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(Quinze heures onze minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît! La sous-commission du budget et de l'administration de
l'Assemblée nationale se réunit avec le mandat de procéder
à l'audition de la Coalition pour les droits des malades. Cela se fait
dans le cadre de la consultation générale portant sur
l'avant-projet de loi traitant du régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic.
La commission du budget et de l'administration a formé une
sous-commission composée des membres suivants: M. Clair (Drummond),
ministre délégué à l'Administration et
président du Conseil du trésor, M. Lachance (Bellechasse), M.
Pagé (Portneuf). Je souhaite également la bienvenue à un
certain nombre de collègues de l'Assemblée nationale qui sont
présents ici comme intervenants. Sans plus tarder, je voudrais dire
à M. Brunet et aux personnes de son groupe qui sont ici que notre
sous-commission est heureuse de s'être déplacée à
Montréal à leur demande pour les entendre à la suite du
mémoire qui a été présenté.
J'inviterais immédiatement M. Claude Brunet, le porte-parole de
la Coalition pour le droit des malades à nous présenter les
personnes qui l'accompagnent et ensuite procéder à son
exposé.
Exposé du président de la Coalition M.
Claude Brunet
M. Brunet (Claude): M. le Président, MM. de la
sous-commission, mesdames et messieurs les députés, mesdames et
messieurs des médias d'information, à ma gauche, Mlle Lucie
Forget, conseillère et collaboratrice à la Coalition pour les
droits des malndes. Près de moi, M. l'abbé Gérard Dion,
professeur en relations industrielles et relations du travail. À ma
droite, le Dr Paul David, fondateur de l'Institut de cardiologie.
M. le Président, j'aimerais exprimer, tout de suite, au nom de la
Coalition pour les droits des malades, notre profonde satisfaction devant
l'effort de rapprochement et de compréhension que manifeste cette
commission en acceptant de venir de Québec à Montréal
à notre rencontre. Permettez-moi cependant de souhaiter vivement que ce
souci d'ouverture à l'égard des droits et des difficultés
des malades s'étende à ce qui arrive concrètement dans la
vie des malades en période de grève ou de menace de
grève.
Depuis quelques semaines, cette commission a donné lieu à
toutes sortes de débats et de commentaires concernant notamment les
droits acquis, les rapports de forces, les écarts milliardaires, les
graves déchirements causés à la société du
Québec par les affrontements syndicats- gouvernement, etc. Mais on n'a
pas entendu la voix des malades. On n'a pas entendu parler de leurs droits, de
leur besoin vital et constant de toutes sortes de soins de prévenance,
d'attention. On n'a pas donné d'explication sur leur fragilité,
sur leur dépendance, sur les contraintes et les souffrances qu'ils
subissent dans les centres d'accueil et les centres hospitaliers où ils
se trouvent; contraintes et souffrances que toute grève ou même
toute menace de grève vient accentuer et multiplier.
On n'a vraiment pas idée, M. le Président, quand on est
bien portant, des situations d'isolement et de frustration de ces malades et de
ces personnes âgées hospitalisés. C'est pourquoi je crois
qu'il suffirait que nos ministres et nos députés aient autant de
contacts, de rencontres et d'échanges avec les malades qu'ils en ont
avec des représentants syndicaux et patronaux pour qu'ils aient tous une
attitude beaucoup moins tolérante envers la grève. Nous pensons
qu'il n'y a pas de communes mesures entre les revendications de citoyens en
bonne santé ou normalement actifs et les problèmes de
santé de ces gens hospitalisés. Nous pensons que lorsqu'il y a
opposition entre le droit du syndiqué d'améliorer ses conditions
de vie par la grève et le droit du malade à être
soigné avec continuité, dans la dignité, c'est de toute
évidence le droit du plus faible et du plus démuni qui doit
prévaloir.
Nous ne prétendons pas qu'il faille nier le droit des
salariés pour autant. Nous n'avons jamais exigé l'abolition pure
et simple du droit de grève, c'est le remplacement de la grève
que nous préconisons depuis cinq ans déjà, depuis 1980.
Nous avons fait des recherches sur certains mécanismes de
règlement des conflits utilisés dans des provinces canadiennes et
des États américains où la grève est interdite. Or,
des études démontrent que non seulement l'on peut recourir
à un mécanisme qui exclut la grève et qui est à la
fois respectueux des droits des malades et équitable envers
les
salariés mais que dans l'ensemble, les syndicats sont satisfaits
des décisions arbitrales. Et surtout, il n'y a pas de grève, ce
qui évidemment est capital pour les malades.
M. le Président, est-ce qu'il serait possible de hausser un peu
le son pour tous nos malades à l'arrière? Merci. Nous sommes
heureux des efforts entrepris pour modifier le régime de
négociation du secteur public. Néanmoins, nous aimerions que
cette réforme soit poussée beaucoup plus loin afin d'assurer son
efficacité et ainsi une meilleure protection au malade. Dans cet esprit
nous désirons porter à l'attention de cette commission nos
recommandations relativement, premièrement, au droit de grève
dans les établissements de santé; deuxièmement, au mode de
règlement des conflits; troisièmement, aux moyens de dissuasion
de tout recours à la grève; quatrièmement, à la
détermination de la rémunération.
En ce qui concerne le droit de grève dans les
établissements de santé, nous recommandons que le secteur de la
santé fasse l'objet d'un régime de négociation particulier
et que le droit de grève soit retiré totalemement si
nécessaire. Que l'on tienne un référendum sur la question.
Nous trouvons inacceptable que l'on retire le droit de grève uniquement
sur les questions locales ou régionales et sur les questions de
rémunération et qu'on le maintienne encore sur les questions
négociées ad niveau provincial ou national. Messieurs, on
apprécierait beaucoup que vous nous répondiez
précisément tout à l'heure sur la question à savoir
quelles seront les matières sur lesquelles le personnel hospitalier aura
encore la permission de faire la grève. Dans notre mémoire
présenté en septembre 1981 à la commission parlementaire
convoquée pour réexaminer le régime de négociation
du secteur public - voyez-vous, en 1981 on a en quelque sorte fait le travail
de cette commission, bien que la commission présente prétende
faire des efforts vraiment nouveaux et plus valables. Mais, on trouve dommage
un peu que ces commissions doivent se répéter alors qu'il y a
tellement d'efforts qui sont déployés pour faire avancer les
choses. De toute façon, en 1981, nous étions là un peu
comme nous le sommes tous ici même, aujourd'hui, sur cette question et
nous demandions le remplacement du droit de grève dans les
établissements de santé au nom des droits humains de la personne.
Nous disions et je cite: "Augmenter les souffrances des malades des personnes
déjà affaiblies psychiquement et physiquement, frapper des gens
qui sont déjà à terre est pour nous proprement immoral.
Or, c'est malheureusement, ce qu'une grève dans les
établissements de santé, tend à faire. Car si la
grève ne faisait pas mal aux malades, elle serait carrément
inefficace, d'où notre manque de confiance total envers la thèse
de la grève symbolique. Une grève qui ne fait pas mal, c'est une
grève qu'on n'accepte pas, une grève inefficace. "
J'aimerais brièvement employer une définition du Larousse,
au sujet du mot "inhumain". Dans ce dictionnaire, on définit le mot
"inhumain" par "celui qui reste insensible aux souffrances des autres, qui ne
veut pas les soulager ou qui se plaît même à les faire
naître". Fin de la citation. Voilà ce que fait une grève,
à notre avis, dans les hôpitaux et les centres d'accueil et ce qui
fait que la grève, pour nous, est essentiellement inhumaine. Loin de
vouloir soulager les malades, on leur inflige
délibérément, sciemment, un surcroît de souffrances
morales et physiques.
Notre mémoire de 1981 en donnait plusieurs illustrations: des
malades qu'on laisse dans leurs excréments et dans leur urine parce que
le personnel est insuffisant; des malades qu'on expose à des plaies de
lit purulentes parce qu'ils ne sont pas tournés aussi souvent qu'ils
devraient l'être; le problèmes des plaies. Combien d'autres
problèmes dont nous pourrions, nous ici, si on donnait la parole
à des malades, vous donner des informations absolument inacceptables!
Peut-on se représenter quelles difficultés on a à
guérir une plaie de lit, seulement une plaie de lit? Et combien de
plaies de lit ont été causées par diverses
grèves?
Il y a aussi tous ces malades qui, à cause des grèves ou
des menaces de grève -entendez bien: menace de grève ou
grève appréhendée, car ces choses-là, on les a
vécues pendant tout l'automne de 1982, puis en janvier et février
1983. Une grève appréhendée c'est presque aussi
désastreux qu'une grève déclenchée. La menace de
grève est absolument inacceptable. On pourrait vous donner des
détails là-dessus.
Il y a aussi tous ces malades qui doivent attendre plus longtemps
encore, dans l'inquiétude, avant d'être hospitalisés et
traités. Il y a tous ceux qui sont retournés précocement
chez eux, parce que le personnel en place est insuffisant et
débordé, avec risque de complications sérieuses, voire
même fatales. Il y a également ceux dont l'opération est
reportée à plus tard et qui doivent vivre plusieurs fois les
heures angoissantes précédant une intervention chirurgicale.
Dans la lettre que nous adressions, le 10 septembre dernier, au
président du Conseil du Trésor, M. le ministre Michel Clair,
relativement à son document intitulé: "À la recherche d'un
nouvel équilibre", nous réitérions notre position au droit
de grève dans le secteur de la santé et nous dénoncions
l'approche des services essentiels qui implique qu'il puisse être
acceptable de priver les malades de certains services jugés
moins essentiels.
Pour des personnes déjà diminuées par la maladie,
tous les services sont essentiels. L'angoisse que cause chez eux la menace de
grève constitue déjà, en soi, une atteinte inacceptable
à leur droit à la sécurité. Puisque la
grève, M. le Président, dans les établissements de
santé porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne, elle est
donc immorale en soi, elle doit être reconnue illégale en tout
temps et non pas seulement sur des questions locales ou des questions de
rémunération. On ne saurait envisager de compromis
là-dessus et tenter de trancher la poire en deux.
Comme nous le disions en 1981, une loi ne saurait jamais sanctionner et
légitimer ce qui est immoral, même s'il peut y avoir transgression
de la loi. Il y a des meurtres, malheureusement, qui se commettent toutes les
semaines et on sait bien que le législateur n'a jamais l'intention de
rendre de tels crimes légaux. Il y a des vols chaque jour: vols à
main armée, vols d'automobile, etc., et bien sûr, il n'est pas
question de légaliser de telles choses.
Nous sommes convaincus, M. le Président, que la population du
Québec réprouve, très majoritairement, la grève
dans les hôpitaux et si l'on en doute, nous croyons que le peuple devrait
être consulté directement par voie de référendum sur
une question qui touche aussi éminemment le caractère moral et
humain de toute une société.
En ce qui concerne le mode de règlement des conflits, nous
recomandons que pour toute matière négociable, à
l'exclusion de la masse salariale qui, elle, doit être plutôt objet
de constatations, mais non de négociations, que l'on prévoie un
processus de règlement des conflits, avec un échéancier
plus précis et aboutissant à un arbitrage obligatoire et
exécutoire, s'il n'y a pas d'entente.
L'avant-projet de loi, M. le Président, reconnaît que
l'organisation du travail et la mobilité du personnel doivent être
négociées localement et qu'à ce niveau, toute grève
est interdite, ce dont nous nous réjouissons. Mais cette abolition du
recours à la grève doit s'étendre à toute
négociation au niveau provincial, comme au niveau local et
régional.
À la commission parlementaire de 1981, nous avions
suggéré que le mécanisme de l'offre finale, "final offer
selection", pourrait être un bon substitut à la grève,
puisqu'il exerce une pression sur les parties pour qu'elles négocient de
façon réaliste et soumettent des propositions raisonnables. En
1981, on haussait les épaules lorsque nous parlions de l'offre finale.
Aujourd'hui, on en parle de plus en plus et, même, un important parti
politique vient de l'adopter.
L'avant-projet de loi, donc, n'exclut pas entièrement cette
formule, puisqu'elle prévoit que les parties peuvent s'entendre sur le
mode de règlement de leur désaccord. À défaut de
cette entente, la loi privilégie la médiation-arbitrage et fixe
les délais du processus, une fois enclenché, mais uniquement au
niveau local et régional.
À cet égard, M. le Président, nous aurions
plusieurs remarques à faire. Nous souhaiterions que la loi soit plus
précise sur la durée obligatoire des négociations.
À l'article 31, la loi fait mention de trois séances de
négociation avant qu'il puisse y avoir recours à la
médiation-arbitrage. Mais si l'une des deux parties a
intérêt à faire traîner les négociations, elle
pourrait constamment reporter les séances de négociation, de
sorte qu'un temps trop long pourrait s'écouler entre chaque
séance.
Mieux vaudrait préciser le nombre de jours à partir du
début de la négociation. En outre, on devrait préciser les
délais à l'intérieur desquels l'arbitre doit rendre sa
décision, ce que l'actuel avant-projet ne fait pas.
Il nous paraît également désirable, une fois que le
processus de médiation-arbitrage est mis en branle, que l'arbitrage soit
obligatoire et exécutoire, si les parties ne s'entendent pas, au lieu de
laisser cette décision à la discrétion du
médiateur-arbitre. Si la médiation-arbitrage demeure facultative,
il nous semble qu'il pourrait y avoir danger que le conflit s'éternise
et pourrisse avec détérioration du climat à
l'intérieur de l'établissement ou que certains services de
l'hôpital ne puissent s'ajuster aux besoins des patients, ce qui, bien
sûr, ne pourrait être qu'au détriment du malade.
De même, nous croyons, M. le Président, que ce
mécanisme doit s'appliquer obligatoirement à tous les
désaccords survenant dans les négociations à
l'échelle provinciale, remplaçant ainsi le recours a la
grève qui est si massivement réprouvé pour des raisons
humanitaires. D'autre part, il importe que la décision de l'arbitre soit
vraiment exécutoire, y compris pour le gouvernement.
