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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 6 mars 1984 - Vol. 27 N° 259

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre!

La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano (Viau), Laplante (Bourassa), Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois), Champagne (Saint-Jacques), Proulx (Saint-Jean), Polak (Sainte-Anne), Doyon (Louis-Hébert), Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont: MM. Maltais (Saguenay), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon), Vaugeois (Trois-Rivières).

Le rapporteur de la commission est M. Lavigne (Beauharnois).

Aujourd'hui, nous allons entendre dans l'ordre, à 10 heures ce matin, le premier groupe, la Confédération des syndicats nationaux. Cet après-midi à 15 heures, ce sera l'Association des industries forestières du Québec Ltée et, à 20 heures ce soir, deux groupes: la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée et la ville de Montréal. Il y a aussi des mémoires pour dépôt seulement: le mémoire du Conseil du statut de la femme et le mémoire de la Corporation professionnelle des physiothé-rapeutes du Québec. Le premier groupe à être entendu ce matin, la Confédération des syndicats nationaux.

M. Cusano: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Viau.

Écoute électronique

M. Cusano: Avant de passer au groupe de la CSN, vous me permettrez deux ou trois mots. Je constate que le ministre du Travail a réussi à sauver sa peau lors du remaniement ministériel. Je constate aussi que les ministres... Un instant, cela vous énerve; vous n'avez pas eu de promotion.

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cusano: Je constate que ceux des ministres qui ont commis des gaffes législatives énormes durant la dernière session - pour en nommer quelques-uns, le ministre des Affaires municipales et son projet de loi 38 très contesté dans le milieu, le ministre de l'Éducation avec le projet de loi 40 très contesté, le ministre du Revenu avec le projet de loi 43 - ont été mis dans le coin, pour ne pas dire mis dans une place où ils ne feront pas trop de bruit. Tout cela, M. le Président, pour dire que j'ose espérer que le ministre a réussi à maintenir son poste avec peut-être une condition formelle de la part du premier ministre, cette condition, cette promesse formelle étant celle de s'engager à apporter des modifications majeures à ce projet de loi, parce que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas beaucoup de gens qui sont pour le projet de loi. J'ose espérer qu'il s'est engagé envers le premier ministre à nous déposer le plus tôt possible toutes les modifications majeures qu'il entend y apporter et même j'aimerais qu'il nous dise s'il a promis au premier ministre de procéder à une réimpression totale du projet de loi 42.

Le Président (M. Paré): M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Fréchette: Je voudrais entendre le député de Louis-Hébert, M. le Président; je veux réserver mon droit de parole après l'intervention du député de Louis-Hébert.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Les journaux nous ont appris ce matin que la CSST a intenté une poursuite de 300 000 $ contre le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux parce qu'il aurait porté atteinte à la réputation de la CSST en affirmant que, dans le cadre du travail des agents qui s'occupent de la réclamation et qui répondent au téléphone, il y a de l'écoute, qu'on peut appeler d'une façon euphémique, téléphonique ou de l'écoute électronique qui se fait. C'est une méthode comme une autre d'empêcher la discussion des problèmes de fond.

Là n'est pas mon propos, M. le Président, parce que ce que je voudrais avoir du ministre ce matin - vu qu'il a pris la défense de la CSST en cette commission

parlementaire, sans avoir en main tous les faits nécessaires - c'est l'assurance de sa part qu'il n'est pas à l'origine et qu'il n'a conseillé ou incité d'aucune façon la CSST à entreprendre ces procédures judiciaires contre le président et contre le Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Je voudrais savoir s'il a joué un rôle dans cette poursuite judiciaire, une des nombreuses poursuites judiciaires qui s'engagent. Cela a été le tour du Devoir, cela a été le tour de la Presse et, présentement, c'est le tour des syndicats provinciaux; les journalistes y passent, les syndicalistes y passent. Présentement, nous recevons un groupe de syndicalistes; cela en est rendu au point que chacun devra se méfier pour ne pas être l'objet de poursuites judiciaires. Je voudrais savoir quel rôle le ministre a joué - s'il en a joué un - dans cette poursuite qui est intentée par la CSST. Également, j'aimerais savoir ce qu'il pense de cette façon de procéder qui consiste à tenter de bâillonner la critique au moyen de poursuites judiciaires devant les tribunaux du Québec. Est-ce qu'il a une idée là-dessus? Tout d'abord, évidemment, est-ce qu'il a joué un rôle en ce qui concerne ces poursuites judiciaires?

Le Président (M. Paré): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je vais rapidement répondre d'abord au député de Viau et ensuite au député de Louis-Hébert. Quant à la possibilité que des amendements soient apportés à la loi, cela a déjà été annoncé au cours des six premiers jours d'audition qu'a tenus la commission. Je réitère qu'il y aura effectivement des amendements. Si, par ailleurs, on me demandait de les annoncer aujourd'hui ou demain, je considère que ce serait faire affront purement et simplement aux autres groupes qui se sont déjà annoncés pour venir faire des représentations à la commission. Il me semble qu'en toute logique il faut connaître les positions de toutes les parties qui nous ont fait des représentations avant de proposer ou d'annoncer la nature des changements qui pourraient intervenir au projet de loi 42 ou la nature des changements qui pourraient être proposés au Conseil des ministres. Mais si le député de Viau veut être rassuré sur le fait qu'il y aura des amendements, je lui signale dès maintenant que oui. Je lui signale, par ailleurs, que c'est à la fin de la commission que je serai en mesure d'annoncer quelle sera la nature des changements que je proposerai au Conseil des ministres.

Quant à l'autre aspect de la question, M. le Président, la question soulevée par le député de Louis-Hébert, je lui signalerai essentiellement deux choses. Il a réclamé lui-même avec beaucoup d'insistance, lorsque le

Syndicat des fonctionnaires provinciaux est venu ici en audition, qu'une enquête soit enclenchée pour que, disait-il, la lumière complète soit faite sur les révélations qui nous étaient soumises ici. Il me semble que les événements des derniers jours devraient répondre à la question ou à la préoccupation du député de Louis-Hébert, parce que cela va justement permettre que le débat se fasse et se vide suivant les prétentions de chacune des parties.

Le deuxième aspect ou le deuxième volet de sa question, celui de savoir si j'ai, de quelque façon que ce soit, conseillé, incité ou demandé à la Commission de la santé et de la sécurité du travail d'agir comme elle l'a fait, je lui dirai que non; en aucune espèce de circonstance, je ne suis intervenu pour conseiller, inciter ou demander que ces procédures judiciaires soient intentées. En d'autres mots, je n'ai joué aucun rôle dans cette décision, non plus au niveau de l'envoi de la mise en demeure et non plus au niveau de la signification de l'action que l'on connaît. Je ne sais pas si c'est suffisamment clair, mais il me semble que ça répond expressément aux deux questions qui me sont soumises avant le début de nos travaux, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je suis très heureux que le ministre nous dise qu'il y aura des amendements. Je voudrais poser une petite question à la suite de ces nouvelles. Ce n'est pas inquiétant qu'il y ait des amendements mineurs comme changer des virgules, mais, si le ministre a l'intention d'amener des amendements majeurs, est-ce qu'il permettra aux intervenants de se faire entendre de nouveau? Le projet de loi peut avoir une autre envergure selon les amendements qu'il apportera.

M. Fréchette: M. le Président, il y aura des amendements apportés à la loi, comme je viens de vous l'indiquer. J'ai signifié, au cours des six premiers jours, la nature de plusieurs de ces amendements. Je vous donne un seul exemple, celui de la politique de l'assistance médicale. J'ai déjà indiqué à plusieurs groupes qui sont venus faire des représentations qu'à cet égard une réévaluation serait faite de ce qui est proposé dans la loi. Je vous signale que les changements ou les amendements qui pourraient intervenir le seront à la suite des représentations que les groupes nous ont faites jusqu'à maintenant et qu'ils nous feront jusqu'à vendredi soir.

Comme il s'agira d'amendements qui procéderont des argumentations qu'on nous aura soumises, je ne vois pas qu'il serait nécessaire de recommencer tout le processus

parce que, très précisément, ces amendements seront consécutifs ou procéderont, comme je l'ai dit il y a un instant, des recommandations ou des représentations qui nous auront été faites.

Je signale également au député de Viau que le processus législatif ne sera pas terminé lorsque nous terminerons nos travaux à cette commission. Il y aura un débat de deuxième lecture, il y aura une nouvelle commission parlementaire à l'intérieur de laquelle nous procéderons à l'étude du projet de loi article par article et une troisième lecture. Il n'est pas exclu que, dans le reste du processus législatif, d'autres changements puissent intervenir, mais qu'on redemande à tous les groupes qui sont venus de se faire entendre à nouveau quand ils nous auront déjà dit des choses qui auront servi à des amendements, je ne vois pas comment on pourrait retenir cette suggestion du député de Viau.

M. Doyon: M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: À la suite des propos que le ministre a tenus concernant la poursuite intentée par la CSST, une poursuite de 300 000 $, j'aimerais lui signaler et en même temps solliciter son avis sur le fait que les gens qui vont continuer de comparaître devant cette commission devront le faire dorénavant à leurs risques et périls après ce qui s'est passé avec le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Le ministre pense-t-il vraiment que cette façon de faire est de nature à inciter les groupes qui vont se présenter devant nous à dire vraiment le fond de leur pensée et, au besoin, à critiquer, sévèrement s'il le faut, certaines pratiques qui sont celles de la CSST ou de certains organismes gouvernementaux?

Le ministre mélange les choux et les raves quand il dit que je devrais me réjouir de la poursuite qui est intentée contre la CSST sous prétexte que cela répond à la requête que j'avais faite concernant une demande d'enquête. Ce n'est pas du tout ce que j'ai demandé, et le ministre le sait fort bien. C'est une autre de ses entourloupettes avec lesquelles il est en train de se faire une réputation. La demande d'enquête que j'ai faite, c'était une enquête de nature policière, où on étudierait les faits, et non pas une enquête par un tribunal qui entendrait des parties dans un délai indéterminé où chacune des parties va poursuivre et se défendre sur la base d'une réclamation en dommages et intérêts de 300 000 $. Ce n'est pas du tout ce que j'avais à l'idée, M. le ministre. Ce que j'avais à l'idée, c'était une enquête policière qui chercherait à savoir si, oui ou non, les procédures qui ont été imposées à la CSST sont de nature à constituer des infractions criminelles à l'article - je ne m'en souviens pas trop - 172, je crois, du Code criminel du Canada. C'est ce que j'ai demandé. M. le ministre sait très bien que, dans les meilleures circonstances, la poursuite intentée par la CSST ne portera pas là-dessus. Tout ce que le ministre nous a servi plus tôt, cela a été une enquête maison faite par la maison CSST qui se trouve, comme par hasard, à être la partie à qui on reproche certains actes ou certains gestes. Je regrette beaucoup d'avoir à dire au ministre que cela ne donne absolument pas satisfaction, ni aux fonctionnaires qui ont dénoncé ces pratiques, ni à la population qui a le droit d'avoir des services confidentiels avec la CSST.

Lorsque je demandais au ministre qu'il y ait un moratoire immédiat d'imposé sur ces pratiques, qu'on les appelle écoutes téléphoniques, qu'on les appelle écoutes électroniques, qu'on les appelle comme on voudra et que même on aille aussi loin que de se défaire de l'équipement que reconnaît avoir en sa possession et utiliser la CSST, je n'ai pas eu de réponse satisfaisante là-dessus, ce qui fait qu'à l'heure où on se parle, M. le Président, les gens qui font appel à la CSST, en tant que bénéficiaires éventuels, le font encore en ne sachant pas ou en n'ayant aucune assurance que les conversations qu'ils ont avec les gens qui sont préposés au service sont gardés confidentielles. Cela m'inquiète drôlement.

Que le ministre aille jusqu'à dire - je ne dirai pas de mauvaise foi, parce que je ne crois pas qu'il y en ait là-dedans, mais il y a au moins une tentative de brouiller les cartes - que l'enquête qui va suivre la poursuite judiciaire qui est imposée et la nature de l'enquête que je demandais il y a quelques jours ici, à cette commission parlementaire... Le ministre sait très bien que cela ne donne aucune satisfaction à personne, que l'inquiétude continue de régner et que les gens se demandent encore quelle sorte de confidentialité, quelle sorte d'intimité ils ont en tant qu'administrés avec les gens du gouvernement, avec les fonctionnaires à qui on impose des façons de faire, des façons de procéder avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. M. le ministre a sûrement comme moi - je les ai ici - les affidavits de plusieurs membres fonctionnaires de la CSST qui sont d'une clarté suffisante pour soulever les doutes les plus sérieux sur ces pratiques. Évidemment, on ne peut jamais empêcher personne de poursuivre qui que ce soit. C'est une méthode qui est usée jusqu'à la corde, mais qui malheureusement réussit encore à donner des effets. Je ne pense pas que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et

encore moins le président du Syndicat des fonctionnaires, M. Harguindeguy, ni les gens de la CSN qui sont devant nous seraient des gens qui seraient de nature à se laisser impressionner par des tentatives semblables, mais je continue de déplorer cependant que ces tentatives soient utilisées.

Le ministre dit qu'il n'a rien eu à faire là-dedans, mais il demeure que le ministre est le ministre responsable de la CSST. En tant que tel, il doit reconnaître qu'il a une responsabilité ultime pour les gestes qui sont posés. Le fait qu'il ne soit pas intervenu m'amène à conclure qu'il donne son accord à ces poursuites puisqu'il n'est pas intervenu pour dire au moins à ces gens d'attendre que les audiences de cette commission soient terminées, de façon que nous, les parlementaires, nous ayons tout l'éclairage nécessaire pour nous faire une idée sur le projet de loi qui nous est présenté. Le ministre préfère ne pas bouger et dire: La CSST agit seule là-dedans. Je dois dire au ministre: Qui ne dit mot consent et le silence du ministre doit être interprété comme un accord de sa part à cette façon de procéder de la CSST. Je le déplore énormément. Il n'est pas trop tard pour le ministre d'exercer son autorité de ministre et de voir à ce que les dommages soient minimisés. C'est ce que je requiers de sa part. J'aimerais savoir quel geste il est prêt à poser dans ce sens.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je veux ajouter quelques points. J'ai aussi trouvé la manière de procéder très inquiétante parce que, chaque fois qu'un groupe vient devant nous et qu'on a des poursuites judiciaires tandis qu'on est encore en train d'écouter le mémoire, de la part de la CSST, je trouve cela très inquiétant. Je me demande sérieusement si la poursuite a été autorisée par M. Sauvé ou par le bureau de direction de la CSST. J'aimerais savoir si les représentants syndicaux ont autorisé cette poursuite. Cela m'étonnerait parce que j'étais ici quand on a parlé de cette écoute électronique. Il y a la possibilité - cela a été admis d'ailleurs par le ministre - que le système téléphonique soit arrangé d'une telle manière qu'on puisse pratiquer l'écoute électronique. Théoriquement, c'est possible. Le système est installé en conséquence. Concernant ceux qui sont au bureau de direction, je me demande s'ils ont autorisé cette poursuite. C'est une question. Est-ce que c'est le président-directeur général qui est piqué dans sa fierté et qui a autorisé cela? Cela est important.

Deuxièmement, qui mène? Selon moi, c'est le ministre qui mène, le président-directeur général de la CSST ne mène pas. Je pense que c'est bien beau pour le ministre de dire: Là, il y a une poursuite devant les tribunaux, donc, c'est sub judice. C'est malheureux. Cela n'est pas une manière de procéder. Ici, certaines choses ont été révélées qui méritent d'être au moins vérifiées publiquement dans une enquête. Peut-être pas une enquête policière. Ce serait mieux si c'était une enquête policière. Mais une enquête qui émane de la part du ministère, une enquête publique. Pas par le biais de procédures en dommages et intérêts alors que tout le monde sait très bien que cela peut durer deux ou trois ans avant que cela soit écouté. Cela est acheter le silence. C'est bien connu. Beaucoup de I délais et rien n'est résolu, sauf qu'on aura le silence. Je pense que, pour le ministre maintenant, c'est une sorte de lutte entre le ministre et M. Sauvé. Il faut mettre M. Sauvé à sa place. Il faut prendre des mesures pour que le ministre dise: Nous, on va procéder à une enquête concernant cette affaire d'écoute électronique. (10 h 30)

Est-ce que cela a été fait, oui ou non? . Deuxièmement, est-ce que le système a été bâti de telle manière qu'on puisse faire cela? Je trouve répréhensible qu'il soit possible de faire un appel et que quelqu'un puisse écouter. Je trouve que cela va à l'encontre de tous les principes démocratiques. Je pense que, de la part du ministre, ce n'est pas une réponse du tout que de nous dire: Je suis très heureux que ce soit devant les tribunaux et bientôt, dans deux ou trois ans, on aura une réponse. Ce n'est pas une façon de procéder. Je pense qu'il doit dire à M. Sauvé d'arrêter ces procédures tout de suite, demander une réunion extraordinaire du bureau de direction de la CSST. J'aimerais savoir comment vont voter tous ces représentants syndicaux et patronaux sur ces points. J'aimerais savoir comment ils vont voter en ce qui concerne la poursuite judiciaire. Je me le demande sérieusement.

Ensuite, je pense que le ministre devrait dire: Nous, on va procéder à une enquête; cela ne sera pas très long; cela peut se faire rapidement, publiquement, pour savoir ce qui se passe. Est-ce que les droits des victimes peuvent être lésés? C'est assez pénible d'avoir à faire un appel dans un dossier personnel pour des blessures, pour des réclamations sans qu'en plus la conversation puisse être écoutée ou enregistrée. Je ne dis pas que cela a été fait, mais qu'on fasse au moins la lumière là-dessus au lieu de se cacher derrière des poursuites judiciaires.

Le Président (M. Paré): Avant de vous céder la parole, M. le ministre, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que le but de la présente commission est d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42 et que notre premier groupe invité, les

représentants de la Confédération des syndicats nationaux, est déjà en place depuis une demi-heure. La parole est à vous, M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, j'allais très précisément soulever la question que vous venez de soulever. Je ne suis pas intervenu jusqu'à ce stade-ci, mais il m'apparaît tout à fait évident qu'à deux égards on manque carrément l'objectif qui nous réunit ici ce matin. D'abord, ce n'est pas le mandat de la commission. Deuxièmement, on est en train de gruger sérieusement dans le temps qui est réservé à nos invités.

M. le Président, peut-être que le député de Louis-Hébert et le député de Sainte-Anne souhaiteraient m'entraîner dans le fond du débat. Vous allez comprendre que je ne veuille pas discuter du mérite du dossier en question pour les motifs très évidents que vous savez. Le député de Sainte-Anne me demande si la poursuite a été autorisée par le conseil d'administration ou alors si elle est l'initiative du président-directeur général. Au moment où on se parle - et cela va sans doute confirmer ce que je vous disais tout à l'heure - je ne suis pas en mesure de vous dire qui a pris l'initiative d'intenter la procédure. Je peux le savoir cependant et, dès que je le saurai, je transmettrai l'information au député de Sainte-Anne et aux membres de la commission.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je suis heureux que le ministre essaie de savoir exactement comment le tout s'est passé. J'aimerais lui demander s'il est possible dans son enquête de nous faire savoir très précisément qui a pris la décision. Est-ce le conseil de direction ou le conseil d'administration? On a su, au mois de décembre, que le conseil d'administration de la CSST n'avait pas beaucoup de choses à dire car le président-directeur général de la CSST, M. Sauvé, se retranche souvent derrière l'article 154, ce qui est le problème fondamental à la CSST en ce qui concerne la relation entre le conseil de direction et le conseil d'administration. Or, pour savoir exactement ce qui s'est passé, est-ce que le ministre peut s'engager à nous dire qui a pris la décision? Et, deuxièmement, si cette décision a été prise par le conseil d'administration, je demanderais au ministre qu'il nous dépose le procès-verbal de la réunion où cette décision a été prise.

Le Président (M. Paré): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Je voulais tout de suite répondre à la préoccupation du député de Viau. Il me semblait que j'avais répondu à cette question en lui disant que je prendrais effectivement les informations qu'on sollicite et, dès lors que je connaîtrais les détails précis, je les transmettrais aux membres de la commission. J'ai donné cette réponse au député de Sainte-Anne il y a cinq minutes, il me semble.

M. Cusano: C'est un peu au-delà de cela, M. le ministre. Je vous demande le dépôt du procès-verbal de la réunion où cette décision a été prise.

M. Fréchette: M. le Président, je vais prendre mes informations et je les transmettrai aux membres de la commission dès lors que je les aurai.

M. Cusano: II n'y a pas d'engagement de déposer de procès-verbal. Est-ce que je vous interprète bien, M. le ministre?

M. Fréchette: M. le Président, j'ai signalé, je le répète, je pense que c'est pour la troisième fois maintenant, que je prendrai les informations pertinentes à la discussion que nous sommes en train d'avoir et que je déposerai ou que je fournirai les renseignements qui sont de nature à répondre aux questions qui me sont actuellement adressées.

Le Président (M. Paré): Alors, en rappelant toujours les buts de la commission, je vous demanderais, M. le député de Louis-Hébert, par déférence pour nos invités qui attendent le temps qui leur est alloué...

M. Cusano: ...c'est par respect...

Le Président (M. Paré): ...pour se faire entendre, je vous demanderais de faire cela vite, s'il vous plaît.

M. Doyon: Très brièvement, M. le Président...

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: ...et en demandant la compréhension de nos invités, cela va prendre deux secondes. Je pense qu'eux-mêmes réalisent que les interventions que nous faisons actuellement sont en vue justement de permettre un témoignage complet et ouvert des intervenants devant cette commission.

Les gens qui sont devant nous savent sûrement que le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux s'est présenté de bonne foi et a exprimé un certain nombre de faits et, à la suite des demandes qui ont été

faites et auxquelles, je pense, acquiesçait le ministre, il a transmis des documents supplémentaires à cette commission. Il l'a fait ouvertement à la demande de cette commission et, aujourd'hui, il se voit en butte à une poursuite de 300 000 $.

Ce que je veux signaler au ministre, c'est que les documents que nous a transmis M. Harguindeguy ont été transmis à cette commission à la suite de notre demande et il aurait très bien pu se faire que cette commission demande à M. Harguindeguy de nous transmettre les documents et de revenir purement et simplement devant cette commission. À ce moment, évidemment, il aurait participé à l'immunité parlementaire qui est la nôtre. Je trouve absolument scandaleux qu'on profite d'une chose comme cela pour lui taper sur la tête avec une poursuite aussi importante de 300 000 $. Je ne voudrais pas que les gens qui vont venir devant nous puissent se voir en butte à de semblables poursuites potentielles.

Dès maintenant, et j'arrête là, je voudrais que le ministre donne l'assurance, non pas à moi personnellement, mais aux intervenants, aux gens qui viennent devant nous, qui ont la délicatesse de venir nous informer de leur point de vue, qu'il leur donne lui-même son engagement que des poursuites comme celles qui ont été prises par la CSST, il n'y en aura plus envers les autres intervenants, de façon que nous puissions être sûrs que les gens qui sont là et qui viennent nous parler le feront ouvertement sans avoir l'épée de Damoclès sur la tête d'une poursuite éventuelle de 300 000 $.

Est-ce que le ministre, dès maintenant, peut dire aux gens qui sont ici dans la salle et à tous les gens qui vont comparaître et dont on a une liste partielle pour la journée, aux gens qui vont venir demain, après-demain, que le ministre ne permettra qu'aucun d'entre eux ne soit poursuivi judiciairement pour des paroles prononcées ou des éléments fournis pour éclairer les travaux de cette commission? Le ministre peut-il s'engager à cela dès maintenant, de façon que tout le monde soit à l'aise pour témoigner?

Le Président (M. Paré): M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, depuis que les travaux de la commission sont amorcés, nous avons entendu tout près de 25 groupes parmi lesquels plusieurs se sont exprimés, me semble-t-il, avec toute la liberté voulue et même dans le sens de dire de façon très précise les préoccupations qu'ils avaient, autant vis-à-vis de l'administration de la commission que vis-à-vis de l'application qu'elle faisait de la loi. Nous avons également en notre possession les mémoires de tous les autres organismes qui vont être entendus d'ici la fin. Je les ai tous, quant à moi, parcourus et, si le député de Louis-Hébert veut avoir l'assurance que, pour autant que je suis concerné, il n'y aura pas de poursuite judiciaire, je peux lui donner cette assurance, c'est évident.

M. le Président, qu'on ne me demande cependant pas de contrevenir aux dispositions d'une loi qui existe et qui contient des dispositions pour intervenir dans des décisions que des organismes habilités à le faire peuvent prendre. Mais, si on me demande de donner cette assurance, personnellement, c'est évident que, sans aucune réserve, je vais la donner. Alors, à partir de là, je vous suggère fortement que nous commencions à entendre nos invités.

Le Président (M. Paré): Merci. Je souhaite maintenant la bienvenue à notre premier groupe, la Confédération des syndicats nationaux. Je demande à la personne qui est le porte-parole de se présenter et aussi de présenter les personnes qui l'accompagnent.

CSN

Mme Simard (Monique): Mon nom est Monique Simard. Je suis la première vice-présidente de la CSN, entre autres responsable du dossier de la santé et de la sécurité du travail. Plusieurs personnes m'accompagnent. M. Roger Valois, président du comité de la santé et de la sécurité de la CSN et un travailleur de l'usine Fer et Titane à Sorel; Mme Céline Chatigny, travailleuse à un centre d'accueil à Montréal et militante sur la question de la santé et de la sécurité du travail dans la région de Montréal; M. Nazaire Paquet, que certains d'entre vous connaissez peut-être, qui a été un mineur d'amiante pendant 28 ans et, enfin, M. Jean Chartrand, travailleur au Gaz Métropolitain à Montréal et membre du comité de la santé et de la sécurité de la CSN. De ce côté-ci, Me Robert Guimond, du service juridique de la CSN; Mme Zaïda Nunez, conseillère syndicale aux lois sociales de la CSN et, enfin, M. Claude Couture, conseiller syndical dans la région de l'amiante, qui s'occupe plus précisément des problèmes de la santé et de la sécurité du travail.

Si vous me le permettez, je dirai avant de débuter qu'on s'attendait qu'il y ait quelques émois aujourd'hui à cause du remaniement ministériel d'hier, mais on ne s'attendait pas à ce type d'incident. J'espère que vous serez indulgent avec nous comme vous l'avez été avec d'autres groupes pour notre temps de présentation et que les 45 minutes qu'on a perdues pourront être récupérées, soit à 13 heures ou plus tard dans la journée.

Tout d'abord, je veux vous dire que, pour nous, à la CSN, le projet de loi 42 nous préoccupe énormément pour la raison suivante, et toujours en fonction des objectifs fondamentaux que nous avons défendus à ce chapitre. Tout d'abord, notre premier objectif est évidemment la recherche d'avoir et d'obtenir des milieux de travail sains où on pratiquerait une véritable prévention, afin qu'il ne se produise plus ou de moins en moins d'accidents ou de maladies du travail. Cependant, c'est malheureux, il y en a encore un nombre considérable; pour l'année qui vient de passer: 310 000 lésions professionnelles et on se doit, dans la recherche d'une loi concernant les lésions professionnelles, d'assurer un dédommagement complet et entier des victimes car elles ne sont pas responsables.

Je voudrais tout simplement revenir sur un petit incident récent, mais qui parle par lui-même. Il nous concerne à la CSN. Il s'agit du cas de l'usine Expro dans la région de Valleyfield. Il a fallu qu'il y ait des morts; il a fallu qu'il y ait une commission d'enquête; il a fallu qu'il y ait enfin des condamnations pour que la compagnie se décide d'agir. Je pense que le cas d'Expro illustre et va illustrer l'ensemble des propos qu'on pourra tenir ici aujourd'hui quant à la gravité de la situation et, je dirais, à l'"irresponsabilité" que nous pouvons constater dans la quotidienneté des employeurs par rapport à une chose aussi fondamentale que l'intégrité physique des travailleurs et des travailleuses.

Nous n'avons pas préparé de résumé de notre mémoire, mais nous allons tenter d'en faire un bref exposé pour nous permettre des échanges et des questions. Je voudrais souligner la présence de nombreuses travailleuses et de nombreux travailleurs de la CSN qui sont ici et qui nous viennent d'à peu près tous les secteurs que nous représentons. Par leur présence, ils manifestent l'intérêt qu'ils portent au dossier.

Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, nous avons fait un choix, c'est-à-dire celui de s'attarder davantage aux grandes lignes, aux grands principes qui sont contenus dans ce projet de loi et conséquemment, quant à nous, de vous présenter également les grands principes et les grandes revendications. Comme d'autres, je vous dirai que l'examen d'un projet de loi de la nature du projet de loi 42 a été un travail extrêmement fastidieux et très long. C'est un projet de loi complexe du point de vue technique. Cela nous a pris un certain temps et beaucoup d'énergie. Nous avons fait ce travail et, aujourd'hui, nous venons vous en donner les résultats et les conclusions.

On m'indique qu'il y a des travailleuses et des travailleurs de la CSN qui sont à l'extérieur et à qui on ne permet pas d'entrer.

Le Président (M. Paré): Oui. Vous avez tout à fait raison. On vient de m'aviser qu'il y a encore une trentaine de travailleurs qui ont demandé à prendre place ici et qu'à l'entrée, à cause de la limite de gens permise, on les avait empêchés de monter. Je dois vous dire que je viens de demander qu'on autorise ces personnes à entrer, peu importe qu'on doive ajouter des chaises ou que les gens soient assis ici autour de la salle. Effectivement, je viens de demander qu'on leur permette de monter. Donc, tout devrait être réglé d'ici quelques minutes. (10 h 45)

Mme Simard: Merci beaucoup. C'est la preuve et la démonstration en plus de l'intérêt que les membres de la CSN portent au dossier.

Le projet de loi 42 revêt évidemment une importance fondamentale pour nous, comme je l'ai dit précédemment, parce qu'il affecte des droits fondamentaux pour l'ensemble des travailleuses et des travailleurs du Québec et parce que ce projet de loi veut, selon nous, abolir certains droits pour lesquels la CSN et ses syndicats se sont battus depuis des décennies. Il n'est pas méconnu que le dossier de la santé et de la sécurité, à la CSN, nous a toujours préoccupés. Pour nous, une loi ou une législation concernant la réparation des législations professionnelles, on considère que c'est un acquis social, un acquis qu'on est prêt à défendre avec toutes les énergies et toutes les forces que nous pouvons représenter. La CSN est assez représentative, si vous me le permettez, puisqu'elle représente des travailleurs de tous les secteurs sans exception, soit la métallurgie, le papier, la forêt, la construction, les services de santé, le commerce et j'en passe. La CSN est présente dans tous les secteurs d'activité où l'on retrouve des travailleuses et des travailleurs.

Il ne faut jamais sous-évaluer, mais au contraire évaluer à leur juste mesure les conséquences humaines et sociales qu'une maladie ou un accident du travail peut avoir sur la vie de travail d'une femme ou d'un homme. Inutile de vous rappeler ou peut-être est-ce utile de vous rappeler les grèves historiques qui ont été menées sur ce sujet. Une grève assez récente, soit la grève de l'amiante en 1975, a amené la loi 52. Les grèves dans la construction à la fin des années soixante ont permis d'obtenir ce qu'on peut considérer comme des choses élémentaires, comme l'eau potable et les toilettes sur les chantiers.

Encore aujourd'hui, selon les statistiques qui nous sont données, chaque jour ouvrable, il y a un travailleur québécois qui est victime d'un accident ou qui devient invalide.

En cinq ans, il y a eu 1275 personnes qui sont décédées à la suite d'accidents du travail. On peut peut-être aussi évaluer que ces chiffres peuvent être sous-estimés puisqu'on sait que peu de maladies du travail sont reconnues. Finalement, somme toute, il y a peu, même dans le type de maladies qui sont reconnues, de personnes qui sont encore considérées comme officiellement malades du travail.

Le pourcentage des travailleuses et des travailleurs décédés, par exemple, dans le secteur de l'amiante, qui ont été reconnus amiantosés depuis l'existence de la loi n'est que de 15% à 20%. Pourtant - nous le savons et vous le savez aussi - la moyenne de durée de vie de ces travailleurs après avoir abandonné le travail est de moins de 24 mois. Il y a encore trop peu de ces travailleurs qui travaillent dans cette industrie qui sont reconnus comme malades et décédés de leurs activités professionnelles.

Comme je le disais tout à l'heure, il y a encore trop d'accidents, soit 310 000, et c'est inacceptable. Même si seulement 52% entraînent une incapacité temporaire ou permanente, c'est beaucoup trop élevé dans une société qui se dit moderne et prête à protéger et à faire valoir les droits des travailleuses et des travailleurs.

Les accidents et les maladies sont ce qu'il y a de plus évident et souvent ce qu'il y a de plus dramatique. On a trop tendance à oublier l'aspect des maladies. Nous tenons aujourd'hui à souligner aux membres de la commission parlementaire ici présents l'importance qu'on doit accorder au dossier des maladies du travail. Nous avons à cet effet fait plusieurs enquêtes qui nous permettent de vous affirmer aujourd'hui que le dossier sur la santé et la sécurité du travail dépasse largement les accidents. Pour vous nommer quelques enquêtes, il y a évidemment eu la célèbre enquête faite à Thetford-Mines dans les années soixante-dix. Je vous en nomme juste quelques-unes, soit à Cégelec, à Fer et Titane à Sorel, une vaste enquête qui a été faite dans plusieurs abattoirs de volailles au Québec, enfin des enquêtes dans les chantiers maritimes, à Atlas Steel, à Sorel, et j'en passe. Toutes ces enquêtes ont permis de constater qu'une meilleure connaissance de leur état de santé nous permet de croire que la majorité d'entre eux sont malades du travail et que, dans très peu de cas, la loi permet de les reconnaître comme malades du travail.

Il y a une dimension qui nous préoccupe tout particulièrement et qui a souvent été passée sous silence ou qui n'a pas été soulevée lorsqu'on parle de la santé au travail, il s'agit de la santé des femmes au travail. Encore là, on s'attarde davantage aux accidents dans les secteurs à haut risque et on oublie que, dans les secteurs, dans les ghettos d'emploi féminin, il y a un nombre considérable d'agresseurs qui ne sont pas reconnus actuellement par la loi. Les types d'emploi occupés majoritairement par les femmes où il y a des charges mentales extrêmement élevées, des cadences de travail rapides, de mauvaises postures de travail entraînent une foule de problèmes de santé qui ne sont pas reconnus ou très difficilement reconnaissables dans le cadre actuel comme maladies du travail.

On a gagné, au cours des années, des acquis qu'on ne voudrait pas voir perdre ou diluer par la présentation d'une nouvelle loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, notre action syndicale vise essentiellement et avant tout à assainir les milieux de travail pour qu'il n'y ait pas d'accidents. Je dois dire que beaucoup de syndicats, par leur combativité et leur persistance, ont réussi. On a su, par une étude faite par l'Université Laval, qu'à la CSN le nombre de conventions collectives qui comportaient des dispositions et des protections face à la santé au travail était supérieur à tous les autres groupes qui négociaient des conventions collectives et nous en sommes fiers.

On ne peut pas laisser cela à la seule gouverne de la négociation de conventions collectives parce que, malheureusement, au Québec, il y a plus des deux tiers des travailleurs et de la main-d'oeuvre qui ne sont pas syndiqués, et plus particulièrement chez les travailleuses. C'est pourquoi, pour nous, une loi sur la réparation des lésions professionnelles est si importante parce que, pour les non-syndiqués, il s'agit de la seule protection et du seul recours qu'ils peuvent avoir.

Dans notre mémoire, nous allons expliquer comment les travailleurs et les travailleuses qui sont victimes d'accidents vivent la réalité de tous les jours. On aura deux témoignagnes; je n'entrerai pas dans les détails, mais je peux vous dire que ce n'est pas simple d'être victime d'un accident ou d'une maladie, tant au niveau administratif qu'au niveau des recours, qu'au niveau des juridictions, qu'au niveau de la reconnaissance du diagnostic d'un médecin par la CSST. Je pense que les témoignagnes qu'on vous fera entendre sont très éloquents à cet égard.

C'est pour toutes ces raisons, ces acquis, ces luttes que nous avons gagnés au cours des années qu'aujourd'hui on lutte encore pour obtenir - parce qu'on ne l'a pas encore obtenue complètement - la reconnaissance du droit à une pleine compensation pour un véritable droit de retour au travail, pour la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité des employeurs en matière d'accidents et de maladies du travail, enfin pour que les victimes ne soient pas pénalisées comme elles le sont parfois actuellement et, enfin -et c'est un droit fondamental - pour le droit

de travailler dans des conditions saines.

Les principes qui, selon nous, devraient être à la base de la loi - en même temps, je ferai une analyse critique de ce qui est contenu dans le projet de loi 42 - c'est tout d'abord la reconnaissance du principe de la responsabilité des employeurs en matière d'accidents et de maladies. Vous allez me dire que c'est un principe qui est reconnu depuis 1931. C'est vrai, mais trop dilué. Ce sont les employeurs qui, en étant responsables, doivent identifier les dangers éventuels et les corriger avant qu'ils provoquent des accidents ou des maladies. Si, malheureusement, des accidents surviennent, c'est à eux de voir à ce que les torts soient réparés entièrement. Historiquement, je me rappelle qu'en 1931, les employeurs ont accepté ce principe et nous ne croyons pas que, dans les dispositions concrètes, cela soit entièrement appliqué et c'est aujourd'hui la nature principale de notre mémoire, de notre présentation.

En fait, un autre principe: c'est que tout régime de réparation doit être un régime à caractère d'assurance sociale, et non pas d'assistance sociale, où les victimes sont créancières d'un droit et non bénéficiaires d'une aide ou d'une assistance sociale. C'est pour nous un principe fort important comme thème. Notre principale crainte, c'est que le régime proposé dans le projet de loi 42 pousse les victimes du travail vers d'autres régimes sociaux et la collectivité tout entière. Que ce soit la caisse de l'aide sociale, de l'assurance-chômage ou autres, ce sont des caisses qui sont financées par l'ensemble de la collectivité.

Cette crainte nous l'avons, entre autres, par les dispositions qui sont contenues dans le projet de loi en ce qui a trait au remplacement des rentes par des montants forfaitaires, par la réduction ou la terminaison d'une indemnité en cas de refus ou d'abandon d'emploi, lorsqu'on parle de la fin de l'indemnité de remplacement du revenu en fonction d'un salaire qu'une victime pourrait hypothétiquement ou théoriquement tirer d'un autre emploi, ou enfin du caractère insuffisant et illusoire du droit de retour compte tenu des limitations qui sont inscrites dans la loi.

Un autre principe, c'est le maintien du revenu pour les victimes d'accident du travail. Enfin une couverture universelle du régime qui ne doit exclure aucune catégorie de travailleuses ou de travailleurs, sans exception. Enfin une garantie d'emploi qui fait que, lorsqu'on est victime, on n'a pas à être pénalisé quant à l'obtention d'un emploi futur. Et enfin - ce n'est pas la moindre -une vraie réadaptation médicale, sociale et professionnelle dans le but de redonner aux victimes d'accidents ou de maladies une autonomie complète et comparable à ce qu'elles avaient avant.

Je ne m'étendrai pas longuement sur tous les points parce que, comme on le sait, le projet de loi est extrêmement volumineux. Vous avez une copie de notre mémoire. Concernant le champ d'application, je voudrais faire remarquer ici à la commission que certaines catégories sont exclues de l'application et particulièrement le personnel domestique. Je devrais dire davantage les travailleuses domestiques parce que, dans la réalité, ce sont presque toutes des femmes et la seule disposition qui les concerne, c'est qu'on dit qu'elles pourront cotiser et être couvertes elles-mêmes. Or, on sait très bien que, dans ces secteurs d'emploi, généralement elles sont très peu informées et qu'à défaut d'informations elles ne seront pas couvertes, et des accidents existent dans ce secteur comme dans d'autres. Donc, on demande que le projet de loi ou toute législation couvre toutes les catégories sans exception, y inclus cette catégorie.

Sur la question de l'indemnité de remplacement de revenu qui est un point central du projet de loi, tout d'abord, on doit dire que nous sommes étonnés de voir ce qui est contenu dans le projet de loi puisque, dans un projet de loi qui avait été déposé en 1980, il était prévu qu'une travailleuse ou un travailleur aurait droit à une indemnité égale à 100% du revenu net tant et aussi longtemps qu'aurait duré cette incapacité. Force nous est de constater qu'il y a eu recul sur cette question et qu'on revient à 90% du revenu net.

Pour la CSN, pour nous, une loi doit garantir le maintien intégral, c'est-à-dire 100% du revenu brut, dès la première journée d'incapacité. Pendant cette période, les cotisations et les contributions à la sécurité sociale et au régime d'avantages sociaux de l'entreprise doivent être maintenues pour que la travailleuse ou le travailleur puisse en recevoir les avantages sa vie durant. De même, la victime d'un accident ou d'une maladie du travail doit non seulement maintenir le revenu qu'elle faisait au moment de la lésion, mais l'indemnisation doit aussi tenir compte de la progression de son échelle salariale et des promotions éventuelles qu'elle aurait pu avoir.

Un vrai régime ne peut être juste pour les handicapés que s'il tient compte de tout ce que la personne victime aurait gagné si elle était restée au travail. Il n'y a pas uniquement un salaire, il y a d'autres avantages et vous le savez comme moi. (11 heures)

Je voudrais seulement revenir sur un élément. Peut-être que les membres de la commission en sont informés. Sur la question de l'indexation, la CSST a mis fin, de façon arbitraire, en juillet 1982, à l'indexation des prestations pour incapacité temporaire. Nous profitons de l'occasion ici aujourd'hui pour

demander que la CSST rétablisse l'indexation des prestations et que les montants dus aux personnes visées leur soient versés rétroactivement. En plus de tenir compte de l'indexation, il faudrait également tenir compte de tous les revenus d'emploi de la victime lors de son accident ou de sa maladie et non seulement de l'emploi rémunérateur.

Je fais une parenthèse ici pour attirer particulièrement votre attention sur le phénomène de la prolifération du travail à temps partiel qui existe actuellement au Québec. Dans certains secteurs, l'emploi à temps partiel constitue à peu près 50% de l'emploi. Beaucoup de personnes, pour s'assurer un revenu décent - et je reviens encore là-dessus - particulièrement les femmes, sont obligées d'exercer un, deux ou trois emplois à temps partiel et, entre nous, très franchement, généralement à des taux horaires extrêmement bas. Nous considérons que, si une d'entre elles, une de ces personnes était victime d'un accident ou d'une maladie, on devrait compter l'ensemble des revenus qu'elle tire de ses emplois pour établir le montant auquel elle aurait droit pour la période de son incapacité.

Par ailleurs, le projet de loi établit le maximum annuel assurable à 150% de la rémunération hebdomadaire des travailleuses et des travailleurs du Québec. Encore là, il y a un recul par rapport à des versions précédentes que nous avons eu l'occasion d'examiner et une des versions précédentes proposait d'augmenter progressivement le salaire maximum assurable à 175% en 1984 et à 200% en 1985. Quant à nous, nous nous opposons à un plafond. Nous considérons qu'on doit toujours tenir compte de l'entièreté du revenu d'une personne et que ce revenu ne devrait jamais être plus bas que le salaire minimum. Mais, entre nous, quand on regarde les statistiques, ce ne sont pas ceux qui font 60 000 $ ou 70 000 $ par année qui ont des accidents ou qui sont victimes de maladies du travail.

Sur les réductions de l'indemnité de remplacement du revenu que vous proposez, pour nous, c'est une faille importante du projet de loi. Un des premiers éléments, c'est la première réduction de l'indemnité par l'incitatif de retour au travail. Ainsi, lorsqu'une personne incapable d'exercer un emploi occupe un nouvel emploi moins rémunérateur ou ne retourne pas à son emploi, l'indemnité cesse ou est réduite en tenant compte du revenu brut qu'elle retire de cet emploi. Il y a des tableaux. Je pense que les chiffres sont assez clairs sur cette question. On pourra peut-être y revenir au moment de la période des questions. On constate que certaines catégories, par le système qui est proposé dans le projet de loi, seraient pénalisées et particulièrement les travailleurs ou les travailleuses qui ont des personnes à charge. En fait, compte tenu du fait qu'il peut être appliqué dans la même période que ces dispositions sur le droit de retour, nous craignons que l'incitatif ne devienne un mécanisme de mise au travail forcé avant la guérison complète et ne fasse perdre à la travailleuse ou au travailleur les avantages sociaux liés à l'emploi qu'il détenait lors de l'accident, si la travailleuse ou le travailleur est remplacé dans une autre entreprise. Vous savez comme moi que, selon le secteur où on travaille, on peut trouver un autre emploi et que les conditions de travail - les bénéfices marginaux, les avantages sociaux - peuvent être fort différentes. C'est malheureux. On n'a pas encore des lois, des normes minimales au Québec qui nous assurent des planchers minimaux acceptables partout. Ce n'est pas automatiquement, parce qu'on a trouvé un autre emploi, qu'on va pouvoir avoir les mêmes garanties de bonnes conditions de travail.

Une autre forme inacceptable de réduction ou de suppression de l'indemnité se retrouve dans le refus de l'abandon de l'emploi. Je vous avoue que nous trouvons cela assez odieux. Quand le projet de loi impose un régime de réduction quand la travailleuse ou le travailleur, sans raison valable, refuse ou abandonne un nouvel emploi, ce refus ou cet abandon conduit à une réduction de l'indemnité puisque la victime d'accident ou de maladie du travail est réputée occuper ou continuer d'occuper cet emploi. C'est la CSST, et plus particulièrement aux articles 76 et 77, qui jugera des raisons valables, qui décrétera quel emploi elle est en mesure d'occuper et qui ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.

Quant à nous, la victime d'accident ou de maladie du travail doit pouvoir conserver le choix d'abandonner ou de refuser un autre emploi sans encourir aucune pénalité quand elle ne peut retrouver son emploi initial.

Enfin, il y a deux autres formes de réduction d'indemnité que nous jugeons inacceptables dans le projet de loi, c'est-à-dire que l'indemnité peut être réduite en vertu de la capacité résiduelle de la victime et de l'arrivée de l'âge de la retraite.

Sur la question de la capacité résiduelle, à partir de la quatrième année suivant le début d'une invalidité, l'indemnité peut être réduite annuellement d'un montant égal au revenu net que la travailleuse ou le travailleur tire ou pourrait tirer d'un emploi que la CSST le juge capable d'exercer. C'est la commission qui décide de la capacité résiduelle.

Ces dispositions font en sorte que l'indemnité ne sera pas payée à vie et que, de plus, il n'y a pas de garantie réelle que l'indemnité sera versée tant et aussi longtemps que la travailleuse ou le

travailleur est incapable d'exercer un emploi. Il faut se le dire, dans une période de chômage - c'est malheureux, on n'est pas capable de prédire qu'on verra la fin de cette période dramatique de chômage dans les années à venir - il y a de fortes chances que les travailleuses ou les travailleurs ne trouvent pas d'emploi qui leur convienne et que, finalement, ils doivent se tourner vers une caisse d'assistance sociale ou vers le bien-être social.

Ces dispositions font porter sur les personnes qui en sont victimes la responsabilité ou une partie de la responsabilité de l'accident ou des conséquences de l'accident ou de la maladie ainsi que le fardeau d'une recherche d'emploi un peu illusoire dans certaines régions et certains secteurs d'activité. La victime verra alors son indemnité réduite.

Quant aux limitations au versement de l'indemnité, il y a un certain nombre de dispositions qui ne peuvent nous satisfaire. Entre autres celle où on accorde désormais un pouvoir accru, ce que nous considérons discrétionnaire à la CSST, de refuser, de réduire ou de suspendre le versement d'une indemnité, entre autres à l'article 122. On considère que c'est un recul par rapport à la loi actuelle qui n'accorde que la possibilité de mettre fin ou de continuer et qui offre à cet égard de meilleures garanties parce qu'on parle, dans l'actuelle loi, de persistance dans des pratiques dangereuses et malsaines et qu'on n'ajoute pas tous les autres motifs qui sont contenus dans l'actuel projet de loi. Ce genre de limitations contrôlées exclusivement par la CSST nous semble extrêmement abusif.

Enfin, concernant la compensation pour les dommages physiques ou psychiques permanents - les articles 81 à 86 - nous avons étudié la question de façon détaillée. On a fait des tableaux que vous trouvez dans le mémoire et on est capable de constater, à la lumière de ces tableaux, la perte qui serait encourue par les personnes qui auraient des forfaitaires au lieu des rentes. Même si la rente actuelle, selon la loi actuelle, et l'indemnité forfaitaire du projet de loi 42 ne compensent pas exactement, contrairement à ce que nous réclamons devant la commission, on est cependant justifié de les comparer et de voir qu'il y a une différence importante. Nous demandons que cela soit corrigé pour différentes raisons.

D'une part, on trouve étonnant et inadmissible que le projet de loi supprime l'évaluation de la capacité de retrouver un emploi pour ne retenir que le facteur de déficit anatamophysiologique dû à une lésion. Dans la loi actuelle, on est beaucoup plus large dans l'évaluation et cette évaluation doit tenir compte de la diminution de la capacité de travail, de la capacité de reprendre un emploi ou de s'adapter à une autre occupation.

Donc, on tient compte d'autres facteurs que la seule perte d'une capacité physique et cela nous semble un élément extrêmement important lorsque l'ensemble du projet de loi est traversé de dispositions comme le retour au travail, d'incitatifs de retour au travail, de réadaptation au travail. On ne peut pas tenir compte d'un seul facteur lorsqu'on établit les compensations.

Pour nous, une véritable compensation devrait comprendre et devrait être évaluée en fonction de plusieurs facteurs, mais, entre autres, sur le degré d'incapacité économique. Une incapacité physique peut entraîner une incapacité économique et il faut tenir compte de cette dimension lorsqu'on établit le montant auquel la personne a droit.

Qu'est-ce qu'on veut dire par capacité économique ou incapacité économique? C'est la capacité de se trouver un autre emploi, entre autres, les chances de se trouver un autre emploi en fonction de différents critères, de formation et autres.

Pour nous, l'indemnité pour dommages permanents doit continuer à être versée sous forme de rentes, à l'exception d'une incapacité extrêmement minime où on pourrait considérer le versement de montants forfaitaires. Pour des incapacités permanentes assez importantes, moyennes, on pense que la formule de rentes est de loin préférable à celle des montants forfaitaires que vous nous proposez. Contrairement à d'autres qui semblent prêts à l'accepter, pour nous, c'est inacceptable.

Dans le même sens et suivant la même logique, nous croyons que, pour l'indemnité aux survivants - il doit y en avoir plusieurs centaines par année, quand on regarde les chiffres de mortalité au travail - c'est la formule de rentes qui devrait être retenue au lieu de la formule de montants forfaitaires, entre autres, pour les conjoints et pour les enfants. Nous pourrions considérer, pour les conjointes sans personne à charge ou pour les conjoints sans personne à charge, qui sont très jeunes, la possibilité d'un montant forfaitaire, mais la règle générale qui devrait être appliquée, c'est encore la formule de rentes. Inutile de vous rappeler que nous considérons que ces rentes ne devraient jamais être inférieures au salaire minimum.

En ce qui concerne le droit au retour au travail, évidemment, il est important que ce droit soit enfin reconnu...

Une voix: Je ne sais pas ce qui s'est passé. Ils en ont laissé entrer quatre et les autres, ils les ont retournés.

Mme Simard: Ah bon! Je m'excuse, M. le Président. Tout le monde est entré, sauf qu'il en manque quatre qui sont encore...

M. Valois (Roger): Ils en ont fait entrer quatre et les trente autres, ils les ont envoyés.

Le Président (M. Paré): Un instant! Vous avez tout à fait raison et c'est ce que je viens encore de demander. On s'était entendu avec les responsables, les autorités ici, pour permettre l'entrée à au-delà du nombre permis, à cause de la sécurité des gens. Lorsque je suis parti de l'autre côté, avec un représentant de la CSN, il était entendu que c'était réglé, que les gens devaient monter. Je ne comprends pas non plus qu'ils ne soient pas encore arrivés. Je viens de demander qu'on aille vérifier ce qui se passe. On s'en occupe. Si vous voulez, je suis même prêt à suspendre les travaux pour quelques minutes, le temps de régler le problème.

