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Version finale

30e législature, 3e session
(18 mars 1975 au 19 décembre 1975)

Le mardi 9 décembre 1975 - Vol. 16 N° 197

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi 214 - Loi concernant la Compagnie de Gestion de Matane Inc.


Journal des débats

 

Commission permanente des transports,

des travaux publics et de l'approvisionnement

Etude du projet de loi no 214

Loi concernant la Compagnie de Gestion de Matane Inc.

Séance du mardi 9 décembre 1975

(Dix heures quarante-six minutes)

M. Lafrance (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement ouvre ses séances sur l'étude du projet de loi no 214. Je voudrais vous faire part tout de suite des changements à la commission.

M. Burns remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Tardif remplace M. Saindon (Argenteuil).

Maintenant, étant donné que la commission doit se nommer un rapporteur, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour le rapporteur de la commission?

Le député de Yamaska. Alors, du consentement unanime des membres de la commission, le député de Yamaska est nommé rapporteur de la commission.

Etant donné que la commission doit être informée et attend certains documents pour procéder, nous suspendons les travaux jusqu'à onze heures quinze.

(Suspension de la séance à 10 h 47)

Reprise de la séance à 11 h 34

M. Lafrance (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

Je voudrais vous faire part d'une décision très importante de la commission, c'est celle du remplacement du député de Lévis par M. Cournoyer comme membre de la commission.

Projet de loi no 214, Loi concernant la Compagnie de Gestion de Matane Inc. Audition. M. le ministre des Transports.

Procédures judiciaires

M. Mailloux: M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais que la procédure de la commission soit changée, pour la raison suivante; c'est qu'à l'ouverture de la séance ce matin, avant la suspension, il a été porté à la connaissance de la commission que certaines procédures judiciaires supplémentaires ont été inscrites devant les tribunaux. Je demanderais que la présidence n'appelle pas maintenant une partie des requérants, soit les six premiers qui sont mentionnés, et qu'un membre de la commission, soit le député de Matane, attende à une séance ultérieure pour se faire entendre.

Si l'Opposition, entre-temps, a des arguments à faire valoir, la commission pourrait l'entendre et, si ce n'est pas trop long, on pourrait entendre le mémoire soumis par Me Raynold Langlois. A quatre heures cet après-midi, on pourra davantage préciser notre position, mais je me bornerai, quant au ministère des Transports, pour la partie gouvernementale, à écouter entre-temps.

Le Président (M. Lafrance): Alors...

M. Burns: Simplement une remarque, M. le Président. Je n'ai pas d'objection à ce changement de procédure, mais je voudrais qu'il soit bien compris que, dans notre esprit, je ne crois pas que les tribunaux soient en mesure d'empêcher le processus législatif. Je pense qu'on pourra argumenter là-dessus éventuellement, mais cela nous arrive un peu, autant que vous autres, par surprise. Mais, au départ, soyez assurés que je suis prêt à me plier à ce changement de procédure, tout en disant que je suis profondément convaincu que le système judiciaire ne peut pas, comme tel, empêcher le processus législatif de suivre son cours.

La Législature peut avoir certaines réticences à légiférer lorsque le processus judiciaire est en marche.

Cela, c'est un autre problème. Mais je ne pense pas, cependant, que l'Assemblée nationale, pas plus que l'une de ses commissions, soit empêchée de fonctionner à cause d'un ordre donné par nos tribunaux.

NI. Mailloux: M. le Président, je voudrais ajouter que, dans notre esprit également, la primauté du pouvoir législatif pourrait permettre que la commission siège dans l'ordre qui a été indiqué. Si je ne suis pas homme de loi moi-même, il ressort, avec toute la déférence que je dois donner aux tribunaux, que je voudrais quand même que certaines facettes du problème soient inventoriées de nouveau par les conseillers juridiques du gouvernement.

M. Burns: Si je partage l'avis du ministre, c'est parce que je trouve que c'est un geste prudent. Je partage son avis. Mais je ne veux pas que ce soit interprété, de notre part, comme une admission dans le sens que je le mentionnais.

M. Mailloux: Dans mon esprit, au moment ou j'ai mentionné que l'honorable député de Matane devrait attendre à quatre heures pour parler, étant donné que le projet de loi a été déposé devant la commission, il appartient maintenant à la Chambre et à la Chambre seule et non pas les tribunaux...

Le Président (M. Lafrance): En fait il n'y a pas, dans nos règlements, un processus qui éta-

blisse dans quel ordre on doit entendre les parties en cause. Alors il n'y a aucun changement au règlement actuellement. Si on veut entendre d'autres parties que celles qui sont mentionnées en premier, il n'y a aucune objection. En plus, on ne peut pas non plus empêcher un membre de la commission de s'exprimer quand il le voudra sur le projet de loi. Mais étant donné les réticences du ministre à demander à un député de ne pas se prononcer tout de suite, je pense que le député pourra juger lui-même s'il devra intervenir ou non. Mais comme président de la commission, je ne puis, à aucun moment l'empêcher de se prononcer.

Je pense qu'on pourrait, si l'honorable député de Maisonneuve a une intervention à faire, l'entendre avant que nous procédions aux auditions.

Point de vue du Parti québécois

M. Burns: M. le Président, étant donné que je ne fais pas partie du caucus libéral, moi, on ne pourra pas m'em'pêcher de parler!

M. le Président, il y a quelqu'un qui, malheureusement, est empêché de parler. C'est le député de Saguenay que je _ne remplace pas ce matin mais qui...

M. Cournoyer: Parce qu'il fait partie de votre caucus?

M. Burns: Non, non. Actuellement, il est aux Iles-de-la-Madeleine et c'est à son grand regret qu'il ne participe pas aux travaux de la commission ce matin.

M. Cournoyer: Qu'est-ce qu'il fait là? Il n'est pas député des Iles-de-la-Madeleine!

M. Burns: II m'apparaît donc important, très brièvement, avec votre permission et celle des membres de la commission, de simplement faire connaître le point de vue que le député de Saguenay avait fait connaître sur le cas de COGEMA, la semaine dernière, et qui sera, dans les grandes lignes, notre attitude.

Je pense que la façon la plus simple serait de vous lire cette déclaration qui est très brève, qui comporte une page et un paragraphe et qui se lit comme suit: "Position de Lucien Lessard sur COGEMA. "Premièrement, j'ai toujours démontré, dans le passé, que j'appuyais la création d'un service de traversier-rail entre les deux rives. "Deuxièmement, devant le refus du ministre des Transports de confier ce service à la Société des traversiers du Québec, j'ai accordé mon appui à COGEMA, qui était un organisme régional. "Troisièmement, aujourd'hui, à la suite d'une erreur fondamentale de la Commission des transports, ce permis accordé à COGEMA est contesté devant les tribunaux par deux autres compagnies de transport. "Quatrièmement, le gouvernement veut corriger cette erreur en présentant une loi spéciale qui an- nulerait les poursuites et rendrait légal ce qui était illégal auparavant, ou du moins laissait place à la contestation judiciaire. "Cinquièmement, le problème se résume donc à ceci, — selon l'opinion du député de Saguenay — L'Assemblée nationale a-t-elle le droit d'intervenir dans le cours régulier de l'administration de la justice? Je me rendrai donc à la commission parlementaire — je vous ai mentionné que comme il ne pouvait pas y être, c'est moi qui le remplace temporairement — j'entendrai les parties et nous analyserons le projet de loi à son mérite. Si le moyen utilisé n'est pas bon, il se peut que le gouvernement trouve un autre moyen, car je continue de croire qu'il est important pour le développement économique des deux rives d'avoir ce traversier-rail, par exemple, la Société des traversiers du Québec".

M. le Président, comme je remplace le député de Saguenay à cette commission, temporairement — parce que, aussitôt qu'il sera de retour à Québec, il reprendra les travaux de la commission, s'ils ne sont pas terminés — ce seront les grandes lignes qui guideront mon attitude à cette commission.

Le Président (M. Lafrance): Si la commission est consentante, nous pourrions entendre Me Raynold Langlais, conseiller juridique de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent Me Langlais.

M. Langlois: M. le Président, voulez-vous que je me lève ou est-ce que je peux rester assis?

Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas nécessaire.

Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent

M. Langlois: M. le Président, avant de faire des recommandations précises sur le projet de loi, j'ai un certain problème, parce qu'on me demande de présenter des commentaires, au nom de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent, sur un projet de loi privé où les requérants eux-mêmes n'ont pas fait valoir, pour des raisons que l'on connaît, leurs motifs et les explications qui sont fondamentales à ce projet de loi.

Le Président (M. Lafrance): Me Langlois, auriez-vous des objections à ce qu'on les entende avant vous?

M. Langlois: C'est-à-dire que je n'ai pas à dire si j'ai objection ou pas. Comme vous le savez peut-être, la question du respect qu'on doit apporter aux tribunaux est une question qu'on laisse les tribunaux apprécier, et non pas à de simples avocats comme moi, mais je souligne que si la commission veut me permettre d'intervenir après que le projet de loi aura été présenté par ses parrains, lorsqu'ils pourront le faire, je le préférerais. Cependant, si la commission me donne cette

occasion-ci comme étant la seule occasion de faire des représentations, je vais évidemment saisir l'occasion pour les faire.

Le Président (M. Lafrance): Je veux vous rappeler que notre règlement permet, justement, d'entendre des auditions pendant vingt minutes et que suit une période de questions de quarante minutes.

Si vous voulez vous prévaloir de vos 20 minutes et de vos 40 minutes immédiatement, on n'a pas d'objection. On ne peut pas revenir et vous faire revenir à plusieurs reprises.

M. Langlois: Ne peut-on pas demander que nos 20 minutes soient à la fin?

M. Cournoyer: Etant donné que vous avez pas mal décidé de la procédure que nous devrons suivre, il me semble que vous arrivez à votre tour, à ce moment-ci.

M. Langlois: M. le ministre, je me plie à ce que vous dites. Je voudrais vous remettre immédiatement, M. le Président, des exemplaires des notes dont je vais m'inspirer pour faire la présentation au nom de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent.

Le Président (M. Lafrance): II y a quelqu'un qui va les distribuer aux membres de la commission.

M. Langlois: J'ai des copies supplémentaires ici. Je voudrais d'abord souligner, M. le Président, aux membres de la commission que la partie qui parle par mon entremise ce matin, ce ne sont pas les requérants devant la Cour supérieure dans les procédures dont on a parlé tout à l'heure; c'est l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent qui a toujours groupé et qui groupe encore l'ensemble des compagnies québécoises qui font du transport maritime, soit à l'intérieur des limites de la province ou à l'extérieur. Toute l'entreprise québécoise du cabotage est représentée par l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent. Ce sont des compagnies du Québec; ce sont, dans bien des cas, des individus québécois et non pas des sociétés, parce qu'il y a autant du transport artisanal que du transport par société. Vous trouverez en annexe, d'ailleurs, au mémoire qui vous est présenté à la fois la liste des membres de l'association qui vous permettra de voir que nous parlons au nom de petites gens comme de compagnies moyennes et de grosses compagnies, de même que la liste des équipements qui sont actuellement à la disposition du public québécois qui se sert du transport maritime.

L'association a été formée en 1936 et, depuis son existence, sa mission a toujours été de représenter les intérêts de ses membres auprès des gouvernements. A ce titre, elle a participé à tous les comités qui ont été formés par le ministère des Transports, du Canada ou du Québec, ou les gou- vernements à quelque palier que ce soit, en matière de législation, sécurité de la navigation, établissement des politiques de transport, etc.

Le contexte de l'intervention de l'association, ce matin, vous le trouverez au chapitre 2 de mes remarques. On ne comparaît pas, malgré l'impression que certains pourraient avoir, pour s'opposer à l'existence d'un service de transport de wagons de chemin de fer, chargés ou pas, entre des ports du golfe Saint-Laurent, que ce soit Matane ou ailleurs. L'association intervient parce qu'elle voit dans le projet de loi no 214 un double effet qu'elle croit dans l'intérêt public d'éviter.

Premièrement, l'octroi à COGEMA d'un statut spécial, et j'insiste sur le mot spécial, tel que celui envisagé par le projet de loi no 214 a pour effet de détruire complètement la logique de la politique des transports envisagée par l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi de 1972 sur les transports.

Vous verrez que dans cette loi, aux articles 2, 3, 5 et 15, le législateur, c'est-à-dire vous-même, a déclaré que tous les modes de transport étaient interdépendants, que le gouvernement avait l'obligation de déposer un plan directeur des transports et qu'enfin tous les modes de transport devaient être soumis au contrôle d'un seul organisme de réglementation, judiciaire et non politique, qui est la Commission des transports du Québec. Donc, première chose à éviter, c'est de faire évoluer un service public aussi important que celui de COGEMA en marge d'une loi d'ordre public adoptée par l'Assemblée nationale.

En somme, un individu vous demande de lui accorder un statut qui l'exempte d'une loi d'ordre public. Deuxièmement, cette demande de COGEMA porte atteinte à des droits fondamentaux qui appartiennent non seulement aux membres de l'Association, mais à tout résident du Québec, c'est-à-dire le droit de faire sanctionner par l'appareil judiciaire les droits qu'ils prétendent avoir sans que le législatif n'intervienne entre-temps pour faire échec à ce processus qui est à la base même de notre système démocratique.

Je n'insisterai pas sur ce dernier point, vu l'injonction qui a été accordée par la Cour supérieure ce matin. D'ailleurs notre chapitre 4 dans le mémoire vous donne exactement le contexte de ce débat. Nous sommes actuellement devant la Cour d'appel à l'instigation même du ministre des Transports, qui est appelant, et de COGEMA. Puis on veut maintenant faire échec au jugement de la Cour d'appel, on le craint peut-être, en faisant légaliser une situation par un projet de loi spécial privé.

Le chapitre 3 de mes remarques, M. le Président, messieurs les membres, s'intitule: le projet de loi risque de semer le chaos dans l'industrie maritime québécoise, et c'est le développement du premier point que j'ai fait tantôt. Tel que nous l'exposons de façon plus détaillée plus loin, la Loi des transports, de 1972, adoptée par le gouvernement actuel, a reconnu de façon expresse que tous les moyens de transport sont interdépendants, d'où l'obligation, que j'exposais tantôt, d'adopter un plan directeur.

La décision de créer un service public dit de traversiers-rail entre certains ports du golfe Saint-Laurent comporte un réalignement complet de toute la dynamique des réseaux actuels de transport maritime à l'intérieur de la province de Québec et ce, pour les raisons suivantes. D'abord, je suis convaincu que le ministre des Transports vous confirmera qu'il est dans les desseins du gouvernement d'engloutir environ $18 millions en infrastructures de facilités portuaires, à chaque extrémité du service, ce coût excluant les réseaux d'accès terrestre et autres infrastructures secondaires. Deuxièmement, le projet vise à drainer tout le transport originant de ou destiné à Baie-Comeau, Sept-lles et Port-Cartier vers ce service particulier, privant de la sorte l'industrie maritime québécoise actuelle de ses trois principaux ports de desserte.

De ce qui précède, on peut facilement concevoir que l'équilibre qui a permis à l'industrie québécoise du cabotage de se développer à l'avantage général du Québec et de fournir, en particulier, à certaines régions défavorisées, c'est-à-dire les ports qui ne sont pas ce que j'appellerais les vaches à lait du Saint-Laurent mais qui doivent quand même être desservis et qui a permis, dis-je, de desservir ces ports, puisque l'industrie actuelle du cabotage est une industrie polyvalente, cet équilibre est rompu par l'effet de l'intervention financière directe du gouvernement qui fournira gratuitement, à toutes fins pratiques les principales infrastructures et, de ce fait, permettra de privilégier le service public de COGEMA au point de vue tarif, etc., aux dépens des autres services concurrents.

Il faut bien ajouter un élément qui ne paraît pas non plus dans le projet de loi: c'est le rôle que jouent les Chemins de fer nationaux du Canada qui auront une part importante de la propriété de l'entreprise. Ce sera le plus grand actionnaire individuel, possédant 49% du capital, qui aura également un rôle extrêmement important, voire capital dans la gestion du service. Je reviendrai plus tard à cela. A moins de planifier, en somme, la création d'un service de traversiers-rail en fonction d'un impératif qui serait de s'assurer qu'on conserve quand même l'industrie maritime traditionnelle québécoise pour des raisons qui sont faciles à imaginer, l'introduction de ce nouveau service fera nécessairement disparaître cette industrie traditionnelle et constituera, de la sorte, une expropriation déguisée, mais une de ces expropriations qui ne prévoient aucune indemnité aux victimes.

Il faut bien vous dire que l'industrie maritime québécoise actuelle utilise des actifs dont le coût d'investissement est supérieur à $20 millions, qu'elle transporte au-delà de un million de tonnes par année dans les principaux ports concernés, et que si les promoteurs actuels procèdent sans qu'on tienne compte de l'existence de l'industrie québécoise actuelle, c'est le tonnage qui rend le service rentable pour l'industrie actuelle qui disparaît et, par le fait même, une industrie dans l'entreprise libre ne peut survivre à moins de pouvoir avoir une rentabilité certaine.

Maintenant, les conséquences de la disparition de l'industrie québécoise du cabotage sont les suivantes: perte d'emploi directe ou indirecte d'environ 5,000 personnes; mise en péril de tout un réseau d'industries satellites telles que des chantiers maritimes dont plusieurs sont situés dans des régions déjà économiquement défavorisées, comme le comté de Charlevoix; disparition d'un réseau de transport maritime polyvalent qui permet non seulement la desserte des ports rentables tels que Baie-Comeau, Port-Cartier et Sept-lles, mais également de l'ensemble des autres ports québécois situés tant sur le golfe Saint-Laurent que dans le nord québécois, c'est-à-dire des ports plus petits, plus éloignés et moins rentables.

L'association ne s'est jamais opposée, en principe, à la création du service, mais elle a toujours insisté, par contre, pour que cette création se fasse en collaboration avec l'industrie maritime actuelle et en tenant compte de ses impératifs. Là-dessus, il est extrêmement malheureux que le gouvernement n'ait pas jugé à-propos de faire connaître, jusqu'à maintenant, le plan directeur des transports maritimes qu'il se voyait mandaté de produire aux termes de l'article 3 de la loi, ce qui aurait permis à l'industrie québécoise actuelle de savoir ce qu'il lui reste dans ce plan d'ensemble, dans cette logique des transports que le gouvernement doit appliquer aux termes du mandat de l'Assemblée nationale que comporte la loi de 1972.

Enfin, il faut bien souligner que ce n'est pas COGEMA qui a inventé le projet de traversiers-rail. Il a été proposé, en tout premier lieu, par des usagers et il a fait l'objet de demandes concurrentes devant la Commission des transports par des membres de l'industrie actuelle des transports maritimes. Pour des raisons qu'on ignore, qu'il ne nous a jamais été donné de connaître, on a toujours refusé à l'industrie actuelle le droit de participer à ce projet de traversiers-rail.

Enfin, si on permet maintenant à COGEMA de vivre et d'évoluer en marge totalement de la Loi des transports, tel que le demande le projet de loi no 214, sans contrôle quasi judiciaire, j'attire votre attention sur le fait que c'est le ministre seul qui accorde les permis. C'est le ministre seul qui fixe les tarifs. C'est le ministre seul qui fixe les conditions, alors que les autres entreprises publiques québécoises, que ce soit dans le secteur des communications, par l'entremise de la Régie des services publics, que ce soit dans le domaine de l'électricité et du gaz en vertu de la Loi concernant la Régie de l'électricité et du gaz, que ce soit les autres transporteurs publics, terrestres ou maritimes, eux sont assujettis au contrôle quasi judiciaire, pour savoir si leur service est adéquat et si les conditions sont adéquates, si les tarifs sont justes et raisonnables.

En d'autres termes, si on permet à COGEMA d'opérer en marge de la Loi des transports, c'est l'anarchie, c'est le chaos dans l'industrie du transport, précisément ce qu'on voulait éviter en renforçant les contrôles, par l'adoption de la Loi des transports de 1972.

Dans le chapitre 4 de nos remarques, il suffit d'insister sur le titre de ce chapitre qui dit qu'on incite l'Assemblée nationale à commettre une injustice flagrante sur le plan judiciaire. Je n'ai qu'à attirer votre attention sur les procédures judiciaires qui ont pris naissance et qui ont eu leur point culminant ce matin; par l'octroi d'une injonction, on tente indirectement d'éviter l'effet d'une décision de la Cour d'appel.

Il serait peut-être intéressant également que les conseillers, les juristes du gouvernement ou de l'Assemblée nationale consultent Beauchesne sur le droit parlementaire et qu'ils expliquent aux membres de la commission comment il se fait que, pour une fois, on permette qu'une question d'intérêt public, qu'une question de politique publique puisse être traitée par bill privé. Vous verrez aux numéros 460 et 461 que lorsqu'un projet de loi privé est susceptible d'affecter, que ce soit même indirectement, une question de politique publique ou une loi d'ordre public, ce n'est pas par bill privé que cela devrait se faire, mais par bill public. Ce qui change complètement la nature du projet de loi. D'ailleurs, ce projet de loi érige même un système d'enquête, prévoit la nomination d'enquêteurs. On pourrait dire que c'est un projet de loi qui engage des dépenses du gouvernement, encore là, un autre type de projet de loi qui ne peut être adopté par bill privé.

Mais, ce qu'il est important de souligner, c'est que le préambule du projet de loi 214 ne nous dit pas tout. Le préambule ne dit pas que COGEMA avait obtenu de la Commission des transports, le 28 mars 1974, un permis l'aurotisant à fournir le service décrit à l'article 2 du projet de loi, à des conditions très précises dont la principale était l'entrée en vigueur du service en 1975.

Le préambule du projet de loi ne vous dit pas non plus que la Commission des transports a dû constater que COGEMA n'était pas en mesure de respecter les conditions et qu'elle s'est saisie pro-prio motu de l'occasion de lui révoquer son permis précisément parce qu'elle n'avait respecté aucune des conditions qui lui avaient été imposées.

C'est dans le cours de ces auditions que deux compagnies se sont adressées à la Cour supérieure pour faire annuler les décisions de la commission pour le motif que le permis était illégal. Le préambule ne relate pas non plus l'entente de principe qui existe entre COGEMA et les Chemins de fer nationaux par laquelle on prévoit que les Chemins de fer nationaux se voient accorder 49% du capital ordinaire, cinq postes au conseil d'administration sur onze et également, à toutes fins pratiques, la responsabilité de la gestion de l'entreprise.

Il faut bien dire, et c'est extrêmement important, qu'on connaît ce que les compagnies de chemins de fer peuvent faire par l'effet de leur politique tarifaire et je ne crois pas que personne va soutenir que la politique tarifaire des chemins de fer au Canada a toujours été à l'avantage du Québec. Si on confie et donne aux Chemins de fer nationaux l'occasion d'utiliser ce service très important, on peut se demander dans l'intérêt de qui cela va se faire. Mais, sur le plan constitutionnel, il y a plus important.

Le gouvernement du Québec, actuellement, se bat avec acharnement pour retenir des compétences en matière de transports et communications. Je suis bien à l'aise d'en parler. Je suis un des avocats mandatés par le gouvernement pour plaider la cause de la câblodistribution. Un secteur de juridiction que vous avez toujours exercé est la juridiction du, cabotage sur le Saint-Laurent. Il y a même des entreprises dont l'Agence maritime, qui est membre de l'association, qui ont dû aller en Cour suprême à deux reprises pour faire reconnaître la juridiction de la province sur ces services, comme compagnies de navigation intraprovin-ciale.

Lisez le préambule du projet de loi et vous verrez qu'on dit que le service de traversiers en question va devenir le prolongement du réseau ferroviaire nord-américain. Les avocats membres de la commission savent très bien que, dans notre droit constitutionnel actuel, tout prolongement d'un réseau international ou interprovincial de chemins de fer, surtout lorsqu'il est dirigé par une compagnie de la couronne fédérale, donc qui est à l'avantage général du Canada, devient automatiquement, en vertu des principes des articles 92.10 a), b) et c) de la constitution, de juridiction fédérale.

Si vous adoptez le projet de loi 214, notre prétention, entre autres, est à l'effet que vous remettez sur un plateau d'argent, au gouvernement fédéral, une juridiction que vous avez exercée de façon efficace depuis 100 ans. Il faut bien y penser dans le contexte des autres débats constitutionnels qui sont actuellement en cours entre le fédéral et le provincial.

M. le Président, ce sont donc les remarques que j'avais à faire. Je répète ceci à la fin de mes remarques: II n'est pas question pour l'association de s'opposer au service lui-même; on s'oppose aux méthodes suivies par le requérant, c'est-à-dire COGEMA, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est un projet de loi privé. Ce n'est pas un projet de loi du gouvernement. Deuxièmement, on s'oppose aussi et on s'est toujours opposé à ce que ce service soit confié à une entreprise qui évolue en marge de l'industrie de cabotage existante qui est une industrie, comme le ministre des Transports pourrait vous le dire, qui, à de nombreuses reprises, a prouvé au gouvernement qu'elle avait déjà de la difficulté à demeurer rentable, qu'elle avait besoin de la collaboration du gouvernement. Si on lui enlève maintenant ses trois principaux ports de desserte, sans lui prévoir de solutions de rechange ou sans lui donner de moyens de continuer à subsister de façon rentable, vous créez un service pour détruire une industrie. Merci.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce que les membres de la commission veulent poser des questions à Me Langlois?

M. Mailloux: Ultérieurement.

Le Président (M. Lafrance): Ultérieurement.

M. Burns: J'aurais peut-être juste une clarification à demander.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable député de Maisonneuve.

M. Burns: Je ne veux pas avoir l'air obtus en vous posant cette question, mais, à cause de l'accent que vous avez mis sur le fait que COGEMA ne devrait pas être le requérant, en l'instance, est-ce que je devrais comprendre de vos remarques que vous auriez moins d'objections si c'était un projet de loi public qui était présenté par le ministère des Transports, qui aurait à peu près le même effet et qui, peut-être, ouvrirait davantage des horizons?

M. Langlois: M. le Président, il est bien évident que, si on adoptait un projet de loi public, si ce projet de loi était adopté dans le cadre de la Loi des transports et qu'il garantissait à ceux qui fournissent actuellement les services publics, qui ont des permis et, de ce fait, en vertu de la Loi des transports, le droit de faire des représentations devant cet organisme, à savoir qui devra obtenir le permis ou pas, nous ne pourrions pas nous y opposer en principe.

