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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 25 mai 1982 - Vol. 26 N° 109

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Ministère du Travail, de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs. La commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu est réunie pour étudier les crédits du même ministère, soit du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Les membres pour la séance de ce matin sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Dauphin (Marquette), M. Dean (Prévost), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), Mme Harel (Maisonneuve), M. Lavigne (Beauharnois), M. Marois (Marie-Victorin), M. Perron (Duplessis), M. Rivest (Jean-Talon), M. Vallières (Richmond).

Les intervenants: M. Chevrette (Joliette), M. Gauthier (Roberval), M. Hains (Saint-Henri), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Leduc (Fabre), M. Mailloux (Charlevoix), M. Paquette (Rosemont); M. Polak (Sainte-Anne) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin).

Il y aurait lieu à ce moment de suggérer le nom d'un rapporteur de la commission. Avez-vous des suggestions?

Une voix: On n'a pas le choix.

Le Président (M. Bordeleau): On n'a pas le choix.

Une voix: On va le prendre.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ce sera le député de Prévost. Non? M. le député de Beauharnois.

Une voix: Le député de Beauharnois.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le député de Beauharnois, M. Lavigne.

Alors, avant de commencer, M. le ministre, vous avez peut-être des commentaires d'ordre général avant d'aborder les programmes.

Exposés généraux M. Pierre Marois

M. Marois: Très brièvement, M. le Président, étant donné la méthode de travail convenue entre nous, je vais m'en tenir à quelques rapides remarques d'ordre général. Je voudrais d'abord saluer les membres de cette commission et mes collègues. On me permettra de souligner la présence parmi nous du sous-ministre, M. Thomas Boudreau, d'un certain nombre de sous-ministres adjoints, en relations de travail, M. Blain, sous-ministre chargé du Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail et M. Réjean Parent, sous-ministre adjoint à l'inspection, M. Lapointe, à l'administration, M. Vachon, et d'un certain nombre de directeurs généraux, de directeurs de service, de membres du cabinet et de certains présidents, vice-présidents de commissions, d'offices, de régies qui sont présents parmi nous ou qui se joindront à nous, tout au long de nos travaux. Tous ces gens sont là et ont accepté de se rendre disponibles pour faciliter nos travaux, nous aider et nous fournir, le cas échéant, les renseignements qui pourraient nous sembler pertinents.

Je comprends que, sur la base d'une entente, au lieu de procéder à l'examen dans l'ordre où ils se présentent des divers programmes, on abordera d'abord les programmes 5 à 11 inclusivement, et peut-être, quelques questions sur le programme 13 concernant la Commission des affaires sociales, pour, par la suite revenir sur les autres programmes. Donc, mes commentaires d'ouverture seront très brefs. (10 h 15)

On se souviendra que le 10 juin dernier, lors de l'étude des crédits, je m'étais permis de rappeler l'action traditionnelle du ministère, telle qu'elle est connue, mais également d'indiquer le plus concrètement possible, surtout à la lumière des champs de responsabilités additionnels qui lui ont été confiés, notamment, tout le champ de la sécurité du revenu, ce qui nous semblait être des perspectives de travail, à mon collègue, le député de Prévost, adjoint parlementaire et à moi, la perspective d'un mandat, particulièrement sur toute la question du droit des hommes et des femmes dans notre société de s'organiser, de se syndiquer, sur la nécessité de lever autant que faire se peut les obstacles à la syndicalisation, de trouver des formules nouvelles pour mettre un terme aux lenteurs, aux longueurs, à la judiciarisation excessive de nos relations de travail, tout en procédant à une rééavulation des mesures passablement nouvelles pour le

continent américain qui ont été adoptées au Québec. Je pense, en particulier, aux mesures antibriseurs de grève et à l'application au Québec des mesures concernant les premières conventions collectives.

Également, j'avais souligné notre intention bien arrêtée de travailler d'arrache-pied pour faire en sorte qu'il soit possible d'aboutir à une nouvelle législation permettant d'assurer aux citoyens, en particulier lorsqu'interviennent des conflits dans les secteurs public, parapublic et péripublic, la primauté des services essentiels.

J'avais également fait mention, à la lumière des réaménagements et des changements qui ont été apportés par l'introduction et la mise en vigueur par étapes de la loi 17, concernant la santé et la sécurité des travailleurs, des retombées, des conséquences et des réajustements nécessaires en ce qui concerne tout le dossier de l'inspection, des déplacements d'effectifs afin de regrouper mieux les choses, de donner un meilleur service d'inspection aux travailleurs, donc d'effectuer un regroupement d'une tranche des effectifs aussi bien du ministère que de l'Environnement et des Richesses naturelles avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail, d'une part et, d'autre part, de concentrer davantage à partir de nos effectifs afin d'assurer une meilleure protection du public sur la base des lois que le ministère a à administrer.

J'avais également - et on avait eu l'occasion d'en discuter longuement - fait état de ce qui était en chantier, sur quoi nous continuons à travailler, cette réforme fondamentale concernant tout le dossier des lésions professionnelles. Également j'avais évoqué, dans la perspective d'une politique de protection de l'emploi qui se situe elle-même de façon plus large dans le cadre d'une politique d'emploi ou d'une politique de travail pour tous, la nécessité d'intervenir en mettant au point une loi concernant toute la question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines. Tout ceci est relié fondamentalement à l'accent de plus en plus grand mis dans les budgets, à la mesure des moyens dont dispose le Québec, sur le développement de nouveaux programmes de création d'emplois.

Je m'étais arrêté plus particulièrement à la fin à toute la question de la sécurité du revenu. Je me permettrai de rappeler à nouveau les objectifs de l'intégration de la sécurité du revenu au ministère. Une politique de sécurité du revenu fondée, me semble-t-il, sur le respect de l'individu dans la société doit viser à assurer cette sécurité du revenu dans toute la mesure du possible, d'abord grâce aux revenus que chacun peut retirer de son travail. Je crois aussi que la première forme de lutte à la pauvreté passe par la perspective d'une ouverture d'une place pour chacun et chacune de ceux et de celles d'entre nous qui sont aptes et qui veulent bien, plus souvent qu'on le pense, trouver leur place normale, à la condition qu'il y ait des chances raisonnables que ces emplois soient durables. Il nous faut donc ouvrir, autant que faire se peut, ces perspectives et, dans cette foulée, faire en sorte de développer au maximum, d'assurer la protection du revenu, la protection du revenu qui passe forcément par celle de l'emploi. Cela indiquait déjà au moins les grandes lignes de force du dossier sur lequel nous poursuivons nos travaux, qui est cette réforme fondamentale du régime actuel de l'aide sociale. Pour ceux et celles qui, pour des raisons personnelles, outre la conjoncture socio-économique, ne peuvent pas s'intégrer au marché du travail, il me semble que la société se doit d'accepter une responsabilité de maintenir ce que j'appelle un niveau minimum de revenu qui soit compatible avec la dignité humaine. Par souci de cohérence avec l'objectif de base, qui est de permettre au plus grand nombre d'acquérir l'autonomie grâce à un travail convenablement rémunéré, il faut que les ressources financières et les autres ressources soient utilisées pour soutenir ou maintenir le revenu et aussi favoriser le plus possible le retour sur le marché du travail de ceux et celles qui sont en mesure de travailler.

Dans ce contexte, il ressort, me semble-t-il clairement, qu'une étroite coordination qu'il nous faut développer de plus en plus - c'est amorcé, c'est un travail qui est complexe, pas facile quand cela suppose l'intégration de deux choses qui étaient plus ou moins des réseaux parallèles qu'une étroite coordination donc des politiques de main-d'oeuvre et d'emploi, des politiques de maintien, de soutien, de protection du revenu est nécessaire et devrait être grandement favorisée par l'intégration graduelle des deux directions générales, c'est-à-dire celle de l'aide sociale et celle de la main-d'oeuvre et de l'emploi.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais rappeler dès le départ. Il est entendu qu'il me semble, plus particulièrement dans une conjoncture économique qui n'est pas facile, qu'il va nous falloir de plus en plus et soutenir ces projets qui existent dans les régions partout à travers le Québec et qui sont des projets émanant du milieu, accrochés fondamentalement à cette notion vivace de solidarité et qui sont potentiellement porteurs d'emplois ayant des chances d'être durables, d'emplois permanents. C'est notre intention de continuer à soutenir ces efforts.

Voilà, M. le Président, les quelques très brèves remarques d'ouverture que je voulais faire. Je ne m'étendrai pas plus longtemps afin de permettre aux membres de cette

commission de disposer de la plus grande période de temps possible pour formuler remarques et commentaires et poser les questions qui leur paraîtront pertinentes et, le cas échéant, formuler les suggestions qui pourront leur paraître valables et intéressantes.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Pour des commentaires également, M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: En entendant les remarques préliminaires du ministre, je me suis surpris à me demander en quelle année on était, si on était en 1976, 1977, 1978, 1979, en 1980 ou en 1981, parce que dans l'ordre des intentions, j'ai l'impression que le ministre en est resté exactement au même point.

Dans les remarques préliminaires que je voudrais faire, je sais que les membres de la fonction publique au niveau du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu sont réputés et à bon droit comme faisant partie d'un des ministères où la compétence professionnelle est sans doute l'une des plus élevées et reconnues dans tous les milieux. Mais je pense que ce dont le monde du travail manque le plus actuellement au Québec, c'est d'une direction beaucoup plus vigoureuse que celle que le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu donne au niveau des réformes qu'il y a à entreprendre dans le domaine des relations ouvrières et, en particulier, au niveau du Code du travail.

Dans ses remarques préliminaires d'ailleurs, le ministre a lui-même référé à celles qu'il faisait l'an dernier; elles sont presque mot à mot de cet ordre et je pense que c'est notre rôle de lui dire que, vraiment, il y a des choses à faire dans le domaine des relations de travail et que, jusqu'à maintenant, on n'a pas vu, en tout cas certainement pas depuis cinq ou six ans, à l'exception de la loi 55 ou de la CSST, des actions vraiment décisives. Je voudrais insister particulièrement sur les promesses d'ordre législatif, les promesses de réforme qui ont été faites, d'ailleurs, non seulement pas le ministre actuel du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais par son prédécesseur, le député d'Anjou, aujourd'hui ministre des Affaires sociales. J'ai revu des coupures de presse de l'époque où le ministre Johnson a été nommé, ainsi que des déclarations du ministre en 1980, je crois, ou lorsque le nouveau ministre a été nommé et ce sont sensiblement les mêmes choses qui reviennent tout le temps.

Dans mes remarques préliminaires, je voudrais insister et presser le ministre de passer à l'action dans le domaine législatif.

En effet, le ministre actuel, son gouvernement et son parti ont ceci de commun - je ne pense pas qu'il soit injuste de le dire - qu'ils transportent et étalent depuis maintenant près de six ans à peu près le même catalogue de bonnes intentions, de promesses et d'engagements qui n'en finissent plus de revenir. Bien entendu, toutes ces mesures ont l'habitude ou avaient l'habitude d'être présentées sous le masque du préjugé favorable aux travailleurs, mais à l'exception de quelques mesures qui ont été prises et qui mériteraient d'ailleurs d'être revues, comme la loi anti-briseurs, plusieurs difficultés ont été soulevées qui figurent déjà au rapport annuel du ministère. Encore là, il ne faut pas se contenter simplement de dire: On a fait ceci. Au niveau de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on verra lors de l'étude des crédits, qu'il y a des problèmes administratifs assez sérieux qui pourraient appeler certaines corrections d'ordre législatif. Il reste que ce même catalogue qu'on nous sert depuis quand même pas mal de temps et à de très nombreuses occasions on constate qu'il revient au moment de l'ouverture de l'étude des crédits du ministère du Travail. Cela m'amène à dire qu'il faut insister sur l'attitude de l'actuelle administration vis-à-vis de nos lois du travail, particulièrement en ce qui concerne le Code du travail et sa réforme. Sans refaire toute l'histoire de cette loi charnière qui encadre les relations patrons-employés, on se rappellera que l'adoption de sa version moderne date de 1964. Et si besoin est ou si besoin doit être prouvé d'une réforme du Code du travail, je pense qu'il faut quand même réaliser que notre législation actuelle est substantivement ou sensiblement la même que celle de 1964.

Depuis le début des années soixante-dix, toutes les administrations successives se sont penchées sur la question de la réforme ou de la révision du Code du travail. Cette nécessaire remise en question d'une loi ayant comme objectif fondamental de régir des rapports humains qui, étant eux-mêmes évolutifs, se situent dans un cadre qui change et se transforme, de légitime qu'elle était il y a quelques années, prend maintenant un caractère d'importance, je dirais même d'urgence telle que le gouvernement ne doit pas craindre de l'aborder. Je pense que le milieu est prêt à ce que des gestes soient posés et des décisions concrètes soient prises.

Je rappellerai très amicalement au ministre que je n'invente rien en disant cela et je constate d'ailleurs, en lisant les documents du ministère, qu'autant au niveau du bureau du commissaire général qu'au niveau de la Direction générale des relations du travail et qu'à celui du Conseil consultatif et de la main-d'oeuvre, chaque année on revient pour dire qu'on a fait des

études - on remarque cela dans les documents officiels - qu'on poursuit des études sur la réforme du Code du travail, sur ses divers aspects, et l'on tarde à voir l'aboutissement de cela. Je ne doute pas que le ministère et les fonctionnaires fassent cela, mais je pense qu'il faut qu'il y ait une volonté politique plus déterminée que celle qui ne s'exprime que par des intentions ou par des discours.

Je rappelle simplement, à titre de mémoire, au ministre que, le 8 mars 1977 -c'est très peu de temps après l'arrivée du nouveau qouvernement au pouvoir - le premier ministre lui-même disait: "Évidemment, il va falloir aller bien plus loin. Il nous faudra sans doute d'ici "quelque temps" - c'était en 1977 - effectuer de profonds changements dans le Code du travail." Le premier ministre ajoutait d'une façon beaucoup plus significative pour l'époque: "Avant d'en faire autant, on comprendra que la leçon ayant porté fruit, le gouvernement actuel tienne d'abord à être sûr de son fait et à procéder à toute consultation nécessaire." (10 h 30)

II me semble que ça fait cinq ou six ans que cela dure et que le gouvernement devrait essayer d'accélérer les choses, d'autant plus que c'est un engagement qui n'en est pas simplement un du gouvernement, mais qui prend sa racine et son origine -cette volonté qui était censée devoir se manifester - dans le Parti québécois lui-même qui, tout au long de son histoire récente, a écrit de très belles choses à ce sujet. Je sais qu'à certaines occasions on a assez peu de respect pour les décisions prises par les congrès du Parti québécois, mais je ne voudrais pas que nous assistions à un genre de "Maroisrendum" pour défaire cette volonté exprimée par le congrès du Parti québécois qui, en 1977 - et c'était repris en 1980 - proposait "d'élaborer un nouveau projet de Code du travail intégré qui inclurait les protections accordées aux travailleurs syndiqués, ainsi que celles accordées aux travailleurs non syndiqués telles les conditions minimales de travail et les nouvelles dispositions concernant les décrets de convention collective. De plus, ce nouveau Code du travail devrait être rédigé d'une façon précise, etc."

Ces engagements, je pense qu'ils y sont. Encore tout récemment - je ne sais pas dans quelle mesure le ministre peut commenter cela - le commissaire-enquêteur à la Commission de transports de la CUM, Me Jutras, a fait des remarques extrêmement pertinentes à ce sujet. On peut être d'accord ou non avec les modalités qu'il a suggérées, mais il a constaté à la Commission de transport de Montréal ce que l'on avait, par ailleurs, constaté au niveau des relations de travail à Hydro-Québec, sans parler du secteur privé.

Dans une entrevue qu'il a donnée au Devoir tout récemment, le 14 mai dernier, le commissaire Jutras disait ceci: "Le Code du travail, tel que nous le connaissons, d'application universelle, sans égard à la nature ou à la taille de l'entreprise, ne conviendrait-il plus à la société québécoise dans l'état où elle se trouve aujourd'hui? M. Jutras estime que la question mérite réflexion et doit être posée. Une loi doit être adaptée aux réalités et les réalités sont différentes. Le temps est venu, affirme le commissaire Jutras, de repenser le Code du travail selon qu'il s'applique au secteur privé ou au secteur public." C'est une suggestion qu'il avance. Toute cette question, d'adapter notre Code du travail à l'évolution qu'ont prise les relations de travail au Québec depuis 1964, tout le problème - Dieu sait que c'est un problème terriblement d'actualité - de savoir si les mécanismes, tels qu'on les avait pensés à l'époque, en 1964, sont aussi indentiques entre le secteur privé et le secteur public. Toute cette question n'est certainement pas réglée. Peut-être que le ministère a entrepris une réflexion - sans doute que le ministère l'a fait - sur toute cette problématique, mais, dans l'opinion publique, à part les intentions ministérielles exprimées, il n'y a pas eu de débat public de fond encore là-dessus, presque six ans après les promesses, les intentions exprimées par le gouvernement.

Ce matin, il a indiqué certains jalons qu'il avait indiqués dans les années antérieures. Si le ministre croit vraiment -je pense qu'il le croit - que le Code du travail est une des assises premières de la société québécoise en termes de progrès, de développement, de justice pour les travailleurs, je pense qu'il doit savoir qu'une réforme du Code du travail, tel qu'il dit la vouloir, suppose un débat public élargi, un débat public qui risque encore de prendre du temps, mais ce débat public c'est le rôle du ministre d'en être le déclencheur, non seulement le déclencheur verbal, mais l'initiateur concret, par des mesures concrètes. Je dois dire, au nom de tout le monde, que, quand on rencontre les milieux syndicaux autant que les milieux patronaux, il y a des attentes qui concernent encore le sommet économique - j'y étais au moment où il a été question de cela - il y a des attentes, des inquiétudes qui sont aussi présentes dans le milieu syndical que dans le milieu patronal et, malheureusement, le ministre ne nous en donne pas beaucoup, ce matin non plus.

Dans la même veine, la question de l'accès à la syndicalisation - je sais que le ministre en a parlé à maintes reprises -constitue peut-être un des plus beaux exemples de ce que j'évoquais au début de mon intervention lorsque je faisais référence

au catalogue pour tous les goûts et toutes les sauces du ministre et de son gouvernement. Ce sujet apparaît régulièrement. C'est un des thèmes forts du programme du Parti québécois; c'est le Parti québécois qui, comme parti politique au Québec, a insisté sur cet élément. Alors, qu'il soit conséquent avec ce combat politique qu'il a mené en son sein. Je pense que tout le monde est disposé à voir exactement les moyens qu'on va prendre, d'autant plus que tout le monde a souligné à satiété, y compris notre dernier programme électoral, le faible taux de syndicalisation au Québec et les problèmes que cela comportait pour les travailleurs. Tout ce discours a déjà été fait, lu et entendu et on voudrait avoir des gestes. Ici, j'ai des extraits du programme du Parti québécois.

Le ministre a évoqué également à maintes reprises la question de la négociation multipatronale, la négociation par secteurs. Je ne pense pas qu'il l'ait mentionné ce matin, ce n'est pas un oubli significatif, je sais qu'il y pense. C'est dans le programme électoral du Parti québécois. La demande est là, évidemment, du côté des syndicats, je sais que le ministre en est conscient lorsqu'il rencontre les porte-parole patronaux. Il y a une très vive inquiétude et cette inquiétude m'apparaît d'autant plus vive que les gens ne savent pas quelles sont exactement les intentions du ministre là-dedans. On a simplement lancé le mot en l'air sans que l'on sache si les gens savaient exactement. Chaque fois que je rencontre des groupes, des porte-parole patronaux, on me parle de cela. D'ailleurs, tous les députés, nous avons commencé à recevoir des lettres des chambres de commerce, de la petite et de la moyenne entreprise. Ces milieux sont très inquiets, particulièrement dans la conjoncture actuelle, des intentions du ministre. Le ministre aurait avantage à clarifier ce que cela veut dire dans le programme et si on doit accorder foi au programme du Parti québécois qui parle d'"encourager et provoquer la négociation par secteur" et, à d'autres moments - je n'ai pas compris le changement dans la documentation - on parle simplement d"'encourager des rencontres" d'ordre sectoriel. Je ne sais pas si cela vise exactement la même chose.

Encore, je voudrais rappeler au ministre que l'an dernier - je vous cite, M. le ministre - vous disiez, lors de l'étude des crédits: "II nous apparaît que le moment est venu et j'ai eu l'occasion de l'évoquer à quelques reprises - quel euphémisme dans votre bouche, quelques reprises! - de prendre les mesures qui s'imposent pour lever les obstacles à la syndicalisation, ce qui est un droit dans notre société, si on ne veut pas que cela reste un droit de papier pour un trop grand nombre d'hommes et de femmes qui sont au travail." C'est vous, M. le ministre, qui parlez. "Lever les obstacles à la syndicalisation, bien sûr, d'abord par le biais d'un certain nombre de moyens administratifs..." J'espère qu'on va entendre le ministre sur les moyens administratifs qu'il a pris au sein de son ministère pour atteindre cet objectif. Au moins, si on n'a rien sur le plan législatif, peut-être aurons-nous eu l'occasion de voir, lors de l'étude des crédits, l'amorce d'un déblocage de ce côté. Je reprends la citation du ministre: "... d'abord par le biais d'un certain nombre de moyens administratifs pour voir s'il n'y aurait pas moyen d'accélérer les choses dans le processsus de traitement des dossiers, des demandes d'accréditation - j'espère que ça c'est fait - mais, également, il nous semble - et c'est toujours le ministre qui parle -que là aussi le moment est venu - c'était l'an dernier, le moment était venu l'an dernier, je ne sais pas s'il va venir cette année - de mettre au point une politique qui pourrait vraisemblablement prendre la forme de ce qu'on appelle l'accréditation multipatronale."

Pour quelqu'un qui lit ça, ce n'est pas très précis. Quelles sont les intentions? "Une politique qui pourrait vraisemblablement prendre la forme de ce qu'on appelle l'accréditation multipatronale", c'est le plus qu'on en sait. Et le plus qu'on en sait, actuellement, c'est ça qui cause énormément d'appréhension, en tout cas, certainement dans le milieu patronal et énormément de pression du côté syndical, de façon que leurs demandes ne soient pas vidées de toute leur substance. Je pense que le ministre est conscient des attentes et des inquiétudes qu'il soulève par ce que j'appellerai son inaction. Le ministre poursuivait: "Dès que le dossier sera au point - le dossier est-il au point? Quand le sera-t-il? - nous entendons le soumettre pour fins de consultation aux parties concernées par le biais du conseil consultatif qui est un organisme qui, on le sait, etc."

Et le premier ministre, lors du message inaugural de novembre 1981, le lendemain d'une élection: "En matière de relations de travail, il y aura d'abord d'importants amendements au Code du travail." Le premier ministre ajoutait: "Sans chambarder l'économie générale de la loi, ces amendements viseront principalement à lever pour de bon ces obstacles, ces entraves et ces lenteurs que rencontrent encore quotidiennement nombre de travailleurs et de travailleuses qui tentent simplement d'exercer leur droit d'association." Alors, que fait le gouvernement? C'est ça la question que, je pense, l'on doit pouvoir poser lors de l'ouverture des crédits du ministre du Travail.

Il y a toute la question également -Dieu sait que le ministre du Travail en a parlé d'abondance! Et, encore là, c'est un

point fort du programme dans le domaine des relations de travail. Disons que j'essaie de citer les documents les plus orthodoxes, enfin, les phrases qui peuvent être les plus sensibles aux oreilles de nos amis du Parti québécois - toute la question, dis-je, des injonctions dans le domaine des relations de travail. Tout le monde en parle et s'interroge là-dessus. Je voyais encore - je n'ai pas la citation devant moi - une citation du ministre du Travail qui disait qu'il y avait trois options et la Cour supérieure... Il ne voulait pas dire qu'il était contre, mais qu'il était plutôt contre l'idée de faire une section, mais quand est-ce que ça va venir, cette chose?

Le premier ministre encore qui, ce soir, d'après Normand Girard, va présenter son premier budget... Ce ne sera plus le budget de M. Parizeau, nous dit-on; ce sera le budget de M. Lévesque, M. Parizeau est chanceux. Je reviens à l'utilisation de l'injonction sur laquelle le premier ministre, en mars 1979... Ce n'est pas hier. Quand le premier ministre parle, ce doit être vrai. N'est-ce pas, M. le ministre? Ça doit compter. J'essaie de vous citer et, quand ce n'est pas assez fort, je prends les paroles du premier ministre. Le premier ministre, c'est lui le "boss", c'est lui qui mène, c'est lui qui interprète le programme du Parti québécois, c'est lui qui préside aux destinées du Conseil des ministres! Il me semble qu'il est homme crédible, que c'est un homme à qui on doit accorder foil Je vois le député de Beauharnois qui fait un signe de tête. Le premier ministre a dit, en mars 1979 qu'il comptait apporter dès cette session, session de 1979... Le premier ministre c'est un homme crédible, M. le ministre, oui? Comme vous, M. le ministre. Je comprends qu'il ait pu y avoir des retards. En 1979, il n'était pas question d'un référendum ou je ne sais trop, mais il ne faudrait pas que tout s'arrête pour les impératifs politiques qui jalonnent la vie de ce gouvernement à notre grand désarroi parfois. Il reste, il me semble, que le premier ministre disait: "II va falloir amender dès cette session, en 1979, les mécanismes de l'injonction afin d'en enrayer l'utilisation abusive et de rendre ce recours exceptionnel plus conforme à la réalité des relations de travail." Or, si mon souvenir est bon, depuis ce temps, le gouvernement lui-même a recouru à des injonctions contre des travailleurs des secteurs public et parapublic.

Qu'est-ce que c'est l'intention du gouvernement? Décrier les injonctions quand il s'agit de se présenter devant un congrès du Parti québécois pour calmer certains esprits dits avancés du Parti québécois et, quand on agit comme gouvernement, recourir soi-même aux injonctions qu'on dit vouloir changer? C'est le premier ministre qui le disait. Remarquez que ce que le premier ministre disait, M. Jutras l'a repris et il allait même plus loin.

Il y a également le dossier, si important et si urgent, d'une loi sur les fermetures d'usines; le ministre vient de le dire. Belle affaire d'irresponsabilité, compte tenu de la conjoncture économique, qui est le mot favori maintenant du gouvernement, alors qu'on assiste depuis un an, un an et demi et même deux ans à des fermetures d'usines, à des licenciements! Quelle responsabilité le ministre porte-t-il là-dedans? Quand la conjoncture va reprendre, sa loi sera bien moins nécessaire. Pourquoi le ministre et son prédécesseur ont-ils tardé aussi longtemps à adopter une loi qui était un engagement, je pense, inscrit dans le programme du Parti québécois? Encore là, je m'inspire de la bonne source. Est-ce que cela n'aurait pas été drôlement utile si le gouvernement, après cinq ou six ans de pouvoir, ne s'était pas traîné les pieds? On assiste en ce moment à une pluie de fermetures d'usines dans toutes les régions du Québec, dans les grandes villes, dans les grands centres et en province. Je vous signale qu'en province c'est là souvent où le taux de syndicalisation est le moins fort et où les travailleurs sont les plus vulnérables. L'inaction du gouvernement à ce titre dure depuis cinq ou six ans. Est-ce que ce ne serait pas drôlement intéressant pour les travailleurs de l'avoir cette loi et les mesures que le ministre envisage et qu'il a citées encore ce matin: la révision des dispositions antibriseurs de grève? Encore là, le gouvernement lui-même a été le premier à violer la loi 45. Il y a des problèmes qui ont été évoqués et on voit dans les documents du ministère que les différentes instances étudient la réévaluation et le rôle du fonctionnement du Tribunal du travail, tout le dossier maintenant qu'on nous promet de la participation des travailleurs au sein des entreprises. Voilà des choses dont le ministre parle et qui sont de très belles intentions ou qui intéressent tout le monde, bien sûr. (10 h 45)

Mais ce qu'on demande ce matin - en tout cas, j'essaie de le faire le plus sobrement possible - c'est que le ministre passer aux actes. Et Dieu sait si on est bien placé pour le faire parce qu'on s'est littéralement tué à répéter une chose qui n'est même pas venue encore et dont on retrouve des crédits ici et là dans le livre des crédits, au niveau d'une nouvelle structure pour la protection du public dans le domaine des services essentiels. Encore là, on est revenu je ne sais à combien de reprises au niveau de l'Assemblée nationale pour demander au gouvernement une action. Je pourrais reprendre - j'en ai encore ici -des citations nombreuses de la part du premier ministre, du ministre et de son prédécesseur, disant qu'il fallait réévaluer

tout le système de maintien des services essentiels, et surtout, qu'il fallait le faire -et je pense que c'était cela finalement, le succès, je ne reprendrai pas le débat qu'on a eu à l'Assemblée nationale - en dehors du contexte d'une négociation. Alors, on est entré en plein dans le contexte de la négociation avec les déclarations du président du Conseil du trésor et l'offre qui a été faite au syndicat.

Le gouvernement, quelque part, après le budget, on ne sait trop, va arriver avec un projet de loi au moment où il va devoir prendre, à l'endroit des syndicats dans les secteurs public et parapublic, des attitudes fermes et vigoureuses qui vont créer un paquet de tension. Tout le problème du maintien des services essentiels pour les bénéficiaires des services de santé et des services sociaux, ainsi que des services publics en général, va être discuté à l'Assemblée nationale. Le ministre va peut-être - on ne le sait pas, il ne nous le dira probablement pas ce matin - devoir abandonner à corps défendant, je ne sais trop, la question de la liste syndicale, la préférence. Donc, une chose qu'on va enlever au syndicat. Il va y avoir des réactions à cela.

Quand on dit au ministre qu'il retarde ses actions quelle que soit la nature des actions, que le ministre va entreprendre sur cet autre exemple du maintien des services essentiels - je le dis, je le répète, parce que je le pense vraiment - une des grandes difficultés de l'efficacité de la mesure que le ministre s'apprête à déposer à l'Assemblée nationale va être largement tributaire de la situation précise dans laquelle le projet de loi va être adopté. Et, je vous dis déjà qu'il y a des risques sérieux que cette mesure n'atteigne pas les objectifs que le ministre peut sans doute vouloir avoir par sa loi, parce qu'il a retardé cela depuis le mois de septembre. On a examiné cela, ou a eu 50 à 60 mémoires; il n'y a rien eu, cela a été le vide le plus complet.

Je termine là-dessus, simplement pour dire que, j'ai interrogé la semaine dernière, l'adjoint parlementaire à la Commission de transport de Montréal. Ce n'est pas moi qui ai commencé; le député de Sainte-Marie, M. Bisaillon, est revenu bien avant moi, bien avant les porte-parole de l'Opposition pour dire au ministre du Travail, à celui qui est là, ainsi qu'à son prédécesseur, je crois: Dans le domaine du transport en commun à Montréal, en dehors des périodes de négociation et des périodes de confrontation, négociez donc et arrangez-vous donc pour que le ministère prenne l'initiative de rencontrer la Commission de transport et les porte-parole syndicaux pour convenir, en dehors d'une situation de conflit, des services essentiels pour les handicapés et aux heures de pointe, pour les travailleurs.

Le député de Sainte-Marie l'a dit à maintes reprises au niveau de l'Assemblée nationale. On a eu la loi au mois de janvier ou février à la Commission de transport. On a encore un problème qui persiste. L'adjoint parlementaire a eu une phrase extrêmement sibylline à l'Assemblée nationale, lorsque je lui ai demandé si le ministère du Travail avait pris l'initiative d'amener pendant tous ces mois, les quatre ou cinq mois qu'on vient de vivre, les deux parties à prévoir que si on déclenchait une grève dans le transport en commun à Montréal, on aurait convenu des services essentiels. On ne l'a pas fait, je suis convaincu, on ne l'a certainement pas fait. Qu'on nous amène des preuves, je pense qu'il n'en existe aucune. À moins que je ne fasse erreur, et le ministre me contredira, il n'existe aucune espèce d'entente actuellement et on est sur le point, encore, d'avoir des débrayages à Montréal. Il n'y a aucune espèce d'entente sur les services essentiels.

Le ministre appréciera comme il le voudra les propos que je tiens dans mes remarques préliminaires. Je suis profondément convaincu que ce que je dis est l'opinion très largement partagée des milieux syndicaux et des milieux patronaux, singulièrement partagée, en tout cas, pour ce qui est des services essentiels, par l'opinion publique également. J'ai parlé des retards dans le domaine de la loi sur le maintien des services essentiels, j'ai parlé de cette irresponsabilité absolument inqualifiable du retard qui a été apporté sur la législation au sujet des fermetures d'usines et des licenciements collectifs dans le contexte de la conjoncture économique actuelle. On va avoir une loi sur la fermeture des entreprises quand la conjoncture va s'améliorer, quand il y aura moins de fermetures d'usines et de licenciements collectifs. On aura laissé là littéralement les travailleurs contrairement aux promesses.

Le ministre pourra me dire: Cela aurait dû être fait dans le passé. Bien sûr que cela aurait dû être fait dans le passé, mais ce sont les crédits de son ministère qu'on étudie. Quand je parle de toutes les promesses répétées, vraiment, on en a assez, on veut avoir des gestes concrets à la suite de toutes les promesses répétées au niveau du Code du travail, de l'accès à la syndicalisation, de cette espèce d'évocation que l'on fait de la négociation multipratronale et multisectorielle. On voudrait avoir des réponses, savoir exactement où s'est rendu, pas seulement regarder le texte des documents officiels publiés par le ministère, qui sont faits évidemment par les fonctionnaires, qui font état d'une façon prudente et avec la réserve que commande un document ministériel de l'état des travaux. Nous sommes tannés que tout cela se poursuive.

Également, il y a tout le domaine -mes collègues vont en parler - de la construction, des lois de la construction; ils vont en discuter abondamment, et le domaine de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Quant à moi, M. le ministre, j'espère que vous allez entendre cet appel, parce que je pense qu'il s'imposait dans les circonstances. Au cours de l'étude des crédits, nous essaierons, dans la mesure de nos moyens, d'obtenir les précisions que ces quelques remarques d'introduction ont cherché à vous demander avec toute l'insistance dont nous sommes capables, parce qu'il me semble que c'est notre rôle premier de le faire.

En exerçant cette pression à cette occasion qui nous est fournie à l'intérieur de l'étude des crédits d'une commission parlementaire, ce qu'on veut, c'est faire avancer la législation dans le domaine des relations de travail. On ne conteste même pas les objectifs que peut avoir le ministre, on sera libre de les apprécier lorsqu'il déposera ses projets de lois à l'Assemblée nationale, sauf que quand le ministre dit une chose ou quand les ministres du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, depuis six ans, disent une chose, il me semble qu'on doit s'attendre qu'un jour ou l'autre cela aboutisse. C'est abouti dans un certain nombre de cas, j'en conviens volontiers, la loi 45, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, fort bien, mais les autres choses sont à venir et de ces autres choses, vous en parlez et reparlez depuis trop longtemps. Je pense que vous devriez agir et vite dans le sens de l'intérêt public qui demande une action rapide, efficace et ferme de la part du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu et qui me semble demander - je termine là-dessus - que s'exprime beacoup plus vigoureusement une volonté politique. Cela, seul le ministre peut le donner, non pas son adjoint parlementaire dont on connaît l'expérience, le caractère valeureux, dynamique, engagé, on le sait, dans le domaine des relations de travail. On veut que le ministre s'affirme, qu'il affirme son leadership sur le ministère, sur son adjoint parlementaire, sur les fonctionnaires, pour que le ministère de Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu produise et non pas qu'on demeure cantonné dans cette position d'attente qui est la caractéristique - ce n'est plus l'étapisme, c'est l'attentisme - du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Il est temps que cela finisse.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'imagine, M. le ministre, que vous avez des remarques ou des réponses à apporter.