Mme Simard: On peut peut-être suspendre pour quelques minutes pour leur permettre...

Le Président (M. Paré): Je n'ai pas d'objection. Cela va me permettre d'aller régler le problème, définitivement.

Donc, les travaux de la commission sont suspendus pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 14)

(Reprise de la séance à 11 h 20)

Le Président (M. Paré): Nous allons poursuivre les travaux en expliquant qu'assurément les gens qui se présenteront pourront entrer, sauf qu'à cause d'un malentendu entre le moment où la décision fut prise de laisser entrer tout le monde et le moment où les gens ont voulu entrer en bas, malheureusement, des gens ont quitté. C'est la raison pour laquelle tous les gens ne sont pas ici, mais, si les gens se présentent à nouveau, ils pourront assurément entrer sans problème. À la suite de cette interruption, je vous demanderais, s'il vous plaît, de poursuivre.

Mme Simard: Seulement une petite remarque, M. le Président. C'est assez désolant, parce que les gens qui ont tenté d'entrer tout à l'heure et d'assister à la commission parlementaire sont des accidentés ou des malades du travail de la région de Québec. Vous comprendrez que le sujet dont on s'entretient aujourd'hui est de première importance pour eux. On va tenter d'en rejoindre quelques-uns. Enfin, on déplore l'incident qui s'est produit.

Un autre élément central du projet de loi 42, c'est le droit de retour au travail. Il va de soi, on vous l'a dit tout à l'heure, qu'un des principes importants pour nous, c'est le droit de retour au travail complet et absolu. Cependant, ce droit présente plusieurs limitations dans les dispositions du projet de loi, entre autres, premièrement, l'exigence d'avoir travaillé pendant trois mois de services continus dans un même établissement. Cela veut dire, pour certaines catégories de travailleurs, que ce droit ne s'appliquerait pas. Je pense, entre autres, au secteur de la construction ou aux travaux saisonniers où il est rare que la personne a un emploi continu de plus de trois mois. C'est généralement moins que cela, entre autres dans la construction.

Ensuite, que le droit de retour soit limité dans le temps à un an dans les établissements de moins de 20 personnes et à deux ans dans les établissements de plus de 20, on ne comprend pas la distinction entre les deux quant à un droit comme celui-là. Je ferais remarquer que près de 40% de la main-d'oeuvre au Québec travaille dans des établissements de moins de 20 personnes. Est-ce à dire que ces 40% ont un droit diminué par rapport aux autres? De toute façon, nous considérons qu'il ne devrait pas y avoir de limite dans le temps quant à un droit au retour. On demanderait que ces limitations soient enlevées du projet de loi.

En outre, le délai pour réintégrer le travail n'est que de cinq jours, à partir de la date qui est décidée par la CSST. La travailleuse ou le travailleur et son médecin traitant n'ont aucun contrôle sur cette date de retour. Ce qui nous semble assez désolant, c'est que le projet de loi présume que la travailleuse ou le travailleur qui fait défaut de réintégrer l'emploi dans un si bref délai renonce à son droit et l'employeur est dégagé de toute obligation, car il est présumé avoir démissionné. Cela nous semble tout à fait abusif, et je pense qu'un des témoignages que nous allons vous faire entendre va illustrer comment cette mesure, dans les faits, va exclusivement pénaliser des femmes ou des travailleurs quant à leur capacité de retourner au travail. C'est assez incroyable qu'on retrouve ce genre de disposition.

Ensuite, la priorité pour occuper un autre emploi disponible ainsi que l'assignation provisoire de la travailleuse ou du travailleur à une autre tâche doit se faire - cela nous semble important, cela a été soulevé devant la commission - dans le respect des conventions collectives et sans occasionner directement ou indirectement des mises à pied ou des déplacements d'autres travailleuses ou travailleurs. Encore là, le délai qui est indiqué dans la loi nous semble un peu court, celui de quatorze jours. Nous croyons que l'employeur doit reprendre à son emploi, à son poste de travail, la travailleuse ou le travailleur victime d'accident ou de maladie de travail. Il doit en être de même pour tout employeur qui combine quelque

activité que ce soit de l'entreprise. Le projet de loi devrait obliger les employeurs à adapter les postes de travail, à modifier les conditions pour que le travailleur puisse accomplir un travail. Si la personne n'est plus capable de reprendre son emploi, l'employeur doit lui fournir un autre emploi compatible avec son état de santé et qu'il est en mesure d'effectuer, selon le conseil du médecin traitant.

Depuis quelques années, on parle beaucoup d'intégration des personnes handicapées dans les milieux de travail, mais il faudrait faire en sorte que les handicapés du travail soient aussi considérés comme ayant droit à des mesures leur permettant de pouvoir retrouver leur emploi. Nous suggérons au gouvernement de considérer des mesures comme l'action positive ou des postes réservés, la recherche de nouvelles formules qui feraient en sorte que les droits individuels des handicapés du travail ne léseraient pas les droits collectifs des autres et vice versa. Nous tentons de rechercher de nouvelles avenues pour voir à ce que ces droits et le droit de retour au travail soient pleinement assurés et praticables dans les faits.

Maintenant, en ce qui concerne le droit aux soins et aux services de santé, nous ne sommes pas les premiers, mais nous insisterons quand même sur l'article 132 du projet de loi que nous trouvons totalement inadmissible. Cet article a pour effet d'accroître, quant à nous, les pouvoirs et l'ingérence de la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans les traitements médicaux et, pour nous, c'est absolument inacceptable. Dans un régime général d'assurances, que ce soit celui de l'assurance-maladie et ou de l'assurance-hospitalisation, c'est le médecin traitant qui détermine, selon son jugement, les soins nécessaires. Ce n'est pas à l'organisme payeur de décider de la nature et de la durée des traitements. Le projet de loi, de plus, tout en donnant ces nouveaux pouvoirs à la CSST, impose de nouvelles obligations aux professionnels de la santé qui donnent des soins à des victimes d'accidents ou de maladies et nous trouvons que ces nouvelles obligations sont inadmissibles également. L'assistance médicale est restreinte car elle ne couvre pas les soins donnés par les personnes autres que les professionnels de la santé. C'est un autre point.

Quant à nous, il faudrait davantage élargir aussi lorsqu'on parle de professionnels de la santé dans le projet de loi. Il y a, par exemple, les psychologues, les physiothéra-peuthes, les infirmières et les infirmiers, d'autres types de disciplines qui traitent les victimes d'accidents du travail, il faudrait les considérer et les reconnaître dans la loi.

Un des points les plus fondamentaux et un des principes les plus importants pour nous à la CSN, c'est la reconnaissance du droit au médecin de son choix et d'être compensé sur la base de son diagnostic. Le projet de loi reconduit le droit au médecin de son choix pour se faire soigner ainsi que le droit à avoir des soins dans l'établissement choisi par la travailleuse ou le travailleur. Mais, par ailleurs, il ne reconnaît pas le droit d'être compensé sur la base du diagnostic de ce médecin traitant. On sait qu'actuellement ce n'est pas le médecin traitant qui décide. C'est le bureau médical de la CSST.

À ce moment-ci, je vous avais annoncé un court témoignage et je demanderais à Céline Chatigny de nous donner un court témoignage sur ce problème important qui est la contradiction ou la non-cohérence des médecins traitants et de la CSST. Céline.

Le Président (M. Marquis): Mme

Chatigny.

Mme Chatigny (Céline): Moi, je travaille au Centre d'accueil Jean-Olivier-Chénier. C'est un centre d'accueil en déficience mentale à Montréal. J'y travaille depuis 1976 et, en août 1982, j'ai eu un accident de travail au dos. Le résultat a été mal dorso-lombaire, syndrome facettaire au niveau cervical et dorsal, des douleurs qui s'irradient dans les jambes et les bras. Pourtant, quand j'ai été embauchée au centre d'accueil, j'avais passé un examen médical complet et j'avais un dos en excellent état. Finalement, cela a pris plusieurs mois avant d'établir un diagnostic pour savoir exactement de quoi il s'agissait comme problème. Le 15 septembre, je passais une myélographie qui décelait les bombements discolombaires et, à ce moment, mon médecin me prescrivait un repos complet jusqu'à ce que je puisse commencer des traitements en physiothérapie. Le 4 janvier 1984, j'ai pu commencer les traitements en physiothérapie. Après le début des traitements, les douleurs ont diminué un peu. Le 9 mars, j'ai été convoquée à la CSST pour rencontrer un médecin de la CSST pour un examen médical. Le médecin m'a dit qu'il était d'accord avec le diagnostic des médecins et il m'a prescrit la poursuite des traitements en cours. Je devais le revoir ultérieurement. Comme les progrès étaient minimes, mon physiatre m'a fait cesser temporairement les traitements en physiothérapie pour me faire une série de traitements de cortisone épidurale, de blocs d'injections, d'infiltrations. À la suite de ces traitements, d'autres problèmes ont été décelés aux niveaux cervical et dorsal. Cela a donc pris jusqu'au mois de juin pour savoir exactement à quoi s'en tenir. Ensuite, j'ai repris la physiothérapie le 18 mai. (11 h 30)

C'est à ce moment que j'ai reçu une

nouvelle convocation de la CSST pour un nouvel examen médical. C'est un autre médecin - pas le même que le premier - que j'ai vu. Quand je suis arrivée, on m'a dit: Cela fait neuf mois que vous ne travaillez pas. Il serait peut-être temps que vous repreniez le travail; c'est suffisant. Après un court examen, on m'a dit que j'avais le dos assez endommagé, que j'avais sûrement des douleurs assez intenses, mais qu'il faudrait que j'apprenne à vivre avec cela puisqu'on ne pouvait plus rien faire pour moi. On m'a donné un DAP de 1% et on m'a retournée au travail. Enfin, on m'a demandé de retourner au travail le 7 juin. Entre-temps, j'ai revu mon médecin. Je n'étais absolument pas en état de reprendre le travail. Je marchais difficilement. J'ai donc contesté la décision de la CSST. Après un mois sans salaire, j'ai reçu une lettre de la CSST me disant qu'après considérations administratives, on me donnait raison, que je pouvais poursuivre les traitements, mais qu'une partie du dossier que je ne contestais pas était au niveau de la réadaptation sociale. On me disait que j'étais inscrite en réadaptation sociale. Je me demande encore ce que cela signifie quand on n'est pas rendu au bout des traitements disponibles et qu'on ne connaît pas les possibilités qui restent, et pourquoi on m'inscrirait en réadaptation sociale.

Une deuxième fois, on m'a donné une date pour être soignée, pour continuer les traitements. À la suite de cela, j'ai repris les traitements en physiothérapie jusqu'au 30 juillet. Comme cela s'était un peu amélioré, j'ai tenté un retour au travail au début du mois de septembre. Je n'ai plus entendu parler de la CSST jusqu'au moment où j'ai revu le physiatre et qu'il m'a dit - parce que la situation s'était beaucoup dégradée depuis le retour au travail; les conditions n'avaient pas été adaptées à mon retour, évidemment - qu'on tentait une dernière série de traitements en physiothérapie avant de me référer en neurochirurgie pour une opération. On m'avait certifié depuis le début qu'il était possible que je sois obligée de me faire opérer, à un moment donné, mais qu'il fallait vraiment tout tenter avant, parce que, comme la colonne était touchée à tous les niveaux, c'était un risque important.

J'attends encore l'autorisation de la CSST pour reprendre les traitements en physiothérapie - cela fait deux mois - parce que mon dossier était fermé. Pendant ce temps, c'est moi qui suit prise avec le problème. Je n'ai pas demandé à vivre ces problèmes, je ne suis pas née avec eux. Je pense que j'ai au moins le droit de me faire soigner convenablement et de tout tenter pour récupérer une santé qui a de l'allure et profiter de la vie comme tout le monde, pour pouvoir pratiquer des sports et mener une vie normale.

Mme Simard: Merci, Céline. M. le Président, je voudrais vous dire qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Parmi les milliers et les milliers de personnes qui sont victimes d'accidents ou de maladies du travail au Québec cette année, il y en a plusieurs milliers qui sont membres de la CSN et le cas de Céline est un cas tout à fait dans la norme des cas qui se. présentent dans tous les bureaux de la CSN chaque semaine. Je pense que le témoignage qu'on vient d'entendre nous indique combien il y a de contradictions dans le régime actuel et ce sont les victimes qui, finalement, en subissent toutes les conséquences. Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y a plusieurs personnes qui ont été retournées prématurément au travail et que ce retour prématuré peut occasionner des rechutes et des aggravations qu'on aurait pu corriger beaucoup plus tôt, et que le degré d'aggravation devient souvent permanent.

Un autre élément qu'on voudrait soulever, c'est la question de la confidentialité des dossiers médicaux. Il nous semble que les dossiers médicaux des accidentés ou des malades du travail doivent être tout aussi confidentiels que les dossiers des autres malades au Québec et qu'il ne devrait pas y avoir dans la loi des accrocs à cette dimension.

Enfin, la question de la réadaptation sociale. C'est un sujet fort important. Le travailleur a droit à la réadaptation sociale que requiert son état en raison d'une lésion professionnelle en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. Mais seule la commission décide de l'admissibilité d'une travailleuse ou d'un travailleur à la réadaptation sociale et souvent peut-être de façon prématurée, comme on a pu le voir dans ce cas-ci. Dans le projet de loi, il est prévu que la commission peut développer un ensemble de mesures pour la réadaptation sociale des travailleuses et des travailleurs handicapés par le travail. C'est ce qui fait déjà partie des attributions de la CSST, mais qu'elle applique, quant à nous, de façon incomplète et curieuse parfois.

Pour nous, une loi doit garantir un véritable droit à la réadaptation sociale et cette réadaptation doit être considérée comme un droit dans la mesure où les employeurs seront obligés de reprendre les travailleuses ou les travailleurs qui sont handicapés et de leur fournir un travail compatible avec leur état de santé. C'est conséquent par rapport aux remarques qu'on vous a faites quant au droit de retour au travail.

La réadaptation sociale trouve, dans les mesures qu'on vous propose, tout son sens car elle se fait en fonction de l'emploi que la personne exerçait avant sa maladie ou son accident et non en fonction d'un emploi probable, hypothétique que la personne

pourrait exercer. D'ailleurs, ce droit d'en occuper un autre, quant à nous, c'est très peu garanti et assuré dans des périodes comme celles qu'on vit actuellement.

Nous croyons que les services de réadaptation ne devraient pas dépendre de la commission et qu'ils devraient être entendus au sens le plus large, c'est-à-dire comprendre la gamme des soins, les services de santé, les services sociaux, instruments, appareils, formation, aménagement, moyens de transport, etc. Nous croyons que la personne visée par un programme devrait avoir le choix de son plan de réadaptation, si elle le considère adéquat ou pas.

Un autre élément, la question des maladies du travail. Il n'y a pas de modifications importantes proposées dans le projet de loi quant aux maladies du travail. Nous fonctionnons avec un système de liste. Ce système implique en lui-même une certaine restriction. Il y a eu un élargissement un peu, entre autres maintenant qu'on reconnaît le cancer pulmonaire causé par l'amiante, mais nous jugeons que la liste est tout à fait et encore incomplète. D'ailleurs, cette liste ne comprend pas, par exemple, les maladies qu'on peut retrouver dans la liste des maladies reconnues par l'Organisation internationale du travail. Un des aspects qui me touchent, c'est la non-reconnaissance, à part l'hépatite virale, des maladies infectieuses ou parasitaires. Dans le secteur des services de santé et des services sociaux, il y a des risques de maladies infectieuses ou parasitaires extrêmement grands et on voudrait voir un élargissement dans ce sens des listes.

II ne s'agit pas uniquement de dire qu'il faut ajouter des listes. Nous croyons qu'il faut au départ élargir notre concept de ce que peut être une maladie du travail, surtout dans une période où il y a énormément de changements technologiques, d'introduction de nouveaux procédés de travail dans les entreprises. Nous faisons face à un nombre incroyable d'inconnus quant à l'effet de certains procédés ou de certains produits sur la santé des personnes. Des modifications dans l'organisation du travail provoquent aussi de nouveaux problèmes. Je pense, entre autres, au stress qui entraîne des problèmes physiques importants.

Actuellement, la reconnaissance des maladies se fait davantage par l'établissement d'une relation de cause à effet unique. Un produit provoque telle chose. On ne considère pas nécessairement tous les autres agresseurs qui peuvent exister dans un milieu de travail et qui peuvent avoir des effets combinés et provoquer des problèmes de santé. J'ouvre une parenthèse, on n'y fait pas référence dans le mémoire. Aux mines Noranda, là aussi, la CSN a réalisé une vaste enquête sur la santé des mineurs ou ceux qui travaillent sous terre et ceux qui travaillent hors terre et leur famille. Le résultat de cette enquête menée par l'institut Mount Sinai de New York, qui est un institut très spécialisé en santé du travail, nous a démontré qu'ils étaient tous extrêmement malades. Mais, dans la loi et dans la reconnaissance actuelle qu'on en a au Québec, on n'arrive pas à les faire reconnaître malades professionnelles parce qu'il n'y a aucun des agresseurs auxquels ils sont exposés qui est en quantité suffisante pour établir qu'ils ont une maladie du travail. Ils ont un peu de kalium, un peu d'arsenic, un peu de plomb, sans parler de la chaleur et d'autres types d'agresseurs. L'effet combiné de tous ces agents provoque des maladies; que ce soient des maladies coronariennes, des bronchites chroniques et autres. On n'arrive pas à les faire reconnaître parce qu'ils n'entrent pas dans le cadre étroit d'un agent unique. Là, c'est reconnu une maladie du travail. Donc, on profite de la commission parlementaire pour insister sur cette question qu'il faut élargir le concept de la maladie du travail et considérer les effets combinés d'agents agresseurs multiples dans un milieu de travail.

Ce n'est pas non plus dans le mémoire, mais je voudrais porter à l'attention de la commission la possibilité et la nécessité de reconnaître l'alcoolisme comme pouvant être une maladie professionnelle. J'ai apporté pour le ministre un document que la CSN a produit il y a deux ans et qui s'appelle: L'alcoolisme en milieu de travail, et qui traite de la question. Malheureusement, ici au Québec, ce phénomène n'est pas encore reconnu comme pouvant être relié au travail. Ce n'est pas relié au travail dans tous les cas, mais cela l'est dans de nombreux cas. On voudrait qu'on porte une attention particulière à ce dossier.

Enfin, au chapitre des maladies, nous croyons que la loi devrait établir une présomption favorable dans le sens de la maladie du travail. Lorsqu'une personne est malade ou décédée et qu'elle a été exposée à des conditions nocives pendant une certaine durée de temps, qu'on présume que l'origine de la maladie qui a causé un décès est due au travail. Je ne voudrais pas nécessairement revenir sur une autre loi qui est la loi 17, que nous trouvons tout à fait insuffisante, comme vous le savez, mais on voudrait, à ce chapitre, dire que le retrait préventif qui s'applique actuellement, c'est généralement lorsqu'il y a déjà une maladie et lorsqu'il y a déjà un problème grave. On voudrait souligner que toutes nos interventions vont dans le sens de la prévention et que les retraits du milieu de travail ne devraient pas se faire exclusivement lorsqu'il y a déjà une maladie certaine, mais sur la base de symptômes, pour qu'on puisse régler les

problèmes à la source. Cette prévention devrait se baser davantage sur l'adaptation du travail aux personnes et non l'inverse. Ce qui est trop souvent le cas. On estime qu'il est essentiel d'obliger les employeurs à investir dans la prévention et dans l'élimination des dangers. Je reviens là-dessus parce que c'est vraiment très fondamental. Notre objectif n'est pas d'avoir 300 000 personnes payées tout le temps. C'est plutôt qu'il y en ait de moins en moins; tout en sachant qu'il est un peu illusoire de penser qu'on en arriverait à zéro, qu'il y en ait toujours de moins en moins. Nous croyons que c'est important et qu'il faut forcer les employeurs. Je ne reviendrai pas sur le cas d'Expro, j'en ai parlé au début, mais là, ils ont décidé d'investir. Combien d'années cela a-t-il pris, d'énergie, de luttes? Enfin, le ministre est intervenu l'an dernier. Les conclusions et les démarches ont donné raison aux syndicats et aux travailleurs. Enfin, on peut s'attendre éventuellement à de meilleures conditions de travail dans cette usine. (11 h 45)

J'aborderai maintenant un chapitre qui est pour nous, à la CSN, extrêmement important. Cela a été le cadre de luttes historiques épiques. C'est celui de l'amiantose dont, entre autres, toute la question de la loi 52 qui disparaîtrait par l'adoption du projet de loi 42.

Quand, au mois de juin 1975, la loi 52 a été adoptée, on a considéré qu'il s'agissait, pour la CSN et pour les travailleurs de ce secteur d'activités, d'une victoire importante, qu'on venait de franchir un pas. Les premiers cas d'amiantose ont été découverts en 1911 et cela a pris tout ce temps pour les faire reconnaître. Lorsque la loi a été adoptée, on a rapidement fait en sorte qu'on présente les cas pour que les mineurs ou les travailleurs de l'amiante soient reconnus. On a réussi à en faire reconnaître un nombre important. Pas assez important quant à nous, mais quand même important.

On ne voudrait pas vous dire ici que l'amiante n'est pas dangereux. On pense qu'il l'est. On l'a dit tout au long de nos revendications dans les années passées. Nous tentons par tous les moyens possibles en ce moment de voir à ce que l'amiante soit traité pour que cela ne soit plus un produit dangereux. Dans ce sens, on appuie toutes les recherches qui sont faites en ce moment afin qu'on traite l'amiante pour qu'il soit le moins dangereux possible pour les personnes qui y sont exposées. On espère que ces recherches vont être couronnées de succès, entre autres celles qui sont entreprises à l'Université de Sherbrooke.

Mais la réalité, c'est qu'il y a au Québec plusieurs amiantosés. Certains d'entre eux ont été reconnus; d'autres ne l'ont pas été; d'autres ne sont plus désormais des amiantosés à la suite de tristes jugements qui ont pu être rendus au cours des derniers mois. On est fort inquiet du sort que vous réservez à la loi 52 en la faisant disparaître par le projet de loi 42.

Comme deuxième témoignage, je vais demander à M. Nazaire Paquet, qui a toujours eu à coeur la défense des travailleurs de l'amiante, de faire en son nom personnel un très court témoignage intitulé: Qu'est-ce que vivre et être un amiantosé? M. Paquet.

M. Paquet (Nazaire): Tout d'abord, je dois vous dire que je ne travaille plus dans les mines d'amiante depuis le mois de mai 1983. Je suis en préretraite. À l'heure actuelle, je bénéficie d'un régime fédéral, soit la loi C-78 comme on l'appelle, la loi sur la préretraite, avec une pension de 180 $ par semaine alors que je devrais gagner près de 400 $ par semaine en étant au travail.

Je dois vous dire aussi qu'après avoir comparu trois fois au comité de pneumoconiose de la Commission des accidents du travail, j'ai été reconnu les trois fois "sur le bord de la clôture". On appelle cela comme cela, "sur le bord". Si tu te détériores encore un petit peu, on va te compenser, mais, comme c'est là, tu ne réponds pas à tous les critères. C'est la version que j'ai eue. Pourtant, en 1977, j'ai été hospitalisé pendant une semaine à l'Université du Mount Sinai à New York où des spécialistes, non pas seulement un, mais environ 12 spécialistes, nous ont examinés et m'ont finalement déclaré que jamais plus je ne pourrai occuper un emploi. C'est regrettable, mais tes poumons sont rendus à l'extrême limite de leur possibilité. Dieu sait que je retire, à l'heure actuelle, de l'assurance-chômage parce que je ne peux plus remplir un emploi à cause de mon état physique. C'est encore le cas de plusieurs centaines de travailleurs qui ont encore un emploi ou qui sont, comme moi, en préretraite. Heureusement que cela aura probablement sauvé la vie de plusieurs travailleurs en leur donnant l'occasion de se retirer par la loi sur l'assurance-chômage. Tous ces gens sont à l'heure actuelle à la charge de l'État fédéral ou provincial, soit à leur retraite, par l'assurance-chômage ou par la Régie des rentes du Québec comme invalides. Qui paie? Je ne voudrais pas trop charger les employeurs, mais cela ménage énormément de compensations à la CSST. Qui paie pour cela? C'est nous et nos impôts.

Évidemment qu'un travailleur qui a un malaise d'essoufflement dû à son état pulmonaire n'en subit pas les problèmes seulement à l'ouvrage, chez l'employeur. Il y a aussi chez lui où il doit souvent accomplir des travaux tels que la réparation, le tondage de la pelouse, enlever de la neige

l'hiver. Il faut que tu enlèves tous ces travaux de ton travail quotidien. Souvent, tu dois payer quelqu'un pour faire le travail chez toi. J'ai été pendant plusieurs années président d'un syndicat dans les mines. J'ai eu à vivre la grève de l'amiante. Pourtant, on était convaincu d'avoir fait un gain énorme, non pas parce qu'on pensait strictement à la compensation, mais on pensait aussi à une chose: lorsque l'employeur paiera assez cher de cotisation pour compenser les travailleurs de l'amiante rendus malades par l'amiante, il investira peut-être aussi beaucoup d'argent pour la prévention, de façon à arrêter ces maladies. Ce n'est pas vrai. Avec les critères qui ont été changés à la commission pour reconnaître un travailleur victime d'amiantose, avec les protestations des employeurs, les contestations dans les bureaux de révision où on présente jusqu'à six spécialistes payés par l'employeur de façon que les travailleurs ne soient pas compensés, tout cela a fait que les travailleurs restent dans les mines ou ils s'en vont chez eux non compensés.

Combien de travailleurs dans les mines d'amiante ont été reconnus amiantosés après leur décès, à la suite de l'autopsie? Je trouve cela écoeurant. La médecine du Québec doit être assez avancée pour détecter une maladie avant l'autopsie. C'est le cas à l'heure actuelle, qui se répète encore dans les années qu'on vit aujourd'hui.

Il y a aussi l'autre aspect, ce sont les crises cardiaques qui sont devenues une plaie pour les victimes d'amiantose. Premièrement, j'ai fait un infarctus et deux thromboses coronariennes. Je me suis réchappé. Lors de ma dernière visite à l'hôpital pour un malaise cardiaque, le cardiologue m'a dit: Arrête de venir nous voir, va voir des pneumologues car ton problème est là. Les médecins de la commission ne sont pas d'accord avec cela.

Il est évident qu'à l'heure actuelle, une personne qui diminue ses efforts physiques à cause de son état pulmonaire peut prolonger sa vie. Une personne comme moi qui est à sa préretraite et qui décède, si, après autopsie, il est décelé que je suis mort d'amiantose, comme plusieurs de mes confrères, qu'aura donc ma veuve? Je n'ai rien vu dans votre projet de loi qui va compenser les veuves de ceux qui sont morts à la retraite. Je n'ai pas vu cela dans votre projet de loi; je n'ai pas vu non plus que, si on est déclaré amiantosé après la préretraite, on va avoir ce que j'ai reçu la semaine dernière de la commission, un chèque, un montant forfaitaire de 2500 $ à un homme de 60 ans; c'est tout ce qu'il aura à titre de compensation. Pourquoi? Il n'a pas perdu son emploi, il a perdu son permis de mineur. Il n'a pas perdu son emploi parce qu'il était amiantosé, mais il a perdu son emploi parce qu'il a pris sa préretraite; il n'a donc pas droit à des montants complémentaires. Pourtant, je suis sûr et tout le monde est sûr qu'il n'est pas plus amiantosé qu'il ne l'était la dernière fois qu'il a passé devant le comité de pneumoconiose, il y a à peine un an, pendant qu'il était à l'emploi de l'employeur.

Il y a aussi un autre aspect, celui des personnes qui suivent pendant dix ans, quinze ans des traitements d'inhalothérapie ou bronchodilatatoires ou des médicaments pour des maladies cardiaques alors qu'ils n'en ont pas. Vous savez qu'une personne qui travaille avec des efforts physiques continus, qui est toujours essouflée manque d'oxygène et elle est beaucoup plus sujette à faire une crise cardiaque. Je ne suis pas médecin, mais j'ai appris que l'oxygène nourrissait le coeur; la fonction du coeur est d'aller chercher de l'oxygène et de le distribuer dans le système de l'homme ou de la femme et, lorsqu'il n'y a plus d'oxygène dans le sang, le coeur arrête. C'est le cas d'une multitude de travailleurs qui sont morts d'une crise cardiaque non compensée parce que leurs poumons étaient finis. Cela va se répéter continuellement parce que les critères pour reconnaître l'amiantose d'une personne ou n'importe quelle maladie industrielle sont de plus en plus durs à satisfaire. Le meilleur résultat, c'est l'autopsie qui le donne et il est un peu tard pour faire reconnaître une personne malade.

Je suis d'accord avec les employeurs qui disent que la Commission de la santé et de la sécurité du travail coûte cher. Je suis convaincu que cela coûte énormément cher, mais il y a une chose qui aurait peut-être dû être pensée. Il aurait dû y avoir des lois pour forcer les employeurs à faire un peu de prévention et, aujourd'hui, il y aurait moins de réparation à payer. Je ne suis pas d'accord que les travailleurs risquent leur vie aujourd'hui pour économiser de l'argent aux employeurs. On ne peut pas tolérer une chose comme celle-là; c'est payé trop cher quand tu paies de ta vie pour l'économie des employeurs.

Mme Simard: Merci. Merci beaucoup. Je pense que le témoignage de M. Paquet se retrouve dans notre mémoire et touche à différents aspects dont nous traitons quant au problème particulier de l'amiantose et de la silicose. On est inquiet des dispositions du projet de loi 42 à cet égard, et plus particulièrement des termes contenus à l'article 56 de ce projet de loi qui établissent un lien entre les indemnités de remplacement de revenu et des rentes de retraite qui deviennent payables avant le soixante-cinquième anniversaire de naissance. On ne voudrait pas que l'interprétation que donnera la CSST et les employeurs indique que le droit aux rentes du RRQ constitue

une situation de fait signifiant qu'une rente de retraite devient payable même si le travailleur refuse de se prévaloir de ses droits. On constate - vous nous affirmerez peut-être le contraire - que le projet de loi 42 ne garantit pas très clairement que, dans les cas d'amiantose et de silicose, les pleins effets de l'actuelle loi seront reconduits. Je pense, entre autres, à l'article 360 et 343 qui sont assez ambigus à la lecture. Si le projet de loi était sanctionné tel qu'il est rédigé en ce moment, on considérerait que c'est un recul. Les articles 56 et 57 pourraient non seulement amener la CSST et les employeurs à une interprétation restrictive du droit à l'indemnité de remplacement, mais aussi faire pression pour que les personnes visées prennent la voie de la retraite anticipée. (12 heures)

Lorsque nous avons revendiqué une protection adéquate des travailleurs et des travailleuses des industries minières et des carrières, c'était en raison du fait que les maladies du travail faisaient des ravages tant dans les mines proprement dites que dans les établissements traitant et transformant le minerai. Et c'est aussi le sens de directives données par le Conseil de la commission des communautés européennes sur l'amiante où il est dit qu'on doit considérer que les directives doivent s'appliquer à tous les champs d'activité, que ce soit l'extraction, la manipulation, la transformation, le traitement, etc.

Il est très important que le législateur, une fois pour toutes, clarifie cette notion pour qu'on ne se retrouve pas avec les jugements qu'on a pu avoir dernièrement. Il est triste de constater, peut-être pas étonnant, que, depuis les deux dernières années, les sociétés minières ont réussi à obtenir gain de cause devant les tribunaux. On ne peut que se désoler de voir que toutes les luttes qu'on a menées sont annulées par des jugements ou l'utilisation de procédures de ce type.

Nous continuons de revendiquer une législation distincte pour les victimes d'amiantose et de silicose; que soient revues les notions de champ d'application et qu'on prévoie un certain nombre d'améliorations dont je ne vous ferai pas toute la liste, mais qui sont contenues dans le mémoire, entre autres, quant à l'établissement des déficits de base, quant à la prépondérance des diagnostics des médecins traitants. La question aussi des conjointes des victimes d'amiantose et de silicose nous concerne et nous émeut beaucoup. À cet effet, on reprend les revendications, qu'on fait nôtres, d'accorder aux personnes à charge des indemnités de décès égales au plein salaire que la personne aurait reçu et que ces indemnités soient revalorisées. Dans le cas d'autopsie - malheureusement, cela arrive trop souvent au niveau de l'autopsie - on demande qu'il y ait une présomption que la personne est décédée d'amiantose ou de silicose.

Nous demandons à la commission ou au ministre en particulier de faire en sorte que les victimes actuelles de l'amiantose et de la silicose ne soient d'aucune façon inquiétées, importunées par des tracasseries administratives et qu'on nous donne la garantie qu'elles ne subiront pas de recul par rapport à ce qu'elles ont déjà obtenu, au profit de leur santé, de leurs luttes et, également, qu'on améliore les conditions qui leur sont faites. On me fait signe qu'il y a toute la question de la réévaluation possible de ce qui peut leur être dû. Nous considérons qu'on ne devrait pas avoir de réévaluation à la baisse. S'il y avait réévaluation, elle devrait être à la hausse.

Deux autres points du projet de loi sur lesquels nous voudrions intervenir: il s'agit de la question des recours des travailleuses et des travailleurs par rapport aux contestations des employeurs et aux opinions ou aux décisions de la CSST. Le projet de loi vient, à toutes fins utiles, supprimer le bureau de révision actuel, le premier lieu où on peut se faire entendre pour faire valoir nos droits et faire modifier des décisions. Alors, en abolissant ce niveau de recours, on considère qu'on enlève un outil aux personnes qui sont victimes et nous ne sommes pas d'accord avec la formule proposée qui remet entre les mains de celle qui décide le seul pouvoir de revenir sur sa décision ou pas sans aucune garantie de pouvoir se faire entendre.

D'autre part, il y a la question du droit aux recours de droit commun. Il est vrai que nous avons reconnu - et c'est ancien - qu'il n'y aurait pas de possibilité de poursuite au niveau civil, d'où l'établissement et la reconnaissance de la caisse. Cependant - et ce n'est pas la première fois que nous le réclamons - nous réclamons le droit de poursuite civile pour les différences en termes de dédommagement entre ce qui pourrait être payé par la caisse et la perte réelle, entre autres, la perte à tous les niveaux que quelqu'un peut occasionner durant cette période.

Sur la question de la reconsidération administrative, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on conçoit mal comment justice pourrait être faite si on ne peut pas s'entendre et si la partie qui est l'organisme administrateur de la caisse a à elle seule le pouvoir de reconsidérer une décision. Il y a des accrocs importants dans le projet de loi qui nous inquiètent énormément: qu'est-ce qu'on peut contester et quelle protection la travailleuse ou le travailleur aura s'il décide de contester, entre autres, par exemple, la question du droit de retour quant à la date? Si on dit: Vous retournez au travail le 1er avril, que la personne pense qu'elle n'est pas

apte et que son médecin lui dit qu'elle n'est pas apte à retourner, qu'on sait que, si elle n'est pas retournée au travail dans un délai X, elle est présumée avoir démissionné, comment ses recours et ses droits vont-ils être protégés si elle décide de contester cette date de retour? Nous pensons qu'il est extrêmement important de maintenir un mécanisme d'appel. On ne peut pas laisser aller cela au strict niveau de la commission. Cependant, on considère que l'établissement d'un tribunal d'appel administratif devrait être indépendant de la commission. Je pense qu'on vous en a déjà fait part, M. le ministre, au moment où on a fait nos représentations concernant le fonctionnement de la CSST et on maintient cette position. On pense qu'il devrait exister un tribunal administratif, mais indépendant.

En ce qui concerne l'appel à la Commission des affaires sociales, le projet de loi limite les droits d'appel à la commission au seul établissement du montant, au droit à une indemnité, au montant ou au recouvrement de l'indemnité. On pense que c'est extrêmement limité. La commission, elle, a un champ d'application et peut prendre des décisions sur beaucoup plus de sujets que ceux-là. On croit qu'on pourrait ou qu'on devrait maintenir la possibilité d'aller en appel à la Commission des affaires sociales sur un ensemble de questions. On ne croit pas que les dispositions actuelles du projet de loi sont assez claires quant à leur rédaction pour nous garantir qu'il n'y aura pas de pénalisation si une personne décide de contester une décision.

Enfin, nous ne sommes pas en accord avec le pouvoir que la CSST pourrait avoir de réviser une décision finale de la Commission des affaires sociales. Nous croyons que ce serait aller encore dans la ligne d'accroître les pouvoirs de la commission et nous ne serions pas du tout en accord avec un tel type de disposition.

Très brièvement, sur le chapitre des pénalités, nous trouvons qu'il est assez indécent, voire même injuste, qu'on impose les mêmes montants de pénalité aux employeurs qu'aux individus. Les employeurs et les victimes d'accident ne sont pas sur le même pied d'égalité, les uns ayant le contrôle sur l'organisation du travail, décidant des conditions de travail. Les montants, comme vous le savez, ont une relative importance selon qu'ils s'adressent à une compagnie, à une corporation ou à un individu qui a déjà probablement un revenu réduit parce qu'il a été victime d'accident du travail. On ne vous demande pas d'enlever les pénalités; on vous demande de reconsidérer les barèmes de pénalités, entre autres, entre les employeurs et les salariés.

Enfin, au niveau des dispositions transitoires, nous voudrions qu'elles soient plus clairement exprimées que ce qui est contenu dans votre projet de loi.

J'ai tenté de raccourcir compte tenu des choses imprévues de ce matin. Pour terminer, je voudrais reprendre les grands principes qui sont la base de toutes nos recommandations ici aujourd'hui. Un grand principe - j'espère qu'on va être d'accord avec celui-là - est le droit à la santé; un autre est la reconnaissance de la responsabilité des employeurs lorsqu'il s'agit d'un accident ou d'une maladie du travail. Une législation en matière de réparation doit être un régime d'assurance et non d'assistance. Le droit d'intervention des organisations qui représentent les travailleurs et les travailleuses au Québec. Le droit à un médecin de son choix et que les montants soient basés sur son diagnostic. Une pleine garantie d'emploi et de salaire.

Très concrètement, par rapport au projet de loi 42, cela veut dire, en termes de recommandations plus précises, une couverture universelle - on n'exclut pas de catégories - le maintien du revenu; le droit du retour à l'emploi avec tous les détails que j'ai pu vous énoncer; une compensation pour dommages permanents davantage sous la forme de rente que de montant forfaitaire; la même chose pour les survivants; le droit à tous les soins de santé sans discrimination (toute la question de la confidentialité, de l'ingérence, etc., devrait disparaître); enfin, en cas de contestation d'un cas et pour s'assurer que les travailleuses et les travailleurs puissent adéquatement se défendre, qu'il y ait un principe voulant que les frais d'expertise soient à la charge de la commission; un droit réel à la réadaptation au sens le plus large qu'on peut l'entendre; un élargissement du concept de maladie du travail; le maintien et l'amélioration de la loi 52 pour les victimes d'amiantose et de silicose; enfin, une petite recommandation qu'il nous semblait peut-être opportun de faire ici, celle de mettre fin aux concours dans les entreprises sur les scores d'accidents ou de maladies. Tout le monde a déjà vu une fois dans sa vie, j'imagine, les concours que les compagnies organisent quant au taux d'accidents ou de maladies. Cela a, évidemment, un effet un peu sur la caisse des fois. Qu'on mette fin à ce type de pratique qu'on considère un peu farfelue, mais qui, par moments, pourrait inciter certains à ne pas déclarer des accidents. On pense que ce devrait être le genre de pratique qui devrait disparaître. Enfin, le droit d'en appeler de toutes les décisions de la CSST et d'obtenir des niveaux d'appels adéquats.

Un autre sujet qu'on n'a pas abordé longuement, mais qui nous semble important, c'est que les victimes d'actes criminels continuent de bénéficier des mêmes régimes. Je vais vous le dire encore, ce sont

majoritairement des femmes, là aussi, victimes d'actes criminels. On est tout à fait en désaccord avec ce que vous proposez comme modifications à ce chapitre. Enfin, le droit d'intervention des organisations pour qu'elles puissent effectivement connaître le milieu de travail, posséder toutes les données et s'assurer que les personnes qui sont victimes puissent avoir une pleine et entière défense dans un tel cas.

Malheureusement, on doit en arriver à la conclusion que le projet de loi 42, quant à nous, est très loin des principes pour lesquels nous nous battons et luttons. On demanderait au gouvernement de retirer ce projet de loi, d'entreprendre une consultation publique sur la question et de nous présenter un autre projet de loi sur le sujet de la réparation des lésions professionnelles, parce que nous croyons qu'il s'agit d'un sujet trop important pour qu'il ne soit pas plus élargi au niveau des débats qui peuvent avoir lieu au Québec sur cette question.

Je remercie les membres de la commission de nous avoir entendus. (12 h 15)

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup de votre présentation. Nous allons maintenant passer à la période des commentaires et des questions. La parole est à vous, M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. le Président. Mes remarques d'ordre général seront très brèves parce que Mme Simard a touché à tellement d'aspects du projet de loi que je pense qu'on va faire un meilleur bout de chemin si on engage le dialogue sur plusieurs de ces aspects plutôt que de se perdre en considérations d'ordre général encore une fois. Je ne voudrais pas, par ailleurs, manquer l'occasion de remercier Mme Simard, les gens qui l'accompagnent et leur centrale syndicale pour avoir mis autant de soin à préparer le mémoire qu'ils nous ont soumis. Comme je viens de le dire, il touche à peu près à tous les aspects du projet de loi, en tout cas à tous les principes qu'on retrouve dans le projet de loi, et il est évident qu'on va devoir tenir compte de plusieurs des recommandations qui sont contenues dans ce mémoire.

Je voudrais donc passer immédiatement à un échange sur plusieurs des aspects, comme je viens de le dire, qu'a soulevés le mémoire de la CSN. Je pense qu'au tout début de vos remarques, Mme Simard, vous avez fait référence à une étude à l'Université Laval qui avait permis de démontrer que c'était peut-être à votre centrale qu'on retrouvait le plus de conventions collectives qui contenaient déjà des mécanismes ou des politiques de santé et de sécurité. Avant même, je présume, l'arrivée des lois que l'on connaît maintenant, comme la loi 17, il devait déjà y avoir, dans plusieurs de vos conventions, des dispositions en ce sens-là.

Ma question serait la suivante: Lorsque, dans une entreprise où il y a une association de salariés, on a négocié effectivement un mécanisme de santé et de sécurité, est-ce que vous êtes disposés à considérer que ce devrait être la politique de la santé et de la sécurité qui a été négociée qui s'applique ou alors les dispositions d'une loi générale d'ordre public ou encore si on doit aller en parallèle avec les deux structures? J'apprécierais vous entendre là-dessus, parce que cela me paraît important comme sujet de discussion.

Mme Simard: Je vais vous donner une réponse très simple. Cela ne concerne pas uniquement le champ de la santé et de la sécurité. On a toujours défendu les mêmes choses. On a même fait introduire dans certaines lois des dispositions qui disaient que, si c'est le texte de la convention qui est le plus avantageux pour la travailleuse ou le travailleur, c'est celui-ci qui s'appliquera. Dans le cas où - c'est arrivé à quelques occasions - est mise en vigueur en cours de convention une législation qui est nouvelle ou qui peut être, par moments, supérieure au texte conventionné, c'est, à ce moment-là, la législation qui s'applique. Dans le domaine de la santé et de la sécurité, c'est ce qu'on a toujours prôné et mis de l'avant. On sait qu'il y a certaines dispositions de la législation qui ont été fortement inspirées de ce qu'on a pu négocier au cours des années.

M. Fréchette: II y a une seule inquiétude qui me vient à l'esprit en entendant votre réponse. Qui pourrait devenir l'arbitre le mieux placé pour déterminer si le texte conventionnel contient de meilleures garanties que le texte de la loi? Là, cela va nous amener devant un processus d'arbitrage. Enfin, comment allons-nous arriver à déterminer qu'encore une fois ce qu'on a négocié est supérieur au contenu d'une loi?

Mme Simard: Je vais vous dire que ce genre d'ambiguïté se produit très rarement. Ce qui peut être supérieur est assez clair pour les personnes visées. Il y a des dispositions actuellement. Je fais référence à des dispositions sur le retrait préventif pour les femmes enceintes. Il y a plusieurs syndicats qui ont réussi à négocier dans les rapports avec l'employeur - il ne faut pas oublier qu'une convention dispose des rapports avec l'employeur, qu'elle ne dispose pas des rapports du syndicat avec d'autres types d'organismes; je pense que c'est important de le souligner - des dispositions de la convention collective qui sont supérieures à ce qui peut être contenu, par exemple, dans le projet de loi 17. Les

ambiguïtés ne se posent pas, mais je vous rappellerais qu'à la CSN nous avons toujours débattu avec fermeté le principe suivant, c'est-à-dire que toute législation doit toujours être la meilleure possible. Nous sommes toujours intervenus dans ce sens. Je fais référence, entre autres, à la Loi sur les normes du travail; même si elle s'applique essentiellement à des non-syndiqués qui ne sont pas nos membres, on se sent une responsabilité de faire en sorte que toutes les pressions soient faites pour qu'on ait la meilleure loi possible au Québec. J'ai fait référence aussi dans ma présentation au fait que, malheureusement, les deux tiers de la main-d'oeuvre ne sont pas syndiqués au Québec et qu'ils sont en droit, au chapitre de la santé et de la sécurité particulièrement, d'avoir la meilleure protection possible.

M. Fréchette: Je vous remercie. Cela répond à mes questions. Vous avez de toute évidence aussi fait référence à l'article 250 du projet de loi qui prévoit que la commission, à partir des mêmes critères que ceux qu'on retrouve dans le Code de procédure civile pour une rétractation de jugement, pourrait, par exemple, renverser une décision même rendue par la Commission des affaires sociales. Là-dessus, ce n'est pas une question que je vais vous poser. C'est plutôt un commentaire rapide que je veux vous faire. Cette représentation est venue d'à peu près tous les groupes que nous avons entendus jusqu'à maintenant et il m'apparaît bien évident qu'on va devoir donner suite à cette demande pour les motifs que vous avez exprimés, pour les motifs que les autres organismes nous ont donnés également. Dans l'état actuel, la loi est ainsi faite que la commission, à partir des motifs que l'on retrouve dans le Code de procédure civile, encore une fois, pourrait renverser une décision qu'elle-même n'a pas rendue. Là-dessus, je vous réitère que vraisemblablement nous allons retenir les représentations qui nous ont été faites.

Maintenant, quant aux recours d'appel, quant à l'appel plus généralement parlant, j'ai cru comprendre que deux principales préoccupations retenaient votre attention. D'abord, élargir la juridiction quant aux matières qui sont appelables, particulièrement, à la Commission des affaires sociales où actuellement ne sont appelables que les deux décisions qui touchent le droit à une indemnité ou alors le quantum de la même indemnité. C'est une de vos revendications par rapport à la juridiction ou enfin aux matières qui sont appelables, l'autre revendication étant, si j'ai bien compris, l'instauration d'un tribunal administratif ou d'une commission administrative qui serait à tous égards indépendante de la commission elle-même, donc, qui ne dépendrait de la commission dans aucun de ses mécanismes, ni, non plus, financièrement, donc qui serait tout à fait indépendante comme vous en avez parlé. J'apprécierais savoir, cependant, si ce tribunal étant mis sur pied, vous le voyez remplacer à la fois le bureau de révision et la Commission des affaires sociales ou si, alors, vous êtes d'opinion qu'il faut garder l'une ou l'autre des deux instances ou peut-être les deux. J'aimerais avoir un peu plus de précisions là-dessus.

Mme Simard: D'une part, on voudrait surtout que les travailleuses et les travailleurs aient le maximum de possibilités d'appel, que leurs droits d'appeler ne soient pas réduits. Dans un premier temps, ce qu'on demanderait, c'est qu'effectivement, concernant les décisions de la CSST, un tribunal indépendant soit formé pour qu'on puisse y représenter notre position et faire la preuve que la décision qui a été prise n'est pas bonne; ensuite, si cela ne va pas, de poursuivre à la CAS avec, évidemment, l'élargissement des sujets possibles d'appel.

M. Fréchette: À ce dernier chapitre, est-ce que je vous interpréterais comme il faut si j'arrivais, par présomption, à la conclusion qu'il devrait y avoir une possibilité d'appel de toute décision que la commission elle-même rend? En d'autres mots...

Mme Simard: Absolument, c'est cela.

M. Fréchette: ...toute décision, quelle qu'en soit la nature, administrative ou de n'importe quel autre ordre, devrait pouvoir faire l'objet d'un appel ou à ce tribunal administratif ou, alors, à la Commission des affaires sociales, si ces deux instances doivent demeurer. C'est comme cela que vous le voyez?

Mme Simard: Exactement. Et j'oserais ajouter, M. le ministre, qu'on considère que c'est difficile de concevoir qu'un organisme comme la CSST, qui est le gestionnaire d'une caisse, mais qui a également toutes sortes d'autres responsabilités, puisse être juge et partie. On reconnaît le rôle de la CSST comme étant le gestionnaire d'une caisse, etc., et elle a d'autres fonctions. Mais elle ne peut pas se juger elle-même, non plus. Lorsque des opinions différentes sont émises, il faut prévoir un autre corridor pour trancher le problème.

M. Fréchette: Je pense que c'est d'une logique imperturbable. On ne peut pas entreprendre de contredire un raisonnement comme celui-là.

Un autre aspect de votre mémoire a touché avec passablement d'emphase à la loi

52. Là aussi, j'ai cru déceler qu'il y avait deux principales préoccupations: l'une à propos de laquelle vous avez demandé une certaine garantie qui touchait, évidemment, ce qu'on pourrait convenir d'appeler le passé, les mineurs qui, par des décisions de quelque instance que ce soit, ont déjà été déclarés amiantosés à un degré X, Y ou Z. Lorsque les compagnies d'amiante sont venues présenter leur mémoire, je leur ai, il me semble, en tout cas, assez clairement, sinon très clairement indiqué qu'à cet égard la décision était arrêtée, elle était finale et qu'il n'était pas question de toucher à un droit acquis. Non seulement n'était-il pas question de toucher à quelque droit acquis, mais il est même prévu dans la loi que seraient désaisis des litiges actuellement pendants autant le bureau de révision que la Commission des affaires sociales si une première décision a déjà déterminé qu'il y avait effectivement amiantose. À cet égard, je veux simplement vous signaler que c'est l'intention du législateur. Le texte peut prêter à interprétation ou à confusion à cet égard; si c'était cela, je souhaiterais bien qu'on nous le signale parce que l'intention, c'est très précisément de faire en sorte que personne ne soit plus jamais préoccupé ou inquiet par ce qui pourrait se produire au niveau de poursuites judiciaires ou de "tracasseries" entre guillemets de tout ordre. C'est l'intention du législateur. Maintenant, est-ce que dans la loi c'est comme cela que c'est écrit? Je suis tout à fait disposé à réévaluer cela. (12 h 30)

Mme Simard: Si vous me le permettez, par rapport au cas spécifique de l'amiante, il y a deux préoccupations centrales. Il y a, évidemment, les cas du passé où il y a une réécriture très nécessaire, mais il y a aussi les cas du futur. Là, je voudrais mettre cela en relation avec l'insistance que j'ai mise dans mon exposé sur l'élargissement du concept de maladies du travail. Quels sont les facteurs à considérer lorsqu'on reconnaît ou pas une maladie du travail? Dans le cas de l'amiante, l'argumentation qui a été menée pendant des années par les compagnies et les médecins de compagnie, c'était que les mineurs mouraient de toutes sortes de choses, sauf de l'amiante. Ils ne faisaient pas un examen assez complet de tous les facteurs qui pouvaient amener un décès à cause de l'amiante: l'effet des poumons sur le coeur, etc. On est extrêmement préoccupés, pas seulement pour ceux qui sont passés, mais pour ceux à venir aussi, parce que, somme toute, même si nous demandons le maintien et l'amélioration du projet de loi 42, ce n'est pas facile de faire reconnaître un cas d'amiantose. C'est extrêmement difficile encore. On demande des améliorations sensibles à ce chapitre-là. Je vous demande de le prendre en considération.

