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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mercredi 23 septembre 1981 - Vol. 25 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et organismes intéressés à améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic


Journal des débats

 

(Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de cette commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Je rappelle que les membres de cette commission sont les députés suivants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) et Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants à cette commission sont les députés suivants: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).

Comité de parents de la région de Trois-Rivières

Pour commencer nos travaux en ce mercredi 23 septembre, nous entendrons d'abord les représentants du Comité de parents de la commission scolaire de Trois-Rivières que j'invite à prendre place à la table et à nous présenter leur mémoire. Ce mémoire nous sera présenté par Mme Louise Gélinas. C'est bien ça?

Mme Gélinas (Louise): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Rodrigue): Mme

Gélinas, si vous vouliez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation de votre mémoire.

Mme Gélinas: Je suis Louise Gélinas du comité de parents de Chavigny qui englobe les villes de Trois-Rivières-Ouest, Sainte-Étienne-des-Grès et Pointe-du-Lac. J'ai ici, à mes côtés, M. Claude Tardif du comité de parents de Trois-Rivières et aussi M. Bertrand Saint-Onge du comité de parents régional de la Mauricie.

Le Président (M. Rodrigue): Tout simplement un rappel au départ, ce matin. Les groupes ont 20 minutes pour présenter leur mémoire autant que possible. Cela nous arrive de dépasser, mais on apprécierait beaucoup que vous puissiez le faire dans ce temps. Nous demandons autant aux représentants de l'Opposition que du parti ministériel de ne pas dépasser une période de 20 minutes de questions.

Mme Gélinas: Comme nous l'avons dit, c'est le mémoire des comités de parents du territoire des Vieilles-Forges et des comités de parents de la région 04. Je tiens aussi à mentionner que le conseil d'administration de la Fédération des comités de parents de la province de Québec appuie notre mémoire quant aux recommandations.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission parlementaire, dans le passé, les parents ont souvent manifesté des réticences quant à l'opportunité d'intervenir directement dans les mécanismes régissant tout le fonctionnement du système scolaire. Ils croyaient que les organismes en place pouvaient adéquatement exercer un contrôle, assurant aux enfants le meilleur service éducatif. Au fil des ans, cependant, nous nous apercevons que tel n'est pas le cas et qu'un vigoureux coup de barre doit être donné au niveau de l'éducation et plus particulièrement sur le droit de grève dans ce milieu. Afin de mieux sensibiliser cette commission à la position précise des parents, ce mémoire sera fragmenté en sept volets: l'enfant dans notre société moderne, conséquences des arrêts de travail au niveau de l'enfant, la participation des parents, les négociations locales, conseil d'information et pouvoir d'enquête, critiques sévères de la société et, finalement, les recommandations.

L'enfant dans notre société moderne. Nous savons tous que la santé intellectuelle des futurs citoyens et, conséquemment, l'avenir d'un pays dépendent certes de la présence et de l'attention des parents, mais aussi - et ce, pour une très large part - de l'apprentissage des enfants et des jeunes adultes à l'école.

Le préambule de la Loi du ministère de l'Éducation, au chapitre 233, appuie cette affirmation dans ces termes: "Tout enfant a le droit de bénéficier d'un système d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité. "

Les Nations Unies ont adopté, par ailleurs, à l'automne 1959, une Déclaration des droits de l'enfant qui concerne spécifiquement l'éducation: le droit à l'éducation gratuite, aux activités récréatives et aux loisirs; le droit aux moyens de se développer d'une façon saine et normale aux plans physique, intellectuel, moral, spirituel et social.

Alors, est-il besoin de mentionner que les droits acquis des enfants dans le domaine de l'éducation datent officiellement au point de vue international de 1959? Et, en contrepartie, il nous faut aussi mentionner que le droit de grève dans les secteurs public et parapublic ne fut obtenu, au Québec, qu'en 1964.

Le respect du droit de l'enfant à l'éducation deviendra pour les prochaines années le cheval de bataille des parents; nous nous ferons un devoir de convaincre tous les agents du système scolaire que ce droit de l'enfant doit devenir leur préoccupation première.

L'école que nous préconiserons, idéologiquement, n'aura aucun reflet politique ou syndicaliste; cette école sera centrée sur l'apprentissage et le bien-être de l'enfant. En un mot, nous protégerons et défendrons ce droit naturel et intrinsèque de l'enfant contre toute agression sociale sur ce même droit.

Conséquences des arrêts de travail au niveau de l'enfant.

Évidemment, la répétition des grèves et lock-out provoque des retards dans la réalisation des programmes d'étude. Le rattrapage est généralement possible; cependant, il se fait en imposant des séances intensives d'étude aux enfants. Les retards dans les matières telles que le français et les mathématiques sont généralement comblés; mais cette récupération se fait presque toujours aux dépens des matières dites secondaires et au détriment des enfants les plus lents ou les moins motivés. Souvent, ces élèves moins talentueux, découragés par le prolongement d'un arrêt de travail, abandonnent leurs études et se retrouvent prématurément sur le marché du travail, handicapant ainsi leur avenir.

Il devient de plus en plus difficile de pouvoir couvrir l'étendue de chacun des programmes en temps ordinaire. S'il faut encore, et presque chaque année, soustraire du temps en raison des grèves ou lock-out, le retard s'accumule alors à un rythme accéléré.

Près de 20 000 élèves, sur le territoire des Vieilles-Forges, ont subi, durant les années 1979-1980 et 1980-1981, le nombre impressionnant de 51 jours de grève, soit onze jours au niveau national, et 40 jours localement. Nous pouvons nous demander sérieusement quelle fut la qualité de l'enseiqnement donné aux enfants de ce territoire, à la suite du présent exposé.

La participation des parents. À ce propos, à titre de qardiens des droits de leurs enfants, les parents ont des devoirs impératifs. Ils ont aussi des obligations stipulées dans la Loi sur l'instruction publique, au chapitre M-14, paragraphe 256: "Tout enfant doit fréguenter l'école chaque année, tous les jours pendant lesquels les écoles publiques sont en activité suivant les règlements établis par l'autorité compétente depuis le début de l'année scolaire, suivant le jour où il atteint l'âge de six ans jusqu'à la fin de l'année scolaire au cours de laquelle il a atteint l'âge de 15 ans. "

La loi reconnaît aux parents une responsabilité première dans la garde et l'éducation des enfants, mais elle n'a pas prévu de pouvoir aux parents s'ils ne peuvent remplir leurs obligations à la suite d'événements tels que grèves et lock-out en milieu scolaire.

La déclaration de l'Organisation des Nations Unies sur les droits de l'enfant est très explicite au sujet du rôle des parents: "L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation. Cette responsabilité incombe en priorité à ses parents. "

À toutes ces considérations juridiques s'ajoutent d'autres motifs plus terre à terre, mais non moins importants. En effet, les parents sont aussi des électeurs et des contribuables. Tout le monde connaît les coûts astronomiques enqendrés par les négociations. À ce sujet, nous pouvons citer M. Lucien Bouchard, avocat et négociateur gouvernemental. Ce dernier s'exprime ainsi, dans la revue L'Actualité de février 1981: "Une négociation, c'est une industrie. Les dernières ont coûté près de 20 000 000 $. Il y a des centaines de personnes libérées de leurs fonctions du côté syndical, autant du côté gouvernemental. "

Dans un autre domaine, le récent trou de 500 000 000 $ a laissé perplexes plusieurs contribuables au sujet des moyens de contrôle dont dispose le gouvernement. Chacun se cache derrière l'autre, et bien malin est celui qui trouvera, parmi le gouvernement, le syndicat et les commissions scolaires, tous suspects plausibles, le véritable coupable. Nous croyons plutôt que l'ensemble du système est déficient et nous apporterons, d'ailleurs, dans nos recommandations, une attention spéciale à ce sujet. (10 h 301

Puisque nous citons des chiffres, il ne

faut pas passer sous silence le fait qu'au Québec l'éducation est beaucoup plus dispendieuse qu'ailleurs. Voyons ce que dit encore une fois M. Lucien Bouchard dans l'Actualité de 1981: "II est établi hors de tout doute qu'au Québec, chaque élève coûte 500 % de plus par année qu'en Ontario. Les enseignants du Québec enseignent moins, travaillent moins et sont payés plus cher que leurs collègues de l'Ontario. "

Devant cette situation, les parents demandent un contrôle draconien des dépenses encourues lors des rondes de négociations. Toute la procédure les entourant doit être mise en question devant la preuve irrévocable qu'ici au Québec, l'éducation coûte très cher et plus qu'ailleurs, les parents payeurs de taxes et d'impôts sont plus que jamais convaincus de la nécessité de leur action, de la nécessité aussi d'être renseignés sur les coûts des conventions collectives.

On peut aussi constater qu'un article de la Loi du ministère de l'Éducation ne semble pas être la préoccupation majeure des gouvernements. Nous faisons ici référence au chapitre 233, articles 1 et 2. Le ministre de l'Éducation, désigné dans la présente loi sous le nom de ministre, est chargé de la direction et de l'administration du ministère de l'Éducation. Il est également chargé de l'application des lois relatives à l'éducation et des lois d'aide à la jeunesse. Le ministre a la responsabilité de promouvoir l'éducation, d'assister la jeunesse dans la préparation et l'orientation de son avenir et d'assurer le développement des institutions d'enseignement.

Aujourd'hui, l'administration, les problèmes budgétaires et les relations de travail ont relégué au second plan les raisons premières de la création du ministère de l'Éducation, l'apprentissage de l'enfant.

Les enfants sont nos mandants. Nous devons donc défendre leurs droits auprès de la société. Cette affirmation à elle seule justifie la participation et l'implication des parents dans le domaine de l'éducation.

Les négociations locales. Les négociations sont devenues très techniques et demandent l'implication et la collaboration de spécialistes. Au niveau local, chacune des parties s'improvise souvent des négociateurs qui, dans bien des cas d'ailleurs, n'acquièrent aucune expérience puisque l'équipe se renouvelle à chaque négociation. Du côté syndical, il s'agit d'un professeur ayant des talents pour le syndicalisme, du côté patronal, il s'agit d'un cadre auquel les dirigeants de la commission scolaire font suivre en vitesse un cours sur le sujet.

Les négociations locales créent des disparités régionales dans les conditions de travail, lesquelles conditions devraient être uniformes pour tous les enseignants de la province. De plus, elles engendrent des coûts différents d'une région à l'autre. En effet, les interpétations de l'entente nationale sont nuancées localement. Nous citons, à titre d'exemple, les demandes syndicales du territoire des Vieilles-Forges. Ces chiffres ont été mis en preuve lors de l'arbitrage du conflit: Suppléance, demande supérieure à l'entente nationale, 508 000 $; année-matière: aucune mention à l'entente nationale, 450 000 $. Or, nous savons que les coûts additionnels résultant d'une entente locale contraire aux dispositions de l'entente nationale ou ne respectant pas le partage des matières tel que prévu sont assumés exclusivement par la commission scolaire. Il est donc inadmissible que des contribuables paient plus cher que d'autres pour l'éducation de leurs enfants.

Tel que le fait remarquer le Conseil supérieur de l'éducation dans son rapport annuel 1979-1980, à la page 159, les négociations locales sont loin de simplifier le bon fonctionnement du système scolaire. "Au plan local, les négociations laissent filtrer des blocages qui paraissent encore pires. Les meilleures volontés sont déconcertées tant ces entreprises sont devenues complexes. "D'une part, les contenus des ententes s'alourdissent chaque fois de normes qui empêchent l'assouplissement du système et le fonctionnement idéal des écoles parce qu'ils privilégient les droits des parties au détriment des droits des élèves et des besoins pédagogigues. "D'autre part, la façon dont sont impligués les enseignants durant le temps des négociations provoque des tiraillements internes importants et ne laisse souvent qu'une année de calme entre chaque ronde. "

L'impact d'une grève au niveau national est certes supérieur à celui d'une grève locale. Mais, de par ce fait, si le problème est provincial, l'opinion publigue contrebalance ce désavantage. Le gouvernement ne peut laisser pourrir un conflit quand tout le système est en panne.

Certaines négociations locales sont devenues des cauchemars. Nous pouvons encore citer le cas du territoire des Vieilles-Forges où une grève a paralysé les cours des élèves durant quarante jours, à l'automne 1980.

Il n'y a aucun doute dans notre esprit que, si ce conflit s'était révélé d'envergure nationale, jamais le gouvernement n'aurait osé demeurer silencieux aussi longtemps.

De plus, sur ce territoire, il n'y a jamais eu d'entente signée au niveau local depuis que ces négociations locales existent telles que nous les connaissons.

Après la signature de l'entente nationale, nous respirons avec peine, encore sous l'effet des traumatismes causés par cette période houleuse, lorsque déjà pointent à l'horizon ces mêmes négociations locales

prêtes à nous étouffer.

De l'avis général des parents, les négociations locales sont superflues et elles doivent être abolies définitivement.

Dans l'avenir, toutes les négociations devraient se tenir sur le plan provincial. C'est le seul moyen d'éviter conflits et disparités inutiles.

Conseil d'information et pouvoir d'enquête. Nous apporterons maintenant notre opinion sur le fonctionnement du conseil d'information, tel que prévu dans la loi 59 à l'article 99e.

Nous déplorons vivement le fait que ce conseil n'ait pas exercé adéquatement ses fonctions auprès du public durant la dernière négociation.

Nous citerons à ce propos Lysiane Gagnon qui a écrit, dans la "Ronde des bureaucrates", collection Tirés à part de l'Université Laval, à Québec: "Le conseil a remis cet été un premier rapport, bien écrit, mais empreint d'un tel souci de neutralité et, visiblement, d'une telle peur de heurter qui que ce soit, qu'il n'apprendra pas grand-chose à personne, se contentant le plus souvent de juxtaposer la position patronale et la position syndicale, sans que l'électeur soit clairement orienté. "

À notre avis, le conseil se doit d'être véritablement opérationnel. Ses rapports doivent être faits de façon régulière et non sporadique. Ces mêmes rapports devraient paraître intégralement dans les journaux, et ce durant toute la période des négociations. Il est parfaitement normal qu'un citoyen soit en mesure, dans un premier temps, de juqer de la valeur des informations mises à sa disposition et, dans un second temps, d'analyser la situation réelle, et ceci par le biais d'un organisme ni patronal ni syndical.

Si certaines gens croient qu'il est dangereux de communiguer à la population des faits reliés au monde des négociations, nous croyons qu'il est beaucoup plus explosif de laisser cette population dans l'iqnorance ou dans l'obligation de rechercher la vérité parmi tout le dédale des informations biaisées provenant à ses oreilles.

De plus, nous considérons que les parents doivent détenir un pouvoir d'enquête. À la suite du conflit sur le territoire des Vieilles-Forges, une commission d'enquête fut créée en vertu de l'article 111 du Code du travail. Dans son rapport déposé le 12 novembre 1980, M. Jean-Guy Duchaîne, commissaire-enquêteur, déclarait ceci: "Les parents sont directement concernés par l'instruction de leurs enfants et ils devraient pouvoir être plus impliqués dans ces négociations. Comment? La solution n'est pas facile à trouver. Les enseignants sont représentés par leur syndicat. Les commissaires d'école et les administrateurs sont représentés par la table patronale. Une solution à analyser serait peut-être de donner aux parents, par la création d'un comité spécifique, un certain pouvoir d'enquête et d'information sur les négociations entre les parties. "

Nous laissons donc à cette commission le soin de prévoir dans la loi des mécanismes de recours pour les parents. Nous pensons que d'observateurs, ils doivent devenir parties constituantes de la loi.

Critiques sévères de la société. Nous croyons que nous sommes présentement au creux de la vague dans le monde de l'éducation. Lors d'un sondage publié par Sorecom en septembre 1979, il a été établi que la population s'oppose à la grève dans les écoles dans une proportion de 77%.

La majorité silencieuse reconnaît au mouvement syndical la nécessité de son existence mais elle renie le syndicalisme à outrance, le syndicalisme qui crée une classe privilégiée en piétinant les droits des uns et en vidant les poches des autres; et enfin, elle conteste le syndicalisme enclin à assouvir des orientations idéologiques et des ambitions politiques plutôt que de rechercher uniquement le bien-être de ses membres.

Parallèlement, le gouvernement est divisé quant à l'attitude à adopter lors du renouvellement des conventions collectives de travail. Il peut acheter la paix afin d'éviter une grève à la population, mais du même coup, il surtaxe le contribuable au point de le révolter contre les professionnels de l'enseignement.

De plus, en accordant des avantages exagérés à un groupe de travailleurs, il crée des disparités énormes entre le secteur public et le secteur privé.

Le monde de l'éducation est devenu un champ de bataille politique et idéologique de luttes de pouvoir. Il est révoltant de constater que l'apprentissage de l'enfant, son droit à l'éducation est brimé par des facteurs autres que pédagogiques.

Nos recommandations. La première est l'abolition des négociations locales, la deuxième, c'est le caractère public des négociations. Comment? Par la création d'une banque de données; elle est permanente et paritaire, elle compile des statistiques sur les conditions de travail des secteurs privé et public, elle diffuse ces statistiques aux parties, à l'Assemblée nationale et au public. Par l'action du conseil d'information: l'application de l'article 99e du Code du travail, l'introduction parmi les membres du conseil d'un parent, l'étude par le conseil des rapports publiés par la banque des données et servant ainsi de base à son travail d'information, la diffusion au public de communiqués sur l'état des négociations. Finalement, par la création d'une commission parlementaire: représentation des associations, organismes et personnes intéressées, argumentation portant sur l'encadrement général de la rémunération

globale et sur les paramètres généraux en matière de conditions de travail.

La troisième, c'est le processus du nouveau mode de négociation. Formation d'une commission parlementaire le 270e jour avant l'expiration du contrat de travail; au plus tard le 180e jour avant l'expiration du contrat de travail, détermination par l'Assemblée nationale du cadre général des conditions de travail à l'intérieur duquel se situe la limite maximale des coûts générés par la convention collective; déroulement de la phase des négociations, tel que prévu aux articles 99g et 99h du Code du travail; attribution du rôle patronal aux groupements des commissions scolaires et de collèges, car le gouvernement ne doit plus assumer la responsabilité des négociations et sa situation de législateur et ses intérêts politiques justifient, quant à nous, le réalisme de cette demande.

Formation d'un conseil de médiation: sur demande d'une des parties ou d'une tierce partie; constatation de l'état des négociations; tentative de rapprochement des parties; publication d'un rapport. Acquisition du droit de grève ou de lock-out: 30 jours suivant le rapport du conseil de médiation, avec préavis écrit de sept jours avant une grève ou lock-out.

Modalités régissant la prise du vote de grève: journée provinciale de scrutin, vote secret et acquisition du droit de grève par la majorité absolue des salariés membres d'une association accréditée.

Poursuites judiciaires: aucun protocole de retour au travail ne peut annuler les amendes ou sanctions décrétées par les tribunaux pour des saccages et défis de toutes sortes.

Conclusion. Comme le révèle le présent mémoire, la recherche première des parents est de rétablir l'ordre prioritaire des droits des individus qui composent notre société et ceci, dans l'acceptation du régime dans lequel nous vivons. La faiblesse des enfants devant un processus aussi complexe oblige les parents à s'imposer comme les protecteurs de la vie intellectuelle de leurs enfants. Le droit à l'éducation doit primer un droit de grève totalitaire et démesuré.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre du Travail.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les comités de parents du territoire des Vieilles-Forges et les comités de parents de la région 04 pour leur mémoire. Avec votre permission, M. le Président, je voudrais céder mon droit de parole à mon collègue, le député de Prévost, adjoint parlementaire, qui a particulièrement étudié le mémoire.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Madame et messieurs, à mon tour, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour le ton réaliste et positif de vos suggestions, et vous assurer que toutes vos suqgestions, dont certaines recoupent des suggestions faites par d'autres groupes en d'autres domaines que l'éducation, méritent certainement d'être étudiées très sérieusement par cette commission et par le gouvernement. Je vais me confiner à deux questions. Je vais vous poser les deux questions une après l'autre et vous pourrez répondre.

Premièrement, je constate que, dans vos suggestions, vous proposez une banque de données; au conseil d'information, vous ajouteriez la participation des parents; vous proposez une commission parlementaire publique et un conseil de médiateurs. À tous ces paliers, vous insistez beaucoup sur l'information du public. On parle si facilement dans notre société des droits primordiaux des parents dans l'éducation de leurs enfants. J'aimerais que vous nous disiez un peu comment les parents se sentent face à ce mécanisme de négociations dans le secteur de l'éducation, un peu, le cri du coeur que vous pouvez ressentir.

Deuxièmement, vous suggérez aussi que le rôle patronal aux négociations provinciales ou nationales devrait être donné au groupement des commissions scolaires et des collèqes. Peut-être deux sous-questions: 1. Comment concilier cette remise entre les mains des commissions scolaires et des collèges des négociations avec un certain pouvoir que le Conseil du trésor a pour encadrer ces négociations? 2. Pour quelles raisons croyez-vous que cette façon de négocier serait plus efficace? Je vous remercie. (10 h 45)

Mme Gélinas: Je vais me permettre d'intervenir tout de suite au sujet de la participation des parents, pourquoi on pense que c'est si important de demander des pouvoirs. Évidemment, nous, aux Vieilles-Forges, on a vécu un conflit particulier. Je peux vous dire qu'on était vraiment désemparés à un moment donné quand on a vu inscrit dans Le Nouvelliste, le journal local: "Les parents dorment-ils?" Cela nous a causé tout un choc. Évidemment, on ne dormait pas. On manquait même de sommeil tellement on cherchait les moyens de s'en sortir. Les moyens qu'on avait n'étaient pas tellement nombreux. On a fait une pétition qui a ramassé 20 000 signatures en deux ou trois jours. Chaque jour, on entendait sur des lignes ouvertes des parents se plaindre de la situation, mais en fin de compte c'est tout ce qu'on avait comme moyens. On a consulté des avocats et ils nous ont dit: N'y pensez

pas, vous n'avez pas de moyens légaux d'arrêter une grève légale. Je répète le mot, mais c'est cela. On n'avait pas de pouvoirs et on était pris dans une situation qui n'avait pas de fin. On sait que cela a duré deux mois. Donc, c'est pour cette raison qu'on demande plus de pouvoirs afin qu'on puisse intervenir dans des situations semblables. Je pense qu'on a pleinement justifié dans notre volet Participation des parents que c'est important pour un parent de contribuer à l'éducation de son enfant. Donc, c'est important à un moment donné qu'il y ait des moyens d'aller à l'encontre de certaines pressions qui se font dans le monde de l'éducation qui empêchent que les droits des enfants soient respectés.

Il ne faut pas oublier qu'en fin de compte nous sommes devant une lutte de principe, un principe qui dit: II y a des droits fondamentaux qui sont rattachés à la personne. Par contre, il y a l'autre principe, l'autre courant d'idées qui dit: Les droits des syndiqués sont des droits acquis, le droit de grève, mais il ne faut pas oublier non plus que le droit de grève est un droit de pression, un droit acquis. Nous disons ce que nous pensons, c'est que ce droit doit enfin laisser la place, doit être remanié en considérant les droits fondamentaux de la personne.

M. Dean: Mais, aussi, votre insistance sur l'information était dans le sens que, malgré des négociations ou une grève qui durent assez longtemps soit sur le plan national ou local, vous sentiez vraiment ne pas avoir les informations pertinentes pour vous permettre, même comme parents, de porter un jugement ou de prendre position. Est-ce cela?

Mme Gélinas: J'ai un exemple concret. On dit aussi qu'on veut que le conseil d'information soit véritablement opérationnel. Ce n'est pas une idée qu'on a tirée en l'air comme cela. Au mois de juin 1981, j'ai eu entre les mains cette brochure qui vient du conseil d'information. Cela a été publié en novembre 1979. Je ne l'avais jamais eue. Je ne le savais pas. On m'a dit que c'était même resté dans des caisses. Donc, on dit: Si le conseil d'information veut être opérationnel, il faut qu'il tente de rejoindre les parents. Même, dans cette brochure, le conseil d'information lui-même - je ne vous lirai pas le texte - n'a pas le même esprit que la loi 59. À l'article 99e, on dit que le conseil d'information, et je le cite, "est chargé d'informer le public sur les enjeux de la négociation, les positions respectives des parties, les écarts séparant les parties et le déroulement de la négociation. " Là-dedans, le conseil d'information dit carrément: Si vous voulez vous renseigner, allez dans les journaux. Ensuite, il dit: Ce n'est pas notre rôle de vous renseigner sur les écarts. Vraiment, ce qu'on a trouvé d'illogique là-dedans, c'est que le conseil lui-même ne semble pas saisir l'esprit de la loi 59, à l'article 99e, et du Code du travail. C'est pour cette raison qu'on met l'accent sur le conseil d'information. Ce conseil, initialement, était censé être beaucoup plus opérationnel que le rôle, en fin de compte, qu'il a joué lors des dernières négociations.

M. Saint-Onge (Bertrand): II s'agirait d'ajouter à ce que Louise vient de mentionner. Dans le territoire des Vieilles-Forges et au niveau de la région no 4, on a voulu faire jouer la loi 24 pour la protection du jeune en détresse, parce qu'il n'avait pas droit à ce dont il a droit. On nous a tout simplement répondu qu'on ne pouvait pas mettre en conflit deux lois l'une contre l'autre et vice versa. Celle-là doit primer. On a cru comprendre à un moment donné que celle-là devait primer parce qu'elle avait de l'ancienneté puisqu'elle datait de 1964. Nous préconisions à ce moment-là que l'autre avait certainement de l'ancienneté parce que le droit de l'enfant avait été reconnu internationalement depuis 1959. On peut jouer là-dessus quand on préconise l'ancienneté des lois, mais il y avait un danger imminent pour les enfants qui étaient pris dans une grève. C'est pour ça qu'on veut une négociation nationale plutôt qu'une négociation répartie en deux niveaux pour plaire à...

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, je voudrais moi aussi...

Le Président (M. Rodrigue): II y avait une autre question, M. le député de Prévost?

M. Dean: C'était une question sur le fonctionnement de votre négociation avec...

Mme Gélinas: Si je vous ai bien compris, vous trouvez illogique, dans un sens, qu'on demande que le gouvernement se retire et, par contre, qu'on lui demande de déterminer les paramètres généraux des conditions de travail. Autrement dit, on l'implique au niveau de l'Assemblée nationale et on l'enlève au niveau du Conseil du trésor et au niveau de la table centrale. Pourquoi est-ce qu'on veut que se retire le gouvernement? C'est qu'on trouve que, en fin de compte, il est en conflit d'intérêts. De plus, les personnes les mieux placées pour juger des conséquences de certaines clauses au niveau des conventions, ce sont peut-être les personnes qui vivent quotidiennement cette convention collective, c'est-à-dire les commissions scolaires, dans ce cas-ci, et les

syndicats.

Par contre, si on implique l'Assemblée nationale au niveau de la détermination de la masse des coûts, c'est qu'on connaît les personnes qui ont déterminé ces avantages. C'est un moyen de contrôle. On l'a dit: on trouve que ça coûte cher, l'éducation. En tant qu'électeurs et contribuables, on pense qu'on a notre mot à dire là-dessus. Présentement, vous le savez, nous subissons des coupures budgétaires. Ces coupures, évidemment, affectent certains services. On en parle aussi au niveau des cours aux adultes, les institutions sont pénalisées, il y a des coûts plus élevés. On se dit qu'il faudrait peut-être trouver une solution moyenne, en donner un peu moins, contrôler plus les coûts qu'on injecte dans les négociations, autrement dit, pour payer les gens. On le sait, on l'a dit: En fin de compte, les syndiqués de la fonction publique, c'est un monde privilégié. Par contre, ces sommes, on pourrait les employer pour qarder nos services essentiels.

Finalement, ce qui arrive, c'est que ça coûte de plus en plus cher et on a de moins en moins de services, ce qui est aberrant. En impliquant l'Assemblée nationale, on implique tout le monde, les députés d'arrière-ban, tout le monde. Ce n'est pas seulement une personne, ce n'est pas seulement le président du Conseil du trésor.

M. Tardif (Claude): On pourrait ajouter aussi l'élément suivant. La masse salariale serait déterminée par discussion entre tous les agents concernés, à savoir les agents du gouvernement, les syndicats ou toute autre personne, dans n'importe quel milieu, qui pourraient défendre certaines positions au sein d'une commission parlementaire. Après cette commission parlementaire, la masse globale serait établie, on l'espère, en respectant le mieux-être de l'ensemble de la population. Une fois cette masse établie, le gouvernement se retire et dit aux commissions scolaires et aux syndicats: Maintenant, négociez à l'intérieur de ce cadre.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, tout en accueillant les parents à la commission, je pense que je vais céder mon droit de parole au député de Saint-Henri.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Bonjour. Je reviens, madame, à la question du conseil d'information. Vous dénoncez le conseil d'information prévu comme n'ayant pas vraiment rempli son mandat auprès de vous. À la page 10, vous demandez, pour suppléer à cette incurie, que des parents puissent détenir un pouvoir d'enquête. Vous dites, à la fin, que vous pensez que, d'observateurs, vous devez devenir partie constituante de la loi. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu ce rôle d'enquête que vous vous donnez?

Mme Gélinas: Vous savez que, présentement, dans la loi, il y a seulement le gouvernement - je crois qu'on dit le lieutenant-gouverneur en conseil - qui peut, à un moment donné, dire: Là, on fait une enguête, comme il y en a eu une sur le territoire des Vieilles Forges. Justement, cette commission d'enguête que M. Jean-Guy Duchêne avait obtenue en vertu de l'article 111, il n'y a pas un parent qui a le pouvoir de la demander. Vous êtes d'accord avec ça. C'est une autre chose qu'on avait envisagée lorsqu'on a regardé la loi, on s'est aperçu qu'on n'avait pas le pouvoir. On pourrait avoir ce pouvoir de demander, à un moment donné, quand ça fait un mois ou quand ça fait trop longtemps qu'une situation dure, qu'une enquête soit tenue; on pourrait avoir ce droit.

On demande aussi qu'une tierce partie puisse demander la médiation. Je vous suqqère que cette tierce partie puisse être un parent, un citoyen, comme n'importe quel citoyen a le droit, devant une grève illégale, de demander une injonction. Vous allez me dire qu'il peut se la faire refuser, mais au moins, il a le droit de la demander. Donc, le pouvoir qu'on veut, c'est dans le même sens que le dit Jean-Guy Duchêne. Le gouvernement a eu le pouvoir de demander à Jean-Guy Duchêne: Va voir aux Vieilles-Forges ce qui se passe et fais une enquête.

Cela aide à faire avancer les choses, surtout quand on est en conflit comme celui dans lequel on était. Maintenant, le conseil d'information, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est vrai qu'il n'a véritablement pas été opérationnel. Je pourrais vous lire le passage, mais vous avez déjà dû lire cette petite brochure. Il n'a pas joué le rôle auguel on s'attendait.

M. Tardif (Claude): C'est peut-être le facteur aussi qui a entraîné le conflit à Trois-Rivières, qui a duré beaucoup plus longtemps que tout le monde le souhaitait.

M. Saint-Onge (Bertrand): II a fallu que les parents demandent une pétition de 20 000 noms pour être capables d'obtenir l'intervention des autorités supérieures à une commission scolaire pour venir régler le conflit scolaire dans le territoire. Les paramètres dont on parlait tantôt, dans la loi 113, on dit, à l'article 5, que l'arbitre ne doit pas dépasser les cadres de l'entente nationale. C'est toujours en vertu de cette phase qu'on demande que cette chose soit

corrigée dans la loi.

M. Hains: Une autre petite question. A la page 11, vous contestez le syndicalisme enclin à assouvir des orientations idéologiques et des ambitions politiques, plutôt que de rechercher uniquement le bien de ses membres.

Plus bas, dans le dernier paragraphe, vous dites que le monde de l'éducation est devenu un champ de batailles politiques et idéologiques, de luttes de pouvoir. Il est révoltant de constater que l'apprentissage de l'enfant, son droit à l'éducation est brimé par des facteurs autres que pédagogiques.

Je vous demande d'expliciter un peu ces passages de votre mémoire.

Mme Gélinas: On sait qu'à chaque négociation, il y a des droits de gérance qui sont contestés, qui sont mis en cause. Quand on dit qu'il y a du syndicalisme à outrance, c'est vrai, je regrette de le dire, parce qu'en fin de compte, le syndicat ou tout autre groupe de citoyens a le droit de donner son opinion sur un sujet, que ce soit sur le nouveau régime pédagogique, l'intégration des enfants handicapés dans la société. Il a le droit. Mais quand arrive la loi, je dis qu'il doit s'y conformer et ne pas boycotter les moyens que le gouvernement prend. Le gouvernement représente la majorité des citoyens. Le reproche qu'on peut faire au syndicat présentement, il faut être franc, c'est qu'il tente d'annuler les effets positifs que pourraient nous donner des lois. On n'a qu'à citer la loi 71. Dans la loi 71, on a un article qui traite du conseil d'orientation, mais je vous le dis, si on peut compter dix conseils d'orientation sur nos doigts dans la province, il n'y en a pas dix... C'est littéralement boycotté par les syndicats.

Donc, c'est encore un de nos droits, il y a une loi. Avant, les syndicats, comme tout autre groupe de citoyens, peuvent se prononcer, mais ce qu'on dit, c'est qu'une fois que la loi est adoptée, il faut s'y conformer.

Il y a les projets éducatifs aussi. C'est encore une façon pour les parents d'amener un certain renouveau dans les écoles. Présentement, nous ne sommes pas capables de les établir. C'est là qu'on croit que le syndicat exagère.

Comme je vous le dis, le syndicat a le droit de se prononcer, mais une fois que les règlements sont établis... Le projet éducatif, cela vient d'une consultation du livre vert, qui a engendré le livre orange. Ce sont toutes des choses que l'ensemble des citoyens a voulu. On dit au gouvernement: Prenez de nouvelles dispositions. Parfois, c'est révoltant de voir qu'on n'est pas capable de faire appliquer ces choses. Il faut être réaliste, c'est comme cela.

Comme je vous le dis, les droits de gérance sont constamment remis en question. À un moment donné, il va falloir nous aussi nous poser une question: Quel genre d'école veut-on? Est-ce qu'on veut une école qui est administrée par le gouvernement, par le ministère de l'Éducation, une école sur qui on peut faire encore des pressions auprès des commissions scolaires, auprès du gouvernement ou une école syndicaliste? Dès que vous aurez mis des choses dans des conventions collectives de travail, il faut vous dire que nous, les citoyens, nous, la population, on n'aura plus de recours, parce que la convention collective de travail, c'est une bible. On ne peut plus avoir de recours après de cela.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai trois questions très précises à vous poser. Ce sont des statistiques. Si vous ne les avez pas, j'aimerais que le ministre s'informe auprès du ministère de l'Éducation pour savoir s'il les a.

J'aimerais vous demander si vous avez examiné le résultat des examens de fins d'études à la commission des Vieilles-Forges en fonction des résultats généraux de la province pour l'année où vous avez subi votre longue grève de 51 jours.

Deuxièmement, votre commission scolaire a-t-elle examiné le taux d'abandon scolaire pour cette année où vous avez subi la grève, en fonction de la moyenne générale observée dans les cinq dernières années, enfin le nombre d'années que vous voudrez?

Troisième question. Est-ce que les difficultés que vous avez subies ont exercé une influence sur des départs possibles d'étudiants de la commission scolaire vers l'école privée? Ce sont là mes trois questions.

Mme Gélinas: Pour ce qui est du résultat des examens, pour ce qui est de ma commission scolaire, j'ai demandé au directeur de l'enseignement, premièrement, si toutes les matières avaient été vues cette année. Je peux vous affirmer que ma commission scolaire de Chavigny m'a dit -par exemple, je vous parle du primaire; pour le secondaire, un autre pourra vous répondre - qu'au niveau du primaire, c'est assuré que les matières secondaires n'ont pas été vues dans leur entier. On peut donc présumer qu'au niveau secondaire, cela n'a pas été fait non plus.

Ce que je peux vous dire aussi, c'est qu'on a remanié - on l'a dit publiquement à la radio; je m'en souviens très bien - on a réajusté un peu les examens en fonction évidemment du conflit qu'il y avait eu sur le territoire. À un moment donné, un directeur général a dit: Écoutez, on prendra cela en

considération et, si les matières secondaires ne sont pas entièrement vues, on remaniera les examens; ce que je trouve aberrant, en passant.

Les statistiques, les chiffres précis, je ne les ai pas, mais il faut se dire qu'on en a vu les conséquences l'année passée, il y en a eu; on les verra aussi dans les années suivantes, c'est-à-dire que certains éléments n'ont pas été donnés aux élèves et, nécessairement, ils ne seront pas vus les années après. Je pense que, surtout au niveau secondaire, cela aura beaucoup de conséquences, surtout pour un élève qui était finissant au secondaire, qui se présente au céqep et qui n'a pas eu toute sa matière; il peut vraiment avoir de très grandes difficultés au cégep. Je pense que, cette année, des statistiques pourront nous en dire long sur les conséquences de la grève dans le territoire des Vieilles-Forges, des statistiques des céqeps qu'on pourra avoir seulement à la fin de l'année scolaire et des statistiques sur les difficultés éprouvées par les élèves du primaire à la première année du secondaire. Ils auront peut-être plus de difficulté cette année, vu que leur primaire ou leur sixième année n'aura pas été vue au complet. Mais des statistiques précises en tant que telles, je n'en ai pas.

M. Tardif (Claude): II y a l'élément aussi que les effets de ces conflits sont de deux ordres. Le premier, c'est que les "dropout", si je peux utiliser cette expression, pourront délaisser l'école non pas nécessairement cette année ou l'an prochain, mais, comme l'expliquait un peu Louise, peut-être à long terme. Cela peut être seulement dans trois ans qu'une personne ou un groupe de personnes seront amenées à décrocher du système scolaire à cause du conflit qu'ils auront vécu.

L'autre élément aussi, qui n'est pas mesurable non plus, qui n'a peut-être pas directement à voir avec les décrochages ou avec la qualité de l'enseignement, c'est la qualité des relations entre les personnes impliquées dans un conflit. À Trois-Rivières, sur le territoire des Vieilles-Forqes, cela a été assez acerbe par bout, lors des négociations, et ce n'est pas d'hier, ce n'est pas de la dernière négociation, cela date de quelques années avant. On est en droit de se poser la question suivante: Comment des gens qui vont se déchirer littéralement lors de négociations pourront-ils continuer à travailler ensuite, après règlement du conflit, avec harmonie, avec cohésion et surtout avec à l'esprit le mieux-être du client, comme je l'appellerais, l'enfant? C'est une grosse interrogation qu'on a. On peut constater aussi, à bien des égards, que les relations sont parfois tendues et que, sur certains sujets, parfois anodins, on voit qu'une partie et l'autre sont portées à aller l'appliquer à la lettre. Ils ont leur convention collective à portée de la main et s'en tiennent à cela. Peut-être qu'ils pourraient faire certaines digressions par rapport à cela. Mais ils ont toujours à l'esprit: Quelle autre demande va-t-il y avoir? Est-ce qu'on va devoir négocier cela plus tard? Si on offre ceci... ?

Finalement, tout le monde s'en tient à cela, ce qui fait un climat un peu malsain, à long terme.

Mme Lavoie-Roux: M. le président, je vous remercie de vos réponses. C'est évident qu'il y a des choses qui ne sont pas quantifiables. Vous avez mentionné la question de la détérioration du climat ou des tensions qui peuvent s'établir. J'aimerais quand même réitérer ma demande au ministre, parce que je pense que ce sont là des choses quantifiables, où le ministère de l'Éducation, en collaboration avec la commission scolaire... Il y a eu un autre cas, mais je pense que cela fait trop longtemps. Il y a eu la commission scolaire Jérôme LeRoyer qui, en 1977, a eu à peu près trois mois de grève.

Je pense qu'à partir de cela, on pourrait peut-être mieux mesurer l'impact des grèves dans le domaine scolaire.

M. Tardif (Claude): II y aurait peut-être un autre élément, Mme la députée de L'Acadie, dans la dernière partie de votre question, à savoir l'effet des conflits par rapport au transfert d'étudiants entre le secteur privé et le secteur public. J'aurais une information que je n'ai pas pu vérifier à l'heure actuelle, qui serait assez récente.

On aurait pu constater, à Trois-Rivières, un transport d'élèves assez impressionnant cette année, entre le secteur privé et le secteur public, ce qui est étonnant, mais qui s'expliquerait de la façon suivante. L'an dernier, la population savait qu'il y avait des négociations en vue. Les enfants ont tous été transférés au secteur privé. Il y a maintenant une année calme. Cette année, étant donné qu'il n'y a pas de négociations, cela revient au secteur public, et qui sait ce qui va ses passer lors des prochaines négociations.

Cela vaudrait peut-être la peine de vérifier cette affirmation que j'ai entendue très récemment.

Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.

M. Saint-Onge (Bertrand): Pour renchérir sur la question des résultats à obtenir lorsqu'il y a un conflit, on peut facilement grossir les groupes d'apprentissage. Également, les forts se sortent assez bien d'un conflit scolaire. Mais quand on tombe dans les classes moyennes et faibles, ces étudiants s'en vont, si on prend le niveau secondaire, par exemple, vers le

professionnel court et même vers le SPA, le professionnel auxiliaire.

Les tendances sont là. Il y a un danger flagrant dans cette chose, si on ne prévoit pas des mécanismes qui viennent réellement organiser le système en fonction de l'enfant. Pas en fonction des adultes, mais en fonction de l'enfant. L'école existe en fonction des enfants. Tous les efforts doivent donc être centrés vers le bien-être de cet individu qu'est l'enfant, qui est l'adulte de demain.

