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Version finale

29e législature, 3e session
(7 mars 1972 au 14 mars 1973)

Le mardi 23 janvier 1973 - Vol. 12 N° 134

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du règlement no 6 sur le transport par véhicule-taxi


Journal des débats

 

Commission permanente des Transports,

des Travaux publics et de

l'Approvisionnement

Etude du règlement no 6 sur le transport par véhicule-taxi

Séance du mardi 23 janvier 1973

(Quatorze heures quarante deux minutes)

M. SEGUIN (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais souhaiter la bienvenue au public ici présent qui aura à faire des commentaires à la commission. Nous allons essayer de procéder avec le plus de dextérité possible, entendre le plus de gens possible, selon l'ordre du jour. En ce qui concerne les membres votants de la commission, un peu plus tard au cours de la séance on pourra en donner la liste afin que ce soit enregistré officiellement au journal des Débats.

Je demanderais qu'on garde le silence s'il vous plaît.

Si les membres sont consentants, on peut commencer immédiatement.

M. GAGNON: A titre d'information, combien le président a-t-il reçu de demandes pour comparaître ici?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Ce sont des associations. Il y a un individu sur une liste de quelque 250 noms. Il y en a déjà quatre ou cinq qui sont déjà passés. S'il y a consentement de la commission, à une séance subséquente nous n'entendrons probablement que des individus. Mais, dans le moment, nous essayons de procéder selon l'ordre que nous avons au secrétariat. Nous en passerons un certain nombre. Aujourd'hui, nous avons un individu et cinq associations à entendre. Demain, nous reprenons à peu près avec le même nombre.

Sans plus de préambule, M. le ministre — il n'y a pas de commentaire, je pense bien — nous allons entendre les représentants de l'Organisation des chauffeurs de taxi de Montréal. J'ai, comme porte-parole, M. Morin. Je ne sais pas si c'est changé mais on voudra bien nous en aviser. Alors, messieurs, si vous voulez vous identifier, comme on l'a fait la semaine dernière. L'identification est nécessaire d'abord pour l'information des membres de la commission et ensuite afin que celui qui est à la console, celui qui contrôle les enregistrements puisse savoir à qui il a affaire lorsque quelqu'un fait un commentaire. C'est surtout pour identification. Alors, sans plus de préambule, allez-y.

Organisation des chauffeurs de taxi de Montréal

M.MORIN: Mon nom est Marcel Morin, chauffeur de taxi régulier. A ma gauche Gilles

Morin, aussi chauffeur de taxi régulier, et M. Nigel Hamer, chauffeur de taxi régulier.

A ma droite, le conseiller technique de l'OCTM, Jean-Pierre Bélanger. La façon dont nous aimerions procéder, c'est que je dirige notre débat, au niveau des questions, et que nous lisions notre mémoire. Est-ce que cela vous va? ,

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous avez un mémoire. Je vous suggérerais de déposer le mémoire complet en annexe au journal des Débats. Ensuite les observations et les commentaires se feraient autour de votre mémoire. Faites une synthèse du mémoire.

M. MORIN: C'est déjà une synthèse, M. le Président. Ce ne sont que quelques pages.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. Je demanderais qu'on réduise cela au minimum, que ce soit non pas une lecture, mais une synthèse, un résumé de votre mémoire. Nous déposerons le mémoire. Vous l'avez déposé, d'ailleurs. On demande que ce mémoire soit déposé en annexe au journal des Débats. C'est comme s'il avait été prononcé tout au long. Si vous résumez un peu, puisque tous les membres ont une copie du mémoire, ils seront en mesure de vous poser des questions sur des parties ou des sections du mémoire.

Je dis toujours que c'est pour gagner du temps, mais ce n'est pas tellement cela. C'est surtout pour qu'on puisse entendre tous les groupes et toutes les différentes personnes qui ont demandé de se faire entendre aujourd'hui. (Voir annexe)

Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Vu que le résumé serait peut-être plus long que la lecture des quelques feuilles, avez-vous objection à ce qu'on fasse une certaine lecture, pour accommoder les représentants?

LE PRESIDENT (M. Séguin): C'est ce qu'on a suggéré. Allez-y donc.

M. MORIN: M. Bélanger en fera la lecture. LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Bélanger. M. MORIN: Oui.

M. BELANGER: La centrale unique. L'OCTM tient à affirmer son accord avec la proposition du règlement no 6 de créer une seule centrale de radio par agglomération. Cette centrale unique permettra d'améliorer considérablement la qualité du service de taxi, d'en réduire les coûts d'exploitation et, de là, de prévenir les hausses de tarifs inutiles pour le client. Par la même occasion, nous tenons à affirmer notre appui à l'interdiction des concessions.

Il nous semble faux de prétendre que le système actuel soit efficace. Les nombreuses

plaintes du public et des chauffeurs, la multiplication des petites associations, le fait qu'un très grand nombre d'artisans ne soient reliés à aucune centrale de radio et qu'un très grand nombre de chauffeurs n'utilisent jamais le système de radio, tout cela démontre l'inefficacité du système actuel de radio de compagnie de services, à Montréal.

Il est faux de croire que ce serait le gigantisme de certaines compagnies actuelles qui créerait cette inefficacité; c'est bien plutôt le fait que les principaux intéressés, à savoir les chauffeurs, les artisans et le public, ne sont absolument pas impliqués dans le fonctionnement de ces compagnies.

Ajoutons aussi le fait que Diamond et Lasalle regroupent près de 75 p.c. des taxis de la ville de Montréal, et qu'il y a déjà eu des tentatives, à ce qu'il semble, de fusion de ces deux compagnies. On en conclut donc que la création d'une seule compagnie de service semble être aussi une nécessité pour les compagnies existantes, mais pour elles, à la condition qu'elles en gardent le contrôle et continuent de fonctionner sous le même principe de rentabilité qu'actuellement.

La proposition du règlement no 6 de créer une seule association nous semble aller dans le sens de l'évolution normale de l'industrie, et a de plus le double avantage d'être à but non lucratif et être contrôlée par ceux qui exploitent vraiment le service de taxi, à savoir les détenteurs de permis et surtout les chauffeurs artisants à raison de 60 p.c. des membres.

D nous semble cependant que le règlement devrait être amendé de façon à: 1 ) Eliminer toute procuration dans les prises de décision de l'association unique; 2) Bien établir l'autorité souveraine de l'assemblée générale sur toutes les décisions; en particulier sur la question du rachat des compagnies existantes; 3 ) Intégrer la pleine participation des chauffeurs réguliers aux décisons de cette association unique; 4) Que le rachat des compagnies existantes soit fait à la seule condition que ce soit profitable à l'industrie du taxi;

Cependant, l'acceptation par l'OCTM de la création d'une centrale unique est liée aux conditions suivantes: a) — Et ça, c'est très important. — Que le gouvernement amende les lois pour rendre possible la création d'un seul syndicat par agglomération pour tous les chauffeurs de taxi; b) Que le gouvernement apporte certaines garanties aux propriétaires uniques actuels détenteurs d'un seul permis, à savoir:

De considérer le permis municipal comme un droit acquis. Il s'agit du permis municipal ici;

De garantir le renouvellement des permis des propriétaires uniques qui ont actuellement un permis municipal;

De garantir à tous les propriétaires uniques une pleine compensation de la valeur spécu- lative au prix municipal du marché et ce, à même une subvention du ministère des Transports;

De ne pas imposer le cautionnement de $500 pour ceux qui ont un permis municipal;

Enlever les normes de 60 heures par semaine et de 8 heures par jour pour la voiture d'un propriétaire unique. c) Que soient retirés du règlement les articles pouvant faire l'objet de négociation entre la centrale unique et le syndicat unique. Voir section IV. Nous la verrons tantôt.

Deuxièmement, le mode de rémunération. L'OCTM propose que le système de location actuel soit permissible, mais que les taux soient réglementés par voie de négociation — et là, il y a un ajout qui a été fait, qui a été rapporté à la section IV. En fait le dernier paragraphe de la section IV devait aller en haut — et que le règlement soit amendé pour reconnaître le chauffeur de location comme un salarié pour les fins des lois du travail.

Je continue à la section II. L'OCTM tient cependant à ajouter que, de toute façon, le mode de rémunération au pourcentage apparaît totalement inacceptable sans l'existence d'un syndicat pour assurer une juste et croissante rémunération des chauffeurs.

Troisièmement, l'OCTM tient à affirmer son appui aux objectifs suivants du règlement: sécurité sociale pour les chauffeurs, garantie d'un revenu minimum, abolition de la spéculation sur les permis, ce qui permettrait aux chauffeurs d'en avoir un sans avoir à peiner pendant des années à des taux exorbitants, émission de 60 p.c. des permis de taxi à des chauffeurs, mode d'émission des permis fonctionnant avec les listes d'attente, obligation d'avoir son revenu principal dans le taxi pour les personnes physiques et les corporations. Ceci ne constitue que certains exemples des choses avec lesquelles nous sommes d'accord. Les choses avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord, nous le disons. Pour le reste, c'est implicite qu'on l'accepte plus ou moins.

Quatrièmement. Réglementation par l'industrie. En raison de son caractère complexe et très souvent local, il nous semble préférable de réglementer le taxi sur une base locale et par voie de négociation plutôt que par une réglementation provinciale unique en ce qui concerne les conditions de travail et d'opération du service. Il y a la liste, à l'annexe "A" des articles qu'on voudrait voir sortir du règlement pour fins de négociation ou amendés. Ce sont les articles qui concernent les heures de travail, par exemple, les assignations, etc.

Cinquièmement. On tombe dans le règlement no 4. L'OCTM considère que le règlement no 4 sur le permis de chauffeur de taxi doit être amendé de façon à enlever le cautionnement de $100 qui nous apparait une mesure pour pallier l'absence d'une politique de main-d'oeuvre dans le taxi, enlever la limite de 65 ans et garantir aux chauffeurs actifs actuels le renouvellement de

leur permis dans le cadre du règlement no 4. Ce qu'on veut dire ici, c'est garantir aux non-Canadiens qui ont déjà un permis le droit de conserver leur permis jusqu'au moment où ils seront Canadiens ou donner un certain délai, pour ce qui est de leur langue de travail, à ceux qui ont déjà leur permis de chauffeur de taxi.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous avez terminé, M. Bélanger?

M. BELANGER: Oui, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci. Le ministre du Transport...

M. PAUL: Pourriez-vous nous dire, M. Bélanger, combien il y a de membres dans votre association? Ne compte-t-elle que des chauffeurs de taxi ou y a-t-il également des propriétaires ou des taxis artisans?

M. BELANGER: Notre organisation est née en novembre 1972 de la fusion du mouvement de libération du taxi, qui existe depuis 1968, et du comité d'information du taxi, qui travaillait surtout au niveau des flottes, pour garantir la sécurité des voitures. La fusion a été faite en novembre 1972, comme je vous le disais, et, en fait, il n'y a pas eu de recrutement comme tel. Il y a eu plutôt la consolidation et l'organisation d'un organisme. L'organisation a été enregistrée. Il y a un comité exécutif de cinq personnes. Pour être membre du comité exécutif, il faut être chauffeur régulier de flotte depuis au moins deux ans. Tous satisfont à cette norme. Jusqu'à très récemment, il y avait des chauffeurs artisans, mais, depuis la semaine dernière, il n'y a plus de chauffeur artisan dans l'OCTM. La campagne d'organisation n'est pas encore commencée. Nous avons dû nous occuper de comprendre le règlement, de l'expliquer aux chauffeurs en assemblée générale. Ce ne sont pas des membres encore, parce que nous n'avons pas encore commencé la campagne de perception de $2. Il y a eu des sessions d'étude qui ont duré cinq heures sur le règlement no 6 et de là des résolutions.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Bélanger. Vous avez mentionné qu'il y avait eu fusion du MLT et d'une autre association.

M. BELANGER: Comité d'information du taxi, formé de chauffeurs de taxi.

M. PAUL: Comité d'information. Pourriez-vous me dire combien de membres cela comprend? Je retiens de votre mémoire que vous n'avez pas fait de recrutement, vous n'avez pas eu le temps jusqu'ici de faire de recrutement, mais, à toutes fins pratiques, combien de membres font partie de votre association?

M. BELANGER: M. Paul, j'ai un peu répondu tantôt, dans le sens...

M. PAUL: Vous avez parlé de fusion. Vous ne m'avez pas donné de nombre.

M. BELANGER: Oui, d'accord. Je ne vous ai pas donné le nombre. Je vais vous répondre. On n'a pas de membre, effectivement, comme on le dit dans la salle. Il y a des membres, mais il n'y en a pas à la tonne. Un instant, laissez-nous répondre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais qu'on garde un silence aussi respectueux que possible durant ces énoncés, durant ces commentaires, durant les questions, durant la lecture ou le résumé d'un mémoire. Nous allons entendre tout le monde et la commission, le ministère pourra juger, à la fin, selon les témoignages, ce qu'il faut faire de ce règlement no 6 sur l'industrie du taxi. Mais, au moins, qu'on entende chacun, librement. Il a été question d'un mouvement de libération du taxi tout à l'heure, qu'on soit donc libre de s'exprimer sans qu'il y ait d'autres commentaires.

Les autres auront leur tour et ils pourront démentir ceux qui les ont précédés. On entendra tout cela. S'il vous plaît, M. Bélanger, j'espère que vous pourrez procéder avec dextérité.

M. BELANGER: Cela fait des années qu'il se ramasse, dans le taxi, des $2 pour des cartes de membres. Nous avons décidé de ne pas le faire. Cela fait quatre ans qu'on ne le fait pas et il semble que cela rejoint un peu la réalité dans le taxi. Donnez-nous une possibilité de former un syndicat plutôt que de ramasser des $2 et d'écoeurer les gars qui se retrouvent déprimés au bout moins $2 ou $6, parce que c'est pour rien. On ne ramasse pas de $2. On ne ramasse pas de "membership".

Cependant, on publie un journal, le seul journal de chauffeurs de taxi qu'il y ait à Montréal, fait par des chauffeurs de taxi, et on le vend $0.10 la copie. On en vend 2,000 copies.

M. PAUL: M. Bélanger, à la page 1 de votre mémoire, dans la dernière phrase, je lis ceci: "Par la même occasion, nous tenons à affirmer notre appui à l'interdiction des concessions."

Votre association s'opposerait ou s'opposera à ce qu'il y ait des concessions sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal pour permettre l'exercice de la profession de chauffeurs de taxi. Quelles sont les raisons à l'appui de cette opinion que vous nous donnez?

M. BELANGER: D'abord, elles sont coûteuses. C'est une raison. Elles pourraient peut-être être utiles, mais on ne le pense pas.

M. PAUL: Elles sont coûteuses pour qui? M. BELANGER: Pour le public, pour le

chauffeur. Ce n'est pas le président de l'association qui paye cela.

M. PAUL: En quoi le public paye-t-il davantage pour ces concessions? Je comprends que le tarif est fixé.

M. BELANGER: Cela entre dans les coûts de rentabilité de l'association, quand ils arrivent et disent que cela ne rapporte pas.

M. PAUL: Vous allez admettre, M. Bélanger, que le public est très indirectement frappé par le coût de ces concessions.

M. BELANGER: Comme dans tout.

M. PAUL: Vous croyez que ces postes, ces concessions ne sont pas nécessaires pour donner un bon service de taxi à la population?

M. BELANGER: Quand il y avait une concession à Dorval pour Murray Hill, on disait que c'était pour assurer le service de taxi et on disait que le taxi ne serait jamais capable d'assurer un bon service. Il y a eu une commission parlementaire à Ottawa sur le service à l'aéroport. A ce moment-là, le MLT, en assemblée générale et, après cela, en comité de travail de quinze personnes, a présenté un mémoire de 40 pages contenant vingt propositions. Ce mémoire a plus ou moins été respecté à court terme quoique, à long terme, on s'oriente drôlement vers cette solution.

On se rend compte que le service de taxi est non seulement capable de servir à l'aéroport, mais il est même en nombre excédentaire. Nous ne pensons pas qu'il sera nécessaire d'avoir le coût des concessions pour le fonctionnement de l'industrie, s'ils sont tous réunis dans une association unique.

M. PAUL: En supposant que la concession de l'aéroport de Dorval n'ait pas donné satisfaction et au public et aux chauffeurs de taxi...

M. BELANGER: II y a des explications à ça.

M. PAUL: Oui. Je ne me prononce pas sur le bien-fondé des avantages et des critiques que nous avons entendus là-dessus.

Admettez-vous que d'autres concessions situées sur tout le territoire de l'île de Montréal fonctionnent sans créer d'embêtement comme la concession de Dorval a pu en créer?

M. BELANGER: Je trouve votre question incomplète. Il faudrait savoir...

M. PAUL: J'aimerais que vous la complétiez et surtout que vous complétiez la réponse.

M. BELANGER: II faudrait savoir comment a été organisé le poste à Dorval. On l'a critiqué dès le début en disant qu'il n'y avait aucun contrôle et cela a permis à certains indésirables de s'y infiltrer, d'autant plus qu'on a mis les chauffeurs de taxi en attente de façon à favoriser infailliblement des abus. Quand vous attendez trois ou quatre heures en ligne et que vous avez un voyage de, je ne sais pas, $1.50, à un moment donné, vous avez l'idée, c'est normal, surtout si vous avez le gars à payer...

Pour ce qui est des concessions de taxi, qu'on nous démontre qu'on assure le service. Cette chose est loin d'être démontrée. Pour les hôpitaux, il n'y a pas de concession et ça fonctionne aussi bien. Il y a des hôpitaux où il y en a et où il n'y a pas de service.

D'ailleurs, certaines associations, à partir d'une certaine heure, n'ont plus de service garanti, de la part de certaines concessions. Vous n'avez qu'a vous rendre à la gare centrale à certaines heures — je prends celle-là parce que c'est la plus connue — et ils sont obligés de prendre n'importe quels taxis.

M. PAUL: Toujours dans le même ordre d'idées, M. Bélanger, à la page 2 de votre mémoire, vous mentionnez que le public formule de nombreuses plaintes sur le fonctionnement du système actuel. Pourriez-vous nous dire quelles sont en résumé les plaintes que le public peut adresser, par exemple, aux chauffeurs de taxi sur le fonctionnement du système actuel?

M. BELANGER: Les chauffeurs de taxi servent de boucs émissaires à toutes sortes de choses. Je pourrais relever les plaintes qui ne relèvent pas directement des chauffeurs de taxi, dont ils ne sont pas responsables, en termes de service. En termes de métier, ce que l'on appelle "no load" cela existe. Quand vous recevez trois ou quatre taxis en même temps ou que le taxi ne vient pas, cela peut se produire. Un client appelle trois ou quatre compagnies.

Ce n'est pas qu'il y ait trois ou quatre compagnies, c'est parce qu'il y en a 46.

M. PAUL: M. Bélanger, j'aurais peut-être deux autres questions. C'est au sujet des associations de services. A la page 2 de votre mémoire, je lis l'avant-dernier paragraphe: "La proposition du règlement no 6 de créer une seule association nous semble aller dans le sens de l'évolution normale de l'industrie et a de plus le double avantage d'être à but non lucratif et d'être contrôlée par ceux qui opèrent vraiment le service de taxi, à savoir les détenteurs de permis et surtout les chauffeurs artisans en raison de 60 p.c. des membres." Est-ce que vous voulez dire par là, vous me corrigerez si j'interprète mal le texte, que 60 p.c. des chauffeurs de taxi à Montréal ne sont pas des artisans ou propriétaires de flotte?

M. BELANGER: Non, c'est en fonction de la proposition du règlement no 6, où on donne 60 p.c. du même...

M. PAUL: C'est par référence à l'avant-projet.

M. BELANGER: Oui, ce paragraphe est sur l'avant-projet comme tel et non pas sur la réalité actuelle.

M. PAUL: A la page 3, au deuxième paragraphe, M. Bélanger, vous nous suggérez que l'autorité compétente, l'Assemblée nationale ou le gouvernement, par délégation du pouvoir qui lui est accordé par l'article 5 du bill no 23, vous permette d'établir, vous, membres de votre association, comme autorité souveraine, l'assemblée générale, sur toutes les décisions, en particulier la question du rachat des compagnies existantes. Est-ce que vous pourriez élaborer quelque peu sur cet aspect de votre mémoire?

M. BELANGER: Disons que je vais expliquer ce que je comprends, parce que je n'ai pas très bien compris votre question. Cela se rapporte à l'assemblée des membres de l'association unique, tel que proposé dans le règlement no 6. Il y a des aspects dans le règlement qui ne nous semblent pas tellement clairs. Evidemment, nous ne sommes pas des avocats. Il ne semble pas tellement clair que ce soit l'assemblée générale annuelle des membres et détenteurs de permis qui ait toute l'autorité. Parfois, on dirait, dans le règlement, parce qu'il n'est pas tout à fait clair, que le conseil d'administration de l'association unique aurait peut-être des pouvoirs que n'aurait pas l'assemblée générale.

Nous voulons tout simplement souligner que, si on est d'accord sur l'association unique, on veut que ce soit l'ensemble des détenteurs qui prennent les décisions.

M. PAUL: Si je comprends bien votre recommandation ou votre suggestion...

M. BELANGER: Dans le cadre du règlement...

M. PAUL: ... c'est l'assemblée générale des membres de l'association unique qui déciderait si une association doit être indemnisée ou non, comme conséquence de sa disparition du monde du taxi.

M. BELANGER: C'est cela.

M. PAUL: En supposant que votre association en vienne à la décision que l'expropriation devrait se faire, quel serait, d'après vous, l'organisme habilité pour étudier le problème de l'indemnité d'expropriation?

M. BELANGER: Je n'ai aucune expérience dans ce domaine-là, monsieur.

M. PAUL: Est-ce que vous exigeriez que l'assemblée générale se prononce une autre fois quant au montant de l'expropriation d'une association de services?

M. BELANGER: Cela va de soi. Selon notre proposition, c'est cela. Il faut préciser aussi que le règlement no 6 ne parle pas de l'expropriation de tous les biens des associations existantes. Le règlement no 6 rend obligatoire une centrale téléphonique unique, ce qui est une partie assez peu importante des biens capitaux des associations existantes, d'autant plus que le règlement no 6 semble limiter l'actif des biens meubles à $2 millions. Or, il est impossible, avec $2 millions, d'acheter Lasalle et Diamond à Montréal.

M. PAUL: Est-ce que, d'après vous, vous avez eu suffisamment de temps pour étudier toutes les implications de l'avant-projet de règlement no 6 sur le taxi? Est-ce qu'il y a des points que vous voudriez voir amendés, corrigés, assouplis, tant pour le bon service au public que pour la sécurité, la liberté d'emploi du chauffeur de taxi?

M. BELANGER: Ce qui nous semble important, c'est mettre de l'ordre dans l'industrie pour en faire une industrie normale. Une des forces d'une compagnie concurrente du taxi, c'est justement qu'elle était organisée. L'industrie du taxi n'est pas organisée, il y a trop de niveaux d'autorité, trop de niveaux de décision là-dedans. Nous ne savons pas qui prend les décisions. On nous promène du poste de flotte à la police, de la police à l'association, de l'association au garage, du garage à l'assurance, de l'assurance au fédéral, du fédéral au provincial, etc. Nous pensons que le règlement no 6 va mettre de l'ordre dans l'industrie, que l'industrie va pouvoir se développer, offrir des conditions de travail décentes si on inclut un syndicat. Alors, sur l'association unique, nous sommes amplement d'accord pour mettre un peu d'ordre. Ce seront les détenteurs de permis et non pas les gens qui ne sont pas directement impliqués, ce seront les patrons de flotte et les propriétaires artisans qui contrôleront l'industrie. Pour ce qui est des conditions de travail, pour ce qui est des modalités de travail, comme appeler à la centrale, etc., l'industrie du taxi étant extrêmement complexe nous ne pensons pas que cela puisse se régler dans un règlement. Ce que nous demandons, c'est qu'il y ait un syndicat qui négocie cela avec l'association unique. Si le gouvernement, dans son intention de protéger l'intérêt du public, tient à avoir un droit de regard sur ces règlements de l'annexe "A", il pourra peut-être exiger que la Commission des transports ratifie le règlement négocié sous certains aspects avant qu'il entre en vigueur. Cela permettrait aussi de faire des règlements qui seraient plus appropriés à Québec, d'autres à Sherbrooke, d'autres à Saint-Tite, d'autres à Montréal.

M. PAUL: Depuis la parution du règlement no 6, vous avez eu l'occasion de discuter de ce règlement en combien d'occasions avec les chauffeurs de taxi?

M. BELANGER: Pendant des heures et des heures.

M. PAUL: Je ne parle pas de temps, je parle d'occasions.

M. BELANGER: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

M. PAUL: Combien de consultations avez-vous eues? Est-ce que c'était au niveau privé ou en réunions publiques?

M. BOSSE: M. le Président, sur un point d'ordre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Dorion, sur un point d'ordre.

M. BOSSE: M. le Président, pour répondre au député de Maskinongé, je ne veux pas, ici, venir à la rescousse de qui que ce soit. Je voudrais tout simplement expliquer l'espèce de climat qui règne, plus particulièrement à Montréal et aussi à d'autres endroits, sur le plan de l'organisation et de la représentation.

M. PAUL: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre!

M. PAUL: ... M. Bélanger répond d'une façon très claire. Il répond avec intelligence aux questions que je lui pose. Je voudrais bien que le député de Dorion reste dans son jardin, pour le moment.

M. BOSSE: Je voulais tout simplement apporter des éclaircissements. Que le député de Maskinongé n'essaie pas de se faire du capital politique sur le dos des chauffeurs de taxi !

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

La parole est à M. Bélanger, qui a été interrompu.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement. J'inviterais l'honorable député de Dorion à lire l'article 100 de notre règlement. Quant à moi, je n'ai aucun capital politique à me faire. La seule politique qui me guide, actuellement, comme la majorité des collègues de cette commission, c'est la liberté, la sécurité et l'ordre dans le monde du taxi, à Montréal et au Québec.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Dans le cas où il y aurait, dans l'auditoire et dans le public, des personnes qui n'auraient pas été ici la semaine dernière, à nos commissions nous ne tolérerons pas de démonstrations en faveur ou contre, peu importe. Je vous demanderais de vous contenir, de vous asseoir sur vos mains, surtout, et de parler à voix basse, si vous avez à parler à votre voisin ou à votre collègue. Mais nous demandons pour le mieux-être de nos travaux, qu'on s'abstienne de toutes démonstrations, quelles qu'elles soient, s'il vous plaît. M. Bélanger.

M. BELANGER: Pour répondre au député de Maskinongé, je vais donner le déroulement du programme que nous avons suivi à partir du règlement no 6. D'abord, nous l'avons reçu sur la tête, comme tout le monde, le 21 décembre. Nous n'étions pas contents et nous l'avons dit. Les chauffeurs l'ont tous lu pendant la période de Noël. Ils l'ont lu et ils l'ont compris. Malgré les détails, ce n'était pas si compliqué que cela. Immédiatement après le jour de l'An, le 3 janvier, nous avons tenu une assemblée de l'exécutif, où nous avons senti la nécessité de nous informer davantage, plus précisément sur le règlement. Le dimanche d'après, le 7 janvier, par des contacts personnels, il y a deux groupes d'étude, au total 35 personnes, qui ont étudié, pendant 5 heures, le règlement no 6. C'étaient des chauffeurs de taxi. On l'a étudié avec des documents préparés, pour le résumer un peu. De cela sont sorties des propositions qui ont été imprimées dans un journal qui a été diffusé à 3,000 copies. De là, nous avons tenu notre assemblée, le 14 janvier. Il y avait à peu près 100 personnes. Pourquoi y avait-il 100 personnes? On n'a pas profité, comme certains autres groupes, des ondes de radio-taxi pour faire du recrutement. Au contraire, on a annoncé sur les ondes de taxi, à Montréal, en même temps que nous faisions notre assemblée, à une heure trente, des assemblées à deux heures trente ici et là.

M. PAUL: M. Bélanger, je vous remercie, de même que vos compagnons pour les recommandations qui sont contenues dans votre mémoire et qui, sûrement, retiendront, en temps utile, l'attention des membres de la commission.

M. BELANGER: Merci, M. Paul.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président, j'ai entendu M. Bélanger, tout à l'heure, demander, à l'article 3, ici, d'intégrer une pleine participation des chauffeurs réguliers aux décisions de cette association unique. Est-ce que réellement vous croyez que c'est une chose assez facile à demander que les chauffeurs puissent participer aux décisions prises par cette association unique?

M. BELANGER: II y a un comité consulta-

tif. Il serait peut-être bon qu'il y ait une participation au moins égale pour les chauffeurs de taxi, dans le règlement no 6. Mais ce que nous demandons surtout, c'est qu'on amende les lois pour créer un syndicat au niveau de toute l'agglomération. Sans cela, on sera pris avec des syndicats de trois, quatre ou cinq gars, des petites flottes de vingt.

Cela va devenir un cul-de-sac. D'après nous, le chauffeur de taxi est le centre de l'industrie. Les instruments sont là pour l'aider, mais le véritable centre de l'industrie, c'est le chauffeur de taxi.

Et la preuve, les meilleures associations à Montréal sont faites par des chauffeurs de taxi réguliers, surtout des artisans.

M. AUDET: Vous ne croyez pas que vous auriez plus de chance à donner votre idée ou à avoir droit au chapitre en vous intégrant d'une façon financière, avec une participation en achetant des titres dans le taxi à Montréal? Ces associations ont des mises de fond, des capitaux d'investis. Si on s'en remet au passé, je crois que ce sont surtout ceux qui investissent beaucoup de capitaux qui ont le droit de parole.

Par cette même intégration, sous forme financière, en achetant des obligations quelconques, vous ne croyez pas avoir plus le droit de parole dans cette association unique, si vous participiez par des mises de fonds.

M. BELANGER: Dans le cadre actuel ou dans le cadre du règlement no 6?

M. AUDET: Vous demandez ici une association unique. Ce n'est peut-être pas ce que l'ensemble des intéressés au taxi demandent. Et même sous cette forme d'association unique, je crois réellement qu'il serait assez difficile de faire accepter un droit de parole à votre syndicat, au même titre que ceux qui ont mis de forts capitaux.

M. BELANGER: Les capitaux vont être extrêmement restreints si ce règlement est apporté. Comme disait le rapport Bossé — et nous, ça fait des années que nous le disons — si vous prenez un taxi — non pas l'association, mais un taxi — 60 p.c. de l'investissement est composé uniquement d'investissements purement spéculatifs. Le rapport Bossé veut restreindre ça. Nous sommes entièrement d'accord.

D'autre part, nous ne croyons pas que les chauffeurs qui connaissent l'industrie et qui misent leur vie — des types comme M. Lippé, que vous avez entendu la semaine passée, il y en a des centaines n'aient pas le droit de dire comment ça se règlemente le taxi. Il faut dire que dans le passé, et depuis plusieurs années, ce ne sont pas les propriétaires qui ont remis en cause le fonctionnement de l'industrie du taxi et qui ont apporté des suggestions qui apporteraient des améliorations, ce sont les chauffeurs. Ce sont eux qui connaissent l'industrie.

Dans le cadre actuel, je ne dis pas que c'est impossible, mais c'est extrêmement difficile pour un chauffeur de taxi de détenir un permis. Le permis est rendu à $6,000 à Montréal, plus la voiture, plus l'intérêt, parce que le permis n'est pas monnayable. Comme disait M. Lippé, le gars ne s'en tire pas à moins de dix ans à des heures de fou, et il se retrouve brûlé. Et il faut qu'il prenne entre-temps des assurances, parce qu'à la moindre malchance c'est fini, il se retrouve chauffeur.

M. AUDET: Vous prônez la formation obligatoire d'un syndicat unique des chauffeurs de taxi.

M. BELANGER: Oui, parallèle à l'association obligatoire de patrons que suggère le règlement no 6.

M. AUDET: Dans cette formation obligatoire, est-ce que vous prévoyez la demande du droit de grève dans votre syndicat ou si vous attendez de vous le faire enlever?

M. BELANGER: Donnez-nous le droit de décision ou donnez-nous le droit de grève, l'un ou l'autre. Je ne pense pas qu'il y ait un chauffeur qui aime ça faire la grève.

M. AUDET: Vous dites, au sujet des concessions, que vous doutez du service qui peut être garanti. Est-ce que ces concessions accordées à certains endroits à Montréal ne sont pas accordées moyennant une garantie de services?

M. BELANGER: Oui, mais ça ne veut pas dire que les chauffeurs ne peuvent pas le garantir. Au port de Montréal, il n'y a pas de concessions, les chauffeurs savent quand les bateaux descendent. Au Reine-Elisabeth, il n'y a pas de concessions; à l'aéroport non plus.

M. AUDET: A certains hôpitaux?

M. BELANGER: A certains hôpitaux il y en a, à d'autres il n'y en a pas. S'il y a une bonne clientèle et que les compagnies veulent monnayer ça, ils disent: Je contrôle et je te charge pour ça.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Juste quelques questions à M. Bélanger. Vous dites: "L'OCTM propose que le système de location — à la page 4 — soit permissible, mais que les taux soient réglementés par voie de négociation, l'OCTM tient à ajouter que de toute façon le mode de rémunération au pourcentage apparaît totalement inacceptable sans l'existence d'un syndicat pour assurer une juste et croissante rémunération aux chauffeurs."

Vous voulez dire par là que ça devrait être un syndicat des chauffeurs qui pourrait négocier le taux de pourcentage?

M. BELANGER: II le faut absolument.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II faut que ce soit négocié et non pas imposé par un règlement. C'est ça que vous voulez?

M. BELANGER: Oui. Les salaires négociés, quoi. S'il n'y a pas de négociation, c'est évident que, si vous imposez le pourcentage, une foule de bonshommes vont perdre leur emploi, surtout les meilleurs chauffeurs, qui sont les plus âgés et qui ne peuvent pas travailler comme les jeunes Turcs. Ils vont être préférés à des jeunes qui arrivent dans l'industrie pleins de ferveur mais qui sont souvent la cause des problèmes dans le taxi, accidents, service plus ou moins efficace, etc. Les meilleurs chauffeurs sont les chauffeurs âgés. Ils font à attention à l'automobile mais ils ne peuvent pas donner un rendement aussi grand que les jeunes Turcs ou qu'un bonhomme qui vient une journée par mois, deux jours par semaine ou quelque chose de ce genre. Si vous imposez le pourcentage non réglementé comme à New York, par exemple, plus vous êtes ancien dans le taxi, meilleur est votre pourcentage. Actuellement, à Montréal, quand vous ne fonctionnez pas à location, le système est 40 p.c. On a fait des calculs en comparant au revenu actuel, sur le système de location de 40 p.c; vous arrivez en bas de ce qui existe actuellement. Il faudrait que ce soit au moins le salaire minimum, sans cela, vous allez perdre tous les meilleurs chauffeurs.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous voulez dire qu'il faudrait qu'un syndicat des chauffeurs négocie les conditions, c'est-à-dire que même un syndicat des chauffeurs pourrait fort bien décider de garder le système de location ou marcher au pourcentage. Ce serait la décision des membres du syndicat. Est-ce que je me trompe?

M. BELANGER: On ne fera pas une émeute là-dessus.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Non, vous ne feriez pas une émeute là-dessus.

M. BELANGER: Ce n'est pas le point essentiel. Je comprends votre argument mais ce n'est pas le point essentiel, pour nous. S'il y en a qui veulent parler à ma place...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord. Toujours en page 4, Réglementation par l'industrie, "en raison de son caractère complexe et très souvent local, il nous semble préférable de réglementer le taxi sur une base locale et par voie de négociations, plutôt que par réglementation provinciale." Vous voulez dire que ce ne sont pas les mêmes problèmes à Sherbrooke, Québec ou Montréal et la réglementation ne devrait pas être la même?

M. BELANGER: En ce qui concerne les articles annexés en a), c'est-à-dire le fonctionnement interne de l'industrie du taxi, l'assigna- tion, par exemple, la question de la radio, il est impensable de fonctionner avec la radio dans le centre-ville de Montréal. Cela ne fonctionne pas comme ça dans le centre-ville de Montréal. Il y a toutes sortes d'autres choses comme ça. A New York, ça fonctionne sans radio. On ne peut pas comparer le fonctionnement d'une industrie d'une métropole ou des banlieues à celui d'une petite municipalité ou d'une ville comme Québec. Je n'ai aucune idée du système de fonctionnement de taxi à Québec. C'est sûrement fondé sur la nature de l'industrie; qui prend le taxi à Québec, qui prend le taxi à Montréal, quand, où, comment? A Montréal, par exemple, vous avez un réseau d'affaires au centre-ville. Il y a beaucoup de déplacements entre ces bureaux d'affaires. Les appels se font d'urgence. En fait, il n'y a pas d'appel, les gens descendent au "stand" et prennent un taxi tout de suite. Si vous prenez une petite municipalité, ça peut être totalement différent. Evidemment, si le gouvernement veut maintenir un bon service, il peut exiger que certaines décisions soient soumises à l'approbation de la Commission des transports. Mais qu'il y ait au moins des propositions plus concrètes qui soient faites par les industries locales. Ceci ne concerne pas les articles fondamentaux du règlement. La centrale unique, on est pour, pour autant que c'est possible. Evidemment qu'à Saint-Tite c'est différent. D'ailleurs, je pense que le règlement l'a prévu. Les régions ne sont pas toutes soumises aux règlements.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une dernière question. Est-ce qu'il y a un règlement municipal qui défend de se servir des ondes du taxi pour faire des réclames commerciales ou convocations d'assemblées? Il y a un règlement municipal?

M. BELANGER: II me semble que oui.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je sais qu'il y en a, je ne sais pas le numéro. Tantôt, en réponse à une question du député de Maskinongé, vous sembliez faire allusion à certaines assemblées qui auraient été convoquées par l'entremise des ondes du taxi. Est-ce qu'il y a des convocations d'assemblées qui ont eu lieu de cette manière?

M. BELANGER: Oui, monsieur.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que je peux vous demander lesquelles? Vous n'êtes pas obligé de me répondre.

M. BELANGER: Oui, je peux répondre. M. HAMER: Je travaille pour Diamond...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Votre nom s'il vous plaît, je ne crois pas qu'on l'ait.

M. HAMER: Nigel Hamer, je travaille pour Diamond sur une flotte. Pendant les deux ou trois jours avant l'assemblée à Paul-Sauvé, qui a été convoquée par la conférence des propriétaires, il y a eu des annonces à toutes les heures à la radio de Diamond. Je connais des gens dans la salle qui ont entendu ces annonces aussi avant la première journée de la commission parlementaire, à toutes les heures, disant que Diamond organisait des autobus pour venir ici pour les chauffeurs et les propriétaires uniques; mais il fallait, pour monter dans ces autobus, aller chez Diamond et signer un papier attestant que chacun était d'accord sur ses propositions.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela a été fait malgré un règlement municipal.

M. HAMER: Il y a bien des règlements municipaux sur le taxi qui ne sont jamais appliqués. Ils s'en foutent pas mal.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Seulement une autre question à M. Bélanger. Je ne vous l'expliquerai pas, vous étiez ici la semaine dernière et vous en avez entendu parler longuement. Qu'est-ce que vous pensez de la suggestion au tableau d'une association obligatoire en vertu du bill 23, l'association des détenteurs de permis, mais une autre association coopérative d'achat, de services et tout ça, parallèle, qui ferait concurrence aux autres, quelle est votre idée?

M. BELANGER : Le règlement no 6 apporte une réforme en profondeur qui est attendue depuis 40 ans dans le taxi, qui a déjà été proposée d'ailleurs en 1933 et en 1940 par des enquêtes gouvernementales. Si le gouvernement a passé deux et trois ans à faire des recherches pour arriver à l'idée qu'il faut faire une association de propriétaires, franchement, on aurait pu y penser avant. Pour nous, cela parait évident qu'il faut créer une association unique tel que le propose le règlement no 6, ce qui ne veut pas dire que Diamond va perdre sa compagnie d'assurances, parce que dans le règlement no 6 il est bien dit qu'elle va la garder sa compagnie d'assurances; ses garages, elle va les garder, c'est évident. Ce qui est important, c'est que les centres de décision soient entre les mains de ceux qui font le taxi. L'association unique qui créerait une autre association parallèle, pourquoi? Si le gouvernement calcule que le taxi est un service public, comme on le proclame depuis quatre ans, il doit faire en sorte qu'il y ait une association unique, un service unique et que l'industrie desserve le public. Les chauffeurs de taxi, on leur en met beaucoup sur le dos. Le chauffeur de taxi régulier est un bonhomme qui pense avant tout au service au public, mais il a dans les jambes tout le fonctionnement anarchi-que du système de taxi, avec, en premier lieu, le fonctionnement inefficace du système de taxi en termes de multiples associations. Vous attendez un taxi chez vous, la compagnie dit qu'il n'y en a pas, mais dans l'autre association à côté, il y en a 50 ou 60 ou 200 qui ne font rien. Même chose en termes de zones, etc. Vous attendez pour aller à tel endroit, mais il y a des clients qui attendent parce que telle zone appartient à l'autre association.

On vous dit: J'ai pris un taxi et le chauffeur m'a fait faire un grand voyage. C'est qui, ça? Ce n'est pas un artisan, ce n'est pas un chauffeur régulier qui fait cela, c'est son industrie. Ce sont ceux qui viennent à temps partiel — ou encore ceux qui faisaient du taxi sans permis, les spoutniks et, heureusement, cela a été réglé — qui font ces choses. Ils n'ont aucun intérêt dans l'industrie. Est-ce qu'un membre du Parti québécois va s'amuser à parler contre le Parti québécois ou à faire des choses qui vont nuire au Parti québécois ainsi pour l'Union Nationale et le Parti libéral? Quand vous êtes dedans, c'est à vous. Nous calculons que cela va commencer à mettre un peu d'ordre. Cela fait 40 ans que ça attend, ça fait 40 ans que c'est anarchique avec les amendements qu'on propose. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Napierville-Laprairie.

M. BERTHIAUME: M. Bélanger, je présume que vous êtes vous-même chauffeur de taxi.

M. BELANGER: Non, monsieur.

M. BERTHIAUME: Vous n'êtes pas chauffeur de taxi.

M. BELANGER: Je ne suis pas chauffeur de taxi.

M. BERTHIAUME: Est-ce qu'il y a des membres de votre exécutif qui le sont?

M. BELANGER: Ils sont tous chauffeurs de taxi réguliers depuis deux ans. Je suis le seul qui ne sois pas membre. J'ai étudié en relations industrielles, j'ai été appelé il y a cinq ans pour un syndicat de taxi qui était une fumisterie et, depuis ce temps-là, je suis poigné là-dedans. Je travaille gratuitement pour eux.

M. BERTHIAUME: Pardon?

M. BELANGER: Je travaille gratuitement pour eux.

M. BERTHIAUME: Vous avez un autre emploi, j'imagine, pour subvenir à vos besoins?

M. BELANGER: Oui, je fais de la recherche. M. BERTHIAUME: Vous nous avez dit tan-

tôt que votre organisation n'avait pas comme telle, pour le moment, de membres. Comment est choisi l'exécutif de votre organisation?

M. BELANGER: Les deux groupes initiaux se sont réunis, il y avait peut-être une quarantaine de militants là-dedans, plus tout le groupe de supporters qu'on ne peut pas identifier comme tel, ont choisi l'exécutif.

M. BERTHIAUME: Par une élection en assemblée publique.

M. BELANGER: C'est un groupe interne. C'est un groupe d'organisation. Il ne s'agit pas de rassembler tout Montréal pour savoir si on part sur certaines bases. Nous l'avons élu à partir d'un groupe de chauffeurs réguliers qui étaient d'accord pour former une organisation. C'est un exécutif temporaire. On tiendra bientôt une assemblée générale et il y aura une élection de l'exécutif par les membres.

M. BERTHIAUME: Comment financez-vous vos activités?

M. BELANGER: On les finance d'abord par le militantisme. C'est tout du travail bénévole qui se fait. Deuxièmement, on finance le journal par la vente qu'on en fait et par les annonces qu'on a.

M. BERTHIAUME: Dans le journal?

M. BELANGER: Oui. Pour le reste, on n'a pas de dépenses.

M. BERTHIAUME: Sur un autre sujet. Malgré que je sois arrivé un peu en retard, j'ai essayé de feuilleter votre mémoire pour voir s'il y avait des commentaires sur l'obligation dans le règlement no 6 de remplir une feuille de route. Je n'ai rien trouvé, même si c'est peut-être là. Pourriez-vous me donner quand même l'opinion de votre organisation sur cette obligation?

