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Commission permanente
des transports, des travaux publics
et de l'approvisionnement
Etude du projet de loi no 88 Loi de
l'expropriation
Séance du mardi 8 mai 1973
(Dix heures quinze minutes)
M. HOUDE (Limoilou, président ae la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs !
Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à la troisième
séance de la commission parlementaire des transports, des travaux
publics et de l'approvisionnement. Ce matin, nous allons entendre la ville de
Montréal dont le porte-parole est Me Paul Normandin. M. Normandin,
voulez-vous nous présenter vos collègues?
M. PINARD : M. Niding est ici ce matin et il va nous présenter
son équipe.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Niding est ici et remplace M.
Normandin.
Municipalité de Montréal
M. NIDING: M. le Président, permettez-moi, d'abord, d'avoir
quelques mots pour vous remercier. Montréal sera
représentée, ce matin, avec comme porte-parole, sur le plan
légal, Me Paul Normandin. J'ai aussi, avec moi, le directeur du service
d'urbanisme, M. Legault, et un représentant des travaux publics, M.
Raymond Thibodeau. Aussi nous accompagne le directeur de la planification de la
Communauté urbaine, M. Desautels.
Encore une fois, nous sommes à votre entière
disposition.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Maintenant, je voudrais apporter
quelques changements à la liste des membres de la commission. M.
Tremblay (Chicoutimi) remplace M. Lafontaine (Labelle); M. Gratton (Gatineau)
remplace M. Tessier (Rimouski).
L'honorable Bernard Pinard.
M. PINARD: M. Niding, auriez-vous des remarques préliminaires
à nous faire avant la présentation du mémoire?
M. NIDING: Si vous le voulez, M. le ministre, M. Normandin pourrait
probablement faire le résumé de toutes les dispositions que nous
avons adoptées ensemble, à la ville de Montréal. Si par
hasard les membres de la commission voulaient poser des questions, si je peux
répondre moi-même, j'y répondrai et, si mes
collègues peuvent mieux que moi donner les explications, je dirigerai
vers eux les questions.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Normandin, s'il vous
plaît.
M. NORMANDIN: La ville de Montréal, dans son mémoire, a
exprimé son adhésion et sa satisfaction du fait que l'on envisage
une uniformisation des lois, qui s'avère nécessaire depuis
longtemps. Toutefois, nous croyons que la loi pourrait être
améliorée sous divers aspects.
En particulier, il nous semble essentiel que les pouvoirs publics
puissent réserver à aussi long terme que nécessaire un
immeuble, dès qu'il est acquis, qui est destiné
éventuellement au domaine public.
Nous croyons également que la procédure pourrait
être considérablement simplifiée pour éviter les
recours et dépenses inutiles et accélérer la
détermination et le paiement des indemnités. Et également,
nous croyons qu'il y aurait lieu de restreindre les indemnités à
une compensation pour la valeur des biens expropriés et des dommages en
découlant directement de l'expropriation.
Dans l'approche de cette loi, il semble qu'on a mis un peu l'accent
comme s'il s'agissait en quelque sorte d'un conflit en droit privé entre
deux parties, une partie l'exproprié, l'autre partie l'expropriant.
Il en est résulté une procédure assez lourde et
assez complexe. Il nous semble qu'il ne faut pas perdre de vue qu'un
expropriant en général exproprie particulièrement
un pouvoir public pour donner un service public, que ce soit une route
ou un aqueduc, dont la population en général ou une partie a
besoin.
Et si l'on impose une procédure ou lorsqu'un intérêt
particulier ou un individu affecté qui veut débattre un point
quelconque, par suite de la procédure, peut retarder les travaux
publics, pour lesquels on exproprie, ou le service public pour lequel on
exproprie, ce n'est pas l'expropriant que l'on pénalise, c'est toute une
partie de la collectivité qui attend un service public et qui en sera
privé.
Et il nous semble que l'intérêt de l'ensemble doit avoir
priorité, tout en prévoyant évidemment les
mécanismes pour que puisse éventuellement obtenir justice
l'intérêt particulier qui veut soulever un point quelconque. Mais
il nous semble que jamais il ne doit résulter qu'une partie de la
population sera retardée ou privée d'un service public.
D'ailleurs, si l'on considère de quoi le public se plaint, de
quoi les critiques qui se font contre la pratique ou l'expérience dans
le domaine de l'expropriation, les gens ne se plaignent pas de ne pas avoir
suffisamment de recours ou de ne pas pouvoir être entendus.
Ils se plaignent essentiellement que l'on ne détermine pas assez
rapidement le montant de l'indemnité et que l'on ne les paie pas assez
rapidement. Il nous semble que l'optique de la loi devrait être non pas
de multiplier les recours et procédures mais, au contraire, d'assurer
à la
personne que l'on dépossède dans l'intérêt
général la détermination la plus rapide possible de
l'indemnité à laquelle elle a droit ainsi que le paiement de
cette indemnité.
Maintenant, nous voudrions traiter des réserves à long
terme. Nous comprenons que la loi a été surtout
rédigée dans l'optique qu'il y a des besoins pour les fins de
travaux publics immédiats. Or, si l'on prend les grands centres à
haute concentration urbaine et si l'on regarde les besoins pour l'avenir, pour
obtenir des centres de verdure, des dégagements, il est essentiel
d'abord pour prévoir l'avenir d'avoir des politiques à longue
portée et il est nécessaire d'avoir un système de
réserves à long terme. La réserve pour fins publiques
à long terme, dès qu'il est acquis qu'un immeuble est
éventuellement destiné au domaine public, nous semble absolument
essentielle si l'on ne veut pas que les pouvoirs publics,
particulièrement dans les grands centres, soient paralysés
financièrement dans la réalisation de politiques
d'aménagement du territoire en vue de protéger la qualité
de la vie et d'améliorer l'environnement.
L'acuité qu'ont pris les problèmes de l'environnement et
le souci croissant pour le genre de vie que l'on prévoit ou que l'on
prépare pour les générations à venir dans les
grands centres reflètent une conscience accrue de la
nécessité d'une planification à long terme de
l'aménagement du territoire pour empêcher que les gens s'entassent
dans des grands centres dans une atmosphère irrespirable et
prévoir pour l'avenir et réserver pour fins publiques des
îlots de verdure, des parcs, des dégagements et parcours des
grands réseaux de services publics qui ne peuvent se réaliser
rapidement.
A moins de réserves pour ces sites ou parcours, il est
évident que les pouvoirs publics dans l'avenir ne pourront jamais
financièrement les acquérir si l'on peut y construire des
gratte-ciel ou autrement en décupler la valeur.
A Montréal par exemple, il va de soi que la montagne et que les
abords de la rivière sont éventuellement destinés et
devraient être réservés au domaine public, de même
que divers flots de verdure dans divers secteurs où on peut
prévoir pour l'avenir des développements importants dans le
domaine de la construction.
S'il faut prévoir pour l'avenir des flots de verdure et
l'acquisition pour le domaine public des parties du territoire qui y sont
destinées et qui constituent les avantages de la nature dont la
population doit pouvoir jouir, comme la montagne et les abords des cours d'eau,
de même que le parcours des principaux services publics comme le
métro, il nous semblerait irresponsable pour les pouvoirs publics et
pour l'Etat, de ne pas prévoir un mécanisme pour empêcher
que l'on construise ou améliore un site qui est ainsi destiné et
qu'il faudra exproprier un jour.
Il va de soi que le coût de la mise en oeuvre d'une telle
planification à long terme et de l'acquisition progressive des parties
du territoire réservées et destinées au domaine public ne
peut être absorbé sur une courte période et doit
nécessairement s'échelonner sur de nombreuses années.
Si la réserve à long terme s'impose dans
l'intérêt public, il n'en reste pas moins que les individus
affectés directement on droit à ce que l'on réduise au
strict minimum les inconvénients qui en résultent. Il ne faut
toutefois par perdre de vue, que la majorité des gens dont l'immeuble
peut être réservé à long terme ont avantage et de
fait désirent continuer l'utilisation qu'ils font au moment de la
réserve ou de l'imposition de la réserve.
Il devrait donc être possible de concilier l'intérêt
public exigeant des mesures pour empêcher la spéculation et
l'addition de constructions ou améliorations et l'intérêt
particulier du propriétaire qui peut avoir intérêt à
hâter l'expropriation pour réaliser le capital immobili-sé
dans son immeuble. Nous avions en 1971 soulevé ce problème au
ministère des Affaires municipales et, avec leurs recommandations
favorables, proposé un amendement à la charte. Votre
législature avait approuvé un tel système qui dans la
pratique, ne semble avoir créé aucune difficulté et
fonctionne avantageusement.
Nous ne sommes pas au courant que le ministère des Affaires
municipales ait modifié son avis, au contraire.
En prévoyant des dépenses capitales annuelles d'un certain
ordre, il est possible, avec un tel système, de réserver les
sites destinés au domaine public et de les acquérir
progressivement, au fur et à mesure que certains des
propriétaires exigent que l'on procède à l'expropriation.
S'inspirant du principe déjà accepté par l'adoption des
dispositions de l'article 42, qui a été adopté par votre
législature pour notre charte en 1971, nous suggérons que la loi
soit modifiée pour prévoir une réserve à long terme
par une disposition qui pourrait se lire comme suit:
Réserve à long terme: "Une réserve à long
terme demeure en vigueur pour une durée de deux ans et par la suite tant
qu'elle n'a pas été abandonnée ou que l'immeuble
affecté n'a pas été exproprié.
L'immeuble ainsi réservé ne peut plus être
cédé, transféré, vendu ou aliéné
qu'à celui qui a établi la réserve, mais le
propriétaire peut, en tout temps après l'expiration de la
période initiale de deux ans, lui signifier un avis pour le mettre en
demeure.
Dans les 90 jours de la mise en demeure, le propriétaire doit
être avisé de l'intention d'acquérir l'immeuble ou de
l'exclure de la réserve. S'il a été décidé
de l'acquérir, celui qui a réservé l'immeuble doit alors,
dans les 24 mois acquérir cet immeuble de gré à
gré, en décréter l'expropriation ou l'exclure de la
réserve. "La réserve à long terme ne peut être
imposée que par un ministre de Sa Majesté aux
droits de la province ou une municipalité de plus de 200,000
âmes et qui constitue une communauté urbaine ou une corporation
municipale".
Nous traiterons plus loin de certains effets juridiques qui devraient
résulter de l'imposition de toute réserve, soit certaines
exemptions de taxe, l'interdiction de construire et le non-remboursement des
constructions ou améliorations effectuées
subséquemment.
La raison pour laquelle nous avons limité, dans le dernier
paragraphe, l'application dès réserves à long terme, est
qu'un système où on met de côté les montants
capitaux pour acquérir progressivement, d'année en année,
au fur et à mesure que quelqu'un exige qu'on mette fin à la
réserve ou qu'on l'exproprie, ne peut fonctionner que dans un
très grand ensemble où, mathématiquement, on peut
prévoir qu'il n'y en aura qu'un certain nombre, à chaque
année, un peu comme en assurance, non pas qu'ils vont mourir mais qu'ils
vont demander qu'on les acquière.
Il est évident que le principe deviendrait d'application plus
difficile dans un endroit plus restreint. Récemment, la
Communauté urbaine de Montréal a fait des études assez
approfondies sur le territoire de la communauté, c'est-à-dire
dans les quelque 28 municipalités de l'île,
particulièrement dans l'optique d'un plan directeur pour les grands
réseaux de communication et pour les flots de verdure à
prévoir, etc. Or, indépendamment de nous, dans cette
étude, la communauté urbaine en est arrivée à la
même conclusion qu'il serait impossible financièrement d'avoir une
politique d'aménagement conséquente, à moins d'avoir des
réserves à long terme. Le directeur de ces études et de la
planification à la communauté urbaine, M. Desautels, est ici. Il
serait peut-être intéressant pour votre commission, si vous
vouliez suspendre une seconde l'exposé de la ville de Montréal,
de l'entendre vous donner le fruit de ses études et ses besoins
également de réserves à long terme.
M. DESAUTELS: II y a quelques mois déjà, il m'était
donné, à la demande de M. le premier ministre, de
présenter au conseil des ministres un document audio-visuel qui
était une esquisse préliminaire pour l'aménagement du
territoire de la Communauté urbaine de Montréal. C'est un
document qui avait d'abord été présenté au conseil
de la communauté et qui voulait, tout simplement, sensibiliser le
conseil aux problèmes qui se présentent en ce qui a trait
à l'aménagement du territoire. Depuis, nous avons
préparé un document qui sera remis incessamment à une
commission spéciale qui a été constituée par le
conseil de la communauté et qui doit, en regard de la Loi de la
communauté urbaine, tenir des audiences publiques sur le schéma
d'aménagement.
Ce qu'il est important de retenir pour la communauté et ce qui
l'intéresse à ce mo- ment-ci, c'est la question des
réserves à long terme. Le territoire de la communauté
urbaine qui, comme vous le savez, regroupe une trentaine de
municipalités sur l'île de Montréal, y compris l'île
Bizard, est fortement urbanisé. En fait, le territoire est
développé actuellement à un peu plus de 70 p.ç., ce
qui veut dire qu'il ne reste à développer, sur le territoire de
la communauté urbaine, que 40,000 acres, plus ou moins. Si on fait le
compte, enfin ce qui va au transport, ce qui va aux réserves
immédiates pour les écoles, les terrains de jeux, ou les
réseaux de rues.
Lot 40, il reste peut-être 14,000 acres pour l'habitation, ce qui
pourrait accueillir, sur le territoire de la communauté, une population
additionnelle d'à peu près 600,000 âmes. Ceci porterait,
effectivement, à peu près à 2,750,000 la population sur le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal.
Or, on sait, dans le cas des espaces verts, que la ville de
Montréal, comme, dans ses limites, est une ville densément
peuplée et qu'elle bénéficie d'espaces importants, comme
la montagne, les îles, le jardin botanique et le jardin zoologique,
à la grandeur du territoire de la communauté, et les
réserves, en espace, sont loin de répondre aux normes. En fait,
on a un peu moins de deux acres par 1,000 personnes alors que les standards
recherchés, sur le continent nord-américain tout au moins, sont
beaucoup plus près d'une dizaine d'acres par 1,000 personnes.
Ce qui veut dire qu'il reste tellement peu de terrain sur le territoire
de la communauté urbaine que ce terrain encore disponible à ces
fins, c'est-à-dire pour la création des grands réseaux de
parcs, ces réseaux de parcs deviennent importants à créer
sur le territoire de la communauté urbaine pour une raison fondamentale,
c'est qu'on a noté, au cours des cinq dernières années
c'est le recensement qui nous révèle ces chiffres
que dans la ville centrale, c'est-à-dire la ville de Montréal, et
les villes qui se groupent autour de la ville de Montréal, dans la
partie densément peuplée, il y a eu une perte de population de
près de 100,000 âmes. C'est donc un exode vers l'extérieur
et vers l'extérieur même du territoire de la communauté.
Ceci révèle un fait. C'est que les populations qui restent en
arrière sont les populations les moins mobiles et les populations les
plus défavorisées et celles à qui un parc à
Sainte-Agathe rend très peu service parce qu'il leur est difficile de
s'y rendre.
Alors, on doit penser en termes de réaménagement des
grandes agglomérations urbaines à créer ou à
inventer une nouvelle forme de parc, qui est un parc suburbain, un parc
collé à l'agglomération et qui est facilement accessible
aux populations les moins favorisées et les moins mobiles par transport
en commun, par exemple.
Alors, il reste très peu de ces terrains sur le territoire de la
communauté urbaine. Et dans le
schéma d'aménagement qui est préparé, et
dans la série des propositions, on vise à réserver ces
espaces. Cela représente quand même plusieurs milliers d'acres de
terrain qui se distribuent sur le territoire de la communauté urbaine.
Mais la communauté urbaine, actuellement, n'est pas en mesure,
financièrement, bien sûr, de se porter acquéreur de ces
emplacements. Elle est encore moins habile à les aménager au
cours des prochaines années. Mais il est important qu'elle assure la
protection de ces espaces parce que ces espaces, qui se prêtent le mieux
à cette utilisation, sont précisément les plus
convoités actuellement pour des fins domiciliaires.
M. PINARD: M. Desautels, me permettez-vous une question tout de
suite?
M. DESAUTELS: Oui, allez, je vous en prie.
M. PINARD: Vous dites que la Communauté urbaine n'est pas habile
à acquérir ni à développer les espaces verts dont
vous parlez et qui sont nécessaires pour atteindre la proportion de dix
acres par 1,000 habitants, je pense...
M. DESAUTELS: Oui.
M. PINARD: ...pour respecter le standard qui prévaut, disons,
dans le contexte nord-américain ou européen. Alors est-ce que
c'est une déficience de la loi, une carence de la loi...