Fédération des commissions scolaires catholiques

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du comité de parents de la Commission scolaire de Trois-Rivières. J'invite maintenant les représentants de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Ce mémoire nous sera présenté par Mme Estelle Gobeil, la présidente générale de la fédération. Mme Gobeil, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous présenter également votre mémoire.

Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, il me fait plaisir, comme présidente de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, d'intervenir à cette commission parlementaire.

Je suis accompagnée de M. Jacgues Audy, le directeur général, à ma droite, ainsi que de M. Jean-Pierre Tessier, à ma gauche, qui est le directeur des relations de travail.

M. le Président, la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec est un acteur important dans le jeu des négociations du secteur public. Bien avant 1967, elle s'impliguait dans les négociations avec les divers personnels des commissions scolaires en offrant un service de support et de représentation dans les négociations locales.

Depuis la mise en place de négociations à l'échelle nationale, la fédération a participé à guatre rondes de négociations avec les enseignants et à trois rondes de négociations avec le personnel de soutien et le personnel professionnel.

Le projet de loi no 25 et les lois 46, 95 et 55 ont largement confirmé à la fédération son rôle de représentant et de mandataire des commissions scolaires dans les négociations visant le personnel de ces commissions scolaires.

Pour les fins de présentation de notre position à cette commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, nous vous référerons au mémoire sur le droit de grève et les services essentiels qui vous a été remis ainsi qu'au document "Évaluation des négociations et prospectives", lequel constitue un complément aux représentations que nous entendons faire sur l'exercice du droit de grève et le maintien des services essentiels en milieu scolaire.

En 1977, la fédération, lors de la présentation de ses recommandations sur les négociations à la commission Martin-Bouchard, n'avait développé aucune position particulière sur la question du droit de grève et des services essentiels. Considérant que l'acte éducatif constitue un tout, la notion des services essentiels ressort moins en milieu scolaire que dans d'autres secteurs d'activité. Cependant, le vécu des dernières rondes de négociations, l'expérience d'une deuxième négociation provinciale, nationale, pour le personnel de soutien, les moyens de pression utilisés par les parties syndicales et le climat entourant les grèves, tant dans le secteur de l'éducation que dans l'ensemble du parapublic, nous amènent aujourd'hui à élaborer davantage nos positions sur le droit de grève et les services essentiels.

Notre approche se veut concrète, il n'est pas dans notre intention de faire une remise en question du droit de grève dans le secteur scolaire, ni de proposer une révision totale du processus de négociation. Nous sommes conscients du fait que chaque ronde de négociations résulte en un affrontement sérieux, dont les implications ont une portée sociale souvent très grave.

À cette fin, nous proposons des réaménagements sur l'utilisation du droit de grève et le maintien des services essentiels, ainsi que sur le processus de négociation lui-même, considérant qu'il est plus réaliste d'apporter des améliorations à un système que de vouloir en changer l'essence.

Dans la première partie, nous verrons le droit de grève et les services essentiels. Compte tenu que les arrêts de travail en milieu scolaire influencent à divers degrés le climat scolaire et touchent directement l'étudiant, il est du devoir des principaux intervenants en éducation de mettre de l'avant un processus de négociation des conditions de travail visant à éliminer le recours à la grève.

Considérant l'état actuel des relations de travail dans le secteur parapublic et les recherches de nouveaux modes de négociation, notre position sur la grève et les services essentiels confirme le droit de grève dans le secteur scolaire, tout en réclamant que ce droit soit encadré et réglementé davantage.

Pour supporter ce principe, nous envisagerons les caractéristigues du milieu scolaire, selon qu'il s'agit de l'acte d'enseignement en lui-même ou des services de support à l'enseignement qui se rattachent davantage à la notion de services essentiels.

En ce qui a trait à l'acte

d'enseignement: limitation du droit de grève. Nous sommes conscients du fait que le milieu scolaire ne fait pas abstraction à la réalité quotidienne et qu'une année scolaire peut subir certaines modifications. Cependant, dépendant des catégories d'élèves et de l'époque de l'année scolaire, un arrêt prolongé des activités d'enseignement provoque inévitablement des dommages réels à l'élève.

Citons, par exemple, les cas d'abandon scolaire, notamment au niveau du professionnel court; le désintéressement à certaines matières académiques; le blocage dans le développement de l'apprentissage au niveau de certaines catégories d'élèves et la récupération. (11 h 15)

Ce qui importe, c'est que le législateur consacre le principe que, dans le secteur de l'éducation, l'exercice du droit de grève et de lock-out peut, tout en étant maintenu, être limité parce que l'interruption de l'acte d'enseignement doit être considéré comme un inconvénient sérieux qui peut causer des dommages réels à l'élève si elle persiste. En conséquence, l'interruption de l'enseignement ne revêt pas un caractère d'urgence dans l'immédiat, mais ne doit jamais, selon la durée et l'époque, compromettre l'année scolaire d'une génération d'étudiants comme ce fut le cas dans le passé.

Limitation et suspension temporaire du droit de grève. Nous croyons qu'il y a lieu de limiter ou de suspendre temporairement le droit de grève ou de lock-out de façon préventive et ce, pour une courte période pendant laquelle des mesures seraient mises en place pour régler le conflit (médiation, arbitrage ou loi spéciale). Aux fins de préciser les mesures qui pourraient être prises, nous vous reportons au mémoire que nous vous soumettrons sur l'évaluation des négociations et prospective, section E, page 33, lequel propose une régie des relations du travail dont le mandat serait d'intervenir au niveau du constat des enjeux et d'établir un rapport de médiation. Cette approche a d'ailleurs été développée par les auteurs du rapport Martin-Bouchard.

Suspension du droit de grève dans les établissements spécialisés. Nous tenons à ajouter que, dans le cas des établissements spécialisés, la suspension temporaire du droit de grève et de lock-out doit s'appliguer de façon automatigue. Nous entendons par institutions spécialisées un certain nombre d'institutions accueillant des élèves privés partiellement d'autonomie à cause d'incapacités physiques ou mentales ou dans le cas de perturbations socio-affectives graves. La suspension temporaire du droit de grève dans de tels établissements permet d'atteindre un double but, soit de permettre la mise en place de mécanismes d'aide et d'éviter les inconvénients majeurs inhérents à la perturbation des élèves de tels milieux.

En ce qui a trait à l'avis de grève, notre position est nettement manifeste lorsque nous reconnaissons le maintien du droit de grève et de lock-out en milieu scolaire. Il est cependant essentiel que l'exercice de ce droit de grève soit encadré lorsqu'il vise directement la santé et la sécurité des élèves. L'expérience des grèves dans le secteur de l'éducation démontre que ce n'est pas la grève elle-même, mais l'effet de désorganisation qui entraîne des inconvénients sérieux et des dommages réels face à l'élève et à la responsabilité que doit assurer une commission scolaire s'il s'agit d'actes répétitifs. L'effet de désorganisation que provoque l'avis de grève ressort surtout au niveau local alors que les syndicats ont tendance à faire jouer le rapport de forces en suscitant le plus grand nombre de perturbations tout en minimisant les coupures de traitements chez leurs membres.

Dans certains cas, les enseiqnants pourront, comme l'annonce l'avis de grève, ne pas se présenter à la première heure, mais se déclareront disposés à réintégrer les classes trois heures après le début de la grève. La commission scolaire qui réclamera le temps nécessaire pour remettre son système en marche sans que les enseiqnants soient rémunérés pendant cette période se verra accusée d'avoir décrété un lock-out illéqal puisque l'avis de deux jours n'a pas été donné. Pour pallier aux inconvénients majeurs qui découlent de l'utilisation répétitive de l'avis de grève, une réglementation s'impose.

Les dispositions du Code du travail appliquent au lock-out les mêmes obligations de préavis que celles relatives à la grève. Cependant, comme il revient à une commission scolaire d'assurer la santé et la sécurité des élèves, elle ne peut fermer ses établissements sans prendre les moyens nécessaires pour assurer que la clientèle ne soit pas pénalisée. Bien que nous croyions que la commission scolaire doive se soumettre à l'avis lorsqu'elle désire recourir au lock-out, il y a lieu de mettre en doute l'utilité de ce préavis pour des fermetures de courte durée.

Lors de problèmes d'entretien, lors de tempêtes de neige, la commission scolaire décide de la fermeture de ses établissements tout en s'assurant de diffuser l'information au milieu, élèves, parents. Il pourrait en être ainsi en cas de fermeture pour cause de lock-out.

Il est vrai que le fait de dégager l'employeur de ses obligations de préavis en cas de lock-out pourrait prêter à équivoque par rapport à la réglementation entourant l'exercice du droit de grève. Cependant, nous considérons comme mesure alternative que, si le droit de grève s'exerce lors d'un arrêt sporadique ou d'un retard des employés selon

le préavis reçu, le fait pour une commission scolaire de fermer les portes de ses établissements ne peut être assimilé à une fermeture pour lock-out et ne peut nécessiter l'envoi d'un préavis, puisqu'il y va de la sécurité des élèves.

En conséquence, l'avis de grève doit mettre l'accent sur l'époque où le syndicat entend effectivement recourir à la grève en spécifiant le moment de la cessation concertée de travail, toujours dans le cadre d'un préavis de deux jours francs. La fermeture d'un établissement au moment où la grève doit s'exercer ou lors d'un arrêt de travail ne peut être assimilée à un lock-out et ne peut nécessiter l'envoi de préavis.

Les arrêts sporadiques de travail et le harcèlement. Malgré le fait que les ralentissements de travail soient interdits et que le harcèlement soit nettement prohibé par le Code du travail, les syndicats utilisent fréquemment de telles tactiques afin de désorganiser le fonctionnement des commissions scolaires sans recourir à la grève générale. Notre mémoire fait la liste exhaustive des moyens de harcèlement les plus souvent utilisés, en page 16 et 17. Nous croyons que ce sont les élèves, finalement, qui sont directement visés par ces moyens de pression et ce sont eux qui risquent de subir des préjudices graves si les dispositions actuelles du code ne sont pas modifiées. Certains de ces moyens de pression touchent directement la sécurité des élèves: le boycottage des surveillances d'élèves lors des récréations, l'absence de surveillance dans les institutions spécialisées où les élèves ont besoin d'un encadrement personnel et l'absence de surveillance dans les résidences, dans les laboratoires et les ateliers à l'entrée et à la sortie des cours. Certains articles du Code du travail, 96, 124 et 126, prohibent le harcèlement et prévoient des sanctions. Il y aurait lieu de veiller à leur application.

En conséquence, le harcèlement face aux élèves et les arrêts sporadiques ne touchant qu'une partie des activités devraient être formellement interdits, de même que les arrêts et les reprises de travail successifs au cours d'une même journée devraient être considérés comme un arrêt sporadique de travail et, conséquemment, être illéqaux. Des sanctions plus coercitives devraient être intégrées au Code du travail et appliquées intégralement lorsqu'elles sont la conséquence d'actes illégaux qui affectent directement l'élève.

Je vais passer la parole à M. Audy.

M. Audy (Jacques): Les services de support à l'enseignement en regard des services essentiels. Relativement au personnel de soutien, bien que le Code du travail prévoie la possibilité d'une entente sur l'établissement des services essentiels, l'expérience nous démontre pleinement que les syndicats dans le secteur de l'éducation n'ont jamais conclu d'entente avec les commissions scolaires ni transmis de listes qui déterminent le nombre de salariés par catégorie de services maintenus par les commissions scolaires en cas de conflits de travail. Il nous apparaît cependant impératif, s'il s'agit d'une grève des employés de soutien, de maintenir certains services essentiels reliés directement à la santé et à la sécurité des élèves. Les services à maintenir sont: la surveillance des élèves et les services alimentaires dans les résidences d'étudiants; le maintien minimum du service d'entretien des lieux pour fins d'hygiène et de sécurité; la surveillance des élèves dans les institutions spécialisées et l'affectation d'ouvriers spécialisés en regard des systèmes de climatisation, de tuyauterie et de chauffage.

En conséquence, certaines tâches des employés affectés aux services de support à l'enseignement sont essentielles. Il y a donc lieu de modifier l'article 97 afin qu'à défaut d'entente il soit confié au conseil sur le maintien des services essentiels le pouvoir de déterminer le nombre de salariés à être maintenus par service et par établissement en cas de conflit.

Par ailleurs, les sanctions prévues au Code du travail devraient être appliquées par le biais d'une section spéciale du Tribunal du travail lorsque l'association accréditée ne respecte pas la liste des salariés à maintenir en cas de conflit de travail selon l'ordonnance émise par le Conseil sur le maintien des services essentiels. En cas d'urgence, que l'employeur puisse, à défaut d'entente, faire exécuter certains travaux essentiels, à la condition d'en donner dès que possible avis au Conseil sur le maintien des services essentiels.

Nous ne pouvons cependant passer sous silence le fait que les rapports de forces furent plus civilisées au cours de la ronde 1979-1982. Nous croyons qu'une telle attitude réside en grande partie dans la volonté des syndicats du secteur public de refaire leur image auprès de la population, la volonté du gouvernement et des commissions scolaires d'en arriver à une entente et l'intention déclarée des commissions scolaires de ne pas tolérer d'actes illégaux ou de harcèlement. En ce sens, nous croyons qu'une meilleure réglementation du droit de grève favorise le processus de négociation et nécessite de toutes les parties impliquées le développement de mécanismes de négociation propres aux secteurs public et parapublic.

La deuxième partie porte sur l'évaluation des négociations et prospectives. En regard du bilan de la ronde 1979-1982, nous vous soumettons certaines conclusions générales qui sont tirées du document Évaluation des négociations et prospectives.

D'une façon générale, les commissions scolaires se disent satisfaites du contenu des conventions. Les négociations sur le plan national se sont déroulées sans que le climat au niveau des écoles ne soit affecté. Bien qu'identiques à ceux du gouvernement, plusieurs objectifs de la fédération ont été englobés dans des objectifs gouvernementaux plus larges. L'existence d'un comité de concertation fédération-gouvernement permet de constituer un cadre formel de fonctionnement entre les parties. Les commissions scolaires, par leur fédération, ont dû fonctionner dans le cadre de la loi 55, qui consacre un déséquilibre juridique entre les partenaires à la négociation et elles ont dû développer une attitude de réaction en certaines occasions, notamment en exigeant de connaître la stratégie générale avant de décider sur un point particulier.

La présence des organismes patronaux auprès du Conseil du trésor et des représentants sous-ministériels et ministériels permet davantage aux structures politiques de véhiculer les positions réalistes et d'évaluer l'impact des demandes syndicales et des offres patronales. Le Code du travail, dans la mesure où s'ajoutent des encadrements spécifiques quant au processus de négociation des lois 55 et 59, convient dans l'ensemble au secteur public. Bien qu'il ait à requérir du gouvernement certains mandats quant aux fonds requis, le CPNCC risque de perdre l'initiative dans la conduite des négociations face à un abus d'utilisation de la notion d'intérêt gouvernemental.

La subdivision à la table centrale et sectorielle provoque des effets négatifs relativement à la conduite des négociations par les comités patronaux et provoque une discontinuité dans les textes négociés. La table centrale constitue un lieu de politisation de la négociation et force l'État à s'impliquer inutilement dans moult détails accessoires de la négociation. L'omniprésence du gouvernement - ministères, ministres, Conseil du trésor - provoque une politisation indue des objectifs de négociation et force l'État à s'impliquer sur une multitude de questions administratives.

L'encadrement législatif. Actuellement, le Code du travail est principalement adapté aux méthodes de négociation du secteur privé. L'ensemble des dispositions relatives à la négociation est basé sur l'établissement d'un rapport de forces entre les parties et met en branle la négociation selon un principe de bonne foi entre les parties. Nous croyons que, dans la mesure où de telles dispositions sont complétées par un cadre de négociation propre aux secteurs public ou parapublic, loi 55 ou 59 - il faudrait biffer le mot "seulement" - un certain nombre d'amendements doivent être apportés au Code du travail.

Cette position repose principalement sur le fait que nous croyons que les commissions scolaires doivent collectivement jouer le rôle d'agent négociateur dans le processus de négociation, l'État se retirant de l'aspect normatif des conditions de travail et concentrant davantage son rôle au niveau de l'établissement des disponibilités financières du gouvernement et de la détermination des paramètres généraux de la rémunération des employés rattachés au secteur public.

En ce sens, les principes de négociation contenus dans le Code du travail applicables aux gestionnaires de l'entreprise privée conservent tout leurs sens lorsqu'ils sont appliqués aux gestionnaires publics que constituent les commissions scolaires: bonne foi, climat de travail adéquat, qualité de services à la clientèle du réseau public. Notons cependant que, relativement à la mise en application du Code du travail, plusieurs changements, selon les modifications suggérées, devraient être apportés. Ces amendements sont relatifs au mode de règlement de conflit et à l'encadrement du droit de grève et des services essentiels.

La régie des relations de travail. L'un des éléments pouvant faciliter le rapprochement des parties en négociation serait la mise en place d'une régie des relations de travail. Il nous apparaît difficile que le service de conciliation actuellement rattaché au ministère du Travail et relevant de l'autorité du ministre du Travail puisse oeuvrer adéquatement au niveau des négociations du secteur public sans que ses représentants ne soient identifiés directement à la partie gouvernementale associée à la partie patronale négociable. Une régie des relations de travail extérieure a l'appareil gouvernemental pourrait, à moyen terme, jouer un rôle utile, sinon sur le tout, du moins sur une partie des matières négociables.

Section spéciale du Tribunal du travail. Un autre élément permettant un meilleur respect des dispositions du Code du travail serait la création d'une section spéciale du Tribunal du travail couvrant principalement les infractions commises lors des négociations dans le secteur public. Le tribunal pourrait procéder avec diligence à l'étude des plaintes portées relativement au ralentissement de travail, aux grèves illégales, aux interruptions de services. (11 h 30)

D'autre part, nous notons que les lois 55 et 59 représentent un encadrement valable des négociations dans le secteur public. Nous croyons, cependant, que les articles de loi traitant de la réglementation du fonctionnement des organismes membres de la partie patronale doivent être abrogés ou du moins, doit-on préciser la notion d'intérêt gouvernemental et affirmer le rôle des prépondérances.

Le règlement des conflits. Quant à l'arbitrage, le gouvernement du Québec s'est toujours opposé avec vigueur à l'arbitrage obligatoire comme processus de règlement des différends. L'objection fondamentale développée contre le recours à l'arbitrage obligatoire repose sur l'illogisme et l'inconséguence dans le cadre des responsabilités gouvernementales de confier à un tiers le soin d'intervenir directement dans la détermination d'une masse budgétaire qui représente plus de 50% du budget global de l'État.

L'expérience nous démontre, et les experts le confirment, que l'arbitrage obligatoire présente de sérieux inconvénients. Parmi ceux-ci, il faut mentionner son effet négatif sur le déroulement des négociations et sur la sincérité ou la bonne foi des parties négociantes dans la formulation de leurs propositions et le risque que les parties encourent d'avoir à vivre avec des résultats qui ne donnent satisfaction à aucune d'entre elles.

La fédération croit, compte tenu du caractère particulier des négociations du secteur public, qu'il n'est pas de l'intérêt de la population comme de celui des parties, de laisser à un tiers le soin de poser un choix tant dans la masse monétaire affectée que sur la gualité des services à rendre.

On ne devrait pas cependant écarter la possibilité d'avoir recours à un tel mécanisme pour sortir les parties de l'impasse sur certains points précis de la négociation.

En ce qui regarde le conseil d'information, l'essence même du processus de négociation écarte toute velléité d'information par un tiers sur le déroulement régulier des négociations. Notre perception du vécu des travaux du conseil d'information à l'occasion de la dernière ronde de négociations confirme cette assertion.

En tentant de maintenir son objectivité, ce qu'il se devait de faire, le conseil n'a pu que produire des tonnes de documents extrêmement technigues et comme tels, inutilisables pour des fins d'information du public, d'autant plus que l'évolution normale des négociations rendait cette information cadugue au moment où elle était publiée. Il faut donc, à notre avis, revoir la question dans une perspective différente.

Le rôle du conseil d'information devrait se limiter à faire connaître les enjeux de la négociation et à publiciser certains constats de la régie des relations du travail, s'il y a lieu.

En ce qui a trait au mode de négociation à la table centrale, il est important que la partie patronale et principalement le gouvernement définissent les grands paramètres de la masse monétaire disponible en négociation.

Nous croyons, cependant, que ces paramètres n'ont pas à être articulés dans des propositions précises et détaillées, s'apparentant à des clauses de convention collective. Nous pensons qu'il y a lieu d'échanger sur ces grands paramètres financiers en termes de principes.

Ainsi, lorsqu'on traite de rémunération, on peut parler des principes de protection contre l'érosion du pouvoir d'achat, de salaires comparables à ceux du secteur privé, de protection contre les pertes économiques parentaux. Il nous semble évident cependant que l'articulation et les modalités d'application de ces grands paramètres doivent se discuter aux tables sectorielles.

La subdivision en tables centrale et sectorielles provogue des effets négatifs relativement à la conduite des négociations par les comités patronaux et provoque une discontinuité dans les textes négociés.

La table centrale constitue un lieu de politisation des négociations et force l'État à s'impliquer inutilement dans moult détails accessoires de la négociation.

Le palier national, table centrale, n'a aucune assise juridigue dans le cadre des lois actuelles, lois 55 et 59. Nous croyons qu'il doit en être ainsi. Couper le palier sectoriel des discussions sur ces chapitres importants risque de handicaper le fonctionnement des tables sectorielles de négociation.

Il devrait être de la responsabilité des comités patronaux, à l'instigation des représentants gouvernementaux, de se soucier de la concertation intersectorielle et de permettre, s'il y a lieu, la discussion de grands principes avec des centrales syndicales.

Le Président (M. Rodrigue): M. Audy, est-ce qu'il vous serait possible de conclure, parce qu'on en est déjà rendu à 25 minutes? Comme les membres de la commission ont eu le mémoire auparavant, ils ont eu le temps de le lire; il s'agirait peut-être de dégager les points principaux, parce qu'il vous reste beaucop de pages à votre mémoire.

M. Audy: M. le Président, si vous me permettez, je passerai aux pages 27 et 28 immédiatement.

Les négociations locales. La négociation à deux paliers, locale et nationale, pose de nombreux problèmes de fonctionnement. Le lieu de négociation doit être ultimement le plus près possible des entités qui ont à gérer guotidiennement le système d'éducation. Cependant, le mode actuel de négociation et les objectifs poursuivis au niveau de l'harmonisation des conditions de travail permettent difficilement de remettre au niveau local la responsabilité de négocier les conditions de travail de l'ensemble de ses personnels.

La majorité des commissions scolaires rejette la négociation locale et préfère la modalité des arrangements locaux pour établir les conditions de travail particulières pour leur personnel. Bien que persuadée de l'importance et de la complexité que constitue la négociation au niveau national de conditions de travail qui, par essence, sont étroitement rattachées au vécu de chacun des milieux, la fédération ne peut refuser ce mandat.

Les enjeux. Un des éléments fondamentaux du mode de négociation réside dans la volonté des parties de débattre les vrais problèmes de relations de travail. En ce sens, les parties doivent, dès le début d'une ronde de négociations, indiquer les sujets ou chapitres qu'elles veulent dénoncer.

À notre sens, les conventions du secteur public contiennent des dispositions sur l'ensemble des activités propres au milieu du travail. Les clauses de protection salariale, de sécurité d'emploi, d'absences, de congés de maternité, de congés sociaux, d'assurance accordent aux employés du secteur public des avantages supérieurs, dans certains cas, à ceux des employés du secteur privé.

Tel que l'exprimait Mme Bissonnette dans l'éditorial du journal Le Devoir: "Les acquis des salariés du secteur public étant désormais ce qu'ils sont, n'est-il pas temps de revenir à des négociations sectorielles moins ambitieuses? L'État ne pourrait-il pas se retirer progressivement de son rôle direct aux tables de négociations et donner plus de place à ses partenaires, quitte à définir l'enveloppe globale de ce qu'il peut consentir? Il faudrait avant tout et modestement renoncer au goût du spectacle et à ses avantages politiques. Mille neuf cent soixante-dix-neuf en a été le contraire", tel que le mentionne Mme Bissonnette.

Mme Gobeil: M. le Président, en ce qui concerne les conclusions, étant donné le temps, nous vous référons aux pages 29, 30 et 31 et, comme vous l'avez mentionné, vous les avez lues.

Le Président (M. Rodrigue): Je pense bien que, pendant la période de questions, de toute façon, certaines questions toucheront à ces sujets et vous pourrez probablement ajouter des choses. M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr, remercier la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec de son mémoire. Avec votre permission, j'aimerais céder immédiatement mon droit de parole à mon collègue de Duplessis, qui a porté une attention tout à fait particulière à ce mémoire.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Tout comme le ministre, je voudrais remercier les représentants de la fédération de nous avoir présenté le mémoire. Je voudrais poser trois questions en rapport avec votre mémoire. D'ailleurs, je tiens à vous souligner l'importance qu'auront pour nous certaines parties de votre mémoire. Vous avez ajouté des choses drôlement importantes auxquelles on devra porter éventuellement une attention toute spéciale, les recommandations et l'explication aussi de ce qui s'est passé à venir jusqu'à ce jour, par exemple, en 1979, les négociations en rapport avec le conseil, les négociations locales et les négociations nationales.

Ma question porte sur la page 11, lorsque vous parlez du préavis de deux jours francs. C'est la suivante: Selon vous, les deux jours d'avis que le syndicat doit donner avant d'exercer son droit de grève donnent-ils actuellement suffisamment de temps aux administrations scolaires pour éviter que des enfants aient à se déplacer inutilement?

Mme Gobeil: Oui, M. le Président. Je réponds oui à M. le député, si effectivement ce droit est exercé comme il est prescrit dans la loi.

M. Perron: Vous mentionnez dans votre mémoire, dans le mécanisme de négociation, comme proposition, que soit maintenue la disposition permettant que le droit de grève ou de lock-out soit limité de façon préventive en suspendant son exercice pour une courte période, soit de dix à vingt jours, pendant laquelle des mesures seront mises en place pour régler le conflit, ce qui veut dire médiation, arbitrage, loi spéciale, etc. Je voudrais savoir - probablement que les membres de la commission voudraient aussi avoir des informations de votre part là-dessus - puisque j'ai parlé du préavis de deux jours, ce que changerait une telle proposition en rapport avec ce qui existe actuellement dans le code.

Mme Gobeil: M. le Président, je vais demander au directeur général de vous répondre sur cette question.

Le Président (M. Rodrigue): M. Audy.

M. Audy: D'une façon générale, il est certain que la détermination d'un certain nombre de jours pour la durée d'une grève est relative, dans le sens suivant: cela dépend aussi de l'épogue de l'année où cela peut se produire. Si vous êtes, par exemple, au niveau du secondaire V et que vous faites une grève dans les derniers jours de l'année, ce qui empêche les élèves de faire leurs

examens et, par la suite, d'avoir un classement approprié pour passer au niveau du cégep, dix jours, cela peut être trop, compte tenu de la période où cela se passe.

Par contre, dix jours, cela peut être possible aussi, tout dépend à quel moment de l'année cela se produit. Il y a des périodes de l'année où c'est difficile; il y a des types d'élèves aussi pour qui c'est difficile. Pour réhabiliter les enfants perturbés, affectifs graves, dix jours, cela peut représenter un an pour réhabiliter ou tenter de modifier un processus comportemental. Si vous faites des perturbations à ce moment-là, nécessairement, ces élèves ne s'en remettront pas. Un léger changement au niveau d'élèves perturbés affectifs graves amène des conséquences sur tout le programme de réhabilitation qui peut être établi.

Donc, dix jours, c'est relatif aux types d'élèves, c'est relatif aussi aux types de clientèle. Cela peut être supérieur pour d'autres types d'élèves. La durée pourrait être prolongée.

Mme Gobeil: M. le Président, M. Tessier, le directeur des relations de travail, aimerait ajouter à cela.

M. Tessier (Jean-Pierre): M. le Président, on fait allusion à une suspension temporaire du droit de grève. C'est vrai que cela existe dans le code. Ce qu'on dit, il faut le voir dans l'ensemble de notre mémoire. On propose des mesures à appliquer, la médiation, à certaines occasions, de l'arbitrage sur certaines parties de convention, bien qu'on rejette l'arbitrage global comme un mode de solution de conflit.

Il serait donc possible, si on installe d'autres mesures, par ailleurs, comme la régie des relations de travail, etc., à certaines occasions, de ne pas attendre, comme c'est prévu dans le code, que la santé et la sécurité ou l'intérêt des élèves soit menacé, mais suspendre pour une courte période et demander un constat, par exemple. Ensuite, on laisse les parties faire l'enjeu normal des négociations. On a appliqué cela spécialement à des institutions très spécialisées d'élèves perturbés graves, etc.

M. Perron: Une courte question, toujours en rapport avec cela, et je passe à ma dernière question par la suite. Est-ce que vous pourriez dire aux membres de cette commission, lorsque vous parliez de fin d'année où il y avait une grève, s'il y a déjà eu une grève déclarée vers la fin de l'année scolaire, à votre connaissance?

M. Audy: Oui. À notre connaissance, il y en a eu parce qu'il y a eu un problème de classification des étudiants, à la ronde de 1979, je pense. Les élèves de secondaire V devaient attendre leurs résultats. Il y a un certain nombre d'examens qui ne pouvaient être comptabilisés. Par contre, le cégep, lui, voulait obtenir ces résultats pour être capable de classifier véritablement les étudiants. Effectivement, cela s'est produit.

M. Perron: Merci. Ma dernière question maintenant, M. le Président. À la page 27 de votre mémoire, vous mentionnez, dans le dernier paragraphe, que "la majorité des commissions scolaires rejette la négociation locale et préfère la modalité des arrangements locaux pour établir les conditions de travail particulières pour leur personnel. "

Vous avez sûrement entendu plusieurs personnes et associations qui nous ont présenté des mémoires. Dans certains mémoires, on suggère seulement un palier, un palier national. Dans d'autres, on suggère les deux paliers. Dans un mémoire en particulier, celui de la CSD, on prétend qu'il devrait y avoir trois paliers.

Est-ce que vous pourriez expliquer, lorsque vous mentionnez la modalité des arrangements locaux pour établir les conditions de travail particulières pour leur personnel, cette partie, ce que cela toucherait, d'une part, et, d'autre part, expliquer votre position à savoir pourquoi vous rejetez la négociation locale?

Mme Gobeil: M. le Président, d'abord, rejeter la négociation locale, c'est un peu fort. Dans le contexte actuel, ce que nous disons, c'est que nos commissions scolaires ne sont pas d'accord pour avoir des négociations locales. Les raisons, je pense que tout le Québec les connaît. C'est tout simplement que pendant la négociation locale, vu que le syndicat a le droit de grève et que la négociation locale, en somme, ne se fait que sur des points minimes, les affichages, des choses comme cela, c'est le prolongement de la négociation nationale. Pourquoi les enfants seraient-ils perturbés dans leur classe, avec les conséquences qu'on a vues tout à l'heure, qui sont les mêmes conséquences que pour la négociation nationale? C'est la raison pour laquelle, dans le contexte, et comme cela se passe actuellement, les commissions scolaires ne sont pas favorables à la négociation locale.

M. Perron: Sur aucun point?

Mme Gobeil: Pas les 18 points qu'on a à l'heure actuelle. Ce sont des bebelles, M. le Président.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je cède la parole au directeur général.

M. Audy: D'une façon générale, tel que cela se passe présentement, avec les matières qui s'y retrouvent, il y a plusieurs éléments qui ont peu d'importance. Il y a un certain nombre de sujets ou de matières qui ont une importance certaine. Toutefois, ce qu'on peut y perdre, à ce niveau, c'est notre chemise et peut-être autre chose aussi.

Il faudrait repenser toute la question des négociations locales parce que, dans le contexte où cela se produit présentement, c'est un rapport de forces qui est tout à fait disproportionné entre les syndicats et les commissions scolaires, au niveau local. (11 h 45)

Si les négociations locales étaient davantage orientées vers plus de matières possibles de négociation au niveau des commissions scolaires et, peut-être, à un niveau moindre de tables de négociation comme telles, si les enjeux étaient davantage importants qu'ils ne le sont présentement, on ne peut dire, à l'heure actuelle, si les commissions seraient contre. On est beaucoup plus porté à croire qu'elles seraient pour. Il faudrait vraiment changer l'importance des sujets qui s'y retrouvent actuellement.

Quant aux arrangements locaux, aux modalités, à l'heure actuelle, si on ne peut agir comme véritable employeur en négociant véritablement au niveau local, c'est sûr qu'il y a des possibilités telles que la médiation pour les arrangements locaux, l'arbitrage, etc.

Un des points importants pour la négociation locale, c'est non seulement de vivre des conflits, mais c'est d'être capable de vivre ensemble par la suite. Donc, si vous amenez un débat complètement au niveau centralisé, il risque d'y avoir des difficultés de part et d'autre au niveau local dans l'application de telle conclusion des négociations. Si on veut que les gens apprennent à vivre ensemble, proqressent et fassent des qrands bouts de chemin, il faudrait véritablement que ce monde soit plus responsable en termes de matières à être négociées. Ils le sont responsables, mais il faut davantage les responsabiliser en ayant des sujets d'une importance plus grande. Le gouvernement, à ce moment, pourrait se concentrer beaucoup plus sur les questions monétaires, de congés parentaux, etc., ce qui concerne le monétaire lourd. Pour ce qui est du normatif et de toutes les modalités, les façons de vivre ensemble, ça devrait aller dans le sens d'une négociation locale, mais, pour l'instant, selon ce qui a été présenté, en termes des objets qui sont présentement aux négociations locales, les commissions scolaires ne sont pas d'accord avec ça, compte tenu des énerqies à y être consacrées et du peu de résultat que ça peut donner dans la pratique.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de l'Opposition, remercier la Fédération des commissions scolaires pour son mémoire.

J'ai quelques questions à poser. D'une façon générale, il me semble qu'il y a des choses qui sont un peu contradictoires. Il me semble que la Fédération des commissions scolaires n'a pas vraiment résolu le problème la fédération et ses membres, les commissions scolaires - de savoir quelles responsabilités elle veut vraiment assumer.

Je dois vous dire que je comprends les limites de certaines commissions scolaires au point de vue personnel et autres. Il y aurait peut-être des possibilités de regroupement, mais je vois, d'une façon générale - il y en a d'autres qui sont venus nous le dire ici avant vous autres - que finalement on va se contenter d'arrangements locaux, d'une part, et que, d'autre part, tous les plaidoyers qu'on entend, tant de la part des parents que des commissaires d'écoles et des administrateurs scolaires, c'est qu'il faut que le régime scolaire ou enfin les dispositions qui entourent le fonctionnement des écoles doivent coller le plus possible au milieu.

Tout à l'heure, on a eu un qroupe de parents qui est venu nous dire: II ne faut pas créer de disparités entre les commissions scolaires - je voulais leur poser une question et, comme le temps pressait, je ne l'ai pas fait - quant aux modalités d'application aux niveaux locaux. Je me dis: II faudrait peut-être que ceci fasse l'objet d'un débat en profondeur de tous les agents d'éducation pour savoir vraiment, finalement, c'est l'État qui va tout régler ou si le désir des milieux d'assumer leurs responsabilités en fonction des besoins des milieux, on est vraiment consentant à l'assumer, en le reliant évidemment aux responsabilités que ça implique. C'est vrai que c'est difficile, mais il va falloir changer de discours. Ce n'est plus un discours qu'on pourra continuer, tout ce discours d'application au niveau local et de respect des différences du milieu, quand on vient dire à l'État: Prenez tout en main parce qu'il nous est de plus en plus difficile d'assumer ce type de responsabilités. C'est un commentaire général, vous voudrez peut-être réagir.

Voici mes questions précises, du moins pour ma compréhension personnelle. À la page 6, et je pense que la page 8 est un peu dans le même sens, vous dites: "L'exercice du droit de grève ou de lock-out peut, tout en étant maintenu, être limité. "

Je pense que vous avez déjà répondu partiellement au député de Duplessis. Vous voulez dire, dans certaines circonstances, selon les périodes de l'année, mais il y a aussi la notion de la durée et j'aimerais que vous me disiez quelle est, pour vous, une

durée qui est acceptable ou non acceptable, en dehors de la période de l'année.

À la page 8, dans le haut de la page, vous parlez de la suspension du droit de grève et de lock-out qui devrait s'appliquer d'une façon automatique. Je voudrais bien comprendre. Est-ce que, dès qu'on ferait la grève - dans un certain nombre d'exemples que vous donnez d'institutions spécialisées -automatiquement il serait suspendu?

À ce moment, ce dont vous parlez - je me demande pourquoi vous ne le dites pas un peu plus clairement - ce serait, si je vous comprends bien, l'abolition du droit de grève dans ce type d'institution, puisque vous le suspendez d'une façon automatique, vous ne le laissez même pas s'exercer. Est-ce que ce n'est pas l'équivalent de l'abolition du droit de grève?

Je vais vous poser ces deux questions, mon commentaire général, et je reviendrai.

Mme Gobeil: M. le Président, il me fait plaisir de répondre aux commentaires de Mme la députée.

Si notre mémoire a donné l'impression ou a donné l'image que les commissions scolaires voulaient se départir de leur rôle d'employeur, ce n'est sûrement pas ça que les commissions scolaires ont voulu dire. Je tiens à le répéter, M. le Président, dans le contexte actuel, les commissions scolaires ne veulent plus vivre ce qui a été vécu à la négociation de 1972, à celle de 1976, où il y a eu, par rapport aux négociations locales qui n'en finissaient plus de durer, des pertes de temps pour les élèves, des découragements pour les parents. C'était seulement sur des points minimes; au fond, il y a vraiment des jeux de forces. Je m'explique. La partie syndicale essayait, au niveau local, de gagner ce qu'elle n'avait pas gagné au niveau provincial. Or, on sait qu'au niveau local les commissions scolaires ne sont certainement pas équipées pour pallier ce genre d'attaques et il y a eu des affrontements très pénibles.

D'un autre côté, devant la pression des parents pour que cesse la négociation et que les gens retournent au travail, il y a eu des dangers et il est arrivé que des choses essentielles, à long terme, soient cédées. C'est la raison pour laquelle la majorité des commissions scolaires a dit: On ne veut pas de négociation locale sur le peu de points qu'il y a, compte tenu surtout de l'importance qu'ils ont, mais on veut être associées et, plus que ça, on a demandé que le gouvernement soit moins présent. On sait que, pour la partie financière, l'argent vient du gouvernement, mais le gouvernement c'est nous autres.

Sur ça, M. le Président, je voudrais être bien claire, je ne veux pas qu'on ait l'impression que les commissions scolaires, qui sont les employeurs, veulent céder ce droit. C'est que le contexte ne permet pas d'exercer véritablement leur droit et leurs pouvoirs.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je comprends bien Mme Gobeil qui dit: Nous avons de la difficulté parce qu'il y a un jeu de pressions qui s'exercent pour des sujets qui sont mineurs.

Est-ce que vous voulez dire que, d'une part, pour que ça ait vraiment une signification au plan local, il faudrait que les sujets à négocier localement soient plus grands? D'un autre côté, vous m'avez aussi dit que les gens n'étaient pas équipés localement, même pour des sujets mineurs. Alors, là, je suis un peu dans une espèce de dilemme; je me demande si la Fédération des commissions scolaires ne devrait pas examiner le problème dans son ensemble et se demander quelle sorte de ressources elle a besoin, faire valoir, si elle tient à les qarder au niveau local, pour quelle raison. C'est vraiment un problème de réflexion en profondeur, parce que ce discours - là, je ne blâme pas la fédération, je me souviens de ce discours il y a déjà plusieurs années -c'est le même qui se perpétue depuis plusieurs années et ça semble être une espèce de cercle vicieux dont on ne sort pas, à moins que l'on n'approche la problématique différemment.

Mme Gobeil: M. le Président, d'abord je réagirai très brièvement et ensuite je passerai la parole au directeur des relations de travail.

Je voudrais dire à Mme la députée de L'Acadie que ce qu'elle dit est tout à fait juste. Cependant, il y a une chose que nous devons nous rappeler. Quand j'ai dit que les commissions scolaires n'étaient pas suffisamment équipées, c'est versus les pressions qui se font lors de la négociation locale.

Il est clair que, si les parents étaient mieux informés de la complexité des négociations, si les parents savaient, parfois et peut-être plus souvent, ils supporteraient l'employeur et la commission scolaire, ce qui n'est pas toujours le cas. On ne réussit pas à leur donner suffisamment d'informations pour qu'ils saisissent les véritables enjeux et c'est là le drame. Je crois que les commissions scolaires pourraient se regrouper, par exemple, pour en arriver à pouvoir négocier, mais sur des choses beaucoup plus importantes.

Pour les moyens, je demanderais à M. Tessier de répondre.

M. Tessier (Jean-Pierre): Sur le plan des moyens, notre mémoire vise à mettre tout en oeuvre pour que la négociation des aspects importants se déroule le plus près des milieux locaux. Par exemple, nous avons

dit, dans notre mémoire, qu'il y a un travail à faire par le législateur. Le législateur a à nous dire: Est-ce que ça se fait des débrayages à dix heures le matin et laisser les élèves en place? Est-ce que cela se fait de ne pas surveiller les récréations? Est-ce que cela se fait des grèves d'affrontement indéterminées? Une fois que, sur cette partie des services essentiels, le législateur aura dit que cela ne se fait pas des grèves indéterminées ou des lock-out indéterminés, nous sommes prêts à réglementer aussi nos propres commissions scolaires, à nous réglementer entre nous pour dire qu'un lockout ne se fait pas de façon indéterminée. On ne fait pas une pression indue sur les enfants ou sur la population pour dire: On va s'affronter; cela durera deux mois, trois mois, six mois. Il faut qu'à un moment donné, après un certain temps, il y ait une disposition affirmée par le gouvernement qui dise: Après tel délai, nous devons convoquer une commission parlementaire pour fixer la date de la fin de la grève, aussi clair que cela.