Réponse du ministre

M. Marois: M. le Président, nous prendrons les réponses morceau par morceau, mais on me permettra tout de même quelques petits commentaires. J'ai toujours beaucoup apprécié le sens de l'humour du député de Jean-Talon, ses relevés et ses déclarations à l'emporte-pièce. En un certain sens, je suis très heureux d'un bon nombre de ses commentaires. On prend bonne note des commentaires du porte-parole officiel de l'Opposition en matière de relations de travail. Je les note, je vais les garder et les traîner dans ma poche de veste. C'est vrai que les choses ne vont pas au rythme des besoins, dans certains cas. C'est vrai que cela ne va pas, non plus, au rythme de l'impatience justifiée de mon adjoint parlementaire et de mon impatience personnelle. Ce n'est certes pas la faute de l'équipe des fonctionnaires de ce ministère qui font vraiment tout ce qui est humainement possible, c'est un très gros ministère et les problèmes qui sont abordés ne sont pas faciles. On peut bien les lancer sur la table comme cela. Je sais que le député a le sens de l'humour. À travers le mandat qu'il se donne, légitimé, amplifié aussi, de jouer son rôle d'Opposition, de bardasser le gouvernement, de le pousser, il admettra fort bien, s'il cite bon nombre de mes commentaires, de mes remarques, que dans le texte de mes remarques d'ouverture, lors de l'examen des crédits en juin dernier, le 10, j'avais pris la peine, de bonne foi, de tenter de tracer, accrochées à des problèmes concrets, des perspectives de changements aussi concrètes qu'il m'était possible de les indiquer, et constamment, en disant: C'est là, il y a de quoi remplir un mandat. L'expression "dans le cadre du mandat", "dans la perspective du mandat" revient constamment dans mes remarques d'ouverture des travaux de la commission parlementaire, l'an dernier, et je l'avais répétée pour indiquer non seulement dans quel esprit, mais dans quelle perspective nous travaillions au ministère du Travail.

Ceci étant dit, je suis également très heureux des commentaires du député de Jean-Talon et j'en prends bonne note. On verra, à l'usage, de quelle façon ses paroles se traduiront par des attitudes conséquentes sur le plan législatif, à l'Assemblée nationale. En effet - je me permettrai de le dire comme je le pense, en toute honnêteté, en toute bonne foi - il y a des facteurs de politique interne qui jouent à l'intérieur de n'importe quelle formation politique - cela est bien connu - et qui font que parfois certaines déclarations de principe, de partage des objectifs politiques poursuivis par le gouvernement se traduisent dans la réalité par une opposition aux principes mêmes de certaines lois. Je ne veux pas tourner le fer

dans la plaie - il se peut qu'il y ait certaines imperfections, c'est fort possible, et qu'il y ait des choses à corriger dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail -mais je me souviens fort bien des appuis de principe reçus en commission parlementaire qui se sont traduits par un vote d'opposition sur le principe même de la loi no 17.

Dans la liste des gestes concrets, le député a tout de même admis qu'un certain nombre de gestes concrets avaient été posés depuis 1976, ce n'est jamais suffisant, face à l'ampleur des problèmes, mais il a oublié de mentionner ce qui était aussi une chose demandée depuis très longtemps, qui était cette espèce de convention collective de base, de plancher de base, non négociable, pour protéger les hommes et les femmes qui ne sont pas syndiqués, en attendant que des ouvertures puissent faciliter cette syndicalisation. Cela a été la transformation de l'ancienne loi du salaire minimum pour en faire une Loi sur les normes minimales de travail. Enfin, on verra à l'usage et à l'usure comment ces appuis quant aux objectifs poursuivis par le ministère par mon adjoint et moi-même se traduiront dans les faits.

Je me permettrai de relever une chose. Le député de Jean-Talon est revenu sur la question de la participation des travailleurs à l'entreprise et de toutes les discussions, les débats qui ont même été soulevés à l'occasion du dernier sommet socio-économique. Je voudrais quand même rendre à César ce qui est à César, je ne veux pas en prendre le profit. Le premier programme de création d'emplois sans verser dans quelque forme de dogme ou d'imposition de quelque forme de participation que ce soit à la propriété, à l'administration, au capital, à la gestion des entreprises, en laissant l'initiative aux travailleurs et aux travailleuses concernés, c'est le programme expérimental de création d'emplois communautaires au Québec qui a permis justement que soient vécues au Québec des dizaines et des dizaines d'expériences différentes, conçues sur des bases différentes, mais conçues par le mode par exemple, de participation à l'entreprise. (11 heures)

Cela existe dans les faits. Je ne dis pas que c'est parfait. Je ne dis pas qu'il ne faut pas aller plus loin. Je ne dis pas qu'il ne faut pas évaluer cela. Je ne dis pas que ça n'ouvre pas la porte à l'évaluation des choses qui devraient être plus rigoureuses dans l'avenir, mais tout de même, ces choses existent. Cela n'avait pas été fait par le passé. Je m'en souviens très bien pour m'être occupé personnellement, bien avant de faire de la politique, de ce genre de dossiers. Peu importent les partis politiques au pouvoir, je sais quelle sorte d'accueil recevaient ces projets par le passé.

Je suis prêt à en prendre, je suis prêt à admettre que les choses ne vont pas aussi vite qu'on le voudrait. Je suis prêt à l'admettre et à le reconnaître, car je l'ai dit moi-même. Je reviens à ce que je disais dans ma déclaration d'ouverture, car j'avais bien situé et placé mes remarques d'ouverture lors des crédits de la commission parlementaire antérieure dans la perspective du mandat. Dans cette perspective, les objectifs sont là, ces objectifs fondamentaux demeurent. C'est mon intention de faire tout ce qui est humainement possible pour y aboutir dans les meilleurs délais, mais je ne peux pas tout faire en même temps, je ne peux pas être, le ministère et toute l'équipe qui est là, lp département des miracles. Ce n'est pas possible de tout faire en même temps, mais c'est mon intention arrêtée d'agir notamment sur la question de la réforme du Code du travail. J'ai bien hâte de voir quelle sera l'attitude de l'Opposition quand on arrivera sur des projets concrets. Un appui sur les objectifs, je prends bonne note. On verra comment cela va se traduire dans la réalité.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'on est prêt à entreprendre l'étude par programmes avec le programme 5?

Mme Lavoie-Roux: J'aurais quelques notes préliminaires...

Le Président (M. Bordeleau): Des notes préliminaires?

Mme Lavoie-Roux: ... sur la sécurité du revenu, mais je peux le faire à l'occasion du programme 5. Je ne sais pas, le ministre a peut-être des remarques.

Le Président (M. Bordeleau): On entamera le programme 5. J'appelle le programme 5. Voulez-vous y aller immédiatement, Mme la députée de L'Acadie?

Soutien du revenu familial

Mme Lavoie-Roux: Oui, je voulais simplement, en préambule, donner quelques notes sur les programmes de sécurité du revenu. Le ministre, tout à l'heure, disait que le gouvernement ou l'État devait se préoccuper de donner à tous les membres de la société des revenus décents qui leur permettent de vivre d'une façon relativement satisfaisante. L'an dernier, j'avais dit qu'en dépit de la conjoncture économique qui déjà était difficile nous devions avoir cette préoccupation d'amener les plus démunis de notre société à un niveau qui respecte leur dignité et surtout d'assurer aux enfants de ces familles des moyens au moins un peu équivalents à ceux des familles qui jouissent

de revenus plus constants et plus importants et, dans la mesure du possible, de leur procurer des chances un peu égales.

Il est assez étonnant de voir - ceci est dans le programme même du gouvernement, dans les pages préliminaires du budget touchant le Travail, la Main-d'Oeuvre et la Sécurité du revenu - que les compressions dans les régimes de sécurité du revenu totalisent 50 300 000 $ et concernent trois programmes, soit l'aide sociale, mesure visant un plus grand contrôle sur les revenus des bénéficiaires et sur l'accès à certains besoins spéciaux - on y reviendra au moment de l'étude du programme sur l'aide sociale -les allocations familiales de base, non-indexation, et l'assistance-maladie, retrait des médicaments en vente libre.

Simplement à la lecture de ces trois points, il est facile de réaliser que, si certaines personnes avec des revenus moyens ou des revenus plus élevés dans notre société se plaignent de la conjoncture économique, des risques que ceci comporte, des pertes de pouvoir d'achat, quand on voit que 50 000 000 $ de compressions touchent la sécurité du revenu et, particulièrement, les plus pauvres de la société, on ne peut pas s'empêcher de douter vraiment de l'administration du gouvernement, dans le sens de savoir quelles sont les priorités que le gouvernement établit. Je dirai tout de suite que nous ne sommes pas contre une rationalisation des dépenses même à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale, mais qu'on songe, par exemple, que cette année le gouvernement n'a pas indexé les allocations familiales - nous avons eu l'occasion d'en discuter au mois de décembre - économisant, par cette non-indexation, un montant de l'ordre de 21 000 000 $ qui a été enlevé à l'ensemble des familles du Québec. On me dira que certaines de ces familles avaient des revenus suffisants, c'est possible; certes, c'était le cas. Mais il y avait aussi des familles qui n'avaient pas des revenus suffisants et, même qu'elles n'étaient pas des bénéficiaires de l'aide sociale, elles avaient des revenus très modestes.

De ces 21 000 000 $, nous savons qu'environ 6 000 000 $ sont allés aux allocations familiales pour les enfants handicapés et que le reste des 16 000 000 $ est allé à l'indexation de l'aide sociale. C'est ce qu'on nous a donné comme information au mois de décembre alors que, pour des raisons hors du contrôle du ministre, son adjoint parlementaire le remplaçait au moment de l'étude de la loi 30.

Également, on se pose des questions sérieuses quand on voit que des familles à revenus modestes sont privées d'un revenu, j'en conviens, qui n'est pas très élevé, mais quand même, dans la conjoncture actuelle très difficile, on les prive d'un revenu. On peut se poser des questions sur les priorités du gouvernement qui a fait une promesse électorale d'allocation de disponibilité universelle aux familles du Québec qui ont des enfants en bas de six ans, encourant à ce moment des dépenses qui avaient été au départ estimées à 150 000 000 $ et qui maintenant ont été ramenées, je pense, à 120 000 000 $ suite à une diminution des sommes prévues. Ce n'est pas contre l'allocation de disponibilité que nous en avons, mais contre le fait qu'au moment où l'on coupe l'indexation des allocations familiales à des familles qui en ont besoin on établit un régime d'allocation de disponibilité à des familles qui n'en ont même pas besoin. Sans vouloir pointer qui que ce soit du doigt, je suis certaine que parmi nos collègues il y en a qui en bénéficient, et non pas d'une façon injuste. Ils en bénéficient parce que la mesure est universelle. On peut se poser de sérieuses questions quant aux priorités sociales du gouvernement.

Également, le retrait des médicaments en vente libre. Là, on assiste à une grande série de rationalisations. Qu'il y ait un abus des médicaments, j'en conviens, et à l'occasion je pense qu'on en discutera aux Affaires sociales. Pourquoi en sommes-nous rendus là? C'est parce que ce bon gouvernement qui est en face de nous a aussi établi un programme de médicaments gratuits de façon universelle dont bénéficient des gens qui pourraient fort bien les payer. Alors, quand on sent que la dose est trop forte, que les dépenses sont trop grandes, on coupe. Mais à ce moment, on coupe à tout le monde, à ceux qui en ont le moins besoin comme à ceux qui ont des revenus amplement suffisants. C'est cela le manque de prévoyance sociale du gouvernement. Je pense que c'est indiqué d'une façon très claire dans les renseignements supplémentaires qui ont été déposés avec les crédits.

M. le Président, nous y reviendrons au programme de l'aide sociale. C'étaient des questions que je voulais poser d'une façon préliminaire, mais je pense qu'on peut y revenir programme par programme. Le message que je veux, du moins, donner au gouvernement, c'est que, dans cette période d'austérité budgétaire qui est en bonne partie due à l'administration gouvernementale, on paie pour des imprévoyances du gouvernement quant à l'établissement de ses priorités. Je l'ai déjà dit et je le redis: Trop souvent, le gouvernement a mêlé ses objectifs électoraux avec ses objectifs sociaux. On en voit aujourd'hui les résultats.

Alors, M. le Président, on peut passer immédiatement à l'étude de ce programme d'une façon plus précise.

Le Président (M. Lavigne): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste pour ajouter à cette partie de la réflexion. Sur la question de l'universalité ou de la sélectivité des programmes de sécurité du revenu, entre autres - je le dis et peut-être que ma collègue ou le ministre, quand il répondra, va tenir compte de ça - une des choses qui nous ont été dites au fil des années, c'est que l'instauration d'un programme de sélectivité, pour légitime qu'il puisse être... Dans le contexte budgétaire, peut-être qu'on n'aura pas l'occasion de l'expérimenter. On nous a toujours donné l'argument qu'à un moment donné, quand c'est sélectif, ça finit à une certaine limite. Donc, ça suppose un certain nombre de contrôles et les coûts administratifs de rendre sélectifs les programmes, par rapport à un programme qui est universel, seraient - je le dis sous toute réserve et je demande au ministre s'il y a des études particulières pour les programmes qui le concernent - à ce point prohibitifs que les gains de la sélectivité ne seraient pas significatifs. C'est la raison pour laquelle on préférerait, et on a toujours préféré, depuis les vingt dernières années au moins, aller du côté de l'universalité parce que c'est plus facile.

Mais, dans le contexte économique, comme ma collègue l'a signifié, dans le cadre des priorités du gouvernement, je suis convaincu qu'on n'a peut-être pas le choix, en ce moment, de continuer d'aller vers l'universalité. Pour l'application du principe de la sélectivité dans les programmes de sécurité du revenu, est-ce qu'au niveau du ministère il y a eu des études qui ont été faites pour voir exactement ce que ça comporte comme coût sur le plan administratif?

Le Président (M. Lavigne): M. le ministre.

M. Marois: Bien, juste sur cette dernière question, voici ce qu'on me dit comme information. Si ça pouvait être vrai, effectivement, par le passé, pour une raison bien simple, soit que les techniques et les méthodes d'administration et de gestion à l'époque où l'ordinateur n'existait pas ou commençait à exister, forcément, étaient moins raffinées, ce n'est plus le cas aujourd'hui. On me dit que ce n'est plus le cas, de telle sorte qu'effectivement on peut fort bien se poser la question non seulement de la pertinence, de l'opportunité de cela, mais sur le plan administratif aussi, quant à savoir si ce sont des coûts additionnels qui seraient énormes et annuleraient l'effet de la sélectivité ou de la non-universalité, on sait très bien que la question pourrait se poser et ça n'implique pas les dimensions de coûts qu'on évaluait autrefois.

Mme Lavoie-Roux: Comme note préliminaire, il y aurait une question qui n'est pas strictement du ressort des programmes dont je suis responsable, mais je pense que mon collègue de Jean-Talon me permettra de la poser et le ministre également. L'an dernier, j'avais demandé au ministre de me donner les chiffres sur la représentation des femmes dans les cadres supérieurs de son ministère. Cette année, j'aimerais qu'il nous donne la différence à la hausse ou à la baisse. Également, dans les mises à pied ou les mises en disponibilité ou la diminution du personnel qui affecte le ministère, est-ce que le ministre pourrait nous en donner la proportion, la distribution, en ce qui touche les femmes et les hommes? Et une deuxième question relative au travail. On assiste - le ministre, j'en suis certaine, en est fort conscient - à une multiplication de postes à temps partiel, non seulement à l'intérieur du ministère du ministre; c'est certainement une préoccupation du ministre du Travail. Pourrait-il également nous donner des chiffres pour les postes qui ont été soit convertis, soit créés, qui sont des postes à temps partiel. Combien sont occupés par des femmes et combien sont occupés par des hommes?

M. Marois: Excusez, j'ai...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'il y a des conversions de postes. Il y a peut-être aussi des créations de postes à temps partiel. Je voudrais savoir non seulement pour votre ministère, M. le ministre, mais également pour l'ensemble des services publics et parapublics, combien de ces postes qui ont été convertis, qui ont été créés à temps partiel, sont occupés par des femmes et combien sont occupés par des hommes. Je comprends que vous ne pouvez peut-être pas me donner ces informations tout de suite, mais j'apprécierais les avoir. (11 h 15)

Le Président (M. Lavigne): M. le ministre.

M. Marois: Sur la première partie de la question concernant la répartition des effectifs féminins par catégories de personnel au ministère, je peux vous donner le détail. Dans les postes dits hors cadres, il y avait 7 femmes sur 36 postes en mai 1981 et il y a en 8 sur 37 en mai 1982. Dans les emplois supérieurs, il y avait 5 femmes sur 117 postes, toujours mai 1981 comparé à mai 1982, et il y en a maintenant 8 sur 116 postes. À la gérance, il y en avait 18 sur 240 et maintenant il y en a 24 sur 252. Chez les professionnels, il y en avait 62 sur 526, et il y en a, en mai 1982, 79 sur 533. Dans l'ensemble des fonctionnaires, il y en avait 1663 sur 3185 et il y en a maintenant 1610 sur 3075. Donc, globalement, il y avait

1755 postes occupés par des femmes sur 4116 postes occupés en mai 1981. Il y en a, en mai 1982, 1730 sur 4027 postes, ce qui signifie que 97 postes ont été compressés durant cette période. Si on fait le décompte, il y a une légère progression des femmes dans les divers postes et particulièrement au niveau supérieur, au niveau hors cadres et au niveau des emplois supérieurs, au niveau de la gérance et chez les professionnels aussi.

Mme Lavoie-Roux: Mais c'est surtout du côté des fonctionnaires qu'il y a cette augmentation, où la diminution se fait le moins sentir? Vous aviez 1663 postes sur 3185 qui étaient occupés par des femmes. Vous tombez...

M. Marois: Chez les fonctionnaires. Mme Lavoie-Roux: ... à 1610 sur 3075?

M. Marois: C'est cela. C'est là qu'il y a eu principalement des compressions de postes.

Mme Lavoie-Roux: Ce sont surtout des femmes, qui occupaient ces postes, qui sont parties?

M. Marois: Proportionnellement un peu plus. Proportionnellement la progression des femmes vers les postes supérieurs, professionnels en montant, est plus élevée.

Mme Lavoie-Roux: Pour l'ensemble des compressions, cela vous donne combien?

M. Marois: II y avait 4116 postes occupés...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: ... en mai 1981 contre 4027...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M- Marois: ... postes occupés.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: Ce qui signifie que 97 postes ont été compressés durant cette période. Si on compare, il y avait 1755 postes qui étaient occupés par des femmes en mai 1981 et il y en a maintenant 1730. Donc, 25 sur les 97, donc moins de postes occupés par des femmes compressés par rapport aux postes occupés par des hommes.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Maintenant sur le temps partiel... Oui.

M. Marois: Je ne sais pas comment on appelle cela, je ne sais pas si c'est un "méritas" ou je ne sais quoi de la Fonction publique, mais le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a été particulièrement bien coté dans ce sens par le ministère de la Fonction publique.

Mme Lavoie-Roux: Je sais qu'au ministère de l'Environnement...

M. Marois: Parmi les deux ou trois... Mme Lavoie-Roux: ... cela a diminué.

M. Marois: ... premiers ministères, si ma mémoire est bonne.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Maintenant sur le temps partiel, vous n'avez probablement pas de statistiques ici?

M. Marois: Sur le temps partiel, est-ce que vous avez des chiffres? On peut les obtenir et vous les faire parvenir, je ne les ai pas ici.

Mme Lavoie-Roux: Bon. Parfait.

M. Marois: On prend note de votre demande.

Le Président (M. Lavigne): Est-ce que le programme 5 est adopté ou si vous avez d'autres questions?

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas commencé le programme 5.

Le Président (M. Lavigne): Au niveau des questions générales?

Mme Lavoie-Roux: Non. Le ministre ne m'a pas répondu, il n'a peut-être rien à dire.

Sur le programme 5 proprement dit, je voudrais demander au ministre si le nouveau règlement qui a été adopté pour les enfants handicapés a solutionné les problèmes que nous avions soulevés l'an dernier à savoir que des enfants restaient à l'extérieur du programme parce qu'une des conditions était qu'ils devaient recevoir des services spéciaux ou être l'objet de services de réadaptation spéciaux. Il y avait eu beaucoup de plaintes des familles, parce qu'avec l'effort d'intégration des enfants handicapés aux classes régulières cela éliminait un certain nombre d'enfants qui, normalement, auraient dû bénéficier des allocations familiales pour enfants handicapés.

M. Marois: II semble que, d'après les chiffres dont on dispose et les commentaires qu'on a pu recevoir jusqu'à ce jour, l'ouverture qui a été faite par les modifications qui ont été apportées à ce programme a permis de répondre aux problèmes qu'évoque Mme la députée de

L'Acadie. En décembre 1981, c'est-à-dire avant les modifications apportées, il y avait 5910 enfants qui en étaient bénéficiaires et le coût du programme en 1981-1982 a été de 5 700 000 $. Avec les modifications qui ont été apportées au programme au début de l'année civile, on estime qu'environ 9400 enfants additionnels pourraient être inscrits avant le 31 mars 1983 sur la base de ce qui est entré présentement. Ainsi, ce qui représente quand même une hausse importante non seulement en nombre, mais aussi par l'ouverture sur le type de couverture, par exemple, des enfants qui avaient des problèmes de handicap moteur, la prévision budgétaire pour la présente année financière est de 11 200 000 $, ce qui est tout de même assez important.

Mme Lavoie-Roux: Dans le règlement, il y aurait juste un point que je voudrais porter à l'attention du ministre. Il n'a peut-être pas le règlement devant lui, mais lorsqu'on parle d'enfant handicapé au plan mental, on peut lire: "Tout enfant qui, de façon significative et permanente, est affecté d'une déficience mentale moyenne, sévère ou profonde, évaluée à partir d'examens standardisés de type épreuve d'intelligence ou quotient de développement et dont l'état nécessite la mise en place de mesures spécialisées, etc."

M. le Président, ceci a certainement dû être discuté avec des spécialistes de l'enfance inadaptée. Quand on parle de l'évaluation de la déficience mentale moyenne - je mets de côté la déficience sévère ou profonde; je pense qu'il n'y a pas de problème de diagnostic - à partir d'examens standardisés de type épreuve d'intelligence ou quotient de développement, il y a des risques de se tromper dans l'évaluation et que des enfants soient catégorisés comme étant souffrant d'une déficience mentale, alors que l'on sait que, très souvent, c'est une foule de facteurs qui font qu'un enfant peut être classé comme déficient alors qu'il ne l'est pas. Est-ce que ce problème a été examiné de près?

M. Marois: Cela a été regardé, c'est pour cela qu'il y a deux choses: d'une part, en plus des médecins, d'autres professionnels de la santé sont maintenant autorisés à signer les rapports qui attestent les handicaps. Cela veut dire que d'autres types de professionnels sont aussi mis à contribution. Comme il y a effectivement risque d'erreur, ce programme étant administré par la Régie des rentes, forcément il y a un droit d'appel, comme dans le cas général des allocations familiales. Et, comme étape intermédiaire entre les deux, pour accélérer les choses, parce qu'on s'aperçoit que c'est possible, bien souvent, à moins que ce ne soit jugé nécessaire d'aller en appel de façon formelle à la Commission des affaires sociales il est possible de demander une révision à la régie et bon nombre de cas - je n'ai pas les chiffres avec moi - sont réglés au niveau même de la révision à la régie.

Mme Lavoie-Roux: Ceux dont je m'inquiète, M. le Président, ce ne sont pas ceux qui vont demander une révision parce qu'ils ont été refusés au programme; ce sont ceux qui sont déjà admis. Enfin, vous diagnostiquez un enfant d'une façon presque absolue quand vous le rendez admissible sur cette base à des allocations familiales spéciales.

M. Marois: Vous voulez dire dans le cas où il se présenterait une erreur quelconque de diagnostic qui ferait qu'un enfant ou la famille aurait droit à cette allocation supplémentaire conséquemment au diagnostic d'un handicap de type moyen, pour reprendre votre expression...

Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'il y a dans la loi.

M. Marois: ... handicap qui n'existerait pas à toutes fins utiles. Vous prenez le cas inverse.

Mme Lavoie-Roux: Oui, enfin...

M. Marois: Je parlais du cas où l'erreur aurait pu bénéficier en révision ou en appel à l'enfant et forcément à la famille. Dans le cas inverse, c'est toujours très difficile, ce qui a été apporté comme élément de souplesse pour faire en sorte que les meilleurs professionnels puissent être mis à contribution dans l'évaluation du handicap, c'est ce que j'évoquais, l'élargissement par le fait que non seulement des médecins mais d'autres types de professionnels peuvent intervenir dans l'évaluation du handicap. Je ne prétends pas être un expert dans le domaine.

Mme Lavoie-Roux: Le moyen qu'on utilise, c'est des tests standardisés d'épreuves d'intelligence, alors que de plus en plus ces tests sont remis en question. En tout cas, nous ne sommes pas ici pour faire un long débat là-dessus, mais je signale simplement ce problème au ministre pour qu'on s'assure de ne pas faire d'une autre façon ce qu'on tente maintenant d'éviter, de catégoriser des enfants d'une façon inopportune. Je trouve qu'ici on fait appel à un moyen qui, à bien des égards, est désuet comme méthode de diagnostic.

M. Marois: J'en prends bonne note, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre pourrait nous indiquer si les rumeurs que nous avons entendues ou que nous avons lues voulant qu'on - je le dis sous toute réserve parce que je n'ai pas le texte devant moi - envisage l'abolition des allocations familiales comme mesure universelle, sont fondées ou non? C'est parmi les rumeurs qui circulent autour du budget.

M. Marois: Je ne vais certainement pas commenter maintenant un budget qui ne sera dévoilé que ce soir. Je pense que tous les membres de cette commission comprennent cela.

Mme Lavoie-Roux: Comme politique de votre gouvernement.

M. Marois: En ce qui me concerne et concernant les crédits que nous avons présentement à examiner, à étudier et sur lesquels nous avons à nous prononcer, dans la perspective de ce que j'ai déjà évoqué, j'ai rappelé très rapidement, ce matin, une réforme plus en profondeur des politiques de sécurité du revenu, je crois que la question se pose. Il n'y a aucune décision de prise en ce qui nous concerne, chez nous, mais je crois honnêtement qu'il faut regarder de très près cette dimension. Je ne veux pas me prononcer pour l'instant, ma réflexion personnelle n'est pas suffisamment avancée, mais je pense qu'on ne doit pas exclure a priori, comme hypothèse, cette piste, elle mérite d'être scrutée à la loupe. D'ailleurs, la députée de L'Acadie l'a elle-même évoqué dans ses quelques remarques, certains éléments des politiques sont de type universel, d'autres sont de type sélectif. Dans la perspective d'une révision fondamentale, compte tenu des ressources dont dispose une société, de la nécessité de s'interroger clairement et de répondre de façon précise aux objectifs qu'on poursuit par une telle politique - à courir plusieurs lièvres à la fois, je ne suis pas certain qu'on réussisse à tous les attraper - certains programmes ont d'abord été conçus pour rapporter un minimum décent sur une base de partage plus équitable des ressources dans une société, dans des familles; je ne suis pas certain qu'on atteigne cet objectif-là aujourd'hui. Par ailleurs, d'autres types de programmes visent à atteindre d'autres types d'objectifs. Donc, je pense que, dans un examen approfondi, aucune piste ne doit être exclue. Mais je tiens à dire cependant, parce que je ne veux pas alimenter des rumeurs sur des choses qui seraient dans le genre décidées, que je cacherais ou que je refuserais d'annoncer, qu'il n'y a absolument rien de décidé en ce qui me concerne. (11 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Mais, c'est une hypothèse qui est examinée.

M. Marois: C'est une hypothèse que je demande qu'on examine, bien sûr, parmi d'autres.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: Je ne vois pas pourquoi on l'exclurait.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Sur le même sujet, je pense que Mme la députée de Maisonneuve a demandé la parole.

Mme Harel: Je pensais intervenir surtout sur le programme 6, en fait, le programme sur l'aide sociale. On en est encore au programme 5, mais j'en profite puisque ce qui est en cause, c'est la sélectivité des programmes contre l'universalité. Il me semble que, compte tenu des propos que vous avez tenus tantôt sur l'allocation de disponibilité, s'il y a un paramètre important à prendre en considération, c'est certainement que ces programmes, lorsqu'ils sont universels, sont imposables.

Il est évident que l'autre dimension qu'il ne faut jamais perdre de vue, c'est que dans une société où la classe moyenne ne serait pas incitée à déclarer ses revenus ou à augmenter ses revenus compte tenu de ce qu'elle perdrait en soutien ou en services collectifs, ça peut avoir des effets contraires à ceux qui sont recherchés. Je regardais cet inventaire qui a été fait par le Conseil des affaires sociales et de la famille, qui s'intitule Inventaire des principales mesures et actions du gouvernement du Québec à l'égard des familles. Il est difficile d'envisager l'ensemble des interventions dans le domaine du revenu familial, sans le faire à la lumière de la fiscalité parce qu'il peut y avoir des objectifs qui soient ceux de soutenir les familles qui décident d'avoir charge d'enfants et, à ce moment-là, ce n'est pas certain que des mesures sélectives atteindraient l'objectif qu'on poursuit. Cela pourrait avoir comme conséquence qu'on "désincite" les gens à augmenter leur revenu, en tout cas certainement à les déclarer; ça s'est vu dans d'autres sociétés. Alors, j'imagine que tout cela ne peut pas se faire dans le cadre de la sécurité du revenu, mais doit être placé, évidemment, dans le cadre de l'ensemble de la politique fiscale d'un gouvernement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: D'une part, je dirais que cela dépend aussi de ce qu'on met derrière les concepts d'universalité ou de sélectivité. En d'autres termes, tout dépend des objectifs

fondamentaux recherchés. Alors, il y a plusieurs avenues et plusieurs moyens pour y arriver. Mais je crois qu'un des débats aussi qui s'ouvre et qui n'est pas facile à concilier avec d'autres objectifs, c'est celui d'une conception d'un revenu du ménage contre le concept d'un revenu individuel. Cela n'est pas facile à concilier. Qu'on y aille par le biais qu'on voudra, l'universalité ou la sélectivité et l'universalité avec récupération en partie par la fiscalité, ce n'est pas facile à concilier.

Alors, quels sont les premiers objectifs qu'on se fixe? Je ne vous cacherai pas que je serais porté personnellement à privilégier la lutte à la pauvreté. Je serais porté à privilégier un partage plus équitable des ressources et des richesses dans la société. Donc, par voie de conséquence, à partir du moment où je serais porté à retenir d'abord cela comme objectif, je serais porté à privilégier la notion de revenu du ménage. Je sais fort bien que, ce faisant, d'autres personnes dans notre société sont portées, à l'opposé, à privilégier un concept de revenu individuel et, alors, les concepts se heurtent, à moins vraiment que la société ne dispose de ressources financières illimitées. Tout le monde sait que c'est loin d'être le cas. Je vous indique clairement qu'en ce qui me concerne ce sont vraiment des débats de valeur d'une société. Je pense bien qu'à partir du moment où on essaie de faire le tour de l'ensemble des divers programmes pour tenter de les réévaluer, de préparer une réforme, il est certain qu'on ne peut pas dissocier cela de la fiscalité. Je pense que cela doit s'examiner de plus en plus par un certain nombre de mesures. Pensez au supplément au revenu de travail, pensez à d'autres mesures qui sont maintenant considérées comme des lois fiscales et administrées par le Revenu. Ce n'est pas, en soi, une chose mauvaise ou néfaste, mais ces débats de fond sont là. C'est pour cela que je dis qu'il ne faut pas exclure la remise en question du concept, peu importe le biais par lequel on le fait, je n'en suis pas là, que ce soit par le biais de la fiscalité ou autrement. Prenez le cas des allocations familiales; elles ne sont pas imposables au Québec, mais, par ailleurs, il y a un certain nombre d'exemptions à côté qui sont à l'avenant. Donc, il y a des choses qui peuvent s'équilibrer en partie. Est-ce la meilleure façon d'y arriver? Cela reste à voir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: La remarque de la députée de Maisonneuve m'a rappelé que c'était la volonté même du ministre des Finances - qui, parfois, plane un peu haut -qui avait, au moment de l'annonce de cette mesure d'allocation de disponibilité, dit: Elle ne sera pas imposable parce que je ne veux surtout pas que le fédéral aille gruger là-dessus. Ce ne sont peut-être pas exactement ses termes, à la lettre, mais c'était vraiment l'esprit. Quand je dis que le gouvernement ou des membres du gouvernement ne sont peut-être pas réalistes et confondent peut-être certains objectifs, dans le cas présent, dans le cas du ministre des Finances et de sa hargne contre le fédéral, il reste qu'au fond des choses il faut voir qui on touche précisément. Je pense bien que cela n'a pas fait mal au fédéral, mais cela fait mal à d'autres gens quand on est obligé de récupérer des sommes. Enfin, on ne les récupère pas, mais si on ne les indexe pas en conséquence, c'est une autre forme de récupération à même les plus faibles.

M. le Président, sur la question du soutien du revenu, j'imagine que le supplément au revenu de travail entre dans cette rubrique? Est-ce que je me trompe?

M. Marois: Non, dans aucun des crédits qu'on a à voter ici. Cela entre dans les crédits du ministère du Revenu. Cependant, sur les politiques, sur l'évaluation du programme, sur les ajustements qu'il serait pertinent d'apporter, le ministre intervient par la loi même créant le programme.

Mme Lavoie-Roux: Comme cela, je peux me permettre de poser des questions puisque je pense que cela fait partie de l'ensemble du soutien du revenu, de toute façon, et particulièrement du revenu familial. Le ministre a sans doute pris connaissance d'un article de la Presse du 4 mars dernier, à savoir que seulement une minorité de personnes se prévaut du programme de supplément au revenu de travail. C'est un article de M. Gauthier, de la Presse, du bureau de Québec, qui semblait dire que l'objectif que le ministre s'était fixé ne semblait pas être atteint ou, du moins, qu'il semblait y avoir une espèce d'apathie de la part du gouvernement, à savoir que moins cela coûte cher, mieux c'est. Je vais citer le journaliste: "Le nombre des bénéficiaires est passé de 37 000 à 28 000, de 1979 à 1980, et les crédits alloués au programme cette année sont de 6 000 000 $ inférieurs à ceux de l'an dernier, alors qu'ils n'étaient pourtant que de 27 000 000 $." Il ajoute un peu plus loin: "Par ailleurs, même si la clientèle est essentiellement très mouvante et difficile à cerner, au dire même des administrateurs du programme créé en 1979, le gouvernement ne fait aucun effort particulier pour renverser cette tendance. On n'indique nulle part, dans la formule d'impôt ou dans les documents explicatifs qui l'accompagnent que les travailleurs à faible revenu peuvent s'en prévaloir. Le ministère du Revenu envisage tout au plus de faire paraître quelques messages dans les journaux à la mi-mars."