Me Guimond veut ajouter un complément de réponse.

M. Guimond (Robert): Sur l'élément du maintien des droits acquis, on voit effectivement que l'article 360 maintient l'acquis de la rente pour les mineurs qui en bénéficiaient. Par contre, ce qui nous inquiète, c'est l'article 343 qui dit, au deuxième alinéa: "Aux fins de la révision, de la réduction et de la revalorisation de cette indemnité par la suite, la date de l'entrée en vigueur de la section I du chapitre IV (indemnité de remplacement du revenu) est considérée la date du début de l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi." Ce que nous en comprenons, c'est ceci: les mineurs qui ont une rente jusqu'ici sont reconnus, c'est parfait, sauf que, trois ans après l'application et la mise en vigueur de cette loi, ils seront sujets à réduction et à révision. Dans le deuxième paragraphe, c'est un petit mot qui se glisse comme cela, le mot "réduction" veut dire toutes les réductions des indemnités contenues auparavant. À ce moment, cela s'applique aux amiantosés.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. Guimond, de cette précision. Il y a un autre sujet que vous avez touché. Quant à moi, je suis très heureux que vous l'ayez fait. C'est la préoccupation de votre centrale vis-à-vis de l'alcoolisme. C'est un sujet qui a intéressé plusieurs organismes qui nous ont fait des représentations. La première question qui nous vient à l'esprit à cet égard est: Dans l'état actuel des choses, est-ce effectivement une maladie? Il s'en trouve beaucoup pour dire oui et beaucoup pour dire non. Mais, le sujet est, au moins, sur la table et fait l'objet de très sérieuses discussions. Je ne vous cache pas que je suis l'un de ceux qui croient que oui, cela en est une, maladie. Après avoir franchi cette première étape, c'est-à-dire l'étape qui nous amènerait à une conclusion pour savoir si, oui ou non, c'est une maladie, il faudrait aussi arriver à déterminer s'il y a effectivement des conditions de travail, peu importe dans quel secteur d'activité, qui peuvent avoir une incidence sur ce que serait la maladie de l'alcoolisme. Je veux simplement vous signaler qu'à ce propos, au mois de novembre dernier et depuis ce temps-là, j'ai demandé qu'un comité interministériel soit formé - il est déjà sur pied - afin très précisément de fouiller le problème jusqu'à la limite du possible. On a également demandé à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à l'Institut de recherche en santé et sécurité, de même qu'aux organismes et aux groupes qui seraient intéressés à faire partie d'un groupe de travail avec le mandat de regarder cela

de près de nous le signaler. Comme je le disais il y a un instant, nous allons pousser l'étude jusqu'à la limite pour arriver à des réponses très précises aux questions que l'on se pose. Est-ce une maladie? Si oui, les conditions de travail d'un milieu donné peuvent-elles avoir une influence sur ce genre de maladie? Encore une fois, je suis très heureux que vous ayez soulevé la question et que vous nous laissiez le document dont vous nous avez parlé qui nous sera très certainement utile. Encore une fois, je vous signale que, si votre organisme est intéressé à s'incorporer au groupe dont je viens de parler, nous serions tout à fait disposés à discuter de la question. Un autre aspect... Oui.

Mme Simard: Sur cette question, depuis quelques années, on a investi beaucoup d'énergies. Il y a cette brochure, mais c'est une brochure accompagnant un vidéo qu'on a réalisé sur la question. C'est un vidéo qu'on offre aux syndicats pour être visionné dans les assemblées syndicales. Effectivement, on distingue deux types de conditions de travail qui pourraient entraîner l'alcoolisme. Il y a des conditions de travail qui sont plus de l'ordre de provoquer le stress, l'épuisement professionnel chez ceux qui ont des charges mentales extrêmement élevées dans certains emplois et qui, effectivement, peuvent entraîner l'alcoolisme. Mais il y a, dans d'autres types de milieux, des conditions de travail atmosphériques ou environnementales, soit une atmosphère très sèche, un très haut niveau de chaleur, de la poussière, des solvants, qui peuvent également amener les personnes exposées à boire effectivement plus que d'autres. C'est un sujet de première importance pour nous. Je suis contente de savoir que vous partagez cette préoccupation.

M. Fréchette: M. le Président, le temps passe très rapidement. Je terminerai avec deux autres petites observations. Vous nous avez entretenus, Mme Simard, des préoccupations de votre centrale quant à la politique de réadaptation sociale. Vous vous êtes référée à un certain nombre de situations avec beaucoup de précision. Vous avez également mis le doigt sur les difficultés que cela peut présenter pour un organisme qui est en quelque sorte "obligé", entre guillemets, d'arrêter des politiques de réadaptation sociale. Est-ce que, à partir de vos représentations, je serais justifié de penser que vous souscririez à l'objectif d'incorporer dans la loi elle-même, de façon à éviter toute ambiguïté d'interprétation par voie réglementaire ou par voie de décision administrative, les politiques de réadaptation? Celles, en tout cas, qui peuvent être identifiées et qui peuvent être facilement repérables, si vous me prêtez l'expression, est-ce que vous souhaiteriez qu'on les retrouve dans la loi elle-même?

Mme Simard: C'est exactement ce qu'on demande. On demande une clarification, des précisions qui seraient dans la loi elle-même pour mettre fin aux interprétations ou aux applications un petit peu curieuses. Pour être gentils, on a utilisé le mot "curieux". On pourrait les qualifier autrement par moments. Ce dossier est extrêmement important pour nous.

M. Fréchette: Bon. Une dernière chose, quant à moi. Vous avez parlé aussi, et j'ai même cru comprendre - vous me corrigerez si j'ai mal compris - que c'était effectivement une de vos préoccupations principales, de toute la politique de l'assistance médicale avec la conclusion générale que, d'une part, le diagnostic ou la décision finale doit appartenir à une personne qui a la préparation pour le faire, c'est-à-dire au médecin dans un premier temps et, deuxièmement, que la règle générale devrait être que le diagnostic ou le rapport du médecin traitant devrait être celui qui est retenu. J'ai cru comprendre que c'étaient les deux principales préoccupations.

Est-ce qu'on va convenir ensemble que, même en retenant comme politique générale que le rapport du médecin traitant devrait être retenu, il faut trouver une espèce de mécanisme ou de moyen qui ferait en sorte que ce rapport du médecin traitant soit vu, soit évalué par quelqu'un et que, si un litige survenait entre la personne qui serait habilitée à faire l'évaluation du rapport du médecin traitant et de ses conclusions, on soumette effectivement à une instance médicale le litige qui pourrait survenir de la façon dont je vous parle?

Mme Simard: Cela va exactement dans le sens de la proposition qu'on vous fait à la page 54. J'ai peut-être omis de la reprendre tout à l'heure. S'il y a contestation du diagnostic du médecin traitant - cela peut se produire - évidemment, la première étape est celle que vous indiquiez, à savoir que l'indemnisation doit être basée sur le diagnostic du médecin traitant. S'il y a contestation, ce qu'on vous propose comme mécanisme c'est la mise sur place d'un comité médical indépendant de la commission et des employeurs - je n'irai pas dans les détails de qui pourrait le nommer - qui pourrait médicalement trancher la question. On est conscients de ce genre de problèmes qui pourraient survenir et qui surviennent tous les jours. Encore là, pour être conformes à ce qu'on a énoncé plus tôt, il ne faut pas que la CSST soit juge et partie. Alors, on propose un comité médical qui est autonome et indépendant.

M. Fréchette: Est-ce qu'il ne pourrait

pas être composé de un ou de médecins -évidemment, les modalités, je n'y entre pas pour le moment - dont les noms seraient suggérés par la Corporation professionnelle des médecins et, à partir d'une telle liste seraient accrédités les médecins omnipraticiens ou spécialistes dont la candidature aurait été soumise au Conseil consultatif du travail, par exemple?

Mme Simard: Je vais très sincèrement vous avouer qu'on n'a pas davantage fouillé la question par qui, comment et combien. Le mode de sélection et le nombre de médecins qu'il pourrait y avoir sur cette liste éventuelle devra se faire toujours en fonction du caractère indépendant et autonome qu'on veut donner à ce comité. Cela me semble important.

M. Fréchette: C'est le principe qui vous intéresse beaucoup.

Mme Simard: Oui.

M. Fréchette: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant à M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Mme Simard, au nom de mes collègues, je veux vous remercier pour la présentation très claire d'un dossier qui est assez complexe. J'aurais quelques questions à vous poser. Premièrement, ce serait sur la réadaptation sociale que l'on retrouve au chapitre VI du projet de loi. Comme vous le dites et d'autres l'ont dit, on sait que la CSST présentement a un programme de réadaptation. D'après les témoignages de la commission parlementaire de décembre sur le fonctionnement de la CSST, on s'est aperçu qu'il y a beaucoup de choses qui ne fonctionnent pas dans les programmes qui sont en place. On a appris que, dans certaines instances, on demande même à des accidentés de mentir lorsqu'ils sont à la recherche d'un emploi puisqu'on leur demande de cacher un peu leur incapacité. C'est un problème énorme. Vous dites aussi dans votre mémoire que ces services de réadaptation ne devraient pas dépendre de la CSST. D'autres intervenants nous ont dit que - je crois que vous nous le dites aussi dans votre mémoire - le travailleur accidenté doit avoir quelque chose à dire en ce qui concerne son programme de réadaptation.

Ma question a plusieurs volets. Premièrement, si on regarde le programme actuel, est-ce que vous pouvez nous faire part des lacunes que vos membres ont pu constater? Quels changements dans ces programmes s'imposent immédiatement? Quel est le rôle précis qui devrait être joué par l'accidenté lui-même dans le programme de réadaptation? J'irais même plus loin: Pouvez-vous nous dire quel est le rôle du syndicat ou des représentants de personnes qui ne sont pas syndiquées dans l'élaboration de programmes de réadaptation pour l'individu? (12 h 45)

Mme Simard: Je vais vous donner quelques éléments de réponses et peut-être que mes collègues ici, qui sont très au fait des détails de ces programmes, pourraient ajouter. Je pense qu'essentiellement les plans ou les programmes, peu importe comment on les appelle, sont incomplets et qu'ils ne tiennent compte que de certaines dimensions de ce que peut être une réadaptation réelle. Il y a une réadaptation physique qui est nécessaire dans certains cas comme être capable de marcher, de réutiliser un bras et c'est un élément. Il y a, cependant, d'autres types de réadaptation qui sont plus de nature sociale qu'il faut considérer. Un accident ou une maladie du travail n'a pas uniquement comme conséquence une perte de capacité physique. Cette perte de capacité physique entraîne non seulement des conséquences économiques, mais également des conséquences psychologiques pour s'adapter à sa condition d'être handicapé dans ses rapports avec son entourage. Il faut considérer que ce n'est pas uniquement en fonction de trouver un autre travail; il y a des niveaux de types de travail dans un métier ou une profession qui sont fort différents et cela aussi doit être considéré dans un plan de réadaptation.

Or, nous trouvons qu'actuellement ces autres dimensions ne sont pas suffisamment considérées et que, par ailleurs, la personne concernée, la première visée, celle qui souffre et qui vit les conséquences, n'a pas voix au chapitre pour dire ce qu'elle voudrait, comment elle se sent, comment elle voudrait se réorienter, sans parler des nombreuses tracasseries administratives qui peuvent être imposées à ceux qui sont en réadaptation, soit la recherche d'emploi ou autres. Il est tout à fait déplorable qu'en plus des sévices et des souffrances qu'ils vivent doivent s'additionner celles-là. Le rôle précis de la personne visée par un plan et un programme serait d'être partie à son programme et ainsi de se donner de meilleures garanties de le réaliser afin que ce programme soit un succès avec la partie en question. Cela me semble important.

Quant au rôle des organisations syndicales qui les représentent ou d'autres types d'organisations, nous assistons - nous avons le devoir d'assister - les membres dans la réalisation de plans adéquats. Je ne peux pas vous parler de plans adéquats parce qu'on n'en connaît pas encore; il n'y en a pas encore eu. Je voudrais savoir si quelqu'un veut répondre davantage.

Mme Nunez (Zaïda): Tel que nous l'avons précisé dans notre mémoire, nous pensons que la réadaptation sociale n'est pas seulement la réadaptation médicale de l'individu; cela doit ausssi comprendre la réadaptation sociale et professionnelle, c'est-à-dire la recherche de la finalité que la personne puisse gagner sa vie par le travail. C'est aussi large que cela parce que les conséquences de la lésion sont aussi larges que cela pour la personne en question. Le projet de loi nous inquiète énormément sur ce point-là parce qu'il nous semble qu'il n'y a pas de progrès vis-à-vis du droit réel et efficace à la réadaptation au sens large. Malgré le fait qu'il y ait un article dans le projet de loi qui prévoit le droit à la réadaptation, il y a d'autres dispositions qui laissent ce droit à la discrétion de la commission. C'est pour cela que nous disons que nous sommes inquiets parce que nous ne trouvons pas la garantie réelle du droit à la réadaptation sociale au sens large dans ce projet de loi.

M. Couture (Claude): Si vous me le permettez, M. le Président, je toucherai un autre point en ce qui concerne la réadaptation. Au niveau de la réadaptation sociale de la CSST, ce ne sont pas tous les accidentés qui sont admis parce qu'au départ nous avons un critère de base selon lequel on doit avoir un DAP de 5% pour être admissible. Vous allez me dire qu'à l'occasion ils acceptent des accidentés qui ont un DAP moindre que 5%, mais, par contre, cela a pour effet de les brimer sur différents points. Par exemple, on parlait de l'ex-article 38.4 pour lequel il y a une jurisprudence selon laquelle on évalue une personne non pas en tenant compte seulement de sa perte d'intégrité physique, mais aussi en tenant compte de la difficulté qu'elle a à reprendre le marché du travail. Alors, aujourd'hui, la seule façon de faire bénéficier quelqu'un du 4e paragraphe de l'ex-article 38 concernant l'évaluation d'un individu, c'est en la faisant passer par la réadaptation sociale. À ce moment, on regarde quel est son DAP réel, on regarde s'il a repris le même travail et on lui ajoute de l'IRT, de l'inaptitude à reprendre le travail. On additionne les deux et cela vient à faire une IPP qu'on appelle une incapacité partielle permanente. Mais, au départ, comme il n'avait pas le critère de 5%, on n'a donc pas eu l'occasion de le faire évaluer pour la difficulté qu'il avait à reprendre le travail.

Cela a un autre effet aussi, c'est que la personne a le droit, je pense, de se servir de cette carte, si on peut s'exprimer ainsi, une seule fois. Cela veut dire que la personne qui a été opérée dans le dos, qui a un problème de dos et qui travaille dans un secteur dur comme, par exemple, le secteur des mines, après un certain temps on a un médecin, que ce soit le sien ou le médecin évaluateur de la CSST, qui lui dit: Tu es prête à reprendre le travail et la personne accepte de reprendre le travail. Jusqu'à un certain point, si elle reprend le travail et qu'elle est dans l'impossibilité de continuer, l'agent évaluateur de la réadaptation sociale lui dit: Comme tu as repris le même travail au début, même si tu es obligée de laisser quelques semaines après, tu n'es plus évaluable pour de l'IRT. Alors, on se retrouve avec des gens qui ont des problèmes de dos, qui perdent 1,50 $, 2 $, 40 heures par semaine annuellement et ils n'ont pas été évalués, non plus, pour la difficulté qu'ils avaient à reprendre un travail et la perte d'argent qu'ils subissent annuellement pendant des années. Cela est une petite faille et nous n'avons rien vu dans le projet de loi 42 qui pourrait avoir pour effet de corriger, en partie au moins, cette partie en ce qui concerne la réadaptation sociale.

M. Valois: II faudrait aussi que la CSST arrête de se servir de la réadaptation sociale comme d'un instrument parfois pour payer des prolongations d'accident. Trop souvent, on a connu des cas où on faisait bénéficier de la réadaptation sociale des travailleurs accidentés qui devaient être opérés le lendemain, par exemple, parce que ce n'était pas finalisé. Au niveau de la hernie discale, on a vu cela souvent: la personne avait un corset pour le maintien du dos ou était dans le plâtre et on la faisait bénéficier du régime de la réadaptation et elle devait être opérée. Parfois, ce sont des moyens que la CSST prend pour prolonger des paiements: les montants de la réadaptation ne servent pas à la réadaptation, mais à continuer des paiements pour les accidentés. Il faudrait qu'elle arrête cette pratique parce c'est complètement aberrant.

M. Cusano: Juste une clarification additionnelle. Vous dites que ce service de réadaptation ne devrait pas dépendre de la CSST. Par ma première question, j'aimerais savoir quel organisme serait chargé de distribuer ces services. Aussi, avez-vous abordé le sujet d'une cogestion de ces services par des accidentés ou des représentants du gouvernement et des représentants syndicaux.

Mme Simard: J'ai mal saisi votre deuxième question, je m'excuse.

M. Cusano: J'aimerais, par ma deuxième question, savoir si ces services devraient être dispensés par un autre organisme. Je présume que oui.

Mme Simard: Non, ce n'est pas si compliqué que cela. On pense que les

services de réadaptation doivent être donnés par les services publics en place et imputés à la caisse de la CSST.

M. Cusano: Ah bon!

Mme Simard: Nous croyons que les services de santé et les services sociaux qu'on a au Québec devraient donner les services de réadaptation.

M. Cusano: Oui. Ne voyez-vous pas, pour l'élaboration de ces programmes, la participation des syndicats?

Mme Simard: C'est comme ce que je vous ai mentionné: Constamment, nous faisons des représentations à ce sujet. Pour les reprendre dans l'ordre, nous demandons que, dans la loi, soient inscrits les principes de la réadaptation. C'est extrêmement important pour nous que la base de ce que devraient être des plans de réadaptation soit dans la loi. Cela va déjà régler beaucoup de problèmes. Deuxièmement, nous voulons que ces services comme tels soient offerts par les services de santé et les services sociaux existant au Québec; troisièmement, que les personnes visées par ces programmes de réadaptation soient parties à l'élaboration de leurs plans de réadaptation aussi vastes que nous voudrions qu'ils soient en touchant toutes les dimensions. Les organisations comme telles ont, évidemment, à assister leurs membres quant aux plans de réadaptation. Vous savez comme moi qu'il n'y a pas de modèle, de standardisation mécanique comme cela dans les plans de réadaptation. Il y a tellement de dimensions qui concernent l'individu, soit la nature du travail qu'il exécutait, la nature de la lésion, ses réactions à cela, la région dans laquelle il habite. Il y a tellement de dimensions qu'on peut avoir de grands principes, mais on ne peut pas avoir de petits modèles standardisés comme cela disant: Perte de main, c'est automatique, c'est toujours cela. Maux de dos, c'est toujours cela. C'est beaucoup plus complexe et beaucoup plus personnalisé, finalement. Nous devons les assister dans ce sens-là. Les représentations que nous faisons sont essentiellement sur les principes sur lesquels doivent être bâtis des plans.

M. Cusano: Mme Simard, je suis entièrement d'accord avec vous qu'il n'y a pas de petits modèles tels quels. Si vous m'avez compris de cette façon, je m'en excuse. Ma préoccupation, c'est justement de quelle façon assurer la participation - c'était tout simplement cela - de l'individu pour qu'il ne soit pas à la merci des bureaux de la CSST comme il l'est présentement.

Une autre question. Je sais que le temps s'écoule, mais je pense qu'il y a un consentement de l'autre bord...

Mme Simard: On pourrait prolonger un peu, étant donné qu'on a eu un petit empiétement ce matin.

M. Cusano: Je suis sûr qu'il y aurait un consentement de l'autre côté...

Mme Simard: D'accord.

M. Cusano: ...pour qu'on dépasse l'heure prévue. En ce qui concerne la question des quatorze jours - les employeurs sont tenus de payer les cinq jours et le projet de loi nous amène à quatorze jours - les employeurs disent que, d'après eux, automatiquement, la période d'absence pour des accidents mineurs passerait à quatorze jours et on nous a donné des tableaux. Je pense que vous avez pris connaissance de ces tableaux et j'aimerais avoir votre réaction sur cet aspect. Est-ce que le fait de passer de cinq à quatorze jours, d'après vous, va aider ou nuire à tout ce processus dont on parle?

Mme Simard: Vous avez remarqué que nous ne sommes pas intervenus sur cette question. Je connais les arguments qu'a présentés le Conseil du patronat à cet effet. C'est vrai qu'il y a eu, si on regarde les courbes statistiques, une légère augmentation, mais qui s'est stabilisée dans le temps. Pour nous, le problème principal n'est pas là. Le problème est de savoir si le patron va payer même pour cinq jours, parce que ce n'est pas toujours vrai que même pour cinq jours il paie. L'accidenté appelle. Oui, c'est le patron. Mais je ne l'ai pas reçu. Oui, mais il doit payer. Nos préoccupations sont davantage à ce niveau, je vous assure, que sur la durée comme telle. Là, c'est comme remettre en question le jugement des médecins que de dire: II y a un automatisme dans la durée que va prescrire un médecin s'il y a une modification administrative de la loi. Je trouve que c'est aller assez loin.

M. Cusano: Une autre petite question. On va essayer de partager, de notre côté, le temps qu'il nous reste.

Une voix: Le temps qu'il nous reste.

M. Cusano: Bon! Est-ce que cela va? Vous avez terminé?

Une voix: Oui. (13 heures)

M. Cusano: C'est sur la question des fameux surpayés administratifs de la CSST. Je pense que tout le monde est d'accord sur le fait que, lorsqu'il y a une fraude de la part de qui que ce soit, la CSST doit recouvrer les montants qui ont été déboursés par elle. Lorsqu'on parle des surpayés

administratifs, il s'agit d'erreurs faites par la CSST. Je suis sûr que vous avez vécu, comme les députés autour de cette table l'ont souvent vu dans leur comté, des réclamations énormes à cause d'une erreur de la part de la CSST. Dans la plupart des cas, lorsque ces gens-là reçoivent tout à coup un compte de 5000 $ ou 6000 $ à payer à la CSST, ils ne sont pas en mesure de le faire. Ce n'est pas leur faute, non plus; ce n'est pas eux qui ont pris la décision telle quelle. Plusieurs disent que la CSST se contente d'aller chercher des fonds chez les employeurs. Pensez-vous que les coûts - parce qu'on parle de millions de dollars - déboursés pour des surpayés administratifs devraient être imputés au gouvernement ou à la CSST?

Mme Simard: Quand ce genre de situation se produit - il faudrait arriver à des ententes avec les individus - je pense que la CSST devrait assumer le poids de ses erreurs.

Je voudrais revenir sur un élément. Tout à l'heure, on a parlé des pénalités pour les travailleurs. Ce n'est peut-être pas assez clair dans notre mémoire. On ne pense pas que les travailleurs devraient être pénalisés sauf dans les cas de fraude.

Sur cette question des surpayés possible de la CSST, je pense que celle-ci doit effectivement assumer le coût de ses erreurs. Je sais qu'il arrive dans certains cas que des gens se voient réclamer des sommes absolument incroyables. Il faut faire ce qu'on se contente de pratiquer d'habitude, soit arriver à des ententes de paiement qui soient à la mesure des personnes.

M. Cusano: Le problème dans ça, Mme Simard, c'est que plusieurs prétendent que, si le Conseil du trésor avait quelque chose à dire sur les surpayés administratifs, il y aurait peut-être un meilleur fonctionnement à la CSST. C'est pour ça que je vous posais la question. Si ces coûts étaient imputables au Fonds consolidé de la province, cela mettrait peut-être un peu d'ordre dans la boîte. C'est dans cet esprit-là que je posais la question. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que l'accidenté doive payer pour des erreurs de la CSST, loin de là. Ce qui nous préoccupe, c'est plutôt ceci: comment resserrer un peu les contrôles pour réduire ces surpayés administratifs.

Mme Simard: II y a quand même eu une commission qui a siégé au début du mois de décembre, si ma mémoire est bonne, sur le fonctionnement de la CSST. Je pense qu'en ce qui a trait à des conseils ou à des mesures quant à l'administration courante -comptables et autres - le ministre a tous les pouvoirs nécessaires pour voir à ce que le système devienne plus efficace. Là-dessus, je voudrais revenir sur la question des quatorze jours. Je vous disais que je ne croyais pas que la tendance aille dans le sens que le prétend le Conseil du patronat. Chose certaine, cependant, quand je vous ai dit que notre plus grande préoccupation c'est que la personne ait un chèque, c'est qu'il est important pour nous qu'elle ne soit pas pénalisée. D'ailleurs, quand on dit: La garantie du revenu sans interruption, notre ordre de préoccupation se situe à ce niveau-là et pas nécessairement sur les périodes. Ce n'est pas parce que quelque chose est consigné dans une loi ou dans un règlement qu'il y a un automatisme d'application universel chez tous les employeurs.

M. Cusano: Merci, Mme Simard. Je demanderais au président s'il serait assez tolérant pour permettre à mon collègue de Sainte-Anne de prendre le temps qui reste à ma disposition parce qu'il aurait plusieurs questions à poser.

Le Président (M. Paré): Je pense, M. le député de Viau, que je vais être plus tolérant étant donné qu'il semble y avoir consentement des deux parties pour qu'on dépasse l'heure réglementaire, soit 13 heures. Nous allons permettre à tous ceux qui veulent intervenir de le faire, si vous n'avez pas d'objection, et nous allons, selon la coutume habituelle, adopter le principe de l'alternance.

La parole est maintenant à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président.

M. Polak: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je remarque qu'on a un nouveau président et, la dernière fois, le président était très strict. On avait des périodes de temps. M. le ministre a pris 30 minutes. Nous avons aussi droit à 30 minutes. Donc, je voudrais simplement que vous suiviez le même système qui n'a jamais créé de problème. Je n'ai rien contre le fait que tout le monde, à son tour, pose des questions, mais avec vous autres il ne faut pas trop en donner. On est bien prudents à ce point de vue.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Anne, je vais essayer d'obtenir le consentement des deux parties. Je viens de dire que nous avons dû empiéter sur le temps qui était dévolu à la Confédération des syndicats nationaux et je vous soumets l'offre suivante, soit de permettre à tous et chacun qui sont ici à la table de prendre le

temps qu'ils veulent pour poser leurs questions à nos invités. S'il y a consentement, nous allons procéder selon le principe de l'alternance et vous disposerez de 20 minutes.

Une voix: Parfait. 20 minutes.

Une voix: Cela veut dire que je peux revenir.

Le Président (M. Paré): II n'y a pas de problème, si vous le désirez.

Cela dit, la parole est maintenant à Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Vous avez développé, Mme Simard, une analyse très articulée de critiques à l'égard de plusieurs dispositions du projet de loi qui va dans un sens similaire à ce qu'on a déjà entendu à cette commission parlementaire par un certain nombre d'intervenants, de représentants syndicaux ou encore d'accidentés du travail. Au tout début, j'ai beaucoup apprécié - et je souhaiterais, pour le bénéfice des membres de cette commission, que vous puissiez nous en reparler - cette distinction que vous faites entre un régime d'assurance sociale et un régime d'assistance sociale. Pour en avoir beaucoup discuté - cela fait je ne sais trop, j'imagine, peut-être pas une centaine d'heures que nous sommes en commission, mais à peu près - je pense qu'il y a là un aspect très important, un aspect fondamental, et cet aspect fonde, d'une certaine façon, le reste de la compréhension qu'on peut avoir de l'intervention gouvernementale dans le cadre des accidents du travail. J'aimerais que vous développiez cette notion. Vous n'êtes pas M. Chartrand. Vous êtes...

M. Couture: Moi?

Mme Harel: Oui.

M. Couture: Couture.

Mme Harel: J'aurais une question à poser à M. Couture par la suite.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Mme Simard: II est à l'autre bout.

Mme Harel: Je sais que M. Chartrand est à l'autre bout.

Mme Simard: Pour nous, c'est un enjeu fondamental de ce projet de loi de faire en sorte que le régime de réparation ne tombe pas et ne devienne pas un régime d'assistance. J'explique à nouveau. Un des principes de base pour nous, c'est que c'est la responsabilité des employeurs qui sont maîtres de l'organisation du travail, de l'établissement des conditions de travail. Cela leur revient, en tant que responsables, d'appuyer et de compenser adéquatement les victimes des accidents ou des maladies du travail. C'est un principe qui est quand même reconnu depuis un bon nombre d'années. Ce sont eux qui paient à même une caisse. Ils se sont donné un système où ils paient à même une caisse et, lorsque se produit un accident ou une maladie, la personne tire ses revenus de cette caisse.

En modifiant les paiements d'indemnité, soit en termes de durée, soit en termes de forme de paiement - je m'arrête sur la question et c'est ce pourquoi nous ne sommes pas d'accord pour qu'on change la formule de rentes par la formule de forfaitaires - on craint énormément que ces montants forfaitaires qui peuvent paraître effectivement énormes en termes de milliers de dollars - et même, nous les considérons insuffisants, entre nous - la personne les reçoive et que, compte tenu de son incapacité totale à retourner au travail, elle soit obligée de se tourner, pour s'assurer un revenu, vers les autres caisses que notre société s'est données, par exemple l'aide sociale ou d'autres. Là, cela devient désormais davantage un régime d'assistance qu'un régime d'assurance. En modifiant profondément ce principe, on décharge d'une certaine façon les employeurs de leur responsabilité de payer, puisqu'on la fait porter sur l'ensemble de la collectivité qui paie des impôts et des taxes et qui s'est dotée d'un certain nombre d'instruments pour que des revenus soient assurés à l'ensemble de la collectivité.

Il y a un autre élément qui me semble important, c'est que, si on "déresponsabilise" sous une forme ou sous une autre les employeurs, je trouve que c'est la pire chose à faire si on tient vraiment à ce que les employeurs prennent leurs responsabilités quant à la prévention et à l'amélioration des conditions de travail. Je crois que c'est en responsabilisant, au niveau du maintien et du paiement du revenu, les employeurs quant au principe du droit garanti à l'emploi qu'on sera en mesure de faire en sorte que les employeurs aménagent les milieux de travail afin qu'il y ait moins d'accidents et de maladies. Je pense que, si on examine un peu l'histoire, on se rend compte que, chaque fois qu'une obligation a été imposée aux employeurs de prendre leurs responsabilités, ils se sont davantage préoccupés des accidents et des maladies dans leur milieu de travail. C'est le premier objectif qu'on doit toujours rechercher.

Selon nous, toute la question de la réparation des lésions, ce n'est pas exclusivement une question administrative, comment on dépense l'argent, sous quelle

forme on le dépense; c'est plus que cela. Je pense, entre autres, aux rentes, aux montants forfaitaires qu'on offrirait aux survivants. Vous allez me dire: Ce n'est pas énorme comme nombre. Peu importe, il n'y en aurait que 10 ou 100 que ce serait quand même important. Que vont faire ces personnes si elles n'ont pas une garantie de revenu sécuritaire? Elles vont probablement, dans la conjoncture actuelle, si elle se poursuit -malheureusement, c'est le cas - se tourner vers d'autres caisses. Là, cela devient un régime d'assistance à la fois pour ceux qui ont des incapacités permanentes et pour les survivants. Lorsqu'on parle de la fameuse réévaluation, d'incitatifs pour retourner au travail au terme de quatre ans, eh bien, il faut quand même, entre nous, être un peu réaliste et, si on diminue l'indemnité en fonction de facteurs tels ceux énoncés dans le projet de loi, on a peur que la seule porte de sortie pour ces personnes soit de se tourner vers d'autres sources de revenus qui sont de l'ordre de l'assistance.

Mme Harel: Dans cette problématique que vous explicitez, évidemment, il y a un aspect important qui est le droit de retour au travail. On en a beaucoup discuté, je pense, avec les représentants de la FTQ, avec ceux des fonctionnaires provinciaux. Dans le cas des fonctionnaires provinciaux, il nous a été dit qu'une disposition avait été librement convenue avec l'employeur qui est la fonction publique de façon à assurer un droit de rappel prioritaire de deux ans. En fait, les fonctionnaires provinciaux faisaient des représentations pour que ce droit de rappel prioritaire ait une durée plus longue que deux ans seulement après que l'accident est survenu. Donc, il y avait déjà des dispositions qui donnaient la priorité. (13 h 15)

J'ai cru comprendre, en lisant votre mémoire antérieurement, que vous ne recommandiez pas une priorité de retour à l'emploi. En fait, je me rappelle bien que la FTQ, notamment, considérait que cela devait être laissé à la libre négociation des parties, mais elle était très réceptive à ce que ces dispositions se retrouvent dans les conventions collectives négociées, à savoir un droit prioritaire, évidemment, compte tenu que la personne est apte à occuper le poste et, d'ailleurs, est prête à le faire. Donc, il serait souhaitable qu'il puisse y avoir une priorité d'emploi. Vous semblez écarter cela, à moins que je ne me trompe en lisant votre mémoire.

Mme Simard: C'est qu'on nuance davantage. Ce qu'on affirme et ce qu'on croit, c'est que les accidentés ou les malades du travail qui ont subi une lésion ont des droits et, pour nous, ce sont des droits importants. L'exercice de ces droits ne doit pas, par ailleurs, brimer les droits des autres. Cela me semble assez clair. C'est qu'on ne peut pas, pour garantir le droit d'un, enlever des droits à d'autres. Entre autres, on dit: Cela doit se faire dans le respect des conventions collectives et il faut chercher des aménagements dans les conventions collectives.

Mais on va plus loin. On ne parle pas nécessairement, nous, d'embauche prioritaire. Je pensais que cela avait été clair dans l'exposé. On est à la recherche de nouvelles formes de solutions. La CSN s'est déjà présentée ici en commission parlementaire, il y a quelques années, pour appuyer fortement et prôner ce qu'on appelle des programmes d'action positive ou des programmes d'accès à l'égalité qui sont maintenant contenus dans la Charte des droits et libertés et qui visent, entre autres, les handicapés au travail. On doit aussi chercher des solutions de cette forme là pour que le droit de retour au travail soit appliqué comme tel pour les personnes qui sont handicapées du travail de façon permanente.

D'une certaine façon, pour faire en sorte que les employeurs vraiment le fassent, on leur dit: Vous devrez créer des postes. Peut-être que, dans certaines entreprises, la formule de postes réservés est envisageable. Pensons aux fameux travaux légers. La notion de postes réservés peut être envisageable. Il y a toutes sortes de formules qui peuvent nous permettre de faire en sorte que ce droit s'applique et se réalise. Évidemment, si on s'en tient au strict mécanisme des mouvements de main-d'oeuvre tel qu'on le connaît actuellement, c'est parfois très difficile. Mais on va convenir ensemble que, depuis quelques années, on a élargi un peu nos façons de voir ces mouvements de main-d'oeuvre. On dit: Pour les handicapés du travail, pourquoi ne pas chercher dans ce sens également, alors qu'on le fait pour d'autres groupes dans la société qui ont un handicap par rapport au travail? Je ne sais pas si cela répond clairement.

Mme Harel: En fait, c'est intéressant parce que vous avez dit, d'ailleurs, en répondant tout de suite à cette question, que vous étiez à la recherche d'une solution. Je pense donc que j'avais tort de penser que vous aviez rapidement conclu à la nécessité pour un employeur de créer un poste adéquat plutôt que d'ouvrir un poste disponible. Vous avez parlé de 40% des travailleurs et des travailleuses qui sont dans des entreprises de moins de 100 employés, mais au-delà de 80% des entreprises au Québec ont moins de 100 employés. Il serait peut-être illusoire, en fait, pour les accidentés eux-mêmes de penser à un mécanisme comme la création d'un poste; une entreprise ne va pas nécessairement créer un emploi de toute pièce. Elle va ouvrir des emplois disponibles.

II y a une marge de réflexion, j'imagine, à faire sur la façon dont doit être alloué un emploi disponible s'il est adéquat pour le travailleur accidenté. Quel est le mécanisme qui ferait que, puisqu'il est atteint dans son intégrité physique, s'il y a une certaine action positive à faire, on la fasse lorsque l'emploi est disponible?

Je ne pense pas qu'il soit réaliste de souhaiter ou de recommander - sans doute, ce n'est pas ce que vous faites - de créer l'emploi de toute pièce si tant est qu'il n'était pas disponible pour l'entreprise parce que, évidemment, je pense bien que ce n'est pas le genre d'intervention qu'un gouvernement peut faire de forcer une entreprise à créer un emploi de toute pièce, à moins de le faire en termes de ce qui est disponible. Là, c'est autre chose: vous faites référence à l'Office des personnes handicapées et à l'ensemble des politiques. Encore faudrait-il -ce serait une autre recommandation importante - que la notion de handicapé au sens de l'office recouvre aussi les accidentés du travail. Ce n'est pas encore acquis, en fait.

Mme Simard: Je pense qu'il faut distinguer deux catégories de personnes. Il y a les personnes qui ont une incapacité temporaire qui peut être d'une durée X, mais qui sont aptes à revenir au travail. En principe, cela ne doit poser aucune espèce de problème. Généralement, ce qui est négocié dans les conventions collectives et qui devrait s'appliquer à l'ensemble, c'est que, lorsque la personne est apte, elle reprend son poste. Écoutez, c'est consigné dans d'autres lois. Lorqu'une travailleuse s'absente pour six mois ou un an pour un congé de maternité, lorsque c'est terminé, elle revient et elle reprend son poste. Je pense que, dans ces cas, c'est assez simple, il n'y a pas à inventer des formules.

Dans le cas où il y a une incapacité permanente à différents degrés, ce qu'on dit, c'est que l'employeur doit reprendre la personne, lui trouver, lui aménager un poste ou alors en créer un. On n'exclut pas la notion de création de postes nécessairement. On dit que ce n'est pas exclusif; ce n'est pas la seule chose qu'on propose. On dit que l'employeur peut aménager des postes ou en trouver qui sont disponibles et que la personne pourrait combler. Quant à la réintroduction de ces personnes dans ce type de nouveaux postes, c'est là qu'on avance des questions de recherche de nouvelles solutions comme des postes réservés, s'il y en a. Il faut voir aussi la taille des entreprises, la nature du travail. C'est possible dans certains cas; dans d'autres, c'est moins certain. S'il n'y a pas ce type d'obligation - je le répète - les employeurs s'en lavent les mains. C'est terminé et on n'est pas plus avancé. Je répéterai toujours que le meilleur incitatif pour les employeurs à faire en sorte qu'il y ait moins de maladies, moins d'accidents, c'est celui-là: qu'ils prennent et assument complètement et entièrement jusqu'au bout leurs responsabilités.

Mme Harel: Je pense que le mécanisme est plus simple dans un cas d'incapacité temporaire. Le mécanisme est facilement opérationnel dans un cas d'incapacité même totale, mais temporaire. Dans un cas d'incapacité permanente, dans la mesure où ce sont de petites entreprises et dans la mesure où il y a des travailleurs qui sont concernés dans ces petites entreprises, qui sont accidentés, il y aurait peut-être lieu de penser, précisément, à une politique qui soit plus nationale d'action positive. On a répété quelques fois à cette commission parlementaire que la sympathie de l'opinion publique s'était beaucoup élargie aux handicapés, mais que cela ne semblait pas encore recouvrir les handicapés ou les accidentés du travail qui, eux, subissent une incapacité permanente.

Mme Simard: On a tendance à les...

Mme Harel: Dans ce sens-là, ce que M. Couture a dit tantôt, j'ai trouvé cela intéressant. Il nous montrait la différence entre la pratique et les textes des dispositions. Dans un processus de réadaptation, si un travailleur ou une travailleuse retourne à son emploi et subit une rechute dans les semaines ou les mois qui suivent, vous nous disiez, je pense, M. Couture, que cette personne ne serait plus apte à un programme de réadaptation. Est-ce que j'ai bien saisi?

M. Couture: Vous avez bien compris.

Mme Harel: Cela veut donc dire que c'est un peu pervers. Un travailleur ou une travailleuse va peut-être souhaiter ne pas retourner à son emploi sans avoir la garantie totale qu'elle ne sera pas susceptible de subir une rechute; sinon, elle serait, en fait, laissée démunie. C'est bien cela?

M. Couture: D'ailleurs, à l'intérieur du langage qu'emploie la CSST, il y a une rechute, une récidive, une aggravation. S'il s'est écoulé un an entre la date de l'accident et la date du retour au travail, on peut considérer cela légalement, en vertu du langage de la CSST, comme étant une aggravation. On peut resoumettre le dossier au niveau de la réadaptation. Par contre, si cela c'est fait à l'intérieur d'un an, ce qui est une récidive dans leur langage, et qu'il n'y a pas réellement eu un fait accidentel nouveau, à ce moment, on n'a pas de moyens légaux pour retourner le dossier au niveau de

la réadaptation sociale et on se retrouve en face du fait que j'ai expliqué tout à l'heure.

Mme Harel: Je vous remercie.

Mme Simard: II faut viser à ce que les liens entre l'employeur où l'accident est arrivé et la personne ne soient pas coupés dans le temps à une certaine période. C'est trop facile à ce moment. Il faut que ce lien avec l'employeur, la responsabilisation de l'employeur là où l'accident est arrivé, où la maladie a été attrapée, se maintienne pour responsabiliser l'employeur et qu'il évite que de futurs cas comme celui-là ne se produisent. Cela est une dimension non négligeable.

Le Président (M. Paré): Je vous remercie beaucoup. La parole est maintenant à M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai juste deux questions ou deux problèmes, Mme Simard, que je veux discuter: celui des coûts et je voudrais revenir sur le droit de retour au travail. J'ai noté dans votre mémoire de 56 pages que vous ne parlez aucunement des coûts. Très souvent, vous savez, le monde nous demande: On a des idées, on avance certaines théories, mais qui paye pour, de quelle manière finance-t-on cela? Vous avez quinze revendications de la page 52 à la page 57. J'ai lu votre mémoire. Je ne voudrais pas énumérer toutes les revendications. Par exemple, la couverture universelle, cela va beaucoup plus loin que la loi le dit maintenant. Là, vous parlez du maintien des revenus, du droit de retour à l'emploi, etc. Si on prend toutes ces revendications, il y a un coût à un moment donné. Premièrement, je me demande si vous avez étudié le facteur coût. Si vous dites: Non, on n'a pas étudié cela, avez-vous pris connaissance, par exemple, de l'étude que le ministre a produite il y a deux semaines des actuaires où on donne quelques chiffres sur le projet de loi 42?

Mme Simard: Une étude de coût de nos revendications en détail, non, nous ne l'avons pas faite. Mais je peux très honnêtement vous dire que j'espérerais que, si nos revendications sont retenues, cela va coûter plus cher aux employeurs. Là est notre objectif. Je le répète encore: Notre objectif fondamental, c'est qu'il y en ait de moins en moins, d'accidents. Pour arriver, à cela il faut faire en sorte que les employeurs modifient les conditions de travail. Je donnais l'exemple d'Expro ce matin. Combien investissent-ils?

Une voix: 40 000 000 $.

Mme Simard: 40 000 000 $. Mais savez-vous combien de morts, combien cela a coûté à l'État de mettre cette commission et ces enquêtes sur pied pour en arriver à leur faire comprendre qu'il fallait qu'ils investissent dans la prévention? Là est notre objectif. Jamais la CSN n'a affirmé que cela ne coûtait pas cher. Mais si on met son argent à la bonne place, à la longue cela va peut-être coûter moins cher. C'est le sens de nos propositions ici.

M. Polak: Le gouvernement dans le projet de loi 42 nous dit - cela est basé sur des chiffres d'actuaires qui sont fort discutables - qu'on va épargner 18 000 000 $ en comparaison avec la situation actuelle. Je ne crois pas cela. Les actuaires nous disent qu'ils ont pris comme base les données des années 1976 à 1982. Donc, déjà, on n'a pas pris en considération du tout un élargissement de la catégorie de ceux qui y auront droit, etc. Cela est fort discutable. Là, ils nous dit - vous êtes peut-être au courant de cela - qu'il y avait un autre avant-projet de loi, au mois de mars, où quelques bénéfices dont vous parlez étaient inclus et que cela nous coûterait 31 000 000 $ de plus si on acceptait cela. Mais c'est une mince partie de ce que vous réclamez. Sur le choix de société, comme M. Laberge a qualifié cela, je suis peut-être d'accord qu'on doive faire tout notre possible pour éviter des accidents. Je suis d'accord avec vous, mais, à un moment donné, quelqu'un paie pour cela. (13 h 30)

Nous sommes peut-être arrivés à un point où, avec la situation économique actuelle, on ne peut pas se permettre de faire ces grands changements. Le ministre est sans doute de cette opinion parce que, dans le projet de loi 42, il change déjà son opinion par rapport au mois de mars 1983. Si vous n'avez pas estimé le coût, ce sera certainement plus cher que 31 000 000 $. Cela peut être 100 000 000 $, 150 000 000 $ ou 200 000 000 $ de plus si on implique tout cela intégralement. Économiquement, les employeurs sont-ils capables de payer tout cela? Nous sommes d'accord avec le but ultime que vous poursuivez, qui est d'éviter tous ces accidents. C'est parfait. C'est peut-être mieux d'importer votre paquet de cigarettes du Vermont ou de l'Ontario, parce qu'à un moment donné il coûtera 0,02 $ de moins. Donc, qu'arrivera-t-il à l'usine qui fabrique vos cigarettes?

Mme Simard: Merci, M. le député. Effectivement, il s'agit de choix fondamentaux. Je vous dirais que si, historiquement, les compagnies avaient investi davantage dans l'amélioration des conditions de travail, on n'en arriverait peut-être pas à la situation désolante qu'on

connaît aujourd'hui. Non seulement elles ont économisé, mais beaucoup de gens ont payé de leur santé et de leur vie. Cela, comme représentante d'une centrale syndicale qui existe au Québec depuis 60 ans, je ne peux pas en faire abstraction, même si aujourd'hui on se parle en période de conjoncture économique difficile, en 1984. Il y a eu des changements apportés au cours des années qui ont été dus, entre autres, aux pressions du mouvement syndical. Même si cela correspond à des montants effectivement importants - on peut être impressionné devant la somme que cela peut être - c'est vrai, mais est-ce qu'on évalue les coûts encore plus grands pour la société plus tard si on ne prend pas les moyens au moment où on se parle? Nous payons, aujourd'hui au Québec, les coûts sociaux qu'antérieurement les employeurs n'ont pas voulu assumer. Je vous dirai que, lorsque le syndicat d'Expro a commencé sa bataille en 1975-1976, il aurait peut-être coûté moins de 40 000 000 $ à la compagnie pour régler les problèmes, moins à la caisse de l'État pour faire ses enquêtes et il y aurait eu moins de morts. Je vous dirais que, dans les périodes de bonne conjoncture économique, les employeurs ont toujours utilisé les mêmes arguments. À ce titre-là, je voudrais qu'en tant que législateurs on considère non seulement les coûts actuels, mais les coûts futurs que cela peut occasionner à une société lorsque les responsables ne prennent pas leurs responsabilités.

M. Polak: Dans la conclusion 15 de vos revendications, vous demandez carrément de retirer le projet de loi. Vous dites au ministre: Je ne suis pas d'accord avec le projet de loi. Cela ne va pas assez loin. Ce n'est pas une amélioration du tout. On demande de retirer le projet de loi. C'est votre conclusion, n'est-ce pas?

Mme Simard: Et d'en déposer un autre.

M. Polak: II n'est pas question d'en déposer un autre, nous sommes devant...

Mme Simard: Pour toutes les raisons qu'on a exposées ici aujourd'hui, nous en venons à la conclusion que le projet de loi 42 est trop loin, quant à nous, de ce que nous recommandons. On demande au ministre de le retirer. On demande de faire davantage de consultations sur la question. Cela n'élimine pas toutes les consultations qui ont pu être faites jusqu'à ce jour. On demande de déposer un nouveau projet de loi sur la question de la réparation. Nous réclamons depuis des années qu'il y ait une amélioration et des modifications faites à ce chapitre-là. C'est la conclusion à laquelle on arrive. C'est peut-être malheureux, mais c'est celle-là, pour être conséquents avec nos positions sur la question.

M. Polak: Pour regarder un peu l'avenir, vous attendez-vous qu'il accepte vos suggestions ou si vous pensez à la possibilité d'accepter celles qu'il vous offre?

Mme Simard: Laissez-moi le droit de réfléchir toute seule à ces questions. J'attendrai de voir ce que le ministre pourra nous répondre dans les semaines à venir.

M. Polak: Dernière question. Concernant le droit de retour à l'emploi, vous avez répondu tout à l'heure à Mme la députée de Maisonneuve que quelqu'un qui occupe un emploi permanent et qui est accidenté, selon vous, après une certaine absence, doit avoir le droit de reprendre son travail. Parfait! Vous avez dit que cela ne créait aucun problème.

Je vous donne un exemple et j'aimerais que vous me donniez des explications là-dessus. Disons que je suis le propriétaire d'un petit commerce. J'ai quatre ou cinq employés. Vous savez, les temps sont durs; je dois payer mes contributions à la CSST et même financer la poursuite de 300 000 $. Cela coûte cher. À un moment donné, un de mes employés a un accident. Il restera peut-être chez lui pendant six, sept ou huit mois, mais, entre-temps, je suis obligé d'en engager un autre. J'engage quelqu'un du comté de Sainte-Anne, par exemple, qui vient de perdre son emploi après quinze ou vingt ans à l'emploi de Sherwin-Williams, à cause de la situation économique et qui est aussi, pour moi, un accidenté du travail, non pas un accidenté physiquement, mais il est plutôt dans une situation mentale et économique tout aussi sérieuse. Je l'engage donc pour remplacer cet individu. Après six ou sept mois, l'employé no 1 revient et me dit: Voici, retour au travail intégral, redonnez-moi mon emploi. Que suis-je obligé de faire?

Dans votre thèse, à la recommandation no 3, vous dites, d'abord, que l'employé no 1 a le droit d'avoir son emploi et, deuxièmement que moi, comme employeur, je n'ai pas le droit de congédier l'autre, non plus. Donc, il faut que je crée - vous le dites carrément - un autre poste. Mais je n'ai que quatre ou cinq employés. Je ne peux pas créer un autre poste économiquement. C'est un problème. À qui donner la priorité alors?

Mme Simard: Premièrement, on n'a pas dit nécessairement que, dans ce cas-là, il y avait création d'un autre poste. Dans le cas que vous citez, quelqu'un a un accident et doit quitter son emploi pendant quelques mois, mais peut revenir au travail au bout de ces quelques mois. Évidemment, vous avez engagé quelqu'un pour le remplacer.

Normalement, les termes de l'engagement ont été les suivants: Tu remplaces quelqu'un qui est présentement en congé pour accident du travail. La fin de ton emploi sera la date du retour de l'autre personne. C'est déjà un principe reconnu et c'est la pratique courante de le faire. Ne me dites pas que les employeurs au Québec ne font plus de mises à pied. J'en serais la première étonnée, peut-être la plus heureuse! Si c'est ce que vous voulez dire, tant mieux! Mais ce n'est pas comme cela que cela se passe.

Il n'y a aucune espèce de problème. Je vous dirais que ce gouvernement a adopté des lois quant à d'autres types de congés de travail. Il n'y a pas seulement des absences dues à des accidents. La personne revient et l'autre a pu travailler pendant quelques mois. Il est malheureux qu'on ait tant de chômage au Québec, mais la fin de son emploi survient au moment où l'autre, qui a des droits, revient. N'oubliez pas que cette personne, si elle n'avait pas eu un accident, aurait continué à travailler. Elle aurait été là.

M. Polak: Donc, cela veut dire que votre notion du droit de retour n'est pas limitée. Même, d'après ce que j'ai lu dans votre mémoire, cela peut prendre deux ans et mon nouvel employé est présent pendant deux ans, mais il faut que je lui dise: Je vous engage, monsieur, mais soyez prudent parce que vous remplacez quelqu'un qui a eu un accident de travail. Il se peut que cela dure longtemps, mais ce n'est pas certain. Pensez-vous que je serai capable d'attirer un jeune travailleur qui a de l'ambition, qui est sérieux, qui veut avancer dans ma petite PME, sachant qu'il va perdre son emploi? Je suis d'accord avec votre théorie, mais je dis que ce raisonnement est difficile à suivre au point de vue des priorités.