Une fois que cette partie sera faite par divers moyens, nous nous sommes engagés à livrer une marchandise que nous livrons dans notre deuxième document: trouver des moyens de faciliter la négociation sans qu'il y ait d'affrontement ou de recours à la grève. Là, cela pourrait se faire localement. Nous proposons de faire faire des constats. Nous proposons de nous limiter à des enjeux réels sur les points importants, de ne pas tout dénoncer. Nous proposons de recourir, à certaines occasions, à des formules d'arbitrage. Nous proposons de publiciser ces constats à la population par le conseil d'information. Donc, nous mettons en place, à moyen terme, un tas de moyens. Si le législateur dit comment se déroule une grève et si nous développons des moyens propres à éviter la grève, nous mettons en place une foule de moyens permettant qu'une bonne partie des matières revienne au niveau local.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si je comprends bien, vous voudriez, avant d'avoir des responsabilités plus grandes au plan de la négociation locale, que le droit de grève soit circonscrit quant à sa durée et quant à ses moyens de harcèlement.

M. Tessier: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Alors, il y aurait une limitation assez sévère du droit de grève au moment des négociations locales. C'est ce que je crois comprendre.

Mme Gobeil: Un encadrement.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. À la page 19, vous suggérez que l'État se retire de l'aspect normatif des conditions de travail - c'est quand vous discutez des responsabilités respectives du gouvernement et des autres partenaires de la table patronale - et concentre davantage son rôle au niveau de l'établissement des disponibilités financières du gouvernement et de la détermination des paramètres généraux de la rémunération des employés.

Cela aussi fait l'objet de longues discussions depuis longtemps parce que le normatif dans je ne sais combien de ces éléments a une incidence financière si on pense aux tâches, à la répartition des tâches, aux dispositions de sécurité d'emploi, enfin, toute la fameuse question de ratios, à ce qui est relié à la distribution des tâches. Je me demande dans quelle mesure - je ne connais pas la réponse et je ne l'ai jamais sue -même avec une bonne volonté d'un gouvernement, on pourrait soustraire des éléments du normatif au jugement du gouvernement parce qu'un grand nombre de clauses normatives ont des incidences financières. (12 heures)

Mme Gobeil: M. le Président, ma première réponse est la suivante. Je pense que la partie gouvernementale et les commissions scolaires devraient travailler plus ensemble sur ce sujet. Ce que les commissions scolaires disent, peut-être que, si c'était respecté davantage, ça collerait mieux aux attentes du milieu et ça n'empêcherait pas le gouvernement d'avoir son mot à dire.

Il m'apparaît que les commissions scolaires ont beaucoup à apporter pour le mieux-être de l'enfant et la qualité de l'enseignement.

Mme Lavoie-Roux: Vous divisez les deux. L'État s'occupe uniquement du côté financier et les commissions scolaires, par le truchement de la fédération ou autrement, prendraient le normatif.

M. Tessier: Techniquement, à court terme, nous vous disons: Les comités patronaux demeurent, les deux parties y sont. Dans les comités patronaux il y a moyen de vivre ensemble. Il s'agit d'une question d'attitude, que le gouvernement accepte, comme attitude, qu'il est là comme employeur qui définit la partie financière et pas comme législateur, et qu'il a des partenaires associés avec lui pour s'occuper d'intérêts normatifs qui se font des voix de prépondérance. La loi 55 le prévoyait. Nous avions des protocoles de prépondérance. Il s'agit de les vivre ensemble et de tendre à se dégager des aires de compétence au milieu et des aires de compétence au gouvernement sur des grands paramètres, mais on ne propose pas de faire une brisure là-dessus demain matin. On pourrait progressivement aller à se définir des aires

de prépondérance. C'est l'essentiel de notre présentation. On a presque une approche étapiste là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Votre conclusion, cette année, votre rôle lors des dernières conventions collectives, c'est que, finalement, il n'y a pas eu ce partage de prépondéance et que l'intérêt de l'État a été toujours prépondérant...

Mme Gobeil: Sûrement.

Mme Lavoie-Roux:... versus ce que les représentants des commissions scolaires ou enfin des milieux locaux voyaient comme des exigences pour la qualité de l'enseignement.

Mme Gobeil: Ce n'était pas clair, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

M. Audy: M. le Président, comme complément à cet élément-là, il ne faut pas rejeter la question financière. Je pense qu'il est clair, au niveau de la rémunération, qu'elle appartient au gouvernement.

Toutefois, au niveau du normatif, il y a des incidences financières importantes sur les clauses du normatif. Donc, à ce moment-là, il ne faut pas nier au gouvernement la possibilité d'encadrer cette question des incidences financières du normatif.

Toutefois, ce qu'on a constaté dans les rondes actuelles, c'est qu'on va jusqu'au détail. On va jusqu'à la façon de gérer, d'organiser, de contrôler les éléments du normatif et c'est cela qui est inacceptable. Ce n'est pas le fait que le gouvernement encadre financièrement cette partie du normatif. Il est de sa responsabilité de le faire. C'est vraiment au niveau des aménagements, de l'organisation des principes où il faudrait rentrer à l'intérieur des masses allouées par le gouvernement.

Donc, son droit de regard est vraiment sur le financier, même au niveau du normatif, mais souvent il y va... Bien entendu il a des lois à respecter: la Loi de l'instruction publique et ainsi de suite. Je pense qu'il faut composer avec les lois existantes et avec le financier mis à la disposition pour le normatif, mais, par la suite nous prétendons que c'est au niveau des commissions scolaires d'aménager ces éléments-là pour respecter les paramètres financiers et les paramètres législatifs qui y sont inclus. Mais ce n'est pas ce qui se produit dans la réalité. Bien au contraire.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Association provinciale des enseignants protestants

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et j'invite maintenant les représentants de l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Nous sommes informés que ce mémoire nous sera présenté par M. Harvey Weiner.

M. Weiner, vous êtres le président de l'association. Si vous vouliez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation de votre mémoire.

M. Weiner (Harvey): Merci, M. de Président. M. le ministre, membres de la commission, au nom des 6000 membres de l'Association provinciale des enseiqnants protestants du Québec je vous remercie de cette occasion de vous présenter notre mémoire sur les négociations dans les secteurs public et parapublic.

Je suis accompagné aujourd'hui par Allan Smith qui est membre de notre comité exécutif.

L'APEPQ est d'avis que les structures légiférées pour fins de négociations ne peuvent que servir de guide à ce qui est essentiellement un procédé dynamique. Ce fait devrait être évident après la série de commissions parlementaires et les enquêtes tenues au cours des douze, quatorze ou quinze dernières années, afin de tenter de trouver ce qui a été démontré, à notre avis, comme étant impossible à atteindre, c'est-à-dire une formule équitable qui saurait satisfaire toutes les parties impliquées dans les négociations du secteur public.

Nous prétendons que les principes suivants sont fondamentaux à l'existence de la libre négociation collective: 1. Le droit des travailleurs de former leur propre syndicat et de s'affilier ou non à d'autres groupes. Pour nous, c'est très important. 2. Le droit d'une fédération d'enseignants, comme nous, de choisir ses agents négociateurs pour les sections du contrat à être négociées à un niveau autre que local ou régional. Je veux dire que pour les fins des négociations, nous travaillons depuis guelque temps en cartel avec la CEQ; c'est notre propre choix et nous voulons maintenir ce choix, mais nous avons droit, dans la loi actuelle, à notre propre table de négociation sectorielle et on veut la maintenir. 3. Nous pensons qu'on doive avoir un minimun d'interférence de l'État dans le processus naturel d'une libre négociation collective. L'étendue du négociable, de même que les niveaux auxquels les différentes matières sont négociées, devraient être déterminés par les parties contractantes. On préconise que la loi laisse aux parties le choix de déterminer, pour n'importe quelle matière, que ce soit négocié au niveau

national, au niveau local - arrangement local - c'est aux parties à le déterminer. La loi doit permettre que cela continue.

Des échéanciers pour le dépôt syndical et les offres patronales, les comités d'orientation et autres innovations ne peuvent jamais remplacer les négociations faites de bonne foi par les parties concernées qui ont un but commun, soit obtenir une convention signée. Une confiance et un respect mutuels ne peuvent être légifères. C'est le climat des relations de travail qu'on doit améliorer.

Pour les fins des services essentiels. Nous sommes d'accord avec la déclaration faite plus tôt au cours de l'année par l'honorable ministre du Travail à l'effet que les grèves dans le secteur public en 1979 ont généralement été menées de façon responsable et raisonnable par les travailleurs du Québec. C'est évident qu'il peut toujours y avoir des améliorations, mais nous pensons que la dernière expérience a été bien meilleure qu'auparavant et c'est aux parties impliquées dans la négociation de trouver un terrain satisfaisant pour assurer les services essentiels.

Le droit de grève. La libre négociation collective ne peut exister sans la possibilité d'une grève, c'est-à-dire la vraie possibilité d'une grève sans des possibilités qui sont très encadrées. La révision triennale du droit de grève dans le secteur public au Québec s'avère être vaine. Aucune réponse miracle n'existe. Sûrement, le gouvernement ne s'attend pas à renverser le cours de l'histoire et dénier à ses employés le droit de négocier collectivement. On ne peut pas faire marche arrière. Ceux qui favorisent l'élimination du droit de grève devraient tenir compte des conséquences sociales et des représailles des travailleurs qui en résulteraient inévitablement. Il suffit de constater la situation d'un pays tel que l'Australie où l'absence du droit légal à la grève n'a diminué ni le nombre ni la durée des grèves.

La récente grève des travailleurs hospitaliers de l'Ontario est un autre exemple où l'absence d'un tel droit n'a pu empêcher une grève illégale, comme c'est le cas pour les contrôleurs aériens aux États-Unis face aux gestes posés pour terminer leur emploi.

Par conséquent, il devrait être évident qu'interdire le droit de grève n'est pas la solution. Notre expérience prouve aussi que la médiation et l'arbitrage comme procédures obligatoires mais non exécutoires sont, en pratique, devenues des procédures patronales pour tester ses propres offres sans courir le risque d'être obligé d'accepter les recommandations faites par le tiers. Ces types de procédures, on pense, seront utiles seulement quand les parties impliquées seront d'accord et que cela pourrait être utile dans les circonstances. Quelles sont les alternatives? Arbitrage, sélection des offres finales? Qui alors nommera les Salomons qui passeront le jugement dernier? Même si on pouvait trouver des individus compétents et impartiaux acceptables aux deux parties, qui seraient acceptés, le gouvernement serait-il disposé à soumettre, sans contrainte prédéterminée, une décision finale et exécutoire sur 60% de son budget à la décision d'un tiers?

C'est vrai et nous sommes les premiers à admettre que les grèves causent un degré d'incommodité. Mais - et on souligne ça -elles attirent aussi l'attention du public, d'une façon claire et directe, sur une impasse à la table de négociation. De notre point de vue, le public est impliqué dans un différend de négociation. Le public est le vrai employeur et - on oublie ça de temps à autre - nous aussi, les syndiqués, sommes des contribuables. Nous sommes aussi les parents des élèves et des enfants.

En tant que tel, le public s'attend généralement que ses représentants élus minimisent les coûts. En conséquence, les électeurs doivent ressentir certains inconvénients si leurs représentants ne font pas les compromis nécessaires pour obtenir un règlement négocié. De même pour nous, les dirigeants syndicaux, nous ne pouvons espérer être réélus si nous conseillons à nos membres de faire la grève inutilement pour des demandes impossibles à obtenir ou pour des sujets que les membres considèrent sans importance. Ce sont les membres qui décident.

Les pressions politiques naturelles qui existent sur les deux parties font que l'exercice du droit de grève n'est utilisé qu'en dernier ressort. La plupart des conventions sont réglées à la table des négociations. De plus, il existe déjà des pressions et des contraintes additionnelles contre la grève qui pèsent actuellement en faveur de l'employeur. 1. Une grève légale ne peut être déclenchée que conformément aux prévisions rigides du Code du travail qui requiert un scrutin secret, un préavis, etc. 2. Les travailleurs en grève du secteur public n'exercent aucune pression économique sur l'employeur et c'est un fait. Ce sont nos gens, les travailleurs, qui perdent de l'argent durant une grève et c'est un fait qui est toujours oublié aussi. 3. Quoique la pression publique se fasse pour chaque partie, généralement, les travailleurs en grève en assument le premier choc. On doit ajouter aussi que le gouvernement peut - et on en a eu plusieurs exemples - toujours modifier les règles du jeu après qu'elles ont été établies: législation, loi spéciale, des choses comme telles. Nous sommes donc obligés de conclure que la présente loi touchant le droit de grève dans le secteur public est, malgré ses imperfections en ce moment, la seule

assurance du droit fondamental des travailleurs à une libre négociation collective. Évidemment, nous préférerions l'adoption des recommandations de l'Intersyndicale qui donnent la possibilité d'une vraie négociation des parties égale à égale, mais nous sommes suffisamment pragmatiques pour reconnaître que cette commission parlementaire n'a pas été établie pour améliorer la situation des syndicats et ne recommandera peut-être pas toutes les revendications que nous avons faites hier.

En conclusion, nous ne sommes pas sans penser que cette commission parlementaire ne sera pas la dernière sur ce sujet et nous profitons maintenant de l'occasion pour vous donner avis que nous sommes disposés et prêts à soumettre encore notre mémoire en 1983 ou 1984. Merci.

Le Président (M. Perron): Merci. M. Marois, ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec de son mémoire et remercier particulièrement son porte-parole, M. Weiner, de ses remarques additionnelles. On voit que les degrés d'optimisme varient ou sont relatifs selon les uns et les autres. Avec votre permission, M. le Président, je voudrais céder immédiatement mon droit de parole à mon collègue, le député de Roberval, qui a particulièrement étudié ce mémoire et qui aurait un certain nombre de questions et de commentaires à formuler en notre nom. (12 h 15)

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier, au nom de la majorité ministérielle, l'Association provinciale des enseignants protestants d'avoir présenté d'abord un mémoire peu volumineux, mais qui reflète clairement, je pense, la pensée des membres de ce syndicat. C'est pour cette raison que malgré que ce mémoire n'ait que quatre pages, j'aurai un certain nombre de questions à poser au président.

Effectivement, il y a une remarque que vous avez faite en terminant votre présentation, M. le président, qui m'étonne un peu. C'est concernant cette commission parlementaire, ses buts et son objectif premier. Vous avez dit que ce n'était pas nécessairement pour améliorer la condition des syndicats qu'on avait institué cette commission parlementaire. Je me permets de vous faire remarquer à ce stade-ci que cette commission parlementaire, sans préjugés, a essayé et essaie toujours de prendre dans chacune des deux parties les éléments que ces gens croient justes de représenter ici et, à cette fin, je pense que les syndiqués, comme les syndicats et comme la population en général, devraient trouver dans l'aboutissement des travaux de cette commission parlementaire une amélioration. Je le souhaite très ardemment et le ministre l'a souhaité à plusieurs reprises au cours de nos travaux. On va aboutir, je pense, à un meilleur régime de négociations et peut-être à des mécanismes qui faciliteront, de part et d'autre, le travail de négociation.

Ces remarques préliminaires étant faites, M. Weiner, j'ai quelques questions et j'aimerais que vous les notiez de sorte que vous pourrez me répondre sur l'ensemble. D'abord, je dois vous dire que sur les principes que vous énoncez à la page 1 de votre document, principes que vous dites fondamentaux pour l'existence de la libre négociation collective, personnellement, je les trouve raisonnables et je pense que plusieurs membres de cette commission les acceptent, de même que le public qui nous écoute. Quand on parle du droit des travailleurs de former leurs propres syndicats, je pense bien que c'est admis généralement dans notre société et par les membres de cette commission. Quand on parle du droit d'une fédération de choisir ses agents négociateurs, sauf erreur, je pense qu'on a prouvé qu'on comprenait cette dimension et je voudrais bien, en tout cas, qu'on respecte ce principe qui est assez fondamental. Quand on parle de l'interférence de l'État dans le processus naturel d'une libre négociation collective, qui devrait être limitée, autant que possible, encore là, on peut acheter le principe, mais je me pose une question concernant le fait que, selon ce que vous avez inscrit dans votre mémoire, "l'étendue du négociable - je vous cite - de même que les niveaux auxquels les différentes matières sont négociées devraient être déterminés par les parties contractantes. " Je vous pose une première question qui est celle-ci: N'a-t-on pas assisté au cours des dernières années à une négociation de ce qui devra être négocié et, par le fait même, à une prolongation, peut-être indue, de tout le processus qui est déjà très lourd? N'y aurait-il pas lieu, en tout cas - est-ce si fondamental que ça pour que cela ne puisse avoir lieu - de faire des arrangements beaucoup plus rapides et d'accepter, finalement, que la partie patronale puisse désirer ne pas négocier, par exemple, l'étendue de la masse monétaire à accorder à un groupe de syndigués qui réclament des droits? N'y a-t-il pas là une mécanique qui est très lourde et qui mène à la situation suivante: C'est qu'on négocie pendant trois mois et on commence à s'engueuler pendant trois mois avant de commencer la négociation pour savoir ce qu'on va négocier? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, parce que vous avez déjà participé à des négociations et j'aimerais que

vous nous disiez comment vous voyez ce problème en tant que président de votre association.

Au cours des travaux de la commission, on a fait état à quelques reprises - même la CEQ, là-dessus, a semblé acheter un peu le principe; je ne voudrais pas trop m'avancer en son nom, mais elle se disait prête à l'envisager - de la question d'abolir le palier de négociation locale et de tout centraliser. Il semblerait que la table centrale ait plus de pouvoirs, qu'il soit plus facile de négocier globalement. Il semblerait également que, localement, ce serait une deuxième possibilité de conflit, et que ce serait de nature, que ce soit pour le syndicat ou par la partie patronale, à envenimer les relations parce qu'il peut arriver que des commissions scolaires veuillent se venger d'une négociation provinciale qui ne ferait pas leur affaire.

Il semble aussi que certains syndicats pourraient vouloir, à un moment donné, en arracher un peu plus puisque la négociation provinciale n'a pas donné les résultats escomptés. Je voudrais savoir si vous êtes partisan de maintenir cette négociation locale, et, peu importe la réponse que vous me donnerez, quelles sont les raisons qui la motivent.

À la page 2 de votre mémoire, vous faites également état d'une déclaration de M. Marois, ministre du Travail, à savoir que les grèves dans le secteur public, en 1979, ont généralement été menées de façon responsable et raisonnable par les travailleurs du Québec. On a admis également ces choses-là. Cependant, il y a certains groupes qui se sont chargés de venir à cette commission pour nous démontrer qu'il y avait eu nettement, selon eux, des abus dans certains cas, qu'il y avait eu des cas pitoyables.

Votre mémoire me laisse croire que vous ne proposez aucun mécanisme. Est-ce que c'est parce que vous n'acceptez pas cette affirmation à savoir qu'il a pu se produire des choses déplorables dans les grèves précédentes ou si vous avez un mécanisme à proposer dans les cas où vraiment, entre autres dans les services de santé, même si vous êtes moins concernés, il y aurait eu des abus flagrants? Est-ce que vous croyez qu'il puisse y avoir un mécanisme possible? Plusieurs ont été proposés à cette commission, d'aucuns très intéressants, d'autres qui l'étaient moins. J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.

À la page 3 de votre mémoire, je note un certain pessimisme - et c'est le moins que je puisse dire - face aux mécanismes actuels prévus dans le Code du travail. Vous dites que la médiation et l'arbitrage non exécutoire sont des procédures gouvernementales pour tester ses offres. Je remargue que vous n'avez pas confiance, en tant que représentant d'une association comme la vôtre, en ces mécanismes. Ce qui me surprend un peu - et j'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus - c'est que vous ne semblez pas non plus accepter les solutions d'arbitrage, de sélection d'offres finales, enfin, différents mécanismes dont on a déjà parlé. À ce moment-là, est-ce que vous voyez une issue face à cette situation que je qualifie de très pessimiste?

Vous dites également, au bas de la même page: "Les dirigeants syndicaux ne peuvent espérer être réélus s'ils conseillent à leurs membres de faire la grève pour des demandes impossibles à obtenir ou sur des sujets que les membres considèrent sans importance. " Je voudrais savoir, M. Weiner, quel est le processus de cueillette de demandes auprès de vos syndiqués en vigueur dans votre syndicat. J'ai assisté déjà à des cueillettes de demandes dans certains syndicats et le problème suivant se présentait. Sur certains points de la convention collective, alors qu'on faisait une vaste consultation syndicale, des membres du syndicat, entre autres dans le domaine de l'enseignement, du côté de la CEQ, allaient réclamer, pour leur part, un ratio plus bas. D'autres membres réclamaient un salaire plus élevé; d'autres membres réclamaient une tâche réduite. Mais chacun de ces membres donnait sa priorité. Le problème que j'ai cru remarquer - j'aimerais connaître votre opinion là-dessus - c'est que le syndicat avait tendance à faire la synthèse des priorités de tous ses membres, ce qui faisait, à mon point de vue - vous me corrigerez si vous croyez que je me trompe - une demande qui dépassait peut-être dans son ensemble ce que les membres individuellement voulaient. Je ne sais pas si vous avez bien compris le sens de cette question. J'aimerais avoir une réponse et j'aimerais que vous nous expliquiez quel mécanisme est en place dans votre syndicat pour faire la cueillette des données.

À la page 4, vous parlez des pressions politiques naturelles qui existent sur les deux parties qui font que l'exercice du droit de grève n'est utilisé qu'en dernier ressort. De plus, il existe déjà des pressions, des contraintes additionnelles contre la grève qui pèsent en faveur de l'employeur. Vous les énumérez et vous en avez ajouté une quatrième. Il y en a trois: qu'une grève légale ne peut être déclenchée que conformément aux provisions rigides du Code du travail; deuxièmement, que les travailleurs en grève n'exercent aucune pression économique sur l'employeur; troisièmement, que la pression publique se forme... en général, les travailleurs en grève reçoivent leur partie de pression. Enfin, vous avez ajouté que le gouvernement pouvait modifier, à un moment donné, les règles du jeu. Il n'y

a pas de conclusion à cette partie. Je vous pose la question suivante: Est-ce de votre part une affirmation, à savoir que le rapport de forces qui existe à ce moment-ci, avec ces contraintes qui pèsent sur le syndicat, pour nous démontrer que le rapport de forces, syndicats-gouvernement, est à votre satisfaction actuellement? Parce qu'il n'y a pas de conclusion. On semble dire: Voici, on n'est pas si forts que cela, il y a telle et telle chose qui pèsent contre nous. Maintenant, cela semble vouloir dire, la logique, que cela donne un rapport de forces satisfaisant. J'aimerais avoir votre point de vue également sur cet élément.

Enfin, dernière question: On a fait état, lorsque les directeurs généraux de commissions scolaires sont passés ici - j'ai déjà posé la question à la CEQ, j'aimerais également vous la poser - on a au moins identifié que, dans le domaine de l'éducation, la sécurité immédiate des enfants en cas de débrayage nous apparaissait un élément très certain de services essentiels assurés. Je voudrais savoir, d'abord, ce que vous en pensez et, deuxièmement, si vous avez, pour votre part, réfléchi sur ce que pourraient être les services essentiels en éducation, s'ils existent, outre celui dont je viens de faire mention. Merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. Weiner.

M. Weiner: La première question était un point de vue sur la négociation, sur le partage des matières. Pensons que c'est vrai que cela pourrait être lourd, et cela l'était la dernière fois. Nous pensons que le processus est très important. Cela éclaircit d'une façon importante pour nous, syndiqués, ce qui sera négociable et à quel niveau ce sera négociable. Nous pensons que cela doit continuer d'être négocié de cette façon. Les circonstances, le contexte de la négociation dépend évidemment du contexte social, du contexte économique. Il y a nécessité, chaque fois, avant de commencer, de discuter de nouveau de ces points et de déterminer si ces points devraient être discutés au niveau national ou s'il serait préférable d'en discuter au niveau régional ou local. Pour nous, c'est le processus qui est important. Cela peut prendre du temps, mais je pense que cela va prendre moins de temps la prochaine fois parce qu'il y a des choses qui ont été éclaircies par des négociations antérieures. C'est la question du palier de négociation, palier local. Pour nous, cela doit être la possibilité de négocier des matières au niveau local, c'est-à-dire avec les commissions scolaires, les conseils régionaux. Je ne sais pas quelles seront les structures à l'avenir, mais nous pensons qu'il y a des sujets importants qui se négocient actuellement au niveau local, et cela doit être une véritable négociation avec un droit de grève, qui ne pourraient pas être négociés au niveau provincial à ce stade. Par exemple, affectation et mutation dans le secteur de l'enseignement, mais dans les autres secteurs aussi. (12 h 30)

Je pense que ce sera un modèle si on tente de négocier ces matières au niveau national. Il y a maints systèmes différents axés sur des prémisses différentes. Le système qu'utilisent, par exemple, nos syndigués en Gaspésie est très différent de celui utilisé à Montréal. Cela ne peut pas être pareil. Ces problèmes sont des problèmes locaux et ils qui doivent se régler au niveau local. C'est la même chose pour la répartition des fonctions et des responsabilités des professeurs. Il y a des préférences, des priorités différentes, je pense, dans les différentes régions et on doit avoir la possibilité d'utiliser de la meilleure façon le nombre de professeurs garanti au niveau provincial.

Troisièmement...

M. Gauthier: Je m'excuse, M. Weiner, j'aimerais avoir une précision supplémentaire. Une dimension de ma question portait sur le fait de savoir si vous croyez que cela peut être utilisé par des employeurs ou par des syndicats - je vais vous le demander pour les employeurs - comme moyen de vengeance contre une négociation provinciale qui n'aurait pas été à leur satisfaction. Avez-vous des cas précis où cela s'est fait ou est-ce une crainte qui n'existe pas dans les faits?

M. Weiner: Évidemment, c'est un crainte, c'est une crainte à n'importe quel niveau. Il y a des situations sur lesquelles on peut se poser des guestions, mais, en général, je pense que cela dépend de la bonne foi des parties et que cela marche bien. Si on fait une analyse des ententes locales dans notre secteur, par exemple, toutes, avec une seule exception, ont été signées sans grève.

À la troisième question, M. le député, ce n'est pas une question d'incompréhension des problèmes sur le mécanisme des services essentiels. On ne veut pas dire que cela a fonctionné à 100%, mais nous pensons que le mécanisme actuel est un bon mécanisme. Cela a marché la dernière fois mieux qu'auparavant, bien mieux. Nous pensons que les parties face à face peuvent, avec ce même mécanisme, trouver des solutions qui seront encore meilleures lors de la prochaine négociation. On ne doit pas jongler avec cela à chague négociation; on ne doit pas changer les règles à chague négociation. Cela a été un bon mécanisme, une amélioration nette et cela a des possibilités de s'améliorer dans l'avenir aussi.

La question no 4, c'est sur la médiation

et l'arbitrage. Ce qu'on dit ici, c'est qu'en général cela marche dans le secteur public mais que les règles sont à l'avantage de l'employeur. On sait que si l'arbitrage final, la sélection finale ou "finale offer selection", comme on l'appelle en anglais, est utilisée -je pense que c'est utilisé dans le secteur anglo-catholique - c'est une sélection des sujets vraiment minimes à ce point-là, parce que les deux parties ne sont pas d'accord pour avoir un sujet d'importance arbitré de cette façon. Je ne veux pas dire ici et nos professeurs ne veulent pas dire qu'on n'acceptera jamais la possibilité d'un arbitrage final ou "final offer selection" comme solution, mais, à ce point, cela doit tous les comprendre. On ne peut pas avoir un encadrement pour l'arbitre. C'est ce qui se passe actuellement. C'est un encadrement. L'arbitre doit régler d'une façon prédéterminée par la partie patronale, par une loi spéciale et c'est nettement insatisfaisant pour nous.

La cinquième question, le processus de consultation de nos membres. Oui, c'est vrai que c'est une consultation qui peut produire - cela s'est déjà produit - une demande, si vous voulez, un peu gonflée, mais on pense que cela aussi s'est amélioré dans les dernières années. On vérifie à chaque étape avec les membres dans des assemblées générales, des assemblées des délégués et nous faisons une liste des priorités et une analyse aussi des contradictions, parce qu'il y a parfois des contradictions entre un dossier et un autre. Les premières demandes, je ne sais pas, mais je pense qu'on a fait un bout de travail là. Je pense que c'est une meilleure demande, que c'est une demande plus pensée que celle d'auparavant et la prochaine le sera aussi.

Mais je peux aussi dire que les premières offres du patron ressemblent à des négociations pour d'autres. Si c'est un problème, c'est un problème pour les deux parties et cela ne va pas se régler avec la législation, cela va être la bonne foi des deux parties.

M. Gauthier: Si je comprends bien, on souhaite une amélioration mutuelle?

M. Weiner: C'est cela.

Question du rapport de forces syndical-gouvernemental, non, on n'est vraiment pas satisfaits de la situation actuelle. Mais nous sommes réalistes. Nous avons dit clairement qu'il y a beaucoup de choses qu'on a proposées hier, dans le mémoire de l'Intersyndicale, qui auront la possibilité d'établir une vraie négociation d'égal à égal.

Dans le contexte actuel, ce n'est pas réaliste de penser que la présente commission - et on ne veut pas présumer de la bonne foi de la commission - va changer quelque chose en notre faveur.

C'est une situation qui n'est pas satisfaisante, mais c'est la meilleure qu'on a dans le moment. On espère que la commission va étudier les propositions qui ont été faites par l'Intersyndicale et que quelques-unes seront adoptées et recommandées à l'Assemblée nationale.

Sur la question de sécurité d'un fonds, nous pensons que c'est quelque chose qu'on a toujours respecté, dans la question des grèves. S'il y a des services essentiels dans le secteur de l'éducation, c'est primordial dans ce sens-là. Mais, dans le contexte d'un accord sur les services essentiels, je suis prêt à discuter s'il y a des choses qui sont vraiment essentielles. Mais ma définition de services essentiels, c'est une question de vie ou de mort, une question des gens qui ne sont pas capables de faire les choses par eux-mêmes. On a des institutions sous la juridiction des Affaires sociales, où on donne l'enseignement - Douglas Hospital, à Montréal, par exemple, John Birks, Mackay Center - et on a eu des accords la dernière fois pour donner des services essentiels pour ces élèves.

M. Gauthier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. Weiner, pour votre mémoire, au nom de l'Opposition. Comme nous sommes tous deux anglophones, je crois que ce serait plus naturel de se parler en anglais aujourd'hui. Je vais continuer en anglais.

Une voix: Je vais traduire pour vous.

Mme Dougherty: Je pourrais parler en français aussi, mais c'est un peu anormal parce que je connais très bien M. Weiner...

M. Gauthier: Ce n'est pas de mauvaise foi, c'est parce que j'ai un problème évident de compréhension et je m'intéresse à vos propos.

Mme Dougherty: Je vais parler très lentement. Je parle lentement français et je parle lentement anglais également.

M. Gauthier: On m'offre de traduire.

Mme Dougherty: Mr. Weiner, I must say I am a little disappointed, not so much perhaps by what you have said in this short mémoire, but the principles that you obviously support were discussed last night at the Intersyndicale's mémoire.

It seems to me that you and your colleagues talk about fundamental rights of strike, free negociation and so on, without due consideration of other rights. So my

questions are all coming from one perspective. That is the perspective of public interest. You said in your discours this afternoon - I do not even know what it is called in English - you said that the public is the real employer. Now, I could not agree with you more. I think that some of the suggestions that we have received, given the fact that the public is the real employer -and that implies that not only is the public service involved, but the public purse as well - some suggestions have come forward wich suggest that the monetary decisions, the "masse salariale" and the other large questions which have serious monetary implications should be removed from the negotiations and decided prior to the beginning of negotiations either in the National Assembly or by some other body, but not in a negotiating context.

Now, what comments do you have about that? I am going to qo about it one by one, I think it is more satisfactory to deal with one question at a time.

M. Weiner: Si vous me le permettez, je répondrai en anglais à Mme Dougherty. We think that you obviously cannot have a true negotiation if the package, the monetary package, is removed and is determined by another party not subject to negotiation. Therefore, we would oppose that particular concept. Yes, we said, the public is - and we believe that - the real employer, we are also part of the real employer, those of us that are unionized, and we make up a very substantial number of that particular public.

I might ask Mrs Dougherty and the members of the commission whether in fact that type of a proposal would also be satisfactory for the members of the National Assembly, in determining their own salaries and their own fringe benefits? I think not. I think the public elects representatives, gives them responsibility, part of that responsibility is to negotiate a monetary mass, in terms of public service, and to do the best job that they can do on behalf of the public, just as we try to do the best job we can do on behalf of the unionized workers. The decision is rendered at the subsequent election as to how good a job they have done in that particular regard. And I would argue strongly against removing the monetary mass from the forum of negotiation, as I would, and have, if people are suggesting that the members do not have a right to determine their conditions, their pensions and their salaries within the National Assembly. I think they have that right, they have that responsibility, they are accountable to the public just as we are accountable to our members at some point.

En résumé, je pense que la question salariale doit être négociable et nous pensons aussi que c'est pareil, d'une certaine façon, à ce qui se passe maintenant concernant les salaires et les conditions de travail des membres de l'Assemblée nationale; cela doit être déterminé aussi de cette façon. Einalement, ce sont les membres du public qui jugeront si ces décisions sont valables et ce, par élection générale. Vous êtes responsables au public en ce sens pour les décisions, pour la négociation; nous, nous sommes responsables aux membres, ce doit être comme ça.

Mme Dougherty: The next question is in relation to the impact of the results, the agreements reached in negotiations on the quality of education. I think perhaps you were here when I asked a similar question to Mr. Gaulin of the CEQ. I think that it was you, Mr. Weiner, who at the end of the 1976 or 1977 negotiations said publicly that you were very happy, that you had received the best contract in North America. Now, I think that was true, best contract in terms of working conditions, in relation to salaries and so on, but it is the parents' perception that with each contract there is a deterioration of the quality of education, either subjects are lost, there seems to be a qreater and greater depersonalization in the schools, maybe teachers do not care as much about the kids. I think this is felt in hiqh schools and yet, from your point of view and from the general union point of view, everything seems to be qetting better and better. Now, how do you reconcile these two perceptions?

M. Weiner: They are difficult perceptions, Mrs Dougherty, to reconcile. We would arque very strongly that the quality of education has in fact improved considerably over a period of years since collective bargaining. We would argue that what is taking place in many classrooms today, with classes of 25 and 26, was not possible and achievable 10 or 15 years ago when we had classes of 40 and more. (12 h 45)

Where we think there is error, if you like, it is in the perception and it is a perception which I think, has to be changed. There has been a general deterioration of values and of the parental role in society. I think there has been an assumption - I think it is an accurate one - that the school can resolve, in five hours, everything that is taking place in the society of today.

I would remind you and the members of the commission that, in the fourties and in the fifties, if one checks records, we had many many more dropouts than we have today. The dropouts, however, were not visible, that was a time of full employment, a time when parental influence was much stronger than it is today.

All of these problems have to be dealt with. The school has its responsibility in

dealing with those problems, but the school cannot solve the problems of what is happening in society: the problem of unemployment and various other issues which are there the hopelessness that many students feel when they know that, when they graduate from high school or when they graduate from university, there will not be much opportunity, if any, for them in the work field. This is something which I did not have to contend with when I went to school and I am sure that it is not something you had to contend with when you were in school.

So, I think that the perceptions, as you suggest, are there, but I think they are false perceptions.

En résumé, nous pensons, comme professeurs, que la qualité de l'éducation s'est améliorée considérablement au cours des dernières vingt années, mais il y a aussi une société qui a changé radicalement et nous pensons que les problèmes d'inflation, de chômage, etc., indiquent que le problème des "dropouts", c'est un problème maintenant parce qu'ils sont visibles, ils sont dans la rue, devant les écoles parce qu'ils n'ont pas d'emploi, ils n'ont pas d'occupation valable. Dans les années quarante et cinquante, les "dropouts" n'étaient pas visibles, le chômage était très limité, il y avait un respect des parents et une société qui était très différente.

On pense que la perception du public doit être changée, ça ne peut pas être l'école seule qui puisse changer ce qui se passe dans les 19 heures en dehors de l'école. La société a un rôle dans ça, les parents ont un rôle dans ça, les enseiqnants aussi, bien sûr, mais ça ne peut pas être dans l'école. La plus grande frustration des professeurs, à l'heure actuelle - ils sont très stressés - c'est de tenter, en cinq heures, de trouver des solutions pour pallier à une société qui est vraiment malade.

Mme Dougherty: Mr Weiner, that brings me to my third question. You are talking about values, and I agree with much of what you are saying about the social problems. But there is something that concerns me very much and I am really surprised, as a matter of fact, and I wanted to ask the question to the parents of Three Rivers earlier - the school board there - because in everything that they said, especially in the beginning of their "mémoire", I am really surprised that they did not suggest the abolition of strikes in the education sector. Nobody has even suggested that so far and all of our discussion has been on the hospital sector, where we are worrying about the security of the patients.

But you are talking about values and it seems to me that one of the important functions of a teacher, in our society, is not only to teach material, instruction, it is to be a model for the child. This, to me, is an even more important part of a teacher's function. A good teacher can change a child's life and I just wonder what kind of effect harassment, strikes and the disruptions that we have had in schools, in recent years, have had, not on the security and health of the child, but on the morale, the spiritual life, the values of the child. I saw it in my own children, I saw total deception, total demoralization, lack of respect or loss of respect for teachers by children who had had a great deal of respect for teachers. I just wonder how you really feel about that. Perhaps in a public forum it is not easy for you to talk about that, but I think that the conflict between the professional role of the teacher and the cynical loyalty of a teacher is something that must be very painful to a great many teachers. Perhaps you would like to comment on that.

M. Weiner: I will just say that over a period of years, we have learnt, the lesson we have learnt, we have been taught - as teachers we learn as well - by employers, by the way the employers treated teachers over a period of years, that the only way that we can effectively achieve our professional objectives is the syndical way. So we do not see any conflict in those objectives.

There was a time - perhaps it is now looked upon with rose colored glasses, because I do not see that time in the same light - where teachers were considered to be professional, and what professional meant was that they were prepared to accept large classes, heavy workloads and low salaries in return for a label which was attached to their name. Teachers will no longer, teachers can no longer accept being treated in a fashion as, for example, a priest, a nun or whatever, where it has become a devotion which means that they must sacrifice what they know is required to do their job well and they must also sacrifice their own economic well-being and their right to status and dignity.

I think that has been a hard lesson for teachers to learn and you are right, Mrs Dougherty, that there were times, certainly in the sixties, when the union movement started in the protestant sector, where teachers had many reservations about whether this was the right thing to do. I think on balance the majority of teachers feel that we have, in fact, taken the right road.

What I would suggest is that the only way we can, in fact, restore perhaps some more of what you are suggesting was there many years ago, is a respect on the other side of the table and in the negotiation process where the "partie patronale" recognizes many of these roles that the

teacher is supposed to carry out and supposed to carry out perhaps in a better fashion, although they think that it is unrealistic, than the parents or other members of society. But in recognizing that, the offers that are made at the table, the negotiation that is carried on at the table is done with an objective of satisfying the needs of the schools, the needs of the teachers, in a way that would not require the exercise of the strike weapon. We would argue, from our perspective, that most, if not all strikes, are in fact created by an absence of offers on the negotiation table which are acceptable to the membership. I have gone to meetings and presented offers. Offers have been made and if those offers were offers that eventually were forthcoming after a period of a strike action, then the strike would not have been required. I firmly believe this. There are certain instances where strikes could have been avoided, if similar offers were put on the table. It seems that we have gotten into a rather unfortunate game of posturing at the table and I would put a considerable amount of blame on the "partie patronale" for that. We will accept our share of it as well, but there almost has to be a strike in order for a negotiated agreement to be achieved. Perhaps that attitude could be changed at the table. Then, some of the things that you saw, perhaps, in teachers, which I still believe are there and are still being exercised, would be there and would be there in a much stronger degree.

Mme Dougherty: OK. My last point. We had a suggestion last night and it pertains to your wish, I think, which is perhaps many people's wish, that somehow or other we could change the name of the game a little bit and find a less polarized, less destructive kind of system.

We had a suggestion last night that one of the important factors that could chanqe the name of the game would be a greater sharing of a definition of tasks at the local level or at the institutional level between management and staff.

There is another suggestion too, in a memoir that we have not heard yet and which, I imagine, will come in the wee hours late tonight, from the Association des cadres scolaires in the catholic school boards, arriving at the same point. Instead of defining a task, the teacher's task in great detail, minutes of this and that and so on, perhaps it would be much more in the interest certainly of the principal of the school, certainly in the interest of more flexible responsive education for the children, and I would think in the interest of the teachers themselves to define a global task: so many hours per week on the job, period, at the top level, the central level, and leave everything else to be decided at the local level in consultation, in discussion with the teachers themselves.

Now that, to me, makes sense. I think when people start to take responsibility for determining their own working conditions, there is a mutual sense of responsibility, it depolarizes, it removes some of the confrontation and to me, that is going in the right direction.

Now, Mr Weiner, would you like to comment on that kind of scenario and would that be a direction that we should pursue?

M. Weiner: There are obviously many theoretic models that have been proposed and this is another which could be looked at and, I think, has been looked at, but we are still faced with the practical problem of determining an adequate number of teachers, and a number of teachers which is going to be sufficient, if you like, to carry out the tasks that are required. Unless those two can meet at some point - and I do not know how at this point, I certainly have not worked out a resolution to that effect - and negotiate in that kind of a vacuum individual definitions of tasks in terms of what people should be doing and when they should be doing them, I think it inevitably will create some very very serious problems.