Nous n'avons jamais eu de crainte à nous présenter devant fa Commission des transports pour faire valoir nos droits. Mais là, ce qu'il faut bien dire, ici, c'est qu'on les soustrait complètement à la juridiction de la commission et le contrôle de ce service, d'administratif et quasi judiciaire qu'il était, devient strictement politique. Je ne sais pas si je m'exprime bien.

Quand vous établissez un réseau de transport, quand vous établissez, par exemple, un tarif pour du transport entre Montréal et Baie-Comeau par un moyen traditionnel, vous devez tenir compte des autres moyens alternatifs qu'il y a à votre disposition. C'est ce qui fait que, lorsqu'un camionneur demande un tarif sur une même route, les compagnies maritimes vont intervenir ou vice versa pour s'assurer qu'il y ait un certain équilibre dans les tarifs de transport. C'est là l'avantage d'avoir un seul organisme de réglementation qui est capable de coordonner et qui devrait avoir en plus, suivant l'article 3 de la loi, le bénéfice d'un plan directeur du gouvernement qui dit: Ecoutez, vous allez suivre telles normes dans l'octroi des permis et vous allez également suivre telles normes dans rétablissement des tarifs.

A l'heure actuelle, non seulement la commission n'a pas ce plan directeur, mais un service extrêmement vital comme celui qu'on veut proposer — on propose qu'il soit mis en vigueur complètement en marge du contrôle de l'organisme de réglementation — qui doit tout coordonner pour que les transports, au Québec, se fassent de façon harmonieuse. Je ne sais pas si...

M. Burns: Cela va, oui. Vous répondez à ma question.

M. Langlois: Pardon?

M. Burns: Vous avez répondu à ma question.

M. Langlois: Merci. Vous me permettrez d'ajouter...

Le Président (M. Lafrance): Oui. Me Langlois.

M. Langlois: M. le Président, il y a un autre correctif aussi, si vous me le permettez. Il aurait été très facile pour le gouvernement, par arrêté en conseil, d'adopter un règlement qui aurait autorisé la Commission des transports à émettre précisément le permis qu'on demande. Evidemment, l'inconvénient, nous le savons, c'est que COGEMA aurait dû se justifier devant l'appareil judiciaire, plutôt que devant l'appareil politique uniquement. C'est probablement pourquoi — je ne le sais pas, je le présume — on choisit la voie du bill privé plutôt que le bill public, ou la voie de tout simplement adopter un règlement en vertu de l'article 15 de la Loi des transports pour autoriser la commission à accorder le permis si elle le juge dans l'intérêt public.

M. Burns: Fondamentalement, vous n'avez pas d'objection, mais vous voulez que d'autres parties, qui auraient des choses à dire ou qui voudraient devenir concurrentielles vis-à-vis d'un tel permis, puissent le devenir.

M. Langlois: C'est exact. Les choses ont beaucoup changé depuis 1973, 1974, lorsque COGEMA a fait sa première demande et obtenu son premier permis. C'est qu'elle prétendait pouvoir fournir le service et elle n'a pas été capable de le fournir dans les délais qu'elle s'était elle-même également engagée à respecter, de telle sorte que même si la Commission des transports a jugé à propos de la convoquer de nouveau pour dire: On va vous révoquer votre permis, nous, on vous a toujours dit que l'entreprise traditionnelle des transports était capable, avait les capitaux voulus pour fournir le service, et vous voyez?

M. Burns: Me Langlois, je ne voudrais pas me lancer là-dedans, parce que ce serait, je pense, injuste pour la société COGEMA qui n'a pas eu l'occasion de faire valoir son point de vue jusqu'à maintenant. Peut-être qu'à ce moment-ci, en ce qui me concerne, je me satisferai de votre réponse à caractère beaucoup plus général et beaucoup moins dirigé contre COGEMA.

Je pense qu'on la place dans la position un peu bête d'être obligée de recevoir vos commentaires sans pouvoir y répondre, alors que normalement c'est elle qui aurait dû venir défendre son point de vue au départ, mais la commission a ainsi décidé et on procède...

M. Langlois: C'est pour cela que j'aurais voulu intervenir après, en toute déférence pour elle, mais apparemment...

M. Burns: J'aurais peut-être pu, à ce moment-

là, vous poser des questions plus précises quand COGEMA aurait eu la chance d'intervenir.

M. Langlois: Très bien.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports.

M. Mailloux: M. Langlois, vous agissez comme procureur de l'Association des caboteurs du Saint-Laurent, et, à l'intérieur des remarques que vous avez faites devant la commission, je retrouve un blâme constant à l'endroit du ministre des Transports — qui, incidemment, est un ancien caboteur — sur les dangers qu'apportera à la navigation des caboteurs québécois sur le Saint-Laurent l'arrivée d'un traversier-rail qui modifie complètement les règles du jeu.

Vous avez fait référence à la Loi des transports, à la volonté gouvernementale exprimée par cette loi, à l'interdépendance des divers moyens de transport. J'aurais la question suivante à vous poser: Au moment où la première demande fut faite devant la Commission des transports, par des requérants de services que je n'ai pas à nommer, vous en avez plusieurs — il y en a un qui s'est retiré en cours de route — devant la crainte que vous manifestez au nom de ceux que vous représentez, est-ce que si le traversier-rail avait été exploité par un des requérants de services, une des compagnies connues dans le domaine du cabotage, compagnie québécoise, est-ce que cela aurait changé beaucoup les dangers que vont connaître les caboteurs, ce permis accordé à l'un de ceux qui étaient dans cette activité?

M. Langlois: M. le ministre, j'aurais deux réponses à vous donner, parce que votre question est en deux plans. D'abord, je n'ai jamais blâmé le ministre des Transports en rapport avec le projet de loi 214, parce qu'à moins que je l'aie mal lu, ce n'est pas le ministre des Transports qui le propose, c'est une compagnie privée qui demande à l'Assemblée nationale de lui accorder un statut spécial, et je n'avais pas perçu que le gouvernement appuyait nécessairement le projet de loi. En tout cas, je n'exprime pas de blâme à l'endroit du ministre.

M. Mailloux: Mais, vous faisiez référence à la Loi des transports votée par mon prédécesseur?

M. Langlois: Oui, qui est excellente, d'ailleurs.

M. Mailloux: Je n'ai jamais constaté à ce moment-là, malgré le recul que j'ai dans le temps quant aux doléances qui ont été apportées devant mon prédécesseur, comme devant moi-même... Il en a été longtemps question... Après le voeu exprimé par les deux rives du Saint-Laurent de relier ces deux rives par un réseau ferroviaire, je ne sache pas, que l'Association des caboteurs du Saint-Laurent, en aucun moment, se soit présentée devant le ministère des Transports pour faire connaître ses prétentions à l'effet que, ayant vécu dans le milieu, ayant oeuvré dans un domaine assez difficile que j'ai connu moi-même, devant les difficultés que connaissent les caboteurs du Saint-Laurent, je ne sache pas que l'Association des caboteurs comme telle ait sollicité l'appui gouvernementale pour qu'elle soit privilégiée.

M. Langlois: M. le ministre, la mémoire étant une faculté qui oublie, je me souviens très bien, quant à moi, d'une réunion où j'ai assisté, une des rares fois d'ailleurs où j'ai agi dans ce dossier pour l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent, au ministère des Transports où nous avons précisément discuté de cette question. M. Jacques Charland était présent et vous-même, M. le ministre.

M. Mailloux: M. Charland m'informe, à moins qu'on fasse erreur tous deux, que cette réunion était ultérieure à la naissance des intérêts de COGEMA et à la première demande...

M. Langlois: Peut-être, mais il n'avait pas le permis à ce moment-là.

M. Mailloux: Oui.

M. Langlois: Par contre, j'aimerais répondre à la question que vous avez posée tantôt, à savoir si la situation avait été changée, si une des entreprises groupées à l'intérieur de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent avait obtenu le permis du traversier-rail? La réponse est oui, il y aurait eu un changement totalement différent parce qu'à ce moment-là ces compagnies qui sollicitaient le permis d'un traversier-rail sont déjà, pour la plupart, celles qui emploient le plus grand nombre des navires de l'industrie traditionnelle actuelle. En leur assurant ce transport, par la même occasion on assurait leur rentabilité, on assurait leur solidité, on assurait leur expansion. Normalement, lorsqu'on amène l'expansion d'une entreprise, loin de diminuer ses activités, elle les augmente.

Par conséquent, en donnant ce transport à un membre de l'industrie, c'est toute l'industrie qui en bénéficiait par l'effet des interlocations entre navires, des affrètements, des sous-affrètements, etc., qui se font entre membres de l'association. Ce n'est pas parce qu'une compagnie, par exemple, comme agence maritime ou le groupe Desgagnés, traverse les wagons de chemin de fer entre Matane qu'elle cesse ses autres activités, peut-être moins rentables. Elle continuerait à exister. Elle continuerait donc à fournir de l'emploi à l'industrie maritime actuelle et l'équilibre se referait. Les infrastructures, les équipements changeraient, mais cela resterait à l'intérieur de l'industrie, le jeu des compensations se ferait. Ce qui ne sera pas le cas actuellement. C'est ce qu'on dit d'ailleurs depuis 1973.

M. Mailloux: M. Langlois, ce que j'ai voulu faire valoir devant vous, c'est ceci et on pourra y revenir durant la séance de la commission. L'in-

tervention qui a été faite par ceux que vous représentez a été faite ultérieurement à la première demande de permis. J'imagine, non pas en voulant remplacer la décision qu'a pu rendre la Commission des transports qui est un tribunal, que si, dans le milieu des caboteurs du temps qui sentaient forcément des difficultés, vu les pertes de transport dans les années précédentes, si l'Association des caboteurs comme telle avait motivé son intention devant les instances gouvernementales, devant tous les partis politiques, à l'effet que, comme groupe, elle se créait en coopérative, en association, et qu'elle sollicitait un permis devant la Commission des transports, sans vouloir remplacer les juges qui sont à ce tribunal, j'imagine que peut-être la pression qui a été faite par les deux rives du Saint-Laurent, par les gens du milieu, on se serait adressé sûrement directement à des gens qui auraient à subir le contre-coup d'un nouveau moyen de transport à mettre en place.

Le blâme que j'adresse aux caboteurs du Saint-Laurent — je le répète, dont j'ai fait partie assez longtemps — c'est de ne pas avoir fait le nécessaire pour faire une telle union au moment où un nouveau permis devait être mis en place. Chacun a voulu, à ce moment-là, retirer les projets éventuels pour ses propres intérêts et non pas pour l'intérêt de la collectivité des caboteurs. C'est un reproche qu'on ne m'empêchera pas de porter devant toutes les instances gouvernementales. Je prouverai peut-être, ainsi, à certains de mes collègues, d'ici la fin de l'étude de ce projet de loi, que je n'ai quand même pas renié les origines de mes premières activités dans le domaine public. On prouvera qu'il y a quand même des moyens d'aider quand un secteur d'activité de l'économie québécoise est en danger.

De toute façon, au moment où les demandes ont été produites devant la commission, on s'est retrouvé devant deux compagnies et COGEMA. Je ne sache pas qu'à ce moment-là, quel que soit celui qui aurait été bénéficiaire de la décision de la commission, cela aurait empêché la concurrence que devront subir les transporteurs et les caboteurs du Saint-Laurent.

Si les prix sont plus avantageux pour le transport des matières premières entre la rive nord et la rive sud par bateau-rail, j'imagine que, de toute façon, le cabotage en aurait subi le contrecoup de la même façon, que ce soit la Société des traver-siers du Québec qui le fasse, que ce soit une compagnie privée que vous représentez ou que ce soit COGEMA.

De toute façon, le même mal était apporté à des transports qui étaient déjà en place. Je pense qu'il faudrait, quand même, que la commission soit bien sensibilisée, au fait que ça ne change pas un iota du mal que l'on pourrait apporter par l'intrusion d'un nouveau moyen de transport à mettre entre les deux rives, moyen de transport sollicité ardemment par toutes les municipalités qui ne peuvent pas se faire entendre et par les deux rives du Saint-Laurent.

De toute façon, j'expliciterai davantage les raisons qui font que le gouvernement, malgré des procédures judiciaires qui sont en cause, présente un projet de loi qu'il ne me fait peut-être pas plaisir de défendre, mais je donnerai les raisons profondes qui sous-tendent la décision gouvernementale.

M. Burns: Est-ce que vous avez dit: Le gouvernement présente un projet de loi?

M. Mailloux: Non, que le gouvernement appuie un projet de loi et que je me dois de le défendre.

M. Burns: Vous appuyez le projet de loi no 280.

M. Mailloux: Exact.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Montmorency.

M. Bédard (Montmorency): M. le Président, une simple question. Au chapitre 3, Me Langlois, vous parlez d'un investissement du gouvernement du Québec de $18 millions. Etant donné que j'ai lu un autre dossier, est-ce que vous pourriez me décortiquer ce montant de $18 millions?

M. Langlois: D'abord, le chiffre en termes de répartition géographique, c'est $8 millions à Baie-Comeau, $10 millions à Matane pour la construction des quais, des rampes d'accès et des parcs de stationnement pour les véhicules en question. Ce sont, d'ailleurs, des firmes qui ont fait l'objet de preuve devant d'autres instances. Ce sont, d'ailleurs, des firmes qui ont fait l'objet de preuve devant d'autres instances. Ce sont des chiffres qui ont été établis par des firmes d'ingénieurs-conseils et vous savez très bien qu'un traversier-rail, c'est un animal maritime un peu spécial à cause du jeu des marées à Rimouski, à Matane, etc. Cela prend des rampes d'accès qui sont extrêmement complexes à construire, beaucoup plus que pour les automobiles.

M. Bédard (Montmorency): Par contre, les chiffres que vous mentionnez là, ce sont des montants globaux. Vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement fédéral fait des investissements, collabore à ces investissements, que le CN collabore lui aussi. Vous n'avez pas les apports de chacune de ces compagnies?

M. Langlois: A ce que je sache...

M. Bédard (Montmorency): Votre montant de $18 millions, c'est un montant global, mais vous laissez entendre aux membres de la commission que le gouvernement du Québec investira $18 millions. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact.

M. Langlois: A ce que je sache, la politique actuelle du gouvernement fédéral — le ministère des Transports sait qu'il y a des problèmes à ce sujet ailleurs — c'est que le ministère fédéral des

Transports hésite énormément avant d'investir quoi que ce soit dans des installations portuaires qui desservent un traversier, pour le motif que ce sont des prolongements des routes provinciales et que, par conséquent, cela devrait être fait par la province.

D'ailleurs, il y a un débat dans le comté de Charlevoix même, pour la traverse de Saint-Joseph-de-la-Rive et l'Ile-aux-Coudres, qui a retardé de plusieurs années, d'ailleurs, la réfection du quai. On ne blâme personne, mais c'est à cause de cette décision du fédéral de ne pas investir dans des installations de ce genre.

Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Richesses naturelles.

M. Cournoyer: Vous savez que, comme ministre des Richesses naturelles, je suis un peu responsable de SOQUEM. Le député de Saguenay est aux Iles-de-la-Madeleine.

On sait qu'il y a des découvertes de sel aux Iles-de-la-Madeleine. Il ne peut pas rester aux Iles-de-la-Madeleine, on ne pourra pas le garder là, il va falloir le transporter quelque part. J'imagine que le plus gros acheteur serait...

M. Burns: II n'est pas allé juste pour cela là-bas.

M. Cournoyer: Lui, le député de Saguenay, je le laisserais là, je ne le transporterais pas. C'est une question de transport.

M. Burns: Moi, je le ramènerais le plus vite possible.

M. Cournoyer: Moi, je le laisserais là. Je coulerais le bateau, n'importe quel. Vous êtes chanceux de ne pas être là pour transporter le monde.

M. Burns: Si c'était laissé à votre choix, vous nous laisseriez tous.

M. Cournoyer: Vous, ça fait assez longtemps que vous coulez. Mon patron.

M. Burns: Vous, ça fait longtemps que vous me mettriez loin, loin, loin.

M. Cournoyer: Oui, oui, oui. La question que je veux poser, qui me paraît importante lors de l'étude de cette façon de procéder, est celle-ci. Comme membre du gouvernement, il ne peut me paraître que je doive favoriser les caboteurs ou les propriétaires de navires du Saint-Laurent. Disons que je pense, en termes précis, que j'ai peut-être au-delà d'un million de tonnes de sel à transporter sur le Saint-Laurent proprement dit, chez nous, pour consommation locale et que je décide qu'il y va de l'intérêt du Québec, par exemple, de favoriser, pour le transport de ce sel, les caboteurs du Saint-Laurent, qui sont de chez nous. Quelle est la procédure que je devrais suivre pour arriver à rendre possible cette décision à l'intérieur des lois que nous avons? Est-ce que ce serait une décision judiciaire ou une décision de type politique essentiellement?

M. Langlois: Vous pourriez, je pense, vous prévaloir de l'article 3 de la Loi des transports, dans l'établissement de votre plan directeur des transports, en réservant certains transports à des détenteurs de permis ou en ordonnant à la commission de suivre des normes qui feraient en sorte que l'industrie traditionnelle du cabotage serait favorisée. Je vais vous donner un exemple. On pourrait, comme condition à tout octroi de nouveau permis de transport maritime, exiger que ce soit accordé à une entreprise qui a déjà telle capitalisation, qui est québécoise, qui a déjà fait preuve d'expérience dans le transport, qui a tant d'années d'expérience. Ce serait de cette façon, en donnant des directives ou des normes à appliquer à la Commission des transports, que vous pourriez atteindre l'objectif que vous venez de mentionner. Du moins, c'est la recommandation que je vous ferais si on me le demandait.

M. Cournoyer: Moi, ce n'est pas une recommandation, c'est une opinion que je vous demandais parce que j'ai peur de vos recommandations.

M. Langlois: Vous avez peur de mes recommandations? Est-ce que j'en ai déjà faites?

M. Cournoyer: Bien oui, parce qu'à ce moment-ci vous recommandez au gouvernement de ne pas adopter cette loi et le gouvernement a décidé de l'adopter.

M. Burns: Vous ne faites pas référence à la dernière négociation dans la fonction publique, là?

M. Cournoyer: Non, non. Celle-là, je ne l'ai pas connue; il est parti quand je suis arrivé.

M. Langlois: Ne rappelez pas les mauvais souvenirs.

M. Cournoyer: II a laissé quand je suis arrivé.

M. Langlois: Pas de mauvais souvenirs, s'il vous plaît!

M. Cournoyer: Voyez-vous? Ce sont de mauvais souvenirs pour lui. Il ne m'a pas connu.

M. Burns: Je ne sais pas s'il se référait à votre arrivée.

M. Cournoyer: C'est surtout à mon arrivée. Oui, je suis sûr.

Je pose la question à M. Langlois. C'est strictement parce qu'à un moment donné vous indiquez qu'il s'agit d'une décision d'ordre politique, essentiellement. Je peux déterminer, par la même décision, que ce sera telle entreprise ou tel genre d'entreprise, et par le genre de l'entreprise je peux

définir laquelle; on comprend cela. On peut déterminer qu'il faut un bateau de six pieds de longueur, peint en rouge, avec trois lettres arrangées de telle manière sur le devant.

M. Langlois: Non, monsieur.

M. Cournoyer: Bien oui, c'est la spécification.

M. Langlois: Vous ne pouvez pas le faire.

M. Cournoyer: Pardon? Comme ministre, je ne peux pas faire cela?

M. Langlois: Non, monsieur, parce que vous n'avez pas le droit d'exercer de façon discriminatoire des pouvoirs qui vous sont donnés par l'Assemblée nationale.

M. Cournoyer: Ce n'est pas discriminatoire de dire, par exemple, que je voudrais que le bateau qui est là porte un nom composé de six lettres dont la première serait un N et la dernière un E. Ce n'est pas discriminatoire, cela. Et dans l'ordre que vous voulez. Ce n'est pas discriminatoire.

M. Langlois: M. le ministre, on pourrait donner plusieurs exemples. C'est comme dans les soumissions publiques. On peut détruire le système de soumissions publiques également...

M. Cournoyer: Oui.

M. Langlois: ... en disant: Vous allez satisfaire à telles normes et il y a seulement une compagnie qui peut les respecter.

M. Cournoyer: Je le sais, j'ai vu cela.

M. Langlois: Mais ce n'était pas l'esprit de l'Assemblée nationale en adoptant la Loi des transports en 1972.

M. Cournoyer: D'accord, mais comment pouvez-vous m'expliquer, M. Langlois, qu'il est possible de dire que ce doivent être des gens du Québec qui aient la "job" comme cela, qui ont une existence dans l'industrie, qui ont aussi un investissement dans l'industrie de telle nature et ne pas être discriminatoire vis-à-vis de ceux qui ne répondent pas aux conditions que je détermine?

M. Langlois: Le concept de discrimination que je soulève, c'est le concept juridique et non pas le concept du dictionnaire. C'est lorsque ça vise spécifiquement un individu à son profit et au détriment de l'ensemble.

M. Cournoyer: Ah oui!

M. Langlois: Si ça vise ce que j'appellerais une catégorie de personnes de façon générale, là, c'est parfaitement légal. D'ailleurs, vous l'avez déjà fait, le gouvernement, dans votre règlement générai sur la câblodistribution qui est adopté aux termes de la Loi du ministère des Communications. On ne permet pas à la Régie des services publics d'accorder un permis de câble à d'autres qu'à des personnes qui satisfont à certaines normes telles que des normes de propriété, des normes de contrôle, etc.

M. Cournoyer: M. le Président, moi, tout ce que je voulais savoir de M. Langlois, c'est comment je ferais pour accorder un contrat de transport de sel à l'Association des caboteurs. Je m'aperçois que cela va être difficile.

M. Langlois: Un contrat de transport, c'est différent, M. le ministre.

M. Cournoyer: Pour l'acheter.

M. Langlois: C'est différent, accorder un contrat. Tout ce que l'association vous demande, c'est qu'on suive donc la Loi des transports de 1972. Qu'on adopte donc un plan directeur de transport. Qu'on le discute entre l'entreprise de transport, les usagers du transport et le gouvernement; qu'on essaie d'arriver à un plan global qui soit intégré, qui tienne compte des transports ferroviaires, des transports par camionnage et du transport maritime. Je ne blâme pas le gouvernement là-dessus. Cela n'a pas été fait.

M. Mailloux: M. Langlois, vous ne viendrez pas me faire croire qu'avant que la demande vienne devant la Commission des transports pour la première fois, l'Association des caboteurs du Saint-Laurent n'était pas bien sensibilisée aux moyens de transport supplémentaires que le gouvernement désirait mettre en place, suivant la volonté exprimée dans le milieu. Je pense que tous les caboteurs du Saint-Laurent étaient très bien éclairés à ce sujet. Grâce aux requérants qui se sont présentés devant la commission, — j'imagine qu'ils viennent de votre propre milieu, que vous défendez, — tout le monde était sensibilisé au geste que s'apprêtait à poser le gouvernement ou au geste que s'apprêtait à appuyer le gouvernement. Je pense que tout le monde était très sensibilisé à cette politique. Qu'il n'y ait pas eu de livre blanc ou de livre vert public, je pense que c'était une position qui était connue de tout le milieu.

M. Langlois: M. le ministre, tantôt, vous avez fait l'historique de ces permis. Je pense que l'historique va plus loin que celui que vous avez donné. Le premier permis de traversier-rail qui a été demandé ne l'a pas été par COGEMA ni par un membre de l'association. Il a été demandé par un expéditeur de richesses naturelles sur la Côte-Nord du Saint-Laurent. D'ailleurs, l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent est intervenue à ce sujet, non pas pour s'opposer, mais pour demander à la commission de confier ce transport à l'association. Pour des raisons qu'on ignore, finalement, cette affaire a été rejetée ou retirée, je ne m'en souviens pas. Ensuite, la deuxième personne qui a demandé le permis, c'est

un membre de l'association, ce n'est pas COGEMA. C'est Agence maritime qui a été le premier à déposer sa demande de permis; ensuite, les autres sont venus, et le débat s'est engagé à ce moment. De façon constante, à chaque assemblée générale annuelle de l'association, à chaque année, les gouvernements ont reçu des mémoires de l'association où on a demandé au gouvernement d'annoncer sa politique de transport maritime et de dire de quelle façon il allait venir en aide à l'industrie du cabotage québécois. On n'a pas eu de réponse.

M. Mailloux: M. Langlois, dans les remarques que j'ai faites, tantôt, quand j'ai dit que les demandes faites devant la commission n'étaient pas venues des caboteurs comme groupe, comme requérants de services, individuellement, je ne faisais pas allusion à la discussion dont vous parlez relativement au transport de minerai dont j'ai été complètement absent et qui n'est jamais venue à ma connaissance.

Je fais allusion à la possibilité exprimée publiquement, largement dans les media d'information d'implanter un service de traversier-rail entre la rive nord et la rive sud du Saint-Laurent, au problème en question.

M. Langlois: Le premier permis qui a été demandé, M. le ministre, était un permis de transport de papier, entre autres, par chemin de fer, entre Matane, Baie-Comeau et Port-Cartier, si ma mémoire est fidèle. Il était demandé par une filiale de Québec Cartier Mining. C'est à cela que je me réfère. C'est exactement le même permis puis c'est avec le même bateau, le SS Grand Rapids. J'étais avocat au dossier pour les intervenants, non pas pour celui qui demandait le permis.

M. Mailloux: M. le Président, étant donné qu'il est midi vingt-cinq et que je dois être quelque part dans cinq minutes, est-ce qu'on pourrait suspendre?

Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux jusqu'à seize heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 24)

Reprise de la séance à 16 h 45

Injonction provisoire

M. Lafrance (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

Alors, nous reprenons les travaux de la commission parlementaire permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement sur le projet de loi no 214. J'ai été informé, comme un grand nombre des membres de cette commission, qu'un jugement d'injonction provisoire a été prononcé, ce matin, à la demande de Rail & Water Terminal of Montreal Ltd et les Chargeurs Unis Inc. et qui a trait au projet de loi no 214, qui nous a été déféré par l'Assemblée nationale pour étude.

La requête soumise à la cour visait la Compagnie de gestion de Matane Inc. et M. Marc-Yvan Côté, en sa qualité de membre de l'Assemblée nationale et parrain du projet de loi privé no 214.