M. DESAUTELS: Non.
M. PINARD: ...ou si c'est parce qu'il y a des raisons budgétaires
qui font que vous n'êtes pas capables d'agir? Ce sont principalement des
raisons budgétaires. Ce ne sont pas vraiment des carences de la loi.
Dans la loi de la communauté, la communauté peut exercer sa
compétence dans ce domaine, à la condition, bien sûr,
qu'elle fasse adopter par son conseil un règlement dans ce sens. Elle
n'a pas jugé à propos de la faire étant donné
qu'elle n'a pas les moyens, financièrement, d'acquérir
immédiatement ces propriétés.
Néanmoins, elle ne pourrait exercer ces pouvoirs ou des pouvoirs
en homologation qu'au moment où elle aurait, bien sûr,
témoigné de son intention d'exercer sa compétence dans ce
domaine. Alors ce qui lui paraît important, pour le moment, c'est qu'en
ce qui a trait aux réserves la réserve puisse être
établie à long terme, ce qui lui permet d'assurer la protection
de ces emplacements et de les réserver pour l'avenir.
Cela ne s'applique pas seulement à ces grands espaces
représentant des centaines et des centaines d'acres à la fois
mais également, vous le comprendrez, par exemple, à la
récupération des berges qui, je pense, est un objectif bien
compris et qui implique de l'acquisition sur une longue période de
temps, un peu à la fois, mais qui prévoit qu'on les
préserve tout au moins pour de longues périodes de temps.
Le problème se pose également, par exemple, dans le cas du
réseau des artères principales. Si le réseau autoroutier
relève du ministère des Transports et de la Voirie, le
réseau des grandes artères principales est une
responsabilité de la Communauté urbaine. Or, quand il s'agit de
prolonger, par exemple, de grandes artères à travers les
territoires de l'ouest de l'île où on doit traverser cinq ou six
municipalités, par exemple, on comprendra que ces municipalités,
individuellement, ne voient pas tellement leur intérêt,
peut-être, à réserver pour l'avenir et à se priver
d'un revenu qui découle du développement de parcelles de terrain
en réservant ces espaces.
Or là encore, pour la communauté, et cette fois dans sa
loi, la communauté n'a pas encore, quoiqu'elle en fasse demande,
évidemment, le pouvoir de se substituer aux municipalités pour la
réalisation du réseau des artères principales.
Néanmoins, il lui parait important de ménager l'avenir en pouvant
établir les réserves pour le passage de ce grand réseau de
voies intermunicipales.
Le cas s'applique également pour l'emplacement des usines de
filtration ou des usines d'épuration des eaux. En fait, Montréal
avait elle, lorsqu'elle en avait la responsabilité, avant la
création de la communauté urbaine, décrété
des homologations en vertu des pouvoirs qu'elle avait pour réserver de
très vastes terrains pour l'établissement d'usines
d'épuration. Ceci fait bien le bonheur, aujourd'hui, de la
communauté, que ces espaces aient été
préservés parce que c'étaient des espaces qui faisaient
l'objet, précisément, de spéculations foncières et
de fortes pressions pour leur développement.
Alors c'est dans ce sens, généralement, que la
communauté urbaine endosse le mémoire de la ville de
Montréal, qui semble refléter et traduire également les
besoins de la communauté en ce qui a trait aux réserves
d'espaces.
M. NIDING: M. le Président, si vous me le permettez...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Niding.
M. NIDING: ...j'ajouterais à la question du ministre,
tantôt, lorsqu'il demandait si c'était une question de pouvoirs,
c'est certainement une question de budget.
Pour citer un exemple illustrant ma pensée, dans le territoire de
la Rivière-des-Prairies, les espaces verts qui sont
réservés au titre de la ville je ne parlerai pas au titre
de la communauté ont une valeur de $10 millions.
Ceci est calculé comme si nous devions le payer aujourd'hui. Les
réserves sont, au total, de 400 acres. Encore là, c'est une
réserve de quatre acres par 1,000 personnes. Nous anticipons que, dans
ce territoire, il est possible de loger au moins 100,000 personnes. Quand je
dis au moins, c'est plus ou moins. Ce n'est sûrement pas l'idéal
de le dépasser tellement.
Donc, pour une année budgétaire, vous comprenez bien avec
moi qu'il n'est pas possible d'immobiliser $10 millions. Je vous dirai aussi,
en passant, qu'en 1963, au moment de l'annexion, le prix variait de $0.03
à $0.05 le pied. Aujourd'hui, il est en moyenne à $0.14 le pied.
Si on avait les possibilités de l'acquérir immédiatement,
on voit tout de suite que les réserves que nous demandons, c'est
justifié.
M. PINARD : Vous estimez que c'est un instrument indispensable pour
accroître la qualité de la vie, protéger la qualité
de l'environnement et pouvoir mieux planifier aussi l'affectation des
territoires qui seront consacrés aux espaces verts.
M. NIDING: Dans tous les territoires où on prévoit de la
planification, là où le territoire n'est pas
développé, c'est absolument essentiel, parce que je ne vois pas
quelle pourrait être la solution autre.
M. PINARD: C'est une réponse que vous faites à ceux qui
prétendent que l'inclusion d'une pareille disposition dans la loi
pourrait peut-être brimer des droits particuliers. A ce moment-là,
vous faites ressortir le droit de la collectivité par rapport aux droits
de l'individu ou d'un groupe d'individus.
M. NIDING: Oui.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Niding, quand vous parlez de cette question
de réserves, fort intéressante et essentielle, à mon avis,
quelles sont les zones de la ville de Montréal ou de la
communauté urbaine qui vous paraissent actuellement les plus importantes
en termes d'espaces verts et de disponibilité de terrains de jeu ou
autres terrains de même nature pour les citoyens
défavorisés?
M. NIDING: Lorsque vous parlez de zones, moi, je les définirais
en trois zones. Vous avez la première zone, celle qu'on vient de
décrire, où le terrain est libre, et où le
développement se prolonge.
La deuxième zone, c'est sûrement celle que tout le monde
connaît, lorsqu'on parle des zones grises, les zones où
l'habitation doit être rénovée. Particulièrement, si
vous connaissez ces secteurs, ce sont surtout ceux-là qui sont
extrêmement pauvres en espaces verts.
Le service de l'habitation et l'urbanisme conjointement nous font des
recommandations pour réserver des flots et, dans certains secteurs
encore la semaine dernière nous prenons des
quadrilatères les plus vétustes pour les convertir en petits
parcs.
Dans le troisième cas, même si je le décrivais comme
étant une zone bien nantie, il y aura sûrement des réserves
à faire. A ce moment-là, ce ne sera peut-être pas au
chapitre des espaces verts, mais il y a aussi les autres chapitres où
nous devons, dans le cas de l'épuration des eaux, avoir une attention,
je pense bien particulière.
Donc, même si les trois zones sont bien décrites, je ne
pense pas que la loi pourrait s'appliquer à une zone plus qu'à
l'autre. Elle doit quand même nous donner le pouvoir de nous
déplacer facilement en ayant à l'intérieur de la loi tout
ce qu'il nous faut pour opérer et, dans certains cas, il faut être
très rapide.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans le rapport et dans les études que
vous avez faites concernant cette exigence de la clause de réserves,
comment avez-vous déterminé, en ce qui concerne la
Communauté urbaine de Montréal, les zones stratégiques,
celles qui vous paraissent, à l'heure actuelle de nature à exiger
l'intervention la plus rapide possible des pouvoirs publics pour aider les
citoyens qui sont amassés dans ce qu'on appelle les secteurs
défavorisés?
M. DESAUTELS: Oui, cela fait l'objet de nombreuses études, vous
le comprendrez, d'une reconnaissance bien sûr du territoire pour une
appréciation d'abord des qualités physiques des emplacements
eux-mêmes. Ce qu'on a recherché surtout sur le territoire,
étant donné qu'il en reste peu qui ne soit pas
développé, c'est précisément celui qui était
à peu près entièrement vacant et qui se situait
stratégiquement, par exemple, en bordure des rivières où
on voudrait allier à l'utilisation d'espaces verts et d'espaces de terre
évidemment les formes de loisirs qu'offrent les plans d'eau.
Alors, c'est dans les parties non développées
actuellement, surtout, du territoire de la communauté urbaine que l'on
retrouve ces espaces qui viennent compléter le réseau initial
dont M. Niding parlait tantôt et qui est constitué à partir
du petit terrain de jeux, du terrain de sport et du parc de quartier et
même du parc de district où ça pourrait ressembler à
quelque chose comme le parc Lafontaine à Montréal, pour ceux qui
le connaissent bien. Là, on est à une échelle tout
à fait différente.
Ces parcs ont été situés en fonction des
projections de populations et en fonction du rythme de développement que
l'on connaît sur le territoire et ont été distribués
dans la partie est, à peu près, dans la partie centrale du
territoire et l'un, tout près de l'extrémité ouest du
territoire de la communauté urbaine. Les trois donnent effectivement sur
la rivière Des Prairies. L'un d'eux, celui de l'extrémité
est de l'île, est à la rencontre bien sûr du Saint-Laurent,
de la rivière Des Prairies et de la rivière des Mille Isles; il
est en fait à l'extrémité est du quartier
Rivière-des-Prairies que la ville de Montréal est en train de
développer selon un plan directeur. L'autre se situe à peu
près au
centre de l'île, autour d'un réseau d'îles comme
l'Ile-aux-Chats que nous voulons également récupérer et
qui se situe autour d'un petit ruisseau; il subsiste très peu de
ruisseaux qui pénètrent encore le territoire de la
communauté, mais il y en a quelques-uns et tous donnent sur la
rivière Des Prairies. Ce sont des ruisseaux qui ont une
résonnance dans notre histoire, ce sont des ruisseaux
vraiment-historiques parce que c'est de là que s'est faite d'abord la
pénétration sur le territoire de l'île. On voudrait pouvoir
les ménager, les intégrer à la fonction urbaine, on
voudrait qu'ils puissent traverser ces espaces.
Or, les espaces auxquels je pense actuellement représentent, pour
un, 1,000 acres, un autre 750 acres et un autre près de 600 acres sur le
territoire de la communauté, c'est pour de l'activité à
longueur d'année. C'est une nouvelle forme de récréation,
ce n'est pas le terrain de jeux, ce n'est pas le terrain de sport, c'est un
endroit où il y a du dépaysement, c'est un endroit où on
retrouve les quelques rares boisés qui subsistent sur le territoire de
la communauté urbaine, c'est un endroit où on peut avoir des
installations qui peuvent accueillir durant l'été et durant
l'hiver, des écoles de neige ou des séjours de fin de semaine,
des séjours pour une semaine, par exemple, dans une politique
peut-être un petit peu mieux comprise d'aide et de
bénéfices à l'ensemble de la population.
Alors répondant directement à votre question
ils ont été choisis pour leurs qualités
particulières d'aménagement, pour leur localisation
stratégique, pour leur accès facile en fonction du réseau
autoroutier du prolongement des grandes artères de circulation et du
transport en commun.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Niding ou M. Desautels, je ne
sais pas à qui la question pourra s'adresser spécifiquement, vous
avez parlé de problèmes d'aménagement en fonction de
l'avenir et en fonction de ces territoires qui sont encore disponibles. D'autre
part, au début de l'exposé de Me Normandin, on parlait de
qualité de l'environnement. Est-ce que M. Desautels ou M. Niding, je ne
sais pas qui pourra me répondre, dans cette optique de la qualité
de l'environnement vous avez fait des études spéciales sur
certaines zones dont une en particulier me frappe toujours quand j'entre par
l'est de Montréal, cette zone où se trouve les grandes
raffineries et qui constitue pour les populations qui vivent dans le proche
environnement quelque chose, à mon sens, d'inhumain? Alors, est-ce que
dans le travail que vous préparez, ce plan d'aménagement que vous
préparez, vous prévoyez que ces espaces que vous voudriez
réserver pourraient être éventuellement utilisés par
des populations qui pourraient être éloignées de cette
sorte de foyer, à mon avis, de contamination que constitue la zone des
grandes raffineries de Montréal?
M. DESAUTELS: Oui, je peux peut-être répondre à
cette question, M. Tremblay. Dans le schéma d'aménagement fait
dans le document qui sera remis à la commission spéciale, il y a
une série de propositions qui impliquent précisément, bien
sûr, un contrôle sur l'expansion d'abord des raffineries. Il ne
s'agit pas d'arrêter nécessairement cette activité, mais
peut-être de le mieux contrôler et d'empêcher la
dissémination de cette activité à la grandeur du
territoire.
Cela s'applique également dans d'autres activités à
caractère nocif. Je pense par exemple à l'exploitation de
carrières ou de choses comme ça. Alors les espaces qui ont
été choisis l'ont été pour d'autres raisons que
j'ai mentionnées tantôt, mais également de façon que
ces espaces ne soient pas situés, par exemple, sous le vent dominant de
raffineries ou d'activités industrielles qui rendraient leur utilisation
moins intéressante.
Alors c'est quelque chose qui a été retenu
généralement bien sûr dans la relocalisation de ces
emplacements. Je pense que l'on peut dire que ces emplacements rejoignent aussi
d'autres objectifs qui sont précisément ceux déjà
mentionnés de qualité, non seulement la qualité de vie du
milieu qu'on recherche pour l'activité qu'on y retrouvera là,
mais également la qualité de l'environnement; c'est-à-dire
que je crois qu'il est inhumain sûrement que l'on pense en termes de
grandes agglomérations urbaines, quand on sait que les concentrations se
font dans ces grandes agglomérations urbaines. On dépasse depuis
longtemps 70 p.c. de la population de la province et c'est un
phénomène universel où on se concentre et on s'agglutine
comme ça dans un même milieu, que ça s'étale
à l'infini, sans prévoir des zones tampons, sans prévoir
des arrêts dans ce développement qui permettent aux enfants des
générations à venir de voir pousser de près un
arbre, au moins de savoir ce que c'est.
Alors ce sont des objectifs de qualité de milieu, de
qualité de vie dans ce même milieu. En fait, le grand thème
qui sous-tend toutes les propositions du schéma d'aménagement
c'est peut-être le thème de la réconciliation. C'est
peut-être le thème de la réconciliation de la ville avec la
nature, de l'homme avec son milieu. Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: M. le Président, permettez-moi tout d'abord de
souhaiter la plus cordiale bienvenue aux différents représentants
des organismes ici ce matin, à cette reprise de la commission
parlementaire du transport sur l'étude du projet de loi 88. A la
lumière des nombreux mémoires déjà entendus
à eette commission et à l'étude de ceux qui restent
à être discutés, nous avons pu nous faire une idée
de ce que devrait être ce projet de loi, afin
d'orienter l'individu vers ses devoirs qu'il doit reconnaître et
remplir vis-à-vis de la société et aussi d'orienter le
législateur qui devra faire en sorte que la société puisse
respecter au maximum la liberté de l'individu par le truchement d'une
compensation plutôt excédentaire à la valeur marchande des
biens expropriés, c'est-à-dire une indemnité
correspondante aux préjudices créés dans son sens le plus
large.
Les obligations auxquelles l'individu doit se soumettre afin de
répondre aux besoins prioritaires de la communauté ne doivent pas
cependant lui être préjudiciables pour autant. C'est pourquoi
l'étude de ce bill est très délicat et doit nous engager
d'abord et surtout vers l'étude des droits de l'individu, pour faire en
sorte qu'à tous les niveaux de la procédure d'expropriation on y
retrouve ce souci d'indemniser justement et dans les temps requis
l'exproprié.
Dans les exposés, ce matin, on parle surtout de la réserve
dont on veut se servir, surtout peut-être pour pallier les dangers de
spéculation. C'est sûr que c'est une bonne mesure. Mais de toute
façon, il ne faudrait pas non plus que cette réserve vienne
brimer des droits ou être préjudiciable à
l'exproprié. C'est à ce niveau, M. le Président, que nous
voudrions apporter une note d'attention vis-à-vis de cette
réserve dont on veut se servir, parce que j'imagine, autant dans le
projet de loi que dans le mémoire de la ville de Montréal, qu'on
veut s'accommoder passablement de cette réserve pour prévoir les
déficiences budgétaires.
C'est sûr que ce serait des coûts exorbitants pour la ville
et les organismes qui légifèrent en ce sens, dans ces secteurs.
De toute façon, il faudrait aussi faire attention et surtout voir
à ne pas pénaliser l'exproprié qui, lui aussi, ne doit pas
supporter tout le fardeau de ces réserves.
J'imagine que ces mesures de réserve sont peut-être
logiques dans un sens, pour se réserver ces espaces verts
nécessaires aux communautés urbaines, aux villes
concernées mais c'est toujours là que nous devrions voir à
ce que l'exproprié ne soit pas pénalisé outre mesure. Je
crois qu'à ce moment-ci nous devrions surtout réserver pour
l'exproprié au moins une indemnisation égale à un
intérêt normal sur la valeur en capital de l'expropriation. Je
crois que le bill et même le mémoire de la ville ne
prévoient pas ce genre d'indemnisation surtout à ce niveau.