Do we start, in those circumstances, with a negotiation of a total number of staff which is going to be satisfactory to both parties that are concerned and then discuss ways and means of defining the tasks within a certain number of hours? That is one possible approach. The other possible approach which I hope you are not suggesting is that each teacher define in minutes and detail, etc., etc., and then we sum it up and total it, and we end up with a situation which is absolutely intolerable.

Mme Dougherty: I think we have to get away from this minutes of this and that. It is destructive and it is not in the interest of good education.

M. Weiner: We are obviously not negotiating at this point in time. What I would suggest is that what you are proposing is a theoretic model which has many problems too and those problems would have to be worked out in advance. There would obviously have to be a negotiation determining, as far as we are concerned, a total number of teachers which is satisfactory to us, class sizes which are satisfactory to us and then deal with the specific nature of the duties and responsibilities, which has always been a negotiable item. If there are better ways of doing that, ways that will create more job satisfaction for the teachers, we are certainly open to looking at them.

Mme Dougherty: Thank you, Mr President.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec.

Mouvement d'animation pour le redressement du Québec

Compte tenu de l'accord qui est intervenu entre les diriqeants des groupes de l'Opposition et du gouvernement, nous allons maintenant entendre les représentants du Mouvement d'animation pour le redressement du Québec. Je les invite à prendre place et à nous présenter leur mémoire. (13 heures)

Le rapport nous sera présenté par M. Bernard Guay, le président du Mouvement d'animation pour le redressement du Québec. M. Guay, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne. Si je ne m'abuse, c'est M. René Harmegnies.

M. Guay (Bernard): C'est cela, en effet. On aurait aimé être un peu plus nombreux mais, malheureusement, étant donné que notre ordre du jour est assez serré, on a été obligé de réduire notre délégation à son plus strict minimum. On espère que le contenu n'en souffrira pas.

Le Président (M. Rodrigue): Connaissez-vous, messieurs, la règle concernant la présentation du mémoire? Autant que possible, présentez votre mémoire à l'intérieur d'une période de 20 minutes.

M. Guay (Bernard): D'accord. D'aucuns peuvent se demander ce qu'est le MARQ. C'est une association volontaire qui vise à regrouper, à organiser les employés opposés aux grèves, d'une part, et à inciter les groupes d'usagers, lésés par des grèves, à les dénoncer publiquement et à réagir contre des situations qui les pénalisent. On ne prétend pas avoir une représentativité numérique ou juridique étendue, on est surtout un groupe d'idée beaucoup plus qu'un groupe qui représente une catégorie socio-économique. C'est pourquoi vous devrez sans doute considérer nos idées en fonction de leur valeur même et non pas en fonction de notre poids politique.

Si vous le voulez bien, je vais survoler rapidement les principaux éléments du mémoire qui vous a été remis. Vous conviendrez tous qu'on est ici parce qu'il y a un problème. On pourrait penser, à la suite de présentations antérieures, qu'il n'y a pas de problème, alors qu'une simple liste, même pas exhaustive, de ce qui s'est passé récemment nous montre que les grèves sont devenues, dans le secteur public, un problème chronique: transport en commun, à Québec, au Saguenay, à Montréal, autobus Voyageur, transport des handicapés à Québec, Rive Sud de Québec, transport des écoliers, services téléphoniques. J'inclus les choses qui peuvent concerner le fédéral, mais c'est le même monde qui pâtit, finalement. Mass média. L'accès du public à une information diversifiée a été réduit: grèves au Soleil, au Devoir, à Télé-Capitale, à Radio-Canada, pour mentionner uniquement les médias concentrés dans les grands centres.

Fonction publique du Québec. Évidemment, on fait bien des farces là-dessus, mais, en réalité, certaines fonctions ont été touchées lors des dernières grèves. Je note, en particulier, l'entretien des routes en hiver, les allocations sociales, les services informatiques aux services parapublics, la paie, les horaires, les bulletins, l'aide juridique. Grève d'Hydro-Québec, privation de chauffage en plein hiver.

Grèves des hôpitaux, grèves dans les commissions scolaires, grèves dans les cégeps, grèves dans les collèges privés, grèves dans les universités, pour ne pas mentionner l'UQAM où c'est rendu une tradition folklorique dans cette institution, dans les services municipaux.

C'est une énumération bien partielle, qui indique bien l'ampleur du phénomène. D'une part, il y a une privation immédiate de services et, d'autre part, il y a une détérioration à plus long terme qui est souvent plus insidieuse. Je vais en citer trois exemples dont le transport en commun. C'est de notoriété publique que, par exemple, à Québec, les grèves de transport se traduisent par une diminution de la fréguentation du public qui est rattrapée au bout d'un certain temps, mais quand on raisonne en termes d'économie d'énergie et d'écologie, ce sont des retards qu'on peut taxer d'inqualifiables.

De même, dans le domaine des services de santé, des services d'éducation où la confiance entre l'infirmière et son patient, le professeur et son élève est tellement importante. Qu'est-ce qui peut rester de cette confiance une fois que le professeur ou l'infirmière est sorti dans la rue pour obtenir des améliorations à ses conditions de travail?

Pourguoi croyons-nous que le système des relations de travail est inacceptable? On observe que le système de relations de travail actuel est un produit de la révolution industrielle. À l'époque du libéralisme absolu, on admet que le droit de grève était le seul moyen que les employés avaient. L'industrialisation a remplacé l'équilibre, peut-être mythique d'ailleurs, du Moyen Âge entre les droits et les devoirs par la loi de la jungle et c'était normal que les employés se donnent les moyens de réagir à cela. Pourtant, quoi façon disent certains, le Québec a largement évolué par rapport au libéralisme absolu. Quoi qu'en dise la CEQ, ce n'est pas dû uniquement aux pressions

syndicales.

On note également que c'est un système qui a été plaqué sur la réalité du secteur public. À cause de sa connotation moderne à l'époque de la révolution tranquille, on a transposé, sans trop se poser de question, le droit de grève, qui est une institution développée du secteur privé dans le secteur public. Évidemment, on avait bien promis à l'époque que ce ne serait utilisé que de façon restrictive, mais on doit bien constater maintenant que ce n'est pas le cas.

Nous pensons que le système actuel fait abstraction de la situation du secteur public. Les services publics, pour la plupart, sont monopolistiques. Quand une entreprise de ketchup tombe en grève, le concurrent prend le marché; quand un hôpital, ou quand tout le secteur hospitalier, avec le système de centralisation actuel, tombe en grève, on n'a raiment pas le même contexte.

De même, on pense qu'étant donné que les services publics sont financés par des taxes, il y a souvent incitation par la partie syndicale à croire que le baril n'a pas de fond. La partie syndicale n'a aucune incitation à freiner ses exigences. On note aussi qu'il y a confusion de l'employeur et du souverain dans le secteur public. Certains ont voulu utiliser cette argumentation pour dire qu'il n'y avait pas de susbtitut au rapport de forces. Nous croyons au contraire que c'est une indication qu'il faudrait mieux départager les fonctions des diverses branches de l'État et se rappeler que dans l'État il existe également une branche judiciaire. On conteste également le fait du système actuel qui applique jusqu'à l'absurde le concept du contrat entre les deux parties. Actuellement, toute la théorie du Code du travail est basée sur le principe qu'il n'existerait que deux parties: le patron ou l'employeur et les employés. Ceci signifie donc qu'on exclut automatiquement les usagers en tant que partie et ce n'est qu'en situation de grève illégale que ces gens retrouvent une partie de leurs droits.

De même, on observe que le Code du travail actuel exclut toute intervention arbitrale non consentie. Il ne reste à l'État que des recours exceptionnels parce que l'arbitrage, selon le Code du travail, comme vous le savez, est un arbitrage qui requiert le consentement des deux parties. Le mécanisme des services essentiels est volontaire en ce sens que c'est la partie syndicale qui détermine les services. On note aussi, mais c'est un point dont on a souvent fait abstraction dans le débat et qui n'est pas négligeable, l'abstraction du contexte idéologique. Je crois que c'est de notoriété publique qu'il y a certaines chapelles idéologiques qui sont présentes dans nos syndicats, non pas qu'elles contrôlent tout le syndicalisme québécois, mais elles existent. Des chapelles idéologiques qui ne cherchent pas, comme le suppose le Code du travail, à parvenir à un accord équitable, mais qui cherchent à déstabiliser le système, qui cherchent à se faire une espèce de capital politique et à transformer les grèves en répétition d'insurrections.

Or, nous croyons que dans la mesure où ces gens ont peut-être un poids disproportionné à leur nombre, et un poids réel, le système risque, dans bien des cas, compte tenu de la structure syndicale, compte tenu de l'article 47 qui institue un véritable impôt syndical, compte tenu de l'article 63b et compte tenu également d'un paguet d'éléments du Code du travail, qu'ils aient une influence et un poids disproportionné sur le déroulement des négociations, ce qui fait que le système actuel, en dépit de toutes les bonnes intentions théoriques du Code du travail, ne fonctionne pas.

Quelles sont les propositions qu'on fait? On veut les appuyer sur trois principes de base.

Le principe d'évolution, un certain concept d'évolution sociale pour nous. De même que, dans le domaine civil et criminel, on est passé d'un état où il y avait le duel judiciaire pour régler les conflits civils à un système de judicialisation du règlement des conflits, par des tiers, par des tribunaux, nous croyons que, dans le domaine des relations de travail et surtout dans le secteur public, principalement là, une évolution sociale bien comprise devrait nous amener à étudier les façons d'en arriver à une évolution similaire parce qu'on observe qu'actuellement le droit de grève est l'équivalent du duel judiciaire.

On a trouvé également une solution sur le principe d'équité. On observe que la grève abolit d'un seul coup les droits des usagers. En effet, de quels moyens de pression le malade alité sur son lit d'hôpital dispose-t-il face aux appareils syndicaux et aux employeurs? La représaille électorale est trop lointaine et ne touche que la partie patronale. On n'a pas vu encore qui que ce soit refuser de payer ses impôts pour cause de grève et avoir gain de cause.

On croit également à un certain principe nationaliste dans la détermination du mécanisme des relations de travail. On croit qu'une société comme le Québec n'a pas le moyen de dépenser ses énergies dans une lutte de classes stérile. Dans cette perspective, il est loin d'être rassurant de constater que le Québec détiendrait le record des grèves.

On croit également que le Québec doit développer un mécanisme qui soit conforme à son tempérament. Donc, on sait que de nos ancêtres gaulois et de notre culture latine on a hérité du goût des querelles et des absolus logiques, de telle façon que l'existence du droit de grève conduit presque inévitablement

à en faire abus. On croit qu'on devrait se développer des mécanismes. On est soi-disant capable de développer de nouvelles formules d'association politique. On devrait également être capable de développer de nouveaux mécanismes de relations de travail. Le mécanisme qu'on propose fondamentalement, c'est une forme d'arbitrage obligatoire. Évidemment, c'est écrit dans le ciel, et le ministre a déjà annoncé ses orientations à ce point de vue, que pour des raisons qu'on comprend, à savoir les raisons de la constellation politique québécoise, on n'entend pas aller au-delà d'un rafistolage du système actuel. Tout en reconnaissant les contingences politiques auxquelles le gouvernement doit faire face, on croit qu'il est nécessaire à long terme de réaffirmer certaines orientations face à la coalition des réalistes à courte vue et de ceux qui profitent du système actuel. Pour nous, à long terme, ce qui est irréaliste, c'est le maintien du droit de grève tel qu'il est. On se surprend, d'ailleurs, de voir un certain gouvernement, si interventionniste, par ailleurs, dans d'autres secteurs, se montrer si réticent à répondre aux voeux de la population dans ce domaine.

Ce qu'on propose, c'est l'abolition du droit de grève dans les services publics en général. Les employés des services publics (pris au sens du paragraphe m) de l'article 1 du Code du travail) n'auraient plus le droit de recourir à l'arrêt de travail comme moyen de pression. Tout individu qui refuserait d'exercer sa fonction dans un contexte de négociation serait passible des mêmes sanctions qu'en cas d'absence non motivée, y compris, dans les cas extrêmes, le renvoi. Toute association syndicale qui ordonnerait un débrayage dans un service public se rendrait coupable de grève illéqale et, selon la durée et la gravité du cas, serait passible d'un éventail de sanctions. Je vous renvoie à la déposition de l'abbé Dion l'autre fois qui disait que le pendant nécessaire de toute loi, c'est la sanction, c'est la démonstration du sérieux du législateur à améliorer les choses.

Évidemment, les gens peuvent nous dire: Vous ne reconnaissez pas le droit de grève. Pour nous, le droit de grève est un moyen parmi d'autres. Le vrai droit des travailleurs, des employés, c'est d'avoir des conditions de travail équitables. Dans la mesure où une organisation représentant des employés est de bonne foi, si on lui offre un mécanisme alternatif qui garantit les droits des employés, le droit de grève devient un instrument purement relatif lié à une situation culturelle et sociale donnée et limitée dans le temps.

En ce qui concerne la modification du processus d'établissement de contrats collectifs de travail, je vais rapidement passer sur la question de la centralisation ou de la décentralisation, parce que c'est une question dont on ne s'est pas préoccupé outre mesure. On s'est beaucoup plus intéressé au déroulement du processus. Au point de vue du déroulement du processus, il y a trois éléments qu'on voudrait introduire essentiellement. Le premier, c'est l'obligation du syndicat de soumettre les offres patronales aux syndiqués lors d'étapes prédéterminées par la loi, d'une part. D'autre part, le resserrement des conditions requises pour le rejet d'une offre. Actuellement, comme vous le savez, les articles 20. 2 et 20. 3 du Code du travail prévoient qu'une grève doit être votée et une convention acceptée ou refusée par scrutin majoritaire secret des membres qui se prévalent de leur droit de vote. Dans le concret - et je l'ai vécu moi-même à titre de syndiqué - cela peut signifier que des grèves sont votées par 20% ou moins du nombre total des membres, parce qu'il s'est créé une tradition au Québec que les gens qui sont contre la grève ne vont pas aux assemblées. C'est une des choses pour lesquelles le MARQ a été constitué, inciter les gens à aller aux assemblées pour faire valoir leur point de vue. Mais il y a un état de fait. On proposerait qu'il y ait une proportion du nombre total des membres du syndicat -mettons les deux tiers ou la moitié, la proportion n'a pas tellement d'importance -pour s'assurer d'une participation significative et que le cercle vicieux de l'abstention des opposants aux qrèves soit brisé.

L'élément clé qu'on propose, c'est l'arbitraqe obliqatoire des points en litige par une instance judiciaire en cas de blocage. En cas de blocage des négociations, il y aurait obligation de porter le débat devant un tribunal spécialisé ayant le pouvoir de trancher de façon finale et exécutoire sur les clauses encore en litiqe. Ce mécanisme d'arbitrage pourrait utiliser la formule de l'offre finale proposée par la Coalition pour le droit des malades.

Il y a deux particularités sur lesguelles on voudrait insister finalement. La première sur laquelle on voudrait insister, c'est qu'on suqqérerait que l'arbitrage soit rendu par un groupe de commissaires qui auraient une permanence équivalente à celle des juges. Vous savez qu'en vertu du Code du travail actuellement il y a un arbitre nommé par chaque partie et ils se concertent pour qu'il y en ait un troisième de nommé. Un mécanisme de ce genre fait, évidemment, que les arbitres font attention à leur moyenne au bâton s'ils veulent encore être choisis comme arbitres, alors qu'on croit qu'une magistrature du travail ou une magistrature des conventions collectives - la formulation importe peu - aurait plus de chances d'être impartiale et de satisfaire au critère d'impartialité qui est si important pour la partie syndicale.

Nous croyons également que, pour éviter une surcharge de ces tribunaux par des clauses normatives aussi variées qu'il y a de situations, on devrait penser à une situation où le tribunal aurait le pouvoir de trancher sur les clauses à incidence monétaire, étant bien entendu que les parties auraient auparavant dû s'entendre, comme droit d'accès à l'arbitrage, sur les clauses à incidence non monétaire qu'on appelle communément les clauses normatives. Là-dessus, j'aimerais laisser la parole à M. Harmegnies qui voudrait ajouter certains points sur la formule proposée. (13 h 15)

M. Harmegnies (René): M. le Président, je voudrais résumer la formule de rechange que nous proposons pour remplacer l'exercice de la grève dans les services publics. En quelques mots, ce serait un tribunal spécialisé, à caractère judiciaire, composé d'une douzaine de commissaires, qui pourraient constituer quatre bancs de trois commissaires, dont deux siéqeraient à Montréal, deux à Québec, présidé par un juge et qui aurait comme juridiction unique de trancher les litiges salariaux qui viendraient devant lui uniquement après que les parties auraient réglé les clauses normatives de renouvellement de la convention collective. Ce qui veut dire qu'aucune partie n'aurait le droit de se présenter devant ce tribunal tant et aussi longtemps que les clauses normatives n'auraient pas été réqlées dans la convention.

C'est un peu comme ça que ça fonctionnait en 1942 ou 1945, lors de la dernière guerre. Nous avions des conseils régionaux du travail pour les salaires uniquement, comme nous avions des conseils régionaux pour les accréditations des unions dans tout le Canada en vertu de la loi sur les mesures de guerre. Cela a très bien fonctionné, c'était rapide, il n'y avait pas de grève. La formule que nous proposons ressemble un peu au conseil régional de ce temps-là. Ce conseil serait composé, je le répète, de douze commissaires qui devraient être au moins des CA diplômés en administration publique afin de donner confiance aux parties, et il serait présidé par un juge d'expérience. Des juges d'expérience, dans la province de Québec, nous en avons un grand nombre; il y en a onze, présentement, au Tribunal du travail du Québec. Il y a un choix à faire.

D'autre part, on pourrait peut-être ajouter des économistes diplômés, guelques spécialistes en relations industrielles des universités. En tous les cas, on pourrait créer un tribunal compétent, renseigné, qui aurait à sa disposition un bureau de recherche et qui serait capable de rendre des sentences exécutoires sur les questions salariales dans les litiges du secteur public. Ce serait final, ça réglerait le problème. Cela fait quinze ans qu'on vit cette expérience de grèves dans le secteur public. La population de la province de Québec est dans l'angoisse continuellement, surtout en hiver. Nous croyons, après toutes ces expériences, que l'heure est arrivée d'avoir un mécanisme à caractère judiciaire pour régler ces conflits, pour remplacer la grève dans le secteur public. C'est ce que nous souhaitons, et nous croyons que ça donnerait justice - ce serait basé sur la justice - à toutes les parties et on pourrait, par là, rétablir la paix dans ce secteur.

Vous savez, on nous parle beaucoup de services essentiels. On en a parlé lors de la dernière grève, surtout, en particulier dans les hôpitaux. Vous savez ce qui est arrivé. Le ministre du Travail a nommé le confrère feu Gérard Picard, qui était l'homme à peu près le plus compétent dans la province de Québec au point de vue des relations de travail, et qui avait la sympathie, dans ce temps-là, des permanents syndicaux dans le secteur public, et ça lui a pris deux mois à en mettre 50% d'accord sur ce qu'étaient les services essentiels dans les hôpitaux.

Je ne m'étends pas sur la question d'Hydro-Québec. Tout le monde est convaincu que les services essentiels sont à 100%. Que ce soit la police provinciale ou la police municipale, les services essentiels sont à 100%, il n'y a pas de régie là-dedans. Si on prend le système de pompiers dans toutes les municipalités de la province de Québec, tout le monde est d'accord que ce sont des services à 100% essentiels. Je ne vois pas comment la régie dont on a fait mention ici, qui a été présentée par le ministre du Travail en collaboration avec le Conseil du patronat, pourrait donner satisfaction pour régler ces problèmes. On a tenté l'expérience, c'a pris deux mois à monter des listes et, encore là, les listes montées n'ont pas été respectées pendant la grève.

Vous savez que, dans la question des grèves, en particulier dans le secteur public, quand cela ne fait pas mal, les chefs et les officiers du syndicat tournent la liste et font les siqnes qu'il faut faire. Cela fait plus mal et c'est seulement à ce moment que le gouvernement bouge. S'il perd sa souveraineté, ce sont les syndicats du secteur public qui deviennent souverains. C'est ce qui arrive dans les grèves du secteur public. Nous voulons éliminer tout cela. Nous voulons redonner la souveraineté au gouvernement, sa souveraineté politique, et nous voulons donner justice aux travailleurs du secteur public, qui ont droit à une juste rémunération suivant les capacités financières de la province, du trésor provincial et des institutions.

Cela se résume à cela. Nous croyons, je le répète, que les juqes d'un tribunal composé de spécialistes comme cela, auraient le même statut que les juges des autres cours, ils auraient leur indépendance, leur

autonomie, et exactement le même statut que les autres juges des cours provinciales. Avec cela, deux bancs à Montréal et deux bancs à Québec, on pourrait régler d'une manière très rapide tous les litiges qui surviendraient dans les négociations sur la question salariale dans le secteur public.

Je répète qu'aucune partie n'aurait le droit de venir devant ce tribunal tant et aussi longtemps qu'elle n'aurait pas réglé les questions normatives, ce qui accélérerait la négociation sur les clauses normatives et la conclusion rapide du renouvellement des conventions collectives qui se font tous les trois ans. Une fois que les clauses normatives seraient réqlées, elles auraient le droit de se présenter sur les points en litige. Ce serait ce tribunal qui aurait juridiction. Sa décision serait finale, sans appel, cela réglerait le problème. Cela se résume à cela.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.

M. Guay (Bernard); Est-ce qu'on a épuisé notre temps ou est-ce qu'on a encore quelques instants pour conclure?

Le Président (M. Rodrigue): Vous avez effectivement épuisé la période allouée pour la présentation du mémoire. Cependant, si vous voulez prendre deux minutes pour conclure rapidement, je peux...

M. Guay (Bernard): On n'abusera pas de la patience de la commission. J'aurais voulu conclure sur certaines remarques qu'on avait sur les arguments contre l'abolition du droit de grève. Je vais m'en abstenir, vous les avez dans le texte. J'aurais quand même une demande d'information à présenter au ministre. On se fait rebattre les oreilles fréquemment à cette commission sur le fameux cas de l'Australie, qui fonctionnerait si mal. Personne n'a vu de chiffres là-dessus. Est-ce que vous avez des études, des données, des évaluations de ce système? J'aimerais beaucoup le voir, j'ai peut-être un biais d'analyste, c'est ma profession. D'ailleurs, je pense que certains membres de l'Opposition m'ont vu déjà la binette lors de l'étude des crédits. J'aimerais bien voir le dossier sur le droit de grève de l'Australie. Si vous en parlez en toute connaissance de cause, c'est que vous avez un dossier. Comme cela concerne un autre pays, cela ne doit certainement pas être confidentiel pour les Québécois. J'aimerais beaucoup le voir, s'il vous plaît. Est-ce qu'on peut en escompter le dépôt ou en prendre note à votre ministère?

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le Mouvement d'animation pour le redressement du Québec de son mémoire, ainsi que ses porte-parole. Il me fera plaisir de vous faire parvenir les renseignements qu'on a au ministère là-dessus ainsi qu'aux membres de la commission que cela pourrait intéresser aussi. J'en prends bonne note.

Là-dessus, avec votre permission, M. le Président, je voudrais céder mon droit de parole à mon collègue de Duplessis, qui aurait quelques questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Selon ce qui ressort du mémoire que vous avez présenté, vous mentionnez que vous êtes contre le droit de grève dans les secteurs public et parapublic. Il y a une chose qui est très importante, c'est que vous voudriez que le gouvernement, en tant que législateur, retourne à ce qu'on appelait dans le jargon, antérieurement, le système d'arbitrage. Vous avez mentionné aussi la remise à un tiers, si j'ai bien compris, de décisions qui regarderaient les finances du Québec. On sait que ces décisions sont actuellement prises par le Conseil du trésor et par le Conseil des ministres. Je doute énormément que cela pourrait régler beaucoup de choses de remettre à un tiers surtout la question financière.

J'ai deux questions à vous poser. Dans votre mémoire, vous mentionnez que si le droit de grève est aboli, la centralisation dans les négociations ne pose pas de problème. Toutefois, si la grève est maintenue, on devra décentraliser les négociations tout en apportant des adoucissements majeurs aux dispositions antibriseurs de grève. Je vais poser ma question tout de suite et l'autre par la suite. Quels seraient, d'après vous, ces adoucissements à apporter à la loi 45? Voulez-vous s'il vous plaît donner des exemples?

Ma deuxième question se rapporte au côté judiciaire. Dans les quatre hypothèses que vous mentionnez, vous parlez de l'arbitrage portant sur les clauses monétaires et normatives et, par la suite, dans l'hypothèse 2, vous ajoutez "référendum sur la masse monétaire". À l'hypothèse 3, vous mentionnez "loi préalable sur la masse monétaire" et, à l'hypothèse 4, "arbitrage portant sur les clauses monétaires seulement, l'entente sur les clauses normatives étant un préreguis".

Si j'ai bien compris, l'ensemble de votre dossier porterait sur un alignement vers l'arbitrage, par un juge, etc. D'ailleurs, je voudrais mentionner certaines paroles que vous avez dites à un certain moment.

Lorsque l'arbitre aurait pris sa décision, dites-vous, ce serait final, cela réglerait le problème une fois pour toutes.

Personnellement, j'en doute, parce qu'on a vu ce qui s'est passé antérieurement dans des cas d'arbitrage. Ma question est celle-ci: Ne croyez-vous pas que le système, devenant très judiciaire, comme vous le préconisez, pourrait engendrer des problèmes, comme par exemple, aller jusqu'à la désobéissance civile à la suite de la décision de juges ou d'un juge? Ce sont mes deux questions.

M. Guay (Bernard): Si vous permettez, je vais commencer à répondre et je laisserai la parole à M. Harmegnies sur certains points.

En ce qui concerne la remise à un tiers des décisions, d'une part, mon concept d'État comprend trois branches: une branche judiciaire, une branche législative et une autre exécutive. Il ne me répugne pas, vraiment pas, de déléguer ou d'augmenter les fonctions du judiciaire, parce que cela préserve au législatif un rôle d'arbitre ultime. Quant à la question de la judiciarisation, il ne me répugne pas du tout de dire que ce sont les tribunaux qui règlent et qui sont un peu la première instance, effectivement, dans toute situation. Prenons une cause criminelle ou une cause civile. C'est bien clair que si les parties n'obéissent pas au jugement, il y a une instance, l'exécutif, qui le fait respecter autant que possible. Si le gouvernement ne veut pas faire respecter les lois et ne fait pas respecter les décisions des tribunaux, c'est clair qu'on retombe à l'état de loi de la jungle à plus ou moins brève échéance. Il ne nous répugne pas que l'Assemblée nationale, en dernière instance et en toute dernière instance, intervienne, mais je crois qu'actuellement, il s'est développé un pattern où le gouvernement intervient pour toutes les crises. Quand on dit, par exemple, que le maintien des services essentiels s'est tellement amélioré lors des dernières rondes de négociations, il ne faut pas oublier que c'est le gouvernement qui a posé le premier vote de blâme à son propre système, quand il a voté une loi spéciale dans le secteur de la santé, avant que les gens puissent exercer le vote de grève et avant que le système des services essentiels puisse s'appliquer. Ne nous demandez pas de croire à un système auquel le gouvernement lui-même a démontré ne pas croire.

En ce qui concerne la désobéissance civile, comme je le dis, si un gouvernement ne veut pas faire respecter ses propres lois et ne veut pas faire respecter les arrêts d'une cour, abandonnons le concept même de société organisée et transférons la souveraineté aux syndicats. En ce qui concerne la désobéissance civile, on a souvent parlé du cas de l'Ontario. Claude

Brunet, l'autre jour, vous a mentionné des chiffres sur le nombre de grèves en Ontario et le nombre de grèves au Québec. J'ai son article publié le 2 avril 1981 dans le Soleil. On sait que les syndicats ont l'intention d'utiliser le droit de grève. Je lis notamment dans la revue Option, qui est la revue des infirmières, un rapport d'atelier. Je le cite in extenso: "II semble inévitable pour les délégués que nous devons utiliser notre droit de grève durant la prochaine négociation. " Concrètement, du côté de la partie syndicale, des gens sont clairement décidés dès maintenant, quoi que l'on dise, d'utiliser le droit de grève. Or, on croit que le gouvernement devra avoir un certain courage politique, doit exercer un rôle d'éducation auprès des gens, doit effectivement négocier avec des syndicats, les éduquer. Un syndicat de bonne foi n'a aucune raison, une fois qu'on lui qarantit un choix équitable au droit de grève, de ne pas accepter un proqrès, ce que l'on considère comme un progrès social. Évidemment, si ces gens ont des ambitions de se servir de leurs forces pour se développer une souveraineté parallèle, c'est une autre chose. (13 h 30)

En ce qui concerne la question des briseurs de grève, notre observation répondait à un problème très simple. On a constaté, au cours de la dernière négociation, qu'un bon citoyen, c'était quelqu'un qui privait les malades de soins et un bandit, c'était un bénévole qui allait leur porter un verre d'eau. On trouve que cela est absurde, que c'est illogique, que cela contrevient aux éléments les plus élémentaires de la morale naturelle et de la morale chrétienne et je pense qu'il faudrait effectivement penser... On n'a pas nécessairement poussé notre réflexion assez loin pour vous donner un mécanisme très concret, mais je pense qu'en ce qui concerne les bénévoles... Je pense également, en ce qui concerne les employés qui, par conscience personnelle, refuseraient d'obéir au mot d'ordre de grève, qu'ils ne devraient pas être soumis à la loi antibriseurs.

Personnellement, je sais que, lorsqu'il y aura les prochaines négociations dans le secteur de la fonction publique du Québec, je vais certainement explorer les moyens de contester cette grève obligatoire qu'on voudrait m'imposer, d'une part.

D'autre part, en ce qui concerne l'éventail qu'on a proposé, vous comprendrez que ce mémoire a été écrit en mars. Le débat a progressé depuis. Ce qu'on a voulu faire à ce moment-là, c'est de démontrer qu'on était très réceptifs aux alternatives, donc d'essayer de montrer un éventail, de montrer que, finalement, des formules d'arbitrage viables, des formules d'arbitrage intéressantes, il y en avait tant qu'on veut.

Ceci étant dit, on pense que la formule

préférable, c'est celle qui allégerait la tâche des tribunaux en les obligeant à s'entendre sur les questions normatives sans incidence financière et réserverait le rôle de l'arbitre à déterminer les incidences financières. On n'est pas opposés au concept suivant, c'est-à-dire que, par exemple, par une loi, l'Assemblée nationale déterminerait un critère que devrait respecter le tribunal en termes de masse monétaire totale. Mais vous savez qu'entre une masse monétaire et un salaire concret consenti à un employé, il y a une différence. L'un peut être conforme à l'autre, l'un est à l'intérieur de l'autre.

En tout cas, disons que ce sont des options qui pourraient être considérées. Je pense que, compte tenu qu'on paie des taxes, compte tenu qu'il y a des spécialistes en relations de travail au ministère du Travail, je pense qu'eux autres pourraient raffiner ça. Il n'est pas de notre tâche d'aller au-delà d'orientations et de principes généraux.

Là-dessus, je voudrais céder la parole à M. Harmegnies sur la question de l'arbitrage limité aux questions financières.

M. Harmegnies: Nous sommes d'opinion que, si c'était un tribunal qui s'occupait de toutes les questions normatives, les décisions prendraient trop de temps à se prendre, ça traînerait et on serait encore comme dans le passé. Il n'y a rien qui aboutirait là-dedans.

C'est pourquoi on veut marcher étape par étape. On veut commencer par la masse monétaire, avec un tribunal à caractère judiciaire, uniquement sur les questions financières, à condition que les questions normatives aient été réglées entre les parties. Nous croyons que douze commissaires, avec un juge, qui seraient des CA diplômés en administration publique, donneraient confiance à nos institutions et seraient capables de rendre des jugements intelligents et conformes à notre capacité de payer.

C'est ce que nous soumettons et c'est pourquoi nous appuyons plus cette formule que les deux autres.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, en passant la parole à mon collègue de Sainte-Anne qui a étudié davantage votre mémoire pour l'Opposition officielle, je voudrais, M. Guay, que vous me disiez brièvement... Parce que, dans votre mémoire, vous placez sur le même pied toutes les grèves dans les secteur public et parapublic et vous prévoyez un régime uniforme pour tout le monde. Pour concrétiser ma question, est-ce que les conséquences pour la population d'une grève à Radio-Québec, par exemple, ont autant d'importance et autant de conséquences qu'une grève dans un hôpital?

M. Guay (Bernard): Cela va vous paraître étrange, mais on part d'un principe inverse. On part du principe que, bien éclairés par leur gouvernement, les syndiqués, s'ils avaient le choix entre un arbitrage équitable et un droit de grève, préféreraient l'arbitrage.

Évidemment, on ne prétend pas faire l'adéquation entre les appareils syndicaux et les syndiqués. Mais on part d'un point de vue tout à fait inverse. Ce qu'on dit, c'est que, finalement, les gens paient pour ces services et ces services sont monopolistiques. Moins le service est monopolistique, c'est clair que moins notre position s'applique.

C'est clair que, par exemple, si les magasins de la Régie des alcools ferment, il y a les épiceries, dans certains comtés il y aura même les alambics, etc.; farces à part, ce que je veux dire, c'est qu'il ne manque pas de concurrence. C'est clair aussi qu'au point de vue des médias, s'il y a un poste de radio qui ferme, dans une ville, c'est peut-être moins un service public que d'autres.

C'est clair qu'il y a des zones grises. Mais nous ne voulons pas, en aucune façon, soucrire à une approche des services essentiels dans les secteurs comme les hôpitaux, par exemple, où, cela nous amène à une casuistique illimitée, puis où finalement les gens n'ont pas vraiment de substitut. C'est clair que s'il n'y avait aucune centralisation, si on fonctionnait institution par institution, cela serait autre chose. Mais étant donné qu'on ne peut pas fonctionner de façon décentralisée, je suis sensible à l'argumentation du ministre des Finances qui dit qu'il doit avoir tous les impacts financiers entre les mains quand il voit ce qu'il négocie. Etant donné qu'on est condamné au système de centralisation, puis étant donné que pour qu'un système de décentralisation marche, il faut que les institutions soient alignées, quoique c'est peut-être un biais bureaucratique qu'on a développé de cette façon, les conséquences s'ensuivent automatiquement. Alors, nous on croit que finalement les usagers ont droit aux services, ils paient pour, on continue à payer nos taxes et il n'y a souvent pas de substitut, il y a des gens qui sont pénalisés. On a beau vous dire: Le transport en commun, ce n'est pas si pire, les gens vont prendre un taxi, quand vous voyez les vieux qui sont enfermés dans les maisons de vieux, pendant les périodes de grève, qui n'ont pas de revenus tellement élevés, c'est sûr qu'ils n'en meurent pas, c'est sûr qu'à un moment donné ils ne pourront peut-être pas alléguer devant la cour des souffrances morales mortelles. C'est quand même quelque chose qui est inacceptable. Nous on met cela en balance avec le fait qu'un système d'arbitrage bien conçu, qui offre aux syndiqués des garanties d'impartialité, c'est une alternative valable qu'ils vont accepter

quand ils vont être éclairés sur les enjeux.

C'est bien évident que si on passe de longues périodes, comme j'ai souvent observé à cette commission, à faire une propagande contre l'arbitrage, où il est systématiquement discrédité, en disant: Bon, cela ne marche pas... On n'a jamais vu les faits là-dessus, moi je ne les ai pas vus en tout cas. En Ontario, cela ne marche pas, au mépris des faits. Quand on affirme toutes sortes de choses de ce genre, c'est clair que la population reste avec ses sédatifs. Elle dit: L'arbitrage, cela ne marche pas. Mais nous on croit que cela marche, l'arbitrage, et on croit que cela marche dans le domaine civil et criminel, à moins que les gens soient en faveur évidemment d'un rétablissement des privilèges de la mafia ou des gens de ce genre-là. On croit que cela a marché dans le domaine civil, que cela a marché dans le domaine criminel. Est-ce que cela existe, maintenant, quelqu'un qui a le droit d'aller stationner son auto devant l'entrée de garage de son voisin, parce qu'il y a une clause civile sur la limite du terrain? Jamais de la vie, il va aller au tribunal, le juge va trancher. On croit que cela peut se faire en relations de travail, à condition qu'on évite de s'embarquer dans la jungle des clauses normatives.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Oui, M. le Président. Juste une question, une remarque, M. Guay. J'ai étudié votre mémoire. Quand je dis juste une question, ce n'est pas parce que je ne suis pas intéressé par le mémoire. Il y a beaucoup de vérités là-dedans et de points sur lesquels je ne suis pas d'accord. Mais on a couvert maintenant - on est à la cinquième journée - pas mal de matière, donc ce n'est pas une question de ne pas vouloir tout le temps.

J'ai juste une question. Vous parliez tout à l'heure de l'Australie. Je peux peut-être aider tout le monde en disant que j'ai une soeur qui demeure en Australie. Elle a pu donner naissance à deux bébés dans un hôpital sans grève, se faire construire une maison sans grève. On est en correspondance l'un avec l'autre et je n'ai jamais entendu parler de ces situations catastrophigues en Australie. En tout cas, les chiffres vont nous le dire, mais je pense qu'il faut interpréter les chiffres.

Maintenant vous dites, à la page 6 de votre mémoire, que Québec détient le record mondial du nombre de journées perdues par travailleur pour cause de grève. Avez-vous des statistiques là-dessus? Cela c'est vrai, c'est que...

M. Guay: Moi, je vous réfère à des statistiques...

M. Polak: Bien, juste une réponse brève.

M. Guay: En fait, disons que c'est une statistique de seconde main. On n'a pas produit de statistique, c'est clair. Je sais que le Conseil du patronat, en fait peut avoir des bonnes choses des fois; ce ne sont pas nécessairement les mangeurs de pauvres travailleurs que certains croient. Enfin, j'ai déjà eu entre les mains un mémoire. Je vous référais à ces gens-là qui ont le potentiel financier pour réaliser des études et qui les ont faites. Nous, c'est simplement de seconde main, c'est une conclusion qu'on a sortie; j'ai vu les chiffres, maintenant je ne les ai pas avec moi. Disons que, personnellement, je n'ai pas en main les chiffres, mais je vous réfère à l'organisme qui les a produits. J'ai pris la conclusion; on peut postuler qu'ils se sont basés sur les statistiques canadiennes. Les statistiques, en fait, théoriquement, on dit que cela ment ou que cela ne ment pas. En tout cas, on peut tenir pour acquis que c'est relativement fiable.

M. Polak: Maintenant, ma demande, ce n'est pas une question mais je cite une remarque que vous avez faite à la page 7 de votre mémoire, à laquelle je peux souscrire entièrement. Cela se lit comme suit: "Si le Québec est capable de proposer une nouvelle formule d'association politique, on se demande pourquoi il ne serait pas capable de faire oeuvre originale en matière de relations de travail". J'imagine que le gouvernement se préoccupe peut-être plus de la nouvelle formule politique que de changement dans la matière des relations de travail. Mais nous sommes ici pour cela. On espère que le ministre, ayant entendu presque cinq jours de témoignages, va prendre les décisions qui s'imposent, pas juste faire ce qu'on appelle le "big big show". Merci beaucoup.

M. Dean: On attend de bonnes suggestions du député de Saint-Anne.

M. Polak: On les a, on les a.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Mouvement d'animation pour le redressement du Québec. La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux jusqu'à 15 heures 15.

M. Quay: On vous remercie de votre patience envers nos présentations et réponses.

(Suspension de la séance à 13 h 40)

(Reprise de la séance à 15 h 27)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît:

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le mandat de la commission est d'entendre les personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

AFEAS

En début de séance, nous entendrons les représentants de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale (AFEAS) que j'invite à prendre place. Ce mémoire nous sera présenté par Mme Lise Paquette ou Mme Gagné. Le mémoire est présenté par Mme Christiane Gagné, présidente de l'association. Mme Gagné, je vous invite à nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme Gagné (Christiane): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, je vous présente, à ma droite, Lucille Bellemare, première vice-présidente, et, à ma gauche, Lise Paquette, membre de l'exécutif sur le plan provincial.

L'Association féminine d'éducation et d'action sociale est un organisme essentiellement féminin, comptant 35 000 membres regroupés à l'intérieur de 600 cercles locaux et répartis un peu partout à travers toute la province de Québec. C'est un organisme toujours préoccupé par l'amélioration des conditions de vie et de travail des hommes et des femmes de notre société. On ne sera pas alors surpris de nous entendre exprimer nos opinions et nos souhaits au sujet du droit de grève dans les secteurs public et parapublic.

Une grande majorité de nos membres travaille exclusivement au foyer, sont mères de un ou plusieurs enfants dont les âges sont variés. Elles ont donc ainsi à vivre les désagréments qu'engendrent les grèves dans les secteurs public et parapublic. De plus, nous voulons ajouter que nous ne sommes pas des spécialistes en droit et en relations du travail. Cependant, nous sommes capables de réfléchir, voir et juger d'une situation. Depuis 1972, les membres de l'AFEAS sont préoccupés par ce sujet et c'est pourquoi elles portent ces réflexions à l'attention de la commission parlementaire.

