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Commission permanente des transports,
des travaux publics et de l'approvisionnement
Etude du projet de loi no 214
Loi concernant la Compagnie de Gestion de Matane
Inc.
Séance du mardi 9 décembre 1975
(Dix heures quarante-six minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs!
La commission parlementaire des transports, des travaux publics et de
l'approvisionnement ouvre ses séances sur l'étude du projet de
loi no 214. Je voudrais vous faire part tout de suite des changements à
la commission.
M. Burns remplace M. Bédard (Chicoutimi), M. Tardif remplace M.
Saindon (Argenteuil).
Maintenant, étant donné que la commission doit se nommer
un rapporteur, est-ce que vous avez des suggestions à faire pour le
rapporteur de la commission?
Le député de Yamaska. Alors, du consentement unanime des
membres de la commission, le député de Yamaska est nommé
rapporteur de la commission.
Etant donné que la commission doit être informée et
attend certains documents pour procéder, nous suspendons les travaux
jusqu'à onze heures quinze.
(Suspension de la séance à 10 h 47)
Reprise de la séance à 11 h 34
M. Lafrance (président de la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs!
Je voudrais vous faire part d'une décision très importante
de la commission, c'est celle du remplacement du député de
Lévis par M. Cournoyer comme membre de la commission.
Projet de loi no 214, Loi concernant la Compagnie de Gestion de Matane
Inc. Audition. M. le ministre des Transports.
Procédures judiciaires
M. Mailloux: M. le Président, si vous me le permettez, je
voudrais que la procédure de la commission soit changée, pour la
raison suivante; c'est qu'à l'ouverture de la séance ce matin,
avant la suspension, il a été porté à la
connaissance de la commission que certaines procédures judiciaires
supplémentaires ont été inscrites devant les tribunaux. Je
demanderais que la présidence n'appelle pas maintenant une partie des
requérants, soit les six premiers qui sont mentionnés, et qu'un
membre de la commission, soit le député de Matane, attende
à une séance ultérieure pour se faire entendre.
Si l'Opposition, entre-temps, a des arguments à faire valoir, la
commission pourrait l'entendre et, si ce n'est pas trop long, on pourrait
entendre le mémoire soumis par Me Raynold Langlois. A quatre heures cet
après-midi, on pourra davantage préciser notre position, mais je
me bornerai, quant au ministère des Transports, pour la partie
gouvernementale, à écouter entre-temps.
Le Président (M. Lafrance): Alors...
M. Burns: Simplement une remarque, M. le Président. Je
n'ai pas d'objection à ce changement de procédure, mais je
voudrais qu'il soit bien compris que, dans notre esprit, je ne crois pas que
les tribunaux soient en mesure d'empêcher le processus législatif.
Je pense qu'on pourra argumenter là-dessus éventuellement, mais
cela nous arrive un peu, autant que vous autres, par surprise. Mais, au
départ, soyez assurés que je suis prêt à me plier
à ce changement de procédure, tout en disant que je suis
profondément convaincu que le système judiciaire ne peut pas,
comme tel, empêcher le processus législatif de suivre son
cours.
La Législature peut avoir certaines réticences à
légiférer lorsque le processus judiciaire est en marche.
Cela, c'est un autre problème. Mais je ne pense pas, cependant,
que l'Assemblée nationale, pas plus que l'une de ses commissions, soit
empêchée de fonctionner à cause d'un ordre donné par
nos tribunaux.
NI. Mailloux: M. le Président, je voudrais ajouter que,
dans notre esprit également, la primauté du pouvoir
législatif pourrait permettre que la commission siège dans
l'ordre qui a été indiqué. Si je ne suis pas homme de loi
moi-même, il ressort, avec toute la déférence que je dois
donner aux tribunaux, que je voudrais quand même que certaines facettes
du problème soient inventoriées de nouveau par les conseillers
juridiques du gouvernement.
M. Burns: Si je partage l'avis du ministre, c'est parce que je
trouve que c'est un geste prudent. Je partage son avis. Mais je ne veux pas que
ce soit interprété, de notre part, comme une admission dans le
sens que je le mentionnais.
M. Mailloux: Dans mon esprit, au moment ou j'ai mentionné
que l'honorable député de Matane devrait attendre à quatre
heures pour parler, étant donné que le projet de loi a
été déposé devant la commission, il appartient
maintenant à la Chambre et à la Chambre seule et non pas les
tribunaux...
Le Président (M. Lafrance): En fait il n'y a pas, dans nos
règlements, un processus qui éta-
blisse dans quel ordre on doit entendre les parties en cause. Alors il
n'y a aucun changement au règlement actuellement. Si on veut entendre
d'autres parties que celles qui sont mentionnées en premier, il n'y a
aucune objection. En plus, on ne peut pas non plus empêcher un membre de
la commission de s'exprimer quand il le voudra sur le projet de loi. Mais
étant donné les réticences du ministre à demander
à un député de ne pas se prononcer tout de suite, je pense
que le député pourra juger lui-même s'il devra intervenir
ou non. Mais comme président de la commission, je ne puis, à
aucun moment l'empêcher de se prononcer.
Je pense qu'on pourrait, si l'honorable député de
Maisonneuve a une intervention à faire, l'entendre avant que nous
procédions aux auditions.
Point de vue du Parti québécois
M. Burns: M. le Président, étant donné que
je ne fais pas partie du caucus libéral, moi, on ne pourra pas
m'em'pêcher de parler!
M. le Président, il y a quelqu'un qui, malheureusement, est
empêché de parler. C'est le député de Saguenay que
je _ne remplace pas ce matin mais qui...
M. Cournoyer: Parce qu'il fait partie de votre caucus?
M. Burns: Non, non. Actuellement, il est aux Iles-de-la-Madeleine
et c'est à son grand regret qu'il ne participe pas aux travaux de la
commission ce matin.
M. Cournoyer: Qu'est-ce qu'il fait là? Il n'est pas
député des Iles-de-la-Madeleine!
M. Burns: II m'apparaît donc important, très
brièvement, avec votre permission et celle des membres de la commission,
de simplement faire connaître le point de vue que le député
de Saguenay avait fait connaître sur le cas de COGEMA, la semaine
dernière, et qui sera, dans les grandes lignes, notre attitude.
Je pense que la façon la plus simple serait de vous lire cette
déclaration qui est très brève, qui comporte une page et
un paragraphe et qui se lit comme suit: "Position de Lucien Lessard sur COGEMA.
"Premièrement, j'ai toujours démontré, dans le
passé, que j'appuyais la création d'un service de traversier-rail
entre les deux rives. "Deuxièmement, devant le refus du ministre des
Transports de confier ce service à la Société des
traversiers du Québec, j'ai accordé mon appui à COGEMA,
qui était un organisme régional. "Troisièmement,
aujourd'hui, à la suite d'une erreur fondamentale de la Commission des
transports, ce permis accordé à COGEMA est contesté devant
les tribunaux par deux autres compagnies de transport. "Quatrièmement,
le gouvernement veut corriger cette erreur en présentant une loi
spéciale qui an- nulerait les poursuites et rendrait légal ce qui
était illégal auparavant, ou du moins laissait place à la
contestation judiciaire. "Cinquièmement, le problème se
résume donc à ceci, selon l'opinion du
député de Saguenay L'Assemblée nationale a-t-elle
le droit d'intervenir dans le cours régulier de l'administration de la
justice? Je me rendrai donc à la commission parlementaire je vous
ai mentionné que comme il ne pouvait pas y être, c'est moi qui le
remplace temporairement j'entendrai les parties et nous analyserons le
projet de loi à son mérite. Si le moyen utilisé n'est pas
bon, il se peut que le gouvernement trouve un autre moyen, car je continue de
croire qu'il est important pour le développement économique des
deux rives d'avoir ce traversier-rail, par exemple, la Société
des traversiers du Québec".
M. le Président, comme je remplace le député de
Saguenay à cette commission, temporairement parce que,
aussitôt qu'il sera de retour à Québec, il reprendra les
travaux de la commission, s'ils ne sont pas terminés ce seront
les grandes lignes qui guideront mon attitude à cette commission.
Le Président (M. Lafrance): Si la commission est
consentante, nous pourrions entendre Me Raynold Langlais, conseiller juridique
de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent Me
Langlais.
M. Langlois: M. le Président, voulez-vous que je me
lève ou est-ce que je peux rester assis?
Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas
nécessaire.
Association des propriétaires de navires du
Saint-Laurent
M. Langlois: M. le Président, avant de faire des
recommandations précises sur le projet de loi, j'ai un certain
problème, parce qu'on me demande de présenter des commentaires,
au nom de l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent,
sur un projet de loi privé où les requérants
eux-mêmes n'ont pas fait valoir, pour des raisons que l'on connaît,
leurs motifs et les explications qui sont fondamentales à ce projet de
loi.
Le Président (M. Lafrance): Me Langlois, auriez-vous des
objections à ce qu'on les entende avant vous?
M. Langlois: C'est-à-dire que je n'ai pas à dire si
j'ai objection ou pas. Comme vous le savez peut-être, la question du
respect qu'on doit apporter aux tribunaux est une question qu'on laisse les
tribunaux apprécier, et non pas à de simples avocats comme moi,
mais je souligne que si la commission veut me permettre d'intervenir
après que le projet de loi aura été présenté
par ses parrains, lorsqu'ils pourront le faire, je le
préférerais. Cependant, si la commission me donne cette
occasion-ci comme étant la seule occasion de faire des
représentations, je vais évidemment saisir l'occasion pour les
faire.
Le Président (M. Lafrance): Je veux vous rappeler que
notre règlement permet, justement, d'entendre des auditions pendant
vingt minutes et que suit une période de questions de quarante
minutes.
Si vous voulez vous prévaloir de vos 20 minutes et de vos 40
minutes immédiatement, on n'a pas d'objection. On ne peut pas revenir et
vous faire revenir à plusieurs reprises.
M. Langlois: Ne peut-on pas demander que nos 20 minutes soient
à la fin?
M. Cournoyer: Etant donné que vous avez pas mal
décidé de la procédure que nous devrons suivre, il me
semble que vous arrivez à votre tour, à ce moment-ci.
M. Langlois: M. le ministre, je me plie à ce que vous
dites. Je voudrais vous remettre immédiatement, M. le Président,
des exemplaires des notes dont je vais m'inspirer pour faire la
présentation au nom de l'Association des propriétaires de navires
du Saint-Laurent.
Le Président (M. Lafrance): II y a quelqu'un qui va les
distribuer aux membres de la commission.
M. Langlois: J'ai des copies supplémentaires ici. Je
voudrais d'abord souligner, M. le Président, aux membres de la
commission que la partie qui parle par mon entremise ce matin, ce ne sont pas
les requérants devant la Cour supérieure dans les
procédures dont on a parlé tout à l'heure; c'est
l'Association des propriétaires de navires du Saint-Laurent qui a
toujours groupé et qui groupe encore l'ensemble des compagnies
québécoises qui font du transport maritime, soit à
l'intérieur des limites de la province ou à l'extérieur.
Toute l'entreprise québécoise du cabotage est
représentée par l'Association des propriétaires de navires
du Saint-Laurent. Ce sont des compagnies du Québec; ce sont, dans bien
des cas, des individus québécois et non pas des
sociétés, parce qu'il y a autant du transport artisanal que du
transport par société. Vous trouverez en annexe, d'ailleurs, au
mémoire qui vous est présenté à la fois la liste
des membres de l'association qui vous permettra de voir que nous parlons au nom
de petites gens comme de compagnies moyennes et de grosses compagnies, de
même que la liste des équipements qui sont actuellement à
la disposition du public québécois qui se sert du transport
maritime.
L'association a été formée en 1936 et, depuis son
existence, sa mission a toujours été de représenter les
intérêts de ses membres auprès des gouvernements. A ce
titre, elle a participé à tous les comités qui ont
été formés par le ministère des Transports, du
Canada ou du Québec, ou les gou- vernements à quelque palier que
ce soit, en matière de législation, sécurité de la
navigation, établissement des politiques de transport, etc.
Le contexte de l'intervention de l'association, ce matin, vous le
trouverez au chapitre 2 de mes remarques. On ne comparaît pas,
malgré l'impression que certains pourraient avoir, pour s'opposer
à l'existence d'un service de transport de wagons de chemin de fer,
chargés ou pas, entre des ports du golfe Saint-Laurent, que ce soit
Matane ou ailleurs. L'association intervient parce qu'elle voit dans le projet
de loi no 214 un double effet qu'elle croit dans l'intérêt public
d'éviter.
Premièrement, l'octroi à COGEMA d'un statut
spécial, et j'insiste sur le mot spécial, tel que celui
envisagé par le projet de loi no 214 a pour effet de détruire
complètement la logique de la politique des transports envisagée
par l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi de 1972 sur les
transports.
Vous verrez que dans cette loi, aux articles 2, 3, 5 et 15, le
législateur, c'est-à-dire vous-même, a
déclaré que tous les modes de transport étaient
interdépendants, que le gouvernement avait l'obligation de
déposer un plan directeur des transports et qu'enfin tous les modes de
transport devaient être soumis au contrôle d'un seul organisme de
réglementation, judiciaire et non politique, qui est la Commission des
transports du Québec. Donc, première chose à
éviter, c'est de faire évoluer un service public aussi important
que celui de COGEMA en marge d'une loi d'ordre public adoptée par
l'Assemblée nationale.
En somme, un individu vous demande de lui accorder un statut qui
l'exempte d'une loi d'ordre public. Deuxièmement, cette demande de
COGEMA porte atteinte à des droits fondamentaux qui appartiennent non
seulement aux membres de l'Association, mais à tout résident du
Québec, c'est-à-dire le droit de faire sanctionner par l'appareil
judiciaire les droits qu'ils prétendent avoir sans que le
législatif n'intervienne entre-temps pour faire échec à ce
processus qui est à la base même de notre système
démocratique.
Je n'insisterai pas sur ce dernier point, vu l'injonction qui a
été accordée par la Cour supérieure ce matin.
D'ailleurs notre chapitre 4 dans le mémoire vous donne exactement le
contexte de ce débat. Nous sommes actuellement devant la Cour d'appel
à l'instigation même du ministre des Transports, qui est appelant,
et de COGEMA. Puis on veut maintenant faire échec au jugement de la Cour
d'appel, on le craint peut-être, en faisant légaliser une
situation par un projet de loi spécial privé.
Le chapitre 3 de mes remarques, M. le Président, messieurs les
membres, s'intitule: le projet de loi risque de semer le chaos dans l'industrie
maritime québécoise, et c'est le développement du premier
point que j'ai fait tantôt. Tel que nous l'exposons de façon plus
détaillée plus loin, la Loi des transports, de 1972,
adoptée par le gouvernement actuel, a reconnu de façon expresse
que tous les moyens de transport sont interdépendants, d'où
l'obligation, que j'exposais tantôt, d'adopter un plan directeur.
La décision de créer un service public dit de
traversiers-rail entre certains ports du golfe Saint-Laurent comporte un
réalignement complet de toute la dynamique des réseaux actuels de
transport maritime à l'intérieur de la province de Québec
et ce, pour les raisons suivantes. D'abord, je suis convaincu que le ministre
des Transports vous confirmera qu'il est dans les desseins du gouvernement
d'engloutir environ $18 millions en infrastructures de facilités
portuaires, à chaque extrémité du service, ce coût
excluant les réseaux d'accès terrestre et autres infrastructures
secondaires. Deuxièmement, le projet vise à drainer tout le
transport originant de ou destiné à Baie-Comeau, Sept-lles et
Port-Cartier vers ce service particulier, privant de la sorte l'industrie
maritime québécoise actuelle de ses trois principaux ports de
desserte.
De ce qui précède, on peut facilement concevoir que
l'équilibre qui a permis à l'industrie québécoise
du cabotage de se développer à l'avantage général
du Québec et de fournir, en particulier, à certaines
régions défavorisées, c'est-à-dire les ports qui ne
sont pas ce que j'appellerais les vaches à lait du Saint-Laurent mais
qui doivent quand même être desservis et qui a permis, dis-je, de
desservir ces ports, puisque l'industrie actuelle du cabotage est une industrie
polyvalente, cet équilibre est rompu par l'effet de l'intervention
financière directe du gouvernement qui fournira gratuitement, à
toutes fins pratiques les principales infrastructures et, de ce fait, permettra
de privilégier le service public de COGEMA au point de vue tarif, etc.,
aux dépens des autres services concurrents.
Il faut bien ajouter un élément qui ne paraît pas
non plus dans le projet de loi: c'est le rôle que jouent les Chemins de
fer nationaux du Canada qui auront une part importante de la
propriété de l'entreprise. Ce sera le plus grand actionnaire
individuel, possédant 49% du capital, qui aura également un
rôle extrêmement important, voire capital dans la gestion du
service. Je reviendrai plus tard à cela. A moins de planifier, en somme,
la création d'un service de traversiers-rail en fonction d'un
impératif qui serait de s'assurer qu'on conserve quand même
l'industrie maritime traditionnelle québécoise pour des raisons
qui sont faciles à imaginer, l'introduction de ce nouveau service fera
nécessairement disparaître cette industrie traditionnelle et
constituera, de la sorte, une expropriation déguisée, mais une de
ces expropriations qui ne prévoient aucune indemnité aux
victimes.
Il faut bien vous dire que l'industrie maritime québécoise
actuelle utilise des actifs dont le coût d'investissement est
supérieur à $20 millions, qu'elle transporte au-delà de un
million de tonnes par année dans les principaux ports concernés,
et que si les promoteurs actuels procèdent sans qu'on tienne compte de
l'existence de l'industrie québécoise actuelle, c'est le tonnage
qui rend le service rentable pour l'industrie actuelle qui disparaît et,
par le fait même, une industrie dans l'entreprise libre ne peut survivre
à moins de pouvoir avoir une rentabilité certaine.
Maintenant, les conséquences de la disparition de l'industrie
québécoise du cabotage sont les suivantes: perte d'emploi directe
ou indirecte d'environ 5,000 personnes; mise en péril de tout un
réseau d'industries satellites telles que des chantiers maritimes dont
plusieurs sont situés dans des régions déjà
économiquement défavorisées, comme le comté de
Charlevoix; disparition d'un réseau de transport maritime polyvalent qui
permet non seulement la desserte des ports rentables tels que Baie-Comeau,
Port-Cartier et Sept-lles, mais également de l'ensemble des autres ports
québécois situés tant sur le golfe Saint-Laurent que dans
le nord québécois, c'est-à-dire des ports plus petits,
plus éloignés et moins rentables.
L'association ne s'est jamais opposée, en principe, à la
création du service, mais elle a toujours insisté, par contre,
pour que cette création se fasse en collaboration avec l'industrie
maritime actuelle et en tenant compte de ses impératifs.
Là-dessus, il est extrêmement malheureux que le gouvernement n'ait
pas jugé à-propos de faire connaître, jusqu'à
maintenant, le plan directeur des transports maritimes qu'il se voyait
mandaté de produire aux termes de l'article 3 de la loi, ce qui aurait
permis à l'industrie québécoise actuelle de savoir ce
qu'il lui reste dans ce plan d'ensemble, dans cette logique des transports que
le gouvernement doit appliquer aux termes du mandat de l'Assemblée
nationale que comporte la loi de 1972.
Enfin, il faut bien souligner que ce n'est pas COGEMA qui a
inventé le projet de traversiers-rail. Il a été
proposé, en tout premier lieu, par des usagers et il a fait l'objet de
demandes concurrentes devant la Commission des transports par des membres de
l'industrie actuelle des transports maritimes. Pour des raisons qu'on ignore,
qu'il ne nous a jamais été donné de connaître, on a
toujours refusé à l'industrie actuelle le droit de participer
à ce projet de traversiers-rail.
Enfin, si on permet maintenant à COGEMA de vivre et
d'évoluer en marge totalement de la Loi des transports, tel que le
demande le projet de loi no 214, sans contrôle quasi judiciaire, j'attire
votre attention sur le fait que c'est le ministre seul qui accorde les permis.
C'est le ministre seul qui fixe les tarifs. C'est le ministre seul qui fixe les
conditions, alors que les autres entreprises publiques
québécoises, que ce soit dans le secteur des communications, par
l'entremise de la Régie des services publics, que ce soit dans le
domaine de l'électricité et du gaz en vertu de la Loi concernant
la Régie de l'électricité et du gaz, que ce soit les
autres transporteurs publics, terrestres ou maritimes, eux sont assujettis au
contrôle quasi judiciaire, pour savoir si leur service est adéquat
et si les conditions sont adéquates, si les tarifs sont justes et
raisonnables.
En d'autres termes, si on permet à COGEMA d'opérer en
marge de la Loi des transports, c'est l'anarchie, c'est le chaos dans
l'industrie du transport, précisément ce qu'on voulait
éviter en renforçant les contrôles, par l'adoption de la
Loi des transports de 1972.
Dans le chapitre 4 de nos remarques, il suffit d'insister sur le titre
de ce chapitre qui dit qu'on incite l'Assemblée nationale à
commettre une injustice flagrante sur le plan judiciaire. Je n'ai qu'à
attirer votre attention sur les procédures judiciaires qui ont pris
naissance et qui ont eu leur point culminant ce matin; par l'octroi d'une
injonction, on tente indirectement d'éviter l'effet d'une
décision de la Cour d'appel.
Il serait peut-être intéressant également que les
conseillers, les juristes du gouvernement ou de l'Assemblée nationale
consultent Beauchesne sur le droit parlementaire et qu'ils expliquent aux
membres de la commission comment il se fait que, pour une fois, on permette
qu'une question d'intérêt public, qu'une question de politique
publique puisse être traitée par bill privé. Vous verrez
aux numéros 460 et 461 que lorsqu'un projet de loi privé est
susceptible d'affecter, que ce soit même indirectement, une question de
politique publique ou une loi d'ordre public, ce n'est pas par bill
privé que cela devrait se faire, mais par bill public. Ce qui change
complètement la nature du projet de loi. D'ailleurs, ce projet de loi
érige même un système d'enquête, prévoit la
nomination d'enquêteurs. On pourrait dire que c'est un projet de loi qui
engage des dépenses du gouvernement, encore là, un autre type de
projet de loi qui ne peut être adopté par bill privé.
Mais, ce qu'il est important de souligner, c'est que le préambule
du projet de loi 214 ne nous dit pas tout. Le préambule ne dit pas que
COGEMA avait obtenu de la Commission des transports, le 28 mars 1974, un permis
l'aurotisant à fournir le service décrit à l'article 2 du
projet de loi, à des conditions très précises dont la
principale était l'entrée en vigueur du service en 1975.
Le préambule du projet de loi ne vous dit pas non plus que la
Commission des transports a dû constater que COGEMA n'était pas en
mesure de respecter les conditions et qu'elle s'est saisie pro-prio motu de
l'occasion de lui révoquer son permis précisément parce
qu'elle n'avait respecté aucune des conditions qui lui avaient
été imposées.
C'est dans le cours de ces auditions que deux compagnies se sont
adressées à la Cour supérieure pour faire annuler les
décisions de la commission pour le motif que le permis était
illégal. Le préambule ne relate pas non plus l'entente de
principe qui existe entre COGEMA et les Chemins de fer nationaux par laquelle
on prévoit que les Chemins de fer nationaux se voient accorder 49% du
capital ordinaire, cinq postes au conseil d'administration sur onze et
également, à toutes fins pratiques, la responsabilité de
la gestion de l'entreprise.
Il faut bien dire, et c'est extrêmement important, qu'on
connaît ce que les compagnies de chemins de fer peuvent faire par l'effet
de leur politique tarifaire et je ne crois pas que personne va soutenir que la
politique tarifaire des chemins de fer au Canada a toujours été
à l'avantage du Québec. Si on confie et donne aux Chemins de fer
nationaux l'occasion d'utiliser ce service très important, on peut se
demander dans l'intérêt de qui cela va se faire. Mais, sur le plan
constitutionnel, il y a plus important.
Le gouvernement du Québec, actuellement, se bat avec acharnement
pour retenir des compétences en matière de transports et
communications. Je suis bien à l'aise d'en parler. Je suis un des
avocats mandatés par le gouvernement pour plaider la cause de la
câblodistribution. Un secteur de juridiction que vous avez toujours
exercé est la juridiction du, cabotage sur le Saint-Laurent. Il y a
même des entreprises dont l'Agence maritime, qui est membre de
l'association, qui ont dû aller en Cour suprême à deux
reprises pour faire reconnaître la juridiction de la province sur ces
services, comme compagnies de navigation intraprovin-ciale.
Lisez le préambule du projet de loi et vous verrez qu'on dit que
le service de traversiers en question va devenir le prolongement du
réseau ferroviaire nord-américain. Les avocats membres de la
commission savent très bien que, dans notre droit constitutionnel
actuel, tout prolongement d'un réseau international ou interprovincial
de chemins de fer, surtout lorsqu'il est dirigé par une compagnie de la
couronne fédérale, donc qui est à l'avantage
général du Canada, devient automatiquement, en vertu des
principes des articles 92.10 a), b) et c) de la constitution, de juridiction
fédérale.
Si vous adoptez le projet de loi 214, notre prétention, entre
autres, est à l'effet que vous remettez sur un plateau d'argent, au
gouvernement fédéral, une juridiction que vous avez
exercée de façon efficace depuis 100 ans. Il faut bien y penser
dans le contexte des autres débats constitutionnels qui sont
actuellement en cours entre le fédéral et le provincial.
M. le Président, ce sont donc les remarques que j'avais à
faire. Je répète ceci à la fin de mes remarques: II n'est
pas question pour l'association de s'opposer au service lui-même; on
s'oppose aux méthodes suivies par le requérant,
c'est-à-dire COGEMA, parce qu'il ne faut pas oublier que c'est un projet
de loi privé. Ce n'est pas un projet de loi du gouvernement.
Deuxièmement, on s'oppose aussi et on s'est toujours opposé
à ce que ce service soit confié à une entreprise qui
évolue en marge de l'industrie de cabotage existante qui est une
industrie, comme le ministre des Transports pourrait vous le dire, qui,
à de nombreuses reprises, a prouvé au gouvernement qu'elle avait
déjà de la difficulté à demeurer rentable, qu'elle
avait besoin de la collaboration du gouvernement. Si on lui enlève
maintenant ses trois principaux ports de desserte, sans lui prévoir de
solutions de rechange ou sans lui donner de moyens de continuer à
subsister de façon rentable, vous créez un service pour
détruire une industrie. Merci.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que les membres de la
commission veulent poser des questions à Me Langlois?
M. Mailloux: Ultérieurement.
Le Président (M. Lafrance): Ultérieurement.
M. Burns: J'aurais peut-être juste une clarification
à demander.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Maisonneuve.
M. Burns: Je ne veux pas avoir l'air obtus en vous posant cette
question, mais, à cause de l'accent que vous avez mis sur le fait que
COGEMA ne devrait pas être le requérant, en l'instance, est-ce que
je devrais comprendre de vos remarques que vous auriez moins d'objections si
c'était un projet de loi public qui était présenté
par le ministère des Transports, qui aurait à peu près le
même effet et qui, peut-être, ouvrirait davantage des horizons?
M. Langlois: M. le Président, il est bien évident
que, si on adoptait un projet de loi public, si ce projet de loi était
adopté dans le cadre de la Loi des transports et qu'il garantissait
à ceux qui fournissent actuellement les services publics, qui ont des
permis et, de ce fait, en vertu de la Loi des transports, le droit de faire des
représentations devant cet organisme, à savoir qui devra obtenir
le permis ou pas, nous ne pourrions pas nous y opposer en principe.