Mme Simard: Je vais vous dire qu'il y a beaucoup de lacunes dans les relations du travail au Québec et dans les lois sur le travail. Mais s'il y a une chose qui est un peu reconnue, c'est celle-là. Cela m'étonne qu'on revienne sur cette question aujourd'hui. Je pourrais vous dire que cela se produit tous les jours, soit pour des retours de congés de maternité, des retours de congés de maladies autres que celles reliées au travail et, même dans les cas d'accidents ou de maladies du travail, cela se fait de façon régulière. Effectivement, on ne pense pas qu'il devrait y avoir une limite dans le temps.

Entre nous - et je pense qu'il est important de le souligner - j'ai fait un examen attentif des statistiques de 1982; il y a beaucoup de lésions, mais ce n'est pas dans la majorité des cas que ce sont des absences de longue durée. Il y en a, quand même, un certain pourcentage qui sont des absences de longue durée. Je pense que, dans ces cas-là, on doit leur garantir tous les droits sans limite de temps, surtout que c'est une minorité des accidentés ou des malades du travail. Je pense que quelqu'un ne s'absente pas un an, deux ans ou trois ans pour rien. Comme il subit d'autres types de souffrances, il ne doit pas être davantage pénalisé en ne pouvant pas reprendre son emploi lorsqu'il est apte à le reprendre.

M. Polak: Mme Simard, vous n'êtes pas le seul organisme qui est venu devant nous de la part du monde syndical. J'ai posé la même question à tous les organismes. Je l'ai posée à M. Laberge, au Conseil du patronat et je vais aussi continuer de la poser après votre passage. M. Laberge n'a pas du tout le même raisonnement que vous. Il a dit...

Mme Simard: Cela arrive souvent. Cela arrive très souvent.

Une voix: On va se parler, quand on aura fini.

Mme Simard: Je ne suis pas sûre que cela plairait à nos membres qui sont ici.

M. Polak: II était ici et je pense qu'il siège au bureau d'administration de la CSST. Il représente un groupement syndical, la FTQ, qui est très bien connu. Quand je lui ai posé la question sur le droit de retour à son emploi, il a dit non. Il a inséré les qualificatifs "si disponible", en d'autres termes si l'emploi est encore disponible. Il était peut-être prêt à faire la concession en disant: Si à un moment donné l'emploi avait été pris par une autre personne et n'était plus disponible. Vous, vous avez une interprétation qui va plus loin que celle de M. Laberge.

Mme Simard: Pour le bien de la FTQ, je voudrais vous dire que ce n'est pas tout à fait cela, la position de la FTQ. Je ne voudrais pas me porter à la défense de la Fédération des travailleurs du Québec. J'ai lu attentivement ce que la FTQ a déposé devant cette commission. Évidemment, ce n'est pas exactement ce que nous revendiquons, c'est vrai, mais ce n'est pas tout à fait ce que vous tentez de nous laisser croire ici.

M. Polak: Oui, exactement, car j'ai posé la question et la qualification de disponibilité a joué un très grand rôle. C'est pour cela que je vous ai posé la question. Vous nous dites que vous ne l'avez pas.

Dernière question. Cet élément de coût, est-ce que vous croyez qu'il y a une obligation de la part du monde syndical de prendre cela en considération ou est-ce qu'on doit dire: On réclame cela comme un choix

de société et c'est aux employeurs de s'arranger et de payer pour cela? Comment voyez-vous cela? Voyez-vous qu'il y a une sorte de responsabilité de la part du monde syndical vis-à-vis de ce problème, un peu comme dans la négociation où un employeur ouvre ses livres pour dire: Voici, je suis rendu presque au bout et je ne peux pas aller plus loin, si c'est vrai? Et il donne au syndicat la possibilité de vérifier cela quand on négocie une convention. Croyez-vous qu'il y a une responsabilité sociale pour votre organisme ou allez-vous dire: Ce sont nos revendications et, en ce qui concerne le coût, ce n'est pas notre problème?

Mme Simard: Notre responsabilité sociale à la CSN est essentiellement d'obtenir la meilleure législation possible, la meilleure réglementation possible et les meilleures conventions collectives possible à ce chapitre. On a fait nos preuves.

Si vous voulez faire référence à une éventuelle participation financière quant au financement du régime, ma réponse va être extrêmement claire, c'est un non catégorique. Si on considère que les employeurs sont entièrement responsables de ce qui se produit, ils devront en assumer financièrement les coûts. Je vais vous donner un exemple. Si vous invitez quelqu'un chez vous - vous avez une assurance-responsabilité, j'imagine, comme nous tous -et qu'il se casse une jambe, ce sera votre assurance qui paiera. Vous ne demanderez pas à votre invité de payer. C'est votre responsabilité puisque vous n'aviez pas déblayé vos marches. Voilà.

M. Polak: Je ne suis pas du tout contre votre thèse. Je pense qu'il faut, tout de même, clarifier les choses. Je pense qu'un accident de travail est un événement regrettable que personne n'a voulu, ni l'employeur ni l'employé. Je pense que, dans 95% des cas, ce sont des accidents. Le mot "accident" le dit très clairement: ce n'est voulu par personne. Cela me satisfait en ce qui me concerne.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant à M. le député d'Arthabaska. (13 h 45)

M. Baril (Arthabaska): Oui. À la fin de votre mémoire, vous demandez de retirer le projet de loi 42 et de recommencer un autre processus de consultation et d'audiences publiques pour réécrire le projet de loi. Nous avons entendu plusieurs mémoires ici; il en reste encore une vingtaine d'autres à entendre. Tout en connaissant - vous êtes sans doute au courant - toute la procédure et le temps nécessaire pour faire une tournée de consultation, des audiences publiques et pour réécrire un projet de loi avec dépôt à l'Assemblée nationale, à la suite de la position prise par le ministre sur les demandes des différents organismes pour amender la loi actuelle pour répondre aux besoins et à la réalité, vous ne pensez pas que, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, il serait plus profitable - tout en reconnaissant que le projet de loi n'est pas parfait et que, même si on en écrivait un autre, il ne le serait pas pour l'ensemble des citoyens - parce qu'on a quelque chose sur la table de travail, plus rapide, plus avantageux pour l'ensemble de la société d'essayer de bonifier, d'améliorer ce projet de loi qui répondrait aux plus grandes attentes possible des travailleurs et des travailleuses plutôt que de recommencer toute la procédure pour se retrouver dans un an et demi ou deux ans avec rien de fait.

Mme Simard: Premièrement, je voudrais vous dire combien nous sommes patients; c'est incroyable. On attend depuis déjà très longtemps et on est peut-être capables d'attendre un petit peu plus longtemps. Pourquoi ne propose-t-on pas davantage de l'amender? C'est pour toutes les raisons que j'ai énumérées plus tôt. Ce que j'appellerais l'économie générale de ce projet de loi est, pour nous, complètement insatisfaisante. Je vous dirais que vivre avec l'actuelle loi pendant un an de plus ne nous dérangera pas. Pourquoi propose-t-on des audiences? M. le ministre n'est pas contre le fait de faire des tournées itinérantes; il a déjà fait des propositions à ce sujet sur d'autres lois. On sait très bien que, lorsqu'une loi est adoptée, il faut très longtemps avant de la modifier, qu'on ne modifie pas et qu'on n'amende pas les lois tous les deux ans ou tous les trois ans. On vit avec une loi pendant plusieurs années avant de réévaluer son application, les problèmes qu'elle a posés, à moins que de petits accidents n'arrivent et qu'on doive retirer un article ou l'amender très rapidement, mais, règle générale, ce n'est pas le cas.

Le sujet est d'une importance réelle. Je dirais que, pour certaines personnes, l'événement revêt un caractère assez dramatique et les dispositions qui vont garantir les droits de cette personne ont une influence sur toute sa vie de travail. Dans ces circonstances, on croit, sur la question de la santé et de la sécurité et sur la réparation, qu'on devrait davantage écouter les commentaires et les recommandations des personnes impliquées et travailler à un nouveau de projet de loi à la lumière de tous les commentaires qui ont pu être faits au cours de ces auditions en commission depuis près d'un mois où beaucoup de groupes ne sont peut-être pas venus insister sur tous les aspects, mais sur différents aspects du projet de loi. On vous dit qu'on est prêts à attendre un peu plus longtemps

pour avoir un produit final meilleur que celui qui nous est présenté.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Saint-Jacques.

M. Champagne (Saint-Jacques): Merci. Une toute petite question à Mme Simard. À la page 44 de votre mémoire, vous mentionnez que vous voulez, pour les accidentés, le droit aux recours devant les tribunaux de droit commun. Depuis toujours il existe un droit pour l'accidenté de poursuivre le tiers responsable, mais non son employeur. Est-ce que vous insistez pour qu'un recours existe en faveur de l'accidenté contre son employeur, en plus de l'indemnité de la CSST?

Mme Simard: Je vais demander à Robert Guimond de vous donner des explications supplémentaires.

M. Guimond: Avec le projet de loi 42 tel qu'il est présenté, il y a des choses comme cela qui disparaissent. Vous savez qu'au niveau des recours auprès des tribunaux de droit commun un des facteurs qui sont considérés, c'est la perte de gains futurs, ton appréciation des gains que tu peux perdre en raison des dommages que tu as subis. Toute cette notion de perte de gains ou de diminution de capacité de travail comme telle, ce n'est plus du tout présent au niveau du projet de loi. On l'a, jusqu'à un certain point, dans la loi actuelle, avec ce que nous vous mentionnons, c'est-à-dire l'application de l'article 38.4. Donc, il a fallu un arrêt de la Cour suprême, l'arrêt Valade, pour pouvoir s'assurer que cette diminution était quelque peu prise en considération.

Notre position par rapport aux recours de droit commun concerne la diminution globale et totale de la capacité de travail et des gains futurs. Un autre élément qui est important, qu'on ne voit pas dans le projet de loi, c'est l'appréciation subjective des dommages. L'exemple classique, c'est l'exemple du pianiste. Quelqu'un qui perd un doigt et qui est pianiste, évidemment, le dommage en fonction du type de travail qu'il fait va être beaucoup plus grand.

Dans le projet de loi actuel, l'évaluation des dommages corporels, c'est une évaluation globale. On dit: Perte de jouissance de la vie, etc. On imagine un barème général applicable à tout le monde. Au niveau des recours de droit commun, l'appréciation concrète subjective de ce que vous perdez, vous, comme travailleur, comme travailleuse, vous avez plus de chance de l'avoir, c'est considéré, alors que dans le projet de loi et dans la loi actuelle, ce n'est pas considéré.

M. Champagne (Saint-Jacques): Je m'excuse. Ce qui m'intriguait, c'était sur quelle base ce recours de droit commun pourrait être intenté. Dans l'état actuel du droit, une personne qui réclame, par exemple, des dommages et intérêts d'une autre personne doit prouver que cette autre personne a commis une faute et qu'à cause de cette faute des dommages ont été subis. Cependant, je me demande ce qui arriverait dans le cas d'un employé qui intente un recours contre son employeur, car il a été longuement prouvé, dans les années 1920, 1925, avant la loi de 1931, qu'un tel recours était très difficile à exercer à cause de la difficulté de prouver la faute de l'employeur.

M. Guimond: C'est pour cela que le recours de droit commun, on le place par rapport à un excédent, par rapport à ce que vous pourriez obtenir en plus comme dommages. Il reste que la rente et le revenu sont assurés, c'est certain, on part sur cette base. Lorsque vous parlez de la loi de 1931, évidemment, les recours étaient plus difficiles à exercer et, lorsqu'ils ont commencé à être exercés que les tribunaux ont accordé des montants importants pour des dommages, à ce moment, il y a eu une sorte de concertation non seulement au Québec mais au niveau international. Le Québec a été une des provinces ou un des pays qui ont fait une telle loi. Il y avait déjà plusieurs pays où cela existait. À ce moment, les employeurs ont dit: La responsabilité, on va la partager collectivement avec une caisse et on va financer les accidentés du travail.

Pour nous, il y a une dimension qui est importante, c'est le fait - cela revient à notre position - que la reponsabilité d'organisation du travail, la responsabilité de mettre tous les mécanismes en place pour assurer des conditions de sécurité et des bonnes conditions pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses de pouvoir faire leur travail, cela appartient à l'employeur. C'est l'employeur qui décide des coûts, c'est l'employeur qui décide des mécanismes et de la façon d'organiser le travail. C'est lui qui décide, ce ne sont pas les travailleurs et les travailleuses. À ce niveau, notre position, c'est concernant l'excédent, ce qui manquerait relativement à ce que vous gagnez ou à votre revenu.

Le Président (M. Paré): Avez-vous terminé? Oui. Au nom de tous les membres... Mme Simard, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Simard: II y a M. Couture qui voudrait ajouter un tout petit commentaire pour les futurs amiantosés, ceux qui ne sont pas encore reconnus amiantosés.

M. Couture: M. le Président, si vous le

permettez, on a touché tout à l'heure à la loi 52 et j'étais bien heureux d'apprendre du ministre Fréchette - ce n'est pas la première fois que je l'apprends, je l'ai pris à la télévision - qu'il y avait une disposition dans la loi indiquant que les gens qui bénéficiaient de l'IC de la loi 52 ne seraient pas inquiétés par des poursuites ou des affaires comme cela. Mais il reste un fait: d'après ce que nous avons vu et ce que nous pouvons déduire du projet de loi 42, comme il n'existe plus de règlement 1787-75 et qu'il n'existe plus de loi 52 telle qu'on l'a connue, qu'est-ce qu'il va advenir des gens qui sont aujourd'hui et qui vont être demain matin des amiantosés? De quelle façon vont-ils être compensés? Comment vont-ils pouvoir sortir de la mine pour protéger leur santé? Actuellement, je veux dire depuis les procédures qui sont en cours, la CSST n'accepte plus de sortir des gens. Elle accepte naturellement nos réclamations concernant l'amiantose ou la silicose. Elle soumet nos gens à des comités de pneumoconiose et, si jamais on a un diagnostic avec un DAP pour un amiantosé, il est payé en vertu de la première partie de la loi 52, c'est-à-dire qu'il reçoit son montant forfaitaire en vertu de sa perte d'intégrité physique, sauf qu'il demeure sur les lieux. Nous avons, actuellement, des gens handicapés de 5%. On en a un, entre autres, de 30%. Une personne qui a une incapacité pour amiantosé de l'ordre de 30% est passablement handicapée.

C'est bien sûr que, depuis 1975, le travailleur ne vit pas dans les mêmes conditions de travail qu'avant 1975, mais il vit encore dans des endroits empoussiérés et il travaille très misérablement. Nous sommes dans l'impossibilité de le sortir et de le faire payer. Comme on ne voit pas de dispositions à l'intérieur du projet de loi 42, si jamais il était adopté à peu près comme il est là, les futurs amiantosés seraient dans l'impossibilité de quitter leur emploi comme ils l'ont fait depuis 1975 de façon à pouvoir protéger leur santé. Actuellement, ils ne sont plus capables de le faire.

Ce qui va de pair avec cela, on a effleuré, tout à l'heure, les critères dont on se sert pour déclasser une personne amiantosée. Mme Simard a demandé, dans son mémoire, au ministre Fréchette de regarder les critères dont on se sert. Les critères sont connus, je pense, depuis un bon bout de temps, sauf qu'ils nous semblent assez sévères, d'une part. Deuxièmement, notre réclamation est, depuis quelques mois -comme c'est décrit dans le projet de loi 42, cela va fonctionner de la façon qu'on a commencé à connaître présentement -soumise à un comité de pneumoconiose composé de trois médecins, qui sont des pneumologues, naturellement, dont l'un des trois va agir en qualité de président. Il va être choisi par la commission. Cela ne change pas grand-chose à ce qu'on connaissait, parce que, même si on ne choisissait pas un président, il y avait quand même trois pneumologues choisis par la commission des accidents pour pouvoir former le comité de pneumoconiose. Quand on a un petit doute, on le soumet au comité des présidents et quand il y a une divergence d'opinions comme cela arrive entre le comité de pneumoconiose qui a examiné la personne une première fois et le deuxième comité qu'on appelle le comité des présidents qui, lui, voit seulement le dossier, il le réfère de nouveau à un troisième comité où il y a encore trois pneumologues. À ce moment-là, ils revoient la personne une deuxième fois. Cela veut dire qu'il va y avoir, rapidement, de huit à neuf pneumologues qui vont examiner une personne et, même si on avait une bonne procédure d'appel, je me demande si on va être capables d'en appeler de la décision de la CSST quand ils auront dit: Non, tu n'es pas un amiantosé ou tu es un amiantosé précoce, comme dans un des derniers rapports que j'ai en main, mais nous n'avons pas suffisamment de critères valables pour te classer amiantosé.

On sait - cela a été reconnu par à peu près tous les médecins au monde - que cela prend une personne qui a été exposée pendant 20 ou 25 ans avant de pouvoir penser qu'elle est amiantosée ou non. Après un nombre d'années comme cela, il est trop tard, je pense, pour faire de la prévention. On est au stade où on se demande si c'est un sujet qui a développé une amiantose ou s'il n'en a pas développé et, s'il en a développé, il est quasiment trop tard, sauf qu'il valait peut-être mieux le sortir tard que jamais. C'est ce que la CSST a fait depuis 1975. Les gens qu'elle reconnaissait, au moins, elle les sortait et elle les compensait.

Or, demain, ils ne le seront plus. Pourquoi? Parce qu'il n'y aura probablement plus de règlement 1787 qui régissait les permis de mineur, d'après ce qu'on a pu comprendre, ou, alors, on a mal compris le projet. Ce règlement n'est pas d'hier. Le premier règlement qui a été institué pour les mines et carrières date de 1944 et le second, qui portait le no 887, a été institué au mois d'août 1956 de façon à l'élargir pour qu'il s'adapte aux mines de la province de Québec et non seulement à celles du Nord-Ouest québécois et à sortir du seul critère qui était la tuberculose au moment de l'instauration du premier règlement concernant les mineurs.

Pour une fois, en 1975, on avait eu un règlement qui avait une couverture assez large pour prendre tous les gens qui étaient exposés à manipuler de l'amiante dans le secteur des mines, qu'ils soient dans l'usine de défibrage, dans le concasseur, sous terre

ou dans une mine à ciel ouvert. Là, on vient nous dire qu'un mineur, ce n'est plus une personne qui travaille dans les usines ou dans les autres départements; c'est quelqu'un qui travaille dans une mine souterraine. Les gens qui travaillent dans les usines de défibrage sont plus exposés aujourd'hui aux poussières d'amiante qu'ils ne l'étaient, à une époque, dans la mine souterraine. Ces gens-là seront malades. Ce n'est peut-être pas bien de vous demander si vous connaissez le pourcentage des gens qui, après avoir été reconnus amiantosés, décèdent du cancer du poumon. Ce n'est pratiquement pas disable ici. Il est préférable de se pencher sur ça, M. le ministre, afin de savoir si on est capable d'avoir un règlement qui permettra de protéger nos gens, comme celui qu'on a eu un peu depuis 1975, et de pouvoir les sortir avant qu'ils décèdent d'un cancer du poumon.

Le Président (M. Paré): Rapidement, M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, le sujet que M. Couture vient de mettre sur la table est fort intéressant et nécessiterait sans doute qu'on passe encore un bon bout de temps à discuter. Je comprends qu'il est déjà 14 heures. On doit recevoir d'autres invités à 15 h 30. On en a déjà discuté, M. Couture, au moment où l'Association des mines d'amiante est venue présenter son mémoire. Un certain nombre de choses ont été dites à ce moment-là. On pourrait les retrouver dans le journal des Débats. Mais, dès qu'on aura suspendu nos travaux, j'apprécierais qu'on puisse reparler de la question et peut-être bien que j'aurai des renseignements qui contribueraient à éclaircir la question que vous soulevez. On peut se revoir tout de suite, si vous le souhaitez.

Le Président (M. Paré): Malheureusement, je vais devoir clore le débat parce que, comme vient de le dire le ministre, on doit entendre trois autres groupes aujourd'hui et on a déjà dépassé l'heure allouée. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire et la patience dont vous avez fait preuve pour répondre à nos questions et faire des commentaires.

J'inviterais l'Association des industries forestières du Québec Ltée à être ici pour 15 h 30 au lieu de 15 heures comme prévu initialement.

Là-dessus les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 14 h 4)

(Reprise de la séance à 15 h 35)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42. Je vais nommer les membres et les intervenants de la commission étant donné qu'il y a des changements.

Les membres de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Cusano (Viau), M. Laplante (Bourassa), M. Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), M. Champagne (Mille-Îles), M. Lavigne (Beauharnois), M. Maltais (Saguenay), M. Proulx (Saint-Jean), M. Polak (Sainte-Anne), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont: M. Fortier (Outremont), M. Leduc (Fabre), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Lorsque nous avons suspendu nos travaux ce matin...

M. Cusano: M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Avant de demander à nos invités de faire leur présentation, j'aurais une question à poser au ministre. Ce matin, au début de nos travaux, nous avons souligné notre inquiétude parce que la CSST a intenté des procédures contre M. Harguindeguy. Nous l'avons dit ce matin et nous soutenons encore la même proposition, à savoir que cette action de la part de la CSST peut intimider de futurs témoins et les empêcher de s'exprimer librement. À la suite de notre question, à savoir qui avait pris la décision, si c'était le président-directeur général, le conseil de direction ou le conseil d'administration, le ministre nous a promis qu'il allait faire les vérifications nécessaires et qu'il nous donnerait une réponse dans les plus brefs délais. Il est maintenant 15 h 36 et je crois qu'en ce qui me concerne, ces vérifications ne devraient pas prendre une éternité avant d'être faites. Je voudrais demander au ministre s'il a fait ces vérifications et s'il est en mesure de nous répondre avant d'entendre nos invités.

M. Fréchette: M. le Président, à la séance de 20 heures, ce soir, j'aurai la réponse à la question qu'on m'a posée ce matin.

Le Président (M. Paré): J'appelle les représentants de l'Association des industries forestières du Québec Ltée à nous faire la présentation de leur mémoire. Nous nous excusons pour le retard, mais des circonstances, ce matin, ont fait que nous avons été quelque peu retardés. J'inviterais

le porte-parole de l'association à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît!

Association des industries forestières du Québec Ltée

M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. Mon nom est André Duchesne. Je suis le président-directeur général de l'Association des industries forestières du Québec Ltée. À ma gauche, m'accompagnent, cet après-midi, le président du conseil d'administration de l'association, M. Oscar Stangeland, et également président et chef de l'exportation chez Consolidated Bathurst, à Montréal; M. Denis Hamel, vice-président du conseil de l'association et président de la compagnie Price Ltée; à mon extrême gauche, M. Bill Martin, également vice-président du conseil d'administration de l'association et vice-président à l'administration et aux ressources naturelles chez CIP Inc., à Montréal.

À ma droite, le Dr Michel Guillemette, directeur médical chez CIP Inc.; M. Laurent Tremblay, directeur des relations industrielles, domaine forestier, Consolidated Bathurst, à Montréal; M. Claude Saint-Laurent, conseiller juridique chez Domtar Inc.

M. le Président, nous allons procéder à la lecture du mémoire et nous en arriverons à la conclusion que le projet de loi tel que présenté n'est pas mûr, que de belles occasions ont été ratées et que, dans son texte actuel, le projet de loi fait plutôt peur qu'autre chose.

L'Association des industries forestières du Québec Ltée représente la presque totalité de l'industrie des pâtes et papiers et une partie non négligeable de l'industrie du sciage au Québec. L'ensemble de ces industries est vital pour l'économie québécoise. Ses 1200 établissements manufacturiers, dont plus de 60 usines de pâtes et papiers, fournissent près de 75 000 emplois en usine et environ 20 000 en forêt. Elle verse actuellement plus de 1 000 000 000 $ par année en salaires. Ses livraisons destinées en grande part à l'exportation atteignent 6 000 000 000 $ par année et représentent 22% de l'ensemble de nos exportations.

L'association vise trois objectifs principaux avec la présentation de ce mémoire: premièrement, identifier l'oubli d'une notion fondamentale, soit la dimension psychosociale de la réparation; deuxièmement, fournir aux rédacteurs du projet de loi un outil leur permettant d'identifier les points de confusion qui règnent à l'intérieur de ce projet et, troisièmement, indiquer la pauvreté des moyens de contrôle et d'intervention laissés à l'employeur dans tout le processus de la réparation des lésions professionnelles.

Ces objectifs s'imposent afin de ramener le projet à l'intérieur des paramètres fixés par le livre blanc sur la santé et la sécurité du travail de 1978 où l'on pouvait lire: "Le système d'idemnisation applicable aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles doit donc, dans la mesure des ressources financières disponibles, garantir au départ le remplacement, dans une proportion qui maintient une incitation au retour au travail, de tout revenu d'emploi perdu par le travailleur temporairement ou de façon permanente."

Dans le cheminement de la préparation de ce mémoire, l'association a dû faire le choix entre trois options, soit le refus global, soit l'analyse des problèmes et la formulation de recommandations ou encore la démonstration des difficultés de compréhension des mécanismes de fonctionnement.

L'association a refusé l'option refus global, parce qu'elle était trop facile et risquait d'être perçue à tort comme une position réactionnaire. Les travaux ont donc débuté avec la deuxième option, soit l'analyse des problèmes de fond et la formulation de propositions de solutions. Plusieurs sessions de travail ont été conduites avec des personnes déléguées par nos compagnies membres et initiées à l'administration des dossiers de réparations. Malheureusement, au terme de la plupart de ces sessions de travail, les personnes-ressources ressortaient avec plus de matériel d'interrogations que de matériel d'analyse et de propositions de solutions.

Sachant que toute hypothèse de solution doit trouver sa source dans une compréhension totale des structures de fond, le comité de travail a dû repartir avec la troisième option, soit la démonstration des difficultés de compréhension des mécanismes de fonctionnement.

Ce projet de loi touchera tous les intervenants du marché du travail et ce, peu importe leur niveau d'intervention. Il est primordial et même de la responsabilité du législateur de s'assurer de la clarté des dispositions, afin d'éviter que ce projet de loi ne devienne un refuge de jurisprudence ou de politiques administratives.

Avant d'aborder les nombreuses interrogations concernant le projet de loi, il convient de jeter un oeil critique sur la loi actuelle, afin d'en faire ressortir les faiblesses fondamentales. Le projet de loi 42, dans sa forme présente, semble vouloir perpétuer les mêmes erreurs et il est à craindre que les résultats, en fin de compte, soient aussi désastreux.

Le projet de loi, tout comme la loi actuelle, manque le bateau, parce qu'il est conçu d'abord et avant tout en fonction

d'une lésion, laquelle mène tôt ou tard à une incapacité totale ou partielle, permanente ou temporaire, aux dépens de la dignité du travailleur et de sa responsabilité face à sa propre réadaptation. Autrement dit, la formulation actuelle du projet de loi fait peu de cas des obligations du travailleur accidenté à prendre tous les moyens mis à sa disposition pour reprendre son travail le plus tôt possible.

En effet, le projet désincarné la lésion et traite cette anomalie constatée au niveau d'un organe ou d'un système comme s'il s'agissait d'une entité autonome dont l'évolution s'inscrit d'emblée à l'intérieur des normes ou de standards immuables. Il ramène en quelque sorte le processus de réparation à un mécanisme histopathologique pur et présume que les autres paramètres de l'individu demeurent inchangés. On ferme les yeux sur les dimensions sociologiques et surtout psychologiques du travailleur dans les premières étapes du processus de guérison.

Or, c'est une erreur. Pour qui a un peu d'expérience de la pratique médicale, c'est folie de croire que l'octroi d'une invalidité quelconque n'a aucun impact en soi sur la personnalité du travailleur. L'hospitalisation d'un malade, pour quelque pathologie que ce soit, et quelle qu'en soit la durée, engendre chez ce malade, à très court terme, un sentiment de dépendance et une attitude de passivité qui tend à se prolonger bien au-delà de la guérison objective de la maladie. Le temps en ce domaine n'arrange pas les choses. Au contraire, et même chez les individus les plus solides et les mieux équilibrés à tous points de vue, ce sentiment d'abord superficiel prend racine à la longue et mène à une désintégration grave de la personnalité, surtout s'il s'y greffe des gratifications affectives ou financières.

À la place vont se succéder des sentiments d'impuissance, d'infériorité physique et d'incertitude face à l'avenir qui sont hors de proportion avec la gravité de la lésion originale. À la limite, le travailleur accidenté devient pour ainsi dire obsédé par la lésion. Celle-ci se transforme, devient envahissante et accapare la très grande partie des énergies du travailleur. Cette passivité s'accompagne souvent d'agressivité envers son médecin, ceux de la commission, les agents d'indemnisation, l'employeur et son médecin et même sa famille. (15 h 45)

C'est sans doute à ce phénomène et non aux structures de la commission qu'il faut imputer l'origine des nombreux mouvements d'aide aux accidentés du travail que l'on retrouve au Québec aujourd'hui et, somme toute, l'échec apparent du système.

Qu'on le veuille ou non, la gratification financière rattachée à la suite d'une lésion professionnelle constitue en soi un risque à la réhabilitation adéquate du travailleur accidenté ou malade. L'être humain étant ce qu'il est, son comportement est dicté en majeure partie par les conséquences visibles de ses actes. La notion de conditionnement n'est pas une vue de l'esprit, c'est un fait. Lorsque, au-delà du processus normal de la réparation légitime, on récompense le dépouillement des responsabilités et des obligations sociales ou financières du travailleur, comment s'étonner du grand nombre d'invalides engendrés par le système? Doit-on se surprendre du grand nombre de travailleurs accidentés à la recherche de leur dignité perdue et qui n'ont comme seul objectif dans la vie que la démonstration irréfutable de leur invalidité totale ou permanente? Dans tout ce processus, la lésion originale passe rapidement au second plan.

Il n'est évidemment pas question de renier le droit pour un travailleur accidenté à recevoir une compensation pour sa blessure ou pour sa maladie, quelle qu'en soit la gravité. Au contraire, nous considérons que tout doit être mis en oeuvre pour que le travailleur soit compensé en toute justice et équité.

Cependant, un système qui fait abstraction, du moins dans les heures ou les jours qui suivent immédiatement l'accident, des responsabilités du travailleur envers son employeur ou envers sa propre réadaptation est voué à l'échec. Pourquoi le travailleur est-il d'emblée considéré comme un enfant qu'il faut prendre par la main afin de le conduire vers les verts pâturages de la compensation-providence? Pourquoi, au contraire, ne le considère-t-on pas comme un adulte équilibré et réfléchi capable d'assumer ses responsabilités dès le départ? Comment peut-on s'imaginer qu'après trois mois, six mois et a fortiori deux ans d'invalidité totale pour une lésion bénigne au départ un travailleur donné va retourner avec joie à son travail et à ses obligations?

Le retour au travail précoce, si possible sans aucune perte de temps, constitue un instrument privilégié de réadaptation, pourvu, évidemment, qu'il soit bien encadré et que les conditions de travail soient compatibles avec l'état du travailleur. Toutefois, ce retour au travail ne doit pas être conditionnel à la volonté seule du travailleur. L'association constate que, même si, par le passé, la commission évoquait l'absence de droit pour l'employeur d'exiger du travailleur son retour au travail dans le cadre d'un processus de réadaptation à la suite de lésions bénignes, le législateur n'a pas cru bon de profiter de l'occasion pour prévoir des dispositions à cette fin dans le présent projet de loi.

L'intervention du médecin traitant, en Ontario, sur le retour précoce de la victime a-t-elle été analysée par les concepteurs du projet de loi?

II est de pratique, en Ontario, que le médecin traitant peut définir le cadre dans lequel doit s'effectuer un tel retour au travail, en définissant certaines conditions qu'il faudra respecter afin que le milieu de travail ne devienne pas une cause d'aggravation de la lésion. Le travailleur doit reprendre son travail, ou un autre travail adapté, au risque de perdre son droit à recevoir une compensation. Cette procédure nécessiterait peut-être d'être assortie d'un droit d'appel, en utilisant certaines des dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, au chapitre du droit de refus, pour éviter tout délai inutile.

Le médecin de l'entreprise pourrait jouer un rôle clé dans cette procédure; non pas pour se substituer au médecin traitant, dont le rôle est primordial pour la réadaptation du travailleur, mais pour servir d'intermédiaire entre ce médecin et son entreprise. Cette affirmation se renforce si l'on veut amener l'employeur à jouer un rôle actif dans un plan de réadaptation au travail. Pourquoi, en effet, douterait-on de l'objectivité de ce médecin? Pourquoi, entre autres, un grand nombre de comités de santé et de sécurité et de DSC ont-ils choisi de confier au médecin de l'entreprise les responsabilités dévolues au médecin responsable selon la Loi sur la santé et la sécurité du travail? Pourquoi, d'autre part, accorde-t-on d'emblée une crédibilité à toute épreuve au médecin traitant?

À cet égard aussi, une période de latence, même symbolique, nous apparaît essentielle, dans une approche axée sur les responsabilités respectives de l'employeur et du travailleur. Le vieux concept, inadéquat du reste, du travailleur-responsable-de-ce-qui-lui arrive ne doit pas céder la place à un autre concept tout aussi irréaliste de la responsabilité totale et exclusive de l'employeur des accidents qui se produisent dans son entreprise. Il s'en produit encore des accidents à la maison, ou au cours des activités sportives ou de loisir. Une période de latence de deux ou trois jours constitue, à notre avis, un bon moyen de garder au travail certains accidentés dont la blessure est mineure et n'aurait pas occasionné de perte de temps en dehors du contexte particulier de l'accident de travail. Ces deux ou trois jours pourraient du reste faire l'objet d'un remboursement subséquent, après un arrêt de travail de plus d'un mois, par exemple, s'il se révélait que la blessure est sérieuse.

Dans la logique de ce qui précède, l'association ne peut admettre que le travailleur puisse être relevé de l'obligation sur le surpayé. Il s'agit là d'une disposition inacceptable du projet de loi, si l'on tient compte que le travailleur jouit du bénéfice du doute et de la présomption favorable à toutes les étapes du processus de réparation et qu'il a toutes les chances voulues pour faire valoir son point de vue. En d'autres mots, il est, à toutes fins utiles, fort improbable qu'une erreur judiciaire puisse se glisser dans le processus, en faveur de l'employeur, qui part perdant dans ses propres contestations. Pourquoi soustraire à un travailleur adulte, responsable, l'obligation de rembourser des sommes d'argent perçues en trop? Pourquoi l'amener à développer un comportement associé à la cupidité? Bien sûr, le projet de loi prévoit une procédure de recouvrement dans les cas de fraude. Cependant, dans le contexte d'une loi centrée sur la notion du bénéfice du doute, il est fort à craindre que cette disposition particulière de la loi prenne le même chemin que les exceptions déjà prévues dans la loi actuelle au chapitre de la négligence grossière et volontaire. Un organe qui ne sert pas s'atrophie et son élimination dans le projet de loi en fait preuve. D'ailleurs, la commission n'a aucune crédibilité au chapitre de la récupération des sommes indues, et les travailleurs le savent.

La lecture du projet de loi amène plusieurs interrogations. L'association désire fournir au législateur l'occasion de découvrir les nombreux points de confusion amenés par la lettre même du projet. Les interrogations porteront sur les expressions de base et sur les indemnités de remplacement du revenu.

L'association s'interroge sur la raison fondamentale qui a amené les rédacteurs du projet de loi à ne pas inclure dans le chapitre II, section I, Dispositions générales, une définition ou des paramètres de contenu des mots ou expressions suivantes: "salaire", "salaire brut régulier", "revenu brut annuel", "revenu brut régulier", "emploi", "son emploi", "contrat de travail", "maximum annuel assurable", "salaire minimum". Ces éléments du vocabulaire qu'on retrouve abondamment dans la très grande majorité des 364 articles du projet de loi essouflent la capacité de compréhension des lecteurs, même initiés. Ils doivent refaire mentalement à chaque fois les déductions nécessaires et présumer quelles sont les bonnes, pour donner un sens à ces mots ou expressions afin de poursuivre la lecture et comprendre la portée de l'article.

À titre d'exemple, le manque de paramètres entourant l'expression "son emploi" qu'on retrouve plus d'une trentaine de fois dans le projet de loi est cause de confusion dans la compréhension de base de plusieurs dispositions prévues dans le projet.

Les interrogations de l'association commencent avec la compréhension qu'elle veut dégager du terme "son emploi". Est-ce le lien contractuel, formel ou non, qui établit que le travailleur est au service d'un employeur? Est-ce le statut professionnel du travailleur, soit menuisier, chauffeur de camion, journalier, réceptionniste, etc.? Est-

ce l'ensemble des tâches confiées au travailleur pour lesquelles il touche une rémunération? Ces interrogations posées, l'analyse de quelques articles du projet de loi devrait indiquer s'il y a lieu de faire ces distinctions.

Faut-il donner le même sens au mot "emploi" à l'article 48 qu'aux articles 50, 51, 63 et 66? À laquelle des trois significations énoncées plus haut faut-il rattacher le sens des articles 74, 76, 150, 151? L'accumulation de l'ancienneté en l'absence du travailleur, à l'article 156, se rapporte à laquelle des significations énoncées plus haut? Est-ce que l'assignation d'une tâche ou d'une autre tâche dont il est fait mention à l'article 159 change le caractère professionnel de "son emploi"?

Le tableau que vous pourrez trouver à l'annexe 2 a été préparé dans le but de mieux comprendre la portée du mot "emploi" et des expressions auxquelles il est rattaché. Il illustre bien la confusion qui surviendra lorsque les intéressés, employeurs, travailleurs et la commission, voudront exercer leurs droits et obligations.

Les paramètres d'application d'une théorie entraînant des droits nouveaux, tel le droit de retour au travail à "son emploi", ne doivent pas être faits sur la table de travail des concepteurs. Avant de faire l'objet d'obligations dans la loi, les intéressés doivent être associés à l'étude des implications pratiques. Est-ce que cela a été fait?

L'Association des industries forestières du Québec Ltée s'interroge ici sur l'à-propos de légiférer sur des dossiers aussi vitaux que le droit de retour au travail ou les plans de réadaptation qui bouleversent des droits acquis, qui ne tiennent pas suffisamment compte des problèmes économiques ni de l'évolution du contenu des tâches dans les emplois. Si déjà les employeurs ne peuvent cerner les problèmes internes à venir, si l'implication de la commission allait jusqu'à assigner tel emploi disponible au travailleur à l'intérieur de l'entreprise, il faut craindre le pis. Ce sera la confusion, les recours de toutes sortes... Si c'est la manière de créer de l'emploi social, c'est aussi la manière de fermer les portes des entreprises et de voir avorter des projets d'entreprises nouvelles. Les entreprises ne peuvent, à travers la province, servir de laboratoires expérimentaux.

Les rédacteurs du projet de loi ont certainement fait face aux problèmes de donner une définition ou des paramètres de contenu aux mots ou expressions utilisés dans leur texte. Ces personnes ont dû choisir entre deux options: s'imposer une rigueur de pensée et prévoir les définitions nécessaires, ou ouvrir la porte à des pouvoirs discrétionnaires à donner à la commission pour trancher dans les ambiguïtés et les situations problématiques facilement prévisibles. L'association, à la suite de cette interrogation, présume du choix de cette dernière option puisque les définitions font défaut et que les pouvoirs discrétionnaires donnés à la commission dans ce projet de loi sont si nombreux que la loi elle-même prendra la forme d'un guide administratif en révision perpétuelle et donnera ouverture à des interventions juridiques constantes.

En plus de s'interroger sur l'absence de certaines définitions clés, l'association constate que certains mots ou expressions définis dans l'article 2 du projet s'écartent des définitions de la loi actuelle, élargissent ou changent la portée de la loi. Ce sont, entre autres les termes "accident du travail" et "lésion professionnelle". À remarquer, entre autres, les observations suivantes sur ces termes qui constituent la pierre d'assise du projet de loi.

Un "accident du travail" y est défini comme "un événement soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une "lésion professionnelle".

Le lecteur doit alors se référer à la définition de "lésion professionnelle" pour compléter cette première définition.

Une lésion professionnelle est "une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail ou une maladie professionnelle". Malheur à celui ou celle qui n'a pas retenu la définition d'"accident du travail" car il ou elle pourrait bien se voir pris dans une définition sans fin.

De plus, à la lecture de l'article 26 qui dit "qu'une blessure qui arrive sur les lieux de travail est présumée une lésion professionnelle", il faut alors s'attendre à n'importe quoi. Tout peut être admissible tant qu'il y a blessure. On aurait alors envie de demander qu'on nous définisse le terme "blessure", mais on verra vite que définir ce terme serait encadrer la lésion professionnelle. Est-ce un oubli volontaire de la part du législateur? Comme le législateur n'écrit rien pour ne rien dire, il faut, ou bien qu'il y ait un objectif qu'on n'ose deviner, ou bien qu'il supprime cette redondance avec la définition donnée au mot "accident du travail".

L'association, quant à elle, croit urgent et primordial qu'on définisse de façon plus claire les termes "lésion professionnelle" et par le fait même "accident du travail", car c'est sur l'interprétation de ces termes que sera déclenché tout le processus d'indemnisation et de guérison des vrais et des faux accidentés du travail. La définition de ces termes apportera un éclaircissement que même l'actuelle loi n'apporte pas.

Pour se garantir contre les erreurs du système de traitement, le législateur a cru bon d'y ajouter l'article 27 qui dit "est

considérée une conséquence de lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion: 1o des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins; ou 2o d'une activité prescrite dans le cadre des traitements médicaux ou du plan de réadaptation du travailleur".

L'article 27 du projet de loi veut soustraire le travailleur aux inconvénients d'une aggravation de sa lésion à la suite de situations sur lesquelles il n'a aucun contrôle. L'association n'y voit pas de problème, mais que les coûts soient imputés à l'employeur au lieu de les affecter à l'intervenant responsable qui peut facilement s'assurer contre ses risques, l'association est en droit d'interroger le législateur à ce sujet. (16 heures)

Les 50 ans d'expérience de la commission auraient dû servir aux rédacteurs pour décrire objectivement les termes qu'ils emploient dans l'élaboration des droits, des obligations et des mécanismes de la loi.

Le monde du travail, encore ébranlé par la crise économique qui a secoué les pays économiquement développés, a pris conscience d'une dure réalité, celle que la sécurité d'emploi est très aléatoire. Projeter ou anticiper des revenus d'emploi à temps plein et vouloir en faire le fondement d'un droit pour la victime d'une lésion professionnelle, c'est faire abstraction des dures réalités de la vie. L'association s'interroge donc sur l'à-propos de projeter l'indemnité de remplacement du revenu dans l'avenir, alors que la base objective et la justification de la réparation se situent sur les revenus réalisés chez l'employeur dans la période de référence qui précède la lésion professionnelle.

Un premier aspect relié à l'indemnité du remplacement du revenu pour les quatorze premiers jours complets suivant le début de l'incapacité d'exercer son emploi en raison d'une lésion professionnelle. Ce sont les articles 53 et 55.

Lorsque la Loi sur les accidents du travail fut amendée en 1978, le législateur a introduit l'obligation à l'employeur de verser l'indemnité de remplacement des cinq premiers jours suivant l'incapacité d'exercer son emploi, à l'époque où son salaire lui aurait été normalement versé. L'objectif avoué de cette mesure devait favoriser le travailleur pour s'ajuster financièrement à court terme, en attendant que la machine administrative gouvernementale puisse intervenir. Maintenant que la commission a huilé avec de l'équipement informatique, à coups de millions, sa machine administrative, pourquoi demande-t-on aux employeurs de procéder à un nouveau dépannage qui fait porter la période de cinq à quatorze jours?

En 1979, pour faciliter aux employeurs l'administration reliée aux calculs de l'indemnité des cinq premiers jours, la commission a inventé la "Table des prestations - Application du règlement sur le calcul du revenu net retenu." Ce document est remis à jour annuellement et c'est à lui que se réfère l'article 59. Voilà maintenant que le projet de loi fait passer cet outil de travail des mains de l'employeur à celles des fonctionnaires puisque, selon la réponse à une interrogation, l'association interprète que cette table ne sera utilisée que pour les jours d'incapacité qui suivent les quatorze premiers jours de la date de l'incapacité due à la lésion.

Quel sera donc l'outil de travail que l'employeur devra prendre pour s'acquitter de l'obligation créée par l'article 53? Cet article établit à 90% du salaire net régulier de la victime l'indemnité de remplacement du revenu.

L'article 55 devrait éclairer sur le sens de l'expression "salaire net régulier" puisqu'on y trouve une explication. Cet article indique que c'est le salaire brut régulier moins certaines déductions à la source. Étant donné qu'on a aucune définition du mot "salaire", les termes "salaire brut régulier" suscitent plusieurs interrogations de la part de nos employeurs. Par exemple, faut-il considérer le salaire brut régulier en tenant compte, ou pas, du maximum annuel assurable? La lecture de l'article 61 devrait nous donner une réponse négative. Pourtant, certains lecteurs n'en sont pas convaincus. Advenant qu'il ne faille pas tenir compte du maximum annuel assurable, le projet ajoute des coûts additionnels aux employeurs et repose la question de base: Quel est le "revenu brut régulier" de l'article 55?

Ce n'est là que le début des interrogations que se pose l'association sur ces deux articles. Pour illustrer que ces interrogations ne sont pas fantaisistes, en voici une autre. Elle porte sur un exemple tiré de l'article 55. Au premier paragraphe de cet article, le texte indique que le salaire net régulier est égal au salaire brut régulier, moins les retenues à la source qui sont faites habituellement par l'employeur. Dans l'énumération qu'on fait des retenues, on constate qu'il n'est pas seulement question des déductions légales, mais de toutes celles que l'employeur a bien voulu accepter de faire à la suite de concessions collectives ou individuelles et qui sont remises par l'employeur aux destinataires. Il en résultera que la victime d'une lésion professionnelle est assurée du paiement à 100% des déductions qu'elle a autorisées et de son indemnité de remplacement égale à 90% du résidu de son revenu net régulier. L'employeur n'a le droit de réclamer de la commision que les 90% de ce dernier résidu, mais il aura déboursé 100% des déductions autorisées. Attention, les implications dépassent de beaucoup les premières

constatations. Vous aurez un exemple de cela à l'annexe 3.

Face à ces remises que l'employeur doit faire dans les quatorze premiers jours, il est curieux de lire par la suite, dans la section Retour au travail, que: "Pendant son absence, le travailleur continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne." C'est l'article 149. Est-ce à dire que la section qui porte sur le retour au travail ne s'appliquerait pas aux quatorze premiers jours?

Encore une fois, l'association s'interroge sur la sagesse des auteurs du projet de loi car les abstractions des rédacteurs deviendront des obligations pour l'employeur et des droits pour la victime. Advenant que les parties divergent d'opinion sur ces interrogations de base, il faut prévoir l'arrivée des équipes professionnelles en droit pour forcer une jurisprudence, soit l'application d'une loi administrative par des savants juristes, sans préparation administrative. Voilà comment on arrive à de l'avant-gardisme!

À la suite de ces quelques illustrations, l'association s'interroge sur la sagesse de toutes ces distinctions sur l'indemnité de remplacement du revenu. Pourquoi n'arrête-ton pas le calcul sur la base des revenus réalisés chez l'employeur où la lésion professionnelle est survenue au cours des douze mois précédents, quitte à restreindre les paramètres entre le plancher du salaire minimum et le plafond du revenu maximum annuel assurable? Ce calcul vaudrait autant pour les premiers jours d'invalidité que pour les périodes plus longues.

Un autre sujet concerne les prestations versées par la commission qui sont incessibles, insaisissables et non imposables. C'est l'article 124.

L'association s'interroge encore sur les motifs qui justifient que les prestations versées par la commission soient incessibles, insaisissables et non imposables. Lorsqu'on parle d'indemnité de remplacement du revenu, on veut remplacer quoi? Du salaire, des revenus, évidemment! Alors, pourquoi ces indemnités sont-elles sans impôt, ni cessibles, ni saisissables?

L'histoire reliée aux victimes d'accidents du travail a justifié les mesures d'assurances auxquelles donne droit l'incapacité de travailler de la victime. Mais cet individu fait encore partie de la société et il a droit aux responsabilités et aux obligations reliées à son statut. Pourquoi en faire un intouchable? Pourquoi l'amener à avoir besoin d'une réadaptation sociale? L'impact du respect des responsabilités de la victime ne fait-il pas partie du processus médical de la réparation?

De plus, il faut couper court à certains sauf-conduits. L'application de la Loi sur les accidents du travail ne doit pas être une porte de sortie facile pour certains travailleurs piégés par leur inconséquence et dont le salaire fait l'objet de saisies à la source. À cet effet, l'article 124 devrait aussi inclure l'exécution d'un jugement de saisie-arrêt pour les dettes autres que la pension alimentaire.

Une indemnité de remplacement du revenu ne peut établir un droit à un montant supérieur à 100% du revenu net après impôt des douze mois précédents; d'où la nécessité d'établir là aussi que cette indemnité soit imposable.

Le travailleur en chômage, qui justifie son droit aux prestations d'assurance-chômage, même si celles-ci sont moindres que ses revenus d'emploi, doit les déclarer dans son revenu annuel. Il en est de même pour les régimes de pension et les allocations familiales. L'assisté social en est exempt, mais il ne faut pas se surprendre si ses problèmes de réadaptation sociale sont nombreux.

Il y a aussi d'autres interrogations. Toute l'indemnisation trouve son départ avec la lésion professionnelle et l'incapacité d'exercer son emploi en raison de cette lésion. Trois questions nous viennent alors immédiatement à l'esprit. Pourquoi le droit à l'indemnisation est-il déclenché dès que la lésion professionnelle entraîne une incapacité d'exercer son emploi? Éteint-on alors automatiquement la possibilité que le travailleur puisse avoir d'exercer un autre emploi qui conviendrait mieux à sa situation? Qui déterminera s'il y a incapacité à exercer l'emploi?

Il faut clarifier le cas du travailleur qui n'a pas d'emploi et qui est victime d'une lésion professionnelle, justifiant un droit à une indemnité de remplacement du revenu. Étant donné que, jusqu'à preuve du contraire, le travailleur ne peut subir une blessure de catégorie lésion professionnelle, s'il n'est pas au travail, le législateur ne devrait-il pas reconsidérer les termes "lésion professionnelle" pour les remplacer par "maladie professionnelle", ce cas-ci étant soi-disant plus probable?

L'employeur ne peut être indifférent aux mécanismes de la réparation des lésions professionnelles. Les victimes sont ses travailleurs et les coûts lui sont toujours imputés. Le projet de loi amène l'association à s'interroger sur les moyens de contrôle et d'intervention laissés à l'employeur dans tout le processus de la réparation.

L'association trouve d'abord aberrant que l'employeur soit si facilement oublié dans les articles du projet de loi lorsqu'il est question de ses droits. Quelques exemples suffiront à justifier cette interrogation.

Les cas de lésion professionnelle

nécessitant une assistance médicale verront au moins un professionnel de la santé. L'employeur est tenu responsable des frais de transport de la victime. L'employeur aura à payer la journée de travail au cours de laquelle survient la lésion et les premiers jours de travail qui suivent, si nécessaire. Mais nulle part dans le projet de loi on n'établit comment l'employeur est avisé formellement que le travailleur est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion dans les heures qui suivent l'événement. Par contraste, le droit du travailleur sur cet aspect, qu'on retrouve aux articles 48 et 53, ne peut être plus clair.

Un autre exemple. L'article 45 établit que le professionnel de la santé désigné par l'employeur n'a droit d'accès qu'au dossier médical. Cette restriction imposée à l'employeur quant à l'accès à la totalité de l'information fournie par le travailleur à la commission est à notre avis inexplicable. Que cherche-t-on à cacher? Comment l'employeur peut-il se rendre compte de la justesse des calculs servant à déterminer l'indemnité de remplacement du revenu, laquelle peut inclure des revenus provenant d'autres sources, s'il ne peut vérifier à la source, c'est-à-dire la déclaration du travailleur, la provenance des revenus présumés?