Les travailleuses du secteur public et parapublic. Nous savons pertinemment que le problème du droit de grève dans les secteurs public et parapublic est rempli de difficultés et de complexités. Cependant, en tant que femmes, nous nous voulons solidaires de celles qui travaillent majoritairement dans ce secteur. À titre d'exemple, 72, 5% des salariés du secteur hospitalier sont des femmes. Quels sont donc le sort et la place qu'on réserve aux femmes de ce secteur? Celles qui ne sont ni professionnelles, ni infirmières, ni techniciennes, c'est-à-dire 60% des femmes du secteur de la santé, gagnent 10 000 $ et moins par année. Ces chiffres sont éloquents et même si aux dernières négociations on a réduit les écarts entre les hauts et les bas salaires, les femmes demeurent majoritaires au bas de la hiérarchie salariale.

Ici, je cite: "Le fait que le marché du travail reproduise le modèle de répartition des tâches selon le sexe qui prévaut dans la famille et qu'au foyer les femmes effectuent gratuitement ces tâches et ce, pendant de lonques heures, permet aux employeurs de leur verser des salaires dérisoires lorsqu'elles accomplissent des travaux analogues. " Malgré cette citation qui est un fait qui nous interroge grandement et qui nous invite à la solidarité, nous voulons vous faire part que, malgré cette constatation, nous sommes toujours convaincues que le droit des bénéficiaires prime celui des travailleurs.

Le droit à l'information. Que ce soit dans le secteur hospitalier ou celui de l'éducation, ce sont des secteurs qui touchent à des cordes sensibles. Le public se sent vite lésé si on le privé de ses droits à la santé et à l'éducation. Ses réactions sont très émotives et viscérales. De là découle l'importance du droit à une information juste et équilibrée. Pierre Verge nous dit qu'il y a urgence dans un secteur quelconque lorsque le public le dit. Si le public a un tel pouvoir, ce dernier se doit d'être bien informé du déroulement des négociations dans ce secteur. Il faut donc sortir du "top secret" puisque c'est la population au bout du compte qui paie la note en supportant les inconvénients d'une grève ou d'une hausse des impôts.

Les secteurs de la santé comme ceux de l'éducation sont pleins de contradictions. C'est un monde déchiré entre les soins aux malades, l'humanisation des soins, une éducation de qualité et les restrictions budgétaires. À titre d'exemple, dans le milieu hospitalier, on se sent vite tiraillé entre l'engagement affectif envers la souffrance - personne n'aime la souffrance -les droits légitimes et les justes revendications du personnel soignant. Parallèlement, nous voyons l'État employeur qui veut réduire les coûts de ces services. De même, dans le secteur de l'éducation, la qualité du service de l'éducation s'oppose aux exigences des restrictions budgétaires.

Le droit de grève, un droit acquis. Malgré cette situation, les membres de l'AFEAS demeurent prudentes. Il leur apparaît prématuré, pour ne pas dire antisocial, d'enlever le droit de grève à un groupe de salariés qui l'ont durement acquis. Un tel geste exciterait donc davantage les passions qu'il ne les calmerait. Enlever le droit de grève, croyons-nous, inciterait à la désobéissance civile, engendrerait des grèves illégales ou sauvages, augmenterait la tension entre l'État employeur et les employés des secteurs public et parapublic, perpétuerait un certain infantilisme par l'entêtement et étoufferait les embryons de prise de responsabilité collective de part et d'autre.

Nous nous sommes aussi interrogées sur les effets de l'arbitrage. Après en avoir discuté avec quelques spécialistes, il en ressort que ce procédé est non efficace, parce qu'il y a souvent non-obéissance à la décision de l'arbitre et décret de grève illégale. L'arbitrage obligatoire a aussi pour effet de tuer la négociation. En effet, chacun reste sur ses positions sachant qu'un tiers décidera et ne donnera pas plus qu'il a été demandé, ni moins qu'il a été offert. De plus, dans ce cas-là, l'économie repose sur la décision d'une seule personne, puisque salaires, prix et profits sont interreliés. Nous citons ici l'expérience de certains pays démocratiques tels l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Kansas, aux États-Unis, qui ont essayé cette mesure pour enrayer le flot des grèves. C'est loin d'être probant. Loin de les avoir diminuées, elle les a accrues en nombre et en longueur de temps.

Le maintien des services essentiels. Un autre point nous semble majeur, l'évaluation des services à maintenir au moment de la grève. Certes, on demande le maintien de services essentiels, mais jamais on n'a décrit ou évalué la qualité ou les exigences qualitatives de ces mêmes services. Nous croyons qu'il appartient aux syndicats de déterminer lui-même les exigences de services de qualité. Nous pourrions alors être surpris de leur sens commun et de leur sens des responsabilités.

Une autre interrogation revient souvent: Le gouvernement peut-il continuer à négocier dans le secteur public en suivant les mêmes paramètres que dans le secteur privé, "à savoir qu'un convention de travail constitue un "deal" le moins transparent possible et le plus ludique possible?" Même si nous ne sommes pas des spécialistes, nous pensons que ce secteur est particulier, différent et qu'il faudra y ajouter des règles particulières. Nous laissons à d'autres l'élaboration du comment.

Enfin, peut-on faire confiance au civisme des syndiqués qui sont aussi et avant tout des contribuables québécois? Pour nous, membres de l'AFEAS, notre réponse est affirmative. Notre optimisme à pouvoir améliorer les conditions de renouvellement de contrat repose sur cette capacité pour les salariés syndiqués de prendre leurs responsabilités.

Les votes de grève. Lorsqu'un conflit de travail risque de dégénérer en grève générale, il devient difficile, mais très important de permettre l'expression démocratique de la volonté des travailleurs concernés. La décision de faire la grève ou de retourner au travail doit être prise collectivement par les travailleurs intéressés, lors d'une assemblée générale où ils seront appelés à se prononcer pour la stratégie à observer pour les négociations.

Certains facteurs, non directement liés au conflit, peuvent influencer le résultat du vote. Ainsi, le local choisi pour l'assemblée, son accessibilité plus ou moins facile, son cadre plus ou moins coutumier, l'heure où se tient l'assemblée, le mode de scrutin pour la consultation, peuvent agir sur la représentation des travailleurs et, partant, sur la décision prise.

Le faible taux de participation à ces assemblées générales pose un problème évident. Les syndicats semblent éprouver beaucoup de difficultés à réunir leurs gens et à les faire voter massivement: c'est le plus souvent la majorité d'une minorité qui décide de la grève. Nous pensons que ces assemblées générales devraient se tenir de préférence sur les lieux mêmes de travail: les travailleurs s'y sentiraient plus à l'aise pour discuter de ces questions et le taux de participation serait beaucoup plus élevé.

Il est absolument inacceptable qu'un vote aussi important se tienne à scrutin ouvert; bien que ce ne soit pas une pratique générale, cela s'est déjà vu. Les syndiqués de la base risquent ainsi d'être exposés à subir des pressions indues pour les amener à endosser la position des dirigeants du syndicat. Les conditions minimales exigent la tenue d'un vote secret. En cela, nous souscrivons entièrement à la Loi amendant le Code du travail, qui exige le vote secret lors de l'élection des dirigeants syndicaux, pour le déclenchement d'une grève, l'acceptation ou le rejet d'un projet de convention collective et le retour au travail.

Recommandations.

Compte tenu de ces quelques remarques, l'AFEAS recommande donc, en vue d'améliorer les procédures de négociation et de règlement de conflits dans les services public et parapublic:

De faire l'analyse qualitative des services essentiels à maintenir en cas de conflits;

De faire établir et élaborer par les syndigués eux-mêmes les exigences pour des services de qualité;

D'informer le public du développement des négociations qui se dérouleraient beaucoup plus à ciel ouvert afin que la

population puisse se faire un jugement éclairé;

D'établir un processus de négociations continues ou permanentes, surtout sur les points qui portent le plus à mésentente;

De tenir les votes de grève sur les lieux du travail ou dans un local à proximité en vue de permettre la participation d'un plus grand nombre de travailleurs ou de travailleuses;

D'exiger que 75% des syndiqués soient présents à l'assemblée lors du vote de grève et que ce vote se fasse par scrutin secret;

De voir à développer tant chez les membres du gouvernement que chez les syndigués le sens des responsabilités collectives.

Conclusion.

Nous insistons ici sur le fait que, malgré un encadrement rigoureux de tout le processus de la négociation collective, aucun règlement et aucune amélioration n'est envisageable si les parties en cause ne sont pas de bonne foi et n'ont pas le désir réel d'en venir à une entente. Si on veut civiliser les rapports de forces, il faut développer tant chez les membres du gouvernement que chez les membres du syndicat le sens des responsabilités collectives. En fait, si nous voulons conserver et améliorer la gualité des services des secteurs public et parapublic, il faut savoir rétablir un climat de confiance et de détente. C'est une question de survie.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentantes de PAFEAS. M. le ministre du Travail.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier très sincèrement l'Association féminine d'éducation et d'action sociale de son mémoire. Je crois que c'est un mémoire extrêmement intéressant. Je voudrais remercier particulièrement son porte-parole, Mme Gagné, et, avec votre permission, M. le Président, je céderai immédiatement mon droit de parole à l'adjoint parlementaire, le député de Prévost, qui a un certain nombre de guestions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Prévost.

M. Dean: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous féliciter, mesdames, pour la teneur de votre mémoire, qui me semble refléter des qualités particulièrement féminines de maturité, de réalisme et d'humanisme.

Je note avec beaucoup d'intérêt qu'avec toutes les autres discussions plutôt techniques qu'on a vécues pendant ces cinq jours, sur les mécanismes et parfois sur le fait que certains éléments des employés du secteur public ont peut-être certaines conditions de travail supérieures, je trouve très à propos le fait que vous souligniez dans votre mémoire que 60% des employés du secteur hospitalier sont effectivement des femmes et dans les échelons les plus mal payés du groupe des travailleurs et travailleuses.

Il me semble que votre groupe est important, parce que vous représentez 35 000 membres groupés en 600 cercles locaux et, comme vous le dites vous-même, surtout des femmes au foyer. Je trouve que ça fait une très bonne tranche de ce qu'on peut interpréter comme l'opinion publique.

Je voudrais par ma question savoir si vous avez soumis la teneur de ce mémoire à vos membres dans vos organismes.

Mme Gagné: De par notre fonctionnement, lorsqu'on parle au nom des 35 000 membres, effectivement, ces propositions ont été soumises à l'ensemble. Pas cette année, parce que ce sont des préoccupations qui sont là depuis 1972, que nous avons voulu regrouper et un peu actualiser, mais je peux vous assurer qu'elles représentent l'opinion des 35 000 membres.

On a parfois un fonctionnement qui semble lent, mais, quand même, présentement, je peux parler au nom des 35 000 membres.

M. Dean: Je trouve vos remarques, même au sujet des mécanismes, très à propos sur le fait qu'on ait proposé le recours à la suppression du droit de grève comme solution à un problème humain de maintien des services essentiels, qui inquiète tout le monde et que vous ne soyez pas pour qu'on enlève le droit de grève, et même les solutions dites magiques que certains soumettent, tel que l'arbitrage obligatoire, vous êtes bien documentées et le prouvez en disant que, là où on a essayé ces formules, ce ne sont pas les formules magigues que certains voudraient faire adopter...

J'ai noté aussi que, comme d'autres groupes plus près des citoyens et citoyennes ordinaires, vous avez beaucoup insisté sur le besoin d'information. Là, je vais terminer mes remargues et vous poser une couple de questions.

Pourriez-vous nous dire comment vos membres se sentent vis-à-vis de ces négociations du secteur public qui affectent les enfants, qui affectent le secteur de la santé, etc., en face de ces négociations parfois longues, mais en face du problème d'information?

J'ai aussi, une question sur le troisième point de vos recommadations, à la page 5, quand vous parlez des négociations continues, préconisez-vous un vote de grève continu ou est-ce que vous envisagez autre chose par votre suggestion?

Dernier point. Sur les votes de grève par scrutin secret, je pense que votre texte semble dire que vous êtes au courant que le

Code du travail prévoit actuellement que le vote de grève doit se faire par scrutin secret. Je voulais savoir si, selon votre recommandation, il y a un autre problème que vous voyez dans le respect de cette exigence de la loi que les votes de grève soient tenus par scrutin secret.

Mme Gagné: Pour répondre à votre première question, à savoir comment les femmes réagissent aux grèves qu'elles ont à vivre, il est sûr que notre première réaction est très viscérale, très émotive. Lorsqu'on manque de soins ou qu'on manque d'un service, on est prêtes à réagir et, peut-être spontanément, à demander qu'il y ait un retrait du vote de grève. Par la suite, lorsqu'on envisage en contrepartie les droits des travailleurs dans ces différents secteurs, je pense que, avec un peu de recul, on est capables de plus d'équilibre et de voir que, d'un côté il y a les droits, qu'il y a des femmes qui travaillent dans ces secteurs et qu'elles ont aussi des conditions de vie à améliorer. Souvent, pensant aux femmes que je connais dans le secteur hospitalier et même dans le secteur de l'éducation, surtout au niveau primaire, je me dis souvent qu'elles ont a cumuler deux tâches, celle du foyer et celle de leur travail à l'extérieur, et que leurs conditions de vie et de travail doivent être en concordance. À ce moment, c'est ce qui nous permet de maîtriser un peu nos réactions viscérales.

Si nous étions mieux informées, si nous connaissions exactement les enjeux des négociations, les progrès qui se réalisent, je pense que les réactions seraient peut-être moins fortes et je crois qu'autant le gouvernement que les syndiqués auraient avantage à informer le public et à avoir le public de leur côté. Mais tant qu'on donne des parties de vérité ou des brides d'information, c'est facile de jouer sur les émotions et de se laisser emporter; ça vaut pour les deux parties de bien vouloir éclairer tout le monde. (15 h 45)

Pour la deuxième question, à savoir si on veut assortir les négociations permanentes d'un vote de grève permanent, je ne le pense pas. Je n'ai pas réfléchi plus que cela, mais pour moi, c'est de négocier d'une façon continue les choses qui portent le plus à conflit. Mais le vote de grève étant réservé pour une période bien limitée dans le temps, après que l'entente soit échue; à ce moment-là, je me dis que c'est le temps de faire la grève, mais pas un vote de grève assorti de façon continue.

Pour ce qui est de la troisième question, le vote secret. Je pense que c'est plus en termes de respect de ce qu'on retrouve maintenant au Code du travail et c'est un fait qu'ils avaient été rapportés dans certains coins. Cela n'arrive probablement pas souvent et encore moins aujourd'hui, mais quand même c'est un respect qu'on veut s'assurer pour l'avenir.

Une voix: Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire remercier les membres de l'AFEAS pour leur mémoire. Transpire dans leur mémoire cette préoccupation fondamentale de l'amélioration de la condition de vie pour les femmes; il n'y a aucun doute là-dessus.

Il y a un chiffre que vous donnez au point de départ, alors que vous dites que 60% des femmes du secteur de la santé gagnent 10 000 $ et moins par année. Je ne veux pas contester que ce sont les moins payées, mais est-ce que c'est aussi élevé que cela, 60% des femmes? Où avez-vous pris votre statistique?

Mme Gagné: Dans un dossier qui avait été préparé par Vie ouvrière, no 135.

Mme Lavoie-Roux: En quelle année? Récemment?

Mme Gagné: Cette année.

Mme Lavoie-Roux: Cette année. Merci, j'irai voir cela moi aussi.

Mme Gagné: J'avoue qu'on n'a pas le temps de faire des recherches, en tout cas, avec les moyens qu'on a.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais je voulais quand même... Parfait.

Mme Gagné: Mais c'est là que j'ai pris les chiffres.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je pense que ce n'est pas de trop que vous profitiez de l'occasion pour le souligner, parce que nous avons eu ici le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui, justement, nous a parlé des offres que le gouvernement actuel avait faites à la dernière ronde de négociation. Ces offres étaient discriminatoires, en dépit de toutes les pressions qu'il a eues de la part des associations féminines, que ce soit du Conseil du statut de la femme ou autres, pour qu'on élimine les éléments discriminatoires à l'égard des femmes dans les conditions de travail accordées par les conventions collectives dans les régimes public et parapublic.

Je voudrais en noter une qu'il nous avait mentionnée l'autre soir. Il parle, évidemment, des offres qui sont

discriminatoires, mais il parle aussi des augmentations de salaires. C'est assez incroyable, les augmentations de salaires ou, à l'inverse, leur absence sont également discriminatoires. En effet, 40, 9% des femmes du groupe d'employés de bureaux et de techniciens, et 55, 2% des femmes du groupe d'ouvriers, préposés à la cafétéria et à la cuisine - aide-cuisinier et aide domestique -n'avaient droit à aucune augmentation de salaire en 1980, ce qui contribuait à augmenter les écarts entre les salaires des femmes et des hommes.

Je dois dire que cela avait été corriqé dans une certaine mesure, selon ce que l'on a dit, mais il y a encore des éléments de discrimination. Il y a encore du travail à faire, parce que dans ce domaine, c'est vraiment... Tout le monde pourrait jouer un rôle de leader, mais il est certain que le gouvernement a une responsabilité à cet égard.

Je voudrais revenir sur la question de l'information. C'est légitime, quand vous dites que le public devrait être informé du déroulement des négociations dans ce secteur, etc. Il faut essayer de lui en donner le plus possible. Mais si on se souvient de la dernière ronde de négociation, où il y avait un conseil d'information - le rythme des négociations, c'est très rapide, c'est très fluide, c'est complexe - je me demande jusqu'à quel point on pourrait s'en assurer, dans la mesure où vous le souhaitez - je pense que chacun d'entre nous ici le souhaite - que le public soit vraiment mis au courant du déroulement des négociations. Tout le monde a dit que le conseil n'avait pas rempli son rôle adéquatement. Je pense qu'il ne faut pas accabler le conseil, peut-être que, dans les circonstances, il a fait ce qu'il y avait de mieux. Du point de vue de la réalité des choses, je me demande dans quelle mesure cela peut être réussi.

Mme Gagné: À ce moment-là, je m'interroqe, à savoir si c'est un conseil qui peut le mieux informer le public. Est-ce qu'il n'y a pas à penser à d'autres moyens? J'avoue que je n'ai peut-être pas de solutions miracles, mais les médias sont sûrement la façon la plus propice d'informer les gens au fur et à mesure du déroulement des négociations.

Je parle aussi en termes d'enjeux des négociations pour voir jusqu'à quel point chacun y met du sien et fait avancer les débats.

J'étais à Montréal l'an dernier pour discuter du sujet et quelqu'un qui se disait ancien négociateur du côté patronal, c'est-à-dire de l'État employeur, a dit: "Souvent, j'allais m'asseoir et je n'avais rien de nouveau à proposer. " Est-ce que les syndicats, à ce moment-là, si on pouvait arriver à juger qu'ils ne sont pas vraiment de bonne foi et ne font pas de nouvelles propositions... Il y a peut-être un mécanisme à mettre en place pour que les gens puissent se dire: Bon, effectivement, les syndicats ne font pas leur job ou l'État ne fait pas "sa job" non plus.

On sait pertinemment bien, moi, comme simple usager et comme femme au foyer aussi, que ça peut être avantageux de faire traîner des négociations, ça peut aider à renflouer des coffres, par exemple, on sait ça, de ne pas remplacer des postes, ainsi de suite; juste l'intérêt de l'argent qui traîne pendant que ce n'est pas arrangé, etc.

Nous avons des parties de vérité. Est-ce uniquement la vérité? Si tout le monde nous dit quels sont les enjeux, on pourra appuyer un côté ou l'autre, mais je pense qu'on a droit à ça et ça nous éviterait aussi de nous laisser emporter par les émotions et d'aller dans des extrêmes.

Mme Lavoie-Roux: Merci. L'autre question concerne la page 5 de vos recommandations. Vous dites: " De faire établir et élaborer par les syndiqués eux-mêmes les exigences pour des services de qualité". En d'autres termes, vous leur demandez de déterminer quels seraient les services essentiels. Je pense que c'est ça que ça veut dire.

Cela m'étonne un petit peu parce que les syndiqués sont venus réclamer ceci en commission parlementaire et je pense que, de leur part, c'était légitime. Pour ma part, je trouve que le danger de ceci et d'autres l'ont dit à plusieurs reprises, soit les usagers, soit les associations d'administrateurs, soit les centres d'accueil ou autres, c'est que, finalement, ça devient une arme qui est utilisée au bout du couloir comme pression par la partie patronale. On a eu l'impression que les gens étaient loin d'être certains qu'ils pouvaient devenir à ce moment-là, alors qu'il n'y avait pas eu entente, des juges tout à fait objectifs de la qualité des soins à prodiguer ou ce que voulait dire en temps de grève la qualité des soins.

C'est la recommandation que vous faites et ça me surprend un peu.

Mme Gagné: Pour moi, d'abord, c'est déterminer la qualité des services essentiels. Je peux bien déclarer un service essentiel, mais, si je ne le qualifie pas, si je ne dis pas ce que ça me prend pour qu'il soit vraiment de qualité, je me dis qu'il me manque peut-être des éléments. C'est ce qu'on voulait dire par déterminer des exigences pour qu'un service soit de qualité en temps de grève.

Maintenant, je me dis que, si on détermine ces exigences-là avant les périodes de conflit, si on le faisait aujourd'hui, par exemple, où il n'y a pas de grève en vue, si on déterminait ce que serait un service

essentiel de qualité, je me dis qu'au moment d'un conflit, on a à respecter ce qu'on a déterminé avant de venir en conflit. Pour moi, c'est là que... En tout cas, je pense que ça vaudrait peut-être la peine de faire l'essai, de faire confiance à des gens. Je me dis que, s'ils nous trompent, tant pis, on pourra réagir dans le sens inverse, mais, tant qu'on ne me fera pas la preuve que ce n'est pas faisable...

Mme Lavoie-Roux: II y a deux questions, je pense. Si vous demandez aux syndicats aujourd'hui, en temps de...

Mme Gagné: De paix.

Mme Lavoie-Roux:... paix - je n'aime pas beaucoup utiliser l'expression, j'espère qu'on n'est pas nécessairement en guerre dans les autres circonstances - les qualités de service, il vont venir nous dire qu'il faut beaucoup plus que ce qui existe présentement dans les hôpitaux et dans les établissements de santé, parce qu'il y a des points où je partage leur opinion quand, à ce moment-ci, on procède à des coupures sans savoir exactement où on s'en va. Et quand on arrive en temps de grève, ce sont les services essentiels. Je pense que ce serait difficile. S'ils les déterminent aujourd'hui, ça voudrait dire qu'en temps de grève, vous exigez que tous les services soient là puisqu'ils définiraient aujourd'hui ce qu'ils entendent par la qualité de soins en temps normal et que, selon le raisonnement que vous faites, c'est ça qui devrait s'appliquer au moment de la grève. Cela voudrait dire que tout serait là et même davantage que ce que l'on a présentement.

Mme Gagné: Ce n'est pas comme cela que je le voyais. C'était de déterminer aujourd'hui ce qu'il serait essentiel de maintenir en cas de conflit, et ce qu'il serait essentiel de maintenir, que ce soit de qualité, avec certaines exigences. C'est sûr qu'à tomber dans l'excès et à vouloir plus que ce qu'on a maintenant, on n'arriverait à rien et ce serait démontrer de la mauvaise foi. Pour moi, c'est: En cas de conflit, quels sont les services essentiels à maintenir et qu'est-ce que ça prend pour que ces services soient de qualité?

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez dit - c'est important compte tenu des bas salaires que gagnent les femmes en particulier et c'est à partir de cela que vous en êtes arrivée là - qu'il fallait leur laisser le droit de grève comme moyen à utiliser pour améliorer, en particulier, les conditions de travail des femmes. Est-ce que vous croyez que c'est inséparable, que si on n'utilise pas le droit de grève on ne pourra pas améliorer ces conditions de travail, que dans toutes les circonstances ce droit de grève ne devrait pas être restreint, comme dans le cas des hôpitaux pour soins prolongés? J'aimerais avoir votre réponse.

Mme Gagné: Compte tenu de tout ce que j'ai pu lire dans les journaux et ailleurs, et en discutant avec quelques personnes qui sont directement dans le monde syndical ou même dans le monde universitaire pour essayer de voir s'il n'y aurait pas des mécanismes-miracles qui permettent d'améliorer les conditions de travail tout en n'étant pas assortis d'un pouvoir du côté des travailleurs, je n'ai pas vu de recette-miracle.

Si, aujourd'hui, vous me disiez: II y aurait telle façon d'agir ou tel mécanisme qui assurerait en même temps l'amélioration des conditions de vie des travailleurs, des femmes et des hommes, en général, et si, en même temps, on pouvait faire abstraction du droit de grève, je dirais: Bon, je suis prête à l'envisager. Pour le moment, avec les éléments que je possède ou que nous possédons, avec ce que j'ai pu lire, je me dis qu'enlever le droit de grève, présentement, cela amènerait plus de désordre que d'ordre. Présentement.

Mme Lavoie-Roux: II y avait un deuxième élément à ma question. Est-ce que vous pouvez concevoir que dans certains secteurs, compte tenu de la primauté du droit de la population à la santé, cet exercice du droit de grève puisse être restreint dans certains secteurs extrêmement névralgiques comme celui que je vous ai nommé tout à l'heure, les hôpitaux de soins prolongés ou les centres d'accueil, enfin, pour diverses catégories de clientèles?

Mme Gagné: Je pense que la commission parlementaire est ici pour essayer de trouver des mécanismes pouvant améliorer le fonctionnement ou assortir le droit de grève de certaines mesures qui fassent en sorte que ça ne soit pas discriminatoire pour certaines personnes et que ça ne nie le droit à la santé, comme vous le dites. Je suis bien d'accord sur cela, mais je me dis: Est-ce qu'on a pris tous les moyens, de part et d'autre? Quand on parle du développement des responsabilités collectives, je pense que c'est autant pour les syndiqués, parce que s'ils ne veulent pas perdre un droit, il va falloir qu'ils fassent la preuve que ce droit peut être exercé sans priver les gens d'un droit à la santé et à l'éducation.

Je ne suis pas certaine, à ce moment-ci, en tout cas, qu'on a tout mis en oeuvre, qu'on a fait tout ce qu'on pouvait. Je pense qu'il serait prématuré d'enlever le droit de grève. À mon sens, il m'apparaît qu'on peut encore espérer trouver des solutions pour

améliorer les mécanismes. Je suis peut-être trop. optimiste, mais j'y crois encore.

Mme Lavoie-Roux: Voici ma dernière question. Si, à un moment donné, ces deux droits, le droit de grève pour les travailleurs et le droit de la population à la santé, devenaient inconciliables, est-ce que l'AFEAS accorderait une primauté au droit de la population à la santé avant l'exercice du droit de grève?

Mme Gagné: Je pense que je le dis à un moment donné: Le droit des bénéficiaires va toujours l'emporter, à mon sens et à notre sens, sur le droit des travailleurs. Mais je pense qu'à ce moment-ci on peut encore assortir ces droits.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci bien.

Mme Bellemare (Lucille): Quand on parle de négociation continue, dans notre esprit, c'est pour en arriver, à un moment donné, à ce que la grève n'ait pas lieu. Si, tout de suite après la signature d'une convention collective, on recommence à négocier les points les plus en litige, peut-être qu'on arriverait à éviter les grèves possibles. Ce serait peut-être un moyen. (16 heures)

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne crée pas le problème qu'a soulevé le député de Prévost: si vous avez une négociation continue, elle doit être assortie d'un droit de grève continu?

Mme Gagné: En tout cas, je pensais qu'on pouvait discuter et mettre à point sans nécessairement arriver au droit de grève et que tout deviendrait exécutoire au moment de l'achèvement du contrat.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale.

Ville de Montréal

J'invite maintenant les représentants de la ville de Montréal à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Ce mémoire nous sera présenté par le directeur du service des travaux publics de la ville de Montréal, M. Richard Vanier.

Une voix: Par Me Lacroix.

Le Président (M. Rodrigue): Par Me Lacroix, je m'excuse. Le mémoire sera présenté par Me Neuville Lacroix. M. Lacroix, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, présenter votre mémoire.

M. Lacroix (Neuville): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission, à ma gauche, je vous présente M. Richard Vanier qui est directeur du service des travaux publics de la ville de Montréal; à ma droite, M. Pierre Girard, qui est le directeur adjoint du service du personnel et Me Alain Bond qui est au service du contentieux de la ville de Montréal.

M. le Président, une remarque préliminaire s'impose à l'égard de notre exposé. Si les municipalités sont considérées comme un service public au sens du Code du travail, elles ne font cependant pas partie du régime de négociations du secteur public et, quant à nous, il n'est aucunement question que la ville veuille ou cherche à entrer dans le cadre d'un tel régime. C'est pourquoi notre mémoire se limite essentiellement, dans le contexte d'un gouvernement local, à examiner les moyens à prendre pour définir et assurer le maintien des services essentiels advenant un conflit dans la fonction publique municipale. Afin de bien cerner les différents aspects de la problématique reliée aux services essentiels, avec votre permission, M. le Président, j'envisage, après un bref exposé de nos prétentions, de demander à M. Vanier, directeur du services des travaux publics de la ville de Montréal, de vous soumettre la nature des services qu'il doit fournir à la population et à M. Pierre Girard de vous exposer à l'aide de l'expérience vécue dans quelle mesure les services essentiels sont ou non assurés lors d'une grève, en plus de porter à votre attention le cas particulier du statut du contremaître à Montréal.

A la suite des diverses grèves survenues dans les secteurs public et parapublic et dans certains services publics, il était à propos, croyons-nous, que le gouvernement s'interroge sur les problèmes engendrés par ces conflits. La notion de services essentiels est en quelque sorte sous-jacente à l'ensemble des préoccupations reliées à ces divers arrêts de travail dans le secteur public et les gouvernements locaux, dispensateurs de la majorité des services vitaux pour la population, ne peuvent demeurer insensibles aux inquiétudes des citoyens face à la perturbation des services et bien souvent à l'absence de services essentiels. Il faut malheureusement admettre que jusqu'ici le législateur s'est peu soucié, au niveau des collectivités locales, d'assurer un minimum de services essentiels au public si ce n'est le recours prévu à l'article 111 du Code du travail. Pourtant la production et la fourniture d'eau potable, l'entretien des bornes-fontaines, le maintien du système d'égouts, l'entretien des voies publiques, leur déneigement, l'épandage d'abrasifs et le déglaçage des rues, le contrôle des feux de circulation particulièrement à Montréal, le maintien du système de communications pour

fins de police et d'incendie et la collecte des déchets apparaissent tous à première vue des services essentiels pour l'ensemble de la population, dont l'interruption ne peut que mettre en danger la santé et la sécurité des personnes.

Sans doute, dépendant des conditions climatiques, certains services apparaîtront-ils à un moment donné plus ou moins essentiels, mais il demeure qu'on peut les catégoriser ainsi pour l'ensemble de la population. Le maintien de ces services en cas de conflit demeure la priorité des gouvernements locaux, mais leur champ d'action, comme je l'ai mentionné, est limité aux cas prévus à l'article 111 du Code du travail. Or, si au cours des récentes années, le législateur s'est soucié de policer le droit de grève en interdisant l'utilisation des briseurs de grève, il s'est aussi préoccupé de reconnaître aux travailleurs le droit de refuser d'accomplir une tâche si elle constitue un risque pour sa santé et sa sécurité. Par la même occasion, l'employeur s'est vu attribuer le droit de prendre les moyens nécessaires pour éviter la détérioration de ses biens meubles ou immeubles. Il convient donc, au terme de la réflexion à laquelle nous convie le gouvernement, d'examiner la situation de celui trop souvent laissé pour compte dans ces conflits, mais qui devra finalement, directement ou indirectement, en payer la note, soit le public.

Le Code du travail ne comportant aucune disposition spécifique quant à la définition et au maintien des services essentiels si ce n'est l'intervention du Procureur général, nous estimons nécessaire que le législateur, dans la mesure du possible, définisse ou décrive les services essentiels à maintenir en cas de conflit sans que cette définition ne soit exhaustive. Pour assurer le maintien de ces services, des mécanismes souples et efficaces doivent être mis en oeuvre et l'on doit reconnaître aux autorités élues le soin de déterminer ce que sont les services essentiels à maintenir, le gouvernement local n'étant aucunement une entreprise vouée à la production de biens et de services à des fins de profit.

Les élus étant responsables de leurs faits et gestes devant leurs citoyens et étant ceux qui doivent déterminer la nature des services à rendre à la population, il nous apparaît normal que, dans le cas des services essentiels, c'est à eux qu'il appartient, lorsqu'ils n'ont pas été définis dans la loi, de les définir, de les préciser et d'en assurer le maintien. Certains intervenants devant cette commission ont suggéré la création d'une régie permanente sur les services essentiels. Quant à nous, nous ne sommes pas convaincus de la nécessité au niveau local d'une telle régie particulièrement - et je crois qu'il convient d'insister ici - dans le contexte constitutionnel actuel. Il nous apparaît que les parties en cause doivent d'abord canaliser leurs énergies dans la poursuite des négociations pour les fins d'une entente conduisant à la signature d'une convention collective. Les expériences vécues au cours des récents conflits nous amènent à penser que si une grève est sur le point d'être déclenchée, la partie syndicale ne sera aucunement disposée à négocier une entente sur les services essentiels, préférant se réserver le droit de décider elle-même si le service est ou non essentiel. Par contre, l'histoire récente nous a aussi permis de constater que l'on peut déterminer dans un temps relativement court la nature des services essentiels qu'il y a lieu de maintenir en cas de conflit et d'établir le nombre de personnes requises pour en assurer le maintien. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons jugé à propos dans notre mémoire de prévoir un délai additionnel de trois jours à celui de huit jours prévus par le Code du travail avant le déclenchement d'une grève pour permettre au gouvernement local de déterminer les services essentiels à maintenir au moment du conflit.

Afin d'assurer le maintien des services, nous estimons qu'il faut prévoir des mécanismes rapides et efficaces. Tenant compte des difficultés possibles d'ordre constitutionnel, il nous apparaît que le recours devant la Cour supérieure constitue le moyen le plus efficace pour assurer le maintien de ces services. Ainsi, si les services essentiels qui ont été fixés dans la loi ou déterminés par les gouvernements locaux ne sont pas maintenus, la ville pourrait s'adresser à la Cour supérieure pour faire constater cette situation. Si le tribunal en vient à la conclusion que les services ne sont pas dispensés, il devrait alors, en plus d'ordonner au syndicat de les fournir, imposer des amendes variant de 10 000 $ à 50 000 $ par jour contre le syndicat avec possibilité de peine d'emprisonnement contre les diriqeants du syndicat et les membres qui n'assureraient pas les services essentiels. De plus, la décertification du syndicat devrait aussi être prévue comme sanction possible. La décision du juge serait finale, sauf quant à la sanction qui pourrait être révisée par la Cour d'appel. Par contre, le syndicat pourrait, s'il estime que les services exigés par la ville ne sont pas essentiels ou requièrent un trop grand nombre de personnes, s'adresser au juge de la Cour supérieure pour qu'il tranche cette question et la décision du juge serait alors finale et sans appel.

C'est donc dire que, très rapidement, le syndicat pourrait faire valoir ses prétentions, d'autant plus que nous avons prévu que ces diverses requêtes devraient alors être entendues par préférence tant par la Cour

supérieure que par la Cour d'appel. Le recours du syndicat devant la Cour supérieure ne pourrait cependant être exercé qu'à condition qu'ils assurent les services essentiels jusqu'à ce que le juge en décide autrement. Par contre, un service non prévu comme essentiel avant la grève peut s'avérer comme tel au cours d'un conflit où une situation d'urgence se produit. Dans ce cas, la ville pourrait alors s'adresser à un juge de la Cour supérieure pour faire décider de la question et sa décision serait alors finale, le non-respect de la décision entraînant les mêmes sanctions que celles que nous avons déjà mentionnées. Il va de soi que le juge de la Cour supérieure pourrait avant l'audition ou même pendant l'audition rendre toute décision qu'il juge appropriée aux circonstances.

Finalement, afin de s'assurer que les services essentiels puissent être maintenus de façon véritablement efficace, nous croyons que le piquetage devrait être interdit devant tout établissement où un service essentiel doit être assuré ou, à tout le moins, qu'il soit limité à deux personnes, et cela à une distance d'au moins 100 mètres de tout terrain ou bâtiment où les services essentiels doivent être assurés. Cet ensemble de mesure que nous vous proposons permettrait, nous semble-t-il, l'exercice d'un recours rapide et efficace qui ne se trouverait pas paralysé par une série d'imbroglios juridiques qui, autrement, auraient pour résultat de faire obstacle au maintien des services essentiels.

Il ne faut pas perdre de vue l'objectif visé, qui doit être le maintien des services essentiels. Si un service est considéré comme tel par la loi ou par une décision judiciaire, il faut prendre les mesures nécessaires pour en assurer le respect, sinon, nous nous livrons à un simple exercice futile et qu'il faudra sans doute reprendre dans quelques années. Cependant, nous croyons - je crois qu'il y a lieu d'insister ici - qu'avant toute chose, les parties doivent négocier une convention collective. Je pense que, lorsqu'on a parlé de la création de régie et de délai de trois mois et de six mois, je me demande si on ne fait pas, au moins au niveau municipal ici, une certaine erreur en créant une espèce de climat de conflit éventuel où les parties sont plus portées à essayer de tenter de négocier des services essentiels que de tenter de négocier une convention collective. Si, par malheur, une grève survient, il est impératif, estimons-nous, de protéger la santé et la sécurité publique. Le législateur peut et doit intervenir rapidement au niveau de certains services publics pour définir et déterminer certains services essentiels tels que la fourniture de l'eau et le maintien des réseaux d'égout. Il devra tenir compte de facteurs externes parfois indéfinissables et, à cette fin, il doit imaginer la création de mécanismes souples et efficaces visant à assurer le maintien des services essentiels.

Nous réalisons tous que cette notion de services essentiels est souvent difficilement palpable, mais l'expérience acquise au cours des récents conflits nous permet d'en mesurer plus facilement la réalité et c'est dans cet esprit que nous avons soumis nos propositions à cette commission. Nous savons pertinemment qu'il n'y a pas dans ce domaine de solution miracle et que, dans les secteurs public et parapublic, plusieurs aspects de cette question devront être analysés et étudiés davantage.

Quant à nous, nous sommes fort conscients des services vitaux que nous avons à fournir à l'ensemble de la population et de la situation précaire dans laquelle la ville se trouve placée lors du déclenchement d'un conflit. Nous sommes, croyons-nous, en mesure d'identifier assez rapidement et assez facilement les services qui s'avéreront essentiels au moment du déclenchement d'un conflit. Cependant, à cause de toute une série de facteurs externes qui échappent nécessairement au contrôle des deux parties impliquées, il est impossible de tout prévoir. C'est pourquoi nous estimons préférable la création d'un mécanisme pouvant s'adapter aux diverses circonstances. Il faut, nous semble-t-il, que se manifeste une volonté de poser des gestes concrets pour éviter de se retrouver dans un avenir immédiat dans des situations inacceptables.

La personne avant toute chose, disait une certaine publicité gouvernementale. Pour la transformer dans la réalité, il faut créer des moyens visant à assurer au public une protection adéquate, car il a lui aussi, nous semble-t-il, au même titre que tout employeur ou travailleur, le droit avant toute chose à la protection de sa vie, de sa santé, de sa sécurité et même de son patrimoine. Là-dessus, je demanderais à M. Vanier, avec votre permission, M. le Président, de vous exposer brièvement la nature des services qu'il rend à la population, et à M. Girard de vous présenter les faits vécus lors des récents conflits.

Le Président (M. Rodrigue): M. Vanier.

M. Vanier (Richard): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, MM. les membres, en tant que personnel responsable du service des travaux publics, on doit, entre autres, fournir de l'eau à 1 700 000 de population sur le territoire de la communauté urbaine. Si, effectivement, on a un arrêt de travail et qu'on n'est pas capable de maintenir la production d'eau potable ainsi que de maintenir en opération les usines de pompage, dans un minimum de quatre heures - ce n'est pas long, quatre heures - les pressions dans le réseau

deviennent pratiquement nulles à certains endroits, ce qui a comme effet que, dans des hauts niveaux du territoire, il peut se créer de l'infiltration dans notre réseau. (16 h 15)

II est reconnu en génie municipal et en pratique qu'environ 10% à 20% de la production d'eau potable sont perdus en fuite dans le sous-sol. Cela ne crée pas de problème quand la pression est positive, c'est-à-dire qu'on est au-dessus de quarante livres le pouce carré, mais quand il n'y a plus de pression dans le réseau, parce qu'il n'y a personne pour faire fonctionner les usines, les infiltrations se font avec tous les inconvénients que cela peut poser et cela peut affecter la santé et la sécurité du public. Je dis la sécurité aussi, parce qu'en bas de quarante livres le pouce carré, vous n'êtes plus capable d'utiliser votre réseau d'aqueduc pour le service des incendies.

Je peux vous donner l'expérience du dernier conflit qu'on a vécu. À un moment donné, l'hôpital général, situé dans le haut du territoire de Montréal, a été inaccessible pendant environ deux heures et demie ou trois heures. Les gens de l'hôpital ne pouvaient pas en sortir et personne ne pouvait s'en approcher ainsi que des résidences situées autour. Cela vous donne une idée un peu de la situation qu'on peut vivre des fois quand arrive un conflit.

Au niveau du service du déneigement et d'épandage abrasif, nous avons un territoire qui couvre environ 1700 kilomètres de rues et environ 3000 kilomètres de trottoirs. Lorsque nous avons vécu notre dernier conflit, l'hiver 1979-1980, heureusement, nous avons eu l'hiver avec la plus petite précipitation depuis cent ans. C'était un heureux hasard d'un côté, mais même dans cette situation, peut-être la plus idéale en hiver, le gouvernement a décidé de convoquer l'Assemblée nationale pour demander aux travailleurs de retourner au travail. Imaginez-vous, si on avait été, selon nos probabilités, comme dans les 98 autres années, la situation aurait été catastrophique; les services de police habilités à donner une certaine sécurité à la population ainsi que ceux des incendies auraient été paralysés et la population en général n'aurait pas pu vaquer à ses occupations.