Toutefois, le jugement d'injonction ne vise, dans ses conclusions que les gestes qui pourraient être posés par la Compagnie de gestion de Matane Inc., ses employés, agents et mandataires, même si, au départ, nous a-t-on communiqué, un des membres de l'Assemblée nationale était désigné comme intimé.

Mais peu importe les conclusions du jugement d'injonction, je voudrais, dans le but d'assurer la bonne marche de nos travaux parlementaires, affirmer la souveraineté du pouvoir législatif par rapport à tout autre pouvoir particulier s'exer-çant dans l'Etat.

Pour ce faire, vous me permettrez de citer de larges extraits d'une décision qui a été rendue la semaine dernière par un de mes collègues, à titre de président d'une commission parlementaire, alors que le principe de la souveraineté du Parlement était mis en cause. Je cite: "La question que je dois décider, en est une des plus importantes, étant donné qu'elle touche à la souveraineté du pouvoir législatif. Permettez-moi de citer, en l'appliquant à notre situation, Gladstone dans le North American Review, 1878, rapporté dans Beau-chesne, quatrième édition, page 7: "(Un principe capital de la constitution anglaise moderne) veut que la Chambre des communes soit le plus grand des pouvoirs de l'Etat. La Chambre des communes l'emporte et de beaucoup par la force de ses attributs politiques sur tout autre pouvoir particulier s'exerçant dans l'Etat." "En un mot, le pouvoir législatif est supérieur au pouvoir exécutif, en vertu du principe de la responsabilité ministérielle et du pouvoir judiciaire. Je voudrais citer brièvement May, seizième édition, page 28, Parliamentary Practice: "The Constitution has assigned no limits to the authority of Parliament over all matters and persons within its jurisdiction. A Law may be unjust and contrary to sound principles of Government; but Parliament is not controlled in its discretion... To adopt the words of Sir Edward Coke, the power of Parliament is so — Coke, c'est parent avec Coca-

Cola! — transcendent and absolute as it cannot be confined either for causes or persons within any bounds." "Il est reconnu que le Parlement ne peut se substituer directement à un tribunal pour juger au fond le litige devant la cour — à savoir qui a raison en l'occurrence entre Rimouski-Est et Rimouski dans la cause même qui est devant le tribunal. Ce n'est pas ce que le Parlement entend faire. S'il se mêle de cette affaire, il le fait à un autre niveau en vertu de ses pouvoirs souverains et absolus de légiférer et ce n'est que par incidence qu'il mettrait fin à un procès. "Egalement, il est intéressant de citer de nouveau May, même édition, page 400, où il est dit qu'on ne peut discuter d'une matière qui est devant une cour pour décision par le biais d'une motion et non plus par une question mais que cette règle ne s'applique pas pour les projets de loi, déduction normale et logique du pouvoir absolu du Parlement de légiférer."

En ce qui concerne plus particulièrement le cas de notre collègue, Marc-Yvan Côté, vous me permettez de citer l'article 67 de la Loi de la Législature, qui est l'article-clé qui consacre le principe de l'immunité absolue dont jouissent tous les députés de l'Assemblée nationale.

Je cite l'article 67: "Nul député n'est sujet à une action, à une arrestation, ou à un emprisonnement, ou à des dommages-intérêts en raison d'une matière ou chose par lui présentée par pétition, projet de loi, résolution, proposition ou autrement à l'Assemblée nationale ou à une de ses commissions ou en raison de paroles par lui prononcées devant cette Assemblée ou une de ses commissions. Le fait d'intenter une telle action, de procurer ou opérer une telle arrestation ou un tel emprisonnement et d'adjuger des dommages-intérêts est considéré comme une violation des dispositions du présent paragraphe."

Enfin, en ce qui concerne la portée du jugement d'injonction relativement à une partie qui n'est pas membre de l'Assemblée nationale, soit, dans le présent cas, la Compagnie de gestion de Matane Inc., il ne m'appartient pas de statuer sur son implication quant aux privilèges de la Chambre ou d'une de ses commissions.

Si, cependant, cette commission juge utile ou nécessaire d'entendre des témoins dans le but de faire progresser ses travaux parlementaires, je devrai constater qu'elle a les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi de la législature, par les articles 63, 64 et 91 qui nous régissent et je vous les cite:

Article 63. L'Assemblée nationale peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle ou une de ses commissions, ou à y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes ou délibérations.

Article 64. Nulle personne n'est passible de dommages-intérêts, ou n'est sujette à aucun autre recours à raison d'actes accomplis sous l'autorité de l'Assemblée nationale agissant dans les mesures de ses pouvoirs.

Article 91. Toute commission de l'Assemblée nationale, siégeant dans l'exercice de ses fonctions, peut interroger les témoins sous serment sur toute matière relative à l'affaire dont elle est saisie.

Messieurs, nous sommes prêts à continuer à entendre les auditions, après cette mise au point. Y a-t-il des membres de la commission qui ont des questions?

M. Mailloux: Reste-t-il un ou deux mémoires?

M. Burns: Je veux tout simplement dire, sans vouloir de façon très élaborée commenter la décision que vous avez prise en vous appuyant sur un certain nombre de précédents, que, s'il y a une chose qui me saute aux yeux dans votre décision et avec laquelle je suis entièrement d'accord, c'est la possibilité pour le député de Matane de parler et surtout le fait qu'aucun tribunal ne devrait venir lui dire qu'il n'a pas d'affaire à s'en mêler, même si je ne fais pas partie du même parti politique que lui, et même si ce qu'il peut dire...

M. Côté: On ne sait jamais. Vous pouvez peut-être revenir à de bons sentiments!

M. Burns: Avez-vous des choses à m'annoncer? Venez-vous chez nous? Pendant que je vous donne un coup de main, ne commencez pas... Même si le député de Matane a le droit d'avoir des opinions différentes des miennes, je suis de ceux qui pensent qu'il doit avoir ses coudées franches à l'Assemblée nationale, il doit avoir aussi la possibilité de présenter son projet de loi.

En tout cas, en ce qui me concerne et ce qui concerne l'Opposition, il n'y aura sûrement pas, par rapport à votre décision, M. le Président, la moindre réticence. Quant à l'ensemble de la décision, je tiens à vous dire que je préfère réserver mon opinion, mais quant au rôle que le député de Matane doit jouer à cette commission, pour moi, c'est sans aucune ambiguïté. Il doit exprimer ce qu'il désire exprimer et je pense qu'il n'y a aucun jugement de cour qui puisse l'empêcher de le faire, parce que c'est dans le cadre de ses fonctions.

Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Transports.

M. Mailloux: M. le Président, je souscris aux paroles que vient de prononcer le député de Maisonneuve quant à la possibilité qu'aurait sans aucun doute le député de Matane de participer à l'étude du projet de loi qu'il soumet lui-même à l'attention de cette commission.

Nous nous sommes par contre entendus de manière qu'il soit possible que la commission accepte qu'on entende les parties qui doivent se faire entendre et qui ont le pouvoir de le faire. Par la suite, j'apporterai quelques éclaircissements sur l'appui qu'accorde le gouvernement à ce projet de loi, les raisons que nous invoquons à l'appui du projet de loi. Je sais que mon collègue de Matane voudra sûrement se faire entendre si le projet de

loi se rendait en deuxième lecture, de manière à pouvoir énoncer à ce moment-là les raisons pour lesquelles il a amené ce projet de loi en Chambre.

M. Burns: D'après ce que le ministre des Transports vient de nous énoncer, qu'il me soit permis de vous dire que le problème serait peut-être tout autre si on parlait d'un projet de loi public. C'est évident que le projet de loi public ne peut pas être rédigé dans la forme actuelle du projet de loi no 214, et ce n'est pas dans le but d'enlever au député de Matane quelque crédit que ce soit de soumettre un projet de loi à caractère privé. Mais c'est là-dessus que j'ai un certain nombre de réticences au point de vue de l'examen de la jurisprudence. Il semble que si le gouvernement, d'une part, comme le ministre le disait ce matin, endosse entièrement le projet de loi, d'autre part, s'il y a des difficultés à caractère juridique, on peut citer un certain nombre de causes, mais il y en a une qui est peut-être plus proche de nous, qui a été citée dans le cas de l'affaire Dasken à Hull, c'est l'affaire de Berthiaume-Dutremblay.

M. Burns: Or, je pense que les principes qui ont été tant discutés dans cette cause, énoncés ici à l'Assemblée nationale, dans l'affaire Dasken, pourraient inciter le gouvernement à dire s'il appuie complètement le projet de loi. Il faudra peut-être qu'il en fasse un projet de loi public. Si tel est le cas, à ce moment, il y a une tout autre façon d'approcher la législation que cela. Pour le moment, je ne vais pas plus loin que cela, et, encore une fois, ce n'est pas dans le but d'enlever au député de Matane tout le crédit qu'il peut avoir d'avoir présenté un projet de loi, si crédit il y a. Je pense simplement qu'à partir de ce moment, il faut véritablement examiner l'ensemble de la situation. C'est pour cela que je demeure, autant que, ce matin je l'énonçais au nom du député de Saguenay, tout à fait ouvert à entendre les parties concernées là-dessus.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Matane.

M. Côté: J'aimerais d'abord vous dire que c'est à titre de député de Matane, et non comme mandataire de COGEMA, que je prends la parole et ce sera très bref. C'est simplement pour vous dire que je souscris à votre décision et à celle du député de Maisonneuve. Je vous dis merci de me permettre de pouvoir exercer librement mon droit de parole en ce qui concerne un projet de développement aussi important pour le comté de Matane. Je n'ai pas besoin de vous dire que je suis entièrement d'accord avec votre décision et que je prendrai mon droit de parole.

Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie. Ce matin, nous avions entendu Me Raynold Langlois, et je crois que les membres de la commission ont fini de l'interroger. Si je ne m'abuse, M.

Yvan Desgagnés, président de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent, a demandé de se faire entendre.

Non, M. Sylvio Thibault?

Non plus.

M. Guy Vaillancourt?

M. Vaillancourt: Non plus.

Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Transports avait des commentaires à faire?

M. Mailloux: On me permettra d'indiquer, durant quelques minutes, les raisons profondes pour lesquelles le ministère des Transports, après plusieurs mois de discussions, pour ne pas dire davantage, a décidé d'appuyer le projet de loi privé qui est devant ce comité. La Commission des transports du Québec a indubitablement reconnu que le projet de loi COGEMA servait au mieux les intérêts publics, puisque, après une longue audition, elle lui a accordé un permis. Le critère de la commission pour accorder un permis est précisément celui de l'intérêt public.

Quant au permis qui a été accordé par la Commission des transports à COGEMA, malgré certains sous-entendus qu'ont pu laisser planer certains media d'information, je voudrais préciser immédiatement la position du ministère des Transports qui, en aucune façon, n'a fait de représentation directe ou indirecte lorsque la cause a été soumise à la commission des Transports. Je ne nie pas cependant qu'avant que cette cause soit entendue, il était ressorti clairement à l'attention du public, de la presse, que le gouvernement, par l'Office de planification, par les voeux exprimés dans le milieu politique gouvernemental qui prônait de relier la rive nord du Saint-Laurent à la rive sud du Saint-Laurent. L'on se rappelle les nombreux mémoires, les nombreuses prises de position de la très grande majorité des municipalités des deux rives du Saint-Laurent, disons des deux rives du Saint-Laurent reliées d'assez près à la desserte possible, on peut parler de Baie-Comeau, Hauterive, même Port-Cartier, Sept-lles et des régions proprement dites du comté de Matane. Je pense qu'il y a eu un appui indirect de la population, qui a été peut-être assez senti par la Commission des transports. Il ressort toutefois qu'il aurait été difficile que, forte de cet appui, COGEMA, contre des requérants qui venaient de l'industrie privée, n'ait pas eu entre les mains devant la commission des armes qui militaient en sa faveur devant l'audition qu'a tenue la Commission des transports. Chaque fois que l'action gouvernementale dans la province a vu, dans un milieu donné, les gens du milieu souscrire des fonds, faire une association qui rejoignait les principaux intérêts de collectivités données, on a vu intervenir le gouvernement, sans qu'il clarifie de manière automatique certaines politiques. Qu'on se rappelle ce qui s'est produit sur la rive nord du Saint-Laurent dans le même comté, Saguenay, dans le problème de SAMOCO; qu'on se rappelle les tentatives d'implantation d'une cartonnerie à Cabano.

Chaque fois qu'il y a eu un effort dans le milieu, le gouvernement se devait d'appuyer cet effort pour tâcher d'avoir de meilleurs services ou de développer les richesses naturelles d'un milieu donné.

Que ceci ait pu être un actif supplémentaire dont jouissait COGEMA, dans mon esprit de législateur, cela ne fait aucun doute. Je voudrais préciser que jamais, de quelque façon que ce soit, durant cette décision, le gouvernement n'est intervenu d'aucune façon.

Il faudrait peut-être ajouter immédiatement que le gouvernement avait annoncé une intention assez bien arrêtée de voir une région, qui est celle de la Côte-Nord, les comtés de Saguenay et Duplessis, qui ne bénéficie pas, en raison de la géographie spéciale de ce coin de pays, de tous les moyens de transport possibles, de faire en sorte qu'un nouveau service de transport soit mis à sa disposition, ce qui aurait une tendance possible à réduire les coûts connus jusqu'à maintenant.

Il est indiscutable qu'au moment où un nouveau service est établi, dont les coûts peuvent être plus réduits que les coûts des transports actuellement connus, cela a un impact direct sur les moyens de transport dont la Côte-Nord disposait. Je ne pense pas que, dans l'optique du gouvernement, il était possible, devant le progrès qui s'annonçait et un transport supplémentaire, que le gouvernement se devait, dans la préparation que l'Office de planification du Québec avait faite, que le ministère des Transports se devait de pénaliser une région qui ne bénéficiait pas des taux dont bénéficient d'autres régions du Québec.

M. Burns: M. le ministre, me permettez-vous d'intervenir? Je ne veux pas vous empêcher de continuer dans cette ligne. Je veux simplement vous demander si vous considérez qu'il est normal que vous soyez actuellement en train de plaider le mérite du dossier, alors que le mérite, aux yeux du requérant, ne nous a même pas été exposé.

Je ne veux pas vous empêcher de faire valoir tous les points' de vue d'une région que vous connaissez beaucoup mieux que moi, je l'admets, mais je me demande si, à ce moment-ci, on n'est pas encore poigné, si vous me passez l'expression, avec le problème formel et si on ne devrait pas, d'abord, régler le problème formel et ensuite régler le problème de fond, le problème de mérite du dossier.

Avec toute l'honnêteté que je lui reconnais, le ministre est en train de plaider en faveur du dossier. C'est un projet de loi privé. Si le ministre veut en faire un projet de loi à caractère public, je n'ai pas d'objection, je l'ai dit ce matin. Et même la partie opposante n'a pas d'objection, je pense, parce qu'elle va savoir exactement à quoi s'en tenir à ce moment. Nous avons un projet de loi qui est une loi à caractère privé, où le requérant n'a pas encore été entendu, où le requérant se fait ordonner, parce que, et là je remercie les représentants du ministère de m'avoir fourni une copie de l'injonction, c'est la première fois que je la vois, mais où vous avez...

Il n'y a pas de "Euh!" C'est quoi "Euh!?"

M. Cournoyer: Oui, je comprends.

M. Burns: C'est parce qu'on a déjà travaillé ensemble.

M. Cournoyer: Vous avez des doutes sur l'intensité du euh!

M. Burns: Je sais exactement ce que veulent dire vos euh! Je sais très bien ce que cela veut dire. Nous avons fait quelques petits voyages ensemble.

M. Cournoyer: Oui. Il ne veut pas de chicane...

M. Bédard (Montmorency): Tranquilles, les avocats!

M. Burns: Je parle des voyages parlementaires. Je veux tout simplement dire que je suis quand même accroché au problème qui, sous la signature de M. le juge Côté... sans aucune relation avec le député de même nom, j'imagine?

M. Côté: Aucune, j'espère bien. M. Tardif: II l'appelle: Mon oncle!

M. Burns: Soyons sérieux deux secondes, malgré que le ministre des Richesses naturelles essaie de tout faire pour qu'on ne le soit pas, mais je pense que c'est un problème sérieux.

Quand vous avez des individus, des compagnies, des corporations qui se font dire, par un jugement de cour, qu'ils doivent cesser d'entreprendre toutes les mesures en vue de la présentation de leur projet de loi, ils doivent cesser d'intervenir en vue de l'adoption de ce projet de loi. J'admets — là-dessus, je maintiens, comme je le disais tout à l'heure, votre décision... Je pense que vous avez parfaitement raison, même de par le jugement de cour, que le député de Matane n'est même pas visé par ça. On a exclu le député de Matane carrément, même si dans la requête il était inclus.

Mais il reste quand même une chose. C'est que je sais que nous, comme parlementaires, nous avons une immunité qui, de par la Loi de la Législature, nous protège à l'endroit de ces choses. Je sais que les journalistes, qui rapportent nos propose, ont également, de par la Loi de la presse, cette immunité. Est-ce que les parties, qui sont concernées, entre autres, celles qui sont visées par l'injonction, ont cette même immunité? J'en doute, personnellement.

Deuxièmement, c'est ça que je me demande, si on ne devrait pas régler ça avant, pour ensuite passer à la décision de savoir si on va entendre COGEMA et les autres groupes avant de s'attaquer au mérite même du projet de loi. Je dois vous dire que c'est un projet de loi dont le mérite me paraît ambigu. Si c'était un projet de loi public, il aurait une toute autre forme que celle-ci. Si cela demeure un projet de loi privé, à ce moment-là, je me pose des questions à caractère formel là-dessus, tout simplement.

Est-ce qu'on a — loin de moi l'intention d'arrêter le ministre des Transports dans son exposé... Mais moi, je ne me sens pas capable, actuellement, de discuter du fond, du mérite du projet de loi tant qu'on n'aura pas vidé les problèmes à caractère purement formel.

M. Cournoyer: Bon. Alors, si je comprends bien, M. le Président, le caractère formel que vous voudriez vider avant, c'est le droit des personnes qui ont été...

M. Burns: Entre autres.

M. Cournoyer: ... enjointes d'en trop parler...

M. Burns: Entre autres.

M. Cournoyer: En premier, sans savoir qu'est-ce qu'ils pourraient dire...

M. Burns: Oui. Ce serait la première chose...

M. Cournoyer: ... est-ce qu'ils ont le droit de parler ici, devant cette commission, malgré...

M. Burns: C'est ça.

M. Cournoyer: ... l'injonction...

M. Burns: C'est ça.

M. Cournoyer: ... qui les empêche de le faire?

M. Burns: C'est ça. Cela est une question qu'il faudrait peut-être se poser.

M. Cournoyer: Oui.

M. Burns: Et je pense que moi, comme parlementaire qui n'est pas dans le secret des dieux, je ne siège pas au cabinet des ministres, en tout cas jusqu'aux prochaines élections... Est-ce qu'il y a des gens qui en doutent?

M. Tetley: Pas de commentaire.

M. Cournoyer: M. le Président, de mon côté, avec tout le respect que je dois à la commission et surtout aux tribunaux, la question étant de l'importance que nous pouvons lui reconnaître à ce moment-ci, vu l'intervention fort opportune du député de Maisonneuve, il nous appartiendra de vérifier au moins, vu la différence d'approche que nous avions décidé de prendre, mais comme je suis très soucieux de l'opinion du député de Maisonneuve sur la procédure, pas sur le fond, il me semble que nous pourrions au moins faire une vérification rapide de la capacité des témoins, quitte à décider, par après, si nous voulons ou non les entendre comme commission.

M. Burns: Mais moi...

M. Cournoyer: II est fort possible que tout en ayant déterminé leur capacité, nous discutions après de l'opportunité de les entendre et cela on peut être en désaccord avec vous.

M. Burns: M. le Président, vous pouvez être en désaccord avec moi là-dessus mais je vais vous dire que je vais et ma tendance normale ce serait de demander aux requérants de venir nous exposer leurs points de vue. Ecoutez, c'est un minimum. Je n'ai jamais vu, depuis bientôt six ans que je suis à l'Assemblée nationale, de requérants qui voyaient leurs projets de loi étudiés par une commission, lorsqu'il s'agit d'un projet de loi privé, sans qu'ils viennent nous exposer leurs points de vue. Par contre, je suis soucieux aussi, autant que vous, des droits de ces personnes et je ne veux pas non plus qu'on les mette dans un pétrin, si pétrin il y a.

Je voudrais tout au moins qu'on clarifie cette position et là-dessus je pense que le ministre me donne particulièrement raison, sur le plan formel, même si, d'avance...

M. Cournoyer: Je suis d'accord avec vous qu'ils devraient avoir le droit de parler.

M. Burns: Oui, oui.

M. Cournoyer: Peut-être que vous ne l'avez pas dit, moi, je le dis.

M. Burns: Bien moi, je pense que oui. Mais...

M. Cournoyer: Maintenant, comme je ne suis pas plus juriste qu'il ne le faut...

M. Burns: ... en vous disant que je vais exiger tôt ou tard qu'ils viennent parler, c'est que je pense qu'ils devraient avoir le droit de parler.

Il faudrait quand même qu'on établisse cela avant d'entrer au mérite. Ce n'est pas une critique à l'endroit des remarques que s'apprêtait à faire le ministre des Transports. C'est uniquement le fait de savoir où on s'en va avec un projet de loi comme celui-là, et ce qu'on fait avec les gens qui se sont déplacés pour venir nous dire ce qu'ils en pensaient. C'est ce qui me préoccupe actuellement.

M. Mailloux: Je ne sais pas si le député de Maisonneuve serait satisfait s'il entendait celui qui a proposé le projet de loi et non le requérant?

M. Burns: Non, je ne serais pas satisfait.

M. Côté: Est-ce que vous avez peur de recevoir une réponse à vos questions?

M. Burns: Non.

M. Cournoyer: Je tiens à vous dire une chose.

M. Burns: Je ne diminue en rien le mérite du député de Matane.

M. Cournoyer: Je suis convaincu de cela.

M. Burns: Je me souviens très bien d'avoir présenté un projet de loi privé à l'Assemblée nationale où j'avais été tout simplement un véhicule pour l'amener. N'oubliez pas que vous avez une responsabilité et je félicite le député de Matane de l'avoir amené. On a tous une responsabilité d'amener un projet de loi privé devant l'Assemblée nationale, cette responsabilité est simple, c'est qu'il n'y a qu'un député qui peut parrainer un projet de loi. Je me rappelle d'avoir parrainé un projet de loi où je n'étais même pas certain d'être d'accord avec le principe. Mais, dans une espèce de désir de permettre aux gens de s'exprimer, j'avais accepté de parrainer ce projet de loi. Je ne sais pas si c'est cela. De toute façon, je sais fort bien que le député qui parraine un projet de loi n'est sûrement pas le meilleur témoin, à l'occasion de la discussion, du projet de loi lui-même. C'est mon humble opinion. C'est pour cela que je ne me satisferais pas, en ce qui me concerne, de la simple opinion du député de Matane. Il me semble qu'il faudrait qu'on entende au moins la requérante.

Je n'ai pas senti que, dans votre décision, M. le Président, vous en aviez tenu compte. Dois-je maintenant me dire qu'il ne faut pas, parce que vous n'aviez pas touché cet aspect de la décision, pour moi, penser qu'un jour je vais entendre la société COGEMA? Cela me déprimerait très sérieusement. Je vous avoue que cela m'inciterait peut-être à avoir un certain nombre de réticences à l'adoption du projet de loi au niveau de la deuxième lecture, si je ne suis pas capable, à la suite de notre demande précise en Chambre, d'entendre les parties concernées. Je vous avoue que cela m'inquiéterait d'adopter le principe d'un projet de loi comme celui-là, sans avoir entendu tout au moins les parties. La règle audi alteram partem existe ici aussi. Elle existe particulièrement dans le domaine des projets de loi privés.

M. Cournoyer: Le problème c'est que vous avez entendu l'autre partie et vous n'avez pas entendu la partie.

M. Burns: Moi, je n'ai entendu personne, imaginez-vous.

M. Cournoyer: Vous avez entendu l'autre partie, ceux qui s'objectaient.

M. Burns: Oui, je l'ai entendue. Partiellement d'ailleurs.

M. Cournoyer: Audies alteram partem.

M. Burns: J'ai entendu et j'en ai fait la remarque ce matin quand Me Langlois a parlé. J'ai entendu M. Langlois dans une forme où sans doute lui-même n'est pas satisfait d'être intervenu. Je ne prends pas position pour M. Langlois et son client ou ses clients. Je dis tout simplement que ce n'est pas normal de fonctionner comme cela. Si on doit prendre 24 heures pour repenser au problème, qu'on les prenne. A moins qu'on me dise que ce projet de loi doit être adopté article par article d'ici 11 heures ce soir, et que, sans cela, il y a tout le Québec qui va être chambardé, cul par dessus tête. Si vous me convainquez de cela, je vais faire des efforts incroyables pour essayer de voir à ce que le projet de loi soit adopté. Je ne ferai pas d'efforts incroyables pour outrepasser un certain nombre de principes que je considère nécessaires dans l'adoption d'un projet de loi, que je considère, entre autres, nécessaires dans le propre intérêt de la démocratie, de tenir compte de l'existence d'un des trois pouvoirs de la démocratie, c'est-à-dire le pouvoir judiciaire. Je ne me prononce pas sur le mérite, c'est pour cela que je suis intervenu dans ce que le ministre disait. Pas dans le sens que je n'étais pas d'accord avec ce qu'il disait, c'est tout simplement qu'il y a, à mon avis, quelque chose de faux dans la façon d'approcher le problème actuellement.

S'il y a quelque chose de faux, à moins que les parties nous disent qu'elles ne seront pas disponibles demain, il me semble qu'on pourrait peut-être prendre 24 heures pour y songer, si on n'est pas sûr exactement où on s'en va, qui peut intervenir, comment le gouvernement réagit à cet égard, comment la législature comme telle peut protéger, parce qu'il y a aussi de cela, les gens qui sont visés par une injonction, que moi, éventuellement, je verrais comme des gens qui devraient témoigner. Je ne serai pas satisfait si ce n'est pas comme cela. Je suis content que le député de Louis-Hébert arrive, il va nous aider de ses lumières juridiques, mais on a un problème qui est particulièrement délicat pour le moins, et je comprends le gouvernement là-dessus. Je ne blâme pas le ministre d'être prudent, je comprends le gouvernement d'être prudent, mais vous allez comprendre aussi l'Opposition d'être prudente. Moi, vous ne me ferez pas avaler n'importe quoi, parce que c'est important et parce que c'est pressé; je veux que tout cela se fasse avec toute la sérénité normale qu'un projet de loi exige.