Au moment de sa présentation, cette loi portait symboliquement le no 1, si je me rappelle bien, M. le ministre, parce que c'était une première pierre dans toute une politique à développer sur la sécurité du revenu. Ce fut d'ailleurs présenté par le ministre d'État au Développement social. J'aimerais connaître les intentions réelles du ministre et du gouvernement à l'endroit de cette loi et de sa mise en application.

M. Marais: Je me permettrais d'abord...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: ... de rappeler que le projet de loi no 1 instaurant ce programme visait un triple objectif. On verra dans ce sens qu'il faut nuancer les propos que citait, tout à l'heure, Mme la députée de L'Acadie. Le premier, c'était d'améliorer la situation des travailleurs à faible revenu en leur accordant un supplément qui varie selon leur revenu de travail et leurs charges familiales. C'était une dimension importante. Deuxièmement, d'accroître l'incitation au travail des familles à faible revenu, y compris les assistés sociaux, en faisant en sorte que plus le ou les conjoints travaillent, plus le revenu disponible de la famille s'accroît. Troisièmement, d'améliorer l'équité du système de transferts gouvernementaux par rapport au système d'impôt sur le revenu des particuliers en établissant le calcul de la prestation d'un revenu minimum garanti sur la base d'un revenu annuel plutôt que mensuel, comme c'est le cas de l'aide sociale.

Lors de la première année de fonctionnement, d'après les chiffres qui ont été portés à ma connaissance - et là je pense que cela permet de corriger certains chiffres que donnait de bonne foi Mme la députée de L'Acadie, citant un article de journal - 27 900 ménages ont bénéficié du programme pour des déboursés de 16 700 000 $. Ce nombre est passé à 34 387 ménages en 1980, pour des déboursés de 19 500 000 $, et à 28 038 ménages en 1981 pour des déboursés d'environ 18 400 000 $. Donc, on voit une fluctuation. Cela ne correspond pas, cependant, aux chiffres mentionnés, mais, enfin, peu importe. Pour 1982-1983, les crédits sont de 23 131 600 $, le programme demeurant dans l'état où il est.

Mme Lavoie-Roux: C'est une diminution constante, finalement, depuis les trois dernières années.

M. Marois: Je vais revenir là-dessus. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: L'une des principales conclusions qu'on peut formuler après les trois premières années de fonctionnement du programme, c'est qu'il semble se poser effectivement un problème quant à l'effet incitatif du programme, effet incitatif au retour au travail des bénéficiaires de l'aide sociale. Cependant, il semble bien que l'autre dimension qui était visée, l'incitation à demeurer au travail, dans le cas des travailleurs à faible revenu, a été beaucoup plus largement atteinte.

Cela étant dit, on se souviendra également que la loi permet de hausser le pourcentage de supplémentation. Si ma mémoire est bonne, la loi prévoit que cela peut être entre 20% et 30%; cela a été effectivement établi à 25% au moment du démarrage et c'est demeuré 25%. Dans nos travaux actuels d'examen du programme d'aide sociale, on examine la possibilité - je ne sais pas si c'est la conclusion qu'on en tirera définitivement - d'une intégration du supplément au revenu de travail à un nouveau programme d'aide sociale.

Également, je voudrais pouvoir proposer des nouvelles modalités en vertu desquelles il serait possible de toucher la prestation du supplément au revenu de travail dans les premiers mois qui suivent le retour au travail. On sait que le programme permet à des gens d'obtenir un supplément au revenu de travail basé sur le revenu de travail, donc basé sur une année de travail. Cela avait été établi sur cette base, à la lumière des expériences vécues en particulier dans l'Ouest, où ils ont eu énormément de difficultés. (11 h 45)

Mais enfin, je pense qu'il faut examiner cela. Il y a un creux qui est dans la période de retour au travail, quant à la première année de retour au travail, période durant laquelle les gens n'ont pas droit au supplément au revenu de travail. Ils y ont droit la deuxième année, basé sur le revenu de travail de l'année antérieure. Il faudrait changer cela si on veut accroître l'effet incitatif du programme, en particulier en ce qui concerne les bénéficiaires d'aide sociale, parce que c'est une dimension qu'il nous faut absolument regarder, après maintenant trois années d'expérience. Donc, je pense que le programme a atteint certains de ses objectifs, il n'a pas atteint tous les objectifs qui étaient prévus au départ. Remarquez que c'est un peu normal en un certain sens parce que c'était une espèce de première. Il n'y a à peu près pas d'équivalent comme tel. Il y avait un programme américain et une ou deux expériences qui avaient été menées dans l'Ouest, en Saskatchewan, en particulier, si ma mémoire est bonne. Le programme manitobain, je dis cela sous réserve, m'avait semblé moins concluant que le programme de l'autre province. Donc, c'est la perspective

dans laquelle on travaille présentement.

Mme Lavoie-Roux: Alors, une révision de...

M. Marois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... la législation même, de certains points de la législation.

M. Marois: Si tant est qu'il faut aller jusque-là, si ça implique des ajustements législatifs.

Mme Lavoie-Roux: Eu égard à la remarque que peut-être le gouvernement ne fait pas suffisamment connaître cette mesure de supplément au revenu de travail, est-ce que, dans ce sens, le ministère et le ministre du Travail sont responsables de la sécurité du revenu, du soutien du revenu familial? Et dans le contexte d'une politique familiale dont on nous entretient beaucoup, est-ce qu'il entend prendre des mesures concrètes pour en rendre l'accès plus facile et mieux connu?

M. Marois: Très rapidement. En ce qui concerne l'information, on se souviendra qu'il y avait eu une très large information lors du démarrage du programme. Par la suite, il y a eu une information plus restreinte - si ma mémoire est bonne, honnêtement, il faudrait que je vérifie - sous forme de feuillets d'information, à l'occasion des déclarations d'impôts sur le revenu. Il ne semble pas -enfin ça reste à vérifier et je ne voudrais pas être absolu dans l'affirmation que je fais - que le problème de fond réside dans le fait d'une absence d'information adéquate, en ce sens que les gens qui y auraient droit n'en font pas la demande, d'après ce qu'on peut voir, mais au contraire, cela réside beaucoup plus, fondamentalement, autour des problèmes dont nous avons parlé tout à l'heure, c'est-à-dire de l'opportunité, de la nécessité ou pas d'élargir le programme pour le rendre plus incitatif, donc, par voie de conséquence, d'élargir la clientèle possible au programme, enfin, d'après les indications que j'ai pour l'instant.

Le Président (M. Bordeleau): Sur le même sujet, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Moi...

M. Marois: Je m'excuse. Pour l'information des membres de la commission, on m'informe que tous les ménages qui retirent des prestations de l'aide sociale durant l'année 1981-1982 ont reçu un dépliant - ça vient forcément du ministère -sur le supplément au revenu de travail, qui s'ajoute à l'information qui a été véhiculée par le ministère du Revenu. Ceci tendrait à confirmer ce que je viens de mentionner, c'est-à-dire que le problème n'en est peut-être pas un d'information, mais est peut-être collé à l'évaluation qu'il nous faut faire maintenant sur la base de l'expérience vécue du programme lui-même.

Mme Harel: Là-dessus, M. le ministre, j'aurais une suggestion très concrète à faire au ministère. Représentant un comté qui, normalement, a une population qui est susceptible d'être une clientèle pour ce genre de programme, j'avais pris un peu les devants et tenté, dans les journaux locaux qui sont quand même beaucoup lus, les journaux de quartier, de faire l'information sur l'admissibilité au programme. Je me rendais compte que, puisque c'est un programme qui a comme objectif de fournir une aide financière aux travailleurs à faible revenu, dans la réalité, ce n'était pas discriminatoire de penser qu'il s'agissait beaucoup plus de travailleuses à faible revenu. Compte tenu de ce qu'est le salaire minimum, 4 $ l'heure avec une moyenne de 40 heures/semaine, avec un revenu annuel d'environ 8000 $, dans des quartiers où il y a un nombre important de familles monoparentales - on me dit qu'il y a à peu près 28%, dans le quartier que je représente, de familles où le chef de famille est monoparental - la réalité, c'est que ce genre de programme dans le fond s'adresse aux travailleurs à faible revenu qui sont aux trois quarts des travailleuses à faible revenu. J'ai vraiment pensé qu'il y avait un problème de communication. De la manière dont l'information est faite, il n'est pas certain que les personnes qui sont admissibles savent que ce programme leur est adressé.

Je me suis demandé s'il ne serait pas opportun, avec l'envoi des chèques d'allocations familiales, puisqu'on rejoint là une clientèle qui peut être susceptible d'avoir droit au programme - l'admissibilité augmente suivant les charges familiales, suivant le nombre d'enfants - de faire parvenir l'information. On est devant un problème de communication au niveau du programme. C'est le ministère du Revenu, qui, je pense, en est le responsable. Pour ce qui est de la sécurité du revenu, vous intervenez simplement au niveau des normes, je crois, d'admissibilité. Je ne suis pas certaine qu'au ministère du Revenu ce soit leur préoccupation première, je suis loin d'en être certaine. Je pense vraiment qu'on rejoindrait beaucoup plus la clientèle si on le faisait par le biais de la famille.

M. Marois: Je prends note de la suggestion qui est faite. Je me demande, d'ailleurs, si cela n'a pas déjà été fait par le biais du programme d'allocations familiales -enfin, sous réserve - si ma mémoire est

bonne au début du programme, ce qui n'exclut pas que cela puisse être refait le cas échéant. La suggestion mérite d'être considérée.

Cela étant dit, prenant note de la suggestion et des commentaires qui recoupent aussi les commentaires de Mme la députée de L'Acadie, je n'en demeure pas moins convaincu qu'après trois ans de fonctionnement il faut aussi maintenant revenir sur le programme lui-même, sur le fond même, afin de voir comment on pourrait le bonifier, le rendre plus accessible. Je crois que le fondement du programme demeure très valable et je crois qu'il s'impose à partir de maintenant qu'on puisse procéder à une évaluation beaucoup plus serrée et, le cas échéant, aux ajustements qui pourraient s'imposer surtout dans la perspective d'une réforme de l'aide sociale.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur ce programme. Est-ce que le plafond d'admissibilité a été indexé annuellement?

M. Marois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, il y avait aussi le fait qu'il n'y avait pas de différence selon qu'on avait deux ou trois enfants. Est-ce que cela a été modifié? Le plafond qui était prévu allait jusqu'à deux enfants; il n'y avait pas de modifications pour un troisième ou un quatrième enfant. Je me demande si cela a été corrigé.

M. Marois: Je ne pense pas que cela ait été corrigé.

Mme Lavoie-Roux: Ils ne le savent même pas. Cela a-t-il été corrigé, Mme la députée de Maisonneuve? Oui?

Mme Harel: II y a un maximum...

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Maisonneuve. M. le ministre.

M. Marois: Ce n'était pas tellement la correction qui m'amenait à me poser des questions, c'était le niveau du seuil d'allocation nulle et de la taille du ménage parce que je demeurais convaincu que cela incluait le troisième enfant. Sous réserve de vérifier, cela inclut le troisième enfant. Et depuis le point de départ...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: ... je ne crois pas qu'il y ait eu de correction. Donc, cela ne s'arrêtait pas passé le deuxième enfant, cela incluait le troisième.

Mme Lavoie-Roux: Je veux dire: Est-ce que les plafonds sont déplacés en fonction du nombre d'enfants?

M. Marois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Indéfiniment?

M. Marois: Jusqu'au troisième enfant.

Mme Lavoie-Roux: Pas après le troisième enfant.

M. Marois: Non.

Mme Lavoie-Roux: C'est là qu'il y aurait peut-être une correction à apporter, M. le ministre. Parce que si vous en avez quatre, il me semble que cela...

M. Marois: Vous pensez vraiment que c'est là le coeur du problème...

Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas le coeur du problème, mais c'est...

M. Marois: ... les quatre enfants?

Mme Lavoie-Roux: ... peut-être une chose qui peut être modifiée par règlement, tout simplement. Je ne sais pas si c'était prévu dans la loi ou par règlement. Par règlement, probablement.

M. Marois: Je crois que c'était par règlement, si ma mémoire est bonne, sous réserve de vérifier.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est dans ce sens-là, de l'élargir pour...

M. Marois: Inclure le quatrième.

Mme Lavoie-Roux: ... le quatrième et ceux qui suivent. Cela n'arrive plus souvent, mais il y en a quand même, on a vu cela.

M. Marois: Le quatrième.

Mme Lavoie-Roux: II y a un certain pourcentage dans les allocations familiales, je pense que c'est à peu près 2% des gens qui ont quatre enfants. Je suis prête à adopter les éléments 1 et 2 du programme 5.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, les éléments 1 et 2 du programme 5 sont adoptés. Donc, le programme 5 serait adopté.

M. Rivest: Je m'excuse auprès du ministre. Sur l'évocation que le ministre a faite tantôt de changer la modalité de calcul sur le programme pour permettre de

prolonger, même lorsque la personne obtient un emploi, vous avez dit que vous regardiez en ce moment, le programme de supplément de revenu. Est-ce que vous avez une idée des coûts additionnels qu'une telle mesure comporterait?

M. Marois: Non, je ne peux honnêtement pas répondre pour l'instant à cette question.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, programme 5 adopté. J'appelle donc maintenant le programme 6.

Allocations de maternité

Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question sur le programme 6, M. le Président. Tout à l'heure, au début de mes remarques, j'ai parlé de l'augmentation du travail à temps partiel. Je pense que le gouvernement actuel s'est engagé à prévoir, pour les travailleurs et travailleuses à temps partiel, des avantages sociaux équivalents, compte tenu du temps travaillé, à ceux des travailleurs et travailleuses à temps plein. Où en est rendu le gouvernement dans cette réflexion sur une promesse électorale qu'il a faite à plus d'une reprise et, particulièrement, en ce qui a trait aux allocations de maternité? Même s'il n'envisageait pas un ensemble d'avantages sociaux pour les travailleurs à temps partiel, quoiqu'on pourrait revenir pour un plus long débat là-dessus, en ce qui touche les allocations de maternité, est-ce que le gouvernement a une intention assez immédiate d'examiner ce problème?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Je n'aime pas, en général, donner un échéancier très précis...

M. Rivest: En effet.

M. Marois: ... connaissant le fonctionnement à la fois des machines administratives et politiques. Mais, sur cette question, en ce qui concerne la part où il est possible à notre ministère d'intervenir, je sais que, d'ici un ou deux mois, l'équipe du ministère sera à même de me présenter un projet qui pourrait supposer vraisemblablement des ajustements législatifs, donc un projet de loi. Je verrai partant de là, la portée du projet et l'opportunité de le soumettre au Conseil des ministres et là s'enclenche le processus décisionnel.

Mme Lavoie-Roux: Dans l'ensemble des avantages sociaux pour le travail à temps partiel.

M. Marois: C'est cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Marois: Alors, j'essaie dans les meilleurs délais, malgré les remarques du député de Jean-Talon.

M. Rivest: À ce sujet, si je pouvais vous faire signer un échéancier, je serais tellement heureux. Ce n'est pas cela. Est-ce que, là-dessus, vous avez pris connaissance des documents qui ont été publiés par la ministre déléguée à la Condition féminine sur le temps partiel et, deuxièmement, par le Conseil du statut de la femme qui a également publié des études à cet égard qui, au souvenir que j'en ai, concluaient, à toutes fins utiles, à une opposition assez forte au principe même du travail à temps partiel puisque, comme notre collègue l'a signalé tantôt, c'est un problème lié à la condition féminine? Je vous dis cela parce que dans la fonction publique... (12 heures)

M. Marois: Je vous comprends très bien.

M. Rivest: ... lors de notre commission

Bisaillon, comme on l'appelle, c'est une question qui a été largement et longuement débattue.

M. Marois: Premièrement les ministères travaillent ensemble. Je veux dire que, chez nous, les gens travaillent avec ceux du ministère d'État à la Condition féminine sur cette question. Voilà pour la première partie de la question. Deuxièmement, bien sûr, on a pris connaissance des documents émanant du ministère d'État à la Condition féminine et également des documents émanant du Conseil du statut de la femme. Il y a là aussi des choix qui reposent sur des valeurs et des conceptions. Je ne suis pas là pour en imposer une plutôt que l'autre. L'engagement que nous avions pris n'était pas de favoriser tel choix plutôt que tel autre, c'était de prendre acte du fait que des gens et particulièrement des femmes travaillent à temps partiel et que se pose, par voie de conséquence, en toute justice, l'occasion de faire en sorte qu'elles aient droit à l'ensemble des avantages sociaux que d'autres peuvent avoir par ailleurs. C'est ce sur quoi nous travaillons laissant les gens libres de faire leur propre choix.

M. Rivest: Est-ce que vous me permettez une dernière question? L'un des aspects auxquels sans doute vous avez réfléchi, c'est qu'il n'y a pas juste la question des avantages sociaux qui, possiblement, doivent être octroyés sur une base de prorata au temps travaillé. Le

problème, en termes de promotion de la condition féminine, est celui de l'avancement autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Une personne qui travaille à temps partiel, parce que des conditions objectives et de fait l'amènent à faire ce choix, lorsqu'il arrive au sein de son unité une promotion, un concours de promotion ou un avancement quelconque - je ne sais pas comment vous allez régler cette difficulté -est forcément désavantagée, d'autant plus si elle est haut dans la structure. C'est difficilement concevable - autant dans le secteur public que dans le secteur privé -qu'une personne accède à des fonctions de gérance ou de direction et qu'elle le fasse à temps partiel. C'est là l'argument de base de la ministre d'État à la Condition féminine, du Conseil du statut de la femme et même des centrales syndicales qui s'opposent assez fortement; je sais que le Syndicat de professionnels du gouvernement s'est déjà exprimé à maintes reprises à ce sujet.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: C'est pourquoi, sur la question du travail à temps partiel, j'ai mentionné les avantages sociaux, j'aurais dû aussi parler des conditions de travail, ce qui inclut forcément la question que soulève en bonne partie le député de Jean-Talon, la question de l'avancement. Donc, on travaille aussi sur cette dimension du problème. C'est vrai que ce n'est pas facile à résoudre surtout rendu à certains niveaux, quand vous évoquez, par exemple, les questions de gérance. Cependant, il y a aussi des limites qui sont inhérentes au choix que des gens font. Je ne peux pas défaire les limites qui sont inhérentes à des données de fait. Là-dedans, on essaiera d'agir le mieux possible à la lumière des difficultés qui sont inhérentes au problème. Ce qui me paraît extrêmement important, c'est que les gens qui choisissent de travailler à temps partiel dans les limites de ce contexte-là ne soient pas désavantagés sur le plan de leurs conditions de travail en général et sur le plan des avantages sociaux.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci, M. le Président. J'aimerais savoir du ministre quel est le facteur qui fait qu'au niveau des demandes, au programme des allocations de maternité, depuis les trois dernières années, depuis la naissance du programme, il y a une décroissance. Est-ce que c'est la même chose au niveau des allocations versées? Est-ce que les allocations versées sont proportionnelles aux demandes? Et quels seraient les facteurs? Est-ce qu'il y a eu une étude démographique de faite? Est-ce que la diminution du nombre de demandes serait attribuable à un moins grand nombre de naissances ou s'il n'y a pas d'autres facteurs qui pourraient nous permettre de comprendre ou d'analyser le phénomène?

M. Marois: Concernant les demandes reçues, si je regarde les chiffres qui sont à ma disposition, il y a effectivement une légère diminution, entre 1979-1980 et 1980-1981, d'environ 1000 demandes. Cela s'est légèrement accentué en 1981-1982, il y a un écart d'un peu plus de 4000, 4200, 4300. Je pense que c'est relié - c'est l'explication qu'on me donne - simplement, d'une part, à la situation économique et, d'autre part, à la maternité. Je pense que les deux facteurs conjugués expliquent cette situation.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, je pense que c'est cet après-midi qu'on va examiner de plus près les crédits de la Commission des normes du travail? En fait, c'est la commission qui applique l'ordonnance 17 sur le congé de maternité.

M. Marois: Ce serait jeudi.

Mme Harel: Ce serait jeudi. Il y a toute la question reliée au temps partiel qui est sans doute le plus bas dénominateur commun entre tous les groupes de femmes au Québec qui, sûrement, ne veulent pas inciter au temps partiel, mais protéger le temps partiel. Ce n'est pas le cas dans le cadre de la loi no 126 sur les normes minimales de travail; on pourrait peut-être revenir là-dessus jeudi. On pourrait revenir sur le congé de maternité également, parce qu'il y a des cas qui ont été portés à mon attention à ce sujet. Certains employeurs considéreraient le congé de maternité, en vertu de l'ordonnance 17, comme un congé de maladie, ce qui amènerait la bénéficiaire qui a la garantie d'emploi, qui retourne au travail, à voir, par exemple, sa banque de congés de maladie non seulement diminuée mais épuisée effectivement. Cela amènerait également la bénéficiaire à ne pas pouvoir bénéficier des congés fériés ou encore des vacances durant le temps dévolu à son congé de maladie - à son congé de maladie, quel lapsus épouvantable - à son congé de maternité.

M. Marois: Si tel était le cas, il m'apparaît que ce serait complètement illégal, complètement contraire à la loi et, par voie de conséquence, il y a tout de suite une possibilité de recours prévue par la loi. Je ne les ai pas en tête, je vais vérifier les chiffres, les faire sortir. Au moment où on aura parmi nous les représentants de la

Commission des normes du travail, on leur demandera, sur la base des plaintes reçues, si effectivement on décèle ce problème. Est-ce qu'il y a une indication dans ce sens-là? J'avoue honnêtement qu'au moment où on se parle je n'ai pas relevé les chiffres pour ce matin; donc, je ne le sais pas; on pourra le vérifier d'ici jeudi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: C'est cet après-midi, d'ailleurs, qu'on étudiera les crédits de la commission des normes, mais sur ces deux aspects comme sur d'autres, est-ce que le ministre...

M. Marois: On me permettra de vérifier les disponibilités du président.

M. Rivest: D'accord. Parfait, s'il n'a pas d'objection, on le fera cet après-midi. Un aspect également sur lequel je voudrais qu'on s'attarde, c'est le respect des normes minimales de travail. Ma collègue de L'Acadie me signale qu'il semble y avoir énormément de problème. Je voudrais que le ministre, au moment où on y arrivera, précise les mesures qu'il prend pour s'assurer qu'effectivement les normes minimales sont respectées.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Programme 6, adopté?

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. J'appelle donc le programme 7, Prestations d'aide sociale. Mme la députée de L'Acadie.

Prestations d'aide sociale

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense que c'est un dossier où le gouvernement ne mérite pas d'étoile. On se retrouve avec 550 000 personnes qui vivent des prestations de l'aide sociale, sinon davantage au moment où on se parle, évidemment à cause d'une situation économique - "déprimante" n'est plus assez fort - presque catastrophique. Je voudrais rappeler au gouvernement ce que j'ai dit au mois de décembre, que les prestations de l'aide sociale se situent d'une façon générale à 100 $ en dessous du seuil de pauvreté selon les normes établies par le "Diet Dispensary", qu'on appelle maintenant le Dispensaire de Montréal. La loi 101 l'a traduit, mais je ne sais pas exactement le nom, tout le monde sait ce à quoi je fais référence. C'est l'organisme qui établit le seuil de pauvreté le plus bas. Si on le compare, par exemple, aux normes de pauvreté établies par le Sénat canadien ou par d'autres organismes canadiens, c'est le seuil de pauvreté le plus bas. Alors, tous les bénéficiaires se situent à 100 $ en bas du seuil de pauvreté, quand ce n'est pas davantage. Pourtant, le gouvernement semble - on y reviendra, je vais poser des questions précises au ministre là-dessus - procéder avec la rigueur administrative - je ne lui en veux pas - mais certainement avec beaucoup de dureté à l'égard des bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que ce n'est pas sans raison qu'ils ont fait une manifestation ici devant l'Assemblée nationale, qui était d'ailleurs un mouvement qui s'est répercuté dans l'ensemble du Québec, à peu près dans toutes les régions, sinon dans toutes les régions. C'est peut-être la première fois qu'il y avait une manifestation de cette envergure. Rappelant ce que je disais au début, le risque est toujours grand que, dans un effort de récupérer de l'argent, on le fasse peut-être avec plus de dureté à l'égard de ceux qui en ont le moins.

Je voudrais, tout d'abord, demander au gouvernement, qui prévoit une augmentation de 17,10% du budget, si on a tenu compte à la fois de l'indexation prévue, qui peut être de l'ordre de 10% parce qu'elle a tendance à diminuer, et aussi de l'augmentation du nombre. Est-ce qu'il prévoit qu'à 100 000 $ près il aura les crédits suffisants pour répondre aux besoins? C'est ma première question. Ou est-ce qu'on va faire comme d'habitude, au mois de décembre, aller chercher une somme beaucoup plus élevée?

M. Marois: Oui, M. le Président, on aura l'occasion de revenir sur un élément des remarques préliminaires de la députée de L'Acadie.

Concernant la question globale des compressions, il y avait des ajustements qui s'imposaient, me semble-t-il, compte tenu de l'entrée en vigueur de nouveaux programmes administrés par l'assurance-maladie, de certains nouveaux programmes administrés par le ministère des Affaires sociales aussi, pour éviter que ne s'accumulent des trop-perçus. Il y avait des ajustements à faire. Mon objectif n'a certainement jamais été d'être injuste de quelque façon que ce soit. Si tant est, je l'ai déjà dit et je le répète, qu'on me démontrait qu'en voulant être équitable dans certains cas, parce que certaines dimensions de fait nous auraient échappé, on aurait contribué à créer certaines injustices, je suis prêt à les réexaminer et à formuler les recommandations qui me sembleraient pertinentes par voie de conséquence au Conseil des ministres. (12 h 15)

Deuxièmement, on aura noté - j'ai eu l'occasion de rencontrer récemment certains porte-parole de groupes d'assistés sociaux, et eux l'ont noté - depuis le temps que c'était

demandé, qu'enfin, et dans un contexte qui n'est pas facile, on avait réussi à introduire l'indexation trimestrielle. L'indexation trimestrielle est un élément extrêmement important et c'était réclamé depuis longtemps pour les assistés sociaux. Cela a un effet important sur l'ajustement. Quand on compare - c'est le tableau que je cherchais - ce qu'aurait été l'indexation selon la méthode traditionnelle, les montants que cela aurait donné au 1er janvier, on s'aperçoit que, pour l'essentiel, dans presque tous les cas, dès le 1er juillet, non seulement le montant en argent a été rattrapé, mais le montant de prestations est plus élevé. Forcément, quand on arrive en octobre, c'est encore davantage le cas. Dans la non-indexation des allocations familiales, je me permets de rappeler aussi qu'on ne l'a pas fait dans le cas des assistés sociaux. On a donc tenu compte de ces montants qui sont aussi ajoutés. Est-ce qu'on aura besoin d'un budget supplémentaire à l'automne? Si ma mémoire est bonne, compte tenu de la taille de ce budget, on a dû demander un budget supplémentaire de 57 000 000 $ sur un budget 1981-1982 de 1 184 000 000 $. J'ai les ordres de grandeur en tête, je n'ai pas les chiffres précis en tête, ce qui signifie quand même que les calculs ont été faits de façon beaucoup plus rigoureuse, beaucoup plus serrée. Cependant, je ne peux pas demander l'impossible aux gestionnaires; 57 000 000 $ sur 1 130 000 000 $, environ, je présume, ce n'était pas un montant énorme. 57 000 000 $, ce ne sont pas des bricoles, ce n'est pas ça que je veux dire. Mais les gens ont fait un travail qui me paraît être très rigoureux et le budget ou les crédits de cette année ont été préparés sur les mêmes bases, de sorte que, toutes choses étant égales, je ne prévois pas que le budget supplémentaire serait d'un ordre disproportionné par rapport à celui qui a pu être présenté à l'automne.

Il y a toujours, forcément, des ajustements. Tout le monde le sait. Les économistes n'en finissent plus de se contredire sur l'évolution de la crise, sur son rythme, sur l'ampleur, sur la régression et le reste; forcément, ça n'est pas sans toucher la clientèle. Et je me permettrais une dernière remarque. On travaille là-dessus. Je n'ai pas toutes les solutions faites d'avance et ce n'est pas une question facile. C'est pour ça, fondamentalement, que ça prend plus de temps que je ne l'avais prévu au point de départ. Je me permets de rappeler qu'en 1976 le budget de l'aide sociale était de l'ordre de 500 000 000 $. Il atteint, dans nos crédits pour 1982-1983, 1 386 000 000 $, presque 1 400 000 000 $. La clientèle a augmenté; la clientèle augmentait et a aussi changé de nature.

On me dira: Ne commencez pas à tomber dans les chicanes fédérales- provinciales. Je ne le veux pas, mais on ne peut pas éviter les faits. L'évolution du programme d'assurance-chômage notamment, les changements qui ont été apportés en 1968, si ma mémoire est bonne, les changements qui sont survenus par la suite et d'autres changements qui nous sont annoncés, mais dont on ne connaît pas le détail, à part les études dont on a eu l'occasion de discuter avec notre collègue fédéral, M. Axworthy, à l'automne, en septembre, nous indiquent qu'on s'en va encore dans une perspective de resserrement. Forcément, cela a un effet de déplacement de clientèle vers l'aide sociale, tant et si bien que ce programme qui avait été conçu au point de départ, on s'en souviendra, comme un programme devant assurer un minimum est basé sur des seuils qui, à mon avis et, je crois, de l'avis de tout le monde, on doit le dire, demeurent discutables parce que ce sont les plus maigrichons d'après les bases d'évaluation des seuils économiques de pauvreté.

Il y a des gens qui vivent de l'aide sociale... Des fois, on se demande pourquoi il y a des phénomènes de travail au noir etc. Il n'en reste pas moins que, dans ce contexte, il nous faut concilier le fait que, tranquillement, par un certain nombre de décisions qui ne nous appartiennent pas, le programme s'est transformé. On peut bien se chicaner sur les pourcentages, c'est certainement au moins 50% de la clientèle de l'aide sociale aujourd'hui qui se trouvent à constituer, en quelque sorte, un programme d'assistance-chômage québécois, de gens qui sont aptes au travail, qui veulent bien plus souvent qu'on le pense, malgré les préjugés trop souvent véhiculés, aller au travail, travailler, à condition que l'emploi ait une chance, un jour, d'être durable. À côté, vous avez aussi des gens qui, pour toutes sortes de raisons, indépendantes de leur volonté, ne pourront jamais apporter ce genre de contributions, auxquels une société qui se respecte doit, dans une perspective de redistribution un peu équitable de la richesse, assurer un minimum décent. C'est une équation qui n'est pas facile à régler dans ce contexte de partage de juridictions. Je le dis simplement comme je le pense. C'est un problème, tout le monde le sait, qui me préoccupe beaucoup.

On cherche présentement, sur une base expérimentale, à développer, comme on l'a fait depuis quelques années, un certain nombre de programmes facilitant le retour au travail qui donnent des résultats et qu'il nous faut évaluer avec ceux et celles qui sont concernés, c'est-à-dire les assistés sociaux; il nous faut ouvrir cette perspective de retour au travail, parfois en passant par de l'emploi temporaire, parfois en allant directement vers de l'emploi permanent. Il faut maintenir les deux perspectives

ouvertes. Mais je pense qu'il faut aller plus loin que cela. C'est pour cela que tout à l'heure, discutant du supplément au revenu de travail, j'évoquais la perspective d'une réforme beaucoup plus en profondeur du programme de l'aide sociale qui pourrait nous permettre, je l'espère, d'en faire, pour ceux et celles pour qui cela répond à ce besoin et qui, pour toutes sortes de raisons indépendantes de leur volonté, demeureront, comme on le dit, inaptes au travail - ils ne peuvent pas travailler - un véritable programme de revenu minimum garanti. Foncièrement, cela veut dire aussi qu'on doit regarder l'ensemble des ressources dont ont dispose comme société et qu'on n'exclut aucune hypothèse pour y arriver, si tant est que c'est possible dans le cadre des ressources fiscales, financières, budgétaires dont on dispose. Mais, en même temps, on doit trouver le moyen d'aller beaucoup plus loin à partir des expériences qu'on a menées. Il me semble qu'on peut envisager la perspective d'ouvrir un retour au travail pour ceux et celles qui sont aptes au travail et qui, encore une fois, veulent bien plus souvent qu'on le pense retourner au travail.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme le ministre répond assez longuement à mes questions, j'ai envie de lui en énumérer...

M. Marois: Je m'excuse, parce que...

Mme Lavoie-Roux: ...une série et on pourra peut-être toutes les prendre. C'est évident que les coûts de l'aide sociale ont augmenté puisque, selon les statistiques gouvernementales, les bénéficiaires de l'aide sociale - je pense qu'on parle des ménages -en mai 1977, étaient de 224 000 ménages et on est rendu à 313 000 ménages en mai 1982. Il semble que le ministre nous ait dit aussi que les prévisions qui ont été faites sont basées sur les prévisions de l'année qui vient de s'écouler. Alors, il se peut fort bien qu'on arrive avec des chiffres plus élevés si la situation économique continue de se détériorer.

Maintenant, il a parlé de l'indexation. J'aimerais, pour ne pas qu'on entre dans une chicane de chiffres, peut-être que ces messieurs, en arrière, qui ont toutes les machines à calculer nous le disent. D'ailleurs, ce n'est pas un gros calcul à faire. L'indexation en soi, je suis d'accord avec le ministre, est une demande que les assistés sociaux faisaient depuis un bon bout de temps. Dans ce sens-là, c'est une mesure positive, mais ce qu'il ne faudrait pas que le ministre oublie, c'est que, contrairement à d'autres, par exemple si on pense à la pension de vieillesse qui a été indexée, on n'a pas fait porter aux assistés sociaux le poids de l'indexation. C'est-à-dire que la journée où on a décidé d'indexer la sécurité de vieillesse, on n'a pas commencé à la couper, on a donné l'indexation qui était due pour l'année et on a commencé à l'indexer trois mois après trois mois, ce qui était une véritable indexation.

Ce qu'on fait présentement, c'est qu'ils ont perdu un 4% au mois de janvier, un 4,6%, mais parlons de 4% pour ne pas entrer dans les détails. L'inflation était de 12,6%, on les a indexés à 8%. Maintenant, si l'indexation, comme l'an dernier, devait être de l'ordre de 12,6% c'est évident qu'à la fin de l'année ils auront gagné plus que si elle n'avait pas été indexée trimestriellement. Mais, si elle était en bas de 12%, si elle était de l'ordre de 10% comme on le prévoit souhaitons-le-nous, en tous les cas, l'inflation semble vouloir baisser un peu - à ce moment-là, il y aura une partie des 12,6% qu'ils n'auront jamais récupérée en dépit de vos calculs. Si vous voulez faire le calcul sur une base d'indexation moindre que les 12,6% que, normalement, ils auraient dû recevoir au mois de janvier, on va peut-être se rendre compte qu'au bout de la ligne ils ne sont pas aussi gagnants. Mais il reste que le principe même de l'indexation trimestrielle, je pense que c'est un bon point.

Voici les questions précises que je voudrais poser au ministre. D'abord, cela fait deux ou trois fois qu'il dit: On est à réviser la Loi sur l'aide sociale. L'an dernier, on nous avait dit cela, au mois de décembre on nous l'avait dit au moment de l'étude de la loi 30. Où en êtes-vous rendus? Il faudrait aussi réviser les barèmes de l'aide sociale et non pas seulement l'indexation, cela fait plusieurs fois qu'on en parle. Les barèmes ont été revus en 1974, je ne pense pas qu'ils aient été revus depuis ce temps-là.