La crédibilité d'un mécanisme d'arbitrage exige que
le gouvernement accepte de se soumettre aux arrêts des arbitres,
même s'ils ne correspondent pas toujours à ce qu'il aurait
souhaité. Étant donné l'implantation d'un régime de
négociation permanente, n'y aurait-il pas lieu de prévoir dans la
loi une procédure d'arbitrage qui améliorerait la
disponibilité des arbitres, assurerait l'objectivité du processus
de nomination et leur sélection, en fonction de leurs connaissances du
milieu? (15 h 30)
N'y aurait-il pas lieu, également, d'ouvrir la voie à une
profession d'arbitre, en leur accordant un mode de rémunération
et un statut analogue à ceux des juges afin de
garantir leur indépendance et leur impartialité?
En ce qui concerne les mesures dissuasives face au recours à la
grève, premièrement, que la loi prévoie des
pénalités automatiques en cas de violation; deuxièmement,
que la loi interdise à l'employeur public et aux organisations
syndicales de négocier la suspension ou la modification des
pénalités prévues sous peine de sanctions très
sévères; troisièmement, que tout citoyen, même s'il
n'est pas affecté par le conflit, puisse obtenir une injonction de la
cour en cas de violation ou même de simple menace de violation.
On doit déplorer encore une fois que l'approche de la loi en soit
une de permissivité et ne soit pas du tout dissuasive. On donne certains
pouvoirs au conseil sur les services essentiels pour intervenir après
coup, mais on ne cherche pas à prévenir les méfaits et les
violations de la loi.
Il y a lieu de s'interroger aussi sur la portée de l'amendement
au Code du travail, article 111. 17, qui donne au Conseil sur les services
essentiels le pouvoir de fixer la valeur monétaire du préjudice
subi par le citoyen en raison d'une grève, d'un lock-out ou d'un
ralentissement d'activité.
Est-ce à dire que les victimes des interruptions voulues de
services n'auront plus droit au recours collectif? Si les malades ont
été aussi souvent victimes de grèves sauvages au
Québec, nous croyons que c'est dû au manque de fermeté de
nos gouvernements. Encore récemment, la faiblesse de l'État a
été mise à nu dans les conflits à l'hôpital
Saint-Julien de Saint-Ferdinand et d'Urgences-santé à
Montréal. Vu cette triste expérience, il est d'autant plus
important que la loi elle-même prévoie des pénalités
applicables sur-le-champ qui feront réfléchir et inciteront
à un comportement plus responsable vis-à-vis des malades.
Comme nous le rappelions dans notre mémoire en septembre 1981, si
les syndicats sont si puissants aujourd'hui, c'est grâce aux lois qui
garantissent la sécurité syndicale, notamment
l'accréditation et la déduction des cotisations à la
source. Il serait donc normal qu'on leur retire ces privilèges si
eux-mêmes ne se conforment pas aux lois grâce auxquelles les
syndicats existent.
Dans le cas des individus, l'expérience nous a
démontré que les amendes sont inefficaces et que le
congédiement immédiat et définitif est une mesure qui les
induirait davantage à être plus respectueux des lois. De plus, la
loi devrait prévoir des sanctions contre tout employeur public qui
négocie la modification ou la suspension des pénalités
prévues. Elle devrait également donner toute latitude aux
citoyens vigilants et courageux d'avoir recours aux tribunaux en cas de
violation ou de menace de violation. De telles dispositions législatives
existent déjà, par exemple, dans l'État d'Iowa aux
États-Unis. Vous verrez qu'une copie de ce texte législatif est
en annexe de notre mémoire. Si ces dispositions étaient
adoptées ici, au Québec, un grand pas serait fait, selon nous,
pour changer chez nous la mentalité anarchisante que la faiblesse de nos
gouvernements a engendrée au cours des années.
En ce qui concerne la détermination de la
rémunération, premièrement, pour inspirer confiance et
jouir de toute la crédibilité nécessaire, l'Institut de
recherche de la rémunération devrait être composé de
personnes impartiales et indépendantes de toute affiliation politique,
patronale ou syndicale et désignées par l'Assemblée
nationale après consultation. Deuxièmement, lorsqu'il y a
plusieurs critères de comparaison possibles pour une catégorie
d'emplois, le champ d'investigation de l'Institut de recherche devrait
être élargi pour inclure une analyse de l'impact de chaque option
sur le budget de l'État. Troisièmement, sur la base du rapport de
l'Institut de recherche et après consultation des parties, le
gouvernement devrait soumettre un avant-projet de règlement à une
commission parlementaire devant laquelle les associations syndicales auraient
la chance de défendre leur position, de même que d'autres groupes
de citoyens.
Si l'objectif recherché par la création d'un institut de
recherche est d'éliminer toute controverse sur des données de
base, le modèle proposé dans l'avant-projet de loi ne saurait y
répondre à notre avis, puisque la composition du conseil
d'administration sera partisane: six membres suggérés par les
associations syndicales et six membres suggérés par les
représentants de l'employeur. Donc, les discussions à
l'intérieur du conseil auront lieu, en toute probabilité, selon
l'alignement des parties et des intérêts, avec risque de bataille
rangée et d'échec.
La réalité est toujours plus complexe qu'on le voudrait.
Pour plusieurs catégories d'emplois, il faut reconnaître qu'il
puisse exister plusieurs critères de comparaison, chacun produisant des
résultats plus ou moins avantageux. Il va de soi que la partie syndicale
favorisera le critère qui l'avantage et l'employeur aura tendance
à privilégier celui qui s'avérera le moins
coûteux.
Prenons par exemple le personnel directement relié au service des
malades: infirmières, aides-auxiliaires, préposés aux
soins. Cette catégorie d'emploi est peu représentée dans
le secteur privé. Le critère de comparaison devra-t-il être
la rémunération globale versée dans une autre province
pour des tâches analogues? Mais quelle province? La province qui paie le
mieux? celle qui paie le moins? La capacité
de payer n'entre-t-elle pas alors en ligne de compte? On peut voir que
la cueillette de données de base implique des décisions qui
peuvent être sujettes à controverse d'où l'importance d'un
conseil d'administration composé d'un personnel absolument
impartial.
Pour les mêmes raisons d'impartialité et
d'efficacité, il est important d'élargir le mandat de l'institut
pour inclure l'évaluation des diverses options possibles en tenant
compte de l'impact budgétaire et de la capacité de payer.
L'avant-projet de loi propose, à la suite de la publication du
rapport de l'Institut de recherche, la négociation de la
rémunération avec les associations de salariés. Comme en
cas d'échec, le Conseil du trésor a le dernier mot, c'est une
négociation purement théorique.
Nous pensons que les intérêts de la population et des
employés syndiqués seraient servis de façon plus
équitable si on leur offrait une possibilité d'aller
défendre leur position devant une commission parlementaire.
Voici ce que la loi pourrait prévoir. Après remise du
rapport de l'Institut de recherche et consultations des parties
intéressées, le Conseil du trésor soumettrait ces
propositions à une commission parlementaire où les associations
de syndiqués et autres groupes de la population pourraient faire valoir
leur point de vue. Ce n'est qu'après la tenue d'une telle commission
parlementaire, et en tenant compte de ses recommandations, que le gouvernement
pourrait déposer devant l'Assemblée nationale son projet de
règlement de la rémunération pour l'année en
cours.
Avant de terminer, nous aimerions demander au président de nous
donner une réponse précise sur les deux questions que nous avons
posées à savoir les matières qui seront
réservées à la négociation provinciale et l'impact
de l'amendement 111. 17 sur les recours collectifs.
Mesdames, messieurs de cette commission, voilà 20 ans que la
société québécoise est secouée et
traumatisée par les grèves dans le secteur de la santé.
Nous sommes venus à cette commission pour vous demander, encore une
fois, de retirer complètement le droit de grève dans les
établissements de santé et d'adopter des mesures
énergiques afin que jamais plus des personnes malades ou
âgées ne soient prises en otage et se voient dénier leurs
droits fondamentaux à la vie et à la sécurité.
Les associations syndicales ont décidé de boycotter votre
commission et exigent le maintien du droit de grève dans le secteur de
la santé. Nous croyons que ce qui est visé, consciemment ou non,
c'est l'utilisation de la souffrance humaine pour continuer à extorquer
des avantages bien supérieurs à ceux de la plupart de leurs
concitoyens. Nous vous disons: Allez donc voir ce que le peuple en pense!
Pourquoi mesdames et messieurs une consultation générale de la
population comme celle que permet un référendum ne serait-elle
pas un facteur déterminant de prise de décision face à un
problème aussi grave que celui de la grève dans les
établissements de santé?
Nous demandons instamment aux membres de cette commission et aux
députés qui les accompagnent de faire preuve d'un principe
élémentaire de justice et d'humanité, celui de toujours
tenir particulièrement compte des personnes qui, du seul fait qu'elles
sont sans défense, sont facilement et outrageusement
pénalisées ou lésées. Mesdames, messieurs, vous
devrez choisir entre les intérêts particuliers des appareils
syndicaux ou les intérêts vitaux des malades et du monde
ordinaire. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lachance): Merci beaucoup, M. Brunet,
pour votre exposé. Nous entreprenons maintenant la partie
d'échange de propos entre les représentants du groupe la
Coalition pour les droits des malades (Montréal) ainsi que les
porte-parole des deux formations politiques qui sont
représentées. J'inviterais d'abord le président du Conseil
du trésor à vous faire part de ses commentaires et à vous
poser ses questions dans un premier temps. Par la suite ce sera au tour du
député de Portneuf et porte-parole de l'Opposition. M. le
ministre.
M. Clair: Si j'ai bien compris, M. le Président, nous nous
partagerons le temps d'abord en blocs de 20 minutes.
M. Pagé: C'est cela.
Commentaires du ministre
M. Michel Clair
M. Clair: Parfait. M. le Président, je voudrais d'abord
souhaiter la plus cordiale bienvenue à M. Brunet et aux gens qui
l'accompagnent de la Coalition pour les droits des malades (Montréal) et
les remercier d'avoir accepté de prendre connaissance de l'avant-projet
de loi, de nous formuler aujourd'hui des commentaires dont plusieurs sont
particulièrement intéressants en ce qui concerne les quatre
grands thèmes qui sont abordés dans le mémoire de la
Coalition pour les droits des malades (Montréal).
Je voudrais d'abord dire aussi que c'est par une décision unanime
de la commission parlementaire du budget et de l'administration qu'a
été prise la décision de créer la sous-commission
qui est formée de mon collègue, le député de
Portneuf, du
député de Bellechasse et de moi-même, pour venir
entendre ce mémoire do la Coalition pour les droits des malades
(Montréal). Je pense que c'est dire tout l'intérêt des
parlementaires pour cette question mais aussi toute l'importance qu'ils
accordent à l'opinion et aux opinions qui peuvent être
émises par un des organismes représentatifs des
bénéficiaires des services publics, soit la Coalition pour les
droits des malades (Montréal) qui, depuis plusieurs années
déjà, joue un rôle extrêmement positif dans notre
société en termes de valorisation des droits humains comme l'a si
bien dit, M. Brunet.
Je remercie d'autant plus la Coalition pour les droits des malades
(Montréal) de s'être penchée sur l'avant-projet de loi
parce que non seulement elle se penche sur la question des droits des malades,
des bénéficiaires de ces services de santé, des services
publics en général, mais elle pousse plus loin son analyse et
justement propose toute une série de moyens qui sont tout aussi
défendables les uns que les autres. J'en donne simplement un exemple
pour vous faire état des mes réflexions en ce qui concerne l'un
des sujets abordés dans le mémoire de la Coalition, la question
de la rémunération. Je pense, par exemple, que l'idée
d'amener une convocation annuelle d'une commission parlementaire pour donner
l'occasion aux syndicats du secteur public et parapublic de venir faire valoir
son point de vue devant l'Assemblée nationale est une excellente
suggestion. Sans en prendre l'engagement aujourd'hui même, je peux d'ores
et déjà vous indiquer qu'il est fort possible que cette
recommandation de votre mémoire fasse finalement partie du projet de loi
lorsqu'il sera déposé. En tout cas, j'ai l'intention de soumettre
cette proposition à mes collègues du Conseil des ministres. Je le
donne simplement à titre d'exemple. (15 h 45)
Dans le premier bloc de 20 minutes qui m'est alloué, M. le
Président, je voudrais aborder, telle qu'elle est
présentée dans le mémoire, l'épineuse question du
droit de grève dans le secteur de la santé. Je pense que tout le
monde s'entend sur l'objectif: le droit à la vie, le droit à la
santé, le droit à la sécurité, sont des droits
inaliénables et en conséquence les droits d'accréditation,
de représentation des intérêts des travailleurs dans le
domaine de la santé, comme dans celui des autres domaines de
l'activité humaine d'ailleurs, doivent être aménagés
en fonction du respect de ce droit fondamental qu'est le droit à la
santé, le droit à la vie, le droit à la
sécurité. Je pense que c'est une valeur sur laquelle il est
inutile de tenir un référendum. Je serais fort déçu
si on en était rendu, comme société, à devoir se
poser cette question quant à savoir si on considère qu'il
s'agit-là de droits fondamentaux inaliénables qui pourraient
être soumis à d'autres droits. Je pense qu'il y a un consensus
très évident au Québec quant à l'objectif qu'on
doit atteindre comme société, soit d'utiliser tous les moyens et
surtout les meilleurs moyens possible pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de
grève dans le secteur de la santé, et à tout le moins, que
si de telles grèves peuvent continuer à se produire, qu'elles
aient, comme c'est le cas dans l'immense majorité des autres
sociétés civilisées, une portée uniquement
symbolique, de sorte que soit vraiment inscrit dans nos mentalités que
le recours à la grève générale illimitée
totale dans le secteur de la santé est une aberration. Cela, je pense
que tout le monde est d'accord là-dessus. Il reste à s'entendre
sur les meilleurs moyens à utiliser.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le législateur, que le
gouvernement a non seulement une responsabilité, mais des pouvoirs
réels également pour faire en sorte que ce que je viens
d'indiquer devienne la réalité et le soit de plus en plus au
Québec. Donc, le recours à la loi, à l'intervention
législative, est certainement quelque chose de réel et
d'important dans la poursuite de cet objectif. Je pense que pour atteindre cet
objectif, au-delà de l'utilisation du pouvoir législatif et
exécutif, il y a tout le champ des mentalités. Comment faire
évoluer les mentalités suffisamment pour qu'effectivement des
grèves, comme je les décrivais tantôt,
générales, totales illimitées ne soient plus possibles et
même plus que cela, que la grève n'ait plus, à toutes fins
utiles, que l'effet d'une semonce à l'égard du gouvernement et
qu'elle ne soit qu'un symbole, un moyen d'alerter l'opinion publique aux
préoccupations de ses travailleurs? Je pense donc que, oui,
l'Assemblée nationale est responsable des dispositions
législatives mais aussi, elle est responsable et nous sommes
responsables de favoriser l'évolution des mentalités.