Nous n'avons jamais eu de crainte à nous présenter devant
fa Commission des transports pour faire valoir nos droits. Mais là, ce
qu'il faut bien dire, ici, c'est qu'on les soustrait complètement
à la juridiction de la commission et le contrôle de ce service,
d'administratif et quasi judiciaire qu'il était, devient strictement
politique. Je ne sais pas si je m'exprime bien.
Quand vous établissez un réseau de transport, quand vous
établissez, par exemple, un tarif pour du transport entre
Montréal et Baie-Comeau par un moyen traditionnel, vous devez tenir
compte des autres moyens alternatifs qu'il y a à votre disposition.
C'est ce qui fait que, lorsqu'un camionneur demande un tarif sur une même
route, les compagnies maritimes vont intervenir ou vice versa pour s'assurer
qu'il y ait un certain équilibre dans les tarifs de transport. C'est
là l'avantage d'avoir un seul organisme de réglementation qui est
capable de coordonner et qui devrait avoir en plus, suivant l'article 3 de la
loi, le bénéfice d'un plan directeur du gouvernement qui dit:
Ecoutez, vous allez suivre telles normes dans l'octroi des permis et vous allez
également suivre telles normes dans rétablissement des
tarifs.
A l'heure actuelle, non seulement la commission n'a pas ce plan
directeur, mais un service extrêmement vital comme celui qu'on veut
proposer on propose qu'il soit mis en vigueur complètement en
marge du contrôle de l'organisme de réglementation qui doit
tout coordonner pour que les transports, au Québec, se fassent de
façon harmonieuse. Je ne sais pas si...
M. Burns: Cela va, oui. Vous répondez à ma
question.
M. Langlois: Pardon?
M. Burns: Vous avez répondu à ma question.
M. Langlois: Merci. Vous me permettrez d'ajouter...
Le Président (M. Lafrance): Oui. Me Langlois.
M. Langlois: M. le Président, il y a un autre correctif
aussi, si vous me le permettez. Il aurait été très facile
pour le gouvernement, par arrêté en conseil, d'adopter un
règlement qui aurait autorisé la Commission des transports
à émettre précisément le permis qu'on demande.
Evidemment, l'inconvénient, nous le savons, c'est que COGEMA aurait
dû se justifier devant l'appareil judiciaire, plutôt que devant
l'appareil politique uniquement. C'est probablement pourquoi je ne le
sais pas, je le présume on choisit la voie du bill privé
plutôt que le bill public, ou la voie de tout simplement adopter un
règlement en vertu de l'article 15 de la Loi des transports pour
autoriser la commission à accorder le permis si elle le juge dans
l'intérêt public.
M. Burns: Fondamentalement, vous n'avez pas d'objection, mais
vous voulez que d'autres parties, qui auraient des choses à dire ou qui
voudraient devenir concurrentielles vis-à-vis d'un tel permis, puissent
le devenir.
M. Langlois: C'est exact. Les choses ont beaucoup changé
depuis 1973, 1974, lorsque COGEMA a fait sa première demande et obtenu
son premier permis. C'est qu'elle prétendait pouvoir fournir le service
et elle n'a pas été capable de le fournir dans les délais
qu'elle s'était elle-même également engagée à
respecter, de telle sorte que même si la Commission des transports a
jugé à propos de la convoquer de nouveau pour dire: On va vous
révoquer votre permis, nous, on vous a toujours dit que l'entreprise
traditionnelle des transports était capable, avait les capitaux voulus
pour fournir le service, et vous voyez?
M. Burns: Me Langlois, je ne voudrais pas me lancer
là-dedans, parce que ce serait, je pense, injuste pour la
société COGEMA qui n'a pas eu l'occasion de faire valoir son
point de vue jusqu'à maintenant. Peut-être qu'à ce
moment-ci, en ce qui me concerne, je me satisferai de votre réponse
à caractère beaucoup plus général et beaucoup moins
dirigé contre COGEMA.
Je pense qu'on la place dans la position un peu bête d'être
obligée de recevoir vos commentaires sans pouvoir y répondre,
alors que normalement c'est elle qui aurait dû venir défendre son
point de vue au départ, mais la commission a ainsi décidé
et on procède...
M. Langlois: C'est pour cela que j'aurais voulu intervenir
après, en toute déférence pour elle, mais
apparemment...
M. Burns: J'aurais peut-être pu, à ce moment-
là, vous poser des questions plus précises quand COGEMA
aurait eu la chance d'intervenir.
M. Langlois: Très bien.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des
Transports.
M. Mailloux: M. Langlois, vous agissez comme procureur de
l'Association des caboteurs du Saint-Laurent, et, à l'intérieur
des remarques que vous avez faites devant la commission, je retrouve un
blâme constant à l'endroit du ministre des Transports qui,
incidemment, est un ancien caboteur sur les dangers qu'apportera
à la navigation des caboteurs québécois sur le
Saint-Laurent l'arrivée d'un traversier-rail qui modifie
complètement les règles du jeu.
Vous avez fait référence à la Loi des transports,
à la volonté gouvernementale exprimée par cette loi,
à l'interdépendance des divers moyens de transport. J'aurais la
question suivante à vous poser: Au moment où la première
demande fut faite devant la Commission des transports, par des
requérants de services que je n'ai pas à nommer, vous en avez
plusieurs il y en a un qui s'est retiré en cours de route
devant la crainte que vous manifestez au nom de ceux que vous
représentez, est-ce que si le traversier-rail avait été
exploité par un des requérants de services, une des compagnies
connues dans le domaine du cabotage, compagnie québécoise, est-ce
que cela aurait changé beaucoup les dangers que vont connaître les
caboteurs, ce permis accordé à l'un de ceux qui étaient
dans cette activité?
M. Langlois: M. le ministre, j'aurais deux réponses
à vous donner, parce que votre question est en deux plans. D'abord, je
n'ai jamais blâmé le ministre des Transports en rapport avec le
projet de loi 214, parce qu'à moins que je l'aie mal lu, ce n'est pas le
ministre des Transports qui le propose, c'est une compagnie privée qui
demande à l'Assemblée nationale de lui accorder un statut
spécial, et je n'avais pas perçu que le gouvernement appuyait
nécessairement le projet de loi. En tout cas, je n'exprime pas de
blâme à l'endroit du ministre.
M. Mailloux: Mais, vous faisiez référence à
la Loi des transports votée par mon prédécesseur?
M. Langlois: Oui, qui est excellente, d'ailleurs.
M. Mailloux: Je n'ai jamais constaté à ce
moment-là, malgré le recul que j'ai dans le temps quant aux
doléances qui ont été apportées devant mon
prédécesseur, comme devant moi-même... Il en a
été longtemps question... Après le voeu exprimé par
les deux rives du Saint-Laurent de relier ces deux rives par un réseau
ferroviaire, je ne sache pas, que l'Association des caboteurs du Saint-Laurent,
en aucun moment, se soit présentée devant le ministère des
Transports pour faire connaître ses prétentions à l'effet
que, ayant vécu dans le milieu, ayant oeuvré dans un domaine
assez difficile que j'ai connu moi-même, devant les difficultés
que connaissent les caboteurs du Saint-Laurent, je ne sache pas que
l'Association des caboteurs comme telle ait sollicité l'appui
gouvernementale pour qu'elle soit privilégiée.
M. Langlois: M. le ministre, la mémoire étant une
faculté qui oublie, je me souviens très bien, quant à moi,
d'une réunion où j'ai assisté, une des rares fois
d'ailleurs où j'ai agi dans ce dossier pour l'Association des
propriétaires de navires du Saint-Laurent, au ministère des
Transports où nous avons précisément discuté de
cette question. M. Jacques Charland était présent et
vous-même, M. le ministre.
M. Mailloux: M. Charland m'informe, à moins qu'on fasse
erreur tous deux, que cette réunion était ultérieure
à la naissance des intérêts de COGEMA et à la
première demande...
M. Langlois: Peut-être, mais il n'avait pas le permis
à ce moment-là.
M. Mailloux: Oui.
M. Langlois: Par contre, j'aimerais répondre à la
question que vous avez posée tantôt, à savoir si la
situation avait été changée, si une des entreprises
groupées à l'intérieur de l'Association des
propriétaires de navires du Saint-Laurent avait obtenu le permis du
traversier-rail? La réponse est oui, il y aurait eu un changement
totalement différent parce qu'à ce moment-là ces
compagnies qui sollicitaient le permis d'un traversier-rail sont
déjà, pour la plupart, celles qui emploient le plus grand nombre
des navires de l'industrie traditionnelle actuelle. En leur assurant ce
transport, par la même occasion on assurait leur rentabilité, on
assurait leur solidité, on assurait leur expansion. Normalement,
lorsqu'on amène l'expansion d'une entreprise, loin de diminuer ses
activités, elle les augmente.
Par conséquent, en donnant ce transport à un membre de
l'industrie, c'est toute l'industrie qui en bénéficiait par
l'effet des interlocations entre navires, des affrètements, des
sous-affrètements, etc., qui se font entre membres de l'association. Ce
n'est pas parce qu'une compagnie, par exemple, comme agence maritime ou le
groupe Desgagnés, traverse les wagons de chemin de fer entre Matane
qu'elle cesse ses autres activités, peut-être moins rentables.
Elle continuerait à exister. Elle continuerait donc à fournir de
l'emploi à l'industrie maritime actuelle et l'équilibre se
referait. Les infrastructures, les équipements changeraient, mais cela
resterait à l'intérieur de l'industrie, le jeu des compensations
se ferait. Ce qui ne sera pas le cas actuellement. C'est ce qu'on dit
d'ailleurs depuis 1973.
M. Mailloux: M. Langlois, ce que j'ai voulu faire valoir devant
vous, c'est ceci et on pourra y revenir durant la séance de la
commission. L'in-
tervention qui a été faite par ceux que vous
représentez a été faite ultérieurement à la
première demande de permis. J'imagine, non pas en voulant remplacer la
décision qu'a pu rendre la Commission des transports qui est un
tribunal, que si, dans le milieu des caboteurs du temps qui sentaient
forcément des difficultés, vu les pertes de transport dans les
années précédentes, si l'Association des caboteurs comme
telle avait motivé son intention devant les instances gouvernementales,
devant tous les partis politiques, à l'effet que, comme groupe, elle se
créait en coopérative, en association, et qu'elle sollicitait un
permis devant la Commission des transports, sans vouloir remplacer les juges
qui sont à ce tribunal, j'imagine que peut-être la pression qui a
été faite par les deux rives du Saint-Laurent, par les gens du
milieu, on se serait adressé sûrement directement à des
gens qui auraient à subir le contre-coup d'un nouveau moyen de transport
à mettre en place.
Le blâme que j'adresse aux caboteurs du Saint-Laurent je le
répète, dont j'ai fait partie assez longtemps c'est de ne
pas avoir fait le nécessaire pour faire une telle union au moment
où un nouveau permis devait être mis en place. Chacun a voulu,
à ce moment-là, retirer les projets éventuels pour ses
propres intérêts et non pas pour l'intérêt de la
collectivité des caboteurs. C'est un reproche qu'on ne m'empêchera
pas de porter devant toutes les instances gouvernementales. Je prouverai
peut-être, ainsi, à certains de mes collègues, d'ici la fin
de l'étude de ce projet de loi, que je n'ai quand même pas
renié les origines de mes premières activités dans le
domaine public. On prouvera qu'il y a quand même des moyens d'aider quand
un secteur d'activité de l'économie québécoise est
en danger.
De toute façon, au moment où les demandes ont
été produites devant la commission, on s'est retrouvé
devant deux compagnies et COGEMA. Je ne sache pas qu'à ce
moment-là, quel que soit celui qui aurait été
bénéficiaire de la décision de la commission, cela aurait
empêché la concurrence que devront subir les transporteurs et les
caboteurs du Saint-Laurent.
Si les prix sont plus avantageux pour le transport des matières
premières entre la rive nord et la rive sud par bateau-rail, j'imagine
que, de toute façon, le cabotage en aurait subi le contrecoup de la
même façon, que ce soit la Société des traver-siers
du Québec qui le fasse, que ce soit une compagnie privée que vous
représentez ou que ce soit COGEMA.
De toute façon, le même mal était apporté
à des transports qui étaient déjà en place. Je
pense qu'il faudrait, quand même, que la commission soit bien
sensibilisée, au fait que ça ne change pas un iota du mal que
l'on pourrait apporter par l'intrusion d'un nouveau moyen de transport à
mettre entre les deux rives, moyen de transport sollicité ardemment par
toutes les municipalités qui ne peuvent pas se faire entendre et par les
deux rives du Saint-Laurent.
De toute façon, j'expliciterai davantage les raisons qui font que
le gouvernement, malgré des procédures judiciaires qui sont en
cause, présente un projet de loi qu'il ne me fait peut-être pas
plaisir de défendre, mais je donnerai les raisons profondes qui
sous-tendent la décision gouvernementale.
M. Burns: Est-ce que vous avez dit: Le gouvernement
présente un projet de loi?
M. Mailloux: Non, que le gouvernement appuie un projet de loi et
que je me dois de le défendre.
M. Burns: Vous appuyez le projet de loi no 280.
M. Mailloux: Exact.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Montmorency.
M. Bédard (Montmorency): M. le Président, une
simple question. Au chapitre 3, Me Langlois, vous parlez d'un investissement du
gouvernement du Québec de $18 millions. Etant donné que j'ai lu
un autre dossier, est-ce que vous pourriez me décortiquer ce montant de
$18 millions?
M. Langlois: D'abord, le chiffre en termes de répartition
géographique, c'est $8 millions à Baie-Comeau, $10 millions
à Matane pour la construction des quais, des rampes d'accès et
des parcs de stationnement pour les véhicules en question. Ce sont,
d'ailleurs, des firmes qui ont fait l'objet de preuve devant d'autres
instances. Ce sont, d'ailleurs, des firmes qui ont fait l'objet de preuve
devant d'autres instances. Ce sont des chiffres qui ont été
établis par des firmes d'ingénieurs-conseils et vous savez
très bien qu'un traversier-rail, c'est un animal maritime un peu
spécial à cause du jeu des marées à Rimouski,
à Matane, etc. Cela prend des rampes d'accès qui sont
extrêmement complexes à construire, beaucoup plus que pour les
automobiles.
M. Bédard (Montmorency): Par contre, les chiffres que vous
mentionnez là, ce sont des montants globaux. Vous n'êtes pas sans
savoir que le gouvernement fédéral fait des investissements,
collabore à ces investissements, que le CN collabore lui aussi. Vous
n'avez pas les apports de chacune de ces compagnies?
M. Langlois: A ce que je sache...
M. Bédard (Montmorency): Votre montant de $18 millions,
c'est un montant global, mais vous laissez entendre aux membres de la
commission que le gouvernement du Québec investira $18 millions. Je
pense que ce n'est pas tout à fait exact.
M. Langlois: A ce que je sache, la politique actuelle du
gouvernement fédéral le ministère des Transports
sait qu'il y a des problèmes à ce sujet ailleurs c'est que
le ministère fédéral des
Transports hésite énormément avant d'investir quoi
que ce soit dans des installations portuaires qui desservent un traversier,
pour le motif que ce sont des prolongements des routes provinciales et que, par
conséquent, cela devrait être fait par la province.
D'ailleurs, il y a un débat dans le comté de Charlevoix
même, pour la traverse de Saint-Joseph-de-la-Rive et l'Ile-aux-Coudres,
qui a retardé de plusieurs années, d'ailleurs, la
réfection du quai. On ne blâme personne, mais c'est à cause
de cette décision du fédéral de ne pas investir dans des
installations de ce genre.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Richesses
naturelles.
M. Cournoyer: Vous savez que, comme ministre des Richesses
naturelles, je suis un peu responsable de SOQUEM. Le député de
Saguenay est aux Iles-de-la-Madeleine.
On sait qu'il y a des découvertes de sel aux
Iles-de-la-Madeleine. Il ne peut pas rester aux Iles-de-la-Madeleine, on ne
pourra pas le garder là, il va falloir le transporter quelque part.
J'imagine que le plus gros acheteur serait...
M. Burns: II n'est pas allé juste pour cela
là-bas.
M. Cournoyer: Lui, le député de Saguenay, je le
laisserais là, je ne le transporterais pas. C'est une question de
transport.
M. Burns: Moi, je le ramènerais le plus vite possible.
M. Cournoyer: Moi, je le laisserais là. Je coulerais le
bateau, n'importe quel. Vous êtes chanceux de ne pas être là
pour transporter le monde.
M. Burns: Si c'était laissé à votre choix,
vous nous laisseriez tous.
M. Cournoyer: Vous, ça fait assez longtemps que vous
coulez. Mon patron.
M. Burns: Vous, ça fait longtemps que vous me mettriez
loin, loin, loin.
M. Cournoyer: Oui, oui, oui. La question que je veux poser, qui
me paraît importante lors de l'étude de cette façon de
procéder, est celle-ci. Comme membre du gouvernement, il ne peut me
paraître que je doive favoriser les caboteurs ou les propriétaires
de navires du Saint-Laurent. Disons que je pense, en termes précis, que
j'ai peut-être au-delà d'un million de tonnes de sel à
transporter sur le Saint-Laurent proprement dit, chez nous, pour consommation
locale et que je décide qu'il y va de l'intérêt du
Québec, par exemple, de favoriser, pour le transport de ce sel, les
caboteurs du Saint-Laurent, qui sont de chez nous. Quelle est la
procédure que je devrais suivre pour arriver à rendre possible
cette décision à l'intérieur des lois que nous avons?
Est-ce que ce serait une décision judiciaire ou une décision de
type politique essentiellement?
M. Langlois: Vous pourriez, je pense, vous prévaloir de
l'article 3 de la Loi des transports, dans l'établissement de votre plan
directeur des transports, en réservant certains transports à des
détenteurs de permis ou en ordonnant à la commission de suivre
des normes qui feraient en sorte que l'industrie traditionnelle du cabotage
serait favorisée. Je vais vous donner un exemple. On pourrait, comme
condition à tout octroi de nouveau permis de transport maritime, exiger
que ce soit accordé à une entreprise qui a déjà
telle capitalisation, qui est québécoise, qui a
déjà fait preuve d'expérience dans le transport, qui a
tant d'années d'expérience. Ce serait de cette façon, en
donnant des directives ou des normes à appliquer à la Commission
des transports, que vous pourriez atteindre l'objectif que vous venez de
mentionner. Du moins, c'est la recommandation que je vous ferais si on me le
demandait.
M. Cournoyer: Moi, ce n'est pas une recommandation, c'est une
opinion que je vous demandais parce que j'ai peur de vos recommandations.
M. Langlois: Vous avez peur de mes recommandations? Est-ce que
j'en ai déjà faites?
M. Cournoyer: Bien oui, parce qu'à ce moment-ci vous
recommandez au gouvernement de ne pas adopter cette loi et le gouvernement a
décidé de l'adopter.
M. Burns: Vous ne faites pas référence à la
dernière négociation dans la fonction publique, là?
M. Cournoyer: Non, non. Celle-là, je ne l'ai pas connue;
il est parti quand je suis arrivé.
M. Langlois: Ne rappelez pas les mauvais souvenirs.
M. Cournoyer: II a laissé quand je suis arrivé.
M. Langlois: Pas de mauvais souvenirs, s'il vous plaît!
M. Cournoyer: Voyez-vous? Ce sont de mauvais souvenirs pour lui.
Il ne m'a pas connu.
M. Burns: Je ne sais pas s'il se référait à
votre arrivée.
M. Cournoyer: C'est surtout à mon arrivée. Oui, je
suis sûr.
Je pose la question à M. Langlois. C'est strictement parce
qu'à un moment donné vous indiquez qu'il s'agit d'une
décision d'ordre politique, essentiellement. Je peux déterminer,
par la même décision, que ce sera telle entreprise ou tel genre
d'entreprise, et par le genre de l'entreprise je peux
définir laquelle; on comprend cela. On peut déterminer
qu'il faut un bateau de six pieds de longueur, peint en rouge, avec trois
lettres arrangées de telle manière sur le devant.
M. Langlois: Non, monsieur.
M. Cournoyer: Bien oui, c'est la spécification.
M. Langlois: Vous ne pouvez pas le faire.
M. Cournoyer: Pardon? Comme ministre, je ne peux pas faire
cela?
M. Langlois: Non, monsieur, parce que vous n'avez pas le droit
d'exercer de façon discriminatoire des pouvoirs qui vous sont
donnés par l'Assemblée nationale.
M. Cournoyer: Ce n'est pas discriminatoire de dire, par exemple,
que je voudrais que le bateau qui est là porte un nom composé de
six lettres dont la première serait un N et la dernière un E. Ce
n'est pas discriminatoire, cela. Et dans l'ordre que vous voulez. Ce n'est pas
discriminatoire.
M. Langlois: M. le ministre, on pourrait donner plusieurs
exemples. C'est comme dans les soumissions publiques. On peut détruire
le système de soumissions publiques également...
M. Cournoyer: Oui.
M. Langlois: ... en disant: Vous allez satisfaire à telles
normes et il y a seulement une compagnie qui peut les respecter.
M. Cournoyer: Je le sais, j'ai vu cela.
M. Langlois: Mais ce n'était pas l'esprit de
l'Assemblée nationale en adoptant la Loi des transports en 1972.
M. Cournoyer: D'accord, mais comment pouvez-vous m'expliquer, M.
Langlois, qu'il est possible de dire que ce doivent être des gens du
Québec qui aient la "job" comme cela, qui ont une existence dans
l'industrie, qui ont aussi un investissement dans l'industrie de telle nature
et ne pas être discriminatoire vis-à-vis de ceux qui ne
répondent pas aux conditions que je détermine?
M. Langlois: Le concept de discrimination que je soulève,
c'est le concept juridique et non pas le concept du dictionnaire. C'est lorsque
ça vise spécifiquement un individu à son profit et au
détriment de l'ensemble.
M. Cournoyer: Ah oui!
M. Langlois: Si ça vise ce que j'appellerais une
catégorie de personnes de façon générale,
là, c'est parfaitement légal. D'ailleurs, vous l'avez
déjà fait, le gouvernement, dans votre règlement
générai sur la câblodistribution qui est adopté aux
termes de la Loi du ministère des Communications. On ne permet pas
à la Régie des services publics d'accorder un permis de
câble à d'autres qu'à des personnes qui satisfont à
certaines normes telles que des normes de propriété, des normes
de contrôle, etc.
M. Cournoyer: M. le Président, moi, tout ce que je voulais
savoir de M. Langlois, c'est comment je ferais pour accorder un contrat de
transport de sel à l'Association des caboteurs. Je m'aperçois que
cela va être difficile.
M. Langlois: Un contrat de transport, c'est différent, M.
le ministre.
M. Cournoyer: Pour l'acheter.
M. Langlois: C'est différent, accorder un contrat. Tout ce
que l'association vous demande, c'est qu'on suive donc la Loi des transports de
1972. Qu'on adopte donc un plan directeur de transport. Qu'on le discute entre
l'entreprise de transport, les usagers du transport et le gouvernement; qu'on
essaie d'arriver à un plan global qui soit intégré, qui
tienne compte des transports ferroviaires, des transports par camionnage et du
transport maritime. Je ne blâme pas le gouvernement là-dessus.
Cela n'a pas été fait.
M. Mailloux: M. Langlois, vous ne viendrez pas me faire croire
qu'avant que la demande vienne devant la Commission des transports pour la
première fois, l'Association des caboteurs du Saint-Laurent
n'était pas bien sensibilisée aux moyens de transport
supplémentaires que le gouvernement désirait mettre en place,
suivant la volonté exprimée dans le milieu. Je pense que tous les
caboteurs du Saint-Laurent étaient très bien
éclairés à ce sujet. Grâce aux requérants qui
se sont présentés devant la commission, j'imagine qu'ils
viennent de votre propre milieu, que vous défendez, tout le monde
était sensibilisé au geste que s'apprêtait à poser
le gouvernement ou au geste que s'apprêtait à appuyer le
gouvernement. Je pense que tout le monde était très
sensibilisé à cette politique. Qu'il n'y ait pas eu de livre
blanc ou de livre vert public, je pense que c'était une position qui
était connue de tout le milieu.
M. Langlois: M. le ministre, tantôt, vous avez fait
l'historique de ces permis. Je pense que l'historique va plus loin que celui
que vous avez donné. Le premier permis de traversier-rail qui a
été demandé ne l'a pas été par COGEMA ni par
un membre de l'association. Il a été demandé par un
expéditeur de richesses naturelles sur la Côte-Nord du
Saint-Laurent. D'ailleurs, l'Association des propriétaires de navires du
Saint-Laurent est intervenue à ce sujet, non pas pour s'opposer, mais
pour demander à la commission de confier ce transport à
l'association. Pour des raisons qu'on ignore, finalement, cette affaire a
été rejetée ou retirée, je ne m'en souviens pas.
Ensuite, la deuxième personne qui a demandé le permis, c'est
un membre de l'association, ce n'est pas COGEMA. C'est Agence maritime
qui a été le premier à déposer sa demande de
permis; ensuite, les autres sont venus, et le débat s'est engagé
à ce moment. De façon constante, à chaque assemblée
générale annuelle de l'association, à chaque année,
les gouvernements ont reçu des mémoires de l'association
où on a demandé au gouvernement d'annoncer sa politique de
transport maritime et de dire de quelle façon il allait venir en aide
à l'industrie du cabotage québécois. On n'a pas eu de
réponse.
M. Mailloux: M. Langlois, dans les remarques que j'ai faites,
tantôt, quand j'ai dit que les demandes faites devant la commission
n'étaient pas venues des caboteurs comme groupe, comme requérants
de services, individuellement, je ne faisais pas allusion à la
discussion dont vous parlez relativement au transport de minerai dont j'ai
été complètement absent et qui n'est jamais venue à
ma connaissance.
Je fais allusion à la possibilité exprimée
publiquement, largement dans les media d'information d'implanter un service de
traversier-rail entre la rive nord et la rive sud du Saint-Laurent, au
problème en question.
M. Langlois: Le premier permis qui a été
demandé, M. le ministre, était un permis de transport de papier,
entre autres, par chemin de fer, entre Matane, Baie-Comeau et Port-Cartier, si
ma mémoire est fidèle. Il était demandé par une
filiale de Québec Cartier Mining. C'est à cela que je me
réfère. C'est exactement le même permis puis c'est avec le
même bateau, le SS Grand Rapids. J'étais avocat au dossier pour
les intervenants, non pas pour celui qui demandait le permis.
M. Mailloux: M. le Président, étant donné
qu'il est midi vingt-cinq et que je dois être quelque part dans cinq
minutes, est-ce qu'on pourrait suspendre?
Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses
travaux jusqu'à seize heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 24)
Reprise de la séance à 16 h 45
Injonction provisoire
M. Lafrance (président de la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs!
Alors, nous reprenons les travaux de la commission parlementaire
permanente des transports, des travaux publics et de l'approvisionnement sur le
projet de loi no 214. J'ai été informé, comme un grand
nombre des membres de cette commission, qu'un jugement d'injonction provisoire
a été prononcé, ce matin, à la demande de Rail
& Water Terminal of Montreal Ltd et les Chargeurs Unis Inc. et qui a trait
au projet de loi no 214, qui nous a été
déféré par l'Assemblée nationale pour
étude.
La requête soumise à la cour visait la Compagnie de gestion
de Matane Inc. et M. Marc-Yvan Côté, en sa qualité de
membre de l'Assemblée nationale et parrain du projet de loi privé
no 214.
