à les négocier sur le plan local.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que ça va, M. le ministre?

M. Marois: Non. Si vous le permettez, M. le Président, j'aurais encore deux questions. Une première porte sur la différence de taille, je pense bien, en tout cas de nature, à tout le moins, entre ce qu'on appelle - je ne me souviens pas du jargon - des centres hospitaliers de soins prolongés où, à toutes fins utiles, résident des malades chronigues - ce sont des résidences comme telles en un certain sens, des hôpitaux qui ont des départements ou des ailes pour chroniques - puis tout le bloc, comme on dit maintenant dans le jargon, des centres hospitaliers de courte durée. Ici, en commission parlementaire, même certains représentants syndicaux nous ont dit que, de leur point de vue - je me souviens d'un témoignage en particulier; je ne voudrais pas tronguer ou mal interpréter le témoignage; il faudrait le relire, le cas échéant - dans des hôpitaux, notamment, des hôpitaux de courte durée, si j'ai bien compris, il semblait important d'assurer dans certains services ou unités - c'est une représentante syndicale qui nous disait cela - 100% des services qui correspondaient à l'essentiel des soins directs nécessaires.

Quelle est votre évaluation en ce qui concerne la réalité telle qu'elle a été vécue, en faisant les nuances qui s'imposent parce que - je pense que vous avez raison de l'introduire - il y a une différence de taille selon la nature même des établissements? Il y a des différences importantes, j'en ai évoquées; il y a tout de même des hôpitaux de courte durée où il y a des malades chroniques et il y a des hôpitaux ou des résidences pour malades chroniques. Quelle est votre évaluation? Est-ce qu'il est exact que les services essentiels ont été assurés à un pourcentage beaucoup plus élevé dans les hôpitaux de soins prolongés par rapport aux hôpitaux de courte durée? Est-ce qu'il est exact que même dans les hôpitaux de courte durée, dans certaines unités ou départements, les services ont été assurés presque entièrement?

M. Leclerc: Vous dites qu'ils ont été assurés presque entièrement?

M. Marois: Oui.

M. Leclerc: Je pense que, si c'est le cas, c'est la petite exception.

M. Marois: Vous parlez de quel type d'établissements?

M. Leclerc: Les établissements de soins

de courte durée.

M. Marois: De courte durée. M. Leclerc: Oui.

M. Marois: Donc, à votre connaissance, c'étaient des exceptions. Dans le cas de ce qu'on appelle des centres de soins prolonqés je pense que c'est ça l'expression consacrée, mais enfin - où se trouvent des malades qui résident là, dans les centres d'accueil ou de soins prolongés?

M. Leclerc: Je pense que vous avez eu des témoiqnaqes la semaine dernière qui nous dispensent d'y répondre. Vous les avez eus de ceux qui les ont vécus.

M. Marois: Oui, mais de votre point de vue, à vous autres? On était très heureux d'entendre le point de vue des autres. J'aimerais bien avoir votre point de vue, à vous.

M. Nadeau: Je pense qu'on peut dire que qénéralement c'est vrai que, dans certaines unités, il doit y avoir un peu plus de personnel au niveau des services essentiels. Quand on pense aux soins intensifs, quand on pense à la salle d'urqence, quand on pense à des unités de psychiatrie, quand on pense à l'hémodialyse, c'est évident qu'il y en a probablement eu un petit peu plus que dans autres unités. Par contre, c'est assez difficile de préciser cela, de placer cela dans des catégories bien précises parce que vous savez, en temps de grève, l'hôpital est complètement chambardé. Les patients se retrouvent très souvent regroupés et vous avez dans ces unités des patients qui nécessitent des soins intensifs, qui sont dans des unités générales au moment de conflits. C'est difficile à établir clairement. Ce qui est certain, c'est que cela nécessite au niveau des soins prolongés, au niveau de la santé mentale, au niveau de certains services de soins aigus des services essentiels qui sont beaucoup plus importants que dans d'autres unités. Je pense que c'est clair. (Il h 45)

M. Marois: Je reviens sur une chose que vous avez dite, M. Leclerc. Il se peut que j'aie mal compris et je veux être certain de bien comprendre. Parlant, il y a quelques minutes, des centres hospitaliers, des hôpitaux de courte durée, vous avez dit qu'à votre connaissance les endroits ou départements ou unités où les services qui ont été assurés presque à 100% étaient, à votre connaissance, des cas d'exception. Me dites-vous par là que, de façon générale, il aurait été vécu une situation telle que, dans les centres hospitaliers de courte durée, l'urgence et les soins intensifs n'auraient pas été assurés pour l'essentiel?

M. Leclerc: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Les soins intensifs...

M. Marois: C'est pour cette raison qu'il me semblait important de revenir. Je ne veux pas tronquer votre pensée.

M. Leclerc: Non, non. Les soins intensifs et l'urgence, on s'en est occupé, mais ce qui fait que... Il ne faut pas oublier d'abord que quand il y a grève ou grève appréhendée, tout de suite, les directions d'hôpital tâchent d'évacuer le plus de personnes qui peuvent être retournées chez elles. Si quelqu'un a été opéré et que normalement il aurait passé une semaine à l'hôpital, il va être là quatre ou cinq jours et il va être retourné dès que c'est possible. Évidemment, tous les cas électifs sont refoulés, ce qui fait qu'on baisse à environ 50% l'occupation et que là on a des malades proportionnellement d'une plus grande acuité au point de vue des maladies. Les services essentiels, on tâche de les assurer, mais on les assure à moins de gens, parce qu'on n'a pas le personnel disponible.

M. Marois: Je m'excuse. Je veux être certain que je comprends bien. Deux choses: La première, quand vous dites: Les directions d'hôpital, on décide de réduire, de qui parle-t-on? Parle-t-on des médecins? Qui décide, autorise que M. Marois est suffisamment bien après trois jours pour entrer chez lui et doit s'en aller? Qui décide cela? Qui prend la décision? Ce serait ma première question.

M. Leclerc: Ce sont les médecins.

M. Marois: Ma deuxième question est la suivante. Je comprends bien que vous nous avez expliqué le mécanisme qui fait que dans les hôpitaux de soins de courte durée le pourcentaqe d'occupation ou le taux, comme on dit dans le jargon, diminue. Je reviens avec ma question: En ce qui concerne l'urgence, les soins intensifs, quelle a été la situation vécue? Quelle a été l'ampleur, la taille et la portée des services essentiels assurés? Personne ne peut quantifier cela. S'il y a un accident catastrophique d'automobile qui arrive sur le boulevard Métropolitain, qu'il y a six ou huit blessés -je n'invente rien, c'est un cas qui s'est produit durant le dernier conflit - il peut fort bien arriver que se présentent en ligne quatre ou cinq ambulances au même hôpital. Personne n'est capable de prévoir cela, normes, pas normes, protocole, pas protocole, sauf la clause du sens purement humain d'assumer les responsabilités normales pour des gens qui sont du métier, dans ce domaine. Je reviens, je m'excuse d'insister, mais je ne veux vraiment pas qu'il y ait

d'ambiguïté ou qu'on interprète mal votre témoignage. Ce sont mes deux questions, et j'en aurai une dernière après, M. le Président.

M. Leclerc: M. le ministre, je demanderais à M. Claude Desjardins, qui est directeur général d'un hôpital, de vous répondre sur une situation de fait, comment cela s'est vécu.

M. Desjardins (Claude): M. le Président, à la question qui décide des congés à l'hôpital, c'est assurément le médecin qui décide des conqés, dans certains cas, c'est bien sûr, par une présence physique ou par téléphone. Je prends à titre d'exemple un cas qu'on a vécu. Si, à minuit, on a un débrayage qu'on n'avait pas prévu et que le médecin n'est pas là sauf le médecin à l'urgence, qui n'a pas le temps de faire les visites, on communique avec les spécialistes ou le médecin consultant qui suivent le cas et on demande: Cela fait trois jours, qu'est-ce qu'on fait? Alors, on peut lui donner un conqé, mais c'est toujours une décision médicale.

M. Marois: Vous m'avez bien dit "par téléphone"?

M. Desjardins: Dans certains cas, en cas...

Il y a toujours un médecin présent à l'urgence à l'hôpital, mais par ailleurs, le problème se pose en situation de débrayage. Je ne parle pas du jour ou même en soirée, cela va assez bien, mais là où on a vécu des situations assez dramatiques, je pense à la situation de Montréal. Les débrayaqes commençaient toujours à minuit une minute et les spécialistes n'étaient pas nécessairement là; il a fallu faire des consultations à ce niveau, contresiqnées par le médecin à l'urgence. Il y a toujours eu au moins un ou deux médecins qui ont vu le cas, pour donner le congé.

Les situations les plus dramatiques qu'on a vécues ont été la nuit.

M. Marois: Je m'excuse, M. le Président, je ne veux vraiment pas prolonqer la séance, mais je veux être sûr qu'on comprend bien. Il me semble qu'on parle de deux choses en même temps et je vous avoue que je ne suis plus très bien.

Je comprends que c'est un médecin qui décide, il est sur place, il n'est pas sur place, c'est par téléphone, c'est un médecin qui décide de la sortie comme de l'admission d'ailleurs.

Une voix: C'est cela.

M. Marois: Là, vous me parlez d'une situation, en répondant à ma question, où il se produit un débrayaqe imprévu, une nuit, ou une journée, peu importe. Mais tantôt, on parlait de la réduction des taux d'occupation dans la perspective d'un débrayage ou d'un conflit appréhendé. C'est la même situation, c'est la même façon de procéder dans ces cas aussi?

Il peut arriver que cela se fasse par téléphone?

M. Desjardins: Non, mais j'illustrais par un exemple que, souvent - cela a d'ailleurs fait l'objet d'une note du mémoire - on nous prévient qu'il va y avoir un débrayage, mais on ne sait pas à quel moment. On nous fait l'annonce, mais on ne nous met pas d'heure, de date nécessairement, puis cela va se passer, on nous donne l'avis. Au ministère du Travail, on donne un avis, mais on est sur une tension, on commence déjà à libérer certains lits; quoique dans la région de Montréal certains hôpitaux ont fait attention à ce niveau, parce que l'expérience a montré que souvent les avis étaient donnés, mais n'étaient pas exécutés dans certains centres hospitaliers. Or, on ne voulait quand même pas jouer avec cela. Mais à un moment donné, à minuit une minute, on découvre que tout le monde est à la maison, pouf! on sort. C'est à cet exemple que je référais où les situations sont très dramatigues.

M. Marois: D'accord.

M. Desjardins: À la deuxième question, à savoir: Est-ce que l'association fait le portrait par département, l'étude par département, par certains secteurs, comme l'urgence, soins intensifs, l'hémodialyse? II n'y a pas d'étude à ce niveau qui a été faite par l'association, mais je peux vous dire qu'au niveau de la région Montréal métropolitain, la région 6 A, parce qu'on avait des rencontres, les directeurs généraux dans les hôpitaux, pour l'avoir vécu moi personnellement dans notre centre hospitalier, les services d'urgence, les services essentiels n'étaient pas assurés, les soins intensifs n'étaient pas assurés, sauf l'hémodialyse où on m'a assuré les services. Mais, aux services de l'urgence et aux soins intensifs, à l'occasion, cela a été uniguement des cadres.

M. Marois: Excusez-moi. Est-ce que je peux vous demander à quel hôpital?

M. Desjardins: Au centre hospitalier de Verdun.

M. Marois: Merci, je prends note.

M. Desjardins: Je peux vous dire que cette expérience que nous avons vécue chez nous, s'est vécue dans beaucoup de centres hospitaliers comme Notre-Dame et Sacré-Coeur.

M. Marois: D'accord. Une dernière question, M. le Président. Je m'excuse d'avoir pris tant de temps.

On nous a parlé ici en commission parlementaire d'un système PRN, projet de recherche nursinq. On nous a expliqué que c'était mis en marche - mais je reviendrai sur l'expression "en marche" - sur la base de décision des administrations hospitalières, selon chaque centre. C'est à ce niveau que la décision de recourir à ce procédé a été prise.

Je voudrais savoir ceci. Je comprends qu'il s'agit d'une technique d'étude de temps et de mouvement qui devient par la suite transposée dans la réalité, sans caricaturer. Je reprendrai l'exemple que quelqu'un ou un membre de cette commission a utilisé pour illustrer que cela prend tant de minutes pour effectuer tel qeste médical, donner une injection intraveineuse ou je ne sais quoi. Est-ce bien cela, premièrement?

Deuxièmement, est-ce que c'est bien exact que c'est au niveau des administrations hospitalières que la décision est prise de l'introduire ou pas?

Troisièmement, est-ce que c'est vraiment un projet de recherche? En d'autres termes, concrètement, est-ce que c'est à l'état de recherche théorique, est-ce que c'est à l'état de recherche expérimentée dans le concret?

Quatrièmement, est-ce que c'est plutôt rendu à l'état de la pratique, c'est-à-dire qu'on a transposé dans la pratique les résultats de certaines recherches? Si oui, qu'est-ce que c'est et quelle ampleur cela a-t-il? Avez-vous une idée du nombre de centres hospitaliers? Est-ce que ce sont particulièrement des centres hospitaliers de soins prolonqés ou est-ce que ce sont particulièrement des centres hospitaliers de courte durée? Où cela se pratique-t-il et dans combien d'établissements? Pouvez-vous nous donner des indications et quel est ultimement le but qui est recherché par ce programme?

M. Leclerc: Si vous le permettez, je vais refiler la question à M. Desjardins qui a justement vécu l'expérience, étant un de ceux qui ont fait la première expérience.

M. Desjardins: Peut-être pas un de ceux qui ont fait l'expérience comme telle du PRN, mais on va y revenir tout à l'heure dans les commentaires.

D'abord, le PRN, ce n'est pas un objectif en soi, c'est un instrument de gestion. C'est un instrument qui répond à quel problème? Le problème, c'est que les besoins des patients, à l'intérieur d'un hôpital ou d'un centre d'accueil, sont chanqeants, compte tenu de l'évolution de l'état du patient. Compte tenu des ressources qu'on a, on essaie de trouver un instrument qui nous permettra de voir à allouer le personnel en fonction des besoins des patients.

Si vous vous rappelez, historiquement, les hôpitaux faisaient l'allocation d'une façon très statique. On dit: II y a une unité de chirurqie, il y a 35 patients, il y a X infirmières, auxiliaires, aides et c'est fixe. Or, l'expérience nous a démontré que ce n'est pas vrai. À titre d'exemple, je peux prendre chez nous. Actuellement, j'ai une unité de chirurqie où il y a 50% de malades de soins prolonqés; demain, ça peut être 60%; dans deux semaines, ça peut être 30%. Donc, ce qu'on recherchait, c'était un instrument qui nous permettrait d'évaluer les besoins des patients et d'allouer le personnel en fonction de ces types de besoins.

Le problème qui s'est posé dans le PRN, c'est qu'on a trop focalisé sur l'instrument en disant que c'est un temps et mouvement, et on revient à la méthode de Taylor. Dans le fond, c'est un problème de mise en oeuvre de ce programme. Je ne vous cache pas qu'effectivement il y a eu des problèmes d'application dans certains centres hospitaliers. Moi, j'y crois à cet instrument, quel que soit le terme qu'on utilise. D'ailleurs, on a trop insisté sur la terminoloqie. Chez nous, on n'appelle pas ça PRN, je n'utilise pas les formules PRN, mais je m'inspire des principes du PRN, à savoir que les besoins sont chanqeants, qu'on fait une nomenclature des activités ou des actes a poser pour répondre aux besoins du patient. On arrive à une certaine équation, on qarde une banque de personnel en réserve et on fait l'allocation en fonction des besoins. On n'appelle pas ça PRN chez nous, mais dans certains hôpitaux on a appelé ça PRN et il y a eu toute la question de la politisation reliée à ce dossier.

Qui décide? Effectivement, c'est l'administration qui décide de l'utilisation du PRN; je pense que nos instruments de gestion, ça va de soi, il appartient à l'administration d'en décider. Il faut comprendre, encore là, que l'administration... Regardez la formation du conseil d'administration: on a des représentants du personnel clinique, des représentants non cliniques. Or, il y a déjà une certaine consultation qui est faite à ce niveau.

De vous dire que, dans certains endroits, il n'y a pas eu certains problèmes d'application; possiblement. Est-ce que c'est un projet de recherche? Il faut distinquer deux choses; il y a le qrouoe de l'Université de Montréal qui en a fait un projet de recherche, qui a d'ailleurs été financé comme projet de recherche, mais en ce qui concerne les hôpitaux l'AHQ n'a jamais fait son étude. Il faut bien comprendre que le PRN, c'est un dossier qui a été expérimenté à l'Université de Montréal, mais que certains hôpitaux l'ont utilisé.

Combien de centres hospitaliers

l'utilisent actuellement? Je ne pourrais pas vous dire, mais ce n'est pas si général que ça et, compte tenu de toute la politisation reliée à ça, je peux vous dire que beaucoup d'hôpitaux, sans appeler ça PRN, ont trouvé d'autres modes d'adaptation, en concertation à l'intérieur, pour pouvoir réaliser les mêmes objectifs, sans appeler ça un PRN.

Le dernier élément utilisé dans l'aqqlomération montréalaise par le Conseil régional des services de santé et des services sociaux, c'est un formulaire, inspiré de la méthode PRN, pour évaluer les besoins des personnes âgées en demande de placement dans les centres d'accueil pour s'assurer que les centres d'accueil vont avoir réellement le personnel et les patients qu'ils doivent recevoir. On l'appelle la formule CTMSP qui est inspirée, encore là, du PRN et qui, d'ailleurs, est un projet de recherche du groupe Tilquin. (12 heures)

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président - M. Le Président, dois-je m'adresser à vous en partant? - cela ne s'adresse pas spécifiquement au mémoire de l'Association des hôpitaux, mais une des difficultés des travaux de notre commission parlementaire, c'est qu'on a à poser un diagnostic d'une situation. Est-ce que l'exercice du droit de grève, en particulier dans le domaine des hôpitaux, met ou non en danger la santé et la sécurité des personnes? Chacun de l'ensemble des mémoires y va de ses solutions sur le plan juridique: régie ou pas régie, régie avec pouvoir judiciaire. D'autres proposent l'abolition purement et simplement du droit de grève. D'autres disent que cela va relativement bien, qu'il y a juste à raffiner un peu les mécanismes. D'un autre côté, sur le diaqnostic de la situation vécue, depuis le début de nos travaux - c'est dans ce sens-là, je tiens à le dire en ce moment - j'ai l'impression que les travaux de notre commission tournent, finalement, un peu en rond. Sans vouloir être injuste pour l'une ou l'autre des catégories des intervenants, je retiens que les représentants des syndicats sont venus nous dire qu'il y a eu certains inconvénients - c'est le terme qu'on a employé - pour les malades. Fort bien. Le rapport Picard a dressé une liste de situations à partir des listes, des ententes. Certaines situations ont été évoquées où il y a eu des cas assez dramatiques, mais où le jugement de valeur du rapport Picard est pour le moins contestable et très souvent extrêmement superficiel.

Par ailleurs, d'autres associations comme celle des consommateurs viennent témoigner ici et nous donnent des cas que, de toute façon, on ne retrouve pas dans le rapport Picard, d'autres cas, de la correspondance qu'elles reçoivent d'individus. L'opinion publique et les sondages sont là. Le jugement de l'opinion publique, d'une façon massive, peut être exaqéré sur le plan de l'information. En tout cas, on ne peut certainement pas reprocher au public ce jugement, d'autant plus que je trouve que notre commission, jusqu'à présent, n'a pas réussi à établir cela. Mais pour l'opinion publique, c'est facile. C'est inadmissible le droit de grève à 80%, selon les sondages. De la part des malades, on a vu M. Brunet; il est venu nous décrire des situations vécues et nous apporter le point de vue humain.

Ce matin, l'Association des hôpitaux avance un peu, arrive avec un mémoire très détaillé sur la mécanique où il y a quand même des jugements de valeur, mais c'est difficile, comme pour les autres mémoires -en tout cas, je parle pour moi pour l'instant - d'apprécier quand vous dites, au début de votre mémoire, que la situation n'a cessé de se détériorer et que vous avez trouvé pour le moins surprenantes certaines déclarations, à savoir que, finalement, depuis 1978, les choses avaient été moins pires qu'auparavant. C'est une première chose que vous nous dites.

Deuxièmement, vous nous dites - c'est une chose que j'apprends et que je veux bien reconnaître - que pour ce qui est des listes, enfin, dans les 52%, peu importe le chiffre, cela a été insuffisant et que même pour certaines ententes, étant donné la façon dont c'est négocié, avec un pouvoir final de veto qui a été accordé par la loi aux syndicats, les administrateurs sont obligés de siqner une entente en sachant que s'il n'y avait pas l'entente, il y aurait une liste de toute manière et que le syndicat pouvait avoir raison.

Ensuite, il y a une chose que j'aimerais bien savoir. Vous aviez commencé, avant que le ministre vous interroge, à énumérer certaines situations concrètes, vécues dans des hôpitaux. Je ne sais pas si on retrouve ces situations dans l'ensemble des monographies qui ont été données, des expertises qui ont été livrées par le conseil sur le maintien des services. Probablement que ce sont encore d'autres cas qui prouvent des situations inédites.

On nous parle, entre autres, d'une façon très concrète, d'une évaluation de la situation que l'Association des hôpitaux aurait transmise au ministre des Affaires sociales. Cette liste, pour ma part, je ne l'ai jamais vue. Je ne sais pas si cette liste a été rendue publique et dans quelles circonstances, peu importe. Mais ce qui m'apparaît important, c'est que le gouvernement a porté un jugement probablement pas seulement en fonction de cette liste, la fameuse liste du 18 octobre, mais que quelques jours après le dépôt de cette liste, de fait, il y a eu une loi que le

gouvernement, que le Conseil des ministres a adoptée, qui a eu pour effet d'abolir le droit de grève pour une période déterminée. C'est donc que le gouvernement a déjà porté un jugement très sévère sur la situation puisque la loi 62 est survenue dans les jours qui ont suivi le 18 octobre.

Ce que je voudrais vous demander, quitte à ce qu'on prenne le temps pour le faire... Jusqu'à maintenant, malgré toutes les structures et les constructions que nous-mêmes, d'ailleurs - remarquez que je n'en fais pas un reproche à l'un ou l'autre des intervenants à cette commission - essayons de faire en vue d'orqaniser un système civilisé de l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic et singulièrement dans le domaine hospitalier, on n'arrive pas ou, en tout cas, on arrive drôlement difficilement à avoir objectivement des éléments d'information suffisamment larges pour porter un jugement.

Je vous avoue qu'au moment où je vous parle j'ai déjà lu quand même un nombre considérable - je sais que mes collègues l'ont fait également - de rapports émanant du Conseil sur le maintien des services essentiels, où j'ai constaté que, dans certains cas, selon le rapport Picard, cela avait très bien marché, mais que, dans d'autres cas, il y a eu des situations tout à fait inacceptables. M. Leclerc, ce matin vous avez commencé à nous donner des cas. Le ministre, en vous demandant une information additionnelle, vous a plus ou moins - sans doute pas volontairement, je ne veux pas l'accuser de ça - interrompu. C'étaient des cas dont j'entendais parler pour la première fois, du moins quant à moi.

Les associations de consommateurs nous ont lu des lettres et des témoiqnaqes d'individus qui ont dit: Non, ça ne marche pas aussi bien que cela. Les syndicats, en développant la thèse de l'exercice de la libre négociation, du droit d'association et du droit de grève, admettent qu'il y a eu des inconvénients. Quand on leur cite un cas précis au niveau du conseil, ils ont toutes sortes d'explications qui sont sans doute justifiables à leur point de vue, mais qui ne chanqent en rien la réalité concrète des malades.

On vient de nous donner le cas de l'hôpital de Verdun dans le feu de la discussion. À votre connaissance - vous êtes les administrateurs des hôpitaux; cela veut dire que vous avez fait des bilans, des évaluations - est-ce qu'il y aurait moyen qu'à cette commission-ci on puisse disposer des faits avant qu'on discute et qu'on se perde en discussions philosophiques ou enfin qui risquent d'être très philosophiques sur la façon d'aménaqer un principe que tout le monde reconnaît, à savoir qu'il doit y avoir une priorité accordée au droit à la santé et à la sécurité des malades sur le droit, par ailleurs reconnu aux travailleurs, de négocier librement leur convention collective? Si on n'a pas cet élément-là clairement établi, en prenant le temps de l'établir... À ce sujet-là, d'ailleurs, le ministre des Affaires sociales n'est pas une espèce d'être de raison ou un corps complètement étranger aux discussions qu'on a ici dans le domaine hospitalier. Laissons de côté l'éducation, laissons de côté même toutes les grandes politiques du Conseil du trésor, les politiques salariales et tout ça. Mon Dieu, il me semble qu'on sent tous que le problème est centré sur la question des hôpitaux et on n'arrive pas - je n'en fais pas reproche aux intervenants de ce matin, mais je tiens à le dire au ministre -à savoir quelle a été la situation réellement vécue par les malades. C'est là-dessus qu'on doit se prononcer, c'est là-dessus qu'éventuellement le ministre aura à faire des recommandations au Conseil des ministres puisque le gouvernement a déjà agi. Ce qui m'étonne, c'est que le gouvernement a effectivement aqi sur une évaluation de la situation qui lui venait soit de l'Association des hôpitaux ou d'autres sources, peu importe, et qu'il a décidé de suspendre le droit de grève.

Les déclarations qui sont faites publiquement qu'il n'est pas question de suspendre le droit de grève, fort bien, mais cela doit reposer sur un jugement. Quand vous dites cela, M. le ministre, ça implique que vous portez un jugement sur une situation. Or, depuis le début des travaux de la commission, on n'a pas pu avoir les éléments de la situation. On en a eu des bribes ici et là au fil des discussions.

Ce que je voudrais demander aux représentants de l'Association des hôpitaux, c'est ceci: Ces documents-là que vous avez, est-ce que cette commission-ci - peut-être que cela a été rendu public à l'occasion de conférences de presse ou autrement pourrait en avoir une connaissance officielle, un dépôt ou je ne sais trop, pour qu'on puisse savoir la situation vécue et qu'on puisse se former un jugement là-dessus?

M. Leclerc: M. le député, tout à l'heure, M. Nadeau a dit - je pense que c'était en réponse à une des questions du ministre - que ce document vous serait envoyé. Nous le ferons parce que c'est un document qui a déjà été produit et qui a déjà été à la disposition du gouvernement dans le passé. Il faut vous représenter qu'il est difficile de quantifier à la tête ou au malade. Un ou des individus parlent de leur cas particulier, mais quantifier la totalité des résultats, c'est difficile.

Il reste un fait, c'est pour cela qu'on vous fait des recommandations pour modifier ce qui existait à la commission Picard. On disait que tout allait bien, parce qu'on avait respecté la liste ou l'entente. C'était se

bercer d'illusions, car cela ne voulait pas dire qu'automatiquement les malades étaient bien soignés parce qu'on avait respecté l'entente. Cela n'a pas été le cas partout, il y a des ententes qui n'ont pas été respectées. Même là où on les a respectées, si cette liste était insuffisante, nécessairement, les malades n'étaient pas traités dans les meilleures conditions.

M. Rivest: Excusez-moi, M. Leclerc, mais cette liste qui a été transmise au ministre des Affaires sociales, je n'ai pas très bien compris, est-ce qu'elle a été transmise uniquement au ministre des Affaires sociales et au gouvernement, qui ont porté un jugement? Est-ce qu'on peut avoir cette liste, est-ce qu'elle existe? Je suppose que cette liste décrit des situations qui ont existé dans les hôpitaux? On en a signalé quelques-unes, vous aviez commencé à citer certaines situations. Est-ce que, dans cette liste, il y a des faits qu'on ne retrouve pas dans les rapports d'expertise de la commission Picard?

M. Nadeau: Je ne sais pas s'il y a des faits qu'on ne retrouve pas à la commission Picard; ce que je peux vous dire, c'est que, lorsque les ententes ont été négociées, lorsque les listes ont été déposées, nous avons fait une évaluation globale et une appréciation de ces listes et de ces ententes, et nous avons un document que nous mettrons à la disposition de la commission.

M. Rivest: Est-ce que c'est la première fois que ce document va être rendu public?

M. Nadeau: Ce document a été rendu public à l'occasion d'une conférence de presse.

M. Rivest: Pendant le conflit?

M. Nadeau: Pendant le conflit, en effet, pendant la période des négociations.

M. Rivest: Si cela a été rendu public pendant le conflit, à ce moment-là, évidemment, cela a été interprété... Vous avez sans doute... Je ne présume pas. Ce qui m'inquiète une peu - c'est peut-être une question qui s'adresse davantage au ministre c'est que, venant de l'Association des hôpitaux, cette évaluation qui aurait été rendue publique pendant le conflit, j'imagine que la partie syndicale a dû, à l'époque - je ne veux pas lui prêter des intentions, je peux me tromper, je veux garder mes réserves -dire que c'était considérablement exagéré.

Ce que je retiens, M. le ministre, c'est que le gouvernement, à partir de cette liste ou d'autres informations que le gouvernement pouvait avoir - s'il y en a d'autres, j'aimerais bien qu'on l'établisse devant la commission - a effectivement suspendu le droit de grève dans les hôpitaux avec la loi 62. Est-ce que je fais erreur en faisant une pareille interprétation?

M. Marois: Vous faites erreur. M. Rivest: Bon!

M. Marois: Je remercie le député de Jean-Talon, connaissant sa bonne foi naturelle et son sens de la recherche de la vérité, de me permettre, en me posant une question, d'intervenir très rapidement à ce moment-ci. Je me permets de rappeler que j'ai moi-même invité tantôt les membres de l'Association des hôpitaux du Québec à retransmettre, s'ils l'acceptaient, aux membres de cette commission le résultat de leurs études, y compris la liste dont on parle.

Le député de Jean-Talon, je le comprends, ne suivait peut-être pas d'aussi près les dossiers à l'époque, c'est normal, les choses évoluent. Le projet de loi no 62 n'a pas été établi et n'a pas été déposé à l'Assemblée nationale sur la base des constats faits par le ministre responsable des Affaires sociales. Le gouvernement, à partir de cette liste fournie par l'AHQ, mais bien plutôt de l'évaluation qu'il se faisait de l'ensemble de la situation des négociations dans tous les secteurs, a estimé à l'époque qu'une période de trêve suspendant le droit de grève permettrait d'en arriver à une entente. C'était l'évaluation faite à l'époque.

Je me permets de rappeler qu'effectivement la loi 62 ne portait pas sur le secteur hospitalier comme tel, mais la loi 62 portait sur l'ensemble, s'appliquait à tous les secteurs: soutien, scolaire, enseignement, hôpitaux, etc. Donc, je pense qu'il faut simplement replacer les choses dans leur perspective réelle et complète. (12 h 15)

M. Rivest: Je ne veux pas engager de débat avec le ministre à ce moment-ci, je veux bien admettre ce que le ministre vient de nous indiquer, mais il reste que, dans le secteur des affaires sociales - il y avait la fonction publique et l'éducation dans la loi 62 - vous n'avez pas fait cette trêve par une espèce de gratuité ou alors je demanderais au ministre ou je ne sais pas à qui - malheureusement, encore là, devons-nous reqretter que le ministre des Affaires sociales ne dise absolument rien dans le cadre de ces travaux - quelle a été l'évaluation du ministre des Affaires sociales ou du gouvernement des informations qui lui ont été transmises par l'Association des hôpitaux? Est-ce que le gouvernement a trouvé la situation sérieuse, quelles mesures a-t-il prises, quelle autre mesure que la loi ou la suspension du droit de grève si des situations mettaient en danger la santé et la

sécurité? Il y a des problèmes de fond là-dedans. Si ce jugement a été exercé à l'époque, il me semble que c'est difficile pour nous autres, au niveau de la commission, qui ne participons pas bien sûr à l'ensemble du processus de décision du gouvernement, mais, si cette liste indique des situations inadmissibles qui ont été vécues, il faut le connaître. Il faudrait que le ministre des Affaires sociales ou quelqu'un d'autre l'établisse et dise: Voici, il y a telle ou telle chose, en outre de ce que les documents officiels de la commission Picard établissent, en outre de ce que l'opinion publique pense, en outre de ce que les uns et les autres...

Quand est-ce que cela va être possible d'avoir l'ensemble des données disponibles, même si cela fait plaisir ou non aux uns et aux autres? Quand est-ce qu'on va pouvoir avoir cela, pour porter le jugement, à savoir si on doit aller sur la voie d'une restriction du droit de grève - parlons du secteur des affaires sociales - ou bien si on doit aller purement sur la voie d'un raffinement des mécanismes actuels - l'Association des hôpitaux porte dans son mémoire un jugement là-dessus - ou bien si on doit maintenir plus ou moins un guasi statu quo en accordant un caractère permanent sans autres pouvoirs à un éventuel conseil du maintien des affaires sociales?

C'est là le sens de mon intervention de ce matin, au début des travaux, cette semaine. Cela s'impose. Sans ça, je reqrette, mais j'ai bien l'impression que les travaux de la commission auront permis aux uns et aux autres de décrire l'ensemble avec des formules et on n'a pas le vécu du concret des situations. C'est ça qui importe pour porter le diagnostic. Est-ce que le ministre a...

M. Marois: Vous me posez une question?

M. Rivest: Je voudrais savoir: Est-ce que le gouvernement dispose actuellement d'autres informations sur la situation que celles qui sont... Il pourrait peut-être s'informer auprès de son collègue des affaires sociales. Il y a les rapports d'expertise de la commission Picard; l'Association des hôpitaux nous dit: On a transmis une liste de situations. Est-ce qu'il y a autre chose? Est-ce que, quelque part, à un moment donné, on va pouvoir disposer de l'ensemble des situations? Cela va nous permettre d'apprécier des affirmations qui sont évidemment le fait de l'Association des hôpitaux qui vit dans le milieu hospitalier, à savoir que c'est une détérioration continue de la situation, des éléments d'information que nos invités de ce matin nous donnaient et d'apprécier également les témoignages des syndicats qui disent que non, au plus des inconvénients, il y a eu certains cas. Quand est-ce qu'on va avoir la réalité pour pouvoir porter un jugement?

M. Marois: M. le Président, si le député me pose une question, je vais y répondre très clairement et très simplement, très rapidement aussi. Premièrement, tous les documents qui nous ont été demandés - le député de Jean-Talon, j'en suis certain, l'admettra volontiers - même plus que les documents qui nous ont été demandés ont été fournis à l'Opposition. Alors qu'on ne nous demandait que des résumés, on a offert de fournir les rapports d'expertise au complet. Je crois que c'est exact. Il faut quand même remettre les choses dans leur juste et correcte perspective. Je suis certain que ce n'est pas l'intention du député de Jean-Talon de laisser entendre qu'il peut y avoir des documents cachés plus ou moins et le reste, qu'on ne sort pas. Vraiment, je sais bien que ce n'est pas son intention et je ne l'accepterais pas, parce que cela ne serait vraiment pas conforme. Le député de Jean-Talon serait le premier à pouvoir témoigner de l'ouverture d'esprit qu'on a eue, même dans nos contacts préparatoires aux travaux de cette commission.

Deuxièmement, lorsqu'un membre de cette commission... Je sais que la députée de L'Acadie, par exemple, nous a formulé des demandes sur des renseignements, des tableaux, le nombre d'ententes, le nombre de listes, si ma mémoire est bonne, le nombre de journées-personnes perdues, enfin les données qu'on pouvait avoir et qui sont de l'écrit sur du papier, des données statistiques. Je crois que tout cela a été fourni. S'il y a d'autres éléments qu'on aurait du oublier, si n'importe quel membre de cette commission estime qu'il a besoin de données additionnelles - je ne vois pas très bien lesquelles - qu'on pourrait avoir en main, cela me fera plaisir de regarder et de mettre cela à la disposition de cette commission. Je pense que c'est l'attitude que le gouvernement a adoptée par mon entremise depuis le début de nos travaux.

Troisièmement, je voudrais dire que, quand même on admettra que c'est le gouvernement, par mon entremise, qui vient de demander et de rappeler par le fait même aux membres de cette commission qu'une étude avait été faite par l'AHQ, et l'AHQ dans son témoignage - je tiens à la remercier dans ce sens - rappelle elle-même que cette liste dont elle parle, les faits qui y sont évoqués ont été rendus publics par conférence de presse par l'AHQ. Ce ne sont quand même pas des données secrètes qui sortent du placard tout d'un coup. En plus, de ma propre initiative, je la demande à l'AHQ qui dit: Oui, volontiers, on est prêt à la fournir à tous les membres de la commission parlementaire. Ce ne sont donc

pas des données nouvelles. Elles étaient là dans le paysage. Ce qui m'intéresse aussi, plus nos travaux avancent, ce sont le vécu et les témoignages qu'on peut entendre. Il y a des choses qu'on entend. Par définition, on est dans un secteur où il y a des choses... On peut bien chiffrer tout ce qu'on voudra, mais une fois tout chiffré, une fois tous les papiers compilés, toutes les ententes, tous les écrits compilés, ce qui me préoccupe, c'est la réalité. Chacun assumera les responsabilités de ses témoignages, de ses interventions. Je pense que c'est ainsi qu'on fonctionne dans une société démocratique. L'Opposition tirera sa ligne. Le gouvernement tirera aussi la sienne, prendra ses responsabilités et procédera aux ajustements qu'il croit pertinent d'apporter pour assurer que si les droits des uns doivent être respectés, il y a aussi les droits fondamentaux des autres, ce que j'ai évoqué depuis le début de nos travaux.

M. Rivest: M. le Président, j'ai une dernière question. Quand le ministre dit: Le gouvernement tirera sa ligne, j'accorde foi, en tout cas jusqu'à preuve du contraire, à ce que le premier ministre disait au sujet des services essentiels, qu'il s'aqissait, quant aux services essentiels, et je pense que M. Leclerc de l'Association des hôpitaux du Québec... Le premier ministre doit dire cela en connaissance de cause, j'imagine. C'est dans le message inaugural. Ce n'est pas une interview. Le premier ministre dit: "Quant aux services essentiels, nous n'avons pas encore trouvé le moyen ni de les définir correctement - cela veut dire que le système de listes et d'ententes, en tout cas, peut être remis en question - ni d'en garantir le maintien. " C'est-à-dire qu'on ne sait pas encore si cela prend un organisme pour assurer cela ou enfin, il y a une critique. C'est le premier ministre qui parle: "II faut profiter de la période qui nous sépare de la prochaine ronde de négociations pour revoir -le premier ministre va quand même assez loin - de fond en comble le système". Cela veut dire qu'il y a quelque chose, quelque part, qui ne marche pas. Le premier ministre le sait, parce qu'il s'engage à revoir de fond en comble le système. Cela va quand même pas mal loin, cette chose-là.

Deuxièmement, vous me permettrez de demander... Je ne veux pas embarrasser outre mesure M. Leclerc, mais ce qui m'a fait un peu sursauter dans votre mémoire et qui m'a fait un peu avoir cet échange que je viens d'avoir avec le ministre, c'est quand, dans le mémoire il y a une nouvelle version, mais au moins dans le mémoire - de l'Association des hôpitaux du Québec, à la page 11, je lis, M. le ministre, et c'est l'Association des hôpitaux qui le dit, à la page 11, troisième paragraphe: "Or, à en juger par leurs déclarations publigues, l'on constate une tendance marquée des gouvernements et des syndicats à faire preuve de complicité pour camoufler les effets des grèves dans les hôpitaux, et ce jusqu'au moment ultime où, la situation devenant intenable, un règlement intervient pour rétablir la paix sociale, et ce à des conditions généralement excessives si considérées sur le plan du bien commun. " C'est ce qui m'a fait faire l'intervention. Après cela, on sait que du côté des malades, on a parlé d'une espèce de complicité du silence également, parce que ce ne sont pas tous les malades qui vont aller raconter ce qui leur arrivé pendant une grève à un expert qui arrive on ne sait d'où, dans leur perspective à eux, pour raconter guelle situation humaine ils ont vécue. Il y a d'autres cas qui nous arrivent de partout. Le point, c'est cela. Si on veut que nos travaux aient un sens, faisons tous les efforts et qu'on sente de la part du gouvernement ou de ceux qui sont en autorité, y compris d'ailleurs les administrateurs d'hôpitaux, une volonté de mettre cartes sur table et de dire: La situation qu'on a vécue, non seulement d'ailleurs lors de la dernière ronde de négociations, mais dans les rondes antérieures, c'est ça, et après ça, on pourra poser un diagnostic qui me semble raisonnable. Puis-je demander à M. Leclerc, comme dernière question en ce qui me concerne - je m'excuse d'avoir été si long -ce qu'il a voulu dire par cette affirmation qu'il fait: L'on constate une tendance marquée des gouvernements - ne prenez pas cela pour vous, M. le ministre, c'est "des" -et des syndicats - on ne sait jamais avec eux, il faut être prudents - à faire preuve de complicité...

Une voix:... gants blancs.

M. Rivest: Oui, je vais mettre mes gants blancs. À faire preuve de complicité pour camoufler - c'est une expression forte et c'est ce que l'opinion publique pense à bien des égards - les effets des grèves dans les hôpitaux. Qu'avez-vous voulu dire par cela?

M. Leclerc: On n'a rien à retirer de ce qui est écrit là. Je vais vous répondre clairement, on n'a rien à retirer de ce qui est écrit là. Je vais demander à M. Nadeau de vous donner des détails.

M. Rivest: C'est cela que je veux.

M. Nadeau: J'aimerais faire deux commentaires, M. Rivest, d'abord sur votre premier point concernant les inconvénients que dure une grève. Vous dites: On tourne un peu en rond, tout cela. Je veux vous sensibiliser au fait que ce n'est pas facile de quantifier les inconvénients d'une grève. Si

vous n'avez pas des choses tout à fait "clean cut" et bien claires, c'est parce qu'il y a de l'interprétation là-dedans.

Nous, comme association d'établisssements, on sent le besoin de vous mettre au courant d'un certain nombre de faits qu'on évalue en situation difficile. Peut-être que d'autres porteraient un jugement sur une même situation et diraient un peu différemment. Il y a un jugement de valeur qui est posé par des individus et même les médecins ne sont pas en mesure d'établir de façon très très "clean cut" ces situations. Alors, on est dans des domaines difficiles et c'est pour cela que ce n'est pas très tranché.

Le dernier point que vous venez de soulever fait particulièrement référence au phénomène où on dit en période de négociation: Écoutez, la sécurité du public n'est pas menacée, la liste des services essentiels est respectée. Je pense que vous avez eu l'occasion de jaser de cela en commission. J'ai entendu les discussions de la commission, je les ai regardées à la télévision, vous avez eu l'occasion de discuter amplement de cette question, de dire que le public est protégé parce que les listes des services essentiels ou les ententes sont respectées, indépendamment de l'évolution de la situation. Je pense que cela n'est pas nécessairement dire la vérité a la population.

M. Rivest: D'accord.

Le Président (M. Rodrigue): Cela va? M. Paquette (Rosemont)

M. Paquette: M. le Président, pour enchaîner avec la discussion qui vient de se faire, je pense qu'au départ notre préoccupation à tous, sans priver les syndiqués de leur droit de pression, leur droit de grève, l'exercice de ce droit, est d'assurer prioritairement le droit fondamental aux services de santé à la population. À ce point de vue, il est toujours difficile de porter un jugement. Est-ce que les syndicats et les gouvernements ont tendance à minimiser l'impact de la situation et est-ce que d'autres ont tendance à l'exagérer?

Je vais vous citer un cas particulièrement troublant qui va peut-être permettre de nuancer ce qu'on vient de dire, soit qu'on camouflerait des choses de part et d'autre. Je pense qu'il y a eu des exagérations peut-être dans l'autre sens. Vous vous rappelez cette déclaration du Dr Jacques Lambert, qui est président de l'Association des conseils de médecins et dentistes, qui disait que trois enfants seraient morts à cause de la grève? Le lendemain, le Dr Lambert a nuancé ses affirmations et, finalement, le ministre des Affaires sociales, après enquête, a découvert - c'est ce qu'il affirme - que la direction de l'hôpital mentionné par le Dr Lambert, c'est-à-dire l'hôpital Laval de Québec, n'était au courant de rien, pas plus que le coroner qui doit être avisé de toute mort de nature suspecte dans les 24 heures. Autrement dit, cela semble être une affirmation qui a été faite à un moment donné sans aucune espèce de fondement.

En tant qu'association - et on a tous cette responsabilité, votre association en particulier - connaissant la fraqilité, le sentiment d'être menacé - souvent, avec raison et probablement encore plus souvent à tort - au moment d'une grève, qu'on fasse circuler une rumeur comme celle-là sans la démentir immédiatement, dès qu'on s'en aperçoit, c'est jeter de l'huile sur le feu et compliquer les négociations, créer un sentiment de panique dans le public. évidemment, votre association n'est pas responsable de ce fait, ce n'est pas ce que je veux dire, mais en tant qu'association vous devez avoir eu des contacts ou des discussions avec l'hôpital Laval au moment de cet incident. D'après vous, est-ce que l'hôpital ne devait pas démentir immédiatement cette déclaration, puisqu'il n'était pas au courant des faits mentionnés par le Dr Lambert? C'est une question de responsabilité face au public. (12 h 30)

M. Nadeau: C'est certain que c'est un événement malheureux et je pense qu'il a été largement commenté par les journaux. C'est un exemple qui a démontré que c'était possible d'exagérer l'évaluation des services essentiels.

Évidemment, je comprends que vous voulez vous servir de cet exemple pour démontrer que la complicité ne vient pas seulement des gouvernements. C'est évident que vous avez un point. Il est sûr qu'il y a d'autres personnes que les gouvernements et les syndicats qui peuvent alarmer la population, mais je peux vous dire que, quand on balance les déclarations qui auraient pu aller dans un sens ou dans l'autre, je pense que les autres déclarations dépassent largement celle-là. Je pense que, sur cette question, les journaux ont fait le point et je peux vous dire que, si l'association n'avait pas été d'accord avec le point qui a été fait dans les journaux pour rétablir les faits, nous, comme association d'établissements, serions revenus à la charge pour dire: Nous regrettons, ce sont les faits. Mais ce n'était pas le cas et nous ne sommes pas revenus à la charge.

M. Paquette: Je pense que ça met en évidence que les négociations, particulièrement dans un secteur névralgique comme les hôpitaux, suscitent toujours des réactions où chacun a tendance a tirer la couverture de son côté. Vous mentionnez la

complicité; je n'irais pas jusqu'à employer le terme complicité dans ce cas, mais je pense que régulièrement à l'Assemblée nationale, et c'est normal, c'est le rôle de l'Opposition, on avait peut-être tendance à exaqérer un peu et, du côté du gouvernement, à minimiser un peu. Cela nous laisse avec le problème entier de savoir où est exactement la vérité; elle est probablement dans le milieu, c'est-à-dire qu'effectivement il y a eu des cas où il y a eu problème, mais il faut se demander si ce sont des cas d'exception ou un problème généralisé.

Vous dites, dans votre mémoire, que la situation se détériore d'année en année, selon vous, dans les négociations dans le secteur des hôpitaux en particulier. Si je me rappelle bien, en 1975 sous l'empire de la loi 253, d'abord les négociations avaient duré beaucoup plus longtemps, pratiquement le double de ce qu'elles ont duré en 1975; le nombre de jours de grève dans les hôpitaux, sans interruption, avait été d'à peu près une vinqtaine. Cette année, cela a été quatre jours à la suite du dépôt de la loi 62; je tiens à le mentionner, sans complaisance pour notre gouvernement. Également, je pense que les autres moyens de pression ont quand même été moins fréquents.

Est-ce que, selon votre opinion - sans que ce soit le paradis, loin de là, il y a des améliorations à apporter, tout le monde le reconnaît, et de grandes améliorations - la situation ne s'est pas quand même un peu améliorée? Et, sur le plan des services essentiels, est-ce que vous avez l'impression - indépendamment, comme vous le dites, des listes ou des ententes - qu'ils ont été dans l'ensemble davantage respectés en 1979 qu'en 1975?

M. Nadeau: Si vous dites que les listes ou les ententes ont été davantage respectées...

M. Paquette: Non, les services essentiels, que j'ai demandé.

M. Nadeau: S'ils ont été davantage respectés à partir de 1975?

M. Paquette: Oui.

M. Nadeau: Je ne le sais pas. Je ne peux pas parler de normes au pourcentage près, mais ce que je peux dire, c'est que, globalement, on a vécu peut-être sur une période un peu moins courte... Malgré que cette année il faut penser à la grève du syndicat SPHQ, le COPS, qui a quand même été longue. On n'avait jamais vu une grève d'infirmières aussi longue que ça, particulièrement dans la région de Québec, en dehors de Montréal. À Montréal, au niveau des infirmières, il y a eu des grèves en rotation qui ont été également assez longues. Je ne peux pas dire, globalement, quand je fais l'appréciation de ça, que ça été mieux; ça n'a pas été mieux qu'avant, globalement, je ne pense pas qu'on puisse affirmer ça.

M. Paquette: II y a eu quand même moins de jours de grève.

M. Nadeau: II y a eu moins de jours de grève, la négociation s'est réglée plus rapidement, ça, c'est un autre point. Je suis très heureux que la négociation se soit réglée plus rapidement et les administrateurs aussi, c'est évident. Mais je vous dis que, au niveau des services essentiels, je ne suis pas certain et j'ai des doutes que la situation ait été meilleure qu'antérieurement. C'est-à-dire que les services assurés à la population en cas de conflit aient été meilleurs qu'ils l'avaient été lors de la ronde précédente, j'ai des doutes là-dessus.

M. Paquette: Alors, pour lever ces doutes, est-ce que vous avez fait, en 1975, un rapport analoque à celui que vous avez fait en 1979, qui nous permettrait de comparer la situation dans les deux cas?

M. Nadeau: On va demander cela au vieux routier de l'association; moi, je n'y étais pas. Michel, tu étais là à ce moment.

M. Paquette: Ce serait intéressant de l'avoir.

M. Cléroux (Michel): Effectivement, il y a une analyse qui a été faite, mais qui n'était peut-être pas aussi détaillée que celle dont on parle pour 1979. M. le député, j'aimerais simplement vous souligner, pour éclairer les membres de la commission, que le problème de base, si vous me le permettez, qui confrontait les administrateurs d'hôpitaux sur cette question des services essentiels... C'est simplement une indication des paramètres avec lesquels ils devaient vivre. D'abord, la difficulté importante pour un établissement de soins aiqus de réduire, à une date donnée, son taux d'occupation au niveau négocié dans l'entente plusieurs semaines ou plusieurs mois auparavant; c'est négocié, disons, X mois avant, vous prévoyez un taux d'occupation de 40, 35 ou 60%, vous avez un avis de grève qui a lieu ou qui n'a pas lieu, parce que c'est un point qui a été mentionné et qui est important... On recevait, par exemple, des syndicats du SPHQ, un avis du ministère du Travail disant: "Nous avons l'intention de déclarer la grève à compter des 16, 17 et 18... " On faisait la même chose, sauf que la grève avait lieu ou n'avait pas lieu, selon évidemment la décision syndicale. Si un hôpital réduisait son taux d'occupation pour tenir compte de l'avis de grève formel qui lui avait été envoyé et

qu'il n'y avait pas de grève, il était qualifié d'alarmiste par le syndicat. S'il ne réduisait pas son taux de grève, parce qu'il ne voulait pas tomber dans ce penchant, et qu'il y avait grève, il était traité d'irresponsable; cela, c'est un premier point.

Problème. La capacité d'un centre hospitalier pour soins aigus de réduire rapidement son taux d'occupation - je pense qu'il faut reqarder les faits comme ils se présentent, selon ce que nos gens nous ont dit - est directement conditionnée par des variables comme le bassin de population desservi, le degré de spécialisation, la situation géoqraphique, le fait que tous les centres hospitaliers d'une même région soient en grève ou non, la possibilité de transférer des patients, le nombre de patients admis quotidiennement, etc.

Autre volet important, le caractère général ou non de la grève. Par exemple, plusieurs de nos membres nous ont dit, nous ont indiqué le caractère assez aléatoire de l'entente advenant un débrayage général. C'est vrai que, dans le cas de COPS, de SPIIQ et de FQII, le taux d'entente est quand même remarquablement plus élevé que dans d'autres cas. Dans le cas de FQII, autour de 65% et de SPIIQ, autour de 75 ou 78%. Remarquez bien le problème suivant. Lorsqu'il y avait un débrayage général ou l'équivalent, impliquant simultanément les employés qénéraux, les infirmières, les paramédicaux, étant donné qu'il y avait été sinon impossible, à tout le moins très rare pour un employeur donné de convenir avec l'ensemble de ces syndicats d'une entente commune applicable à toutes les unités syndicales... Vous savez, certaines directions hospitalières nous ont dit: II semblerait que, pour certains syndicats, le maintien des effectifs minimaux en cas de grève soit l'affaire exclusive des cadres ou des autres syndicats. Autrement dit, par exemple, la FQII va dire: Nous autres, on négocie une entente, taux d'occupation Y; on fournit tant d'effectifs en posant comme hypothèse que ceux de la CSN ne seront pas en grève. Il y aura des auxiliaires, des aides qui prendront la relève, et la même chose se fait vice versa; c'est un premier problème.

La durée de la grève. D'autres directions hospitalières nous ont souligné l'importance de la variable temps sur la qualité des services maintenus. C'est sûr qu'une grève de 24 heures et de 48 heures, cela n'a pas le même impact qu'une grève de 5, 10 ou 15 jours. Les cadres, évidemment, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent pas travailler 16 ou 20 heures par jour de façon indéfinie et maintenir des standards minimaux. En d'autres termes, plus la grève dure, plus le centre hospitalier a tendance à se transformer graduellement en centre de soins intensifs, puisque que les seuls patients admis le sont par l'urgence. Il en résulte forcément un fardeau accru pour les cadres et les employés en place avec les résultats que l'on sait.

Parlons rapidement, si vous le voulez, du fonctionnement des comités ad hoc. Il a été mentionné, vous êtes sûrement au courant, que les ententes sur les services essentiels comportaient ce que l'on appelle des comités ad hoc, des espèces de comités paritaires charqés d'évaluer la situation prévalant au centre hospitalier lors du déclenchement effectif de la grève, puis de procéder, le cas échéant, à un réajustement de personnel. En soi, c'était très sain et très valable. Mais, encore une fois, l'expérience a démontré, nos membres nous ont mentionné que ces comités ad hoc, si utiles soient-ils en principe, étaient essentiellement tributaires de la bonne foi syndicale.

En d'autres termes, les grèves récentes nous ont démontré que, dans plusieurs cas, la propension syndicale à recourir aux comités ad hoc était inversement proportionnelle è la durée de la grève. Je m'explique. Plus la grève dure, plus les relations ont tendance à se cristalliser et plus certains syndicats ont tendance à adopter une ligne raide pour en finir rapidement. Ils refusent d'octroyer du personnel supplémentaire, de façon à accroître la pression au maximum. On ne peut pas dire évidemment que tous les syndicats ont agi de la même façon. Ce qui s'est produit assez souvent, c'est surtout en période de crise aiquë; il y avait quand même des directives qui émanaient d'en haut, du grand frère, qui disaient aux syndicats locaux: Écoutez, il n'est plus question d'ajouter du personnel par le truchement des comités ad hoc, on fonctionne comme on est et c'est ça. On en accorde un certain nombre, mais pas suffisamment pour tenir compte de la variation dans l'état des patients hospitalisés.

Quant aux listes déposées, je pense qu'on pourra, dans les documents qu'on vous a remis, élaborer de façon assez claire le problème qu'on a souliqné, à savoir que les listes étaient totalement insuffisantes pour tenir compte du caractère évolutif des grèves qui se sont présentées.

M. Paquette: M. le Président, personne ne va prétendre que les relations de travail dans un secteur névralqique comme la santé sont une chose facile. Effectivement, notre préoccupation est de déterminer s'il y a eu ou non amélioration de 1975 à 1979 de façon à savoir s'il s'agit de compléter, de modifier les mécanismes actuels ou, dans le cas contraire, s'il y a eu détérioration, de prendre une tout autre voie, une tout autre approche. Je pense que c'est cela notre préoccupation fondamentale ici. Dans ce sens-là, j'inviterais l'Association des hôpitaux du Québec à nous faire parvenir aussi le

rapport de 1975 et celui de 1979 de façon qu'on ait un meilleur tableau d'ensemble de la situation.

D'autre part, concernant vos recommandations, je veux vous poser une question. Vous proposez toute une série de balises, enfin, vous avez hésité entre nous proposer d'interdire le droit de grève ou mettre des balises à l'exercice du droit de grève. Vous optez pour la deuxième solution, je pense, et vous dites, à la page 12 de votre mémoire: " L'AHQ considère que, dans la mesure où les travailleurs auront des garanties raisonnables quant au respect de leur droit à des conditions de travail justes et équitables, le recours à la grève, comme corollaire à la libre négociation, deviendra un moyen excessif dans les services de santé et les services sociaux, à moins que l'exercice en soit autrement réglementé... "

C'est une opinion qu'on peut très certainement partager. La question que je me pose est à partir du fait que j'ai dénoté cinq types de balises au droit de grève qui nous font poser la question: À ce compte-là, pourquoi ne pas proposer l'abolition du droit de grève?

Je ne dis pas qu'elles ne sont pas intéressantes. Toutes et chacune sont intéressantes et méritent d'être étudiées. C'est l'ensemble qui me fait me poser cette question-là.

Dans la première, vous dites: que le droit ne peut s'exercer que 30 jours après qu'ont été rendus publics un rapport de médiation et un certain nombre de mécanismes pour les avis préalables, etc. En soi, c'est une suggestion intéressante, et ce n'est pas la seule.

Ensuite vous dites qu'il faut une commission parlementaire sur la politique salariale et que l'Assemblée nationale fixe le cadre de la négociation, limite maximale des coûts directs et indirects. Autrement dit, c'est l'Assemblée, donc, le gouvernement, dans notre régime parlementaire, à toutes fins utiles, qui fixe la masse salariale maximale qui va risquer de devenir minimale probablement.

Vous dites, troisièmement, que c'est le gouvernement qui détermine le champ des matières négociables. Dans certains cas, c'est lui qui décide. Il décide sur quoi il décide et, dans d'autres cas, c'est considéré comme négociable.

Vous parlez, quatrièmement, de renforcer les délais pour le partage des matières négociables et le dépôt des offres et demandes. Cela aussi est intéressant mais, ajouté à tout le reste, ça fait beaucoup.