Ma deuxième question porte sur la réinsertion sur le marché du travail. Le ministre peut-il nous dire dans quelle mesure l'entreprise a été un succès? Non pas d'une façon temporaire parce que autant je suis d'accord avec le ministre qu'on joue au ping-pong entre les provinces et le fédéral sur l'assurance-chômage et l'aide sociale, autant je pense aussi que très souvent le gouvernement du Québec - peut-être les autres aussi - provoque des situations où finalement on crée de l'emploi pour quatre mois ou le nombre de semaines requises, jusqu'à ce que les gens puissent être reversés à l'assurance-chômage et, par voie de représailles, le gouvernement fédéral rétrécit ou allonge la période d'admissibilité à l'assurance-chômage et alors les renvoie au Québec pour un certain temps. Là-dessus, je suis bien d'accord qu'il y a un manque de cohérence. Voici ma question précise que

j'adresse au ministre. Dans quelle mesure ses projets ou ses plans de réintégration des bénéficiaires de l'aide sociale ont un résultat permanent et non pas un résultat de quatre ou cinq semaines, et, dans ce sens, quelles sont les conditions pour que la politique du bon d'emploi de 3000 $ soit accordé pour obtenir un emploi?

M. Marois: Quelles sont les..?

Mme Lavoie-Roux: Quelles sont les conditions pour qu'un employeur puisse profiter du montant de 3000 $? On m'a dit -je pourrais apporter les preuves au ministre -que ce ne sont pas nécessairement des emplois permanents que l'on crée, ce sont des emplois dans des programmes temporaires où finalement l'une des conditions est que vous soyez employé durant 20 semaines. Alors, je ne pense pas qu'on crée ainsi beaucoup d'emplois, sauf qu'on va les remettre sur l'assurance-chômage à l'autre bout, comme j'ai dit, le ping-pong entre les deux niveaux de gouvernement.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie, je m'excuse. (12 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez terminé? Non? Vous avez d'autres questions?

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'en ai d'autres.

Le Président (M. Bordeleau): II faudrait demander le consentement pour continuer quelques minutes, ce qui nous permettrait peut-être, s'il n'y a pas d'autres questions, d'adopter le programme 7 avant de suspendre. Vous avez d'autres questions? Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on continue quelques minutes, au moins pour répondre aux autres questions?

Mme Lavoie-Roux: J'ai d'autres questions sur l'aide sociale qui touchent la loi no 30. Combien de commissaires-enquêteurs - je vais les appeler comme cela - ont été nommés depuis l'adoption de la loi no 30? Peut-on me dire quelle somme d'argent reçue par fraude a été récupérée, et cela touche quel pourcentage de bénéficiaires de l'aide sociale? Un dernier point sur l'aide sociale: Où en êtes-vous avec vos plans d'intégration du service de bien-être social de la ville de Montréal au ministère du Travail? J'en aurais bien d'autres, mais on commence par cela.

M. Marois: Sur l'indexation trimestrielle, il y a plusieurs façons, c'est vrai, d'amorcer une réforme comme celle-là. Les uns me proposaient - c'est vraiment les choix devant lesquels j'étais, compte tenu de la situation budgétaire d'ensemble aussi d'introduire une indexation trimestrielle, en partant en desssous, en écartant toute forme d'indexation le 1er janvier. Les autres me proposaient essentiellement ce que Mme la députée de L'Acadie vient de dire, soit le plus qui signifiait - je ne me souviens plus, je ne voudrais pas vous induire en erreur -

Mme Lavoie-Roux: 12,6

M. Marois: 12,4 exactement, le 1er janvier, qui représentait environ 200 000 000 $ et, en plus, il fallait procéder à un certain nombre de compressions, et cela sur l'année budgétaire. Au lieu de faire les compressions sur l'année budgétaire 1982-1983, c'est moi-même qui ai proposé au Conseil des ministres d'amorcer le processus en essayant de le faire de la façon la plus équitable possible et à une condition: d'amorcer le processus non pas au début de l'année financière 1982-1983, c'est-à-dire le 1er avril, mais de le faire dès le 1er janvier, mais à la condition d'introduire l'indexation trimestrielle. Je ne dévoile rien, ce sont des secrets de polichinelle; de toute façon, il y a tellement de trous dans nos tables que tous les papiers sortent.

Mme Lavoie-Roux: Avec la loi sur l'accès à l'information, c'est important.

M. Marois: C'est transparent, vraiment, et cela sort de partout; à condition que ce soient les bonnes informations, je n'ai pas d'objection, quoique, des fois...

Mme Lavoie-Roux: Cela appartient à tout le monde, ce type d'informations.

M. Marois: Bien sûr, mais quand il n'y a pas de décision de prise, des fois...

Mme Lavoie-Roux: On sait cela juste après.

M. Marois: ... cela peut être ennuyeux, même lorsqu'on a de bonnes intentions pour atteindre les objectifs poursuivis. Ceci étant dit, j'ai proposé de retenir une formule intermédiaire, et c'est moi qui l'ai proposée, pour sauver le principe même de l'introduction de l'indexation trimestrielle, en période où on me disait: Mais c'est strictement impossible d'y arriver, compte tenu des coûts; ce n'est pas sérieux de nous proposer une chose comme celle-là. Il me semblait qu'en procédant à un certain nombre de compressions, encore une fois parce que des choses devaient être réajustées, que des programmes nouveaux existaient ailleurs, on devait essayer de le faire de la façon la plus équitable possible. Si nous avons commis des injustices là-

dedans, je suis prêt à les regarder.

Je pourrais prendre plusieurs exemples sur la base des chiffres que j'avais à ma disposition à ce moment-là, donc, purement en tenant compte des projections qui pouvaient être faites du taux d'inflation, projections qui sont non seulement confirmées, mais projections qui sont à la hausse, les faits étant à la hausse par rapport aux projections. Par exemple, dans mes projections, on prévoyait une indexation de 2,46 le 1er juillet. Je peux vous annoncer que l'indexation sera de 2,9; donc, les montants que je vais vous donner sont déjà sous-évalués, c'est plus que cela que les gens vont avoir. Je peux prendre n'importe quel exemple: un adulte et deux enfants qui touchaient, au 31 décembre 1981, 487 $ de l'aide sociale. Si on avait indexé de 12,4%, ils auraient touché 548 $, selon les chiffres que j'avais en main au moment où on a procédé à la réforme, mais avec l'indexation de 8% ils touchaient, au 1er janvier, 527 $ et au 1er avril, 540 $. Nous sommes rendus, à toutes fins utiles, à 548 $.

Mme Lavoie-Roux: On a indexé de combien au 1er avril?

M. Marois: Au 1er avril, on a indexé de 2,3%.

Mme Lavoie-Roux: 2,3%. Et 2,9% pour le mois de juillet.

M. Marois: Je prévois 2,9%. Dans mes calculs, prévus à 2,46%, j'arrivais à 553 $. J'avais donc déjà dépassé au 1er juillet les 548 $ provenant des 12,4% d'indexation. En d'autres termes, en retenant une formule moyenne, j'arrivais, me semble-t-il, à introduire la formule et à ne pas pénaliser les gens. Selon les calculs que nous avons faits, si tant est que c'est vrai que l'inflation prend une plonge présentement aux États-Unis, comme on est importateur pour beaucoup d'inflation nord-américaine au Québec, avant que l'effet de l'inflation arrive au Québec, il allait se passer un bon bout de temps. Les uns disent trois mois, les autres disent six mois, je pense que cela pourrait être plus que cela dans la conjoncture actuelle; jusqu'à maintenant, sur la base de ce qu'on a là, effectivement, c'est exact.

C'est vrai cependant, en toute honnêteté - Mme la députée a parfaitement raison de le dire - que si on avait introduit le 1er janvier une pure et simple formule d'indexation trimestrielle, les montants auraient été plus élevés. C'est tout à fait exact. Seulement, je crois que dans la conjoncture budgétaire jamais aucun gouvernement n'aurait pu le faire, à cause des coûts de démarrage au point de départ. C'est cela, ma conclusion.

Mme Lavoie-Roux: Juste un point. Est-ce que le ministre peut m'assurer que, si l'indexation avait été donnée entièrement au mois de janvier et que, par hasard, l'inflation annuelle était en bas de 12,4%, de l'ordre de 10% ou de 10,5%, il n'y aurait pas un manque à gagner par rapport aux 12,4% qu'ils auraient eus normalement?

M. Marois: Pas du tout. Ce sera plus gros. Forcément, dès le 1er juillet, ce sera plus gros. Déjà, au 1er juillet, on a défoncé les 12,4%.

Mme Lavoie-Roux: Si vous calculiez...

M. Marois: C'est simplement en le calculant sur la base des données dont je disposais à l'époque. On sait qu'actuellement le rythme d'inflation est plus élevé que ce qui avait été prévu au point de départ. Je vous donne simplement l'exemple du tableau que j'avais à ce moment, en novembre ou décembre, si ma mémoire est bonne, pour le 1er juillet, on prévoyait 2,46%. Or, je peux vous dire tout de suite que ce sera 2,9%.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est une inflation d'à peu près 10% pour l'année. Vous avez eu 2,3% ou 2,2%, et là, vous avez 2,9% pour deux trimestres.

M. Marois: Mais il reste encore octobre.

Mme Lavoie-Roux: Oui, qui va vous donner...

M. Marois: On verra quand nous serons rendus en octobre. Je peux vous annoncer juillet.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Marois: On verra quand nous serons rendus en octobre. Ce que je sais, c'est un calcul mathématique, mais sur la base des données d'inflation les chiffres que j'ai révèlent que déjà, au 1er juillet, aucun assisté social ne se retrouvera en dessous; ils vont tous être en haut d'une indexation qui aurait été de 12,4%, tel que prévu le 1er janvier.

Mme Lavoie-Roux: Au mois de janvier prochain, ils n'auront pas 10%, si l'inflation est de 10%, ils auront encore 3%. Les premiers 4%, ils ne les récupèrent pas.

M. Marois: Oui, bien sûr, sauf qu'au 1er janvier, à cause du phénomène de l'indexation trimestrielle, ils vont partir à un niveau plus élevé que ce qu'aurait été le point de départ de janvier prochain s'il n'y avait pas d'indexation trimestrielle, forcément. Prenons n'importe quel cas, celui

que j'évoquais, une personne qui avait 487 $ le 31 décembre, qui serait passée, avec 12,4% le 1er janvier, à 548 $, va vraisemblement recevoir autour de 570 $ en octobre. Donc, forcément, elle va partir à un niveau plus élevé. Essentiellement, c'est le tableau d'une ligne d'indexation qui est traditionnellement horizontale et qui maintenant se trouve ajustée trimestriellement. C'est vrai qu'on aurait pu tracer la ligne de démarrage au point où c'en était rendu. À ce moment, il y a des coûts énormes pour le démarrage. On a pris un point moyen. D'autres nous proposaient de prendre le point inférieur pour atteindre en bout de ligne le même résultat, ce qui aurait pénalisé grandement les assistés sociaux. Je crois qu'on a trouvé une formule intermédiaire qui me paraît juste et qui me paraît, sur le pur plan des sommes d'argent disponibles pour les assistés sociaux, améliorer leur condition.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, je m'excuse.

M. Marois: Cela dit, les seuils sur lesquels demeure basée l'aide sociale, comme dit l'autre, ce n'est pas le Pérou.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, est-ce que vous avez beaucoup de réponses? Je vous signale qu'il est 12 h 40; je pense que tous les membres de la commission doivent avoir le temps d'aller dîner pour le début de l'Assemblée à 14 heures.

M. Rivest: M. le Président, on va y aller tout de suite, mais on a convenu également dans notre entente qu'on perd deux heures. On peut étirer de vingt minutes ici et là l'entente globale pour le ministère.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. Je suis soumis aux volontés des membres de la commission.

Une voix: II y a quelques questions.

M. Marois: Si on me le permet, je vais...

Le Président (M. Bordeleau): ... peut-être compléter toutes les réponses?

M. Marois: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre.

M. Marois: Dans la mesure où les questions supposent des réponses plus courtes, je vais tenter de les donner de la façon la plus rapide possible.

Sur la réinsertion, à ce jour, dans le cas du programme d'intégration des jeunes à l'emploi, qui est un programme qui permettait d'ouvrir de l'emploi sur une base temporaire, le taux de rétention des bénéficiaires d'aide sociale dans des emplois permanents a été de 47,9% et des non-bénéficiaires d'aide sociale, de 62,4%. Donc, à toutes fins utiles, près de 50% de rétention dans un emploi permanent.

Mme Lavoie-Roux: La dernière année, cela.

M. Marois: Sur la dernière année, oui. Sur le programme d'aide au travail, le taux d'intégration a été de 12,3%. On se souviendra que, sur le programme d'intégration des jeunes à l'emploi, je n'ai pris qu'un des volets, le volet 3, qui était le stage en industrie; c'était un des volets intéressants et qui ne portait pas sur un emploi pour une période de vingt semaines; c'était sur une période de treize semaines.

M. Rivest: Qu'est-ce un emploi permanent dans votre conception?

M. Marois: Pardon?

M. Rivest: Quand vous dites un emploi permanent, qu'est-ce?

M. Marois: Quand je dis qu'il y a un taux de rétention sur un emploi permanent, cela veut dire que quelqu'un dans les mois qui suivent continue à travailler, que ce soit dans l'emploi où il était ou dans un autre emploi; il est au travail. En d'autres termes, cela signifie qu'une personne est au travail, n'est ni à l'assurance-chômage, ni à l'aide sociale.

M. Rivest: C'est la personne qui travaille en permanence et non l'emploi qui est permanent.

M. Marois: Oui, bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: II peut avoir changé d'emploi.

M. Marois: Oui, effectivement. Bien sûr, quand on parle du programme d'aide au travail et des taux de rétention, ce sont des gens qui sont passés d'abord par un emploi temporaire et, qui par la suite, se sont trouvé un emploi permanent. Il ne faut jamais perdre de vue que dans le cas de certains assistés sociaux, pour toutes sortes de raisons, depuis un certain temps, il y a parfois ce qu'on appelle dans le jargon savant des plans de redressement. Cela veut dire simplement le réapprentissage à la vie du travail; se lever pour aller au travail, arriver à telle heure, et le reste. Des choses

qui peuvent paraître mécaniques et bien simples à certains d'entre nous, mais qui pour d'autres ne sont pas aussi simples que cela.

C'est pour cela que je disais que, dans le cas du bon d'emploi, il est prématuré d'en évaluer la performance. Il a démarré le 1er mai. Que les chances d'ouvrir une perspective de rétention sur de l'emploi permanent soient encore plus élevées que ce ne l'était avec le programme d'intégration des jeunes à l'emploi m'apparaît forcément vrai, puisque le programme d'intégration des jeunes portait sur une période de treize semaines et là on parle de vingt semaines, ce qui peut être prolongé sur une période encore plus longue. (12 h 45)

Maintenant, quant aux commissaires-enquêteurs, pour répondre à la question qui a été posée, à ce jour aucun n'a été nommé; mais c'est prévu. J'ai relu les Débats, je me souviens des interventions de la députée de L'Acadie sur cette question. Je pense que le choix est important. De toute façon, je veux démystifier une chose. Il ne s'agit pas d'en nommer 30, 40, ou 50. On pense à douze, correspondant aux régions administratives et, ultimement, si ma mémoire est bonne, ça doit être fait par décret, par le Conseil des ministres sur recommandation du ministre. Donc, je prévois que non, je n'ai pas besoin de crédits additionnels parce que ce sera pris à même le personnel du ministère. C'était pour l'autre question. En ce qui concerne la question des fraudes, je n'ai pas les chiffres ici avec moi. Je vais les faire parvenir à la députée. Il y avait une sixième question.

Mme Lavoie-Roux: Sur le bon d'emploi, la question des conditions qui sont attachées au bon d'emploi pour que quelqu'un soit engagé, pour que l'employeur puisse engager quelqu'un.

M. Rivest: Je ne lisais pas le texte de la promesse électorale. La décision gouvernementale, c'est différent.

M. Marois: Oui, c'est différent. Par rapport à l'engagement électoral, compte tenu de la réalité économique, le bon d'emploi tel que proposé m'apparaît, en conscience, meilleur que l'engagement qui avait été formulé. Je ne vois pas pourquoi on s'en cacherait. Ceci étant dit, pour répondre à la question, il doit s'agir d'un emploi d'une durée minimale de vingt semaines dont la semaine régulière de travail est de 30 heures ou plus, relié à la formation de la personne qui est détentrice du bon d'emploi, ou de tout autre type d'emploi, pourvu que cet emploi corresponde au niveau de formation de la personne détentrice d'un bon. L'emploi offert par l'employeur doit être un poste additionnel ou un poste vacant. Cependant, aucune subvention ne peut être accordée si le poste est vacant à la suite d'un congédiement ou d'une mise à pied qui a eu lieu pendant les treize semaines précédant la demande de l'emploi. En outre, l'emploi ne doit pas être déjà subventionné ou avoir été occupé par un bénéficiaire d'un bon d'emploi pendant vingt semaines.

Mme Lavoie-Roux: II ne crée pas nécessairement un emploi. C'est simplement peut-être une préparation au travail, une habitude au travail. C'est comme ce que vous nous avez cité tout à l'heure; des gens sont restés en emploi, pas nécessairement dans l'emploi pour lequel ils avaient été engagés.

M. Marois: Dans certains cas, c'est le même emploi. Dans d'autres cas, c'est un autre emploi. Je rappelle que l'objectif premier du bon d'emploi, c'était et ça demeure de briser le cercle vicieux de ceux et de celles qui sortent, équipés d'un diplôme, qui se présentent au travail et à qui on pose la question: Avez-vous de l'expérience? Je n'ai pas d'expérience. Et commence le cercle vicieux: pas d'expérience, pas d'emploi; pas d'emploi, pas d'expérience. Bien sûr, il doit s'agir d'un poste additionnel ou d'un poste vacant. Dans le cas d'un poste vacant, on va voir comment c'est balisé pour qu'il n'y ait pas une mise à pied qui ouvrirait un poste.

Mme Lavoie-Roux: Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi que ce bon d'emploi ne s'applique qu'aux détenteurs d'un certificat d'études secondaires ou d'un diplôme, alors qu'on sait que 50% des jeunes ne terminent pas le secondaire? Ils se trouvent exactement dans les mêmes conditions que les 18 à 25 ans qui ont terminé leur secondaire ou ont un diplôme quelconque.

M. Marois: La première raison, la plus fondamentale, c'est qu'on ne voulait pas - et ce n'est pas comme ça que le bon d'emploi a été conçu - que ce soit "désincitatif" aux études ou à la poursuite des études.

Mme Lavoie-Roux: S'ils ont, supposons, quitté les études depuis deux ans.

M. Marois: Pourquoi ne favoriserait-on pas plutôt, dans ce cas, que ce soit le retour aux études, d'y aller par des programmes de formation? Quand on discute des politiques d'emploi, il ne faut jamais perdre de vue les politiques d'emploi, de main-d'oeuvre et notamment tout le dossier, tout le volet de la formation. Si la députée le veut, je peux bien entrer dans la discussion qu'on a avec le gouvernement fédéral dans le contentieux

fédéral-provincial sur la formation professionnelle. On a prolongé l'accord actuel pour une période d'un an parce qu'on ne s'entend pas sur les objectifs fondamentaux. Mais on voudrait, par exemple, ouvrir beaucoup plus largement le champ de la formation en entreprise, en industrie alors que, dans le contexte actuel, l'accent est mis de façon beaucoup plus importante sur la formation en institution. Je ne dis pas qu'il faut balayer du revers de la main la formation en institution, pas du tout. Je dis que l'accent n'est pas suffisamment mis sur la formation en industrie. C'est un des moyens parmi d'autres. Le bon d'emploi n'a pas la prétention de résoudre tous les problèmes qui sont vécus par les jeunes, notamment le cas que Mme la députée de L'Acadie vient de soulever.

Mme Lavoie-Roux: II y a des mauvais esprits qui me soufflent des choses. Est-ce que le ministre pourrait me dire ce qu'il advient de l'enquête qui est faite sur l'exploitation des chambreurs dans le CLSC de la basse ville de Québec?

M. Marois: II y a eu d'abord, ce qui est connu publiquement, des enquêtes policières. On a travaillé très étroitement avec le ministère de la Justice sur ce dossier. Des mesures ont été prises aussi concernant les chambreurs, pour les aider, d'une part, et pour protéger aussi certains témoins, d'autre part. Il y a également, dans le cadre des plans de redressement, toute une série de mesures qui ont été prises pour favoriser, autant que faire se pouvait, la remise du chèque entre les mains du bénéficiaire d'aide sociale. Seulement, on ne peut pas obliger, on peut inciter les gens à venir au bureau. On peut inciter les gens à prendre des ententes avec le CLSC Basse Ville. Dans certains cas, malheureusement, cela n'a pas donné les résultats escomptés; dans d'autres cas, cela a donné des résultats heureux. II y a des poursuites qui sont devant les tribunaux; il y a un jugement qui doit ou qui devait être rendu aujourd'hui, d'après les renseignements que j'ai. Je sais aussi - c'est pour cela que je ne pourrai pas, malheureusement, m'étendre beaucoup - que les enquêtes de police se poursuivent contre d'autres propriétaires.

Mme Lavoie-Roux: Le CLSC Basse Ville, de même que les gens qui l'avaient appuyé, entre autres l'archevêque de Québec, la ville de Québec, enfin, vous avez certainement vu toute la série d'appuis qu'ils ont reçus, sont revenus à la charge auprès du ministre de la Justice pour qu'il ne s'agisse pas uniquement d'une enquête de la police, mais d'une enquête dans le sens le plus strict du terme, qui pourrait non seulement étudier des cas à la pièce, mais vraiment faire toute la lumière sur cette situation. Le ministre n'est pas sans se douter que ce même type de problème se retrouve dans d'autres villes que la basse ville de Québec?

M. Marois: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la décision est prise qu'il n'y aurait pas d'enquête publique ou que la Sûreté du Québec va continuer son enquête policière?

M. Marois: La décision n'est pas prise. Ce que mon collègue, le ministre de la Justice, a toujours dit, c'est une chose qui n'est pas écartée. Cependant, tant que les enquêtes de police - il faut faire attention, je pense que Mme la députée comprendra pourquoi je suis prudent - ne sont pas terminées et les conclusions tirées, il apparaît prématuré de prendre une décision définitive. J'ai déjà dit personnellement, et je serais prêt à le redire n'importe quand, qu'en ce qui me concerne il est important d'aller au fond de cette affaire. Quand je dis de cette affaire-là, je ne veux pas seulement dire ce qui a pu être décelé à ce jour. Je ne voudrais pas aller plus loin pour l'instant. Je pense que dans la foulée des premières enquêtes de police, il y a des poursuites, il y a des accusations qui ont été portées, il y a des jugements qui doivent être rendus, les enquêtes se poursuivent et on verra ce qui va en découler. Je pense qu'on dispose d'un certain nombre de moyens, y inclus, le cas échéant, l'enquête publique pour aller au fond de ce problème parce que c'est un problème qui a une dimension humaine extrêmement importante.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste un ajout. Il y a une partie policière et d'ordre criminel dans la mesure où des procédures ont été prises. Je pense que le sens de la question de ma collègue c'était qu'il y a un problème social profond à cet égard. Est-ce que, par exemple, dans les autres instances du ministère ou des ministères à vocation sociale, il y a eu, que ce soit à Montréal ou ailleurs, dans d'autres villes du Québec, des directives ou des demandes qui ont été faites aux gens qui travaillent sur le terrain, de vérifier, sans que cela prenne un caractère policier, si des gens ne sont pas pris dans la même situation que les gens de Québec? Ce n'est pas nécessaire qu'on attende, pour un problème comme celui-là, qu'il y ait manifestement infraction aux lois pénales. Il peut y avoir d'autres mesures d'incitation, sans être de nature criminelle, qui iraient complètement contre toute espèce de valeur première sur le plan strictement humain et

sur le plan social également.

M. Marois: À la suite de ce qui a été mis en marche dans la région de Québec, une demande a été transmise par le ministère à tous les agents, partout au Québec, d'attirer notre attention dès qu'étaient décelés des problèmes de ce type. Ce qu'on a reçu comme réaction des agents, c'est un problème qui a été décelé dans la région de Montréal. C'est le seul qui a été porté à notre connaissance. Ensuite, toujours en contact avec le ministère de la Justice, une enquête du ministère de la Justice a été amorcée dans la région de Montréal et, présentement, il est prématuré de tirer des conclusions. Je peux vous dire que ce sont là les mesures qui ont été prises. L'attention de tous les agents était attirée partout au Québec.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais attirer l'attention du ministre sur une piste qui n'a rien de sensationnel, mais qui est quand même extrêmement préoccupante. Dans quelle mesure les gouvernements - je ne ferai pas de partisanerie - se lavent-ils les mains, d'une certaine façon, devant d'autres problèmes sociaux qu'on ne règle pas et qui, finalement, se détériorent ou prennent cette forme d'exploitation? Je vais être plus précise. Il semblerait, selon des sources fiables, que parmi ces chambreurs, un certain nombre 15 sur 60 - enfin, laissons les chiffres de côté, parce que vous pourriez arriver demain et dire que c'était 9 sur 28 ou peu importe - sont des ex-patients psychiatriques pour lesquels il n'existe pas d'autres ressources.

D'ailleurs, c'est un problème qui n'est pas unique au Québec, il existe dans des villes américaines ou peut-être dans d'autres villes canadiennes, mais je ne suis pas au courant. Finalement, ces gens ne trouvent pas d'autre solution que ce genre d'asile, si on peut dire, ou ce genre de refuge qui, à la limite, leur est offert par ce type de tenanciers, si je peux les appeler ainsi. Je pense que cela soulève une question qui dépasse même votre responsabilité et qui doit aller du côté aussi des Affaires sociales. Je ne sais pas si le ministre est au courant de cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: On m'indique que c'est exact. Quant aux ordres de grandeur, je ne le sais pas et je ne voudrais pas me prononcer. De toute façon, peu importent les ordres de grandeur, si c'est exact, le fait est là. Ce n'est pas un problème facile. Ce que je peux indiquer, c'est qu'on a travaillé très étroitement avec le ministère des Affaires sociales sur cette question, mais en particulier avec certains éléments du réseau des affaires sociales, j'en mentionnais un, le CLSC Basse Ville. Dans certains cas, il existe des ressources. Est-ce que ces ressources sont adéquates et suffisantes pour répondre au problème? Il m'apparaît prématuré de répondre; le ministère des Affaires sociales examine cette dimension de son côté, mais il me semble que le problème est réel. (13 heures)

Mme Lavoie-Roux: Elles sont inadéquates. Ce que je veux signaler, M. le Président, c'est que dans ce cas comme dans le cas des foyers clandestins pour personnes âgées, ce sont souvent des choses que, plus ou moins consciemment, les gouvernements tolèrent ou feignent d'ignorer ou ignorent, enfin préfèrent ignorer à cause d'autres problèmes sociaux plus importants auxquels ils n'apportent pas de réponse adéquate. Si le ministre veut connaître la réponse à la question, à savoir si les ressources alternatives sont adéquates pour ces personnes, elles ne le sont pas. Je pense que je peux l'affirmer sans crainte de me tromper. C'est très important qu'on y regarde de très près.

Une dernière question: II y avait eu, au début de la dénonciation de ce problème, des allusions faites au comportement - et là, je le dis sous toute réserve - de certains agents de l'aide sociale. Est-ce qu'on s'est assuré, au ministère, qu'au moins du côté du ministère des Affaires sociales, qui est sous le contrôle du gouvernement, il n'y a pas eu de délit? Je ne trouve pas de meilleur terme.

M. Marois: Les rapports de police qu'on a eu en main sont formels là-dessus. II n'y a aucune indication permettant de porter des actes d'accusation, aucune indication permettant d'établir que des délits, au sens du Code criminel, auraient été commis par des agents d'aide sociale, pas du tout. Je tiens à remercier Mme la députée de sa question parce que cela me permet - j'allais l'oublier et je tenais à le faire - de faire cette mise au point. On parle avec raison des bénéficiaires de l'aide sociale; souvent, on oublie de mentionner le travail pas toujours facile, dans certains cas très délicat, difficile, des agents de l'aide sociale. Règle générale, ces gens font un travail absolument remarquable partout à travers le Québec; cela mérite d'être signalé. Si tant est qu'il y a des comportements inacceptables, ils doivent être sanctionnés, mais les rapports de police sont très clairs sur ce plan. C'est ce que je peux dire.

Mme Lavoie-Roux: Où en est l'intégration de l'aide sociale de Montréal au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu?

M. Marois: En ce qui concerne l'aide sociale - on sait qu'il y a une entente qui existe avec la ville de Montréal, une entente renouvelable - nous sommes à l'étape des discussions avec la ville de Montréal. Aucune des hypothèses possibles n'est exclue, pour le moment, de nos discussions, mais ce n'est pas suffisamment avancé pour que je puisse tirer quelque conclusion que ce soit à ce moment-ci.

Mme Lavoie-Roux: Les décisions ne sont pas prises pour maintenir le statu quo ou l'intégrer?

M. Marois: II n'y a pas de décision finale de prise.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Rivest: J'ai une dernière question. J'ai vu, mais je ne suis pas certain si cela s'applique à l'aide sociale, que le gouvernement, par un amendement à la Loi sur le ministère du Revenu, veut récupérer les montants payés en trop à l'aide sociale; l'automatisme, la retenue à même les chèques; est-ce que cela se pratique pour l'aide sociale?

M. Marois: Oui.

M. Rivest: Et vous trouvez cela...

M. Marois: Cela entre en vigueur à partir de juin.

M. Rivest: II y a eu des protestations assez vives sur cette manière de procéder face aux bénéficiaires de l'aide sociale. Quelle est votre réaction là-dessus?

M. Marois: Deux choses. D'abord, les nouvelles dispositions entrent en vigueur en juin. Dans les cas de fraude, cela existait depuis un certain temps, donc ce n'est pas nouveau. Dans les cas des trop-perçus ou trop-payés - j'exclus les erreurs administratives parce qu'elles ne font pas partie du bassin de récupération - ce qui a été porté surtout à ma connaissance, ce n'est pas le fait de procéder à la compensation. S'il y a eu des avances de faites, que ce soit parce que le montant de l'assurance automobile n'est pas arrivé à temps ou l'assurance-chômage ou, enfin, peu importe, les gens le considèrent comme une aide temporaire et les gens comprennent, je pense, que cela doit être remboursé. Ce qui prête flanc à ambiguïté et ce qui a été porté à ma connaissance, c'est une dimension de la perception, c'est le cas où des gens avaient négocié de bonne foi une entente de remboursement. J'avais bien dit que dans le cas où des ententes existaient au - là, je ne voudrais pas me tromper sur les dates - 1er septembre, si ma mémoire est bonne, ces ententes seraient respectées dans la mesure où la compensation et le remboursement peuvent se faire sur une période de 36 mois. C'est peut-être sur les 36 mois qu'il y a un problème, je suis prêt à regarder cette dimension.

M. Rivest: Est-ce que cela veut dire qu'il n'y aura plus de possiblité d'arrangements de cette nature dans l'avenir?

M. Marois: Non; pour les nouvelles dettes, comprenons-nous bien, parce qu'on parle de deux choses.

M. Rivest: Oui, c'est cela.

M. Marois: On parle du passé et on parle de l'avenir.

M. Rivest: Cela va. Maintenant, pour l'avenir.

M. Marois: Pour l'avenir, il y aura automatiquement retenue, rétention, compensation par les diverses formules qui sont mises au point.

M. Rivest: Ce que je veux savoir, c'est qu'étant donné la nature de l'aide sociale -je comprends que le ministre a donné cet exemple-là - souvent, ce sont des cas vraiment individuels et très personnalisés parce que la situation objective d'un prestataire de l'aide sociale varie beaucoup suivant les conditions familiales, humaines, personnelles. Ce dont je voudrais m'assurer, c'est que la disposition dans la Loi du ministère du Revenu permettra - et c'est cela que je voudrais avoir comme certitude, pour l'avenir - aux bénéficiaires de l'aide sociale qui doivent rembourser le gouvernement pour toutes sortes de raisons de procéder par voie d'arrangements qui tiennent compte, de la situation personnelle et individuelle du bénéficiaire. Est-ce que ce sera toujours possible ou si ce sera l'automatisme qu'on connaît du ministère du Revenu?

M. Marois: II y a le passé, je pense que cela est bien clair. Pour l'avenir, dans le cas où il y a des arrangements - parce que c'est cela l'objectif, de susciter, de favoriser des arrangements - les arrangements seront respectés. Dans le cas où il n'y a pas d'arrangement, la perception, la compensation est automatique.

M. Rivest: II y aura possibilité d'arrangements.

M. Marois: Cela pour éviter que ne s'accumulent des trop-versés ou des trop-perçus qui font qu'existent des montants un

peu, beaucoup, passionnément importants et qui sont difficiles à rembourser.

M. Rivest: Donc, il y a des possiblités d'arrangements pour l'avenir.

M. Marois: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, je pense que, s'il y a d'autres questions sur le même sujet, on pourra continuer sur le même programme cet après-midi, avec un nouveau mandat de l'Assemblée nationale. Alors, la commission va ajourner ses travaux sine die en supposant qu'on devrait revenir après la période des questions.

(Suspension de la séance à 13 h 08)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

Le Président (M. Bordeleau): Mesdames et messieurs, la commission du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu reprend l'étude des crédits du même ministère. Pour la séance de cet après-midi, les membres de la commission seront: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Brassard (Lac-Saint-Jean), Dauphin (Marquette), Dean (Prévost), Mmes Dougherty (Jacques-Cartier), Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Marois (Marie-Victorin), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon); M. Vallières (Richmond) remplacé par M. Bélanger (Mégantic-Compton).

Les intervenants: MM. Chevrette (Joliette), Gauthier (Roberval), Hains (Saint-Henri), Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Leduc (Fabre), Mailloux (Charlevoix), Paquette (Rosemont); M. Polak (Sainte-Anne) remplacé par Mme Bacon (Chomedey), et M. Rochefort (Gouin).

Alors, à la suspension de ce midi, nous étions au programme 7.

M. le ministre, je pense que vous avez quelque chose pour nous diriger.

M. Marois: M. le Président, si je comprends bien, on s'est entendu pour procéder de la façon suivante. En principe, tout ce qui concerne le secteur des régimes de sécurité du revenu, plus particulièrement les programmes 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13, c'est adopté, ce qui n'empêche nullement, le cas échéant, puisqu'il y a des sujets qui se recoupent forcément, d'y revenir si tant est qu'il y avait des questions en cours de route.

M. Rivest: Sous réserve d'une question, je pense, de notre collègue de Maisonneuve.

M. Marois: Sous réserve d'une question de la députée de Maisonneuve. (15 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, j'avais déjà noté, d'ailleurs, le nom de la députée de Maisonneuve sur le programme 7.

Alors, pour résumer, on dit que les programmes 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 13 sont adoptés, sous réserve d'y revenir pour certaines questions. On reviendrait donc au programme 1, j'imagine?

M. Marois: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): En tout cas, on revient au programme 1. M. le député de Jean-Talon.