Toutefois, le jugement d'injonction ne vise, dans ses conclusions que
les gestes qui pourraient être posés par la Compagnie de gestion
de Matane Inc., ses employés, agents et mandataires, même si, au
départ, nous a-t-on communiqué, un des membres de
l'Assemblée nationale était désigné comme
intimé.
Mais peu importe les conclusions du jugement d'injonction, je voudrais,
dans le but d'assurer la bonne marche de nos travaux parlementaires, affirmer
la souveraineté du pouvoir législatif par rapport à tout
autre pouvoir particulier s'exer-çant dans l'Etat.
Pour ce faire, vous me permettrez de citer de larges extraits d'une
décision qui a été rendue la semaine dernière par
un de mes collègues, à titre de président d'une commission
parlementaire, alors que le principe de la souveraineté du Parlement
était mis en cause. Je cite: "La question que je dois décider, en
est une des plus importantes, étant donné qu'elle touche à
la souveraineté du pouvoir législatif. Permettez-moi de citer, en
l'appliquant à notre situation, Gladstone dans le North American Review,
1878, rapporté dans Beau-chesne, quatrième édition, page
7: "(Un principe capital de la constitution anglaise moderne) veut que la
Chambre des communes soit le plus grand des pouvoirs de l'Etat. La Chambre des
communes l'emporte et de beaucoup par la force de ses attributs politiques sur
tout autre pouvoir particulier s'exerçant dans l'Etat." "En un mot, le
pouvoir législatif est supérieur au pouvoir exécutif, en
vertu du principe de la responsabilité ministérielle et du
pouvoir judiciaire. Je voudrais citer brièvement May, seizième
édition, page 28, Parliamentary Practice: "The Constitution has assigned
no limits to the authority of Parliament over all matters and persons within
its jurisdiction. A Law may be unjust and contrary to sound principles of
Government; but Parliament is not controlled in its discretion... To adopt the
words of Sir Edward Coke, the power of Parliament is so Coke, c'est
parent avec Coca-
Cola! transcendent and absolute as it cannot be confined either
for causes or persons within any bounds." "Il est reconnu que le Parlement ne
peut se substituer directement à un tribunal pour juger au fond le
litige devant la cour à savoir qui a raison en l'occurrence entre
Rimouski-Est et Rimouski dans la cause même qui est devant le tribunal.
Ce n'est pas ce que le Parlement entend faire. S'il se mêle de cette
affaire, il le fait à un autre niveau en vertu de ses pouvoirs
souverains et absolus de légiférer et ce n'est que par incidence
qu'il mettrait fin à un procès. "Egalement, il est
intéressant de citer de nouveau May, même édition, page
400, où il est dit qu'on ne peut discuter d'une matière qui est
devant une cour pour décision par le biais d'une motion et non plus par
une question mais que cette règle ne s'applique pas pour les projets de
loi, déduction normale et logique du pouvoir absolu du Parlement de
légiférer."
En ce qui concerne plus particulièrement le cas de notre
collègue, Marc-Yvan Côté, vous me permettez de citer
l'article 67 de la Loi de la Législature, qui est l'article-clé
qui consacre le principe de l'immunité absolue dont jouissent tous les
députés de l'Assemblée nationale.
Je cite l'article 67: "Nul député n'est sujet à une
action, à une arrestation, ou à un emprisonnement, ou à
des dommages-intérêts en raison d'une matière ou chose par
lui présentée par pétition, projet de loi,
résolution, proposition ou autrement à l'Assemblée
nationale ou à une de ses commissions ou en raison de paroles par lui
prononcées devant cette Assemblée ou une de ses commissions. Le
fait d'intenter une telle action, de procurer ou opérer une telle
arrestation ou un tel emprisonnement et d'adjuger des
dommages-intérêts est considéré comme une violation
des dispositions du présent paragraphe."
Enfin, en ce qui concerne la portée du jugement d'injonction
relativement à une partie qui n'est pas membre de l'Assemblée
nationale, soit, dans le présent cas, la Compagnie de gestion de Matane
Inc., il ne m'appartient pas de statuer sur son implication quant aux
privilèges de la Chambre ou d'une de ses commissions.
Si, cependant, cette commission juge utile ou nécessaire
d'entendre des témoins dans le but de faire progresser ses travaux
parlementaires, je devrai constater qu'elle a les pouvoirs qui lui sont
conférés par la Loi de la législature, par les articles
63, 64 et 91 qui nous régissent et je vous les cite:
Article 63. L'Assemblée nationale peut assigner et contraindre
toute personne à comparaître devant elle ou une de ses
commissions, ou à y produire toute pièce qu'elle juge
nécessaire à ses actes ou délibérations.
Article 64. Nulle personne n'est passible de
dommages-intérêts, ou n'est sujette à aucun autre recours
à raison d'actes accomplis sous l'autorité de l'Assemblée
nationale agissant dans les mesures de ses pouvoirs.
Article 91. Toute commission de l'Assemblée nationale,
siégeant dans l'exercice de ses fonctions, peut interroger les
témoins sous serment sur toute matière relative à
l'affaire dont elle est saisie.
Messieurs, nous sommes prêts à continuer à entendre
les auditions, après cette mise au point. Y a-t-il des membres de la
commission qui ont des questions?
M. Mailloux: Reste-t-il un ou deux mémoires?
M. Burns: Je veux tout simplement dire, sans vouloir de
façon très élaborée commenter la décision
que vous avez prise en vous appuyant sur un certain nombre de
précédents, que, s'il y a une chose qui me saute aux yeux dans
votre décision et avec laquelle je suis entièrement d'accord,
c'est la possibilité pour le député de Matane de parler et
surtout le fait qu'aucun tribunal ne devrait venir lui dire qu'il n'a pas
d'affaire à s'en mêler, même si je ne fais pas partie du
même parti politique que lui, et même si ce qu'il peut dire...
M. Côté: On ne sait jamais. Vous pouvez
peut-être revenir à de bons sentiments!
M. Burns: Avez-vous des choses à m'annoncer? Venez-vous
chez nous? Pendant que je vous donne un coup de main, ne commencez pas...
Même si le député de Matane a le droit d'avoir des opinions
différentes des miennes, je suis de ceux qui pensent qu'il doit avoir
ses coudées franches à l'Assemblée nationale, il doit
avoir aussi la possibilité de présenter son projet de loi.
En tout cas, en ce qui me concerne et ce qui concerne l'Opposition, il
n'y aura sûrement pas, par rapport à votre décision, M. le
Président, la moindre réticence. Quant à l'ensemble de la
décision, je tiens à vous dire que je préfère
réserver mon opinion, mais quant au rôle que le
député de Matane doit jouer à cette commission, pour moi,
c'est sans aucune ambiguïté. Il doit exprimer ce qu'il
désire exprimer et je pense qu'il n'y a aucun jugement de cour qui
puisse l'empêcher de le faire, parce que c'est dans le cadre de ses
fonctions.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre des
Transports.
M. Mailloux: M. le Président, je souscris aux paroles que
vient de prononcer le député de Maisonneuve quant à la
possibilité qu'aurait sans aucun doute le député de Matane
de participer à l'étude du projet de loi qu'il soumet
lui-même à l'attention de cette commission.
Nous nous sommes par contre entendus de manière qu'il soit
possible que la commission accepte qu'on entende les parties qui doivent se
faire entendre et qui ont le pouvoir de le faire. Par la suite, j'apporterai
quelques éclaircissements sur l'appui qu'accorde le gouvernement
à ce projet de loi, les raisons que nous invoquons à l'appui du
projet de loi. Je sais que mon collègue de Matane voudra sûrement
se faire entendre si le projet de
loi se rendait en deuxième lecture, de manière à
pouvoir énoncer à ce moment-là les raisons pour lesquelles
il a amené ce projet de loi en Chambre.
M. Burns: D'après ce que le ministre des Transports vient
de nous énoncer, qu'il me soit permis de vous dire que le
problème serait peut-être tout autre si on parlait d'un projet de
loi public. C'est évident que le projet de loi public ne peut pas
être rédigé dans la forme actuelle du projet de loi no 214,
et ce n'est pas dans le but d'enlever au député de Matane quelque
crédit que ce soit de soumettre un projet de loi à
caractère privé. Mais c'est là-dessus que j'ai un certain
nombre de réticences au point de vue de l'examen de la jurisprudence. Il
semble que si le gouvernement, d'une part, comme le ministre le disait ce
matin, endosse entièrement le projet de loi, d'autre part, s'il y a des
difficultés à caractère juridique, on peut citer un
certain nombre de causes, mais il y en a une qui est peut-être plus
proche de nous, qui a été citée dans le cas de l'affaire
Dasken à Hull, c'est l'affaire de Berthiaume-Dutremblay.
M. Burns: Or, je pense que les principes qui ont
été tant discutés dans cette cause, énoncés
ici à l'Assemblée nationale, dans l'affaire Dasken, pourraient
inciter le gouvernement à dire s'il appuie complètement le projet
de loi. Il faudra peut-être qu'il en fasse un projet de loi public. Si
tel est le cas, à ce moment, il y a une tout autre façon
d'approcher la législation que cela. Pour le moment, je ne vais pas plus
loin que cela, et, encore une fois, ce n'est pas dans le but d'enlever au
député de Matane tout le crédit qu'il peut avoir d'avoir
présenté un projet de loi, si crédit il y a. Je pense
simplement qu'à partir de ce moment, il faut véritablement
examiner l'ensemble de la situation. C'est pour cela que je demeure, autant
que, ce matin je l'énonçais au nom du député de
Saguenay, tout à fait ouvert à entendre les parties
concernées là-dessus.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Matane.
M. Côté: J'aimerais d'abord vous dire que c'est
à titre de député de Matane, et non comme mandataire de
COGEMA, que je prends la parole et ce sera très bref. C'est simplement
pour vous dire que je souscris à votre décision et à celle
du député de Maisonneuve. Je vous dis merci de me permettre de
pouvoir exercer librement mon droit de parole en ce qui concerne un projet de
développement aussi important pour le comté de Matane. Je n'ai
pas besoin de vous dire que je suis entièrement d'accord avec votre
décision et que je prendrai mon droit de parole.
Le Président (M. Lafrance): Je vous remercie. Ce matin,
nous avions entendu Me Raynold Langlois, et je crois que les membres de la
commission ont fini de l'interroger. Si je ne m'abuse, M.
Yvan Desgagnés, président de l'Association des
propriétaires de navires du Saint-Laurent, a demandé de se faire
entendre.
Non, M. Sylvio Thibault?
Non plus.
M. Guy Vaillancourt?
M. Vaillancourt: Non plus.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre des Transports
avait des commentaires à faire?
M. Mailloux: On me permettra d'indiquer, durant quelques minutes,
les raisons profondes pour lesquelles le ministère des Transports,
après plusieurs mois de discussions, pour ne pas dire davantage, a
décidé d'appuyer le projet de loi privé qui est devant ce
comité. La Commission des transports du Québec a indubitablement
reconnu que le projet de loi COGEMA servait au mieux les intérêts
publics, puisque, après une longue audition, elle lui a accordé
un permis. Le critère de la commission pour accorder un permis est
précisément celui de l'intérêt public.
Quant au permis qui a été accordé par la Commission
des transports à COGEMA, malgré certains sous-entendus qu'ont pu
laisser planer certains media d'information, je voudrais préciser
immédiatement la position du ministère des Transports qui, en
aucune façon, n'a fait de représentation directe ou indirecte
lorsque la cause a été soumise à la commission des
Transports. Je ne nie pas cependant qu'avant que cette cause soit entendue, il
était ressorti clairement à l'attention du public, de la presse,
que le gouvernement, par l'Office de planification, par les voeux
exprimés dans le milieu politique gouvernemental qui prônait de
relier la rive nord du Saint-Laurent à la rive sud du Saint-Laurent.
L'on se rappelle les nombreux mémoires, les nombreuses prises de
position de la très grande majorité des municipalités des
deux rives du Saint-Laurent, disons des deux rives du Saint-Laurent
reliées d'assez près à la desserte possible, on peut
parler de Baie-Comeau, Hauterive, même Port-Cartier, Sept-lles et des
régions proprement dites du comté de Matane. Je pense qu'il y a
eu un appui indirect de la population, qui a été peut-être
assez senti par la Commission des transports. Il ressort toutefois qu'il aurait
été difficile que, forte de cet appui, COGEMA, contre des
requérants qui venaient de l'industrie privée, n'ait pas eu entre
les mains devant la commission des armes qui militaient en sa faveur devant
l'audition qu'a tenue la Commission des transports. Chaque fois que l'action
gouvernementale dans la province a vu, dans un milieu donné, les gens du
milieu souscrire des fonds, faire une association qui rejoignait les principaux
intérêts de collectivités données, on a vu
intervenir le gouvernement, sans qu'il clarifie de manière automatique
certaines politiques. Qu'on se rappelle ce qui s'est produit sur la rive nord
du Saint-Laurent dans le même comté, Saguenay, dans le
problème de SAMOCO; qu'on se rappelle les tentatives d'implantation
d'une cartonnerie à Cabano.
Chaque fois qu'il y a eu un effort dans le milieu, le gouvernement se
devait d'appuyer cet effort pour tâcher d'avoir de meilleurs services ou
de développer les richesses naturelles d'un milieu donné.
Que ceci ait pu être un actif supplémentaire dont jouissait
COGEMA, dans mon esprit de législateur, cela ne fait aucun doute. Je
voudrais préciser que jamais, de quelque façon que ce soit,
durant cette décision, le gouvernement n'est intervenu d'aucune
façon.
Il faudrait peut-être ajouter immédiatement que le
gouvernement avait annoncé une intention assez bien arrêtée
de voir une région, qui est celle de la Côte-Nord, les
comtés de Saguenay et Duplessis, qui ne bénéficie pas, en
raison de la géographie spéciale de ce coin de pays, de tous les
moyens de transport possibles, de faire en sorte qu'un nouveau service de
transport soit mis à sa disposition, ce qui aurait une tendance possible
à réduire les coûts connus jusqu'à maintenant.
Il est indiscutable qu'au moment où un nouveau service est
établi, dont les coûts peuvent être plus réduits que
les coûts des transports actuellement connus, cela a un impact direct sur
les moyens de transport dont la Côte-Nord disposait. Je ne pense pas que,
dans l'optique du gouvernement, il était possible, devant le
progrès qui s'annonçait et un transport supplémentaire,
que le gouvernement se devait, dans la préparation que l'Office de
planification du Québec avait faite, que le ministère des
Transports se devait de pénaliser une région qui ne
bénéficiait pas des taux dont bénéficient d'autres
régions du Québec.
M. Burns: M. le ministre, me permettez-vous d'intervenir? Je ne
veux pas vous empêcher de continuer dans cette ligne. Je veux simplement
vous demander si vous considérez qu'il est normal que vous soyez
actuellement en train de plaider le mérite du dossier, alors que le
mérite, aux yeux du requérant, ne nous a même pas
été exposé.
Je ne veux pas vous empêcher de faire valoir tous les points' de
vue d'une région que vous connaissez beaucoup mieux que moi, je
l'admets, mais je me demande si, à ce moment-ci, on n'est pas encore
poigné, si vous me passez l'expression, avec le problème formel
et si on ne devrait pas, d'abord, régler le problème formel et
ensuite régler le problème de fond, le problème de
mérite du dossier.
Avec toute l'honnêteté que je lui reconnais, le ministre
est en train de plaider en faveur du dossier. C'est un projet de loi
privé. Si le ministre veut en faire un projet de loi à
caractère public, je n'ai pas d'objection, je l'ai dit ce matin. Et
même la partie opposante n'a pas d'objection, je pense, parce qu'elle va
savoir exactement à quoi s'en tenir à ce moment. Nous avons un
projet de loi qui est une loi à caractère privé, où
le requérant n'a pas encore été entendu, où le
requérant se fait ordonner, parce que, et là je remercie les
représentants du ministère de m'avoir fourni une copie de
l'injonction, c'est la première fois que je la vois, mais où vous
avez...
Il n'y a pas de "Euh!" C'est quoi "Euh!?"
M. Cournoyer: Oui, je comprends.
M. Burns: C'est parce qu'on a déjà travaillé
ensemble.
M. Cournoyer: Vous avez des doutes sur l'intensité du
euh!
M. Burns: Je sais exactement ce que veulent dire vos euh! Je sais
très bien ce que cela veut dire. Nous avons fait quelques petits voyages
ensemble.
M. Cournoyer: Oui. Il ne veut pas de chicane...
M. Bédard (Montmorency): Tranquilles, les avocats!
M. Burns: Je parle des voyages parlementaires. Je veux tout
simplement dire que je suis quand même accroché au problème
qui, sous la signature de M. le juge Côté... sans aucune relation
avec le député de même nom, j'imagine?
M. Côté: Aucune, j'espère bien. M. Tardif: II
l'appelle: Mon oncle!
M. Burns: Soyons sérieux deux secondes, malgré que
le ministre des Richesses naturelles essaie de tout faire pour qu'on ne le soit
pas, mais je pense que c'est un problème sérieux.
Quand vous avez des individus, des compagnies, des corporations qui se
font dire, par un jugement de cour, qu'ils doivent cesser d'entreprendre toutes
les mesures en vue de la présentation de leur projet de loi, ils doivent
cesser d'intervenir en vue de l'adoption de ce projet de loi. J'admets
là-dessus, je maintiens, comme je le disais tout à l'heure, votre
décision... Je pense que vous avez parfaitement raison, même de
par le jugement de cour, que le député de Matane n'est même
pas visé par ça. On a exclu le député de Matane
carrément, même si dans la requête il était
inclus.
Mais il reste quand même une chose. C'est que je sais que nous,
comme parlementaires, nous avons une immunité qui, de par la Loi de la
Législature, nous protège à l'endroit de ces choses. Je
sais que les journalistes, qui rapportent nos propose, ont également, de
par la Loi de la presse, cette immunité. Est-ce que les parties, qui
sont concernées, entre autres, celles qui sont visées par
l'injonction, ont cette même immunité? J'en doute,
personnellement.
Deuxièmement, c'est ça que je me demande, si on ne devrait
pas régler ça avant, pour ensuite passer à la
décision de savoir si on va entendre COGEMA et les autres groupes avant
de s'attaquer au mérite même du projet de loi. Je dois vous dire
que c'est un projet de loi dont le mérite me paraît ambigu. Si
c'était un projet de loi public, il aurait une toute autre forme que
celle-ci. Si cela demeure un projet de loi privé, à ce
moment-là, je me pose des questions à caractère formel
là-dessus, tout simplement.
Est-ce qu'on a loin de moi l'intention d'arrêter le
ministre des Transports dans son exposé... Mais moi, je ne me sens pas
capable, actuellement, de discuter du fond, du mérite du projet de loi
tant qu'on n'aura pas vidé les problèmes à
caractère purement formel.
M. Cournoyer: Bon. Alors, si je comprends bien, M. le
Président, le caractère formel que vous voudriez vider avant,
c'est le droit des personnes qui ont été...
M. Burns: Entre autres.
M. Cournoyer: ... enjointes d'en trop parler...
M. Burns: Entre autres.
M. Cournoyer: En premier, sans savoir qu'est-ce qu'ils pourraient
dire...
M. Burns: Oui. Ce serait la première chose...
M. Cournoyer: ... est-ce qu'ils ont le droit de parler ici,
devant cette commission, malgré...
M. Burns: C'est ça.
M. Cournoyer: ... l'injonction...
M. Burns: C'est ça.
M. Cournoyer: ... qui les empêche de le faire?
M. Burns: C'est ça. Cela est une question qu'il faudrait
peut-être se poser.
M. Cournoyer: Oui.
M. Burns: Et je pense que moi, comme parlementaire qui n'est pas
dans le secret des dieux, je ne siège pas au cabinet des ministres, en
tout cas jusqu'aux prochaines élections... Est-ce qu'il y a des gens qui
en doutent?
M. Tetley: Pas de commentaire.
M. Cournoyer: M. le Président, de mon côté,
avec tout le respect que je dois à la commission et surtout aux
tribunaux, la question étant de l'importance que nous pouvons lui
reconnaître à ce moment-ci, vu l'intervention fort opportune du
député de Maisonneuve, il nous appartiendra de vérifier au
moins, vu la différence d'approche que nous avions décidé
de prendre, mais comme je suis très soucieux de l'opinion du
député de Maisonneuve sur la procédure, pas sur le fond,
il me semble que nous pourrions au moins faire une vérification rapide
de la capacité des témoins, quitte à décider, par
après, si nous voulons ou non les entendre comme commission.
M. Burns: Mais moi...
M. Cournoyer: II est fort possible que tout en ayant
déterminé leur capacité, nous discutions après de
l'opportunité de les entendre et cela on peut être en
désaccord avec vous.
M. Burns: M. le Président, vous pouvez être en
désaccord avec moi là-dessus mais je vais vous dire que je vais
et ma tendance normale ce serait de demander aux requérants de venir
nous exposer leurs points de vue. Ecoutez, c'est un minimum. Je n'ai jamais vu,
depuis bientôt six ans que je suis à l'Assemblée nationale,
de requérants qui voyaient leurs projets de loi étudiés
par une commission, lorsqu'il s'agit d'un projet de loi privé, sans
qu'ils viennent nous exposer leurs points de vue. Par contre, je suis soucieux
aussi, autant que vous, des droits de ces personnes et je ne veux pas non plus
qu'on les mette dans un pétrin, si pétrin il y a.
Je voudrais tout au moins qu'on clarifie cette position et
là-dessus je pense que le ministre me donne particulièrement
raison, sur le plan formel, même si, d'avance...
M. Cournoyer: Je suis d'accord avec vous qu'ils devraient avoir
le droit de parler.
M. Burns: Oui, oui.
M. Cournoyer: Peut-être que vous ne l'avez pas dit, moi, je
le dis.
M. Burns: Bien moi, je pense que oui. Mais...
M. Cournoyer: Maintenant, comme je ne suis pas plus juriste qu'il
ne le faut...
M. Burns: ... en vous disant que je vais exiger tôt ou tard
qu'ils viennent parler, c'est que je pense qu'ils devraient avoir le droit de
parler.
Il faudrait quand même qu'on établisse cela avant d'entrer
au mérite. Ce n'est pas une critique à l'endroit des remarques
que s'apprêtait à faire le ministre des Transports. C'est
uniquement le fait de savoir où on s'en va avec un projet de loi comme
celui-là, et ce qu'on fait avec les gens qui se sont
déplacés pour venir nous dire ce qu'ils en pensaient. C'est ce
qui me préoccupe actuellement.
M. Mailloux: Je ne sais pas si le député de
Maisonneuve serait satisfait s'il entendait celui qui a proposé le
projet de loi et non le requérant?
M. Burns: Non, je ne serais pas satisfait.
M. Côté: Est-ce que vous avez peur de recevoir une
réponse à vos questions?
M. Burns: Non.
M. Cournoyer: Je tiens à vous dire une chose.
M. Burns: Je ne diminue en rien le mérite du
député de Matane.
M. Cournoyer: Je suis convaincu de cela.
M. Burns: Je me souviens très bien d'avoir
présenté un projet de loi privé à
l'Assemblée nationale où j'avais été tout
simplement un véhicule pour l'amener. N'oubliez pas que vous avez une
responsabilité et je félicite le député de Matane
de l'avoir amené. On a tous une responsabilité d'amener un projet
de loi privé devant l'Assemblée nationale, cette
responsabilité est simple, c'est qu'il n'y a qu'un député
qui peut parrainer un projet de loi. Je me rappelle d'avoir parrainé un
projet de loi où je n'étais même pas certain d'être
d'accord avec le principe. Mais, dans une espèce de désir de
permettre aux gens de s'exprimer, j'avais accepté de parrainer ce projet
de loi. Je ne sais pas si c'est cela. De toute façon, je sais fort bien
que le député qui parraine un projet de loi n'est sûrement
pas le meilleur témoin, à l'occasion de la discussion, du projet
de loi lui-même. C'est mon humble opinion. C'est pour cela que je ne me
satisferais pas, en ce qui me concerne, de la simple opinion du
député de Matane. Il me semble qu'il faudrait qu'on entende au
moins la requérante.
Je n'ai pas senti que, dans votre décision, M. le
Président, vous en aviez tenu compte. Dois-je maintenant me dire qu'il
ne faut pas, parce que vous n'aviez pas touché cet aspect de la
décision, pour moi, penser qu'un jour je vais entendre la
société COGEMA? Cela me déprimerait très
sérieusement. Je vous avoue que cela m'inciterait peut-être
à avoir un certain nombre de réticences à l'adoption du
projet de loi au niveau de la deuxième lecture, si je ne suis pas
capable, à la suite de notre demande précise en Chambre,
d'entendre les parties concernées. Je vous avoue que cela
m'inquiéterait d'adopter le principe d'un projet de loi comme
celui-là, sans avoir entendu tout au moins les parties. La règle
audi alteram partem existe ici aussi. Elle existe particulièrement dans
le domaine des projets de loi privés.
M. Cournoyer: Le problème c'est que vous avez entendu
l'autre partie et vous n'avez pas entendu la partie.
M. Burns: Moi, je n'ai entendu personne, imaginez-vous.
M. Cournoyer: Vous avez entendu l'autre partie, ceux qui
s'objectaient.
M. Burns: Oui, je l'ai entendue. Partiellement d'ailleurs.
M. Cournoyer: Audies alteram partem.
M. Burns: J'ai entendu et j'en ai fait la remarque ce matin quand
Me Langlois a parlé. J'ai entendu M. Langlois dans une forme où
sans doute lui-même n'est pas satisfait d'être intervenu. Je ne
prends pas position pour M. Langlois et son client ou ses clients. Je dis tout
simplement que ce n'est pas normal de fonctionner comme cela. Si on doit
prendre 24 heures pour repenser au problème, qu'on les prenne. A moins
qu'on me dise que ce projet de loi doit être adopté article par
article d'ici 11 heures ce soir, et que, sans cela, il y a tout le
Québec qui va être chambardé, cul par dessus tête. Si
vous me convainquez de cela, je vais faire des efforts incroyables pour essayer
de voir à ce que le projet de loi soit adopté. Je ne ferai pas
d'efforts incroyables pour outrepasser un certain nombre de principes que je
considère nécessaires dans l'adoption d'un projet de loi, que je
considère, entre autres, nécessaires dans le propre
intérêt de la démocratie, de tenir compte de l'existence
d'un des trois pouvoirs de la démocratie, c'est-à-dire le pouvoir
judiciaire. Je ne me prononce pas sur le mérite, c'est pour cela que je
suis intervenu dans ce que le ministre disait. Pas dans le sens que je
n'étais pas d'accord avec ce qu'il disait, c'est tout simplement qu'il y
a, à mon avis, quelque chose de faux dans la façon d'approcher le
problème actuellement.
S'il y a quelque chose de faux, à moins que les parties nous
disent qu'elles ne seront pas disponibles demain, il me semble qu'on pourrait
peut-être prendre 24 heures pour y songer, si on n'est pas sûr
exactement où on s'en va, qui peut intervenir, comment le gouvernement
réagit à cet égard, comment la législature comme
telle peut protéger, parce qu'il y a aussi de cela, les gens qui sont
visés par une injonction, que moi, éventuellement, je verrais
comme des gens qui devraient témoigner. Je ne serai pas satisfait si ce
n'est pas comme cela. Je suis content que le député de
Louis-Hébert arrive, il va nous aider de ses lumières juridiques,
mais on a un problème qui est particulièrement délicat
pour le moins, et je comprends le gouvernement là-dessus. Je ne
blâme pas le ministre d'être prudent, je comprends le gouvernement
d'être prudent, mais vous allez comprendre aussi l'Opposition
d'être prudente. Moi, vous ne me ferez pas avaler n'importe quoi, parce
que c'est important et parce que c'est pressé; je veux que tout cela se
fasse avec toute la sérénité normale qu'un projet de loi
exige.