Cinquièmement, vous préconisez la mise sur pied d'un conseil des services essentiels exécutoires, qui détermine ultimement en cas de mésentente entre les parties la nature des services à maintenir, formé de spécialistes indépendants des parties sous la responsabilité de l'ombudsman. Il y a la Commission des droits de la personne qui va intervenir à cet égard aussi.

Encore une fois, toutes et chacune de ces suggestions sont intéressantes. Ne craiqnez-vous pas que l'ensemble soit tel que cela revienne pratiquement à nier l'exercice du droit de grève auquel cas, pourquoi ne pas le proposer? À ce moment-là, on retombe avec des problèmes qu'on connaît ailleurs. Dans certaines sociétés, où le droit de grève n'est pas permis, il y a quand même des qrèves parce que, à un moment donné, à tort ou à raison, les employés pensent que leurs droits fondamentaux sont lésés dans une situation de travail et ils se sentent obligés d'exercer des moyens de pression.

Actuellement, en Nouvelle-Écosse, où le droit de grève n'est pas permis, il y a une grève nécessairement sauvage puisqu'elle n'est pas encadrée par le Code du travail; c'est une grève illégale, donc, une grève sauvage, sans préavis, trois semaines avant les élections. Je pense qu'on peut s'imaginer pourquoi; il y a tout le phénomène politique aussi qui joue là-dedans. Je ne sais pas comment cela va tourner là-bas, mais une chose est certaine, on peut souhaiter que cela n'arrive pas ici, au Québec.

Je me demande si, en mettant autant de balises, vous n'arriverez pas finalement à une situation où c'est tout comme si le droit de grève était impossible à exercer, donc, à toutes fins utiles illégal, et si on ne se retrouverait pas dans la même situation que si on abolissait le droit de grève.

M. Nadeau: C'est certain qu'on a analysé les fondements mêmes du droit de grève. Si le droit de grève n'existait pas aujourd'hui et qu'on devait se poser la question à savoir si on doit l'introduire dans les établissements de santé, on vous dirait probablement: Non, ne l'introduisez pas. Mais il existe, et on ne pense pas qu'on doive revenir en arrière pour créer une espèce de chaos social autour de cela. On dit: II est là, il cause un certain nombre de préjudices, essayons de corriger les préjudices.

On a lu récemment que beaucoup de gens pensent qu'un dernier effort peut être fait pour sauvegarder le droit de grève dans le secteur des affaires sociales et dans celui de la santé. Nous souscrivons à cet effort et nous pensons qu'en instaurant un certain nombre de mécanismes on pourra le préserver. Évidemment - vous avez raison -on en rend l'exercice un peu plus difficile, mais c'est le choix qu'on a à faire. Ou bien on en rend l'exercice un peu plus difficile ou bien on l'abolit. Nous choisissons d'en rendre l'exercice un peu plus difficile.

Les salariés, dans le processus qu'on prévoit, pourront utiliser le droit de grève, lorsque le conseil de médiation, pendant une

période qui aura été déterminée, aura fini son mandat, aura essayé de rapprocher les parties, aura fait un rapport public des différents points de divergence qui existent entre les parties en négociation, aura fait ses recommandations. À ce moment-là, le droit de grève sera acquis et les gens pourront l'utiliser. Ou bien les parties pourront continuer à travailler ensemble, le conseil de médiation pourrait peut-être également continuer d'essayer de rapprocher les parties, mais s'il n'y parvenait pas, on dit: À la toute fin et si l'intérêt public le commande, l'Assemblée nationale déterminera ultimement les conditions de travail.

Bien sûr, dans un certain nombre des mécanismes qu'on prévoit, cela ajoute des mécanismes mais, on pense qu'ils sont importants. Quand on parle de créer un centre des données, c'est un centre qui va pouvoir éclairer tant la partie syndicale que la partie patronale, tant les membres de l'Assemblée nationale que les membres de la commission parlementaire. C'est un grand nombre d'informations qui sont disponibles sur l'ensemble des conditions de travail qui existent partout. Je pense que c'est nécessaire et ça donne quand même un certain nombre d'alignements. Quand on reqarde ce portrait un petit peu, cela peut nous permettre de voir qu'on est peut-être rendu assez loin ou peut-être pas assez loin. J'aurais plutôt tendance à penser le contraire, mais en tout cas cela nous permet d'avoir un bon portrait. La commission parlementaire entend tous les intéressés pour débattre un petit peu ce que devraient être les enjeux de la négociation. L'Assemblée nationale en est saisie et détermine un cadre qlobal qui aboutit à une politique gouvernementale. Je pense que dans une période comme celle qu'on vit à l'heure actuelle, où il y a des contraintes sur les masses monétaires qui sont disponibles dans les services à la copulation, c'est particulièrement important que l'Assemblée nationale se penche là-dessus, sur ce qu'elle veut donner à ses salariés.

On dit que c'est 50% du budget de l'État. Moi, je pense que s'il y a un domaine où l'Assemblée nationale doit être impliquée, c'est bien là-dedans. C'est d'autant plus important dans la période qu'on vit à l'heure actuelle que, si les conditions de travail sont exaqérées pour les salariés, il faudra pour cela couper des budgets d'établissement parce qu'on est à une période où on a des ressources limitées et des choix à faire. Moi, je pense que c'est indispensable que l'Assemblée nationale soit saisie de cette question. Après cela, le conseil de médiation intervient. Ce sont des experts qui vont essayer de rapprocher les parties, qui vont rendre publiques les conclusions de la négociation. Ce sont des aliqnements qui vont drôlement conditionner les résultats. Si les parties ne peuvent pas s'entendre ultimement, l'Assemblée nationale pourra tenir compte de tous ces éléments qui ont suivi le processus; du rapport de conciliation, du rapport du conseil de médiation, des recommandations qui ont été faites à l'Assemblée nationale, à la commission parlementaire.

Je pense que tout cela permet au gouvernement, ultimement, de prendre des décisions. Je veux dire que quand l'intérêt public le commande et que le gouvernement le juge à propos, il doit le faire.

M. Paquette: M. le Président, j'aurais encore beaucoup de questions, mais je vais me restreindre. Cela fait déjà un bout de temps. Simplement, en conclusion à la fin de votre exposé, vous avez lancé une phrase: Ceux qui nous attribuent la responsabilité des problèmes dans les hôpitaux devraient faire leur propre examen de conscience. Je le souhaite comme vous. Je pense que les syndicats doivent faire leur examen de conscience, le gouvernement aussi et j'espère que l'Association des hôpitaux n'en sera pas exempte.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Si vous me permettez, je voudrais simplement relever une affirmation du député de Rosemont, à savoir qu'en temps de grève - on parlait de la grève dans les services de santé - l'Opposition avait tendance à dramatiser. J'étais le porte-parole de l'Opposition officielle et, sauf le député de Rosemont, je n'ai jamais entendu qui que ce soit dire qu'on avait dramatisé. Si on avait voulu dramatiser, M. le Président, on a des caisses de rapports d'experts. On aurait pu prendre les 50 heures que nous passons ici en commission parlementaire pour justement dramatiser, mais je pense que depuis le début, on s'en est abstenu. Je pense que les deux seuls cas qui ont été donnés en détail ce sont les deux qui ont été donnés par le ministre et qui d'ailleurs touchaient les administrations hospitalières.

Ceci étant dit, il y a une autre remarque que je voudrais faire. Je me demande si on ne part pas, dans toute cette discussion, d'une espèce de prémisse fausse. On essaie de savoir, les uns et les autres, si les bénéficiaires ont reçu des services adéquats ou pas tout à fait satisfaisants ou assez satisfaisants. C'est vraiment un jeu extrêmement sérieux qu'on joue. C'est comme si on se disait: Si on peut se convaincre qu'on peut quantifier les services qui ont été prodiqués comme assez satisfaisants pour la santé des gens, mon Dieu, on peut faire juste quelques petites améliorations de maquillage et cela va être

correct. Cela, je ne le dis pas uniquement pour le gouvernement, je le dis pour nous autres aussi. Je me demande si o ne joue pas avec quelque chose d'extrêmement plus important.

J'aimerais référer mes collègues à la page 8. Je trouve cela extrêmement intéressant. Vous reconnaissez le droit fondamental et normalement inaliénable que constitue le droit à l'intégrité physique et à la santé et, d'autre part, la possibilité pour un groupe particulier de recourir à la grève comme moyen de pression pour obtenir le droit à des conditions de travail toujours supérieures, compte tenu de celles déjà décrétées par le législateur. C'est ce qui est intéressant: Compte tenu de celles déjà décrétées par le législateur, que ce soit à titre de normes minimales de travail, de protection de la santé et de la sécurité au travail et de non-discrimination dans l'emploi et ce, pour l'ensemble des travailleurs du Québec.

Je pense que le gouvernement, quand il s'est agi de faire adopter la loi sur la santé et la sécurité des travailleurs s'est dit... Il y a des dispositions et je pense que le ministre est beaucoup plus familier que je ne le suis avec ces dispositions. Il me corrigera. Quand un travailleur pense ou voit qu'il y a des risques pour sa sécurité, je ne sais pas s'il y a des modalités mais en tout cas il peut refuser de continuer à remplir cet emploi ou, enfin, de l'exercer pour un moment donné jusqu'à ce que les conditions qui comportent des risques pour sa sécurité soient corrigées. Je pense que dans l'esprit je ne me trompe pas en affirmant cela.

Je pense que tout le monde, que ce soient nos invités, que ce soit nous, on souscrit à ce principe, mais quand arrive la question de savoir si les malades, eux, courent plus ou moins de risques que ceux qui attendent à la porte des hôpitaux, qui n'y sont pas admis, là, on essaie de se réconforter en disant: II y a toujours de la subjectivité dans l'évaluation de cela, que ce soit de la part de la partie patronale, que ce soit de la part des syndicats, que ce soit de la part du gouvernement ou de la part de l'Opposition. Je me demande si vraiment on n'aborde pas le débat d'une façon un peu faussée, parce que si on reconnaît ce principe de santé et de sécurité et de droit, comme il est reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne, ce droit à l'intégrité physigue... Je n'y reviendrai pas. L'autre jour, je ne me suis pas fait remettre à l'ordre, mais j'avais dépassé mon temps. Il y a trois articles très précis qui se réfèrent à ce droit fondamental des gens à l'intégrité physique. Je pense qu'il y en a un pour les handicapés. Il y en a un pour les droits des enfants. Nous autres, on dit: Si c'est un peu moins mal qu'en 1978, peut-être qu'on pourrait encore faire quelques petites corrections et là, cela serait correct. C'est le commentaire général que je voulais faire.

Je sens - et c'est une interprétation subjective - dans le mémoire de l'AHQ, qu'on a évidemment beaucoup discuté de la question de l'abolition du droit de grève ou non. Quand vous lisez la page 14 du premier document, je vous assure qu'on se demande comment il se fait que vous n'arrivez pas à une conclusion d'abolition du droit de grève. C'est très clair. Quand vous faites l'énoncé du principe que je viens de lire, on se dit: Est-ce que vous ne devriez pas arriver à ce type de conclusion?

Qu'on regarde la page 13: "Le soin de décider que l'admission d'un patient peut être différée ou que les services diagnostiqués ne seront qu'exceptionnellement disponibles sans risquer du même coup de compromettre la vie et la santé de personnes qui, le plus souvent dans l'anonymat, ont eu à souffrir des effets des grèves à différents degrés. " Je comprends que vous soyez arrivés avec des recommandations qui peuvent apparaître assez restrictives, mais je pense que si on laisse s'exercer pleinement le droit de grève - je ne sais pas si les recommandations que vous faites au plan technique sont applicables, je ne suis pas spécialiste - il va certainement falloir se pencher sur la question et non pas simplement penser à créer une régie. C'est peut-être bon en soi, mais il va falloir qu'il y ait une volonté politique de faire appliquer les mécanismes qu'on aura mis en place. Sans cela, tout cet exercice ici est futile et on le recommencera dans quatre ans.

Il y a deux guestions que je voudrais vous poser. Si les chiffres que vous avez commencé à nous donner ne sont pas à l'intérieur du rapport que vous devez nous envoyer, j'aimerais bien les obtenir parce que je ne les ai jamais eus en détail.

Une première question: À la page 13 ou 15, soit dans l'un ou dans l'autre - c'est à la page 15 - vous dites qu'il devrait y avoir un organisme spécial qui édicterait des lignes directrices devant servir lors des négociations locales. Cet organisme devrait établir des normes qui tiendraient compte, entre autres, de la situation géographigue, des ressources alternatives, du degré de captivité ou de dépendance de certaines catégories. Tout le monde, évidemment, pense aux hôpitaux pour soins prolongés et aux centres d'accueil. Est-ce que, dans votre esprit, cet organisme pourrait arriver à la conclusion que, dans ce type d'établissements, tous les services sont essentiels?

M. Leclerc: C'est fort possible qu'il puisse arriver à cela. Il y a certainement des institutions où ça pourrait fort bien être presque total et il y en a d'autres où ça pourrait être une proportion plus ou moins élevée.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, dans les faits, tous les services seraient essentiels, il n'y aurait pas exercice du droit de grève, mais il faudrait qu'il y ait une formule compensatoire. Je pense que ce serait négocié; par exemple, une formule telle que les bénéfices obtenus pour les travailleurs dans telle catégorie d'institutions seraient étendus à ceux qui n'auraient pas pu exercer leur droit de grève à la suite d'une déclaration de services essentiels en totalité dans certains types d'institutions. Est-ce que je vous interprète bien ou si je tire des conclusions qui ne sont pas les vôtres?

M. Nadeau: C'est une chose qui est possible.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez établi très clairement - et il y en a d'autres qui l'ont fait avec vous - la question de la détermination des soins essentiels à partir de listes syndicales. Ce n'est pas que les syndicats soient méchants, mais je pense que c'est une tentation, dans ce rapport de forces entre le gouvernement ou la partie patronale et le syndicat, de l'utiliser comme un objet de pouvoir. C'est ça qui rend cette formule de liste syndicale assez risquée si les gens ne se sont pas entendus. (13 heures)

II y a une recommandation que vous faites à la toute fin, parmi vos nombreuses recommandations - je pense que le député de Rosemont en a soulevé quelques-unes - celle d'une commission parlementaire pour discuter des conditions de travail. Je comprends que c'est dans un effort de mettre les cartes sur la table - tout le monde souhaite que les cartes soient mises sur la table le plus possible de part et d'autre - mais est-ce que vous ne trouvez pas que ça pourrait créer une situation un peu provocatrice? C'est évident que si on amène les syndicats à établir leurs conditions de travail, d'une part, et le gouvernement d'autre part, ou la partie patronale, qui pourrait être vous ou d'autres associations, finalement, on va arriver à une commission parlementaire où cela va être une surenchère, une provocation? Vous, vous allez dire: Compte tenu de la qualité des services, on veut une modification dans les conditions de travail qui soit de tel ordre. Le syndicat va dire: Moi, je ne veux pas renoncer à des droits acquis. Je ne suis pas sûre que la formule soit très pratique. L'avez-vous examinée? Quelle est votre réaction?

M. Nadeau: En fait ce dont on parle devant une commission parlementaire, c'est le niveau des conditions de travail, par exemple, des salariés du secteur public par rapport aux salariés du secteur privé. Il ne s'agit pas d'entrer, au niveau de la commission parlementaire, dans le détail des conditions de travail. C'est au niveau de grandes balises qui permettraient d'éclairer l'Assemblée nationale et le gouvernement dans sa politique à la veille de la négociation. Cela lui permettrait d'avoir des données, tant du côté syndical, du côté patronal que du côté des corps intermédiaires, sur l'impact de certaines mesures dans le milieu industriel, par exemple. Je suis certain que c'est important de savoir cela, quand on pense aux conditions de travail des salariés du secteur public.

Cela permettrait au gouvernement et à l'Assemblée nationale d'avoir un portrait de l'ensemble de la situation avant d'orienter une politique des conditions de travail de ses salariés ou des salariés du secteur parapublic.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Dans votre mémoire, vous faites allusion à un désir d'une plus grande participation, je pense, des autres membres de la table patronale. Ce n'est pas dit comme cela, mais vous parlez de négociation au niveau sectoriel et ainsi de suite. Est-ce que vous désirez que, localement, il existe une plus grande latitude dans la discussion des conditions de travail pour que ce soit mieux adapté aux besoins des institutions respectives? Croyez-vous que, dans le passé, quels que soient les gouvernements, vous n'ayez pas été mis beaucoup à contribution ou que vous ayez plus ou moins été écartés quand est arrivé le moment de décider des conditions plus définitives des conventions collectives?

M. Nadeau: En fait, Mme Lavoie-Roux, c'est qu'on a le mandat d'administrer correctement les établissements. Je pense qu'il y a moyen, à l'intérieur de balises qui seraient convenues ou de qrandes orientations au niveau de la convention collective qui seraient aqréées à l'échelle nationale, d'avoir une place pour certaines modifications au niveau local qui tiennent compte des réalités vécues au niveau local.

Je pense que c'est important qu'on puisse adapter un peu. Il ne s'agit pas de recommencer la négociation et d'avoir des grands paramètres de négociation au niveau local, comme cela se fait dans le secteur de l'éducation, parce que l'expérience qu'on vit là, c'est que la négociation recommence. Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit, par exemple, de clauses sur le rappel au travail, sur la garde, la disponibilité des salariés, les listes de rappel. Il y a un certain nombre de choses où on pourrait être plus souple au niveau local et faire un peu plus d'adaptations qui tiennent compte du contexte vraiment local. C'est le sens de notre recommandation.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie

beaucoup.

M. Nadeau: M. le Président, maintenant, si vous me permettez, j'aimerais insister sur ce que Mme Lavoie-Roux vient de nous mentionner, et c'est un désir de l'ensemble de nos membres. On l'a vécu à l'occasion de la grande tournée qu'on a faite pour consulter nos membres sur le sujet, c'est que, quelles que soient les règles qu'on se donne au niveau de la négociation, au niveau des services essentiels, il est absolument nécessaire qu'il y ait une volonté gouvernementale de faire respecter ces règles. Sans cela, cela n'a aucun sens. Je pense que cela est à la base même du système.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, en remerciant les membres de l'Association des hôpitaux du Québec de leur mémoire, me permettre quelques petites remarques. Cela me frappait particulièrement en entendant certains témoignaqes ce matin, comme des témoignages d'autres jours, cela me frappait aussi en entendant certains commentaires de membres de cette commission parlementaire, en particulier l'intervention de la députée de L'Acadie, pas seulement celle-là, mais celle-là en particulier. C'est vrai que ce n'est jamais facile, et c'est même difficile pour les humains, qu'ils soient parlementaires ou pas, d'évaluer des choses surtout dans des domaines comme ceux dont on parle ici, à cette commission, même en ayant toutes les données les mieux chiffrées, quantifiées, tout le papier empilé sur la table, parce qu'il y a du non-quantifiable là-dedans, par définition, dans le domaine de l'humain. On en a encore eu un exemple ce matin. On a reçu le mémoire de l'association. Elle nous a dit que, si je comprends bien, la situation a été pénible, de son point de vue et ça suppose -peu importe le qualificatif - des améliorations, si on veut, mais, de votre point de vue, cela a besoin d'être substantiel. Vous dites en plus: II y a besoin d'une volonté que la substance de changements soit accompagnée d'une volonté de les faire respecter.

En même temps, j'écoutais attentivement M. Cléroux et les chiffres qu'il nous citait: pendant cette période de grèves sporadigues où la Fédération - je pense que ce sont vos propres chiffres - des syndicats professionnels d'infirmières et d'infirmiers du Québec aurait assuré, jusqu'à concurrence de 65% les services essentiels, que les syndicats professionnels d'infirmières et infirmiers du Québec aurait assuré jusqu'à 78% des services essentiels. Je comprends que c'est une moyenne, cela a pu être un peu plus ou un peu moins selon les coins, selon les établissements, il y a toute une série de nuances à introduire et, pendant cette période de grèves sporadiques, d'autres syndicats étaient à l'intérieur. Donc, c'est vrai que ce n'est pas simple, peu importent les chiffres.

Ce qui est encore plus difficile pour les humains - il va falloir qu'on le fasse - c'est de transposer leurs principes, leurs idéaux, leurs qrandes idées généreuses, fondamentales. Il faut qu'on conserve ces idées, cette générosité, en ce qui concerne les valeurs et les droits fondamentaux qui s'expriment à cette table, qui s'expriment dans les témoiqnages qu'on entend. Mais ce qui me paraît plus important, c'est que, tout en maintenant ces principes - qu'on les qualifie de principes, de valeurs, de droits fondamentaux - on n'est pas ici parce qu'on estime que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes et que tout va sur des roulettes, on ne serait pas ici, si tel était le cas.

Ce n'est donc pas l'évaluation que le gouvernement fait, certainement pas. Ceci étant dit, il va falloir trouver les moyens concrets de transposer dans la réalité à la fois ce droit qui est reconnu - que le gouvernement ne conteste pas, qu'il n'a pas l'intention de retirer, j'ai déjà expliqué pourquoi - et qui est le droit de négociation et le droit de grève, mais, en même temps, de prendre les moyens réels - on appellera ça comme on voudra - pour améliorer un peu, beaucoup, passionnément, pour changer les choses fondamentalement.

Peu importent les mots, ce qui m'importe, c'est la réalité, pour faire en sorte que le droit fondamental des hommes et des femmes en vie à leurs soins, à leurs services directs puisse correspondre à une réalité. Bien sûr, ça doit être accompagné, non seulement - chacun tirera sa ligne, encore une fois, aussi bien l'Opposition que le gouvernement - notre travail ici, guant à nous, à l'aide des témoignages qu'on entend, des suggestions et des recommandations qui nous sont formulées, c'est d'essayer de trouver les meilleurs moyens, des moyens qui soient réalistes.

Il faut tenir compte de la réalité; la réalité, c'est une société, ce sont des humains, il y a des réalités sociales, culturelles, économiques; on ne peut pas balayer cela. Il faut y aller de façon réaliste, mais en même temps de façon responsable et avec la volonté qu'il faut pour y arriver. Je suis très heureux, en passant, de prendre acte de la déclaration de la députée de L'Acadie qui nous confirme, aujourd'hui, que ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée que ça pour le gouvernement d'introduire la loi 17, de reconnaître le droit aux hommes et aux femmes qui travaillent d'exercer un droit de

refus, si leur santé et leur sécurité sont mises en cause.

Je suis content de voir que parfois les choses évoluent. C'est le droit normal des humains de changer d'idée et d'évoluer, parce que, à l'époque, si ma mémoire est bonne, ce n'était pas l'opinion qui était partagée de l'autre côté de la table, mais je pense que...

M. Rivest: J'ai cité le député de Portneuf, rappelez-vous.

M. Marois:... les mentalités évoluent et les idées aussi. Le travail n'est pas facile, mais en ce qui nous concerne...

Mme Lavoie-Roux: C'est du charriage!

M. Marois: Non, je ne crois pas que ce soit du charriage, ce sont strictement les faits. C'est un fait, je suis certain que la députée de L'Acadie ne veut pas me forcer à rappeler les votes de l'Opposition sur ce projet de loi, malgré le travail remarquable, colossal d'accompagnement, de façon très positive, que certains collègues - notamment le député de Portneuf - avaient apporté aux travaux de la commission à l'époque, comme je pense que c'est encore possible pour les travaux de la présente commission. Moi, je suis très heureux des recommandations, des suggestions qui nous sont faites et qui seront évaluées au mérite pour faire en sorte qu'on puisse trouver, comme société, les moyens d'assurer que, dans le concret, les droits des autres aussi soient pleinement respectés.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Nous entendrons alors les porte-parole de l'Association des CLSC du Québec.

(Suspension de la séance à 13 h 10)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de cette commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs. J'invite...

M. Polak: M. le Président, j'ai une question de procédure à soulever. Je vois qu'il reste encore sept mémoires pour aujourd'hui et je constate que si on en entend trois cet après-midi et quatre ce soir, même en leur accordant une période d'une heure, on sera encore ici à minuit. Je ne m'oppose pas à cela, on a déjà été ici à 23 h 30 ou minuit, mais je voudrais suggérer qu'on se restreiqne à une heure, en périodes de 20 minutes, pour entendre les mémoires. Il y a des mémoires fort intéressants, c'est vrai, mais on dépasse le temps alloué et on ne pourra entendre que cinq mémoires; on ne finira jamais. Je ne sais pas ce que les autres membres de la commission en pensent, je n'ai discuté avec personne là-dessus, mais il faudrait peut-être donner au président le pouvoir de contrôler le temps. Si cela prend une heure, ça prend une heure, un point, c'est tout. Je serais d'accord avec cela.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne, si les membres de la commission sont d'accord, je pourrai quand même informer les membres de la commission, s'il y a lieu, qu'ils ont effectivement dépassé la période de temps qui leur est allouée. Cependant, je dois vous signaler qu'il n'y a pas de règle stricte dans nos règles de procédure qui me permet d'interrompre un député qui a des choses à dire et qui veut les dire. À ce moment-là, c'est plutôt une question de discipline de groupe, de chaque côté de cette table, pour faire en sorte que le temps alloué à chaque mémoire soit respecté.

Association des CLSC du Québec

Si vous voulez, on va enchaîner là-dessus en accueillant l'Association des CLSC du Québec. Je demande aux représentants de cet organisme de prendre place. Si mes informations sont justes, ce mémoire devrait nous être présenté par M. Pierre Ouimet, son président. M. Ouimet, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle, compte tenu des remarques que nous venons de faire, que nous allouons 20 minutes pour la présentation du mémoire et, autant que possible, 20 minutes pour la période de questions de chaque côté.

M. Ouimet (Pierre): M. le Président, je vous remercie. On va essayer de tenir compte de vos remarques et de raccourcir la présentation de notre mémoire.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous présente d'abord la délégation de la Fédération des CLSC du Québec: À ma

droite, M. Maurice Charlebois, directeur général de la fédération; à ma gauche, M. Gilles Gauthier, directeur des ressources humaines; à sa gauche, M. Jacques Welkins, directeur des communications.

La Fédération des CLSC du Québec est heureuse aujourd'hui de pouvoir participer à cette réflexion collective sur les moyens d'améliorer le régime de la négociation dans les secteurs public et parapublic. Toutefois, notre contribution se situera plus au niveau d'une réflexion sur certaines problématiques de la négociation qu'au niveau d'une proposition à caractère purement technique visant à modifier a nouveau le cadre de la négociation en espérant ainsi régler tous les problèmes. En effet, à notre point de vue, compte tenu du caractère de la négociation dans notre secteur, de sa dynamique, du nombre d'acteurs et des enjeux, il est illusoire de penser qu'il existe des solutions miracles au problème. Plus on écoute les mémoires, plus on se rend compte qu'il n'y a pas de solution miracle et on n'a pas de lapin dans notre chapeau. Cela n'enlève pas la nécessité quand même de se prêter à des exercices d'évaluation et nous souhaitons que notre mémoire contribue quand même à faire progresser modestement les discussions sur un sujet qui est fort difficile, qui engendre de nombreuses polémiques autant dans notre milieu que dans la population. Compte tenu du temps limité dont on dispose, je ne livrerai pas le rapport au complet, mais j'essaierai d'en dégager les principales lignes.

D'abord, on tiendrait peut-être à rappeler ici certaines réflexions que nous avions déjà présentées à la commission Martin-Bouchard et qui nous apparaissent toujours pertinentes au débat. Notre mémoire faisait ressortir deux considérations qui nous semblent extrêmement importantes. La première, c'est qu'il faut d'abord réaliser que la négociation collective, c'est un système essentiellement de l'ordre du conflictuel, de l'opposition des intérêts et c'est axé sur la confrontation. À ce moment, il ne faut pas se surprendre si ce système engendre périodiquement des conflits. Il en sera, nous pensons, toujours ainsi tant que notre société privilégiera et acceptera la négociation collective comme processus de détermination des conditions de travail des salariés. La deuxième chose, c'est qu'il faut également réaliser que les facteurs déterminant la dynamique de la négociation, et donc le conflit dans les secteurs public et parapublic, sont davantage de nature politique qu'économique et ce, contrairement au secteur privé.

Quant à nous, cela s'explique par la présence de l'État, par le nombre considérable de salariés impliqués, la nature des services touchés par une éventuelle interruption et les conséquences sur la population en général. La conjugaison de tous ces éléments déplace souvent la négociation sur des enjeux sociaux importants, non seulement pour les salariés concernés, mais particulièrement pour tous les citoyens et appelle par le fait même une intervention de l'État qui déborde souvent de son rôle d'employeur.

Dans la négociation collective avec ses employés, les interventions de l'État sont conditionnées en fonction de son double rôle de législateur et d'employeur. Ce fait est connu, mais il nous apparaît essentiel de le rappeler, parce qu'il éclaire toute la dynamique de la négociation dans les secteurs public et parapublic.

Il y a une série de questions qu'on peut se poser: l'État, à titre d'employeur, doit-il offrir des conditions de travail supérieures, égales ou inférieures aux employés du secteur privé?

L'État doit-il se servir de son rôle d'employeur pour introduire des politiques sociales d'envergure telles la sécurité d'emploi, les droits parentaux, les régimes de retraite ou ne doit-il pas plutôt réserver cela pour une législation universelle?

L'État employeur doit-il s'appuyer sur les mêmes critères de rentabilité que l'entreprise privée ou ne doit-il pas plutôt rechercher une rentabilité sociale et ce, à titre de responsable du bien-être général de la population?

L'État, dans le processus de négociation, se trouve-t-il toujours dans une position plus avantageuse du fait qu'il fixe par législation les règles du jeu de cette négociation et qu'il a en plus le pouvoir de les modifier à tout moment? Cela ne rend-il pas illusoire la négociation dans les secteurs public et parapublic?

L'État employeur, partie à une négociation, peut-il facilement s'élever au-dessus du conflit et se réclamer responsable du bien-être de la population et porte-parole de cette dernière sans fausser le jeu?

Finalement, le gouvernement peut-il facilement faire abstraction des considérations électorales dans la négociation, le conflit, l'interruption des services?

Poser ces guestions permet de faire ressortir une partie de la complexité de la négociation dans les secteurs public et parapublic. Elles permettent d'entrevoir la difficulté de la définition des rôles des partenaires du gouvernement à la négociation, ce sur quoi d'ailleurs nous reviendrons plus loin. Elles permettent d'imaginer les stratégies syndicales.

En effet, le syndicat, de son côté, tente de créer à travers la négociation une conjoncture telle que l'État sera amené dans une situation politique si délicate que la force de ses moyens législatifs lui sera d'un recours limité: l'issue devenant alors la réconciliation des intérêts.

À chacune des rondes, le syndicat

risque, par cette stratégie, d'engendrer une situation où, à la suite des pressions exercées par l'opinion publique, le gouvernement serait tenté de prendre des mesures qui auraient pour effet d'affaiblir sa crédibilité. C'est évidemment un risque. Il est réel et, croyons-nous, intégré à la stratégie syndicale.

C'est évident que quinze ans de négociation ont développé forcément chez les syndicats un sens du seuil de tolérance de la population. Pour le syndicat, l'expérience a été positive en termes d'amélioration des conditions de travail; donc, il y a eu incitation à continuer, d'autant plus que les sanctions prévues pour non-respect des lois et des règlements, s'il y a lieu, sont habituellement non appliquées, comme cela a été souligné à plusieurs reprises. L'encadrement technique et l'encadrement législatif deviennent alors un cadre de référence, une balise, un esprit plutôt qu'une véritable contrainte formelle.

Par ailleurs, au niveau des enjeux, la négociation est, pour le syndicat, l'occasion de la formulation de revendications sociales fort importantes. Elle n'a donc plus le caractère privé de la négociation habituelle et elle devient, de ce fait, d'intérêt public. Le syndicalisme au Québec, en plus de demeurer un agent de revendications socioprofessionnelles, tend à s'affirmer de plus en plus manifestement comme un agent dynamique de transformation sociale.

Une chose importante que nous voulons faire ressortir, c'est que, dans ce contexte, les interventions de l'État sont conditionnées par une multitude de facteurs politiques. Ces interventions peuvent apparaître parfois contradictoires et incompréhensibles, car dans le processus dynamique de la négociation, les rôles d'employeur et de législateur se confondent, entraînant ainsi des frustrations pour les principaux acteurs de la négociation ainsi que pour la population. Mais peut-il en être autrement? Doit-on rechercher des modifications au cadre juridique qui permettront une séparation claire des rôles? Nous croyons que non. Nous croyons également que tout exercice en ce sens est stérile parce que les enjeux d'une négociation dans les secteurs public et parapublic en font un événement politique majeur qui ne trouve ultimement sa réponse qu'au niveau de l'État.

La conclusion que nous venons de faire au sujet de ce processus de négociation dans les secteurs public et parapublic nous amène donc à ne pas remettre en question la centralisation de ces négociations. Le cadre juridique existant à l'heure actuelle confirme cette centralisation et nous ne croyons pas qu'il nécessite vraiment de modifications majeures.

Toutefois, à la suite de l'expérience vécue lors de la dernière ronde de négociations, il nous paraît tout de même judicieux de soumettre quelques recommandations quant à certains éléments du cadre de négociation. D'abord, concernant la loi 59, le calendrier prévu à l'article 99h du Code du travail s'est avéré fonctionnel et ne devrait pas être modifié; il pourrait toutefois, tel que nous l'avons déjà recommandé à la commission Martin-Bouchard, prévoir, à la date d'échéance des conventions collectives, l'intervention d'un conseil de médiation ou d'un médiateur. Celui-ci ferait un rapport public dans les 3D jours de son intervention; après quoi, un vote sur ce rapport devrait être pris. Le droit de grève ne serait acquis qu'après ce vote.

D'aucuns savent que, qénéralement, les seules informations sur la négociation diffusées par les médias revêtent un caractère de sensationnalisme afin de rencontrer évidemment des objectifs de marketing. Par surcroît, on sait aussi que les journalistes spécialisés préfèrent de beaucoup s'approvisionner directement aux sources. C'est pourquoi nous "questionnons" le rôle du conseil d'information en temps de négociation. La publication du rapport de médiation, tel que nous venons tout juste de le proposer, pourrait fournir au public une information sur l'état de la négociation et sur les positions respectives des parties et ce, au moment où les votes de grève pourraient être pris.

Le droit de grève. Tout comme nous le recommandions il y a trois ans à la commission Martin-Bouchard, nous croyons qu'il n'y a pas lieu de remettre en question le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Cette mesure s'avère, quant à nous, irréaliste, du moins pour le moment. Notre société a consenti à ce droit et il serait très difficile de l'enlever, mais surtout il nous semble utopique de vouloir ramener la paix dans les secteurs public et parapublic par cette seule mesure. La grève, de toute façon, se fait indépendamment du droit de la faire. Qu'on pense à la situation avant 1964 dans les hôpitaux du Québec, à la situation vécue dans plusieurs pays - plusieurs y ont fait allusion - qui n'ont pas accordé ce droit, dont l'Ontario récemment.

Un peu plus haut, tantôt, nous avons soumis que le droit de grève ne devrait être obtenu qu'après un vote sur le rapport de médiation soumis 30 jours après l'échéance des conventions collectives. Nous ne voyons vraiment pas d'autres modifications à apporter sur les procédures.

Les services essentiels. Dans la mesure où nous préconisons le maintien du droit de grève, nous considérons que notre société, de par l'évolution générale au niveau des valeurs qui la guident, accepte de tolérer une certaine désorganisation sociale résultant des conflits de travail.

La nature des services touchés par ces

conflits affecte directement son degré de tolérance au point de provoquer, dans certains cas, une limite ou des balises au droit de grève.

De par l'évolution de notre forme d'organisation sociale, l'État produit directement, et ce à la demande de la population, un grand nombre de services qui sont monopolistiques. Ceux-ci sont parfois essentiels à la satisfaction des besoins élémentaires et au maintien d'une organisation sociale harmonieuse. Il en résulte un état de dépendance du citoyen qui rend automatiquement toute interruption de ces services problématique ou même dramatique selon leur degré de nécessité.

Notre incapacité collective à nous réorganiser pour satisfaire ces besoins momentanément sans réponse contribue à déterminer le caractère essentiel des services. C'est ce qui fait qu'une grève atteint des proportions alarmantes ou non: une grève des péagistes de l'autoroute est socialement plaisante, elle est difficile dans les transports en commun, intolérable dans les CHSP.

En conséquence, nous croyons qu'il faut maintenir des mécanismes pour limiter les effets d'une interruption de services dits essentiels. La loi prévoit actuellement un mécanisme qui devrait être amélioré. En effet, le droit consenti aux syndicats de déterminer unilatéralement les services essentiels nous semble avoir été une erreur, principalement parce que toute décision à ce sujet repose essentiellement sur un jugement de valeur et qu'un tel jugement, comme tout jugement, doit être fait dans les meilleures conditions d'objectivité et de neutralité. Les syndicats, de par leur rôle dans la négociation, ne peuvent prétendre à cette objectivité; on les place dans la situation où ils sont juge et partie. En l'occurrence, on demande à l'une des parties à la négociation de concilier le droit de la population en général à la santé par rapport à son droit de grève. On sait que le rapport de forces syndical dépend d'une façon directement proportionnelle du degré de désorganisation sociale engendrée par la grève. (15 h 30)

Certains croient d'abord qu'il appartiendrait au gouvernement de décider ce qu'il est souhaitable de maintenir comme services essentiels en temps de conflit puisqu'il est le représentant légitime de la population. À cet égard, nous croyons que sa responsabilité consiste plus à prévoir des moyens ordonnés pour éviter des situations socialement inacceptables qu'à intervenir directement dans le processus de détermination des services essentiels.

En conséquence, nous proposons très concrètement:

Que les services essentiels soient déterminés par voie de négociation locale entre les parties;

Que cette négociation se déroule en dehors de la période active de négociation des conventions collectives afin d'éviter que cette opération fasse l'objet de jeux stratégiques;

Qu'à défaut d'entente entre les parties le conseil sur le maintien des services essentiels, formé en vertu de l'article 111 du Code du travail, décide des services à maintenir mais en optant exclusivement pour la dernière position syndicale ou la dernière position patronale;

Que l'entente néqociée ou la décision de la commission tienne compte également des variations éventuelles dans les services offerts en temps de conflit;

Enfin, que le conseil sur le maintien des services essentiels ait un caractère permanent.

Nous ne croyons pas que le système proposé ci-haut constitue une panacée mais il force, croyons-nous, les parties à adopter des positions réalistes.

Notre proposition vise à forcer finalement la négociation.

Les pénaltés. Il arrive peu souvent que les auteurs d'infractions commises lors de grèves illégales, notamment pour le non-respect d'ententes sur les services essentiels, soient poursuivis et ce, principalement à cause du fait que la négociation du règlement final entre les parties prévoit la cessation des poursuites. Il s'agit là d'une autre conséquence du double rôle État employeur, État législateur.

Par ailleurs, les amendes imposées dans le passé s'avéraient totalement irréalistes. Plusieurs sont alors tentés de conclure qu'il n'y a aucun mécanisme approprié pour régulariser cette situation.

La population, qui est directement victime des conflits, accepte de moins en moins, on s'en rend compte, d'être privée des services dits essentiels. Nous désirons attirer l'attention sur un phénomène nouveau, qui devrait écarter pour le moment les arguments en vue d'un retrait du droit de grève ou d'une intervention plus vigoureuse de l'État pour empêcher toute infraction.

Exaspérés par le nombre sans cesse croissant de grèves dans les secteurs publics et continuellement exclus du processus de la négociation, tout en étant utilisés par les parties, les bénéficiaires des services commencent à se prendre en main. Rappelons-nous les poursuites intentées par des usagers dans le cas de la grève illégale à la CTCUM, de la grève au cégep de Saint-Jérôme et, finalement, de la grève à l'hôpital Saint-Charles-Borromée.

Cette prise en charge de la part des bénéficiaires modifiera, croyons-nous, infailliblement le comportement des parties lors d'une éventuelle grève ou lock-out illégal dans les services publics. Ce nouveau

phénomène permet d'intégrer le public bénéficiaire dans le processus de négociations. Nous croyons que cette prise en charge, qui est d'ailleurs facilitée par de récentes modifications législatives concernant le recours collectif et les petites créances, apportera, dans le domaine du maintien des services essentiels en cas de grève illégale, des solutions efficaces, du moins plus efficaces que les pénalités habituellement prévues dans nos diverses lois régissant le droit de grève.

Les syndicats ne pourront plus alors tenir pour acquis l'abandon des poursuites judiciaires lors de la signature des protocoles de retour au travail, la population n'étant tout simplement pas partie à ces protocoles. De cette façon, les parties devront agir avec plus de maturité et faire preuve d'un degré minimum de conscience sociale.

En conséquence, il ne nous paraît pas utile de réviser en profondeur les pénalités actuellement prévues au Code du travail en cas de grève ou de lock-out illégal, compte tenu de l'émergence de ce nouveau phénomène. Ce phénomène a plus de chance d'amener chez les parties un respect des bénéficiaires des services tout au cours de la négociation qu'une batterie de mesures coercitives.

Quant à la loi 55, cette loi, dans la foulée de la loi 95 de décembre 1974, a constitué un pas de plus vers la centralisation au niveau gouvernemental des négociations dans les secteurs public et parapublic. Plusieurs considèrent que cette centralisation constitue une erreur et qu'il y a lieu de redonner aux parties, soit au niveau local, soit au niveau régional, soit, enfin, à des niveaux sectoriels, la coordination et les responsabilités de la négociation des conditions de travail des salariés.

On voit, dans cette solution, une possibilité de dépolitiser ces négociations ainsi que les conflits en soustrayant l'État du processus de négociations. Pour réaliser cette décentralisation, l'hypothèse la plus souvent avancée actuellement par différents intervenants consiste à retirer du champ de la négociation la masse salariale. Il y a trois ans, devant la commission Martin-Bouchard, nous avions défendu l'idée que la masse salariale devait entrer dans le champ du négociable. C'est toujours notre opinion.

Compte tenu de ce qu'englobe la masse salariale - la rémunération, les bénéfices marginaux, les avantages sociaux - et des débats politiques que cela sous-tend, il va de soi que la négociation doit être centralisée au niveau gouvernemental. L'introduction de paliers intermédiaires de négociation, par rapport aux dispositions financières des conventions collectives n'est pas souhaitable. Cela aurait pour effet de placer ces intervenants à ces niveaux en situation d'incompétence puisque la partie syndicale ferait rapidement appel à ceux qui décident vraiment.

Par contre, des paliers intermédiaires de négociation sont nécessaires pour régler les sujets se rapportant plus directement aux relations employeurs-employés dans les établissements de même que tout ce qui se rapporte à l'organisation du travail et aux responsabilités qui sont actuellement dévolues aux comités patronaux sectoriels.

Nous croyons donc qu'il ne faut pas modifier les dispositions relatives à l'organisation des parties prévues dans la loi 55 même s'il y eut certaines difficultés d'application au niveau du partage des responsabilités lors de la dernière ronde de négociations.

Nous sommes d'avis que le cadre juridique prévu à la loi 55 a quand même permis aux représentants des conseils d'administration des établissements du réseau une participation significative aux négociations. Par rapport aux dispositions à caractère financier, ils ont pu agir à titre de consultants auprès du gouvernement mettant ainsi à contribution leur expertise. En ce qui a trait aux dispositions normatives, ils ont pu poursuivre leurs principaux objectifs.

Il est évident que la convention collective forme un tout et qu'il est difficile de tracer une ligne de démarcation claire entre les clauses strictement normatives et les clauses salariales. Ce qui nous apparaît important de maintenir dans le processus de négociation, du côté de la partie patronale, c'est l'idée du partnership où les principaux acteurs peuvent faire valoir leur point de vue dans un processus consensuel.

En conclusion, nous estimons que certaines améliorations pourraient être apportées au niveau du fonctionnement des comités patronaux et que cela peut se faire dans le cadre des protocoles prévus à l'article 12 de la loi. Il n'y a donc pas nécessité selon nous d'en modifier les dispositions.

Il y a à peine trois ans, par le biais de la commission Martin-Bouchard, une réflexion majeure a été effectuée sur les phénomènes entourant les négociations dans les secteurs public et parapublic. Des modifications législatives relativement importantes s'ensuivirent. Depuis lors, une ronde de négociations a été tenue. Force nous est de constater que des améliorations sensibles ont été réalisées notamment au niveau de la durée des négociations.

Il reste certainement plusieurs autres améliorations à apporter et nous en avons signalé quelques-unes, et nous croyons que cela peut se faire dans le cadre actuel. C'est pourquoi nous nous en sommes tenus à des recommandations visant à apporter des correctifs relativement mineurs à la législation actuelle. La négociation collective

est guidée en grande partie par les attitudes des acteurs en présence, de telle sorte que les révisions de structures ne sont pas nécessairement garantes du règlement de tous les problèmes. Nous vous remercions.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des CLSC du Québec de son mémoire. Avec votre permission, je voudrais céder immédiatement mon droit de parole à mon collègue, le député de Prévost, qui est l'adjoint parlementaire. Il aurait un certain nombre de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Je vais essayer de poser mes questions rapidement et tout d'un bloc pour que vous puissiez y répondre.

Premièrement, je voudrais savoir si j'ai bien compris qu'à la suite de l'intervention du médiateur, il doit rendre son rapport public. Est-ce que cela serait le remplacement du conseil d'information, selon la loi actuelle? Ce rapport remplirait-il la fonction d'informer la population, d'après votre rapport?

Aussi, au bas de la page 12, vous écrivez, en parlant du rôle du gouvernement: "À cet égard, nous croyons que sa responsabilité consiste plus à prévoir des moyens ordonnés pour éviter des situations socialement inacceptables qu'à intervenir directement dans le processus de détermination des services essentiels. " Quels sont ces moyens ordonnés auxquels vous référez?

De plus, dans le processus des services essentiels, vous parlez de négociation locale exclue de la période de négociation. Seriez-vous d'accord avec l'idée d'un protocole-cadre qui pourrait être négocié à l'avance par les sommités des négociations sur une base sectorielle?

Autre question: Quand vous parlez de la décision du conseil sur le maintien des services essentiels, ce conseil décide des services à maintenir, en optant exclusivement pour la dernière position syndicale ou la dernière position patronale. D'après vous, quel serait l'avantage de cette formule?

Ensuite - c'est peut-être nous qui comprenons mal un point - vous parlez de pénalités pour des grèves illégales, mais le texte ne fait pas le lien avec le rapport du conseil du maintien des services essentiels. Cette décision sur la dernière position syndicale ou patronale serait-elle une décision obligatoire qui enlèverait le droit de grève à un établissement tant qu'on n'aurait pas respecté cette décision? Est-ce là que vous faites le lien avec des sanctions pour des grèves illégales par la suite?

Une avant-dernière question. Lors des dernières rondes dans les CLSC, les services essentiels ont-ils été effectivement maintenus ou non et, dans les deux cas, quels étaient les services essentiels au niveau des CLSC?

Finalement, vous êtes des administrateurs d'une partie du réseau public, les CLSC. Vous ne préconisez pas l'abolition du droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Pourquoi? C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): M. Ouimet.

M. Ouimet: Je ne savais pas qu'il fallait, une aussi bonne mémoire pour comparaître devant une commission parlementaire, pour retenir les sept questions. On va faire un effort.

Quant à la première question: Est-ce que le conseil de médiation, dans notre esprit, remplacerait le conseil d'information. Il reprendrait en partie certaines fonctions du conseil d'information, à savoir qu'il rendrait publiques un certain nombre d'informations là où en sont rendues les négociations. Dans ce sens, il accomplit des fonctions d'information, mais cela va plus loin que ça. Dans son rôle de médiation, je ne crois pas que le conseil d'information avait un rôle de médiation à jouer. (15 h 45)

À votre deuxième question, à la page 12, nous disons que nous ne croyons pas que ce soit la responsabilité du gouvernement d'intervenir directement dans le processus de détermination des services essentiels, mais que nous croyons plutôt que sa responsabilité consiste à prévoir des moyens ordonnés pour éviter des situations socialement inacceptables. Finalement, dans les recommandations que nous déposons, c'est un certain nombre de moyens que le gouvernement pourrait mettre en place. Ce serait sa façon à lui de contribuer à prévoir des moyens ordonnés. Quant au protocole-cadre, on pourra y revenir tantôt.

Je reprendrais peut-être la dernière question, à savoir pourquoi nous, qui sommes des administrateurs, ne recommandons pas l'abolition du droit de grève. J'ai dit, à un moment donné, que, pour le moment, nous ne recommandons pas l'abolition du droit de grève. Évidemment, dans les mémoires qui ont été déposés, dans les discussions que nous entendons à cette commission, le dilemme semble être de concilier ou d'harmoniser deux droits. Ce qui semble sauter aux yeux, c'est que, du côté du droit des travailleurs, non seulement nous reconnaissons ce droit, mais nous avons également des lois qui garantissent l'exercice de ce droit. Concernant le droit des

bénéficiaires, nous chantons hautement les louanges de ce droit, mais nous n'avons aucune loi, ou très peu, qui en garantisse l'exercice.

Pour le moment, nous croyons qu'il serait trop tôt pour tirer sur la rose afin de la faire pousser plus vite, ce n'est peut-être pas le temps. Compte tenu des petits pas, mais des pas que nous faisons dans la bonne direction, supprimer le droit de grève serait une solution peut-être radicale, qui ne réglerait pas nécessairement ce problème. Nous préconisons plutôt de discipliner ce droit de grève, non pas pour enlever ce droit aux travailleurs, mais pour tenir compte également du droit des usagers, puisque tout le monde sait que mon droit se termine au moment où le droit de l'autre commence.

Il y a d'autres questions concernant les pénalités, etc., je ne les ai pas toutes retenues. Probablement que mes collègues en ont pris note, et j'invite M. Charlebois à répondre à d'autres questions.

M. Charlebois (Maurice): Quant aux moyens ordonnés que l'État pourrait mettre en place, essentiellement, il s'agit là d'un passage pour introduire notre proposition. Les moyens ordonnés auxquels on pense, c'est, par rapport à la détermination des services essentiels, d'introduire un mécanisme d'arbitrage, mais, finalement, qui offre à l'arbitre uniquement le choix entre l'une ou l'autre des positions.

Une autre de vos questions: Quel est l'avantage de cette formule? À notre point de vue, cela forcerait les deux parties à des positions réalistes. Le risque serait trop grand pour une partie patronale, par exemple, de demander 100% des effectifs ou pour une partie syndicale d'en demander zéro puisque, à défaut d'entente, l'arbitre choisit l'un ou l'autre.

Ce qui est sous-jacent à notre proposition, c'est que les services essentiels doivent être négociés. Si on introduit ce mécanisme comme règlement d'un éventuel litige sur la détermination des services essentiels, on pense que c'est un mécanisme qui force les parties à négocier peut-être plus loin, donc qui réduirait le nombre de cas où il y a mésentente. Si on se réfère à la situation de 1978-1979, ce matin, l'Association des hôpitaux évoquait que, dans 60% des cas, les services essentiels étaient maintenus sur la base d'une liste déposée, donc, il y avait seulement 40% de cas d'entente; c'est à peu près la même situation qui a été vécue dans les CLSC.

En regardant ces chiffres, on peut dire que, dans la majorité des cas, les parties ne réussissent pas à s'entendre, et on souhaiterait un système où le maintien des services essentiels, où la quantité des services essentiels serait le résultat d'une entente entre les parties. Notre option, c'est que, finalement, c'est dans le contexte d'une entente négociée qu'il y a le plus de chances que la grève, si elle doit avoir lieu, se déroule d'une façon civilisée.

De la même manière, on souhaite que la négociation sur les services essentiels se fasse en dehors de la période conflictuelle, en dehors de la période de négociation de la convention collective. C'est une autre mesure pour "déconflictualiser" d'une certaine manière la détermination des services essentiels.

La négociation locale ou provinciale d'un protocole-cadre, on pense que c'est effectivement une piste qui est à explorer, dans la mesure où on invite les parties, localement, ou même la commission, à tenir compte d'éventuels fluctuations de services. Le gros problème dans la détermination des services essentiels c'est cette question. Si on néqocie six mois avant la grève, peut-être qu'au moment où la grève va se produire, il va arriver un phénomène quelconque qui va obliger à réviser la décision. Il faut donc prévoir une espèce de mécanisme de révision de l'entente sur les services essentiels. Cela peut se négocier dans un protocole-cadre. Il pourrait y avoir des "guide lines" au niveau provincial. Effectivement, quant à nous, c'est une piste à explorer.

Quant au lien entre les pénalités et notre proposition, disons que les pénalités interviennent lorsqu'il y a grève illégale. Quand on parle de notre proposition sur la détermination des services essentiels, dans la mesure où les parties se sont entendues, ou dans la mesure où il y a une sentence arbitrale et qu'elle est respectée, il n'y a pas lieu d'y avoir de pénalités. C'est une grève tout a fait légale. Les pénalités, on les évoque dans le cas de grève illégale ou dans le cas de non-respect de l'entente sur les services essentiels. Il n'y a donc pas directement de lien entre notre passage sur les pénalités et notre passage sur le mécanisme de détermination des services essentiels.

M. Dean: La décision du conseil serait exécutoire.

M. Charlebois: La décision du conseil, quant à nous, devrait être exécutoire. Est-ce que cela répond à l'ensemble de vos questions, M. le député de Prévost?

M. Dean: Oui, merci.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président.

M. Ouimet, votre mémoire présente une excellente analyse de la complexité des négociations, de la confusion des rôles et des jeux politiques qui sont engendrés.

Vous avez soulevé une foule de questions très pertinentes, surtout à la page 6, sur le rôle de l'État, mais je suis surprise de trouver dans vos recommandations une certaine attitude de tolérance, même de pessimisme qui vous a amenés à recommander des ajustements au lieu de changements substantiels dans le système actuel. Selon ma perspective, la chose la plus importante, c'est d'assurer que le bien-être public soit mieux servi.

J'ai quatre questions axées sur le besoin primordial de protéger l'intérêt public, non pas seulement dans le processus des négociations, mais dans ses résultats.

Ma première question est: Compte tenu du conflit social et politique engendré par les négociations et la tendance que vous avez soulignée à la page 8, soit que "le syndicalisme au Québec tend à s'affirmer de plus en plus manifestement comme un agent dynamique de transformation sociale", compte tenu de cette tendance, comment peut-on protéger l'intérêt public dans cette affaire? Nous avons entendu une recommandation la semaine dernière disant qu'on doit avoir un ombudsman pour représenter l'intérêt public à la table de négociations. Je me demande si c'est une bonne idée. Est-ce que vous avez des idées là-dessus?

M. Ouimet: Au chapitre de ce qu'on appelle des pénalités, on souligne le phénomène nouveau de la prise en charge de la population de ses propres intérêts. C'est effectivement nouveau et cela est permis à la population à cause de certains outils comme le recours collectif. Certains organismes l'ont souligné. Je viens d'entendre la Coalition des malades. Elle dit avoir utilisé cet outil, mais souhaite que l'utilisation de cet outil soit rendue plus facile; et on décrit comment c'est assez compliqué d'utiliser ça finalement, simplement de trouver des requérants.

Par ce biais, nous croyons que la population pourra revendiquer ses droits, à la condition - et nous le suggérons implicitement, même si nous n'avons pas développé cet aspect - que le législateur facilite à la population le recours à des mécanismes comme ceux-là, plus spécifiquement dans le cas des problèmes qui se posent lors des négociations dans les secteurs public et parapublic. On pense que ça peut devenir un frein pour les parties, que ça peut les inciter à devenir peut-être plus raisonnables, sachant que non seulement il y a une opinion publique, mais qu'il y a aussi une population qui va disposer d'outils pour se faire justice.

Possiblement aussi qu'il pourrait y avoir, à cette régie ou à cette commission permanente des services essentiels, des représentants des bénéficiaires, des usagers, comme on en retrouve à nos conseils d'administration des CLSC, composés avec une représentation majoritaire ou prépondérante des usagers, de façon à faire valoir plus explicitement ce point de vue des usagers.

Mme Dougherty: La recommandation était faite par les consommateurs, je crois, ce n'était pas uniquement pour déterminer les services essentiels, c'était le fait qu'on devait avoir un Protecteur du citoyen à la table des négociations. Je sais très bien que c'est plus compliqué que ça, mais leur recommandation est qu'on doit avoir ce Protecteur du citoyen parce que c'est l'intérêt du public qui est en jeu ici.

M. Ouimet: Si vous le permettez, je crois que M. Charlebois aurait des commentaires à faire à ce sujet.

Mme Dougherty: Oui.

M. Charlebois: Par rapport à cette question précise d'un Protecteur du citoyen, qu'il soit présent à la table des négociations, moi, je ne vois pas trop de quel côté de la table il va s'asseoir. S'il est là pour veiller à l'intérêt public, on ne l'aborde pas dans notre mémoire, il ne faut pas oublier qu'il y a une instance à l'heure actuelle qui a cette responsabilité, et c'est le gouvernement. La loi et le Code du travail prévoient que le gouvernement peut en tout temps, s'il juge que la santé et la sécurité de la population sont en danger, suspendre le droit de grève. D'ailleurs le gouvernement a utilisé cette mesure lors de la dernière négociation.

On ne l'a pas évoqué dans notre mémoire. Ce qu'on a simplement introduit dans notre mémoire, c'est qu'il y a un nouveau courant social qui se développe, c'est-à-dire que la population, à travers des organisations de bénéficiaires, commence à suivre de plus près ses intérêts et commence à faire des revendications qui vont forcément avoir un impact sur l'attitude des parties. Qu'on pense simplement à ce qui se produit aux États-Unis à l'heure actuelle, le phénomène où le corps médical est absolument traumatisé par les poursuites qu'il peut avoir, c'est un comportement de citoyens qui a amené une modification de l'attitude d'un corps professionnel.

Dans les négociations des secteurs public et parapublic, ce phénomène d'autant plus que les citoyens auront un accès plus facile à des recours - il est bien évident que ça va influencer le comportement des parties, mais tout ça, c'est dans le cas de grève illégale, dans le cas où on ne se situe pas dans le cadre légal dans lequel on fonctionne. Il reste que, au-delà de ça, il y a une instance responsable de la sécurité et de la santé, et c'est déjà prévu dans notre cadre juridique à l'heure

actuelle. C'est pour ça qu'on n'a pas jugé bon de revenir là-dessus; le gouvernement l'a déjà utilisé en 1978, il l'a déjà utilisé en 1975 et il pourra l'utiliser encore une prochaine fois. Dans ce sens-là, cela ne nous amenait pas à faire d'autres recommandations, à remettre, par exemple, au conseil sur le maintien des services essentiels, ou à remettre à un ombudsman ou à n'importe quelle autre créature du gouvernement, une responsabilité que le gouvernement a déjà. (16 heures)

II est bien clair que lorsqu'on arrive au point de vouloir suspendre le droit de grève, c'est qu'on est à un niveau de perturbation sociale qui ne peut faire appel qu'au législateur. Quel que soit le gouvernement, ils ont utilisé ce moyen-là. Quant à nous, c'est inscrit dans nos lois. Je n'ai pas de recommandation à faire là-dessus.