Questions et réponses
Ma première question à M. Brunet ou aux gens qui
l'accompagnent - il peut répartir les questions comme il le souhaite
-c'est au fond celle-là. Ce que le gouvernement propose dans
l'avant-projet de loi, c'est toute une série de mécanismes
auxquels on pourrait ajouter d'excellentes suggestions qui nous ont
été faites mais qui visent à faire en sorte qu'à
toutes fins utiles le droit de grève devienne un recours symbolique et
cherche à éviter que par un autre geste symbolique, soit celui
d'abolir purement et simplement le droit de grève, on casse cette courbe
positive, je pense, de l'évolution des mentalités que nous avons
connue à cet égard dans le milieu des travailleurs de la
santé au cours des cinq ou six dernières années. Ma
première question à
M. Brunet sera celle-ci: En quoi le retrait, l'abolition
légale, je dirais, du droit de grève viendrait-elle, mieux que
les mécanismes prévus, favoriser l'évolution des
mentalités et nous assurer que, dans les faits, l'objectif que nous
partageons tous soit atteint au niveau le plus satisfaisant possible.
Je ne sais pas si ma question est assez claire, mais c'est ce qu'on
cherche tous. C'est quoi le meilleur moyen à prendre? Comment vous
êtes-vous convaincus que cela était le meilleur moyen?
M. Brunet: Ne parlons pas de meilleurs moyens tout de suite,
étant donné que la question est quand même très
complexe, mais disons que, en tout cas, la grève dans les
établissements de santé, c'est inhumain, immoral, inacceptable.
Il faut que ça cesse. Nous parlons de mécanismes de remplacement.
D'accord, il y aura une évolution difficile quant au respect total des
lois ou de la loi interdisant toute grève, mais nous savons que tant que
la grève est le moindrement permise, on prend prétexte de
ça.
On a eu un exemple de ça en 1982, alors que le Conseil sur les
services essentiels était supposé mieux surveiller les situations
et mieux intervenir. Or, il est arrivé des choses absolument
inacceptables, pendant la seule journée de grève, le 10 novembre
1982. Mais il y a eu beaucoup de menaces de grève pendant l'automne et
les deux mois, au début de 1983.
Ce qui arrive, c'est que lorsque la grève est permise, on a
beaucoup plus de difficultés à recevoir des amis
bénévoles ou des parents dans le centre hospitalier où on
pense bien être chez soi, surtout dans le cas des personnes
âgées et des malades qui sont là toute l'année.
Aussi, des employés non syndiqués se font interdire
l'entrée.
Alors, il y a toutes sortes de mesures d'intimidation qui accompagnent
ou précèdent la grève et qui font que
l'établissement de santé est un peu en état de
siège. Mais j'aimerais aller plus loin et demander au Dr David de nous
donner sa perception des effets des grèves concrètement sur les
malades, parce que, quand on voit combien c'est inhumain, combien c'est
désastreux, combien c'est effroyable, je pense que, là, il y a
une action beaucoup plus énergique. Il y a une volonté politique
qui s'affirme beaucoup plus.
Je donnerai la parole, si vous me permettez, M. le Président, au
Dr. David.
M. David (Paul): Je répondrai à votre question, M.
le ministre, à deux points de vue: au point de vue proprement
médical -et j'inclus dans mon point de vue médical les internes,
les résidents, les médecins et les employés de
l'État - je pense que si le droit de grève peut être
supprimé, il doit être supprimé pour toute personne qui
reçoit une rémunération quelconque pour le soin qu'il
donne à des malades.
Je pense que la grève - nous en avons subi plusieurs
expériences - a considérablement démontré
l'inefficacité de notre système. Je suis heureux de vous entendre
dire que vous partagez le point de vue que c'est la plus mauvaise solution pour
régler des problèmes de la santé.
On s'est imaginé pendant longtemps que la couverture des services
essentiels devait être suffisante pour protéger la vie d'un
malade. Peut-être les services essentiels ont-ils protégé
quelques vies. Ils n'ont sûrement pas protégé la survie de
beaucoup de malades que pendant cette période de grève on n'a pas
pu examiner, on n'a pas pu faire un diagnostic précoce, on n'a pas pu
traiter la maladie au moment où il aurait fallu le faire.
Je pense que les systèmes de santé ont tellement
évolué depuis quelques années que tous les services -
hospitaliers, tout au moins - sont devenus essentiels. M. Brunet
référait tout à l'heure aux plaies de lit. Pour un homme
en bonne santé, comme je le suis présentement - j'espère
le demeurer, mais qui sait - la plaie de lit, c'est banal. Cependant, pour
celui qui souffre d'une plaie de lit et quand on voit des plaies de lit qui
prennent des mois à guérir, c'est une souffrance presque de 24
heures qui oblige à donner souvent des thérapeutiques inutiles,
dans le sens que s'il n'y avait pas de plaies de lit, ces thérapies ne
seraient pas données et des calmants, par exemple, ne seraient pas
donnés.
Je prends justement l'exemple de la banalité pour montrer
à quel point quelque chose qui est anodin, en soi, peut occasionner de
souffrances chez un malade.
M. Brunet mentionnait, par exemple, les opérations
retardées. Je suis certain que tous les membres qui sont dans cette
salle aujourd'hui et qui savent qu'ils doivent être opérés,
disons, la semaine prochaine, si on remettait de la semaine prochaine à
l'autre semaine, à un mois, etc., souffriraient des journées et
des semaines d'angoisse parce que la chirurgie, quelle qu'elle soit,
présente, qu'on le veuille ou pas, un certain risque.
Je crois que le retrait de la grève... Vous parlez d'une
grève qui deviendrait purement symbolique, mais où commence le
symbole et où se termine la réalité? Je pense qu'à
partir du moment où quelque chose est possible et sachant qu'on ne peut
pas faire souffrir indéfiniment les malades, on ira jusque-là
pour obtenir gain de cause. Pour répondre à votre question, je ne
vois pas d'autre solution que l'abolition pure et simple du droit de
grève pour tout le monde, y compris les médecins, et son
remplacement par des mécanismes déjà prouvés dans
d'autres pays ou dans d'autres parties du
monde, mécanismes qui vont d'ailleurs permettre des dialogues
positifs entre les parties concernées, et à travers ce dialogue,
qui devrait se poursuivre toute l'année, peut-être que les
employeurs et les employés acquerront une certaine maturité dans
la façon de discuter.
Des voix: Bravo!
M. Brunet: M. le Président, je suis conscient que M. le
ministre est toujours dans ses 20 minutes; soit après soit maintenant,
si vous le permettez, M. l'abbé Gérard Dion aimerait commenter un
peu, en réponse à M. le ministre, maintenant ou quand vous le
permettrez...
M. Clair: Surtout dans la mesure où ce serait une
réponse qui porterait sur le fond de ma question. Cela ne veut pas dire
que ce que M. le docteur et vous-même, M. Brunet, avez dit n'est pas
fondamental, mais tenez pour acquis que, par exemple, sur la question des
conséquences quant à l'exercice du droit de grève chez les
malades, chez les bénéficiaires des services de santé, et
même l'appréhension de la grève on a eu l'occasion d'en
discuter en commission parlementaire, et tant mon collègue, le
député de Portneuf, que moi-même sommes sensibilisés
à cette question - il va de soi que la simple appréhension dans
un centre d'accueil ou dans un hôpital de l'exercice d'une grève
crée des problèmes souvent aussi importants que ceux de
l'exercice de la grève.
Mais la question que je posais, c'était plutôt de vous
demander, dans la mesure où nous partageons collectivement, je pense,
comme société, les mêmes objectifs, qu'est-ce qui vous
amène à conclure que, dans les faits, le moyen proposé,
soit l'abolition pure et simple du droit de grève, pour employer les
mots du Dr David, est préférable à une approche qui vise
à faire en sorte que, à toutes fins utiles, il n'y en ait plus,
mais snns poser le geste législatif de l'abolition, toujours en
référence à l'évolution des mentalités?
Je pense encore une fois que pour l'une des parties du problème,
c'est une question de mentalité. Comment les faire évoluer?
L'Association des hôpitaux du Québec, par exemple, les dirigeants
des hôpitaux du Québec de même que ceux de l'Association des
centres d'accueil du Québec sont venus nous dire, bien sûr, qu'ils
partagent la volonté qu'il n'y ait plus de grève dans leur
réseau, mais sont venus nous dire: Nous pensons qu'il y a une
évolution des mentalités et qu'il y aurait un risque de susciter
une large mobilisation si le geste de l'abolition était posé. Il
peut y avoir des opinions pour, des opinions contre, je voulais connaître
la vôtre sur cette question. En termes de favoriser l'évolution
des mentalités, est-ce que vous y renoncez?
M. Brunet: M. l'abbé Dion, vous avez parlé à
beaucoup de ministres, durant les dernières cinquante années,
pouvez-vous répondre au fond du fond à la question de M. le
ministre? Approchez le micro, s'il vous plaît. (16 heures)
M. Dion (Gérard): II n'y a pas de solution miracle. Je ne
crois pas, non plus, qu'on doive se fier uniquement sur la législation
pour amener les changements de mentalité. Ceci étant bien
établi, je crois qu'aussi longtemps qu'on laissera une porte ouverte et
une possibilité d'utiliser ce moyen, les gens vont s'en servir. Quand je
dis cela, ce n'est pas que je suis antisyndical, ce n'est pas non plus que je
prétende qu'on ne doive pas prendre tous les moyens nécessaires
pour que les travailleurs, dans le domaine de la santé, aient justice et
aient des conditions de travail qui soient humaines et favorisant, chez eux,
une satisfaction au travail pour qu'ils puissent donner aux
bénéficiaires les meilleurs services possible.
Mais, on ne changera pas la nature des choses. Peut-être que dans
20 ans, les mentalités seront changées. On a déjà
20 ans d'expérience. Cela a peut-être évolué, mais
je ne pense pas qu'il soit humain d'attendre encore 20 ans et,
périodiquement, d'être soumis à des menaces de grève
ou à des grèves que le gouvernement ou les gouvernements
successifs, qui ont été au pouvoir depuis ces 20 ans, ont
été obligés de régler avec des lois
spéciales et même des lois spéciales qui ont
été violées.
C'est la raison pour laquelle, dans une certaine mesure, j'accepte les
responsabilités des modifications qui ont été
apportées à la loi en 1964. À cette époque, nous
étions tous très optimistes. Les dirigeants syndicaux nous
avaient dit: On veut avoir cela dans la loi, mais on ne s'en servira pas. Je
n'ai pas à vous rappeler ce qui s'est passé depuis 20 ans, quels
que soient les gouvernements qui étaient au pouvoir, à partir de
M. Johnson, M. Bertrand, M. Bourassa et le gouvernement actuel. C'est la raison
pour laquelle je pense qu'on doit purement et simplement abolir le droit de
grève.
C'est la semaine dernière, je pense, qu'un futur candidat, ancien
président de la Fédération des affaires sociales disait:
Abolir le droit de grève ne règle rien. Je suis d'accord avec
lui. Ce n'est pas simplement l'abolition du droit de grève qui va
régler les problèmes et ce n'est pas simplement l'abolition du
droit de grève qui va empêcher des grèves illégales.
Si on veut vraiment faire disparaître que ce soit symbolique ou pas... On
le savait en 1964, l'utilisation du droit de grève dans les services de
santé de
même que chez les fonctionnaires et le reste, cela n'affecte pas
le gouvernement lui-même. C'est pourquoi on disait que c'était
seulement pour attirer l'attention de l'opinion publique sur un problème
de telle sorte que le gouvernement se penche et le règle. Mais cela n'a
pas fonctionné comme cela.
Voilà pourquoi, si on veut avoir quelque chose d'efficace, il
faut, premièrement, que lorsqu'il y a des grèves qui sont
illégales, il y ait des sanctions. Une loi sans sanctions, tout le monde
sait cela, c'est une loi inutile et même parfois une loi dangereuse parce
que c'est contagieux, lorsqu'on viole impunément la loi et qu'on sait
que c'est payant et puis qu'on ne sera pas obligé d'en subir les
conséquences, les sanctions. D'ailleurs cela a été dit par
un président de centrale syndicale au mois de décembre dernier,
il faut qu'il y ait des sanctions appropriées, des sanctions
efficaces.
Il y a encore une autre condition et qui est aussi importante, quelles
que soient les choses que l'on mette dans la loi, c'est qu'on ait la
volonté de les appliquer. L'histoire est là. Dans le
passé, dans certaines lois on a mis des sanctions qui étaient
assez draconiennes. Aucun gouvernement ne les a appliquées, pour toutes
sortes de raisons. C'est pourquoi, quand j'étais membre de la commission
Woods en 1967, 1968 et 1969, nous avions préconisé une
recommandation à cette époque qui n'a pas été
acceptée par le gouvernement fédéral et qui n'a pas
été reprise non plus par des gouvernements provinciaux, à
savoir que devrait être créé un poste de fonctionnaire -
appelez-le comme vous le voulez - avec des pouvoirs d'un procureur
général, pour prendre les poursuites. Ce procureur
général affecté aux violations de la loi dans le domaine
des relations du travail, et particulièrement dans le cas des
grèves illégales, devrait être désigné par
l'Assemblée nationale pour un certain nombre d'années de telle
façon qu'il soit complètement indépendant des pressions
politiques tout en laissant la possibilité à ceux qui sont
intéressés de pouvoir prendre des poursuites, si ce procureur
général spécial ne le fait pas.
Regardez ce qui s'est passé dans ces derniers mois; on a l'a
présent à l'esprit. Et reportez-vous en 1982 et reportez-vous
à chaque fois qu'il y a eu de grèves illégales, cela a
toujours tombé là. Je suis convaincu que tant qu'on n'aura pas
une volonté politique de faire appliquer la loi cela ne sert à
rien de la changer, on perd notre temps. Maintenant, des sanctions efficaces
qu'on sait qui seront appliquées, c'est bien de valeur de le dire,
c'est, en ce moment, le seul moyen qu'il nous reste pour faire
l'éducation et accélérer l'éducation des gens de
telle façon que dans les conflits du travail dans le domaine de la
santé, on hâtera cette éducation dont vous, M. le ministre,
avez parlé.