D'autre part, comment l'employeur pourra-t-il se rendre compte de la véracité des déclarations faites par son employé quant aux conditions de travail? Il n'est pas rare, expériences à l'appui, que les travailleurs fournissent de fausses déclarations à la commission à ce sujet dans le but avoué de continuer à recevoir des prestations.

Un autre exemple. La Loi actuelle prévoyait, jusqu'au 22 octobre dernier, le droit des employeurs d'avoir un comité de surveillance pour voir à leurs intérêts. La suppression de ce droit qui existait depuis 50 ans, qui malheureusement n'a pas suffisamment été utilisé, amène l'association à se questionner sur les motifs de cette abrogation et à s'interroger aussi sur la nécessité d'inclure cette disposition dans le projet de loi. Quand on paie la facture, on devrait avoir le droit d'en analyser le contenu.

Enfin, un autre exemple. Les obligations de l'employeur, à la suite d'une lésion professionnelle survenue à un travailleur, sont sans commune mesure avec l'examen de contrôle que lui accorde mesquinement le projet de loi à l'article 133.

Cet article mériterait d'être revu pour éliminer la restriction à un seul examen médical mensuel déjà prévu dans la loi actuelle et sous-utilisé par surcroît. La loi doit élargir le droit de l'employeur à faire effectuer des examens entre les premiers jours de l'invalidité et la date du retour au travail. Ces modifications sont d'autant plus importantes que le projet de loi laisse, à toutes fins utiles, le sùin aux parties d'administrer les quatorze premiers jours de l'invalidité. Il serait important de préciser aussi le contenu d'un examen afin d'y inclure les procédures radiologiques nécessaires aux fins diagnostiques et qui ne peuvent souvent avoir lieu le jour même.

En raison de l'importance majeure que l'association attache aux considérations psychosociales fondamentales exprimées au début de ce mémoire, il faut que le professionnel de la santé, choisi par l'employeur, trouve dans la loi les droits qui lui assureront des moyens d'action à l'égalité de ses obligations.

Dans les notes explicatives qui précèdent le texte de loi, on trouve une petite phrase candide et toute naïve: "Ce projet de loi confère à la commission quelques pouvoirs réglementaires et établit le mode d'entrée en vigueur des règlements." Les rédacteurs de cette phrase ont mis au bout de la ligne à pêche de chaque député le plus beau leurre qu'on puisse imaginerl (16 h 15)

En premier lieu, il faut se rappeler qu'il s'agit d'une loi fondamentalement administrative dont la mise en place dépendra des politiques administratives maison, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas à être prépubliées, ni publiées à la Gazette officielle pour être mises en vigueur. Il y a même lieu de se poser la question: Est-ce qu'elles doivent être adoptées par le conseil administratif de la commission? Nulle part dans le projet de loi le texte ne fait référence à cette intervention. L'expérience de la politique relative au calcul du revenu du 10 janvier 1983, qui n'a jamais été adoptée par le conseil d'administration de la commission, est pourtant devenue l'outil de référence des agents d'indemnisation des directions régionales.

En deuxième lieu, pourquoi aurait-on donné à la commission de multiples pouvoirs réglementaires alors que le texte du projet de loi établit clairement des pouvoirs discrétionnaires à multiples facettes? Certains ont relevé au moins 38 articles où de tels pouvoirs sont prévus. Les outils de contrôle des employeurs ne sont pas des plus faciles à manipuler. À toutes fins utiles, ils seront dispendieux à utiliser puisque la présomption n'est jamais acquise à l'employeur. La responsabilité, avec ou sans faute, ne constitue-t-elle pas l'une des assises de la loi?

Les inquiétudes de l'association, face à ces interrogations, dans l'analyse du projet de loi sont multiples et elle anticipe que les recours qu'utiliseront les intéressés pour défendre ou obtenir leurs droits seront des outils d'usage courant. Il est normal qu'ils doivent être conçus pour répondre à l'attente. Il faut donc être en mesure de comprendre les rouages administratifs que le

projet de loi veut mettre en marche. L'association se bute toujours à des problèmes de fond. Les interrogations sont si nombreuses que c'est prendre des risques que de recommander des outils qui se révéleront inutiles, nuisibles et même dommageables à la mise en vigueur du projet de loi.

Pourquoi les procédures d'appel actuelles doivent-elles être modifiées? Le bureau de révision, à l'expérience, s'est avéré un bon outil de réparation des torts causés à l'une ou l'autre des parties par suite d'une mauvaise décision d'un agent d'indemnisation. Le niveau d'appel subséquent devant la Commission des affaires sociales devrait lui aussi être conservé, bien que certaines de ses décisions aient dépassé, à notre avis, le cadre de l'application de la Loi sur les accidents du travail pour en faire une loi sociale au même titre que les autres lois où elle a juridiction.

Le plus gros reproche administratif que les employeurs de notre association font au statu quo vise les retards à entendre les causes, ce qui alimente des inquiétudes chez les travailleurs concernés, entraîne de nouvelles mises à jour des appréciations médicales et impose à l'employeur l'imputation de tous les coûts reliés à ces retards. Faut-il lire, dans le projet de loi, que les bureaux de révision actuels feront place à un mécanisme de reconsidération administrative maison, tel que l'article 244 le dit, dont le pouvoir discrétionnaire irait jusqu'à renverser, de sa propre initiative, une décision en appel de la Commission des affaires sociales?

Le chapitre X, qui traite de la compétence de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et appel, soulève une multitude d'interrogations graves. Il y a lieu de s'interroger sur les pouvoirs absolus que la commission veut obtenir par les articles 238, 239 et 246. Fait-on face à une tentative de créer un État dans l'État? Le gouvernement, dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, a inventé pour la commission la parité dans la prévention. Veut-on maintenant instituer une autocratie dans la réparation et la réadaptation sociale des victimes de lésions professionnelles? Qu'en pense le contentieux du ministère de la Justice? Les implications qu'entraîneront les dispositions de ce seul chapitre obligent l'association à interroger à nouveau le gouvernement sur la sagesse d'aller plus avant avec le projet de loi tel que rédigé.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi fait peur. Le législateur avait l'occasion de traiter le travailleur victime d'une lésion professionnelle en adulte et de l'obliger à coopérer au plan de la réadaptation au travail à la suite d'une lésion bénigne. C'est le contraire qui est retenu. On le dégage de certaines responsabilités et on ne favorise pas sa réadaptation hâtive à un travail adapté.

Le législateur avait l'occasion de corriger certaines lacunes de la loi actuelle en précisant certaines définitions qui soulevaient de plus en plus de problèmes d'interprétation. C'est le contraire qui est arrivé. On introduit des expressions nouvelles qui ne sont pas définies, même si elles reviennent constamment dans le texte, et peuvent s'interpréter différemment d'une situation ou d'un article à l'autre.

Le législateur avait l'occasion d'ajuster les mécanismes de recours, soit pour réduire les périodes de délai ou pour donner plus de transparence aux règles administratives. C'est la voie de la nouveauté qu'on choisit en voulant supprimer le Bureau de révision pour le remplacer par un mécanisme de reconsidération administrative maison dont il faut craindre le manque de transparence en raison de ses pouvoirs discrétionnaires.

M. le Président, l'association a carrément peur de ce projet de loi. Elle espère avoir convaincu les membres de cette commission que le projet de loi doit être repris au complet pour clarifier son contenu et réduire le nombre des interrogations qu'il suscite.

M. le Président, nous avons remis au secrétariat quelques autres annexes qui vont dans le sens de celles qui étaient déjà intégrées au document. Nous répondrons avec plaisir aux questions qu'on voudra nous adresser. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Duchesne, de la présentation. Effectivement, les trois ajouts ont été distribués aux membres de la commission. Nous allons maintenant passer à la période de commentaires et de questions. La parole est au ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je voudrai, bien sûr, d'abord remercier l'Association des industries forestières du Québec de nous avoir livré ses commentaires sur le projet de loi 42. Comme on le souligne dans le mémoire, M. le Président, il est évident qu'on a dû procéder à plusieurs séances, plusieurs réunions de travail pour en arriver à coucher sur papier toutes les préoccupations que suscite le projet de loi 42 chez les membres de l'Association des industries forestières du Québec.

De façon plus précise, vous avez situé à trois niveaux les grandes préoccupations que vous nous soumettez et, pour utiliser votre propre expression, vous avez des préoccupations qui sont à trois dimensions et vous avez fait un chapitre pour chacune de ces préoccupations. La première est d'ordre psychosocial, comme vous l'avez vous-même identifiée; la deuxième se réfère à d'éventuels points de confusion que pourrait amener l'interprétation de la loi et,

troisièmement, vous êtes inquiets de la pauvreté des moyens de contrôle qui sont laissés à l'employeur.

Je voudrais, quant à moi, M. le Président, être très bref dans mes questions et peut-être tenter d'obtenir un peu plus de renseignements, en particulier, quant à la première dimension que vous soulevez, cette dimension que vous appelez phychosociale. Je veux être certain d'avoir bien compris, mais il m'a semblé que votre préoccupation procède de l'état actuel des choses, procède également de ce qu'on retrouve dans la loi 42 quant au "traitement" qui doit être donné dans les heures qui suivent un accident de travail. Cela me semble être là-dessus que votre inquiétude est particulièrement basée.

Vous insistez sur la nécessité pour le travailleur de prendre certaines responsabilités immédiatement après qu'il est engagé dans le processus qui suit un accident de travail. J'aimerais, quant à moi, vous entendre préciser cela au niveau des obligations et en termes peut-être un peu plus concrets parce que je crois comprendre que vous avez situé vos observations en termes généraux. En termes plus concrets et à partir d'exemples peut-être qui pourraient être mis sur la table pour fins de discussion, à quel genre d'obligations pensez-vous que devrait être soumis le travailleur ou la travailleuse accidentée, obligations auxquelles il n'est pas actuellement soumis? Je ne sais si je me fais bien comprendre par la nature de cette question, mais j'aimerais pouvoir approfondir davantage les objectifs que vous visez quand vous vous préoccupez de l'aspect psychosocial de l'accident de travail.

M. Duchesne: Si vous permettez, M. le ministre, le Dr Guillemette va attaquer cette question.

M. Guillemette (Michel): Notre présentation, en fait, découle d'une constatation un peu globale de la situation actuelle. Je vous avoue que ce qui frappe actuellement dans le... Le problème, à mon sens, le plus important au niveau de la réparation des lésions professionnelles touche la réadaptation sociale. Je pense que c'est là que les coûts les plus grands sont actuellement engagés. Il s'agit, dans la plupart des cas, de coûts reliés à la réadaptation de travailleurs qui ont subi des lésions professionnelles et qui n'ont pas, à toutes fins utiles, réintégré le marché du travail depuis une longue période. On parle facilement de mois ou même d'années et, à mon sens, c'est un problème qu'il n'est pas facile de résoudre, parce qu'on s'occupe trop tard de la question de la réinsertion de l'accidenté au travail.

Cela dit, je mets de côté toutes les lésions qui conduisent à des processus de guérison longs et ardus. Je mets de côté tout l'aspect des gens qui se font amputer un membre ou qui ont des blessures professionnelles graves avec lésions objectives et les autres qui ont... Par exemple, je pense à certains de nos travailleurs chez qui on a découvert une lésion personnelle à la suite d'une aggravation d'un accident de travail et qui, après avoir passé la période de récupération médicale de cette aggravation, se retrouvent au même niveau qu'avant l'accident, c'est-à-dire porteurs de leur condition strictement personnelle acquise durant l'enfance ou dès la naissance; ils se voient forcés d'abandonner un peu ce travail parce qu'il est, de toute évidence, incompatible avec leur propre condition personnelle et on les oriente vers la réadaptation sociale.

Le problème de la réadaptation sociale est donc un problème auquel on doit s'attaquer le plus vite possible. Comment? Je pense que ce qui a fait défaut jusqu'à présent, c'est qu'on a trop facilement accordé pour des lésions bénignes des arrêts de travail de quelques jours. Cela peut paraître sans conséquence, mais ce n'est pas sans conséquence. Tout arrêt de travail pour une lésion quelconque entraîne automatiquement des gratifications qui ne sont pas nécessairement financières, mais qui peuvent être aussi d'origine affective. En particulier, la lombalgie, qui est peut-être l'exemple le plus frappant, est une lésion professionnelle qui est quelque chose qui apporte une dimension toute particulière. Quand on parle de gratification affective, on entend le fait que le travailleur se trouve à ce moment-là dans une situation de dépendance ou de condescendance vis-à-vis de son entourage, dans le sens qu'il est, non pas dorloté, mais soumis à des pressions de la part de la famille qui font qu'il y a un contexte particulier inhabituel qui peut lui faire prendre des dimensions particulières vis-à-vis de son travail. Il est dégagé de la responsabilité de se lever le matin pour aller travailler. Il est peut-être soumis à un régime de traitements qui commence par un repos. À ce moment-là, il reçoit de la part de son entourage certaines attentions qui sont inhabituelles. (16 h 30)

Nous pensons que déjà, dès le début, cette condition amène des changements au niveau de la perception du travailleur vis-à-vis de ses responsabilités face à son employeur et à la société en général. Trop souvent, le travailleur a l'impression que l'accident du travail pour une lésion bénigne est un ticket pour un congé qui peut être d'une durée plus ou moins longue, mais qui peut tomber à point dans certaines circonstances. Nous croyons que le travailleur devrait, s'il est capable de remplir certaines tâches, être réintégré dans son milieu de travail de façon à ne pas perdre contact

avec la réalité et pourrait conserver ses attaches, son emploi, ses compagnons de travail, son milieu. Nous pensons que, par ce procédé, la récupération va se faire beaucoup plus facilement, dans des meilleures conditions, que si on retire le travailleur de son milieu et qu'on le mette dans des conditions très spéciales, inhabituelles, qui n'ont pas de rapport avec la lésion comme telle.

Je ne sais pas si...

M. Fréchette: Je vous remercie, Dr Guillemette. Cela répond effectivement à ma question, bien que l'argumentation que vous venez de nous soumettre soulève, elle aussi, une question importante qui devrait, me semble-t-il, faire l'objet de nos préoccupations. Vous avez indiqué dans votre argumentation qu'un des motifs pour lesquels on doit soulever la dimension psychosociale, c'est qu'il y a parfois, sinon souvent, des arrêts de travail qui sont démesurément longs par rapport à la nature de la blessure ou de la maladie. Quand je vous dis que cela soulève un tout autre débat, cela soulève le débat de l'expertise médicale à partir de laquelle la commission va rendre une décision pour déterminer la période pendant laquelle l'accidenté doit être retiré de son milieu. Vous voyez que cela soulève un autre débat important.

Je ne sais pas si c'est à vous qu'on peut demander une opinion là-dessus. Je sais qu'on doit entendre, demain, la Fédération des omnipraticiens. On a entendu la Fédération des spécialistes. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à nous soumettre concernant l'autre question qui nous vient spontanément à l'esprit quand on suit votre argumentation: Est-ce qu'il y a des détails additionnels que vous pouvez ajouter ou si vous êtes d'accord avec moi qu'effectivement on est, là aussi, devant une situation qui n'est pas simple à définir et à contrôler?

M. Guillemette: Je suis parfaitement d'accord avec vous et je pense qu'on devrait cesser de considérer la question des blessures reliées à un accident du travail justement à cause des aspects de gratification financière ou autres qui y sont rattachés au même titre qu'un accident ou une maladie qui est survenue en dehors du travail. Je ne touche pas du tout au droit du travailleur à choisir son médecin ou au droit fondamental d'un individu, d'une personne, à être maître de sa destinée, en ce sens-là. Mais, dans l'optique des accidents du travail, il y a une autre dimension qui s'ajoute et cette dimension peut amener des tangentes vis-à-vis du comportement normal d'un individu. Il faut que, du point de vue médical, on prenne conscience de cela. Il existe des moyens de contrôle, mais dans tous les régimes où il y a un tiers payant... La Régie de l'assurance-maladie du Québec a, elle aussi, des moyens de contrôle sur la qualité de l'acte médical et elle entreprend, de temps à autre, des procédures contre certains médecins qui ont, selon toute apparence de droit, abusé du système. Les compagnies d'assurances privées ont aussi leurs propres mécanismes de contrôle et il n'y a pas une compagnie d'assurances privée qui va donner une couverture inconditionnelle, à ce chapitre, à ceux qui s'y assurent. Dans le même sens, il faut admettre qu'au titre de la psychologie ou des relations entre le médecin traitant et le travailleur, il peut se glisser des facteurs qui vont modifier un peu ou changer un peu la relation habituelle qu'on peut retrouver dans de telles circonstances.

Je suis un omnipraticien. En pratique privée, quand j'avais des problèmes dans un cas, il fallait, par discipline personnelle - je pense que tous les médecins sont comme cela - que je prenne du recul, à un moment donné. Est-ce que je me suis trompé de diagnostic? Est-ce que je me suis trompé de traitement? Est-ce que mon traitement est adéquat? À ce moment-là, il n'y a rien de déshonorant à ce qu'un omnipraticien demande à un confrère spécialiste une consultation sur ce domaine précis. La même chose peut aller au point de vue d'un médecin spécialiste qui, devant le cas d'une lésion qui ne semble pas évoluer comme elle le devrait, alors que tous les examens subjectifs et objectifs concourent à un certain diagnostic et que rien ne fonctionne, doit prévoir un mécanisme afin de pouvoir reculer un peu de la forêt, afin qu'on n'ait pas seulement l'arbre, mais qu'on puisse voir l'ensemble du problème. À mon sens, les mécanismes prévus par la FMSQ, en un certain sens, vont dans ce sens. Qu'un tribunal ou qu'un panel de médecins spécialistes arbitrent dans un cas de litige, en ce sens, je pense que c'est quelque chose qui devrait être inscrit dans le projet de loi.

M. Fréchette: Je vous remercie, docteur, de ces précisions. Il y a un autre aspect dans l'évaluation que vous avez faite de cette dimension psychosociale. Là, peut-être que je poserais ma question ou que j'adresserais ma constatation à votre directeur gérant, quitte à lui demander de nous fournir ses commentaires. Vous savez, la réadaptation sociale parfois dure longtemps. Elle est longue, parce que des travailleurs ou des travailleuses qui ont été accidentés, qui seraient disposés et en mesure à tous égards de reprendre leur travail, ne le reprennent pas, parce que l'employeur préfère qu'ils ne le reprennent pas. Enfin, on voit cela dans certains milieux qu'un accidenté du travail a beaucoup de difficultés à réintégrer son emploi. Alors, lorsqu'on parle de réadaptation sociale, de

réintégration sociale, il est évident que, ne pouvant retourner à son travail original, là où il a eu une blessure, se croyant en mesure de pouvoir reprendre ce travail, s'étant fait confirmer par son médecin qu'il était en mesure de le faire, lorsqu'il ne peut pas y retourner pour toutes sortes de motifs que je ne juge pas, que je n'évalue pas, vous allez comprendre que cela peut avoir une influence importante sur l'état général du travailleur qui est concerné par une situation comme celle-là. Je vous réitère que ce n'est pas nécessairement une question, c'est une observation que je mets sur la table. Je suis évidemment réceptif à toute évaluation qui irait dans le sens contraire ou à une appréciation qui m'indiquerait que je n'évalue pas la situation comme il le faut.

M. Duchesne: J'ai l'impression, M. le ministre, effectivement, que la façon dont le projet de loi est rédigé risque d'aggraver une situation que vous décrivez, en ce sens qu'on enlève le peu de motivation qui peut exister chez l'individu de se réintégrer rapidement dans une fonction qu'il occupait précédemment, puisque cette responsabilité serait l'équivalent de la responsabilité de l'employeur de lui assurer une réparation en cas d'accident. Ce que le Dr Guillemette expliquait il y a quelques instants, vous pouvez le retrouver dans l'annexe 1 de notre présentation. Si, d'une part, il est juste et équitable que l'ouvrier accidenté soit compensé dans les meilleurs délais, il est aussi juste et équitable, je pense, qu'il vise à revenir au travail le plus tôt possible. C'est cet aspect de la motivation qui doit exister et qui va minimiser le genre de situation que vous venez de décrire.

M. Fréchette: Je prends bonne note de ce que vous nous dites. On va évidemment évaluer votre appréciation de cette dimension dont vous venez de nous parler. Quant au deuxième aspect de votre argumentation, celui qui attire notre attention sur de possibles points de confusion quant au texte actuel du projet de loi, j'ai cru comprendre que cette inquiétude se référait à deux aspects bien précis. D'abord, et vous le dites dans votre mémoire, la lettre même de la loi et, deuxièmement, ce que vous et plusieurs autres, je dois le dire sans réserve puisque c'est là la réalité, ce que vous identifiez comme étant des pouvoirs de réglementation, de contrôle que vous évaluez comme étant exagérés, enfin, trop larges et qui sont remis entre les mains de la commission.

Quant au premier aspect, celui de la possibilité de revoir le texte même de la loi, je vous signale que la commission parlementaire est précisément pour cela. C'est effectivement un des objectifs, un des buts que l'on poursuit de se faire dire par des gens qui doivent quotidiennement vivre l'application de cette loi quels sont les points qui pourraient effectivement créer de la confusion. Vous en avez identifié plusieurs dans votre mémoire. En particulier, je retiens l'expression "son emploi", par exemple. Je retiens également "revenu brut régulier", "revenu net régulier", enfin toute la nomenclature des expressions que l'on retrouve dans votre mémoire. Je vous signale, sans autres commentaires, qu'à cet égard nous allons effectivement regarder de très près, d'une part, vos préoccupations et, d'autre part, les suggestions que vous nous faites.

Deuxièmement, quant aux pouvoirs réglementaires, je vous réitère que, depuis que nous sommes en audition, c'est maintenant la septième journée, nous en arrivons à près de 30 mémoires jusqu'à maintenant et cela a été une constante ou à peu près, autant de groupes représentant les parties syndicales que de groupes représentant les parties patronales. Je ne sais pas comment vous allez recevoir ce que je vais vous dire, mais veuillez croire que je suis tout à fait sincère quand je vous le dis. Ce n'est ni par caprice, ni par plaisir que les pouvoirs réglementaires que l'on retrouve dans la loi y sont. C'est strictement parce qu'il faut bien, à un moment donné, que quelqu'un prenne une décision. Je vous signalerai aussi, sans aucune réserve non plus, que les gens qui travaillent et qui oeuvrent à l'intérieur de la commission vont n'être que satisfaits de se voir dégagés de l'application de certains pouvoirs réglementaires, vu qu'il y a presque toujours, en fin de compte, de la contestation à cet égard.

Est-ce que vous seriez d'accord pour que la possibilité soit examinée de rapatrier le plus grand nombre possible de pouvoirs administratifs à l'intérieur même de la loi? En d'autres mots, que ce ne soit plus laissé à l'appréciation, l'évaluation, le jugement d'une personne qui, actuellement, est habilitée à faire ce genre d'exercice, mais qu'on rapatrie à l'intérieur de la loi le plus grand nombre possible d'actuels pouvoirs discrétionnaires. Je serais, par ailleurs, fort malheureux si, dans six mois ou dans un an ou dans deux ans d'ici, on revenait et on nous disait: Retournez donc à la commission avec ces pouvoirs réglementaires parce qu'on est encarcané dans la loi. Vous voyez le dilemme dans lequel on est? La question que je vous soumets et sur laquelle j'apprécierais avoir vos commentaires, c'est effectivement la suivante: Est-ce qu'il faut envisager l'optique, la possibilité de rapatrier dans la loi le plus grand nombre possible de pouvoirs réglementaires administratifs ou autres que l'on retrouve dans la loi 42 tel que nous l'avons sur la table actuellement? (16 h 45)

M. Duchesne: Notre perception de la loi 42, M. le ministre, est carrément dans ce sens. Il s'agit, d'après la compréhension qu'on en a à l'heure actuelle, de concrétiser dans une loi un certain nombre de pratiques vers lesquelles on s'en allait ou qui étaient déjà mises en oeuvre par la commission. On en profite pour ajouter un certain nombre d'autres précisions. La difficulté que cela pose vraiment, c'est que, pour répondre à cette question, on va rester au niveau de la philosophie ou on va en arriver à reposer les mêmes questions que celles qu'on vous a posées depuis tantôt et qui ne sont pas, en passant, toutes les préoccupations qu'on a. Il y en a quelques autres qui traînent encore. Il est difficile de se faire une idée précise à l'heure actuelle de la situation qui prévaudrait après l'adoption de cette loi, parce qu'il y a trop de questions qui sont sans réponse ou qui amènent des réponses contradictoires. Une fois ces questions éclaircies, il est possible qu'on soit mieux d'avoir ces pouvoirs, effectivement, sous une forme légale. Cela va être fixe et on va savoir où on s'en va. Par contre, si on revient au niveau philosophique, il y a carrément une certaine latitude qui doit rester quelque part. Ce dont nous avons peur, c'est que la latitude soit orientée toujours dans le même sens.

M. Fréchette: Je vous donne un seul exemple de ce que je pense: les politiques ou les modalités de réadaptation sociale, par exemple. Jusqu'à maintenant, les gens qui se sont prononcés là-dessus nous disent qu'ils souhaiteraient voir incorporer à la loi les politiques de réadaptation sociale, qu'on retrouve à l'intérieur même de la loi les cadres, les balises, les normes à l'intérieur desquelles les politiques de réadaptation sociale se retrouveraient, de sorte qu'on saurait très précisément à quoi s'en tenir, bien sûr. Mais on serait aussi encadré et on ne pourrait déborder d'aucune espèce de façon ce qu'on retrouverait comme politique à l'intérieur de la loi. Cela rejoint la préoccupation que vous venez de soulever et qui est de taille, effectivement.

Maintenant, j'ai une dernière question, quant à moi, M. le Président. Vous formulez des inquiétudes quant à cette disposition de la loi 42 qui ferait que le délai de cinq jours serait prolongé jusqu'à quatorze jours. Je comprends vos appréhensions et d'ailleurs toutes les parties patronales ont soulevé la question avec beaucoup d'insistance depuis le début, en nous rappelant tout particulièrement que, lorsque ce délai est passé à cinq jours, il y a eu une incidence dans l'augmentation des accidents de cette durée, bien que - et je pense que les statistiques le démontrent - vers 1982-1983, cela se soit stabilisé.

Je vais simplement vous indiquer quel est le rationnel qui est derrière cette proposition pour permettre qu'ensemble on puisse analyser les pour et les contre, si vous me permettez l'expression. Les stastitiques démontrent assez clairement que, dans l'état actuel des choses, les accidents entraînant des absences de quatorze jours ou moins sont de l'ordre d'à peu près 80% de l'ensemble de tous les accidents à la commission, ce qui veut dire entre 150 000 et 200 000 dossiers ou à peu près. La première préoccupation, c'était de voir ces 150 000 ou 200 000 dossiers traités rapidement, d'éviter qu'ils entrent dans la machine, s'engagent dans le processus administratif que l'on connaît et que cela prenne le temps que l'on sait. C'était une première préoccupation qui m'apparaît de taille, encore une fois, quand on regarde la proportion des accidents qui entraînent des absences de moins de quatorze jours.

Il faut retenir aussi que, dans la loi -évidemment, est-ce que le texte rend compte très précisément de l'intention? cela sera à voir, mais moi je vous signale quelle est l'intention du législateur - lorsqu'une absence du travail ne sera pas médicalement motivée après que le médecin traitant aura évalué l'état de son patient, ce dernier devra rembourser les sommes d'argent qui lui auront été payées pour les quatorze premiers jours ou moins. Je vous vois sourire. J'ai hâte de vous entendre tout à l'heure. Est-ce que ce n'est pas là, dans votre appréciation, une modalité suffisamment contraignante pour éviter cette espèce d'incitation à laquelle tout le monde a fait allusion depuis le début des auditions?

M. Duchesne: Non, M. le ministre, pour répondre à la deuxième partie de votre question. Le remboursement à l'heure actuelle et avec la nouvelle version de la loi ne nous apparaît pas quelque chose qui puisse devenir la règle habituelle et efficace dans le cas des montants surpayés. On l'a mentionné d'ailleurs dans le document. Les faits démontrent que, dans ces cas, la récupération des sommes est difficile à faire.

Par ailleurs, si 80% des cas à l'heure actuelle sont inférieurs à quatorze jours, on peut se demander quel serait l'effet justement de porter à quatorze jours la période de base. Est-ce que cela va rallonger la période moyenne? Qu'est-ce qui est arrivé quand on a établi cela à cinq jours? Je pense qu'il y aurait lieu à ce moment d'avoir une mesure qui puisse motiver dans le sens contraire, pour raccourcir la période. Nous avons suggéré dans le mémoire un délai de carence de deux à trois jours qui aurait tendance à être significatif sur une base de cinq ou même de quatorze jours, mais qui ne serait certainement pas significatif pour les cas à long terme et qui, nous pensons, exercerait un effet important vers la

réduction de cette moyenne qui est à 80% inférieure à quatorze jours.

M. Laurent Tremblay a peut-être quelque chose à ajouter sur cela.

M. Tremblay (Laurent): Voici le premier commentaire que je pourrais faire concernant la fameuse période de quatorze jours. Vous avez mentionné, M. le ministre, en fait, que ces sommes pouvaient être récupérables advenant que la réclamation ne soit pas fondée. Il reste quand même que, pour cette récupération, ce sera toujours l'employeur qui aura "l'odieux" d'aller rechercher ces sommes à même l'argent gagné par le travailleur, si naturellement il est encore à son emploi. Cette fameuse question des quatorze jours amènent plusieurs questions. D'une part, si vous regardez les statistiques qu'on vous a fait parvenir avant le début de la présente audition, où on a fait une analyse dans certaines usines pour voir un peu quelle avait été l'incidence, à compter de 1978, du paiement des cinq premiers jours par l'employeur, on réalise qu'il y a des augmentations que je peux qualifier de fantastiques. D'ailleurs, vous avez ces informations à votre disposition. Par exemple, on a fait un relevé dans deux usines. En 1977, par exemple, pour l'usine X où il y avait 2 907 919 heures travaillées, il y avait eu des pertes de temps de moins de cinq jours au nombre de six. Pour un nombre légèrement inférieur d'heures travaillées pour les années 1978 à 1983, le nombre est passé graduellement à 15, 35, 23, 38, 29 et 42. Je regarde l'autre usine et on voit exactement la même tendance.

Lorsqu'on voit, par exemple, l'élimination du délai de carence qui n'était quand même pas très long en fonction de la loi actuelle, puisque la compensation s'applique à la journée qui suit l'accident, et lorsqu'on regarde les dispositions de l'article 26 du projet de loi, on doit admettre qu'on a des craintes importantes face aux quatorze jours. D'une part, en se basant sur l'expérience des cinq jours et, d'autre part, en se basant sur la plus grande générosité ou des textes beaucoup plus souples, on a un certain nombre de craintes de voir que ces quatorze premiers jours n'entraînent une augmentation importante au niveau de la durée de la compensation.

Il est bien évident que, lorsque les quatorze jours sont rémunérés par l'employeur, le travailleur n'a alors aucun délai d'attente. La commission étudie le cas et verse le montant.

Sur ce point, j'aimerais quand même faire une petite référence. Je trouve un peu drôle que, dans ce projet de loi, d'une part, tenant compte qu'on mentionne qu'il y a 80% à 85% des cas dont la durée est inférieure à quatorze jours, on veuille introduire cette disposition, mais que, d'autre part, à l'article 172, on demande à l'employeur de soumettre le rapport d'accident dans les vingt jours. Si je comprends bien le texte, cela signifie que, pour 15% des travailleurs accidentés dont la durée de compensation est supérieure à quatorze jours, le délai d'attente qu'on connaissait en 1978 va se perpétuer avec ce groupe.

M. Fréchette: Cela va, M. le Président. J'ai terminé, quant à moi.

Le Président (M. Paré): La parole est maintenant à M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier pour la présentation de votre mémoire et aussi vous féliciter pour la qualité et la représentativité de l'Association des industries forestières du Québec. Il est sûr que, dans votre mémoire quand même assez volumineux, vous avez traité beaucoup des aspects du projet de loi 42 et, comme vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous en avez encore en addenda.

En écoutant le ministre tout à l'heure, à sa première réaction, quand il disait qu'il fallait agir, on est bien d'accord avec lui qu'il y a un problème réel à la CSST présentement. Mais, à partir du principe qu'il faut agir, je pense aussi qu'il faut agir et être conséquent dans nos agissements pour l'amélioration du système.

Lorsque vous nous dites en conclusion de votre mémoire que le projet de loi 42 vous fait peur, cela ne nous rassure pas de voir votre réaction parce que vous regroupez quand même au-delà de 100 000 employés au Québec. Lorsqu'une association comme la vôtre vient nous dire en commission parlementaire: Ce projet de loi nous fait peur, de notre côté, en tant que législateurs, on doit se poser de sérieuses questions. Surtout lorsque votre association représente 22% des exportations du Québec qui sont de 6 000 000 000 $, on doit drôlement s'interroger sur la pertinence d'avoir un projet de loi ou une loi qui ne sera pas conforme aux aspirations auxquelles vous voulez bien adhérer, vu que vous avez quand même le souci premier de la protection de vos travailleurs et de vos employés. Il faudrait peut-être démystifier le fait que l'employeur est quelqu'un qui veut écraser l'employé. S'il n'y avait pas d'employés, on n'aurait pas d'employeurs non plus. Alors, à partir de ce principe, tout le monde veut avoir un souci d'équité vis-à-vis de l'employé et aussi le gouvernement vis-à-vis de l'employeur.

Vous avez parlé de trois objectifs que vous auriez pu traiter dans votre mémoire. Vous en avez choisi un qui est l'objectif psychosocial de l'employé. Vous avez quand même été très franc. Vous dites que vous

auriez pu refuser de présenter un mémoire et de vous prononcer sur le projet de loi 42, sauf que cela n'aurait rien apporté de nouveau. C'est là un aspect positif de votre part et une contribution à l'intérieur du système de réparation que l'on retrouve à la CSST. (17 heures)

Dans le préambule, vous nous dites que le législateur touchera des intervenants du marché du travail et cela, peu importe leur niveau d'intervention. Il est primordial et même de la responsabilité du législateur de s'assurer de la clarté des dispositions, afin d'éviter que cette loi ne devienne un refuge de jurisprudence et de politiques administratives. On s'entend bien là-dessus. Somme toute, lorsque vous faites l'énumération des articles qui sont nébuleux pour vous, pour l'employeur, et aussi nébuleux pour l'employé, est-ce que, dans ce projet de loi 42, on ne s'en va pas vers une espèce de confrontation continuelle entre l'employeur, l'employé et la CSST? M. Duchesne, ou peut-être un de vos membres, pourrait répondre à cela. Peut-être pourriez-vous aussi nous donner des explications plus approfondies ainsi que des exemples que vous vivez quotidiennement chez vous?

M. Duchesne: M. Maltais, des confrontations continuelles, c'est un peu notre peur avec le projet de loi, à cause des imprécisions qui y sont reliées. Sans revenir à la bonne vieille couverture qu'on rallonge d'un bout en lui enlevant un morceau à l'autre bout, il y a certainement moyen de définir les paramètres d'application qui accompagnent le principe de cette loi qui est d'assurer aux travailleurs accidentés une juste réparation.

D'un autre côté, cela ne veut pas dire que le travailleur en question n'a aucune responsabilité dans la société. Au contraire. Nous trouvons que la loi, telle qu'elle est écrite présentement, semble en faire une espèce d'intouchable qui, à cause de sa malchance ou de l'accident qui lui est arrivé, a droit à toutes sortes d'égards que personne d'autre, à toutes fins utiles, n'a le droit d'avoir dans notre société. Cela ne veut pas dire non plus qu'on doive aller jusqu'à intégrer dans sa démarche de compensation un mécanisme de réadaptation à peu près infini. C'est un peu ce qu'on retrouve là-dedans. Vous parliez d'exemples. Je pense qu'on pourrait vous donner des cas qui ont déjà existé dans le passé où des gens, assurément, ont profité du système pour se faire réadapter à outrance, aux frais de l'employeur ou des employeurs.

Il ne faut pas que l'application de cette loi crée de nouvelles portes à ces individus, même s'ils ne sont qu'un petit pourcentage dans notre société. Ils représentent des coûts importants. Il faut éviter de créer des portes ouvertes pour des cas semblables. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas s'assurer que le travailleur accidenté est justement traité. Il y a la balance à faire entre les deux. C'est à ce niveau, je pense, que la confrontation nous fait effectivement peur. C'est parce qu'il y a trop d'imprécision là-dedans, à plusieurs niveaux. On va, je pense, effectivement aller vers un ensemble de discussions juridiques. Peut-être que Laurent pourrait ajouter quelque chose là-dessus.

M. Tremblay (Laurent): Tout à l'heure, M. le ministre mentionnait qu'il y avait 85% des cas d'accidents dont la durée était inférieure à quatorze jours. On pourrait également mentionner qu'il y a peut-être 80% à 85% des entreprises au Québec qui sont des PME. Ces gens vont également devoir vivre avec ce projet de loi. Je ne veux pas m'éterniser sur les ambiguïtés qui peuvent exister à l'intérieur du projet, mais vous avez dit tout à l'heure que cela pouvait entraîner certains conflits entre la commission, les employeurs et les employés. Par exemple, si on parle de retour au travail d'un accidenté, théoriquement parlant, c'est très positif, mais, quand même, il faut également tenir compte du fait qu'il y a des conventions collectives dans plusieurs entreprises et des clauses d'ancienneté avec lesquelles on devra vivre.

Par exemple, un point particulier. À l'article 145, où on parle de retour au travail, on mentionne que la présente section s'applique aux travailleurs victimes d'une lésion professionnelle dont le contrat de travail est pour une durée indéterminée. Si je me réfère à l'article 82 de la Loi sur les normes du travail, où on emploie le même genre d'expression pour déterminer si un employeur doit ou non donner un avis de licenciement, on peut se poser des questions - celle-là en est une entre autres - sur la durée indéterminée du travail. Est-ce que cette section sur le retour au travail s'applique pour l'employé saisonnier? Il y a une foule d'ambiguïtés dans ce projet de loi. Par exemple, lorsqu'on arrive au niveau de la compensation pour les quatorze premiers jours, à l'article 53, il y a beaucoup d'employeurs qui se posent la question suivante: Lorsqu'on parle de 90% de son salaire net régulier, est-ce que l'employeur peut être amené à payer 90% du salaire net régulier même si ce dernier excède le maximum assurable? Il y a beaucoup de questions comme celle-là qui se posent au niveau de l'application de ce projet de loi.

M. Maltais: Vous parliez dans votre exposé, sur le fond, au début, des responsabilités du travailleur quant à son emploi. Quelle serait, d'après vous, la meilleure façon? Est-ce qu'on peut établir ou inscrire dans une loi les responsabilités d'un

travailleur quant à son retour au travail? Comment voyez-vous cela? De quelle façon cela serait-il pratique? Il ne faudrait pas encore s'engorger dans un emboîtement comme on le vit présentement. Vous suggérez que l'employé aussi ait des responsabilités. L'employeur en a de par la loi. Il a des obligations. L'employé, en retour, devrait aussi en avoir. Peut-être que le Dr Guillemette pourrait me répondre là-dessus. Est-ce qu'à l'heure actuelle on ne s'en va pas vers... On a reçu les médecins spécialistes. Il y avait des médecins de la pratique privée. Déjà, il y avait un conflit entre les deux et cela ressortait très bien. Finalement, personne ne s'entend pour savoir quand l'employé doit retourner au travail. Est-ce qu'on favorise plus une continuité des prestations ou si on ne met pas assez l'accent sur un retour accéléré au travail, peut-être avec des conditions un petit peu particulières, selon la blessure? On ne parle pas de blessures graves, mais minimes. De quelle façon voyez-vous cela?

M. Guillemette: La situation actuelle où on a des gens qui sont automatiquement invalides aussitôt qu'ils ont une lésion professionnelle, invalides à court terme, découle quand même d'une suite d'événements ou d'un état de choses qui n'a pas cessé de se détériorer avec le temps, dans le sens que les médecins dans la pratique privée ont souvent eu une expérience où, par exemple, ils auraient suggéré à leur patient de retourner au travail moyennant certaines conditions, et le tout n'a pas fonctionné. Il y a eu des malentendus administratifs pour en venir au point où c'est beaucoup plus simple, à ce moment-là, d'obtenir un arrêt de travail et le reste est beaucoup moins compliqué.

Je pense que le moment est peut-être venu de prévoir certains mécanismes pratiques, comme vous le dites, où on pourrait assurer un retour au travail rapide de la plupart des travailleurs victimes d'une lésion professionnelle bénigne. Ce serait concevable qu'un médecin traitant puisse définir certaines conditions de travail qui doivent être respectées en face d'une condition particulière et qui pourraient assurer en toute sécurité que le travailleur puisse reprendre son travail ou un travail approprié rapidement pour que l'impact négatif, dont il est fait mention dans le mémoire, sur le travailleur et sur sa condition particulière soit minimisé le plus possible.

Dans le mémoire, on fait allusion à des mécanismes qui sont déjà prévus dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, au chapitre du droit de refus, par exemple, où un travailleur qui présume, qui pense ou qui croit que des conditions de travail peuvent être préjudiciables à sa santé peut demander d'être réaffecté à un autre poste de travail. S'il y a désaccord, il y a tout un mécanisme de prévu, en passant par le représentant de la prévention, des rencontres avec l'employeur, appel à l'inspecteur de la commission, et des décisions se prennent rapidement à cet effet.

On a déjà une partie de ces mécanismes qui sont en place. Je pense que, s'il y avait... Je suis certain que la plupart des médecins verraient d'un bon oeil qu'on puisse enfin prendre leur opinion concernant l'invalidité d'un travailleur et qu'on puisse tenir compte de leurs recommandations à cet égard. Je pense que cela répond à votre question.

M. Maltais: D'accord. Vous nous dites aussi, à la page 5 de votre mémoire: "Pour qui a un peu d'expérience de la pratique médicale, c'est folie de croire que l'octroi d'une invalidité quelconque n'a aucun impact en soi sur la personnalité du travailleur." Est-ce que le système, à l'heure actuelle, n'a pas un peu tendance, avec un chèque, à persister à garder le travailleur malade un peu plus longtemps qu'il ne devrait l'être? C'est la question que vous posez à l'inverse.

M. Guillemette: C'est toute la question du conditionnement de l'individu à une situation, du conditionnement qui s'acquiert avec la perception concrète d'avantages immédiats, tangibles et qui conditionne un certain type de comportement vis-à-vis de ces gratifications. Le conditionnement n'est pas une vue de l'esprit; on a des techniques thérapeutiques en psychologie qui font appel à des techniques de conditionnement qui sont englobées sous le chapitre général des techniques "behaviorales" et qui font appel justement à une répétition de conséquences perceptibles par l'individu vis-à-vis de certains gestes qu'il pose. Sans que cela soit nécessairement volontaire et que cela soit voulu, je dirais même conscient, ce comportement risque de se développer à plus forte raison lorsqu'on associe un comportement basé sur la récuparation lente, basé sur une passivité vis-à-vis des traitements à une perte de la responsabilité de se présenter au travail le matin, à une perception d'attitudes vis-à-vis de son entourage qui ne sont pas habituelles dans son cas et qui sont associées à des conditions financières qui, souvent, vont augmenter au fur et à mesure de la complexité du cas ou de l'irrécupérabilité du cas en question, de sorte qu'on arrive en fin de compte, après quelque temps, à des cas qui sont, non pas des cas désespérés, c'est plus que cela; c'est fini, ces gens-là ne reviendront jamais sur le marché du travail.

M. Maltais: À la lecture de votre mémoire, du moins à la lecture de certaines

parties, on a l'impression que vous voulez nous dire - vous me corrigerez si je me trompe - qu'une fois que quelqu'un est embarqué dans le système, il est démotivé pour retourner au travail. La trop grande facilité, la trop grande sécurité qu'il y retrouve le démotive finalement; plus il en bénéficie longtemps, moins il a envie de retourner au travail. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire?

M. Guillemette: Je ne dis pas que c'est une question de sécurité... Il m'a toujours semblé, selon mon expérience sur le terrain, très paradoxal qu'un travailleur puisse se sentir en sécurité en recevant des prestations en vertu de la Loi sur les accidents du travail. Je me suis toujours demandé quel lien il fallait faire avec toute la question de la compensation en général. C'est assez surprenant et, lorsqu'on n'est pas dans cette situation-là, c'est assez incompréhensible. Quand on est dans cette situation, la seule explication est justement cet encouragement à un comportement comme tel. Il y a une insécurité, d'accord, mais l'insécurité est plus grande de retourner au travail parce qu'on a peut-être un sentiment de diminution de ses capacités personnelles; on voit cela comme une grosse montagne qu'on ne réussira jamais à franchir. À mon avis, un des remèdes préventifs pour éviter d'en arriver à des situations comme celle-là est de ne pas couper les liens entre le travailleur et son milieu de travail, la façon dont on le fait à l'heure actuelle. (17 h 15)

M. Maltais: Pourtant, M. Duchesne, dans la réalité quotidienne, nos bureaux de comté sont remplis de travailleurs en beau maudit contre le système parce que excusez l'expression - cela ne marche pas. Cela ne semble satisfaire personne. Finalement, vous nous dites, à la page 6, que vous n'êtes pas contre une réparation justifiée pour que le travailleur soit bien indemnisé et que vous n'ayez pas à subir trop de dommages là-dedans, mais, actuellement, on a l'impression que cela ne satisfait personne. Les travailleurs ne sont pas satisfaits. On n'a qu'à voir le nombre -et les autres députés peuvent le constater -il y a quand même beaucoup de cas d'accidents du travail qui se reflètent à nos bureaux. Les gars sont désespérés devant cette machine administrative et cela ne fait pas votre bonheur non plus, d'après ce que vous nous dites et vous nous le dites directement.

Finalement, cette... J'appellerais cela une loto, c'est presque une loto, finalement, cette histoire, cela ne satisfait personne dans le moment. Et d'après ce qu'on peut voir, dans les correctifs qui sont apportés, vous n'avez pas l'air à trouver que cela va régler le problème non plus, ni les travailleurs.

Dans vos recommandations, vous nous dites que ce serait peut-être préférable... Le principal problème, c'est le retour au travail à votre niveau et au niveau du travailleur, c'est son indemnité qu'il a de la difficulté à toucher, et il est renvoyé à gauche et à droite. Quelle serait, d'après vous, la solution idéale pour que, finalement, on ait un système dont tout le monde peut tirer son profit mais d'une façon équitable?

M. Duchesne: La solution idéale! M. Maltais: Oui.

M. Duchesne: Je pense que la solution idéale passe par un certain nombre de principes qu'on a de la difficulté à appliquer tous ensemble, c'est clair et net. Mais, si vous me permettez une traduction libre d'un vieux proverbe anglophone: Si, de toute évidence, cela ne fonctionne pas comme il faut, il ne suffit pas d'en faire plus dans la même direction, mais peut-être de changer un peu de direction.

On a parlé de la responsabilité de l'employeur d'assurer une juste compensation. Cette responsabilité existe déjà et va continuer d'exister, et on n'est certainement pas contre cela. Par contre, il faut intégrer aussi un degré de motivation pour l'employé à revenir au travail, en particulier pour tous ces cas bénins qui nous préoccupent et qui font le gros du problème.

S'il y a 150 000 cas et si on réussit à trouver une formule de motivation qui réduit la durée moyenne, qui est en dedans de quatorze jours, d'une journée, cela représente, pour l'ensemble de notre société, des réductions importantes. Si, en plus, notre motivation valorise le travailleur et, comme le docteur Guillemette vient de nous l'expliquer, intègre sa volonté de reparticiper à l'activité pour laquelle il est formé, on aura gagné sur tous les plans.

Le travailleur qui représente les autres cas, qui est impliqué nécessairement à long terme et qui a des incapacités permanentes est un cas un peu différent. Celui auquel on pense principalement, je pense bien, c'est celui qui va être réintégré dans le système; il faut le réintégrer le plus vite possible. C'est bon pour le travailleur, c'est bon pour l'employeur, c'est bon en somme pour tout le monde. C'est ce que le système actuel n'a pas tendance à faire parce qu'il met l'accidenté dans un cocon. Si vous voulez, le système idéal, c'est d'essayer de protéger le travailleur accidenté, d'accord, mais non pas de le placer dans un cocon et de l'isoler de tout ce qui se passe dans le reste de la société.

M. Maltais: Je voudrais peut-être revenir juste une petite minute sur la question de la franchise de cinq jours qui est

portée à quatorze jours. Honnêtement, pouvez-vous nous dire si c'est un peu vous qui aurez à payer la facture, quoiqu'il y ait une possibilité de remboursement? Est-ce que vous voyez là-dedans l'inefficacité de la boîte? On vous refile la patate chaude parce que ces dossiers, finalement, à la vitesse que cela va, il n'y a personne qui est satisfait. On vous retourne la patate et c'est vous autres qui allez être pris avec cela, parce que, semble-t-il, ces cas qui sont minimes causent une tracasserie épouvantable à la boîte et on va vous refiler cela de votre bord. Pour vous, cela ne vous causera-t-il pas la même tracasserie et des coûts additionnels? Est-ce que d'abord vous prévoyez des coûts additionnels là-dedans ou un prolongement, parce que là, c'était cinq jours? Maintenant, si cela va jusqu'à quatorze jours, est-ce que la moindre petite égratignure ne voudra pas dire automatiquement quatorze jours? Pour vous, c'est quoi?

M. Duchesne: II y a certainement une tendance de ce côté-là. M. Tremblay.

M. Tremblay (Laurent): C'est un genre d'épée de Damoclès. Quels peuvent être les résultats? C'est extrêmement difficile à extrapoler. Une chose qu'on peut mentionner, c'est que, si on se base sur l'expérience des cinq jours, on s'attend que la même tendance se poursuive avec les quatorze jours. Est-ce que cela va être dans les mêmes proportions? Personne ne le sait. Si je me réfère, par exemple, à un document ou une étude qui a été faite au niveau de la CSST, je pourrais peut-être seulement vous lire ce qui a été fait pas très longtemps après que les cinq jours ont commencé à être payés par l'employeur. Donc, c'est très significatif comme rapport. Si je regarde le dernier paragraphe de ce rapport, on mentionnait ceci: "Maintenant, si l'employeur devait payer les dix premiers jours ouvrables, nous croyons que la proportion de cas de durée entre six et dix jours ne se modifierait pas puisque, pour ces cas, la gravité est plus importante, amenant déjà un contrôle plus étroit de la part des employeurs. Ce qui risque de se produire, c'est un déplacement temporaire des durées de huit ou neuf jours vers des durées de dix jours, mais nous estimons que l'expérience jugera mieux cette affirmation."

M. Maltais: M. le Président, il nous reste quelque sept ou huit minutes.

J'aimerais passer la parole à mon collègue de Louis-Hébert qui aurait des questions à poser. Cela complétera le temps. Quant à moi, je remercie beaucoup les membres de l'association. Merci.

Le Président (M. Paré): M. le député de

Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans son mémoire, l'Association des industries forestières donne plusieurs exemples de faiblesses de rédaction législative. Je pense qu'ils étaient fort à propos et j'en veux pour exemple ce que vous citez à la page 15, entre autres choses, où la définition qui est donnée des lésions professionnelles est très spéciale. Quand on fait abstraction des "ou" et qu'on lit la définition qui est là, on en viendrait très facilement à dire, en prenant les mots qui sont là, qu'une lésion professionnelle est une maladie qui survient par suite d'une maladie professionnelle. C'est finalement ce que cela dit: une lésion professionnelle est une maladie qui survient à la suite d'une maladie professionnelle. On vient de faire le tour de la boucle et on n'est pas plus avancé. On n'a rien défini du tout. On a répété les mêmes mots. Je pense que c'est là une lacune importante de ce projet de loi. Vous soulevez plusieurs cas semblables qui vous inquiètent et vous vous demandez si justement, par le fait de l'imprécision de la rédaction législative, on n'en viendra pas à avoir une sorte de loi parallèle qui prendra la forme d'un vide administratif qui sera, finalement, la substantifique moelle de ce qui sera vécu dans le quotidien par les entreprises ou par les employeurs. C'est un commentaire que je voulais faire en passant et je pense que c'est extrêmement important puisque nous sommes ici pour étudier un projet de loi et que des gens qui, quotidiennement, ont à vivre des situations concrètes attirent l'attention du ministre sur des incongruités semblables. La citation que je viens de faire en est un exemple patent. C'est une faiblesse remarquable au niveau du projet de loi, au niveau de la rédaction législative, en tout cas.