Relations et normes de travail

M. Rivest: Ce matin, M. le ministre, vous aurez compris que j'ai mis une certaine insistance à avoir un peu plus de clarification sur vos intentions dans le domaine législatif. Je ne veux pas reprendre ici d'autres énoncés qu'on retrouve, en particulier, dans le rapport annuel du ministère où bien des gens nous disent travailler depuis fort longtemps sur des projets de loi, mais ils ne viennent pas, enfin, jusqu'à maintenant. Je ne voudrais pas non plus, vous connaissant, vous geler puisque le mot est à la mode - dans des échéanciers extrêmement rigoureux.

Néanmoins, j'aurais quelques questions à vous poser.

M. Marois: Nous, on dit: Se figer dans le béton.

M. Rivest: Je conviens volontiers que dans vos remarques préliminaires, l'an dernier, vous aviez parlé dans une perspective de mandat, mais ce qui avait surtout retenu mon attention, c'est lorsque vous disiez, par exemple: Encore une fois, non pas sur une période uniquement d'un an, mais avec la volonté politique arrêtée - j'ai compris ce que voulait dire le mot arrêté -de mettre en marche, durant cette année, un certain nombre de changements. Vous mentionniez spécifiquement les injonctions, la syndicalisation, les secteurs public et parapublic.

Je voudrais savoir, sans que je vous en fasse un grief épouvantable, si jamais vous ne réussissiez pas à franchir la barrière du Conseil des ministres... le Conseil des ministres est important, M. le ministre; on a des intentions. Quelqu'un m'avait déjà dit que le Conseil des ministres, c'est un peu comme l'enfer: c'est pavé de bonnes intentions, mais cela ne produit pas nécessairement beaucoup.

Le fameux problème du droit d'association, est-ce que vous croyez que c'est cette année ou non qu'on va y arriver? Le droit d'association lié au délai d'accréditation? Est-ce que c'est cette

année?

Deuxièmement, la révision des dispositions du code, c'est-à-dire la révision de la question des briseurs de grève, du bénévolat, enfin tous les problèmes qui se sont soulevés là-dessus. Troisièmement, la question liée à la signature de la première convention collective, où il y a encore des difficultés. Quatrièmement, l'injonction. Cinquièmement, les services essentiels, je pense que la réponse est déjà évidente. Sixièmement, la question des licenciements collectifs. Je pourrais en ajouter une septième si vous voulez, le fonds minier.

Donc, le programme législatif qui est évoqué, est-ce qu'on a des chances que ces éléments viennent cette année? C'est ma question.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, dans le respect, que je partage et que nous a bien expliqué avec force détails, le député de Jean-Talon, de l'instance qu'est le Conseil des ministres, et sous réserve des décisions de cette instance, la réponse est oui, à toutes ces questions. Enfin, c'est l'échéancier que je me donne.

M. Rivest: D'accord. J'imagine que le ministre, en répondant oui, veut dire que les études dont il s'agit actuellement au niveau du bureau du commissaire du travail, au niveau de Ja direction générale, au niveau du service de recherche, au niveau de la section également de la partie juridique où tout le monde dit qu'il a participé allégrement à ce processus, de même que les travaux au niveau du ministère sont à ce point avancés pour qu'on puisse effectivement aboutir dans le cours de l'année.

Ma deuxième question: Ces études qui sont faites et qui sont souvent très utiles -j'ai vu la liste, il y en a une, entre autres, qui me frappe, par exemple, les effets d'entraînement des conventions collectives, mais, cela a été fait au niveau du service de recherche - est-ce qu'on pourra les avoir? Est-ce qu'on peut les obtenir facilement? La plupart sont publiés parmi les publications du ministère.

M. Marois: II faudrait prendre une liste et la sérier, il y a certains travaux, certaines recherches, certaines études qui sont faites dans le but d'explorer certaines hypothèses qui, dans certains cas, sont retenues par le ministre. Il ne faut jamais perdre une chose de vue, je l'avais déjà évoquée l'an dernier, on y tient et je pense que les faits sont là pour étayer ce que je veux dire. On essaie autant que possible de mettre à contribution le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui est l'instance qui regroupe les parties patronale et syndicale. Quand on veut proposer certains changements qui, dans certains cas, peuvent être des changements importants, fondamentaux, je pense qu'il est toujours préférable de faire en sorte de susciter, au minimum, une bonne discussion entre les parties afin que se dégagent des consensus sur lesquels il est possible de prendre appui si tant est qu'il s'en dégage au moins sur certaines parties des réformes proposées. Pour le reste, au surplus, c'est au ministre de prendre ses responsabilités en dernier recours.

Donc, je pourrais dire que je reçois la question avec beaucoup d'ouverture d'esprit. Cela dépend de quelles études il s'agit. Certaines sont déjà publiques, d'autres seront publiées dans les diverses revues ou documents d'information.

M. Rivest: Je fais toujours le désespoir des gens qui sont au service de la comptabilité des ministères quand j'étudie les crédits parce que je suis très peu versé dans les questions comptables et ma naïveté me fait avaler tout d'un bloc la série de chiffres que les ministères produisent. Par acquit de conscience, je vais au moins poser quelques questions sur les chiffres. Une chose qui me frappe un peu, c'est l'accroissement dans le budget du ministère, en termes de chiffres, de la rubrique communications. Je sais que c'est un terme qui a un sens large, mais il y a un accroissement de 2 429 000 $. Je voudrais savoir ce qui cause cette augmentation.

M. Marois: Je pense bien, M. le Président, que le député extrait ce chiffre du document qu'on a fait parvenir aux membres de cette commission.

M. Rivest: Entre autres, on voit la ventilation programme par programme.

M. Marois: Communications. M. Rivest: Oui, poste 3.

M. Marois: Poste 3. Aussi incroyable que cela puisse paraître, selon les méthodes comptables, on m'explique... J'ai en général tendance à me fier à l'équipe qui m'entoure, je considère que c'est une équipe compétente.

M. Rivest: Je pense qu'on s'entend bien tous les deux sur...

M. Marois: Dans le poste communications, la façon de comptabiliser est d'insérer dans ce poste, selon les méthodes comptables du Conseil du trésor, des frais de déplacement et alors, essentiellement, l'accroissement de

2 429 000 $ pour un minimum de 1 500 000 $ à 1 600 000 $, c'est essentiellement l'inclusion maintenant dans le budget de notre ministère des frais de déplacement des agents de l'aide sociale, poste qui était, dans l'ancien budget, comptabilisé au ministère de Affaires sociales, parce qu'il y a eu forcément transfert. Cela représente environ 2000 personnes d'impliquées. Essentiellement, c'est cela. Pour le reste, il n'y a pas d'accroissement substantiel aux communications, au sens strict de notre entendement général d'information.

M. Rivest: Dans la croissance générale des dépenses, des crédits du ministère - il y a eu tout le jeu Parizeau des compressions -il y a une phrase un peu sibylline qui m'a quelque peu intrigué à la page 4 du même document: "Compte tenu du caractère prioritaire d'activités de certains programmes ministériels et de leur relation étroite avec les objectifs gouvernementaux..." La difficulté, de la façon dont le ministère présente les crédits, c'est que dans d'autres ministères on nous indique les priorités de l'année; on les retrouve les priorités, mais a posteriori dans le rapport annuel ou, enfin, ce qu'on appelle les orientations. Lors de l'examen de ses crédits, il faut dire que le ministre a été, à part les priorités d'ordre législatif qu'on a scrutées assez discret. Sur celles qui se traduisent par des modifications substantielles au niveau du budget, de l'argent, on est assez peu informé. Quelles sont les grandes priorités sur le plan administratif du ministère du Travail, ou les objectifs dont on fait état? J'aimerais cela l'entendre.

M. Marois: Les priorités qui impliquent un accroissement...

M. Rivest: Un accroissement ou une diminution sensible des dépenses.

M. Marois: ... budgétaire ou de crédits. Essentiellement, ce qui ressort de la lecture synthèse des divers programmes du ministère, c'est qu'au programme de création d'emplois, le programme 4, le budget passe de 54 000 000 $ et des bricoles à 62 800 000 $, et à celui de l'aide sociale l'accroissement est de 202 000 000 $. Sur le plan budgétaire, ce sont les deux gros morceaux de progression qui correspondent à des priorités qui y sont inscrites.

Rôle des cabinets ministériels

M. Rivest: Une question particulière, enfin, je ne parle pas de votre ministère en particulier, mais, par exemple, les cabinets ministériels, vous le savez, M. le ministre, ont pris une mesure...

Mme Lavoie-Roux: Une ampleur.

M. Rivest: ... et je pense que c'est un terme très impropre pour les qualifier, au moins en termes quantitatifs, au cours des dernières années. On en parle à chaque étude de crédits et, d'une façon générale, nous l'avons critiqué énormément.

Dans le cadre des travaux de la commission Bisaillon, entre autres, on a eu l'occasion de rencontrer les représentants des professionnels, les représentants des cadres. J'ai moi-même participé à quelques sessions au niveau de l'École nationale d'administration publique où on rencontre des gestionnaires. Vous demandez, par exemple, 240 000 $ pour l'enveloppe du cabinet du ministre. Il y a une certaine inquiétude de la part des gestionnaires supérieurs de l'administration - j'imagine que ces inquiétudes peuvent être ou non, je ne le sais pas, partagées au niveau de votre ministère - selon laquelle la fonction proprement administrative de la gestion des programmes et des activités du ministère du Travail demeure du ressort exclusif des fonctionnaires de carrière. Le rôle du cabinet ministériel est de seconder et d'appuyer les actions du ministre. Je pense que c'est incontestable qu'un ministre a besoin d'avoir quelques collaborateurs.

Pour ma part, d'autant plus que j'ai vécu dans les cabinets ministériels, je pense qu'actuellement on a franchi, on est sur le point à tout le moins de franchir des limites qui demeurent encore peut-être tolérables, mais il ne faudrait pas qu'on accroisse davantage le nombre et le rôle des cabinets ministériels. Je vous signale que, devant la commission Bisaillon, par exemple, le représentant du Syndicat de professionnels -ça ne s'appliquait pas à votre ministère, mais je vous le donne à titre d'exemple pour illustrer cette préoccupation des hauts fonctionnaires qui voient, semble-t-il, de plus en plus les cabinets ministériels exercer un poids sur l'administration - nous signalait, et je pense que je ne fais pas erreur en le disant, puisqu'il a témoigné devant la commission - on pourra consulter le journal des Débats - que, par exemple, au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, toutes les fonctions de recherche, de planification, qui appartiennent à tous les ministères, se sont vu accaparer par le cabinet ou l'entourage du ministre.

Je ne sais pas si le ministre a des remarques particulières à faire, mais au moins je veux lui signaler, lors de l'étude des crédits, l'importance qu'il y a de voir à cela pour la continuité de l'administration publique. Le ministre, bien sûr, est libre de donner à son ministère les orientations qui sont celles du gouvernement - je pense bien qu'aucun haut fonctionnaire n'en disconvient - mais, actuellement, j'ai des documents qui

ne sont pas publics, qui nous ont été présentés à la commission Bisaillon, lors de nos audiences à huis clos, qui témoignent d'un malaise sérieux dans l'administration publique sur le volume des cabinets politiques et, deuxièmement, sur leur articulation dans la gestion quotidienne des actions des différents ministères. (15 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Je réagirais de la façon suivante, M. le Président. Je n'ai pas, bien sûr, derrière moi, l'expérience des administrations politiques antérieures. Celle que j'ai, c'est celle que je vis depuis bientôt six ans, d'une part comme ministre d'État au Développement social, dans un premier temps, dans un deuxième temps, comme ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, et, dans un troisième temps, comme ministre responsable du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, chargé en plus de toute une batterie de commissions, d'offices, de régies et de l'administration d'un certain nombre de programmes, en particulier le programme PECEC, qui n'est pas administré de façon intégrée à l'intérieur du ministère, parce qu'on a voulu que l'administration de ce programme demeure souple et en région. Donc, je me base sur cette expérience. Je ne sais pas quel est le cap au-delà duquel cela devient difficile, en ce sens que cela pose des problèmes, que ce soit à l'administration publique, à l'équipe des hauts fonctionnaires ou que ce soit même au ministre lui-même.

Ma conception de tout cela, c'est qu'il revient au ministre, à son adjoint parlementaire, dans la mesure où le ministre le décide d'utiliser les pouvoirs qui sont permis par la loi et d'en faire, comme je l'ai souvent évoqué, dans le cas du député de Prévost, c'est comme cela qu'on travaille -l'équivalent d'une espèce - je sais bien que le titre n'existe pas - de ministre adjoint. C'est à nous qu'il revient de tracer les orientations politiques.

Pour y arriver, surtout quand on veut procéder à l'analyse et partir de la réalité des données de fait, il y a ce qui nous est fourni, de façon factuelle, à partir des données statistiques, des chiffres, de l'expérience vécue dans les réseaux et le reste. Il y a aussi l'apport qui nous provient des citoyens. Cela nous prend donc des gens dans notre entourage qui nous aident aussi à colliger ce qui nous arrive, que ce soit par courrier ou que ce soit par appels téléphoniques, que ce soit par rencontres ou que ce soit à l'occasion de déplacements et le reste, et qui contribuent à mettre au point cet apport politique, de la même façon que lorsque les politiques nous sont proposées, de les analyser pour s'assurer que cela correspond aux orientations. Le cas échéant, à la lumière de ce qui nous est suggéré et des études qui ont pu être faites par les fonctionnaires, souvent aussi se soulèvent un certain nombre de problèmes qu'on n'avait pas vus à première vue. Donc, ces équipes sont très utiles. Je ne suis peut-être pas à même de mesurer dans quelle mesure cela s'amplifie ou cela diminue, mais on reçoit au bureau du ministère beaucoup d'appels, de demandes non seulement des citoyens, mais des députés. Il nous semble légitime de nous assurer d'un suivi de cela, que les réponses fournies sont les meilleures possible.

Je serais bien d'accord avec le député de Jean-Talon pour dire qu'il y a un certain cap au-delà duquel ce n'est pas sans poser des problèmes non seulement à l'administration, mais au ministre lui-même. Les dangers concernant l'administration ont été évoqués par le député de Jean-Talon. J'y souscris d'autant plus que les témoignages sont là des gens qui sont chargés par les divers ministères de les gérer. Il y a également le danger d'un cabinet composé de plusieurs personnes qui risquent de constituer comme une espèce de muraille entre le ministre et le contact avec la réalité. Cela me paraît être aussi un danger important. Donc, il y a un élément d'équilibre. Dans notre cas, chez nous, je pense bien qu'on sait que la masse salariale du cabinet, pour la nouvelle année budgétaire, est exactement la même que celle de l'an dernier. Donc, il n'y a aucune espèce de progression, ce qui veut dire forcément une régression.

M. Rivest: Je termine là-dessus. J'accepte les remarques. De 1976 à aujourd'hui, six ans, d'après les chiffres qu'on m'indique, et c'est ce que je constate un peu partout, le rapport est de deux à un. Cela veut dire qu'on aurait doublé sensiblement l'entourage ministériel dans les six dernières années, et cela sans parler, bien sûr, du cabinet du premier ministre où là, le rapport, pour employer une expression commune, est complètement "flyé", parce que le nombre est absolument incroyable. Cela, il faut peut-être le pondérer parce que dans les chiffres qu'on me donne il y a tout le problème des ministres d'État qui relèvent peut-être du Conseil exécutif. Mais, le point est là. Il y a un danger aussi de politisation parce que, bien sûr, c'est au ministre qu'appartient de faire l'arbitrage entre les orientations, qui sont légitimes, de sa formation politique et... Je pense que les hauts fonctionnaires font une très bonne lecture des orientations politiques, mais l'expérience que j'ai - remarquez que cela varie - c'est que ce sont souvent des problèmes individuels. Également, il arrive que quelques jeunes matamores deviennent les experts dans un ministère. Il y en a eu,

en tout cas, dans la période où j'ai vécu au gouvernement et il y en a - enfin, on m'en a signalé guelques cas - dans la présente administration. Ce qui m'inquiétait le plus, c'était le volume. Vous relirez, d'ailleurs, un texte à cet égard de Yves Martin, de 1975, qu'on pourrait reprendre en le multipliant par deux, je pense.

Services essentiels

Autre question, également dans les chiffres et les statistiques, les données, pour la première fois - et je sais que le ministre va sans doute se réjouir de cette joie qu'il m'a procurée - j'ai vu apparaître le spectre d'une quelconque structure de maintien des services essentiels. J'ai totalisé cela quelque part; 800 000 $ à 900 000 $ de crédits y sont prévus. Je vais demander au ministre de m'indiquer, d'abord, afin que je puisse apprécier cela et que la commission puisse l'apprécier, quels étaient les crédits prévus à la commission Picard.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Et vous pourriez ajouter aussi, bref, l'ancien conseil...

M. Rivest: Au conseil Picard, pardon. M. Marois: ... d'information. M. Rivest: Oui.

M. Marois: Je prends note et on va chercher les chiffres.

M. Rivest: Bon. Par exemple, je vais vous poser une question sur les services essentiels: La liste syndicale, est-ce que vous la maintenez ou si vous l'abandonnez?

M. Marois: C'est une excellente question. Le député pourra prendre connaissance de la réponse en prenant connaissance du projet de loi qui sera déposé. Je pense, M. le Président, que le député comprend que je ne peux pas - et je ne vais pas commencer à le faire commenter de quelque façon que ce soit les recommandations que j'ai présentées au conseil.

M. Rivest: Pas vos recommandations, c'est la décision qui m'intéresse.

M. Marois: Bien sûr. Moi aussi,

M. Rivest: Vos recommandations, de cela je me doute.

M. Marois: Moi aussi.

M. Rivest: Mais, c'est la décision qui m'inquiète.

M. Marois: Attendez.

M. Rivest: Bon, on n'ira pas très loin là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Marois: Vous verrez si vos inquiétudes sont fondées ou non à la lecture du projet de loi.

M. Rivest: Sur la structure, vous n'êtes pas plus loquace non plus. Il va falloir attendre le projet de loi.

M. Marois: Ce qu'on me dit, pour une année complète d'opération du conseil que vous appelez le conseil Picard et du conseil d'information, c'était 1 200 000 $.

M. Rivest: Bon; alors, on a prévu 800 000 $.

M. Marois: Et là, il y a une provision de...

M. Rivest: II pourrait y avoir des ajustements, je sais que ce doit être difficile à établir. Mais ma préoccupation sur cette question est la suivante: On sait que dans le domaine du maintien des services essentiels, je parle surtout des institutions de santé et de services sociaux - et de cela, je pense que tout le monde en convient - la base, c'est l'établissement. C'est très difficile de Québec, ou de Montréal ou de je ne sais où, d'en haut, de définir ce que c'est.

Je sais, deuxièmement, que les établissements dans le réseau des affaires sociales et des services de santé ont vécu des situations pénibles et d'autres situations qui ont été tout à fait correctes, avec leurs quinze années ou-, disons, leur dizaine d'années d'expérience. Donc, les gens savent au niveau des établissements, finalement, quand il y a une grève dans un établissement, ce qu'il convient, avec des exagérations qui ont été commises au cours des années de part et d'autre, de maintenir à peu près pour assurer les services essentiels. Enfin, il y a une expertise, une expérience et un vécu qui existent.

Ma préoccupation sur la création de cette - appelons-la ainsi - structure, parce qu'on n'en sait pas plus pour l'instant, que vous évoquez dans vos crédits, c'est qu'à mon avis Dieu sait que le conseil Picard, c'était une de ses grandes critiques - on a toujours dit qu'il avait été installé trop proche. Ma préoccupation, c'est qu'étant donné les délais dans lesquels on doit maintenant s'inscrire, ou que le projet de loi

va être déposé d'ici le 31 mai, je présume, et va être adopté probablement à la vapeur, dans une nuit, quelque part au mois de juin, hélas, il faut qu'une fois que la loi sera adoptée, des gens soient nommés dans des fonctions de direction. Il faut qu'il y ait un bureau, un local, enfin, toutes les questions administratives. Le plus important, il faut qu'il y ait des gens - et c'est ça qui coûte cher probablement - sur le terrain qui aillent rencontrer les porte-parole syndicaux, les porte-parole patronaux, établir des contacts, créer un tissu, faire connaissance avec l'établissement, avec les personnes et c'est souvent ça qui est tributaire du succès de leur action. Et quand on reproche au ministre et au gouvernement d'avoir tant tardé, c'est que nous craignons pour l'efficacité d'une éventuelle structure, compte tenu du contexte dans lequel, ça va devoir être installé quelque part au cours de l'été. Si ça couvre le transport en commun, vous voyez, il y a déjà des débrayages qui s'annoncent.

Comment pensez-vous, indépendamment des changements qu'on apportera au niveau des pouvoirs, des responsabilités, que cette structure, pourra fonctionner pour la prochaine ronde de négociations? On lui donnera probablement un caractère permanent, mais malheureusement, il n'y aura pas de tradition. Ce sera probablement en grande partie du nouveau monde et notre crainte - et on l'a dit à plusieurs reprises -demeure quelles que soient les intentions de cette nouvelle structure, son efficacité pour favoriser les ententes au niveau des établissements, pour les administrer, pour décider qui va gagner ou qui va perdre, surtout s'il y a abandon de la liste syndicale. À cause du retard qui a été apporté à la mise en place de la structure, est-ce que le ministre ne pense pas qu'il y a effectivement un très grand danger que cette structure une nouvelle fois arrive bien en retard sur les besoins qui risquent de se manifester d'une façon assez vigoureuse, si on en juge aujourd'hui, dès la fin de l'été ou cet automne?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Je pense que c'est une question sérieuse et elle mérite une réponse sérieuse. Il est évident - je vais tout de même dire ce que je pense - que plus la décision tarde à venir - je pense que c'est le plus élémentaire bon sens et là-dessus, je ne peux pas dire le contraire, ce serait absurde - il va de soi que ça rend, j'allais dire plus difficile, mais ce n'est pas exact, pas plus difficile la mise en place et la composition, mais il y a forcément une période de rodage et le reste. Donc, forcément, il faut faire le plus vite possible.

Cependant, j'apporterais une nuance à cette affirmation et je pense que le député de Jean-Talon conviendra avec moi que la nuance est importante parce que je suis certain que c'est une opinion partagée aussi par les gens et les membres de l'Opposition. Après tout, je pense bien qu'on partage en commun cette responsabilité. À la lumière des déclarations de principe et des objectifs déclarés de part et d'autre, je crois que cette volonté de faire en sorte d'assurer la primauté des services essentiels aux citoyens est un objectif qui est partagé largement par l'Opposition.

Par voie de conséquence, je crois qu'il faut faire cependant des nuances parce qu'il me semble qu'il faut éviter - je ne dis pas que c'est ce que le député de Jean-Talon consciemment, de façon voulue, veut faire. Pas du tout, loin de moi l'idée de faire quelque procès d'intention, surtout sur un sujet comme celui-là. Pas du tout - de se tracer des images du pire avant. Il y a déjà suffisamment de problèmes qui sont là. Il y a, par ailleurs, des pistes positives sur lesquelles il me semble, comme société, si tant est qu'on veut se comporter de façon responsable, il y a moyen de capitaliser pour améliorer les choses de façon importante. Ce que je veux dire concrètement par ça, c'est ceci. C'est vrai que plus on retarde à mettre en place ce que j'appellerais l'équipe de base d'un conseil, quel que soit son format, quels que soient ses pouvoirs, peu importe, compte tenu de ce que j'ai dit et de ce que le député a dit, cela ne facilite pas les choses. (15 h 45)

Cependant, il existe une expertise, le député l'a rappelé avec justesse et pertinence, qui ne disparaîtra pas parce qu'on aurait tardé un peu plus à aboutir. Elle peut être largement mise à contribution et elle doit être mise à contribution. Après tout, il y a une chose aussi qu'il faut bien se dire. Le gouvernement a des responsabilités et il se doit de les assumer, mais le gouvernement a aussi des partenaires socio-économiques qui ont aussi leurs responsabilités et qui se doivent de les assumer, ces responsabilités, de plus en plus. Quand des gens posent des gestes irresponsables et qu'il y a des gens qui sont en autorité, qu'ils assument aussi leurs responsabilités.

Quels que soient les gouvernements, quelles que soient leurs couleurs, c'est trop facile de toujours reporter les problèmes sur le dos du gouvernement. Le gouvernement va régler ceci, le gouvernement va régler cela. Ce n'est pas toujours vrai. À la CTCUM, pour ne pas mentionner de cas, s'il y avait un petit effort additionnel des deux parties, il me semble que cela aiderait. Il est toujours trop facile de penser que le gouvernement va toujours tout régler en fin de compte. Ce n'est pas comme cela que ça

marche. Quand je regarde ce qui est en train... Enfin, on y reviendra à la CTCUM, si on veut, un peu plus tard.

Il y a donc, d'une part, cette expertise au niveau des établissements tant du côté de la partie patronale que syndicale, d'ailleurs. Le député se souviendra fort bien de certaines admissions drôlement intéressantes faites en commission parlementaire, à l'automne, par des porte-parole syndicaux.

Il y a autre chose, également. Le conseil qui a existé par le passé a mis à contribution des gens pour aider les parties à en venir à des ententes, a mis à contribution des experts pour évaluer les situations, faire rapport. Ces gens sont là aussi, demeurent là. Je ne vois pas pourquoi on ne miserait pas sur cette expertise, cette connaissance, ces ressources humaines valables et compétentes qui demeurent là. Encore une fois, je ne veux pas passer à côté de la question de fond du député. Il me semble que j'ai l'honnêteté d'admettre qu'il a en partie raison. Cependant, je pense que c'est une affirmation qui doit être nuancée.

M. Rivest: Une dernière question sur ce sujet.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Jean-Talon.

M. Marois: Je m'excuse, mais je voudrais être sûr que je n'ai induit personne en erreur. On me dit qu'en 1979-1980 le budget des deux organismes concernant les services essentiels, conseil ou commission Picard et, conseil d'information, était de 900 000 $. Au moment où les crédits ont été préparés, il n'y avait pas de décision de prise par le Conseil des ministres, alors on a demandé de reconduire ce montant dans les crédits. J'avais dit 1 200 000 $, je pense. Je fais la correction afin que les gens ne soient pas induits en erreur.

M. Rivest: Le ministre va dire: Vous verrez cela dans le projet de loi, mais je tiens au moins à poser la question. Le ministre m'indique que vous avez préparé le budget de la prochaine structure sur la base de l'expertise de l'ancienne, ce qui est tout à fait normal. Mais, à moins que je ne me trompe - on verra cela au moment du projet de loi - il est question d'accorder un statut, de permanence à cette structure, il en a été fortement question. L'autre était d'ordre temporaire, premièrement.

Deuxièmement, j'imagine que dans le projet de loi il est question également de considérer d'une façon législative la question des services essentiels non pas seulement dans le réseau des affaires sociales et de la santé, mais également dans celui de la fonction publique. Enfin, on pourrait reprendre des dispositions qui existent dans celui de l'éducation, celui du transport, nous l'espérons tous, et celui d'Hydro-Québec ou d'autres services publics.

Je me demande comment et jusqu'à quel point le ministre peut être réaliste dans ses crédits, compte tenu de l'augmentation normale des coûts, puisque ce budget était pour 1978-1979 et qu'on étudie 1982-1983. Si j'ai raison - là, je suis obligé de mettre cela sur la base de l'hypothèse parce que je ne connais pas la nature de l'action - le budget me laisse croire que la nouvelle structure ne sera pas aussi permanente qu'on nous l'a dit et, deuxièmement, qu'elle ne sera pas aussi large que les besoins semblent l'exiger dans le domaine des services essentiels. Alors, je ne veux pas, comme le dit le député de Duplessis, aller à la pêche plus qu'il ne le faut, parce que le ministre est un poisson très intelligent qui sait éviter les appâts, mais cela m'inquiète un peu. De toute façon...

M. Marois: Mon Dieu, M. le Président...

M. Rivest: ... on viendra avec un budget supplémentaire.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: ... que le député de Jean-Talon est flatteur! M. le Président, cela m'inquiète un peu. Je vais réfléchir deux secondes de plus à sa question. Blague à part, le budget était de 900 000 $, je m'excuse, je vous ai induit en erreur tantôt en parlant de 1 200 000 $.

M. Rivest: Même ordre.

M. Marois: Cependant, il s'agissait d'un budget de 900 000 $ pour une année. Nous sommes en mai...

M. Rivest: Êtes-vous en train de me dire que la structure est permanente?

M. Marois: Je suis en train de vous dire simplement ceci: Étant donné qu'au moment où on se parle il n'y a pas de décision finale, au moment, forcément, où on a préparé les crédits il n'y avait pas de décision finale. Par voie de conséquence, il nous a paru qu'une base de 900 000 $ qui correspondait au budget pour une année du conseil et du conseil d'information en pleine année d'activité, donc sur une période de 12 mois, cela nous laissait une marge.

Étant donné qu'on est déjà rendu en mai, il y a deux mois de l'année financière de courus, cela nous laisse une première marge; le temps de permanence ou pas d'un conseil, le temps de composer, d'organiser et de mettre en place, cela laisse encore un peu de jeu additionnel. Maintenant, ce sont

des projections et je vous donne les bases à partir desquelles ces projections ont été établies. Il se peut fort bien qu'on se soit trompé un peu, ce n'est pas impossible. On a essayé de le faire sur la base la plus rationnelle et logique possible à partir de ce que je viens d'indiquer.

Loi antibriseurs de grève

M. Rivest: Sur ce sujet spécifique, à moins que mes collègues n'aient des questions, quant à moi, on attendra le projet de loi.

Autre sujet, je voudrais vous parler de la loi antibriseurs de grève, comme on l'a appelée. Dans une étude du Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail du ministère - parce qu'on a évoqué des possibilités d'amender la loi - on retrouve la question des bénévoles qui a été soulevée à plusieurs reprises. On dit ceci: Pour que ces dispositions, c'est-à-dire les procédures d'enquête suite à une plainte portée concernant une infraction aux dispositions antibriseurs de grève, continuent d'être efficaces, il faudra que les délais entre la demande d'enquête et la production du rapport soient réduits au maximum.

Vous savez la fameuse question des délais pour que la loi soit efficace; autrement, les gens, comme le notait l'étude, vont demander une injonction, ce qui valorise le processus des injonctions dans le domaine des relations de travail. Le ministre a évoqué la possibilité de modifier la loi; est-ce que les modifications qu'il envisage à la loi antibriseurs de grève sont de cet ordre?

M. Marois: Juste pour être certain de bien comprendre la question du député, est-ce que le député parle particulièrement des négociations dans les secteurs public et parapublic, parce que les bénévoles dans ces secteurs, cela a posé un certain nombre de problèmes et c'est relié aussi aux mesures antibriseurs de grève?

M. Rivest: Je sais qu'il y a la question des délais et la question des bénévoles. Sur la loi antibriseurs de grève, qu'est-ce qu'il vous apparaît, éventuellement, en cours d'année, urgent de corriger? Deux, trois ou quatre points? Ou d'améliorer? Il n'y en a pas?

M. Marois: II y a des choses, M. le Président, mais au moment où on se parle, je n'oserais pas répondre à la question, aussi précise soit-elle, du député. On a, dans un premier temps, rencontré les porte-parole syndicaux pour les écouter. Dans un second temps, on a rencontré des parlementaires pour les écouter sur ces diverses questions, sur la pratique des mesures antibriseurs de grève. Également, on a eu l'occasion d'amorcer la discussion avec les porte-parole et les représentants au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. J'attends un rapport plus final avant de me prononcer définitivement, pour pouvoir en toute honnêteté dire: II y a, je crois, tel, tel et tel point très précis. Je ne dis pas que le problème soulevé par le député dans cet examen ne mérite pas une attention particulière; sur cela, je voudrais qu'on se comprenne bien.

M. Lavigne: Dans le même ordre d'idées, M. le Président si vous le permettez.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Toujours au sujet de la loi sur les antibriseurs de grève, je voudrais savoir si c'est la même réponse pour le député de Beauharnois, de la part du ministre, si on ouvre la parenthèse de la sous-traitance. Est-ce que vous attendez aussi le rapport à ce niveau? On sait très bien qu'à l'intérieur de la mise en application de la loi no 45 il y a eu beaucoup de représailles de la part des travailleurs de mon comté car beaucoup de compagnies vont donner de la sous-traitance en électricité, en plomberie, par différents contrats et, quand une grève arrive, les syndiqués de la compagnie, bien sûr, font la grève, mais il continue d'y avoir des manoeuvres à l'intérieur de la compagnie par les sous-traitants. Je voudrais savoir du ministre si, dans l'amélioration ou les amendements qu'il s'apprêterait à apporter à la loi no 45, il y aurait des modifications à ce chapitre de la sous-traitance.

M. Marois: Tout ce que je puis dire pour l'instant, c'est que c'est une question qui est étudiée parmi d'autres. Sur la question des sous-traitants, je dirais ceci. On prend cela par petits coins, on aborde la question des bénévoles, on aborde la question des sous-traitants; tantôt, on pourra soulever la question des injonctions; on pourra soulever un certain nombre de petits points. Je ne veux pas dire que ce sont des détails ou de petits problèmes. Plus on fouille ces questions pour voir quels seraient les éléments de solution, on se heurte à un problème de fond.

Je pense que je peux livrer l'état de nos réflexions là-dessus, qui est le suivant: notre système de droits de relations de travail, avec les années, est devenu de plus en plus judiciarisé, de telle sorte que, quand on aborde, par exemple, la question des sous-traitants, on peut l'aborder par le biais des mesures antibriseurs de grève, on peut l'aborder aussi par un autre biais, lorsqu'il y a des transactions, lorsqu'une entreprise change de sous-traitants. Cela vaut pour le secteur privé, cela vaut pour le secteur

public. Il y a eu des jugements qui ont été rendus, les uns en collégialité, les autres de façon individuelle; cela a soulevé d'énormes problèmes. Dans le contexte et dans le cadre où les relations de travail deviennent, au Québec, peut-être un peu par la force des choses, peut-être par tempérament, peut-être par notre façon d'aborder les problèmes, de plus en plus judiciarisées, cela nous mène toujours à trouver des solutions qui sont comme des espèces d'absolus, à trancher et à établir des règles générales qui manquent de nuances, de souplesse pour s'ajuster aux réalités qui, elles, sont changeantes selon la nature des problèmes, selon que le problème se pose dans le secteur public, selon qu'il se pose dans le secteur privé, selon qu'il se pose dans tel type de secteur économique ou dans tel autre type de secteur.