M. le ministre, je vous écoutais à la
télévision hier soir où, parlant des sanctions, vous avez
dit qu'il ne fallait pas que ce soit un musée d'horreurs - est-ce bien
cela que vous avez dit?
M. Clair: Je ne pourrais pas avoir le mot à mot mais ce
que j'ai indiqué c'était...
M. Dion: Musée d'horreurs!
M. Clair:... simplement que je pense qu'il ne faut pas compter
seulement sur les sanctions - ce n'est pas l'approche du projet de loi
d'ailleurs - mais sur des mesures préventives. Peut-être ai-je
employé l'expression recours au musée d'horreurs, c'est
possible.
M. Dion: Justement, une sanction appropriée et efficace
que l'on sait qui sera appliquée, c'est une mesure
préventive.
M. Clair: La crainte de l'exemplarité de la peine.
M. Dion: Exactement.
Le Président (M. Lachance): À ce moment-ci, je
voudrais indiquer qu'on a déjà - c'est très
intéressant - 27 minutes depuis le début de la période
d'échange de propos.
M. Clair: M. le Président, si vous me donniez trois
minutes, on pourrait fonctionner par blocs de 30 parce que j'oublie.
Le Président (M. Lachance): Je n'ai pas d'objection, il
s'agit de vous entendre.
M. Clair: C'est juste de répondre à deux questions
très rapidement.
Le Président (M. Lachance): Oui.
M. Clair: Oui, vous m'entendez? Les deux questions qui
étaient posées à savoir les matières sur lesquelles
le personnel hospitalier aurait la permission de faire la grève.
L'Institut de recherche s'occuperait uniquement des salaires et des
échelles de salaires. Au niveau local, sans droit de grève,
seraient traités les droits, les questions des droits syndicaux, le
mouvement de personnel et l'organisation du travail. Le droit de grève
continuerait donc à exister factuellement, juridiquement sur les autres
questions. Quant à la préoccupation de savoir si la
possibilité pour le Conseil des services essentiels d'imposer des
mesures médiatrices, est-ce que cela aurait un impact sur le recours
collectif? Je ne pense pas, mais je peux vous assurer que nous allons prendre
les moyens pour que tel ne soit pas le cas, que
le recours collectif ne soit pas affecté. Alors, je pense que
j'ai pris mon trois minutes, je vais laisser.
Le Président (M. Lachance): Oui, madame.
Mme Forget (Lucie): Pour être sûr que le droit au
recours collectif soit maintenu, il faudrait que ce soit précisé
dans la loi, que ceci n'empêche pas le droit au recours collectif.
M. Clair: C'est ce qu'un de mes avocats indiquait, qu'il pensait
que c'était nécessaire.
Le Président (M. Lachance): Très bien. C'est
maintenant au tour du porte-parole de l'Opposition, le député de
Portneuf, M. Page.
Commentaires de l'Opposition M. Michel
Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Brunet, Mlle
Forget, M. Dion, Dr David, mes premières paroles seront tout d'abord,
non seulement pour vous saluer, mais aussi pour vous indiquer que nous sommes
heureux d'être ici, plus près de vous à Montréal,
pour avoir l'occasion d'échanger des propos sur l'avant-projet de loi
qui a été déposé à l'Assemblée
nationale au mois de décembre dernier. Je voudrais, en même temps,
remercier les députés de la majorité, finalement, qui ont
accepté la motion que j'ai proposée au nom de mon groupe
politique de l'Opposition à l'Assemblée nationale, visant
à faire en sorte que notre commission parlementaire devienne une
sous-commission pour avoir l'occasion de discuter ensemble aujourd'hui. Je dois
vous dire que Mme Dougherty, députée de Jacques-Cartier, M.
Polak, député de Sainte-Anne, M. Bissonnet, député
de Jeanne-Mance, M. Pratt, député de Marie-Victorin, M. Parent,
député de Sauvé, M. Fortier, député
d'Outremont, M. Johnson, député de Vaudreuil-Soulanges et
moi-même sommes bien heureux d'être avec vous aujourd'hui.
C'est non seulement avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris
connaissance de votre mémoire, qu'on l'a entendu et qu'on entend
aujourd'hui vos représentations, c'est aussi et surtout avec beaucoup de
respect. Vous savez, lorsqu'on siège à l'Assemblée
nationale, qu'on a à étudier les projets de loi, les actions
gouvernementales visent ou touchent toujours le citoyen. Ces consultations, ces
projets de loi entraînent des mécanismes et des processus de
consultation où, plus souvent qu'autrement, ce sont les groupes
organisés, ce sont, comme vous le disiez, le patronat, les syndicats,
les différentes associations qui se font entendre mais il est rare et
même exceptionnel qu'on ait la chance d'échanger des opinions avec
les représentants des citoyens qui ont à recevoir des services en
qualité donnée et en quantité donnée de la part de
leur gouvernement. À cet égard, c'est un moment important dans le
cheminement des travaux de cette commission et de cette sous-commission qu'on
vit aujourd'hui.
Vous avez abordé comme premier point de votre mémoire, un
point qui vous a touché, qui a fait mal non seulement aux
bénéficiaires, non seulement à ceux et celles qui
reçoivent et qui ont le droit de recevoir des services essentiels, mais
qui a fait mal, finalement, à toute la société
québécoise depuis plus de vingt ans, soit l'exercice du droit de
grève et le recours à la grève, plus
particulièrement dans les services de santé.
Je me permettrai un commentaire parce que je n'ai pas eu l'occasion ni
l'opportunité - j'ai eu l'occasion de le faire, évidemment,
à Québec, à l'Assemblée nationale mais je veux le
réitérer et vous le réitérer. Pour notre groupe
politique, il nous apparaît qu'en 1964, comme le disait M. Dion tout
à l'heure, nous étions à l'amorce, au début de la
révolution tranquille, le Québec se devait de se doter d'une
administration publique, plus grosse, plus compétente, plus dynamique,
compte tenu des responsabilités que l'État s'était
donné ou voulait se donner. (16 h 15)
La lecture de l'époque nous indique qu'on avait un certain
rattrapage à faire pour les employés de l'État,
comparativement aux employés du secteur privé, que ce soit au
niveau de la rémunération, des avantages sociaux, etc. Cela a
été fait. Le droit à la grève a été
accordé. Le droit à la grève a été -
même s'il ne devait pas être utilisé -utilisé dans le
cadre légal et, malheureusement, trop souvent, dans des cadres
d'illégalité.
Après vingt ans, on doit retenir que le Québec, comme
société, par la voie des gouvernements qui se sont
succédé, a décidé de donner une meilleure
qualité de vie, une meilleure qualité de services aux citoyens,
et ce, par des efforts, entre autres, dans le domaine de la santé. Qu'il
nous suffise de citer quelques chiffres. C'est 6, 3% du produit
intérieur du Québec qui est affecté aux dépenses
dans le domaine de la santé. C'est près de 6 000 000 000 $ du
budget du Québec. C'est donc dire que comme société, par
la voie des hommes politiques, que les Québécois ont élus,
on a voulu se donner une qualité de services donnés. Or, force
nous est de constater que ces services ont trop souvent été
perturbés par des conflits. Nous en venons à la conclusion, quant
à nous, que l'action du gouvernement, que le projet de loi actuel
devrait prévoir la primauté du
droit des citoyens à la santé et à la
sécurité. Ce droit, en toutes circonstances, doit primer et
passer avant tout autre droit et en particulier le droit de grève qui
est consenti à des groupes organisés de travailleurs.
Nous ne croyons pas que le gouvernement puisse maintenir une structure
qui s'identifie comme un système vraiment conflictuel. Qu'il nous
suffise de référer à quelques points particuliers.
Exemple: Tous les mécanismes de négociation sur les services
essentiels comme on les connus depuis quelques années. C'est tellement
systématisé que les gens devaient s'asseoir pour négocier
ensemble la façon dont la lutte se ferait.
Qu'il nous suffise de nous rendre dans les établissements, entre
autres, dans les centres d'accueil du Québec pour voir la
déception, autant chez les administrateurs que chez les travailleurs ou
les travailleuses, parce que, autant les uns comme les autres, ils n'ont pas
l'impression d'avoir participé aux régimes de négociation
qui sont en place. On ne fait pas de farce ni de parodie, lorsqu'on dit que
dans les centre d'accueil, dans certains hôpitaux, les administrateurs
doivent se promener avec des cahiers de normes à respecter, leur grand
livre des normes venant de Québec et les travailleurs, eux, se
promènent avec leur convention collective et ça fait des griefs
et ça crée un climat malsain.
Pour nous, notre intention... On est bien conscient, sur l'abolition
pure et simple du droit de grève, ce n'est pas par une mesure
législative où on dirait, il n'y aura plus, qu'on va
régler tous les problèmes. Pour nous, la première
démarche du gouvernement devrait être de réévaluer
les allocations budgétaires aux différents secteurs ou
différents types d'établissements dans le monde de la
santé. Le ministre des Affaires sociales lui-même, cette semaine,
confirmait nos affirmations que 75% à 80% des griefs ou des objets de
récrimination dans le domaine de la santé, c'est davantage le
vécu des conventions collectives que des conditions de
rémunération, des avantages sociaux ou des choses comme
celles-là.
C'est d'ailleurs dans ce sens que notre groupe est actuellement en
tournée pour voir dans chacune des régions, analyser les budgets
des établissements, les services, la quantité et la
qualité de services donnés dans chacune des régions et
dans les différents types ou catégories
d'établissement.
Une fois que cela sera fait, le droit de grève devra être
aboli de façon législative. Cela devra cependant être
accompagné de mode de règlement des différents. À
cet égard, vous proposez un mécanisme d'arbitrage. Le Conseil du
patronat est venu témoigner devant nous et nous a proposé un
conseil d'arbitrage. On sait que le projet de loi contient les
éléments intéressants, entre autres la médiation
préventive. Vous êtes d'accord avec la possibilité que le
rapport du médiateur se transforme en décision,
éventuellement.
Nous sommes persuadés qu'il y a moyen de substituer au recours
à la grève des modes bien précis, bien encadrés de
règlement des différends qui feront en sorte que les travailleurs
et les travailleuses du domaine de la santé seront traités
équitablement et avec justice. De toute façon, selon nous, c'est
un droit qui est illusoire. Je m'explique. Il n'est pas illusoire,
évidemment, pour des gens comme vous, les gens que vous
représentez, qui sont affectés non seulement par les
grèves, mais aussi et surtout trop souvent par l'appréhension
d'un conflit. Cela, tant le ministre que moi, comme il le disait, on est bien
au fait que la grève appréhendée peut faire, parfois,
beaucoup plus mal que la seule journée de grève qui qui a
lieu.
Cependant, il est illusoire et inadmissible, selon nous, de croire qu'on
peut garder un droit de grève symbolique, des choses comme ça. Il
faudra que le gouvernement s'asseoie avec les travailleurs, qu'il leur parle,
et que tout le monde comprenne que, finalement, ce recours à la
grève a fait mal à tout le monde, même aux travailleurs
eux-mêmes parce que, comme le disait M. Dion tout à l'heure,
dès qu'une grève était déclenchée dans le
domaine de la santé, quelque gouvernement que ce soit se sentait dans
l'obligation d'intervenir par une loi spéciale. Les règles du jeu
étaient là, avec un droit à la grève, mais
dès le moment où elle était déclenchée,
c'était évidemment la commission parlementaire,
dépôt d'un projet de loi spécial à
l'Assemblée nationale. On est aussi bien, au milieu de cette
décennie 80, après 20 ans d'exercice, de s'asseoir. Nous sommes
persuadés, quant à nous, qu'il y a assez de maturité,
autant chez les travailleurs qu'au gouvernement, pour que tout le monde soit
unanime à constater que ça doit être remis en question et
que le droit des citoyens doit primer tout autre droit.
Cela, c'est notre position. Évidemment, si on devait la voter cet
après-midi, ce serait adopté parce qu'on est plus, mais à
l'Assemblée nationale, on n'est pas plus, on est moins. On a à
discuter d'un avant-projet de loi qui a été déposé
en décembre et qui, très probablement, sera déposé
comme projet en première lecture à la reprise de la session et il
est possible - à moins que des événements surviennent
avant - que le projet de loi sera étudié en deuxième
lecture au mois de mai, au mois de juin. M. le ministre pourra peut-être
le préciser au moment de la conclusion de nos travaux, soit la semaine
prochaine, très probablement. C'est donc dire
que, en principe, on peut avoir un projet de loi comme celui-là
adopté par la majorité au mois de juin prochain.
Questions et réponses
La première question, M. Brunet, vous acceptez quand même
plusieurs des éléments qui sont contenus au projet de loi actuel.
Il y a un élément principal et particulier, quant à nous,
qui n'y est pas, soit l'abolition du droit de grève dans le secteur de
la santé, c'est, là aussi, dans le même sens que vont vos
représentations. À défaut pour le gouvernement d'accepter
vos propositions et nos propositions, nous sommes ici pour vous écouter.
Est-ce que vous recommanderiez au législateur de l'adopter quand
même, ce projet de loi?
M. Brunet: Nous pensons que le projet de loi ne va vraiment pas
assez loin. À notre avis, la seule protection valable pour les milliers
de malades et de personnes âgées hospitalisées pour une
courte durée ou qui vivent toute l'année - il y en a 60 000 qui
vivent toute l'année, dans les centres d'accueil, dans les
hôpitaux psychiatriques, dans les hôpitaux de longue durée -
c'est le remplacement du droit de grève et l'adoption de mesures
dissuasives très fortes.
N'oublions pas que - j'ai mentionné un peu tout à l'heure,
des inconvénients qu'il y avait à ce qu'une grève
légale puisse être déclenchée - lorsque la
grève est illégale, il y a quand même la
possibilité, même si cette possibilité est fort difficile,
pour un individu ou un groupe de malades, d'avoir recours aux tribunaux, ce
n'est pas agréable, mais c'est quand même une possibilité
pour aider les malades à se protéger ou à se
défendre contre ces abus qui sont faits sur leur personne.
