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(Dix heures vingt et une minutes)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le
mandat de cette commission est d'entendre les personnes et organismes
relativement à l'examen des moyens d'améliorer le régime
de négociations dans les secteurs public, parapublic et
péripublic et, de façon plus particulière, à
l'étude des moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des
services essentiels lors des conflits de travail dans ces secteurs.
Je rappelle que les membres de cette commission sont les
députés suivants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme
Dougherty (Jacques-Cartier), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Harel (Maisonneuve),
M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis) et
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants à cette commission sont les
députés suivants: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier
(Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Pagé (Portneuf), M. Leduc
(Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont), M. Polak
(Sainte-Anne) et M. Rochefort (Gouin).
Comité de parents de la région de
Trois-Rivières
Pour commencer nos travaux en ce mercredi 23 septembre, nous entendrons
d'abord les représentants du Comité de parents de la commission
scolaire de Trois-Rivières que j'invite à prendre place à
la table et à nous présenter leur mémoire. Ce
mémoire nous sera présenté par Mme Louise Gélinas.
C'est bien ça?
Mme Gélinas (Louise): Oui, c'est ça.
Le Président (M. Rodrigue): Mme
Gélinas, si vous vouliez nous présenter les personnes qui
vous accompagnent et procéder à la présentation de votre
mémoire.
Mme Gélinas: Je suis Louise Gélinas du
comité de parents de Chavigny qui englobe les villes de
Trois-Rivières-Ouest, Sainte-Étienne-des-Grès et
Pointe-du-Lac. J'ai ici, à mes côtés, M. Claude Tardif du
comité de parents de Trois-Rivières et aussi M. Bertrand
Saint-Onge du comité de parents régional de la Mauricie.
Le Président (M. Rodrigue): Tout simplement un rappel au
départ, ce matin. Les groupes ont 20 minutes pour présenter leur
mémoire autant que possible. Cela nous arrive de dépasser, mais
on apprécierait beaucoup que vous puissiez le faire dans ce temps. Nous
demandons autant aux représentants de l'Opposition que du parti
ministériel de ne pas dépasser une période de 20 minutes
de questions.
Mme Gélinas: Comme nous l'avons dit, c'est le
mémoire des comités de parents du territoire des Vieilles-Forges
et des comités de parents de la région 04. Je tiens aussi
à mentionner que le conseil d'administration de la
Fédération des comités de parents de la province de
Québec appuie notre mémoire quant aux recommandations.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres
de la commission parlementaire, dans le passé, les parents ont souvent
manifesté des réticences quant à l'opportunité
d'intervenir directement dans les mécanismes régissant tout le
fonctionnement du système scolaire. Ils croyaient que les organismes en
place pouvaient adéquatement exercer un contrôle, assurant aux
enfants le meilleur service éducatif. Au fil des ans, cependant, nous
nous apercevons que tel n'est pas le cas et qu'un vigoureux coup de barre doit
être donné au niveau de l'éducation et plus
particulièrement sur le droit de grève dans ce milieu. Afin de
mieux sensibiliser cette commission à la position précise des
parents, ce mémoire sera fragmenté en sept volets: l'enfant dans
notre société moderne, conséquences des arrêts de
travail au niveau de l'enfant, la participation des parents, les
négociations locales, conseil d'information et pouvoir d'enquête,
critiques sévères de la société et, finalement, les
recommandations.
L'enfant dans notre société moderne. Nous savons tous que
la santé intellectuelle des futurs citoyens et, conséquemment,
l'avenir d'un pays dépendent certes de la présence et de
l'attention des parents, mais aussi - et ce, pour une très large part -
de l'apprentissage des enfants et des jeunes adultes à
l'école.
Le préambule de la Loi du ministère de l'Éducation,
au chapitre 233, appuie cette affirmation dans ces termes: "Tout enfant a le
droit de bénéficier d'un système d'éducation qui
favorise le plein épanouissement de sa personnalité. "
Les Nations Unies ont adopté, par ailleurs, à l'automne
1959, une Déclaration des droits de l'enfant qui concerne
spécifiquement l'éducation: le droit à l'éducation
gratuite, aux activités récréatives et aux loisirs; le
droit aux moyens de se développer d'une façon saine et normale
aux plans physique, intellectuel, moral, spirituel et social.
Alors, est-il besoin de mentionner que les droits acquis des enfants
dans le domaine de l'éducation datent officiellement au point de vue
international de 1959? Et, en contrepartie, il nous faut aussi mentionner que
le droit de grève dans les secteurs public et parapublic ne fut obtenu,
au Québec, qu'en 1964.
Le respect du droit de l'enfant à l'éducation deviendra
pour les prochaines années le cheval de bataille des parents; nous nous
ferons un devoir de convaincre tous les agents du système scolaire que
ce droit de l'enfant doit devenir leur préoccupation
première.
L'école que nous préconiserons, idéologiquement,
n'aura aucun reflet politique ou syndicaliste; cette école sera
centrée sur l'apprentissage et le bien-être de l'enfant. En un
mot, nous protégerons et défendrons ce droit naturel et
intrinsèque de l'enfant contre toute agression sociale sur ce même
droit.
Conséquences des arrêts de travail au niveau de
l'enfant.
Évidemment, la répétition des grèves et
lock-out provoque des retards dans la réalisation des programmes
d'étude. Le rattrapage est généralement possible;
cependant, il se fait en imposant des séances intensives d'étude
aux enfants. Les retards dans les matières telles que le français
et les mathématiques sont généralement comblés;
mais cette récupération se fait presque toujours aux
dépens des matières dites secondaires et au détriment des
enfants les plus lents ou les moins motivés. Souvent, ces
élèves moins talentueux, découragés par le
prolongement d'un arrêt de travail, abandonnent leurs études et se
retrouvent prématurément sur le marché du travail,
handicapant ainsi leur avenir.
Il devient de plus en plus difficile de pouvoir couvrir l'étendue
de chacun des programmes en temps ordinaire. S'il faut encore, et presque
chaque année, soustraire du temps en raison des grèves ou
lock-out, le retard s'accumule alors à un rythme
accéléré.
Près de 20 000 élèves, sur le territoire des
Vieilles-Forges, ont subi, durant les années 1979-1980 et 1980-1981, le
nombre impressionnant de 51 jours de grève, soit onze jours au niveau
national, et 40 jours localement. Nous pouvons nous demander
sérieusement quelle fut la qualité de l'enseiqnement donné
aux enfants de ce territoire, à la suite du présent
exposé.
La participation des parents. À ce propos, à titre de
qardiens des droits de leurs enfants, les parents ont des devoirs
impératifs. Ils ont aussi des obligations stipulées dans la Loi
sur l'instruction publique, au chapitre M-14, paragraphe 256: "Tout enfant doit
fréguenter l'école chaque année, tous les jours pendant
lesquels les écoles publiques sont en activité suivant les
règlements établis par l'autorité compétente depuis
le début de l'année scolaire, suivant le jour où il
atteint l'âge de six ans jusqu'à la fin de l'année scolaire
au cours de laquelle il a atteint l'âge de 15 ans. "
La loi reconnaît aux parents une responsabilité
première dans la garde et l'éducation des enfants, mais elle n'a
pas prévu de pouvoir aux parents s'ils ne peuvent remplir leurs
obligations à la suite d'événements tels que grèves
et lock-out en milieu scolaire.
La déclaration de l'Organisation des Nations Unies sur les droits
de l'enfant est très explicite au sujet du rôle des parents:
"L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide
de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son
orientation. Cette responsabilité incombe en priorité à
ses parents. "
À toutes ces considérations juridiques s'ajoutent d'autres
motifs plus terre à terre, mais non moins importants. En effet, les
parents sont aussi des électeurs et des contribuables. Tout le monde
connaît les coûts astronomiques enqendrés par les
négociations. À ce sujet, nous pouvons citer M. Lucien Bouchard,
avocat et négociateur gouvernemental. Ce dernier s'exprime ainsi, dans
la revue L'Actualité de février 1981: "Une négociation,
c'est une industrie. Les dernières ont coûté près de
20 000 000 $. Il y a des centaines de personnes libérées de leurs
fonctions du côté syndical, autant du côté
gouvernemental. "
Dans un autre domaine, le récent trou de 500 000 000 $ a
laissé perplexes plusieurs contribuables au sujet des moyens de
contrôle dont dispose le gouvernement. Chacun se cache derrière
l'autre, et bien malin est celui qui trouvera, parmi le gouvernement, le
syndicat et les commissions scolaires, tous suspects plausibles, le
véritable coupable. Nous croyons plutôt que l'ensemble du
système est déficient et nous apporterons, d'ailleurs, dans nos
recommandations, une attention spéciale à ce sujet. (10 h 301
Puisque nous citons des chiffres, il ne
faut pas passer sous silence le fait qu'au Québec
l'éducation est beaucoup plus dispendieuse qu'ailleurs. Voyons ce que
dit encore une fois M. Lucien Bouchard dans l'Actualité de 1981: "II est
établi hors de tout doute qu'au Québec, chaque
élève coûte 500 % de plus par année qu'en Ontario.
Les enseignants du Québec enseignent moins, travaillent moins et sont
payés plus cher que leurs collègues de l'Ontario. "
Devant cette situation, les parents demandent un contrôle
draconien des dépenses encourues lors des rondes de négociations.
Toute la procédure les entourant doit être mise en question devant
la preuve irrévocable qu'ici au Québec, l'éducation
coûte très cher et plus qu'ailleurs, les parents payeurs de taxes
et d'impôts sont plus que jamais convaincus de la nécessité
de leur action, de la nécessité aussi d'être
renseignés sur les coûts des conventions collectives.
On peut aussi constater qu'un article de la Loi du ministère de
l'Éducation ne semble pas être la préoccupation majeure des
gouvernements. Nous faisons ici référence au chapitre 233,
articles 1 et 2. Le ministre de l'Éducation, désigné dans
la présente loi sous le nom de ministre, est chargé de la
direction et de l'administration du ministère de l'Éducation. Il
est également chargé de l'application des lois relatives à
l'éducation et des lois d'aide à la jeunesse. Le ministre a la
responsabilité de promouvoir l'éducation, d'assister la jeunesse
dans la préparation et l'orientation de son avenir et d'assurer le
développement des institutions d'enseignement.
Aujourd'hui, l'administration, les problèmes budgétaires
et les relations de travail ont relégué au second plan les
raisons premières de la création du ministère de
l'Éducation, l'apprentissage de l'enfant.
Les enfants sont nos mandants. Nous devons donc défendre leurs
droits auprès de la société. Cette affirmation à
elle seule justifie la participation et l'implication des parents dans le
domaine de l'éducation.
Les négociations locales. Les négociations sont devenues
très techniques et demandent l'implication et la collaboration de
spécialistes. Au niveau local, chacune des parties s'improvise souvent
des négociateurs qui, dans bien des cas d'ailleurs, n'acquièrent
aucune expérience puisque l'équipe se renouvelle à chaque
négociation. Du côté syndical, il s'agit d'un professeur
ayant des talents pour le syndicalisme, du côté patronal, il
s'agit d'un cadre auquel les dirigeants de la commission scolaire font suivre
en vitesse un cours sur le sujet.
Les négociations locales créent des disparités
régionales dans les conditions de travail, lesquelles conditions
devraient être uniformes pour tous les enseignants de la province. De
plus, elles engendrent des coûts différents d'une région
à l'autre. En effet, les interpétations de l'entente nationale
sont nuancées localement. Nous citons, à titre d'exemple, les
demandes syndicales du territoire des Vieilles-Forges. Ces chiffres ont
été mis en preuve lors de l'arbitrage du conflit:
Suppléance, demande supérieure à l'entente nationale, 508
000 $; année-matière: aucune mention à l'entente
nationale, 450 000 $. Or, nous savons que les coûts additionnels
résultant d'une entente locale contraire aux dispositions de l'entente
nationale ou ne respectant pas le partage des matières tel que
prévu sont assumés exclusivement par la commission scolaire. Il
est donc inadmissible que des contribuables paient plus cher que d'autres pour
l'éducation de leurs enfants.
Tel que le fait remarquer le Conseil supérieur de
l'éducation dans son rapport annuel 1979-1980, à la page 159, les
négociations locales sont loin de simplifier le bon fonctionnement du
système scolaire. "Au plan local, les négociations laissent
filtrer des blocages qui paraissent encore pires. Les meilleures
volontés sont déconcertées tant ces entreprises sont
devenues complexes. "D'une part, les contenus des ententes s'alourdissent
chaque fois de normes qui empêchent l'assouplissement du système
et le fonctionnement idéal des écoles parce qu'ils
privilégient les droits des parties au détriment des droits des
élèves et des besoins pédagogigues. "D'autre part, la
façon dont sont impligués les enseignants durant le temps des
négociations provoque des tiraillements internes importants et ne laisse
souvent qu'une année de calme entre chaque ronde. "
L'impact d'une grève au niveau national est certes
supérieur à celui d'une grève locale. Mais, de par ce
fait, si le problème est provincial, l'opinion publigue contrebalance ce
désavantage. Le gouvernement ne peut laisser pourrir un conflit quand
tout le système est en panne.
Certaines négociations locales sont devenues des cauchemars. Nous
pouvons encore citer le cas du territoire des Vieilles-Forges où une
grève a paralysé les cours des élèves durant
quarante jours, à l'automne 1980.
Il n'y a aucun doute dans notre esprit que, si ce conflit s'était
révélé d'envergure nationale, jamais le gouvernement
n'aurait osé demeurer silencieux aussi longtemps.
De plus, sur ce territoire, il n'y a jamais eu d'entente signée
au niveau local depuis que ces négociations locales existent telles que
nous les connaissons.
Après la signature de l'entente nationale, nous respirons avec
peine, encore sous l'effet des traumatismes causés par cette
période houleuse, lorsque déjà pointent à l'horizon
ces mêmes négociations locales
prêtes à nous étouffer.
De l'avis général des parents, les négociations
locales sont superflues et elles doivent être abolies
définitivement.
Dans l'avenir, toutes les négociations devraient se tenir sur le
plan provincial. C'est le seul moyen d'éviter conflits et
disparités inutiles.
Conseil d'information et pouvoir d'enquête. Nous apporterons
maintenant notre opinion sur le fonctionnement du conseil d'information, tel
que prévu dans la loi 59 à l'article 99e.
Nous déplorons vivement le fait que ce conseil n'ait pas
exercé adéquatement ses fonctions auprès du public durant
la dernière négociation.
Nous citerons à ce propos Lysiane Gagnon qui a écrit, dans
la "Ronde des bureaucrates", collection Tirés à part de
l'Université Laval, à Québec: "Le conseil a remis cet
été un premier rapport, bien écrit, mais empreint d'un tel
souci de neutralité et, visiblement, d'une telle peur de heurter qui que
ce soit, qu'il n'apprendra pas grand-chose à personne, se contentant le
plus souvent de juxtaposer la position patronale et la position syndicale, sans
que l'électeur soit clairement orienté. "
À notre avis, le conseil se doit d'être
véritablement opérationnel. Ses rapports doivent être faits
de façon régulière et non sporadique. Ces mêmes
rapports devraient paraître intégralement dans les journaux, et ce
durant toute la période des négociations. Il est parfaitement
normal qu'un citoyen soit en mesure, dans un premier temps, de juqer de la
valeur des informations mises à sa disposition et, dans un second temps,
d'analyser la situation réelle, et ceci par le biais d'un organisme ni
patronal ni syndical.
Si certaines gens croient qu'il est dangereux de communiguer à la
population des faits reliés au monde des négociations, nous
croyons qu'il est beaucoup plus explosif de laisser cette population dans
l'iqnorance ou dans l'obligation de rechercher la vérité parmi
tout le dédale des informations biaisées provenant à ses
oreilles.
De plus, nous considérons que les parents doivent détenir
un pouvoir d'enquête. À la suite du conflit sur le territoire des
Vieilles-Forges, une commission d'enquête fut créée en
vertu de l'article 111 du Code du travail. Dans son rapport
déposé le 12 novembre 1980, M. Jean-Guy Duchaîne,
commissaire-enquêteur, déclarait ceci: "Les parents sont
directement concernés par l'instruction de leurs enfants et ils
devraient pouvoir être plus impliqués dans ces
négociations. Comment? La solution n'est pas facile à trouver.
Les enseignants sont représentés par leur syndicat. Les
commissaires d'école et les administrateurs sont
représentés par la table patronale. Une solution à
analyser serait peut-être de donner aux parents, par la création
d'un comité spécifique, un certain pouvoir d'enquête et
d'information sur les négociations entre les parties. "
Nous laissons donc à cette commission le soin de prévoir
dans la loi des mécanismes de recours pour les parents. Nous pensons que
d'observateurs, ils doivent devenir parties constituantes de la loi.
Critiques sévères de la société. Nous
croyons que nous sommes présentement au creux de la vague dans le monde
de l'éducation. Lors d'un sondage publié par Sorecom en septembre
1979, il a été établi que la population s'oppose à
la grève dans les écoles dans une proportion de 77%.
La majorité silencieuse reconnaît au mouvement syndical la
nécessité de son existence mais elle renie le syndicalisme
à outrance, le syndicalisme qui crée une classe
privilégiée en piétinant les droits des uns et en vidant
les poches des autres; et enfin, elle conteste le syndicalisme enclin à
assouvir des orientations idéologiques et des ambitions politiques
plutôt que de rechercher uniquement le bien-être de ses
membres.
Parallèlement, le gouvernement est divisé quant à
l'attitude à adopter lors du renouvellement des conventions collectives
de travail. Il peut acheter la paix afin d'éviter une grève
à la population, mais du même coup, il surtaxe le contribuable au
point de le révolter contre les professionnels de l'enseignement.
De plus, en accordant des avantages exagérés à un
groupe de travailleurs, il crée des disparités énormes
entre le secteur public et le secteur privé.
Le monde de l'éducation est devenu un champ de bataille politique
et idéologique de luttes de pouvoir. Il est révoltant de
constater que l'apprentissage de l'enfant, son droit à
l'éducation est brimé par des facteurs autres que
pédagogiques.
Nos recommandations. La première est l'abolition des
négociations locales, la deuxième, c'est le caractère
public des négociations. Comment? Par la création d'une banque de
données; elle est permanente et paritaire, elle compile des statistiques
sur les conditions de travail des secteurs privé et public, elle diffuse
ces statistiques aux parties, à l'Assemblée nationale et au
public. Par l'action du conseil d'information: l'application de l'article 99e
du Code du travail, l'introduction parmi les membres du conseil d'un parent,
l'étude par le conseil des rapports publiés par la banque des
données et servant ainsi de base à son travail d'information, la
diffusion au public de communiqués sur l'état des
négociations. Finalement, par la création d'une commission
parlementaire: représentation des associations, organismes et personnes
intéressées, argumentation portant sur l'encadrement
général de la rémunération
globale et sur les paramètres généraux en
matière de conditions de travail.
La troisième, c'est le processus du nouveau mode de
négociation. Formation d'une commission parlementaire le 270e jour avant
l'expiration du contrat de travail; au plus tard le 180e jour avant
l'expiration du contrat de travail, détermination par l'Assemblée
nationale du cadre général des conditions de travail à
l'intérieur duquel se situe la limite maximale des coûts
générés par la convention collective; déroulement
de la phase des négociations, tel que prévu aux articles 99g et
99h du Code du travail; attribution du rôle patronal aux groupements des
commissions scolaires et de collèges, car le gouvernement ne doit plus
assumer la responsabilité des négociations et sa situation de
législateur et ses intérêts politiques justifient, quant
à nous, le réalisme de cette demande.
Formation d'un conseil de médiation: sur demande d'une des
parties ou d'une tierce partie; constatation de l'état des
négociations; tentative de rapprochement des parties; publication d'un
rapport. Acquisition du droit de grève ou de lock-out: 30 jours suivant
le rapport du conseil de médiation, avec préavis écrit de
sept jours avant une grève ou lock-out.
Modalités régissant la prise du vote de grève:
journée provinciale de scrutin, vote secret et acquisition du droit de
grève par la majorité absolue des salariés membres d'une
association accréditée.
Poursuites judiciaires: aucun protocole de retour au travail ne peut
annuler les amendes ou sanctions décrétées par les
tribunaux pour des saccages et défis de toutes sortes.
Conclusion. Comme le révèle le présent
mémoire, la recherche première des parents est de rétablir
l'ordre prioritaire des droits des individus qui composent notre
société et ceci, dans l'acceptation du régime dans lequel
nous vivons. La faiblesse des enfants devant un processus aussi complexe oblige
les parents à s'imposer comme les protecteurs de la vie intellectuelle
de leurs enfants. Le droit à l'éducation doit primer un droit de
grève totalitaire et démesuré.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre du Travail.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
les comités de parents du territoire des Vieilles-Forges et les
comités de parents de la région 04 pour leur mémoire. Avec
votre permission, M. le Président, je voudrais céder mon droit de
parole à mon collègue, le député de Prévost,
adjoint parlementaire, qui a particulièrement étudié le
mémoire.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Madame et messieurs,
à mon tour, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour le
ton réaliste et positif de vos suggestions, et vous assurer que toutes
vos suqgestions, dont certaines recoupent des suggestions faites par d'autres
groupes en d'autres domaines que l'éducation, méritent
certainement d'être étudiées très
sérieusement par cette commission et par le gouvernement. Je vais me
confiner à deux questions. Je vais vous poser les deux questions une
après l'autre et vous pourrez répondre.
Premièrement, je constate que, dans vos suggestions, vous
proposez une banque de données; au conseil d'information, vous
ajouteriez la participation des parents; vous proposez une commission
parlementaire publique et un conseil de médiateurs. À tous ces
paliers, vous insistez beaucoup sur l'information du public. On parle si
facilement dans notre société des droits primordiaux des parents
dans l'éducation de leurs enfants. J'aimerais que vous nous disiez un
peu comment les parents se sentent face à ce mécanisme de
négociations dans le secteur de l'éducation, un peu, le cri du
coeur que vous pouvez ressentir.
Deuxièmement, vous suggérez aussi que le rôle
patronal aux négociations provinciales ou nationales devrait être
donné au groupement des commissions scolaires et des collèqes.
Peut-être deux sous-questions: 1. Comment concilier cette remise entre
les mains des commissions scolaires et des collèges des
négociations avec un certain pouvoir que le Conseil du trésor a
pour encadrer ces négociations? 2. Pour quelles raisons croyez-vous que
cette façon de négocier serait plus efficace? Je vous remercie.
(10 h 45)
Mme Gélinas: Je vais me permettre d'intervenir tout de
suite au sujet de la participation des parents, pourquoi on pense que c'est si
important de demander des pouvoirs. Évidemment, nous, aux
Vieilles-Forges, on a vécu un conflit particulier. Je peux vous dire
qu'on était vraiment désemparés à un moment
donné quand on a vu inscrit dans Le Nouvelliste, le journal local: "Les
parents dorment-ils?" Cela nous a causé tout un choc. Évidemment,
on ne dormait pas. On manquait même de sommeil tellement on cherchait les
moyens de s'en sortir. Les moyens qu'on avait n'étaient pas tellement
nombreux. On a fait une pétition qui a ramassé 20 000 signatures
en deux ou trois jours. Chaque jour, on entendait sur des lignes ouvertes des
parents se plaindre de la situation, mais en fin de compte c'est tout ce qu'on
avait comme moyens. On a consulté des avocats et ils nous ont dit: N'y
pensez
pas, vous n'avez pas de moyens légaux d'arrêter une
grève légale. Je répète le mot, mais c'est cela. On
n'avait pas de pouvoirs et on était pris dans une situation qui n'avait
pas de fin. On sait que cela a duré deux mois. Donc, c'est pour cette
raison qu'on demande plus de pouvoirs afin qu'on puisse intervenir dans des
situations semblables. Je pense qu'on a pleinement justifié dans notre
volet Participation des parents que c'est important pour un parent de
contribuer à l'éducation de son enfant. Donc, c'est important
à un moment donné qu'il y ait des moyens d'aller à
l'encontre de certaines pressions qui se font dans le monde de
l'éducation qui empêchent que les droits des enfants soient
respectés.
Il ne faut pas oublier qu'en fin de compte nous sommes devant une lutte
de principe, un principe qui dit: II y a des droits fondamentaux qui sont
rattachés à la personne. Par contre, il y a l'autre principe,
l'autre courant d'idées qui dit: Les droits des syndiqués sont
des droits acquis, le droit de grève, mais il ne faut pas oublier non
plus que le droit de grève est un droit de pression, un droit acquis.
Nous disons ce que nous pensons, c'est que ce droit doit enfin laisser la
place, doit être remanié en considérant les droits
fondamentaux de la personne.
M. Dean: Mais, aussi, votre insistance sur l'information
était dans le sens que, malgré des négociations ou une
grève qui durent assez longtemps soit sur le plan national ou local,
vous sentiez vraiment ne pas avoir les informations pertinentes pour vous
permettre, même comme parents, de porter un jugement ou de prendre
position. Est-ce cela?
Mme Gélinas: J'ai un exemple concret. On dit aussi qu'on
veut que le conseil d'information soit véritablement
opérationnel. Ce n'est pas une idée qu'on a tirée en l'air
comme cela. Au mois de juin 1981, j'ai eu entre les mains cette brochure qui
vient du conseil d'information. Cela a été publié en
novembre 1979. Je ne l'avais jamais eue. Je ne le savais pas. On m'a dit que
c'était même resté dans des caisses. Donc, on dit: Si le
conseil d'information veut être opérationnel, il faut qu'il tente
de rejoindre les parents. Même, dans cette brochure, le conseil
d'information lui-même - je ne vous lirai pas le texte - n'a pas le
même esprit que la loi 59. À l'article 99e, on dit que le conseil
d'information, et je le cite, "est chargé d'informer le public sur les
enjeux de la négociation, les positions respectives des parties, les
écarts séparant les parties et le déroulement de la
négociation. " Là-dedans, le conseil d'information dit
carrément: Si vous voulez vous renseigner, allez dans les journaux.
Ensuite, il dit: Ce n'est pas notre rôle de vous renseigner sur les
écarts. Vraiment, ce qu'on a trouvé d'illogique là-dedans,
c'est que le conseil lui-même ne semble pas saisir l'esprit de la loi 59,
à l'article 99e, et du Code du travail. C'est pour cette raison qu'on
met l'accent sur le conseil d'information. Ce conseil, initialement,
était censé être beaucoup plus opérationnel que le
rôle, en fin de compte, qu'il a joué lors des dernières
négociations.
M. Saint-Onge (Bertrand): II s'agirait d'ajouter à ce que
Louise vient de mentionner. Dans le territoire des Vieilles-Forges et au niveau
de la région no 4, on a voulu faire jouer la loi 24 pour la protection
du jeune en détresse, parce qu'il n'avait pas droit à ce dont il
a droit. On nous a tout simplement répondu qu'on ne pouvait pas mettre
en conflit deux lois l'une contre l'autre et vice versa. Celle-là doit
primer. On a cru comprendre à un moment donné que celle-là
devait primer parce qu'elle avait de l'ancienneté puisqu'elle datait de
1964. Nous préconisions à ce moment-là que l'autre avait
certainement de l'ancienneté parce que le droit de l'enfant avait
été reconnu internationalement depuis 1959. On peut jouer
là-dessus quand on préconise l'ancienneté des lois, mais
il y avait un danger imminent pour les enfants qui étaient pris dans une
grève. C'est pour ça qu'on veut une négociation nationale
plutôt qu'une négociation répartie en deux niveaux pour
plaire à...
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je voudrais moi aussi...
Le Président (M. Rodrigue): II y avait une autre question,
M. le député de Prévost?
M. Dean: C'était une question sur le fonctionnement de
votre négociation avec...
Mme Gélinas: Si je vous ai bien compris, vous trouvez
illogique, dans un sens, qu'on demande que le gouvernement se retire et, par
contre, qu'on lui demande de déterminer les paramètres
généraux des conditions de travail. Autrement dit, on l'implique
au niveau de l'Assemblée nationale et on l'enlève au niveau du
Conseil du trésor et au niveau de la table centrale. Pourquoi est-ce
qu'on veut que se retire le gouvernement? C'est qu'on trouve que, en fin de
compte, il est en conflit d'intérêts. De plus, les personnes les
mieux placées pour juger des conséquences de certaines clauses au
niveau des conventions, ce sont peut-être les personnes qui vivent
quotidiennement cette convention collective, c'est-à-dire les
commissions scolaires, dans ce cas-ci, et les
syndicats.
Par contre, si on implique l'Assemblée nationale au niveau de la
détermination de la masse des coûts, c'est qu'on connaît les
personnes qui ont déterminé ces avantages. C'est un moyen de
contrôle. On l'a dit: on trouve que ça coûte cher,
l'éducation. En tant qu'électeurs et contribuables, on pense
qu'on a notre mot à dire là-dessus. Présentement, vous le
savez, nous subissons des coupures budgétaires. Ces coupures,
évidemment, affectent certains services. On en parle aussi au niveau des
cours aux adultes, les institutions sont pénalisées, il y a des
coûts plus élevés. On se dit qu'il faudrait peut-être
trouver une solution moyenne, en donner un peu moins, contrôler plus les
coûts qu'on injecte dans les négociations, autrement dit, pour
payer les gens. On le sait, on l'a dit: En fin de compte, les syndiqués
de la fonction publique, c'est un monde privilégié. Par contre,
ces sommes, on pourrait les employer pour qarder nos services essentiels.
Finalement, ce qui arrive, c'est que ça coûte de plus en
plus cher et on a de moins en moins de services, ce qui est aberrant. En
impliquant l'Assemblée nationale, on implique tout le monde, les
députés d'arrière-ban, tout le monde. Ce n'est pas
seulement une personne, ce n'est pas seulement le président du Conseil
du trésor.
M. Tardif (Claude): On pourrait ajouter aussi
l'élément suivant. La masse salariale serait
déterminée par discussion entre tous les agents concernés,
à savoir les agents du gouvernement, les syndicats ou toute autre
personne, dans n'importe quel milieu, qui pourraient défendre certaines
positions au sein d'une commission parlementaire. Après cette commission
parlementaire, la masse globale serait établie, on l'espère, en
respectant le mieux-être de l'ensemble de la population. Une fois cette
masse établie, le gouvernement se retire et dit aux commissions
scolaires et aux syndicats: Maintenant, négociez à
l'intérieur de ce cadre.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, tout en accueillant les
parents à la commission, je pense que je vais céder mon droit de
parole au député de Saint-Henri.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Saint-Henri.
M. Hains: Bonjour. Je reviens, madame, à la question du
conseil d'information. Vous dénoncez le conseil d'information
prévu comme n'ayant pas vraiment rempli son mandat auprès de
vous. À la page 10, vous demandez, pour suppléer à cette
incurie, que des parents puissent détenir un pouvoir d'enquête.
Vous dites, à la fin, que vous pensez que, d'observateurs, vous devez
devenir partie constituante de la loi. Est-ce que vous pourriez expliciter un
peu ce rôle d'enquête que vous vous donnez?
Mme Gélinas: Vous savez que, présentement, dans la
loi, il y a seulement le gouvernement - je crois qu'on dit le
lieutenant-gouverneur en conseil - qui peut, à un moment donné,
dire: Là, on fait une enguête, comme il y en a eu une sur le
territoire des Vieilles Forges. Justement, cette commission d'enguête que
M. Jean-Guy Duchêne avait obtenue en vertu de l'article 111, il n'y a pas
un parent qui a le pouvoir de la demander. Vous êtes d'accord avec
ça. C'est une autre chose qu'on avait envisagée lorsqu'on a
regardé la loi, on s'est aperçu qu'on n'avait pas le pouvoir. On
pourrait avoir ce pouvoir de demander, à un moment donné, quand
ça fait un mois ou quand ça fait trop longtemps qu'une situation
dure, qu'une enquête soit tenue; on pourrait avoir ce droit.
On demande aussi qu'une tierce partie puisse demander la
médiation. Je vous suqqère que cette tierce partie puisse
être un parent, un citoyen, comme n'importe quel citoyen a le droit,
devant une grève illégale, de demander une injonction. Vous allez
me dire qu'il peut se la faire refuser, mais au moins, il a le droit de la
demander. Donc, le pouvoir qu'on veut, c'est dans le même sens que le dit
Jean-Guy Duchêne. Le gouvernement a eu le pouvoir de demander à
Jean-Guy Duchêne: Va voir aux Vieilles-Forges ce qui se passe et fais une
enquête.
Cela aide à faire avancer les choses, surtout quand on est en
conflit comme celui dans lequel on était. Maintenant, le conseil
d'information, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est vrai qu'il n'a
véritablement pas été opérationnel. Je pourrais
vous lire le passage, mais vous avez déjà dû lire cette
petite brochure. Il n'a pas joué le rôle auguel on
s'attendait.
M. Tardif (Claude): C'est peut-être le facteur aussi qui a
entraîné le conflit à Trois-Rivières, qui a
duré beaucoup plus longtemps que tout le monde le souhaitait.
M. Saint-Onge (Bertrand): II a fallu que les parents demandent
une pétition de 20 000 noms pour être capables d'obtenir
l'intervention des autorités supérieures à une commission
scolaire pour venir régler le conflit scolaire dans le territoire. Les
paramètres dont on parlait tantôt, dans la loi 113, on dit,
à l'article 5, que l'arbitre ne doit pas dépasser les cadres de
l'entente nationale. C'est toujours en vertu de cette phase qu'on demande que
cette chose soit
corrigée dans la loi.
M. Hains: Une autre petite question. A la page 11, vous contestez
le syndicalisme enclin à assouvir des orientations idéologiques
et des ambitions politiques, plutôt que de rechercher uniquement le bien
de ses membres.
Plus bas, dans le dernier paragraphe, vous dites que le monde de
l'éducation est devenu un champ de batailles politiques et
idéologiques, de luttes de pouvoir. Il est révoltant de constater
que l'apprentissage de l'enfant, son droit à l'éducation est
brimé par des facteurs autres que pédagogiques.
Je vous demande d'expliciter un peu ces passages de votre
mémoire.
Mme Gélinas: On sait qu'à chaque
négociation, il y a des droits de gérance qui sont
contestés, qui sont mis en cause. Quand on dit qu'il y a du syndicalisme
à outrance, c'est vrai, je regrette de le dire, parce qu'en fin de
compte, le syndicat ou tout autre groupe de citoyens a le droit de donner son
opinion sur un sujet, que ce soit sur le nouveau régime
pédagogique, l'intégration des enfants handicapés dans la
société. Il a le droit. Mais quand arrive la loi, je dis qu'il
doit s'y conformer et ne pas boycotter les moyens que le gouvernement prend. Le
gouvernement représente la majorité des citoyens. Le reproche
qu'on peut faire au syndicat présentement, il faut être franc,
c'est qu'il tente d'annuler les effets positifs que pourraient nous donner des
lois. On n'a qu'à citer la loi 71. Dans la loi 71, on a un article qui
traite du conseil d'orientation, mais je vous le dis, si on peut compter dix
conseils d'orientation sur nos doigts dans la province, il n'y en a pas dix...
C'est littéralement boycotté par les syndicats.
Donc, c'est encore un de nos droits, il y a une loi. Avant, les
syndicats, comme tout autre groupe de citoyens, peuvent se prononcer, mais ce
qu'on dit, c'est qu'une fois que la loi est adoptée, il faut s'y
conformer.
Il y a les projets éducatifs aussi. C'est encore une façon
pour les parents d'amener un certain renouveau dans les écoles.
Présentement, nous ne sommes pas capables de les établir. C'est
là qu'on croit que le syndicat exagère.
Comme je vous le dis, le syndicat a le droit de se prononcer, mais une
fois que les règlements sont établis... Le projet
éducatif, cela vient d'une consultation du livre vert, qui a
engendré le livre orange. Ce sont toutes des choses que l'ensemble des
citoyens a voulu. On dit au gouvernement: Prenez de nouvelles dispositions.
Parfois, c'est révoltant de voir qu'on n'est pas capable de faire
appliquer ces choses. Il faut être réaliste, c'est comme cela.
Comme je vous le dis, les droits de gérance sont constamment
remis en question. À un moment donné, il va falloir nous aussi
nous poser une question: Quel genre d'école veut-on? Est-ce qu'on veut
une école qui est administrée par le gouvernement, par le
ministère de l'Éducation, une école sur qui on peut faire
encore des pressions auprès des commissions scolaires, auprès du
gouvernement ou une école syndicaliste? Dès que vous aurez mis
des choses dans des conventions collectives de travail, il faut vous dire que
nous, les citoyens, nous, la population, on n'aura plus de recours, parce que
la convention collective de travail, c'est une bible. On ne peut plus avoir de
recours après de cela.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'ai trois
questions très précises à vous poser. Ce sont des
statistiques. Si vous ne les avez pas, j'aimerais que le ministre s'informe
auprès du ministère de l'Éducation pour savoir s'il les
a.
J'aimerais vous demander si vous avez examiné le résultat
des examens de fins d'études à la commission des Vieilles-Forges
en fonction des résultats généraux de la province pour
l'année où vous avez subi votre longue grève de 51
jours.
Deuxièmement, votre commission scolaire a-t-elle examiné
le taux d'abandon scolaire pour cette année où vous avez subi la
grève, en fonction de la moyenne générale observée
dans les cinq dernières années, enfin le nombre d'années
que vous voudrez?
Troisième question. Est-ce que les difficultés que vous
avez subies ont exercé une influence sur des départs possibles
d'étudiants de la commission scolaire vers l'école privée?
Ce sont là mes trois questions.
Mme Gélinas: Pour ce qui est du résultat des
examens, pour ce qui est de ma commission scolaire, j'ai demandé au
directeur de l'enseignement, premièrement, si toutes les matières
avaient été vues cette année. Je peux vous affirmer que ma
commission scolaire de Chavigny m'a dit -par exemple, je vous parle du
primaire; pour le secondaire, un autre pourra vous répondre - qu'au
niveau du primaire, c'est assuré que les matières secondaires
n'ont pas été vues dans leur entier. On peut donc présumer
qu'au niveau secondaire, cela n'a pas été fait non plus.
Ce que je peux vous dire aussi, c'est qu'on a remanié - on l'a
dit publiquement à la radio; je m'en souviens très bien - on a
réajusté un peu les examens en fonction évidemment du
conflit qu'il y avait eu sur le territoire. À un moment donné, un
directeur général a dit: Écoutez, on prendra cela en
considération et, si les matières secondaires ne sont pas
entièrement vues, on remaniera les examens; ce que je trouve aberrant,
en passant.
Les statistiques, les chiffres précis, je ne les ai pas, mais il
faut se dire qu'on en a vu les conséquences l'année
passée, il y en a eu; on les verra aussi dans les années
suivantes, c'est-à-dire que certains éléments n'ont pas
été donnés aux élèves et,
nécessairement, ils ne seront pas vus les années après. Je
pense que, surtout au niveau secondaire, cela aura beaucoup de
conséquences, surtout pour un élève qui était
finissant au secondaire, qui se présente au céqep et qui n'a pas
eu toute sa matière; il peut vraiment avoir de très grandes
difficultés au cégep. Je pense que, cette année, des
statistiques pourront nous en dire long sur les conséquences de la
grève dans le territoire des Vieilles-Forges, des statistiques des
céqeps qu'on pourra avoir seulement à la fin de l'année
scolaire et des statistiques sur les difficultés éprouvées
par les élèves du primaire à la première
année du secondaire. Ils auront peut-être plus de
difficulté cette année, vu que leur primaire ou leur
sixième année n'aura pas été vue au complet. Mais
des statistiques précises en tant que telles, je n'en ai pas.
M. Tardif (Claude): II y a l'élément aussi que les
effets de ces conflits sont de deux ordres. Le premier, c'est que les
"dropout", si je peux utiliser cette expression, pourront délaisser
l'école non pas nécessairement cette année ou l'an
prochain, mais, comme l'expliquait un peu Louise, peut-être à long
terme. Cela peut être seulement dans trois ans qu'une personne ou un
groupe de personnes seront amenées à décrocher du
système scolaire à cause du conflit qu'ils auront
vécu.
L'autre élément aussi, qui n'est pas mesurable non plus,
qui n'a peut-être pas directement à voir avec les
décrochages ou avec la qualité de l'enseignement, c'est la
qualité des relations entre les personnes impliquées dans un
conflit. À Trois-Rivières, sur le territoire des Vieilles-Forqes,
cela a été assez acerbe par bout, lors des négociations,
et ce n'est pas d'hier, ce n'est pas de la dernière négociation,
cela date de quelques années avant. On est en droit de se poser la
question suivante: Comment des gens qui vont se déchirer
littéralement lors de négociations pourront-ils continuer
à travailler ensuite, après règlement du conflit, avec
harmonie, avec cohésion et surtout avec à l'esprit le
mieux-être du client, comme je l'appellerais, l'enfant? C'est une grosse
interrogation qu'on a. On peut constater aussi, à bien des
égards, que les relations sont parfois tendues et que, sur certains
sujets, parfois anodins, on voit qu'une partie et l'autre sont portées
à aller l'appliquer à la lettre. Ils ont leur convention
collective à portée de la main et s'en tiennent à cela.
Peut-être qu'ils pourraient faire certaines digressions par rapport
à cela. Mais ils ont toujours à l'esprit: Quelle autre demande
va-t-il y avoir? Est-ce qu'on va devoir négocier cela plus tard? Si on
offre ceci... ?
Finalement, tout le monde s'en tient à cela, ce qui fait un
climat un peu malsain, à long terme.
Mme Lavoie-Roux: M. le président, je vous remercie de vos
réponses. C'est évident qu'il y a des choses qui ne sont pas
quantifiables. Vous avez mentionné la question de la
détérioration du climat ou des tensions qui peuvent
s'établir. J'aimerais quand même réitérer ma demande
au ministre, parce que je pense que ce sont là des choses quantifiables,
où le ministère de l'Éducation, en collaboration avec la
commission scolaire... Il y a eu un autre cas, mais je pense que cela fait trop
longtemps. Il y a eu la commission scolaire Jérôme LeRoyer qui, en
1977, a eu à peu près trois mois de grève.
Je pense qu'à partir de cela, on pourrait peut-être mieux
mesurer l'impact des grèves dans le domaine scolaire.
M. Tardif (Claude): II y aurait peut-être un autre
élément, Mme la députée de L'Acadie, dans la
dernière partie de votre question, à savoir l'effet des conflits
par rapport au transfert d'étudiants entre le secteur privé et le
secteur public. J'aurais une information que je n'ai pas pu vérifier
à l'heure actuelle, qui serait assez récente.
On aurait pu constater, à Trois-Rivières, un transport
d'élèves assez impressionnant cette année, entre le
secteur privé et le secteur public, ce qui est étonnant, mais qui
s'expliquerait de la façon suivante. L'an dernier, la population savait
qu'il y avait des négociations en vue. Les enfants ont tous
été transférés au secteur privé. Il y a
maintenant une année calme. Cette année, étant
donné qu'il n'y a pas de négociations, cela revient au secteur
public, et qui sait ce qui va ses passer lors des prochaines
négociations.
Cela vaudrait peut-être la peine de vérifier cette
affirmation que j'ai entendue très récemment.
Mme Lavoie-Roux: Merci, monsieur.
M. Saint-Onge (Bertrand): Pour renchérir sur la question
des résultats à obtenir lorsqu'il y a un conflit, on peut
facilement grossir les groupes d'apprentissage. Également, les forts se
sortent assez bien d'un conflit scolaire. Mais quand on tombe dans les classes
moyennes et faibles, ces étudiants s'en vont, si on prend le niveau
secondaire, par exemple, vers le
professionnel court et même vers le SPA, le professionnel
auxiliaire.