M. BELANGER: Cela entre dans les articles qu'on veut soumettre par voie de négociation, sur la base locale.

M. BERTHIAUME: S'il n'y avait pas cette obligation de remplir une feuille de route, comment entrevoyez-vous que l'association unique, si elle existait, le gouvernement ou n'importe quel organisme pourraient contrôler le temps de chaque chauffeur ou de chaque véhicule qui serait au service de la clientèle? Ma préoccupation, pour le moment, c'est le service à la clientèle et je me demande comment on pourrait le contrôler si on n'avait pas ce moyen. En avez-vous d'autres que vous pouvez nous proposer qui atteindraient le même objectif?

M. BELANGER: D'abord, on ne s'oppose pas à la feuille de route. Ce n'est pas ce qu'on dit.

M. BERTHIAUME: Si c'est négociable, on peut supposer qu'il n'y a pas d'obligation.

M. BELANGER: Oui.

M. BERTHIAUME: A ce moment-là, comment contrôler?

M. BELANGER: Ecoutez, on n'a pas fait les consultations à ce niveau. C'est tellement compliqué.

M. BERTHIAUME: Vous n'êtes pas contre, en principe?

M. BELANGER: Non.

M. BERTHIAUME: Pourriez-vous m'éclairer maintenant sur un autre aspect des associations existantes? Je pense, en particulier, au cas des chauffeurs qui louent le véhicule. On m'a dit, dans des conversations privées encore, qu'une des difficultés qu'on avait dans certaines associations, c'est que la plupart des véhicules étaient loués. Le propriétaire de flotte, qui loue son véhicule, est client vis-à-vis de l'association et le chauffeur, jusqu'à un certain point, est client aussi vis-à-vis du propriétaire de flotte. Cela nous amène à cette difficulté de contrôler la qualité du service, de contrôler la présence ou même de discipliner le chauffeur de taxi ou le propriétaire de flotte. Tout le monde est client par rapport à l'autre. Finalement, c'est ce qui créerait, semble-t-il — je vous demande votre opinion, puisque vous êtes dans le milieu — la difficulté d'instaurer une discipline certaine dans le milieu, à Montréal en particulier.

M. BELANGER: Si vous me le permettez, je ferais la distinction entre le mode de rémunération et le système de discipline. Je veux dire que ce n'est pas absolument nécessaire qu'un mode de rémunération rende possible une discipline et que l'autre ne la rende pas. Deuxièmement, on n'est pas tout à fait d'accord pour dire que le problème du contrôle du chauffeur est celui de la qualité du service. Au contraire, comme je le disais tantôt pour le chauffeur de taxi régulier de flotte et le chauffeur artisan, il n'y a pas de problème. Son service, c'est son industrie. C'est parfait. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est le contrôle de ceux qui engagent les chauffeurs. C'est le contrôle des "boss" finalement qui engagent n'importe qui et qui mettent de côté, bien souvent, les chauffeurs réguliers pour des fins purement de profit. Pour nous, c'est plutôt par une politique d'embauche que par un contrôle excessif du chauffeur que vous allez avoir un bon service par les chauffeurs. Je ne sais pas si cela répond à votre question ou s'il y a autre chose.

M. BERTHIAUME: En principe, oui. Comment faire pour contrôler l'embauche? Comment s'assurer que le bonhomme est d'une intégrité et d'une conscience professionnelle telles qu'il fera son travail comme il se doit, qu'il ne volera pas de voyages à un autre, etc?

M. BELANGER: II y a des comités de discipline qui existent déjà. On en a prévu un dans le règlement no 6. Nous, nous demandons un syndicat et cela se négociera. D'abord, mettez l'industrie sur la base d'un travailleur régulier.

Le problème vient de ceux qui viennent là n'importe quand et de n'importe où. On ne veut pas dire que le gars va travailler sept jours par semaine, à la CTM le gars ne travaille pas sept jours par semaine, mais sur une base régulière. Un gars qui travaille là depuis deux ou trois ans, ne vous en faites pas, s'il est voleur, il va se faire prendre et ça ne sera pas long, il va être dépisté.

Mettez l'industrie sur une base régulière d'embauche, un gars ferait ses heures normales, 40 ou 48 heures, avec un salaire raisonnable, et éliminez cette espèce de main-d'oeuvre courante, imperceptible qui crée la confusion dans l'industrie. C'est absolument incroyable. C'est une des causes pour lesquelles il n'y a pas un syndicat du taxi, il y a trop de monde, il y a 7,000 réguliers et 20,000 permis. Les chauffeurs en arrivent à ne plus se parler, ils ne savent plus à qui ils parlent, s'ils parlent à un facteur, à un débardeur, à un policier ou au gars qui va leur voler leur automobile demain matin.

Cela prend une politique de main-d'oeuvre, chose qui manque fortement et dans le règlement no 4 et dans le règlement no 6, d'après nous. Si le gouvernement ne veut pas l'imposer par voie de règlement, nous, nous voulons le négocier. Nous voulons créer une industrie qui se tienne, avec des gars qui vont gagner leur vie et qui vont se retrouver après 30 ans de services avec une pension raisonnable, des heures de vacances, etc.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. BERTHIAUME: C'est tout ce que j'avais comme question, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: Une question, M. Bélanger. Au paragraphe b) de votre mémoire vous dites: "Enlever les normes de 60 heures par semaine et de huit heures par jour". Est-ce que vous faites des suggestions pour remplacer cela ou bien si vous supposez que cela doit tout simplement disparaître? Je comprends que, si on trouve ces normes à l'intérieur d'un règlement, il y ait des sanctions. Je pense au chauffeur artisan en particulier qui a la grippe une semaine ou que sa femme est malade, qui n'a pas de ménagère, qui a des enfants qui vont à l'école et il doit répondre aux exigences d'un règlement qui le condamnerait à certaines sanctions. A ce moment, c'est assez conséquent. Auriez-vous une suggestion ou bien si vous voulez tout simplement que ça disparaisse à toutes fins que de droit?

M. BELANGER: D'abord, je crois que vous l'avez compris, on voulait surtout réglementer la question des artisans parce que ça couvre concrètement les heures de travail et non pas le fonctionnement du véhicule pour ce qui est des artisans. Pour ce qui est d'une flotte, ce ne sont pas tout à fait les heures de travail. Entrer dans les heures de travail du chauffeur, c'est évidemment excessif parce que dans le fonctionnement de l'industrie, même dans une industrie amendée, il est très peu probable qu'un artisan accepte d'avoir un chauffeur à temps partiel, disons 20 heures par semaine, sur sa voiture.

Il semble que le fondement du règlement, et certaines villes en dehors de Montréal le démontrent, c'est miser sur le fait qu'une bonne industrie du taxi est basée sur des artisans, entre autres, et des chauffeurs réguliers. Le règlement va jusqu'à donner 60 p.c. des permis aux artisans. Dans une ville comme Sherbrooke, vous avez, comme on nous l'a dit, un bon service parce que ce sont des artisans à 100 p.c. Pour ce qui est de fixer des normes beaucoup plus concrètes, à savoir si l'automobile doit, surtout en dehors des artisans, fonctionner plus ou moins d'heures par semaine, on pourrait peut-être se référer à ce qui existe actuellement à la ville de Montréal; je crois que c'est 30 jours sur 90 qu'il faut que ça fonctionne. Egalement, ça peut être intégré dans une proposition faite par voie de négociation à la commission.

Mais quand on voit une norme comme celle-là qui est imposée et qu'on entend parler, du même coup, qu'on veut réduire le nombre des permis de taxi, on ne la comprend pas tout à fait. Réduire les heures de travail de certains artisans va permettre d'avoir plus de permis de taxi, tout simplement.

M. GAGNON: A Montréal, entre autres, disons que cette ville doit donner 100,000 heures de taxi annuellement. C'est un chiffre X que je donne.

M. BELANGER: Par exemple, oui.

M. GAGNON: A un moment donné, par des contraintes quelconques, elle en donne 85,000 ou 90,000. Par ailleurs, on ne peut pas envisager d'augmenter le nombre des taxis parce qu'il semble y en avoir assez mais le public doit avoir un service convenable et raisonnable. A ce moment, ce que vous suggérez, c'est que ce soit la liberté totale dans les heures et dans les jours parce que je crois que les chauffeurs de taxi sont responsables. Chacun veut gagner sa vie et puis faire son possible.

M. BELANGER: Ne vous en faites pas, quand il pleut, on manque de taxis à Montréal et ils sont tous en service. Deuxièmement, la centrale unique pourra, pour une fois dans l'histoire du taxi de Montréal, mettre de l'ordre et dire: A telle période, ça prend tant d'heures; à telle autre période, ça prend tant d'heures.

Il n'y a rien ici. Je vous mets au défi de trouver un document sur le taxi en dehors de ceux qu'a produits le gouvernement et de ceux que nous avons produits en tant que chauffeurs. Il n'y a rien qui se fait là-dessus. Vous ne savez pas qui prend un taxi? Vous ne savez pas à quelle heure il le prend? Vous ne savez pas ce qu'il fait? C'est une industrie totalement anar-chique, alors qu'on lui met tout sur le dos. C'est elle qui bloque la circulation, alors que ce n'est pas vrai. Ce n'est pas cela du tout. Il y a 4,000 taxis à Montréal et il y a un million d'autos. C'est un service public.

Quand on a un malade, on lui demande tout. Quand on a un handicapé, on lui demande tout et on lui donne une contravention, parce qu'il est dans le circulation; alors que cela devrait être un service public. En faisant la centrale unique, on pourrait dire qu'après Noël, cela prend 150,000 heures de travail ou je ne sais quoi. Enfin, quelque chose du genre. On débloquerait des limites. L'association pourrait dire que telle auto devra fonctionner 100 heures cette semaine.

M. GAGNON: Vous laissez cela aux associations, en somme...

M. BELANGER: Ce sont les détenteurs de permis...

M. GAGNON: ... de déterminer les besoins, les heures de pointe où cela s'impose.

M. BELANGER: C'est-à-dire que ce sont elles qui vont réglementer le taxi, le fonctionnement interne. C'est très difficile de réglementer cela de Québec, au jour le jour, quitte à ce que se soit approuvé, s'il y a des problèmes, dans le cadre de certains règlements ou de certaines approbations par la Commission des transports.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de l'Assomption.

M.PERREAULT: M. Bélanger, j'aurais deux questions à vous poser. A la page 4 de votre mémoire, vous faites une obligation d'avoir son revenu principal dans le taxi pour les personnes physiques et les corporations. Est-ce que cela concerne ceux qui sont déjà dans l'industrie ou ceux qui viendront à l'avenir dans l'industrie?

M. BELANGER: Ceux qui sont déjà dans l'industrie.

M. PERREAULT: Alors, vous enlèveriez des gens qui sont propriétaires de taxis et qui ne conduisent pas eux-mêmes leurs taxis. Ils perdraient leur permis.

M. BELANGER: Oui.

M. PERREAULT: Deuxième question. En bas, à la page 4 de votre mémoire, vous parlez de garantir aux chauffeurs de taxi actifs le renouvellement de leur permis. Alors, j'imagine que c'est suivant certaines conditions.

M. BELANGER: Aux conditions du règlement. Mais ce qui arrive, quant à la procédure de l'émission des permis, la première émission des permis selon le règlement, aura lieu à partir de février pour le permis de novembre 1973. En fouillant dans le règlement, ce n'est pas tout à fait clair, à savoir si les propriétaires uniques vont être les seuls soumis à la règle de 1600.

Il nous semble qu'on donne une garantie à ceux qui ont plus de deux autos et plus de vingt autos, mais on ne donne pas de garantie aux artisans. Nous demandons qu'en priorité, si le gouvernement veut réduire le nombre des permis, qu'il l'accorde aux artisans, selon la norme de 60 p.c, et qu'on l'applique immédiatement. Qu'on procède à la réduction du quart avant de l'enlever aux artisans, ou quelque chose comme ça.

M.PERREAULT: Dans cet article, vous ne parlez pas du chauffeur artisan, vous parlez des autres chauffeurs aussi.

M. BELANGER: Excusez-moi! où est-ce?

M. PERREAULT: A la page 4, en bas, les chauffeurs.

M. BELANGER: Excusez-moi! Les chauffeurs. Dans les cadres du règlement no 4, ce dont il s'agit précisément ici, ce sont les articles sur la langue — les normes, on ne les connaît pas — et aussi, les articles sur la citoyenneté. Il est bien évident qu'il y a à Montréal, par exemple, des normes pour la langue. Le chauffeur doit parler français et anglais. Il y a aussi les normes sur la citoyenneté. Mais à cause d'une mauvaise administration de ce règlement, il y a des gars qui chauffent le taxi aujourd'hui et qui ne parlent pas français ou qui le parlent mal ou qui ne sont pas Canadiens.

Nous sommes d'accord sur cette norme du règlement no 4, mais donnez un délai au gars qui n'est pas Canadien, s'il est dans le taxi déjà, ne lui enlevez pas son revenu. Dites-lui: Tu aurais le droit d'être Canadien. Garde ton permis mais tu vas prendre une décision si tu vas être Canadien ou non. La même chose pour la langue. Qu'on donne des délais et qu'on lui permette d'apprendre le français. Les Grecs, entre autres, à Montréal, le parlent très difficilement.

M. PERREAULT: C'est pour l'avenir, pour ceux qui viendraient, par la suite, comme nouveaux chauffeurs.

M. BELANGER: Oui, oui.

M. PERREAULT: Même pour ceux qui doivent le garantir, ce ne serait pas annuellement, il y aurait des conditions...

M. BELANGER: Oui, toutes les autres conditions sont valables, sauf les $100.

M. PERREAULT: Très bien. Merci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Lotbinière.

M. BELAND: Justement, il y a eu quelques questions qui auraient été miennes et auxquelles vous avez répondu. Mais il y aurait deux petites précisions que j'aimerais avoir de vous. Lorsque vous dites, en page 2, que Diamond-Veterans et Lasalle regroupent près de 75 p.c. des taxis de Montréal, est-ce que vous prétendez, dans le même sens, qu'il y a 75 p.c. des chauffeurs de taxi de Montréal qui se retrouvent chez Diamond-Veterans et Lasalle?

M. BELANGER: C'est bien difficile à dire, cela. Quand vous allez à la ville de Montréal, vous pouvez à peine savoir combien il y a de permis d'émis. Vous ne pouvez seulement pas savoir, à la ville de Montréal, combien sont réguliers, c'est évident. Je ne saisis pas tout le sens de votre question. Il est évident qu'une grande majorité des chauffeurs se retrouve au niveau des flottes, une grande majorité des flottes se retrouve dans des associations comme Diamond, Veterans. Les autres, ce sont surtout des groupes d'artisans: Hochelaga, Beaubien, Boisjoli, même Lasalle, ce sont surtout des artisans. Ce qui fait la force de Lasalle, c'est que ce sont des artisans, les gars sont là depuis des années.

M. BELAND: Comme deuxième question, disons que vous avez énuméré une certaine quantité de commentaires et, compte tenu de votre mémoire, qui est assez explicite, combien de chauffeurs de taxi, selon vous, partagent votre opinion? Vous avez dû, avant de venir ici, prendre un échantillonnage, est-ce que c'est la moitié, est-ce que ce sont les trois quarts, combien?

M. BELANGER: C'est toujours approximatif. J'aimerais mieux que les chauffeurs répondent à cela. Il reste quand même qu'il y a une espèce de lessivage de cerveaux qui s'est fait à Montréal, mais il y a une espèce de retour. On commence à comprendre un peu plus ce qui se passe. Les gars qui travaillent dans un garage pourraient vous dire à peu près la situation actuelle. Personnellement, je crois, tel que je connais les chauffeurs, qu'ils seraient d'accord si les propositions leur étaient expliquées, mais on propage à Montréal toutes sortes de faussetés. On dit: Tu vas perdre ton permis si tu n'es pas dans la ville où tu as ton permis. On va dire aussi: Tu vas travailler 60 heures par semaine. On va dire aussi: Tu vas gagner $1.65 de l'heure. On dit aussi toutes sortes de choses. On n'explique jamais. On dit au gars: Tu vas être obligé de t'acheter une radio qui va te coûter $2,000. Cela va coûter $300 pour faire peinturer ta voiture. Ce qui est faux. Le règlement est pour 1975 et il va être amendé. Toutes sortes de choses comme celles-là, on crée la panique. Nous, nous travaillons au milieu de tout cela, nous essayons de démêler les cartes et dire au gars: Tu es contre quoi? Le gars nous dit: On est contre cela. Nous disons: Nous aussi, c'est la même chose. Si c'est cela, je suis d'accord. Je suis d'accord sur le reste.

M. BELAND: En d'autres mots, vous prétendez que si le règlement no 6 était bien expliqué aux chauffeurs de taxi, ils abonderaient dans son sens?

M. BELANGER: Avec les amendements que nous proposons. C'est-à-dire garantie de permis pour les chauffeurs propriétaires, syndicat, qu'on enlève les espèces d'épouvantails: pas le droit de fumer, se taire, c'est déjà dans l'article 45 de Montréal. Qu'on enlève cela et qu'on mette cela au niveau des négociations. Cela ne paraît pas une exigence exagérée.

Il y a des artisans à Montréal qui sont prêts à jeter leur permis sur la table pour rien si l'association unique passe.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre! Alors, M. Bélanger, M. Morin, M. Hamer, nous vous remercions de votre présentation.

Le ministre des Transports.

M. PINARD: Est-ce que je pourrais apporter une précision? Je ne sais pas si c'est vous qui avez dit cela tantôt qu'il faudrait amener le règlement no 4 en ce qui concerne les conditions d'admissibilité à l'obtention d'un permis de conduire un taxi.

Alors, il faut être citoyen canadien, être bilingue, savoir lire et parler correctement le français et l'anglais, connaître la ville de Montréal ou l'endroit où l'on doit travailler sur un taxi, il y a la limite d'âge aussi. Il y a eu un amendement qui a été apporté pour dire qu'il faudrait être Canadien; si on a un statut d'immigrant, il faut avoir un permis de séjour et un permis de travail; il faut avoir une connaissance suffisante du français et de l'anglais pour pouvoir le parler correctement et distinctement et la limite d'âge est fixée à un minimum de 18 ans. Il y a eu des représentations et dans l'industrie du taxi, comme vous le savez, il y a

plusieurs immigrants qui sont chauffeurs qui, peut-être, détiennent des permis de taxi.

A tort ou à raison, ils se sont sentis possiblement victimes de discrimination. Nous avons voulu faire disparaître tout de suite cette ambiguïté ou cette imprécision du règlement et il a été amendé en conséquence.

M. BELANGER: En gardant les droits acquis de ces gens. Est-ce ce que vous voulez dire?

M. PINARD: Nous avons arrangé le règlement de façon qu'ils ne soient pas immigrants toute leur vie, sans statut de citoyenneté canadienne...

M. BELANGER: C'est exactement cela.

M. PINARD: ... pour les encourager à faire une requête pour obtenir la citoyenneté canadienne dans un délai raisonnable.

M. BELANGER: C'est cela. L'amendement important du règlement no 6, ce sont les $100, sur lesquels nous insistons. Nous préférerions qu'il y ait une politique de main-d'oeuvre pour remplacer ces $100. Pour le reste, nous sommes d'accord pour le règlement. Mais nous demandons, comme vous venez de le dire, de l'appliquer avec souplesse pour les gens qui sont là actuellement. Si vous prenez un immigrant qui fait du taxi depuis trois ans, s'il fait du taxi, c'est qu'il n'est pas ingénieur. Si vous lui enlevez son permis de chauffeur, il va se retrouver au bien-être social ou à l'assurance-chômage alors qu'il peut avoir une compétence dans le taxi. Mais j'ai cru comprendre que vous vouliez amender le règlement dans le sens que je viens d'exprimer, dans le sens de respecter les droits acquis des gens qui sont déjà dans l'industrie du taxi. Est-ce bien cela?

M. PINARD: En fait, il y a eu des représentations de faites, la semaine dernière, devant la commission. J'ai déclaré que nous avions l'intention de protéger les droits acquis, évidemment, dans la mesure où c'est possible de le faire. Mais je m'étais posé publiquement une question, à savoir à quel moment le gouvernement pouvait tirer la ligne et en faveur de qui. Quand la preuve a été faite, la semaine dernière, qu'il y avait des propriétaires de permis qui ne vivaient pas du taxi lui-même mais qui louaient des voitures et que ces personnes ne tiraient pas leur principal moyen de subsistance de l'exploitation de leurs permis de taxi, je me suis interrogé publiquement avec bien du monde. La question reste posée.

M. BELANGER: Nous sommes, if va sans dire, entièrement d'accord sur la question d'avoir son principal revenu dans le taxi. Pour nous, c'est une condition fondamentale pour le bon fonctionnement du taxi. Ce sont justement les gens qui n'ont pas d'intérêts immédiats dans le taxi... Il n'y a personne de responsable, dans le taxi, parce que personne ne tire directement son revenu du taxi. C'est tout par intermédiaires, à gauche et à droite. La flotte le reçoit du chauffeur mais n'a aucun intérêt dans le taxi; l'association le reçoit de la flotte mais n'a aucun intérêt dans le taxi, etc.

M. PINARD : Mais vous avez probablement assisté à la commission, la semaine dernière...

M. BELANGER : Oui.

M. PINARD: ... ou, au moins, vous avez lu les comptes rendus des témoignages. Il semblerait qu'on a mis en rivalité l'Association de services Diamond et l'Association de services Lasalle.

M. BELANGER: Oui.

M. PINARD: On a démontré qu'il y avait possiblement plus d'exploitation de la part de l'association Diamond que de la part de l'association Lasalle.

M. BELANGER: Oui.

M. PINARD: Je ne sais pas quel est votre point de vue là-dessus personnellement.

M. BELANGER: Je vais vous le donner.

M. PINARD: Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire là-dessus. Vous êtes libre de dire ou de ne pas dire ce que vous pensez.

M. BELANGER: Nous ne contestons pas le fait qu'il y a des présidents d'association qui sont plus compétents que d'autres. C'est normal. Que M. Brunet soit plus compétent qu'un autre administrateur, c'est normal. La véritable force de l'association Lasalle, comme celle de Boisjoli, comme celle d'Hochelaga, ce sont les artisans, ce sont les chauffeurs réguliers. Nous ne voulons pas dire qu'il n'y a pas de bons chauffeurs dans l'association Diamond, au contraire. Il y a de bons chauffeurs chez Diamond, mais ils sont empêchés de travailler par le système anarchique des flottes tel qu'il existe actuellement.

Nous ne croyons pas que la question du taxi, à Montréal, quant au règlement no 6, puisse s'établir en fonction de compétences administratives d'un individu. C'est plutôt en fonction de la structure d'ensemble. Qu'une compagnie soit plus efficace qu'une autre, cela n'empêche pas que l'industrie, globalement, puisse rester inefficace. Qu'il n'y ait pas d'exploitation au moins d'exploitation au niveau du chauffeur locataire, au niveau d'une association plutôt qu'au niveau d'une autre, cela ne veut pas dire que les détenteurs de permis de chauffeur artisan qui sont dans cette association ont un bon service et ne paient pas des coûts exorbitants.

M. PINARD: Maintenant, qu'avez-vous à répondre sur le cas qui nous a été soumis également, la semaine dernière, du détenteur de quelques permis — mettez-en cinq — qui loue lui-même ses voitures à des chauffeurs, au même tarif que les autres compagnies dont on a parlé tantôt, les autres grandes compagnies?

Si on se plaint qu'il y a exploitation de la part des grosses associations ou des grands propriétaires de permis de taxi, ce n'est pas mieux de permettre un petit système d'exploitation en faveur de celui qui ne détient que cinq permis, qui fait travailler au moins cinq chauffeurs, et possiblement quinze ou vingt sur sa voiture, à même le système de location. Lui aussi se trouve à exploiter peut-être un plus petit nombre de chauffeurs, mais il les exploite quand même, selon les mêmes conditions qui nous ont été expliquées dans le cas des grandes associations. Qu'est-ce que vous avez à répondre là-dessus?

M. BELANGER: D'abord, dans votre esprit, vous parlez bien des flottes, pas des associations. Nous ne parlons pas de Diamond-Lasalle; nous parlons des flottes, des détenteurs de permis. Bon.

Deuxièmement, quand nous nous parlons d'artisans, nous ne parlons pas d'un bonhomme qui a deux ou trois permis, mais qui a un permis et qui l'utilise lui-même.

Troisièmement, nous sommes entièrement d'accord avec vous qu'un petit exploiteur n'est pas mieux qu'un gros exploiteur, c'est évident.

Quatrièmement, il semble qu'en règle générale, dans l'industrie du taxi — ce n'est pas pour les revaloriser, mais simplement une question d'information — ceux qui ont deux, trois ou quatre permis ont de meilleures conditions de travail pour leurs chauffeurs que les grosses flottes. Par exemple, vous retrouvez beaucoup de chauffeurs qui travaillent à pourcentage au niveau des petites flottes, avec la sécurité sociale, le régime de rentes, etc.

M. PINARD: Vous dites que le régime de vie, les conditions de travail et les gains sont meilleurs dans le cas du propriétaire de quatre ou cinq permis de taxi que dans le cas des grands propriétaires de permis de taxi.

M. BELANGER: Oui, ce n'est pas nécessairement lié à la structure de l'entreprise; c'est lié au fait que peut-être c'est un meilleur bonhomme. Habituellement, ce sont des gars qui ont fait, pendant dix ou quinze ans, du taxi eux-mêmes. Ils n'ont pas les moyens d'avoir de mauvais chauffeurs. Alors, pour avoir de bons chauffeurs, ils leur donnent de bonnes conditions de travail.

M. PINARD: Les relations humaines sont meilleures?

M. BELANGER: Extrêmement meilleures.

Ce sont quasiment des relations personnelles, tandis que, dans des flottes, c'est très impersonnel; personne ne se connaît. Vous avez le groupe de réserve qui est là.

Le petit propriétaire, dans le système actuel, n'a pas les moyens de se permettre un accident, par exemple. Ses trois permis peuvent y passer, s'il a un accident malencontreux. Nous ne disons pas qu'il faut avoir des petites flottes plutôt que des grosses flottes. Nous disons qu'un chauffeur artisan, c'est important. La plupart des chauffeurs réguliers ont, un jour ou l'autre, l'idée d'être des propriétaires artisans.

Certains ne passent pas à travers à cause du coût, à cause des intérêts qui vont parfois jusqu'à 33 p.c. Il y en a qui passent à travers, et souvent, à cause d'une petite malchance, d'un accident, ils se retrouvent chauffeurs.

Donc, la possibilité qu'offre le règlement no 6 — un chauffeur qui veut s'acheter un permis, c'est parce qu'il aime le taxi, qu'il connaît l'industrie et qu'il veut y demeurer — c'est une bonne garantie de services.

Le règlement, de la façon qu'il fonctionne, en faisant des listes d'attente, en les mettant sur un cautionnement de $500 et non pas sur un déboursé de $6,000 qui pourrait monter à $10,000 ou à $20,000 pour un permis de taxi, nous parait une mesure d'efficacité dans le service de taxi.

Il reste évidemment les flottes. Tel que fonctionne l'industrie, il semble que ça pourrait être souhaitable qu'il y ait, quand même, encore des flottes, pour toutes sortes de raisons que je ne pourrais pas vous expliquer. Cela existe partout, mais il faudrait réglementer cela un peu plus. Il faut s'assurer que les flottes donnent des permis à de bons chauffeurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. PINARD: Actuellement, à Montréal, il y a un gel des permis de taxi, au nombre d'environ 4,300, d'après la liste officielle que j'ai consultée et qui m'a été remise par le service des permis de l'île de Montréal. Il y a prétendument 20,000 "pocket numbers" en vigueur. Quelqu'un a dit, la semaine dernière, que ce système participe à l'exploitation des chauffeurs de taxi, parce que certains propriétaires de voitures-taxis avec permis, s'ils aiment ou pas la gueule de certains chauffeurs, les punissent pour différentes raisons. Ils font conduire la voiture par un autre chauffeur et se gardent un potentiel de quatre ou cinq chauffeurs par voiture pour faire fonctionner le système à leur profit.

Mais, pour en arriver à une meilleure qualité du service envers la clientèle, si on tient pour acquis, comme vous l'avez affirmé vous-même tantôt, que c'est un service public, l'industrie du taxi, comment concilier ce nombre de 20,000 détenteurs de "pocket numbers" avec la possibilité d'exploiter 4,300 voitures-taxis dans Montréal si on veut atteindre les objectifs que je viens de mentionner, d'un meilleur service pour

la clientèle, et poursuivre les objectifs fondamentaux décrétés dans le règlement no 6, à la suite des recommandations du rapport Bossé?

M. BELANGER: D'abord, M. le ministre, il faudrait identifier ces 20,000. On n'a pas de chiffres, mais on a des espèces de normes pour dire: Un tel groupe fait telle chose. Vous avez sûrement un nombre important de ces 20,000 qui n'ont peut-être pas fait de taxi depuis un, deux, trois, quatre ou cinq ans. Ils ont leur permis, le renouvellent annuellement, comme une mesure de sécurité au cas où il y aurait une grève, au cas où ils seraient mis à pied, etc.

M. PINARD: Alors, tout de suite, vous nous laissez croire qu'au moins pour un certain pourcentage de ces 20,000 détenteurs de "pocket numbers" il peut y avoir du double, du triple et du quadruple emploi?

M. BELANGER: Exactement.

M. PINARD: Us ont un permis de conduire une automobile-taxi s'ils n'ont pas l'avantage de faire autre chose ou s'il leur arrive un malheur dans le cours de l'année, qui les met hors du marché du travail?

M. BELANGER: Oui. On ne s'oppose pas — je crois comprendre votre question — à ce qu'il y ait des gens qui remplacent les chauffeurs réguliers. Ce à quoi on s'oppose, c'est à la façon dont ça se fait. Le gars travaille toute la semaine, le lundi, le mardi, le mercredi, c'est tranquille, il n'y a pas de clients. Il prend l'auto le jeudi. Le vendredi, il arrive; grosse clientèle, boum, l'auto est partie. C'est un facteur, un policier ou un pompier qui a donné $2 ou $3 de plus et qui prend le taxi. Le gars se retrouve sans taxi. Il y a payé toute la semaine, et lui il en vit de ça. Vous avez le système de pourcentage; ça peut être la même chose si vous n'avez pas de réglementation de la politique. Lui, il va rapporter plus sur son "waybill", parce qu'il est moins fatigué. Ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une réglementation de la main-d'oeuvre. Garantissez des heures de travail normales dans le bon temps aux réguliers et, pour faire la relève, organisez un système régulier aussi. H n'y a pas seulement l'industrie de taxi qui fonctionne sept jours par semaine. Le système d'autobus fonctionne comme ça. Vous n'avez pas une armée de remplaçants. Les pompiers et la police, sont des services qui fonctionnent sept jours par semaine. Je ne sais pas si je réponds à votre question?

M. PINARD: Oui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Saint-Louis.

M. BLANK: N'est-il pas vrai que, même maintenant, dans la période de pointe, les jeudi, vendredi et samedi, dans les grosses flottes, il y a des voitures sur les stationnements parce qu'il manque de chauffeurs?

M. BELANGER : Oui. Les chauffeurs ne vont pas travailler parce que les conditions de travail ne sont pas convenables.

M. BLANK: Ce n'est pas vrai que, dans les journaux, chaque jour, on cherche des chauffeurs?

M. BELANGER: Oui, monsieur, c'est ce qu'on attaque. Ecoutez, vous ne viendrez pas me faire croire qu'avec 5,000 chômeurs au Québec — le Québec a le plus haut taux de chômage — le gars ne voudrait pas travailler s'il avait un bon salaire. Voyons donc!

M. BLANK: Peut-être qu'il ne veut pas travailler?

M. BELANGER: Peut-être, oui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous vous remercions, messieurs.

M. BELANGER: Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous allons appeler le ou les représentants de l'Association des propriétaires de flottes de taxis de Montréal.

Me Geoffrion, je n'ai pas à vous donner de directives. Vous êtes au courant. Il faut vous identifier.

Association des propriétaires de flottes de taxis de Montréal

M. GEOFFRION : Je suis Antoine Geoffrion. Je représente l'Association des propriétaires de flottes de taxis de Montréal, dont le président, M. Buchner, est à côté de moi.

M. BUCHNER: Je suis le président de l'Association des propriétaires de taxis de Montréal Inc.

M. GEOFFRION: J'ai produit le mémoire lors de la première séance, mémoire dont j'ai ici d'autres copies.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Pourriez-vous approcher le micro, on ne vous entend pas très bien.

M. GEOFFRION: Attendez un instant que je ramasse mes papiers. Je vais ramasser mes petits.

A tout événement, comme je vous dis, j'ai produit un mémoire et je vais le commenter d'une façon générale.

J'ai l'intention de faire quelques commentaires en marge du mémoire que j'ai produit et

je serai évidemment à la disposition de la commission pour répondre à n'importe quelle question qu'elle voudra poser.

Etant donné mes habitudes du prétoire, étant donné que parfois nous essayons de faire des points assez raides, je voudrais assurer — je ne parle pas nécessairement des membres de la commission, ce n'est pas la question — ceux qui sont responsables du règlement no 6 que, quelles que soient les remarques que je ferai, il n'y a aucune question de personnalité. Je veux dire à tout le monde que j'essaie d'être totalement objectif, ce n'est pas une question de critiquer la personnalité de qui que ce soit. Ceux qui ont travaillé à l'élaboration du règlement no 6, quoiqu'à mon avis ils ont peut-être tort, méritent quand même des félicitations pour le travail qu'ils ont fait. Je veux que ce soit bien compris parce que, franchement, je ne voudrais pas que mes paroles soient interprétées comme des attaques personnelles contre qui que ce soit.

L'industrie du taxi est clairement un service public. C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement s'y intéresse et qu'il doit s'y intéresser dans une certaine mesure. Les municipalités s'y sont toujours intéressées. Mais qu'est-ce que cela veut dire, service public? Cela veut dire que cette industrie existe primordialement pour le bénéfice et le bien du public. Evidemment, cela ne veut pas dire qu'on ne doive pas considérer les intérêts des divers groupes qui collaborent à faire fonctionner cette industrie, je veux dire les chauffeurs qui n'ont pas de taxi eux-mêmes, les chauffeurs artisans, les propriétaires de taxis, les propriétaires de flotte de taxis et également les artisans qui eux, en plus de conduire leur taxi, en ont quelques autres, les associations de services de taxis, etc. Cela ne veut pas dire qu'on doive voter contre leurs intérêts parce que si on veut que l'industrie remplisse son rôle et donne un bon service au public, il faut que tous ces groupements puissent vivre. Ce n'est pas en condamnant un groupe à la mort que vous allez améliorer grand-chose.

Ce n'est pas en s'arrangeant pour que des chauffeurs aient des salaires de famine ou des revenus de famine qu'on va arranger grand-chose. Il faut équilibrer les choses et c'est le rôle du gouvernement. Non pas de terroriser tel ou tel groupe mais en fait, voir au bon fonctionnement du service de taxi.

J'ai remarqué ici, je n'ai pas été ici tout le temps, mais j'y étais au début et je le suis actuellement, qu'on avait parlé des chauffeurs, des associations, même des associations à propos de membres, des associations de chauffeurs, des associations de propriétaires, des associations de services mais il y a un groupe dont on n'a pas entendu parler. Evidemment, c'est toujours comme cela. C'est le public. Le public, je l'affirme, est le principal intéressé en la matière. Evidemment, il n'y a pas de corps qui puisse parler réellement pour le public dans une telle affaire et je ne prétendrai pas le faire.

Seulement, M. le Président, je voudrais simplement dire que, puisque le public ne peut pas être entendu ici, comme tel, c'est vous, messieurs les membres de la commission, qui, dans le fond, représentez le public. Qu'on ne l'oublie pas, ce n'est pas aux intérêts particuliers que vous devez veiller, vous devez veiller à l'intérêt public. Personne ne prétend le contraire, remarquez bien, mais seulement, souvent on n'en parle pas très souvent.

J'agis ici au nom de l'Association des propriétaires de flotte de taxis de Montréal Inc., qui compte, tel que dit dans son mémoire, environ 80 membres qui sont propriétaires, dans l'ensemble, d'environ 1,200 taxis. C'est-à-dire, à peu près, 25 p.c. des taxis de Montréal, qui ont je ne dirai pas à leur emploi mais qui font affaires avec environ 2,000 à 2,400 chauffeurs réguliers et au moins 1,000 chauffeurs à temps partiel, d'une façon assez continue. L'idée, remarquez bien, c'est de garder le taxi en service autant d'heures que possible. Si possible, 24 heures par jour. C'est la meilleure manière de tirer profit de l'investissement. Mes clients, ne s'en cachent pas.

Je voudrais ajouter autre chose. Quand je parlerai du règlement no 6, je me référerai au règlement tel que fait originairement. Je sais qu'il va y avoir des amendements. Ce n'est un secret pour personne. Tant que les amendements ne seront pas formulés, je dois parler de ce qui a été présenté, ici, à cette heure-ci. Maintenant, peut-être pour anticiper et éviter des questions plus tard, je dois dire que j'ai pris connaissance du règlement pour la première fois à mon retour de vacances, le 10 janvier. Je l'ai lu. C'est toute une brique. Si j'étais appelé à faire une comparaison, je devrais dire qu'il est à peu près aussi difficile à lire que la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu. Ce qui n'est pas peu dire.

Ma secrétaire a oublié d'inclure mon exemplaire du règlement, est-ce que, M. le Président, vous avez un exemplaire supplémentaire du règlement?

M. PINARD: Vous pouvez l'avoir sous sa forme imprimée, petit format, pour...

M.GEOFFRION: Comme il a été décidé plutôt, je suis habitué...

M. PINARD: Je vais vous passer le mien.

M. GEOFFRION: Je vous en remercie beaucoup. Il y en a un qui s'en vient. J'en ai trop maintenant.

M. PINARD: Vous avez trop de clients, Me Geoffrion.

M.GEOFFRION: En un mot, mes clients sont contre le règlement tel que présenté.

Cela ne veut pas dire que des réformes ne sont pas nécessaires ici et là dans le taxi et même des réformes qui auraient de l'importance. Rien n'est parfait en ce bas monde, il

faut toujours essayer de perfectionner. Mais nous considérons que le règlement n'est bon ni pour le public, ni pour mes clients, les propriétaires de flottes de taxis, ni pour les propriétaires artisans, ni pour les chauffeurs de taxi, ni évidemment, tel que rédigé originellement, pour les associations de services, qui disparaissent toutes.

Il y a plusieurs raisons à l'appui de ce que je viens de dire. Le règlement opère une transformation complète dans l'industrie du taxi, au moins en ce qui concerne la région métropolitaine de Montréal. Dans le moment le service de taxi est assuré par — parlons maintenant des chauffeurs, si vous voulez — un groupe d'individualistes principalement. Je tiens ceci simplement du fait que je prends fréquemment des taxis à Montréal et je parle avec les chauffeurs. Malgré les tentatives qu'a faites l'administration municipale de Montréal pour que les passagers ne s'asseoient pas à l'avant avec le chauffeur, mois je m'asseois toujours à l'avant avec le chauffeur. Nous pouvons jaser de temps à autre, pas toujours, parfois de politique, d'autres fois de taxi. Tout ce que je sais c'est que ce sont en général des individualistes qui aiment travailler à leur guise, le temps qu'ils veulent et de la façon qu'ils veulent. Ils ne veulent pas, pour la plupart, être enrégimentés.

Malgré tout ça — parce qu'il y en a pour qui la liberté dans ce domaine est anathème, personnellement je trouve que c'est une bonne idée — nous avons à Montréal, du point de vue du public au moins, un service de taxi très convenable. Je voyage assez ici et là et, sans donner de nom, je crois que Montréal est au moins aussi bien, comme service de taxi, si non supérieure à la plupart des grandes villes de l'Amérique.

J'ai également appris que la plupart des chauffeurs que j'ai connus étaient raisonnablement satisfaits de leur sort ; évidemment ils aimeraient bien être millionnaires si vous voulez, mais nous en sommes tous là. Ce que je veux dire c'est que le règlement vient chambarder une industrie où la pierre angulaire, la caractéristique principale c'est une espèce d'indépendance et de liberté. On en ferait l'industrie qui serait le plus strictement enrégimentée dans la province.

Premièrement, vous avez — je n'ai pas besoin de citer le texte — une disposition qui interdit la location des taxis. Or, c'est justement cette location de taxis qui permet le genre de liberté qui existe actuellement dans l'industrie du taxi.

En effet, à Montréal, il est clair, personne ne semble vouloir le mentionner, que la grande majorité des chauffeurs de taxi n'est pas capable de financer un taxi. Alors, s'ils veulent faire leur métier, ils doivent travailler pour quelqu'un d'autre ou obtenir un taxi autrement. C'est difficile de travailler pour quelqu'un d'autre... Ils peuvent travailler de deux manières: soit à salaire, soit à pourcentage.

Dans les deux cas, le contrôle est extrê- mement difficile, surtout lorsqu'il n'y a pas de relations personnelles étroites entre le propriétaire du taxi et l'employé. Or, celui qui a quelques taxis ou l'artisan qui a un taxi et qui veut le faire travailler plus longtemps, peut demander à un de ses beaux-frères de conduire pour lui et le payer à salaire ou à pourcentage. Il pourra être confiant qu'il ne se fera pas voler. Celui qui a trois ou quatre taxis peut s'arranger parce qu'il connaît ses chauffeurs.

Pour le propriétaire de flotte, le contrôle est très difficile et un peu insultant parfois pour le chauffeur, si on veut exercer un contrôle complet. Chose qu'il faut éviter, remarquez bien. C'est vrai, que ce soit à pourcentage ou à salaire. Le système idéal pour le propriétaire de taxi qui ne conduit pas lui-même, c'est la location. Il peut dire que, pour un montant fixe par jour, le chauffeur prend le taxi et c'est à lui de faire autant d'argent qu'il peut. Il est son propre maître pendant qu'il a le taxi. C'est un système qui a toujours fonctionné très bien. Je ne veux pas dire que ce système ne devrait pas être sous le contrôle d'une commission quelconque comme la Commission des transports. Possiblement. Ou s'il y a négociation, si jamais il y a un syndicat des chauffeurs de taxi... Comme je vous le dis, ce sont des questions que, en d'autres termes, on ne peut pas geler. Mais le système actuel de location de taxis a fait ses preuves comme étant le meilleur système. Peut-être qu'il faudrait fixer des taux et que ces taux devraient être approuvés par la Commission des transports. Peut-être que le terme de location devrait être approuvé par la commission. Je crois qu'il y a lieu d'examiner ces choses.

Nous ne nous opposons pas au contrôle comme tel, mais nous nous opposons au contrôle qui va paralyser et transformer l'industrie. Si vous éliminez le système de la location de taxis; si, comme c'est convenu ici, vous assujettissez chaque chauffeur et évidemment chaque propriétaire qui ne conduit pas à un contrôle étroit de l'individu dans l'association unique, par ce que j'appellerai, en français, le "dispatcher", vous allez détruire complètement l'espnt indépendant et cette liberté qui existe dans l'industrie actuellement. Cela veut dire que plusieurs chauffeurs de taxi qui se plaisent actuellement dans l'industrie ne s'y plairont plus. Vous allez avoir un remue-ménage là-dedans, des gens vont quitter et d'autres vont venir. C'est signe qu'on va toujours avoir des chauffeurs, mais quand même... Par ce genre de contrôle, a) en interdisant la location, b) en donnant au "dispatcher" de l'association unique le droit de dire à tel chauffeur, malgré qu'il y ait bien de l'ouvrage dans tel coin, d'aller dans l'autre coin où il n'y a pas d'ouvrage au cas où quelqu'un aurait besoin d'un taxi, en somme, vous allez enrégimenter l'industrie. Il y a d'autres éléments dans la réglementation aussi.

Prenez, par exemple, l'attaque contre les flottes de taxis. Le projet de règlement limite à

40 p.c. le nombre de taxis qui peuvent appartenir à une corporation. Sur les permis qui deviennent disponibles, on s'assure que simplement un permis sur cinq soit émis à une corporation. Les autres sont émis à des individus. Il faudrait que je retrouve le texte pour vous le lire. En tout cas, je sais de quoi je parle. Les trois premiers vont à des chauffeurs qui demandent des permis, ensuite, un va à une corporation et un autre va à un individu qui n'est ni une corporation, ni un chauffeur. Donc, sur les nouveaux permis ou les permis qui deviennent disponibles, il n'y en a qu'un sur cinq qui va à une corporation. L'effet — je ne dis pas le but, car je ne veux pas prêter de motifs — de tout cela, c'est la disparition graduelle des flottes.