J'aimerais demander à Mlle Forget de nous donner des commentaires
ou des informations qu'elle a recueillis elle-même auprès de
nombreux malades depuis 1979.
Mme Forget: Oui. La grève pour les malades, c'est quelque
chose de désastreux. On l'a mentionné beaucoup. Le Dr David a
rendu un beau témoignage là-dessus. J'aimerais aussi qu'on
s'étende un peu sur les menaces de grève parce qu'en 1982 et en
1983, j'étais en contact avec plusieurs malades et pour eux, ce furent
des semaines très pénibles, très angoissantes parce que,
constamment, on brandissait la menace de grève générale
illimitée. On la fixait à une date: on va la faire à cette
date; on ne la faisait pas, on allait la faire à une autre date, on ne
la faisait pas et pendant à peu près deux mois, en novembre,
décembre, il y a eu cette menace constante que l'on tenait comme une
épée de Damoclès au-dessus de la tête des malades.
Cela, c'est absolument inhumain, inacceptable et aucun conseil sur les services
essentiels ne peut empêcher cela, quand on reconnaît le droit de
grève, parce que la seule chose que le conseil sur les services
essentiels peut faire, c'est qu'il a un droit de regard sur les listes et
ententes qui sont déposées et s'il juge les services
insatisfaisants, il peut faire des recommandations. Il n'impose pas de
changements aux listes et il doit faire un rapport au gouvernement et
là, le gouvernement décide si cela va affecter la santé et
la sécurité publique.
M. le ministre, qu'est-ce que vous entendez par la santé et la
sécurité publique? Est-ce à dire que, s'il y a plusieurs
malades qui vont être bafoués dans leur droit individuel mais la
santé de toute la population ne sera pas affectée en même
temps, à ce moment, la grève va être permise? Est-ce que
c'est cela que vous voulez dire par la santé et la
sécurité publique? Est-ce qu'il faut attendre qu'il y ait un
cahot et qu'il y ait des dizaines de milliers de morts avant qu'on suspende
l'exercice du droit de grève?
Tantôt, vous parliez d'une question d'évolution des
mentalités. On sait très bien que les lois conditionnent cette
évolution des mentalités. En 1964, quand on a reconnu le droit de
grève, parce que les chefs syndicaux disaient: on ne l'utilisera pas,
cela va être uniquement symbolique, on sait ce qui est arrivé. Il
y en a eu chaque fois. Là, non seulement on a eu des grèves
légales qui se sont multipliées, mais on a eu des grèves
illégales. Nous, pourquoi on s'est penché là-dessus? C'est
un lieu commun parce qu'il n'y a pas eu de volonté politique pour faire
respecter les lois et que les mesures n'étaient pas suffisamment
dissuasives.
On a fait un peu de recherche. Comme vous le savez, on est un petit
groupe de bénévoles. Pour nous, on n'a pas, surtout depuis le
dépôt de cette loi juste avant les fêtes, poussé
très loin, mais quand même on a pu déterminer, corroborer
ce que la réflexion nous avait amenés à conclure.
Premièrement, dans les choses sur lesquelles on a fait des recherches,
on a vu des conclusions à l'effet que les amendes, ce n'est pas
très efficace comme mesure. On a également trouvé une
étude qui a été faite -je peux vous donner l'annotation -
où on a regardé - c'est une étude américaine - dans
les États américains, dans les juridictions américaines ce
qui se passait, quel était le rapport entre les grèves et les
pénalités? On s'est rendu compte que dans les juridictions
où la grève est illégale et où on applique les
pénalités, il y a très peu de grèves
comparativement aux autres juridictions. Dans les juridictions où
même si la grève est illégale on n'applique pas les
pénalités il y a beaucoup de grèves. Si jamais vous
êtes intéressés à cette étude je vous en
donnerai
l'annotation.
Vous parliez - je ne vous ai pas entendu - mais je viens de l'entendre
de la bouche de M. Dion - d'un musée des horreurs. Je ne sais pas si
vous faisiez allusion aux mesures que l'on préconise mais on
préconise ces mesures après réflexion parce qu'on s'est
rendu compte que si on veut que les pénalités soient
dissuasives... Remarquez que ces pénalités sont juste
dissuasives, elles ne s'appliquent pas si l'on respecte la loi. Or, quand le
législateur adopte une loi est-ce que ce n'est pas parce qu'il veut la
faire respecter. S'il veut faire respecter sa loi est-ce qu'il ne doit pas
prévoir les mesures pour la faire respecter? Nous, en regardant ce qui
s'est passé au Québec - et là on se tient dans le contexte
québécois - M. Larose, président de la CSN, tout le monde
a sûrement entendu son témoignage. Les grèves sont payantes
au Québec. On ne veut pas que le droit de grève disparaisse elles
sont payantes, même les grèves illégales. Pourquoi
sont-elles payantes? Parce que le législateur n'a jamais eu la
volonté de faire appliquer ses lois et de mettre des
pénalités suffisamment dissuasives. (16 h 30)
Pour vous donner un exemple comme une mesure appropriée peut
être dissuasive, en 1983, quand on parlait de faire des grèves
dans le secteur de la santé, le gouvernement n'est pas arrivé
avec une déclaration publique mais il a laissé flotter une rumeur
qu'il y aurait des congédiements massifs chez ceux qui ne rentraient pas
dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil. À ce moment, vous
aviez beaucoup de syndiqués qui ne voulaient pas faire la grève
parce que là, ils étaient touchés individuellement par
leur job. Alors ce qui est arrivé, c'est que la Fédération
des affaires sociales - comme tout le monde se le rappelle - a tenu un vote et
le vote est allé contre eux. On a décidé de ne pas
défier la loi et de rentrer au travail.
C'est un exemple pour vous démontrer comme une mesure peut
être dissuasive. Je pourrais dire - oui, je vais l'admettre publiquement
- on a été choqués par la façon dont on a
réglé deux conflits dernièrement. Lorsqu'on a
appliqué des mesures de congédiement, on a négocié
pardessus la tête d'un directeur d'hôpital avec le président
de la CSN pour obtenir la réintégration de ces gens
jusqu'à ce que l'on discute de leur cas devant un tribunal d'arbitrage.
Ce sont des choses comme cela qui donnent le feu vert et qui donnent un
encouragement à faire des grèves illégales, à
désobéir à la loi et à continuer à maintenir
cette mentalité anarchisante. Vous parlez d'évolution des
mentalités, mais si vous n'appliquez pas les lois vous encouragez cette
mentalité à demeurer, M. le ministre! Les lois conditionnent les
mentalités - on revient là-dessus - et si vous avez des mesures
de dissuasion vous pouvez être sûrs que les mentalités -
comme l'abbé Dion a dit - vont changer vite et que cela va hâter
le processus.
M. Dion: Messieurs, vous qui êtes les législateurs,
il faut que vous vous protégiez vous-mêmes. L'expérience
nous a démontré, quels que soient les gouvernements - je ne veux
pas attaquer ni celui-ci, ni celui-là -vous vous êtes mis avec la
loi tel qu'on l'a dans le passé, même dans les cas de lois
spéciales, vous vous êtes mis dans une situation bien
embarrassante. Il faut que vous preniez les mesures pour vous protéger
vous-mêmes, quel que soit le gouvernement au pouvoir. On a vu des
ministres de la Santé dans de très bonnes dispositions - tout ce
que vous voulez - et des pressions ici, des pressions là et à la
fin dans le passé votre comportement même a encouragé les
gens à faire des grèves illégales. L'histoire est
là! Protégez-vous vous-mêmes et protégez aussi les
bénéficiaires.
Juste pour répondre à la question de M. Pagé, c'est
un avant-projet de loi qui est déjà mieux que ce qui existait
avant mais je le considère seulement comme un avant-projet de loi. Si M.
le ministre a décidé d'utiliser cette méthode de
présenter un avant-projet de loi et le faire discuter, c'est qu'il n'est
pas complètement arrêté sur ces questions-là. On
pourra voir d'une façon beaucoup plus claire, ce qu'il en sera lorsqu'il
nous présentera son projet de loi. Je dirais que c'est
déjà un progrès mais il y aurait beaucoup
d'améliorations à faire. Ici, nous sommes seulement pour la
santé, mais il y a ailleurs aussi et puis je ne pense pas que ce soit
l'endroit d'en parler. Merci.
Mme Forget: Est-ce que je pourrais avoir les commentaires de M.
Clair sur cet aspect de dissuasion des pénalités et leur
influence sur l'évolution des mentalités, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Lachance): Mlle Forget, si vous n'avez
pas d'objection, comme on est sur le temps de parole du député de
Portneuf, M. Clair pourra revenir à votre réponse tantôt.
M. le député, si vous voulez continuer.
M. Pagé: Merci, Mlle Forget.
M. Clair: J'ai failli céder à la tentation.
M. Pagé: Bien oui. On va vous donner tout le temps qu'il
faut. Merci M. Dion. Nous sommes d'accord avec vous quand vous dites que des
modifications ou des suppressions du recours à la grève ou de
l'exercice du droit de grève dans le secteur
de la santé feraient en sorte de protéger non seulement
les bénéficiaires, ceux qui ont le droit légitime et
fondamental à une quantité et à une qualité de
services constantes, régulières et soutenues mais aussi qui
protégeraient les gouvernements parce que les gouvernements sont devenus
vulnérables. Il faut s'interroger finalement et à la
lumière de ces interrogations, il faut conclure. Est-ce qu'au milieu de
cette décennie 1980, après vingt ans d'exercice, on peut
continuer, au Québec, à permettre que des lois adoptées
par l'Assemblée nationale du Québec soient
défiées?
Nous sommes bien conscients des écueils et c'est ce pourquoi on
espère que le ministre pourra prendre des éléments de
notre proposition et l'inclure dans son projet lorsqu'il sera
déposé, c'est: 1) suppression du droit de grève dans le
secteur de la santé; 2) révision budgétaire par
établissement parce que les coupures ont eu beaucoup d'effets; 3)
dégager des modes pour s'assurer que le règlement des
différends puisse être réglé de la façon la
plus équitable et la plus juste possible, modes auxquels on a
référé tantôt et, évidemment, des sanctions
qui devront viser les organismes comme groupes collectifs, les syndicats et
aussi faire en sorte que les travailleurs et les travailleuses se sentent
responsables eux et elles aussi. Cela pourra vouloir dire la suppression de la
formule Rand, cela pourra vouloir dire des congédiements mais il faudra
que cela soit très, très clairement exprimé et que les
règles du jeu soient établies avant le début de la partie
et qu'elles soient respectées.
Vous avez référé - et c'est là, ma
dernière question, mes collègues d'Outremont et de
Vaudreuil-Soulanges auront d'autres questions - à la possibilité
que pour s'assurer que la loi soit respectée, il n'y ait pas de
grève symbolique, qu'il n'y ait pas de grève sur le tas.
Exemples: ralentissement de travail, fermeture d'un département, la
buanderie dans un établissement de santé, des choses comme
celles-là. Vous avez référé à la
possibilité que l'Assemblée nationale désigne - cela
pourrait devoir recueillir la majorité aux deux tiers comme c'est le cas
pour désigner souvent des personnes qui ont des responsabilités
importantes dans notre société - vous avez recommandé
qu'on ait un procureur spécial. Dois-je comprendre, selon votre
proposition, qu'on trouve très intéressante, que ce ne serait pas
le procureur général qui aurait ultimement à
décider, mais bel et bien ce procureur spécial qui aurait,
évidemment, le mandat de l'Assemblée - par conséquent et
par la suite, le mandat du procureur général - mais qui aurait
entière juridiction pour décider des poursuites à
entreprendre pour l'application des sanctions automatiquement prévues
dans la loi?
M. Dion: Oui. Cependant, il faudrait que les
intéressés aient la possibilité de prendre ces poursuites,
si le procureur général, ce procureur spécial, pour une
raison ou une autre, refuse de le faire.
M. Pagé: Merci. J'aurai l'occasion de revenir plus tard,
au cours de la séance. Il y avait M. le député
d'Outremont...
Discussion générale
Le Président (M. Lachance): En vertu de l'alternance, je
pense qu'on peut y aller avec M. le ministre.
M. Clair: Oui, Merci, M. le Président. Une voixs Mes deux
minutes?
Le Président (M. Lachance): S'il veut prendre deux
minutes, je n'ai pas d'objection. Il restait deux minutes de droit de
parole.
Une voix: On aime autant attendre après.
M. Clair: Oui, d'accord. La question soulevée par Mme
Forget est très intéressante et constitue, effectivement, l'une
des dimensions de l'approche, dans la mesure où l'on se situerait dans
une perspective d'abolition du droit de grève. N'importe qui se pose la
question: Quelles seraient les sanctions qui suivraient? Il y a deux approches
possibles, à ce moment, si on se situe dans cette perspective, une
approche de sanctions automatiques individuelles ou encore une approche de
sanctions collectives.
Je n'essaierai pas de me souvenir de toutes mes données de
criminologie. Malheureusement, le temps passe et la mémoire est une
faculté qui oublie. La force dissuasive de sanctions, oui, ça
peut être un instrument très puissant d'incitation au respect des
lois, mais je me souviens, par exemple - et c'est pour ça que je serais
très intéressé à prendre connaissance de
l'étude que vous avez faite - d'un sujet au moins aussi
controversé que celui du droit de grève dans le secteur de la
santé: la question de la peine de mort.
Aux États-Unis, comme on le sait, la peine de mort - en tout cas,
à l'époque où je m'intéressais à ces
questions - relevait des États et non pas du gouvernement
fédéral américain. Il n'y avait aucune corrélation
entre la présence, dans un État, de la peine capitale et le
nombre de meurtres ou de crimes passibles de cette peine capitale. La
corrélation était même inversée, si ma
mémoire est fidèle. Ce que l'on découvrait, c'était
bien davantage un taux de corrélation assez élevé avec
différents facteurs sociaux et de tradition de violence dans des
États, par rapport à
d'autres États, dans le milieu rural ou le milieu urbain -
même si je ne veux pas faire de discrimination entre les ruraux et les
urbains. Je serais très intéressé à prendre
connaissance de l'étude que vous avez faite là-dessus. Le grand
risque...
Mme Forget: Excusez-moi, je voudrais juste vous corriger. C'est
une étude qui a été faite aux États-Unis, pas pour
nous. C'est une information qu'on a eue avec l'annotation de l'étude. Je
pourrais vous donner la référence, d'accord?