Dans ce sens, l'approche des gens de l'Ouest, en particulier, et même du code canadien des relations de travail, me semble être une approche qui mérite d'être regardée de très très près, si vraiment on veut trouver des solutions qui collent aux réalités d'aujourd'hui, qui permettent d'apporter une justice que recherche normalement une loi sur les relations de travail, sans toujours tomber dans le travers de judiciariser les choses, de normaliser les choses. Le conseil canadien, le "board" canadien, de même que certaines expériences qui ont été menées dans l'Ouest nous indiquent que cela permet l'approche d'un "board" beaucoup moins judiciarisé que ces espèces de relations qui deviennent très formalistes, très judiciarisées. Quand on arrive au niveau des instances d'appel de certaines décisions et même au premier niveau de décision, par exemple, sur des demandes d'accréditation, il me semble que c'est une approche qui mérite une réflexion très sérieuse dans le cadre actuel, sans compter qu'en plus, quand on aborde d'autres types de problèmes... (16 heures)

Prenons le cas du problème de l'injonction. On a entendu toutes sortes de suggestions, les uns disant: II faut créer une chambre spécialisée à la Cour supérieure, les autres disant: II faut ramener cela au niveau du Tribunal du travail. Se posent à ce moment-là des problèmes d'ordre constitutionnel, on le sait. L'approche plus souple, retenue en particulier par certaines provinces de l'Ouest, a permis de contourner ces problèmes, de régler ces problèmes et de donner des résultats beaucoup plus efficaces avec des délais beaucoup moins longs que ceux qu'on vit chez nous. Tout cela pour dire que plus on avance dans l'examen de ces questions, plus il nous semble qu'il faut aller vers non pas quelques pièces de législation, quelques morceaux de législation, mais un ensemble cohérent qui verrait à s'attaquer à l'ensemble des problèmes qui sont soulevés sans compter la question de la levée des obstacles de façon plus générale à la syndicalisation dans des secteurs où il est extrêmement difficile de l'obtenir pour des hommes et des femmes qui le veulent.

Il ne s'agit pas d'imposer la syndicalisation. Là-dessus je voudrais être bien clair parce que des fois on a "retroussé" certaines de mes déclarations particulières pour dire que je songeais à la syndicalisation obligatoire, pas du tout. Mais si tant est que des hommes et des femmes veulent s'organiser, pourquoi est-ce qu'ils ne pourraient pas le faire? À condition que l'instrument juridique de base qui est le code le permette et que cela puisse aboutir.

M. Rivest: Sur ces remarques d'ordre général, je conclus que cela devra conduire à l'adoption éventuelle d'un code du travail où il y aura la question des injonctions. Je pense que les mêmes remarques que le ministre vient d'évoquer pourront être faites. Je ne veux pas prolonger étant donné les délais qu'on a. Est-ce que la députée de Maisonneuve a une question?

Mme Harel: Je voulais demander au ministre s'il faisait référence aux expériences de l'Ouest, "cease and desist" de la Colombie britannique, où c'est, je pense, une seule personne qui est investie des pouvoirs permettant de juger très rapidement de l'accréditation, des congédiements pour activités syndicales, du maintien du statu quo ante en cas de congédiement, des bris de grève, de l'ensemble de ces questions-là. C'est un peu à ces expériences qu'il fait référence quand il parle des expériences de l'Ouest.

M. Marois: Exact. Notamment, l'ensemble des pouvoirs d'ordonnances. Il y a eu le fameux cas qui est drôlement indicatif quand on regarde les problèmes auxquels on fait face. Il y a un dossier qui est publiquement connu, on l'a constamment sur nos listes de grève. C'est le cas de Zellers au Québec. Ça traîne depuis je ne sais plus combien de temps et, par toutes sortes de moyens, la première convention collective. On s'en va je ne sais pas où, mais je sais qu'on est parti quelque part vers la Cour suprême avec ce dossier-là. Mais on voit que ce sont purement des procédures, c'est une judiciarisation des relations de travail qui fait que quelqu'un s'oppose et prend les moyens pour empêcher des hommes et des femmes de s'organiser légitimement.

À l'opposé, je ne me souviens plus très bien si c'est au fédéral ou en Ontario, je crois que c'est au fédéral, c'était dans le cas des banques, le fameux cas de Radio-Shack. Ce qu'on appelle le "board" a émis une ordonnance dans un cas, c'est tout juste si on n'a pas dicté la lettre au président de l'entreprise, lettre qu'il était obligé

d'envoyer à tous les employés pour les informer de leurs droits et leur dire comment s'y prendre légitimement, légalement pour faire reconnaître leurs droits et que cela puisse aboutir.

Mme Harel: On va espérer une loi dans ce sens-là l'automne prochain?

M. Rivest: II y a unanimité à la commission.

M. Marois: Le député de Jean-Talon tantôt m'a laissé un corridor un peu plus large en me disant: Est-ce qu'on peut s'attendre? Je ne me souviens plus très bien comment il a formulé sa question, mais de toute façon il m'a amené à dire: dans le courant de l'année.

M. Rivest: Vous avez de la chance parce que la déjudiciarisation, parce que c'est cela la solution au diagnostic que vous avez posé sur...

M. Marois: Ce n'est pas la seule.

M. Rivest: ... la judiciarisation, ça ne coûte rien ou à peu près rien. Alors, dans le contexte budgétaire actuel, ça va bien. Ça va être les lois. Il faut quand même occuper l'Assemblée nationale à quelque chose! Comme il n'y a pas de lois qui ont de la substance et du corps et qui donnent plus de services aux citoyens, on fait des lois qui, en termes budgétaires, n'engagent pas tellement. C'est votre chance cette année. Je suis convaincu que ça va être votre année; on va vous aider, à part cela.

M. Marois: Je prends bonne note des propos du député. Je comprends que l'Opposition est d'accord sur les objectifs poursuivis. J'ai pris bonne note de cela.

M. Rivest: II n'y a pas de problème. En voyez-vous?

M. Marois: Non, encore une fois, on verra si les paroles se traduisent en attitudes conséquentes.

M. Rivest: Ne nous obligez pas à déposer nos projets avant les vôtres, comme on a été obligé de le faire avec les services essentiels. Vous vous traîniez tellement les pieds qu'on a dit: II faut quand même que le débat continue de s'alimenter à une suggestion très concrète que vous allez retenir, j'espère, dans votre projet de loi. Cela m'amène à une autre question, si vous voulez, M. le ministre. On y va un peu à vol d'oiseau. Vous avez fait grand état - et avec raison, pas seulement vous, d'ailleurs, tout le monde en vante les mérites - de la médiation préventive. On parle même à certains égards de l'étendre aux services publics. Cela a été suggéré dans différents programmes électoraux. Ce serait tellement une bonne chose, mais cela ne se fait jamais, je me demande pourquoi cela ne se fait pas. Une chose qui me frappe, à la vue des données, c'est que la médiation préventive, autant les discours sont emportés lorsqu'on en parle autant, c'est très modeste comme service ou comme interventions au niveau du ministère du Travail. Je comprends peut-être, puisque cela commence. Ce sont les derniers chiffres que j'ai, à moins qu'il n'y ait eu une explosion de ce côté au cours de la dernière année, mais pour les chiffres de 1980-1981, c'étaient des interventions au niveau de quinze entreprises. Je regarde les effectifs; à moins que je ne me trompe, les effectifs, également, des fonctionnaires et des professionnels qui sont consacrés à cette tâche ne sont pas des plus exorbitants. Je me demande si on y croit vraiment, à la médiation préventive. J'aimerais que, si on y croyait vraiment, l'on mette les montants et les personnes d'une façon proportionnelle à la foi qu'on a dans cette technique.

M. Marois: Vous avez parfaitement raison. Il ne faut jamais perdre de vue que ce service est fourni sur une base volontaire, sur une base de consentement des parties. Ce n'est pas un service obligatoire. La notion de médiation préventive forcément implique aussi un changement dans certaines attitudes ou dans certaines mentalités. Cela ne se fait pas en deux jours. Ce n'est certainement pas la volonté qui manque au niveau du ministère, bien au contraire. Je peux vous dire que, aussi bien le sous-ministre adjoint aux relations de travail que toute l'équipe du ministère qui est dans le domaine des relations de travail poussent de façon importante... Encore une fois, c'est sur une base volontaire. Il y a cinq spécialistes qui sont dans ce service. Il y a présentement 34 dossiers en marche cette année. Cela roule.

M. Rivest: Oui. Je pense que le ministre est conscient de cela. Est-ce que l'extension aux secteurs public et parapublic qui est évoquée, d'ailleurs, dans le rapport annuel et dont on a déjà parlé est une idée qui vous paraît facilement applicable pour l'instant ou dans l'immédiat?

M. Marois: Je l'ai d'ailleurs moi-même déjà évoqué; si ma mémoire est bonne, c'est à l'occasion de nos travaux en commission parlementaire sur les services essentiels. Des approches ont été faites par le service. Je ne peux pas dire que l'approche a résulté en un accueil délirant, mais ce n'est pas une raison pour cesser de tenter de faire une percée de ce côté. Encore là, cela tient à une attitude et à des mentalités. Pour ceux

et celles qui ont pu expérimenter le service, jusqu'à maintenant, les résultats qu'on en a obtenus sont des plus positifs dans bon nombre de cas.

M. Dean: M. le Président, je pourrais juste ajouter que, dans ce domaine, c'est un peu comme l'alcoolisme. Le premier pas vers la guérison, c'est de reconnaître qu'il y a un problème. Assez souvent, là où les relations entre les parties sont les plus gâtées, c'est là où on a le plus de difficultés. On a deux choix quand on est dans un pétrin épouvantable, entre deux parties. Le premier, c'est de dire: Oui, on a un problème et, donc, on cherche de l'aide de l'extérieur pour le solutionner; l'autre, c'est de dire: On n'a pas de problème, on va régler nos affaires personnellement. Je dois dire en passant, sans vouloir soulever ce dossier en particulier, que la CTCUM est un organisme où les parties ont refusé la médiation préventive.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Le député vient de parler de la CTCUM. Quelle suite allez-vous donner au rapport Jutras? Parmi toutes les réactions qui ont été entendues, je ne me rappelle pas avoir entendu celles du ministre du Travail sur le rapport Jutras.

M. Marois: Vous avez parfaitement raison, vous n'avez pas entendu de réactions du ministre et vous n'en verrez pas jusqu'à nouvel ordre. Ma première préoccupation et ma première responsabilité, c'est de faire tout ce qu'on peut humainement faire pour rapprocher les parties et qu'il puisse en ressortir un règlement négocié dans les meilleurs délais. Notre responsabilité première, c'est celle-là. Je vais éviter toute déclaration qui contribuerait de quelque façon que ce soit à braquer ou à polariser les parties. Je pense que ma responsabilité, c'est, au contraire, de faciliter, autant que faire se peut, un rapprochement des parties. Ce dossier, ce n'est pas particulièrement le plus facile que j'ai vu. Dieu sait, pourtant que nous en avons vu au ministère depuis un certain nombre d'années!

Le Président (M. Bordeleau): La députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Puisqu'on est à l'aspect relations de travail, au service de conciliation et à celui de médiation, une idée est largement répandue voulant que ce soient des services presque exclusivement masculins; il n'y aurait pas de conciliatrice ou de médiatrice. J'aimerais savoir, en fait, sur le nombre total d'employés à la conciliation et à la médiation, combien il y a de femmes présentement. Je voudrais voir si c'est bien les ghettos masculins qu'on décrit habituellement.

M. Marois: Au service de conciliation, parce que le service de médiation comme tel n'existe pas, c'est le pouvoir qui est donné au ministre, sur 23 conciliateurs, il y avait une femme. Maintenant, il s'en est ajouté une deuxième. Il y en a donc 2 sur 23. Cela progresse lentement, à petits pas.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Jean-Talon.

M. Rivest: De plus, est-ce que vous ayez des remarques particulières sur la médiation et sur le service de conciliation?

M. Marois: La remarque que je ferais, c'est que les gens qui y travaillent, à mon avis, font - je ne sais plus quel qualificatif utiliser parce que je les vois à l'oeuvre régulièrement, tous les jours - un travail absolument remarquable. Je souhaite à n'importe quelle personne qui aura à assumer la responsabilité d'un ministère comme celui-là de disposer d'une équipe comme celle qui travaille à l'ensemble du service des relations du travail et en particulier à la conciliation. Ce n'est pas un travail facile. Je pense qu'ils ont réussi, dans certains cas, à favoriser le rapprochement des parties, à favoriser des règlements négociés dans des dossiers particulièrement délicats, difficiles, où les parties étaient braquées, polarisées quelquefois depuis des années.

M. Rivest: Je dois vous dire un mot aussi sur le règlement des griefs et toute la procédure de griefs. Dans le secteur privé, mais surtout dans les secteurs public et parapublic, des gens ont exprimé l'avis qu'il y avait un abus absolument considérable sur ce plan. Peut-on avoir des ordres de grandeur du volume des griefs, de la rapidité du règlement des griefs, de la constitution des tribunaux d'arbitrage, etc.?

M. Marois: Je prends note de la question; on va vérifier si on a ces chiffres et on va vous les fournir. (16 h 15)

M. Rivest: Maintenant, sur les normes minimales de travail, je vous indiquais ce matin - évidemment, c'est un domaine qui est très large et complexe, qui embrasse un ensemble considérable de travailleurs - on nous a dit, on a fait valoir que le contrôle de l'application réelle des normes minimales de travail laissait beaucoup à désirer. On se plaignait, concernant certains règlements, finalement, que personne du ministère n'allait vérifier. Quel est le nombre de plaintes que vous recevez au ministère? Peut-être pouvons-nous prendre le problème de ce

côté? On disait dans le rapport annuel, qu'il devait y avoir une consultation auprès des parties contractantes et des directeurs généraux des comités paritaires en vue d'une révision de la Loi sur les décrets de convention collective. Non, non, c'est une autre affaire. Excusez-moi. Ça, c'est sur les décrets de convention collective. Je veux revenir aux normes. Entre autres, sur le temps partiel, on en a parlé ce matin, les emplois d'été, etc.

M. Marois: Ça m'étonne un peu. M. Bergeron, le président de la Commission des normes du travail, est ici. On va lui refiler votre question sur le travail a temps partiel pour qu'il puisse vous fournir la réponse. Les plaintes sont envoyées à la Commission des normes du travail. Sur une période d'activités - ce qui est relevé dans le rapport de 1980-1981 - de quinze mois, sur 12 509 enquêtes ou inspections, durant l'exercice, 7439 ne révèlent aucune infraction, 5070 autres permettent d'établir des réclamations de 5 440 384 $ en faveur de 25 613 salariés. S'il y a 25 613 salariés sur 12 509 enquêtes, c'est que, dans certains cas, un salarié peut avoir une ou deux plaintes. Un règlement sur place - et je trouve que c'est quand même positif comme résultat - donc, si je comprends, sur intervention de l'enquêteur ou de l'inspecteur, est obtenu dans 3279 dossiers, et 12 471 salariés reçoivent ainsi et sans retard 1 548 505 $. Ça porte principalement sur les salaires. Ces chiffres apparaissent à la page 37 du rapport, les salaires, les vacances, les préavis et le reste, fêtes nationales, jours fériés, sur un nombre moins grand, mais principalement les salaires, les vacances et les préavis.

Sur la question du temps partiel, on me dit qu'on ne dispose pas de données statistiques comme telles parce que ça fait partie des normes générales; donc, ça doit se retrouver, j'allais dire noyé, dans l'ensemble des plaintes générales, que ce soit sur salaires, sur vacances, sur préavis. Je ne sais pas si on dispose de moyens de démêler ça pour extraire des données plus précises concernant le temps partiel.

M. Rivest: Le président de la commission avait identifié deux problèmes, deux sujets particuliers. Le premier était lié à la condition féminine, et le deuxième, aux salariés immigrants. C'est dans son rapport de 1980-1981. Est-ce qu'il y a eu des actions significatives qui seraient dignes de mention, de façon à améliorer la situation de ces deux catégories de travailleurs?

M. Marois: Est-ce que les membres de la commission seraient d'accord pour entendre M. Bergeron? M. Bergeron nous fournirait la réponse. M. Bergeron est d'accord. Si vous êtes d'accord, tout le monde pourrait l'avoir en même temps.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Bergeron, au nom du ministre.

M. Marois: Merci. En ce qui regarde les communautés culturelles et le personnel féminin, le gouvernement avait annoncé dans son programme général que la commission favoriserait l'embauche, d'une part, d'inspecteurs originaires des communautés culturelles et, si possible, de personnel féminin. Comme la réglementation, en ce qui regarde la fonction publique et l'office de recrutement, n'avait pas été modifiée, cela ne nous permettait pas directement de faire une discrimination positive dans le recrutement et on a dû procéder avec du personnel occasionnel pour une période temporaire en attendant la modification du plan de classification du corps d'inspecteurs-enquêteurs chez nous.

Dans le recrutement des occasionnels, on a donc demandé aux centres de main-d'oeuvre de nous référer autant que possible du personnel originant de communautés culturelles et des candidatures féminines qui répondaient aux exigences prévues dans le plan éventuel de classification. Ces personnes ont pu travailler chez nous pendant six à neuf mois avant que le concours puisse s'ouvrir. Au moment du concours, elles avaient donc une expérience qui pouvait leur donner une chance de se classifier. Je n'ai pas les statistiques ici, mais, selon les résultats qu'on a obtenus, je pense que, sur 75 personnes qui se sont qualifiées au concours pour recruter des inspecteurs-enquêteurs, il y en avait six qui venaient des communautés culturelles, ce qui était, je crois, un assez bon résultat. Il y a quelque temps à Montréal, par exemple, nous avions une centaine d'inspecteurs, dont douze femmes. Je pense que, récemment, on a multiplié par à peu près 200% la présence des femmes à la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Maisonneuve.

Le temps partiel

Mme Harel: Merci. M. Bergeron, la loi 126 donne-t-elle actuellement juridiction à la commission sur le temps partiel?

M. Marois: En ce qui concerne les employés à temps partiel, la commission ne prévoit aucune norme, aucune prescription particulière. Toutefois, elle ne les exclut pas. Les employés à temps partiel sont donc considérés comme des employés à temps plein et les conditions générales leur sont appliquées, sauf que, sur certains aspects, ils ne peuvent pas ou peuvent plus difficilement jouir de certains droits, par exemple

l'obtention de temps supplémentaire. La semaine normale étant de 44 heures, s'ils sont à temps partiel, l'obtention du temps supplémentaire est pour eux beaucoup plus difficile que pour un salarié qui fait déjà 40 ou 44 heures. Mais ils ont droit à des vacances, au salaire minimum, aux congés selon les normes prévues, ils ont droit aux mêmes normes qui s'appliquent à l'ensemble de la main-d'oeuvre de façon générale.

Mme Harel: La disposition qui prévoit qu'en cas de congédiement après cinq années au service du même employeur on puisse porter un grief devant la commission s'applique-t-elle à une personne à temps partiel?

M. Marois: Ces dispositions s'appliquent, parce que l'article de la loi réfère à la période de service continu. Même s'il est à temps partiel pour un employeur, un salarié peut acquérir du service continu. À ce moment, cela lui donne droit à un recours.

Mme Harel: M. Bergeron, écoutez, je pense qu'il y aurait vraiment intérêt à faire connaître la juridiction que la commission a à l'égard du personnel salarié employé à temps partiel. Je présume que, si j'ignore ces dispositions, beaucoup de mes concitoyennes et de mes concitoyens au Québec l'ignorent également. Il y a certainement là un problème réel.

M. Marois: Ce problème a été soulevé récemment. Parmi les décisions prises, l'une stipule que, dans toutes nos publications éventuelles, dans toute notre information, on va noter spécifiquement que les employés à temps partiel sont couverts. On n'a jamais donné d'indication qu'ils étaient exclus, mais je pense que, pour accélérer le processus on va indiquer que ces personnes sont couvertes.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Mon collègue, le député de Jean-Talon, va me permettre une autre question. Concernant particulièrement l'ordonnance 17, le congé de maternité, des plaintes ont été portées à l'attention de la commission, du moins en fait, ont été portées à l'attention des députés dans leur bureau de comté, dans le sens que des employeurs interprétaient le congé de maternité comme étant un congé de maladie, ne donnant pas lieu au maintien des journées de maladie ou des congés fériés durant le congé de maternité. Actuellement, je pense que des dossiers litigieux sont devant la commission.

M. Marois: M. le Président, à une question semblable ce matin, j'ai indiqué - vous me corrigerez si j'ai induit les membres de cette commission en erreur - que cela me paraissait être illégal à première vue et, par voie de conséquence, on pourrait ouvrir un recours. En fait, à ma connaissance, on n'a pas eu de plaintes telles quelles, parce que nos interventions dans le congé de maternité, à l'heure actuelle, sont qu'une salariée, dès qu'elle nous signale qu'elle était enceinte et qu'elle a été congédiée, cela fait l'objet d'une plainte qui est référée au commissaire général du travail. On ne porte pas de jugement sur le bien-fondé de la plainte parce que la juridiction appartient au commissaire général du travail.

Mme Harel: En fait, vous me référez aux plaintes pour congédiement pour cause de grossesse. Dans le cas des conditions minimales de travail, des normes de travail qui s'appliquent dans le cadre d'un congé de maternité, c'est, j'imagine, devant la commission que ces causes sont entendues?

M. Marois: C'est-à-dire qu'à ce jour le règlement donne un recours à la salariée qui est congédiée. Les normes générales, la loi et les règlements n'ont aucune prescription en ce qui regarde les congés de maladie.

Mme Harel: Mais les jours de vacances payés, les congés fériés?

M. Marois: Là-dessus, on va intervenir. Sur la question des vacances, il est entendu que les vacances s'accumulent durant ce congé. En ce qui regarde les jours fériés, la salariée peut recevoir une indemnité qui va rendre son salaire égal au salaire qu'elle aurait obtenu si elle avait été en emploi. Si elle bénéficie de l'assurance-chômage, l'employeur est obligé de lui fournir l'écart pour rendre son salaire égal au salaire normal qu'elle aurait détenu si elle avait été en emploi. Je pense que la loi ne peut pas avoir pour effet de donner plus à une salariée qui est en congé de maternité que ce qu'elle aurait réellement si elle était au travail.

Mme Harel: Mais elle peut réclamer un revenu supplémentaire à l'assurance-chômage, qu'elle reçoit durant son congé de maternité, pour compenser les congés fériés qu'ils lui sont dus.

M. Marois: Exactement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Bergeron, vous mentionniez à la page 8 du rapport de l'an dernier, qu'il y avait certains articles de la loi qui n'avaient pas encore été proclamés. Est-ce que, concernant les articles auxquels

vous vous référiez alors dans votre rapport, certains l'ont été ou tous l'ont été, de manière que les salariés puissent bénéficier des droits qui sont accordés par la loi? Est-ce que ce problème est réglé ou est en voie de règlement?

M. Marois: La situation est inchangée par rapport à l'année dernière, en ce qui regarde les aspects légaux. Les articles de la loi qui n'avaient pas été proclamés l'an dernier ne l'ont pas encore été cette année. Mais, en ce qui regarde principalement l'indemnisation préalable ou le versement préalable, nous sommes à l'heure actuelle à effectuer des recherches pour identifier exactement le problème, identifier les implications et faire des recommandations au ministre.

M. Rivest: Quels sont, en deux mots, les circonstances précises? Il s'agit de quoi au sujet des articles qui n'ont pas été proclamés?

M. Marois: C'est-à-dire que la loi prévoit, par un règlement du gouvernement, que la commission pourrait indemniser un salarié par une partie du montant qui est dû, selon certaines normes, quand la commission considère que des sommes sont dues à un salarié par un employeur et que l'employeur a décidé de ne pas payer et d'attendre une poursuite devant les tribunaux. Une poursuite devant un tribunal, cela prend de 15 à 18 mois avant d'obtenir jugement. Quand ces articles de la loi seront en vigueur, on pourra, selon les normes indiquées dans un règlement, indemniser, en fait, donner une avance aux salariés sur le montant qu'on prévoit obtenir devant le juge plus tard. (16 h 30)

M. Rivest: Est-ce que ce serait important, en termes de crédits additionnels qui pourraient vous être octroyés sur cette base, d'après votre expérience? Peut-être que la question s'adresse davantage au ministre; je ne veux pas vous embarrasser. Le problème des articles qui ne sont pas proclamés, pourquoi ne les proclame-t-on pas? Parce qu'on n'a pas les crédits nécessaires ou est-ce que c'est à ce point important? Est-ce que c'est cela, la raison du retard dans la proclamation?

M. Marois: Non. Ce n'est pas la seule et unique raison. Il y a un certain nombre d'articles - M. Bergeron me corrigera si je me trompe - dont l'article 112 qui permettrait à un travailleur de recevoir de la commission le remboursement d'un montant réclamé de l'employeur. Il y aurait également les articles 136 et 137, dans les cas où un employeur devient en faillite. Il y a l'article 124, si ma mémoire est bonne, les recours prévus par l'article 124. Non, ce sont des frais d'arbitrage, c'est un autre problème. Ce sont essentiellement les deux problèmes.

Dans le cas du premier problème, on a demandé à la commission, avant de promulguer, avant l'entrée en vigueur de l'article, d'évaluer et de nous présenter un rapport sur le coût d'application de l'entrée en vigueur de cet article. On me dit que le conseil d'administration s'apprête à nous faire des recommandations dans les meilleurs délais pour faire en sorte que cela puisse se faire sans trop pénaliser les employeurs, mais que le droit comme tel puisse s'appliquer, cependant.

En ce qui concerne les articles 136 et 137, c'est plus complexe. Il faut évaluer les montants en cause et essayer de voir de quelle façon on peut arriver à le mettre en pratique. C'est un article qui permettrait à des travailleurs, lorsqu'une entreprise fait faillite, d'obtenir des compensations soit pour perte de salaire, congés, vacances et autres sommes dues, comme on y arriverait par un fonds spécial qui serait alimenté d'une façon ou d'une autre. Est-ce qu'on le fait par le biais de la cotisation générale, ce qui aurait un effet pénalisant pour tout le monde y compris ceux qui se comportent correctement? C'est le genre de question que la commission examine présentement et sur laquelle elle nous fera rapport pour qu'on puisse voir de quelle façon il y a moyen de le mettre en vigueur.

M. Rivest: La remarque que je veux faire s'applique à d'autres. Je trouve curieux - probablement que ce n'est pas le propre du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - qu'on mette des dispositions dans la loi et qu'on ne sache même pas combien cela coûte. Quand on arrive pour les mettre en application, on dit: On a calculé et cela coûte trop cher. Je me demande dans quelle mesure l'Assemblée nationale pose un geste vraiment éclairé. Vous ne pensez pas? Cela arrive souvent qu'il faille les ajuster, mais quand on met une disposition dans la loi il me semble que si le gouvernement sait que celle-là n'entrera pas en vigueur, il doit le dire qu'il met cela juste pour la littérature, pour ne pas revenir devant l'Assemblée. C'est un procédé qui m'apparaît un peu curieux.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Je veux bien respecter les évaluations que le député de Jean-Talon peut faire. Cependant, en ce qui me concerne, ce n'est pas mon intention de bloquer l'entrée en vigueur de ces articles; je pense qu'ils sont fondés. Il s'agit de trouver les meilleures formules qui puissent permettre de rendre cela opérationnel, concret et que cela

ne soit pas pénalisant pour des gens qui ne le méritent pas. Par ailleurs, les droits qui sont reconnus aux travailleurs doivent s'exercer, d'une part; d'autre part, en ce qui concerne les articles 136 et 137, il nous faut aussi regarder la question du conflit possible avec le fédéral concernant les matières de faillite.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va?

M. Rivest: Cela va, oui.

Le Président (M. Bordeleau): Avant d'aborder un autre sujet, M. le député de Duplessis, sur un sujet général.

M. Perron: Merci, M. le Président.

M. Marois: Si le député me permet de l'interrompre une seconde. En notre nom à tous et à toutes, je voudrais remercier M. Bergeron de s'être prêté à nos questions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Duplessis.

Le fonds minier et PECEC

M. Perron: J'aurais deux sujets à discuter où j'aurais des questions à poser au ministre; c'est sur le fonds minier et, deuxièmement, sur le programme PECEC.

En 1981 l'avant-projet de loi qui était en commission parlementaire et qui se rapportait au fonds minier, en accord avec toutes les parties présentes à cette commission parlementaire, fut remis à plus tard. Je voudrais savoir où en est le projet pour qu'il puisse être déposé à l'Assemblée nationale et ensuite discuté en commission parlementaire. Deuxièmement, quels sont les échéanciers de ce même projet et, troisièmement, est-ce que le futur projet va toucher seulement les métaux non ferreux? Comme vous le savez, dans la région de Schefferville ainsi que de Sept-Îles, Port-Cartier, Gagnon et Fermont, c'est strictement du minerai de fer. L'avant-projet de loi qui avait été déposé ne touchait que les métaux non ferreux.

Ma deuxième question concerne le programme PECEC. Est-ce qu'il y aurait une possibilité que le ministre puisse déposer les déboursés qui ont été faits dans toutes les régions du Québec, région par région, en rapport avec les investissements, incluant bien entendu le nombre d'emplois crées dans chacune de ces régions?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Le député me le permettra, j'ai la réponse à une question posée tout à l'heure par le député de Jean-Talon sur les griefs. Le volume en ce qui concerne l'arbitrage de griefs au Québec, privés et publics, si je comprends bien les chiffres qui me sont communiqués, 3838 griefs furent déposés au ministère, secteurs privé, public etc., 3838. En 1981-1982, j'ai nommé 1979 arbitres pour intervenir dans des arbitrages de griefs contre 1256 en 1980-1981, comparé à 953 en 1979-1980 et à 859 en 1978-1979. Les délais moyens en jours - ça faisait partie de la question du député. De la nomination de l'arbitre à l'audition du grief, il s'écoule un délai moyen de 84 jours; et, de l'audition du grief à la décision, 64 jours. Donc, si vous voulez, de la nomination à la décision, 148 jours.

Si ma mémoire est bonne, mais là je ne voudrais pas induire les membres de cette commission en erreur, cela indiquerait qu'on a réussi à réduire les délais par rapport à ce qui se passait antérieurement malgré l'accroissement du volume.

M. Rivest: Vous avez l'air de l'apprendre en lisant ces chiffres-là.

M. Marois: À apprendre?

M. Rivest: Vous avez l'air de l'apprendre.

M. Marois: Non, ce que j'ai ajouté...

M. Rivest: Cela m'inspire la remarque que ce n'était peut-être pas une volonté politique tout à fait éclairée et déterminée, la réduction de délais.

M. Marois: Je m'excuse, je ne vous suis pas.

M. Rivest: Vous avez l'air tout étonné d'apprendre cela en lisant les chiffres que vous me donnez.

M. Marois: Non, ce qui m'étonne c'est le volume; je n'avais pas vu les chiffres récemment.

M. Rivest: Le volume de grèves, et je voudrais avoir les derniers chiffres disponibles. Le volume de grèves cette année au Québec. J'imagine qu'il y en a moins, compte tenu de la conjoncture économique. Aussi le délai de règlement en moyenne selon les derniers chiffres disponibles.

Le Président (M. Bordeleau): II y a une question sur le fonds minier, M. le ministre; ça m'a l'air intéressant.

M. Marois: Oui. Sur la question du fonds minier, on se souvient du projet de loi, de la commission parlementaire. On se souvient aussi que c'était une vieille

demande, en particulier, des métallos. On se souvient des résultats des travaux de la commission parlementaire où, en fin de compte, malgré le fait que - je ne cacherai pas que j'avais été passablement déçu - le projet de loi, me semble-t-il, reprenait, je dirais, à 90% l'essentiel des demandes des métallos, pour une raison ou pour une autre, les analyses, les évaluations, les perceptions aussi et les problèmes vraisemblablement vécus par les porte-parole syndicaux avaient évolué, tant et si bien que leurs demandes avaient évolué aussi. On se souviendra qu'ils ajoutaient un certain nombre de demandes additionnelles en ce qui concerne le financement du fonds, en ce qui concerne aussi l'introduction de cette notion de statut du mineur. À la suite des travaux de la commission, j'avais demandé aux parties si elles étaient intéressées à ce qu'on puisse poursuivre les travaux, lors de rencontres avec elles, pour voir s'il pouvait se dégager un consensus et si on pouvait en arriver à un projet qui puisse être raisonnable, responsable et répondre aux besoins réels, leur indiquant qu'on demeurait disponible.

Par ailleurs - je saute un certain nombre d'étapes - comme on le sait, les métallos en particulier, mais pas exclusivement les métallos, à la suite du changement de direction qui est intervenu il n'y a pas si longtemps, ont entrepris une tournée à travers le Québec pour examiner à nouveau tout ce dossier avec leurs membres, pour répondre à notre demande qui était simplement celle-ci: Comment évaluez-vous maintenant les problèmes? De quelle façon voyez-vous les solutions à ces problèmes? Êtes-vous à même de faire les premières quantifications pour qu'on puisse examiner, comme on dit dans le jargon, la faisabilité des propositions ou des solutions qui pourraient être suggérées.

Les discussions viennent à peine, d'après ce qu'on m'a dit, de se terminer, il n'y a pas si longtemps. J'ai eu l'occasion de faire savoir aux directeurs québécois des métallos que ma proposition demeurait toujours sur la table, qu'on était prêt à les rencontrer et leur demandant de nous présenter leurs demandes de la façon la plus précise possible quant à l'ampleur, quant à la portée, non ferreux ou ferreux, ce qu'ils voulaient inclure, ce qu'ils proposaient sur la question du statut du mineur et le reste, pour qu'on puisse, le cas échéant, mieux procéder par la suite à nos propres évaluations et, le cas échéant aussi, intervenir auprès de la partie patronale pour favoriser, autant que faire se peut, un projet qui serait un consensus; à défaut de quoi, on serait prêt à procéder nous-mêmes pour réaliser, conformément aux engagements pris, un fonds minier, évidemment en le regardant aussi à la lumière des travaux qui se poursuivent parallèlement sur l'ensemble de la question des licenciements collectifs et des fermetures d'usines. Donc, la volonté, de notre côté, de procéder sur ce plan est là, demeure toujours là. J'ai encore fait savoir tout dernièrement aux directeurs québécois des métallos qu'on était prêt à les rencontrer.

Je suis content que le député soulève la question parce qu'on a eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer des porte-parole syndicaux qui ne connaissaient même pas les résultats des travaux de la commission parlementaire ici et qui pensaient que c'étaient ou bien les parlementaires ou bien le gouvernement qui bloquait le projet. Or, c'est de notoriété publique, si tant est que le journal des Débats est lu, que les parlementaires ici ont poussé tant et plus dans ce sens, que c'est aussi la volonté du gouvernement d'y arriver, à la condition qu'on sache sur quoi on travaille. On est prêt à regarder cela dès que la partie syndicale sera prête à nous soumettre un projet, à l'évaluer avec elle, voir ce qui est faisable et on est prêt à réaliser l'engagement dans cette perspective, parce que cela répond à un besoin réel. Je comprends que la perception des besoins ait évolué avec les années et que certains problèmes aient pris une dimension ou une acuité additionnelle qu'ils n'avaient pas par le passé, tant et si bien que cela les amène à réajuster leurs projets. On comprend cela parfaitement bien. (16 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Si je comprends bien, le ministre vient de nous dire qu'il ne peut déposer ici, par exemple, l'échéancier à cause du fait que les représentants syndicaux n'ont pas encore fait valoir leur position face à un autre projet de loi qui pourrait être déposé et, d'autre part, la teneur de ce projet de loi, il ne peut pas la donner parce que cela n'a pas été discuté.

Maintenant, en rapport avec le programme PECEC...

M. Marois: Alors, pour répondre à votre question, oui, c'est possible de déposer, et je le ferai avec plaisir, les données mêmes par projet, par région depuis le début. Je pense qu'effectivement cela remonte aux années 1977-1981 jusqu'à la dernière année, 1981-1982. C'est possible de déposer cela et ça ressort clairement par région. C'est possible de le remettre pour que chacun puisse en prendre connaissance.

C'est un programme qui relève du ministre du Travail, de la Main d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu, qui est administré, comme on le sait, par le biais des conférences administratives régionales où il y a des comités d'approbation de projets

auxquels comités siègent des fonctionnaires venant de tous les horizons ministériels avec des représentants du ministère chez nous.