Mme Dougherty: Selon les négociations, les périodes de négociations et les résultats que nous avons connus depuis plusieurs années, l'intérêt public n'était pas toujours protégé. C'est là le problème.

Cela m'amène à ma deuxième question. À la page 16 vous avez parlé de la masse salariale: "... la masse salariale devait entrer dans le champ du négociable". Est-ce vraiment dans l'intérêt public de négocier la masse salariale? C'est la bourse publique qui est en jeu. Est-ce qu'on ne risque pas d'arriver à des ententes qui engagent le gouvernement à payer au-delà de sa capacité financière? C'est ce qui est arrivé la dernière fois.

Donc, je me demande pourquoi vous dites que la masse salariale devrait être négociable?

M. Charlebois: Nous pensons que si on retire la masse salariale du champ de négociation, on retire en grande partie l'utilité de la négociation. Qu'on enlève la masse salariale, je ne vois pas, dans la mesure où les centrales syndicales vont continuer à exister, vont continuer à réunir 300 000 salariés et vont continuer à avoir une capacité de mobiliser tout ce monde-là, comment le gouvernement pourra se défiler de négocier sa masse salariale.

Même si on disait: II y a une commission parlementaire qui décide que la masse salariale est X, les gens s'en vont en négociation et il est bien évident qu'il va y avoir un autre momentum où la commission parlementaire se réunira peut-être de nouveau. La masse salariale ne se négociera peut-être pas à la table de négociations, mais, ultimement, elle va finir par se négocier quand même.

Toute la question est de savoir si, dans notre société, on accepte que les syndicats puissent négocier leurs conditions de travail et déclencher un processus de revendication. Dès l'instant qu'on accepte cela, il est bien clair qu'il va y avoir une pression. La pression ne doit pas se rendre jusqu'à la masse salariale. Je ne vois pas comment on peut rendre cela opérationnel.

Il y a une autre chose qu'il faut ajouter. Quand le gouvernement négocie sa masse salariale, cela affecte une très grande partie de son budget, mais il ne faut pas oublier que cela n'affecte pas totalement cette partie, en ce sens que s'il y a 50%, par exemple, du budget de l'État qui consiste en salaires, lorsqu'on arrive en négociation, on ne négocie pas ces 50%, on négocie la marge qui est à augmenter ou à diminuer.

Mme Dougherty: La marge qu'on n'a pas quelquefois.

J'aurais une troisième question. Sur les services essentiels, vous avez proposé, à la page 13, un système d'établissement des services essentiels. C'est intéressant, parce que c'est la première fois qu'on propose une espèce de "final offer selection" pour établir les services essentiels quand il n'y a pas d'entente entre les deux parties. Vous avez suggéré que compte tenu des variations éventuelles dans les services à offrir en temps de conflit... cela veut dire qu'on doive accepter une certaine souplesse dans cette entente. J'aimerais avoir une certaine clarification sur cette recommandation.

Je me demande, par ailleurs, si la proposition que vous avez faite est vraiment dans l'intérêt public. Croyez-vous que cette recommandation répond vraiment au meilleur intérêt du public?

M. Ouimet: Comme on le disait au tout début, on ne croit pas, jusqu'à présent, qu'il y ait une solution miracle, qui soit parfaite et qui réponde adéquatement à la fois à l'intérêt du public, au droit du public de recevoir des services et également au droit des travailleurs; on n'en a pas trouvé. Donc, toutes les solutions qu'on va proposer auront sûrement un certain nombre de faiblesses. C'est évident que, concernant le droit du public, cela contribue, à notre avis, à le protéqer davantage. Est-ce que cela le protège complètement? On ne se fait pas d'illusion, on croit que non, mais cela va sûrement contribuer à l'améliorer.

Si je comprends bien votre question, quand vous citez "que l'entente négociée ou la décision de la commission tienne compte des variations éventuelles dans les services à offrir en temps de conflit", vous vous demandez un peu ce qu'on veut dire par là. Supposons que la liste ait été déterminée par le conseil dans une situation donnée, prenons l'exemple, pour les CLSC, du maintien à domicile. Le maintien à domicile et plus particulièrement les soins infirmiers à domicile sont pour nous des services

essentiels. Le patient à qui on doit changer un pansement ou une sonde tous les jours ne peut pas attendre sept jours avant qu'on le fasse. Si c'est une grève générale, on ne peut pas dire: II ira à l'hôpital le plus proche. Il sera en grève lui aussi. Il faut tenir compte de la situation globale. Si un certain secteur est en grève pendant que l'autre ne l'est pas, il se peut fort bien que la liste, à ce moment-là, soit juste et que d'autres puissent, en attendant, assurer les services, mais, si tout le monde est en grève en même temps, il se peut fort bien qu'on soit obligé de réviser la liste. C'est ce qu'on entend par une certaine souplesse dans les variations éventuelles dans les services à offrir en temps de conflit.

Mme Dougherty: Est-ce le conseil qui va la réviser selon les besoins?

M. Ouimet: Oui, il pourrait avoir le pouvoir d'adapter sa décision compte tenu de la conjoncture.

M. Charlebois: Lors de la dernière négociation, il y avait des ententes locales, sur la détermination des services essentiels, qui prévoyaient justement une espèce de comité conjoint qui pouvait réviser la situation au jour le jour; c'est un peu ce à quoi on se réfère. Dans l'hypothèse d'un protocole-cadre, par exemple, si on explorait cette piste, on pourrait imaginer de tels mécanismes. Il est bien évident qu'il faut prévoir cela. Si une grève se fait dans les hôpitaux et que les hôpitaux réduisent considérablement leur taux d'occupation, cela a un impact chez nous, les CLSC, au niveau des soins à domicile, c'est clair; au moment où on a déterminé les services essentiels, il pouvait y avoir un niveau X de clientèle et, dans une autre situation, c'est artificiellement gonflé à cause soit d'un conflit ou d'une autre situation. Ce peut être aussi autre chose. Je pense que cela se veut simplement une soupape pour assurer la souplesse des ententes.

Mme Dougherty: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Deux aspects m'intéressent particulièrement dans votre mémoire. D'abord, un peu comme l'a fait mon collègue de Prévost, je dois vous dire que ce qu'on retrouve à la page 12, concernant la responsabilité, c'est-à-dire que vous attribuez à l'État, en ce qui me concerne, je pense que vous avez vraiment mis le doigt sur ce qui me semble être cette responsabilité beaucoup plus de prévoir les moyens ordonnés pour éviter des situations socialement inacceptables que de s'introduire ou d'intervenir directement pour infléchir le processus de détermination.

Mes questions, en fait, sont les suivantes: À l'ouverture de votre mémoire, vous faites état de dangers ou de perspectives sociales qui vous semblent être en arrière-plan des négociations qui ont amené dans le passé le recours à la grève. Notamment, vous posez une question et vous n'y répondez pas. Moi, je vais vous demander d'y répondre. Vous demandez: Est-ce que l'État doit se servir de son rôle d'employeur pour introduire des politiques sociales d'envergure, tels la sécurité d'emploi, les droits parentaux, les régimes de retraite, ou bien réserver cela pour une loi universelle?

Ma question est la suivante: Vous avez dans le passé, comme Fédération des CLSC, je pense, recommandé, il y a quelques années de cela - tout récemment encore vous avez réitéré cette demande - un sommet social au Québec. Est-ce que c'est dans cette perspective que vous posez cette question? Vous m'excuserez, votre collègue tantôt parlait de pressions nécessaires dans le cadre d'une négociation sur des revendications légitimes. Pensons par exemple aux congés de maternité. Est-ce que vous pensez qu'un État peut par législation... Quelles seraient les pressions qui donneraient lieu à des lois? Je vais par analogie vous rappeler que dans le conflit des postes, une des revendications principales était le congé de maternité et qu'il a donné lieu à une grève qui, économiquement, a été difficile pour un bon nombre de nos concitoyens. Quelles sont ces pressions qui seraient susceptibles d'amener des lois universelles?

Ma deuxième question c'est encore une fois votre troisième question. Vous vous demandez si l'État employeur doit rechercher des critères de rentabilité sociale plutôt que de s'appuyer sur des critères de rentabilité de l'entreprise privée. J'aimerais vous demander qu'est-ce que vous considérez comme critères de rentabilité sociale. Pour vous, qui représentez un secteur des affaires sociales, est-ce que la notion d'urgence sociale vous apparaît adéquatement reprise dans l'activité gouvernementale ou l'opinion publigue, et quels sont ces critères dont vous faites état? S'il reste du temps, j'aurais ensuite une autre question sur les services essentiels, si le président me le permet.

M. Ouimet: Concernant votre question en ce qui a trait à notre deuxième question: Est-ce que l'État doit se servir de son rôle d'employeur pour introduire des politiques sociales d'envergure telles que sécurité d'emploi, etc., nous considérons - qu'on le veuille ou non, c'est une constatation - que l'État est un très gros employeur. Or, on demande habituellement aux gros employeurs ou on s'attend à ce que les gros employeurs assument un certain rôle de leadership dans

une société, qu'ils fassent preuve d'une certaine conscience sociale. Si on le demande aux gros employeurs et qu'on dit que le gouvernement ou l'État est aussi un gros employeur, on devrait s'attendre qu'il assume cette responsabilité sociale comme employeur important.

Concernant le sommet social, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question.

Mme Harel: Qu'il le fasse sans pressions. C'est bien le cas? Vous vous attendez qu'il le fasse sans pressions. Qu'il le fasse sans qu'il y ait des pressions qui soient exercées.

M. Ouimet: Est-ce que vous me soufflez la réponse?

Mme Harel: Je vous la demande.

M. Charlebois: Vous annoncez une décision. Quand on parle des pressions sociales qui sont exercées, des pressions qui sont exercées sur le gouvernement par rapport à des objectifs de négociations qui ont un caractère social, on essaie simplement de décortiquer la dynamique de la négociation, mais il est bien évident que si le gouvernement s'engage dans des régimes assez avant-gardistes sur le plan des droits parentaux, sur le plan de l'indexation des salaires ou sur le plan de la sécurité d'emploi, compte tenu que c'est un très gros employeur, c'est un peu la locomotive qui peut entraîner de telles conditions de travail ou généraliser de telles conditions de travail. C'est une dynamique qui se produit, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. Cela se produit avec le gouvernement du Québec, cela se produit avec le gouvernement fédéral et cela se produit avec tous les gouvernements. Cela se produit aussi dans la grande industrie. Il suffit qu'il y ait des quantités fort importantes de travailleurs pour que ces travailleurs aient un rapport de forces et s'en servent pour mettre de l'avant des conditions de travail.

Maintenant, on ne dit pas qu'à travers ces revendications... enfin, là-dedans, ce qu'on ne dit pas, c'est que les syndiqués sont en train, en faisant de telles représentations, d'introduire une législation. C'est un peu autre chose.

Mme Harel: Écoutez, j'ai peut-être mal posé ma question. Je la reprends. Il ne s'agit pas du tout d'évaluer entre vous et nous si ces revendications sont légitimes ou non. Je me demandais si vous aviez des recommandations en termes de mécanismes de rechange pour la négociation, puisque vous avez dit au tout début que cette centralisation des négociations donnait toujours lieu à des affrontements. Vous dites dans votre mémoire que si vous aviez des mécanismes de rechange pour donner lieu éventuellement à des législations de cette nature. (16 h 15)

M. Charlebois: Je ne sais pas si je comprends bien. Si je comprends bien votre question, ce serait, par exemple, de retirer une partie du champ du négociable comme les congés de maternité puisque cela deviendrait une loi universelle. Je ne suis pas sûr. Même si cela se fait, il existe des conditions minimales de travail. Il existe une Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il existe d'autres formes de réglementation et cela n'empêche pas les parties lors d'une négociation d'introduire des conditions à la hausse. Je ne fais pas nécessairement de lien entre les deux. Il est possible, parce que dans le secteur public on a quatre semaines de vacances ou les droits parentaux, qu'éventuellement il y ait une loi d'application universelle, mais les conditions de travail pour le personnel syndiqué, comme on le voit presque toujours, vont généralement continuer à être supérieures. Il n'y a pas de mécanisme alternatif qu'on voit.

Mme Hamel: J'en conclus que vous ne récidivez pas avec votre recommandation d'un sommet social.

M. Charlebois: II ne faut pas conclure cela. C'est parce qu'on l'a demandé ailleurs et on ne veut pas nécessairement le demander partout. La question du sommet social ne porte pas sur les conditions de travail des employés spécifiquement. La demande que la Fédération des CLSC a faite ou que l'Association des hôpitaux du Québec a également faite, c'est un peu de tenir un vaste débat sur l'organisation des services, eu égard aux sommes qui y sont investies. Cela déborde largement les conditions de travail des employés syndiqués.

Le Président (M. Rodrigue): Le temps alloué aux ministériels étant épuisé, si vous me le permettez, je vais céder la parole à M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Ouimet, je vais vous en poser deux ou trois petites vite, on me dit que le temps passe rapidement. Premièrement, vous dites dans votre mémoire que vous êtes définitivement contre l'abolition du droit de grève et vous jugez que cette mesure serait irréalisable et irréaliste. Pensez-vous que, dans certains hôpitaux où les soins urgents sont de tous les instants, les travailleurs de ces hôpitaux pourraient être privés de leur droit de grève tout en profitant, après le règlement de cette grève, des avantages sociaux et aussi des avantages budgétaires que leurs confrères auraient réussi à décrocher de ces négociations?

Je vais vous les poser tout de suite toutes les trois. Vous parlez aussi des pénalités qui n'ont souvent pas de suite à la suite des négociations et des abus qu'il y a eu et vous parlez d'un nouvel intervenant, les usagers. Vous rappelez, à ce moment-là, le cas de l'hôpital Saint-Charles-Borromée. Je vous demande ce que vous pensez de cette nouvelle prise en main des bénéficiaires. Pensez-vous que cela va vraiment être le frein aux abus possibles des grèves surtout illégales et iriez-vous jusqu'à dire qu'ils seraient l'agent modérateur que nous recherchons tous dans la prévention de ces abus? Une dernière question. Je crois que les CLSC répondent vraiment aux besoins nouveaux de notre population. Je vous demande, en terminant, si vous êtes actuellement en nombre suffisant pour répondre à tous les besoins de notre population.

M. Ouimet: Je vais peut-être commencer par la dernière question.

Des voix: Ah! Ah!

M. Ouimet: Peut-on être sélectif dans le choix des questions? Nous pensons que nous sommes en nombre insuffisant puisqu'il y a actuellement une centaine de CLSC au Québec qui desservent environ 3 000 000 de Québécois. Cependant, nous avons été très heureux d'apprendre au printemps dernier que l'intention du gouvernement, du ministère des Affaires sociales était vraiment de parachever le réseau des CLSC. Par ailleurs, la question que nous nous posons est de savoir dans quel délai et, avec les récents événements dont on ne peut, paraît-il, parler à cette commission concernant les compressions budgétaires...

Une voix: II va y avoir des coupures?

M. Ouimet: C'est cela? Cela s'appelle comme ça? Des coupures, c'est ça... on se pose de plus en plus la question de l'échéancier. Voici pour la troisième question.

Quant à la deuxième, si on considère que les usagers vont vraiment être un frein efficace et vont servir d'aqent modérateur, on ne se fait pas, non plus, d'illusions là-dessus. Ce qu'on essaie d'indiquer dans notre document, c'est que ce phénomène nouveau, les parties devront en tenir compte. Elles ne pourront pas négocier en faisant abstraction de cela, ce qui va sûrement modifier les négociations qui s'en viennent, à cet égard du moins. Elles ne seront pas les mêmes que celles qu'on a vécues en 1979, lors de la dernière ronde de négociations.

L'autre question, je l'ai oubliée... C'est l'abolition du droit de grève sélectif, si j'ai bien compris, dans certaines institutions comme les CHSP...

M. Hains: Les centres d'accueil, les établissements pour soins prolongés.

M. Ouimet: Nous, évidemment, ce n'est pas ce qu'on recommande. On ne recommande pas l'abolition du droit de grève, même pas l'abolition sélective du droit de grève, on recommande des mécanismes plus sérieux, plus vigoureux pour assurer le respect du maintien des services essentiels. C'est ça qu'on recommande pour le moment. S'il y a des abus, comme on l'a mentionné tantôt, il reste que le gouvernement a quand même le pouvoir, quand il s'aperçoit que la santé et la sécurité du public sont en danger, de suspendre le droit de grève, et c'est sa responsabilité.

Le Président (M. Rodrigue): Le temps que nous avons convenu d'allouer aux périodes de questions est épuisé. Je remercie l'Association des CLSC du Québec.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération de l'âge d'or du Québec à prendre place.

Mme Lavoie-Roux: Me permettriez-vous de faire une correction auprès du porte-parole?

Le Président (M. Rodrigue): Pendant que les représentants de la Fédération de l'âge d'or prennent place, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, M. Ouimet, tout à l'heure, disait que nos lois prévoyaient le droit de grève, que nos lois du travail prévoyaient la protection des droits des travailleurs, enfin, jusqu'à un certain point - je trouve qu'il y a là aussi place à amélioration - mais qu'elles n'avaient pas eu la même préoccupation pour les services de santé à la population. Cela m'étonne du porte-parole des CLSC parce qu'il doit connaître au moins autant que moi, et probablement mieux, la Loi sur les services de santé et les services sociaux. À l'article 4, on dit: "Toute personne a droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans scientifique, humanitaire et social avec continuité et de façon personnalisée. "

Vous avez également la Charte des droits et libertés de la personne. Je citerai uniquement l'article 1 qui, justement, dit: "Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité physique et à la liberté de sa personne. " À l'article 39, notamment à l'article 48, on dit: "Toute personne a droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu. " Je trouve cela particulièrement intéressant dans le contexte des hôpitaux pour soins prolongés

où, en fait, c'est l'État qui prend la responsabilité totale de ces personnes, ou dans certains centres d'accueil pour les enfants, et se susbstitue presque... Ils sont en totale dépendance de l'État.

C'était simplement pour faire cette mise au point parce qu'il existe, en fait, des...

M. Ouimet: Je n'ignorais pas ces articles, ce droit est accordé aux usagers de par ces articles de la loi, mais ce n'est pas aussi élaboré que ce qu'on peut retrouver au niveau du droit du travail. Les droits des usagers peuvent plus facilement être mis en cause.

Je pense que M. Charlebois a des commentaires supplémentaires.

M. Charlebois: Vous citez deux lois, mais il y en a d'autres, le Code du travail et la loi sur les négociations dans les secteurs public et parapublic qui, elle, donne le droit de grève et l'exercice...

Mme Lavoie-Roux: J'ai dit qu'elles existaient, mais c'est parce que j'avais cru comprendre que M. Ouimet disait: II y en a dans le monde du travail, mais il n'y en a pas pour la protection de la population. Il y en a qui sont très explicites, et même la Charte des droits et libertés de la personne doit avoir priorité sur toute autre loi postérieure, à moins qu'elle n'indique une disposition contraire. C'est la loi qui a priorité sur toute autre loi.

Fédération de l'âge d'or

Le Président (M. Rodrigue): Cette mise au point étant faite, j'invite les représentants de la Fédération de l'âge d'or du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Le mémoire de la fédération nous sera présenté par son président, M. Patrice Tardif. Je vous inviterais, M. Tardif à nous présenter d'abord les personnes qui vous accompagnent et à présenter votre mémoire.

M. Tardif (Patrice): Comme on vient de le dire, je suis le président de la Fédération de l'âge d'or du Québec, qui regroupe près de 1000 clubs pour un total d'environ 160 000 membres. À mes côtés, il y a M. Norbert Labbé, qui est membre du conseil d'administration de la fédération, Mme Berthe B. Fournier, vice-présidente du conseil régional de Québec, et Mme Rita Cambron, agent au développement à la Fédération de l'âge d'or du Québec.

Je veux tout de suite remercier très sincèrement le gouvernement, qui nous permet de réitérer ce que nous croyons être la meilleure façon d'envisager cette difficile question des relations de travail en ce qui concerne les services hospitaliers.

Nous sommes un organisme, comme tout le monde le sait, j'imagine, à but non lucratif, c'est à base de bénévolat dans une proportion de 99, 99%. Nous sommes de ces rares administrateurs qui demandent beaucoup moins cher que certains autres, mais ce n'est pas un reproche.

Je vous ferai grâce de la lecture. J'imagine que vous en avez suffisamment et je ne suis pas certain que chacun de vous va lire tout ce qui s'est présenté sur la table depuis ce matin avant de se coucher ce soir. Je ne suis pas sûr que vous allez lire tout cela.

De toute façon, j'ai un peu d'expérience des affaires publiques et je constate avec beaucoup de plaisir que l'atmosphère qui règne ici aujourd'hui est une atmosphère à la fois accueillante et qui est de nature à simplifier - si l'expression est juste - un peu la situation.

Une des premières questions que j'aborderai très brièvement, c'est qu'il y a déjà quelques mois, le premier ministre de la province de Québec, dans une déclaration publique, avait dit qu'il fallait absolument humaniser les qrèves dans le secteur public, particulièrement dans le service hospitalier. Il avait dit, si ma mémoire est bonne, qu'il fallait civiliser et humaniser et diminuer un peu ce pouvoir qu'il avait appelé du chantage dans certains cas. Il était allé jusque-là, si ma mémoire est fidèle.

Pour ma part, j'ai été un peu surpris de la déclaration du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il y a quelques jours, qui a dit qu'il n'est pas question d'enlever le droit de grève. Je pensais qu'on venait ici justement pour discuter cela, mais si les décisions sont prises, qu'est-ce qu'on vient faire ici? Ce n'est pas un reproche non plus.

Je connais M. Marois et je sais que c'est assez facile d'habitude de se comprendre avec lui. Il ne dit pas toujours comme nous autres, c'est entendu, mais on ne s'attend pas à cela non plus.

Je veux donc dire qu'il ne faudrait pas non plus que l'attitude de la commission et du gouvernement cherche à mettre le premier ministre de la province en contradiction avec ses déclarations. Il veut humaniser et il veut civiliser cela, mais, de grâce, qu'on l'aide. Je pense que ce serait une bonne chose de l'aider. Cela me paraît évident qu'il y a eu sûrement abus de ce droit de grève.

Je me rappelle que, quand cela a été accordé en 1965, je siégeais au Conseil législatif. Je me rappelle très bien que les chefs syndicalistes disaient: On vous demande cela, c'est une arme. Nous sommes des humains, vous savez bien qu'on ne l'utilisera pas. Vous savez bien qu'on va tenir compte que les malades, cela ne peut pas se

remettre à demain. On vous demande cela, c'est une arme, mais cela ne veut pas dire que cela servira. Dieu sait si, depuis ce temps, ils se sont servis de l'arme et elle est chargée à bloc. Tout cela pour dire que je ne suis pas sûr qu'on ait utilisé ce droit avec modération.

Je voudrais dire cependant, en passant, que je ne cherche pas de coupables. Je n'essaierai pas, dans les quelques minutes à ma disposition, de départager les responsabilités et de trouver que le gouvernement est en faute, que les syndicats sont en faute ou que les administrateurs d'hôpitaux ou de centres de services sociaux ou de foyers pour vieillards le sont. Je ne cherche pas de coupables. Notre position à la fédération est une position ferme, une position que nous voulons conciliante et qui se base sur des choses possibles; nous ne cherchons pas à embêter qui que ce soit. (16 h 30)

Nous sommes en faveur - on a appelé cela le retrait du droit de grève de l'abolition du droit grève, mais j'aimerais plutôt remplacer le droit de grève par un tribunal, qu'on l'appelle régie, qu'on l'appelle tribunal du travail, qu'on l'appelle tribunal d'arbitrage; mais un tribunal qui serait présidé par deux ou trois juges. Des juges. C'est important. J'ai confiance en nos cours de justice; je ne dis pas que c'est parfait, mais, la perfection, ce n'est pas de ce monde paraît-il. Ce n'est peut-être pas parfait, mais seulement les juges, en général, et nos cours de justice - je le dis avec plaisir - nous font encore honneur et c'est encore ce que nous avons de plus stable. Les personnes qui y siègent, que ce soient des hommes ou des femmes, sont responsables, ce sont des gens qualifiés, en général, et ils n'ont pas à se faire élire; c'est commode ça. J'ai connu les deux et je vous assure que, quand on n'est pas obligé de penser: Si je dis ça, l'autre va penser ça et quelle réaction ça va avoir. C'est bien commode, vous savez, les juges y vont selon leur conscience, point.

J'ai écouté tout ce qui s'est dit aujourd'hui, c'était très intéressant; il y a eu un paquet de raisonnements absolument sensés, de bonne foi, etc., mais on tourne autour du pot parce qu'on a peur des mots. On a peur des mots, disons-le franchement, on a peur de passer pour antisyndicalistes. Je suis habitué à ça - je ne sais pas ce qu'on appelle dans certains cas des syndicalistes -moi, j'ai toujours cru être un syndicaliste convaincu, même si ça peut en faire rire certains; je sais que c'est ça, parce que je suis un des promoteurs des caisses populaires dès les premières heures en 1932, 1933, 1934, j'étais un des propagandistes; l'UPA, qui s'appelait dans ce temps l'UCC, l'Union catholique des cultivateurs, alors qu'aujourd'hui c'est l'Union des producteurs agricoles, je suis un des promoteurs de ça encore. Je suis encore carrément en faveur du syndicalisme, mais du syndicalisme responsable. Sous prétexte d'être syndicaliste, il ne faut pas qu'on mette le feu aux bâtisses, comme ça c'est fait il y a deux ou trois ans; je n'accuse personne évidemment, mais c'est un fait qui a été réglé par la cour. Cela n'est pas du syndicalisme, ce n'est pas un acte syndical non plus, et ce n'est pas parce qu'il était syndicaliste qu'il a été traduit en cour, c'est parce qu'il avait posé un acte criminel. Je fais donc une distinction entre les actes syndicalistes et les actes criminels; ce n'est pas la même chose. On peut être un fervent syndicaliste et n'être pas un criminel. Par contre, on peut être un criminel sans être syndicaliste, ce sont deux choses que je sépare; je fais des distinctions.

Maintenant, pour ce qui concerne les services essentiels. Je voudrais en dire seulement un mot. Vous savez, les services essentiels, c'est relatif. Ce qui me paraît essentiel, ça ne veut pas dire que mon voisin va penser que c'est essentiel, ça ne veut pas dire non plus qu'un tel chef syndical va trouver ce service essentiel.

Si je suis un malade - comme on l'a dit tout à l'heure - qui nécessite des soins prolongés - peut importe le nom qu'on lui donne - pour moi, ce qui est essentiel, c'est d'avoir ce dont j'ai besoin, d'être lavé à peu près à tous les jours. Si l'autre dit: Quand bien même il ne serait lavé que deux fois par semaine, peut-être, quand il était chez lui, ne se lavait-il pas plus souvent. À ce compte là, on peut dire n'importe quoi, on peut dire: Les services essentiels, ça n'existe pas, parce que c'est relatif.

Pour moi, dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil, les foyers, tous les services sont essentiels, parce que les gens qui sont dans les hôpitaux, ce n'est jamais pour rire. Ces gens sont dépourvus, ne sont pas capables de se défendre. Ah! les solutions sont bien simples. Les contrats collectifs, je suis bien pour ça, mais je remarque que quand deux parties discutent de contrats collectifs ou d'ententes, il y a deux personnes qui sont face à face, d'un côté, le patron - en l'occurrence, parfois, c'est le gouvernement - de l'autre côté, les syndicats qui représentent leurs membres, mais les grands oubliés, ce sont justement les malades, ils ne sont pas à la table, alors qu'on discute et qu'on s'entend sur leur dos. Mais eux, qu'ont-ils eu à dire à ça? Et, pardessus le marché, on les lie par des décisions qui sont prises sur leur compte et tout le monde est au courant sauf ces derniers. Je ne dis pas que c'est mal, mais je dis que c'est loin d'être parfait.

Par conséquent, les services essentiels et les contrats collectifs, je suis bien pour ça, jusqu'à ce qu'on trouve mieux. Je ne

crois pas non plus et nous ne croyons pas, à la fédération, que le gouvernement doit arriver avec des lois... Ce n'est pas mathématique, c'est ça et ça. Il y a presque autant de cas qu'il y a de malades dans la province et dans le pays. C'est pour ça qu'on parle d'un tribunal du travail qui apprécierait les cas, c'est lui qui essaierait de trouver les solutions.

Je remarque que M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a répété deux ou trois fois aujourd'hui, et ça m'a fait plaisir, que ce qui l'intéressait, ce n'était pas ce qu'il y avait sur le papier, c'est la réalité. Je considère que c'est un langage très sensé. La réalité, c'est que personne n'est satisfait et plusieurs de vous autres l'ont dit aujourd'hui et plusieurs intervenants ici aussi. Tout le monde cherche des modalités plus satisfaisantes. Actuellement, ce n'est pas satisfaisant. La preuve que ce n'est pas satisfaisant, c'est que le gouvernement ordonne une commission parlementaire pour entendre les opinions, les objections et les suggestions.

Ce serait justement le rôle que pourrait jouer un tribunal du travail. Et en passant, je pense que le gouvernement actuel, le gouvernement du Québec, comme ceux qui lui succéderont ou ceux qui l'ont précédé... Nous, à la fédération, nous sommes, comme vous le savez, un organisme absolument apolitique, nous travaillons de bonne foi avec ceux qui sont là et ça nous fait plaisir de le faire. Je dirai, en passant, que le présent gouvernement du Québec, jusqu'ici, ne nous a pas maltraités, loin de là. On apprécie cela et on apprécie également, comme je l'ai dit il y a un instant, que nous ayons ici l'occasion de nous expliquer un peu.

Il n'en reste pas moins que, puisque tout le monde n'est pas satisfait, que personne n'est satisfait ou à peu près... Au fond, ce sont les malades, les personnes âgées, les handicapés, ce sont eux qui servent de cobayes pendant que l'on cherche des solutions. Ils sont victimes de décisions parfois prises par une minorité. Je n'ai pas besoin de vous dire que, pour les déclenchements de grève, s'ils étaient toujours obligés d'obtenir l'assentiment de la majorité des membres, il n'y en aurait pas souvent. Mais ce n'est pas cela qui se passe. C'est souvent une minorité qui prend les décisions et c'est la majorité qui suit. Je pense que personne ne peut nier cela.

Or, cela n'est pas tout à fait normal. Est-ce que cela peut se faire autrement? Je ne veux pas discuter de cela, c'est trop compliqué et je sais que ce n'est pas simple non plus. La tâche que le gouvernement a à remplir actuellement, comme toujours d'ailleurs, n'est pas une tâche facile. Ce n'est pas moi qui vais distribuer les blâmes et qui va attaquer tout le monde à ce sujet- là. Ce n'est pas facile et je l'admets. Cela va prendre une bonne dose de courage tout de même pour dire une fois pour toutes - et là, je m'adresse au gouvernement - nous allons légiférer du mieux que nous pourrons et nous allons prendre les moyens pour faire respecter nos lois. Tout est là. Un gouvernement qui n'est pas capable de faire respecter ses lois, il s'en va directement à l'anarchie, ça ne peut pas être autre chose.

Il faut que les lois que le gouvernement adopte soient respectées. Je n'ai pas été tout à fait enthousiasmé de lire dans les journaux, la semaine passée, que certaines personnes ont dit: On ne tolérerait pas que nous soit enlevée une virqule de nos droits acquis. C'est presque un appel à la révolte. Depuis quand faut-il que le gouvernement se plie aux décisions des gouvernés? Je n'admets pas cela. Je n'admets pas que les gouvernés donnent des ordres aux gouvernants.

Encore une fois, je sais que ce n'est pas facile, mais il faudra des lois avec des dents. Que l'on ne vienne pas me dire -c'est un argument que je trouve tout à fait fallacieux - même si on n'a pas le droit de grève, on va la faire quand même. A ce compte-là, arrêtons de défendre les hold-up; ils les font quand même. C'est un fait, il y en a à tous les jours. Le revolver sous le nez... Cela ne sert à rien de défendre ça, il y en a un, deux ou trois par jour dans la province. Arrêtons de défendre une foule de choses, parce que... Non, ce n'est pas ça qu'il faut dire. Il ne faut pas que la société accepte ce qui n'est pas acceptable.

Le sens de la responsabilité, auquel a fait allusion ce matin M. le ministre du Travail, on n'insistera jamais assez là-dessus. Il faut que les syndicats soient des organismes responsables. Qu'ils aient le droit de grève dans certains cas, c'est peut-être une bonne chose, mais à la condition qu'ils soient responsables. Dans le domaine des services hospitaliers, tous les services sont essentiels. Pour répondre à votre question, on n'est pas malade quand on veut; on est malade quand on peut et on aimerait mieux n'être jamais malade.

Tous ceux qui nous gouvernent aujourd'hui - non seulement le gouvernement provincial, je ne fais aucune allusion, mais aussi au niveau municipal, les syndicats, les CLSC, les CRSSS, etc. - sont, en général, des gens qui ont une cinquantaine d'années, une quarantaine d'années ou quelque chose comme cela. C'est très bien, ce n'est pas un défaut d'être jeune, loin de là. J'ai moi-même des enfants, ma femme et moi avons des enfants dont une fille qui a 56 ans. Par conséquent, ceux qui nous gouvernent actuellement sont nos enfants. Est-ce que nos enfants vont nous refuser une protection à laquelle nous avons droit à cause des droits acquis? Est-ce que nous, les parents,

n'avons pas de droits acquis? Depuis quand les droits seraient-ils acquis seulement pour les autres?

Cela me fait penser à un fait que m'a raconté un type il y a plusieurs années. Je ne sais pas si c'était une boutade. C'était un éleveur de renard. À un moment donné, il y a une femelle renard qui a eu quatre petits qu'elle cherchait à dévorer et on les lui a enlevés. Il y avait une chatte qui venait d'avoir des petits chats; on a sacrifié les petits chats et donné la chatte aux renardeaux. La chatte les a élevés, elle les a adoptés et quand ils ont eu six, sept ou huit semaines, les petits renards sont devenus pas mal gros et un de ces bons matins, la chatte était disparue. Les petits renards avaient mangé la chatte! Ils avaient mangé leur nourrice! Cela n'a pas été prisé beaucoup. Elle n'a pas été tellement bien récompensée pour le service qu'elle leur avait rendu.

Je ne voudrais pas que la même chose arrive aux personnes âgées, et que ceux à qui nous avons donné le jour nous sacrifient parce qu'ils ont apparemment des droits acquis. Nous, nos droits, où sont-ils? C'est comme cela que je raisonne, à tort ou à raison, mais en tout cas...

Je pense, mes chers amis, que le premier geste que doit poser le gouvernement est de prendre une décision. Le gouvernement décide qu'il va temporiser X semaines ou X mois pour mettre sur pied un organisme responsable - que ce soit une régie ou un tribunal du travail - qui sera chargé de regarder toutes les facettes de ce problème. Vous allez avoir un paquet de mémoires, on va en faire l'analyse et des synthèses vont en résulter. Des renseignements utiles seront sortis et là, on va suggérer une réglementation qui deviendra loi. Ce ne sera peut-être pas parfait en partant, mais ce sera sûrement plus parfait que ce qui existe actuellement.

Si vous avez d'autres choses à ajouter, allez-y; moi, j'ai fini.

Le Président (M. Rodrigue): Merci. M. le ministre du Travail.

M. Marois: Je voudrais, bien sûr, remercier la Fédération de l'âge d'or du Québec de son mémoire, de son témoignage; je voudrais remercier, en particulier, son président, M. Tardif. Je voudrais vous remercier aussi particulièrement de votre témoignage du côté humain. Je pense que, sur le fond des choses, vous reflétez très bien les préoccupations de l'ensemble des citoyens. Il s'agit de voir quels sont les meilleurs moyens possible, compte tenu du contexte actuel, pour faire en sorte que les choses changent, que les droits des uns soient respectés, bien sûr, mais que les droits des autres le soient aussi. Comme vous l'avez évoqué, c'est vrai que ce n'est pas facile; vous l'avez dit, c'est difficile.

En même temps, en vous écoutant, on constate que vous avez déjà participé au travail parlementaire. Je m'aperçois que le côté parlementaire, quand on le touche une fois, ça ne se perd pas. Je m'aperçois que vous maîtrisez encore très bien cette verve parlementaire. Vous avez aussi évoqué l'atmosphère, le climat qui règne dans les travaux de cette commission. Des témoignages comme le vôtre contribuent à le maintenir, quelles que soient les solutions ultimes qui seront retenues par le gouvernement.

M. le Président, nous aurions un certain nombre de questions précises à poser et de remarques à faire. Avec votre permission, je céderai immédiatement mon droit de parole au député de Beauharnois, qui a particulièrement examiné ce mémoire. (16 h 45)

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. M. Tardif, je me joins aux propos du ministre Marois quand il a parlé du ton sur lequel vous êtes intervenu. Je pense que cela contribue, effectivement, à conserver cette bonne entente qui existe depuis le début de nos travaux en commission parlementaire. Vous avez souvent fait allusion à la nécessité de négocier de bonne foi à chaque fois qu'on est dû pour parafer nos conventions collectives. J'en suis, bien sûr, parce que c'est une base essentielle sur laquelle il faut commencer nos travaux de négociations. S'il fallait qu'au début même d'une négociation on ne semble pas de bonne foi, ni d'un bord ni de l'autre, on serait voués à un chaos social ou à un échec à peu près certain.

Maintenant, en dépit de cette bonne foi, c'est difficile de présumer que l'autre partie n'est pas de bonne foi, et vice versa. Je pense que c'est tout à fait normal que chacune des parties tienne pour acquis qu'au début des négociations chacun est de bonne foi, et même au cours des négociations, mais le danger est toujours le même, c'est bien sûr. Le climat tout au long de la négociation risque des fois de s'envenimer quand, surtout, les écarts entre les demandes et les offres sont trop grands. On appelle cela une négociation et, à mon avis, une négociation, ça signifie essentiellement de mettre en cours de route un peu d'eau dans son vin de part et d'autre pour arriver à peu près à mi-chemin entre les demandes et les offres et essayer de parafer, finalement, une convention qui pourrait convenir aux deux parties.

La situation que je décris est à peu près la situation idéale. Comme vous le disiez vous-même, ce qu'on craint comme gouvernement - c'est là la difficulté et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on a invité toutes les

parties intéressées à venir nous présenter des mémoires pour faire au gouvernement des suggestions de modifications dans les structures déjà existantes de nos conventions collectives. Nous avons mis sur pied déjà dans le passé des moyens et, parmi ces moyens ou ces mécanismes déjà existants, il y a effectivement le droit de grève qui existe depuis le temps de M. Lesage - vous l'avez dit vous-même - dans les années 1964, 1965. M. Lesage l'avait dit et tout le monde était un peu consentant, c'était une arme qu'il donnait aux syndicats et les syndicats disaient: Écoutez, c'est une arme psychologique. On ne l'utilisera pas. Laissez-nous la, mais on va la tenir dans notre poche et on ne l'utilisera pas.

On sait très bien qu'en cours de route, les choses étant ce qu'elles ont été, les syndicats l'ont finalement utilisée. De là est venue cette espèce de négociation ou entente sur les services essentiels. Effectivement, cela s'est fait un peu sur le dos des malades, comme vous le disiez vous-même. Maintenant, c'est un peu une impasse pour le gouvernement aujourd'hui de prendre une décision qui m'apparaît un peu radicale, et même passablement radicale, avec tout le respect que j'ai pour le mémoire que vous avez présenté. Quand vous parlez de l'abolition pure et simple du droit de grève dans les services publics, on a donné des exemples, dans les mémoires qui nous ont été présentés, d'endroits où ils n'ont pas le droit de grève. Vous avez répondu à cela: Est-ce qu'on va donner le droit de grève aux bandits parce qu'ils font, de toute façon, des hold-up même s'ils n'ont pas le droit?

M. Tardif (Patrice): Je n'aurais pas d'objection à ce que les bandits fassent la grève.

M. Lavigne: Je vous comprends. Je pense, M. Tardif, qu'enlever un droit de grève, c'est très difficile. On ne règle pas par le fait même la situation parce que je suis à peu près certain que, de toute façon, il y aurait quand même des grèves. Si le droit de grève n'existait plus, on ne préparerait pas les grèves. Le syndicat ne présenterait pas sa liste de services essentiels et on risquerait d'avoir des grèves peut-être plus draconiennes, plus sévères. N'ayant pas déposé une liste syndicale au niveau des services essentiels à maintenir pendant la grève, cela ferait peut-être encore plus mal. C'est pour ça qu'avant de prendre une décision qui m'apparaît radicale, comme celle d'enlever le droit de grève, il y a encore de la réflexion à faire, encore un paquet de considérations à prendre.

Vous avez parlé du tribunal du travail. Je vois aussi que vous vous associez au mémoire de la Coalition pour le droit des malades, parce que, quand on regarde les deux mémoires, il y a beaucoup de choses qui se recoupent, qui se retouchent. Essentiellement, je pense que vous préconisez à peu près les mêmes choses. Le fameux tribunal d'arbitrage ou la commission, peu importe le nom...

M. Tardif (Patrice): Tribunal du travail. C'est cela.

M. Lavigne:... lui donnez-vous un pouvoir juridique? Après l'évaluation du travail d'arbitrage en question, laissez-vous au gouvernement, le pouvoir de trancher ou si vous donnez à ce tribunal le pouvoir de trancher? C'est une question à laquelle je voudrais avoir une réponse. Je voudrais aussi vous entendre expliquer de quelle façon vous aimeriez voir le principe de l'offre finale, comme on l'explique un peu dans le mémoire de la Coalition pour le droit des malades. Je sais que ce mémoire a parlé un peu de l'offre finale. Vous ne faites à peu près qu'effleurer le principe de l'offre finale. J'aimerais, si c'était possible, vous entendre parler d'une façon un peu plus précise sur l'offre finale, comme on la pratique dans l'Ohio.

M. Tardif (Patrice): D'abord, le premier volet, ce n'est pas d'abolir le droit de grève à partir de demain matin. La première affaire, c'est la décision qui viendrait subséquemment, qui serait annoncée d'ailleurs et la formation d'un organisme que j'appelle - je pense que c'est le meilleur mot, la meilleure définition - tribunal du travail, composé de juges qui examineraient toute la situation et qui feraient rapport au gouvernement de ses constatations et là, le gouvernement déciderait de légiférer de telle et telle façon, parce que cela aura été étudié dans les détails. Ce n'est pas n'importe qui qui peut fouiller là-dedans. Ce ne sont pas des questions faciles. Quand vous touchez à une affaire, cela rebondit là et, si cela rebondit là, cela rebondit ailleurs. On connaît cela et on sait que c'est ainsi. La réponse, c'est cela, un tribunal du travail qui examinerait tout cela, qui ferait rapport au gouvernement qui déciderait de légiférer ou de ne pas légiférer ou d'amender le rapport qui lui serait soumis et, après cela, ça marche. Un tribunal.

M. Lavigne: Quant à ma deuxième question en ce qui a trait à l'offre finale, pouvez-vous nous en parler? Comment voyez-vous la mise en pratique de cette offre finale?

M. Tardif (Patrice): Je ne me suis pas arrêté tellement à cela, parce que encore là, je considère que le tribunal du travail serait en mesure d'apprécier cela. Ce n'est pas une affaire que vous réglerez cet après-midi,

vous pouvez en être sûr. Et moi non plus, je ne m'attends pas à m'en retourner chez moi ce soir et que l'affaire soit dans le sac. Le tribunal du travail examinera cela. Ce sont des hommes de loi qui seront là, des hommes d'expérience, qui feront rapport au gouvernement. L'histoire des offres finales, la masse salariale, les coupures dans les budgets, tout cela embarque dans cela. Le gouvernement va être obligé de prendre ses responsabilités. À un moment donné, cela va virer ainsi. Cela ne sert à rien de se conter des peurs ou de rêver en couleur. Tôt ou tard, le ministre du Travail et le gouvernement sont appelés à trancher. Cela a toujours été vrai. Quand ce n'est pas cela, c'est l'anarchie. Vous n'avez pas le choix. Quand on accepte d'être député et d'être ministre, cela veut dire qu'on a décidé de faire face à la situation qui se présentera. Je comprends cela ainsi, mais j'imagine que c'est la même chose pour vous. Je tiens pour acquis que les personnes qui sont au gouvernement, que ce soit à tous les niveaux, fédéral, provincial, municipal ou ailleurs, sont, en général, de bonne foi. Il peut y avoir des exceptions, mais c'est très rare. Les gens qui sont au gouvernement sont de bonne foi. Ils travaillent pour que cela aille le mieux possible. Tout le monde n'a pas la même attitude. Tout le monde n'a pas le même point de vue. Tout le monde n'a pas les mêmes renseignements et n'a pas, non plus, la même capacité de gouverner. C'est une autre histoire, ça, mais tout le monde est de bonne foi.

On vous rend de petits témoignages cet après-midi. Cela ne vaut peut-être pas cher, mais vous êtes certains d'en avoir pour votre argent, parce qu'on ne "charge" rien. Vous ne pouvez pas vous plaindre.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier le président de la Fédération de l'âge d'or du Québec et les personnes qui l'accompagnent d'être venus en commission parlementaire faire valoir le point de vue de la fédération et des clubs qu'elle regroupe. Je pense - on s'y attendait - que cela vous touche au premier chef, les services de santé. Je voudrais en profiter pour vous remercier du travail extrêmement constructif que vous faites au plan social et au plan humain et qui ne serait comblé par personne d'autre, si vous ne le faisiez pas. Vous disiez que vous alliez retourner chez vous sans avoir la solution dans le sac. Je pense que vous êtes arrivé en sachant que même la proposition que vous faisiez avait été éliminée au point de départ, et vous l'avez signalé, M. Tardif.

M. Tardif (Patrice): Oui, mais ce n'était pas définitif, le ministre du Travail avait dit ça comme ça, mais...

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, si vous aviez des doutes, c'est confirmé, je pense.

Le député de Beauharnois, tout à l'heure, disait - je voudrais que vous me le confirmiez - que vous étiez pour l'abolition du droit de grève dans le secteur public. Je pense que ce n'est pas ce que vous avez dit; vous avez dit dans le domaine de la santé.

M. Tardif (Patrice): Dans les services publics essentiels, c'est-à-dire que ça comprend l'hospitalisation, ça peut même comprendre le transport en commun, tout ce qui nuit aux petits, aux humbles, aux faibles. C'est trop facile de s'entendre sur le dos des faibles, vous savez.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez dit - et j'en conviens fort bien - que vous êtes un organisme totalement autonome puisque vous travaillez bénévolement, à 99, 99% et, dans ce sens, peut-être que c'est plus facile pour vous de vous détacher à la fois de la partie patronale et de la partie syndicale.

M. Tardif (Patrice): Oui.

Mme Lavoie-Roux: On a entendu ici des plaintes au sujet du non-respect des services essentiels, et tout cela. Quand les plaintes vous arrivent au moment de ces grèves, est-ce qu'il vous arrive également des plaintes quant à de mauvais jugements ou à une mauvaise organisation des services de santé qui seraient la responsabilité des administrations hospitalières ou de la partie patronale à l'intérieur des établissements?

M. Tardif (Patrice): Oui, ce sont des choses qui peuvent se produire occasionnellement. M. Labbé voudrait répondre à cela?

M. Labbé (Norbert): Certains d'entre nous font partie de certains conseils d'administration. On a subi des grèves. Dans mon cas, disons que ça s'est réglé tant bien que mal. Les services essentiels ont été assumés par les cadres. Le personnel était sorti au complet. C'était malheureux. Il y a un médecin qui a répondu à cela cet après-midi. Quand on sait qu'il va y avoir une grève, quand ils sont prévenus, ils sortent les malades à pleines portes pour en diminuer le nombre. Les gens s'en vont chez eux. S'il y en a un ou plusieurs qui meurent, ils ne sont pas ici, aujourd'hui, en commission parlementaire, pour dire: Je suis mort prématurément parce que je n'ai pas pu rester à l'hôpital assez longtemps. Ils ne sont pas ici, aujourd'hui, pour nous dire ça, mais j'imagine que les ossements se révoltent quand ils entendent des choses comme ça.

C'est sûr qu'il y a eu des gens qui, à l'occasion des grèves, ont souffert et c'a dû avancer certaines personnes pour aller trouver notre Père céleste, mais on n'a pas de preuve de cela. Ceux qui sont morts ne viennent pas nous dire: Moi, je suis mort à cause de cela. On peut supposer que c'a n'aide pas quand on a besoin d'être hospitalisé et qu'on nous envoie chez nous parce qu'une grève se prépare. On ne s'imagine pas que ça aide.

Mme Lavoie-Roux: Sur ce point particulier, on était un peu au courant, parce qu'il y a eu plusieurs témoignages ici. Je me le demandais justement, dans l'évacuation des établissements de santé au moment des grèves, votre perception des choses est peut-être que les administrations procèdent trop rapidement ou qu'il y a peut-être un élément remarquez bien que je pourrais le comprendre - de panique et que peut-être on pourrait s'organiser autrement sur le plan administratif pour que ce soit minimisé davantage que ce qu'on a connu au cours des dix dernières années de conflits.

M. Tardif (Patrice): Je ne pourrais pas tellement donner de précisions. J'ai eu personnellement connaissance, à deux reprises, de cas absolument pitoyables. Un type qui était un de mes amis, un cancéreux qui a d'ailleurs vécu trois ou quatre ans avec son cancer, a brusquement été renvoyé chez lui pour le temps de la grève. Il suivait un traitement tous les jours. Il me racontait ça et il pleurait. Il disait: Je vais payer de ma vie ce qui se passe là. C'était plus ou moins vrai. Je ne sais pas jusqu'à quel point c'était vrai, s'il aurait vécu un mois de plus ou un mois de moins, mais je sais que c'était cela qu'il pensait. C'est sûr qu'il avait des traitements à tous les jours et il a été je ne sais combien de semaines sans traitement; c'est bien certain que cela ne l'aidait pas. C'étaient des cas inhumains, c'est le temps de le dire. (17 heures)

Mme Lavoie-Roux: J'ai deux dernières questions que je voudrais poser. Vous avez abordé tout à l'heure l'argument du chaos social, que tout le monde nous prédit, si on devait restreindre davantage au moins dans certains secteurs particuliers le droit de grève. J'aimerais savoir quelle est votre réaction exacte à cette menace de chaos social et de non-obéissance aux lois.

La deuxième chose, puisque vous êtes devant nous, et je pense que c'est la première fois que j'ai l'occasion en commission parlementaire de rencontrer la Fédération des clubs de l'âge d'or, pourriez-vous nous dire, en temps ordinaire, quand il n'y a pas de grève, si vos membres, ou enfin des personnes qui ne sont pas nécessairement de vos membres mais que vous rencontrez, se plaignent des difficultés d'admission aux hôpitaux pour les personnes du troisième âge? Cela n'est pas relié aux syndiqués ou quoi que ce soit, mais d'une façon générale.

M. Tardif (Patrice): Oui, madame, très souvent. Il y a des délais qui sont absolument inadmissibles, des demandes d'hospitalisation qui traînent trois, quatre et cinq mois. Dans nos 1000 clubs, cela arrive souvent. On ne peut pas faire grand-chose, mais cela se produit très souvent.

Mme Lavoie-Roux: M. Tardif, je savais quant aux délais, mais moi je veux dire quand les gens sont rendus aux salles d'urgence. En temps de grève, un reproche qu'on fait, on dit: Les gens sont peut-être refusés à la salle d'urgence ou les gens n'osent pas se présenter, mais en temps ordinaire, quand des personnes du troisième âge se présentent aux salles d'urgence, est-ce qu'il y a là aussi des problèmes d'admission ou de soins?

M. Tardif (Patrice): C'est pénible de répondre à votre question, mais la réponse est oui encore une fois. Il y a un médecin qui me disait il y a quelque temps, un médecin d'un certain âge, je n'ai pas demandé de précision: Vous n'avez pas idée combien nous avons de la difficulté avec certains médecins. Il faut faire une distinction, il n'a pas dit: Tous les médecins, mais avec certains médecins, nous avons de la difficulté à faire admettre les personnes âgées pour qu'elles aient leur place dans les hôpitaux. Ils nous répondent: Ils ont fait leur vie, qu'ils donnent donc la place aux jeunes. Ce n'est pas intéressant pour ceux qui ont payé pour construire les hôpitaux, qui ont payé de leur vie pour bâtir. Ils ont bâti toute leur vie, ils ont bâti les villes, ils ont bâti le pays en quelque sorte à la suite de ceux qui étaient là avant eux également. Ce n'est pas très intéressant de se faire répondre comme cela par ceux à qui nous avons donné la vie. C'est ce qu'on appelle des réponses sauvages, et je suis poli.

Mme Lavoie-Roux: L'autre question que je vous avais posée, c'était sur la menace du chaos social, vous vouliez réagir à cela.

M. Tardif (Patrice): Vous savez, Mme Roux, ce serait un sujet qui serait pas mal long. Je considère, moi, personnellement, et nous constatons à la fédération qu'il y a eu une démission générale. Le chaos social, cela englobe pas mal large. Je résume cela dans une phrase qu'a dite d'ailleurs M. le ministre du Travail ce matin, le sens de la responsabilité a l'air de s'évaporer, c'est un laisser-aller. Dans certains cas, les juges sont insultés en pleine cour. Cela n'a pas de bon sens. La société plie le cou. Ce sont les

vols, ce sont les viols et cela ne tourne quasiment à rien. Il y a un paquet de lois qui ne sont pas assez sévères et, encore une fois, ce n'est pas un blâme. Ce n'est pas facile de gouverner, je le sais. C'est pour cela que cela me fait plaisir cet après-midi de dire aussi aux députés de l'Opposition, qu'il faudrait que, dans des questions comme cela, il n'y ait plus de parti, pas une miette; il n'y a qu'un parti, c'est le parti de la patrie, le parti de l'humanité, le parti du bon sens. Je sais que vous allez être capables et j'ai confiance en cela.

Nous sommes des personnes âgées, des malades, des handicapés. Il y en a peut-être dans vous autres qui s'imaginent être jeunes, et ils peuvent avoir une crise cardiaque demain matin et se ramasser sur le perron de l'hôpital parce qu'il y a une grève; cela peut arriver. On travaille aussi pour les préretraités. Il y a des gens qui se retrouvent à la retraite plus vite qu'on le pense; surtout quand il y a une élection, il y a des gens qui sont mis à la retraite bien plus vite qu'ils pensaient. On travaille pour vous autres, il faut que vous nous aidiez.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne nous souhaitez pas de perdre une élection et d'être malades en plus, toujours?

M. Tardif (Patrice): J'espère que non.

Mme Lavoie-Roux: Merci beaucoup, M. Tardif.

M. Tardif (Patrice): Bienvenue, madame.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. Tardif, d'abord, vous avez dit que vous avez 160 000 membres, je pense que le plus grand nombre demeure chez nous, parce que dans le comté de Sainte-Anne, il y en a des clubs de l'âge d'or et j'admire leur travail, j'y vais et j'apprends même la danse, je suis sérieux dans mon affaire.

Je vous appelle le syndicat des grands oubliés, parce que n'oubliez pas qu'avec 160 000 - il y a des syndicats qui aimeraient avoir autant de membres que vous avez - il faut vous écouter. Chaque fois que j'ai besoin de sonder l'opinion publique, je vais aux clubs de l'âge d'or, je parle avec les membres et je dois vous dire que je trouve là le gros bon sens commun. Pour moi, c'est très important.

Concernant le contenu de votre mémoire, je l'ai étudié en détail, et il y a une certaine évolution, peut-être une progression d'idées, parce que, à l'automne 1979, votre fédération a demandé une commission arbitrale, sans appel et neutre; c'était la position à ce moment. Ensuite, il y a eu le congrès de 1980 - donc six mois plus tard - et vous demandez une nouvelle formule de négociation. Vous dites, en même temps que tous les soins sont essentiels. On tombe ensuite au 21 octobre 1980 et à la suite d'une assemblée du comité exécutif de votre organisation vous dites: Là, on demande l'abolition du droit de grève dans les services publics.

Donc ça peut être une progression, du moins c'est une évolution, parce qu'on voit clairement que vous avancez de plus en plus dans vos idées, pour finalement arriver à la conclusion que ça va mal, et que les personnes âgées sont tannées des grèves; c'est probablement pour ça que vous demandez l'abolition.

Mais vous avez entendu le ministre, qui vous a remerciés pour votre mémoire; vous êtes fantastique, vous avez un style parlementaire éloquent, mais il vous envoie chez vous sans aucun résultat.

Je me demande si on ne pourrait pas essayer de soumettre au moins au gouvernement une formule qui soit acceptable. Donc, disons que la formule d'abolition, je ne connais pas les idées du ministre, mais il a déjà dit carrément qu'il n'accepterait pas ça, même pas dans le secteur hospitalier.

M. Tardif (Patrice): II va y repenser.

M. Polak: II l'a dit et répété chaque jour. Mais il dit en même temps: On va prendre soin des services essentiels. Il n'a pas encore résolu son dilemme, il n'y a aucune formule sur la table.

Mais je voudrais vous demander ceci: Seriez-vous prêts à mettre un peu d'eau dans votre vin et de retourner à votre position de 1979, alors que vous réclamiez - le gouvernement aurait dû vous écouter avec un peu plus d'attention - une commission arbitrale, sans appel, neutre, et vous ajoutez, aujourd'hui, avec des dents? Seriez-vous prêts à accepter ça comme une formule acceptable?

M. Tardif (Patrice): La réponse est très simple. Lorsque la décision aura été prise et que les juges de l'organisme seront nommés, là, ils vont étudier l'affaire, ils vont étudier tous vos mémoires, ils vont étudier tout ce qui s'y est dit. Il y a un paquet de renseignements là-dedans, il y a toute sorte de choses; ça va être condensé, d'habitude c'est ce qui se passe, et il y a une synthèse qui sort de tout ça. Ils vont faire une recommandation au gouvernement et dire: Nous, ce qu'il nous faudrait pour marcher, c'est telle et telle législation.