Les tendances sont là. Il y a un danger flagrant dans cette
chose, si on ne prévoit pas des mécanismes qui viennent
réellement organiser le système en fonction de l'enfant. Pas en
fonction des adultes, mais en fonction de l'enfant. L'école existe en
fonction des enfants. Tous les efforts doivent donc être centrés
vers le bien-être de cet individu qu'est l'enfant, qui est l'adulte de
demain.
Fédération des commissions scolaires
catholiques
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du comité de parents de la Commission scolaire de
Trois-Rivières. J'invite maintenant les représentants de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec
à prendre place et à nous présenter leur
mémoire.
Ce mémoire nous sera présenté par Mme Estelle
Gobeil, la présidente générale de la
fédération. Mme Gobeil, je vous invite à nous
présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous
présenter également votre mémoire.
Mme Gobeil (Estelle): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire, il me fait plaisir, comme
présidente de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec, d'intervenir à cette commission
parlementaire.
Je suis accompagnée de M. Jacgues Audy, le directeur
général, à ma droite, ainsi que de M. Jean-Pierre Tessier,
à ma gauche, qui est le directeur des relations de travail.
M. le Président, la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec est un acteur important dans le jeu des
négociations du secteur public. Bien avant 1967, elle s'impliguait dans
les négociations avec les divers personnels des commissions scolaires en
offrant un service de support et de représentation dans les
négociations locales.
Depuis la mise en place de négociations à l'échelle
nationale, la fédération a participé à guatre
rondes de négociations avec les enseignants et à trois rondes de
négociations avec le personnel de soutien et le personnel
professionnel.
Le projet de loi no 25 et les lois 46, 95 et 55 ont largement
confirmé à la fédération son rôle de
représentant et de mandataire des commissions scolaires dans les
négociations visant le personnel de ces commissions scolaires.
Pour les fins de présentation de notre position à cette
commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, nous vous
référerons au mémoire sur le droit de grève et les
services essentiels qui vous a été remis ainsi qu'au document
"Évaluation des négociations et prospectives", lequel constitue
un complément aux représentations que nous entendons faire sur
l'exercice du droit de grève et le maintien des services essentiels en
milieu scolaire.
En 1977, la fédération, lors de la présentation de
ses recommandations sur les négociations à la commission
Martin-Bouchard, n'avait développé aucune position
particulière sur la question du droit de grève et des services
essentiels. Considérant que l'acte éducatif constitue un tout, la
notion des services essentiels ressort moins en milieu scolaire que dans
d'autres secteurs d'activité. Cependant, le vécu des
dernières rondes de négociations, l'expérience d'une
deuxième négociation provinciale, nationale, pour le personnel de
soutien, les moyens de pression utilisés par les parties syndicales et
le climat entourant les grèves, tant dans le secteur de
l'éducation que dans l'ensemble du parapublic, nous amènent
aujourd'hui à élaborer davantage nos positions sur le droit de
grève et les services essentiels.
Notre approche se veut concrète, il n'est pas dans notre
intention de faire une remise en question du droit de grève dans le
secteur scolaire, ni de proposer une révision totale du processus de
négociation. Nous sommes conscients du fait que chaque ronde de
négociations résulte en un affrontement sérieux, dont les
implications ont une portée sociale souvent très grave.
À cette fin, nous proposons des réaménagements sur
l'utilisation du droit de grève et le maintien des services essentiels,
ainsi que sur le processus de négociation lui-même,
considérant qu'il est plus réaliste d'apporter des
améliorations à un système que de vouloir en changer
l'essence.
Dans la première partie, nous verrons le droit de grève et
les services essentiels. Compte tenu que les arrêts de travail en milieu
scolaire influencent à divers degrés le climat scolaire et
touchent directement l'étudiant, il est du devoir des principaux
intervenants en éducation de mettre de l'avant un processus de
négociation des conditions de travail visant à éliminer le
recours à la grève.
Considérant l'état actuel des relations de travail dans le
secteur parapublic et les recherches de nouveaux modes de négociation,
notre position sur la grève et les services essentiels confirme le droit
de grève dans le secteur scolaire, tout en réclamant que ce droit
soit encadré et réglementé davantage.
Pour supporter ce principe, nous envisagerons les
caractéristigues du milieu scolaire, selon qu'il s'agit de l'acte
d'enseignement en lui-même ou des services de support à
l'enseignement qui se rattachent davantage à la notion de services
essentiels.
En ce qui a trait à l'acte
d'enseignement: limitation du droit de grève. Nous sommes
conscients du fait que le milieu scolaire ne fait pas abstraction à la
réalité quotidienne et qu'une année scolaire peut subir
certaines modifications. Cependant, dépendant des catégories
d'élèves et de l'époque de l'année scolaire, un
arrêt prolongé des activités d'enseignement provoque
inévitablement des dommages réels à
l'élève.
Citons, par exemple, les cas d'abandon scolaire, notamment au niveau du
professionnel court; le désintéressement à certaines
matières académiques; le blocage dans le développement de
l'apprentissage au niveau de certaines catégories d'élèves
et la récupération. (11 h 15)
Ce qui importe, c'est que le législateur consacre le principe
que, dans le secteur de l'éducation, l'exercice du droit de grève
et de lock-out peut, tout en étant maintenu, être limité
parce que l'interruption de l'acte d'enseignement doit être
considéré comme un inconvénient sérieux qui peut
causer des dommages réels à l'élève si elle
persiste. En conséquence, l'interruption de l'enseignement ne
revêt pas un caractère d'urgence dans l'immédiat, mais ne
doit jamais, selon la durée et l'époque, compromettre
l'année scolaire d'une génération d'étudiants comme
ce fut le cas dans le passé.
Limitation et suspension temporaire du droit de grève. Nous
croyons qu'il y a lieu de limiter ou de suspendre temporairement le droit de
grève ou de lock-out de façon préventive et ce, pour une
courte période pendant laquelle des mesures seraient mises en place pour
régler le conflit (médiation, arbitrage ou loi spéciale).
Aux fins de préciser les mesures qui pourraient être prises, nous
vous reportons au mémoire que nous vous soumettrons sur
l'évaluation des négociations et prospective, section E, page 33,
lequel propose une régie des relations du travail dont le mandat serait
d'intervenir au niveau du constat des enjeux et d'établir un rapport de
médiation. Cette approche a d'ailleurs été
développée par les auteurs du rapport Martin-Bouchard.
Suspension du droit de grève dans les établissements
spécialisés. Nous tenons à ajouter que, dans le cas des
établissements spécialisés, la suspension temporaire du
droit de grève et de lock-out doit s'appliguer de façon
automatigue. Nous entendons par institutions spécialisées un
certain nombre d'institutions accueillant des élèves
privés partiellement d'autonomie à cause d'incapacités
physiques ou mentales ou dans le cas de perturbations socio-affectives graves.
La suspension temporaire du droit de grève dans de tels
établissements permet d'atteindre un double but, soit de permettre la
mise en place de mécanismes d'aide et d'éviter les
inconvénients majeurs inhérents à la perturbation des
élèves de tels milieux.
En ce qui a trait à l'avis de grève, notre position est
nettement manifeste lorsque nous reconnaissons le maintien du droit de
grève et de lock-out en milieu scolaire. Il est cependant essentiel que
l'exercice de ce droit de grève soit encadré lorsqu'il vise
directement la santé et la sécurité des
élèves. L'expérience des grèves dans le secteur de
l'éducation démontre que ce n'est pas la grève
elle-même, mais l'effet de désorganisation qui entraîne des
inconvénients sérieux et des dommages réels face à
l'élève et à la responsabilité que doit assurer une
commission scolaire s'il s'agit d'actes répétitifs. L'effet de
désorganisation que provoque l'avis de grève ressort surtout au
niveau local alors que les syndicats ont tendance à faire jouer le
rapport de forces en suscitant le plus grand nombre de perturbations tout en
minimisant les coupures de traitements chez leurs membres.
Dans certains cas, les enseiqnants pourront, comme l'annonce l'avis de
grève, ne pas se présenter à la première heure,
mais se déclareront disposés à réintégrer
les classes trois heures après le début de la grève. La
commission scolaire qui réclamera le temps nécessaire pour
remettre son système en marche sans que les enseiqnants soient
rémunérés pendant cette période se verra
accusée d'avoir décrété un lock-out illéqal
puisque l'avis de deux jours n'a pas été donné. Pour
pallier aux inconvénients majeurs qui découlent de l'utilisation
répétitive de l'avis de grève, une réglementation
s'impose.
Les dispositions du Code du travail appliquent au lock-out les
mêmes obligations de préavis que celles relatives à la
grève. Cependant, comme il revient à une commission scolaire
d'assurer la santé et la sécurité des
élèves, elle ne peut fermer ses établissements sans
prendre les moyens nécessaires pour assurer que la clientèle ne
soit pas pénalisée. Bien que nous croyions que la commission
scolaire doive se soumettre à l'avis lorsqu'elle désire recourir
au lock-out, il y a lieu de mettre en doute l'utilité de ce
préavis pour des fermetures de courte durée.
Lors de problèmes d'entretien, lors de tempêtes de neige,
la commission scolaire décide de la fermeture de ses
établissements tout en s'assurant de diffuser l'information au milieu,
élèves, parents. Il pourrait en être ainsi en cas de
fermeture pour cause de lock-out.
Il est vrai que le fait de dégager l'employeur de ses obligations
de préavis en cas de lock-out pourrait prêter à
équivoque par rapport à la réglementation entourant
l'exercice du droit de grève. Cependant, nous considérons comme
mesure alternative que, si le droit de grève s'exerce lors d'un
arrêt sporadique ou d'un retard des employés selon
le préavis reçu, le fait pour une commission scolaire de
fermer les portes de ses établissements ne peut être
assimilé à une fermeture pour lock-out et ne peut
nécessiter l'envoi d'un préavis, puisqu'il y va de la
sécurité des élèves.
En conséquence, l'avis de grève doit mettre l'accent sur
l'époque où le syndicat entend effectivement recourir à la
grève en spécifiant le moment de la cessation concertée de
travail, toujours dans le cadre d'un préavis de deux jours francs. La
fermeture d'un établissement au moment où la grève doit
s'exercer ou lors d'un arrêt de travail ne peut être
assimilée à un lock-out et ne peut nécessiter l'envoi de
préavis.
Les arrêts sporadiques de travail et le harcèlement.
Malgré le fait que les ralentissements de travail soient interdits et
que le harcèlement soit nettement prohibé par le Code du travail,
les syndicats utilisent fréquemment de telles tactiques afin de
désorganiser le fonctionnement des commissions scolaires sans recourir
à la grève générale. Notre mémoire fait la
liste exhaustive des moyens de harcèlement les plus souvent
utilisés, en page 16 et 17. Nous croyons que ce sont les
élèves, finalement, qui sont directement visés par ces
moyens de pression et ce sont eux qui risquent de subir des préjudices
graves si les dispositions actuelles du code ne sont pas modifiées.
Certains de ces moyens de pression touchent directement la
sécurité des élèves: le boycottage des
surveillances d'élèves lors des récréations,
l'absence de surveillance dans les institutions spécialisées
où les élèves ont besoin d'un encadrement personnel et
l'absence de surveillance dans les résidences, dans les laboratoires et
les ateliers à l'entrée et à la sortie des cours. Certains
articles du Code du travail, 96, 124 et 126, prohibent le harcèlement et
prévoient des sanctions. Il y aurait lieu de veiller à leur
application.
En conséquence, le harcèlement face aux
élèves et les arrêts sporadiques ne touchant qu'une partie
des activités devraient être formellement interdits, de même
que les arrêts et les reprises de travail successifs au cours d'une
même journée devraient être considérés comme
un arrêt sporadique de travail et, conséquemment, être
illéqaux. Des sanctions plus coercitives devraient être
intégrées au Code du travail et appliquées
intégralement lorsqu'elles sont la conséquence d'actes
illégaux qui affectent directement l'élève.
Je vais passer la parole à M. Audy.
M. Audy (Jacques): Les services de support à
l'enseignement en regard des services essentiels. Relativement au personnel de
soutien, bien que le Code du travail prévoie la possibilité d'une
entente sur l'établissement des services essentiels, l'expérience
nous démontre pleinement que les syndicats dans le secteur de
l'éducation n'ont jamais conclu d'entente avec les commissions scolaires
ni transmis de listes qui déterminent le nombre de salariés par
catégorie de services maintenus par les commissions scolaires en cas de
conflits de travail. Il nous apparaît cependant impératif, s'il
s'agit d'une grève des employés de soutien, de maintenir certains
services essentiels reliés directement à la santé et
à la sécurité des élèves. Les services
à maintenir sont: la surveillance des élèves et les
services alimentaires dans les résidences d'étudiants; le
maintien minimum du service d'entretien des lieux pour fins d'hygiène et
de sécurité; la surveillance des élèves dans les
institutions spécialisées et l'affectation d'ouvriers
spécialisés en regard des systèmes de climatisation, de
tuyauterie et de chauffage.
En conséquence, certaines tâches des employés
affectés aux services de support à l'enseignement sont
essentielles. Il y a donc lieu de modifier l'article 97 afin qu'à
défaut d'entente il soit confié au conseil sur le maintien des
services essentiels le pouvoir de déterminer le nombre de
salariés à être maintenus par service et par
établissement en cas de conflit.
Par ailleurs, les sanctions prévues au Code du travail devraient
être appliquées par le biais d'une section spéciale du
Tribunal du travail lorsque l'association accréditée ne respecte
pas la liste des salariés à maintenir en cas de conflit de
travail selon l'ordonnance émise par le Conseil sur le maintien des
services essentiels. En cas d'urgence, que l'employeur puisse, à
défaut d'entente, faire exécuter certains travaux essentiels,
à la condition d'en donner dès que possible avis au Conseil sur
le maintien des services essentiels.
Nous ne pouvons cependant passer sous silence le fait que les rapports
de forces furent plus civilisées au cours de la ronde 1979-1982. Nous
croyons qu'une telle attitude réside en grande partie dans la
volonté des syndicats du secteur public de refaire leur image
auprès de la population, la volonté du gouvernement et des
commissions scolaires d'en arriver à une entente et l'intention
déclarée des commissions scolaires de ne pas tolérer
d'actes illégaux ou de harcèlement. En ce sens, nous croyons
qu'une meilleure réglementation du droit de grève favorise le
processus de négociation et nécessite de toutes les parties
impliquées le développement de mécanismes de
négociation propres aux secteurs public et parapublic.
La deuxième partie porte sur l'évaluation des
négociations et prospectives. En regard du bilan de la ronde 1979-1982,
nous vous soumettons certaines conclusions générales qui sont
tirées du document Évaluation des négociations et
prospectives.
D'une façon générale, les commissions scolaires se
disent satisfaites du contenu des conventions. Les négociations sur le
plan national se sont déroulées sans que le climat au niveau des
écoles ne soit affecté. Bien qu'identiques à ceux du
gouvernement, plusieurs objectifs de la fédération ont
été englobés dans des objectifs gouvernementaux plus
larges. L'existence d'un comité de concertation
fédération-gouvernement permet de constituer un cadre formel de
fonctionnement entre les parties. Les commissions scolaires, par leur
fédération, ont dû fonctionner dans le cadre de la loi 55,
qui consacre un déséquilibre juridique entre les partenaires
à la négociation et elles ont dû développer une
attitude de réaction en certaines occasions, notamment en exigeant de
connaître la stratégie générale avant de
décider sur un point particulier.
La présence des organismes patronaux auprès du Conseil du
trésor et des représentants sous-ministériels et
ministériels permet davantage aux structures politiques de
véhiculer les positions réalistes et d'évaluer l'impact
des demandes syndicales et des offres patronales. Le Code du travail, dans la
mesure où s'ajoutent des encadrements spécifiques quant au
processus de négociation des lois 55 et 59, convient dans l'ensemble au
secteur public. Bien qu'il ait à requérir du gouvernement
certains mandats quant aux fonds requis, le CPNCC risque de perdre l'initiative
dans la conduite des négociations face à un abus d'utilisation de
la notion d'intérêt gouvernemental.
La subdivision à la table centrale et sectorielle provoque des
effets négatifs relativement à la conduite des
négociations par les comités patronaux et provoque une
discontinuité dans les textes négociés. La table centrale
constitue un lieu de politisation de la négociation et force
l'État à s'impliquer inutilement dans moult détails
accessoires de la négociation. L'omniprésence du gouvernement -
ministères, ministres, Conseil du trésor - provoque une
politisation indue des objectifs de négociation et force l'État
à s'impliquer sur une multitude de questions administratives.
L'encadrement législatif. Actuellement, le Code du travail est
principalement adapté aux méthodes de négociation du
secteur privé. L'ensemble des dispositions relatives à la
négociation est basé sur l'établissement d'un rapport de
forces entre les parties et met en branle la négociation selon un
principe de bonne foi entre les parties. Nous croyons que, dans la mesure
où de telles dispositions sont complétées par un cadre de
négociation propre aux secteurs public ou parapublic, loi 55 ou 59 - il
faudrait biffer le mot "seulement" - un certain nombre d'amendements doivent
être apportés au Code du travail.
Cette position repose principalement sur le fait que nous croyons que
les commissions scolaires doivent collectivement jouer le rôle d'agent
négociateur dans le processus de négociation, l'État se
retirant de l'aspect normatif des conditions de travail et concentrant
davantage son rôle au niveau de l'établissement des
disponibilités financières du gouvernement et de la
détermination des paramètres généraux de la
rémunération des employés rattachés au secteur
public.
En ce sens, les principes de négociation contenus dans le Code du
travail applicables aux gestionnaires de l'entreprise privée conservent
tout leurs sens lorsqu'ils sont appliqués aux gestionnaires publics que
constituent les commissions scolaires: bonne foi, climat de travail
adéquat, qualité de services à la clientèle du
réseau public. Notons cependant que, relativement à la mise en
application du Code du travail, plusieurs changements, selon les modifications
suggérées, devraient être apportés. Ces amendements
sont relatifs au mode de règlement de conflit et à l'encadrement
du droit de grève et des services essentiels.
La régie des relations de travail. L'un des
éléments pouvant faciliter le rapprochement des parties en
négociation serait la mise en place d'une régie des relations de
travail. Il nous apparaît difficile que le service de conciliation
actuellement rattaché au ministère du Travail et relevant de
l'autorité du ministre du Travail puisse oeuvrer adéquatement au
niveau des négociations du secteur public sans que ses
représentants ne soient identifiés directement à la partie
gouvernementale associée à la partie patronale négociable.
Une régie des relations de travail extérieure a l'appareil
gouvernemental pourrait, à moyen terme, jouer un rôle utile, sinon
sur le tout, du moins sur une partie des matières
négociables.
Section spéciale du Tribunal du travail. Un autre
élément permettant un meilleur respect des dispositions du Code
du travail serait la création d'une section spéciale du Tribunal
du travail couvrant principalement les infractions commises lors des
négociations dans le secteur public. Le tribunal pourrait
procéder avec diligence à l'étude des plaintes
portées relativement au ralentissement de travail, aux grèves
illégales, aux interruptions de services. (11 h 30)
D'autre part, nous notons que les lois 55 et 59 représentent un
encadrement valable des négociations dans le secteur public. Nous
croyons, cependant, que les articles de loi traitant de la
réglementation du fonctionnement des organismes membres de la partie
patronale doivent être abrogés ou du moins, doit-on
préciser la notion d'intérêt gouvernemental et affirmer le
rôle des prépondérances.
Le règlement des conflits. Quant à l'arbitrage, le
gouvernement du Québec s'est toujours opposé avec vigueur
à l'arbitrage obligatoire comme processus de règlement des
différends. L'objection fondamentale développée contre le
recours à l'arbitrage obligatoire repose sur l'illogisme et
l'inconséguence dans le cadre des responsabilités
gouvernementales de confier à un tiers le soin d'intervenir directement
dans la détermination d'une masse budgétaire qui
représente plus de 50% du budget global de l'État.
L'expérience nous démontre, et les experts le confirment,
que l'arbitrage obligatoire présente de sérieux
inconvénients. Parmi ceux-ci, il faut mentionner son effet
négatif sur le déroulement des négociations et sur la
sincérité ou la bonne foi des parties négociantes dans la
formulation de leurs propositions et le risque que les parties encourent
d'avoir à vivre avec des résultats qui ne donnent satisfaction
à aucune d'entre elles.
La fédération croit, compte tenu du caractère
particulier des négociations du secteur public, qu'il n'est pas de
l'intérêt de la population comme de celui des parties, de laisser
à un tiers le soin de poser un choix tant dans la masse monétaire
affectée que sur la gualité des services à rendre.
On ne devrait pas cependant écarter la possibilité d'avoir
recours à un tel mécanisme pour sortir les parties de l'impasse
sur certains points précis de la négociation.
En ce qui regarde le conseil d'information, l'essence même du
processus de négociation écarte toute velléité
d'information par un tiers sur le déroulement régulier des
négociations. Notre perception du vécu des travaux du conseil
d'information à l'occasion de la dernière ronde de
négociations confirme cette assertion.
En tentant de maintenir son objectivité, ce qu'il se devait de
faire, le conseil n'a pu que produire des tonnes de documents extrêmement
technigues et comme tels, inutilisables pour des fins d'information du public,
d'autant plus que l'évolution normale des négociations rendait
cette information cadugue au moment où elle était publiée.
Il faut donc, à notre avis, revoir la question dans une perspective
différente.
Le rôle du conseil d'information devrait se limiter à faire
connaître les enjeux de la négociation et à publiciser
certains constats de la régie des relations du travail, s'il y a
lieu.
En ce qui a trait au mode de négociation à la table
centrale, il est important que la partie patronale et principalement le
gouvernement définissent les grands paramètres de la masse
monétaire disponible en négociation.
Nous croyons, cependant, que ces paramètres n'ont pas à
être articulés dans des propositions précises et
détaillées, s'apparentant à des clauses de convention
collective. Nous pensons qu'il y a lieu d'échanger sur ces grands
paramètres financiers en termes de principes.
Ainsi, lorsqu'on traite de rémunération, on peut parler
des principes de protection contre l'érosion du pouvoir d'achat, de
salaires comparables à ceux du secteur privé, de protection
contre les pertes économiques parentaux. Il nous semble évident
cependant que l'articulation et les modalités d'application de ces
grands paramètres doivent se discuter aux tables sectorielles.
La subdivision en tables centrale et sectorielles provogue des effets
négatifs relativement à la conduite des négociations par
les comités patronaux et provoque une discontinuité dans les
textes négociés.
La table centrale constitue un lieu de politisation des
négociations et force l'État à s'impliquer inutilement
dans moult détails accessoires de la négociation.
Le palier national, table centrale, n'a aucune assise juridigue dans le
cadre des lois actuelles, lois 55 et 59. Nous croyons qu'il doit en être
ainsi. Couper le palier sectoriel des discussions sur ces chapitres importants
risque de handicaper le fonctionnement des tables sectorielles de
négociation.
Il devrait être de la responsabilité des comités
patronaux, à l'instigation des représentants gouvernementaux, de
se soucier de la concertation intersectorielle et de permettre, s'il y a lieu,
la discussion de grands principes avec des centrales syndicales.
Le Président (M. Rodrigue): M. Audy, est-ce qu'il vous
serait possible de conclure, parce qu'on en est déjà rendu
à 25 minutes? Comme les membres de la commission ont eu le
mémoire auparavant, ils ont eu le temps de le lire; il s'agirait
peut-être de dégager les points principaux, parce qu'il vous reste
beaucop de pages à votre mémoire.
M. Audy: M. le Président, si vous me permettez, je
passerai aux pages 27 et 28 immédiatement.
Les négociations locales. La négociation à deux
paliers, locale et nationale, pose de nombreux problèmes de
fonctionnement. Le lieu de négociation doit être ultimement le
plus près possible des entités qui ont à gérer
guotidiennement le système d'éducation. Cependant, le mode actuel
de négociation et les objectifs poursuivis au niveau de l'harmonisation
des conditions de travail permettent difficilement de remettre au niveau local
la responsabilité de négocier les conditions de travail de
l'ensemble de ses personnels.
La majorité des commissions scolaires rejette la
négociation locale et préfère la modalité des
arrangements locaux pour établir les conditions de travail
particulières pour leur personnel. Bien que persuadée de
l'importance et de la complexité que constitue la négociation au
niveau national de conditions de travail qui, par essence, sont
étroitement rattachées au vécu de chacun des milieux, la
fédération ne peut refuser ce mandat.
Les enjeux. Un des éléments fondamentaux du mode de
négociation réside dans la volonté des parties de
débattre les vrais problèmes de relations de travail. En ce sens,
les parties doivent, dès le début d'une ronde de
négociations, indiquer les sujets ou chapitres qu'elles veulent
dénoncer.
À notre sens, les conventions du secteur public contiennent des
dispositions sur l'ensemble des activités propres au milieu du travail.
Les clauses de protection salariale, de sécurité d'emploi,
d'absences, de congés de maternité, de congés sociaux,
d'assurance accordent aux employés du secteur public des avantages
supérieurs, dans certains cas, à ceux des employés du
secteur privé.
Tel que l'exprimait Mme Bissonnette dans l'éditorial du journal
Le Devoir: "Les acquis des salariés du secteur public étant
désormais ce qu'ils sont, n'est-il pas temps de revenir à des
négociations sectorielles moins ambitieuses? L'État ne
pourrait-il pas se retirer progressivement de son rôle direct aux tables
de négociations et donner plus de place à ses partenaires, quitte
à définir l'enveloppe globale de ce qu'il peut consentir? Il
faudrait avant tout et modestement renoncer au goût du spectacle et
à ses avantages politiques. Mille neuf cent soixante-dix-neuf en a
été le contraire", tel que le mentionne Mme Bissonnette.
Mme Gobeil: M. le Président, en ce qui concerne les
conclusions, étant donné le temps, nous vous
référons aux pages 29, 30 et 31 et, comme vous l'avez
mentionné, vous les avez lues.
Le Président (M. Rodrigue): Je pense bien que, pendant la
période de questions, de toute façon, certaines questions
toucheront à ces sujets et vous pourrez probablement ajouter des choses.
M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité
du revenu.
M. Marois: M. le Président, je voudrais, bien sûr,
remercier la Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec de son mémoire. Avec votre permission, j'aimerais
céder immédiatement mon droit de parole à mon
collègue de Duplessis, qui a porté une attention tout à
fait particulière à ce mémoire.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Tout comme le ministre,
je voudrais remercier les représentants de la fédération
de nous avoir présenté le mémoire. Je voudrais poser trois
questions en rapport avec votre mémoire. D'ailleurs, je tiens à
vous souligner l'importance qu'auront pour nous certaines parties de votre
mémoire. Vous avez ajouté des choses drôlement importantes
auxquelles on devra porter éventuellement une attention toute
spéciale, les recommandations et l'explication aussi de ce qui s'est
passé à venir jusqu'à ce jour, par exemple, en 1979, les
négociations en rapport avec le conseil, les négociations locales
et les négociations nationales.
Ma question porte sur la page 11, lorsque vous parlez du préavis
de deux jours francs. C'est la suivante: Selon vous, les deux jours d'avis que
le syndicat doit donner avant d'exercer son droit de grève donnent-ils
actuellement suffisamment de temps aux administrations scolaires pour
éviter que des enfants aient à se déplacer
inutilement?
Mme Gobeil: Oui, M. le Président. Je réponds oui
à M. le député, si effectivement ce droit est
exercé comme il est prescrit dans la loi.
M. Perron: Vous mentionnez dans votre mémoire, dans le
mécanisme de négociation, comme proposition, que soit maintenue
la disposition permettant que le droit de grève ou de lock-out soit
limité de façon préventive en suspendant son exercice pour
une courte période, soit de dix à vingt jours, pendant laquelle
des mesures seront mises en place pour régler le conflit, ce qui veut
dire médiation, arbitrage, loi spéciale, etc. Je voudrais savoir
- probablement que les membres de la commission voudraient aussi avoir des
informations de votre part là-dessus - puisque j'ai parlé du
préavis de deux jours, ce que changerait une telle proposition en
rapport avec ce qui existe actuellement dans le code.
Mme Gobeil: M. le Président, je vais demander au directeur
général de vous répondre sur cette question.
Le Président (M. Rodrigue): M. Audy.
M. Audy: D'une façon générale, il est
certain que la détermination d'un certain nombre de jours pour la
durée d'une grève est relative, dans le sens suivant: cela
dépend aussi de l'épogue de l'année où cela peut se
produire. Si vous êtes, par exemple, au niveau du secondaire V et que
vous faites une grève dans les derniers jours de l'année, ce qui
empêche les élèves de faire leurs
examens et, par la suite, d'avoir un classement approprié pour
passer au niveau du cégep, dix jours, cela peut être trop, compte
tenu de la période où cela se passe.
Par contre, dix jours, cela peut être possible aussi, tout
dépend à quel moment de l'année cela se produit. Il y a
des périodes de l'année où c'est difficile; il y a des
types d'élèves aussi pour qui c'est difficile. Pour
réhabiliter les enfants perturbés, affectifs graves, dix jours,
cela peut représenter un an pour réhabiliter ou tenter de
modifier un processus comportemental. Si vous faites des perturbations à
ce moment-là, nécessairement, ces élèves ne s'en
remettront pas. Un léger changement au niveau d'élèves
perturbés affectifs graves amène des conséquences sur tout
le programme de réhabilitation qui peut être établi.
Donc, dix jours, c'est relatif aux types d'élèves, c'est
relatif aussi aux types de clientèle. Cela peut être
supérieur pour d'autres types d'élèves. La durée
pourrait être prolongée.
Mme Gobeil: M. le Président, M. Tessier, le directeur des
relations de travail, aimerait ajouter à cela.
M. Tessier (Jean-Pierre): M. le Président, on fait
allusion à une suspension temporaire du droit de grève. C'est
vrai que cela existe dans le code. Ce qu'on dit, il faut le voir dans
l'ensemble de notre mémoire. On propose des mesures à appliquer,
la médiation, à certaines occasions, de l'arbitrage sur certaines
parties de convention, bien qu'on rejette l'arbitrage global comme un mode de
solution de conflit.
Il serait donc possible, si on installe d'autres mesures, par ailleurs,
comme la régie des relations de travail, etc., à certaines
occasions, de ne pas attendre, comme c'est prévu dans le code, que la
santé et la sécurité ou l'intérêt des
élèves soit menacé, mais suspendre pour une courte
période et demander un constat, par exemple. Ensuite, on laisse les
parties faire l'enjeu normal des négociations. On a appliqué cela
spécialement à des institutions très
spécialisées d'élèves perturbés graves,
etc.
M. Perron: Une courte question, toujours en rapport avec cela, et
je passe à ma dernière question par la suite. Est-ce que vous
pourriez dire aux membres de cette commission, lorsque vous parliez de fin
d'année où il y avait une grève, s'il y a
déjà eu une grève déclarée vers la fin de
l'année scolaire, à votre connaissance?
M. Audy: Oui. À notre connaissance, il y en a eu parce
qu'il y a eu un problème de classification des étudiants,
à la ronde de 1979, je pense. Les élèves de secondaire V
devaient attendre leurs résultats. Il y a un certain nombre d'examens
qui ne pouvaient être comptabilisés. Par contre, le cégep,
lui, voulait obtenir ces résultats pour être capable de classifier
véritablement les étudiants. Effectivement, cela s'est
produit.
M. Perron: Merci. Ma dernière question maintenant, M. le
Président. À la page 27 de votre mémoire, vous mentionnez,
dans le dernier paragraphe, que "la majorité des commissions scolaires
rejette la négociation locale et préfère la
modalité des arrangements locaux pour établir les conditions de
travail particulières pour leur personnel. "
Vous avez sûrement entendu plusieurs personnes et associations qui
nous ont présenté des mémoires. Dans certains
mémoires, on suggère seulement un palier, un palier national.
Dans d'autres, on suggère les deux paliers. Dans un mémoire en
particulier, celui de la CSD, on prétend qu'il devrait y avoir trois
paliers.
Est-ce que vous pourriez expliquer, lorsque vous mentionnez la
modalité des arrangements locaux pour établir les conditions de
travail particulières pour leur personnel, cette partie, ce que cela
toucherait, d'une part, et, d'autre part, expliquer votre position à
savoir pourquoi vous rejetez la négociation locale?
Mme Gobeil: M. le Président, d'abord, rejeter la
négociation locale, c'est un peu fort. Dans le contexte actuel, ce que
nous disons, c'est que nos commissions scolaires ne sont pas d'accord pour
avoir des négociations locales. Les raisons, je pense que tout le
Québec les connaît. C'est tout simplement que pendant la
négociation locale, vu que le syndicat a le droit de grève et que
la négociation locale, en somme, ne se fait que sur des points minimes,
les affichages, des choses comme cela, c'est le prolongement de la
négociation nationale. Pourquoi les enfants seraient-ils
perturbés dans leur classe, avec les conséquences qu'on a vues
tout à l'heure, qui sont les mêmes conséquences que pour la
négociation nationale? C'est la raison pour laquelle, dans le contexte,
et comme cela se passe actuellement, les commissions scolaires ne sont pas
favorables à la négociation locale.
M. Perron: Sur aucun point?
Mme Gobeil: Pas les 18 points qu'on a à l'heure actuelle.
Ce sont des bebelles, M. le Président.
Pour répondre à la deuxième partie de votre
question, je cède la parole au directeur général.
M. Audy: D'une façon générale, tel que cela
se passe présentement, avec les matières qui s'y retrouvent, il y
a plusieurs éléments qui ont peu d'importance. Il y a un certain
nombre de sujets ou de matières qui ont une importance certaine.
Toutefois, ce qu'on peut y perdre, à ce niveau, c'est notre chemise et
peut-être autre chose aussi.
Il faudrait repenser toute la question des négociations locales
parce que, dans le contexte où cela se produit présentement,
c'est un rapport de forces qui est tout à fait disproportionné
entre les syndicats et les commissions scolaires, au niveau local. (11 h
45)
Si les négociations locales étaient davantage
orientées vers plus de matières possibles de négociation
au niveau des commissions scolaires et, peut-être, à un niveau
moindre de tables de négociation comme telles, si les enjeux
étaient davantage importants qu'ils ne le sont présentement, on
ne peut dire, à l'heure actuelle, si les commissions seraient contre. On
est beaucoup plus porté à croire qu'elles seraient pour. Il
faudrait vraiment changer l'importance des sujets qui s'y retrouvent
actuellement.
Quant aux arrangements locaux, aux modalités, à l'heure
actuelle, si on ne peut agir comme véritable employeur en
négociant véritablement au niveau local, c'est sûr qu'il y
a des possibilités telles que la médiation pour les arrangements
locaux, l'arbitrage, etc.
Un des points importants pour la négociation locale, c'est non
seulement de vivre des conflits, mais c'est d'être capable de vivre
ensemble par la suite. Donc, si vous amenez un débat complètement
au niveau centralisé, il risque d'y avoir des difficultés de part
et d'autre au niveau local dans l'application de telle conclusion des
négociations. Si on veut que les gens apprennent à vivre
ensemble, proqressent et fassent des qrands bouts de chemin, il faudrait
véritablement que ce monde soit plus responsable en termes de
matières à être négociées. Ils le sont
responsables, mais il faut davantage les responsabiliser en ayant des sujets
d'une importance plus grande. Le gouvernement, à ce moment, pourrait se
concentrer beaucoup plus sur les questions monétaires, de congés
parentaux, etc., ce qui concerne le monétaire lourd. Pour ce qui est du
normatif et de toutes les modalités, les façons de vivre
ensemble, ça devrait aller dans le sens d'une négociation locale,
mais, pour l'instant, selon ce qui a été présenté,
en termes des objets qui sont présentement aux négociations
locales, les commissions scolaires ne sont pas d'accord avec ça, compte
tenu des énerqies à y être consacrées et du peu de
résultat que ça peut donner dans la pratique.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux, au nom
de l'Opposition, remercier la Fédération des commissions
scolaires pour son mémoire.
J'ai quelques questions à poser. D'une façon
générale, il me semble qu'il y a des choses qui sont un peu
contradictoires. Il me semble que la Fédération des commissions
scolaires n'a pas vraiment résolu le problème la
fédération et ses membres, les commissions scolaires - de savoir
quelles responsabilités elle veut vraiment assumer.
Je dois vous dire que je comprends les limites de certaines commissions
scolaires au point de vue personnel et autres. Il y aurait peut-être des
possibilités de regroupement, mais je vois, d'une façon
générale - il y en a d'autres qui sont venus nous le dire ici
avant vous autres - que finalement on va se contenter d'arrangements locaux,
d'une part, et que, d'autre part, tous les plaidoyers qu'on entend, tant de la
part des parents que des commissaires d'écoles et des administrateurs
scolaires, c'est qu'il faut que le régime scolaire ou enfin les
dispositions qui entourent le fonctionnement des écoles doivent coller
le plus possible au milieu.
Tout à l'heure, on a eu un qroupe de parents qui est venu nous
dire: II ne faut pas créer de disparités entre les commissions
scolaires - je voulais leur poser une question et, comme le temps pressait, je
ne l'ai pas fait - quant aux modalités d'application aux niveaux locaux.
Je me dis: II faudrait peut-être que ceci fasse l'objet d'un débat
en profondeur de tous les agents d'éducation pour savoir vraiment,
finalement, c'est l'État qui va tout régler ou si le désir
des milieux d'assumer leurs responsabilités en fonction des besoins des
milieux, on est vraiment consentant à l'assumer, en le reliant
évidemment aux responsabilités que ça implique. C'est vrai
que c'est difficile, mais il va falloir changer de discours. Ce n'est plus un
discours qu'on pourra continuer, tout ce discours d'application au niveau local
et de respect des différences du milieu, quand on vient dire à
l'État: Prenez tout en main parce qu'il nous est de plus en plus
difficile d'assumer ce type de responsabilités. C'est un commentaire
général, vous voudrez peut-être réagir.
Voici mes questions précises, du moins pour ma
compréhension personnelle. À la page 6, et je pense que la page 8
est un peu dans le même sens, vous dites: "L'exercice du droit de
grève ou de lock-out peut, tout en étant maintenu, être
limité. "
Je pense que vous avez déjà répondu partiellement
au député de Duplessis. Vous voulez dire, dans certaines
circonstances, selon les périodes de l'année, mais il y a aussi
la notion de la durée et j'aimerais que vous me disiez quelle est, pour
vous, une
durée qui est acceptable ou non acceptable, en dehors de la
période de l'année.
À la page 8, dans le haut de la page, vous parlez de la
suspension du droit de grève et de lock-out qui devrait s'appliquer
d'une façon automatique. Je voudrais bien comprendre. Est-ce que,
dès qu'on ferait la grève - dans un certain nombre d'exemples que
vous donnez d'institutions spécialisées -automatiquement il
serait suspendu?
À ce moment, ce dont vous parlez - je me demande pourquoi vous ne
le dites pas un peu plus clairement - ce serait, si je vous comprends bien,
l'abolition du droit de grève dans ce type d'institution, puisque vous
le suspendez d'une façon automatique, vous ne le laissez même pas
s'exercer. Est-ce que ce n'est pas l'équivalent de l'abolition du droit
de grève?
Je vais vous poser ces deux questions, mon commentaire
général, et je reviendrai.
Mme Gobeil: M. le Président, il me fait plaisir de
répondre aux commentaires de Mme la députée.
Si notre mémoire a donné l'impression ou a donné
l'image que les commissions scolaires voulaient se départir de leur
rôle d'employeur, ce n'est sûrement pas ça que les
commissions scolaires ont voulu dire. Je tiens à le
répéter, M. le Président, dans le contexte actuel, les
commissions scolaires ne veulent plus vivre ce qui a été
vécu à la négociation de 1972, à celle de 1976,
où il y a eu, par rapport aux négociations locales qui n'en
finissaient plus de durer, des pertes de temps pour les élèves,
des découragements pour les parents. C'était seulement sur des
points minimes; au fond, il y a vraiment des jeux de forces. Je m'explique. La
partie syndicale essayait, au niveau local, de gagner ce qu'elle n'avait pas
gagné au niveau provincial. Or, on sait qu'au niveau local les
commissions scolaires ne sont certainement pas équipées pour
pallier ce genre d'attaques et il y a eu des affrontements très
pénibles.
D'un autre côté, devant la pression des parents pour que
cesse la négociation et que les gens retournent au travail, il y a eu
des dangers et il est arrivé que des choses essentielles, à long
terme, soient cédées. C'est la raison pour laquelle la
majorité des commissions scolaires a dit: On ne veut pas de
négociation locale sur le peu de points qu'il y a, compte tenu surtout
de l'importance qu'ils ont, mais on veut être associées et, plus
que ça, on a demandé que le gouvernement soit moins
présent. On sait que, pour la partie financière, l'argent vient
du gouvernement, mais le gouvernement c'est nous autres.
Sur ça, M. le Président, je voudrais être bien
claire, je ne veux pas qu'on ait l'impression que les commissions scolaires,
qui sont les employeurs, veulent céder ce droit. C'est que le contexte
ne permet pas d'exercer véritablement leur droit et leurs pouvoirs.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je comprends bien Mme
Gobeil qui dit: Nous avons de la difficulté parce qu'il y a un jeu de
pressions qui s'exercent pour des sujets qui sont mineurs.
Est-ce que vous voulez dire que, d'une part, pour que ça ait
vraiment une signification au plan local, il faudrait que les sujets à
négocier localement soient plus grands? D'un autre côté,
vous m'avez aussi dit que les gens n'étaient pas équipés
localement, même pour des sujets mineurs. Alors, là, je suis un
peu dans une espèce de dilemme; je me demande si la
Fédération des commissions scolaires ne devrait pas examiner le
problème dans son ensemble et se demander quelle sorte de ressources
elle a besoin, faire valoir, si elle tient à les qarder au niveau local,
pour quelle raison. C'est vraiment un problème de réflexion en
profondeur, parce que ce discours - là, je ne blâme pas la
fédération, je me souviens de ce discours il y a
déjà plusieurs années -c'est le même qui se
perpétue depuis plusieurs années et ça semble être
une espèce de cercle vicieux dont on ne sort pas, à moins que
l'on n'approche la problématique différemment.
Mme Gobeil: M. le Président, d'abord je réagirai
très brièvement et ensuite je passerai la parole au directeur des
relations de travail.
Je voudrais dire à Mme la députée de L'Acadie que
ce qu'elle dit est tout à fait juste. Cependant, il y a une chose que
nous devons nous rappeler. Quand j'ai dit que les commissions scolaires
n'étaient pas suffisamment équipées, c'est versus les
pressions qui se font lors de la négociation locale.
Il est clair que, si les parents étaient mieux informés de
la complexité des négociations, si les parents savaient, parfois
et peut-être plus souvent, ils supporteraient l'employeur et la
commission scolaire, ce qui n'est pas toujours le cas. On ne réussit pas
à leur donner suffisamment d'informations pour qu'ils saisissent les
véritables enjeux et c'est là le drame. Je crois que les
commissions scolaires pourraient se regrouper, par exemple, pour en arriver
à pouvoir négocier, mais sur des choses beaucoup plus
importantes.
Pour les moyens, je demanderais à M. Tessier de
répondre.
M. Tessier (Jean-Pierre): Sur le plan des moyens, notre
mémoire vise à mettre tout en oeuvre pour que la
négociation des aspects importants se déroule le plus près
des milieux locaux. Par exemple, nous avons
dit, dans notre mémoire, qu'il y a un travail à faire par
le législateur. Le législateur a à nous dire: Est-ce que
ça se fait des débrayages à dix heures le matin et laisser
les élèves en place? Est-ce que cela se fait de ne pas surveiller
les récréations? Est-ce que cela se fait des grèves
d'affrontement indéterminées? Une fois que, sur cette partie des
services essentiels, le législateur aura dit que cela ne se fait pas des
grèves indéterminées ou des lock-out
indéterminés, nous sommes prêts à réglementer
aussi nos propres commissions scolaires, à nous réglementer entre
nous pour dire qu'un lockout ne se fait pas de façon
indéterminée. On ne fait pas une pression indue sur les enfants
ou sur la population pour dire: On va s'affronter; cela durera deux mois, trois
mois, six mois. Il faut qu'à un moment donné, après un
certain temps, il y ait une disposition affirmée par le gouvernement qui
dise: Après tel délai, nous devons convoquer une commission
parlementaire pour fixer la date de la fin de la grève, aussi clair que
cela.