J'insiste là-dessus, M. le Président, faire en sorte que ces
réserves, au moins, prévoient une juste rétribution d'un
intérêt normal, d'un intérêt contemporain, je dirais,
pour pallier toute possibilité de perte, d'une moindre perte pour
l'exproprié.
M, le Président, ce sont les remarques que j'avais à
faire. Je demanderais à M. Desautels, par exemple, s'il a prévu
d'autres façons de protéger tant soit peu l'exproprié
contre les pertes possibles de ces individus vis-à-vis des
réserves dont on veut bien se servir.
M. DESAUTELS: Je pense que l'imposition d'une réserve ne doit
pas, par l'imposition de la réserve même, évidemment,
déposséder un individu et le brimer dans ses droits et que cela
se traduise pour lui par une perte financière. En fait, dans la
proposition du mémoire de la ville de Montréal, qui est
déjà un pouvoir qui se retrouve dans la charte de la ville de
Montréal, il est prévu, pour la protection de la réserve,
une période initiale de deux ans. L'individu subit, si vous le voulez,
cette homologation ou cette réserve, cette contrainte, en quelque sorte,
sur son bien mais après deux ans, évidemment, il peut mettre la
communauté ou la ville ou les intéressés en demeure
d'acquérir la propriété.
Elle n'est pas acquise, bien sûr, à la valeur que cette
propriété avait au moment où on a
décrété l'homologation mais bien à la valeur qui
paraît au rôle d'évaluation. A ce moment-là,
l'individu peut entrer dans son argent. Ou, si la communauté ou la ville
a changé d'idée, bien sûr, ou ne peut pas acquérir,
elle doit, à ce moment-là, lever son homologation ou sa
réserve. L'individu bénéficie automatiquement, nous
semble-t-il, au moment de l'expropriation de son terrain, de toute plus-value
que le terrain ou l'immeuble en question peut avoir acquise au cours des
annés durant lesquelles la réserve était établie.
Le montant qui lui sera payé au moment de l'expropriation ou de
l'acquisition de cette propriété le sera effectivement à
la valeur de la propriété. Ce que vous ajoutez comme proposition
ici, je pense, et qui n'est pas considéré, ce fait qu'un individu
peut d'abord l'offrir, qu'on doive l'acquérir ou lever l'homologation,
qu'il est payé à la valeur de la propriété, je
pense que vous ajoutez une clause lui faisant bénéficier d'un
intérêt sur le montant ou sur son argent, intérêt
qu'il n'aurait pas eu si ce terrain était demeuré sans être
vendu, je pense.
M. AUDET: Je crois qu'ici, lorsque la réserve est établie,
on enlève tout de même la possibilité à cet individu
de pouvoir négocier une vente quelconque sur laquelle il pourrait jouir
d'un capital sur lequel lui serait reconnu un intérêt normal.
C'est donc dire qu'au moment de la réserve je crois qu'il serait
logique que soit prévu le paiement au moins d'un intérêt
normal sur le capital que ce même individu aurait touché sur une
vente éventuelle. C'est là, je pense, que l'individu est
brimé dans ses droits. Vous parlez d'une plus-value pendant la
réserve; je me demande au juste où vous pourriez situer cette
plus-value. Normalement, je ne crois pas que vous voyiez la possibilité
pour un individu de faire quoi que ce soit sur son terrain ou sa
propriété pour en augmenter le coût. Mais la plus-value
normale due à l'inflation ou à la montée normale de la
valeur des terrains, est-ce qu'elle serait reconnue à juste titre?
M. NIDING: Si vous me le permettez, je pense que je peux
compléter les explications à ce chapitre. M. Desautels a
essayé d'illustrer,
quand même, ce qui se passe au moment où la réserve
peut être faite. D'abord, il y a l'homologation purement et simplement. A
partir du moment où la première procédure en homologation
est prise, si elle est faite pour fins de parc je pars de mon premier
exemple de tantôt, dans un terrain qui est à développer et
je prends Rivières-des-Prairies ou tout autre terrain similaire
s'il est homologué, il est relevé de toutes charges de taxes,
mais il en garde quand même l'occupation. S'il est installé sur
son terrain, il garde son occupation. Il ne peut pas quand même
construire, d'accord. H ne peut pas, non plus, comme je l'ai dit tantôt,
agrandir ses bâtisses ou transiger, ni vendre. Mais avec ce que nous
demandons, pour le premier délai de deux ans ensuite, ils donnent
un avis de 90 jours nous pouvons, nous, soit nous retirer ou
compléter la négociation, soit par un dépôt
d'expropriation possession simple ou par la possession au préalable.
Donc, à partir du moment où il peut l'occuper sans payer de
taxes, je pense bien qu'il ne subit pas de préjudice.
Tantôt, M. le Président, dans mes explications, je pense
que j'ai sciemment apporté cet éclairage là-dessus; c'est
qu'il y a dix ans, si le terrain avait été homologué
j'ai bien donné le chiffre le prix variait de $0.03
à $0.05. J'ai dit tantôt que nous payons présentement un
prix moyen de $0.14. Donc, si je veux continuer mon exemple, M. le
député, je pourrais dire que le terrain homologué à
$0.03, qui aurait été exempté de taxes pendant dix ans,
nous le paierions aujourd'hui $0.14 et le même citoyen aurait
continué d'occuper sa propriété. Je pense bien qu'en plus,
si nous lui avions payé un intérêt, quel que soit le taux,
de son côté, non seulement il aurait été gagnant,
mais il a été traité justement par le bureau des
expropriations. En plus, lorsqu'on prétend que le citoyen est
lésé, je pense que, jusqu'à présent, pour toutes
les causes qui ont été entendues devant le bureau des
expropriations, il y a eu un dépôt. En effet, comme nous
procédons par expropriation au préalable, nous devons
déposer au moins l'évaluation. Je pense bien qu'il y a eu des
débats ici. Lorsqu'on parle d'évaluation, on nous accuse assez
souvent d'évaluer à la valeur marchande. Donc, encore là,
il a joui de son capital pendant la période où le bureau des
expropriations a pris ses exposés en considération.
M. AUDET: Je crois que, quand on parle de jouissance de capital, c'est
assez relatif...
M. PINARD: Parlez plus fort.
M. AUDET: ... parce que, d'accord, on s'entend pour dire qu'il continue
d'occuper l'endroit, mais il est toujours dans le suspense, à savoir
s'il sera exproprié ou non. Il se verra peut-être encore
propriétaire de son terrain lorsqu'on retirera la réserve ou lors
de l'expropriation. Maintenant vous expliquez la plus- value lorsque vous
acceptez après l'homologation de considérer la hausse du
coût du pied carré de terrain. C'est réellement une
plus-value qui peut facilement compenser ou équivaloir à un gain
d'intérêts quelconque. Mais qu'est-ce que vous diriez, par
exemple, si, au lieu d'une augmentation, il y avait une diminution?
Là, cela jouerait sur un autre plan. Vous verriez aussi,
peut-être, le droit de suivre le prix du marché.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... si le député de
l'Abitibi-Ouest me le permet, je comprends très bien le souci qu'il a de
vouloir protéger l'éventuel exproprié. Mais si on replace
le problème dans cette perspective générale de la
qualité de l'environnement et d'un aménagement du territoire qui
soit conforme aux objectifs de santé, de sécurité,
d'hygiène, etc., je pense que les arguments qu'apporte le
député d'Abitibi-Ouest, pour valables qu'Us soient, ont
déjà été examinés par la ville de
Montréal et de façon très sérieuse, puisqu'à
la page douze de son mémoire, lorsque l'on parle de la réserve
à long terme, on prévoit toutes ces dispositions qui permettent
à l'exproprié de récupérer la plus-value du bien
qui pourrait être exproprié.
D'autre part, si on contraignait la ville de Montréal ou la
communauté urbaine, par exemple, à payer des prix exorbitants,
dont un intérêt, par exemple, qui, en définitive, serait
défavorisé? C'est celui qui est contribuable de la ville de
Montréal ou de la communauté urbaine. Alors, il recevra d'une
main ce qu'on lui retirera de l'autre, de toute façon, puisqu'il est
contribuable.
Alors, l'objectif, je crois, que recherche la ville de Montréal
et la communauté urbaine, c'est précisément de concilier
des exigences qu'on exprime à propos de la clause de réserve, en
même temps que les droits de l'individu de préserver sa
propriété. Mais l'individu, il ne faut pas oublier qu'il fait
partie d'une communauté et qu'il est obligé, comme tout le monde,
de contribuer au bien-être de cette communauté.
Par conséquent, si on introduisait dans la loi une série
de petites clauses de réserves et des provisos, qui permettraient de
payer des intérêts, ou des si, ou des ça, à la fin
du compte, on se retrouverait, à la ville de Montréal ou à
la communauté, avec un budget beaucoup plus considérable qui
constituerait un fardeau fiscal dont chacun des citoyens devrait assumer le
poids et, notamment, celui qui serait exproprié comme les autres.
Je pense que la proposition que fait la ville de Montréal
à la page douze, sous réserve d'un examen ultérieur et
d'un examen sur le plan spécifiquement légal, me paraît
concilier ces
deux exigences de la protection de l'éventuel exproprié
et, d'autre part, de l'intérêt de cette grande collectivité
que constitue la ville ou la Communauté urbaine de Montréal.
Autrement, on serait obligé, par réglementation ou autrement,
d'entrer dans une série de complications qui feraient que chaque cas
serait un cas d'espèce alors que l'objectif qu'a exposé tout
à l'heure M. le président Niding et Me Norman-din, de même
que M. Desautels, est d'assurer à la collectivité
montréalaise, la grande collectivité montréalaise, un
mieux-être par le truchement de cette clause de réserve qui, si
elle est appliquée, est de nature à rendre l'habitat
montréalais beaucoup plus humain.
M. NIDING: Maintenant, M. le Président, si je peux
compléter, c'est que tantôt le député a bien
basé les intérêts sur une hypothèse de vente. Dieu
sait si on ne peut pas quand même baser nos pronostics de crédit
sur l'hypothèse parce que quand même il faut que nous remarquions
qu'au moment où il y a une transaction qui s'exécute au niveau
privé, il y a nécessairement des modalités de paiement qui
peuvent s'échelonner sur plusieurs années. Lorsque la province,
ou la ville, ou la communauté urbaine exproprie, à ce
moment-là, nous savons bien que le citoyen reçoit son montant
d'argent intégral. Donc tout cela aussi entre ligne de compte.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Avant de passer la parole au
ministre, j'aimerais apporter un changement parmi les membres de la commission.
M. Perreault (Assomption) remplace M. Lafrance (Rivière-du-Loup).
L'honorable ministre des Transports.
M. PINARD: A la page douze du mémoire, Me Normandin ou
celui qui voudra bien me répondre vous parlez d'une
réserve à long terme. Mais quand on lit l'article avec beaucoup
d'attention, on s'aperçoit que c'est une réserve dont la limite
est fixée à deux ans ou à 24 mois, selon le cas.
Je voudrais savoir s'il s'agit de la même réserve dont le
bill 88 parle, c'est-à-dire une réserve de deux et cinq ans,
parce que nous avons assorti deux réserves, et je voudrais savoir si,
dans l'optique des objectifs poursuivis par la ville de Montréal, compte
tenu de la discussion qui vient d'être faite sur le sujet, vous pensez
qu'à même les réserves de deux ans et de cinq ans que nous
constituons ou que nous avons l'intention de constituer dans le bill 88, vous
avez suffisamment de souplesse pour être capables d'arriver à
réaliser les objectifs dont vous nous avez parlé plus tôt
sans avoir à apporter l'amendement que vous suggérez à la
page 12 de votre mémoire.
M. NORMANDIN: Voici, M. le ministre, la réserve à long
terme dont nous parlons et que nous appelons à long terme, c'est qu'elle
est pour une durée initiale de deux ans et toutefois se continue tant
que la personne dont le bien est réservé n'exige pas qu'on
procède ou qu'on l'abandonne. Il est très très difficile
de concilier...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez, Me Normandin, ce serait
quatre ans, en fait.
M. NORMANDIN: Pardon?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le minimum de la réserve serait quatre
ans.
M. NORMANDIN: C'est cela.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Deux ans plus deux ans après l'avis et
ensuite...
M. AUDET: Plus 90 jours.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, les 90 jours, mais laissons-les tomber,
c'est de la procédure. Mais la réserve, dans votre esprit, c'est
une réserve qui, après deux ans, pourrait être, enfin,
annulée mais en réalité, par la voie de la
procédure, maintenue encore pendant deux autres années, ce qui
veut dire qu'au minimum la réserve est de quatre ans mais pourrait
être quand même beaucoup plus longue que cela.
M. NORMANDIN: C'est ça. En principe, elle demeure et il est
extrêmement difficile de concilier le fait qu'il faut des politiques
d'aménagement, de protection de l'environnement à très
long terme. Et pour les pouvoirs publics, financièrement, c'est
impossible de le faire sans des réserves à long terme et, en
même temps, de concilier l'intérêt de l'individu qu'il ne
faut pas, quand même, placer dans une situation où il est
gelé pendant 40 ans.
Nous en avons discuté avec un grand nombre d'experts au
ministère des Affaires municipales, et en fait, j'ai l'impression que
tout le monde cherche une solution permettant de concilier ce qui paraît
presque irréductible. Je crois que la formule que nous suggérons,
à ce jour, je n'en ai pas vu de plus heureuses en ce qu'elle permet, au
moins une grande agglomération. Comme la majorité des gens chez
qui on impose une réserve, par exemple, si je demeure, avec ma famille,
à un endroit, dans ma maison, et qu'on me dise qu'on le réserve
et qu'éventuellement cela ira dans le domaine public, je ne suis pas
intéressé à partir. Je suis bien là et je vais y
rester. Ce n'est qu'un certain nombre de gens, par exemple, à un moment
donné, il y en a un dont la famille grandit, qui veut s'en aller en
appartement et vendre sa propriété, qui va le demander.
Or, dans une grande agglomération, statistiquement, il y en aura
seulement un certain pourcentage par année. A ce moment-là, il y
a
moyen de mettre un montant capital chaque année et,
graduellement, de les acquérir. Sans cela, ces endroits vont se
développer, on va y faire des investissements et les pouvoirs publics
jamais ne pourront, après, aller les récupérer. Il est
évident que si on ne prévoit pas un genre de réserve de
cette nature, on va hypothéquer les générations à
venir et ce sera impossible, et c'est eux qui en souffriront, il ne sera plus
possible d'avoir des politiques de dégagement parce que,
financièrement, ce sera impossible.
M. PINARD: J'ai bien suivi votre discussion. Est-ce que vous avez des
cas pratiques qui nous prouvent ou qui vous prouvent que des terrains ou des
domaines, qui pourraient être réservés pour fins publiques,
sont déjà sous le coup d'une homologation quelconque et dont le
propriétaire n'est pas intéressé à demander
paiement de l'indemnité qui pourrait être
décrétée s'il décidait de demander le paiement de
la valeur de son terrain? Est-ce que vous avez des cas d'exemples comme
ça, qui nous permettent de croire que votre réserve de deux ans
peut devenir une réserve de quatre ans et, éventuellement, peut
se perpétuer dans le temps? Est-ce qu'il y a quand même quelqu'un
qui pose des limites à ce pouvoir que vous demandez?
M. NORMANDIN: Je dois dire que depuis 1971 que nous avons le
système, évidemment, comme c'est deux ans, cela fait 1973, c'est
peut-être un peu tôt, mais sur le plan des principes, c'est un peu
comme de la statistique en assurances. C'est bien évident que tout le
monde ne mourra pas en même temps.
Alors, la personne qui désire déménager dans une
grande agglomération et ils ne voudront pas tous partir en même
temps. C'est le principe dont on se sert par cette chose. En pratique, depuis
deux ans, nous n'avons eu, à ma connaissance, à peu près
aucune critique de ce système et ça ne semble pas avoir
créé des répercussions néfastes. Mais j'aimerais
mieux que le directeur de l'urbanisme réponde, parce que c'est lui qui
est le plus au courant de la correspondance et des demandes des citoyens.
M. LEGAULT: II y a beaucoup d'exemples. Je donnerais en particulier le
cas de l'île de la Visitation, qui a été homologuée
il y a plusieurs années. Les habitations sont demeurées là
et aucun des propriétaires ne s'est prévalu de son pouvoir qu'il
a de demander à la ville de l'exproprier.