M. Cournoyer: M. le Président, je reconnais les scrupules
parlementaires normaux du député de Maisonneuve, je les reconnais
comme normaux dans ce sens-là, étant donné que nous
n'avions pas prévu procéder de cette façon. Je demanderais
une suspension de quelques minutes pour que je discute avec le leader
parlementaire sur la nouvelle attitude que nous devrions prendre; en ce sens,
je pense bien que je peux revenir dans quelques minutes avec une
décision gouvernementale.
M. Burns: Très raisonnable.
Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 17 h 30.
(Suspension de la séance à 17 h 17)
Reprise de la séance à 17 h 50
Le Président (M. Lafrance): Après les
éclaircissements du Saint-Esprit, est-ce qu'il y a des membres de la
commission qui veulent s'exprimer?
M. Cournoyer: Bien, M. le Président, il semble que...
Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des
Richesses naturelles.
Souveraineté de l'Assemblée
nationale
M. Cournoyer: Oui. Alors, il semble, M. le Président, que
c'est à vous de prendre la décision, mais nous allons tenter de
plaider devant vous la position suivante: Lorsqu'un bill privé est
déposé à l'Assemblée nationale, il devient la
propriété de l'Assemblée nationale ou de la commission
qu'elle désigne.
En conséquence, les parties, qui requièrent, ont
déjà requis. Elles peuvent difficilement être
empêchées ou cesser de requérir puisqu'elles ne sont plus
les propriétaires de leurs requêtes. Le bill qui est devant nous a
franchi l'étape de la première lecture. En conséquence, il
appartient à l'Assemblée nationale. C'est l'opinion que nous
énonçons.
Comme conséquence, de cette opinion, si vous l'acceptiez, M. le
Président, nous serions en mesure d'assigner les témoins que la
commission parlementaire jugerait approprié d'assigner et cela
comporterait l'immunité qui ressortirait du fait d'être
assigné devant une commission parlementaire, soit les articles 63, 64 ou
encore l'article 91 de la Loi de la Législature.
M. le Président, j'ai l'impression que, de notre part, il faille
affirmer cette souveraineté de l'Assemblée nationale sur les
projets qui sont devant elle à ce moment-ci du moins, et c'est
seulement une occasion de le faire même sur les autres tribunaux
ou les tribunaux qui pourraient ou qui ont pu, dans le passé,
empêcher quelqu'un de se présenter devant nous, quitte aux parties
qui ont été empêchées de faire valoir leurs droits
devant les tribunaux qui les ont empêchées. C'est qu'il ne doit
pas y avoir de mixture entre les deux. C'est que ce n'est pas
l'Assemblée nationale qui a été victime de l'injonction,
ce sont la compagnie COGEMA et ses mandataires qui ont reçu
l'injonction, qui ont été enjoints de ne pas ou de cesser de
faire ce qu'ils avaient l'intention de faire.
L'Assemblée nationale n'ayant pas été
empêchée, jusqu'ici nous avons continué l'étude.
Pour pouvoir continuer l'étude avec les témoins, il fallait
affirmer le principe de la souveraineté de l'Assemblée nationale
sur les projets de loi qui sont devant elle et c'est ce que je voudrais que le
président affirme si, bien sûr, le président est
d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce qu'il y a d'autres
membres qui veulent se prononcer sur... L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, j'aurais aimé entendre
le ministre des Richesses naturelles tenir cette même argumentation
à l'occasion du long débat juridique qui avait eu lieu sur la
capacité de l'Assemblée nationale de juger d'un de ses
collègues, en l'occurrence le député de Johnson, qui,
à l'époque, s'appelait M. Boutin. C'est exactement la
thèse contraire qui avait été déposée ou
défendue par le gouvernement. Mais peu importe l'illogisme que je
pourrais retracer dans ce document et dans les deux attitudes, je sais que le
ministre des Richesses naturelles s'apprête à dire qu'il n'avait
pas été présent à ça et qu'il s'occupait
d'autre chose à ce moment-là, qu'il s'occupait de régler
des conflits de travail et tout ça. Je m'attends qu'il vienne nous dire
ça. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, M. le ministre?
M. Cournoyer: Non. J'allais dire que vous êtes en train de
comparer des carottes avec des tomates. Il s'agit d'un bill privé qui a
été présenté en première lecture et
adopté en première lecture. Il s'agit de ça devant vous,
aujourd'hui. Il ne s'agit pas d'une plainte erronée ou "erronante" d'un
député de l'Opposition contre un député du
gouvernement. Il s'agit d'un bill privé, déposé en
première lecture.
M. Burns: Laissez-moi faire, je suis à la veille de vous
dire que vous avez raison dans votre opinion.
M. Cournoyer: Merci.
M. Burns: Mais cela ne m'empêche pas de vous dire que vous
auriez dû avoir raison plus vite que ça. Bon. Vous allez me
laisser quand même ce droit.
Personnellement, M. le Président, je pense justement que
l'Assemblée nationale est souveraine. Je l'ai indiqué d'ailleurs
cet après-midi quant au député de Matane, et ce matin
également quant au fait que les procédures législatives
n'avaient pas à se préoccuper cela va en choquer
quelques-uns probablement et probablement ceux de la magistrature de
certaines décisions judiciaires quant à son propre
fonctionnement, le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Je demeure
profondément convaincu de cela. Je demeure convaincu également,
je le répète, qu'un député de l'Assemblée
nationale, après avoir jeté un regard sur l'ordonnance
d'injonction, que le député en question n'est pas visé par
cette ordonnance, donc il n'est pas empêché d'intervenir ou quoi
que ce soit.
Je suis porté à partager l'opinion du ministre des
Richesses naturelles voulant que, à partir du moment où un projet
de loi est déposé à l'Assemblée nationale selon la
vieille tradition, avec un requérant, soit dit en passant, qui n'existe
plus dans notre règlement je dirai un mot là-dessus
après et à croire qu'à partir du moment où
le projet de loi a été soumis à l'Assemblée
nationale, lorsque celle-ci s'est prononcée en première lecture
sur la validité du dépôt du projet de loi, cela
n'appartient plus à d'autres parties qu'à l'Assern-
blée nationale, j'en suis profondément convaincu. Il y a
une vieille théorie qui traîne encore actuellement dans les
corridors du parlement et probablement qu'il y aura des députés
pour me contredire là-dessus, mais ils se baseront sans aucun doute sur
l'ancien règlement. Dans l'ancien règlement de l'Assemblée
nationale, à l'époque de l'Assemblée législative,
il fallait d'abord et avant tout faire une pétition à
l'Assemblée nationale, c'était le vieux règlement, tout le
monde connaît ce fameux livre vert qui nous servait de règlement
et qui comportait quelque 800 ou 900 articles qu'on a réduit à
moins de 200 articles actuellement. Je me souviens d'avoir participé
à la refonte des règlements de l'Assemblée nationale, je
me souviens également qu'une des préoccupations si on peut
les appeler ainsi, si je peux m'inclure dans le groupe des codificateurs
du nouveau règlement... On s'était dit, il me semble, que c'est
un droit le plus strict de tout individu de s'adresser à
l'Assemblée nationale. Tout ce qu'il devra avoir, c'est un parrain qui
va attacher son nom, comme le député de Matane a attaché
son nom au projet de loi no 214. A partir de ce moment, et cela, dans l'opinion
de ceux qui ont refait le règlement et, j'espère, dans l'opinion
de ceux qui l'ont adopté par la suite sur le rapport de ceux qui l'ont
refait, il me semble que c'est clair qu'à partir du moment où la
première lecture est faite, cela n'appartient plus au
requérant.
Si on regarde l'injonction qui a été émise ce
matin, elle défend particulièrement et de façon
très précise à ce qu'on appelle "les requérants" de
s'adresser et de continuer à présenter leur requête
à l'Assemblée nationale. Il m'apparaît que c'est une
injonction absolument caduque, qui n'a plus aucun sens et je pense que cela
devrait au moins donner une indication au juge qui a des injonctions, surtout
in camera, de façon provisoire, cela ne devrait pas se faire aussi
facilement que cela. Il y aurait eu lieu, je pense, d'entendre au moins un
représentant du gouvernement dans cette affaire. Je ne sais pas s'il y a
un représentant du gouvernement qui était présent, mais il
me semble que le gouvernement aurait pu, tout au moins au nom de
l'Assemblée nationale, faire valoir ses privilèges. Un de ses
privilèges était de dire: Je m'excuse, M. le juge, vous faites
une très grave erreur en pensant qu'il y a encore des requérants.
Il n'y a plus, à mon avis et c'est pour cela que j'appuie la
position du ministre des Richesses naturelles de requérant depuis
la première lecture. Il y a maintenant un projet de loi, qu'on l'appelle
privé ou public.
Là-dessus on peut s'obstiner, au mérite peut-être
qu'on charriera chacun de notre côté à ce sujet, mais, sur
le plan des privilèges de la Législature, il m'apparaît
très clair qu'actuellement l'injonction je ne veux pas rendre un
jugement, mais il me semble que, comme parlementaire, j'ai le droit de donner
mon opinion il m'apparaît très clair que l'injonction qui a
été rendue ce matin est absolument caduque, n'a aucun effet. M.
le Président, si jamais vous le dites, parce que ce n'est pas moi qui va
rendre la décision, mais si jamais vous, M. le Président, vous
vous rangez à cette opinion, je me sentirais en toute quiétude
justifié de demander aux représentants de COGEMA de venir
témoigner et de leur dire, si jamais ils le font/qu'ils ne
contreviennent pas à une disposition d'un tribunal. Il me semble qu'il
est temps qu'on dise cela clairement. Depuis ce matin que je pense à
cela, puisqu'on en est rendu au moment d'argumenter ce point de vue, au niveau
du Président, puisqu'on s'apprête, j'imagine, je ne sais si c'est
votre intention, à rendre une décision du côté de la
présidence, à ce moment, je vous dis tout simplement que
l'Opposition partagera entièrement l'opinion du ministre des Richesses
naturelles et voudra entendre, je vous le dis d'avance, quand même les
gens de COGEMA, et toutes les autres parties, s'il y en a d'autres, je ne sais
pas s'il y en a d'autres qui sont visées par l'injonction, mais toutes
les autres parties qui peuvent être actuellement enjointes par le
tribunal de ne pas poursuivre la présentation d'un projet de loi.
Que voulez-vous? Le projet de loi était déjà
présenté, était déjà dans les mains de
l'Assemblée nationale. Je pense que l'injonction est arrivée en
retard, à mon avis, et si injonction il devait y avoir, c'est avant, et
je réfère les parties qui peuvent s'y intéresser à
la cause de Berthiaume-Dutremblay. C'est avant que les dispositions soient
prises en vue de présenter le projet de loi, avant que le
député de Matane attache le nom de M. Côté au projet
de loi no 214, c'est avant cela qu'il fallait prendre une injonction, si on
voulait agir à l'endroit de certains individus et si on voulait leur
dire: "Ne faites pas de démarches en vue d'obtenir un projet de loi
privé".
En ce qui me concerne, en tout cas, M. le Président, si vous me
le dites, je vais me sentir en toute sécurité libre d'inviter les
représentants de COGEMA à venir nous dire pourquoi il y a un
projet de loi 214 devant l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Lafrance): Pour faire suite aux
lumières des éminents juristes de la commission parlementaire, et
constatant le fait qu'il est 6 h 5, je vous demande de prendre en
délibéré vos recommandations. Nous reviendrons à 8
h 15 et je rendrai mon jugement. Etant donné qu'on a siégé
de longues heures cet après-midi, je pense que ce serait bon de prendre
un petit repos. La commission suspend ses travaux jusqu'à 8 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 4)
Reprise de la séance à 20 h 30
Assignation de témoins
M. Lafrance (président de la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs!
Lors de la suspension de nos travaux à 18 heures, on m'a
demandé de rendre un jugement après une brillante plaidoirie de
nos législateurs. On m'a demandé de rendre une décision
à la suite de l'argumentation présentée de fait, de part
et d'autre, en fin d'après-midi.
Comme président de cette commission, j'ai autorité
et c'est très limité en ce qui concerne la
procédure de l'Assemblée nationale et, par
délégation, la procédure en commission parlementaire.
C'est l'article 3 de notre règlement qui régit cette
procédure. Voici le texte de l'article 3: "La procédure de
l'Assemblée nationale du Québec est réglée: 1-par
des lois; 2-par le règlement; 3- par des règlements
adoptés pour la durée d'une seule session; 4- par des ordres
spéciaux adoptés par l'Assemblée et dont l'effet est
limité aux matières pour lesquelles ils sont votés; 5- par
les précédents établis par suite de
l'interprétation des lois et du règlement."
Il y a un principe de droit parlementaire qui est reconnu de tous. Le
président n'a pas le droit de donner des opinions juridiques, il n'a pas
à interpréter la loi, il n'a pas non plus a interpréter
les décisions des tribunaux.
L'article 3 du règlement que je viens de citer dit au paragraphe
premier que la procédure ici est réglée en premier lieu
par des lois. La première loi qui nous régit, c'est la Loi de la
Législature. Comme je n'ai pas à interpréter la loi, je me
permets uniquement de la citer en ces articles qui concernent certains
privilèges de l'Assemblée nationale et de ses commissions et qui
concernent aussi les immunités que l'Assemblée nationale accorde
à toutes les personnes qui sont appelées à
comparaître devant elle ou devant une de ses commissions. Voici ces
articles:
Article 63. Je le répète, parce que je l'ai dit cet
après-midi: "L'Assemblée nationale peut assigner et contraindre
toute personne à comparaître devant elle ou une de ses commissions
ou à y produire toute pièce qu'elle juge nécessaire
à ses actes ou délibérations."
Article 64. "Nulle personne n'est passible de
dommages-intérêts ou n'est sujette à aucun autre recours,
à raison d'actes accomplis sous l'autorité de l'Assemblée
nationale agissant dans la mesure de ses pouvoirs."
Article 70. "Quiconque commet une infraction aux dispositions du
présent paragraphe devient passible d'un emprisonnement pour telle
période n'excédant pas un an, qui est déterminée
par l'Assemblée nationale".
Article 91. "Toute commission de l'Assemblée nationale
siégeant dans l'exercice de ses fonctions peut interroger les
témoins sous serment, sur toute matière relative à
l'affaire dont il est saisi."
Cette lecture étant faite comme simple rappel des
immunités et privilèges de l'Assemblée, vous me permettrez
maintenant de lire l'article 43 de notre règlement, au paragraphe 1. "Le
président se prononce sur les questions de règlement au moment
où il le juge à propos, et il peut demander des directives
à l'Assemblée ou la laisser se prononcer."
Je conçois que le cas qui nous est soumis est délicat sous
certains de ses aspects. C'est pourquoi, me prévalant de l'article 43,
paragraphe 1 du règlement, je veux inviter la commission à se
prononcer elle-même. Je veux l'inviter à s'exprimer par une motion
et en disant si c'est son voeu, si c'est son désir d'entendre d'autres
témoins et de désigner elle-même les témoins qu'elle
veut assigner et entendre.
L'honorable député...
M. Cournoyer: Sur la motion, M. le Président que vous
voudriez avoir.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, même si je
n'étais pas ici cet après-midi, j'ai eu l'occasion de recevoir au
cours du souper des explications qui m'ont été fournies par le
député de Maisonneuve, et, comme vous l'avez exprimé, je
pense que les articles 63, 64, 70 et 91 de la Loi de l'Assemblée
nationale sont très explicites, d'autant plus que je pense que l'est
aussi l'article 153 de notre règlement qui dit que: "Lorsqu'une
commission élue a requis une personne de se présenter devant elle
pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne
refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président
et celui-ci prend les moyens nécessaires pour que la demande de la
commission soit satisfaite."
M. le Président, nous avons, je pense, le droit de convoquer les
personnes que nous avons à convoquer ou que nous voulons convoquer
devant une commission parlementaire. Ces personnes ou ces organismes sont
protégés, justement en vertu de l'article 64, contre des
procédures en dommages et en intérêt. En l'occurrence,
comme membre de cette commission, j'ai l'intention de faire motion pour faire
en sorte que la société COGEMA soit convoquée devant cette
commission parlementaire et puisse nous donner les explications
nécessaires ou puisse répondre aux questions que nous avons
à lui poser concernant le projet de loi qui nous est soumis.
M. Cournoyer: Est-ce une forme de motion que vous faites pour
satisfaire les voeux du président?
M. Lessard: Je pense que oui.
M. Cournoyer: Est-ce que cette motion, M. le Président,
vous satisfait?
Le Président (M. Lafrance): Si la motion, telle que
présentée, ne satisfait pas tous les membres
de la commission, libre à eux de s'exprimer et de l'amender.
M. Cournoyer: Je veux seulement savoir si cela satisfait les
règles que vous nous avez données.
M. Lessard: Je fais motion pour que COGEMA soit convoquée
devant cette commission parlementaire. La suite viendra,, c'est-à-dire
en vue d'entendre ou d'interroger cet organisme, COGEMA ou ses
représentants. D'accord?
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que cela vous
satisfait, l'honorable...
M. Cournoyer: Un instant, j'essaie, je veux comprendre.
M. Lessard: Vous avez le droit de convoquer d'autres organismes,
si vous le désirez.
M. Cournoyer: Non, ce n'est pas la question de convocation. C'est
la question que nous sommes totalement d'accord pour avoir le pouvoir ou nous
nous reconnaissons le pouvoir. Je me demande si la motion telle que faite ne
m'engage pas à interroger SOGEMA ou COGEMA, alors que, peut-être,
je veux établir strictement le principe qu'on a le droit de les
interroger, si on décide, comme commission, de le faire.
M. Lessard: Vous voulez discuter...
M. Cournoyer: Parce que, dans le courant de l'après-midi,
il a été question de régler la forme.
M. Lessard: D'accord.
M. Cournoyer: Comme il a été question de
régler la forme, on s'est dit: Est-ce que le comité ici peut
entendre que... La question que je veux savoir, c'est: Est-ce que je dois
entendre? C'est une question qui relève de la commission. A ce moment,
il me semble que la question qui est posée, c'est: Est-ce que nous
pouvons entendre et nous croyons que nous pouvons entendre.
M. Lessard: M. le Président...
M. Cournoyer: Je n'ai pas encore décidé
d'entendre.
M. Lessard:... alors, ce sera la motion qui décidera
d'entendre. Je pense que le président vient d'expliquer, à partir
des articles 63, 64, 70 et 91 de la Loi de la Législature, que nous
pouvons convoquer toute personne et que nous pouvons l'entendre et que toute
personne ou tout organisme ne peut être poursuivi en vertu de l'article
64 pour dommages et intérêts lorsqu'il se présente pour
témoigner devant une commission parlementaire. D'autre part, le
président nous a explicité l'article 43 qui dit que le
président se prononce sur les questions de règlement au moment
où il le juge à propos. Il peut demander des directives à
l'Assemblée ou la laisser se prononcer. Deuxièmement, lorsque le
président rend sa décision, il indique ce qui la justifie
je pense que le président vient de le faire et il n'est pas
permis de la critiquer vous savez que je suis très respectueux
des règlements ni de revenir sur la question
décidée. Il en est de même lorsque le président
décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question. Or,
je pense que vous nous avez très bien expliqué qu'il était
possible pour la commission parlementaire de convoquer tout organisme ou tout
individu. C'est pourquoi je fais motion pour que. la Société
COGEMA puisse répondre aux questions, si questions il y a, qui seront
posées par les membres de la commission parlementaire. Cependant, il
vous appartiendra, comme membres de cette commission parlementaire, de voter
pour ou contre la motion, à savoir si vous voulez que COGEMA soit
interrogée ou ne soit pas interrogée. Je pense que ma motion...
Est-elle recevable?
M. Mailloux: M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): L'honorable ministre des
Transports.
M. Mailloux: ... il m'arrive rarement d'intervenir sur les points
de règlement soulevés par les membres de l'Assemblée ou
des commissions et je ne voudrais pas m'empêtrer dans le jargon
juridique, non pas de celui qui m'a précédé, mais de mes
collègues que j'ai écoutés aujourd'hui.
Le député de Saguenay fait une motion pour que des
personnes représentant les intérêts de COGEMA soient
entendues. Je ne pense pas que, du côté ministériel, aucune
objection n'ait été apportée aujourd'hui, quant à
la possibilité que ces personnes puissent se faire entendre.
Je me demande, par contre, pourquoi on devrait procéder par
motion devant la commission, alors que nous ne contestons pas le droit à
aucun membre de l'Opposition ou du parti ministériel, à la suite
de la décision que vous venez de rendre, d'appeler une partie, qui
pourrait être présente, à venir répondre aux
questions d'un membre de cette commission. Quant à moi, je me demande si
c'est par une motion qu'on devrait faire appel à une partie, ou si c'est
simplement par un voeu exprimé par un membre de la commission qui
demande à ce qu'un témoin soit entendu.
M. Lessard: II n'y a pas une décision qui puisse se
prendre en commission parlementaire, comme à l'Assemblée
nationale, sans qu'il y ait une motion, et toute convocation de
témoins... Je m'excuse, mais je ne suis pas avocat, M. le
Président, et comme le ministre des Transports, je ne veux pas me perdre
dans les "jargonneries" juridiques mais je pense que c'est très clair en
vertu de notre règlement, et c'est d'ailleurs pourquoi j'ai fait cette
motion.
M. Cournoyer: M. le Président, je pense, et je ne voudrais
pas, non plus, faire des avocasseries,
bien que je sois le seul qui ait déjà pratiqué le
droit dans toute la "gang" ici. Ce que je voudrais bien expliquer, c'est que
tout ce débat est survenu au moment où le ministre des Transports
tentait d'expliquer pourquoi le gouvernement était d'accord avec la
présentation de ce bill.
Nous avons voulu satisfaire aux scrupules énoncés par le
député de Maisonneuve au nom du député de Saguenay.
Nous en convenons. Le scrupule premier, c'était cette affirmation que la
commission parlementaire, qui étudie un bill privé, était
suprême dans sa procédure, qu'elle pouvait interroger qui elle
voulait et quand elle le voulait, et que ces personnes, qui répondraient
à ses questions, jouissaient d'une immunité qui est
décrite comme le président l'a donnée.
Je dis: Ceci est une procédure qui a lieu cet après-midi.
Parfait! Ce n'est pas à ce moment-ci que la motion du
député devrait être discutée. Nous sommes d'accord
que nous allons interroger ou permettre d'interroger les témoins que
l'Opposition ou que le gouvernement voudra bien appeler.
Ce que nous voulons dissocier, cependant, est une procédure qui a
interrompu la présentation du ministre des Transports. Nous en avons
disposé par la décision du président et, lorsque le
ministre des Transports aura fini d'exposer pourquoi il est d'accord sur le
bill qui est présenté, qui est un bill privé, qui reste de
la nature d'un bill privé, nous déciderons, avec l'Opposition,
s'il y a encore lieu d'interroger des témoins qui sont ici
présents ou d'en faire venir d'autres.
C'est exactement la raison de mon hésitation. Ce n'est pas de
faire des avocasseries que de dire: Vous avez interrompu le ministre des
Transports pour une question qui était latérale. Nous avons
disposé de la question latérale de bonne foi. Nous devrions
laisser au ministre des Transports le soin de déterminer comment il
entend continuer son exposé des raisons pour lesquelles il croit utile
de faire adopter cette loi immédiatement et, tout de suite après,
nous devrions interroger les personnes que la commission jugera utile
d'interroger.
M. Lessard: Je ne voudrais pas faire des avocasseries, d'autant
plus que je suis arrivé en retard à cette commission
parlementaire, mais je ne comprends pas la procédure telle
qu'exprimée par le ministre des Richesses naturelles.
En effet, il s'agit d'un projet de loi privé. Nous ne sommes pas
au principe du projet de loi comme tel. Nous sommes entre la première
lecture et la deuxième lecture. Il s'agit d'un projet de loi concernant
la Compagnie de gestion de Matane Inc., qui est d'ailleurs
présenté, non pas par le ministre des Transports...
M. Cournoyer: Non.
M. Lessard:... mais présenté par le
député de Matane...
M. Cournoyer: Oui.
M. Lessard: ... et qui concerne un organisme privé. C'est
à ce titre qu'il s'agit d'un projet de loi privé, ou bien il
s'agit peut-être d'un projet de loi public. Cela serait peut-être
plus valide.
M. Cournoyer: Seulement un petit point d'ordre pour ramener...
pas pour ramener, parce qu'il manque un petit bout au député.
C'est cette discussion que nous avons eue vers la fin de l'après-midi
et ce n'est pas votre faute et j'en conviens parfaitement
où nous avons déterminé d'un commun accord, et le
président n'a pas eu à statuer là-dessus parce que le
député de Maisonneuve et le ministre des Richesses naturelles
le député de Robert Baldwin étaient d'accord
cela arrive rarement il a été entendu et compris
que, lorsqu'un bill était saisi ou que l'Assemblée nationale
était saisie d'un bill, sa nature ou son origine avait très peu
d'importance dans le débat et que le fait, par exemple, que
l'Assemblée nationale soit propriétaire on peut appeler
cela ainsi du bill numéro X, qu'il soit privé ou qu'il
soit public, cela reste notre propriété.
Le député de Matane n'a plus rien à voir
là-dedans, il ne peut même pas le retirer s'il le veut. Les
requérants le député de Maisonneuve a
été beaucoup plus précis que le député de
Robert Baldwin là-dessus, parce qu'il connaît cela
n'existent plus dans notre procédure d'aujourd'hui, etc. Ne refaisons
pas le débat, M. le Président, II reste une chose, c'est que la
nature du bill a peu d'importance. Nous sommes en train de fabriquer une loi
qui a son point d'origine dans une demande qui a été
présentée par une société qu'on appelle COGEMA, par
l'intermédiaire d'un parrain qu'on appelle Côté,
député de Matane, et aujourd'hui, c'est notre affaire et c'est
pour cela que nous avons exprimé, cet après-midi, la
souveraineté de l'Assemblée nationale sur ses affaires.
Ayant dit cela, on ne joue plus dans le judiciaire, on joue dans la
législatif et dans le législatif, pour moi, comme "helper" du
ministre des Transports, nous avions une procédure que nous avions
commencée cet après-midi et nous voudrions la terminer
après avoir affirmé, comme le président l'a fait, le
député de l'Opposition le député de Maisonneuve,
cet après-midi, et répété par le
député de Saguenay, la souveraineté de l'Assemblée
nationale sur sa propre procédure. Mais, la souveraineté de
l'Assemblée nationale, cela ne veut pas dire la souveraineté de
l'Opposition sur la procédure. La procédure suivie jusqu'ici et
exprimée cet après-midi, c'est que le ministre des Transports
et comme par hasard cela tombe sous sa juridiction cette histoire
était en train d'exposer pourquoi, même si cela n'est pas un bill
public, le gouvernement, représenté par son ministre des
Transports, était d'accord avec le contenu de ce bill. Il a
été interrompu lorsque le député de Maisonneuve a
demandé l'interrogatoire ou encore que les requérants viennent
faire un exposé sur leur requête. Vers six heures, on a convenu
qu'il n'y avait plus de requérant une fois que c'était dans nos
mains. Je me souviens de cela. On a convenu qu'il n'y avait plus de
requérant. Comme on a convenu qu'il n'y a plus de requérant, il
peut y avoir des témoins. Lorsque le
député de Saguenay voudra interroger les témoins
qui n'ont pas déjà comparu parce que ceux qui se sont
opposés ce matin ont eu la chance de comparaître, ils ont lu leur
mémoire, ils l'ont déposé il pourra le faire.