Une fois que cette partie sera faite par divers moyens, nous nous sommes
engagés à livrer une marchandise que nous livrons dans notre
deuxième document: trouver des moyens de faciliter la négociation
sans qu'il y ait d'affrontement ou de recours à la grève.
Là, cela pourrait se faire localement. Nous proposons de faire faire des
constats. Nous proposons de nous limiter à des enjeux réels sur
les points importants, de ne pas tout dénoncer. Nous proposons de
recourir, à certaines occasions, à des formules d'arbitrage. Nous
proposons de publiciser ces constats à la population par le conseil
d'information. Donc, nous mettons en place, à moyen terme, un tas de
moyens. Si le législateur dit comment se déroule une grève
et si nous développons des moyens propres à éviter la
grève, nous mettons en place une foule de moyens permettant qu'une bonne
partie des matières revienne au niveau local.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si je comprends bien,
vous voudriez, avant d'avoir des responsabilités plus grandes au plan de
la négociation locale, que le droit de grève soit circonscrit
quant à sa durée et quant à ses moyens de
harcèlement.
M. Tessier: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Alors, il y aurait une limitation assez
sévère du droit de grève au moment des négociations
locales. C'est ce que je crois comprendre.
Mme Gobeil: Un encadrement.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. À la page
19, vous suggérez que l'État se retire de l'aspect normatif des
conditions de travail - c'est quand vous discutez des responsabilités
respectives du gouvernement et des autres partenaires de la table patronale -
et concentre davantage son rôle au niveau de l'établissement des
disponibilités financières du gouvernement et de la
détermination des paramètres généraux de la
rémunération des employés.
Cela aussi fait l'objet de longues discussions depuis longtemps parce
que le normatif dans je ne sais combien de ces éléments a une
incidence financière si on pense aux tâches, à la
répartition des tâches, aux dispositions de sécurité
d'emploi, enfin, toute la fameuse question de ratios, à ce qui est
relié à la distribution des tâches. Je me demande dans
quelle mesure - je ne connais pas la réponse et je ne l'ai jamais sue
-même avec une bonne volonté d'un gouvernement, on pourrait
soustraire des éléments du normatif au jugement du gouvernement
parce qu'un grand nombre de clauses normatives ont des incidences
financières. (12 heures)
Mme Gobeil: M. le Président, ma première
réponse est la suivante. Je pense que la partie gouvernementale et les
commissions scolaires devraient travailler plus ensemble sur ce sujet. Ce que
les commissions scolaires disent, peut-être que, si c'était
respecté davantage, ça collerait mieux aux attentes du milieu et
ça n'empêcherait pas le gouvernement d'avoir son mot à
dire.
Il m'apparaît que les commissions scolaires ont beaucoup à
apporter pour le mieux-être de l'enfant et la qualité de
l'enseignement.
Mme Lavoie-Roux: Vous divisez les deux. L'État s'occupe
uniquement du côté financier et les commissions scolaires, par le
truchement de la fédération ou autrement, prendraient le
normatif.
M. Tessier: Techniquement, à court terme, nous vous
disons: Les comités patronaux demeurent, les deux parties y sont. Dans
les comités patronaux il y a moyen de vivre ensemble. Il s'agit d'une
question d'attitude, que le gouvernement accepte, comme attitude, qu'il est
là comme employeur qui définit la partie financière et pas
comme législateur, et qu'il a des partenaires associés avec lui
pour s'occuper d'intérêts normatifs qui se font des voix de
prépondérance. La loi 55 le prévoyait. Nous avions des
protocoles de prépondérance. Il s'agit de les vivre ensemble et
de tendre à se dégager des aires de compétence au milieu
et des aires de compétence au gouvernement sur des grands
paramètres, mais on ne propose pas de faire une brisure là-dessus
demain matin. On pourrait progressivement aller à se définir des
aires
de prépondérance. C'est l'essentiel de notre
présentation. On a presque une approche étapiste
là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: Votre conclusion, cette année, votre
rôle lors des dernières conventions collectives, c'est que,
finalement, il n'y a pas eu ce partage de prépondéance et que
l'intérêt de l'État a été toujours
prépondérant...
Mme Gobeil: Sûrement.
Mme Lavoie-Roux:... versus ce que les représentants des
commissions scolaires ou enfin des milieux locaux voyaient comme des exigences
pour la qualité de l'enseignement.
Mme Gobeil: Ce n'était pas clair, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
M. Audy: M. le Président, comme complément à
cet élément-là, il ne faut pas rejeter la question
financière. Je pense qu'il est clair, au niveau de la
rémunération, qu'elle appartient au gouvernement.
Toutefois, au niveau du normatif, il y a des incidences
financières importantes sur les clauses du normatif. Donc, à ce
moment-là, il ne faut pas nier au gouvernement la possibilité
d'encadrer cette question des incidences financières du normatif.
Toutefois, ce qu'on a constaté dans les rondes actuelles, c'est
qu'on va jusqu'au détail. On va jusqu'à la façon de
gérer, d'organiser, de contrôler les éléments du
normatif et c'est cela qui est inacceptable. Ce n'est pas le fait que le
gouvernement encadre financièrement cette partie du normatif. Il est de
sa responsabilité de le faire. C'est vraiment au niveau des
aménagements, de l'organisation des principes où il faudrait
rentrer à l'intérieur des masses allouées par le
gouvernement.
Donc, son droit de regard est vraiment sur le financier, même au
niveau du normatif, mais souvent il y va... Bien entendu il a des lois à
respecter: la Loi de l'instruction publique et ainsi de suite. Je pense qu'il
faut composer avec les lois existantes et avec le financier mis à la
disposition pour le normatif, mais, par la suite nous prétendons que
c'est au niveau des commissions scolaires d'aménager ces
éléments-là pour respecter les paramètres
financiers et les paramètres législatifs qui y sont inclus. Mais
ce n'est pas ce qui se produit dans la réalité. Bien au
contraire.
Mme Lavoie-Roux: Merci.
Association provinciale des enseignants
protestants
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec et j'invite maintenant les représentants de
l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec à
prendre place et à nous présenter leur mémoire.
Nous sommes informés que ce mémoire nous sera
présenté par M. Harvey Weiner.
M. Weiner, vous êtres le président de l'association. Si
vous vouliez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et
procéder à la présentation de votre mémoire.
M. Weiner (Harvey): Merci, M. de Président. M. le
ministre, membres de la commission, au nom des 6000 membres de l'Association
provinciale des enseiqnants protestants du Québec je vous remercie de
cette occasion de vous présenter notre mémoire sur les
négociations dans les secteurs public et parapublic.
Je suis accompagné aujourd'hui par Allan Smith qui est membre de
notre comité exécutif.
L'APEPQ est d'avis que les structures légiférées
pour fins de négociations ne peuvent que servir de guide à ce qui
est essentiellement un procédé dynamique. Ce fait devrait
être évident après la série de commissions
parlementaires et les enquêtes tenues au cours des douze, quatorze ou
quinze dernières années, afin de tenter de trouver ce qui a
été démontré, à notre avis, comme
étant impossible à atteindre, c'est-à-dire une formule
équitable qui saurait satisfaire toutes les parties impliquées
dans les négociations du secteur public.
Nous prétendons que les principes suivants sont fondamentaux
à l'existence de la libre négociation collective: 1. Le droit des
travailleurs de former leur propre syndicat et de s'affilier ou non à
d'autres groupes. Pour nous, c'est très important. 2. Le droit d'une
fédération d'enseignants, comme nous, de choisir ses agents
négociateurs pour les sections du contrat à être
négociées à un niveau autre que local ou régional.
Je veux dire que pour les fins des négociations, nous travaillons depuis
guelque temps en cartel avec la CEQ; c'est notre propre choix et nous voulons
maintenir ce choix, mais nous avons droit, dans la loi actuelle, à notre
propre table de négociation sectorielle et on veut la maintenir. 3. Nous
pensons qu'on doive avoir un minimun d'interférence de l'État
dans le processus naturel d'une libre négociation collective.
L'étendue du négociable, de même que les niveaux auxquels
les différentes matières sont négociées, devraient
être déterminés par les parties contractantes. On
préconise que la loi laisse aux parties le choix de déterminer,
pour n'importe quelle matière, que ce soit négocié au
niveau
national, au niveau local - arrangement local - c'est aux parties
à le déterminer. La loi doit permettre que cela continue.
Des échéanciers pour le dépôt syndical et les
offres patronales, les comités d'orientation et autres innovations ne
peuvent jamais remplacer les négociations faites de bonne foi par les
parties concernées qui ont un but commun, soit obtenir une convention
signée. Une confiance et un respect mutuels ne peuvent être
légifères. C'est le climat des relations de travail qu'on doit
améliorer.
Pour les fins des services essentiels. Nous sommes d'accord avec la
déclaration faite plus tôt au cours de l'année par
l'honorable ministre du Travail à l'effet que les grèves dans le
secteur public en 1979 ont généralement été
menées de façon responsable et raisonnable par les travailleurs
du Québec. C'est évident qu'il peut toujours y avoir des
améliorations, mais nous pensons que la dernière
expérience a été bien meilleure qu'auparavant et c'est aux
parties impliquées dans la négociation de trouver un terrain
satisfaisant pour assurer les services essentiels.
Le droit de grève. La libre négociation collective ne peut
exister sans la possibilité d'une grève, c'est-à-dire la
vraie possibilité d'une grève sans des possibilités qui
sont très encadrées. La révision triennale du droit de
grève dans le secteur public au Québec s'avère être
vaine. Aucune réponse miracle n'existe. Sûrement, le gouvernement
ne s'attend pas à renverser le cours de l'histoire et dénier
à ses employés le droit de négocier collectivement. On ne
peut pas faire marche arrière. Ceux qui favorisent l'élimination
du droit de grève devraient tenir compte des conséquences
sociales et des représailles des travailleurs qui en
résulteraient inévitablement. Il suffit de constater la situation
d'un pays tel que l'Australie où l'absence du droit légal
à la grève n'a diminué ni le nombre ni la durée des
grèves.
La récente grève des travailleurs hospitaliers de
l'Ontario est un autre exemple où l'absence d'un tel droit n'a pu
empêcher une grève illégale, comme c'est le cas pour les
contrôleurs aériens aux États-Unis face aux gestes
posés pour terminer leur emploi.
Par conséquent, il devrait être évident qu'interdire
le droit de grève n'est pas la solution. Notre expérience prouve
aussi que la médiation et l'arbitrage comme procédures
obligatoires mais non exécutoires sont, en pratique, devenues des
procédures patronales pour tester ses propres offres sans courir le
risque d'être obligé d'accepter les recommandations faites par le
tiers. Ces types de procédures, on pense, seront utiles seulement quand
les parties impliquées seront d'accord et que cela pourrait être
utile dans les circonstances. Quelles sont les alternatives? Arbitrage,
sélection des offres finales? Qui alors nommera les Salomons qui
passeront le jugement dernier? Même si on pouvait trouver des individus
compétents et impartiaux acceptables aux deux parties, qui seraient
acceptés, le gouvernement serait-il disposé à soumettre,
sans contrainte prédéterminée, une décision finale
et exécutoire sur 60% de son budget à la décision d'un
tiers?
C'est vrai et nous sommes les premiers à admettre que les
grèves causent un degré d'incommodité. Mais - et on
souligne ça -elles attirent aussi l'attention du public, d'une
façon claire et directe, sur une impasse à la table de
négociation. De notre point de vue, le public est impliqué dans
un différend de négociation. Le public est le vrai employeur et -
on oublie ça de temps à autre - nous aussi, les syndiqués,
sommes des contribuables. Nous sommes aussi les parents des
élèves et des enfants.
En tant que tel, le public s'attend généralement que ses
représentants élus minimisent les coûts. En
conséquence, les électeurs doivent ressentir certains
inconvénients si leurs représentants ne font pas les compromis
nécessaires pour obtenir un règlement négocié. De
même pour nous, les dirigeants syndicaux, nous ne pouvons espérer
être réélus si nous conseillons à nos membres de
faire la grève inutilement pour des demandes impossibles à
obtenir ou pour des sujets que les membres considèrent sans importance.
Ce sont les membres qui décident.
Les pressions politiques naturelles qui existent sur les deux parties
font que l'exercice du droit de grève n'est utilisé qu'en dernier
ressort. La plupart des conventions sont réglées à la
table des négociations. De plus, il existe déjà des
pressions et des contraintes additionnelles contre la grève qui
pèsent actuellement en faveur de l'employeur. 1. Une grève
légale ne peut être déclenchée que
conformément aux prévisions rigides du Code du travail qui
requiert un scrutin secret, un préavis, etc. 2. Les travailleurs en
grève du secteur public n'exercent aucune pression économique sur
l'employeur et c'est un fait. Ce sont nos gens, les travailleurs, qui perdent
de l'argent durant une grève et c'est un fait qui est toujours
oublié aussi. 3. Quoique la pression publique se fasse pour chaque
partie, généralement, les travailleurs en grève en
assument le premier choc. On doit ajouter aussi que le gouvernement peut - et
on en a eu plusieurs exemples - toujours modifier les règles du jeu
après qu'elles ont été établies:
législation, loi spéciale, des choses comme telles. Nous sommes
donc obligés de conclure que la présente loi touchant le droit de
grève dans le secteur public est, malgré ses imperfections en ce
moment, la seule
assurance du droit fondamental des travailleurs à une libre
négociation collective. Évidemment, nous
préférerions l'adoption des recommandations de l'Intersyndicale
qui donnent la possibilité d'une vraie négociation des parties
égale à égale, mais nous sommes suffisamment pragmatiques
pour reconnaître que cette commission parlementaire n'a pas
été établie pour améliorer la situation des
syndicats et ne recommandera peut-être pas toutes les revendications que
nous avons faites hier.
En conclusion, nous ne sommes pas sans penser que cette commission
parlementaire ne sera pas la dernière sur ce sujet et nous profitons
maintenant de l'occasion pour vous donner avis que nous sommes disposés
et prêts à soumettre encore notre mémoire en 1983 ou 1984.
Merci.
Le Président (M. Perron): Merci. M. Marois, ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
l'Association provinciale des enseignants protestants du Québec de son
mémoire et remercier particulièrement son porte-parole, M.
Weiner, de ses remarques additionnelles. On voit que les degrés
d'optimisme varient ou sont relatifs selon les uns et les autres. Avec votre
permission, M. le Président, je voudrais céder
immédiatement mon droit de parole à mon collègue, le
député de Roberval, qui a particulièrement
étudié ce mémoire et qui aurait un certain nombre de
questions et de commentaires à formuler en notre nom. (12 h 15)
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier, au nom de la majorité ministérielle, l'Association
provinciale des enseignants protestants d'avoir présenté d'abord
un mémoire peu volumineux, mais qui reflète clairement, je pense,
la pensée des membres de ce syndicat. C'est pour cette raison que
malgré que ce mémoire n'ait que quatre pages, j'aurai un certain
nombre de questions à poser au président.
Effectivement, il y a une remarque que vous avez faite en terminant
votre présentation, M. le président, qui m'étonne un peu.
C'est concernant cette commission parlementaire, ses buts et son objectif
premier. Vous avez dit que ce n'était pas nécessairement pour
améliorer la condition des syndicats qu'on avait institué cette
commission parlementaire. Je me permets de vous faire remarquer à ce
stade-ci que cette commission parlementaire, sans préjugés, a
essayé et essaie toujours de prendre dans chacune des deux parties les
éléments que ces gens croient justes de représenter ici
et, à cette fin, je pense que les syndiqués, comme les syndicats
et comme la population en général, devraient trouver dans
l'aboutissement des travaux de cette commission parlementaire une
amélioration. Je le souhaite très ardemment et le ministre l'a
souhaité à plusieurs reprises au cours de nos travaux. On va
aboutir, je pense, à un meilleur régime de négociations et
peut-être à des mécanismes qui faciliteront, de part et
d'autre, le travail de négociation.
Ces remarques préliminaires étant faites, M. Weiner, j'ai
quelques questions et j'aimerais que vous les notiez de sorte que vous pourrez
me répondre sur l'ensemble. D'abord, je dois vous dire que sur les
principes que vous énoncez à la page 1 de votre document,
principes que vous dites fondamentaux pour l'existence de la libre
négociation collective, personnellement, je les trouve raisonnables et
je pense que plusieurs membres de cette commission les acceptent, de même
que le public qui nous écoute. Quand on parle du droit des travailleurs
de former leurs propres syndicats, je pense bien que c'est admis
généralement dans notre société et par les membres
de cette commission. Quand on parle du droit d'une fédération de
choisir ses agents négociateurs, sauf erreur, je pense qu'on a
prouvé qu'on comprenait cette dimension et je voudrais bien, en tout
cas, qu'on respecte ce principe qui est assez fondamental. Quand on parle de
l'interférence de l'État dans le processus naturel d'une libre
négociation collective, qui devrait être limitée, autant
que possible, encore là, on peut acheter le principe, mais je me pose
une question concernant le fait que, selon ce que vous avez inscrit dans votre
mémoire, "l'étendue du négociable - je vous cite - de
même que les niveaux auxquels les différentes matières sont
négociées devraient être déterminés par les
parties contractantes. " Je vous pose une première question qui est
celle-ci: N'a-t-on pas assisté au cours des dernières
années à une négociation de ce qui devra être
négocié et, par le fait même, à une prolongation,
peut-être indue, de tout le processus qui est déjà
très lourd? N'y aurait-il pas lieu, en tout cas - est-ce si fondamental
que ça pour que cela ne puisse avoir lieu - de faire des arrangements
beaucoup plus rapides et d'accepter, finalement, que la partie patronale puisse
désirer ne pas négocier, par exemple, l'étendue de la
masse monétaire à accorder à un groupe de syndigués
qui réclament des droits? N'y a-t-il pas là une mécanique
qui est très lourde et qui mène à la situation suivante:
C'est qu'on négocie pendant trois mois et on commence à
s'engueuler pendant trois mois avant de commencer la négociation pour
savoir ce qu'on va négocier? J'aimerais avoir votre opinion
là-dessus, parce que vous avez déjà participé
à des négociations et j'aimerais que
vous nous disiez comment vous voyez ce problème en tant que
président de votre association.
Au cours des travaux de la commission, on a fait état à
quelques reprises - même la CEQ, là-dessus, a semblé
acheter un peu le principe; je ne voudrais pas trop m'avancer en son nom, mais
elle se disait prête à l'envisager - de la question d'abolir le
palier de négociation locale et de tout centraliser. Il semblerait que
la table centrale ait plus de pouvoirs, qu'il soit plus facile de
négocier globalement. Il semblerait également que, localement, ce
serait une deuxième possibilité de conflit, et que ce serait de
nature, que ce soit pour le syndicat ou par la partie patronale, à
envenimer les relations parce qu'il peut arriver que des commissions scolaires
veuillent se venger d'une négociation provinciale qui ne ferait pas leur
affaire.
Il semble aussi que certains syndicats pourraient vouloir, à un
moment donné, en arracher un peu plus puisque la négociation
provinciale n'a pas donné les résultats escomptés. Je
voudrais savoir si vous êtes partisan de maintenir cette
négociation locale, et, peu importe la réponse que vous me
donnerez, quelles sont les raisons qui la motivent.
À la page 2 de votre mémoire, vous faites également
état d'une déclaration de M. Marois, ministre du Travail,
à savoir que les grèves dans le secteur public, en 1979, ont
généralement été menées de façon
responsable et raisonnable par les travailleurs du Québec. On a admis
également ces choses-là. Cependant, il y a certains groupes qui
se sont chargés de venir à cette commission pour nous
démontrer qu'il y avait eu nettement, selon eux, des abus dans certains
cas, qu'il y avait eu des cas pitoyables.
Votre mémoire me laisse croire que vous ne proposez aucun
mécanisme. Est-ce que c'est parce que vous n'acceptez pas cette
affirmation à savoir qu'il a pu se produire des choses
déplorables dans les grèves précédentes ou si vous
avez un mécanisme à proposer dans les cas où vraiment,
entre autres dans les services de santé, même si vous êtes
moins concernés, il y aurait eu des abus flagrants? Est-ce que vous
croyez qu'il puisse y avoir un mécanisme possible? Plusieurs ont
été proposés à cette commission, d'aucuns
très intéressants, d'autres qui l'étaient moins.
J'aimerais connaître votre point de vue là-dessus.
À la page 3 de votre mémoire, je note un certain
pessimisme - et c'est le moins que je puisse dire - face aux mécanismes
actuels prévus dans le Code du travail. Vous dites que la
médiation et l'arbitrage non exécutoire sont des
procédures gouvernementales pour tester ses offres. Je remargue que vous
n'avez pas confiance, en tant que représentant d'une association comme
la vôtre, en ces mécanismes. Ce qui me surprend un peu - et
j'aimerais avoir des éclaircissements là-dessus - c'est que vous
ne semblez pas non plus accepter les solutions d'arbitrage, de sélection
d'offres finales, enfin, différents mécanismes dont on a
déjà parlé. À ce moment-là, est-ce que vous
voyez une issue face à cette situation que je qualifie de très
pessimiste?
Vous dites également, au bas de la même page: "Les
dirigeants syndicaux ne peuvent espérer être réélus
s'ils conseillent à leurs membres de faire la grève pour des
demandes impossibles à obtenir ou sur des sujets que les membres
considèrent sans importance. " Je voudrais savoir, M. Weiner, quel est
le processus de cueillette de demandes auprès de vos syndiqués en
vigueur dans votre syndicat. J'ai assisté déjà à
des cueillettes de demandes dans certains syndicats et le problème
suivant se présentait. Sur certains points de la convention collective,
alors qu'on faisait une vaste consultation syndicale, des membres du syndicat,
entre autres dans le domaine de l'enseignement, du côté de la CEQ,
allaient réclamer, pour leur part, un ratio plus bas. D'autres membres
réclamaient un salaire plus élevé; d'autres membres
réclamaient une tâche réduite. Mais chacun de ces membres
donnait sa priorité. Le problème que j'ai cru remarquer -
j'aimerais connaître votre opinion là-dessus - c'est que le
syndicat avait tendance à faire la synthèse des priorités
de tous ses membres, ce qui faisait, à mon point de vue - vous me
corrigerez si vous croyez que je me trompe - une demande qui dépassait
peut-être dans son ensemble ce que les membres individuellement
voulaient. Je ne sais pas si vous avez bien compris le sens de cette question.
J'aimerais avoir une réponse et j'aimerais que vous nous expliquiez quel
mécanisme est en place dans votre syndicat pour faire la cueillette des
données.
À la page 4, vous parlez des pressions politiques naturelles qui
existent sur les deux parties qui font que l'exercice du droit de grève
n'est utilisé qu'en dernier ressort. De plus, il existe
déjà des pressions, des contraintes additionnelles contre la
grève qui pèsent en faveur de l'employeur. Vous les
énumérez et vous en avez ajouté une quatrième. Il y
en a trois: qu'une grève légale ne peut être
déclenchée que conformément aux provisions rigides du Code
du travail; deuxièmement, que les travailleurs en grève
n'exercent aucune pression économique sur l'employeur;
troisièmement, que la pression publique se forme... en
général, les travailleurs en grève reçoivent leur
partie de pression. Enfin, vous avez ajouté que le gouvernement pouvait
modifier, à un moment donné, les règles du jeu. Il n'y
a pas de conclusion à cette partie. Je vous pose la question
suivante: Est-ce de votre part une affirmation, à savoir que le rapport
de forces qui existe à ce moment-ci, avec ces contraintes qui
pèsent sur le syndicat, pour nous démontrer que le rapport de
forces, syndicats-gouvernement, est à votre satisfaction actuellement?
Parce qu'il n'y a pas de conclusion. On semble dire: Voici, on n'est pas si
forts que cela, il y a telle et telle chose qui pèsent contre nous.
Maintenant, cela semble vouloir dire, la logique, que cela donne un rapport de
forces satisfaisant. J'aimerais avoir votre point de vue également sur
cet élément.
Enfin, dernière question: On a fait état, lorsque les
directeurs généraux de commissions scolaires sont passés
ici - j'ai déjà posé la question à la CEQ,
j'aimerais également vous la poser - on a au moins identifié que,
dans le domaine de l'éducation, la sécurité
immédiate des enfants en cas de débrayage nous apparaissait un
élément très certain de services essentiels
assurés. Je voudrais savoir, d'abord, ce que vous en pensez et,
deuxièmement, si vous avez, pour votre part, réfléchi sur
ce que pourraient être les services essentiels en éducation, s'ils
existent, outre celui dont je viens de faire mention. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): M. Weiner.
M. Weiner: La première question était un point de
vue sur la négociation, sur le partage des matières. Pensons que
c'est vrai que cela pourrait être lourd, et cela l'était la
dernière fois. Nous pensons que le processus est très important.
Cela éclaircit d'une façon importante pour nous,
syndiqués, ce qui sera négociable et à quel niveau ce sera
négociable. Nous pensons que cela doit continuer d'être
négocié de cette façon. Les circonstances, le contexte de
la négociation dépend évidemment du contexte social, du
contexte économique. Il y a nécessité, chaque fois, avant
de commencer, de discuter de nouveau de ces points et de déterminer si
ces points devraient être discutés au niveau national ou s'il
serait préférable d'en discuter au niveau régional ou
local. Pour nous, c'est le processus qui est important. Cela peut prendre du
temps, mais je pense que cela va prendre moins de temps la prochaine fois parce
qu'il y a des choses qui ont été éclaircies par des
négociations antérieures. C'est la question du palier de
négociation, palier local. Pour nous, cela doit être la
possibilité de négocier des matières au niveau local,
c'est-à-dire avec les commissions scolaires, les conseils
régionaux. Je ne sais pas quelles seront les structures à
l'avenir, mais nous pensons qu'il y a des sujets importants qui se
négocient actuellement au niveau local, et cela doit être une
véritable négociation avec un droit de grève, qui ne
pourraient pas être négociés au niveau provincial à
ce stade. Par exemple, affectation et mutation dans le secteur de
l'enseignement, mais dans les autres secteurs aussi. (12 h 30)
Je pense que ce sera un modèle si on tente de négocier ces
matières au niveau national. Il y a maints systèmes
différents axés sur des prémisses différentes. Le
système qu'utilisent, par exemple, nos syndigués en
Gaspésie est très différent de celui utilisé
à Montréal. Cela ne peut pas être pareil. Ces
problèmes sont des problèmes locaux et ils qui doivent se
régler au niveau local. C'est la même chose pour la
répartition des fonctions et des responsabilités des professeurs.
Il y a des préférences, des priorités différentes,
je pense, dans les différentes régions et on doit avoir la
possibilité d'utiliser de la meilleure façon le nombre de
professeurs garanti au niveau provincial.
Troisièmement...
M. Gauthier: Je m'excuse, M. Weiner, j'aimerais avoir une
précision supplémentaire. Une dimension de ma question portait
sur le fait de savoir si vous croyez que cela peut être utilisé
par des employeurs ou par des syndicats - je vais vous le demander pour les
employeurs - comme moyen de vengeance contre une négociation provinciale
qui n'aurait pas été à leur satisfaction. Avez-vous des
cas précis où cela s'est fait ou est-ce une crainte qui n'existe
pas dans les faits?
M. Weiner: Évidemment, c'est un crainte, c'est une crainte
à n'importe quel niveau. Il y a des situations sur lesquelles on peut se
poser des guestions, mais, en général, je pense que cela
dépend de la bonne foi des parties et que cela marche bien. Si on fait
une analyse des ententes locales dans notre secteur, par exemple, toutes, avec
une seule exception, ont été signées sans
grève.
À la troisième question, M. le député, ce
n'est pas une question d'incompréhension des problèmes sur le
mécanisme des services essentiels. On ne veut pas dire que cela a
fonctionné à 100%, mais nous pensons que le mécanisme
actuel est un bon mécanisme. Cela a marché la dernière
fois mieux qu'auparavant, bien mieux. Nous pensons que les parties face
à face peuvent, avec ce même mécanisme, trouver des
solutions qui seront encore meilleures lors de la prochaine négociation.
On ne doit pas jongler avec cela à chague négociation; on ne doit
pas changer les règles à chague négociation. Cela a
été un bon mécanisme, une amélioration nette et
cela a des possibilités de s'améliorer dans l'avenir aussi.
La question no 4, c'est sur la médiation
et l'arbitrage. Ce qu'on dit ici, c'est qu'en général cela
marche dans le secteur public mais que les règles sont à
l'avantage de l'employeur. On sait que si l'arbitrage final, la
sélection finale ou "finale offer selection", comme on l'appelle en
anglais, est utilisée -je pense que c'est utilisé dans le secteur
anglo-catholique - c'est une sélection des sujets vraiment minimes
à ce point-là, parce que les deux parties ne sont pas d'accord
pour avoir un sujet d'importance arbitré de cette façon. Je ne
veux pas dire ici et nos professeurs ne veulent pas dire qu'on n'acceptera
jamais la possibilité d'un arbitrage final ou "final offer selection"
comme solution, mais, à ce point, cela doit tous les comprendre. On ne
peut pas avoir un encadrement pour l'arbitre. C'est ce qui se passe
actuellement. C'est un encadrement. L'arbitre doit régler d'une
façon prédéterminée par la partie patronale, par
une loi spéciale et c'est nettement insatisfaisant pour nous.
La cinquième question, le processus de consultation de nos
membres. Oui, c'est vrai que c'est une consultation qui peut produire - cela
s'est déjà produit - une demande, si vous voulez, un peu
gonflée, mais on pense que cela aussi s'est amélioré dans
les dernières années. On vérifie à chaque
étape avec les membres dans des assemblées
générales, des assemblées des
délégués et nous faisons une liste des priorités et
une analyse aussi des contradictions, parce qu'il y a parfois des
contradictions entre un dossier et un autre. Les premières demandes, je
ne sais pas, mais je pense qu'on a fait un bout de travail là. Je pense
que c'est une meilleure demande, que c'est une demande plus pensée que
celle d'auparavant et la prochaine le sera aussi.
Mais je peux aussi dire que les premières offres du patron
ressemblent à des négociations pour d'autres. Si c'est un
problème, c'est un problème pour les deux parties et cela ne va
pas se régler avec la législation, cela va être la bonne
foi des deux parties.
M. Gauthier: Si je comprends bien, on souhaite une
amélioration mutuelle?
M. Weiner: C'est cela.
Question du rapport de forces syndical-gouvernemental, non, on n'est
vraiment pas satisfaits de la situation actuelle. Mais nous sommes
réalistes. Nous avons dit clairement qu'il y a beaucoup de choses qu'on
a proposées hier, dans le mémoire de l'Intersyndicale, qui auront
la possibilité d'établir une vraie négociation
d'égal à égal.
Dans le contexte actuel, ce n'est pas réaliste de penser que la
présente commission - et on ne veut pas présumer de la bonne foi
de la commission - va changer quelque chose en notre faveur.
C'est une situation qui n'est pas satisfaisante, mais c'est la meilleure
qu'on a dans le moment. On espère que la commission va étudier
les propositions qui ont été faites par l'Intersyndicale et que
quelques-unes seront adoptées et recommandées à
l'Assemblée nationale.
Sur la question de sécurité d'un fonds, nous pensons que
c'est quelque chose qu'on a toujours respecté, dans la question des
grèves. S'il y a des services essentiels dans le secteur de
l'éducation, c'est primordial dans ce sens-là. Mais, dans le
contexte d'un accord sur les services essentiels, je suis prêt à
discuter s'il y a des choses qui sont vraiment essentielles. Mais ma
définition de services essentiels, c'est une question de vie ou de mort,
une question des gens qui ne sont pas capables de faire les choses par
eux-mêmes. On a des institutions sous la juridiction des Affaires
sociales, où on donne l'enseignement - Douglas Hospital, à
Montréal, par exemple, John Birks, Mackay Center - et on a eu des
accords la dernière fois pour donner des services essentiels pour ces
élèves.
M. Gauthier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. Weiner, pour votre mémoire, au
nom de l'Opposition. Comme nous sommes tous deux anglophones, je crois que ce
serait plus naturel de se parler en anglais aujourd'hui. Je vais continuer en
anglais.
Une voix: Je vais traduire pour vous.
Mme Dougherty: Je pourrais parler en français aussi, mais
c'est un peu anormal parce que je connais très bien M. Weiner...
M. Gauthier: Ce n'est pas de mauvaise foi, c'est parce que j'ai
un problème évident de compréhension et je
m'intéresse à vos propos.
Mme Dougherty: Je vais parler très lentement. Je parle
lentement français et je parle lentement anglais également.
M. Gauthier: On m'offre de traduire.
Mme Dougherty: Mr. Weiner, I must say I am a little disappointed,
not so much perhaps by what you have said in this short mémoire, but the
principles that you obviously support were discussed last night at the
Intersyndicale's mémoire.
It seems to me that you and your colleagues talk about fundamental
rights of strike, free negociation and so on, without due consideration of
other rights. So my
questions are all coming from one perspective. That is the perspective
of public interest. You said in your discours this afternoon - I do not even
know what it is called in English - you said that the public is the real
employer. Now, I could not agree with you more. I think that some of the
suggestions that we have received, given the fact that the public is the real
employer -and that implies that not only is the public service involved, but
the public purse as well - some suggestions have come forward wich suggest that
the monetary decisions, the "masse salariale" and the other large questions
which have serious monetary implications should be removed from the
negotiations and decided prior to the beginning of negotiations either in the
National Assembly or by some other body, but not in a negotiating context.
Now, what comments do you have about that? I am going to qo about it one
by one, I think it is more satisfactory to deal with one question at a
time.
M. Weiner: Si vous me le permettez, je répondrai en
anglais à Mme Dougherty. We think that you obviously cannot have a true
negotiation if the package, the monetary package, is removed and is determined
by another party not subject to negotiation. Therefore, we would oppose that
particular concept. Yes, we said, the public is - and we believe that - the
real employer, we are also part of the real employer, those of us that are
unionized, and we make up a very substantial number of that particular
public.
I might ask Mrs Dougherty and the members of the commission whether in
fact that type of a proposal would also be satisfactory for the members of the
National Assembly, in determining their own salaries and their own fringe
benefits? I think not. I think the public elects representatives, gives them
responsibility, part of that responsibility is to negotiate a monetary mass, in
terms of public service, and to do the best job that they can do on behalf of
the public, just as we try to do the best job we can do on behalf of the
unionized workers. The decision is rendered at the subsequent election as to
how good a job they have done in that particular regard. And I would argue
strongly against removing the monetary mass from the forum of negotiation, as I
would, and have, if people are suggesting that the members do not have a right
to determine their conditions, their pensions and their salaries within the
National Assembly. I think they have that right, they have that responsibility,
they are accountable to the public just as we are accountable to our members at
some point.
En résumé, je pense que la question salariale doit
être négociable et nous pensons aussi que c'est pareil, d'une
certaine façon, à ce qui se passe maintenant concernant les
salaires et les conditions de travail des membres de l'Assemblée
nationale; cela doit être déterminé aussi de cette
façon. Einalement, ce sont les membres du public qui jugeront si ces
décisions sont valables et ce, par élection
générale. Vous êtes responsables au public en ce sens pour
les décisions, pour la négociation; nous, nous sommes
responsables aux membres, ce doit être comme ça.
Mme Dougherty: The next question is in relation to the impact of
the results, the agreements reached in negotiations on the quality of
education. I think perhaps you were here when I asked a similar question to Mr.
Gaulin of the CEQ. I think that it was you, Mr. Weiner, who at the end of the
1976 or 1977 negotiations said publicly that you were very happy, that you had
received the best contract in North America. Now, I think that was true, best
contract in terms of working conditions, in relation to salaries and so on, but
it is the parents' perception that with each contract there is a deterioration
of the quality of education, either subjects are lost, there seems to be a
qreater and greater depersonalization in the schools, maybe teachers do not
care as much about the kids. I think this is felt in hiqh schools and yet, from
your point of view and from the general union point of view, everything seems
to be qetting better and better. Now, how do you reconcile these two
perceptions?
M. Weiner: They are difficult perceptions, Mrs Dougherty, to
reconcile. We would arque very strongly that the quality of education has in
fact improved considerably over a period of years since collective bargaining.
We would argue that what is taking place in many classrooms today, with classes
of 25 and 26, was not possible and achievable 10 or 15 years ago when we had
classes of 40 and more. (12 h 45)
Where we think there is error, if you like, it is in the perception and
it is a perception which I think, has to be changed. There has been a general
deterioration of values and of the parental role in society. I think there has
been an assumption - I think it is an accurate one - that the school can
resolve, in five hours, everything that is taking place in the society of
today.
I would remind you and the members of the commission that, in the
fourties and in the fifties, if one checks records, we had many many more
dropouts than we have today. The dropouts, however, were not visible, that was
a time of full employment, a time when parental influence was much stronger
than it is today.
All of these problems have to be dealt with. The school has its
responsibility in
dealing with those problems, but the school cannot solve the problems of
what is happening in society: the problem of unemployment and various other
issues which are there the hopelessness that many students feel when they know
that, when they graduate from high school or when they graduate from
university, there will not be much opportunity, if any, for them in the work
field. This is something which I did not have to contend with when I went to
school and I am sure that it is not something you had to contend with when you
were in school.
So, I think that the perceptions, as you suggest, are there, but I think
they are false perceptions.
En résumé, nous pensons, comme professeurs, que la
qualité de l'éducation s'est améliorée
considérablement au cours des dernières vingt années, mais
il y a aussi une société qui a changé radicalement et nous
pensons que les problèmes d'inflation, de chômage, etc., indiquent
que le problème des "dropouts", c'est un problème maintenant
parce qu'ils sont visibles, ils sont dans la rue, devant les écoles
parce qu'ils n'ont pas d'emploi, ils n'ont pas d'occupation valable. Dans les
années quarante et cinquante, les "dropouts" n'étaient pas
visibles, le chômage était très limité, il y avait
un respect des parents et une société qui était
très différente.
On pense que la perception du public doit être changée,
ça ne peut pas être l'école seule qui puisse changer ce qui
se passe dans les 19 heures en dehors de l'école. La
société a un rôle dans ça, les parents ont un
rôle dans ça, les enseiqnants aussi, bien sûr, mais
ça ne peut pas être dans l'école. La plus grande
frustration des professeurs, à l'heure actuelle - ils sont très
stressés - c'est de tenter, en cinq heures, de trouver des solutions
pour pallier à une société qui est vraiment malade.
Mme Dougherty: Mr Weiner, that brings me to my third question.
You are talking about values, and I agree with much of what you are saying
about the social problems. But there is something that concerns me very much
and I am really surprised, as a matter of fact, and I wanted to ask the
question to the parents of Three Rivers earlier - the school board there -
because in everything that they said, especially in the beginning of their
"mémoire", I am really surprised that they did not suggest the abolition
of strikes in the education sector. Nobody has even suggested that so far and
all of our discussion has been on the hospital sector, where we are worrying
about the security of the patients.
But you are talking about values and it seems to me that one of the
important functions of a teacher, in our society, is not only to teach
material, instruction, it is to be a model for the child. This, to me, is an
even more important part of a teacher's function. A good teacher can change a
child's life and I just wonder what kind of effect harassment, strikes and the
disruptions that we have had in schools, in recent years, have had, not on the
security and health of the child, but on the morale, the spiritual life, the
values of the child. I saw it in my own children, I saw total deception, total
demoralization, lack of respect or loss of respect for teachers by children who
had had a great deal of respect for teachers. I just wonder how you really feel
about that. Perhaps in a public forum it is not easy for you to talk about
that, but I think that the conflict between the professional role of the
teacher and the cynical loyalty of a teacher is something that must be very
painful to a great many teachers. Perhaps you would like to comment on
that.
M. Weiner: I will just say that over a period of years, we have
learnt, the lesson we have learnt, we have been taught - as teachers we learn
as well - by employers, by the way the employers treated teachers over a period
of years, that the only way that we can effectively achieve our professional
objectives is the syndical way. So we do not see any conflict in those
objectives.
There was a time - perhaps it is now looked upon with rose colored
glasses, because I do not see that time in the same light - where teachers were
considered to be professional, and what professional meant was that they were
prepared to accept large classes, heavy workloads and low salaries in return
for a label which was attached to their name. Teachers will no longer, teachers
can no longer accept being treated in a fashion as, for example, a priest, a
nun or whatever, where it has become a devotion which means that they must
sacrifice what they know is required to do their job well and they must also
sacrifice their own economic well-being and their right to status and
dignity.
I think that has been a hard lesson for teachers to learn and you are
right, Mrs Dougherty, that there were times, certainly in the sixties, when the
union movement started in the protestant sector, where teachers had many
reservations about whether this was the right thing to do. I think on balance
the majority of teachers feel that we have, in fact, taken the right road.
What I would suggest is that the only way we can, in fact, restore
perhaps some more of what you are suggesting was there many years ago, is a
respect on the other side of the table and in the negotiation process where the
"partie patronale" recognizes many of these roles that the
teacher is supposed to carry out and supposed to carry out perhaps in a
better fashion, although they think that it is unrealistic, than the parents or
other members of society. But in recognizing that, the offers that are made at
the table, the negotiation that is carried on at the table is done with an
objective of satisfying the needs of the schools, the needs of the teachers, in
a way that would not require the exercise of the strike weapon. We would argue,
from our perspective, that most, if not all strikes, are in fact created by an
absence of offers on the negotiation table which are acceptable to the
membership. I have gone to meetings and presented offers. Offers have been made
and if those offers were offers that eventually were forthcoming after a period
of a strike action, then the strike would not have been required. I firmly
believe this. There are certain instances where strikes could have been
avoided, if similar offers were put on the table. It seems that we have gotten
into a rather unfortunate game of posturing at the table and I would put a
considerable amount of blame on the "partie patronale" for that. We will accept
our share of it as well, but there almost has to be a strike in order for a
negotiated agreement to be achieved. Perhaps that attitude could be changed at
the table. Then, some of the things that you saw, perhaps, in teachers, which I
still believe are there and are still being exercised, would be there and would
be there in a much stronger degree.
Mme Dougherty: OK. My last point. We had a suggestion last night
and it pertains to your wish, I think, which is perhaps many people's wish,
that somehow or other we could change the name of the game a little bit and
find a less polarized, less destructive kind of system.
We had a suggestion last night that one of the important factors that
could chanqe the name of the game would be a greater sharing of a definition of
tasks at the local level or at the institutional level between management and
staff.
There is another suggestion too, in a memoir that we have not heard yet
and which, I imagine, will come in the wee hours late tonight, from the
Association des cadres scolaires in the catholic school boards, arriving at the
same point. Instead of defining a task, the teacher's task in great detail,
minutes of this and that and so on, perhaps it would be much more in the
interest certainly of the principal of the school, certainly in the interest of
more flexible responsive education for the children, and I would think in the
interest of the teachers themselves to define a global task: so many hours per
week on the job, period, at the top level, the central level, and leave
everything else to be decided at the local level in consultation, in discussion
with the teachers themselves.
Now that, to me, makes sense. I think when people start to take
responsibility for determining their own working conditions, there is a mutual
sense of responsibility, it depolarizes, it removes some of the confrontation
and to me, that is going in the right direction.
Now, Mr Weiner, would you like to comment on that kind of scenario and
would that be a direction that we should pursue?