Ne me demandez pas trop ce qu'ils vont décider. J'imagine que ce sont des gens assez intelligents qui seraient nommés et ils vont...

M. Polak: II faudra les forcer avant de décider.

M. Tardif (Patrice): Oui, c'est ça.

M. Polak: Une dernière question. Vous dites dans votre documentation... Je trouve ça très intéressant parce que c'est daté du 1er décembre 1979, il y a presque deux ans. C'est pour ça, M. le ministre, que c'est important d'entendre peut-être plus sérieusement la parole de persones qui ont l'expérience de la vie. Vous dites: "II est grandement temps qu'on remplace les rapports de forces par des rapports de justice. " C'était votre thèse et c'est encore votre thèse aujourd'hui.

M. Tardif (Patrice): Et vous ne vous y opposez pas?

M. Polak: Quant à moi, pas de problème, je n'ai rien à dire, c'est lui qui décide.

M. Marois: C'est le nouveau programme du Parti libéral, ça?

M. Polak: Non, ce n'est pas le nouveau programme, mais on va forcer le gouvernement à prendre une position; pas faire de belles déclarations à tout le monde, vouloir satisfaire tout le monde, parce qu'à un moment donné, il faut résoudre le dilemme.

M. Tardif (Patrice): Si vous le permettez, je voudrais seulement suggérer -je l'ai dit un peu tout à l'heure - que si, à un moment donné - ça peut se produire, l'Opposition avait des comptes à régler avec les messieurs du gouvernement, je n'ai pas d'objection à ce que vous régliez ça, mais, s'il vous plaît, pas sur notre dos.

M. Polak: M. Tardif, je suis tout à fait d'accord avec ça. Merci, M. le Président.

L'Intersyndicale

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération de l'âge d'or du Québec. J'invite maintenant les représentants de l'Intersyndicale à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

M. Tardif: Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): Je voudrais informer les membres de la commission, pendant que les représentants de l'Intersyndicale s'installent, que le mémoire que devait nous présenter la Clinique du peuple de Saint-Henri a été déposé au secrétariat des commissions et, même si le mémoire n'est pas présenté ici en commission, ce mémoire est inclus dans la série de mémoires que la commission a reçu pour étude et il sera considéré au même titre que les autres.

J'aimerais d'abord qu'on m'indique qui va présenter le mémoire au nom de l'Intersyndicale. M. Norbert Rodrigue. Si vous voulez d'abord nous présenter les personnes qui vous accompagnent et ensuite présenter le mémoire.

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, je vous remercie. D'abord, je voudrais effectivement, à votre invitation, vous présenter ceux qui m'accompagnent. Je les ai autour de moi. En commençant par ma gauche, de la Fédération des infirmières et infirmiers unis, Hélène Wavrock; à ses côtés, Ronald Asselin de la SAQ; à mes côtés, à gauche, Jean-Louis Harguindeguy du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec; à ma droite, Ginette Gosselin de la FQII, Robert Gaulin de la Centrale de l'enseignement du Québec; Harvey Weiner de l'Association provinciale des enseignants protestants, et je voudrais aussi signaler la présence, bien sûr, du Syndicat de professionnels du gouvernement, la contribution de la Confédération canadienne des syndicats nationaux qui ne sont pas présents ici mais qui sont associés au mémoire et, finalement, je pense bien ne pas en oublier, la CSN, comme centrale syndicale aussi, qui se joint à ce mémoire.

Je voudrais d'abord, M. le Président, signaler aussi un autre groupe qui n'est pas dans la liste. Il s'agit de la FAPUQ, des professeurs d'universités, qui, d'ailleurs, vous a informé par lettre, je pense, de son appui au mémoire, en soulignant qu'elle désirait discuter, dans un cadre éventuel plus large, du Code du travail, de la question de la grève et du lock-out en particulier.

Je voudrais aussi présenter la présidente de cette organisation qui est parmi nous, Mme Marie-Andrée Bertrand; elle était quelque part ici en arrière. Je voudrais aussi signaler, M. le Président, que tous les participants à l'Intersyndicale... D'abord, signaler le fait que c'est historique, à mon avis, qu'un aussi grand nombre de syndicats se regroupent pour présenter un certain nombre de revendications au gouvernement et vous dire aussi que la perspective de ce mémoire est la suivante: Nous sommes très conscients que beaucoup de revendications dans ce mémoire portent sur des amendements au Code du travail.

Nous avons cependant tenu quand même à présenter à cette commission parlementaire cet ensemble d'amendements parce que, d'abord, nous croyons que c'est important de le faire immédiatement et, deuxièmement, nous croyons aussi que, pour l'ensemble des travailleurs, indistinctement, il ne doit y

avoir qu'un seul Code du travail et, finalement, nous pensons que les relations de travail qui existent dans le secteur privé influencent de toute façon, c'est-à-dire en termes de conditions, d'exercice, de droits, etc., les règles pour le secteur public. (17 h 15)

Je voudrais aussi souligner très brièvement que le processus que nous avons suivi comme organisation est un processus démocratique où nos instances respectives ont eu à discuter sur les revendications, etc; je voudrais aussi ajouter que dans ces revendications, vous constaterez qu'il y en a qui ne sont pas nouvelles. Ce ne sont pas des revendications d'hier; notamment, certaines d'entre elles originent de 1977, à l'occasion de la présentation d'un mémoire commun CEQ-CSN au gouvernement.

Les organisations syndicales présentes devant vous revendiquent en quelque sorte le respect intégral des droits des travailleurs, notamment, le droit de se constituer en syndicat démocratique, le droit de négocier, le droit d'exiger le respect des conditions de travail négociées, le droit de pouvoir recourir à la grève comme moyen d'établir des conditions de vie décentes et des conditions de travail respectueuses de leurs aspirations. Les organisations syndicales proclament qu'il ne doit exister, comme je le disais, aucune distinction entre les travailleurs du secteur public et ceux du secteur privé. Le présent mémoire s'applique donc indistinctement à tous les secteurs. De plus, il cherche et il touche, bien sûr, les services essentiels dans le secteur des affaires sociales.

Les organisations syndicales veulent préciser finalement que les réformes proposées sont partielles et qu'une véritable modification du code s'impose afin de garantir les droits à la syndicalisation, à la négociation, au respect des organisations de travailleurs et de travailleuses, à l'exercice des droits sans ingérence gouvernementale ni interférence des appareils judiciaires.

Nous allons vous résumer le mémoire, M. le ministre et Mme la Présidente, de la manière suivante. Nous avons regroupé en cinq chapitres les amendements que nous suggérons aujourd'hui. Il s'agit des limitations à l'exercice du droit de grève, des contraintes judiciaires illégales, des services essentiels, de la négociation et de l'impunité de l'administration. Ma camarade Gosselin et mon camarade Gaulin s'associeront à moi pour présenter le mémoire.

Je voudrais d'abord signaler que dans les limitations nous estimons, tenant compte du grand nombre d'intervenants qui font valoir que les travailleurs et les travailleuses utilisent la grève comme seul moyen de pression pour résoudre un conflit d'intérêts, sans prétendre que la grève soit devenue périmée, que d'autres moyens d'action, dans des circonstances précises, pourraient contribuer au dénouement d'un conflit d'intérêts. Nous voulons signaler que pour se le permettre, il faudra rendre légal le recours à d'autres moyens que la cessation concertée du travail parce que, actuellement, le seul moyen légal reconnu dans le Code du travail, c'est la grève. Nous revendiquons, en conséquence, l'abrogation de l'article 108 du Code du travail.

En ce qui concerne le droit de grève comme tel, nous voulons aussi rappeler une revendication de l'ensemble des organisations, qui est en quelque sorte l'élargissement du droit de grève afin qu'il soit permis en tout temps et sans contrainte. Nous estimons que l'égalité entre les parties est illusoire dans les circonstances actuelles. Les employeurs, par exemple, qui modifient les conditions de travail en cours de convention collective à tout moment et qui, parfois, par le biais des changements technologiques, transforment totalement les situations réelles après avoir négocié un contrat de travail, il nous apparaît que ces employeurs ont effectivement non seulement beaucoup de droits, mais tous les droits; par conséquent, il faudrait rétablir une certaine égalité.

Je voudrais dire que ce que nous pensons là-dessus, fondamentalement - à tort ou à raison, on est convaincu de cela - est que cette perspective pourrait, sur le plan social, sur le plan économique et sur le plan politique, atténuer beaucoup de problèmes qui s'accumulent, qui se perpétuent et qui, finalement, dégénèrent concrètement en conflits. En conséquence, nous revendiquons que la grève soit permise en tout temps et sans contrainte. Non pas dans l'objectif de faire la grève mais, au contraire, pour essayer d'aplanir un certain nombre de problèmes.

Nous demandons aussi la reconnaissance du piquetage. Le fait de permettre le piquetage par définition négative au Code criminel ou par les interprétations contradictoires, obscures même, des tribunaux a pour effet, quant à nous, de criminaliser les relations de travail. L'intervention des appareils répressifs nie parfois carrément l'exercice de la liberté de piquetage en refusant, par exemple, à des travailleurs et à des travailleuses en grève dont l'employeur est situé dans un complexe commercial d'accéder aux portes de l'employeur, puisque le complexe, dit-on, est propriété privée.

Je voudrais citer ici les effets, quant à nous, de la reconnaissance du droit au piquetage dans un code du travail. Pour nous, cela aurait l'effet d'abord d'empêcher et d'éliminer un certain nombre d'injonctions dans la situation concrète actuelle. Ce sont des injonctions, parfois - pour citer deux exemples - qui nous conduisent dans des situations aberrantes, comme à Beauharnois, Stanchem, où l'injonction nous ordonnait de faire du piquetage dans un rayon X et où

cela nous conduisait physiquement dans le lac Saint-Louis pour piqueter. Il y a aussi, à la Gypsum de Joliette, où les travailleurs, s'ils avaient voulu respecter l'injonction, auraient été obligés de déménager parce que leur demeure était dans un rayon inférieur à un mille et il était défendu aux travailleurs de se promener autour de la compagnie à un mille à la ronde. Vous comprenez que ce sont des situations qu'on veut discuter et qu'on met en cause dans les circonstances actuelles.

Nous abordons aussi un autre point. Il s'agit des employeurs liés. Très fréquemment, surtout depuis les mesures antibriseurs de grève, à l'occasion d'une grève ou d'un lockout, les employeurs, parmi lesquels le gouvernement, d'ailleurs, ont recours à des sous-contrats pour poursuivre la production de biens et de services ou divertissent carrément leur production. Nous considérons et nous revendiquons sur cette question que le Code du travail reconnaisse la notion d'employeurs liés entraînant la reconnaissance de tous les droits syndicaux résultant à cette alliance économique.

Ce n'est pas un droit et une invention nouvelle en Amérique du Nord. Cela existe sous certaines formes au Canada. Dans le système actuel, le pouvoir économique nous impose un certain nombre de conditions et nous estimons que les entreprises trichent quand il s'agit des règles qu'elles nous forcent à adopter elles-mêmes dans plusieurs circonstances quand elles s'entendent sur le plan des marchés, à l'occasion d'une grève, ou quand elles s'entendent tout simplement sur la question de la clientèle, etc., ou la diversification ou le transport de la production vers une autre usine que cette entreprise a au Québec ou vers une multinationale, par exemple, ailleurs. Dans ces circonstances, nous pensons qu'il faut absolument que cette notion apparaisse au Code du travail.

En ce qui concerne le lock-out, nous voulons aussi préciser, un peu comme dans le cas du droit de grève en termes d'élargissement, que seuls les travailleurs, au moment où on se parle, sont obligés de négocier leurs salaires. Les employeurs ne sont pas obligés de négocier et de parlementer pour fixer les salaires. Dans les circonstances actuelles, nous estimons que le lock-out trop souvent sert à de la provocation, surtout quand les entreprises ont accumulé des stocks et cela conduit même parfois à des situations comme, par exemple, dans une entreprise comme l'Alcan où la provocation conduisant soit à une grève ou à un lock-out permet à l'Alcan tout simplement, au bout de la course, de réaliser un objectif qui est celui de faire augmenter les prix et, après une grève ou un conflit assez long, profiter de tous les avantages et de la récupération et aussi des augmentations de prix.

En ce qui concerne - un dernier point pour ma part, ensuite, Ginette prendra la parole pour résumer une autre partie du mémoire - les préavis prévus au Code du travail de grève dans le secteur public, nous considérons que ces avis constituent une entrave à l'exercice du droit de grève et peuvent même, dans la mesure où les conditions existent avant d'envoyer un deuxième avis ou préavis, obliger les associations accréditées à recourir à la grève. On a même vu des associations ici, cette semaine ou la semaine dernière, soutenir dans leurs mémoires que lorsqu'on envoie un avis, il faudrait nous obliger à aller au bout et à faire la grève. On pense que ce n'est pas la meilleure solution.

Quant à nous, on reconnaît la nécessité, l'utilité de donner un préavis public, mais on aimerait que le code prévoie et laisse une certaine latitude quant aux formes que nous estimons appropriées. En conséquence, nous revendiquons l'abrogation de l'obligation légale et ses conséquences juridiques parce que, souvent, c'est utilisé aussi pour créer artificiellement ou autrement des illégalités en ce qui concerne les relations de travail. Comme cela conduit à cette situation, nous vous présentons cette revendication. Avec votre permission, je demanderais à Ginette de poursuivre.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Gosselin.

Mme Gosselin (Ginette): Concernant les contraintes judiciaires et légales à l'exercice du droit de grève, plus précisément l'utilisation de l'injonction, l'expérience nous a démontré que le recours aux injonctions avait par le passé modifié le rapport de forces et créé toujours des droits à l'avantaqe de l'employeur, sans parler de situations un peu loufoques comme celle que relatait Norbert Rodrigue tout à l'heure. Parce qu'en plus il affecte la crédibilité du système judiciaire, parce que le recours à l'injonction criminalise les relations de travail, nous revendiquons le retrait de l'injonction du domaine des relations de travail.

Les dispositions antibriseurs de grève sont nouvelles, mais on a déjà pu les pratiquer lors des dernières négociations, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. On a vu qu'elles contenaient des lacunes. Une des lacunes qu'on soulève principalement, c'est le fait que, lorsque le gouvernement lui-même ou une de ses sociétés ne respecte pas les dispositions antibriseurs de grève, le code prévoit qu'il paie une amende au trésor public. En conséquence, nous revendiquons qu'en cas d'infraction commise par les employeurs ceux-ci soient tenus de verser une indemnité

au bénéfice de l'association de salariés contre qui l'infraction est commise.

Concernant l'interdiction même de faire la grève, parce que nous sommes convaincus que le droit de grève est finalement le droit réel de négocier et que ce droit doit être reconnu à tous les travailleurs, nous revendiquons la reconnaissance du droit de grève pour tous les syndiqués sans aucune exclusion.

Concernant les pouvoirs de l'exécutif de suspendre l'exercice de la grève, nous croyons que là arrive le conflit entre le gouvernement employeur et le gouvernement législateur. Le gouvernement peut alors utiliser ses pouvoirs pour déplacer, encore une fois, les positions des parties en période de négociation. En conséquence, on revendique l'abrogation du troisième paragraphe de l'article 111 et l'abrogation du deuxième paragraphe de l'article 111. 12 du Code du travail qui prévoient spécifiquement ces droits de suspendre l'exercice de la grève et nous revendiquons que cesse l'utilisation du Parlement pour avantager l'employeur et modifier les règles du jeu.

Quant à la question des services essentiels, les organisations syndicales estiment, de même que l'avait estimé le Conseil sur le maintien des services essentiels, que le bilan est positif et qu'il devrait même s'appliquer à toute la fonction publique. En ce sens, nous revendiquons que soit maintenu le mécanisme actuel et qu'il soit étendu à la Loi sur la fonction publique.

Quant au Conseil sur le maintien des services essentiels, nous croyons que, s'il a pu rendre service au cours de la dernière négociation, agir dans certains cas comme médiateur entre les parties, c'est parce qu'il reproduisait exactement au sein du conseil la composition des protagonistes. En ce sens, comme nous avons tout à l'heure revendiqué que soient maintenus les mécanismes, nous nous opposons également à la constitution d'une régie ou d'un conseil qui serait constitué de prétendus experts et là-dessus, on se base sur les expériences qu'on a connues. (17 h 30)

M. Gaulin (Robert): Le chapitre 4 aborde plus directement la conduite des négociations comme telles et le premier élément que nous voulons soulever touche les matières négociables. On est passé d'une pratique de détermination des conditions de travail d'autorité ou par la tradition à une pratique de négociation dans le secteur public. On pense que, sur la base de l'expérience acquise, il n'y a pas lieu, pour certaines catégories de salariés, de soustraire du négociable un certain nombre de conditions de travail qui sont des éléments tout à fait essentiels tels que l'évaluation, l'affectation, la promotion, la classification, le régime de retraite, le régime de pension.

Il y a donc là quelque chose de fondamental. Nous pensons qu'il faut reconnaître aux travailleurs le droit de négocier l'ensemble de leurs conditions de travail.

En ce qui regarde les interventions d'un tiers dans le cours des négociations, nous avons expérimenté différentes formules. Certains intervenants, ici, ont fait des suggestions de formules à expérimenter ou autres. Nous avons connu le conseil d'information, nous avons vécu l'époque de certaines commissions d'enquête. Nous avons les mécanismes habituels de conciliation du Code du travail qui ne sont pas praticables en ce qui regarde les grandes négociations du secteur public où le gouvernement est directement à la table de négociation. Nous croyons qu'il y a lieu, pour aider le fonctionnement de la négociation, qu'il y ait une intervention de tiers, mais nous croyons que cette intervention devrait se faire à la demande de l'une ou l'autre des parties, selon l'acceptation des parties. C'est dans ce cadre qu'on pourrait convenir d'une médiation publique, mais à la condition, bien sûr, que le médiateur ne soit pas un fonctionnaire de l'État, ce qui rendrait ce processus inefficace.

En ce qui regarde le partage des objets de négociation, ce qu'on revendique, c'est la prérogative de déterminer l'objet des négociations locales selon le processus qui est en cours dans le Code du travail. S'il y a une négociation locale acceptée par les parties, que ça puisse se faire selon le régime actuel du Code du travail, et il appartient aux parties de discuter de la nécessité, de la volonté qu'il y ait négociation ou pas.

Également, le point 4. 4, reconnaissance d'une association. Il y a actuellement certaines associations, les hôpitaux, l'éducation, la fonction publique, qui se voient reconnaître un régime de négociation nationale par le biais de la législation. Nous pensons que ce régime pourrait être étendu à d'autres groupes à partir de demandes formulées par ces groupes et que le gouvernement, qui rémunère d'autres catégories de travailleurs, devrait permettre que ces travailleurs, ces associations syndicales, si elles le désirent, puissent transporter leur négociation au niveau national, comme ça existe actuellement dans le secteur des commissions scolaires, des cégeps, des hôpitaux, des centres d'accueil.

Les point 4. 5, ingérence dans la démocratie syndicale. Nous croyons qu'on expérimente tout un régime de contraintes où on essaie de rendre, par le biais de dispositions du Code du travail ou autres, illégal ce qui est légal, et que ce régime de contrainte ne favorise d'aucune manière le bon déroulement des négociations. Il y aurait lieu de changer de perspective et travailler dans le sens d'élargir, de respecter le plein

exercice des libertés syndicales, éliminer les interventions indues, les contraintes et les pratiques de surveillance des organisations syndicales de la part de la police.

Le cinquième point, rapidement, l'impunité de l'administration. Nous vivons un régime de négociation où, du côté patronal, il y a, à la table, le gouvernement, il y a des administrations locales, il y a des associations patronales du type national. Ces groupes interviennent d'une manière ou d'une autre dans le processus de négociation, prennent parfois des décisions de nature locale qui peuvent provoquer des conflits, rendre ces conflits plus difficiles. Il y a certaines utilisations politiques, aussi, qui sont faites par des associations, des situations de négociation, et nous croyons qu'il faudrait placer certains administrateurs en situation d'assumer les conséquences des décisions qu'ils prennent, et non pas se blanchir ou se cacher, quand arrivent les coups durs, derrière le gouvernement ou derrière l'administration publique.

Également, en ce qui regarde la transparence, je crois qu'il y a une série de décisions. Bien sûr, on met souvent en doute la démocratie syndicale. On dit que ça doit être de telle ou telle manière, et le Code du travail est intervenu pour fixer des contraintes. Nous croyons que, du côté des administrations publiques, il devrait y avoir une plus grande transparence et qu'un certain nombre de décisions, de documents, de résolutions, de budgets devraient être mis à la disposition du public et des associations syndicales.

Je crois qu'en conclusion générale de tout cela, on a le choix, on a utilisé la voie de la contrainte, on a développé des pratiques de restriction, des objets de négociation ou des règles présidant à la conduite des négociations dans le secteur public. Je pense que plus il y a d'embûches, plus il y a de modalités, plus les négociations sont difficiles, plus les négociations se prolongent, et plusieurs intervenants ont souligné la longueur et la difficulté des négociations dans le secteur public. Nous pensons que plus on va aller dans le sens de ces contraintes, plus les conflits vont être pénibles, difficiles à régler et qu'il y a donc lieu peut-être d'établir des règles les plus simples possible et s'en remettre à la responsabilité des parties pour la bonne conduite des négociations dans le secteur public.

En terminant, on a oublié tout à l'heure de souligner la présence des SPIIQ, le syndicat des infirmières, et la présidente Élaine Pelletier est ici aussi dans la délégation de l'Intersyndicale.

Le Président (M. Rodrigue): Cela va? M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, merci.

J'avoue que je ne comprends pas. Le mandat de notre commission, c'est le mandat suivant, qui est public, qui est connu depuis déjà plusieurs mois, l'examen des moyens susceptibles d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic, et, d'une façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Le gouvernement du Québec, par mon entremise, a fait connaître publiquement et a répété ici à cette commission, depuis le début de nos travaux, que nous ne pensions pas, de notre point de vue à nous - je ne prétends pas avoir la vérité absolue - qu'il y avait là une piste valable de solution à des problèmes réels, cruels, vécus, inacceptables par des humains, dans la perspective de l'abolition du droit de grève, mais que, ceci étant dit, il y avait cependant des problèmes réels, cruels, vécus par des humains du côté en particulier des services essentiels, qu'on pensait et qu'on pense que la limite des droits des uns, c'est là où débute le droit des autres, et le droit des autres, c'est le droit des humains à avoir leurs soins, leurs services essentiels directs.

Un des porte-parole de l'Intersyndicale a qualifié d'historique le regroupement et la présentation. Je ne sais pas, peut-être. Il y a une chose que je sais et qui est de l'histoire, c'est que c'est la première fois, à ma connaissance, qu'on a l'occasion ensemble comme société, d'avoir ouvertement et publiquement un débat de fond sur ce sujet. C'est la première fois, me semble-t-il, de mémoire, sous réserve que je me trompe, qu'un gouvernement prend la responsabilité d'ouvrir un tel débat.

Autrefois, il y a eu des débats effectivement à l'occasion de projets de loi, à l'occasion de rencontres, de contacts par une commission qui s'appelait, par exemple, la commission Martin-Bouchard, mais c'est la première fois que cela se pose dans ces termes. C'est le droit, bien sûr, des individus, des organismes, des groupes de venir rencontrer notre commission, de faire valoir leur point de vue. Ce droit, en démocratie, est quelque chose qui est respecté profondément. C'est le droit aussi des parlementaires de pouvoir exprimer librement leurs opinions, je crois.

Sur une liste de onze organismes syndicaux qui sont présentement devant nous, j'en ai relevé - il se peut que je me trompe neuf sur onze qui sont déjà venus témoigner ou qui doivent venir témoigner aujourd'hui, ou demain. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas, ou, alors, on a estimé qu'il était important de mettre l'accent sur certaines revendications qui apparaissaient déjà dans l'un ou l'autre des mémoires, qu'on

a vus ou qu'on entendra, ou alors on a pensé important de mettre l'accent sur des choses qui n'apparaissent pas dans les mémoires qu'on a vus ou dans ceux qu'on va entendre, provenant des mêmes groupes. J'avoue que je ne comprends pas.

Il y a beaucoup de revendications dans le mémoire, qui est devant nous, couvrant le secteur privé et le secteur public, essentiellement des revendications. On revendique le droit de grève permanent sans contrainte. On revendique notamment que lorsque des infractions sont commises par des employeurs, les indemnités soient versées au bénéfice des associations de salariés.

Je ne vois rien dans le mémoire - on me dira que ce n'est pas la responsabilité de ces groupes de nous faire des suggestions -indiquant ce qui arriverait, dans cette perspective, dans le cas d'abus ou d'infractions commises par des associations de salariés. Parce que, des abus, il y en a des deux côtés dans notre société. Il faut se dire les choses franchement, nettement et clairement entre nous. S'il n'y en avait pas, si tout allait sur des roulettes, on ne serait certainement pas ici.

On revendique. On écrit ceci à la page 13: "Nous revendiquons que cesse l'utilisation du Parlement pour avantager l'employeur et modifier les règles du jeu. " En d'autres termes, si je comprends bien, on revendique que plus jamais un gouvernement ne dira: Étant donné une situation, selon l'analyse et l'évaluation que j'en fais, je me dois de saisir l'Assemblée nationale pour qu'elle se prononce à partir d'un projet de loi donné. Cela, j'avoue, je vous le dis franchement comme je le pense, je trouve ça irresponsable.

Des problèmes. Le mot problème, je l'ai vu deux fois à la page 14 du mémoire: "Nous affirmons que le maintien des services essentiels a posé moins de problèmes qu'aux négociations précédentes". S'il en a posé moins, c'est qu'il en a quand même posé. "Les problèmes ont pu être rapidement évalués et corrigés par les organisations syndicales. "

Nous avons ici entendu des témoignages provenant de certains porte-parole syndicaux qui se trouvent d'ailleurs à nouveau présentement à la table, je ne veux absolument pas tronquer la pensée ou l'expression d'opinion de qui que ce soit qui s'est présenté devant nous - dire que des services essentiels devaient être assurés à 100%, dans certaines unités ou dans certains départements de centres hospitaliers.

Le seul élément de solution à ces problèmes, on a dit que cela a pu être évalué et corrigé rapidement par les organisations syndicales. "En conséquence, nous revendiquons le maintien du mécanisme actuel et son extension à la Loi de la fonction publique. "

Quelle autre contribution - alors que l'on retrouve dans les mémoires des mêmes organismes des recommandations, des suggestions et que des recommandations et des suggestions sont aussi venues dans les échanges verbaux qu'on a pu avoir avec certains porte-parole de certains groupes qui ont déjà comparu devant nous - à cet effort que la société cherche à faire présentement, à l'occasion du forum qui se tient ici, quelle sorte de contribution chacun est prêt à apporter, quels sont les éléments de solution, quelles sont les pistes valables?

J'avoue que je n'en ai pas vu dans le mémoire qui est présentement devant nous. Je ne vous le cacherai pas, je dirai, au minimum, que je le regrette.

J'ajouterais une chose, en terminant, ce sera ma dernière remarque. Je n'ai pas vu mentionné dans le mémoire - sous réserve de me tromper - le mot "malade", c'est-à-dire des hommes et des femmes qui ont aussi des droits dans le respect fondamental des droits des autres, mais qui ont aussi les leurs. Il me semble que c'est notre responsabilité, dans une perspective où les choses s'améliorent - je ne veux pas verser dans le sensationnalisme d'un côté ou de l'autre, en dédramatisant à l'excès ou en surdramatisant à l'excès ou en surdramatisant à l'excès. Les choses ne sont pas faciles à évaluer, on peut les quantifier et, sur une base de quantification, il nous semble que s'est ouverte une perspective d'amélioration des choses au Québec. Mais il y a des choses qui ne sont pas quantifiables. (17 h 45)

II y a eu des abus. Il me semble qu'on est capable, comme société, qu'on a cette capacité, ce ressort et ce sens des responsabilités suffisamment développé pour être capable de trouver, peut-être pas les mécanismes parfaits - quelqu'un l'a déjà dit: La perfection, tu peux toujours chercher, tu rencontres rarement cela au coin de la rue -mais il me semble qu'il y a moyen d'ouvrir des pistes d'amélioration. D'ailleurs, on a eu des témoignages et des suggestions qui me paraissent être des pistes qui méritent d'être examinées très sérieusement pour que, dans le respect des droits des uns, ils aient le droit de négocier, d'améliorer leurs conditions de travail, ce qui implique le droit de grève aussi. Que soit profondément respecté le droit des hommes et des femmes à obtenir, encore une fois, les soins et les services directs essentiels.

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, d'abord, je voudrais souligner à la présente commission parlementaire qu'effectivement nos organisations respectives sont venues exprimer des points de vue, leur point de vue particulier et spécifiqgue sur la question au cours des séances de la commission.

Je voudrais souligner aussi qu'en ce qui

concerne l'Intersyndicale, nous sommes venus ici avec l'intention de soumettre à cette commission parlementaire une vision plus globale de la situation, parce que nous estimons que, par exemple, quant aux moyens d'améliorer les négociations et les services essentiels, c'est aussi le Code du travail qui donne existence aux négociations et qui peut aussi amener, par des changements, un meilleur fonctionnement.

C'est vrai que ces revendications tournent davantage sur le Code du travail et il faut préciser aussi que ces questions-là sont urgentes parce qu'à notre avis, les conditions qui existent dans la législation dans le secteur privé, comme le disait le ministre, existent aussi, ont de l'influence dans le secteur public.

Il y a effectivement eu des débats en 1975 sur la loi 253, il y en a eu en 1977 devant la commission Martin-Bouchard et il y en a cette fois-ci devant cette commission. Quant aux services essentiels, si vous me le permettez, M. le Président, les droits des uns et des autres, nous réitérons que seule l'entente entre les parties... Nous avons voulu exprimer devant cette commission parlementaire, l'ensemble des associations, que la dernière expérience avait été positive, quant à nous.

Je rappellerais devant cette commission parlementaire, avec votre permission, que le comité sur les services essentiels qui était présidé par M. Gérard Picard et composé par des représentants de la partie patronale qui étaient le Dr Bacon de Montréal, Mme Ginette Rodgers de l'hôpital Notre-Dame et M. Légaré du CRSSS de Québec, ont convenu unanimement et ont conclu unanimement de cette expérience qu'elle avait été positive. Il nous semble important d'insister et de le souligner à nouveau devant cette commission parlementaire.

Quant aux autres questions, celle des abus par exemple, M. le ministre, j'aimerais, avec votre permission toujours, M. le Président, parler juste un peu, à peu près deux minutes, de cette question des abus.

J'ai été étonné ce matin d'entendre l'AHQ soutenir qu'à l'hôpital Notre-Dame de Montréal, il y aurait eu 30 personnes affectées aux services essentiels. Je trouvais cela un peu faible. En conséquence, j'ai donc téléphoné à l'hôpital Notre-Dame, au syndicat, pour connaître la situation de fait et voir, comme vous posez vous-même la question, la réalité. La réalité, à l'hôpital Notre-Dame, était la suivante, à ce moment-là. Les listes prévoyaient effectivement 30 personnes, mais il y a un total de 3000 salariés et, quotidiennement, à peu près 2500 travaillent parce que les autres sont soit en congé hebdomadaire, en congé de maladie, en congé de maternité, etc. Le lundi 19 octobre, il y avait 178 salariés qui travaillaient à l'hôpital Notre-Dame; le mardi 20 octobre, il y en avait 293; le mercredi 21 octobre, 384; le jeudi 22 octobre, 451 et le vendredi 23, 441. À ces salariés, il faut ajouter, selon les estimations du syndicat et incluant les médecins, 1000 personnes, cadres, médecins, etc. À cela, il faut ajouter entre 80 et 100 bénévoles. Je tenais à préciser que c'était la réalité au moment où la question se posait.

L'autre question soulevée par l'AHQ, je voudrais aussi la signaler. Un autre exemple: le Christ-Roi de Québec. Je voudrais dire que l'AHQ prétend qu'il n'y avait que 5% des effectifs, soit 17 salariés sur 350. Là aussi, j'ai vérifié avec le syndicat et le taux d'occupation était à 50%. Il y a eu des rencontres - je voudrais le dire ici, devant la commission parlementaire - sur les services essentiels tous les jours. Ces rencontres se faisaient entre trois salariés et le directeur médical, le directeur du nursing et le directeur du personnel qui, quotidiennement, formulaient leurs demandes. Quotidiennement. Jamais aucune demande n'a été refusée par le syndicat, sauf une secrétaire à la radiologie alors que tous les techniciens étaient au travail, et ils étaient 15, et un autre poste d'une secrétaire au laboratoire alors que tous les techniciens étaient au travail, et ils étaient 12. Je voudrais signaler à la commission qu'il n'y avait pas de patient dans ces deux départements du laboratoire et de la radiologie.

Jamais le patron, à notre connaissance, ne s'est plaint de cette situation. Je tenais à dire cette réalité, M. le ministre, parce qu'il nous semble, à nous, que la voie que nous avons connue ou choisie la dernière fois sur les services essentiels est la meilleure et qu'il faut faire confiance aux parties, et je dirais aussi a la conscience professionnelle des travailleurs québécois. Je voudrais dire que négocier des conditions de travail et faire des qrèves pour les arracher, on pense que ce n'est pas totalement inhumain de le faire pour essayer d'arracher des conditions de travail raisonnables. On pense que l'action syndicale n'est pas diriqée contre les malades. Notre objectif n'a jamais été de priver les malades; notre objectif a été d'exercer nos pressions contre les partenaires du gouvernement, M. le ministre, et le gouvernement.

Je voudrais souligner, en ce qui concerne les partenaires du gouvernement, que j'ai vu, devant cette commission parlementaire, les médecins, qui ont toujours prétendu être des experts, être représentés par deux procureurs juridiques pour défendre leur position. À quels experts avons-nous affaire? J'ai vu aussi des associations patronales vous appeler, M. le ministre et le gouvernement, à légiférer pour cadrer les modalités salariales, pour cadrer l'ensemble des conditions de négociation et vous demander de fixer, de déterminer les

services essentiels. Je ne suis pas fâché, c'est juste un constat que je veux faire -que tous ceux qui ont soutenu ici - les patrons, les partenaires - qu'il fallait des experts pour les services essentiels, qu'il fallait des experts pour le PRN dans les hôpitaux, pour évaluer la rentabilité, etc., qu'il fallait d'autres types d'experts pour ju-qer les travailleurs et encore d'autres types d'experts pour tirer d'autres conclusions sur les négociations entre les parties, soit par le biais de l'arbitrage ou autrement, je vous soumets respectueusement que ça me fait penser qu'on n'aurait peut-être pas besoin tant que ça de ces gestionnaires. En conséquence, on pourrait peut-être négocier directement, les associations patronales et le gouvernement, et on obtiendrait probablement des résultats positifs sur les délais, par exemple, en négociations et on pourrait peut-être s'entendre, en exerçant nos moyens de pression réciproques, sur une réalité qu'on est capable de saisir.

Je voulais faire cette petite mise au point. Je trouvais ça important, vous savez. Les abus d'un bord, une petite claque icitte, une petite claque là, je suis capable de prendre ça, mais quand la claque vient tout le temps et qu'elle laisse présager ou prévoir que les travailleurs québécois seraient des êtres irresponsables, inhumains, qu'ils soient dans l'éducation ou les services sociaux ou les services hospitaliers, vous comprendrez que ça nous chatouille un peu les intestins et qu'on réagira et qu'on va continuer à réagir parce qu'on estime être capables de prendre un certain nombre de responsabilités. D'ailleurs, je voudrais terminer en disant, concernant le législatif et l'exécutif, que le Parlement est toujours souverain.

L'Assemblée nationale peut toujours agir et décider, mais ce que nous disons et ce dont nous sommes convaincus c'est que, dans le passé, on a trop eu d'expériences comme celle-là et il faut effectivement avoir des conditions qui favoriseront la négociation entre les parties dans l'avenir, pour essayer de résoudre le problème et trouver des perspectives nouvelles.

M. Gaulin: Si vous me permettez, je ne veux pas abuser de notre droit de parole. Sur cette question de l'intervention du Parlement, cela n'a pas été tellement soulevé dans les mémoires antérieurs, mais je crois que c'est l'occasion, devant cette commission parlementaire qui étudie la question du régime de négociations dans le secteur public, de se la poser carrément et franchement. On ne dit pas qu'on revendique que jamais, d'aucune manière, le Parlement ne puisse être saisi d'un problème, on dit: Que cesse l'utilisation du Parlement, ses différentes interventions, pour avantager l'employeur et modifier les règles du jeu. On pourrait faire l'histoire de toutes les lois spéciales qui sont arrivées à chacune des rondes de négociations à raison d'une, deux et parfois trois lois spéciales par ronde de négociations, et se poser franchement la question: Est-ce que c'est essentiel, est-ce que c'est une règle à établir dans le cadre de notre régime de négociation. Après avoir pris le temps de faire les débats démocratiques dans cette enceinte, au Parlement et ailleurs sur le régime de négociation qui devrait être convenu dans le secteur public, est-ce normal qu'au moindre accrochage, au moindre problème, il y ait une intervention parfois très rapide du Parlement qui vote la première, la deuxième et la troisième lecture en l'espace de quelques heures et qui pense, de cette manière, régler le problème? L'histoire des négociations du secteur public nous a aussi appris que ces interventions n'ont pas réglé le problème de manière satisfaisante. Si on prend un exemple d'ailleurs, si on regarde l'histoire des postes, ce n'est pas parce qu'il y a eu des lois spéciales aux postes que cela a réglé le problème. Cette année, ils ont négocié. Il n'y a pas eu de loi spéciale. Ils ont signé une convention collective et espérons que cela puisse améliorer le fonctionnement de ces établissements.

Pour l'autre point: est-ce qu'on n'a pas fait de suggestions pour savoir où nous envoyer les factures en certaines circonstances, je pense bien que vous connaissez nos adresses et que vous savez qu'ayant assumé des responsabilités à un moment donné il y a encore des factures qui nous arrivent de temps en temps pour des décisions qui ont été prises par les années passées. Je pense bien que c'est le ministre de la Justice ou le ministre des Finances qui encaisse cela quelque part. On ne souhaite pas et on n'a jamais privilégié les dépassements des cadres qui sont fixés, mais on pense que ce n'est pas, non plus, en ajoutant des contraintes, en faisant en sorte que ce qui est légal une journée soit illégal le lendemain, que ce qui est considéré comme légal par l'ensemble des travailleurs soit jugé illégal par un juge parce que l'avis est en retard ou que telle procédure n'a pas été tout à fait conforme au Code du travail, qu'on va régler les problèmes.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Oui. Il y a un côté, évidemment, surprenant à votre mémoire. Je pensais à une boutade d'un ancien ministre du Travail, M. Bellemare, parce que vous "drivez" allègrement dans vos revendications. M. Bellemare pourrait dire qu'il y a du "swing" dans le manche dans vos revendications. Mais il y a quand même un certain nombre de choses, en tout cas, que vous n'avez pas inventées en présentant

votre mémoire, parce que cela fait longtemps - en tout cas, certainement depuis la commission Martin-Bouchard et bien antérieurement à cela - qu'on discute de la matière négociable, entre autres, dans le domaine de la fonction publique et pour les professionnels, du champ des exclusions.

Le problème du piquetage, c'est un problème dans le domaine des relations de travail qui existe. Le problème de toute la présence du judiciaire et des injonctions, bien sûr, cela ne m'a pas étonné, la nature des revendications. Je pense même que sur ce dernier sujet il y a des engagements ou des expressions d'intention qui ont été manifestés, si je ne m'abuse, par le ministre du Travail lui-même, de revoir ce problème, tout le problème des préavis. Dans votre mémoire, il y a beaucoup de choses, finalement, il y a peut-être un peu trop de choses.

Ce qu'il y a d'étonnant - et, là-dessus, je rejoins le ministre - c'est que votre mémoire ne fait aucune espèce de référence au problème spécifique des services essentiels et, en particulier, de l'exercice du droit de grève dans les hôpitaux. Ma réaction est un peu analogue. Je pense qu'il y a un problème. L'argumentation in absentia parce que l'Association des hôpitaux a affirmé des choses que M. Rodrigue ne pouvait pas contester sur le champ, des affirmations qui ont été faites ce matin. Il amène des informations ou des corrections qui lui sont fournies par des représentants syndicaux de l'hôpital Christ-Roi et de l'hôpital du Saint-Sacrement. On ne sait, au moment où on se parle, si l'Association des hôpitaux n'est pas en train d'appeler les directeurs médicaux de ces deux hôpitaux pour venir demain matin, si jamais elle revient dans un "interpatronal", je ne sais trop, contester ces chiffres. (18 heures)

Cela illustre ce que j'ai dit ce matin. Au fond, il y a une chose que cette commission n'est pas encore parvenue à établir d'une façon claire. Je comprends les mémoires et toutes les démarches que les syndicats ont faites, toute la logique du droit de négociation des travailleurs, etc., et toutes les conséquences avec le droit de grève, fort bien. Mais on ne sait pas, ce que j'ai dit ce matin à l'Association des hôpitaux, si vous avez effectivement raison de dire que le droit de grève dans les hôpitaux ne cause que des inconvénients, selon le vocable que tous vos mémoires ont utilisé, ou si, effectivement, comme d'autres nous l'ont dit, ce sont des abus extrêmement graves.

L'opinion publique, là-dessus, a porté son jugement, elle l'a manifesté, à tort ou à raison. Nous, bien sûr, avec tous les défauts et toutes les carences qu'on peut avoir, on peut nous prêter toutes les intentions comme membres de l'Assemblée nationale, on est sensibles à ce problème, à cette perception que l'opinion publique a de l'exercice du droit de grève dans le secteur hospitalier. On ne peut pas l'écarter d'une façon aussi générale que ce mémoire l'a fait. Quand vous êtes venus, les syndicats d'infirmières, la CSN ou quelques autres qui sont dans le secteur, bien sûr, à l'occasion, on a eu à vous poser des questions spécifiques. Vos mémoires particuliers étaient, la plupart du temps, beaucoup plus nuancés sur cet aspect que cette présentation que vous faites.

Pour les fins de notre commission, je trouve que cela ne règle pas le problème, cela ne nous apporte pas d'information précise à savoir si, oui ou non, les mécanismes actuels pour fournir les services essentiels sont ou non adéquats.

Je vous avoue qu'après maintenant quatre jours, je n'en ai pas eu la démonstration. L'un vient dire une chose et on peut quasiment savoir d'avance ce que les autres vont dire, et je sais qu'il n'y a pas de données objectives là-dedans. Cela me prendrait autre chose que des affirmations générales pour me convaincre qu'il n'y a pas de problème ou bien qu'il y en a un et qu'il est catastrophique. On va devoir, après cela, comme membres de l'Assemblée nationale, arriver à apprécier la décision du gouvernement. Or, ce matin, l'Association des hôpitaux dit avoir remis une liste, un état de la situation dans les établissements hospitaliers quelque part à la mi-octobre et que, trois semaines après, le gouvernement est arrivé avec la loi 62, une loi dite de sursis, à notre époque, c'est une loi-matraque, une loi dite de sursis ou de suspension du droit de grève, enfin une loi qui enlevait le droit de grève à toutes fins utiles. Moi, j'ai dit au ministre que le gouvernement portait un jugement comme quoi il y avait des abus.

L'Association des hôpitaux est censée nous transmettre ce document, je ne sais pas si c'est parvenu à nos bureaux, là on ne le sait pas. Cet aspect, M. Rodrigue, vous le jetez par-dessus bord, parce que je n'ai pas compris le sens de votre mémoire, si ce n'est que de réitérer, au niveau de l'ensemble du Code du travail, une série de revendications syndicales que vous aviez déjà faites au moment de l'adoption, au moment de l'étude du rapport Bouchard et sur lequel le gouvernement n'a pas donné suite à certains types. Est-ce le sens de votre intervention de l'Intersyndicale cet après-midi?

M. Rodrigue (Norbert): Juste un élément de réponse, je voudrais dire d'abord et répéter ici que la question des services essentiels dans les services publics, on n'a jamais prétendu, je pense, personne, au niveau des organisations syndicales n'a prétendu qu'il fallait qu'une grève fasse mal aux patients, pour qu'on ait des effets.

Jamais on n'a prétendu cela, mais on a admis cependant qu'on était préoccupé par les dérangements que cela pouvait causer. Par conséquent, la proposition que nous faisons unanimement ici, à la présente commission parlementaire du travail, c'est effectivement la reconduction de l'expérience antérieure et sur les autres aspects du Code du travail, on admet qu'on touche à d'autres questions du Code du travail, mais on pense qu'il y a une contribution concrète pour améliorer aussi les relations de travail dans le secteur public, parce que cela a des effets.

Je voudrais vous le dire respectueusement, M. Rivest, vous pouvez tenter de ridiculiser l'Intersyndicale et de faire rire en disant: L'Interpatronale peut se présenter demain et contredire M. Rodrigue. On est habitué à se faire mépriser et on ne se décourage pas pour autant. Mais je voudrais vous dire cependant qu'en ce qui concerne l'Intersyndicale, sa contribution est voulue, une contribution globale sur l'ensemble de la problématique des relations de travail, et, notamment, dans le secteur public, parce qu'on le dit explicitement, quant à nous, quel est notre jugement.

Nous pensons, encore une fois ceci: Se pourrait-il, M. Rivest, que du côté patronal, il y ait des idéologues, il y ait une idéologie aussi, se pourrait-il qu'il n'y ait pas seulement dans les syndicats que ça existe l'idéologie? Par conséquent, tous ceux qui cherchent à restreindre l'exercice du droit de grève ou qui cherchent à faire en sorte qu'on soit soumis à des arbitres, quel est leur objectif ultime? Serait-il ultimement d'entacher nos droits généraux sur le plan des droits des travailleurs, y compris la syndicalisation?

Or, dans cette perspective, si le patronat est capable de soutenir, devant cette présente commission parlementaire, que les travailleurs du secteur public sont les mieux traités, les ronds de cuir du public, comme vous nous appelez souvent, par rapport au privé, est-ce que ça se peut qu'on vienne soutenir ici qu'il n'y a pas de différence sur le plan de la législation qui doit exister et qu'effectivement les comparaisons utilisées par le patronat ne sont pas toujours justifiées, quand on compare le public et le privé? Peut-on soutenir ça devant vous, M. Rivest?

C'est la question fondamentale qui se pose pour les travailleurs québécois. Et, quand on regarde les fermetures d'usines, quand on regarde des forestiers qui ont fait une grève d'un an et quand on regarde d'autres situations qui traînent, nous, on pense que ces situations ont des conséquences sur l'ensemble de la société québécoise et, par conséquent, on appelle le gouvernement et l'Opposition à faire en sorte que, dans l'avenir, il n'y ait pas de mesures coercitives qui fassent verser les parties dans un éternel recommencement d'affrontement, de rapport de forces sur des questions qui sont fondamentales comme les services essentiels et où on estime qu'on doit faire les efforts pour s'entendre.

M. Rivest: Ce que, M. Rodrigue, je cherche à comprendre, c'est que, quand j'ai fait allusion aux faits qui sont absolument contradictoires, d'ailleurs, depuis le début, des situations, c'est que, je vous avoue, je n'accorde pas plus de crédibilité à ce que l'association des hôpitaux ou à ce que vous nous dites, mais sauf que, où va-t-on la prendre la vérité exacte de la situation vécue dans les situations... C'est la première chose.

Je sais que ce que j'ai voulu dire, c'est que ça pouvait continuer ad infinitum et finalement le problème qu'on a à diagnostiquer, les éléments d'information, où se trouvent-ils? On sait les affirmations de principe, on sait que, ce que vous avez appelé les idéologies, existent, elles sont tout à fait légitimes et elles appartiennent aux gens qui y croient et qui ont foi, ça, c'est incontestable. Mais les données de faits pour nous permettre de juger, ça va être l'Assemblée nationale, à tort ou à raison, mais enfin c'est l'Assemblée nationale, tant qu'on n'aura pas trouvé quelque chose de mieux, qui va le faire. C'est ça le sens de ma préoccupation.

M. Rodrigue (Norbert): Un dernier élément de réponse, en ce qui me concerne; d'autres pourront ajouter autre chose. Je voudrais dire à M. Rivest, très respectueusement, que ça va faire cinq jours demain que la commission siège. Ca fait deux fois que je viens ici répondre à des questions, ça fait deux fois que je répète les faits, M. Rivest, les faits concrets.

Vous en avez appelé souvent aux faits au cours de cette commission. Qu'est-ce que c'est, les faits concrets? Pendant quinze ans, cela a été le bordel. On se le dit franchement. La dernière fois, cela a mieux été. Le concret, c'est ça. Cela a été plus positif. On a avancé et, en conséquence, continuons d'avancer. C'est ça qu'on dit.

M. Rivest: M. Rodrigue ou quelqu'un d'autre, quand, dans votre mémoire, vous avancez l'idée d'une uniformisation des systèmes, enfin de tout le régime de négociation entre le public et le privé -c'est ce que je crois comprendre de votre mémoire - par exemple quand vous réclamez la grève, le droit de grève en tout temps, par exemple, quand vous réclamez ça dans votre mémoire, objectivement, dans les hôpitaux, est-ce qu'une telle disposition... Est-ce qu'il ne faut pas y penser deux fois avant de reconnaître une telle disposition

par rapport à ce qui risque de se passer dans une entreprise commerciale ou industrielle? Est-ce que les conséquences, pour une chaîne de production et pour un hôpital, des mesures que les administrateurs nous disent qu'ils doivent prendre lorsqu'ils appréhendent une grève, c'est-à-dire de réduire le taux d'occupation... Est-ce qu'il y a à ce point une identité entre le secteur public et le secteur privé pour qu'on puisse, de cette manière-là, prévoir un régime de relations de travail qui soit analogue? Je comprends qu'il y aura les services essentiels, mais pour le droit de grève en tout temps, par exemple, est-ce que vous ne voyez pas des distinctions, des nuances ou des éléments qui pourraient nous aider à porter un jugement sur une telle revendication?

M. Rodrigue (Norbert): Je voudrais juste souligner, avant que Robert réponde plus exhaustivement, et dire ceci - et je vous le dis pour longtemps, à part cela - Ce n'est pas parce que le droit de grève n'existe pas qu'il n'y aura pas de grève.

La réponse n'est pas là, premièrement. Deuxièmement, sur l'élargissement du droit de grève, ça ne veut pas dire des grèves n'importe quand. On ne veut pas avoir ici et on ne demande pas à la société québécoise de nous reconnaître le droit de faire la grève n'importe quand, dans n'importe quelles conditions, pour n'importe quoi. On s'est dit responsable et on pense l'être. Sauf que, dans des situations concrètes, on pense qu'effectivement... Il y a des grèves, M. Rivest, actuellement, qui se présentent, subito presto, spontanément. Les employeurs sont avertis plusieurs semaines d'avance parce que les relations de travail pourrissent. Ils savent que ça s'en vient; il y en a, ça arrive. En conséquence, on dit: Pourquoi ne pas fixer des règles qui feraient en sorte que les parties seraient obligées de régler les problèmes quand ils se présentent, plutôt que de les accumuler? C'est un principe de base. Robert va ajouter sur les autres dimensions, les autres aspects.

M. Gaulin: Je n'ai pas tellement de choses à ajouter. Je crois que la règle de base, le principe qui est là, c'est de ne pas laisser pourrir des situations, ou ne pas laisser s'accumuler des conflits, ou ne pas concevoir les relations de travail comme étant: Tu signes une convention collective pour trois ans, les travailleurs sont liés par le contrat, ils doivent respecter la convention collective, mais l'employeur peut agir, peut changer ces conditions de travail en échange d'une procédure de griefs qui, au niveau des grands groupes, est rendue d'une inefficacité exemplaire. Quand un travailleur est suspendu, est congédié et que ça prend deux ans avant que son problème soit réglé, à savoir si l'employeur avait raison ou pas, c'est rendu des situations absolument inacceptables. C'est une mécanique qui pouvait peut-être fonctionner à certains niveaux et qui ne fonctionne pas ailleurs.

On dit qu'il y aurait lieu, par conséquent, si l'employeur ou si les circonstances amènent des changements de conditions de travail ou des modifications, que ça ouvre sur de la négociation. C'est dans le cadre d'une ouverture, d'une acceptation d'une négociation qu'il pourrait y avoir ouverture sur une grève éventuelle. Ce n'est pas l'instauration d'un régime de sauvagerie où, demain matin, c'est à qui s'essaie. C'est dans une perspective où il y a des règles à établir, des processus d'avertissement, des invitations à la négociation, de manière que les conflits qui sont réels se solutionnent et qu'on évite l'accumulation de conflits inutiles qui ne font que rendre les conflits plus importants, avec plus d'impact, créant des problèmes de la nature que ceux que vous soulevez à l'occasion des services essentiels. Onze organisations, ici, admettent l'importance de la question des services essentiels. Je crois que c'est une admission de poids, une admission fondamentale. On pense que la solution est du côté de l'expérience qui a été faite. Il y aura peut-être des abus, et c'est malheureux. Il faut faire en sorte de les régler le plus rapidement possible. Ce n'est pas en réglant aujourd'hui les abus, s'il y en a eu en 1979, qu'on va trouver la solution, mais on pense que c'est par l'intervention des parties, en faisant remonter l'information du syndicat à la centrale de l'association patronale à l'association nationale, par l'intervention de ces agents, qu'on pourra corriger le plus rapidement possible les situations. Cela a été expérimenté, cela aussi, et on pense que cela aide à corriger les situations. Ce n'est tout de même pas en faisant une commission parlementaire le troisième jour d'une grève dans le secteur public, pour additionner, pour écouter tout le monde à savoir s'il y a des abus, s'il n'y a pas d'abus, faire le tour de l'ensemble des hôpitaux, qu'on va trouver la solution adéquate. Je crois que les gens les mieux placés, ce sont ceux qui sont un peu en autorité ou en relation avec leur "membership. " Je crois et les associations croient davantage à l'intervention d'un responsable d'une organisation nationale auprès de son affilié - la même chose du côté patronal - qu'au recours à des experts ou à des pseudo-tribunaux pour entendre et recueillir l'information, puis savoir quatre jours après s'il y avait un abus ou s'il n'y en avait pas. (18 h 15)

M. Rodrigue (Norbert): Pour se parler franchement, en Australie, ils ne l'ont pas le droit de grève, mais les qars et les filles font la grève sur les sentences arbitrales,

parce qu'ils ne sont pas satisfaits.

M. Rivest: Si vous permettez, je ne veux pas prolonger mais il y a un autre aspect également sur lequel je voudrais avoir des commentaires additionnels de la part de M. Rodrigue ou de quelqu'un d'autre. Quand on parle de conditions de travail, bien sûr, on soumet cela à la libre négociation. Puis survient une grève. Au niveau de l'intervention de l'Assemblée nationale - la façon dont c'est rédigé est un peu curieuse -on dit, à la page 13: "Par le Code du travail, le gouvernement employeur s'est conféré un pouvoir extraordinaire de suspendre la grève qu'entreprendraient ses employés. " En fait, je pense que vous convenez, en vous référant au Code du travail, que c'est l'Assemblée nationale qui a mis cela dedans. Donc, l'autorité de l'Assemblée nationale sur le plan des principes est restée, c'est l'Assemblée nationale qui a mis cela dans le Code du travail. Mais, sur l'intervention de l'Assemblée nationale, je pense, M. Rodrigue, que vous avez dit que, contrairement peut-être à ce qui apparaît à la première lecture, prima facie, de votre texte, si une situation très grave se manifeste, il faut quand même prévoir que l'autorité de l'Assemblée nationale ne peut pas disparaître. Ce que vous contestez dans votre réclamation, c'est que l'Assemblée nationale confie cette décision au gouvernement que vous dites employeur, mais en fait au Conseil des ministres. Vous dites à chaque fois, si jamais cela se passe - compte tenu de l'expérience, c'est arrivé très souvent dans le passé, on en convient - ces cas très exceptionnels, il faudra toujours que cela vienne par une loi et non pas par un décret ministériel. Est-ce que c'est le sens de votre revendication à la page 13?

M. Rodrigue (Norbert): C'est le sens, et on dit qu'il ne faut pas abuser de cela, ce pouvoir là. On est dans une société démocratique, bien sûr, mais il ne faut pas abuser de cela. On a connu trop de lois spéciales dans le passé.

Je voudrais vous retourner le problème, M. le député de Jean-Talon. Pendant que votre parti était au pouvoir, je me souviens personnellement d'avoir demandé au ministère des Affaires sociales de l'époque de fermer une institution à Thetford Mines parce que les enfants étaient maltraités et votre représentant du ministère des Affaires sociales n'avait même pas eu le courage de venir jusqu'au troisième étage avec moi pour la visiter. Ce sont les travailleurs qui ont décidé de mettre fin à leur propre emploi et de revendiquer la fermeture de l'institution parce qu'il n'y avait pas d'autre moyen de corriger la situation des enfants. Après ça, on va venir me parler des travailleurs qui ne sont pas conscients, des travailleurs qui ne respectent pas l'être humain, etc? Eh, que je ferais donc attention à votre place avant de parler comme ça trop longtemps!

M. Rivest: M. Rodrigue, remarquez, il y a trois semaines, dans un centre pour jeunes détenus à Québec, j'ai reçu moi-même des représentants des syndicats; vous êtes probablement au courant, je pense que ce sont vos syndiqués qui ont soulevé un problème absolument analogue. Personne ne va remettre ça en cause. Sauf qu'à un moment donné l'Assemblée nationale comme telle et le gouvernement doivent tracer la ligne, il n'y a pas d'autre arbitre de l'intérêt public dans une société dite démocratique que le gouvernement. Le gouvernement lui-même, comme vous le soulignez, a ses idéologies qui peuvent ne pas être partagées par tellement de monde. Mais tant et aussi longtemps qu'on va fonctionner dans une société qui est celle-là et, comme je le disais tantôt, qu'on n'aura pas trouvé de mécanisme meilleur que celui de l'Assemblée nationale, il va bien falloir que ça existe et qu'on vive avec ce régime qui est à la base même de notre démocratie. Cela me semble incontestable, c'est la seule mise au point que je veux faire.

M. Rodrigue (Norbert): Quelque gouvernement que ce soit, on pense que l'Assemblée nationale ne doit pas exercer sa souveraineté pour des questions électorales, pour quelque élection partielle que ce soit.

M. Rivest: Oui, mais le point, c'est que l'Assemblée nationale est aussi responsable vis-à-vis de l'ensemble de la population. Les gens se prononcent si elle l'exerce mal.