Tout à l'heure, on évoquait - et j'aimerais peut-être avoir votre opinion là-dessus - cette tendance qui pouvait se développer d'une dépendance des travailleurs ou des employés vis-à-vis d'un système qui privilégiait, jusqu'à un certain point, des prestations salariales, en tout cas des indemnités quelconques, sans contrepartie de travail. Je me demandais si vous aviez réfléchi au fait que, pour les travailleurs et pour les employés, il s'agissait peut-être là, finalement, jusqu'à un certain point, d'une réaction à ce qui se passe ailleurs dans leur entourage. Ce que je veux dire, c'est que les employés, les travailleurs et les travailleuses, sont conscients, par les temps qu'on vit, que beaucoup de personnes profitent de l'assistance sociale, de l'assurance-chômage, etc., et s'aperçoivent qu'une proportion grandissante de notre population réussit à se tirer d'affaires, à vivre sans prestations de travail.

Est-ce que vous avez senti qu'il n'y avait pas une réaction semblable, à savoir: Pourquoi moi, un employé de telle compagnie, dois-je me lever à 6 heures pour travailler et le faire jour après jour, semaine après semaine, alors qu'il y a au Canada une proportion - dans la province de Québec, c'est particulièrement criant - importante de personnes qui réussissent à se tirer d'affaires sans avoir à faire un travail régulier, rémunérateur, un travail qui les oblige à des efforts? Est-ce que l'augmentation de personnes bénéficiaires de prestations d'assurance-chômage ou d'assistance sociale n'a pas un effet générateur sur la partie de notre population qui est travaillante, qui a un emploi régulier et qui se dit: Ne suis-je pas dans tout cela, moi Untel, moi Unetelle, le dindon de la farce? Il y a telle personne et telle proportion de la population qui réussit, comme je le disais, à vivre sans travailler. N'est-ce pas l'éthique du travail qui est remise en question, jusqu'à un certain point?

Est-ce que vous avez pu - je ne sais pas - prendre note d'une certaine relation entre l'évolution de la situation du chômage, le nombre grandissant de personnes bénéficiaires de l'aide sociale et une situation, comme je le disais, où des employés se demandent s'ils ne sont pas en train de faire ce qui, normalement, devrait être normal, mais qui, vu d'un certain angle, peut être considéré - jusqu'à un certain point, avec toutes les réserves possibles -comme exceptionnel ou pas absolument nécessaire? Est-ce que vous avez des réflexions sur ce sujet? Ce n'est pas une analyse proprement dite, mais c'est à se demander si notre société ne nous pousse pas à au moins envisager ce genre de choses. J'aimerais connaître votre réaction là-dessus.

M. Duchesne: C'est une réflexion, M. Doyon, que j'ai peut-être déjà faite, mais, en tout cas... M. Hamel peut faire des commentaires à ce sujet.

M. Hamel (Denis): Comme réflexion, je pense que je peux quand même vous donner un point de vue qui se rapproche assez bien de ce qui se passe dans nos installations, dans des usines, parce que je l'ai vécu encore récemment dans la pratique.

Ce que vous dites sur les abus qui existent dans les systèmes, que ce soit l'assistance sociale, que ce soit l'assurance-chômage, que ce soit la CSST - je donne un point de vue; c'est ma réflexion - c'est un fait qu'il y a des abus. Je crois que les abus demeurent quand même des exceptions à l'intérieur de chacun de ces sytèmes. Malheureusement, les abus, tels qu'ils existent, font que, pour certaines personnes qui sont en chômage, le fait de ramasser des prestations d'assurance-chômage, cela devient gênant, tout comme cela devient gênant pour ceux qui doivent ramasser les prestations de la CSST et pour ceux qui doivent bénéficier de l'aide sociale. Ces derniers préfèrent l'éviter, parce que, de réputation, c'est malheureusement reconnu comme étant un milieu où, effectivement, il y a des abus.

Cela m'amène justement au point de vue exprimé au départ sur ce qu'on appelle la réintégration des employés ou des personnes blessées dans le milieu, à tel point que cela devient un problème psychosocial. Effectivement, on retrouve certains de nos employés pris dans le système, dans l'engrenage, qui sont des personnes avec de très bonnes intentions et qui, à la suite d'une lésion, à la suite d'une blessure, se retrouvent en convalescence pendant un certain temps, mais doivent attendre des décisions pour leur permettre... Je dis bien pour leur permettre, parce qu'ils sont pris dans un système et ils ne peuvent pas vraiment revenir facilement d'eux-mêmes; dans certains cas, ils doivent faire des pressions pour reprendre le lien qu'ils avaient au départ avec l'employeur, c'est-à-dire rentrer au travail. (17 h 30)

Justement, le problème commence au moment de la blessure, si vraiment il y a une blessure ou un accident, alors que le système oblige pratiquement une séparation entre l'employeur et l'employé. On part un peu trop facilement, je pense, avec la notion que l'employeur abuse de l'employé. Je dois vous dire qu'il y a énormément de protection dans le milieu du travail et, habituellement, on favorise la réhabilitation, la réintégration dans le milieu du travail le plus rapidement possible. Malheureusement, lorsque la blessure ou l'accident se produit, le système ou les circonstances veulent généralement qu'on exécute cette séparation et il n'est pas possible à l'employeur d'offrir à l'employé de rester au travail et d'avoir une autre occupation, même au point de lui offrir le même salaire si l'emploi qu'on lui offre est moins rémunérateur. Le système ne permet pas cela. Le pauvre gars doit s'en aller chez lui. Il pourrait normalement être absent deux, trois ou quatre jours et, finalement, à cause de la consultation de son médecin traitant ou à cause du système qui empêche justement une vérification par l'employeur ou son représentant médical, il devient pratiquement impossible d'offrir à ce gars l'occasion de revenir dans le milieu et d'occuper un poste qui serait approprié à sa condition afin d'accélérer sa réhabilitation.

Le problème débute à ce moment-là et des abus sont faits facilement par certains individus qui en profitent. La prestation est donnée et cela devient de plus en plus intéressant, le temps s'y prêtant ou d'autres facteurs faisant que cela convient très bien de profiter d'un prolongement. Il y a

carrément des abus. Cela occasionne cependant une distinction entre cet individu ou les quelques cas d'abus dans leur propre milieu de travail face à leurs collègues qui, effectivement, les visent, leur reprochent ces abus ou d'exagérer dans cette situation. D'autre part, des pressions sont également exercées, soit par les représentants syndicaux, soit par certains de ses collègues qui font des abus, sur celui qui a eu une blessure et qui lui disent de sortir et de faire de la place aux autres, de quitter le milieu du travail. Il est extrêmement difficile pour nous de le ramener au travail à ce moment-là et de lui offrir une occupation, parce qu'on en offre régulièrement à ceux qui sont blessés.

Là, on arrive évidemment en face de ce qu'on appelle le problème d'interprétation de ce qu'est une réparation honorable, alors qu'on offre une réadaptation sociale avec des abus absolument flagrants. Je pourrais vous citer le cas particulier d'un électricien nouvellement arrivé dans une entreprise qui a été blessé à deux reprises, qui a eu deux accidents dans peu de temps, dans moins de deux ans. Ses collègues électriciens refusaient de travailler avec lui, parce qu'il était devenu dangereux, alors que les électriciens ont une discipline et qu'il y a des précautions à prendre. On a voulu offrir au type de revenir au travail dans un autre milieu, mais la réadaptation sociale offerte à la CSST lui permettait d'aller prendre un cours à l'université de deux ou trois ans, payé par la CSST et éventuellement payé par l'employeur. Ce genre de situation existe. Je croyais que c'était une exception à la règle et que c'était un abus particulier, mais on m'a dit que c'était assez fréquent.

Le problème, c'est de savoir comment l'individu lui-même se retrouve dans son milieu. Je pense qu'à la longue, il va se faire pointer du doigt. C'est malheureux que cela se produise, mais l'occasion lui a été offerte à lui, comme cela est offert régulièrement dans tous les cas de blessures, de revenir rapidement au travail. Il faut que l'employeur ait un droit de regard sur la condition exacte du gars et qu'il lui donne l'occasion de revenir souvent près de l'usine, près de son milieu de travail pour voir si on n'aurait pas quelque chose à lui offrir, mais le système ne permet pas cela, et c'est bien malheureux.

M. Doyon: Cette péoccupation que vous avez de garder le contact avec l'employé qui a été victime d'une blessure ou d'une lésion, de façon qu'il n'y ait pas de brisure totale dans sa vie professionnelle entre le moment où il était employé à temps plein et le moment où, étant victime d'un accident ou d'une maladie quelconque, il doit quitter l'usine totalement, ce que je crois comprendre de vos propos, c'est que vous préconiseriez des moyens qui permettraient d'éviter que l'employé ne soit exclu totalement de l'usine ou de son milieu de travail pendant une période trop longue, en tout cas de minimiser cette période quitte à ce qu'il puisse accomplir des tâches plus légères ou d'autre nature, de façon qu'il puisse justement garder ce contact.

Est-ce que, dans le projet de loi que nous étudions, vous voyez de quelque façon que ce soit la réalisation, la concrétisation d'intentions semblables ou d'une volonté semblable? Le système, dans ce sens, se perpétue avec le projet de loi 42 que nous sommes en train d'étudier. Il n'y a pas le changement de direction dont pouvait parler tout à l'heure M. Duchesne, parce que cela me paraît être un changement de direction. Ce n'est pas, le moins qu'on puisse dire, apparent dans le projet de loi 42. Est-ce que j'interprète vos propos correctement?

M. Hamel: On ne voit aucune amélioration dans le projet en question dans le sens de faciliter le retour au travail dans les conditions les plus expresses possible.

M. Doyon: II semble ressortir de vos propos que les accidents du travail ou les maladies professionnelles ont une double dimension. Tout d'abord, il y a le traumatisme lui-même qui est mesurable et qui est quantifiable et que des spécialistes comme le Dr Guillemette ou d'autres spécialistes peuvent évaluer. Il y a aussi le côté plus difficilement quantifiable de la situation personnelle, psychologique de l'individu qui se voit, du jour au lendemain, dans une situation où il reçoit un revenu et ne donne pas la contrepartie normale, ce qu'il a toujours fait, la contrepartie du travail. C'est de ce côté, j'imagine, qu'il y aurait possiblement des améliorations considérables à apporter et ce que vous nous dites, actuellement, c'est qu'on ne voit pas ces améliorations dans le projet de loi 42. Est-ce exact?

M. Hamel: On ne les voit pas et justement il serait bon parfois de retenir ce qui se fait ailleurs. Je pense qu'en Ontario, en particulier, si on parle du maintien de l'employé au travail qui a été blessé légèrement, l'occasion se présente beaucoup plus facilement de lui offrir un travail léger ou un travail approprié qui faciliterait sa réhabilitation. Cela ne se présente pas actuellement ici. Même si, dans les textes de loi ou dans les règlements, il semble que cela puisse exister, il est largement acquis que l'employé n'est pas obligé d'accepter un autre travail alors que la plupart des employeurs seraient disposés à lui en offrir un autre, sachant très bien que son élimination du milieu, si elle doit durer, d'apparence peut-être... Si elle risquait d'être

de deux ou trois jours, c'est facile de lui offrir un travail de quelques journées, tandis que, s'il devait partir pour deux ou trois jours, il y a des bonnes chances qu'il soit parti pour deux semaines et deux mois. On préfère le garder sur place.

M. Doyon: Est-ce que, dans votre domaine, le domaine des industries forestières, cette possibilité d'offrir un autre genre de travail plus léger, plus adéquat, vu les limitations qui peuvent suivre la maladie ou qui peuvent suivre la blessure, est-ce que, règle générale, ces possibilités seraient au moins disponibles chez vous? Est-ce qu'il y aurait des ouvertures, est-ce qu'on pourrait satisfaire aux besoins qui seraient créés d'intégrer quelqu'un pendant deux semaines, trois semaines, peut-être un mois dans une tâche différente plus facile, plus légère? Est-ce que ces possibilités sont existantes dans l'industrie forestière en particulier?

M. Hamel: Cela se fait déjà dans bien des cas, en pratique. Selon les circonstances, certains employés pourront choisir de ne pas le faire ou même on voit des différences dans deux usines d'une même région, d'une même entreprise ou de plusieurs entreprises, où les circonstances, soit à cause de comportement du syndicat à l'égard de situations comme celle-là ou à cause d'autres facteurs, vont obliger ou du moins mettre une pression sur l'individu pour qu'il quitte le milieu du travail. Des fois, cela peut être un défaut de direction locale ou encore une accessibilité trop facile aux bureaux de la CSST pour présenter un cas. Je pense que la règle devrait être beaucoup plus générale et on devrait la rendre beaucoup plus facile, en se basant sur l'expérience vécue, sur des cas où cela a réussi, afin d'éviter justement que les gens, que les employés quittent trop facilement le milieu et qu'ils soient très difficiles à récupérer par la suite.

M. Doyon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Je serai très bref. Premièrement, j'aimerais vous remercier de la clarté de votre mémoire. Beaucoup d'intervenants nous ont dit que le projet de loi était confus, mais personne ne l'a démontré de la façon que vous le faites, et je vous en félicite. Sur ce, j'ai une question qui touche plutôt les annexes, les statistiques que vous avez déposées. Les statistiques m'intéressent toujours, parce que, vous savez, selon leur source, on peut leur faire dire beaucoup de choses. On a été inondé de statistiques de la part de la CSST. À l'étude des crédits, on ne manque pas de parler de ces statistiques, mais on a beaucoup de difficulté à comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. J'aimerais vous poser la question suivante. Si je comprends bien, à la première page, vous parlez des usines de pâtes et papiers dans l'ensemble. Vous donnez le nombre approximatif d'heures travaillées. C'est très précis. Vous donnez des cas médicaux de pertes de jours de 0 à 5; dans la dernière colonne, vous allez à 6 jours et plus. Ce que j'aimerais savoir, c'est s'il y a une distinction faite chez vous entre ce qui est considéré comme un accident grave qui laisse une lésion, une incapacité permanente, et un accident qui ne laisse pas d'incapacité. Quel est le pourcentage des accidents qui laissent une incapacité permanente par rapport aux accidents qui n'en laissent pas? On a toujours l'impression, selon qu'on entend les accidentés qui nous disent qu'ils sont maltraités et ils nous donnent des statistiques... Du côté des patrons, on dit que les accidents ne sont pas très graves. Mais y a-t-il moyen de préciser cela quelque part?

M. Duchesne: M. Cusano, dans les documents qui ont été publiés dernièrement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, les statistiques sur les lésions professionnelles de 1978 à 1982 et que nous avons aussi soumis dans le mémoire 33MA, on retrouve quelques chiffres pour répondre à cette question.

M. Cusano: Oui, j'ai pris connaissance de ces chiffres. Ma deuxième question serait... Ces chiffres sont fournis par la CSST. Est-ce que vous êtes d'accord avec les chiffres qui sont là?

M. Duchesne: Tout ce que je peux vous répondre là-dessus, M. le député, c'est qu'il y a une façon de déterminer l'incapacité qui est basée sur un système de points avec lequel je ne suis malheureusement pas plus familier qu'il ne faut. Il semble qu'il n'y ait pas de grandes variantes entre différents secteurs qui sont réputés être plus ou moins dangereux à ce point de vue. Par contre, on ne dispose pas de mécanismes qui permettraient de vérifier ces chiffres de la commission qui nous sont parvenus, de toute façon, fort récemment et on serait bien mal placé pour vous dire si, oui ou non, on considère ces chiffres comme conformes à la réalité pour le moment. Pour répondre à la question que vous venez de poser, c'est la seule statistique dont on dispose pour l'instant.

M. Cusano: Est-ce qu'il y aurait moyen de votre part de prendre un peu de temps dans les prochains jours pour vérifier ces statistiques? Nous n'avons pas les moyens de vraiment les vérifier. Il faut qu'on les prenne

telles quelles. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ces chiffres viennent d'un peu partout et de façon très désordonnée. On aimerait savoir précisément si ces chiffres sont réels d'après votre évaluation. Je sais qu'il n'y a personne qui a la vérité absolue dans cela, mais, selon vos statistiques, j'aimerais bien savoir s'il y a une concordance entre le document de la CSST et la réalité.

M. Duchesne: On parle sûrement d'un petit pourcentage des accidents rapportés, si vous voulez. Alors, a priori, cela ne serait pas impossible que cela soit une réponse qui soit dans l'ordre de grandeur. Vous connaissez les difficultés statistiques quand on parle de petits pourcentages. C'est d'autant plus difficile à évaluer statistiquement. Je vais demander si c'est possible de faire quelque chose en ce sens. Si cela est possible, effectivement, on vous transmettra notre opinion sur cela. (17 h 45)

M. Cusano: Par contre, si je regarde, lorsqu'on parle ici, dans le document... Si je fais la comparaison entre le document de la CSST et votre document, lorsqu'on parle des accidents entre un et cinq jours, il ne semble pas y avoir de concordance. C'est pour cela que je voudrais que cela soit vérifié. En tout cas, on ne s'attardera pas sur ces chiffres.

L'autre commentaire que je voulais faire, ce n'est pas une question. Dans votre mémoire, vous dites très précisément que, lorsque quelqu'un doit payer la facture, il doit certainement en connaître le contenu. Je ne sais pas si vous nous avez suivi ce matin, mais vous avez une autre facture additionnelle à payer en tant que contribuable à la CSST et c'est la poursuite contre M. Harguindeguy. Connaissant les frais des avocats, vous devez vous attendre certainement à une augmentation de vos contributions. Je me demande... Oui cela inquiète le député. Il trouve cela bien drôle, lui. Il y a des fois qu'il a trouvé cela drôle auparavant et, après cela, il a été obligé de retirer ses paroles.

Une voix: II protège les travailleurs.

M. Cusano: C'est le seul commentaire que je voulais faire parce qu'il y a plusieurs employeurs qui n'étaient même pas au courant du fait que, justement, des fonds de la CSST, vos fonds, soient employés pour de telles choses.

Ceci m'amène à une autre question. Vous l'avez traitée dans votre mémoire et j'aimerais avoir un peu plus de précision. Lorsqu'on parle des erreurs administratives de la CSST, tout le monde est un peu d'accord que le travailleur qui n'est pas coupable des erreurs administratives de la

CSST ne peut pas être pénalisé. D'un autre côté, on ne peut pas pénaliser les employeurs parce qu'en dernier lieu vous n'avez aucun contrôle sur le fonctionnement de la CSST. D'après vous, est-ce que ces coûts devraient être imputés au fonds général de la province?

M. Duchesne: M. le député, nous avons, lors de la commission sur l'administration de la CSST à laquelle, si je me souviens bien, vous avez aussi participé, discuté un peu de ce problème-là, le problème du fonds général d'administration qui couvre tout ce dont vous venez de parler et celui d'une absence de clarté de la part de l'employeur. On ne sait pas exactement comment ces fonds sont dépensés. On avait dit, à ce moment-là, qu'on aimerait bien le savoir.

Effectivement, dès le moment où cela dépasse les questions de réparation après accident, il nous apparaît que cela sort du domaine strict de l'employeur. Si je ne m'abuse, le Conseil du patronat a réclamé une contribution de la part des employés pour tenir compte de cas comme celui-là et d'autres. Alors, on souscrit à cette opinion.

M. Cusano: Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Cela complète? Donc, MM. les représentants de l'Association des industries forestières du Québec, nous vous remercions de la présentation de votre mémoire et aussi du temps consacré aux réponses, aux questions et aux commentaires.

J'aimerais rappeler qu'à partir de 20 heures ce soir nous recevrons dans l'ordre la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée et ensuite les représentants de la ville de Montréal. Donc, les travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise de la séance à 20 h 12)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente du travail reprend ses travaux en vue d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42.

Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano (Viau), Laplante (Bourassa), Fréchette (Sherbrooke), Vaugeois (Trois-Rivières), Champagne (Mille-Îles), Lavigne (Beauharnois), Maltais (Saguenay), Proulx (Saint-Jean), Polak (Sainte-Anne), Doyon (Louis-Hébert), Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont: MM. Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon).

Nous en sommes maintenant à entendre le mémoire présenté par la Société

d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée. Nous vous souhaitons la bienvenue et je demanderais au porte-parole de s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

M. Doyon: M. le Président, je ne sais pas si le ministre a une déclaration à nous faire sur ce qu'on avait réclamé.

Le Président (M. Paré): M. le ministre.

Poursuites contre le président du SFPQ

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Vous allez vous souvenir que, ce matin, autant le député de Louis-Hébert que le député de Viau m'ont posé une question très précise. Le député de Viau est revenu à la charge cet après-midi avec la même question. C'est la suivante: Qui a autorisé des procédures judiciaires civiles contre le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec? Quand la question m'a été reposée cet après-midi, M. le Président, j'ai signalé à cette commission que, effectivement, ce soir à 20 heures, je répondrais à la question qui m'a été soumise.

Seulement une remarque préliminaire, M. le Président. Je veux vous signaler qu'il existe un règlement de régie interne de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est un règlement de régie interne qui a été discuté et adopté par le conseil d'administration et qui a, par la suite, été soumis au Conseil des ministres pour approbation. Ce règlement a effectivement été adopté tel que le conseil d'administration l'avait lui-même adopté le 7 juillet 1982. C'est le décret 1687-82. À l'article 28 de ce règlement, qui décrit le rôle et les pouvoirs du président-directeur général, on retrouve, à l'intérieur de l'énumération des pouvoirs, la disposition qui suit: "Le président-directeur général est le responsable de l'administration courante de la commission et de la direction de ses activités et, à cet effet, il approuve les politiques concernant les mandats judiciaires". Or, M. le Président, à la question très précise de mes collègues de l'Opposition, je veux leur signaler que c'est effectivement le président-directeur général qui a autorisé la poursuite judiciaire, le tout conformément au règlement dont je viens de parler et conformément aux pouvoirs que ce même règlement lui accorde.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je remercie le ministre même si, comme d'habitude, il a une tendance à être toujours en retard avec ses réponses. Cela me tracasse. M. le député de Valleyfield ou d'Arthabaska, vous pouvez écouter.

M. Baril (Arthabaska): Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): Le député de Viau insinue toutes sortes de choses. C'est encore mieux que le ministre soit exactement cinq ou six heures en retard que de ne pas avoir de réponse du tout.

M. Cusano: C'est cela. Mieux vaut tard que jamais.

Le Président (M. Paré): À l'ordre! À l'ordre!

M. Doyon: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, pourrais-je avoir une directive de votre part? S'agit-il là d'une question de règlement?

Le Président (M. Paré): II ne s'agit pas d'une question de règlement et la parole est maintenant au député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci. Je comprends que le document de régie interne de la CSST dit, à l'article 28, que le président-directeur général est responsable des services judiciaires. Ce n'est pas tout à fait cela qui est contesté ici. En ce qui nous concerne, M. le Président et M. le ministre, encore une fois, on remarque, on constate que l'honorable juge Sauvé se donne des pouvoirs excessifs et abusifs, car, même si c'est dans son droit de s'occuper du département judiciaire dont il est responsable, il y a des dangers à un tel précédent envers une commission parlementaire qui siège pour écouter des intervenants de façon très libre. On essaie ici, d'un côté ou de l'autre, de mettre ces personnes à l'aise pour qu'elles puissent nous dire quelles sont leurs préoccupations. On voit, encore une fois, le président-directeur général de la CSST abuser de son pouvoir par ses menaces envers les gens, M. le Président. C'est totalement inacceptable. C'est tout le processus d'une commission parlementaire qui est mis en jeu ici et je peux vous assurer, pour ma part, que cela ne se terminera pas là en tant que nous sommes concernés. Nous avons des témoins à entendre et ils sont ici,

présentement, avec cette épée de Damoclès: M. Sauvé pourrait juger, n'importe quand, d'intenter des procédures contre quelqu'un. C'est totalement inacceptable. Je demanderais au ministre de demander au juge Sauvé d'être un peu plus responsable dans ses actions. C'est tout l'enjeu parlementaire qui est en question.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Nous venons d'entendre, de la bouche du ministre, la confirmation de nos soupçons en ce qui concerne cette action judiciaire. J'avais l'intime conviction que cette poursuite judiciaire n'avait pas été intentée à la suite des discussions, en bonne et due forme, par le conseil d'administration de la CSST. C'était là un comportement qui était beaucoup plus compatible avec celui auquel nous a habitués le juge Sauvé: de l'intimidation, des menaces, le bâillon et l'autocratie.

Ce que je veux souligner ici, c'est qu'il est inadmissible non seulement que le président-directeur général de la CSST agisse ainsi à l'intérieur de sa boîte administrative - nous avons dénoncé cela et nous allons continuer de le dénoncer - mais qu'il en soit rendu, M. le Président, à intervenir dans les débats de cette commission parlementaire d'une façon indirecte, par le biais de poursuites judiciaires contre des personnes qui ont, à votre invitation, M. le ministre, comparu ici et qui, de bonne foi, ont cru qu'elles pouvaient s'ouvrir à vous pour vous mettre au courant de pratiques administratives en tant que la personne la plus hautement placée à l'intérieur du ministère, le ministre responsable de la CSST, ceci afin de vous éclairer dans les actions que vous deviez prendre pour corriger certaines situations.

Devant quoi se retrouvent-elles, aujourd'hui? Devant une poursuite de 300 000 $ contre un individu, M. Jean-Louis Harguindeguy, président d'un syndicat de 30 000 à 35 000 membres qui sont des fonctionnaires et qui sont les collaborateurs principaux du gouvernement du Québec. Comment voulez-vous que la machine fonctionne quand on poursuit ses propres employés, qu'on les traîne devant les tribunaux parce qu'ils ont, tout simplement, voulu agiter le drapeau rouge devant le plus haut responsable, qui est le ministre en l'occurrence? C'est une situation totalement inacceptable pour les employés de la CSST et totalement inacceptable pour les parlementaires que nous sommes autour de cette table.

Il ne sera pas dit qu'impunément on intimidera par personne interposée les membres de cette commission parlementaire, parce que ce qu'on est en train de faire, c'est nous empêcher de connaître la véritable situation à la CSST. Si les gens se présentent devant cette commission avec le risque d'avoir des poursuites de 300 000 $ sur les épaules le lendemain matin, on est aussi bien de fermer boutique tout de suite. On a entendu ce qu'on devait entendre et le reste n'a plus d'importance si on n'a pas l'assurance que les gens peuvent s'ouvrir aux parlementaires et que le ministre est prêt à prendre des mesures précises. Est-ce que le ministre, oui ou non, dispose d'une autorité sur la CSST? Est-ce que c'est lui, le responsable pour le gouvernement du Québec, devant l'Assemblée nationale, d'empêcher que des choses semblables ne se produisent? Si c'est lui, il se doit d'agir immédiatement. J'aimerais l'entendre prendre un engagement formel qu'il va donner ordre au président-directeur général de la CSST de retirer cette poursuite qui n'a pas sa raison d'être.

Les journaux nous apprennent le but de la poursuite, et c'est très révélateur. Quel est le but de la poursuite? C'est de refaire, de rebâtir - c'est dans la poursuite elle-même - l'image de la CSST. Le juge Sauvé n'a pas de mandat pour refaire l'image. II a, tout simplement, à appliquer une loi, à respecter la loi et à se conformer à la loi. Il n'a pas à intimider qui que ce soit. Ses actions sont totalement inadmissibles et méritent d'être dénoncées avec la dernière vigueur, M. le Président. Je dois m'étonner que le ministre prenne cela aussi mollo, parce que c'est très important, c'est très sérieux, ce qui se produit ici. On devrait savoir de la part du ministre s'il est d'accord ou non pour que des poursuites soient intentées contre des témoins, des intervenants qui se présentent devant la commission, qui disent les choses telles qu'ils les voient, telles qu'ils les vivent, au moyen de témoignages de personnes qui travaillent dans ce milieu. Si on veut empêcher la vérité de sortir, on peut le faire pendant un certain temps, mais on ne peut pas le faire indéfiniment et le prix à payer pour des actions semblables est extrêmement élevé.

Je pense que le ministre aurait tout avantage, dans les meilleurs délais, à se dissocier totalement de cela et à exercer son autorité en ce qui concerne cette question. Le conseil d'administration n'a pas été à même d'étudier cette question. Le ministre dit qu'il n'a pas été consulté là-dessus. Cependant, le ministre était présent quand les événements qui donnèrent lieu à la poursuite se sont produits; il doit avoir son idée là-dessus. Il doit se demander si, justement, cette action est justifiée et si, finalement, l'image que veut protéger le juge Sauvé au moyen de cette action judiciaire ne sera pas beaucoup plus endommagée par les

tentatives qu'il est en train de faire de camouflage, d'intimidation afin d'empêcher les gens de dire ce qu'ils pensent quand ils sont invités, justement, à donner leur opinion et à se faire entendre. Le ministre ne peut pas laisser passer cette chose. Il doit intervenir rapidement. Il nous confirme aujourd'hui que le juge Sauvé a pris cette décision lui-même en vertu des pouvoirs qu'on pourrait discuter parce que, selon l'article 28n le directeur général approuve, d'après ce que j'ai compris, M. le ministre, la politique concernant les procédures judiciaires. Nous n'en sommes pas à une question d'établissement de politiques générales sur la façon dont on procède pour prendre des procédures judiciaires. C'est cela, le pouvoir qu'il obtient par l'arrêté en conseil que vous avez mentionné, adopté le 7 juillet 1982.

Ce qu'il fait, c'est qu'il este en justice, qu'il intente une procédure judiciaire dans un cas très précis et je ne suis pas sûr - je n'ai pas le texte devant les yeux - que ce soit là le pouvoir qui lui est confié par l'article 28n. Peu importe, le fait demeure que cette action du juge Sauvé a été prise d'une façon individuelle, a été prise comme s'il avait le mandat général d'agir au nom du conseil d'administration sans consultation. Surtout, elle a été prise à un moment et d'une façon qui est de nature à faire douter les parlementaires et toute la population que nous ayons toute la vérité, que nous ayons le portrait complet de la situation en ce qui concerne toute la question des accidents du travail et des activités de la CSST en particulier.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: D'abord, je voudrais m'excuser auprès des représentants de l'Alcan de ce petit intermezzo, mais, pour nous, c'est une question de principe. J'ai posé la question, ce matin, au ministre pour savoir qui avait autorisé cette poursuite de 300 000 $ au civil et je dois féliciter le ministre qui a travaillé pour nous donner la réponse. Et là, il nous dit que le règlement interne de la commission, du 7 juillet 1982, en vertu de l'article 28, autorise le président-directeur général à intenter des poursuites. Cela est dans le cours ordinaire des affaires. C'est bien normal que le président soit autorisé, à prendre des poursuites pour recouvrer des sommes dues en vertu des accidents, etc., dans le cours normal des affaires. Mais, jamais cela n'a été prévu que, si un groupe vient témoigner devant nous, critique la commission et dit que la commission pratique ou est équipée pour pratiquer l'écoute électronique, cela autorise le président-directeur général, M. Sauvé, à prendre des poursuites. Je ne crois pas cela. Ce n'est pas cela du tout. Je n'ai pas vu le texte de l'article 28 devant moi, mais c'est dans le cours ordinaire des affaires de la CSST. Ici, c'est une affaire extraordinaire.

Je vois ici le vice-président, M. Bernier, le représentant de... Comment s'appelle-t-il?

Une voix: M. Sauvé.

M. Polak: M. Sauvé. On en parle tellement que ma tête est bloquée. Quand on pense à quelqu'un tout le temps, on oublie son nom, savez-vous. M. le Président, son représentant est ici. C'est comme je le pensais ce matin quand j'ai posé la question. J'aimerais bien savoir, M. le Président - et le ministre est d'accord avec moi - si ceux qui sont au conseil d'administration, M. Laberge et tous les représentants syndicaux, les représentants du patronat qui sont au conseil, auraient autorisé une telle poursuite. Je pense vraiment que cela devient une lutte de pouvoir entre M. Sauvé et le ministre. M. le ministre, c'est à vous, qui êtes le ministre responsable, de dire: M. Sauvé, assez c'est assez! Ne vous cachez pas derrière l'article 28. Allez chercher votre mandat au bureau d'administration et vous ne serez jamais capable de l'obtenir, j'en suis convaincu. Je pense que c'est votre obligation de lui dire: Nous, nous sommes des hommes politiques qui ont des choses à dire! On parle aux administrateurs et on dit: Assez, c'est assez. Vous autres, vous n'êtes pas le roi de tout le royaume pour décider, avec l'argent des employeurs parce que ce sont eux qui financent tout cela, d'intenter des poursuites de 300 000 $. C'est incroyable.

Donc, le soupçon qu'on avait ce matin a été confirmé: c'est un homme qui a décidé d'intenter cette poursuite, c'est le président-directeur général. Il se prend pour un autre. Il pense qu'il est au-dessus de vous. Qu'il se croie au-dessus de nous, je le comprends, c'est un péquiste. C'est son droit. Qu'il pense qu'il est au-dessus des libéraux, c'est son droit. Mais qu'il pense qu'il est au-dessus du ministre, il y a une limite. Il y a un ministre en vertu de la loi qui est responsable qui va lui dire: M. Sauvé, c'est moi le ministre et vous êtes le "civil servant". C'est moi le "boss" et pas vous. Je pense que c'est au ministre de le rappeler à l'ordre et de lui dire: Arrêtez cette poursuite, allez chercher une autorisation de votre bureau d'administration, si vous êtes capable de l'obtenir. Je parle en même temps à son petit servant qui est ici aujourd'hui, le vice-président. J'admire beaucoup M. Bernier. C'est un homme bien gentil. Mais il faut qu'il aille porter le message à son "boss": Assez, c'est assez!

Nous sommes les représentants de la population. On ne veut plus rien savoir de cela. Comprenez-vous? Fini, cela. Arrêtez cette poursuite. Allez chercher un mandat. Vous ne serez pas capable de l'obtenir.

Deuxièmement, M. le ministre, vous allez demander une enquête sur cette affaire de l'écoute électronique parce que vous êtes reconnu pour être un ministre tout de même assez objectif. Vous êtes un des seuls capables de soutenir sa position d'une manière ou de l'autre, parce que c'est confirmé, vous êtes connu comme un gars pas mal correct, comme on dit en bon canadien. Allez donc demander une enquête publique de votre ministère sur cette affaire d'écoute électronique, s'il vous plaît! M. Sauvé, c'est un peu comme l'omniprésence à cette commission. M. Sauvé décide qu'il va poursuivre. Les gens de l'Alcan sont devant nous. Ils vont dire, à un moment donné: On n'aime pas votre projet de loi et M. Sauvé va décider de les poursuivre demain matin. Il y a une limite à tout cela. (20 h 30)

Je pense vraiment que le temps est venu de mettre fin à cette bataille. C'est le ministre du Travail qui est chargé de ce projet de loi, et il va dire: Arrêtez donc vos poursuites. S'il vous plaît, allez chercher un mandat. Deuxièmement, le ministre devrait demander une enquête sur cette affaire qui devrait se tenir très rapidement; on devrait éviter de perdre deux ou trois ans en procédures devant la Cour civile et régler ce problème une fois pour toutes pour qu'on sache qui avait raison.

Le Président (M. Paré); M. le ministre. M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, très brièvement, je voudrais, comme le député de Sainte-Anne, nous excuser comme commission du débat qui s'est engagé, qui ne fait, en aucune espèce de façon, partie du mandat qui est le nôtre, mais...

M. Polak: C'est arrivé ici.

M. Fréchette: ...comme nous avons convenu de discuter de la situation, je n'ai aucune espèce d'objection. Des invités, ce matin, nous ont dit que nous avions perdu 45 minutes dans une discussion de cette nature et on est en train de s'enliser dans la même situation.

M. Doyon: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, le ministre a dit que cela ne regardait pas cette commission, que nous n'étions pas ici pour discuter de cela. Je vous soulignerai que c'est ne pas tenir compte du mandat qui est celui de cette commission. Le mandat de cette commission est d'entendre les représentations des personnes, etc. Si on veut entendre les représentations des personnes, il faut s'assurer que celles-ci puissent parler librement et le lieu pour en discuter, c'est ici et maintenant. On aurait beau entendre des gens qui viennent ici, s'ils ne semblent pas libres de dire tout ce qu'ils ont à dire, à ce moment-là, les travaux de la commission seraient totalement inutiles. Je pense que le ministre conviendra avec nous qu'il faut tout d'abord s'assurer que les gens qui viennent témoigner devant cette commission puissent le faire librement, sans menaces, sans intimidation, et c'est de cela que nous parlons. Il est vrai que nous n'entendons pas présentement des témoins, des invités, mais nous mettons en place les conditions qui permettront qu'un témoignage ait de la valeur et que le ministre puisse en tenir compte en temps et lieu dans la préparation des modifications qu'il aura à apporter à son projet de loi. Je pense que, dans les circonstances, ce débat doit avoir lieu, qu'il est absolument nécessaire.

Le Président (M. Paré): J'aimerais rappeler aux membres de la commission que, justement, la raison pour laquelle nous sommes ici, c'est pour entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42. Nous en sommes à la sixième ou septième journée et une trentaine de groupes se sont déjà fait entendre. Nous avons déjà des invités qui attendent de pouvoir donner leur point de vue sur le projet de loi 42. Donc, ce que vous venez de dire, c'est une question d'interprétation. La parole est maintenant au ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, ce que j'allais ajouter le plus brièvement possible, c'est que, quand bien même on reviendrait à la charge constamment avec insistance et avec autant d'éloquence que l'ont fait mes collègues de l'Opposition pour me demander de rendre un jugement sur une instance judiciaire, vous allez comprendre facilement que je n'entreprendrai pas de m'aventurer dans une semblable avenue.

Tout à l'heure, le député de Viau dans son argumentation a indiqué que le juge Sauvé se donne des pouvoirs - j'utilise les termes qu'il a lui-même utilisés - "excessifs et abusifs", a-t-il dit. Or, M. le Président, on peut bien faire de la sémantique sur la signification d'une réglementation qui a été adoptée par un conseil d'administration et qui a été ensuite sanctionnée par un décret gouvernemental, mais il me semble que les

mots veulent dire ce qu'ils veulent dire. Quand on signale dans cette réglementation que le président-directeur général "approuve les politiques concernant les mandats judiciaires", il me semble que c'est suffisamment clair en soi pour que l'on puisse tirer des conclusions certaines sans qu'il soit nécessaire de s'engager encore une fois dans de la sémantique de toute espèce.

M. le Président, je vous signalerai un autre aspect du dossier qui me semble fort important. Les motifs qu'invoque, à tort ou à raison, la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l'appui de son action judiciaire procèdent de déclarations qui ont aussi été faites à l'extérieur de cette enceinte et qui reprenaient textuellement ce qui avait été dit ici à l'intérieur de la commission parlementaire. Immédiatement après l'audition du mémoire de l'organisme concerné, une conférence de presse rapide, qui s'est tenue dans les corridors du parlement, nous a appris exactement que les mêmes affirmations avaient été faites et encore avec plus d'emphase et de détails. Tout cela s'est continué pendant une bonne période de temps, autant par la voie des journaux que par la voie des autres médias électroniques.

M. le Président, il s'agit là d'un élément fort important dans le dossier. Cela démolit carrément et strictement l'argumentation qu'on est en train d'essayer de développer depuis 20 minutes maintenant. Je comprends l'argumentation de mes collègues de l'Opposition. Elle va dans le même sens que celles qu'on entend depuis au-delà d'une année et demie maintenant. Il n'y a rien d'absolument extraordinaire dans ce que l'on est en train de plaider. Cependant, en est-il des organismes comme des individus? Va-t-on accepter de se faire dire des choses que l'on considère, à tort ou à raison - remarquez que je n'évalue pas et que je ne porte pas de jugement, bien sûr -libelleuses, diffamatoires, sans d'aucune espèce de façon réagir et soutenir une position qu'on croit être la bonne? Cela voudrait dire qu'à tous égards, n'importe quand et n'importe comment, on peut se faire dire des choses que l'on considère fausses et la seule possibilité ou la seule attitude qu'il faudrait prendre serait celle de laisser aller les choses, de laisser les choses s'empiler sans jamais réagir.

Encore une fois, je ne suis pas en train de vous dire que l'action intentée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail sera maintenue par les tribunaux. Je suis en train de vous dire que, lorsque quelqu'un ou un organisme - je pense que c'est son droit le plus strict - évalue que des propos ont porté atteinte à sa réputation, c'est son droit le plus strict de se prévaloir des droits que les lois mettent à sa disposition. Je me demandais, à entendre le député de Louis-Hébert, si son argumentation allait dans le sens de me demander d'intervenir pour soustraire ou enlever à un organisme, qui a les mêmes pouvoirs qu'une corporation civile, le droit strict de se prévaloir des dispositions de nos lois pour faire valoir devant les instances appropriées les droits qu'il considère avoir. Si c'est la demande, vous allez comprendre rapidement que je ne pourrai pas répondre dans l'affirmative à la question qui m'est posée.

Je trouve cela fort curieux, à partir d'un précédent qui a été vécu ici. Il n'y a pas tellement longtemps, vous savez, il y a une commission parlementaire qui s'est tenue ici et qui a duré, mon Dieu, cinq, six ou sept semaines ou peut-être un peu plus, parce qu'on prétendait que quelqu'un était intervenu dans le règlement d'une action intentée devant les tribunaux. Ce qu'on me demande maintenant, c'est précisément d'intervenir pour que ce règlement se produise dans le sens qu'on le souhaite, c'est-à-dire que la Commission de la santé et de la sécurité du travail se désiste. Il y a moins d'un an, M. le Président, six mois à peine, on faisait un amer reproche, on a fait un procès sur la place publique au gouvernement parce qu'un membre du gouvernement, disait-on, était intervenu dans un processus judiciaire et là, sur la place publique, impunément, à l'encontre de tous les principes de droit les plus élémentaires, on demande au ministre d'intervenir dans un processus judiciaire. M. le Président, c'est le genre de chose que je ne peux pas accepter et dans laquelle je n'interviendrai pas.

Lorsque nous avons procédé à l'audition du mémoire du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et que cette allusion ou référence a été faite, j'ai immédiatement demandé que tous les moyens soient pris pour que la situation soit éclaircie, que l'on sache très précisément à quoi s'en tenir, quels étaient les tenants et aboutissants du dossier sans, d'aucune espèce de façon cependant, indiquer quel moyen il fallait prendre. D'aucune façon je ne suis intervenu dans ce sens. La commission, comme la réglementation le lui permet, a pris la décision que l'on sait. Il ne m'appartient certainement pas d'intervenir, M. le Président, et ici à cette table, particulièrement dans le mandat qui est le nôtre et à côté duquel nous sommes actuellement, je n'accepterai certainement pas les demandes qu'on me fait d'intervenir pour qu'un désistement soit produit pour, ensuite, me retrouver encore dans la même enceinte cette fois comme l'accusé de la place publique parce que je serais intervenu dans une procédure judiciaire.

Le Président (M. Paré): Avant de céder la parole au député de Viau, j'aimerais

rappeler encore une fois deux choses: premièrement, la commission a pour but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, ce que l'on fait depuis plusieurs jours déjà; deuxièmement, on a entendu près d'une trentaine de groupes de gens qui viennent exprimer leur opinion sur un projet de loi. J'ose croire que ce n'est pas la répétition, ce que vous voulez dire, M. le député de Viau, de ce qu'on entend depuis plusieurs jours et depuis plus d'une demi-heure, parce que, si cela devient de la répétition, je vous demanderais, par déférence pour les deux groupes qu'on a à entendre ce soir, d'être bref.

M. Cusano: M. le Président, je serai très bref. Je serai extrêmement bref. Je vois que le ministre ne semble pas comprendre le problème réel auquel on fait face présentement. Nous avons eu des témoins qui sont venus ici de bonne foi témoigner. Comme dans le passé - et cela a été très clairement indiqué lors de la commission parlementaire du mois de décembre - le juge Sauvé, par des menaces, essaie toujours, d'une façon ou de l'autre, de fermer la bouche de ceux qui se prononcent contre sa boîte, sa tour de Babel. Là est le problème. Les gens sont venus ici et c'est vrai qu'on demande une enquête. Cela fait longtemps qu'on la demande. Vous avez eu des intervenants ici, M. le Président. Vous n'étiez pas ici durant toutes les journées d'audiences, mais nous avons eu des intervenants qui, l'un après l'autre, nous ont dit qu'on ne peut pas "divorcer" le projet de loi qu'on est en train d'étudier du fonctionnement de la CSST et des agissements plus particuliers du président-directeur général de la CSST. Il vient de nous le démontrer, comme il l'a fait dans le passé; cela a été la concrétisation de toutes ses actions dans le passé, justement. Un organisme nous affirme quelque chose. On arrive après... Que le ministre dise: Oui, c'est vrai que M. Harguindeguy a fait une conférence de presse après à l'extérieur, c'est jouer un peu avec les mots et je n'accepte pas cet argument.

Je demanderais - je vais être précis, M. le Président - quelles mesures le ministre et vous, en tant que président, entendez prendre pour vous assurer que les prochains témoins qui vont comparaître devant cette commission d'ici à la fin, ou quelles garanties ces gens-là vont avoir pour pouvoir témoigner en toute liberté sans que l'épée de Damoclès du juge Sauvé soit suspendue au-dessus de leur tête. Elle est simple, la question. Elle est brève. J'aimerais avoir une réponse.

Le Président (M. Paré): Là-dessus, M. le député de Viau, j'aimerais vous rappeler que la commission parlementaire est une instance de l'institution parlementaire et qu'elle relève de l'Assemblée nationale. Les commissions parlementaires ont, spécialement ces derniers temps, de façon très régulière, le devoir et le mandat d'entendre plusieurs intervenants sur plusieurs projets de loi. Les gens viennent se faire entendre. Le problème que vous soulevez doit être réglé par une autre instance qui est une instance juridique, ce qu'on n'a pas à étudier, à mon avis. (20 h 45)

Une voix: Ah bon!

Le Président (M. Paré): Là-dessus, je crois que le mandat de la commission, que nous avons ici ce soir, est clair: c'est d'écouter les gens qui sont ici et qui demandent à être entendus, qui ont été invités et qui ont accepté l'invitation.

M. Doyon: Oui, ils l'ont acceptée avant...

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Doyon: ...que le juge Sauvé...

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Doyon: ...entreprenne ses actions.

Le Président (M. Paré): Un à la fois, s'il vous plaît!

Donc, si le mandat de la commmission est d'entendre les gens qui sont ici et que nous avons entendu - je le répète à nouveau - une trentaine de groupes de gens qui sont venus librement et ouvertement parler sur le projet de loi 42, de façon positive ou de façon négative, je ne vois pas pourquoi on reviendrait sur un sujet - et je ne veux pas aller sur le fond - qui relève maintenant d'une autre instance. Là-dessus, je crois qu'on devrait, par déférence pour les gens qui sont ici ce soir, qui ont le même droit que les autres groupes que nous avons entendus et que nous allons entendre, les entendre maintenant. Et je le répète: On a été très ouverts là-dessus et je voudrais bien que la commission continue dans le même climat. Sauf qu'il ne faudrait pas que la discussion que vous voulez entreprendre -parce que je vois qu'on me demande la parole - devienne la répétition de ce qui a déjà été dit parce que cela devient de l'interprétation personnelle et des réponses entre membres de cette commission, alors que le but de la commission - je le répète -n'est pas, pour les membres assis de chaque côté de la table d'interpréter certaines choses, mais plutôt de poser des questions et d'entendre les commentaires des gens qui sont ici nos invités.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Deux mots pour dire que, au nom du Parti libéral du Québec, je veux donner l'assurance formelle à tous les gens qui nous feront l'honneur de venir devant cette commission que, quoi qu'il arrive, de la même façon que nous tentons de défendre, avec les instruments dont nous disposons, la liberté de parole du président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, qui a dit des choses qui n'étaient pas très flatteuses pour la CSST, de même, de quelque nature que soient les propos que vous tiendrez, qu'ils soient critiques, qu'ils soient flatteurs, d'aucune façon nous n'accepterons une intervention de la part du président-directeur général de la CSST, dont l'ombre menaçante a déjà assez plané sur cette commission. Et quel meilleur moyen de camoufler la mauvaise administration que d'agir de la façon dont il le fait! Et je sais que les gens qui sont devant nous actuellement, ainsi que les autres qui vont venir ont suffisamment de courage pour ne pas se faire intimider par cette façon d'agir du juge Sauvé. Pour autant que nous sommes concernés, de ce côté-ci de la table, nous allons faire en sorte que ce qui s'est produit soit dénoncé avec la dernière vigueur et que cela ne se reproduise plus, ni de près, ni de loin, comme cela a déjà été dit dans d'autres circonstances.

Le Président (M. Paré): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: M. le Président, j'aimerais tenter de mettre fin, comme vous essayez de le faire depuis un bon moment, au débat qui a lieu présentement et qui ne porte surtout pas sur les buts de cette commission. On sait très bien que le but premier et le but ultime de cette commission, c'est d'entendre les intervenants qui viennent nous commenter leur mémoire, mais là on est en train de faire un procès. Je considère, M. le Président, que ce n'est pas la place, peu importe qui aura tort, qui aura raison, on le verra en cours de route. Mais les gens qui sont devant nous, qui ont été invités à présenter leur mémoire devant la commission, viennent, par inadvertance, sans le vouloir, d'être témoins de la discussion, qui se tient depuis tout près de trois quarts d'heure déjà, sur la question qui est hors contexte. Et je leur poserais cette question, présentement: Est-ce que vous, messieurs de l'Alcan, qui êtes devant nous pour nous commenter votre mémoire sur le projet de loi 42...

M. Doyon: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Lavigne: Je voudrais savoir, messieurs, si...

M. Doyon: M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Lavigne: ...à la suite de ces propos, on vous met mal à l'aise...

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Doyon: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavigne: ...et on vous empêche de commenter votre mémoire.

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavigne: Est-ce que vous vous sentez menacés?

M. Doyon: M. le Président, une question de règlement!

Le Président (M. Paré): Un instant.

M. Doyon: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît! Un à la fois.

M. Doyon: Oui, mais j'ai une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert, sur une question de règlement.

M. Doyon: Oui, question de règlement, M. le Président. Je vous signale que le député de Beauharnois est en train de poser des questions aux intervenants qui n'ont pas encore été présentés et qui ne sont pas en mesure de répondre à ses questions. M. le Président, vous-même devriez intervenir sans que j'aie à invoquer le règlement là-dessus. Le député de Beauharnois n'a pas à agir de cette façon. Les représentants de la compagnie Alcan n'ont pas été présentés à cette commission. Ils n'ont pas encore commencé la présentation de leur mémoire. Le député de Beauharnois, s'il ne le sait pas, devrait l'apprendre rapidement: ce n'est pas la façon de procéder.

Le Président (M. Paré): Je veux rappeler, encore une fois, à tous les membres de la commission que le but de la commission, les raisons pour lesquelles nous

sommes ici ce soir, ce n'est pas pour juger quelque chose qui se passe à l'extérieur, mais c'est pour entendre deux groupes bien définis, la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée et la ville de Montréal, afin qu'ils puissent présenter leur mémoire, nous faire leurs commentaires et répondre à des questions précises sur un projet de loi précis qui est le projet de loi 42.

M. Polak: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Là-dessus, je suis bien prêt à vous donner la parole, parce que vous l'aviez demandée, M. le député de Sainte-Anne, mais en espérant, encore une fois, qu'il ne s'agit pas d'une répétition de ce qu'on entend depuis quelques jours.