M. Weiner: There are obviously many theoretic models that have
been proposed and this is another which could be looked at and, I think, has
been looked at, but we are still faced with the practical problem of
determining an adequate number of teachers, and a number of teachers which is
going to be sufficient, if you like, to carry out the tasks that are required.
Unless those two can meet at some point - and I do not know how at this point,
I certainly have not worked out a resolution to that effect - and negotiate in
that kind of a vacuum individual definitions of tasks in terms of what people
should be doing and when they should be doing them, I think it inevitably will
create some very very serious problems.
Do we start, in those circumstances, with a negotiation of a total
number of staff which is going to be satisfactory to both parties that are
concerned and then discuss ways and means of defining the tasks within a
certain number of hours? That is one possible approach. The other possible
approach which I hope you are not suggesting is that each teacher define in
minutes and detail, etc., etc., and then we sum it up and total it, and we end
up with a situation which is absolutely intolerable.
Mme Dougherty: I think we have to get away from this minutes of
this and that. It is destructive and it is not in the interest of good
education.
M. Weiner: We are obviously not negotiating at this point in
time. What I would suggest is that what you are proposing is a theoretic model
which has many problems too and those problems would have to be worked out in
advance. There would obviously have to be a negotiation determining, as far as
we are concerned, a total number of teachers which is satisfactory to us, class
sizes which are satisfactory to us and then deal with the specific nature of
the duties and responsibilities, which has always been a negotiable item. If
there are better ways of doing that, ways that will create more job
satisfaction for the teachers, we are certainly open to looking at them.
Mme Dougherty: Thank you, Mr President.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de l'Association provinciale des enseignants protestants
du Québec.
Mouvement d'animation pour le redressement du
Québec
Compte tenu de l'accord qui est intervenu entre les diriqeants des
groupes de l'Opposition et du gouvernement, nous allons maintenant entendre les
représentants du Mouvement d'animation pour le redressement du
Québec. Je les invite à prendre place et à nous
présenter leur mémoire. (13 heures)
Le rapport nous sera présenté par M. Bernard Guay, le
président du Mouvement d'animation pour le redressement du
Québec. M. Guay, si vous voulez nous présenter la personne qui
vous accompagne. Si je ne m'abuse, c'est M. René Harmegnies.
M. Guay (Bernard): C'est cela, en effet. On aurait aimé
être un peu plus nombreux mais, malheureusement, étant
donné que notre ordre du jour est assez serré, on a
été obligé de réduire notre
délégation à son plus strict minimum. On espère que
le contenu n'en souffrira pas.
Le Président (M. Rodrigue): Connaissez-vous, messieurs, la
règle concernant la présentation du mémoire? Autant que
possible, présentez votre mémoire à l'intérieur
d'une période de 20 minutes.
M. Guay (Bernard): D'accord. D'aucuns peuvent se demander ce
qu'est le MARQ. C'est une association volontaire qui vise à regrouper,
à organiser les employés opposés aux grèves, d'une
part, et à inciter les groupes d'usagers, lésés par des
grèves, à les dénoncer publiquement et à
réagir contre des situations qui les pénalisent. On ne
prétend pas avoir une représentativité numérique ou
juridique étendue, on est surtout un groupe d'idée beaucoup plus
qu'un groupe qui représente une catégorie
socio-économique. C'est pourquoi vous devrez sans doute
considérer nos idées en fonction de leur valeur même et non
pas en fonction de notre poids politique.
Si vous le voulez bien, je vais survoler rapidement les principaux
éléments du mémoire qui vous a été remis.
Vous conviendrez tous qu'on est ici parce qu'il y a un problème. On
pourrait penser, à la suite de présentations antérieures,
qu'il n'y a pas de problème, alors qu'une simple liste, même pas
exhaustive, de ce qui s'est passé récemment nous montre que les
grèves sont devenues, dans le secteur public, un problème
chronique: transport en commun, à Québec, au Saguenay, à
Montréal, autobus Voyageur, transport des handicapés à
Québec, Rive Sud de Québec, transport des écoliers,
services téléphoniques. J'inclus les choses qui peuvent concerner
le fédéral, mais c'est le même monde qui pâtit,
finalement. Mass média. L'accès du public à une
information diversifiée a été réduit: grèves
au Soleil, au Devoir, à Télé-Capitale, à
Radio-Canada, pour mentionner uniquement les médias concentrés
dans les grands centres.
Fonction publique du Québec. Évidemment, on fait bien des
farces là-dessus, mais, en réalité, certaines fonctions
ont été touchées lors des dernières grèves.
Je note, en particulier, l'entretien des routes en hiver, les allocations
sociales, les services informatiques aux services parapublics, la paie, les
horaires, les bulletins, l'aide juridique. Grève d'Hydro-Québec,
privation de chauffage en plein hiver.
Grèves des hôpitaux, grèves dans les commissions
scolaires, grèves dans les cégeps, grèves dans les
collèges privés, grèves dans les universités, pour
ne pas mentionner l'UQAM où c'est rendu une tradition folklorique dans
cette institution, dans les services municipaux.
C'est une énumération bien partielle, qui indique bien
l'ampleur du phénomène. D'une part, il y a une privation
immédiate de services et, d'autre part, il y a une
détérioration à plus long terme qui est souvent plus
insidieuse. Je vais en citer trois exemples dont le transport en commun. C'est
de notoriété publique que, par exemple, à Québec,
les grèves de transport se traduisent par une diminution de la
fréguentation du public qui est rattrapée au bout d'un certain
temps, mais quand on raisonne en termes d'économie d'énergie et
d'écologie, ce sont des retards qu'on peut taxer d'inqualifiables.
De même, dans le domaine des services de santé, des
services d'éducation où la confiance entre l'infirmière et
son patient, le professeur et son élève est tellement importante.
Qu'est-ce qui peut rester de cette confiance une fois que le professeur ou
l'infirmière est sorti dans la rue pour obtenir des améliorations
à ses conditions de travail?
Pourguoi croyons-nous que le système des relations de travail est
inacceptable? On observe que le système de relations de travail actuel
est un produit de la révolution industrielle. À l'époque
du libéralisme absolu, on admet que le droit de grève
était le seul moyen que les employés avaient. L'industrialisation
a remplacé l'équilibre, peut-être mythique d'ailleurs, du
Moyen Âge entre les droits et les devoirs par la loi de la jungle et
c'était normal que les employés se donnent les moyens de
réagir à cela. Pourtant, quoi façon disent certains, le
Québec a largement évolué par rapport au
libéralisme absolu. Quoi qu'en dise la CEQ, ce n'est pas dû
uniquement aux pressions
syndicales.
On note également que c'est un système qui a
été plaqué sur la réalité du secteur public.
À cause de sa connotation moderne à l'époque de la
révolution tranquille, on a transposé, sans trop se poser de
question, le droit de grève, qui est une institution
développée du secteur privé dans le secteur public.
Évidemment, on avait bien promis à l'époque que ce ne
serait utilisé que de façon restrictive, mais on doit bien
constater maintenant que ce n'est pas le cas.
Nous pensons que le système actuel fait abstraction de la
situation du secteur public. Les services publics, pour la plupart, sont
monopolistiques. Quand une entreprise de ketchup tombe en grève, le
concurrent prend le marché; quand un hôpital, ou quand tout le
secteur hospitalier, avec le système de centralisation actuel, tombe en
grève, on n'a raiment pas le même contexte.
De même, on pense qu'étant donné que les services
publics sont financés par des taxes, il y a souvent incitation par la
partie syndicale à croire que le baril n'a pas de fond. La partie
syndicale n'a aucune incitation à freiner ses exigences. On note aussi
qu'il y a confusion de l'employeur et du souverain dans le secteur public.
Certains ont voulu utiliser cette argumentation pour dire qu'il n'y avait pas
de susbtitut au rapport de forces. Nous croyons au contraire que c'est une
indication qu'il faudrait mieux départager les fonctions des diverses
branches de l'État et se rappeler que dans l'État il existe
également une branche judiciaire. On conteste également le fait
du système actuel qui applique jusqu'à l'absurde le concept du
contrat entre les deux parties. Actuellement, toute la théorie du Code
du travail est basée sur le principe qu'il n'existerait que deux
parties: le patron ou l'employeur et les employés. Ceci signifie donc
qu'on exclut automatiquement les usagers en tant que partie et ce n'est qu'en
situation de grève illégale que ces gens retrouvent une partie de
leurs droits.
De même, on observe que le Code du travail actuel exclut toute
intervention arbitrale non consentie. Il ne reste à l'État que
des recours exceptionnels parce que l'arbitrage, selon le Code du travail,
comme vous le savez, est un arbitrage qui requiert le consentement des deux
parties. Le mécanisme des services essentiels est volontaire en ce sens
que c'est la partie syndicale qui détermine les services. On note aussi,
mais c'est un point dont on a souvent fait abstraction dans le débat et
qui n'est pas négligeable, l'abstraction du contexte idéologique.
Je crois que c'est de notoriété publique qu'il y a certaines
chapelles idéologiques qui sont présentes dans nos syndicats, non
pas qu'elles contrôlent tout le syndicalisme québécois,
mais elles existent. Des chapelles idéologiques qui ne cherchent pas,
comme le suppose le Code du travail, à parvenir à un accord
équitable, mais qui cherchent à déstabiliser le
système, qui cherchent à se faire une espèce de capital
politique et à transformer les grèves en répétition
d'insurrections.
Or, nous croyons que dans la mesure où ces gens ont
peut-être un poids disproportionné à leur nombre, et un
poids réel, le système risque, dans bien des cas, compte tenu de
la structure syndicale, compte tenu de l'article 47 qui institue un
véritable impôt syndical, compte tenu de l'article 63b et compte
tenu également d'un paguet d'éléments du Code du travail,
qu'ils aient une influence et un poids disproportionné sur le
déroulement des négociations, ce qui fait que le système
actuel, en dépit de toutes les bonnes intentions théoriques du
Code du travail, ne fonctionne pas.
Quelles sont les propositions qu'on fait? On veut les appuyer sur trois
principes de base.
Le principe d'évolution, un certain concept d'évolution
sociale pour nous. De même que, dans le domaine civil et criminel, on est
passé d'un état où il y avait le duel judiciaire pour
régler les conflits civils à un système de judicialisation
du règlement des conflits, par des tiers, par des tribunaux, nous
croyons que, dans le domaine des relations de travail et surtout dans le
secteur public, principalement là, une évolution sociale bien
comprise devrait nous amener à étudier les façons d'en
arriver à une évolution similaire parce qu'on observe
qu'actuellement le droit de grève est l'équivalent du duel
judiciaire.
On a trouvé également une solution sur le principe
d'équité. On observe que la grève abolit d'un seul coup
les droits des usagers. En effet, de quels moyens de pression le malade
alité sur son lit d'hôpital dispose-t-il face aux appareils
syndicaux et aux employeurs? La représaille électorale est trop
lointaine et ne touche que la partie patronale. On n'a pas vu encore qui que ce
soit refuser de payer ses impôts pour cause de grève et avoir gain
de cause.
On croit également à un certain principe nationaliste dans
la détermination du mécanisme des relations de travail. On croit
qu'une société comme le Québec n'a pas le moyen de
dépenser ses énergies dans une lutte de classes stérile.
Dans cette perspective, il est loin d'être rassurant de constater que le
Québec détiendrait le record des grèves.
On croit également que le Québec doit développer un
mécanisme qui soit conforme à son tempérament. Donc, on
sait que de nos ancêtres gaulois et de notre culture latine on a
hérité du goût des querelles et des absolus logiques, de
telle façon que l'existence du droit de grève conduit presque
inévitablement
à en faire abus. On croit qu'on devrait se développer des
mécanismes. On est soi-disant capable de développer de nouvelles
formules d'association politique. On devrait également être
capable de développer de nouveaux mécanismes de relations de
travail. Le mécanisme qu'on propose fondamentalement, c'est une forme
d'arbitrage obligatoire. Évidemment, c'est écrit dans le ciel, et
le ministre a déjà annoncé ses orientations à ce
point de vue, que pour des raisons qu'on comprend, à savoir les raisons
de la constellation politique québécoise, on n'entend pas aller
au-delà d'un rafistolage du système actuel. Tout en reconnaissant
les contingences politiques auxquelles le gouvernement doit faire face, on
croit qu'il est nécessaire à long terme de réaffirmer
certaines orientations face à la coalition des réalistes à
courte vue et de ceux qui profitent du système actuel. Pour nous,
à long terme, ce qui est irréaliste, c'est le maintien du droit
de grève tel qu'il est. On se surprend, d'ailleurs, de voir un certain
gouvernement, si interventionniste, par ailleurs, dans d'autres secteurs, se
montrer si réticent à répondre aux voeux de la population
dans ce domaine.
Ce qu'on propose, c'est l'abolition du droit de grève dans les
services publics en général. Les employés des services
publics (pris au sens du paragraphe m) de l'article 1 du Code du travail)
n'auraient plus le droit de recourir à l'arrêt de travail comme
moyen de pression. Tout individu qui refuserait d'exercer sa fonction dans un
contexte de négociation serait passible des mêmes sanctions qu'en
cas d'absence non motivée, y compris, dans les cas extrêmes, le
renvoi. Toute association syndicale qui ordonnerait un débrayage dans un
service public se rendrait coupable de grève illéqale et, selon
la durée et la gravité du cas, serait passible d'un
éventail de sanctions. Je vous renvoie à la déposition de
l'abbé Dion l'autre fois qui disait que le pendant nécessaire de
toute loi, c'est la sanction, c'est la démonstration du sérieux
du législateur à améliorer les choses.
Évidemment, les gens peuvent nous dire: Vous ne reconnaissez pas
le droit de grève. Pour nous, le droit de grève est un moyen
parmi d'autres. Le vrai droit des travailleurs, des employés, c'est
d'avoir des conditions de travail équitables. Dans la mesure où
une organisation représentant des employés est de bonne foi, si
on lui offre un mécanisme alternatif qui garantit les droits des
employés, le droit de grève devient un instrument purement
relatif lié à une situation culturelle et sociale donnée
et limitée dans le temps.
En ce qui concerne la modification du processus d'établissement
de contrats collectifs de travail, je vais rapidement passer sur la question de
la centralisation ou de la décentralisation, parce que c'est une
question dont on ne s'est pas préoccupé outre mesure. On s'est
beaucoup plus intéressé au déroulement du processus. Au
point de vue du déroulement du processus, il y a trois
éléments qu'on voudrait introduire essentiellement. Le premier,
c'est l'obligation du syndicat de soumettre les offres patronales aux
syndiqués lors d'étapes prédéterminées par
la loi, d'une part. D'autre part, le resserrement des conditions requises pour
le rejet d'une offre. Actuellement, comme vous le savez, les articles 20. 2 et
20. 3 du Code du travail prévoient qu'une grève doit être
votée et une convention acceptée ou refusée par scrutin
majoritaire secret des membres qui se prévalent de leur droit de vote.
Dans le concret - et je l'ai vécu moi-même à titre de
syndiqué - cela peut signifier que des grèves sont votées
par 20% ou moins du nombre total des membres, parce qu'il s'est
créé une tradition au Québec que les gens qui sont contre
la grève ne vont pas aux assemblées. C'est une des choses pour
lesquelles le MARQ a été constitué, inciter les gens
à aller aux assemblées pour faire valoir leur point de vue. Mais
il y a un état de fait. On proposerait qu'il y ait une proportion du
nombre total des membres du syndicat -mettons les deux tiers ou la
moitié, la proportion n'a pas tellement d'importance -pour s'assurer
d'une participation significative et que le cercle vicieux de l'abstention des
opposants aux qrèves soit brisé.
L'élément clé qu'on propose, c'est l'arbitraqe
obliqatoire des points en litige par une instance judiciaire en cas de blocage.
En cas de blocage des négociations, il y aurait obligation de porter le
débat devant un tribunal spécialisé ayant le pouvoir de
trancher de façon finale et exécutoire sur les clauses encore en
litiqe. Ce mécanisme d'arbitrage pourrait utiliser la formule de l'offre
finale proposée par la Coalition pour le droit des malades.
Il y a deux particularités sur lesguelles on voudrait insister
finalement. La première sur laquelle on voudrait insister, c'est qu'on
suqqérerait que l'arbitrage soit rendu par un groupe de commissaires qui
auraient une permanence équivalente à celle des juges. Vous savez
qu'en vertu du Code du travail actuellement il y a un arbitre nommé par
chaque partie et ils se concertent pour qu'il y en ait un troisième de
nommé. Un mécanisme de ce genre fait, évidemment, que les
arbitres font attention à leur moyenne au bâton s'ils veulent
encore être choisis comme arbitres, alors qu'on croit qu'une magistrature
du travail ou une magistrature des conventions collectives - la formulation
importe peu - aurait plus de chances d'être impartiale et de satisfaire
au critère d'impartialité qui est si important pour la partie
syndicale.
Nous croyons également que, pour éviter une surcharge de
ces tribunaux par des clauses normatives aussi variées qu'il y a de
situations, on devrait penser à une situation où le tribunal
aurait le pouvoir de trancher sur les clauses à incidence
monétaire, étant bien entendu que les parties auraient auparavant
dû s'entendre, comme droit d'accès à l'arbitrage, sur les
clauses à incidence non monétaire qu'on appelle
communément les clauses normatives. Là-dessus, j'aimerais laisser
la parole à M. Harmegnies qui voudrait ajouter certains points sur la
formule proposée. (13 h 15)
M. Harmegnies (René): M. le Président, je voudrais
résumer la formule de rechange que nous proposons pour remplacer
l'exercice de la grève dans les services publics. En quelques mots, ce
serait un tribunal spécialisé, à caractère
judiciaire, composé d'une douzaine de commissaires, qui pourraient
constituer quatre bancs de trois commissaires, dont deux siéqeraient
à Montréal, deux à Québec, présidé
par un juge et qui aurait comme juridiction unique de trancher les litiges
salariaux qui viendraient devant lui uniquement après que les parties
auraient réglé les clauses normatives de renouvellement de la
convention collective. Ce qui veut dire qu'aucune partie n'aurait le droit de
se présenter devant ce tribunal tant et aussi longtemps que les clauses
normatives n'auraient pas été réqlées dans la
convention.
C'est un peu comme ça que ça fonctionnait en 1942 ou 1945,
lors de la dernière guerre. Nous avions des conseils régionaux du
travail pour les salaires uniquement, comme nous avions des conseils
régionaux pour les accréditations des unions dans tout le Canada
en vertu de la loi sur les mesures de guerre. Cela a très bien
fonctionné, c'était rapide, il n'y avait pas de grève. La
formule que nous proposons ressemble un peu au conseil régional de ce
temps-là. Ce conseil serait composé, je le répète,
de douze commissaires qui devraient être au moins des CA
diplômés en administration publique afin de donner confiance aux
parties, et il serait présidé par un juge d'expérience.
Des juges d'expérience, dans la province de Québec, nous en avons
un grand nombre; il y en a onze, présentement, au Tribunal du travail du
Québec. Il y a un choix à faire.
D'autre part, on pourrait peut-être ajouter des économistes
diplômés, guelques spécialistes en relations industrielles
des universités. En tous les cas, on pourrait créer un tribunal
compétent, renseigné, qui aurait à sa disposition un
bureau de recherche et qui serait capable de rendre des sentences
exécutoires sur les questions salariales dans les litiges du secteur
public. Ce serait final, ça réglerait le problème. Cela
fait quinze ans qu'on vit cette expérience de grèves dans le
secteur public. La population de la province de Québec est dans
l'angoisse continuellement, surtout en hiver. Nous croyons, après toutes
ces expériences, que l'heure est arrivée d'avoir un
mécanisme à caractère judiciaire pour régler ces
conflits, pour remplacer la grève dans le secteur public. C'est ce que
nous souhaitons, et nous croyons que ça donnerait justice - ce serait
basé sur la justice - à toutes les parties et on pourrait, par
là, rétablir la paix dans ce secteur.
Vous savez, on nous parle beaucoup de services essentiels. On en a
parlé lors de la dernière grève, surtout, en particulier
dans les hôpitaux. Vous savez ce qui est arrivé. Le ministre du
Travail a nommé le confrère feu Gérard Picard, qui
était l'homme à peu près le plus compétent dans la
province de Québec au point de vue des relations de travail, et qui
avait la sympathie, dans ce temps-là, des permanents syndicaux dans le
secteur public, et ça lui a pris deux mois à en mettre 50%
d'accord sur ce qu'étaient les services essentiels dans les
hôpitaux.
Je ne m'étends pas sur la question d'Hydro-Québec. Tout le
monde est convaincu que les services essentiels sont à 100%. Que ce soit
la police provinciale ou la police municipale, les services essentiels sont
à 100%, il n'y a pas de régie là-dedans. Si on prend le
système de pompiers dans toutes les municipalités de la province
de Québec, tout le monde est d'accord que ce sont des services à
100% essentiels. Je ne vois pas comment la régie dont on a fait mention
ici, qui a été présentée par le ministre du Travail
en collaboration avec le Conseil du patronat, pourrait donner satisfaction pour
régler ces problèmes. On a tenté l'expérience, c'a
pris deux mois à monter des listes et, encore là, les listes
montées n'ont pas été respectées pendant la
grève.
Vous savez que, dans la question des grèves, en particulier dans
le secteur public, quand cela ne fait pas mal, les chefs et les officiers du
syndicat tournent la liste et font les siqnes qu'il faut faire. Cela fait plus
mal et c'est seulement à ce moment que le gouvernement bouge. S'il perd
sa souveraineté, ce sont les syndicats du secteur public qui deviennent
souverains. C'est ce qui arrive dans les grèves du secteur public. Nous
voulons éliminer tout cela. Nous voulons redonner la souveraineté
au gouvernement, sa souveraineté politique, et nous voulons donner
justice aux travailleurs du secteur public, qui ont droit à une juste
rémunération suivant les capacités financières de
la province, du trésor provincial et des institutions.
Cela se résume à cela. Nous croyons, je le
répète, que les juqes d'un tribunal composé de
spécialistes comme cela, auraient le même statut que les juges des
autres cours, ils auraient leur indépendance, leur
autonomie, et exactement le même statut que les autres juges des
cours provinciales. Avec cela, deux bancs à Montréal et deux
bancs à Québec, on pourrait régler d'une manière
très rapide tous les litiges qui surviendraient dans les
négociations sur la question salariale dans le secteur public.
Je répète qu'aucune partie n'aurait le droit de venir
devant ce tribunal tant et aussi longtemps qu'elle n'aurait pas
réglé les questions normatives, ce qui accélérerait
la négociation sur les clauses normatives et la conclusion rapide du
renouvellement des conventions collectives qui se font tous les trois ans. Une
fois que les clauses normatives seraient réqlées, elles auraient
le droit de se présenter sur les points en litige. Ce serait ce tribunal
qui aurait juridiction. Sa décision serait finale, sans appel, cela
réglerait le problème. Cela se résume à cela.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.
M. Guay (Bernard); Est-ce qu'on a épuisé notre
temps ou est-ce qu'on a encore quelques instants pour conclure?
Le Président (M. Rodrigue): Vous avez effectivement
épuisé la période allouée pour la
présentation du mémoire. Cependant, si vous voulez prendre deux
minutes pour conclure rapidement, je peux...
M. Guay (Bernard): On n'abusera pas de la patience de la
commission. J'aurais voulu conclure sur certaines remarques qu'on avait sur les
arguments contre l'abolition du droit de grève. Je vais m'en abstenir,
vous les avez dans le texte. J'aurais quand même une demande
d'information à présenter au ministre. On se fait rebattre les
oreilles fréquemment à cette commission sur le fameux cas de
l'Australie, qui fonctionnerait si mal. Personne n'a vu de chiffres
là-dessus. Est-ce que vous avez des études, des données,
des évaluations de ce système? J'aimerais beaucoup le voir, j'ai
peut-être un biais d'analyste, c'est ma profession. D'ailleurs, je pense
que certains membres de l'Opposition m'ont vu déjà la binette
lors de l'étude des crédits. J'aimerais bien voir le dossier sur
le droit de grève de l'Australie. Si vous en parlez en toute
connaissance de cause, c'est que vous avez un dossier. Comme cela concerne un
autre pays, cela ne doit certainement pas être confidentiel pour les
Québécois. J'aimerais beaucoup le voir, s'il vous plaît.
Est-ce qu'on peut en escompter le dépôt ou en prendre note
à votre ministère?
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.
M. Marois: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le Mouvement d'animation pour le redressement du Québec de son
mémoire, ainsi que ses porte-parole. Il me fera plaisir de vous faire
parvenir les renseignements qu'on a au ministère là-dessus ainsi
qu'aux membres de la commission que cela pourrait intéresser aussi. J'en
prends bonne note.
Là-dessus, avec votre permission, M. le Président, je
voudrais céder mon droit de parole à mon collègue de
Duplessis, qui aurait quelques questions à poser en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Selon ce qui ressort du
mémoire que vous avez présenté, vous mentionnez que vous
êtes contre le droit de grève dans les secteurs public et
parapublic. Il y a une chose qui est très importante, c'est que vous
voudriez que le gouvernement, en tant que législateur, retourne à
ce qu'on appelait dans le jargon, antérieurement, le système
d'arbitrage. Vous avez mentionné aussi la remise à un tiers, si
j'ai bien compris, de décisions qui regarderaient les finances du
Québec. On sait que ces décisions sont actuellement prises par le
Conseil du trésor et par le Conseil des ministres. Je doute
énormément que cela pourrait régler beaucoup de choses de
remettre à un tiers surtout la question financière.
J'ai deux questions à vous poser. Dans votre mémoire, vous
mentionnez que si le droit de grève est aboli, la centralisation dans
les négociations ne pose pas de problème. Toutefois, si la
grève est maintenue, on devra décentraliser les
négociations tout en apportant des adoucissements majeurs aux
dispositions antibriseurs de grève. Je vais poser ma question tout de
suite et l'autre par la suite. Quels seraient, d'après vous, ces
adoucissements à apporter à la loi 45? Voulez-vous s'il vous
plaît donner des exemples?
Ma deuxième question se rapporte au côté judiciaire.
Dans les quatre hypothèses que vous mentionnez, vous parlez de
l'arbitrage portant sur les clauses monétaires et normatives et, par la
suite, dans l'hypothèse 2, vous ajoutez "référendum sur la
masse monétaire". À l'hypothèse 3, vous mentionnez "loi
préalable sur la masse monétaire" et, à l'hypothèse
4, "arbitrage portant sur les clauses monétaires seulement, l'entente
sur les clauses normatives étant un préreguis".
Si j'ai bien compris, l'ensemble de votre dossier porterait sur un
alignement vers l'arbitrage, par un juge, etc. D'ailleurs, je voudrais
mentionner certaines paroles que vous avez dites à un certain
moment.
Lorsque l'arbitre aurait pris sa décision, dites-vous, ce serait
final, cela réglerait le problème une fois pour toutes.
Personnellement, j'en doute, parce qu'on a vu ce qui s'est passé
antérieurement dans des cas d'arbitrage. Ma question est celle-ci: Ne
croyez-vous pas que le système, devenant très judiciaire, comme
vous le préconisez, pourrait engendrer des problèmes, comme par
exemple, aller jusqu'à la désobéissance civile à la
suite de la décision de juges ou d'un juge? Ce sont mes deux
questions.
M. Guay (Bernard): Si vous permettez, je vais commencer à
répondre et je laisserai la parole à M. Harmegnies sur certains
points.
En ce qui concerne la remise à un tiers des décisions,
d'une part, mon concept d'État comprend trois branches: une branche
judiciaire, une branche législative et une autre exécutive. Il ne
me répugne pas, vraiment pas, de déléguer ou d'augmenter
les fonctions du judiciaire, parce que cela préserve au
législatif un rôle d'arbitre ultime. Quant à la question de
la judiciarisation, il ne me répugne pas du tout de dire que ce sont les
tribunaux qui règlent et qui sont un peu la première instance,
effectivement, dans toute situation. Prenons une cause criminelle ou une cause
civile. C'est bien clair que si les parties n'obéissent pas au jugement,
il y a une instance, l'exécutif, qui le fait respecter autant que
possible. Si le gouvernement ne veut pas faire respecter les lois et ne fait
pas respecter les décisions des tribunaux, c'est clair qu'on retombe
à l'état de loi de la jungle à plus ou moins brève
échéance. Il ne nous répugne pas que l'Assemblée
nationale, en dernière instance et en toute dernière instance,
intervienne, mais je crois qu'actuellement, il s'est développé un
pattern où le gouvernement intervient pour toutes les crises. Quand on
dit, par exemple, que le maintien des services essentiels s'est tellement
amélioré lors des dernières rondes de négociations,
il ne faut pas oublier que c'est le gouvernement qui a posé le premier
vote de blâme à son propre système, quand il a voté
une loi spéciale dans le secteur de la santé, avant que les gens
puissent exercer le vote de grève et avant que le système des
services essentiels puisse s'appliquer. Ne nous demandez pas de croire à
un système auquel le gouvernement lui-même a
démontré ne pas croire.
En ce qui concerne la désobéissance civile, comme je le
dis, si un gouvernement ne veut pas faire respecter ses propres lois et ne veut
pas faire respecter les arrêts d'une cour, abandonnons le concept
même de société organisée et transférons la
souveraineté aux syndicats. En ce qui concerne la
désobéissance civile, on a souvent parlé du cas de
l'Ontario. Claude
Brunet, l'autre jour, vous a mentionné des chiffres sur le nombre
de grèves en Ontario et le nombre de grèves au Québec.
J'ai son article publié le 2 avril 1981 dans le Soleil. On sait que les
syndicats ont l'intention d'utiliser le droit de grève. Je lis notamment
dans la revue Option, qui est la revue des infirmières, un rapport
d'atelier. Je le cite in extenso: "II semble inévitable pour les
délégués que nous devons utiliser notre droit de
grève durant la prochaine négociation. " Concrètement, du
côté de la partie syndicale, des gens sont clairement
décidés dès maintenant, quoi que l'on dise, d'utiliser le
droit de grève. Or, on croit que le gouvernement devra avoir un certain
courage politique, doit exercer un rôle d'éducation auprès
des gens, doit effectivement négocier avec des syndicats, les
éduquer. Un syndicat de bonne foi n'a aucune raison, une fois qu'on lui
qarantit un choix équitable au droit de grève, de ne pas accepter
un proqrès, ce que l'on considère comme un progrès social.
Évidemment, si ces gens ont des ambitions de se servir de leurs forces
pour se développer une souveraineté parallèle, c'est une
autre chose. (13 h 30)
En ce qui concerne la question des briseurs de grève, notre
observation répondait à un problème très simple. On
a constaté, au cours de la dernière négociation, qu'un bon
citoyen, c'était quelqu'un qui privait les malades de soins et un
bandit, c'était un bénévole qui allait leur porter un
verre d'eau. On trouve que cela est absurde, que c'est illogique, que cela
contrevient aux éléments les plus élémentaires de
la morale naturelle et de la morale chrétienne et je pense qu'il
faudrait effectivement penser... On n'a pas nécessairement poussé
notre réflexion assez loin pour vous donner un mécanisme
très concret, mais je pense qu'en ce qui concerne les
bénévoles... Je pense également, en ce qui concerne les
employés qui, par conscience personnelle, refuseraient d'obéir au
mot d'ordre de grève, qu'ils ne devraient pas être soumis à
la loi antibriseurs.
Personnellement, je sais que, lorsqu'il y aura les prochaines
négociations dans le secteur de la fonction publique du Québec,
je vais certainement explorer les moyens de contester cette grève
obligatoire qu'on voudrait m'imposer, d'une part.
D'autre part, en ce qui concerne l'éventail qu'on a
proposé, vous comprendrez que ce mémoire a été
écrit en mars. Le débat a progressé depuis. Ce qu'on a
voulu faire à ce moment-là, c'est de démontrer qu'on
était très réceptifs aux alternatives, donc d'essayer de
montrer un éventail, de montrer que, finalement, des formules
d'arbitrage viables, des formules d'arbitrage intéressantes, il y en
avait tant qu'on veut.
Ceci étant dit, on pense que la formule
préférable, c'est celle qui allégerait la
tâche des tribunaux en les obligeant à s'entendre sur les
questions normatives sans incidence financière et réserverait le
rôle de l'arbitre à déterminer les incidences
financières. On n'est pas opposés au concept suivant,
c'est-à-dire que, par exemple, par une loi, l'Assemblée nationale
déterminerait un critère que devrait respecter le tribunal en
termes de masse monétaire totale. Mais vous savez qu'entre une masse
monétaire et un salaire concret consenti à un employé, il
y a une différence. L'un peut être conforme à l'autre, l'un
est à l'intérieur de l'autre.
En tout cas, disons que ce sont des options qui pourraient être
considérées. Je pense que, compte tenu qu'on paie des taxes,
compte tenu qu'il y a des spécialistes en relations de travail au
ministère du Travail, je pense qu'eux autres pourraient raffiner
ça. Il n'est pas de notre tâche d'aller au-delà
d'orientations et de principes généraux.
Là-dessus, je voudrais céder la parole à M.
Harmegnies sur la question de l'arbitrage limité aux questions
financières.
M. Harmegnies: Nous sommes d'opinion que, si c'était un
tribunal qui s'occupait de toutes les questions normatives, les
décisions prendraient trop de temps à se prendre, ça
traînerait et on serait encore comme dans le passé. Il n'y a rien
qui aboutirait là-dedans.
C'est pourquoi on veut marcher étape par étape. On veut
commencer par la masse monétaire, avec un tribunal à
caractère judiciaire, uniquement sur les questions financières,
à condition que les questions normatives aient été
réglées entre les parties. Nous croyons que douze commissaires,
avec un juge, qui seraient des CA diplômés en administration
publique, donneraient confiance à nos institutions et seraient capables
de rendre des jugements intelligents et conformes à notre
capacité de payer.
C'est ce que nous soumettons et c'est pourquoi nous appuyons plus cette
formule que les deux autres.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, en passant la parole à
mon collègue de Sainte-Anne qui a étudié davantage votre
mémoire pour l'Opposition officielle, je voudrais, M. Guay, que vous me
disiez brièvement... Parce que, dans votre mémoire, vous placez
sur le même pied toutes les grèves dans les secteur public et
parapublic et vous prévoyez un régime uniforme pour tout le
monde. Pour concrétiser ma question, est-ce que les conséquences
pour la population d'une grève à Radio-Québec, par
exemple, ont autant d'importance et autant de conséquences qu'une
grève dans un hôpital?
M. Guay (Bernard): Cela va vous paraître étrange,
mais on part d'un principe inverse. On part du principe que, bien
éclairés par leur gouvernement, les syndiqués, s'ils
avaient le choix entre un arbitrage équitable et un droit de
grève, préféreraient l'arbitrage.
Évidemment, on ne prétend pas faire l'adéquation
entre les appareils syndicaux et les syndiqués. Mais on part d'un point
de vue tout à fait inverse. Ce qu'on dit, c'est que, finalement, les
gens paient pour ces services et ces services sont monopolistiques. Moins le
service est monopolistique, c'est clair que moins notre position
s'applique.
C'est clair que, par exemple, si les magasins de la Régie des
alcools ferment, il y a les épiceries, dans certains comtés il y
aura même les alambics, etc.; farces à part, ce que je veux dire,
c'est qu'il ne manque pas de concurrence. C'est clair aussi qu'au point de vue
des médias, s'il y a un poste de radio qui ferme, dans une ville, c'est
peut-être moins un service public que d'autres.
C'est clair qu'il y a des zones grises. Mais nous ne voulons pas, en
aucune façon, soucrire à une approche des services essentiels
dans les secteurs comme les hôpitaux, par exemple, où, cela nous
amène à une casuistique illimitée, puis où
finalement les gens n'ont pas vraiment de substitut. C'est clair que s'il n'y
avait aucune centralisation, si on fonctionnait institution par institution,
cela serait autre chose. Mais étant donné qu'on ne peut pas
fonctionner de façon décentralisée, je suis sensible
à l'argumentation du ministre des Finances qui dit qu'il doit avoir tous
les impacts financiers entre les mains quand il voit ce qu'il négocie.
Etant donné qu'on est condamné au système de
centralisation, puis étant donné que pour qu'un système de
décentralisation marche, il faut que les institutions soient
alignées, quoique c'est peut-être un biais bureaucratique qu'on a
développé de cette façon, les conséquences
s'ensuivent automatiquement. Alors, nous on croit que finalement les usagers
ont droit aux services, ils paient pour, on continue à payer nos taxes
et il n'y a souvent pas de substitut, il y a des gens qui sont
pénalisés. On a beau vous dire: Le transport en commun, ce n'est
pas si pire, les gens vont prendre un taxi, quand vous voyez les vieux qui sont
enfermés dans les maisons de vieux, pendant les périodes de
grève, qui n'ont pas de revenus tellement élevés, c'est
sûr qu'ils n'en meurent pas, c'est sûr qu'à un moment
donné ils ne pourront peut-être pas alléguer devant la cour
des souffrances morales mortelles. C'est quand même quelque chose qui est
inacceptable. Nous on met cela en balance avec le fait qu'un système
d'arbitrage bien conçu, qui offre aux syndiqués des garanties
d'impartialité, c'est une alternative valable qu'ils vont accepter
quand ils vont être éclairés sur les enjeux.
C'est bien évident que si on passe de longues périodes,
comme j'ai souvent observé à cette commission, à faire une
propagande contre l'arbitrage, où il est systématiquement
discrédité, en disant: Bon, cela ne marche pas... On n'a jamais
vu les faits là-dessus, moi je ne les ai pas vus en tout cas. En
Ontario, cela ne marche pas, au mépris des faits. Quand on affirme
toutes sortes de choses de ce genre, c'est clair que la population reste avec
ses sédatifs. Elle dit: L'arbitrage, cela ne marche pas. Mais nous on
croit que cela marche, l'arbitrage, et on croit que cela marche dans le domaine
civil et criminel, à moins que les gens soient en faveur
évidemment d'un rétablissement des privilèges de la mafia
ou des gens de ce genre-là. On croit que cela a marché dans le
domaine civil, que cela a marché dans le domaine criminel. Est-ce que
cela existe, maintenant, quelqu'un qui a le droit d'aller stationner son auto
devant l'entrée de garage de son voisin, parce qu'il y a une clause
civile sur la limite du terrain? Jamais de la vie, il va aller au tribunal, le
juge va trancher. On croit que cela peut se faire en relations de travail,
à condition qu'on évite de s'embarquer dans la jungle des clauses
normatives.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Oui, M. le Président. Juste une question, une
remarque, M. Guay. J'ai étudié votre mémoire. Quand je dis
juste une question, ce n'est pas parce que je ne suis pas
intéressé par le mémoire. Il y a beaucoup de
vérités là-dedans et de points sur lesquels je ne suis pas
d'accord. Mais on a couvert maintenant - on est à la cinquième
journée - pas mal de matière, donc ce n'est pas une question de
ne pas vouloir tout le temps.
J'ai juste une question. Vous parliez tout à l'heure de
l'Australie. Je peux peut-être aider tout le monde en disant que j'ai une
soeur qui demeure en Australie. Elle a pu donner naissance à deux
bébés dans un hôpital sans grève, se faire
construire une maison sans grève. On est en correspondance l'un avec
l'autre et je n'ai jamais entendu parler de ces situations catastrophigues en
Australie. En tout cas, les chiffres vont nous le dire, mais je pense qu'il
faut interpréter les chiffres.
Maintenant vous dites, à la page 6 de votre mémoire, que
Québec détient le record mondial du nombre de journées
perdues par travailleur pour cause de grève. Avez-vous des statistiques
là-dessus? Cela c'est vrai, c'est que...
M. Guay: Moi, je vous réfère à des
statistiques...
M. Polak: Bien, juste une réponse brève.
M. Guay: En fait, disons que c'est une statistique de seconde
main. On n'a pas produit de statistique, c'est clair. Je sais que le Conseil du
patronat, en fait peut avoir des bonnes choses des fois; ce ne sont pas
nécessairement les mangeurs de pauvres travailleurs que certains
croient. Enfin, j'ai déjà eu entre les mains un mémoire.
Je vous référais à ces gens-là qui ont le potentiel
financier pour réaliser des études et qui les ont faites. Nous,
c'est simplement de seconde main, c'est une conclusion qu'on a sortie; j'ai vu
les chiffres, maintenant je ne les ai pas avec moi. Disons que,
personnellement, je n'ai pas en main les chiffres, mais je vous
réfère à l'organisme qui les a produits. J'ai pris la
conclusion; on peut postuler qu'ils se sont basés sur les statistiques
canadiennes. Les statistiques, en fait, théoriquement, on dit que cela
ment ou que cela ne ment pas. En tout cas, on peut tenir pour acquis que c'est
relativement fiable.
M. Polak: Maintenant, ma demande, ce n'est pas une question mais
je cite une remarque que vous avez faite à la page 7 de votre
mémoire, à laquelle je peux souscrire entièrement. Cela se
lit comme suit: "Si le Québec est capable de proposer une nouvelle
formule d'association politique, on se demande pourquoi il ne serait pas
capable de faire oeuvre originale en matière de relations de travail".
J'imagine que le gouvernement se préoccupe peut-être plus de la
nouvelle formule politique que de changement dans la matière des
relations de travail. Mais nous sommes ici pour cela. On espère que le
ministre, ayant entendu presque cinq jours de témoignages, va prendre
les décisions qui s'imposent, pas juste faire ce qu'on appelle le "big
big show". Merci beaucoup.
M. Dean: On attend de bonnes suggestions du député
de Saint-Anne.
M. Polak: On les a, on les a.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Mouvement d'animation pour le redressement du
Québec. La commission élue permanente du travail, de la
main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures 15.
M. Quay: On vous remercie de votre patience envers nos
présentations et réponses.
(Suspension de la séance à 13 h 40)
(Reprise de la séance à 15 h 27)
Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu reprend ses travaux. Je rappelle que le
mandat de la commission est d'entendre les personnes et organismes relativement
à l'examen des moyens d'améliorer le régime de
négociations dans les secteurs public, parapublic et péripublic
et, de façon plus particulière, à l'étude des
moyens qui permettraient d'améliorer le maintien des services essentiels
lors des conflits de travail dans ces secteurs.
AFEAS
En début de séance, nous entendrons les
représentants de l'Association féminine d'éducation et
d'action sociale (AFEAS) que j'invite à prendre place. Ce mémoire
nous sera présenté par Mme Lise Paquette ou Mme Gagné. Le
mémoire est présenté par Mme Christiane Gagné,
présidente de l'association. Mme Gagné, je vous invite à
nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Mme Gagné (Christiane): M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs de la commission, je vous présente,
à ma droite, Lucille Bellemare, première vice-présidente,
et, à ma gauche, Lise Paquette, membre de l'exécutif sur le plan
provincial.
L'Association féminine d'éducation et d'action sociale est
un organisme essentiellement féminin, comptant 35 000 membres
regroupés à l'intérieur de 600 cercles locaux et
répartis un peu partout à travers toute la province de
Québec. C'est un organisme toujours préoccupé par
l'amélioration des conditions de vie et de travail des hommes et des
femmes de notre société. On ne sera pas alors surpris de nous
entendre exprimer nos opinions et nos souhaits au sujet du droit de
grève dans les secteurs public et parapublic.
Une grande majorité de nos membres travaille exclusivement au
foyer, sont mères de un ou plusieurs enfants dont les âges sont
variés. Elles ont donc ainsi à vivre les
désagréments qu'engendrent les grèves dans les secteurs
public et parapublic. De plus, nous voulons ajouter que nous ne sommes pas des
spécialistes en droit et en relations du travail. Cependant, nous sommes
capables de réfléchir, voir et juger d'une situation. Depuis
1972, les membres de l'AFEAS sont préoccupés par ce sujet et
c'est pourquoi elles portent ces réflexions à l'attention de la
commission parlementaire.