Il me semble que c'est, à moins que je me trompe, le seul programme gouvernemental qui, si on ne joue pas sur ce mot soit vraiment décentralisé, où les décisions peuvent se prendre en région jusqu'à concurrence d'un coup de pouce financier de 75 000 $, et il est décloisonné. Ce qui fait que des gens de divers ministères peuvent mettre ensemble leurs expertises en jouant en même temps le rôle de consultants pour des gens qui n'ont souvent pas les moyens de se payer les grosses firmes de consultants, ce qui, me semble-t-il, donne de plus en plus de résultats remarquables sur tous les plans. Cela prouve qu'il y a plein de projets en région, des projets valables, des projets qui ont des chances - pas juste des idées mais des idées qui peuvent se transposer en projets, en petits projets industriels et souvent en projets de moyenne taille - de rester de façon permanente, d'être durables dans le paysage et de créer de l'emploi permanent. C'est sur une période, depuis le début du programme, c'est tout près de - je m'excuse, je pense que cela vaut la peine de le signaler - c'est un peu plus de 58 000 000 $ qui ont été fournis en coups de pouce financiers additionnels pour plus de 900 projets qui ont été acceptés et qui permettent d'entrevoir la création de plus de 11 000 emplois permanents.

Au fur et à mesure que l'expérience s'est déroulée, alors que les premières années le nombre des bénéficiaires de l'aide sociale était inférieur à 10%, la dernière année on atteint maintenant 25% de bénéficiaires de l'aide sociale qui ont pu, grâce à ce programme, retrouver ou contribuer à obtenir un emploi permanent.

Quand on compare les crédits - je ne sais pas si j'ai le tableau comparatif par rapport à celui de l'an dernier - l'an dernier, en 1981-1982, le budget sur la masse était d'environ 54 000 000 $, comme cela paraît au livre des crédits, au programme 4. Sur la masse budgétaire pour les programmes de création d'emplois qui était de 54 000 000 $, le PECEC y comptait pour 17 500 000 $ et cette année, en 1982-1983, sur la masse de 62 800 200 $ qui apparaît aux crédits, le PECEC y comptera pour 23 000 000 $. Il y a donc là un accroissement et je voudrais aussi indiquer... Je pense que ça peut être intéressant pour l'information des membres de cette commission de parler non seulement du PECEC, mais du PECEC dans l'ensemble des programmes de création d'emploi. C'est maintenant une enveloppe budgétaire globale qui est votée. C'était le cas l'an dernier, et sous réserve de me tromper, je crois que ç'a commencé l'an dernier. Au lieu d'avoir toute une série de programmes, avec des budgets préétablis dans le livre des crédits, il y a une possibilité en cours de route, pour le ministre, sur recommandation, de réaffecter, de déplacer 10% en plus ou en moins, d'un programme à l'autre. C'est toujours le même principe cette année quant à la masse. Mais, les 10% de marge ont été augmentés -d'ailleurs, c'est une question qui avait été soulevée en commission parlementaire lors de l'étude des crédits - à 25%, ce qui élargit la marge de manoeuvre pour réajuster rapidement, pour être à même de mieux répondre aux besoins, selon la performance, de tel ou tel programme, même selon les performances régionales des programmes.

Le Président (M. Bordeleau): Merci.

M. Perron: M. le Président, si je comprends bien...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Si je comprends bien ce que vient de nous dire le ministre, si un programme, disons volet 1, par exemple, ne fonctionne pas dans une région, par rapport au budget qui en découle, qui devrait y être affecté, le ministre peut transférer jusqu'à 25% de ce montant vers un autre volet qui serait, par exemple, le volet 4.

M. Marois: Je peux transférer d'un programme à l'autre. Par exemple, si tel programme - on l'a fait d'ailleurs, l'an dernier - si le programme de retour au travail fonctionnait très bien et si l'an dernier, certains volets du programme d'intégration des jeunes à l'emploi, ça fonctionnait moins bien, il nous était possible de réaffecter sur le plan des masses. Forcément, à partir du moment où on peut réaffecter sur le plan des masses, ça se répercute sur les budgets régionaux.

M. Perron: Maintenant, est-ce que ces 25% dont vous parlez peuvent être tranférés aussi d'une région à l'autre, selon les besoins d'une région?

M. Marois: II n'y a pas de difficultés de ce côté. La difficulté ultime qu'il restait à surmonter, c'était de déplacer d'un programme à l'autre, d'une région à l'autre, selon les besoins. D'ailleurs, c'est tellement vrai qu'on a pu mettre l'accent dans certaines régions, en particulier, sur certains programmes. Lorsque dans le cadre de l'opération solidarité économique, il a été question de mettre un accent important sur la Côte-Nord en particulier, on l'a fait via l'ensemble des programmes. Mais, notamment, quand je regarde la liste, ça ressort assez clairement, on l'a fait via le programme expérimental de création

d'emplois communautaires. Donc, la réponse, c'est oui.

M. Perron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Ça va. Sur le même sujet, le député de Beauharnois.

M. Rivest: C'est un autre sujet.

Le Président (M. Bordeleau): C'est un autre sujet. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je ne sais pas si... Moi aussi, c'est sur un autre sujet.

M. Rivest: Une dernière question. Oui, en fait, il est cinq heures.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Libre aux députés ministériels de poser des questions, mais j'ai déjà indiqué au ministre que deux sujets généraux que l'Opposition voudrait aborder, c'étaient la main-d'oeuvre et la formation professionnelle avec la députée de Chomedey et les programmes de création d'emplois avec le député de Marquette. S'il y avait moyen de réserver deux petits blocs d'ici à la fin.

Fonctionnaires issus du milieu syndical

Quant à moi, j'ai deux dernières questions sous réserve des chiffres qu'on va me fournir sur le volume de grèves et le temps de règlement. Le commissaire Jutras... Vous permettez? Le commissaire Jutras a donné... Et ça, c'est vrai que les milieux patronaux sont parfois sceptiques lorsqu'ils arrivent au ministère du Travail et le commissaire Jutras dans une interview samedi, je crois, dans le Devoir, a déclaré ceci. Je voudrais avoir sur cet aspect qui n'a aucun rapport avec le conflit de la Commission de transport de Montréal, le commentaire du commissaire Jutras, qui disait, au sujet de la composition du ministère du Travail, c'est le commissaire qui parle: Je ne connais pas tous les gens personnellement, je sais que c'est un préjugé courant, très véhiculé dans le monde du travail selon lequel ceux qui se retrouvent au ministère du Travail sont pour la plupart, sinon tous, issus des rangs syndicaux. Et il mentionnait nommément le bureau du commissaire du travail. Enfin, compte tenu de l'expérience, ça n'enlève pas du tout la compétence et ce n'est pas l'objet de mes propos. Je le signale parce que ce sont souvent des commentaires qui nous viennent des milieux patronaux et c'est repris par quelqu'un en qui le ministre a pleinement confiance, une confiance méritée, parce que c'est un bonhomme qui a fait sa marque dans le domaine des relations du travail, est-ce que ce commentaire assez élaboré du commissaire vous apparaît plausible? Est-ce que vous êtes sensible à ce type de préoccupation? C'est une première question. J'en ai une autre et ce sera terminé quant à moi.

M. Marois: Sur cela, chacun peut tirer ses conclusions. Je prends simplement le bureau du commissaire au travail. Sur 23 commissaires, 15 sont issus du milieu syndical ou ont des antécédents du milieu syndical, et 8 du milieu patronal. Que cela alimente un préjugé, peut-être. Je suis bien mal placé, étant titulaire de ce ministère, pour me prononcer sur le fond. Ce qui m'importe cependant, c'est de savoir si oui ou non les gens sont satisfaits du travail qui est accompli par ces gens? Ce n'est pas tous les jours, je pense que le député de Jean-Talon sait cela d'expérience, qu'on se fait signaler dans un ministère, par des gens qui sont en droit d'ailleurs de façon légitime de s'attendre à des services, la qualité du travail accompli par des gens du ministère, en particulier parce qu'ils sont sur la ligne de feu, c'est le cas de le dire. Il arrive de façon assez régulière que je reçoive des témoignages très élogieux. J'en parle d'autant plus à mon aise que je ne suis pas impliqué personnellement, cela les concerne eux, sur la qualité du travail qui est accompli par les fonctionnaires du ministère. Donc, c'est cela qui me préoccupe.

M. Rivest: Une dernière remarque. À tout le moins, vous avez eu l'avantage, comme la plupart de vos collègues du Conseil des ministres, de faire les pages de Normand Girard au mois de mars, je ne sais pas si vous vous le rappelez, d'une façon assez percutante. Votre entrée a été forcément remarquée. Je ne voudrais pas empiéter sur le sujet, mais au moins m'assurer que des constatations explosives d'une incurie administrative au niveau du programme de création d'emplois dans la région 03, ainsi que cette incurie généralisée au service de placement, toujours dans la région 03, qui émanait d'un membre du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui accomplissait sans doute sa tâche et, malheureusement pour lui et probablement pour le ministre, mais heureusement pour l'intérêt public, ce rapport interne est parvenu au public... Je ne veux pas reprendre la charge extrêmement vigoureuse qui a été menée contre l'administration du ministre au niveau de ce programme extrêmement important.

Je voudrais d'abord demander au ministre, je sais qu'il a déjà donné des éléments de réponse, si effectivement ce

rapport a eu des suites au niveau du ministère, si vraiment des correctifs ont été apportés; deuxièmement, si on s'est assuré, j'imagine qu'on l'a fait, qu'à tort ou à raison, les éléments de critique qui, à première vue, apparaissaient extrêmement sérieux sur l'administration du ministère ne se seraient pas étendus à d'autres régions que la région 03 où on aurait retrouvé un peu les mêmes problèmes. Enfin, le ministre sait de quoi je parle.

Je voudrais, au moins en guise d'introduction aux propos de mes collègues, avoir son sentiment général sur sa participation aux écrits de M. Normand Girard.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Lors de la conférence de presse annonçant le bon d'emploi, c'était sorti le matin même ou la veille de la conférence de presse, l'écrit du journaliste auquel fait allusion le député de Jean-Talon, j'ai donc eu l'occasion de le commenter devant les journalistes eux-mêmes. Pour indiquer ceci, premièrement, non je n'ai aucune espèce d'indication qu'on ait des problèmes analogues à ceux qui auraient pu être soulevés en d'autres régions administratives. Deuxièmement, un rapport préliminaire de vérification a été soumis à la direction générale de Québec pour donner suite à une demande interne d'examiner la gestion des programmes de main-d'oeuvre. J'ai eu l'occasion de le dire lors de la conférence de presse, l'initiative elle-même et le souci d'améliorer la gestion provenaient des gestionnaires eux-mêmes. (17 heures)

M. Rivest: II me semblait qu'il y avait...

M. Marois: Je dis que cela provenait des gestionnaires eux-mêmes. Je pense qu'il n'y a pas lieu de les blâmer dans ce cas, bien au contraire. J'ai tenu à signaler cela, parce que c'est quand même une nuance de taille.

Deuxièmement, le . rapport final des vérificateurs n'a pas encore été transmis, puisqu'on procède actuellement à l'examen des commentaires qui ont été reçus des gestionnaires sur les anomalies qui ont été notées. Cependant, un certain nombre de mesures ont été mises en place pour permettre un meilleur suivi dans l'attribution des subventions: Premièrement, la fusion des réseaux de l'aide sociale et de la main-d'oeuvre a permis d'ajouter du personnel plus préoccupé par le suivi des contrôles. Deuxièmement, des règles administratives beaucoup plus strictes ont été communiquées au personnel du réseau. Troisièmement, une équipe de spécialistes travaille actuellement à l'élaboration de normes administratives, ce qu'on appelle les standards de contrôle, qui régiront l'attribution des subventions. Quatrièmement, la mise en place d'équipes régionales de vérification. Cinquièmement, un mandat prioritaire au nouveau vérificateur interne d'examiner les modes de fonctionnement. Sixièmement, un meilleur partage des responsabilités entre deux directions générales, c'est-à-dire celle des politiques et programmes et celle des opérations. Voilà le suivi et les mesures qui ont été prises pour l'instant.

Conflits de travail

Revenant sur la question qui est restée en suspens, j'attendais les chiffres, sur les conflits et la durée moyenne en jours ouvrables des conflits, en 1977, le nombre de jours-personnes perdus au Québec a été de 1 433 421, pour une durée moyenne, en jours ouvrables, de 35,9. En 1978, jours-personnes perdus, 1 869 461, pour une moyenne de 32,7, en jours ouvrables. En 1979-1980, forcément les chiffres montent, c'est la période du secteur public...

M. Rivest: ... en 1976, parce que vous avez charrié allègrement à l'époque.

M. Marois: On peut les ressortir, voulez-vous...

M. Rivest: Je me rappelle de la campagne électorale de 1976.

M. Marois: II me fera plaisir de soumettre au député les chiffres en les relevant jusqu'en 1970.

M. Rivest: N'exagérez pas.

M. Marois: Non, mais cela donnerait des bonnes bases de comparaison. J'en prends note et je vous l'enverrai avec plaisir, pour les déposer à l'Assemblée nationale.

M. Rivest: J'ai aimé la phrase: On sait que c'est le secteur public. Je pense que vous ne l'avez pas entendue en 1976, celle-là.

M. Marois: Non, on sait que 1979-1980 est la période du secteur public, on pourra comparer les chiffres.

M. Rivest: Lâchez le chiffre.

M, Marois: On pourra comparer. En 1979, 3 658 886...

M. Rivest: Combien? Pardon?

M. Marois: 3 658 886, pour une durée moyenne, en jours ouvrables, de 32,8.

M. Rivest: 3 000 000, avec ce que vous avez concédé dans vos conventions collectives.

M. Marois: En 1980, je rappelle au député, pour une durée moyenne, en jours ouvrables, de 32,8.

M. Rivest: Je l'ai pris en note.

M. Marois: II veut tenir compte de toutes les données, alors on va tenir compte de toutes les données.

M. Rivest: Non, c'est parce que...

M. Marois: Vous avez parfaitement raison, d'ailleurs.

M. Rivest: ... avec le prix que vous avez payé pour la convention collective du référendum...

M. Marois: En 1980...

M. Rivest: ... c'est beaucoup, 3 000 000.

M. Marois: M. le Président, j'ai toujours l'habitude d'écouter attentivement le député lorsqu'il parle. Je suis sûr qu'il va vouloir faire de même.

En 1980, 4 314 999, pour une durée moyenne, en jours ouvrables, de 34,1. Et en 1981, 1 802 300, pour une durée moyenne de 40,6 jours ouvrables.

M. Rivest: Cela a augmenté.

M. Marois: La durée moyenne a augmenté, forcément on retombe en jours-personnes perdus quelque part entre l'année 1977 et 1978. On peut remonter d'ailleurs en 1970, j'ai déjà regardé les chiffres, c'était intéressant de faire les comparaisons.

M. Rivest: Je voulais vous poser la question, mais j'aimerais mieux voir les chiffres avant.

M. Marois: On les a même depuis 1966. Je ne vois pas pourquoi on ne déposerait pas ces chiffres-là, c'est très intéressant.

M. Rivest: En 1966, c'est la période où le ministre du Revenu était ministre de l'Union Nationale?

M. Marois: En 1966, 1967, 1968, 1969, 1970, 1971, 1972...

M. Rivest: Combien, la moyenne...

M. Marois: ... 1973.

M. Rivest: ... donnez juste la durée moyenne des grèves.

M. Marois: Sur le tableau que j'ai ici, à partir de 1966, je n'ai pas la durée moyenne, en jours ouvrables, j'ai le nombre de jours-personnes perdus, à compétence provinciale et à compétence fédérale, le nombre d'arrêts de travail, le nombre de travailleurs touchés et le nombre de jours-personnes perdus.

M. Rivest: Est-ce que cette moyenne se compare bien en général - je comprends le secteur public - avec la moyenne canadienne de règlements de grève?

M. Marois: De règlements, vous voulez dire la...

M. Rivest: La moyenne, les 40, les 34, les 32...

M. Marois: ... durée moyenne en jours ouvrables? Honnêtement, je n'ai pas les chiffres. Je ne peux pas vous répondre comme cela.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez distribuer le tableau aux membres de la commission, M. le ministre? On peut en faire tirer des copies.

M. Marois: Pourquoi ne ferait-on pas des copies de tous ces tableaux, est-ce qu'on peut?

M. Rivest: J'arrête, car je crains d'abuser.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Beauharnois.

Fusion des centres de main-d'oeuvre et des bureaux de l'aide sociale

M. Lavigne: Oui, M. le Président, rapidement, j'ai deux questions très disparates à poser au ministre avant de terminer. D'abord, on sait que le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est en train de mettre en application la fusion de ces centres de main-d'oeuvre du Québec et des bureaux de l'aide sociale. Je voudrais savoir du ministre si cela va lui permettre de faire une économie, le fait de fusionner ces bureaux, sur le plan financier et sur le plan de la main-d'oeuvre. Peut-il me dire si on ajoute de la main-d'oeuvre ou si on la diminue ou si c'est à peu près le statu quo, quant aux coûts de fonctionnement et aux coûts de main-d'oeuvre?

Comme deuxième question - je vous avais prévenu de la disparité des deux - je voudrais savoir si le ministre a l'intention de bouger, parce qu'on a eu dans nos bureaux de comté - plusieurs députés en ont discuté

encore dernièrement - des revendications des plombiers du local 144. C'est la fameuse question de la tutelle qui dure depuis sept ans. Ces plombiers m'apparaissent être de bonne foi. Ils viennent consulter le député et nous disent: Posez donc la question au ministre pour qu'il nous dise s'il a l'intention de laisser tomber cette tutelle et, sinon, pourquoi il la maintiendrait. Je comprends que c'est une question qui est vieille et qui traîne dans le décor. Il y en a beaucoup qui m'apparaissent de bonne foi et qui disent: Que le ministre nous donne, dans l'occasion d'élire démocratiquement notre monde parce que, actuellement, dans les circonstances, on manque d'information sur les prestations syndicales; on ne sait pas où l'argent va, comment c'est administré au niveau de l'intervention que devrait normalement faire un représentant syndical face à ses syndiqués, du fait que ce soit un tuteur. Il apparaîtrait aux plombiers du local 144 que tout ce travail ne se fait pas de façon aussi assidue et complète comparativement aux services qu'ils auraient si c'était un syndicat qui reprendrait tous ses pouvoirs, si on levait la tutelle. Ce sont les deux questions que j'avais à poser au ministre, en espérant des réponses qui pourraient satisfaire les gens de nos comtés.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Marois: Sur la première question, il y a deux façons d'aborder le problème qui est celui de l'économie générale, vous voulez dire de l'ensemble des enveloppes ou des crédits disponibles ou une économie en réduction de personnel. Notre objectif est celui utilisant et coordonnant au mieux les ressources humaines qui sont là et qui correspondent à des postes autorisés. Dans ce sens, il n'y a pas nécessairement d'économie, en tout cas, je ne prévois certainement pas d'économie substantielle; le problème est de mettre l'accent sur l'amélioration de la qualité des services à la fois aux citoyens bénéficiaires de l'aide sociale, aux travailleurs qui cherchent de l'emploi et également aux entreprises. Je pense qu'il y a là place à une possibilité d'amélioration de la qualité du service, à tout le moins, je dirais à des coûts équivalents. Cela est pour répondre à votre première question.

La tutelle du local 144

Quant à la deuxième question, concernant le local 144, le député de Beauharnois dit que c'est une vieille question. C'est vrai que c'est une question à la fois vieille mais en même temps terriblement d'actualité. Il y a des gens au local 144 qui ont d'ailleurs un sens remarquable de l'humour. Je suis allé il n'y a pas si longtemps faire une émission de ligne ouverte à un poste de radio de Montréal. Ils m'attendaient à la sortie pour me faire part de leurs griefs et ils étaient 144 exactement.

Ceci étant dit, blague à part, je vais répondre au député exactement ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises à plusieurs groupes de travailleurs du local 144, à des gens qui se prétendent des porte-parole du local 144 et à ceux qui en sont jusqu'à nouvel ordre les véritables porte-parole: Tant et aussi longtemps que je n'aurai pas de la part du tuteur et de la part du représentant syndical légalement autorisé à agir au nom du local 144 - et cette personne ce n'est pas M. Sureau, c'est M. Charles Lacas - tant que je n'aurai pas l'assurance et les garanties qu'il est possible pour les travailleurs de bonne foi, et il y en a un grand nombre, de reprendre de façon véritablement et pleinement démocratique en main le contrôle de leur syndicat, d'une part, et en même temps l'assurance que ne recommenceront pas des agissements que moi je crois passablement dangereux et qui même, dans certains cas, correspondent à des tentatives de prise de pouvoir ou de contrôle par des méthodes dans certains cas inacceptables. Tant que je n'aurai pas cette double assurance dans l'intérêt des travailleurs eux-mêmes, je n'autoriserai pas la tenue d'un scrutin. Je veux être certain que le jour où on l'autorisera ça va se dérouler de façon démocratique et ça va vraiment être sous le contrôle des travailleurs du local 144 qui ont le droit d'avoir un syndicat qu'ils contrôlent eux-mêmes pleinement. Par voie de conséquence c'est la même chose pour la levée de la tutelle. Effectivement, d'autres locaux syndicaux ont déjà été mis en tutelle et sur le rapport des tuteurs et des porte-parole autorisés on a, comme vous le savez, levé les tutelles; il reste le local 144 plus, je ne me souviens plus de son numéro, l'association sportive qui était accrochée au local 144.

Présentement, quant au contrôle sur les fonds, d'après les rapports que j'ai, les contrôles, je dirais, sont d'autant plus rigoureux qu'ils ont pu l'être par le passé; il est important que ça reste comme cela et, à partir du moment où va se mettre en marche le processus démocratique, que ça revienne entre les mains des travailleurs.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. Simplement avant de donner d'autres droits de parole, je vais vous donner un peu... Comme le temps passe rapidement, je vois des gens qui s'impatientent un peu et peut-être avec raison. J'ai retenu, par ordre chronologique, les députés de Jacques-Cartier, de Maisonneuve, qui avait déjà une question depuis ce matin, et ensuite de Chomedey et de Marquette. Alors, Mme la

députée de Jacques-Cartier.

Les griefs dans différents secteurs

Mme Dougherty: J'aimerais tout simplement poursuivre la question du député de Jean-Talon sur le nombre de griefs. Est-ce que vous avez des chiffres sur le nombre de griefs dans les différents secteurs, éducation, affaires sociales, parce que je crois qu'il y a une histoire là-dedans?

M. Marois: Je n'ai pas cela ici, à portée de la main. On pourrait toujours le retracer puis le fournir à la députée avec plaisir.

Mme Dougherty: J'ai soulevé la question parce que je sais très bien qu'en éducation, à cause de l'entente avec le personnel de soutien, il y a un nombre disproportionné de griefs pour le secteur de l'éducation. Je ne connais pas le nombre par rapport aux autres secteurs. Vous avez parlé d'un nombre global de 3800. J'ai l'impression que c'est un nombre disproportionné pour le personnel de soutien en éducation. Je crois que c'est très important d'en connaître la raison. (17 h 15)

Selon mon expérience en éducation, il y a deux raisons: d'abord, une entente très complexe avec beaucoup de trous, beaucoup d'ambiguïté, et mal rédigée. Je sais très bien que la responsabilité de négocier ne relève pas de votre ministère, mais quand même, c'est très important, parce que c'est le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui paie la pénalité pour des ententes mal rédigées. Il y a quelque chose de très important pour les prochaines négociations. Quand on a un contrat excessivement complexe, avec toutes sortes de trous et des ambiguïtés, on a recours d'une façon excessive aux griefs. Pour le Québec, la situation économique est grave et on doit essayer de corriger cela la prochaine fois.

M. Marois: On va essayer de retracer les chiffres pour les fournir à Mme la députée. On me dit, sous réserve de vérifier, que dans le cas du personnel de soutien, en général, effectivement il y a beaucoup dé griefs qui sont soulevés. Cependant, on me dit - je voudrais bien voir les chiffres pour voir de quelle façon cela se compare avec les autres groupes de travailleurs des secteurs public, parapublic, péripublic - que dans le cas du personnel de soutien, peut-être que les trois quarts des griefs se règlent avant l'étape de l'arbitrage, de telle, sorte que le chiffre que j'ai évoqué tout à l'heure, de 3838, il faut bien le prendre pour ce qu'il signifie. Il signifie le nombre de griefs qui se rendent jusqu'à cette étape. On me dit que, dans le cas du personnel de soutien, il y a effectivement un pourcentage élevé. Est-ce disproportionné par rapport aux autres secteurs? Je ne le sais pas, mais on peut vérifier. On me dit également qu'il y a un pourcentage extrêmement important, on parle des trois quarts qui seraient réglés en cours de route avant d'arriver à l'étape de l'arbitrage.

Le Président (M. Lavigne): Est-ce que Mme la députée de Jacques-Cartier a terminé ses questions?

Mme Dougherty: Oui, merci.

Le Président (M. Lavigne): C'est au tour de Mme la députée de Maisonneuve.

Sécurité du revenu et aide sociale

Mme Harel: Je m'en excuse un peu auprès de mes collègues mais, ce matin, on n'avait pas terminé le programme 3 sur l'aide sociale. En fait, il y a un certain nombre de points d'accrochage qui se présentent lors de l'application de la loi, points d'accrochage auxquels nous sommes confrontés. Je sais que cela peut être intéressant de s'y arrêter rapidement, que cela puisse être porté à la considération du ministre et aussi du ministère, puisqu'il y a derrière vous plein de gens qui peuvent travailler à harmoniser l'application de cette loi.

Assez rapidement, les divers dossiers qui ont été portés à mon attention au bureau de comté concernent, d'abord, l'harmonisation des prêts-bourses et des allocations d'aide sociale. J'ai un certain nombre de cas concrets, pratiques. Je me réfère, par exemple, à une femme chef de famille monoparentale qui est retournée au cégep en septembre dernier et qui, pensant pouvoir améliorer sa situation, a vu son chèque coupé à partir d'octobre. Elle a dû aller en révision et n'a reçu de chèque, après révision, qu'au mois de décembre. Pourtant, le prêt ne lui a été versé qu'en janvier. Donc, infiniment de problèmes attribuables sans doute à une harmonisation difficile entre le moment où le prêt-bourse est versé aux étudiants et le moment où l'on cesse l'émission de chèques d'aide sociale. C'est certainement "désincitatif", parce que cette personne m'a dit, entre autres, qu'elle n'aurait pas les moyens de retourner au cégep l'an prochain. Cela a des conséquences, évidemment, parce qu'avec l'indexation - en faisant une petite parenthèse - qui est extrêmement bénéfique pour les bénéficiaires de l'aide sociale, c'est évident que les prêts-bourses versés même aux chefs de famille avec enfants ne correspondent plus au montant versé. Dans le cas très concret qui me préoccupe, c'est presque

1500 $ en moins, le prêt-bourse, par rapport à l'aide sociale qui était de 452 $ en septembre et qui est indexée en janvier et en avril. Il y a évidemment aussi tous les autres besoins spéciaux comme le déménagement et les autres besoins, prothèses et autres, qui ne sont plus couverts. C'est donc dire qu'il y a matière à difficultés réelles dans l'application de ce qui se veut un programme d'incitation à une scolarisation plus poussée souvent chez les chefs de famille pour leur permettre d'améliorer leurs conditions de vie.

D'autre part, il y a tout les problèmes - je les note rapidement - du retour aux études. On a glissé un mot là-dessus ce matin. Je pense, entre autres, à l'école Marie-Anne qui est une école qui a eu comme vocation, de la part de la CECM, le retour aux études des décrocheurs, des "drop out", comme on les appelle communément, qui avaient quitté le secondaire. Un problème très réel a été porté à la connaissance des députés de Montréal. Bon nombre des jeunes - 18, 19, 20 et 21 ans - qui font l'effort de retourner aux études, sont aux prises avec un problème très réel de revenu, n'ayant droit qu'à l'allocation pour les moins de 30 ans, tout en ayant des dépenses beaucoup plus importantes du fait même de s'être inscrits à des études comme les frais de déplacement, d'achat de livres et autres.

Il y a vraiment à considérer à ce sujet une application qui pourrait être réexaminée dans le cadre d'un retour aux études pour les moins de 30 ans lorsque des dépenses réelles sont encourues pour parfaire ou poursuivre des études que l'on sait absolument essentielles, maintenant.

Il y a un troisième aspect, et je pense bien que cela va intéresser le ministre, si tant est qu'il n'en a pas déjà entendu parler. Actuellement, les besoins spéciaux ne sont remboursés que lorsque le bénéficiaire obtient de l'aide sociale depuis six mois. Cela pose une difficulté dans le cas particulier des femmes victimes de violence, c'est-à-dire des femmes battues, en d'autres termes, celles qui sont hébergées dans les maisons d'accueil pour femmes et enfants et qui ne peuvent plus bénéficier, très souvent, du remboursement du déménagement, ce qui était le cas auparavant. Elles pouvaient avoir un certain soutien du bureau de l'aide sociale pour emménager. On sait qu'il y a un fort pourcentage - on l'a vu au niveau de l'ensemble des provinces - il y a un problème qui est de plus en plus porté à la considération de l'opinion publique, celui de la violence privée. On sait très bien qu'actuellement il y a au-delà de six maisons d'hébergement pour femmes battues et un des problèmes est le fait de pouvoir réinstaller ces femmes et la famille sans bénéficier des montants auxquels elles avaient auparavant la possibilité de recourir.

Il y a un problème plus général. Je voudrais beaucoup insister là-dessus parce qu'il n'implique pas de sommes d'argent. Je ne voudrais pas nécessairement en faire un problème pour l'ensemble des bureaux d'aide sociale. Mon expérience, évidemment, est limitée à Montréal, particulièrement au bas de la ville, et c'est un problème de comportement qui, à notre niveau, peut ne pas poser de difficultés mais qui, dans le cas des personnes qui, presque unanimement, sont venues m'en parler au bureau, a d'énormes conséquences; c'est une certaine familiarité.

Dans les bureaux d'aide sociale, on tutoie tout le monde. Ce tutoiement peut paraître de la familiarité - je l'ai encore vécu juste avant de venir à la commission en taxi, on m'a demandé: Où est-ce que je te conduis? C'est de règle maintenant ou presque, semble-t-il, en tout cas chez une certaine génération plus jeune que moi -dans le cas des bénéficiaires d'aide sociale et plus particulièrement des femmes. Beaucoup de femmes m'en ont parlé. C'est vraiment vu comme du mépris, c'est vraiment une perte de dignité. Qu'elles soient âgées... La plupart des agents, et je sais qu'ils ont souvent une très lourde charge de travail, sont souvent beaucoup plus jeunes qu'elles. Se faire tutoyer à 55 ou 58 ans ou 60 ans, quand on a déjà psychologiquement des difficultés à recourir à l'aide sociale, ou même se faire tutoyer à 30 ans quand on est chef de famille et qu'on a parfois des difficultés sur le plan conjugal, c'est inadmissible. Je souhaite beaucoup une directive très claire suivant laquelle on a déjà suffisamment à demander aux bénéficiaires en termes d'intimité dans leur vie familiale ou personnelle et qu'au minimum, ce soit une directive, à savoir qu'on vouvoie les bénéficiaires comme on le fait au ministère du Revenu et comme on le fait en général, et qu'on s'identifie. Au téléphone, actuellement, c'est, paraît-il, de pratique courante. Il n'y a pas d'identification de l'agent d'aide sociale. Comme je vous le dis, je ne peux pas parler pour l'ensemble de la pratique au Québec. J'en parle pour ce qui est du secteur que je connais, le secteur du bas de la ville.

Vous permettez encore deux autres aspects en termes d'application pratique. C'est la question des personnes seules qui sont hospitalisées. Je voudrais vérifier parce que cela me semble encore un peu confus. Est-il exact qu'il y a perte d'allocation dans le cas, par exemple, d'une personne seule qui doit être hospitalisée pendant un certain nombre de mois? En tout cas, si c'est vraiment le cas, je recommanderais que, pour au moins les trois mois de l'hospitalisation, il y ait le maintien d'une allocation pour permettre le maintien du logement durant l'hospitalisation. Il me semble... Je voudrais juste vérifier si c'est exact qu'on retire

l'aide sociale au moment où il y a hospitalisation, dans le cas des personnes seules. Cela pose de graves problèmes pour ces personnes qui doivent être hospitalisées durant parfois un, deux ou trois mois et qui ont parfois des difficultés supplémentaires qui proviennent de leur perte de logement.

Deux autres aspects, rapidement. Je sais que cela ne concerne pas tout à fait directement le ministre de la Sécurité du revenu. J'aimerais qu'il fasse des pressions auprès de son collègue de l'Habitation sur les victimes, les locataires victimes de la MIUF. Les programmes actuellement s'adressent aux propriétaires parce qu'on considère que, dans le cas des locataires, particulièrement dans le cas des bénéficiaires de l'aide sociale, ils peuvent déguerpir. Les règlements sont que, quand ils habitent un logement qui est aussi mal organisé, ils peuvent tout simplement partir, mais ça pose des difficultés réelles dans le contexte de la crise du logement actuelle dans les centres urbains. Cela pose de réels problèmes. À plusieurs reprises, j'ai demandé que les offices municipaux de logements, qui relèvent de la Société d'habitation du Québec et donc du ministre de l'Habitation, puissent donner priorité, comme dans le cas des sinistrés, aux personnes qui seraient admissibles, de toute façon, aux offices municipaux de logements, à un logement à loyer modique, mais qui se trouvent alors dans une liste parfois très longue. Il faudrait que, comme dans le cas des sinistrés, il puisse y avoir une priorité pour les locataires bénéficiaires de l'aide sociale qui habitent un logement mal isolé.

Je termine sur quelque chose qui m'est très cher. J'appelle cela "le vieux gagné", c'est-à-dire les 2500 $ d'économies qu'on permet à un couple qui doit recourir à l'aide sociale ou les 1500 $ pour les personnes seules. Je voudrais simplement rappeler ceci. On permet au bénéficiaire de l'aide sociale de garder sa maison quand il est propriétaire, sauf que, dans des quartiers urbains, montréalais, je pense au mien, où 92% des gens sont locataires, les seules économies qu'ils ont réalisées, ce qu'on appelle "le vieux gagné", ce qui a été mis de côté péniblement durant des années, ces gens se voient dans l'obligation de le réduire à rien, à néant, avant de pouvoir avoir recours à une certaine forme d'aide. Je pense que ce ne sont pas les nouveaux bénéficiaires qui sont aptes au travail ou ce ne sont pas les jeunes bénéficiaires. Ce sont très généralement des gens du deuxième âge avancé qui perdent leur emploi, qui ont à recourir à l'aide sociale à 50, 55 ans, qui faisaient partie d'une génération où on faisait des économies. Au minimum on pourrait doubler le montant admissible, c'est-à-dire de 2500 $ passer à 5000 $ pour un couple, et de 1500 $ à 3000 $ pour une personne seule, et c'est à peu près leur sécurité finalement qui est en cause. On dit souvent: Ces personnes-là, il ne faut jamais oublier qu'un bon nombre d'entre elles vont obtenir leur pension de vieillesse et, pour elles, c'est leur mise de côté pour payer leurs funérailles. On va me dire qu'à l'aide sociale, les funéraille sont payées, mais les gens n'aspirent pas à mourir sur l'aide sociale, ils pensent pouvoir au moins mourir avec leur pension de vieillesse, et ils savent que cela va être à leurs frais. (17 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le ministre.