Quant aux feux de circulation, nous avons 1200 intersections qui en sont munies. Les Montréalais se rappellent les conditions dans lesquelles on a vécu et encore une fois, nous étions dans un hiver idéal, pas de neige, température assez élevée, mais, malgré tout cela, nous avons eu nombre très élevé d'accidents.

De plus, nous devons assurer le service des télécommunications de la police, des incendies et de la ville en général. Ce réseau est animé par des employés manuels, donc des salariés reconnus par le Code du travail. Il est impératif que ce service soit maintenu, comme dans les autres exemples que je vous ai donnés.

Finalement, le chauffage des édifices de la ville. Nous savons que le Code du travail nous donne une possibilité de protéger les biens, mais, en même temps, il y a une loi qui dit que, pour chauffer ces grands édifices, cela prend des gens avec des certificats d'accréditation reconnus comme mécaniciens de chauffage fixe. Encore dernièrement, le gouvernement a adopté une nouvelle réglementation là-dessus. Il nous force à augmenter le nombre de personnes qui travaillent à ces installations. C'est un produit très rare. Nous avons énormément de difficulté à recruter sur le marché du travail ce genre de bonhomme. C'est la situation avec laquelle nous vivons.

Je voudrais terminer en vous donnant un exemple très concret. Le jardin botanique est la plus grande institution du genre au Canada; il est reconnu comme le deuxième au monde et représente cinquante ans de recherche. M. Pierre Bourque m'a dit que si on arrête une demi-heure quand il fait moins dix degrés Celsius, il commence à perdre sa recherche et le fruit de son expérience, c'est-à-dire ses plantes meurent.

J'ai voulu prendre quelques minutes pour vous donner des exemples frappants, pratiques que nous vivons. Si on se fie à l'expérience passée, sans faire un procès d'intention à l'autre partie, l'expérience nous prouve qu'il a fallu l'intervention du gouvernement pour demander aux travailleurs de revenir parce que, effectivement, ils ne donnaient pas le service essentiel sur des choses aussi essentielles que l'eau, les feux de circulation et les autres exemples que je vous ai donnés. Merci.

M. Lacroix: Je demanderais à M. Girard, quelques minutes, M. le Président...

M. Girard (Pierre): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission, je voudrais simplement attirer votre attention très rapidement, comme Me Lacroix me l'a demandé, sur la difficulté d'assurer les services essentiels dans un conflit. Je prends à titre d'exemple ce que nous avons vécu à l'hiver 1980.

Six jours avant le début de la grève, nous avons établi, à la demande du syndicat, la liste des services essentiels qui devraient être maintenus en cas de grève, si la grève devait effectivement avoir lieu. Une journée avant le début de la grève appréhendée, nous n'avions toujours pas reçu de réponse de la part du syndicat. Et finalement, quelques heures avant le début de la grève, le président du syndicat nous assurait, dans un télégramme, que, sur son honneur, il allait voir à ce que les services essentiels soient

assurés dans le respect de l'esprit du Code du travail. C'est tout ce que nous avions comme réponse.

À toutes fins utiles, le syndicat n'assurait aucun des services essentiels à caractère continu que nous avions demandés et, après explication et discussion avec le président du syndicat, nous avons compris qu'il était prêt, à la suite des demandes que nous pourrions formuler pendant la grève, à maintenir des services d'urgence quand la situation le requerrait.

La grève a effectivement débuté et nous avons transmis au syndicat 566 demandes de services essentiels que nous avons dû répéter à plusieurs reprises dans certains cas, pour un total de demandes qu'on peut chiffrer à 671. Sur ces 671 demandes, seulement 51 ont eu une suite favorable de la part du syndicat. C'est pour vous dire qu'effectivement, il y avait des problèmes. D'ailleurs, nous n'inventons rien. S'il n'y avait pas eu de problème, le législateur n'aurait pas jugé à propos d'adopter une loi pour forcer le retour au travail. C'est la première situation que je voulais soulever à l'attention de la commission parlementaire.

La deuxième situation, c'est le cas très particulier de la ville de Montréal au niveau de ses contremaîtres. Nous sommes le seul employeur, dans le secteur municipal, qui a des contremaîtres syndiqués qui ont le droit de bénéficier de tous les avantages prévus dans le Code du travail, ce qui rend notre situation extrêmement précaire; compte tenu de ce que je viens de vous dire, c'est un élément de plus. S'il arrivait que les contremaîtres fassent la grève en même temps que les cols bleus, à ce moment-là, nous n'aurions aucun service essentiel puisque, à l'hiver 1980, quand le syndicat des cols bleus n'a pas jugé à propos d'assumer les services essentiels à caractère continu dont j'ai parlé tout à l'heure, ce sont les contremaîtres, les quelque 400 contremaîtres qui les ont assumés. S'il fallait que les contremaîtres, qui ont le droit eux aussi de faire la grève, déclenchent la grève en même temps que les cols bleus, à ce moment-là, avec les cadres, nous ne serions en mesure d'assurer aucun des services essentiels que nous avons été capables de maintenir tant bien que mal pendant cette grève.

C'est une situation particulière à la ville de Montréal et je crois que le législateur devrait se pencher sur cette situation. Je pense que les recommandations que nous avons soumises dans notre mémoire peuvent constituer une voie de solution aux problèmes particuliers que nous connaissons. Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la ville de Montréal et ses porte-parole de leur mémoire. On me permettra, M. le Président, de céder immédiatement mon droit de parole à mon collègue de Lac-Saint-Jean qui a particulièrement examiné ce mémoire et qui aurait un certain nombre de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président. Moi aussi, je voudrais remercier la ville de Montréal et ses représentants de nous avoir soumis leur mémoire. Je pense qu'il était important que l'on mette aussi l'accent sur certains autres services publics qui peuvent être considérés comme essentiels et sur lesquels on n'a pas tellement discuté au cours des séances de cette commission. L'attention a surtout été braquée, si l'on veut, sur les services essentiels, et c'est un peu normal, dans le réseau des affaires sociales, les hôpitaux, les centres d'accueil. Il est important que la commission prenne conscience qu'il y a sans doute d'autres services publics qui doivent être considérés essentiels. Vous en avez énuméré un certain nombre; on n'a qu'à penser à la fourniture de l'eau. C'est sans aucun doute, dans la société dans laquelle on vit, des services qui peuvent être jugés essentiels.

Vous avez surtout - c'est important d'en prendre conscience également - mis l'accent sur le fait que, pour ce qui est des municipalités qui ont à dispenser des services publics importants à la population, il n'y a aucun mécanisme dans le Code du travail pour permettre que ces services essentiels soient assurés au minimum en cas de conflit, en cas d'arrêt de travail ou de grève. Je pense que la commission devra se pencher sur ce problème, le ministre du Travail aussi, et voir à ce que la notion de services publics essentiels soit peut-être plus étendue qu'elle ne l'est présentement dans le Code du travail.

Mais vous proposez relativement à cela un certain mécanisme, et c'est là-dessus que j'ai plusieurs questions à vous poser. Je vais vous les donner en ligne, en série. D'abord vous proposez qu'après l'avis de grève de huit jours il y ait un délai de trois jours, que pendant ce délai de trois jours la municipalité établisse la liste des services essentiels à maintenir. Cela est le mécanisme que vous proposez globalement. Or, je me pose une question à ce sujet. On a vu défiler toute une série d'organismes devant cette commission depuis cinq jours, et beaucoup d'organismes nous ont dit: Ce n'est pas normal que ce soit en définitive et de façon ultime la partie syndicale qui détermine la liste des services essentiels à maintenir, elle est en conflit d'intérêts; ça

ne devrait pas être laissé à la partie syndicale. Je ne vous donne pas la liste des organismes qui ont exprimé cette opinion, il y en a plusieurs. D'ailleurs vous dites vous-même aussi dans votre mémoire, je pense que c'est à la page 3, que le syndicat est placé dans une situation de conflit d'intérêts si c'est lui qui a à déterminer la liste des services essentiels à maintenir. Cela est une opinion qui se défend et que, plusieurs organismes ont défendue devant cette commission. Par contre, la plupart des organismes qui mettaient ce mécanisme en doute disaient: II faut que ce soit un tiers qui soit le juge ultime, si l'on veut, qui soit habilité à déterminer les services essentiels. Et on parlait de régie des services essentiels, puis de donner ce pouvoir au conseil du maintien des services essentiels. Enfin, il y avait diverses solutions possibles qui étaient proposées parce que, on le devinait très bien, les organismes qui contestaient la capacité de la partie syndicale, parce qu'elle serait en conflit d'intérêts, à déterminer la liste des services essentiels, du même coup - ils ne le disaient pas, mais c'était implicite considéraient que la partie patronale était elle aussi en situation de conflit d'intérêts, par conséquent donc, tout aussi incapable que la partie syndicale de déterminer la liste des services essentiels.

Or, vous proposez un mécanisme qui accorde, et c'est la première fois que l'on voit cela dans un mémoire présenté devant la commission, à l'autre partie - c'est-à-dire la partie patronale - le soin de déterminer la liste des services essentiels de façon ultime.

Ma première question, c'est: Comment pouvez-vous expliquer votre position lorsque vous réclamez le pouvoir pour la partie patronale de déterminer la liste des services essentiels puisque vous mettez en doute la capacité de la partie syndicale de le faire? Cela m'apparaît difficile à expliquer. J'aimerais que vous donniez votre point de vue là-dessus. (16 h 30)

Vous dites: "II nous apparaît clair qu'il appartient aux autorités élues de déterminer la nature des services essentiels", en principe, c'est peut-être excellent, satisfaisant et séduisant pour l'esprit, mais, en pratique, la partie patronale, les élus, pour le moment, c'est la municipalité.

Deuxième question, toujours concernant le mécanisme que vous proposez. Vous proposez que ce soit un mécanisme qu'on pourrait qualifier de coercitif. Des sanctions, des pénalités, et qui sont assez élevées, sont prévues; des pénalités et des sanctions prévues pour la partie syndicale. Généralement - je ne suis pas un juriste, remarquez - quand on propose ou qu'on impose un système ou un mécanisme quelconque avec sanctions, la plupart du temps, les sanctions ne s'appliquent pas uniquement à une des parties, il y a aussi des sanctions pour l'autre partie, si l'autre partie ne fait pas ce qu'elle doit faire. Par exemple, vous dites: Dans trois jours, la partie patronale doit déposer la liste des services essentiels. Si elle ne le fait pas dans les trois jours, qu'est-ce qui se passe? Est-ce que la partie syndicale retrouve son droit de grève? Est-ce qu'il y a des sanctions prévues contre la partie patronale dans ces cas, si elle ne fait pas ce qu'elle doit faire selon votre mécanisme?

Troisième question. Est-ce que - c'est un peu ambigu, j'aimerais que vous soyez précis là-dessus - vous proposez que ce mécanisme ne s'applique qu'au niveau municipal ou si vous proposez de l'étendre aux secteurs public, parapublic et à tout ce qui touche les services essentiels?

Vous êtes aussi assez original dans le sens suivant: alors que plusieurs proposent qu'un organisme tiers détermine les services essentiels lorsqu'il y a mésentente - la plupart de ceux qui ont défilé ici proposaient que soit créé un organisme complètement nouveau, la régie des services essentiels, mais très peu, sinon pas du tout, proposent de recourir à ce qu'on appelle les tribunaux ordinaires - vous autres, par contre, vous proposez que le tribunal appelé à trancher des litiges soit la Cour supérieure. Vous dites même que c'est bon parce que le recours est rapide dans ce domaine. Vous avez sans doute une expérience qui vous permet d'affirmer cela. J'aimerais que vous nous en parliez quelque peu. Comment se fait-il que vous jugiez que la Cour supérieure, tribunal ordinaire, est habilitée et capable de prendre des décisions justes et adéquates en matière de services essentiels? Il n'y a à peu près aucun organisme qui a prétendu ça; au contraire, on proposait de créer un tribunal particulier, en quelque sorte, en cette matière.

Je voudrais vous poser une dernière question. Quel que soit le mécanisme qui sera retenu par le gouvernement en matière de détermination des services essentiels -même si, pour les municipalités, ce n'est pas le vôtre qui est retenu - est-ce que vous allez jusqu'à proposer que, à tout le moins, les municipalités, étant donné qu'elles ont à dispenser des services publics que vous jugez essentiels, soient soumises à un mécanisme de détermination des services essentiels, un mécanisme précis qu'on retrouverait dans le Code du travail, ce que vous déplorez n'être pas le cas actuellement?

Une question de fait, j'aimerais demander à M. Vanier, qui a cité un certain nombre d'exemples de me préciser celui qu'il a donné à propos de l'hôpital et du service d'aqueduc que j'ai assez mal compris. Ensuite, on pourra répondre aux autres questions. D'accord?

M. Lacroix: M. le Président, M. le député, pour répondre à vos questions, le premier élément que je voudrais souligner, c'est, évidemment, que notre mémoire porte sur le niveau municipal et nous n'avons évidemment pas l'intention de demander que le mécanisme que l'on envisage soit reconnu dans tout le secteur public. La raison pour laquelle nous avons dû penser à ce mécanisme... Je pense que, pour M. le ministre qui est juriste et pour beaucoup d'entre nous, se posent des problèmes qui sont souvent des problèmes d'ordre constitutionnel au niveau de la compétence des régies. Il est évident qu'on aurait pu envisager un autre mécanisme si on avait eu l'assurance que le mécanisme que l'on propose ne s'empêtrera pas dans de la chicane juridique où, finalement, chaque fois que la régie rendra une décision, la partie qui n'est pas satisfaite de la décision qui sera rendue s'adressera aux tribunaux supérieurs pour contester la légalité ou la validité de cette décision. Finalement, quand vous êtes en situation de conflit, en situation d'urgence où il y a des services qui doivent être rendus à la population immédiatement, si vous attendez cinq ou six ans que le débat se règle devant le tribunal de la plus haute instance du pays, je ne pense pas que vous ayez réglé votre problème. C'est la raison pour laquelle, étant donné les services particuliers que les municipalités ont à rendre... Comme vous l'avez mentionné, les services d'eau sont des services qui sont essentiels à la population.

Je souligne également à la commission qu'il me semble qu'au départ, pour éviter la création de mécanismes, le gouvernement devrait définir des services essentiels au niveau municipal, reconnaître que les services d'eau, les services d'égout, le déblaiement des rues en hiver sont des services essentiels. Évidemment, il y a la mécanique par en arrière qui est le nombre de personnes dont on a besoin pour ramasser une tempête de neige. Je pense que le service des travaux publics et son directeur peuvent facilement vous dire que, quand il y a tant de pouces de neige, cela prend tant d'hommes pour faire le déblaiement et cela prend tant de temps.

Lorsqu'il y a une grève, il est évident qu'on ne demande pas à tous les cols bleus de rentrer au travail et on ne demande pas à tous les cols bleus d'assurer le fonctionnement du service d'eau, mais il faut avoir un minimum requis de personnel pour fonctionner. L'expérience nous a montré - je reviens un peu à votre question de la détermination de la liste - que dans ces domaines qui sont quand même limités - on ne parle pas ici des problèmes de santé, à savoir dans quelle mesure la personne est malade ou n'est pas malade - on a quand même des services que l'on peut identifier facilement. Vous avez l'eau. Vous avez, pour le cas de Montréal, le problème de la circulation dans les rues lorsque les feux de circulation ne fonctionnent pas. Vous pouvez avoir une catastrophe assez fantastique si vous paralysez complètement le système des feux de circulation à Montréal. Le directeur du service des travaux publics l'a signalé, vous avez tout le système de communication pour fins d'urgence relié aux services de police et d'incendie, qui répond aux appels des citoyens et dirige les appels vers les services de police ou d'incendie. Ce sont des services que l'on peut facilement identifier et dire: Le législateur va reconnaître que ceci est un service essentiel et il va falloir, étant donné que c'est un service essentiel, que les personnes respectent la décision du législateur.

Je vous le dis franchement, la question de la régie, pour ma part ce que je veux et ce que je pense qu'il faut, c'est un mécanisme qui soit rapide. C'est le seul recours que j'envisage, à moins que les juristes du gouvernement me convainquent que, si on crée une régie des services essentiels, personne ne contestera jamais la juridiction de cette régie-là; à ce moment-là je suis bien prêt à imaginer une autre formule. Je ne suis pas braqué sur cette formule-là, mais je dis que dans les circonstances dans lesquelles nous vivons, les conflits qu'on a vécus, il y a à un moment donné des réponses qu'il faut donner aux citoyens immédiatement. Ce n'est pas dans six mois, ce n'est pas dans trois mois, c'est immédiatement.

Vous avez, à la suite d'un problème de température ou d'une chute de neige, des secteurs entiers où aucun véhicule d'urgence ne peut avoir accès, et vous savez chacun quelle est la configuration géographique de Montréal, il y a beaucoup de pentes. Il y a beaucoup d'hôpitaux qui sont situés dans des secteurs où il y a beaucoup de pentes, je pense au secteur de Côte-des-Neiges où vous avez passablement d'hôpitaux. Il faut essayer d'imaginer un mécanisme qui n'est peut-être pas parfait pour tout le monde mais qui puisse fonctionner le plus rapidement possible.

Quand vous présentez une requête devant un juge de la Cour supérieure, lorsque le législateur dit que ça devrait être entendu en priorité, immédiatement, vous pouvez faire ça dans la nuit et le lendemain matin vous présenter devant le juge pour faire décider de la question. Mon expérience, je l'ai vécue assez souvent dans ces domaines-là, me fait penser que ça peut être un mécanisme possible et je voudrais bien que le gouvernement puisse, dans la plus grande mesure du possible, définir ces services-là.

Le reste, quand on aura à s'adresser à la Cour supérieure, ça va être de la mécanique pour savoir si, au lieu de 22

personnes on devrait en avoir seulement 10 ou 15; on est des gens assez responsables qui avons vécu des conflits, on sait le nombre minimum de personnes qu'il faut pour maintenir un service. En bas de cela, on sait qu'on ne peut pas fonctionner. Je pense que cela peut se régler assez rapidement.

Vous dites qu'il faut laisser ça à un tiers ou à quelqu'un d'autre. Dans le climat actuel, pour les raisons que je vous ai exposées, il me semble que si on veut éviter toute cette chicane ou ce litige-là... Les syndicats savent aussi bien que nous, remarquez bien, la nature des services essentiels qu'ils ont à rendre. Ils savent que l'eau doit être fournie. Ils savent qu'à un moment donné, s'il y a une tempête de neige, il va y avoir des services à fournir à la population. S'il y a un bris de conduite d'aqueduc qui survient dans un secteur, il faut le réparer à un moment donné. Il y a des gens qui sont privés d'eau. Il y a des bornes-fontaines qu'il faut entretenir parce que l'hiver ça gèle et s'il y a un incendie qui se produit il faut que les pompiers soient en mesure de surveiller ça.

Ce sont tous des éléments qui sont facilement quantifiables. Dans le domaine de la santé, il y a vraiment des impondérables, il y a des facteurs qui sont difficilement palpables ou identifiables, il y a plus de subjectif. Nous, il y a peut-être plus d'objectif parce qu'on travaille plus sur de la matière que sur quelque chose qui est relié à l'être humain, mais ce sont des services qui doivent être rendus à la population.

Dans ce sens-là, étant donné que l'on connaît ces services-là, que l'on peut identifier le nombre de personnes, je pense qu'il appartient à la partie qui, dans le cas présent, est un gouvernement qui normalement répond de ses actes à la population de les déterminer.

S'il se trompe il sera corrigé par le juge à ce moment-là. Et la liste doit être déposée, on peut en faire une obligation pour la municipalité. Je ne vois pas l'intérêt, quant à moi, que la municipalité aurait de ne pas déposer de liste. (16 h 45)

Franchement, les conflits que j'ai vécus à Montréal et que mes collègues ont vécus au cours des récentes années, les listes ont toujours été fournies par la partie patronale, à la partie syndicale et on n'avait pas de réponse. Alors, quand on n'a pas de réponse, que voulez-vous, il faut à un moment donné décider qui va établir la liste. Je ne pense pas que, dans le système démocratique dans lequel on vit, où on a un gouvernement élu, ce soit à d'autres que lui de le décider. Le gouvernement doit trancher, quand un conflit survient même entre ses employés, à un moment donné. L'Assemblée nationale est obligée de trancher et c'est elle qui tranche, ce n'est pas une tierce partie, finalement, c'est elle qui décide. Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut voir les propositions que nous faisons. S'il y a d'autres moyens, je suis bien prêt à en discuter avec n'importe qui, avec les juristes du gouvernement et d'autres. S'il y a un conflit qui survient l'hiver prochain, il ne faudrait pas se réveiller encore une fois avec une loi de l'Assemblée nationale pour régler ces cas parce que les services essentiels ne sont pas assurés et qu'il n'y a rien dans nos lois qui définit exactement ce que c'est au niveau des services publics.

Le Président (M. Perron): Merci.

M. Brassard: Je voudrais connaître votre expérience concrète au cours des conflits. Dans le Code du travail, actuellement, il n'y a aucun mécanisme pour prévoir la détermination des services essentiels au niveau des municipalités. Vous avez vécu plusieurs conflits, plusieurs arrêts de travail; comment cela fonctionnait-il? Est-ce que vous réussissiez à vous entendre avec la partie syndicale pour assurer certains services que tout le monde juge assez facilement comme essentiels? Est-ce qu'il y avait des problèmes majeurs à ce niveau-là? Par exemple, pour la fourniture de l'eau, est-ce que vous réussissiez à vous entendre avec la partie syndicale pour assurer ce service?

M. Girard: Non, effectivement, c'est le problème. On a connu deux grèves avec les cols bleus: une en 1972 et une en 1980. Nous avons demandé le maintien d'équipes au travail de façon continue pour assurer entre autres une bonne distribution et la qualité de l'eau, de même que le problème de pression dont a parlé M. Vanier tout à l'heure. Le syndicat n'a pas jugé à propos de nous donner les services essentiels.

Lors du dernier conflit, en 1980, le syndicat a refusé de donner quelque service essentiel que ce soit de façon continue. Il n'acceptait souvent qu'après des tergiversations de donner des services essentiels que pour procéder à des réparations ou au rétablissement de l'eau dans certaines demeures privées. On pouvait transmettre des demandes en disant: Au coin de telle rue et de telle autre rue, il y a des gens qui sont privés d'eau, il y a eu un bris de conduite d'eau, pouvez-vous venir faire la réparation? J'ai regardé mes notes encore ce matin et, dans un cas, à Côte-Saint-Luc, il y avait une maison à logements et cela a pris deux jours avant que le syndicat décide - il y avait des assemblées là-dessus, des comités, etc. - s'il devait aller rétablir l'eau ou pas. On a en quelque sorte forcé le syndicat à agir en retenant les services d'un entrepreneur. Quand il a vu que l'entrepreneur était rendu sur les lieux pour

rétablir la conduite d'eau, il a chassé l'entrepreneur et a dit qu'il allait le faire. Mais cela a occasionné encore d'autres délais.

C'est pour vous démontrer la difficulté d'établir des services essentiels. On ne réussit pas à s'entendre à la suite de certaines demandes que nous faisons; j'ai mentionné, tantôt, le nombre de demandes que nous avons faites et vous avez vu que c'est un nombre de demandes minime auxquelles le syndicat a répondu. Et même ces demandes, quand il a décidé d'y répondre, c'est après un long délai. C'est la difficulté que nous avons eue sans compter -je voudrais insister là-dessus - que nous avons failli vivre une situation catastrophique parce que les contremaîtres, à un moment donné, se sont présentés devant la Cour supérieure et, par le biais d'une injonction, voulaient que le tribunal ordonne à la ville de cesser d'utiliser leurs services parce qu'ils croyaient que leur santé et leur sécurité étaient en jeu, compte tenu que, chaque fois que les contremaîtres intervenaient pour maintenir des services essentiels, ils étaient menacés.

Cela illustre aussi une autre de nos demandes et une autre de nos prétentions à savoir que le recours à la Cour supérieure est effectivement rapide. Dans ce cas, ce n'est pas la ville qui a eu recours à la Cour supérieure, c'est le Syndicat des contremaîtres. Nous nous sommes défendus, nous avons exposé au tribunal les dangers, à prévoir si le tribunal acceptait la requête des contremaîtres, leur permettait de ne pas assurer les services essentiels. Le tribunal a rendu sa décision très rapidement, dans la même journée, statuant que les contremaîtres devaient rester en poste malgré les dangers qu'ils pourraient courir. Je pense que cela illustre aussi, de façon très concrète, les explications à caractère peut-être plus théorique que Me Lacroix a fournies tout à l'heure sur le fait que le recours à la Cour supérieure peut être très expéditif.

Le Président (M. Rochefort): Vous voulez ajouter quelque chose, M. Vanier.

M. Vanier: Pour préciser l'exemple de l'Hôpital général, c'est arrivé à la suite de bris de conduite et de bornes-fontaines. C'est pour cela que j'ai pris l'exemple de l'Hôpital général. En sortant sur la chaussée, l'eau a gelé, c'était en hiver, et l'hôpital est devenu un "no man's land" pendant plus de deux heures et demie. C'est à la suite de bris de conduite. Je voudrais ajouter un mot là-dessus. Lorsqu'un bris se fait dans une conduite ou qu'il se fait une infiltration d'eau souterraine dans une conduite d'aqueduc, on est tenu de fermer le réseau ou un secteur du réseau - de quelle grandeur? On ne le sait pas - et de désinfecter le réseau. Désinfecter 1000 pieds de conduite. Cela peut être une intersection entre Bélanger et Saint-Zotique, mettons sur Delorimier. Cela n'est pas long. Mais quand je parle d'un secteur, cela peut être un secteur qui part de Langelier jusqu'à Viau, à partir de Rosemont jusqu'au boulevard Métropolitain. Pour 1000 pieds de conduite, cela me prend cinq jours à la désinfecter. Pendant ce temps, la population a bu de l'eau qui est peut-être contaminée. Dans quelle situation se retrouve la population?

C'est pourquoi le maintien du service essentiel au niveau de l'aqueduc, c'est une question primordiale à un point tel que s'il y a une panne d'électricité dans la région métropolitaine de Montréal, on est le premier client sur la liste d'Hydro-Québec. On doit soulager d'autres circuits pour fournir de l'eau à nos usines de filtration, pour ne pas que les usines de pompage arrêtent de fonctionner. L'eau, c'est primordial.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiendrais également, au nom de l'Opposition, à remercier la ville de Montréal de son mémoire. Sans faire de cachette aussi, je tiens à vous dire au départ que je suis presque entièrement d'accord sur votre mémoire, après l'avoir lu.

Maintenant, il y a seulement un point. On réalise naturellement que vous ne préconisez pas l'abolition du droit de grève, mais bien plutôt assurer un bon maintien des services essentiels. C'est la question importante et l'intérêt dans nos travaux depuis quatre ou cinq jours.

Vous nous dites, au niveau du mécanisme, que ça devrait être plutôt l'employeur, contrairement à ce qui se passe actuellement, alors que c'est le syndicat qui détermine les services essentiels. Je serais peut-être plutôt d'avis, naturellement, que le législateur détermine ce qui est essentiel comme la fourniture de l'eau, l'entretien des égouts, etc., mais que rendu à un autre niveau, les parties tentent de s'entendre sur le reste des services essentiels, à savoir combien de personnes et que si jamais il n'y a pas possibilité d'entente, on s'adresse à la Cour supérieure, que le juge Deschênes, par exemple, désigne un juge de ladite Cour supérieure qui serait, en période de conflit, responsable, ou prêt à entendre toutes les requêtes.

C'était ce que je pensais au niveau du mécanisme. J'aurais différentes questions. Je me souviens, l'an passé, j'avais à aller au palais de justice presque chaque jour. Je suis avocat moi-même. Sur la rue Saint-Laurent, il y avait à peu près une cinquantaine de

feux qui étaient brisées. Cela s'était fait, je présume, durant la nuit. C'était considéré comme du vandalisme. Les contremaîtres n'étaient pas en grève, si ma mémoire est bonne, et il n'a jamais été question de réparer ces feux de circulation.

M. Vanier: Justement, c'est qu'on voulait les réparer, mais c'est du travail qui est fait par les cols bleus. Il fallait faire attention sur l'utilisation des services de nos contremaîtres. On a vu dans quelle situation. Ils étaient traumatisés, parce qu'il y a eu énormément de menaces à leur égard aussi. La décision qu'on a prise, c'est qu'on fermerait l'intersection d'une façon partielle en mettant des feux jaunes dans une direction, et les feux rouges dans l'autre. Parce qu'il ne faut pas les fermer totalement, autrement les gens prennent des chances dans les deux directions. En mettant un jaune et un rouge, cela attire un peu l'attention sur le fait qu'il y a une cause probable de danger. Mais sur les 1200 intersections, on en avait à peu près 200 qui ont été les cibles de vandales d'une façon ordonnée. C'était un simple morceau à plusieurs endroits qui était enlevé. Ce n'est pas le commun des mortels qui passait, parce qu'il y a des clés, et seulement un certain nombre de personnes avaient ces clés.

M. Dauphin: Sur l'organisme de recours, pour la détermination des services essentiels, sur un plan municipal, je suis d'accord avec vous que la Cour supérieure serait probablement l'organisme compétent. Dans les questions au niveau des services de soin de santé, là, pour un tiers, je serais plutôt d'avis qu'il y ait un médecin, par exemple, là-dedans. Je n'ai jamais compris que ce ne soit pas un médecin qui détermine ce qui est essentiel pour un malade. Je ne le comprendrai jamais non plus si ça continue comme ça. Mais sur le plan municipal, je suis d'accord avec vous qu'un juge de la Cour supérieure serait compétent. Au niveau des recours civils qu'il y a eus à ce moment-là - je sais qu'à mon bureau, on en avait pris quelques-uns - pour les victimes, justement, tout près de l'hôtel de ville, entre autres, il y a une côte qui descend, je pense que cela a été considéré comme un cas fortuit et les victimes de ça n'ont jamais pu être indemnisées.

M. Lacroix: Exact, à ce niveau-là. Il y avait même eu un recours collectif qu'on avait tenté d'exercer contre la ville et qui avait été rejeté. Je voudrais souligner, à propos de la question que vous m'avez posée au niveau des listes, qu'il est bien évident que, quant à nous, la liste, nous la soumettons toujours au syndicat, celle que nous préparons au niveau des services essentiels et, si le syndicat est prêt à s'entendre, on n'est pas pour aller s'amuser devant un juge de la Cour supérieure à cet effet. Seulement, quand la liste est soumise et que nous n'avons aucune réponse, à ce moment-là, il faut agir en conséquence.

M. Dauphin: D'accord, je vous remercie. Je ne sais pas s'il y a d'autres collègues...

Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la SAQ

Le Président (M. Rodrigue): II semble que ceci termine la période des questions. Je voudrais remercier les représentants de la ville de Montréal et j'invite maintenant les représentants du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec à venir et à nous présenter leur mémoire. Le mémoire du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec nous sera présenté par le président du syndicat, M. Ronald Asselin. J'invite M. Asselin à nous présenter les personnes qui l'accompagnent avant de nous livrer le mémoire. M. Asselin.

M. Asselin (Ronald): Je voudrais d'abord remercier la commission de nous avoir permis de nous faire entendre et je tiens à vous présenter les membres de mon exécutif. À ma gauche, Claude Sauvé, vice-président du syndicat, et Suzanne Clément, qui est secrétaire du syndicat et, à ma droite, Claude Tremblay, qui est trésorier du syndicat, et Jules Saint-Amour, vice-président. En arrière, Jacques Poirier de la région de Québec, vice-président du syndicat. J'ai aussi André Cardinal qui est un collaborateur.

M. le Président, je voudrais faire une précision en commençant. Vous avez reçu notre mémoire et vous avez dû vous apercevoir qu'on n'a pas tellement parlé du droit de grève. C'est un secret de polichinelle, nous sommes parmi les signataires du mémoire de l'Intersyndicale. Nous avons endossé sa position. Pour ce qui est aussi des services essentiels, il est sûr que nous ne sommes pas pris avec ce problème, s'il y a problème. À ma connaissance, il y a seulement une fois dans notre histoire qu'on a dû fournir des services essentiels et c'est en 1964, quand les curés nous ont demandé d'ouvrir un comptoir pour le vin de messe. À ce moment-là, on s'est aperçu que l'employeur faisait un chiffre d'affaires assez impressionnant, parce qu'il s'agissait d'être ami avec un curé pour pouvoir avoir du vin pour faire un "party" ou une noce.

Si nous avons cru bon de vous parler dans notre mémoire des problèmes que nous avons avec la Société des alcools et tout particulièrement des problèmes de

négociation, c'est que, si on avait à additionner les grèves, à les mettre bout à bout, en 17 ans de syndicalisme avec la Société des alcools, on en a pour un an et demi. Si jamais on décernait des Oscars pour les gens qui ont fait des grèves, je pense qu'on serait mis en nomination.

Si vous regardez le titre du mémoire: "Des gestionnaires qui n'acceptent pas la présence d'un syndicat qui existe pourtant depuis 17 ans... " Je veux revenir à la première grève qui a été celle de 1964-1965 et vous rappeler une parole célèbre du premier ministre du temps qui nous avait dit, parole qui a peut-être été retenue par nos "boss", que la reine ne négociait pas avec ses sujets. C'est dans le conflit de la Société des alcools que le premier ministre Lesage nous avait sorti cette parole qui est passée à l'histoire. (17 heures)

En 1964, c'était peut-être la première fois à l'intérieur des secteurs public et parapublic qu'un syndicat osait faire la grève. À ce moment, si on regarde les conditions de travail à la Société des alcools, en partant, je pourrais peut-être vous dire que la moyenne d'âge à la société, en 1964, était de 48 ans. Il est sûr qu'il y avait là des problèmes; il y avait aussi un problème important, parce que, pour nous, le conflit de 1964, c'est le conflit qu'on s'est contenté d'appeler le conflit de la dignité. Pourquoi a-t-on appelé cela le conflit de la dignité? À ce moment, on se souvient du fameux carrousel. C'étaient les bleus et les rouges. Si les bleus étaient au pouvoir, qu'il y avait une élection et que les rouges prenaient le pouvoir, la "gang" sortait et c'était la "gang" de rouges qui prenait la place. C'est comme cela que cela fonctionnait, à moins qu'un gars ait été assez "wise" pour se faire photographier ou se promener avec un représentant de l'Opposition et conserver son job par la suite. C'était un petit peu cela. C'était le nettoyage après chague élection, parce que chaque député de comté plaçait ses gars à la Société des alcools.

Je me sers aussi d'une parole du négociateur patronal de ce temps-là qui avait dit que la meilleure chose qui pouvait arriver à la Société des alcools, c'était peut-être l'arrivée d'un syndicat. En 1964, on avait aussi deux objectifs qui étaient, d'abord, la sécurité d'emploi et aussi la question des salaires parce qu'à ce moment les gens gagnaient 50 $ par semaine. Un conflit de trois mois, durée de négociation de vingt mois. On a dû voir à l'application d'une convention qui a été assez difficile pour se ramasser en 1968 avec d'autres négociations. Cela me rappelle des souvenirs quand je parle des négociations de 1968, parce qu'en 1968, on s'est ramassé dans cette salle qui, à ce moment, s'appelait le Comité des régies - le parti au pouvoir était l'Union Nationale - et on est venu, au bout de cinq mois et demi de grève, se promener devant nos élus pour leur donner un compte rendu de la négociation et en même temps peut-être se donner en spectacle. On a décidé, à ce moment, de retourner à une table de négociation et c'est là qu'on est allé se chercher une convention. Il faudrait peut-être aussi se rappeler l'attitude des politiciens et l'attitude de notre employeur en 1968. Si on se rappelle bien, le ministre de la Fonction publique du temps était M. Marcel Masse qui disait à qui voulait l'entendre, comme moyen de pression sur nous, que la Société des alcools, on allait la donner à l'entreprise privée. Il faudrait peut-être aussi se rappeler le comité d'opinions libres qui était formé par trois ex-membres de notre syndicat et qui avait pour but d'écraser le syndicat. On avait distribué à tous nos membres une formule que les gens devaient remplir et retourner à un certain casier postal. Cette pétition devait être transmise au ministre de la Fonction publique, Marcel Masse. Celle-ci disait que le gouvernement s'engageait à nous donner la sécurité d'emploi, c'était à peu près tout. On a eu le bonheur de ramasser les pétitions et de venir les porter au ministre sans les avoir remplies au préalable.

Je veux aussi revenir à la négociation de 1972 qui a été pour nous la naissance d'un front commun. À ce moment, nous étions affiliés à la CSN et on voyait une lueur d'espoir. Pour une fois, on se disait qu'avec un front commun, on aurait peut-être des chances d'être moins longtemps dans la rue. À notre grand étonnement, en 1972, durant les 22 mois de négociation, on a vu l'employeur une dizaine de séances de négociation, c'est à peu près tout. Si on se reporte en 1972, il y a eu une loi qui obligeait les gens à négocier jusqu'à une certaine date et une certaine heure qui était minuit, c'est-à-dire que la loi disait qu'on retournait les gens aux tables de négociation. On leur disait que tous les gens qui étaient aux tables de négociation et qui n'étaient pas parvenus à négocier héritaient d'un décret. On a essayé à ce moment de voir l'employeur. Cela n'a jamais été possible. On est resté trois jours avec le président de la CSN dans un motel de Québec, même après l'heure prescrite par la loi, et on a essayé de rencontrer l'employeur afin de siqner un protocole d'entente qui tiendrait lieu de convention. C'est six mois après, avec le porte-parole officiel de la table centrale de négociations, qui était à ce moment-là Réjean Larouche, qu'on a réussi à rencontrer nos employeurs et à signer un protocole d'entente qui tenait lieu de convention. Ce sont les difficultés de 1972.

En 1975-1976, le renouvellement d'une autre convention. À ce moment-là, le président de la Société des alcools, un

dénommé Jacques Desmeules - je pense qu'à la Société des alcools, il s'est négocié deux conventions: une première convention en 1964 et une deuxième convention en 1976 - avait donné des directives à la Société des alcools d'essayer de négocier. En 1976, la grève a duré quinze jours. Cela a été la plus courte grève dans notre histoire parce qu'au point de vue normatif, pour une fois, quelqu'un s'occupait du problème des gars de la société et avait donné le mandat à des gens pour négocier. On est parvenu, après quinze jours de grève, à aller se chercher une convention collective.

Il y a aussi le bouquet pour nous, la négociation de 1978-1979, qui a peut-être été une des négociations les plus difficiles. On a appris qu'à la Société des alcools on ne pouvait pas se battre, pour se servir d'un terme qui a été populaire, d'égal à égal, parce qu'on s'est aperçu que la Société des alcools détenait une police d'assurance antigrève fournie par le gouvernement fédéral d'Ottawa, la péréquation. On sait que, chez nous, une grève, c'est payant, pour les patrons. Allez-y dans la rue les petits gars, nous autres, cela ne nous fait rien parce que, ce qu'on perd, on le récupère d'une autre main.

Le ministre des Finances, M. Parizeau, nous a appris qu'en 1968, par exemple, la grève à la Société des alcools avait coûté 50 000 000 $ et que le gouvernement fédéral avait remboursé 49 000 000 $, tandis que le reste, 1 000 000 $, était compensé par les salaires. Tout cela pour vous dire une chose: Pour nous, comme syndicat, le seul moyen de se battre, le seul moyen que nous avons à notre disposition pour aller chercher une convention, c'est d'essayer de vous écoeurer, messieurs, c'est d'essayer d'écoeurer les membres du gouvernement pour qu'enfin quelqu'un se décide à dire à notre employeur: Retournez à la table de négociation et essayez de leur donner une convention. C'est ce qui est arrivé. Vous nous avez obligés à nous servir de slogans assez populaires. Cela nous a aussi obligés à faire de l'occupation et cela nous a obligés à poser un paquet de gestes, à engueuler les politiciens un peu partout et être un peu partout pour qu'enfin quelqu'un se réveille et il dise à la société: Finies les "crisses" de folies. Vous allez retourner à la table et on va leur donner une convention.

Mais il y a encore pire que cela. Avec cette police d'assurance, la Société des alcools n'est nullement obligée d'ouvrir ses magasins. Dieu sait que le dernier conflit -remarquez bien qu'en 1978 et 1979, je parle de conflit - a duré cinq mois et demi, mais on a fait la grève pendant un mois, même pas un mois. Le reste, cela a été du lockout. C'est l'employeur qui a pris surtout les employés de Montréal et de quelques régions, qui a décidé d'envoyer les gars dans la rue et de fermer les magasins pour, après cela, rouvrir les mêmes magasins avec le service de directeurs de succursales et aussi le service de scabs. Je vous inviterais à lire l'annexe du mémoire.

Vous y avez le rapport du commissaire-enquêteur nommé par le ministère, Jean-Yves Ferland, qui a constaté que la Société des alcools avait violé la loi antiscabs de A à Z. La Société des alcools ouvrait ses magasins pour de la provocation pure et simple. Il y a eu même plus que cela. On a usé de toutes les formes de chantage et on vous en donne un spécimen à l'annexe 1; c'est un chèque qui a été envoyé à tous les employés de la Société des alcools, les employés en grève. C'est un chèque qui est nul, nul, nul, zéro, zéro, zéro, non négociable.