Il y a plusieurs endroits dans la ville où des parcs devraient
être agrandis. Nous avons homologué les terrains avoisinants
où il y a de l'habitation. La ville, d'une part, ne procède pas
tant que le propriétaire ne demande pas d'être
délogé et, d'autre part, le propriétaire dans un
très grand nombre de cas n'est pas pressé de se faire
déloger. Il a des meilleures conditions, son terrain n'est pas
taxé.
Il a droit de résidence, il peut faire les réparations
nécessaires à sa propriété, bien qu'il ne puisse
pas la démolir et la reconstruire. Cela ce n'est pas permis,
étant averti qu'il déménage.
Mais il reste que de façon générale c'est beaucoup
plus difficile dans le cas de l'habitation de déplacer des gens. Et des
gens homologués se sont très souvent dits très heureux de
l'être. Enfin ça ne les embête pas, tant et aussi longtemps
qu'on leur promet qu'on ne les délogera pas d'une façon
rapide.
Il reste que certains autres types de propriétaires sont
plutôt désireux de se faire acheter. Et je pense par exemple
à ceux qui font le commerce de terrains. Ceux-là
évidemment, quand ils voient les chances de la spéculation leur
échapper, ils sont plutôt désireux de se faire
exproprier.
M. PINARD:... par le profit ceux-là. M. LEGAULT: C'est
ça.
M. PINARD : Alors, on les traite comme tels. Dans le cadre de
l'expérience que vous faites actuellement à Montréal, dans
le cas des terrains homologués et quand le propriétaire se
déclare satisfait d'être homologué sans requérir
à son pouvoir d'exiger l'expropriation et le paiement de
l'indemnité, qui est responsable du bon entretien des terrains en
question? Est-ce que vous avez quand même des clauses qui obligent le
propriétaire terrien à faire un bon entretien de sa
propriété ou si vous y pourvoyez vous autres comme mesure de
compensation et de protection éventuelle de votre terrain qui viendra se
greffer au domaine public?
M. LEGAULT: Sur la question de...
M. PINARD: Parce que là il est question de la qualité de
l'environnement, aussi de la qualité de la vie et du maintien en bon
état de la propriété, si elle l'est
déjà.
M. LEGAULT: Je pense qu'il y a dans ce domaine deux aspects. Il y a le
propriétaire occupant. Il est bien évident que le
propriétaire occupant conserve toutes ses obligations de
propriétaire, c'est-à-dire que son terrain il doit l'entretenir.
Cela c'est pour le propriétaire occupant.
D y a le propriétaire non occupant d'un terrain vacant. Si on se
réfère aux terrains de Rivière-des-Prairies, dans un cas
comme dans l'autre le propriétaire a l'obligation, évidemment, de
veiller à l'entretien de son terrain. Quand on dit l'entretien de son
terrain, c'est qu'il prévient, si vous voulez, par des enseignes et
aussi par une sorte de gardiennage qu'on ne peut y déposer des
ordures.
Mais ça c'est le problème du propriétaire.
Même si le terrain est homologué, le propriétaire a la
responsabilité, dans les conditions présentes, de la surveillance
de son bien, parce que ça continue à lui appartenu.
Je pense que, dans le cas des propriétaires occupants, le
problème ne peut pas se poser parce qu'effectivement le
propriétaire est là et sa maison et son terrain lui
appartiennent; il en a la garde, la propriété et la
jouissance.
M. PINARD: C'est sujet aux dispositions des règlements municipaux
qui peuvent prévaloir en pareil cas. Mais le fait qu'il ne paie pas de
taxes, est-ce que ça ne le rend pas moins soucieux du respect des
règlements?
M. LEGAULT: Moi, je ne connais pas d'exemple.
M. PINARD: Je pose peut-être le problème de façon
absolue, mais, puisqu'on est dans ce nouveau critère de qualité
de la vie et de l'environnement, il faut aller dans toutes les avenues
maintenant.
M. LEGAULT: Si on prenait globalement l'expérience de
Rivière-des-Prairies, où des terrains et des bâtiments ont
été expropriés pendant une bonne période, on ne
peut pas remarquer ce phénomène. C'est une chose qui n'a pas
été observée, dois-je vous dire. A
Rivière-des-Prairies, il y a des gens qui sont venus nous voir et qui
nous on dit : J'ai tel bout de terrain, je voudrais me construire.
On me dit que ma propriété est homologuée; nous lui
disions: Oui. Alors ces gens-là nous disaient: Voulez-vous
acquérir la propriété, parce que je vais aller
réinstaller ailleurs? Cela va très bien, mais dans les autres cas
où il y a réellement des gens qui sont installés, ce n'est
pas courant, les gens ne réagissent pas comme ça.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
l'Assomption.
M. PERREAULT: Si je comprends bien la manière dont vous
procédez, en renouvelant la réserve cela vous permet
d'acquérir graduellement les propriétés lorsque les gens
sont expropriés et, en même temps, cela vous permet de relouer les
bâtiments jusqu'à ce que vous soyez prêts à
démolir pour les bâtiments en question. La ville, lorsqu'elle
exproprie, se permet-elle une location de ces bâtiments jusqu'à ce
qu'elle soit prête à faire son projet?
M. NIDING: M. le Président, je pense bien que si vous parlez du
chapitre de la rénovation, au fur et à mesure que les logements
se libèrent, les démolitions en vue de la reconstruction se font
le plus rapidement possible.
M. PERREAULT: Je parle d'un parc, par exemple.
M. NIDING: Dans le cas d'un parc, la même chose, nous les
libérons le plus rapidement possible et nous procédons
l'année suivante à l'aménagement.
M. PERREAULT: Non, mais j'ai...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. PERRAULT: Excusez, dans le cas où vous homologuez pour
plusieurs années, est-ce qu'il ne serait pas dans l'intérêt
de la ville, si les bâtiments en question sont en bon ordre, de faire une
location de façon à ne pas augmenter les charges
financières?
M. NIDING: Non, M. le Président, je pense que pour rendre cela
très clair, les réserves de terrains en vue de l'avenir se font
surtout dans le territoire non bâti. Lorsque nous faisons des
réserves dans un territoire bâti, c'est en vue d'aménager
des parcs dans le plus court délai possible, donc, c'est en deux
catégories. La politique de louer des maisons qui sont dans un
territoire réservé n'a pas encore été
commencée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'aimerais poser une
question au ministre concernant la proposition de réserve à long
terme qui est faite à la page 12 par la ville de Montréal. On
dit: La réserve à long terme ne peut être imposée
que par un ministre, etc., ou une municipalité de plus de 200,000
âmes. Qu'est-ce que le ministre pense de cette clause restrictive de
population?
M. PINARD: Bien, je m'étais...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faut penser quand même aux
aménagements qui s'en viennent dans certaines régions, notamment
la mienne, celle de la Côte-Nord, etc., où des communautés
s'organisent où des regroupements se font.
M. PINARD: ... moi-même posé la question en lisant le texte
de l'amendement proposé. Je trouvais que c'était restrictif
compte tenu des choses qui sont en devenir. La création de vastes
communautés urbaines qui se font ne sont pas nécessairement de
même nature que celles qui ont été construites à
Québec, Montréal et dans la région de Hull où les
territoires sont beaucoup plus grands en distance et où il y aura
peut-être une moins forte concentration de population mais où il
faudra quand même procéder à un regroupement.
C'est pour ça que je me suis demandé si, au lieu de
proposer l'adoption d'un amendement comme celui-là et de l'inscrire dans
le texte même du bill 88, ça ne devrait pas aller plus tôt
dans une prochaine loi de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire?
Nous allons quand même étudier le problème au niveau des
conseillers juridiques et nous allons consulter les responsables du
ministère des Affaires municipales qui ont déposé un livre
blanc sur le sujet. Eventuellement, il y aura un projet de loi qui en
émanera, pour voir jusqu'à quel point ça peut se
concilier. Est-ce qu'il est préférable
d'inclure cette clause dans le bill 88 ou s'il est
préférable de l'envoyer dans l'autre projet de loi qui concernera
plus spécifiquement l'urbanisme et l'aménagement du territoire?
Si vous voulez nous faire confiance là-dessus, quitte à ce que
nous vous consultions de nouveau, je serais prêt à garder
l'affaire en délibéré avec le consentement des membres de
la commission.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Je vais permettre une courte question
au député d'Abitibi-Ouest avant que Me Normandin ne continue son
exposé.
M. AUDET: Pour revenir sur l'avantage que retirerait l'exproprié
de la considération de la plus-value de ses propriétés
lors de l'expropriation, ne verriez-vous pas une certaine pénalisation
qui arriverait lorsque la réserve est retirée, si l'expropriation
n'a pas lieu? Là, l'exproprié ne bénéficie pas de
la plus-value et c'est là, je crois, qu'il faudrait prévoir une
indemnité quelconque sur la valeur en intérêt qu'il aurait
reçue s'il avait eu l'occasion de faire une vente éventuelle de
ses propriétés ailleurs?
M. NORMANDIN: On a eu de la misère à comprendre votre
proposition. Mettons que j'ai une résidence qui vaut $30,000 à
$40,000 où je vis avec ma famille. Et normallement, lorsque les enfants
seront élevés, la maison va être trop grande, je vais aller
en appartement. Mais, si on me met une réserve à un moment
donné, ça ne m'affecte pas en pratique tellement. Je ne comprends
pas le raisonnement où vous dites que vous voulez que j'aie
l'intérêt sur, par exemple, cette valeur de $40,000 alors que je
continue à l'utiliser. Je pourrais bien la vendre, les placer ces
$40,000 puis en retirer les intérêts. Mais, si je ne la vends pas,
puis que je la garde, puisque je l'utilise, pourquoi les pouvoirs publics me
paieraient-ils l'intérêt comme si je n'avais pas l'avantage de ma
propriété?
M. PINARD: Une exemption de taxe est accordée. Alors qui...
M. NORMANDIN: La meilleure manière, si j'avais un capital, je le
placerais.
M. AUDET: On peut considérer qu'il bénéficie de
l'exemption de taxe. De toute façon...
M. NORMANDIN: Et même sans exemption.
M. AUDET: ... c'est lorsqu'il n'a pas l'expropriation, si vous retirez
votre réserve, c'est là que je dis que le...
M. NORMANDIN: Bien oui.
M. AUDET: ... type a peut-être joui de sa propriété
le temps de la réserve, sans taxes. Mais de toute façon il y a
quand même eu un suspense à savoir: Est-ce que je serai
exproprié ou si je devrai me retrouver avec ma propriété
que j'aurai peut-être négligé d'entretenir jusqu'à
un certain point pendant cette réserve de quatre ans?
M. NIDING : Cela c'est juste deux ans. M. AUDET: Bien ça va
jusqu'à quatre ans.
M. NIDING: Excusez-moi, M. le Président, au bout de deux ans vous
avisez que vous exigez à ce moment-là. Donc il n'y a plus de
suspense parce que nous devons nous prononcer dans les 90 jours.
M. PINARD: Je pense que...
M. NIDING: C'est ce que j'ai bien compris tantôt. Vous admettiez
que les 90 jours étaient normaux; donc, dans les 90 jours nous devons,
nous, aviser et procéder. Donc dans les deux ans qui se continuent vous
êtes sûr que vous allez retirer votre argent.
M. AUDET : Si l'exproprié donne son avis de 90 jours pour
l'expropriation puis vous décidiez de ne pas exproprier...
M. NIDING: C'est ça.
M. AUDET: II se retrouve avec sa propriété...
M. NIDING: Bien ça c'est juste des...
M. PINARD: Le texte de loi dit...
M. AUDET: ... il est pendant deux ans lésé.
M. PINARD: ... doit dans les 24 mois acquérir cet immeuble. Il
n'y a pas de faux-fuyant, c'est obligatoire pour l'expropriateur de payer.
M. NIDING: C'est obligatoire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que l'examen du texte de loi
éclairerait beaucoup le député.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! J'inviterais Me Normandin
à continuer son exposé.
M. PINARD: Alors, M. le Président, il faudrait procéder de
façon plus normale et plus régulière en continuant la
lecture du mémoire et au fur et à mesure peut-être poser
des questions si c'est nécessaire. Quel chapitre est le plus important
de la présentation du mémoire?
M. AUDET: Je ferai remarqué au député de Chicoutimi
que c'est à la ville de Montréal que je m'adresse, non au
ministre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Me Normandin.
M. NORMANDIN: Vous me permettez juste un mot encore sur la
réserve, très brièvement. Vous suggérez qu'il y
aurait peut-être lieu de le mettre dans une autre loi dans
l'avant-projet. Evidemment, du moment que nous bénéficions du
pouvoir, ça nous est indifférent dans quelle loi on le place. Le
seul danger que je vois, que j'aimerais peut-être éviter et qui ne
me semblerait pas dans l'intérêt public, c'est qu'à l'heure
actuelle nous avons cette disposition qui existe dans notre loi. Il me semble
qu'il faudrait chercher à éviter que par exemple on adopte une
loi sur l'expropriation qui dirait que tout expropriation et réserve
doivent se faire en vertu de cette loi et avec l'intention de le mettre dans un
projet de loi sur l'aménagement du territoire par exemple qui sera
adopté dans six mois. Pendant six mois on serait suspendu parce que la
loi de l'expropriation a rayé notre disposition.
Il y aura peut-être moyen à ce moment-là, si c'est
ce qui se produit, de dire: Sujet à l'article 42 de la charte de la
ville de Montréal.
M. PINARD: II y a déjà dans le bill 88 le pouvoir de
réserve que nous voulons conserver parce que je pense que c'est un
instrument absolument indispensable pour le ministère des Transports et
de la Voirie, comme j'admets que ça doit l'être et que ça
peut l'être pour la ville de Montréal et d'autres organismes
municipaux. Cependant, je me suis aperçu que vous aviez l'intention de
créer une autre sorte de réserve qui n'est peut-être pas de
même nature que celle que nous prévoyons dans le bill 88.
Alors c'est pourquoi je dis que cette réserve-là, il
serait peut-être bon que nous la discutions avec les aurotités du
ministère des Affaires municipales, pour voir si on peut la conserver
à l'intérieur même du bill 88 ou si on doit l'envoyer dans
une éventuelle loi de l'urbanisme ou l'aménagement du territoire,
mais sans avoir pour effet de faire disparaître la réserve qui est
déjà prévue dans le bill 88 et que nous voulons maintenir
et pour vous et pour nous.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Poursuivez.
M. NORMANDIN: Avant d'attaquer l'étude dans l'ordre des
numéros, si vous me le permettez, je dirai un mot sur le principe quant
aux indemnités. La loi ne prévoit pas de modification quant aux
compensations, sauf quant aux indemnités que l'on prévoit en cas
de réserve, qui n'existaient pas à ce jour et qui sont, elles, du
droit nouveau. Ces dispositions nous semblent assez dangereuses et nous avons
de fortes réserves quant à l'opportunité de la
création de ces indemnités.
D'abord, les pouvoirs publics au niveau municipal sont
déjà en difficulté pour maintenir les programmes et
services existants sans augmentation de taxes, alors que le niveau de ces taxes
a déjà atteint un point de saturation tel qu'on peut
difficilement songer à les relever substantiellement sans que nous
cessions d'être compétitifs, c'est-à-dire sans qu'il
devienne plus intéressant, sur le plan fiscal, pour les personnes, les
capitaux et les entreprises de s'établir ailleurs. La ville de
Montréal, comme toutes les autres grandes villes en Amérique du
Nord, souffre d'un système fiscal archaïque, axé presque
exclusivement sur la propriété et où l'augmentation
normale des revenus chaque année est inférieure à
l'augmentation des coûts et dépenses.
Tant que la réforme de la fiscalité, qu'elle
réclame à juste titre, ne lui sera pas accordée, la ville
de Montréal se verra forcée de s'opposer à toute
augmentation de ses responsabilités financières dans des lois
proposées et il serait irréaliste, il nous semble, pour le
législateur de lui imposer des dépenses additionnelles sans lui
fournir des revenus additionnels. La loi proposée imposerait le paiement
d'indemnités à l'expiration des réserves. Comme l'effet
principal de la réserve est d'empêcher les constructions, ou bien
il ne résultera aucun dommage réel ou indemnité
sérieuse en découlant et on multiplie alors des procédures
inutiles, dans le cas1 de chaque réserve créée,
de renvoyer cela devant un tribunal pour déterminer une
indemnité. Ou bien on envisage une compensation pour les pertes de
revenu qui aurait pu être réalisé des constructions que la
réserve a empêché d'ériger. Ces dispositions, alors,
nous semblent nettement injustifiées et risquent d'exposer les pouvoirs
publics à des coûts exorbitants.
Le paiement d'indemnités pour réserve abandonnée
nous semble présenter des dangers et ne pas être justifié.
Cette mesure est pour le moins prématurée, en tout cas dans
l'état actuel des finances publiques.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre.