Les travailleuses du secteur public et parapublic. Nous savons
pertinemment que le problème du droit de grève dans les secteurs
public et parapublic est rempli de difficultés et de complexités.
Cependant, en tant que femmes, nous nous voulons solidaires de celles qui
travaillent majoritairement dans ce secteur. À titre d'exemple, 72, 5%
des salariés du secteur hospitalier sont des femmes. Quels sont donc le
sort et la place qu'on réserve aux femmes de ce secteur? Celles qui ne
sont ni professionnelles, ni infirmières, ni techniciennes,
c'est-à-dire 60% des femmes du secteur de la santé, gagnent 10
000 $ et moins par année. Ces chiffres sont éloquents et
même si aux dernières négociations on a réduit les
écarts entre les hauts et les bas salaires, les femmes demeurent
majoritaires au bas de la hiérarchie salariale.
Ici, je cite: "Le fait que le marché du travail reproduise le
modèle de répartition des tâches selon le sexe qui
prévaut dans la famille et qu'au foyer les femmes effectuent
gratuitement ces tâches et ce, pendant de lonques heures, permet aux
employeurs de leur verser des salaires dérisoires lorsqu'elles
accomplissent des travaux analogues. " Malgré cette citation qui est un
fait qui nous interroge grandement et qui nous invite à la
solidarité, nous voulons vous faire part que, malgré cette
constatation, nous sommes toujours convaincues que le droit des
bénéficiaires prime celui des travailleurs.
Le droit à l'information. Que ce soit dans le secteur hospitalier
ou celui de l'éducation, ce sont des secteurs qui touchent à des
cordes sensibles. Le public se sent vite lésé si on le
privé de ses droits à la santé et à
l'éducation. Ses réactions sont très émotives et
viscérales. De là découle l'importance du droit à
une information juste et équilibrée. Pierre Verge nous dit qu'il
y a urgence dans un secteur quelconque lorsque le public le dit. Si le public a
un tel pouvoir, ce dernier se doit d'être bien informé du
déroulement des négociations dans ce secteur. Il faut donc sortir
du "top secret" puisque c'est la population au bout du compte qui paie la note
en supportant les inconvénients d'une grève ou d'une hausse des
impôts.
Les secteurs de la santé comme ceux de l'éducation sont
pleins de contradictions. C'est un monde déchiré entre les soins
aux malades, l'humanisation des soins, une éducation de qualité
et les restrictions budgétaires. À titre d'exemple, dans le
milieu hospitalier, on se sent vite tiraillé entre l'engagement affectif
envers la souffrance - personne n'aime la souffrance -les droits
légitimes et les justes revendications du personnel soignant.
Parallèlement, nous voyons l'État employeur qui veut
réduire les coûts de ces services. De même, dans le secteur
de l'éducation, la qualité du service de l'éducation
s'oppose aux exigences des restrictions budgétaires.
Le droit de grève, un droit acquis. Malgré cette
situation, les membres de l'AFEAS demeurent prudentes. Il leur apparaît
prématuré, pour ne pas dire antisocial, d'enlever le droit de
grève à un groupe de salariés qui l'ont durement acquis.
Un tel geste exciterait donc davantage les passions qu'il ne les calmerait.
Enlever le droit de grève, croyons-nous, inciterait à la
désobéissance civile, engendrerait des grèves
illégales ou sauvages, augmenterait la tension entre l'État
employeur et les employés des secteurs public et parapublic,
perpétuerait un certain infantilisme par l'entêtement et
étoufferait les embryons de prise de responsabilité collective de
part et d'autre.
Nous nous sommes aussi interrogées sur les effets de l'arbitrage.
Après en avoir discuté avec quelques spécialistes, il en
ressort que ce procédé est non efficace, parce qu'il y a souvent
non-obéissance à la décision de l'arbitre et décret
de grève illégale. L'arbitrage obligatoire a aussi pour effet de
tuer la négociation. En effet, chacun reste sur ses positions sachant
qu'un tiers décidera et ne donnera pas plus qu'il a été
demandé, ni moins qu'il a été offert. De plus, dans ce
cas-là, l'économie repose sur la décision d'une seule
personne, puisque salaires, prix et profits sont interreliés. Nous
citons ici l'expérience de certains pays démocratiques tels
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Kansas, aux États-Unis,
qui ont essayé cette mesure pour enrayer le flot des grèves.
C'est loin d'être probant. Loin de les avoir diminuées, elle les a
accrues en nombre et en longueur de temps.
Le maintien des services essentiels. Un autre point nous semble majeur,
l'évaluation des services à maintenir au moment de la
grève. Certes, on demande le maintien de services essentiels, mais
jamais on n'a décrit ou évalué la qualité ou les
exigences qualitatives de ces mêmes services. Nous croyons qu'il
appartient aux syndicats de déterminer lui-même les exigences de
services de qualité. Nous pourrions alors être surpris de leur
sens commun et de leur sens des responsabilités.
Une autre interrogation revient souvent: Le gouvernement peut-il
continuer à négocier dans le secteur public en suivant les
mêmes paramètres que dans le secteur privé, "à
savoir qu'un convention de travail constitue un "deal" le moins transparent
possible et le plus ludique possible?" Même si nous ne sommes pas des
spécialistes, nous pensons que ce secteur est particulier,
différent et qu'il faudra y ajouter des règles
particulières. Nous laissons à d'autres l'élaboration du
comment.
Enfin, peut-on faire confiance au civisme des syndiqués qui sont
aussi et avant tout des contribuables québécois? Pour nous,
membres de l'AFEAS, notre réponse est affirmative. Notre optimisme
à pouvoir améliorer les conditions de renouvellement de contrat
repose sur cette capacité pour les salariés syndiqués de
prendre leurs responsabilités.
Les votes de grève. Lorsqu'un conflit de travail risque de
dégénérer en grève générale, il
devient difficile, mais très important de permettre l'expression
démocratique de la volonté des travailleurs concernés. La
décision de faire la grève ou de retourner au travail doit
être prise collectivement par les travailleurs intéressés,
lors d'une assemblée générale où ils seront
appelés à se prononcer pour la stratégie à observer
pour les négociations.
Certains facteurs, non directement liés au conflit, peuvent
influencer le résultat du vote. Ainsi, le local choisi pour
l'assemblée, son accessibilité plus ou moins facile, son cadre
plus ou moins coutumier, l'heure où se tient l'assemblée, le mode
de scrutin pour la consultation, peuvent agir sur la représentation des
travailleurs et, partant, sur la décision prise.
Le faible taux de participation à ces assemblées
générales pose un problème évident. Les syndicats
semblent éprouver beaucoup de difficultés à réunir
leurs gens et à les faire voter massivement: c'est le plus souvent la
majorité d'une minorité qui décide de la grève.
Nous pensons que ces assemblées générales devraient se
tenir de préférence sur les lieux mêmes de travail: les
travailleurs s'y sentiraient plus à l'aise pour discuter de ces
questions et le taux de participation serait beaucoup plus
élevé.
Il est absolument inacceptable qu'un vote aussi important se tienne
à scrutin ouvert; bien que ce ne soit pas une pratique
générale, cela s'est déjà vu. Les syndiqués
de la base risquent ainsi d'être exposés à subir des
pressions indues pour les amener à endosser la position des dirigeants
du syndicat. Les conditions minimales exigent la tenue d'un vote secret. En
cela, nous souscrivons entièrement à la Loi amendant le Code du
travail, qui exige le vote secret lors de l'élection des dirigeants
syndicaux, pour le déclenchement d'une grève, l'acceptation ou le
rejet d'un projet de convention collective et le retour au travail.
Recommandations.
Compte tenu de ces quelques remarques, l'AFEAS recommande donc, en vue
d'améliorer les procédures de négociation et de
règlement de conflits dans les services public et parapublic:
De faire l'analyse qualitative des services essentiels à
maintenir en cas de conflits;
De faire établir et élaborer par les syndigués
eux-mêmes les exigences pour des services de qualité;
D'informer le public du développement des négociations qui
se dérouleraient beaucoup plus à ciel ouvert afin que la
population puisse se faire un jugement éclairé;
D'établir un processus de négociations continues ou
permanentes, surtout sur les points qui portent le plus à
mésentente;
De tenir les votes de grève sur les lieux du travail ou dans un
local à proximité en vue de permettre la participation d'un plus
grand nombre de travailleurs ou de travailleuses;
D'exiger que 75% des syndiqués soient présents à
l'assemblée lors du vote de grève et que ce vote se fasse par
scrutin secret;
De voir à développer tant chez les membres du gouvernement
que chez les syndigués le sens des responsabilités
collectives.
Conclusion.
Nous insistons ici sur le fait que, malgré un encadrement
rigoureux de tout le processus de la négociation collective, aucun
règlement et aucune amélioration n'est envisageable si les
parties en cause ne sont pas de bonne foi et n'ont pas le désir
réel d'en venir à une entente. Si on veut civiliser les rapports
de forces, il faut développer tant chez les membres du gouvernement que
chez les membres du syndicat le sens des responsabilités collectives. En
fait, si nous voulons conserver et améliorer la gualité des
services des secteurs public et parapublic, il faut savoir rétablir un
climat de confiance et de détente. C'est une question de survie.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentantes de PAFEAS. M. le ministre du Travail.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
très sincèrement l'Association féminine d'éducation
et d'action sociale de son mémoire. Je crois que c'est un mémoire
extrêmement intéressant. Je voudrais remercier
particulièrement son porte-parole, Mme Gagné, et, avec votre
permission, M. le Président, je céderai immédiatement mon
droit de parole à l'adjoint parlementaire, le député de
Prévost, qui a un certain nombre de guestions à poser en notre
nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Prévost.
M. Dean: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous
féliciter, mesdames, pour la teneur de votre mémoire, qui me
semble refléter des qualités particulièrement
féminines de maturité, de réalisme et d'humanisme.
Je note avec beaucoup d'intérêt qu'avec toutes les autres
discussions plutôt techniques qu'on a vécues pendant ces cinq
jours, sur les mécanismes et parfois sur le fait que certains
éléments des employés du secteur public ont
peut-être certaines conditions de travail supérieures, je trouve
très à propos le fait que vous souligniez dans votre
mémoire que 60% des employés du secteur hospitalier sont
effectivement des femmes et dans les échelons les plus mal payés
du groupe des travailleurs et travailleuses.
Il me semble que votre groupe est important, parce que vous
représentez 35 000 membres groupés en 600 cercles locaux et,
comme vous le dites vous-même, surtout des femmes au foyer. Je trouve que
ça fait une très bonne tranche de ce qu'on peut
interpréter comme l'opinion publique.
Je voudrais par ma question savoir si vous avez soumis la teneur de ce
mémoire à vos membres dans vos organismes.
Mme Gagné: De par notre fonctionnement, lorsqu'on parle au
nom des 35 000 membres, effectivement, ces propositions ont été
soumises à l'ensemble. Pas cette année, parce que ce sont des
préoccupations qui sont là depuis 1972, que nous avons voulu
regrouper et un peu actualiser, mais je peux vous assurer qu'elles
représentent l'opinion des 35 000 membres.
On a parfois un fonctionnement qui semble lent, mais, quand même,
présentement, je peux parler au nom des 35 000 membres.
M. Dean: Je trouve vos remarques, même au sujet des
mécanismes, très à propos sur le fait qu'on ait
proposé le recours à la suppression du droit de grève
comme solution à un problème humain de maintien des services
essentiels, qui inquiète tout le monde et que vous ne soyez pas pour
qu'on enlève le droit de grève, et même les solutions dites
magiques que certains soumettent, tel que l'arbitrage obligatoire, vous
êtes bien documentées et le prouvez en disant que, là
où on a essayé ces formules, ce ne sont pas les formules magigues
que certains voudraient faire adopter...
J'ai noté aussi que, comme d'autres groupes plus près des
citoyens et citoyennes ordinaires, vous avez beaucoup insisté sur le
besoin d'information. Là, je vais terminer mes remargues et vous poser
une couple de questions.
Pourriez-vous nous dire comment vos membres se sentent vis-à-vis
de ces négociations du secteur public qui affectent les enfants, qui
affectent le secteur de la santé, etc., en face de ces
négociations parfois longues, mais en face du problème
d'information?
J'ai aussi, une question sur le troisième point de vos
recommadations, à la page 5, quand vous parlez des négociations
continues, préconisez-vous un vote de grève continu ou est-ce que
vous envisagez autre chose par votre suggestion?
Dernier point. Sur les votes de grève par scrutin secret, je
pense que votre texte semble dire que vous êtes au courant que le
Code du travail prévoit actuellement que le vote de grève
doit se faire par scrutin secret. Je voulais savoir si, selon votre
recommandation, il y a un autre problème que vous voyez dans le respect
de cette exigence de la loi que les votes de grève soient tenus par
scrutin secret.
Mme Gagné: Pour répondre à votre
première question, à savoir comment les femmes réagissent
aux grèves qu'elles ont à vivre, il est sûr que notre
première réaction est très viscérale, très
émotive. Lorsqu'on manque de soins ou qu'on manque d'un service, on est
prêtes à réagir et, peut-être spontanément,
à demander qu'il y ait un retrait du vote de grève. Par la suite,
lorsqu'on envisage en contrepartie les droits des travailleurs dans ces
différents secteurs, je pense que, avec un peu de recul, on est capables
de plus d'équilibre et de voir que, d'un côté il y a les
droits, qu'il y a des femmes qui travaillent dans ces secteurs et qu'elles ont
aussi des conditions de vie à améliorer. Souvent, pensant aux
femmes que je connais dans le secteur hospitalier et même dans le secteur
de l'éducation, surtout au niveau primaire, je me dis souvent qu'elles
ont a cumuler deux tâches, celle du foyer et celle de leur travail
à l'extérieur, et que leurs conditions de vie et de travail
doivent être en concordance. À ce moment, c'est ce qui nous permet
de maîtriser un peu nos réactions viscérales.
Si nous étions mieux informées, si nous connaissions
exactement les enjeux des négociations, les progrès qui se
réalisent, je pense que les réactions seraient peut-être
moins fortes et je crois qu'autant le gouvernement que les syndiqués
auraient avantage à informer le public et à avoir le public de
leur côté. Mais tant qu'on donne des parties de
vérité ou des brides d'information, c'est facile de jouer sur les
émotions et de se laisser emporter; ça vaut pour les deux parties
de bien vouloir éclairer tout le monde. (15 h 45)
Pour la deuxième question, à savoir si on veut assortir
les négociations permanentes d'un vote de grève permanent, je ne
le pense pas. Je n'ai pas réfléchi plus que cela, mais pour moi,
c'est de négocier d'une façon continue les choses qui portent le
plus à conflit. Mais le vote de grève étant
réservé pour une période bien limitée dans le
temps, après que l'entente soit échue; à ce
moment-là, je me dis que c'est le temps de faire la grève, mais
pas un vote de grève assorti de façon continue.
Pour ce qui est de la troisième question, le vote secret. Je
pense que c'est plus en termes de respect de ce qu'on retrouve maintenant au
Code du travail et c'est un fait qu'ils avaient été
rapportés dans certains coins. Cela n'arrive probablement pas souvent et
encore moins aujourd'hui, mais quand même c'est un respect qu'on veut
s'assurer pour l'avenir.
Une voix: Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire
remercier les membres de l'AFEAS pour leur mémoire. Transpire dans leur
mémoire cette préoccupation fondamentale de l'amélioration
de la condition de vie pour les femmes; il n'y a aucun doute
là-dessus.
Il y a un chiffre que vous donnez au point de départ, alors que
vous dites que 60% des femmes du secteur de la santé gagnent 10 000 $ et
moins par année. Je ne veux pas contester que ce sont les moins
payées, mais est-ce que c'est aussi élevé que cela, 60%
des femmes? Où avez-vous pris votre statistique?
Mme Gagné: Dans un dossier qui avait été
préparé par Vie ouvrière, no 135.
Mme Lavoie-Roux: En quelle année? Récemment?
Mme Gagné: Cette année.
Mme Lavoie-Roux: Cette année. Merci, j'irai voir cela moi
aussi.
Mme Gagné: J'avoue qu'on n'a pas le temps de faire des
recherches, en tout cas, avec les moyens qu'on a.
Mme Lavoie-Roux: Non, mais je voulais quand même...
Parfait.
Mme Gagné: Mais c'est là que j'ai pris les
chiffres.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je pense que ce n'est pas de trop
que vous profitiez de l'occasion pour le souligner, parce que nous avons eu ici
le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui, justement,
nous a parlé des offres que le gouvernement actuel avait faites à
la dernière ronde de négociation. Ces offres étaient
discriminatoires, en dépit de toutes les pressions qu'il a eues de la
part des associations féminines, que ce soit du Conseil du statut de la
femme ou autres, pour qu'on élimine les éléments
discriminatoires à l'égard des femmes dans les conditions de
travail accordées par les conventions collectives dans les
régimes public et parapublic.
Je voudrais en noter une qu'il nous avait mentionnée l'autre
soir. Il parle, évidemment, des offres qui sont
discriminatoires, mais il parle aussi des augmentations de salaires.
C'est assez incroyable, les augmentations de salaires ou, à l'inverse,
leur absence sont également discriminatoires. En effet, 40, 9% des
femmes du groupe d'employés de bureaux et de techniciens, et 55, 2% des
femmes du groupe d'ouvriers, préposés à la
cafétéria et à la cuisine - aide-cuisinier et aide
domestique -n'avaient droit à aucune augmentation de salaire en 1980, ce
qui contribuait à augmenter les écarts entre les salaires des
femmes et des hommes.
Je dois dire que cela avait été corriqé dans une
certaine mesure, selon ce que l'on a dit, mais il y a encore des
éléments de discrimination. Il y a encore du travail à
faire, parce que dans ce domaine, c'est vraiment... Tout le monde pourrait
jouer un rôle de leader, mais il est certain que le gouvernement a une
responsabilité à cet égard.
Je voudrais revenir sur la question de l'information. C'est
légitime, quand vous dites que le public devrait être
informé du déroulement des négociations dans ce secteur,
etc. Il faut essayer de lui en donner le plus possible. Mais si on se souvient
de la dernière ronde de négociation, où il y avait un
conseil d'information - le rythme des négociations, c'est très
rapide, c'est très fluide, c'est complexe - je me demande jusqu'à
quel point on pourrait s'en assurer, dans la mesure où vous le souhaitez
- je pense que chacun d'entre nous ici le souhaite - que le public soit
vraiment mis au courant du déroulement des négociations. Tout le
monde a dit que le conseil n'avait pas rempli son rôle
adéquatement. Je pense qu'il ne faut pas accabler le conseil,
peut-être que, dans les circonstances, il a fait ce qu'il y avait de
mieux. Du point de vue de la réalité des choses, je me demande
dans quelle mesure cela peut être réussi.
Mme Gagné: À ce moment-là, je m'interroqe,
à savoir si c'est un conseil qui peut le mieux informer le public.
Est-ce qu'il n'y a pas à penser à d'autres moyens? J'avoue que je
n'ai peut-être pas de solutions miracles, mais les médias sont
sûrement la façon la plus propice d'informer les gens au fur et
à mesure du déroulement des négociations.
Je parle aussi en termes d'enjeux des négociations pour voir
jusqu'à quel point chacun y met du sien et fait avancer les
débats.
J'étais à Montréal l'an dernier pour discuter du
sujet et quelqu'un qui se disait ancien négociateur du côté
patronal, c'est-à-dire de l'État employeur, a dit: "Souvent,
j'allais m'asseoir et je n'avais rien de nouveau à proposer. " Est-ce
que les syndicats, à ce moment-là, si on pouvait arriver à
juger qu'ils ne sont pas vraiment de bonne foi et ne font pas de nouvelles
propositions... Il y a peut-être un mécanisme à mettre en
place pour que les gens puissent se dire: Bon, effectivement, les syndicats ne
font pas leur job ou l'État ne fait pas "sa job" non plus.
On sait pertinemment bien, moi, comme simple usager et comme femme au
foyer aussi, que ça peut être avantageux de faire traîner
des négociations, ça peut aider à renflouer des coffres,
par exemple, on sait ça, de ne pas remplacer des postes, ainsi de suite;
juste l'intérêt de l'argent qui traîne pendant que ce n'est
pas arrangé, etc.
Nous avons des parties de vérité. Est-ce uniquement la
vérité? Si tout le monde nous dit quels sont les enjeux, on
pourra appuyer un côté ou l'autre, mais je pense qu'on a droit
à ça et ça nous éviterait aussi de nous laisser
emporter par les émotions et d'aller dans des extrêmes.
Mme Lavoie-Roux: Merci. L'autre question concerne la page 5 de
vos recommandations. Vous dites: " De faire établir et élaborer
par les syndiqués eux-mêmes les exigences pour des services de
qualité". En d'autres termes, vous leur demandez de déterminer
quels seraient les services essentiels. Je pense que c'est ça que
ça veut dire.
Cela m'étonne un petit peu parce que les syndiqués sont
venus réclamer ceci en commission parlementaire et je pense que, de leur
part, c'était légitime. Pour ma part, je trouve que le danger de
ceci et d'autres l'ont dit à plusieurs reprises, soit les usagers, soit
les associations d'administrateurs, soit les centres d'accueil ou autres, c'est
que, finalement, ça devient une arme qui est utilisée au bout du
couloir comme pression par la partie patronale. On a eu l'impression que les
gens étaient loin d'être certains qu'ils pouvaient devenir
à ce moment-là, alors qu'il n'y avait pas eu entente, des juges
tout à fait objectifs de la qualité des soins à prodiguer
ou ce que voulait dire en temps de grève la qualité des
soins.
C'est la recommandation que vous faites et ça me surprend un
peu.
Mme Gagné: Pour moi, d'abord, c'est déterminer la
qualité des services essentiels. Je peux bien déclarer un service
essentiel, mais, si je ne le qualifie pas, si je ne dis pas ce que ça me
prend pour qu'il soit vraiment de qualité, je me dis qu'il me manque
peut-être des éléments. C'est ce qu'on voulait dire par
déterminer des exigences pour qu'un service soit de qualité en
temps de grève.
Maintenant, je me dis que, si on détermine ces
exigences-là avant les périodes de conflit, si on le faisait
aujourd'hui, par exemple, où il n'y a pas de grève en vue, si on
déterminait ce que serait un service
essentiel de qualité, je me dis qu'au moment d'un conflit, on a
à respecter ce qu'on a déterminé avant de venir en
conflit. Pour moi, c'est là que... En tout cas, je pense que ça
vaudrait peut-être la peine de faire l'essai, de faire confiance à
des gens. Je me dis que, s'ils nous trompent, tant pis, on pourra réagir
dans le sens inverse, mais, tant qu'on ne me fera pas la preuve que ce n'est
pas faisable...
Mme Lavoie-Roux: II y a deux questions, je pense. Si vous
demandez aux syndicats aujourd'hui, en temps de...
Mme Gagné: De paix.
Mme Lavoie-Roux:... paix - je n'aime pas beaucoup utiliser
l'expression, j'espère qu'on n'est pas nécessairement en guerre
dans les autres circonstances - les qualités de service, il vont venir
nous dire qu'il faut beaucoup plus que ce qui existe présentement dans
les hôpitaux et dans les établissements de santé, parce
qu'il y a des points où je partage leur opinion quand, à ce
moment-ci, on procède à des coupures sans savoir exactement
où on s'en va. Et quand on arrive en temps de grève, ce sont les
services essentiels. Je pense que ce serait difficile. S'ils les
déterminent aujourd'hui, ça voudrait dire qu'en temps de
grève, vous exigez que tous les services soient là puisqu'ils
définiraient aujourd'hui ce qu'ils entendent par la qualité de
soins en temps normal et que, selon le raisonnement que vous faites, c'est
ça qui devrait s'appliquer au moment de la grève. Cela voudrait
dire que tout serait là et même davantage que ce que l'on a
présentement.
Mme Gagné: Ce n'est pas comme cela que je le voyais.
C'était de déterminer aujourd'hui ce qu'il serait essentiel de
maintenir en cas de conflit, et ce qu'il serait essentiel de maintenir, que ce
soit de qualité, avec certaines exigences. C'est sûr qu'à
tomber dans l'excès et à vouloir plus que ce qu'on a maintenant,
on n'arriverait à rien et ce serait démontrer de la mauvaise foi.
Pour moi, c'est: En cas de conflit, quels sont les services essentiels à
maintenir et qu'est-ce que ça prend pour que ces services soient de
qualité?
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous avez dit - c'est
important compte tenu des bas salaires que gagnent les femmes en particulier et
c'est à partir de cela que vous en êtes arrivée là -
qu'il fallait leur laisser le droit de grève comme moyen à
utiliser pour améliorer, en particulier, les conditions de travail des
femmes. Est-ce que vous croyez que c'est inséparable, que si on
n'utilise pas le droit de grève on ne pourra pas améliorer ces
conditions de travail, que dans toutes les circonstances ce droit de
grève ne devrait pas être restreint, comme dans le cas des
hôpitaux pour soins prolongés? J'aimerais avoir votre
réponse.
Mme Gagné: Compte tenu de tout ce que j'ai pu lire dans
les journaux et ailleurs, et en discutant avec quelques personnes qui sont
directement dans le monde syndical ou même dans le monde universitaire
pour essayer de voir s'il n'y aurait pas des mécanismes-miracles qui
permettent d'améliorer les conditions de travail tout en n'étant
pas assortis d'un pouvoir du côté des travailleurs, je n'ai pas vu
de recette-miracle.
Si, aujourd'hui, vous me disiez: II y aurait telle façon d'agir
ou tel mécanisme qui assurerait en même temps
l'amélioration des conditions de vie des travailleurs, des femmes et des
hommes, en général, et si, en même temps, on pouvait faire
abstraction du droit de grève, je dirais: Bon, je suis prête
à l'envisager. Pour le moment, avec les éléments que je
possède ou que nous possédons, avec ce que j'ai pu lire, je me
dis qu'enlever le droit de grève, présentement, cela
amènerait plus de désordre que d'ordre. Présentement.
Mme Lavoie-Roux: II y avait un deuxième
élément à ma question. Est-ce que vous pouvez concevoir
que dans certains secteurs, compte tenu de la primauté du droit de la
population à la santé, cet exercice du droit de grève
puisse être restreint dans certains secteurs extrêmement
névralgiques comme celui que je vous ai nommé tout à
l'heure, les hôpitaux de soins prolongés ou les centres d'accueil,
enfin, pour diverses catégories de clientèles?
Mme Gagné: Je pense que la commission parlementaire est
ici pour essayer de trouver des mécanismes pouvant améliorer le
fonctionnement ou assortir le droit de grève de certaines mesures qui
fassent en sorte que ça ne soit pas discriminatoire pour certaines
personnes et que ça ne nie le droit à la santé, comme vous
le dites. Je suis bien d'accord sur cela, mais je me dis: Est-ce qu'on a pris
tous les moyens, de part et d'autre? Quand on parle du développement des
responsabilités collectives, je pense que c'est autant pour les
syndiqués, parce que s'ils ne veulent pas perdre un droit, il va falloir
qu'ils fassent la preuve que ce droit peut être exercé sans priver
les gens d'un droit à la santé et à
l'éducation.
Je ne suis pas certaine, à ce moment-ci, en tout cas, qu'on a
tout mis en oeuvre, qu'on a fait tout ce qu'on pouvait. Je pense qu'il serait
prématuré d'enlever le droit de grève. À mon sens,
il m'apparaît qu'on peut encore espérer trouver des solutions
pour
améliorer les mécanismes. Je suis peut-être trop.
optimiste, mais j'y crois encore.
Mme Lavoie-Roux: Voici ma dernière question. Si, à
un moment donné, ces deux droits, le droit de grève pour les
travailleurs et le droit de la population à la santé, devenaient
inconciliables, est-ce que l'AFEAS accorderait une primauté au droit de
la population à la santé avant l'exercice du droit de
grève?
Mme Gagné: Je pense que je le dis à un moment
donné: Le droit des bénéficiaires va toujours l'emporter,
à mon sens et à notre sens, sur le droit des travailleurs. Mais
je pense qu'à ce moment-ci on peut encore assortir ces droits.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci bien.
Mme Bellemare (Lucille): Quand on parle de négociation
continue, dans notre esprit, c'est pour en arriver, à un moment
donné, à ce que la grève n'ait pas lieu. Si, tout de suite
après la signature d'une convention collective, on recommence à
négocier les points les plus en litige, peut-être qu'on arriverait
à éviter les grèves possibles. Ce serait peut-être
un moyen. (16 heures)
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne crée pas le
problème qu'a soulevé le député de Prévost:
si vous avez une négociation continue, elle doit être assortie
d'un droit de grève continu?
Mme Gagné: En tout cas, je pensais qu'on pouvait discuter
et mettre à point sans nécessairement arriver au droit de
grève et que tout deviendrait exécutoire au moment de
l'achèvement du contrat.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentantes de l'Association féminine d'éducation et
d'action sociale.
Ville de Montréal
J'invite maintenant les représentants de la ville de
Montréal à prendre place et à nous présenter leur
mémoire. Ce mémoire nous sera présenté par le
directeur du service des travaux publics de la ville de Montréal, M.
Richard Vanier.
Une voix: Par Me Lacroix.
Le Président (M. Rodrigue): Par Me Lacroix, je m'excuse.
Le mémoire sera présenté par Me Neuville Lacroix. M.
Lacroix, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous
accompagnent et, par la suite, présenter votre mémoire.
M. Lacroix (Neuville): M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs les membres de la commission, à ma gauche, je vous
présente M. Richard Vanier qui est directeur du service des travaux
publics de la ville de Montréal; à ma droite, M. Pierre Girard,
qui est le directeur adjoint du service du personnel et Me Alain Bond qui est
au service du contentieux de la ville de Montréal.
M. le Président, une remarque préliminaire s'impose
à l'égard de notre exposé. Si les municipalités
sont considérées comme un service public au sens du Code du
travail, elles ne font cependant pas partie du régime de
négociations du secteur public et, quant à nous, il n'est
aucunement question que la ville veuille ou cherche à entrer dans le
cadre d'un tel régime. C'est pourquoi notre mémoire se limite
essentiellement, dans le contexte d'un gouvernement local, à examiner
les moyens à prendre pour définir et assurer le maintien des
services essentiels advenant un conflit dans la fonction publique municipale.
Afin de bien cerner les différents aspects de la problématique
reliée aux services essentiels, avec votre permission, M. le
Président, j'envisage, après un bref exposé de nos
prétentions, de demander à M. Vanier, directeur du services des
travaux publics de la ville de Montréal, de vous soumettre la nature des
services qu'il doit fournir à la population et à M. Pierre Girard
de vous exposer à l'aide de l'expérience vécue dans quelle
mesure les services essentiels sont ou non assurés lors d'une
grève, en plus de porter à votre attention le cas particulier du
statut du contremaître à Montréal.
A la suite des diverses grèves survenues dans les secteurs public
et parapublic et dans certains services publics, il était à
propos, croyons-nous, que le gouvernement s'interroge sur les problèmes
engendrés par ces conflits. La notion de services essentiels est en
quelque sorte sous-jacente à l'ensemble des préoccupations
reliées à ces divers arrêts de travail dans le secteur
public et les gouvernements locaux, dispensateurs de la majorité des
services vitaux pour la population, ne peuvent demeurer insensibles aux
inquiétudes des citoyens face à la perturbation des services et
bien souvent à l'absence de services essentiels. Il faut malheureusement
admettre que jusqu'ici le législateur s'est peu soucié, au niveau
des collectivités locales, d'assurer un minimum de services essentiels
au public si ce n'est le recours prévu à l'article 111 du Code du
travail. Pourtant la production et la fourniture d'eau potable, l'entretien des
bornes-fontaines, le maintien du système d'égouts, l'entretien
des voies publiques, leur déneigement, l'épandage d'abrasifs et
le déglaçage des rues, le contrôle des feux de circulation
particulièrement à Montréal, le maintien du système
de communications pour
fins de police et d'incendie et la collecte des déchets
apparaissent tous à première vue des services essentiels pour
l'ensemble de la population, dont l'interruption ne peut que mettre en danger
la santé et la sécurité des personnes.
Sans doute, dépendant des conditions climatiques, certains
services apparaîtront-ils à un moment donné plus ou moins
essentiels, mais il demeure qu'on peut les catégoriser ainsi pour
l'ensemble de la population. Le maintien de ces services en cas de conflit
demeure la priorité des gouvernements locaux, mais leur champ d'action,
comme je l'ai mentionné, est limité aux cas prévus
à l'article 111 du Code du travail. Or, si au cours des récentes
années, le législateur s'est soucié de policer le droit de
grève en interdisant l'utilisation des briseurs de grève, il
s'est aussi préoccupé de reconnaître aux travailleurs le
droit de refuser d'accomplir une tâche si elle constitue un risque pour
sa santé et sa sécurité. Par la même occasion,
l'employeur s'est vu attribuer le droit de prendre les moyens
nécessaires pour éviter la détérioration de ses
biens meubles ou immeubles. Il convient donc, au terme de la réflexion
à laquelle nous convie le gouvernement, d'examiner la situation de celui
trop souvent laissé pour compte dans ces conflits, mais qui devra
finalement, directement ou indirectement, en payer la note, soit le public.
Le Code du travail ne comportant aucune disposition spécifique
quant à la définition et au maintien des services essentiels si
ce n'est l'intervention du Procureur général, nous estimons
nécessaire que le législateur, dans la mesure du possible,
définisse ou décrive les services essentiels à maintenir
en cas de conflit sans que cette définition ne soit exhaustive. Pour
assurer le maintien de ces services, des mécanismes souples et efficaces
doivent être mis en oeuvre et l'on doit reconnaître aux
autorités élues le soin de déterminer ce que sont les
services essentiels à maintenir, le gouvernement local n'étant
aucunement une entreprise vouée à la production de biens et de
services à des fins de profit.
Les élus étant responsables de leurs faits et gestes
devant leurs citoyens et étant ceux qui doivent déterminer la
nature des services à rendre à la population, il nous
apparaît normal que, dans le cas des services essentiels, c'est à
eux qu'il appartient, lorsqu'ils n'ont pas été définis
dans la loi, de les définir, de les préciser et d'en assurer le
maintien. Certains intervenants devant cette commission ont
suggéré la création d'une régie permanente sur les
services essentiels. Quant à nous, nous ne sommes pas convaincus de la
nécessité au niveau local d'une telle régie
particulièrement - et je crois qu'il convient d'insister ici - dans le
contexte constitutionnel actuel. Il nous apparaît que les parties en
cause doivent d'abord canaliser leurs énergies dans la poursuite des
négociations pour les fins d'une entente conduisant à la
signature d'une convention collective. Les expériences vécues au
cours des récents conflits nous amènent à penser que si
une grève est sur le point d'être déclenchée, la
partie syndicale ne sera aucunement disposée à négocier
une entente sur les services essentiels, préférant se
réserver le droit de décider elle-même si le service est ou
non essentiel. Par contre, l'histoire récente nous a aussi permis de
constater que l'on peut déterminer dans un temps relativement court la
nature des services essentiels qu'il y a lieu de maintenir en cas de conflit et
d'établir le nombre de personnes requises pour en assurer le maintien.
C'est une des raisons pour lesquelles nous avons jugé à propos
dans notre mémoire de prévoir un délai additionnel de
trois jours à celui de huit jours prévus par le Code du travail
avant le déclenchement d'une grève pour permettre au gouvernement
local de déterminer les services essentiels à maintenir au moment
du conflit.
Afin d'assurer le maintien des services, nous estimons qu'il faut
prévoir des mécanismes rapides et efficaces. Tenant compte des
difficultés possibles d'ordre constitutionnel, il nous apparaît
que le recours devant la Cour supérieure constitue le moyen le plus
efficace pour assurer le maintien de ces services. Ainsi, si les services
essentiels qui ont été fixés dans la loi ou
déterminés par les gouvernements locaux ne sont pas maintenus, la
ville pourrait s'adresser à la Cour supérieure pour faire
constater cette situation. Si le tribunal en vient à la conclusion que
les services ne sont pas dispensés, il devrait alors, en plus d'ordonner
au syndicat de les fournir, imposer des amendes variant de 10 000 $ à 50
000 $ par jour contre le syndicat avec possibilité de peine
d'emprisonnement contre les diriqeants du syndicat et les membres qui
n'assureraient pas les services essentiels. De plus, la décertification
du syndicat devrait aussi être prévue comme sanction possible. La
décision du juge serait finale, sauf quant à la sanction qui
pourrait être révisée par la Cour d'appel. Par contre, le
syndicat pourrait, s'il estime que les services exigés par la ville ne
sont pas essentiels ou requièrent un trop grand nombre de personnes,
s'adresser au juge de la Cour supérieure pour qu'il tranche cette
question et la décision du juge serait alors finale et sans appel.
C'est donc dire que, très rapidement, le syndicat pourrait faire
valoir ses prétentions, d'autant plus que nous avons prévu que
ces diverses requêtes devraient alors être entendues par
préférence tant par la Cour
supérieure que par la Cour d'appel. Le recours du syndicat devant
la Cour supérieure ne pourrait cependant être exercé
qu'à condition qu'ils assurent les services essentiels jusqu'à ce
que le juge en décide autrement. Par contre, un service non prévu
comme essentiel avant la grève peut s'avérer comme tel au cours
d'un conflit où une situation d'urgence se produit. Dans ce cas, la
ville pourrait alors s'adresser à un juge de la Cour supérieure
pour faire décider de la question et sa décision serait alors
finale, le non-respect de la décision entraînant les mêmes
sanctions que celles que nous avons déjà mentionnées. Il
va de soi que le juge de la Cour supérieure pourrait avant l'audition ou
même pendant l'audition rendre toute décision qu'il juge
appropriée aux circonstances.
Finalement, afin de s'assurer que les services essentiels puissent
être maintenus de façon véritablement efficace, nous
croyons que le piquetage devrait être interdit devant tout
établissement où un service essentiel doit être
assuré ou, à tout le moins, qu'il soit limité à
deux personnes, et cela à une distance d'au moins 100 mètres de
tout terrain ou bâtiment où les services essentiels doivent
être assurés. Cet ensemble de mesure que nous vous proposons
permettrait, nous semble-t-il, l'exercice d'un recours rapide et efficace qui
ne se trouverait pas paralysé par une série d'imbroglios
juridiques qui, autrement, auraient pour résultat de faire obstacle au
maintien des services essentiels.
Il ne faut pas perdre de vue l'objectif visé, qui doit être
le maintien des services essentiels. Si un service est considéré
comme tel par la loi ou par une décision judiciaire, il faut prendre les
mesures nécessaires pour en assurer le respect, sinon, nous nous livrons
à un simple exercice futile et qu'il faudra sans doute reprendre dans
quelques années. Cependant, nous croyons - je crois qu'il y a lieu
d'insister ici - qu'avant toute chose, les parties doivent négocier une
convention collective. Je pense que, lorsqu'on a parlé de la
création de régie et de délai de trois mois et de six
mois, je me demande si on ne fait pas, au moins au niveau municipal ici, une
certaine erreur en créant une espèce de climat de conflit
éventuel où les parties sont plus portées à essayer
de tenter de négocier des services essentiels que de tenter de
négocier une convention collective. Si, par malheur, une grève
survient, il est impératif, estimons-nous, de protéger la
santé et la sécurité publique. Le législateur peut
et doit intervenir rapidement au niveau de certains services publics pour
définir et déterminer certains services essentiels tels que la
fourniture de l'eau et le maintien des réseaux d'égout. Il devra
tenir compte de facteurs externes parfois indéfinissables et, à
cette fin, il doit imaginer la création de mécanismes souples et
efficaces visant à assurer le maintien des services essentiels.
Nous réalisons tous que cette notion de services essentiels est
souvent difficilement palpable, mais l'expérience acquise au cours des
récents conflits nous permet d'en mesurer plus facilement la
réalité et c'est dans cet esprit que nous avons soumis nos
propositions à cette commission. Nous savons pertinemment qu'il n'y a
pas dans ce domaine de solution miracle et que, dans les secteurs public et
parapublic, plusieurs aspects de cette question devront être
analysés et étudiés davantage.
Quant à nous, nous sommes fort conscients des services vitaux que
nous avons à fournir à l'ensemble de la population et de la
situation précaire dans laquelle la ville se trouve placée lors
du déclenchement d'un conflit. Nous sommes, croyons-nous, en mesure
d'identifier assez rapidement et assez facilement les services qui
s'avéreront essentiels au moment du déclenchement d'un conflit.
Cependant, à cause de toute une série de facteurs externes qui
échappent nécessairement au contrôle des deux parties
impliquées, il est impossible de tout prévoir. C'est pourquoi
nous estimons préférable la création d'un mécanisme
pouvant s'adapter aux diverses circonstances. Il faut, nous semble-t-il, que se
manifeste une volonté de poser des gestes concrets pour éviter de
se retrouver dans un avenir immédiat dans des situations
inacceptables.
La personne avant toute chose, disait une certaine publicité
gouvernementale. Pour la transformer dans la réalité, il faut
créer des moyens visant à assurer au public une protection
adéquate, car il a lui aussi, nous semble-t-il, au même titre que
tout employeur ou travailleur, le droit avant toute chose à la
protection de sa vie, de sa santé, de sa sécurité et
même de son patrimoine. Là-dessus, je demanderais à M.
Vanier, avec votre permission, M. le Président, de vous exposer
brièvement la nature des services qu'il rend à la population, et
à M. Girard de vous présenter les faits vécus lors des
récents conflits.
Le Président (M. Rodrigue): M. Vanier.
M. Vanier (Richard): M. le Président, M. le ministre,
mesdames et messieurs, MM. les membres, en tant que personnel responsable du
service des travaux publics, on doit, entre autres, fournir de l'eau à 1
700 000 de population sur le territoire de la communauté urbaine. Si,
effectivement, on a un arrêt de travail et qu'on n'est pas capable de
maintenir la production d'eau potable ainsi que de maintenir en
opération les usines de pompage, dans un minimum de quatre heures - ce
n'est pas long, quatre heures - les pressions dans le réseau
deviennent pratiquement nulles à certains endroits, ce qui a
comme effet que, dans des hauts niveaux du territoire, il peut se créer
de l'infiltration dans notre réseau. (16 h 15)
II est reconnu en génie municipal et en pratique qu'environ 10%
à 20% de la production d'eau potable sont perdus en fuite dans le
sous-sol. Cela ne crée pas de problème quand la pression est
positive, c'est-à-dire qu'on est au-dessus de quarante livres le pouce
carré, mais quand il n'y a plus de pression dans le réseau, parce
qu'il n'y a personne pour faire fonctionner les usines, les infiltrations se
font avec tous les inconvénients que cela peut poser et cela peut
affecter la santé et la sécurité du public. Je dis la
sécurité aussi, parce qu'en bas de quarante livres le pouce
carré, vous n'êtes plus capable d'utiliser votre réseau
d'aqueduc pour le service des incendies.
Je peux vous donner l'expérience du dernier conflit qu'on a
vécu. À un moment donné, l'hôpital
général, situé dans le haut du territoire de
Montréal, a été inaccessible pendant environ deux heures
et demie ou trois heures. Les gens de l'hôpital ne pouvaient pas en
sortir et personne ne pouvait s'en approcher ainsi que des résidences
situées autour. Cela vous donne une idée un peu de la situation
qu'on peut vivre des fois quand arrive un conflit.
Au niveau du service du déneigement et d'épandage abrasif,
nous avons un territoire qui couvre environ 1700 kilomètres de rues et
environ 3000 kilomètres de trottoirs. Lorsque nous avons vécu
notre dernier conflit, l'hiver 1979-1980, heureusement, nous avons eu l'hiver
avec la plus petite précipitation depuis cent ans. C'était un
heureux hasard d'un côté, mais même dans cette situation,
peut-être la plus idéale en hiver, le gouvernement a
décidé de convoquer l'Assemblée nationale pour demander
aux travailleurs de retourner au travail. Imaginez-vous, si on avait
été, selon nos probabilités, comme dans les 98 autres
années, la situation aurait été catastrophique; les
services de police habilités à donner une certaine
sécurité à la population ainsi que ceux des incendies
auraient été paralysés et la population en
général n'aurait pas pu vaquer à ses occupations.