M. Marois: Oui, je m'excuse, M. le Président. Il y a un bon nombre de choses. Je vais essayer de prendre note et on va vérifier, parce qu'il y a quelques points dont vraiment j'entends parler pour la première fois.

En ce qui concerne la question des prêts-bourses, la meilleure harmonisation qui pourrait... parce que c'est cela l'objectif, dans la mesure où les assistés sociaux désirent retourner aux études, dans certains cas, pour faciliter éventuellement un retour au travail aussi. J'ai eu l'occasion de rencontrer certains porte-parole de groupes d'assistés sociaux, tout récemment, et c'est effectivement un problème qu'on m'a soulevé. Cela varie mais, dans certains cas, l'aide sociale est plus avantageuse que le régime de prêts-bourses; dans d'autres cas, c'est l'inverse. Il n'en reste pas moins que le problème est réel.

Depuis que cela a été porté à notre connaissance, un comité mixte a été mis sur pied par le ministère de l'Éducation et chez nous, pour essayer de trouver une meilleure formule d'harmonisation qui viserait à faciliter plutôt qu'empêcher.

Quant au deuxième point, la question des décrocheurs qui retournent à l'école, j'avoue que c'est la première fois que c'est porté à notre connaissance. C'est pourquoi j'en prends note et on va vérifier.

Dans le cas des besoins spéciaux, la question du déménagement, effectivement, il se peut fort bien que vous ayez raison. À tout le moins, je dirais que c'est une chose qui mérite d'être regardée de très près. Il se peut qu'on soit appelé à procéder à des réajustements de ce côté-là.

Sur la question du tutoiement et de l'identification, je dois dire qu'à notre connaissance - tout le monde le sait, on l'a évoqué - il y a le coin qui, sur une base d'entente avec la ville de Montréal, est administré par la ville de Montréal, et l'ensemble des autres bureaux au Québec qui relève directement du gouvernement du Québec. On a peut-être des cas isolés, occasionnels, mais on n'a pas de plainte signifiant un état de comportement généralisé à l'échelle du Québec, bien au

contraire, les directives d'identification, de respect des gens, c'est très clair.

M. Rivest: Au moins, c'est clair.

M. Marois: C'est très clair. Si vous vous promenez dans un bureau d'aide sociale, vous allez voir tout de suite que les gens sont identifiés; identification aussi par voie téléphonique. De plus, maintenant, on exige l'identification sur les documents qui sont envoyés d'un bureau qui s'en vont entre les mains d'un assisté social, il y a son numéro, il y a le nom de l'agent, et le reste. Donc, est-ce que ce serait une pratique généralisée dans les bureaux qui sont sous l'administration de la ville de Montréal? J'ose espérer que non. Je serais porté à penser que non. Il faudrait donner quand même la chance au coureur, aux agents, il y alà quand même des gens qui font leur travail depuis un bon nombre d'années.

Mais cela dit, il n'en reste pas moins que s'il y a des cas et qu'on peut les cerner, rien ne nous empêche, sur la base de l'entente qui existe entre le ministère et la ville de Montréal, de donner des directives très précises pour que soient respectées à la fois la question de l'identification et la question du tutoiement.

Quant aux cas des personnes hospitalisées, effectivement, c'est exact, on verse 90 $ pour les besoins ordinaires auxquels s'ajoute un montant jusqu'à concurrence de 150 $ pour le maintien du loyer. Cela est fait dans la logique des autres mesures qui existent à l'aide sociale compte tenu du fait que c'est une personne qui devient hébergée pour une période X. Donc, forcément, l'État supporte ces coûts. J'ai pris bonne note du commentaire en ce qui concerne l'isolation des maisons. En ce qui concerne l'avoir liquide, on n'a pas touché à cela, comme on le sait. On n'a pas réduit ces montants qui sont de 2500 $ pour un couple et 1500 $ pour une personne seule, sans compter qu'en plus la loi et les règlements permettent une maison d'une valeur d'un avoir net de 40 000 $. L'avoir net veut dire: Si la maison vaut 60 000 $, 70 000 $, 80 000 $ et qu'il reste une hypothèque de 40 000 $, l'avoir net, c'est le montant de l'hypothèque. Est-ce qu'il y a lieu de rajuster? Pardon?

Mme Harel: Le problème, c'est que dans le milieu urbain il y a peu de bénéficiaires qui ont des maisons. La réalité, c'est que leurs économies étaient plutôt en avoir liquide que dans une propriété.

M. Marois: Oui. Je prends note. Je vais me faire à nouveau sortir les données dont on dispose, parce que, dans le cas de gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, forcément le règlement tient compte du milieu urbain, du milieu rural, de l'entre-deux, du semi-urbain ou du semi-rural; les 2500 $, dans le cas d'un couple dont c'est le "vieux gagné", c'est vrai que ce n'est pas beaucoup, mais dans le cas des gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, c'est un "vieux gagné" acquis péniblement qui peut représenter déjà une somme importante. En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que j'ai déjà vu des chiffres, mais j'avoue que c'est vague, et je n'oserais pas m'avancer. Il semble y avoir peu de cas où il y aurait des montants qui excéderaient les 2500 $ en question. Enfin, je prends note du commentaire. On va regarder cela.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Mme la députée Chomedey, c'est à votre tour.

Politique de marché du travail

Mme Bacon: Oui, M. le Président, c'est à mon tour. Je n'apprends rien à personne en disant que nous traversons en ce moment peut-être une des pires crises de l'emploi. Mon opinion, c'est que c'est une crise qui est sans précédent. Le chômage frappe toutes les classes de travailleurs et de travailleuses, et je pense qu'il faut dire aussi sans distinction d'âge, sans distinction de compétence et sans distinction de formation. Parallèlement à cela, le Québec et le Canada connaissent dans certains secteurs d'activité des pénuries de main-d'oeuvre. Il suffit de rencontrer des gens qui sont dans le milieu des affaires pour constater que, même si nous connaissons une période de chômage sans précédent, il y a une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée surtout. C'est vraiment paradoxal, parce qu'il y a un volume important de main-d'oeuvre disponible en ce moment. Encore la semaine dernière, on rencontrait l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec, et on nous disait qu'on doit faire face à des difficultés d'embauche. Je pense que ce phénomène apporte un éclairage sur les programmes de formation de main-d'oeuvre, les besoins de l'économie et nous fait de plus en plus comprendre qu'on forme des diplômés en ce moment. Même si ces diplômés sont bien formés, qu'ils ont la formation nécessaire pour trouver un emploi, il n'y a pas de perspective d'emploi pour eux. C'est un peu la raison qui amène une démobilisation de certains, surtout chez les jeunes - on retrouve cela chez les jeunes -mais ce n'est pas seulement les jeunes. On voit dans toutes les catégories d'âge que les gens ont une démobilisation face à leur possibilité d'oeuvrer dans différents emplois et l'offre de ces emplois. Cela m'amène à parler de main-d'oeuvre, de politique de marché de travail aussi.

Dans le rapport annuel de 1980-1981, à

la page 8, pour être plus précis, on indique dans ce rapport que le ministère se serait engagé, au cours de l'exercice 1980-1981, dans une série de travaux préparatoires à l'élaboration d'une politique québécoise du marché du travail. Au titre des orientations tant pour 1981 que pour 1982, toujours dans le rapport annuel, on s'engage finalement à terminer les travaux entrepris sur cette question. Voici ma première question au ministre. Au cours de l'exercice 1981-1982, a-t-on réussi à compléter les travaux d'élaboration d'une politique de marché du travail ou si c'est encore en gestation? Où est-ce rendu?

M. Marois: Je devrais normalement avoir en main le rapport durant l'été. On me dit juin, mais je vous dis durant l'été pour être plus sûr.

Mme Bacon: Est-ce possible que cela nous amène un projet de loi? Jusqu'à maintenant, vous avez possiblement eu des rapports d'étape.

M. Marois: Rien n'est exclu comme piste, mais il m'apparaîtrait prématuré, enfin, j'improviserais une réponse, ce ne serait pas juste de répondre par un oui ou par un non à cette étape-ci de nos travaux. Rien n'est exclu, certainement pas cette piste si tant est que c'est nécessaire, mais, honnêtement, je ne peux pas répondre à la question.

Mme Bacon: Mais sur réception du rapport, le ministre s'engage-t-il à donner suite aux recommandations au cours de l'automne?

M. Marais: Dans les meilleurs délais après, selon l'ampleur, parce qu'une politique de main-d'oeuvre, une politique d'emploi, c'est d'abord un cadre et cela implique des perspectives, des orientations, des accents qu'il faudrait développer, une meilleure utilisation des ressources humaines, financières dont on dispose, les institutions à mettre à contribution et toute la dimension des relations fédérales-provinciales dans ce dossier aussi. Est-ce que cela impliquera une législation? C'est pourquoi je dis que cela me paraît prématuré de répondre, ce ne serait pas correct de répondre, mais si tant est que cela le suppose pour développer une politique d'emploi au Québec, je ne l'exclurais certainement pas comme instrument, comme possibilité.

Mme Bacon: Qu'est-ce que pense le ministre de cette possibilité d'actualiser l'alternance éducation-travail, par exemple, pour permettre à des gens de reprendre des études ou de compléter une formation, ce qui leur permettrait d'avoir une situation plus favorable? Il y a toutes sortes de raisons qui font que quelqu'un peut interrompre ses études et sente le besoin d'y retourner.

M. Marois: II n'y a certainement pas d'objection, bien au contraire, à favoriser cela, dans certains cas. On l'évoquait ce matin en parlant de certains programmes de création d'emploi où il ne faut pas non plus empêcher la poursuite ou le maintien aux études. Quand on regarde les chiffres du chômage, on voit très bien que le taux de chômage, même s'il demeure élevé dans la conjoncture actuelle, est moins élevé que les chances de débloquer sur le marché du travail. Elles sont plus grandes dans la mesure où la personne est plus équipée. C'est une dimension du problème, mais il y en a une autre qui m'apparaît aussi importante, c'est ce qu'on appelle la formation chez les travailleurs et les travailleuses et, même dans certains cas, en cours d'emploi et dans le cadre de la perspective d'une politique d'emploi. Ce n'est pas le seul, parce qu'il y a des points sur lesquels le fédéral et le Québec sont d'accord, mais c'est un élément qui nous apparaît extrêmement important, de permettre, de faciliter, de mettre un accent beaucoup plus grand sur la formation en industrie, dans le cadre d'une politique de main-d'oeuvre, dans le cadre d'une politique d'emploi; c'est relié aussi à toute la question des licenciements collectifs, des fermetures d'usines. Dans certains cas, dans certains pays, on sait fort bien qu'on utilise précisément certaines périodes pour permettre aux entreprises de garder un pourcentage des travailleurs ou des travailleuses, pour faciliter la formation en entreprise durant la période creuse, même dans certains cas, en subventionnant l'entreprise pour les coûts encourus, même si les machines tournent à vide, pour profiter de ces périodes pour accroître l'adresse et la compétence des travailleurs.

Donc, cela ouvre toute une série de possibilités. (17 h 45)

Mme Bacon: Revenons sur les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises. Il est question, depuis un certain nombre de mois, de la présentation d'un projet de loi à cet égard qui porterait en particulier sur: 1) les moyens de prévenir les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises et, 2), les moyens d'aider davantage les personnes qui sont touchées par les licenciements et les fermetures lorsque ceux-ci ne peuvent pas être évités, et aux engagements et promesses du ministre et de son gouvernement sur le sujet.

On doit ajouter ce que révèle le rapport annuel du ministère à l'effet que des travaux tenus en 1980-1981 se sont poursuivis

en 1981-1982. Au cours de l'exercice 1981-1982, les travaux tenus sur les licenciements collectifs et les fermetures d'entreprises ont-ils permis au ministre de dégager certaines intentions de politiques, et est-il permis de penser que nous pourrons arriver, après quelques mois d'étude et de déclarations, à un mouvement quelconque du ministre dans ce domaine?

M. Marois: En répondant, de façon générale, à une question antérieure du député de Jean-Talon, j'ai indiqué qu'il me paraissait plausible de penser qu'il soit possible de soumettre au Conseil des ministres un projet de loi et des recommandations dans le cours de la présente année.

Il ressort une chose fondamentale des travaux qu'on a faits jusqu'à présent, c'est qu'il y a deux approches diamétralement opposées et fondées sur deux conceptions complètement différentes en ce qui concerne ce problème. L'approche classique, retenue par un certain nombre de pays - il n'y a pas beaucoup de lois provinciales dans ce domaine, on travaille passablement dans du neuf - est de dire: Bon, on va allonger les délais d'avis et puis, on va rendre plus lourdes les pénalités, les sanctions, en cas de contraventions, de non-respect des avis, etc. C'est une façon de concevoir les choses. Il y en a une autre qui, elle, s'insère dans la perspective dynamique d'une politique d'emploi et qui dit très bien, quant à cette approche: Certainement, il faut prolonger les délais, certainement, le cas échéant, quand ce n'est pas respecté, il faut des sanctions plus sévères, mais ce n'est pas la piste fondamentale - sans l'exclure - pour aller beaucoup plus loin et s'attaquer davantage au coeur des problèmes. Cela doit être resitué, encore une fois, dans le cadre d'une politique d'emploi.

Il faut que les délais qui sont accordés puissent permettre... Cela n'a pas besoin d'être des délais extrêmement longs. Dans certains cas, dans certains pays, les pays Scandinaves, les Pays-Bas, l'Autriche, l'Allemagne, rarement les délais excèdent six ou sept mois. Mais durant cette période, par exemple, il y a des interventions prévues avec toute une batterie d'instruments permettant de diagnostiquer les problèmes qui sont posés et, le cas échéant, de prévenir les fermetures ou d'adopter toute une série de moyens ou de mesures, que ce soit, par exemple, des formes de travail partagé, jumelé avec de la formation en entreprise pendant cette période, jumelé à des activités d'achat et de financement même, des inventaires qui peuvent s'accumuler pendant les périodes creuses, jumelé à certains avantages fiscaux additionnels qui peuvent être accordés aux entreprises durant les périodes où cela va bien, à la condition qu'il y ait des réinvestissements durant les périodes où cela va moins bien, avec une meilleure planification aussi de ce qu'on appelle les immobilisations ou la construction. Tout cela, c'est dans le cadre d'une politique d'emploi.

Il y a deux pistes bien différentes et je ne vous cacherai pas que je suis porté, en regardant ce qui se passe ailleurs, sur la base des expériences concrètes, à favoriser davantage la deuxième. Je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté là-dessus; quand on parle d'une loi sur les fermetures d'usines, je pense bien que personne ne peut penser deux secondes - j'espère que non, je ne voudrais surtout pas que ce soit entretenu - que cela veut dire qu'il n'y aura plus d'entreprises qui vont fermer. Forcément et si tant est que c'était vrai, il n'y aurait plus de changements technologiques possibles. On s'éclairerait encore à la chandelle aujourd'hui. Mais les changements en question, il y a moyen de prévenir et de mieux ajuster les choses à la condition de disposer des instruments. C'est un des éléments dans le dossier de négociations avec le fédéral. Ce n'est pas le seul, mais cela en est un. Ce n'est pas simple, ce n'est pas facile.

Mme Bacon: Cela ne dit pas exactement le geste que le ministre entend poser. Je vois les deux voies.

M. Marois: II serait prématuré...

Mme Bacon: Quels gestes le ministre entend-il poser?

M. Marois: ... pour moi de vous dire: Écoutez, si tant est que c'était prêt et fini, clair et net et tous les fils attachés, qu'il n'y avait plus de câble qui pende et que tous les problèmes m'apparaissaient résolus...

Mme Bacon: C'est parce que le ministre en parle beaucoup.

M. Marois: J'en parle beaucoup parce que c'est une préoccupation réelle. Je sais que c'est une préoccupation partagée également par les citoyens, mais ce n'est pas simple et facile. Par exemple, les uns parlent de fonds ou de caisse de stabilisation de l'emploi. Si on retient cette piste, comment la finance-t-on? À partir des masses salariales? À partir des pénalités? À partir des sanctions? Ou alors, est-ce qu'on prend l'approche qui est déjà négociée, en partie, dans certaines conventions collectives, où l'on prévoit de couvrir la différence entre les prestations de l'assurance-chômage et un certain niveau de revenus pendant une période de temps donnée? Quand on parle de ces coûts, il y a différentes possibilités et je veux être certain, pour revenir à ce que le député de Jean-Talon disait de certaines

autres lois, que ce n'est pas juste l'écrire, mais que c'est possible de le faire et de le faire d'une façon responsable.

Mme Bacon: J'espère que le ministre me permettra de dire que quand on l'écoute, en conférence de presse, on a l'impression que c'est plus facile.

M. Marois: C'est vrai.

Mme Bacon: On a l'impression qu'il a des solutions dans ses poches pour régler ces problèmes, que ces solutions sont toutes prêtes. Je me demande si le ministre entend poser un geste bientôt.

M. Marois: Si c'était vrai que c'était tout prêt, je vous assure d'une chose: je ne garderais pas cela sur mon bureau pour une raison bien simple, c'est que de toute façon cela ne resterait pas sur mon bureau bien longtemps. Il y aurait certainement un trou par lequel cela passerait et cela se retrouverait vite dans le public. Non, ce n'est pas terminé et je n'aurais pas intérêt à retenir cela. Je le présenterais au Conseil des ministres.

Mme Bacon: C'est promis pour cette année?

M. Marois: Dans le cadre de l'année actuelle, je pense que oui, on peut aboutir.

Mme Bacon: Au cours de l'exercice 1981-1982, combien y a-t-il eu d'avis de licenciement reçus par le ministère, disons, et combien d'entre eux étaient permanents et combien temporaires?

M. Marois: On va retrouver les chiffres.

M. Rivest: Vous avez la ventilation de 1970-1976, ce serait intéressant à ce sujet.

Mme Bacon: Pendant qu'on cherche les chiffres...

M. Marois: On pourrait comparer avec l'époque de la grande crise.

Mme Bacon: Est-ce qu'on peut aller aussi loin - le député de Jean-Talon a parlé assez longtemps, si vous permettez, M. le Président, je vais continuer ma question -que de quantifier les salaires touchés par les employés affectés par le licenciement collectif? Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de pouvoir quantifier ces salaires qui sont perdus? Est-ce qu'on peut faire cela? Cela doit être un exercice faisable au ministère?

M. Marois: Est-ce qu'on pourrait le faire? On n'a pas ça. Est-ce que c'est théoriquement possible? Je présume que oui. Point interrogation. Les avis de licenciements permanents sont au nombre - tiens, cela peut vous intéresser, j'ai les chiffres à partir de 1977 - de 246, pour 1977-1978; 1978-1979, 229; 1979-1980, 209; 1980-1981, 217; 1981-1982, 349. Licenciements temporaires: 75, en 1977-1978; 45, en 1978-1979; 39, en 1979-1980; 59, en 1980-1981; 111, en 1981-1982. On s'aperçoit d'une chose, c'est que la progression est plus forte du côté des avis de licenciements temporaires que du côté des avis permanents, Dieu merci!

Mme Bacon: Est-ce que...

M. Marois: Cela a déclenché, a suscité un certain nombre d'enquêtes.

Mme Bacon: Oui.

M. Marois: Je peux vous donner le nombre de salariés touchés aussi, si cela vous intéresse, par les licenciements permanents ou temporaires. Dans le cas des enquêtes, 112 en 1977-1978; 175 en 1978-1979; 196 en 1979-1980; 242 en 1980-1981, 225 en 1981-1982. Il y a des poursuites aussi qui ont été logées, qui ont été intentées lorsqu'il nous semblait que les avis prévus par la loi n'avaient pas été donnés.

Mme Bacon: Est-ce qu'on peut quantifier aussi le nombre de licenciements collectifs qui ont été faits, mais pour lesquels un avis n'a pas été envoyé au ministère par exemple? Est-ce qu'on peut les retrouver, parce qu'il doit y en avoir encore?

M. Marois: Les cas où il y aurait eu des licenciements et où on n'aurait pas eu d'avis?

Mme Bacon: Oui.

M. Marois: C'est les cas d'enquêtes.

Mme Bacon: Ah bon!

M. Marois: C'est principalement les cas d'enquêtes quand on le sait, quand cela nous est signalé par les gens.

Mme Bacon: On fait une enquête à ce moment-là.

M. Marois: Oui.

Mme Bacon: Combien d'emplois perdus?

M. Marois: Les salariés touchés par les avis de licenciements permanents: en 1977-1978, 15 606; en 1978-1979, 13 191; en 1979-1980, 9693; en 1980-1981, 12 107 - on est parti de 15 606 en 1977-1978 - en 1981-1982, 17 835. Donc, il n'y a pas une forte

progression par rapport à 1977-1978 par rapport à la moyenne. Du côté des avis de licenciements temporaires, les salariés touchés en 1977-1978, 4174; en 1978-1979, 1996; en 1979-1980, 1835; en 1980-1981, 2529 - et là on voit bien que cela recoupe le chiffre des avis de licenciements temporaires de tantôt -en 1981-1982, 6473. On a accordé d'ailleurs en subvention pour le soutien des comités de reclassement le plus fort montant en 1981-1982, soit 182 885 $ par rapport à 115 275 $ en 1980-1981.

Mme Bacon: Est-ce que ces gens-là vont en apprentissage d'un nouveau métier? Quand on regarde le reclassement ou le recyclage, est-ce qu'on peut suivre cette tendance? Est-ce qu'il y a vraiment une tendance dans le recyclage ou l'apprentissage de nouveaux métiers? On regarde des fermetures d'usines ou des endroits où les gens ont été pendant 30 ans, 35 ans. Ils ne savent pas faire d'autre métier que ce métier-là. Il faut quand même qu'ils gagnent leur vie. Est-ce qu'on peut faire un suivi de ce recyclage, de cet apprentissage d'un nouveau métier?

M. Marois: Les données ne sont pas suffisamment intégrées présentement pour qu'on puisse faire un suivi de ce genre-là, qui serait souhaitable. C'est pour cela qu'il me semble important d'en arriver à mettre au point au moins un cadre de référence, des orientations et des objectifs précis en matière de main-d'oeuvre pour qu'on puisse voir comment les choses se recoupent entre les licenciements, d'une part, les programmes et les politiques de formation, d'autre part, et le reste, et qu'on puisse suivre beaucoup mieux l'évolution. Présentement, je n'oserais pas, en toute honnêteté; je n'ai pas à blâmer les fonctionnaires pour cela, mais dans l'état...

Mme Bacon: C'est parce qu'il y a des recommandations bien précises dans le rapport de la commission Jean. Je pense qu'elles sont dans ce sens-là. Elles sont très importantes au niveau de la fermeture d'usines et des licenciements collectifs -vous avez quand même dû en prendre connaissance - et elles permettent ce suivi. Je pense que si c'était mis en pratique, à un moment donné, on pourrait avoir un suivi beaucoup plus spécifique et connaître davantage les besoins des gens.

Au cours de l'exercice 1981-1982, combien de comités de protection de l'emploi dans l'entreprise, tant pour la prévention de licenciements collectifs que pour l'étude de divers problèmes de main-d'oeuvre, ont été formés?

M. Marois: Les comités pour la prévention de licenciements collectifs, 103 en 1981-1982 comparativement à 81, oui à 81 en 1980-1981. Si vous voulez les chiffres des années antérieures, les voici: 60 en 1979-1980, 11 en 1978-1979, 31 en 1977-1978, donc 103. (18 heures)

Le Président (M. Bordeleau): Comme il est 18 heures, je voudrais simplement demander le consentement des membres pour pouvoir continuer pendant quelques minutes. Oui, d'accord.

M. Rivest: Je voudrais juste une précision additionnelle sur la question que ma collègue vous a posée au sujet des statistiques. Les chiffres publiés par le Bureau de la statistique du Québec et confirmés par le ministre d'État au Développement économique, à savoir qu'il y aurait eu quelque 100 000 ou 110 000 pertes d'emplois, lorsqu'ils ont été publiés, il y a une dizaine de jours, sont-ils conformes aux données recueillies par le ministère du Travail auxquelles s'est référé le ministre?

M. Marois: Je n'oserais pas m'aventurer sur cette piste, parce que tout n'est pas comptabilisé dans les chiffres que je viens d'évoquer, par exemple, les pertes d'emplois dans les très petites entreprises qui ne sont pas couvertes par les lois ou les règlements ou les avis à donner ou dont les cas ne sont pas portés à notre connaissance, qui ne déclenchent pas des enquêtes. Ce sont des entreprises où il y a moins de 10 travailleurs et travailleuses. Donc, les chiffres qu'on a n'infirment pas les autres, ne les confirment pas non plus. C'est l'état des données. C'est pour cela qu'il paraît - là, je rejoins la remarque de Mme la députée - si important de donner un encadrement non seulement pour mieux harmoniser, mais pour être capable de mieux suivre l'ensemble des morceaux. Pour cela, il faut une politique de main-d'oeuvre et d'emploi.

Mme Bacon: Dans le rapport annuel, à la page 20, on mentionne le Bureau de la condition de la femme au travail. On dit: "Le Bureau de la condition de la femme au travail veille à ce que les intérêts et les droits des femmes sur le marché du travail soient respectés par les programmes, les politiques, les lois et les règlements du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre." Quand on regarde les ressources humaines et financières qui sont mises à la disposition de ce bureau en 1980-1981, c'est un budget de 132 700 $ et avec un effectif de cinq personnes, dont deux occasionnelles. Est-ce suffisant pour tout ce programme qu'on veut mettre en branle? Je pense qu'il y a quand même des responsabilités très lourdes pour le Bureau; de la condition de la femme au travail; Cela m'inquiète un peu de voir qu'on a mis si peu de crédits à la disposition de

ce bureau, parce qu'il y a quand même des problèmes au niveau de la main-d'oeuvre féminine, quand on pense à l'inégalité d'accès pour les femmes, la formation où il y a des injustices flagrantes. Je trouve qu'avec cinq personnes, dont deux occasionnelles, ce n'est pas beaucoup.

M. Marois: Cela paraît très modeste, mais peut-être qu'il est important de bien replacer - peut-être que le rapport annuel ne le fait pas ressortir suffisamment - bien resituer, bien comprendre le rôle que joue ce bureau. L'idée et l'objectif n'ont jamais été de constituer une grosse équipe s'occupant de tous les problèmes de la condition féminine, bien au contraire. Cela a toujours été conçu comme une petite équipe de coordination qui relève directement du sous-ministre, qui a un répondant dans chacune des directions générales et qui est à même de suivre, de regarder, d'analyser, de faire les suggestions, de faire les recommandations.

Je ne veux pas revenir à ce que je disais ce matin, quand on regardait la liste, l'évolution du personnel féminin au niveau des postes supérieurs, des cadres supérieurs. Le bureau y est certainement pour beaucoup. C'est leur rôle premier et essentiel que d'agir comme agent de coordination, mais en même temps animateur de ce mouvement. Évidemment, si on évalue la portée de son travail par le nombre de personnes qui y travaillent effectivement, ce n'est jamais suffisant, comme dirait certainement la directrice du bureau. Effectivement, c'est modeste, mais le travail qu'elles ont fait jusqu'à maintenant est assez remarquable.

Mme Bacon: Je pense que ce bureau doit quand même poursuivre les travaux en cours. Il y en a qui sont déjà commencés. Il y a deux sujets qui m'intéressent particulièrement. Il y a d'abord une analyse des recommandations de la commission d'étude sur la formation des adultes. Y a-t-il une date ou un échéancier fixé par le bureau, que ces personnes se sont fixé elles-mêmes pour faire des recommandations au ministre sur leur analyse des recommandations ou est-ce qu'on y travaille présentement?

M. Marois: II faut dire qu'il y a une équipe interministérielle qui a été mise sur pied à la suite du dépôt du rapport de la commission Jean. Y siègent un certain nombre de sous-ministres, le sous-ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu y travaille avec, notamment, les gens du bureau de la condition féminine et, d'après ce qu'on en sait, à l'automne, un rapport devrait être soumis au ministre par les membres du comité interministériel.

Mme Bacon: On me dit aussi que le bureau entend mener une campagne d'information sur les métiers non traditionnellement réservés aux femmes, afin d'inviter celles-ci à exercer ces métiers. On voit cela souvent sur le plan américain, par exemple, où, de plus en plus, les femmes ont des métiers qui étaient réservés traditionnellement aux hommes. Est-ce qu'on a commencé ce travail? Est-ce l'intention du bureau de continuer cette campagne ou de la commencer, si elle n'est pas commencée? Tout est question de revenus et on sait que les femmes sont souvent cantonnées dans des postes moins rémunérés que ceux des hommes et que, de plus en plus, les femmes ont envie d'avoir des postes avec la même rémunération, même s'ils sont traditionnellement réservés aux hommes.

M. Marois: Je pourrais, si cela intéresse la députée, fournir éventuellement plus de détails. C'est amorcé dans les centres de main-d'oeuvre. Il y a en particulier un projet pilote qui concerne le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, le Bas-du-Fleuve, à partir de Rimouski comme pôle pilote, pour voir quelles sont les possibilités d'ouvrir aux femmes des métiers traditionnellement réservés aux hommes.

Or, cela vient de démarrer il n'y a pas tellement longtemps. Il n'y a pas de conclusions pour l'instant, c'est prématuré de tirer des conclusions, mais oui, c'est en marche.

Fusion de services, à Montréal

Mme Bacon: Sur un autre sujet tout à fait différent, à Montréal, on sait que, depuis des années, un dossier est en marche - il l'était même sous l'ancien gouvernement - cette fusion des services de main-d'oeuvre de la ville de Montréal et de la province de Québec. Le ministre a-t-il terminé toutes ces rencontres? Des décisions ont-elles été prises? Y a-t-il des décisions qui ont été bien arrêtées quant à ce dossier? Y a-t-il des rencontres avec la ville de Montréal, par exemple? On sait que les employés ont fait un certain "lobbying", je pense bien, auprès de certains collègues, comme sûrement des membres de l'équipe ministérielle. Cette fusion de services a quand même un coût. On parle de services à la population. Eux sont évidemment satisfaits des services qu'ils donnent, mais il y a tout le coût du plan de retraite, en fait tout ce que comporte cette fusion des services avec un personnel - je n'ai pas le dossier devant moi - d'environ 500 personnes qu'on voudrait intégrer. C'est sûr que cela ne se fait pas dans une année, mais est-ce qu'on a des données bien précises à ce sujet? Des décisions sont-elles prises avec la ville de Montréal? Est-ce en

marche ou si ce n'est pas encore fait, ou est-ce que des décisions seront prises dans l'avenir? Quel est l'échéancier de travail?

M. Marois: Cela implique 560 personnes réparties dans 23 bureaux locaux. Tout cela est sur la base d'une entente qui est établie depuis 1972, une convention entre la ville de Montréal et le gouvernement du Québec. Il y a eu effectivement plusieurs rencontres, des conversations aussi au plus haut niveau, avec la ville de Montréal. Il y a eu des rencontres avec les porte-parole des travailleurs et des travailleuses impliqués, il y a eu aussi effectivement des rencontres avec les parlementaires. J'en ai eu, les travailleurs concernés aussi en ont eu, les représentants de la ville aussi en ont eu. Nous avons convenu, depuis déjà quelque temps, de mettre sur pied un comité conjoint qui, effectivement, travaille présentement, lequel comité a reçu pour mandat d'examiner toutes les hypothèses.

On s'entend fondamentalement sur l'objectif. L'objectif ne me paraît pas être remis en cause. Je crois que tout le monde y voit des avantages importants aussi bien pour les bénéficiaires de l'aide sociale que pour les travailleurs et les travailleuses et les employeurs. Il y a différentes hypothèses: ou c'est l'intégration au gouvernement du Québec, ou c'est l'intégration à la ville de Montréal, ou c'est le statu quo, ou c'est une formule mixte, je ne sais trop quoi.

Le comité conjoint doit fouiller, scruter à la loupe les avantages, les inconvénients et les problèmes inhérents à chacune des hypothèses et un rapport de ce comité doit nous être soumis, à M. Lamarre et moi, durant l'été. On m'a dit au mois de juillet. Cela va tomber, j'espère, pendant mes vacances; donc, cela irait au mois d'août. Il n'y aura pas de décision finale. Je ne veux pas prendre de décision finale tant que toutes les hypothèses n'auront pas été examinées.

Mme Bacon: Et le ministre ne peut pas nous dire quand il entend rendre publics les accords qui pourraient avoir lieu entre les deux parties.

M. Marois: Dès que les décisions seront prises et que les ententes pertinentes seront convenues entre les parties. Je ne vois pas pourquoi je retarderais, à partir de ce moment-là.

Mme Bacon: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va? J'avais demandé le consentement pour quelques minutes, on pourra continuer demain.

Mme Bacon: C'est très frustrant, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Pas demain, je m'excuse; ce sera jeudi, je pense.

Mme Bacon: Pour quelqu'un qui a fait ses plans, c'est très frustrant.

M. Marois: M. le Président, dois-je comprendre, comme on l'a fait pour la sécurité du revenu, qu'en principe les programmes 1, 3, 4, 12 sont adoptés? C'est-à-dire qu'il resterait la Commission de la santé et de la sécurité.

M. Rivest: Oui, sous la réserve suivante. Il nous reste trois questions, en tout cas, quant à nous: la question de la santé et de la sécurité du travail...

M. Marois: Oui, c'est le programme 2.

M. Rivest: ... la question de l'industrie de la construction... Malgré qu'avec la commission parlementaire annoncée pour lundi...

M. Marois: C'est le programme 14, c'est pour cela que je ne l'incluais pas dans ma liste.

M. Rivest: ... et, troisièmement, la question du programme de création d'emplois. Toujours sous réserve, selon la même entente, que si, quelqu'un découvre quelque chose... J'ai trouvé quelque chose au sujet de l'Alliance Blindé où des gens ont des problèmes. On a eu des représentations. Peut-être pourriez-vous vous informer au ministère du Revenu. C'est conjoint. Il y a eu un congédiement. Peut-être que vous pourrez répondre à cela lundi. Les gens n'ont pas été payés, ils se battent avec le ministère du Revenu ou je ne sais trop quoi. Je vous donnerai d'autres détails et vous regarderez cela, c'est au ministère.

Le Président (M. Bordeleau): Pour résumer, les programmes 1, 3, 4 et 12 seraient donc adoptés sous les réserves que nous avons déjà mentionnées. Il resterait donc les programmes 2 et 14 ainsi que d'autres questions générales qu'on pourra aborder à la prochaine séance.

M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Pour les fins des travaux de la commission, j'indique au ministre que nous aimerions - enfin, nous vous le suggérons -commencer par l'industrie de la construction; ensuite, notre collègue de Marquette, qui doit se rendre à Montréal, arrivera et on pourra peut-être prendre la création d'emplois et la CSST. Est-ce que le président de la CSST sera ici?

M. Marois: Le président?

Malheureusement, non. II est retenu à Montréal, à un symposium, sur la question de l'amiante qui dure toute la semaine. Les vice-présidents seront présents. D'accord?

Le Président (M. Bordeleau): Cela va. M. Rivest: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): La commission parlementaire du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu ajourne ses travaux sine die. Selon l'horaire, nous devrions reprendre les travaux jeudi.

(Fin de la séance à 18 h 15)

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