M. Cournoyer: M. le Président, je reconnais les scrupules parlementaires normaux du député de Maisonneuve, je les reconnais comme normaux dans ce sens-là, étant donné que nous n'avions pas prévu procéder de cette façon. Je demanderais une suspension de quelques minutes pour que je discute avec le leader parlementaire sur la nouvelle attitude que nous devrions prendre; en ce sens, je pense bien que je peux revenir dans quelques minutes avec une décision gouvernementale.

M. Burns: Très raisonnable.

Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux jusqu'à 17 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 17)

Reprise de la séance à 17 h 50

Le Président (M. Lafrance): Après les éclaircissements du Saint-Esprit, est-ce qu'il y a des membres de la commission qui veulent s'exprimer?

M. Cournoyer: Bien, M. le Président, il semble que...

Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des Richesses naturelles.

Souveraineté de l'Assemblée nationale

M. Cournoyer: Oui. Alors, il semble, M. le Président, que c'est à vous de prendre la décision, mais nous allons tenter de plaider devant vous la position suivante: Lorsqu'un bill privé est déposé à l'Assemblée nationale, il devient la propriété de l'Assemblée nationale ou de la commission qu'elle désigne.

En conséquence, les parties, qui requièrent, ont déjà requis. Elles peuvent difficilement être empêchées ou cesser de requérir puisqu'elles ne sont plus les propriétaires de leurs requêtes. Le bill qui est devant nous a franchi l'étape de la première lecture. En conséquence, il appartient à l'Assemblée nationale. C'est l'opinion que nous énonçons.

Comme conséquence, de cette opinion, si vous l'acceptiez, M. le Président, nous serions en mesure d'assigner les témoins que la commission parlementaire jugerait approprié d'assigner et cela comporterait l'immunité qui ressortirait du fait d'être assigné devant une commission parlementaire, soit les articles 63, 64 ou encore l'article 91 de la Loi de la Législature.

M. le Président, j'ai l'impression que, de notre part, il faille affirmer cette souveraineté de l'Assemblée nationale sur les projets qui sont devant elle — à ce moment-ci du moins, et c'est seulement une occasion de le faire — même sur les autres tribunaux ou les tribunaux qui pourraient ou qui ont pu, dans le passé, empêcher quelqu'un de se présenter devant nous, quitte aux parties qui ont été empêchées de faire valoir leurs droits devant les tribunaux qui les ont empêchées. C'est qu'il ne doit pas y avoir de mixture entre les deux. C'est que ce n'est pas l'Assemblée nationale qui a été victime de l'injonction, ce sont la compagnie COGEMA et ses mandataires qui ont reçu l'injonction, qui ont été enjoints de ne pas ou de cesser de faire ce qu'ils avaient l'intention de faire.

L'Assemblée nationale n'ayant pas été empêchée, jusqu'ici nous avons continué l'étude. Pour pouvoir continuer l'étude avec les témoins, il fallait affirmer le principe de la souveraineté de l'Assemblée nationale sur les projets de loi qui sont devant elle et c'est ce que je voudrais que le président affirme si, bien sûr, le président est d'accord.

Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent se prononcer sur... L'honorable député de Maisonneuve.

M. Burns: M. le Président, j'aurais aimé entendre le ministre des Richesses naturelles tenir cette même argumentation à l'occasion du long débat juridique qui avait eu lieu sur la capacité de l'Assemblée nationale de juger d'un de ses collègues, en l'occurrence le député de Johnson, qui, à l'époque, s'appelait M. Boutin. C'est exactement la thèse contraire qui avait été déposée ou défendue par le gouvernement. Mais peu importe l'illogisme que je pourrais retracer dans ce document et dans les deux attitudes, je sais que le ministre des Richesses naturelles s'apprête à dire qu'il n'avait pas été présent à ça et qu'il s'occupait d'autre chose à ce moment-là, qu'il s'occupait de régler des conflits de travail et tout ça. Je m'attends qu'il vienne nous dire ça. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, M. le ministre?

M. Cournoyer: Non. J'allais dire que vous êtes en train de comparer des carottes avec des tomates. Il s'agit d'un bill privé qui a été présenté en première lecture et adopté en première lecture. Il s'agit de ça devant vous, aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'une plainte erronée ou "erronante" d'un député de l'Opposition contre un député du gouvernement. Il s'agit d'un bill privé, déposé en première lecture.

M. Burns: Laissez-moi faire, je suis à la veille de vous dire que vous avez raison dans votre opinion.

M. Cournoyer: Merci.

M. Burns: Mais cela ne m'empêche pas de vous dire que vous auriez dû avoir raison plus vite que ça. Bon. Vous allez me laisser quand même ce droit.

Personnellement, M. le Président, je pense justement que l'Assemblée nationale est souveraine. Je l'ai indiqué d'ailleurs cet après-midi quant au député de Matane, et ce matin également quant au fait que les procédures législatives n'avaient pas à se préoccuper — cela va en choquer quelques-uns probablement et probablement ceux de la magistrature — de certaines décisions judiciaires quant à son propre fonctionnement, le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Je demeure profondément convaincu de cela. Je demeure convaincu également, je le répète, qu'un député de l'Assemblée nationale, après avoir jeté un regard sur l'ordonnance d'injonction, que le député en question n'est pas visé par cette ordonnance, donc il n'est pas empêché d'intervenir ou quoi que ce soit.

Je suis porté à partager l'opinion du ministre des Richesses naturelles voulant que, à partir du moment où un projet de loi est déposé à l'Assemblée nationale selon la vieille tradition, avec un requérant, soit dit en passant, qui n'existe plus dans notre règlement — je dirai un mot là-dessus après — et à croire qu'à partir du moment où le projet de loi a été soumis à l'Assemblée nationale, lorsque celle-ci s'est prononcée en première lecture sur la validité du dépôt du projet de loi, cela n'appartient plus à d'autres parties qu'à l'Assern-

blée nationale, j'en suis profondément convaincu. Il y a une vieille théorie qui traîne encore actuellement dans les corridors du parlement et probablement qu'il y aura des députés pour me contredire là-dessus, mais ils se baseront sans aucun doute sur l'ancien règlement. Dans l'ancien règlement de l'Assemblée nationale, à l'époque de l'Assemblée législative, il fallait d'abord et avant tout faire une pétition à l'Assemblée nationale, c'était le vieux règlement, tout le monde connaît ce fameux livre vert qui nous servait de règlement et qui comportait quelque 800 ou 900 articles qu'on a réduit à moins de 200 articles actuellement. Je me souviens d'avoir participé à la refonte des règlements de l'Assemblée nationale, je me souviens également qu'une des préoccupations — si on peut les appeler ainsi, si je peux m'inclure dans le groupe — des codificateurs du nouveau règlement... On s'était dit, il me semble, que c'est un droit le plus strict de tout individu de s'adresser à l'Assemblée nationale. Tout ce qu'il devra avoir, c'est un parrain qui va attacher son nom, comme le député de Matane a attaché son nom au projet de loi no 214. A partir de ce moment, et cela, dans l'opinion de ceux qui ont refait le règlement et, j'espère, dans l'opinion de ceux qui l'ont adopté par la suite sur le rapport de ceux qui l'ont refait, il me semble que c'est clair qu'à partir du moment où la première lecture est faite, cela n'appartient plus au requérant.

Si on regarde l'injonction qui a été émise ce matin, elle défend particulièrement et de façon très précise à ce qu'on appelle "les requérants" de s'adresser et de continuer à présenter leur requête à l'Assemblée nationale. Il m'apparaît que c'est une injonction absolument caduque, qui n'a plus aucun sens et je pense que cela devrait au moins donner une indication au juge qui a des injonctions, surtout in camera, de façon provisoire, cela ne devrait pas se faire aussi facilement que cela. Il y aurait eu lieu, je pense, d'entendre au moins un représentant du gouvernement dans cette affaire. Je ne sais pas s'il y a un représentant du gouvernement qui était présent, mais il me semble que le gouvernement aurait pu, tout au moins au nom de l'Assemblée nationale, faire valoir ses privilèges. Un de ses privilèges était de dire: Je m'excuse, M. le juge, vous faites une très grave erreur en pensant qu'il y a encore des requérants. Il n'y a plus, à mon avis — et c'est pour cela que j'appuie la position du ministre des Richesses naturelles — de requérant depuis la première lecture. Il y a maintenant un projet de loi, qu'on l'appelle privé ou public.

Là-dessus on peut s'obstiner, au mérite peut-être qu'on charriera chacun de notre côté à ce sujet, mais, sur le plan des privilèges de la Législature, il m'apparaît très clair qu'actuellement l'injonction — je ne veux pas rendre un jugement, mais il me semble que, comme parlementaire, j'ai le droit de donner mon opinion — il m'apparaît très clair que l'injonction qui a été rendue ce matin est absolument caduque, n'a aucun effet. M. le Président, si jamais vous le dites, parce que ce n'est pas moi qui va rendre la décision, mais si jamais vous, M. le Président, vous vous rangez à cette opinion, je me sentirais en toute quiétude justifié de demander aux représentants de COGEMA de venir témoigner et de leur dire, si jamais ils le font/qu'ils ne contreviennent pas à une disposition d'un tribunal. Il me semble qu'il est temps qu'on dise cela clairement. Depuis ce matin que je pense à cela, puisqu'on en est rendu au moment d'argumenter ce point de vue, au niveau du Président, puisqu'on s'apprête, j'imagine, je ne sais si c'est votre intention, à rendre une décision du côté de la présidence, à ce moment, je vous dis tout simplement que l'Opposition partagera entièrement l'opinion du ministre des Richesses naturelles et voudra entendre, je vous le dis d'avance, quand même les gens de COGEMA, et toutes les autres parties, s'il y en a d'autres, je ne sais pas s'il y en a d'autres qui sont visées par l'injonction, mais toutes les autres parties qui peuvent être actuellement enjointes par le tribunal de ne pas poursuivre la présentation d'un projet de loi.

Que voulez-vous? Le projet de loi était déjà présenté, était déjà dans les mains de l'Assemblée nationale. Je pense que l'injonction est arrivée en retard, à mon avis, et si injonction il devait y avoir, c'est avant, et je réfère les parties qui peuvent s'y intéresser à la cause de Berthiaume-Dutremblay. C'est avant que les dispositions soient prises en vue de présenter le projet de loi, avant que le député de Matane attache le nom de M. Côté au projet de loi no 214, c'est avant cela qu'il fallait prendre une injonction, si on voulait agir à l'endroit de certains individus et si on voulait leur dire: "Ne faites pas de démarches en vue d'obtenir un projet de loi privé".

En ce qui me concerne, en tout cas, M. le Président, si vous me le dites, je vais me sentir en toute sécurité libre d'inviter les représentants de COGEMA à venir nous dire pourquoi il y a un projet de loi 214 devant l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lafrance): Pour faire suite aux lumières des éminents juristes de la commission parlementaire, et constatant le fait qu'il est 6 h 5, je vous demande de prendre en délibéré vos recommandations. Nous reviendrons à 8 h 15 et je rendrai mon jugement. Etant donné qu'on a siégé de longues heures cet après-midi, je pense que ce serait bon de prendre un petit repos. La commission suspend ses travaux jusqu'à 8 h 15.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

Reprise de la séance à 20 h 30

Assignation de témoins

M. Lafrance (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

Lors de la suspension de nos travaux à 18 heures, on m'a demandé de rendre un jugement après une brillante plaidoirie de nos législateurs. On m'a demandé de rendre une décision à la suite de l'argumentation présentée de fait, de part et d'autre, en fin d'après-midi.

Comme président de cette commission, j'ai autorité — et c'est très limité — en ce qui concerne la procédure de l'Assemblée nationale et, par délégation, la procédure en commission parlementaire.

C'est l'article 3 de notre règlement qui régit cette procédure. Voici le texte de l'article 3: "La procédure de l'Assemblée nationale du Québec est réglée: 1-par des lois; 2-par le règlement; 3- par des règlements adoptés pour la durée d'une seule session; 4- par des ordres spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est limité aux matières pour lesquelles ils sont votés; 5- par les précédents établis par suite de l'interprétation des lois et du règlement."

Il y a un principe de droit parlementaire qui est reconnu de tous. Le président n'a pas le droit de donner des opinions juridiques, il n'a pas à interpréter la loi, il n'a pas non plus a interpréter les décisions des tribunaux.

L'article 3 du règlement que je viens de citer dit au paragraphe premier que la procédure ici est réglée en premier lieu par des lois. La première loi qui nous régit, c'est la Loi de la Législature. Comme je n'ai pas à interpréter la loi, je me permets uniquement de la citer en ces articles qui concernent certains privilèges de l'Assemblée nationale et de ses commissions et qui concernent aussi les immunités que l'Assemblée nationale accorde à toutes les personnes qui sont appelées à comparaître devant elle ou devant une de ses commissions. Voici ces articles:

Article 63. Je le répète, parce que je l'ai dit cet après-midi: "L'Assemblée nationale peut assigner et contraindre toute personne à comparaître devant elle ou une de ses commissions ou à y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire à ses actes ou délibérations."

Article 64. "Nulle personne n'est passible de dommages-intérêts ou n'est sujette à aucun autre recours, à raison d'actes accomplis sous l'autorité de l'Assemblée nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs."

Article 70. "Quiconque commet une infraction aux dispositions du présent paragraphe devient passible d'un emprisonnement pour telle période n'excédant pas un an, qui est déterminée par l'Assemblée nationale".

Article 91. "Toute commission de l'Assemblée nationale siégeant dans l'exercice de ses fonctions peut interroger les témoins sous serment, sur toute matière relative à l'affaire dont il est saisi."

Cette lecture étant faite comme simple rappel des immunités et privilèges de l'Assemblée, vous me permettrez maintenant de lire l'article 43 de notre règlement, au paragraphe 1. "Le président se prononce sur les questions de règlement au moment où il le juge à propos, et il peut demander des directives à l'Assemblée ou la laisser se prononcer."

Je conçois que le cas qui nous est soumis est délicat sous certains de ses aspects. C'est pourquoi, me prévalant de l'article 43, paragraphe 1 du règlement, je veux inviter la commission à se prononcer elle-même. Je veux l'inviter à s'exprimer par une motion et en disant si c'est son voeu, si c'est son désir d'entendre d'autres témoins et de désigner elle-même les témoins qu'elle veut assigner et entendre.

L'honorable député...

M. Cournoyer: Sur la motion, M. le Président que vous voudriez avoir.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, même si je n'étais pas ici cet après-midi, j'ai eu l'occasion de recevoir au cours du souper des explications qui m'ont été fournies par le député de Maisonneuve, et, comme vous l'avez exprimé, je pense que les articles 63, 64, 70 et 91 de la Loi de l'Assemblée nationale sont très explicites, d'autant plus que je pense que l'est aussi l'article 153 de notre règlement qui dit que: "Lorsqu'une commission élue a requis une personne de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit satisfaite."

M. le Président, nous avons, je pense, le droit de convoquer les personnes que nous avons à convoquer ou que nous voulons convoquer devant une commission parlementaire. Ces personnes ou ces organismes sont protégés, justement en vertu de l'article 64, contre des procédures en dommages et en intérêt. En l'occurrence, comme membre de cette commission, j'ai l'intention de faire motion pour faire en sorte que la société COGEMA soit convoquée devant cette commission parlementaire et puisse nous donner les explications nécessaires ou puisse répondre aux questions que nous avons à lui poser concernant le projet de loi qui nous est soumis.

M. Cournoyer: Est-ce une forme de motion que vous faites pour satisfaire les voeux du président?

M. Lessard: Je pense que oui.

M. Cournoyer: Est-ce que cette motion, M. le Président, vous satisfait?

Le Président (M. Lafrance): Si la motion, telle que présentée, ne satisfait pas tous les membres

de la commission, libre à eux de s'exprimer et de l'amender.

M. Cournoyer: Je veux seulement savoir si cela satisfait les règles que vous nous avez données.

M. Lessard: Je fais motion pour que COGEMA soit convoquée devant cette commission parlementaire. La suite viendra,, c'est-à-dire en vue d'entendre ou d'interroger cet organisme, COGEMA ou ses représentants. D'accord?

Le Président (M. Lafrance): Est-ce que cela vous satisfait, l'honorable...

M. Cournoyer: Un instant, j'essaie, je veux comprendre.

M. Lessard: Vous avez le droit de convoquer d'autres organismes, si vous le désirez.

M. Cournoyer: Non, ce n'est pas la question de convocation. C'est la question que nous sommes totalement d'accord pour avoir le pouvoir ou nous nous reconnaissons le pouvoir. Je me demande si la motion telle que faite ne m'engage pas à interroger SOGEMA ou COGEMA, alors que, peut-être, je veux établir strictement le principe qu'on a le droit de les interroger, si on décide, comme commission, de le faire.

M. Lessard: Vous voulez discuter...

M. Cournoyer: Parce que, dans le courant de l'après-midi, il a été question de régler la forme.

M. Lessard: D'accord.

M. Cournoyer: Comme il a été question de régler la forme, on s'est dit: Est-ce que le comité ici peut entendre que... La question que je veux savoir, c'est: Est-ce que je dois entendre? C'est une question qui relève de la commission. A ce moment, il me semble que la question qui est posée, c'est: Est-ce que nous pouvons entendre et nous croyons que nous pouvons entendre.

M. Lessard: M. le Président...

M. Cournoyer: Je n'ai pas encore décidé d'entendre.

M. Lessard:... alors, ce sera la motion qui décidera d'entendre. Je pense que le président vient d'expliquer, à partir des articles 63, 64, 70 et 91 de la Loi de la Législature, que nous pouvons convoquer toute personne et que nous pouvons l'entendre et que toute personne ou tout organisme ne peut être poursuivi en vertu de l'article 64 pour dommages et intérêts lorsqu'il se présente pour témoigner devant une commission parlementaire. D'autre part, le président nous a explicité l'article 43 qui dit que le président se prononce sur les questions de règlement au moment où il le juge à propos. Il peut demander des directives à l'Assemblée ou la laisser se prononcer. Deuxièmement, lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie — je pense que le président vient de le faire — et il n'est pas permis de la critiquer — vous savez que je suis très respectueux des règlements — ni de revenir sur la question décidée. Il en est de même lorsque le président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question. Or, je pense que vous nous avez très bien expliqué qu'il était possible pour la commission parlementaire de convoquer tout organisme ou tout individu. C'est pourquoi je fais motion pour que. la Société COGEMA puisse répondre aux questions, si questions il y a, qui seront posées par les membres de la commission parlementaire. Cependant, il vous appartiendra, comme membres de cette commission parlementaire, de voter pour ou contre la motion, à savoir si vous voulez que COGEMA soit interrogée ou ne soit pas interrogée. Je pense que ma motion... Est-elle recevable?

M. Mailloux: M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports.

M. Mailloux: ... il m'arrive rarement d'intervenir sur les points de règlement soulevés par les membres de l'Assemblée ou des commissions et je ne voudrais pas m'empêtrer dans le jargon juridique, non pas de celui qui m'a précédé, mais de mes collègues que j'ai écoutés aujourd'hui.

Le député de Saguenay fait une motion pour que des personnes représentant les intérêts de COGEMA soient entendues. Je ne pense pas que, du côté ministériel, aucune objection n'ait été apportée aujourd'hui, quant à la possibilité que ces personnes puissent se faire entendre.

Je me demande, par contre, pourquoi on devrait procéder par motion devant la commission, alors que nous ne contestons pas le droit à aucun membre de l'Opposition ou du parti ministériel, à la suite de la décision que vous venez de rendre, d'appeler une partie, qui pourrait être présente, à venir répondre aux questions d'un membre de cette commission. Quant à moi, je me demande si c'est par une motion qu'on devrait faire appel à une partie, ou si c'est simplement par un voeu exprimé par un membre de la commission qui demande à ce qu'un témoin soit entendu.

M. Lessard: II n'y a pas une décision qui puisse se prendre en commission parlementaire, comme à l'Assemblée nationale, sans qu'il y ait une motion, et toute convocation de témoins... Je m'excuse, mais je ne suis pas avocat, M. le Président, et comme le ministre des Transports, je ne veux pas me perdre dans les "jargonneries" juridiques mais je pense que c'est très clair en vertu de notre règlement, et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai fait cette motion.

M. Cournoyer: M. le Président, je pense, et je ne voudrais pas, non plus, faire des avocasseries,

bien que je sois le seul qui ait déjà pratiqué le droit dans toute la "gang" ici. Ce que je voudrais bien expliquer, c'est que tout ce débat est survenu au moment où le ministre des Transports tentait d'expliquer pourquoi le gouvernement était d'accord avec la présentation de ce bill.

Nous avons voulu satisfaire aux scrupules énoncés par le député de Maisonneuve au nom du député de Saguenay. Nous en convenons. Le scrupule premier, c'était cette affirmation que la commission parlementaire, qui étudie un bill privé, était suprême dans sa procédure, qu'elle pouvait interroger qui elle voulait et quand elle le voulait, et que ces personnes, qui répondraient à ses questions, jouissaient d'une immunité qui est décrite comme le président l'a donnée.

Je dis: Ceci est une procédure qui a lieu cet après-midi. Parfait! Ce n'est pas à ce moment-ci que la motion du député devrait être discutée. Nous sommes d'accord que nous allons interroger ou permettre d'interroger les témoins que l'Opposition ou que le gouvernement voudra bien appeler.

Ce que nous voulons dissocier, cependant, est une procédure qui a interrompu la présentation du ministre des Transports. Nous en avons disposé par la décision du président et, lorsque le ministre des Transports aura fini d'exposer pourquoi il est d'accord sur le bill qui est présenté, qui est un bill privé, qui reste de la nature d'un bill privé, nous déciderons, avec l'Opposition, s'il y a encore lieu d'interroger des témoins qui sont ici présents ou d'en faire venir d'autres.

C'est exactement la raison de mon hésitation. Ce n'est pas de faire des avocasseries que de dire: Vous avez interrompu le ministre des Transports pour une question qui était latérale. Nous avons disposé de la question latérale de bonne foi. Nous devrions laisser au ministre des Transports le soin de déterminer comment il entend continuer son exposé des raisons pour lesquelles il croit utile de faire adopter cette loi immédiatement et, tout de suite après, nous devrions interroger les personnes que la commission jugera utile d'interroger.

M. Lessard: Je ne voudrais pas faire des avocasseries, d'autant plus que je suis arrivé en retard à cette commission parlementaire, mais je ne comprends pas la procédure telle qu'exprimée par le ministre des Richesses naturelles.

En effet, il s'agit d'un projet de loi privé. Nous ne sommes pas au principe du projet de loi comme tel. Nous sommes entre la première lecture et la deuxième lecture. Il s'agit d'un projet de loi concernant la Compagnie de gestion de Matane Inc., qui est d'ailleurs présenté, non pas par le ministre des Transports...

M. Cournoyer: Non.

M. Lessard:... mais présenté par le député de Matane...

M. Cournoyer: Oui.

M. Lessard: ... et qui concerne un organisme privé. C'est à ce titre qu'il s'agit d'un projet de loi privé, ou bien il s'agit peut-être d'un projet de loi public. Cela serait peut-être plus valide.

M. Cournoyer: Seulement un petit point d'ordre pour ramener... pas pour ramener, parce qu'il manque un petit bout au député. C'est cette discussion que nous avons eue vers la fin de l'après-midi — et ce n'est pas votre faute et j'en conviens parfaitement— où nous avons déterminé d'un commun accord, et le président n'a pas eu à statuer là-dessus parce que le député de Maisonneuve et le ministre des Richesses naturelles — le député de Robert Baldwin — étaient d'accord — cela arrive rarement — il a été entendu et compris que, lorsqu'un bill était saisi ou que l'Assemblée nationale était saisie d'un bill, sa nature ou son origine avait très peu d'importance dans le débat et que le fait, par exemple, que l'Assemblée nationale soit propriétaire — on peut appeler cela ainsi — du bill numéro X, qu'il soit privé ou qu'il soit public, cela reste notre propriété.

Le député de Matane n'a plus rien à voir là-dedans, il ne peut même pas le retirer s'il le veut. Les requérants — le député de Maisonneuve a été beaucoup plus précis que le député de Robert Baldwin là-dessus, parce qu'il connaît cela — n'existent plus dans notre procédure d'aujourd'hui, etc. Ne refaisons pas le débat, M. le Président, II reste une chose, c'est que la nature du bill a peu d'importance. Nous sommes en train de fabriquer une loi qui a son point d'origine dans une demande qui a été présentée par une société qu'on appelle COGEMA, par l'intermédiaire d'un parrain qu'on appelle Côté, député de Matane, et aujourd'hui, c'est notre affaire et c'est pour cela que nous avons exprimé, cet après-midi, la souveraineté de l'Assemblée nationale sur ses affaires.

Ayant dit cela, on ne joue plus dans le judiciaire, on joue dans la législatif et dans le législatif, pour moi, comme "helper" du ministre des Transports, nous avions une procédure que nous avions commencée cet après-midi et nous voudrions la terminer après avoir affirmé, comme le président l'a fait, le député de l'Opposition le député de Maisonneuve, cet après-midi, et répété par le député de Saguenay, la souveraineté de l'Assemblée nationale sur sa propre procédure. Mais, la souveraineté de l'Assemblée nationale, cela ne veut pas dire la souveraineté de l'Opposition sur la procédure. La procédure suivie jusqu'ici et exprimée cet après-midi, c'est que le ministre des Transports — et comme par hasard cela tombe sous sa juridiction cette histoire — était en train d'exposer pourquoi, même si cela n'est pas un bill public, le gouvernement, représenté par son ministre des Transports, était d'accord avec le contenu de ce bill. Il a été interrompu lorsque le député de Maisonneuve a demandé l'interrogatoire ou encore que les requérants viennent faire un exposé sur leur requête. Vers six heures, on a convenu qu'il n'y avait plus de requérant une fois que c'était dans nos mains. Je me souviens de cela. On a convenu qu'il n'y avait plus de requérant. Comme on a convenu qu'il n'y a plus de requérant, il peut y avoir des témoins. Lorsque le

député de Saguenay voudra interroger les témoins qui n'ont pas déjà comparu — parce que ceux qui se sont opposés ce matin ont eu la chance de comparaître, ils ont lu leur mémoire, ils l'ont déposé — il pourra le faire.