Vous avez également une autre chose très ennuyeuse. Personnellement, si j'avais le goût de devenir chauffeur de taxi, cela m'arrêterait tout de suite. Le jeune homme qui veut entrer dans une industrie y entre pour améliorer son sort, pour gagner sa vie, faire de l'argent, avancer et en faire plus, si possible, devenir important, acquérir un capital. Or, dans le règlement no 6, l'individu ne peut avoir qu'un permis de taxi et ce permis doit être son gagne-pain principal; c'est-à-dire que M. X, à 18 ans, commence à chauffer un taxi. Il aime cela, il veut faire carrière là-dedans. Comment va-t-il améliorer son sort? Il va conduire un taxi toute sa vie. Il me semble que c'est ériger en système la médiocrité. S'il y a quelque chose dont le Québec n'a pas besoin actuellement, c'est de la médiocrité.

On ne peut pas réglementer, sous prétexte de justice, une industrie au point où l'effet de la réglementation, c'est de s'assurer que tout le monde soit réduit au plus petit commun dénominateur, à la médiocrité en d'autres termes. Parce qu'on a peur des abus que les gros peuvent commettre, ce n'est pas une justification pour s'assurer que personne ne pourra rien désirer d'autre. Chacun a le droit d'avoir l'ambition de devenir gros. J'affirme que le règlement no 6 plafonne complètement les individus qui sont dans le taxi. Le plus qu'ils peuvent être, c'est propriétaire d'un taxi. Je connais des gens qui sont propriétaires de taxis. Ce ne sont pas des millionnaires, je ne leur en fais pas de reproche, mais ceux qui viennent dans le taxi devraient être capables d'aspirer â devenir propriétaires d'un, deux, trois, quatre, cinq, dix, vingt, trente, quarante ou cinquante taxis un jour. Exactement, pourquoi veut-on étouffer l'ambition dans cette industrie particulière là? D'ailleurs, ce n'est pas la seule industrie où on essaie de faire cela au Québec.

Evidemment, les motifs pour lesquels on le fait, c'est toujours dans l'intérêt général.

Tout de même, alors que dans le Québec on a besoin d'ambition, on a besoin de gens qui peuvent accomplir quelque chose, on s'en va — évidemment, ce n'est pas fatal parce que c'est dans le cas du taxi — plafonner, en fait, l'individu, le chauffeur de taxi. Il commence comme chauffeur, il progresse jusqu'à être propriétaire d'un taxi et cela finit là, à moins qu'il trouve une fiole dans l'association unique ou dans un syndicat.

En détruisant des flottes de taxis, à moins qu'on puisse s'arranger pour que les artisans propriétaires puissent être en assez grand nombre pour financer des taxis et fournir des services, vous n'arriverez qu'au fait qu'il n'y aura pas assez de taxis, à un moment donné. On peut tenir pour acquis que la majorité des chauffeurs de taxi, à Montréal, ne peuvent pas ou ne veulent pas financer un taxi. Quand je dis qu'ils ne veulent pas, c'est que j'ai rencontré un chauffeur, l'autre jour, qui m'a conduit et qui m'a dit: Moi, j'étais propriétaire de taxi. Je ne le suis plus. Je le loue et je préfère cela comme ça. Il y en a certainement d'autres. Evidemment, il y a presque autant d'opinions qu'il y a de chauffeurs mais tout de même. Mais si on admet, comme je l'ai dit tout à l'heure, que la majorité des chauffeurs de taxi, à Montréal, ne peuvent ou ne veulent pas financer un taxi, alors les propriétaires de flottes sont absolument nécessaires. Il ne faut pas travailler à les éliminer mais plutôt à empêcher les abus qui ont pu se glisser ici et là. Ce ne sont pas, je crois, des abus de système. Ce sont des abus individuels qui existent dans toutes les relations humaines, qui existent partout.

Evidemment, il y a de mauvais propriétaires comme il y a de mauvais chauffeurs. C'est partout pareil. Il y a même de mauvais syndiqués, parfois.

Il y a également, M. le Président, la question de l'association unique. Que fait-on du principe tellement bien décrété, tellement bien enraciné dans nos lois ouvrières de la liberté d'association? Ici, non seulement il n'y a pas la liberté de choisir son association, parce qu'il n'y en a qu'une, mais il n'y a même pas la liberté de ne pas y adhérer. On est obligé d'y adhérer. Le principe serait effroyable, si on l'étendait partout. Ce serait le corporatisme et le socialisme le plus complet, à travers la province, si on étendait cela partout. Il faut qu'il y ait de la liberté d'association. Que la commission désigne une association, dans chaque district, qui représentera, qui parlera pour les propriétaires, les chauffeurs de taxi et les détenteurs de permis, soit! C'est un mécanisme administratif. Il faut toujours bien en avoir un. Mais ne pas donner le choix aux détenteurs de permis, quant à l'association à laquelle ils appartiendront, s'ils veulent appartenir à une association, et les forcer, à part cela, à appartenir à l'association unique, il me semble que c'est brimer la liberté individuelle d'une façon inadmissible, ce qui n'est aucunement nécessaire, dans les circonstances.

Il y a un peu plus que ça. Eliminer les associations de services. Moi, comme membre du public, je m'y oppose formellement. Si j'appelle à Montréal — pour me servir d'un nom — à Diamond Taxi, que le chauffeur met

35 minutes à arriver, que sa voiture est sale et qu'il ne fait pas un bon ouvrage, moi, je veux être libre d'appeler Lasalle la prochaine fois, Beaubien, ou n'importe lequel.

Si un détenteur de permis n'est pas satisfait de l'association à laquelle il appartient, il veut être libre de changer. C'est le principe de la concurrence, et c'est le principe sur lequel tout notre système est bâti. Il faut maintenir une certaine concurrence, contrôler là où il le faut. Mais, de grâce, permettez à un groupe de chauffeurs de taxi et de propriétaires de permis d'essayer de donner un meilleur service que les autres, afin d'avoir plus d'affaires

C'est le principe de la liberté, mais le règlement no 6 le brime complètement.

Il y a un autre point de vue. Il y a des dents très pointues. Ce sont comme des griffes de chat, dans le règlement. On ne les voit pas du tout. Je me réfère aux dispositions relatives au cautionnement. Pour avoir un permis, il faut donner un cautionnement de $500. Peut-être que le montant peut être amendé, ça ne veut rien dire. Mais la commission doit confisquer le cautionnement si le détenteur est trouvé coupable d'une infraction au règlement. Je présume que c'est un usage qui...

Cela me fait bien de la peine. Quant à moi, tel que je lis ce règlement, un pauvre chauffeur de taxi qui a sa propre voiture, qui est détenteur d'un permis, part de chez lui, s'en va au coin de la rue, il a déjà violé le règlement à peu près quatre fois. Vous savez que la police municipale n'est pas très très douce à l'égard des chauffeurs de taxi, d'une façon générale. Je sympathise avec eux à ce point de vue, d'ailleurs.

Evidemment, c'est facile d'analyser de près cette affaire. Tout ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit là de griffes de chat, elles sont cachées dans la fourrure, mais eues peuvent sortir.

Il me semble — et je dis ça en réalisant qu'on ne s'oppose pas à des réformes — que ce n'est pas une bonne idée de démolir une maison parce que la toilette est bouchée. C'est ça qu'on essaie de faire avec le règlement. On devrait déboucher la toilette.

Je vais ajouter simplement une chose. Je verrais d'un bon oeil une réforme effectuée dans le cadre actuel de la situation. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de mauvais en soi dans le trafic des permis, même en contrôlant le nombre des permis, vous pouvez en contrôler la valeur bien facilement. Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de mauvais en soi dans l'existence de flottes de taxis, puisqu'elles permettent à des chauffeurs qui ne sont pas capables de financer un taxi de gagner leur vie.

Je ne crois pas qu'il y ait quelque chose de mauvais en soi dans la location de taxis, puisque c'est le moyen le plus efficace de permettre à un chauffeur d'être son propre maître, en fait. Les associations de taxis ont déjà prouvé leur valeur.

Je considère personnellement que si le règlement no 6 était adopté, soit exactement la forme soumise ou substantiellement la forme soumise, il ne bénéficierait ni au public, ni aux chauffeurs, ni aux propriétaires d'un permis individuel ou corporatif, mais uniquement à des gens qui cherchent des "jobs", des "fioles" dans l'association unique de chaque région et peut-être, s'ils peuvent réussir, à des organisateurs syndicaux.

C'est pour cela, M. le Président, que mes clients et moi-même sommes contre le règlement no 6. Qu'on construise sur le système actuel, qu'on mette des contrôles; il n'y a pas seulement du mauvais là-dedans. Mais j'aime mieux l'attaquer par le fond et dire: Vous pouvez greffer des réformes, qui se trouvent ici, sur le système actuel plutôt que d'aller picocher sur les détails qui se trouvent dans le règlement. C'est le fond que je considère complètement inacceptable. Par exemple, personnellement, je trouve qu'on devrait réglementer les relations, que ce soit la location ou autrement; j'accepterais la négociation si jamais il y a quelqu'un avec qui négocier. Tel que je vois les chauffeurs de taxi, ce n'est pas dans leur nature de se syndiquer. Je peux me tromper, mais ça n'en a pas l'air. Ils aiment trop l'indépendance pour ça. Mais je ne vois aucune objection à ce que les lois soient amendées pour permettre aux chauffeurs de se syndiquer. Je suis en faveur de la liberté pour tout le monde. Je suis contre la coercition. C'est notre point de vue, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, maître.

M. PINARD: Me Geoffrion, je reprends une de vos dernières remarques avant de terminer. Quand vous dites que vous vous opposez au principe de l'établissement d'un cautionnement qui peut être confiscable...

M. GEOFFRION: Ah! non, excusez-moi. Je disais que malheureusement, tel qu'il est dit dans le texte, le cautionnement oblige la commission à confisquer pour la moindre infraction. Si vous dites que la commission peut confisquer, établir les conditions après avoir entendu les parties, je ne suis pas contre. Je ne m'oppose pas à ce que le cautionnement soit confiscable. Je m'oppose à ce qu'il le soit automatiquement, ce qui n'est pas la même chose.

M. PINARD: Pour fins de discussion, est-ce que vous avez lu la loi 23, la Loi des transports?

M. GEOFFRION: Oui, oui.

M. PINARD: Bon, l'article 66 donne droit d'appel de la décision de confisquer un cautionnement...

M. GEOFFRION: Excepté que, malheureusement...

M. PINARD: ... et dit que toute personne qui est victime de la confiscation d'un cautionnement a droit d'appel et que cet appel suspend la sentence exécutoire ordonnant la confiscation du cautionnement. Vous n'en avez pas parlé, dans vos remarques.

M. GEOFFRION: C'est parce que... M. PINARD: Vous avez oublié ça?

M. GEOFFRION: Je n'ai pas oublié ça. Je vous dirai tout de suite que l'appel est inutile étant donné le texte qui existe. Le texte dit que le cautionnement doit être confisqué si le détenteur se rend coupable d'une infraction au règlement. Si le texte avait dit que le cautionnement peut être confisqué, j'accepterais ça, ça ne me fait rien. C'est le "doit" auquel je m'attaque; c'est l'obligation de confisquer. Je l'ai cité surtout pour montrer les difficultés du règlement. C'est le "doit". Si vous dites "peut", je l'accepte. Je préférerais qu'on nous dise: la troisième infraction ou quelque chose comme ça, ça peut être confisqué. Mais, néanmoins, le principe de confiscation du cautionnement, je ne suis pas contre. Je suis contre l'obligation de confisquer. J'estime que, si le type s'est rendu coupable, la commission n'a pas le choix et le type qui vient en appel n'a pas le choix non plus.

M. PAUL: Du moment que l'infraction sera reprochée, la commission devra et le tribunal d'appel devra maintenir la décision de la commission.

M. GEOFFRION: Pas reproché, du moment que...

M. PAUL: Prouvé.

M. GEOFFRION: Prouvé, oui, c'est autre chose. C'est dans les six. Si vous voulez me donner une minute, je vais le trouver.

LE PRESIDENT (M. Séguin): La parole est à Me Geoffrion.

M. GEOFFRION: Le cautionnement, je vais le trouver tout de suite.

Le voici, c'est dans 6.214 et ça commence à 6.213. Je vais l'avoir tout de suite. Ce n'est pas une affaire facile à lire, remarquez bien.

M. PINARD: Où en êtes-vous, Me Geoffrion, à la section des cautionnements?

M. GEOFFRION: Oui.

M. PINARD: C'est la section II, à la page 693 du règlement grand format. Les articles 6.214 et suivants. Je vous ramène à l'article 66 de la loi 23, intitulée Loi des transports, et je cite le dernier paragraphe de cet article 66 qui dit: "La décision du juge d'accorder la permission d'appeler suspend l'exécution de la décision dont est appel, à moins qu'il n'en ordonne l'exécution provisoire dans les cas d'urgence particulière". Posons l'hypothèse de la confiscation par l'administrateur du cautionnement dont il est question dans le règlement no 6. Le chauffeur qui en est la victime, s'il n'est pas satisfait de cette décision de l'administrateur, a droit de s'inscrire en appel contre cette décision de l'administrateur devant la commission qui a l'obligation d'en prendre connaissance et d'adjuger sur sa requête.

M. GEOFFRION: Je vais répondre simplement ceci...

M. PINARD: Je ne veux pas me chicaner en droit avec vous, mais il faut quand même tenir compte des dispositions de la loi, qui donnent un droit de grief et un droit d'appel.

M. GEOFFRION: Je n'ai pas nié le droit d'appel. Tout ce que j'ai dit, c'est que le droit d'appel est illusoire pour la simple raison que c'est écrit, à l'article 6.231: "L'administrateur de la commission doit — je souligne le mot "doit"; ce n'est pas peut; il est obligé de le faire — confisquer le cautionnement visé à l'article 6.222 et en disposer conformément à la loi, lorsque: b) le détenteur du permis de propriétaire a été condamné pour une infraction au présent règlement ou pour une infraction au code criminel punissable d'un emprisonnement de deux ans ou plus."

Moi, je présuppose ceci: Le type, par exemple, stationne son taxi à un endroit prohibé par le règlement ou encore il est insolent envers le "dispatcher". Il ne veut pas aller où le "dispatcher" veut l'envoyer. On le poursuit devant la cour Municipale ou la cour qui a juridiction. Il est trouvé coupable, c'est clair qu'il est coupable. Alors, l'administrateur n'a pas le choix; même s'il ne veut pas, il est obligé de confisquer le cautionnement. Si on va en appel devant la commission, la commission doit lire le règlement et dire: L'administrateur n'aura pas le choix, nous ne l'avons pas plus et, si on va à la cour d'Appel, c'est la même chose. C'est une mauvaise rédaction, c'est une affaire de rien, il faudrait mettre "peut".

M. PAUL: La seule possibilité de l'emporter devant la commission, ce serait de réussir à prouver que l'infraction n'a pas été commise.

M. GEOFFRION: Exactement.

M. PAUL: Parce que s'il est prouvé que l'infraction a été commise, la commission n'a aucune alternative; elle doit confirmer la sentence du tribunal de première instance.

M. GEOFFRION: II est condamné, même s'il a été condamné à tort. Remarquez bien, je ne veux rien dire, mais parfois, devant les cours inférieures, les cours Municipales, ceux qui sont condamnés ne sont pas toujours coupables.

M. GAGNON: Pour une condamnation banale, le type perd son gagne-pain, parce que le tribunal est obligé de se soumettre à la décision déclarant qu'il y a eu condamnation.

M. GEOFFRION: C'est ça. C'est un manque d'explications.

M.GAGNON: C'est très facile à comprendre. On peut crucifier n'importe qui.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le ministre.

M. PINARD: Me Geoffrion, évidemment, nous ne sommes pas ici pour nous chicaner sauf qu'il faut quand même faire valoir les bons points de la loi 23 et les bons points aussi du règlement no 6, compte tenu des objectifs à poursuivre dans la réforme du taxi.

Les policiers de la ville de Montréal ont affirmé de façon solennelle qu'il n'y a pas possibilité de faire appliquer le règlement du taxi dans la ville de Montréal, à cause des limites territoriales, bien souvent, et à cause d'une foule de facteurs. Le législateur québécois devant des plaintes répétées de la part de ceux qui ont quand même la responsabilité de faire appliquer les lois ou les règlements, doit rechercher une solution. Je ne dis pas qu'elle est idéale dans le règlement no 6. Le mot "doit" plutôt que le mot "peut", comme vous l'avez souligné vous-même, est peut-être trop draconien.

Pour les fins de la discussion, il reste quand même qu'il y a un droit de grief et un droit d'appel. J'imagine que le tribunal qui a un statut supérieur pourra casser le règlement, c'est-à-dire l'ordonnance ou le jugement d'un tribunal inférieur. Enfin, c'est le système judiciaire dans lequel nous vivons. Pour autant que vous admettez cependant que la Commission des transports ou le tribunal d'appel des transports, tel qu'il sera constitué en vertu des dispositions de la loi 23, pourra être véritablement un tribunal capable de recevoir des appels et d'adjuger sur ces appels, à l'encontre d'une décision prise par une instance inférieure, par exemple.

M. GEOFFRION: Comme toute cour d'Appel, le tribunal d'appel devra nécessairement rendre le jugement qu'aurait dû rendre le tribunal de première instance. Or, le tribunal de première instance, dans ce cas-ci l'administrateur, n'a pas beaucoup le choix. Il "doit". Je ne vois pas quel autre jugement un tribunal d'appel pourrait rendre maintenant. Il y a une autre conséquence dans toute cette affaire. J'ai donné là un exemple. C'est une difficulté qui serait éliminée très facilement par un amendement mineur au texte. Il y a aussi autre chose, c'est que la complication même de ce règlement conduira inévitablement à l'arbitraire, même avec la meilleure volonté du monde. Il y a deux sortes d'arbitraires: II y a évidemment l'arbitraire qui résulte du fait qu'un type est dictateur ou souverain absolu. Il n'y a pas de règle qui le régisse. Il y a deuxièmement une autre sorte d'arbitraire, parce que la première sorte n'existe plus de nos jours, j'espère. Pas ici, du moins. Il y a donc une autre sorte d'arbitraire qui est plus dangereuse parce que plus insidieuse. C'est l'arbitraire qui résulte du fait qu'on a une réglementation, une législation qui est tellement compliquée que personne ne peut l'observer intégralement. Là, le pouvoir public décide qui il va poursuivre et qui il ne poursuivra pas. Cela, c'est de l'arbitraire aussi. Ce règlement-ci, à mon avis, par sa complication même, par l'impossibilité d'éviter des infractions, permettra aux autorités — remarquez bien que je n'accuse personne, je n'ai pas l'intention de mal faire — de poursuivre qui elles veulent puisqu'elles ne peuvent pas poursuivre tout le monde. C'est une autre raison qui fait que le règlement no 6 est mauvais. Je voudrais construire sur ce qu'on a.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le ministre des Transports.

M. PINARD: M. le Président, il y aurait peut-être moyen de négocier un arrangement satisfaisant en limitant les infractions pour lesquelles il peut y avoir suspension ou révocation du cautionnement...

M. GEOFFRION: Certainement.

M. PINARD: ... de façon à viser les cas d'infractions les plus graves. Par exemple, je songe aux infractions qui seraient commises à l'encontre des dispositions du code de la route, à l'encontre des dispositions du code criminel. Je pense donc qu'il y a moyen de dresser une liste de ces infractions qui peuvent être jugées à caractère grave par rapport à celles qui peuvent être à caractère beaucoup moins grave, comme vous l'avez souligné tantôt, de façon qu'il n'y ait pas d'application vexatoire et discriminatoire du règlement no 6 entre les mains de l'administrateur, d'abord, et de la part de ceux qui sont chargés de faire respecter les règlements, dans la ville de Montréal, entre autres, les policiers de la ville de Montréal. Je pense qu'il y a moyen de s'entendre là-dessus.

Vous me permettrez quand même de souligner que j'aurais bien aimé que, comme le grand avocat que vous êtes, vous ne lanciez pas tellement cette objection fondamentale contre le règlement no 6 au chapitre des cautionnements sans faire cette référence de la possibilité d'un appel prévu dans la loi 23, à l'article 66 notamment. Cela porte à confusion. Je sais

que vous avez une cause à plaider devant nous et nous ne sommes pas ici pour constituer un tribunal d'appel de votre plaidoirie. Je pense que pour une meilleure information du public, c'est la responsabilité de ceux qui se présentent devant nous de présenter objectivement leur plaidoirie, indépendamment des intérêts qu'ils défendent.

Nous respectons cette liberté encore au Québec, je pense que nous en avons fait la preuve. Je pense aussi qu'il ne faut pas charrier, comme on dit en bon canadien. Il faut faire la part des choses.

M. GEOFFRION: Voici...

M. DEMERS: M. le Président, est-ce qu'on pourrait conseiller à Me Geoffrion de soumettre ses textes dorénavant au ministre pour approbation avant de venir les lire?

M. GEOFFRION: Si j'ai été mal compris, je m'excuse. Je n'ai pas mentionné la possibilité d'appel, je suis au courant; étant donné le mot "doit", l'appel me paraissait totalement futile et frivole à sa face même. C'est la seule raison. Je serais satisfait qu'on mette "peut", je serais satisfait qu'on fasse une liste d'infractions comme le ministre le suggère, je serais satisfait qu'on dise que ce n'est qu'à la deuxième ou troisième infraction. Ce que je voudrais, c'est qu'au moins la personne, avant de perdre $500, puisse se faire entendre devant la commission, qui pourrait juger selon les circonstances. C'est la seule chose.

Je n'ai cité ça qu'à titre d'exemple parce qu'il y a bien d'autres choses dans ce règlement auxquelles je m'oppose. Mais c'était surtout à titre d'exemple; ça peut conduire à l'arbitraire possible. Il y a d'autres choses aussi. Le règlement est extrêmement compliqué, c'est une brique et, je reviens à ce que j'ai dit, c'est presque aussi difficile à lire que la nouvelle Loi de l'impôt sur le revenu.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Autre question?

M. PINARD: Me Geoffrion, vous en avez contre le caractère restrictif du règlement no 6 à l'endroit du chauffeur lui-même, à l'endroit de toutes les catégories de ceux qui font profession de gagner leur vie avec le taxi. Ne l'oubliez pas, le règlement no 6 est un document de travail, une proposition de règlement au problème du taxi tel qu'on le vit principalement à Montréal.

M. GEOFFRION : Je suis d'accord.

M. PINARD: Vous semblez dire qu'on en arriverait au résultat qu'il y aurait impossibilité presque formelle pour celui qui veut vivre du taxi à Montréal d'avoir une, deux, trois, quatre ou cinq voitures. C'est une interprétation que vous donnez. Je ne sais pas si cette interprétation est beaucoup trop large ou restrictive, selon le cas. Nous avions prévu quand même un mécanisme qui aurait permis au petit propriétaire, à l'artisan d'acquérir éventuellement d'autres permis de taxi pour exploiter d'autres voitures par le rachat par l'association, par exemple, d'un certain nombre de permis sur base volontaire. Cela aurait été en faveur de ceux qui feraient partie de cette association, après que celle-ci aurait adressé, après accréditation auprès de la Commission des transports, — c'est une hypothèse — une liste des personnes intéressées à acquérir d'autres permis. Mais pour garantir le sérieux de ceux qui voudraient acquérir véritablement ces permis pour gagner leur vie avec l'industrie du taxi, il y aurait en quelque sorte un mécanisme, un frein modérateur contre ceux qui inscriraient leur nom sur la liste simplement pour le plaisir de le faire et pour écarter éventuellement d'autres personnes qui voudraient avoir ces permis pour vivre véritablement de l'industrie du taxi.

M. GEOFFRION: D'accord. C'est une bonne idée, cela.

M. PINARD: Voyez-vous, il y a toutes sortes de mécanismes dont on ne parle pas alors qu'on se présente devant la commission et qu'on fait une espèce de "filibuster" en bloc contre le règlement no 6. Je pense qu'il est assez difficile de faire valoir tous les points de vue en même temps, mais vous me permettrez de vous interroger là-dessus. Vous représentez des intérêts importants, je le conçois, et vous êtes assez bon avocat pour penser à informer la commission des solutions qui pourraient être apportées pour bonifier cette industrie du taxi, la rendre plus humaine, la rendre plus rentable en faveur de ceux qui en vivent et pour mettre fin également au système d'exploitation éhontée dont on a fait état la semaine dernière devant cette même commission.

M. GEOFFRION: M. le Président, premièrement, pour ce qui est de la question de l'acquisition de permis, la conjoncture des diverses dispositions de ce règlement prévoit a) qu'un individu ne peut détenir qu'un permis, b)que ça doit être son principal gagne-pain, c) qu'une corporation ne peut détenir que 20 permis et qu'en principe les autres dispositions prévoient qu'une corporation, en fait, ne peut recevoir qu'un permis sur cinq parmi les nouveaux permis émis.

J'en déduis donc qu'il est presque physiquement impossible pour un individu qui commence dans le taxi comme chauffeur, disons, d'améliorer son sort. Il épargne son argent. Il ne se marie pas, disons, ou quelque chose comme ça et il en arrive à acquérir une voiture. Il finit par avoir sa voiture et il ne peut pas faire autre chose pour vivre. Il va vivre peut-être assez bien, mais pas richement. Mais il est condamné à

rester dans cet état toute sa vie, sans fonds de pension, puisqu'il n'est pas employé. Il ne peut pas acquérir une deuxième voiture, si l'on songe que le nombre de permis émis à des corporations diminue constamment. Cela commence à 40 p.c. et cela diminue, puisque, parmi les nouveaux permis, il n'y en a qu'un sur cinq qui est émis.

Il peut incorporer une compagnie, s'il le veut, mais la compagnie doit exister depuis au moins un an avant d'avoir un permis, selon le règlement no 6 toujours. Ce sont des dispositions tracassières dont je ne comprends pas la raison d'être, d'ailleurs, à ce point de vue. Par exemple, pourquoi une compagnie doit-elle exister pendant un an avant qu'on puisse lui émettre un permis? Est-ce qu'une compagnie ne peut pas s'incorporer du jour au lendemain et demander un permis? S'il y a un permis disponible, elle devrait être capable de l'avoir. Il y a des choses que je ne comprends réellement pas. Mais, à tout événement, le petit qui a un permis de taxi, il faut qu'il se ramasse de $300 à $500 pour trouver un avocat pour incorporer une compagnie. Ensuite, il faut qu'il paie pendant un an les différentes taxes provinciales qui vont se chiffrer peut-être par $50 par année ou un peu moins. Ce n'est pas grand-chose.

Après un an, il fait sa demande de permis et il attend encore un an ou deux afin que le permis devienne disponible, parce que c'est seulement chaque cinquième permis qu'il va avoir. Comment voulez-vous que ce type puisse améliorer son sort? C'est bien beau de prendre les intérêts des chauffeurs à coeur, mais pourquoi les plafonner pour toute leur vie ou les obliger à s'en aller ailleurs dans une autre industrie? Le taxi est un moyen honorable de gagner sa vie. Le type devrait être capable de s'améliorer comme n'importe quel autre artisan ou n'importe quel autre homme d'affaires. Par exemple, un type qui a un magasin, si cela va bien, peut s'ouvrir un second magasin et même toute une chaîne. Pourquoi pas dans le taxi? C'est mon point.

M. PINARD: M. Geoffrion, je vous demande, encore une fois, d'éclairer la commission dans la mesure du possible. J'admets certaines prémisses que vous faites. Par contre, je me demande encore comment vous allez pouvoir concilier les grands objectifs de la réforme du taxi à Montréal et le fait que nous voulons permettre précisément aux petits propriétaires de bien vivre avec l'industrie du taxi. Il reste que l'association que vous représentez, constituée de 80 membres, est propriétaire de 1,200 voitures-taxis.

M. GEOFFRION: Oui, 25 p.c. des taxis.

M. PINARD: Alors, cela veut dire que l'association que vous représentez détient quel nombre de permis de taxi?

M. GEOFFRION: Elle en détient 1,200, environ.

M. PINARD: Alors, si personne, dans l'association que vous représentez, ne se départit d'un certain nombre de permis de taxi, comment pourrons-nous procéder pour arriver à l'autre objectif que vous expliquez, quand vous dites que vous avez à coeur que le petit chauffeur puisse, un jour, accéder au titre de propriétaire et d'exploitant d'un taxi de façon rentable?

M. GEOFFRION: Premièrement, il y a beaucoup de membres de mon association qui étaient des chauffeurs de taxi, il n'y a pas si longtemps. Un type qui connaît les affaires un peu, qui est bon chauffeur de taxi, à Montréal, peut avancer. Les flottes ont été bâties, d'une façon pas absolument générale, mais très souvent, par un chauffeur de taxi qui est plus travaillant que d'autres, peut-être un peu plus intelligent, je ne sais pas. Peut-être aussi qu'il est chanceux, mais, à tout événement, il a un taxi. Il commence comme chauffeur et il loue son taxi. Il travaille fort. Il se ramasse de l'argent. Il s'achète un permis. Il le paie cher, mais il s'en achète un.

Le chauffeur travaille selon son permis 24 heures par jour, deux autres chauffeurs avec lui ou un autre avec lui. Il fait encore de l'argent, il s'achète un deuxième permis et c'est ainsi qu'on bâtit. Il fait son possible et c'est tout.

Même si un type n'est pas chauffeur de taxi, il a le droit d'avoir de l'ambition. Mes clients aussi remplissent un besoin. Si mes clients n'existaient pas, comment voudriez-vous que ceux qui ne sont pas capables de se financer une voiture puissent faire du taxi? C'est bien beau de penser au bien de tout le monde, seulement il faut faire face aux réalités.

Vous voulez des suggestions, moi je dirais ceci: S'il y a lieu d'amender les lois pour que les chauffeurs puissent, s'ils le désirent, se syndiquer, soit, nous sommes en faveur, nous n'avons pas d'objection. Nous voulons qu'ils soient libres, c'est tout. Nous voulons que personne ne soit forcé d'entrer dans une association plutôt qu'une autre. Si on veut faire adopter des règlements pour que les conditions de location soient établies par la commission ou autrement, soit! C'est une réglementation légitime et je ne comprends pas qu'elle ait jamais été faite. Les conditions de salaire pour les chauffeurs qui sont à salaire, les conditions de pourcentage pour ceux qui sont au pourcentage, seulement, bâties sur ce que vous avez parce que vous avez quelque chose, c'est cela le point. Conserver à l'industrie du taxi son caractère actuel, c'est-à-dire le caractère d'indépendance et de liberté. Empêcher les abus, certainement, mais...

M. PINARD: Oui, mais comment? Comment les bloquer les abus, comment y mettre

fin? Vous avez 80 membres qui sont des propriétaires de 1,200 permis.

M. GEOFFRION: Oui, quinze chacun, à peu près.

M. PINARD: Tous n'ont pas quinze permis, il y en a peut-être parmi les 80 membres qui ont plus de quinze permis.

M. GEOFFRION: Oui, c'est une moyenne.

M. PINARD : Nous n'avons pas les documents qui nous disent comment se répartissent les 1,200 permis parmi 80 membres.

M. GEOFFRION: Nous pouvons vous dire cela tout de suite.

Le plus grand nombre de permis dans notre association, c'est 63 pour une personne. Ce sont des flottes de taxis, mais la moyenne c'est quinze par membre. Alors, cela veut dire qu'il y en a qui en ont plus, d'autres moins.

M. PINARD : Je ne vous oblige pas à me répondre, Me Geoffrion, mais pourriez-vous me dire, pour le bénéfice des membres de la commission, si les 80 membres qui constituent la corporation que vous représentez vivent principalement de l'industrie du taxi ou si c'est pour eux un supplément de revenu?

M. GEOFFRION: Je vais essayer d'avoir le renseignement. On me répond qu'ils vivent tous de l'industrie du taxi.

M. PINARD: C'est leur principal gagne-pain.

M. BUCHNER: Oui, ce sont tous des opérateurs de flotte de taxis qui vivent du revenu de leurs taxis. Il y a au-dessus de 2,000 permis de taxi dans les flottes de taxis. Nous n'en représentons que 1,200.

M. PINARD: Est-ce que de façon similaire à l'association Diamond, à l'association Lasalle, vous offrez également des services?

M. GEOFFRION: Non. Nous sommes...

M. PINARD : Vous êtes exclusivement locateurs?

M. GEOFFRION: Nos membres, pour la plupart, sont membres de l'association Diamond, il y en a dans toutes les associations.

M. PINARD: Est-ce que les membres de votre corporation sont propriétaires de garages qui dispensent des services de réparation ou des services de vente de voitures?

M. BUCHNER: De vente d'essence ou des choses comme celle-là?

M. PINARD: Oui.

M. BUCHNER: IL y en a qui sont propriétaires de garages.

M. PINARD: Parmi vos membres? M. BUCHNER: Oui.

M. PINARD: De réparation ou garage de réparation et de vente de voitures.

M. BUCHNER: Garages dans lesquels ils réparent leurs propres voitures, en règle générale, parce que c'est très rare que des gens de la rue s'arrêtent là-bas, mais cela arrive. En règle générale, la majorité des réparations sont des réparations faites à leurs propres voitures et de l'essence vendue à leurs propres voitures plus les gens de la rue qui veulent acheter de l'essence. Le fait existe et il est reconnu un peu partout.

Le garage de taxis offre le meilleur service de réparation et d'entretien pour une voiture, parce que le taxi circule 24 heures par jour. Le mécanicien sait ce qu'il fait. Le public le sait et il y en a beaucoup qui viennent dans ces garages, justement pour faire réparer leur voiture, parce qu'ils ne sont pas satisfaits des services qu'ils obtiennent ailleurs. Leurs prix sont plus raisonnables aussi.

M. PINARD: Pour le moment, je n'ai pas d'autres questions, Me Geoffrion. Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, au tout début, je voudrais faire une mise au point, quant à nous, députés de l'Union Nationale. C'est que le ministre a semblé interpréter l'intérêt que portent les membres de la profession du taxi à l'étude du règlement no 6 comme étant un "filibuster" de leur part. Je dirai, M. le Président, que nous vivons la grande démocratie. Nous félicitions le ministre d'avoir eu cette initiative d'entendre tous les secteurs de l'industrie du taxi. Je suis certain que le ministre a sûrement dépassé sa pensée en considérant, tout à l'heure, toute obstruction ou toute opposition au règlement no 6 du taxi comme étant un filibuster, c'est-à-dire une opposition massive, en bloc, de la part de ceux qui se présentent devant nous pour présenter des mémoires ou nous faire part de leurs points de vue.

M. Geoffrion, vous qui avez des clients qui connaissent le problème du taxi, avez-vous l'impression que ce serait une excellente initiative que de soumettre, pour approbation, au monde du taxi, que ce soit aux propriétaires de flottes, propriétaires artisans, chauffeurs, associations, le règlement no 6, tel que rédigé, à un

référendum pour déterminer son acceptation ou pour son refus?

M. GEOFFRION: Je dirais probablement que non. Quelle que soit mon opinion, quelle que soit l'opinion de certains autres sur ce règlement, je crois qu'il est beaucoup trop compliqué pour être soumis à un référendum. Je suis presque certain que le référendum serait négatif, mais on ne saurait jamais si le vote négatif était dû à la complexité du règlement ou au fait que les gens ne sont pas d'accord. Mon opinion, c'est que ce ne serait pas une bonne idée que de le soumettre à un référendum. Si on voulait soumettre quelque chose à un référendum, il faudrait que ce soit quelque chose de beaucoup plus simple que cela. Même le résumé qui en a été fait est trop compliqué également.

M.PAUL: Je vous remercie de votre opinion, M. Geoffrion. Je voulais confirmer celle que j'avais moi-même sur la portée d'un tel geste.

M. Geoffrion, pourriez-vous nous dire qui est considéré comme propriétaire d'une flotte dans votre association? Quel est le minimum requis de véhicules pour qu'on soit considéré propriétaire d'une flotte et admis dans votre association?

M. GEOFFRION: Trois voitures.

M. PAUL: Trois voitures. M. Geoffrion, vous avez, dans le cours de vos propos, signalé que la location des voitures-taxis semblait assurer la qualité du service au public. Est-ce que c'est une expérience personnelle? Est-ce que des représentations vous furent déjà faites dans ce sens? Est-ce que vous avez mené une enquête pour être en mesure de nous faire une telle déclaration devant la commission?

M. GEOFFRION: Disons que je n'ai pas mené d'enquête. Je prends fréquemment des taxis, non seulement à Montréal, mais ailleurs également. Je me sers, d'une façon générale, de ma propre voiture, pour me rendre au bureau, le matin, et pour revenir à la maison, le soir. Mais je ne passe pas la journée dans mon bureau. Je prends fréquemment des taxis, ici et là. C'est ce qui me permet, d'ailleurs, de comparer le service à Montréal avec le service ailleurs.

Je ne le dis pas pour vous donner le détail de mes voyages dernièrement.

M. PAUL: Faites attention à l'impôt.

M. GEOFFRION: Ce sont des voyages d'affaires, sauf le dernier à Hawai' pour des vacances. Je n'ai pas fait une enquête. Je cause avec des chauffeurs assez souvent, et depuis que je suis revenu de vacances, je leur demande toujours: Qu'est-ce que vous pensez de l'affaire du règlement du taxi? Il y en a un qui m'a dit, je l'ai noté, qu'il louait son taxi maintenant et préférait de beaucoup le louer que d'être propriétaire.

Ceux à qui j'ai parlé étaient contre le règlement no 6, mais ils n'avaient pas pris part à la protestation de l'autre jour. Je n'ai pas mené d'enquête, j'ai juste parlé comme ça aux chauffeurs des voitures où je suis monté, généralement à la place d'Armes, parfois autour des hôtels, etc.

M.PAUL: Est-ce que quelques-uns d'entre eux vous ont signalé les avantages ou les désavantages du règlement no 6? Est-ce qu'à la lumière des conversations que vous avez eues avec ces gens, vous êtes en mesure de nous faire part qu'il y aurait chez eux un manque de connaissance des avantages que l'on peut retrouver dans le règlement no 6 — il y en a sûrement — et également des inconvénients qui peuvent les affecter dans l'exercice de leur profession?

M. GEOFFRION: II me reste à peu près dix ou quinze minutes. C'est assez difficile d'entrer dans les détails cette fois-ci, remarquez bien.

M. PAUL: Est-ce que je peux vous demander pourquoi?

M. GEOFFRION: Je ne peux pas réellement vous répondre. Mon impression c'est que personne n'avait réellement lu le règlement. Des explications ont été données, mais, le règlement est difficile à comprendre; moi-même, je ne le trouve pas facile à comprendre. Et je suis avocat et habitué à lire des textes législatifs. Je ne veux pas me vanter spécialement, je ne vois pas comment les gens avec, en moyenne, moins d'instruction que moi le trouveraient facile.

M. PAUL: Depuis le début de nos séances devant cette commission parlementaire, nous avons entendu des témoignages de chauffeurs de taxi qui sont venus nous faire part d'une certaine exploitation dont ils sont victimes, de certains abus de la part de propriétaires, spécialement de flottes de taxis. Etes-vous en mesure de nous faire part de votre opinion sur les avantages d'une syndicalisation des chauffeurs de taxi, et est-ce que vous croyez que ce serait une excellente occasion, un très bon moyen pour la protection des chauffeurs de taxi et également pour revaloriser l'exercice de ce métier?

M. GEOFFRION: Je ne peux pas être en principe contre la syndicalisation. C'est la première chose. Les syndicats, de nos jours, commettent un tas d'abus, mais les employeurs également. Il faut bien faire la part des choses. Je ne peux pas dire donc que nous sommes contre la syndicalisation. Seulement, nous voulons que la syndicalisation soit libre, non seulement dans le sens que personne ne va

casser la gueule aux chauffeurs de taxi, mais libre également dans un autre sens, que je ne crois pas qu'il soit de mise que le gouvernement indique directement ou indirectement qu'il désire une telle syndicalisation. Qu'il fasse le nécessaire pour rendre la chose possible, soit. Mais je tiens à dire que la liberté d'adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat doit toujours exister, de pleine et entière liberté. C'est le principe du code du travail, ça devrait être le principe qui jouerait ici. Il n'y a pas de raison de faire une exception pour le taxi.

Ceci étant dit, je suis porté à croire que l'industrie du taxi existant actuellement, comportant des petits propriétaires, des artisans, comportant des locataires de taxi qui travaillent à leur propre compte dans le fond, je suis porté à croire, qu'il n'y a pas assez d'employés, en d'autres termes, pour que la syndicalisation soit réellement possible, que le syndicat soit représentatif.

Je me trompe peut-être et je n'ai pas de parti pris à ce sujet.

M. PAUL: Je vous remercie, M. Geoffrion.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. Geoffrion a brossé un tableau à l'effet qu'il est un promoteur de l'entreprise privée, l'entreprise libre, du libre choix de monter sa fortune comme bon lui semble. Il a dit que le règlement no 6, ni plus ni moins, érigeait en système la médiocrité, limitait l'ambition légitime de prospérer. Vu que votre association de flottes de taxis a quasi un monopole des permis, comment pouvez-vous nous expliquer que le jeune homme de 18 ans qui entre dans le taxi puisse facilement ambitionner de devenir riche, avoir un permis, deux permis et monter? Parce qu'il y a plusieurs chauffeurs de taxi, en arrière, qui attendent cette éventualité, cette liberté de prospérer. Vous voulez qu'ils prospèrent. De quelle façon voulez-vous qu'ils prospèrent en monopolisant autant de permis? Comment ce jeune homme peut-il prospérer comme vous le désirez?

M. GEOFFRION: Le permis de taxi a pris de la valeur à Montréal parce que le nombre est limité. Le gouvernement municipal ou la CUM pourrait, strictement parlant, gouverner la valeur d'un permis bien facilement en augmentant ou diminuant le nombre. Bien plus, la valeur des permis a fluctué dans les dernières années et a été assez bas parce que le prix des courses n'était pas encore augmenté. Depuis qu'il a été augmenté, la valeur des permis monte parce qu'on fait plus d'argent avec le taxi. Avant, les propriétaires de flottes en perdaient. Comment un type peut-il acquérir plusieurs taxis? Je ne suis pas chauffeur de taxi mais un bon nombre des propriétaires de flottes, qui ont été chauffeurs de taxi, ont montés comme ça. Cela s'est fait et ça se fait encore. En d'autres termes, il ne faut pas faire d'erreurs en essayant de réprimer des abus dans la vente de permis. En réprimant l'abus, on peut empêcher complètement la vente. Si on fait ça, personne ne peut monter. Il faut constater les abus, les constater froidement et objectivement, sans les exagérer. Je ne l'affirme pas, mais je crains que certains de ceux qui ont préparé ce rapport aient pu exagérer les abus. Il faut constater les abus objectivement, froidement et prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin. Pas plus, Autrement, c'est le pavé de l'ours. Je ne suis pas contre l'idée de réglementer la location des taxis, la réglementer, pas l'interdire. Pour que l'industrie soit saine, il faut que les propriétaires puissent faire de l'argent, les chauffeurs puissent vivre et que le public puisse obtenir du transport à des taux raisonnables. Si vous empêchez les propriétaires de vivre, l'industrie peut disparaître. Si vous empêchez les chauffeurs de vivre, l'industrie va disparaître également. Si, en voulant faire vivre les uns et les autres trop richement, vous augmentez les taux au public, l'industrie va disparaître également parce qu'il y a un tas de gens qui vont prendre le transport en commun. Il faut équilibrer ça, il faut le surveiller. Moi, je suis contre l'idée de tout démolir et de reconstruire. Travaillons avec ce que nous avons et améliorons la situation.

Je ne suis pas contre une réglementation saine et raisonnable sur les fondations déjà existantes.

M. AUDET: Remarquez bien, M. Geoffrion, que je suis d'accord sur votre manière de penser, mais je crois que, comme vous le dites, il restera toujours certains permis disponibles pour des acheteurs éventuels qui pourront s'intégrer au taxi et devenir propriétaires. Mais je crois que la majorité des chauffeurs, probablement, demeureront chauffeurs longtemps. Vous semblez ne pas être tellement — peut-être avec raison — pour la syndicalisation, forcée surtout.