M. Polak: M. le Président, merci beaucoup. Je trouve cela très dangereux, avec tout le respect que je vous dois. Il y a ce problème qui est survenu devant cette commission, il y a deux semaines. Ce n'est pas nous qui l'avons évoqué. C'est un groupe qui a témoigné et il y a des choses qui ont résulté de ce témoignage. Le ministre a demandé de produire des documents et il y a une poursuite. Tout cela relève d'un témoignage devant notre commission. C'est bien beau de dire: On cache tout cela, parce qu'il y a un groupe qui vient. Je vais vous dire une chose, M. le Président. Je suis convaincu que l'Alcan et la ville de Montréal sont bien prêts à attendre une couple d'heures, de plus même si cela doit aller à demain matin, pour, justement, dénouer une affaire qui est bien importante. C'est une question de principe. Si vous dites: On est ici pour entendre les mémoires; on s'en fout que M. Sauvé décide de poursuivre qui il veut, M. le Président, nous sommes élus par la population et je pense que nous avons le droit de décider. Ce n'est pas M. Sauvé, le président-directeur général de la CSST, qui décide. Je regrette d'attaquer votre décision. Je pense qu'on a le droit d'aborder cela, parce que c'est une affaire qui est soulevée et qui résulte d'un mémoire présenté devant nous. Ce n'est pas nous qui l'avons soulevé. C'est un monsieur qui est venu il y a deux semaines. Le ministre a demandé des réponses.

Ce matin, on lui a posé une question: Qui a autorisé la procédure? Le ministre nous répond ce soir en référant à l'article 28. Soudainement, on décide de ne plus parler de cela car c'est devant les tribunaux civils. Nous disons: Cela ne devrait jamais être devant les tribunaux civils. C'est une lutte de pouvoir entre le ministre et M. Sauvé. Je m'excuse, mais nous avons le pouvoir. Nous sommes des parlementaires et M. Sauvé, c'est un "civil servant".

Vous nous dites: Vous ne pouvez pas répéter les mêmes arguments parce que l'Alcan et la ville de Montréal sont ici. Je m'excuse, les représentants de la ville de Montréal peuvent attendre à demain matin. M. Lorange, que je connais très bien, le peut, parce qu'il respecte bien la démocratie; il sait ce que cela veut dire. Et l'Alcan sait très bien ce que cela veut dire. M. le Président, je suis convaincu que M. Sauvé, de lui-même, comme je l'avais soupçonné ce matin, a décidé d'intenter une poursuite sans y être autorisé. Là, on nous ferme la bouche en disant: II y a un groupe qui est ici; il faut être poli envers eux. M. le Président, ce n'est pas notre faute; on n'a jamais soulevé ce problème. C'est survenu au cours de nos travaux. Ce n'est pas un élément extérieur qu'on soulève. Je pense que c'est bien important. Le ministre a répondu: C'est bien beau; là, on achète le temps et le silence. On dit, en anglais, mettre le "muzzle". Ne parlez plus, vous autres, parce que c'est devant les tribunaux; vous n'avez plus le droit de parler; on va entendre les mémoires. Je m'en fous de commencer à 21 heures ou à 22 heures, parce que nous sommes sur une question de principe. M. le Président, vous nous dites: Venez, donnez-nous vos arguments, parce qu'on est venus ici ce soir pour entendre des mémoires. C'est vrai, et on était ici il y a deux semaines pour entendre le mémoire des fonctionnaires de l'État, des fonctionnaires provinciaux.

Une voix: Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux.

M. Polak: Au cours de la présentation de leur mémoire, ils ont dit une chose que M. Sauvé n'a pas aimée. Il les a frappés avec une poursuite. Le député de Beauharnois, peut-être qu'on va le poursuivre pour 300 000 $, et il va savoir ce que cela veut dire. Ce n'est pas un cadeau. Je suis avocat et le ministre est avocat. Le ministre sait ce que cela veut dire, être poursuivi pour 300 000 $. Cela coûte cher en maudit. Chercher un avocat, vous défendre, payer pour tout cela, ce n'est pas un cadeau. Nous sommes ici pour aller au fond de cette affaire-là.

Quant à moi, avec tout le respect que j'ai pour l'Alcan et la ville de Montréal, je dis qu'ils peuvent attendre un peu plus longtemps; ce n'est pas la fin du monde. Mais qu'un individu, qui s'appelle le petit empereur, le roi de la boîte, ait décidé de poursuivre pour 300 000 $ pour donner une petite leçon aux fonctionnaires, moi, je suis en arrière de M. Laberge et des syndiqués qui ne veulent rien savoir de cela, j'en suis convaincu. Je suis en arrière des patrons qui disent: Nous, on ne savait pas cela. Ce n'est pas cela que l'article dit.

M. le Président, avec tout le respect que je vous dois, c'est bien beau de dire:

Vous avez dit votre mot, allons-y et écoutons le mémoire. Ce n'est plus une question de mémoires; c'est une question de principe.

M. Fréchette: Question de règlement.

Le Président (M. Paré): M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Polak: Que le ministre demande une enquête... Le Président (M. Paré): S'il vous plaît!

M. Polak: ...dans son ministère ici sur cette affaire.

Le Président (M. Paré): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît. M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Dans son argumentation, le député de Sainte-Anne vient de préciser de façon bien claire l'objectif que lui et ses collègues poursuivent actuellement. II a dit: C'est important et nous voulons aller au fond de cette affaire. Il m'apparaît évident que, pour aller au fond de cette affaire, il va nous falloir discuter de tous les arguments que les deux parties pourraient invoquer devant le tribunal. Il va nous falloir nous constituer, en quelque sorte, en tribunal, nous aussi, pour disposer du fond du litige. Je veux attirer votre attention sur les dispositions du quatrième paragraphe de l'article 99 de notre règlement. Il m'apparaît évident que, si la discussion doit continuer dans le sens qu'elle est engagée, nous allons effectivement entrer dans le fond même de la question et, alors, nous nous retrouverions tous en train de violer le règlement par rapport à l'article dont je viens de vous parler.

Deuxièmement, je ne suis pas tout à fait sûr que des gens qui avaient prévu être invités un soir et à des heures précises accepteraient aussi facilement de retourner et de revenir demain matin. Je ne suis pas convaincu de cela, mais ce n'est pas le principal argument que je vous soumets aux fins d'une décision, M. le Président, c'est le quatrième paragraphe de l'article 99 de nos règlements.

Le Président (M. Paré): II a été dit par le député de Sainte-Anne que la commission essayait de cacher quelque chose. J'aimerais juste rappeler, pour les membres et l'intégrité de la commission parlementaire, que, premièrement, la cause est publique, celle dont on traite ici ce soir, mais qui n'est pas le but de la commission. Deuxièmement, il y a, justement, le paragraphe 4 de l'article 99 que je vais lire: "II est interdit à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une affaire qui est sous enquête, lorsque, dans ce dernier cas, les paroles prononcées peuvent être préjudiciables à une personne." Donc, en vertu de cela et de ce que j'ai dit tantôt, soit qu'il n'est pas question de cacher quoi que ce soit, puisque cela fait près d'une heure qu'on a permis aux membres d'éclaircir ce point et de donner leur interprétation sans aller au fond du débat parce que c'est interdit en fonction de nos règlements, j'appelle maintenant les membres de la Société d'électrolyse et de chimie...

M. Cusano: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Viau, en vertu de quel article du règlement?

M. Cusano: M. le Président, je vous ai demandé tout à l'heure: Quelle assurance allez-vous donner à nos invités, ceux qui sont ici ce soir et ceux à venir, pour qu'ils ne tombent pas dans la même situation que se trouve le Syndicat des fonctionnaires du Québec qui se voit, justement, devant les tribunaux? Je ne parlerai pas de la cause en question. Je veux simplement savoir quelle garantie vous allez donner aux témoins qu'eux n'auront pas à subir le même sort que M. Harguindeguy.

Le Président (M. Paré): Celle que les commissions parlementaires, comme je le disais il y a déjà plusieurs minutes, font partie des institutions publiques du Québec relevant de l'Assemblée nationale; c'est public, c'est connu, c'est même télédiffusé. Les gens connaissent leurs droits et vous retrouvez à l'intérieur des règlements qui régissent notre commission tous les droits et les pouvoirs de chacun. Aussi, lorsqu'une commission parlementaire siège dans un but précis - celle dont nous sommes membres ici ce soir siège dans le but d'entendre des gens qui ont quelque chose à nous dire sur un projet de loi précis - les gens savent très bien quels sont les pouvoirs et les devoirs de tous et de chacun des deux côtés, autant les gens qui font une présentation que ceux qui sont ici à l'écoute. À la lumière de ce que vous avez dit, je crois que les gens sont encore plus informés. La garantie qu'on peut donner aux gens, c'est la garantie qu'on retrouve dans les règlements des commissions et les règlements de l'Assemblée nationale. (21 heures)

M. Polak: Pas M. Sauvé, par exemple.

M. Doyon: Question de directive, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de

Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, question de directive. En tant que président de cette commission, vous l'avez très bien exprimé, vous êtes responsable de voir à ce que les travaux se déroulent normalement et à ce que la commission soit informée selon les règles parlementaires. Dans les circonstances, j'aimerais avoir une directive de votre part, à savoir si vous considérez une intervention de la nature de celle qui a été faite par le juge Sauvé, président-directeur général de la CSST, comme n'étant pas une atteinte aux droits de cette commission et des parlementaires qui y siègent. Cette demande de directive, je vous la fais formellement, M. le Président. Je réalise que vous n'êtes peut-être pas en mesure de rendre une décision au moment où on se parle, mais je vous prierais de bien vouloir la prendre en délibéré, de façon que nous, en tant que parlementaires, en tant que membres de cette commission, sachions si des gens à l'extérieur de cette commission peuvent par personne interposée, par le biais de poursuites judiciaires et de menaces de cette nature, empêcher cette commission de s'acquitter convenablement de ses devoirs. J'aimerais avoir votre décision là-dessus. C'est une demande de directive que je vous fais, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert, effectivement, je répondrai à votre demande de directive ultérieurement, probablement à la prochaine séance, pour ne pas retarder indûment les travaux de cette commission et toujours en tenant compte de l'article 99, paragraphe 4, et en tenant compte des buts et des raisons de cette commission.

Là-dessus, j'appelle maintenant les représentants de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée à nous faire leur présentation en les assurant, bien entendu, que le temps qui leur est alloué ne sera pas écourté à la suite du retard occasionné par le présent débat entre les membres de la commission. J'inviterais le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée

M. Minville (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean Minville. Je suis vice-président et directeur du personnel à la SECAL; à ma droite, le Dr Kelly, directeur du service de santé; à l'extrême gauche, M. Michel Chamberland, directeur de la sécurité industrielle et M. Gilles Lavallée, conseiller principal en relations industrielles.

Nous représentons la Société d'électrolyse et de chimie Alcan Ltée, la compagnie canadienne responsable des secteurs de l'énergie, des produits chimiques, de l'électrolyse et des produits en lingots d'aluminium. Notre siège social est à Montréal et nos installations du Québec sont principalement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Shawinigan et à Beauharnois. Des 12 000 employés que nous avons au Canada, quelque 10 000 travaillent au Québec et à peu près 7 000 d'entre eux sont syndiqués. En fait, 50% de nos employés ont moins de 40 ans d'âge et 10 ans d'ancienneté, alors que presque 35% ont 50 ans et plus de 26 à 40 ans de service. Chaque année, quelque 250 à 300 de nos employés prennent leur retraite. La masse salariale canadienne est de l'ordre de 500 000 000 $.

La santé et la sécurité ont toujours eu chez nous une grande importance et dès l'introduction de la loi 17, sans attendre la réglementation, nous avons, de concert avec nos syndicats, procédé rapidement à la création de comités d'établissement - 12 en tout - au choix d'une vingtaine de représentants à la prévention qui oeuvrent presque tous à temps plein et à l'élaboration de notre programme de prévention. Notre équipe de professionnels en santé, sécurité et hygiène industrielle regroupe quelque 125 personnes à un coût salarial annuel de plus de 8 000 000 $. Nos cotisations annuelles à la CSST et aux organismes semblables des autres provinces où nous avons des usines sont de l'ordre de 10 000 000 $.

Malgré la situation économique difficile et une réduction marquée des investissements qui passaient de quelque 400 000 000 $, en 1981, à 125 000 000 $ en 1983, une proportion importante de nos dépenses a continué d'être affectée à la modernisation de nos usines et à l'amélioration de nos conditions de travail en plus d'avoir investi beaucoup dans l'élimination des accidents du travail et des maladies professionnelles. Nous l'avons fait dans un esprit de collaboration avec les représentants de nos employés et c'est dans cet esprit que nous vous présentons nos commentaires.

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous lisez intégralement votre mémoire ou si vous avez un résumé que vous êtes en train de lire?

M. Minville: J'ai un résumé et je vais toucher à quelques points que je vais identifier immédiatement.

Le Président (M. Paré): Ah bon! D'accord. Donc, il ne s'agit pas d'une lecture intégrale du mémoire?

M. Minville: Non, si vous le permettez, M. le Président.

M. Polak: Est-ce que vous pouvez

référer aux numéros de pages?

M. Minville: Oui, je vais faire référence aux pages.

M. Polak: Merci.

M. Minville: Nous voulons, en particulier, toucher les points suivants: le droit et l'obligation de retour au travail, la priorité d'emploi et l'avis de tout emploi disponible, le travail léger ou ce que nous appelons les activités restreintes et, finalement, les plaintes et griefs.

Alors, dans notre mémoire, à la page 4, nous traitons des questions de retour au travail et de l'obligation de retourner au travail: les articles 145 à 170. Je voudrais vous donner plus d'informations sur nos observations à ce sujet. Dans des usines de la dimension des nôtres, il y a toujours des employés absents pour différentes raisons qui conservent le droit de reprendre leur poste. Nous avons donc toujours des employés, même permanents, qui sont affectés temporairement à un emploi autre que leur poste régulier. Dans tous ces cas, qui vont de la maladie à la suspension disciplinaire en passant par l'entrée dans les Forces armées en temps de guerre, l'employé absent accumule d'abord et maintient ensuite son ancienneté pour des périodes plus ou moins longues, selon l'ancienneté du début de l'absence. C'est dans les cas d'accidents industriels et de maladies industrielles que ces périodes sont les plus longues: deux ans d'accumulation et deux ans de maintien, pour un total de quatre ans de protection. Dans ces cas, les règles ne varient pas avec l'ancienneté du début de l'absence. Deux conditions, toutefois: l'employé doit être régulier et chez nous, c'est après 120 jours de travail à l'intérieur de toute période de 365 jours; à cet égard, la règle de trois mois du projet de loi 42 pourrait nous causer quelques problèmes. En deuxième lieu, l'ancienneté s'accumule et s'exerce à l'intérieur d'une unité d'accréditation. Nous reviendrons sur ce point car il est très important.

Quant à l'obligation du travailleur, on la retrouve aussi dans nos conventions collectives. Dans le cas de mise à pied pour manque de travail, par exemple, suivie éventuellement d'un rappel à l'ouvrage, l'employé doit se présenter dans les cinq jours. Ce n'est pas une règle rigide chez nous et, sur avis de l'employé, cet avis de cinq jours peut être étendu à dix jours ou se transformer en un privilège de deuxième appel. Dans les autres cas, le défaut de se présenter au travail à la date prévue à la fin de l'absence équivaut à une absence sans permission pouvant entraîner la perte d'ancienneté. Tout cela pour démontrer que le droit de retour comporte comme corollaire l'obligation de retour.

À la page 5 de notre mémoire, nous touchons à la priorité d'emploi qui est édictée par l'article 154 et, pour nous, ceci est un point très important. Le projet de loi crée une ancienneté d'établissement interaccréditations, intersyndicats. C'est un chambardement majeur non seulement chez nous, mais dans le système des relations ouvrières-patronales au Québec. Tout le processus d'accréditation du Code du travail vise à ce que les travailleurs soient regroupés et représentés à l'intérieur d'une unité appropriée. Le projet de loi fait abstraction de cette philosophie de base. À quelques reprises, nous avons effectué des transferts permanents ou temporaires interétablissements ou interunités d'accréditation dans un même établissement. Mais c'était toujours par voie d'entente ad hoc impliquant les deux syndicats concernés. Une préoccupation importante de ces derniers était d'éviter les chambardements dans les listes d'ancienneté, de protéger le rang des membres du syndicat qui acceptaient de tels mouvements de main-d'oeuvre. Les possibilités de retour d'un cadre dans l'unité de négociation ont aussi fait l'objet d'ententes qui en précisent les modalités: exemple le cas d'un contremaître de production pour qui serait compatible un emploi de bureau syndiqué n'est pas prévu présentement dans les ententes que nous avons avec nos syndicats.

En un mot, avec les années, les parties se sont donné des règles pour régir de tels transferts et le projet de loi les ignore complètement. Les difficultés que cela va causer chez nous où les syndicats d'un même établissement sont affiliés à la même fédération risquent d'être encore plus grandes là où ce n'est pas le cas. Lorsque le deuxième alinéa de l'article 154 stipule que le travailleur est considéré avoir accumulé de l'ancienneté durant son absence, cela ne règle pas le problème. En effet, dans notre régime de droit du travail, l'accumulation de l'ancienneté par un syndiqué ne se fait qu'à l'intérieur de l'unité dont il fait partie.

À la page 6 de notre mémoire, nous traitons des articles 155, 156 et de l'avis qu'on doit donner de tout emploi qui devient disponible. À la suite de ce que nous venons de dire au sujet du respect des unités d'accréditation, nous croyons que l'information sur les emplois qui deviennent disponibles doit être limitée à l'unité à laquelle le travailleur appartenait au début de son incapacité. Cela restreint sans doute les possibilités de réintégration au travail, mais le gouvernement n'a pas d'autre alternative, croyons-nous, que de tenir compte de cette réalité.

Nous nous interrogeons aussi sur le mode d'information de la CSST aux travailleurs prévu par le projet de loi. Le

titre d'un emploi disponible n'apparaît pas très utile pour déterminer si un travailleur est en mesure de l'accomplir ou non. Même une description de tâche ne permet pas nécessairement de comparer la capacité d'un individu aux exigences physiques de l'emploi. Nous nous permettons de suggérer une autre approche à partir d'un système qui existe chez nous et que nous décrirons brièvement. Toutes les tâches sont analysées par un spécialiste en fonction de leurs exigences physiques qui sont notées sur une fiche d'exigences physiques. Lors de l'examen médical de retour au travail, après une maladie ou un accident, par exemple, le médecin remplit une fiche de capacité physique de l'individu, fiche qui identifie les restrictions permanentes ou temporaires de ce dernier. Il est à noter que cette fiche n'identifie pas la cause de la restriction, préservant ainsi la confidentialité du dossier médical.

En comparant les deux fiches en question, nous pouvons déterminer la capacité de l'employé à effectuer un travail donné. C'est un système qui nous permet d'effectuer ce que nous appelons des placements sélectifs. Il y a toute une section de nos conventions collectives qui en traite et qui permet d'affecter un employé, dont les capacités sont diminuées en raison de l'âge, de la maladie, d'un accident, à une occupation qu'il peut accomplir sans danger pour sa santé. Vous vous souviendrez que j'ai mentionné au début que 35% de nos employés avaient plus de 50 ans d'âge et plus de 30 ans de service. Pour nous, ces placements sont importants. Quand un travailleur est apte à reprendre un travail en vertu de l'article 154, pourquoi la commission n'informerait-elle pas son employeur de ses capacités résiduelles ou, à l'inverse, de ses limitations? Même s'il n'utilise pas le système que nous venons de décrire, l'employeur sera tout de même en mesure d'évaluer si tel poste qui devient disponible chez lui est compatible pour ce travailleur, de l'informer en conséquence et d'en informer la commission. À défaut par lui de ce faire, l'article 160 reste ouvert à l'employé qui peut porter plainte à la commission. Mais, déjà, le débat aura été circonscrit, évitant des plaintes au sujet d'emplois non compatibles avec ses capacités résiduelles.

Nous reviendrons plus tard sur cet article 160, de même que sur les articles 164, 165, 169 et 170 qui touchent les plaintes et griefs.

Dans notre mémoire, de la page 8 à la page 18, nous touchions au problème du travail léger, ce que nous appelons chez nous les activités restreintes. Nous y exposons en détail la situation présente, les raisons qui, selon nous, l'ont provoquée et pourquoi et comment elle devrait être modifiée. En résumé, notre thèse est la suivante: lorsqu'un employé subit un accident du travail qui ne lui cause qu'une incapacité partielle, dans bien des cas, il pourrait et devrait rester au travail. Que l'employé puisse alors être affecté à un travail compatible "compatible" est le mot clé ici - est le concept déjà accepté par la CSST dans sa directive 1.40 et déjà inscrit au projet de loi 42 dans son article 159. Ce que nous demandons, c'est que, dans des cas bien circonscrits, l'employé n'ait plus le libre choix que la commission lui accorde présentement d'accepter ou de refuser un travail compatible, libre choix qui, selon nous, ne s'est développé qu'en raison d'un texte de loi présentement muet à ce sujet. (21 h 15)

Lors d'une réunion du comité consultatif ad hoc du conseil d'administration de la CSST sur le travail léger, la partie syndicale faisait remarquer que les employeurs semblent vouloir revenir à la situation d'il y a 20 ans, alors qu'ils avaient les pleins pouvoirs d'affectation des travailleurs, ce que les syndicats ont combattu avec vigueur. Ce n'est pas ce que nous préconisons. Si cette situation a déjà existé, le pendule semble maintenant rendu à l'extrémité opposée. Ce que nous visons, c'est un retour à une vision plus juste de la situation, à des affectations bien encadrées de conditions comme celles qui existent déjà dans la directive 1.40 de la commission et que nous reproduisons aux pages 14 et 15 de notre mémoire. Il est opportun de les rappeler: "1 De l'avis de son médecin traitant, la blessure du travailleur accidenté ne laisse prévoir que des séquelles mineures; "2 Son employeur lui offre, sur une base temporaire, un emploi approprié à sa condition physique qui, selon le médecin traitant ou, sinon, le médecin de la commission, n'est pas de nature à entraver ou à retarder sa guérison ou à aggraver sa blessure et constitue la meilleure thérapie de réinsertion au travail; "3° L'employeur lui verse, pour ce travail, le salaire intégral qu'il gagnait au moment de l'accident."

Notons, finalement, que ce que nous suggérons existe déjà, également bien encadré dans d'autres régimes canadiens comme celui de l'Alberta et celui de la Colombie britannique. D'un autre côté, nous ne voudrions pas que nos représentations donnent l'impression à votre commission que tous nos employés refusent des activités restreintes. Ce n'est pas le cas. Il faut aussi préciser qu'il arrive que l'employé soit disposé à accepter un travail léger, mais qu'il soit impossible d'en trouver qui soit compatible à son état. Il n'en reste pas moins que le nombre des activités restreintes a diminué à moins de 20% dans nos usines

au cours des dernières années avec, cependant, une amélioration en 1983. Selon nous, un objectif réaliste serait d'atteindre au moins une activité restreinte pour chaque cas d'indemnisation. La réalisation d'un tel objectif allégerait considérablement le fardeau administratif de la CSST et diminuerait les coûts d'indemnisation. Inversement, une avance d'indemnisation non contrôlée et le maintien du consentement de l'employé joueraient contre l'assignation à des activités restreintes compatibles.

Nous souhaitons donc une loi qui vienne encourager et épauler les efforts de gestion juste et équitable de ce type d'accidents du travail. Nous acceptons, évidemment, d'emblée que cette loi comporte des mesures adéquates de protection du travailleur pour que son affectation à une activité restreinte ne représente pas de danger pour lui.

Enfin, à la fin de notre mémoire, nous vous faisions part de différentes autres préoccupations, en particulier en ce qui touchait à la reconsidération administrative. Nous suggérions à ce moment-là que ces questions méritaient de plus amples études. À l'examen du projet de loi 42 et des articles 160 et suivants, nous voulons mentionner à la commission les observations suivantes: Dans une optique de concertation et de prise en charge par les parties de leurs problèmes, nous voudrions commenter quelques articles du projet de loi qui traitent des plaintes et griefs.

L'article 160. Là où existe une convention collective, pourquoi cette plainte à la commission plutôt qu'un recours à la procédure de grief? Le syndicat est au courant des ouvertures d'emploi; il est au courant des mouvements de main-d'oeuvre. Une de ses responsabilités quotidiennes, je dirais, est d'assurer ses membres que ces mouvements respectent leurs droits et la convention collective. Est-ce que les mécanismes ne sont pas alors déjà en place pour assurer au travailleur accidenté prêt à reprendre le travail l'exercice de ce droit que lui accorde la loi?

Il en va de même pour l'article 164. La Charte de la langue française, à l'article 47, prévoit le genre de distinction que nous préconisons ici. Une contravention à l'article 45 de la charte, qui interdit le congédiement ou la rétrogradation d'un employé pour la seule raison que ce dernier ne parle pas le français, donne ouverture à plainte au commissaire du travail si le travailleur n'est pas régi par une convention collective, mais donne au travailleur syndiqué le droit de soumettre son grief à l'arbitrage. Il s'agirait ici, comme pour l'article 160 d'ailleurs, d'aller un peu plus loin dans la bonne direction et de privilégier la procédure de grief, lorsqu'elle existe, à l'exclusion d'un recours extérieur. La multiplicité des recours est déjà trop répandue dans le domaine des relations industrielles.

L'article 165. Quels que soient les recours finalement retenus, le deuxième alinéa de l'article 165 devrait disparaître, à notre point de vue. En vertu du premier alinéa, lorsqu'une sanction est prise contre un travailleur dans les six mois de sa réintégration ou de sa nouvelle assignation, une présomption est stipulée en sa faveur. Cela nous paraît suffisant. Si la décision finale de son cas lui est favorable, il recevra rétroactivement pleine compensation de ses droits et privilèges. Pourquoi alors permettre une réintégration avant la décision finale qui peut, finalement, n'être que temporaire? Si le commissaire ou l'arbitre, selon notre suggestion, en arrive à la conclusion que l'employeur a démontré une "autre cause juste et suffisante", la réintégration sera annulée. Non seulement le salaire versé entre-temps ne sera-t-il pas récupérable, mais l'autre travailleur qui aurait été possiblement supplanté ou déplacé pendant cette période, lui, ne sera pas compensé. Est-ce vraiment juste?

Articles 169 et 170. Un dernier mot, enfin, sur ces articles. Vous me direz que peut-être il est là, le droit du travailleur d'avoir recours à la procédure de grief de sa convention. Il est vrai que c'est un pas, mais dans la mauvaise direction. Voici pourquoi. Le travailleur présente son grief et la procédure s'engage. Dans les 29 jours qui suivent, s'il n'obtient pas satisfaction, il porte plainte à la commission ou au commissaire général du travail, selon le cas. Tout le processus interne est bloqué et a eu lieu pour rien. Si l'on pousse l'exemple un peu plus loin, le représentant du travailleur, de sa propre initiative, porte plainte à la commission et le même blocage survient. Notons aussi que, dans beaucoup de conventions collectives, le dépôt d'un grief au premier stade de la procédure exige l'action du travailleur intéressé, une autre règle que le projet de loi vient de rendre caduque. Nous répétons donc notre recommandation que la convention collective qui régit les situations dont il est ici question ait préséance sur la loi qui devient ainsi supplétive.

Ceci nous amène à la conclusion de notre mémoire et aux deux commentaires que nous y faisons. La refonte de la Loi sur les accidents du travail doit se réaliser en limitant à l'essentiel les coûts additionnels à l'entreprise, d'une part, et, d'autre part, en privilégiant les dispositions favorables à l'accroissement de sa productivité. Nous sommes convaincus que cet objectif est parfaitement conciliable avec celui d'assurer au travailleur victime d'une lésion professionnelle un régime de réparation équitable et qui souffre même facilement la comparaison avec d'autres régimes.

L'ensemble du projet de loi à l'étude et

non seulement les quelques sujets dont nous avons traité dans ce mémoire devrait permettre qu'il soit tenu compte dans son application des règles et mécanismes que les parties se sont déjà donnés. Que le législateur intervienne pour établir des principes généraux, fixer les droits et les obligations, cela se comprend, mais la concertation accrue qu'il préconise entre les parties et la prise en charge qu'il souhaite voir se réaliser par les milieux visés seront le mieux servies par une loi qui respecte les accords intervenus et favorise les nouvelles ententes. Cela est peut-être d'administration un peu plus complexe, mais c'est un facteur essentiel à l'atteinte d'une plus grande maturité dans les relations industrielles. Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Minville. Nous allons passer maintenant à la période d'échanges avec les membres de la commission. La parole est maintenant au ministre du Travail.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je remercie M. Minville des représentations qu'il vient de nous faire, de même que les membres de sa délégation. Je suis impressionné par la facture générale que l'on retrouve dans le mémoire de l'Alcan. Évidemment, tous les gens qui sont venus devant nous depuis le début ont leur façon à eux de voir les choses, de déceler des problèmes là où d'autres n'en décèlent pas. Mais ce qui retient mon attention dans l'évaluation que votre société fait pas seulement du projet de loi 42, mais de l'ensemble de la politique de santé et de sécurité, c'est que vous y êtes carrément impliqués, me semble-t-il. Cela ne semble pas, non plus, être votre objectif de remettre en cause les grands principes de cette politique de santé et de sécurité, non plus que la philosophie générale qui tourne autour de cela. Je vous signale, encore une fois, que je retiens comme idée générale ce dont je viens de vous parler, ce que je viens de décrire et qui se dégage de votre mémoire.

Un autre aspect intéressant de vos observations, M. Minville - et vous y êtes revenu presque constamment dans vos représentations - c'est l'emphase que vous mettez sur la nécessité que les parties elles-mêmes se prennent en main à tous égards et que, là où c'est possible, elles conviennent elles-mêmes aussi de mécanismes qui assureraient, généralement parlant, la santé et la sécurité.

Cette deuxième observation m'amène à vous poser une question qui nous permettrait d'obtenir un peu plus de renseignements, un peu plus de détails sur cette philosophie générale dont je viens de parler, c'est-à-dire la nécessité pour les parties de se prendre en main. Quand on fait référence, par exemple, au comité de santé et de sécurité, que l'on fait référence également au droit de retour au travail - et incluons, pour les fins de la discussion, le travail léger ou ce que vous appelez chez vous l'activité restreinte -est-ce que j'ai compris que votre souhait, votre voeu ou encore le sens de votre argumentation, c'est que, lorsque les parties s'entendent sur des mécanismes de santé et de sécurité - je pense, plus précisément, dans ce cas-ci, à des comités - et sur des mécanismes de droit de retour au travail, vous privilégiez, quant à vous, que l'on retienne les mécanismes que les parties elles-mêmes ont décidé de retenir, qu'elles ont négociés, sur lesquels elles ont discuté, qu'elles ont évalués et qu'elles ont accepté, de part et d'autre, à la suite d'une négociation, de retenir et d'inclure dans le contrat collectif de travail, et que cela devienne la politique de santé et de sécurité, que cela devienne la politique qui doit déterminer les conditions du droit de retour au travail et ainsi de suite? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est une avenue que je considère fort intéressante. D'autres en ont parlé, mais pas avec autant d'emphase que vous l'avez fait.

M. Minville: Alors, en effet, un des objectifs que nous poursuivions en venant présenter notre mémoire ici, c'était de souligner, pour nous, l'importance du rôle que les parties ont à jouer, les responsabilités qu'elles ont de prendre les principes qui peuvent être énoncés par le législateur et de les traduire dans leurs termes pour leurs besoins dans leurs locaux, dans leurs situations particulières en des mécanismes qui sont acceptables.

On touche aux règles d'ancienneté, on touche aux règles d'assignation. Chez nous, comme on le mentionnait, on a une bonne partie de notre population qui est âgée. C'est une industrie lourde; on doit penser, à un moment donné, dans la carrière de ces gens-là, à les placer dans des tâches qui sont mieux adaptées pour eux. Dans nos conventions collectives, par voie de négociation, on s'est entendu avec les représentants de nos employés sur une série de règles qui offrent à ces gens-là à la fois des droits, à la fois des protections, mais toujours relativement aux droits des autres employés dans nos installations, toujours relativement, par exemple, au niveau de nos opérations qui peuvent fluctuer à certains moments.

Alors, ces droits-là, ces règles-là ou ces façons de vivre ont été développés au cours des années, au cours de négociations de façon commune ou par voie de comité paritaire, par voie de recherche conjointe, ont été utilisés, améliorés au cours des années. Il faut absolument que l'intervention

du législateur, à ce moment-là, tienne compte de ces situations pour peut-être fixer un minimum ou fixer un cadre général, mais laisser aux parties la liberté de les administrer, de les suivre. Vous savez, pour la CSST, par exemple, quand on pense au complexe, chez nous, de l'usine de Jonquière, où il y a presque 6000 employés, où il y a des mouvements de main-d'oeuvre constamment, tous les jours, l'idée d'établir un avis de tous les postes disponibles, en soi, est bonne; mais, administrativement, avec la paperasserie cela devient d'une complexité, d'une difficulté énorme. (21 h 30)

Par contre, si vous introduisez la même notion via les conventions collectives, via les mesures administratives que nous connaissons et que vous donnez aux syndicats, avec la protection de l'arbitrage, le suivi de l'administration de ces cas-là, je crois que vous avez résolu un problème administratif insurmontable pour la CSST, mais que l'on vit tous les jours entre nous, tout en protégeant ceux qui ont droit à ces choses-là par rapport aux droits des autres employés qui sont présents, parce qu'il faut toujours regarder les droits des uns par rapport aux droits des autres. Pour nous, c'est, évidemment, très important que l'administration soit ramenée au niveau des parties, au niveau des usines.

M. Lavallée (Gilles): Un commentaire additionnel, M. le Président. Je sais que, pour la CSST, par exemple, il peut y avoir une grande hésitation à des lois qui feraient référence à des conventions collectives, parce que cela la place quasiment dans l'obligation d'interpréter les conventions. On dit que ce n'est pas le rôle de la CSST.

D'autre part, si on veut qu'il y ait vraiment prise en charge par les parties, c'est peut-être plus difficile à administrer, mais il faut en arriver à quelque chose de semblable; sinon, on parle de prise en charge par les parties, mais on met des bornes extrêmement étroites qui ne comportent pas de possibilité pour les parties de fonctionner selon des règles qui sont équivalentes ou même plus intéressantes que celles que prévoit la législation.

M. Fréchette: Je pense que vous touchez là très précisément le dilemme auquel on fait face. Remarquez que, si on demeure au plan des principes, l'argumentation de M. Minville, tout le monde va l'accepter sans aucune espèce de réserve. Mais vous soulevez, par ailleurs, la difficulté qui pourrait être consécutive à cela. Toujours dans cet esprit - on en discutait ce matin, d'ailleurs, avec un autre groupe - si on se retrouve avec une convention collective qui contient des dispositions en matière de santé et de sécurité, en matière de droit de retour au travail, en matière de droit de retour à un travail léger ou à des activités restreintes, et que les dispositions de cette convention collective sont en contradiction avec les dispositions de la loi générale, comment s'ajuste-t-on à partir de ces deux situations? C'est une première préoccupation. Là-dessus, ce matin, on nous a dit: II faut prendre celle des deux dispositions qui est la plus avantageuse. Oui, mais cela demeure encore une question d'interprétation, qui est subjective suivant l'évaluation qu'en fait la personne ou, enfin, l'instance à qui le problème est soumis. Comment voyez-vous cette situation dans la possibilité d'une contradiction entre le contenu d'une convention collective qui est un contrat à caractère privé et les dispositions d'une loi d'ordre général, d'ordre public?

M. Lavallée: Je pense que le projet de loi, comme la Loi sur la santé et la sécurité du travail, fait déjà référence à cette possibilité en donnant préséance à la loi lorsqu'il y a contradiction. Reste le moment où il y a à évaluer lequel des deux textes est le plus favorable. Je vous avoue que c'est le problème, mais la solution n'est pas nécessairement de dire: À ce moment-là, oublions toutes ces possibilités de référence aux conventions collectives parce que cela fait problème et prenons la solution de facilité: des règles très rigides dans la loi et organisez-vous pour les suivre même si cela va à l'encontre de ce que les parties se sont donné face à des situations qu'elles vivent et dont elles connaissent la réalité.

M. Fréchette: Toujours à ce chapitre-là - c'est, à ce stade-ci, beaucoup plus une question d'information - est-ce que, M. Minville, je dois comprendre que - prenons cela pour les besoins de la discussion - si le projet de loi 42 était adopté suivant les dispositions qu'on en connaît déjà, tel que déposé en première lecture, chez vous en particulier vous vous retrouveriez effectivement, au lendemain de l'adoption de ce projet de loi, avec des mécanismes parallèles?

M. Minville: Sûrement des mécanismes parallèles et des règles bien différentes. Vous introduisez un concept d'ancienneté qui dépasse le cadre de nos conventions, de nos ententes, de nos accréditations syndicales.

M. Fréchette: Là, vous parlez de droit de retour au travail?

M. Minville: C'est un exemple. Ce serait chez nous un problème important. Ces droits, ces règles se sont développés au cours des années entre les parties. Chaque fois qu'on veut les modifier, aujourd'hui, quelle

qu'en soit la raison... Par exemple, il peut se produire que chez nous il y ait une circonstance, un niveau d'activité ou un changement qui fait qu'on a un surplus d'employés dans une usine. On ne peut pas prendre ces employés et les transférer dans une autre usine qui est accréditée avec un autre syndicat sans avoir une entente à ce sujet, parce que cela a un impact important dans ce nouveau groupe. Le retour au travail dont on parle ici ne tient pas compte de toutes ces données. Il faut absolument qu'on le ramène dans ce cadre. Ce n'est pas pour lui faire perdre un retour au travail. Je suis d'accord avec le principe fondamental, je pense, de la loi qui dit qu'à cause d'une blessure un employé ne devrait pas perdre ni gagner; il devrait retrouver essentiellement, à la fin de sa période d'absence, le poste qu'il avait s'il est encore là à l'intérieur des cadres qui existent dans son accréditation. C'est ce principe que vous voulez traduire dans l'administration de tous les jours.

M. Fréchette: Je vous remercie, M. Minville. C'est très éclairant, ce que vous êtes en train de nous dire. Je pense qu'il va falloir effectivement y porter une attention très particulière, sans quoi sur le plan administratif, à l'intérieur de vos entreprises, cela peut devenir extrêmement compliqué. Je retiens très sérieusement la présentation que vous nous faites à ce propos.

Une dernière question, quant à moi, M. Minville. Quand vous avez parlé de l'article 160 de la loi et du recours qui y est prévu, c'est probablement à cause des préoccupations que vous avez que les parties se prennent en main à propos de tout ce qu'il est possible de faire. Mais, lorsqu'un travailleur sera d'opinion qu'une infraction à la loi par rapport à ses droits a été commise et qu'il voudra utiliser l'article 160 à titre de recours, vous suggérez que cela se fasse plutôt par la voie du grief que par le mécanisme qui est prévu à la loi. Là-dessus aussi, je suis tout à fait disposé à concourir au principe que vous soumettez, toujours à partir de la considération principale que les parties elles-mêmes doivent régler leurs conflits.

La seule préoccupation qui me vient à l'esprit, remarquez qu'elle est d'ordre strictement, enfin, matériel. La raison pour laquelle c'est comme cela, c'est qu'il n'y a pas de frein qui soit prévu pour un appel à la commission, tandis que, si on y va par la voie de l'arbitrage - je ne sais pas si vos conventions prévoient des arbitrages à arbitre unique ou un tribunal à trois arbitres, je ne sais pas comment vos conventions sont faites à cet égard - c'est très certainement à frais partagés, ce qui entraîne évidemment... Je n'ai pas la prétention de pouvoir entrer dans des évaluations formelles en termes de coûts, mais, en conclusion générale, il me semble qu'on peut tirer d'une suggestion comme celle que vous faites, au-delà des principes, que, pour l'une et l'autre des deux parties, le mécanisme d'arbitrage est peut-être plus coûteux que celui qui est prévu là. Maintenant, peut-être que vous avez des renseignements ou des arguments qui me convaincraient du contraire. C'est la première réaction que j'ai. Je vous la livre comme elle me vient.

M. Minville: Écoutez, on a un arbitrage; les parties chez nous choisissent quelques arbitres qui, à tour de rôle, jugent les cas qui leur sont référés. Ils sont aidés d'assesseurs, un assesseur pour chaque partie. Chaque partie défraie ses dépenses de préparation de cas, qui se ferait dans tous les cas, de toute façon. Il reste simplement les coûts d'arbitrage. On a des syndicats qui sont, quand même, capables de faire face à cette situation. Ils le font très bien dans d'autres circonstances.

Mais il est important, je pense, de replacer le débat entre les parties, avec un tiers, un arbitre qui a le pouvoir de décider, qui connaît ces situations, qui connaît leur application dans notre usine. Vous savez, les débats, à ce moment, peuvent être beaucoup plus rapides, beaucoup plus simples. Si vous sortez cela du contexte, si vous allez expliquer cela dans un milieu qui, au point de vue de la préparation juridique et le reste, possède tout, mais ne connaît pas le milieu, cela peut aussi être beaucoup plus long, beaucoup plus difficile. Vous pouvez arriver à des décisions qui, finalement, ne solutionnent pas les problèmes.

M. Lavallée: Si vous me permettez un commentaire additionnel, M. le Président, en référant à la procédure de grief, par exemple, lorsque l'employeur a fait défaut de réintégrer un employé dans son emploi, on parle de la procédure interne également de grief qui mène éventuellement à l'arbitrage. Mais tous les griefs ne mènent pas à l'arbitrage et là vous avez le mécanisme de plainte de l'employé avec les explications du pourquoi, par exemple, de la non réintégration et, possiblement, ou satisfaction de sa part parce qu'il se rend compte que l'emploi ne lui était pas compatible ou décision différente s'il a l'emploi en question. Un tas de griefs restent à l'intérieur d'une procédure interne qui n'est pas plus coûteuse qu'un grief sur le paiement du temps supplémentaire.

M. Fréchette: Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que, quand on parle de griefs, il faut être bien prudents. On ne fait pas référence nécessairement à une audition en bonne et due forme devant un tribunal d'arbitrage. Différentes étapes sont prévues à l'intérieur desquelles le problème

est discuté et il peut se produire un règlement à l'une ou l'autre de ces étapes avant l'audition. À ce moment-là, c'est, je suppose, le service des ressources humaines de l'entreprise et le permanent syndical qui discutent du problème. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. M. Minville, au nom de l'Opposition libérale, je voudrais remercier les représentants de l'Alcan pour leur mémoire. On s'excuse du fait que vous ayez dû le présenter un peu plus tard, mais de temps en temps on se bat pour les principes. Pour nous, c'est bien important. Même si cela occasionne un retard d'une heure et quart, c'est pour de très bonnes raisons.

D'autres groupes sont venus devant nous, comme ce matin la CSN dont la conclusion était très claire. Elle a dit, dans une de ses recommandations: M. le ministre, s'il vous plaît - elle n'a même pas dit "s'il vous plaît" - retirez votre projet de loi; on ne veut rien savoir. Je sais que l'Alcan est connu comme une compagnie ayant de bonnes relations publiques. Peut-être avez-vous peur des poursuites, parce que c'est dangereux de témoigner devant notre commission, quoique j'aie vu que votre mémoire date du 2 février, avant la décision de M. Sauvé de poursuivre ceux avec lesquels il n'est pas d'accord.

Mais je me demande où vous vous situez. Est-ce que vous dites: On ne veut rien savoir du projet de loi? Il y a des groupes patronaux qui sont venus devant nous et qui ont dit: Ce n'est pas possible; cela va trop loin; cela devient dangereux au point de vue des coûts, etc. Par exemple, le secteur de la construction est venu parler de cela. Mais dans le mémoire de l'Alcan, je ne trouve pas de conclusion. Pourriez-vous me dire quelle est votre conclusion? Acceptez-vous le projet de loi 42 tel quel? Est-ce que vous dites: On ne peut pas vivre avec ce projet de loi, comme les syndicats le disent carrément? Quelle est, en quelques mots, votre position? Vous avez la garantie de ne pas être poursuivis. Au moins par le ministre, vous ne serez pas poursuivis. Pour M. Sauvé, je ne peux donner aucune garantie.

M. Minville: Vous savez, on a vécu avec la loi 17 et on a fait, comme on le mentionnait, des efforts importants d'intégration de la loi 17, même avant que la réglementation nous y oblige. On regarde le projet de loi 42 avec la même optique. Si on peut, avec nos syndicats, faire avancer la question de la santé et de la sécurité chez nous, tant mieux. Dans ce contexte, nous n'en sommes pas à dire au gouvernement: Retirez le projet de loi 42.

Dans notre mémoire, par exemple, nous faisons part, je pense, au gouvernement que le projet de loi 42 comporte des éléments d'administration difficiles et que nous voudrions voir à ce niveau une certaine simplification, une remise entre les mains de ceux qui administrent, de façon paritaire, conjointe ou en collaboration, les domaines de la santé et de la sécurité dans nos usines, d'une plus grande liberté. Que les grands principes soient établis ici, nous sommes d'accord. Mais que l'administration de ces principes soit laissée aux gens de façon plus large que le projet de loi ne le permet actuellement, nous le demandons. (21 h 45)

M. Polak: Vous avez dit tout à l'heure, au début de la présentation de votre mémoire, que la plupart de vos travailleurs sont syndiqués. On parle, de retour au travail dans le projet de loi, dans la section II aux articles 145 à 170. J'ai lu votre mémoire auparavant et, si j'ai bien compris, dans le projet de loi, la définition de retour au travail est très vague, ouverte à différentes interprétations et, deuxièmement, elle va beaucoup plus loin, par exemple, que votre convention avec vos syndiqués. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Minville: Non, notre convention assure à nos syndiqués qui sont absents pour des raisons de maladie ou d'accident un retour au travail, la protection et l'accumulation de leurs services pendant des périodes, en fait, plus longues que ce que le projet de loi propose à ce moment-ci. Ce que nous cherchons à faire, c'est ramener les droits qu'on veut donner par la loi à ces gens-là aux accréditations auxquelles ils appartiennent. Ces droits n'existent que dans ces accréditations. L'ancienneté qu'on a accumulée à l'Alcan, chez nous, dans un syndicat, a sa valeur dans ce syndicat seulement. Elle n'a pas de valeur chez un compétiteur ou dans une autre boîte.

M. Polak: Dans les opérations de l'Alcan, vous voulez dire que l'employé est protégé dans la division où il travaille.

M. Minville: Oui, par exemple, dans une usine comme celle de Jonquière, vous avez un syndicat qui regroupe tous les employés syndiqués payés à l'heure. S'il fait partie de cette unité, c'est à l'intérieur de cette unité et par cette convention qu'il a ses droits. Il y a aussi une unité d'employés de bureau ou de techniciens qui est séparée et qui comporte, elle aussi, un groupe d'employés qui a ses droits avec ce groupe-là.

M. Polak: Est-ce que, dans une même usine, vous pourriez avoir différents groupes ou si tout le monde est représenté dans une même unité?

M. Minville: À l'intérieur d'une même usine, on peut avoir deux groupes comme ceux que je viens de décrire. Vous savez qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean nous avons plusieurs usines qui sont voisines les unes des autres. Dans la plupart des cas, chaque installation séparée a son propre syndicat et habituellement toutes ces règles s'appliquent dans chaque installation à l'intérieur de chaque syndicat. Mais il peut arriver des situations où on voudra élargir ces règles-là, mais là ce n'est que par voie de négociation ou de discussion avec les intéressés parce que cela chambarde les règles connues.

M. Polak: Je ne sais si vous êtes au courant des études d'actuaires que le ministre, après une semaine de séance, nous a soumises concernant le coût de ce projet de loi 42. Il nous annonce la bonne nouvelle que cela coûtera 18 000 000 $ de moins si on accepte le projet de loi tel quel et, si on avait accepté l'avant-projet du mois de mars 1983, cela nous aurait coûté 31 000 000 $ de plus. Cet avant-midi, il y avait la CSN qui avait une série de revendications. Ils ont admis que, si leurs revendications étaient acceptées totalement, ils ne savaient pas combien cela pourrait coûter, mais que cela serait très cher.

Avez-vous fait une étude des coûts? Deuxièmement, est-ce que l'Alcan est à un point où l'augmentation des cotisations pourrait vous rendre moins concurrentiels, par exemple, ou est-ce que vous dites: Nous sommes l'Alcan, cela va très bien, on a notre électricité à nous, on peut les augmenter beaucoup, pas de problème, nous sommes presque sans compétition, sauf, peut-être, Pechiney, mais on ne s'inquiète pas trop?

M. Minville: Premièrement, je vous ai dit, au début, qu'en termes de cotisations à la CSST et à d'autres organismes semblables - nous avons une grande usine en Colombie britannique et une petite en Alberta - nous dépenserons, en 1983, fort probablement 10 000 000 $. La plus grande partie de ces cotisations sont dépensées au Québec. Il nous semble, quand on prend le coût de la cotisation du Québec et qu'on le compare avec la Colombie britannique, qu'actuellement le coût est plus élevé au Québec.

Maintenant, de là à faire une estimation de ce que signifie comme coûts le projet de loi 42 sur nos opérations, cela est très difficile. Premièrement, il est difficile, par exemple, d'évaluer quel sera l'impact des 14 jours. Les 14 jours auront-ils comme impact de faire rallonger les absences ou de réduire les activités restreintes comme nous les connaissons chez nous? Ou le projet de loi sera-t-il modifié pour nous aider à maintenir le niveau d'activités restreintes que nous avons et même l'améliorer, comme nous l'espérons? À ce moment-là, nos coûts peuvent prendre des différences très grandes.

Alors, il est impossible, à mon avis, à partir du projet de loi, de faire une estimation à ce moment-ci très précise de ce que cela a comme impact sur nos coûts. Cela peut avoir un impact important, mais je ne peux pas vous dire en chiffres ce que cela va être.

M. Polak: Mais si, hypothétiquement, les cotisations n'augmentaient pas beaucoup, est-ce que cela influencerait la position concurrentielle de l'Alcan ou pas du tout? Par exemple, il y a les PME. Je ne suis jamais avec les gros comme l'Alcan; je connais les PME. Il y a des propriétaires qui m'ont dit: On est allé au bout de la ligne. On ne peut pas aller plus loin que cela. Deux ou trois cents de plus et je ne suis plus dans une position concurrentielle. L'Alcan est-elle dans cette situation concernant les cotisations ou pas du tout?

M. Minville: Chaque fois que vous augmentez les coûts d'une entreprise, cela a un impact sur sa situation concurrentielle, c'est certain. Alors, on peut avoir des avantages à certains points de vue, que ce soient des ressources d'une sorte ou d'une autre. Par ailleurs, nos coûts de main-d'oeuvre et de transport peuvent être plus élevés que pour un autre. Si, pour des raisons de législation sociale ou pour d'autres raisons, on ajoute des coûts, vous grugez lentement la capacité compétitive d'une entreprise, que ce soit au niveau du projet de loi 42 ou pour d'autres raisons. Dans notre mémoire, on rappelait qu'on devait essayer, tout en protégeant nos gens en leur donnant un système de réparation adéquat, de protéger la productivité et la compétitivité de nos entreprises.

M. Polak: Pour revenir à ce principe du droit de retour au travail, dans les conventions collectives que vous avez, quelle limite avez-vous? Dans la loi, il y a une période d'un an ou de deux ans, dépendant du nombre d'employés, où l'employé peut réclamer son droit de retour. Quelle est la durée de ce droit dans vos conventions?

M. Minville: Dans le cas d'un accident ou d'une maladie industrielle?

M. Polak: Oui.

M. Minville: L'employé accumule pendant deux ans et maintient pendant deux ans. Cela veut dire que, pendant quatre ans, cet employé continue d'être, en termes de droit d'ancienneté, un employé de l'Alcan. S'il y a guérison, s'il y a reprise d'activités

ou s'il y a retour au travail, il exerce ses droits au travail, selon certaines règles précises de la convention: deux ans et deux ans.

M. Polak: S'il exerce ce droit, qu'arrive-t-il à celui qui a temporairement, pendant un an, deux ans ou même trois ans, occupé cet emploi? Faut-il dire que le remplaçant est là sur une base temporaire, sachant toujours qu'il peut perdre son emploi? Est-ce cela, la situation?