Je pense bien que le ministre des Transports n'a aucune forme d'objection, bien au contraire, à l'interrogatoire et par le député de Saguenay et par le député de Charlevoix des témoins que la commission jugera utile d'inviter. Mais vous allez laisser finir le ministre des Transports, c'est tout ce qu'on vous demande.

M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce que le ministre des Transports puisse terminer l'exposé qu'il avait commencé. Cependant, il reste que, comme vous l'avez précisé tout à l'heure, l'article 3 des règlements nous dit... Il y a quand même des précédents et, à ce que je sache, en commission parlementaire, il n'appartient ni au ministre des Transports ni au député de l'Opposition de faire un discours de deuxième lecture. Il appartient, justement lors d'une commission, aux membres de cette commission de s'informer ou d'entendre des témoins. Il y a eu des témoins qui ont été convoqués. Je pense qu'avant de se prononcer sur le principe du projet de loi, il est tout à fait régulier et normal que nous sachions pourquoi la Compagnie de gestion de Matane Inc demande ce projet de loi, parce que c'est elle qui demande ce projet de loi et elle doit nous expliquer pourquoi elle demande ce projet de loi. Quitte, par la suite, aux membres de l'Opposition et au ministre des Transports ou aux autres membres du gouvernement à discuter ou à exposer, lors de la deuxième lecture de ce projet de loi, pourquoi ils ont été convaincus par la Société de gestion de Matane Inc ou par tout autre organisme qui a été convoqué devant cette commission parlementaire d'adopter ce projet de loi.

C'est dans ce sens que je trouve tout à fait normal qu'on puisse entendre les parties quitte, par la suite, pour les membres de cette commission parlementaire, une fois qu'ils auront été très bien renseignés sur la situation et sur le problème qui est posé, à adopter ou à accepter le principe du projet de loi. Parce que nous ne sommes pas au niveau de la discussion du principe du projet de loi puisqu'elle se fait au niveau de la deuxième lecture. Parce que je suis quand même favorable — je l'ai dit par l'intermédiaire... ou le député de Maisonneuve l'a exprimé ce matin — j'ai toujours pris position en faveur de COGEMA. Cependant, il reste qu'il y a des procédures qui ont été suivies depuis plusieurs années — ça fait quand même six ans que je suis à l'Assemblée nationale — et avant que je sois à l'Assemblée nationale et il me semble qu'on ne doit pas outrepasser ces procédures, qu'on doit continuer de les suivre. Parce que, comme on dit souvent, les règlements sont faits pour être suivis et qu'on les suive.

M. le Président, quant à moi, je suis bien prêt à entendre le ministre des Transports sur son discours de deuxième lecture, mais, avant de faire le mien, j'entendrai les parties.

Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Transports.

M. Mailloux: M. le Président, quand, cet après-midi, j'ai commené à faire une rétrospective du problème COGEMA qui est à l'attention de cette commission, à ce moment-là, on se rappellera que d'aucune façon, il n'y avait eu de décision qu'une injonction qui avait placé certaines parties dans l'impossibilité de répondre à la commission, dans l'opinion de certains membres de la commission, tant que cela n'a pas été décidé.

J'avais cru bon d'informer la commission, étant donné l'impossibilité pour ceux-là d'intervenir. Etant donné que depuis, après le débat de procédure que nous avons eu avant l'ajournement de six heures, vous venez de rendre une décision selon laquelle les témoins peuvent être appelés et qu'ils sont protégés par la garantie que vous leur avez donnée, le ministre des Transports n'a aucune objection à ce qu'ils soient appelés comme témoins, qu'ils puissent répondre aux questions qui sont posées. Cela abrégera simplement des réponses que je donnais, vu l'impossibilité pour d'autres d'en donner à cause des procédures judiciaires qui étaient en cours.

Si le député veut faire une motion pour entendre les témoins, étant donné que j'ai dû répondre moi-même à une partie des questions auxquelles ne pouvaient répondre des parties qui sont à la table, là-bas, il n'y a aucune objection de la part du ministre des Transports et, je pense, du côté ministériel, à la motion du député de Saguenay. Nous appuyons sa motion et demandons que les témoins soient prêts à se faire entendre et répondent aux questions.

Le Président (M. Lafrance): Si vous permettez, sur la recevabilité de la motion. On ne m'a pas donné d'écrit. L'honorable député de Saguenay ne m'a pas écrit le texte de sa motion. Il y a une remarque tout de même que je voudrais faire. On ne peut pas, dans une motion, assigner globalement une compagnie ou une société. Il faudrait assigner les témoins par leurs noms respectifs. Si vous en avez une liste, veuillez faire la motion en ce sens.

M. Côté: Me Paquet.

M. Lessard: M. le Président, je fais motion pour que M. Gontran Rouleau et Me Paul-Arthur Gendreau, conseillers juridiques de la requérante, à savoir la Compagnie de gestion de Matane Inc.; M. Jean Thibault, président de la Compagnie de gestion de Matane Inc., COGEMA; M. Roger Dion, vice-président exécutif de COGEMA; M. Jean Le-bel, trésorier de COGEMA; Me Adrien Paquet, conseiller juridique de COGEMA; Me Jean Dionne, administrateur et conseiller juridique de COGEMA, puissent être entendus à cette commission parlementaire et être interrogés.

Le Président (M. Lafrance): Cette motion est-elle adoptée?

M. Côté: Adopté.

M. Mailloux: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté.

Audition du représentant de COGEMA

M. Cournoyer: Est-ce qu'on peut commencer par M. Adrien Paquet?

M. Lessard: II n'y a aucun problème, M. le Président. Je pense qu'il pourrait appartenir à COGEMA, c'est-à-dire aux personnes convoquées, de déterminer qui pourrait commencer à intervenir ou à expliquer. La question que je poserais, puisque cette motion est acceptée...

M. Cournoyer: ...en bloc, n'importe qui peut répondre.

M. Lessard: Je poserai la question et ils décideront qui devra répondre, étant donné les questions que je devrai poser.

M. Cournoyer: Pas de problème.

M. Lessard: Pas de problème? D'accord.

M. Cournoyer: Tu es drôle.

M. Lessard: Hein?

M. Cournoyer: C'est correct.

Le Président (M. Lafrance): J'inviterais M. Adrien Paquet à venir témoigner devant la commission et à déposer tous les documents qui y seront requis par la commission.

M. Paquet (Adrien): Est-ce que je dois être debout, assis?

Le Président (M. Lafrance): Vous pouvez rester assis.

M. Paquet: J'accepte de témoigner au nom de COGEMA. Cependant, je vous rappelle, pour ma protection personnelle et celle de mes clients, que j'ai reçu, ce matin, signification par huissier, d'un jugement d'injonction et que ce jugement me dit de ne poser aucun geste relatif à cette présentation et de m'abstenir de demander...

De toute façon, c'est pour vous dire que j'ai reçu ce document dont tout le monde a parlé toute la journée et que je voudrais avoir la protection que peut me donner la commission. Je vous le demande d'une façon officielle, et ce, pour moi et pour les gens qui sont autour de moi.

Le Président (M. Lafrance): On vous accorde la protection que nous donne la Loi de la Législature, selon l'article 64.

M. Paquet: Ceci dit, je suis à la disposition des membres de la commission pour répondre aux questions au meilleur de ma connaissance.

M. Lessard: M. le Président, je pense que nous pouvons confirmer à M. Paquet que l'article 64 de la Loi de la Législature le protège contre toute poursuite. C'est à la demande de la commission parlementaire que vous témoignez ou que vous répondez aux questions que nous allons vous poser. Puisque j'ai fait cette motion, je voudrais que M. Paquet, ou d'autres personnes qui ont été convoquées devant cette commission parlementaire et qui ont été inscrites dans la motion puissent nous expliquer, en fait... Peut-être que le ministre avait commencé, cet après-midi à le faire, mais j'aimerais que la société, l'organisme, puisqu'il s'agit d'un projet de loi privé, à savoir la Loi concernant la Compagnie de gestion de Matane Inc., que M. Paquet nous explique pourquoi il demande à la commission parlementaire d'adopter ce projet de loi ou de discuter de ce projet de loi, puisqu'il n'est pas adopté, et qu'il nous donne les explications nécessaires qui s'imposent, puisque nous voulons être informés des raisons qui justifient la société COGEMA de présenter ou de nous demander de discuter d'un tel projet de loi.

M. Paquet: Pour résumer en partie ce que M. le ministre a expliqué, COGEMA a obtenu, à la suite d'un requête qu'elle a présentée devant la Commission des transports, alors qu'il y avait trois requérants au début et deux à la fin, un permis l'autorisant à donner un service entre les deux rives à partir du port de Matane à destination des trois ports concernés sur l'autre rive qui, dans le temps, sur une objection qui avait été faite par une des parties qui n'était pas COGEMA, à svoir si la commission avait juridiction... La commission a dit à peu près ceci: Je vais vous entendre. Cela a duré presque un an. A ce moment, si j'accorde le permis, cela voudra dire que je considère que j'ai juridiction. Cela... COGEMA a obtenu, par conséquent, un permis qui était assorti de certaines conditions. Par exemple, il y avait celle de réparer le navire Grand Rapid, navire qu'on avait présenté devant la commission.

Ceci dit, nous...

M. Lessard: Quelle est la catégorie de permis que vous avez obtenu de la Commission des transports?

M. Paquet: C'était un permis en vertu de l'ordonnance 3-N de catégorie 2 qui était un genre de permis de transport général et qui n'était pas clas-sifié comme étant un permis de traversier, parce que, dans l'ordonnance générale, il y a ce qu'on appelle un permis de traversier.

Par conséquent, la notion de rail est ce qui fait que, peut-être — parce que, jusqu'ici, nous avons toujours notre permis — nous avons un problème.

Le Président (M. Lafrance): Si vous permet-

tez, M. Paquet, si vous vouliez nous donner quelques instants, nous aurions une petite procédure à préparer. On vous demande quelques instants. On vous demande tout simplement d'attendre pour continuer à témoigner s'il vous plaît. Cela ne sera pas long.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

Reprise de la séance à 21 h 5

M. Lafrance (président de la commission permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre, messieurs!

En vertu de l'article 153 du règlement, je requiers M. Adrien Paquet de témoigner et de répondre aux questions et de produire les documents qui pourront être exigés. J'ordonne à M. Paquet de répondre à toutes les questions. Je vous demanderais de prêter serment. M. Paquet, le témoignage que vous rendrez à la commission touchant le projet de loi no 214 sera la vérité, toute la vérité rien que la vérité. Ainsi, Dieu vous soit en aide.

M. Paquet (Adrien): Je le jure.

Le Président (M. Lafrance): Merci. M. Adrien Paquet, vous pouvez continuer.

M. Paquet: M. le Président, est-ce que je continue ou si vous désirez que je répète brièvement ce dont je viens de parler avant d'être assermenté?

Le Président (M. Lafrance): Vous pouvez faire un résumé. A l'ordre!

M. Paquet: En résumé, par conséquent, il s'agissait au tout début de relier les deux rives, comme on le sait, entre le port de Matane, qui était le port que nous avions choisi, avec un traversier-rail qui en était un, c'est celui que nous avions à ce moment sous option — quand je parle de nous, je parle de la Société de gestion de Matane — et les trois ports en question. Pour aller un petit peu plus loin dans l'historique, je vais vous dire que la compagnie a hérité du projet de Québec Cartier Mining. J'étais le procureur de Québec Cartier Mining devant la Régie des transports en rapport d'abord avec un projet qui était une barge qui était poussée par un remorqueur. Subséquemment, la compagnie Québec Cartier Mining s'est procuré certains droits éventuels, genre option, dans le fameux bateau dont je vous parle, qui est le Grand Rapid, qui était un bateau-rail, mais qui était un peu âgé.

Nous avons donc présenté notre requête devant la Commission des transports du Québec en même temps qu'Agence maritime et une compa- gnie qui s'appelle Société maritime de Baillon. Je répète qu'au tout début, en fait, c'est le procureur d'Agence maritime qui avait, selon mon souvenir, invoqué cette question de juridiction et de réglementation. La commission qui siégeait à ce moment sous la présidence du président, et je le dis, parce que le président ne siège pas sur n'importe quoi, en tout cas, il se réserve certaines causes à lui. Pour une des deux seules fois dans mon expérience devant la commission, nous étions donc, à ce moment, avec un banc de cinq juges, c'est-à-dire des vice-présidents qui sont des juges et des commissaires. La cause s'est passée à Québec et a duré presque un an. Résultat: Des trois concurrents du début, un s'est retiré en cours de route, et sont restées les deux compagnies, COGEMA, qui a pris un service de traversier-rail, et l'autre, Agence maritime, qui a été déboutée, si vous voulez. Mais celle-ci offrait un service qu'on pourrait appeler multiple, à savoir qu'elle ne voulait pas seulement faire du traversier-rail, mais elle voulait également transporter des maisons et des voitures vides, neuves, des maisons préfabriquées, etc.

En partant de cela, COGEMA s'est employée à faire les démarches nécessaires et à dépenser une somme qui, aujourd'hui, dépasse les $400,000 sur un capital de $700,000 qu'elle a réussi à souscrire dans la région.

M. Lessard: Donc, vous aviez reçu à ce moment l'autorisation de la Commission des transports pour commencer à investir et vous préparer à donner le service entre les deux rives à l'ensemble de la population?

M. Paquet: Nous avions reçu ce permis de la Commission des transports. Deuxièmement, nous avions également reçu de la Commission des valeurs mobilières la possibilité de disposer d'argent qui était souscrit en attendant sous écrou, à savoir qu'il était entre les mains du Trust général du Canada. Nous n'y avons pas touché avant que soit accompli le permis, qui était une des conditions d'écrou. A partir de ce moment, nous avons commencé d'abord, et je ne sais pas si je suis trop long dans mes explications, par faire analyser le coût pour faire réparer le bateau. En attendant, en cours de route, c'était déjà rendu à 400%, para qu'on était en pleine inflation dans l'acier spécia parce que cela prend un bateau-passeur brise-glace. Nous avons donc opté pour un autre navire qui était encore un bateau-passeur, mais qui devait être transformé. Cela a englouti encore une autre question, parce qu'il s'agit cette fois-ci d'un autre navire, qui s'appelle le Grand Rapid. Une série de procédures se sont échangées entre nous et les autres parties, subséquemment, avec le résultat qu'une des deux requérantes qui sont ici devant vous, à part de la Société des navires, a été devant la commission, et a obtenu de la commission deux décisions qui étaient une espèce de contradiction avec l'émission du permis, puisqu'on lui a dit: Vous n'avez pas le droit de faire du transport de wagons, chargés ou non. D'où on s'est retrouvé devant un imbroglio, parce

qu'elle est allée devant la cour. Le juge Lebrun, sur une requête en évocation, a accordé cette requête qui est actuellement devant la Cour d'appel.

M. Lessard: M. Paquet, pourriez-vous m'expliquer beaucoup plus précisément cette partie? Vous dites que les deux compagnies en question ou deux compagnies ont contesté le fait qu'en vertu du permis de catégorie II, COGEMA n'avait pas le droit de faire du traversier-rail. Pourriez-vous m'expliquer un peu plus précisément comment cela s'est fait et en vertu de quel principe, puisque la Commission des transports avait donné ce permis à COGEMA?

M. Paquet: Je dois vous dire, comme je l'ai expliqué, que la Commission des transports avait, après une très longue audition, qui consistait, cette fois-ci, à faire une preuve technique, donc navigabilité du navire, état des glaces, résistance des glaces dans les ports de Matane, épaisseur des glaces, possibilité de navigation, etc., c'est pour cela que cela a duré un an, mais on a eu également la tarification...

M. Lessard: Je veux dire que le permis de catégorie II, que vous avez reçu...

M. Paquet: Oui.

M. Lessard: ... a été contesté par certaines compagnies.

M. Paquet: Mais pas dans sa catégorie, parce que la catégorie, ce n'est pas nous qui avons décidé quelle était celle qu'on devait recevoir. La contestation n'a pas eu lieu pendant une bonne partie de l'année... Plus qu'une année, même. On avait toujours notre permis et on s'activait à faire évaluer les coûts de reconstruction du navire, le renforcement du navire, qui était notre premier navire.

C'est à peu près vers le mois de mars de cette année, je pense, que des requêtes ont été faites par les mêmes requérantes qui nous ont fait signifier les injonctions: Rail and Water Terminal of Montreal Limited et les Chargeurs unis. Il y en avait une troisième, qui était Agence maritime; toutes trois ont demandé l'interprétation de leurs propres permis en disant à la commission: Dites-nous donc si, nous aussi, on a droit...

M. Lessard: A la commission.

M. Paquet: A la commission. Toujours à la commission.

M. Lessard: D'accord!

M. Paquet: La réponse leur a été défavorable.

M. Lessard: Ah! Autrement dit, la commission leur a dit qu'elles n'avaient pas le droit de faire du traversier-rail, comme tel.

M. Paquet: Exactement! D'ailleurs, elles sont allées plus loin que cela. Elles n'ont pas parlé de traversier comme tel, parce qu'elles, dans leurs permis, n'ont pas un permis de traversier. Elles ont un permis de transport général. La commission leur a dit: Vous n'avez pas droit de transporter des wagons de chemin de fer chargés ou non. Je vous cite les mots que la commission a employés. Cela ne leur a pas plu, évidemment.

M. Lessard: Quelle était la catégorie de permis que vous aviez, à COGEMA?

M. Paquet: Catégorie II et transport général également.

M. Lessard: Et l'interprétation des catégories qu'elles demandaient à la Commission des transports, c'était quoi, quant à ces compagnies?

M. Paquet: Je dirais que, d'après moi, leurs permis étaient de transport général, catégorie I.

M. Lessard: Général, catégorie I.

M. Paquet: C'est de catégorie II. Mes confrères me disent que c'est de catégorie II. Je suis prêt à admettre que cela peut être de catégorie II. C'est II.

M. Lessard: En tout cas, pour elles, c'est de catégorie II, et l'interprétation qu'elles ont fait faire ou qu'elles ont demandée à la Commission des transports, c'était en vertu de la catégorie II.

M. Paquet: On a dit: Voici notre permis. Interprétez-le donc tel qu'il est.

M. Lessard: Mais vous autres, votre permis était de catégorie II.

M. Paquet: Oui.

M. Lessard: Et les autres, leurs permis étaient probablement de catégorie II, parce qu'elles avaient aussi reçu les permis de la Commission des transports.

M. Paquet: Je pense qu'elles les ont depuis plus longtemps que l'existence de la commission. Par conséquent, elles les ont eus avant la commission.

M. Lessard: D'accord! M. Paquet: Alors...

M. Lessard: Autrement dit, elles ont fait interpréter leurs propres permis, et comme leurs propres permis étaient de catégorie II, à ce moment, l'interprétation qui fut donnée à la Commission des transports était qu'en vertu de ces permis, elles n'avaient pas le droit de faire du traversier-rail. C'est à peu près cela?

M. Paquet: La commission des transports n'a pas dit cela. Elle leur a dit: Vous n'avez pas le droit

de transporter des wagons de chemin de fer chargés ou non...

M. Lessard: Oui.

M. Paquet: ... sans se prononcer sur la question d'un traversier-rail, parce que je ne pense pas qu'elle pouvait arriver jusqu'au contexte de dire "traversier-rail". Ce n'était pas écrit dans leurs permis. COGEMA était la seule qui l'avait écrit.

M. Lessard: Mais est-ce que, dans votre permis, à COGEMA, c'était indiqué "traversier-rail"?

M. Paquet: Oui, exactement! Nous étions la seule...

M. Lessard: Peut-on déposer, devant la commission parlementaire, le permis qui vous fut accordé?

M. Paquet: Oui, si quelqu'un peut m'en passer une copie.

M. Lessard: Est-ce que le ministre accepterait?

M. Paquet: On va m'en passer une copie et je vais essayer, à même le permis, de vous dire exactement ce qui est écrit. Je vous ai parlé de mémoire et on me dit que ce n'est pas indiqué que... Maintenant, quand on parle de... Si je pouvais avoir une copie du permis, je pourrais vous l'expliciter...

M. Lessard: D'accord! Je pense que c'est très important, pour les membres et l'information de la commission, que nous sachions exactement, sans aller directement dans la contestation judiciaire, parce que cela est autre chose...

M. Paquet: C'est parce que...

M. Lessard:... si contestation il y a. Parce...

M. Paquet: ... je me fais rappeler à tout moment que...

M. Mailloux: M. le Président, j'ai l'impression qu'on s'engage, directement, dans un débat qui est actuellement pendant devant les tribunaux puisque la commission, avec un banc donné s'est prononcée en accordant un permis à COGEMA et quand d'autres compagnies sont venues demander, à la commission, d'interpréter leur permis, avec un banc différent, il y a peut-être une interprétation autre qui a été donnée.

Alors, il faudrait quand même laisser aux tribunaux le soin de...

M. Lessard: Je ne demande pas d'interprétation concernant le permis. Je demande à COGEMA de me préciser quel était son permis parce que le ministre, M. le Président, vous conviendrez que...

M. Mailloux: Je n'ai aucune objection que le permis accordé par la Commission des transports à COGEMA soit produit comme pièce.

M. Lessard: Je veux tout simplement préciser ceci: Vous conviendrez que la loi qui nous est présentée est une loi spéciale et que, normalement, s'il n'y avait pas certains problèmes, la Commission des transports aurait le pouvoir d'émettre le permis et de voir à l'administration du permis, alors que là, nous avons...

M. Mailloux: Je pense que j'ai été assez explicite en disant que je n'ai aucune objection...

M. Lessard: Très bien.

M. Mailloux: ... quant au côté ministériel, que le permis soit produit s'il y en a une copie ici, mais si on s'engage dans l'interprétation...

M. Lessard: Non.

M. Paquet: J'ai une copie du permis, M. le ministre. Je peux, au désir de la commission, soit le produire tel quel ou...

Le Président (M. Lafrance): Alors, si vous voulez nous le remettre, nous allons procéder et en faire faire des copies pour les membres de la commission.

M. Paquet: Je dois vous dire que le document que vous me demandez de produire n'est pas l'ordonnance complète de la commission, mais le permis lui-même avec le préambule qui vous montre les parties à toutes ces procédures parce que la commission a décidé de ne faire qu'une décision de toutes les requêtes qu'elle avait devant elle.

Je dois me corriger, au moins sur ceci. Effectivement, la commission n'a pas employé le mot traversier-rail. Elle a dit: Service de transport de wagons de chemin de fer chargés ou non de marchandise sur le fleuve Saint-Laurent, entre les ports suivants: Matane à Baie-Comeau, Port-Cartier-Sept-lles et retour. Description du vaisseau — et c'est là que cela a pu porter à confusion parce que le vaisseau était un traversier-rail — SS Grand Rapid portant le numéro officiel, etc.

M. Lessard: Le vaisseau était-il un traversier-rail?

M. Paquet: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Matane.

M. Côté: Cela ne serait-il pas aussi une question d'urgence, ce qui amène COGEMA à demander qu'un bill privé soit adopté?

M. Paquet: II y a d'abord une urgence qui vient de tout bord et de tout côté parce qu'il y a

certains éléments que je peux vous donner. A tout événement, on sait que COGEMA, de par les contrats qu'elle a signés, au mois d'octobre — et je tiens à souligner que c'est avant l'institution de procédures par d'autres personnes contre COGEMA, avant qu'on sache qu'il y ait quoi que ce soit qui pouvait nous arriver — a signé un accord avec le Canadien National sur plusieurs points, dont un navire qui est l'Incan Saint-Laurent. Ce navire nous sera livré, selon l'accord, en janvier 1977. C'est un navire dont vous connaissez peut-être la teneur parce que c'est un navire qui peut transporter 31 wagons, si je ne me trompe, de petits wagons.

M. Lessard: Je suis d'accord que nous pourrions revenir à l'urgence. Je pense que nous étions rendus à une étape de la procédure qui m'apparaissait assez importante...

M. Côté: Je pense que vous aviez fini avec...

M. Lessard: Nous étions rendus au noeud même du projet de loi qui nous est présenté, à savoir, suite à certaines contestations que je présume ou que je peux présumer, suite aux explications qui nous ont été données, que COGEMA ne pouvait pas mettre en opération son service. Est-ce exact?

M. Paquet: COGEMA ne pouvait mettre en opération son service parce que l'infrastructure n'était pas prête et elle avait également des problèmes à se procurer le navire adéquat.

M. Lessard: D'accord, mais, en vertu des procédures qui étaient prises devant les tribunaux, étiez-vous empêché?

M. Paquet: C'est ce que nous appelons l'imbroglio judiciaire, à savoir-que par un bref d'évocation qui est toujours devant les tribunaux...

M. Lessard: Ce n'est pas tant à cause du manque d'infrastructure que vous vous présentez devant l'Assemblée nationale?

M. Paquet: Non, parce que les infrastructures ne sont pas encore prêtes. On ne peut pas penser que, physiquement, elles seront prêtes dans un délai... cependant, pour qu'elles soient prêtes, il faut que...

M. Mailloux: Je voudrais apporter des arguments supplémentaires à ce côté de l'urgence, étant donné certaines ententes que nous avons à respecter avec d'autres niveaux de gouvernement.

M. Lessard: Je pense qu'il faudra revenir à cette question d'urgence, mais ce que je voudrais faire bien préciser par M. Paquet — et je pense que c'est la justification même du projet de loi 214 — c'est que ce n'était pas tant à cause des infrastructures qui n'étaient pas prêtes que COGEMA n'était pas capable de mettre en service son traversier ou de continuer — non pas de mettre en service immédiatement — les investissements nécessaires pour la mise en service de ce traversier, mais c'était justement à cause de l'imbroglio judiciaire. C'est à la suite de cet imbroglio judiciaire que vous demandez que l'Assemblée nationale adopte ou étudie ce projet de loi 214.