M. PINARD: M. Normandin, est-ce que vous me permettez de vous poser tout
de suite une question? Nous avons longuement parlé de
l'établissement de la réserve, de la nécessité de
l'établir pour permettre à la ville de Montréal
d'atteindre les objectifs qu'elle poursuit en aménagement de territoire,
en protection et en création d'espaces verts pour lui permettre
d'accroître la qualité de la vie de ses habitants, etc. Mais,
quand vous arrivez au chapitre de l'indemnité, vous êtes en train
de tempérer et même d'annuler les obligations qui vous sont faites
par la création de la réserve pour deux ans, et possiblement pour
quatre ans, mais avec la possibilité pour l'exproprié ou pour
celui qui subit cette réserve de vous demander l'expropriation dans un
délai imparti, déterminé par la loi, et d'exiger le
paiement. Je me demande comment cela peut se concilier...
M. NORMANDIN: Non, non.
M. PINARD: ... cette argumentation-là.
M. NORMANDIN: Non, non.
M. PINARD: II ne faudrait quand même pas enlever d'une main ce que
vous avez donné de l'autre.
M. NORMANDIN: Non, non, ce n'est pas du tout ce que nous proposons.
M. PINARD: J'espère avoir mal compris.
M. NORMANDIN: Si nous exproprions, nous nous attendons bien de payer la
pleine indemnité et tous les dommages qui en résultent. Ce que
nous voulons dire, c'est l'abandon de la réserve; lorsqu'une
réserve est faite, qu'elle est subséquemment abandonnée et
qu'on décide de ne plus la réserver. Vous prévoyez dans la
loi, pour la première fois dans le droit, le paiement d'une
indemnité à ce moment-là. L'abandon des réserves
n'est pas très fréquent, mais il arrive, par exemple, que la
ville ou la province va vouloir faire un projet et ignore qu'un autre organisme
public, la commission municipale ou un autre, a également un projet.
Quand les parties se consultent et réalisent qu'il y a lieu de
réaménager ou de changer la planification pour coordonner le
tout, il faut abandonner une réserve et aller l'imposer ailleurs. A ce
moment, quel est l'intérêt de prévoir une indemnité
pour l'abandon de la réserve? En fait il n'y a, en pratique, pas de
dommages. Moi, j'ai essayé de parler aux conseillers qui ont
travaillé à cette loi, ou de trouver quelqu'un pour m'expliquer
ce qu'on avait à l'idée, des exemples pratiques des dommages qui
seraient accordés. J'ai l'impression qu'il n'y en a pas. La seule chose
que l'on pourrait prévoir ce serait la perte de profit de l'utilisation
qui aurait pu être faite. Si on s'en va là, on s'en va à
des coûts exorbitants.
Le principe, dans notre droit, est que les réserves ou
limitations à l'utilisation de la propriété qui sont
nécessaires dans l'intérêt général ne donnent
jamais lieu à compensation. Par exemple, la cour Suprême a
décidé plusieurs fois que lorsque les modifications de zonage
déterminent que vous ne pouvez pas construire pendant trois ans, c'est
bien évident que vous pourriez théoriquement dire: Je pourrais
construire 20 étages, j'en aurais tiré un revenu de $1 million
par année et j'en suis privé, alors capitalisez ce que
représente cette perte de revenu et payez-moi cela. En fait on
paralyserait tous les pouvoirs publics si on faisait cela et je crois que le
principe très sain, qui est général dans notre droit,
c'est que ces limitations ne donnent pas lieu à des compensations. Si on
ouvre le porte à ça, à mon avis, on risque de paralyser
les services publics et c'est l'ensemble de la population qui ne
bénéficiera pas des politiques que les pouvoirs publics devraient
adopter, qu'ils n'adopteront pas parce que, financièrement, c'est
impossible.
M. PINARD: Nous nous sommes posé beaucoup de questions à
ce sujet, et à force d'approfondir le sujet, nous en sommes venus quand
même à imaginer des cas possibles. Par exemple, à l'article
96, on donne le droit à une indemnité au cas où la
réserve est annulée avant son expiration. Je prends
l'hypothèse suivante : Au moment où la ville de Montréal
voulait faire valoir son droit à l'établissement de la
réserve, le propriétaire du terrain en question, lui, voulait
l'exploiter, bâtir des édifices à bureaux. Je ne sais pas
si, dans mon hypothèse, le zonage pouvait le permettre ou pas, les
règlements municipaux le permettre ou pas. De toute façon, tenons
pour acquis que cela lui était permis, mais que la ville de
Montréal voulait faire valoir son droit à l'établissement
de la réserve. A ce moment, lui, il est brimé dans son droit
comme individu d'exploiter son terrain par la construction d'édifice
à bureaux. C'est bien sûr que vous l'empêchez de faire un
acte qui aurait pu lui permettre, par exemple, de valoriser son terrain et lui
permettre de retirer des revenus assez appréciables. Vous
l'arrêtez momentanément, puis finalement vous changez d'avis, vous
dites que la réserve n'est plus nécessaire pour poursuivre les
fins que vous aviez jugées bonnes à l'époque. Est-ce que
ce serait sage, juste et raisonnable de ne pas lui payer au moins les
dépenses qu'il a encourues pour préparer, lui, son propre plan
d'exploitation alors qu'il aurait peut-être confié l'étude
du terrain à des arpenteurs, fait préparer des plans et devis par
des architectes et peut-être aussi emprunté de l'argent pour
être capable de donner suite à son projet?
C'est l'hypothèse que je pose et que nous nous sommes
posée au moment de la rédaction de l'article 96 pour voir s'il
n'y aurait pas des cas où vraiment il y aurait une injustice flagrante
qui serait créée à l'endroit du propriétaire qu'on
a arrêté dans son désir d'exploitation de son terrain par
l'établissement d'une réserve, alors que le prince
appelons-le comme ça, le gouvernement quelqu'il soit
décide, avant même l'expiration de la durée de la
réserve, de la retirer purement et simplement sans aucune
indemnité payable au propriétaire du fonds. Cela me parait assez
invraisemblable, cela me paraît très injuste, irraisonnable,
déraisonnable si cela devait se produire comme ça. Je ne sais pas
si cela entre dans vos préoccupations ce que je viens de vous dire.
M. NORMANDIN: A mon avis, vous ouvrez la porte à un principe
extrêmement dangereux. C'est un problème qui s'est soulevé
très souvent dans le domaine des modifications de zonage ou enfin de
tout acte de l'Etat limitant ce qu'une personne fait ou peut faire dans
l'utilisation de sa propriété.
Encore là, c'est toujours un problème de concilier
l'intérêt privé et l'intérêt public.
Or, le principe qui a toujours été retenu dans notre droit
est que celui qui détient une propriété a droit à
la compensation pour la propriété, pour ce qu'il en a fait. Mais,
pour les usages éventuels, qu'il aurait pu en faire, il n'a pas droit
à une indemnité. Ces principes ont été abondamment
exposés, dans de nombreuses décisions des tribunaux
supérieurs. Pour faire la démarcation ou la conciliation de
l'intérêt privé, c'est là qu'on a tiré la
ligne. Il me semble qu'à moins de motifs très graves d'essayer de
la repousser, on ouvre la porte à un danger, en plus du fait qu'on ouvre
la porte ou la facilité à des fraudes considérables. Si,
par exemple, sur un terrain, on ne le compense que pour les travaux
commencés, en vertu d'un permis de construction, il est assez facile de
vérifier. C'est très difficile de jouer. Mais, dès qu'on
veut aller plus loin que cela et parler des projets éventuels que le
type aurait pu faire, alors qu'il n'a pas été chercher un permis,
ni qu'il a commencé à les réaliser, on a un amoncellement
de gens qui arrivent avec des projets. A ce moment-là, comment
prouve-t-on qu'en fait il n'avait pas réellement un projet, qu'il s'est
fait faire des plans et qu'il les a datés d'une date de convenance qui
fait bien dans le portrait? Il n'y a pas moyen de contrôler cela et on va
exposer le pouvoir public à des fraudes considérables.
M. NIDING: M. le Président, je pense que, tantôt, ce que le
ministre a voulu exposer, nous l'avons déjà vécu à
Montréal à l'occasion d'un changement de zonage. Un
propriétaire, avait subi, à la deuxième lecture, une
réduction en hauteur dont il avait des plans. Quand je dis des plans, je
dis des plans d'exécution; je ne dis pas des esquisses. A ce
moment-là, il a porté sa cause devant les tribunaux et la ville a
dû payer un montant de dédommagement. Donc, je pense bien qu'en
vertu du principe il aurait droit à une indemnité avec une preuve
bien élémentaire, tandis que, dans les causes que nous avons
connues, celui qui était lésé a dû apporter toutes
les justifications avec les plans détaillés. Les professionnels
autorisés, architectes et ingénieurs, qui avaient
participé, sont venus témoigner et dire qu'ils avaient eu une
commande en vertu du règlement actuel, c'est-à-dire au moment
où la cause se fait et que la ville, ayant changé de zonage, il
n'était plus possible, nécessairement, de bâtir cet
édifice. Donc, la ville a été condamnée à
payer non seulement tous les plans mais ensuite, une preuve étant faite
que le terrain n'avait plus la même rentabilité, encore là,
nous avons payé des indemnités.
Ce que nous cherchons à exposer dans ce texte, c'est que
déjà, présentement, les lois prévoient une
indemnité. Mais celui qui subit des dommages doit quand même
étayer sa preuve. Dans le cas où la preuve est faite, nous nous
soumettons. Je pense bien que c'est normal.
M. PINARD: M. Niding, je pense bien qu'il n'est pas question, pour le
législateur québécois, de ne pas prévoir, dans le
texte même du projet de loi 88, tous les mécanismes de la preuve
qui doit être faite devant les tribunaux. Si vous lisez les articles 96,
97, 98 ou 99 et suivants, vous allez voir que le propriétaire, qui
voudra réclamer une indemnité, devra faire la preuve que vraiment
dommage lui a été causé et qu'il a même droit
d'être indemnisé. Il s'agit de savoir si le législateur
doit donner ouverture au droit d'indemnisation dans un cas semblable, celui qui
est prévu par l'article 96, ou ne pas donner ouverture à ce
droit. Une fois que le législateur aura décidé de donner
l'ouverture à ce droit, des mécanismes seront mis en place pour
permettre à l'exproprié ou à celui qui réclame de
faire la preuve, la meilleure possible, de son droit à être
indemnisé.
Peut-être qu'il n'y réussira pas, que le tribunal jugera,
une fois que la preuve aura été entendue, qu'il n'a pas le droit
à être indemnisé. C'est peut-être un problème
de rédaction qui fait qu'on ne s'entend pas sur la façon de
régler le problème. Est-ce qu'on devrait dire: "II y a lieu
à indemnité dans tous les cas" ou si on devrait dire
plutôt: "II pourrait y avoir lieu à indemnité dans tous les
cas"?
Alors je pense que la phraséologie importe peu. Si on ne veut pas
donner ouverture à ce droit, il faut le dire clairement. Ou bien c'est
le silence de la loi. A ce moment-là, si la loi est silencieuse, il n'y
a pas de droit qui peut être ouvert pour réclamer
l'indemnité.
M. NIDING: M. le Président, M. le ministre, si on a
apporté un dommage au citoyen, même si la loi est silencieuse,
comme vous venez de le dire, je pense bien que s'il y a eu dommage
réel... Tantôt, vous avez demandé si nous avions
déjà eu un cas. Je vous en cite un. Dans le cas de changement de
zonage. Je pense bien que le citoyen pourrait s'appuyer sur le même texte
où il y a eu dommage, en faisant la démonstration en vertu de ses
droits. A ce moment-là, le tribunal pourrait sûrement lui donner
les mêmes dommages que dans l'autre cas que j'ai cité
précédemment.
Donc, c'est pour cela que je dis que ce soit dans ce texte en
particulier, je le retrouverais dans le texte général où
le citoyen, lui, a invoqué des dommages.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je serais porté, toujours dans cette
optique d'une conciliation de l'intérêt public et de
l'intérêt privé, à accepter l'argumentation de Me
Normandin. D'autre part, je pense que le ministre a raison de
s'inquiéter de ce qui pourrait arriver à quelqu'un qui, enfin,
serait victime de cette clause de réserve.
Il y a cependant, dans la formulation, le libellé de l'article 96
et de ceux qui suivent,
sous-jacent à cela, deux dangers. Il faut être très
pratique là-dedans. Les avocats savent comment les causes se
présentent lorsqu'on fait des réclamations en dommages. Il
pourrait y avoir et là, ce n'est pas un procès d'intention
que je fais à qui que ce soit du côté de la ville de
Montréal ou de quelque ville que ce soit, de la communauté
urbaine ou de quelque communauté urbaine que ce soit, une sorte de
conspiration contre un propriétaire et, d'autre part, il pourrait y
avoir aussi, du côté du propriétaire, une sorte de calcul
qui ferait que d'un côté comme de l'autre, il y aurait danger, si
vous voulez, de dommages. Il y aurait une sorte de conspiration qui pourrait se
faire et qui serait préjudiciable à l'une ou à l'autre
partie, selon que l'une ou l'autre partie déciderait de punir un
contribuable un peu récalcitrant.
Il ne faut pas oublier, messieurs vous êtes comme nous,
à un autre palier, des hommes politiques qu'il y a des
intérêts qui se manifestent quelquefois de façon assez
étonnante. Je pense que le ministre et ses conseillers, de même
que tous les députés qui auront à examiner cette loi,
devront réexaminer longuement la formulation de cet article.
Pour ma part, j'estime que Me Normandin a raison. Si on parle
d'indemnités, d'indemnités, d'indemnités, de façon
générale et dans tous les cas, cela peut représenter une
somme d'argent considérable, même à la fin d'un exercice
financier, d'un seul exercice financier. Mais d'autre part, il y a ces droits
que tout propriétaire a d'être indemnisé lorsqu'il y a eu
dommage réel.
Alors comme le disait le ministre tantôt, la question tient,
à mon sens, à une formulation puisqu'on s'entend sur l'objectif,
une conciliation entre l'intérêt public et l'intérêt
privé. Il y a cette exigence fondamentale dans le droit et dans tous les
droits de dédommager celui qui subit des préjudices. Alors nous
devrions reprendre cette rédaction afin de rencontrer les objectifs
qu'exposent les représentants de la ville de Montréal et, par
ailleurs, nous occuper, nous, de la protection des intérêts des
individus.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Suite aux remarques qu'on vient de faire vis-à-vis du
danger possible de conspiration entre les parties en cause, je crois qu'encore
là il serait peut-être sage de fixer des normes d'indemnisation
lors du retrait d'une réserve. On ne serait pas en face de
possibilités de spéculation de part et d'autre et ça
couvrirait peut-être le cas.
M. NORMANDIN: Mais comment allons-nous prouver? Un citoyen arrive et
nous dit: Vous avez retiré votre réserve, moi j'avais un projet
mirobolant. Et il arrive avec des plans. Des plans vous pouvez les faire
n'importe quand et mettre n'importe quelle date là-dessus. Com- ment
est-ce que l'on démontre qu'il n'avait pas un véritable
projet?
M. AUDET: Pour parer...
M. NORMANDIN: Le type me dit: Je voulais construire un hôtel de
700 chambres et j'en aurais tiré $1 million par année, j'ai fait
des plans, bla-bla-bla et vous me devez des sommes considérables.
Comment est-on protégé contre ça si on ne fait pas partir
l'indemnité du moment où il obtient un permis de construction et
qu'il commence à donner des contrats ou à réaliser un
projet, lorsqu'on parle purement de spéculation sur les
possibilités d'utilisation du terrain? Je parle de la ville de
Montréal et de la province, c'est la même chose, ce sont des
dispositions générales, tous les gens qui vont mettre des
réserves. Comment est-ce qu'on va protéger les pouvoirs publics
et l'ensemble de la population contre la facilité à ce
moment-là de bâtir des causes factices?
M. AUDET: Pour parer à cette éventualité d'ambition
de la part de l'exproprié de demander des indemnités
extraordinaires, c'est là que je dis que probablement on pourrait fixer
une indemnisation sur le montant prévu lors de l'homologation. Si
réellement on prévoit poser une réserve, on dit bien que
le propriétaire n'a pas le droit d'augmenter la valeur de sa
propriété en y changeant quoi que ce soit. Donc,
l'intérêt serait basé sur la valeur que ce même
propriétaire aurait reçu s'il n'avait pas eu de réserve et
avait vendu son terrain exactement suivant la valeur de son terrain à ce
moment-là.
M. NORMANDIN: II ne peut pas avoir les deux, avoir
l'intérêt comme s'il l'avait vendu et, en même temps, le
garder et l'utiliser.