M. Minville: Ce qui se produit chez nous, c'est que, d'une part, vous avez une série d'employés qui entrent chez nous pour des fins de remplacements, que ce soient des remplacements de maladies ou des remplacements de vacances ou un travail temporaire d'une sorte ou d'une autre. Ils s'insèrent dans le système. Ils deviennent des employés ayant suffisamment de service pour être déclarés réguliers, mais ils ont des droits temporaires. Mais, au cours des mois, il se produit soit des départs pour la retraite - je mentionnais, au début, qu'on avait de 250 à 300 retraités chez nous chaque année - soit des transferts aux cadres. Alors, on a 300, 325, 350 personnes qui nous quittent chaque année. Cela crée des postes et, au fur et à mesure qu'on comble ces postes - si on les comble, parce que ce n'est pas toujours automatique, on peut se réorganiser à certains moments pour que le travail soit fait différemment ou certaines de nos opérations peuvent diminuer ou augmenter dans le temps - éventuellement, ces gens-là s'accrochent à un poste permanent et deviennent des employés réguliers permanents à l'Alcan.

M. Polak: Vous pourrez donc vous permettre un tel système parce que vous avez beaucoup d'employés. Mais si on prend une PME, par exemple, avec quatre employés, le mari, la femme et deux autres, ce n'est pas la même chose, j'imagine.

M. Minville: J'imagine que c'est différent de l'Alcan.

M. Polak: Oui. Je pense que le ministre a besoin de comprendre cela de temps en temps. Cela règle mon problème, quant à moi, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Paré): Messieurs les représentants de la société Alcan, nous vous remercions de la présentation de votre mémoire et d'avoir accepté de répondre à nos questions.

J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Montréal à prendre place ici en avant, s'il vous plaît. Bonsoir et bienvenue à la commission. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de vous identifier et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ville de Montréal

M. Lorange (Pierre): Mon nom est

Pierre Lorange. Je suis vice-président du comité exécutif de la ville de Montréal, donc, le digne représentant de l'administration de la métropole du Canada et du Québec.

Je voudrais, M. le Président, prendre le privilège de vous présenter nos collaborateurs: à mon extrême gauche, Me Linda Daoust, qui est affectée spécialement à la question des accidents du travail à la ville de Montréal; à ma gauche immédiate, Me Alain Bond, qui s'occupe de droit du travail; à ma droite, M. Pierre Girard, qui est le directeur adjoint du service du personnel de la ville de Montréal.

La ville de Montréal, comme beaucoup d'autres employeurs, a, depuis quelques années, fait de nombreux efforts afin de réduire le nombre d'accidents survenant par le fait ou à l'occasion du travail. En agissant de la sorte, la ville de Montréal reconnaît sa responsabilité à titre d'employeur et prend les moyens nécessaires, comme tout bon citoyen, afin de diminuer les risques qu'elle peut faire encourir à autrui. Ainsi, la ville a mis sur pied une section de travail dont la tâche consiste à étudier la cause des accidents du travail, le milieu dans lequel évoluent les travailleurs et les techniques qu'ils utilisent, afin de préconiser des moyens efficaces visant à réduire le nombre d'accidents. Déjà, des résultats encourageants sont venus couronner cet effort entrepris par l'administration municipale: le nombre d'accidents du travail et le nombre d'heures perdues décroissent constamment.

C'est dire à quel point la ville de Montréal est consciente de sa responsabilité. C'est en tenant compte de cette responsabilité que le présent mémoire sur le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, vous est présenté.

L'impression d'ensemble, qui se dégage après avoir pris connaissance du projet de loi, nous laisse un goût amer. Alors que la ville de Montréal s'est engagée dans un processus coûteux pour minimiser les risques encourus par ses travailleurs, le projet de loi préconise de rendre l'employeur responsable pour des risques sur lesquels il ne peut avoir aucun contrôle. L'employeur devient alors non seulement responsable des accidents survenus par le fait ou à l'occasion du travail, mais il devient également en quelque sorte le protecteur du travailleur. Quant à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, elle voit son pouvoir s'accroître considérablement, alors que c'étaient son interprétation et son application de la loi

actuelle qui étaient unanimement condamnées. Aucune place n'est faite dans ce projet de loi à l'obligation que devrait avoir la commission d'assurer un suivi constant et rigoureux de l'ensemble des dossiers de réclamation pour lesquels, pourtant, elle accorde généreusement des indemnités.

Il nous paraît également important de préciser, en préambule, à quel point il serait urgent de s'assurer que les travailleurs accidentés puissent jouir d'un traitement efficace dans les meilleurs délais. Il est, en effet, impensable qu'un employé, victime d'un accident du travail, attende pendant plus d'un an avant de pouvoir subir des traitements de physiothérapie, alors que l'on sait que ces traitements ne seront plus efficaces s'ils ne sont pas administrés très rapidement après l'accident. Il est bien sûr que ce dernier problème est plus large que celui des accidents du travail. Il ne faut, par contre, pas oublier que tous ces détails et toutes ces attentes sont imputées au compte de l'employeur qui devra, parce que le problème d'accessibilité aux services médicaux n'est pas encore résolu, continuer à indemniser un employé qui ne demanderait pas mieux, dans la plupart des cas, que de pouvoir revenir au travail. (22 heures)

Parmi les modifications apportées par le projet de loi à plusieurs définitions, nous désirons insister particulièrement sur celles d'accident et de maladie professionnelle. Nous constatons que désormais la loi couvrirait non seulement l'automutilation, mais aussi les cas où l'employé se blesserait par sa faute lourde. Nous soumettons que ce type de situation continue à étendre la notion d'accident du travail. Ceci rend l'employeur responsable de situations complètement hors de son contrôle et pour lesquelles il n'a aucun moyen de se prémunir. En appliquant ce principe, l'employé est indemnisé quant aux risques délibérément encourus. En effet, alors qu'on retire de la loi l'exception prévue pour les blessures consécutives à une imprudence grossière et volontaire, on introduit par l'article 26 une présomption à savoir que toute blessure survenant sur les lieux du travail est une lésion professionnelle. Ceci revient à dire que l'employeur aura le fardeau de démontrer que l'accident du travail n'est pas intervenu par le fait ou à l'occasion du travail, mais qu'il origine plutôt d'une condition personnelle.

Il en va de même pour les cas de maladies professionnelles dont traitent l'article 28 et l'annexe A du projet de loi. Comment l'employeur pourrait-il présenter une défense valable alors que la loi crée la présomption que tout employé ayant un contact avec des humains et souffrant d'une hépatite virale est atteint d'une maladie professionnelle? De telles présomptions devraient être circonscrites davantage et ne devraient pouvoir jouer que sur présentation d'un rapport d'expertise quant à l'exposition du travailleur aux contaminants dans son milieu de travail.

Si l'on réfère aux articles 27 et 36 du projet de loi, on voit que l'élargissement de la notion d'accident du travail va jusqu'à annihiler toute règle de droit concernant la cause effective du dommage. Tout en étant conscients qu'il s'agit d'un régime particulier qui écarte les règles de base de la responsabilité civile délictuelle, nous ne pouvons admettre l'extension du principe au point de rendre l'employeur responsable de tous les actes ou omissions des tiers intervenants. Pensons, par exemple, à l'erreur d'un professionnel de la santé tel qu'un anesthésiste ou encore au cas de l'employé en cours de traitement de physiothérapie qui s'infligerait des blessures en tombant d'une bicyclette d'exercice défectueuse appartenant au centre de physiothérapie.

Le nouveau régime proposé par le ministre du Travail s'articule essentiellement autour de quelques grands principes résumés récemment dans la revue de la CSST: garantir le revenu du travailleur en lui accordant, s'il devient incapable d'exercer son emploi, en raison d'une lésion professionnelle, le droit à une indemnité de remplacement du revenu, assortie d'une indemnité forfaitaire pour compenser les dommages corporels. Tout en étant d'accord avec ce principe, nous croyons qu'en aucun temps le travailleur accidenté ne devrait recevoir plus que le traitement net régulier qu'il aurait reçu s'il était resté au travail. Or, l'article 63 fait en sorte que l'employé en incapacité totale temporaire pour une période plus ou moins prolongée peut recevoir une indemnité basée sur un revenu supérieur à celui qu'il aurait effectivement touché puisqu'on doit tenir compte, pour le calcul de ses revenus bruts, de données qui ne s'appliquent qu'exceptionnellement. En effet, l'employé qui a fait du temps supplémentaire, par exemple, avant son accident du travail, n'en aurait pas nécessairement fait par la suite. Il en va de même pour les primes prévues aux conventions collectives et qui ne sont payables que dans un certain contexte. Par exemple, compte tenu de la mobilité de plus en plus grande du personnel manuel de la ville de Montréal et de l'obligation de payer une prime aux employés pour certains types de travaux, une prime peut être payable un jour, mais non le lendemain. Donc, en aucun temps, on ne peut présumer qu'un employé aurait continué à remplir le type de fonction auquel il était assigné lors de son accident du travail. Nous en concluons que seul le revenu brut, prévu à la convention collective ou au contrat de travail, devrait

être retenu à titre d'indice du calcul de l'indemnité.

Quant au paiement de cette indemnité, nous nous opposons à ce que les quatorze premiers jours soient payables directement par l'employeur. En agissant de la sorte, nous sommes d'avis que cela ne sert qu'à inciter les employés à prolonger indûment une absence, puisqu'ils pourront s'absenter pendant une période minimale de quatorze jours sans intervention de la CSST. Cette situation fait en sorte que l'employeur, après avoir payé une cotisation importante à la CSST, finance à nouveau cette commission relativement à ce délai de quatorze jours.

Enfin, l'article 55 oblige l'employeur à payer à un créancier de l'accidenté les sommes d'argent devenues exigibles pendant les quatorze premiers jours et que l'employeur avait déjà accepté de déduire à même le salaire.

Les articles 117 et 248 du projet de loi prévoient que, dans de très nombreux cas, les sommes, qui auraient été payées en trop à un employé, ne pourraient être recouvrées à moins qu'il n'y ait preuve de fraude. Nous croyons qu'un tel principe de démission ne peut avoir pour effet de diminuer les cas de recours excessif au régime d'accidents du travail.

De plus, en ne prévoyant la réduction de l'indemnité qu'à compter de la quatrième année, le projet de loi n'incite aucunement le travailleur à faire un effort de retour à son emploi. Puisque le législateur prône lui-même le principe du retour au travail et qu'il en fait un élément important de la réadaptation du travailleur, nous soumettons que la commission devrait pouvoir forcer le retour au travail dès que l'accidenté est en mesure d'accomplir un travail disponible chez son employeur. Nous comprenons mal qu'un délai fixe soit prévu étant donné que chaque cas en est un d'espèce.

Pour terminer sur cet aspect de l'indemnisation, nous nous interrogeons sur la pertinence d'imposer à l'employeur des intérêts à un taux de 15% l'an, tel que prévu à l'article 85 du projet, alors que cet employeur n'est pas impliqué dans les délais pouvant retarder les paiements effectués par la commission.

Le deuxième principe s'attarde à la réadaptation du travailleur accidenté. Globalement, nous croyons que tout ce chapitre devrait être réécrit de façon à préciser davantage quand le travailleur aura droit à la réadaptation et à jeter des balises quant au plan de réadaptation prévu à l'article 143. L'article 138, en établissant que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle, laisse une trop grande discrétion à la commission. La loi ou un règlement devrait limiter cette discrétion afin que les parties en présence soient en mesure de connaître le pourquoi de la décision de la CSST et afin de rassurer chacun sur le bien-fondé de cette décision.

Quant à l'article 140, il nous semble aller bien au-delà de la réparation de l'accident. De surcroît, cet article est générateur de coûts importants que nul n'est en mesure de connaître actuellement. Alors qu'on nous affirme que ce projet impliquera pour l'employeur une diminution de coûts, il pourrait être intéressant de s'interroger sur ce que coûterait une politique d'octroi de subventions pour permettre l'adaptation d'une résidence ou d'assistance financière pour couvrir les frais d'aide personnelle à domicile. En prévoyant de telles dispositions, tout en laissant à la CSST l'entière discrétion quant à leur application, le projet de loi ne peut certes pas convaincre les employeurs que leurs coûts seront diminués. Cela laisse plutôt craindre une augmentation importante de coûts, augmentation qui n'a pas été évaluée. Enfin, puisque l'article 140 prévoit une politique pour favoriser l'embauche de travailleurs accidentés, nous croyons que cette politique devrait être intégrée au plan d'embauche de personnes handicapées prévu à l'article 63 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. En troisième lieu, humaniser le traitement des demandes, simplifier les procédures administratives du régime, accélérer les modalités de révision et réduire le nombre des règlements. D'abord, notons que le délai de 30 jours accordé à l'employeur par l'article 220 du projet de loi pour en appeler d'une décision concernant la classification de son établissement, le montant de sa cotisation, les pénalités ou intérêts et l'imputation des coûts nous apparaît beaucoup trop court compte tenu de l'importance d'une organisation aussi complexe que celle de la ville de Montréal. Il nous semble évident que le délai usuel de 90 jours accordé pour les autres types de contestations devrait également s'appliquer dans ce cas. De surcroît, il est difficile de concilier l'article 220 et les articles 245 et 247 du projet de loi. S'il est possible de demander une reconsidération administrative ou d'interjeter appel d'une décision relative à l'indemnité et si cette indemnité constitue une imputation de coûts, pourquoi prévoir, à l'article 220, un appel spécifique sur l'imputation des coûts? Ainsi, nous croyons que toute procédure quant à l'imputation des coûts devrait être reliée à la procédure concernant une période d'indemnisation afin d'éviter la duplicité des recours.

Soulignons également les articles 44 et 45 qui affichent le rejet d'un principe reconnu depuis longtemps par nos tribunaux, soit celui du "duty to act fairly". Il nous apparaît, en effet, impensable que l'employeur n'ait pas accès gratuitement à une source d'information aussi complète que

celle mise à la disposition des employés qui préparent leur dossier. Nous croyons juste de demander que chaque partie ait en main toutes les données nécessaires à une défense pleine et entière.

Relativement à la prolongation des délais d'appel prévue à l'article 241, nous croyons que les principes guidant l'octroi d'un délai devraient respecter ceux établis par la Cour suprême et par la Cour d'appel, c'est-à-dire que l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice et que la remise en question des décisions doit demeurer l'exception. Dans ce contexte, la négligence de l'avocat ou de l'employé lui-même ne saurait être acceptée, a fortiori, face à la CSST et à la CAS où les procédures de déclaration d'appel sont simplifiées au point où une simple lettre suffit à manifester l'intention d'en appeler.

Il nous semble également capital d'exprimer notre désaccord quant au système de reconsidération administrative qui exclut une première audition et qui, par le fait même, vient nier tout droit d'appel, de même que l'application des règles fondamentales de justice naturelle. Face à l'ampleur évidente des intérêts des parties impliquées, nous considérons comme essentielle la conservation de ce droit d'appel. De plus, afin d'assurer l'uniformisation et l'impartialité du système, nous pensons que, sans formaliser le processus à l'extrême, certaines règles de procédure pourraient grandement aider à simplifier les tâches de chacun. Citons, par exemple, l'article 402.1 du Code de procédure civile qui, s'il était appliqué, permettrait aux parties d'être informées dix jours avant l'audition du rapport préparé par un témoin expert.

Nous profitons aussi de l'occasion pour faire valoir que, selon nous, la Commission des affaires sociales ne devrait pas procéder par appel de novo en reprenant et en remaniant toute la preuve déjà étalée lors de la première audition. Il nous apparaît beaucoup plus logique d'appliquer les véritables règles de l'appel en limitant le débat à l'argumentation des parties relative aux erreurs de droit et de fait ayant possiblement pu être commises par le bureau de révision. De façon évidente, ce procédé entraînerait une importante économie de temps et d'argent puisque les interventions d'experts deviendraient alors des cas d'exception, tout en réduisant considérablement les délais d'audition.

M. le ministre, nous sommes à votre disposition.

M. Fréchette: C'est complet, M. Lorange.

Le Président (M. Paré): Merci, M. Lorange. La parole est maintenant au ministre du Travail. (22 h 15)

M. Fréchette: Vous êtes arrivé plus rapidement qu'on ne le croyait à votre conclusion. Ecoutez, je vous remercie, d'abord, de la démarche que vous faites de venir nous soumettre vos préoccupations. Je remercie également les gens qui vous accompagnent. Vous y avez été rapidement, mais vous avez touché à beaucoup de choses qui sont des dispositions contenues dans la loi. Je vais, quant à moi, m'abstenir de considérations d'ordre général pour aller tout de suite à certaines demandes de précisions par rapport à la matière que vous nous avez soumise pour réflexion. Vous dites - et je pense que c'était en introduction -dans votre mémoire que les accidents ont diminué à la ville de Montréal depuis un certain nombre d'années qui n'est pas spécifié, je pense, dans la loi. Avez-vous des chiffres qui pourraient nous permettre de voir dans quelle proportion ces accidents ont diminué et, deuxièmement, à partir de quelles politiques particulières, générales ou globales avez-vous atteint ces objectifs?

M. Lorange: Si vous me le permettez, je pourrais peut-être faire un petit historique, bien bref, d'une situation qui prévalait à la ville de Montréal il y a quelques années au moment où, par exemple, le service du contentieux aidé du service du personnel, évidemment, et du contrôleur général, a fait une étude de cette situation pour démontrer à quel point notre taux d'accidents pourrait être grave et aggraver surtout nos taux de cotisation, cette dépense à ce chapitre. Il y a trois ans ou trois ans et demi, une proposition, une suggestion était faite de ces services conjoints au comité exécutif de la ville de former ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui le comité patronal interservices. Ce comité est présidé par votre humble serviteur et y siègent tous les services administratifs et exécutifs de la ville de Montréal qui ont pour mission d'examiner la question des accidents du travail à la ville de Montréal.

On peut dire que depuis la ville a versé, a mis dans un fond des sommes importantes d'argent annuellement pour corriger des situations pour aider, justement, à surmonter cette incidence, si vous voulez. Nous avons réussi à faire baisser sensiblement le nombre d'accidents par cette détermination de l'administration municipale de mettre en oeuvre des mécanismes pour l'aider à corriger cette situation. Dans le concret, je demanderais à M. Girard, qui est le directeur adjoint du service du personnel, donc, en contact quotidien avec cette question, de peut-être entrer dans le vif du sujet pour votre bonne compréhension.

M. Girard (Pierre): Avec l'adoption de

la loi 17, la ville a, entre autres, mis sur pied le comité patronal spécialisé en matière de santé et de sécurité dont vient de parler M. Lorange. Également, nous avons mis sur pied une unité de travail, qui relève du service du personnel, qui voit à la prévention en matière de santé et de sécurité. Il y a un certain nombre de professionnels dans cette unité qui n'ont, comme mission, que de voir à instaurer des mécanismes et à discuter avec les différents syndicats de la ville pour prendre les moyens nécessaires pour étudier chaque cause d'accident et voir à adopter des mesures pour que de telles situations ne se reproduisent pas.

De façon plus précise, pour répondre à votre question, au cours de la dernière année, au cours de 1983, la ville a fixé comme objectif à l'ensemble de ses administrateurs des différents services municipaux une réduction de 10% des heures en accidents du travail. De fait, cet objectif a été non seulement atteint, mais dépassé. Il y a eu une réduction de 12%. Pour 1984, l'objectif sera une réduction du nombre d'heures en accidents du travail de 15% et une diminution du nombre des accidents. Donc, d'une part, un objectif sur les heures, d'autre part, un objectif sur le nombre de 10%. C'est pour l'année 1984. Voilà des mesures très concrètes et chiffrables que nous avons adoptées pour voir à réduire le dossier d'accidents du travail à la ville.

M. Fréchette: Maintenant, il y a ce comité dont M. Lorange nous a fait la description et celui auquel vous avez fait référence et dont le nom m'échappe.

M. Girard: Comité patronal interservices de santé et de sécurité.

M. Fréchette: Voilà. Est-ce que, à l'une ou l'autre de ces instances - peut-être l'avez-vous dit et que je ne l'ai pas compris, mais je veux en être certain - il y a des représentants des syndicats ou des travailleurs de chez vous qui siègent ou si c'est un comité strictement et exclusivement patronal?

M. Girard: Le comité dont je parle est exclusivement patronal, mais c'est en vue de préparer les positions et en vue d'alimenter nos représentants patronaux aux différents comités conjoints. De fait, nous avons une série de comités conjoints en matière de santé et de sécurité avec nos treize syndicats pour voir a régler les problèmes de santé et de sécurité.

M. Fréchette: Est-ce qu'il s'agit de comités conjoints dont la formation est prévue par les conventions collectives ou par une réglementation? Enfin, comment sont-ils nés, ces comités conjoints de santé et de sécurité?

M. Girard: Par les conventions collectives. Même avant l'adoption de la loi 17, nous avions déjà des comités conjoints prévus dans les différentes conventions pour voir à régler les questions de santé et de sécurité. De fait, ces comités fonctionnaient avant l'adoption de la loi et ont continué à fonctionner après l'adoption de la loi. Je pense qu'au cours des dernières années ils donnent des résultats toujours meilleurs.

M. Fréchette: Dans un autre ordre d'idées, M. Lorange, je pense vous avoir entendu dire que vous aviez des objections de principe quant à la disposition de la loi qui prévoit que l'aggravation d'une situation qui découle du traitement médical soit considérée comme une suite ou, en fait, une aggravation de l'accident du travail lui-même. Je comprendrais très bien votre préoccupation si on ne retrouvait pas dans la loi le pouvoir subrogatoire qu'exercera la commission après avoir payé l'accidenté dont la situation aura été aggravée à l'occasion d'un traitement consécutif à un accident du travail. Est-ce que vous avez évalué cette partie de la loi ou, alors, est-ce que vous êtes d'opinion que le pouvoir subrogatoire qu'on pense être dans la loi n'est pas suffisant pour contourner la difficulté à laquelle M. Lorange fait référence?

M. Bond (Alain): Si vous le permettez, M. le Président, sur cet aspect, je voudrais dire, dans un premier temps, que nous ne nous opposons pas à ce que soit reconnu comme étant une lésion professionnelle, par exemple, consécutive à un accident du travail le fait qu'un employé, alors qu'il est sous traitement et que ce traitement ne donne pas les résultats escomptés, connaisse une continuation ou une aggravation de son état de santé. On ne s'oppose pas à cet aspect. Ce à quoi on s'oppose plus précisément, c'est à la présomption irréfragable, qu'on ne peut pas renverser, qui est prévue à l'article 27 qui dit que, finalement, tout ce qui va arriver à l'employé par le fait - pas simplement par le fait; si on se limitait à cela, ce serait peut-être plus clair, on pourrait peut-être mieux s'entendre - mais également à l'occasion des soins ou des traitements - ce sera imputable au dossier de l'accident du travail et cela continuera à être un accident du travail -est considéré une conséquence de la lésion professionnelle.

M. Fréchette: On ne parle pas du tout de la même chose, je pense.

M. Bond: On ne parle pas de la même chose, je crois, M. le ministre.

M. Fréchette: Ah bon! Je croyais avoir compris que M. Lorange avait utilisé l'exemple de l'aggravation d'une situation à la suite d'une "erreur", entre guillemets, qu'un anesthésiste, par exemple, pourrait commettre. Il y a un dossier en particulier qui a ouvert les yeux à beaucoup de gens. Le travailleur, à la suite d'un accident du travail mineur qui aurait normalement occasionné une incapacité partielle permanente d'à peu près 1%, s'est trouvé après son traitement médical dans une situation d'incapacité totale permanente de 100%. Quand je faisais référence au pouvoir subrogatoire, c'était pour couvrir des situations du genre de celle dont je viens de vous parler. Oui?

M. Bond: Cela pourrait peut-être couvrir cela. Il s'agit de s'entendre. Si l'incapacité du travailleur ne provient pas d'une erreur professionnelle, finalement, si c'est une conséquence non pas logique, mais qui pouvait survenir du traitement, on serait d'accord. Mais si c'est autrement, si c'est une erreur professionnelle... Un exemple précis que je peux utiliser, c'est un dossier qui est arrivé il y a peu de temps à la ville de Montréal: un employé, après avoir subi un accident de travail, se rend chez le médecin de son choix - puisqu'il a le choix du médecin - pour se faire traiter. Alors qu'il est en traitement, il monte sur une bicyclette d'exercice devant son médecin, à la demande de celui-ci. Cette bicyclette d'exercice, peu importe le motif, est en mauvais état, si bien que l'employé, après avoir grimpé sur cette bicyclette, s'est retrouvé au sol, a chuté parce que celle-ci était mal entretenue. Ce serait, selon l'article 27, une maladie ou une blessure qui survient à l'occasion d'un traitement et ce serait donc considéré comme une conséquence de la lésion professionnelle.

M. Fréchette: Là, on se comprend très bien, je pense. On a démarqué les choses. On les a replacées dans leur vrai contexte.

Sous un autre chapitre, M. Lorange, vous avez aussi manifesté les inquiétudes de la ville de Montréal quant à la disposition de la loi 42 qui prévoirait, si elle était adoptée telle quelle, le paiement des 14 premiers jours. C'est simplement, à ce chapitre là aussi, des informations que j'apprécierais obtenir. Dans vos conventions collectives actuelles, est-ce qu'il n'y a pas déjà des dispositions qui font que, si un travailleur ou une travailleuse doit quitter son emploi consécutivement à un accident du travail ou à une maladie, tant et aussi longtemps que dure la convalescence et que la situation est confirmée par certificat médical, vous allez assumer le paiement intégral de ce salaire-là, dans une proportion de 100%? Est-ce que les conventions collectives, chez vous, ne prévoient pas déjà des dispositions qui, en quelque sorte, vont au-delà des 14 jours dont on parle dans la loi?

M. Lorange: Voici la distinction: de fait, la convention régissant les cols bleus prévoit le paiement du salaire net et non pas du salaire intégral, l'équivalent du salaire net. Il n'y a, finalement, que la convention collective régissant les pompiers qui prévoit encore - puisque nous sommes en négociations présentement et que nous demandons une révision de cet article - le paiement du plein salaire. Dans nos autres conventions, ce qui apparaît maintenant, c'est l'équivalent du salaire net.

Lorsque nous payons le plein salaire ou le salaire net, ce qui peut être plus, certaines fois, que l'indemnité que verse la CSST, il n'en demeure pas moins que nous récupérons, de la part de la CSST, la partie qui lui est imputable, tandis qu'en vertu du projet de loi les 14 premiers jours seraient entièrement assumés par l'employeur. C'est la distinction et c'est à cet amendement que nous nous en prenons.

M. Fréchette: C'est-à-dire que, dans l'état actuel des choses, vous deviez avoir paiement pour des absences qui excédaient les cinq jours.

M. Lorange: C'est ça.

M. Fréchette: Si on parle de l'état actuel de la loi.

M. Lorange: C'est ça.

M. Fréchette: Finalement, pour les 14 jours, je ne sais si on s'entend bien sur les dispositions de la loi. Je pense que la loi prévoit qu'en tout état de cause les 14 jours sont remboursés à l'employeur. Par ailleurs, s'il arrivait, après évaluation médicale, que le diagnostic démontre qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre l'accident ou la maladie qu'on invoque et l'absence, il y a un recours prévu dans la loi contre le salarié qui s'est absenté pour une période inférieure à 14 jours. Est-ce que l'on s'entend sur cela?

M. Bond: Si vous me le permettez, sur cet aspect, premièrement, quant au recours, je suppose que vous parlez du recours en recouvrement des sommes qui lui auraient été payées.

M. Fréchette: Oui, dans le cas d'une absence de 14 jours ou moins, qui ne serait pas motivée en termes d'accident du travail, après évaluation médicale.

M. Bond: II faut faire attention parce qu'il y a différents articles qui parlent de recouvrement dans ce projet de loi.

M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Bond: Entre autres, il y a un article qui nous dit que, si la CSST décide, sur simple vue du dossier, donc avant même qu'il y ait expertise médicale, je suppose, ou avant même qu'une décision soit prise, de faire des paiements, les sommes qui auraient été payées en trop à un accidenté après qu'une décision est prise ne pourraient pas être recouvrées, sauf s'il y avait fraude. Deuxièmement, si la Commission des affaires sociales à la suite d'une reconsidération administrative ou encore à la suite d'un appel, selon la loi, décidait d'annuler une période d'indemnisation, les sommes ne pourraient pas être recouvrées non plus, sauf s'il y avait fraude. En somme, si vous me le permettez, M. le ministre, même s'il y a un article général qui parle de recouvrement, en exceptant ces deux situations, il ne reste pas beaucoup de situations où l'on pourrait effectivement recouvrer des sommes. (22 h 30)

Si vous me le permettez, j'aimerais également revenir sur le premier aspect. Les 14 premiers jours nous seraient effectivement remboursés, sauf quant à certaines sommes, entre autres, les sommes que, par convention collective ou encore par entente avec l'employé, la ville se serait engagée à retenir sur les chèques de paie de façon à les payer à un autre créancier. Par exemple, un employé décide de contracter auprès de la caisse de retraite un emprunt hypothécaire pour s'acheter une maison. S'il y a un paiement hypothécaire qui devient dû pendant ces 14 premiers jours, l'employeur va devoir continuer à faire ce paiement alors que l'employé n'est pas au travail. Ce ne sera pas remboursé par la CSST. En quelque sorte, pendant ces 14 premiers jours, l'employeur va avoir payé l'hypothèque de son salarié.

M. Fréchette: Le deuxième... Ah! Je m'excuse. Allez, je vous en prie.

M. Bond: Le problème également de ces 14 premiers jours, c'est que, pendant cette période-là, l'employé est en "accident du travail" entre guillemets. Il n'y a pas encore eu de décision et l'employeur se doit de le considérer, en attendant qu'il y ait une décision, en accident du travail. L'employeur ne peut pas, de son propre chef, dire à l'employé: Reviens au travail, alors que la CSST n'a pas encore pris de décision. Donc, pendant ces 14 premiers jours, en attendant la décision de la CSST, l'employeur n'y peut pas grand-chose. L'employé est absent du travail. De surcroît, alors que la CSST a déjà, depuis le début de l'année, des sommes qui lui ont été payées par l'employeur -11 000 000 $ à la ville de Montréal au début de l'année - la CSST pendant ces 14 premiers jours fera payer l'employeur et remboursera par la suite l'employeur. En quelque sorte, la CSST pourra, à même les intérêts de ces montants, financer une partie de ces coûts.

M. Fréchette: II y a une partie de votre dernière argumentation qui nous a aussi été soumise cet après-midi, c'est-à-dire celle relative aux déductions qui peuvent intervenir à l'intérieur de la période de 14 jours. Je pense que vous nous forcez à réfléchir davantage pour revoir le texte de la loi. Quant à la possibilité ou, enfin, à l'objectif très précis qu'il y ait remboursement dans le cas où un diagnostic médical déterminerait qu'il n'y a pas cette relation de cause à effet entre un accident du travail et l'absence, il est bien évident que, si le texte de loi dans son état actuel n'est pas suffisamment clair ou n'est pas suffisamment normé, balisé pour que cet objectif soit atteint, nous allons le revoir parce que c'est très précisément cela qui est l'objectif fondamental, pour rejoindre ne serait-ce qu'en partie une préoccupation que beaucoup d'employeurs nous ont soulevée depuis le début des auditions, soit l'incidence à la hausse des absences. Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur ce sujet parce que cela va non seulement nous inciter, mais nous obliger à revoir de très près le texte pour qu'on puisse atteindre l'objectif dont je viens de vous parler.

Cela va, quant à moi, M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. M. Lorange, madame et messieurs de la ville de Montréal, je vous remercie d'avoir attendu. Je vais essayer d'être très bref dans mes questions. La première chose qui me frappe dans votre mémoire, c'est à la page 2 où vous dites que la CSST est condamnée pour son application de la loi actuelle et vous continuez en disant: "Elle accorde généreusement des indemnités." Considérant les actions qui ont été prises par le juge Sauvé envers des témoins antérieurs, vous pouvez y répondre ou non. Je ne suis pas inquiet pour la ville de Montréal.

M. Polak: II pourrait être poursuivi personnellement.

M. Cusano: Oui, c'est cela. Il pourrait être poursuivi personnellement. Pouvez-vous nous dire si c'est une enquête que vous demandez sur l'administration de la CSST ou bien si vous leur reprochez une mauvaise administration, point final?

M. Lorange: Nous ne demandons pas

d'enquête particulière au sujet de la CSST, sauf que nous lui reprochons certains gestes administratifs. Il y en a un sur lequel notre mémoire s'appuie largement. Je pourrais peut-être inviter à la fois M. le ministre et tous les membres de la commission à réfléchir sur la notion du revenu garanti telle que présentée dans le projet de loi. Nous pensons que, si cette notion de revenu garanti n'atteignait que 80% du revenu net de l'accidenté, celui-ci retournerait beaucoup plus rapidement au travail. Dans certains cas, actuellement, souvent l'accidenté touche plus en indemnité que son salaire net, finalement, et cela l'encourage à demeurer dans une situation qu'on lui crée presque volontairement. Nous pensons que 80% d'indemnité est une juste rétribution à un accidenté du travail.

M. Bond: Si vous me permettez un commentaire additionnel uniquement sur la question du député, je crois que le souhait, tout simplement, de la plupart des personnes ayant une implication dans ce domaine serait une demande faite à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de façon qu'un suivi plus rigoureux soit fait des dossiers d'indemnisation. Je me limiterais à cet aspect.

M. Cusano: Ces demandes ont été faites, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, depuis assez longtemps, mais, quand même, il ne semble pas y avoir de suivi de la part du ministre et d'autres envers la CSST.

Ma deuxième question concerne l'article 156 du projet de loi où "la commission avise le travailleur et l'employeur de la capacité du travailleur d'exercer tel emploi disponible dans l'établissement ou de s'y adapter." Considérant la grandeur de la ville de Montréal, le nombre d'employés... Je vous le dis très franchement, je ne sais pas le chiffre.

M. Lorange: 13 000 employés. M. Cusano: Pardon?

M. Lorange: Plus ou moins 13 000 employés.

M. Cusano: 13 000 employés.

M. Lorange: En fait, ce sont 13 000 employés et treize conventions collectives.

M. Cusano: Oui, treize conventions collectives.

M. Fréchette: Pas 1000 employés par convention, non?

M. Lorange: Pardon?

M. Fréchette: Pas 1000 employés par convention?

M. Lorange: Non, non. Le partage est fait différemment. Ce n'est pas tranché au couteau comme cela.

M. Cusano: Vous voyez qu'on est très tolérants. On laisse le ministre nous interrompre.

M. Fréchette: Merci pour votre condescendance. Vous êtes bien chics.

M. Cusano: Vous parlez de treize conventions. Vous parlez d'un territoire énorme, celui de la ville de Montréal, de différents établissements, etc. Je perçois certaines difficultés qu'apporterait cet article. La commission viendrait s'installer chez vous pour voir quels sont les différents emplois disponibles. Est-ce que vous voyez cela comme un problème, M. Lorange?

M. Lorange: Effectivement, c'est un problème parce que nous avons, au cours des dernières années, procédé à une rationalisation du nombre d'employés assez considérable et, évidemment, le nombre de postes à caractère allégé a diminué de façon considérable. Bien que nous ayons, nous aussi, des politiques - j'écoutais tout à l'heure les représentants de la société Alcan qui parlaient des politiques de reclassement de personnels qu'ils pouvaient avoir à la suite d'accidents du travail - malgré notre bonne volonté pour tenter de reclasser les gens à la suite d'accidents du travail, puisqu'ils sont devenus incapables de remplir leur tâche habituelle, nous avons beaucoup de difficulté présentement à trouver effectivement des emplois disponibles, compte tenu qu'il y en a moins qu'il n'y en avait et compte tenu aussi que la rationalisation a amené une restructuration et une polyvalence dans les emplois plus considérable qu'auparavant et que, lorsqu'on parle d'employés plus polyvalents, on parle d'employés qui sont en meilleure santé, qui sont capables de faire face à un plus grand nombre de tâches. En ce sens, cela représente une difficulté, c'est indéniable.

Donc, il faudrait éviter, je pense, de nous placer dans l'obligation de reclasser à tout prix. Qu'on continue à respecter les mécanismes qui sont déjà prévus à nos conventions collectives, fort bien, mais je pense que nous avons réussi à convaincre dans une certaine mesure la plupart de nos syndicats que c'était impossible de reclasser tout le monde, qu'on tentait de le faire dans la mesure du possible, mais qu'on ne pouvait pas le faire dans tous les cas. Dans l'ensemble, ce modus vivendi qui existe entre les parties est bien accepté.

M. Cusano: L'autre question porte sur le paiement des quatorze premiers jours. Plusieurs intervenants nous ont donné des chiffres très précis, à savoir qu'il y avait eu justement une variation selon le nombre de jours qui étaient payés par l'employeur et, de ces chiffres-là, ils font une extrapolation et cette extrapolation veut dire qu'ils prédisent qu'automatiquement on va passer à des périodes d'absence de quatorze jours. Vous soulevez la même crainte que les quatorze jours vont passer automatiquement comme une période d'absence normale. Avez-vous des statistiques à cet effet qui permettent l'extrapolation?

M. Girard: En fait, on ne peut pas avoir de statistiques qui vont nous permettre de dire que cela va s'accroître automatiquement. Ce qu'on peut dire, c'est qu'à partir de l'expérience vécue on se rend compte que, chaque fois que nous avons des dispositions dans les conventions collectives, par exemple - et c'est la raison pour laquelle nous avons été amenés à revoir nos conventions collectives - chaque fois qu'on assurait le plein traitement, qu'on facilitait la tâche, finalement, aux employés lorsqu'il y avait un accident de travail, nos périodes d'incapacité s'allongeaient et également la quantité d'accidents de travail. La quantité de réclamations s'accroissait. Nous avons pris des mesures énergiques - je les ai mentionnées au tout début, réduction du nombre d'heures, réduction du nombre d'accidents - et en même temps que nous avons pris ces mesures énergiques en termes purement numériques, nous avons vu aussi à changer nos dispositions dans nos conventions collectives parce qu'on s'est rendu compte qu'à vouloir assurer... Pendant un certain temps, on assurait le plein salaire régulier, tout cela dans un esprit, je pense, de respect à l'égard des travailleurs qui étaient victimes d'un accident de travail, mais on s'est rendu compte que finalement, cela se retournait contre nous et, finalement, contre l'ensemble des employés puisqu'on affectait d'énormes montants à la question des accidents du travail et ces sommes d'argent n'étaient pas affectées à d'autres fins.

Par conséquent, je pense qu'on ne rend service à personne lorsqu'on tend à faciliter au maximum les possibilités de réclamations et les possibilités d'indemnités. Je pense qu'il faut, dans des mesures aussi générales que celles-là, de type universel, avoir des mécanismes qui incitent les gens à ne pas prolonger leur période d'accident du travail. Loin de nous l'idée de penser que la majorité des réclamations sont des réclamations futiles. Il ne s'agit pas de cela. Nous sommes convaincus qu'il y a un très grand nombre d'accidents. La majorité des accidents du travail sont fondés, mais je pense qu'il ne faut pas non plus avoir des dispositions qui nous empêchent d'exercer des contrôles sains, parce que, dans n'importe quelle mesure que nous allons adopter, il y a toujours des gens qui abusent. C'est malheureux, mais c'est le cas. Cependant, je pense qu'il ne faudrait pas avoir des dispositions qui vont permettre ou faciliter des abus.

M. Cusano: Ma question porte sur les coûts du projet de loi spécifiquement pour la ville de Montréal. On a déposé des études sur l'ensemble des coûts. Mais si on considère, comme vous le faites dans votre mémoire, l'élargissement de la notion d'accidents du travail et de lésions professionnelles, l'établissement de la présomption dans le cas de maladies professionnelles, la question des 90% du salaire pour les quatorze premiers jours, le recouvrement des montants versés en trop, ce que vous appelez des sommes faramineuses pour la réinsertion sociale et tout cela, enfin si on prend tout le projet de loi, les quelque 360 articles, qu'est-ce que cela veut dire en termes de coûts pour la ville de Montréal si le projet de loi est adopté tel quel, d'ici à la fin de la session?

M. Lorange: II nous est difficile de faire une évaluation des coûts de l'application du projet de loi puisque nous ne pouvons prédire si, en cours de route ou lors de son adoption par l'Assemblée nationale, la loi ne contiendra pas des modifications qui pourront modifier, justement, les coûts dans l'application.

M. Cusano: C'est pour cela que j'ai dit: Considérant que...

M. Lorange: Actuellement, la question a été posée à notre service du contrôleur; pour le moment, il lui est impossible de donner des coûts inhérents, directs. Ce qui pourrait être fait actuellement ne serait qu'une hypothèse, en tenant compte que ce n'est qu'au stade de projet de loi. (22 h 45)

Une voix: D'autant plus...

M. Cusano: Mais, sans aller dans les détails, est-ce que, selon les informations que vous avez de votre contrôleur, les coûts seraient inférieurs ou supérieurs à ceux de cette année?

M. Lorange: Sur l'ensemble, on peut dire que la loi actuelle serait d'un coût supérieur pour la ville de Montréal. Cela c'est clair.

M. Cusano: Le projet de loi, vous voulez dire.

M. Lorange: Le projet de loi actuel.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Je vais enchaîner sur la question précédente. Malgré les objectifs que vous vous êtes fixés et que vous atteignez, ceux de diminution d'heures, etc., cela coûterait quand même plus cher selon votre évaluation?

M. Girard: Oui. Malgré tout, voyez-vous, malgré notre diminution du nombre d'heures, nos coûts continuent à augmenter. Notre contribution à la CSST est de l'ordre de 11 000 000 $. C'est quand même considérable. Malgré les...

M. Vaugeois: En pourcentage, cela veut dire quoi.

M. Girard: Onze millions de dollars sur une masse salariale...

M. Vaugeois: Votre taux? M. Lorange: De un milliard. M. Girard: Oui, c'est cela.

M. Lorange: Mais il faut regarder aussi l'ensemble de cette question d'accidents du travail, par exemple. En 1977, les coûts inhérents à cette question étaient de l'ordre de 8 000 000 $, globalement. Et, en 1984, ils seront d'à peu près 15 000 000 $, c'est-à-dire à peu près du simple au double dans l'espace de six ou sept ans.

M. Vaugeois: M. le Président, je voudrais poser une question précise de la façon suivante: Vous aviez un taux applicable. Vous vous êtes fixé un objectif de 10%; vous l'avez dépassé, vous êtes allés à 12%. Cette année, vous vous donnez un objectif de 15%. Est-ce que vous vous souvenez de l'évolution du taux alors que vous réussissiez à atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé? Qu'est-ce que cela a signifié sur le taux? Est-ce que le taux a baissé de façon notable entre l'année qui a précédé et l'année qui a suivi?

M. Girard: Ce qui arrive, c'est qu'avant d'avoir un réajustement de taux, cela prend un bon délai. En fait, l'année 1983 vient de se terminer et, avant qu'on connaisse exactement notre taux et nos réajustements, cela prend quand même un certain temps de la part de la CSST. Alors, on ne peut pas voir l'incidence. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les mesures que nous prenons nous évitent de subir des augmentations très considérables, mais cela ne veut pas dire que notre taux ne continue pas d'augmenter.

Simplement, par les mesures que nous prenons, nous freinons l'augmentation.

M. Vaugeois: Est-ce qu'il vous est arrivé d'avoir des taux rétroactifs à la hausse?

M. Girard: Non. Au cours des dernières années, notre cotisation, en fait notre évaluation, l'évaluation faite par la CSST de notre dossier, est plutôt une bonne évaluation. Nous faisons partie du secteur des municipalités et, pour tout vous dire, une étude vient justement d'être faite par un consultant et l'opinion de ce consultant, c'est que, si le taux global des municipalités n'est pas trop élevé, c'est, en grande partie, à cause de la ville de Montréal qui a un bon rendement.

M. Vaugeois: D'accord. Ce sera tout, M. le Président, sauf que je voudrais souligner à l'attention du ministre principalement que, pour ma part, j'ai trouvé ce mémoire particulièrement intéressant, non pas que les autres ne l'étaient pas, mais celui-ci me paraissait particulièrement intéressant parce qu'il s'agit d'un employeur important qu'on ne peut pas soupçonner d'être dévoré par l'appât du gain et du profit et qui prend, finalement, l'intérêt des contribuables, bien sûr, des contribuables de tous ordres, y compris ses employeurs qui sont probablement ses contribuables. Je pense que le mémoire attire notre attention sur des points très précis. Le ministre lui-même, d'ailleurs, en a relevé tout à l'heure, par exemple l'article 27. On a fait référence à l'article 117 et à l'article 58. Je me suis arrêté à la page 4 de votre mémoire qui se réfère à la définition même. Pour moi, c'était pertinent de revenir là-dessus et je crois que nous avons un bon profit à tirer de plusieurs de vos observations.

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'écoute mon collègue de Trois-Rivières et je reconnais là ses aspirations à la mairie et...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Doyon: ...les préoccupations dont il a tenté de...

M. Lorange: De Montréal?

M. Doyon: ...convaincre ses électeurs sans succès, la dernière fois, à Trois-Rivières. Cela laisse des marques. Je veux profiter d'un passage ici. Je pense qu'on a quelqu'un, Me Daoust, qui se spécialise dans tout ce qui concerne les accidents du travail et les réclamations. Vous mentionnez, à la

page 5 de votre mémoire, l'établissement d'une présomption qui se trouve à l'article 26, la présomption qui veut qu'une blessure survenue sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle. Je me demande si Me Daoust pourrait nous donner une idée des implications que cela aurait au point de vue pratique, à comparer avec la situation actuelle qui est celle de la loi qu'on connaît présentement. Est-ce que cela implique des changements importants concernant les réclamations, la façon dont sont traités ces cas-là? Qu'est-ce que cette présomption, qu'on trouve à l'article 26 et que vous soulignez, comme je le disais, à la page 5 de votre mémoire, qu'est-ce que cela change finalement? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Daoust (Linda): Je vais laisser Me Bond répondre à ces questions.

M. Doyon: N'importe qui. C'est la réponse qui m'importe, finalement.

M. Bond: Le problème que pose une telle présomption...

Une voix: ...

M. Doyon: Croyez-moi sur parole.

M. Vaugeois: Avec le député de Louis-Hébert, on n'est pas sûr de ce qu'il vient d'affirmer.

M. Bond: Alors, sous réserve. Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bond: Le problème que pose une telle présomption...

M. Vaugeois: Tes ambitions sont à la mairie, toil

M. Doyon: On vous écoute.

M. Bond: ...de l'article 26, c'est qu'on renverse le fardeau de la preuve. Déjà, l'employeur, devant certains membres de la commission et certains membres de la Commission des affaires sociales, arrive bon deuxième lorsqu'il se présente devant ces commissions. Il y a une sorte de préjugé favorable, pour employer une expression qu'on connaît bien dans certains milieux, envers le réclamant. C'est lui, même si l'on respecte les règles normales de droit, même si c'est le règlement; donc, il a le fardeau de la preuve. En édictant une présomption, on rend encore plus difficile la position de l'employeur. L'employeur, c'est lui qui dorénavant va avoir le fardeau de démontrer que l'employé X qui vient réclamer pour un accident du travail, pour une lésion professionnelle, que cet accident, que cette incapacité ne vient pas d'une condition personnelle préexistante de l'employé, et c'est maintenant l'employeur qui a le fardeau de démontrer cela. On renverse carrément la situation et on oblige l'employeur, en quelque sorte, à aller faire enquête sur ces conditions préexistantes de l'employé. Je parle de conditions de santé, évidemment.

M. Doyon: Pour poursuivre un peu là-dessus. Est-ce que cette présomption qui vous impose ce fardeau de la preuve, dans la pratique de tous les jours, vous autres, dans ce que vous avez rencontré - cela nous intéresse, on a toutes sortes de points de vue et le vôtre nous intéresserait - est-ce que cela vous paraît, à votre point de vue, de votre bout de la lorgnette d'employeur, est-ce que cela vous paraît nécessaire ce renversement du fardeau de la preuve pour que finalement les employés aient justice? Parce que c'est ce qui nous importe. Il peut y avoir finalement plusieurs façons de rendre justice et de protéger les employés, les travailleurs, les travailleuses. Est-ce que vous pensez que c'était nécessaire d'en arriver, à votre point de vue, bien sûr, et on tiendra compte que cela vient de chez vous, d'établir une telle présomption et un tel renversement du fardeau de la preuve?

M. Bond: En tenant compte évidemment que cela vient d'un avocat patronal, comme vous le disiez, je serais tenté de vous répondre par une boutade. Ce n'est pas l'employé qu'il fallait aider devant la Commission des affaires sociales et devant la CSST, c'était l'employeur qu'il fallait aider, en ce sens que l'employé, comme je le disais, jouit déjà d'un préjugé favorable. Il est déjà dans une situation assez intéressante devant la Commission des affaires sociales, devant la CSST. Je ne crois pas que cette présomption qui est créée par l'article 26 apporte vraiment un soutien additionnel à la réclamation d'un travailleur. Ce qui nous embête également, pour compléter ma réponse de tout à l'heure sur l'article 26, c'est qu'il faut prendre cette présomption de l'article 26 en relation avec la disparition de l'article 3 qu'on a dans la loi actuelle. L'article 3, dans la loi actuelle, dit qu'une lésion professionnelle qui survient par le fait d'une imprudence grossière et volontaire de la part de l'employé ne peut pas donner droit à une indemnisation. Cette restriction disparaît. Et dans la définition d'accident du travail, on fait disparaître, quand on parle de fait, l'adjectif "imprévu". Si bien qu'en prenant ces trois amendements ensemble, amendements à la définition d'un accident du travail, disparition de la restriction de l'article 3 et création d'une présomption à l'article 26, un employé qui, volontairement, pour quelque motif que ce soit que je n'ai

pas à juger, se blesse sur les lieux du travail, avec la présomption et avec la disparition de l'article 3, doit être indemnisé.

M. Doyon: Quand vous parlez de la situation actuelle de l'employé vis-à-vis de la CSST où il jouit d'un préjugé favorable, j'aimerais que vous soyez plus explicite. Est-ce que le préjugé favorable que vous semblez déceler en faveur de l'employé, du travailleur blessé ou victime d'une lésion professionnelle, découle de la loi ou d'une attitude administrative de la CSST? Est-ce que vous pouvez identifier la source de ce que vous appelez le préjugé favorable?

M. Bond: Je crois, pour ma part -quitte à ce que Me Daoust complète par la suite, et je vous réfère à la conclusion de notre mémoire - que cela tient beaucoup plus à une façon d'interpréter et d'appliquer la loi qu'à un texte législatif comme tel.

M. Doyon: C'est donc dire que, selon votre point de vue, la CSST colore, si vous voulez, son application de la loi. Est-ce que je vous comprends bien quand je dis ces paroles?

M. Bond: Je crois, M. le député, que, quant à nous, ce que nous demandons à la CSST, c'est une plus grande rigueur dans l'application et dans l'interprétation de la loi et de s'en tenir davantage à un rôle de tribunal tel qu'on le conçoit normalement pour les autres tribunaux, c'est-à-dire d'interpréter et d'appliquer la loi et non pas de combler certaines lacunes qu'elle pourrait déceler.

M. Doyon: Merci. Je pense que tout cela s'insère un peu dans le débat auquel, malgré vous, vous avez été témoin ce soir, où on déplorait justement une façon de faire du président-directeur général, le juge Sauvé de la CSST, qui a fait, avec le passage des ans, jusqu'à un certain point, de la CSST sa chose personnelle avec une façon d'envisager les critiques qui sont dirigées contre l'organisme qu'il dirige comme étant des critiques personnelles. Cela, nous sommes unanimes de ce côté-ci à le déplorer, et je vous remercie de vos informations.

Le Président (M. Paré): Au nom des membres de la commission, M. Lorange, mesdames et messieurs, merci beaucoup.

M. Lorange: Je voudrais, M. le Président, vous remercier tout particulièrement, remercier M. le ministre et tous les membres individuellement de la commission de l'accueil patient, indulgent, tolérant, chaleureux et très généreux que vous avez eu à l'endroit de la délégation de la ville de Montréal. Merci beaucoup.

M. Fréchette: Vous avez été patients, vous aussi, très patients.

Le Président (M. Paré): Alors, à nouveau, merci beaucoup de votre tolérance et de votre participation. Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 23 heures)

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