Je pense bien que le ministre des Transports n'a aucune forme
d'objection, bien au contraire, à l'interrogatoire et par le
député de Saguenay et par le député de Charlevoix
des témoins que la commission jugera utile d'inviter. Mais vous allez
laisser finir le ministre des Transports, c'est tout ce qu'on vous demande.
M. Lessard: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce que le ministre des Transports puisse terminer l'exposé
qu'il avait commencé. Cependant, il reste que, comme vous l'avez
précisé tout à l'heure, l'article 3 des règlements
nous dit... Il y a quand même des précédents et, à
ce que je sache, en commission parlementaire, il n'appartient ni au ministre
des Transports ni au député de l'Opposition de faire un discours
de deuxième lecture. Il appartient, justement lors d'une commission, aux
membres de cette commission de s'informer ou d'entendre des témoins. Il
y a eu des témoins qui ont été convoqués. Je pense
qu'avant de se prononcer sur le principe du projet de loi, il est tout à
fait régulier et normal que nous sachions pourquoi la Compagnie de
gestion de Matane Inc demande ce projet de loi, parce que c'est elle qui
demande ce projet de loi et elle doit nous expliquer pourquoi elle demande ce
projet de loi. Quitte, par la suite, aux membres de l'Opposition et au ministre
des Transports ou aux autres membres du gouvernement à discuter ou
à exposer, lors de la deuxième lecture de ce projet de loi,
pourquoi ils ont été convaincus par la Société de
gestion de Matane Inc ou par tout autre organisme qui a été
convoqué devant cette commission parlementaire d'adopter ce projet de
loi.
C'est dans ce sens que je trouve tout à fait normal qu'on puisse
entendre les parties quitte, par la suite, pour les membres de cette commission
parlementaire, une fois qu'ils auront été très bien
renseignés sur la situation et sur le problème qui est
posé, à adopter ou à accepter le principe du projet de
loi. Parce que nous ne sommes pas au niveau de la discussion du principe du
projet de loi puisqu'elle se fait au niveau de la deuxième lecture.
Parce que je suis quand même favorable je l'ai dit par
l'intermédiaire... ou le député de Maisonneuve l'a
exprimé ce matin j'ai toujours pris position en faveur de COGEMA.
Cependant, il reste qu'il y a des procédures qui ont été
suivies depuis plusieurs années ça fait quand même
six ans que je suis à l'Assemblée nationale et avant que
je sois à l'Assemblée nationale et il me semble qu'on ne doit pas
outrepasser ces procédures, qu'on doit continuer de les suivre. Parce
que, comme on dit souvent, les règlements sont faits pour être
suivis et qu'on les suive.
M. le Président, quant à moi, je suis bien prêt
à entendre le ministre des Transports sur son discours de
deuxième lecture, mais, avant de faire le mien, j'entendrai les
parties.
Le Président (M. Lafrance): Le ministre des
Transports.
M. Mailloux: M. le Président, quand, cet
après-midi, j'ai commené à faire une rétrospective
du problème COGEMA qui est à l'attention de cette commission,
à ce moment-là, on se rappellera que d'aucune façon, il
n'y avait eu de décision qu'une injonction qui avait placé
certaines parties dans l'impossibilité de répondre à la
commission, dans l'opinion de certains membres de la commission, tant que cela
n'a pas été décidé.
J'avais cru bon d'informer la commission, étant donné
l'impossibilité pour ceux-là d'intervenir. Etant donné que
depuis, après le débat de procédure que nous avons eu
avant l'ajournement de six heures, vous venez de rendre une décision
selon laquelle les témoins peuvent être appelés et qu'ils
sont protégés par la garantie que vous leur avez donnée,
le ministre des Transports n'a aucune objection à ce qu'ils soient
appelés comme témoins, qu'ils puissent répondre aux
questions qui sont posées. Cela abrégera simplement des
réponses que je donnais, vu l'impossibilité pour d'autres d'en
donner à cause des procédures judiciaires qui étaient en
cours.
Si le député veut faire une motion pour entendre les
témoins, étant donné que j'ai dû répondre
moi-même à une partie des questions auxquelles ne pouvaient
répondre des parties qui sont à la table, là-bas, il n'y a
aucune objection de la part du ministre des Transports et, je pense, du
côté ministériel, à la motion du
député de Saguenay. Nous appuyons sa motion et demandons que les
témoins soient prêts à se faire entendre et
répondent aux questions.
Le Président (M. Lafrance): Si vous permettez, sur la
recevabilité de la motion. On ne m'a pas donné d'écrit.
L'honorable député de Saguenay ne m'a pas écrit le texte
de sa motion. Il y a une remarque tout de même que je voudrais faire. On
ne peut pas, dans une motion, assigner globalement une compagnie ou une
société. Il faudrait assigner les témoins par leurs noms
respectifs. Si vous en avez une liste, veuillez faire la motion en ce sens.
M. Côté: Me Paquet.
M. Lessard: M. le Président, je fais motion pour que M.
Gontran Rouleau et Me Paul-Arthur Gendreau, conseillers juridiques de la
requérante, à savoir la Compagnie de gestion de Matane Inc.; M.
Jean Thibault, président de la Compagnie de gestion de Matane Inc.,
COGEMA; M. Roger Dion, vice-président exécutif de COGEMA; M. Jean
Le-bel, trésorier de COGEMA; Me Adrien Paquet, conseiller juridique de
COGEMA; Me Jean Dionne, administrateur et conseiller juridique de COGEMA,
puissent être entendus à cette commission parlementaire et
être interrogés.
Le Président (M. Lafrance): Cette motion est-elle
adoptée?
M. Côté: Adopté.
M. Mailloux: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté.
Audition du représentant de COGEMA
M. Cournoyer: Est-ce qu'on peut commencer par M. Adrien
Paquet?
M. Lessard: II n'y a aucun problème, M. le
Président. Je pense qu'il pourrait appartenir à COGEMA,
c'est-à-dire aux personnes convoquées, de déterminer qui
pourrait commencer à intervenir ou à expliquer. La question que
je poserais, puisque cette motion est acceptée...
M. Cournoyer: ...en bloc, n'importe qui peut répondre.
M. Lessard: Je poserai la question et ils décideront qui
devra répondre, étant donné les questions que je devrai
poser.
M. Cournoyer: Pas de problème.
M. Lessard: Pas de problème? D'accord.
M. Cournoyer: Tu es drôle.
M. Lessard: Hein?
M. Cournoyer: C'est correct.
Le Président (M. Lafrance): J'inviterais M. Adrien Paquet
à venir témoigner devant la commission et à déposer
tous les documents qui y seront requis par la commission.
M. Paquet (Adrien): Est-ce que je dois être debout,
assis?
Le Président (M. Lafrance): Vous pouvez rester assis.
M. Paquet: J'accepte de témoigner au nom de COGEMA.
Cependant, je vous rappelle, pour ma protection personnelle et celle de mes
clients, que j'ai reçu, ce matin, signification par huissier, d'un
jugement d'injonction et que ce jugement me dit de ne poser aucun geste relatif
à cette présentation et de m'abstenir de demander...
De toute façon, c'est pour vous dire que j'ai reçu ce
document dont tout le monde a parlé toute la journée et que je
voudrais avoir la protection que peut me donner la commission. Je vous le
demande d'une façon officielle, et ce, pour moi et pour les gens qui
sont autour de moi.
Le Président (M. Lafrance): On vous accorde la protection
que nous donne la Loi de la Législature, selon l'article 64.
M. Paquet: Ceci dit, je suis à la disposition des membres
de la commission pour répondre aux questions au meilleur de ma
connaissance.
M. Lessard: M. le Président, je pense que nous pouvons
confirmer à M. Paquet que l'article 64 de la Loi de la
Législature le protège contre toute poursuite. C'est à la
demande de la commission parlementaire que vous témoignez ou que vous
répondez aux questions que nous allons vous poser. Puisque j'ai fait
cette motion, je voudrais que M. Paquet, ou d'autres personnes qui ont
été convoquées devant cette commission parlementaire et
qui ont été inscrites dans la motion puissent nous expliquer, en
fait... Peut-être que le ministre avait commencé, cet
après-midi à le faire, mais j'aimerais que la
société, l'organisme, puisqu'il s'agit d'un projet de loi
privé, à savoir la Loi concernant la Compagnie de gestion de
Matane Inc., que M. Paquet nous explique pourquoi il demande à la
commission parlementaire d'adopter ce projet de loi ou de discuter de ce projet
de loi, puisqu'il n'est pas adopté, et qu'il nous donne les explications
nécessaires qui s'imposent, puisque nous voulons être
informés des raisons qui justifient la société COGEMA de
présenter ou de nous demander de discuter d'un tel projet de loi.
M. Paquet: Pour résumer en partie ce que M. le ministre a
expliqué, COGEMA a obtenu, à la suite d'un requête qu'elle
a présentée devant la Commission des transports, alors qu'il y
avait trois requérants au début et deux à la fin, un
permis l'autorisant à donner un service entre les deux rives à
partir du port de Matane à destination des trois ports concernés
sur l'autre rive qui, dans le temps, sur une objection qui avait
été faite par une des parties qui n'était pas COGEMA,
à svoir si la commission avait juridiction... La commission a dit
à peu près ceci: Je vais vous entendre. Cela a duré
presque un an. A ce moment, si j'accorde le permis, cela voudra dire que je
considère que j'ai juridiction. Cela... COGEMA a obtenu, par
conséquent, un permis qui était assorti de certaines conditions.
Par exemple, il y avait celle de réparer le navire Grand Rapid, navire
qu'on avait présenté devant la commission.
Ceci dit, nous...
M. Lessard: Quelle est la catégorie de permis que vous
avez obtenu de la Commission des transports?
M. Paquet: C'était un permis en vertu de l'ordonnance 3-N
de catégorie 2 qui était un genre de permis de transport
général et qui n'était pas clas-sifié comme
étant un permis de traversier, parce que, dans l'ordonnance
générale, il y a ce qu'on appelle un permis de traversier.
Par conséquent, la notion de rail est ce qui fait que,
peut-être parce que, jusqu'ici, nous avons toujours notre permis
nous avons un problème.
Le Président (M. Lafrance): Si vous permet-
tez, M. Paquet, si vous vouliez nous donner quelques instants, nous
aurions une petite procédure à préparer. On vous demande
quelques instants. On vous demande tout simplement d'attendre pour continuer
à témoigner s'il vous plaît. Cela ne sera pas long.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 20 h 59)
Reprise de la séance à 21 h 5
M. Lafrance (président de la commission permanente des
transports, des travaux publics et de l'approvisionnement): A l'ordre,
messieurs!
En vertu de l'article 153 du règlement, je requiers M. Adrien
Paquet de témoigner et de répondre aux questions et de produire
les documents qui pourront être exigés. J'ordonne à M.
Paquet de répondre à toutes les questions. Je vous demanderais de
prêter serment. M. Paquet, le témoignage que vous rendrez à
la commission touchant le projet de loi no 214 sera la vérité,
toute la vérité rien que la vérité. Ainsi, Dieu
vous soit en aide.
M. Paquet (Adrien): Je le jure.
Le Président (M. Lafrance): Merci. M. Adrien Paquet, vous
pouvez continuer.
M. Paquet: M. le Président, est-ce que je continue ou si
vous désirez que je répète brièvement ce dont je
viens de parler avant d'être assermenté?
Le Président (M. Lafrance): Vous pouvez faire un
résumé. A l'ordre!
M. Paquet: En résumé, par conséquent, il
s'agissait au tout début de relier les deux rives, comme on le sait,
entre le port de Matane, qui était le port que nous avions choisi, avec
un traversier-rail qui en était un, c'est celui que nous avions à
ce moment sous option quand je parle de nous, je parle de la
Société de gestion de Matane et les trois ports en
question. Pour aller un petit peu plus loin dans l'historique, je vais vous
dire que la compagnie a hérité du projet de Québec Cartier
Mining. J'étais le procureur de Québec Cartier Mining devant la
Régie des transports en rapport d'abord avec un projet qui était
une barge qui était poussée par un remorqueur.
Subséquemment, la compagnie Québec Cartier Mining s'est
procuré certains droits éventuels, genre option, dans le fameux
bateau dont je vous parle, qui est le Grand Rapid, qui était un
bateau-rail, mais qui était un peu âgé.
Nous avons donc présenté notre requête devant la
Commission des transports du Québec en même temps qu'Agence
maritime et une compa- gnie qui s'appelle Société maritime de
Baillon. Je répète qu'au tout début, en fait, c'est le
procureur d'Agence maritime qui avait, selon mon souvenir, invoqué cette
question de juridiction et de réglementation. La commission qui
siégeait à ce moment sous la présidence du
président, et je le dis, parce que le président ne siège
pas sur n'importe quoi, en tout cas, il se réserve certaines causes
à lui. Pour une des deux seules fois dans mon expérience devant
la commission, nous étions donc, à ce moment, avec un banc de
cinq juges, c'est-à-dire des vice-présidents qui sont des juges
et des commissaires. La cause s'est passée à Québec et a
duré presque un an. Résultat: Des trois concurrents du
début, un s'est retiré en cours de route, et sont restées
les deux compagnies, COGEMA, qui a pris un service de traversier-rail, et
l'autre, Agence maritime, qui a été déboutée, si
vous voulez. Mais celle-ci offrait un service qu'on pourrait appeler multiple,
à savoir qu'elle ne voulait pas seulement faire du traversier-rail, mais
elle voulait également transporter des maisons et des voitures vides,
neuves, des maisons préfabriquées, etc.
En partant de cela, COGEMA s'est employée à faire les
démarches nécessaires et à dépenser une somme qui,
aujourd'hui, dépasse les $400,000 sur un capital de $700,000 qu'elle a
réussi à souscrire dans la région.
M. Lessard: Donc, vous aviez reçu à ce moment
l'autorisation de la Commission des transports pour commencer à investir
et vous préparer à donner le service entre les deux rives
à l'ensemble de la population?
M. Paquet: Nous avions reçu ce permis de la Commission des
transports. Deuxièmement, nous avions également reçu de la
Commission des valeurs mobilières la possibilité de disposer
d'argent qui était souscrit en attendant sous écrou, à
savoir qu'il était entre les mains du Trust général du
Canada. Nous n'y avons pas touché avant que soit accompli le permis, qui
était une des conditions d'écrou. A partir de ce moment, nous
avons commencé d'abord, et je ne sais pas si je suis trop long dans mes
explications, par faire analyser le coût pour faire réparer le
bateau. En attendant, en cours de route, c'était déjà
rendu à 400%, para qu'on était en pleine inflation dans l'acier
spécia parce que cela prend un bateau-passeur brise-glace. Nous avons
donc opté pour un autre navire qui était encore un
bateau-passeur, mais qui devait être transformé. Cela a englouti
encore une autre question, parce qu'il s'agit cette fois-ci d'un autre navire,
qui s'appelle le Grand Rapid. Une série de procédures se sont
échangées entre nous et les autres parties, subséquemment,
avec le résultat qu'une des deux requérantes qui sont ici devant
vous, à part de la Société des navires, a
été devant la commission, et a obtenu de la commission deux
décisions qui étaient une espèce de contradiction avec
l'émission du permis, puisqu'on lui a dit: Vous n'avez pas le droit de
faire du transport de wagons, chargés ou non. D'où on s'est
retrouvé devant un imbroglio, parce
qu'elle est allée devant la cour. Le juge Lebrun, sur une
requête en évocation, a accordé cette requête qui est
actuellement devant la Cour d'appel.
M. Lessard: M. Paquet, pourriez-vous m'expliquer beaucoup plus
précisément cette partie? Vous dites que les deux compagnies en
question ou deux compagnies ont contesté le fait qu'en vertu du permis
de catégorie II, COGEMA n'avait pas le droit de faire du
traversier-rail. Pourriez-vous m'expliquer un peu plus
précisément comment cela s'est fait et en vertu de quel principe,
puisque la Commission des transports avait donné ce permis à
COGEMA?
M. Paquet: Je dois vous dire, comme je l'ai expliqué, que
la Commission des transports avait, après une très longue
audition, qui consistait, cette fois-ci, à faire une preuve technique,
donc navigabilité du navire, état des glaces, résistance
des glaces dans les ports de Matane, épaisseur des glaces,
possibilité de navigation, etc., c'est pour cela que cela a duré
un an, mais on a eu également la tarification...
M. Lessard: Je veux dire que le permis de catégorie II,
que vous avez reçu...
M. Paquet: Oui.
M. Lessard: ... a été contesté par certaines
compagnies.
M. Paquet: Mais pas dans sa catégorie, parce que la
catégorie, ce n'est pas nous qui avons décidé quelle
était celle qu'on devait recevoir. La contestation n'a pas eu lieu
pendant une bonne partie de l'année... Plus qu'une année,
même. On avait toujours notre permis et on s'activait à faire
évaluer les coûts de reconstruction du navire, le renforcement du
navire, qui était notre premier navire.
C'est à peu près vers le mois de mars de cette
année, je pense, que des requêtes ont été faites par
les mêmes requérantes qui nous ont fait signifier les injonctions:
Rail and Water Terminal of Montreal Limited et les Chargeurs unis. Il y en
avait une troisième, qui était Agence maritime; toutes trois ont
demandé l'interprétation de leurs propres permis en disant
à la commission: Dites-nous donc si, nous aussi, on a droit...
M. Lessard: A la commission.
M. Paquet: A la commission. Toujours à la commission.
M. Lessard: D'accord!
M. Paquet: La réponse leur a été
défavorable.
M. Lessard: Ah! Autrement dit, la commission leur a dit qu'elles
n'avaient pas le droit de faire du traversier-rail, comme tel.
M. Paquet: Exactement! D'ailleurs, elles sont allées plus
loin que cela. Elles n'ont pas parlé de traversier comme tel, parce
qu'elles, dans leurs permis, n'ont pas un permis de traversier. Elles ont un
permis de transport général. La commission leur a dit: Vous
n'avez pas droit de transporter des wagons de chemin de fer chargés ou
non. Je vous cite les mots que la commission a employés. Cela ne leur a
pas plu, évidemment.
M. Lessard: Quelle était la catégorie de permis que
vous aviez, à COGEMA?
M. Paquet: Catégorie II et transport général
également.
M. Lessard: Et l'interprétation des catégories
qu'elles demandaient à la Commission des transports, c'était
quoi, quant à ces compagnies?
M. Paquet: Je dirais que, d'après moi, leurs permis
étaient de transport général, catégorie
I.
M. Lessard: Général, catégorie I.
M. Paquet: C'est de catégorie II. Mes confrères me
disent que c'est de catégorie II. Je suis prêt à admettre
que cela peut être de catégorie II. C'est II.
M. Lessard: En tout cas, pour elles, c'est de catégorie
II, et l'interprétation qu'elles ont fait faire ou qu'elles ont
demandée à la Commission des transports, c'était en vertu
de la catégorie II.
M. Paquet: On a dit: Voici notre permis. Interprétez-le
donc tel qu'il est.
M. Lessard: Mais vous autres, votre permis était de
catégorie II.
M. Paquet: Oui.
M. Lessard: Et les autres, leurs permis étaient
probablement de catégorie II, parce qu'elles avaient aussi reçu
les permis de la Commission des transports.
M. Paquet: Je pense qu'elles les ont depuis plus longtemps que
l'existence de la commission. Par conséquent, elles les ont eus avant la
commission.
M. Lessard: D'accord! M. Paquet: Alors...
M. Lessard: Autrement dit, elles ont fait interpréter
leurs propres permis, et comme leurs propres permis étaient de
catégorie II, à ce moment, l'interprétation qui fut
donnée à la Commission des transports était qu'en vertu de
ces permis, elles n'avaient pas le droit de faire du traversier-rail. C'est
à peu près cela?
M. Paquet: La commission des transports n'a pas dit cela. Elle
leur a dit: Vous n'avez pas le droit
de transporter des wagons de chemin de fer chargés ou non...
M. Lessard: Oui.
M. Paquet: ... sans se prononcer sur la question d'un
traversier-rail, parce que je ne pense pas qu'elle pouvait arriver jusqu'au
contexte de dire "traversier-rail". Ce n'était pas écrit dans
leurs permis. COGEMA était la seule qui l'avait écrit.
M. Lessard: Mais est-ce que, dans votre permis, à COGEMA,
c'était indiqué "traversier-rail"?
M. Paquet: Oui, exactement! Nous étions la seule...
M. Lessard: Peut-on déposer, devant la commission
parlementaire, le permis qui vous fut accordé?
M. Paquet: Oui, si quelqu'un peut m'en passer une copie.
M. Lessard: Est-ce que le ministre accepterait?
M. Paquet: On va m'en passer une copie et je vais essayer,
à même le permis, de vous dire exactement ce qui est écrit.
Je vous ai parlé de mémoire et on me dit que ce n'est pas
indiqué que... Maintenant, quand on parle de... Si je pouvais avoir une
copie du permis, je pourrais vous l'expliciter...
M. Lessard: D'accord! Je pense que c'est très important,
pour les membres et l'information de la commission, que nous sachions
exactement, sans aller directement dans la contestation judiciaire, parce que
cela est autre chose...
M. Paquet: C'est parce que...
M. Lessard:... si contestation il y a. Parce...
M. Paquet: ... je me fais rappeler à tout moment
que...
M. Mailloux: M. le Président, j'ai l'impression qu'on
s'engage, directement, dans un débat qui est actuellement pendant devant
les tribunaux puisque la commission, avec un banc donné s'est
prononcée en accordant un permis à COGEMA et quand d'autres
compagnies sont venues demander, à la commission, d'interpréter
leur permis, avec un banc différent, il y a peut-être une
interprétation autre qui a été donnée.
Alors, il faudrait quand même laisser aux tribunaux le soin
de...
M. Lessard: Je ne demande pas d'interprétation concernant
le permis. Je demande à COGEMA de me préciser quel était
son permis parce que le ministre, M. le Président, vous conviendrez
que...
M. Mailloux: Je n'ai aucune objection que le permis
accordé par la Commission des transports à COGEMA soit produit
comme pièce.
M. Lessard: Je veux tout simplement préciser ceci: Vous
conviendrez que la loi qui nous est présentée est une loi
spéciale et que, normalement, s'il n'y avait pas certains
problèmes, la Commission des transports aurait le pouvoir
d'émettre le permis et de voir à l'administration du permis,
alors que là, nous avons...
M. Mailloux: Je pense que j'ai été assez explicite
en disant que je n'ai aucune objection...
M. Lessard: Très bien.
M. Mailloux: ... quant au côté ministériel,
que le permis soit produit s'il y en a une copie ici, mais si on s'engage dans
l'interprétation...
M. Lessard: Non.
M. Paquet: J'ai une copie du permis, M. le ministre. Je peux, au
désir de la commission, soit le produire tel quel ou...
Le Président (M. Lafrance): Alors, si vous voulez nous le
remettre, nous allons procéder et en faire faire des copies pour les
membres de la commission.
M. Paquet: Je dois vous dire que le document que vous me demandez
de produire n'est pas l'ordonnance complète de la commission, mais le
permis lui-même avec le préambule qui vous montre les parties
à toutes ces procédures parce que la commission a
décidé de ne faire qu'une décision de toutes les
requêtes qu'elle avait devant elle.
Je dois me corriger, au moins sur ceci. Effectivement, la commission n'a
pas employé le mot traversier-rail. Elle a dit: Service de transport de
wagons de chemin de fer chargés ou non de marchandise sur le fleuve
Saint-Laurent, entre les ports suivants: Matane à Baie-Comeau,
Port-Cartier-Sept-lles et retour. Description du vaisseau et c'est
là que cela a pu porter à confusion parce que le vaisseau
était un traversier-rail SS Grand Rapid portant le numéro
officiel, etc.
M. Lessard: Le vaisseau était-il un traversier-rail?
M. Paquet: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Matane.
M. Côté: Cela ne serait-il pas aussi une question
d'urgence, ce qui amène COGEMA à demander qu'un bill privé
soit adopté?
M. Paquet: II y a d'abord une urgence qui vient de tout bord et
de tout côté parce qu'il y a
certains éléments que je peux vous donner. A tout
événement, on sait que COGEMA, de par les contrats qu'elle a
signés, au mois d'octobre et je tiens à souligner que
c'est avant l'institution de procédures par d'autres personnes contre
COGEMA, avant qu'on sache qu'il y ait quoi que ce soit qui pouvait nous arriver
a signé un accord avec le Canadien National sur plusieurs points,
dont un navire qui est l'Incan Saint-Laurent. Ce navire nous sera livré,
selon l'accord, en janvier 1977. C'est un navire dont vous connaissez
peut-être la teneur parce que c'est un navire qui peut transporter 31
wagons, si je ne me trompe, de petits wagons.
M. Lessard: Je suis d'accord que nous pourrions revenir à
l'urgence. Je pense que nous étions rendus à une étape de
la procédure qui m'apparaissait assez importante...
M. Côté: Je pense que vous aviez fini avec...
M. Lessard: Nous étions rendus au noeud même du
projet de loi qui nous est présenté, à savoir, suite
à certaines contestations que je présume ou que je peux
présumer, suite aux explications qui nous ont été
données, que COGEMA ne pouvait pas mettre en opération son
service. Est-ce exact?
M. Paquet: COGEMA ne pouvait mettre en opération son
service parce que l'infrastructure n'était pas prête et elle avait
également des problèmes à se procurer le navire
adéquat.
M. Lessard: D'accord, mais, en vertu des procédures qui
étaient prises devant les tribunaux, étiez-vous
empêché?
M. Paquet: C'est ce que nous appelons l'imbroglio judiciaire,
à savoir-que par un bref d'évocation qui est toujours devant les
tribunaux...
M. Lessard: Ce n'est pas tant à cause du manque
d'infrastructure que vous vous présentez devant l'Assemblée
nationale?
M. Paquet: Non, parce que les infrastructures ne sont pas encore
prêtes. On ne peut pas penser que, physiquement, elles seront
prêtes dans un délai... cependant, pour qu'elles soient
prêtes, il faut que...
M. Mailloux: Je voudrais apporter des arguments
supplémentaires à ce côté de l'urgence, étant
donné certaines ententes que nous avons à respecter avec d'autres
niveaux de gouvernement.
M. Lessard: Je pense qu'il faudra revenir à cette question
d'urgence, mais ce que je voudrais faire bien préciser par M. Paquet
et je pense que c'est la justification même du projet de loi 214
c'est que ce n'était pas tant à cause des infrastructures
qui n'étaient pas prêtes que COGEMA n'était pas capable de
mettre en service son traversier ou de continuer non pas de mettre en
service immédiatement les investissements nécessaires pour
la mise en service de ce traversier, mais c'était justement à
cause de l'imbroglio judiciaire. C'est à la suite de cet imbroglio
judiciaire que vous demandez que l'Assemblée nationale adopte ou
étudie ce projet de loi 214.