M. AUDET: Vous l'avez bloqué, il ne peut pas le vendre.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Mais il y a aussi la possibilité que
ça n'a pas été bloqué du tout, que la clause de
réserve ne s'exerce que plus tard. Alors, comment établir une
indemnité à ce moment-là?
M. AUDET: C'est toujours dans le cas où on retire la
réserve.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Et encore là dans les articles qui
suivent, on n'est pas...
M. AUDET: Dans la loi, il y a l'article 96, il est bien et j'admets que
ces clauses sont raisonnables.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'inviterais maintenant Me Normandin
â continuer son exposé.
M. BURNS: Juste une question. Est-ce que
je comprends bien, Me Normandin, quand vous dites que vous n'en avez
pas, au fond, contre le principe même de l'indemnité en cas de
réserve non exercée ou, si vous voulez, abandonnée, mais
que vous en avez contre le fait qu'il peut y avoir des indemnités
bâties de toutes pièces? Dans le fond, c'est une question de
preuve qui vous préoccupe. Est-ce que je comprends bien ou si vous
êtes totalement contre toute forme d'indemnité dans les cas de
réserves abandonnées? Je ne suis pas fixé encore.
M. NORMANDIN: Contre toute forme d'indemnité autre que de
l'indemnité pour des projets réels que l'on a commencé
à réaliser en obtenant un permis de construction ou enfin au
moment où ça se cristallise.
M. BURNS: Par exemple, voyez-vous ...
M. NORMANDIN: D'ailleurs, admettons qu'on lui paie les plans qu'il a
faits, c'est le même problème lorsque vous faites une modification
de zonage, vous achetez du terrain, vous consolidez pour faire une construction
qui va avoir dix étages. Et à un moment donné il y a un
changement de zonage et vous êtes limité à cinq.
Ce problème s'est posé très souvent dans notre
droit pour déterminer où on fait la ligne, quand est-ce qu'on
commence à payer et quand est-ce que la perte, le sacrifice fait partie
des devoirs civiques et le prix de vivre en société et de
supporter les réserves que les pouvoirs publics font dans les terrains
en général.
Et la ligne, à l'heure actuelle, c'est avant que le projet
...
Et la ligne à l'heure actuelle, avant que le projet ne soit
rendu, qu'on ait levé un permis de construction, c'est qu'il n'y a pas
d'indemnité; après, il y en a. Cette règle me semble
raisonnable et bien concilier les deux en plus du fait qu'elle évite la
fraude. A ce moment-là on a quand même quelque chose de concret
pour déterminer si vraiment il y a un projet réel ou si c'est
juste quelque chose qui a existé dans l'imagination de quelqu'un.
M. BURNS: En somme, ce que vous nous dites c'est que le texte actuel de
96 devrait être remanié pour qu'on soit bien sûr qu'on ne
paie pas des indemnités factices?
M. NORMANDIN: II n'y a pas lieu d'en parler, à mon avis. On n'a
pas besoin des dispositions dans la loi sur l'indemnité pour avoir une
réserve.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous permettez, M. Burns, est-ce que vous
croyez, M. Normandin, que ce qui existe actuellement dans notre droit est
suffisant pour qu'on doive radier cet article?
M. NORMANDIN: C'est ça.
M. NIDING: C'est ça, c'est ce que nous croyons.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): C'est votre proposition.
M. NORMANDIN: C'est ça. M. NIDING: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous allons l'examiner parce que...
M. NIDING: C'est ce que nous croyons.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Me Normandin.
M. NIDING : M. le Président, simplement pour clarifier, je pense
que la question de Me Burns est la suivante; c'est qu'au moment où il y
a une réserve, si nous constatons qu'il y a des plans
d'exécution, à ce moment-là, on parle toujours
nécessairement de construction d'utilisation, il est très facile
pour un individu, je crois, de faire sa preuve à ce moment-là.
C'est là où je rejoins la proposition de votre collègue.
Lorsque nous abandonnons à la fin, par exemple, des deux ans la
réserve, le citoyen peut venir nous dire ou dire à la cour: Moi,
l'an dernier, donc au milieu du terme de deux ans, j'ai eu une offre pour mon
terrain qui était évalué à $10,000; j'ai eu une
offre de $25,000. C'est là où c'est dangereux; vous faites la
preuve comment? Vous amenez un témoin qui affirme et puis on ne peut
pas; c'est une hypothèse. Je pense que rendu là, vous savez, nous
serions continuellement quand je dis continuellement j'exagère
sûrement parce que les abandons, il faudrait que je situe ici à la
commission comment se produit un abandon. Souvent, à l'urbanisme, nous
faisons un plan d'homologation et, à la suite d'une deuxième
étude, on modifie une ligne des travaux publics pour une raison ou pour
une autre, que ce soit pour une conduite d'eau ou pour un égout. On fait
un changement de ligne, donc il arrive un deuxième plan d'homologation
à ce moment-là et il arrive qu'il y a une partie de terrain qui
était homologuée qui devient libérée
automatiquement. C'est en bordure du terrain, ça peut partir d'un point
zéro jusqu'à un point douze, pour donner une ligne de douze
pieds. Donc je vous garantis que le citoyen qui a eu ce terrain
libéré, je ne vois pas où il est possible d'établir
qu'il a été lésé. On pourrait vous citer d'autres
cas parce que les lignes abandonnées dans une année, à la
suite de plans modifiés toujours, en collaboration entre les travaux
publics et le service d'urbanisme, ça n'arrive pas une fois par
année, sûrement pas dix fois par année. Donc, c'est pour
ça que le principe général, c'est comme ça que nous
le voyons.
M. AUDET : M. le Président, admettons, par
exemple, qu'au lieu de retirer la réserve vous acceptiez de faire
l'expropriation et que le type en question vous arrive avec la même
supposition qu'il avait des projets illimités. Vous ne vous en tiendriez
probablement pas à son exposé; c'est l'homologation de
l'expropriation. Ne pourrait-il pas arriver que vous conserviez les mêmes
normes de valeur lorsque vous retirez la réserve? Je ne crois pas que la
ville soit plus en danger d'être exploitée lorsque vous retirez la
réserve que lorsque vous décidez d'exproprier. La même
possibilité d'établissement des valeurs réelles est aussi
bien lors du retrait de la réserve que lors de la décision de
l'expropriation.
M. NIDING: Ce que nous affirmons depuis le début, c'est que les
statuts présents ont déjà prévu toutes ces
réclamations devant les tribunaux, j'en suis sûr.
M. PINARD: C'est votre règlement municipal ou la loi de la ville
de Montréal?
M. NIDING: Je pense que c'est une loi...
M. PINARD: La loi générale?
M. NIDING : La loi générale, sûrement.
M. PINARD: D'accord. Alors, est-ce qu'on peut procéder à
la continuation de la lecture du mémoire, s'il vous plaît?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Me Normandin.
M. NORMANDIN: Sur la loi et la procédure elle-même, il
semble qu'il faut retenir et réaliser que l'imposition d'une
réserve ou la décision d'un gouvernement qu'il y a lieu dans
l'intérêt général de verser dans le domaine public
un bien par une expropriation est essentiellement un acte exécutif qui,
en principe, ne relève pas et ne doit pas relever des tribunaux.
Autrement dit, ce n'est pas un conflit entre deux individus, où, en
vertu des lois, des tribunaux doivent décider des faits. Il s'agit d'une
décision qui est et qui doit être la responsabilité de ceux
qui sont choisis par la population et élus pour administrer. C'est
à eux de décider de l'importance, de l'utilité, de
l'urgence de travaux publics; c'est essentiellement une décision
exécutive et, à notre avis, elle doit le demeurer.
En conséquence, il nous semble qu'il y aurait lieu de simplifier
de beaucoup la procédure et d'éviter la multiplication des
recours aux tribunaux, avec la lourdeur des mécanismes, les
délais et les dépenses inutiles qui en résultent.
Egalement, il me semble qu'il faut être très conscient que ce dont
la majorité des citoyens se plaint, c'est justement de la lenteur des
mécanismes pour se faire payer, de la lenteur à se faire payer et
non pas qu'ils n'ont pas assez de recours, par rapport par exemple à la
situation à Montréal en vertu des dispositions de la charte, qui,
dans ce domaine, ne soulèvent pas de contestation beaucoup.
Si la loi était adoptée telle qu'elle, elle rendrait la
situation pire pour le citoyen, dans le sens qu'elle prolongerait les
délais et qu'elle multiplierait les recours et la procédure par
rapport à ce que nous faisons à l'heure actuelle. Nous craignons
que le résultat soit que nous ayons des citoyens beaucoup plus
insatisfaits qu'ils ne le sont à l'heure actuelle.
Par exemple, dans la loi, on prévoit, au stade de l'imposition
soit de la réserve ou d'une expropriation, le recours devant la cour
Supérieure et l'introduction d'une instance pour chaque lot ou terrain.
Egalement, on prévoit le mécanisme par l'enregistrement au bureau
d'enregistrement d'un plan individuel pour chaque terrain. Pour commencer,
prenons le recours devant la cour Supérieure, pour que
théoriquement puisse se contester le droit d'expropriation et, en
principe, sauf des cas extrêmement rares, le droit des pouvoirs publics
d'exproprier. Il ne se conteste pas. Il est incontestable; c'est un principe
fondamental de notre droit.
Il n'y a pas un cas sur 1,000, enfin il est extrêmement rare qu'un
propriétaire conteste le droit à l'expropriation.
J'ai demandé aux avocats de notre étude, à la ville
on en a six ou sept qui ne font que cela si, de mémoire
d'homme, ils ont eu de ces contestations, et on a réussi à penser
à deux cas où de toute façon, le citoyen n'a rien obtenu.
A ce moment-là, dans chaque instance, d'aller ouvrir un dossier à
la cour Supérieure pour qu'il constate, au bout d'un délai que
personne n'a contesté et qu'il renvoie au tribunal d'arbitrage, on
multiplie, on crée un délai et une procédure absolument
inutile et qui ne bénéficie à personne quitte,
évidemment, dans la loi à réserver à celui qui
voudrait, dans les cas rarissimes où une personne voudrait le soulever,
qu'elle ait droit, par une requête sommaire, de s'adresser à la
cour Supérieure pour le contester, mettons dans les 60 jours
après avis d'expropriation.
Il me semble que quand ce sont des cas rarissimes comme cela, au lieu de
faire ouvrir un dossier à la cour Supérieure dans chaque cas, il
serait plus logique de réserver le droit, à celui qui le veut,
par une requête, d'aller le contester, mais que normalement cela aille
directement au tribunal qui est chargé de déterminer les
dommages. Car, au fond, dans une expropriation, en principe, c'est cela. Si
l'Etat a décidé qu'il est essentiel, dans l'intérêt
public, de verser dans le domaine public le droit du citoyen, il se
résume... d'ailleurs, son seul souci dans presque tous les cas, c'est de
faire déterminer rapidement l'indemnisation et être
payé.
Je sais qu'il y a des craintes dans le domaine constitutionnel parce
qu'il a déjà été question de tout mettre au
tribunal d'expropriation et il y a un problème sur le plan
constitutionnel à enlever à la cour Supérieure la
juridiction qu'elle a; mais il me semble que ce danger ne
s'applique que si l'on voulait que le citoyen qui veut contester et
faire décider si on voulait ne pas le faire décider à la
cour Supérieure mais le faire décider par le tribunal. Là,
il y a un danger sur le plan constitutionnel. Au cas où cela soit
soulevé, il reste que la requête doit être adressée
à la cour Supérieure; il n'y a pas de problème
constitutionnel, c'est purement une question de procédure. Est-ce qu'on
ouvre un dossier automatiquement dans chaque cas ou si on en ouvre un seulement
quand une personne dit vouloir en débattre par une demande?
A présent, évidemment, il faudrait éviter que, si
une personne veut débattre du droit à l'expropriation, dans les
rares cas où cela se fait, cela se fasse deux ans après le
début des procédures. Il me semble qu'on devrait prévoir,
à ce moment-là, que la requête doit être faite dans
les 60 jours ou dans un délai assez court. Ainsi, le rôle de la
cour Supérieure serait restreint à ce rare cas et à
l'homologation de la décision finale du tribunal d'arbitrage lorsqu'il a
à déterminer des indemnités. Il en résulterait une
économie de temps, de procédure et d'argent importante tant pour
les pouvoirs publics que pour les contribuables. Je pense bien qu'il ne faut
pas oublier que même si ça peut avoir une apparence de favoriser
le citoyen, de lui multiplier les recours, pour l'immense majorité des
citoyens, qui ont un montant quand même limité, de les forcer
à passer par plusieurs étapes avec les dépenses que cela
encourt de frais d'avocat, de temps, etc., à moins que vraiment il y a
un droit substantif qu'il faut protéger, on en arrive à lui
imposer des dépenses inutiles et on ne l'aide pas du tout.
Un autre aspect important, je crois, est la question des plans
individuels. Les expropriations en général sont pour fins de
travaux publics, c'est-à-dire pour fins de services publics et
généralement comportent un ensemble, s'il s'agit d'un parc ou
d'un parcours assez long. Le plan se fait sur un plan général
à peu près dans toutes les lois d'expropriation. Je ne sais pas
quel est le pourquoi d'avoir prévu et de sembler vouloir imposer la
confection de plans pour chaque lot ou chaque terrain, ce qui serait
extrêmement lourd et onéreux sans avantage que j'y puisse voir
pour personne. Si je suis avisé que ma propriété va
être expropriée, je ne vois pas l'utilité qu'on m'envoie un
plan de ma propriété alors que le plan général est
déposé et enregistré. Si je veux contester quelque chose,
mes experts vont le constater et n'ont aucune difficulté en principe.
Cela ne donne lieu à aucune plainte, à ce jour, que je sache.
M, PERREAULT: Je ne suis pas d'accord avec vgus là-dessus, parce
que le propriétaire qui est exproprié pour une partie de son
terrain devrait être en mesure de voir exactement ce qu'on expropie. Ce
n'est pas nécessaire que ce soit un plan
d'arpenteur-géomètre mais ça peut être au moins un
"sketch" qu'on lui envoie pour savoir ce qu'on exproprie chez lui. Dans le
moment vous avez un plan général que personne ne voit et les gens
ne savent pas ce qu'on prend chez eux. Je crois que pour les
propriétaires ce serait important de savoir ce qu'on prend chez eux.
M. NORMANDIN: C'est parce qu'en pratique qu'est-ce que vous avez? Vous
savez, si on exproprie en général, sauf de très rares
exceptions, on va exproprier tout votre terrain. On prend le terrain.
M. PERREAULT: Mais les...
M. NORMANDIN: Ou, pour un nouveau service, on va élargir une rue
et prendre dix pieds. Mettons qu'on décide d'élargir la rue
Sherbrooke de dix pieds. Il me semble que c'est impensable, au lieu d'aviser
qu'on va lui reculer sa ligne de dix pieds quelques milles, des terrains
de 25 ou 50 pieds d'aller faire faire un plan pour chaque lot puis en
envoyer des copies à tout le monde. C'est lourd, c'est long, c'est
dispendieux. Je suis bien sûr que la majorité des gens à
qui on dit qu'on élargit la rue de dix pieds ne sont pas
particulièrement intéressés à recevoir un plan.
Remarquez que ce système n'existe nulle part, à ce jour, que je
sache. Moi, je n'en vois pas l'utilité, cela me semble un alourdissement
qui n'est pas nécessaire et ça ne donne lieu à aucune
plainte. En pratique, quelqu'un peut venir dans nos services. Cela va arriver
mais cela arrive surtout si quelqu'un se prend un expert parce qu'il veut
contester, qu'il n'est pas satisfait de ce qu'on lui offre.
A ce moment-là, il vient à nos services techniques et on
sort tous les plans. On lui explique. Il n'a aucune difficulté. Il n'y a
pas de plaintes à l'effet qu'on a de la difficulté à
identifier ce qui est exproprié.
M. PINARD: Cela ne pose pas de problème...
M. NORMANDIN: Cela ne pose pas de problème, à l'heure
actuelle.
M. PINARD: ... difficile à régler. Je pense bien que nous
allons revoir la formulation des articles en cause, compte tenu de la
déclaration que vous avez faite dans votre mémoire à ce
sujet.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Legault.
M. LEGAULT: Ce que je voudrais dire, c'est qu'il existe, en tout cas
à la ville de Montréal, un service de renseignements. Lorsqu'une
personne est touchée, reçoit un avis, cette personne peut
vérifier, soit dans un bureau de quartier, quand c'est le cas de la
rénovation urbaine, ou autrement au service de l'habitation et de
l'urbanisme, les détails sur les plans qui existent, sur les plans de
cadastre, qui sont à la ville.
Alors, s'il y a une personne sur 100 qui est intéressée,
à ce moment-là, c'est plus simple de faire venir cette personne
que de tracer 100 plans. Mais c'est un service de renseignements qui
existe.