Quant aux feux de circulation, nous avons 1200 intersections qui en sont
munies. Les Montréalais se rappellent les conditions dans lesquelles on
a vécu et encore une fois, nous étions dans un hiver
idéal, pas de neige, température assez élevée,
mais, malgré tout cela, nous avons eu nombre très
élevé d'accidents.
De plus, nous devons assurer le service des
télécommunications de la police, des incendies et de la ville en
général. Ce réseau est animé par des
employés manuels, donc des salariés reconnus par le Code du
travail. Il est impératif que ce service soit maintenu, comme dans les
autres exemples que je vous ai donnés.
Finalement, le chauffage des édifices de la ville. Nous savons
que le Code du travail nous donne une possibilité de protéger les
biens, mais, en même temps, il y a une loi qui dit que, pour chauffer ces
grands édifices, cela prend des gens avec des certificats
d'accréditation reconnus comme mécaniciens de chauffage fixe.
Encore dernièrement, le gouvernement a adopté une nouvelle
réglementation là-dessus. Il nous force à augmenter le
nombre de personnes qui travaillent à ces installations. C'est un
produit très rare. Nous avons énormément de
difficulté à recruter sur le marché du travail ce genre de
bonhomme. C'est la situation avec laquelle nous vivons.
Je voudrais terminer en vous donnant un exemple très concret. Le
jardin botanique est la plus grande institution du genre au Canada; il est
reconnu comme le deuxième au monde et représente cinquante ans de
recherche. M. Pierre Bourque m'a dit que si on arrête une demi-heure
quand il fait moins dix degrés Celsius, il commence à perdre sa
recherche et le fruit de son expérience, c'est-à-dire ses plantes
meurent.
J'ai voulu prendre quelques minutes pour vous donner des exemples
frappants, pratiques que nous vivons. Si on se fie à l'expérience
passée, sans faire un procès d'intention à l'autre partie,
l'expérience nous prouve qu'il a fallu l'intervention du gouvernement
pour demander aux travailleurs de revenir parce que, effectivement, ils ne
donnaient pas le service essentiel sur des choses aussi essentielles que l'eau,
les feux de circulation et les autres exemples que je vous ai donnés.
Merci.
M. Lacroix: Je demanderais à M. Girard, quelques minutes,
M. le Président...
M. Girard (Pierre): M. le Président, M. le ministre,
madame et messieurs les membres de la commission, je voudrais simplement
attirer votre attention très rapidement, comme Me Lacroix me l'a
demandé, sur la difficulté d'assurer les services essentiels dans
un conflit. Je prends à titre d'exemple ce que nous avons vécu
à l'hiver 1980.
Six jours avant le début de la grève, nous avons
établi, à la demande du syndicat, la liste des services
essentiels qui devraient être maintenus en cas de grève, si la
grève devait effectivement avoir lieu. Une journée avant le
début de la grève appréhendée, nous n'avions
toujours pas reçu de réponse de la part du syndicat. Et
finalement, quelques heures avant le début de la grève, le
président du syndicat nous assurait, dans un télégramme,
que, sur son honneur, il allait voir à ce que les services essentiels
soient
assurés dans le respect de l'esprit du Code du travail. C'est
tout ce que nous avions comme réponse.
À toutes fins utiles, le syndicat n'assurait aucun des services
essentiels à caractère continu que nous avions demandés
et, après explication et discussion avec le président du
syndicat, nous avons compris qu'il était prêt, à la suite
des demandes que nous pourrions formuler pendant la grève, à
maintenir des services d'urgence quand la situation le requerrait.
La grève a effectivement débuté et nous avons
transmis au syndicat 566 demandes de services essentiels que nous avons
dû répéter à plusieurs reprises dans certains cas,
pour un total de demandes qu'on peut chiffrer à 671. Sur ces 671
demandes, seulement 51 ont eu une suite favorable de la part du syndicat. C'est
pour vous dire qu'effectivement, il y avait des problèmes. D'ailleurs,
nous n'inventons rien. S'il n'y avait pas eu de problème, le
législateur n'aurait pas jugé à propos d'adopter une loi
pour forcer le retour au travail. C'est la première situation que je
voulais soulever à l'attention de la commission parlementaire.
La deuxième situation, c'est le cas très particulier de la
ville de Montréal au niveau de ses contremaîtres. Nous sommes le
seul employeur, dans le secteur municipal, qui a des contremaîtres
syndiqués qui ont le droit de bénéficier de tous les
avantages prévus dans le Code du travail, ce qui rend notre situation
extrêmement précaire; compte tenu de ce que je viens de vous dire,
c'est un élément de plus. S'il arrivait que les
contremaîtres fassent la grève en même temps que les cols
bleus, à ce moment-là, nous n'aurions aucun service essentiel
puisque, à l'hiver 1980, quand le syndicat des cols bleus n'a pas
jugé à propos d'assumer les services essentiels à
caractère continu dont j'ai parlé tout à l'heure, ce sont
les contremaîtres, les quelque 400 contremaîtres qui les ont
assumés. S'il fallait que les contremaîtres, qui ont le droit eux
aussi de faire la grève, déclenchent la grève en
même temps que les cols bleus, à ce moment-là, avec les
cadres, nous ne serions en mesure d'assurer aucun des services essentiels que
nous avons été capables de maintenir tant bien que mal pendant
cette grève.
C'est une situation particulière à la ville de
Montréal et je crois que le législateur devrait se pencher sur
cette situation. Je pense que les recommandations que nous avons soumises dans
notre mémoire peuvent constituer une voie de solution aux
problèmes particuliers que nous connaissons. Merci.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie. M. le
ministre du Travail.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier la ville
de Montréal et ses porte-parole de leur mémoire. On me permettra,
M. le Président, de céder immédiatement mon droit de
parole à mon collègue de Lac-Saint-Jean qui a
particulièrement examiné ce mémoire et qui aurait un
certain nombre de questions à poser en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Merci, M. le Président. Moi aussi, je
voudrais remercier la ville de Montréal et ses représentants de
nous avoir soumis leur mémoire. Je pense qu'il était important
que l'on mette aussi l'accent sur certains autres services publics qui peuvent
être considérés comme essentiels et sur lesquels on n'a pas
tellement discuté au cours des séances de cette commission.
L'attention a surtout été braquée, si l'on veut, sur les
services essentiels, et c'est un peu normal, dans le réseau des affaires
sociales, les hôpitaux, les centres d'accueil. Il est important que la
commission prenne conscience qu'il y a sans doute d'autres services publics qui
doivent être considérés essentiels. Vous en avez
énuméré un certain nombre; on n'a qu'à penser
à la fourniture de l'eau. C'est sans aucun doute, dans la
société dans laquelle on vit, des services qui peuvent être
jugés essentiels.
Vous avez surtout - c'est important d'en prendre conscience
également - mis l'accent sur le fait que, pour ce qui est des
municipalités qui ont à dispenser des services publics importants
à la population, il n'y a aucun mécanisme dans le Code du travail
pour permettre que ces services essentiels soient assurés au minimum en
cas de conflit, en cas d'arrêt de travail ou de grève. Je pense
que la commission devra se pencher sur ce problème, le ministre du
Travail aussi, et voir à ce que la notion de services publics essentiels
soit peut-être plus étendue qu'elle ne l'est présentement
dans le Code du travail.
Mais vous proposez relativement à cela un certain
mécanisme, et c'est là-dessus que j'ai plusieurs questions
à vous poser. Je vais vous les donner en ligne, en série. D'abord
vous proposez qu'après l'avis de grève de huit jours il y ait un
délai de trois jours, que pendant ce délai de trois jours la
municipalité établisse la liste des services essentiels à
maintenir. Cela est le mécanisme que vous proposez globalement. Or, je
me pose une question à ce sujet. On a vu défiler toute une
série d'organismes devant cette commission depuis cinq jours, et
beaucoup d'organismes nous ont dit: Ce n'est pas normal que ce soit en
définitive et de façon ultime la partie syndicale qui
détermine la liste des services essentiels à maintenir, elle est
en conflit d'intérêts; ça
ne devrait pas être laissé à la partie syndicale. Je
ne vous donne pas la liste des organismes qui ont exprimé cette opinion,
il y en a plusieurs. D'ailleurs vous dites vous-même aussi dans votre
mémoire, je pense que c'est à la page 3, que le syndicat est
placé dans une situation de conflit d'intérêts si c'est lui
qui a à déterminer la liste des services essentiels à
maintenir. Cela est une opinion qui se défend et que, plusieurs
organismes ont défendue devant cette commission. Par contre, la plupart
des organismes qui mettaient ce mécanisme en doute disaient: II faut que
ce soit un tiers qui soit le juge ultime, si l'on veut, qui soit
habilité à déterminer les services essentiels. Et on
parlait de régie des services essentiels, puis de donner ce pouvoir au
conseil du maintien des services essentiels. Enfin, il y avait diverses
solutions possibles qui étaient proposées parce que, on le
devinait très bien, les organismes qui contestaient la capacité
de la partie syndicale, parce qu'elle serait en conflit
d'intérêts, à déterminer la liste des services
essentiels, du même coup - ils ne le disaient pas, mais c'était
implicite considéraient que la partie patronale était elle aussi
en situation de conflit d'intérêts, par conséquent donc,
tout aussi incapable que la partie syndicale de déterminer la liste des
services essentiels.
Or, vous proposez un mécanisme qui accorde, et c'est la
première fois que l'on voit cela dans un mémoire
présenté devant la commission, à l'autre partie -
c'est-à-dire la partie patronale - le soin de déterminer la liste
des services essentiels de façon ultime.
Ma première question, c'est: Comment pouvez-vous expliquer votre
position lorsque vous réclamez le pouvoir pour la partie patronale de
déterminer la liste des services essentiels puisque vous mettez en doute
la capacité de la partie syndicale de le faire? Cela m'apparaît
difficile à expliquer. J'aimerais que vous donniez votre point de vue
là-dessus. (16 h 30)
Vous dites: "II nous apparaît clair qu'il appartient aux
autorités élues de déterminer la nature des services
essentiels", en principe, c'est peut-être excellent, satisfaisant et
séduisant pour l'esprit, mais, en pratique, la partie patronale, les
élus, pour le moment, c'est la municipalité.
Deuxième question, toujours concernant le mécanisme que
vous proposez. Vous proposez que ce soit un mécanisme qu'on pourrait
qualifier de coercitif. Des sanctions, des pénalités, et qui sont
assez élevées, sont prévues; des pénalités
et des sanctions prévues pour la partie syndicale.
Généralement - je ne suis pas un juriste, remarquez - quand on
propose ou qu'on impose un système ou un mécanisme quelconque
avec sanctions, la plupart du temps, les sanctions ne s'appliquent pas
uniquement à une des parties, il y a aussi des sanctions pour l'autre
partie, si l'autre partie ne fait pas ce qu'elle doit faire. Par exemple, vous
dites: Dans trois jours, la partie patronale doit déposer la liste des
services essentiels. Si elle ne le fait pas dans les trois jours, qu'est-ce qui
se passe? Est-ce que la partie syndicale retrouve son droit de grève?
Est-ce qu'il y a des sanctions prévues contre la partie patronale dans
ces cas, si elle ne fait pas ce qu'elle doit faire selon votre
mécanisme?
Troisième question. Est-ce que - c'est un peu ambigu, j'aimerais
que vous soyez précis là-dessus - vous proposez que ce
mécanisme ne s'applique qu'au niveau municipal ou si vous proposez de
l'étendre aux secteurs public, parapublic et à tout ce qui touche
les services essentiels?
Vous êtes aussi assez original dans le sens suivant: alors que
plusieurs proposent qu'un organisme tiers détermine les services
essentiels lorsqu'il y a mésentente - la plupart de ceux qui ont
défilé ici proposaient que soit créé un organisme
complètement nouveau, la régie des services essentiels, mais
très peu, sinon pas du tout, proposent de recourir à ce qu'on
appelle les tribunaux ordinaires - vous autres, par contre, vous proposez que
le tribunal appelé à trancher des litiges soit la Cour
supérieure. Vous dites même que c'est bon parce que le recours est
rapide dans ce domaine. Vous avez sans doute une expérience qui vous
permet d'affirmer cela. J'aimerais que vous nous en parliez quelque peu.
Comment se fait-il que vous jugiez que la Cour supérieure, tribunal
ordinaire, est habilitée et capable de prendre des décisions
justes et adéquates en matière de services essentiels? Il n'y a
à peu près aucun organisme qui a prétendu ça; au
contraire, on proposait de créer un tribunal particulier, en quelque
sorte, en cette matière.
Je voudrais vous poser une dernière question. Quel que soit le
mécanisme qui sera retenu par le gouvernement en matière de
détermination des services essentiels -même si, pour les
municipalités, ce n'est pas le vôtre qui est retenu - est-ce que
vous allez jusqu'à proposer que, à tout le moins, les
municipalités, étant donné qu'elles ont à dispenser
des services publics que vous jugez essentiels, soient soumises à un
mécanisme de détermination des services essentiels, un
mécanisme précis qu'on retrouverait dans le Code du travail, ce
que vous déplorez n'être pas le cas actuellement?
Une question de fait, j'aimerais demander à M. Vanier, qui a
cité un certain nombre d'exemples de me préciser celui qu'il a
donné à propos de l'hôpital et du service d'aqueduc que
j'ai assez mal compris. Ensuite, on pourra répondre aux autres
questions. D'accord?
M. Lacroix: M. le Président, M. le député,
pour répondre à vos questions, le premier élément
que je voudrais souligner, c'est, évidemment, que notre mémoire
porte sur le niveau municipal et nous n'avons évidemment pas l'intention
de demander que le mécanisme que l'on envisage soit reconnu dans tout le
secteur public. La raison pour laquelle nous avons dû penser à ce
mécanisme... Je pense que, pour M. le ministre qui est juriste et pour
beaucoup d'entre nous, se posent des problèmes qui sont souvent des
problèmes d'ordre constitutionnel au niveau de la compétence des
régies. Il est évident qu'on aurait pu envisager un autre
mécanisme si on avait eu l'assurance que le mécanisme que l'on
propose ne s'empêtrera pas dans de la chicane juridique où,
finalement, chaque fois que la régie rendra une décision, la
partie qui n'est pas satisfaite de la décision qui sera rendue
s'adressera aux tribunaux supérieurs pour contester la
légalité ou la validité de cette décision.
Finalement, quand vous êtes en situation de conflit, en situation
d'urgence où il y a des services qui doivent être rendus à
la population immédiatement, si vous attendez cinq ou six ans que le
débat se règle devant le tribunal de la plus haute instance du
pays, je ne pense pas que vous ayez réglé votre problème.
C'est la raison pour laquelle, étant donné les services
particuliers que les municipalités ont à rendre... Comme vous
l'avez mentionné, les services d'eau sont des services qui sont
essentiels à la population.
Je souligne également à la commission qu'il me semble
qu'au départ, pour éviter la création de
mécanismes, le gouvernement devrait définir des services
essentiels au niveau municipal, reconnaître que les services d'eau, les
services d'égout, le déblaiement des rues en hiver sont des
services essentiels. Évidemment, il y a la mécanique par en
arrière qui est le nombre de personnes dont on a besoin pour ramasser
une tempête de neige. Je pense que le service des travaux publics et son
directeur peuvent facilement vous dire que, quand il y a tant de pouces de
neige, cela prend tant d'hommes pour faire le déblaiement et cela prend
tant de temps.
Lorsqu'il y a une grève, il est évident qu'on ne demande
pas à tous les cols bleus de rentrer au travail et on ne demande pas
à tous les cols bleus d'assurer le fonctionnement du service d'eau, mais
il faut avoir un minimum requis de personnel pour fonctionner.
L'expérience nous a montré - je reviens un peu à votre
question de la détermination de la liste - que dans ces domaines qui
sont quand même limités - on ne parle pas ici des problèmes
de santé, à savoir dans quelle mesure la personne est malade ou
n'est pas malade - on a quand même des services que l'on peut identifier
facilement. Vous avez l'eau. Vous avez, pour le cas de Montréal, le
problème de la circulation dans les rues lorsque les feux de circulation
ne fonctionnent pas. Vous pouvez avoir une catastrophe assez fantastique si
vous paralysez complètement le système des feux de circulation
à Montréal. Le directeur du service des travaux publics l'a
signalé, vous avez tout le système de communication pour fins
d'urgence relié aux services de police et d'incendie, qui répond
aux appels des citoyens et dirige les appels vers les services de police ou
d'incendie. Ce sont des services que l'on peut facilement identifier et dire:
Le législateur va reconnaître que ceci est un service essentiel et
il va falloir, étant donné que c'est un service essentiel, que
les personnes respectent la décision du législateur.
Je vous le dis franchement, la question de la régie, pour ma part
ce que je veux et ce que je pense qu'il faut, c'est un mécanisme qui
soit rapide. C'est le seul recours que j'envisage, à moins que les
juristes du gouvernement me convainquent que, si on crée une
régie des services essentiels, personne ne contestera jamais la
juridiction de cette régie-là; à ce moment-là je
suis bien prêt à imaginer une autre formule. Je ne suis pas
braqué sur cette formule-là, mais je dis que dans les
circonstances dans lesquelles nous vivons, les conflits qu'on a vécus,
il y a à un moment donné des réponses qu'il faut donner
aux citoyens immédiatement. Ce n'est pas dans six mois, ce n'est pas
dans trois mois, c'est immédiatement.
Vous avez, à la suite d'un problème de température
ou d'une chute de neige, des secteurs entiers où aucun véhicule
d'urgence ne peut avoir accès, et vous savez chacun quelle est la
configuration géographique de Montréal, il y a beaucoup de
pentes. Il y a beaucoup d'hôpitaux qui sont situés dans des
secteurs où il y a beaucoup de pentes, je pense au secteur de
Côte-des-Neiges où vous avez passablement d'hôpitaux. Il
faut essayer d'imaginer un mécanisme qui n'est peut-être pas
parfait pour tout le monde mais qui puisse fonctionner le plus rapidement
possible.
Quand vous présentez une requête devant un juge de la Cour
supérieure, lorsque le législateur dit que ça devrait
être entendu en priorité, immédiatement, vous pouvez faire
ça dans la nuit et le lendemain matin vous présenter devant le
juge pour faire décider de la question. Mon expérience, je l'ai
vécue assez souvent dans ces domaines-là, me fait penser que
ça peut être un mécanisme possible et je voudrais bien que
le gouvernement puisse, dans la plus grande mesure du possible, définir
ces services-là.
Le reste, quand on aura à s'adresser à la Cour
supérieure, ça va être de la mécanique pour savoir
si, au lieu de 22
personnes on devrait en avoir seulement 10 ou 15; on est des gens assez
responsables qui avons vécu des conflits, on sait le nombre minimum de
personnes qu'il faut pour maintenir un service. En bas de cela, on sait qu'on
ne peut pas fonctionner. Je pense que cela peut se régler assez
rapidement.
Vous dites qu'il faut laisser ça à un tiers ou à
quelqu'un d'autre. Dans le climat actuel, pour les raisons que je vous ai
exposées, il me semble que si on veut éviter toute cette chicane
ou ce litige-là... Les syndicats savent aussi bien que nous, remarquez
bien, la nature des services essentiels qu'ils ont à rendre. Ils savent
que l'eau doit être fournie. Ils savent qu'à un moment
donné, s'il y a une tempête de neige, il va y avoir des services
à fournir à la population. S'il y a un bris de conduite d'aqueduc
qui survient dans un secteur, il faut le réparer à un moment
donné. Il y a des gens qui sont privés d'eau. Il y a des
bornes-fontaines qu'il faut entretenir parce que l'hiver ça gèle
et s'il y a un incendie qui se produit il faut que les pompiers soient en
mesure de surveiller ça.
Ce sont tous des éléments qui sont facilement
quantifiables. Dans le domaine de la santé, il y a vraiment des
impondérables, il y a des facteurs qui sont difficilement palpables ou
identifiables, il y a plus de subjectif. Nous, il y a peut-être plus
d'objectif parce qu'on travaille plus sur de la matière que sur quelque
chose qui est relié à l'être humain, mais ce sont des
services qui doivent être rendus à la population.
Dans ce sens-là, étant donné que l'on connaît
ces services-là, que l'on peut identifier le nombre de personnes, je
pense qu'il appartient à la partie qui, dans le cas présent, est
un gouvernement qui normalement répond de ses actes à la
population de les déterminer.
S'il se trompe il sera corrigé par le juge à ce
moment-là. Et la liste doit être déposée, on peut en
faire une obligation pour la municipalité. Je ne vois pas
l'intérêt, quant à moi, que la municipalité aurait
de ne pas déposer de liste. (16 h 45)
Franchement, les conflits que j'ai vécus à Montréal
et que mes collègues ont vécus au cours des récentes
années, les listes ont toujours été fournies par la partie
patronale, à la partie syndicale et on n'avait pas de réponse.
Alors, quand on n'a pas de réponse, que voulez-vous, il faut à un
moment donné décider qui va établir la liste. Je ne pense
pas que, dans le système démocratique dans lequel on vit,
où on a un gouvernement élu, ce soit à d'autres que lui de
le décider. Le gouvernement doit trancher, quand un conflit survient
même entre ses employés, à un moment donné.
L'Assemblée nationale est obligée de trancher et c'est elle qui
tranche, ce n'est pas une tierce partie, finalement, c'est elle qui
décide. Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut voir les propositions
que nous faisons. S'il y a d'autres moyens, je suis bien prêt à en
discuter avec n'importe qui, avec les juristes du gouvernement et d'autres.
S'il y a un conflit qui survient l'hiver prochain, il ne faudrait pas se
réveiller encore une fois avec une loi de l'Assemblée nationale
pour régler ces cas parce que les services essentiels ne sont pas
assurés et qu'il n'y a rien dans nos lois qui définit exactement
ce que c'est au niveau des services publics.
Le Président (M. Perron): Merci.
M. Brassard: Je voudrais connaître votre expérience
concrète au cours des conflits. Dans le Code du travail, actuellement,
il n'y a aucun mécanisme pour prévoir la détermination des
services essentiels au niveau des municipalités. Vous avez vécu
plusieurs conflits, plusieurs arrêts de travail; comment cela
fonctionnait-il? Est-ce que vous réussissiez à vous entendre avec
la partie syndicale pour assurer certains services que tout le monde juge assez
facilement comme essentiels? Est-ce qu'il y avait des problèmes majeurs
à ce niveau-là? Par exemple, pour la fourniture de l'eau, est-ce
que vous réussissiez à vous entendre avec la partie syndicale
pour assurer ce service?
M. Girard: Non, effectivement, c'est le problème. On a
connu deux grèves avec les cols bleus: une en 1972 et une en 1980. Nous
avons demandé le maintien d'équipes au travail de façon
continue pour assurer entre autres une bonne distribution et la qualité
de l'eau, de même que le problème de pression dont a parlé
M. Vanier tout à l'heure. Le syndicat n'a pas jugé à
propos de nous donner les services essentiels.
Lors du dernier conflit, en 1980, le syndicat a refusé de donner
quelque service essentiel que ce soit de façon continue. Il n'acceptait
souvent qu'après des tergiversations de donner des services essentiels
que pour procéder à des réparations ou au
rétablissement de l'eau dans certaines demeures privées. On
pouvait transmettre des demandes en disant: Au coin de telle rue et de telle
autre rue, il y a des gens qui sont privés d'eau, il y a eu un bris de
conduite d'eau, pouvez-vous venir faire la réparation? J'ai
regardé mes notes encore ce matin et, dans un cas, à
Côte-Saint-Luc, il y avait une maison à logements et cela a pris
deux jours avant que le syndicat décide - il y avait des
assemblées là-dessus, des comités, etc. - s'il devait
aller rétablir l'eau ou pas. On a en quelque sorte forcé le
syndicat à agir en retenant les services d'un entrepreneur. Quand il a
vu que l'entrepreneur était rendu sur les lieux pour
rétablir la conduite d'eau, il a chassé l'entrepreneur et
a dit qu'il allait le faire. Mais cela a occasionné encore d'autres
délais.
C'est pour vous démontrer la difficulté d'établir
des services essentiels. On ne réussit pas à s'entendre à
la suite de certaines demandes que nous faisons; j'ai mentionné,
tantôt, le nombre de demandes que nous avons faites et vous avez vu que
c'est un nombre de demandes minime auxquelles le syndicat a répondu. Et
même ces demandes, quand il a décidé d'y répondre,
c'est après un long délai. C'est la difficulté que nous
avons eue sans compter -je voudrais insister là-dessus - que nous avons
failli vivre une situation catastrophique parce que les contremaîtres,
à un moment donné, se sont présentés devant la Cour
supérieure et, par le biais d'une injonction, voulaient que le tribunal
ordonne à la ville de cesser d'utiliser leurs services parce qu'ils
croyaient que leur santé et leur sécurité étaient
en jeu, compte tenu que, chaque fois que les contremaîtres intervenaient
pour maintenir des services essentiels, ils étaient menacés.
Cela illustre aussi une autre de nos demandes et une autre de nos
prétentions à savoir que le recours à la Cour
supérieure est effectivement rapide. Dans ce cas, ce n'est pas la ville
qui a eu recours à la Cour supérieure, c'est le Syndicat des
contremaîtres. Nous nous sommes défendus, nous avons exposé
au tribunal les dangers, à prévoir si le tribunal acceptait la
requête des contremaîtres, leur permettait de ne pas assurer les
services essentiels. Le tribunal a rendu sa décision très
rapidement, dans la même journée, statuant que les
contremaîtres devaient rester en poste malgré les dangers qu'ils
pourraient courir. Je pense que cela illustre aussi, de façon
très concrète, les explications à caractère
peut-être plus théorique que Me Lacroix a fournies tout à
l'heure sur le fait que le recours à la Cour supérieure peut
être très expéditif.
Le Président (M. Rochefort): Vous voulez ajouter quelque
chose, M. Vanier.
M. Vanier: Pour préciser l'exemple de l'Hôpital
général, c'est arrivé à la suite de bris de
conduite et de bornes-fontaines. C'est pour cela que j'ai pris l'exemple de
l'Hôpital général. En sortant sur la chaussée, l'eau
a gelé, c'était en hiver, et l'hôpital est devenu un "no
man's land" pendant plus de deux heures et demie. C'est à la suite de
bris de conduite. Je voudrais ajouter un mot là-dessus. Lorsqu'un bris
se fait dans une conduite ou qu'il se fait une infiltration d'eau souterraine
dans une conduite d'aqueduc, on est tenu de fermer le réseau ou un
secteur du réseau - de quelle grandeur? On ne le sait pas - et de
désinfecter le réseau. Désinfecter 1000 pieds de conduite.
Cela peut être une intersection entre Bélanger et Saint-Zotique,
mettons sur Delorimier. Cela n'est pas long. Mais quand je parle d'un secteur,
cela peut être un secteur qui part de Langelier jusqu'à Viau,
à partir de Rosemont jusqu'au boulevard Métropolitain. Pour 1000
pieds de conduite, cela me prend cinq jours à la désinfecter.
Pendant ce temps, la population a bu de l'eau qui est peut-être
contaminée. Dans quelle situation se retrouve la population?
C'est pourquoi le maintien du service essentiel au niveau de l'aqueduc,
c'est une question primordiale à un point tel que s'il y a une panne
d'électricité dans la région métropolitaine de
Montréal, on est le premier client sur la liste d'Hydro-Québec.
On doit soulager d'autres circuits pour fournir de l'eau à nos usines de
filtration, pour ne pas que les usines de pompage arrêtent de
fonctionner. L'eau, c'est primordial.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiendrais
également, au nom de l'Opposition, à remercier la ville de
Montréal de son mémoire. Sans faire de cachette aussi, je tiens
à vous dire au départ que je suis presque entièrement
d'accord sur votre mémoire, après l'avoir lu.
Maintenant, il y a seulement un point. On réalise naturellement
que vous ne préconisez pas l'abolition du droit de grève, mais
bien plutôt assurer un bon maintien des services essentiels. C'est la
question importante et l'intérêt dans nos travaux depuis quatre ou
cinq jours.
Vous nous dites, au niveau du mécanisme, que ça devrait
être plutôt l'employeur, contrairement à ce qui se passe
actuellement, alors que c'est le syndicat qui détermine les services
essentiels. Je serais peut-être plutôt d'avis, naturellement, que
le législateur détermine ce qui est essentiel comme la fourniture
de l'eau, l'entretien des égouts, etc., mais que rendu à un autre
niveau, les parties tentent de s'entendre sur le reste des services essentiels,
à savoir combien de personnes et que si jamais il n'y a pas
possibilité d'entente, on s'adresse à la Cour supérieure,
que le juge Deschênes, par exemple, désigne un juge de ladite Cour
supérieure qui serait, en période de conflit, responsable, ou
prêt à entendre toutes les requêtes.
C'était ce que je pensais au niveau du mécanisme. J'aurais
différentes questions. Je me souviens, l'an passé, j'avais
à aller au palais de justice presque chaque jour. Je suis avocat
moi-même. Sur la rue Saint-Laurent, il y avait à peu près
une cinquantaine de
feux qui étaient brisées. Cela s'était fait, je
présume, durant la nuit. C'était considéré comme du
vandalisme. Les contremaîtres n'étaient pas en grève, si ma
mémoire est bonne, et il n'a jamais été question de
réparer ces feux de circulation.
M. Vanier: Justement, c'est qu'on voulait les réparer,
mais c'est du travail qui est fait par les cols bleus. Il fallait faire
attention sur l'utilisation des services de nos contremaîtres. On a vu
dans quelle situation. Ils étaient traumatisés, parce qu'il y a
eu énormément de menaces à leur égard aussi. La
décision qu'on a prise, c'est qu'on fermerait l'intersection d'une
façon partielle en mettant des feux jaunes dans une direction, et les
feux rouges dans l'autre. Parce qu'il ne faut pas les fermer totalement,
autrement les gens prennent des chances dans les deux directions. En mettant un
jaune et un rouge, cela attire un peu l'attention sur le fait qu'il y a une
cause probable de danger. Mais sur les 1200 intersections, on en avait à
peu près 200 qui ont été les cibles de vandales d'une
façon ordonnée. C'était un simple morceau à
plusieurs endroits qui était enlevé. Ce n'est pas le commun des
mortels qui passait, parce qu'il y a des clés, et seulement un certain
nombre de personnes avaient ces clés.
M. Dauphin: Sur l'organisme de recours, pour la
détermination des services essentiels, sur un plan municipal, je suis
d'accord avec vous que la Cour supérieure serait probablement
l'organisme compétent. Dans les questions au niveau des services de soin
de santé, là, pour un tiers, je serais plutôt d'avis qu'il
y ait un médecin, par exemple, là-dedans. Je n'ai jamais compris
que ce ne soit pas un médecin qui détermine ce qui est essentiel
pour un malade. Je ne le comprendrai jamais non plus si ça continue
comme ça. Mais sur le plan municipal, je suis d'accord avec vous qu'un
juge de la Cour supérieure serait compétent. Au niveau des
recours civils qu'il y a eus à ce moment-là - je sais qu'à
mon bureau, on en avait pris quelques-uns - pour les victimes, justement, tout
près de l'hôtel de ville, entre autres, il y a une côte qui
descend, je pense que cela a été considéré comme un
cas fortuit et les victimes de ça n'ont jamais pu être
indemnisées.
M. Lacroix: Exact, à ce niveau-là. Il y avait
même eu un recours collectif qu'on avait tenté d'exercer contre la
ville et qui avait été rejeté. Je voudrais souligner,
à propos de la question que vous m'avez posée au niveau des
listes, qu'il est bien évident que, quant à nous, la liste, nous
la soumettons toujours au syndicat, celle que nous préparons au niveau
des services essentiels et, si le syndicat est prêt à s'entendre,
on n'est pas pour aller s'amuser devant un juge de la Cour supérieure
à cet effet. Seulement, quand la liste est soumise et que nous n'avons
aucune réponse, à ce moment-là, il faut agir en
conséquence.
M. Dauphin: D'accord, je vous remercie. Je ne sais pas s'il y a
d'autres collègues...
Syndicat des employés de magasins et de bureaux
de la SAQ
Le Président (M. Rodrigue): II semble que ceci termine la
période des questions. Je voudrais remercier les représentants de
la ville de Montréal et j'invite maintenant les représentants du
Syndicat des employés de magasins et de bureaux de la
Société des alcools du Québec à venir et à
nous présenter leur mémoire. Le mémoire du Syndicat des
employés de magasins et de bureaux de la Société des
alcools du Québec nous sera présenté par le
président du syndicat, M. Ronald Asselin. J'invite M. Asselin à
nous présenter les personnes qui l'accompagnent avant de nous livrer le
mémoire. M. Asselin.
M. Asselin (Ronald): Je voudrais d'abord remercier la commission
de nous avoir permis de nous faire entendre et je tiens à vous
présenter les membres de mon exécutif. À ma gauche, Claude
Sauvé, vice-président du syndicat, et Suzanne Clément, qui
est secrétaire du syndicat et, à ma droite, Claude Tremblay, qui
est trésorier du syndicat, et Jules Saint-Amour, vice-président.
En arrière, Jacques Poirier de la région de Québec,
vice-président du syndicat. J'ai aussi André Cardinal qui est un
collaborateur.
M. le Président, je voudrais faire une précision en
commençant. Vous avez reçu notre mémoire et vous avez
dû vous apercevoir qu'on n'a pas tellement parlé du droit de
grève. C'est un secret de polichinelle, nous sommes parmi les
signataires du mémoire de l'Intersyndicale. Nous avons endossé sa
position. Pour ce qui est aussi des services essentiels, il est sûr que
nous ne sommes pas pris avec ce problème, s'il y a problème.
À ma connaissance, il y a seulement une fois dans notre histoire qu'on a
dû fournir des services essentiels et c'est en 1964, quand les
curés nous ont demandé d'ouvrir un comptoir pour le vin de messe.
À ce moment-là, on s'est aperçu que l'employeur faisait un
chiffre d'affaires assez impressionnant, parce qu'il s'agissait d'être
ami avec un curé pour pouvoir avoir du vin pour faire un "party" ou une
noce.
Si nous avons cru bon de vous parler dans notre mémoire des
problèmes que nous avons avec la Société des alcools et
tout particulièrement des problèmes de
négociation, c'est que, si on avait à additionner les
grèves, à les mettre bout à bout, en 17 ans de
syndicalisme avec la Société des alcools, on en a pour un an et
demi. Si jamais on décernait des Oscars pour les gens qui ont fait des
grèves, je pense qu'on serait mis en nomination.
Si vous regardez le titre du mémoire: "Des gestionnaires qui
n'acceptent pas la présence d'un syndicat qui existe pourtant depuis 17
ans... " Je veux revenir à la première grève qui a
été celle de 1964-1965 et vous rappeler une parole
célèbre du premier ministre du temps qui nous avait dit, parole
qui a peut-être été retenue par nos "boss", que la reine ne
négociait pas avec ses sujets. C'est dans le conflit de la
Société des alcools que le premier ministre Lesage nous avait
sorti cette parole qui est passée à l'histoire. (17 heures)
En 1964, c'était peut-être la première fois à
l'intérieur des secteurs public et parapublic qu'un syndicat osait faire
la grève. À ce moment, si on regarde les conditions de travail
à la Société des alcools, en partant, je pourrais
peut-être vous dire que la moyenne d'âge à la
société, en 1964, était de 48 ans. Il est sûr qu'il
y avait là des problèmes; il y avait aussi un problème
important, parce que, pour nous, le conflit de 1964, c'est le conflit qu'on
s'est contenté d'appeler le conflit de la dignité. Pourquoi
a-t-on appelé cela le conflit de la dignité? À ce moment,
on se souvient du fameux carrousel. C'étaient les bleus et les rouges.
Si les bleus étaient au pouvoir, qu'il y avait une élection et
que les rouges prenaient le pouvoir, la "gang" sortait et c'était la
"gang" de rouges qui prenait la place. C'est comme cela que cela fonctionnait,
à moins qu'un gars ait été assez "wise" pour se faire
photographier ou se promener avec un représentant de l'Opposition et
conserver son job par la suite. C'était un petit peu cela.
C'était le nettoyage après chague élection, parce que
chaque député de comté plaçait ses gars à la
Société des alcools.
Je me sers aussi d'une parole du négociateur patronal de ce
temps-là qui avait dit que la meilleure chose qui pouvait arriver
à la Société des alcools, c'était peut-être
l'arrivée d'un syndicat. En 1964, on avait aussi deux objectifs qui
étaient, d'abord, la sécurité d'emploi et aussi la
question des salaires parce qu'à ce moment les gens gagnaient 50 $ par
semaine. Un conflit de trois mois, durée de négociation de vingt
mois. On a dû voir à l'application d'une convention qui a
été assez difficile pour se ramasser en 1968 avec d'autres
négociations. Cela me rappelle des souvenirs quand je parle des
négociations de 1968, parce qu'en 1968, on s'est ramassé dans
cette salle qui, à ce moment, s'appelait le Comité des
régies - le parti au pouvoir était l'Union Nationale - et on est
venu, au bout de cinq mois et demi de grève, se promener devant nos
élus pour leur donner un compte rendu de la négociation et en
même temps peut-être se donner en spectacle. On a
décidé, à ce moment, de retourner à une table de
négociation et c'est là qu'on est allé se chercher une
convention. Il faudrait peut-être aussi se rappeler l'attitude des
politiciens et l'attitude de notre employeur en 1968. Si on se rappelle bien,
le ministre de la Fonction publique du temps était M. Marcel Masse qui
disait à qui voulait l'entendre, comme moyen de pression sur nous, que
la Société des alcools, on allait la donner à l'entreprise
privée. Il faudrait peut-être aussi se rappeler le comité
d'opinions libres qui était formé par trois ex-membres de notre
syndicat et qui avait pour but d'écraser le syndicat. On avait
distribué à tous nos membres une formule que les gens devaient
remplir et retourner à un certain casier postal. Cette pétition
devait être transmise au ministre de la Fonction publique, Marcel Masse.
Celle-ci disait que le gouvernement s'engageait à nous donner la
sécurité d'emploi, c'était à peu près tout.
On a eu le bonheur de ramasser les pétitions et de venir les porter au
ministre sans les avoir remplies au préalable.
Je veux aussi revenir à la négociation de 1972 qui a
été pour nous la naissance d'un front commun. À ce moment,
nous étions affiliés à la CSN et on voyait une lueur
d'espoir. Pour une fois, on se disait qu'avec un front commun, on aurait
peut-être des chances d'être moins longtemps dans la rue. À
notre grand étonnement, en 1972, durant les 22 mois de
négociation, on a vu l'employeur une dizaine de séances de
négociation, c'est à peu près tout. Si on se reporte en
1972, il y a eu une loi qui obligeait les gens à négocier
jusqu'à une certaine date et une certaine heure qui était minuit,
c'est-à-dire que la loi disait qu'on retournait les gens aux tables de
négociation. On leur disait que tous les gens qui étaient aux
tables de négociation et qui n'étaient pas parvenus à
négocier héritaient d'un décret. On a essayé
à ce moment de voir l'employeur. Cela n'a jamais été
possible. On est resté trois jours avec le président de la CSN
dans un motel de Québec, même après l'heure prescrite par
la loi, et on a essayé de rencontrer l'employeur afin de siqner un
protocole d'entente qui tiendrait lieu de convention. C'est six mois
après, avec le porte-parole officiel de la table centrale de
négociations, qui était à ce moment-là
Réjean Larouche, qu'on a réussi à rencontrer nos
employeurs et à signer un protocole d'entente qui tenait lieu de
convention. Ce sont les difficultés de 1972.
En 1975-1976, le renouvellement d'une autre convention. À ce
moment-là, le président de la Société des alcools,
un
dénommé Jacques Desmeules - je pense qu'à la
Société des alcools, il s'est négocié deux
conventions: une première convention en 1964 et une deuxième
convention en 1976 - avait donné des directives à la
Société des alcools d'essayer de négocier. En 1976, la
grève a duré quinze jours. Cela a été la plus
courte grève dans notre histoire parce qu'au point de vue normatif, pour
une fois, quelqu'un s'occupait du problème des gars de la
société et avait donné le mandat à des gens pour
négocier. On est parvenu, après quinze jours de grève,
à aller se chercher une convention collective.
Il y a aussi le bouquet pour nous, la négociation de 1978-1979,
qui a peut-être été une des négociations les plus
difficiles. On a appris qu'à la Société des alcools on ne
pouvait pas se battre, pour se servir d'un terme qui a été
populaire, d'égal à égal, parce qu'on s'est aperçu
que la Société des alcools détenait une police d'assurance
antigrève fournie par le gouvernement fédéral d'Ottawa, la
péréquation. On sait que, chez nous, une grève, c'est
payant, pour les patrons. Allez-y dans la rue les petits gars, nous autres,
cela ne nous fait rien parce que, ce qu'on perd, on le récupère
d'une autre main.
Le ministre des Finances, M. Parizeau, nous a appris qu'en 1968, par
exemple, la grève à la Société des alcools avait
coûté 50 000 000 $ et que le gouvernement fédéral
avait remboursé 49 000 000 $, tandis que le reste, 1 000 000 $,
était compensé par les salaires. Tout cela pour vous dire une
chose: Pour nous, comme syndicat, le seul moyen de se battre, le seul moyen que
nous avons à notre disposition pour aller chercher une convention, c'est
d'essayer de vous écoeurer, messieurs, c'est d'essayer d'écoeurer
les membres du gouvernement pour qu'enfin quelqu'un se décide à
dire à notre employeur: Retournez à la table de
négociation et essayez de leur donner une convention. C'est ce qui est
arrivé. Vous nous avez obligés à nous servir de slogans
assez populaires. Cela nous a aussi obligés à faire de
l'occupation et cela nous a obligés à poser un paquet de gestes,
à engueuler les politiciens un peu partout et être un peu partout
pour qu'enfin quelqu'un se réveille et il dise à la
société: Finies les "crisses" de folies. Vous allez retourner
à la table et on va leur donner une convention.
Mais il y a encore pire que cela. Avec cette police d'assurance, la
Société des alcools n'est nullement obligée d'ouvrir ses
magasins. Dieu sait que le dernier conflit -remarquez bien qu'en 1978 et 1979,
je parle de conflit - a duré cinq mois et demi, mais on a fait la
grève pendant un mois, même pas un mois. Le reste, cela a
été du lockout. C'est l'employeur qui a pris surtout les
employés de Montréal et de quelques régions, qui a
décidé d'envoyer les gars dans la rue et de fermer les magasins
pour, après cela, rouvrir les mêmes magasins avec le service de
directeurs de succursales et aussi le service de scabs. Je vous inviterais
à lire l'annexe du mémoire.
Vous y avez le rapport du commissaire-enquêteur nommé par
le ministère, Jean-Yves Ferland, qui a constaté que la
Société des alcools avait violé la loi antiscabs de A
à Z. La Société des alcools ouvrait ses magasins pour de
la provocation pure et simple. Il y a eu même plus que cela. On a
usé de toutes les formes de chantage et on vous en donne un
spécimen à l'annexe 1; c'est un chèque qui a
été envoyé à tous les employés de la
Société des alcools, les employés en grève. C'est
un chèque qui est nul, nul, nul, zéro, zéro, zéro,
non négociable.