M. Paquet: La réponse à cela c'est oui.
M. Lessard: Le député de Matane parlait tout
à l'heure d'une question d'urgence. Nous constations que jusqu'ici il y
a un problème fondamental, c'est que le service COGEMA, alors que cette
société avait reçu un ordre très concret de la
Commission des Transports, à savoir prendre les mesures
nécessaires pour l'instauration d'un traversier, cette
société s'est préoccupée de réunir les fonds
nécessaires, les fonds qui viennent, en fait de la région et de
différents organismes populaires et d'autres différents
organismes économiques. Des investissements et dans les
considérants, nous le constatons ont été
réalisés et le problème est qu'à la suite d'un
imbroglio qui vient de nous être expliqué, soit
l'interprétation des permis de catégorie 2 et contestation de la
décision de la Commission des transports, nous en sommes rendus au point
où COGEMA n'est plus capable, malgré les investissements qu'elle
avait faits concernant la possibilité d'établir ces services, de
fonctionner. Je pense que maintenant on parle d'une question d'urgence, en plus
de justifier ce projet de loi, mais, à partir des imbroglios
judiciaires, il faut aussi le justifier en vertu de l'urgence. Le
député de Matane soulevait ce problème et je pense que le
ministre des Transports aurait des raisons à nous donner à ce
sujet. Nous pouvons passer à cette question d'urgence. La question
d'imbroglio judiciaire est assez claire. Je voulais bien qu'on le
précise malgré le fait que j'avais reçu certaines
informations à ce sujet, mais il est important que cela soit
précisé devant la commission parlementaire.
M. Mailloux: M. le Président, si on me le permet, il y
avait une condition à l'attention de la compagnie COGEMA qui avait
obtenu un permis de la Commission des transports, c'est qu'elle fasse
l'exposé, devant la Commission des transports, de l'avancement du
problème de la mise en place du navire nécessaire à
l'opération du permis qui lui avait été
concédé. Tantôt, le procureur de COGEMA a mentionné
des problèmes qui se sont posés avec le "Grand Rapid" et le
"French River". Il ressort qu'à la suite de l'examen de ces deux navires
je ne voudrais pas porter de jugement sur les erreurs qui se sont
glissées à ce moment-là sur ces navires la
compagnie COGEMA s'est aperçue que les navires n'étaient pas en
mesure d'assurer le service d'un traversier rail entre les deux rives.
Des discussions se sont engagées avec Incan Ship, dont on a parlé
tantôt, pour un navire qui pourrait éventuellement rencontrer les
exigences du service.
Il y avait une deuxième condition, et c'est peut-être la
deuxième condition quî a également obligé le
ministère des Transports à intervenir à
l'appui. Au moment où COGEMA devait se présenter devant la
Commission des Transports pour expliquer pourquoi elle n'avait pas encore fait
le nécessaire pour que le navire en question soit à sa
disposition et prêt à être mis en service, la partie des
négociations avec le CN était expliquée à ce
moment-là, mais la deuxième condition qui pouvait permettre la
mise en place d'un service de tra-versier entre les deux rives et quand
même les installations portuaires qu'il fallait également mettre
en place... Le ministère des Transports, dans les discussions qu'il a
eues avec les différents ordres de gouvernements, avait certains faits
à avancer à l'appui de la demande qui avait été
faite par COGEMA de surseoir à la décision. Les faits en question
concernaient effectivement les ententes que nous étions à
négocier avec les différents ordres de gouvernements pour la mise
en place des installations portuaires avec les villes de Baie Comeau, Hauterive
et avec le financement partiel de la compagnie Canadien National, avec le
financement également de l'argent venant du gouvernement
fédéral. C'est la raison qui a été à l'appui
pour demander un retard à la commission.
Cet après-midi, il y a eu également... Quand on parle de
l'urgence de la loi qui est présentée par un bill privé,
j'ai écouté, dans le mémoire qu'a soumis M. Raynold
Langlois, les montants que devrait débourser la province. Je ne voudrais
pas revenir sur les termes qui ont été employés; je pense
qu'on mentionnait $28 millions...
M. Langlois: $18 millions, l'inflation...
M. Mailloux: ... que la province devrait débourser,
amenant toute la concurrence que l'on connaît aux caboteurs et à
d'autres, je voudrais immédiatement rectifier les ententes qui motivent
peut-être l'urgence à adopter un projet de loi avant le 31
décembre puisqu'une partie de ces ententes se termine le 31
décembre et que, s'il n'y avait pas d'accord final, ce serait à
recommencer. La ville de Hauterive s'était engagée ainsi que la
ville de Baie-Comeau à souscrire chacune $500,000; le gouvernement
fédéral s'est engagé récemment à souscrire
un montant de $2 millions; le gouvernement provincial, $2 millions
également, la même part que le fédéral, et la
compagnie Canadien National, $1 million.
Quant à l'ensemble des autres installations...
M. Lessard: C'est pour les installations...
M. Mailloux: Portuaires. Quant aux autres installations
portuaires à Matane, il y a un débarcadère d'un coût
estimé de $4,500,000; $1,500,000 est payable par le ministère des
Transports du Québec, $3 millions proviennent de l'entente
Canada-Québec, payés à frais partagés, 75/25, par
Ottawa et Québec. Il y avait également un déboursé
de $2 millions d'achat par le CN du chemin de fer Canada Gulf et il y avait un
montant de $5 millions... par CN. A Baie-Comeau même, le
débarcadère était d'un coût estimatif de $6 millions
et est payé tel que je l'ai dit tantôt: $2 millions, $2 millions,
$1 million, $1 million, par les deux villes. La part complète du
gouvernement provincial, malgré que j'apporte la réserve
suivante... Devant chaque contrat à soumission publique, on est parfois
estomaqué des coûts, on connaît les montants finals au
moment où la soumission publique est produite. C'est un document qui est
présenté demain matin au Conseil du trésor sur la part que
devrait payer le gouvernement du Québec, le montant total à
investir sur l'ensemble des installations portuaires. $2 millions sur $6
millions pour Baie-Comeau et c'est $5 millions sur $27.3 millions de la part du
Québec, pour Port-Cartier et Sept-lles.
M. Lessard: $5 millions sur... les autres? M. Bédard
(Montmorency): $27 millions.
M. Côté: Canadien National et Quebec Cartier
Mining.
M. Mailloux: Matane, Baie-Comeau, Sept-lles et Port-Cartier.
M. Lessard: Matane, Sept-lles...
M. Mailloux: Baie-Comeau et Port-Cartier.
M. Lessard: Est-ce qu'il serait possible d'avoir
l'éventail de ces millions qui sont fournis, non seulement par le
gouvernement, mais aussi par les autres compagnies...
M. Mailloux: C'est l'éventail que je viens de donner, M.
le Président.
M. Lessard: D'accord, je comprends, mais je n'arrive pas; il me
manque des millions quelque part. J'ai Matane, les ports de mer de Matane et
Baie-Comeau. Il me manque des millions quelque part.
M. Mailloux: C'est Port-Cartier et Sept-lles qui viendront plus
tard.
M. Côté: Port-Cartier, $4,500,000,
débarcadère de Sept-lles, $4,500,000 plus $760,000 de voies
d'accès.
M. Lessard: Je vais vous demander de déposer vos
informations.
M. Mailloux: Je pourrai les déposer immédiatement
après l'acceptation au Conseil du trésor.
M. Lessard: Le rapport dont fait mention le ministre, c'est le
mémoire qui a été déposé ce matin par
l'association des...
M. Mailloux: M. le Président, c'est parce qu'il y a un
autre bill, qui est connexe au bill, qui est actuellement à
l'étude devant la commission pour les installations portuaires. Je dois
m'assurer des disponibilités financières qui sont la part du
Québec dans les installations de Baie-Comeau.
M. le Président, je voudrais simplement répéter,
quant à l'urgence du projet de loi, non pas pour enlever la parole
à ceux qui sont assermentés pour répondre... C'est qu'en
cours de route, après l'acceptation d'un permis à COGEMA, qu'il
ait été contesté ou non, il y a eu des discussions entre
le fédéral et le provincial quant à leur participation
financière.
Il y a eu des discussions entre le fédéral et le
provincial quant à leur participation financière; il y a eu des
discussions entre COGEMA et le CN dont on nous a fait part au fur et à
mesure.
Il y a également eu des discussions entre QNS... J'exclus QNS. Il
y a eu des discussions entre la ville de Baie-Comeau et Hauterive, dont le
député de Saguenay est bien au courant.
Il y a eu une prétention également... une argumentation a
été faite par le député de Maisonneuve cet
après-midi, à savoir que l'Opposition officielle n'était
pas contre la mise en place d'un service de traversiers entre les deux rives,
elle aurait préféré qu'un tel service ne soit pas
confié à une compagnie privée, mais à la
société des traversiers d'Etat.
Je pense que l'on connaît l'objection que j'y ai apportée.
D'ailleurs c'était une recommandation qu'avait faite un de mes
collègues du côté ministériel également, le
député de Rimouski. La société d'Etat a pour mandat
de transporter des personnes et des véhicules. Son mandat vient
d'être élargi par la Chambre. Elle doit assurer la direction et
prendre la relève d'autres sociétés qui seront
expropriées.
J'ai également annoncé en Chambre les prises en charge
dont elle devra assumer les responsabilités dans les prochains mois; je
ne sache pas que le "know-how" de la société d'Etat dans le
secteur dont on parle présentement soit susceptible de me convaincre
qu'il faille ajouter à la société une
responsabilité semblable dans le transport des marchandises et des
wagons. D'aucune façon, je ne suis pas prêt et personne ne m'a
convaincu, malgré que je ne mette pas en doute la capacité
d'administrateur des membres de la société d'Etat, dont mon
sous-ministre d'ailleurs est un des membres. Je pense qu'elle a pleinement de
boulot présentement et qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement
de lui demander de prendre la responsabilité d'un tel service.
Il est indiscutable quoi que j'aie pu entendre cet après-midi de
la part du député de Maisonneuve, cela n'a pas été
retenu par le ministère des Transports, malgré que cela ait
été discuté du côté ministériel.
M. Lessard: M. le Président, on se rappelle bien, en tout
cas, je pense bien que je suis très bien informé de
l'intervention du député de Maisonneuve cet après-midi,
lorsque nous avons eu à discuter et je ne veux pas du tout
commencer cette discussion du projet de loi no 5, je pense, en 1971 ou
1972, si ma mémoire est bonne, lors de la création d'abord de la
Société des traversiers de Québec-Lévis, j'avais
à ce moment-là pris position en faveur de l'administration
complète de l'en- semble des services des traversiers du Québec
par cette société, quitte à établir un certain
nombre de modalités.
On sait que chez nous, dans notre région, nous avons
goûté à ces services de traversiers qui avaient
été aménagés par des sociétés
privées et que cela a coûté terriblement cher. Cependant,
et je ne veux pas du tout recommencer cette discussion, il s'agit d'une
discussion de principe qui ne va pas du tout avec le projet de loi que nous
avons discuté cet après-midi, parce qu'il y a quand même
certaines modalités qui auraient pu être faites pour assurer la
pérennité des services de traversiers, parce que je ne voudrais
vous rappeler le Père-Nouvel et le Manic, etc., qui ont
coûté énormément cher à l'Etat
québécois.
Cependant, le député de Maisonneuve précisait
très bien cet après-midi que devant le fait que le ministre nous
ait indiqué qu'il n'avait aucunement l'intention de confier ce service
à la Société des traversiers du Québec et dans le
temps, à la Société de traversiers de
Québec-Lévis, nous avons, à ce moment-là, reconnu
la décision de la Commission des transports. C'est à ce titre
que, comme député de la région, à l'égal
d'autres députés de la région, j'ai donné
entièrement mon appui à la société COGEMA. Il n'est
aucunement question je pense, M. le Président, de reprendre.
Nous avons voulu établir des positions cet après-midi,
mais il n'est aucunement question de reprendre la discussion de principe. Cela
pourrait se faire et il est même possible que je puisse le faire en
deuxième lecture, mais non pas à cette commission
parlementaire.
Une décision a été prise. Je pense qu'il est
extrêmement difficile, tant pour le gouvernement que pour cette
commission parlementaire de revenir en arrière.
L'important est de s'assurer qu'un service soit donné à
l'ensemble de la population des deux rives et cela sans aller au
détriment d'autres compagnies.
M. Mailloux: M. le Président, il y a un argument
supplémentaire que je voudrais apporter ici, à ce moment, sur
l'urgence du bill privé qui est devant cette commission. Je pense aux
honorables membres du Barreau qui sont de l'autre côté et
principalement, entre autres, à Me Raynold Langlois, qui est un expert
maritime, au moment où la Commission des transports s'est
prononcée pour un permis à COGEMA. On a fait valoir, avec
beaucoup d'à-propos, cet après-midi, les dangers qu'affrontaient
les caboteurs du Saint-Laurent devant l'intrusion d'une nouvelle
société qui aurait à faire la navette entre les deux rives
du Saint-Laurent et les répercussions qu'en subiraient principalement
les caboteurs du Saint-Laurent.
Je pense qu'il faudrait quand même se rappeler qu'étant
donné que la commission s'est prononcée, quoiqu'il y ait un
litige devant les tribunaux, si la décision n'était pas prise
maintenant d'y donner suite, devant toutes les discussions portées
devant les différents ordres de gouvernement et les parties en cause,
Incan Ship avait jugé
bon de ne pas se présenter devant la Commission des transports et
de mettre un service en compte propre entre Baie-Comeau et Québec.
C'était plus qu'apparent, puisque la société avait mis en
place, à Québec, un débarcadère pour lequel une
somme de près de $1 million fut dépensée à ce
moment.
Pourquoi la société avait-elle décidé de
faire du compte propre et de ne pas se présenter devant la commission?
Est-ce que, dans mon esprit, c'est parce qu'elle savait d'avance que les
dés étaient jetés et qu'elle n'avait pas la moindre chance
d'avoir un permis?
Il ressort qu'on aurait pu se retrouver quand même avec un
transport de papier entre Baie-Comeau et Québec sans que la juridiction
de la Commission des transports y soit pour quelque chose. Je ne pense pas que
le gouvernement du Québec aurait pu quand même, à ce
moment, faire tellement d'objection à un service pour compte propre pour
autant qu'il serait resté comme tel. Cela ne répondait pas,
à ce que je sache, non plus aux vues du gouvernement ni aux vues de
l'Office de planification, qui voulaient relier les deux rives du
Saint-Laurent.
M. Lessard: Puis-je poser une question au ministre, M. le
Président?
M. Mailloux: Oui.
M. Lessard: Est-ce que, avant que ce million soit
dépensé par Incan Ship, en relation, je pense, avec QNS dans la
région de Baie-Comeau, vous aviez pris les mesures nécessaires,
comme ministre des Transports, pour avertir cette compagnie qu'elle devait, en
vertu de la juridiction québécoise, se présenter devant la
Commission des transports pour établir un tel service, puisque j'avais
eu l'occasion de vous poser des questions à l'Assemblée nationale
à ce sujet?
M. Mailloux: Sans vouloir mal informer la commission, je pense
que je pourrais dire que l'Incan Ship et CP avaient consulté la
Commission des transports et avaient décidé ultérieurement
de ne pas se présenter devant la commission et d'avoir un service entre
Baie-Comeau et Québec, service pour lequel une rampe était
construite à Québec.
Ce n'est qu'après des déclarations de ma part et de la
part du gouvernement que le gouvernement s'opposerait à tout transport
public, à tout service public qui ne serait pas du compte propre et
qu'on engagerait un débat sur un tel service qu'on a abandonné le
service. Je crois que c'est peut-être une des raisons invoquées
pour l'abandon du permis.
Si je voulais revenir sur l'urgence du bill, et si je fais
référence à cette tentative d'lncan Ship d'organiser le
service entre Québec et Baie-Comeau, avant que la cause pendante devant
les tribunaux soit entendue, je pense qu'on peut quand même
prétendre que plusieurs mois, pour ne pas dire des années, se
passeraient avant qu'un jugement final permette que le débat soit
rouvert. Ceci voudrait dire que, dans le même laps de temps, la tentative
faite par Incan Ship pourrait se reproduire sans que nous puissions y
être pour quelque chose et au moment où un tel transport serait
organisé, même en compte propre, pour un tonnage important,
250,000, 300,000 ou 350,000 tonnes.
La rentabilité d'un traversier des deux rives serait mise en
doute de manière catégorique par la suite. Il ne serait plus
possible d'en organiser un.
M. Lessard: Est-ce que le ministre, si vous me permettez, veut
dire qu'lncan Ship aurait la possibilité juridique d'établir un
tel service sans passer par la commission des transports?
M. Mailloux: Ce n'est pas cela que j'ai voulu dire, j'ai voulu
dire qu'à l'intérieur de certains permis de certaines compagnies
ferroviaires ou autres, on peut penser que, pour du compte propre, il pourrait
y avoir des extensions de permis qui ne seraient pas soumises à la
juridiction de la commission des transports, mais on se réveillerait
pour du compte propre, mais qui absorberait un tonnage dont un service public
aura besoin pour sa rentabilité. Cela n'aurait pas fait moins tort aux
caboteurs du Saint-Laurent qui auraient vu disparaître une
quantité importante de papier ou d'autres matières en compte
propre. D'autres questions?
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a pas d'autre
question, on remercie Me Adrien Paquet d'avoir témoigné devant la
commission...
M. Mailloux: M. le Président, on n'avait pas donné
ce matin à la partie qui s'est présentée, alors qu'elle
n'était pas soumise aux contraintes qu'était soumise COGEMA et
les autres. Si Me Re-nold Langlois, au nom des autres parties, des caboteurs,
voulait apporter des observations supplémentaires, je n'ai aucune
objection à ce qu'il soit entendu, pour ma part.
Le Président (M. Lafrance): Me Langlois, si vous avez des
choses à ajouter.
M. Lessard: ... cette demande, tout à l'heure, je
constatais que Me Raynold Langlois avait certaines réticences, à
la suite de certaines informations qui auraient été
données devant cette commission parlementaire. Alors, je pense qu'il n'y
aurait aucun problème à ce que Me Langlois nous donne des
réactions ou des explications nécessaires, toujours selon la
même procédure juridique qui a été établie
tout à l'heure.
M. Langlois: Je n'en ai pas besoin, parce que j'en...
M. Lessard: D'accord. Vous n'êtes pas sous injonction.
Association des propriétaires de navires du
Saint-Laurent (suite)
M. Langlois: Pour employer l'expression qu'on a entendu tout
à l'heure, je me sens souverain en autant que ma cliente est
concernée face à
ces procédures. Je vous remercie infiniment, M. le ministre, M.
le député de Saguenay. J'aurais des remarques très
brèves à faire sur certains sujets qui ont été
soulevés. D'abord, quant à l'historique qui a été
fait, il manquait une étape pour vous amener à la contestation
judiciaire, l'imbroglio judiciaire dont Me Paquet a parlé. Le permis qui
a été accordé ou qui avait été
accordé en premier lieu par la Commission des transports était
assorti d'un certain nombre de conditions. Le mémoire que j'ai
déposé ce matin, d'ailleurs, les donne en détail. On
prévoyait des dates d'échéance d'entrée en vigueur
du service des traversiers-rail, date d'échéance qui avait
été fixée en fonction même des promesses et des
engagements pris par les différents témoins qui avaient
témoigné devant la Commission des transports au nom de
COGEMA.
Or, la commission, face aux renseignements qu'elle obtenait
mensuellement de COGEMA qui confirmait que cette compagnie était
absolument incapable, pour des raisons qui ont été
expliquées devant la commission ultérieurement, de rencontrer les
échéances, raisons financières ou autres, a
décidé proprio motu et c'est ce que je disais ce matin
de reconvoquer COGEMA en disant ceci, il faut bien s'en souvenir dans
son ordonnance, dont le texte de l'avis est reproduit également dans le
mémoire que j'ai lu ce matin: Nous reconvoquons COGEMA pour les fins de
voir si on devrait révoquer son permis, parce qu'elle n'a pas
respecté les conditions essentielles. Les auditions ont eu lieu. A la
suite des auditions, cela a été pris en
délibéré. Avant que la commission ne rende sa
décision sur cette reconsidération du permis, c'est le ministre
des Transports qui est intervenu pour la première fois, à ce que
je sache, dans toute l'histoire des régies et des commissions, pour
demander que celle-ci rouvre l'enquête. La demande a été
faite, d'ailleurs, conjointement, si ma mémoire est fidèle
Me Paquet pourra me corriger là-dessus par COGEMA. C'est à
la veille que ces auditions ne se déroulent, que les deux compagnies,
qui sont les deux mêmes qui ont obtenu' l'injonction ce matin, se sont
adressées à la Cour supérieure pour tester la
validité du permis qui avait été accordé en premier
lieu.
Le député de Saguenay me permettra de préciser la
contestation judiciaire, parce qu'elle est importante pour comprendre une chose
que j'ai à dire après. L'imbroglio judiciaire, pour employer les
termes de mon ami, Me Paquet, est le suivant:
En 1972, quand on a adopté la nouvelle Loi des transports, on a
changé complètement les règles du jeu. Autrefois,
c'était la régie qui décidait quelle catégorie de
permis elle pouvait émettre, par le biais de ce qu'on appelait des
ordonnances générales, et ensuite, elle rendait des ordonnances
particulières dans les cas à l'intérieur de ses
règlements généraux qu'elle établissait
elle-même.
Le législateur a dit, en 1972: Non, il faut que ça change.
Il faut que le pouvoir politique, le gouvernement, donne à la
régie des normes ou un cadre à l'intérieur duquel la
régie agira, tant pour les permis que pour les tarifs. Cela s'inscrivait
dans ce que je disais ce matin. C'est qu'on présupposait que le
gouvernement proposerait un plan directeur de l'aménagement des
transports au Québec, en vertu de l'article 3 de la loi, ce qui n'a pas
été fait jusqu'à ce jour. Je tiens à le dire. Je le
répète, et je ne le répéterai jamais assez souvent.
On est encore, trois ans après, sans plan directeur et on continue
à émettre des permis à gauche et à droite. On
propose même maintenant de faire évoluer une compagnie
complètement en marge de la Loi des transports.
Mais l'imbroglio judiciaire vient de ceci: Nous avons dit à la
Cour supérieure: Si les permis que nous avons, nous, obtenus,
déjà, de la Commission des transports ne nous permettent pas de
faire le même transport que COGEMA, pourquoi? Est-ce que c'est pour la
raison qui nous a été donnée dans nos requêtes en
interprétation de permis selon laquelle la commission, même si
elle avait voulu nous autoriser ce sont les paroles mêmes du juge
Bouchard dans son jugement même si la régie ou la
commission avait voulu autoriser nos clientes à faire le transport qui a
été accordé à COGEMA, elle n'aurait pas pu le
faire, parce qu'il n'y a pas de catégorie de permis qui prévoit
le transport de wagons de marchandises.
Le gouvernement n'avait pas, autrement dit, donné le droit
à la commission d'accorder un permis tel que celui qui avait
été accordé à COGEMA.
M. Lessard: Si je vous comprends bien, Me Langlois, vous dites
que le juge Bouchard, dans son jugement, aurait dit que, même si la
Commission des transports avait voulu vous donner...
M. Langlois: Le même permis que COGEMA.
M. Lessard: ... le permis ou la possibilité de faire du
traversier-rail...
M. Langlois: Non... C'est ça... Elle n'aurait pas pu le
faire.
M. Lessard: ... du traversier-wagon, elle ne le pouvait pas, en
vertu de sa réglementation actuelle.
M. Langlois: C'est ça!
M. Lessard: Autrement dit, pour avoir ce pouvoir, il aurait
été nécessaire de prévoir, peut-être, une
troisième catégorie de permis.
M. Langlois: Exactement!
M. Lessard: Est-ce que je vous comprends bien?
M. Langlois: Vous avez très bien compris. C'est ça
qui a été décidé par la Cour supérieure.
C'est COGEMA qui en a appelé devant la Cour d'appel ainsi que le
ministre des Transports, devant la Cour d'appel.
Bon! Ce qui m'amène à vous dire ceci. Ce qui est
très dangereux dans le projet de loi 214, fon-
damentalement, en dehors du débat industriel que j'ai
expliqué ce matin, c'est que voici un service public que vous instaurez,
en marge d'une loi d'ordre public qu'est la Loi des transports, où vous
laissez au pouvoir gouvernemental, autrement dit, strictement au pouvoir
politique, le seul mandat de l'autoriser, d'en déterminer les conditions
et d'en déterminer les tarifs, alors que cela a toujours
été la politique des gouvernements du Québec de confier
à des organismes quasi judiciaires, des organismes indépendants
du pouvoir politique, en d'autres termes, pour des raisons qu'on peut
facilement comprendre, d'autoriser ces services.
L'autre danger, c'est que, dans la Loi des transports, la logique de
l'Assemblée nationale, M. le député de Saguenay et membre
de la commission, c'est que tous les services de transport sont
interdépendants. C'est l'article 2 de la Loi des transports qui le dit.
Là, vous excluez un service très important. Vous le faites
opérer en marge de la loi.
Donc, il y aurait une solution au problème de l'imbroglio
judiciaire dont Me Paquet a parlé, qui n'aurait même pas
demandé qu'on mette en branle le mécanisme législatif de
l'Assemblée nationale. C'est un arrêté en conseil, en vertu
de la Loi des transports, autorisant la Commission des transports à
émettre la catégorie de permis demandée. C'était
une première possibilité. Ou une deuxième, puisque le
gouvernement semble être, à toutes fins pratiques, le parrain du
projet de loi, cela aurait été d'adopter un amendement à
la Loi des transports, qui aurait peut-être été au
même effet que le bill 214, et là, je me serais opposé pour
les autres raisons, mais quand même, au moins en laissant la nouvelle
compagnie sous le contrôle quasi judiciaire de l'organisme que
l'Assemblée nationale a créé pour contrôler les
transports au Québec...
M. Mailloux: M. Langlois, quelle différence y a-t-il entre
un arrêté ministériel, qui aurait pu permettre ce que vous
venez d'avancer, et si on comble le vide législatif par un projet de
loi?
M. Langlois: Une différence énorme, M. le ministre.
C'est que c'est vous qui allez autoriser le service suivant le bill 214, donc
un...
M. Mailloux: Alors que...
M. Langlois: Alors que, dans l'autre cas, cela aurait
été la Commission des transports, un organisme indépendant
du pouvoir politique.
M. Côté: M. le Président, me permettrait-on
une question? Me Langlois, de par vos connaissances ou de mémoire,
êtes-vous au courant qu'il existe une autre situation comme
celle-là, où c'est le ministre des Transports qui a à
donner l'autorisation de permis?
M. Langlois: Dans quel cas? Je ne sais pas.
M. Côté: Dans le chemin de fer Canada & Gulf
à Matane.
M. Langlois: C'est possible. D'ailleurs, c'est très
intéressant de noter que, par l'effet de ce projet de loi, vous perdrez
probablement juridiction sur les trois seuls chemins de fer que le
Québec contrôle actuellement, dont le chemin de fer de Canada
& Gulf, qui sera acheté par le CN et qui tombera donc sous le coup
de la Commission canadienne des transports...
M. Côté: Absolument pas. Je m'excuse. M.
Langlois: Je suis avocat!
M. Côté: On sait que vous êtes avocat, mais il
ne faudrait peut-être pas aller trop loin. Il y a une chose sûre.
Le chemin de fer Canada & Gulf, quel qu'il soit, même s'il est acquis
par le CN, sera sous la responsabilité du ministre des Transports comme
cela a été le cas dans le passé. J'aimerais bien que vous
apportiez cette précision parce qu'elle est très importante.