M. PERREAULT: Un service de renseignements. Si elle demande un plan,
allez-vous en faire un?
M. LEGAULT: Oui, s'ils veulent une copie du plan, on peut, à ce
moment-là, leur en faire une copie et la leur remettre gratuitement.
M. NIDING: M. le Président, je pense bien que ces remarques ne
s'adressent pas uniquement à la ville ou à une ville. Il y a
aussi, quand même, l'Hydro-Québec qui est concernée. Pour
elle aussi, ce serait une dépense considérable de fabriquer des
plans. Assez souvent, on va se servir de la même emprise, que ce soit la
ville ou l'Hydro-Québec. Si la loi exigeait que nous produisions un plan
pour chacun des propriétaires ou chacune des propriétés,
à ce moment-là quand on regarde notre cadastre dans
plusieurs quartiers, les lots ont 25 pieds de façade il faudrait
donner un plan pour chacun des lots de 25 pieds. Parfois, on procède sur
une longueur. Je vais prendre le plan de la rue Jean-Talon,
présentement, où on est en train de refaire les trottoirs, les
rues, les égouts, les conduites d'eau, les conduites de gaz et, en
même temps, les conduites des services de communication. Donc, vous voyez
la multitude de plans que nous devrions faire. A ce moment-là, on
modifie certaines lignes.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission devant terminer ses
travaux aux alentours d'une heure, je demanderais à Me Normandin de
procéder assez rapidement et aux membres de la commission de garder
leurs questions pour la fin, s'il vous plaît.
Me Normandin.
M. NORMANDIN: Une disposition, qui se retrouve, je crois, dans plusieurs
lois d'expropriation; il me semble qu'il serait nécessaire d'ajouter
"vise au cas d'erreur ou de violation d'une des dispositions quelconques de la
loi, de l'oubli d'un avis ou d'une partie de la procédure". Encore
là, la majorité des expropriations vise des travaux publics pour
donner un service qu'une partie de la population s'attend d'avoir, demande et a
le droit d'avoir le plus rapidement possible. Sauf le cas d'excès de
juridictions ou si l'on veut s'attaquer à la compétence ou au
pouvoir de l'exproprié, les défauts, les erreurs ne doivent pas,
il me semble, mener à l'invalidité de la réserve ou de
l'expropriation, mais simplement à ce qu'il y soit remédié
et à ce qu'on soit condamné à faire les actes
nécessaires pour y remédier ou à payer les dommages qui
ont pu résulter de l'erreur, du manquement ou de la violation, s'il y a
lieu.
Prenons l'exemple le plus frappant; nous exproprions pour passer un
aqueduc ou une route.
Au bout, il y a des industries, des gens qui y résident, qui ont
un besoin et qui attendent impatiemment d'avoir l'eau ou le moyen de
communication pour s'y rendre. Mais supposez que, sur le parcours, il y a un
lot de 100 pieds et que la personne dise c'est vrai que, dans la
procédure, cela fait des centaines de lots qu'il y a un avis qui
a manqué, qu'il y a quelque chose qui a manqué, qu'il y a une
disposition de la loi qui est chaude. A moins qu'il ne conteste que nous ayons
le droit de l'exproprier, il me semble qu'il devrait être suffisant qu'il
ait le droit de s'adresser au tribunal pour qu'il lui soit
remédié, par tous les ordres que le tribunal pourra juger
appropriés, et qu'il puisse réclamer également les
dépens ou dommages qui ont pu en résulter.
Mais il ne faudrait pas qu'il en résulte la nullité, parce
qu'à ce moment-là la route ou l'aqueduc arrête. Si les
contrats sont donnés, là, l'entrepreneur arrête, on attend
et on recommence la procédure. Cela ne donne rien à l'individu
s'il ne conteste pas notre droit de l'exproprier. Cela n'amène rien que
des retards pour l'ensemble de la population qui attend après cela.
C'est pour cela qu'il nous semble qu'il devrait y avoir une disposition de la
nature de celle que nous suggérons à la page 17 : "Sauf pour le
cas d'absence de compétence, l'omission, le défaut ou la
violation d'une disposition de la présente loi n'affecte en aucun cas la
validité d'une réserve ou d'une expropriation mais donne
ouverture à un recours pour qu'il y soit remédié" et on
pourrait ajouter "et que dommages et dépens soient
déterminés".
Au chapitre 2, on parle de la constitution d'un tribunal unique. Le
Bureau d'expropriations de la ville de Montréal est aboli alors que ce
bureau, qui n'avait pas à motiver par écrit ou au long ses
décisions, assurait un service rapide et efficace tant pour la ville que
pour les contribuables dans la détermination des indemnités
d'expropriations.
Le nouveau tribunal créé par la loi comporterait une
section de Montréal qui couvrirait la moitié de la province.
M. PINARD: Me Normandin, je pense que nous avons fait le débat de
fond et le débat le plus important au début des travaux de la
commission parlementaire. Pour ce qui reste du mémoire à
être lu, je pense que les membres de la commission parlementaire l'ont
parcouru et sont d'accord pour dire qu'il s'agit de questions de
détails, de questions de procédure qui ne me paraissent pas
être des obstacles insurmontables.
Alors si vous voulez tout simplement passer rapidement et faire un
résumé du contenu de votre mémoire sur les chapitres qui
restent à discuter, je m'en contenterais, si les autres membres de la
commission sont d'accord là-dessus.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je suis d'avis, comme
l'a dit le ministre, qu'on a débattu les questions de fond, celles qui
préoccupent davantage la ville de Montréal. Je ne sais pas si mes
collègues seront de cet avis. J'ai exprimé mon opinion au sujet
des trois propositions principales que vous avez faites. Les autres questions
que j'ai examinées, hier après-midi encore, me paraissent
être des questions de procédure surtout, des questions de
mécanismes de mise en application de la loi. La ville de Montréal
a certaines réserves qu'elle a formulées de façon
très précise en proposant même des amendements. En ce qui
me concerne, j'estime que les membres de l'Assemblée nationale, avec les
experts du ministère, auront l'occasion d'examiner, à la
lumière d'autres mémoires, d'ailleurs, les propositions que vous
faites afin que cette loi soit pensée non pas seulement en fonction de
Montréal mais en fonction de toutes les villes qui seront
appelées à en bénéficier ou à en être
victimes, selon les cas.
De toute façon, en ce qui me concerne, je suis satisfait de ce
que l'on nous a dit. Je retiens les propositions que Me Normandin et M. Niding
ont faites comme éminemment valables et devant faire l'objet de
discussions de fond par les membres de l'Assemblée nationale lorsque
nous serons appelés à étudier le détail du projet
de loi.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: C'est une remarque au sujet du dernier exposé des
représentants de la ville de Montréal. Ce pouvoir du tribunal de
fixer des indemnités de tous les cas d'expropriation n'est-il pas
exagéré? Probablement que le ministre prend bonne note des
demandes de la ville de Montréal là-dessus.
Je crois que la ville de Montréal a raison de demander que ne
soient confiés au tribunal que les cas où il n'y a pas entente
entre les parties. Ceci déboucherait sur une plus grande liberté
des parties en cause de s'entendre entre elles, déboucherait surtout sur
une économie de temps et d'argent pour tous. L'exproprié,
jouissant d'une protection équivalente pour le service des bureaux
d'évaluateurs indépendants, pourra probablement avoir un droit de
recours préliminaire suffisant pour se protéger.
J'endosse la recommandation de la ville sur ce sujet pour que le
tribunal d'expropriation n'ait pas les prérogatives qu'on lui
reconnaît dans le bill 88.
Je suis d'accord avec mes collègues que nous puissions
délibérer rapidement.
M. NIDING: M. le Président, tout simplement je voudrais soulever
deux choses si M. Normandin veut résumer. Quant au chapitre du Bureau
des expropriations de Montréal, la Législature a bien voulu
créer le bureau, il a rendu d'excellents services, il a répondu
exactement aux buts que nous demandions à la
Législature à l'époque, soit
d'accélérer la procédure et ensuite de donner satisfaction
à celui qui était exproprié, afin qu'il n'attende pas non
seulement des mois mais des années avant de recevoir son paiement.
Et je souhaite bien ardemment que le nouveau bureau
nécessairement il aura un territoire beaucoup plus grand que celui qu'il
a présentement sa procédure soit assez souple pour donner
le même service, parce qu'à ce chapitre-là nous savons tous
que c'est l'exproprié qui est visé. Donc, nous voulons le payer,
lui donner son indemnité le plus rapidement possible.
Avant de conclure, nous aurions un seul cas qui n'a pas
été dans ce résumé, qui parle des indemnités
aux locataires. Il n'est pas dans le mémoire si vous vouliez nous
vous le ferons parvenir nous pourrions en causer très
brièvement.
M. Legault a fait l'étude de cette question et aussi nous avons
des exemples à donner. Nous pourrions aussi vous donner une étude
de 360 cas qui ont été examinés et qui montre la
différence entre votre proposition et celle que nous utilisons
présentement. Dans un cas, c'est $390 d'indemnité à un
locataire avec la formule que vous proposez. Plus de 1,000 cas ont
été traités avec la formule que nous proposons et que nous
utilisons présentement. Elle est beaucoup plus généreuse,
nécessairement, pour le locataire de cinq, six et sept pièces,
allant jusqu'à huit; elle l'est moins pour celui qui est chambreur ou,
enfin, pour celui qui habite une pièce et demie ou deux pièces et
demie. Lorsque nous délogeons des gens qui sont dans des zones grises et
qui doivent déménager, nous ne voudrions quand même pas
qu'ils soient perdants. Donc, pour la formule que nous utilisons, nous avons
des exemples. On a eu souvent certaines critiques dans les journaux au sujet de
différents traitements, mais avec la formule des indemnités aux
locataires que nous sommes prêts à vous soumettre, il n'y a jamais
eu de critique. Donc, nous croyons que notre pratique est déjà
rodée.
M. PINARD: Est-ce que vous avez un document préliminaire à
nous soumettre dès ce matin là-dessus...
M. NIDING: Oui.
M. PINARD: ... quitte à nous envoyer un document plus
détaillé plus tard?
M. NIDING: Oui.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): M. Legault.
M. LEGAULT: II s'agit, en fait, de l'article 76. Le projet de loi
propose pour le locataire résidentiel une indemnité qui est
proportionnelle au loyer, soit trois mois de loyer, auxquels s'ajoute le
coût du déménagement. Ce mode de
paiement d'indemnité, lorsqu'appliqué à des cas
concrets de relogement, pose un bon nombre de difficultés dont voici les
principales. Premièrement, pour des logements de grandeur
différente, il y a des indemnités égales. Par exemple
et ce sont des exemples réels un logement de trois
pièces dont le loyer est de $60 par mois commande une indemnité
de $180; un logement de six pièces dont le loyer est de $67 par mois
commande une indemnité de $201, tandis qu'un logement de sept
pièces dont le loyer est de $75 par mois commande une indemnité
de $225. Comme on le voit, cette situation n'est pas équitable, puisque
l'on sait qu'il en coûte beaucoup plus pour réinstaller un
logement de sept pièces qu'un logement de trois pièces: remplacer
les couvre-planchers, les rideaux, défaire et refaire les raccordements
électriques et mécaniques, etc. Cet exemple ainsi que ceux qui
suivent ont été tirés d'expériences récentes
de relogement à Montréal.
Deuxièmement, pour les logements de même grandeur, il y a
des indemnités différentes. Par exemple, un logement de cinq
pièces dont le loyer est de $100 par mois commande une indemnité
de $300, tandis qu'un logement de cinq pièces dont le loyer est de $67
par mois commande une indemnité de $171, c'est-à-dire une
différence de $129. Le cas de ces deux logements a été
relevé dans deux bâtiments contigus sur la même rue et la
grandeur des logements était similaire.
Troisièmement, le locataire qui habite ce qu'on appelle un
"bachelor" reçoit, bien souvent, une indemnité supérieure
à celui qui a un grand logement, avec la méthode d'une
indemnité proportionnelle au loyer. Un "bachelor" meublé commande
un loyer de $85 par mois et, conséquemment, une indemnité de
$255.
Nous avons vu que dans le cas, par exemple, du logement de sept
pièces tout à l'heure, nous ne pouvions avoir qu'une
indemnité de $225. Encore une fois, il est évident que les frais
de réinstallation d'un sept pièces et d'un "bachelor" sont bien
différents.
Le paiement des frais de déménagement en plus de
l'indemnité est une ouverture à l'arbitraire. En effet, on a
constaté qu'il est injuste de ne payer que les montants pour lesquels il
y a des reçus possibles, parce que le travail qui a été
fourni par les personnes mêmes n'est pas reconnu.
Par contre, si on ouvre la porte à payer des comptes sans
reçus, on arrive automatiquement à verser plus au plus
rusé, à celui qui crie le plus fort et à celui qui
réclame le plus, et on paye moins celui qui est plus
résigné à son sort. La ville de Montréal propose le
barème de dédommagement actuellement en usage à
Montréal et dans toutes les villes où il y a de la
rénovation urbaine. Ce barème a été établi
à la suite de consultation avec différents groupes de citoyens
à Montréal et, par la suite, a été ratifié
par la Société d'habitation du Québec.
La Commission des écoles catholiques de
Montréal pour sa part emploie aussi ce barème qui est le
suivant : Un chambreur $50, une pièce $110, deux pièces $265,
Trois pièces $340, quatre pièces $400, cinq pièces $450 et
$50 de plus par pièce pour les autres, lorsqu'une chambre s'ajoute.
Cette méthode est simple d'application. Il est plus facile de
vérifier le nombre de pièces d'une maison que le loyer.
Les réclamations supplémentaires dans les cas qui nous
intéressent sont à peu près nulles. L'officier de
relogement peut avoir avec les locataires des relations beaucoup moins tendues
et conséquemment peut offrir une aide appropriée. On a
évalué sur une échantillon de 390 logements que le
coût moyen par logement de la formule du projet de loi no 88 serait de
$380, tandis que la formule en usage à Montréal a
coûté en moyenne $415 par logement. La différence
évidemment, c'est que les plus grands logements ont eu de plus grandes
indemnités et les plus petits ont eu de plus petites
indemnités.
Il nous paraissait important de souligner cette situation aux membres du
Parlement. Merci, M. le Président.
M. PINARD: Est-ce que ça nécessite que vous nous fassiez
parvenir un mémoire plus détaillé que celui que vous venez
de nous lire ou bien si on peut tenir pour acquis que nous avons suffisamment
d'informations pour être en mesure de corriger le texte des articles 76
et 77 s'il y a lieu? Parce que sur le plan de la procédure de la
commission parlementaire, il faudrait bien comprendre que si l'on décide
que la commission parlementaire a terminé ses travaux ce matin, il
faudrait que le document que vous nous ferez parvenir soit annexé au
rapport du président de la commission parlementaire de façon que
la procédure soit régulière.
Et j'aimerais quand même connaître tout de suite quel est le
délai que vous nous demandez, avant de nous faire parvenir ce rapport
final.
M. NORMANDIN: Dans deux jours.
M. PINARD: Très bien, ça ne pose pas de
problème.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II est très important que nous ayons,
M. le Président, ce document parce que le problème que vous
soulevez met en cause quand même les intérêts des locataires
et il s'agit là d'individus, de familles etc. Je voudrais avoir des
détails additionnels avant que nous ne commencions l'étude de la
loi.
M. NORMANDIN: Je pense bien, M. le Président, qu'il est bien
entendu que si des questions additionnelles sont suscitées par votre
commission, nous sommes toujours prêts à apporter
l'éclairage nécessaire.
M. PINARD: Alors voulez-vous faire parve-
nir le mémoire final au sujet des indemnités payables aux
locataires, au secrétaire général des commissions
parlementaires, M. Jacques Pouliot qui lui se chargera d'en faire parvenir aux
membres de la commission?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
L'Assomption.
M. PERREAULT: Juste une question. Est-ce que le barème que vous
utilisez actuellement tient compte assez dans votre esprit des familles
nombreuses qui occupent des logements à bas loyer? Elles doivent
être déplacées et, parfois, elles sont obligées de
prendre un logement qui va coûter deux ou trois fois plus dans les zones
de rénovation, par exemple.
M. LEGAULT: Ecoutez, dans les conditions...
M. PERREAULT: On voit des familles qui ont besoin de quatre chambres,
qui paient un loyer de $80, $85, $90 dans certains quartiers. Je ne les vois
pas trouver dans d'autres quartiers des logements de cette
catégorie.
M. LEGAULT: Le barème que nous vous proposons, qui est
proposé par la ville de Montréal, est celui qui a
été employé précisément parce qu'il aide
plus les grandes familles. Notre critique de celui de la loi est qu'il tend
à être moins généreux pour les grandes familles.