Je ne sais pas, mais quand vous êtes un père de famille de
quatre enfants et que l'épouse de ce père de famille
reçoit un chèque semblable, j'ai bien l'impression que cela donne
lieu à une conférence de presse ou à un
dîner-causerie, pour dire à l'employeur: Regarde ce que cela te
donne, pas ta grève, mais ton lock-out. Regarde ce que cela te donne. Tu
es dans la rue, cela ne te donne rien. Tu as un chèque nul. L'employeur
exploite les magasins et toi, attends, parce qu'un jour on finira par le
régler, ton conflit. C'est cela le problème à la
société. On n'a jamais pu se parler et on n'a jamais pu
négocier, sauf une tentative qui s'est faite en 1976. Quand vous avez un
vice-président administratif à la Société des
alcools qui dit: Moi, j'aime mieux me faire condamner par un juge que me faire
condamner par un syndicat, je pense que cela donne un peu la mentalité
des autres personnes à l'intérieur de la boîte.
Nous avons cru bon, pour une fois de vous en parler; c'est la
première fois que vous nous donnez l'occasion de vous expliquer le
problème. Dans nos conclusions, on vous dit une chose: On ne vous
demande même pas de nous croire. On vous dit: Faites une enquête et
vous aurez la réponse. Je pense que cela ne peut plus durer. Je pense
qu'il y a du monde qui était écoeuré de nous voir jouer
comme on a été obligé de jouer la dernière fois. Il
y a des gens qui étaient écoeurés de nous voir les
achaler.
Je regrette, mais, si je regarde la dernière convention, 50% des
demandes étaient des demandes patronales. Le patron était en
demande pour 50% de la convention. Il faut peut-être se rappeler les
heures de travail. Il faut peut-être se rappeler le problème des
temporaires chez nous. Nous ne sommes déjà pas forts
là-dessus et le patron était en demande. Les droits de
gérance, le patron était en demande. Le patron était en
demande à 50%. C'est sûr qu'il va être en demande
là-dessus. C'est sûr qu'il va essayer d'aller tout chercher. On
n'a rien pour se battre. On est obligé d'improviser et on est
obligé de faire n'importe quoi pour essayer de réveiller
les gens et de leur dire: Aïe, les gars, il y a quelque chose qui se passe
là. Allez donc voir.
M. le Président, je ne veux pas prendre plus de temps. Cela fait
deux jours que je suis ici et je reconnais le travail que vous faites. Je vous
trouve bien couraqeux d'entendre tout le monde. C'est ce que nous avions
à vous exposer.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie, M. Asselin.
M. le ministre du Travail.
M. Marois: M. le Président, je voudrais remercier
infiniment et très sincèrement le Syndicat des employés de
magasins et de bureaux de la Société des alcools du
Québec, en particulier son porte-parole, M. Asselin.
Je dirai simplement ceci. Je vous remercie d'attirer notre attention sur
un certain nombre de choses concrètes et de nous dire: Ne nous croyez
pas, allez vérifier. Il est certain qu'il va falloir qu'on trouve les
moyens pour que les sociétés d'État, comme le gouvernement
lui-même, d'ailleurs, changent des attitudes et des comportements. On
peut changer des lois, c'est une chose. Quand il faut le faire, il faut le
faire. Il n'y a pas de raison qu'on ne le fasse pas à la suite d'une
commission parlementaire comme la nôtre. Mais il va falloir que les
changements d'attitudes et de comportements s'appliquent et valent aussi pour
les sociétés d'État et pour le gouvernement. Il n'y a pas
de raison, quand le législateur fait des lois pour qu'elles ne soient
pas respectées. Il y a des comportements, comme vous le dites, si tant
est qu'ils sont démontrés, surtout quand on a des pièces
à l'appui... Dans le cas des chèques, je sais que c'est vrai. Le
gouvernement du Québec l'a appris par des conjointes de syndiqués
qui ont contacté le gouvernement. Je sais que c'est exact. Le
gouvernement a dû intervenir dans ce cas-là pour que cesse cette
pratique inqualifiable. (17 h 15)
Là-dessus, M. le Président, je voudrais avec votre
permission toute suite céder mon droit de parole à mon
collègue de Duplessis, qui a fouillé attentivement ce
mémoire, qui a même attiré mon attention sur un certain
nombre de points que je viens d'évoquer et qui aurait un certain nombre
de questions à poser en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. M. Asselin j'ai
été énormément surpris de certaines constatations,
qui d'ailleurs étaient appuyées dans votre mémoire. Je
pense que c'est la première fois qu'on a vraiment, dans cette
commission, une preuve, si on peut dire, de mauvaise foi dans des
négociations où une société d'État est
elle-même impliquée. Tout comme le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je reconnais qu'il y a
sûrement des choses à faire auprès de certaines
sociétés d'État et en particulier auprès de la
Société des alcools du Québec. Pour votre information,
j'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer en 1978 des
représentants de la région de Sept-Îles et Port-Cartier,
j'ai eu l'occasion de faire des échanges très fructueux avec les
représentants qui étaient environ une quinzaine. À ce
moment là, j'ai constaté qu'il y avait des problèmes qui
étaient existants depuis une quinzaine d'années -puisqu'on parle
de 17 ans aujourd'hui, à ce moment là c'était à peu
près 15 ans - en rapport avec les négociations
patronales-syndicales. J'ai aussi constaté qu'il y avait un manque
énorme de la part de la société d'État et c'est la
raison pour laquelle je suis moi-même intervenu auprès de
certaines instances gouvernementales en me rapportant à du vécu
dans ma région et, par la suite, en voyant le vécu à
Québec et à Montréal.
Je voudrais faire certains commentaires sur deux choses en particulier,
peut-être trois. On dit dans le mémoire, le ministre l'a
soulevé, que la partie patronale, qui est une société
d'État, durant des négociations a fait à peu près
tout, comme par exemple envoyer des chèques nuls. Je peux vous dire
carrément, et je m'adresse ici aux membres de la commission et aux gens
qui nous écoutent, que je trouve dégueulasse une telle attitude
face à des syndiqués, à des travailleurs et à des
travailleuses. Je pense que dans des négociations, et Dieu sait à
combien j'ai participé... Je peux vous dire qu'on l'a vécu une
couple de fois à Hydro-Québec, pas de la même façon
mais d'autres façons.
Quant à l'enquête, je pense qu'il y a lieu de regarder s'il
y a une possibilité, et, comme le ministre l'a mentionné, il va
falloir changer des choses. Personnellement, je ne peux pas accepter qu'une
société d'État déroge à une loi 45 qui avait
été votée à l'Assemblée nationale du
Québec et défendue par celui qui vous parle et par d'autres qui
ne sont pas ici aujourd'hui, incluant le ministre, qui est là, qui avait
défendu la loi 45. Je ne peux pas accepter d'une société
d'État, pas plus d'ailleurs que d'un entrepreneur, qu'on déroge
à une loi qui a été faite par l'Assemblée
nationale. Cela, ce sont les commentaires que je voulais faire.
Je voudrais vous poser une question en rapport avec les chèques
non négociables, zéro, zéro, zéro, donc nuls. Pour
moi c'est une risée que cela ait été fait. Est-ce que vous
pourriez me dire si c'était la première fois qu'on agissait de
telle façon de la part
de la société et combien de familles ont été
touchées par ce mode de pression auprès des syndiqués?
M. Asselin: Plusieurs centaines de familles, parce que tous les
gens touchés étaient les gens en grève. Tous les
syndiqués à l'intérieur de mon syndicat qui étaient
en lock-out ou en grève recevaient de ces chèques. Alors on
recevait cela par la poste, c'était cela.
M. Perron: Est-ce que cela a été fait plus d'une
fois durant la période de négociation?
M. Asselin: Cela a été répété
à plusieurs exemplaires, jusqu'à ce qu'on avertisse quelqu'un du
gouvernement. On a dit à quelqu'un du gouvernement: Écoutez, cela
ne peut plus durer. Je peux vous dire que la personne qu'on a avisée a
sauté à peu près ça de haut quand elle a vu
ça; elle a dit: Non, ça ne se peut pas. On s'est empressé
de cesser la pratique.
M. Perron: Donc, le ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, à ce moment-là, a carrément
réagi.
M. Asselin: C'est-à dire qu'on a averti quelqu'un, on
essayait de trouver des débouchés quelque part, pour en finir et
trouver un règlement. On a mis ces gens au courant et c'est la
réponse qu'on nous a donnée, on va voir à ce que ça
cesse.
M. Perron: Merci, M. le Président. À la page 13, de
votre mémoire, vous mentionnez, au troisième paragraphe: "Par
conséquent, les membres du SEMBAQ recommandent que le système
actuel d'arbitrage soit remplacé par une nouvelle formule basée
sur le principe qui fut à l'origine de la Cour des petites
créances. Est-ce que vous pourriez dire aux membres de cette commission,
plus en détail, de quelle façon vous verriez cette proposition
s'appliquer? On en a déjà parlé dans d'autres
mémoires qui sont venus devant les membres de la commission et il me
semble qu'on n'a pas encore complété, élaboré, sur
le fond, cette question que vous proposez.
M. Asselin: M. le Président, au moment où je vous
parle, je peux vous dire qu'à la Société des alcools, il
doit y avoir présentement dans la machine au-delà de 400 griefs
dont 60% s'en vont à l'arbitrage. La semaine passée, comme
aujourd'hui, nous avions quatre arbitrages. À la Société
des alcools, le jeu qu'on fait, c'est le jeu des objections. Je sais qu'il y a
des gens qui se connaissent en relations de travail; autour de la table, vous
savez ce que ça veut dire et ce que ça coûte. Chaque fois,
on nous arrive avec un procureur qui émet une objection. On passe une
journée à une table à s'obstiner sur l'objection pour,
après ça, attendre des semaines et des semaines qu'un arbitre
rende une décision sur l'objection. Après ça, si l'arbitre
a rejeté l'objection, ça veut dire qu'on s'en va dans le fond et
qu'on doit plaider deux fois le même grief.
On sait ce que ça coûte, on sait aussi qu'en fin de compte
les arbitres, on les paie 50-50 avec l'employeur. Les syndiqués paient
des procureurs et nous aussi on en paie, on sait ce que ça coûte.
Il reste que quand on prend un petit travailleur qui, lui, s'en va à
l'arbitrage pour savoir si l'employeur lui paiera l'heure de dîner qu'on
lui doit, plus souvent qu'autrement, j'ai des gens qui sont de cette table et
qui me disent: Est-ce qu'ils vont parler de nos problèmes un jour? Je
fais quoi? Cela devient des procès en règle. Qui est-ce que
ça sert? Cela sert les avocats, ce sont eux qui en sortent gagnants. Ils
ont fait du fric puis en sont sortis. Nous sommes pris avec la patate chaude.
Après ça, ça devient des cas de jurisprudence. On est
parti avec des paquets, de part et d'autre, et c'est la grosse chicane
là-dessus, c'est sur la jurisprudence. On pousse l'arbitre bien plus
à porter un jugement sur la jurisprudence que sur le fond du grief.
On est fatigué de ça. Si au moins on avait un arbitre qui
nous rende une décision sur le banc! On a des arbitres du
ministère qui viennent nous voir. L'arbitre pourrait s'asseoir et on
pourrait dire: Écoutez, le problème, c'est ça; la partie
patronale dit que c'est ça, l'arbitre se retire et il rend une
décision. Cela finit là, on ne tient pas compte de la
jurisprudence, au moins pour 50%, même plus, je dirais même 60% et
70% de nos problèmes. Je pense qu'on trouverait une solution. Ce sont
des batailles à n'en plus finir, dispendieuses au possible. Cela a aussi
pour effet que, quand un gars vient une fois à un arbitrage, ça
ne le tente plus de faire des griefs par après. Il se dit:
Désespoir, ce n'est pas ça l'affaire! Par exemple, on est
allé en arbitrage la semaine passée pour 4 $. Il y a un
vice-président syndiqué qui a démissionné. Notre
secrétaire travaille dans un bureau où il y a une série de
paravents; elle a le malheur d'être de l'autre côté du
paravent; l'employeur avait permis aux employés de ce
côté-ci de prendre une demi-heure de plus pour déjeuner et
d'aller fêter le départ de notre vice-président du
syndicat. Elle était très près du syndicat, elle a
collaboré autant comme autant avec l'employé et on ne le lui a
pas permis. On dit: Toi, tu n'y vas pas. Alors, on s'est ramassé en
arbitrage pour 4 $; on a passé une journée avec des objections,
et avec n'importe quoi pour s'engueuler pour 4 $. Des exemples comme cela, je
peux vous en donner autant comme autant.
Quand on prend un employé temporaire,
c'est clair, dans la convention, si l'employé travaille toute la
journée de neuf heures à neuf heures, l'employeur se doit de lui
payer un repas. Mais être aussi mesquin pour dire au gars: Va-t'en chez
toi pour une heure, puis tu reviendras, parce qu'on te coupe ta journée
et on ne te paie pas de repas. On a eu une série d'objections pour un
repas, puis on s'est ramassé deux jours de temps en arbitrage. C'est
tout cela l'affaire.
M. Perron: M. le Président, on vient de faire une autre
constatation.
Une troisième question. Encore à la page 13, dans le
premier paragraphe, vous recommandez aussi l'abrogation du droit de
lock-out.
Deux courtes questions sur ce sujet, par la suite, un commentaire, et
j'ai terminé. Est-ce que vous pouvez me dire combien de fois les
employés de la SAQ ont été mis en lock-out?
M. Asselin: Pendant pratiquement cinq mois, à 60% de nos
employés. Les gens de la région de Montréal, vous vous
rappellerez que pendant les cinq mois et plus de conflit, il y a eu pas moins
de cinq mois où les gens de Montréal étaient en lock-out.
Chose que l'on n'avait jamais vue à la société, c'est une
arme dont on s'est servi et que l'on ne connaissait pas.
M. Perron: Maintenant, M. le Président, est-ce que vous
pourriez me dire si c'était périodique le lock-out? En d'autres
mots, on prenait un établissement, on le fermait pour deux ou trois
semaines, on le rouvrait, est-ce que c'était périodique?
M. Asselin: Vous allez peut-être vous rappeler ce que vous
nous avez vus au congrès de votre parti le 1er juin, à
Québec; bien, il y a des gens qui ne sont jamais rentrés au
travail après cela. On avait demandé aux gens d'un peu partout -
on avait le droit de grève, on avait débrayé - d'aller
vous visiter à votre congrès. Quand les gens sont revenus, ils
ont trouvé les portes barrées, et elles l'ont été
jusqu'à la signature d'une convention. C'est une bonne partie de la
ville de Montréal, et la ville de Montréal, au niveau de la
Société des alcools, c'est à peu près là
où se trouvait tout notre monde.
M. Perron: Toujours sur la même question, maintenant, vous
mentionnez l'abrogation du droit de lock-out. Est-ce que vous pourriez, devant
nous, justifier votre position sur le retrait du droit au lock-out puisque, si
ma mémoire est bonne, ce droit existe dans le Code du travail depuis un
bon nombre d'années?
M. Asselin: Oui, mais c'est parce...
M. Perron: Donnez de bonnes raisons pour lesquelles vous voulez
que ce soit enlevé?
M. Asselin: On a justement un problème. Chez nous on a un
problème qui n'existe peut-être pas ailleurs. Les patrons ne
perdent rien; économiquement, on ne peut pas leur toucher. Ils disent:
On va fermer les magasins. Puis au contraire, ils font de l'argent avec nous
autres parce qu'ils ne sont pas obligés de nous payer.
M. Perron: La péréquation. Vous parlez de la
péréquation qui est une arme additionnel au restant.
M. Asselin: Oui, certainement; ils se servent de cela et ils le
savent. Quand ils vont vous présenter un rapport de leurs
activités, le rapport financier, ils sont obligés d'aller devant
vous autres à tous les ans. Il est certain qu'ils n'ont quasiment pas de
perte, parce qu'ils récupèrent ailleurs.
C'est facile de faire un lock-out chez nous, c'est bien facile. Ils
disent aux gars: Allez-vous-en; ils ont fermé les bureaux pendant je ne
sais combien de temps. Pas de problème.
M. Perron: Seulement un commentaire, M. le Président, sur
les griefs. Je comprends un peu ce que vous vivez, vous-même et vos
syndiqués avec la question des griefs. Je vais vous donner un exemple
qui me touche de près. J'ai reçu un appel la semaine
dernière, cela fait quatre ans et demi que je suis député,
au sujet d'un grief que j'avais déposé en 1975 à
l'Hydro-Québec. Alors, je peux comprendre un peu votre position quand
vous dites: On devait trouver des mécanismes à savoir, de quelle
façon on pourrait s'aligner pour régler les griefs dans les plus
brefs délais. Vous faites allusion à certaines choses dans votre
mémoire qui touche de près certaines positions que j'ai
moi-même, mais, à ce moment-là, on devrait en discuter, les
membres de la commission et les membres du gouvernement, pour voir de quelle
façon on pourrait remédier au problème que vous vivez. (17
h 30)
Quant à moi, j'emploie des paroles qui sont dites assez
fréquemment par notre ministre du Travail, M. Marois, en vous disant
que, lors des prochaines négociations, en ce qui me concerne, je
tiendrai sûrement à l'oeil l'attitude de la Société
des alcools du Québec parce que votre rapport parle par lui-même.
Merci, M. le Président.
M. Asselin: Si vous me permettez d'ajouter un petit point. Avec
l'affaire des briseurs de grève, le Code du travail nous permettait
d'intenter des poursuites contre les briseurs de grève. M. le ministre,
vous
n'avez qu'à parler aux gens de votre ministère, c'est
qu'on entrait ça en pile, à un moment donné. Il y a eu un
paquet de poursuites. À la signature de la convention, on s'est dit:
C'est peut-être une bonne chose, pour une question d'atmosphère,
pour une question de bonne entente, qu'on les laisse tomber et on a tout
retiré ça. On a eu des gens qui ont eu le malheur d'aller poser
des collants dans des vitres, ils ont été poursuivis et on est
encore en procès. Les "boss" à la Société des
alcools sont habiles, ce n'est pas eux autres qui nous poursuivent, il nous
font poursuivre par la reine. Bien sûr, c'est facile de le faire, il
s'agit de loger une plainte bien vite et c'est fait, et on est encore pris avec
des procès. Je suis poursuivi et d'autres membres le sont. J'ai des gens
qui ont été condamnés un peu partout, à travers la
province, pour avoir simplement mis un collant qui disait aux gens: On est en
grève, ou un autre genre de collant que vous avez très bien
connu.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Asselin: Vous avez un très beau sigle!
M. Polak: M. le Président, j'ai étudié le
mémoire présenté par M. Asselin. Je dois vous dire que,
quand j'ai lu d'autres mémoires et que j'ai constaté que les
mémoires ne s'occupaient pas du mandat pour lequel nous sommes ici,
c'est-à-dire d'améliorer un système de négociation,
etc., ma première réaction était toujours de dire:
Qu'est-ce que je vais dire sur notre mandat? Cette fois, je vais faire une
exception parce que je suis très heureux d'avoir pris connaissance du
contenu du mémoire parce que vous vous êtes servis du mot, et je
le répète, "écoeuré". J'ai été
écoeuré quand j'ai vu la manière dont vous avez
été traités. L'historique, depuis 1964, est très
intéressant parce que je pense que le grand public n'est pas au courant
de ça du tout. J'espère que vous avez envoyé des copies de
ça à tous les ministériels et au ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme parce qu'il a quelque chose à faire avec la
société.
M. Asselin: C'est le ministre responsable.
M. Polak: Je prends la liberté de poser quelques
questions, de ne pas parler du sujet qu'on a discuté depuis cinq jours,
mais un peu de vos problèmes particuliers parce qu'ils
m'intéressent beaucoup. Notre rôle n'est pas toujours d'appuyer
des déclarations pieuses, mais d'essayer peut-être d'obtenir un
peu plus de résultats; il faut les pousser de temps en temps.
Vous dites, à la page 2, que vous faites face à un
employeur dont la haute direction n'a pas encore accepté le syndicalisme
et ce, après 17 ans. Vous avez écrit ça en septembre 1981
et nous sommes en septembre 1981; j'imagine qu'il n'y a pas eu beaucoup
d'amélioration depuis la date du mémoire jusqu'à
aujourd'hui. C'est ce qui m'intrigue. On dit toujours: C'est une
société d'État, on ne peut rien faire. Il y a tout de
même un ministre qui est responsable, il y a un ministère. Le
ministère a cette société sous ses ailes. Est-ce que le
ministre qui a la responsabilité ultime de la SAQ devant
l'Assemblée nationale est au courant de cette situation?
M. Asselin: Oui. Le ministre, non pas le nouveau, mais l'ancien
ministre qui était M. Duhaime, on a eu l'occasion de le rencontrer. Il a
aussi été très surpris de voir le rapport qu'on lui a
présenté sur les négociations, mais, entre-temps, il y a
eu négociation, il y a eu élection, il y a eu tout ce qui s'est
passé. On met beaucoup d'espoir dans le nouveau ministre.
M. Polak: D'ailleurs, le ministre du Travail vient de dire - je
ne nie pas du tout sa parole, j'ai bien confiance, de temps en temps, à
ce qu'il dit - qu'il va en prendre note sérieusement. J'espère
bien qu'il va communiquer le message à l'autre ministre qui est en
charge de cette société d'État et qu'on fera finalement
quelque chose de concret et pas juste une déclaration pieuse. Alors, en
ce qui nous concerne, si jamais je peux être de quelque utilité
pour vous, je suis bien prêt à écrire encore une autre
lettre de rappel. Je pense que c'est comme cela que le système
marche.
Maintenant, à la page 4, je trouve cela intéressant parce
qu'on parle de formule de péréquation. Donc, si j'ai bien
compris, si la SAQ, dans un cas de grève ou plutôt de lock-out
fait une grande perte, est-ce qu'automatiquement le gouvernement
fédéral rembourse la SAQ ou le gouvernement provincial pour le
montant de la perte, en prenant en considération les chiffres de
l'année précédente?
M. Asselin: C'est cela.
M. Polak: Est-ce que selon cette formule, c'est presque toujours
acquis qu'ils sont remboursés presque pour le montant total de la perte
subie par le lock-out ou la grève?
M. Asselin: C'est le ministre des Finances qui est venu nous le
dire, c'est lui-même qui nous l'a appris. À un moment donné
on manifestait dans le comté de Prévost et il nous a dit,
après qu'on l'eut rencontré: Oui, c'est vrai on ne paiera rien.
C'est là qu'il m'a appris qu'en 1968 cela
avait coûté 50 000 000 $ et qu'il en avait
récupéré 49 000 000 $. Et si on parlait un petit peu des
salaires ils sortaient "even" dans leur affaire et la grève ne leur
avait rien coûté.
M. Polak: Mais le député de Prévost a un
problème, il ne croit pas à la formule de
péréquation. Il ne veut rien savoir du fédéral, ce
n'est pas bon, cependant il accepte le chèque tout de même.
M. Asselin: Non, mais il n'était pas encore choisi, le
député de Prévost, quand on était là.
M. Polak: Maintenant, pour revenir sur ce fameux chèque,
moi je suis avocat pratiquant, je n'ai jamais pratiqué l'arbitrage parce
que je ne veux pas être procédurier, profiter... Je trouve que
cela est une très belle description du pire rôle peut-être
d'un avocat. Je suis tout à fait d'accord avec vous, cela n'est pas
drôle, c'est terrible de faire souffrir le monde par des grandes
enquêtes, des dépenses, etc.
Quand on prend le chèque que vous avez produit comme annexe 1, il
ne s'agit pas seulement d'un chèque nul. C'est beaucoup plus grave que
cela et je vous donne quelques renseignements là-dessus. C'est un
chèque officiel de la Société des alcools du
Québec, chèque imprimé d'avance avec un numéro de
série. Ce chèque porte le numéro 137404, donc il y a 04,
05, 06, toute une série. Cela vient du livre officiel de chèques,
premièrement. Deuxièmement, le chèque porte le
numéro de référence 0155172. Je suis certain que cela veut
dire le département de "pay-roll", quelque chose comme cela.
Vérifiez cela, j'en suis certain. Troisièmement, il y est
marqué: Compte salaires, Banque Royale du Canada. Je ne veux pas faire
ici l'alarmiste, mais peut-être qu'il y a une violation quelque part du
Code criminel. Il serait intéressant de vérifier cela pour vous
autres, parce que cela va très très loin. Ce n'est pas seulement
choquant et répréhensible, il y a peut-être plus que cela
là-dedans. C'est à titre d'information que je vous donne cela.
Vérifiez.
Maintenant, on a entendu ici, dans le secteur hospitalier, le mot
angoisse, etc. Pour moi, dans votre secteur, ce chèque, c'est une
angoisse aussi, c'est la même chose au point de vue de la
réaction. C'est une manière de séduire des
employés, pour qu'ils aient une bonne ligne de conduite. Qu'on pense un
peu à la petite souris. On dit: Bon voici, viens ici, toi, petite
souris, je te donne un petit morceau de fromage, sauf qu'il y a une trappe et
on lui coupe la tête... Ce n'est pas drôle.
À la page 13, vous parlez - c'est la dernière question que
j'ai - du système d'arbitrage. Hier, il y avait des représentants
de la CSD, un des syndicats qui sont venus tout de même avec des formules
intéressantes. Je voulais avoir votre opinion là-dessus. Ils ont
dit que même en ce qui concerne les arbitres, ils
préféraient avoir une sorte de banque d'arbitres neutres experts
en la matière qui peuvent agir, comme vous dites, rapidement et
efficacement, mais pas des gens nommés par les ministères.
Vraiment une banque de gens indépendants qui deviennent comme des
spécialistes en la matière. Avez-vous un opinion
là-dessus?
M. Asselin: Bien, c'est-à-dire que chez nous, on a eu deux
sortes d'arbitres. On a eu des arbitres nommés dans la convention puis
on a eu aussi des arbitres du ministère après en avoir fait la
demande. Je pense que le meilleur service qu'on a eu c'est celui des arbitres
qui venaient du ministère. On fait une demande puis on nomme un arbitre
dans le dossier. J'ai vécu les deux et je trouve cela plus efficace. Je
pense qu'on a eu des choses plus sérieuses avec les arbitres qui nous
sont venus du ministère. Puis au ministère, M. le ministre, vous
pourrez peut-être vous informer, mais je vous jure qu'on en a toute une
batterie. Il y en a. Ils ont des "shopping list" à ne plus finir
d'arbitrages à faire à la société. Il y en a. Vous
n'avez qu'à vous informer, vous allez voir qu'il y a un paquet
d'arbitrages chez nous.
Il y a une autre précision que je veux apporter. Pourquoi, dans
une des recommandations, demande-t-on que les amendes pour la loi "antiscabs"
retournent à l'organisme? C'est justement la situation où on est
placé. Quand on condamne la société à payer
l'amende, il est sûr que la société se défend avec
notre argent et, si elle est condamnée, elle paie aussi avec notre
argent, c'est l'argent des contribuables, c'est l'argent de tout le monde.
Dans le fond, c'est un peu nous qui payons tout le temps, qu'on gagne ou
qu'on perde, c'est encore nous qui payons. C'est pour ça qu'on a mis
cette réflexion, c'est pour ça qu'on dit que ça serait
peut-être une bonne chose, parce que je pense bien qu'un employeur qui
serait condamné à payer des amendes à un syndicat, quand
on regarde l'atmosphère, etc., ce serait peut-être un peu
frustrant.
M. Polak: Je n'ai pas d'autres questions, M. Asselin, je vous
remercie de nous avoir renseignés un peu sur une situation qu'on ne
connaissait pas, c'était le temps de le savoir.
M. Asselin: Si vous me permettez d'ajouter une autre chose. Si
notre mémoire est arrivé un peu tard, c'est qu'on s'est
posé beaucoup de questions avant de se décider à
rédiger un mémoire pour la commission, parce qu'on se
disait que c'était sur les services essentiels et sur le droit de
grève, alors que, nous, on venait avec nos problèmes. Mais on
s'est dit qu'il y avait peut-être des gens, des administrateurs, c'est
notre gouvernement, ce sont nos administrateurs, ce sont des gens qu'on a
élus et qu'il serait peut-être important qu'on leur dise d'une
façon officielle. C'est à tout ça qu'on a pensé
avant de venir ici et, de tout coeur, je vous remercie, c'est une des rares
fois où on a pu avoir une tribune pour parler réellement d'un
problème, et d'un problème grave à la
Société des alcools.
Le Président (M. Rodrigue): En remerciant les
représentants du Syndicat des employés de magasins et de bureaux
de la SAQ, je rappelle que, dans notre mandat, il y a aussi
l'amélioration du régime de négociations dans les secteurs
public, parapublic et péripublic. Alors, vous étiez tout à
fait réglementaires quant au contenu de votre mémoire, c'est le
sujet dont vous avez traité.
Association des cadres scolaires du
Québec
J'invite maintenant les représentants de l'Association des cadres
scolaires du Québec à prendre place et à nous
présenter leur mémoire. Ce mémoire nous sera
présenté par M. Bernard Myette, son président. C'est bien
ça?
M. Myette, tout en prenant place, je vous invite d'abord à nous
présenter les personnes qui vous accompagnent et, par la suite, à
bien vouloir nous présenter votre mémoire, autant que possible
dans les 20 minutes qui vous sont allouées.
M. Myette (Bernard): D'accord. M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, permettez-moi de remercier la
commission d'avoir accédé à notre demande, même
tardive, et de nous permettre de déposer l'avis de l'association.
Pour vous situer, l'Association des cadres scolaires du Québec
est un organisme provincial regroupant les gestionnaires de niveau
gérance et cadre de l'ensemble des commissions scolaires catholiques du
Québec, à l'exception de la Commission des écoles
catholiques de Montréal.
L'Association des cadres a comme but de collaborer avec les
autorités gouvernementales et les organismes intéressés au
développement ordonné du système scolaire par une
participation constante et adéquate à l'élaboration et
à la mise en oeuvre des politiques relatives à
l'éducation. C'est dans ce contexte que se situe le dépôt
du présent avis, avis qui est le résultat de la réflexion
de membres de la Commission des services du personnel, qui regroupe tous les
directeurs de personnel, coordonnateurs et agents de gestion de personnel des
commissions scolaires, représentée - je vous présente mes
collègues - par Mme Suzanne Tremblay, qui est présidente de la
Commission des services du personnel, et M. Borromée Bourque,
vice-président de cette commission professionnelle.
Les réflexions de cette commission professionnelle ont ensuite
été validées par les autres commissions professionnelles
de l'association, soit les services éducatifs, les services financiers,
les services d'équipement, tous les niveaux de gestion d'une commission
scolaire et, par la suite, entérinées par les instances
décisionnelles de l'association.
J'arrive à la présentation de ce mémoire qui
traite, en deux parties, de l'encadrement de la négociation collective
et du contenu des conventions collectives. Sur cette partie des conventions
collectives, je me limiterai, dans la présentation, aux principes
fondamentaux et prémisses qui devraient guider la négociation
d'une convention collective et je laisserai le soin à la commission,
s'il y a des questions pertinentes quant au contenu de chacune des conventions,
de recevoir les questions et d'y répondre. (17 h 45)
Sur cette première partie, l'encadrement de la
négociation, l'association reconnaît que l'encadrement mis en
place par la loi 55 a, de façon générale, apporté
une nette amélioration au déroulement de la ronde de
négociations 1979-1982. C'est dans ce contexte que nous recommandons le
maintien de la loi 55 pour l'organisation des parties lors de la prochaine
ronde de négociations. Cependant, compte tenu du peu de respect des
échéances qui étaient prévues à cette loi,
nous recommandons le raffermissement des dispositions touchant l'obligation de
respecter les délais et échéances prévus à
cette loi.
L'association croit que des tentatives doivent être faites
auprès des parties pour développer le principe d'une
négociation sur les matières dénoncées par elles
uniquement. En d'autres mots, au lieu de négocier à chaque ronde
tout le contenu d'une convention collective, on ne négocierait que les
parties à être dénoncées. Dans ce sens, nous
recommandons la tenue d'un sommet regroupant les organismes patronaux et
syndicaux du secteur de l'éducation pour discuter de
l'opportunité d'une formule de négocier uniquement sur les
matières dénoncées. Advenant entente entre les parties,
une loi-cadre fixerait les objets et les temps limites pour la
dénonciation en vue d'assurer un démarrage rapide et
d'éviter l'inclusion d'autres matières en cours de route.
L'ACSQ croit également que la loi doit
fixer l'organisation, le temps et la période de
négociation, ainsi que les mécanismes de règlement de
différends.
Quant au partage des matières de négociation locale, qu'il
me soit permis de souligner à cette commission que l'incidence de
l'encadrement national sur les deux objets importants que sont les
mécanismes d'affectation et de mutation, de même que la
répartition des fonctions et responsabilités a rendu la
simultanéité irréalisable. Pourtant, elle avait
été prévue. La négociation à
l'échelle du Québec paraît donc à l'association, aux
fins de la négociation locale, une contrainte non facilitante, porteuse
d'attentisme, d'une part, et source d'insatisfaction, d'autre part, amenant les
parties, particulièrement les syndicats, à faire de la ronde
locale un match revanche.
Autre problème de la négociation locale, le peu
d'importance relative des objets retenus comme matière à
négociation locale. Autre problème de la négociation
locale, le peu de moyens mis à la disposition des commissions scolaires
et le vécu de situations ambiguës lors des dernières
négociations. C'est dans ce contexte, à la suite de ces
réflexions, que nous recommandons une révision en profondeur du
cadre général des négociations locales. Nous recommandons
le maintien des négociations locales parce que nous croyons à
l'autonomie des commissions scolaires et à leur véritable
rôle d'employeur. Cependant, nous demandons que soit défini
l'encadrement légal de celles-ci tant dans leur déroulement que
dans le règlement des différends, de même que sur
l'élargissement de l'importance du champ et des objets de
négociation à ce niveau. C'est dans ce contexte que nous croyons
au maintien des négociations locales. Dans l'éventualité
de ne pouvoir répondre à une telle recommandation, nous devons
malheureusement recommander la disparition de la négociation locale et
plutôt une formule d'arrangements locaux.
Les structures de négociation. Dans l'évaluation des
structures de négociation de la ronde de 1979-1982, l'association a
constaté que les champs d'action dévolus à la
Fédération des commissions scolaires et au ministère de
l'Éducation au sein du CPNCC ont, en période de crise,
cédé le pas à la notion d'intérêt
gouvernemental. La fédération, dans ce contexte, n'a pu
influencer le contenu et a fait des concessions que nous considérons
disgracieuses. Le ministère de l'Éducation nous est apparu comme
étant mal préparé et incapable de maintenir les objectifs
d'éducation. Malheureusement, nous constatons que l'intérêt
gouvernemental ne s'est exprimé que par le biais du ministre responsable
du Conseil du trésor. Le Conseil du trésor a orienté et
fixé les conditions de règlement des conventions collectives. Il
est apparu comme étant le seul vrai interlocuteur et nous constatons que
malheureusement il aurait relégué le CPNCC prévu à
la loi au rang de porte-parole de seconde zone. L'influence du ministre
responsable du Conseil du trésor sur la stratégie de
négociation nous a semblé trop importante et a sans doute nui
selon notre évaluation au règlement et ce, à la suite des
interventions sur les droits acquis du 21 novembre 1979.
Il nous apparaît également que le chevauchement des tables,
soit table centrale et tables sectorielles, a nui aux tables sectorielles dans
le sens où les concessions ont été trop rapides et
généreuses à la table centrale en milieu de ronde,
affaiblissant ainsi les discussions au niveau des tables sectorielles. Nous
reconnaissons cependant que le rôle, même dilué, du CPNCC a
amélioré l'image de la partie patronale en atténuant les
problèmes de discorde du ministère de l'Éducation et de la
Fédération des commissions scolaires du Québec. Face
à ces constatations que fait l'association, nous recommandons le
maintien de l'organisme CPNCC, c'est-à-dire les comités patronaux
de négociation des conventions collectives, comme agent
négociateur avec pleins pouvoirs à l'intérieur du cadre
défini par l'État. Cependant, nous recommandons la
révision de la composition du CPNCC, qui était à la
dernière ronde formé des représentants du ministère
de l'Éducation et de la fédération. Nous recommandons
plutôt un CPNCC à trois parties, c'est-à-dire un tiers des
membres du Conseil du trésor, un tiers du ministère de
l'Éducation et un tiers de la Fédération des commissions
scolaires.
Nous recommandons de laisser agir le CPNCC comme seul agent
négociateur. Si on devait agréer à cette recommandation
que le CPNCC soit le seul agent négociateur, nous recommandons que le
rôle de l'État soit défini ainsi: L'Assemblée
nationale fixe préalablement l'encadrement de la négociation et
les règles d'organisation des parties. Le gouvernement détermine
à l'avance les masses salariales totales disponibles à la
négociation. Le gouvernement détermine à l'avance ses
objectifs en matière d'éducation. Les champs d'action des trois
parties, Conseil du trésor, ministère de l'Éducation et
Fédération des commissions scolaires, à l'intérieur
du CPNCC seraient ainsi définis. Le Conseil du trésor fixe les
orientations et les mandats à l'égard des questions
financières. Le ministère et la Fédération des
commissions scolaires déterminent les orientations et mandats à
l'égard des questions normatives. Le ministère et la
fédération s'assurent du respect des orientations
pédagogiques dans les conventions collectives.
Nous recommandons que les décisions à l'intérieur
du CPNCC reconnaissent une voie
prépondérante au Conseil du trésor sur les
questions financières et une voie prépondérante à
la Fédération des commissions scolaires sur les contenus
normatifs. Nous recommandons la disparition de la subordination des
autorisations de mandats au Conseil du trésor puisque, si notre
recommandation était aqréée, le Conseil du trésor
ferait partie intégrante du CPNCC. Nous recommandons d'utiliser, ce qui
n'a pas toujours été fait, plus fréquemment les
gestionnaires des commissions scolaires, soit les responsables des services du
personnel comme consultants pour mener à bonne fin les
négociations dans le secteur de l'éducation.
Le traitement des différends. L'ACSQ croit que les droits de
grève et de lock-out ont été exercés de
façon très générale selon les prescriptions du Code
du travail lors des dernières négociations. Les modifications qui
avaient été apportées au code ont semblé contribuer
à civiliser les rapports. Cependant, divers éléments
pourraient contribuer dans le cas du règlement des différends
à garantir un meilleur service à la population et éviter,
dans plusieurs cas, le recours abusif au droit de grève comme on l'a vu
dans certaines régions.
C'est dans ce contexte que, tout en reconnaissant le droit à la
grève et au lockout dans le secteur de l'éducation, on demande
par contre de prévoir un délai d'avis de retour au travail et un
accroissement des exigences vis-à-vis de la démocratisation des
votes de grève.
Nous recommandons également qu'à la suite d'un arrêt
de travail, les commissions scolaires aient la possibilité de modifier
le calendrier scolaire en vue d'assurer aux élèves le plus grand
nombre possible de jours de classe et cela, en fonction du nombre de jours de
classe perdus.
Nous recommandons également qu'à la suite d'une
négociation pour une période définie à
défaut d'un règlement, les parties s'en remettent au
mécanisme de sélection des offres finales, ce qu'on appelle le
SOF.
Nous recommandons que le recours à la grève et au lock-out
soit précédé d'une période de médiation,
organisme indépendant des parties dont les pouvoirs seraient
élargis jusqu'à l'information au public.
Un mot sur l'information en période de négociation.
Malheureusement, l'association en arrive à la conclusion que le
conseil d'information a été d'une grande déception lors de
la ronde de 1979-1982 et qu'il n'a pas réussi à informer le
public des enjeux de la négociation.
Dans ce sens, nous recommandons l'abolition de ce conseil d'information
et son remplacement par un conseil de médiation qui aurait entre autres
le pouvoir de procéder aux séances de médiation.
Quelques mots sur le contenu des conventions collectives non pas article
par article, mais sur les principes généraux qui devraient guider
les contenus de conventions collectives sur les orientations
générales.
Il nous apparaît que les conventions collectives ne doivent pas
servir de véhicule à des définitions de règles
administratives et, dans ce sens, nous recommandons que les conventions
collectives en éducation soient expurgées de tout contenu autre
que ceux relatifs aux conditions de prestation de services.
Nous recommandons qu'aucune limite supplémentaire aux limites
actuelles ne soit ajoutée aux restrictions du droit de gérance
des commissions scolaires, à savoir qu'on a déjà assez de
limites quant aux utilisations du personnel enseignant.
L'ACSQ considère dans un autre temps que la théorie
d'entraînement du secteur privé sur le secteur public en
matière de négociations collectives a été
poussée à la limite de la décence, limite au-delà
de laquelle on sera fondé de dénoncer l'injustice sociale.
Nous recommandons donc un gel des bénéfices tels
qu'assurance-vie, assurance-maladie, droits parentaux, etc.
Quant aux bénéfices de la sécurité d'emploi,
nous recommandons que les prochaines conventions collectives continuent de
marquer l'effort des parties aux fins d'uniformiser les bénéfices
d'emploi pour l'ensemble des catégories du secteur de
l'éducation, mais, considérant que les syndicats et associations
sont des organismes privés orientés vers les
intérêts privés collectifs de leurs membres, nous
recommandons que les fonds publics ne soient utilisés d'aucune
façon pour le financement des activités syndicales, y inclus
celles des négociations. (18 heures)
L'ACSQ considère qu'il est du rôle du gouvernement et de
l'État de définir les objectifs nationaux en matière
d'éducation après une large consultation populaire. Dans ce sens,
nous recommandons que soient définis a priori et antérieurement
au début des négociations, les objectifs québécois
en matière d'éducation scolaire, de même que les grands
moyens adéquats, notamment les régimes pédagogiques.
Nous recommandons également que, par la suite, ceux-ci ne soient
pas compromis par les mécanismes de négociation ou par les forces
de pression concomitantes mais que les conditions de travail des personnels
soient convenues dans la cohérence et dans le respect de ces
régimes ou des objectifs qui les transcendent.
Quant aux autres contenus plus techniques des conventions collectives,
tel que je l'ai annoncé au début, je vais laisser plutôt
les membres de cette commission,
selon leur intérêt, poser les questions qu'ils jugeront
pertinentes et nous y répondrons.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.
M. Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord remercier l'Association des cadres scolaires de son mémoire et
d'avoir eu la patience d'attendre jusqu'à la toute fin de nos travaux
pour pouvoir le présenter.
Avec votre permission, comme mon collègue de Beauharnois a
particulièrement examiné ce mémoire, je lui
céderais mon droit de parole. Je sais qu'il a un certain nombre de
questions à poser en notre nom.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous accueillir, de prendre connaissance des recommandations que vous faites
dans le cadre des négociations scolaires.
Bien sûr, il y a là un paquet de recommandations que vous
faites en partant des mécanismes qui existent déjà et qui
ont été utilisés depuis quelques négociations. On
essaie de les ajuster d'une négociation à l'autre, c'est un peu
le but de la commission aujourd'hui. Déjà, depuis quatre jours,
on tente d'améliorer ces fameux mécanismes en ce qui concerne la
négociation dans les secteurs public et parapublic. Évidemment,
dans votre cas, au niveau des commissions scolaires, toute la question des
services essentiels se pose d'une façon moins cruciale que dans les
services de santé à donner à la population. D'ailleurs,
dans votre mémoire, je n'ai pas vu cet aspect des services
essentiels.
Par contre, vous parlez beaucoup du partage ou du départage des
deux niveaux de gouvernement, le gouvernement provincial, le grand patron et le
patron local qui est la commission scolaire.
Je voudrais d'abord savoir, dans le contexte actuel de
négociation, quel est votre pouvoir d'intervention comme association.
Est-ce que vous faites partie du mécanisme au niveau des
négociations actuellement? Et votre organisme a-t-il un pouvoir quel
qu'il soit d'intervention lors de ces négociations?