M. Langlois: Sauf que la Cour suprême vient de
décider, dans une affaire à Toronto, que, dès le moment
qu'un chemin de fer fait partie d'un réseau national, tel qu'un chemin
de fer qui serait propriété du CN, il est de juridiction
fédérale, même s'il s'agit d'une voie de chemin de fer
servant au transport de résidents à l'intérieur de la
ville de Toronto.
M. Lessard: Ce n'est pas interprovincial?
M. Langlois: On dit que cela fait partie du réseau et la
Cour suprême a dit! Voyez-vous deux juridictions différentes ayant
juridiction sur un même rail? Cela fait des collisions et ce n'est pas
très attrayant sur le plan constitutionnel.
M. Côté: Je serais bien curieux d'entendre les
commentaires des gens du CN là-dessus!
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Saguenay.
M. Lessard: M. Langlois, lorsque vous parlez de la
possibilité, au lieu d'adopter le projet de loi 214, d'un
arrêté en conseil, vous voulez souligner qu'il aurait
été possible, à un certain moment, par arrêté
en conseil, d'établir un permis de troisième catégorie,
précisant le type de permis. Mais la question que je vous pose est la
suivante: Par la même occasion, n'aurait-il pas été
nécessaire de rouvrir toutes les auditions à la Commission des
transports pour qu'on recommence exactement tout le processus puisque ce permis
était nouveau et qu'en vertu de la décision prise par le juge
Bouchard, il fallait permettre à toute autre compagnie, quelle qu'elle
soit, de pouvoir avoir la possibilité de se qualifier, en vertu de ce
troisième permis, tel que décidé par arrêté
en conseil?
M. Langlois: Vous avez absolument raison. C'est
l'inconvénient de la solution, mais, à mon sens, c'est un
inconvénient qui n'en n'est pas un. C'est un faux problème. Je
m'explique.
C'est un faux problème parce que le projet qu'on vous
présente aujourd'hui, qui vous a été décrit de
façon sommaire par Me Paquet est, de toute évidence, totalement
différent de celui qui a déjà fait l'objet d'une preuve
devant l'organisme de réglementation.
Le navire est différent, sa conception est différente,
nous sommes deux ans plus tard, le capital-actions est différent. Et
même il y a un autre élément important, parce que vous
savez que les organismes de réglementation attachent beaucoup
d'importance à qui est propriétaire de services publics. Vous
avez donc aujourd'hui un élément important, le CN. Est-il
d'intérêt public que l'on permette à une compagnie de
chemin de fer de devenir un actionnaire important, pour ne pas dire un
actionnaire de contrôle, d'un service public maritime?
Vous savez qu'il y a eu des ordonnances de la Commission des transports
et de la Régie des transports qui ont dit précisément
qu'il ne fallait pas donner à un mode de transport le contrôle
d'un autre mode de transport. C'est le fameux conflit, à savoir si les
compagnies de camionnage peuvent être propriétaires de compagnies
de navires et vice versa. Tout ce débat n'a pas eu lieu. Est-il dans
l'intérêt du peuple québécois, dans l'esprit de
l'organisme qui a été chargé par l'Assemblée
nationale de le faire, est-il dans l'intérêt public que l'on
permette cela?
Je dis que si c'est un inconvénient, en 1975 ou en 1976, il est
important que COGEMA retourne publiquement à des auditions qui
pourraient se tenir rapidement, parce qu'il y a quand même un certain
nombre de données qui demeurent les mêmes, pour expliquer à
nouveau son projet et pour qu'on décide s'il est d'intérêt
public.
M. Lessard: Vous démontrez de la sympathie pour
l'intérêt des Québécois, ce soir.
M. Côté: Du peuple québécois, surtout,
oui.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Matane.
M. Côté: J'aurais...
M. Langlois: On ne me le reproche pas, j'espère?
M. Lessard: On ne vous le reproche pas. En un autre temps,
j'aurais pu vous reprocher de ne pas avoir trop pris la défense des
intérêts des Québécois.
M. Langlois: Dans quel cas? M. Lessard: Vous le savez.
M. Langlois: Dans le cas de la câblodistribu-tion?
M. Lessard: On en parlera lors d'un prochain projet de loi.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Matane.
M. Côté: Me Langlois, advenant le cas où soit
n'importe quel des requérants qui exploite le permis de traversier-rail
entre Matane, Baie-Comeau, Port-Cartier et Sept-lles, n'y aura-t-il pas
obligatoirement la présence du CN dans le portrait parce que les rails
de la côte nord de la Gaspésie sont propriété du
Canadien national, ce que je sache?
M. Langlois: C'est-à-dire que la présence du
Canadien National peut s'arrêter au terminus, ce n'est pas
nécessaire qu'il devienne, à toutes fins pratiques, l'âme
dirigeante du service de traversier de telle sorte que vous perdiez même
juridiction sur le transport maritime que vous avez déjà à
l'heure actuelle.
M. Côté: On ne perd pas juridiction je pense. En
tout cas, on peut avoir des interprétations différentes selon ce
qu'on est.
M. Langlois: C'est le risque.
M. Côté: J'ai une autre observation à faire.
Quand vous avez mentionné la possibilité de corriger la
réglementation pour revenir devant la commission, pour plaider à
nouveau devant la commission pour tenter d'avoir un permis, quant aux
délais, vous qui avez l'expérience devant ces commissions, est-ce
que vous pouvez nous dire combien cela peut prendre de temps avant que la
commission se prononce sur un permis comme celui-là?
M. Langlois: Monsieur, je pourrai vous dire que, suivant mon
expérience, cela peut prendre un jour comme cela peut prendre un an.
M. Côté: J'ai l'impression que cela peut prendre un
an alors cela retarde d'autant le projet et cela met en péril tous les
investissements de l'entente Canada-Québec des gouvernements, de
l'entente du complexe ferro-portuaire de la Côte-Nord. Alors, je pense
que quand on parle de caractère d'urgence, j'ai nettement l'impression
que c'est là le point et aussi des compagnies à desservir sur la
Côte-Nord. Il ne faut quand même pas l'oublier.
M. Langlois: Elles sont desservies actuellement. J'aimerais
ajouter ceci: Elles sont déjà desservies ces compagnies. Elles
existent, elles ont prospéré. A ce que je sache, il n'est pas
question qu'elles ferment leurs portes. Les marchandises qu'on veut transporter
par l'entremise de ce service, il ne faudrait pas l'oublier, sont
transportées à l'heure même où on se parle et elles
sont transportées de façon que ces entreprises continuent
à prendre de l'expansion. Quant au risque du délai c'est
le dernier point auquel je voudrais répondre le ministre a
parlé tantôt du risque que Incan Ship revienne. Le
règlement de la loi 214 qui est proposée n'établit aucune
exclusivité et je dis
au ministre des Transports que tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas
adopté un règlement prévoyant un permis de
traversier-rail, il est fort probable que n'importe qui pourra venir au
Québec pour fournir un service de traversier-rail et ne pas avoir
à s'adresser à aucun organisme de réglementation ni
même au gouvernement, parce que l'article qui défend
l'article 31 de la loi à quelqu'un d'amorcer un service public de
transport ne le défend que dans la mesure où il y a un permis
d'édicté aux fins du service qu'il veut faire. Tant et aussi
longtemps que le gouvernement n'aura pas proposé un amendement à
l'ordonnance générale du transport par eau, Incan Ship peut
revenir sans jamais se préoccuper de la Commission des transports ni du
ministre des Transports. Donc, le danger existe toujours.
M. Mailloux: M. le Président, je ne voudrais pas revenir
sur toute l'argumentation apportée par Me Raynold Langlois, expert
maritime, dont je reconnais la valeur. Ayant été moi-même
un certain temps dans le cabotage, on a fait référence
tantôt au vide législatif qu'on aurait pu combler par la
procédure qu'il a mentionnée. Le gouvernement était bien
au courant de cela, il savait pertinemment qu'en ce faisant, il aurait
reporté le débat à trois ans plus tard. S'il y avait une
volonté bien exprimée, malgré le vide législatif,
qu'un permis devait être mis en place, quels que soient les moyens qu'on
aurait pris par arrêté ministériel, par législation
ou autrement, on aurait connu tous les délais qu'on appréhendait.
Si c'était aussi parfait avant la Loi des transports, qui est
complètement imparfaite, je l'avoue... je me rappelle que dans des
années précédentes, si cela met tellement en danger les
caboteurs actuels, j'ai vu des permis accordés selon la loi
précédente, qui ont été pas mal plus nocifs que
celui qui va être accordé comme traversier-rail, pas mal plus
nocifs et qui ont fait disparaître la majeure partie des caboteurs
québécois.
Je pense que M. Raynold Langlois sait pertinemment à quel permis
je fais allusion, qui a fait disparaître 50% des caboteurs du
Québec, malgré l'ancienne réglementation de la
Régie des transports du Québec qui était assez
étanche, mais n'a pas été assez étanche pour
laisser complètement occuper le terrain par du... ou autrement, par des
caboteurs qui sont venus pour des compagnies que connaît Me Raynold
Langlois. Je ne fais pas référence aux agences maritimes, je fais
référence à d'autres compagnies qui transportent la
presque totalité du bois sur le Saint-Laurent.
M. Langlois: L'association s'y était opposée, M. le
ministre, vous vous en souvenez. On avait demandé l'aide du gouvernement
qui a refusé d'.intervenir dans la régie qui a accordé le
permis.
M. Mailloux: Ce qui prouve que nécessairement, que ce soit
le gouvernement actuel, la Commission des transports actuelle ou l'ancienne
Régie des transports, le domaine des transports maritimes est le domaine
le plus mouvant que l'on connaisse. Les experts maritimes sont peu nombreux au
Canada et chaque fois qu'on se penche sur un dossier maritime, on constate
qu'il y a des lacunes, des vices dans la législation, des vices dans la
réglementation. Il n'est pas facile, du jour au lendemain, de faire une
loi, une réglementation qui soit parfaite et qui couvre tous les
cas.
Le Président (M. Lafrance): Alors, s'il n'y a plus de
question, nous avons entendu les parties qui voulaient se faire entendre, j'en
profiterais pour remercier tous ceux qui sont intervenus, Me Langlois...
M. Mailloux: Avant de passer aux articles, il nous restera quand
même une observation à apporter.
Le Président (M. Lafrance): Le mandat de la commission
était d'entendre les parties qui voulaient se faire entendre, alors le
mandat de la commission se termine là. C'est ça.
M. Mailloux: Avant de passer aux articles du projet de loi, je ne
voudrais pas que ce soit perçu comme un à-côté de la
décision qu'appuie le gouvernement. J'ai fait référence ce
matin au danger avec lequel les caboteurs du Saint-Laurent seraient
confrontés au moment où ce permis pourrait être
autorisé par la Chambre et, par la suite, si les installations
portuaires étaient en place, et que le permis était en vigueur en
1978 ou en 1979, cela apporterait des contraintes majeures à d'autres
transporteurs, tels les caboteurs principalement ou routiers. Je pense que je
pourrais avouer publiquement que, si je n'ai pas eu de répugnance,
depuis le début, à étudier ce dossier, j'ai toujours
constaté que quel que soit le détenteur du permis, qui aurait
à faire la navette entre les deux rives du Saint-Laurent, mon
collègue du Revenu, qui a été prêt de ce dossier, a
toujours senti, mon sous-ministre également, la réticence que
j'avais, comme ancien caboteur, à placer une concurrence assez nocive
aux autres caboteurs du Saint-Laurent. Dans les jours qui ont
précédé, j'avais fait il y avait des transporteurs
de mon comté qui sont assez nombreux quelques suggestions quant
aux contreparties qui devraient être apportées pour permettre aux
caboteurs de continuer à vivre normalement sur le Saint-Laurent.
Je fais référence, sans cachette, à un dossier qui
est assez public actuellement. Je ne suis pas mandaté par la compagnie
SOQUEM pour parler en son nom, il ressort quand même que les compagnies
de la couronne dépendent du gouvernement et doivent suivre, je pense,
l'intention gouvernementale. S'il y a eu une intention gouvernementale assez
bien indiquée qu'on voulait rejoindre les deux rives du Saint-Laurent
par un traversier-rail, je pourrais dire, après consultation avec le
premier ministre, avec le ministre des Richesses naturelles et avec mes
collègues du gouvernement, dont le leader parlementaire, qu'advenant
que, dans les années qui vont suivre... Me
Raynold Langlois a parlé d'un tonnage d'environ 100,000 tonnes
que perdaient les caboteurs du Saint-Laurent et je pense que c'est quand
même un tonnage important qui pourrait mettre à mal plusieurs des
caboteurs.
Je ne voudrais pas faire revivre tous ceux qui sont disparus de la
circulation et qui sont dans d'autres activités aujourd'hui, mais je dis
ceci, comme membre d'un gouvernement, comme responsable du ministère des
Transports, que mes collègues du conseil des ministres... C'est
l'intention du gouvernement d'inviter SOQUEM à faire en sorte que le
tonnage qui pourrait venir à ce moment-là, si la décision
est favorable et que ça se réalise profitablement de mettre en
exploitation ce gisement... Comme on sait que le gouvernement du Québec
achète près de 1 million de tonnes lui-même et que les
municipalités qui sont également subventionnées par l'Etat
en partie achètent également près de 1 million de tonnes
de sel, je pense qu'il y a au-delà de 2 millions de tonnes de sel qui
devront aller vers l'intérieur du Québec et pour lesquelles le
gouvernement consentirait à ce que soient privilégiés les
caboteurs existants, une association de caboteurs. Je ne voudrais pas que la
même erreur qui a pu être faite au départ, alors que
l'Association des caboteurs aurait pu requérir le permis que sollicite
COGEMA... Il faudrait que les caboteurs, qui existent aujourd'hui, suivant le
tonnage dont ils disposent maintenant, suivant les conséquences que cela
entraînera sur la perte de revenu possible, se forment en
association.
A ce moment-là, le gouvernement pourra faire le nécessaire
pour que la compagnie SOQUEM les favorise, pour autant que les prix qui seront
offerts seront des prix compétitifs. Malgré qu'il y aura
peut-être certains investissements à faire à ce
moment-là, je ne sache pas que l'investissement qu'il serait
nécessaire de mettre en place pour ajouter des éléments
à la flotte existante qui ne pourrait desservir, pour les
quantités les plus importantes... Je pense que le gouvernement ferait
l'effort nécessaire pour permettre un financement acceptable à
une telle association et pour lui permettre, comme transporteur
québécois, de bénéficier de ce transport en entier
à l'intérieur du Saint-Laurent.
Je pense que les partis d'Opposition appuieront sûrement une
tentative semblable qui permettrait que les effets d'un traversier-rail soient
moins nocifs sur l'ensemble du cabotage du Québec.
Je voulais quand même étant donné qu'il y a
eu quantité de discussions, à l'intérieur de ce
débat, sur des mesures qui pourraient protéger contre la perte de
revenus assurer les caboteurs qui sont ici présents, de
même que ceux qui sont ici mandatés pour les représenter,
que l'intention gouvernementale restera ferme dans le sens que je viens
d'expliquer.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Saguenay.
M. Lessard: M. le Président, nous aurons pro- bablement
l'occasion de discuter ce problème, si on peut au moins espérer
que la Société québécoise d'exploration
minière pourra mettre en exploitation ses mines de sel aux
Iles-de-la-Madeleine. Avant d'engager la discussion article par article,
j'aurais deux questions à poser au ministre des Transports qui sont en
relation avec les questions qui ont été soulevées par Me
Raynold Langlois et qui sont, je pense, des questions fort importantes.
Premièrement, le fait que le projet de loi 214 instaure un
service en marge de la Commission des transports, je pense que c'est là
un point qui nous préoccupe puisque nous avions une Commission des
transports qui avait la responsabilité de cette...
En marge, nous verrons la loi qui viendra par la suite, mais la
différence, c'est que c'est le ministre qui a les pouvoirs de la
Commission des transports. Je pense que cela est un point qui est très
important puisque si, en fait, la Commission des transports avait eu la
possibilité d'émettre ce permis qui est actuellement en
contestation, nous n'aurions pas cette loi actuellement. Les pouvoirs qui sont
donnés normalement à la Commission des transports sont
donnés au ministre en vertu des articles que nous aurons à
étudier.
Cela m'apparaît être un danger, à savoir une
création parallèle ou un service parallèle à la
Commission des transports et cette loi, nous le verrons tout à l'heure,
donne des pouvoirs considérables au ministre, même la
possibilité d'intervenir à l'intérieur de la compagnie,
pouvoirs, comme me l'expliquera probablement le ministre tout à l'heure,
qui, de toute façon, sont donnés à la Commission des
transports, mais on sait que la Commission des transports est un organisme qui,
normalement, est apolitique. Je pense que, dans le passé, le ministre
des Transports, excepté le précédent qui a
été donné tout à l'heure par Me Langlois, s'est
toujours refusé à intervenir devant la Commission des
transports.
Le deuxième point qui est soulevé par Me Raynold Langlois
et qui m'apparaît quand même important pour la protection du
service qui viendra, puisque nous avons à voter une loi pour
établir un service entre les deux rives... Me Raynold Langlois qui,
semble-t-il, est un expert en législation maritime, précise que,
tant et aussi longtemps que nous n'éclaircirons pas la loi de la
Commission des transports et particulièrement la réglementation
de la Commission des transports, il sera toujours possible pour Incan Ship de
revenir à la surface et d'instaurer un service qui pourrait
peut-être être un service parallèle, mais un service qui
pourrait être établi par les entreprises elles-mêmes et qui
serait au profit de leur propre service.
Considérant ces deux questions et particulièrement la
dernière, je demande: Est-ce que, une fois que la loi 214 sera
acceptée, si acceptation il y a, le ministre a l'intention de prendre
les mesures nécessaires pour au moins assurer la pérennité
de ce service ou faire en sorte que ce service ne puisse être
concurrencé de façon telle qu'il puisse
être mis en péril, par la suite, par des décisions
d'autres compagnies telles que Incan Ship? Je pense que ce sont deux questions
qui m'apparaissent importantes et qui ont été soulevées
par Me Langlois.
Parce qu'il ne faudrait pas attendre encore que l'urgence soit
c'est là qu'est le problème décrétée
avant de corriger des situations et que, tout à coup, on laisse des
compagnies décider, comme Incan Ship en relation avec Québec
North Shore, etc., d'opérer et d'investir des montants assez
considérables on parle actuellement de $1 million dans la
région de Québec et que, devant le fait que la compagnie
COGEMA se trouve être dans une situation financière très
difficile par suite de la concurrence de cette compagnie, on arrive encore avec
une loi d'urgence à l'Assemblée nationale pour corriger la
situation.
Nous de l'Opposition, on se retournera de bord et on dira: Ecoutez, M.
le Président, le ministre a déjà averti, par suite de
notre intervention, à un moment donné.
M. Côté: Le député est-il au courant
qu'il y a déjà une loi qui est sous la juridiction du ministre,
soit celle qui régit le chemin de fer du Canada & Gulf de
Mont-Joli-Matane.
M. Lessard: Non, ce n'est pas là le point, je pense, qui
est soulevé par Me Langlois.
M. Côté: Non, mais c'est parce que vous parlez d'un
système parallèle. C'est exactement la même chose qui se
produit dans ce cas-ci.
M. Lessard: Mais, je pense au point de vue du traversier. Le
ministre nous a dit tout à l'heure... Je lui ai demandé s'il
était possible pour Incan Ship, à un moment donné,
d'instaurer un service de traversier, si vous nous permettez...
M. Côté: C'est votre deuxième question.
M. Lessard: ... d'établir un service de traversier... Ah
oui! Vous posez la question pour la première. Mais la deuxième
m'apparaît fondamentale. Il reste que le précédent ne
justifie pas quand même des décisions qui viennent par la suite.
Il ne faudrait quand même pas légiférer continuellement
à l'Assemblée nationale sur des projets de loi privés,
parce que je vous avoue...
M. Côté: Je voulais tout simplement...
M. Lessard: ... bien honnêtement que je contesterais la
valeur privée de ce projet de loi qui m'apparaît beaucoup plus un
projet de loi public que privé.
M. Côté: ... compléter l'information du
député de Saguenay.
M. Lessard: Mais, sur la deuxième question, est-ce que le
ministre a quand même l'intention de prendre les mesures
nécessaires pour faire que d'autres compagnies qui auront l'intention de
s'instaurer ou d'établir un service semblable soient soumises, à
un moment donné, à une certaine réglementation de la
commission, soit d'un nouveau permis de catégorie 3? Je ne le sais
pas.
M. Mailloux: M. le Président, je pense que tantôt,
j'ai déclaré, quand j'ai parlé du problème Incan
Ship, que pour autant que la compagnie voulait faire du compte propre, il n'y
aurait pas eu grande argumentation qu'aurait pu invoquer le ministre pour
contester la validité d'un tel transport. .
S'il y a eu une déclaration, je pense, du ministère des
Transports, c'est à l'effet que le service que la compagnie
désirait mettre en place était un service public. C'est à
ce moment que je dis qu'il y aurait forcément un débat
constitutionnel qui s'engagerait, parce que nous contesterions la
validité d'un tel permis.
Je voudrais revenir, M. le Président, si vous me le permettez,
sur le vide législatif ou sur le vide de la réglementation dont a
parlé Me Raynold Langlois. Il ressort quand même que la Commission
des transports doit juger, suite à la réglementation qui est
adoptée par le conseil des ministres, si la recommandation qui est faite
est imparfaite? Je ne voudrais pas me prononcer à ce moment-ci sur ce
phénomène. Il y a quand même eu un banc, vous l'avez
mentionné vous-mêmes tantôt, des procureurs qui avait
jugé du permis à accorder à COGEMA, un banc de cinq juges,
dont le président de la Commission des transports. C'était la
première fois, ou une des rares fois, que le président et le banc
au complet s'étaient prononcés sur un permis.
Je ne pense pas, malgré que je n'aie pas de connaissances
légales, que je doive faire quelque commentaire que ce soit sur
l'interprétation qu'a voulu donner un banc différent du permis,
quand une autre compagnie, Rail & Water, demandait à un autre banc,
à la Commission des transports, de se prononcer.
M. Langlois: Mais la Cour...
M. Mailloux: Mais, il y a une instance devant la Cour d'appel.
C'est indiscutable que, s'il y avait un doute, je ne voudrais pas
préjuger... On préjuge par le projet de loi en disant: Oui, nous
autres, on dit comme instance de gouvernement, que, avant que la cause soit
entendue sur cette interprétation, cela va prendre quand même
peut-être une année ou deux années et le gouvernement pense
que le permis, par voie législative, bill privé ou autrement,
doit être mis en place. Mais je ne sais pas, au préalable, que la
cour qui serait appelée à juger de la deuxième
interprétation rejoindrait forcément la décision rendue au
moment de l'interprétation par un banc différent.
M. Langlois: Est-ce que je peux répondre?
M. Mailloux: Oui, vous pouvez faire votre observation.
M. Langlois: Même dans ce contexte-là, à
partir du moment où vous jugez opportun d'intervenir, que ce soit par
législation ou par règlement, M. le ministre, il me semble que
vous intervenez, le débat judiciaire devient académique, mais au
moins, vous le faites dans le cadre de la Loi des transports, vous le faites
aussi de façon à sécuriser tous les détenteurs
actuels de permis de transport, qui ne savent pas jusqu'où justement
leur permis leur donne le droit d'aller. C'est cela qui est le problème
à l'heure actuelle.
M. Mailloux: Dans le cas actuel, je pense que le gouvernement le
fait de façon législative, parce qu'il avait clairement
indiqué son intention de relier les deux rives du Saint-Laurent.
M. Langlois: Pour un seul...
M. Mailloux: Pour un détenteur de permis, sur lequel la
Commission des transports s'était prononcée, nonobstant la
deuxième interprétation qu'a voulu donner un autre bail, il est
possible que je décide en lieu et place de la Cour d'appel devant
laquelle les parties requérantes étaient en appel actuellement,
oui. Je pense qu'ultérieurement à cette décision
législative par bill privé, il sera nécessaire que le
ministère des Transports revoie cette réglementation, en clarifie
les articles, de telle façon qu'un litige semblable ne se reproduise pas
dans l'avenir. Je pense bien que d'autres litiges pourront quand même
découler de décisions, parce qu'il y a tellement de secteurs
d'activités dans la Loi des transports qu'à moins d'avoir un pur
esprit, ce que je ne prétends pas être, il y aura toujours
certains vides dans cette loi, dans la réglementation.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Saguenay.
M. Lessard: Le ministre vient de répondre un peu à
ma question, à savoir qu'il a l'intention de corriger la
réglementation; mais je voudrais poser une dernière question
à Me Langlois, concernant justement la dernière intervention
qu'il a faite, suite aux remarques du ministre. Est-ce que, de façon
juridique, même si c'est académique, le débat judiciaire,
malgré l'adoption de la loi 214, qui est actuellement devant une
instance juridique ne doit pas ou ne peut pas se continuer? En fait, ma
question: Je comprends qu'on joue sur les termes judiciaires, mais en vertu de
la loi 214 telle que rédigée, est-ce que le débat
judiciaire est automatiquement terminé? Je ne pense pas.
M. Langlois: A mon avis, M. le député de Saguenay,
à l'heure actuelle, évidemment...
M. Lessard: Je comprends que cela devient un débat
académique.
M. Langlois: Du fait qu'il devient académique, les
tribunaux se refusent à disposer des litiges qui sont purement
académiques ou, par conséquent, tout ce qu'on leur demande, c'est
une opinion. Le seul moment où les tribunaux acceptent de donner une
opinion, c'est sur un référé, soit par le conseil des
ministres provincial à la Cour d'appel ou le conseil des ministres
fédéral à la Cour suprême. Dès le moment
où on leur dit: Ecoutez, le permis qu'on conteste, ils l'ont
législativement, par ailleurs... Le tribunal va dire: A quoi cela
sert-il de continuer? Donc, il va tomber. C'est d'ailleurs le principal motif
qui nous a incités à prendre l'injonction.
M. Lessard: Je n'ai pas d'autre question, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrance): Je remercie ceux qui sont
intervenus, Me Langlois et Me Paquet. Nous commençons l'étude du
projet de loi article par article. Article 1, adopté?
M. Lessard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Article 2?
M. Lessard: M. le Président, je pense que le ministre...
je n'ai malheureusement pas la Loi de la Commission des transports devant moi,
mais je voudrais qu'au cours de la discussion, le ministre nous indique
à un moment donné, en quoi cette loi a été un peu
rédigée à l'exemple de la Loi de la Commission des
transports, parce qu'on l'a souligné, il s'agit d'une loi en marge de la
Commission des transports. Cependant, je ne voudrais pas que cette loi donne
plus de pouvoir au ministre qu'elle n'en donne au moins à la Commission
des transports. Même s'il y a un certain nombre d'articles que je n'aime
pas particulièrement, parce que le ministre a énormément
de pouvoir, je voudrais au moins qu'on ne lui en donne pas plus que ce qui est
donné à la Commission des transports. A l'article 2, est-ce que
cela correspond au pouvoir donné à la Commission des
transports?
M. Mailloux: Est-ce que je pourrais donner les numéros des
articles du projet de loi qui feront référence à la Loi
des transports?
M. Lessard: D'accord.
M. Mailloux: Le deuxième paragraphe de l'article 2
correspondrait à l'article 32 de la Loi des transports, le
deuxième paragraphe de l'article 2 de la loi actuelle. Le second
paragraphe, également, de l'article 7 correspondrait à l'article
38. L'article 8 correspondrait à l'article 40. L'article 9, à
l'article 36. L'article 10, à l'article 39. L'article 11, à
l'article 50. L'article 12, à l'article 51. L'article 13, aux articles
30 et 35. L'article 14, à l'article 74.