Je ne sais pas, mais quand vous êtes un père de famille de quatre enfants et que l'épouse de ce père de famille reçoit un chèque semblable, j'ai bien l'impression que cela donne lieu à une conférence de presse ou à un dîner-causerie, pour dire à l'employeur: Regarde ce que cela te donne, pas ta grève, mais ton lock-out. Regarde ce que cela te donne. Tu es dans la rue, cela ne te donne rien. Tu as un chèque nul. L'employeur exploite les magasins et toi, attends, parce qu'un jour on finira par le régler, ton conflit. C'est cela le problème à la société. On n'a jamais pu se parler et on n'a jamais pu négocier, sauf une tentative qui s'est faite en 1976. Quand vous avez un vice-président administratif à la Société des alcools qui dit: Moi, j'aime mieux me faire condamner par un juge que me faire condamner par un syndicat, je pense que cela donne un peu la mentalité des autres personnes à l'intérieur de la boîte.

Nous avons cru bon, pour une fois de vous en parler; c'est la première fois que vous nous donnez l'occasion de vous expliquer le problème. Dans nos conclusions, on vous dit une chose: On ne vous demande même pas de nous croire. On vous dit: Faites une enquête et vous aurez la réponse. Je pense que cela ne peut plus durer. Je pense qu'il y a du monde qui était écoeuré de nous voir jouer comme on a été obligé de jouer la dernière fois. Il y a des gens qui étaient écoeurés de nous voir les achaler.

Je regrette, mais, si je regarde la dernière convention, 50% des demandes étaient des demandes patronales. Le patron était en demande pour 50% de la convention. Il faut peut-être se rappeler les heures de travail. Il faut peut-être se rappeler le problème des temporaires chez nous. Nous ne sommes déjà pas forts là-dessus et le patron était en demande. Les droits de gérance, le patron était en demande. Le patron était en demande à 50%. C'est sûr qu'il va être en demande là-dessus. C'est sûr qu'il va essayer d'aller tout chercher. On n'a rien pour se battre. On est obligé d'improviser et on est

obligé de faire n'importe quoi pour essayer de réveiller les gens et de leur dire: Aïe, les gars, il y a quelque chose qui se passe là. Allez donc voir.

M. le Président, je ne veux pas prendre plus de temps. Cela fait deux jours que je suis ici et je reconnais le travail que vous faites. Je vous trouve bien couraqeux d'entendre tout le monde. C'est ce que nous avions à vous exposer.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie, M. Asselin. M. le ministre du Travail.

M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier infiniment et très sincèrement le Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec, en particulier son porte-parole, M. Asselin.

Je dirai simplement ceci. Je vous remercie d'attirer notre attention sur un certain nombre de choses concrètes et de nous dire: Ne nous croyez pas, allez vérifier. Il est certain qu'il va falloir qu'on trouve les moyens pour que les sociétés d'État, comme le gouvernement lui-même, d'ailleurs, changent des attitudes et des comportements. On peut changer des lois, c'est une chose. Quand il faut le faire, il faut le faire. Il n'y a pas de raison qu'on ne le fasse pas à la suite d'une commission parlementaire comme la nôtre. Mais il va falloir que les changements d'attitudes et de comportements s'appliquent et valent aussi pour les sociétés d'État et pour le gouvernement. Il n'y a pas de raison, quand le législateur fait des lois pour qu'elles ne soient pas respectées. Il y a des comportements, comme vous le dites, si tant est qu'ils sont démontrés, surtout quand on a des pièces à l'appui... Dans le cas des chèques, je sais que c'est vrai. Le gouvernement du Québec l'a appris par des conjointes de syndiqués qui ont contacté le gouvernement. Je sais que c'est exact. Le gouvernement a dû intervenir dans ce cas-là pour que cesse cette pratique inqualifiable. (17 h 15)

Là-dessus, M. le Président, je voudrais avec votre permission toute suite céder mon droit de parole à mon collègue de Duplessis, qui a fouillé attentivement ce mémoire, qui a même attiré mon attention sur un certain nombre de points que je viens d'évoquer et qui aurait un certain nombre de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. M. Asselin j'ai été énormément surpris de certaines constatations, qui d'ailleurs étaient appuyées dans votre mémoire. Je pense que c'est la première fois qu'on a vraiment, dans cette commission, une preuve, si on peut dire, de mauvaise foi dans des négociations où une société d'État est elle-même impliquée. Tout comme le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je reconnais qu'il y a sûrement des choses à faire auprès de certaines sociétés d'État et en particulier auprès de la Société des alcools du Québec. Pour votre information, j'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer en 1978 des représentants de la région de Sept-Îles et Port-Cartier, j'ai eu l'occasion de faire des échanges très fructueux avec les représentants qui étaient environ une quinzaine. À ce moment là, j'ai constaté qu'il y avait des problèmes qui étaient existants depuis une quinzaine d'années -puisqu'on parle de 17 ans aujourd'hui, à ce moment là c'était à peu près 15 ans - en rapport avec les négociations patronales-syndicales. J'ai aussi constaté qu'il y avait un manque énorme de la part de la société d'État et c'est la raison pour laquelle je suis moi-même intervenu auprès de certaines instances gouvernementales en me rapportant à du vécu dans ma région et, par la suite, en voyant le vécu à Québec et à Montréal.

Je voudrais faire certains commentaires sur deux choses en particulier, peut-être trois. On dit dans le mémoire, le ministre l'a soulevé, que la partie patronale, qui est une société d'État, durant des négociations a fait à peu près tout, comme par exemple envoyer des chèques nuls. Je peux vous dire carrément, et je m'adresse ici aux membres de la commission et aux gens qui nous écoutent, que je trouve dégueulasse une telle attitude face à des syndiqués, à des travailleurs et à des travailleuses. Je pense que dans des négociations, et Dieu sait à combien j'ai participé... Je peux vous dire qu'on l'a vécu une couple de fois à Hydro-Québec, pas de la même façon mais d'autres façons.

Quant à l'enquête, je pense qu'il y a lieu de regarder s'il y a une possibilité, et, comme le ministre l'a mentionné, il va falloir changer des choses. Personnellement, je ne peux pas accepter qu'une société d'État déroge à une loi 45 qui avait été votée à l'Assemblée nationale du Québec et défendue par celui qui vous parle et par d'autres qui ne sont pas ici aujourd'hui, incluant le ministre, qui est là, qui avait défendu la loi 45. Je ne peux pas accepter d'une société d'État, pas plus d'ailleurs que d'un entrepreneur, qu'on déroge à une loi qui a été faite par l'Assemblée nationale. Cela, ce sont les commentaires que je voulais faire.

Je voudrais vous poser une question en rapport avec les chèques non négociables, zéro, zéro, zéro, donc nuls. Pour moi c'est une risée que cela ait été fait. Est-ce que vous pourriez me dire si c'était la première fois qu'on agissait de telle façon de la part

de la société et combien de familles ont été touchées par ce mode de pression auprès des syndiqués?

M. Asselin: Plusieurs centaines de familles, parce que tous les gens touchés étaient les gens en grève. Tous les syndiqués à l'intérieur de mon syndicat qui étaient en lock-out ou en grève recevaient de ces chèques. Alors on recevait cela par la poste, c'était cela.

M. Perron: Est-ce que cela a été fait plus d'une fois durant la période de négociation?

M. Asselin: Cela a été répété à plusieurs exemplaires, jusqu'à ce qu'on avertisse quelqu'un du gouvernement. On a dit à quelqu'un du gouvernement: Écoutez, cela ne peut plus durer. Je peux vous dire que la personne qu'on a avisée a sauté à peu près ça de haut quand elle a vu ça; elle a dit: Non, ça ne se peut pas. On s'est empressé de cesser la pratique.

M. Perron: Donc, le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à ce moment-là, a carrément réagi.

M. Asselin: C'est-à dire qu'on a averti quelqu'un, on essayait de trouver des débouchés quelque part, pour en finir et trouver un règlement. On a mis ces gens au courant et c'est la réponse qu'on nous a donnée, on va voir à ce que ça cesse.

M. Perron: Merci, M. le Président. À la page 13, de votre mémoire, vous mentionnez, au troisième paragraphe: "Par conséquent, les membres du SEMBAQ recommandent que le système actuel d'arbitrage soit remplacé par une nouvelle formule basée sur le principe qui fut à l'origine de la Cour des petites créances. Est-ce que vous pourriez dire aux membres de cette commission, plus en détail, de quelle façon vous verriez cette proposition s'appliquer? On en a déjà parlé dans d'autres mémoires qui sont venus devant les membres de la commission et il me semble qu'on n'a pas encore complété, élaboré, sur le fond, cette question que vous proposez.

M. Asselin: M. le Président, au moment où je vous parle, je peux vous dire qu'à la Société des alcools, il doit y avoir présentement dans la machine au-delà de 400 griefs dont 60% s'en vont à l'arbitrage. La semaine passée, comme aujourd'hui, nous avions quatre arbitrages. À la Société des alcools, le jeu qu'on fait, c'est le jeu des objections. Je sais qu'il y a des gens qui se connaissent en relations de travail; autour de la table, vous savez ce que ça veut dire et ce que ça coûte. Chaque fois, on nous arrive avec un procureur qui émet une objection. On passe une journée à une table à s'obstiner sur l'objection pour, après ça, attendre des semaines et des semaines qu'un arbitre rende une décision sur l'objection. Après ça, si l'arbitre a rejeté l'objection, ça veut dire qu'on s'en va dans le fond et qu'on doit plaider deux fois le même grief.

On sait ce que ça coûte, on sait aussi qu'en fin de compte les arbitres, on les paie 50-50 avec l'employeur. Les syndiqués paient des procureurs et nous aussi on en paie, on sait ce que ça coûte. Il reste que quand on prend un petit travailleur qui, lui, s'en va à l'arbitrage pour savoir si l'employeur lui paiera l'heure de dîner qu'on lui doit, plus souvent qu'autrement, j'ai des gens qui sont de cette table et qui me disent: Est-ce qu'ils vont parler de nos problèmes un jour? Je fais quoi? Cela devient des procès en règle. Qui est-ce que ça sert? Cela sert les avocats, ce sont eux qui en sortent gagnants. Ils ont fait du fric puis en sont sortis. Nous sommes pris avec la patate chaude. Après ça, ça devient des cas de jurisprudence. On est parti avec des paquets, de part et d'autre, et c'est la grosse chicane là-dessus, c'est sur la jurisprudence. On pousse l'arbitre bien plus à porter un jugement sur la jurisprudence que sur le fond du grief.

On est fatigué de ça. Si au moins on avait un arbitre qui nous rende une décision sur le banc! On a des arbitres du ministère qui viennent nous voir. L'arbitre pourrait s'asseoir et on pourrait dire: Écoutez, le problème, c'est ça; la partie patronale dit que c'est ça, l'arbitre se retire et il rend une décision. Cela finit là, on ne tient pas compte de la jurisprudence, au moins pour 50%, même plus, je dirais même 60% et 70% de nos problèmes. Je pense qu'on trouverait une solution. Ce sont des batailles à n'en plus finir, dispendieuses au possible. Cela a aussi pour effet que, quand un gars vient une fois à un arbitrage, ça ne le tente plus de faire des griefs par après. Il se dit: Désespoir, ce n'est pas ça l'affaire! Par exemple, on est allé en arbitrage la semaine passée pour 4 $. Il y a un vice-président syndiqué qui a démissionné. Notre secrétaire travaille dans un bureau où il y a une série de paravents; elle a le malheur d'être de l'autre côté du paravent; l'employeur avait permis aux employés de ce côté-ci de prendre une demi-heure de plus pour déjeuner et d'aller fêter le départ de notre vice-président du syndicat. Elle était très près du syndicat, elle a collaboré autant comme autant avec l'employé et on ne le lui a pas permis. On dit: Toi, tu n'y vas pas. Alors, on s'est ramassé en arbitrage pour 4 $; on a passé une journée avec des objections, et avec n'importe quoi pour s'engueuler pour 4 $. Des exemples comme cela, je peux vous en donner autant comme autant.

Quand on prend un employé temporaire,

c'est clair, dans la convention, si l'employé travaille toute la journée de neuf heures à neuf heures, l'employeur se doit de lui payer un repas. Mais être aussi mesquin pour dire au gars: Va-t'en chez toi pour une heure, puis tu reviendras, parce qu'on te coupe ta journée et on ne te paie pas de repas. On a eu une série d'objections pour un repas, puis on s'est ramassé deux jours de temps en arbitrage. C'est tout cela l'affaire.

M. Perron: M. le Président, on vient de faire une autre constatation.

Une troisième question. Encore à la page 13, dans le premier paragraphe, vous recommandez aussi l'abrogation du droit de lock-out.

Deux courtes questions sur ce sujet, par la suite, un commentaire, et j'ai terminé. Est-ce que vous pouvez me dire combien de fois les employés de la SAQ ont été mis en lock-out?

M. Asselin: Pendant pratiquement cinq mois, à 60% de nos employés. Les gens de la région de Montréal, vous vous rappellerez que pendant les cinq mois et plus de conflit, il y a eu pas moins de cinq mois où les gens de Montréal étaient en lock-out. Chose que l'on n'avait jamais vue à la société, c'est une arme dont on s'est servi et que l'on ne connaissait pas.

M. Perron: Maintenant, M. le Président, est-ce que vous pourriez me dire si c'était périodique le lock-out? En d'autres mots, on prenait un établissement, on le fermait pour deux ou trois semaines, on le rouvrait, est-ce que c'était périodique?

M. Asselin: Vous allez peut-être vous rappeler ce que vous nous avez vus au congrès de votre parti le 1er juin, à Québec; bien, il y a des gens qui ne sont jamais rentrés au travail après cela. On avait demandé aux gens d'un peu partout - on avait le droit de grève, on avait débrayé - d'aller vous visiter à votre congrès. Quand les gens sont revenus, ils ont trouvé les portes barrées, et elles l'ont été jusqu'à la signature d'une convention. C'est une bonne partie de la ville de Montréal, et la ville de Montréal, au niveau de la Société des alcools, c'est à peu près là où se trouvait tout notre monde.

M. Perron: Toujours sur la même question, maintenant, vous mentionnez l'abrogation du droit de lock-out. Est-ce que vous pourriez, devant nous, justifier votre position sur le retrait du droit au lock-out puisque, si ma mémoire est bonne, ce droit existe dans le Code du travail depuis un bon nombre d'années?

M. Asselin: Oui, mais c'est parce...

M. Perron: Donnez de bonnes raisons pour lesquelles vous voulez que ce soit enlevé?

M. Asselin: On a justement un problème. Chez nous on a un problème qui n'existe peut-être pas ailleurs. Les patrons ne perdent rien; économiquement, on ne peut pas leur toucher. Ils disent: On va fermer les magasins. Puis au contraire, ils font de l'argent avec nous autres parce qu'ils ne sont pas obligés de nous payer.

M. Perron: La péréquation. Vous parlez de la péréquation qui est une arme additionnel au restant.

M. Asselin: Oui, certainement; ils se servent de cela et ils le savent. Quand ils vont vous présenter un rapport de leurs activités, le rapport financier, ils sont obligés d'aller devant vous autres à tous les ans. Il est certain qu'ils n'ont quasiment pas de perte, parce qu'ils récupèrent ailleurs.

C'est facile de faire un lock-out chez nous, c'est bien facile. Ils disent aux gars: Allez-vous-en; ils ont fermé les bureaux pendant je ne sais combien de temps. Pas de problème.

M. Perron: Seulement un commentaire, M. le Président, sur les griefs. Je comprends un peu ce que vous vivez, vous-même et vos syndiqués avec la question des griefs. Je vais vous donner un exemple qui me touche de près. J'ai reçu un appel la semaine dernière, cela fait quatre ans et demi que je suis député, au sujet d'un grief que j'avais déposé en 1975 à l'Hydro-Québec. Alors, je peux comprendre un peu votre position quand vous dites: On devait trouver des mécanismes à savoir, de quelle façon on pourrait s'aligner pour régler les griefs dans les plus brefs délais. Vous faites allusion à certaines choses dans votre mémoire qui touche de près certaines positions que j'ai moi-même, mais, à ce moment-là, on devrait en discuter, les membres de la commission et les membres du gouvernement, pour voir de quelle façon on pourrait remédier au problème que vous vivez. (17 h 30)

Quant à moi, j'emploie des paroles qui sont dites assez fréquemment par notre ministre du Travail, M. Marois, en vous disant que, lors des prochaines négociations, en ce qui me concerne, je tiendrai sûrement à l'oeil l'attitude de la Société des alcools du Québec parce que votre rapport parle par lui-même. Merci, M. le Président.

M. Asselin: Si vous me permettez d'ajouter un petit point. Avec l'affaire des briseurs de grève, le Code du travail nous permettait d'intenter des poursuites contre les briseurs de grève. M. le ministre, vous

n'avez qu'à parler aux gens de votre ministère, c'est qu'on entrait ça en pile, à un moment donné. Il y a eu un paquet de poursuites. À la signature de la convention, on s'est dit: C'est peut-être une bonne chose, pour une question d'atmosphère, pour une question de bonne entente, qu'on les laisse tomber et on a tout retiré ça. On a eu des gens qui ont eu le malheur d'aller poser des collants dans des vitres, ils ont été poursuivis et on est encore en procès. Les "boss" à la Société des alcools sont habiles, ce n'est pas eux autres qui nous poursuivent, il nous font poursuivre par la reine. Bien sûr, c'est facile de le faire, il s'agit de loger une plainte bien vite et c'est fait, et on est encore pris avec des procès. Je suis poursuivi et d'autres membres le sont. J'ai des gens qui ont été condamnés un peu partout, à travers la province, pour avoir simplement mis un collant qui disait aux gens: On est en grève, ou un autre genre de collant que vous avez très bien connu.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Asselin: Vous avez un très beau sigle!

M. Polak: M. le Président, j'ai étudié le mémoire présenté par M. Asselin. Je dois vous dire que, quand j'ai lu d'autres mémoires et que j'ai constaté que les mémoires ne s'occupaient pas du mandat pour lequel nous sommes ici, c'est-à-dire d'améliorer un système de négociation, etc., ma première réaction était toujours de dire: Qu'est-ce que je vais dire sur notre mandat? Cette fois, je vais faire une exception parce que je suis très heureux d'avoir pris connaissance du contenu du mémoire parce que vous vous êtes servis du mot, et je le répète, "écoeuré". J'ai été écoeuré quand j'ai vu la manière dont vous avez été traités. L'historique, depuis 1964, est très intéressant parce que je pense que le grand public n'est pas au courant de ça du tout. J'espère que vous avez envoyé des copies de ça à tous les ministériels et au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme parce qu'il a quelque chose à faire avec la société.

M. Asselin: C'est le ministre responsable.

M. Polak: Je prends la liberté de poser quelques questions, de ne pas parler du sujet qu'on a discuté depuis cinq jours, mais un peu de vos problèmes particuliers parce qu'ils m'intéressent beaucoup. Notre rôle n'est pas toujours d'appuyer des déclarations pieuses, mais d'essayer peut-être d'obtenir un peu plus de résultats; il faut les pousser de temps en temps.

Vous dites, à la page 2, que vous faites face à un employeur dont la haute direction n'a pas encore accepté le syndicalisme et ce, après 17 ans. Vous avez écrit ça en septembre 1981 et nous sommes en septembre 1981; j'imagine qu'il n'y a pas eu beaucoup d'amélioration depuis la date du mémoire jusqu'à aujourd'hui. C'est ce qui m'intrigue. On dit toujours: C'est une société d'État, on ne peut rien faire. Il y a tout de même un ministre qui est responsable, il y a un ministère. Le ministère a cette société sous ses ailes. Est-ce que le ministre qui a la responsabilité ultime de la SAQ devant l'Assemblée nationale est au courant de cette situation?

M. Asselin: Oui. Le ministre, non pas le nouveau, mais l'ancien ministre qui était M. Duhaime, on a eu l'occasion de le rencontrer. Il a aussi été très surpris de voir le rapport qu'on lui a présenté sur les négociations, mais, entre-temps, il y a eu négociation, il y a eu élection, il y a eu tout ce qui s'est passé. On met beaucoup d'espoir dans le nouveau ministre.

M. Polak: D'ailleurs, le ministre du Travail vient de dire - je ne nie pas du tout sa parole, j'ai bien confiance, de temps en temps, à ce qu'il dit - qu'il va en prendre note sérieusement. J'espère bien qu'il va communiquer le message à l'autre ministre qui est en charge de cette société d'État et qu'on fera finalement quelque chose de concret et pas juste une déclaration pieuse. Alors, en ce qui nous concerne, si jamais je peux être de quelque utilité pour vous, je suis bien prêt à écrire encore une autre lettre de rappel. Je pense que c'est comme cela que le système marche.

Maintenant, à la page 4, je trouve cela intéressant parce qu'on parle de formule de péréquation. Donc, si j'ai bien compris, si la SAQ, dans un cas de grève ou plutôt de lock-out fait une grande perte, est-ce qu'automatiquement le gouvernement fédéral rembourse la SAQ ou le gouvernement provincial pour le montant de la perte, en prenant en considération les chiffres de l'année précédente?

M. Asselin: C'est cela.

M. Polak: Est-ce que selon cette formule, c'est presque toujours acquis qu'ils sont remboursés presque pour le montant total de la perte subie par le lock-out ou la grève?

M. Asselin: C'est le ministre des Finances qui est venu nous le dire, c'est lui-même qui nous l'a appris. À un moment donné on manifestait dans le comté de Prévost et il nous a dit, après qu'on l'eut rencontré: Oui, c'est vrai on ne paiera rien. C'est là qu'il m'a appris qu'en 1968 cela

avait coûté 50 000 000 $ et qu'il en avait récupéré 49 000 000 $. Et si on parlait un petit peu des salaires ils sortaient "even" dans leur affaire et la grève ne leur avait rien coûté.

M. Polak: Mais le député de Prévost a un problème, il ne croit pas à la formule de péréquation. Il ne veut rien savoir du fédéral, ce n'est pas bon, cependant il accepte le chèque tout de même.

M. Asselin: Non, mais il n'était pas encore choisi, le député de Prévost, quand on était là.

M. Polak: Maintenant, pour revenir sur ce fameux chèque, moi je suis avocat pratiquant, je n'ai jamais pratiqué l'arbitrage parce que je ne veux pas être procédurier, profiter... Je trouve que cela est une très belle description du pire rôle peut-être d'un avocat. Je suis tout à fait d'accord avec vous, cela n'est pas drôle, c'est terrible de faire souffrir le monde par des grandes enquêtes, des dépenses, etc.

Quand on prend le chèque que vous avez produit comme annexe 1, il ne s'agit pas seulement d'un chèque nul. C'est beaucoup plus grave que cela et je vous donne quelques renseignements là-dessus. C'est un chèque officiel de la Société des alcools du Québec, chèque imprimé d'avance avec un numéro de série. Ce chèque porte le numéro 137404, donc il y a 04, 05, 06, toute une série. Cela vient du livre officiel de chèques, premièrement. Deuxièmement, le chèque porte le numéro de référence 0155172. Je suis certain que cela veut dire le département de "pay-roll", quelque chose comme cela. Vérifiez cela, j'en suis certain. Troisièmement, il y est marqué: Compte salaires, Banque Royale du Canada. Je ne veux pas faire ici l'alarmiste, mais peut-être qu'il y a une violation quelque part du Code criminel. Il serait intéressant de vérifier cela pour vous autres, parce que cela va très très loin. Ce n'est pas seulement choquant et répréhensible, il y a peut-être plus que cela là-dedans. C'est à titre d'information que je vous donne cela. Vérifiez.

Maintenant, on a entendu ici, dans le secteur hospitalier, le mot angoisse, etc. Pour moi, dans votre secteur, ce chèque, c'est une angoisse aussi, c'est la même chose au point de vue de la réaction. C'est une manière de séduire des employés, pour qu'ils aient une bonne ligne de conduite. Qu'on pense un peu à la petite souris. On dit: Bon voici, viens ici, toi, petite souris, je te donne un petit morceau de fromage, sauf qu'il y a une trappe et on lui coupe la tête... Ce n'est pas drôle.

À la page 13, vous parlez - c'est la dernière question que j'ai - du système d'arbitrage. Hier, il y avait des représentants de la CSD, un des syndicats qui sont venus tout de même avec des formules intéressantes. Je voulais avoir votre opinion là-dessus. Ils ont dit que même en ce qui concerne les arbitres, ils préféraient avoir une sorte de banque d'arbitres neutres experts en la matière qui peuvent agir, comme vous dites, rapidement et efficacement, mais pas des gens nommés par les ministères. Vraiment une banque de gens indépendants qui deviennent comme des spécialistes en la matière. Avez-vous un opinion là-dessus?

M. Asselin: Bien, c'est-à-dire que chez nous, on a eu deux sortes d'arbitres. On a eu des arbitres nommés dans la convention puis on a eu aussi des arbitres du ministère après en avoir fait la demande. Je pense que le meilleur service qu'on a eu c'est celui des arbitres qui venaient du ministère. On fait une demande puis on nomme un arbitre dans le dossier. J'ai vécu les deux et je trouve cela plus efficace. Je pense qu'on a eu des choses plus sérieuses avec les arbitres qui nous sont venus du ministère. Puis au ministère, M. le ministre, vous pourrez peut-être vous informer, mais je vous jure qu'on en a toute une batterie. Il y en a. Ils ont des "shopping list" à ne plus finir d'arbitrages à faire à la société. Il y en a. Vous n'avez qu'à vous informer, vous allez voir qu'il y a un paquet d'arbitrages chez nous.

Il y a une autre précision que je veux apporter. Pourquoi, dans une des recommandations, demande-t-on que les amendes pour la loi "antiscabs" retournent à l'organisme? C'est justement la situation où on est placé. Quand on condamne la société à payer l'amende, il est sûr que la société se défend avec notre argent et, si elle est condamnée, elle paie aussi avec notre argent, c'est l'argent des contribuables, c'est l'argent de tout le monde.

Dans le fond, c'est un peu nous qui payons tout le temps, qu'on gagne ou qu'on perde, c'est encore nous qui payons. C'est pour ça qu'on a mis cette réflexion, c'est pour ça qu'on dit que ça serait peut-être une bonne chose, parce que je pense bien qu'un employeur qui serait condamné à payer des amendes à un syndicat, quand on regarde l'atmosphère, etc., ce serait peut-être un peu frustrant.

M. Polak: Je n'ai pas d'autres questions, M. Asselin, je vous remercie de nous avoir renseignés un peu sur une situation qu'on ne connaissait pas, c'était le temps de le savoir.

M. Asselin: Si vous me permettez d'ajouter une autre chose. Si notre mémoire est arrivé un peu tard, c'est qu'on s'est posé beaucoup de questions avant de se décider à

rédiger un mémoire pour la commission, parce qu'on se disait que c'était sur les services essentiels et sur le droit de grève, alors que, nous, on venait avec nos problèmes. Mais on s'est dit qu'il y avait peut-être des gens, des administrateurs, c'est notre gouvernement, ce sont nos administrateurs, ce sont des gens qu'on a élus et qu'il serait peut-être important qu'on leur dise d'une façon officielle. C'est à tout ça qu'on a pensé avant de venir ici et, de tout coeur, je vous remercie, c'est une des rares fois où on a pu avoir une tribune pour parler réellement d'un problème, et d'un problème grave à la Société des alcools.

Le Président (M. Rodrigue): En remerciant les représentants du Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la SAQ, je rappelle que, dans notre mandat, il y a aussi l'amélioration du régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic. Alors, vous étiez tout à fait réglementaires quant au contenu de votre mémoire, c'est le sujet dont vous avez traité.

Association des cadres scolaires du Québec

J'invite maintenant les représentants de l'Association des cadres scolaires du Québec à prendre place et à nous présenter leur mémoire. Ce mémoire nous sera présenté par M. Bernard Myette, son président. C'est bien ça?

M. Myette, tout en prenant place, je vous invite d'abord à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, à bien vouloir nous présenter votre mémoire, autant que possible dans les 20 minutes qui vous sont allouées.

M. Myette (Bernard): D'accord. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, permettez-moi de remercier la commission d'avoir accédé à notre demande, même tardive, et de nous permettre de déposer l'avis de l'association.

Pour vous situer, l'Association des cadres scolaires du Québec est un organisme provincial regroupant les gestionnaires de niveau gérance et cadre de l'ensemble des commissions scolaires catholiques du Québec, à l'exception de la Commission des écoles catholiques de Montréal.

L'Association des cadres a comme but de collaborer avec les autorités gouvernementales et les organismes intéressés au développement ordonné du système scolaire par une participation constante et adéquate à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques relatives à l'éducation. C'est dans ce contexte que se situe le dépôt du présent avis, avis qui est le résultat de la réflexion de membres de la Commission des services du personnel, qui regroupe tous les directeurs de personnel, coordonnateurs et agents de gestion de personnel des commissions scolaires, représentée - je vous présente mes collègues - par Mme Suzanne Tremblay, qui est présidente de la Commission des services du personnel, et M. Borromée Bourque, vice-président de cette commission professionnelle.

Les réflexions de cette commission professionnelle ont ensuite été validées par les autres commissions professionnelles de l'association, soit les services éducatifs, les services financiers, les services d'équipement, tous les niveaux de gestion d'une commission scolaire et, par la suite, entérinées par les instances décisionnelles de l'association.

J'arrive à la présentation de ce mémoire qui traite, en deux parties, de l'encadrement de la négociation collective et du contenu des conventions collectives. Sur cette partie des conventions collectives, je me limiterai, dans la présentation, aux principes fondamentaux et prémisses qui devraient guider la négociation d'une convention collective et je laisserai le soin à la commission, s'il y a des questions pertinentes quant au contenu de chacune des conventions, de recevoir les questions et d'y répondre. (17 h 45)

Sur cette première partie, l'encadrement de la négociation, l'association reconnaît que l'encadrement mis en place par la loi 55 a, de façon générale, apporté une nette amélioration au déroulement de la ronde de négociations 1979-1982. C'est dans ce contexte que nous recommandons le maintien de la loi 55 pour l'organisation des parties lors de la prochaine ronde de négociations. Cependant, compte tenu du peu de respect des échéances qui étaient prévues à cette loi, nous recommandons le raffermissement des dispositions touchant l'obligation de respecter les délais et échéances prévus à cette loi.

L'association croit que des tentatives doivent être faites auprès des parties pour développer le principe d'une négociation sur les matières dénoncées par elles uniquement. En d'autres mots, au lieu de négocier à chaque ronde tout le contenu d'une convention collective, on ne négocierait que les parties à être dénoncées. Dans ce sens, nous recommandons la tenue d'un sommet regroupant les organismes patronaux et syndicaux du secteur de l'éducation pour discuter de l'opportunité d'une formule de négocier uniquement sur les matières dénoncées. Advenant entente entre les parties, une loi-cadre fixerait les objets et les temps limites pour la dénonciation en vue d'assurer un démarrage rapide et d'éviter l'inclusion d'autres matières en cours de route.

L'ACSQ croit également que la loi doit

fixer l'organisation, le temps et la période de négociation, ainsi que les mécanismes de règlement de différends.

Quant au partage des matières de négociation locale, qu'il me soit permis de souligner à cette commission que l'incidence de l'encadrement national sur les deux objets importants que sont les mécanismes d'affectation et de mutation, de même que la répartition des fonctions et responsabilités a rendu la simultanéité irréalisable. Pourtant, elle avait été prévue. La négociation à l'échelle du Québec paraît donc à l'association, aux fins de la négociation locale, une contrainte non facilitante, porteuse d'attentisme, d'une part, et source d'insatisfaction, d'autre part, amenant les parties, particulièrement les syndicats, à faire de la ronde locale un match revanche.

Autre problème de la négociation locale, le peu d'importance relative des objets retenus comme matière à négociation locale. Autre problème de la négociation locale, le peu de moyens mis à la disposition des commissions scolaires et le vécu de situations ambiguës lors des dernières négociations. C'est dans ce contexte, à la suite de ces réflexions, que nous recommandons une révision en profondeur du cadre général des négociations locales. Nous recommandons le maintien des négociations locales parce que nous croyons à l'autonomie des commissions scolaires et à leur véritable rôle d'employeur. Cependant, nous demandons que soit défini l'encadrement légal de celles-ci tant dans leur déroulement que dans le règlement des différends, de même que sur l'élargissement de l'importance du champ et des objets de négociation à ce niveau. C'est dans ce contexte que nous croyons au maintien des négociations locales. Dans l'éventualité de ne pouvoir répondre à une telle recommandation, nous devons malheureusement recommander la disparition de la négociation locale et plutôt une formule d'arrangements locaux.

Les structures de négociation. Dans l'évaluation des structures de négociation de la ronde de 1979-1982, l'association a constaté que les champs d'action dévolus à la Fédération des commissions scolaires et au ministère de l'Éducation au sein du CPNCC ont, en période de crise, cédé le pas à la notion d'intérêt gouvernemental. La fédération, dans ce contexte, n'a pu influencer le contenu et a fait des concessions que nous considérons disgracieuses. Le ministère de l'Éducation nous est apparu comme étant mal préparé et incapable de maintenir les objectifs d'éducation. Malheureusement, nous constatons que l'intérêt gouvernemental ne s'est exprimé que par le biais du ministre responsable du Conseil du trésor. Le Conseil du trésor a orienté et fixé les conditions de règlement des conventions collectives. Il est apparu comme étant le seul vrai interlocuteur et nous constatons que malheureusement il aurait relégué le CPNCC prévu à la loi au rang de porte-parole de seconde zone. L'influence du ministre responsable du Conseil du trésor sur la stratégie de négociation nous a semblé trop importante et a sans doute nui selon notre évaluation au règlement et ce, à la suite des interventions sur les droits acquis du 21 novembre 1979.

Il nous apparaît également que le chevauchement des tables, soit table centrale et tables sectorielles, a nui aux tables sectorielles dans le sens où les concessions ont été trop rapides et généreuses à la table centrale en milieu de ronde, affaiblissant ainsi les discussions au niveau des tables sectorielles. Nous reconnaissons cependant que le rôle, même dilué, du CPNCC a amélioré l'image de la partie patronale en atténuant les problèmes de discorde du ministère de l'Éducation et de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Face à ces constatations que fait l'association, nous recommandons le maintien de l'organisme CPNCC, c'est-à-dire les comités patronaux de négociation des conventions collectives, comme agent négociateur avec pleins pouvoirs à l'intérieur du cadre défini par l'État. Cependant, nous recommandons la révision de la composition du CPNCC, qui était à la dernière ronde formé des représentants du ministère de l'Éducation et de la fédération. Nous recommandons plutôt un CPNCC à trois parties, c'est-à-dire un tiers des membres du Conseil du trésor, un tiers du ministère de l'Éducation et un tiers de la Fédération des commissions scolaires.

Nous recommandons de laisser agir le CPNCC comme seul agent négociateur. Si on devait agréer à cette recommandation que le CPNCC soit le seul agent négociateur, nous recommandons que le rôle de l'État soit défini ainsi: L'Assemblée nationale fixe préalablement l'encadrement de la négociation et les règles d'organisation des parties. Le gouvernement détermine à l'avance les masses salariales totales disponibles à la négociation. Le gouvernement détermine à l'avance ses objectifs en matière d'éducation. Les champs d'action des trois parties, Conseil du trésor, ministère de l'Éducation et Fédération des commissions scolaires, à l'intérieur du CPNCC seraient ainsi définis. Le Conseil du trésor fixe les orientations et les mandats à l'égard des questions financières. Le ministère et la Fédération des commissions scolaires déterminent les orientations et mandats à l'égard des questions normatives. Le ministère et la fédération s'assurent du respect des orientations pédagogiques dans les conventions collectives.

Nous recommandons que les décisions à l'intérieur du CPNCC reconnaissent une voie

prépondérante au Conseil du trésor sur les questions financières et une voie prépondérante à la Fédération des commissions scolaires sur les contenus normatifs. Nous recommandons la disparition de la subordination des autorisations de mandats au Conseil du trésor puisque, si notre recommandation était aqréée, le Conseil du trésor ferait partie intégrante du CPNCC. Nous recommandons d'utiliser, ce qui n'a pas toujours été fait, plus fréquemment les gestionnaires des commissions scolaires, soit les responsables des services du personnel comme consultants pour mener à bonne fin les négociations dans le secteur de l'éducation.

Le traitement des différends. L'ACSQ croit que les droits de grève et de lock-out ont été exercés de façon très générale selon les prescriptions du Code du travail lors des dernières négociations. Les modifications qui avaient été apportées au code ont semblé contribuer à civiliser les rapports. Cependant, divers éléments pourraient contribuer dans le cas du règlement des différends à garantir un meilleur service à la population et éviter, dans plusieurs cas, le recours abusif au droit de grève comme on l'a vu dans certaines régions.

C'est dans ce contexte que, tout en reconnaissant le droit à la grève et au lockout dans le secteur de l'éducation, on demande par contre de prévoir un délai d'avis de retour au travail et un accroissement des exigences vis-à-vis de la démocratisation des votes de grève.

Nous recommandons également qu'à la suite d'un arrêt de travail, les commissions scolaires aient la possibilité de modifier le calendrier scolaire en vue d'assurer aux élèves le plus grand nombre possible de jours de classe et cela, en fonction du nombre de jours de classe perdus.

Nous recommandons également qu'à la suite d'une négociation pour une période définie à défaut d'un règlement, les parties s'en remettent au mécanisme de sélection des offres finales, ce qu'on appelle le SOF.

Nous recommandons que le recours à la grève et au lock-out soit précédé d'une période de médiation, organisme indépendant des parties dont les pouvoirs seraient élargis jusqu'à l'information au public.

Un mot sur l'information en période de négociation.

Malheureusement, l'association en arrive à la conclusion que le conseil d'information a été d'une grande déception lors de la ronde de 1979-1982 et qu'il n'a pas réussi à informer le public des enjeux de la négociation.

Dans ce sens, nous recommandons l'abolition de ce conseil d'information et son remplacement par un conseil de médiation qui aurait entre autres le pouvoir de procéder aux séances de médiation.

Quelques mots sur le contenu des conventions collectives non pas article par article, mais sur les principes généraux qui devraient guider les contenus de conventions collectives sur les orientations générales.

Il nous apparaît que les conventions collectives ne doivent pas servir de véhicule à des définitions de règles administratives et, dans ce sens, nous recommandons que les conventions collectives en éducation soient expurgées de tout contenu autre que ceux relatifs aux conditions de prestation de services.

Nous recommandons qu'aucune limite supplémentaire aux limites actuelles ne soit ajoutée aux restrictions du droit de gérance des commissions scolaires, à savoir qu'on a déjà assez de limites quant aux utilisations du personnel enseignant.

L'ACSQ considère dans un autre temps que la théorie d'entraînement du secteur privé sur le secteur public en matière de négociations collectives a été poussée à la limite de la décence, limite au-delà de laquelle on sera fondé de dénoncer l'injustice sociale.

Nous recommandons donc un gel des bénéfices tels qu'assurance-vie, assurance-maladie, droits parentaux, etc.

Quant aux bénéfices de la sécurité d'emploi, nous recommandons que les prochaines conventions collectives continuent de marquer l'effort des parties aux fins d'uniformiser les bénéfices d'emploi pour l'ensemble des catégories du secteur de l'éducation, mais, considérant que les syndicats et associations sont des organismes privés orientés vers les intérêts privés collectifs de leurs membres, nous recommandons que les fonds publics ne soient utilisés d'aucune façon pour le financement des activités syndicales, y inclus celles des négociations. (18 heures)

L'ACSQ considère qu'il est du rôle du gouvernement et de l'État de définir les objectifs nationaux en matière d'éducation après une large consultation populaire. Dans ce sens, nous recommandons que soient définis a priori et antérieurement au début des négociations, les objectifs québécois en matière d'éducation scolaire, de même que les grands moyens adéquats, notamment les régimes pédagogiques.

Nous recommandons également que, par la suite, ceux-ci ne soient pas compromis par les mécanismes de négociation ou par les forces de pression concomitantes mais que les conditions de travail des personnels soient convenues dans la cohérence et dans le respect de ces régimes ou des objectifs qui les transcendent.

Quant aux autres contenus plus techniques des conventions collectives, tel que je l'ai annoncé au début, je vais laisser plutôt les membres de cette commission,

selon leur intérêt, poser les questions qu'ils jugeront pertinentes et nous y répondrons.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.

M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier l'Association des cadres scolaires de son mémoire et d'avoir eu la patience d'attendre jusqu'à la toute fin de nos travaux pour pouvoir le présenter.

Avec votre permission, comme mon collègue de Beauharnois a particulièrement examiné ce mémoire, je lui céderais mon droit de parole. Je sais qu'il a un certain nombre de questions à poser en notre nom.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de vous accueillir, de prendre connaissance des recommandations que vous faites dans le cadre des négociations scolaires.

Bien sûr, il y a là un paquet de recommandations que vous faites en partant des mécanismes qui existent déjà et qui ont été utilisés depuis quelques négociations. On essaie de les ajuster d'une négociation à l'autre, c'est un peu le but de la commission aujourd'hui. Déjà, depuis quatre jours, on tente d'améliorer ces fameux mécanismes en ce qui concerne la négociation dans les secteurs public et parapublic. Évidemment, dans votre cas, au niveau des commissions scolaires, toute la question des services essentiels se pose d'une façon moins cruciale que dans les services de santé à donner à la population. D'ailleurs, dans votre mémoire, je n'ai pas vu cet aspect des services essentiels.

Par contre, vous parlez beaucoup du partage ou du départage des deux niveaux de gouvernement, le gouvernement provincial, le grand patron et le patron local qui est la commission scolaire.

Je voudrais d'abord savoir, dans le contexte actuel de négociation, quel est votre pouvoir d'intervention comme association. Est-ce que vous faites partie du mécanisme au niveau des négociations actuellement? Et votre organisme a-t-il un pouvoir quel qu'il soit d'intervention lors de ces négociations?