Maintenant, ce barème ne peut pas compenser à long terme.
Peut-être à court terme, mais il ne peut pas compenser à
long terme pour les augmentations de loyer.
De grandes familles ont, par exemple, un logement de sept pièces
à Montréal à $75 par mois; une famille qui est
obligée de déménager ne peut pas retrouver un logement
pareil, à quelques exceptions près. Ce que nous avons
observé, c'est qu'en moyenne l'augmentation des loyers des personnes
déplacées va varier de 15 p.c. à 50 p.c.,
c'est-à-dire que des loyers qui valaient $50 ou $60 vont être
augmentés de $5 à $25. Cette indemnité-là ne peut
pas prétendre compenser sur une période de plus d'un an ou deux
la différence en loyer. A long terme, c'est bien évident que
cette formule-là ne prévoit pas cela et le locataire qui est
forcé de déménager doit envisager des changements de
conditions.
Maintenant, on a observé que, lorsqu'il y avait des changements
de logement, les conditions, de façon générale, des
locataires étaient meilleures; c'est-à-dire que les gens louaient
des logements un peu plus grands, avec un peu plus de services, ce qui
explique, d'ailleurs, des augmentations de loyer. Mais cette formule-là,
pas plus que d'autres, d'ailleurs, ne peut prétendre...
M. NORMANDIN: La Loi de l'expropriation prévoit une compensation
pour le déménagement. Le problème dans les grandes
concentra- tions, la difficulté de se loger à prix modique, est
un problème séparé et ce sont les politiques de logement
à prix modique qui tentent d'obvier à ces problèmes. C'est
pourquoi dans les priorités, pour accorder aux programmes à loyer
modique les logements, on tient compte justement des personnes qui sont
déplacées à cause des décisions des pouvoirs
publics. On leur donne une priorité pour avoir un logement à prix
modique.
M. PERREAULT: II reste un point, lorsqu'ils sont obligés de
partir, ils n'ont pas toujours des loyers à prix modique qui sont
disponibles à ce moment-là. Ils peuvent attendre deux et trois
ans. C'est pour cela que je parlais d'une compensation qui pourrait tenir
compte de cela au moins une couple d'années.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le député me le permet...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Le député de
Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... évidemment la ville de
Montréal est concernée là-dedans, mais je pense qu'il
s'agit d'une politique générale de l'habitation du
gouvernement.
Si l'on tient compte des nouvelles dispositions de la
réglementation des affaires sociales en ce qui concerne l'assistance
donnée aux personnes défavorisées, on se rend compte qu'il
était absolument nécessaire d'avoir ces renseignements que vient
de nous communiquer la ville de Montréal afin que le ministre des
Affaires sociales et le gouvernement réajustent leur politique de
logements.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre des
Transports.
M. PINARD: M. le Président, je pense bien qu'on peut facilement
s'entendre sur le principe de l'indemnisation en faveur du locataire. Je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de modifier en aucune façon le
texte de l'article 76 et de l'article 77, parce que ce que vous nous proposez,
dans le mémoire que vous nous avez distribué tantôt, c'est
le réaménagement de l'indemnité payable aux locataires.
Cela relève du pouvoir réglementaire qui établit des
normes et des barèmes de paiements. Je ne pense pas que ce soit
nécessaire d'amender le texte des articles 76 et 77 pour nous permettre
de payer en fonction des barèmes qui sont actuellement en vigueur
à la ville de Montréal.
M. LEGAULT: Juste une seconde, je pense, M. le Président, que le
texte de l'article 76 est très précis dans ce sens; il dit: "Dans
le cas du locataire qui occupe une résidence, l'indemnité est
forfaitairement fixée à une somme égale à trois
mois de loyer". A ce moment, on est pris avec un barème fixe. Alors, si
on est obligé de
construire notre indemnité à partir de trois mois de
loyer, c'est bien clair qu'on n'a pas le choix de tenir compte de la grandeur
du logement, mais on doit tenir compte du loyer. Dans ce sens, c'est la raison
pour laquelle nous pensons qu'un réaménagement de l'article qui
dirait...
M. PINARD: ... compte tenu du nombre de pièces...
M. LEGAULT: ... de la grandeur, du nombre de pièces ou de la
grandeur du logement, donnerait plus de flexibilité. Après
ça, avec les règlements...
M. PINARD: On pourrait peut-être dire, dans l'article 76, que la
fixation de l'indemnité sera déterminée par
règlement. Dans le règlement, cela nous permet...
M. LEGAULT: ... c'est une possibilité.
M. PINARD: ... de formuler plusieurs modes de paiements.
M. PERREAULT: De modifier dans l'avenir plus facilement que la loi.
M. PINARD: Oui, alors c'est beaucoup plus souple sur le plan de
l'application.
M. LEGAULT: D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va rejoindre aussi les problèmes des
diverses régions du Québec. Il y a Montréal, mais il y a
toutes les autres régions. Je crois que cet article-ci est
extrêmement restrictif et qu'il serait nécessaire, par
réglementation, dans l'article même, de modifier afin de couvrir
tous les cas possibles sur le territoire.
M. NIDING: II faut aussi ajouter que nous, nous avons le pouvoir, par
notre charte, d'ajuster, au comité exécutif, par
résolution, ce qui nous a été autorisé par
l'Assemblée nationale: le barème du coût. Donc cette
résolution date, M. le Président, du mois de juillet 1970, et
comme je l'affirmais tantôt, aucune plainte n'a été
soulevée avec ce traitement.
UNE VOIX: D'accord.
M. NORMANDIN: Deux petits points, si on me le permettait, deux
minutes.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.
M. NORMANDIN: D'abord à la page 31, nous traitons
brièvement du fait que, contrairement aux autres organismes expropriants
dans les municipalités, les décisions se prennent de façon
publique ou au moins sont consignées dans des documents publics, soit
une décision du conseil ou du comité exécutif. A ce
moment-là, pour empêcher la spéculation et les
préjudices aux intérêts publics, il est nécessaire
qu'il y ait un gel de permis et qu'il n'y ait pas de dédommagement qui
puisse être payé une fois que la décision est prise.
C est pourquoi il y a, tant dans la charte de Montréal aux
articles 46 et 611-A, que dans la Loi de la Communauté urbaine de
Montréal, aux articles 103, 107 et 108, des dispositions à cet
effet. Nous croyons qu'il est absolument nécessaire de les avoir parce
que, dès que cela devient public, c'est bien évident que tout le
monde peut aller courir pour se chercher un permis et demander des
dédommagements.
A la page 31, nous traitons de l'expropriation. J'ai oublié de
mentionner plus loin que le même principe s'applique pour les
réserves.
Deuxièmement, le dernier problème; j'ai oublié de
traiter du problème des exemptions de taxes. Déjà, les
pouvoirs publics, tant le gouvernement fédéral que le
gouvernement provincial, reconnaissent que les municipalités ne doivent
pas être exposées à des pertes de revenus lorsque divers
pouvoirs publics occupent du terrain. En conséquence, normalement, ils
seraient exemptés de taxation et les revenus de la municipalité
diminués, mais, à ce moment-là, tout édifice, soit
fédéral ou provincial, paie, au lieu de taxes, le même
montant que les taxes pourraient rapporter. Je ne sais pas quel est le texte
final qui sera adopté, mais, si l'on prévoit des exemptions de
taxes, à un moment donné, dans le cas de réserves, il me
semble qu'on devrait prévoir, si on veut que la personne qui est
affectée par la réserve ne paie pas de taxes, que, lorsque ce
n'est pas la municipalité elle-même qui fait une réserve,
la personne, qui a le pouvoir et qui met une réserve, paie, au lieu de
taxes, le montant que la personne affectée paierait. Autrement, avec une
généralisation du système de réserves, cela peut
devenir extrêmement lourd, financièrement, pour les
municipalités qui sont déjà assez serrées, merci,
au point de vue financier.
C'est tout. Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Autres questions des membres de la
commission?
Le député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: En rapport avec l'indemnisation provisionnelle, je crois que,
dans votre mémoire, vous acceptez cet article du projet de loi no 88,
établissant que, lorsque vous avez décidé de faire
l'expropriation, il soit acquis pour la ville de Montréal et le
ministère des Transports de ne verser que la demie du montant.
Maintenant, je vois ici, il me semble, une trop grande latitude
accordée à ces deux organismes.
M. BURNS : Vous ne versez pas plus, actuellement?
UNE VOIX : Pardon?
M. BURNS: Actuellement, vous ne versez pas plus que ça, dans les
faits, en indemnité provisionnelle? Vous ne versez pas 75 p.c.
actuellement.
M. NORMANDIN: Non, mais, dans notre mémoire, nous proposons qu'au
lieu de 100 p.c. de l'évaluation municipale ce soit descendu à 75
p.c. Il y a un problème qui peut être, sur le plan pratique,
très difficile et amener bien des complications maintenant qu'avec les
nouvelles lois sur l'évaluation les évaluations tendent à
être portées à 100 p.c. Au moment où le principe a
été accepté par les Législatures d'établir
qu'on déposait le montant de l'évaluation, l'évaluation,
en pratique, se faisait, en moyenne, à 30 p.c. ou 40 p.c. de la valeur
réelle.
Maintenant, on la monte à 100 p.c. A mon avis, voici le danger de
garder cette disposition. Pour l'évaluation qui se fait en mars, si on
dit qu'elle est, mettons, à 95 p.c, cela veut dire que, dans certains
cas, elle est à 120 p.c. et, dans d'autres cas, elle est à 65
p.c. Ce n'est pas mathématique, cette affaire. Si on garde le
système de 100 p.c, on va en arriver à ce qu'un nombre
considérable de jugements se trouve en deça.
A ce moment-là, on a le problème d'aller recouvrer d'un
contribuable la somme qu'il a peut-être dépensée ou
utilisée ailleurs. Il y a toute une série d'actions en
recouvrement, d'ennuis et de mécontentement dans la population. Il me
semble que, si on tend à une évaluation à 100 p.c, il
devrait être suffisant de mettre 75 p.c. de façon qu'il y ait
juste un petit montant à combler lorsque l'indemnité sera
fixée de façon définitive.
Si ce principe était accepté, à ce moment-là
est-ce qu'il y aurait encore lieu ou nécessité, dans la section
IV, pour la voirie et la ville de Montréal, de mettre 50 p.c. ce qui,
à mon avis, est nécessaire si vous mettez 100 p.c dans la chose?
Si on met 75 p.c, est-ce qu'à ce moment-là il y a lieu d'avoir
une règle unique à 75 p.c? Je ne le sais pas.
M. AUDET: M. le Président, je crois qu'il serait raisonnable de
s'approcher le plus possible du montant initial de la valeur, quitte à
se réserver, justement, une latitude pour pallier le danger de payer
trop. Mais j'imagine que 50 p.c, ce serait donner au gouvernement, qui,
normalement, est le plus capable de payer, un pouvoir de se défiler, de
faire traîner les cas en longueur et porter préjudice aux
expropriés.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres questions?
L'honorable député de l'Assomption.
M. PERREAULT: ... en pratique, dans vos cas d'expropriation qui sont
allés au Bureau d'expropriation ou au tribunal, vous ne payez pas
beaucoup plus que votre évaluation scientifique réelle?
M. NORMANDIN: Non. Il arrive assez souvent que nous payons en
deça, même dans l'expropriation d'un terrain ou de
bâtiments. Où il se pose énormément de
problèmes de cette nature, c'est que, très très souvent,
les expropriations sont de petits bouts de terrain; ce sont des choses qui ont
une valeur nominale, ce sont des servitudes, etc.
C'est peut-être un phénomène assez particulier
à Montréal, parce qu'il y a assez longtemps que
l'évaluation a été remontée à 90 p.c. ou 95
p.c. de la valeur réelle, il arrive assez souvent que l'indemnité
finale soit en deça.
LE PRESIDENT (M. Houde, LimoUou): L'honorable ministre des
Transports.
M. PINARD: S'il n'y a pas d'autres questions que les membres de la
commission veulent poser à ceux qui témoignent devant nous ce
matin, j'aimerais saisir l'occasion qui m'est fournie de remercier la ville de
Montréal, le président du comité exécutif, le
directeur du contentieux, le directeur du Service d'urbanisme et de
l'habitation, de l'aménagement, ainsi que tous les autres fonctionnaires
qui accompagnent la délégation de la ville de Montréal, ce
matin, pour l'excellent travail qu'ils ont fait lors de la préparation
du mémoire et de l'apport précieux qu'ils nous ont accordé
pour nous permettre d'en arriver à une meilleure législation en
matière d'expropriation.
Le législateur québécois a voulu que le
régime des expropriations soit plus humain, plus juste, plus efficace et
il a voulu aussi qu'avec une nouvelle loi de l'expropriation, de nouvelles
procédures, l'établissement de nouvelles structures, que nous
soyons plus en mesure, comme législateurs, de cerner les
problèmes de la collectivité, bien entendu, et de mieux
sauvegarder du même coup les droits des individus ou des groupements
d'individus.
Je pense qu'il y a des données nouvelles en sociologie qui nous
obligent à repenser nos lois, à les examiner de nouveau, à
les amender et parfois, à en susciter et à en élaborer de
nouvelles.
C'est la responsabilité du législateur, mais pour mieux
nous permettre de cerner tous ces problèmes, pour être en mesure
de les régler plus rapidement, de façon plus juste, plus humaine,
il faut absolument avoir l'apport des autres gouvernements, des autres
instances gouvernementales, et aussi les lumières des organismes publics
qui représentent les intérêts collectifs ou les
intérêts de groupements d'individus plus restreints.
Je voudrais dire tous mes remerciements à la ville de
Montréal pour cet apport précieux que ses représentants
nous ont accordé et je voudrais aussi féliciter tous les membres
de la
commission qui ont abattu une très bonne besogne, qui se sont
montrés, à toutes les séances, très objectifs dans
la discussion des problèmes. Je pense que c'est la nouvelle façon
d'aborder les problèmes de législation au-dessus des lignes
partisanes, parce que finalement la législation doit être la
meilleure possible et elle ne le sera que dans le cas où il y aura
vraiment une collaboration intense de la part de tous les membres du
Parlement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Chicoutimi.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne puis qu'approuver
le ministre. Les propos qu'il a tenus sont fort judicieux. Je voudrais,
à mon tour, remercier la ville de Montréal, le président
de son conseil exécutif, ainsi que tous les fonctionnaires qui
l'accompagnent, et féliciter particulièrement mon
confrère, Me Normandin, de ce mémoire, qu'il a
rédigé avec ses collègues, qui est d'une grande
clarté et qui apporte un éclairage sur un projet de loi qui n'est
qu'un projet.
Nous avons retenu vos propositions. La plupart d'entre elles, en ce qui
me concerne, me satisfont. Il restera à voir quel cas les membres de
l'Assemblée nationale en feront et quel cas le gouvernement en fera
lui-même lorsqu'il nous donnera sa version définitive et qu'il
proposera sa réglementation.
Soyez donc assurés que nous veillerons au grain afin que les
contribuables du Québec, et particulièrement, en ce qui vous
concerne, ceux de la communauté urbaine et de la ville de
Montréal, soient protégés par ce nouveau projet de loi qui
s'inscrit dans un ensemble de réformes dont l'objectif est de donner aux
citoyens des conditions de vie meilleures et de leur permettre de jouir des
avantages que procurent les diverses lois. Messieurs, je vous félicite
et vous remercie en vous réitérant notre intention de voir
à ce que les propositions très concrètes que vous nous
avez soumises se trouvent incluses dans le texte définitif de ce qui
deviendra la loi 88.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Je voudrais remercier et féliciter les
représentants de la ville de Montréal pour le brillant
mémoire qu'ils ont préparé et exposé à cette
commission. Je suis sûr que la longue expérience de la ville de
Montréal en expropriation sera de nature à éclairer la
commission et éclairer tous ceux qui auront à étudier le
bill 88 et profitera beaucoup à l'amélioration et la justesse
d'une loi sur l'expropriation. Merci.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Je veux remercier les représentants de la ville. Je
pense que dans votre mémoire il y a un effort d'imagination assez
spécial qui est caractérisé par votre suggestion, que je
trouve très intéressante, sur la réserve à long
terme, que je ne fais pas mienne, je vais évidemment la soupeser. Je
trouve que vous avez démontré, entre autres dans ce cas et tout
au long de votre mémoire, une espèce d'effort de concilier, comme
le disait Me Normandin tantôt, et les besoins collectifs que vous
représentez et les droits des individus qui risquent d'être
lésés. Moi aussi, je joins à ceux de mes collègues
mes remerciements.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Comme président, je remercie
les autorités de la ville de Montréal et tous mes
collègues pour l'excellente collaboration qu'ils m'ont donnée. La
commission termine ses travaux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sine die.
(Fin de la séance à 12 h 53)