M. Paquet: La réponse à cela c'est oui.

M. Lessard: Le député de Matane parlait tout à l'heure d'une question d'urgence. Nous constations que jusqu'ici il y a un problème fondamental, c'est que le service COGEMA, alors que cette société avait reçu un ordre très concret de la Commission des Transports, à savoir prendre les mesures nécessaires pour l'instauration d'un traversier, cette société s'est préoccupée de réunir les fonds nécessaires, les fonds qui viennent, en fait de la région et de différents organismes populaires et d'autres différents organismes économiques. Des investissements — et dans les considérants, nous le constatons — ont été réalisés et le problème est qu'à la suite d'un imbroglio qui vient de nous être expliqué, soit l'interprétation des permis de catégorie 2 et contestation de la décision de la Commission des transports, nous en sommes rendus au point où COGEMA n'est plus capable, malgré les investissements qu'elle avait faits concernant la possibilité d'établir ces services, de fonctionner. Je pense que maintenant on parle d'une question d'urgence, en plus de justifier ce projet de loi, mais, à partir des imbroglios judiciaires, il faut aussi le justifier en vertu de l'urgence. Le député de Matane soulevait ce problème et je pense que le ministre des Transports aurait des raisons à nous donner à ce sujet. Nous pouvons passer à cette question d'urgence. La question d'imbroglio judiciaire est assez claire. Je voulais bien qu'on le précise malgré le fait que j'avais reçu certaines informations à ce sujet, mais il est important que cela soit précisé devant la commission parlementaire.

M. Mailloux: M. le Président, si on me le permet, il y avait une condition à l'attention de la compagnie COGEMA qui avait obtenu un permis de la Commission des transports, c'est qu'elle fasse l'exposé, devant la Commission des transports, de l'avancement du problème de la mise en place du navire nécessaire à l'opération du permis qui lui avait été concédé. Tantôt, le procureur de COGEMA a mentionné des problèmes qui se sont posés avec le "Grand Rapid" et le "French River". Il ressort qu'à la suite de l'examen de ces deux navires — je ne voudrais pas porter de jugement sur les erreurs qui se sont glissées à ce moment-là sur ces navires — la compagnie COGEMA s'est aperçue que les navires n'étaient pas en mesure d'assurer le service d'un traversier — rail entre les deux rives. Des discussions se sont engagées avec Incan Ship, dont on a parlé tantôt, pour un navire qui pourrait éventuellement rencontrer les exigences du service.

Il y avait une deuxième condition, et c'est peut-être la deuxième condition quî a également obligé le ministère des Transports à intervenir à

l'appui. Au moment où COGEMA devait se présenter devant la Commission des Transports pour expliquer pourquoi elle n'avait pas encore fait le nécessaire pour que le navire en question soit à sa disposition et prêt à être mis en service, la partie des négociations avec le CN était expliquée à ce moment-là, mais la deuxième condition qui pouvait permettre la mise en place d'un service de tra-versier entre les deux rives et quand même les installations portuaires qu'il fallait également mettre en place... Le ministère des Transports, dans les discussions qu'il a eues avec les différents ordres de gouvernements, avait certains faits à avancer à l'appui de la demande qui avait été faite par COGEMA de surseoir à la décision. Les faits en question concernaient effectivement les ententes que nous étions à négocier avec les différents ordres de gouvernements pour la mise en place des installations portuaires avec les villes de Baie Comeau, Hauterive et avec le financement partiel de la compagnie Canadien National, avec le financement également de l'argent venant du gouvernement fédéral. C'est la raison qui a été à l'appui pour demander un retard à la commission.

Cet après-midi, il y a eu également... Quand on parle de l'urgence de la loi qui est présentée par un bill privé, j'ai écouté, dans le mémoire qu'a soumis M. Raynold Langlois, les montants que devrait débourser la province. Je ne voudrais pas revenir sur les termes qui ont été employés; je pense qu'on mentionnait $28 millions...

M. Langlois: $18 millions, l'inflation...

M. Mailloux: ... que la province devrait débourser, amenant toute la concurrence que l'on connaît aux caboteurs et à d'autres, je voudrais immédiatement rectifier les ententes qui motivent peut-être l'urgence à adopter un projet de loi avant le 31 décembre puisqu'une partie de ces ententes se termine le 31 décembre et que, s'il n'y avait pas d'accord final, ce serait à recommencer. La ville de Hauterive s'était engagée ainsi que la ville de Baie-Comeau à souscrire chacune $500,000; le gouvernement fédéral s'est engagé récemment à souscrire un montant de $2 millions; le gouvernement provincial, $2 millions également, la même part que le fédéral, et la compagnie Canadien National, $1 million.

Quant à l'ensemble des autres installations...

M. Lessard: C'est pour les installations...

M. Mailloux: Portuaires. Quant aux autres installations portuaires à Matane, il y a un débarcadère d'un coût estimé de $4,500,000; $1,500,000 est payable par le ministère des Transports du Québec, $3 millions proviennent de l'entente Canada-Québec, payés à frais partagés, 75/25, par Ottawa et Québec. Il y avait également un déboursé de $2 millions d'achat par le CN du chemin de fer Canada Gulf et il y avait un montant de $5 millions... par CN. A Baie-Comeau même, le débarcadère était d'un coût estimatif de $6 millions et est payé tel que je l'ai dit tantôt: $2 millions, $2 millions, $1 million, $1 million, par les deux villes. La part complète du gouvernement provincial, malgré que j'apporte la réserve suivante... Devant chaque contrat à soumission publique, on est parfois estomaqué des coûts, on connaît les montants finals au moment où la soumission publique est produite. C'est un document qui est présenté demain matin au Conseil du trésor sur la part que devrait payer le gouvernement du Québec, le montant total à investir sur l'ensemble des installations portuaires. $2 millions sur $6 millions pour Baie-Comeau et c'est $5 millions sur $27.3 millions de la part du Québec, pour Port-Cartier et Sept-lles.

M. Lessard: $5 millions sur... les autres? M. Bédard (Montmorency): $27 millions.

M. Côté: Canadien National et Quebec Cartier Mining.

M. Mailloux: Matane, Baie-Comeau, Sept-lles et Port-Cartier.

M. Lessard: Matane, Sept-lles...

M. Mailloux: Baie-Comeau et Port-Cartier.

M. Lessard: Est-ce qu'il serait possible d'avoir l'éventail de ces millions qui sont fournis, non seulement par le gouvernement, mais aussi par les autres compagnies...

M. Mailloux: C'est l'éventail que je viens de donner, M. le Président.

M. Lessard: D'accord, je comprends, mais je n'arrive pas; il me manque des millions quelque part. J'ai Matane, les ports de mer de Matane et Baie-Comeau. Il me manque des millions quelque part.

M. Mailloux: C'est Port-Cartier et Sept-lles qui viendront plus tard.

M. Côté: Port-Cartier, $4,500,000, débarcadère de Sept-lles, $4,500,000 plus $760,000 de voies d'accès.

M. Lessard: Je vais vous demander de déposer vos informations.

M. Mailloux: Je pourrai les déposer immédiatement après l'acceptation au Conseil du trésor.

M. Lessard: Le rapport dont fait mention le ministre, c'est le mémoire qui a été déposé ce matin par l'association des...

M. Mailloux: M. le Président, c'est parce qu'il y a un autre bill, qui est connexe au bill, qui est actuellement à l'étude devant la commission pour les installations portuaires. Je dois m'assurer des disponibilités financières qui sont la part du Québec dans les installations de Baie-Comeau.

M. le Président, je voudrais simplement répéter, quant à l'urgence du projet de loi, non pas pour enlever la parole à ceux qui sont assermentés pour répondre... C'est qu'en cours de route, après l'acceptation d'un permis à COGEMA, qu'il ait été contesté ou non, il y a eu des discussions entre le fédéral et le provincial quant à leur participation financière.

Il y a eu des discussions entre le fédéral et le provincial quant à leur participation financière; il y a eu des discussions entre COGEMA et le CN dont on nous a fait part au fur et à mesure.

Il y a également eu des discussions entre QNS... J'exclus QNS. Il y a eu des discussions entre la ville de Baie-Comeau et Hauterive, dont le député de Saguenay est bien au courant.

Il y a eu une prétention également... une argumentation a été faite par le député de Maisonneuve cet après-midi, à savoir que l'Opposition officielle n'était pas contre la mise en place d'un service de traversiers entre les deux rives, elle aurait préféré qu'un tel service ne soit pas confié à une compagnie privée, mais à la société des traversiers d'Etat.

Je pense que l'on connaît l'objection que j'y ai apportée. D'ailleurs c'était une recommandation qu'avait faite un de mes collègues du côté ministériel également, le député de Rimouski. La société d'Etat a pour mandat de transporter des personnes et des véhicules. Son mandat vient d'être élargi par la Chambre. Elle doit assurer la direction et prendre la relève d'autres sociétés qui seront expropriées.

J'ai également annoncé en Chambre les prises en charge dont elle devra assumer les responsabilités dans les prochains mois; je ne sache pas que le "know-how" de la société d'Etat dans le secteur dont on parle présentement soit susceptible de me convaincre qu'il faille ajouter à la société une responsabilité semblable dans le transport des marchandises et des wagons. D'aucune façon, je ne suis pas prêt et personne ne m'a convaincu, malgré que je ne mette pas en doute la capacité d'administrateur des membres de la société d'Etat, dont mon sous-ministre d'ailleurs est un des membres. Je pense qu'elle a pleinement de boulot présentement et qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement de lui demander de prendre la responsabilité d'un tel service.

Il est indiscutable quoi que j'aie pu entendre cet après-midi de la part du député de Maisonneuve, cela n'a pas été retenu par le ministère des Transports, malgré que cela ait été discuté du côté ministériel.

M. Lessard: M. le Président, on se rappelle bien, en tout cas, je pense bien que je suis très bien informé de l'intervention du député de Maisonneuve cet après-midi, lorsque nous avons eu à discuter — et je ne veux pas du tout commencer cette discussion — du projet de loi no 5, je pense, en 1971 ou 1972, si ma mémoire est bonne, lors de la création d'abord de la Société des traversiers de Québec-Lévis, j'avais à ce moment-là pris position en faveur de l'administration complète de l'en- semble des services des traversiers du Québec par cette société, quitte à établir un certain nombre de modalités.

On sait que chez nous, dans notre région, nous avons goûté à ces services de traversiers qui avaient été aménagés par des sociétés privées et que cela a coûté terriblement cher. Cependant, et je ne veux pas du tout recommencer cette discussion, il s'agit d'une discussion de principe qui ne va pas du tout avec le projet de loi que nous avons discuté cet après-midi, parce qu'il y a quand même certaines modalités qui auraient pu être faites pour assurer la pérennité des services de traversiers, parce que je ne voudrais vous rappeler le Père-Nouvel et le Manic, etc., qui ont coûté énormément cher à l'Etat québécois.

Cependant, le député de Maisonneuve précisait très bien cet après-midi que devant le fait que le ministre nous ait indiqué qu'il n'avait aucunement l'intention de confier ce service à la Société des traversiers du Québec et dans le temps, à la Société de traversiers de Québec-Lévis, nous avons, à ce moment-là, reconnu la décision de la Commission des transports. C'est à ce titre que, comme député de la région, à l'égal d'autres députés de la région, j'ai donné entièrement mon appui à la société COGEMA. Il n'est aucunement question je pense, M. le Président, de reprendre.

Nous avons voulu établir des positions cet après-midi, mais il n'est aucunement question de reprendre la discussion de principe. Cela pourrait se faire et il est même possible que je puisse le faire en deuxième lecture, mais non pas à cette commission parlementaire.

Une décision a été prise. Je pense qu'il est extrêmement difficile, tant pour le gouvernement que pour cette commission parlementaire de revenir en arrière.

L'important est de s'assurer qu'un service soit donné à l'ensemble de la population des deux rives et cela sans aller au détriment d'autres compagnies.

M. Mailloux: M. le Président, il y a un argument supplémentaire que je voudrais apporter ici, à ce moment, sur l'urgence du bill privé qui est devant cette commission. Je pense aux honorables membres du Barreau qui sont de l'autre côté et principalement, entre autres, à Me Raynold Langlois, qui est un expert maritime, au moment où la Commission des transports s'est prononcée pour un permis à COGEMA. On a fait valoir, avec beaucoup d'à-propos, cet après-midi, les dangers qu'affrontaient les caboteurs du Saint-Laurent devant l'intrusion d'une nouvelle société qui aurait à faire la navette entre les deux rives du Saint-Laurent et les répercussions qu'en subiraient principalement les caboteurs du Saint-Laurent.

Je pense qu'il faudrait quand même se rappeler qu'étant donné que la commission s'est prononcée, quoiqu'il y ait un litige devant les tribunaux, si la décision n'était pas prise maintenant d'y donner suite, devant toutes les discussions portées devant les différents ordres de gouvernement et les parties en cause, Incan Ship avait jugé

bon de ne pas se présenter devant la Commission des transports et de mettre un service en compte propre entre Baie-Comeau et Québec. C'était plus qu'apparent, puisque la société avait mis en place, à Québec, un débarcadère pour lequel une somme de près de $1 million fut dépensée à ce moment.

Pourquoi la société avait-elle décidé de faire du compte propre et de ne pas se présenter devant la commission? Est-ce que, dans mon esprit, c'est parce qu'elle savait d'avance que les dés étaient jetés et qu'elle n'avait pas la moindre chance d'avoir un permis?

Il ressort qu'on aurait pu se retrouver quand même avec un transport de papier entre Baie-Comeau et Québec sans que la juridiction de la Commission des transports y soit pour quelque chose. Je ne pense pas que le gouvernement du Québec aurait pu quand même, à ce moment, faire tellement d'objection à un service pour compte propre pour autant qu'il serait resté comme tel. Cela ne répondait pas, à ce que je sache, non plus aux vues du gouvernement ni aux vues de l'Office de planification, qui voulaient relier les deux rives du Saint-Laurent.

M. Lessard: Puis-je poser une question au ministre, M. le Président?

M. Mailloux: Oui.

M. Lessard: Est-ce que, avant que ce million soit dépensé par Incan Ship, en relation, je pense, avec QNS dans la région de Baie-Comeau, vous aviez pris les mesures nécessaires, comme ministre des Transports, pour avertir cette compagnie qu'elle devait, en vertu de la juridiction québécoise, se présenter devant la Commission des transports pour établir un tel service, puisque j'avais eu l'occasion de vous poser des questions à l'Assemblée nationale à ce sujet?

M. Mailloux: Sans vouloir mal informer la commission, je pense que je pourrais dire que l'Incan Ship et CP avaient consulté la Commission des transports et avaient décidé ultérieurement de ne pas se présenter devant la commission et d'avoir un service entre Baie-Comeau et Québec, service pour lequel une rampe était construite à Québec.

Ce n'est qu'après des déclarations de ma part et de la part du gouvernement que le gouvernement s'opposerait à tout transport public, à tout service public qui ne serait pas du compte propre et qu'on engagerait un débat sur un tel service qu'on a abandonné le service. Je crois que c'est peut-être une des raisons invoquées pour l'abandon du permis.

Si je voulais revenir sur l'urgence du bill, et si je fais référence à cette tentative d'lncan Ship d'organiser le service entre Québec et Baie-Comeau, avant que la cause pendante devant les tribunaux soit entendue, je pense qu'on peut quand même prétendre que plusieurs mois, pour ne pas dire des années, se passeraient avant qu'un jugement final permette que le débat soit rouvert. Ceci voudrait dire que, dans le même laps de temps, la tentative faite par Incan Ship pourrait se reproduire sans que nous puissions y être pour quelque chose et au moment où un tel transport serait organisé, même en compte propre, pour un tonnage important, 250,000, 300,000 ou 350,000 tonnes.

La rentabilité d'un traversier des deux rives serait mise en doute de manière catégorique par la suite. Il ne serait plus possible d'en organiser un.

M. Lessard: Est-ce que le ministre, si vous me permettez, veut dire qu'lncan Ship aurait la possibilité juridique d'établir un tel service sans passer par la commission des transports?

M. Mailloux: Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire, j'ai voulu dire qu'à l'intérieur de certains permis de certaines compagnies ferroviaires ou autres, on peut penser que, pour du compte propre, il pourrait y avoir des extensions de permis qui ne seraient pas soumises à la juridiction de la commission des transports, mais on se réveillerait pour du compte propre, mais qui absorberait un tonnage dont un service public aura besoin pour sa rentabilité. Cela n'aurait pas fait moins tort aux caboteurs du Saint-Laurent qui auraient vu disparaître une quantité importante de papier ou d'autres matières en compte propre. D'autres questions?

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autre question, on remercie Me Adrien Paquet d'avoir témoigné devant la commission...

M. Mailloux: M. le Président, on n'avait pas donné ce matin à la partie qui s'est présentée, alors qu'elle n'était pas soumise aux contraintes qu'était soumise COGEMA et les autres. Si Me Re-nold Langlois, au nom des autres parties, des caboteurs, voulait apporter des observations supplémentaires, je n'ai aucune objection à ce qu'il soit entendu, pour ma part.

Le Président (M. Lafrance): Me Langlois, si vous avez des choses à ajouter.

M. Lessard: ... cette demande, tout à l'heure, je constatais que Me Raynold Langlois avait certaines réticences, à la suite de certaines informations qui auraient été données devant cette commission parlementaire. Alors, je pense qu'il n'y aurait aucun problème à ce que Me Langlois nous donne des réactions ou des explications nécessaires, toujours selon la même procédure juridique qui a été établie tout à l'heure.

M. Langlois: Je n'en ai pas besoin, parce que j'en...

M. Lessard: D'accord. Vous n'êtes pas sous injonction.

Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent (suite)

M. Langlois: Pour employer l'expression qu'on a entendu tout à l'heure, je me sens souverain en autant que ma cliente est concernée face à

ces procédures. Je vous remercie infiniment, M. le ministre, M. le député de Saguenay. J'aurais des remarques très brèves à faire sur certains sujets qui ont été soulevés. D'abord, quant à l'historique qui a été fait, il manquait une étape pour vous amener à la contestation judiciaire, l'imbroglio judiciaire dont Me Paquet a parlé. Le permis qui a été accordé ou qui avait été accordé en premier lieu par la Commission des transports était assorti d'un certain nombre de conditions. Le mémoire que j'ai déposé ce matin, d'ailleurs, les donne en détail. On prévoyait des dates d'échéance d'entrée en vigueur du service des traversiers-rail, date d'échéance qui avait été fixée en fonction même des promesses et des engagements pris par les différents témoins qui avaient témoigné devant la Commission des transports au nom de COGEMA.

Or, la commission, face aux renseignements qu'elle obtenait mensuellement de COGEMA qui confirmait que cette compagnie était absolument incapable, pour des raisons qui ont été expliquées devant la commission ultérieurement, de rencontrer les échéances, raisons financières ou autres, a décidé proprio motu — et c'est ce que je disais ce matin — de reconvoquer COGEMA en disant ceci, il faut bien s'en souvenir dans son ordonnance, dont le texte de l'avis est reproduit également dans le mémoire que j'ai lu ce matin: Nous reconvoquons COGEMA pour les fins de voir si on devrait révoquer son permis, parce qu'elle n'a pas respecté les conditions essentielles. Les auditions ont eu lieu. A la suite des auditions, cela a été pris en délibéré. Avant que la commission ne rende sa décision sur cette reconsidération du permis, c'est le ministre des Transports qui est intervenu pour la première fois, à ce que je sache, dans toute l'histoire des régies et des commissions, pour demander que celle-ci rouvre l'enquête. La demande a été faite, d'ailleurs, conjointement, si ma mémoire est fidèle — Me Paquet pourra me corriger là-dessus — par COGEMA. C'est à la veille que ces auditions ne se déroulent, que les deux compagnies, qui sont les deux mêmes qui ont obtenu' l'injonction ce matin, se sont adressées à la Cour supérieure pour tester la validité du permis qui avait été accordé en premier lieu.

Le député de Saguenay me permettra de préciser la contestation judiciaire, parce qu'elle est importante pour comprendre une chose que j'ai à dire après. L'imbroglio judiciaire, pour employer les termes de mon ami, Me Paquet, est le suivant:

En 1972, quand on a adopté la nouvelle Loi des transports, on a changé complètement les règles du jeu. Autrefois, c'était la régie qui décidait quelle catégorie de permis elle pouvait émettre, par le biais de ce qu'on appelait des ordonnances générales, et ensuite, elle rendait des ordonnances particulières dans les cas à l'intérieur de ses règlements généraux qu'elle établissait elle-même.

Le législateur a dit, en 1972: Non, il faut que ça change. Il faut que le pouvoir politique, le gouvernement, donne à la régie des normes ou un cadre à l'intérieur duquel la régie agira, tant pour les permis que pour les tarifs. Cela s'inscrivait dans ce que je disais ce matin. C'est qu'on présupposait que le gouvernement proposerait un plan directeur de l'aménagement des transports au Québec, en vertu de l'article 3 de la loi, ce qui n'a pas été fait jusqu'à ce jour. Je tiens à le dire. Je le répète, et je ne le répéterai jamais assez souvent. On est encore, trois ans après, sans plan directeur et on continue à émettre des permis à gauche et à droite. On propose même maintenant de faire évoluer une compagnie complètement en marge de la Loi des transports.

Mais l'imbroglio judiciaire vient de ceci: Nous avons dit à la Cour supérieure: Si les permis que nous avons, nous, obtenus, déjà, de la Commission des transports ne nous permettent pas de faire le même transport que COGEMA, pourquoi? Est-ce que c'est pour la raison qui nous a été donnée dans nos requêtes en interprétation de permis selon laquelle la commission, même si elle avait voulu nous autoriser — ce sont les paroles mêmes du juge Bouchard dans son jugement — même si la régie ou la commission avait voulu autoriser nos clientes à faire le transport qui a été accordé à COGEMA, elle n'aurait pas pu le faire, parce qu'il n'y a pas de catégorie de permis qui prévoit le transport de wagons de marchandises.

Le gouvernement n'avait pas, autrement dit, donné le droit à la commission d'accorder un permis tel que celui qui avait été accordé à COGEMA.

M. Lessard: Si je vous comprends bien, Me Langlois, vous dites que le juge Bouchard, dans son jugement, aurait dit que, même si la Commission des transports avait voulu vous donner...

M. Langlois: Le même permis que COGEMA.

M. Lessard: ... le permis ou la possibilité de faire du traversier-rail...

M. Langlois: Non... C'est ça... Elle n'aurait pas pu le faire.

M. Lessard: ... du traversier-wagon, elle ne le pouvait pas, en vertu de sa réglementation actuelle.

M. Langlois: C'est ça!

M. Lessard: Autrement dit, pour avoir ce pouvoir, il aurait été nécessaire de prévoir, peut-être, une troisième catégorie de permis.

M. Langlois: Exactement!

M. Lessard: Est-ce que je vous comprends bien?

M. Langlois: Vous avez très bien compris. C'est ça qui a été décidé par la Cour supérieure. C'est COGEMA qui en a appelé devant la Cour d'appel ainsi que le ministre des Transports, devant la Cour d'appel.

Bon! Ce qui m'amène à vous dire ceci. Ce qui est très dangereux dans le projet de loi 214, fon-

damentalement, en dehors du débat industriel que j'ai expliqué ce matin, c'est que voici un service public que vous instaurez, en marge d'une loi d'ordre public qu'est la Loi des transports, où vous laissez au pouvoir gouvernemental, autrement dit, strictement au pouvoir politique, le seul mandat de l'autoriser, d'en déterminer les conditions et d'en déterminer les tarifs, alors que cela a toujours été la politique des gouvernements du Québec de confier à des organismes quasi judiciaires, des organismes indépendants du pouvoir politique, en d'autres termes, pour des raisons qu'on peut facilement comprendre, d'autoriser ces services.

L'autre danger, c'est que, dans la Loi des transports, la logique de l'Assemblée nationale, M. le député de Saguenay et membre de la commission, c'est que tous les services de transport sont interdépendants. C'est l'article 2 de la Loi des transports qui le dit. Là, vous excluez un service très important. Vous le faites opérer en marge de la loi.

Donc, il y aurait une solution au problème de l'imbroglio judiciaire dont Me Paquet a parlé, qui n'aurait même pas demandé qu'on mette en branle le mécanisme législatif de l'Assemblée nationale. C'est un arrêté en conseil, en vertu de la Loi des transports, autorisant la Commission des transports à émettre la catégorie de permis demandée. C'était une première possibilité. Ou une deuxième, puisque le gouvernement semble être, à toutes fins pratiques, le parrain du projet de loi, cela aurait été d'adopter un amendement à la Loi des transports, qui aurait peut-être été au même effet que le bill 214, et là, je me serais opposé pour les autres raisons, mais quand même, au moins en laissant la nouvelle compagnie sous le contrôle quasi judiciaire de l'organisme que l'Assemblée nationale a créé pour contrôler les transports au Québec...

M. Mailloux: M. Langlois, quelle différence y a-t-il entre un arrêté ministériel, qui aurait pu permettre ce que vous venez d'avancer, et si on comble le vide législatif par un projet de loi?

M. Langlois: Une différence énorme, M. le ministre. C'est que c'est vous qui allez autoriser le service suivant le bill 214, donc un...

M. Mailloux: Alors que...

M. Langlois: Alors que, dans l'autre cas, cela aurait été la Commission des transports, un organisme indépendant du pouvoir politique.

M. Côté: M. le Président, me permettrait-on une question? Me Langlois, de par vos connaissances ou de mémoire, êtes-vous au courant qu'il existe une autre situation comme celle-là, où c'est le ministre des Transports qui a à donner l'autorisation de permis?

M. Langlois: Dans quel cas? Je ne sais pas.

M. Côté: Dans le chemin de fer Canada & Gulf à Matane.

M. Langlois: C'est possible. D'ailleurs, c'est très intéressant de noter que, par l'effet de ce projet de loi, vous perdrez probablement juridiction sur les trois seuls chemins de fer que le Québec contrôle actuellement, dont le chemin de fer de Canada & Gulf, qui sera acheté par le CN et qui tombera donc sous le coup de la Commission canadienne des transports...

M. Côté: Absolument pas. Je m'excuse. M. Langlois: Je suis avocat!

M. Côté: On sait que vous êtes avocat, mais il ne faudrait peut-être pas aller trop loin. Il y a une chose sûre. Le chemin de fer Canada & Gulf, quel qu'il soit, même s'il est acquis par le CN, sera sous la responsabilité du ministre des Transports comme cela a été le cas dans le passé. J'aimerais bien que vous apportiez cette précision parce qu'elle est très importante.

M. Langlois: Sauf que la Cour suprême vient de décider, dans une affaire à Toronto, que, dès le moment qu'un chemin de fer fait partie d'un réseau national, tel qu'un chemin de fer qui serait propriété du CN, il est de juridiction fédérale, même s'il s'agit d'une voie de chemin de fer servant au transport de résidents à l'intérieur de la ville de Toronto.