M. Rodrigue (Norbert): On ne met pas la démocratie en cause, on est soucieux de la démocratie, justement. On dit qu'il ne faut pas l'utiliser de n'importe quelle manière et à outrance, parce que ç'a toujours des limites, l'utilisation à outrance des mesures coercitives comme les lois spéciales. C'est ce qu'on dit. Vous avez constaté ça dans votre expérience.

M. Gaulin: À un moment donné, ça devient inefficace. Des lois spéciales, même si elles sont spéciales, ne sont pas respectées, parce que c'est trop facile aussi. Bien sûr, c'est la démocratie. Nous vivons dans une démocratie ouverte. Mais nous vivons dans un régime parlementaire qui a ses règles du jeu, qui fait qu'il y a un Conseil des ministres qui est à la fois responsable des offres patronales aux tables de négociation, responsable de la préparation des lois et responsable, d'une certaine manière, de la majorité. Quand la majorité est acquise, on présente un projet de loi

devant l'Assemblée nationale. Les débats ne se font pas toujours après audition des deux points de vue, par exemple, parce qu'il y a deux points de vue en cours de négociation, et les choses se votent assez rapidement.

Il y a cela aussi dans l'histoire. Je ne sais pas à combien on est rendu, si c'est le no 12 ou le no 13, depuis 1967, en termes de lois spéciales. Mais il y a des gens qui ont dit: Avec tout le respect qu'on doit au Parlement et au régime parlementaire dans lequel on vit, regardez, attention, il y a un recours facile et abusif, une pratique d'utilisation facile du Parlement pour se donner l'impression qu'on règle des problèmes. Et on ne les a pas toujours réglés.

Je crois que, s'il y a nécessité d'utiliser le Parlement, ce devrait être certainement placé dans un contexte de ne pas avantager l'employeur et de ne pas rechercher, comme objectif, de modifier les règles du jeu parce qu'elles ne font plus notre affaire en négociation.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Intersyndicale. La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20 heures alors que nous reprendrons avec l'audition du mémoire de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

(Suspension de la séance à 18 h 22)

(Reprise de la séance à 20 h 09)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de cette commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

Ce soir, nous entendrons en premier lieu le mémoire de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et j'invite les représentants de cette fédération à prendre place à l'avant et à nous présenter leur mémoire. Le mémoire sera présenté par M. Clément, si je ne m'abuse. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et procéder à la présentation de votre mémoire, M. Clément.

M. Clément (Pierre-Richard): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, il me fait plaisir, tout d'abord, de vous présenter M. Brian Gray, qui est à ma droite, directeur des affaires provinciales de la fédération.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est un organisme d'action politique non partisan qui regroupe 60 000 petites et moyennes entreprises au Canada, dont 12 000 au Québec. La fédération fait fonction de porte-parole auprès des organismes publics en vue de représenter les intérêts des propriétaires de petites et moyennes entreprises, que ce soit au niveau provincial ou au niveau fédéral. Sans plus tarder, je vais lire le mémoire qu'on vous a déposé.

Les relations de travail dans les secteurs public, parapublic et péripublic au Québec, depuis l'adoption en 1964 du Code du travail qui accordait à ces secteurs le droit à la libre négociation et à la grève, n'ont jamais été des plus harmonieuses. En effet, depuis 1966, les rondes de négociations ont donné lieu à des affrontements patronaux-syndicaux et à des conflits prolongés causant parfois des torts irréparables à certains individus et à l'économie en général. Les perspectives d'avenir ne sont guère plus reluisantes puisque le nombre de grèves, le nombre de travailleurs en grève et le temps perdu en conflits de travail dans ces secteurs augmentent constamment.

Ces nombreux arrêts de travail ont un impact sérieux et direct sur la petite et moyenne entreprise. Par contre, certaines grèves dans le secteur public n'affectent pas le milieu des affaires de la même manière ni avec la même sévérité. De loin, les grèves successives des postes sous juridiction fédérale ont causé les plus sérieux dommages.

Les grèves dans le secteur public sont généralement accompagnées du retrait des services essentiels, c'est-à-dire les services jugés comme minimum impliquant une très grande responsabilité vis-à-vis du public tout en étant assurés par un monopole supporté par les impôts des contribuables. Donc, paradoxalement, à l'inverse du secteur privé, ce sont les usagers qui en subissent les conséquences. D'une façon plus significative, quand les employés du secteur public font la grève, ils privent le public qu'ils servent plutôt que l'employeur. C'est là, croyons-nous, une distinction fondamentale.

Les différents groupements des secteurs public, parapublic et péripublic, bien que diversifiés, partagent des caractéristiques qui les distinguent du secteur privé en ce qui concerne les relations de travail et les négociations collectives. Ces organisations du

secteur public représentent un monopole de services tout en jouissant d'une plus grande sécurité d'emploi et de bénéfices marginaux plus étendus que nous retrouvons généralement dans le secteur privé, surtout chez les PME.

Leurs conditions de travail font qu'aujourd'hui ces employés constituent une classe privilégiée en ayant obtenu en surplus les salaires les plus élevés. Ce statut provoque dans le secteur privé, non seulement un effet d'entraînement, mais surtout un effet démobilisateur que ce soit par la non-création d'emplois ou les mises à pied. Cette situation a pour effet de rendre incohérente l'économie tout en stimulant l'inflation et le chômage.

En fait, il est pratiquement impossible de chiffrer et de quantifier les effets négatifs que des conflits prolongés provoquent sur l'économie québécoise tellement leurs implications sont nombreuses. Mais du moins, toutes les parties s'entendent pour dire que l'esprit du régime de négociation dans les secteurs public et parapublic est négatif puisqu'il consiste en des affrontements persistants.

Donc, le consensus est clair, dix-sept ans après l'adoption du Code du travail québécois, on constate la désuétude du régime de négociations collectives dans le secteur public qu'on avait calqué sur celui qui prévalait dans le secteur privé. Peut-être aura-t-il fallu que la crise économique que nous connaissons actuellement rende la situation urgente pour que les autorités se ressaisissent et lancent le mot d'ordre de la concertation.

Ici nous allons faire un tour d'horizon de ce qui existe dans d'autres pays. Presque tous les pays industrialisés ont connu depuis 1960 des relations de travail pour le moins mouvementées dans le secteur public. La plupart ne reconnaissent pas le droit de grève pour leurs employés ne permettant même pas la libre négociation collective dans son sens le plus large.

Cette situation reflète un principe généralement admis que le gouvernement est souverain et représente la seule autorité devant contrôler son budget et son administration. (20 h 15)

Le Japon est sûrement unique dans ce concert de nations sur au moins deux aspects. On a accordé le droit de grève très brièvement après la seconde guerre aux employés du secteur public et aux travailleurs des industries nationalisées pour le leur retirer en 1946 et en 1958. De plus, les arrêts de travail dans certains secteurs ont été suivis par des mesures disciplinaires très sévères. L'Angleterre également est une exception, car on n'y fait pas de distinction entre le secteur public et le secteur privé quant aux relations de travail. De tout temps, les négociations collectives dans le secteur public viennent en conflit avec les politiques économiques et administratives des gouvernements. Le Québec et le Canada sont sûrement les plus libérales parmi les nations permettant le droit de grève dans le secteur public, les autres pays ne reconnaissant que de facto le droit de grève sans une garantie légale et formelle. Même en Grande-Bretagne, les employés du secteur privé n'ont pas le droit de faire la grève, mais un droit de facto existe.

Il semble bien, selon tous les témoignages entendus depuis plusieurs années, que les relations de travail dans le secteur public soient dominées par une ligne de conduite commune, un rapport de forces politique. Nous ne ferons aucunement état des causes et des effets appuyant cette assertion. D'autres l'ont déjà fait avant nous. Cependant, si on se place au niveau des principes mis en cause par cette donnée fondamentale dans le débat en cours, il est possible de dégaqer certains corollaires acceptés dans toute société qui se dit sociale-démocrate. Ainsi, le rapport Martin-Bouchard formule le principe que ne serait aucunement fondée, selon l'économie de nos lois du travail, une intervention dont l'objet serait d'abord et avant tout, explicitement ou implicitement, d'altérer unilatéralement l'équilibre des forces en présence. Nous ne comprenons pas la logique d'une telle attitude.

Les syndicalistes, eux, au contraire, ont réussi à capitaliser sur ce pseudo-équilibre en négociant unilatéralement en leur faveur comme, par exemple, l'établissement d'un front commun négociant la masse salariale. On ne voit pas pourquoi le législateur n'en ferait pas autant, surtout quand les conditions socio-économiques s'y prêtent admirablement bien.

Un rapport de forces politique suppose des assises structurées qui engagent un certain consensus dans la société ou des groupes représentés. Quelquefois, la faiblesse de l'un est la force de l'autre. À d'autres occasions, la conjoncture est favorable a une ligne de conduite des affaires de la cité qui est en complète contradiction avec les intérêts d'un groupe donné. Nous estimons que le gouvernement est en mesure aujourd'hui de corriger les tendances exercées par certains leaders qui - il faut le souligner ici - avaient peut-être raison dans le passé d'agir de la sorte. Le gouvernement a aussi droit à la libre négociation s'il croit légitimement qu'il y va de l'intérêt de la communauté.

Par ailleurs, nous ne croyons pas que les travailleurs qui choisissent d'exercer leur métier ou leur profession dans un domaine où leur mission est publique et d'intérêt général ont les mêmes droits et obligations que ceux ou celles dont la fonction est de nature plus

économique et productive. On sait que le fonctionnaire doit prêter un serment d'allégeance et de loyauté vis-à-vis de l'État, donc, des contribuables. Cette allégeance à l'autorité constituée repose davantage sur des motifs d'ordre public que sur des motifs de simple efficacité administrative.

On pourrait d'ailleurs en dire autant de toutes les obligations de service de la fonction publique. Elles ont valeur de règles de conduite minimales en raison principalement du caractère unique de la mission de l'État. L'essence de ces obligations qui conditionnent tout le statut juridique de la fonction publique transparaît dans les serments d'allégeance, d'office et de discrétion que les fonctionnaires doivent, pour la plupart, prêter dès leur entrée en service.

Ainsi, l'État n'est pas un employeur ordinaire, tout autant que ses employés. Si l'exclusion de la notion de salarié était étendue à tout employé rendant des services à la société, lesquels constituent un quasi monopole, nous croyons que les droits et obligations de chacune des parties pourraient être définis autrement.

Nous pouvons noter à cet égard que certains vont jusqu'à dire que l'une des obligations dévolues à l'État dans un tel contexte est d'assurer la stabilité de l'emploi. Cette notion est concordante d'une telle définition dans la mesure où ces employés, eu égard à leur fonction, n'auraient plus la liberté d'association, de négociation dans un cadre similaire au secteur privé. Rien n'empêche les employés de former une association vouée à la protection de leurs droits et devoirs face à un pouvoir politique qui pourrait devenir autocratique.

Donc, la mission des employés détenant un monopole dans un service public est différente en soi de celle des travailleurs du secteur privé où la loi du marché et la productivité, dans son sens le plus étroit, constituent les bases d'une entente essentiellement économique. Établie sur cette base, la notion du droit de grève deviendrait caduque.

Les dirigeants impligués dans la gestion des ressources humaines sont aux prises avec un imbroglio quant au droit de gérance battu en brèche dans les conventions collectives.

Il est immensément souhaitable que la productivité dans son sens le plus large soit rétablie au sein de la fonction publique. Nous nous interrogeons, à cet égard, à savoir si le droit de gérance peut être absolu dans une situation où l'employé, dont la raison d'être tient à son engagement au service de l'ensemble de la collectivité, n'est pas plus en mesure d'établir avec ses supérieurs sa classification, son classement, le cheminement de sa carrière, etc. Surtout, dans un contexte où le gouvernement tient à une forme de décentralisation et de rapprochement avec les besoins des citoyens, peut-être qu'une participation plus grande des employés à la définition de leurs tâches rétablirait un climat de confiance et d'émulation dans leur milieu de travail.

La FCEI s'est déjà prononcée contre le droit de grève dans le secteur public. 95% de nos membres se sont prononcés contre ce droit. La solution quelquefois proposée est celle de l'arbitrage obligatoire où les paramètres devant mener à une entente sont choisis en relation étroite avec le secteur privé, que ce soit aux niveaux québécois, canadien et même international.

Il est évident qu'il existe des difficultés inhérentes à l'arbitrage obligatoire. Il est certes plus facile pour un arbitre de porter un jugement sur les salaires que sur les clauses normatives ou bénéfices marginaux, telles les conditions de travail, les promotions, les vacances, etc. En effet, si la comparabilité représente un principe de justice et d'éguité, il est loin d'être aisé dans son application. Est-ce que les comparaisons doivent être fondées sur la moyenne générale dans le secteur privé, qu'on soit syndiqué ou non, dans une grande ou une petite entreprise?

Quel que soit le moyen choisi, les difficultés demeurent. Cependant, nous croyons que les citoyens seraient plus en mesure de juger des conditions prévalant à un climat plus harmonieux des relations de travail dans un contexte où les partenaires socio-économiques seraient représentés à une même table et feraient acte de concertation afin d'établir une certaine éguité dans tous les groupes de la société.

Toutes les solutions envisagées par la fédération, que ce soit la conciliation ou l'arbitrage, par un tribunal obligatoire, sont loin d'être parfaites. Cependant, il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités, afin de définir un nouvel encadrement régissant les conditions de travail qui sont propres à la fonction publique. C'est pourquoi nous proposons les étapes suivantes, dont un moratoire permettant à toutes les parties impliquées de redéfinir leur position.

Nous avons scindé en deux nos recommandations; d'abord, à court terme, tel que je vous le présente actuellement:

Que le gouvernement établisse, en concertation avec tous les agents socio-économigues du Québec, un moratoire de trois ans sur toute grève dans les secteurs public, parapublic et péripublic; retire la masse salariale du champ des négociations; confie à un conseil économique et social le soin de déterminer les paramètres d'une telle masse salariale sur une base consultative; confie aux organismes patronaux et syndicaux la mission d'en négocier les applications au niveau sectoriel; modifie la détermination des

services essentiels par ceux des services minimaux, opérés par une régie permanente formée d'experts de différents milieux des deux parties; décrète que les articles 19b et 19c du Code de travail, c'est-à-dire le vote secret, soient officiellement inclus dans la loi 95.

Les recommandations à long terme se lisent comme suit:

Que le gouvernement établisse clairement la mission des employés du secteur public et abolisse la notion de salarié; accorde la priorité à une saine gestion des ressources humaines; abolisse le droit de négociation collective et le droit de grève dans tous les secteurs, à certaines exceptions près; permette à ses employés de participer à la gestion administrative de leurs tâches.

Enfin, en termes de conclusion, à chaque époque troublée, les forces vives de toute nation dont les leaders sont le moindrement éclairés se regroupent afin de corriger les tendances néfastes à son développement harmonieux.

Dans les années soixante, les employés de l'État se sont regroupés à la faveur du renouveau qui balayait le Québec d'un passé ombrageux. Il y avait un immense fossé à combler. C'est, en fait, l'État et ses nombreuses constituantes créées durant ces deux décennies qui ont donné l'impulsion économique et sociale dont le Québec avait un grand besoin. Cette nouvelle génération de leaders et de technocrates qui ont pris les commandes a su remplacer le manque de leadership qénéralisé du monde des affaires québécois et imprégner une évolution plus conforme à ce qui se produisait ailleurs dans les autres pays industrialisés.

Mais aujourd'hui, la conjoncture est totalement différente et les citoyens qui ont supporté cette marche en avant sont essoufflés. Nous devons reprendre des forces ailleurs, ayant acquis des bases solides dans le secteur public.

C'est pourquoi nous nous interrogeons sur la déclaration du président du Conseil du trésor qui justifie la réduction des dépenses publiques dans le contexte de la présente récession économique par ces mots: "II ne s'agit pas de favoriser l'entreprise privée dans un désengagement de l'État, mais plutôt de maintenir et consolider le rôle du gouvernement comme "moteur émancipateur des Québécois" par un contrôle serré des finances. "

Les indépendants croient que l'heure est arrivée au Québec où c'est maintenant l'entrepreneurship qui prendra la relève et donnera cette seconde impulsion visant à un mieux-être de la population.

Le rôle du gouvernement est dorénavant d'appuyer sur les freins tout en favorisant les énergies nouvelles qui se sont fait jour dans la société québécoise.

Le Président (M. Rodrigue): Merci. M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Si vous me le permettez, M. le Président, comme mon collègue, le député de Roberval, a particulièrement examiné ce mémoire, je lui céderai immédiatement la parole. Je sais qu'il a un certain nombre de remarques et de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante d'avoir présenté, dans un document aussi complet, son point de vue sur le sujet qui nous intéresse tous ici.

À première vue, je dois dire que c'est pour le moins étonnant de voir certaines remarques qui sont incluses dans ce mémoire, non pas que c'est dénué de tout intérêt, bien au contraire, mais je trouve que le jugement que vous portez parfois sur le système public et parapublic est particulièrement sévère. C'est très certainement le jugement le plus sévère qu'il nous a été donné d'entendre ici lors des travaux de cette commission.

J'aurais quelques questions à vous poser et vous pourriez les noter pour m'apporter une réponse globale.

D'abord vous faites état, à la page 4 de votre document plus précisément, du statut particulier du secteur public que vous dites avoir un effet démobilisateur, si j'ai bien compris, sur l'ensemble des autres travailleurs du système privé. J'aimerais que vous expliquiez davantage cet énoncé qu'on retrouve à la page 4 de votre document.

Enfin, au bas de la page 4 de votre document, vous parlez d'affrontements persistants dans les domaines public et parapublic, ce qui m'étonne un peu - et j'imagine que vous avez suivi les travaux de cette commission - quant au nombre de jours de grève et à la dureté des affrontements qui ont eu lieu dans les systèmes public et parapublic. Au dire des rapports qui nous sont soumis et au dire même de certaines associations patronales qui ont eu à subir directement les conflits, les grèves ont été moins difficiles à régler, les ententes au niveau des services essentiels ont semblé se faire en plus grand nombre, possiblement de meilleure qualité. Enfin, ce sont des idées qui ont été véhiculées lors de témoignages précédents.

J'aimerais savoir à partir de quels documents, de quels travaux vous avez pu dégager un énoncé comme celui-là sur les affrontements. De la façon dont cela est présenté, on a l'impression que c'est de plus

en plus difficile alors que l'idée contraire se dégageait des témoignages précédents.

Vous faites également état très largement dans votre document de ce qui se passe ailleurs, dans d'autres pays, et vous ne semblez aucunement tenir compte - en tout cas je ne l'ai pas vu dans le document, je ne l'ai pas senti - d'une réalité sociologique qui est peut-être différente de celle de certains pays qui sont mentionnés ici à titre d'exemple. Encore là, il faut peut-être être prudent sur des affirmations comme celles que vous faites puisqu'on a fait état également, dans les jours précédents, qu'à certains endroits où on avait retiré un droit de grève qui était déjà acquis, cela avait créé plus de problèmes, puisque c'étaient souvent des grèves sauvages que les employés faisaient et c'était véritablement au détriment de l'ensemble de la société. (20 h 30)

Enfin, il y a également, à la page 11 de votre document, un paragraphe qui me laisse un peu songeur - a priori, c'est empreint d'une certaine naïveté - quand on fait état du serment de loyauté, du serment d'allégeance, de fidélité, etc., de l'ensemble des fonctionnaires de l'appareil gouvernemental. Je me pose des questions dans la réalité d'aujourd'hui, en 1981, à savoir s'il n'y a pas effectivement certains problèmes sociaux, certains problèmes syndicaux, certains problèmes personnels qu'on relègue parfois au second plan ou auxquels on accorde moins d'importance qu'on devrait en accorder pour parler de ce soi-disant serment d'allégeance et de fidélité. Cette notion m'a frappé, je la trouve empreinte d'une certaine naïveté de penser que ce serment d'alléqeance pourrait peut-être régler bien des problèmes des secteurs public et parapublic. Cela fait plutôt bizarre. J'aimerais avoir des explications là-dessus, peut-être avez-vous une vision différente de la mienne à ce propos.

À la page 13 de votre document, vous dites: "Quel que soit le moyen choisi, les difficultés demeurent. " C'est le troisième paragraphe. "Cependant, nous croyons que les citoyens seraient plus en mesure de juger des conditions prévalant à un climat plus harmonieux des relations de travail dans un contexte où les partenaires socio-économiques seraient représentés à une même table et feraient acte de concertation afin d'établir une certaine équité chez tous les groupes de la société. "

C'est lié, je pense, à une de vos recommandations. En tout cas, j'aimerais avoir des explications là-dessus et j'aimerais que vous nous expliquiez plus en détail de quelle forme de concertation il est question là-dedans. S'agirait-il de négocier avec le système privé, de négocier la convention du système public avec des gens de l'entreprise privée? Je ne sais pas si j'ai bien compris ce qu'il y avait derrière cette recommandation ou cette phraséologie, mais cela demanderait un peu plus d'explications pour la bonne gouverne de cette commission.

Enfin, à la page 14 de votre document, vous recommandez d'abord clairement d'enlever le droit de grève dans les secteurs public et parapublic et vous donnez comme cinquième recommandation: "Modifier la détermination des services essentiels par ceux des services minimaux dirigés par une régie permanente formée d'experts de différents milieux et des deux parties. " Il y a quelque chose qui me paraît un peu étonnant. S'il n'y a plus de droit de grève, qu'est-ce que cette recommandation - si je la comprends bien - qui concerne les services essentiels vient foutre dans le décor?

Vous pouvez toujours commencer à répondre à ces questions et on verra par la suite.

M. Clément: J'aimerais tout de suite commencer par une de vos dernières questions sur la naïveté de notre proposition face au serment d'allégeance ou de loyauté des employés du secteur public. Quand on regarde les mémoires présentés jusqu'à présent à cette commission depuis quatre jours, on peut s'interroger pour savoir qui est le plus naïf dans les circonstances. Je prends ici le journal des Débats de la première journée, c'est-à-dire du mardi 15 septembre. M. Rodrigue, textuellement, y dit ce qui suit en réponse à une question de M. Marois: "Deuxièmement, si vous me le permettez, l'autre élément est que la régie proposée par le Conseil du patronat, je peux déclarer ici que, pour nous, c'est une loi qui, si elle devait être adoptée, ne serait pas respectée parce que, encore une fois, il y a quelqu'un qui va se substituer aux parties impliquées. "

On a fait état ici pendant cinq jours des droits de chacune des parties où très peu souvent des responsabilités incombent à ces parties. Dans un tel contexte, quand on vient nous dire que si on enlève le droit de grève, les syndicats vont faire la grève quand même, je pense que c'est vraiment un arqument qui, dans la société d'aujourd'hui, ne devrait jamais être avancé, surtout par le gouvernement, quand on sait que les lois sont là pour être respectées par tout le monde, qu'elles fassent son affaire ou non. Il s'agit d'un rapport de forces politiques, ces négociations dans le secteur public. On le sait très bien. Alors, qui est le plus fort dans la société? Est-ce que ce sont les syndicats ou le gouvernement qui représente les citoyens, non pas seulement un groupe dans la société, mais tous les groupes? Nous croyons, aujourd'hui, qu'il existe une certaine forme d'injustice par rapport à d'autres groupes dans la société, où ces employés sont rendus à avoir des avantages vraiment en dehors des normes, mais quand on dit que

cela a un effet démobilisateur, c'est ça qu'on veut dire.

N'allez pas demander à un entrepreneur de petite et moyenne entreprise de payer une secrétaire au même niveau que celle du secteur public. Il n'est pas capable de faire cela. Ce n'est pas parce qu'il ne voudrait pas ou qu'il ne veut pas lui donner des conditions de travail.

Écoutez, le Conseil du patronat s'est déjà prononcé contre le droit de grève et maintenant il a viré capot, si on peut dire, mais il s'attarde au mécanisme, à la tuyauterie d'une régie des services essentiels. On peut s'interroger là-dessus aussi. Le Conseil du patronat ne représente pas les petites et moyennes entreprises, il représente de grosses corporations. Les cadres des grandes corporations aujourd'hui sont aussi bien payés que ceux des secteurs publics. Pour eux, cela ne représente pas un problème de compétitivité.

L'effet démobilisateur existe. La naïveté, c'est de croire qu'on peut remettre entre les mains d'un groupe donné la responsabilité de gérer, dans un moment de crise, des services qui sont payés par des contribuables, et ces services, ils n'ont pas le choix d'aller ailleurs. Un employé qui choisit d'aller travailler dans le secteur public sait dans quel cadre il s'en va, pourquoi on lui donnerait le droit de faire la grève lui aussi. Écoutez, nos membres ne sont pas contre le droit de grève dans le secteur privé, ils se sont déjà prononcés pour le droit de grève dans le secteur privé, mais ils sont contre le droit de grève dans le secteur public parce qu'ils font une distinction fondamentale. Je pense que ça c'est très important.

Concernant votre question sur la recommandation à court terme - page 14 -on sait très bien que le gouvernement actuellement n'est pas en faveur d'abolir le droit de grève dans le secteur public. C'est évident qu'on a mis cette recommandation de créer une régie permanente si jamais le gouvernement ne décrétait pas de moratoire dans le secteur public.

M. Gauthier: Ces recommandations, si je comprends bien, vous en avez mis pour à peu près toutes les situations. C'est ce que vous êtes en train de me dire. Si on accorde le droit de grève, on prend celui qui s'applique et si on ne l'accorde pas, on prend les autres...

M. Clément: Naturellement, cette recommandation, c'est dans la mesure où il n'y a pas de concertation et il n'y a pas de moratoire de décrété. On aimerait que la détermination des services essentiels soit... Mais on ne veut pas entrer dans ce mécanisme. Depuis cinq jours, on parle ici à la commission du mécanisme des services essentiels. Pour nous, il y a des questions plus fondamentales encore.

M. Gauthier: Si vous me permettez, à tout hasard, cette recommandation serait sensiblement la régie des services essentiels dont le Conseil du patronat nous proposait la mise sur pied.

M. Clément: C'est ça. À peu près dans un cadre similaire.

M. Gauthier: D'accord.

M. Clément: Je ne sais pas, est-ce que cela répond à vos questions?

M. Gauthier: II y en a quelques-unes qui semblent avoir été laissées de côté. Je vous ai demandé, entre autres choses - vous parlez des affrontements persistants dans le secteur public - je voudrais savoir si vous avez eu des sources de référence pour affirmer qu'il n'y avait aucune amélioration dans les affrontements, parce que l'ensemble des groupes qui ont paru ici nous avaient laissé voir qu'il y avait eu des améliorations, autant au niveau des ententes qu'au niveau de la difficulté à gérer le conflit. J'aimerais savoir quelles sont vos sources.

M. Clément: En 1980, il y a eu au-delà de 4 000 000 de jours-personnes perdus. Cela a été l'année record après celle de 1976. Je ne vois pas une amélioration marquante de ce côté. Ces 35, 9% de jours-personnes perdus proviennent du secteur public et c'est un taux beaucoup plus élevé que celui de 1976, alors que c'était seulement 22%. On voit une progression très forte des conflits dans le secteur public à l'encontre du secteur privé. Regardez les statistiques. On l'a mis en annexe à notre document. En 1977, dans le secteur public sous juridiction provinciale, il y a eu 14 000 travailleurs de touchés; en 1978, 66 000; en 1979, 113 000 et en 1980, il y en a eu 200 000.

M. Gauthier: Ce sont les personnes touchées par le conflit. Ce ne sont pas des jours-hommes de travail perdus.

M. Clément: Non, non, les travailleurs touchés.

M. Gauthier: D'accord, parce que là, il y a quand même une nuance.

M. Clément: Dans les jours-personnes perdus, il y a une progression constante depuis 1976. Il y a eu un sommet en 1976, mais, de 1977 à 1980, cela a augmenté. Â chaque ronde de négociations, la situation empire. Peut-être que la mécanique s'améliore avec le temps, mais pourquoi les citoyens sont-ils aujourd'hui contre le droit

de grève à 85%? Je pense que cela dénote quand même une insatisfaction généralisée dans l'opinion publique face à une situation intenable et qui crée une injustice chez d'autres groupes dans la société.

M. Gauthier: Vous avez recommandé l'abolition du droit de grève purement et simplement. On a fait état, dans les jours précédents, qu'il y avait eu, à des endroits où, justement, on avait retiré ce droit de grève ou tout simplement chez des groupes d'emploi où le droit de grève n'était pas reconnu, des grèves sauvaqes qui ont été particulièrement dommageables. Vous avez sûrement écouté les témoiqnages à cet effet. Je voudrais savoir si cela ne vous a pas porté à réfléchir quelque peu sur cette recommandation d'enlever purement et simplement le droit de grève.

M. Clément: On peut quand même adopter une attitude qu'on pourrait qualifier de dure, c'est-à-dire qu'on peut se dire que, si on enlève le droit de grève et que les syndicats exercent ce même droit de grève quand même, on peut arriver à des conclusions et dire: On peut enlever la personnalité syndicale, enlever l'accréditation. On peut même les congédier. C'est plein de jeunes chômeurs instruits qui attendent que la porte s'ouvre pour remplacer ces gens.

M. Gauthier: Une solution à la Reagan, si je comprends bien.

M. Clément: Non, non, mais, sans aller dans des situations comme celle-là, je pense que, dans un contexte juridique où tout est clair, quand la grève est illégale, elle est illégale; à ce moment-là, il y a des recours juridiques qui peuvent s'exercer d'une façon beaucoup plus simple, beaucoup plus facile que dans un contexte où la grève est légale et où, de toute façon, les syndicats viennent vous dire ici que le droit de grève existe seulement en théorie, parce que, de toute façon, le gouvernement adopte des décrets pour abolir ce droit de grève. Pourquoi ne pas jouer franc-jeu et déterminer un contexte de négociation collective qui soit propre vraiment à ces employés qui ont une mission, dans la société, complètement différente de celle des autres travailleurs?

M. Gauthier: Je pense qu'il n'y a pas eu de réponse à ma question. On parlait des partenaires socio-économiques du gouvernement dans la négociation. J'aimerais que ce soit explicité davantage. Quels mécanismes prévoyez-vous et les partenaires socio-économiques, c'est qui? C'est à la page 13 de votre document, au troisième paragraphe. (20 h 45)

M. Clément: En fait, il s'agit d'un conseil économique et social, lequel a déjà été proposé par le ministre d'État au Développement économique et qui tarde à être créé depuis un an. Ce conseil économique et social doit regrouper les principaux agents socio-économiques du Québec, soit les secteurs syndical, patronal, gouvernemental. Je pense qu'un organisme comme celui-là est peut-être en mesure d'établir des paramètres qui, justement, vont amener une certaine équité dans la société, c'est-à-dire qu'il va être en mesure de juqer des demandes syndicales dans le secteur public qui soient quand même en relation avec ce qui existe ailleurs dans la société.

M. Gauthier: Ce que vous préconisez, c'est de déterminer les conditions de travail des gens des secteurs public et parapublic à partir d'une comparaison avec le secteur privé, ce que, effectivement, on essaie de faire en général. Les conditions de travail seraient déterminées par un conseil socio-économique, par ce conseil dont vous venez de nous parler?

M. Clément: C'est cela.

M. Gauthier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président.

Également, au nom de l'Opposition, nous aimerions vous remercier pour votre mémoire.

Concernant ma première question, je pense que vous l'avez un peu abordée, c'est-à-dire que pour des raisons que vous avez justifiées dans votre mémoire, les conséquences de l'exercice du droit de grève dans le secteur privé et dans le secteur public, naturellement, ne sont pas les mêmes. Dans le secteur privé cela a des conséquences plutôt pécuniaires sur l'employeur, tandis que dans le secteur public cela a des conséquences sur la qualité des services aux citoyens.

Ma première question, vous pourriez peut-être l'étayer un peu plus, mais je me réfère à une déclaration du ministre du Travail, il y a quelque temps, à savoir que l'abolition du droit de grève dans le secteur public nous mènerait à un chaos social, c'est-à-dire le non-respect des lois. Évidemment, vous en avez discuté un peu tantôt.

Concernant ma deuxième question, sans s'embarquer trop dans la tuyauterie mais simplement sur une question de principe, vous dites dans vos recommandations à court terme que la détermination des services essentiels serait effectivement faite par une régie permanente, avec les deux parties. Si je comprends bien, naturellement, au

préalable, les deux parties au niveau local tenteraient, je présume, d'en arriver à une entente sur la détermination des services essentiels, et si jamais cela achoppait, à ce moment, la régie entrerait en ligne de compte. Je pense que c'est cela que j'ai compris, vous pourrez nous répondre.

J'aurais une troisième question. Dans vos recommandations à long terme vous dites qu'il faudrait éventuellement en arriver à l'abolition du droit de négociation collective et du droit de grève des employés dans tous les secteurs, à certaines exceptions près. Au niveau du secteur privé comme, par exemple, la distribution du gaz ou des choses comme cela, je présume que vous avez la même interprétation face à ces services qui sont en fait publics, mais gérés de façon privée. Je voudrais que vous me donniez votre opinion là-dessus.

M. Clément: Sur la première question qui revient toujours, le chaos économique, le chaos social appréhendé face à une mesure comme l'abolition du droit de grève, les policiers et les pompiers n'ont pas le droit de grève et on n'a pas de chaos social de ce côté. Pourquoi? Je vais vous poser la question et j'aimerais que le ministre y réponde. Pourquoi ne pas permettre aux policiers et aux pompiers de faire la grève eux aussi? Est-ce qu'ils ne font pas partie du secteur public? Est-ce qu'ils ne sont pas des citoyens comme les autres? Est-ce que ce ne serait pas parce, dans le fond, le gouvernement, dans son essence, serait en danger de tomber si la police faisait la grève? Est-ce que c'est vraiment un secteur plus essentiel que les malades, comme tel? J'aimerais que le ministre me réponde à cela.

M. Marois: M. le Président...

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois:... volontiers, sans abuser, sans prendre trop de temps, parce qu'il y a d'autres collègues qui veulent intervenir, je peux bien m'expliquer à nouveau pour la énième fois.

Il y a une différence fondamentale, à moins qu'on ne tienne pas compte des réalités. Je vous donne mon opinion, elle vaut ce qu'elle vaut, mais j'avoue que, jusqu'à maintenant, rien m'a amené à me convaince du contraire. Chacun peut avoir ses évaluations et ses appréhensions; ce qu'on cherche, c'est d'améliorer les choses; je pense que personne ne veut qu'on se retrouve dans des situations pires. On peut appeler cela le chaos ou pas le chaos, chacun a ses expressions et j'ai aussi les miennes. Donc, il y a une différence fondamentale entre des gens à qui, en 1964, on a accordé un droit, qui est le droit de négociation, et le droit de grève. Il y a des gens qui ne l'ont pas.

C'est une chose que d'examiner la possibilité de retirer un droit pour le remplacer par autre chose et c'est une autre chose que de faire le constat qu'un certain nombre de personnes n'ont pas ce droit. Les conséquences ne sont pas les mêmes du tout. À mon avis, si on retire une chose qui est là, il faut mesurer la portée du qeste quand on sonqe à faire des changements fondamentaux comme ceux-là. Il faut quand même, me semble-t-il, qu'on ait un minimum de garanties au moins en conscience, que la situation va s'améliorer et non pas se détériorer.

Vous me permettrez de vous rappeler -on ne remonte quand même pas au déluge -qu'il y a eu une fin de semaine dont certains citoyens et citoyennes, ayant cruellement vécu la situation, ne sont pas près d'oublier, ça s'est appelé le week-end rouge; ce n'étaient pas des gens qui avaient le droit de grève, pourtant. Il y a eu, dans la dernière ronde de négociations - on l'a rappelé depuis le début de nos travaux - des gens qui pourtant avaient prêté le serment d'Hippocrate, qui n'avaient pas le droit de grève et qui l'ont fait quand même. Ce n'est pas une raison... Je ne préconise pas et je ne prêche pas l'anarchie, bien au contraire, il faut être suffisamment responsable et conséquent pour trouver les moyens de faire en sorte, comme cela a été évoqué durant les travaux de notre commission, que les lois que se donne une société par son Parlement soient respectées, mais on ne peut pas non plus, du revers de la main, balancer des situations de fait et, à mon avis, faire comme si. Je pense que ce n'est pas si simple que ça.

Je pourrais allonger la liste. Présentement, au moment on se parle, il y a une grève en Nouvelle-Écosse qui implique du personnel infirmier, etc. Ils ont un droit légal de grève, d'après les renseignements que j'ai, il n'y a rien de prévu dans les règles ou le - entre guillemets - "code du travail" de la Nouvelle-Écosse en ce qui concerne le maintien, comment on assure, comment on garantit les services essentiels dans ces conditions. On a eu des contacts encore aujourd'hui avec les gens du ministère du Travail de la Nouvelle-Écosse. Ce n'est pas particulièrement rigolo ce qui se passe là et je ne nous le souhaite pas.

La dernière fois qu'il y a eu une grève du genre en Nouvelle-Écosse, vous savez combien de temps elle a duré? Deux mois. Je ne dis pas que je nous souhaite ça et, en plus, c'est compliqué par un contexte X, Y, Z. Chacun a son contexte social et économique, c'est ce que je dis. Il y a des nuances de taille quand on remet en question des choses pour, dans le fond, quel objectif?

Un objectif fondamental qui a, à mon avis, deux volets. Un: trouver les formules permettant de mettre un terme à des abus, quel qu'en soit le nombre. Je suis d'accord avec le député de Jean-Talon qui dit et répète, depuis le matin, que c'est difficile à quantifier et à cerner. C'est vrai, il y a des choses qui sont difficiles à quantifier quand ça touche les humains, il y a des abus; qu'il y ait un, deux, cinq, dix cas, c'est un, deux, cinq, dix cas de trop. Il me semble que, comme société, on doit être capable de trouver les moyens pour faire en sorte que ces abus ne se produisent pas pour que, deuxièmement - et c'est ça qui est fondamental - ce que j'appelle le droit des autres, le droit des hommes et des femmes d'avoir accès aux soins, aux services essentiels directs, leur soit garanti dans une société qui se respecte.

M. Clément: J'aimerais peut-être ajouter à ça qu'il y a beaucoup de personnes responsables dans la société qui ont participé, depuis quinze ans, aux négociations dans le secteur public, qui ont été impliquées d'une façon assez proche dans ces négociations et qui en sont venues à la conclusion qu'il n'existait pas d'autre moyen civilisé de régler la situation. Ce n'est pas qu'elle soit parfaite. C'est évident qu'il pourra toujours y avoir des qrèves même s'il n'y a pas de droit de grève. Ils en sont arrivés à la conclusion qu'au moins dans le secteur des affaires sociales - vous le savez très bien, M. le ministre - il fallait l'enlever parce que la situation n'est pas contrôlable. Est-ce que le chaos peut être plus grand quand les services essentiels ne sont pas donnés lorsqu'il y a une grève légale que quand il y a une grève qui est illégale? De toute façon, les services essentiels ne sont pas donnés. Mais au moins dans un cadre juridique différent, cela permet d'avoir une vision plus claire de qui sont les parties et de qui est responsable finalement.

Cet après-midi, le député de Jean-Talon s'interrogeait à savoir qui dit la vérité. Est-ce que ce sont les patrons qui viennent dire que les services essentiels ne sont pas donnés, qu'il n'y avait pas assez d'employés dans tel département ou si c'est le syndicat? Écoutez, que le patron ou les syndicats disent deux choses différentes, ce sont les citoyens qui, eux, croient qu'ils n'ont pas les services essentiels. Que ce soit dans le secteur de l'hydroélectricité, que ce soit dans le secteur du gaz, comme vous le mentionniez tout à l'heure, ils n'ont pas le choix de se brancher ailleurs et ils paient pour cela. Alors, c'est un contexte complètement différent. Pourquoi tenter de rendre le régime semblable au secteur privé alors qu'il est différent dans son essence? On s'en ira toujours dans un cul-de-sac tant qu'on n'aura pas une société idéale où tout le monde sera responsable et prendra ses responsabilités.

Encore une fois, je le répète, les syndicalistes qui sont venus ici à la commission n'ont pas démontré tellement, je pense, une ouverture d'esprit pour améliorer le régime dans le sens que le gouvernement voudrait bien le voir. Tout à l'heure, j'ai dit que les personnes qui avaient été impliquées dans le secteur public, vous le savez très bien, vous ont recommandé d'enlever le droit de grève dans le secteur des affaires sociales et même d'enlever la personnalité syndicale de ces syndicats qui ne respecteraient pas ce droit. Je pense que ces gens-là sont quand même assez en mesure de juger des implications et des difficultés inhérentes à un tel régime. En fait, c'est notre vision.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Si vous me le permettez, avant de passer la parole à mon collègue de Marguette. M. Clément, vous référez au fait que c'est difficile d'avoir des données - c'est ce que j'ai dit - vérifiables ou quantifiables. On se bat à savoir s'il y avait 50 personnes ou s'il y en avait 25 dans un établissement. On essaie de réfléchir dans cette perspective. On sait qu'il y a eu des cas d'abus, qu'il y a eu des cas où les services essentiels... Cela est clair. Malqré ce que les syndicats peuvent dire, j'ai acquis la conviction profonde qu'il y a eu des situations inacceptables, 5, 10, 15, 20, je ne sais trop, mais certainement trop nombreuses et, à tous égards, comme le disait le ministre, une est déjà un problème extrêmement important.

Finalement, la décision qu'on doit prendre - je pense que c'est un peu le plaidoyer que les malades ont fait et même M. Tardif, cet après-midi, au nom des personnes âgées est venu nous le dire -c'est: Est-ce que, comme société, on doit introduire - je réfléchis actuellement là-dessus - quand il s'agit de malades... Je parle uniquement dans le domaine hospitalier. Est-ce que le risque que l'on fait courir à des personnes qui se trouvent malheureusement dans la conjoncture dans un établissement et qui arrivent en plus victimes d'une situation de... Est-ce qu'on a le droit, comme société... Au fond, c'est au niveau des principes et des valeurs profondes que l'on a. On peut affirmer le principe de la primauté de la santé et de la sécurité sur d'autres choses. Même là on arrive difficilement à obtenir des accords là-dessus de certains porte-parole syndicaux, à obtenir l'affirmation de ce principe. Sans doute le font-ils par le biais des mécanismes de services essentiels, mais, quand on reqarde la pratique des services essentiels, ce qu'on en sait, ce qu'on peut évaluer, la question que

je me pose et que nous nous posons en ce qui nous concerne, pour conclure à un raffermissement des pratiques et des systèmes dans ce domaine-là, c'est: Est-ce qu'on a le droit, comme société, moralement, d'exposer des personnes à des dangers au niveau de leur santé et de leur sécurité? (21 heures)

Ma collègue, la députée de L'Acadie, l'a évogué ce matin, lorsqu'elle rappelait au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que dans le domaine de la santé et de la sécurité des travailleurs, en vertu de la nouvelle loi qui a été adoptée, si un travailleur croit que sa santé ou sa sécurité est en danger par un travail qu'on lui fait faire, il a le droit -enfin, il y a bien des modalités, mais le principe c'est ça - de refuser de faire ce travail. On donne cela à une personne qui dispose de tous ses moyens, etc., qui est en pleine santé. Mais la question que nous nous posons, et elle est extrêmement sérieuse quant à nous, c'est: Est-ce qu'on a le droit d'exposer des gens qui arriveront dans les urgences ou n'importe où, qui devront se battre sur les lignes de piquetage, qui, étant dans les établissements hospitaliers, verront leurs soins comptés au compte-gouttes et surtout qu'ils verront déterminer comme étant la résultante d'un rapport de forces où on va négocier les services essentiels? Je me le pose comme ça et je pense que c'est l'idée de mes collègues, est-ce qu'on a le droit de maintenir un tel système? Nous avons de très sérieuses interrogations là-dessus et je pense que c'est un peu ce que l'opinion publique exprime lorsqu'on lui demande d'une façon un peu simple: Êtes-vous pour ou contre le droit de grève? L'opinion publique, à quelque 80%, je ne sais trop, répond: On est pour l'abolition du droit de grève.

Ce que les gens veulent signifier par là, beaucoup plus que les mécanismes de relations de travail, les gens veulent dire: Cela n'a pas d'allure qu'on expose la santé et la sécurité des gens à l'occasion d'un conflit de travail.

Est-ce que c'est un peu la perspective que vous essayez de développer et que vous évoquiez dans votre...

M. Clément: En fait j'élarqirais votre question. Est-ce qu'on a le droit d'exposer les gens à une situation vraiment dangereuse? Est-ce que cela est plus dangereux dans un contexte où on a le droit de faire la grève ou dans un contexte où on n'a pas le droit de faire la grève? Dans le fond, c'est cela la question. Si on a déjà le droit de grève, c'est là que c'est peut-être plus difficile de revenir en arrière, mais la conjoncture est complètement différente aujourd'hui de ce qu'elle était il y a quinze ans. La société évolue, j'espère qu'elle évolue et je pense qu'elle évolue. Autant dans le passé les employés du secteur public étaient des pions avec lesquels on jouait à tout bout de champ selon le bon vouloir politique, autant, aujourd'hui, ces gens-là ont un pouvoir que je qualifierais d'immense par rapport à ce qu'ils font dans la société - je ne veux pas minimiser leur travail - par rapport à ce qu'ils représentent et à ce qu'ils amènent comme élément à la collectivité.

Est-ce que ce sont eux qui doivent diriger le gouvernement ou si c'est le gouvernement qui doit dire: Ecoutez, les barèmes, maintenant, c'est ça? Dans tel encadrement, vous allez négocier maintenant. Je pense qu'il y a beaucoup de ces membres, de ces syndicats qui s'interrogent là-dessus maintenant. Je connais des gens qui sont syndiqués, qui sont venus à la conclusion maintenant que le régime doit être modifié. Même nous proposons une mesure assez progressiste, je pense, de permettre aux employés de participer à la gestion de leur tâche. Je pense que c'est quand même assez évolutif comme proposition. Cela amène encore un pas en avant vers un mieux-être des employés qui sont là pour servir les citoyens et qui veulent avoir quand même aussi des conditions de travail qui sont potables.

Les conditions de travail qu'ils ont aujourd'hui sont immensément supérieures à celles d'autres groupes et les autres les regardent comme ça en l'air et se disent: Qu'est-ce que nous faisons maintenant?

M. Rivest: Je m'excuse, j'aurais peut-être une autre question. Il y a une chose assez évidente. Vous avez parlé tantôt - je pense que c'est vous ou un autre intervenant - de la nécessité, à un moment donné, pour le gouvernement d'intervenir. Vous étiez probablement ici au moment où on a rencontré l'Intersyndicale alors que, pour ma part, j'ai dit: II faut que le gouvernement, qui est le seul gardien de l'intérêt public, puisse intervenir.

Vous avez évoqué la possibilité, et je pense que vous avez posé la question: Est-ce plus dangereux pour un malade une grève qui est faite dans la légalité, c'est-à-dire où il y a droit de grève, qu'une grève qui est faite dans l'illéqalité? Là-dessus, un élément de réflexion, je pense que la réponse est assez claire. J'émets une opinion personnelle, mais vous soulevez la question, il me semble que les malades ont plus de sécurité dans le cas d'une grève qui serait faite dans la légalité parce que la légalité suppose un régime de droit au niveau de la définition des services essentiels, à tout le moins au Québec, aussi imparfaits qu'ils soient, et je suis convaincu qu'ils sont profondément imparfaits actuellement, sauf que le gouvernement, à ce titre, a développé des expertises d'évaluation.

J'étais au gouvernement - et je le disais à quelqu'un pendant la suspension - en 1972 alors que cela a vraiment été quelque chose d'épouvantable. Je dis épouvantable, mais en 1972, un des problèmes - et je suis convaincu que c'était la même situation vécue par les centrales syndicales, par les syndicats - était que le qouvernement vivait pour la première fois à l'échelle provinciale un conflit de cette envergure. Le ministère des Affaires sociales était loin d'être équipé pour faire au jour le jour une évaluation vraiment concrète, une expertise vraiment juste et efficace des situations réelles qui se développaient. Je suis aussi tout à fait convaincu que, du côté syndical, c'était la même chose. On affirmait allègrement et on défendait par des manifestations, des débrayages et tout ce que vous voudrez le droit de qrève, le droit à la libre négociation, les mécanismes derrière la mise en place des services essentiels, c'est-à-dire comment on répond rapidement, comment on amène trois infirmières dans un service lorsque besoin il y a, etc. Je suis convaincu que ces choses se sont améliorées.

On parle d'"amélioration", entre guillemets - de 1968 à 1972, de 1972 à 1976 et de 1976 à 1979. Il y a eu une maturation, de part et d'autre, c'est indiscutable, mais, malgré cela - je pense que c'était le sens de la question du ministre - quel est le risque qu'il faut mesurer - je pense qu'il faut l'évaluer - quel est le risque que le malade court dans une situation de grève illégale par rapport à une situation de grève légale?

C'est la question que je vous pose. On a acquis cette expérience au prix d'un coût humain que je ne voudrais pas qualifier, mais d'un coût humain considérable en termes de santé et de sécurité; on a exposé nos gens, mais on l'a acquis, comme société, à un coût sans doute exorbitant et on l'a maintenant. Nous allons réfléchir à cela et, pour l'instant, notre opinion n'est pas tout à fait arrêtée de ce côté.

J'aimerais que vous explicitiez votre affirmation. Vous dites ou vous semblez dire - vous me corrigerez si j'ai tort - qu'il y a moins de risques - finalement, c'est un peu à cela que revenait votre affirmation - pour les malades dans le cas d'une qrève illégale que dans le cas d'une qrève légale. Si vous voulez ma première impression, je serais plutôt d'avis contraire. À moins que j'interprète mal votre opinion, corrigez-moi s'il y a lieu, mais je voudrais que vous répondiez à cette question: D'après vous, y a-t-il plus de risques pour le malade dans le cas d'une grève légale que dans le cas d'une grève illégale?

M. Clément: La question n'est peut-être pas de savoir s'il y a moins de risques dans un contexte de grève, c'est de savoir s'il y a un risque de qrève plus prononcé lorsqu'elle est illégale. Ce peut être la première question qu'on peut se poser.

M. Rivest: C'est cela. Le risque est inadmissible dans les deux cas, j'en conviens.

M. Clément: Si on se place dans un contexte où la grève est illégale, cela va sûrement ralentir les élans syndicaux d'une manière assez importante, mais, s'il y a une grève, de toute façon, qu'elle soit léqale ou illégale, il y a toujours des risques pour les malades. On a vécu le cas en Ontario récemment lors de la grève des hôpitaux. La grève était illéqale, elle a duré plusieurs jours mais, au moins, les citoyens sentent que, dans un tel contexte, ils ont des recours qui peuvent être quand même assez sévères si la loi, pas seulement sur le plan pécuniaire, je pense que si le qouvernement lui-même met un cadre rigide dans un contexte de grève illégale, ce n'est pas seulement les malades ou les citoyens qui n'ont pas les services, mais aussi les syndiqués qui sont dans une situation un peu plus risquée. Vous comprenez ce que je veux dire.

M. Rivest: Oui, mais cela ne change rien pour la situation objective du malade. Sa santé est menacée ou non, peu importe les recours qui existent. C'est ce qu'il faut protéger, la santé et la sécurité.

M. Clément: Oui, d'accord.

M. Rivest: Qu'il y ait toutes sortes de recours ancillaires... cela ne change rien, si à un moment donné, il y a une personne qui souffre dans sa santé et sa sécurité, qu'il y ait un recours qui lui donne des compensations pécuniaires...

M. Clément: Écoutez, je vais vous poser la question. Si les syndicats sont si responsables, comme ils le disent, ce sont des gens qui viennent jouer au martyre. L'Intersyndicale est venue jouer au martyre cet après-midi, avant le dîner. D'ailleurs, j'ai bien aimé la remarque du ministre à cet éqard. Il était vraiment temps que le gouvernement mette un peu les points sur les "i"

Mais, dans un contexte de qrève illégale, les qens qui subissent cette qrève ne seront pas mieux que dans une situation de grève illégale ou légale. Est-ce gu'on peut poser la question aux syndicats? Est-ce que vous seriez prêts à rendre les services essentiels dans un contexte où vous n'auriez même pas le droit de qrève et vous la feriez la grève? On peut se poser cette guestion. Vous êtes tellement responsables que vous êtes prêts à mettre 50% des gens dans un département parce que vous croyez que c'est

très important le droit des citoyens à avoir le minimum de services.

Si vous faites la grève qui est illégale, allez donc quand même travailler. Posez donc la question pour voir ce qu'ils vont vous répondre. On peut donner les services essentiels dans un contexte de grève illégale. C'est un cadre juridique. On parle ici de responsabilité en tant que citoyen dans la société. J'aimerais bien avoir la réponse à une telle question.

M. Rivest: Je ne veux pas prolonger le débat. Dans un contexte de grève illégale, guelles que soient les intentions des syndicats, il reste que c'est dans ce sens en tout cas que la réflexion qu'on a eue... Par exemple, le mémoire du Conseil du patronat, dans un contexte, s'oppose à enlever le droit de grève. Il réserve sa position, mais il dit: Comme on ne veut pas se lancer dans cette voie, on propose une régie avec des pouvoirs quasi judiciaires, etc.

Sans vouloir déformer la pensée des membres de la Fédération de l'âge d'or, c'est ça aussi. C'est qu'il y a un tiers dans le cas d'une grève légale qui peut n'avoir que des problèmes qu'un mandat de constat de la situation, comme le conseil actuel. Le syndicat demande le statu quo là-dessus. Je trouve que c'est nettement insuffisant. J'ai des doutes considérables. Il reste que sur la liste syndicale, je pense que cela est inadmissible.

Mais il reste que la formule du Conseil du patronat ou un tiers, dans le cas d'une grève légale, il y a un tiers qui s'appelle un conseil muni de pouvoirs X, Y, Z, mais de pouvoirs qui vont faire en sorte que les ententes qui vont être négociées localement, qui seraient négociées localement, et peut-être homologuées par cet organisme... mais un organisme tiers qui émanerait d'un organisme gouvernemental, soucieux de l'intérêt public, va faire en sorte que dans le cadre d'une grève légale, il y a plus de garanties que dans le cas d'une grève illégale où il n'y a rien par définition qui est prévu dans notre législation. On ne peut faire une loi et dire: On abolit le droit de grève. Les pompiers et les policiers, selon le Code du travail, n'ont pas le droit de grève.

Il n'y a rien dans le Code du travail, M. le ministre, à moins que je me trompe, je serais surpris du contraire, qui prévoit la façon dont les pompiers et les policiers doivent assurer les services essentiels dans le cas de grève, parce que le Code du travail leur interdit la grève. Quand on vit telle situation à Montréal, quand les pompiers, à cause d'une sentence arbitrale, n'ont pas accepté la sentence, le monde s'est trouvé devant un vide juridique. Cela a l'air un peu simple de dire que c'était un vide juridique; il n'y avait aucun mécanisme sur lequel des critères objectifs voyaient à l'assurance des services essentiels, situation qui serait tout à fait contraire dans le cas de la proposition du Conseil du patronat. La proposition du Conseil du patronat du Québec dit: Nous voulons une régie avec des pouvoirs quasi judiciaires pour faire en sorte que les ententes conclues localement, dans le cas du mémoire, qui seraient homologuées par le conseil, le conseil aura à y voir. Là, il y a plus de protection. C'est ce que je veux dire. Ce n'est pas autre chose que cela. (21 h 15)

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. Clément, je n'ai pas très bien saisi si vous recommandiez au gouvernement de déclarer la grève illégale dans le secteur public pour le bien des malades ou si c'était plutôt parce que les PME que vous représentez n'étaient pas capables de payer les salaires, par exemple, aux secrétaires - vous en avez parlé - qui leur sont payés dans le secteur public. Vous avez beaucoup parlé de la gestion coûteuse de l'État. Je me demande si vous nous proposez le modèle de gestion des PME en vous rappelant que, dernièrement, il a été rendu public que, sur 20 nouvelles PME, 19 devaient fermer dans les dix années de leur fondation à la suite d'une mauvaise gestion.

M. Clément: Mme Harel, je pense que c'est faire peu de cas du déterminisme, de la détermination des entrepreneurs qui se lancent en affaires et qui veulent réussir, mais qui, très souvent, dans une conjoncture économique très difficile et aussi dans une conjoncture où des salaires très élevés payés dans d'autres secteurs ne leur permettent peut-être pas d'avoir souvent des employés en nombre suffisant pour gérer leur entreprise ou réussir à faire ce qu'ils devraient faire pour réussir. Je n'ai pas tellement compris votre première question, à savoir si notre mémoire serait basé, vu que les PME ne sont pas en mesure de payer des employés au même niveau que...

Mme Harel: En d'autres termes, vous nous dites que les employés des PME sont malchanceux. Faisons en sorte que tous les employés du secteur public le deviennent. C'est ça?

M. Clément: Ce n'est pas ce que j'ai... Je ne pense pas que ce soit dans mon mémoire, Mme Harel. J'aimerais bien que vous m'expliquiez cette cogitation que vous avez eue là.

Mme Harel: À de nombreuses reprises, M. Clément, quand il était question du bien des malades et des services essentiels, vous avez répondu en faisant constamment allusion aux conditions de travail plus avantageuses

des employés du secteur public.

M. Clément: Ne constatez-vous pas que les employés du secteur public ont des conditions superavantageuses par rapport à ce qu'on appelle même des patrons?

Mme Harel: Quel lien faites-vous entre la question des services essentiels et les conditions normales, à mon point de vue, qui sont faites par l'Ftat québécois comme employeur à ses employés?

M. Clément: Vous voulez dire en pratico-pratique? Le fait de permettre à des employés de ne pas se déplacer à plus de 50 kilomètres... S'il y a un nombre trop élevé d'employés dans un secteur, on ne peut pas les déplacer. Je veux dire qu'il y a un paquet de clauses au niveau du secteur public qui sont vraiment surévaluées par rapport à ce qui se passe dans le secteur privé. Je ne dis pas que les conditions dans le secteur privé ne peuvent pas être améliorées. Au contraire. Il existe des syndiqués et des syndicats dans le secteur privé. Nos membres sont d'accord pour le droit de grève dans le secteur privé. Ils sont d'accord à une majorité des membres. Nous, quand on fait voter nos membres, on fait voter tous les membres de l'association par un bulletin à tous les mois sur différents sujets. Ils se sont prononcés en faveur du droit de grève dans le secteur privé. Ils se sont prononcés contre le droit des employés à refuser un travail jugé dangereux par eux-mêmes. Je ne pense pas qu'ils aient vraiment une attitude rétrograde ou réactionnaire face à un encadrement des relations de travail, mais ils sont capables de faire la distinction entre la mission d'un employé de l'État et la mission d'un employé du secteur privé. Quelles que soient les conditions de travail, notre mémoire n'est pas basé sur les conditions de travail, mais sur les principes fondamentaux qui devraient exister dans toute société civilisée.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Syndicat des agents de la paix de la fonction publique

J'invite maintenant le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique à nous présenter son mémoire.