J'ai une remarque qui m'embarrasse un peu, j'aimerais vous entendre fournir plus de détails là-dessus. À la page 6 de votre synthèse, on voit que vous n'avez pas prisé particulièrement les dernières négociations locales. À cause de l'impact de ces deux objets, il était presque impossible, du moins, dans plusieurs milieux, d'arriver à enclencher véritablement la négociation sur ce qui n'avait pas été négocié nationalement. La négociation à l'échelle du Québec nous apparaît donc, aux fins de la négociation locale, comme une contrainte non facilitante, porteuse d'attentisme, d'une part, et source d'insatisfaction d'autre part, amenant les parties, particulièrement les syndicats, à faire de la ronde locale une partie revanche.

C'est comme si les frustrations que les gens avaient connues lors de la négociation nationale, allaient se répercuter au niveau local. Quand on lit finalement la page 6 au complet et la page 7, vous préconisez presque, dans ce texte, que le pouvoir de négocier localement soit enlevé. En contrepartie, c'est pour ça que je vois un peu comme un genre de contradiction entre la recommandation que vous faites, la recommandation 9, et ce que vous dites des négociations locales, aux pages 6 et 7, c'est comme s'il y avait une espèce de contradiction ou si on voulait sauver à tout prix certains pouvoirs conservés aux commissions scolaires. J'aimerais que vous puissiez en parler un peu plus.

Vous parlez aussi, dans la conclusion de votre synthèse, à la page 11, des ajustements au niveau de l'encadrement de la négociation, du contenu des conventions collectives de même que du financement de celles-ci. J'aimerais savoir, quand vous parlez de l'encadrement, si c'est l'encadrement dans lequel le gouvernement devrait placer les commissions scolaires. Est-ce que vous aimeriez leur voir des pouvoirs plus définis? Est-ce qu'à ce moment, cela exclurait ou inclurait la possibilité pour les commissions scolaires de négocier toute la partie financière, ou si la masse monétaire ne devrait pas être négociée uniquement sur le plan provincial? C'étaient les quelques remarques que j'avais à vous faire et les quelques questions que j'avais à vous poser.

M. Myette: En ce qui regarde le pouvoir d'intervention de l'association, celle-ci est un organisme qui a été généralement consulté sur les grandes orientations à débloquer au niveau des contenus des conventions collectives. Est-ce qu'elle a d'autres pouvoirs publics? Elle n'a d'autres pouvoirs publics que celui d'utiliser la voie des journaux, des communications et de s'adresser à l'ensemble des citoyens. Son rôle est donc actuellement un rôle de consultation. Par contre, l'association regroupant l'ensemble des directeurs de personnel des commissions scolaires, chacun des directeurs de personnel, non pas au nom de l'association, mais tout en étant un membre, a un pouvoir d'intervention au niveau de son milieu.

Quant à la négociation locale, ce que l'on dit essentiellement, c'est ceci: c'est que nous ne croyons pas perdre un pouvoir, parce que nous ne croyons pas que ce soit perdre un pouvoir, il n'appartient pas à l'association.

Nous disons qu'il existe des gouvernements locaux qui reflètent une couleur locale, qui reflètent des préoccupations des milieux et que, d'un milieu à l'autre, les préoccupations et la couleur ne sont pas nécessairement les mêmes. Dans ce contexte de reconnaissance d'un gouvernement local qui est en fait le véritable employeur de ce personnel, nous disons qu'il doit y avoir de la négociation locale, sauf que ce que nous regardons comme le vécu des dernières années, c'est qu'on a grugé, depuis 1968 qu'existe la négociation nationale, de plus en plus ce pouvoir de négociation des commissions scolaires pour le centraliser au niveau national. Encore à la dernière ronde de 1979-1982, on a diminué les objets de négociation locale pour les ramener au niveau national. Ce que l'on dit, c'est que le fait que les objets de négociation locale soient pour un bon nombre reliés à des contenus nationaux, il a fallu attendre le règlement des contenus au niveau national pour amorcer une négociation au niveau local. Les syndicats n'ayant pas obtenu gain de cause à toutes leurs demandes au niveau national, lorsqu'ils sont revenus au niveau local, ils ont voulu déborder les objets qui étaient strictement de niveau local pour enrichir ou prendre -c'est le mot qu'on donne - un match revanche sur leur non-satisfaction quant à des contenus nationaux.

Ce que nous disons, c'est que nous croyons qu'aux négociations locales, il n'est pas question de perte de pouvoirs, parce qu'il y a un employeur local qui est le véritable employeur, parce qu'il y a des couleurs du milieu. Dans ce sens, nous disons que les objets devraient être redéfinis pour y ramener le plus d'objets possible. Nous excluons la question financière, parce que, dans le document, nous disons à un endroit que la masse monétaire n'est même pas négociable, c'est une prérogative de l'État. Nous excluons la masse pour en arriver à des objets, à des conditions d'emplois qui devraient être négociées localement.

Nous devrions en plus donner des moyens aux commissions scolaires. À la dernière ronde, on a dit aux commissions scolaires: Vous négociez localement, mais on vous avise que toutes les libérations syndicales que vous allez faire sont inadmissibles. Au niveau des tables centrales, on a peut-être dépensé 1 000 000 $ ou 1 500 000 $ en libérations syndicales et, au niveau local, on n'a autorisé aucune somme. On a donc demandé aux gens en place, en plus de faire le quotidien, de négocier. Là, j'ai demandé à mon collègue Borromée d'ajouter sur cet aspect du vécu qu'on dénonce, sur cette croyance qu'on a du maintien de la négociation locale où on dit: À défaut de cela, si vous ne voulez pas nous donner cela, on ira aux arrangements locaux. Borromée.

M. Bourque (Borromée): Non, je n'ai pas tellement de choses à ajouter; je pense que tu as couvert passablement l'ensemble. Je ne crois pas effectivement qu'il y ait contradiction entre les recommandations 8 et 9, par exemple, ou la situation décrite avant la recommandation 9. On dit qu'on a vécu des situations problématiques. Je vous donne une petite explication. Ce mémoire a été monté à la suite d'un mini-colloque de l'ensemble des directeurs du personnel de la province au niveau des commissions scolaires. On était encore quand même, pour plusieurs commissions scolaires, en phase de négociation locale. On rencontrait toutes les difficultés à ce moment-là. Cela s'est tenu au mois de janvier ou février, l'an passé. C'est bien clair que les directeurs de personnel, dans le contexte qu'ils vivaient ou qu'ils venaient tout juste de vivre, ne se sentaient pas heureux de la négociation locale, étant donné les revendications qui se faisaient au niveau de la partie syndicale. Mais nous, nous disons, s'il devait y avoir vraiment un encadrement légal mieux défini de la négociation et également si on pouvait avoir quelque chose de très précis sur le déroulement des négociations en ce qui touche le règlement des différends, de même que sur l'élargissement des négociations, l'importance des champs, que nous devrions maintenir les négociations locales, mais ce n'est qu'à cette condition. Il n'y a aucune espèce de doute personnel, bien que je croie très intensément à la valeur de la négociation locale, parce que, comme le disait Bernard tout à l'heure, il y a quand même une individualité du milieu, une particularité du milieu. Dans des objets de négociation locale, on est capable de retrouver ce que l'on veut faire passer d'originalité dans le milieu. On croit que cela devrait être maintenu, mais on ne peut pas continuer de maintenir cette négociation locale si vraiment il n'y a pas un encadrement légal bien défini, un modèle de règlement des différends. Nous croyons également qu'il pourrait y avoir des objets plus importants au niveau du contenu de la négociation locale. Nous autres, nous ne voyons pas de contradiction.

M. Lavigne: J'aurais une autre question à vous poser. En page 8 de votre mémoire, quand vous parlez des concessions rapides et généreuses à la table centrale, vous semblez le dire avec une espèce d'amertume ou de reproche. Je pense que ce que les parties doivent désirer, aussi bien que la population en général, quand on enclenche tout le processus des négociations, dans les secteurs public ou parapublic, ce que tout le monde souhaite, c'est que cela se fasse rapidement. Je ne sais pas si j'interprète mal votre texte, mais vous semblez faire des reproches au fait qu'il y ait eu des concessions rapides

et généreuses à la table centrale. Cela m'apparaît un peu contradictoire avec ce que devraient avoir toutes les parties, soit la volonté de régler et de signer rapidement, plutôt que de laisser traîner une convention collective indûment.

M. Myette: Nous vous soulignons humblement là-dessus qu'il nous apparaît, pour l'avoir vécu, que l'on n'a pas négocié, que l'on a donné. Je vous donne les salaires. Vous faites partie du gouvernement. Vous savez ce qu'il en coûte actuellement pour payer les salaires des conventions collectives. Cela n'a pas été négocié; cela a été donné. Je vous rappelle les droits parentaux. Ce qui a été donné à la table, c'est beaucoup plus que ce que les syndicats demandaient.

En d'autres mots, on a donné rapidement beaucoup plus que ce qu'on demandait. Quant au niveau de la table centrale, il est facile pour les syndicats d'obtenir sans même demander, imaginez-vous, quand on retourne à la table sectorielle et qu'on dit non! En tout cas, c'est la perception que nous avons eue de la dernière ronde de négociations à la table centrale sur des questions comme les salaires, les droits parentaux. On a donné plus que ce qu'on demandait. Il y a des choses qu'on n'a même pas demandées et qu'on a données. Là, les gens se retrouvent au niveau sectoriel et ne comprennent pas qu'on leur dise non.

M. Lavigne: C'est bon, cela donne les réponses à mes questions. (18 h 15)

M. Myette: II y avait une dernière question, si vous permettez. Vous l'avez soulevée, je pense qu'elle est importante: la question de l'encadrement, à la page 11. L'encadrement demandé ne se situe pas à savoir encadrer les commissions scolaires. Ce qu'on dit, c'est que les conventions collectives encadrent tellement la gestion du personnel, sont tellement précises au pouce, à la virgule au point-virgule près que, finalement, il suffit de lire, puis de dire: Tu n'as pas le droit de faire ceci, tu n'as pas le droit de faire cela et, une fois qu'on a enligné ce que tu n'as pas le droit de faire, il te reste ce que tu as le droit de faire. En d'autres mots, on ne peut qu'avec difficulté utiliser les ressources allouées pour faire fonctionner les commissions scolaires pour dispenser l'enseignement. Dans ce sens, ce que l'on dit, par exemple, sur la tâche des enseignants, c'est qu'on ne devrait pas aller dans le détail au point de mettre une contrainte à savoir que ce doit être de l'enseignement, de la surveillance, de ci, de ça; on devrait laisser plus de latitude à l'employeur dans la définition des tâches d'un enseignant plutôt que de mettre une convention tellement précise que cela devienne un recueil de contraintes pour l'employeur.

M. Bourque: J'aimerais ajouter quelque chose, parce que votre question contient un autre élément, la question relative à l'encadrement. Vous disiez: Est-ce que cela signifie que les commissions scolaires devraient négocier même la masse salariale? Je dois vous dire que notre recommandation à l'égard de la masse salariale est très claire pour nous; on dit que le gouvernement détermine à l'avance la masse salariale totale disponible à la négociation. Selon nous, le gouvernement connaît ses possibilités financières et il lui appartient de déterminer la masse salariale. C'est vraiment notre optique, ce n'est pas négociable, selon nous. Également, élément qui n'est pas négociable: ce sont les objectifs nationaux d'éducation, cela ne se négocie pas, ces éléments. Alors, a fortiori, il n'appartiendrait sûrement pas aux commissions scolaires de négocier les masses salariales.

Le Président (M. Rodrigue): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup apprécié votre analyse de la situation. Je trouve que votre mémoire est plein de recommandations qui ont du bon sens sur le plan pratique et qui méritent l'attention de notre commission, et j'espère que le gouvernement va les étudier avec une attention particulière.

J'interprète votre mémoire comme une espèce de cri du coeur au gouvernement "to hold the line", comme on dit en anglais, afin d'éviter une pire diminution des pouvoirs des commissions scolaires et une augmentation des coûts de l'éducation avec un impact de plus en plus négatif sur la qualité de l'éducation pour les enfants.

Dans son orientation générale, je crois que votre mémoire rejoint plusieurs idées déjà présentées dans d'autres mémoires, spécifiquement, les mémoires des directeurs généraux des commissions scolaires, de l'association des commissions scolaires protestantes et catholiques, de la fédération des commissions scolaires catholiques. Je trouve, parmi vos recommandations, deux ou trois idées nouvelles, qui ont pour moi une importance particulière. À la page 14, par exemple, votre recommandation 27, vous recommandez que les bénéfices tels que l'assurance-vie, l'assurance-maladie et l'assurance-salaire, les droits parentaux etc., soient gelés pour une période indéterminée.

Il y a deux autres recommandations à la page 20 - je parle du mémoire principal -43 et 44, où vous recommandez de définir la tâche de l'enseignement d'une façon globale et précise au niveau local. Vous avez aussi recommandé l'élimination de la notion de disponibilité telle qu'elle est actuellement

définie.

Je trouve ces trois recommandations très importantes, mais j'aimerais avoir une certaine explication de ces trois idées. Comment voyez-vous l'implantation de ces idées dans les écoles? Est-ce que ça risque de susciter plus de problèmes que nous n'en avons actuellement sur le plan pratique ou, au contraire, est-ce qu'il est possible, en ce qui concerne la tâche de l'enseiqnant, que les enseignants soient plus satisfaits de leur sort sur le plan de "job satisfaction"?

M. Myette: Sur la recommandation quant à la tâche, je vais demander à la présidente de la commission professionnelle, qui a exploré à fond cette question, d'y répondre. Quant à la recommandation 27, il nous apparaît que ce qu'on a consenti en termes de bénéfices marginaux, c'est-à-dire de protection, que ce soient les droits parentaux, l'assurance-salaire, l'assurance-invalidité, est déjà beaucoup plus que ce que le secteur privé pourra jamais se payer. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer, cela a été dénoncé à plus d'une occasion.

Alors, on se dit: Comment, dans la prochaine ronde, peut-on ajouter à ces bénéfices sans aller à l'indécence sociale, c'est-à-dire à privilégier systématiquement un secteur, soit celui des employés de l'État, par rapport au secteur privé? Nous sommes des employés de l'État, mais nous reconnaissons que ce qui fait vivre les employés de l'État, ce sont les impôts et les taxes de tout le monde. Alors comment peut-on demander à l'ensemble des citoyens du Québec de payer à des employés de l'État des bénéfices que peut-être ils n'espèrent même pas avoir d'ici 20 ans? Si on tient compte du nombre de non-syndiqués parmi les payeurs de taxes qui n'ont même pas le minimum, sauf la loi 126 sur les normes minimales du travail, comment peut-on ajouter aux conditions des employés de l'État sans devenir indécent par rapport au reste des travailleurs québécois? Pour nous, il nous apparaît bien clair qu'on ne peut plus ajouter à ces conditions de conventions collectives aux employés de l'État.

Quant à la tâche, comment on voit la tâche, la situation...

Mme Dougherty: Un instant. Je crois que, à la page 16, vous avez recommandé qu'on retire un aspect de la sécurité d'emploi. Je ne peux pas le trouver maintenant, mais vous avez parlé de la clause qui dit que, pendant la première année, les enseignants demeurant en dedans de 50 milles... Vous avez parlé de ça quelque part.

M. Myette: Oui, en fait, ce que nous recommandons, ce n'est pas de retirer la sécurité d'emploi. Il nous apparaît, encore une fois, indécent de donner une sécurité d'emploi qui va jusqu'à dire que, passé un rayon de 50 kilomètres - ce qui est très peu, 30 milles, dans une région comme Montréal ou Québec - l'individu ne soit plus obligé d'accepter un poste.

C'est l'articulation de la sécurité d'emploi qu'on dit indécente et la pratique le prouve. Combien d'enseignants peuvent se replacer dans une région de moins de 50 kilomètres, si l'on tient compte que la majorité des surplus de personnel existe dans les grandes régions comme Montréal et Québec et que les régions en demande sont les régions excentriques du territoire, donc où il y a plus de 50 kilomètres? C'est à toutes fins utiles - c'est ce qu'on avait soumis lors de la dernière ronde de négociations - une sécurité d'établissement qu'on a donnée. La question qu'on se pose c'est: Est-ce qu'on a les moyens? On la pose aussi à la commission et à tout citoyen québécois. Est-ce qu'on a les moyens, au Québec, de donner aux employés des secteurs public et parapublic une sécurité d'établissement? Dans ce sens-là, on soumet respectueusement que non; tout en maintenant la sécurité, on devrait l'articuler autrement pour permettre d'utiliser ces ressources.

Je demanderais à la présidente de la commission professionnelle de vous éclairer sur la tâche et sur la disponibilité des enseignants.

Mme Tremblay (Suzanne): Je vais tenter de répondre globalement aux deux recommandations, aux nos 43 et 44, dans le sens suivant. Depuis deux conventions collectives, on retrouve, au chapitre des conditions de travail des enseignants, une tâche ou une semaine de travail qui est définie au compte-gouttes, en ce sens qu'on définit, entre autres, le temps maximum qu'un enseignant doit passer en présence des élèves. On définit un temps maximum pour qu'il assiste à des réunions et ainsi de suite.

Je pense qu'on a des problèmes d'application concrets au niveau des commissions scolaires dans le sens que cela nous oblige à définir la tâche de l'enseignant et à calculer son temps de présence. Encore là, il faut diviser sous deux aspects: le temps de présence pour l'enseignement et le temps de présence pour l'encadrement, au secondaire, et, au primaire, pour la surveillance; cela s'applique au secondaire aussi. Cela nous oblige à comptabiliser au compte-gouttes la tâche des enseignants.

On verrait une approche beaucoup plus globale de la tâche de l'enseignant en ce sens qu'on considère que c'est un professionnel, un enseignant, c'est une personne responsable de l'éducation des enfants ou des étudiants et on pense qu'en

ayant une approche globale cela permettrait tout au moins d'éviter ce calcul qui devient un peu fastidieux au niveau des écoles. On lui dirait qu'il est en présence des élèves 20, 22, 25 heures par semaine ou qu'il a à faire une semaine normale de travail de 28 heures ou 30 heures. On n'en est pas au nombre d'heures comme tel, mais on le voyait plutôt globalement. Dans sa tâche d'enseignant, il a à enseigner aux jeunes, il a à les encadrer, il a à les surveiller pour des raisons de sécurité et il a à assister à des réunions qui font partie de la vie de l'école, il a à rencontrer les parents, cela fait également partie de son travail de professionnel, son travail d'éducateur comme tel. On le verrait beaucoup plus globalement et cela éviterait que les gens cbmptent à la minute près s'ils sont rendus à 22, 23 ou 23, 5. On pense que cela pourrait améliorer drôlement la vie au niveau d'une école.

Mme Dougherty: Est-ce que vous envisagez un système où les enseignants seraient consultés? Cela pourrait être très important.

M. Bourque: Si vous me le permettez, comme objet de négociation locale, vous avez un chapitre sur la consultation des enseignants, sur les mécanismes et objets de consultation, qui est négocié localement et un des objets est sûrement la tâche des enseignants, la répartition de la tâche de l'enseignant, en quoi consiste cette tâche.

M. Myette: On vous soumet comme réflexion que jusqu'en 1975 la présence de l'enseignant était obligatoire pour toute la durée du temps horaire de l'élève; à partir de 1975, on introduit la notion de disponibilité et, avec cette notion, on se retrouve en 1981 avec de moins en moins de présence avec les élèves et, par contre, dans les régimes pédagoqiques, dans les décrets, etc., on veut sensibiliser à la notion de vie d'école, de vie de milieu, d'encadrement d'étudiants et l'enseignant a de moins en moins de minutes en présence des étudiants.

Ce qu'on demande, c'est de revoir cette notion, quitte à avoir un dialogue franc avec les représentants des enseignés et des enseignants pour savoir comment on peut faire de l'école un vrai milieu de vie. On demande à l'adulte qui est le plus près des enfants, l'enseignant, que de plus en plus, au lieu de faire comme avant 35 heures, il fasse 25 heures, 22 heures, 17 heures, etc. On limite sa présence strictement à donner des cours. Est-ce que le milieu de vie c'est de donner strictement des cours? Ce sont des questions comme celles-là qu'on pose.

On dit: II est temps, si on croit aux objectifs d'État reconnus dans les régimes pédagogiques, qu'on aborde cette question peut-être sous un autre angle que celui abordé de 1975 à 1982.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Sur cette même question, est-ce que ceci n'est pas le résultat de certaines plaintes des enseignants, enfin, le sentiment que les enseignants ont développé à savoir que, finalement, la tâche d'enseignement n'était pas répartie d'une façon aussi juste. Je m'explique. Certains enseignants, parce qu'ils assumaient une plus grande part d'encadrement, voyaient diminuer leur période d'enseignement alors que d'autres la voyaient augmenter. Cette division, à certains points de vue, est regrettable, soit le minutage de tout le monde sur l'enseignement et l'encadrement, et sur ce résultat de la négociation entre cadres, principaux et certains enseignants, n'y a-t-il pas eu des plaintes? Est-ce exact ou si ça ne s'est pas produit?

M. Bourque: II peut y avoir eu des plaintes, mais quand on parle particulièrement de globaliser la tâche de l'enseignement, je fais référence au niveau secondaire. À ce niveau secondaire, l'enseignant a 20 périodes d'enseignement plus deux, ce qu'on appelle nous, dans notre langage, deux BCD, deux périodes d'activités BCD. C'est soit de la surveillance, de l'encadrement ou de la récupération. Mais tout le monde doit avoir deux périodes de ces activités. Je ne sais pas si on devient absolument respectueux même de l'enseignant quand on l'oblige nécessairement à passer au niveau de ces activités. Ce n'est pas tout le monde qui a les mêmes aptitudes pour l'encadrement, pour la récupération, pour la surveillance. On sait qu'il y a des enseignants qui pourraient vraiment être très habiles pour faire de l'encadrement avec les étudiants alors qu'un autre enseignant se voit très bien, comme enseignant, à donner des cours comme tels.

Cela donnerait tout simplement dans le milieu même plus de latitude d'organisation scolaire. Je pense qu'au niveau du milieu scolaire, on est sûrement capable de s'entendre avec nos enseignants pour dire: Écoute un peu, ta tâche globale est de 22 périodes. Tes 22 périodes à toi, après avoir jasé avec eux, toi, ça sera ça. Tel autre, ça sera ça. Pour quelle raison nous obliger? Pourquoi venir scinder cette tâche en 20 périodes d'enseignement plus deux BCD? Pour les BCD, j'espère que vous comprenez ce que je veux dire. On devrait, pour permettre de réaliser davantage les objectifs de l'éducation, avoir la latitude de jaser avec notre monde là-dessus pour pouvoir répondre plus adéquatement aux besoins de l'organisation de la commission scolaire et même aux besoins de l'individu.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que ce que vous dites est souhaitable en principe, mais il faut bien s'assurer que, dans la pratique, cela ne se traduit pas par une charge plus grande d'heures ou de périodes d'enseignement pour certains individus par rapport à d'autres, mais je ne veux pas m'étendre longtemps là-dessus. Vous avez dit tout à l'heure en page 4 - je pense que c'est le résumé celui-là - que l'intérêt gouvernemental ne s'est exprimé que par le biais du ministre responsable du Conseil du trésor. Est-ce qu'il suffit de dire qu'à toutes fins utiles, quand sont arrivés les moments épineux, j'imagine, le regroupement des établissements, qui faisait partie de la partie patronale, et le ministre de l'Éducation étaient plutôt absents du dossier lors de la négociation de la dernière convention collective?

M. Myette: On ne dit pas que le ministre de l'Éducation était absent. Ce qui nous apparaît, c'est qu'il y avait un organisme prévu par la loi, qui était le CPNCC, qui devait négocier et, de par la même loi, on reconnaissait une voix prépondérante au Conseil du trésor. Dans le vécu, ce qui nous apparaît, c'est que, même lorsqu'il y avait entente sur des objectifs d'éducation entre le ministère de l'Éducation et la Fédération des commissions scolaires, l'intérêt gouvernemental, tel qu'on l'a souvent apporté, traduit dans les propos du président du Conseil du trésor, a fait qu'on a concédé des choses aux syndicats même si le ministre de l'Éducation et la Fédération des commissions scolaires n'en étaient pas d'accord. En d'autres mots, ce qu'on doit malheureusement constater, c'est que les mandats de négociation n'ont pas été, même dans les contenus à caractère pédagogique, la prérogative du ministère de l'Éducation et de la fédération, mais ont toujours été en fin de compte décidés par le président du Conseil du trésor.

Mme Lavoie-Roux: Qui, apparemment, a moins d'aptitudes de ce côté-là peut-être, à définir les grandes lignes des projets éducatifs.

M. Myette: On peut dire que dans les textes, on le vit présentement. On a à certains paragraphes, des difficultés d'application.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question. À la page 10, dernier paragraphe, cette fois-ci du petit mémoire, vous dites: "Les conventions collectives ont un impact majeur sur les coûts financiers qu'elles génèrent -évidemment, cela va de soi - et sur les possibilités des choix financiers des commissions scolaires. Les quelques mois que nous avons vécu en appliquant les nouvelles conventions collectives nous ont permis d'identifier une série de privilèges dont les coûts sont difficilement prévisibles au moment de la préparation des prévisions budgétaires. " Remarquez bien que ce ne sera pas nouveau avec le gouvernement actuel, je pense que c'était le même cas avec l'ancien et les autres qui ont précédé. On signe des conventions collectives, sans savoir ce qu'elles vont coûter. Du point de vue de la responsabilité gouvernementale, cela laisse à désirer. C'est une première réflexion.

À l'heure actuelle, êtes-vous capables de prévoir - quand même, cela fait combien de mois? - d'une façon définitive quels sont les coûts des dernières conventions collectives qui ont été signées? De plus, pouvez-vous nous dire si vous vous entendez quant au quantum des coûts des conventions collectives et si le gouvernement actuel assume ses responsabilités en totalité quant aux obligations qui découlent de la signature des dernières conventions collectives dans le monde de l'éducation?

M. Myette: À la première question, quant à prévoir les coûts, il nous apparaît que ce qui a été consenti à la table centrale a été mal évalué. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'évaluation. Nous n'étions pas là. Mais il nous apparaît que cela a été mal évalué. Je vous donne comme référence les droits parentaux. Je ne veux pas apporter ici de chiffres, de millions, mais il vous suffira de voir les crédits qui ont été débloqués pour payer les droits parentaux consentis et la réelle facture après une année d'utilisation des droits parentaux et vous allez voir qu'il y a une différence. Malheureusement ou heureusement, ce sont les commissions scolaires, à l'intérieur de nouvelle allocation de ressources qui est fermée, qui ont dû l'absorber.

Je vous donne un autre exemple. Quand on dit que dorénavant, un remplaçant d'un enseignant absent sera un contractuel avec tous les bénéfices de la convention collective, on ne pouvait évaluer ces coûts; encore là, les allocations qui ont été données ne correspondent pas aux coûts. Je ne vais pas plus loin. Je vous dis que les coûts, tout en ayant possiblement été évalués, ne correspondent pas à la réalité.

Est-ce que, cette année, il est possible de prévoir les coûts? Il est possible de prévoir des coûts dans bon nombre de situations puisqu'on a maintenant un an de vécu de convention, mais il y a des coûts comme tels qui sont difficiles à prévoir. Je vous donne en exemple l'indexation consentie dans les conventions collectives des salaires, des forfaitaires de protection du revenu, etc. À ce jour, en tout cas, en tant qu'administrateurs de commissions scolaires, nous n'avons pas reçu - possiblement qu'on les recevra - de règles disant qu'ils seront

financés directement ou s'ils seront pris à même le budget fermé de la commission scolaire.

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire, M. le Président, qu'au-delà de la non-indexation de certaines dépenses incompressibles, s'ajoute, si je comprends bien, dans les coupures budgétaires du domaine de l'éducation, pour un certain montant ou une certaine partie, un non-paiement pour ne pas dire un non-respect des promesses du ministre des Finances, à savoir qu'il remplirait toutes ses obligations quant aux effets qui découlaient des négociations collectives. Est-ce exact?

M. Myette: C'est-à-dire que je ne me permettrais pas d'aller jusque-là, mais...

Mme Lavoie-Roux: Non, je comprends que c'est difficile pour vous.

M. Myette:... je vous dis qu'avec les restrictions budgétaires imposées aux commissions scolaires - vous êtes sûrement au courant des restrictions budgétaires, des coûts onéreux des conventions collectives -les commissions scolaires font face à des choix très difficiles. Qu'il me suffise de vous donner un exemple sur un service complémentaire, le service des cafétérias. Quand, par la convention collective, on reconnaît, et on ne nie pas le droit qui est donné là, que, dans une journée pédagogique, le travailleur de cafétéria ne doit pas perdre son salaire, laissez-moi vous dire que, quand vous avez 20 journées pédagogiques et qu'il faut payer 20 salaires sans vendre de repas, il faut que vous récupériez quelque part.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, messieurs.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que vous avez un complément de réponse, madame?

Mme Tremblay: Cela va.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie l'Association des cadres scolaires du Québec. L'audition de ce mémoire met fin à l'audition des mémoires par cette commission depuis cinq jours.

Pour terminer nos travaux, j'invite d'abord le représentant de l'Opposition à tirer ses conclusions. Par la suite, je céderai la parole au ministre pour le mot de la fin. M. le député de Jean-Talon.

Conclusions

M. Jean-Claude Rivest M. Rivest: M. le Président, j'aimerais d'abord - puisque vous m'invitez si aimablement à vous adresser mes remarques de conclusion - vous remercier, au nom de l'ensemble de nos collègues, de la façon que vous avez présidé aux travaux de cette commission. Je suis également persuadé que tous ceux qui ont eu à intervenir et ceux qui ont témoigné à cette commission ont apprécié le travail que vous avez fait. Je voudrais, bien sûr - le ministre le fera sans doute pour ses collègues - remercier mes collègues de la commission, le député de Sainte-Anne en tête, m'a-t-il demandé de préciser, la députée de L'Acadie, le député de Saint-Henri, le député de Jacques-Cartier ainsi que le député de Marquette; nous avons tenté de nous partager la tâche de façon à avoir une étude plus approfondie de tous les mémoires au nom de l'Opposition officielle.

Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais il y a des attentes - je pense que le ministre en est conscient extrêmement sérieuses qui sont dans la population sur toute la question des relations de travail dans les secteurs public et parapublic. On a vu qu'il s'agissait là d'un sujet extrêmement complexe. Cela fait quinze ans que la société québécoise vit une expérience qui, à bien des égards, a été difficile pour ne pas dire pénible. Cela apporte ou impose au gouvernement un devoir d'action, dans le sens, à notre avis, de changements profonds. Bien sûr, ni le gouvernement ni même l'Assemblée nationale ne peuvent légiférer sur les attitudes et les comportements des parties à ces négociations. On sait que c'est là un point capital, mais, néanmoins, il y a certainement des choses extrêmement importantes et significatives qui doivent être faites sur le plan du changement du cadre juridique de ces négociations.

Les mémoires que nous avons reçus étaient d'une qualité qu'on doit reconnaître et, ayant participé directement ou indirectement à plusieurs commissions parlementaires, je dois dire que mes collègues et moi-même avons été impressionnés par la gualité des mémoires qui ont été présentés. On regrette, bien sûr, je le signale en passant, que le gouvernement qui est le patron dans ces négociations n'ait pu se manifester au niveau de cette commission parlementaire. On aurait certainement eu des questions utiles, enfin, des questions importantes, à adresser aux porte-parole du Conseil du trésor et surtout des affaires sociales puisque l'essentiel de nos débats a tourné sur la question de la santé et de la sécurité.

En terminant, M. le Président, quant à nous, je pense que, comme Opposition officielle, dans les semaines et les mois qui vont suivre, notre rôle consistera à nous définir nous-mêmes, à dégager nos conclusions de l'ensemble des témoignages

qu'on a eus. Je veux donner l'assurance à tout le monde que nous allons nous y employer dans les tout prochains jours pour dégager, pour notre formation politique, les conclusions qui ressortent des témoignages. Je ne veux pas, à ce moment-ci, m'engager dans le contenu de cette prise de position que nous allons devoir prendre dans les prochains jours, mais je veux également bien indiquer que, comme Opposition officielle -au niveau de la commission parlementaire, il s'agissait d'entendre les intéressés - nous avons un rôle additionnel qui est celui de rappeler au gouvernement d'exercer toutes les pressions possibles et, je pense, au nom de l'opinion publique et sans doute au nom même de l'intérêt public, d'exercer sur le gouvernement toutes les pressions nécessaires pour l'amener à dépasser le stade du diagnostic qui a été fait par le premier ministre lui-même sur l'état des négociations dans les secteurs public et para-public. (18 h 45)

On sait que le premier ministre a fait un diagnostic extrêmement sérieux. Il a parlé d'une société qui avait la corde au cou; il a parlé, entre autres, dans le domaine de la santé, de la question des services essentiels, d'une révision de fond en comble. Alors, c'est sûr que quant à nous, l'Opposition officielle, on ne pourrait se contenter, je pense que l'opinion publique non plus, d'un simple rafistolage des institutions en place. Il faudra qu'il y ait une volonté politique chez le gouvernement de répondre aux attentes de la population. C'est dans ce sens, M. le Président, que cette étape longue et sans doute nécessaire que nous venons de franchir devra, j'espère, nous conduire, autant du côté de l'Opposition officielle que du côté du gouvernement, à une amélioration du régime des relations de travail qui était au coeur, si je ne m'abuse, du mandat même de notre commission.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.

M. Pierre Marois

M. Marois: Merci, M. le Président. On me dit que nous siégeons à cette commission depuis maintenant un peu plus de 56 heures d'auditions, d'échanges, de discussions; je ne vais donc pas allonger indûment ces travaux. J'ai eu l'occasion au tout début de dire qu'il m'était arrivé comme homme politique comme parlementaire, de vivre, Dieu merci, certains moments où les hommes et les femmes politiques, me semblait-il, étaient capables de s'élever au-dessus d'une certaine petite partisanerie politique. Je nous avais invités, en essayant de m'inclure la-dedans, bien sûr, à le réaliser concrètement. Surtout étant donné l'importance du problème qu'on avait à traîter ensemble et à discuter avec les divers groupes et les citoyens et citoyennes qui nous ont soumis des mémoires.

Je veux remercier mes collègues de ce côté-ici de la table, mais je voudrais également remercier très sincèrement chacun et chacune des membres de cette commission. Je n'ai pas été déçu. Nos concitoyens, les Québécois et les Québécoises, ont pu suivre nos débats par l'entremise de la télévision. En passant, je pense bien que 56 heures de travail pour nous, c'est aussi 56 heures de travail pour l'ensemble de l'éguipe de soutien de l'Assemblée nationale, l'équipe technique qui s'est chargée de télédiffuser nos travaux. Je voudrais en passant la remercier en notre nom à tous. Nos concitoyens porteront eux aussi leur jugement, mais en ce qui me concerne je n'ai pas été déçu sur ce plan et je tiens à remercier encore une fois chacune et chacun des membres de cette commission.

Quelque temps avant de nous engaqer dans les travaux de cette commission parlementaire qui était une première du genre, d'ouvrir un tel forum public sur une question aussi importante - c'était une grande responsabilité pour le gouvernement -nous étions confiants qu'il y avait dans la population une capacité de générer un certain nombre d'éléments, de pistes, de suggestions concrètes susceptibles de constituer un ensemble cohérent, réaliste, responsable de solutions possibles accrochées au bon sens. Là aussi, je n'ai pas été déçu. Je fais allusion ici aux mémoires qu'on a reçus, aux témoignages des divers groupes de citoyens, de citoyennes qui sont venus devant nous. Je crois qu'il faut dire les choses franchement. Un certain nombre, hélas: se sont cantonnés dans des absolus, d'autres ont refusé d'accompagner cette recherche commune. Mais je dois dire que dans l'ensemble, je n'ai pas été déçu. Nous avons écouté, nous avons questionné, nous avons échangé entre nous de nombreuses suggestions; de nombreuses recommandations extrêmement valables et intéressantes nous ont été soumises. Notre rôle était d'écouter, de guestionner, de pousser, d'explorer ces diverses avenues proposées avec les divers participants et participantes. Bien sûr, il est trop tôt à ce moment-ci de nos travaux pour dire, de notre côté et du côté gouvernemental, de quelle façon précise et concrète il sera possible de transposer dans la réalité ces avenues. Je pense que l'ensemble des Québécois et des Québécoises aura pu mesurer, comme l'évoquait le député de Jean-Talon, la complexité du problème. Ce n'est pas un problème simple. Pour le moment, il va nous falloir revoir avec attention le bagage important, considérable, extrêmement positif contenu dans les mémoires, les propositions et aussi, je dirais, certaines admissions qui ont été faites ici devant nous en commission parlementaire.

II m'apparaît déjà qu'un certain nombre de choses ressortent de façon claire. D'une part, cette commission, je le crois, aura été extrêmement utile; deuxièmement, si, vraiment, c'est la volonté des uns et des autres - et c'est la volonté du gouvernement - que cessent certains abus de part et d'autre constatés. Peu importent le nombre et la quantité, on pourra toujours discuter les chiffres réels, vérifiés, il faut assurer, par voie de conséquence, ce droit fondamental, essentiel des hommes et des femmes du Québec à avoir accès à leurs services essentiels. Je songe en particulier aux services et aux soins de santé. Si tant est qu'on veut le garantir et qu'on veut prendre les moyens, il va de soi que le statu quo ne pourra pas être maintenu et qu'il va devoir être changé.

Cela supposera donc forcément des changements législatifs. On en verra l'ampleur et la portée un peu, beaucoup, passionnément; on y verra, mais il va falloir aussi, vraisemblablement, possiblement, des changements administratifs et également des changements de comportement et d'attitude. En ce sens, c'est une triple responsabilité syndicale, patronale, mais aussi gouvernementale.

Je maintiens, après l'audition de tout ce qu'on a pu entendre ici, que la dernière ronde de négociations a marqué une amélioration par rapport à ce qui avait pu être vécu par le passé, mais une amélioration qui demeure encore insuffisante par rapport aux attentes légitimes des Québécois et des Québécoises. Il va donc de soi qu'il va falloir regarder de très près aussi les mécanismes mêmes de la négociation, certaines causes fondamentales qui détériorent de façon à peu près permanente le climat, comme on dit, des relations de travail et qui ne sont pas sans avoir des effets et des conséquences importantes lorsqu'arrivent les périodes de conflit.

Il va de soi aussi que les services essentiels demeurent une priorité au sens strict du mot. J'ai retenu, en ce qui me concerne, partant de nombreux témoignages, mais en particulier de certaines admissions provenant de représentants syndicaux, que, dans certaines unités - c'est leur propre témoignage, je les cite, me semble-t-il, à peu près textuellement - dans certains services, en particulier, de centres hospitaliers, la façon d'assurer les services essentiels, c'était de les assurer à 100% ou presque. Ce sont des admissions qui ont été faites devant nous et il faudra voir à trouver les moyens pour faire en sorte que cela se transpose dans la réalité.

La responsabilité du gouvernement est aussi d'assurer les besoins des plus démunis. Quand on pense à des malades chroniques, en particulier, je crois qu'il s'agit de citoyens démunis par rapport à d'autres, ces besoins doivent être profondément comblés.

Notre commission aura contribué à relancer une réflexion et une prise de conscience non seulement chez nos concitoyens, mais aussi chez les parlementaires et, comme on dit, chez les parties patronale et syndicale. Il faut que cette réflexion et cette prise de conscience se poursuivent, en particulier, je le dirai comme je le pense, chez les salariés de l'État, notamment ceux du secteur hospitalier. Ce n'est certainement pas un secteur où l'utilisation du droit de grève est facile, automatique et sans conséquence.

Le poids de l'opinion publique pèse lourd et de plus en plus. Il va falloir en tenir compte, comme d'ailleurs, en avaient pourtant tenu compte, à l'époque, ceux qui étaient les mandataires de ces syndiqués et qui avaient obtenu dans les années 1964 le droit de grève.

C'est frappant, quand on relit le journal des Débats des 16, 17, 18 mars 1964, de voir à quel point les témoignages en particulier de certains représentants syndicaux demeurent terriblement d'actualité. Il y mettaient énormément de discernement, de conditions qui, me semble-t-il, sont encore à propos.

Avec la fin des travaux de cette commission, M. le Président, à mon avis, tout n'est pas terminé. On a beaucoup de pain sur la planche, bien sûr, du côté gouvernemental et, quand je dis nous, c'est qu'il faut, je crois, qu'au-delà de cette commission les parties impliquées poursuivent leur cheminement. Elles seront sûrement appelées à travailler avec le gouvernement afin de mettre sur papier les moyens permettant de réaliser concrètement certaines suggestions, admissions, recommandations qui nous ont été faites pour faire en sorte que si les droits des uns, qui sont les droits à la libre négociation pour améliorer les conditions de travail et qui s'accompagnent du droit de grève, peuvent et doivent être respectés dans une société démocratigue, en même temps les droits fondamentaux des hommes et des femmes au Québec d'avoir accès à leurs services et à leurs soins essentiels directs soient aussi respectés. Encore une fois, merci à chacun et à chacune des membres de cette commission.

Le Président (M. Rodrigue): Mesdames, messieurs, membres de cette commission, en clôturant les travaux de la commission, je veux d'abord vous remercier de l'excellente collaboration que vous m'avez donnée tout au long de ces cinq journées d'auditions et indiquer que la commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu a accompli le mandat qui lui avait été confié qui était d'entendre les

personnes et organismes relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic et, de façon plus particulière, à l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.

Je demande donc au rapporteur qui a été désigné par cette commission, le député de Duplessis, de faire rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.

La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 58)

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