M. Lessard: Ce n'est pas interprovincial?

M. Langlois: On dit que cela fait partie du réseau et la Cour suprême a dit! Voyez-vous deux juridictions différentes ayant juridiction sur un même rail? Cela fait des collisions et ce n'est pas très attrayant sur le plan constitutionnel.

M. Côté: Je serais bien curieux d'entendre les commentaires des gens du CN là-dessus!

Le Président (M. Lafrance): Le député de Saguenay.

M. Lessard: M. Langlois, lorsque vous parlez de la possibilité, au lieu d'adopter le projet de loi 214, d'un arrêté en conseil, vous voulez souligner qu'il aurait été possible, à un certain moment, par arrêté en conseil, d'établir un permis de troisième catégorie, précisant le type de permis. Mais la question que je vous pose est la suivante: Par la même occasion, n'aurait-il pas été nécessaire de rouvrir toutes les auditions à la Commission des transports pour qu'on recommence exactement tout le processus puisque ce permis était nouveau et qu'en vertu de la décision prise par le juge Bouchard, il fallait permettre à toute autre compagnie, quelle qu'elle soit, de pouvoir avoir la possibilité de se qualifier, en vertu de ce troisième permis, tel que décidé par arrêté en conseil?

M. Langlois: Vous avez absolument raison. C'est l'inconvénient de la solution, mais, à mon sens, c'est un inconvénient qui n'en n'est pas un. C'est un faux problème. Je m'explique.

C'est un faux problème parce que le projet qu'on vous présente aujourd'hui, qui vous a été décrit de façon sommaire par Me Paquet est, de toute évidence, totalement différent de celui qui a déjà fait l'objet d'une preuve devant l'organisme de réglementation.

Le navire est différent, sa conception est différente, nous sommes deux ans plus tard, le capital-actions est différent. Et même il y a un autre élément important, parce que vous savez que les organismes de réglementation attachent beaucoup d'importance à qui est propriétaire de services publics. Vous avez donc aujourd'hui un élément important, le CN. Est-il d'intérêt public que l'on permette à une compagnie de chemin de fer de devenir un actionnaire important, pour ne pas dire un actionnaire de contrôle, d'un service public maritime?

Vous savez qu'il y a eu des ordonnances de la Commission des transports et de la Régie des transports qui ont dit précisément qu'il ne fallait pas donner à un mode de transport le contrôle d'un autre mode de transport. C'est le fameux conflit, à savoir si les compagnies de camionnage peuvent être propriétaires de compagnies de navires et vice versa. Tout ce débat n'a pas eu lieu. Est-il dans l'intérêt du peuple québécois, dans l'esprit de l'organisme qui a été chargé par l'Assemblée nationale de le faire, est-il dans l'intérêt public que l'on permette cela?

Je dis que si c'est un inconvénient, en 1975 ou en 1976, il est important que COGEMA retourne publiquement à des auditions qui pourraient se tenir rapidement, parce qu'il y a quand même un certain nombre de données qui demeurent les mêmes, pour expliquer à nouveau son projet et pour qu'on décide s'il est d'intérêt public.

M. Lessard: Vous démontrez de la sympathie pour l'intérêt des Québécois, ce soir.

M. Côté: Du peuple québécois, surtout, oui.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Matane.

M. Côté: J'aurais...

M. Langlois: On ne me le reproche pas, j'espère?

M. Lessard: On ne vous le reproche pas. En un autre temps, j'aurais pu vous reprocher de ne pas avoir trop pris la défense des intérêts des Québécois.

M. Langlois: Dans quel cas? M. Lessard: Vous le savez.

M. Langlois: Dans le cas de la câblodistribu-tion?

M. Lessard: On en parlera lors d'un prochain projet de loi.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Matane.

M. Côté: Me Langlois, advenant le cas où soit n'importe quel des requérants qui exploite le permis de traversier-rail entre Matane, Baie-Comeau, Port-Cartier et Sept-lles, n'y aura-t-il pas obligatoirement la présence du CN dans le portrait parce que les rails de la côte nord de la Gaspésie sont propriété du Canadien national, ce que je sache?

M. Langlois: C'est-à-dire que la présence du Canadien National peut s'arrêter au terminus, ce n'est pas nécessaire qu'il devienne, à toutes fins pratiques, l'âme dirigeante du service de traversier de telle sorte que vous perdiez même juridiction sur le transport maritime que vous avez déjà à l'heure actuelle.

M. Côté: On ne perd pas juridiction je pense. En tout cas, on peut avoir des interprétations différentes selon ce qu'on est.

M. Langlois: C'est le risque.

M. Côté: J'ai une autre observation à faire. Quand vous avez mentionné la possibilité de corriger la réglementation pour revenir devant la commission, pour plaider à nouveau devant la commission pour tenter d'avoir un permis, quant aux délais, vous qui avez l'expérience devant ces commissions, est-ce que vous pouvez nous dire combien cela peut prendre de temps avant que la commission se prononce sur un permis comme celui-là?

M. Langlois: Monsieur, je pourrai vous dire que, suivant mon expérience, cela peut prendre un jour comme cela peut prendre un an.

M. Côté: J'ai l'impression que cela peut prendre un an alors cela retarde d'autant le projet et cela met en péril tous les investissements de l'entente Canada-Québec des gouvernements, de l'entente du complexe ferro-portuaire de la Côte-Nord. Alors, je pense que quand on parle de caractère d'urgence, j'ai nettement l'impression que c'est là le point et aussi des compagnies à desservir sur la Côte-Nord. Il ne faut quand même pas l'oublier.

M. Langlois: Elles sont desservies actuellement. J'aimerais ajouter ceci: Elles sont déjà desservies ces compagnies. Elles existent, elles ont prospéré. A ce que je sache, il n'est pas question qu'elles ferment leurs portes. Les marchandises qu'on veut transporter par l'entremise de ce service, il ne faudrait pas l'oublier, sont transportées à l'heure même où on se parle et elles sont transportées de façon que ces entreprises continuent à prendre de l'expansion. Quant au risque du délai — c'est le dernier point auquel je voudrais répondre — le ministre a parlé tantôt du risque que Incan Ship revienne. Le règlement de la loi 214 qui est proposée n'établit aucune exclusivité et je dis

au ministre des Transports que tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas adopté un règlement prévoyant un permis de traversier-rail, il est fort probable que n'importe qui pourra venir au Québec pour fournir un service de traversier-rail et ne pas avoir à s'adresser à aucun organisme de réglementation ni même au gouvernement, parce que l'article qui défend — l'article 31 de la loi — à quelqu'un d'amorcer un service public de transport ne le défend que dans la mesure où il y a un permis d'édicté aux fins du service qu'il veut faire. Tant et aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas proposé un amendement à l'ordonnance générale du transport par eau, Incan Ship peut revenir sans jamais se préoccuper de la Commission des transports ni du ministre des Transports. Donc, le danger existe toujours.

M. Mailloux: M. le Président, je ne voudrais pas revenir sur toute l'argumentation apportée par Me Raynold Langlois, expert maritime, dont je reconnais la valeur. Ayant été moi-même un certain temps dans le cabotage, on a fait référence tantôt au vide législatif qu'on aurait pu combler par la procédure qu'il a mentionnée. Le gouvernement était bien au courant de cela, il savait pertinemment qu'en ce faisant, il aurait reporté le débat à trois ans plus tard. S'il y avait une volonté bien exprimée, malgré le vide législatif, qu'un permis devait être mis en place, quels que soient les moyens qu'on aurait pris par arrêté ministériel, par législation ou autrement, on aurait connu tous les délais qu'on appréhendait. Si c'était aussi parfait avant la Loi des transports, qui est complètement imparfaite, je l'avoue... je me rappelle que dans des années précédentes, si cela met tellement en danger les caboteurs actuels, j'ai vu des permis accordés selon la loi précédente, qui ont été pas mal plus nocifs que celui qui va être accordé comme traversier-rail, pas mal plus nocifs et qui ont fait disparaître la majeure partie des caboteurs québécois.

Je pense que M. Raynold Langlois sait pertinemment à quel permis je fais allusion, qui a fait disparaître 50% des caboteurs du Québec, malgré l'ancienne réglementation de la Régie des transports du Québec qui était assez étanche, mais n'a pas été assez étanche pour laisser complètement occuper le terrain par du... ou autrement, par des caboteurs qui sont venus pour des compagnies que connaît Me Raynold Langlois. Je ne fais pas référence aux agences maritimes, je fais référence à d'autres compagnies qui transportent la presque totalité du bois sur le Saint-Laurent.

M. Langlois: L'association s'y était opposée, M. le ministre, vous vous en souvenez. On avait demandé l'aide du gouvernement qui a refusé d'.intervenir dans la régie qui a accordé le permis.

M. Mailloux: Ce qui prouve que nécessairement, que ce soit le gouvernement actuel, la Commission des transports actuelle ou l'ancienne Régie des transports, le domaine des transports maritimes est le domaine le plus mouvant que l'on connaisse. Les experts maritimes sont peu nombreux au Canada et chaque fois qu'on se penche sur un dossier maritime, on constate qu'il y a des lacunes, des vices dans la législation, des vices dans la réglementation. Il n'est pas facile, du jour au lendemain, de faire une loi, une réglementation qui soit parfaite et qui couvre tous les cas.

Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a plus de question, nous avons entendu les parties qui voulaient se faire entendre, j'en profiterais pour remercier tous ceux qui sont intervenus, Me Langlois...

M. Mailloux: Avant de passer aux articles, il nous restera quand même une observation à apporter.

Le Président (M. Lafrance): Le mandat de la commission était d'entendre les parties qui voulaient se faire entendre, alors le mandat de la commission se termine là. C'est ça.

M. Mailloux: Avant de passer aux articles du projet de loi, je ne voudrais pas que ce soit perçu comme un à-côté de la décision qu'appuie le gouvernement. J'ai fait référence ce matin au danger avec lequel les caboteurs du Saint-Laurent seraient confrontés au moment où ce permis pourrait être autorisé par la Chambre et, par la suite, si les installations portuaires étaient en place, et que le permis était en vigueur en 1978 ou en 1979, cela apporterait des contraintes majeures à d'autres transporteurs, tels les caboteurs principalement ou routiers. Je pense que je pourrais avouer publiquement que, si je n'ai pas eu de répugnance, depuis le début, à étudier ce dossier, j'ai toujours constaté que quel que soit le détenteur du permis, qui aurait à faire la navette entre les deux rives du Saint-Laurent, mon collègue du Revenu, qui a été prêt de ce dossier, a toujours senti, mon sous-ministre également, la réticence que j'avais, comme ancien caboteur, à placer une concurrence assez nocive aux autres caboteurs du Saint-Laurent. Dans les jours qui ont précédé, j'avais fait — il y avait des transporteurs de mon comté qui sont assez nombreux — quelques suggestions quant aux contreparties qui devraient être apportées pour permettre aux caboteurs de continuer à vivre normalement sur le Saint-Laurent.

Je fais référence, sans cachette, à un dossier qui est assez public actuellement. Je ne suis pas mandaté par la compagnie SOQUEM pour parler en son nom, il ressort quand même que les compagnies de la couronne dépendent du gouvernement et doivent suivre, je pense, l'intention gouvernementale. S'il y a eu une intention gouvernementale assez bien indiquée qu'on voulait rejoindre les deux rives du Saint-Laurent par un traversier-rail, je pourrais dire, après consultation avec le premier ministre, avec le ministre des Richesses naturelles et avec mes collègues du gouvernement, dont le leader parlementaire, qu'advenant que, dans les années qui vont suivre... Me

Raynold Langlois a parlé d'un tonnage d'environ 100,000 tonnes que perdaient les caboteurs du Saint-Laurent et je pense que c'est quand même un tonnage important qui pourrait mettre à mal plusieurs des caboteurs.

Je ne voudrais pas faire revivre tous ceux qui sont disparus de la circulation et qui sont dans d'autres activités aujourd'hui, mais je dis ceci, comme membre d'un gouvernement, comme responsable du ministère des Transports, que mes collègues du conseil des ministres... C'est l'intention du gouvernement d'inviter SOQUEM à faire en sorte que le tonnage qui pourrait venir à ce moment-là, si la décision est favorable et que ça se réalise profitablement de mettre en exploitation ce gisement... Comme on sait que le gouvernement du Québec achète près de 1 million de tonnes lui-même et que les municipalités qui sont également subventionnées par l'Etat en partie achètent également près de 1 million de tonnes de sel, je pense qu'il y a au-delà de 2 millions de tonnes de sel qui devront aller vers l'intérieur du Québec et pour lesquelles le gouvernement consentirait à ce que soient privilégiés les caboteurs existants, une association de caboteurs. Je ne voudrais pas que la même erreur qui a pu être faite au départ, alors que l'Association des caboteurs aurait pu requérir le permis que sollicite COGEMA... Il faudrait que les caboteurs, qui existent aujourd'hui, suivant le tonnage dont ils disposent maintenant, suivant les conséquences que cela entraînera sur la perte de revenu possible, se forment en association.

A ce moment-là, le gouvernement pourra faire le nécessaire pour que la compagnie SOQUEM les favorise, pour autant que les prix qui seront offerts seront des prix compétitifs. Malgré qu'il y aura peut-être certains investissements à faire à ce moment-là, je ne sache pas que l'investissement qu'il serait nécessaire de mettre en place pour ajouter des éléments à la flotte existante qui ne pourrait desservir, pour les quantités les plus importantes... Je pense que le gouvernement ferait l'effort nécessaire pour permettre un financement acceptable à une telle association et pour lui permettre, comme transporteur québécois, de bénéficier de ce transport en entier à l'intérieur du Saint-Laurent.

Je pense que les partis d'Opposition appuieront sûrement une tentative semblable qui permettrait que les effets d'un traversier-rail soient moins nocifs sur l'ensemble du cabotage du Québec.

Je voulais quand même — étant donné qu'il y a eu quantité de discussions, à l'intérieur de ce débat, sur des mesures qui pourraient protéger contre la perte de revenus — assurer les caboteurs qui sont ici présents, de même que ceux qui sont ici mandatés pour les représenter, que l'intention gouvernementale restera ferme dans le sens que je viens d'expliquer.

Le Président (M. Lafrance): L'honorable député de Saguenay.

M. Lessard: M. le Président, nous aurons pro- bablement l'occasion de discuter ce problème, si on peut au moins espérer que la Société québécoise d'exploration minière pourra mettre en exploitation ses mines de sel aux Iles-de-la-Madeleine. Avant d'engager la discussion article par article, j'aurais deux questions à poser au ministre des Transports qui sont en relation avec les questions qui ont été soulevées par Me Raynold Langlois et qui sont, je pense, des questions fort importantes.

Premièrement, le fait que le projet de loi 214 instaure un service en marge de la Commission des transports, je pense que c'est là un point qui nous préoccupe puisque nous avions une Commission des transports qui avait la responsabilité de cette...

En marge, nous verrons la loi qui viendra par la suite, mais la différence, c'est que c'est le ministre qui a les pouvoirs de la Commission des transports. Je pense que cela est un point qui est très important puisque si, en fait, la Commission des transports avait eu la possibilité d'émettre ce permis qui est actuellement en contestation, nous n'aurions pas cette loi actuellement. Les pouvoirs qui sont donnés normalement à la Commission des transports sont donnés au ministre en vertu des articles que nous aurons à étudier.

Cela m'apparaît être un danger, à savoir une création parallèle ou un service parallèle à la Commission des transports et cette loi, nous le verrons tout à l'heure, donne des pouvoirs considérables au ministre, même la possibilité d'intervenir à l'intérieur de la compagnie, pouvoirs, comme me l'expliquera probablement le ministre tout à l'heure, qui, de toute façon, sont donnés à la Commission des transports, mais on sait que la Commission des transports est un organisme qui, normalement, est apolitique. Je pense que, dans le passé, le ministre des Transports, excepté le précédent qui a été donné tout à l'heure par Me Langlois, s'est toujours refusé à intervenir devant la Commission des transports.

Le deuxième point qui est soulevé par Me Raynold Langlois et qui m'apparaît quand même important pour la protection du service qui viendra, puisque nous avons à voter une loi pour établir un service entre les deux rives... Me Raynold Langlois qui, semble-t-il, est un expert en législation maritime, précise que, tant et aussi longtemps que nous n'éclaircirons pas la loi de la Commission des transports et particulièrement la réglementation de la Commission des transports, il sera toujours possible pour Incan Ship de revenir à la surface et d'instaurer un service qui pourrait peut-être être un service parallèle, mais un service qui pourrait être établi par les entreprises elles-mêmes et qui serait au profit de leur propre service.

Considérant ces deux questions et particulièrement la dernière, je demande: Est-ce que, une fois que la loi 214 sera acceptée, si acceptation il y a, le ministre a l'intention de prendre les mesures nécessaires pour au moins assurer la pérennité de ce service ou faire en sorte que ce service ne puisse être concurrencé de façon telle qu'il puisse

être mis en péril, par la suite, par des décisions d'autres compagnies telles que Incan Ship? Je pense que ce sont deux questions qui m'apparaissent importantes et qui ont été soulevées par Me Langlois.

Parce qu'il ne faudrait pas attendre encore que l'urgence soit — c'est là qu'est le problème — décrétée avant de corriger des situations et que, tout à coup, on laisse des compagnies décider, comme Incan Ship en relation avec Québec North Shore, etc., d'opérer et d'investir des montants assez considérables— on parle actuellement de $1 million dans la région de Québec — et que, devant le fait que la compagnie COGEMA se trouve être dans une situation financière très difficile par suite de la concurrence de cette compagnie, on arrive encore avec une loi d'urgence à l'Assemblée nationale pour corriger la situation.

Nous de l'Opposition, on se retournera de bord et on dira: Ecoutez, M. le Président, le ministre a déjà averti, par suite de notre intervention, à un moment donné.

M. Côté: Le député est-il au courant qu'il y a déjà une loi qui est sous la juridiction du ministre, soit celle qui régit le chemin de fer du Canada & Gulf de Mont-Joli-Matane.

M. Lessard: Non, ce n'est pas là le point, je pense, qui est soulevé par Me Langlois.

M. Côté: Non, mais c'est parce que vous parlez d'un système parallèle. C'est exactement la même chose qui se produit dans ce cas-ci.

M. Lessard: Mais, je pense au point de vue du traversier. Le ministre nous a dit tout à l'heure... Je lui ai demandé s'il était possible pour Incan Ship, à un moment donné, d'instaurer un service de traversier, si vous nous permettez...

M. Côté: C'est votre deuxième question.

M. Lessard: ... d'établir un service de traversier... Ah oui! Vous posez la question pour la première. Mais la deuxième m'apparaît fondamentale. Il reste que le précédent ne justifie pas quand même des décisions qui viennent par la suite. Il ne faudrait quand même pas légiférer continuellement à l'Assemblée nationale sur des projets de loi privés, parce que je vous avoue...

M. Côté: Je voulais tout simplement...

M. Lessard: ... bien honnêtement que je contesterais la valeur privée de ce projet de loi qui m'apparaît beaucoup plus un projet de loi public que privé.

M. Côté: ... compléter l'information du député de Saguenay.

M. Lessard: Mais, sur la deuxième question, est-ce que le ministre a quand même l'intention de prendre les mesures nécessaires pour faire que d'autres compagnies qui auront l'intention de s'instaurer ou d'établir un service semblable soient soumises, à un moment donné, à une certaine réglementation de la commission, soit d'un nouveau permis de catégorie 3? Je ne le sais pas.

M. Mailloux: M. le Président, je pense que tantôt, j'ai déclaré, quand j'ai parlé du problème Incan Ship, que pour autant que la compagnie voulait faire du compte propre, il n'y aurait pas eu grande argumentation qu'aurait pu invoquer le ministre pour contester la validité d'un tel transport. .

S'il y a eu une déclaration, je pense, du ministère des Transports, c'est à l'effet que le service que la compagnie désirait mettre en place était un service public. C'est à ce moment que je dis qu'il y aurait forcément un débat constitutionnel qui s'engagerait, parce que nous contesterions la validité d'un tel permis.

Je voudrais revenir, M. le Président, si vous me le permettez, sur le vide législatif ou sur le vide de la réglementation dont a parlé Me Raynold Langlois. Il ressort quand même que la Commission des transports doit juger, suite à la réglementation qui est adoptée par le conseil des ministres, si la recommandation qui est faite est imparfaite? Je ne voudrais pas me prononcer à ce moment-ci sur ce phénomène. Il y a quand même eu un banc, vous l'avez mentionné vous-mêmes tantôt, des procureurs qui avait jugé du permis à accorder à COGEMA, un banc de cinq juges, dont le président de la Commission des transports. C'était la première fois, ou une des rares fois, que le président et le banc au complet s'étaient prononcés sur un permis.

Je ne pense pas, malgré que je n'aie pas de connaissances légales, que je doive faire quelque commentaire que ce soit sur l'interprétation qu'a voulu donner un banc différent du permis, quand une autre compagnie, Rail & Water, demandait à un autre banc, à la Commission des transports, de se prononcer.

M. Langlois: Mais la Cour...

M. Mailloux: Mais, il y a une instance devant la Cour d'appel. C'est indiscutable que, s'il y avait un doute, je ne voudrais pas préjuger... On préjuge par le projet de loi en disant: Oui, nous autres, on dit comme instance de gouvernement, que, avant que la cause soit entendue sur cette interprétation, cela va prendre quand même peut-être une année ou deux années et le gouvernement pense que le permis, par voie législative, bill privé ou autrement, doit être mis en place. Mais je ne sais pas, au préalable, que la cour qui serait appelée à juger de la deuxième interprétation rejoindrait forcément la décision rendue au moment de l'interprétation par un banc différent.

M. Langlois: Est-ce que je peux répondre?

M. Mailloux: Oui, vous pouvez faire votre observation.

M. Langlois: Même dans ce contexte-là, à partir du moment où vous jugez opportun d'intervenir, que ce soit par législation ou par règlement, M. le ministre, il me semble que vous intervenez, le débat judiciaire devient académique, mais au moins, vous le faites dans le cadre de la Loi des transports, vous le faites aussi de façon à sécuriser tous les détenteurs actuels de permis de transport, qui ne savent pas jusqu'où justement leur permis leur donne le droit d'aller. C'est cela qui est le problème à l'heure actuelle.

M. Mailloux: Dans le cas actuel, je pense que le gouvernement le fait de façon législative, parce qu'il avait clairement indiqué son intention de relier les deux rives du Saint-Laurent.

M. Langlois: Pour un seul...

M. Mailloux: Pour un détenteur de permis, sur lequel la Commission des transports s'était prononcée, nonobstant la deuxième interprétation qu'a voulu donner un autre bail, il est possible que je décide en lieu et place de la Cour d'appel devant laquelle les parties requérantes étaient en appel actuellement, oui. Je pense qu'ultérieurement à cette décision législative par bill privé, il sera nécessaire que le ministère des Transports revoie cette réglementation, en clarifie les articles, de telle façon qu'un litige semblable ne se reproduise pas dans l'avenir. Je pense bien que d'autres litiges pourront quand même découler de décisions, parce qu'il y a tellement de secteurs d'activités dans la Loi des transports qu'à moins d'avoir un pur esprit, ce que je ne prétends pas être, il y aura toujours certains vides dans cette loi, dans la réglementation.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Saguenay.

M. Lessard: Le ministre vient de répondre un peu à ma question, à savoir qu'il a l'intention de corriger la réglementation; mais je voudrais poser une dernière question à Me Langlois, concernant justement la dernière intervention qu'il a faite, suite aux remarques du ministre. Est-ce que, de façon juridique, même si c'est académique, le débat judiciaire, malgré l'adoption de la loi 214, qui est actuellement devant une instance juridique ne doit pas ou ne peut pas se continuer? En fait, ma question: Je comprends qu'on joue sur les termes judiciaires, mais en vertu de la loi 214 telle que rédigée, est-ce que le débat judiciaire est automatiquement terminé? Je ne pense pas.

M. Langlois: A mon avis, M. le député de Saguenay, à l'heure actuelle, évidemment...

M. Lessard: Je comprends que cela devient un débat académique.

M. Langlois: Du fait qu'il devient académique, les tribunaux se refusent à disposer des litiges qui sont purement académiques ou, par conséquent, tout ce qu'on leur demande, c'est une opinion. Le seul moment où les tribunaux acceptent de donner une opinion, c'est sur un référé, soit par le conseil des ministres provincial à la Cour d'appel ou le conseil des ministres fédéral à la Cour suprême. Dès le moment où on leur dit: Ecoutez, le permis qu'on conteste, ils l'ont législativement, par ailleurs... Le tribunal va dire: A quoi cela sert-il de continuer? Donc, il va tomber. C'est d'ailleurs le principal motif qui nous a incités à prendre l'injonction.

M. Lessard: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): Je remercie ceux qui sont intervenus, Me Langlois et Me Paquet. Nous commençons l'étude du projet de loi article par article. Article 1, adopté?

M. Lessard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Article 2?

M. Lessard: M. le Président, je pense que le ministre... je n'ai malheureusement pas la Loi de la Commission des transports devant moi, mais je voudrais qu'au cours de la discussion, le ministre nous indique à un moment donné, en quoi cette loi a été un peu rédigée à l'exemple de la Loi de la Commission des transports, parce qu'on l'a souligné, il s'agit d'une loi en marge de la Commission des transports. Cependant, je ne voudrais pas que cette loi donne plus de pouvoir au ministre qu'elle n'en donne au moins à la Commission des transports. Même s'il y a un certain nombre d'articles que je n'aime pas particulièrement, parce que le ministre a énormément de pouvoir, je voudrais au moins qu'on ne lui en donne pas plus que ce qui est donné à la Commission des transports. A l'article 2, est-ce que cela correspond au pouvoir donné à la Commission des transports?

M. Mailloux: Est-ce que je pourrais donner les numéros des articles du projet de loi qui feront référence à la Loi des transports?

M. Lessard: D'accord.

M. Mailloux: Le deuxième paragraphe de l'article 2 correspondrait à l'article 32 de la Loi des transports, le deuxième paragraphe de l'article 2 de la loi actuelle. Le second paragraphe, également, de l'article 7 correspondrait à l'article 38. L'article 8 correspondrait à l'article 40. L'article 9, à l'article 36. L'article 10, à l'article 39. L'article 11, à l'article 50. L'article 12, à l'article 51. L'article 13, aux articles 30 et 35. L'article 14, à l'article 74.