Le mémoire du Syndicat des agents de la paix de la fonction publique nous sera présenté, si je ne m'abuse, par M. Marcel Catellier.

M. Anderson (Jean-Guy): M. Maurice Corriveau.

Le Président (M. Rodrigue): Par M. Maurice Corriveau.

M. Corriveau, si vous vouliez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et par la suite présenter votre mémoire.

M. Corriveau (Maurice): M. le Président, M. le ministre, honorables membres de cette commission, je voudrais tout d'abord vous présenter les officiers de mon syndicat qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Jean-Guy Anderson, à ma droite, Me François Côté qui est notre conseiller juridique, ainsi que M. Marcel Catellier et, à mon extrême droite, M. Alain Préfontaine.

J'aimerais vous préciser également que le Syndicat des agents de la paix n'a pas la prétention d'avoir préparé un mémoire sur le droit de grève dans les services essentiels, mais peut-être plutôt d'apporter à cette commission un témoignage: le témoignage d'un syndicat de la fonction publique qui est accrédité depuis au-delà de quinze ans, qui n'a jamais eu le droit de grève et qui a vécu et vit encore présentement des situations très pénibles et très difficiles.

Le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique existe en vertu de la Loi sur la fonction publique du Québec et regroupe dans ses rangs environ 2700 membres, soit les surveillants en établissements de détention, les agents de conservation de la faune, les constables spéciaux du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement et de l'Assemblée nationale, les inspecteurs des transports, les agents de pêcheries et enfin les constables du Tribunal de la jeunesse.

Comme vous le savez sans doute, les agents de la paix n'ont pas le droit de grève. Historiquement, cela remonte à 1966 et, depuis ce temps, les agents de la paix n'ont plus de pouvoir de négociation. Il peut vous paraître étrange qu'un syndicat qui n'a pas le droit à la grève fasse une intervention devant une commission parlementaire qui, justement, étudie la possibilité d'enlever ce droit à d'autres travailleurs des secteurs public et parapublic.

Notre intervention se veut une mise en garde pour ces syndicats car nous ne voyons pas de quelle façon ils pourraient négocier de futures conventions collectives. Les gouvernements précédents et celui-ci n'ont jamais été capables dans le passé de trouver un substitut au droit de grève et, aujourd'hui, on veut faire croire qu'il est possible de remplacer ce droit à la grève par un autre pouvoir de négociation.

Si tel est le cas, nous, nous faisons savoir notre désarroi, car, faut-il le répéter, depuis quinze ans les agents de la paix attendent le Messie. Cela fait quinze ans que le Syndicat des agents de la paix tente d'obtenir pour ses membres des conditions de

travail convenables, quinze ans qu'à chaque négociation le même scénario se répète, quinze ans que les agents de la paix essaient de trouver le moyen de convaincre le gouvernement du bien-fondé de ses demandes.

Alors que le syndicat étale ses arguments les plus convaincants, le gouvernement répond toujours par: Vous ne m'avez pas convaincu. Nous nous sommes tellement fait répéter cette phrase que nous croyons que le gouvernement devrait rééditer le disque, car le premier est un peu usé et nous donne l'impression que l'aiguille s'est arrêtée sur cette phrase.

N'ayant pas de pouvoir de négociation, le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique a toujours été à la remorque des autres groupes d'employés de l'État. Heureusement que ces groupes avaient le droit de grève, car nous en serions encore à notre point de départ sur des clauses mineures. Même avec une grève de quelques semaines chez les fonctionnaires provinciaux, par exemple, qui aurait pour résultat de meilleures conditions de travail, cela n'arrangerait en rien la situation chez les agents de la paix.

Alors, depuis quinze ans, sans aucun pouvoir de négociation, les agents de la paix n'ont jamais - nous le disons bien - jamais été capables d'obtenir des conditions valables pour leurs membres. Si le gouvernement croit que l'arbitraqe d'une convention collective est la solution, nous devons aviser nos confrères des autres organisations syndicales impliquées que cela est complètement faux. Nous en parlons avec expérience car, en 1973, nous avons tenté par ce moyen d'obtenir ce qui semblait impossible par la voie d'une négociation normale. Mal nous en prit, car nous avons goûté à la médecine de ce système et nous ne sommes plus intéressés à y retourner.

Que reste-t-il comme moyens de négociations? Peut-être que les hommes politiques ont trouvé la solution à cette nouvelle ère de négociations. Nous sommes impatients de connaître cette nouvelle façon de négocier. Il faut également ajouter que, sans droit de grève, les membres du Syndicat des agents de la paix de la fonction publique n'ont pas le droit à des journées d'étude ou à des ralentissements de travail. De plus, lorsque ses membres se permettent des moyens de solidarité comme, par exemple, le port du jeans pour tous les agents de la paix, le gouvernement répond immédiatement par des menaces de relève provisoire. Imaginez un peu la situation. Pas de droit de grève, pas de journées d'étude, pas de ralentissement de travail, aucun moyen de faire savoir son mécontentement. Le moindre petit geste posé par les agents de la paix, même si le travail régulier n'est pas affecté, est immédiatement réprimandé par les autorités.

Dans notre cas, le gouvernement a beau jeu, car il sait qu'il est en présence d'agents de la paix, c'est-à-dire de personnes chargées d'appliquer des lois, et que la formation professionnelle de ce personnel les rend modérés dans leurs réactions. Mais la modération a ses limites et, après quinze ans d'attente, de frustration, de mécontentement, d'échecs, de refus successifs, voilà qu'aujourd'hui l'employeur, dans toute sa magnificence, annonce qu'il enlèvera le droit de grève, ce qui signifie pour les travailleurs la perte de leur pouvoir de négociation.

Si la solution trouvée par le gouvernement est la même que celle qui invite Ottawa à négocier avec les provinces, on ne pourra pas la qualifier de trouvaille du siècle, car on en connaît les résultats.

Pour que le gouvernement puisse se faire la main et mettre à l'essai sa nouvelle formule de négociation, nous, du Syndicat des agents de la paix de la fonction publique, nous nous offrons pour agir comme cobayes. Mais nous vous avisons que le défi sera grand, car nos membres veulent reprendre le terrain perdu, c'est-à-dire que cette nouvelle formule miracle devra permettre un rattrapage de quinze ans.

Les observateurs seront les membres des syndicats des secteur? public et parapublic; d'observateurs qu'ils seront, ils deviendront vite des juges. Un syndicat regroupant 2700 membres, tous des agents de la paix, sans droit de grève, c'est facile à mater, mais un syndicat de 40 000 à 50 000 membres, c'est une autre paire de manches car, sans droit de grève, ces grands syndicats vont finalement se fatiguer de discuter dans le seul but de déplacer des courants d'air. Mais au moins ils pourront se consoler de n'avoir jamais eu à subir des lois matraques.

En conclusion, nous formulons deux souhaits. Dans un premier temps, que le gouvernement démontre sa bonne foi envers un groupe qui, lui, n'a jamais eu de pouvoir de négociation et, deuxièmement, nous souhaitons que les syndicats impliqués ne se laissent pas leurrer pour finir dans la même situation que nous. Merci.

Le Président (M. Perron): Merci, M. Corriveau, pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité sociale.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique de son mémoire. Je veux remercier son porte-parole pour sa présentation et, avec votre permission, je céderais mon droit de parole à mon collègue de Lac-Saint-Jean, qui a examiné le mémoire et qui aurait un certain nombre de remarques à formuler et de questions à poser.

Le Président (M. Perron): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Je voudrais, moi aussi, remercier le Syndicat des agents de la paix pour la présentation de son mémoire et surtout - vous le souligniez d'ailleurs au début, M. Corriveau - sous le témoignage extrêmement intéressant que vous apportez devant les membres de cette commission dans le sens suivant. Depuis déjà quatre jours, cette commission entend des mémoires provenant de divers organismes et on a pu constater que plusieurs organismes proposent et proposaient comme leur apparaissant une solution ou un remède quasiment universel au problème de la négociation de conventions collectives dans les secteurs public et parapublic, c'est-à-dire l'arbitrage. Il y a plusieurs organismes qui ont défilé ici, devant cette commission, qui ont clairement proposé l'arbitrage obligatoire ou quelque autre formule s'y rapprochant comme étant vraiment la solution aux problèmes vécus dans les secteurs public et parapublic. Cela leur apparaissait le remède quasiment universel à ces problèmes-là et, par conséquent, bien sûr, cela s'accompagnait d'une demande d'abolition du droit de grève dans ces secteurs-là. (21 h 30)

Votre témoignage est intéressant dans le sens que vous arrivez devant nous et vous nous dites: Nous, nous sommes un syndicat sans droit de grève; le droit de grève ne nous est pas reconnu depuis quinze ans, comme vous le dites dans votre mémoire, et nous sommes donc comme syndicat - c'est ce que vous nous dites - soumis à un régime qu'on peut qualifier de particulier. Votre conclusion d'une expérience de quinze ans, c'est de dire que, sans droit de grève, le droit de négociation est pratiquement réduit à néant. Enfin, j'espère que je fais la synthèse correcte de votre point de vue. Sans droit de grève, le droit de négocier vous apparaît quelque peu illusoire. Dans ce sens-là, c'est un témoignage qui m'apparaît extrêmement intéressant et une expérience vécue dont les membres de cette commission doivent tenir compte et qu'ils doivent prendre en considération.

À la page 3 de votre mémoire, par exemple, vous nous révélez que l'expérience de l'arbitrage, vous l'avez tentée en 1973. Au troisième paragraphe de la page 3 de votre mémoire, vous dites: "Nous avons tenté par ce moyen d'obtenir ce qui semblait impossible par la voie d'une négociation normale. Mal nous en prit car nous avons goûté à la médecine de ce système et nous ne sommes plus intéressés à y retourner. " Donc, votre jugement est sans éguivoque possible. La solution de l'arbitraqe, le mécanisme de l'arbitrage obligatoire, c'est absolument inefficace et cela ne donne pas les résultats escomptés.

J'aimerais que vous nous parliez de cette expérience de l'arbitrage en 1973. Je pense qu'il serait intéressant d'avoir votre point de vue sur cette expérience vécue. C'est surtout là-dessus que ma question porte: essayer d'identifier le caractère, à votre point de vue, inefficace de cette formule, de cette solution de l'arbitrage que beaucoup d'organismes, actuellement, considèrent comme étant la solution qu'on doit généraliser et imposer à tout le secteur, pas uniquement à votre syndicat. Cela m'apparaît important de connaître le point de vue et l'expérience vécue par un syndicat qui, lui, est soumis à cette mécanique de l'arbitrage depuis quinze ans. J'aimerais que vous expliquiez vraiment à cette commission votre point de vue, votre jugement sur cette expérience. Votre conclusion, c'est que cela a échoué, que c'est un échec total. Mais j'aimerais que vous précisiez davantage les raisons de cet échec. Pourquoi, à votre point de vue, rien de bon peut-il sortir d'une telle formule?

M. Corriveau: Je pense que le but ultime de tout syndicat qui se respecte c'est de négocier une convention collective et d'en venir à la conclusion normale d'une signature de convention dans une situation normale. Jusqu'en 1973, effectivement, nous n'avions jamais réussi à obtenir gain de cause dans des demandes très essentielles et le syndicat a décidé de se prévaloir de ce droit à l'arbitrage et même après les résultats se sont avérés négatifs. Même avec l'arbitrage nous n'avons pu faire le rattrapage sur d'autres groupes avec des fonctions similaires et nous accusons encore de nombreux retards.

M. Brassard: Comment s'est fait l'arbitrage? Comment l'arbitre était-il choisi? Est-ce que les deux parties devaient...

M. Corriveau: II faudrait peut-être à ce moment-ci demander à M. Marcel Catellier d'y répondre...

M. Brassard:... être d'accord pour le choix d'un arbitre? Comment est-ce que cela fonctionnait?

M. Corriveau:... parce que c'est un membre qui faisait partie de l'unité d'accréditation au moment de l'arbitrage de 1973.

M. Catellier (Marcel): II y a quand même un historique, M. le député. On a dit que depuis 15 ans on n'avait pas le droit de grève. Effectivement on n'a pas le droit de grève, mais en 1972 on s'est permis une petite incursion d'un mois. Effectivement il y a eu grève illégale et cela a conduit à un

gain, si on peut appeler ça ainsi, dans le temps on appelait cela un gain. Dans la convention collective le gouvernement nous a accordé le droit à l'arbitrage non exécutoire. C'est une recommandation.

Il y a eu tout un mécanisme qui s'apparente un peu à celui du Code du travail d'aujourd'hui, c'est-à-dire une proposition d'une partie, une proposition de l'autre partie, mésentente. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre du temps propose un arbitre, M. Bouchard, qu'on a revu un peu plus tard dans le rapport Martin-Bouchard. Effectivement, votre question est intéressante parce qu'on a écouté ici des personnes, même si cela ne nous préoccupe pas au niveau de la régie permanente des services essentiels. On disait: Cela devrait être des experts dans la matière qui décident dans un certain secteur.

C'est un peu ça qu'on a vécu. Il y avait une personne là, pour qui j'ai beaucoup de respect en passant, qui s'y connaissait beaucoup dans le milieu probablement public, mais qui ne s'y connaissait pas beaucoup au niveau des établissements de détention au Québec, des gardes-chasse au Québec et de tous les autres groupes d'agents de la paix. Nous avons tenté en 1973 de lui prouver qu'un surveillant en établissement de détention au Québec, cela n'a rien de similaire avec une secrétaire au gouvernement du Québec. Mal nous en prit parce qu'on n'a jamais été capable de lui prouver cela.

On est sorti de là perdants, évidemment, parce que dans la recommandation qu'il faisait au gouvernement, je le répète c'était une recommandation, ce n'était pas exécutoire... Le gouvernement du temps a dit: Écoutez, c'est bien beau et on va le prendre. Nous, on essayait de s'apparenter beaucoup plus à des corps similaires, la Sûreté du Québec, les policiers municipaux ou même ceux des Etats limitrophes au Québec, en Ontario ou au Nouveau-Brunswick. On n'a jamais été capable de démontrer à cet arbitrage-là qu'effectivement un surveillant en établissement de détention effectuait un travail beaucoup plus dangereux qu'une secrétaire au gouvernement du Québec. Encore là, avec tout le respect que je porte aux employés du gouvernement du Québec.

Cela nous a laissé un goût amer. On a dit: Si on n'a pas été capable de prouver cela, et il me semble qu'on avait les arquments convaincants... Vous pourriez nous dire: Vous n'aviez pas d'arguments. Il y a quand même des notes, je pense qu'il y a 800 ou 900 pages avec des références, etc., etc. On parle de certains groupes d'agents de la paix, par exemple, qui effectuent les mêmes travaux avec les mêmes pouvoirs juridiques que la Sûreté du Québec. Peut-être qu'il y a un groupe qui protège les animaux et un autre groupe qui protège le public.

On parle de niveau juridique, de niveau de formation, de normes d'embauche et de classification; tout cela, c'est du pareil au même, mais on n'a pas été capable. Je le répète, est-ce qu'on va nous accuser de ne pas avoir employé les arguments qu'il fallait pour convaincre cette personne? Nous croyons plutôt que ce n'était peut-être pas la personne appropriée justement pour faire la distinction entre un surveillant d'établissement de détention et une secrétaire ou un employé qui travaille de neuf heures à cinq heures. Tout cela nous a laissé un goût assez amer pour dire qu'on n'est pas trop intéressé d'y aller, on n'est pas intéressé plus qu'il ne le faut. On n'a pas été capable, à notre avis, et je le répète en terminant, de convaincre une tierce personne qu'effectivement il y avait et vous l'avez signalé, un travail à caractère un peu particulier. On n'a pas été capable de la convaincre.

Si on n'est pas capable, à l'arbitrage, de convaincre des personnes, je me demande où on va aller pour obtenir un pouvoir de négociation, si ce n'est d'être à la remorque des autres groupes. C'est un peu l'historique de ce qui est arrivé en 1973.

M. Brassard: Si je comprends bien - je ne suis pas très familier avec votre situation - la formule d'arbitrage est venue d'une entente entre les parties résultant de la convention collective de 1972-1973, est-ce cela?

M. Catellier: C'est un article de la convention collective...

M. Brassard: Ah bon!i

M. Catellier:... ce n'est pas le Code du travail.

M. Brassard: Mais le droit de grève ne vous est cependant pas reconnu explicitement par le Code du travail.

M. Catellier: C'est la Loi de la fonction publique.

M. Brassard: C'est la Loi de la fonction publique qui vous interdit de faire la grève, mais vous n'êtes soumis à un mécanisme d'arbitrage obligatoire par aucune loi; cela provenait de votre convention collective comme telle.

M. Catellier: C'est cela.

M. Brassard: Donc, vous n'avez pas le droit de grève, mais vous n'avez pas non plus de régime d'arbitrage obligatoire prévu soit par la Loi de la fonction publique ou le Code du travail. C'est ce qui vous fait

conclure que vous êtes dans une situation d'impuissance en matière de négociation. C'est un témoignage intéressant, je le répète, et on en prend bonne note.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Oui. M. Corriveau, avant de vous poser deux courtes questions, je note, à la page 2, que vous dites: "Nous, les agents de la paix, on attend le Messie. " Peut-être, cette fois-là, le Messie va-t-il être une femme qui s'appelle Denise LeBlanc-Bantey, je ne le sais pas. En tout cas, je pense que vous espérez.

Voici ma question. Vous dites, à la deuxième page: "On a toujours été à la remorque des autres groupes d'employés de l'État. " Si, dans les services similaires où il existe le droit de grève, il y a une convention négociée, est-ce que vous bénéficiez des clauses de cette convention dans votre groupe ou si le gouvernement dit: Cela n'a rien à faire avec vous autres, on a le droit de négocier avec vous des conditions différentes? Quel est le système actuel?

M. Corriveau: Ce qu'on n'accepte pas, c'est que nous sommes, à l'intérieur de la Fonction publique, le seul groupe qui n'a pas le droit de grève. Nous remplissons des fonctions très particulières et nous ne pouvons jamais négocier nos propres conditions parce que tout fait partie d'un pattern. Donc, ce que nous demandons, c'est justement d'être soustraits à la Loi de la fonction publique, regroupés d'une manière autonome spécifiquement comme agents de la paix et là, dans un groupe analogue à celui de la Sûreté du Québec, par exemple, nous pourrions négocier nos conditions particulières de travail.

Nous le réclamons déjà depuis longtemps à grands cris. J'ai entendu, entre autres, le ministre répéter souvent ici, aujourd'hui ou durant les quatre jours qu'a duré la commission, qu'on voulait respecter les lois et les droits; on a bien hâte, quant à nous, que cette politique soit respectée par le gouvernement parce que, probablement que d'ici demain, nous devrons peut-être demander une injonction contre le gouvernement pour qu'il respecte ses propres lois parce que la bataille que nous faisons présentement n'en est pas une sur certaines clauses que nous avons des difficultés à négocier, mais bien pour qu'il respecte ses propres lois et s'assoie avec nous pour négocier une convention collective, qu'il s'assoie avec le syndicat accrédité.

M. Polak: Maintenant, ma deuxième et dernière question. Vous savez que le mandat de la commission est justement d'essayer de résoudre les problèmes qui existent. Vous dites dans votre mémoire: Nous, on n'a même pas le droit de grève. Vous ne suggérez pas de solution. Si vous aviez le droit de grève, si on parle, par exemple, des surveillants en établissements de détention -vous avez entendu d'autres mémoires où on a beaucoup parlé des services essentiels - ne croyez-vous pas que les surveillants en établissements de détention font partie d'une autre sorte de services essentiels? Je parle en profane. Je vois ces gens, s'ils font la grève, qui va prendre leur place? Est-ce que ce sera la Sûreté du Québec? Ce ne sera certainement pas l'armée, parce qu'elle ne croit plus en cela.

Comment réagissez-vous à cela? Est-ce que j'ai tort quand je dis que je considère cela comme un service essentiel et que, même si vous avez un droit de grève, dans ce secteur, il faut trouver un moyen pour que vous ne puissiez pas exercer ce droit? Pourriez-vous clarifier ce point? (21 h 45)

M. Corriveau: Vous avez sûrement remarqué, dans notre exposé, que nous n'avions pas effectivement le droit de grève et que nous n'en discutons pas plus que cela. La majorité des syndicats sont venus devant cette commission pour demander d'élargir le droit à la grève. Le gouvernement, l'Opposition ou les gens d'autres milieux ont voulu le restreindre de beaucoup ou l'éliminer. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est d'instituer des mécanismes pour permettre aux groupes qui n'ont pas le droit de grève de pouvoir négocier des conventions collectives.

On se rend compte aujourd'hui que, partout dans le monde du travail, tous les gains qui ont été obtenus l'ont été au prix de longues et dures luttes. Je crois que c'est un manque flagrant autant du gouvernement actuel que de ceux qui l'ont précédé de n'avoir jamais prévu de mécanismes adéquats pour les groupes qui, eux, n'ont pas le droit de grève.

M. Polak: Mais qu'est-ce qu'on pourrait faire dans le cas des établissements de détention? Disons que le droit de grève existe, est-ce que vous considérez leur tâche comme un service essentiel? Est-ce que vous suivez le même raisonnement que les syndicats dans l'affaire des hôpitaux en disant: Si on avait le droit de grève, on aurait soin d'avoir sur place un minimum d'employés, parce qu'on sait que notre tâche est considérée comme service essentiel? Avez-vous déjà pensé à cela, aux conséquences?

M. Corriveau: Quand on regarde l'histoire des agents de la paix, on peut dire que ces travailleurs ont toujours respecté leurs obligations. Il n'est jamais arrivé de catastrophe dû au fait que les surveillants en

établissements de détention ont quitté leur travail ou quoi que ce soit. Mais, chose assez paradoxale, l'été dernier, à un certain moment, les agents de la paix décident, dans un acte de solidarité, que tout le monde allait porter le "jeans", tous les agents de la paix, pour démontrer leur mécontentement devant l'inertie du gouvernement à commencer la négociation. Un groupe entre autres, les inspecteurs de transport, sont arrivés au travail et on les a retournés chez eux; donc, c'était une forme de lock-out. Pourtant, on crie que tous les agents de la paix font partie des services essentiels et c'est pour cela qu'ils n'ont pas le droit à la grève.

Pour le gouvernement, qu'est-ce qui est essentiel, que les inspecteurs de transport portent l'habit ou qu'ils soient à leur poste? On les a retournés chez eux pendant deux jours.

M. Polak: II y a même des députés qui portent des jeans, savez-vous. Merci, c'est tout.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aurais une question d'information pour le ministre. Pourquoi les agents de la paix de la fonction publique n'ont-ils pas le droit de grève? Quelles sont les considérations qui ont amené le gouvernement à interdire la grève?

M. Marois: Je pense qu'il y en a un certain nombre et je pense que, dans un certain sens, notre collègue et votre collègue de Jean-Talon serait...

M. Rivest: Ce n'est pas ma faute.

M. Marois:... mieux placé que moi pour répondre, historiquement.

M. Rivest: Cela finit toujours par être ma faute, cette affaire-là!

M. Marois: Historiquement.

M. Polak: C'est la faute du fédéral.

M. Rivest: Je suis trop vieux, moi.

M. Marois: Historiquement, les raisons d'ailleurs viennent d'être assez bien résumées par les porte-parole eux-mêmes. Il y a une nature de fonctions d'un type très particulier. Effectivement, pensez au cas de... Je peux illustrer. On n'a qu'à prendre la première page du mémoire: surveillants en établissements de détention, constables spéciaux du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement, constables spéciaux de l'Assemblée nationale, inspecteurs des

Transports, constables du Tribunal de la jeunesse. Quant aux agents de pêcheries, j'avoue que là, je ne suis pas informé. Je ne connais pas tous les angles, tous les coins. Quant aux agents de conservation de la faune, je pense qu'on vient de nous en donner un exemple. Historiquement, c'est la nature particulière des fonctions qui l'explique.

Mme Dougherty: Oui, mais il me semble que les mêmes considérations ne s'appliquent pas à chaque secteur, comme vous l'avez indiqué, par exemple les constables du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. C'est tout simplement pour m'informer, parce que j'ai été surprise que... Il y a évidemment plusieurs secteurs. Il y a des précédents; il y a certains secteurs qui n'ont pas le droit de grève, même au Québec.

M. Marois: Je pense, si j'ai bien compris le témoignage des porte-parole qui nous expliquent les problèmes que pose pour eux l'arbitrage, qu'ils ont expligué clairement les problèmes vécus. D'autre part, ils nous ont aussi bien expliqué la nature particulière de leurs tâches. Dans le domaine des pêcheries ou même dans le domaine de la conservation de la faune, à moins que je ne sois mal informé, ce qui est fort possible -je ne connais pas le dossier en détail -même là, "chargés de l'application et de faire respecter des lois". On nous a bien expliqué qu'il y avait des équivalences de fonctions - je pense que c'est l'expression qui a été utilisée - avec la Sûreté du Québec. Historiquement, c'est cela. Tous ces membres, présentement, dans les faits, sont regroupés dans une unité. Jusqu'à maintenant, ils ont toujours été regroupés dans une seule unité d'accréditation.

Mme Dougherty: Si c'est justifié dans ces secteurs, c'est au moins aussi justifié dans le secteur hospitalier, protéger les malades au lieu des pêches. On peut soulever plusieurs questions justifiables, je crois.

M. Marois: Est-ce que je comprends, M. le Président, que la députée recommande non pas l'abolition du droit de grève, mais l'extension du droit de grève?

Mme Dougherty: Peut-être, dans certains cas.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, si vous me permettez une question. Dans votre témoignage, M. Corriveau, je voudrais bien comprendre. Vous avez semblé évoquer que votre syndicat voulait peut-être obtenir un

contexte juridique de négociation analogue à celui des agents de la Sûreté du Québec. Si j'ai bien compris, vous n'avez pas le même système de négociation, le même pouvoir de négociation que les agents de la Sûreté du Québec?

M. Corriveau: Nous sommes un groupe particulier, nous faisons partie de la fonction publique, ce que nous voudrions...

M. Rivest:... c'est vous sortir...

M. Corriveau:... c'est de sortir de la fonction publique de la même façon que la Sûreté du Québec et ne pas être restreints à certains patterns de la fonction publique qui ne sont absolument pas applicables aux...

M. Rivest: C'est cela que j'avais compris. Je voudrais vous demander que sont les patterns auxquels vous vous référez? Je vais essayer de percevoir concrètement, qu'est-ce qui vous... parce qu'on en a causé avec certains membres de votre syndicat, il y en a ici à l'Assemblée nationale, et je voudrais que vous expliquiez à la commission ce qui vous gêne effectivement le plus - il ne s'agit pas d'entrer dans les moindres détails - du fait que vous faites partie de l'encadrement de la fonction publique.

Que gagneriez-vous à sortir du cadre de la fonction publique et obtenir un statut de négociation analogue à celui des agents de la Sûreté du Québec?

M. Côté (François): II s'agit peut-être d'un renseignement un peu plus technique. Dans le système actuel, je prends l'exemple du régime de retraite. Le régime de retraite est régi au niveau de la fonction publique par une loi. Notre convention est silencieuse sur cette question du régime de retraite. Nous sommes assujettis évidemment à la loi, au même titre que l'ensemble des fonctionnaires. Voici ce qu'il y a encore de particulier dans notre situation. On disait, tantôt, à une réponse du député du Lac-Saint-Jean, que nous avons dû négocier le droit d'arbitrage et, ayant négocié le droit d'arbitrage, nous avons été contraints, à l'époque, d'accepter un système d'arbitrage qui pourrait traiter de toutes questions reliées à des conditions de travail, sauf celles qui sont prévues d'après une loi. Alors, on tourne en rond. Cela veut dire qu'étant assujettis au concept de la fonction publique, le régime de retraite n'est, à toutes fins utiles, pas négociable, c'est une distinction.

M. Rivest: Alors que les agents de la Sûreté du Québec peuvent le négocier.

M. Côté: Je pense qu'on a tous lu les journaux dernièrement.

M. Rivest: Évidemment. D'accord, ça va quant à moi.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Corriveau, vous nous dites que vous cherchez toujours le Messie. Je ne prétends pas l'avoir trouvé pour vous autres, mais je pensais à ceci tout à l'heure. Comme nous n'avons pas de tribunal permanent où on retrouverait les mêmes commissaires qu'en 1977, pourquoi n'êtes-vous pas intéressés à retourner tout de même à la médiation? Vous connaissez le vieux proverbe: "II ne faut jamais dire: Fontaine je ne boirai pas de ton eau". Avec de nouveaux médiateurs, avec un système dorénavant mieux rodé, ne pensez-vous pas qu'il serait valable pour vous de prendre une nouvelle expérience au lieu de vous laisser comme ça mourir de désir pour le nouveau Messie"?

M. Côté: Je me permets d'intervenir pour préciser votre question ou peut-être pour vous retourner votre question, M. le député. Quand on parle de médiation, personnellement, je fais une distinction entre la médiation et l'arbitrage.

M. Hains: D'accord.

M. Côté: La médiation, qui pourrait être un acte volontaire des parties, tout aussi bien que la conciliation sont des services qui sont à notre disposition, mais ça ne règle pas nécessairement le conflit, en ce sens que ce n'est pas automatiquement le terminus du litige. Il se peut fort bien, dans les discussions que nous aurons au cours des prochaines années avec l'employeur, que nous juqions bon d'utiliser les services d'un conciliateur ou d'un médiateur qui pourrait être mis à notre disposition par le ministère du Travail. Je pense que ça ne règle pas le fond de la question qui est à l'étude. Après la médiation, si les parties ne s'entendent pas, qu'est-ce qui arrive? On est encore une fois confronté avec le problème de l'arbitrage. L'arbitrage se distingue de la médiation en ce sens que c'est vraiment un mécanisme de résolution du conflit que les parties s'imposent elles-mêmes et qui est exécutoire, contrairement au concept de médiation spéciale ou de conciliation.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Syndicat des agents de la paix de la fonction publique.

Centrale des syndicats démocratiques

J'invite maintenant les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Je crois que c'est son président M.

Jean-Paul Hétu, qui nous le présentera. M. Hétu, dès que vous pourrez vous installer, vous nous présenterez les personnes qui vous accompagnent.

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, à ma droite, Mme Denise Bourassa, puéricultrice au Centre hospitalier de Repentigny; M. Clément Janelle, à l'extrême gauche, du syndicat du Pavillon Laforest; M. Roger Duquette, cuisinier, du syndicat du Centre d'accueil de Rouville; M. Jacques Langlois, pas trop loin de moi, opérateur, du syndicat du Haut-Richelieu-Saint-Jean et M. Michel Bisson, cuisinier, du Centre hospitalier d'Asbestos et, bien sûr, ici, le négociateur ou le conseiller syndical qui est assigné au dossier du réseau des affaires sociales.

M. le Président, c'est la première fois que nous nous présentons devant cette commission parlementaire et je tiens à vous affirmer immédiatement que nous ne reviendrons pas, sous aucune forme que ce soit, d'ici la fin de vos travaux. Pourquoi? Je vais vous donner une raison. C'est qu'on ne se prend pas pour d'autres. Comment cela se fait-il qu'on ne se prenne pas pour d'autres? C'est que, comme organisation syndicale, la CSD, dans le secteur des affaires sociales, compte bien 4000 membres qui sont répartis dans 22 établissements du réseau des affaires sociales.

À cause de ce nombre et aussi un peu à cause de notre histoire et de ce qu'on veut être, nous sommes, dans le régime des négociations du secteur public, des syndicats qui sont à la fois étrangers à la négociation, parce que nous ne participons pas à ce qu'on appelle la table centrale, mais à la fois familiers parce que nous participons à la table sectorielle du réseau des affaires sociales. Nous participons aussi à une autre table du côté des employés municipaux. Cependant, nous appliquons, nous vivons concrètement dans les établissements et les diverses institutions où nous avons des syndicats ce qui nous a conduit à vivre, depuis 1972, une expérience particulière. Je ne dis pas unique parce que c'est prétentieux. (22 heures)

En quoi est-elle particulière, cette expérience? À deux points de vue. Premièrement, parce que dans le secteur des affaires sociales nous avons des syndicats qui ont vécu des mauvaises expériences syndicales alors qu'ils étaient dans d'autres centrales syndicales et qui en sont sortis pour pouvoir dépasser ces expériences. Bien sûr, depuis que nous existons à la CSD, il y a de nouveaux syndicats qui sont venus se joindre à ces syndicats fondateurs et qui sont associés à la recherche qui se fait concrètement dans les établissements. La deuxième raison, c'est que les syndicats affiliés à la CSN en 1972 ont fait la scission en particulier à cause de la grève de 1972. À ce moment-là, alors que nous avions fondé la CSD, nous avions refusé de marauder les syndicats pendant cette période-là. L'histoire nous dira si nous avons commis une erreur, mais nous prétendons encore naïvement que non.

Pour ces deux raisons, nous avons, depuis 1972 jusqu'à aujourd'hui, tenté d'expérimenter des choses. Nous avons réfléchi et c'est un peu le résultat de cette recherche, de cette pratique qu'on veut vous soumettre. La piste qu'on a choisi de vous présenter, c'est celle où on a une compétence, c'est celle qui a trait aux relations de travail dans le secteur des affaires sociales.

Pour nous, l'état chaotique que l'on associe à la grève lors de chaque négociation n'est pas causé par la grève dans le secteur des affaires sociales. En s'attaquant au droit de grève - et je pense que là-dessus le gouvernement l'a compris - on vise la mauvaise cible. Le mal est plus global, pour nous, et la grève n'en est qu'une manifestation. Ce que ce débat nous démontre, ce qu'on a entendu aujourd'hui, c'est que l'on a confondu les racines du problème lié à la polémique sociale qui a toujours eu cours sur la question des services essentiels.

À la lumière d'une analyse, on doit constater que ce n'est pas le maintien des services essentiels en cas de grève qui doit être mis en cause, mais plutôt la difficulté concrète qu'ont les parties à s'entendre sur les services de santé et leur organisation.

Juste quelques cas pratiques qu'on a vécus. Pour vous donner un exemple, dans un centre hospitalier - cela va sans doute vous paraître bizarre - le syndicat a demandé à l'employeur, dans sa demande des services essentiels, de maintenir au travail 100% des employés. C'est-y assez fort? En plus, à chaque cinq nouveaux bénéficiaires, l'employeur devait mettre un employé de plus. L'employeur a refusé. C'est-y assez fort? Bien sûr, après, il était d'accord.

Dans un contexte où il y a plusieurs syndicats, l'unité que nous avions au niveau des infirmiers auxiliaires, puéricultrices, la proposition qu'on a faite a été de maintenir tout le monde au travail. L'employeur a refusé. On a déposé la liste syndicale.

Dans un autre CH, l'employeur nous a demandé - écoutez bien celle-là, et pour ne pas vous le nommer, c'est le CH d'Asbestos - de diminuer le personnel au nursing, mais il voulait garder le même nombre d'employés de bureau à l'administration. Nous avons dit non. On a dit: Tu vas diminuer le nombre d'employés à l'administration et tu vas maintenir le même nombre d'employés au nursing.

Dans un CA on a demandé - il y a eu une entente entre le syndicat et l'employeur

- que dans la buanderie - par CA j'entends un centre d'accueil pour personnes âgées - il n'y ait personne qui travaille là. On a demandé que dans l'entretien, il n'y ait pas de service là. On a dit: Dans la cuisine on va en laisser un sur quatre, dans le nursinq, aucune diminution le soir et la nuit. Le jour on a diminué cela d'un sur quatre. Là, on s'est entendu.

Dans un hôpital, il y a eu un désaccord. Savez-vous pourquoi? L'employeur voulait conserver les réceptionnistes, le syndicat a refusé. On a déposé notre liste. Je pourrais continuer, mais ce sont des faits vécus.

En dépit de ces difficultés, d'après nous, comme observateurs dans l'ensemble des négociations, dans le réseau des affaires sociales, il y a deux causes qui expliquent cette difficulté des parties à s'entendre sur la fixation des services essentiels. C'est que la fixation des services essentiels est subordonnée au rapport de forces, non seulement syndicales, mais aussi patronales, déclenché par le processus de négociation. Ce qui est inévitable, c'est que la liste des services essentiels serve dans ce contexte aux parties comme arme stratégique. D'accord?

La difficulté de s'entendre - mais ce n'est pas tout - sur les services essentiels pour nous est indissociable du conflit social généralisé qui caractérise le milieu des affaires sociales. Il n'y a plus de consensus social sur l'orientation et l'organisation du travail dans les services de santé. Si vous n'avez pas d'objection, je vais vous donner notre diagnostic là-dessus. On parlera ensuite de certaines propositions qu'on qualifie de réforme partielle et d'autres qu'on qualifie de réforme globale.

D'après nous, le conflit social qui caractérise la négociation dans le secteur des affaires sociales porte sur quatre dimensions: les relations de travail, la dimension économique, la dimension sociale et la professionnalisation.

Qu'entendons-nous par les relations de travail? D'après nous, c'est que le caractère centralisé de la négociation dans les secteurs public et parapublic nous conduit invariablement depuis 1972 à des affrontements stéréotypés qui ne sont pas sans effet multiplicateur sur l'évolution d'un climat de relations de travail déjà envenimées. Ce mode de négociation aboutit à la standardisation des conventions collectives à l'échelle provinciale. Cette standardisation est à la base de plusieurs phénomènes perturbateurs des relations de travail. Elle a donné lieu à des conventions collectives qui ne peuvent tenir compte des spécificités propres aux divers et multiples établissements. Les conventions collectives y souffrent actuellement d'un embonpoint. Cet état de fait trouve son écho dans la croissance effrénée des qriefs et des arbitrages causés par des conflits d'interprétation de la convention.

Je vais vous donner certains chiffres qui sont propres à notre milieu quant au nombre de qriefs en cours, c'est-à-dire de janvier 1981 à aujourd'hui. Nous avons 50 griefs dont 10 ont été réglés en arbitrage et 40 hors l'arbitrage. Mais il y en a 75 actuellement en suspens. En 1980, il y a eu 152 griefs et on en a réglé 30 en arbitrage.

L'économie. La détermination de la masse salariale, quant à nous, a toujours donné lieu à des affrontements lors de la négociation. C'est là une des particularités majeures du secteur public, c'est-à-dire la difficulté de définir une politique salariale selon les critères habituels de concurrence et de productivité. Historiquement, les revendications salariales du front commun, qu'on se rappelle, exigeaient 100 $ par semaine minimum, en 1972; 165 $ par semaine minimum, en 1975; 265 $ en 1979.

Ce qu'on constate, c'est que la négociation aboutit toujours à un débat politique fondamental, dès que les parties abordent la question du niveau de vie, minimum décent, et des échelles de salaire. Dès lors, la négociation entière vire à l'impasse et donne lieu à une confrontation politisée.

Le social. Les politiques de rationalisation des établissements, dans le réseau des affaires sociales, au cours des dernières années, ont contribué largement à la dégénérescence des relations de travail dans le milieu. Ces politiques ont eu une incidence négative directe sur l'ensemble des travailleurs. La spécialisation des fonctions, la parcellisation des tâches ont créé un vaste foyer de frustrations et d'insatisfactions que la hiérarchisation du processsus de décision et de commandement n'a pu qu'amplifier.

On retrouve dans les conventions collectives du secteur public des exemples outranciers de parcellisation de tâches.

Dans le cas des centres hospitaliers, dans notre convention, pas dans celle des autres, on dénote 103 types d'emploi dont 47 reliés aux emplois de services et ouvriers et 24 reliés aux emplois de bureau. J'exclus tous les postes d'infirmiers et d'infirmières.

Les politiques de restriction budgétaire - je ne parle pas des coupures budgétaires qui sont exercées depuis le gouvernement Bourassa - ont eu un effet similaire en plus d'accroître sensiblement les charges de travail. Ce qu'on constate, c'est que le modèle d'organisation du travail propre au milieu des affaires sociales est de plus en plus ouvertement contesté par les travailleurs. Je ne parle pas des syndicats, je ne parle pas des centrales, je parle des travailleurs.

Il n'y a pas d'autres façons

d'interpréter certains phénomènes à l'origine de plusieurs changements qu'on a tenté de faire dans les services de santé. Par exemple, pour faire face aux conséquences d'un taux d'absentéisme élevé, on a développé les équipes volantes, les emplois sur appel. Selon une étude qu'on a faite auprès de 19 établissements, toujours dans le réseau des affaires sociales, où il y a un syndicat affilié à la CSD, 5 établissements ont un taux d'employés à temps partiel et d'employés occasionnels supérieur à 50%. Sur ces 19, 8 voient ce taux se situer entre 40% et 50% du nombre d'employés total. En ce qui concerne les six autres, le taux moyen est de 24%.

L'organisation actuelle du travail révèle plusieurs dysfonctionnements sérieux qui affectent directement la qualité des services, qui affectent les malades et qui coûtent cher. Les absences, les départs, griefs et arbitrages, les accidents du travail dans les hôpitaux, grève sur le tas, il y en a...

Le climat de travail est tendu parce que les travailleurs contestent les changements pour ce qu'ils sont. Manifestation d'un système décisionnel qui leur impose, au bout du compte, une surcharge de travail et un appauvrissement de leurs tâches.

L'évolution culturelle des travailleurs est au coeur de ces phénomènes de dysfonctionnements. Ils sont de plus en plus instruits et capables d'identifier eux-mêmes les facteurs qui affectent positivement ou négativement leur qualité de vie au travail. Cependant, le modèle d'orqanisation du travail suit une évolution qui va à l'encontre de cette donnée. Changements proposés et imposés comme le PRM, temps partiel, veulent répondre à des conséquences de dysfonctionnements.

Un exemple. En avril 1979, un centre d'accueil de la région de Montréal procédait à une rationalisation, comme on appelle, de ses services, à la suite de directives du MAS. Pour les syndiqués, cette rationalisation n'était autre chose qu'un accroissement net de la charge de travail. (22 h 15)

Pour évaluer cette hypothèse, nous avons calculé le nombre de jours de maladie imputables aux accidents du travail pour les huit mois précédant puis suivant ladite rationalisation. Les résultats furent terrifiants. Avant la rationalisation chaque syndiqué avait en moyenne 1/10e de jour de maladie payé par mois par la CAT, aujourd'hui la CSST; après la rationalisation, le taux moyen est passé à 1/4 de jour. Les épargnes escomptées par la rationalisation furent donc sérieusement effritées; les jours de maladie payés par la commission ont plus que doublé; la direction a été dans l'obligation de faire appel plus que jamais au surtemps pour remplacer les absents.

Toute une série de gestionnaires passent leur temps à corriqer ce genre de mauvais fonctionnement, remplacer les absents, les départs volontaires, etc., plutôt que de s'attaquer à la source des problèmes. Et on appelle cela de la rationalisation.

D'autre part, le mode de gestion des établissements n'est pas démocratique, ce que révèle la hiérarchisation poussée des lignes décisionnelles et de commandement, même si on a permis aux travailleurs de participer aux conseils d'administration des établissements du réseau des Affaires sociales.

Professionnalisation: Un autre phénomène dont il faut tenir compte. La première caractéristique de la professionnalisation est de retirer le caractère négociable de plusieurs tâches du champ de la négociation collective. Cette caractéristique cause plusieurs phénomènes de perturbation et de frustration collectives à l'intérieur du cadre des relations de travail.

Quels sont-ils? Prenons comme premier exemple le volet de l'acte médical qui compte trois niveaux hiérarchiques: le médecin, l'infirmière et l'infirmière auxiliaire. On va parler des choses qu'on connaît.

Dans le cas des infirmières auxiliaires, le contenu de leurs tâches a été déterminé par règlement ministériel, lequel, à la suite d'une commission parlementaire, stipule la possibilité d'aménagements pratiques dans la fonction, au niveau de chaque institution, entre les parties. Vous voyez cela?

Pour suivre le mouvement de la professionnalisation, les infirmiers auxiliaires se sont regroupés dans une corporation pour réglementer, par exemple, le droit de pratique, la formation professionnelle, etc.

Quant à la convention collective, elle réglemente les salaires et les conditions de travail. Les choses deviennent compliquées, n'est-ce pas?

La professionnalisation conduit également à la déprofessionnalisation et à la reprofessionnalisation. C'est un autre facteur de perturbation. Prenons le cas des puéricultrices. On a convenu de faire disparaître cette tâche professionnelle c'était à la table centrale - pour la fusionner avec une autre, l'infirmière auxiliaire spécialisée auprès des bébés et des enfants.

La professionnalisation crée aussi des plans de carrière ayant des horizons de promotions dites plafonnées. Par exemple, les infirmiers auxiliaires sont dirigés par des infirmières licenciées et ils ne peuvent pas être promus à la tête de leur département. Pour accéder à une promotion, ils doivent suivre un cours d'infirmier spécialisé et changer de classification.

Réforme partielle: Je vais passer assez rapidement là-dessus, juste pour parler de la

fixation des services essentiels.

Quant à nous, on dit que les parties doivent s'entendre sur cette question. En cas de désaccord, la liste préparée par le syndicat doit être retenue.

Je vous ai donné des exemples tantôt, je vous ai expliqué pourquoi.

Pour favoriser une entente entre les parties, cependant, nous croyons que les parties doivent convenir, dans un protocole-cadre, des critères devant servir à la fixation des services essentiels (tel que proposé par le rapport Picard).

Je vous prierais de ne pas rejeter cette solution-là. Je pense que l'État a convenu, à un moment donné, de confier à des gens d'étudier ce phénomène-là. Ils ont étudié -et le rapport fait mention de cela - et ils ont déterminé - je vous prierais de bien faire attention à cela - à la suite d'études, de réflexions, d'expériences vécues, un protocole cadre. Je pense qu'il est vraiment important pour nous de pouvoir nous y référer pour le négocier. Je vous ai mentionné un cas tantôt. Lorsqu'on arrive, on s'assoit à la table. L'employeur dit: Je veux qu'on diminue cela et le syndicat dit non. Mais ce n'est pas cela, la difficulté des services essentiels. Voyez-vous, c'est un exemple et on pourrait en citer d'autres.

Le conseil sur le maintien des services essentiels, nous prétendons qu'il doit être maintenu sur une base permanente.

Le droit de grève: Pas de changement.

La conciliation. Bien sûr, au niveau de la conciliation, je pense qu'il faut des conciliateurs qui ne sont pas à l'emploi du gouvernement. De toute façon, on a bien ri lors de la dernière négociation. On a fait appel à eux et ils nous ont dit: Eh! Qu'est-ce que nous allons aller faire là? Mais qu'on structure donc celai Ce n'est pas compliqué, c'est simple.

Griefs et arbitrages. Nous revendiquons un système d'arbitrage très expéditif. Actuellement, savez-vous combien de temps cela prend pour régler les cas de griefs en arbitrage? De six mois à deux ans. Vous viendrez, ensuite, parler des services essentiels. Vous viendrez parler de réglementer le droit de grève. Les gens qui attendent de six mois à deux ans, ils sont-Comment dirait-on cela? Je ne dirai pas le mot "écoeurés", parce que cela ne serait pas élégant à cette commission parlementaire. On dit qu'il faudrait un système de griefs expéditif. J'ai négocié au port de Montréal parce qu'on trouvait que les grèves coûtaient trop cher. On a trouvé un système, celui d'avoir un arbitre sept jours par semaine qui interviendrait en 24 heures pour régler. Pourquoi ne le ferait-on pas dans le domaine de la santé? Bien sûr, le blé, c'est important. Cela aide à nous maintenir en santé, n'est-ce pas?

Solution globale. Nous croyons qu'il est illusoire - c'est toute notre philosophie - de souhaiter que le conflit social qui mine les relations de travail et le bon fonctionnement des services de santé sera conjugué autrement que par une réforme globale qui est axée sur les parties, c'est-à-dire une volonté politique. Je pense que vous étiez mêlés, vous disiez que vous ne saviez pas où vous vous en alliez. Je pense que vous avez une voie qui est toute tracée: celle de confier aux parties le soin de prendre en charge leur sort. Pourquoi vouloir chercher des solutions et tenter de raisonner par le haut, alors qu'il y a des gens qui sont là et qui vivent avec des malades, par exemple, quotidiennement? Pourquoi ne pas tenter de trouver des solutions dans cette voie?

On dit qu'il y aurait trois qrands axes de cette réforme globale. Il faut un mécanisme de fixation du salaire minimum dans les secteurs public et parapublic. Il faut un mode de négociation nouveau. Il faut une stratégie de changement, parce qu'on n'introduira pas cela du jour au lendemain. Vous en avez entendu un échantillon cet après-midi.

Mécanisme de fixation du salaire minimum. Ce que la CSD propose, c'est l'institution d'une base de référence pour la fixation du niveau de vie minimum et des échelles salariales. J'ai rappelé dans le diagnostic que, depuis 1972, cela a toujours été un problème. Nous autres, dans le fond, par cette démarche, nous visons tout simplement à faire en sorte que les parties engaqent ce débat de fond en dehors de la négociation. Je vais vous indiquer, par la deuxième proposition, ce que nous entendons par cela.

On va vous faire une proposition. Vous voulez prendre des responsabilités; nous autres aussi. Nous allons vous proposer, comme base de référence salariale, que soit accordé aux travailleurs le salaire minimum correspondant à la moyenne des salaires versés dans la grande entreprise. Tout de suite, vous allez dire: II est fou ce gars-là. Très bien. Mais c'est en se parlant entre fous parfois - je ne réfère pas à vous -qu'on se comprend.

Pour établir et maintenir à jour cette base de référence, nous proposons la création d'un institut de recherche sur les salaires pour les secteurs public et parapublic. On pourrait discuter de cela. On pourrait faire une proposition comme celle-là. Nous, on la situe tout simplement à la suite des débats qui ont eu lieu depuis 1972. On les suit... Merci bien, je vais accélérer.

Donc, tout de suite, on indique dans notre document qu'il y a toutes sortes de problèmes qu'il faut résoudre. Quant à l'institut sur les salaires, on dit tout simplement qu'il faut qu'il y ait un comité paritaire auquel participeront le monde patronal et le monde syndical.

Un nouveau mode de négociation. Nous proposons une structure de négociation à trois niveaux. À l'échelle nationale, par exemple, on pourrait négocier "le monétaire", ce qu'on appelle la table centrale. À l'échelle sectorielle institutionnelle, on pourrait discuter du cadre général: méthode de règlement des griefs, sécurité syndicale, ancienneté, promotion, sécurité d'emploi; des choses d'ordre général, pas des choses concrètes et pratiques qui vont tenter de résoudre tous les problèmes qui surviennent dans les établissements. On dit: Non. À l'échelle locale, on devrait laisser la liberté, le droit, le pouvoir de négocier entre les parties pour qu'elles résolvent leurs problèmes à leur niveau d'établissement.

On propose, par exemple, santé et sécurité au travail, l'adaptation du travail aux hommes, aux femmes et la gestion démocratique sur les lieux du travail.

Cadre législatif. Me reste-t-il encore du temps? Je vais juste donner une idée là-dessus.

Le Président (M. Rodrigue): Poursuivez, mais je vous...

M. Hétu: Je vais rouler.

Le Président (M. Rodrigue): S'il vous plaît, oui.

M. Hétu: II faudrait modifier quant à nous deux lois. Premièrement, nous proposons de changer la conception sous-jacente de la loi des services sociaux et de santé et du Code du travail, qui considèrent le travailleur comme un exécutant dans le système d'organisation et de gestion. On dit que l'article 62 devrait reconnaître formellement le droit de participation des travailleurs, Dans le secteur des affaires sociales, au sein du comité administratif, pas du conseil d'administration.

L'article 43a devrait être amendé de telle sorte que le plan d'organisation de l'établissement soit soumis aux travailleurs de l'établissement pour étude, etc.

J'espère vous faire plaisir, M. le Président, j'accélère, à un point tel que je dis tout simplement qu'avant de songer à introduire cela, il faut avoir une stratégie d'implantation. Il faudrait permettre aux syndicats de négocier des accords sur la base des établissements. Je vais vous donner un exemple pratique. Quand je vous dis cela, ce n'est pas du rêve. On a tenté de négocier avec l'AHQ la possibilité de négociation, ils ont refusé. On leur a joué un tour, on a signé - je vais vous le dire à vous, je suis convaincu que vous ne direz pas aux autres que c'est illégal - on a négocié la possibilité d'établir la gestion démocratique sur les lieux du travail. C'est illégal, mais ne le dites pas, on essaie d'établir cela.

Voilà, on dit qu'il faut qu'on ait cette possibilité de le faire sur une base volontaire, qu'on ait de l'aide, ainsi de suite.

M. le Président, j'espère que je vous satisfaits. Il n'a pas l'air d'accord là-dessus. Il est fatigué.

Le Président (M. Rodrigue): À l'heure qu'il est! Rien n'empêche que vous avez fait un bel effort. Par ailleurs, votre mémoire était quand même volumineux. Effectivement, vous avez accéléré, mais je pense que vous avez quand même pu transmettre aux membres de cette commission les idées que vous vouliez leur transmettre. J'espère que ce but est atteint pour vous.

J'invite le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu à entamer la période de questions.

M. Marois: M. le Président, je veux remercier la Centrale des syndicats démocratiques de son mémoire et son porte-parole, le président, M. Jean-Paul Hétu. C'est un mémoire qu'on a eu en main hier, si ma mémoire est bonne. Il est non seulement volumineux, mais je pense que c'est un mémoire qui constitue un apport très intéressant pour les membres de cette commission. Je voudrais tout de suite vous dire, comme je l'ai parcouru, j'en ai fait une première lecture rapide qui est, bien sûr, insatisfaisante, qu'on a l'intention de regarder cela très attentivement, pour un certain nombre de raisons.

Vous nous présentez dans votre mémoire - vous l'avez résumé en plus, mais votre mémoire est beaucoup plus détaillé -ce que vous appelez votre diaqnostic et les éléments d'analyse, les constats basés sur les faits que vous avez vécus et, partant de là, cette approche que vous résumez dans votre synthèse ou dans votre résumé. Vous dites: Ce ne sont pas des droits incompatibles, parlant des droits des uns et des droits des autres, et c'est justement autour de la notion de services essentiels qu'on retrouve la compatibilité entre les deux droits. Par la suite, vous enchaînez en soulignant le fait qu'il y a dans la pratique difficulté entre les parties de s'entendre sur leur fixation des services essentiels et non sur le maintien en soi. (22 h 30)

Je pense que vous introduisez là une notion qui n'est certainement pas un détail. Je ne pense pas. Partant de là, vous nous proposez dans le temps - si je comprends bien, je ne veux pas être injuste à l'égard de votre mémoire - deux phases: une phase de réforme partielle qui pourrait être faite et s'ajuster, le cas échéant, je présume, pour la prochaine ronde de négociations. Vous nous dites: Ce sera insatisfaisant, ce ne sera pas suffisant; il y a possibilité d'aller plus loin à la lumière d'un examen de la réalité que

vous avez fait du potentiel des aspects positifs. Il y a dans cette réalité des aspects négatifs et vous essayez de déceler, à travers tout cela, les éléments potentiels positifs et quelle sorte de perspective ça ouvre; d'où la proposition d'une réforme plus globale, beaucoup plus en profondeur.

J'aurais une série de questions, M. le Président, à poser. Je vais certainement me retenir pour ce soir, mais je vais en poser quand même un certain nombre sous réserve d'établir des contacts additionnels pour, le cas échéant, avoir des précisions sur peut-être certains points.

Sur les éléments à plus court terme ou ce que vous appelez la réforme partielle, vous nous proposez, d'une part, en un certain sens, le statu quo quant à la façon de déterminer les services essentiels, c'est-à-dire entente entre les parties sur une base locale; s'il n'y a pas d'entente, liste. Cependant, vous ajoutez un certain nombre d'éléments; vous dites à la page 5 du résumé: À la condition que la flixation survienne de façon permanente en dehors de la période de négociation. Je voudrais que vous nous précisiez d'une part, le plus concrètement possible, ce que vous voulez exactement dire par "en dehors de la période de négociation".

Peut-être que je pourrais me permettre de débouler ma série de questions et ça vous permettrait de répondre parce que les éléments s'enchaînent d'un à l'autre.

D'autre part, vous nous proposez d'introduire cette notion de permanence du conseil. Je pense que votre recommandation est claire. Cependant, sur la base du protocole-cadre préalable - j'ai lu, encore une fois, très rapidement votre mémoire qui est beaucoup plus explicite que le résumé -vous nous référez à la proposition qui était contenue dans le rapport Picard. À moins que je ne l'interprète mal, je n'ai pas cru comprendre que le rapport Picard nous proposait de mettre dans une loi le cadre du protocole. Je ne crois pas que ce soit le sens de la recommandation du rapport Picard, à moins que je n'aie mal compris. Je ne crois pas, d'ailleurs, que ce soit ce que vous nous recommandez. Ce que je comprends, c'est que vous nous dites que ça nous apparaît être une clé - dans ce sens, vous insistez en disant: Ne rejetez pas ça du revers de la main sans reqarder cette idée - qu'entre les parties intervienne ce protocole-cadre à partir de la base proposée par le rapport Picard.

Comment, d'après vous, ça pourrait se réaliser? Est-ce que ce serait un protocole-cadre qui pourrait être négocié, par exemple - je jette une hypothèse sur la table - par centrale syndicale et par secteur, par exemple, secteur hospitalier, centres d'accueil, réseau des affaires sociales au sens peut-être plus large? C'est sûr que les problèmes ne sont pas les mêmes que dans le secteur de l'éducation ou dans le secteur de la fonction publique. Est-ce à cela que vous pensez ou à autre chose? Je pense que ce serait intéressant que vous puissiez nous préciser ça.

Deuxième élément, vous nous proposez un service d'information. Je ne suis pas certain de bien saisir votre recommandation. Est-ce qu'il s'agit de ce qu'on appelait le conseil d'information? Je ne me souviens plus très bien du nom.