M. Clair: Parfait. J'y suis intéressé, de toute
façon. Parlons, par exemple, du cas de Saint-Ferdinand et du cas des
ambulances à Montréal. Plusieurs personnes ont affirmé que
c'était le caractère de sanctions individuelles qui avait
mené à une solidarisation des autres individus du groupe et
entraîné un mouvement massif qu'on a connu. Est-ce que votre
approche en est une de dire: Nous pensons que les sanctions doivent être
dirigées vers l'individu ou vers le collectif?
Vous faites référence dans votre mémoire, par
exemple, à la responsabilité qu'engage le fait pour les syndicats
d'avoir, au Québec, le monopole syndical, l'accréditation, la
formule Rand. Cela, c'est une approche. La question des amendes, des
suspensions ou d'un congédiement est davantage reliée à
l'individu. Vos réflexions là-dessus vous amènent à
conclure quoi?
Mme Forget: Je crois qu'il faut les deux. Il faut la perte du
privilège de la déduction des cotisations a la source. Il faut
également des pénalités individuelles. Je vais vous donner
quelques illustrations de ça. Cela nous a réconfortés
beaucoup dans la dernière ronde de négociation. Il y a des
syndiqués d'hôpitaux qui ont pris contact avec nous, de leur
propre initiative, pour nous aider dans l'organisation de notre opposition
à l'exercice du droit de grève. Ils nous ont donné de
fichus bons conseils et ils ont été très efficaces dans
l'aide qu'ils nous ont donnée.
Ils nous faisaient rapport de ce qui se passait dans les
assemblées syndicales. On nous disait: Vous savez, on nous dit: II y a
des amendes, mais occupez-vous pas de ça, vous n'aurez pas à les
payer. Quand vous allez voter pour la grève, ce n'est pas une
considération dont vous devez tenir compte. Cela, je trouve que
ça dit beaucoup. Cela montre que si l'individu ne se sent pas
affecté personnellement, il peut être influencé dans une
atmosphère échauffée d'une assemblée syndicale
à donner un vote en faveur d'une chose à laquelle
peut-être, s'il était dans l'isoloir, à froid, il ne
donnerait pas son consentement. Il y a le fait que les pénalités
individuelles peuvent avoir beaucoup d'impact.
(16 h 45)
En ce qui concerne la perte du privilège de la déduction
des cotisations à la source, si, dans l'ensemble, beaucoup de membres
d'un syndicat donné ne sont pas d'accord vraiment avec ce que le
syndicat fait... Il y a beaucoup de manipulation. Laissez-moi vous dire que je
connais un cas où on a tenu quatre assemblées syndicales pour
pouvoir obtenir un vote de grève. Chaque fois que le vote allait contre
la grève, on tenait une autre assemblée la semaine suivante ou
deux jours plus tard. Ce qui veut dire que même si le syndicat est
très militant et qu'il y a un groupe, un noyau autour de lui de gens
très militants, il faudrait qu'il coure longtemps pour avoir la
majorité de ses cotisations s'il perdait le privilège de la
déduction à la source. Donc, il faut les deux types de
pénalité.
Maintenant, il y a une autre chose, aussi, qu'on préconise dans
le mémoire. Sur la base de l'expérience québécoise,
mais en s'inspirant - je dois le reconnaître - d'une législation
d'Iowa - je crois que vous l'avez vue en annexe - on s'est rendu compte que pas
seulement votre gouvernement, mais d'autres gouvernements passés ont eu
tendance à passer l'éponge une fois que le conflit est
terminé. On se dit: II faudrait que ce soit absolument interdit, et
comme l'abbé Dion le notait, il faut que ce soit fait avant que la loi
soit adoptée avant qu'on soit en pleine négociation pour que les
parties connaissent très bien les règles du jeu.
Or, on préconise comme mesure, dans la loi, qu'on interdise
à l'employeur public comme aux associations syndicales de
négocier la suspension ou la modification des pénalités
sous peine d'infraction sévère. Ce qui veut dire que ceux qui
l'ont fait dans le passé auraient pu être coupables
d'emprisonnement, fut-il un ministre. Cela, c'est bon, parce que tout le monde
doit être traité sur le même pied dans une
société démocratique.
Nous, à cause de l'expérience québécoise qui
est vieille de vingt ans où on passe continuellement l'éponge, on
trouve que c'est une mesure qui devrait se retrouver dans la loi.
Également, toujours sur la base de notre expérience dans le
contexte québécois, on a vu que très souvent, ce sont des
citoyens courageux qui ont pris des mesures pour essayer d'enrayer une
grève tellement désastreuse pour les malades.
Donc, on préconise que, dans la loi, tout citoyen qui voit qu'on
est sur le point de violer une loi ou qu'on a violé la loi puisse
prendre des recours devant les tribunaux.
Le Président (M. Lachance): Deux minutes.
M. Clair: Deux minutes? Cela va être rapide, j'aurais eu un
préambule à faire, mais je ne le ferai pas. Concernant le
substitut au droit de grève, il y en a plusieurs, il y a le conseil
d'arbitrage, par exemple, du type qui est proposé par le Conseil du
patronat, il y a la médiation-arbitre, il y a l'arbitrage de l'offre
finale. Il semble que l'Opposition se dirige vers...
Une voix:...
M. Clair: Je serais moins sûr de ça.
Je sais que l'Opposition se dirige vers la proposition de l'arbitrage de
l'offre finale "final section offer". Qu'est-ce qui vous amène à
privilégier cette formule plutôt qu'une autre? Est-ce qu'il y a
des raisons fondamentales particulières qui font que vous
privilégiez cette approche plutôt qu'une autre comme substitut au
droit de grève?
M. Brunet: Vous nous posez la question à nous, M. le
ministre?
M. Clair: Oui.
M. Brunet: Mlle Forget, voulez-vous répondre, s'il vous
plaît, donner cette annotation américaine afin qu'on la retrouve
dans le Journal des débats?
Mme Forget: En ce qui concerne les pénalités et
l'incidence des grèves, la référence, c'est Olson, Stern,
Najita and Weisberger - excusez-moi, je ne sais pas comment prononcer
très bien ces noms - le titre: "Strikes and Strike Penalties in the
Public Sector, Labor Management Services Administration, United States
Department of Labour, March 1981".
M. Brunet: Voulez-vous répondre à la question de M.
Clair?
Mme Forget: Oui. En ce qui concerne le mécanisme de
remplacement qu'on privilégiait, cela remonte à plusieurs
années déjà. En 1981 on se préparait pour une
commission parlementaire et comme M. Brunet le dit, on ne voulait pas tout
simplement demander l'abolition du droit de grève parce qu'on trouvait
que les travailleurs avaient le droit à avoir certains recours pour
faire valoir leur point de vue et qu'ils ne devaient pas se retrouver
démunis face à l'État employeur.
On a fait beaucoup de recherches et ces recherches nous ont
amenés à ce mécanisme de l'offre finale. Ce qui nous
intéressait beaucoup dans ce mécanisme, c'est que, sans
représenter tout à fait la même force de pression qu'une
grève - parce qu'une grève dans les hôpitaux c'est
nucléaire, c'est absolument aberrant - elle exerce une force, une
pression sur les parties pour être raisonnables. Parce que dans le cas de
l'arbitrage, quand les parties n'arrivent pas à s'entendre, l'arbitre,
contrairement à l'arbitrage conventionnel, ne peut pas faire de
compromis entre les propositions patronales et les propositions syndicales. Il
doit choisir, soit les propositions syndicales, soit les propositions
patronales, ce qui veut dire que l'une ou l'autre des parties qui n'est pas
raisonnable va être obligée de vivre avec les propositions de la
partie adverse pendant trois ans que dure la convention collective. Chacun est
intéressé à vouloir que ce soit ses propositions qui
soient choisies par l'arbitre de sorte que cela les amène plus vers une
consensus, plus sur un terrain d'entente.
Maintenant, on a remarqué que, dans la loi, vous
privilégiez la médiation-arbitrage. Est-ce que, à mon
tour, je pourrais vous demander pourquoi vous avez privilégié la
médiation-arbitrage?
M. Clair: Ce que je peux indiquer, le grand inconvénient
de l'arbitrage de l'offre finale - j'espère que l'image ne me nuira pas
- c'est un peu la roulette russe, dans le sens qu'on ne sait pas en fin de
compte, ce qu'on va retrouver dans l'une ou l'autre des deux propositions
finales. Je fais une hypothèse qui est un peu caricaturale, mais je la
fais quand même. Le syndicat propose le gel des salaires et finalement
fait une percée importante dans ce qu'il propose sur du normatif avec
des incidences financières très importantes. De son
côté, le gouvernement, dans sa dernière proposition, dans
son offre finale, était prêt à donner, je ne sais pas,
l'équivalent d'une masse de 3% en salaire et peu de choses sur le
normatif. Cela pourrait être tentant, quand on connaît le
fonctionnement de l'arbitrage, que s'il y a un rapprochement, que finalement ce
soit toujours vers la hausse.
Nous, on pense que pour les questions qui seraient soumises ou qui
seraient décentralisées au niveau local, la formule du
médiateur-arbitre, même si elle ne met personne à l'abri de
quoi que ce soit - quand on accepte de confier le litige à un tiers,
c'est un tiers qui intervient, c'est sûr - il nous semble que, a cause de
la nature des objets qui sont décentralisés au niveau local,
cette formule offre de meilleures garanties. Mais, il n'y a pas de garantie
absolue ni dans l'une, ni dans l'autre des formules.
Mme Forget: À ce niveau, par exemple, vous pourriez avoir
un mécanisme d'offre finale mitigé, si on peut dire. C'est qu'au
lieu que ce soit le "complete package", que ce soit sur chaque question
litigieuse qu'est l'offre finale.
M. Clair: C'est une formule alternative, vous avez raison.
Le Président (M. Lachance): ... remarquer.
M. Dion: "Issue by issue". M. le Président, excusez-moi,
juste un petit mot.
Le Président (M. Lachance): Je voudrais quand même
remarquer...
M. Dion: "Issue by issue" et ensuite à l'intérieur
de certains critères prédéterminés par le
gouvernement.
M. Clair: Je comprends.
M. Dion: Je pense que c'est de nature à tenir compte de
vos appréhensions si on ajoute ces deux choses.
M. Clair: II y a tout un dégradé possible, c'est
sûr, et des modulations différentes de cela, c'est certain.
Mme Forget: II y a un autre point sur lequel on s'interrogait.
Dans la loi, vous laissez à la discrétion du
médiateur-arbitre d'imposer un règlement ou seulement faire des
recommandations. Cela n'est plus de l'arbitrage, ce n'est plus obligatoire.
C'est que l'arbitre va pouvoir décider si oui ou non il va imposer un
règlement. Pour quelle raison? Pourquoi vous avez laissé cette
discrétion, cette ouverture? Ce n'est pas dans le Code du travail. La
sentence arbitrale de l'arbitre lie les parties. Pourquoi dans le cas de la
négociation, au niveau des questions locales, vous laissez cette porte
ouverte?
M. Clair: Je vais (aisser le temps à l'Opposition parce
que je pense que je vais me faire gronder.
Mme Forget: Je m'excuse!
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges a demandé la parole. M. le député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Dans ces présentations depuis déjà plusieurs semaines, le
ministre et ses collègues nous ont parlé de l'évolution
des mentalités. On voit un processus qui a été
décrit par le gouvernement comme progressif, gradualiste, donc modeste
dans certains cas. Qu'on parle de l'évolution des mentalités,
moi, je veux bien, mais je n'ai pas encore compris ou on ne m'a pas dit de
l'évolution des mentalités de qui il s'agit. Je suis élu
comme tous les gens qui sont ici; nous nous rejoignons quant au
caractère inhumain de la cessation des services de santé. On
alimente également notre réflexion qui appuie concrètement
nos principes parce que les gens, à ma connaissance, ont
également le même sentiment que cela fait longtemps que c'est
inadmissible de même considérer qu'il peut y avoir une
interruption des services de santé. À mon sens, ce n'est
certainement pas l'évolution de la mentalité de la population qui
est en cause.
On a pu accepter en 1964 que ce droit, qui supposément ne serait
pas exercé, ait été donné aux employés du
secteur public. Il a été exercé à de nombreuses
reprises. La population a réclamé - vous l'avez fait remarquer -
à bon droit que cela cesse d'une façon ou d'une autre et on asouligné que les gouvernements ne sont pas allés
jusque-là. La population réclame qu'il faille commencer à
un temps T et nous y sommes. Quant à nous, c'est de cette façon
que nous sommes arrivés à notre proposition de retrait du droit
de grève dans les services de santé.
Il y a des absents. On a déploré l'absence des
employés du secteur public devant cette commission. Il y a un syndicat
représentant des travailleurs qui est venu nous expliquer pourquoi ils
ne venaient pas devant nous débattre de ces choses. À leur face
même les arguments qui nous ont été rapportés par la
voie des journaux ou autrement ne dénotent pas l'évolution des
mentalités des représentants syndicaux des travailleurs du
secteur public. Il y a un autre gros groupe dans cela - le plus gros et le plus
intéressé - celui des travailleurs du secteur public. Est-ce
qu'on parle de l'évolution des mentalités des gens qui
travaillent dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil? J'aimerais
faire remarquer deux ou trois choses à ce sujet. Selon mon
expérience de traiter avec des gens qui travaillent dans les centres
d'accueil, dans les centres de santé, à la voirie, dans les
bureaux du gouvernement, dans un ministère ou dans un autre, à ma
connaissance, ce n'est pas indifférent pour quelqu'un de vouloir
être chauffeur de camion à la voirie ou de vouloir travailler dans
un hôpital. Ce n'est pas indifférent à tout le
problème, à mon sens, qu'on retrouve une majorité de
femmes dans les hôpitaux. On a prétendu que les gestes
antisyndicaux du gouvernement ou ses gestes possibles contre les syndicats
étaient essentiellement des tentatives de brimer le droit des femmes,
etc. On a évoqué à l'époque qu'il y avait beaucoup
de femmes dans les services publics. Selon moi, ce n'est pas indifférent
qu'on ne puisse pas taxer cette moitié de la population d'être
particulièrement égoïste devant la souffrance humaine.
Ceci m'amène à demander soit au Dr David ou à M.