M. GEOFFRION: Forcée, je suis contre.

M. AUDET: Vous voulez que l'adhésion demeure libre. Je crois que c'est aussi un bon désir de votre part. D'un autre côté, vous ne semblez pas avoir donné une explication nette de la façon de sortir le chauffeur de son malaise, dans le système actuel. C'est ça qu'on voudrait savoir. Il y a un malaise chez les chauffeurs parce qu'eux demandent la syndicalisation obligatoire pour revendiquer leurs droits et pour sortir de leur misère apparemment.

M. GEOFFRION: Ce n'est pas unanime. J'aimerais que les lois soient amendées, s'il le faut, pour rendre la syndicalisation possible. Là, on verra si les chauffeurs le veulent ou s'ils ne le veulent pas.

M. AUDET: M. Geoffrion, vous désirez réellement que tout le monde vive dans le taxi, autant les chauffeurs que les propriétaires de flotte et les propriétaires de taxis. Je crois que le propriétaire de flotte de taxis ou le propriétaire de taxis a le droit de demander au chauffeur d'être compétent. C'est son droit avant de l'engager ou avant de lui louer une auto. Il a aussi le droit de lui demander d'être honnête et de ne pas le voler.

M. GEOFFRION: Quand il loue, il n'a pas beaucoup de vol possible, heureusement.

M. AUDET: II a aussi le droit de demander que le chauffeur prenne son intérêt. Ce sont trois choses que le propriétaire a le droit de demander. Si vous obligez le chauffeur à acheter des actions de votre compagnie, comme certaines compagnies de Montréal ont commencé à le faire, et si le gouvernement est assez généreux pour payer au chauffeur qui accepte d'acheter une action une action dans la compagnie, croyez-vous que vous pourriez atteindre facilement ces trois qualités de compétence, d'honnêteté et d'intérêt du chauffeur intégré à une compagnie?

M. GEOFFRION: Ce n'est pas un moyen à négliger, mais le succès n'est pas garanti, non plus. Il y a des coopératives de chauffeurs qui sont très bien, des coopératives de petits artisans qui sont très bien. Nous, c'est une association que nous avons. Il faudrait que chaque propriétaire de flotte s'incorpore et vende des actions. Ce n'est pas un moyen que je rejetterais a priori, mais il faudrait y penser. Ce serait un mécanisme qui serait assez difficile à mettre sur pied. Je ne peux pas vous dire non, mais je n'y ai pas encore pensé.

M. AUDET: Vous n'avez pas autre chose à suggérer?

M. GEOFFRION: Non. Ma suggestion actuellement, c'est d'essayer de contrôler les conditions qui soulèvent le plus de plaintes, les conditions de location, les conditions de pourcentage et ces affaires-là, mais il ne faudrait ne pas essayer de contrôler pour l'amour de contrôler.

M. AUDET: Vous admettez quand même qu'un chauffeur qui va louer un taxi chez vous n'aura aucun intérêt à part se faire un bon revenu. Vous admettrez comme moi que ce qui assure premièrement la rentabilité du taxi, c'est l'auto elle-même?

M. GEOFFRION: Exactement.

M. AUDET: C'est très dispendieux. Un chauffeur de taxi peut faire durer une auto trois ou quatre ans, mais il peut la démolir en une semaine, suivant son intérêt.

M. GEOFFRION: Nous aimons mieux avoir un bon chauffeur qu'un mauvais, mais, d'un autre côté, il faudra des réglementations pour les relations qui existent actuellement entre chauffeurs et propriétaires de voitures — je n'y vois pas d'objection — mais une réglementation raisonnable qui serait débattue devant la Commission des transports.

C'est la même chose quand on débat les taux du transport en commun ou bien les taux du transport des marchandises devant la Commission des transports. C'est exactement la même chose. Il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas la même chose dans le cas des taxis. Chacun se fait entendre.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plaît. Le ministre, tout à l'heure, avait suspendu son interrogatoire jusqu'à ce qu'il puisse obtenir certaines précisions. On me demande s'il pourrait revenir, et ce sera le député de Sainte-Marie, immédiatement après.

M. PINARD: Me Geoffrion, la semaine dernière, mardi, vous étiez présent mais malheureusement vous n'avez pas eu la chance de vous faire entendre. Je ne suis pas certain que vous soyez resté...

M. GEOFFRION: Non, je ne suis pas resté...

M. PINARD: ... pendant les autres séances de la commission parlementaire. Je pense que vous ne connaissez pas l'hypothèse de travail que j'ai personnellement avancée comme étant un élément de solution au problème du taxi, l'hypothèse de travail qui apparaît sur les tableaux que vous avez devant vous. Le tableau à votre droite indique comment fonctionne l'industrie du taxi à l'heure actuelle sans règlement no 6; le tableau à votre gauche indique une hypothèse de travail qui pourrait se retrouver dans le cadre du règlement no 6 proposé, mais avec certains amendements.

Vous avez fait de la concurrence et de la liberté la pierre d'assise de votre plaidoirie tantôt pour protéger les droits de vos clients et vous êtes maintenant au courant de cette hypothèse de travail. Vous connaissez le paragraphe i) de l'article 29 de la Loi des transports qui dit ceci: "La commission doit, dans le cadre des règlements — je passe ses responsabilités — reconnaître un groupe qu'elle juge représentatif des détenteurs de permis de transport par véhicules-taxis dans toute agglomération urbaine déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil."

Cette hypothèse de travail que vous voyez devant vous pourrait, à mon avis, découler directement des pouvoirs que pourrait conférer la Commission des transports en reconnaissant, comme représentative des détenteurs de permis, l'association qui apparaît dans l'encadrement rouge et noir, au haut de la carte, qui pourrait avoir comme responsabilité de représenter les

individus propriétaires de permis et les compagnies propriétaires de flottes et qui pourrait, devant la commission, aller négocier des taux, d'autres conditions en faveur de ceux qui seraient membres de cette association de détenteurs de permis. Cette association pourrait également avoir le pouvoir de former des comités de discipline, d'éthique professionnelle, etc. Et, complètement séparées des pouvoirs et responsabilités de cette association de détenteurs de permis, pourraient être créés, grâce au règlement no 6 et à l'intérieur des limites prévues par la Loi 23, des associations de services qui pourraient permettre aux membres de ces association d'avoir un système de rentes pour en arriver à mieux valoriser le statut du propriétaire et exploitant de taxi, l'assurance-vie, l'assurance générale, l'achat en groupe pour avoir des meilleures conditions pour l'essence, les réparations, les pièces, etc. On pourrait arriver aussi à se doter d'une centrale de contrôle qui, espérons-le, pourrait minimiser les frais et mieux redistribuer les appels en faveur de ceux qui auraient à conduire leur taxi dans un certain territoire.

Il y a peut-être des problèmes techniques, mais je pense qu'ils peuvent être surmontés. Il s'agira de voir plus profondément, plus en détail le fonctionnement de ce système.

Mes questions étant posées de la façon dont je vous les ai posées, pouvez-vous nous donner une réponse à savoir si vous n'arriveriez pas à réconcilier les objectifs pour lesquels vous avez plaidé tantôt, pour en arriver à cette juste et légitime concurrence avec le système que vous défendez?

M. GEOFFRION: Mon impression, M. le Président, est que nous serons liés par la loi, il faudra bien l'accepter comme elle sera. Il faut une association qui sera reconnue dans chaque secteur par la Commission des transports pour négocier pour les propriétaires. C'est tout ce qu'exige la loi. Que leur fera-t-on faire de plus à ces associations? C'est une question à débattre. Mon opinion personnelle, c'est que, comme à Montréal, il existe des associations qui groupent presque tous les chauffeurs de taxi, et qui donnent des services qui sont indiqués à droite sur le tableau, à votre gauche; je ne dérangerais pas les associations existantes, et, consé-quemment, l'association représentative ne s'engagerait pas dans cette voie. Elle pourrait peut-être s'y engager, mais c'est une question.

Dans les endroits où il n'existe aucune association de cette nature, où il n'en existe qu'une qui peut devenir l'association représentative, la situation est un peu différente et l'association pourrait faire plus que ce qu'elle ferait à Montréal.

A Montréal, les services existent. Je crois que ce serait une erreur de les doubler par une association paragouvernementale, non pas gouvernementale, qui aurait la bénédiction du gouvernement.

Là où les services n'existent pas, que l'association essaie de les installer, ça ne peut faire que du bien. Evidemment, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit tout à l'heure. J'ai surtout insisté sur la question de la liberté des associations. Nous avons à Montréal diverses associations de services des grosses et des petites, qui donnent, d'une façon générale, un bon service. Le choix aux chauffeurs, aux propriétaires, au public, c'est une espèce de concurrence des services et je crois que ça devrait exister. Je ne crois pas que l'association paragouvernementale pourra entrer en concurrence avec elles. Mais je n'ai pas d'objection à ce que l'association fasse, en plus de la représentation qu'elle doit faire, peut-être autre chose. Je vois, par exemple, qu'il n'y a pas d'assurance-vie nulle part, ni système de rentes dans les associations de service et il serait peut-être bien que l'association paragouvernementale en prenne la responsabilité. Il ne devrait pas y avoir de concurrence dans ces domaines.

Je n'insiste pas, parce que je suis satisfait de voir que les associations existantes peuvent faire mieux que n'importe quelle association régionale dans les domaines où elles fonctionnent actuellement.

Ce qui est embêtant, c'est que dans ces choses, je vous dirai bien franchement, il n'y a pas de raison logique, mais les affaires gouvernementales ou paragouvernementales sont, d'une façon générale, moins bien administrées que les affaires privées.

M. PINARD: M. Geoffrion, là vous attachez l'étiquette d'une entreprise à caractère gouvernemental...

M. GEOFFRION: Paragouvernemental.

M. PINARD: ... paragouvernemental dans le cas de l'hypothèse que je vous ai posée, celle qui apparaît sur le tableau à votre gauche.

M. GEOFFRION: C'est ça.

M. PINARD: Je pense que ça pourrait quand même garder un caractère d'entreprise privée, car ce seraient des membres qui se regrouperaient librement à l'intérieur de cette association.

M. GEOFFRION: II faudrait que ce soit libre mais selon le règlement no 6, ce n'est pas libre du tout.

M. PINARD: C'est-à-dire qu'il faut comprendre que, dans l'association des détenteurs de permis qui apparaît dans le cadre noir et rouge, il y aurait obligatoirement appartenance à cette association. Mais cela ne ferait pas disparaître nécessairement l'association de M. Brunet qui, lui-même, a admis qu'il était propriétaire d'un certain nombre de permis, lui et ses enfants. Mais, au niveau de l'association de services, il y

aurait liberté pour les membres de choisir l'association de services prévue dans l'hypothèse de travail qui est derrière moi ou de choisir les services qui seraient actuellement offerts, et qui persisteraient, par l'association Diamond, par l'association Lasalle et d'autres que nous connaissons.

Je pense que nous atteignons quand même ce degré de liberté que vous visiez tantôt.

M. GEOFFRION: Voici, vous m'avez demandé mon opinion. J'ai ici le dossier. J'insiste sur la liberté. En plus, j'ai donné une opinion qui est beaucoup moins forte et carrée que le point de liberté. Je trouve qu'on devrait laisser aux associations existantes le droit de faire ce qu'elles veulent et ne pas essayer de les concurrencer, pour la bonne raison que les affaires administrées par le régime paragouvernemental — c'est une matière qui n'est pas gouvernementale, mais paragouvernementale — sont rarement aussi bien administrées que par les affaires privées.

En d'autres termes, si l'association reconnue entre en concurrence avec les associations existantes, pour laisser la chance aux représentants des contrôles, j'ai peur qu'elle se ruine. C'est là le point. C'est une opinion, remarquez bien. Je peux bien avoir tort. Mais vous m'avez demandé mon opinion et je vous la donne.

Le système de vente et d'assurance-vie, c'est une autre question. J'aimerais avoir la liberté. J'insiste là-dessus. Sur les autres points, c'est une opinion que je donne. Je peux avoir tort aussi bien qu'un autre.

M. PINARD: Me permettez-vous seulement une mise au point? Je respecte votre opinion, parce que je vous l'ai demandée librement. Vous me la donnez librement, sauf que je pense que vous faites erreur quand vous dites que ce sera une entreprise à caractère paragouvernemental. Au départ, j'admets que, pour aider les gens du taxi à se regrouper, parce que vous-même avez admis que c'étaient des individualistes à tous crins et qu'on avait beaucoup de difficultés à regrouper... D'ailleurs, cela fait 50 ans qu'ils essaient de le faire et ils n'ont pas encore réussi à se syndicaliser, malgré les tentatives qui ont été faites à cet égard.

J'admets que c'est le gouvernement, le ministère des Transports, qui annoncera le départ du fonctionnement de cette nouvelle association qui regroupera les détenteurs de permis. Mais une fois ces associations mises en état de fonctionnement, elles en prendront la responsabilité avec leurs membres, dans leurs assemblées mensuelles, dans leurs assemblées générales annuelles; elles feront leurs propres "nominations et nommeront leurs propres administrateurs. Elles édicteront les règlements qu'elles voudront bien édicter pour la bonne gouverne de leurs affaires.

Je pense que, si vous étudiez bien attentivement les articles du règlement no 6 qui ont trait à l'association, et notamment l'article 6.208, vous en arriverez aussi à réaliser l'autre objectif dont vous parliez tantôt, c'est-à-dire la revalorisation du statut du chauffeur qui, lui aussi, peut aspirer à devenir, un jour, un artisan propriétaire.

M. GEOFFRION: On devrait inscrire cela.

M. PINARD: Alors, le mécanisme prévu, c'est que, sur cinq permis — vous l'avez souligné tantôt — il y en aura trois d'attribués à des chauffeurs.

M. GEOFFRION: Un à une compagnie et un autre à un individu qui n'est pas chauffeur.

M. PINARD: Un permis à une corporation et un permis à une personne qui n'est pas chauffeur. Ne pensez-vous pas qu'on est en train de concilier les objectifs que, de part et d'autre, on poursuit en ce moment?

M. GEOFFRION: C'est évidemment une question d'opinion. Je me suis opposé au principe du règlement no 6, pas nécessairement au fait qu'il y ait des réformes. Je crois réellement que les permis devraient être transférables. La raison est simple, c'est que cela permettrait à beaucoup plus de chauffeurs d'en acquérir. Le permis, actuellement n'est pas transférable. Conséquemment, aucune banque ne veut prêter sur le permis. Le chauffeur qui veut acquérir un permis doit pratiquement le payer comptant. Il peut financer sa voiture, parfaitement. J'aimerais que le permis de taxi, pour la valeur marchande qui existe, soit finançable de la même façon. On pourrait fixer des normes pour la transaction d'un permis. Là, vous parlez d'association. Mon expérience, dans les associations du genre, c'est que, quoique, théoriquement, ce soit mené par les membres, en fait, c'est un petit groupe qui mène, d'une façon générale, parce que ces gens ont plus d'intérêts ou sont plus d'actifs.

Dans ces associations, la direction, à moins qu'il n'arrive quelque chose d'extrêmement sérieux, ou à moins qu'elle ne fasse une grosse bêtise, est en place aussi longtemps qu'elle veut l'être et se perpétue elle-même. Ce que je dis pour une association de ce genre-là vaut autant pour beaucoup de compagnies publiques où la direction se perpétue également dès qu'elle ne fait pas de bêtises. Mais dire que théoriquement ce sont les membres qui vont mener, en pratique, ce n'est pas vrai. Même quand on parle d'une compagnie, la loi dit que c'est le bureau de direction qui mène, le conseil d'administration. Cela également n'est pas vrai; c'est la direction qui mène. C'est drôle à dire, mais il faut faire une différence entre la théorie et la pratique. Ce qui parait bien beau sur le papier au sujet de ces associations peut effectivement ne pas se réaliser de cette façon-là en pratique. J'ai parlé d'un organisme paragouvernemental.

Je dis que les gars qui ont été mis en place par le gouvernement au début pour aider vont rester en place tant qu'ils le voudront. Je ne veux pas me battre sur les mots; c'est pour cela que j'emploie le mot "paragouvernemental". Il y a toujours des inexactitudes dans ces matières-là.

C'est une opinion. Je peux avoir tort, mais je dis que ces associations-là, il faut en faire le moins possible. Là où il y a un vide, qu'elles fassent tout ce qu'elles peuvent; là où il existe déjà des services adéquats, qu'elles s'abstiennent, qu'elles se tiennent à l'écart.

M. PINARD: Me Geoffrion, me permet-teriez-vous une autre mise au point? Vous dites: Celui qui aura présidé au lancement de cette association restera, probablement en place en permanence.

M. GEOFFRION: Tant qu'il le voudra.

M. PINARD: Mais là, vous préjugez quand même de ce qui pourrait arriver. Alors, on tient pour acquis que celui que le ministère des Transports enverra pour aider les membres à se regrouper, à faire fonctionner cette association dont on parle, aura un mandat limité. Il aura un statut de fonctionnaire. Il sera responsable au ministre titulaire du ministère.

M. GEOFFRION: C'est ce que j'ai compris exactement, d'ailleurs.

M. PINARD: S'il voulait rester en permanence au service de l'association dont il aurait aidé les membres à créer, il faudra qu'il se départisse de son statut de fonctionnaire et qu'il redevienne un simple individu au service d'une association à caractère privé...

M. GEOFFRION: C'est un choix qu'il aura à faire.

M. PINARD: ... qui verra elle, à le payer de la façon qu'elle le décidera. A ce moment-là, ce ne sera plus l'entreprise paragouvernementale dont vous parlez.

M. GEOFFRION: Comme je vous dis, je ne veux pas me battre sur les mots, mais c'est une entreprise encouragée par le gouvernement, poussée par le gouvernement et lancée par le gouvernement. Théoriquement, elle sera continuée pas ses membres mais, en pratique, elle sera continuée par la direction, c'est-à-dire soit par l'individu que le gouvernement va envoyer là et qui décidera de rester, soit par celui qu'il aura choisi pour le remplacer.

M. PINARD: Merci, Me Geoffrion, d'avoir répondu à mes questions. Je pense que, de part et d'autre, notre discussion a pu aider à éclairer le débat, à faire mieux comprendre le contenu du règlement no 6 et à faire mieux connaître les grands objectifs poursuivis par le gouvernement. Je ne dis pas que c'est une solution idéale, mais c'était au moins une solution qui appelait une bonne et objective discussion.

M. GEOFFRION: C'est moi qui vous remercie. D'ailleurs, évidemment, ici, les gens sont tellement peu habitués à ce que des gouvernements discutent en public de leurs projets, que parfois on pense qu'un projet est une décision déjà prise. Ce n'est pas vrai. Nous en avons discuté et, franchement, je suis heureux d'avoir eu la chance de le faire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Me Geoffrion, cela marche par priorité. Mon tour arrive toujours à la fin. Que voulez-vous? J'aurais quelques remarques à faire à propos de votre exposé. Je voudrais être bien clair, pour que vous me compreniez bien. Il ne s'agit pas, pour moi, de défendre l'association unique — vous avez dit que vous étiez contre — ou de défendre l'hypothèse d'un plan comme il y a ici, au tableau, mais il s'agit tout simplement de faire quelques mises au point.

Le député de Maskinongé — je crois que c'est le député de Maskinongé, vous me corrigerez si ce n'est pas exact — vous a demandé ce que vous penseriez d'un référendum, parmi les chauffeurs.

M. GEOFFRION: Oui, c'est lui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous avez dit qu'étant donné la difficulté d'étudier un projet comme cela, peut-être que la réponse au référendum, que ce soit un oui ou un non, ne refléterait pas exactement le désir des membres ou des chauffeurs.

M. GEOFFRION: J'ai dit que ce serait probablement non, à cause de la complication.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): En plus de la difficulté de comprendre un texte comme cela — vous êtes avocat et vous l'avez dit — nous, comme députés nous en étudions tous les jours, chacun avec son expérience et parfois c'est très complexe. Etes-vous d'accord pour dire que, sur l'interprétation du règlement no 6, que ce soit dans les journaux, que ce soit à la radio ou à la télévision, il y a eu toutes sortes d'interprétations, qu'on a charrié pas mal sur toutes sortes de choses? Je veux en venir à une affirmation que vous avez faite. Vous avez même dit, par exemple, qu'une association unique, à votre sens, ce serait du socialisme. Vous avez dit cela.

Là, je ne plaide pas pour l'association unique, mais ce sont justement des mots exagérés comme ça qui induisent les gens en erreur. Avec tout le respect que je vous dois, je suis obligé de

vous dire que vous aussi vous avez charrié.

Vous êtes avocat et membre du Barreau, et il n'y a qu'un Barreau. Les médecins sont membres du Collège des médecins, et il n'y a qu'un Collège. Et est-ce qu'être membre du Barreau ou du Collège des médecins c'est du socialisme?

Parmi les gens qui viennent ici, il y a quatre blocs d'intérêts qui s'affrontent: les propriétaires de flotte, les propriétaires d'associations, les chauffeurs artisans et les simples chauffeurs. Je pense que parfois on charrie, et je trouve que parler de socialisme au sujet d'une association unique — je ne dis pas que je suis pour ou contre — vous avez charrié, vous. Vous m'excuserez, je vous le dis franchement, avec tout le respect que je vous dois.

M. GEOFFRION: Je ne peux pas être d'accord. Vous ne vous attendiez pas d'ailleurs à ce que je sois d'accord. Socialisme n'est peut-être pas le bon mot, c'est un genre corporatif.

Est-ce que vous devez, en fait, avoir une association unique pour tous les genres d'activités? Personnellement, je n'ai pas d'hésitation à répondre: Non. C'est une espèce de corporatisme ou de socialisme, parce que le corporatisme est une forme de socialisme aussi, ou corps intermédiaire. En tout cas, je ne veux pas jouer sur des mots, mais il est déjà assez embêtant d'avoir des professions fermées comme on en a. Je n'aime pas ça trop trop des professions fermées.

Un temps, on en a fermé beaucoup. Et je n'étais pas toujours d'accord. Les professions fermées, se limitent d'une façon générale aux médecins, aux avocats, aux notaires, ingénieurs et architectes. Il y en a d'autres. Vous avez des genres de médecine, comme la chirurgie dentaire qui pourrait faire partie de la médecine, ou des optométristes, mais il y a certaines professions fermées qui sont fermées d'une façon générale parce qu'il faut une compétence particulière qui ne peut, d'une façon générale également, être jugée que par les membres de la même profession.

Cela ne veut pas dire qu'on doive fermer effectivement toutes les autres activités de la même façon. Vous pouvez être d'accord ou pas sur l'existence du Barreau, du Collège des médecins...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Des pharmaciens.

M. GEOFFRION: Pharmaciens et d'autres. Je ne suis pas là pour parler d'aucune profession en particulier, mais je sais qu'il y en a qui ne devraient pas l'être, à mon avis.

Par contre, il y en a que j'accepte. Je n'étendrai certainement pas ça à une manoeuvre de fausseté ou des affaires comme ça. Des activités qui ne requièrent pas de compétences particulières. Le chauffeur de taxi est obligé d'être bon chauffeur. Il est obligé d'être honnête, mais dans n'importe quelle sphère d'acti- vité, c'est mieux d'être honnête. Il est obligé de connaître sa ville, ce n'est pas très difficile. S'il veut être chauffeur de camion, c'est la même chose. En principe, je ne vois pas que l'argument que vous soulevez, soit des professions fermées, professions libérales, comme on appelle, excusez l'emploi du mot, justifie le genre d'associations que l'on propose ici.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Me Geof-frion, parlez-vous d'associations de détenteurs de permis, ou si vous parlez de syndicalisme? Parce que tantôt — si vous me permettez de préciser davantage ma pensée — vous disiez que vous étiez contre une forme de syndicalisme qui serait imposé aux chauffeurs.

M. GEOFFRION: Imposé, oui.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II est venu ici des chauffeurs qui ont expliqué leur point de vue. Ce n'est pas le même que le vôtre parce qu'ils ne défendent pas les mêmes intérêts, c'est entendu. Vous êtes ici au nom des propriétaires de flotte et certains étaient ici au nom de simples chauffeurs. Ils suppliaient le ministre et le gouvernement d'intervenir pour aider ces gens à se former en syndicat fort, puissant, qui pourrait les représenter auprès des employeurs, de la régie des transports.

Je dois bien préciser que depuis que la commission siège, j'ai posé beaucoup de questions sur la syndicalisation des chauffeurs. Vous connaissez le code du travail et toute la procédure, je n'en doute pas. Il faut 50 p.c. plus un, c'est-à-dire la majorité des membres. Ceci veut dire que si la majorité des chauffeurs sont contre, il n'y aura pas de syndicat et si la majorité sont pour, il y en aura un. C'est comme ça que je le conçois et ça doit être comme ça que vous le concevez. Quand vous parlez de liberté syndicale. C'est ça. Je ne parle pas d'un syndicat qui leur soit imposé, veut ou veut pas, même s'il y a 20 p.c. des chauffeurs qui sont pour, on leur impose une forme de syndicalisme. Je ne suis pas pour ça. Il faut que les membres adhèrent à un syndicat librement. Est-ce qu'à ces conditions, vous êtes d'accord pour un syndicat des chauffeurs?

M. GEOFFRION: Je n'ai jamais dit que j'étais contre les syndicats.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous avez dit que le chauffeur, de par sa nature...

M. GEOFFRION: Je ne veux pas qu'on force qui que ce soit à adhérer au syndicat.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous avez dit que le chauffeur n'était pas un syndicaliste, par sa nature.

M. GEOFFRION: C'est ce que je déduis de ce que j'ai entendu ici, de ce que j'ai lu et de ce que je connais des chauffeurs.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est eux qui décideront en signant une formule d'adhésion ou n'importe.

M. GEOFFRION: Ce sont eux qui décideront. J'ai dit ceci: Je ne suis pas opposé à ce que, par un amendement à la loi s'il le faut, on rende possible la syndicalisation des chauffeurs. Mais, je ne veux pas qu'on décrète par la loi ou autrement que les chauffeurs doivent être membres d'un syndicat. Ils doivent être libres de l'être ou de ne pas l'être. Maintenant, la condition de représentation édictée par le code du travail c'est plus de 50 p.c, c'est exact. Même si plus de 50 p.c. des chauffeurs voulaient entrer dans un syndicat, je dis qu'il serait inique de forcer les autres à y aller. C'est tout ce que je dis. Je ne suis pas contre un syndicat, loin de là, mais il faut que les chauffeurs le veuillent. Le gouvernement devrait, si la chose est nécessaire, rendre la syndicalisation possible, peut-être par un amendement au code du travail, je ne sais pas.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Probablement, oui.

M. GEOFFRION: Mais c'est tout ce que le gouvernement devrait faire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Surtout pour que les chauffeurs, au sens du code du travail, soient des salariés. Il faudrait des amendements pour le chauffeur qui loue son auto. Dernièrement, pour le syndicalisme agricole, on a fait un référendum; la majorité a voté pour et on a eu la loi 64. Si 80 p.c. des chauffeurs se prononcent pour une forme de syndicalisme, les autres 20 p.c. ne devraient pas en faire partie. C'est ça que vous voulez dire?

M. GEOFFRION: Ils ne devraient pas être obligés d'en faire partie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Si la majorité est pour — que ce soit des chauffeurs ou des employés de l'Hydro-Québec, n'importe — à ce moment-là le syndicat est accrédité. Vous savez ce que c'est une accréditation.

M. GEOFFRION: II est accrédité mais il représente tout le monde aussi.

M. PAUL: Vous ne voulez pas de la formule Rand dans ce secteur?

M. GEOFFRION: La formule Rand c'est une autre affaire.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): La formule Rand c'est que tout le monde paie mais tout le monde n'est pas membre du syndicat.

M. GEOFFRION: C'est ça que ça veut dire.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): En somme, ce que vous dites, c'est que vous êtes contre l'atelier fermé, c'est-à-dire que quelqu'un soit obligé de faire partie du syndicat pour conduire une auto-taxi.

M. GEOFFRION: C'est ça.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): C'était juste pour des éclaircissements. Maintenant, je dois dire que vous avez fait une remarque sur laquelle je suis entièrement d'accord avec vous. Lorsque vous dites qu'il y a de mauvais chauffeurs, c'est vrai. Vous avez dit qu'il y avait des mauvais syndicalistes, c'est vrai, je suis d'accord avec vous. Par contre, vous devez être d'accord avec moi aussi pour dire que c'est dans toutes les classes de la société. Il y a de mauvais policiers, il y a de mauvais conducteurs d'autobus et il y a même de mauvais avocats.

M. GEOFFRION: II y a de mauvais députés aussi.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): De mauvais députés aussi.

Je ne l'ai pas ajouté pour vous laisser le plaisir.

M. GEOFFRION: Merci beaucoup. C'est tout.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Messieurs, je constate qu'il est six heures. Nous devons suspendre nos travaux jusqu'à 8 heures et quart. A moins qu'il n'y ait d'autres questions pour Me Geoffrion, de la part des membres de la commission, nous pourrons vous libérer dès 6 heures.

M. GEOFFRION: Je vous en remercie.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous remercie de votre exposé. A 8 heures et quart, lorsque nous reprendrons nos travaux, nous entendrons les Taxis Escoumins.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 29

M. SEGUIN (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

Taxi Escoumins. Est-ce qu'il y a un représentant de Taxi Escoumins? Il faut croire que cet organisme n'est pas représenté ici; nous le porterons le premier au programme de demain matin.

M.PAUL: M. le Président, peut-être que nous pourrions porter cet organisme au pied du rôle de nos auditions d'aujourd'hui. Il a peut-être été retenu en ville.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Nous comprenons facilement. Si cet organisme arrive durant la soirée, nous ferons tout ce qui est possible pour le rappeler plus tard. Nous sommes maintenant rendus, d'après l'ordre du jour, à Lasalle Taxi Inc. Le porte-parole est M. Ernest Patry. Vous êtes bien M. Patry?

Puis-je vous demander, avant que vous ne commenciez — restez assis — de faire la distinction entre le groupe Lasalle Taxi, groupe représenté par M. Brunet la semaine dernière, et Lasalle Taxi Inc. Je pense que, dans le premier cas, c'était Lasalle (1964) et, dans votre cas, c'est Lasalle Inc.

Lasalle Taxi Inc.

M. PATRY: Quant à Lasalle (1964) Inc., M. Brunet en est le président, le propriétaire. Nous sommes les membres du comité consultatif qui représente la régie interne et les petits propriétaires.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Allez-y.

M. PATRY: M. le Président, MM. les membres de la commission, j'aimerais premièrement vous présenter trois autres membres du comité consultatif qui, au même titre que moi, ont droit de parole — je ne suis que le porte-parole — MM. Roch Girard, Henry Vaulois, le président du comité consultatif et Armand Doganieri. Mon nom est Ernest Patry.

Messieurs, c'est avec un grand plaisir que j'ai reçu votre télégramme, vendredi dernier. C'est aussi avec un grand plaisir que j'aimerais continuer ma participation devant cette commission, car j'ai été, avec plusieurs autres membres, présent toute la semaine passée.

Dommage que j'aie été obligé de partir jeudi, avant l'intervention de M. Paul Pronovost qui, si je ne me trompe, n'avait pas eu le temps de préparer un mémoire pour la commission. Il n'avait pas à le faire, le règlement no 6 est une grosse partie de son mémoire.

Lorsque les plaques 1972 ont été émises, on a commencé à voir du bien dans le rapport Bossé. Ils ont enlevé ceux qui ne possédaient pas de permis municipal. Ils nous ont donné un espoir de voir l'industrie du taxi prendre une nouvelle ampleur, nous qui possédions un permis de la ville, en bonne et due forme, au coût de $5,000.

A l'atelier no 3 du congrès libéral, à Montréal, lorsque la résolution no 296 nous a été présentée, j'ai proposé son acceptation. Mais je ne savais pas que je venais de me castrer, (ablation d'un organe nécessaire à la génération, extrait du dictionnaire). C'est exactement ce que fait le règlement no 6. A ma mort, il ne restera plus rien, sinon les pleurs de ceux qui me survivront.

En plus, je vous demande, messieurs, de lire cet extrait du dictionnaire libéral, qui est digne d'un homme libre. Education libérale, professions libérales: la médecine, le Barreau, le professorat, les arts libéraux, ceux qui exigent une intervention grande et perpétuelle de l'intelligence comme la peinture, la sculpture qu'aime à donner un homme libéral. La fortune nous joue lors même qu'elle nous est libérale (Boss). C'est écrit dans le dictionnaire, j'ai pensé de l'écrire.

On dit aussi: main libérale. Libéral de: libéral de l'argent des autres. Qui est favorable à la liberté civile et politique et aux intérêts généraux de la société: opinions libérales. Celui qui professe les idées libérales: un libéral. Les libéraux, les membres d'un parti politique qui favorise l'extension des libertés...

UNE VOIX: Le dictionnaire Larousse?

M. PATRY: C'est un dictionnaire épais comme cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce le dictionnaire du parti?

M. PATRY: Non. Pas du tout.

M. PINARD: Ce que monsieur veut vous faire comprendre, c'est que même les Libéraux peuvent connaître Bossuet.

M. PATRY: C'est cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Pour une fois le ministre a été assez bon.

M. PATRY: J'ai débuté en tant que chauffeur en 1965. Je n'étais pas satisfait de mon sort. Alors, j'ai décidé de m'acheter un permis, car j'aimais le métier. Cela en est un métier, M. le Président, car il faut être ingénieur en circulation, entre autres choses. J'ai attendu ma chance, elle est venue. J'ai payé mon permis comptant parce que c'était exigé, à l'aide d'un prêt. Il m'a fallu travailler fort afin de rembourser cet argent, de vivre et de renouveler mon auto. Pourtant, j'y suis arrivé. Dites-moi, M. le Président, auriez-vous eu le courage de le faire? Je n'ai pas encore fini au complet. Cela fait 17 ans de cela.

Je suis maintenant propriétaire et je le resterai. Ceci n'est pas une menace, mais une affirmation. Jamais, je ne mettrai de chauffeur sur mon auto-taxi, pas plus que j'y prêterais ma femme à un autre, comme artisan. C'est mon choix et ma fierté personnelle. Dans la libre entreprise, il y a une loi qui empêche le monopole. "Il se dit de certains droits possédés exclusivement par un petit nombre de personnes". C'est dans le dictionnaire. Votre tableau illustrant une association montre que c'est ni plus ni moins qu'un monopole.

Je représente, au sein du taxi Lasalle, les petits propriétaires. Je les défends lorsque M. Brunet ou notre ministre de la Justice les attaque et j'entends les défendre ici contre une loi qui vient leur enlever leurs biens et leurs droits. Les ceintures de sécurité sont en place et si M. Edmonston, avec ses sept membres, dit que les passagers devraient s'en servir, de mon côté, mes passagers, depuis que j'ai mon taxi, ne s'en sont jamais servis.

Ils m'ont même reproché que ces ceintures étaient des embarras. Je crois que j'ai fait monter plus de sept personnes. Dans un autre sens, je vois mal que l'on s'attende, sur la rue Sainte-Catherine ou toute autre artère, à ce que le client s'attache avec une ceinture dont il ne connaît pas le fonctionnement. Ni moi ni aucun autre chauffeur de taxi ne sommes des professeurs pour prendre le temps de le lui montrer.

Messieurs, j'ai à mes côtés d'autres membres du comité consultatif, que je vous ai présentés au début. J'aimerais, avec votre permission, leur laisser la parole avant de conclure la fin de mon mémoire.

M. Doganieri avait un sujet qu'il voulait vous présenter.

M. DOGANIERI: Avec mes respects, M. le Président, les propriétaires artisans de Lasalle, vu que nous sommes représentatifs par rapport à l'assemblée générale du mois de mai, que nous sommes élus pour un mandat soit d'un an, soit de deux ans, nous pouvons nous faire, si vous voulez, leur porte-parole. On les a convoqués, pas tous, mais je dirais que la grande majorité a été convoquée pour justement venir devant l'assemblée ici. Leur grief concernant le rapport Bossé est plus important qu'on a pu le comprendre, d'après le rapport, qui était assez, je dirais, difficile à comprendre, vu que nous n'avons pas un statut d'avocat. Premièrement, nous sommes contre une seule association. C'est â l'unanimité.

Deuxièmememnt, un point très important, c'est le mot "privilège". Comme le ministère des Transports, la Régie des transports ou le conseil municipal, on mentionne toujours, quand on parle de l'artisan chauffeur de taxi, le mot privilège. On voudrait que ce mot "privilège" soit complètement rayé, aboli et qu'à l'avenir on se réfère aux droits acquis du propriétaire artisan et non aux privilèges du propriétaire artisan.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant, s'il vous plait. Pourriez-vous nous dire en quelques mots, très brièvement, ce que vous voulez dire par droits acquis? L'expression employée très souvent. Il peut y avoir différentes interprétations. Dans vos propres paroles, qu'est-ce que vous reconnaissez comme un droit acquis?

M. DOGANIERI: Dans nos propres paroles, cela concerne le droit de négociation, la liberté de vendre notre commerce à qui on veut, sans imposition de la part du gouvernement.

Autrement dit, qu'on reconnaisse la valeur négociable. Si un petit chauffeur veut devenir propriétaire, qu'il se présente à la banque et dise: J'ai une chance de devenir propriétaire, est-ce que mon permis peut être déposé en garantie? C'est ça la valeur négociable pour un petit chauffeur de taxi. Maintenant ils vont dire: Cela vaut $81, ne viens pas nous "achaler" pour $81. C'est ça que ça vaut. 3 — Concernant l'article 6.30, dispositif de contrôle de doublage. Il y a une formule qui serait à étudier, c'est que si l'interdiction complète du doublage en été était faite, je peux vous dire à peu près dans quel sens elle pourrait être faite, d'après l'idée personnelle que j'ai émise aux membres.

Premièrement, je suis d'accord avec M. Dickey, qu'on approuve à 100 p.c, quand il a dit que s'il y a un gel de permis il devrait y avoir un gel de l'émission des "pockets", du permis de poche, vu qu'actuellement il y a quatre chauffeurs par permis.

Si une enquête approfondie est faite sur les "pockets" — excusez-moi si j'emploie le mot anglais, c'est le seul mot que nous connaissons, dans le taxi — on pourra prouver que sur les 20,000 détenteurs de permis de poche, il y en a au moins 10,000 qui ne sont pas actifs dans le taxi.

Une supposition que l'élimination est faite, toute de suite il ne faudrait pas éliminer les remplaçants réguliers. Nous entendons par remplaçant régulier un homme qui travaille une journée par semaine ou deux journées. L'industrie en a besoin.

Si l'enquête est faite, si l'émission des "pockets" est gelée, et si les remplaçants sont éliminés, qu'est-ce qui va arriver? Il va y avoir une majorité de meilleurs chauffeurs. Le gouvernement, s'il veut prendre des moyens draconiens pour enlever des permis, qu'il les remette de son bon gré, il va s'apercevoir qu'une flotte qui a 50 voitures, s'il y a de la pourriture, comme nous disons, de remplaçants, s'il y en a vingt au mur, j'espère que le gouvernement va pouvoir imposer qu'on en enlève dix sur les vingt.

Qu'est-ce qui arrive à ce moment? Vous allez chez n'importe quel propriétaire de flottes les fins de semaine, c'est quasiment impossible d'avoir une auto, parce que les autos sont toutes louées et acquises aux remplaçants. On ne parle pas de remplaçants réguliers, on parle de remplaçants d'occasion.

Quatrièmement. On voudrait garder la liberté de travailler avec ou sans radio. Parmi les propriétaires artisans de Lasalle qu'on représente, il y en a au moins 325 qui n'ont pas de radio; ils n'en ont jamais eu et n'en veulent pas. C'est une imposition qui ne devrait pas exister.

Cinquièmement, l'article 6.183 d'après le règlement no 6, le nombre maximum et minimum, nous sommes contre. Si l'émission des "pockets" est gelée et que la réglementation des remplaçants soit là, les propriétaires de flotte verront leurs autos acculées au mur. Si le gouvernement enlève dix ou quinze autos par flotte imposante, automatiquement vous n'aurez pas besoin de vous embrouiller avec des chiffres comme 1 par 600. Cela va devenir automatique parce que l'industrie du taxi va demeurer aux chauffeurs de taxi et non au "Jos Bleau" qui vient de faire une grève de deux jours. C'est ce qu'on veut.

Voici en ce qui concerne le coût pour un propriétaire artisan. Si je tombe malade aujourd'hui, je ne peux pas engager d'employé pour conduire ma voiture. Il pourrait faire un accident grave, ma cotisation d'assurance monterait ou détruirait l'état mécanique de ma voiture. La voiture qui est en face de chez nous, seulement à la regarder, elle me coûte, au minimum, $10 à $11 par jour. Cela comprend assurance, dépréciation, cotisation, tout ce dont la voiture a besoin.

Il y aurait aussi un moyen d'éliminer les remplaçants d'occasion. J'insiste pour garder le remplaçant régulier. Ce serait d'obliger les remplaçants à faire 30 heures par semaine pour qu'ils soient qualifiés de remplaçants réguliers. Cela se fait aux Etats-Unis, où ils exigent 35 heures. Nous sommes contre la feuille de route pour une simple raison évidente. Au coin de Peel et Sainte-Catherine, à Montréal, faire la feuille de route avant de prendre un autre client, ce n'est pas faisable, vous le savez, la circulation est trop intense à Montréal. La patience des chauffeurs, dans une grande ville, cela ne se comprend pas.

Il existe à Taxi Lasalle —l'ancien ministre des Transports, M. Georges Tremblay, et, je crois, le ministre actuel, M. Pinard, est au courant — des cours de conduite préventive qui sont obligatoires à tout nouveau chauffeur ainsi qu'à tout propriétaire qui entre dans l'association Lasalle. Même si ça fait 25 ans qu'un gars est au Diamond, il faut qu'il aille suivre les cours de conduite préventive. S'il a un accident, il est obligé d'aller suivre ces cours. Si le même individu refuse, c'est là que nous, au sein du comité consultatif, obligeons le renvoi. Parce que nous n'en avons pas besoin dans Lasalle selon notre politique. Je parle de politique du côté de la discipline.

Pour la sécurité de la voiture et du chauffeur. M. Edmonston disait que la grosse majorité, soit 50 p.c. ou 75 p.c. des voitures n'étaient pas conformes aux normes de la Régie des transports sur le plan de la sécurité. C'est vrai dans un certain sens. Nous à Lasalle, donnons les cours de conduite préventive à raison de deux heures par soir. Durant ce temps, on donne de quinze à trente minutes d'éducation sur le taxi, surtout aux nouveaux chauffeurs pour les mettre au courant dans quoi ils s'embarquent. On leur dit que, s'ils vont travailler pour un propriétaire de flotte ou un petit propriétaire artisan de trois ou quatre voitures — nous considérons un propriétaire de flotte quand il a plus de cinq voitures — si le chauffeur figure que le véhicule qu'il va conduire n'est pas en bon état de sécurité pour lui et ses clients, de refuser la voiture et de rapporter immédiatement la voiture au bureau des assurances au Lasalle, à M. Maurice Spénard qui est en charge des assurances. A ce moment-là, M. Spénard n'attend pas au lendemain. La journée même, il fait venir et le chauffeur et le propriétaire chez Lasalle et si M. Spénard juge que la voiture n'offre pas de sécurité pour les passagers et pour le chauffeur, il enlève le dôme automatiquement, sur le fait. La voiture ne doit pas être sur la route si elle n'offre pas une totale sécurité.

L'état mécanique de la voiture entre encore dans l'ensemble de la protection d'assurance. On demanderait aussi au ministère de la Justice une plus grande protection pour le chauffeur de taxi surtout contre le hold-up, ou tout genre d'assauts. Je pense au meurtre de M. Armand Richard, un de nos vieux chauffeurs de taxi de Lasalle.

Que la loi soit plus sévère. On pense vraiment que c'est entre vos mains, messieurs, et que vos recommandations ainsi que le ministre de la Justice peuvent nous aider dans ce cas. Nous, seuls, on ne peut pas aller se plaindre à l'hôtel de ville car on fait rire de nous autres. Merci, c'est tout.