M. Hétu: On trouve que c'est inutile.

M. Marois: J'ai plutôt cru comprendre que c'était ça, la piste. Vous pensez vraiment à quelque chose d'autre, disposant de moyens bien différents, conçu sur une base différente aussi. Je pense qu'il serait intéressant que vous puissiez développer un peu cette idée. Il y a une chose sur laquelle, je pense, vous avez fait une démonstration qui m'apparaît éloquente, d'autant plus que vous avez pris comme point de comparaison les ports, si ma mémoire ne me trompe pas, cela me rappelle des choses, et c'est vrai que ce n'est pas rêver en couleur. Comment est-ce que cela pourrait être mis sur pied relativement rapidement pour atteindre les objectifs? Il me semble que vous avez raison de mettre le doigt sur le fait que, d'une part, l'accumulation des qriefs, plus le laps de temps que cela prend pour les régler, l'addition des deux facteurs combinés en plus, cela n'est certainement pas de nature à favoriser une amélioration du climat.

Le facteur humain est un facteur extrêmement important quand on parle en particulier du secteur hospitalier, ou, alors, je ne comprends plus rien.

C'étaient les trois premières questions que j'avais à poser.

Sur la réforme plus globale ou la perspective que vous ouvrez de ce côté-là, il y aurait certainement beaucoup de choses à dire, certainement beaucoup de questions à poser. Il y a certainement certains éléments qui sont des pistes qui méritent réflexion, et je me demande si la démarche de la société québécoise ne nous mènera pas vers ces hypothèses-là dans les faits, pour un certain nombre de raisons, notamment celles que vous avez évoquées.

Une des questions que je me pose c'est au sujet de la structure à trois niveaux que vous proposez. Est-ce que vous ne pensez pas que cela risque d'alourdir la négociation et est-ce que, dans votre esprit, puisque c'est trois niveaux, et là, je ne veux pas être injuste, je veux être certain qu'on comprend bien votre proposition... Quand on parle de niveaux, dans l'esprit du monde et souvent dans notre propre esprit à nous autres, on pense au deux niveaux du secteur de l'éducation. Dans les faits, quand on parle de

niveaux dans l'esprit du monde, je pense en particulier au secteur de l'éducation, on donne souvent l'exemple des deux niveaux. Quand on parle aux parents ou aux enfants, ils nous disent: On pensait que c'était réglé et il semble que tout recommence au deuxième niveau.

En d'autres termes, est-ce que cela laisse la porte ouverte à chacun de ces niveaux-là, si cela se déroule dans le temps, la porte ouverte aux conflits et à l'exercice du droit de grève? Je pense que c'est très important que vous puissiez nous donner votre point de vue là-dessus.

Je m'arrêterai là pour l'instant, M. le Président. Il y aurait encore beaucoup à dire, je pense. Je suis certain que mes collègues auront d'autres questions à poser, mais je tiens tout de suite à remercier encore une fois la Centrale des syndicats démocratiques de son apport. Je pense que ce n'est pas un exercice de style que vous avez fait. Vous n'écartez pas les difficultés du revers de la main, vous n'avez pas fait comme s'il n'y avait pas de problème. Je pense que vous apportez une contribution positive à nos travaux et je tiens à le signaler.

Le Président (M. Rodrigue): M. Hétu.

M. Hétu: M. le Président, il est exact qu'on vous a remis le mémoire hier. Je vais vous dire pourquoi, sans cachette, à tout le monde. Vous voulez qu'on parle franchement. On avait un mémoire préparé pour la dernière ou l'avant-dernière - je ne sais plus laquelle - commission parlementaire, avant les élections, qui, à notre avis - quand je dis "notre" ce n'est pas seulement le mien - ne correspond... C'était toutes de vieilles affaires qui n'apportaient pas une contribution au débat.

Quand on a appris que la commission parlementaire siégeait, on l'a appris par la bande, c'est plate, mais quand on l'a appris on s'est mis à l'ouvrage. On vous a contacté - quelqu'un de votre cabinet - et on a dit: On va être en retard. C'est aussi simple que ça.

Nous avons réfléchi à partir des conditions concrètes que les travailleurs qui sont membres de syndicats chez nous vivent. Cela a pris un peu plus de temps et on est arrivé en retard. Je comprends bien cela, c'est la raison.

M. Marois: Remarquez, M. Hétu, que je ne vous en fais pas grief.

M. Hétu: Non, non, non...

M. Marois: On va prendre de notre côté le temps qu'il faut pour rendre justice au mémoire...

M. Hétu: Même si vous en faisiez un grief, on trouverait un moyen pour le résoudre.

Une voix: Dans les 24 heures.

M. Hétu: Oui, expéditif. La première question, les services essentiels, en dehors de la négociation collective. L'établissement des services essentiels, d'après l'expérience qu'on a, il n'est pas possible qu'on puisse régler cela - parce que c'est assez complexe, vous le savez, tout le monde vous l'a dit - dans un contexte de négociation collective. Cela n'est pas possible.

On dit: Si cela n'est pas possible, d'après l'expérience que nous avons eue... Vous savez, on est arrivé à des solutions qui, parfois, ne sont pas les meilleures, on en convient. On dit: Est-il possible dans un centre hospitalier, par exemple, d'établir ce que c'est, à froid, ce que cela prend pour assurer les services essentiels, par exemple, dans les cas d'opérations qui sont graves? Combien de personnes faut-il pour opérer de manière essentielle? Enfin, il y a différentes situations, il y a différents cas même dans un hôpital donné. Qu'est-ce que cela prend comme personnel pour résoudre ce problème?

Nous, on part de l'idée que le droit à la santé est fondamental et il faut le reconnaître. Il faut arrêter de jouer avec cela. On part aussi de l'idée que le droit de grève n'est pas incompatible à cela. Comprenez-vous? Il s'agit de l'organiser. Si on veut civiliser fondamentalement la négociation dans les services publics, il faut l'organiser. En tout cas, chez nous, il n'y a pas un travailleur qui veut empêcher que quelqu'un, quand il y a une urgence, se fasse soigner, reçoive des soins. Il n'y en a pas un. Que ces gens-là qui travaillent quotidiennement dans une institution des affaires sociales alors qu'arrive un conflit, deviennent des sauvages, cela n'est pas vrai, il n'y en a pas un. Devant cela, on se dit: Si cela est vrai - pour nous, on le croit fondamentalement - qu'on essaie donc de le résoudre entre les négociations. Il est possible de le faire, mais de manière ordonnée, dans un cadre donné.

La référence qu'on prend, par exemple, celle qu'on connaît, c'est celle du rapport Picard. Il y en a une là. Celle-là ou une autre, on pourrait peut-être la raffiner, on pourrait peut-être enlever des éléments. Je ne discute pas le contenu, mais je dis quand même que, pour une fois, une institution publique, après étude... Feu Picard, c'était un gars qui connaissait cela, qui était respectueux d'un paquet de choses et c'est l'expérience pour lui, dans le fond... L'expérience nous suggère cela et on définit ce protocole.

À l'intérieur de cela, on dit qu'il doit être possible de discuter, de tenter de s'entendre à partir d'une série de démarches

qu'il faut faire. Or, il propose un tas de critères là-dedans. C'est cela qu'on dit tout simplement. C'est possible de le faire. Si, dans deux ans, on ne le fait pas, cela veut dire qu'il y a quelque chose qui ne marche pas. Je ne pense pas qu'on puisse arriver à des désaccords. J'ai foi en les parties. Je pense que l'État, depuis 1972, a eu foi en les parties. Il doit continuer sa marche et progresser vers cela.

On s'est référé souvent, dans le débat, à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, quand vous parliez de droits. Mais il y a une chose qu'il faut bien comprendre, c'est que la société a évolué. Aujourd'hui, en matière de santé et de sécurité du travail -ce sont toutes des connaissances qui ne sont pas tellement vieilles au Québec - il y a des connaissances qui disent qu'un travailleur qui est exposé à des gaz, qui est exposé à ceci et à cela, s'il demeure exposé à cela pour une période de temps, peut perdre connaissance. On sait qu'après dix ans, ses poumons seront affectés. On sait cela. Cela veut dire que la base, actuellement, de la réglementation dit qu'en bas de cela, ce n'est pas dangereux. Il y a une balise et je pense que le mérite fondamental de la loi, c'est d'avoir reconnu cela.

Donc, je reviens à toute l'expérience qui a été vécue dans la négociation. Je vais parler des affaires sociales. Il y a une expérience et on ne peut la rejeter du revers de la main. Déjà, où en est-on rendu dans les services essentiels? On est rendu où est le rapport Picard, qui l'a dit de manière générale. Mais, au niveau des institutions, au niveau des syndicats, il y a des institutions et des syndicats qui sont rendus plus loin et qui ont démontré qu'ils sont capables de faire quelque chose pour respecter les gens qui sont malades, pour permettre le droit à la santé. Déjà, cela existe. Alors, qu'on continue d'aller plus loin. C'est dans ce cadre qu'on se situe, tout simplement. (22 h 45)

On dit: L'État n'a pas le droit de mettre de côté cette richesse qu'il a acquise. Si on parle de 1972, ce n'est pas ça du tout. Le rapport Picard est clair. Il identifie à partir d'une grève appréhendée -j'utilise ses termes - les journaux ont fait croire, ont pratiquement ameuté la population parce qu'il y aurait une grève. Non, ce n'était pas cela, c'était une grève appréhendée de 24 heures. Déjà, on commençait à démystifier des choses. On a une expérience. Partant de cette expérience, qu'on sorte des négociations collectives la définition concrète en vue d'organiser les services essentiels. Qu'on sorte cela et qu'on essaie de travailler là-dessus.

Concrètement, on dit que ça va prendre un conseil de services essentiels qui serait là sur une base permanente et qui agirait comme guide. C'est dans ce contexte-là, voyez-vous?

M. Marais: Si je comprends bien, le conseil sur le maintien des services essentiels, qui serait là sur une base permanente, pourrait en quelque sorte agir comme animateur pour amener les parties à convenir d'un protocole-cadre.

Je ne veux pas prolonger le débat, ni abuser du temps, parce que je sais que d'autres veulent intervenir, mais est-ce que, d'après vous, la perspective que cela ouvre serait un protocole-cadre qui serait possiblement négocié par centrales syndicales, par secteurs?

M. Hétu: Sortez les centrales de là, d'accord? Elles ont assez d'ouvrage ailleurs. Est-ce assez clair? Que les travailleurs qui sont membres d'un syndicat ou d'une union -pour être juste pour tout le monde au Québec - règlent avec l'établissement leurs affaires.

M. Marois: Par établissements?

M. Hétu: Oui, ce sont eux qui sont concernés. Ce ne sont pas les centrales, je regrette, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas la fédération non plus, ce n'est pas l'union mère, ce sont les travailleurs. Qu'ils soient membres d'un local, qu'ils soient membres d'un syndicat, ce sont eux qui doivent résoudre les problèmes. Ce sont eux qui savent ce qui se passe dans l'établissement, ils vivent avec le monde, ils connaissent tel vieillard, etc. Même si j'entre dans ces détails, vous seriez sans doute meilleurs que moi pour découvrir cela.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Hétu: Je n'ai pas parlé du service d'information et d'autres choses, je sais que le temps passe et je n'ai pas envie de vous faire passer la nuit ici. Je n'ai jamais passé la nuit avec des députés, je ne sais pas ce que ça donne. Excusez-moi.

M. Marois: J'avais posé une question sur le service d'information. J'avais parlé du service d'information pour qu'on voie bien ce que vous proposez. J'avais aussi une autre question faisant allusion à vos éléments de proposition de réforme globale, les trois niveaux de négociation.

M. Hétu: Cela est relié à l'idée des services essentiels. Vu que l'État joue un rôle, si le conseil vous dit: Cela peut se régler. À ce moment-là, l'État pourra intervenir parce que c'est lui qui est le qardien - je prends votre expression - de l'intérêt public. J'ai fini là-dessus.

Les structures à trois niveaux. Dans le

fond, le seul changement qu'on propose aux deux premiers niveaux auxquels je réfère, c'est pour rendre moins lourdes les négociations. Je m'explique. À la table centrale - en passant, de laquelle on est exclu, je vous l'ai dit tout à l'heure et je le répète, j'ai des marottes comme ça - on va discuter des choses pécuniaires, c'est clair.

Au niveau sectoriel, pour rendre cela plus léger, plus souple, moins long, on discute des choses d'ordre général. Il y a des droits majeurs qui peuvent être discutés là, les mécanismes de grief, toutes les choses d'ordre général, mais non pas des trucs qui ont trait aux établissements, non pas des trucs qui ont trait au fonctionnement de la boîte. ... On se dit que ces affaires-là, c'est le propre fondamental des hommes et des femmes qui y travaillent. Eux autres, ils doivent ensemble s'entendre pour résoudre cela; c'est cela qu'on dit. Alors, on sépare cela de la négociation générale où tu vas avoir des spécialistes qui vont parler de salaires, qui vont parler de ci, qui vont parler des grandes clauses, des griefs; il y a un tas d'affaires, il y a des spécialistes, des gars qui sont compétents, et je fais confiance aux gars des centrales syndicales.

Mais, quand tu arrives aux clauses relatives aux conditions de travail, pas dans le sens économique, mais les conditions de travail dans un sens nouveau, qui touchent à la fois la qualité des soins et la quantité des soins, parce que les travailleurs qui sont là, le petit préposé qui va faire manger un malade vit cela à tous les jours, la quantité et la qualité des soins; qu'on leur permette de discuter sur un pied d'égalité avec leur employeur de ces questions, mais pas à la table centrale, faire un grand canal en vertu duquel on va faire des petits qui ont tous le même visage, etc.; qu'on fasse régler cela à la base, c'est cela que l'on dit, faire confiance à la base. À ce moment-là, on change toute l'allure des négociations.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président. C'est mon collègue de Sainte-Anne qui a étudié votre mémoire, mais je veux quand même vous signaler, M. Hétu, que vous nous jouez presque un tour, enfin, vous nous avez dit que les travaux de la commission sont uniquement centrés sur l'exercice du droit de grève, ses conséquences ou ses non-conséquences...

M. Hétu: J'ai pris ça en note.

M. Rivest:... mais vous avez considérablement élarqi nos horizons en proposant les perspectives que vous évoquez et qui avaient été mentionnées d'ailleurs, pour être juste, dans certains autres mémoires. Je me rappelle, par exemple, que l'abbé Gérard Dion a parlé du fameux problème de la centralisation à tous azimuts des négociations et des difficultés que cela... Et sans doute d'autres intervenants.

Mais je vais faire un peu comme le ministre. Peut-être, en connaissance de cause, aviez-vous parlé de la fixation des services essentiels, peut-être pensiez-vous à la fixation que cette commission, sur cette fameuse question...

Il y a une chose, juste pour compléter, avant de passer la parole à mon collègue. À la page 2, je vais vous poser une question. Vous dites, quand vous avez évalué les deux causes majeures sur les services essentiels, que la fixation des services essentiels actuellement est subordonnée au rapport de forces - vous en avez reparlé, d'ailleurs, vous avez précisé votre pensée en réponse à la question du ministre - déclenché par le processus de négociation, ce qui est inévitable. J'imagine que ce que vous donnez comme diagnostic de départ, vous voulez le corriger en disant, à la page 16: La fixation des services essentiels, on va la sortir du contexte des négociations. C'est le sens, je pense, de ce que vous évoquez, pour ne pas en faire une arme stratégique. Dans des interventions, en lisant certains rapports d'experts de la commission Picard, on a vu qu'à l'occasion, enfin il y a eu quelques cas où effectivement les services essentiels ont été utilisés comme arme de représailles contre un geste de l'administration, à tort et à raison, mais les gens, en fin de compte, se sont retrouvés pendant un certain temps, pas extrêmement long, sans services essentiels.

Or, il y a aussi une autre notion qui a été apportée dans le cours du débat, je suis sûr que vous en convenez et c'est là-dessus que j'aimerais avoir vos commentaires. Remarquez que j'endosse, enfin je comprends très bien cela, vous en avez fait le point fort là-dessus, que, finalement, la question des services essentiels ne peut pas venir d'en haut parce que cela doit se faire par les parties au niveau local. Je pense qu'à peu près tout le monde... D'ailleurs, quand le Conseil du patronat est venu présenter sa solution de la régie, en tout cas, je me rappelle avoir posé la question à M. Dufour: Comment voulez-vous qu'un gars à Québec ou quelque part puisse décider des services essentiels dans un hôpital à Sept-Îles ou bien à Montréal ou quoi que ce soit? Cela fait pas mal loin pour décider de cela. Et ce principe-là, je pense, en tout cas, moi je le trouve tout à fait fondamental; je ne vous le reproche pas, bien au contraire, je suis bien satisfait que vous ayez insisté à ce point-là.

Mais il y a aussi l'autre dimension. C'est que, si vous les fixez ou tentez de les fixer en dehors du cadre de négociation, pour que ce ne soit pas une arme

stratégique, c'est qu'au niveau de chaque établissement également, cette notion, et cela a été dit je ne sais pas combien de fois, est évolutive lorsque le conflit existe, parce que vous pourriez décider que... Par exemple, le ministre, cet après-midi, parlait d'un cas qui est survenu, un accident en chaîne sur le boulevard Métropolitain où, à un moment donné, trois, quatre ou cinq ambulances se présentent à un établissement. Cette dimension, vous ne l'avez pas évoquée, mais pas pour des urgences évidentes, parce que je suis tout à fait d'accord, le personnel est conscient de ses responsabilités à ce plan-là et il ne jouera pas avec cela, est-ce qu'à ce moment-là... Mon inquiétude, c'est que... Les établir à froid en dehors des périodes de négociations, fort bien. J'insiste là-dessus et je voudrais que cela soit ainsi, mais en pratique est-ce que dans l'administration de cette fixation des services essentiels, cela ne retombera pas, en situation de conflit, dans le jeu des rapports de forces? Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Hétu: Oui, oui, je comprends très bien ce que vous voulez dire et je ne le pense pas. Je ne le pense pas, parce que la base des services essentiels va être établie.

Deuxièmement, s'il y a, par exemple, grève, où il y a des services essentiels, les parties vont se parler; s'il y a des urgences comme cela, elles vont se parler.

J'ai en mémoire un fait qui m'a été raconté par le président du plus grand centre hospitalier montréalais. On était en grève, tout le monde était dehors, et qu'est-ce qu'il racontait? À un moment donné ses spécialistes arrivent et disent: On a justement des cas d'urgence qu'il faut opérer. Le président demande - il me contait cela la semaine passée - combien il y a de cas. Ils disent tant. Très bien. Voici la solution que je vais proposer, je vais demander au syndicat d'ouvrir les lignes de piquetage. Il a fait des appels, le syndicat était d'accord pour ouvrir les lignes de piquetage. Cependant, le même président de l'hôpital est revenu et il a discuté avec les spécialistes et là les spécialistes ne voulaient plus passer. Ils voulaient que l'État intervienne par une loi spéciale, après quoi ils auraient dit: Là, on va opérer. Cela est un homme qui est très bien connu au Québec, et il me disait cela tout bonnement comme cela. Il me donnait un autre son de cloche que je ne connaissais pas parce que je n'ai jamais été administrateur d'une boîte, mais quand même j'ai déjà été sur des lignes de piguetage.

Dans le cas auquel il se référait, c'est moi qui dirigeais, sans qu'il le sache, ces lignes de piquetage. Mais ce n'est pas à moi qu'ils ont eu affaire. Moi, on m'a dit: Tu fais cela, et on les a ouvertes, etc. Mais voyez-vous le problème qui se pose? Ce que je veux dire par cet exemple-là, c'est qu'il n'y a pas seulement le syndicat qui est en cause, il y a beaucoup de personnes qui sont en cause. Mais si on a établi - je reviens là-dessus - déjà les services essentiels de base et s'il y a des situations qui sont plus critiques, il peut y avoir un feu, par exemple, cela serait qrave, etc., peu importe les situations, cela peut faire partie de ce que l'on appelle l'organisation des services essentiels. Alors, dans le protocole, il pourrait y avoir justement une question relative à cela, à savoir qu'il y ait des responsables de nommés, qui se rencontrent et qui en discutent. Expérimentalement, chez nous, quand on a discuté de ces questions, les travailleurs, avec les institutions, ont prévu cela dans bon nombre de cas. Si tu as des problèmes qraves, on s'asseoit, on regarde qu'est-ce que cela prend et on y va.

M. Rivest: Je ne veux pas abuser. Cette réponse, en fait de même nature, dispose peut-être d'une autre interrogation que l'on a soulevée à maintes reprises sur la nature des pouvoirs du conseil des services essentiels. Vous lui donnez finalement, vous l'évoquez dans votre mémoire, un pouvoir de surveillance, enfin, de constat. Le ministre parlait d'animation au niveau de la détermination des services essentiels, hors des contextes de négociation et de conflit. En période de conflit, au moins des pouvoirs de surveillance et de constat et vous dites: On ne veut pas avoir de pouvoirs coercitifs là-dessus, mais tantôt dans la discussion -j'en ai perdu un petit bout - à un moment donné vous avez évoqué le gouvernement. Est-ce qu'à ce moment là - je ne sais pas -dans la discussion, vous avez dit: Si jamais il se développe des situations, parce qu'il y a toujours la sécurité des patients ou en fait du public? S'il se développait des situations exceptionnelles, enfin, très graves ou à un moment donné, il pourrait arriver des problèmes entre les administrateurs et les syndiqués, peu importe, à ce moment-là, ceux qui verraient, au fond, à ce que les ententes locales, quitte à ce que ce soit encadré par un protocole et tout cela, soient respectées, cela ne serait pas le conseil, mais le gouvernement. Est-ce que je vous comprends bien là-dessus? Si l'entente n'était pas respectée, qu'il y avait une situation grave qui se produisait au niveau d'un établissement, une situation de conflit, qui verrait à trancher le litige qui surviendrait? (23 heures)

M. Hétu: Nous disons qu'il faut maintenir le statu quo sur ce point temporairement. C'est le dépôt de la liste syndicale.

Il faudrait voir les cas pratiques et concrets, il en faudrait de cela, pour savoir quand les travailleurs ont refusé après avoir

convenu, par le dépôt d'une liste syndicale, d'établir les services essentiels. Vous demandez un tas d'exemples, mais il faudrait vérifier ces choses aussi. Dans ce cadre, je ne crois pas, je n'en connais pas.

Je dis que l'État peut intervenir parce qu'il est le gardien dans le sens suivant. Supposons qu'il n'y ait pas d'entente; s'il n'y a pas d'entente, il y a le dépôt de la liste syndicale et l'État va intervenir dans une situation qui est beaucoup plus générale. Par exemple, s'il y a vraiment un blocage au niveau salarial. Généralement, c'est là qu'il y a un problème, parce qu'il n'y a pas d'entente au niveau salarial. Au niveau global, c'est habituellement là qu'est le problème. À ce moment, parce que c'est quand même dans son budget, etc., ce serait à l'État de résoudre ce problème. Mais quand il y a des conflits à l'intérieur, je trouve qu'il faut procéder non pas par loi spéciale, mais essayer de connaître la source réelle des problèmes qu'il y a dans ces établissements ou dans un secteur. Si cela ne concerne pas la question salariale, si cela ne concerne pas les services essentiels, cela devient des cas d'espèce. C'est parce qu'il y a des problèmes au niveau des relations internes tout simplement.

On a déjà eu un gouvernement, le gouvernement Johnson, qui avait mis les hôpitaux en tutelle. Il ne faut jamais oublier cela, parce que dans ce cas il y avait un maudit problème qui venait de quelque part. L'interlocuteur, soit les administrateurs d'hôpitaux, bloquait pour que le premier ministre d'alors, feu Daniel Johnson, décide d'intervenir, pas par une loi spéciale, il a évoqué des articles que vous connaissez très bien, d'ailleurs, et il a dit: Vous autres, vous ne toucherez plus à cela, II a nommé Pratte pour négocier avec les syndicats et cela s'est réglé. Je dis: Qu'on étudie concrètement ce qui devient des cas d'espèce et qu'on les résolve, ces cas d'espèce.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président.

Concernant votre mémoire, M. Hétu, je dois vous avouer franchement que j'y porte un intérêt tout spécial. J'ai eu l'occasion d'en lire une bonne partie jusqu'à la page 23. Le reste, je l'ai lu en diagonale, mais je pense que cela vaut vraiment la peine de le regarder sur le fond. Selon moi, en tout cas, et probablement selon tous les membres de la commission, des recommandations tout à fait nouvelles nous sont apportées.

Pour votre information, seulement dans le cadre de la réforme partielle, j'ai noté six recommandations nouvelles qui n'étaient venues ni des associations ni des syndicats. Je n'ai pas eu le temps de lire la réforme globale au complet, mais je pense que cela vaut vraiment la peine que le gouvernement, ainsi qu'une éventuelle commission parlementaire, regarde cela par la suite, lorsqu'on aura une loi ou quelque chose qui viendra amender ou des règlements qui amenderont effectivement sur le fond.

Maintenant, j'aurais plusieurs questions à vous poser. À la page 16, lorsque vous parlez de la fixation des services essentiels, vous mentionnez - et je relève ce que disait le ministre tout à l'heure sur sa question à lui, j'étais parfaitement d'accord sur votre réponse, parce qu'elle était assez détaillée, mais je voudrais ajouter un élément - un protocole-cadre des critères devant servir à la fixation des services essentiels. Je me suis posé comme question, en voyant cette partie de la recommandation que vous faites, si cela voulait dire que vous croyez que les services essentiels dans certains établissements, par exemple, devraient être définis comme étant à 100% ou à 50%. Je prends l'exemple des centres hospitaliers de soins prolongés, des centres d'accueil et des endroits où on donne des services à des handicapés physiques et mentaux, ou encore dans le cours des services d'urqence. C'est ma première question.

Pour ce qui a trait à la permanence que vous mentionnez dans votre dernier point de la page 16, est-ce que vous pourriez dire aux membres de cette commission de quelle façon on pourrait établir un tel mécanisme? Je crois que le gouvernement devra regarder de très près cette recommandation que vous faites.

Je vais poser mes questions en série, j'en ai sept au total. M. le Président, si vous le permettez, considérant que ce mémoire apporte tellement de faits nouveaux, je pense qu'il y a lieu de prendre le temps requis pour regarder de près plusieurs sujets qui sont soulevés et qui sont vraiment intéressants.

À la page 17, deux autres éléments nouveaux. Vous mentionnez un mandat de surveillance du dépôt et d'un mandat de surveillance du maintien. Je me reporte à ce que le Conseil sur le maintien des services essentiels fait actuellement ou faisait, si vous voulez, en 1979 et 1980; il regardait les ententes, il s'assurait que les ententes étaient rentrées, il regardait les listes et il faisait juste regarder le maintien. Ma question est celle-ci: Puisque, différentes associations nous ont soulevé qu'il devrait y avoir, à certains moments, des pouvoirs quasi judiciaires pour le Conseil sur le maintien des services essentiels, est-ce que vous croyez que ce conseil devrait avoir des pouvoirs quasi judiciaires pour rencontrer les objectifs que vous mentionnez dans votre mémoire en parlant du mandat de surveillance du dépôt et du mandat de surveillance du maintien?

À la page 18, c'est bien sûr que je n'ai

pas vu dans votre mémoire, comme l'ont mentionné des associations et des syndicats, le fait que le gouvernement avait l'intention d'enlever le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Je crois que vous vous souvenez très bien de la déclaration du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, dès le début. Vous vous rappelez très bien aussi une certaine déclaration qu'on a faite durant toute la campagne électorale d'avril et mars derniers, en rapport avec le maintien du droit de grève dans les services public et parapublic. Considérant que vous avez remarqué ça, je vais passer là-dessus; c'était juste un commentaire que je voulais faire.

M. Hétu: C'est pour ça qu'on l'appuie.

M. Perron: Merci. À la page 20, dans la conciliation, vous revendiquez des conciliateurs indépendants, c'est-à-dire qui ne soient des salariés d'aucune des parties. La question des conciliateurs indépendants que vous mentionnez me semble très importante. À un certain moment, lorsqu'on a des conciliateurs gouvernementaux dans des questions gouvernementales, en rapport avec les différents ministères ou même avec le Conseil du trésor, on peut considérer pratiquement ça comme juge et partie. Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon on pourrait établir cette liste de conciliateurs neutres - parce que vous savez que c'est très difficile d'obtenir des conciliateurs neutres par les temps qui courent - qui serait, selon votre mémoire, déposée au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre? De quelle façon vous voyez qu'on devrait procéder afin obtenir une telle liste?

À la page 21, vous parlez des griefs et de l'arbitrage. J'en conviens avec vous et, d'ailleurs, tous les syndicalistes qui se sont présentés devant nous et même certaines associations ont revendiqué du gouvernement que les griefs soient réglés avec des mécanismes imposants que ça se règle pour que ne s'accumulent pas 2000, 3000, 4000 griefs sur une période de trois ou quatre ans. On sait que, quand on arrive à un table centrale, très souvent, il n'y a pas seulement la question monétaire, mais on se ramasse aussi avec la question des griefs qui sont en suspens depuis de nombreuses années. Est-ce que, dans le cadre de l'arbitre qui pourrait rendre jugement sur le banc - et je pense que vous savez, M. Hétu, qu'on en a déjà parlé tous les deux, de cette question d'arbitre qui rendrait un jugement sur place; cela me semble drôlement important pour accélérer le processus - vous croyez que les parties devraient avoir le pouvoir d'aller en appel lorsque le jugement de l'arbitre serait rendu? Là je vous mentionne que certaines causes sont entendues par des arbitres. Cela s'en va au Tribunal du travail, qui très souvent sanctionne la décision de l'arbitre et à un moment donné on se ramasse à la Cour supérieure et à un moment donné à la Cour suprême. On a mentionné des cas lors de la rencontre qu'on a eue au niveau de certains échanges.

Maintenant, quant à la réforme globale. Dans votre projet de réforme globale, que faites-vous des services essentiels? Je n'ai pas remarqué dans cette partie sur la réforme globale que vous ayez mentionné la question des services essentiels. Doit-on penser que le conseil sur le maintien des services essentiels conserve sa place, dans la réforme globale toujours? La dernière question: Croyez-vous qu'il soit réaliste de penser arriver au consensus dont vous parlez dans votre réforme globale? J'ai vu cette partie où vous parlez de consensus. Vous savez, dans le cadre des négociations, c'est très difficile d'arriver à un consensus à moins de négociations par-dessus négociations. Ce sont les questions que je pose, M. le Président. Je sais très bien que M. Hétu, avec son verbe très facile, pourra répondre à mes sept questions.

Le Président (M. Rodrigue): M. Hétu.

M. Hétu: La seule chose que je vais essayer de ne pas faire, c'est d'escamoter vos questions. Première question: Les services essentiels doivent-ils être définis par la loi? Je réponds: Non. Si les parties ont eu de la misère dans le passé, je vois mal des fonctionnaires ou des technocrates, qu'on les appelle comme on voudra, à l'emploi du gouvernement qui auront à légiférer ou tout au moins à définir la législation, je vois mal comment ils vont pouvoir le définir. Quels mécanismes permanents pour réaliser ça? Mécanismes permanents, j'ai l'impression que vous voulez dire que c'est en rapport avec le conseil sur les services essentiels et les parties.

M. Perron: Toujours dans le cadre de la fixation des services essentiels.

M. Hétu: Des services essentiels. Je pense que par règlement il faudrait prévoir un mécanisme, pas dans la loi. Dans la loi on pourrait dire de manière très générale ce qui est l'intention générale. Par règlement, on devrait l'établir. D'abord, il y aurait une série de points que le règlement pourrait couvrir et les délais pour que cela se fasse vraiment en dehors de la négociation collective. C'est la procédure entre le conseil et les syndicats. Il faudrait parler ensuite du protocole, tout au moins les différents points qui devraient en faire partie, mais laisser encore là au niveau du protocole une certaine souplesse en rapport avec la capacité des parties de résoudre. Ce

serait un genre de canevas, et ainsi de suite. Mandat de surveillance de dépôt. Vous référez à des pouvoirs judiciaires. Là-dessus, on répond: Non. C'est déjà un pas de franchi. Vous avez remarqué que c'étaient deux choses nouvelles. Très bien, qu'on le fasse, mais pas avec des pouvoirs judiciaires.

M. Perron: Si je vous ai posé cette question, M. Hétu, c'est parce que je voulais que ce soit clair entre nous parce qu'il me semblait possible d'avoir une certaine ambiguïté dans le texte qui nous est proposé.

M. Hétu: Je suis très heureux de voir que vous nous suggérez de préciser. Alors, on dit: Non. Déclaration de Marois, ça va. Conciliation. Comment établir cette liste de conciliateurs? Il y a actuellement des gens qui sont spécialisés ou qui sont suggérés aux parties dans le cadre de la liste à noter des griefs, mais on n'en connaît pas qui sont spécialisés - on en connaît, mais on en connaît par la pratique; il faudrait qu'il soit établi clairement lesquels sont spécialisés notamment dans l'arbitrage des griefs. Dans l'arbitrage de griefs, ces gens acquièrent une expérience, une compétence. Il y a dans tout quelque chose qui enrichit, qui est fort. Ces personnes seraient en mesure d'aider parce qu'elles ont une connaissance et une pratique, et les personnes, notamment, qui seraient acceptées par le Conseil consultatif de la main-d'oeuvre... (23 h 15)

Toutes les parties sont là même si on n'y est pas. Encore là, on dit: On va leur faire confiance, même si on n'y est pas. J'ai hâte que le ministre, en passant, se décide et nous reconnaisse. Excusez cet aparté, mais, dans ce cadre, on pourrait fort bien définir et décrire ceux qui ont cette compétence spécifique et qui pourraient, lors d'un conflit ou lors de difficultés au niveau de la négociation, être choisis et acceptés par les parties, parce qu'ils ont cette compétence qui aura été prouvée par leurs interventions antérieures dans l'application de la convention collective.

L'arbitrage et les arbitres sur le tas. Actuellement, je vais vous dire qu'on a eu un ou deux arbitrages accélérés. On l'a utilisé une fois. Dans un cas, cela a pris 60 jours. On a fait une première expérience. On a demandé un arbitre à cause d'un type de problème donné dans un établissement. Il est venu rapidement et cela a pris 60 jours pour résoudre le problème et là, il est allé vite Évidemment, les autres bouts...

M. Perron: La partie dont je vous parlais lorsque je mentionnais la question de l'arbitre qui pourrait rendre le jugement sur le banc, cela veut dire lorsqu'il est présent sur place, dans les 24 heures ou les 48 heures qui suivent. La question que j'avais posée était comme ceci: Permettriez-vous que les parties puissent se servir du mécanisme d'appel, comme cela se fait dans beaucoup de cas?

M. Hétu: Rapidement, d'après mon expérience, je dis non.

Les services essentiels, qu'en faites-vous dans la réforme globale, lorsqu'elle sera appliquée? Je pense qu'on va avoir un autre bout de franchi et peut-être qu'on n'en parlera plus, parce que ce sera peut-être réglé. Je suis cabotin quand je dis cela, mais, dans la réforme globale, évidemment, on dit qu'on va commencer par vivre. Je ne sais pas dans quel sens le Parlement va s'orienter, dans quel sens il va faire des propositions. On ne le sait pas, mais, de toute façon, une chose qu'on sait, c'est que le Parlement n'est pas plus bête que les syndicats ou pas plus bête non plus que certains patrons, pas tous, et il va proposer quant à l'organisation des services essentiels des solutions permettant aux parties de faire un proqrès. Rendu là, on pourra en parler.

Quand on parle de réforme globale, on est bien conscient, d'après notre pratique, que ce n'est pas pour l'an prochain. Pour quand? Je ne le sais pas. Il y a bien des choses dans la réforme globale. Je me réfère plutôt au deuxième volet de la gestion démocratique. Avant de vous embarquer là-dedans, je pense que votre premier réflexe va être d'être prudents. Nous nous disons tout simplement que si, à ce stade-ci, le gouvernement permettait, notamment, de faire des expériences avec ceux qui le veulent et que si le ministère du Travail, dans ce cadre, à la suite de cette permission, fournissait des services qu'il n'a pas actuellement pour réaliser ces expériences, ce serait un investissement vraiment valable.

M. Perron: Nous parlez-vous à ce moment-là, M. Hétu, d'un genre de projet pilote dans un certain établissement ou certains établissements qui pourrait servir par la suite à un nouveau mode de négociation et à un nouveau mode pour établir des listes de services essentiels, pour établir la conciliation et ainsi de suite?

M. Hétu: Oui, c'est exact.

M. Perron: Je vous remercie beaucoup, M. Hétu. Mon plus grand souhait est... Je vais vous donner un exemple ici de ce que j'ai vécu il y a peut-être quatre ans passés. Il y avait un hôpital de mon comté avec un directeur d'administration qui n'est plus là aujourd'hui - et j'en suis très satisfait - et les griefs s'accumulaient et s'accumulaient. Lorsque le nouveau directeur est arrivé, en l'espace d'une journée, il a réglé environ

95% des griefs et il en restait deux qui ont mis cinq jours à être réglés. C'est parce que les deux parties ont démontré leur bonne foi. Je maintiens que, à un moment donné, on est capable, ensemble, d'arriver à de la bonne foi. Je vous remercie, M. Hétu, de vos réponses.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Hétu: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais apporter une réponse à une question posée par le ministre concernant le service d'information. Je serai très bref.

Par rapport au service d'information, nous, négociant après la CSN, après la FTQ dans les secteurs, on aimerait bien avoir de l'information sur ce qui a été réglé là. Je ne dis pas que les patrons essaient de nous jouer dans les pattes, mais on trouve anormal que le patronat, notamment ceux qui ont négocié avec les groupes de la CSN ou de la FTQ, soit le seul canal par lequel nous puissions obtenir de l'information.

Quant au règlement, je pense qu'il est important de savoir les points qui ont été négociés, nous, on passe en troisième. On ne s'en fait pas, on est minoritaire, mais on n'a pas l'intention de l'être tout le temps.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. Hétu, comme le ministre et tous les autres membres de la commission, j'ai reçu, ce matin, votre mémoire, et j'en ai fait une lecture rapide. Mais étant donné que je ne suis pas ministre, je dispose d'un peu plus de temps. J'ai constaté que ce mémoire semblait différent des autres mémoires syndicaux qu'on a reçus. J'ai lu tous les autres mémoires syndicaux, et tous avaient pour titre Pourquoi maintenir le droit de grève, et parlaient du droit de grève, tandis que votre mémoire s'intitule: La CSD propose un changement du régime de négociations.

Alors, pendant l'heure du dîner, j'ai relu votre mémoire un peu plus attentivement. Heureusement que M. Perron s'est arrêté à la page 26, parce que moi, je l'ai lu jusqu'à la page 35; j'imagine que mes questions vont porter un peu plus sur les pages 26 à 35 pour avoir quelque chose de nouveau.

Je dois vous faire part de mon impression personnelle. Vous êtes un peu comme la fameuse annonce de la compagnie de location d'automobiles qui emploie le slogan: "We are number two, we try harder".

M. Hétu: We are not number two, we are number three, I want to tell you that.

M. Polak: We are number three, we try harder, vous comprenez. Je dois vous dire que, personnellement, il y a énormément de notions très positives dans votre mémoire. Cet après-midi, quand on a entendu le mémoire de l'Intersyndicale, je me demandais comment il se faisait que la CSD n'avait pas souscrit. Je pense que je commence à comprendre.

Vous avez fait une comparaison, à un moment donné, avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Pourriez-vous me dire, comme question préliminaire, si votre syndicat est représenté auprès de la CSST dans les plus hautes instances? Vous siégez au bureau de direction parce que... J'aimerais savoir ça.

M. Hétu: Non, et je ne veux pas en parler tout de suite parce que je ne pense pas que...

M. Polak: Je voudrais vérifier, parce que je me le rappelle, au mois de mai, quand on examinait les crédits du ministère de M. Marois, j'avais sugqéré de nommer quelqu'un de la CSD. Je trouvais un peu bizarre que ce syndicat ne soit pas représenté du tout. On m'a dit que les gens seraient peut-être nommés la prochaine fois, etc.

Vu que, ce soir, le ministre a montré tellement d'intérêt à votre mémoire, il a même dit qu'il voulait reprendre contact plus tard - mais il a quitté momentanément -j'espère qu'il retiendra ma suggestion, étant donné que tout le monde semble être impressionné par votre mémoire - du côté ministériel aussi - peut-être le gouvernement peut-il commencer par un très bon qeste et dire: Ces gens sont responsables - d'ailleurs, les autres syndicats sont responsables aussi -peut-être méritent-ils d'être dans les plus hautes instances. Cela, c'était un petit à-côté.

M. Hétu: De toute façon, pour vous informer, quand le ministre a annoncé la composition de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, nous nous étions réunis, le ministre et les représentants de la CSD, pour discuter de cette question. À ce moment-là, il nous avait siqnifié son désir, soit, éventuellement, de nous proposer de siéger à cette commission. Je suis convaincu, s'il était ici, qu'il me dirait spontanément: Oui, je vais y donner suite.

M. Polak: Disons que c'est à l'étude.

M. Hétu: C'est exact Bob? Le ministre dirait ça?

M. Dean: On va laisser le ministre parler pour lui-même.

M. Hétu: C'est bien.

M. Oean: Quand il quitte la pièce, c'est toujours à ce moment qu'il se passe quelque chose, peut-être par accident, mais peut-être par dessein aussi.

M. Polak: Je pose des questions même si le ministre est ici. Cela ne fait pas de différence pour moi. Maintenant, dans votre mémoire, à la page 2, vous dites: La liste des services essentiels sert, dans ce contexte, aux parties comme arme stratégique. Je ne veux pas me servir de votre syndicat pour faire la preuve contre les autres syndicats. Pendant des jours, on a essayé d'avoir des renseignements objectifs pour savoir s'il y a un problème qui existe, oui ou non. Les syndicats nous ont répondu unanimement qu'il n'y avait pas de problème du tout. Le rapport Picard est positif. Votre déclaration semble dire, quand vous dites "comme arme stratéqique", que vous commencez un peu à douter de l'objectivité du système actuel. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hétu: Que nous doutons du sytème actuel? De quel système?

M. Polak: Le système actuel des listes syndicales tel qu'il existe.

M. Hétu: On ne doute pas de cela. Au contraire, on voudrait que cela se continue.

M. Polak: Vous suggérez tout de même des changements.

M. Hétu: Oui, mais qu'on le fasse en dehors de la négociation.

M. Polak: D'acord. Vos changements apportent une amélioration au système actuel qui existe. C'est sans doute, parce que vous dites: Les parties s'en servent comme arme stratégique. Cela veut dire qu'elles se servent de cela parce qu'elles ont leurs intérêts. À ce moment, peut-être que le secteur des usagers en souffre.

M. Hétu: Et aussi la partie patronale. Je ne porte pas de jugement, à savoir lequel des deux l'utilise le plus comme arme stratégique, mais les deux parties le font.

M. Polak: À la page 6, peut-être pourriez-vous m'expliquer cela, quand vous dites que les parties les plus représentatives, la CSN et la FTQ, monopolisent à leur gré l'information sur le cours des négociations. Alors, il se développe des problèmes sérieux d'inégalité. Pourriez-vous expliciter cela un peu? Est-ce que cela veut dire que, parce que les deux "gros" s'en occupent, tout le monde en souffre?

M. Hétu: C'est pourquoi nous avons suqgéré qu'il existe un service d'information, comme je vous l'expliquais tantôt, ayant à négocier dans le secteur des affaires sociales ou du côté des employés municipaux, etc. Lors des négociations avec l'AHQ, le fait que nous n'ayons pas ces renseignements, l'AHQ s'en sert à sa faveur. Si on avait l'information par un canal officiel, à ce moment, on pourrait être sur un pied d'égalité avec l'AHQ, par exemple, ou l'Union des municipalités. C'est pourquoi nous demandions un service d'information, un canal officiel, qui nous fasse part des règlements, des conclusions auxquelles on en est arrivé lors des négociations.

M. Polak: À la page 16, vous parlez de la fixation des services essentiels et là, vous arrivez avec de nouvelles idées. D'abord, vous répétez qu'il faut que ce soit fait localement entre deux parties, ensuite vous parlez des protocoles-cadres et de la fixation de ces services qui doit être déterminée en dehors des périodes de négociation, sur une base permanente. Ensuite, vous continuez, à la page 17, en faisant la relation avec le Conseil sur le maintien des services essentiels. Ma question sur ces deux pages, 16 et 17, est la suivante: Vous n'acceptez pas un conseil qui devient une sorte de régie permanente, en dehors des parties, qui règle la situation une fois pour toutes. Vous dites, à la page 16, que le conseil ne dispose d'aucun pouvoir coercitif. Donc, est-ce que votre recommandation, quoiqu'elle ouvre la porte, n'est pas un peu faible? Est-ce qu'on ne pourrait pas aller un peu plus loin en disant: En cas de différend, c'est le conseil qui décide et tranche le débat?

M. Hétu: II faut éviter d'être trop général. Il faut être très concret, comme la commission le veut et le manifeste par ses questions. On a fait un bout de chemin depuis 1972. Qu'on continue un autre bout de chemin, mais en dehors du cadre coercitif. On l'a fait jusqu'à maintenant, alors qu'on le continue, mais qu'on se raffine un peu, qu'on développe des outils. C'est ce qu'on suggère. Qu'il y ait des outils additionnels de fournis aux parties pour qu'elles puissent progresser vers le grand objectif que vous poursuivez, c'est-à-dire la civilisation des rapports entre les parties lors de négociations. (23 h 30)

M. Polak: Pour résumer votre position en termes simples, on pourrait dire qu'elle est un peu entre la position des syndicats et celles de beaucoup d'autres organismes qui sont venus ici suggérer un conseil avec des dents. Vous êtes entre ces deux-là.

M. Hétu: On est opposé au conseil "avec des dents", pour prendre votre expression.

M. Polak: À la page 20, sur la conciliation, vous parlez de conciliation neutre. Pouvez-vous me dire la situation actuelle? J'apprends aussi, en parlant avec tout le monde et avec vous. Est-ce qu'actuellement ces conciliateurs sont des personnes au service du gouvernement?

M. Hétu: Dans l'expérience qu'on a eue, on s'en doutait. Je ne dis pas que c'était un piège qu'on tendait, mais on a placé la demande comme normalement on doit le faire lorsqu'il y a mésentente avec l'employeur. On s'est adressé au service de conciliation. Là, on nous a répondu qu'on ne voulait absolument pas toucher à cela. En d'autres termes, on disait que c'était une patate chaude et de trouver un autre moyen pour résoudre le problème. On s'est dit: Avec qui? Comment? Ma foi, si le service de conciliation gouvernemental ne veut pas s'en occuper, qu'on ait quelqu'un d'autre sur qui on peut se fier, qui soit accepté par les parties. À ce moment-là, lorsqu'on aura des problèmes, on pourra recourir à sa compétence...

M. Polak: Si j'ai bien compris, vous suggérez... Excusez-moi, continuez.

M. Hétu:... comme tierce partie pour nous aider à les résoudre. Cela va.

M. Polak: Si j'ai bien compris, vous suggérez la formation d'une sorte de banque composée de personnes qualifiées avec de l'expérience, mais neutres et acceptables aux deux parties.

M. Hétu: Exact.

M. Polak: Je trouve que c'est une suggestion fort intéressante et très positive, comme d'ailleurs beaucoup d'autres. À la page 21, vous parlez de griefs et d'arbitrages. Vous dites, à la fin de la page qu'il faudra diviser les arbitres en deux groupes, un pour le secteur privé et un pour le secteur public. Quelle était la raison de la division? Est-ce une question de spécialité des arbitres?

M. Hétu: Actuellement, une liste est déterminée pour fins d'arbitrage par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Cette liste est publiée dans ce qu'on appelle la liste annotée des arbitres de griefs. On se dit tout simplement, au lieu de se fier à une expérience qu'on a cas par cas avec des arbitres, que ce conseil puisse déterminer, indiquer lesquels ont dans leur histoire ou dans leur expérience une compétence de développée pour qu'on puisse les connaître concrètement et qu'on les sépare. Qu'on l'indique tout simplement.

M. Polak: II ne me reste pas beaucoup de questions, M. le Président, seulement trois ou quatre. Je suis déjà rendu à la page 25, à la fixation du salaire minimum. Vous parlez du salaire minimum strictement dans les secteurs public et parapublic, n'est-ce pas? Vous dites: On va prendre la moyenne dans l'industrie privée, et vous donnez des barèmes, des critères, le nombre d'employés, la nature des services, etc. Pourquoi avez-vous pris cette formule? J'ai toujours pensé que le secteur public était passablement bien compensé. Ne pourrait-on pas constater que la moyenne est peut-être moindre que ce qu'on pensait avoir?

M. Hétu: Généralement, dans le passé, au cours tout au moins des trois dernières négociations, ce qui a été connu beaucoup plus du public, quand on débattait la question salariale, ce qui était mis de l'avant, c'était le niveau de vie décent minimal. On parlait, par exemple, de 100$, etc. C'est dans ce cadre qu'on fait la proposition de la moyenne. Cette base a toujours fait l'objet de conflits. Par exemple, les 100 $, etc., ont toujours fait l'objet de conflits, parce qu'on ne s'entendait pas là-dessus. Sur quelle base allions-nous négocier les augmentations salariales? On parlait de niveau de vie décent et on parlait aussi d'augmentation salariale pour les autres catégories. Or, c'est dans ce contexte qu'on fait la proposition que vous venez de mentionner.

M. Polak: À la page 29, vous parlez du deuxième niveau de négociation, l'échelle sectorielle institutionnelle. Ai-je bien compris que vous dites, comme d'ailleurs d'autres mémoires l'ont dit qu'il faut diviser cela en secteurs, comme l'éducation, comme le ministre, je pense, l'avait dit? Est-ce bien l'idée en arrière de cela parce que les problèmes sont spécifiques à chaque secteur?

M. Hétu: Exactement.

M. Polak: Autre bonne suggestion. De la page 31 à la page 34, si j'ai bien compris votre mémoire, je pense que vous parlez un peu de ce que j'appelle un syndicat d'esprit européen, où on parle un peu, en termes américains, de "co-management", parce que vous suggérez plus ou moins - je trouve cette formule intéressante - que les travailleurs participent à l'organisation du travail, l'établissement de la politique du personnel, la planification. Vous demandez vraiment une participation beaucoup plus grande que ce qui existait; ces gens vont agir de manière responsable. Est-ce que c'est la formule dont vous parlez?

M. Hétu: C'est l'idée générale.

M. Polak: Avez-vous des exemples où

cela existe? Par exemple, est-ce que cela existe dans l'industrie privée ici, à Québec? Est-ce que cela fonctionne très bien, cette formule?

M. Hétu: Dans les affaires sociales, nous avons commencé, initié de telles démarches.

M. Polak: Et quels ont été les résultats jusqu'à maintenant?

M. Hétu: C'est en pleine négociation, en pleine discussion, en particulier dans un établissement, mais peut-être que les coupures budgétaires vont nous jouer des tours.

M. Polak: Ma dernière question, M. le Président. À la page 34, vous parlez de la stratégie d'implantation et vous dites: "la recherche d'un consensus social à la base". Je trouve cela intéressant, parce qu'il y a d'autres mémoires qui ont parlé, par exemple, d'un nouveau contrat social. Encore ici, est-ce que cela fait partie de cette nouvelle formule de coopération entre les deux parties, pour vraiment connaître mutuellement les problèmes majeurs?

Dans la même page, vous dites: "Tout accord doit reposer uniquement sur la bonne foi des parties et l'une d'entre elles peut le discontinuer en tout temps. " Comment suggérez-vous qu'on puisse le discontinuer? On commence la formule, mais vous donnez le droit à chacune des parties de dire: Cela ne fonctionne plus, je m'en vais. Qu'est-ce qui arrive avec l'expérience, à ce moment-là?

M. Hétu: Cette proposition est faite dans le cadre de la loi actuelle. La loi actuelle ne permet pas, en particulier la loi des services sociaux, de discuter si le directeur général ne le veut pas, par exemple, parce que dans la loi c'est une de ses responsabilités spécifiques. Si un établissement, par le biais de son directeur général, est d'accord pour qu'on fasse une telle expérience, à ce moment-là, il est évident que, dans sa nature même, elle sera illégale. Il faudra tout simplement un accord qui n'est pas dans le cadre, hélas, de la convention collective, mais un accord entre les deux parties pour qu'on fasse ces choses.

En dépit de cela, nous avons quand même négocié, dans des ententes locales, comme je vous l'ai dit au tout début, cette possibilité de le faire.

M. Polak: M. le Président, j'ai terminé mes questions. J'aurais juste une remarque finale au ministre, parce qu'il était absent temporairement quand j'ai posé ma première question, concernant la représentation de ce syndicat dans les plus hautes instances de la

CSST.

Vous vous rappelez peut-être que c'est moi qui ai demandé, quand on a étudié les crédits de votre ministère, comment il se faisait que ce syndicat n'est pas représenté. J'ai dû comprendre ce soir du président que c'est sous délibéré. Cela va être à considérer. Je ne voudrais pas vous prendre par surprise, mais vous faire part du fait qu'on a soulevé ce problème et peut-être avez-vous des bonnes nouvelles déjà. Je ne le sais pas.

M. Marois: D'ailleurs, M. le Président, je tenais à l'oeil le député de Sainte-Anne puisque, tout en étant absent de la salle, je regardais les travaux par le biais de la télévision, dans l'autre salle.

M. Polak: Excusez-moi. Vous avez bien compris?

M. Marois: J'ai pris bonne note de vos commentaires.

M. Hétu: Et que j'ai bien répondu en votre nom.

M. Polak: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques et j'invite maintenant les représentants de l'Association des médecins du Québec pour le respect de la vie à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

J'informe les membres de la commission qu'il est 23 h 43. Il est possible que nous ayons à dépasser un peu minuit qui, normalement, met fin aux travaux des commissions. Je demande donc le consentement des membres de la commission pour poursuivre, si nécessaire, au-delà de minuit. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Cela va.

Association des médecins du Québec pour le respect de la vie

Le Président (M. Rodrigue): II y a consentement. Dr Jutras, c'est vous qui présentez le mémoire. J'aimerais, d'abord, vous inviter à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, ensuite, à nous présenter votre mémoire.

M. Jutras (René): À ma droite, le Dr Jacques Tremblay et, à ma gauche, le Dr Benoît Légaré qui est le deuxième vice-président de l'association.

La CSD était le "number three" et nous sommes le "number eight". Alors, vous allez nous excuser si on allonge ainsi cette journée, mais je dois vous confesser que mon

groupe et moi-même sommes ici depuis dix heures ce matin, tel qu'on nous a demandé de le faire. Nous allons essayer d'aller très vite. Notre rapport n'est pas long, il est court. J'avais promis un rapport de sept minutes quand on m'a donné la permission de venir et on va essayer de le maintenir dans ces sept minutes, si possible. Nous arrivons avec des opinions assez différentes de ceux qui nous ont précédés; j'espère que personne n'en sera blessé et que tout le monde va accepter au départ que nous sommes de bonne foi.

M. le Président, nous venons témoigner devant vous, aujourd'hui, au nom de l'Association des médecins du Québec pour le respect de la vie. Vous comprendrez que le sujet sur lequel se penche votre commission nous concerne et nous préoccupe au plus haut point. D'autre part, n'étant pas une organisation syndicale, n'ayant aucun intérêt politique ni pécuniaire à promouvoir, nous croyons que notre association est bien placée pour exprimer ici une opinion et formuler des suggestions qui reflètent un large et majoritaire consensus parmi nos confrères médecins. Par ailleurs, permettez-nous de vous dire que nous sommes très familiers avec le problème que vous étudiez présentement, en particulier le lecteur de ce mémoire, qui est attaché à l'hôpital qui a connu le plus grand nombre de grèves générales au Canada, soit six en dix ans, sans compter de nombreux débrayages subits et guelques parades intra muros. Nous passons l'éponge.

Le soin des malades n'a jamais été, n'est pas et ne sera jamais un travail à la chaîne. La particularité de la personne soignée s'imposera toujours pour modifier la standardisation sans cesse convoitée. C'est pourquoi il est anormal qu'il soit traité sous l'angle des relations de travail, de la même façon ou avec la même approche que pour les autres secteurs de la fonction publique.

À l'appui de cette affirmation, disons d'abord que le travail du professionnel de la santé, à tous les échelons, mais surtout pour le médecin, comporte une portion qui relève de l'art et n'est pas quantifiable monétairement. En corollaire, le médecin et ses collaborateurs ne sauraient donc faire du gain monétaire un objectif plénier et absolu au point de recourir à la grève pour l'atteindre. Quand ils le font, ils renient une partie d'eux-mêmes.

Mais notre propos va plus loin. En effet, le secteur hospitalier se distinque nettement des autres du fait qu'une forte proportion de son embauche concerne des personnes qui sont déjà liées par un code d'éthique et un serment professionnel, lesquels sont incompatibles avec le recours à la grève dans leurs légitimes revendications salariales. C'est le cas des médecins, des infirmières et infirmiers et, à un degré moindre, des infirmières auxiliaires.

Le respect du code d'éthique par ces deux groupes professionnels est d'importance vitale tant pour le climat moral d'une société que pour les malades. Ainsi, quand le ministre du Travail - il y a peut-être une réserve ici, on l'a peut-être mal compris -parle de conflit entre deux droits égaux, celui de grève pour les employés et celui de service pour le citoyen, sa remarque ne peut pas s'appliquer au secteur hospitalier; si évidemment il a dit ça. Nous avons peut-être confondu avec des déclarations du Dr Pierre-Marc Johnson à ce sujet.

Il n'y a aucun rapport d'égalité entre le médecin nanti et dominateur que vous croyez que nous sommes, la "gorgeous" et prospère infirmière qui l'accompagne et le malade, blanc comme ses draps, à demi mort de peur. Nous caricaturons un peu, mais nous sommes certains que l'honorable ministre sera d'accord avec nous pour proclamer la priorité évidente des droits des malades en cas de conflit hospitalier. Or, dans toutes les grèves que nous avons vécues, cette priorité du droit des malades a été entièrement bafouée et nous ne voyons pas du tout qu'il puisse en être autrement dans les autres à venir. (23 h 45)

II y a aussi une autre motivation qui justifie davantage l'abolition du droit de grève et qui ne semble pas entrer dans votre façon de pondérer les enjeux: les prodromes et les épilogues. Les prodromes sont les manifestations syndicales à l'intérieur des hôpitaux durant les deux ou trois mois qui précèdent une grève. Ils servent principalement à conditionner les futurs grévistes pour le jour J. La sérénité du personnel, la tranquillité des malades et la qualité des soins en prennent toujours toujours toutes pour leur rhume.