Brunet ou aux deux, compte tenu de leur expérience dans le milieu qui
nous préoccupe à titres différents, évidemment,
comme bénéficiaires ou dispensateurs de soins, quelle est la
mentalité des gens qui travaillent dans les hôpitaux. Quant
à moi, j'ai l'impression très
nette que, même si côtoyer la souffrance tous les jours peut
porter non pas à s'y habituer, mais à se barder, à se
donner une armure pour pouvoir fonctionner de façon normale devant la
souffrance humaine, ces gens ne sont pas, pour autant, devenus insensibles
à la souffrance des bénéficiaires. Il m'apparaît
parfaitement normal, je dirais naturel, que cela ne leur passe pas par l'esprit
lorsqu'ils décident d'aller travailler de leur plein gré dans les
services de santé qu'un jour ils vont arrêter de soigner ces gens,
qu'ils vont arrêter de se préoccuper de la propreté des
lieux, à quelque titre que ce soit qu'ils travaillent dans ces
milieux-là. (17 heures)
La question est donc, oui, on parle de l'évolution des
mentalités. Quant à moi, la population a très clairement
indiqué son choix. Les centrales syndicales ou leurs porte-parole
semblent également, pour l'instant, demeurer attachés au statu
quo quant à l'abolition du droit de grève. Je voudrais demander
à deux des quatre personnes qui sont ici présentes, si elles le
désirent, de nous éclairer sur la mentalité de ces
travailleurs qui, oui, peuvent être chauffés dans une
assemblée syndicale, on l'a déjà vu, dans toutes sortes de
contextes. Cela tient aux règles de fonctionnement, cela tient à
toutes sortes de choses. Mais en vérité, est-ce que ces
travailleurs considèrent que pour eux, il est normal, compte tenu qu'ils
côtoient la souffrance humaine, d'envisager de ne pas donner ces
services-là?
Le Président (M. Lachance): Dr David, s'il vous
plaît.
M. David: L'évolution des mentalités c'est une
question extrêmement difficile, mais extrêmement
intéressante. Les mentalités peuvent évoluer dans deux
sens, que ce soit pour les travailleurs ou les travailleuses des
hôpitaux: vers le mieux ou vers le pire. Lorsqu'il y a un conflit
d'intérêts - parce que l'intérêt, c'est une
motivation importante - vous pouvez facilement glisser vers le pire,
plutôt que glisser vers le mieux.
Je ne crois pas que les employés d'hôpitaux soient
différents de I'ensemble de la population du Québec. Je pense
qu'ils sont excellents, mais ils peuvent être influencés par des
pénalités ou par des impressions qui leur sont données par
d'autres. C'est pourquoi j'ai pris la précaution d'inclure Ies
médecins, les internes et les résidents dans mon plaidoyer du
début. S'il y a un homme au monde qui doit se préoccuper de
fournir des soins, en tout temps et en tout lieu, c'est bien le médecin.
Pourtant, même le médecin, lorsqu'il est placé en conflit
d'intérêts, a eu la tentation, et il l'a démontré,
de ne pas offrir ses soins à des malades qui en avaient besoin, si l'on
exclut l'urgence.
Je pense qu'entre les positions qui sont exprimées autour de
cette table, du retrait pur et simple du droit de grève, avec,
évidemment, un mécanisme de compensation - je tiens cela pour
acquis, bien sûr - et la grève symbolique, il n'y a pas une
distance extraordinaire qui vous sépare. Si c'est vraiment symbolique,
tel que je l'entends, on rend la grève impossible à faire.
À ce moment-là, cela devient comparable aux loteries de
Loto-Québec, c'est-à-dire qu'il y a une chance sur un million de
gagner un gros lot quelconque. Je me méfie terriblement des symboles et
j'ai l'impression que, du moment qu'on offre à quelqu'un une
possibilité de gagner un intérêt quelconque par une action
quelconque, on sait très bien où cela peut nous conduire.
À ce point de vue-là, j'ai l'impression que, si unanimement la
Chambre, dans toute cette question-là -nous ne parlons que de la
santé aujourd'hui parce que c'est notre intérêt principal
et, en ce qui me concerne, presque mon unique intérêt - ne pense
qu'aux malades et exclut tout le reste, on va supprimer le droit de
grève. À ce moment-là, qu'on parle de
médiation-arbitre, qu'on parle d'offre finale ou qu'on parle d'un
compromis entre les deux, je vais être parfaitement d'accord, à
partir du moment où le principe est accepté qu'en aucune
circonstance un malade ne doit souffrir à cause de l'inaction ou des
grèves de ses frères ou de ses soeurs.
M. Brunet: Si vous le permettez, M. le député, M.
Johnson, dans les hôpitaux, on remarque qu'il y a beaucoup
d'employés qui nous disent qu'ils sont tannés,
écoeurés des moyens de pression, de se préparer pour une
grève, de faire la grève et peut-être d'aller contre leur
gré, plus ou moins à une assemblée syndicale. Si vous le
remarquez, le taux de participation à beaucoup d'assemblées
syndicales dans les hôpitaux est très faible en
général. Ce qui va arriver, c'est que des employés
masculins et surtout féminins vont nous dire: On trouve que c'est
désastreux, inhumain, inacceptable, mais pour ne pas avoir de trouble,
on suit.
Merci, mon Dieu, pour la présence des femmes dans nos
hôpitaux et nos centres d'accueil parce que, même s'il y a des
hommes très dévoués et très compréhensifs
qui sont les meilleurs amis des malades et des personnes âgées
tellement on reçoit des services et des soins importants d'eux, ce sont
en général les femmes qui donnent le ton, qui donnent ce quelque
chose d'humain, de dévouement, d'affection et de chaleur humaine qui
influence les hommes et qui nous aide énormément.
Il y a aussi le fait que des patients sont très réticents,
dans beaucoup de cas -et plus on est dépendant, plus on est
réticent, dans l'ensemble - à s'exprimer
clairement contre la grève, parce qu'on a peur de froisser telle
infirmière ou tel préposé aux soins qui est si
dévoué. On sait qu'il y a des syndiqués qui ne se
gênent pas pour dire: Écoute, tu n'as pas d'affaire à
être contre nous autres, toi. Tu vas voir que, si tu veux nous faire la
"baboune" comme ça, si tu n'es pas de notre bord, tu vas attendre la
prochaine fois. C'est comme ça dans les hôpitaux.
Aussi, qu'est-ce qui va aider un patient à s'affirmer avec
respect et à dires Moi, je te remercie beaucoup pour tes soins, mais je
suis contre la grève? Qui va les aider? C'est des parents et des
bénévoles qui, eux, ne sont pas soumis à un ensemble
d'influences et d'interactions dans l'hôpital, influences et interactions
générées surtout par tel ou tel syndicat très
militant, pour ne pas dire extrémiste. Ces parents et ces
bénévoles viennent dire aux patients: J'ai entendu le
Comité provincial des malades, la Fédération de
l'âge d'or, la Coalition pour les droits des malades ou Claude Brunet
parler pour vous autres pour qu'il n'y ait pas de grève, mais pour que
les employés soient bien traités, quand même, par
l'État. Là, des patients ne se gênent pas pour avoir plus
confiance et mieux exprimer leur désir qu'il n'y ait pas de
grève.
Mais vous voyez qu'il y a un ensemble de contraintes. Les
infirmières et les employés - il y en a beaucoup qui sont
très dévoués, très consciencieux, consciencieuses
-qui ne veulent pas la grève vont, dans bien des cas, pour avoir la
paix, pour ne pas se faire achaler, suivre un peu, à certaines
assemblées syndicales ou même à une assemblée de
vote, même si plusieurs d'entre eux peuvent voter contre. Aussi des
patients subissent une certaine complicité du silence pour ne pas
manquer de soins. C'est dur, ça, quand vous avez besoin d'être
nourri, d'être lavé, d'être nettoyé dans les
oreilles, d'être amené à la toilette, d'avoir un
employé ou une infirmière qui fait la "baboune" parce qu'on a
osé dire qu'il ne fallait pas faire la grève. Donc, vous voyez,
il y a ça.
Mais on pense que beaucoup d'employés sont très
encouragés par les efforts qui se font pour empêcher les chefs
syndicaux de continuer le renforcement de cette machine de guerre - de guerre
nucléaire - qu'est la grève. J'aimerais mentionner que, en
pratique, lorsqu'une grève commence, même si c'est un
débrayage de trois heures ou encore une journée de grève,
ce qui arrive, c'est que, insensiblement, on devient inhumain, très
rapidement, même des bons citoyens ou certaines bonnes infirmière.
Insensiblement, on se fait dire: Écoutez, si vous voulez que notre
grève réussisse ou que notre avertissement de 24 heures
réussisse, il faut s'enligner. Il faut que la grève finisse au
plus sacrant. Il faut que le gouvernement comprenne. Là, on n'a pas le
temps de penser aux malades. Que le gouvernement les fasse soigner, les
malades. Si on sort, c'est de la faute du gouvernement. Enlignons-nous au plus
sacrant et faisons la grève dure. Ce que je vous dis là, c'est
vécu par nos malades ici et par bien d'autres, des milliers.
Ce qui arrive aussi, c'est que, même après quelques heures
de grève, on devient inhumain. Par exemple, le 10 novembre 1982, pendant
la seule journée de grève réelle de la dernière
ronde de négociations dans les hôpitaux, j'entends - mais c'en
était toute une; cela a été énormément
pénible pendant les jours qui ont précédé et qui
ont suivi -un directeur d'un centre accueil de plus de 200 lits a
constaté que plusieurs personnes âgées étaient
très inquiètes, angoissées du fait que la grève
avait commencé et que le déjeuner avait eu lieu à 9 h 30
au lieu de 8 heures et que le dîner n'était pas encore servi
à 2 heures, etc. Donc, la direction a pris sur elle de faire entrer cinq
bénévoles, non pas pour faire du travail à la place des
syndiqués, mais simplement pour tenir compagnie à ces dames, les
rassurer. Or, le syndicat a entendu la chose, a constaté la chose.
Immédiatement, il a pris la décision de faire sortir cinq
préposés aux soins. Voyez-vous comment ça peut être
inhumain? Dans un hôpital de soins de longue durée, le syndicat a
dit à la direction: Si vous faites entrer une seule
bénévole, pour quelque raison que ce soit, nous, on va sortir le
seul préposé à la chaufferie qu'on laisse. C'était
en hiver.
Quelques mots seulement sur le Conseil sur les services essentiels. On
s'attendrait -je m'excuse si je suis plutôt long, est-ce que je peux
juste terminer brièvement? - que le Conseil sur les services essentiels
manifeste ce noyau si important d'humanité, soit un rempart contre la
violence, les manques d'égard ou les manques de soins nombreux qui
surviennent auprès des malades quand il y a une grève qui
commence. Or, pendant la dernière ronde, le Conseil sur les services
essentiels a été un gâchis total en ce qui concerne les
soins qui étaient dus aux malades. Voyez-vous, c'est bien beau de dire
que le conseil a certains pouvoirs élargis, mais qu'est-ce qu'on fait
quand on défie l'ordonnance du Conseil sur les services essentiels? On
défie même l'Assemblée nationale, on ne s'occupe même
pas des tribunaux qui, eux, ont une très importante tradition chez nous.
Quelle force morale, quelle emprise morale va avoir un conseil avec des
pouvoirs élargis? Déjà, cela a été un
fiasco, à notre avis, le Conseil sur les services essentiels et il
semble - corrigez-nous si vous le pouvez, mais dans les faits c'est ce qu'on a
constaté - que, lorsqu'une grève illégale est
déclenchée, le conseil régional, c'est une marionnette,
c'est un fantoche, il ne peut absolument rien faire. Ce qu'il fait, c'est
tâcher de faire enquête,
(dévaluer, d'étudier, de consulter et, pendant ce temps,
on a le temps de mourir ou d'être pas mal "maganés". C'est
l'expérience qu'on a eue de ce Conseil sur les services essentiels.
Le Président (M. Lachance): M. le député
d'Outremont, je crois que vous aviez une brève question a poser.
M. Fortier: Oui. J'écoutais tout à l'heure
l'abbé Dion nous dire que le droit de grève avait
été donné en 1964, au début de la révolution
tranquille. Ce matin, je suis allé aux funérailles de
Georges-Émile Lapalme qui était député comme moi et
je pensais que lui, qui a tellement lutté pour la justice sociale au
Québec, sûrement ne pouvait pas croire, à ce
moment-là, à toutes les conséquences qui sont survenues
par la suite.
Dans ce débat, bien sûr, on parle de l'évolution des
mentalités, on parle du droit à la santé. On en parle
beaucoup cet après-midi et je pense bien que tout le monde accepte ce
droit. Si les syndicats étaient venus nous faire des
représentations, ils auraient parlé également du droit des
syndicats à négocier. Il y a une chose dont on ne parle pas et,
dans un sens, je crois que la réponse du Dr David à la question
de mon collègue de Vaudreuil-Soulanges y faisait allusion. Dans le fond,
il y a une lutte de pouvoir parce que, s'il s'agit de faire des ajustements 25
ans après la révolution tranquille, les ajustements qu'on doit
faire, ce n'est pas uniquement dans le domaine des négociations dans les
secteurs public et parapublic; c'est également dans d'autres domaines,
dans le domaine économique. Je me suis penché moi-même sur
la question des sociétés d'État. Il y a toutes sortes
d'ajustements qu'on doit faire en 1985, 25 ans après la
révolution tranquille. On l'a dit, il s'agit pour nous de faire ces
ajustements et de maîtriser l'avenir. Donc, la réflexion a assez
duré. On continue quelque peu notre réflexion à cette
commission parlementaire, mais il s'agit de tirer la ligne et de prendre les
décisions qui s'imposent.
En parlant des droits - je crois que c'est important - personne n'a fait
allusion, cet après-midi, au fait qu'il y a une lutte de pouvoirs. Il y
a les syndicats qui, dans le passé, ont abusé de leurs pouvoirs.
Dans la mesure où les partis politiques ou le gouvernement
désirent limiter leurs pouvoirs, bien sûr, ces personnes
s'insurgent parce qu'elles vont perdre un gros pouvoir face à un pouvoir
de l'État qui, trop souvent dans le passé, n'a pas
été respecté. Vous avez dit, M. l'abbé Dion, que
peut-être les politiciens - je crois que ça s'adressait à
tous les partis politiques qui ont été au pouvoir depuis 25 ans -
ou les représentants des partis politiques n'ont pas eu la main assez
ferme et peut-être aussi voulaient-ils donner la chance au coureur, du
moins au tout début. Cette lutte de pouvoir qui a existé dans le
passé s'exprime encore publiquement et on ne semble pas en parler.