Si vous me le permettez, M. le Président, vous avez une feuille sur la nouvelle réglementation de Dorval qui est effective depuis le 8 janvier 1973. On lit bien dans le paragraphe b) au milieu de la page: "La charge d'entrée est de $0.50 et demeurera en vigueur; toutefois, durant cette période intérimaire, il n'y aura aucune objection à ce que la charge d'entrée de $0.50 soit ajoutée au prix normal de la course. Il est à noter que cette charge de $0.50 ne représente qu'une faible partie des coûts d'immobilisation, d'entretien et d'affectation." Je suis allé à Dorval. La semaine passée, j'étais ici toute la semaine. Comme je l'avais expliqué, M. le Président, ma femme venait... autrement dit, j'étais nouveau papa et elle a pris de l'huile de castor pour avancer les affaires, sans cela je n'aurais pas pu venir.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Pas pour l'huile de castor mais pour le papa, mes félicitations.

M. DOGANIERI: Merci, monsieur. J'ai essayé de faire comprendre à ma femme d'être très raisonnable, que je venais ici dans le

but d'améliorer ma situation pour l'avenir ainsi que celle des petits propriétaires artisans que je représentais. Je crois fermement que tant que je pourrai faire quelque chose au sein du comité consultatif des taxis Lasalle pour améliorer la situation du chauffeur et du petit propriétaire artisan, je me battrai corps et âme.

Je suis allé à Dorval. J'ai attendu une heure quarante sept minutes en ligne. La limite maximum que nous accorde le fédéral est de trente véhicules. A deux reprises, la RCMP est passée. Une fois elle est arrêtée. Cela est régulier, je dirais, 24 heures par jour. On est empesté quelque chose de rare à Dorval, M. Bossé. J'ai pris un voyage qui montait à $1.65. Je venais de payer — excusez-moi, M. le Président, je n'avais pas la feuille de réglementation là-bas — $0.50 pour la barrière. J'avais attendu pendant quarante sept minutes et il y en a qui attendent jusqu'à trois heures vingt minutes comme j'ai déjà fait.

Je ne savais pas que j'avais le droit de demander $0.50 au client pour la barrière. Honnête artisan comme je le suis, j'aurais été dans l'impossibilité d'exiger les $0.50, parce que je crois que c'est un permis de voler le public. C'est mon opinion personnelle, M. le Président, sur l'histoire des $0.50 de plus qu'il faudra demander aux clients. Il faudrait faire absolument quelque chose à Dorval, parce que ça n'a plus de sens. Murray Hill a une concession là-bas; il a le droit d'avoir des "répartiteurs", de retenir le public en dedans. Aussitôt qu'ils voient un homme avec une petite valise ils lui disent: Monsieur, on vous offre un service de limousine pour Montréal.

Le monsieur n'est pas au courant, il ne sait pas ce qui se passe à Montréal. Il ne veut rien savoir; il veut une auto pour se rendre en ville. Si un chauffeur de taxi est pris à faire ça... Il n'a même pas le droit de descendre de sa voiture pour solliciter un client. C'est contre la loi; c'est dans le règlement 2745 du code municipal.

Si Murray Hill a une concession, d'accord, il paie un certain montant au fédéral pour ça. Toutes les associations assez responsables ont offert au gouvernement fédéral, au ministre des Transports, de verser une cotisation annuelle pour avoir des droits. Vous allez peut-être appeler ça un monopole, ce que nous avons à la gare centrale pour Lasalle. Nous payons tant par année pour avoir ce droit-là, pour assurer le service et la discipline.

Comme c'est là, à Dorval, il n'existe aucune discipline. Si vous prenez l'exemple de la gare centrale, il y a toujours deux inspecteurs en fonction tant que les trains arrivent. Pas des inspecteurs du gouvernement ni de la police; des inspecteurs de Lasalle. S'il y a une infraction, si une voiture est trop sale, on y voit. Un chauffeur mal habillé, pas rasé, avec les cheveux trop longs ou avec une barbiche, nous n'en avons pas à Lasalle. Il faut qu'il passe à la discipline.

M. le Président, sur ça, j'espère que nous allons avoir de l'aide avec le rapport Bossé pour surtout régler le cas de Dorval qui presse actuellement parce que c'est fonctionnel. Merci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le ministre des Transports.

M. PINARD: Me permettez-vous une couple de questions?

M. DOGANIERI: Certainement, monsieur.

M. PINARD: Est-ce que vous avez lu l'article 6.22 du règlement no 6 qui se lit comme suit: "Le dôme doit être relié à un bouton qui, lorsque poussé, permet aux ampoules du dôme de clignoter: le clignotement ne peut être déclenché que dans le cas où la sécurité du chauffeur est menacée ou dans le cas visé à l'article 6.48".

M. DOGANIERI: Si vous me le permettez, M. le ministre, pour répondre à votre question...

M. PINARD: Ensuite l'article 6.47 dit: "Lorsque le chauffeur ou le propriétaire a un motif raisonnable ou probable de croire que la course requise a directement ou indirectement pour objet un acte contraire à la loi, au règlement ou à l'ordre public, il doit refuser de la faire".

L'article 6.48 se lit comme suit: "Si les conditions prévues à l'article 6.47 — que je viens de lire — se réalisent dans la course, l'exception prévue à cette disposition s'applique mutatis mutandis à compter du moment où le chauffeur ou le propriétaire a un motif raisonnable ou probable d'une telle croyance". Cela signifie qu'il y a un mécanisme de protection en faveur du propriétaire artisan ou du chauffeur du taxi, au cas où il serait victime d'assaut, de vol ou au cas où il serait témoin d'un hold-up qui serait en train d'être commis ou au cas où un bandit, voulant éviter d'être pris, déciderait de monter dans une voiture-taxi et ordonnerait au chauffeur d'aller le conduire à un endroit pour lui permettre d'échapper à la police qui le pourchasse.

Alors, vous voyez qu'il y a un mécanisme qui a été pensé pour accroître votre sécurité. Je vous le dis à titre d'exemple, pour vous montrer que tout n'est pas si mauvais que cela dans le règlement no 6, à la condition qu'on veuille bien le lire attentivement et qu'on veuille bien aussi retenir les points qui peuvent être bons.

M. DOGANIERI: Si vous me le permettez, M. le Président, à la compagnie Lasalle, il y a des petits propriétaires artisans qui ont dépensé des petits montants, peut-être $35, pour avoir un dispositif de sécurité, tel que la lumière clignotante sur la voiture seulement. C'était un début. Même avec cela, j'ai un petit propriétaire artisan, ex-membre du comité consultatif, M. Bossé qui a un tel système. Il a été victime d'un hold-up et il n'a eu le temps de rien faire. A la compagnie Lasalle, comme dans toutes les

centrales, on a un code. Chez nous, c'est 1/13. Automatiquement, la centrale bloque tout pour écouter 1/13. C'est un appel d'urgence. Parfois, on peut le faire. Mais, si le type qui fait le hold-up a déjà fait du taxi et qu'il nous poignarde, voyez-vous. C'est là que nous demandons au ministère de la Justice de mettre les amendes beaucoup plus sévères, parce que les voleurs vont imaginer tout cela. Les lumières clignotantes, etc., un voleur le sait d'avance. Si le ministère de la Justice impose des amendes ou des sentences qu'elles soient très sévères; cela éliminerait tout cela. Le système a déjà été essayé.

M. PINARD: Me permettez-vous de continuer avec vous? Lorsque le règlement no 6 parle d'une centrale unique, il y en a qui n'aiment pas ce mot. Ne vous paraît-il pas raisonnable à tout le moins, d'avoir une centrale à laquelle vous pourriez plus facilement faire émettre un appel de détresse? Comme vous l'avez souligné vous-même, cela existe à la compagnie Lasalle. Vous avez le code 1/13, pour avertir...

M. DOGANIERI: Un bloquage d'ondes.

M. PINARD: ... le "dispatcher" ou l"'affec-tateur" que vous êtes en situation de danger et d'avertir la police. Alors, je pense qu'un mécanisme semblable peut être pensé, mais pour en faire profiter un plus grand nombre que celui qui se retrouve dans l'association Lasalle. C'était un peu le but, non pas le seul, mais un des buts poursuivis quand on a pensé qu'on pourrait en arriver, sur le plan technique et sur le plan de l'efficacité à faire fonctionner un système de contrôle ou d'affectation unique. Je ne m'étends pas là-dessus. J'aimerais aussi vous souligner que le règlement que vous avez promulgué le 8 janvier 1973 indiquant que vous avez droit d'imposer une surcharge de $0.50 soit aux concessions de l'aéroport, soit dans le cas des concessions...

M. DOGANIERI: Au public.

M. PINARD: ... sur le territoire d'un hôpital public, là les officiers en loi du ministère me disent que c'est illégal.

M. DOGANIERI: C'est justement. Pourquoi le gouvernement nous donnait-il le droit d'imposer une chose au public qui n'est pas montrée au taximètre, si c'est $1.65 pourquoi exiger $2.15?

M. PINARD: C'est illégal parce qu'à ce moment-là vous l'imposez précisément en dehors du territoire fédéral.

M. DOGANIERI: Je ne comprends pas la décision du gouvernement de laisser passer une chose comme celle-là. C'est écrit par J.L.

Goulet, directeur général de l'aéroport. Cela vient du fédéral.

M. PINARD: Je comprends. Si cela n'avait pas été accrédité par le conseil municipal ou par la régie actuelle des transports, cela m'apparaît nettement illégal, que ce soit M. Goulet ou un autre. On va lui signifier que le règlement qu'il a promulgué le 8 janvier 1973 nous apparaît illégal et nous prendrons action en conséquence.

M. DOGANIERI: II ne faudrait pas oublier, M. le ministre, que...

M. PINARD: Cela peut concerner ces gens sur un territoire, à condition que ce soit un territoire fédéral où ils ont véritablement juridiction et où nous n'avons pas juridiction.

M. DOGANIERI: C'est là qu'ils vous rejoignent: Les dispositions prises par le ministère font suite à la nouvelle réglementation proposée par le gouvernement provincial et découlant du bill 23.

M. PINARD: Cela est un problème d'interprétation de M. Goulet.

M. DOGANIERI: J'ai interprété, moi, que c'était vous qui aviez fait cela. C'est ma manière de penser.

M. PINARD: Non. C'est M. Goulet qui signe l'affaire, ce n'est pas nous.

M. DOGANIERI: Justement, pourquoi prend-il votre parole?

M. PINARD: C'est ce que je vous dis. M. Goulet interprète, mais il interprète peut-être d'une façon abusive la portée d'un règlement.

M. DOGANIERI: Comme c'est là, il induit tout le monde en erreur, le propriétaire de taxis aussi bien que le public.

M. PINARD: Nous allons y voir. Nous vous remercions de nous avoir mis au courant de cette directive...

M. DOGANIERI: Anomalie.

M. PINARD: ... et, à mon avis, de cette anomalie.

Etes-vous satisfait de l'ouverture? D y a plus de chauffeurs de taxi, plus de petits propriétaires à l'aéroport international.

M. DOGANIERI: Encore là, il manque un contrôle, une discipline qui est, dans le vrai sens du mot, écoeurante.

M. PINARD: Qui fait la discipline à cet endroit?

M. DOGANIERI: Si je comprends bien, le "dispatcher" là-bas, qui représente le taxi, est payé, je crois, $15,000 par année. Je ne sais pas c'est une rumeur, mais s'il est payé $15,000 pour rire des gars, il fait une maudite belle "job".

M. PINARD: Quel est votre point de vue?

M. DOGANIERI: Si jusqu'à maintenant, cela fait 50 ans peut-être que le taxi existe à Montréal, cela était un droit acquis et non un privilège que nous avions d'exiger anciennement $6 du centre-ville à Dorval et maintenant $7.50, pourquoi nous avoir enlevé ce droit acquis rendu dans les limites de Dorval? Pourquoi ne nous laisse-t-on pas le même droit pour le retour? Je ne comprends pas cela.

Je ne comprends pas dans quel sens on a mis cela. De même, le gars est assuré que, s'il s'en vient à Montréal, il a $7.50. Avec la nouvelle manière, la nouvelle augmentation depuis le 8 janvier 1973, le gars n'est même pas sûr de faire $0.90 en allant au Airport Hilton. Cela coûte cela, sur le compteur. S'il a payé $0.50 et a attendu une heure et demie, il a fait $0.40 de profit, pour une heure et demie. S'il fait froid, il l'a perdu, seulement en essence. Imaginez! Il y a quelque chose qui ne marche pas, à quelque part, dans cela: Murray Hill est protégé. Par qui? On ne le sait pas, mais il est protégé.

M. PINARD: Comme c'est un problème que M. Bossé connaît mieux que moi, je vais lui permettre de vous répondre, sous forme de commentaires, à ma place, et peut-être aussi de vous interroger, pour mieux préciser le problème dont vous parlez.

M. BOSSE: M. le Président, je crois qu'on avait d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter lorsqu'on avait réglé la première étape, qui était peut-être la plus difficile, celle de permettre aux chauffeurs de taxi qui allaient déposer des passagers d'en prendre pour s'en revenir. Disons que, dans les négociations avec le fédéral, on avait obtenu un peu plus, quand même, c'est-à-dire le droit d'aller, sans passagers, en chercher. C'était la première étape. Je suis d'accord avec vous. J'ai toujours trouvé immensément injuste qu'on vous charge sous le prétexte de certaines améliorations. Il est évident qu'il y a eu des frais. Le fédéral a fait des frais. Cependant, il recueille des impôts et des taxes, ici. Je suis pleinement d'accord avec vous.

Dans le règlement, présentement, on a justement prévu une agglomération de l'aéroport. Si vous lisez comme il le faut le règlement no 6, il y est prévu que dans cette agglomération de l'aéroport, il n'y aurait qu'un seul "affecta-teur", c'est-à-dire un seul "dispatcher" qui s'occuperait des taxis et des services de limousines, mais là, des vrais limousines, avec des strapontins, des sièges spéciaux. Il y aurait un seul "affectateur". Alors on croit qu'il y aurait moins d'injustices.

Il est possible, les "affectateurs" étant humains, qu'il y ait aussi des injustices, mais on a aussi prévu des cautionnements, au cas où cela se produirait. Evidemment, vous admettrez qu'il n'est pas facile de tout corriger cela d'un coup. Nous sommes conscients que c'est une grosse bouchée à absorber.

M. DOGANIERI: Si vous me permettez, M. le député Bossé, vous dites, si j'ai bien compris, que le gouvernement serait prêt à affecter un gars qui dirigerait les deux, soit les concessions, soit les taxis.

M. BOSSE: Les deux.

M. DOGANIERI: D'accord. Maintenant, dans le passé, il a été prouvé et il sera prouvé encore que la petite piastre en-dessous de la table, elle entre là. Si Murray Hill vaut $25 millions, aujourd'hui, c'est grâce aux $24 millions qu'elle nous arrache.

Maintenant, le petit propriétaire artisan, dont le permis vaut $6,000, peut-il se battre contre $25 millions? C'est notre but, nous autres.

M. BOSSE: A cela, je peux peut-être répondre ceci. Si Murray Hill vaut $25 millions, cela n'a pas empêché Alfred Bossé d'aller négocier à Ottawa l'accès à l'aéroport de Dorval, une entrée afin de pouvoir prendre des passagers. Et personne d'entre vous n'y croyait. Très humblement, je pense que cela a été fait. Alors cela prouve que c'est faisable.

M. DOGANIERI: En 1967, si vous vous rappelez, on avait dit — pas moi personnellement mais les groupes, le Mouvement de libération du taxi — au ministre fédéral que s'il payait $0.25, disons, par voyage, à la fin de l'année il en reviendrait plus au fédéral que la cotisation de limousines que Murray Hill pouvait donner. Ils nous ont refusé carrément, disant que nous étions dans l'impossibilité de servir adéquatement l'aéroport. C'est là que nous les contredisons, en disant qu'avec notre système de radio le "dispatcher" donne un appel — 25 voitures à Dorval — et dans dix minutes, vous avez 50 voitures à Dorval. Murray Hill n'a aucun moyen de télécommunication.

M. BOSSE: Lisez quand même le projet comme il le faut, pour être très objectif et comprendre. Ce qu'on a voulu insérer dans la nouvelle réglementation, ce n'est pour défavoriser ni les uns, ni les autres, mais pour continuer d'être juste. C'est-à-dire que, lorsqu'on a introduit des taxis, à Dorval, afin de prendre des passagers, c'était pour être juste vis-à-vis des taxis.

Vous avez dit qu'il y avait une injustice, qu'il y avait seulement l'exclusivité de Murray Hill. Cela a été réglé cette partie. Essayez de lire le règlement et le comprendre comme il faut. Je sais que ce n'est pas facile. Ce que nous

proposons, c'est un seul "affectateur" qui lui serait cautionné et qui détiendrait un permis du ministère des Transports. On essaie d'éviter ces choses que vous avez dites, comme la piastre sous la table. Cela ne sera pas facile à corriger. C'est évident qu'il va y avoir des expériences, du rodage à faire. Mais c'est ça que nous cherchons à faire quand même, corriger ces situations, afin que tous dans l'industrie du taxi puissent vivre comme du monde.

M. DOGANIERI: Moi, j'étais la onzième voiture en ligne, en comptant la ligne double. Là-bas nous nous respectons, le dernier qui arrive demande: C'est toi le dernier? Et là nous savons où nous placer et quand arriver à la barrière. Sur onze voitures 62 voitures de Murray Hill sont passées avant nous.

M. BOSSE: Il y a une autre chose que je pourrais vous demander aussi: Est-ce que ce qu'on appelle des limousines à l'heure actuelle, ce sont bien des limousines?

UNE VOIX : Non.

M. BOSSE: Ceci étant dit, lisez bien le projet. Dans le projet, on décrit une limousine, et une limousine ce n'est peut-être pas les voitures que vous voyez à l'heure actuelle, qui sont en service chez Murray Hill. C'est important pour vous de le lire ce document. D contient plus de choses que vous ne croyez.

M. DOGANIERI: Merci.

M. PINARD: Voulez-vous que je vous donne la définition du mot "limousine"? C'est à l'article 6.1, page 1 du règlement no 6:" "Limousine": un type de véhicule automobile comportant quatre portières, un toit rigide, un coffre arrière, deux banquettes conçues chacune pour asseoir trois personnes confortablement et deux strapontins". Les strapontins, ce sont les petits sièges derrière le banc avant.

M. DOGANIERI: Comme il y a à New York, huit passagers.

M. PINARD: C'est ça qu'on appelle une limousine. Vous, vous êtes capable de nous dire si vraiment les 62 voitures de Murray Hill qui sont passées avant la vôtre étaient des limousines au sens de la définition contenue dans le règlement no 6.

M. DOGANIERI: Bien non!

M. PINARD: Alors, nous allons agir. Cela prouve que nous avons bien cerné le problème. Dans le règlement nous avons les pouvoirs nécessaires pour traiter une limousine comme elle doit être traitée. Et quand ce ne sera pas une vraie limousine, ce ne seront pas les mêmes taux, les mêmes pouvoirs. L'application du règlement ne se fera pas de façon uniforme selon qu'il s'agira d'une limousine ou d'une voiture ordinaire.

M. DOGANIERI: Comme je vous l'ai dit, avec mes respects, c'est que nous nous sommes concentrés sur les cinq points essentiels que nous comprenions. C'est ça que j'ai bien spécifié avant de commencer.

M. PINARD: D'accord. Soyez sûr que nous ne faisons aucun reproche. Nous essayons de nous comprendre et de mieux informer tous ceux qui se présentent à la commission parlementaire.

M. DOGANIERI: J'espère qu'à force d'en entendre vous allez vous éduquer et réellement prendre la mentalité du chauffeur de taxi.

M. PAUL: Je voudrais féliciter M. Patry pour la confession qu'il nous a faite ce soir. Vous admettrez, M. Patry, que ceux qui siègent à gauche du président n'ont pas eu l'avantage d'être invités au congrès libéral du mois de novembre dernier. Et, dans votre mémoire, vous nous parlez de la résolution 296. Vous devez bien la connaître puisque vous avez proposé son adoption.

Quelle était cette résolution?

M. PATRY: Je l'ai en arrière. Est-ce que vous voulez que j'aille vous la chercher?

M. PAUL: Ah oui! ce serait intéressant.

M. PATRY: Pour répondre à M. Paul, je voudrais tirer un point au clair. Je ne suis pas ici ce soir comme membre du Parti libéral et je ne voudrais en aucun temps que la chicane commence entre vous autres parce que j'ai fait cette mention.

M. PAUL: Mon cher monsieur, j'ai été frappé par votre confession mais il y a deux autres étapes, le ferme propos et le repentir, le ferme propos de ne pas recommencer.

C'est sur cet aspect que je vous pose tout simplement la question sans arrière-pensée.

M. PATRY: Je n'ai pas dit que je n'étais plus libéral.

M. PAUL: Ce n'est pas ce que je vous ai dit. Je sais que vous vous êtes fait violence à un point tel que vous avez jugé vous être castré vous-même, c'est grave.

M. PATRY: Résolution no 296. Source: Commission jeunesse, régionale de Québec. Sujet: transport, bill 23. "Il est proposé que le gouvernement du Québec adopte le plus rapidement possible, soit par le biais du bill 23 ou par celui d'une loi spéciale, les recommandations du rapport Bossé touchant les problèmes de l'industrie du taxi".

M. PAUL: C'est ce que vous avez proposé?

M. PATRY: J'ai proposé ça sur la foi que lorsqu'on a enlevé les permis d'extra qu'il y avait à Montréal — je lève mon chapeau à M. Bossé sur ce point, c'est le seul bon point qu'il a fait — j'ai dit de M. Bossé: II a fait une bonne chose, je vais lui laisser une chance, parce que le règlement no 6 n'était pas sorti.

M. PAUL: M. Patry, je vais me retenir, je ne continuerai pas dans le même domaine. Vous, votre collègue, votre confrère, nous avez parlé d'une certaine protection que les chauffeurs de taxi aimeraient recevoir de la part du ministère de la Justice. M. le ministre nous a fait référence à un article du règlement qui parle de feux clignotants pour signaler le danger ou un événement extraordinaire qui peut se dérouler dans un tel ou tel taxi. Est-ce que vous pourriez préciser ou nous suggérer d'autres mesures que pourrait prendre le ministre de la Justice, parce que c'est assez délicat, puisque le code criminel — vous avez parlé de sentences plus fortes — relève du gouvernement fédéral. Cela deviendrait assez difficile pour le ministère de la Justice que lui ou ses hommes, les agents de la Sûreté du Québec accordent une protection personnelle aux chauffeurs de taxi. Dans le cadre de cette protection, est-ce que vous iriez jusqu'à souhaiter, comme la chose se fait à New York, d'avoir une vitre protectrice entre le siège avant et le siège arrière de l'auto?

M. PATRY: Une chose étrange m'est arrivée. Entre le temps que j'ai passé ici la semaine passée et aujourd'hui, j'ai eu le temps de travailler un peu. Hier après-midi j'ai pris un monsieur et une dame de la Nouvelle-Ecosse. Je ne veux pas m'envoyer de fleurs, ni à n'importe quel autre chauffeur de taxi, mais ils m'ont félicité pour la propreté de l'auto, ainsi de suite, et m'ont dit que, pour une fois, ils se sentaient donc à l'aise, qu'ils n'étaient pas renfermés dans une cage de plastique. Je ne leur avais posé aucune question. Je les ai laissé élaborer sur le sujet et ils ont commencé à me conter l'affaire des différentes autres villes qu'ils visitent parce que ce sont des acheteurs. Quand ils eurent fini, je leur ai demandé — mon texte était déjà écrit depuis la fin de semaine — s'ils voulaient mettre les ceintures de sécurité et ils m'ont dit: Ecoute une minute, on n'aime pas la cage de plastique, ni les maudites ceintures dont on ne connaît seulement pas le fonctionnement. C'était après la rédaction de mon mémoire. Je peux vous répondre sur ce sujet que quant à moi, personnellement, je ne me suis fait aucune idée là-dessus.

M. PAUL: Mais vous constatez que c'est un besoin.

M. PATRY: C'est un besoin, disons. M. Doganieri l'a mentionné tantôt. Il a mentionné

M. Richard; il a oublié de mentionner M. Desjardins qui a été poignardé 17 fois. Je suis d'accord, il devrait y avoir quelque chose de fait. M. Doganieri a voulu mentionner que les sentences devraient être exemplaires. Je crois que c'est ce qu'il voulait dire.

M. PAUL: II y a également une autre question que je voudrais vous poser. Quel est le pourcentage de propriétaires de taxis, des chauffeurs artisans qui, comme vous, pour aucune considération n'acceptent de confier leur véhicule automobile à un autre chauffeur? Est-ce que vous en avez une idée, à peu près?

M. PATRY: Dans le moment jusqu'à ce que la loi soit changée, je dirais que le propriétaire artisan à 75 p.c. ne mettra pas d'autre chauffeur sur son véhicule.

M. PAUL: Vous dites 75 p.c?

M. PATRY: Environ 75 p.c. C'est un chiffre à peu près; je n'ai pas fait de référendum pour le savoir.

M. PAUL: M. Patry, depuis le début des séances de cette commission parlementaire, personne ne nous a renseignés sur le problème de la location de limousines, soit chez Diamond Taxi, chez Lasalle Taxi ou Hochelaga ou n'importe où. Supposons que je communique avec Lasalle Taxi et que je demande à louer une limousine, comment va s'effectuer la location, l'avertissement ou la demande à un chauffeur de taxi pour qu'une limousine se rende à ma demande, pour telle heure et à tel jour, à tel endroit? Est-ce qu'il y a beaucoup de chauffeurs de taxi qui possèdent des limousines?

M. PATRY: Lasalle Taxi n'a aucune limousine. Parmi les propriétaires artisans, on a beaucoup de chauffeurs qui ont des Chrysler, on en a même un qui a une Cadillac, la plus belle en ville; elle est peinte peluche, bleu. Son propriétaire est un membre de Lasalle, qui prend très bien soin de sa voiture. Si un client appelle et qu'il veut avoir une voiture spéciale, les ordres sont qu'il n'y a pas de limousines comme telles, mais qu'on peut, en un certain laps de temps, lui trouver une voiture convenant à ses désirs, soit une Chrysler, il y en a plusieurs 1973, une Cadillac même une Oldsmobile 98. Il y en a qui ont des Oldsmobile 98. Ce sont des petits propriétaires artisans qui ont des autos noires et qui donnent une sorte de service spécial.

M. PAUL: Est-ce qu'ils sont propriétaires d'un autre véhicule également?

M. PATRY: Non, ce sont tous des propriétaires artisans.

M. PAUL: Qui travaillent habituellement avec cette auto-là?

M. PATRY: Et qui ne la passeraient à personne d'autre non plus.

M. PAUL: Je n'aurais pas d'autres questions, je vous remercie.

M. PATRY: Merci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Tout d'abord, est-ce que les deux autres messieurs doivent aussi parler?

M. PATRY: Je leur ai demandé s'ils avaient quelque chose à dire et ils ont dit: Tu as assez la grande gueule, avec Armand, qu'on va vous laisser faire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous avez résolu ce problème à vous quatre? Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. Patry, est-ce bien M. Brunet qui est propriétaire de Lasalle Taxi?

M. PATRY: C'est ça.

M. AUDET: J'ai entendu dire déjà que M. Brunet assistait souvent aux séances du comité consultatif.

M. PATRY: II y assiste toujours.

M. AUDET: II semblerait que le patron a des liens très étroits avec les chauffeurs artisans qui font partie de Lasalle.

M. PATRY: Pas nécessairement avec les chauffeurs artisans. Tout employé du Lasalle, qu'il soit chauffeur, chauffeur artisan, propriétaire de flotte, employé du bureau ou employé de la centrale, peut en tout temps parler à M. Brunet, pas dans nos réunions du comité consultatif, cependant. Tout le monde peut approcher M. Brunet. J'ai parlé d'un homme exemplaire ; je dirais même que M. Brunet en est un.

M. AUDET: Pourriez-vous nous dire si les chauffeurs artisans, qui font partie de Lasalle, détiennent des titres dans Lasalle?

M. PATRY: II y en a plusieurs, dont je ne pourrais pas vous dire les noms pour la simple raison que Lasalle Corporation est propriétaire de Lasalle Taxi, mais ça demeure quelque chose qui est en dehors de ma juridiction. Je ne peux pas en discuter avec vous dans le moment.

M. AUDET: Oui, monsieur.

M. PATRY: II y en a.

M. DOGANIERI: Si vous me le permettez, quand vous mentionnez des titres, est-ce que c'est du côté administratif?

M. AUDET: Ce sont des parts dans la compagnie.

M. DOGANIERI: Des parts avec la nouvelle...

M. AUDET: Je parlais à M. Brunet, la semaine dernière, et il m'a dit qu'il était très heureux de voir que les chauffeurs de taxi artisans étaient intéressés à acheter des parts chez lui.

M. DOGANIERI: Certainement parce que la politique...

M. AUDET: II serait très heureux de soustraire ces parts déjà vendues au public pour les limiter seulement à ses chauffeurs.

M. PATRY: On a eu chacun trois parts pour les...

M. DOGANIERI: Cinq parts.

M. PATRY: ... trois premières années. Quelqu'un qui travaille pour Lasalle depuis trois ans a eu trois parts gratuitement. C'est plutôt cinq parts.

M.DOGANIERI: Cinq parts pour les trois premières années, ça fait quinze parts et trois parts cumulatives chaque année.

M. PATRY: Elles nous ont été données gratuitement en signe de reconnaissance parce que depuis 1964 M. Brunet reconnaît que le comité consultatif et ses employés ont fait de l'ouvrage pour assainir le taxi Lasalle aussi bien qu'autre chose. On est libre d'acheter les autres parts qu'on veut.

M. AUDET: Vu cette ambiance très salutaire chez vous, est-ce que le fait d'appartenir à la compagnie suscite chez les chauffeurs de taxi artisan un réel esprit de coopération et de collaboration?

M. PATRY: Le simple fait d'être un chauffeur artisan fait tout de suite de lui un meilleur chauffeur un chauffeur plus responsable de ses droits et de ses biens.

M. AUDET: J'ai une autre question. Est-ce que vous retirez des dividendes à la fin de l'année financière sur vos parts?

M. PATRY: Pas sur nos parts. J'ai un petit chèque, en ma possession, que j'avais oublié

d'encaisser. Je ne sais pas si j'ai fait par exprès mais quand même il me fait plaisir de vous le montrer, messieurs. Pour les six derniers mois, pour encourager le petit propriétaire et ceux qui font partie du taxi Lasalle, j'ai pour ma part reçu $24, pour ne pas avoir eu d'accident, pour avoir pris mon essence dans les postes et différents autres points que je n'ai pas à la mémoire dans le moment. Cela, c'est pour six mois. J'ai apporté le chèque pour vous le montrer parce qu'il en a été question la semaine passée, ici.

M. AUDET: Je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. DOGANIERI: J'ai seulement un fait à ajouter, c'est que nous avons une assemblée par mois, à Lasalle. Le comité consultatif consiste en quatre chauffeurs, quatre petits propriétaires, deux chauffeurs de flotte et un employé de la compagnie. Chaque deuxième mardi du mois, à 8 heures, à la centrale ' téléphonique de Lasalle, M. Brunet est toujours présent. Cela ne veut pas dire que nous sommes une "gang de téteux" de Brunet, car c'est faux. J'aime autant le mentionner tout de suite. Comme je vous l'ai dit tantôt, j'aime mieux être chez nous à bercer mon nouveau-né que venir ici pour être un "téteux" à Brunet. Si nous sommes si fiers d'être dans Lasalle, c'est que le comité consultatif régit d'autres sous-comités: le sous-comité des sports, le comité d'entraide si un membre est dans le besoin, les visites industrielles. Ce soir, il y a une visite à la compagnie Steinberg, organisée par le comité de visites industrielles de Lasalle et c'est gratuit pour les membres. Du côté du sport, nous avons quatre équipes de hockey et à toutes les semaines, nous jouons au centre Paul-Sauvé. Cela donne une idée de la fraternité qui existe. Les chauffeurs apprennent à se connaître et en même temps cela crée une force. Les chauffeurs se rencontrent sur la rue, vous savez ce que je veux dire. Dans les autres compagnies cela n'existe pas. C'est là qu'on a une idée de la force de Lasalle. C'est une grande famille. C'est pour cela que je disais tantôt qu'une seule association, cela ne nous convient pas car vous détruisez notre famille.

M. AUDET: J'espère que votre témoignage de ce soir aura des échos à cette commission parlementaire et que cela incitera les autres propriétaires de flotte à agir de la même façon que M. Brunet.

M. DOGANIERI: Je l'espère profondément pour toute l'industrie du taxi. Pas seulement pour Lasalle.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, monsieur vient de répondre à la question que je voulais poser.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Alors vous passez. Le député de Gaspé Nord. M. Patry.

M. PATRY: Excusez-moi, je voulais parler à M. Pinard ou à M. Bossé. Je m'aperçois qu'ils ne nous ont pas trouvé assez intéressants et qu'ils sont partis.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Franchement, je crois que, dans le cas du ministre, il a été ici toute la semaine dernière, à l'exception de quelques minutes où il a dû s'absenter pour aller au téléphone. Il vient de s'excuser auprès de moi, il y a quelques deux minutes à peine, disant qu'il avait un appel téléphonique.

M. PATRY: Mais les deux ensemble!

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Bossé était ici, il était de l'autre côté. Alors, si vous avez une question, allez-y, M. Patry.

M. PATRY: Oui, justement. M. Pinard a fait allusion tout à l'heure à l'article 6.22. Je l'ai en anglais ici parce que je suis bilingue. Cela a rapport au "dome light" clignotant, sur le dessus. Je crois que le bill 23 a commencé en 1970. En 1969, personnellement, avec M. Brunet et d'autres membres, nous avons travaillé sur cette chose-là et nous l'avons essayée. C'est presque impraticable.

M. BOSSE: Si vous le permettez, M. Patry. D'abord, l'enquête, c'était en 1970 et le bill 23 n'a été adopé que très récemment en 1972. Le règlement découle du bill 23. Comme on le sait, ce n'est pas toujours aussi rapide qu'on le désirerait. Moi-même, au début, quand j'ai rencontré les gens du taxi, je me faisais peut-être un peu d'illusions sur la procédure. Je croyais que ça allait plus rapidement. J'ai acquis quelque expérience depuis et j'ai aussi appris que ça n'allait pas aussi vite qu'on le voulait.

Croyez-moi, si je vous ai, de bonne foi, informé que ça pouvait aller rapidement. Je me suis aperçu que, malheureusement, ça ne va pas toujours aussi vite qu'on le veut. J'ai appris ça à mes dépens.

M. PATRY: Nous avons l'expérience; nous sommes au comité consultatif. Depuis 1964, nous travaillons là-dessus. Si vous aviez plus consulté le taxi Lasalle que certaines autres personnes qui n'avaient aucune connaissance du taxi, vous seriez aujourd'hui mieux éclairés.

M. BOSSE: Si vous voulez que je réponde, c'est que j'ai consulté le taxi Lasalle. M. Patry le sait très bien; j'ai eu souvent l'occasion de dialoguer avec lui.

M. PATRY: Oui.

M. BOSSE: C'est évident que nous avons essayé de consulter tout le monde. Encore une fois, je dis que ce n'est pas une affaire facile. Très honnêtement, c'est difficile, et on le sent par l'audition des personnes ou des groupes que nous avons entendus. C'est presque impossible de satisfaire tout le monde et son père à la fois.

M. PATRY: Je le comprends, mais, en réalité, c'est un remerciement que je vous faisais. C'est nous qui l'avons sorti. A Lasalle, nous n'avons pas attendu après le règlement no 6 pour essayer nos "dome lights" clignotants sur le dessus.

M. BOSSE: En fait, c'est sûrement un moyen de vous protéger comme chauffeurs. Tout à l'heure, le député de Maskinongé vous demandait; Avez-vous quelque chose à proposer? C'est justement pour ça que nous sommes là et que vous êtes là aussi.

M. PATRY: Mais nous en avons essayé plusieurs jusqu'à maintenant, je vous le garantis.

M. DOGANIERI: Si vous le permettez, M. le Président, c'est pour ça que j'ai insisté tantôt pour que la loi soit plus sévère. Nous avons fait la preuve, nous l'avons essayé, nous l'avons étudié. Tous les griefs, qu'ils concernent le pompiste, le garagiste, le petit propriétaire ou le petit chauffeur, sont présentés au comité consultatif et M. Brunet n'a pas toujours la partie facile quand nous en avons fini avec lui. Vous pouvez être sûrs de ça.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: M. Patry, quand je suis arrivé ici et que je vous ai vu, je vous ai pris pour Charles Aznavour.

M. DOGANIERI: Celam'aété dit dansle taxi, monsieur. C'est pour ça que je porte un toupet aujourd'hui.

M. GAGNON: J'aimerais avoir des explications un peu plus considérables. Vous avez parlé tout à l'heure des taxis à l'aéroport; vous avez parlé de Murray Hill et de Lasalle. Vous êtes environ 130, les deux groupes réunis, mais de quelle façon est-ce organisé lorsqu'il s'agit des appels de taxi? Vous avez semblé dire que c'était surtout Murray Hill qui était appelé et que votre groupe d'artisans...

De quelle façon fait-on l'appel? Est-ce par ordre comme dans un poste de taxi?

M. DOGANIERI: Non. Vous voulez que je vous éclaire; j'ai essayé de le faire bien vite tout à l'heure. Murray Hill a trois "dispatchers" payés à la semaine à l'intérieur de l'aéroport, par équipes qui font huit heures, peut-être dix heures; je ne sais pas comment ils arrangent leur horaire.

Cela veut dire qu'aussitôt que les bagages arrivent sur le comptoir tournant, les passagers prennent leurs bagages pour sortir. Il y a un "dispatcher" qui dit: Monsieur, madame, la limousine est là.

M. GAGNON: C'est vrai. J'ai connu cela.

M. DOGANIERI: C'est ce qui se fait. N'importe qui peut aller à l'aéroport pour essayer de me démentir. C'est ce qui va vous arriver.

M. GAGNON: Et vous n'avez pas de "dispatcher" à l'intérieur...

M. DOGANIERI: Absolument pas. Nous n'avons pas le droit de descendre de notre voiture pour solliciter un client. C'est contre le règlement municipal no 2745. C'est pour ça que j'ai dit tantôt que Murray Hill est protégé quelque part. Nous voudrions savoir par qui, afin d'abolir cela.

M. BOSSE: Oui, je crois qu'à certains hôtels, c'est aussi le problème. Si je ne fais pas erreur...

M. DOGANIERI: Oui.

M. GAGNON: Vous voulez dire que c'est un règlement municipal de la ville de Montréal ou des villes environnantes qui régit cette situation.

M. DOGANIERI: De la municipalité de Montréal, du règlement 2745 et qui concerne l'auto-taxi de Montréal. Pour Dorval, je ne sais pas les règlements municipaux et je ne veux pas les savoir. Ce qui m'intéresse, c'est ma ville, Montréal.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): Dans le même ordre d'idées, on a parlé de la situation du taxi à Dorval, comment cela se passe-t-il à l'aéroport de Toronto, ou à d'autres aéroports, comme à New York?

M. DOGANIERI: Ils ont les mêmes problèmes que nous. C'est la même sorte de concession.

M. PATRY : Est-ce que je pourrais dire quelque chose là-dessus?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui. M. PATRY: M. Douganieri...

M. DOGANIERI: M. le Président, c'est héréditaire, mais mon nom est Doganieri. C'est mon père qui me l'a donné. S'il vous plaît, que celui

qui est à mes côtés me respecte. D va m'appeler M. Canari, tout à l'heure.

M. PATRY : Tu m'a fait perdre ma roue.

M. DOGANIERI: Je vais te la faire perdre souvent ta roue.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Wolfe s'attend à une réponse...

M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce qu'on avait quelque chose à ajouter à ce que j'ai demandé tantôt concernant les autres aéroports?

M. PATRY: Non, mais ce sur quoi je voulais revenir, c'est que plusieurs prêchent l'abolition des concessions. Il a été dit que dans le taxi, c'étaient des individualistes. C'est vrai. Mais où on voit les individualistes réellement à l'oeuvre, qui n'appartiennent pas à une compagnie, on s'aperçoit qu'il y a un fouillis indescriptible comme à l'aéroport de Dorval. Ceux qui n'appartiennent pas à une compagnie désignée ou même des chauffeurs qu'on va mettre sans travail pour trois jours ou une semaine pour des infractions qu'ils ont commises, qu'on ne leur donne pas d'appel sur les ondes, souvent, on va les rencontrer à l'aéroport de Dorval.

Je crois que la question des concessions est une bonne chose. Si elle était étudiée, surtout en ce qui nous concerne, soit la Royal Victoria ou soit les différentes autres concessions auxquelles nous appartenons, les différents services que nous desservons par commande, soit pour la Société du cancer, etc., je crois que les personnes concernées, qui n'aiment pas les concessions, s'apercevraient que des concessions bien menées, comme celles de la compagnie Lasalle, sont bénéfiques pour tout le monde, surtout pour le consommateur.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Je ne sais pas si vous étiez présent l'autre jour, lorsque M. Brunet...

M. PATRY: J'ai été présent tout le temps.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... a parlé des concessions, vous vous souvenez de ce qu'il a dit, savoir que cela ne lui fairait rien de perdre des concessions.

M. PATRY: M. Brunet parlait pour la compagnie de services Lasalle. J'ai bien mentionné, lorsque j'ai commencé, que nous étions du comité consultatif, les petits artisans. Si M. Brunet, en son nom, veut laisser des concessions à qui que ce soit, c'est à lui de le faire devant la commission parlementaire.

Pour ma part, comme membre du comité consultatif représentant les petits propriétaires de la compagnie Lasalle, je ne suis pas prêt à ce qu'on abolisse les concessions. Que M. Brunet parle pour lui-même, je parle pour moi-même et pour les petits propriétaires.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est pour vous dire que c'est difficile de concilier les deux.

M. PATRY: Je suis certain que, si vous le demandiez à M. Brunet, il dirait qu'il n'est pas prêt à les laisser.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord, vous dites votre idée.

M. PATRY: II a son comité consultatif et il nous le demande.

M. PAUL: Mais il n'a pas suggéré à la commission de faire disparaître les concessions.

M. PATRY: Non, il n'a certainement pas fait cela. Disons, qu'il a voulu arrêter une certaine discussion sur laquelle il croyait que ce n'était pas nécessaire pour lui de parler.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Doganieri.

M. DOGANIERI: M. le Président, au moins, vous savez mon nom. Pour éclaircir un point.

Du côté administratif, la compagnie Lasalle, M. Brunet, fait les démarches pour nous obtenir des concessions. Du côté de la régie interne, c'est à nous, du comité consultatif, qu'il appartient de droit de voir à ce que la discipline soit bien observée concernant les anciennes, les nouvelles ou les présentes concessions que nous avons. C'est là la différence. Nous laissons à M. Brunet le libre choix d'aller chercher cela pour nous, mais c'est à nous de voir à notre affaire, qu'elle soit bien en droite ligne. Comme je le disais tantôt, il y a toujours deux inspecteurs à la gare Centrale, au Royal Victoria pendant les heures de pointe, il y a toujours un inspecteur, et même deux, à l'Hôtel Saint-Luc, la même chose. Comme je vous dis, c'est fonctionnel notre affaire et c'est rigide. Il y en a la semaine dernière, qui ont dit ici: Au Lasalle, ce n'est pas "travaillable", on ne peut pas voler, c'est vrai. Au Lasalle, si un chauffeur se fait prendre à voler un voyage, comme on dit, sur un appel, il est rapporté au bureau. Peut-être qu'on n'en entendra pas parler. Au Lasalle, faites enquête si vous voulez, chaque chauffeur, chaque propriétaire a un dossier, le dossier est mis à jour à la minute où il y a une plainte contre le chauffeur ou le propriétaire ou l'état de la voiture. C'est fonctionnel, l'affaire. C'est pour cela que je dis: Les concessions c'est à nous de voir à les garder parce qu'on s'en occupe de nos concessions.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Dorion.