J'ai une remarque qui m'embarrasse un peu, j'aimerais vous entendre
fournir plus de détails là-dessus. À la page 6 de votre
synthèse, on voit que vous n'avez pas prisé
particulièrement les dernières négociations locales.
À cause de l'impact de ces deux objets, il était presque
impossible, du moins, dans plusieurs milieux, d'arriver à enclencher
véritablement la négociation sur ce qui n'avait pas
été négocié nationalement. La négociation
à l'échelle du Québec nous apparaît donc, aux fins
de la négociation locale, comme une contrainte non facilitante, porteuse
d'attentisme, d'une part, et source d'insatisfaction d'autre part, amenant les
parties, particulièrement les syndicats, à faire de la ronde
locale une partie revanche.
C'est comme si les frustrations que les gens avaient connues lors de la
négociation nationale, allaient se répercuter au niveau local.
Quand on lit finalement la page 6 au complet et la page 7, vous
préconisez presque, dans ce texte, que le pouvoir de négocier
localement soit enlevé. En contrepartie, c'est pour ça que je
vois un peu comme un genre de contradiction entre la recommandation que vous
faites, la recommandation 9, et ce que vous dites des négociations
locales, aux pages 6 et 7, c'est comme s'il y avait une espèce de
contradiction ou si on voulait sauver à tout prix certains pouvoirs
conservés aux commissions scolaires. J'aimerais que vous puissiez en
parler un peu plus.
Vous parlez aussi, dans la conclusion de votre synthèse, à
la page 11, des ajustements au niveau de l'encadrement de la
négociation, du contenu des conventions collectives de même que du
financement de celles-ci. J'aimerais savoir, quand vous parlez de
l'encadrement, si c'est l'encadrement dans lequel le gouvernement devrait
placer les commissions scolaires. Est-ce que vous aimeriez leur voir des
pouvoirs plus définis? Est-ce qu'à ce moment, cela exclurait ou
inclurait la possibilité pour les commissions scolaires de
négocier toute la partie financière, ou si la masse
monétaire ne devrait pas être négociée uniquement
sur le plan provincial? C'étaient les quelques remarques que j'avais
à vous faire et les quelques questions que j'avais à vous
poser.
M. Myette: En ce qui regarde le pouvoir d'intervention de
l'association, celle-ci est un organisme qui a été
généralement consulté sur les grandes orientations
à débloquer au niveau des contenus des conventions collectives.
Est-ce qu'elle a d'autres pouvoirs publics? Elle n'a d'autres pouvoirs publics
que celui d'utiliser la voie des journaux, des communications et de s'adresser
à l'ensemble des citoyens. Son rôle est donc actuellement un
rôle de consultation. Par contre, l'association regroupant l'ensemble des
directeurs de personnel des commissions scolaires, chacun des directeurs de
personnel, non pas au nom de l'association, mais tout en étant un
membre, a un pouvoir d'intervention au niveau de son milieu.
Quant à la négociation locale, ce que l'on dit
essentiellement, c'est ceci: c'est que nous ne croyons pas perdre un pouvoir,
parce que nous ne croyons pas que ce soit perdre un pouvoir, il n'appartient
pas à l'association.
Nous disons qu'il existe des gouvernements locaux qui reflètent
une couleur locale, qui reflètent des préoccupations des milieux
et que, d'un milieu à l'autre, les préoccupations et la couleur
ne sont pas nécessairement les mêmes. Dans ce contexte de
reconnaissance d'un gouvernement local qui est en fait le véritable
employeur de ce personnel, nous disons qu'il doit y avoir de la
négociation locale, sauf que ce que nous regardons comme le vécu
des dernières années, c'est qu'on a grugé, depuis 1968
qu'existe la négociation nationale, de plus en plus ce pouvoir de
négociation des commissions scolaires pour le centraliser au niveau
national. Encore à la dernière ronde de 1979-1982, on a
diminué les objets de négociation locale pour les ramener au
niveau national. Ce que l'on dit, c'est que le fait que les objets de
négociation locale soient pour un bon nombre reliés à des
contenus nationaux, il a fallu attendre le règlement des contenus au
niveau national pour amorcer une négociation au niveau local. Les
syndicats n'ayant pas obtenu gain de cause à toutes leurs demandes au
niveau national, lorsqu'ils sont revenus au niveau local, ils ont voulu
déborder les objets qui étaient strictement de niveau local pour
enrichir ou prendre -c'est le mot qu'on donne - un match revanche sur leur
non-satisfaction quant à des contenus nationaux.
Ce que nous disons, c'est que nous croyons qu'aux négociations
locales, il n'est pas question de perte de pouvoirs, parce qu'il y a un
employeur local qui est le véritable employeur, parce qu'il y a des
couleurs du milieu. Dans ce sens, nous disons que les objets devraient
être redéfinis pour y ramener le plus d'objets possible. Nous
excluons la question financière, parce que, dans le document, nous
disons à un endroit que la masse monétaire n'est même pas
négociable, c'est une prérogative de l'État. Nous excluons
la masse pour en arriver à des objets, à des conditions d'emplois
qui devraient être négociées localement.
Nous devrions en plus donner des moyens aux commissions scolaires.
À la dernière ronde, on a dit aux commissions scolaires: Vous
négociez localement, mais on vous avise que toutes les
libérations syndicales que vous allez faire sont inadmissibles. Au
niveau des tables centrales, on a peut-être dépensé 1 000
000 $ ou 1 500 000 $ en libérations syndicales et, au niveau local, on
n'a autorisé aucune somme. On a donc demandé aux gens en place,
en plus de faire le quotidien, de négocier. Là, j'ai
demandé à mon collègue Borromée d'ajouter sur cet
aspect du vécu qu'on dénonce, sur cette croyance qu'on a du
maintien de la négociation locale où on dit: À
défaut de cela, si vous ne voulez pas nous donner cela, on ira aux
arrangements locaux. Borromée.
M. Bourque (Borromée): Non, je n'ai pas tellement de
choses à ajouter; je pense que tu as couvert passablement l'ensemble. Je
ne crois pas effectivement qu'il y ait contradiction entre les recommandations
8 et 9, par exemple, ou la situation décrite avant la recommandation 9.
On dit qu'on a vécu des situations problématiques. Je vous donne
une petite explication. Ce mémoire a été monté
à la suite d'un mini-colloque de l'ensemble des directeurs du personnel
de la province au niveau des commissions scolaires. On était encore
quand même, pour plusieurs commissions scolaires, en phase de
négociation locale. On rencontrait toutes les difficultés
à ce moment-là. Cela s'est tenu au mois de janvier ou
février, l'an passé. C'est bien clair que les directeurs de
personnel, dans le contexte qu'ils vivaient ou qu'ils venaient tout juste de
vivre, ne se sentaient pas heureux de la négociation locale,
étant donné les revendications qui se faisaient au niveau de la
partie syndicale. Mais nous, nous disons, s'il devait y avoir vraiment un
encadrement légal mieux défini de la négociation et
également si on pouvait avoir quelque chose de très précis
sur le déroulement des négociations en ce qui touche le
règlement des différends, de même que sur
l'élargissement des négociations, l'importance des champs, que
nous devrions maintenir les négociations locales, mais ce n'est
qu'à cette condition. Il n'y a aucune espèce de doute personnel,
bien que je croie très intensément à la valeur de la
négociation locale, parce que, comme le disait Bernard tout à
l'heure, il y a quand même une individualité du milieu, une
particularité du milieu. Dans des objets de négociation locale,
on est capable de retrouver ce que l'on veut faire passer d'originalité
dans le milieu. On croit que cela devrait être maintenu, mais on ne peut
pas continuer de maintenir cette négociation locale si vraiment il n'y a
pas un encadrement légal bien défini, un modèle de
règlement des différends. Nous croyons également qu'il
pourrait y avoir des objets plus importants au niveau du contenu de la
négociation locale. Nous autres, nous ne voyons pas de
contradiction.
M. Lavigne: J'aurais une autre question à vous poser. En
page 8 de votre mémoire, quand vous parlez des concessions rapides et
généreuses à la table centrale, vous semblez le dire avec
une espèce d'amertume ou de reproche. Je pense que ce que les parties
doivent désirer, aussi bien que la population en général,
quand on enclenche tout le processus des négociations, dans les secteurs
public ou parapublic, ce que tout le monde souhaite, c'est que cela se fasse
rapidement. Je ne sais pas si j'interprète mal votre texte, mais vous
semblez faire des reproches au fait qu'il y ait eu des concessions rapides
et généreuses à la table centrale. Cela
m'apparaît un peu contradictoire avec ce que devraient avoir toutes les
parties, soit la volonté de régler et de signer rapidement,
plutôt que de laisser traîner une convention collective
indûment.
M. Myette: Nous vous soulignons humblement là-dessus qu'il
nous apparaît, pour l'avoir vécu, que l'on n'a pas
négocié, que l'on a donné. Je vous donne les salaires.
Vous faites partie du gouvernement. Vous savez ce qu'il en coûte
actuellement pour payer les salaires des conventions collectives. Cela n'a pas
été négocié; cela a été donné.
Je vous rappelle les droits parentaux. Ce qui a été donné
à la table, c'est beaucoup plus que ce que les syndicats
demandaient.
En d'autres mots, on a donné rapidement beaucoup plus que ce
qu'on demandait. Quant au niveau de la table centrale, il est facile pour les
syndicats d'obtenir sans même demander, imaginez-vous, quand on retourne
à la table sectorielle et qu'on dit non! En tout cas, c'est la
perception que nous avons eue de la dernière ronde de
négociations à la table centrale sur des questions comme les
salaires, les droits parentaux. On a donné plus que ce qu'on demandait.
Il y a des choses qu'on n'a même pas demandées et qu'on a
données. Là, les gens se retrouvent au niveau sectoriel et ne
comprennent pas qu'on leur dise non.
M. Lavigne: C'est bon, cela donne les réponses à
mes questions. (18 h 15)
M. Myette: II y avait une dernière question, si vous
permettez. Vous l'avez soulevée, je pense qu'elle est importante: la
question de l'encadrement, à la page 11. L'encadrement demandé ne
se situe pas à savoir encadrer les commissions scolaires. Ce qu'on dit,
c'est que les conventions collectives encadrent tellement la gestion du
personnel, sont tellement précises au pouce, à la virgule au
point-virgule près que, finalement, il suffit de lire, puis de dire: Tu
n'as pas le droit de faire ceci, tu n'as pas le droit de faire cela et, une
fois qu'on a enligné ce que tu n'as pas le droit de faire, il te reste
ce que tu as le droit de faire. En d'autres mots, on ne peut qu'avec
difficulté utiliser les ressources allouées pour faire
fonctionner les commissions scolaires pour dispenser l'enseignement. Dans ce
sens, ce que l'on dit, par exemple, sur la tâche des enseignants, c'est
qu'on ne devrait pas aller dans le détail au point de mettre une
contrainte à savoir que ce doit être de l'enseignement, de la
surveillance, de ci, de ça; on devrait laisser plus de latitude à
l'employeur dans la définition des tâches d'un enseignant
plutôt que de mettre une convention tellement précise que cela
devienne un recueil de contraintes pour l'employeur.
M. Bourque: J'aimerais ajouter quelque chose, parce que votre
question contient un autre élément, la question relative à
l'encadrement. Vous disiez: Est-ce que cela signifie que les commissions
scolaires devraient négocier même la masse salariale? Je dois vous
dire que notre recommandation à l'égard de la masse salariale est
très claire pour nous; on dit que le gouvernement détermine
à l'avance la masse salariale totale disponible à la
négociation. Selon nous, le gouvernement connaît ses
possibilités financières et il lui appartient de
déterminer la masse salariale. C'est vraiment notre optique, ce n'est
pas négociable, selon nous. Également, élément qui
n'est pas négociable: ce sont les objectifs nationaux
d'éducation, cela ne se négocie pas, ces éléments.
Alors, a fortiori, il n'appartiendrait sûrement pas aux commissions
scolaires de négocier les masses salariales.
Le Président (M. Rodrigue): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'ai beaucoup
apprécié votre analyse de la situation. Je trouve que votre
mémoire est plein de recommandations qui ont du bon sens sur le plan
pratique et qui méritent l'attention de notre commission, et
j'espère que le gouvernement va les étudier avec une attention
particulière.
J'interprète votre mémoire comme une espèce de cri
du coeur au gouvernement "to hold the line", comme on dit en anglais, afin
d'éviter une pire diminution des pouvoirs des commissions scolaires et
une augmentation des coûts de l'éducation avec un impact de plus
en plus négatif sur la qualité de l'éducation pour les
enfants.
Dans son orientation générale, je crois que votre
mémoire rejoint plusieurs idées déjà
présentées dans d'autres mémoires, spécifiquement,
les mémoires des directeurs généraux des commissions
scolaires, de l'association des commissions scolaires protestantes et
catholiques, de la fédération des commissions scolaires
catholiques. Je trouve, parmi vos recommandations, deux ou trois idées
nouvelles, qui ont pour moi une importance particulière. À la
page 14, par exemple, votre recommandation 27, vous recommandez que les
bénéfices tels que l'assurance-vie, l'assurance-maladie et
l'assurance-salaire, les droits parentaux etc., soient gelés pour une
période indéterminée.
Il y a deux autres recommandations à la page 20 - je parle du
mémoire principal -43 et 44, où vous recommandez de
définir la tâche de l'enseignement d'une façon globale et
précise au niveau local. Vous avez aussi recommandé
l'élimination de la notion de disponibilité telle qu'elle est
actuellement
définie.
Je trouve ces trois recommandations très importantes, mais
j'aimerais avoir une certaine explication de ces trois idées. Comment
voyez-vous l'implantation de ces idées dans les écoles? Est-ce
que ça risque de susciter plus de problèmes que nous n'en avons
actuellement sur le plan pratique ou, au contraire, est-ce qu'il est possible,
en ce qui concerne la tâche de l'enseiqnant, que les enseignants soient
plus satisfaits de leur sort sur le plan de "job satisfaction"?
M. Myette: Sur la recommandation quant à la tâche,
je vais demander à la présidente de la commission
professionnelle, qui a exploré à fond cette question, d'y
répondre. Quant à la recommandation 27, il nous apparaît
que ce qu'on a consenti en termes de bénéfices marginaux,
c'est-à-dire de protection, que ce soient les droits parentaux,
l'assurance-salaire, l'assurance-invalidité, est déjà
beaucoup plus que ce que le secteur privé pourra jamais se payer.
D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer, cela a
été dénoncé à plus d'une occasion.
Alors, on se dit: Comment, dans la prochaine ronde, peut-on ajouter
à ces bénéfices sans aller à l'indécence
sociale, c'est-à-dire à privilégier
systématiquement un secteur, soit celui des employés de
l'État, par rapport au secteur privé? Nous sommes des
employés de l'État, mais nous reconnaissons que ce qui fait vivre
les employés de l'État, ce sont les impôts et les taxes de
tout le monde. Alors comment peut-on demander à l'ensemble des citoyens
du Québec de payer à des employés de l'État des
bénéfices que peut-être ils n'espèrent même
pas avoir d'ici 20 ans? Si on tient compte du nombre de non-syndiqués
parmi les payeurs de taxes qui n'ont même pas le minimum, sauf la loi 126
sur les normes minimales du travail, comment peut-on ajouter aux conditions des
employés de l'État sans devenir indécent par rapport au
reste des travailleurs québécois? Pour nous, il nous
apparaît bien clair qu'on ne peut plus ajouter à ces conditions de
conventions collectives aux employés de l'État.
Quant à la tâche, comment on voit la tâche, la
situation...
Mme Dougherty: Un instant. Je crois que, à la page 16,
vous avez recommandé qu'on retire un aspect de la sécurité
d'emploi. Je ne peux pas le trouver maintenant, mais vous avez parlé de
la clause qui dit que, pendant la première année, les enseignants
demeurant en dedans de 50 milles... Vous avez parlé de ça quelque
part.
M. Myette: Oui, en fait, ce que nous recommandons, ce n'est pas
de retirer la sécurité d'emploi. Il nous apparaît, encore
une fois, indécent de donner une sécurité d'emploi qui va
jusqu'à dire que, passé un rayon de 50 kilomètres - ce qui
est très peu, 30 milles, dans une région comme Montréal ou
Québec - l'individu ne soit plus obligé d'accepter un poste.
C'est l'articulation de la sécurité d'emploi qu'on dit
indécente et la pratique le prouve. Combien d'enseignants peuvent se
replacer dans une région de moins de 50 kilomètres, si l'on tient
compte que la majorité des surplus de personnel existe dans les grandes
régions comme Montréal et Québec et que les régions
en demande sont les régions excentriques du territoire, donc où
il y a plus de 50 kilomètres? C'est à toutes fins utiles - c'est
ce qu'on avait soumis lors de la dernière ronde de négociations -
une sécurité d'établissement qu'on a donnée. La
question qu'on se pose c'est: Est-ce qu'on a les moyens? On la pose aussi
à la commission et à tout citoyen québécois. Est-ce
qu'on a les moyens, au Québec, de donner aux employés des
secteurs public et parapublic une sécurité
d'établissement? Dans ce sens-là, on soumet respectueusement que
non; tout en maintenant la sécurité, on devrait l'articuler
autrement pour permettre d'utiliser ces ressources.
Je demanderais à la présidente de la commission
professionnelle de vous éclairer sur la tâche et sur la
disponibilité des enseignants.
Mme Tremblay (Suzanne): Je vais tenter de répondre
globalement aux deux recommandations, aux nos 43 et 44, dans le sens suivant.
Depuis deux conventions collectives, on retrouve, au chapitre des conditions de
travail des enseignants, une tâche ou une semaine de travail qui est
définie au compte-gouttes, en ce sens qu'on définit, entre
autres, le temps maximum qu'un enseignant doit passer en présence des
élèves. On définit un temps maximum pour qu'il assiste
à des réunions et ainsi de suite.
Je pense qu'on a des problèmes d'application concrets au niveau
des commissions scolaires dans le sens que cela nous oblige à
définir la tâche de l'enseignant et à calculer son temps de
présence. Encore là, il faut diviser sous deux aspects: le temps
de présence pour l'enseignement et le temps de présence pour
l'encadrement, au secondaire, et, au primaire, pour la surveillance; cela
s'applique au secondaire aussi. Cela nous oblige à comptabiliser au
compte-gouttes la tâche des enseignants.
On verrait une approche beaucoup plus globale de la tâche de
l'enseignant en ce sens qu'on considère que c'est un professionnel, un
enseignant, c'est une personne responsable de l'éducation des enfants ou
des étudiants et on pense qu'en
ayant une approche globale cela permettrait tout au moins
d'éviter ce calcul qui devient un peu fastidieux au niveau des
écoles. On lui dirait qu'il est en présence des
élèves 20, 22, 25 heures par semaine ou qu'il a à faire
une semaine normale de travail de 28 heures ou 30 heures. On n'en est pas au
nombre d'heures comme tel, mais on le voyait plutôt globalement. Dans sa
tâche d'enseignant, il a à enseigner aux jeunes, il a à les
encadrer, il a à les surveiller pour des raisons de
sécurité et il a à assister à des réunions
qui font partie de la vie de l'école, il a à rencontrer les
parents, cela fait également partie de son travail de professionnel, son
travail d'éducateur comme tel. On le verrait beaucoup plus globalement
et cela éviterait que les gens cbmptent à la minute près
s'ils sont rendus à 22, 23 ou 23, 5. On pense que cela pourrait
améliorer drôlement la vie au niveau d'une école.
Mme Dougherty: Est-ce que vous envisagez un système
où les enseignants seraient consultés? Cela pourrait être
très important.
M. Bourque: Si vous me le permettez, comme objet de
négociation locale, vous avez un chapitre sur la consultation des
enseignants, sur les mécanismes et objets de consultation, qui est
négocié localement et un des objets est sûrement la
tâche des enseignants, la répartition de la tâche de
l'enseignant, en quoi consiste cette tâche.
M. Myette: On vous soumet comme réflexion que jusqu'en
1975 la présence de l'enseignant était obligatoire pour toute la
durée du temps horaire de l'élève; à partir de
1975, on introduit la notion de disponibilité et, avec cette notion, on
se retrouve en 1981 avec de moins en moins de présence avec les
élèves et, par contre, dans les régimes
pédagoqiques, dans les décrets, etc., on veut sensibiliser
à la notion de vie d'école, de vie de milieu, d'encadrement
d'étudiants et l'enseignant a de moins en moins de minutes en
présence des étudiants.
Ce qu'on demande, c'est de revoir cette notion, quitte à avoir un
dialogue franc avec les représentants des enseignés et des
enseignants pour savoir comment on peut faire de l'école un vrai milieu
de vie. On demande à l'adulte qui est le plus près des enfants,
l'enseignant, que de plus en plus, au lieu de faire comme avant 35 heures, il
fasse 25 heures, 22 heures, 17 heures, etc. On limite sa présence
strictement à donner des cours. Est-ce que le milieu de vie c'est de
donner strictement des cours? Ce sont des questions comme celles-là
qu'on pose.
On dit: II est temps, si on croit aux objectifs d'État reconnus
dans les régimes pédagogiques, qu'on aborde cette question
peut-être sous un autre angle que celui abordé de 1975 à
1982.
Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Sur cette même question, est-ce que ceci
n'est pas le résultat de certaines plaintes des enseignants, enfin, le
sentiment que les enseignants ont développé à savoir que,
finalement, la tâche d'enseignement n'était pas répartie
d'une façon aussi juste. Je m'explique. Certains enseignants, parce
qu'ils assumaient une plus grande part d'encadrement, voyaient diminuer leur
période d'enseignement alors que d'autres la voyaient augmenter. Cette
division, à certains points de vue, est regrettable, soit le minutage de
tout le monde sur l'enseignement et l'encadrement, et sur ce résultat de
la négociation entre cadres, principaux et certains enseignants, n'y
a-t-il pas eu des plaintes? Est-ce exact ou si ça ne s'est pas
produit?
M. Bourque: II peut y avoir eu des plaintes, mais quand on parle
particulièrement de globaliser la tâche de l'enseignement, je fais
référence au niveau secondaire. À ce niveau secondaire,
l'enseignant a 20 périodes d'enseignement plus deux, ce qu'on appelle
nous, dans notre langage, deux BCD, deux périodes d'activités
BCD. C'est soit de la surveillance, de l'encadrement ou de la
récupération. Mais tout le monde doit avoir deux périodes
de ces activités. Je ne sais pas si on devient absolument respectueux
même de l'enseignant quand on l'oblige nécessairement à
passer au niveau de ces activités. Ce n'est pas tout le monde qui a les
mêmes aptitudes pour l'encadrement, pour la récupération,
pour la surveillance. On sait qu'il y a des enseignants qui pourraient vraiment
être très habiles pour faire de l'encadrement avec les
étudiants alors qu'un autre enseignant se voit très bien, comme
enseignant, à donner des cours comme tels.
Cela donnerait tout simplement dans le milieu même plus de
latitude d'organisation scolaire. Je pense qu'au niveau du milieu scolaire, on
est sûrement capable de s'entendre avec nos enseignants pour dire:
Écoute un peu, ta tâche globale est de 22 périodes. Tes 22
périodes à toi, après avoir jasé avec eux, toi,
ça sera ça. Tel autre, ça sera ça. Pour quelle
raison nous obliger? Pourquoi venir scinder cette tâche en 20
périodes d'enseignement plus deux BCD? Pour les BCD, j'espère que
vous comprenez ce que je veux dire. On devrait, pour permettre de
réaliser davantage les objectifs de l'éducation, avoir la
latitude de jaser avec notre monde là-dessus pour pouvoir
répondre plus adéquatement aux besoins de l'organisation de la
commission scolaire et même aux besoins de l'individu.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que ce que vous dites est souhaitable
en principe, mais il faut bien s'assurer que, dans la pratique, cela ne se
traduit pas par une charge plus grande d'heures ou de périodes
d'enseignement pour certains individus par rapport à d'autres, mais je
ne veux pas m'étendre longtemps là-dessus. Vous avez dit tout
à l'heure en page 4 - je pense que c'est le résumé
celui-là - que l'intérêt gouvernemental ne s'est
exprimé que par le biais du ministre responsable du Conseil du
trésor. Est-ce qu'il suffit de dire qu'à toutes fins utiles,
quand sont arrivés les moments épineux, j'imagine, le
regroupement des établissements, qui faisait partie de la partie
patronale, et le ministre de l'Éducation étaient plutôt
absents du dossier lors de la négociation de la dernière
convention collective?
M. Myette: On ne dit pas que le ministre de l'Éducation
était absent. Ce qui nous apparaît, c'est qu'il y avait un
organisme prévu par la loi, qui était le CPNCC, qui devait
négocier et, de par la même loi, on reconnaissait une voix
prépondérante au Conseil du trésor. Dans le vécu,
ce qui nous apparaît, c'est que, même lorsqu'il y avait entente sur
des objectifs d'éducation entre le ministère de
l'Éducation et la Fédération des commissions scolaires,
l'intérêt gouvernemental, tel qu'on l'a souvent apporté,
traduit dans les propos du président du Conseil du trésor, a fait
qu'on a concédé des choses aux syndicats même si le
ministre de l'Éducation et la Fédération des commissions
scolaires n'en étaient pas d'accord. En d'autres mots, ce qu'on doit
malheureusement constater, c'est que les mandats de négociation n'ont
pas été, même dans les contenus à caractère
pédagogique, la prérogative du ministère de
l'Éducation et de la fédération, mais ont toujours
été en fin de compte décidés par le
président du Conseil du trésor.
Mme Lavoie-Roux: Qui, apparemment, a moins d'aptitudes de ce
côté-là peut-être, à définir les
grandes lignes des projets éducatifs.
M. Myette: On peut dire que dans les textes, on le vit
présentement. On a à certains paragraphes, des difficultés
d'application.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question. À la page 10, dernier
paragraphe, cette fois-ci du petit mémoire, vous dites: "Les conventions
collectives ont un impact majeur sur les coûts financiers qu'elles
génèrent -évidemment, cela va de soi - et sur les
possibilités des choix financiers des commissions scolaires. Les
quelques mois que nous avons vécu en appliquant les nouvelles
conventions collectives nous ont permis d'identifier une série de
privilèges dont les coûts sont difficilement prévisibles au
moment de la préparation des prévisions budgétaires. "
Remarquez bien que ce ne sera pas nouveau avec le gouvernement actuel, je pense
que c'était le même cas avec l'ancien et les autres qui ont
précédé. On signe des conventions collectives, sans savoir
ce qu'elles vont coûter. Du point de vue de la responsabilité
gouvernementale, cela laisse à désirer. C'est une première
réflexion.
À l'heure actuelle, êtes-vous capables de prévoir -
quand même, cela fait combien de mois? - d'une façon
définitive quels sont les coûts des dernières conventions
collectives qui ont été signées? De plus, pouvez-vous nous
dire si vous vous entendez quant au quantum des coûts des conventions
collectives et si le gouvernement actuel assume ses responsabilités en
totalité quant aux obligations qui découlent de la signature des
dernières conventions collectives dans le monde de
l'éducation?
M. Myette: À la première question, quant à
prévoir les coûts, il nous apparaît que ce qui a
été consenti à la table centrale a été mal
évalué. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu
d'évaluation. Nous n'étions pas là. Mais il nous
apparaît que cela a été mal évalué. Je vous
donne comme référence les droits parentaux. Je ne veux pas
apporter ici de chiffres, de millions, mais il vous suffira de voir les
crédits qui ont été débloqués pour payer les
droits parentaux consentis et la réelle facture après une
année d'utilisation des droits parentaux et vous allez voir qu'il y a
une différence. Malheureusement ou heureusement, ce sont les commissions
scolaires, à l'intérieur de nouvelle allocation de ressources qui
est fermée, qui ont dû l'absorber.
Je vous donne un autre exemple. Quand on dit que dorénavant, un
remplaçant d'un enseignant absent sera un contractuel avec tous les
bénéfices de la convention collective, on ne pouvait
évaluer ces coûts; encore là, les allocations qui ont
été données ne correspondent pas aux coûts. Je ne
vais pas plus loin. Je vous dis que les coûts, tout en ayant possiblement
été évalués, ne correspondent pas à la
réalité.
Est-ce que, cette année, il est possible de prévoir les
coûts? Il est possible de prévoir des coûts dans bon nombre
de situations puisqu'on a maintenant un an de vécu de convention, mais
il y a des coûts comme tels qui sont difficiles à prévoir.
Je vous donne en exemple l'indexation consentie dans les conventions
collectives des salaires, des forfaitaires de protection du revenu, etc.
À ce jour, en tout cas, en tant qu'administrateurs de commissions
scolaires, nous n'avons pas reçu - possiblement qu'on les recevra - de
règles disant qu'ils seront
financés directement ou s'ils seront pris à même le
budget fermé de la commission scolaire.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire, M. le Président,
qu'au-delà de la non-indexation de certaines dépenses
incompressibles, s'ajoute, si je comprends bien, dans les coupures
budgétaires du domaine de l'éducation, pour un certain montant ou
une certaine partie, un non-paiement pour ne pas dire un non-respect des
promesses du ministre des Finances, à savoir qu'il remplirait toutes ses
obligations quant aux effets qui découlaient des négociations
collectives. Est-ce exact?
M. Myette: C'est-à-dire que je ne me permettrais pas
d'aller jusque-là, mais...
Mme Lavoie-Roux: Non, je comprends que c'est difficile pour
vous.
M. Myette:... je vous dis qu'avec les restrictions
budgétaires imposées aux commissions scolaires - vous êtes
sûrement au courant des restrictions budgétaires, des coûts
onéreux des conventions collectives -les commissions scolaires font face
à des choix très difficiles. Qu'il me suffise de vous donner un
exemple sur un service complémentaire, le service des
cafétérias. Quand, par la convention collective, on
reconnaît, et on ne nie pas le droit qui est donné là, que,
dans une journée pédagogique, le travailleur de
cafétéria ne doit pas perdre son salaire, laissez-moi vous dire
que, quand vous avez 20 journées pédagogiques et qu'il faut payer
20 salaires sans vendre de repas, il faut que vous récupériez
quelque part.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, messieurs.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que vous avez un
complément de réponse, madame?
Mme Tremblay: Cela va.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie l'Association des
cadres scolaires du Québec. L'audition de ce mémoire met fin
à l'audition des mémoires par cette commission depuis cinq
jours.
Pour terminer nos travaux, j'invite d'abord le représentant de
l'Opposition à tirer ses conclusions. Par la suite, je céderai la
parole au ministre pour le mot de la fin. M. le député de
Jean-Talon.
Conclusions
M. Jean-Claude Rivest M. Rivest: M. le Président,
j'aimerais d'abord - puisque vous m'invitez si aimablement à vous
adresser mes remarques de conclusion - vous remercier, au nom de l'ensemble de
nos collègues, de la façon que vous avez présidé
aux travaux de cette commission. Je suis également persuadé que
tous ceux qui ont eu à intervenir et ceux qui ont témoigné
à cette commission ont apprécié le travail que vous avez
fait. Je voudrais, bien sûr - le ministre le fera sans doute pour ses
collègues - remercier mes collègues de la commission, le
député de Sainte-Anne en tête, m'a-t-il demandé de
préciser, la députée de L'Acadie, le député
de Saint-Henri, le député de Jacques-Cartier ainsi que le
député de Marquette; nous avons tenté de nous partager la
tâche de façon à avoir une étude plus approfondie de
tous les mémoires au nom de l'Opposition officielle.
Je ne veux pas allonger inutilement les débats, mais il y a des
attentes - je pense que le ministre en est conscient extrêmement
sérieuses qui sont dans la population sur toute la question des
relations de travail dans les secteurs public et parapublic. On a vu qu'il
s'agissait là d'un sujet extrêmement complexe. Cela fait quinze
ans que la société québécoise vit une
expérience qui, à bien des égards, a été
difficile pour ne pas dire pénible. Cela apporte ou impose au
gouvernement un devoir d'action, dans le sens, à notre avis, de
changements profonds. Bien sûr, ni le gouvernement ni même
l'Assemblée nationale ne peuvent légiférer sur les
attitudes et les comportements des parties à ces négociations. On
sait que c'est là un point capital, mais, néanmoins, il y a
certainement des choses extrêmement importantes et significatives qui
doivent être faites sur le plan du changement du cadre juridique de ces
négociations.
Les mémoires que nous avons reçus étaient d'une
qualité qu'on doit reconnaître et, ayant participé
directement ou indirectement à plusieurs commissions parlementaires, je
dois dire que mes collègues et moi-même avons été
impressionnés par la gualité des mémoires qui ont
été présentés. On regrette, bien sûr, je le
signale en passant, que le gouvernement qui est le patron dans ces
négociations n'ait pu se manifester au niveau de cette commission
parlementaire. On aurait certainement eu des questions utiles, enfin, des
questions importantes, à adresser aux porte-parole du Conseil du
trésor et surtout des affaires sociales puisque l'essentiel de nos
débats a tourné sur la question de la santé et de la
sécurité.
En terminant, M. le Président, quant à nous, je pense que,
comme Opposition officielle, dans les semaines et les mois qui vont suivre,
notre rôle consistera à nous définir nous-mêmes,
à dégager nos conclusions de l'ensemble des
témoignages
qu'on a eus. Je veux donner l'assurance à tout le monde que nous
allons nous y employer dans les tout prochains jours pour dégager, pour
notre formation politique, les conclusions qui ressortent des
témoignages. Je ne veux pas, à ce moment-ci, m'engager dans le
contenu de cette prise de position que nous allons devoir prendre dans les
prochains jours, mais je veux également bien indiquer que, comme
Opposition officielle -au niveau de la commission parlementaire, il s'agissait
d'entendre les intéressés - nous avons un rôle additionnel
qui est celui de rappeler au gouvernement d'exercer toutes les pressions
possibles et, je pense, au nom de l'opinion publique et sans doute au nom
même de l'intérêt public, d'exercer sur le gouvernement
toutes les pressions nécessaires pour l'amener à dépasser
le stade du diagnostic qui a été fait par le premier ministre
lui-même sur l'état des négociations dans les secteurs
public et para-public. (18 h 45)
On sait que le premier ministre a fait un diagnostic extrêmement
sérieux. Il a parlé d'une société qui avait la
corde au cou; il a parlé, entre autres, dans le domaine de la
santé, de la question des services essentiels, d'une révision de
fond en comble. Alors, c'est sûr que quant à nous, l'Opposition
officielle, on ne pourrait se contenter, je pense que l'opinion publique non
plus, d'un simple rafistolage des institutions en place. Il faudra qu'il y ait
une volonté politique chez le gouvernement de répondre aux
attentes de la population. C'est dans ce sens, M. le Président, que
cette étape longue et sans doute nécessaire que nous venons de
franchir devra, j'espère, nous conduire, autant du côté de
l'Opposition officielle que du côté du gouvernement, à une
amélioration du régime des relations de travail qui était
au coeur, si je ne m'abuse, du mandat même de notre commission.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre du Travail.
M. Pierre Marois
M. Marois: Merci, M. le Président. On me dit que nous
siégeons à cette commission depuis maintenant un peu plus de 56
heures d'auditions, d'échanges, de discussions; je ne vais donc pas
allonger indûment ces travaux. J'ai eu l'occasion au tout début de
dire qu'il m'était arrivé comme homme politique comme
parlementaire, de vivre, Dieu merci, certains moments où les hommes et
les femmes politiques, me semblait-il, étaient capables de
s'élever au-dessus d'une certaine petite partisanerie politique. Je nous
avais invités, en essayant de m'inclure la-dedans, bien sûr,
à le réaliser concrètement. Surtout étant
donné l'importance du problème qu'on avait à traîter
ensemble et à discuter avec les divers groupes et les citoyens et
citoyennes qui nous ont soumis des mémoires.
Je veux remercier mes collègues de ce côté-ici de la
table, mais je voudrais également remercier très
sincèrement chacun et chacune des membres de cette commission. Je n'ai
pas été déçu. Nos concitoyens, les
Québécois et les Québécoises, ont pu suivre nos
débats par l'entremise de la télévision. En passant, je
pense bien que 56 heures de travail pour nous, c'est aussi 56 heures de travail
pour l'ensemble de l'éguipe de soutien de l'Assemblée nationale,
l'équipe technique qui s'est chargée de
télédiffuser nos travaux. Je voudrais en passant la remercier en
notre nom à tous. Nos concitoyens porteront eux aussi leur jugement,
mais en ce qui me concerne je n'ai pas été déçu sur
ce plan et je tiens à remercier encore une fois chacune et chacun des
membres de cette commission.
Quelque temps avant de nous engaqer dans les travaux de cette commission
parlementaire qui était une première du genre, d'ouvrir un tel
forum public sur une question aussi importante - c'était une grande
responsabilité pour le gouvernement -nous étions confiants qu'il
y avait dans la population une capacité de générer un
certain nombre d'éléments, de pistes, de suggestions
concrètes susceptibles de constituer un ensemble cohérent,
réaliste, responsable de solutions possibles accrochées au bon
sens. Là aussi, je n'ai pas été déçu. Je
fais allusion ici aux mémoires qu'on a reçus, aux
témoignages des divers groupes de citoyens, de citoyennes qui sont venus
devant nous. Je crois qu'il faut dire les choses franchement. Un certain
nombre, hélas: se sont cantonnés dans des absolus, d'autres ont
refusé d'accompagner cette recherche commune. Mais je dois dire que dans
l'ensemble, je n'ai pas été déçu. Nous avons
écouté, nous avons questionné, nous avons
échangé entre nous de nombreuses suggestions; de nombreuses
recommandations extrêmement valables et intéressantes nous ont
été soumises. Notre rôle était d'écouter, de
guestionner, de pousser, d'explorer ces diverses avenues proposées avec
les divers participants et participantes. Bien sûr, il est trop tôt
à ce moment-ci de nos travaux pour dire, de notre côté et
du côté gouvernemental, de quelle façon précise et
concrète il sera possible de transposer dans la réalité
ces avenues. Je pense que l'ensemble des Québécois et des
Québécoises aura pu mesurer, comme l'évoquait le
député de Jean-Talon, la complexité du problème. Ce
n'est pas un problème simple. Pour le moment, il va nous falloir revoir
avec attention le bagage important, considérable, extrêmement
positif contenu dans les mémoires, les propositions et aussi, je dirais,
certaines admissions qui ont été faites ici devant nous en
commission parlementaire.
II m'apparaît déjà qu'un certain nombre de choses
ressortent de façon claire. D'une part, cette commission, je le crois,
aura été extrêmement utile; deuxièmement, si,
vraiment, c'est la volonté des uns et des autres - et c'est la
volonté du gouvernement - que cessent certains abus de part et d'autre
constatés. Peu importent le nombre et la quantité, on pourra
toujours discuter les chiffres réels, vérifiés, il faut
assurer, par voie de conséquence, ce droit fondamental, essentiel des
hommes et des femmes du Québec à avoir accès à
leurs services essentiels. Je songe en particulier aux services et aux soins de
santé. Si tant est qu'on veut le garantir et qu'on veut prendre les
moyens, il va de soi que le statu quo ne pourra pas être maintenu et
qu'il va devoir être changé.
Cela supposera donc forcément des changements législatifs.
On en verra l'ampleur et la portée un peu, beaucoup,
passionnément; on y verra, mais il va falloir aussi, vraisemblablement,
possiblement, des changements administratifs et également des
changements de comportement et d'attitude. En ce sens, c'est une triple
responsabilité syndicale, patronale, mais aussi gouvernementale.
Je maintiens, après l'audition de tout ce qu'on a pu entendre
ici, que la dernière ronde de négociations a marqué une
amélioration par rapport à ce qui avait pu être vécu
par le passé, mais une amélioration qui demeure encore
insuffisante par rapport aux attentes légitimes des
Québécois et des Québécoises. Il va donc de soi
qu'il va falloir regarder de très près aussi les
mécanismes mêmes de la négociation, certaines causes
fondamentales qui détériorent de façon à peu
près permanente le climat, comme on dit, des relations de travail et qui
ne sont pas sans avoir des effets et des conséquences importantes
lorsqu'arrivent les périodes de conflit.
Il va de soi aussi que les services essentiels demeurent une
priorité au sens strict du mot. J'ai retenu, en ce qui me concerne,
partant de nombreux témoignages, mais en particulier de certaines
admissions provenant de représentants syndicaux, que, dans certaines
unités - c'est leur propre témoignage, je les cite, me
semble-t-il, à peu près textuellement - dans certains services,
en particulier, de centres hospitaliers, la façon d'assurer les services
essentiels, c'était de les assurer à 100% ou presque. Ce sont des
admissions qui ont été faites devant nous et il faudra voir
à trouver les moyens pour faire en sorte que cela se transpose dans la
réalité.
La responsabilité du gouvernement est aussi d'assurer les besoins
des plus démunis. Quand on pense à des malades chroniques, en
particulier, je crois qu'il s'agit de citoyens démunis par rapport
à d'autres, ces besoins doivent être profondément
comblés.
Notre commission aura contribué à relancer une
réflexion et une prise de conscience non seulement chez nos concitoyens,
mais aussi chez les parlementaires et, comme on dit, chez les parties patronale
et syndicale. Il faut que cette réflexion et cette prise de conscience
se poursuivent, en particulier, je le dirai comme je le pense, chez les
salariés de l'État, notamment ceux du secteur hospitalier. Ce
n'est certainement pas un secteur où l'utilisation du droit de
grève est facile, automatique et sans conséquence.
Le poids de l'opinion publique pèse lourd et de plus en plus. Il
va falloir en tenir compte, comme d'ailleurs, en avaient pourtant tenu compte,
à l'époque, ceux qui étaient les mandataires de ces
syndiqués et qui avaient obtenu dans les années 1964 le droit de
grève.
C'est frappant, quand on relit le journal des Débats des 16, 17,
18 mars 1964, de voir à quel point les témoignages en particulier
de certains représentants syndicaux demeurent terriblement
d'actualité. Il y mettaient énormément de discernement, de
conditions qui, me semble-t-il, sont encore à propos.
Avec la fin des travaux de cette commission, M. le Président,
à mon avis, tout n'est pas terminé. On a beaucoup de pain sur la
planche, bien sûr, du côté gouvernemental et, quand je dis
nous, c'est qu'il faut, je crois, qu'au-delà de cette commission les
parties impliquées poursuivent leur cheminement. Elles seront
sûrement appelées à travailler avec le gouvernement afin de
mettre sur papier les moyens permettant de réaliser concrètement
certaines suggestions, admissions, recommandations qui nous ont
été faites pour faire en sorte que si les droits des uns, qui
sont les droits à la libre négociation pour améliorer les
conditions de travail et qui s'accompagnent du droit de grève, peuvent
et doivent être respectés dans une société
démocratigue, en même temps les droits fondamentaux des hommes et
des femmes au Québec d'avoir accès à leurs services et
à leurs soins essentiels directs soient aussi respectés. Encore
une fois, merci à chacun et à chacune des membres de cette
commission.
Le Président (M. Rodrigue): Mesdames, messieurs, membres
de cette commission, en clôturant les travaux de la commission, je veux
d'abord vous remercier de l'excellente collaboration que vous m'avez
donnée tout au long de ces cinq journées d'auditions et indiquer
que la commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
la sécurité du revenu a accompli le mandat qui lui avait
été confié qui était d'entendre les
personnes et organismes relativement à l'examen des moyens
d'améliorer le régime de négociations dans les secteurs
public, parapublic et péripublic et, de façon plus
particulière, à l'étude des moyens qui permettraient
d'améliorer le maintien des services essentiels lors des conflits de
travail dans ces secteurs.
Je demande donc au rapporteur qui a été
désigné par cette commission, le député de
Duplessis, de faire rapport de nos travaux à l'Assemblée
nationale dans les plus brefs délais.
La commission élue permanente du travail, de la main-d'oeuvre et
de la sécurité du revenu ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 58)