M. Lessard: Pardon?

M. Mailloux: L'article 14, à l'article 74 de la Loi des transports. L'article 15, à l'article 75. L'article 16, à l'article 77. L'article 17, à l'article 78. L'article

18, à l'article 79. Les articles 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26, aux articles 157 à 164.

Le Président (M. Lafrance): C'est de la concordance.

M. Lessard: Je présume que l'article 2, premier paragraphe, correspond, à ce moment, à la décision de la Commission des transports lorsqu'elle juge à propos d'accorder le service. C'est le ministre maintenant.

M. Mailloux: Est-ce qu'il y a un vote en Chambre?

Des Voix: C'est le quorum.

Le Président (M. Lafrance): Etes-vous sûrs?

M. Bédard (Montmorency): Ils étaient dix en Chambre tantôt.

M. Lessard: Article 2, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Adopté?

M. Lessard: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Article 3, adopté?

M. Lessard: Une minute! Article 3, il s'agit de...

M. Mailloux: Les articles 3 à 7, c'est la reproduction approximative des conditions exprimées dans le permis que la Commission des transports du Québec avait accordé à COGEMA. Il y en a quelques-unes qui sont périmées, qui n'apparaissent pas, ou qui ne seraient pas indispensables.

M. Lessard: D'accord sur l'article 3, l'article 4. Le Président (M. Lafrance): Article 3, adopté. M. Lessard: Adopté. Le Président (M. Lafrance): Article 4, adopté.

M. Lessard: A l'article 5, est-ce que le ministre a reçu cette information? Est-ce qu'il y a une décision qui a été prise par COGEMA, concernant le bateau-rail dont elle disposera pour donner le service?

M. Mailloux: Tantôt, en écoutant Me Paquet, je pense qu'il a donné la date prévue par l'entente pour la livraison du navire Incan Ship. C'est en janvier 1977.

Le Président (M. Lafrance): Article 5, adopté?

M. Lessard: Cela va.

Le Président (M. Lafrance): Article 6?

M. Lessard: A l'article 6, c'est évident, pour autant que les services seront donnés par le ministère des Transports.

Le Président (M. Lafrance): Article 6, adopté. M. Mailloux: Cela suppose qu'un autre... M. Lessard: Oui.

M. Mailloux: ... projet de loi devra être présenté dans les jours qui suivent, quant aux installations portuaires et à la participation...

M. Lessard: Pour Baie-Comeau; mais pour Matane, est-ce qu'on a besoin de ces... On n'a pas besoin d'un projet de loi spécifique. Est-ce que c'est le gouvernement du Québec qui va... En tout cas, on en discutera à ce moment-là.

Le Président (M. Lafrance): Article 6, adopté. Article 7?

M. Lessard: Article 7: C'était la demande qui avait été faite par COGEMA, devant la Commission des transports, à savoir, par exemple, le service deux fois par semaine. Est-ce que cela correspond à la demande qui avait été faite?

M. Mailloux: Cela apparaît au permis, semble-t-il.

M. Lessard: Oui.

M. Côté:... intention...

M. Mailloux: Est-ce que c'est exact?

M. Côté: Je pense que...

M. Mailloux: Un instant! Un instant! Comme il y a substitution au jugement, c'est la précision de la loi.

M. Lessard: Alors, c'est la demande qui avait été faite devant la Commission des Transports? Les sept premiers paragraphes.

M. Mailloux: Cela concernait principalement les deux voyages par semaine entre Matane et Baie-Comeau. Quant au permis concernant Sept-Iles et Port-Cartier, trois voyages par semaine, comme les installations portuaires ne sont pas en place, c'est ultérieurement que les conditions seront indiquées.

M. Lessard: Oui. En ce qui concerne le deuxième paragraphe, où on dit que la compagnie ne peut supprimer, réduire ou étendre le service, ni en modifier les conditions sans l'autorisation préalable du ministre, je comprends bien que cet article suppose ou donne une certaine protection, sinon une protection certaine, et j'insiste sur ce point, sinon une protection certaine. C'est que

nous avons vécu dans le passé des expériences où des compagnies avaient obtenu certains permis et, par la suite, ont décidé de supprimer tout simplement le service. Et même si elles en avertissaient le ministre, on n'avait pas le choix, ou on avait le choix de les subventionner très fortement ou bien d'accepter tout simplement qu'elles cessent leurs opérations.

Je me demande, dans ces circonstances — je veux poser la question au ministre — puisque le ministre aura l'autorité de l'application de cette loi et puisque nous avons vécu, je pense, des expériences qui nous ont donné un goût amer quant aux services de traversier dans notre région, si le ministre a pris des précautions nécessaires pour qu'une fois ces services établis, deux ans, trois ans, quatre ans ou cinq ans après, on ne décide pas de mettre fin à ces services, même si on en avertit le ministre. Si on décide, à un certain moment, que la rentabilité est plus ou moins réelle, et qu'après cela, on décide de vendre à une autre entreprise, même si vous avez un article de cette loi — l'article 10 — qui autorise toute fusion, toute vente, toute demande, en tout cas, l'autorisation au ministre pour toute fusion ou toute vente, a-t-on pris les précautions nécessaires pour empêcher cette société qui représente, d'accord, des investissements de l'ensemble ou des capitaux de l'ensemble de la région, de ne pas tenter de faire, comme on l'a vu dans le passé, un coup de bourse et de dire après cela: Bonjour. Maintenant que nous avons fait notre coup de bourse, on décide de se retirer du service. Le ministère des Transports ramassera alors les pots cassés.

Quand je parle de cela — et je ne veux pas présumer de ce qui arrivera pour la compagnie COGEMA — je pense que le député de Matane et le ministre responsable de l'ODEQ savent très bien ce dont je veux parler.

M. Côté: II y a déjà des personnes de Matane qui ont exploité un service de passagers; elles ont fait leurs preuves, et ce service existe toujours.

M. Lessard: Qui ont fait...?

M. Côté: Un service de passagers entre la Côte-Nord et la Côte-Sud qui existe toujours.

M. Lessard: Oui, il existe toujours, mais si ce n'avait été de l'intervention, à un certain moment, de la région du Saguenay, de la Côte-Nord, nous aurions dû payer encore des augmentations de tarif assez considérables, malgré que cette compagnie avait fait des profits très élevés les années précédentes.

Je pense que le ministre a la responsabilité de protéger aussi le public.

M. Côté: On a un ministre responsable.

M. Lessard: C'était la Commission des transports tandis que, là, la Commission des transports n'y est pas.

M. Côté: On a un ministre responsable.

M. Lessard: Cela peut avoir des influences. La Commission des transports pouvait être protégée par ces influences. En tout cas, le ministre est responsable devant l'Assemblée nationale et on pourra l'interroger.

M. Mailloux: La deuxième partie de l'article 7 ainsi que l'article 19 qui protègent contre l'interruption du service. Je conviens que l'article 19 concerne la santé et la sécurité publiques, mais, quant au deuxième alinéa de l'article 7, la compagnie ne peut supprimer, réduire ou étendre le service ou en modifier les conditions sans l'autorisation préalable.

M. Lessard: C'est une sécurité qui est très relative.

M. Mailloux: Je n'ai pas juré d'être là tout le temps. Il y en aura un autre.

M. Lessard: Cela, c'est très relatif. Même la Commission des transports ne peut pas empêcher l'interruption d'un service. A un moment donné, si elle décide d'arrêter de...

M. Mailloux: Je partirai, cela fera l'affaire des uns.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, alors, l'article 7 est adopté. Article 8? Concordance avec la Commission des Transports.

M. Lessard: Une minute. La compagnie ne peut réclamer, comme rénumération de ses services, que les tarifs approuvés par le ministre. Ces tarifs et leurs modifications entrent en vigueur le jour... Toute demande de modification de ces tarifs doit être soumise au ministre et les tarifs proposés publiés dans la Gazette officielle.

M. Mailloux: Je ne l'écarte pas cet article et je vais vous en donner la raison.

M. Lessard: D'accord. Je vois. Voici: Avant de les approuver, avec ou sans modification, le ministre peut constituer un comité chargé d'examiner la demande, d'entendre les intéressés et de lui faire rapport. Là, il y a une différence avec la Commission des transports. Une fois que les demandes étaient faites par la compagnie, ces demandes étaient publiées dans la Gazette officielle et à l'intérieur des quinze jours, si ma mémoire est bonne, il était possible, à toute personne intéressée, de se faire entendre devant la Commission des transports et de contester la décision. Alors que là, nous n'avons pas nécessairement cette assurance. Je pense qu'il faudrait absolument garder le principe que, quinze jours après la publication dans la Gazette officielle, en correspondance avec la Loi des transports, toute personne intéressée puisse faire parvenir une demande au ministre et puisse se faire entendre devant une commission parlementaire, que ce soit la Commission des transports ou autre chose. Parce que là, c'est très dangereux. Comme dit le ministre, aujourd'hui il

est là, demain peut-être il ne sera pas là et ce sera peut-être un ministre qui sera soumis à l'influence d'une société quelconque...

M. Côté: Au conseil national.

M. Lessard: Conseil national ou pas, c'est... Je pense que c'est très important.

M. Mailloux: M. le Président, je pense que l'article 8, j'y suis doublement intéressé et je n'aurais pas d'objection à ce que les parties puissent se faire entendre, je vais m'expliquer. Quand on parle des parties, il s'agit du tarif entre les deux installations portuaires et le danger qui peut arriver... Il y a plusieurs dangers. Il y a d'abord le danger que les tarifs soient peut-être prohibitifs quant à la région, parce que les gens des comtés de Saguenay et Duplessis voudraient avoir des tarifs moins dispendieux que ceux par d'autres transports, mais il y a également l'autre danger pour lequel les concurrents voudront se faire entendre parce que je ne voudrais pas, non plus, que les compagnies de chemin de fer, qui reçoivent des subventions du côté ferroviaire, viennent nous refiler une partie de la subvention sur le tarif maritime en le réduisant de telle sorte qu'ils mettent en difficulté de façon inacceptable le cabotage. Je pense qu'il y a peut-être la protection d'un public à assurer un tarif équitable, mais il y a également la protection à accorder aux caboteurs qui ont toujours eu la crainte que le chemin de fer, qui est quand même partie — et à part du "know how" dont on sait, s'il n'est pas majoritaire, qu'il aura un mot important à dire — pourrait refiler. Cela, c'est bien l'intention du ministre actuel de faire en sorte que les parties puissent se faire entendre. Quant aux parties, c'est celles que j'ai mentionnées, autant les transporteurs actuels que les populations. Je n'ai aucune objection à ce qu'on permette que ces parties puissent se faire entendre avant qu'il y ait...

M. Lessard: Est-ce que c'est prévu?

M. Mailloux: C'est prévu. Je pense que plutôt que "peut", je voudrais...

M. Lessard: Je voudrais qu'on vérifie la Loi des transports à ce sujet-là. Dans la Loi de la Commission des transports, il est dit en fait, dans un... Je ne sais pas si c'est l'article 37, mais dans un article il est clairement dit qu'après la publication dans la Gazette officielle, toute personne intéressée... — peut-être que Me Langlois pourrait l'utiliser, c'est son expérience dans ce secteur — peut se faire entendre et la commission doit, dans la mesure où les délais sont respectés, l'entendre.

Tandis que là, le problème qu'on a... je comprends bien, comme dit le ministre. On a un bon ministre; demain, ce sera peut-être un mauvais ministre et toute loi doit être faite pour le pire des ministres.

M. Mailloux: Est-ce que l'Opposition serait satisfaite: "avant de les approuver, avec ou sans modification, le ministre doit constituer un comité chargé d'examiner la demande, d'entendre les intéressés et de lui faire rapport"?

M. Lessard: D'entendre les intéressés, mais je pense que c'est mieux dit...

M. Mailloux: E 1 définitive...

M. Lessard: ... dans la Loi de la Commission des transports, c'est certain que, s'il n'y a personne qui soit intéressé à se faire entendre, la commission juge à propos d'accepter les tarifs ou de les refuser. Parce qu'il est bien possible qu'il n'y ait personne qui veuille se faire entendre. Tandis que dans les circonstances, le ministre doit, nécessairement, constituer un comité chargé d'examiner... Cependant, je pense que, même s'il n'y a personne qui désire se faire entendre, il est quand même important pour le ministre, comme la Commission des transports le fait d'ailleurs, d'étudier ou d'analyser la validité des demandes qui sont faites.

En tout cas, je pense que le principe est là. Je ne sais pas comment c'est dit dans la Loi des transports comme telle, mais il me semble que c'est mieux.

M. Mailloux: A l'article 40 de la Loi des transports: "Un transporteur ne peut réclamer une rémunération pour laquelle existe un taux ou tarif fixé par la commission que conformément au taux ou tarif en vigueur". Je ne peux pas...

M. Lessard: Article 41.

M. Mailloux: Article 41, non...

M. Lessard : Je parle de la Loi de la Commission des transports. C'est la Loi des transports, vous avez raison. J'oublie l'article, je sais que je l'ai déjà utilisé.

M. Langlois: Je peux vous aider si vous voulez.

M. Lessard: Oui, est-ce que vous pouvez nous aider, Me Langlois? Je sais qu'on l'a déjà utilisé.

M. Langlois: Disons que la Loi des transports a été modifiée en 1973. Autrefois, dans la loi, à partir de l'article 41, on élaborait une procédure assez longue et, par amendement, en 1973, on a tout foutu ça dans les règles de pratique de la commission. Mais le principe, c'est qu'il y a publication et, s'il y a opposition, il y a effectivement audition pour savoir si les taux sont justes et raisonnables et dans l'esprit des politiques suivies par la commission.

M. Lessard: C'est dans ce sens que, s'il y a opposition, le ministre doit constituer un comité chargé d'examiner la demande. Dans le cas d'opposition, c'est dans ce sens... en tout cas, je pense que le service du contentieux du ministère peut préparer ça dans ce sens.

M. Mailloux: On change loi pour...

M. Bédard (Montmorency): Suivant cet article, "... sans opposition, le ministre est tenu de faire enquête". Je pense que c'est encore plus complet.

M. Lessard: J'aimerais mieux garder les deux principes. Même la Commission des transports peut refuser d'accorder des augmentations de tarif, même s'il n'y a pas eu d'opposition. Parce que c'est la responsabilité de la Commission des transports de protéger le public. C'est dans ce sens que j'aimerais beaucoup mieux qu'on regarde la Loi des transports, parce qu'il me semble que c'est très bien rédigé. Le ministre devra être dans l'obligation de charger un comité d'étudier la justification de ces augmentations ou de ces demandes, même s'il n'y a pas contestation.

Il est certain que, s'il n'y a pas contestation, ça permet au ministre d'avoir plus de possibilité. Même là, il est obligé d'étudier l'affaire. Mais en même temps, qu'on soit assuré que, s'il y a contestation, nécessairement, il doit y avoir audition des personnes intéressées.

M. Mailloux: "Doit" au lieu de "peut".

M. Bédard (Montmorency): S'il y a opposition ou non, il est obligé d'en faire une.

Le Président (M. Lafrance): Au deuxième paragraphe de l'article 8...

M. Lessard: D'accord. Doit constituer.

Le Président (M. Lafrance):... alors "avant de les approuver avec ou sans modification, le ministre"... on change le mot "peut" par le mot "doit".

M. Lessard: D'accord.

M. Bédard (Montmorency): II doit faire...

Le Président (M. Lafrance): Article 8, adopté.

M. Lessard: Oui, mais il n'y a pas de délai. On dit: "Avant de les approuver avec ou sans modification, le ministre doit constituer un comité chargé d'examiner la demande, d'entendre les intéressés ou de lui faire rapport". On dit, "avant de les approuver", mais quand va-t-il les approuver? S'ils sont publiés dans la Gazette officielle et vous ne donnez pas la possibilité de faire valoir nos revendications auprès du ministre.

M. Bédard (Montmorency): Le paragraphe d'avant: "... sont publiés dans la Gazette officielle" et après ça, "ces tarifs et leurs modifications entrent en vigueur le jour de la publication de la Gazette officielle ou à toute autre date que fixe le ministre".

M. Lessard: Je comprends, je comprends, mais si le ministre décide d'aller vite.

M. Bédard (Montmorency): S'il décide d'aller vite, cela peut dépendre de l'Opposition qu'il peut avoir.

M. Lessard: On a déjà eu le problème. Il faut permettre à l'Opposition de se faire valoir à l'intérieur de délais. Je me rappelle très bien avoir été devant une commission des transports et, même là, nous étions dans l'illégalité et la Commission des transports a quand même jugé qu'étant donné qu'il s'agissait d'un service public très important, elle nous donnait un délai maximum, mais il y avait la période de quinze jours.

Qui va déterminer quel sera le délai qu'une personne aura pour se faire entendre? Est-ce que cela va être quinze jours? Est-ce que cela va être un mois? Si vous dites un mois, peut-être qu'au bout d'un mois et une semaine, le gars se lèvera et dira: M. le ministre, j'ai oublié. Alors, c'est dans les quinze jours de la publication dans la Gazette officielle.

M. Mailloux: La Commission des transports est quand même soumise à l'article 40 et à ses règles de pratique. Il faudra forcément que des règles soient établies en concordance avec celles dont se sert la Commission des transports.

M. Lessard: Est-ce qu'on établit des règles de pratique?

M. Mailloux: Pas dans la loi.

M. Bédard (Montmorency): Dans le règlement.

M. Mailloux: Dans le règlement...

M. Lessard: Oui, mais dans quel règlement? Celui de la Commission des transports?

M. Mailloux: ...

M. Lessard: Une minute, si vous voulez qu'on se comprenne bien. Mais vous allez être basé sur quel règlement? Pas sur le règlement de la Commission des transports.

M. Mailloux: Je vais essayer de préciser. C'est cela qu'on tente.

M. Lessard: Cela doit être indiqué...

M. Mailloux: C'est par règlement quand même.

M. Lessard: Hum?

M. Mailloux: Ce n'est pas dans la loi. C'est par les règlements qui suivent la loi.

M. Bédard (Montmorency): Le ministre doit former un comité chargé d'examiner la demande. Cela prend quelques jours.

M. Lessard: On comprend tout cela. On sait que des comités, cela peut être constitué pour...

On a déjà eu un comité qui a eu la responsabilité d'étudier si c'était justifié d'augmenter les tarifs d'électricité de 10% et vous savez ce que cela a donné en pratique. La décision était prise bien avant que le comité soit constitué.

M. Bédard (Montmorency): C'était nécessaire.

M. Mailloux: La seule chose que je pourrais dire en supplément, c'est que le ministre devra se baser sur le même règlement qui gouverne la Commission des transports.

M. Lessard: Toute personne aurait 21 jours après la publication dans la Gazette officielle pour se faire entendre auprès du ministre, non seulement se faire entendre, mais loger une demande d'audition.

M. Mailloux: Je verrais mal un ministre qui ne se baserait pas sur les mêmes règlements auxquels la commission est soumise.

M. Lessard: On a le droit, d'accord.

Le Président (M. Lafrance): Après la modification qui a été signalée tantôt, l'article 8 est adopté?

M. Lessard: Adopté avec l'amendement.

Le Président (M. Lafrance): Avec l'amendement, en changeant le mot "peut" par le mot "doit".

M. Lessard: C'est cela.

Le Président (M. Lafrance): Article 9, adopté. Ce sont tous des articles de concordance. Article 10, adopté. Article 11, adopté. Article 12?

M. Lessard: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 13,concordance avec les articles 30 et 35.

M. Lessard: D'accord.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 14, concordance avec l'article 74 de la Loi des transports.

M. Lessard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 15?

M. Lessard: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 16?

M. Bédard (Montmorency): Concordance. M. Lessard: C'est dur, mais adopté.

Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 17? C'est dur à adopter? Non? Article 17, adopté?

M. Lessard: C'est dur dans le sens que ce sont des lois parallèles.

Le Président (M. Lafrance): Article 18, adopté. Article 19, adopté.

M. Bédard (Montmorency): Tout cela est de la concordance.

Le Président (M. Lafrance): Les articles 20 à 26 sont tous des articles de concordance avec les articles 157 à 164 de la Loi des transports.

M. Lessard: Etant donné qu'on a accepté le principe, il faut bien adopter les conséquences. On n'a pas le choix.

Le Président (M. Lafrance): Les articles 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 sont adoptés. Article 27, adopté.

M. Lessard: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Article 28, vous n'y avez pas d'objection?

M. Lessard: "La présente loi a effet nonobstant les dispositions de la Loi des transports et des règlements en vertu de cette loi." On a parlé du règlement no 2 tantôt. Nonobstant les dispositions de la Loi des transports, autrement dit, et des règlements, de toute façon, les règlements que vous pourrez faire seront, à ce moment, en concordance.

M. Langlois: II n'y a aucun pouvoir de réglementation dans cette loi.

M. Lessard: Dans la Loi des transports, il y a certainement un article qui précise que le lieutenant-gouverneur en conseil peut établir à un moment donné une règlementation.

M. Langlois: L'article 5.

M. Lessard: II y a l'article 5, alors que, dans notre loi, nous n'avons absolument rien.

M. Langlois: Dans les bills privés, il ne pourrait pas y en avoir?

M. Lessard: Je trouve qu'il y a un vide judiciaire et qu'on peut encore se ramasser avec des problèmes.

M. Langlois: "You can be sure".

M. Lessard: Oui, on commence à y être habitué de plus en plus. Ce seront des lois spéciales, pour sûr! Avec l'unanimité de la commission, on peut y revenir. Il a été adopté.

Justement, le problème, c'est qu'on vient de

préciser qu'il n'y a aucun pouvoir de réglementation dans cette loi. En vertu de quelle réglementation cette loi va-t-elle fonctionner?

M. Mailloux: II n'y a jamais aucun...

M. Lessard: Puisque vous dites ... — Ah oui! Dans toute loi, lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements, c'est bien précisé, à un moment donné — dans un article, à l'article 27:... "nonobstant les dispositions de la Loi des transports et des règlements adoptés en vertu de cette loi." Il faut qu'une loi prévoie tout, je pense.

On a dit, tout à l'heure qu'on pourra toujours accepter les règlements des 21 jours, qui sont prévus à la Loi des transports. Si on adopte l'article 27, je vous indique que nous ne pourrons plus par la suite, il y a l'article 28, inclure, à moins d'un amendement soumis à l'Assemblée nationale, une possibilité de réglementation.

Parce que je ne vois pas en vertu de quel pouvoir indiqué dans cette loi vous auriez la possibilité de faire une réglementation.

M. Côté: Est-ce que l'article 2 ne répond pas à cela?

M. Lessard: Non...

M. Côté: C'est-à-dire le ministre peut, aux conditions qu'il détermine.

M. Lessard: Ah non! Cela concerne le permis: Autoriser la Compagnie de gestion de Matane à fournir un service.

M. Mailloux: En fait, quand la Loi des transports a été votée par la Chambre, cela concernait tous les secteurs d'activités de transport pour lesquels des règlements devaient être adoptés pour la Chambre. Là, il est question d'un seul détenteur de permis qui est réglementé par une loi spéciale. Il serait difficile d'indiquer que des règlements devront suivre, parce que j'imagine que seulement les règlements dont se sert la commission devront servir pour la gouverne du ministre.

M. Lessard: En tout cas, M. le Président, je ne suis pas avocat, je ne veux pas créer de problème.

M. Mailloux: Pour vous informer, il y a des avocats qui sont à la table...

M. Lessard: J'aimerais avoir peut-être la position de l'un et de l'autre, Me Paquet et Me Lan-glois. Je ne sais pas...

M. Paquet: Pour ma part, je considère que l'article 2, la protection donnée, parce que c'est écrit: "Aux conditions que le ministre détermine..." Ce n'est pas le permis nécessairement, parce que c'est la continuation du permis dans le temps qui est conditionnel aux conditions que le ministre peut déterminer. Le ministre peut, à mon sens, en vertu de l'article 2, changer les conditions avec l'évolution du temps.

M. Lessard: D'accord, mais à un moment donné, on dit à l'article 2: "Le ministre peut, aux conditions qu'il détermine, autoriser la Compagnie de gestion de Matane Inc. à fournir par bateau-rail un service de transport."

M. Langlois: Est-ce que je pourrais... Si on veut atteindre l'objectif et qu'on est décidé à l'atteindre, pourquoi pas tout simplement, par un projet de loi privé, si vous voulez, ou public, lui accorder le permis et dire que le permis sera administré par la Commission des transports par référence aux dispositions de cette loi qui s'appliquera mutatis mutandis? C'est la façon la plus simple de le faire. A ce moment, vous mettez tout le monde encore dans le même bateau, sauf que vous évitez le délai que le député de Saguenay a soulevé tantôt, celui de procéder par arrêté en conseil. Quant à le faire, faites-le comme cela, plutôt que d'instituer un organisme parallèle, parce que vous avez tous ces problèmes, vous n'avez aucun pouvoir de réglementation, aucune norme, aucune règle de pratique, rien.

M. Mailloux: M. Langlois, mes conseillers juridiques m'informent qu'on retomberait dans les mêmes procédures qu'on a connues depuis un certain temps.

M. Langlois: Quelles?

M. Mailloux: II y a d'autres brefs d'évocation qui seraient...

M. Langlois: Cela ne se peut pas. Cela ne se peut absolument pas.

M. Lessard: Si, en vertu d'une loi à l'Assemblée nationale, vous déterminez que vous donnez à COGEMA, à un moment donné, l'autorisation d'établir un service par bateau-rail, un service de transport ou de chemin de fer, etc. et que ce service soit soumis au contrôle de... Vous décidez de l'article 2. Le reste vient par surcroît. Le reste vient, à un moment donné...

M. Langlois: Vous vous compliquez la vie pour rien.

M. Lessard: En tout cas. Vous adoptez une loi en vertu de l'article 2.

M. Langlois: C'est cela.

M. Lessard: Le ministre autorise la Compagnie de gestion de Matane Inc. à fournir par bateau-rail un service de transport et de wagons. Cette autorisation est accordée pour une année, et, si vous voulez, sera soumise, à un moment donné, à la Loi des transports...

M. Langlois: Pour le reste.

M. Lessard: Le problème est réglé et le ministre n'a plus de problème. Tout est...

M. Mailloux: M. le Président, de ce côté, je n'accepte pas la modification proposée.

Le Président (M. Lafrance): Article 27, adopté. Article 28, adopté. Le projet de loi est adopté, article par article. La commission des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 52)

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