M. Lessard: Pardon?
M. Mailloux: L'article 14, à l'article 74 de la Loi des
transports. L'article 15, à l'article 75. L'article 16, à
l'article 77. L'article 17, à l'article 78. L'article
18, à l'article 79. Les articles 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et
26, aux articles 157 à 164.
Le Président (M. Lafrance): C'est de la concordance.
M. Lessard: Je présume que l'article 2, premier
paragraphe, correspond, à ce moment, à la décision de la
Commission des transports lorsqu'elle juge à propos d'accorder le
service. C'est le ministre maintenant.
M. Mailloux: Est-ce qu'il y a un vote en Chambre?
Des Voix: C'est le quorum.
Le Président (M. Lafrance): Etes-vous sûrs?
M. Bédard (Montmorency): Ils étaient dix en Chambre
tantôt.
M. Lessard: Article 2, M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Adopté?
M. Lessard: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Article 3, adopté?
M. Lessard: Une minute! Article 3, il s'agit de...
M. Mailloux: Les articles 3 à 7, c'est la reproduction
approximative des conditions exprimées dans le permis que la Commission
des transports du Québec avait accordé à COGEMA. Il y en a
quelques-unes qui sont périmées, qui n'apparaissent pas, ou qui
ne seraient pas indispensables.
M. Lessard: D'accord sur l'article 3, l'article 4. Le
Président (M. Lafrance): Article 3, adopté. M. Lessard:
Adopté. Le Président (M. Lafrance): Article 4,
adopté.
M. Lessard: A l'article 5, est-ce que le ministre a reçu
cette information? Est-ce qu'il y a une décision qui a été
prise par COGEMA, concernant le bateau-rail dont elle disposera pour donner le
service?
M. Mailloux: Tantôt, en écoutant Me Paquet, je pense
qu'il a donné la date prévue par l'entente pour la livraison du
navire Incan Ship. C'est en janvier 1977.
Le Président (M. Lafrance): Article 5, adopté?
M. Lessard: Cela va.
Le Président (M. Lafrance): Article 6?
M. Lessard: A l'article 6, c'est évident, pour autant que
les services seront donnés par le ministère des Transports.
Le Président (M. Lafrance): Article 6, adopté. M.
Mailloux: Cela suppose qu'un autre... M. Lessard: Oui.
M. Mailloux: ... projet de loi devra être
présenté dans les jours qui suivent, quant aux installations
portuaires et à la participation...
M. Lessard: Pour Baie-Comeau; mais pour Matane, est-ce qu'on a
besoin de ces... On n'a pas besoin d'un projet de loi spécifique. Est-ce
que c'est le gouvernement du Québec qui va... En tout cas, on en
discutera à ce moment-là.
Le Président (M. Lafrance): Article 6, adopté.
Article 7?
M. Lessard: Article 7: C'était la demande qui avait
été faite par COGEMA, devant la Commission des transports,
à savoir, par exemple, le service deux fois par semaine. Est-ce que cela
correspond à la demande qui avait été faite?
M. Mailloux: Cela apparaît au permis, semble-t-il.
M. Lessard: Oui.
M. Côté:... intention...
M. Mailloux: Est-ce que c'est exact?
M. Côté: Je pense que...
M. Mailloux: Un instant! Un instant! Comme il y a substitution au
jugement, c'est la précision de la loi.
M. Lessard: Alors, c'est la demande qui avait été
faite devant la Commission des Transports? Les sept premiers paragraphes.
M. Mailloux: Cela concernait principalement les deux voyages par
semaine entre Matane et Baie-Comeau. Quant au permis concernant Sept-Iles et
Port-Cartier, trois voyages par semaine, comme les installations portuaires ne
sont pas en place, c'est ultérieurement que les conditions seront
indiquées.
M. Lessard: Oui. En ce qui concerne le deuxième
paragraphe, où on dit que la compagnie ne peut supprimer, réduire
ou étendre le service, ni en modifier les conditions sans l'autorisation
préalable du ministre, je comprends bien que cet article suppose ou
donne une certaine protection, sinon une protection certaine, et j'insiste sur
ce point, sinon une protection certaine. C'est que
nous avons vécu dans le passé des expériences
où des compagnies avaient obtenu certains permis et, par la suite, ont
décidé de supprimer tout simplement le service. Et même si
elles en avertissaient le ministre, on n'avait pas le choix, ou on avait le
choix de les subventionner très fortement ou bien d'accepter tout
simplement qu'elles cessent leurs opérations.
Je me demande, dans ces circonstances je veux poser la question
au ministre puisque le ministre aura l'autorité de l'application
de cette loi et puisque nous avons vécu, je pense, des
expériences qui nous ont donné un goût amer quant aux
services de traversier dans notre région, si le ministre a pris des
précautions nécessaires pour qu'une fois ces services
établis, deux ans, trois ans, quatre ans ou cinq ans après, on ne
décide pas de mettre fin à ces services, même si on en
avertit le ministre. Si on décide, à un certain moment, que la
rentabilité est plus ou moins réelle, et qu'après cela, on
décide de vendre à une autre entreprise, même si vous avez
un article de cette loi l'article 10 qui autorise toute fusion,
toute vente, toute demande, en tout cas, l'autorisation au ministre pour toute
fusion ou toute vente, a-t-on pris les précautions nécessaires
pour empêcher cette société qui représente,
d'accord, des investissements de l'ensemble ou des capitaux de l'ensemble de la
région, de ne pas tenter de faire, comme on l'a vu dans le passé,
un coup de bourse et de dire après cela: Bonjour. Maintenant que nous
avons fait notre coup de bourse, on décide de se retirer du service. Le
ministère des Transports ramassera alors les pots cassés.
Quand je parle de cela et je ne veux pas présumer de ce
qui arrivera pour la compagnie COGEMA je pense que le
député de Matane et le ministre responsable de l'ODEQ savent
très bien ce dont je veux parler.
M. Côté: II y a déjà des personnes de
Matane qui ont exploité un service de passagers; elles ont fait leurs
preuves, et ce service existe toujours.
M. Lessard: Qui ont fait...?
M. Côté: Un service de passagers entre la
Côte-Nord et la Côte-Sud qui existe toujours.
M. Lessard: Oui, il existe toujours, mais si ce n'avait
été de l'intervention, à un certain moment, de la
région du Saguenay, de la Côte-Nord, nous aurions dû payer
encore des augmentations de tarif assez considérables, malgré que
cette compagnie avait fait des profits très élevés les
années précédentes.
Je pense que le ministre a la responsabilité de protéger
aussi le public.
M. Côté: On a un ministre responsable.
M. Lessard: C'était la Commission des transports tandis
que, là, la Commission des transports n'y est pas.
M. Côté: On a un ministre responsable.
M. Lessard: Cela peut avoir des influences. La Commission des
transports pouvait être protégée par ces influences. En
tout cas, le ministre est responsable devant l'Assemblée nationale et on
pourra l'interroger.
M. Mailloux: La deuxième partie de l'article 7 ainsi que
l'article 19 qui protègent contre l'interruption du service. Je conviens
que l'article 19 concerne la santé et la sécurité
publiques, mais, quant au deuxième alinéa de l'article 7, la
compagnie ne peut supprimer, réduire ou étendre le service ou en
modifier les conditions sans l'autorisation préalable.
M. Lessard: C'est une sécurité qui est très
relative.
M. Mailloux: Je n'ai pas juré d'être là tout
le temps. Il y en aura un autre.
M. Lessard: Cela, c'est très relatif. Même la
Commission des transports ne peut pas empêcher l'interruption d'un
service. A un moment donné, si elle décide d'arrêter
de...
M. Mailloux: Je partirai, cela fera l'affaire des uns.
Le Président (M. Lafrance): D'accord, alors, l'article 7
est adopté. Article 8? Concordance avec la Commission des
Transports.
M. Lessard: Une minute. La compagnie ne peut réclamer,
comme rénumération de ses services, que les tarifs
approuvés par le ministre. Ces tarifs et leurs modifications entrent en
vigueur le jour... Toute demande de modification de ces tarifs doit être
soumise au ministre et les tarifs proposés publiés dans la
Gazette officielle.
M. Mailloux: Je ne l'écarte pas cet article et je vais
vous en donner la raison.
M. Lessard: D'accord. Je vois. Voici: Avant de les approuver,
avec ou sans modification, le ministre peut constituer un comité
chargé d'examiner la demande, d'entendre les intéressés et
de lui faire rapport. Là, il y a une différence avec la
Commission des transports. Une fois que les demandes étaient faites par
la compagnie, ces demandes étaient publiées dans la Gazette
officielle et à l'intérieur des quinze jours, si ma
mémoire est bonne, il était possible, à toute personne
intéressée, de se faire entendre devant la Commission des
transports et de contester la décision. Alors que là, nous
n'avons pas nécessairement cette assurance. Je pense qu'il faudrait
absolument garder le principe que, quinze jours après la publication
dans la Gazette officielle, en correspondance avec la Loi des transports, toute
personne intéressée puisse faire parvenir une demande au ministre
et puisse se faire entendre devant une commission parlementaire, que ce soit la
Commission des transports ou autre chose. Parce que là, c'est
très dangereux. Comme dit le ministre, aujourd'hui il
est là, demain peut-être il ne sera pas là et ce
sera peut-être un ministre qui sera soumis à l'influence d'une
société quelconque...
M. Côté: Au conseil national.
M. Lessard: Conseil national ou pas, c'est... Je pense que c'est
très important.
M. Mailloux: M. le Président, je pense que l'article 8,
j'y suis doublement intéressé et je n'aurais pas d'objection
à ce que les parties puissent se faire entendre, je vais m'expliquer.
Quand on parle des parties, il s'agit du tarif entre les deux installations
portuaires et le danger qui peut arriver... Il y a plusieurs dangers. Il y a
d'abord le danger que les tarifs soient peut-être prohibitifs quant
à la région, parce que les gens des comtés de Saguenay et
Duplessis voudraient avoir des tarifs moins dispendieux que ceux par d'autres
transports, mais il y a également l'autre danger pour lequel les
concurrents voudront se faire entendre parce que je ne voudrais pas, non plus,
que les compagnies de chemin de fer, qui reçoivent des subventions du
côté ferroviaire, viennent nous refiler une partie de la
subvention sur le tarif maritime en le réduisant de telle sorte qu'ils
mettent en difficulté de façon inacceptable le cabotage. Je pense
qu'il y a peut-être la protection d'un public à assurer un tarif
équitable, mais il y a également la protection à accorder
aux caboteurs qui ont toujours eu la crainte que le chemin de fer, qui est
quand même partie et à part du "know how" dont on sait,
s'il n'est pas majoritaire, qu'il aura un mot important à dire
pourrait refiler. Cela, c'est bien l'intention du ministre actuel de faire en
sorte que les parties puissent se faire entendre. Quant aux parties, c'est
celles que j'ai mentionnées, autant les transporteurs actuels que les
populations. Je n'ai aucune objection à ce qu'on permette que ces
parties puissent se faire entendre avant qu'il y ait...
M. Lessard: Est-ce que c'est prévu?
M. Mailloux: C'est prévu. Je pense que plutôt que
"peut", je voudrais...
M. Lessard: Je voudrais qu'on vérifie la Loi des
transports à ce sujet-là. Dans la Loi de la Commission des
transports, il est dit en fait, dans un... Je ne sais pas si c'est l'article
37, mais dans un article il est clairement dit qu'après la publication
dans la Gazette officielle, toute personne intéressée...
peut-être que Me Langlois pourrait l'utiliser, c'est son
expérience dans ce secteur peut se faire entendre et la
commission doit, dans la mesure où les délais sont
respectés, l'entendre.
Tandis que là, le problème qu'on a... je comprends bien,
comme dit le ministre. On a un bon ministre; demain, ce sera peut-être un
mauvais ministre et toute loi doit être faite pour le pire des
ministres.
M. Mailloux: Est-ce que l'Opposition serait satisfaite: "avant de
les approuver, avec ou sans modification, le ministre doit constituer un
comité chargé d'examiner la demande, d'entendre les
intéressés et de lui faire rapport"?
M. Lessard: D'entendre les intéressés, mais je
pense que c'est mieux dit...
M. Mailloux: E 1 définitive...
M. Lessard: ... dans la Loi de la Commission des transports,
c'est certain que, s'il n'y a personne qui soit intéressé
à se faire entendre, la commission juge à propos d'accepter les
tarifs ou de les refuser. Parce qu'il est bien possible qu'il n'y ait personne
qui veuille se faire entendre. Tandis que dans les circonstances, le ministre
doit, nécessairement, constituer un comité chargé
d'examiner... Cependant, je pense que, même s'il n'y a personne qui
désire se faire entendre, il est quand même important pour le
ministre, comme la Commission des transports le fait d'ailleurs,
d'étudier ou d'analyser la validité des demandes qui sont
faites.
En tout cas, je pense que le principe est là. Je ne sais pas
comment c'est dit dans la Loi des transports comme telle, mais il me semble que
c'est mieux.
M. Mailloux: A l'article 40 de la Loi des transports: "Un
transporteur ne peut réclamer une rémunération pour
laquelle existe un taux ou tarif fixé par la commission que
conformément au taux ou tarif en vigueur". Je ne peux pas...
M. Lessard: Article 41.
M. Mailloux: Article 41, non...
M. Lessard : Je parle de la Loi de la Commission des transports.
C'est la Loi des transports, vous avez raison. J'oublie l'article, je sais que
je l'ai déjà utilisé.
M. Langlois: Je peux vous aider si vous voulez.
M. Lessard: Oui, est-ce que vous pouvez nous aider, Me Langlois?
Je sais qu'on l'a déjà utilisé.
M. Langlois: Disons que la Loi des transports a été
modifiée en 1973. Autrefois, dans la loi, à partir de l'article
41, on élaborait une procédure assez longue et, par amendement,
en 1973, on a tout foutu ça dans les règles de pratique de la
commission. Mais le principe, c'est qu'il y a publication et, s'il y a
opposition, il y a effectivement audition pour savoir si les taux sont justes
et raisonnables et dans l'esprit des politiques suivies par la commission.
M. Lessard: C'est dans ce sens que, s'il y a opposition, le
ministre doit constituer un comité chargé d'examiner la demande.
Dans le cas d'opposition, c'est dans ce sens... en tout cas, je pense que le
service du contentieux du ministère peut préparer ça dans
ce sens.
M. Mailloux: On change loi pour...
M. Bédard (Montmorency): Suivant cet article, "... sans
opposition, le ministre est tenu de faire enquête". Je pense que c'est
encore plus complet.
M. Lessard: J'aimerais mieux garder les deux principes.
Même la Commission des transports peut refuser d'accorder des
augmentations de tarif, même s'il n'y a pas eu d'opposition. Parce que
c'est la responsabilité de la Commission des transports de
protéger le public. C'est dans ce sens que j'aimerais beaucoup mieux
qu'on regarde la Loi des transports, parce qu'il me semble que c'est
très bien rédigé. Le ministre devra être dans
l'obligation de charger un comité d'étudier la justification de
ces augmentations ou de ces demandes, même s'il n'y a pas
contestation.
Il est certain que, s'il n'y a pas contestation, ça permet au
ministre d'avoir plus de possibilité. Même là, il est
obligé d'étudier l'affaire. Mais en même temps, qu'on soit
assuré que, s'il y a contestation, nécessairement, il doit y
avoir audition des personnes intéressées.
M. Mailloux: "Doit" au lieu de "peut".
M. Bédard (Montmorency): S'il y a opposition ou non, il
est obligé d'en faire une.
Le Président (M. Lafrance): Au deuxième paragraphe
de l'article 8...
M. Lessard: D'accord. Doit constituer.
Le Président (M. Lafrance):... alors "avant de les
approuver avec ou sans modification, le ministre"... on change le mot "peut"
par le mot "doit".
M. Lessard: D'accord.
M. Bédard (Montmorency): II doit faire...
Le Président (M. Lafrance): Article 8, adopté.
M. Lessard: Oui, mais il n'y a pas de délai. On dit:
"Avant de les approuver avec ou sans modification, le ministre doit constituer
un comité chargé d'examiner la demande, d'entendre les
intéressés ou de lui faire rapport". On dit, "avant de les
approuver", mais quand va-t-il les approuver? S'ils sont publiés dans la
Gazette officielle et vous ne donnez pas la possibilité de faire valoir
nos revendications auprès du ministre.
M. Bédard (Montmorency): Le paragraphe d'avant: "... sont
publiés dans la Gazette officielle" et après ça, "ces
tarifs et leurs modifications entrent en vigueur le jour de la publication de
la Gazette officielle ou à toute autre date que fixe le ministre".
M. Lessard: Je comprends, je comprends, mais si le ministre
décide d'aller vite.
M. Bédard (Montmorency): S'il décide d'aller vite,
cela peut dépendre de l'Opposition qu'il peut avoir.
M. Lessard: On a déjà eu le problème. Il
faut permettre à l'Opposition de se faire valoir à
l'intérieur de délais. Je me rappelle très bien avoir
été devant une commission des transports et, même
là, nous étions dans l'illégalité et la Commission
des transports a quand même jugé qu'étant donné
qu'il s'agissait d'un service public très important, elle nous donnait
un délai maximum, mais il y avait la période de quinze jours.
Qui va déterminer quel sera le délai qu'une personne aura
pour se faire entendre? Est-ce que cela va être quinze jours? Est-ce que
cela va être un mois? Si vous dites un mois, peut-être qu'au bout
d'un mois et une semaine, le gars se lèvera et dira: M. le ministre,
j'ai oublié. Alors, c'est dans les quinze jours de la publication dans
la Gazette officielle.
M. Mailloux: La Commission des transports est quand même
soumise à l'article 40 et à ses règles de pratique. Il
faudra forcément que des règles soient établies en
concordance avec celles dont se sert la Commission des transports.
M. Lessard: Est-ce qu'on établit des règles de
pratique?
M. Mailloux: Pas dans la loi.
M. Bédard (Montmorency): Dans le règlement.
M. Mailloux: Dans le règlement...
M. Lessard: Oui, mais dans quel règlement? Celui de la
Commission des transports?
M. Mailloux: ...
M. Lessard: Une minute, si vous voulez qu'on se comprenne bien.
Mais vous allez être basé sur quel règlement? Pas sur le
règlement de la Commission des transports.
M. Mailloux: Je vais essayer de préciser. C'est cela qu'on
tente.
M. Lessard: Cela doit être indiqué...
M. Mailloux: C'est par règlement quand même.
M. Lessard: Hum?
M. Mailloux: Ce n'est pas dans la loi. C'est par les
règlements qui suivent la loi.
M. Bédard (Montmorency): Le ministre doit former un
comité chargé d'examiner la demande. Cela prend quelques
jours.
M. Lessard: On comprend tout cela. On sait que des
comités, cela peut être constitué pour...
On a déjà eu un comité qui a eu la
responsabilité d'étudier si c'était justifié
d'augmenter les tarifs d'électricité de 10% et vous savez ce que
cela a donné en pratique. La décision était prise bien
avant que le comité soit constitué.
M. Bédard (Montmorency): C'était
nécessaire.
M. Mailloux: La seule chose que je pourrais dire en
supplément, c'est que le ministre devra se baser sur le même
règlement qui gouverne la Commission des transports.
M. Lessard: Toute personne aurait 21 jours après la
publication dans la Gazette officielle pour se faire entendre auprès du
ministre, non seulement se faire entendre, mais loger une demande
d'audition.
M. Mailloux: Je verrais mal un ministre qui ne se baserait pas
sur les mêmes règlements auxquels la commission est soumise.
M. Lessard: On a le droit, d'accord.
Le Président (M. Lafrance): Après la modification
qui a été signalée tantôt, l'article 8 est
adopté?
M. Lessard: Adopté avec l'amendement.
Le Président (M. Lafrance): Avec l'amendement, en
changeant le mot "peut" par le mot "doit".
M. Lessard: C'est cela.
Le Président (M. Lafrance): Article 9, adopté. Ce
sont tous des articles de concordance. Article 10, adopté. Article 11,
adopté. Article 12?
M. Lessard: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article
13,concordance avec les articles 30 et 35.
M. Lessard: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 14,
concordance avec l'article 74 de la Loi des transports.
M. Lessard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 15?
M. Lessard: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 16?
M. Bédard (Montmorency): Concordance. M. Lessard:
C'est dur, mais adopté.
Le Président (M. Lafrance): Adopté. Article 17?
C'est dur à adopter? Non? Article 17, adopté?
M. Lessard: C'est dur dans le sens que ce sont des lois
parallèles.
Le Président (M. Lafrance): Article 18, adopté.
Article 19, adopté.
M. Bédard (Montmorency): Tout cela est de la
concordance.
Le Président (M. Lafrance): Les articles 20 à 26
sont tous des articles de concordance avec les articles 157 à 164 de la
Loi des transports.
M. Lessard: Etant donné qu'on a accepté le
principe, il faut bien adopter les conséquences. On n'a pas le
choix.
Le Président (M. Lafrance): Les articles 19, 20, 21, 22,
23, 24, 25 et 26 sont adoptés. Article 27, adopté.
M. Lessard: Oui.
Le Président (M. Lafrance): Article 28, vous n'y avez pas
d'objection?
M. Lessard: "La présente loi a effet nonobstant les
dispositions de la Loi des transports et des règlements en vertu de
cette loi." On a parlé du règlement no 2 tantôt. Nonobstant
les dispositions de la Loi des transports, autrement dit, et des
règlements, de toute façon, les règlements que vous
pourrez faire seront, à ce moment, en concordance.
M. Langlois: II n'y a aucun pouvoir de réglementation dans
cette loi.
M. Lessard: Dans la Loi des transports, il y a certainement un
article qui précise que le lieutenant-gouverneur en conseil peut
établir à un moment donné une règlementation.
M. Langlois: L'article 5.
M. Lessard: II y a l'article 5, alors que, dans notre loi, nous
n'avons absolument rien.
M. Langlois: Dans les bills privés, il ne pourrait pas y
en avoir?
M. Lessard: Je trouve qu'il y a un vide judiciaire et qu'on peut
encore se ramasser avec des problèmes.
M. Langlois: "You can be sure".
M. Lessard: Oui, on commence à y être habitué
de plus en plus. Ce seront des lois spéciales, pour sûr! Avec
l'unanimité de la commission, on peut y revenir. Il a été
adopté.
Justement, le problème, c'est qu'on vient de
préciser qu'il n'y a aucun pouvoir de réglementation dans
cette loi. En vertu de quelle réglementation cette loi va-t-elle
fonctionner?
M. Mailloux: II n'y a jamais aucun...
M. Lessard: Puisque vous dites ... Ah oui! Dans toute loi,
lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil peut faire des règlements,
c'est bien précisé, à un moment donné dans
un article, à l'article 27:... "nonobstant les dispositions de la Loi
des transports et des règlements adoptés en vertu de cette loi."
Il faut qu'une loi prévoie tout, je pense.
On a dit, tout à l'heure qu'on pourra toujours accepter les
règlements des 21 jours, qui sont prévus à la Loi des
transports. Si on adopte l'article 27, je vous indique que nous ne pourrons
plus par la suite, il y a l'article 28, inclure, à moins d'un amendement
soumis à l'Assemblée nationale, une possibilité de
réglementation.
Parce que je ne vois pas en vertu de quel pouvoir indiqué dans
cette loi vous auriez la possibilité de faire une
réglementation.
M. Côté: Est-ce que l'article 2 ne répond pas
à cela?
M. Lessard: Non...
M. Côté: C'est-à-dire le ministre peut, aux
conditions qu'il détermine.
M. Lessard: Ah non! Cela concerne le permis: Autoriser la
Compagnie de gestion de Matane à fournir un service.
M. Mailloux: En fait, quand la Loi des transports a
été votée par la Chambre, cela concernait tous les
secteurs d'activités de transport pour lesquels des règlements
devaient être adoptés pour la Chambre. Là, il est question
d'un seul détenteur de permis qui est réglementé par une
loi spéciale. Il serait difficile d'indiquer que des règlements
devront suivre, parce que j'imagine que seulement les règlements dont se
sert la commission devront servir pour la gouverne du ministre.
M. Lessard: En tout cas, M. le Président, je ne suis pas
avocat, je ne veux pas créer de problème.
M. Mailloux: Pour vous informer, il y a des avocats qui sont
à la table...
M. Lessard: J'aimerais avoir peut-être la position de l'un
et de l'autre, Me Paquet et Me Lan-glois. Je ne sais pas...
M. Paquet: Pour ma part, je considère que l'article 2, la
protection donnée, parce que c'est écrit: "Aux conditions que le
ministre détermine..." Ce n'est pas le permis nécessairement,
parce que c'est la continuation du permis dans le temps qui est conditionnel
aux conditions que le ministre peut déterminer. Le ministre peut,
à mon sens, en vertu de l'article 2, changer les conditions avec
l'évolution du temps.
M. Lessard: D'accord, mais à un moment donné, on
dit à l'article 2: "Le ministre peut, aux conditions qu'il
détermine, autoriser la Compagnie de gestion de Matane Inc. à
fournir par bateau-rail un service de transport."
M. Langlois: Est-ce que je pourrais... Si on veut atteindre
l'objectif et qu'on est décidé à l'atteindre, pourquoi pas
tout simplement, par un projet de loi privé, si vous voulez, ou public,
lui accorder le permis et dire que le permis sera administré par la
Commission des transports par référence aux dispositions de cette
loi qui s'appliquera mutatis mutandis? C'est la façon la plus simple de
le faire. A ce moment, vous mettez tout le monde encore dans le même
bateau, sauf que vous évitez le délai que le député
de Saguenay a soulevé tantôt, celui de procéder par
arrêté en conseil. Quant à le faire, faites-le comme cela,
plutôt que d'instituer un organisme parallèle, parce que vous avez
tous ces problèmes, vous n'avez aucun pouvoir de réglementation,
aucune norme, aucune règle de pratique, rien.
M. Mailloux: M. Langlois, mes conseillers juridiques m'informent
qu'on retomberait dans les mêmes procédures qu'on a connues depuis
un certain temps.
M. Langlois: Quelles?
M. Mailloux: II y a d'autres brefs d'évocation qui
seraient...
M. Langlois: Cela ne se peut pas. Cela ne se peut absolument
pas.
M. Lessard: Si, en vertu d'une loi à l'Assemblée
nationale, vous déterminez que vous donnez à COGEMA, à un
moment donné, l'autorisation d'établir un service par
bateau-rail, un service de transport ou de chemin de fer, etc. et que ce
service soit soumis au contrôle de... Vous décidez de l'article 2.
Le reste vient par surcroît. Le reste vient, à un moment
donné...
M. Langlois: Vous vous compliquez la vie pour rien.
M. Lessard: En tout cas. Vous adoptez une loi en vertu de
l'article 2.
M. Langlois: C'est cela.
M. Lessard: Le ministre autorise la Compagnie de gestion de
Matane Inc. à fournir par bateau-rail un service de transport et de
wagons. Cette autorisation est accordée pour une année, et, si
vous voulez, sera soumise, à un moment donné, à la Loi des
transports...
M. Langlois: Pour le reste.
M. Lessard: Le problème est réglé et le
ministre n'a plus de problème. Tout est...
M. Mailloux: M. le Président, de ce côté, je
n'accepte pas la modification proposée.
Le Président (M. Lafrance): Article 27, adopté.
Article 28, adopté. Le projet de loi est adopté, article par
article. La commission des transports, des travaux publics et de
l'approvisionnement ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 52)