M. BOSSE: Concernant les concessions, M. le Président, d'abord, je voudrais relever une contradiction. D'une part, M. Patry dit: Nous sommes d'accord pour conserver nos concessions. Et d'autre part, lorsque Murray Hill a une concession, on s'évertue à dire à Murray Hill: Vous avez une concession. Puis-je ici souligner certaines expériences qui ont été faites à proximité de Québec dans certaines petites villes où, à la suite de la parution du rapport et du règlement, on a dit: Le règlement s'en vient, l'abolition des concessions, c'est une affaire qui s'en vient, c'est une question de temps. Alors, l'association des services qui avait le contrat ou la concession a décidé d'abandonner la concession, de ne plus rien payer à un centre commercial. L'autre association — il y en avait deux dans ce cas-là — a décidé de donner des services à l'occasion mais a refusé systématiquement de payer tout frais pour une concession, ce qui fait que le centre commercial en question a été obligé de se mettre presque à genoux auprès des deux associations pour leur demander: De grâce, venez donner des services à nos clients. Ce qui prouve que lorsqu'on donne l'accès à l'ensemble, vous bénéficiez au bout de la ligne, parce que tous et chacun sont sur un pied d'égalité.

M. PATRY: Est-ce que je pourrais vous dire que les deux compagnies en question ont été pessimistes vis-à-vis de l'industrie du taxi et ont été trop optimistes vis-à-vis du rapport Bossé.

M. BOSSE: Cela vous plait!

LE PRESIDENT (M. Séguin): Messieurs, nous vous remercions.

Nous entendrons maintenant le ou les représentants de l'Union des chauffeurs de taxi, local 48, de l'Union internationale des Teamsters et le nom que j'ai ici est M. Noël Boutin. C'est bien M. Boutin? Alors, quand vous serez prêt à commencer, M. Boutin.

Union des chauffeurs de taxi

M. BOUTIN: Merci, M. le Président. Mon nom est Noël Boutin, président du local 48 de l'Union des chauffeurs de taxi, affiliée à l'Union internationale des Teamsters. A ma droite, le conseiller juridique des Teamsters, M. James Khazzan.

Avant de commencer mon exposé, messieurs, je tiendrais ici à faire une mise au point en ce qui a trait à l'aérogare de Dorval. J'ai eu l'occasion, comme M. Bossé le sait, d'aller faire quelques petites enquêtes par là. On m'a demandé assez souvent, on m'a même appelé par radio: Monte ici, Noël, il y a du trouble.

Voici comment on a déjà procédé, à l'aérogare de Dorval. A l'aérogare de Dorval, M. Roland Bisson — je dois le nommer ici, parce qu'il faut que je lève mon chapeau devant ce type — avait établi un système très bien pour le chauffeur de taxi. A ce moment-là, le chauffeur de taxi payait $0.25 pour avoir le droit de passer la barrière et de prendre un voyage. Quelque temps après, tout à coup, l'aréogare de Dorval est tombée sous la juridiction de la ville de Dorval. On a donné cela à mon ami, M. Desnoyers, qui, lui, s'est empressé — je dis bien empressé — d'aller chercher les agents de sécurité Broderick pour remplacer le système de M. Bisson par des hommes qui n'avaient aucune expérience dans le taxi. Si un client disait: Je veux être reconduit sur la rue Aylwin, le gars ne savait même pas où c'était, la rue Aylwin. Le gars qui appartenait à la ville de Dorval disait: C'est ici, dans Dorval. Il prenait le voyage et s'en allait avec.

Nos "dispatchers" n'avaient pas le droit d'y entrer: seulement les gars de Broderick. Quelques-uns d'entre eux ne parlaient même pas anglais. J'en ai fait mention à M. Desnoyers. Il a dit: Nous allons corriger la chose. J'ai même eu — je m'excuse, messieurs, de ne pas l'avoir rapporté — un affidavit à cet effet, à nos conseillers juridiques. J'ai passé au feu, l'année dernière, et énormément de documents qui appartenaient aux "Teamsters" ont passé au feu aussi. Dans ces documents, il y avait un affidavit, signé par un chauffeur de taxi, qui avait soudoyé un gars de la Broderick pour avoir un voyage. On m'a dit que c'était impossible. On devait faire enquête. On n'en a jamais entendu parler. Mais, pour payer les gars de Broderick, qu'est-ce qu'on a fait? On a haussé le prix de la barrière à $0.50. Cela veut dire que ce sont nos hommes à nous, nos chauffeurs à nous qui payaient Broderick.

Messieurs, c'est une petite mise au point qui, je crois, s'imposait en ce qui a trait à l'aéroport de Dorval. Maintenant, je dois appuyer ce que disait monsieur... Je ne me rappelle pas son nom, il est trop difficile à dire. A Dorval, actuellement, je crois qu'il y aurait de la place pour un peu de propreté. Murray Hill a des voitures très propres, des hommes très bien habillé, et, à Dorval, vous avez des hommes très sales et des voitures très sales aussi.

M. BOSSE: Qui habille les membres des "Teamsters"?

M. BOUTIN: Nos conventions collectives ne disent pas de les habiller, M. Bossé. Voilà la mise au point que je voulais faire au sujet de Dorval.

Avant de commencer l'exposé de mon mémoire, on a discuté de certaines choses. On a parlé, tout à l'heure, de la ceinture de sécurité. Nous croyons que la ceinture de sécurité, messieurs, n'a pas sa place dans le taxi. On dit que les chauffeurs de taxi sont astucieux. Il faut se rendre à l'évidence qu'il y a des clients qui sont très astucieux aussi. Il y a des clients qui monteront dans notre voiture avec un manteau déchiré et qui diront: C'est ta ceinture de sécurité qui m'a fait cela. Nous passerons notre

temps à aller à l'assurance et nous aurons des ennuis avec cette ceinture de sécurité. Donc, c'est une petite mise au point. Vous la prendrez pour ce que cela vaut. Pour nous, c'est valable. Si un client s'écrase un doigt, on est obligé d'aller faire un rapport d'accident. Si vous allez à Wawanesa ou à Belair, cela prend une heure et demie avant de passer, parce que monsieur fume son cigare, va prendre son café. Cela prend du temps avant de passer. Tout cela pour une simple petite déchirure. Enormément de clients, je crois, se serviront de ce prétexte pour faire réparer leur manteau et s'en acheter un neuf.

C'était dit en passant. Messieurs, nous allons maintenant commenter notre mémoire. Vous avez entendu devant cette commission, messieurs, plusieurs chauffeurs exprimer le désir soit de travailler à location, d'autres à salaire, d'autres à salaire et à commission et, finalement, au pourcentage. Nous, du local 48 des "Teamsters" — je tiens à le préciser — ne nous opposons nullement au système de location, mais à la seule condition — je dis bien la seule — que ce système soit reconnu accréditable au ministère du Travail.

Nous ne croyons pas qu'il serait logique de laisser au chauffeur de taxi le choix de son mode de travail, car nous sommes persuadés que le choix de la location, si la location n'est pas reconnue au ministère du Travail, ne sera pas celui du chauffeur, mais bien celui des propriétaires qui continueront à l'imposer afin d'empêcher toute syndicalisation.

Nous en parlons en connaissance de cause car une accréditation nous fut refusée au ministère du Travail par le commissaire, M. Devlin. M. Bossé en sait quelque chose aussi. Nous demandons donc, si le système de location ne peut être reconnu au ministère du Travail, de faire tout ce qui est humainement possible pour le faire accepter, mais si ce système ne peut être accepté, qu'il soit immédiatement aboli et que le gouvernement, via le règlement no 6, impose aux propriétaires l'obligation de rémunérer leurs employés d'un salaire fixe préalablement discuté entre les parties constituantes, afin de ne léser ni les uns ni les autres.

Si cette pratique ne s'avérait pas souhaitable, on pourrait poser une base de pourcentage pour les parties concernées. Il va de soi que cette pratique serait temporaire. Nous ne croyons pas qu'il serait souhaitable dans le contexte actuel d'imposer aux chauffeurs le salaire minimum et la négociation d'un pourcentage de la feuille de route, car cela — et je dis bien cela — laisse supposer une organisation que les chauffeurs ne se sont pas encore donnée.

Cette pratique imposée aux propriétaires aurait à notre avis deux raisons pouvant justifier son application. Ainsi, le temps jugé nécessaire à l'instauration de structures valables dans l'industrie du taxi permettrait aux travailleurs de jouir du temps matériel nécessaire à l'établis- sement de bases syndicales valables et solides dans le milieu des travailleurs, et ce sans causer préjudice dans le milieu de ces travailleurs.

Une autre raison pouvant justifier l'application de cette mesure se trouve dans le fait que le travailleur n'aurait pas à subir les effets néfastes de l'exploitation et les discordes entre les différentes couches constituant l'industrie du taxi.

Dans un ultime effort et tentative d'essai du seuil de rentabilité, il faut toujours garder en mémoire que le travailleur de cette industrie représente une force inestimable, et que cette rentabilité ne sera atteinte que le jour où les adversaires d'aujourd'hui décideront de s'asseoir à une table et discuter des intérêts propres à chacun, mais aussi des intérêts communs dans l'industrie du taxi.

Amendements à la réglementation no 6. Différentes associations sont venues devant cette commission défendre leurs droits face au règlement no 6. Nous nous dispenserons de tout commentaire, car il ne nous appartient pas, à nous du local 48, d'approuver ou de critiquer la prise de position des associations. Nous savons pertinemment bien que, même si les associations doivent disparaître, il y aura toujours des chauffeurs de taxi. Nous ferons donc ici certaines recommandations quant aux articles visant directement le chauffeur.

A la page 6, article 5, il est mentionné qu'un véhicule-taxi doit être de couleur noire. Nous croyons que ce règlement pénalisera le chauffeur, car ce n'est un secret pour personne que le noir attire les rayons du soleil et fera de ce véhicule un four crématoire. Un véhicule noir, pour présenter un aspect de grande propreté, doit être lavé presque tous les jours, ce qui entrafnera une dépense de $2 par jour que le chauffeur de taxi ne peut se permettre. Nous demandons donc un amendement à cet article.

Les règlements défendant au chauffeur de fumer, d'entamer la conversation et d'autres petites niaiseries, comme l'a si bien dit M. Bossé, furent assez commentées devant vous et nous croyons superflu d'y revenir. Nous espérons que vous verrez à faire les amendements qui s'imposent.

La fameuse feuille de route. Nous sommes persuadés que la feuille de route préconisée dans le règlement no 6 portera atteinte à la liberté du chauffeur de taxi. Nous la croyons trop radicale. Si feuille de route il doit y avoir, nous croyons que la feuille de route actuelle dont se servent propriétaires et chauffeurs a l'approbation de tous.

Nous demandons donc un amendement à cet article. Retrait des permis. Il fut mentionné, au cours de cette commission, qu'il y avait trop de permis en circulation dans la Communauté urbaine de Montréal. Nous sommes d'accord sur cet avancé. Mais nous pouvons affirmer qu'on n'a pas le droit de léser qui que ce soit d'un droit acquis qu'il a peut-être fallu 20 ans pour avoir. Nous, du local 48, proposons — et cette

proposition fut déjà soumise à M. Bossé lors d'un débat télévisé au canal 10, Le choc des idées — qu'aucun permis ne soit retiré. Nous proposons — je demande de bien écouter cet exposé qui paraît un peut compliqué au premier abord mais, si on l'étudie comme il faut, je crois qu'il est très valable — qu'on oblige le propriétaire à immobiliser chaque véhicule-taxi une journée par semaine. Si on demande — vous avez des propriétaires ici dans la salle, ce n'est pas dans mon rapport, c'est un commentaire que je fais en passant — à un propriétaire combien de jours travaille son véhicule dans une année, il vous dira de 300 à 315 jours. Cela veut dire que son véhicule perd environ une journée par semaine. Je vous dirai pourquoi il faudrait l'obliger à l'immobiliser. Ce serait une journée par semaine après entente entre propriétaire et chauffeur pour le choix de cette journée. Voilà la raison, cette pratique permettra au propriétaire de faire les réparations nécessaires à ses frais et non aux frais du chauffeur comme cela se pratique actuellement. Si on considère qu'il y a 5,880 taxis dans la Communauté urbaine de Montréal, il y aurait donc 840 taxis immobilisés chaque jour. Si, à ce nombre, on ajoute 400 autos-taxis qui sont immobilisées pour réparations et manque de chauffeurs, vous en arriverez donc au montant de 1,240 taxis qui sont immobilisés chaque jour. Vous voyez d'ici l'ouvrage qu'auront à se partager ceux qui seront en service. Pour contrôler ce système, il faudra une plaque bien en vue de l'extérieur indiquant le jour choisi, après une entente entre patron et employés. Tout véhicule pris en service ce jour-là sera sujet à une forte amende. Ce système pourrait être en vigueur dans les mois d'été seulement, soit de mai à septembre, et annulé durant les mois d'hiver. On pourra annuler temporairement ce système si une situation d'urgence se présentait durant les mois d'été, comme les Olympiques 1976. Cette pratique annule donc les sections IV et V du présent règlement concernant les permis spéciaux. Nous, du local 48, espérons que ce système sera étudié sérieusement car il est à notre avis le plus valable, afin de ne léser personne dans ses droits.

Retrait volontaire. Si le retrait volontaire de la part de certains détenteurs doit s'effectuer, le gouvernement devra acheter ces permis à la valeur marchande. Ici, je voudrais rayer du rapport "du mois de juillet 1972". Le gouvernement pourra, afin de donner la chance à de petits propriétaires — puisqu'on dit que le gouvernement veut investir pour rentabiliser le taxi — revendre ces permis à de petits chauffeurs pour la somme de $80. Il faut garder en mémoire qu'il est impossible à un détenteur de permis d'avoir des conditions décentes de travail s'il a dû investir de $10,000 à $12,000. Nous demandons donc de réviser l'article quant au retrait volontaire ou obligatoire.

Conclusion. Nous vous avons brossé, le plus fidèlement possible, un tableau de notre posi- tion face au règlement no 6. Vous pouvez constater M. Bossé, que même malgré nos divergences d'opinions en certaines occasions nous avons senti que le règlement no 6 était la formule tant attendue par les chauffeurs de taxi. Vous avez révisé vos positions à certains articles de votre rapport et y avez apporté des amendements. C'est tout à votre honneur et nous vous en félicitons. Par ce règlement, les chauffeurs voient l'avenir leur sourire car on leur permet de se former en syndicats afin de pallier les manoeuvres des propriétaires de flotte qui, selon leurs énoncés devant cette commission, veulent continuer à exploiter le petit chauffeur. La porte est entrouverte, MM. les chauffeurs. A vous d'y pénétrer. Merci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. Boutin. Est-ce qu'il y a des questions? Le ministre des Transports.

M. PINARD: M. Boutin, vous semblez en avoir un peu contre la feuille de route qui sera obligatoirement remplie par le chauffeur, tel que le prévoit le règlement no 6. Seulement à titre d'information, pouvez-vous nous dire si vous êtes au courant qu'à New York cette même feuille de route est en vigueur à la suite de la réforme instituée dans l'industrie du taxi?

M. BOUTIN: Mais je ne crois pas M. le ministre...

M. PINARD: Elle est très simple à remplir, très courte.

M. BOUTIN: Je crois qu'elle entre un peu dans la liberté du chauffeur de taxi. On n'a peut-être pas énoncé devant vous certains besoins — je ne sais pas si on en a parlé, mais je ne crois pas, j'étais ici la semaine dernière — et on va jusqu'à dire qu'il faudrait y indiquer un besoin naturel.

M. PINARD: Non, non.

M. BOUTIN: C'est-à-dire si le type laisse son véhicule. Je ne vois pas pourquoi la feuille de route actuelle, qui comprend à peu près tout ce qui concerne le taxi, un homme serait obligé de dire qu'il est allé manger au restaurant pendant une demi-heure ou trois quarts d'heure. La motivation ne finira plus à la fin de la journée.

M. PINARD: A Toronto, savez-vous si une feuille de route doit être obligatoirement remplie par les chauffeurs de taxi?

M. BOUTIN: Vous me parlez de Toronto et vous me parlez de New York. Je crois que vous êtes ministre de la province de Québec, d'accord?

M. PINARD: Je comprends.

M. BOUTIN : Moi, je voudrais représenter les chauffeurs de taxi de Montréal.

M. PINARD : Ce qui est bon ailleurs, est-ce qu'on ne pourrait pas raisonnablement penser que ce serait peut-être bon chez nous?

M. BOUTIN : M. Bossé m'avait donné Toronto, à la télévision, comme exemple. Je ne vois pas ce que Toronto vient faire ici si on considère — on demande de faire de la communauté urbaine une seule agglomération— qu'à minuit à Toronto il n'y a plus rien, tandis que nous autres ici, on a de l'ouvrage jusqu'à six heures du matin.

M. PINARD : En raisonnant de cette façon, on pourrait éliminer toutes les villes du Québec et tout le monde resterait au petit règlement maison et ça irait très bien.

M. BOUTIN: Je disais à M. Bossé qu'il serait bon de faire des règlements propres à chaque agglomération, propres à chaque place. Parce que les problèmes de Montréal ne sont pas les problèmes de Toronto. Les problèmes de Toronto ne sont pas ceux de Montréal, ceux de New York ne sont pas ceux de Montréal non plus. Montréal n'est pas Sherbrooke, ni Granby, elle n'est pas une autre ville. Remarquez que c'est une suggestion quant à la feuille de route, parce que depuis les 30 ans que je fais du taxi, on a toujours utilisé la feuille de route actuelle. Si je veux rendre compte, je vais rendre compte.

M. LAVOIE (Wolfe): Qu'est-ce qu'elle contient la feuille de route, M. Boutin?

M. BOUTIN : Le nom du chauffeur et son adresse.

UNE VOIX: Et le parcours qu'il fait.

M. BOUTIN: Le parcours, oui. Il y a une place qui indique où vous avez pris le client et où vous l'avez laissé avec le montant, toute la lecture, ce qu'on appelle la lecture du taximètre, tout est dessus. La seule chose qui manque, c'est de savoir si j'ai été voir ma petite blonde ou si j'ai été voir la femme d'un autre à trois heures de l'après-midi. Je ne peux pas le dire dessus parce qu'il n'y a pas de place.

M. LAVOIE (Wolfe): Excusez-moi, j'aurais une question à poser. J'ai déjà vu dans des camions des "bavards", est-ce que cela existe dans le taxi?

M. BOUTIN: Non. Je vais vous donner raison, si on veut faire un "bavard" sur papier. C'est ça qu'on veut. Ma suggestion, c'est que la feuille de route actuelle est bonne.

M. PINARD: Est-ce que vous avez vu la feuille de route proposée dans le cahier du règlement no 6.

M. BOUTIN : Oui, je l'ai ici.

M. PINARD: Est-ce que cela vous parait tellement compliqué à remplir, bien honnêtement? Ce n'est pas parce que je veux m'accro-cher à ça, parce que ce n'est pas la réforme fondamentale que nous avions prévue. Si on s'accroche seulement sur la feuille de route, la discussion ne sera pas longue. Seulement à titre d'exemple, pour savoir si vraiment ceux qui se présentent devant nous se donnent la peine de regarder le règlement no 6, de l'étudier et de voir ce qu'il contient et ce qu'on exigera d'eux si ce règlement était adopté, en tout ou en partie, modifié ou non... C'est l'origine, la destination, probablement le montant de la transaction, le coût de la course.

M. BOUTIN: Majoration pour bagages... Ce n'est pas ce que le chauffeur a à remplir, ce que le chauffeur fait d'un point à l'autre que je n'aime pas, dans la ville de Montréal, transporter un client dans la ville de Montréal, mais c'est la petite feuille à côté, "absence durant le service". C'est ça que les chauffeurs ne semblent pas priser. Remarquez que ce n'est peut-être pas une opinion personnelle, mais c'est ce qu'on m'a demandé de dire, de souligner, que le chauffeur...

M. PINARD: Si vous prétendez vous-même être représentatif de vos membres et que vous croyez que c'est une atteinte à la liberté individuelle, je vous assure que, quant à moi, cela va se régler bien vite.

M. BOUTIN: Je le crois. Tant mieux. Comme M. Bossé disait, ce sont de petites niaiseries qu'on peut régler à l'amiable.

M. PINARD: II faudrait savoir quand même si la feuille de route doit être maintenue ou non.

M. BOUTIN: Tout dépendra du mode de travail, M. Pinard. Si la location est adoptée, je ne vois pas pourquoi on maintiendrait une feuille de route. Si on travaille au pourcentage, on peut faire une feuille de route. Tout dépendra du mode de travail. Il faudra donc attendre cela pour voir si on doit maintenir la feuille de route ou non. Je ne crois pas que cela soit assez important pour empêcher l'adoption du règlement no 6.

M. PINARD: C'est ce que je veux savoir.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: J'ai une question à poser au ministre. Quelles sont les raisons ou les avantages de savoir toutes les allées et venues des chauffeurs, indiquées sur la feuille de route?

M. PINARD: D'abord, cela donne un meil-

leur contrôle au propriétaire qui est venu déclarer la semaine dernière que, souvent, il se fait voler par ses chauffeurs. Cela permet au chauffeur de prouver qu'il a fait effectivement du travail pour lequel il doit être justement rémunéré. Cela permet un meilleur contrôle au cas où le client aurait à se plaindre de ce chauffeur. Je parle ici de la clientèle, du passager qui aurait à se plaindre de ce chauffeur ou de l'état de la voiture. Ce sont des contrôles qui sont imposés non pas pour brimer la liberté individuelle, pour être vexatoires ou discriminatoires, mais pour en arriver à donner un meilleur service au public, pour avoir plus d'ordre et pour peut-être revaloriser le rôle du chauffeur de taxi qui, bien souvent, est blâmé pour toutes sortes de fautes que lui-même n'a pas commises. Cela pourrait peut-être participer à refaire sa réputation. Les chauffeurs honnêtes ont le droit d'avoir la chance de se défendre au plan de la réputation. Je pense qu'on leur donne un instrument qui peut leur permettre d'arriver à cette fin. Si cela vous parait trop vexatoire ou discriminatoire je vais enregistrer vos expressions d'opinions et nous en tiendrons compte bien objectivement.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Vous avez fait une suggestion au sujet du rachat possible de certains permis que certains taxis voudraient laisser tomber, pour les revendre au gouvernement à $80. Est-ce que ces permis seraient transférables encore ou négociables par ces nouveaux acquéreurs?

M. BOUTIN: Je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas négociables.

M. AUDET: Au prix de $80?

M. BOUTIN: Au prix de $80. Aujourd'hui, on veut s'en départir, mais au montant qu'on l'a payé. Si, à un moment donné, l'autre veut s'en départir, il le revendra pour le montant de $80. Le gouvernement n'était certainement pas pour le payer $4,000 ou $5,000, le revendre $80 et le repayer $6,000 quand il le rachètera. Soyons logiques.

M. AUDET: N'y aurait-il pas un problème du fait qu'il y a des permis de $80 à côté d'autres qui vaudraient encore $6,000 ou $7,000?

M. BOUTIN: II y a beaucoup d'articles dans le règlement no 6, concernant les nouveaux chauffeurs, les nouveaux détenteurs de permis. Disons qu'on partirait d'aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi un homme voudrait se départir de son permis après l'avoir payé seulement $80. Cela lui reviendrait à $5,000, comparativement à $10,000 qu'il payerait actuellement s'il payait le prix du marché.

M. AUDET: Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir un marché noir? On fait un reçu de $80 et on en reçoit quelques mille.

M. BOUTIN: Actuellement, le permis vaut $80 et on le paye $5,500. Cela revient au même. Où passe le reste? Sous la couverture, sous la table!

M. AUDET: Cela veut dire que cela continuerait.

M. BOUTIN: Si, réellement, il était vendu à $80 par le gouvernement, de la manière que vous me posez votre question, c'est le gouvernement qui ferait passer de l'argent sous la table. C'est ce que vous voulez me dire.

M. AUDET: Pas nécessairement.

M. BOUTIN: On suppose que M. Bossé les revend; on pourrait nommer n'importe qui. On peut nommer M. Houde aussi. Si c'est lui qui a le travail de les vendre et qu'il doit les vendre, s'il veut réellement aider le taxi, il les revendra à $80.

M. AUDET: Si le chauffeur de taxi qui l'achète à $80 pense qu'un autre va lui donner $500 ou $1,000, il fait un reçu de $80 et le reste il le met dans sa poche.

M. BOUTIN: Actuellement, monsieur, quand vous transférez un permis à la ville de Montréal, il est de $80. Les autres $4,500, où sont-ils passés?

M. BOSSE: M. le Président, pour éclairer certains de nos collègues, ce ne sera pas très long. Selon la modalité d'émission de permis, telle que prévue ici, il serait quasi impossible de passer quelque chose sous la table parce qu'il y a un mécanisme d'établi pour l'émission par la commission et nous l'avons vu. Certains ont critiqué le fait qu'on émette les trois premiers permis à des chauffeurs, mais selon une liste établie et où il peut vérifier auprès de la commission. Il sait quand son tour vient, c'est par ordre d'inscription.

M. BOUTIN: M. Bossé, pour faire suite à votre idée, je crois que le syndicat en place devrait avoir cette liste d'attente afin de voir à ce que personne ne soit lésé dans son tour d'acheter un permis. On pourrait vérifier à deux. On dit toujours que deux têtes valent mieux qu'une.

Mais où je veux en venir, c'est que le permis soit revendu à $80; cela donnerait une chance à des petits chauffeurs qui ne peuvent pas s'embarquer pour $10,000 ou $12,000, j'en suis un. Je n'ai jamais voulu m'embarquer pour $12,000 mais je m'embarquerais peut-être pour $3,000 ou $4,000. Il y en aurait plusieurs...

M. GAGNON: Celui qui aurait déjà payé son

permis $3,000 ou $4,000 et qui, au bout de cinq ou dix ans, le vend $80, croyez-vous qu'il ne serait pas lésé à ce moment-là? Je ne dis pas plus tard, quand tout le monde...

M. BOUTIN: Je n'ai pas compris le commencement.

M. GAGNON: J'ai dit que celui qui aura payé son permis $4,000 et qui, 15 ou 20 ans après, se libère de son permis parce que c'est le temps de prendre sa retraite et le vend $80, vous lui faites perdre un grosse somme.

M. BOUTIN: Mais non, monsieur. J'ai dit que celui qui veut se départir de son permis le retourne au gouvernement qui lui paye la valeur marchande. Mais le gouvernement le revend à des petits propriétaires pour $80. Celui qui a payé $5,000 reçoit $5,000, celui qui a payé $6,000 reçoit $6,000, et le gouvernement le revend $80. Mais celui qui l'a payé $80 et qui veut s'en départir, il ne dira pas au gouvernement: Donnez-moi $6,000. Il le remettra au gouvernement pour la même somme de $80.

M. GAGNON: Très bien.

M. BOUTIN : Cela éliminerait un peu les spéculations sur les permis.

M. AUDET : Vous voulez dire que les permis ne seraient revendables qu'au gouvernement.

M. BOUTIN : Seulement au gouvernement, comme on veut le faire actuellement d'ailleurs.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. Boutin, dans le local 48, vous avez combien de membres?

M. BOUTIN: Nous avions 426 membres.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Tous des chauffeurs.

M. BOUTIN: Nous avions 426 membres. Maintenant, nous n'en avons plus du tout.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous n'en avez plus?

M. BOUTIN: Non. Nous les avons toujours sur carte mais depuis que notre accréditation a été refusée, ce ne sont plus des membres.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ah oui! M. BOUTIN: D'accord?

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Votre accréditation a été refusée parce que vous n'aviez pas la majorité ou...

M. BOUTIN: Non, nous avions...

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ils n'étaient pas considérés comme des salariés.

M. BOUTIN: Nous avions 83 p.c. des employés du garage où nous étions; la majorité était bonne. Simplement, nous avons été refusés parce que les hommes travaillaient à l'occasion et étaient considérés comme des propriétaires artisans.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Ils n'étaient pas considérés comme des salariés au sens du code du travail.

M. BOUTIN: C'est ça, M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Une loi spéciale, ça se fait, même s'ils continuent la location. Il y a toujours moyen de les syndiquer quand même si le gouvernement le veut. Ils ont syndiqué les cultivateurs et ce ne sont pas des salariés.

M. BOUTIN: II faudrait faire la location pour nous permettre d'être accréditables. A ce moment-là, nous ne sommes pas contre la location. Nous serions même en faveur si c'est le désir des chauffeurs.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): II faudrait légiférer...

M. BOUTIN: Nous le suggérons d'ailleurs. M. TREMBLAY (Sainte-Marie): D'accord.

M. BOUTIN: Je crois que M. Khazzam a quelque chose à dire.

M. KHAZZAN: Avec votre permission...

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): Vos membres sont en partie de Montréal?

M. BOUTIN : De Montréal, oui. Enormément de Dorval, ceux qui se tiennent à Dorval. C'est pour ça que j'en sais quelque chose de l'aéroport de Dorval.

M. KHAZZAM: Avec votre permission, M. le Président, quand les teamsters ont commencé la campagne d'organisation, ils ont déposé une première requête en accréditation. Une décision fut prise après assez longtemps et elle fut à l'effet que, étant donné que les chauffeurs louaient les voitures, ils ne pouvaient pas être considérés comme des salariés. Vous comprendrez que si le syndicat n'est pas capable d'obtenir des accréditations pour ses membres, c'est bien difficile pour le syndicat de percevoir une cotisation de ses membres, parce que les services que le syndicat peut rendre sont très limités.

La campagne d'organisation des teamsters a

été arrêtée bien qu'elle ait manifesté plusieurs signes de succès, 450 à 500 membres dans un court laps de temps, c'est assez bon.

Depuis ce temps-là, on a demandé au gouvernement, qui était en train de préparer des règlements: Lors de la préparation des règlements, lors des réunions devant la commission parlementaire, qui va parler pour le chauffeur de taxi? Il n'y a aucune organisation en place. C'est pour ça que vous n'avez pas, devant vous, un syndicat qui va représenter un grand nombre de chauffeurs; jusqu'à aujourd'hui, on ne peut pas accréditer le chauffeur de taxi là où le système de location existe.

On ne parle pas pour un grand nombre de chauffeurs, mais il y a beaucoup de chauffeurs qui veulent être représentés, que ce soit par le syndicat des teamsters ou par un autre syndicat. On a dit aujourd'hui que le chauffeur était indépendant, qu'il ne voulait pas appartenir à un syndicat. C'est tout à fait faux. On ne signe pas 450 cartes dans un court laps de temps si les personnes ne sont pas intéressées au syndicat. Il y a un autre problème dans l'industrie du taxi. Depuis une dizaine d'années, il est arrivé bien souvent que des personnes soient venues et aient perçu $2 de cotisation pour une association quelconque. Il n'y a jamais eu de suite, parce qu'on ne pouvait pas obtenir d'accréditation. Les chauffeurs en ont assez. Il faut que le syndicat commence à montrer des résultats.

C'est un peu difficile. On va nous présenter tout un nouveau règlement et on va être en face d'une situation complètement nouvelle où on aura besoin de la négociation. Mais on n'a pas la possibilité encore de négocier, parce que ce ne sera que le jour où le règlement entrera en vigueur qu'on sera capable de commencer à faire une campagne d'organisation et demander des accréditations.

Mais le premier jour, si la location est abolie, on va avoir besoin de commencer des négociations entre les chauffeurs et les propriétaires. Nous ne pensons pas qu'il faille absolument que la location soit abolie. Nous préférerions laisser le système de rémunération à la négociation libre entre le propriétaire et le chauffeur. Il se peut bien que, dans la plupart des cas, le syndicat choisisse un système autre que celui de la location. Il se peut qu'il y ait des conflits entre le propriétaire et le syndicat là-dessus.

Ce qui est absolument nécessaire, c'est permettre aux chauffeurs de taxi de se syndiquer, qu'il y ait un système de location ou non. Tout ce que cela prendrait, ce serait un petit amendement au code du travail. Effectivement, cela n'apporterait pas grand-chose de nouveau, parce que même au point de vue juridique, si le chauffeur, dans le système de location, n'est pas un employé, sa situation est exactement la même que celle du chauffeur qui travaille à commission, système qui a été reconnu "accré-ditable". C'est une question de savoir comment diviser les montants d'argent qui vont être perçus par les chauffeurs des clients. Que ce soit selon un système de $10 par jour pour le propriétaire et le reste pour le chauffeur ou que ce soit selon un système de pourcentage du montant total, cela revient exactement à la même idée. Le chauffeur est effectivement un employé.

Mais, malheureusement, à ce jour on ne lui a pas donné les droits qui appartiennent à tout employé. Nous allons être dans une position très difficile si ces règlements entrent en vigueur tous en même temps. Il va falloir des négociations immédiatement, mais cela va prendre du temps pour obtenir des accréditations. Il n'est pas nécessaire de dire que c'est bien difficile dans le cas où vous avez un propriétaire qui a deux ou trois taxis, peut-être quatre chauffeurs qui travaillent pour lui. Cela prend du temps et c'est difficile d'organiser une telle industrie.

M.TREMBLAY (Sainte-Marie): A quelle date a été demandée votre dernière accréditation?

M. KHAZZAN: La dernière accréditation a été demandée au début de l'année 1971. Je pense que nous avons procédé à l'enquête au mois de mars ou avril et la décision fut rendue vers le mois d'octobre 1971.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. le ministre, oui.

M. PINARD: Me Khazzam, la suggestion que vous faites et les représentations qui ont suivi seront portées à la connaissance du ministre du Travail avec qui j'ai l'intention de m'entretenir à ce sujet. Je ne peux pas aller plus loin.

Vous comprendrez qu'il faut en étudier toutes les implications, non seulement dans l'industrie du taxi, mais dans tous les autres domaines où pareil problème peut se poser, à savoir ce qui doit peut-être être considéré comme "accréditable" ou pas, compte tenu du statut des personnes qu'on veut représenter. Une autre suggestion qui m'apparaît fort intéressante et que nous allons retenir de façon fort sérieuse, c'est celle dont M. Boutin a parlé dans son mémoire relativement au retrait des permis. Il suggère de retirer une journée par semaine un certain nombre de voitures pour permettre qu'elles soient réparées s'il y a nécessité de le faire, de façon que ces réparations ne soient pas imputées au chauffeur de taxi.

M. BOUTIN: C'est ce qui se pratique actuellement, M. le ministre.

M. PINARD: Elles seraient plutôt payables par le propriétaire de la voiture.

M. BOUTIN: Je m'excuse, mais je suis chauffeur pour un certain monsieur et j'ai dû passer trois ou quatre heures au garage, à mes frais. Alors, si quatre heures au garage lui rapportent $4 ou $5, à ce moment-là je lui aide à payer sa réparation. Je ne vois pas pourquoi je paierais sa

réparation. Si mon auto est immobilisée une journée par semaine, il saura que l'auto de Boutin rentre le mardi. Alors le mardi il s'arrangera pour faire les réparations qui s'imposent à mon véhicule et le lendemain je pourrai prendre mon véhicule en ordre.

M. PINARD: Pour faire fonctionner le système proposé, M. Boutin, ne pensez-vous pas qu'il faudrait implanter un système de contrôle qui pourrait prendre la forme d'un système de rotation d'abord, de façon que ce ne soit pas toujours les mêmes qui soient pénalisés par cette journée d'immobilisation de leur voiture? Il faudrait mieux redistribuer la perte économique qui peut s'ensuivre.

M. BOUTIN: Vous voulez dire la perte économique d'une journée?

M. PINARD : Oui. La perte en revenus.

M. BOUTIN: On dit que le taxi est un commerce. D'accord. Le type qui a un magasin de chapeaux, naturellement, le dimanche, c'est fermé. Le lundi il arrive à son magasin — je suis allé conduire un client récemment — son magasin a été inondé par le système de gicleurs. Le lendemain, il se dit: Dimanche prochain, je vais rester ouvert parce que j'ai perdu la journée de lundi. Cela fait partie du métier, je crois, M. le ministre. C'est prouvé — et tous les propriétaires ici, je crois, seront d'accord avec moi — qu'en somme nous perdons une journée par semaine. Je crois qu'à ce moment-là les autos vont être mises en retenue, sinon elles deviendront des cercueils ambulants.

M. PINARD: Est-ce que d'après vous ce serait un élément de solution au problème du rachat des permis? A mon point de vue, avec votre système en fonctionnement, il n'y aurait plus nécessité de retirer, de façon coercitive, des permis. Parce que votre système prévoirait qu'il y aurait une diminution...

M. BOUTIN: II a déjà été question ici du retrait obligatoire. C'est là où nous nous opposons au retrait obligatoire. Il y a le retrait volontaire. Nous avons parlé de revendre les permis et de les payer au prix du marché, seulement les retraits volontaires. Un homme arrive à 65 ou 70 ans, un vieux garçon, il n'a pas de parenté, il ne veut plus faire de taxi; il est assez riche ou il a gagné la Super-Loto. Le gars veut le remettre. C'est de ces permis que nous parlons. Comme j'ai dit tout à l'heure, c'est un droit acquis. Le gars s'est ramassé 63 permis, s'il les a ramassés, c'est qu'il a assez travaillé. Je suis d'accord qu'on lui laisse ses 63 permis.

M. PINARD: Oui, mais, s'il décide volontairement de les céder, à qui va-t-il les céder de préférence? A l'association dont il ferait partie ou au gouvernement?

M. BOUTIN: Au gouvernement.

M. PINARD: Pourquoi ne les céderait-il pas à l'association dont nous proposons la formation qui, elle, aurait le droit d'être le premier preneur? En cas de refus de cette association, la Commission des transports déterminera à qui ils doivent aller.

M. BOUTIN : M. le ministre, qu'on les cède à qui on voudra.

M. PINARD: En vertu d'une liste qui sera dressée.

M. BOUTIN: En vertu d'une liste, d'accord, mais qu'ils soient laissés à qui on voudra, à l'association ou au gouvernement, pour autant qu'ils soient revendus à $80 à un petit artisan, un gars qui veut réellement faire du taxi une profession.

Qu'il soit cédé à n'importe qui, à l'association ou à qui que ce soit ou au gouvernement, mais qu'il soit revendu à $80 afin de donner la chance à Noël Boutin, à Jos. Bleau, à Jos. Plamondon d'acheter une voiture sans avoir à investir de $10,000 à $12,000. Parce qu'à ce moment4à le gars ne pourra pas répondre aux exigences du syndicat qui dira: II faut que tu payes tes hommes tant. Le gars n'a quasiment rien investi. Il pourra alors donner des conditions décentes à ses employés, s'il en a.

M. PINARD: Mais, initialement, au moment de la revente du permis ou du retrait volontaire du permis en faveur de l'association dont on a parlé tantôt, à quelles conditions se fera ce rachat par l'association?

M. BOUTIN: Je ne comprends pas votre question, M. Pinard.

M. PINARD: Si quelqu'un veut absolument que le permis soit racheté par l'association ou par le gouvernement, à la valeur marchande du permis, à la valeur indexée, disons, au 8 juillet 1972, comme on l'a mentionné la semaine dernière, il faudra quand même que quelqu'un le paie. Qui le paiera? L'association, dont on propose la formation, à l'aide d'une cotisation qui sera établie parmi ses membres ou bien à l'aide d'une autre formule? Y a-t-il quelqu'un capable de formuler une proposition à cet égard?

M. BOUTIN: Nous proposerions que ce soit le gouvernement qui l'achète. Puisqu'il est prêt à investir pour faire du taxi un bon commerce, pour le rendre rentable, que le gouvernement rachète ce permis pour le revendre à Jos. Bleau qui, lui, pourra aller dans l'association qui sera formée, et qu'on le lui revende à $80.

Je proposerais que le gouvernement accorde une aide financière pour les permis, en ce qui a trait aux retraits volontaires.

M. PINARD: D'après vous, un permis, au moment où nous nous parlons, a quelle valeur marchande à Montréal?

M. BOUTIN: C'est $5,500 à ce qu'on m'a dit.

M. PINARD: Si je vous disais, après avoir pris des informations auprès du président du comité exécutif de la ville de Montréal, qu'il estime la valeur marchande, à Montréal, entre $4,200 et $4,500, est-ce que cela vous paraîtrait réaliste?

M. BOUTIN: Je ne crois pas être en mesure de donner des chiffres parce que, premièrement, je n'ai pas de permis moi-même. Je crois que c'est aux propriétaires de fixer le prix du permis, c'est-à-dire à ceux qui ont payé $5,500, $6,000, $4,000 ou $3,000, je ne sais pas. Ce serait à vous de le déterminer. Si le type arrive avec $7,000, vous lui direz: Ecoute, mon vieux, on sait que tu as payé ton permis $4,500. Tu n'es pas pour le vendre $7,000. Il faudra que le gouvernement établisse une certaine valeur marchande, mais raisonnable. Il ne faut pas, si le gars l'a réellement payé $4,500, qu'on lui donne $3,000. Je crois que c'est une question de bon sens, M. le ministre, de payer un prix raisonnable, un prix qui sera sur le marché, à la valeur marchande.

M. PINARD: A la valeur marchande, oui, indexée, mais dans le territoire de telle ou telle municipalité.

M. BOUTIN: De telle ou telle municipalité, d'accord.

M. PINARD: En tenant pour acquis que la valeur marchande ne sera pas égale partout.

M. BOUTIN: Certainement. Si un gars de Sherbrooke a payé $1,000, vous n'êtes pas pour lui donner le prix de Montréal, assurément. Là, je parle surtout pour l'agglomération de Montréal, à laquelle je suis habitué et où j'ai toujours travaillé, de Montréal même. Maintenant, si une petite municipalité, comme je vous le dis, a payé $500 par permis, vous n'êtes pas pour lui donner le prix de Montréal, assurément.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A Sherbrooke, celui qui est venu ici...

M. PINARD: M. Charpentier.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... M. Charpentier, nous a dit que la valeur marchande était d'environ $13,000. Il nous a dit: Cela se prouve. A Sherbrooke, c'est $13,000. Cela voudrait donc dire que, si quelqu'un veut se départir de son permis, le gouvernement le paierait $13,000 et le revendrait $80.

M. BOUTIN: Disons une chose, M. Tremblay. Est-ce que le gouvernement veut aider â rentabiliser le taxi, à revaloriser le taxi? On aide ou on n'aide pas.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je vous donne l'exemple. Je suis d'accord sur votre suggestion, à savoir que ce soit le gouvernement qui assume le prix de cela. Si le gouvernement l'achète, qu'il le revende au prix de $80. Je suis d'accord. Je ne m'oppose pas à ce que vous dites, mais je vous donne l'exemple de Sherbrooke, $13,000, parce que vous disiez $1,000, tantôt.

M. BOUTIN: Remarquez bien que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je parle en connaissance de cause pour mon petit patelin, Montréal.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Un patelin, Montréal! Il y a un curé résident, maintenant à Montréal, dans le petit village.

M. PINARD: Quelle est la valeur marchande de votre permis, M. Boutin?

M.BOUTIN: Je l'ignore complètement, M. Pinard.

M. PINARD: D'après vous, il peut y avoir combien de permis qui seraient cédés volontairement et qui peuvent être rachetables par le gouvernement ou par un autre organisme d'après la démonstration du système que vous préconisez?

M. BOUTIN: Je n'ai aucune idée de qui veut se départir de ses permis, mais je dis — comme j'ai dit dans mon mémoire — que si retrait volontaire il y a... Est-ce que je sais, moi, que demain matin Jos. Plamondon ne voudra plus faire de taxi? Peut-être qu'il ne voudra plus en faire dans un mois d'ici. J'ignore qui. Mais je dis que si retrait volontaire il y a, que le gouvernement achète le permis et le revende à $80.

C'est une question d'aider le petit chauffeur. Ce n'est pas une question de dire que nous voulons absolument que le gouvernement perde $5,000 par permis. Nous voulons aider le chauffeur, revaloriser l'industrie du taxi, la rendre rentable. Je voudrais qu'au petit chauffeur, celui qui a toujours rêvé d'avoir un permis, une voiture à lui, on lui donne la chance d'en avoir un sans investir de $10,000 à $12,000.

M. PINARD: Pensez-vous que de grands propriétaires de permis, dont on a parlé la semaine dernière, seraient prêts à se départir volontairement de leurs permis moyennant rachat par le gouvernement ou par un autre organisme?

M. BOUTIN: J'ai eu l'occasion de parler avec certains gros propriétaires et on m'a dit: Cela ne

me fait rien que dépassé vingt ils me les ôteraient. Ils ne m'ont pas donné de raison à ça, mais ils m'ont dit que ça ne leur faisait rien. Et lorsque je veux faire préciser la question, on me dit: Excuse-moi, mes chauffeurs arrivent, il faut que j'aille me faire payer. Ce sont les réponses des propriétaires, qui s'évadent tout le temps de nos questions.