Pourquoi n'en parle-t-on pas? (17 h 15)
L'autre facteur: on a parlé de l'évolution des
mentalités, ce qui est un fait. J'aimerais peut-être que
l'abbé Dion dise un mot là-dessus. Comment se fait-il qu'au
Québec on semble avoir un record de désobéissance civile
beaucoup plus prononcé qu'ailleurs? Est-ce que mon énoncé
est faux ou vrai et comment se fait-il que, dans d'autres juridictions, que ce
soit en Europe ou ailleurs, malgré le fait qu'il n'existe pas de loi
empêchant la grève, les syndicats décident de ne pas faire
de grève dans les hôpitaux et dans les endroits où on donne
des soins de santé? Est-ce que vous auriez un commentaire à faire
à ce sujet en ce qui concerne le pouvoir et la
désobéissance civile?
M. Dion: C'est vrai qu'en Europe où il n'y a pas de
législation qui prohibe cela, en France, par exemple, on va faire des
grèves symboliques; la grève va durer seulement une
journée et c'est suffisant. Encore là, dans ces pays, concernant
les hôpitaux, la direction a un pouvoir de congédier des gens qui
n'obéissent pas à un ordre. On a vu à la
radiotélévision française et en Hollande quelque chose
comme cela. J'aurais besoin de deux minutes pour donner une illustration de
cela. Il y a un certain nombre d'années, en Hollande, on a fait la
grève dans les canaux, une grève illégale. Les gens ont
continué de faire la grève. La direction des canaux de la
Hollande a décidé de congédier une vingtaine de personnes,
les dirigeants syndicaux. On est allé devant les tribunaux et on a dit:
Vous faites de la discrimination, congédiez tout le monde étant
donné que tout le monde a violé la loi. Ils sont allés
devant les tribunaux pour dire: II y a une discrimination. Savez-vous ce que
les tribunaux ont décidé? Les plus hauts tribunaux en Hollande
ont décidé que c'était normal que l'on congédie,
pas tout le monde, mais seulement un certain nombre, ceux qui étaient
les dirigeants et les responsables de la grève.
Nous, on est un pays jeune. Après 1960, cela a été
la rupture du barrage. Un charriage d'un bord et de l'autre, c'était un
peu normal. Au début de la révolution tranquille, tous les gens
étaient optimistes. On se fiait au rôle de l'opinion publique, on
se fiait à la responsabilité des hommes politiques, on se fiait
à la responsabilité des syndicats et on s'est rendu compte,
après coup - on a une expérience de 20 ans - que cela ne
fonctionne pas.
Maintenant, j'écoutais dernièrement le
président de la coalition des syndicats dire: Nous ne
négocierons jamais le retrait du droit de grève. Il a raison. M.
Charbonneau, quand il a dit cela, avait raison. C'est une question qui ne se
négocie pas. C'est à l'Assemblée nationale de consulter,
de voir ce qu'il y a à faire et de prendre une décision politique
purement et simplement. M. Charbonneau a raison, cela ne se négocie pas.
Cela peut se discuter, mais cela ne se négocie pas.
M. Fortier: Vous êtes d'accord avec moi que, face à
cette coalition, c'est une lutte de pouvoirs dans un sens.
M. Dion: C'est une lutte de pouvoirs et l'État a
accordé des pouvoirs aux syndicats. De même qu'il a accordé
ces pouvoirs, l'État a aussi le pouvoir de les retirer. On a, là
comme ailleurs, dit aux syndicats: Voici mon revolver, tire-moi. Finalement, il
nous dit: Passe-moi ton revolver que je tire. C'est bête, on lui donne.
C'est sûr que c'est une lutte de pouvoir. Il faut admettre qu'il y ait
des intérêts divergents qui sont légitimes. Cependant,
l'arbitre de cela, c'est le gouvernement et c'est au gouvernement de prendre
ses responsabilités en tenant compte des principes que vous, M. Clair,
avez énoncés tantôt et sur lesquels à peu
près tout le monde est d'accord, sauf ceux qui se refusent à
ouvrir les yeux et à admettre la réalité. Il y en a qui
font cela.
Alors, qu'est-ce qu'il faut faire dans les circonstances? Il ne s'agit
pas de partir en guerre contre qui que ce soit, mais il s'agit de prendre ses
responsabilités et de les prendre en utilisant des moyens qui peuvent
nous aider nous-mêmes contre notre propre faiblesse. Je parle de la
faiblesse non seulement du pouvoir législatif, mais surtout du pouvoir
exécutif, quel qu'il soit et quel que soit le pouvoir actuel ou dans les
années qui viennent.
Le Président (M. Lachance): Vous êtes un homme
prudent, M. Dion.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Clair: M. le Président, je pense que, du
côté de l'Opposition, il n'y a pas d'autres questions. Je prendrai
les quelques minutes qui me restent pour, d'abord, répondre un peu plus
à Mme Forget sur la question du médiateur-arbitre.
L'énorme avantage du médiateur-arbitre, c'est que, contrairement
à un arbitre au sens strict du terme qui intervient à la toute
fin du conflit, le médiateur-arbitre est impliqué plus tôt
dans la négociation et peut d'autant plus favoriser un règlement
à l'amiable qu'il est informé depuis le début du
déroulement des négociations, donc des positions respectives des
parties. Dans la mesure où il peut avoir à arbitrer le
différend, la pression est d'autant plus grande à ce moment sur
les parties pour forcer, au sens positif du mot, le règlement. Par
contre, s'il n'y a pas d'entente et si on n'a pas prévu qu'il y avait
arbitrage obligatoire, c'est qu'on a voulu... Remarquez que c'est discutable;
il n'y a pas de vérité absolue dans cela. Si les parties lui
demandent d'arbitrer, à ce moment normalement il doit trancher le
différend; c'est sûr que c'est le rôle de l'arbitre. Si on
lui a ménagé la possibilité de ne pas trancher, à
ce moment il pourrait faire un rapport public quand même et indiquer
pourquoi il ne tranche pas, et également contribuer à faciliter
en quelque sorte de cette manière l'atteinte d'un consensus, d'un
règlement, d'un rapprochement entre les parties. Mais, encore une fois,
c'est discutable. La seule chose qui m'inquiète, comme je vous le dis,
dans l'arbitrage de l'offre finale, c'est qu'on demande à un tiers qui
n'a pas fait de conciliation ou de médiation dans le dossier de rentrer,
de lire deux documents et de dire: C'est celui-là plutôt que
l'autre. Je trouve qu'il y a un aspect dangereux de roulette russe dans cela
qui peut désavantager les parties, mais encore une fois il n'y a pas de
vérité absolue sur cela.
Mme Forget: Est-ce que je peux revenir au rapport public?
M. Clair: Oui.
Mme Forget: Là vous parlez de négociations locales.
Donc, ce serait un médiateur-arbitre qui interviendrait dans un
établissement donné. Quel impact pensez-vous que cela peut avoir
sur la population? Croyez-vous que les médias d'information vont
être à l'affût des rapports publics présentés
par le médiateur-arbitre pour l'hôpital Saint-Joseph ou pour le
Centre Henri-Bradet? Pensez-vous que cela puisse influencer l'opinion publique
et, par le truchement de l'opinion publique, faire pression sur les parties
pour en arriver à un règlement?
M. Clair: Écoutez, au fédéral, dans au moins
un cas dont je me souviens, celui d'une grève aux postes, on a vu qu'un
rapport public de médiation peut souvent forcer les parties; surtout si
on y ajoute des mécanismes comme des périodes de refroidissement
"cooling off period" ou autres délais, je pense que oui. Encore une
fois, il n'y a pas - je pense que c'est l'abbé Dion qui l'a dit
tantôt - de solution miracle, il n'y a pas de vérité
absolue. L'important, je pense, c'est qu'on avance et qu'on essaie d'autres
choses à la limite, en étant convaincus que ce que l'on veut tous
voir naître, c'est un meilleur régime que celui que nous avons
présentement.
M. le Président, sur cela, je pense qu'il y a un consensus au
niveau de la classe politique au Québec, c'est évident qu'il faut
réformer le régime de négociation. Nous avons maintenant
eu l'occasion d'entendre plusieurs témoignages en commission
parlementaire. Nous avons voulu manifester, par une sous-commission qui s'est
déplacée à Montréal pour venir entendre la
Coalition pour les droits des malades, que tous les parlementaires
étaient également préoccupés par le point de vue
des bénéficiaires de la santé. En ce qui concerne le
gouvernement, je tiens à vous assurer qu'il sera adéquatement
informé par moi-même des recommandations que vous avez faites ici
aujourd'hui et qu'elles seront prises en très sérieuses
considérations, mais avec toujours dans la tête ce que
l'abbé Dion disait tantôt: II n'y a pas de solution miracle. Je
pense qu'il appartient aux législateurs d'assumer leurs
responsabilités, au gouvernement, à l'exécutif de le faire
et d'essayer d'atteindre les meilleurs résultats possible.
M. le Président, il ne me reste donc, quant à moi,
qu'à remercier M. Brunet, le Dr David, l'abbé Dion et Mme Forget
d'avoir bien voulu nous rencontrer cet après-midi pour cette
séance de travail qui a été des plus enrichissantes.
Encore une fois, j'insiste pour vous souligner qu'au-delà de la question
stricte du droit de grève, qui en soi est fondamentale, je le reconnais,
j'apprécie beaucoup que vous vous soyez également penchés
sur les substituts, que vous ayez travaillé sur les autres parties de
l'avant-projet de loi parce qu'il y a là des recommandations qui sont
fort intéressantes et il me fait plaisir de le dire. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, comme le ministre, je
voudrais remercier M. Brunet, le Dr David, M. Dion et Mlle Forget de leur
contribution à nos travaux dans le cadre de cette commission et vous
réitérer ce que je formulais au début: tout le respect que
commandent, chez nous, les recommandations que vous nous faites aujourd'hui. Il
est exceptionnel, il est très rare, comme je vous le disais, qu'on ait
la chance, les législateurs en commission, d'échanger des
idées avec ceux qui directement sont concernés par des lois comme
celles qu'on étudie à l'Assemblée. La dimension que vous
avez apportée, c'est une dimension humaine. Votre argumentation est
d'autant plus forte que c'est le vécu quotidien, finalement, des
bénéficiaires dans les réseaux de santé du
Québec que vous avez porté à notre attention
aujourd'hui.
Encore une fois, non seulement nous partageons vos opinions, mais nous
les appuyons. Nous osons croire, mes collègues et moi, que cet
avant-projet de loi pourra, possiblement, être réécrit - on
espère franchement et loyalement qu'il pourra être
réécrit - et qu'il pourra prévoir une modification et un
changement d'attitude significatif de la part du gouvernement afin qu'il fasse
sien, finalement, le constat de tous les intervenants et de la très
grande majorité des citoyens dans ce sens-là. Je peux d'ores et
déjà indiquer que, si le gouvernement, au début de la
session, modifiait le projet de loi en regard des représentations que
vous et que nous lui avons faites, on appuierait le projet de loi. Merci de
votre contribution.
Le Président (M. Lachance): M. Brunet.
M. Brunet: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aurais juste quelques mots à dire, mais peut-être que le Dr
David, l'abbé Dion ou Mlle Forget ont quelque chose à ajouter.
Pas pour le moment.
J'aimerais simplement mentionner qu'on était conscients que la
tenue d'une commission parlementaire aussi importante que celle-ci et toutes
les autres est habituellement, même toujours, sauf de très rares
exceptions, l'apanage de l'Hôtel du Parlement et de notre belle ville de
Québec. C'est quelque chose qui nous émeut, que nous
apprécions énormément de voir que la commission de
l'Assemblée nationale a accepté à l'unanimité de
venir nous rencontrer.
Je l'ai dit déjà en 1981, je l'ai dit déjà
au ministre Pierre-Marc Johnson qui nous honore de sa présence: Le fait,
pour vous les députés et les ministres, pour toutes sortes de
besoins, de choses nécessaires et importantes, d'avoir
fréquemment des contacts, des rencontres, des échanges avec
toutes sortes de personnes du monde syndical ou du monde patronal, il n'y a pas
à dire, psychologiquement, cela vous conditionne beaucoup. On est
convaincu que, si vous aviez les mêmes contacts - chose qui est quand
même difficile - les mêmes rencontres en aussi grand nombre avec
des malades, des personnes âgées hospitalisées, votre
vision des choses sur une question aussi grave que la grève dans les
services de santé serait, je crois, fort différente.
C'est dire combien on apprécie énormément le fait
que des députés et des ministres aient bien voulu venir nous
rencontrer et nous entendre patiemment. C'est un grand encouragement pour nous.
On va continuer à défendre très fortement les idées
qu'on a exprimées cet après-midi et on espère que le
gouvernement actuel et les députés des deux côtés de
la Chambre vont être de plus en plus sensibles à nos
préoccupations qui ne sont pas, je pense, des préoccupations
corporatistes, ni des
préoccupations a connotation antisyndicale, mais des
préoccupations simplement humanitaire pour des gens qui, dans la
très grande majorité, sont sans défense, sans amis, sans
argent, sans prestige, qui ont besoin d'être protégés
constamment, surtout à cause de leur dépendance et de leur grande
fragilité.
Donc, au nom de la Coalition pour les droits des malades, je vous dis
mes plus profonds remerciements et, on espère, au revoir. Merci.
Le Président (M. Lachance): À titre de
président de la commission, je voudrais moi-même vous remercier.
Vous avez compris qu'il était assez exceptionnel qu'une commission
parlementaire siège à l'extérieur de l'édifice du
Parlement. Mais sachez que cela a été agréable de vous
entendre. Je tiens à vous remercier de votre contribution aux travaux de
la commission. J'espère vivement que ce que vous nous avez livré
comme témoignage va se traduire dans la législation que les
députés auront à adopter.
Comme président, je ferai rapport des travaux de cette
sous-commission à une séance subséquente de la commission
permanente du budget et de l'administration. Comme la sous-commission s'est
acquittée du mandat qui lui avait été confié, elle
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 32)