Quant aux épilogues, il s'agit des conséquences à long terme des grèves. Ils se produisent à deux niveaux: sur le plan thérapeutique et sur le plan cohésion du travail. Dans le premier plan, il s'agit du retard inévitable du traitement de maladies dont le dépistage a été différé. Dans le deuxième plan, il s'agit du syndrome collectif du lendemain de la fête. Nous voulons dire toutes les envies, toutes les haines, toutes les malices et tous les harcèlements qui continuent, après la rentrée au travail, à déchirer les équipes soignantes tant féminines que masculines. Il a souvent fallu plus d'un an, à l'hôpital où je suis attaché en particulier, pour récupérer un climat de travail serein.

Je conviens qu'il est difficile d'évaluer exactement l'importance de ces effets à long terme des grèves, mais il n'en sont pas moins une donnée qui doit figurer dans vos éguations car c'est toujours le malade qui en souffre.

Quant à nous, nous avons appris qu'une grève en milieu hospitalier est essentiellement une manifestation de barbarie et nous croyons que ce droit à la grève doit être tout simplement aboli. Par contre, nous souscrivons aux différents mécanismes de règlements qui ont été suggérés ici par d'autres groupes pour compenser un indéniable affaiblissement de la force de frappe de la partie syndicale si elle perd son droit de grève.

La suppression du droit de grève pourrait être préparée graduellement sur deux plans. Nous savons que cela ne peut pas se faire immédiatement. Le premier plan, c'est le plan pédagogique. Au plan pédagogique, on devrait informer dès l'inscription les élèves dans les cégeps qui se dirigent vers les sciences de la santé pour devenir infirmiers, infirmières ou médecins que leur syndicalisation future sera démunie du droit de grève. Au plan de l'embauche, toute personne, infirmier, infirmière, médecin et autre participant à l'action thérapeutique postulant un emploi dans un hôpital, devrait signer un contrat individuel par lequel elle s'engage à renoncer au droit de grève en cas de conflit syndical.

Toutefois, M. le Président, en raison de multiples contingences politiques que nous comprenons, nous sommes conscients que, très malheureusement, pour une longue période, il faudra probablement s'accommoder du droit de grève dans les hôpitaux. Il faut donc, pour l'immédiat, rechercher des mesures palliatives. À ce chapitre, l'histoire des soins essentiels, malheureusement, nous avons perdu la foi, nous n'y croyons pas. Nous avons vécu l'expérience plus que toute autre personne dans cette salle. Si cette expérience avait été positive, elle aurait prouvé que 90% du personnel hospitalier est de trop. C'est mathématiquement impossible.

D'autre part, en matière de soins hospitaliers, qui peut déterminer ce qui est essentiel ou non? Personne. Ni les médecins, ni les infirmières, encore moins les "laïcs", encore moins les commissions et encore moins les syndicats. Il n'y a qu'une loi qui tienne en cette matière: Toujours faire le mieux possible, toujours viser l'excellence avec les moyens du bord. À cet égard, je dois rappeler que, lors des grèves en milieu hospitalier, c'est toujours le personnel-cadre qui a pris la relève à main levée et tant bien que mal. Les malades ont été soignés, mais ils ont payé nécessairement de leur personne. C'est automatique, il ne faut pas rêver; une grève, cela blesse les malades tout le temps et je vous expliquerai plus loin pourquoi.

Le problème des soins essentiels a toujours été une source continuelle de disputes, d'injonctions, de chicanes qui ont toujours mené à rien. Or, au lieu de rêver à une éventuelle entente sur les soins essentiels que personne ne peut exactement définir et de rêver plus profondément - c'est presque du somnambulisme - que cela va être respecté, au lieu de créer une régie permanente telle que suggérée par le patronat, nous suggérons au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu de repenser plutôt la définition de "cadre" dans le milieu hospitalier et de rouvrir le dossier avec les syndicats.

Le personnel hospitalier dans les unités de soins est très insuffisamment hiérarchisé dans les hôpitaux du Québec. Des postes d'assistantes hospitalières chefs devraient être créés sur les trois "chiffres" - excusez l'anglicisme; c'est un mot courant chez nous - et ces postes devraient être considérés comme cadres. Il est tout à fait anormal qu'au Québec, dans une unité où oeuvrent 22 infirmières et infirmières auxiliaires, il n'y ait qu'un seul cadre, soit l'infirmière-chef. Je parle de cadre clinique.

Nous estimons qu'il devrait y avoir un cadre clinique par cinq ou six professionnels au travail dans ce département. Si on augmentait le nombre de cadres cliniques, avec une bonne négociation avec les syndicats, quand surviendrait une grève, tout serait réglé d'avance, les cadres prendraient la relève comme d'habitude et l'essentiel de ce qui peut être fait le mieux possible se ferait. Il n'y aurait pas lieu d'avoir des négociations sur le champ de bataille, pendant que la bataille fait rage, ce qui rend les négociations très difficiles.

Cette formule que nous vous suggérons comporte des avantages. Il y a peut-être des inconvénients, mais j'énumère les avantages. Premièrement, elle est très peu coûteuse pour le gouvernement, parce qu'un cadre clinique coûte moins cher qu'un cadre administratif. Un cadre clinique est beaucoup plus efficace auprès des malades qu'un cadre administratif, lequel est perdu dans les départements. On l'a vu, on a vécu ces choses. Un cadre clinique serait plus rassurant pour les malades car, souvent, ils se connaissent déjà.

La négociation sur le nombre de cadres cliniques nous paraît plus facile parce que plus concrète que la négociation sur les soins essentiels que personne ne peut définir exactement. La diminution récente et substantielle des cadres administratifs, que nous applaudissons, dans le vaste programme de restrictions budgétaires, devrait disposer les chefs syndicaux à rouvrir le dossier de la définition de cadre pour l'élargir à celle de cadre clinique.

D'autre part, dans le présent contexte social où le retrait du droit de grève dans les hôpitaux semble impossible ou très difficile, nous demandons tout au moins, au gouvernement de réglementer son exercice pour le rendre plus démocratique et réduire

à sa juste importance l'action des forts-en-gueule et des forts-à-bras. Il n'y a pas seulement Dédé Desjardins qui a un comité exécutif opérant!

Nous estimons, étant donné la gravité des enjeux, qu'un vote de grève dans un hôpital devrait recueillir au moins 75% des suffrages totaux des membres d'un syndicat, non pas seulement des membres présents, pour être valide et autoriser une grève légale.

Nous estimons que ce vote doit se dérouler sous la surveillance d'un comité composé d'un membre du Conseil des médecins et dentistes, d'un membre délégué du personnel-cadre de l'hôpital, du représentant des malades et d'un membre délégué du ministère du Travail.

Nous estimons que ce comité doit procéder conjointement à la compilation des bulletins de vote avec les dirigeants syndicaux.

C'est peut-être à ce point que je tiendrais le plus, les autres sont discutables, mais nous estimons que le gouvernement devrait limiter le piquetage à deux personnes par entrée à l'hôpital et interdire toute obstruction au passage des proches parents des malades et toute intimidation. L'hôpital, je vous le rappelle, est un bien du peuple et, dans le passé, le piquetage des syndiqués s'est avéré une véritable confiscation des lieux.

En terminant, nous réitérons notre demande au gouvernement d'abolir le plus tôt possible le droit de grève dans les hôpitaux. Messieurs les membres de la commission, M. le Président, nous vous remercions d'avoir daigné nous recevoir à la dernière minute.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie, M. Jutras, et je cède la parole au ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des médecins du Québec pour le respect de la vie et son porte-parole, le Dr Jutras, de leur mémoire et d'avoir bien voulu venir nous rencontrer. Avec votre permission, je céderais mon droit de parole à mon collègue de Beauharnois, qui a examiné le mémoire.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Dr Jutras, tout d'abord, j'aimerais savoir combien votre association regroupe de membres. C'est ma première question.

M. Jutras: Au-delà de 4000 membres de l'association ont signé le manifeste de Jérôme Lejeune. Je dois vous dire qu'il y a beaucoup plus de médecins qui adhèrent à notre façon de voir. Je suis convaincu que la majorité des médecins y adhère. Cela ne veut pas dire qu'on a l'unanimité, mais je crois qu'on a un consensus majoritaire.

M. Lavigne: Quand on examine votre mémoire, Dr Jutras, on voit qu'il est à peu près complètement opposé ou même radicalement opposé à presque tout l'ensemble des mémoires qu'on a reçus. Cela ne veut pas dire que vous n'avez pas droit de cité et qu'on ne prendra pas le temps de l'examiner comme il faut...

M. Jutras: J'en suis convaincu.

M. Lavigne: La démocratie, essentiellement, c'est de permettre à chacun et chacune de pouvoir s'exprimer, particulièrement lors d'une commission parlementaire comme celle-ci.

Il y a quand même à la page 2 une différence très marquée entre l'appréciation que vous faites des services essentiels par rapport à ce que d'autres en font. Je n'ai pas lu exactement, mais vous ne croyez pas finalement, aux services essentiels. Vous dites qu'en temps de grève les malades sont bafoués, qu'il n'y a à peu près rien de respecté.

Quand, par contre, on a interrogé d'autres intervenants avant vous, la semaine dernière et en début de journée, il y a eu plusieurs questions insistantes là-dessus de la part de l'Opposition. Je sais que M. Rivest et Mme Lavoie-Roux ont insisté sur ce point. Je voudrais savoir exactement et concrètement comment cela se passe dans un hôpital en période de grève.

Des gens nous ont à peu près assurés, à part quelques cas isolés, certains rapports ont pu noter que les services essentiels, finalement, étaient respectés et que les malades n'étaient pas bafoués ni privés de soins, comme vous semblez le mentionner dans votre document.

Avez-vous des cas bien particuliers à nous citer pour essayer de nous démontrer, sur le terrain, parce que vous y êtes, comment cela se passe exactement et à quel point les malades sont privés de services et bafoués en temps de grève? Voilà ma première question.

Quand vous parlez et vous insistez... vous semblez laisser le morceau vers la fin de votre mémoire, quand vous nous demandez d'abolir le droit de grève. Vous semblez presque, à la fin de votre mémoire, dire: Tenant compte des conjonctures, vous ne croyez pas à la possibilité de cela et vous essayez de faire un réaménagement.

Je voudrais vous poser la question, je l'ai posée à d'autres. Il y a quand même un travail qui s'est organisé, depuis un certain nombre d'années, à partir des expériences vécues. Un mécanisme s'est établi. Or, je me pose sérieusement cette question. Je vous la

pose à vous aussi: Est-ce que ce ne serait pas plus risqué de s'aventurer vers l'abolition du droit de grève pour, finalement, connaître - je ne le souhaiterais pas - des qrèves illégales, non organisées, non planifiées, avec aucun service essentiel prévu? Le cas échéant, j'aurais l'impression que les malades risqueraient beaucoup plus gros que si le droit de grève est maintenu et qu'un mécanisme se huile d'une convention à une autre et s'améliore semble-t-il au dire de plusieurs intervenants.

Quand on compare les grèves passées à la dernière, plusieurs ont insisté sur le fait qu'il y avait eu de grandes améliorations, même si tout n'est pas parfait. C'est une inquiétude que j'aurais, personnellement, de prendre une décision aussi radicale que celle d'enlever le droit de grève dans les centres hospitaliers, de peur, justement, qu'on pourrait outrepasser la loi qui enlèverait le droit de grève et de s'aventurer dans une grève où on mettrait la clé dans la porte et on s'en va, les malades, on les laisse là.

Par contre, il y en a qui disent, du côté des syndicats et des syndiqués, que ce sont des gens qui ont une conscience professionnelle et qu'ils ne feraient peut-être pas cela ainsi, même s'ils n'avaient pas le droit de grève.

C'est un gros point d'interroqation qui m'inquiéterait si on décidait d'enlever le droit de grève. J'aimerais vous entendre commenter là-dessus tout à l'heure.

Quand on tourne la page et qu'on arrive à la page 3, vous parlez du retour des employés après la grève. Vous citez même l'exemple d'un hôpital dans lequel vous avez travaillé - l'hôpital d'Arthabaska - où il a fallu près d'un an avant que le climat ne revienne à la normale et que les gens puissent arriver à se regarder et à se sourire. (minuit)

Je vois un peu, dans le texte, le portrait que vous en faites. Maintenant, je me dis qu'advenant le cas où il n'y a pas droit de grève et que, finalement, il y a une convention collective qui est signée sans qu'elle soit à l'entière satisfaction des employés, pensez-vous que, le lendemain de la signature d'une nouvelle convention collective qui ne satisferait pas l'ensemble des travailleurs, on ne risquerait pas, là aussi, d'avoir un mécontentement généralisé dans l'hôpital ou dans les centres d'accueil, avec des employés qui sont plus ou moins prêts à faire un bon travail et que même, je pense, sans la grève, sans vivre une grève, il suffirait qu'une convention collective ne satisfasse pas les employés pour vivre peut-être un peu cette situation? Donc, c'est encore là pour moi un point d'interrogation. Ce qui me fait dire aussi la même chose, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement en enlevant le droit de grève qu'on aurait des visages souriants le lendemain d'une convention collective.

Quand on lit un peu plus bas, vous nous dites: Quant à nous, nous avons appris qu'une grève en milieu hospitalier est essentiellement une manifestation de barbarie et nous croyons que ce droit à la grève doit être tout simplement aboli. Par contre, nous souscrivons aux différents mécanismes de règlement qui ont été suggérés ici par d'autres groupes. Vous souscrivez aux mécanismes. Il y a eu plusieurs formes de mécanismes qui ont été suggérés par d'autres groupes, mais vous ne spécifiez pas, dans votre texte, si vous en privilégiez un plutôt qu'un autre. Est-ce qu'à ce moment, vous avez un mécanisme ou une forme que vous privilégiez plutôt qu'un autre?

Ensuite, quand on regarde la préparation graduelle de l'abolition du droit de grève, j'ai de la difficulté à imaqiner que, par exemple, les jeunes infirmières ou les jeunes qui sont au niveau de leurs études, qui se préparent à aller travailler dans les hôpitaux, qui se préparent à donner des soins de santé à une population, on pourrait leur faire signer, préalablement à leur certificat, avant même qu'ils entrent dans le milieu du travail, si j'ai bien compris votre texte, une espèce de contrat à travers lequel ils accepteraient de ne pas reconnaître le droit de grève dans leur travail ou leur association.

Maintenant, advenant le cas où on mettrait ça en vigueur, j'essaie d'imaginer de jeunes infirmières qui ont signé ce contrat et qui, après leur cours d'étude, s'amènent dans un hôpital. Elles sont, au bout d'un certain temps, 10, 15, 20 ou 30 personnes, infirmiers, infirmières, peu importe à quel niveau elles travaillent. Comment ces gens aqiraient-ils advenant le cas où il y aurait une grève qui se déclencherait? Les anciens employés, ayant encore le droit de grève, font la grève et les nouveaux employés qui auraient signé ce contrat, est-ce qu'ils s'en iraient chez eux pour ne pas avoir l'air de "scabs" auprès de leurs confrères? Est-ce qu'ils continueraient à travailler? J'aimerais que vous puissiez me définir, me dire comment ça se passerait advenant le cas où ça se présenterait.

Ici, c'est encore un peu la même chose. Cela recoupe les "scabs". J'aimerais cela aussi que vous me définissiez un peu plus le cadre - comment l'appelez-vous? - clinique. Quelle est exactement, pour un profane comme moi, la différence entre un cadre clinique et un cadre tout court? Qu'est-ce que cela viendrait chanqer advenant le cas où on privilégierait des cadres cliniques plutôt que des cadres tout courts au moment d'une grève? Est-ce que le cadre clinique ferait partie de l'entente ou de la liste syndicale qui serait déposée pour assurer les services essentiels? Si oui, je comprendrais

qu'un cadre clinique a une formation professionnelle lui permettant de donner davantage des soins de santé aux patients plutôt que simplement une secrétaire ou une téléphoniste qui ne connaît pas ce qu'est une injection ou comment soigner un malade. Je comprendrais, si c'est ça que vous voulez dire, qu'on pourrait favoriser peut-être les cadres cliniques plutôt qu'une personne qui ne serait pas ou qui serait moins bien habilitée à donner des soins de santé.

Ce sont là, Dr Jutras, les quelques interrogations, les quelques questions que je me suis posées à la lecture de votre document. J'aimerais que vous puissiez les commenter.

M. Jutras: Vous allez m'aider un peu parce que je ne peux pas me souvenir de toutes vos questions. La première question que vous m'avez posée exactement, parce que là vous êtes rendu loin et je ne fournissais pas d'écrire... il me fallait écrire et écouter en même temps.

M. Lavigne: II s'aqissait de commenter. Parce que par rapport à d'autres personnes qui sont venues ici, quand vous parlez des services essentiels en temps de grève, vous ne reconnaissez pas qu'il y en a. Ou s'il y en a, de toute façon, les malades sont bafoués, tout cela, quand en fait d'autres sont venus ici qui disaient que les services essentiels étaient quand même respectés.

M. Jutras: Voici, vous parlez des services essentiels, puis j'ai remarqué dans vos discussions depuis le début de la journée que vous accordez beaucoup d'importance, M. Rivest en particulier, aux détails sur des malades qui auraient pu souffrir ou même mourir à la suite du manque de services essentiels dans l'hôpital. Il aurait aimé avoir des cas et des statistiques. Je pense que je ne les trouverai jamais, ces statistiques; ce n'est pas trouvable. On ne peut pas se souvenir de tout ce qui est arrivé. C'est depuis 1966 que je connais le problème vous savez.

Quand il y a une grève dans un hôpital, il reste les cadres, quelques infirmières, quelques "scabs" qui ne veulent pas faire la grève non plus. Il y en a pour qui c'est peut-être par intérêt et pour d'autres c'est par conscience professionnelle. Il faut donner le bénéfice du doute à tout le monde. Et puis, il y a un piquetage qui s'installe autour de l'hôpital. La petite fille de quatre ans qui recevait son père tous les jours, qui venait la faire souper, là il ne peut plus venir. La patiente adulte est coupée de sa parenté au moment où elle a subi une opération peut-être importante. Est-ce des soins essentiels la visite des parents? Personne ne va dire qu'on a besoin de cela pour quérir. Mais qui paie dans ce temps-là? C'est le malade. Vous créez une situation de fait qui est absolument anormale. Il faut voir la détresse d'un enfant, moi je l'ai vécu. J'ai vu des dizaines d'enfants qui étaient privés soudainement... Allez donc leur expliquer qu'est-ce qui se passe à ces enfants de trois ans, quatre ans, cinq ans, six ans. Ce n'est pas le manque de remèdes, ce n'est pas le manque d'infirmières, si vous voulez. Mais la grève les coupe de leur lien parental extérieur. C'est la même chose pour les malades dans les départements, les malades mentaux qui ont besoin de la visite de leur entourage quand le psychiatre autorise qu'ils viennent. Puis banc! c'est fini, ils ne peuvent plus recevoir personne et ils ne savent pas pourquoi. Ils n'ont peut-être pas toujours accès au téléphone pour pouvoir communiquer avec la famille. C'est un des gros problèmes du piquetage et un des gros problèmes de la grève, un effet qui passe inaperçu pour tout le monde. C'est pour vous prouver que n'importe quelle grève, arrangez-la comme vous voudrez, cela va blesser les malades. C'est impossible qu'il en soit autrement.

Ensuite, faites un peu de mathématiques avec moi. Il y a 1200 employés qui travaillent à Arthabaska, il y a 303 lits de malades dont 30 sont des lits à long terme. Les soins ordinaires, cela prend 1200 personnes. Tout d'un coup on déclare la grève. C'est sûr que les hôpitaux, aujourd'hui, voient venir les coups et ils demandent aux médecins de ralentir puis de vider et de vider le plus possible. On vide l'hôpital, on retarde les admissions, on retarde des investigations. Et si on faisait enquête sur ce qui s'est passé, on verrait des gens qui devaient venir subir une opération... Par exemple, un malade qui doit subir une ablation partielle de l'estomac parce qu'il y avait un ulcère qui ne voulait pas guérir, ou autre chose, deux ou trois mois après la grève, il vient subir une ablation de l'estomac parce que là c'est un cancer qu'il a. Alors, ce n'est plus la même affaire. Quel tort la grève lui aura fait subir? Difficile à évaluer. Peut-être que ce n'est pas à cause de la grève que cela a retardé, peut-être que c'est à cause de la grève. Bien des gens n'ont pas consulté le médecin parce que cela ne sert à rien d'y aller, l'hôpital est fermé. Alors, ils retardent. C'est cela le dépistaqe retardataire des maladies. Ce n'est pas une bonne affaire pour personne.

Mais le point principal - sur lequel j'insiste, moi - c'est surtout la ligne de piquetaqe, parce que j'ai vu des scènes assez déplorables, des scènes qui ont failli se terminer devant le tribunal. L'enfant qui arrive dans une ambulance, puis qui se fait stopper, parce que les qrévistes veulent inspecter l'ambulance pour voir s'il n'y a pas des infirmières de cachées dedans. Cela a pris 15 minutes et il a failli mourir dans la salle d'urqence parce que c'était un

accidenté et il saignait comme un cochon. Est-ce assez clair? Il a été sauvé. Le père était furieux, moi je l'ai calmé. Je lui ai dit: Ton enfant a tout eu à temps, c'est pas 15 minutes qui auraient fait la différence. Je lui ai dit: Tranquillise-toi, il est sauvé et cela va bien aller. Supposons qu'on ne l'aurait pas eu à temps, que notre pinte de sanq ne serait pas arrivée assez vite? C'est cela. C'est dangereux. On joue avec le feu quand on fait une grève. On joue avec le feu, autant nous, quand on s'implique, que le gouvernement et aussi les grévistes qui jouent avec le feu. Vous ne pouvez pas arranqer cela autrement.

Je ne pense pas que 75 personnes peuvent, du jour au lendemain, assurer des soins convenables. Je ne parle pas de soins essentiels, je parle de soins convenables. C'est le plus qu'on puisse faire quand il y a une grève. Des soins essentiels; je vous le dis, il n'y a pas de définition de soins essentiels. Il n'y en aura jamais. On ne sait pas ce qui peut être essentiel et ce qui ne l'est pas dans le soin des malades. Mettez-vous cela dans la tête. C'est un calcul abstrait que vous faites. Vous avez un terme concret que personne ne peut concrétiser. Je vous parle de malades que j'ai vus sur les départements, des bébés que j'ai vu pleurer, des jeunes enfants que j'ai vu pleurer. Ils ne savent pourquoi leur père vient et dans cela, il y a tous les drames familiaux qui s'y mêlent. Aujourd'hui, la vie familiale, ce n'est pas de toute tranquillité. Ce n'est pas toujours rose. Il y a des parents qui ne vivent pas ensemble. Le père vient voir son enfant et le lendemain, c'est la mère qui vient, parce qu'ils ne vivent pas ensemble. Tout à coup, c'est fini. Le petit gars n'a plus de visite. Personne ne vient.

Il faudrait, si vous voulez que cela blesse moins, qu'il n'y ait pas de liqnes de piquetage. Les grévistes ont dit: Si on n'a pas de liqnes de piquetage, c'est comme si on n'avait pas le droit de grève. Ce n'est pas de la grève. Il faut bien qu'ils surveillent les entrées de l'hôpital pour savoir si les briseurs de grève sont passés. Vous savez cela comme moi. Ils vont crier au bris de leur droit. Vous n'êtes pas capables. Je vous mets au défi. Faites toutes les recherches que vous voudrez pendant des années, vous ne trouverez jamais une façon humaine de faire une grève dans les hôpitaux. C'est impossible. Mes deux mains dans le feu. C'est impossible. Ne rêvez pas.

Vous êtes en face d'une réalité. On a donné le droit de grève. J'en ai vécu six en moins de dix ans dans mon hôpital. On a parlé d'humanisme. Je vous ferai remarquer une chose. Je pense que je suis pas mal plus vieux que vous tous ici. Ceux qui ont fait la grève à l'hôpital d'Arthabaska en 1966... La première grève au Canada dans un hôpital s'est faite chez nous, une grève sauvage, sans avertissement. À 11 heures du soir, un soir de janvier, par un froid de 40 en bas de zéro, l'administration reçoit un appel: Les ouvriers débraient à minuit. Il y avait 303 malades dans l'hôpital. C'était paqueté de grands malades et, en pédiatrie, on était surchargé. J'ai été appelé de nuit. Je suis arrivé à l'hôpital. On a rejoint les médecins. Les médecins sont venus prêter secours la nuit. Ils n'ont pas hésité. Parfois, ils sont humains, les médecins. Je vous dis cela en passant parce qu'on est souvent l'objet d'accusations de toutes sortes, dernièrement. C'est le temps aussi qu'on pense que les médecins peuvent être humains parfois.

En tout cas, on était là. On a pris la relève. C'est la grève la plus sauvaqe qui ait été faite au Canada. Cela a été une urgence extrême. Il a fallu noliser environ 50. ambulances, de nuit, pour pouvoir transporter les malades à Drummondville, à Thetford-Mines, à Sherbrooke et quelques-uns à Sainte-Justine, les plus qraves qu'on avait en pédiatrie, un grand dérangement, une scène d'Apocalypse. Ce n'est pas compliqué. Si vous aviez vu le monde qu'il y avait là. Les parents arrivaient en détresse pour sortir leur enfant. Cela a été un fouillis total. Cela a été pire un peu que les autres, parce que c'est la première fois qu'il se faisait une grève dans un hôpital. Tout le monde a été pris par surprise, parce que personne ne pensait que c'était possible. Je le sais. Je reviendrai sur ce sujet tout à l'heure.

Vous m'avez parlé d'illégalité. Il y a deux façons de voir les choses. Celle que vous voyez, vous avez peur qu'il y ait des grèves illégales, qui pourraient être pires que des qrèves léqales, parce que vous pensez que la grève illéqale va venir subitement comme celle que je viens de vous raconter. Ce n'était pas légal de faire des qrèves dans ce temps-là, c'est-à-dire que c'était légal de faire des grèves, ils avaient le droit de faire des grèves, mais ils n'avaient pas respecté les délais. Ils l'ont faite d'une façon sauvage. C'est ce qui était illégal.

M. Lavigne: Je m'excuse de vous interrompre un peu, Dr Jutras. C'est cela, peut-être, la différence entre la grève que vous venez de nous décrire en 1166, parce que les gens des hôpitaux venaient d'obtenir le droit en 1965 ou en 1964...

M. Jutras: Exactement. (0 h 15)

M. Lavigne:... et il ne s'était pas développé cette espèce de mécanique dont je vous ai parlé, qui s'est développée depuis le temps et qui fait qu'à mon avis... En tout cas, je ne sais pas si en décrivant la grève d'Arthabaska de 1966, par rapport à la dernière grève qu'on a eue, sans prendre parti pour un côté ou pour l'autre et sans avoir vécu moi-même dans les hôpitaux

comme vous y avez vécu, je pense que, honnêtement et objectivement, ça n'a pas été aussi sauvage, ça n'a pas été aussi dramatique à cause du fait qu'il y a cette espèce, je dirais, d'habitude. C'est à cause d'une meilleure compréhension dont on a tellement parlé que s'est développée cette espèce de mécanisme qui fait qu'aujourd'hui on n'est plus pris à brûle-pourpoint, comme vous l'avez mentionné dans le cas d'Arthabaska en 1966, ça s'est préparé d'avance et des services essentiels ont été planifiés.

M. Jutras: Vous avez raison quand vous dites que c'est moins traqique et que c'est moins pire; on s'habitue à tout. Mais ça ne chanqe pas le caractère des choses, ça demeure inhumain à cause de ce que je vous ai décrit. Cette blessure insidieuse à chaque malade, dans un hôpital, qui perd soudainement sa sécurité, qui ne sait pas ce qu'il va advenir de lui, et au jeune enfant qui, lui, ne comprend rien et qui perd son contact familial, vous n'êtes pas capable d'arranger ça.

Je reviens à l'histoire de ta grève illégale. Je prétends que, nous, les médecins, on a un serment d'office à respecter et qu'on n'a pas le droit de faire une grève dans les hôpitaux, ni même dans notre pratique en groupe. Si on n'est pas content, qu'on s'en aille ailleurs; d'accord, on a le droit de faire ça, mais, si on est en place, on a un serment d'office qui nous lie et la grande majorité des médecins le respectent. Les infirmières aussi ont un serment d'office. Il y a une bonne proportion des infirmières qui croient au serment d'office. Peut-être les plus âgées y croient-elles plus que les plus jeunes. Peut-être qu'on ne l'a jamais montré aux plus jeunes. Dans les cégeps, ce n'est pas la même chose que dans les écoles d'infirmières qu'on avait autrefois; la mentalité est différente. Il reste qu'il est là quand même, ce serment d'office.

Je me dis que, si la grève est illéqale, si le gouvernement décide que, dorénavant, dans le secteur hospitalier, les qrèves seront illégales, ce sera beaucoup plus difficile pour les syndiqués de recourir à la grève. Cela peut bien arriver qu'ils aillent quand même en grève, bien sûr, mais ce sera très décourageant pour eux d'en faire une. De plus, je prétends que le recours à la grève chez les syndigués est peut-être un peu moins populaire qu'avant. Les conditions de travail dont ils bénéficient les découragent peut-être encore plus maintenant de faire une grève, parce qu'il faut convenir entre nous qu'ils sont bien traités. Tout de même, il y a des limites. Ils sont tellement bien traités que les histoires de piquetage à l'entrée des hôpitaux, je vous avertis, c'est dangereux. Il y a des gens qui sont plus méchants que d'autres, il y a des gens qui sont plus coléreux que d'autres. C'est là que les émeutes commenceront.

Je me mets dans la peau d'un petit ouvrier de Victoriaville qui travaille dans une manufacture de meubles à un salaire, peut-être, de 6 $ l'heure, alors que le qréviste, à la porte, l'infirmière, l'infirmier ou encore l'homme de ménage qui a un plantureux salaire à côté de lui veut s'interposer entre lui et son fils, qui est en haut, au neuvième étaqe en pédiatrie. C'est danqereux. C'est là qu'éclateront les bagarres. Il y en a déjà eu, d'ailleurs, à Arthabaska, la bagarre a failli éclater. Ce n'est pas tout le monde qui aime se faire barrer la porte.

Je vais vous rappeler une chose. Vous parlez de démocratie, mais il y a des maudites limites, comprenez-vous? À qui appartiennent ces hôpitaux? Qui a payé pour construire ces hôpitaux? Qui paie les salaires de ces employés qui sont bien traités? C'est le temps de se poser des questions un peu. C'est le temps d'arrêter de jouer aux qrands démocrates. Les hommes, les pères de famille, je dis qu'ils ont le droit de voir leurs enfants tant qu'ils le veulent. Depuis 1968, mon département de pédiatrie est ouvert 24 heures par jour aux parents. Cela a été le premier département de pédiatrie au Québec à faire ça. Le père qui quitte son quart de travail à minuit a le droit de venir en pédiatrie embrasser son enfant qui dort. À 4 heures, sa mère a le droit de venir le faire souper si elle veut; ils peuvent venir le matin, s'ils le veulent. Il n'y a pas d'heure; c'est ouvert 24 heures par jour. Notre affaire est limpide en pédiatrie. C'est la plus belle affaire qu'on ait jamais faite. On n'a jamais eu d'encombrement de départements; au lieu de voir arriver une foule à ? heures pour partir à 4 heures; il en vient tout le temps et on ne s'en aperçoit pas. Les gens viennent travailler avec les infirmières, les parents viennent aider. J'ai vu 1000 fois des mères bercer un autre enfant que le leur dans les corridors.

C'est de cette façon que ça marche en pédiatrie. Quand vous arrivez avec un mécanisme, que vous voulez rendre humain trouvez-moi une patente pour supprimer le piquetage. Il y a beaucoup de problèmes à ce niveau. Une patente qui éviterait de faire du piquetage, et ils pourraient faire leur grève quand même. Trouvez vite un truc parce qu'à la prochaine grève je suis certain que les gens auront lu plus, seront plus instruits et ils connaîtront plus leurs droits. Ils s'apercevront qu'il y a des limites. Si le Québec est une terre de liberté, comme disait autrefois Jean-Jacques Bertrand, il faudrait que les pères de famille et les mères de famille voient leurs enfants quand ils veulent et n'importe où. Ce sont les droits des parents et les droits des enfants; c'est là que commence la démocratie. Quand un corps public veut s'imposer dans ces

droits, il est en dehors de la voie; je proteste de toutes mes forces, je n'accepterai jamais ça. Vous ne rendrez jamais une grève humaine dans les hôpitaux; ça ne se peut pas, c'est une antinomie, ça ne peut pas marcher.

J'ai admiré les travaux qui ont été présentés aujourd'hui, il y a beaucoup de mérite. J'ai, en particulier, apprécié celui de la CSD, qui est passée avant nous; elle est arrivée avec quelque chose d'assez constructif. Il y a des choses qui se rejoignent avec moi et avec notre système, quand ils ont parlé des cadres, par exemple.

J'en reviens à mon idée qu'il va falloir que le gouvernement fasse aussi attention. Je m'adresse un peu à M. Marois. Votre déclaration, au début des journées, en a surpris plusieurs. Je vous avertis, vous avez, sans le vouloir, donné l'impression d'un gouvernement qui tremble, qui a peur de quelqu'un qui est plus fort que lui. C'est pour ça que je n'ai pas osé le préciser dans mon rapport, quand j'ai parlé des contingences politiques, c'est un peu à ça que je voulais en venir. Le monde n'aime pas ça parce que c'est une façon qui est dangereuse pour votre leadership, et encore plus dangereuse pour les projets futurs que vous avez. Vous compromettez d'autre chose en arrière de ça, et on se rejoint dans nos objectifs, M. Marois. Pour accomplir de grands projets, il faut que vous inspiriez confiance à vos futurs administrés. Il faut que vous donniez l'impression que vous ne tremblez pas. Je reviens à votre deuxième question.

M. Lavigne: Après un grand écart.

M. Jutras: Excusez-moi. C'est une opinion que je tenais à dire. J'ai de l'admiration pour M. Marois parce que je l'ai vu diriger, je l'ai vu parler aujourd'hui. Je pensais qu'il avait des partis pris et je me suis rendu compte qu'il n'en avait pas tellement. La manière dont il en a rossé quelques-uns, je l'ai trouvé pas mal droit. Je vous félicite, M. Marois, à ce sujet.

M. Lavigne: Pour vous rappeler la question qui suit, Dr Jutras, c'était le climat dans l'hôpital suite à une grève. Je disais que même s'il n'y a pas de grève, quand les employés retournent après une signature de convention collective qui ne les satisfait pas, il risque d'y avoir le même climat. Est-ce que c'est à cause de la grève?

M. Jutras: Je vous répondrai à ceci en disant que ça fait longtemps que je lis les journaux, vu l'âge que j'ai, et je n'ai jamais vu une convention collective qui a été adoptée à l'unanimité; ça n'existe pas. Cela ne change pas le problème, ça n'a jamais été accepté à l'unanimité une convention collective. Il y a toujours un groupe qui n'est pas content.

M. Lavigne: C'est pour ça que j'en viens au paragraphe de la page 3. Vous semblez attribuer le mécontentement au fait qu'il y a eu une grève.

M. Jutras: Je vais vous expliquer pourquoi. Quand il y a une grève, il y a toujours des "scabs". Il y a des "scabs" de deux natures, ceux qui sont des profiteurs et ceux qui sont de bonne foi. Les "scabs" profiteurs sont ceux qui restent au travail pour faire une piastre, et ça s'est fait à la dernière grève de 1966. Il y a un bon nombre qui restent par fidélité professionnelle, et je les connais assez pour le savoir. Ces personnes ont été l'objet de persécution, et je comprends aussi les syndiqués qui ont été dehors. Je comprends qu'ils soient mécontents et qu'ils les persécutent. Je ne veux pas prolonger, mais je pourrais vous raconter ce qui est arrivé dans mon service de pédiatrie et cela nous conduirait à 1 heure du matin. Je vais vous en faire grâce et, s'il vous plaît, on va passer à une autre question, parce que ce n'est pas le matériel qui me manquerait. Mais je voudrais revenir à mon histoire de cadres.

M. Lavigne: Les cadres cliniques?

M. Jutras: C'est parce que, voyez-vous, nous, les médecins, on est pris dans les hôpitaux avec des cadres épais de même pardessus la tête, les cadres administratifs, et cela ne nous fout rien. On sait que cela coûte une fortune au gouvernement, cela qratte du papier. Quand on a vu que M. Parizeau et M. Bérubé décidaient de faire la coupure et de réduire les cadres administratifs, on a dit: C'est parfait, c'est la meilleure affaire qui pouvait arriver. Chez nous, à Arthabaska, les cadres administratifs ont baissé de 65 à 45. C'est une belle baisse. Mais, par contre, vous jouez avec le droit de grève, vous autres, actuellement. Vos services essentiels ne sont pas encore organisés et vous ne les organiserez jamais car, vous ne savez pas ce que c'est, des services essentiels, personne ne le sait.

Actuellement, s'il y avait une grève, l'administration serait poiqnée les culottes baissées avec juste 45 cadres pour prendre la relève. Elle est en position de faiblesse comme elle ne l'a jamais été. Moi, je me dis une chose: Vous êtes dans une ère de restrictions budgétaires, on le comprend et les gens le comprennent, vous seriez surpris de voir que les gens le comprennent plus que vous ne le pensez, M. Marois. Ce n'est pas le populo qui va chialer le plus. Vous avez remarqué que ce n'est pas lui qui chiâlait le plus non plus jusqu'à maintenant, ceux qui

chialent sont ceux qui ont un intérêt personnel direct.

Pour en revenir à ce que je vous expliquais sur les restrictions budgétaires des cadres cliniques, les cadres cliniques, ce sont des infirmières ou des infirmières auxiliaires, qui travaillent et qui participent aux décisions de l'hospitalière, de l'infirmière-chef. Quand il y a un département qui contient environ 34 lits comme celui de la pédiatrie à Arthabaska et qu'il y a 22 personnes réparties sur les trois quarts de 24 heures, il y a juste une hospitalière qui est cadre. Il devrait y avoir au moins une ou deux assistantes sur les autres quarts et sur son quart à elle, ce qui ferait six personnes. S'il y a une grève, elles restent dans l'hôpital, elles sont cadres. Mais ce qu'il faudrait rouvrir, c'est la convention syndicale, parce qu'il y a eu de la chicane là-dessus, à la dernière négociation sur la définition des cadres. Il faudrait vous entendre avec la partie syndicale dans une négociation. Ces cadres cliniques coûtent bien moins cher en salaires que les cadres administratifs, qui sont dispendieux. C'est 30 000$, 32 000 $ de salaires que ces cadres coûtent habituellement. Les auxiliaires cliniques, je pense que c'est entre 18 000 $ et 20 000 $. C'est tout de même une économie substantielle.

J'ai donné l'avantage d'avoir ces cadres cliniques plutôt que les cadres administratifs. Les cadres administratifs, dans un cas de grève, ce n'est pas tellement efficace, mais on est pris avec. Les infirmières qui nous restent sont les meilleures infirmières du département, c'est parfait. J'ai l'impression que vous pourriez négocier cela avec les syndicats, parce que, voyez-vous, on a éliminé des cadres administratifs et ils savent qu'on les a éliminés. Pourquoi ne pas élargir la notion de cadre aux infirmières assistantes et aux hospitalières assistantes? Cela me paraît très avantageux, cela me paraît concret.

Les soins essentiels, non, ce sont les soins les mieux possible qu'on aura avec les moyens du bord, avec la crème du personnel pratiquement. On fait une approche différente de celle que vous voulez faire. C'est plus compliqué, vos affaires, avec l'histoire des services essentiels, avec une commission qui va se réunir, c'est archicompliqué, tandis que nous, nous vous proposons un système qui est moins dispendieux, qui ne suppose pas de commission, d'autres fonctionnaires qui vont venir encore s'asseoir sur notre tête, on en a déjà assez, mais qui peut régler sur place et, pendant que la bataille n'est pas commencée, pendant que tout le monde est calme.

Vous prenez des dispositions en cas d'un accident - une grève, on appelle cela un accident - mais qu'il soit légal ou illégal, c'est un accident. Vous créez des prédispositions, en fait les boyaux contre le feu sont déjà installés; quand la grève arrive, il n'y a pas de problème, il n'y a pas besoin de négocier avec le syndicat, il n'y a pas besoin de faire des réunions de comité et faire venir un expert de Québec comme d'habitude qui vient nous faire sur la tête et ne connaît rien de ce qui se passe chez nous. Là, on rejoint un peu la CSD, quand elle vous suqgère de négocier localement certains points comme les services essentiels. (0 h 30)

Les services essentiels, on pourrait les négocier avec une entente du gouvernement et les centrales syndicales que localement. Ils autorisent leur syndicat à négocier avec l'administration de l'hôpital, alors qu'on est en temps de paix, une nouvelle définition des cadres, une nouvelle délimitation qu'ils pourraient consentir. Entre nous, cela peut se faire. Là on est un peu proche de ce que la CSD vous a servi tout à l'heure. Je lui rends hommaqe. Elle a fait un beau travail. Ces gens se sont certainement dépensés beaucoup à faire ce qu'ils ont fait.

Maintenant, pour les cadres, est-ce que cela vous satisfait le système que l'on vous propose? Vous avez compris comme il faut ce que l'on vous propose et qui pourrait être fait.

J'en reviens à la pédaqogie. On ne demande pas aux étudiants de signer un contrat quand ils entrent aux études, on les informe - c'est ce qui est écrit dans mon texte - en disant: Ecoutez, vous pouvez venir, mais n'oubliez pas qu'en tant qu'infirmière, que médecin ou qu'infirmière auxiliaire, n'oubliez pas, dans votre vie syndicale, qu'il n'y aura pas de droit de grève. Alors, il n'y a pas de fausse représentation. Maintenant, le droit de grève existe encore, mais on les prévient qu'il n'y en aura plus de droit de grève. Vous allez avoir une première promotion qui va arriver sur le marché du travail, qui va entrer dans les hôpitaux. Le droit de grève existe, mais ils ont quand même été informés, ils savent, ils ont accepté de faire leurs études, d'aller travailler, avec l'idée que leur syndicat n'avait pas le droit de grève. Ils seront disposés à accepter mentalement une loi qui pourra entrer en vigueur dans cinq six ans peut-être, alors qu'il y aura trois, quatre ou cinq générations d'infirmières qui seront entrées sur le marché du travail.

En ce qui concerne les employés d'hôpitaux...

M. Lavigne: Là-dessus, Dr Jutras, je vous interromps. Vous avez, admettons, dix nouvelles infirmières qui ont été préparées à refuser le droit de grève, finalement. Elles sont dans l'hôpital au moment où une grève se déclenche; toutes les autres infirmières embarquent dans la grève. Qu'est-ce qu'il advient de ces dix infirmières?

M. Jutras: Elles ont le choix, selon leur conscience, de décider de rester au travail pour respecter leur serment, leur contrat ou de sacrer le camp avec les autres. Cela les regarde. C'est leur conscience; qu'elles agissent selon leur conscience. La liberté de conscience, c'est cela.

Alors, au point de vue pédaqoqique, on se comprend. On prépare les étudiants à cette éventualité. Au point de vue de l'embauche, les nouveaux employés, on devrait les préparer à ce système. A ce moment-là, c'est une question d'affaires. Je ne connais pas tous les mécanismes, je ne sais pas si c'est un rêve ou si c'est possible d'avoir un contrat individuel, pour chaque employé. Moi, je trouve que la personne humaine mérite un contrat individuel puis une entente collective; je n'ai rien contre cela. Je trouve que cela aurait du bon sens qu'il s'engaqe à renoncer au droit de grève. Alors, ils ne sont pas la majorité dans le syndicat, mais peut-être qu'il y en a déjà dans le syndicat qui sont contre les grèves; il y a beaucoup d'infirmières qui sont contre les grèves. D'ailleurs on a parlé d'une disposition pour les votes de grève; ce n'est pas pour des prunes qu'on vous a parlé de cela. On sait ce qui s'est passé à Arthabaska, puis on sait ce qui s'est passé dans bien d'autres hôpitaux, parce que cela se ressemble d'une place à l'autre, ces affaires-là.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Jutras, je ne veux pas non plus prolonger indûment. Dans l'évaluation des performances de 1966-1968 ou 1972-1976 ou 1976-1979, on a cherché à savoir des faits aussi quantifiables qu'ils soient, mais on s'est vite aperçu qu'il fallait les apprécier en termes de qualité en fonction des malades, puis qu'il n'y avait pas d'autre point de référence finalement. Dans le mémoire de la coalition, on a introduit une notion de santé et de sécurité; M. Brunet l'avait élargie au bien-être. Vous l'avez encore élargie en parlant de services de pédiatrie, vous avez insisté, je pense qu'on vous a très bien compris, sur le plan des lignes de piquetage, les dangers que cela pouvait comporter. C'est plus large que le bien-être, cela devient une question profondément humaine, une question de choses minimales que l'on doit faire.

Vous vous êtes exprimé, de toute façon, comme d'habitude, très clairement, sans avoir peur des mots. On a eu plusieurs réserves, en tout cas, de divers membres de la commission sur le mot "inconvénients"; on a cherché à savoir, pour ma part, désespérément, je dois vous le dire, ce que pouvait cacher le mot "inconvénients" qui est employé surtout par les parties syndicales qui ont comparu, mais je pense qu'on a suffisamment de témoiqnaqes pour savoir ce que cela veut dire et en mesurer la gravité. Je pense que c'est clair pour la commission.

Une affaire très simple que je vais vous demander très brièvement. Une des affirmations qui ont été faites et qui est probablement verifiable - je n'ai malheureusement pas pu poser la question aux administrateurs d'hôpitaux - c'est que plusieurs des situations qui ont été évoquées au moment des conflits de travail, au niveau des malades - vous en avez vous-même cité d'une façon sans doute extrêmement réaliste, mais je suis convaincu qu'elles étaient absolument vraies - on nous dit qu'à plusieurs reprises, même au moment où on se parle, où il n'y a pas de conflit dans les hôpitaux, des situations analogues se passent. Moi, j'ai essayé de leur expliquer, étant donné les listes d'attente... Vous avez parlé d'une personne qui avait un ulcère d'estomac, on retardait de trois mois. Vous avez même dit: Cela peut exister en dehors. Ce que j'ai essayé de dire, c'est que, si des situations comme celles-là existent dans le quotidien de l'administration des hôpitaux, des erreurs de gestion, des vices, des faiblesses de la gestion - cela existe également, il y a les syndicats, il y a l'exercice du droit de grève, il y a aussi pas mal de problèmes de gestion - cela ne pouvait pas servir de justification pour provoquer des situations analogues par l'exercice du droit de grève. C'est cela qu'on a essayé d'établir.

M. Jutras: Oui, je comprends.

M. Rivest: J'aimerais brièvement avoir votre commentaire là-dessus.

M. Jutras: C'est vrai que, sans grève, il y a des erreurs qui se font quelque part. Dans les plus beaux et les plus grands hôpitaux comme dans les plus petits, même dans les qrands hôpitaux universitaires, parfois ils se trompent de jambe pour mettre un plâtre. C'est arrivé, on le sait.

Ce que je veux vous dire, c'est que cela arrive que les médecins se trompent, cela arrive aussi qu'on n'apprécie pas à leur juste valeur les symptômes qu'un patient nous présente, qu'on retarde un peu l'investigation; on pense qu'elle n'est pas nécessaire tout de suite. Cela arrive que les médecins économisent pour le gouvernement, ne font pas des examens inutiles. Cela nous arrive de faire cela. Des fois, cela nous arrive de trop le faire et on se fait passer une affaire entre les mains.

Cela ne veut pas dire, parce que cela nous arrive, que cela arrive aux patients en général, cela ne veut pas dire que cela justifie les syndicats d'en faire plus de leur côté avec les qrèves. Comprenez-vous? C'est déjà assez que cela nous arrive de même, on

est assez malheureux quand cela nous arrive et c'est assez malheureux pour les patients qui en sont les victimes, bien, désespoir, n'allons pas organiser un autre système qui va en faire dix fois plus. Voyons donc! C'est une question de bon sens, cette affaire-là. Il y a assez d'erreurs humaines qu'on commet, nous, les médecins, parce qu'on n'est pas parfaits, et on n'a pas la science infuse. Je ne connais pas de médecins qui n'ont pas fait d'erreur, même les plus grands. On n'est pas venu ici pour se vanter. N'allons pas organiser un autre maudit système qui va être encore dix fois pire que celui qu'on a déjà. On a assez des erreurs qu'on commet et, quand cela se ramasse en cour de justice, vous savez combien cela nous coûte.

M. Rivest, pour répondre à la question que vous avez posée depuis le matin à tout le monde: Avez-vous des faits concrets qui nous disent comment ils ont souffert, est-ce qu'il y en a qui sont morts ou s'il y en a qui ont eu quelque chose? C'est un peu le genre de question. Vous voulez avoir des faits concrets.

Je vais vous répondre...

M. Rivest: C'est-à-dire, M. Jutras, je pense que c'est notre rôle, parce qu'il y a l'opinion publique.

M. Jutras: Je vous approuve.

M. Rivest: On veut que ce soit étayé comme argumentation. Cela n'entache en rien ma conviction personnelle sur l'endroit où on doit mettre la priorité et je pense que c'est la conviction personnelle d'à peu près tout le monde que la priorité doit être le bien-être, la santé et la sécurité des patients. Mon effort depuis le matin, c'est d'essayer d'arracher de nos intervenants des faits pour qu'on puisse les étayer.

M. Jutras: Vous avez travaillé avec beaucoup de persévérance, je vous ai admiré et je ne vous blâme pas.

M. Rivest: Je n'ai pas réussi beaucoup, remarquez.

M. Jutras: Pour vous donner une idée d'appréciation, je prendrais l'exemple de ce qui s'est passé dans le règlement hors cour de la réclamation de M. Brunet contre la CSN. Il a été siphonner à peu près 140 000 $ dans ce règlement hors cour; cela vous donne une idée à peu près de la qravité qu'il peut y avoir dans les qrèves dans les hôpitaux, dans les institutions hospitalières de malades chroniques; ce sont les endroits les plus vulnérables. Les malades chroniques touchent bien du monde. Il y a des gens qui sont venus vous parler cet après-midi au nom des vieillards.

J'ai ma vieille mère qui est dans une institution à Victoriaville, dans un centre d'accueil; elle a 91 ans, elle ne voit plus clair, elle n'entend presque plus, elle n'a presque plus conscience, mais je n'aimerais pas qu'il y ait une grève et que je ne sois pas sûr qu'elle a eu ses trois repas dans la journée. J'aimerais bien passer à travers la ligne de piquetage pour aller lui faire prendre son repas, à ma mère, et je n'aimerais pas qu'on me fasse de l'obstruction. Si je suis comme ça, je pense que tous les autres hommes en ville, qui ont leurs parents là, sont comme ça. Sauf un certain cas. Je vais vous le conter et je vais me taire après ça, je ne parlerai plus.

Quand on a vidé les hôpitaux pour malades chroniques, en 1974, en prévision de la grève qui s'en venait, j'étais membre du conseil d'administration du centre d'accueil où est ma vieille mère présentement. Mais quand elle y est entrée, j'avais démissionné un an avant du conseil d'administration; je n'aime pas les conflits d'intérêts. C'est plus tard qu'elle a été admise par d'autres personnes, sans mon intervention; on essaie d'être démocratique de temps en temps, du moins on s'en donne l'illusion, toujours. Donc, on a vidé le centre d'accueil, on a envoyé des malades à Longueuil et un peu partout, loin de leur région. Les vieillards, ce sont des gens qui sont fragiles. Je m'occupe des enfants, mais je m'occupe un peu des vieillards, je suis un peu au courant de ce qu'ils font. Ils sont comme les petits enfants et comme les petits animaux qu'on déplace. Ils vont faire de la diarrhée au moindre déplacement, au moindre changement de routine; changez-les de chambre et ils vont faire de la diarrhée ou des vomissements. On les a transportés partout, dépaysés complètement en prévision de la grève qui s'en venait. Il y avait en tout cas des menaces de grève. Le jour du départ, il y avait un vieillard d'environ 80 ans qui était assis sur les marches du centre, dehors. Il était cinq heures et personne de sa famille n'était venu le chercher. Il était abandonné de ses cinq enfants, parce que ce n'était pas possible qu'il reste dans une maison privée, il avait trop besoin de soins primaires; vous comprenez ce que je veux dire. J'ai vu cet homme assis sur les marches de l'entrée de l'hôpital, le regard perdu; ce n'était pas un malade mêlé, mais il n'avait pas le contrôle de ses sphincters. C'est une chose qui tire les larmes.

Là, j'avoue que ce ne sont pas les qrévistes, c'est la famille qui avait besoin d'une leçon de civisme ou d'éducation, mais c'était criant de voir ça. Il y a eu une espèce de complicité involontaire, les futurs qrévistes menaçaient l'hôpital, il a fallu vider les lieux, mais lui est resté sur le carreau et à cinq heures on s'est rendu compte que personne n'était venu le réclamer.

II a fallu trouver un foyer d'accueil d'urgence avec des infirmières pour s'occuper de cet homme. C'est une des scènes, dans ma carrière - ça fait au-delà de 25 ans que je pratique - les plus pénibles que j'aie vues, qui se compare à mes petits enfants de pédiatrie qui criaient, qui pleuraient et qui, à un moment donné, arrêtaient de pleurer et ne parlaient plus à personne. Je ferai la même chose, je ne parlerai plus.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Dr Jutras, vous avez souligné, dans votre mémoire, deux aspects que je trouve très importants.

Premièrement, le conflit qui existe, pour un travailleur, entre son devoir professionnel et sa loyauté syndicale. Je crois que c'est la première fois que nous avons entendu discuter de ce conflit dans un mémoire. Peut-être ai-je manqué quelque chose; mais est-ce vrai que le code d'éthique... Vous avez parlé, à la page 2, du serment professionnel. Est-ce que le professionnel s'engage à ne pas avoir recours à la grève... (0 h 45)

M. Jutras: Le serment professionnel...

Mme Dougherty:... à renoncer à ce droit?

M. Jutras:... ce n'est pas de cette façon qu'il l'exprime. Quand la déclaration de Genève a été acceptée par les Nations Unies, en 1948, pour moderniser un peu le serment d'Hippocrate qui avait toujours servi jusqu'à ce moment-là, les grèves dans les hôpitaux, personne ne connaissait cela. Alors, ils n'en ont pas parlé. Ils ont parlé simplement des relations du médecin avec le malade. Il est bien dit dans le serment que le médecin n'abandonnera pas son malade et l'infirmière n'abandonnera pas son malade tant qu'elle ne sera pas sûre qu'une autre main pourra en prendre soin adéquatement. C'est de là qu'on dit que les médecins ne peuvent pas, en groupe, quitter la ligne de travail pour aller faire du piquetage. Nous croyons que les infirmières sont solidaires avec nous autres dans ce domaine. Les infirmières veulent avoir de plus en plus de responsabilités et je les approuve, mais il faut qu'elles les prennent aussi comme nous autres. On les prend nos responsabilités et on ne fait pas de grève.

Pour ceux qui sont curieux, on va parler de la grève de 1970. M. Marois en a parlé hier de 1970. Pour votre information, M. Marois, je n'ai pas fait la grève de 1970. Je suis un spécialiste et j'ai refusé de la faire. J'ai refusé directement au président du syndicat qui m'avait appelé et j'ai dit: Tu as menti; je suis contre la grève et je n'en ferai pas. Mon département est le seul qui est resté ouvert dans la province de Québec. Le département de pédiatrie, en 1970, n'a pas fermé. On a continué de fonctionner. J'avais prévu qu'un jour j'aurais à parler dans ce domaine parce que j'avais vu la grève de 1966. Je me suis dit: Si je fais le niaiseux et que je fais la grève avec les spécialistes, je vais être obligé de me fermer la queule ensuite. Non, je n'ai pas fait de grève et cela me donne mon droit de parole aujourd'hui.

Je vais vous dire une chose. La grande majorité de mes confrères et de mes amis qui ont fait la grève en 1970 l'ont tous reqretté et je suis certain qu'ils n'en feront jamais une autre. Je peux vous dire cela. Les chefs syndicaux le savent. Lors de la négociation de 1979, on s'est réuni à Trois-Rivières et on a dit au chef de notre syndicat: Négocie de bonne foi avec le gouvernement et du mieux que tu peux; montre-nous que tu es habile, mais on ne veut pas que tu parles de grève à personne et on ne veut pas que tu te serves du mot grève pour négocier avec le gouvernement. Ce sont les instructions qu'on a données à notre représentant syndical. C'est tout de même pas si pire pour des médecins. On ne peut pas dire que notre affaire a été un gros succès, mais personne n'est mort et personne ne crève de faim non plus. Les médecins, on n'est pas venu brailler pour avoir des augmentations de salaires, quoiqu'on aimerait en avoir comme tout le monde, on aime l'argent. Il n'y a personne qui n'aime pas l'argent.

Pour la grande majorité du corps professionnel des médecins, le serment, c'est quelque chose. Je connais des médecins qui ont regretté amèrement d'avoir fait la grève en 1970, quand on connaît tous les détails et la conclusion de cette grève. Quand Pierre Laporte s'est fait tuer, ils cherchaient une raison pour revenir au Québec au plus sacrant. Ils en ont trouvé une avec cela. Ils ont dit, quand ils sont revenus au pays: Le pays était à l'envers; ils sont revenus au pays et ils se sont remis au travail. Ce n'est pas la loi qui les a fait revenir. C'est l'incident de Pierre Laporte. C'est une chose qui vous échappe peut-être, mais il y a un lien direct entre les deux. Cela s'est fait en même temps.

Avez-vous d'autres questions?

Mme Dougherty: Deuxièmement, j'aimerais tout simplement vous remercier d'avoir démystifié cette question des services essentiels dans le milieu hospitalier.

M. Jutras: Vous êtes bien gentille. Vous avez compris, vous, et je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie

les représentants de l'Association des médecins du Québec pour le respect de la vie de leur longue patience.

Il est maintenant près d'une heure, ce mercredi matin, 23 septembre. La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à dix heures ce matin, alors que nous entendrons tour à tour les représentants du Comité de parents de la Commission scolaire de Trois-Rivières, de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et également de l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec, le Centre des dirigeants d'entreprise qui nous a soumis un mémoire pour dépôt seulement, les représentants du Mouvement d'animation pour le redressement du Québec, les représentants de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, les représentants de la ville de Montréal, du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec et, finalement, de l'Association des cadres scolaires du Québec.

La commission suspend ses travaux jusqu'à dix heures ce matin.

(Fin de la séance à 0 h 50)

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