En restant dans le même contexte de l'évasion, je ne sais pas si je vous en avais déjà fait la mention, M. Bossé, j'avais envoyé une fois 63 lettres, y compris au Taxi Owners' Association, dont M. Buchner et M. Geoffrion sont venus ici faire un exposé. Savez-vous, M. Pinard, combien j'ai reçu de réponses sur 63 lettres demandant de nous rencontrer? Je vous le donne en mille. Aucune.

Et lorsque je suis allé voir M. Buchner, il m'a dit: Ce n'est pas moi qui suis le président. Nous n'avons jamais pu savoir qui était président. Là, je l'ai su aujourd'hui. Nous n'avons jamais pu avoir de chiffres de leur organisation. Je les ai sus aujourd'hui. Et soyez assuré qu'ils sont pris en note.

Et à mon patron, qui fait lui-même partie de Taxi Owners' Association, de même que M. Buchner, lorsque je lui ai posé la question, il m'a dit: Nous ne savons pas qui est président, il n'y a personne qui le sait. Et nous le savons aujourd'hui.

C'est pour dire qu'on essaie toujours de s'évader. Surtout quand on parle de syndicat, on se met à courir, et je vous dis que ça dételle. On a toujours quelque chose à faire. Est-ce qu'ils voudront s'évader? J'irai peut-être voir le même propriétaire dont je vous parle, et je lui poserai encore la question, il me donnera la même réponse. C'est à vous autres d'aller les voir, pour savoir s'ils veulent encore qu'on leur enlève leurs permis. Volontairement, non pas obligatoirement. Car obligatoirement, je crois que c'est léser quelqu'un d'un droit acquis. Mais s'ils veulent s'en départir volontairement, je suis d'accord pour que de petits chauffeurs en bénéficient avec un petit investissement. Et là, l'homme pourra travailler en toute sécurité.

Parce que si on considère qu'un homme investit $10,000 ou $12,000, s'il a le malheur d'avoir un petit accident, sans se trouver devant une destruction complète de son automobile, mais il est dans le tort — cela arrive, le chauffeur est fatigué cela fait douze heures qu'il travaille, il a des problèmes matrimoniaux et il a un petit accident — il ne peut pas se permettre deux ou trois accidents avec $300 de déductibles.

Qu'est-ce qui arrive? Le gars ne peut plus arriver. Au bout de trois ans, il n'a pas fini de payer encore et il est obligé de changer de voiture. Sa dette monte tout le temps. Et c'est de là qu'est venue la spéculation. Que des chauffeurs me corrigent si j'ai tort, on a vu des voitures qui ont déjà été vendues jusqu'à quatre fois. D'ailleurs, cela a déjà été dit devant cette commission.

Le permis a rapporté jusqu'à $10,000, $12,000, $15,000 et $20,000. Le permis n'est même plus au nom du propriétairre. Au moment où le type aura un investissement de $5,000 ou de $4,000, il pourra en venir à bout. Au bout d'un an, sa dette sera payée, il aura une auto qui peut faire encore une couple d'années et qui sera payée. Lorsqu'il changera d'auto, il n'aura pas besoin de passer par une compagnie de finance, il pourra la payer comptant.

M. PINARD: Je ne sais pas si vous avez assisté au témoignage des représentants de la compagnie Diamond la semaine dernière.

M. BOUTIN: Non. Malheureusement, je n'ai pas écouté la compagnie Diamond.

M. PINARD: Lorsque j'ai posé la question à savoir qui était propriétaire des permis dans l'association de services Diamond, on m'a répondu: Les neuf administrateurs de la compagnie. J'ai posé la question: Combien, à vous neuf, détenez-vous de permis? On m'a répondu: Tel nombre. Chacun des neuf administrateurs détenait un assez grand nombre de permis. Je leur ai posé la question: Vivez-vous de l'industrie du taxi de façon exclusive ou si c'est une source additionnelle de revenus, parce que votre revenu principal, vous l'obtenez ailleurs? Ils ont répondu que c'était une source additionnelle de revenus mais que ce n'était pas le revenu principal.

S'il doit y avoir rachat de permis, est-ce que le gouvernement ou l'organisme qui en fait le rachat devrait, sur une base volontaire ou sur une base coercitive, racheter d'abord des permis de ceux dont ce n'est pas le principal gagne-pain?

M. BOUTIN: Je suis d'accord.

M. PINARD: Est-ce que vous comprenez la question que je pose, le problème que j'essaie de résoudre?

M. BOUTIN: Oui.

M. PINARD: Surtout quand la preuve a été faite que, s'il y a eu un système d'exploitation, c'est peut-être de ce côté qu'il a eu lieu.

M. BOUTIN: Je crois, M. Pinard, excusez-moi si je vous interromps, qu'il faudra tenir pour acquis que certaines personnes qui travaillent au bord de l'eau ont une auto. Ce serait assez délicat, parce que le type a acheté cette auto en prévision du bord de l'eau, s'il manque d'ouvrage ou s'il y a des grèves. Il veut pouvoir à ses besoins subvenir sans être obligé d'aller au bien-être social. Ce serait assez délicat. Si on enlève aux propriétaires leur principale source de revenus, on dira: Commencez par fouiller chez les gars du bord de l'eau. Je crois que ce

serait assez délicat d'enlever un certain gagne-pain. Ces hommes qui ont des flottes ont déjà amassé une fortune. Ils peuvent se permettre de perdre ces permis et de vivre complètement. Tandis que le gars du bord de l'eau, si vous le lui enlevez, parce qu'il a une auto qu'il a mis 7 ou 8 ans à payer, ça devient assez délicat. On lui enlève un gagne-pain s'il perd sa position au bord de l'eau. Je ne peux pas vous faire de suggestions là-dessus, M. Pinard. C'est à vous d'en décider. Je ne vois pas où je pourrais intervenir. Ce serait faire mal au petit artisan qui a une auto qui lui permet de faire vivre sa famille comme du monde. On dit qu'il y en a qui ont de belles situations, qui ont une auto; par contre si on considère, au bord de l'eau, qu'ils ont à peu près $5,000 ou $6,000 de moins de revenus surtout cette année, je crois que celui qui avait un taxi avait besoin de son taxi pour en faire le soir. A ce moment, ça deviendrait obligatoire d'enlever le permis à cet homme. Il ne serait pas d'accord pour qu'on le lui enlève. Je ne sais pas si c'est une attrape, je ne crois pas, vous n'avez pas la figure d'un homme qui veut attraper quelqu'un, M. Pinard.

M. PINARD: M. Boutin, soyez bien certains que ma question n'était pas une attrape, mais je voulais tout simplement savoir ce que vous pensez de ce problème qui m'apparaît délicat.

M. BOUTIN: C'est délicat. C'est pour ça qu'il faudrait...

M. PINARD: Si le gouvernement achète des permis de ceux qui sont appelés les millionnaires du taxi dans la région de Montréal, il va être accusé d'encourager les gros et d'exproprier avantageusement ceux qu'on accuse communément d'être coupables de l'exploitation éhontée des petits chauffeurs de taxi dans la ville de Montréal.

Si, par malheur, le gouvernement va plus loin et décide de racheter aussi, sur une base coercitive ou une base volontaire, le permis d'un petit propriétaire de taxis, il peut être aussi accusé de vouloir enlever le gagne-pain...

M. BOUTIN: Disons que ça va être, pour les gros propriétaires,...

M. PINARD: ... d'un citoyen moyen ou d'un citoyen ordinaire.

M. BOUTIN: Pour les gros propriétaires de flottes, ça va être une petite tape dans la figure, tandis que le petit va recevoir un coup de fouet. Je pense qu'il faudrait être délicat là-dessus. C'est assez délicat. J'aime autant que ce soit vous, le ministre, que moi. J'aime mieux être dans mes souliers que dans les vôtres.

M. PINARD: Je vous remercie d'avoir répondu très franchement à mes questions.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Verdun.

M. CARON: M. Boutin, travaillez-vous à pourcentage ou louez-vous votre auto-taxi?

M. BOUTIN: Je ne peux pas faire autrement que de louer.

M. CARON: Vous louez personnellement.

M. BOUTIN: Surtout moi. Etant donné qu'on sait que je m'occupe de syndicat, on ne veut absolument pas me considérer comme un employé.

M. CARON: Dans la question de location, je me pose une question. Beaucoup sont venus ici la semaine passée pour nous dire que s'ils payaient $12, s'ils perdaient quatre heures le patron remboursait $4. Je ne sais pas si votre patron le fait, mais cela a été dit.

M. BOUTIN: Combien de chauffeurs sont venus ici pour dire ça?

M. CARON: Quatre ou cinq. Quelques-uns sont venus, je ne pourrais pas vous dire.

M. BOUTIN: Le pourcentage est petit si on considère qu'il y a 8,000 taxis dans Montréal; il faudrait en faire venir plus que ça.

Je sais bien que mon patron ne m'ôte rien.

M. CARON: Chez vous cela ne se pratique pas.

M. BOUTIN: II ne m'ôte rien excepté si j'insiste et si je menace de m'en aller. Cela fait deux ans que je suis avec lui, je n'ai jamais eu d'accident, je n'ai jamais eu d'égratignure, donc il tient à garder un tel chauffeur. Je le paye bien. Soyez assurés qu'ils ne sont pas tous comme ça, qu'ils enlèvent quelque chose si vous perdez une heure ou deux. Vous avez énormément de propriétaires qui, pour ne rien enlever, achètent de la broche. C'est ce qu'on appelle des autos arrangées avec de la broche à foin. Ils se dépêchent de les arranger. A ce moment-là, on va perdre une demi-heure, trois quarts d'heure puis ça ne paraît même pas. On va dire au propriétaire: J'ai perdu une demi-heure, et il va dire: tu l'aurais perdue au restaurant quand même. Ce sont toutes sortes de raisons qu'on donne pour ne rien enlever mais lui, il a son plein montant à la fin de la journée.

M. CARON: Combien votre patron a-t-il d'autos?

M. BOUTIN: Huit, je crois.

M. CARON: En quel état sont-elles?

M. BOUTIN: Très bon état.

M. CARON: Très bon état.

M. BOUTIN: Moi, j'ai un patron extraordinaire. C'est pour ça qu'on ne dit rien si on perd une heure ou deux, parce qu'il compense par d'autres choses. Il nous donne une semaine de vacances. Aux Fêtes, cette année, j'ai eu une dinde, j'ai eu un cadeau pour ma femme. C'est un chic type.

M. CARON: II y a encore du bon monde.

M. BOUTIN: Ils ne sont pas tous pareils. Il y en a encore des bons. Il y en a encore qui ont du coeur.

M. CARON: Mais vous ne trouvez pas que le système de location donne aussi une chance? Vous, probablement, ou bien d'autres ne pourraient pas avoir leur propre auto. Cela coûte très cher ou ceux qui ont acheté ont payé $2,000 ou $3,000 pendant un an ou deux; à la suite d'un accident ils peuvent perdre la voiture. Je me demande si la question de location n'est pas encore une bonne chose pour empêcher le chauffeur de se faire exploiter.

M. BOUTIN: Nous n'avons absolument rien contre la location, nous l'avons dit tout à l'heure, pour autant qu'on légifère, qu'elle soit "accréditable". Il y a des abus dans la location, sûrement. Il m'a été rapporté —je peux nommer le garage, ça ne me fait absoluement rien de le nommer, Gold Circle — que la veille de Noël il a mis ses voitures au mur, puis c'était $25 par quart. Messieurs, à ce moment-là c'est exploiter les chauffeurs d'une façon écoeurante. Quand j'ai rencontré le patron, il m'a déjà dit: Mr. Boutin, the next time leave me alone, will you? Cela fait trois fois que je pars après lui et il va y avoir une quatrième et une cinquième fois parce que c'en est un qui exploite les chauffeurs. C'est de l'exploitation. Si un chauffeur doit se rapporter à cinq heures, à cinq heures et une minute, s'il n'est pas arrivé, son auto s'en va avec un pompier ou un policier ou un facteur ou qui que ce soit. Le chauffeur est en retard, on lui dit: Tu ne m'as pas appelé. La voiture est louée à $13, $14 et $15. Plus souvent qu'autrement ce chauffeur-là, ce n'est pas pour travailler, parce que le gars a un salaire de $10,000 ou $12,000 par année où il travaille. C'est simplement pour aller voir peut-être sa petite "pou-poune" et ça lui coûte meilleur marché. Puis, de cinq heures à huit heures, il va avoir le temps de faire sa location. Le reste de la veillée, il ne travaille pas, il ne met pas la voiture au service du public. C'est ce que nous voulons arrêter. Nous voulons revaloriser l'industrie du taxi. Nous voulons que le taxi soit un métier honnête, un métier dont un homme soit fier. Il y a énormément de chauffeurs qui ne s'en accomoderont pas, qui ne pourront pas se réhabiliter et dire que le taxi c'est pour eux. Tout ce qu'ils auront à faire ce sera de débarquer ces hommes. Le petit gars qui travaille aujourd'hui dans une manufacture de chaussures, qui gagne $1.25 ou $1.30 l'heure et qui aura réellement à coeur de faire vivre une famille, il s'en viendra sur le taxi et sera un très bon chauffeur. Je crois que c'est la seule façon, de revaloriser l'industrie du taxi, messieurs. Remarquez bien, des "remplaçants", on va en avoir besoin, mais il y en a des bons.

Le remplaçant est une plaie dans l'industrie du taxi et je vous dis pourquoi. Le type, du vendredi au dimanche, ne s'occupera pas de faire réparer la voiture. Tant et aussi longtemps que les quatre roues vont rouler, il va rouler dessus. Qui perd le temps? C'est l'homme régulier, qui, le lundi matin, en entrant, voit que le taximètre est descellé et il est obligé de perdre une heure et demie ou deux heures chez les policiers, donner un petit pourboire, ce n'est pas les soudoyer en somme. Il perd deux ou trois heures pour faire réparer la transmission mais... M. Bossé, vous riez parce que vous avez des affidavits à cet effet. Celui qui gagne $10,000, durant les douze mois de l'année, ne perdra pas de temps. Il y donne, ce qu'on appelle, à la planche et c'est le chauffeur régulier, messieurs, qui perdra son temps.

Il faudra donc voir à faire une sélection des "spares", comme on les appelle communément.

M. CARON: Pour faire sceller un taximètre, il n'y a qu'un seul endroit dans la ville de Montréal?

M. BOUTIN: Oui. C'est un genre de monopole à Montréal pour faire sceller le taximètre. Il y a seulement un endroit où on peut aller, au marché Maisonneuve.

M. CARON: Donne-t-on un service de 24 heures?

M. BOUTIN: Je ne le crois pas. Je crois que le service est de 8 heures. Le samedi, c'est jusqu'à midi, une heure ou deux heures, dans l'après-midi. Je ne le sais pas. Je n'y suis jamais allé le samedi. C'est-à-dire que j'y suis allé un samedi et il y a seulement un employé ce jour-là. J'y suis allé samedi, il y a quinze jours. Mon taximètre était dépassé de six mois et j'y suis allé. IL y a seulement un homme. Il y a une file et le gars attend. Et comme mon tour arrivait, le type devait prendre son déjeuner et il a dit: Ils vont attendre, il faut que j'aille manger. Il a pris une heure et demie pour manger et les pauvres gars attendaient là. Plutôt d'avoir des hommes, au moins deux, le second aurait pris la relève, pendant que le premier aurait pris son lunch. Ces pauvres chauffeurs de taxi, encore une fois, devaient attendre.

M.PAUL: M. Boutin, c'était le droit de l'employé d'aller dîner en vertu de sa convention syndicale.

M.BOUTIN: M. le député, je ne suis pas contre l'employé qui va dfner, mais s'il y va de midi à une heure et demie, il aurait pu y avoir quelqu'un qui aurait été mangé de onze heures à midi pour prendre la relève. Au moins, ne pas laisser le chauffeur, comme on dit communément, niaiser là pendant une heure et demie. Le chauffeur, lui, c'est le facteur temps, dans le taxi, qui est bon. Nous ne sommes pas payés à l'année, nous sommes payés pour ce que nous faisons et, si pendant une heure et demie on est immobilisé, on ne fait pas d'argent pendant ce temps-là. On pourrait, je crois, faire la relève le samedi. Dans la semaine, il y a assez de "pocket number" ici... Mais c'est le samedi.

M. BOSSE: D'ailleurs, M. Boutin, les pompiers, les policiers, les infirmières vont déjeuner aussi.

M. BOUTIN: Je le crois et les malades ne sont certainement pas laissés seuls. D'ailleurs, j'ai été deux ans pompier à la ville de Montréal. On dfnait, mais s'il arrivait un feu à l'heure du midi, on était obligé de laisser le steak là et y aller. Cela pressait. Si on me demande — on me demandera peut-être pourquoi je ne suis plus pompier — c'est parce que j'étais trop travaillant. On m'a pris trois fois à travailler en dehors et on m'a mis dehors. Aujourd'hui, on leur permet cela. M. Paré, dans ce temps-là, était un général. Cela explique un peu...

M. PINARD: En aparté.

M. BOUTIN: ... en aparté, c'est cela, M. le ministre. Merci.

M. CARON: En terminant, une petite question. Dans votre mémoire, il est écrit qu'on pourra annuler temporairement ce système si une situation d'urgence se présentait durant les mois d'été comme durant les Olympiques 76. C'est donc dire que vous êtes bien d'accord pour les jeux de 76?

M. BOUTIN : Oui. J'ai compris surtout dans le règlement no 6 qu'on voulait donner des permis spéciaux. Nous n'étions pas d'accord parce que je crois — et M. Bossé sera d'accord avec moi — qu'on a suffi à la tâche pendant l'Expo 67 et on n'a pas eu besoin d'émettre de permis spéciaux. Au moment où on enlèvera mille taxis de la circulation, on pourra les remettre pendant les Olympiques et tout le monde sera servi à souhait. Je le crois bien.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: M. Boutin, celui qui accepte volontairement de revendre son taxi, n'est-il pas nécessairement obligé de revendre au gouvernement ou à l'association? Il peut revendre aussi à d'autres endroits.

M. BOUTIN: Non, je crois qu'il serait revendu au gouvernement.

M. AUDET : II ne serait pas libre de le vendre à n'importe qui.

M. BOUTIN: Non. Il faudrait qu'il le revende au gouvernement, pour être certain de ne rien passer sous la couverture, parce que je présume que les gars du gouvernement sont honnêtes et qu'ils vont voir à le revendre à $80. Je le croirais. J'en suis assuré d'ailleurs.

M. AUDET: De toute façon, l'association va payer le prix du marché. Prix pour prix, il pourra revendre à une autre association de taxis. Il devrait être libre de vendre à qui il voudrait.

M. BOUTIN: Mais pourquoi pénaliser une association pour $4,000 quand le gouvernement veut actuellement investir dans le taxi?

M. AUDET: Ce n'est pas nécessairement l'association qui l'achèterait qui serait en tête de la liste des acheteurs du gouvernement. S'il y a une liste dressée pour les acheteurs éventuels, le gars qui, volontairement, déciderait de vendre son taxi pourrait peut-être le vendre à qui il voudrait.

M. BOUTIN: A qui il voudrait mais le type qui a payé $4,000 ou $5,000 pour son permis, il voudra ravoir $5,000. Et celui qui voudra acheter en tête de la liste voudra le payer seulement $80...

M. AUDET: Justement, mais...

M. BOUTIN: Alors, il faut que les $5,000 soient payés par quelqu'un.

M. AUDET: II y aurait peut-être des acheteurs éventuels qui voudraient payer le prix du marché au lieu de le laisser...

M. BOUTIN: Justement, M. le député, on ne veut pas que le prix du marché revienne parce qu'au moment où un homme investit de $10,000 à $12,000, il ne peut pas donner des conditions humaines de travail à ses hommes. Plus les dépenses d'administration sont fortes, moins vous pouvez payer de salaire. Au moment où un homme n'investira que $3,000 à $4,000, il pourra donner des conditions de travail humaines à ses employés. Je le crois. Ce serait au gouvernement d'investir.

Le gouvernement veut investir, veut réhabiliter le taxi, veut aider le chauffeur. Je crois que c'est un moyen tout à fait valable de le faire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Boutin, M. Khazzan, nous vous remercions.

M. BOUTIN: Merci à cette commission de nous avoir entendus.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai les noms des trois chauffeurs, parmi les 250. Autrement dit, ce ne sont pas les trois derniers, nous en avons passé. J'ai ici les noms de M. Richard Gauthier, qui veut parler à la commission à titre personnel et c'est lui-même qui se présente. M. Gauthier est-il ici? M. Gauthier, M. Vincent, à titre personnel, est-il ici? M. Vincent. Et M. Larocque, à titre personnel. Si vous voulez, tous les trois, vous avancer. Je suppose qu'on commence par ordre alphabétique. Le premier nommé, M. Gauthier.

M. Richard Gauthier

M. GAUTHIER (Richard): Je me suis présenté comme propriétaire de flotte et non à titre personnel.

LE PRESIDENT (M. Séguin): J'ai votre nom comme individu.

M. GAUTHIER (Richard): Les propriétaires de flotte, nous avions déjà payé M. Geoffrion, avocat, pour nous représenter.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Mais M. Geoffrion...

M. GAUTHIER (Richard): Je suis à me demander si...

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Geoffrion est passé cet après-midi. Est-ce qu'il vous représentait à ce moment-là?

M. GAUTHIER (Richard): II me représentait. Je n'étais pas certain s'il allait passer aujourd'hui. Je me demande si je peux ou dois déposer mon mémoire.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Oui, déposez-le.

M. GAUTHIER (Richard): II est d'ailleurs déposé.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Justement, nous en avons copie ici, M. Gauthier. Etant donné qu'il y a déjà eu présentation, très savante d'ailleurs, de la part de M. Geoffrion cet après-midi, et très intéressante...

M. GAUTHIER (Richard): Il y aurait peut-être des mises au point.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Peut-être y aurait-il quelques points saillants que vous voudriez porter à l'attention de la commission?

M. GAUTHIER (Richard): Je me nomme Richard Gauthier, propriétaire de taxis. Avec mes frères, nous possédons 30 voitures. Nous avons 60 chauffeurs à notre emploi. Parmi ces chauffeurs, j'en ai de 25 et 30 ans d'expérience.

Nous en avons à commission et nous en avons à location. Nous avons aussi un garage, le garage Gauthier et Fils Ltée. Nous vendons de l'essence à nos chauffeurs, à peu près au prix coûtant ou un peu plus. Nous vendons aussi de l'essence à tous les taxis, les artisans uniques, soit Hochelaga, Beaubien ou SOS. Tous sont bienvenus chez nous, nous sommes ouverts 24 heures par jour, 365 jours par année. Nous donnons du service à l'année.

Afin de faire perdre le moins de temps possible à nos chauffeurs, nous avons toutes les pièces de rechange. Nous sommes un commerce organisé et bien administré. Pour en faire un peu l'historique, ça a commencé le 26 septembre 1930, il y a 43 ans. Mon oncle, Arsène Pigeon, achetait son premier permis à Diamond Taxi.

Quarante-trois ans après, en janvier 1973, mon oncle possède encore 26 taxis chez Diamond, dont la moitié sont des véhicules 1973, modèle récent, avec radios neuves. Entre parenthèses, je peux vous dire que, si le gouvernement décidait de payer, à mon oncle Arsène Pigeon, $6,000 pour les permis, cela ferait un client pour vous.

En 1939, mon père achetait son premier taxi à $3,500, $700 pour la voiture. Cette voiture n'était pas en très bon état. De 1939 à janvier 1973, avec mes trois frères — nous étions quatre — nous avons résussi à amasser taxi par taxi, tous bien payés, sans spéculation, trente taxis. Sur ces trente taxis, on peut se vanter d'avoir 17 Plymouth 1973 et des véhicules 1972. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nos chauffeurs sont libres, soit à commission ou soit en location. Trente-quatre ans dans le taxi! Je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup parmi ceux qui sont passés avant qui aient une expérience comme cela. Je peux parler aussi à titre de mécanicien, de débosseleur et de comptable.

En même temps, j'aimerais ouvrir une petite parenthèse ici. Je voudrais m'opposer au cautionnement de $500 dont on a parlé cet après-midi et de $100 pour le chauffeur. Je présume que le gouvernement ne devrait pas douter de l'intégrité des propriétaires de taxis, surtout après 34 ans, en exigeant un cautionnement de $500. Sur trente voitures, cela nous coûterait $15,000. Je ne vois pas pourquoi vous exigeriez $100 de cautionnement pour le chauffeur. On lui passe des autos de $4,000 et sans assurance personnelle. Il peut aussi bien nous démolir une automobile et on ne lui demande pas de caution. Je ne vois pas pourquoi vous en exigeriez du chauffeur. Je n'en demande pas, moi, et il y a des chauffeurs qui me doivent de l'argent. Il y en a qui vous ont parlé aujourd'hui qui me doivent pas mal d'argent. Je ne leur ai jamais demandé un cent.

Ces véhicules-taxis sans reproche, dis-je servent bien le public et font évidemment des chauffeurs satisfaits. En 1967, mon père décède. Le permis était évalué à $4,500. Le gouvernement a évalué le permis à $4,000 et les

gouvernements fédéral et provincial nous ont imposé sur la succession des permis dont nous héritions. Vous pouvez voir l'article 559. Tout le monde connaît la valeur marchande; on n'en parlera pas plus longtemps.

Une chose qui est assez importante, c'est la rentabilité du taxi pour le propriétaire de flotte et, pour la rentabilité du taxi, la nécessité des flottes. Le doublage est, à mon avis, absolument nécessaire. Quand vous avez trente taxis, comme c'est mon cas, à $8,000 du taxi, c'est à peu près $250,000. Si vous ne les faites pas travailler jour et nuit, c'est un capital absolument mort, à mon avis du moins. Si je me trompe, vous me le direz. Un taxi doit travailler vingt heures par jour, en moyenne, sur deux quarts au moins et sept jours par semaine. Je considère que les flottes sont absolument nécessaires pour le public. Je m'explique.

D'abord, vous avez un public de nuit, un public de tempête, si vous voulez, et un public de saison estivale. Un public de nuit est desservi. Toute proportions gardées, les artisans uniques sont moins aptes à remplir certaines conditions. Un artisan unique ne peut pas travailler jour et nuit. Si on regarde les proportions, les flottes, elles, travaillent jour et nuit. Elles servent le public de nuit.

Un public de tempête. L'artisan unique qui n'a qu'un seul véhicule fait attention. S'il y a une tempête, il s'en va chez lui, tandis que la flotte continue à travailler. Pendant une tempête, mes véhicules n'arrêtent pas. Je change les moteurs et les transmissions, mais cela continue à marcher.

Il fait beau, l'été. Le type qui a son véhicule à lui s'en va prendre des vacances. Je ne le blâme pas. Mais nos taxis travaillent dans les flottes. Les artisans sont minutieux. Je proposerais en même temps, afin que le taxi soit rentable, l'enlèvement volontaire de 800 permis. C'est mon idée.

A la page 2, les associations de services. Nous avons toujours été chez Diamond Taxi, depuis plusieurs années, satisfaits des taux. Nous payons $39 par mois pour les taux.

Nous payons la prime d'assurance Bélair. Nous sommes dans la classe F, la classe flotte et payons en moyenne $936 pour $200,000. Il y a quelques années, Hochelaga Taxi, une nouvelle compagnie formée surtout d'artisans, a groupé ces artisans pour former la compagnie Hochela-ge Taxi. A un moment donné, on a eu besoin d'un service de flotte. Comme je le disais tout à l'heure, pour le public de nuit, on a eu besoin d'un service de flotte. On a demandé d'en prendre trois ou quatre et on est rendu à quatorze chez Hochelaga Taxi. Nous payons $35 par mois chez Hochelaga Taxi et nous sommes assurés à Wawanesa. Les prix varient entre $634 et $1,008. Si vous additionnez et divisez par deux, cela fait à peu près le prix équivalent de Bélair.

Si vous parlez de location, chez nous la location est libre, c'est loué ou à commission.

Le chauffeur préfère louer. D'un autre côté, cela fait un peu notre affaire, parce qu'il y a moins de comptabilité, moins de problèmes de ce côté-là. Pécuniairement parlant, à commission c'est plus payant pour moi que loué. C'est que nous sommes obligés de vérifier les taximètres, le millage que le chauffeur fait la nuit, le jour, cela dérange le chauffeur et cela fait de petites disputes si le gars n'arrive pas dans son millage. Avec la location, nous n'avons pas de problème, cela reste comme cela.

J'ai ici une petite remarque, je me demandais tout le temps...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Dorion.

M. BOSSE: M. Gauthier, pourriez-vous me dire si les voitures que vous avez chez Diamond et Hochelaga sont munies d'appareils de télécommunication? Toutes vos voitures?

M. GAUTHIER (Richard): Oui, toutes mes voitures. J'ai des appareils radios neufs chez Diamond.

M. BOSSE: Chez Diamond, est-ce qu'on pourrait savoir combien coûte un appareil, par exemple?

M. GAUTHIER (Richard): Un appareil de radio, je pense que c'est $810.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Continuez, M. Gauthier.

M. GAUTHIER (Richard): C'est la première fois de ma vie que je fais un mémoire. Je ne suis pas avocat, j'ai fait ce que j'ai pensé au cours des séances que j'ai écoutées ici. Mais à un moment donné, j'ai cru remarquer que M. Bossé a eu peur du mot, "sous-contractant". Je voudrais bien savoir ce qu'il a voulu dire par cela.

M. BOSSE: Je me référais à la décision qui avait été rendue lors de la demande d'accréditation dont M. Boutin, tout à l'heure, faisait mention. C'est-à-dire qu'au sens du code du travail, si vous êtes un sous-contractant, vous n'êtes pas un salarié. C'est-à-dire qu'il est impossible pour les gars de se syndiquer. Je ne me prononce pas sur le fond, savoir s'il y a nécessité ou non de se syndiquer — c'est aux gens de l'industrie du taxi de le dire — mais c'est uniquement par opposition au terme "salarié" au sens du code du travail.

M. GAUTHIER (Richard): Le gouvernement a adopté une loi au sujet des sous-contractants. J'ai ici des documents qui pourront peut-être vous aider.

M. BOSSE: Je suis souvent sollicité...

M. GAUTHIER (Richard): J'ai votre rapport et j'ai votre règlement. Cela prend de la place dans une enveloppe. Vous avez une directive à l'intention des chauffeurs de taxi, de véhicules de transport de personnes qui dit que si l'employeur ne tient pas de livre de paie pour de tels employés, la rémunération hebdomadaire assurable — on parle de l'assurance-chômage qui a établi un salaire — la rémunération hebdomadaire assurable selon les règlements de l'assurance-chômage est égale aux deux tiers du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable. Pour 1972, ce sera $100 par semaine, les cotisations seront calculées et versées en fonction de ce montant. Alors, pour les locataires, ceux qui louent des taxis, c'est évalué à $100 par semaine. Je ne sais pas si c'est juste.

M. BOSSE : Oui, je comprends votre...

M. GAUTHIER (Richard): Vous dites sous-contractants. Etant donné qu'ils ne peuvent pas établir un salaire, le gouvernement en a établi un.

M. BOSSE: Le gouvernement fédéral, pour des fins de perception pour l'assurance-chômage en a établi un, mais par contre le tribunal provincial du travail, lui, a pris une orientation différente et a rendu des décisions qui étaient contraires à cela.

M. GAUTHIER (Richard): J'aurais aimé que ce soit du gouvernement provincial qu'on ait le jugement. Nous avons un jugement en cour Suprême et nous avons perdu. Cela nous a coûté $15,000, dans mon cas personnel, pour l'assurance-chômage.

En fait, on a dit déjà que les employés de taxi sous-contractants n'étaient pas assurés. Ils sont assurés en vertu d'un jugement de la cour Suprême, de mars 1972. Il y a des propriétaires de flotte qui sont passibles de payer, actuellement, des $40,000, $45,000 et $15,000. Moi, seulement depuis 1969, je suis passible de $12,300 environ. Je vous le montrerai tout à l'heure. C'est l'assurance que je paie pour mes chauffeurs et pour moi. Je paie ma part et la part du chauffeur. Je paie les deux. Un type à commission, lui, paie sa part et le propriétaire paie sa part. C'est comme les timbres de l'assurance-chômage, moitié, moitié. Mais là, depuis 1966, on a payé la part du chauffeur et celle du propriétaire.

M. BOSSE: Remarquez que ce n'est pas la première fois que le gouvernement fédéral prend une attitude et que le gouvernement provincial en prend une autre. L'assurance-chômage, c'est de juridiction fédérale et le code du travail, c'est de juridiction provinciale, du moins pour un bon nombre de salariés. Et la décision est là.

M. GAUTHIER (Richard): Je comprends mais le gouvernement provincial peut se guider un peu sur les décisions du gouvernement fédéral.

M. BOSSE: II ne l'a pas fait, dans ce cas.

M. GAUTHIER (Richard): Peut-être. Bon, il est tard. Je vais essayer de faire cela vite.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): C'est encore un régime fédéraliste.

M. BOSSE: C'est sain, cela vit. Il y a aussi des avantages.

LE PRESIDENT (M. Séguin): A l'ordre, à l'ordre!

M. GAUTHIER (Richard): Ici, il y a certaines petites mises au point. Cela ne sera pas tellement long. M. Edmonston est venu ici, la semaine dernière. Dans son mémoire, il a parlé de sécurité, du port de la ceinture. Cela a duré à peu près trois heures, cette question des ceintures de sécurité. Je n'en parlerai pas longtemps. C'est qu'en 34 ans j'ai eu une seule mortalité dans mes voitures. La mortalité, après enquête, n'était même pas due à l'accident. Alors la question des ceintures, je trouve cela ridicule.

Les autos propres. On parle d'autos propres, j'y reviendrai un peu plus tard. On parle d'inspections négligées. A Montréal, nous avons des constables, qu'on appelle des "pocket numbers". Il y en a assez sur la route pour que je puisse en parler. Il y a des inspections obligatoires deux fois par année, pour les taxis scellés ou descellés. Il y a des inspections obligatoires, j'entends, sur la route, la nuit comme le jour. Il y a des inspections obligatoires, en cas d'accident. Si vous avez un accident, vous avez 30 jours pour montrer votre auto. Ils sont sévères là-dessus. Si, dans 30 jours, vous n'avez pas montré votre auto, ils descellent le compteur et vous enlèvent le permis. C'est sûr, je peux vous en parler.

Quant aux autos propres, nous sommes d'avis que Montréal est même trop sévère à l'égard de la propreté des véhicules et l'observance de ses règlements, en général. Le taxi est passible de pas mal d'amendes. Pour vous donner une idée, en 1970 j'ai payé $1,114.90 et en 1971 ce fut $898 de contraventions. Cela, c'est à part les contraventions que les chauffeurs ont payé eux-mêmes, en vertu du règlement no 2745, article 15-7, qui dit: Tenir le véhicule propre en tout temps. Un taxi va se faire laver à sept heures, il prend le boulevard Métropolitain à huit heures moins quart, frappe un peu de "slush" et, à onze heures, il est aussi sale qu'à sept heures. Là, il a un billet, à minuit. Cela nous coûte $50. Nous en frappons assez souvent, demandez-le aux chauffeurs.

Il y a M. Piton, aussi, le gérant de flotte, qui est venu parler. J'ai quelque chose à dire sur cela. A un moment donné, il a dit que Diamond

obligeait les propriétaires à acheter des radios. En fait, j'ai trouvé cela bien normal. Un de ses confrères a parlé, après cela, et s'est vanté qu'il aimait travailler pour Diamond, parce qu'il pouvait voler tant qu'il le voulait. Alors, avec ce système de radio, on ne peu pas voler. Nos modèles de radio étaient désuets. C'étaient des modèles de 25 ou 30 ans. Nous étions toujours en train de les réparer. Avec les nouveaux modèles de radio, nous sommes très satisfaits. Naturellement, nous payons mais nous avons du service.

Ensuite, on a dit que Bélair suspendait des chauffeurs sans motifs suffisants. Je ne suis pas d'accord là-dessus parce que souvent je les suspends moi-même avant que Bélair ne le fasse. Les chauffeurs ont chacun un dossier, dans notre cas en tout cas. On étudie. Si c'est réellement un accident, qu'ils soeint en tort ou en droit, si c'est réellement un accident, on le comprend. Mais, après enquête, si on s'aperçoit que c'est une négligence, il n'en fait pas deux parce qu'il est dehors. Bélair est bien d'accord avec nous.

Ensuite, on a parlé de la carte rose de Diamond. La carte rose de Diamond, on a appelé cela une agence de perception. Je ne suis pas tellement d'accord. C'est plutôt une agence de contrôle parce que la carte rose de Diamond nous guide dans beaucoup de choses. Quand un chauffeur s'en vient chez vous faire une demande d'emploi avec sa carte rose de Diamond et qu'il a travaillé pour à peu près onze propriétaires dans six mois, cela nous rend sceptiques. On se demande comment il se fait qu'il a travaillé pour onze propriétaires avant nous. On lui pose la question. Sans compter que, si le type disparaît avec la voiture trois ou quatre jours et qu'il ne nous paie pas, on ne lui signera pas sa carte. Si on la lui signe, on la lui signera avec des conditions. Nous ferons une enquête. Je trouve que la carte rose, c'est une bonne chose.

S'il y en a qui s'en servent comme d'une agence de perception pour faire du chantage, ce n'est pas notre cas.

M. BOSSE: Dans les remarques concernant M. Edmonston en ce qui a trait à votre deuxième observation sur l'inspection obligatoire deux fois par année, pourriez-vous me dire plus en détail quel type d'inspection est obligatoire deux fois par année?

M. GAUTHIER (Richard): Deux fois par année, vous êtes obligé de faire sceller votre taximètre. Vous vous rendez à une place spécialement aménagée pour ça, rue Ontario. D'abord, ils voient si le mille est exact, la chute, etc. Quand le taximètre est en bon état, ils vérifient l'auto, sa propreté, s'il n'y a pas eu d'accidents, si les phares éclairent, le frein manuel, la direction, la propreté des sièges, le coffre arrière, les pneus. Ils font une inspection complète. Autrement, ils ne le scellent pas.

Il peut arriver qu'un chauffeur, si son coffre arrière ou son auto n'est pas propre, qu'il est pressé et que c'est un vendredi soir, donne un dollar de pourboire au policier en promettant de revenir. A un moment donné, ils vont dire: Je vais te le sceller, mais à une condition, que tu reviennes le remontrer. Si c'est un cas critique, le vendredi soir, ils comprennent. Us le scellent, mais ils sont assez sévères là-dessus, je peux vous le dire. Et ils font ça deux fois par année.

M. BOSSE: Quand vous dites qu'ils font ça deux fois par année, vous parlez de qui?

M. GAUTHIER (Richard): De la police.

M. BOSSE: La police de Montréal. Ce n'est pas une inspection mécanique proprement dite au point de vue de la sécurité.

M. GAUTHIER (Richard): Si les phares éclairent, c'est une sécurité, ça. Si les freins manuels fonctionnent, c'est une sécurité, si les clignotants fonctionnent aussi. Mais ils ne défont pas la transmission et le moteur. D'abord, les policiers ne sont pas mécaniciens. Ils font une inspection assez sérieuse.

M. BOSSE: Merci.

M. GAUTHIER (Richard): A l'article 4, M. Piton a parlé de "gear" de tansmission. A titre de mécanicien, je peux un peu vous parler de ça. Les chauffeurs peuvent changer la "gear" de transmission pour voler le client. Si le client a été frustré par le montant, il peut se plaindre. C'est assez rare. Cela ne prend pas deux ou trois jours que le bureau a une plainte disant que tel chauffeur n'est pas honnête. Ce n'est pas long que vous en entendez parler.

Vous avez un règlement disant qu'il faut changer les taximètres. A mon avis, on pourrait garder les mêmes taximètres. Pour avoir un contrôle sûr, vous le scellez en haut et dans la transmission en dessous. La seule façon dont on peut voler, c'est en enlevant la "gear" de transmission en question et on en mettant une pour que le taximètre aille plus vite.

Mais, si on scelle le câble du taximètre à la transmission, il n'y a plus de problème. Nous avons des taximètres Novel, c'est japonais. Cela fait une vingtaine d'années que nous avons ça et nous n'avons pas de problèmes. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le sceller à la transmission. A ce moment-là, vous pourriez faire une inspection mécanique à un garage. Si le type a fait sceller son câble de taximètre à la transmission, automatiquement, l'auto une fois en haut, vous en voyez le dessous. Si vous avez un homme compétent, il peut détecter des changements. Ce serait une bonne solution.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Laviolette.

M. CARPENTIER: Sur vos taximètres, est-ce

qu'il y a un montant cumulatif qui s'inscrit quelque part ou si c'est fini après chaque chute? Lorsque vous le reculez à zéro, c'est fini.

M. GAUTHIER (Richard): Il y a le millage qui est indiqué sur le taximètre. Si, à six heures du soir, il part avec tel millage, quand il a fini de travailler, c'est tel autre. Je ne sais pas comment c'est, le Novel. Vous me demandez quelque chose; ça fait 20 ans que je travaille avec des taximètres et je ne suis pas au courant de cela. Je ne m'en souviens pas; il faudrait que j'aille voir mon taximètre.

M. CARPENTIER: Comment pouvez-vous fonctionner? Vous parlez de "gear" pour augmenter le montant d'argent que le chauffeur peut faire.

M. GAUTHIER (Richard): C'est à la transmission.

M. CARPENTIER: Mais, si le millage est inscrit là-dedans, à titre de propriétaires, comment pouvez-vous démêler ça, le soir, quand le gars vous remet son enveloppe d'argent?

M. GAUTHIER (Richard): Nous ne vérifions pas le millage.

M. CARPENTIER : Vous ne regardez pas le millage.

M. GAUTHIER (Richard): Les autos, en partie, sont louées. Quant à celles qui sont à commission, on ne vérifie même pas leur millage. Ce sont de vieux chauffeurs qui sont là depuis 20 ou 25 ans, leur nom est fait. On ne vérifie pas le millage.

M. CARPENTIER: A titre de propriétaire de voitures, vous n'avez aucune espèce de système pour vérifier si votre chauffeur a changé la roue d'engrenage à l'intérieur?

M. GAUTHIER (Richard): Absolument pas, ça ne paraît pas sur le taximètre. En fait, si vous changez la transmission, tout ce que ça fait, vous allez plus vite. Au lieu de marquer 50 milles à l'heure, vous marquez 55. Vous pouvez voir sur votre auto. Si vous allez à 60 milles à l'heure sur votre auto, enlevez cette "gear", mettez-en une autre, ça va marquer 65, ça va marquer 50. Vous allez aller à 50 milles à l'heure, ça va marquer 60. Plus vous allez vite, plus le taximète va vite. C'est en fonction directe avec la transmission. Si vous scellez le corps de la transmission, vous n'avez plus de problème.

M. CARPENTIER: Vous n'avez pas de moyen de vérifier...

M. GAUTHIER (Richard): Je peux vérifier.

Si le type arrive à 4 heures avec son auto, je prends l'auto et je vais faire le mille...

M. CARPENTIER: Je veux dire au point de vue du revenu, au point de vue...

M. GAUTHIER (Richard): Cela n'a aucun rapport, c'est le chauffeur qui met ça dans sa poche. Il en perd ou il en fait.

M. CARPENTIER : Vous ne pouvez pas contrôler ça. C'est difficile.

M. GAGNON: Est-ce que le député de Dorion vous a dit quelles étaient les causes qui motiveraient le changement du taximètre pour un autre moyen de comptage?

M. GAUTHIER (Richard): J'ai lu le nouveau règlement vite, mais il me semble que c'était pour avoir un meilleur contrôle pour le propriétaire et pour le public. Pour que le public ne se fasse pas voler.

M. GAGNON: Comme ça, votre taximètre n'est pas trop sûr.

M. GAUTHIER (Richard): Le taximètre est parfait et il est scellé parfaitement par la police. La seule chose qu'il y a, c'est que, s'il y a des chauffeurs qui veulent voler, tout ce qu'ils font, ils enlèvent la "gear" dans la transmission et en mettent un autre. Ils ne peuvent pas voler tellement. Ils vont voler $0.10 par voyage.

M. GAGNON: Cela ne veut pas dire qu'on ne pourrait pas faire la même chose sur l'autre. L'autre qu'on pourrait éventuellement adopter.

M. GAUTHIER (Richard): Ah, la même chose! S'il n'est pas scellé, c'est entendu. Mettez le taximètre que vous voudrez, c'est bien sûr. On a parlé de taximètres défectueux et truqués. C'est drôle, j'ai des Novel depuis vingt ans, ils ne sont pas truqués et ils ne sont pas défectueux. Ils disaient qu'on mettait la poignée sur le côté, à un moment donné, ça sautait sur $0.10. Franchement, ils m'embêtent.

M. BOSSE: M. Piton a parlé de ça, il doit connaître ça.

M. GAUTHIER (Richard): Moi aussi, je connais ça.

M. BOSSE: J'aimerais savoir combien coûte un taximètre.

M. GAUTHIER (Richard): A peu près $225 ou $250.

M. BOSSE: Quant aux montants cumulatifs, comme disait mon confrère de Laviolette, vous ne connaissez pas de taximètre qui, actuellement, ait ce système. C'est-à-dire qu'au départ,

vous avez un tel montant inscrit, comme une caisse enregistreuse. Cela n'existe pas.

M. GAUTHIER (Richard): Autrefois, les taximètres Lebrun qu'on avait, en 1955, dans les premiers appareils français, je crois que ça existait. Il faudrait que je me renseigne, je ne peux pas vous répondre, je ne m'en souviens pas.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je vous demanderais de procéder aussi rapidement que possible.

M. GAUTHIER (Richard): Je réponds seulement aux questions, je vais assez vite.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Justement. Je vais demander aux membres de la commission, si vous voulez, puisqu'il y en a deux autres à entendre. Il est déjà 11 h 20. Il faudrait changer la "gear", oui. Allez-y!

M. GAUTHIER (Richard): Le coût des assurances. Les compagnies d'assurance sont souvent déficitaires. J'ai pris une copie attachée, si vous regardez à la dernière ou à l'avant-dernière page, à un moment donné, j'ai une expérience de la compagnie Belair, en 1969, 1970, 1971. En 1969, j'ai payé $1300 de primes, j'ai eu $8,000 en pertes. En 1970, j'ai eu $14,000 de primes et $15,000 de pertes. La compagnie est $1,000 en dessous. En 1971, j'ai payé $14,000 et elle a payé $31,000. Elle est $17,000 en dessous avec moi en 1971. Parfois, il peut y avoir un blessé ou quelque chose comme ça. M. Tremblay avait déjà dit qu'à $1,000, il en assurerait des taxis, il comprenait pourquoi Wawanesa ne refusait pas de clients. A $1,000, je peux assurer que Wawanesa ou Bélair ne font pas d'argent avec les taxis. M. Lapointe, le procureur de Diamond, l'a bien dit qu'ils ne faisaient pas d'argent avec l'assurance. C'était Gazoline Station et l'autre compagnie, je ne sais pas. 11 a bien prétendu ça. Ils ont fait seulement $14,000, avec une compagnie comme Bélair.

On a parlé aussi de favoritisme, on en a parlé encore tout à l'heure, au sujet des locations. C'est évident que les bons chauffeurs délaissent les employeurs malhonnêtes. Il y en a un qui a dit tout à l'heure que Gold Circle exigeait $25; prends-le ou ne le prends pas. On arrive le vendredi soir puis c'est $15, c'est $20, puis s'il ne veut pas prendre la voiture à $20, on va mettre un remplaçant dessus. Cela n'arrive pas chez nous, je ne dis pas que cela n'arrive pas ailleurs. Si ces types se font exploiter de la sorte, j'en ai besoin de chauffeurs, j'en manque souvent, je serais prêt à les engager. Je manque de chauffeurs, j'engagerais ces types-là s'ils se font exploiter comme ça. Je suis bien d'accord, n'importe qui, je suis toujours prêt.

Assurance-chauffeur: Chauffeur assuré durant ou pendant l'exercice de sa fonction. Je suis assuré chez Bélair, et j'ai une police d'assurance ici de la Bélair qui protège le chauffeur. Le chauffeur est assuré pour $3,000 en cas de la perte de la vie et il a une indemnité hebdomadaire de $35 par semaine. J'ai la police ici qu'on paie, nous les propriétaires, pour les chauffeurs.

Quant à la commission des accidents du travail, cela s'en vient, le régime de rentes aussi. L'assurance-chômage, le chauffeur qui est à commission est toujours assuré; celui qui est à la location est assuré depuis 1966 en vertu du jugement de la cour Suprême. J'ai le jugement ici, si vous voulez avoir des détails. Cela nous coûte, depuis 1969, $12,374.59 pour trois ans. On paye depuis 1966 pour les chauffeurs à location.

Pour aller un peu plus vite, là, j'écoutais M. Pinard, la semaine dernière, dire au procureur Lapointe: "Le monde du taxi semble aujourd'hui satisfait du système actuel tandis qu'on nous avait demandé d'établir un règlement". H y a des associations ou sociétés qui vous ont demandé d'établir un règlement et j'aimerais savoir le nom de ces sociétés.

M. PINARD: Est-ce que vous me posez une question?

M.GAUTHIER (Richard): Oui. Vous avez dit, la semaine dernière, au procureur Lapointe, de Diamond, je reprends ma question: "Le monde du taxi semble aujourd'hui satisfait du système actuel". La première journée vous avez dit que tout le monde avait l'air bien content du système, et quand vous êtes arrivé avec le règlement no 6 — j'ai compris votre surprise d'ailleurs — vous avez quand même dit : "Tandis qu'on nous avait demandé d'établir un règlement." Qui ça "on"? Associations ou sociétés? Je voudrais savoir les noms des sociétés ou des associations qui vous ont demandé de faire un règlement. J'ai demandé à Diamond, j'ai demandé à Lasalle, j'ai demandé à quelques-uns que je connaissais, des gros propriétaires et ils nous disent: On n'a jamais demandé ça.

M. PINARD: C'est évident qu'il faut se replacer dans le contexte général de la discussion qui s'est faite devant la commission parlementaire la semaine dernière. Je ne sais pas si vous étiez présent.

M.GAUTHIER (Richard): Oui, j'étais présent.

M. PINARD: Il y a eu présentation de mémoires, il y a eu des gens comme les représentants de Diamond qui sont venus nous dire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes dans l'industrie du taxi, puis qu'ils n'avaient pas besoin du règlement no 6 et que c'était assommer le client avec une massue. D'autres sont venus dire le contraire: qu'il y avait véritablement nécessité d'une réforme en profondeur dans l'industrie du taxi.

Ce n'étaient pas les majoritaires qui sont venus nous dire ça. Donc, j'ai exprimé simplement ma surprise quand j'ai posé la question à M. Lapointe: Comment se fait-il, Me Lapointe, qu'aujourd'hui on vienne prétendre qu'il n'y a pas nécessité de faire une réforme globale et fondamentale dans l'industrie du taxi? D'après les journaux de l'époque —je parlais des journaux qui rapportaient des événements en 1967, 1968, 1969 et même de 1970 — d'après des plaintes formelles faites au gouvernement de l'époque et au gouvernement qui est arrivé en 1970, une foule de gens, d'associations, de petits propriétaires, de petits chauffeurs sont venus demander au gouvernement d'intervenir, de mettre de l'ordre dans l'industrie du taxi. C'est dans ce contexte que j'ai posé ma question au procureur Me Lapointe. A ce moment-là, j'exprimais ma surprise de constater, alors que le règlement no 6 venait d'être déposé à l'Assemblée nationale, que, par un phénomène tout à fait extraordinaire, les ennemis d'hier se groupaient en associations amicales pour faire front contre le règlement no 6. C'est ça le contexte de ma question.

M. GAUTHIER (Richard): Les ennemis d'hier...

M. PINARD: J'ai été bien surpris de la prétention de Me Lapointe. Il ne l'a pas prouvée cependant, parce que j'ai demandé de déposer les bilans vérifiés et consolidés. Il est venu dire solennellement devant la commission que le pourcentage de profit de la compagnie Diamond et des filiales était de 2 p.c. Personnellement, je ne l'ai pas cru et je ne le crois pas encore.

M. GAUTHIER (Richard): Je n'ai pas de misère à le croire, moi. Vous avez vu mon expérience de l'assurance et je ne suis pas le seul. Je contrôle mes taxis.

M. PINARD: M. Brunet a contredit cela lui-même, le lendemain. Il a dit: Si vraiment le profit de Diamond était seulement de 2 p.c, cela ne coûterait pas cher pour l'exproprier. Si j'étais eux, je me retirerais de l'industrie du taxi, parce que je vous avouerai bien franchement que l'industrie du taxi est payante, je m'arrange bien avec mon monde, je les traite bien.

M. GAUTHIER (Richard): Oui, peut-être. Il faut comprendre que Diamond Taxicab n'a pas seulement Bélair; Bélair est déficitaire avec les taxis mais elle fait de l'argent avec autre chose. Elle fait de l'assurance générale, de l'assurance contre l'incendie et le vol, sur les propriétés de particuliers. Ensuite elle a Gasoline Stations avec lequel elle fait pas mal d'argent.

M. PINARD: Je n'engagerai pas de débat avec vous là-dessus.

M. GAUTHIER (Richard): Moi non plus. Ce n'est pas ma compagnie. Je ne défends pas Diamond. J'ai autant de taxis dans...

M. PINARD : On a seulement à relire le journal des Débats et on verra dans quel contexte ma déclaration a été faite. Je vous laisse libre d'avoir votre opinion mais je pense que j'ai la même liberté.

M. GAUTHIER (Richard): Je vais laisser la parole aux deux chauffeurs. Je ne veux pas prendre tout le temps étant donné qu'il se fait assez tard. Je vais laisser faire pour le reste. C'est un mémoire, en fait, dans lequel il faut être guidé. Ce sont des idées que j'ai écrites; il y a des amendements qu'on pourrait ajouter à mon mémoire. Je vais donc laisser parler les deux chauffeurs.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Gauthier, dans votre mémoire, je remarque qu'il y a une section, à la fin, où vous faites des recommandations, si j'ai bonne souvenance.

M. GAUTHIER (Richard): Ce sont des recommandations...

LE PRESIDENT (M. Séguin): Vous faites des suggestions. Cette partie, si vous êtes consentant, nous l'inscrirons au journal des Débats (Voir annexe 2).

M. GAUTHIER: D'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Ou tout le mémoire quant à cela parce que dans le mémoire il y a des parties historiques, enfin tout cela.

M. GAUTHIER: J'ai pas mal donné mon idée.

LE PRESIDENT (M. Séguin): D'ailleurs votre pensée a été reflétée et donnée cet après-midi par le procureur. M. Couture.

M. Guy Vincent

M. VINCENT (Guy): M. le Président, messieurs de la commission, je vous remercie de me recevoir ce soir.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Voulez-vous vous identifier, M. Vincent?

M. VINCENT (Guy): Guy Vincent, chauffeur de taxi, Montréal.

Je vous remercie de me recevoir ce soir. Il faut que je retourne en ville. J'ai étudié un peu le bill no 6 et j'ai fait enquête. Disons que le bill no 6 est accepté par plusieurs. Plusieurs sont déroutés. Je peux dire que sur l'ensemble 65 p.c. sont d'accord. Une petite mise au point maintenant. Cela va aller très vite. J'entendais

les représentants de Lasalle qui parlaient de Dorval. Je peux parler à M. Pinard de cela. Ils avaient été convoqués pour aller à Ottawa. Ils pouvaient se défendre fort bien au lieu de se défendre ici, Diamond, Lasalle et d'autres compagnies. Lorsque je suis arrivé à Ottawa, j'étais seul avec M. Bossé. Je vous garantis que je m'ennuyais de ma mère. M. Bossé n'avait pas le droit de parole. Il était observateur. Je vous dis encore une fois que je m'ennuyais de ma mère. S'il y a des patins, je vais lui donner des patins pour patiner à monsieur. En tout cas.

On va parler de l'association. Je ne sais pas si M. Bossé a fait une erreur pour l'affaire des COOP. Pourquoi tuer les autres petites associations qui ont gagné leur pain? Je ne sais pas du tout pourquoi il veut faire une chose semblable. Il me semble qu'on est en démocratie, on est libre. Je crois qu'il y aurait un petit amendement à faire à cela.

On parle des assurances, les assurances des propriétaires. Lorsqu'un type a douze ou quinze voitures et qu'il a trop d'accidents, il est refusé soit par la London, la Wawanesa, ou l'Universelle. Pour ne pas perdre leur permis — et je dis bien pour ne pas perdre leur permis, — même les propriétaires artisans sont obligés d'avoir recours à deux compagnies, Lasalle et Diamond, qui contrôlent à Montréal. Une chose est très injuste. Je crois que le gouvernement, dans un cas semblable, pourrait comme les autres provinces, par exemple l'Alberta, s'emparer immédiatement des assurances et en faire une assurance d'Etat. C'est une suggestion que je fais en passant. Ce n'est pas moi qui mène.

L'inspection des voitures est faite deux fois par année. Ce sont des inspections très vite faites. Je peux vous montrer des autos qui sont bosselées depuis longtemps; elles ont passé à l'inspection et ont passé quand même. Ils ne regardent pas les joints à rotule, la transmission, l'engrenage et les pneus.

Je vous parle de concessions. C'est sur le rapport de M. Bossé. Les concessions devraient être abolies. Pourquoi des types qui payent le même montant n'ont pas le droit de stationner devant un hôpital ou la Croix-Rouge, ou l'hôpital que vient de perdre la compagnie Beaubien Taxi après 27 ans de service? Cela a été donné, par soumissions, à un prix exorbitant que s'arrachent les compagnies. C'est celui qui est le plus fort qui l'a et l'autre mange les légumes et la pelure.

On parle des $100. Je n'accepte pas ça parce que les chauffeurs de taxi, il y en a plusieurs qui n'auraient pas les moyens de les payer; ils ont de la misère à gagner leur vie. M. Pinard me demandait, tout à l'heure, qui allait donner les permis. Les permis ne sont pas difficiles à enlever.

Prenez tous les propriétaires qui n'utilisent pas leurs permis, qui les louent et qui obligent le type à avoir une auto au nom du propriétaire, quand c'est lui-même qui la paye. C'est encore de l'exploitation. Ces permis devraient être retirés immédiatement. Je ne veux pas être trop long; je ne veux pas vous ennuyer. Je n'aurai pas la patience que vous avez depuis quinze jours. Je sais ce par quoi vous êtes passé. Si vous avez des questions à me poser, M. Pinard, je suis prêt à répondre.

M. PINARD: M. Vincent...

M. VINCENT (Guy): Et votre tableau, je ne l'aime pas.

M. PINARD: M. Vincent, voulez-vous préciser votre déclaration à l'effet que, s'il y a lieu d'enlever des permis, il faudrait d'abord les enlever à ceux qui sont détenteurs de permis, qui ne les exploitent pas...

M. VINCENT (Guy): Qui ne les exploitent pas mais les font exploiter par d'autres.

M. PINARD: Bon. Il y en a combien comme ça?

M. VINCENT (Guy): Vous seriez peut-être surpris si vous demandiez à M. Bossé. Il est au courant.

M. PINARD: Vous, quel est votre chiffre?

M. VINCENT (Guy): II doit certainement y en avoir 250, si ce n'est pas 400.

M. PINARD: Bon. Comment font-ils fonctionner leur système d'exploitation?

M. VINCENT (Guy): Le système est bien logique. Par exemple, j'ai vingt permis qui m'appartiennent. Je ne veux pas acheter vingt autos. Je dis: M. Pinard, je te loue une auto. Tu vas payer les assurances, tu vas me donner $25 par semaine pour mon permis. Achète ton auto, mets le compter dedans, la radio et va travailler. Tu es responsable de tout. Moi, je retire $25 par semaine sur cette auto.

M. PINARD: En somme, le détenteur du permis...

M. VINCENT (Guy): II n'est pas propriétaire, mais il est toujours propriétaire, il le loue.

M. PINARD: En somme, il loue l'usage de son permis de taxi.

M. VINCENT (Guy): ... de son permis, mais il ne l'exploite pas.

M. PINARD: Sans avoir de voitures à louer véritablement aux chauffeurs en question.

M. VINCENT (Guy): II n'est pas chauffeur, il loue seulement les permis.

M. PINARD: II oblige le chauffeur à s'acheter une voiture.

M. VINCENT (Guy): ... à s'acheter une auto. M. PINARD: A payer toutes les dépenses.

M. VINCENT (Guy): Toutes les dépenses, les assurances...

M. PINARD: Plus un taux de location.

M. VINCENT (Guy): Plus l'association. C'est un problème qui est à remarquer.

M. PINARD: Vous dites qu'il y en a 250 comme ça à Montréal?

M. VINCENT (Guy): Si ce n'est pas 300. Je l'avais calculé, mais disons que j'ai abandonné le taxi après ma dernière crise cardiaque. J'en ai eu cinq; j'en ai eu assez. Je ne veux pas trop me fâcher. Cela fait de'ux ans, mais je suis quand même tous les débats.

M. PINARD: Ces gens dont vous parlez, qui sont détenteurs de permis et qui n'ont pas de voiture à louer véritablement aux chauffeurs de taxi, dans quel genre d'association se recrutent-ils?

M. VINCENT (Guy): II y en a dans toutes les associations.

M. PINARD: Dans les associations de services?

M. VINCENT (Guy): C'est ça. Que ce soit dans Diamond, Lasalle ou l'Expo, que ce soit n'importe où, il y en a même en partie dans toutes les associations.

M. PINARD: Ces gens voudraient que le gouvernement leur paie $6,000 de valeur marchande pour le permis?

M. VINCENT (Guy): C'est à vous d'étudier le cas, monsieur. Ce n'est pas moi qui suis au débat. Quand je parle comme ça, M. Pinard — et d'ailleurs il y en a plusieurs ici qui me connaissent, j'ai déjà présenté des mémoires — je suis très honnête en disant que ces types ne méritent même pas d'exploiter un permis, car ils sont assis chez eux. Si vous calculez immédiatement 25 permis, cela leur rapporte $500 par semaine en restant chez eux, sans responsabilité.

M. BOSSE: M. Vincent, comment ont-ils obtenu ces permis, à votre connaissance? Est-ce que vous le savez?

M. VINCENT (Guy): C'est de longue date. Mais avec les assurances qui sont très dispendieuses, l'association...

M. BOSSE: Comment les ont-ils obtenus?

M. VINCENT (Guy): Ils les ont obtenus dans le temps. Il y en a pour qui cela fait longtemps qu'ils les ont et d'autres les ont depuis dernièrement. Mais ils ne veulent pas exploiter de service.

M. BOSSE: Je voudrais faire une rectification. Au début, vous avez affirmé, et cela est exact, que lors d'une rencontre avec le ministre Jamieson et certains membres de son cabinet, à Ottawa, au début de l'enquête, où vous représentiez un mouvement syndical, j'avais accepté d'y assister; j'avais cependant refusé de participer de quelque façon, pour ne pas être identifié à un mouvement ou à un groupe particulier. Ce n'est que par la suite, évidemment, que j'ai entamé des négociations directement avec le ministre pour régler le problème de Dorval. Je dois admettre, évidemment, que c'est exact, j'étais là comme observateur, mais pour la raison que je ne voulais pas m'identifier à un groupe particulier ou à un groupe syndical.

M. VINCENT (Guy): Oui, mais il faudrait dire que, dans ce temps-là, c'était M. Robert Bourassa qui était censé être là, mais il vous avait envoyé comme observateur.

M. BOSSE: C'était assez normal.

M. VINCENT (Guy): Mais les autres étaient censés être là et ils pleurent maintenant. C'est vrai, aujourd'hui, qu'à Dorval, ça marche mal. Je le sais, j'y suis allé. Mais ils auraient dû venir se défendre dans le temps, comme ils le font aujourd'hui.

M. BOSSE: Vous avez raison.

M. VINCENT (Guy): Parce qu'il y a un proverbe qui dit que ce n'est pas quand on fait dans ses culottes que c'est le temps de se serrer les deux fesses.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Le détenteur de permis loue son permis, mais celui qui va à l'association de services est-il rédigé à son nom ou au nom du détenteur de permis?

M. VINCENT (Guy): Au détenteur de permis.

M. PERREAULT: C'est le détenteur de permis qui est officiellement...

M. VINCENT (Guy): Oui, cela se faisait sous la table par une contre-lettre, c'est ainsi qu'on l'appelle, si je ne me trompe — je sais pas si c'est ainsi qu'on dit cela chez les notaires, une contre-lettre — en foi de quoi le permis lui appartient, mais le véhicule appartient au type. Si, dans six mois, le type décide de prendre son permis, le gars est pris avec son véhicule.

Savez-vous combien vaut un taxi après usage? Il ne vaut plus grand-chose. Le type perd combien? Ce sont des risques qu'il court. S'il a un accident, il est pris avec ce taxi tandis que l'autre s'en sert, assis sur son siège, et reçoit $500 par semaine.

M. PERREAULT: Alors, dans les livres de l'association, c'est le détenteur de permis qui est enregistré?

M. VINCENT (Guy): Oui. On a parlé de bien des choses. Il faut que je prenne la part des chauffeurs de taxi aussi. Il y en a plusieurs qui n'en ont pas parlé, ils ont peur.

Moi, je n'ai pas peur, je n'ai peur de rien. Comme le disait M. Boutin, le type qui s'en va au garage perd du temps et tout; cela va mal, son affaire. Il est nerveux. Il se dit: La location de l'auto, c'est $16 aujourd'hui; avec $5 d'essence, cela fait $21. Le gars ne fait pas $21, il est malchanceux toute la journée. Il arrive devant le "boss" et dit: Je n'ai pas fait d'argent. Le "boss", qui est dans l'association d'une flotte, écrit sur un petit billet: Tu me dois $16. Le lendemain, un autre $16. Il est rendu à $32. Cela fait deux ou trois mois qu'il travaille et il est rendu avec un petit compte de $200. Là, le "boss" lui dit: Tu vas me remettre $1 par semaine ou pas d'auto. Le gars dit: Va chez le diable, je n'ai pas affaire à toi. Le type s'en va dans une autre association. Supposons qu'il était chez Métropole. Là, il dit: Je vais m'en aller chez SOS. Or, le propriétaire de la flotte, il en a dans le SOS, il en a chez Beaubien et dans d'autres compagnies. Il dit: Je barre ce gars-là. Le gars n'est plus capable de travailler. Où va-t-il? Au bien-être social.

M. BOSSE: M. Vincent, pourquoi les chauffeurs ont-ils peur, comme vous le dites?

M. VINCENT (Guy): Peur?

M. BOSSE: Vous avez dit tout à l'heure: Les chauffeurs, il y en a qui ont peur. Moi, je vais parler, je n'ai pas peur.

M. VINCENT (Guy): Moi, je vais parler, parce que ce type-là qui doit $200, le patron va lui dire: Cela me prend $100 demain; sinon, tu n'as pas ton auto. S'il tient à son auto, il va aller voir un usurier, emprunter $100 et payer pour avoir son auto. Là, il vient de s'embarquer dans une dette de $100 qu'il va être obligé de payer $125. C'est clair?

LE PRESIDENT (M. Séguin): Un instant. A l'ordre, s'il vous plaît! Le ministre des Transports.

M. PINARD: Me permettez-vous d'attirer votre attention sur l'article 6.342 du règlement no 6? On y prévoit justement le règlement du problème que vous avez soulevé tantôt, c'est- à-dire le problème de celui qui est propriétaire de permis de taxi, mais qui n'a pas de voiture à louer et qui oblige un chauffeur à se porter acquéreur d'une voiture, à prendre à son compte toutes les dépenses d'exploitation de cette voiture et à payer un taux de location à ce propriétaire, détenteur de permis. Alors, article 6.342 dit qu'à partir de l'entrée en vigueur du règlement no 6 les propriétaires qui ont plus de permis que de voitures au 8 juillet 1972 n'auront plus de renouvellement de leur permis. Cela règle, premièrement, le cas de ceux qui ont des permis plus nombreux que les voitures qu'ils possèdent réellement. Si on a mis cela dans le règlement, c'est pour prévoir également le cas de celui qui a seulement des permis de taxi, mais n'a pas de voiture du tout. Lui, il va perdre tous ses permis.

M. VINCENT (Guy): Comment allez-vous le savoir s'il a des contre-lettres chez le notaire, M. Pinard? Comment allez-vous le savoir s'ils ne sont pas déclarés par d'autres parce qu'ils ont des contre-lettres chez le notaire, enregistrées? La voiture que le type a achetée est au nom du propriétaire qui détient le permis.

M. PINARD: S'il y a système de fraude qui fait qu'on pourrait avoir de la difficulté à mettre la main sur ces personnes-là, on va essayer de trouver un autre moyen d'enquête.

M. VINCENT (Guy): Dans un cas comme celui-là, je crois que cela prendrait des affidavits et des assermentations comme quoi l'auto est bien à lui. C'est là peut-être que vous pourriez le prendre et enlever des permis.

M. PINARD: Nous allons procéder par vérification auprès du Bureau des véhicules automobiles pour savoir au nom de qui le véhicule est enregistré.

M. VINCENT (Guy): II est enregistré au nom du propriétaire qui détient le permis.

M. PINARD: Maintenant, des enquêtes nous ont révélé que, dans certaines municipalités, il y a des personnes que vous avez décrites tantôt, qui sont propriétaires de permis de taxi et qui n'ont pas de véhicules. Cela, nous le savons. Nous ne savons peut-être pas partout où cela existe. C'est pour cela qu'il faudra que ces gens viennent prêter serment devant la Commission des transports, attestant que non seulement ils sont détenteurs de permis valides mais qu'ils sont également propriétaires de voitures qui doivent être employées normalement en vertu d'un système de location qu'on a expliqué longuement, ici, devant la commission. Je pense que vous voyez que le règlement no 6 a quand même de bonnes parties.

M. VINCENT (Guy): Oui. Je vous ai dit tout à l'heure qu'on l'approuvait à 65 p.c. mais qu'il y avait des modifications à faire.

M. PINARD: Oui, d'accord.

M. VINCENT (Guy): Naturellement, il n'y a rien de parfait. J'ai même des félicitations à faire car jamais une enquête n'a été aussi loin et n'a été faite aussi honnêtement, pour qu'on puisse s'exprimer. Par contre, je vous parlais tout à l'heure des concessions. Les concessions, c'est une exploitation, c'est du pacha, c'est celui qui veut avoir le meilleur terrain, qui dit: Je vais te donner $100, toi, et puis je vais donner $200. C'est le plus gros qui l'a tout le temps. C'est toujours le plus fort qui l'emporte. Pourquoi pas tout le monde égal? Pourquoi pas tous les postes en commun? Pourquoi ne pas prendre immédiatement le taxi, avec un arrêté en conseil, et le mettre métropolitain tout de suite? C'est la plus belle chose que vous pourriez faire. Cela aiderait énormément le taxi.

Quand vous arrivez à Montréal-Nord, que vous voyez une femme, en plein hiver, avec un petit bébé, durant une grosse tempête et que vous l'embarquez pour trois coins de rue, pour lui rendre service, que vous vous faites accrocher en arrière, que le gars dit: Tes licences, ton immatriculation, débarque la femme et que cela vous coûte $50 pour un voyage de $0.60, cela écoeure, monsieur, je vous le jure. C'est réellement stupide, surtout l'hiver. L'été, la femme peut attendre, avec son petit bébé. Mais c'est là qu'on demande le métropolitain. On le demande. Ils veulent l'avoir. Donnez-le-leur.

M. PINARD: Le taxi métropolitain?

M. VINCENT (Guy): Ah oui! Monsieur. C'est garanti. Faites un référendum. Vous allez voir que le métropolitain, ils veulent l'avoir. Quand on est rendu à Saint-Pierre ou à Montréal-Nord et qu'il y a peut-être dix ou cinq rues de différence, pour cinq rues, nous allons payer $50 d'amende pour avoir ramassé un client. C'est stupide.

M. PINARD: D'accord. Nous retenons votre suggestion. Elle est déjà faite dans le règlement mais nous retenons les explications que vous donnez sur la nécessité d'avoir au plus tôt ce permis métropolitain.

M. VINCENT (Guy): Ce serait une des belles choses que vous feriez encore, comme l'affaire que vous avez faite, le retrait des permis spoutnik fantômes, comme on les appelle. Ce serait encore une autre belle chose qui prouverait que vous voulez aider le taxi.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député d'Abitibi-Ouest.

M. AUDET: Lorsque vous dites que la voiture est achetée par le chauffeur de taxi au nom du propriétaire de la flotte...

M. VINCENT (Guy): C'est cela.

M. AUDET: ... est-ce que le propriétaire de la flotte pourrait vendre cette voiture comme étant sa propriété?

M. VINCENT (Guy): Non. Il y a des contre-lettres de faites, à savoir que la voiture appartient toujours au type. La seule manière, c'est lorsqu'il retire sa voiture. Il va aller avec sa contre-lettre et prouver, aux bureau des licences, que la voiture lui appartenait pour payer le dollar d'échange, quoi, les deux dollars, si je ne me trompe pas. C'est tout. Les contre-lettres, c'est très dur. D'ailleurs, mais nous autres, on les connaît.

M. AUDET: Mais le gouvernement ne pourrait pas prouver que la voiture n'appartient pas au propriétaire de la flotte?

M. VINCENT (Guy): II y a toujours un moyen de prouver. Il faut que justice soit faite et la justice est au bout de sa corde, parfois. Elle peut arriver à cela.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le ministre.

M. PINARD: Si vous me le permettez, dans l'éventualité où le règlement serait adopté avec l'article 6.342, dont je vous ai parlé tantôt, il me semble possible qu'au Bureau des véhicules automobiles du Québec, dans les bureaux d'émission des permis, on soit capable de savoir si le détenteur d'un permis est véritablement propriétaire de la voiture qui est enregistrée à son nom, puisque vous dites vous-même que, dans le cas d'échange, il est obligé de montrer la contre-lettre.

Nous donnerons des directives, à nos représentants dans les bureaux d'émissions de permis, de faire rapport immédiatement à l'autorité compétente, c'est-à-dire au directeur général du Bureau des véhicules automobiles du Québec, Me Ghislain Laflamme. Et dans des cas semblables, rapport doit être fait de façon que nous puissions faire respecter intégralement le règlement no 6 qui voit à corriger la situation que vous avez expliquée tantôt.

Nous aurons tout de suite la preuve que la personne en question n'était pas la vraie propriétaire.

M. VINCENT (Guy): Ce sont peut-être des petits points, des petits problèmes, mais ils sont agaçants, comme M. Bossé le dit dans son rapport: défense de fumer dans la voiture. Je sais que si M. Bossé monte dans ma voiture et m'offre une cigarette, ça va me faire plaisir de la prendre, parce qu'il gagne plus cher que moi. Et je vais la fumer.

Ds disent que refuser c'est une insulte. Je n'en refuserai jamais. C'est comme une conversation. Le taxi est un tribunal. Les gens montent et on dirait que c'est un plaisir de nous raconter leurs problèmes. Vous le savez, vous en

avez eu l'expérience. Nous les écoutons. Parfois nous avons des solutions.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): II y a des chauffeurs qui vont nous raconter les leurs.

M. VINCENT (Guy): D'accord.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Toujours dans le contexte de pouvoir écouter M. Larocque, pourriez-vous continuer du moment que...

M. VINCENT (Guy): Je me retire là-dessus. J'ai donné le point que je voulais donner. J'ai toujours cherché justice pour tout — M. Bossé est au courant — je n'ai jamais voulu assommer une association ou un chauffeur artisan ou un propriétaire artisan. J'aime la justice, et j'aimerais que les points que j'ai donnés soient étudiés. Si vous voulez avoir un mémoire, je peux vous en faire. J'en ai déjà fait un en seize heures d'avis pour le bill 23, je suis capable d'en faire un autre, que je vous ferai parvenir.

M. PINARD: Vous n'aurez qu'à nous le faire parvenir. Cela nous permettra de mieux retenir les excellentes suggestions que vous avez faites.

M. VINCENT (Guy): Je n'ai pas eu grand temps, je vous le dis. Je ne peux pas vous donner de noms. Excepté que j'ai été invité personnellement. Ils m'ont demandé de venir, je suis venu et j'ai demandé à être entendu. Donc, je vous remercie de m'avoir écouté.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Gaspé-Nord.

M. GAGNON: Un petit mot. Si j'ai bien compris, vous avez dit que depuis deux ans vous n'exploitez pas de taxi.

M. VINCENT: Je me suis retiré du taxi. Depuis 1960 que je m'en occupe. J'avais l'Association des fraternités des chauffeurs de taxi, et j'ai fait comme M. Boutin, j'ai viré mon chapeau de bord depuis que j'ai demandé au ministère du Travail des cartes d'adhésion pour les membres et qu'ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas m'en donner. M. Devlin, la même chose.

Ils m'ont dit: Vos membres ce sont des "jobbers", ils louent les voitures, nous ne pouvons pas leur en donner.

M. GAGNON: L'initiative que vous prenez actuellement est dans le but d'aider le taxi.

M. VINCENT (Guy): D'aider l'industrie du taxi, la rendre rentable afin que ces types puissent vivre comme les autres. Que tous vivent. De la manière que nous sommes menés, si vous voulez avoir le vrai nom, nous sommes le "dumping" de la société. Qui travaille sur le taxi? Les gens du bien-être social se ramassent là, l'assurance-chômage, le gars qui est en grève vient louer des voitures, et s'il n'y en a pas, il dit au propriétaire: Je vais te donner $20 au lieu de $16. Il va lui en louer.

Vous avez toutes les catégories. Je ne dirai pas comme hier à la radio, l'autre qui disait que c'était regrettable, le gars s'en va au Blue Bonnets, il est maître de son auto, monsieur. Si le gars a commencé à 5 heures le matin, moi je commençais à 4 h 30. Si à 6 h ou 7 h je suis fatigué, je veux aller aux courses pour essayer de gagner $1, ce n'est pas lui qui a fait mon "waybill", c'est moi, j'ai le droit d'y aller, je suis libre. C'est comme le propriétaire artisan. C'est sont permis à lui. S'il veut rester chez lui, c'est à lui, c'est un droit acquis, laissons-lui le bien qu'il a gagné.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Merci, M. Vincent. M. Larocque.

M. VINCENT: C'est moi qui vous remercie. M. André Larocque

M. LAROCQUE: Mon nom est André Larocque, chauffeur de taxi pour la compagnie SOS à Montréal, mais je parle à titre de chauffeur, je ne parle pas pour une association malgré que je voudrais bien le faire. Je remarque les pancartes qu'il y a là-bas. Je pense que vous avez oublié quelques articles dans celle de gauche. Je ne vois pas assurance-chômage ni impôt sur le revenu. Cela devrait être marqué. Quant à marquer quelque chose, on marque tout, ou on ne marque rien.

Je pense que vous avez pu vous apercevoir que le problème du taxi, à Montréal, n'est pas celui de Sherbrooke. Je n'ai pas besoin de le répéter parce que tout le monde l'a vu. De mon côté, je pense que M. Bossé n'a pas tout à fait mis le doigt sur le problème du taxi à Montréal. Parce que le problème du taxi à Montréal, il n'y en a qu'un et c'est le chauffeur lui-même qui se le cause, tel que M. Vincent l'a dit tout à l'heure des gars qui ne payent pas leur auto. Ils se causent des problèmes. S'ils paient tous les jours, ils ne ramassent pas de dettes de $200. Un gars qui paie son patron tous les jours n'a jamais le problème sur le taxi. Ce n'est pas tellement compliqué.

Ensuite, il est question de location. Je suggérerais à la commission de légaliser la location des autos à un prix fixe pour tout le monde, pour les "single" et ce qu'ils appellent le doublage, un taux pour le jour, un taux pour la nuit, pour les autos 1973, $1 de moins, pour les 1972, ainsi de suite, 1971, $2 de moins. Alors, je pense que vous aurez une très belle flotte de taxis à Montréal, parce que les propriétaires de flotte sont tous intéressés à avoir le $1 de plus et ils vont acheter des autos neuves. Même si vous voulez créer votre centrale parallèle, on n'a pas tellement peur d'une concurrence, une compagnie de plus ou de

moins. Quant à celles qui existent, on est très bien chez elles. C'est aussi cordial chez SOS que ça peut l'être chez Lasalle, Diamond, l'Expo ou chez Beaubien. Je n'ai aucune objection à ça, même que j'aimerais bien qu'elles restent. Je suis parti du Lasalle pour m'en aller chez SOS, je m'arrange très bien là. Pour ce qui est de l'impôt, si l'assurance-chômage nous a mis à $107, on nous a donné une augmentation qu'on ne recevra jamais, mais on va payer pour $107; si ça fait votre affaire de nous mettre un peu plus, mettez un peu plus et on vous paiera. Ce n'est pas compliqué. C'est comme ça que je vois le problème du taxi. Parce que depuis l'augmentation qu'on a eue, les problèmes sont pas mal réglés, il reste toujours celui qui s'en va à Blue Bonnets porter son "waybill' et qui n'a plus d'argent pour payer son patron. Celui-là s'en cause des problèmes. Ce sont là tous les problèmes qui existent dans l'industrie du taxi à Montréal. Je ne me cache pas pour parler, mon patron est assis derrière moi, il sait que, quand je travaille, je paie ma voiture. Je ne vais pas à Blue Bonnets, je n'aime pas les chevaux, mais j'aime le taxi.

Je pense que j'ai fait cela assez vite. Ce que j'avais à dire, je l'ai dit en quelques mots.

Maintenant, pour la sécurité, ce soir, on parlait de rendre les sentences plus sévères. D'après moi, c'est pour autant qu'on attrape les gars. Pour l'affaire du dôme clignotant, cela peut être bon à 50 p.c, mais je ne vois pas le gars qui s'en va à Rivière-des-Prairies à trois heures et qui fait partir son clignotant, il n'y a pas grand-monde qui va le voir. Je travaille de nuit et j'y vais souvent. Il y a un système qui se vend, qui n'est pas très dispendieux, une pédale au plancher, avec laquelle le chauffeur peut barrer les quatre portes; il est impossible de les ouvrir tant qu'il ne déclenche pas la pédale.

UNE VOIX: On peut vous assommer. Il y a les hold-up.

M. LAROCQUE: Ce n'est pas grave, le gars ouvre la porte avant de faire quelque chose, la plupart du temps. J'ai été assommé une fois dans 21 ans, donc ce n'est pas si mal.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Vous voulez dire barrer les portes pour que le gars ne se sauve pas.

M. LAROCQUE: Les hold-up ne sont pas trop fréquents. Souvent, un type débarque en courant pour ne pas payer le voyage; s'il se cogne le nez dans la vitre, on peut toujours lui parler avant qu'il descende. Ce serait toujours une sécurité, au moins de ce côté-là. S'il a l'idée de faire un mauvais coup, je pense que la première chose qu'il va faire, c'est de s'assurer s'il peut se sauver. S'il s'aperçoit que la porte est barrée, je pense bien qu'il va trouver de l'argent et va s'essayer ailleurs. C'est un système qui vaut à peu près $30, une fois posé. Je pense bien que si on en parlait aux propriétaires, ils n'hésiteraient pas à l'installer. Comme je vous disais tout à l'heure, un gars qui paye bien son taxi peut avoir n'importe quoi de son patron. On va même avoir des voitures neuves bientôt. Parce qu'on les paye bien, nos patrons. Les problèmes du taxi ne sont pas aussi gros que tout le monde veut le faire croire. Si vous avez des questions à poser, je vais vous répondre. Je pense bien que j'ai dit ce que j'avais à dire.

Vous voulez bien qu'on fasse une belle vie, qu'on fasse de l'argent. Je pense que vous voulez permettre de faire du taxi à 18 ans. Si j'étais à votre place, je mettrais cela à 25 ans au lieu de 21. Si vous mettez cela à 18 ans officiellement, les assurances ont des grosses chances de monter; si les assurances montent les taxis vont augmenter leurs prix. Qui va payer? Le chauffeur.

M. PERREAULT: Et le public.

M. LAROCQUE: Non, on n'augmentera pas les tarifs au taximètre parce qu'on va hausser les assurances. On a bien de la misère à avoir une augmentation du taximètre. On en a eu une, on en est bien content, on s'en contente. Si on en avait une autre, on ne dirait pas un mot, on paierait la différence pour le faire arranger, c'est tout.

A 25 ans, je pense qu'un gars a assez de maturité. C'est ce qu'on fait sur les camions, sur les autobus, qui sont des services en commun; le taxi c'est plutôt une entreprise privée qui dessert le public, mais je pense bien qu'à 25 ans, un gars a de la maturité, plus qu'à 18 ans en tout cas.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de l'Assomption. Ensuite, ce sera le député de Sainte-Marie.

M. PERREAULT: Est-ce que vous êtes personnellement en faveur du permis métropolitain?

M. LAROCQUE: Oui, le permis métropolitain serait une bonne chose parce qu'ils viennent en prendre pas mal en ville. Personnellement, je prends ma chance partout. Je ne suis pas trop malchanceux. Quand je me fais prendre, je fais comme je l'ai déjà dit à un juge: Les gens m'ont fait signe d'arrêter. Je leur ai demandé ce qu'ils voulaient. Ils m'ont répondu qu'ils voulaient un taxi. Comme je ne suis pas un camion à vidanges, je les ai fait monter. Il m'a acquitté. Il a trouvé l'explication bonne. Vous savez comme moi que, quand on crée un peu le bénéfice du doute dans l'esprit du juge, il est obligé de nous acquitter. Je suis habitué à cela. Une contravention ne me fait pas trop peur parce que je suis capable de parler en cour, comme je le fais ici.

M. PERREAULT: Une autre question. Com-

me locataire d'une automobile, seriez-vous satisfait si vos taux de location d'automobile étaient fixés par la Commission des transports?

M. LAROCQUE: Pour autant qu'on puisse faire des suggestions parce que vous n'êtes pas trop qualifiés pour fixer des taux. Vous n'avez jamais fait de taxi.

M. PERREAULT: Non, je parle de négociations.

M. LAROCQUE: Si vous voulez des taux, je peux vous en donner tout de suite. Cela prendra deux minutes.

M. PERREAULT: Je parle de les fixer.

M. LAROCQUE: Disons que vous avez travaillé à $11 par jour, à $12 la nuit, à $18, "single" pour les 1973. Baissez cela d'un dollar et vous allez voir bien des 1973 sur le chemin. Je pense que ce serait une bonne solution. Dans la salle, il y a des chauffeurs et des propriétaires. Si vous le leur demandez, je pense qu'ils seraient bien d'accord là-dessus. Celui qui a dix automobiles irait chercher une automobile gratuitement tous les ans avec des autos 73. C'est tout pour moi, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (M. Séguin): Le député de Sainte-Marie.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Actuellement, pour avoir un permis, il faut avoir 21 ans. Vous dites maintenant de mettre cela à 25 ans. Cela éliminerait combien de chauffeurs qui n'ont pas 25 ans?

M. LAROCQUE: Cela éliminerait les jeunes fous sur la route.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): De 21 à 25 ans, c'est comme ça?

M. LAROCQUE: Je l'ai fait à 21 ans et j'ai eu un terrible accident. J'ai eu de la misère à m'en relever. Regardez-moi la face. Je ne suis pas venu au monde comme cela.

M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Cela ne paraît pas.

LE PRESIDENT (M. Séguin): M. Larocque, nous vous remercions.

M. LAROCQUE: Merci.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Je constate qu'il est minuit, donc, nous devons ajourner la séance, mais je peux vous donner un aperçu de notre travail pour demain.

D'abord, à 10 heures, lorsque nous reviendrons demain matin, nous entendrons Taxi Escoumins. Y a-t-il quelqu'un qui représente Taxi Escoumins, ici?

M. LAROCQUE: J'ai noté, cet après-midi, qu'ils ont parlé d'un référendum. Je mettrais n'importe qui au défi de prendre les grandes lignes du règlement no 6, de les publier bien lisiblement, en des termes que le monde puisse comprendre, dans la Presse, le Journal de Montréal, le Montréal-Matin, le Star, et allez-y avec votre référendum, il ne passe pas dans une proportion de 75 p.c.

LE PRESIDENT (M. Séguin): Taxi Escoumins. Nous passerons ensuite à Boisjoly Radio Taxi: Association des propriétaires de taxis Saint-Jérôme, Métropole Radio Taxi (1959), Union des propriétaires de taxis de Granby, West Island Transportation Ltd. Ensuite, à titre personnel, M. Antonio Viola, M. William O'Connell, M. Ronald Anderson, M. Ronald Bernard. Et, si nous en avons le temps, Association des petits chauffeurs de taxi de la ville de Québec.

La commission ajourne donc ses travaux à 10 heures demain matin.

(Fin de la séance à minuit)

ANNEXE Référer à la version PDF page B-8629 à page B-8640

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